Full text of "Annales"
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CETTE
SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DU NORD
Fondée en 1N70
et autorisée par arrêtés en dates des 3 Juillet 1871 et 28 Juin 1873
ANNALES
DE LA
SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE
DU NORD
TOME XXIV
1896
LILLE
IMPRIMERTE LIÉGEOIS-SIX
1896
TO HET YORK
PUBLIC LIFRARY
148175a
ASTOE, LENOX AND
TILDEM FOUNDATIONS
R su24 L
LaDRiËre, BoussemaR, CH. BARROIS.
MEMBRES TITULAIRES ET CORRESPONDANTS (1)
ANGELLIER, Professeur à la Faculté des Lettres, rue Soiférino, dir Lile,
ARRAULT Paulin, ingénieur, rue Rochechouart, 69, Paris.
AULT (d'-DUMESNIL, rue d'Esuette, 1, Abbeville.
UX, Pharmacien, à Ault (Somme).
BARROIS, Ch.. Professeur à la Faculté des Sciences, rue Pascal, 37, Lille.
BARROIS, Jules. Docteur és-sciences, Cap Brun, Toulon.
BARROIS, Th, Professeur à la Faculté de Médecine, rue Solférino, 220, Lille.
BARROIS, H, Ingénieur-Directeur de l'usine à gaz, Tourcoing.
BAYET Louis, Ingén', Walcourt, près Charleroi (Belgique),
BECOURT, Inspecteur des Forêts au Uuesnoy,
Professeur à l'Université de Strasbourg (Alsace}.
BERGAUD, Ing" en chef han, des Mines de Bruay, rue de fa Station, 3, Doual.
BERGERON, D! &s-sclences, boulevard Haussmann, 157, Puris,
BERNARD, er-fabricant de sucre, rue de Compiègne, 4, Paris.
BERTRAND, Prof: à la Faculté des Sciences, rue Malus, 14, Lille.
BÉZIERS, Directeur du Musée géologique, Rennes.
BIBLIOT! MUNICIPALE DE LILLE
BIBLIOTHÈQUE UNIVERSITAIRE DE LILLE.
BIBLIOTHÈQUE UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER.
BIBLIOTHÈQUE UNIVERSITAIRE DE RENNES.
BILLET, Docteur ës-Sciences, Médecin-major à V'Orphelinat Hériot,
La Boïssière, par Epernon (S.-et-O.).
BINET, Dir du S,des eaux de Roubais-Tourcoing, r. de Lille, 147, 14
BODDAERTS (l'abbé) Professeur à l'Institution Notre-Dame, Cambrai.
BOLE, Pharmacien, rue de Lannoy, 310, Roubaix.
BOLLAERT, Directeur des Mines de Lens.
BOULANGER, rue Sulle-le-Comte petite porte). 6, Valenciennes.
BOURIEZ, Pharmacien, rue Jacquemars-Giélée, 1 lle.
BOUSSEMAER, Ingénieur, rue Auber, 57, Lili:
ones Inspecteur des Forêts en re! au Quesnoy.
Ingénieur, rue à Fiens, 3, Lille.
BRETON Ludovic, Ingénieur rue Royale, 18, Calais.
CAMBESSEDES, Professeur à l'École des Maïtres-Mineurs, Douai,
CALDÉRON, Professeur à l'Université de Madrid (Espagne).
CARTON, Docteur, Médecin-Major au 19° Chasseurs, Lilie.
CAYEUX, prép'aux Ecolesdes Mines et des P.-et-Ch., ba St-Michel, 60, Paris.
CHAPUY, Ingénieur des Mines, square Rameau, 7, Lille,
CHAUVEAU, Pharmacien, Avesnes.
Jul, à Deurne, province d'Anvers (Belgique).
COGET, Jen, Teinturier, rue Pellart, Roubaix.
COLNION, Victor, Propriétaire, à Fertière-la-Grande.
COUVREUR, Licencié às-sclences naturelles, à Gondecourt.
CRÉPIN, Ingénieur aux Mines de Bully-Grenay.
CRESPEL, Rkhard, Industriel, rue Léon-Gambetta, 54,
(1) Les Membres correspondants sont ceux qui résident en dehors de la
académique (Nord, Pas-de-Calris, Somme, Aisne, Ardennes.
LIER, Dr en droit, boulevard de la Liberté, 108, Lille.
Léonard, rue Royale, 85, Lille.
DEBLOCK, Pharmacien, rue du Faubourg-de-Tournai, 53,
DEBOUZY, Docteur an médacine, à Wignehies (Nord),
DECROCK, Licencié ës-aciences naturelles, Institut botanique, Montpellier,
_ DECROIX, Étudiant, rue d'Inkermann, 5, Lille,
DEFERNEZ. Édouard, Ingénieur à Liévin-les-Lens.
DEFRENNE, rue Nationale, 39$, Lille.
DELCROIX, Avocat, Docteur en Droit, Directeur de la Revue de fa Légistation
des Mines, place du Goncert, 7, Lil
ELESSERT DE MOLCINS, ancien professeur, Grande-Rue, 95, Rolle (Suisse)
DELOBE, Pharmacien, Tournai (Belgique).
DEI.VAUX, Géologue, avenue Brugmann, 210, Bruxelles.
DEMESMAY, Industriel, Cysoing (Nord).
DENIS, J, Professeur à up’, r, de l'Amiral-Courbet, 12, Tourcoing .
DERENNES, Ingénieur chimiste, 25, boulevad Berbès, Paris
DERNONCOURT, Représentant de lu Compagnie d'Anzin, Fourmies.
DESAILLY, Ingénieur aux Mines de Liévin, par Lens.
DESCAMPS, 1,, rue de l'Aquedue, $ Paris,
DESCAT, Juies, Manufacturier rue Henri-Kolb,
DESCHIN, mécaniclen-constructeur, rue du Bourdeau, 44, Lille.
DESTOMBES, Pierre, boulevard de Paris, Roubaix.
DEVOS, Jagénieur des Ponts-et-Chaussées, rue des Postes, 20, lille,
DEWATTINES, Relieur, rue Nationale, 87, Lil
D'HARDIVILLIERS, Licencié ê-ciences naturelles, Lille.
DHARVENT, Membre de là Commission des Mon. hist, Béthune (P..de-C }
DOLLFUS, Gustave, rue de Chabrol, 45, Paris.
DOLLO, Consers au Musée d'Histoire naturelle de Bruxelles,
PORLODOT, (Abbé) Professeur à l'Université, qu Vent, 10, Louvain.
DUBOIS, Professeur au Lycée de St-Quentin (Aisne).
DULIEUX, Négociant, rue Fontaine-del-Sauls, 33, Lille.
DUMAS, Inspecteur au eh. de fer d'Orléans, rue Dumoustier, 1 bis, Nantes,
DUMAS, … Dis du journal le Phosphate, rue du Faub.-Montmartre, 12, Paris,
DUMONT, Docteur en médecine, à Mons-en-Barœul, prés Lil
DUTERTRE, Docteur en médecine, rue de la Coupe, 6, Boulogne-sur-Mee.
LECKMAN, Ales. rue Alexandre-Leleux, 28, Lille.
ÉCOLE NORMALE D'INSTITUTEURS de Douai
FARCY, Économe de l'École professionnelle, Armentières.
FEVER, Chef de division & la Préfecture, r, des Pyramides, 34, Lille,
FÈVRE Ingénieur, au Corps des Mines, plate de la Frélecture, Arras.
FLAMENT, Comptable, à Proville, près Camb:
FLAMMERMONT, Profr à La Faculté des Lettres, f., Ponts-de-Comines, 24, Lille,
FLIPO, Louis, Propriétaire, à Deñlémont.
FOCKEU, Docteur en médecine, rue de Juliers, 73, Lille,
FOREST, Philibert, Maître de carrières à Douries- Maubeuge.
FORIR, Répétiteur à l'École des mines, rue Nysten, 25, à Liège.
FOURMENTIN, Persepteur, à Roubaix. L
FRAZER. D' éssciences, Room, 1049, Drexel Buïlding, Philadelphie.
GlARD, Professeur à la Sorbonne, rue Stantslas, 14, Paris.
GIN. Gustave, Ingénieur, St-Pétersbourg, Paris,
GOBLET, Altred, Ingénieur, Crois, près Routai
GODBILLE, Médecin. Vétérinaire, à Wignehies
GODON (Abbé), Professeur à l'institution Notre-Dame, Cambrai,
GOSSELET, Professeur à ln Faculté des Sciences, rue d'Antin, 18, Lie.
GOSSELET,
GRONNIER,
GROSSOUVRE (de), Ingénie: chef des mines, à Bourges.
GUERNE (Baron Jales de), rue de Tournon, 6, Paris.
HALLEZ Paul, Professeur à la Faculté des Sciences, r, de Valmy, 9, Lille.
HASSENPFLUG, Docteur à Flers, prés Crorr (Nord).
HELSOX, Ingénieur»clvil des mises, place de Béthune, Lille.
HERLIN, Georges, Notare, boulevard de la Liberté, 23, Lille.
BERMARY, Ingéoiver Civil, Bas
JANET, Léon, Ingénieur au Corps des Mines, rue d'Assas, 85, Paris.
JANNEL, rue Saint-Vincent-de-Paul, 25, Paris.
LANGRAND fl'abb@) Vicaire à la Bassée.
sis Professeur à l'École primaire sup, Haubourdis.
, Ingénieur des Arts ét Manulnctures. rue Boïlenu, 57, Paris.
EATI, Ingénieur civil à Senetfe, Mainaut. Helgique.
LAY, Pharmacien à Aire, (Pde-C_},
LECOEQ, Gustave, rue du Nouveau-Siècle, 7, Lille,
LÉFEUTRE, Contebleur princip. des mises, r. Barthélémy-Delespa:
LELOIR, Professeur à la Faculté de Médecine, 133, boulevard de la 1 iberté Lille,
LE MARCHAND, Ingénieur aux Charteeur, Petit-Quévilly $cine-In férieure).
Ingénieur, Mesvin-Ciply (Belgique.
LEVAUX, Professeur au Collège de Maubeuge,
LIÉGEOIS-SIX, Imprimeur, rue Léon flamberts, 244, Lille.
LIGNIER. Professeur À 1x Facuité des Sciences de Caen (Catvados).
LOHEST, Professeur à l'Université de Le Rivage à Comblain-auPont {elgique).
LONQUÉTY, Ingénieur, Boulogne-sur-Bter.
MALAQUX, Préparateur de Zoologie, à la Faculté des Sciences. 38, Lille.
MALOU, Sous-chef à la S-Préfesture, r. des Procureurs, 13, St Pol.
MARCOTTE, Pierre. rue de l'Hôpètal-Militaire, 28, Lille.
MARGERIE (de), Géorogue, rue de Grenelle, 132, Paris.
MARIAGE, Négoelant, place de l'Hôpital. 4, Val
MARGE, Louis, Instituteur, rue du Pont-Lebeurre, Calais
MARSY, Maître répétiteur au Lycée, Lite.
MATHIAS, Notaire à Wavrin.
MAURICE, Ch: Docteur ésaciences, Attiches, par Pont-d-Marcq
MELON, Licenclé és-sciences, usine à gaz de Moreuil (Scmme)
METEK, Adolphe, Chimiste, rue Jeanne d'Arc, 41, Lille.
MEYER. Paul, Représentant de Commerce, rue Roland, 221, Lille,
MONIEZ, Professeur à ln Faculté de Médecine, r. Colbert, 188, Lille.
MOREAU Arthur, Maître de carrières, Anor (Nord).
MORIAMEZ Lucien, à Seint-Wanst-lez-Darai (Nord).
MONIN,1ngrau Canal de l'isthme de Corinthe, Isthmia (Grèce).
MOULAN, Ingénieur, Avenue de la Reine, 271, Laeken.
MOSÉE DE DOUAI.
MYON, Ingénlaur aux mines de Courrières, à Hilly-Montigny (P.-de-C).
PAGNIEZ-MIO, Sondeur, Sow:
PARADES (del, tue Caumartin, 28, Lille.
PARENT, H, Préparateur à Ia Faculté des Sciences, rue Nationale, 161, Lille.
PASSELECQ, Directeur de charbonnage à Ciply | Belgiq
Directeur hon. des Contributions, rue Alexandre-Leleux, 11, Lille
STE Dourlers (Nord).
PONTIER ancien Tastituteur à Lumbres (P.-de-C.).
QUARRÉ, Louis, boulerard de la Liberté 7o, Lille,
TR Maître de Conférences à la Facullé des Seiences, rue Maluy, 14, Lille.
RABELLE, Pharmacien à Ribemont (Aisne).
LITE Mines de Lens {P.-de-C.).
RICAND Samuel, rue Evrard de Foulloy, 4. Amiens.
Cambrai.
RIGAUT Adolphe, industriel, r. de Valmy, 3, Lil
RIGAUX Henri, Archiviste de ba ville, Hôtel-de-Ville, Lille.
RONELLE, Architecte, Cambrai,
ROUSSEL, D' ê-sciences, rue Thouin, 6, Paris.
ROUTIER, Avocar, rue de Brecquereeque, 152, Boulogne-sur-Mer.
SELS Doyen hon, de la Faculté des Sciences de Montpellier.
RUTOT, Cons’ au Musée d'hist. nat, rue de la Loi, 177, Bruxelles.
So De, Dire, de la Station Aquicole, Boulogne-sur-Mer.
“SCRIVE DE NÉGRI, Industriel, r. Gambetta, 292, Litie.
SÉE. Paul, Ingénieur, rue Brôle-Maison, Lille.
Ingénieur aux mines de Liévin {Pas-de-Calais}.
“SIX, Achille, Profrau Lycée, rue du Poirier, 3, St-Omer.
SMITS, Ingénieur, rue Inkermann, 1$, Lille.
SOCLETRAN, Ingénieur des Mines, Square Labruyère, 3, Paris.
STECHERT. Libraire, rue de Rennes, 26, l'aris
STEVENSON, Prof" à l'Université. Washington square, New-York city.
SUTTER Jean. Licenclé &s-scionces, rue des Ponu-de-Comines, 24, Lille.
TAINE, Pharmacien, rue du Marché St-Honoré, 7, Paris.
THÉLU, Directeur de l'Ecole primaire supérieure Frévent (P.-de-C ).
THÉRY-DELATTRE, Profr au Collège, rue de l'Eglise, 21, Hazebrouck.
THIERRY, Ingénieur aux mines de Courrières, à Billy-Montigny (P.-de C ;.
TIERT. Ad, Géologue, rue Cornellle, 7, Paris,
THIRIEZ, Docteur ds-sciences, Professeur au Collège de Sedan.
THOMAS, Professeur de chimie à Auxerre (Yonne).
TROUDE, Maitre-Répétiteur au Lycée, Amiens,
TRUFFEL. Brasseur, Dorigoles prés Doui
VAILLANT, Victor, Prép' à la Faculté des Sciences, rue Nationale, 273, Lille.
VAS DEN BROECK. Cons au Musée, place de l'Industrie, 39, Bruxelles,
VAX ERTEORN (le baron Octave), rue des Lits, 14, Anvers.
VIALAT, Ingénieur en chef aux Mines de Liévin.
VIVIEX, Chimiste, rue Baudreull. 18, St-Qi
WUILLEMIN, Directeur des Mines d'Aniche. à Douai
WALKER, Ambroise, Filataur, quai des 4 Écluses, Dunkerque,
WALKER, Emile, Fllateur, quai des 4 Écluses, Dunkerque.
SWARTEL Dr, rue Bernos, 34, Lille.
SWATTEAU, Géologue, Thuin, Belgique.
WIART, Industriel, Cambrai,
WILLIAMS, Prof à l'Université, Yale College, New-Havon, Connecticut,
MEMBRES ASSOCIÉS
BERTRAND. Profs à l'école des Mines, rue de Rennes, 101, l'aris
BONNEY, Professeur de Géologie à University-Coilege, Londres,
BRIART. de l'Acad. Roy, de Belgique. à Morlanwelz.
CAPELLINE, Recteur de l'Université de Bologne.
LORTAZAR (de); Ing en chef des Mines, Calle Isabel la Catoliea, 23, Madrid.
DAUBRÉE, de l'institut, boules, St-Germain, 254, Paris.
DEWALQUE, Professeur à l'Université de Liège.
DUPONT, Directeur du Musée d'histoire naturelle de Bruxelles.
FOUQUÉ. de l'Institut, Professeur au Collège de France, Paris,
GAUDRY, de l'institut, Professeur au Muséum, Pi
HALL, Directeur du Musée d'histoire naturelle de l'Etat de New-York, Albany.
AUDD, Profs à Collage ofScience, South Kensington, 8. W, Lond
KAYSER, Professeur de Géologie à l'Université de Marbourg, Allemagne.
LAPPARENT (de), Professeur à l'Eastitur catholique, rue Tilsitt 3, Paris.
LA VALLÉE-POUSSIN (der, Professeur de Géolagie à l'Université, Louvain
LESLET, Directeur du Geological Survey de l'Etat de Pensyvanie.
MAC-TIERSON, Calle de la Exposicion, Barrlo de Monsterio, Madess.
MALAISE, Professeur émérite à Gembloux.
MERCEY (de. à la Faloise (Somme),
MICUEL-LÉVY, Directeur du Service de la Carte Géologique de France, Paris,
MALO, de l'Acad. Roy. de Lelgique, rue Belliard, 19,
PELLAT Ed , rue de Vaugirard, ?7, Paris.
FOTIER, Ingénieur en chef des Mines, boulevard Saint-Michel, S9, Paris.
PRESTWICI, Shoreham, près Seronosks, Kenl.
RENARD, Professeur de Géologie à l'Université de Gand.
SCALUTER, Professeur de Géologie à l'Université de Bonn.
YELAIN, Professeur de Géographie physique à la Sarbonne, Paris.
à —
SWYNGHEDAUW, Maitre de Conférences à la Fneullé des
Sciences, à Lille,
+ THÉRY-DELATTRE, Professeur au Collège, à Hazebrouck,
* VAILLANT, Victor, Préparateur à la Faculté des Sciences
dé Lille.
+ VANDENBROECK, Conservateur au Musée d'Histoire Naturelle
de Bruxelles,
VANHENDE, Membre de la Société des Sciences de Lille,
VANROYEN, Maurice, Étudiant à la Faculté des Sciences,
à Douai.
+ WARTEL, Membre de a Société Géologique, Docteur en
Médecine, à Lille.
WILLM, Ed., Professeur de Chimie à la Faculté des Sciences
de Lille.
Des télégrammes ou des lettres de félicitations avaient
été envoyés par un grand nombre de personnes qui
n'avaient pas pu assister à la réunion.
MM.
* ARRAULT, Paulin, Ingénieur, à Paris.
« BIGOT, Professeur de Géologie à 1a Faculté dee Sciences de Caen.
» CHAPUY, P,, Ingénieur des Mines, à Lille.
* COUVREUR, Licenoié ès.sctences naturelles, à Gondecourt.
CREVAUX, Proviseur du Lycée de Rochefort-sur-Mer.
DEHAISNE Mgr, Archiviste honoraire du Département du Nord,
DELAGE, A., Professeur de Géologie à ln Faculté des Sciences
de Montpellier.
DELIGNE, Membre de la Société des Sciences de Lille,
+ DELVAUX, Émile, Membre de la Socièté Géologique, à Bruxelles,
* DENIS, Professeur à l'École primaire supérieure, à Tourcoing.
+ DERENNES, Membre de la Société Géologique, Ingénieur.
chimiste, à Paris.
+ DEWALQUE, Professeur à l'Université de Liège.
DUCAMP, Louis, Préparaleur à la Faenlté des Sciences dé Lille.
+ DUMONT, Membre de la Société Géologique, Docleur en
médecine, à Mons-en-Baræul.
« DUTERTRE, Docteur à Boulogne-sur-Mer,
* GAUDRY, Albert, Membre de l'Institat, à Paris,
* DE GUERNE (Baron Jules), anclen Président de li Société
Géologiqne du Nord, à Paris.
M. Ch. Barrois remet ensuite à M. Gosselet, en même
temps que la listé des souscripteurs, un portrait gravé en
taille douce par le fin burin de M. Mayeur, La gravure, le
cadre en chêne sculpté et l'album qui renferme la liste des
souscripteurs, font également honneur aux artistes lillois,
On remarque beaucoup la reliure de l'album, œuvre de
M. Dewatines, qui porte, gaufrée sur la couverture, la
Carte géologique du Département du Nord,
M. Gosselèt remercie"à la fois M. Barrois, les amis qui
l'entourent, et tous ceux qui se sont joints en cette circons-
tance aux membres de la Société géologique du Nord ;
profondément louché de cette manifestation, il en conser
vera toujours le souvenir précieux.
M. Bayet, Recteur de l'Académie, rappelle aux applau
dissements de l'assemblée, la haute autorité de M. Gosselet
comme chef d'école, la reconnaissance el l'affection que lui
portent ses élèves; il est heureux de féliciter l'homme
aulant que le savant et le professeur,
M. Van den Broeck présente à M. Gosselet les félicitations
des géologues belges et rappelle les services qu'il a rendus
à la géologie de la Belgique.
A la suite des discours un punch a été oflert à M.
Gosselet par les souscripteurs.
Séance du 15 Janvier 1996
On procède au renouvellement du Bureau, 42 Membres
étaient présents, 34 onl volé par correspondance. Ont été
élus :
Président : MM. Derrenoix.
Vice-Président : Queva.
Secrétaire : VAILLANT,
Trésorier : CRESPEL.
Bibliothécaire : Quanné-REYBOURBON.
chaux, par les schistes typiques de Senzeilles où j'ai trouvé
plusieurs Æhynchonella Omaliusi. C'estau milieu des schis-
tes moyennement feuillelés que j'ai rencontré, tant à la
grand’ route, qu'au chemin de Dion, plusieurs exemplaires
de Rhynchonella Dumonti,
Le méme fossile se retrouve dans les schistes noirs très
feuilletés contenant en abondance Cardiola retrostriata, à
quelques mètres à l'W. du croisement de la même grand’
route et du chemin de Baronville. On le voit encore, mais
dans des schistes moyennement feuilletés renfermés dans
les schistes de Matagne typiques, le long de ce dernier
chemin, à 640% du N. de la 5° borne kilométrique de la
même grand’ roule.
Enfin, lors de l'excursion de la Société géologique de
Belgique en septembre dernier, Hhynchonella Dumonti a
été trouvé en abondance également dans des schistes feuil-
Jetés, formant un petit bassin dans les schistes de Matagne
à Cardiola retrostriata, Hyolithes (1) et Cypridina serrato-
striata, dans la tranchée située au S. du {er viaduc surmon
tant la voie ferrée de Beauraing vers Dinant, C’est dans
ce dernier gisement que j'ai également trouvé Cyrtia
Murchisontana. Mais cette découverte est moins étonnante
que la première, car M. Dupont a déjà signalé la pré-
sence de ce fossile à Melreux, dans les schistes de Bar
vaux, qui sont l'équivalent des schistes de Matagne et
moi-même, j'ai eu l'occasion de lé rencontrer en abon-
dance dans les mèmes couches un peu au N. du point
Signalé par M. Dupont, M. le professeur Gosselet qui a
bien voulu confirmer la détermination de mes Rhyncho-
nelles à attiré mon attention sur un phénomène analogue
(1) D'après mon vénéré Maire G. Dewalque, ces fossiles, connus
Jusqu'ici sous le nom de Bactrites, n'appartiennent pas à ce genre,
mais au genre Hgolithes.
=
à 4 kilomètres au N.-E. Le village des Tailles est sur
l'arkose, et celui de Chabreheid sur les schistes rouge-
lie-de-vin gédinniens, supérieurs à l'arkose.
Il ne faut pas cependant repousser d'une manière
absolue la possibilité de trouver du salmien dans le fond
des vallées. Ainsi dans la petite vallée du ruisseau des
Noireris, entre Chabreheïd et les Tailles, on voit, sous les
schistes rouges, de l'arkose mélangée de grès verdâtre,
puis du schiste bleu, compact, oligistifère, bien analogue à
certains schistes zonaires du salmien.
Prolongement salmien d'Odeigne. — Ce prolongement qui
aîMeure sur la route d'Aywaille entre les bornes 89 el M et
qui s'étend de la borne 89 jusqu'à Odeigne est uniquement
formé de schistes rouge-lie-de-vin, assez phylladiques. [ls
ressemblent à quelques schistes salmiens, mais ils ont
encore bien plus d'analogie avec les schistes gédinniens,
On ne peut pas les séparer des schistes de la borne 88 que
Dumont a mis dans le gédinnien. Si on prend le chemin
qui va de la borne 89 à Odeigne, on marche sur les schistes
rouges qui coupent le chemin. Dumont place, on ne voit
pas pourquoi, ceux de l'E. dans le dévonien el ceux de l'O.
dans le salmien.
Ce qui pourrait donner à supposer que tous ces schistes
sont salmiens c'est qu'ils sont recouverts de blocs d'arkose
autour des bornes 90 et 91. Ces blocs peuvent être
éboulés de la colline côte 371, qui est plus élevée que la
route et dont le sol est couvert d’arkose, Il serait
peut-être plus simple d'admettre avec Dumont que
l'arkose se repose en stratification discordante sur des
schistes rouges, qui, alors, ne peuvent être que salmiens.
Mais on peut encore faire une autre hypothèse ; les
schistes rouges de la route sont peut-être intercalés
l'arkose, comme on en verra un exemple plus loin,
— 16 —
Varkose. Elles se relient par continuilé avec celles
d'Odeigne, qui ont aussi été considérées comme salmiennes
par Dumont,
A 2 kilomètres au S.-E. d'Odeigne, dans le fond du
ruisseau d'Aisne, il y a une carrière de schistes quarzeux
verdätres, dont l'attribution est assez diflicile, je suis
disposé à les considérer comme subordonnés à l'arkose.
Digitation de la borne 91 ou de Bahou. — La bande gédin-
nienne qui sépare le prolongement d'Odeigne de celui de
Dochamps commence au N, par l'afleurement d'arkose de
la route d'Aywaille, à l'E. du kilomètre 91. Elle comprend
la grande colline de Bahou (côte 571), couverte de débris
d'arkose, de grès blanc et de schistes rouges, et la colline
qui forme la partie occidentale du territoire de Dochamps,
colline couverte de landes et de bois, que j'ai peu étudiée,
Ces deux collines sont séparées par une profonde vallée
où se réunissent les ruisseaux d'Aisne et de Fays et que
traverse la route d'Odeigne à Freyneux,
Si l'on descend d'Odeigne en suivant cette roule, on
rencontre au premier tournant les phyllades rouges ; après
le second lournant viennent, sur 30 m. de longueur, des
blocs d’arkose, puis de nouveau, des phyllades rouges,
que l'on suit jusqu'au confluent des deux ruisseaux,
Dumont a mis ces schistes dans le gédinnien. En effet, ils
contiennent plusieurs bancs subordonnés d’arkose, qui
afleurent sur la rive droite du ruisseau,
Les mêmes phyllades rouges se suivent au N.-0 sur la
nouvelle route de Freyneux à Oster et au S.-0. sur le
chemin d'Odeigne à Freyneux. Dans ces deux cas, Dumont
les place dans le salmien.
En résumé on ne peut pas séparer tous ces schistes
rouges; ils se suivent pas à pas, il sont tous : ou salmiens,
ou gédinniens, Par leur aspect et leur couleur, ils diflèrent
des schistes salmiens. Dumont avait parfaitement saisi
==
céue différence, quand il dit que la couleur des phyllades
1e Dochamps rappelle les ardoises de Fumai.
Tenant compte de ces caractères, je suis disposé à les
ronsidérer comme des schistes gédinniens qui ont acquis
par compression une structare plus phylladique. Les
bandes rouges du prolongement dé Dochamps, que
Dumont place dans le salmien, ne seraient donc que des
coins de gédinnien qui pénètreraient dans un massif de
quarzophyllades salmiens,
M faut aussi remarquer que les schistes rouges se
relient stratigraphiquement à l'arkose.
Au moulin de Dochamps, il y a une épaisse masse de
schiste, rouge, intercalée au milieu de l'arkose, et ce schiste
contient de gros grains de quarz, analogues à ceux de
l'arkose, À la scierie c'est de l'arkose, qui est intercalée
au milieu des schistes rouges.
IN. — Les grès blancs gédinniens dont il a été question
plus haut, méritent toute l'attention du géologue. Ce
sont des grès souvent assez purs, à grains fins, blancs,
gris ou verdätres ; dans ce cas, ils passent aux schistes
Qquarzeux vérdâtres. Ils sont bien stratifiés, en couches
régulières dont l'ensemble peut atteindre 100 mètres.
Dans un petit ravin au N. de Sumré, ils constituent des
rochers escarpés, d'où ils se sont éboulés en formant un
cahos comparable aux amas de la forêt de Fontainebleau.
C'est au N. de Samré qu'ils occupent leur plus grand
Méveloppement, aussi peut-on les désigner sous le nom de
lrès de Saniré.
On les voit entre ce village et la ferme Hennet; ils
aMeurent sur la route de Stavelot, à la borne 78 et un peu
au S. de celte borne: puis près des bornes 79 et 80. Ils y
sont mélangés de schistes compacts verdâtres, qui peuvent
se rapporter à la même assise,
Annales de la Société Géologique du Nord, +. Xx1Y.
MR —
On retrouve plus loin le grès blanc, sur la route de
Bihain à Langlir, entre l'arkose et les schistes rouges,
puis au S.-E, de Provedroux, dans la mème position; je
ne les ai pas suivis plus loin vers l'E.
On ne voit pas de coupe montrant nettement la position
des grès blanes ; mais partout ils sont entre l'arkose et les
schistes rouges ; ils occupent donc la place des grès fossi-
lifères de Gdoumont, près Malmédy,
Sur le plateau qui est au N, de la Baraque de Fraiture,
sur celui qui est entre cette Baraque et Odeigne, de même
que sur la colline de Bahou, il y a du grès blanc, mais,
comme on ne voit que des débris à la surface du sol, on ne
peut pas déterminer sa position exacte par rapport à
l'arkose.
On peut tirer des faits précédents les lrois conclusions
suivantes :
1° Le salmien s'étend moins loin vers le S. du massif de
Stavelot que ne le figure la carte dé Dumont.
% Les phyllades rouges d'Odeigne et de la route
d'Aywaille, que Dumont place dans le salmien, appar-
tiennent au gédinnien.
3 Les grès blancs de Samré sont intermédiaires entre
l'arkose et les schistes rouges.
Séance du 11 mars 1896
M. Barrois annonce à la Société que le célèbre géologue
américain, M. James Hall, vient d'être l'objet d'impu-
tations calomnieuses de la part de divers journaux
français. Le Recteur de l'Académie de New-York a
adressé une lettre de rectification à ces journaux.
Comme M. Hall est membre associé de la Société Géolo-
gique du Nord, M. Barrois pense qué la Société devrait
lui adresser une lettre de sympathie en cette pénible
circonstance, La proposition est adoptée,
{y —
M. Gosselet rappelle que M. Marcel Bertrand, pro-
fesseur à l'Ecole Nationale supérieure des Mines, membre
de la Société Géologique du Nord, vient d'être élu membre
de l'Institut. Il propose à la Société d'inscrire M. Bertrand
sur la liste des membres associés, où se trouvent déjà tous
les géologues membres de l'institut.
M: Barrois fait une lecture sur les divisions géogra-
phiques de la Bretagne.
M. Gosselet fait la communication suivante :
Sur les Cartes agronomiques
par J. Gosselet
La question des cartes agronomiques est à l'ordre du
jour dans notre région. On s'en préoccupe dans les
Sociétés d'Agriculture des départements du Nord, de
l'Aisne et du Pas-de-Calais ; on étudie la question en
Belgique. Mais on peut constater des différences bien
grandes dans la manière de les envisager.
Les uns supposent qu'il sufit pour faire une carte
agronomique de prendre la carte géologique publiée par
le ministère des travaux publies, de l'agrandir et d'inscrire
dessus quelques analyses de terre ; d’autres y vont plus
simplement encore, ils s'imaginent faire une carte agro-
nomique en portant sur une carte les analyses du sol
sans méme les discuter au point de vue de leurs relations
géologiques.
Je trouve ces deux procédés fâcheux, inégalement
toutefois, La carte d'analyse chimique du sol ne peut être
daucune utilité, parce que l'analyse chimique est insuf-
fisante pour renseigner sur la valeur du sol ; quant à la
carte géologique avec addition de notes chimiques, elle
peul être une cause d'erreurs.
— 20 —
Pour apprécier la valeur agricole d'un champ, il faut
connaître la terre arable, le sol vierge, qu'entame souvent
le soc de la charrus et le sous-sol dont l'altération alimente
par la base les sols vierges et arables à mésure que ceux
ci sont entraînés par les eaux pluviales et les charrois.
C'est dans le sous-sol que l'on trouve les éléments essen-
liels du sol. Or qui peut, sans avoir fait beaucoup de
géologie pratique, tracer les limites des divers sous-sols
et par conséquent des sols. Dans là même parcelle on peut
trouver plusieurs sous-sols, landis que le même sous-sol
s'étend parfois sur des centaines d'hectares. Done, à moins
dé multiplier les analyses au-delà de toute mesure, il faut
que les échantillons qui doivent servir aux analyses et
éclairer sur la nature du sol soient prélevés par un
géologue.
J'ajouterai que les analyses doivent étre disculées à
l'aide de considérations géologiques, sans quoi, elles ne
fournissent que des données incomplètes et erronées.
Les substances sur lesquelles les cultivateurs ont intérêt
à être renscignés el que l'analyse chimique peut leur
dévoiler, sont : les azotates, les phosphates, la polasse, la
chaux, l'alumine ou plutôt l'argile.
La quantité d’azotates contenue dans une terre dépend
principalement de la man dont elle a été cultivée et
un peu du sous-sol. Les azotates que l'on trouve dans le sol
dé nos pays ÿ ont été apportés sous forme d'engrais on
empruntés à l'atmosphère et fixés par la végétation, prinei-
palement par celle des légumineuses, Par conséquent
leur quantité varie avec la culture, Une carte qui indi-
querait en un point une certaine quantité d'azote, devient
fausse si le mode de culture change, si la Lerre cesse d'étre
fumée. Les azolates dés engrais entraînés par les eaux
pluviales pénètrent dans le sol vierge et dans le sous-sol.
Ils s'y disséminent et sont perdus pour la terre, si le sous-
sol est permésble jusqu'à une grande profondeur; ils
restent au contraire à la surface et peuvent être alleints
par les racines, si le sous-sol contient une couche imper-
muéable, d'où la nécessité, pour apprécier la réserve d'azote
contenue dans le sol, dé connaître la nature géologique
du sous-sol.
Lu quantité de phosphate, révélée par l'analyse dans le
sübarable dépend de ce qui ést apporté comme engrais
et de ce qui est propre au sol. La première origine est
prépondérante dans ane grande partie du département,
Vanalyse chimique du sol, sielle n'est pas accompagnée
‘le celle du sous-sol donnera donc des résultats variables
avec la culture.
Cependant beaucoup de contrées crayeuses contiennent
diwphosphate de chaux naturel provenant de la destruction
de la craie phosphatée, Le géologue peut juger si cette
origine est possible et si par conséquent le phosphate est
propre au sol vierge el au sous-sol.
- Li potasse est plus uniformément répandue dans le sol
wierge. Maïs pour la culture, il faut tenir compte de son
étaitminéralogique. Tandis que la potasse, qui est à l'état
de feldspath, de kaolin, de schiste, est facilement soluble
dans Veau pluviale chargée d'acide carbonique, celle qui
ét dans li glauconie né sort de sa composition qu'avec
la plus grande difficulté. Il n'a pas encore été prouvé que
a glhiuconie fournisse de la potasse assimilable. Or la
glauconie est excessivement abondante dans le dépar-
ement du Nord. L'analyse chimique, si elle n'est pas
mecompagnée de l'étude minéralogique, nous dira que le
SoLesL riche en potasse, mais il ne nous apprendra pas st
velle polasse peul être utile à la culture.
“ Lifchaux est un des éléments de richesse agricole
uibest le plus nécessaire de connaitre, Le géologue
'apprécietrés approximativement par l'examen du terrain
zs—
tandis que l'analyse du s0l arable ne permet pas de
distinguer la quantité de chaux, propre au sol, de celle qui
lui est apportée par le chaulage. Aussi quand on fait
l'analyse d'une terre at-on soin généralement d'indiquer
depuis quand elle a été marnée,
Une des qualités que le cultivateur a également grand
intérêt à connaitre, c'est la perméabilité du sol, Un sol
trop perméable laisse filtrer les engrais qui se perdent
dans le sous-sol, tandis que sur un sol imperméable, les
eaux pluviales qui ruissellent à la surface entrainent ces
mêmes engrais dans les ruisseaux el les rivières. Le sable
est le type des terrains perméables; l'argile où glaise
représente dans le nord de la France le terrain essentiel-
lement imperméable. Donc une earte agronomique doit
représenter la nature sableuse ou argileuse du sol, c'est-à-
dire la quantité de silice et la quantité d'alumine. La
séparation de la silice et de l'alumine est une opération
chimique très délicate, J'ajouterai qu'elle est insuflisante,
Le sable en grains très fins se comporte comme le silicate
d'alumine en produisant un terrain imperméable, tandis
que de l'argile enveloppant de gros grains de sable n'empé-
chera pas la perméabilité du sol.
Je me suis étendu sur ces considérations pour démon-
trer que des cartes indiquant seulement des analyses
chimiques qui ne sont pas guidées par des connaissances
géologiques approfondies, n'ont aucune utilité, parce
qu'elles ne renseignent pas sur le sous-sol, parce qu'elles
confondent la composition variable due 4 la culture avec
la composition naturelle du sol et par conséquent parce
qu'elles seraient à recommencer tous les dix ans.
Si la carte de statistique purement chimique est inutile,
la carte géologique pure avec annotations chimiques est
dangereuse. La carte géologique de France est à l'échelle
de 4/80,000, trop petite par conséquent pour pouvoir
recevoir les annotations chimiques. Les géologues qui les
ont construites, et je puis en parler puisque je suis du
nombre, se sont toujours préoccupés de la question scien-
tifique, de l'âge du terrain, de la limite des assises; or,
dans une carte agronomique, l'âge des terrains importe
peus cé qui doit prédominer, c'est le caractère minéra-
logique. J'ai déjà eu l'occasion de développer cette consi-
dération, de rappeler que nous colorons les argiles des
dièves de Maroilles et du Favril de la même manière que
la eraîe à Jnoceramus labiatus du Pas-de-Calais, l'argile de
Louvil comme le sable vert de Mons-en-Barœul. Comment
weut-on'que se reconnaisse le cultivateur qui consulte la
carte agronomique où mème le chimiste qui y inscrit les
résultats de ses analyses?
Mais ce n'est pas le seul inconvénient. En raison des
faibles dimensions de l'échelle, nous sommes obligés de
tricher, de rogner les dépôts très épais, très étendus pour
faire place à des assises beaucoup plus minces qui ont un
intérêt géologique considérable, Toutes ces erreurs volon-
Hires où autres se trouveront amplifiées, si on agrandit
la carte au 1/40,000, où mème davantage.
“Or; les seules échelles qui permettent de donner des
renseignements agricoles est celle du 1/10,000 ou tout au
plus celle du 1/20,000.
-Si donc on veut prendre la géologie comme base de la
tarte agronomique, et tout le monde est d'accord sur ce
point,il faut refaire la carte géologique, la corriger, la
compléter, l'adapter en un mot au but que l'on se propose,
Aesbje crois inutile d'ajouter que ce travail doit étre
fait par un géologue, et même par un géologue qui
Lonnait parfaitement la structure géologique du pays dont
il veut Lracér la carte agronomique.
“Cestce qui fait le grand mérite de la carte de la
commune de Crespin que nous a présentée M. Ladrière
—
dans la dernière séance, Cette carte est essentiellement
géologique, mais M. Ladrière a lrouvé le moyen de
marquer le sol et de le rendre assez transparent pour
laisser voir le sous»sol. Des sondages très nombreux lui
ont permis de se rendre comple exactement de ce sous-
sol et de corriger sur une foule de points la carte géolo-
gique.
C'est avec une connaissance parfaite de la structure
géologique du sol et du sous-sol qu'il a pu choisir les
endroits où il devait prélever les échantillons destinés à
l'analyse chimique.
Je términerai en appelant l'atention de ceux qui s'oc-
cupent de cartes agronomiques sur un ordre d'idées qu'ils
négligent à peu près complètement. C’est l'analyse miné-
ralogique. On a vu plus haut combien il est nécessaire de
connaître l'état de combinaison, où sé lrouve la potasse,
la chaux, la silice et les autres substances nécessaires à la
végétation.
Tel minéral s'altère facilement ; tel autre résiste à
l'action de l'air, de l'acide carbonique et même de l'acide
axotique qui peul se trouver dans les eaux terrestres.
Généralement, les agronomes qui font des cartes,
commencent par lamiser la terre et rejellent les gros
cailloux comme ne jouant que le rôle de matière inerte,
N'est-il pas un peu imprudent ce mépris du caillou ? Le
caillou fait l'office d'un drain, autour duquel l'eau dé
pluie cireule plus facilement. Aussi, voyons-nous que les
cailloux, même les cailloux de silex, qui sont dans le sol
ont toutes leurs surfaces aliérées; quand deux galets se
touchent, la surface de contact présente une surface
d'altération qui s'étend tout autour comme une auréole;
il peut même arriver que l'action de l'eau chargée d'acide
carbonique soit assez puissante pour dissoudre une partie
du silex et donner naissance à ces galets impressionnés si
Séance du 22 mars 1896
Sur un rapport écrit de trois membres, M. Marcel
Bertrand est élu membre associé de la Société Géologique
du Nord,
M. le D' Sauvage, directeur du Musée d'Histoire
Naturelle de Boulogne-sur-Mer, est nommé membre
titulaire de la Société.
Le Secrétaire donne lecture de la note suivante :
De l'existence de nombreux Radiolaires
dans le Tichonique supérieur de l'Ardèche,
par L. Cayeux.
Le Tithonique supérieur du Sud de l'Ardèche est
représenté par des calcaires blancs compacts, pauvres en
fossiles et caractérisés par le Perisphinctes transitorius.
Au microscope, ces calcaires se montrent criblés de
petits organismes qui présentent deux manières d'être
principales :
le Sections en cloches de formes variées, simples ou
partagées en deux segments inégaux par un étranglement
transversal (hauteur moyenne : Owm,06) ;
2 Sections circulaires ou faiblement elliptiques (dia-
mètre moyen : Omm, 05).
Les unes et les autres sont pourvues d'un double
contour et treillissées. Ce sont des coupes pratiquées par
Ja section dé la roche dans des Hadiolaires du groupe des
Cyrtoidea. J'ai reconnu les genres suivants :
Section des Moxocyurima. — G, Cornutanna Hiæckel,
Cyrtocalpis Hæckel, et un genre nouveau qui s'intercale
entre les deux précédents,
e—
Section des Dicyarina. — G. Sethocephalus Hæckel,
Dictyocephalus ? Ehrenb.
À ces formes je dois ajouter un Æhopalostrum Ehrenb,
qui est l'unique représentant de l'ordre des Discoidea.
En résumé, des quatre légions de Radiolaires actuels,
deux seules existent dans le Tithonique supérieur de
l'Ardèche : ce sont les Spumellaria avec le genre Hhopa-
lostrum, et les Nassellaria avec les formes de Cyrtoidea
énumérées ci-dessus. Parmi ces derniers, les Monocyrtida
prédominent de beaucoup et les Cyrtocalpis viennent au
premier rang. Des recherches ultérieures pourront
enrichir cette faune, mais on peut affirmer, dès mainte-
nant, qu'elle a pour caractère d'être peu variée.
Les autres débris organiques qui prennent part à la
formation du calcaire à P, transitorius sont des spicules
calcifiés de Spongiaires et des Foraminifères. Us sont d'une
grande rareté,
Jai prélevé les échantillons que j'ai examinés dans
différentes localités du Sud de l'Ardèche : Auriolle, Saint-
Alban, Berrias, Banne, ele. Tous sont d'une richesse
surprenante en Radiolaires. Ces organismes y sont réunis
en télle quantité que parfois ils se touchent. Le calcaire
qui les renferme est donc issu d'une boue à Rhizopodes
siliceux qui rappelle, par sa richesse en organismes, la
bouë à Radiolaires du Pacifique, Or, le calcaire à P.
Lransitorius n'est nullement siliceux. Tous les Radiolaires,
sans exception, ont été calciliés et la substitution du
rarbonate de chaux à la silice s'est faite de façon à
respecter non seulement la forme des organismes, mais
encore les détails de structure de leur test. Ce phénomène
de métamorphose est en lous points comparable à celui
qui a donné les belles Diatomées calciliées du calcaire de
Sendat (Japon).
“Tous les genres cités plus haut vivent encore de nos
jours. Les Hhopalostrum recueillis par le Challenger sont
pélagiques, à l'exception d'une seule espèce trouvée à
1950 brasses, Les Sechocephalus sont uniquement péla-
giques. Quant aux Cornutanna et Cyrtocalpis, ls comptent
des espèces tant dé surface que de profondeur, Il n'y a
donc pas de conclusion bien nette à tirer de la distribution
bathymétrique actuelle des Radiolaires du Tithonique
r. Mais il y a, entre loutes les formes que j'ai
une telle uniformité de laille et d'épaisseur
faut conclure que leur mode de vie a été le
mème. Comme un certain nombre sont exclusivement
pélagiques, j'incline à penser que tous ont été des animaux
de surface,
Mes recherches n'ont porté que sur des échantillons
de l'Ardèche, mais je suis convaineu que la même compo-
sition organique se retrouvera au niveau de P. transitorins,
bien au delà des limites de ce département.
En ce qui concerne la masse considérable de silice mise
en liberté par la dissolution des coquilles de Radiolaires,
ilest à remarquer qu'elle ne s'est pas fixée sur place sous
forme de rognons siliceux. Sauf de très rares exceptions,
les silex sont absents dans toute la région que j'ai
parcourue. La silice a donc émigré du calcaire,
Ce fait n'est d'ailleurs pas isolé, Il existe dans la éme
région dé nombreux niveaux de Spongiaires. J'en ai
reconnu dans les assises à Ochetoceras canalieulatum,
Peltocerus bimammatum, Perisphinetes polyplocus, Aspido-
ceras acanthicum et jusque dans le Tithonique supérieur,
Or, les spicules d'Éponges de ces terrains sont invaria-
blement épigénisés par la caleite et les silex y sont
inconnus, D'où cette conséquence que le Jurassique supé-
rieur du Sud de l'Ardèche placé à l'origine, au point de
vue des organismes siliceux, dans des conditions abso-
lument comparables à celles du Crélacé supérieur du
Bassin de Paris est, pour ainsi dire, dépourvu de silex
alors que la craie en renferme un très grand nombre. Je
nesuis pas en mesure d'expliquer cette différence radicale,
Majouterai qu'elle n'est pas spéciale à l'Ardèche. Elle est
vraie pour beaucoup d'autres points. Sa généralité en
rend l'explication plus mal aisée et aussi plus désirable,
M. le Dr Carton fait la lecture suivante :
Variations du Régime des eaux dans l'Afrique du Nord
par M. le Dr Carton, Médecin major.
Lorsque l'archéologue recherche pourquoi les villes puis-
Santes et nombreuses, les exploitations agricoles dont on
rencontre à chaque pas les vestiges dans l'Afrique du Nord,
ontété complètement abandonnées pourquoi le sol couvert
jadis de riches moissons, de forêts d’oliviers, est aujour-
d'hui ineulte et dénudé, il est amené à étudier quelles ont
été les conditions climatologiques, dans lesquelles ont
véeu ses antiques habitants.
Dans celle contrée encore tempérée, mais relativement
chaude, el sujelle à de grandes oscillations de température,
un élément semble, de nos jours, jouer le rôle principal
parmi les phénomènes dont l'action a pour résultat d'y
rendre impossible ou d'y permettre la vie, c'est l'eau. Dans
les régions de l'Europe, et surtout dans l'Europe centrale,
où l'eau ne manque presque jamais complètement, les
Enels de sa plus où moins grande afluence se traduisent
seulement par un accroissement où une diminution,
jamais par une suppression lotale de l’activité humaine.
En Afrique, au contraire, la quantité d'eau qui échoit
au sol oscille près des limites où elle cesse d'être assez
abondante pour permettre à l'agriculture ou à la culture
développer, et des variations, même légères dans
ielimatologie, peuvent avoir une grande importance.
— 9 —
Le volume des pluies reste-t-il au-dessous de ces limites,
l'homme ne pourra vivre, ou n'y parviendra qu'au prix
d'eflorts considérables, et sous la menace perpétuelle de
périr dans la lutte contre les éléments. Les précipitations
atmosphériques sont-elles, au contraire, suflisantes pour
permettre à la vie de se manifester, immédiatement, cette
élévation de la température qui, dans le premier cas,
était un si grand danger, devient ici une cause de fertilité,
d'exubérance merveilleuses. Ainsi, dans l'Afrique du
Nord, où florissait jadis une nombreuse population, une
oscillation, même faible, dans la climatologiea pu produire
un changement considérable.
Les causes de ce changement peuvent done, tout en
ayant entrainé des ellels très importants, avoir été assez
peu frappantes pour qu'on ait omis de leur accorder
l'attention, la valeur, quelquefois très grandes, qu’elles
méritent.
Cette remarque était nécessaire en raison desdivergences
d'opinion qui se sont produites relativement à la climato-
logie de l'Afrique.
L'étude de cette question est en effet Lrès délicate.
En Afrique, on a cru longtemps et j'ai été, d'ailleurs,
l'un des premiers à soutenir cette opinion, que la dispa-
rition des innombrables ouvrages d'art édifiés par les
anciens, suflisait pour expliquer l'appauvrissement du
pays,
Le rôle de ces travaux hydrauliques 4 été considérable,
on ne saurait le méconnaître. Mais on doit remarquer qué
s'ils avaient pour but de recueillir et de conserver l'eau
de pluie tombée à la surface du sol, ils n'augmentaient
en rien le volume des précipitations.
Or, s'il est vrai que la quantité de liquide qui échoit à
l'Afrique lui est suffisante, que, si l'on pouvait conserver
une partie de celui qui tombe en hiver pour l'utiliser en
#"—
été, bien des points inculles seraient susceptibles de
rapport, d'assez nombreux faits tendent à prouver que la
somme annuelle des pluies n'en a pas moins varié,
L'eau est moins abondante que jadis à la surface du so),
ILest un fait d'observation, familier à Lous ceux qui ont
pratiqué l'Afrique: c'est en grande partie le manque d’eau
qui empêche de faire des céréales dans de vastes régions,
où les ruines des grandes villes indiquent, à n'en pas
douter, que le sol portait autrefois de riches moissons.
L'existence des forêts qui étaient jadis plus étendues que
de nos jours et qui même ont disparu en bien des contrées
atteste également ce fait (1).
Dans la profondeur du sol l'eau existait aussi autrefois
en plus grande abondance, On a constaté, à plusieurs
reprises, que la nappe aquifère s'est abaissée de façon
plus ou moins considérable. Dernièrement encore, aux
environs de Kasserine, l'administration tunisienne des
travaux publics a fait dégager plusieurs puils romains,
et; n'y rencontrant point d'eau, a poussé les fouilles bien
au-dessous de la maçonnerie, sans résultat.
Il est difficile, en ce qui concerne le débit des sources,
de trouver un point de comparaison bien sûr, qui permette
d'assurer qu'il ait diminué considérablement, depuis le
commencement de notre êre.
Toutes les villes importantes étaient, en effet, alimentées
par des sources qui jaillissent encore, et munies de
cilernes où elles pouvaient, en hiver, emmagasiner une
quantité considérable de liquide.
L'observation de ce qui s'observe au voisinage des
exploitations agricoles, des fermes antiques est plus
probant. Dans certains de ces petits centres, on trouve un
HV Tissor. — Géographie romparée de l'Afrique romaine, 1,
D'ATelsuiy. ; — Docteur Canton : Climatologie et Agriculture
de l'Afrique aneienne, p. 11.
— nm —
aquéduc ruiné et des réservoirs dé pelites dimensions,
qui étaient des puisards ou des bassins de distribution,
mais pas de vastes réservoirs ou des citernes (!}, A notre
époque, la source qui les avoisine est tarie durant fout
l'été, Comme il n'ya pas, dans le voisinage, d'autre moyen
de se procurer l'eau, on doit admettre que l'absence de
lout grand réservoir s'explique par ce fait qu'elle coulait
autrefois toute l'année,
Ailleurs, j'ai constaté l'abaissement du niveau de la
source, l'eau coulant au-dessous du bassin qu'elle alimen-
tait autrefois.
Les forêts ont aussi, dans toute l'Afrique, diminué
considérablement en étendue, Je pense que ce fait a causé
en grande partie la diminution des pluies, bien plus tôt
que cette dernière ait été cause du dépérissement des
essences forestières, Car on peut dire que de nos jours et
avec la sécheresse actuelle, l'homme pourrait encore
rendre à l'Afrique son revêtement en arbres en choisis-
sant des espèces appropriées. C'est pourquoi je n'insis-
terai pas, pour le moment, sur ce phénomène.
Quoiqu'il en soit, si l'eau tombe encore abondamment
en hiver, l'humidité moins grande de la surface, l'abais-
sement de niveau des puits et des sources (que le seul
abandon des travaux hydrauliques ne peut sufiire à
expliquer), indiquent que le volume annuel des pluies a
diminué, On peut objecter à cette opinion que, retenue
par les racines des arbres, le gazon, les barrages, l'eau
pénétrait en plus grande abondance dans le sol, tandis
que de nos jours elle ruisselle à la surface pour se
(1) V: les travaux hydrauliques dé l'Aîn Halouf : D° Carton,
Essut de topographie archéologique sur la région de Souk-et
Arbe, p. 19, ct passim. Je dois ujouter que les ruines qui,
comme celles-ci, n'ont pas de grands réservoirs ou de citernes sont
out à fait exceptionnelles.
précipiter dans les bs-fouds. Ce phénomène devait aussi
contribuer à élever le niveau de la nappe aquifère ; mais,
à mon sens, dans des proportions insuflisantes, pour
expliquer à lui seul un changement aussi considérable
que celui que j'ai en vue,
On voit, combien l'étude de cette question est complexe,
Eu outre, le volume annuel de l'eau qui tombe étant
suffisant de nos jours comme il l'était jadis, la répartition
seule en étant mauvaise j'ai eu, comme archéologue,
moins à me préocuper de la quantité d'eau tombée que
iles résultats produits par la façon dont elle arrivait et
dont elle se comportait sur le sol. J'ai donc recherché
quelles causes pouvaient jadis modérer, régulariser le
régime des eaux ; je parlerai seulement de celles qui
offrent un intérêt géologique.
Les forêts ont joué ici un rôle capital. Je n'ai pas à
revenirsur la façon dont elles ont pu contribuer à accroitre
la fréquence des pluies (1) ; mais elles agissent merveil-
leusement, on le sait, sur le ruissellement.
… Les gouttes de pluie, arrétées dans leur chute, glissent
le long des feuilles, des branches, retardées dans leur
-HLLes forêts « attirent » les pluies, et les pluies font croltre les
forêts, AL est probable que cette aclion réciproque se fait sentir
dans lousles pays boisés. De nos jours, el avec la sécheresse actuelle,
"és toréts de ln Khoumire se reconstituent, la broussallle des
“montagnes s'élbve en arbustes là où on luf accorde une protection
‘suifiisante, des semis prütiqués dans certaines contrées ont déjà
fourni des arbrisseaux de quelques mètres de hauteur, On ne
ut done dire que c'est à la diminution des pluies que la dispa-
rition des forèts est due, En revanche, quand on sait quelles ont
été, en bien des points étrangers à l'Afrique, les conséquences
"du déboisement, on est en droit d'admettre qu'à un degré plus où
Hiôlus laut, la destruction des arbrès empêche de se résoudre en
; des nuagés qui, dans les anciennes conditions, se fussent
pure ce sujet D' Carton, doc. cût., p. 14).
Annales de la Société Géologique du Nord, T. XXIV.
marche par leur adhérence à celles-ci, par leur mille
rugosités, arrêtées pour s’emmagasiner dans les cupules
formées par l'insertion des feuilles et des branches vu dans
le tronc des vieux arbres, pénétrant aussi dans la partie
spongieuse d'une écorce privée depuis longtemps d'une
grande partie de son eau, gonflant les mousses desséchées
qui la recouvrent. Arrivée déjà plus lentement sur le sol,
elle est reçue H dans une épaisse couche d'humus formée
de débris de végétaux en décomposition, véritable éponge
d'une grande puissance d'absorption.
Le sol lui-même, maintenu dans un certain état de
fraicheur par celle couche d'humus, est mieux préparé
à recevoir l'eau que s'il avait été, comme les terrains
dénudés, formé par une croûte sèche et durcie, diffici-
lement perméable (*} comme d'autre part, grâce au séjour
de l'eau dans la couche d'humus sous-jacente, le contact
entre elle et le sol est prolongé, la pénétration, et par
suite l'imbibition se sont prodigieusement accrues.
Quant au liquide qui échappe à tous ces obstacles et qui
glisse à la surface, il rencontre, chemin faisant, les racines
des arbres, les toufles de broussaille, d'herbes, minuscules
barrages qui le forcent à décrire de nombreuses sinuosités
et à n'arriver au ravin qui doit le recueillir qu'après un
long contact avec le sol qui en retient encore une partie.
Arrivée de l'eau plus lente dans les parties inférieures
de la montagne et de la plaine, transformation d'un torrent
à durée éphémère en une rivière au cours régulier, tel est
l'un dés principaux résultats de l'existence des forêts... 1
Le recul ou la disparition des surfaces boisées, en sup-
primant ces multiples obstacles a dû contribuer, par
A1) Bien souvent, à la suite d'une plaie très abondante, mals
£ourle, nous avons constaté, au cours des fouilles que nous avons
dirigées, que l'eau n'avait pas pénétré le sol durel à plus de on à
deux centimètres.
l'exagération de la violence des eaux sauvages, à modifier
la configuration du sol. J'ai réuni ailleurs (*) les preuves
de cet amoindrissement des forêts.
si Entre Fernans et Afn Draham, à cinq kilomètres envi-
ron au nord du premier, s'étend, aux confins de la forêt,
une zone broussailleuse, large de plusieurs kilomètres.
On y trouve non pas seulement les espèces qui, ailleurs,
constituent la broussaille à proprement parler, mais, à
Vétat de buissons où d'arbustes, les essences de la forêt
voisine qui s'éteudait par conséquent autrefois jusque là.
Depuis quelque lemps, grâce à la protection dont ils
sont l'ubjet, les jeunes arbres de haute futaie qui y étaient
en voie de dépérissement, commencent un peu à dépasser
de la tte la verdure voisine.
Sinous n'élions venus soustraire cette broussaille aux
incendies, aux dévastations des troupeaux, elle aurait fini
par disparaître (2), tandis que dans quelques années, on
verra se dresser là des futaies semblables à celles de la
forêt plus septentrionale.
Bien des contrées de l'Afrique du Nord ont passé par ce
premierstade (qui fut souvent un acheminement vers la
dénudation complète) : la forêt se transformant en brous-
sailles. Si les causes qui ont amené un tel changement
avaient continué à agir, les buissons eux-mêmes dont les
branches les plus élevées sont incendiées, décortiquées ou
brisées, dont les pousses sont Londues par les chèvres,
eusseul fini par disparaitre. Et l'on peut encore constater
un phénomène de ce genre dans une zone voisine de la
“broussaille qui touche à la forêt. Çà et là dans les vallons,
on voit encore quelque végétation arborescente ; puis Les
“(I CARTOS. — Loc. cir. p. 8 el suiv.
“(2 Les passants les ébranchent, les bergérs les mutilent, les
“hücherons en font des fagots. Fromentin : Une année dans le
Sahet,
= es
groupes s’isolent, s'écartent les uns des autres, et à Fer-
nana, des champs, des terrains de parcours, entourent un
Chène fameux, dernier survivant, comme l'a écrit Elisée
Reclus, d'une forêt disparue, Dans les ravins, au bord des
rivières, aux limites des champs, quelques chènes-liège
rabougris confirment par leur présence le témoignage
grandiose fourni par l'arbre célèbre, de la diminution de
la forêt.
Celle-ci a dû s'étendre assez loin vers le sud, et suivant
toute apparence, elle émettait des prolongements jusque
vers la plaine de la Medjerdah. En quelques endroits, les
croupés rocheuses qui la dominent offrent encore quelques
chénes-liège malingres.
I y a, à dix kilomètres de Fernana, sur le sommet d'une
haute montagne qui sépare la Dakhla de la Rokba et
et dont le pied est baigné par le fleuve tunisien, un groupe
d'une vingtaine de ces arbres, mais dont le tronc tortueux,
le feuillage rare, indiquent qu'ils ne tarderont pas à
disparaître. Ce sont les vestiges d'un bois qui a couvert
autrefois les flancs du Djebel Aïrch (Herrech des cartes),
et qui se reliait jadis, sans doute, à la forêt de Tabarka,
La Medjerdah est considérée en général comme la
limite méridionale de la zone où eroissent les chênes-liège,
en Afrique. Et cependant, plus au sud, dans la région
comprise entre Béja-gare el la vallée de l'ouéd Ciliana,
sur un espace long de plus de soixante kilomètres, on en
rencontre encore dans la broussaille un grand nombre,
Us ont dû couvrir uné partie des saltus, régions de bois et
de prairies qui ont existé en ce point, comme nous
l'apprend l'inscription d'Aîn Ouassel (‘. Et ce qui prouve
bien que les plantations d’oliviers n’ont pas été les seules
(1) La lex Hadriana et son commentaire par le procurator
Patraelus. D Carlon : Reoue archéologique (janvier et février
1899, p. 21).
in
forêts du pays, c'est l'existence de quelques groupes
d'essences forestières.
11 y a dans les environs de Zaouïat el Ayadi un véritable
bois, long de sept à huit kilomètres, de chênes-liège à
l'état d'arbustes, dont la hauteur ne dépasse pas quatre à
cinq mètres ; ils sont perdus dans une végétation luxu-
riante d'arbousiers et de lentisques. Nul doute qu'en pro
légeant ce point comme on protège les abords de la forèt
de Kroumirie, on arrive en quelques années à y former
un bois de rapport.
Parmi les grès qui constituent une partie du Fedj el
Adoum, les chênes-liège ne sont pas rares, on les retrouve,
mais beaucoup moins nombreux, dans certains vallons
du Djebel ech Chetdi.
L'épigraphie nous apprend que dès l'époque romaine,
on s’est attaqué aux bois qui ont couvert celte région, el
la Joi de l'empereur Hadrien de rudibus agris, qu'avait
appliquée aux saltus le procurator Patroclus, n'avait
d'autre but que de les remplacer par des cultures ou des
plantations. L'histoire des saltus d'Uci Maius est intéres-
sante à ce point de vue,
C'était une région dont tous les environs étaient des plus
peuplés à l'époque où l'on décida d'en défricher les parties
couvertes d'espèces sauvages, sous le règne de Septime
Sévère. Alors dans tout le pays s'élevaient ou se construi-
Saient d'innombrables monuments dont un certain nombre
mous sont parvenus encore debout. Des villes, de fortes
bourgades y étaient disséminées, à une faible distance les
“nés des autres : Thimidum Bure, Numluli, les ruines de Hr
Chett, etc. L est done fort probable que la forêt avait déjà
reculé considérablement à cette époque, devant la culture.
La contrée située immédiatement au Nord fut, dès
Y'époque numide, des plus prospères, des plus cultivées.
"C'était la fameuse plaine de Boll, tant convoitée par les
=#9—
Carthaginois, où s'élevait une capitale, Bulla Regia, où
Massinissa rencontra soixante-dix villes et châteaux-forts,
Plus tard, Salluste cite Vacea, célèbre par son commerce,
située ‘à six lieues de là, et précisément à l'époque de
Septime Sévère, d'autres cités avaient, sur son territoire
même, pris une extrême importance que les édifices de
Thugga, Thubursicum Bure, Numluli nous révèlent.
Bien plus, cette contrée est un des points où la coloni-
sation romaine s’est établie le plus tôt. À six kilomètres
du village sur le forum duquel nous avons trouvé l'édit
de Patroclus, fut fondée par Marius, c'est-à-dire trois
siècles avant le procurateur, li colonie d'Uci Mains. Or,
après trois cents ans, les descendants des premiers colons
n'avaient pas encore détruit les hoïs qui les environnaient
et qui, cependant couvraient une bien petite surface (huit
à dix kilomètres de diamètre), entourée de tous côtés pan
les territoires de puissantes colonies ou des municipes.
On remarquera que cela se passait au siècle où la richesse,
et par suile l'agriculture de l'Afrique, atteignit son plus
grand développement, et que les causes de cette prospérité
qu'il s’agit de rechercher sont bien antérieures à l'époque
romaine.
A ceux qui objecteront qu'il s'agit là d'un pays encore
cultivé de nos jours, nous répondrons que nous avons
insisté sur la disparition de ces forêts du Nord, parce que
c'est la région de l'Afrique où la végétation arborescente
offrait le plus de résistance, où elle à survécu à de longs
siècles de dévastation dans ce pays dont l'agriculture floris-
sait à une époque reculée, et où, ainsi que nous le prouve
une inseription, l'État lui-même s'était attaqué aux bois,
en tentant d'y attirer assez de bras pour les défricher {‘).
It) Le sol étant, comme de nos jours, d'une grande fertilité en
ce point, 1 y avait avantage à le cultiver; 1 n'en a pas été en
général dé mème des hauteurs montagneuses, où l'on n'avait
avoun {ntérèt à détruire les forêts.
—#0—
Plus au sud encore, le pays était loin d'être complè-
tement dénudé. À soixante kilomètres au sud du chott
Djerid, en pleine région saharienne, le plateau des Aouyas
présente encore ün certain nombre de plantations floris-
santes d'oliviers, les vallées offrent parfois une broussaille
assez épaisse, et les habitants du Nefzaoua ont gardé le
souvenir d'une forêt qui s'étendait de El Hamma à
Kebilli.
Arbres ou broussailles, essences forestières ou cultivées,
ont donc couvert autrefois en Afrique les points qui ne
portaient pas de céréales, et cela seul nous importe pour
le moment.
On a d'ailleurs fait trop bon marché de ces essences
plus modestes qui atteignent une hauteur dé quatre à cinq
mètres et sous lesquels on peut encore, comme jadis,
cheminer à l'ombre. Si, comme le constate M. Bourde,
elles ne constituent pas de « hautes et épaisses forêts »,
elles n'en ont pas moins une action réelle sur les pluies et
n'en exercent pas moins une proleelion aussi efficace sur
le sol.
Quoi qu'il en soit, et malgré les divergences de détail,
tout le monde s'accorde à reconnaitre que l'Afrique
ancienne a été autrement plus boisée (en prenant ce mot
dans sa plus large acceptation et sans nous occuper de
savoir s'il s'agit d'espèces forestières cultivées ou de
broussailles) que maintenant, et nous aurons l'occasion
de citer de grands travaux hydrauliques dont la présence
prouve, elle aussi, que le régime des pluies a également
varié.
La forêt que l'on traversait autrefois de Tanger à Tripoli
de Tébessa à Gafsa, a donc bien existé, Elle a pu se
composer de broussailles de lentisques, de bois de thuyas
et d'oliviers sauvages, le résultat, au point de vue qui
nous occupe, à été le mème,
= A —
A ces constatations qui suffiraient au besoin, s'ajoutent
lestémoignages des anciens, Nous renvoyons à l'ouvrage
de Tissot, qui les énumère ([!), nous contentant de
remarquer que Salluste lui-même, dont on a invoqué le
texte pour soutenir que l'Afrique était un pays sans
arbres (2), parle à maintes reprises des bois, de la brous-
saille qui couvraient le sol à une époque bien antérieure
à la romanisation de cette contrée.
ci (2), c'est Metellus qui prend position dans un pays
boisé (loca saltuasa). Ailleurs (#, c'est Jugurtha qui se
réfugie dans un pays inculte, où s'élève un mont couvert
d'olitiers sauvages, de myrtes et d'arbres qui ne croissent
que dans un sol aride et sablonneux.
Pline le Naturaliste, dans sa description de l'Afrique,
parle plusieurs fois (5) de foréts et de troupeaux d'éléphants
qu'on y rencontre (5}. Souvent il s'agit de contrées méri-
{1} Tissot, los. cis. (1, p. 227 et suiv.)
B} Guerre de Jugurtha, XLAX. Ici méme, le contexte permet
encoreune interprétation différente: ager frugum fertilis, bonus
pecort, arborë infecundus. 11 semble que Fhistorien vise les
Aerpes labourables puisque l'énumération qui précède a trail aux
produits qui servent à la nourriture de l'homme : un sol impropre
A Is étiture des arbres fruitiers. Celle de l'olivier n'avait pas
Encore pris l'extension qu'elle eût plas lard.
(3) Guerre de Jugurtha, LIV.
à dbid. XLUUL.
— (5) Dans L'AUAS : VI, 1. /mas radices denais, altisque repletas
siloi . incognito genere arborum.
“OPEN Maurétnie : V, 1, 1, Oppidum Sala, jam solitudinibus
ñ éléphantorum grogibus infectum. — En Tingitanc :
Mais l: {psa pronincia ab oriente fert elephantos. — À propos
Au liloral de là petite Syrie (golphe de Gabès) : excipient saltus
Fepleti Jerarum multitudine et introsus elephantorum soli-
“iudines moz deserta vasta, — Noter l'opposition des solitudes
_ peuplées de hètes féroces, par suite boisées, aux déserls qui né
. commencent qu'au delà,
— 42 —
dionales, Or, ces animaux ne vivent que dans d'épais
fourrés et dans les forêts d'une grande étendue qui
n'avaient pas pu naltre depuis l'arrivée des romains,
Nous rappelons enfin que l'épigraphie et en particulier
le texte d'Aîn Ouassel nous ont montré que même durant
les premiers siècles de notre ère, la broussaille existait
en des parties, devenues ultérieurement très riches, des
domaines impériaux.
Or, il est un fait certain, c'est que, sous l'influence de
la culture d'abord, du régime pastoral ensuite, ces forêts,
celte broussaille, qui existaient, on vient de le voir, dans
les premiers temps de l'occupation romaine, n'ont pu que
diminuer depuis cette époque. Les groupes de thuyas, de
pins, dont nous avons vu les vesliges dans le centre de la
Tunisie, sont les restes de forêts qui n'ont pu être ni
plantées par les Romains qui, en fail de boisement, n'ont
connu que les cultures fruitières, ni respectées par les
indigènes, »
Toute celle végétation forestière, à laquelle font allusion
les textes anciens, a disparu peu à peu, incendiée par les
pasteurs, broutée par les chèvres, entraînée avec l'alluvion
qu'emportaient les eaux ruisselantes, détruité même par
les anciens cullivateurs qui voulaient faire disparaitre
avec leur richesse, une cause d'invasion ().
Ainsi, l'Afrique du Nord apparait, trés anciennement,
comme un pays couvert de nombreuses et profondes forêts.
Quelques-unes d'entr'elles subsistaient encore au début
de notre ère, tant au voisinage du Sahara que dans le
centre et le Nord; mais elles avaient déjà fait place en
partie à une broussaille étendue, à des plantations ou à des
cultures,
UM) Une ruine berbère, la Kaheua, ft couper les oliviers de la
Byzacône, qui élalent encore, au VIII: siècle une source de gros
revenus pour cette province,
—U—
Après la dislocation de l'empire romain, arbres fruitiers
el oliviers disparaissent, la broussaille envahit la plaine
el les groupes forestiers des régions méridionales dispa-
raissent ou ne sont plus représentés que par quelques
individus étoutlés par la végétation broussailleuse. 1 y a
eu en somme, une diminution progressive et continue du
revêtement du sol, en bois.
Quand l'homme procéda à son installation dans les forêts
primitives, à mesure qu'il en détruisait les arbres, il
établissait des plantations et construisait au flanc des
vallées ou sur le cours des rivières, des barrages et des
réservoirs qui suppléaient par leur présence, 4 la dispa-
rition des bois, en atténuant aussi la violence du ruisselle-
meut. De cette façon, les travaux d'art obviaient aux
inconvénients qu'eût offert la dénudation du sol dont le
revêtement avait pu disparaître, sans que le régime des
eaux s'en ressentit.
Mais celte intervention de l'homme, ce défrichement
quelque salutaire qu'il parût, n'en créa pas moins un
danger qui, tôt ou lard, devait éclater,
Les forêts, grâce à la générosité du sol, à l'humidité
qu'elles y entreténaient, pouvaient croître et se maintenir
d'elles-mêmes. Les plantations, les travaux d'art avaient
nécessité au contraire un entretien constant, Dés que
Je changement de mœurs, la venue d'un peuple de
pasteurs fitdécroitre ou cesser la vigilance et les soins dont
on les entourait, les arbres dépérirent, les barrages furent
éventrés, et, comme la forêt n'existait plus, comme les
incendies périodiques et Ja dent des chèvres l'empêchérent
le repousser, (1) l'eau désormais se précipila avec violence
MU) Mais si cs conditions désastreuses n'avaient pus existé, 11
"est probable que les forèts n'eussent pas eu, pour des rulsons d'un
0 général, et s'appliquant à toute la météorologie du globe,
at aussi humide que celui qui, dans les temps géologiques
présida à leur naissance.
— —
à la surface du sol, emportant l'humus et l'alluvion,
ajoutant les désastres de la dénudation et du ravinement
à l'irrégularité des pluies, conséquence du déhoisement
et de la pénurie de plus en plus grande de liquide pendant
la saison estivale.
Les preuves de ces funestes conséquences abondent.
Sur les bords de l'Oued Gabès, un ancien lit, dans le
voisinage des ruines de Tacape, renferme des potéries
romaines, à 250 au-dessus du lit actuel. Comme la berge
a environ 4 de hauteur, on doil admettre que, depuis
l'époque romaine, le lit s'est creusé de plus de la moitié
de sa profondeur. Sur les bords de l'Oued Melleg auprès
de Sidi Amar, j'ai relevé un fait analogue,
Dans l'Oued Ahinar, près de Teboursouk, le pied de la
culée d'un pont antique est à 3" au-dessous du lit d'un
torrent qu'il franchissait ; la hauteur totale de la berge
est actuéHement de S mètres.
L'action des torrents, violente dans le sens de la
profondeur s'est fait également sentir avec intensité en
surface. Les ravins ont remonté vers la montagne, la
divisant de profonds sillons, déchaussant à Ain Younès
(région de Testour), un magnifique mur de soulèvement.
A Bordj Brahim, près de Dougga, un ravin qui s'arrétait
à quelques mètres au-dessous d'une voie antique l'a
emportée et remonte actuellement à près de 300 mètres au
dessus ; sa profondeur et sa largeur étant d'environ 5
mètres, Enfin, parmi les nombreux exemples de dénu-
dation que j'ai recueillis, je citerai celui qu'offre l'aquedue
de Dougga dont les regards, qui forment de véritables
jalons où le niveau du sol ancien est indiqué par un détail
de construction ont été, en certains points, découverts sur
une hauteur de près de 3 mètres. En bien des endroits où
l'on relève des ruines de fermes, d'exploitations agricoles,
le sol dénudé, la roche qui le perce de toutes parts
43 —
ne permellraient plus de cultures aussi étendues eL aussi
prospères que celles attestées par l'étendue des coustruc-
lions voisines.
Ainsi, les pluies ont certainement diminué en Afrique
depuis l'époque de Carthage. Mais la proportion dans
laquelle elles ont subi ce changement est difficile à
préciser, à l'aide des seules données fournies par l’archéo-
logie. Je dois done me borner à constater cette diminution
dont la cause apparente est surtout le déboisement, mais
qui peut être aussi l'effet d'un phénomène climatologique
plus général dont je ne saurais rechercher ni l'existence,
ni l'importance. Je remarquerai seulement qu'en lous cas,
son action ne ferait que corroborer celle des forêts que
je viens de signaler.
En ce qui concerne Je changement des conditions où
s'est trouvée l'agriculture, c'est l'irrégularité des pluies,
accrue par le déboisement qu'il faut, à mon avis, incri-
miner bien plus que la diminution des précipitations
atmosphériques. De même que pour les modifications
qu'a subies la configuration du sol, c'est la disparition des
foréts et la destruction des ouvrages d'art qu'il faut
accuser (1).
# Pour peu que l'on ait observé en Afrique, on acquiert
facilement la conviction que les années d'abondance et de
diselte dépendent moins qu'on ne serait porté à le croire
du volume d'eau qui tombe dans l'année, L'hiver a pu être
très pluvieux ; si les pluies cessent de bonne heure, dans
un pays où les années différent « furieusement, » si, dans
la période qui sépare la saison humide du commencement
deVété, c'estä-dire de l'époque où doit se faire la récolte,
il ne tombe que peu ou point d'eau, l’année sera une année
dé disette. Si, au contraire, les pluies ayant été relati-
(IN D Carton. Note sur la diminution des pluies en Afrique,
D». 6.
=
vément peu abondantes en hiver, se produisent, même
avec une fréquence restreinte, au cours des semaines qui
précèdent la récolte, celle-ci sera certainement abondante,
el les années providentielles, comme les appelle justement
M. de la Blanchère, deviendront les années ordinaires.
On saisit facilement qu'autrefois la fréquence des pluies
étant plus grande, celles-ci aient dû se prolonger plus
avant dans l'année, à celte époque qu'on peut appeler la
période « critique » pour l'agriculture, et reprendre plus
tôt aux approches de l'automne. C'est là ce qui intéresse
surtout le cultivateur, qui pouvait ainsi jadis commencer
ses labours plus Lôt, el avait plus de chances de voir ses
récolles arrosées à uné époque où il suflil parfois d'une
ou deux ondées pour en assurer la réussite.
On remarquera que pour produire ces rares pluies
nécessaires à la fructification, la quantité d'eau ne devait
pis être bien grande, et que par conséquent une variation,
même faible, dans la climatologie a pu en causer la
cessation.
En dehors de cette prolongation des pluies, on doit aussi
tenir compte de l’action de l'ombre et de la fraicheur qui
régnaient dans ce pays boisé, permellant aux rares nuages
qui se forment en été de se condenser plus facilement que
dé nos jours, où ils sont enlevés dans les hauteurs de
l'atmosphère par la colonne d'air violemment ascendante
que produit l'échaufflement du sol...
En outre, la terre gardait plus longtemps son humidité
el l'air voisin de lui, sa fraicheur; l'évaporation par les
plantes était moindre ; la vapeur d'eau qui, durant le jour,
était retenue sous la cime des arbres, tombait la nuit, en
celle rosée bienfaisante que l'on connaît encore un peu en
Afrique. Enfin, la prolongation de la saison pluvieuse
procurait à la culture un bénéfice qui, on vient de le voir,
ä pu être considérable, n
ET
Les sources, également plus abondantes aû eommen-
cement el à la fin de l'été permettaient les irrigations à
l'époque où Veau est le plus nécessaire en Afrique, De
mème que le labour et la fumure du sol en augmentaient
l'humidité, de mème que la suppression de loutes ces
conditions a modifié profondément l'agricullure de
VAfrique, de même la disparition des obstacles placés
par la nature ou par l'homme sur le trajet de l'eau de
ruissellement en « considérablement accru l'action
modificatrice.
Les eaux de pluie n'étant plus absorbées en grande
partie par le sol, ni retenues à sa surface, y glissent avec
rapidité, entraînant son revétement en humus et en
alluvions: des rivières au cours paisible sont devenues de
redoutables torrents, et privées d’une partie de l'eau que
leurtransmellail le sol des forèts, des prairies, des champs,
les sources ont elles-inèmes diminué de débit.
elles sont les causes qui, à ma connaissance, ont
modifié la climatologie de l'Afrique ancienne, ou du moins
celles qui frappent l'archéologue au cours de ses explo-
ralions. I en existe peut-être de plus générales, des fac-
leurs météorologiques plus vastes, Certains des faits
que je viens de citer le donnent à penser, Je m’estimerais
heureux si cette noté pouvait inspirer à un géologue le
“désir de les rechercher.
M. Gosselet présente les observations suivantes :
La question que vient de soulèver M. Carton est d'une
"grande importance. Nous sommes Lrop enclins à supposer
Aa constance des phénomènes météréologiques. Or, l'étude
-allentive des dépôts géologiques les plus récents démontre
que les conditions météréologiques se sont modifiées,
mème depuis les temps historiques.
Le fait est manifeste pour l'Afrique, M. Carton l’attribue
HE
au déboisement du pays. Il se base sur ce que la quantité
d'eau qui y tombe annuellement est suflisante pour ali-
menter les sources, si on pouvait régulariser le courant et
retenir dans le sol la masse qui coule rapidement pendant
la saison pluviale. Qui nous dit qu'à l'époque romaine la
pluie ne tombail pas plus régulièrement ou en plus
grande abondance, ce qui avait permis aux forêts de se
développer ?
Lorsqu'on examine les alluvions des rivières du Nord
de la France, on voit qu'elles ont subi d'importantes modi-
lications,
M. Ladrière a montré qu'elles ont passé vers le XTlesiècle
et vers le IVe siècle de l'ére chrétienne par des périodes
de crues violentes et continues, qui peuvent s'expliquer en
partie par un mouvement du sol, un abaissement de l'em-
bouchure par exemple, mais qui pourraient aussi trouver
en partie leur raison d’être dans l'existence de périodes
pluvieuses,
Si nous remontons plus haut, nous voyons une époque
semble démontrer une circulation d'eau météorique plus
active que ce qui se passe aujourd'hui. M. de Mercey l'avait
déjà fait observer à propos des lufs de la Somme. J'ai
insisté aussi à plusieurs reprises sur les conclusions que
l'on pouvait tirer de l'existence des tufs dits fond de mer
À Saint-Omer, et des tufs des environs d'Albert.
Il serait à désirer que les faits analogues à ceux que
vient de nous signaler M. Carton, puissent être recueillis
partout où ils se sont présentés, Il faudrait y joindre tous
les documents historiques indiquant une modification
météréologique. On arriverait peut-être à créer une
archéologie météréologique, qui s'étendrait presque jus-
qu'à nos jours, car les observations sérieuses de météréo-
Jogie datent à peine d'un siècle.
— 9 —
Séance du 10 mai 1896
M. Delecroix, Président, donne lecture d’une lettre
adre: par le Président de la Société Géologique de
Suède, invitant la Société Géologique du Nord, à se faire
représenter à Stockholm, à la célébration de son 25°
anniversaire.
M. Gosselet fait une communication sur les phosphates
de chaux d'Etaves el de Créey-en-Ponthieu.
M. Lecocq vommunique à la Société un échantillon des
phosphates de Tébes: qu'il vient de rapporter d'un
voyage en Alg
Ereursion du 17 mai, à Montigny-en-Ostrerent
La Société visite les sabliéres de Montigny-en Ostrevent ;
elle examine le sable vert et les lits de sable blanc charbon-
neux qui lui sont supérieurs. Puis elle donne toute son
attention à l'étude du limon. M. Ladrière expose le résultat
des observations qu'il y à faites dans les années précé
dentes ; il est chargé de rendre compte de l’excursion.
Dans un moment de repos pendant l'excursion, la
Société vote l'admission comme Membres de: MM. Gaillot,
directeur de la station agronomique de l'Aisne et de
M. Mounier, marchand de charbon à Crépy en-Valois.
Séance due 17 juin 1996
M. Gosselet fait part à la Société de l'impossibilité où
se trouve M. Crespel de continuer les fonctions de tréso-
rier, par suite d'une maladie qui le prive momentanément
de Ja vue. Il rappelle les services rendus par M. Crespel ;
Annales de la Société Géoloyique du Nord, T. XXIV. 4
abondamment surtout au niveau des graviers. Ces silex
sont du type Moustérien. Dans les éboulis, j'ai rencontré
une hâche polie qui semblait venir de ce niveau.
2 Sable argileur, dit de fonderie, épais de 3,20. Ce sable
renferme çà et là des galets avec fossiles de la craie. Il
repose aussi sur des graviers. On y trouve, surtout à la
base, des silex taillés du mème type que ceux de l'argile
à briques, mais moins nombreux. La base a donné un
bois de renne,
Coupe 1
Argile à briques.
Sable de fonderte.
Argile.
Sable de maçonnerie.
Sable glauconieux.
€ Sable blane à lignites.
g'ytg%gt Gale
RS &n
J'ai pu faire à la surface de ee sable une observation
curieuse. En trois points différents, distants de quelques
mètres, celte surface était creusée d'une sorte de fosse
ovalaire, profonde de 0"60, longue de 2 mètres et remplie
par l'argile à briques. Une dizaine de x laillés repo-
saient dans ces cuvettes et l'une d'entre elles renfermait
en outre du charbon de bois formant visiblement les
restes d’un foyer.
— À —
% Argile. — Elle a Ow60 d'épaisseur, Elle devient
sableuse vers le S.-E., mais, rèste néanmoins dans toute
sa longueur en haut et en las, séparée des couches qui
l'enferment, par un semis de graviers. Les graviers de
la base ont fourni des dents de Hos primigenius. Pas de
silex taillés.
4 Sable gris dit de maçonnerie. — C'est un sable assez
pur, à grains fins ; ressemblant beaucoup au sable glau-
conieux sous-jacent, sauf qu'il est gris. Il en est séparé
par une couche de graviers, dans loute sa longueur. Pas
de silex taillés.
Toutes ces couches, sauf l'argile à briques, renferment
des débris charbonneux ; elles sont inelinées vers le S.-E.,
et se terminent en biseau vers le N.-0.; les plus hautes
sont en stratificalion transgressive sur les autres,
Vient alors le sable glauconieux marin; à surface profon-
lément ravinée et portant d'énormes blocs de grès brisés
el à fragments séparés parfois l'un de l'autre à la distance
de 10 mètres, Des blocs de ce poids n'ont pu être ainsi
déplacés que par des éboulements. Ces grès sont cons»
titués par un sable gros et blanc, bien différent du sable
glauconieux.
Ce sable blanc se retrouve, en place semble-t-il, dans ki
carrière voisine, dite de Madame Moscou. Là, on ne
trouve plus d'argile sous le sable de fonderie ni, non
plus, dé sable dé maçonnerie.
Mais lé sable glauconieux est surmonté d'un sable
blanc à gros grains, riche en lignites. A la base, om
rencontre uné surface durcie qui a pu faire dire aux
ouvriers qu'il y avait, en ce point, des graviers. Mais
il n'en est rien.
Sur une coupe perpendiculaire à la précédente, on
voit les couches inclinées dans le sens de la pente de
ag uilée
si * 2
era conne
Tennux
RECEST
T2 QUATERNAIRE
Assise
SCPÉRIECRE
ASSE
Tennax
LASDENIEN
=
ç
i A Limon de lavage avec débris de poteries 0.40
a Limon supérieur brun rougeâtre, très
compact, traversé de nombreuses
tubulures : traces de vers, de racines,
tapissées d'un enduit limoneux bru-
nâlre. 4 4 ee + + + + + 0.80
LAmon supérteur brun verdâtre, sable
compact néanmoins se v2
€ Gravier supérieur, petits éclats de silex
dont la plupart, entourés d'une gangue
calcaire, altectent la forme de véri-
tables granules de craie, On y ren-
contre parfols des fragments et méme
des blocs de grès landeniens. : 0.05
0.60
[ e Limon rougeâtre très sablenx 1eprésen-
lant le limon fendillé . . + . + + 0.05
JS Limon à lnches noires. C'est du sable
prsque pur en très petites velnules,
nettement stratitiées, de couleur gris
Jaunâtre, is vi
sé
é ou brune,
rés çà et Ia par de petites linéoles
graveleuses. + 4. + . + « 2.50
Graver moyen représenté par quelques
granules de silex et quelques rares
éclats où bloes de grès lindeniens . 0,05
{ 2 Suble ais lune & giuins moyens,
formant une série de couches plus eu
ons enchevétrées, plus où moine
chargées de débris charbonneux. O
trouve dans la masse quelques ges
blocs de grès (sables d'Ostifeuurt, faciès
cambiésien de M. Gesselet). 0,50 à 4
ble gris, pointillé de grains verts de
#lauconie (sables d'Ostricourt, {4
flamand de M, Gosselet). 0,20 à 2,50
cd AE
brunâtre.
— 39 —
Fig. 2. — Coupe de la sablière Hérent.
a Limon supérieur, brun rougeñtre Lrès
compact. +. . + + . +
Tone V2 non supérieur, brun verdatre,
Assise Has
PS Ergeron à peine indiqué . . 0.
€ Graviersupérieur, granuies de silex a
quelques blocs de grès marquant la
\ trace d'un ravinement. . + - + 0.05
Le Limon rougeûtre sableux un peu
! sehistoïde (fendillé) + . + 0.20 à 0.40
J Tmon à taches noires représenté lei par
\ du sable gris jaunâtre, très fin,
Asuse presque pur, en petites veinules ne
sotee ment stratiflées. On y voit de nom-
breuses traces végétales. , . : . 3.50
Gravier moyen marqué par de rares
! blocs de grès et quelques petits éclats
\ de sile 0.05
Tennis Sable grisätre contenant un peu de
EMNDERIEN | glauronie, partie visible. , . . . 1.00
Ici comme chez MM. Fockeu et Debruille le limon
supérieur tout entier est traversé de nombreuses tubu-
lures; mais, tandis que dans la partie rougeâtre super-
ficielle toutes sont revêtues intérieurement d'un enduit
_— 64 —
mpli de débris
de
us de vu. ln sales, ete, Laplssies
dan enduit brunätre 2". Es
& _Limon supé Se plastique, voit
brun: plus où moins
colo:
lunes que Le (Lépôt pré
\
némes tubu-
ent, mais le
ouvent blan-
revélement de
TS QMATERNAIRE chätre et ci
ASsE
srosmeure |
Sales pare à
ailement stralitiées que l'on peut
aivre sur plusieurs centaines de mè-
La plupart des (ubulures qui trac
“it Lergeron présentent, comme
un D.
celles du lfmon qui le recouvre, un
enAuit ealealre ee ee ee
le Grav périeur formé de granules de
era
JL. Gla compacte avec
oquilles Riva pate
AssE L Diuvium graveleux formé et de grannles
ssiauss simpiement
au milleu
desquels on trouve parfois que
gros silex et quelques blocs de gr
ques
— Coupe relecée dans un des talus du canal.
0.6)
0.40
M
310
ion
— 7 —
Excursion en Ardenne
FAITE DU 5 AU 13 AOUT 1805
par les élèves délégués de Loutes les Facullés de France
sous la direction de
M le Professeur GOSSELET
Professeur à la Faculté des Sciences de Lille
Compte-Rendu par
L. FaAucHERON (ler, 2 et 3 jour).
P. GRANGE (4°, ie, 6° et 7e jour).
2. Roux (8e el % jour).
Licenciés-ès-Sciences Naturelles
e
Faisaient partie de l'excursion :
Faculté de BESANCON. MM. Belgy
» » Marceau.
» BORDEAUX. Pétard.
» » Laborde,
» CLERMONT. Giraud,
» Duox. Renaut,
» GREXOBL&. Brunet-Mauquat.
» » Offner.
» Lie. Ducamp.
» » Riche.
» » Hautefeuille.
» » Lagaise.
» Lyox. Roux.
» » Grange.
» » Faucheron.
» MoNTrELLIER. Combres.
» Nas Crettier.
» » Florentin.
» » Grégoire.
» » Ferret.
» RENNES. Guyot.
Annales de la Société Géologique du Nord, T. xxIV. 5°
=
Excursion du 5 Août
Le 3 août 1895, les élèves délégués de toutes les Facullés
de France se trouvent réunis à Charleville où M. le
Professeur Gosselet expose la structure de l'Ardenne, dans
une salle du Lycée, mise gracieusement à sa disposition
par M. le Proviseur.
L'Ardenne est un massif montagneux qui fait partie
de la ceinture du bassin de Paris,
Les massifs montagneux disséminés à la surface du
globe sont de diverses natures et de divers âges. Les
massifs montagneux de la Provence étudiés dans l'exeur-
sion de l'année dernière, et qui sont en relation avec
les Alpes presentent beaucoup de faits analogues à ceux
que nous pourrons observer dans l'Ardenne.
Les roches qui constituent les divers massifs monta-
gneux ont d'abor: été déposées horizontalement au fond
des bassins de sédimentation : les lacs et les mers; il à
done fallu l'intervention de mouvements orogéniques
pour redresser et plisser ces couches primitivement hori-
zontales : c'est ce que lon a pu constater en Provence,
c'est aussi ce que l’on pourra observer dans l'Ardenne,
avec cette différence que l'Ardenne a été formée bien
ayant les massifs montagneux de la Provence.
L'Ardenne est en effet très vieille, et par suite de l'action
destructive des agents atmosphériques et des cours d'eau,
ses pics ont disparu et il ne reste plus qu'un noyau qui
a la forme d’un plateau ; c'est au milieu de cet énorme
plateau que la Meuse a creusé sa vallée ; l'altitude de
ce plateau, parfaitement uniforme, ne-dépasse guère
507 mètres !
L'Ardenne est donc un massif montagneux qui a été
complètement arrasé.
Transportons-nous à une époque plus ancienne, alors
que le massif existait déjà et était plus élevé ; à l'époque
= —
On retrouve en eflet sur le plateau de l'Ardenne, à Rocroi,
des sables tertiaires. Nous pourrons constater à Givet ces
dépôts tertiaires. Dans toule l'Ardenne occidentale on
trouve le tertiaire vers 300 mètres d'altitude.
Nous n'étudierons pas ces terrains et nous nous repor-
terons à l'époque où l'Ardenne n'était pas encore formée,
Les premiers sédiments consistent en schistes et enquartsites.
Les schistes sont des roches qui ne sont pas très dures,
qui se divisent facilement en feuillets et dans lesquels le
microscope révéle la composition suivante : grains de
quartz et lamelles de mica potassique, Les lamelles dé
mica disposées sous forme de lames, enveloppent les
grains de quartz.
I ne se dépose plus de schistes de nos jours etl'onne
rencontre cette roche que dans les massifs montagneux
dont les couches sont fortement redressées ; ils ne
dépendent cependant pas d'un âge plutôt que d'un autre :
très anciens dans l’Ardenne, ils sont tertiaires dans les
Alpes ; ce sont des roches métamorphiques,
On peut considérer les schistes comme d'anciens dépôts
d'argile où de quartz et d'éléments feldspathiques plus
où moins altérés. L'élément feldspathique où alumineux
se serail transformé en mica sous l'action du métamor-
phisme.
On trouve également dans les schistes d'autres minéraux
qui colorent celle roche, tels la chlorite qui les volore
en vert, le fer oligiste en rouge, le charbon en noirz les
cristaux de fer oligiste, de pyrite cubique, d'aimant, sont
en grande abondance.
M. Gosselet a cru pendant longtemps que Vaimant
s'était déposé sous forme de cristaux dans les terrains
primaires: actuellement, il attribue ces aimants à des
dépôts de fer qui sont cristallisés plus tard sous l'action
du métamorphisme.
ivonien, alors que l'Ard
Es éoaid ge te
Eh
LE
nous étudierons demain, entre Bogny et Fumay ; un point
élevé dans le Condroz, au Sud de Namur, et un plateau
au Nord de Namur, le Brabant.
Quand la mer dévonienne est venue recouvrir ces régions
elle a rempli les parties basses et les sédiments se sont
déposés horizontalement dans les deux bassins de Namur
et de Dinant. Les dépôts du bassin de Namur sont plus
récents que ceux du bassin de Dinant.
Une première difficulté théorique se présente : La mer
dévonienne a-t-elle recouvert complètement l'Ardenne
M. Gosselet estime que l'Ardenne est restée une Île depuis
son ridement et que la mer dévonienne s'est bornée à
l'entourer. . c
A une époque ultérieure, pendant le Carbonifère, tout
le massif Ardennais a subi des plissements considérables;
les dépôts ont été redressés el ces lerraîns naus offrent
une inclinaison générale vers le sud. Les rides ont eu pour
effet d’exhausser les parties hautes et d’abaisser les
parlies basses, et par suite, il y a rapprochement des
* massifs cambrien et silurien.
I est de mode actuellement d'expliquer ces mouvements
par des poussées tangentielles : il y aurait donc eu une
poussée langentielle venue du sud qui aurait rapproché
le massif de Fumay de celui du Condroz et ce dernier
de celni du Brabant.
M. Gosselet n'acceple pas celle poussée tangentielle et
explique ce phénomène plus simplement en le considérant
comme le résultat de l’enfoncement des bassins. Get
enfoncement n'a pas eu lieu d'une façon nécessairement
symétrique ; ce n'est pas toujours en ellet, le centre qui
s'enfonce, mais quelquefois un point marginal. Ainsi le
bassin de Namur s'enfonçait surtout vers la partie voisine
du Condroz et la crête de-ce massif l'a recouvert; en outré
cet enfoncement s'est produilavec plissements des couches
qui remplissaient le bassin, surtout celles du centre.
5 —
avoir subi un traînage dans le sens du clivage, ce qui les
a rendus allongés suivant un de leurs axes et parallèles
au longrain de l'ardoise.
La bande ardoïsière de St-Barnabé est séparée de la
première par un banc puissant de quartzites blanc et
verdâtre qui constituent les monts Roma et du Fay.
Ces ardoises présentent, près du loit, les caractères
précédents, c'est-à-dire qu'elles sont vertes et aimans
tifères ; au centre de la veine, elles deviennent bleuâtres
et les cristaux d'aimant sont remplacés par du fer oligisté
en très pelits grains,
A Monthermé, nous voyons les couches plonger au
Sud et Sud-Ouest et décrire une courbe à convexité
tournée vers la Meuse. Celté rivière a coulé tangentiel-
lement à celle courbure qu'elle n'a pu entamer; elle a,
ainsi, décrit un méandre en se dirigeant vers le Sud.
C'est à ces courbes décrites par des quartzites qui faisaient
obstacles à l'érosion, que M. Gosselet atlribue divers
méandres de la Meuse.
Près du pont de Monthermé; on passe à l'assise de Hevin,
formé dé phyllades noirs et de quartzites de mème couleur:
Ce sont ces quartziles noirs qui constituent l'enveloppe
de Monthermé.
En sortant de Monthermé, on retrouve les schistes verts
aimantifères de Deville, d'abord la veine de l'Échina,
puis, la deuxième veine de St-Barnabé qui en est séparée
par une puissante masse de quartzite, A l'ardoisière de
l'Échina, on a pu constater la superposilion des assises de
Revin et de Deville.
Nous arrivons bientôt à Deville, et au sortir de cæ
village nous abandonnons l'assise de Deville pour tomber
dans celle de Revin.
En nous dirigeant vers Laifour, nous rencontrons
plusieurs gites dé roches cristallines ; c'est près de
a
cristalline au phyllade cambrien. Ils ont une inclinaison
de 60° environ.
Nous avons constaté dans ce gite que la porphyroïde
est entourée de chaque côté par des schistes chloriteux
et sériciteux qui la séparent des schistes noirs de Revin.
On rencontre un peu plus loin un autre gîte de
porphyroïde à éléments plus fins. %
Vers la maison du garde n° 1%, nous avons observé un
plissement exagéré des schistes avec quartzite intercalé.
En face du ravin de la grande Commune, nous avons
ramassé des échantillons de schistes pyriteux avec filons
de quartz el nids de chlorile; el nous ayons remarqué
dans une carrière de quartzite noirs, un pli synelinal
dont le côté méridional est presque vertical alors que
le côté seplentrional est incliné vers le Sud. C'est la
règle dans les plis synclinaux ; on a le contraire dans
les plis anticlinaux pour lesquels le côté septentrional
est presque droit ou renversé et le côté sud incliné
suivant la direction du terrain.
Dans cette carrière, les schistes noirs de Revin
semblent venir buter contre la porphyroïde ; c'est un
point à élucider !
Vers la borne 166 de la voie ferrée, on trouve une
nouvelle roche éruptive, la diorite, dont nous parlera
M. Gosselet, après le déjeuner,
Déjeüner à Laifour.
Porphyroïdes et Diorites sont dés roches éruptives,
M. Renard l'a démontré en 1883; c'est le seul point sur
lequel on soit d'accord, Reste à connaître le genre, le
mode et l'époque des éruptions,
Dans le 1e gite que nous avons observé, le bane de
porphyroïde était parrallèle aux bancs de schistes; on
peut donc supposer, ou bien que lès porphyroïdes sont
contemporains des schistes; ce seraient des sortes de,
ailes plongent vers le Sud, I est formé de couches aller-
nativement rouges et vertes qui sont fortement plissées,
A quelques mètres plus loin on a une nouvelle coupe
dans les schistes grisâtres et dans des quartzites qui
forment des nodules à surface très ondulée.
Arrivés à Haybes, près du passage à niveau, on trouve
un nouvel aflleurement des ardoises de Fumay dans
lesquelles nous avons pu récolter de beaux échantillons
d'Oldhamia radiata. Après avoir traversé Haybes et avoir
longé la rive gauche de la Meuse, nous faisons l'ascension
du rocher dit Roche-à-Fépin,
Cest un poudingue formé de cailloux roulés dont
quelques-uns atteignent une taille considérable.
Dans la partie nord de l'escarpement, il est en banc
presque horizontal sur les phyllades noirs de Revin
inelinés vers le S.-E. Il est recouvert par des couches
d'arkose d'Haybes également horizontales,
On a pu très bien observer cet escarpement montrant
Ja discordance manifeste du Dévonien et du Cambrien.
Lors de la grande poussée du Sud vers le Nord, le
poudingue s'est relevé dans sa partie sud, redressé et
presque replié sur sa partie nord.
L'arkose à pris part à ce mouvement et lout cela sans
rupture. Les phyllades ont conservé leur posilion normale
et comme ils ont dû prendre part aussi à ce mouvement,
il a fallu que leurs feuillets glissassent les uns sur les
autres de façon à rester parallèles à eux-mêmes.
En descendant du Signal, on rencontre d’abord les
schistes fossilifères de Mondrepuits et un peu plus bas une
carrière d'arkose dont les couches plongent vers le Nord.
Les carrières d'arkose occeupent trois niveaux difs
férents. Dans la carrière inférieure, l'arkose est contact
avec les phyllades cambriens.
ÆEn suivant la Meuse on rencontre les schistes de Mons
À
UE RES NAN CRRS
_— 96 —
Sondages aux environs de Lille
Forage chez M. Vrau, rue du Pont-Neuf, à Lille
par M. PAGNIEZ-M10
Profondeur Épaisseur
Forage commencé au fonds d'un puits de 4"
Sable gris . A ET
8 (quaternaire) . . . . 12
Marnes blanches. . : . . . 9
PE ET EL
Marne . . . . . . . . < 41.00
SO 0 50 ae ue ne | 00)
MÉTRO: 67 4 à berne te pa
Pierres grises (tun). . . . . 1.00
Pierres à couches de sable . . 5.30
Forage chez M. Joire, à Marcq-en-Barœul
par M. PAGNEZ-M10
Altitude Profondeur Epaisseur
#1 Argile jaune . . . . .
7 Glaise grise $
2 Glaise jsunâtre . . . . . .
38 Glaise verte. re
+ 8 39.30 Sable vert . . . . . . + .
51.30 Sable gris glaiseux. . . + .
2 Glaise noirâtre . . . . . .
— 46 71.5 Craie blanche. . « . . .
— 59 yo Sable gris glaiseux . . . . .
VISU Craie grise avec silex . . .
9, Glaise verdâtre . . . . . .
— #7 117.90 Calcaire carbonifère concrétionné
Forage à Ascg (Croix de Wallers)
Altitude Profondeur Épaissenr
+31 Uww Terre végétale . . . . . . 0.35
Limon . . . . . . . . + 3.2
+ 27.45 Petite marne . . + , + . + 4
Grosse marne. . . . . . . 6.80
+ 16.65 Dièves tendres . : . . . . 4
Dièves dures . . . . . . . 15.88
— 3.33 Calcaire carbonifère.
AT
On sail, par exemple, que les diverses roches qui
ufleurent se désagrègent peu à peu sous l'influence des
agents atmosphériques ; le produit de ces altérations,
entrainé par les eaux pluviales avec des débris organiques
de toutes sortes, formé sur les flancs des coteaux, surtout
lorsqu'ils sont à pente doute, comme aussi dans certaines
dépressions du sol peu accentuées, de nouvelles couches
superficielles d’une nature particulière, différente de celle
des dépôts quaternaires : ce sont les limons de lavage où
des pentes {r-r').
Parfois mème les parties les plus fines de ces résidus
descendent jusque dans les vallées où elles sont reprises
par les eaux d'inondation, Mélangées avec les matières
solides que relles-ci tiennent en suspension, elles sopt
déposées, lors des débordements, dans toute l'étendue du
lit majeur des cours d'eau : c'est ce que nous appelons
les alluvions récentes {a a a”)
On rencontre enfin, mais dans des cas relativement
rares et seulement comme sous-sols, diverses couches
géologiques appartenant aux âges primaires, secondaires
où lertiaires ; d'ailleurs le nombre des sous-sols n'est
guère moins considérable que celui des sols, il varie
suivant les régions.
Principales variétés de sols et de sous-sols de Crespin
Avant de passer en revue les différentes espèces de sols
et de sous-sols qui existent à Crespin, il me parait néces-
Saire de préciser à quels dépôts il convient d'appliquer:
ces dénominations,
Le sol est la première couche minérale que l'on ren-
contre en creusant une eXcavation,
La partie supérieure du sol, plus où moins transformée
par les amendements, les engrais et les labours, porte le
nom de sol arable où terre végétale, la partie inférieure
constitue le sol vierge.
)
_— 102 —
£
Limons de lavage (A) Dépôts meubles sur les pentes
Les limons de lavage produisent deux grandes variétés
de sols : limen de lavage sans cailloux, limon de lavage avec
cailloux.
Lorsque l'influence des agents météoriques auxquels ces.
limons doivent leur existence ne s'est fait sentir que sur
des roches sableuses et argileuses, ils constituent des terres
plus ou moins sableuses, sans cailloux et qui manquent
de consistance.
Mais lorsque le remaniement a atteint les couches pro-
fondes et en particulier le gravier inférieur où diluvium,
ces limons contiennent des cailloux, ce qui favorise l'évas
poration.
Si les limons de lavage ont une certaine épaisseur et
reposent sur un sous-sol compact, comme la glaise et le
limon panaché, ils constituent d'excellentes terres : c'est
ce qui se présente le plus généralement à Crespin. Mais
dans les quelques points où ces limons recouvrent direc-
tement le diluvium ou le tulleau, qui sont parfois très
perméables, le sol se dessèche facilement et sa valeur est
moindre.
| a', Limon quaternaire,
Terrain Quaternaire
9 À a', Diluvium,
Dans le terrain quaternaire, les conditions de formation
des différents termes, du moins de ceux de l'assise supé-
rieure et de l'assise moyenne, paraissent avoir été les
mêmes ; on y constate les phénomènes d'allération analo=
gues au point de vue agricole. Aussi, certains dépôts de
ces deux assises peuvent-ils être absolument identifiés.
Le limon supérieur et le limon fendillé, par exemple,
constituent un sol argilo-sableux trés homogène, plastique
el cependant assez perméable. Le calcaire y fait complé-
— 104 —
en concrétions filiformes ; sous ces deux états, il attaque
les racines des plantes, Les cultivateurs n'estiment guère
les terres ferrugineuses.
En certains points, le limon panaché atteint une épais-
seur assez considérable (130 et plus) pour qu'il puisse
être considéré à la fois comme sol et comme sous-sol.
C'est sur le bord est du marais de Crespin qu'il occupe
le plus grand espace. D'abord sous-sol du limon de lavage,
ilaMeure bientôt et constilue lui-même le sol ; cela se voil
notamment sur le flanc du coteau où sont situées les prin-
cipales habitations de la commune.
Comme je l'ai dit plus haut, l'assise inférieure du terrain
quaternaire paraît avoir échappé au phénomène d'oxyda-
tion qui a modifié les autres dépôts quaternaires.
La glaise.et les sables. — Ces deux couches n'afleurent
pas sur le territoire de Crespin, mais on les trouve dans
le marais sous les alluvions récentes, où elles forment an
sous-sol absolument imperméable.
Quant aux graviers, s'ils ne se montrent nulle part, ils
n'en sont pas moins fort abondants à Crespin, le dilurümn
surtout ; on l'y a exploité comme ballast pendant de lon-
gues années. C'est lui qui sert de sous-sol au coteau de la
gare, de Blanc-Misseron jusque vers lé milieu du village.
Lorsque les cailloux du diluviun sont empâtés dans du
sable, ce qui est le cas le plus général pour Crespin, le
sous-sol est assez perméable ; mais, en certains points où
le ciment est argileux, la masse lout entière devient
compacte et imperméable.
Landénien inférieur (ew). Sable vert et tuffeaw
Pour terminer celle énumération, je signalerai le tufféau
qui, à la côte de Haute Emblise, approche assez près de
la surface pour être considéré sinon comme so), du moins
PTE ES
Heu
—
d'une foule de petites vermiculations sinueuses et revétue
d'un vernis brun de phosphate de chaux. H ya passage
sans aucune limite visible entre la craie tendre de l'inté
rieur du récif et la zone de craie durcie, Ailleurs la couché
dure manque ; la craie phosphalée recouvre directement
la craie à polypiers et pénêtre dans de larges perforations
qui y sont creusées,
À 20 mètres au sud du récif corallien et à un niveau
qui paraît plus élevé, mais qui ne l'est peut-être pas
géologiquement en raison de l’inclinaison des couches, la
craie est durcie à la surface. Elle est aussi par place
couverte de vernis brun.
Les nodules du conglomérat varient de la grosseur d'une
noiselle à celle du poing. Is sont mélangés, surtout à la
base, de fragments d'Inocérames, de Belemnites, d'Huitres
et de dents de Squales.
Les uns sont durs, plus où moins riches en phosphate
de chaux (1); les autres, lendres el crayeux, semblent
n'être que de la craie à peine modifiée.
Les premiers sont plus arrondis; leur surface est
fréquemment couverte de coquilles adhérentes : Serpules,
Huitres, Spondyles, [ls sont revêtus d'un vernis brun qui
s'étend généralement sur les coquilles fixées à leur surface.
Leurintérieur présente une foule de petites vermiculations
de quelques millimètres de diamètre, comme celles qui
viennent d'être citées dans les zones durcies de la craie.
Les seconds ont une forme plus irrégulière, leur vernis
est moins constant ; ils présentent des perforations assez
larges remplies par de la craie phosphatée.
Il est facile de reconnaitre que les nodules tendres con
des fragments de la craie blanche sous-jacente qui ant été
faiblement remaniés, tandis que les nodules durs provien-
{1} Je dois cotte Indication de la richesse de certains nodules aux
renseignements qui m'ont été données par des exploitants.
Celte coupe montre que l'eau de pluie a dissous plus
facilement la craie phosphatée que la craie blanche qui
est au-dessus. Celle-ci u servi de loit protecteur à une-
portion de la craie phosphatée.
Losqu'on a creusé l'entrée de cette carrière on a trouvé
un véritable ossuaire. M. Boule, qui a vu les ossements
avant qu'ils ne se fussent réduits en poussière au musée
de Péronne, y a reconnu Elephas primigenius, Rkhinoceros
tichorhinus, Equus caballus, Bison priscus, Cerous elaphus,
Felis spelea.
Le point où ont été trouvés les ossements était déblayé
comptètement lors de ma visite, mais dans un coin de la
tranchée, plus haut que le gîte fossilifère, on voyait une
série de couches pleistocènes présentant une inclinaison
manifeste vers la vallée,
Sur la craie phosphatée, on voyait de la craie blanche
en blocs irréguliers enveloppés de limon. La surface de ce
conglomérat crayeux était très inégale. Au-dessus, et
comblant en grandes parties ses inégalités, il y avait une
couche épaisse de Ow20 à {4« de sable phosphaté mélangé
de silex et passant dans une extrémité de Ja tranchée à
du limon argileux avec silex.
Au-dessus venaient de bas en haut.
8 Limon avec silex. + . - . . . .. vw
7 Limon argileux avec silex. . . . . . . 050
6 Limon charbonneux pur sans silèx . . , 1*50
5 Limon jaune avec silex, . . , . . Tr —
4 Limon brun. 4 , . « . . « + « . .
3 Couche arglleuse . . . . . , « . +. on
© Ergeron avec petits fragments de craie , . 2"
1 Limon supérieur . « . . + +. +1, {4
Les ossements auraient été rencontrés, disent les
ouvriers, dans le limon jaune n° 5, supérieur à la couche
charbonneuse, qui, ajoutent-ils, n'existait pas au point
où ils ont été trouvés,
— 118 —
A la surface, il y a un banc de craie plus blanche-avectrès
larges perforations remplies de craie phosphatée riche
{P£05— 18 v/,) et qui a été pour cette raison confondu
avec la couche suivante, Au puits n° 2, la craie (M} est
d'un blanc jaunâtre (P20°— %,44), mais moins dure que la
précédente. Au puits n° 3, elle a la même teinte blanc
jaunâtre, mais elle est parcourue en tous sens par dé
larges perforations remplies de craie phosphatée, qui ka
transforment en une sorte de brêche.
Ce premier intervalle a 435 au puits n°4, Ou55 au puits
n° 3et 3230 au puits n° 2.
Le second banc de craie phosphatée (N) commence par
un conglomérat de nodules vernissés et perforés. Au
ne 4, les nodules sont très irréguliers, très perforés,
couverts d'un léger vernis ; ils portent des coquilles fixées
à leur surface ; ils sont en craie blanche (P20°=6#/) et
dans cette craie blanche on distingue de petits nodules
de calcaire dur.
Ce deuxième banc de craie phosphatée a 3n70 au n°4}
3020 au n° 3 et 270 au n° 2.
Le second intervalle (0) est occupé par de la craie
blanche avec grains de phosphate de chaux en quantité
notable, Dans le puits n° 4, elle est presque blanche
(P205 = 9 0), mais elle contient des petits fragments de:
craie dure. Dans le n°3, elle présente de larges perforations
remplies de craie plus phosphatée. Dans le n° 2, les grains
de phosphate sont moins abondants (P205 = 7.50),
La 3 couche de craie phosphatée (P) est épaisse de 4m10
dans le n° 1 ; Ow75 dans le n° 3 et 0w70 dans le n°2.
Le troisième intervalle (Q) est formé dans len° 4 par de
la craïe blanc jaunâtre ([P205 — 2.63) avec grains de phos
phate disséminés et tubulures remplies de craie phosphatée
plus riche, Dans le n° 3, celle craie blanc jaunâtre est
homogéne (P?0* = 2.06). Dans le n° 2, elle reste très peu
phosphatée par elle-même (P205 — 2.4), mais elle
présente dans sa partie supérieure de larges perforations
remplies de craie phosphalée riche et de nodules ; dans
sa partie inférieure (Q') elle est homogène, el plus géné-
ralement phosphatée.
La ätcouche de craie phosphatée (R) n'existe plus que
dans le puits n°2, c’est-à-dire dans le plus élevé. Dans
les deux autres elle a été transformée en sable. Au n°2,
où elle à 9070 d'épaisseur, elle présente à la base un
conglomérat de nodules de petite taille.
Au-dessus, toujours dans le n° 2, viennent 7m45 de craie
blanc-jaunâtre (S) contenant encore quelques grains de
phosphate (P205 = 5.60). ms
Ainsi, ily a à Hem-Monacu plusieurs couches de craie
phosphatée riche, séparées par des craies blanches ou
blancjaunâtre, toujours un peu phosphatées, mais beau-
coup plus pauvres.
Toutes les couches de craie phosphatée riches reposent
sur un banc de craie pauvre durcie et perlorée; toutes
commencent par un conglomérat de nodules durs, roulés,
vernissés et perforés.
Aya donc eu répétition à plusieurs reprises d'un même
phénomène où plutôt d'une mème série de phénomènes,
qui sont essentiellement littoraux.
Onasouvent attribué le durcissement des roches à une
émersion. C'est peut-être une opinion trop absolue, car il
n'est pas démontré qu'il ne puisse se faire sous l'eau, Mais
il indique certainement un arrêt de la sédimentation,
On pourrait supposer qu'il se produit quand un courant
rapidelaveile fond de la mer et y empêche tout espèce de
dépôt. Getle action peut-elle se passer a de grandes
profondeurs ? Nous n'en savons rien.
Mais le durcissement de la couche supérieure de la craie
Ma élé précédé où accompagné de sa perforation par des
CE
_—12—
mais ce qu'il y a de singulier, c'est que la craie qui la
coustitue, au lieu d’être enrichie en phosphate, est plutôt
appauvrie. L'analyse des parois d'une de ces poches a
fourni pour la craie normale 2,24 +/, de pe et pour la
zone durcie 2,19 6/,.
La nature littoral des dépôts de craie phosphatée vient
corroborer la déduction que l'on pouvait tirer de la pré-
sence du récif corallien à la partie supérieure de la eraie
blanche. Un tel récif ne peul se former que sous une
faible profondeur (20 brasses ou 40 mètres environ (!}). I y
a done lieu de renoncer à l'hypothèse suivant laquelle a
craie se serait déposée à des profondeurs comparables à
celles où l’on trouve la boue à Globérines actuelle (?}.
Ces considérations sont en parfait accord avec la théorie
donnée par M. Ad. Carnot, sur l'origine des dépôts de
phosphate de chaux.
Gites d'Étares. — J'ai visité de nouveau les gilles
d'Étaves, guidé par M. Caro, chef d'exploitation de la
Compagnie Anonyme, que je ne saurais trop remercier de
sa complaisance.
Les seules exploitations actuellement en activité sont
celles de Bocquiau, sur la pente sud de la colline qui est
au N.-0. du village. C'est là que se trouvent le chanfier
Duplaquet et celui de la Société Anonyme,
En 1893 (?] la carrière élait située à mi-cûte, L'exploi-
tation du sable phosphaté y est actuellement terminée,
La craie phosphatée dans laquelle étaient creusées les
pochés remplies de phosphate y est aussi presque
complètement enlevée. Elle avait environ 2 d'épaisseur,
{1j LarranexT. — Traité de Géologie, 1. p. 457,
{21 EL même à celle de Strahan, attribuant une profondeur de
200 à 600 m. à la mer, où est déposée la craie phosphatée.
1) Ann. Soc. géol. du Nord, XXI, p. 156.
Sur la lèvre N.-E. de la faille, la craie phosphatée (D'} a
40% d'épaisseur ; les bancs sont peu nets, cependant ils
paraissent s'incliner vers la faille, Une petite couche
régulière de nodules, située à 1750 au-dessus du fond
présente cette inclinaison. L'autre lèvre de la faille
montre un mur de craie blanc-jaunâtre, lourde, demi-
duré, traversée en tous sens par de larges perforations
remplies de craie phosphatée. Au-dessus vient le banc de
calcaire dur B, dont il a été question précédemment ;
puis, le conglomérat C' et la craie phosphatée ordinaire
qui n'a pas plus de 4» d'épaisseur et qui cesse rapidement
vers le S.-0, Il y à donc une dénivellation d'environ 10%.
Si on examine le mur de craie jaunie (A’)on voit que les
perforations ramifiées s'étendent sur toute sa surface
depuis le haut jusqu'en bas. Dans la partie qui n'a pas
encore été exploitée, le banc de calcaire dur est plaqué
contre le mur de craie jaunie ; il tapisse done la faille (t},
11 est accompagné du côté de la craie phosphatée par une
petite couche de conglomérat, formée de nodules roulés,
empâtés dans de la craie phosphatée et accompagnés
d'huitres très abondantes. C'est évidemment ka base de
la craie phosphatée, redressée et plongeant avec une incli-
naison de Sü° sous la craie blanc jaunâtre.
La craie jaunâtre, le calcaire dur et la base du conglo-
mérat ont donc élé repliés et pour ces trois couches
l'apparence de faille n’est qu'un pli à angle droit. Je
considère comme probable qu'il en est de même pour la
craie brune, malgré l'apparence des fissures plus ou
moins parallèles, qui se dirigent vers la pseudo-faille.
{1) Dans la figure, je l'ai représenté constituant un banc continu ;
en réalité l'état de la carrière ne m'a pas pertuis de m'en assurer;
11 est possible qu'il soit discontinu et démantelé comme je l'ai
dit précédemment.
— 19 —
La couche de craie phosphatée à est actuellement
exploitée sur une longueur de 100% du SE, au N.:0. Elle
est séparée en deux bancs par une petite couche, plus
argileuse. Vers l'extrémité N, de la carrière, elle perd
rapidement de sa richesse en phosphate; les grains de
phosphate de chaux diminuent en nombre, en même
temps que de petits nodules se disséminent dans loutes,
l'épaisseur de la couche, 1 y a passage insensible, mais
rapide, entre la craie exploitable et celle qui ne l'est pas.
Tandis que dans la partie exploitée le banc de craie
phosphaté à 4u au-dessus du conglomérat contient encore
plus de 40°/, de phosphate de chaux (P205 = 44 te), à
uné distance de 4 le même banc, non exploité cette fois,
ne renferme plus que 43°/, de phosphate (P05 = 6,202).
Le conglomérat e est formé de petits nodules de craie
phosphatée dure, arrondis el vernissés à la surface,
enveloppés dans de la craie phosphatée sableuse.
La couche b a aussi l'apparence d'un conglomérat, mais
quand on l'étudie avec soin, on remarque qu'elle est
formée de fragments irréguliers de craie blanche entourés
de craie phosphatée sableuse, très riche, qui est aussi
abondante sinon plus que la craie blanche, On doit la
considérer comme de la craie blanche criblée de perfo-
ralions si étendues ét si abondantes qu'il ne resté plus
que des morceaux isolés de la roche primitive (1).
Les morcéaux de craie blanche qui sont à la partie
supérieure de la couche sont couverts du vernis brun. La
couche b coustituait donc la surface de la craie blanche
avant les perforations qui l'ont en grande partie fait
disparaitre, Le vernis brun n'est pas absolument limité à
la surface supérieure des morceaux de craie blanche;
il descend souvent sur les autres surfaces des morceaux
de craie blanche, mais il y est moins épais.
{4 Loc, cit, pe 164, 11g. 2.
— Ah —
La craie blanche inférieure a présente aussi des
perforations trés nombreuses, qui vont en diminuant avec
la profondeur. Elle n'est pas neltement séparée de la
couche b, mais tandis que dans la couche b les morceaux
decraïeblanche sont complétement isolés, dans la couche a,
il y a simplement engrenage très ramifié de la craie
blanche el de la craie phosphatée.
Dans ua point de la carrière, la partie supérieure de la
craie blanchesous le pseudo-conglomérat crayeux, présente
une petite zone de craie très dure, rayant le verre. Elle
rappelle, avec plus de blancheur, la zone durcie qui
tapisse les parois de certaines poches.
On a rapporté plus haut l'opinion que ce durissement
serait dù à des eaux qui, après avoir traversé la craie
phosphatée, auraient déterminé une cristallisation dans la
craie. Maïs pourquoi la craie serait-elle dureie en un
endroit plutôt qu'en un autre ? Pourquoi les fragments de
craie blanche du pseudo-conglomérat ne sont-ils pas
dureis et sont-ils cependant phosphatés (P205 = 21 9%) (!]
tandis que la craie dure ne l'est pas du tout (P#05 traces) ?
Remarquons que celle craie dure ne ressemble pas aux
nodules durs de craie phosphatée qui constituent le véri-
table conglomérat.
A Hümenviron de l'extrémité du chantier Flour, se se
une pelite carrière exploitée par M. Loesch. Lorsque je l'a
vue, elle consistait presqu'uniquement en une poche Sa
laquelle on tirait du sable phosphaté,
Les parois de la poche étaient formées par de la craie
blanche, tendre, tapissée de trois millimètres à peine
d'argile noire.
[LI] En raison des perlorations sans nombre de cette couche Il est
passible que les parties analysées fussent mélangées de sable
phosplats.
— 19 —
Sur la craie blanche, il y a 0w75 de conglomérat formé
de nodules arrondis en calcaire phospbaté dur, dont la
teneur est en moyenne 23 à 24 °/, d'acide phosphorique.
Ces nodules atteignent une grosseur assez considérable y
beaucoup sont du volume du poing. Leur intérieur
présente presque toujours une foule de petites perforations
vermiculées, qui sont vides on remplies de sable phos-
phaté,
Outre ces nodules d'apparence assez homogène, le con-
glomérat contient des blocs plus volumineux de calcaire
dont Ja richesse en phosphate de chaux atteint 59 ve
(P#05 = 27, 16 e4): Leur structure est bréchoïde; ils
contiennent eux-mêmes des nodules roulés et perforés
analogues à ceux du conglomérat, mais de plus pelite
taille. Ce sont évidemment des fragments arrachés à une
couche dure aujourd'hui détruite comme celle d'Étayes,
IL y a là aussi une série de phénomènes dont le caractère
littoral est indéniable,
Ainsi la brèche est une formation intermédiaire entre
celle du calcaire dur à perforations vermiculées, dont elle
contient des nodules roulés, et celle du conglomérat, où
elle se trouve en fragments remaniés.
Quelques fragments à structure vermiculée allectent la
forme d'une croûte irrégulière, légèrement courbe, dont
la surface convexe, vernissée et criblée de perforations
cylindriques offre l'aspect des rochers qui émergent à
marée basse, tandis que la surface concave, très inégale
semble avoir été violemment arrachée d'un banc crayeux,
auquel elle adhérait et dont elle a emporté des fragments,
Sur le conglomérat, il y a dans la carrière Loeseh
un banc de 1" d'épaisseur de craie peu phosphatée
(P20% — 8,80) qui contient des nodules de calcaire dur
dont quelques-uns sont du phosphate de chaux presque
pur (87 %; PO = 40 %),
— 1% —
oxydante et dissolvante plus puissante au loil eLau mur
d'une roche perméable que dans son intérieur.
La craie phosphatée de Domvast a 2 mètres d'épaisseur,
Elle est recouverte par du limon qui contient quelques
petits silex à surface blanchre,
On y trouve au centre des poches un peu de sable
tertiaire. Ce fait est en rapport avec la géologie de la région,
où les couches tertiaires sont beaucoup plus développées
que la carte géologique ne porterait à le croire,
EXPLICATION DES PLANCHES
PL 1, — Fragments du récif crayeux à Diblasus arborescens
d'Hem Monaeu.
PI HI. — Partie supérieure de la craie blanche durele, vue de
profil,
M. Craie blanche dureie.
N. Brèche.
©. Surface avec enduit brun.
A. Partie supérieure d'un tube dé perforation rempli
par la brèche; plus bas, ce lube éstrempli de sable
phosphaté,
B. Base du même tube se ramifiant ensuite dans
l'intérieur de la craie blanche (Voir PL, 11).
a. Autre tube de perforation aboutissant à Ia brèche.
b. Troisième tube de perforation dont on peut suivre
sur Je côté l'arrivée à la surface,
©. Tube de perforation vu en coupe,
PLII.— Mème échantillon vu de dessous,
B. Base du tube de perforation (voir PI, 11) qui se
dirige ensuite horzontalément et se ramified'une
manière irrégulière,
apores, de M. de Fromentel (1), famille des Oeudiniens
(caractères principaux de ce groupe : multiplication par
bourgeonnement ; gemmation latérale ; calices disposés
irrégulièrement ; cœnenchyme soudé à la muraille ;
polypier rameux).
Les Oculiniens crétacés sont peu communs ; on en cile
3 genres : Synhelia, Prohelia et Baryhelia (#).
Le polypier que nous étudions paraît, au premier abord,
voisin du genre Synhelia (*), mais il ne possède pas de
columelle ; ce caractère très important nous conduit à le
rapprocher du genre Astrohelia, connu seulement dans le
Tertiaire.
M. Lonsdale à décrit dans : n Dixon, Geology and foss,
of the tert. and. cret. form. of Sussex » sous le nom de
“Diblasus (*) un fossile du crétacé supérieur de Douvres,
qui a beaucoup d'analogie avec le nôtre,
M. Milne-Edwards (*) considère Diblasus comme très
voisin de Synhelia et le réunit à ce dernier; cependant
M. Duncan trouve avec raison que la structure de la
columelle éloigne le genre Synhelia du genre Diblasus (f).
L'espèce décrite par M. Lonsdale et par M. Duncan porte
le nom de Diblasus Gravensis ; c'est un polypier possédant
les caractères donnés plus haut, mais très irrégulier,
encroûtant, massif, dont les bourgeons ne s'élèvent pas en
branches comme dans le Diblasus que nous déerivons ;
c'est le principal caractère qui différencie nettement ces
deux espèces.
Diblasus arborescens forme de véritables récifs dans la
craie à Belemnites quadratus d'Hem-Monacu.
(1) DE FROMEXTEL : Paléontologie françuise, tèrr. erËl z00phytes,
page 135,
(2) De FROMENTEL, Op, Cit., p. 487.
43] Voir : Mizxe-Evwanos : H' nai des coralliaires, 1om.?, p.118,
Voir : DE FROMENTEL : op, cit., p. $88,
44) Voir aussi : Duncan, British fossil corals, pl. 2, fig. 4 à 41:
(5) MrzNe-EbWARDS, 0p. cil., p. 115,
(8) Voir la fig. de la 15 de : Monograph of the british foss:
corals, 2" série, partie 1, ne 1, de Duncan.
= 498 —
et un bronze de l'Empereur Tetricus (268); à 4 sous le
niveau des basses-mers, un lit de gravier lui a fourni des
ossements et des objets de l'âge du bronze; à 6% sous le
même niveau, gisement des haches en pierre polie : l'épais-
seur totale du dépôt atteint 30w dans le bassin de Penhouet.
Ces vases de nature argilo-sableuse, forment aussi les
îles de la Loire, La comparaison de deux édilons sueces-
sives de la carte d'Etat-major suffit à montrer avec quelle
rapidité ces îles changent de forme et se déplacent, sous
l'influence des courants. C'est encore aux apports de la
Loire, qu'il faut attribuer l'envasement de l'étang actuel
de la Grande-Brière, golfe marin au temps de César et où
les galères des Normands pénétraient encore au VII
siècle. L'épaisseur de la vase y atteint près de Besné 21%,
sous le niveau de la mer, et y a fourni des coquilles
marines (Ostrea edulis, Cardtum edule). Elle y est recouverte
par des tourbes (1) et argiles tourbeuses, atteignant 4250
d'épaisseur, où l'on trouve en outre de nombreux troncs
d'arbres renversés, des souches encore enracinées de plus
de 4 de diamètre. Ces tourbes sont exploitées en Été,
quand les eaux sont basses. Les poissons sé réunissent
alors en grand nombre dans les dernières flaques d'eau
slagnante de la Brière; souvent ils y meurent, s'y décom-
posent, et déterminent à la surface de ces lagunes la
formation d'une pellicule irisée d'hydrocarbures liquides,
{atb) Limon, jaune, argileux, recouvrant d'un manteau
superficiel mince les plateaux, et paraissant en relation
topographique avec l'extension originelle des sédiments
tertiaires. I provient en grande partie de la désagrégation
de la roche sous-jacente, et se distingue par sa compos
silion, comme aussi par sa moindre épaisseur, du limon
de la côte septentrionale.
fa®) Alluvions anciennes : Des sables grossiers, à stratifi-
ration entrecroisée, avec minces lits graveleux et véines
d'argile à débris végélaux, présentent un beau développe-
ment suivant le pied du Sillon de Bretagne; on les retrouve
à l'ouest du Sillon, en divers flots anciens. La répartition
géographique de ces sables établit qu'à un moment de
l'époque quaternaire, l'embouchure de la Loire se trouva
au méridien de Coueron : toute la plaine qui s'étend
actuellement à l'aval de Coueron, à l'ouest du Sillon de
Bretagne, était une plaine maritime, un golfe où émer-
geaint des ilots, des hauts fonds, comme actuellement dans
le Morbihan. Celle vaste baie, correspondant avec un
ancien contour de la mer tertiaire, fut graduellement
comblée par les éaux vaseuses de la Loire, auxquelles elle
servit de bassin de décantation. Le thalweg actuel de
l'embouchure de la Loire avail donc été creusé antérieure-
ment à l'époque des ces alluvions anciennes.
(p'} Sables rouges, grossiers, avec ou sans galets roulés,
{massif de Nozay, Forêt du Gavre). Argiles mélangées de
graviers, rappelant par leurs caractères et leur mode de
formation les argiles à silex du basssin parisien (Massif
du Temple]. La localisation de ces deux massifs, suivant
les deux lignes de partage de la feuille, indique la grande
étendue de leur extension primitive ; les eaux pliocènes
parventies à la côte 100, recouvrirent nécessairement de
leurs dépôts la feuille toute entière, jusqu'à l'époque des
ruissellements quaternaires. Les graviers sont quelquefois
agglutinés par de l'oxyde de fer, généralement descendu
danses poches lapissées d'argile, et concentré vers leur
base (M: Davy}. Dans le Pré de la Marne, au S.-E. de
Severac, M. Vasseur a reconnu dans les argiles Nassa
prismatica, Terebratula perforata (p*).
{m] L'existence des faluns de la Hasse-Loire sur la feuille
repose sur la découverte dûe à M. Davy, de fossiles
miocènes Cardita striatissima, Trochus Sedguickü, dans les
sables rouges et graviers avec argiles de la Forèt du
ET
Gavre : il nous a été impossible de distinguer ces couches
du pliocène, en raison de l'état insuffisant de leurs afleu-
rements.
{m,) Meulières avec Chara de Saftré, recouvrant des
calcaires lacustres à Limnœa cornea, superposés à des
calcaires Qluvio-marins à Potamides Lamarki : cette série
correspond au calcaire du Beauce, mieux représenté ici
que dans le bassin de Rennes (10).
{m,,) C'alcaire grossier de Rennes à Archiacina armorica,
Cerithium plicatum, €, trochleare, reposant sur des argiles
vertes ou jaunes sans fossiles. La superposition directe à
Saitré du Miocène inférieur sur le Calcaire grossier supé-
rieur, semble indiquer l'émersion de la contrée pendant
les époques correspondant à la formation des Sables de
Beauchamp et de l'Eocene supérieur. Par sa faune et sa
distribution géographique, le Miocène inférieur témoigne
en Bretagne d'une parfaite indépendance (16%).
{e,) Sables et calcaires de Cambon : le calcaire grossier
supérieur est représenté par des dépôls assez variés. Les
assises inférieures sont sableuses et remarquables par
l'abondance et le bel état de conservation des fossiles
marins qu'elles renferment. Les couches supérieures indi-
quant un retrait progressif des eaux de la mer, sont à l'état
de marnes et calcaires saumätres qui se terminent par un
banc lacustre. On distingue de haut en bas les 4 divisions
suivantes : 1° Marne et calcaire lacustres et saumâtres à
Bithinia crassilabris, Cerithium cristatum, exploitéà Pancaud
pour ciment hydraulique, 2 Calcaire à Cerithtum parisiense,
Sables coquilliers de la Close à Lithocardium Tournouert,
grès à végétaux du Bois Gouet et cherls de Grémil,
à radioluires et spicules d'éponges, 4 Sables quarzeux
coquilliers du Bois Gouet à Cerichium angulanm, 0. Cail-
liaudi, et grès calearifères à Ostrea mutabilis de Cambon.
—ia—
qu'on passe d'une veine à l'autre, en marchant du sud vers
le nord.
sw) Les schistes et poudingues d'Ingrandes présentent
des afleurements problématiques à l'Est de Blain.
{S:) Schistes et grès d'Abbaretz (S'— Schistes, G — Grès,
Ph— Phtanites) : Schistes fins, lustrés, généralement pâles,
blanchâtre, vert-rusé, dessinant sur la feuille trois bandes
allongées, parallèles, 1° Guéméné-Penfao à Nozay, 2 Rieux
à Vay, 3° Théhillac à Nort. Les schistes très allérés super-
ficiellément ne se montrent qu'exceptionnellement à
l'afleurement, qui est plutôt jalonné par les bancs inter-
stratifiés de grès (G), de phtanites (Ph.) et d'ampélites, que
vontient cel élage. Ils présentent des caractères lithologi-
ques dislinets dans la première bande et dans les suivantes.
Dans la bande de Nozay, schistes argileux verdâtres,
pltanites pâles, grès tendres psammitiques blancs ou
rouges, marbrés de tons violacés dûs à l'altération du fer
toujours disséminé dans ces grès (hématite rouge, fer
oxydulé) : ces grès se divisent facilement en dalles et sont
recherchés pour les constructions : M. Bureau y a rencontré
sur la feuille voisine des fossiles caractéristiques de la
faune ordovicienne (Grès de la forêt d'Ancenis),
Dans les deux autres bandes, ces grès sont représentés
par des quarzites durs, gris-bleuâtre, parfois à gros grains,
imprégnés de veinules de quarz, utilisables pour l'entretien
des routes et d'épaisseur beaucoup moindre ; ils forment
dans les landes des crêtes isolées, déchiquetées, pittoresques
{Rochers de Cragou, Roche de la Vache). Les phtanites,
noir, bleu-clair, blanchissant par altération, et parfois
associés à des schistes ampéliteux, forment des lits
interstratifiés dans le schiste argileux, et supérieurs aux
grès précédents. Les plissements si complexes que présen-
lent ces bancs de phtanite dans les carrières, où on peut
les observer, permettent d'attribuer à des répétitions
_— 164 —
{S*) Schistes d'Angers, forment deux bandes ardoisières
distinctes, celle de Nozay et celle de Guenrouet, La
première perd autour de Nozay ses caractères ardoisiers,
fournissant une roche massive (pierre verte), non lissile,
que l'on peut scier en Lous sens ét même creuser à l'usage
d'auges. La seconde bande perd de même ses caractères
habituels à l'est de St-Gildas, où les schistes noirs ardoi-
sers de Severaë passent graduellement à des schistes
argileux verts, en dalles, à des schistes rouges, puis à des
schistes fins, bariolés, finement injectés de filonnels quar-
zeux vers Guenrouel; au-delà de ce point, leurs caractères
lithologiques ne permettent plus de les distinguer des
schistes des étages plus élevés.
(Si) Le grès armoricain, présente des caractères différents
dans les 3 bandes qui traversent la feuille, 1° La bande
de Nozay, très mince, formée de schistes avec lits alternants
de quarzite dur, de grès à gros grains avec Bilobites
(Grand-Jouan), et renfermant au Tertre un lit de quarzite
micacé grenalifère que l'on retrouve au même niveau au
S. d'Angers. 2 La bande de Béganne à Guenrouet formée
d'épais grès roses, psammiliques, rappelant ceux de
Redon, et renfermant dés bancs très ferrugineux, à fer
oxydulé octaédrique souvent altéré et transformé en
limonite, Les caractères de cette bande changent brusque-
ment au-delà de Guenrouet, où aflleurent des quarzites
blanes sériciliques (Gué-aux-biches), et des grès très durs,
à silice recristallisée (Grâce). 30 La bande dé la Rabatelais
formée de quarzites gris-bleuâtre, veinés de quarz, fournit
des matériaux recherchés pour les routes du département
tout entier. La présence entre celle bande et la précédente,
des schistes amphiboliques de Blain, comme aussi les
particularités de leurs caractères lithologiques, empêchent
d'y reconnaitre la continuité d'une même zône, comme on
serait porté à le croire, dès d'abord. L'extrème rapproche-
En
orthose microperthitique, quarz pyramidé à golfes de
pâte, IL concrétions aulour du quarz, et sphérolites de
matière pétrosiliceuse imprégnée de quarz globulaire,
sphérolites à croix-noire, parfois magma pétrosiliceux
fluidal.
(Gy4] Quarzites de Fégréac séricitiques, parfois feldspa-
thiques, de couleur blanche ou vertelair, dûe à la séricite,
On y reconnaît de nombreux gros grains de quarz, arrondis
où bipyramidés, des grains de feldspath triclinique rares,
cimentés par des membranes continues de séricite, Le fer
est généralement à l'état de fer oxydulé. Le gisement de
ces quarzites, passant parfois à des porphyres (Puceul), et
à des porphyroïdes schisteuses (+*}, est lié d'une façon si
intime à celui des schistes séricitiques de Nort (St#),
qu'on ne saurait leur refuser une origine métamorphique
commune. On est ainsi porté à y voir des représentants
métamorphisés des bancs de grès siluriens (SiG.).
{S'ys) Schistes séricitiques de Nort, cristallifères, blancs
ou verts, parfois rouge-violacé, soyeux, lustrés, ou chlori-
leux, présentant parfois grenat, mica noir, amphibole
bleue sodifère et albite, Ils sont souvent enrichis en silice,
en amandes parallèles serrées entre leurs feuillets, avec
albite et chlorite. 11 est dificile de reconnaitre et de
distinguer dans cette bande, continue de Rieux à Nort, les
caractères habituels du silurien breton; les caractères
lithologiques de ces roches séricitiques à alhite, les feraient
plutôt rapporter à l'étage” des schistes à minéraux (6?) si
quelques bancs caractéristiques de quarzite et de phtanite
pe venaient élucider la stratigraphie. La ressemblance
lithologique de ces massifs schisto-cristallins avec les
formations primitives ([2) est assez grande, pour que leur
identité ait été admise jusqu'ici, par la plupart des auteurs:
(S1y2) Quarzite du Gné-aux-Biches: Quarzite blancfeuilleté,
séricitique, rappelant dans les carrières du Chat-Troussé,
— 448 —
eux au mélamorphisme de diverses roches granulitiques
(gneiss, pyroxénites). Les pegmatites formées d'orthose el
dequarzsont modifiées en traversant les serpeutines (Barel}
el lés pyroxénites (Roiloup) : dans le premier cas, il se
développe albite, actinote ; dans le second, sphène, oligo-
chaise, pyroxène. Des aplites, en filons dans les granulites
du S. de la feuille, ont fourni avec les éléments habituels
à ces roches, albite, grenat, apatite et tourmaline.
(4) La granulite feuillet présente de nombreuses
variétés de roches feuilletées, pauvres en minéraux acces-
suires, ayant pour caractères communs une structure
gueissique, glanduleuse, rubanée, une grande richesse
en mica blanc ou noiret en feldspatlis fragmentés, avee
quarz granulitique en grains étirés, en gouttelettés, em
nappes. Une variété dure, rubanée, cornée, employée
pour l'entretien des routes passe au Halleflint. La dispo-
sitiou rubanée, fibreuse, propre à ces roches est dûe à un
développement secondaire de mica en minces membranes
continues.
Celte formation dessine sur la feuille, de la Roche-
Bernard à St-Etienne-de-Montluc, suivant le Sillon de
Bretagne, une large bande continue, parallèle à la zône
des gneiss anciens (5 } de l'axe anticlinal des Cornouailles.
L'aspect brèchoïde de ces roches, en lames minces, le
développement des minéraux secondaires, la direction
oblique de leur gisement par rapport à celui des granu>
lites grenues précitées, d'âge carbonifère, semblent indi-
quer qu'il y a lieu de les rattacher à des venues granuli-
liques plus anciennes, ayant subi comme les terrains
primitifs encaissants, les déformations mécaniques de
l'époque carhonifére.
(St) Schistes et grès tourmalinifères de la Forêt d'Ancenis
Autour du massif granitique de Nozay, les roches présentent
des varialions étendues, les schistes se chargent de bioite,
à ”
consolidation. Elles sont associées fréquemment à des
masses el filons de granulite et d’aplite, et dans de
massif de Nivillac à des granulites feuilletées +123,
(g#yt) Leptynites et qneiss granulitiques de Hérie, formant
au centre de la feuille, de Pont-Chätean à Héric et à
Casson, un faisceau de couches gneissiques, variées,
richesen mica blanc. Lits alternants de granulite feuilletée,
de schistes micacés et chloriteux feldspathisés, de gneiss
et surtout de leptynites blanches, à grains fins, compactes,
en banes où en plaquettes, habituellement au voisinage
des lits basiques. Ces couches paraissent passer latéra-
lement, paralternances répétées, aux granulites feuilletées
suivant le méridien de Pont-Château : il est difièile de
tracer entre elles une limite exacte, en l'état des aflleure-
ments. Nous avons compris dans la même notation divers
bancs de gneiss grenu, des environs de St-Nazaire,
TERRAINS CRISTALLOPHYLLIENS
(3!) Des amphiholites rubanées, gneissiques, forment des
bancs interstratifiés dans les gneiss granulitiqués du sud
de la feuille (Donges, Casson); elles contiennent magnétite,
apatite, amphibole sombre dichroïque, orthose, oligoclase,
sphène, épidote, parfois prehnite, Onytrouve des accidents
basiques (Paimbœuf à Migron), avec pyroxène et labrador
{pyroxénite), avec grenat (eklogite), principalement déve-
loppés au contact des filonnets granulitiques qui traversent
la roche normale riche en quarz et en amphibole.
11 faut distinguer de ces amphibolites, les schistes aclis
nolitiques de Drelféac à Blain, roches vertes résistantes,
recherchées comme moëllons pour les constructions
locales et constituant des landes stériles à sol rouge.
Leurs éléments constiluants sont quarz, actinole, épidote,
chlorite, exceptionnellement oligoclase, et dans de nom:
breuses fissures géodiques, albite el chlorite,
Ne
les variétés à grains fins. Elles sont essentiellement cons-
tituées de grenals rouges disséminés dans un pyroxène
sodique vert-clair (omphazite}, en petites baguettes
allongées, dépourvues de formes géométriques, orientées
dans une même direction. Le pyroxène est souvent
associé à une amphibole de caractères variés, smaragdite
(Cambon), actinote (Nivillac), glaucophane (Bouvron|,
qui est presque toujours secondaire, el fournit des
passages de ces roches à des amphibolites ; elle se
présente tantôt en cristaux aciculaires ou en squelettes
dentelés, Ces éklogites contiennent en outre comme
minéraux subordonnés, rutile, ilménite, apatite ; des
minéraux secondaires, épidote, zoïsite, sphène, albite et
parfois au voisinage des filons quarzeux granulitiques,
quarz, disthène, mica blanc.
{:) La serpentine constitue deux importants massifs,
celui de Sem en Donges, isolé parmi les gneïss et un
autre, long de plus de 30 kil. de Quilly à Nort, formant
une venue interstratifiée, continue sur la feuille voisine
d'Ancenis. Roches compactes noirâtres, vert-foncé, à
cassure conchoïdale, avec taches rouges où blanchâtres,
dont l'élément essentiel est l'antigorité à Structure
fibreuse, enchevêtrée ou parfois fenestrée. Les silicates
magnésiens dont l'altération a donné naissance à l'anti>
gorile ont disparu, un pyroxène est reconnaissable
{notamment dans la seconde venue), à la structure fenestrée
de l'antigorite ; elle est souvent traversée par des veines
fibreuses de chrysotile plus biréfringente. Ces gisements
sont remarquables par l'abondance des minéraux secon-
daires, magnétite et oligiste dans les fissures, géodes de
limonite à la surface du sol, magnésite (St-Omer), trémolite
et asbeste (Sem), silice déposée dans des géodes ou filons
ramifés, sous formes très variées el très belles, quarz,
calcédoine, agate, cornaline, jaspe, opale.
roses ou pseudomorphisés en damourite, disthène, pseudo-
morphoses micacées de cordiérite, mispickel, mobybdé-
nite, tourmaline, émeraude, apalite, grenat grossulaire
rutile.
Gr.) Quarsites graphitiques, noirs, charbonneux, par-
fois ferrugineux, très siliceux et recherchés pour les
routes, ou tantôt meubles et pulvérulents, disposés en
lits interstraliliés, épais de quelques centimètres à
plusieurs mètres, groupés en un faisceau unique. Ce
faisceau occupe une position stratigraphique constante,
ses réapparilions répétées sont dûes à des plissements,
(G.) Des quarzites séricitiques blancs, en lits inters-
tratifiés, formés de gros grains de quarzel de membranes
de séricite sont limités dans cet étage au massif des
gneiss granuliliques de St-Nazaire. Is rappellent par
leur composition les grès siluriens du Gué-aux-Biches
(Sy) et ceux de Fégréac (Sy), au N, de la feuille.
(Ca) Les cipolins afleurent à la Paclais (Saint-Malo de
Guersac) et à Ville-és-Martin près Saint-Nazaire, en bancs
interstratifiés dans les micaschistes granulitiques, et
passant aux pyroxénites. Ils sont essentiellement formés
de cristaux de calcite avec nombreuses macles polysynthé-
tiques suivant b!, et de lamelles de phlogopite disposées
en lignes parallèles aux salbandes de la roche. Mais en se
rapprochant des bords des bancs, à Ville-ès-Martin, la
roche devient plus compacte et aux minéraux précédents
s'en ajoutent d’autres, amphibole incolore, spinelle pléo-
naste, chondrodite (la Paelais), biotite; plus près des
sulbandes, les proportions du mica el de la calcite dimi-
nuent, le pyroxène, le sphène, le feldspath orthose non
maclé, le labrador, la wernerite se montrent dans la
roche qui prend une compacité plus grande et passe
graduellement aux pyroxénites 37, Mais les eipolins
— 1565 —
REMARQUES STRATIGRAPHIQUES.
Les alluvions de la Loire présentent à St-Nazaire une
grande importance, tant en raison de leur masse, que
des débris de diverses époques qui y ont été rencontrés et
qui ont permis une évaluation de leur âge absolu. Les
sondages exécutés dans ces alluvions ayant révélé que le
fond rocheux de la Loire, sous les alluvions, était à
StNazaire de — 27% sous le niveau des basses mers
actuelles, à Nantes de — 25%, à Bourgneuf de — 20", à Besné
de — 48%, iksemble qu'une oscillation du sol de la région
ait dû se produire, depuis le creusement de la vallée,
puisque le niveau de base du fleuve n'est plus le même,
L'observation directe permet également de retracer les
phases successives de la Grande-Brière et d'expliquer son
mode de formation ; ee marais tourbeux occupe l'emplace-
ment d'un ancien Morbihan, héritier lui-mème d'un ancien
lit de la Vilaine, creusé dans une vallée de dénudation
éocène.
Les lambeaux tertiaires, si nombreux sur la feuille
présentent une relation, constante pour chaque assise,
entre sa distribution géographique et son altitude, Les
témoins pliocènes (p?} n'ont été respectés par les érosions
que suivant les lignes de faîte de la région ; par contre les
débris du Miocène sont limités comme ceux de l'Éocène,
aux vallées actuelles et à certaines parties de ces vallées,
Les dépôts du Miocène moyen ont atteint la vole 100m,
ceux du Miocène inférieur ont dépassé la cote 50w, et
ceux de l'Éocène la cote 30w, Cette remarque apprend à la
fois que les terrains lertiaires, soumis à des mouvements
généraux d'oscillation, n'ont pas éprouvé de dérangement
dans leurs relations de position, et que les reliefs de la
contrée n'ont été modifiés depuis, que par des agents
atmosphériques.
Le sous-sol de la région est formé par des strates paléo-
zoïques ; ces strates reposent à leur tour sur une voûte de
— 1 —
Ces modifications des sédiments ont une même cause dans
le déplacement contemporain des aires de sédimentation
et de leurs rivages : le dépôt du Grès armoricain (S!}
envahit transgressivement les schistes (x) et les micas-
chistes (&) à mesure qu'on avance au S. de la feuille ;
inversement les diverses assises du Carbonifère (h,,,. hr
ho.) débordent, vers le N. de la feuille, les formations
siluriennes préalablement dénudées, reposant ainsi
successivement sur les différents étages paléozoïques.
L'influence des actions mécaniques sur lous cès élages,
fut considérable ; les étirements puissants auxquels ils
furent soumis se traduisent en général par des failles
Jongitudinales, qui épousent le bord sud des plis syncli-
maux, toujours plus étiré et laminé que leur bord nord.
Il suffira d'en citer comme exemple la grande faille
orogénique qui enlève le flanc sud du synclinal de Teillé,
dans toute l'étendue des feuilles de Si-Nazaire el d'Ancenis.
(Voir Coupe de Langquin, p. 139).
Si l'on mesure les directions des plis énumérés ci-dessus,
où conslale que les 5 premiers synelinaux, parallèles
entre eux, sont orientés à 1000, landis que la ligne direc-
trice du grand anticlinal des Cornouailles, qui les suit au
sud, se trouve orientée à 12%5° : l'ensemble de ces rides se
répartit ainsi en deux séries distinctes obliques, présentant
entre elles une différence angulaire. Ces deux systèmes
de plis sont soulignés par leurs relations avec les venues
granitiques de la région: tandis que le premier est
jalonné par deux lignes parallèles d'ellipses de granites
grenus, d'âge carbonifère, le dernier est suivi par une
venue de granulite feuilletée, laminée, distincté (154),
plus ancienne et probablement anté-silurienne, Mais
l'importance du ridement général qui est venu vers la fin
des temps carhonifères, redresser et rapprocher en ondes
serrées loutes les formations paléozoïques, en voilant
toutes les dénivellations antérieures, rend plus incertaine
l'observation de ces premiers phénomènes,
— 159 —
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— 160 —
Les venues granitiques carbonifères, alignées comme des
grains de chapelet, montrent des relations topographiques
évidentes avec les lignes directrices des rides ; c’est entré
les synclinaux de Nozay et de Rieux, moins profonds
relativement au niveau actuel de la surface, que ceux qui
leur succèdent au N. et au S., que se placent les ellipses
graaulitiques d’Allaire et de Nozay ; comme plus au nord,
les ellipses granitiques de Bains à Angers coïncident avec
le relèvement antielinal de Bains. Ces considérations sur
la répartition des venues granitiques de la région, suivant
les lignes tectoniques, permettent de rattacher à un mème
phénomène, sans l'expliquer toutefois d'une façon suffi-
sante, l'existence de la remarquable zône méramorphique
1%") qui embrasse sur cette feuille les schistes cristallins,
d'âge silurien, des synclinaux de Vioreau et de Teillé,
Remarques hydrographiques : Les eaux atmosphériques
tombées sur les faites granulitiques perméables du Temple,
ou sur les faites gréseux de Nozay, sourdent Le long de ces
lignes de partage à la rencontre des strates schisteux
imperméables. I est un autre niveau d'eau à la base des
grès armoricains de la bande de Severac. Le niveau d'eau
le plus régulier correspond au filon de quarz du Sillon de
Brelagne, qui draîne tout le massif des gneiss granulitiques
de Savenay.
Cultures : La culture de la vigne a sa limite septentrio-
nale suivant le Sillon de Bretagne; au Nord de cette ligne,
elle ne prospère qu'en quelques points privilégiés, tels
que le lambeau tertiaire de Satfré et le bassin houiller de
Languin. Landes et forêts sur les schistes; bois de pins
sur les grès perméables du nord de la feuille; prairies,
chanvre, roseaux, sur les alluvions de la Loire ; céréales,
seigle, avoine, sarrasin, sur les gnéiss el micaschistes,
Auteurs consultés : MM, Baret, Bouquet de la Grye,
E. et L. Bureau, Davy, Kerviler, Lacroix, de la Noe,
Vasseur.
— 162 —
seule localité de Doughboy Hollow ou une autre algue
gélatineuse et flottante, le Pila australis s'ajoute au
Reinschia dans la faible proportion de 9 pour cent. Cette
particularité du Kerosene shale de Doughboy Hollow
établit la contemporanéilé des genres Pila et Reinschia
dans une même localité à l'époque houillère,
3. Je n'ai pas encore rencontré le genre Reïnschia en
dehors du boghead de la Nouvelle Galles.
%. Se développant à la manière de nos fleurs d’eau, le
Reinschia a apporté dans un temps très court une quan-
tité de substance gélosique suffisante pour prédominer
sur toutes les autres malières du dépôt charbonneux et
lui donner son caractère spécial.
5. L'intensité de l'intervention gélosique du Reinsehia
dépend bien plus de leur état de développement que de
leur nombre.
6. Les thalles des Reinschia sont descendus de la sur-
face de l'eau où ils vivaient sur le fond englobés dans une
gelée brune chargée de corps coccoïdes, comme les menus
débris végétaux humiliés, comme les spores et le pollen.
Au moment de la formation des grandes couches de
boghead, il y a eu descente en masse et par nappes de la
malière végétale flottante.
7. L'aspect plus ou moins satiné du Kerosene shale
dépend de la proportion de gelose qu'il contient, Celle-ci
est transformée en un corps jaune transparent dont li
cassure vitreuse et luisante contraste avec le charbon mat
produit par la substance humique fondamentale,
8. La transformation de la gélose des Reinschia en
carbure d'hydrogène ne paraît pas être le résultat d'un
travail bactérien, car elle s'est faite sans altérer la confis
guration de ces organismes. Les seules traces que j'ai pu
[ — 16 —
42 Les menus débris végétaux déjà humitiés lors de la
formation du dépôt sont assez abondants dans le boghead
australien. Selon leur degré d'altération ils ont donné
divers corps bruns. Les plus altérés sont passés à l'état de
fusains, Les moins allérés sont devenus capables de
s'imbiber de bitume et se sont transformés en charbon
brillant craquelé. Un même tissu végétal peut montrer
cote à cote ces deux transformations extrêmes, On peut
avoir ainsi des lames de houille avec fusains au milieu du
charbon d'algues.
13. Les matières bitumineuses du Kerosene shale sont
peu condensées. Elles ont donné un charbon brillant,
vilreux, craquelé irrégulièrement, Ajoutées tardivement,
elles ont pénétré le dépôt à la manière d'une injection
très fine qui a rempli le réseau des déchirures de la gelée
fondamentale, De Ja les substances bitumineuses ont
gagné les corps qu'elles pouvaient imbiber et ceux qu'elles
ont teint par action élective.
18. Le retrait des thalles du Kerosene shale est assez
fort. À Hartley les diamètres verticaux sont devenus de
0,33 à 0,27 de leur longueur primitive. Les diamètres
horizontaux moins réduits sont devenus de 0,50 à 0,38.
Les thalles représentent done sous leur volume actuel
de à + de leur volume primitif.
15, I n'y a pas de Diatomées dans le Kerosene shale,
46. U n'y avait pas de végétation fixée sur le fond des
mares à Reinschia.
47. Les débris animaux n'interviennent pas d’une façon
sensible dans le Kerosene shale,
teinte claire du limon p; la plaine moyenne était marquée
par le limon af, et la plaine basse de la Lys par le limon a,
Mais cette division ne pouvait plus être maintenue depuis
que M. Ladrière nous a montré le même limon s'étendant
des plateaux jusque dans les vallées.
Le signe p indiquant le pliocène dans la pensée du
Directeur de la carte d'alors (1), on ne pouvait plus l'altri-
buer au limon des hauteurs, Quant au limon de la plaine
basse de la Lys, nous le croyons, M. Ladrière et moi, d'âge
quaternaire.
Dès lors, en dehors des alluvions plus ou moins tour:
beuses des vallées, il n'y avait plus que du limon quater-
naire; d'où une seule teinte à la place des trois couleurs
employées par M. Potier.
On s'étonnera peut-être, que travaillant avec M. Ladrière
je n'ai pas introduit dans les feuilles de Lille, de Cambrai
et d'Amiens les divisions du limon qu'il a renconnues,
Plusieurs raisons s'y sont opposées.
La première, c’est que l'échelle au 55475 est trop pelite.
La distinetion des limons compliquerait singulièrement la
carte,
En second lieu c'est qu'elle aurait demandé un temps
trop considérable ; enfin elle eut présenté des difficultés
sérieuses au moins sur la feuille de Lille.
On sait que M. Ladrière n’est pas encore parvenu à
reconnaitre ses divisions dans le limon des Flandres. Nous
avons fait plusieurs excursions ensemble, Nous sommes
je crois tombés d'accord ; mais la concordance n'est pas
encore assez claire pour que M. Ladrière ait cru dévoir s@
prononcer. J'étais tenu à moins de prudence, puisqu'il
fallait exprimer une opinion, sinon sur la carte, au moins
dans la notice explicative qui l'accompagne. Je fais ces
(1) Eux dE DEéaUMOxT. — Voir ; Ann, Soc. Géol. Nord, VI, p: 877:
it —
Je considère ces limons plus ou moins sableux comme
correspondant à l'ergeron, Au-dessous, on rencontre un
diluvium que M. Ladrière a parfaitement reconnu au Vert-
Galant et qui est son diluvium supérieur.
Comme il a été dit plus haut, le limon moyen manque.
Le limon inférieur est au contraire très développé sous
forme de sable argileux excessivement fin, tantôt vert,
tantôt blanc, Ce suble est si fin qu'il constitue une couche
presqu'imperméable. Il a jusqu'à 10 mètres d'épaisseur, I
n'exisle que dans les vallées et même il n'y affleure pas;
sa présence n'est révélée que par les sondages.
Par conséquent, tout le limon visible sur la feuille de
Lille appartient à l'assise supérieure,
Terrains tertiaires, — J'ai modifié très légèrement Ja
carle en y introduisant du pliocène (diestien) pour
quelques petits lambeaux démantelés sur place et faci-
lement reconnaissables à la présence des galets et des
sables ferrugineux. De même j'ai indiqué le panisélien
des Belges dans quelques collines des environs d'Halluin.
Mais ces modifications sont à peine visibles sur la carte,
I n'en est pas de même de celle que j'ai fait subir à
l'argile des Flandres. M. Potier, avait parfaitement admis
la division qui venait d'être établie par M. Dollfus entre
la partie inférieure de l'argile des Flandres sans fossiles
et la partie supérieure remplie de Nummulites planulata,
Mais ilavait teinté l’une et l'autre de la même couleur
rouge attribuée aux sables de Cuise du bassin de Paris.
Je crois que si l'argile supérieure (argile de Roubaix) cor
respond bien aux sables de Cuise, l'argile inférieure
fargile d'Orchies) est au niveau de l'argile plastique de
Paris, Je Jui ai donc donné la teinte bleu de Prusse de cette
assise. Il en résulte une différence très grande dans
l'aspect des deux éditions, bien qu'il n'y ait par dechan-
gement scientifique réel.
— 170 —
Notice explicatice de la Feuille de Lille
a Alluvions modernes. — Les vallées de la Lys, de
la Deûle et de la Marque sont pleines d'alluvions récentes
qui reposent soit sur le quaternaire, soit sur les terrains
tertiaires et secondaires, le quaternaire ayant été enlevé.
Ces alluvions sont tourbeuses dans les vallées de la Deûle
et de la Lys, quand ces vallées sont au niveau de la nappe
aquifère de la craie; elles sont purement sableuses et
argileuses dans les autres cus. On a pu constater dans la
Deûle l'existence de deux crues, l'une du 1ve siècle, l'autre
du xn° ou xi, qui ont amené un dépôt de gravier et de
cailloux roulés.
ab Limon quaternaire. — Ce limon s'élend sur toule
la feuille, L'assise limoneuse moyenne de la feuille de
Cambrai n'y est pas connue,
L'assise supérieure, qui couvre presque tout, présente :
1° une première couche générale de limon argileux brun
rougedtre (limon supérieur), employé pour la fabrication
des briques; 2 une seconde couche, variable avec la
nalure du sous-sol, Sur le plateau crayeux de Seclin,
jusque dans la ville de Lille, elle est à l’état de limon
jaune clair, doux au toucher (ergeron), avec petits débris
de craie. Sur l'argile de la Flandre, cette couche se présente
sous forme d'un limon argilo-sableux, jaune panaché de
blanc, souvent rempli de concrétions calcaires ou ferru-
gineuses. À mesure que l'on descend, la quantité de sable
augmente ; sur les bords des vallées de la Marque et de
la Lys la base de l'assisé est presque entièrement sableuse;
% un léger dépôt de cailloux où l'on rencontre beaucoup
de débris de roches et de fossiles tertiaires, On y a trouvé :
Elephas primigenius, Hyæna spelwa, ete.
L’assise inférieure n'est connue que dans les vallées où
on l'atteint par les travaux de terrassements et de sondage,
—178 —
es Tuffeau à Cyprina Morris. La partie inférieure
fine et verte de l'assise précédente passe à un sable de
même nature qui contient des grès tendres à ciment
d'opale. Les Diatomées y sont nombreuses, par places. On
Y-rouve Cyprina Morrisi el Cyprina planata.
€ L'argile de Louvil, plus ou moins sableuse,
constitue la base du tufleau, alterne avec lui ou même le
remplace complètement (Flandre). Quand elle repose sur
la craie à silex, elle contient des silex et se montre sous
l'aspect de conglomérat à silex,
e7 Craie à Mirraster cor testidinarium. On peut y
distinguer deux zones dont la supérieure se montre seule
en afleurement ;
J° Craie blanche avec ou sans silex, exploitée pour la
fabrication de la chaux. Elle contient en abondance
Inoceramus involutus et plusieurs autres espèces d'Inocé-
rames, de nombreux Poissons, Ammonites tricarinalus. Le
Micraster cor testudinarium y est très commun jusqu'à la
partie supérieure ; le Micraster cor anguinum y est exces-
sivement rare et n'apparait que dans les couches les plus
élevées ; (10 à 20 mètres)
2 Craie grise, anciennement exploitée comme pierre de
taille (Lezennes) (3 mètres).
ot Craie turonienne, — Elle se divise en quaire
zones «
le Craie sableuse avec phosphate de chaux (2 mètres
environ), Cette craie, sableuse et glauconifère se termine
supérieurement par un banc de nodules de phosphate de
chaux (ter) que l'on a tenté inutilement d'exploiter, Sa
faune est intermédiaire entre celle de la craie à M
breciporus et celle de Ja craie à M. cor testudinarium, El
affleurait anciennement à Bouvines ; on ne la voit plus
qu'au fond des carrières souterraines ;
A4 —
La troisième nappe se trouve dans la craie, soit dans ki
craie blanche au-dessus du tun qui forme la couche
imperméable du fond ou dans la craie sableuse glauconi-
fère entre les deux premiers tuns. C'est le niveau des puits
de Lille, des sources de la vallée de la Deule (Emmerin,
etc.), des forages d'Armentières, de la Madeleine et de
bien d'autres,
La quatrième masse, peu distincte de ki précédente, se
trouve dans les alternances de marne dure et de marne
argileuse de l'assise à Tercbratulina gracilis ; c'est de là
que sortent les sources de la vallée de la Marque ; elle se
confond avec la nappe du tun par la disparition de cette
dernièréassise vers le Nord.
Le cinquième niveau est dans les calcaires carbonifères
ou dévoniens ; il fournit des eaux pures, d’un faible degré
hydrotymétrique, légèrement sodiques et quelquefois
d'une extrémeabondance ; mais son gisement esl loujours
incertain, parce qu'il lient à l'allure et au caractère
physique du calcaire.
M. Gosselet présente :
1e Un schiste rouge et vert avec Oldhamia qu'il a trouvé
avec M. Malaise dans une recherche d'ardoises sur le lerri-
toire d'Oignies (Belgique), L'Oldhamia n'existe que dans
les minces lits verts qui alternent avec les lits rouges et
non dans ces derniers.
A cette occasion, M. Barrois rappelle que M. Solas
considère les Uldhamia comme non organiques, mais dus
à des froïssements de la roche.
% De magnifiques échantillons de coraux du récit
corallien de la craie d'Hemn Monaeu, Les coraux sont trans-
formés en silice de sorte qu'il sufil de plonger la roche
dans de l'eau acidulée pour dissoudre la craie et isoler les
coraux. Les échantillons pris à la surface du récif mon-
trent un beau vernis brun de phosphate de chaux,
— 178 —
métaux précieux. À une époque où les mélaux rares
commencent à être employés, où l'éclairage réclame le
æirconium, le thorium, l'yltrium, ete,, fl est utile de faire
connaître les minéraux qui les fournissent. Sous ce
rapport, le cours de minéralogie, que je commence aujour-
d'hui, est une répétition de celui que j'ai fait il y a deux
ans,
A côté des minéraux à base métallique, il en est
d'autres dont l'utilité industrielle est tout aussi considé-
rable. Je vous citerai particulièrement les minéraux à
base de chaux : sulfates, carbonates, phosphates. La
chaux est utilisée dans une foule d'industries; ses qualités
sont très différentes suivant le calcaire qui a servi à la
fabriquer. 11 importe donc de connaitre les divers
calcaires et les endroits où l’on peut se les procurer, La
magnésie sert aussi dans plusieurs industries ; nous
aurons à l'étudier au point de vue de ses propriétés el
de son gisement.
La silice n’a pas un rôle moindre, à l’état de cristal de
roche, de quarz blanc, et de sable, Tel sable convient à la
verrerie, tel autre sert à polir les glaces, tel à mouler la
fonte, I faut indiquer le motif de leur spécialité et les
conditions où on les trouve.
Les matières minérales utilisées en industrie, ne se
bornent pas aux minéraux cristallisés et à composition
chimique parfaitement définie. Il y a encore bien d'autres
substances qui sont utilisées, et qui ont une complexité
plus grande; je vous citerai en première ligne la houille.
La houille est un composé très variable, produit par
des débris végétaux qui se sont carbonisés dans l'intérieur
du sol en perdant une certaine quantité d’eau, de carbure
d'hydrogène et d'acide carbonique, La composition de la
houille est variable : il y a des houilles sèches, antbraci-
teuses, qui sont du carbone presque pur et des houilles
NN
comme cela que les minéralogistes du siècle dernier
comprenaient la science,
Pour Hauÿ la houille, l'argile, le pétrole, l'asphalle
rentrent encore dans la minéralogie; il leur consacre un
chapitre de son traité de minéralogie comme au calcaire,
au gypse, au feldspath où au quarz.
Mais cet illustre savant qui avait découvert les relations
de forme des cristaux d'une même espèce minérale,
devait naturellement donner une attention beaucoup plus
grande aux minéraux susceptibles de cristalliser et aux
variétés cristallisées de ces minéraux,
Ses successeurs suivirent son exemple, mais firent une
place de plus en plus prépondérante à la cristallos
graphie. Actuellement, pour beaucoup de savants, la
minéralogie est devenue presque synonyme de la cristallo-
graphie, La majeure partie d'un cours de minéralogie
devrait selon eux être employée à l'étude dela structure
cristalline et de ses propriétés physiques; à peine
quelques leçons pourraient-elles être consacrées aux prine
cipales espèces minérales. C’est une façon de comprendre
la minéralogie en mathématicien et en physicien, mais
non en naluraliste. L'enseignement ainsi entendu n'est
pas loujours Lrès profitable aux élèves, aussi la minéras
logie est-elle dans plusieurs Facultés françaises considérée
comme une quantité négligeable. {1 n'en « jamais été de
même à Lille, où l'étude des espèces minérales cristallisées
a Loujours fait l'objet de très nombreuses leçons, evoû, je
dois rendre cet hommage à mes anciens élèves, la minéra=
logie était aimée et travaillée.
Je n'aurai garde d'abandonner un enseignement que
m'a donné des résultats si satisfaisants, Une des deux
années de notre cycle d'études lui sera consacrée. Mais
la minéraloge limitée aux cristaux naturels ne pré-
sente pas beauvoup d'applications,
— 185 —
Les sédiments qui se forment sous ces eaux vertes du
Morbihan, dans ce décor toujours changeant, ont cepen-
dant été peu étudiés, relativement à leur mode de répar-
tition et à ses causes. L'excellente Läthologie du fond des
mers de Delesse (1) n’a pas épuisé le sujet. Des formations
d'origine elastique entrainées par les vents, les pluies où
les courants, s'accumulent dans les dépressions de ces
côtes, en même temps qu'y cristallisent des précipités
chimiques ; et là nature organique, toujours active, y
prépare de son coté, des dépôts calcaires ou tourbeux,
résultat de l'accumulation de débris animaux ou végétaux.
Il semble que cet espace restreint montre ainsi réunis
tous les sédiments les plus divers par leur origine et leur
composition chimique, el qu'ainsi il soit merveilleu-
sement disposé pour révéler au naturaliste, comment se
formaient aux époques géologiques des faciès synchro-
niques, différents par leur composition et par leur faune.
Nous ne nous bornerons pas toutefois dans cette note. à
l'étude des sédiments du Morbihan proprement-dit ; nous
devrons sortir de ce Mor-bihan ou petitemer, ainsi nomme»
par comparaison avec le Mor-bras ou grandemer, par es
habitants de l'Armorique, pour rechercher les relations de
ces sédiments avec ceux du Morbraz lui-même. Cette mer,
externe par rapport au Morbihan, et comme elle, en voie
d'envasement, n'en diffère guère que par ses dimensions
plus considérables, s'étendant de la baie de Quiberon à la
baie de Bourgneuf: c'est de même une mer intérieure,
éncombrée d'ilots, mais ici la mer a pris le pas sur là
terre, très réduite. Le Morbraz a peut-être été vu à l'état
d'archipel, parles Celtes qui construisaient leurs demeures
“ans le Morbihan à l'état de lagune ? C'est la mer des
Vénètes, combattus par César.
ui DELESSE : Lithologie du fond des mers, Paris, Lacroix 1871
p. 172.
ne.
Les caractères Llopographiques de cette mer elles parti-
cularités de sa sédimentation que nous ferons ressortir
dans les pages suivantes, lui assurent une individualité
suflisante pour qu'il soit permis de la distinguer ici par
un nom propre, de l'Océan, avec lequel elle communique
librement au large de Belle-Ile.
St.
Des SÉDIMENTS QUI SE FORMENT DE NOS JOURS SUR LES COTES
MORBIHANNAISES ET DE LEUR RÉPAUTITION
Galets : Des galets se forment en de nombreux points
de ces côtes ; on y reconnait les débris des roches qui
constituent les falaises de la région, et notamment des
plus dures, granite, pegmatite, gneiss, pyroxénilé ét quarz.
Quelques cailloux étrangers s’y trouvent associés, repris
dans d'anciennes plages soulevées, datant d'époques anté-
rieures. La grosseur des galets est aussi variable que leur
composition lithologique, elle change suivant les points
où on les trouve : leur forme présente les modifications les
plus étendues ; parfois ellipsoïdaux, ils sont plus souvent
aplatis, ovalaires, allongés suivant l'oné de leurs dimen-
sions, et quelquefois même restent exactement polyédri
ques, Ils offrent leurs formes les plus globuleuses près
de Berder, l'ile Longue, la Calébasse, au voisinage dés
grands courants : par contre, les éboulis fendillés du
granite paraissent conserver indéfiniment leurs arêtes sur
les plages d'fluric et lots voisins, où le courant ést
impuissant à les rouler: On trouve à la fois sur ces côtes,
mais en des points divers, des galets roulés et des galels
polyédriques à angles à peine émoussés, toutes ces
formes étant cependant dûes à un méme agent, qui est le
courant dé marée, aidé du jeu des lames. C’est à l'action
de ces lames qui soulèvent el roulent le galet sur les
— 186 —
généraux du golfe, mais avec des remous propres à chaque
anse, partout où la vitesse d’un courant est brusquement
amortie.
La plupart des gros galets se trouvent dans la partie
supérieure des talus ; l'impulsion de la vague est moindre
dans le mouvement rétrograde que dans le mouvement
d'ascension, comme l'avait fait remarquer déjà Durocher(},
dans son excellent mémoire sur les phénomènes littoraux
de la Bretagne, et par suite les blocs el beaucoup de gros
fragments qui ont été amenés par les flots et ont acquis uné
position d'équilibre, doivent rester en place, n'étant plus
poussés par derrière.
Sables : Des sables de composition très variée forment
des grèves en nombre de baies, et toute une zûne de
dépôts littoraux en mer ; ils sont plus où moins mélangés
d'argile suivant les circonstances, et se répartissent en
sables grossiers, sables fins, sables vaseux. Îls proviennent
de la désagrégation des roches granitiques où gneissiques
et de la Lrituration des galets ; leur composition minéra-
logique varie selon la nature des roches qui leur ont donné
naissance, mais elle tend en raison de leur mélange, à
prendre une composition moyenne uniforme.
On peut classer ces sables en 2 groupes principaux :
celui des sables quarzeur et celui des sables à gemmes.
Sables quarzeux : Ces sables, débris des élémentsles
plus résistants des roches prédominantes de la région,
gneiss et granites, sont essentiellement formés de grains
de quarz de grosseur variable, avec abondantes paillettes
de mica et argile résultant de la décomposition des
feldspaths. Ils sont plus où moins vaseux suivant les
gisements, ét permettent de reconnaître associés au quarz,,
1} Durocier : Bull, soc. géol. de France, 2* sr. T. VI- 1819;
fer titané, grenal, slaurotide, amphibole, glaucophane,
sphène, pyroxène, andalousite, zircon, épidote, mica blanc,
quarz, feldspath, cassitérite, saphir, or natif, platine.
On les trouve répandus en un assez grand nombre de
points sur ces côtes ; les gisements les plus souvent cités
sont les grèves de Penestin, sous les rochers des Demoi-
selles, la pointe des Poulains à Bellelle, les plages de
Houat : ils y sont inégalement répartis, selon les saisons
et l'état des courants, mais disposés en général sous forme
d'un cordon littoral, dessinant sur les grèves de sables
quarzeux blanchâtre et vers la limite des hautes mers on
ruban coloré, tantôt rouge, vert ou bleu d'acier, variable
comme les teintes des minéraux constituants, prédo-
minants. Il oceupe dans ces baies la position habituelle
des cordons de galets, adossés au revers des caps, dans
les points où les courants litloraux les plus rapides sont
venus s'amortir : ils y dessinent des ondes concaves vers la
mer, reproduisant les courbes des lames qui déferlent sur
le rivage, ou s'alignent suivant des rigoles rayonnantes,
descendant vers le large, entrainés par les ruisselets d'eau
douce ou les remous de l'eau marine. Le mode de leur
répartition soulève cependant un problème intéressant,
tar ils sont disséminés en nombre de grèves, loin de leur
gisement initial.
Le gisement de ces gémmes ainsi entrainées el rémas
niées par les eaux actuelles, se trouve en place dans les
roches anciennes de la région, comme nous avons pu le
constater à la suite de Durocher. Cet excellent observateur
les avait reconnus à l'embouchure de la Vilaine, près du
passage de Tréhiguier, en lits ou plaquettes inlerstratifiés
dans les amphibolites épidotiféres et grenatifères qui y
présentent un si beau développement. On les trouve égas
lement dans les mémes conditions, en lentilles, dans les
schistes cristallifères de l'ile de Groix.
d'attribuer leur répartition 4 l'action des eaux qui descen-
dent de la Vilaine avec le reflux. ;
La vitesse nécessaire pour le transport par les eaux de
ces sables lourds, à grains de 1 à 2um, et de densité
moyenne double de celle du quarz, serait moins de deux
lois celle qui charrie les grains de quarz, d'après les
expériences de M. Thoulet (!). Par suite, un courant de
1 nœud suflirait pour Lransporier des grains de 0,0017 de
diamètre, de densité = 4, même dans l'eau douce; or cette
vitesse est dépassée par les eaux marines du Morbraz qui
alteignent presque une vitesse double. Ces sables à gemmes
cireulent à la façon des galets ; ils représenteraient les
premiers sédiments déposés lors du jusant de Vilaine,
et leur dépôt serait limité au voisinage des points, îles
et écueils, où la vitesse du courant serait d'abord amorlie.
Restés en mouvement et peut-être en suspension, à la
traversée des passages profonds, ils sont tombés sur les
éeueils et les banes sous-marins, partout où la force vive
de l'eau en mouvement ne suffisait plus pour empécher
leur chûte.
Les sables quarzeux et les vases plus légères ne se sont
déposés que plus tard, dans les profondeurs et les anses
abritées, dans des eaux moins profondes et plus calmes, à:
mesure que l'on approchait du moment du flot. Ainsile
jeu normal des marées explique simplement, en dehors
de toute considération hypothétique, la présence et la
dissémination des sables à gemmes dans le N, du Morbraz ;
on les suit depuis leur gisement originel à l'embouchure
de la Vilaine, sur les bords dé tous les écueils parsemés
surcelle côte, jusqu'à une distance de 50 kil. au large: c’est
donc jusqu'à cette distance de 50 k. que l'on peut distin-
guer les apports propres de cètte r
MH) Tnourer : Annal. des mines 1883, p. 19.
— 192 —
abaisser et les différences qu'ils produisent sur le niveau
normal de la marée peut atteindre 0,50. Ainsi après um
coup de vent d'ouest, on voit assècher sur les rives, 4
Vabri des marées suivantes, une tranche fraîche de matière
solide de 0, à 0,50 de hauteur ; il en est encore de même
après les grandes marées, eLaussi lors des crues du fleuve.
Ce sont ces sables de la Loire ou de la Vilaine, ainsi
rejetés à sec par la mer sur le talus du rivage, qui chassés
par le vent, vont s'entasser lorsqu'ils s'arrétent, sous
forme dé dunes. L
Ainsi le vent reprend à nouveau loul ce qui a échappé
à la trituration par les flots, et il contribue pour sa part,
à la prédominance des fins sédiments vaseux dans les
fonds. Les courants de marée apportent les sédiments de
la Vilaine et de la Loire jusqu'au nord de la baie de
Quiberon ; les vents les reprennent à l'extrémité de cette
baie pour les reporter jusqu'à l'embouchure de la Loire
et sur lous les flots de la baie,
Les dunes présentent en la région une distribution
superficielle très étendue, sous forme de massifs liltoraux
généralement allongés dans une mème direelion domi:
nante du N.-W. au S.-E., el répartis sur la côte conti-
mentale, aussi bien que sur les îlots du large (Houat,
Hodic) ét même sur ceux de l'intérieur (Godec, furic).
Les masses les plus importantes sont celles qui relient la
presqu'ile de Quiberon à la terre ferme, et encore celles
des environs d'Escoublac, qui ensevelirent l'ancien bourg
de ce nom, vers la fin du siècle dernier. De nos jours,
l'emplacement de ce vieux bourg n'est plus indiqué que
par la présence au milieu dés plantalions de pins, qui ont
fixé la dune, de quelques arbres fruitiers, descendants
probables de ceux qui périrent.
La forme de ces massifs sableux, allongés du N.-W. au
SE, permet d'attribuer leur formation à l'action des
i k =!
— 196 —
débris végétaux épais de 0,003 et assez réguliers parfois
pour avoir fourni les données du chronomètre préhisto-
rique, proposé par M. Kerviler, dans ses études sur cette
région. La composition des vases varie done non seulement
horizontalement, en divers points des côtes, mais aussi en.
un méme point, suivant une direction verticale : on
constate d'ailleurs à l'embouchure de la Loire que les
vases sableuses sont plus fines sur les bancs qu'à leur
pied.
Ces vases uniformément formées du résidu de la tritu-
ration et de la décomposition des roches feldspathiques de
la région, différent donc entreelles à la fois par la grosseur
et par les proportions relatives des éléments constituants :
elles sont en outre imprégnées dans la région littorale des
divers sels qui se trouvaient en solution dans les eaux de
la mer, Delesse (!) a déjà fait ressortir combien ces vases
avaient de tendance à s'emparer des matières salines ou
organiques, et à montré que plus elles étaient à grains
tins, plus elles retenaient de matières solubles dans l'eau.
Leur répartition géographique est très étendue ; dépo-
sées uniformément lors de l'élale, ces matières fines sont
entraînées lorsque l'action du jusant se fait sentir, et elles
ne demeurent qu'en des points spéciaux, bancs, anses,
fonds, où le jusant ne peut atteindre une vitesse appré-
ciablé. Par suile de ce mécanisme, la vase s'accumule
dans les anses abritées en dehors des courants de jusant,
ou dans des fonds faisant oflice de lacs, où la vitesse du
courant descend bien en dessous de # nœud par heure,
Elles forment des roches assez différentes, suivant leur
degré de finesse, ou leur mélange à des sables de grosseur
variée, ou à des galets ; mais ces différences lithologiques
nous ont offert un moindre intérêt que leurs diflérences
(1) 1. ©. page 8.
le Morbraz, en nombre de points abrités, par les fonds de
% à 70% ; sa répartition à été donnée par Delesse dans une
planche (PL, A) de sa Lithologie du fond des mers, véritable
monographie de la répartition du carbonate de chaux
dans les dépôts littoraux actuels.
Vases tourbeuses : Mais les huîtres ne prospèrent plus
dans les fonds qui découvrent tous les jours, aux niveaux
de 4 à 3m; c’est ici le domaine d'une faune nouvelle, celle
qui sur les fonds vaseux se plaît parmi les prairies de
zostères. C'est là que se développent les annélides, divers
radiaires, et autres animaux qui né s'assimilent guère de
calcaire, Le sédiment y devient vaso-tourbeux ; la
composition du sédiment est spéciale dans les fonds vaseux
où croissent les zostères et où diminue rapidement la
teneur en carbonate de chaux.
Ces plantes croissenten grand nombre dans le Morbihan,
sur les fonds de vase, qui découvrent à chaque marée et
jusque près le niveau des hautes mers. Il leur suîit pour
vivre d'être recouverts à chaque marée par l'eau salée,
pendant une couple d'heures, et bientôt elles y trans-
forment en prairies la surface des bancs de vase, Un
véritable tapis les recouvre alors, lapis protécteur, formé
de feuilles de zostères, en lanières fasciculées, serrées,
flexibles et résistantes, qui ont pour effet de fixer les
particules boueuses les plus tenues el pour résultat
d'amortir considérablement les courants de marée qui
viennent les balayer. La marée s'y élève donc avec uné
vitesse très amoindrie, et les boues en suspension, Îles
débris organiques légers, les bois flottés, viennent se
concentrer à marée montante el se fixer dans ces régions
tranquilles, en dehors des courants rapides, Loin d'arrêter
la éroissance du banc qu'elles ont fixé, les zostères favo-
risent à la fois son développement en fixant les parties
existantes el en arrétant entre leurs feuilles et leurs
parfois possession de son domaine, d'une façon plus où
moins intermittente, lors des grandes marées ou des
tempêtes : le marais alors est rempli d'eau saumätre.
Parfois les eaux salées ainsi abandonnées à elles-mêmes
lors des grandes marées, s'évaporent lentement, s'ibn'y a
pas envahissement par les eaux douces, sous l'action du
soleil et surtout sous celle du vent, donnant naissance
à des précipités salins, et il se forme au lieu de dépôts
lourbeux des précipités chimiques.
Précipités chimiques : L'homme a souvent facilité ce
travail au fond des anses bretonnes vaseuses, et à ainsi
créé les marais salants, en élevant de petites digues qui
retiennent l'eau de la mer ét empéchent la pénétration des
caux douces. Les marais salants dans le Morbihan sont
des bassins étendus, peu profonds, à fond argileux, qui
fournissent au commerce des quantités considérables de
sel (trentième partie en poids de l'eau de mer emmagas
sinée) ; mais ce sel n'est pas pur, il renferme de pelites
quantités de sulfate de soude, de chlorure de magnésium
et de calcium, et des traces dé bromure et d'iodure,
Les marais salants de celle côte bretonne fournissent
anauellement de 100,000 à 200.000 tonnes de chlorure de
sodium ; mais il s'y forme également d'autres substances
cristallines d'un grand intérêt géologique, parmi lesquelles
il convient de citer les eflorescences de divers sulfates,
et surtout les cristaux de gypse qui se déposent au fond
de certains marais salants de Batz.
Les cristaux ont été étudiés par M. Baret, (!) quai ya
indiqué les faces g! (010) et m (110), les autres faces étant
arrondies ; ils sont simples où maclés, et agglomérés en
groupes de plusieurs kilogs. Les cristaux isolés atteignent
des dimensions de 4 à 4 cent. ; ils sont lransparents où
() Banner: Bull, soc. soi. nat. Ouest, 1894, vol, 6. p.153.
— 202 —
Les sédiments clastiques méritent à ce litre une étude
détaillée, Ts changent dans les différentes portions de
ces golfes, et même en chaque point déterminé, suivant la
grandeur des fonds el suivant la forme de la côte, suivant
l'heure de la journée et suivant la saison de l'année; ils
changent en raison de la vitesse et du parcours des cou-
rauts en chacun des différents points ; ils changent en
raison des seules modifications de profondeur amenées
par leur lente accumulation.
Une même eau courante agitée par le vent et la marée
transporte, il est vrai, les éléments de ce dépôt à leurs
places respectives, Mais en chacun de ces points la nature
et Ja quantité de l'apport est indéfiniment variable ; et ses
transformations n'impliquent pas nécessairement des
déplacements verticaux du sous-sol, puisqu'elles se
produisent pur l'accumulation sufisamment prolongée
d'un même sédiment, ou par son enlèvement sous l'action
dé courants, soumis à l'influence des agents atmosphé-
riques si variables, Ainsi la barre des Charpentiers, formée
de sable accumulé en mer, devant l'embouchure de la
Loire, à 10 kil. de la côte, s'élève alternativement pendant
l'étiage d'été, et s'abaisse en hiver, lors des crues du
fleuve.
Sur les rives du Morbihan, des galets se superposent à
des sables, et des tourbes à des vases, selon les circons-
lances de temps ou de lieu, selon que des eaux dormantes
succèdent à des eaux en mouvement, ou que celles-ci
atteignant la vitesse des gaves pyrénéens, creusent au
contraire des passes dans les alluvions accumulées, La
vitesse du moteur est le facteur essentiel qu'il importe de
cousidérer,
La vitesse d'un cours d'eau sur un rivage maritime el
par suite sa puissance de transport, étant fonction de Ja
pente de sa surface, elle dépend à la fois comme celle-ci,
— 306 —
donc de l'étudier quant à ses contours et à la forme de ses
surfaces ; et la carte (PL IV), à laquelle nous renvoyons,
en donnera une idée suflisante.
Les courbes de niveau des profondeurs océaniques,
tracées sur cette carte (PL TV), longent régulièrement 1
côte méridionale de la Bretagne, du Finistère au Morbihan ;
mais subitement, quand on double la presqu'ile de
Quiberon, ces lignes s'écarteut brusquement : on est entré
dans la baie de Quiberon, dans le Morbraz, La ligne — 10
par exemple, est 3 où 4 fois plus éloignée de terre que
précédemment.
Ces lignes se maintiennent ensuite à distance, bien loin
au sud de la presqu'ile, jusqu'en Vendée, devant l'ile d'Yeu.
C'est que le Morbraz abrite des eaux plus calmes, où
viennent s’accumuler les matières tenues en suspension,
jusque là.
L'apparence est ainsi celle d'un banc sous-marin, qui
surgirait en mer, entre la Bretagne et la Vendée, prolon-
géant au large par une plate-forme submergée les terres
du Morbihan et de la Loire-Inférieure (1).
La stratigraphie cependant ne révèle pas de relèvement
du fond rocheux ; la structure géologique du pays remars
quablement uniforme suivant tout le plateau méridional
de la Bretagne, est la même que dans le midi du Finistère.
On n'y observe pas en la région, de redressementanticlinal
des strates profondes et d'ailleurs la direction de ce ride.
ment, püt-on le supposer, serait en désaccord aussi bien
que sa forme, avec la direction des lignes tectoniques
tracées sur la terre ferme.
1 y a de meilleures raisons pour attribuer au mode de
dissémination des alluvions actuelles l'exhaussement dé
1t) Cette apparence à été admise comme uné réalité par Delesse
ILithologie du fond des mers p, Hi, eL 11 a même invoqué divers
arguments on sa faveur,
— 206 —
Le frottement, sur les bancs de la Banche el de la
Lambarde, des eaux descendant de la Loire avec le jusant,
les ralentit suffisamment pour arrêter les matières en
suspension, arrivées dans une position d'équilibre : ces
matières tombent alors et construisent des ponts à l'abri
des rochers de ces bancs. C'est ainsi, par contre-coup, que
les eaux resserrées entre ces digues, déterminent des
chenaux, de part et d'autre des obstacles qu'elles viennent
d'élever et entre eux et la terre ferme, le chenal du Nord'et
Je chenal du Sud, que suivent les vaisseaux qui entrent en
Loire.
De même dans ki baie de Bourgneuf, les Rochers de la
Couronnée, et de Pierre-Môine ont déterminé la formation
des fléches sous-marines qui constituent les bancs de
Kerouars, du Centre et de la Chaine, entre lesquels
passent le chenal de la Pierre et le chenal du Centre. L'ile
d'Yeu a donné naissance au Pont d'Yeu, qui là rattache à
la Pointe de Monts.
Le tracé de la courbe — 20% sur la carte, fournit de
même un contour curviligne, ondulé, sans relation de
forme avec les précédents, ét dont les convexités tournées
au large s'appuient à leur tour sur des rochers, sur la
chaine des iles de Houat-Hædie, ainsi reliée au continent,
ou sur les débris des formations éocènes, respectés par le
hasard des dénudations, le plateau du Four, le banc de
Guérande, et celui dés Bœufs, Nous aurons lieu plus loin
de revenir sur cet alignement des témoins éocènes suivant
une même courbe de niveau,
De nos jours, le contour de cette courbe — 20% enclot à
peu près le Morbraz, à part les chenaux de Loire et une
étroite passe, le chenal de la Teignouse, où les eaux plus
profondes conservent leur vitesse maxima vers le large.
Celte courbe, convexe dans son ensemble, ne présente
plus que deux concavilés, correspondant respectivement
_ 308 —
1 résulte dé ces faits, comme l'a indiqué M. Partiot (!).
que les vases de la Loire dont les premiers dépôts appa-
raissent à environ 10 kil. au-dessous de Nantes el qui
commencent à former des banes un peu en amont dé
Paimbœuf, se rassemblent en grande quantité dans la baie
de Bourgneul ; mais la plus grande parlie est ‘entraînée
vers le N.-W. dans le Morbraz et dans l'Océan,
Ainsi le cours de la Loire explique la disposition des
fonds du littoral, par la simple distribution de ses sédi-
ments, suivant les règles de la pesanteur el les lois des
courants; aucune autre interprétation ne nous parait
rendre compte des faits observés, aussi simplement el
aussi complètement.
Les sables vaseux charriés par la Loire se sônt déposés
à son embouchure sur les côtes, jusque vers la cote — 5%;
les vases couvrent les fonds de — 100 et — 20m, La figure
de ces courbes de niveau montre que les eaux boueuses du
fleuve exéeutent leurs diramalions dans le Morbraz de 3
côtés, au N. dans la baie de Quiberon, au $. dans la mer
d'Yeu, et à W. suivant un pont passant entre le chenal du
Nord et le chenal du Sud, donnant naissance à une masse
solide dont la convexité est sensible en mer jusqu'à la cote
— Nu; elle cesse de se faire sentir à partir de la cote
— 100, où les courbes sous-marines sont grossièrement
parallèles à la résultante des découpures du rivage.
Ces conclusions ressortent simplement de la considéra-
tion successive des diverses courbes de niveau. Ainsi, la
courbe — 30% suivie sur la carte, réunit à Ja plate forme
continentale les iles de Belle-Lle et d'Yeu : celle courbe ne
présente plus que trois parties rentrantes concaves, Corres-
pondant à la Teignouse, au chenal du Nord et au chenal
du Sud. Les courbes suivantes, à partir de — 40, ne sont
(1) Parnor: Annales des Ponts-ctChaussées, 1874, p. 231.
— 210 —
tement à l'Océan, se jetle dans une sorte de golfe, le
Morbraz: ses apports pour ce motif, ne sont ni empilés
sur place, ni balayés et emportés au large, maïs diver-
sement retenus et répartis à proximité, par les multiples
influencés locales, Ils se partagent ; et tandis qu'une partie
des alluvions est entrainée au loin en mer, le reste demeure
dans le Morbraz, s'arrêtant quand la vitesse se ralentit,
au passage d'un haut fond, à la rencontre d'une masse
d'eau courante en mouvement dans une autre direction,
suivant la direction des vents et le moment des marées,
La vitesse de ces courants de marée est en eflet très
variable; elle s'élève à St-Nazaire (1) jusqu'à 4 nœuds à
l'heure, y devient nulle au moment de la marée montante,
et tombe plus où moins dans les divers points du Morbraz.
Par suile des points d'appui que les ilots et les hauts-
fonds, si nombreux dans le Morbraz, fournissent aux vases
et aux sables, l'atterrissement chemine dans cette mer,
d'aval en amont, relativement à la Loire, formant des
ponts qui finissent par rejoindre la terre ferme et diviser
les eaux fluviales entre des chenaux multiples. Le résultat
final de leur accumulation serait de combler le Morbraz,
en y réservant des étangs saumâtres, et un chenal profond
principal, le chenal du Nord, ouvert au midi du Four et de
Belle-Ile, Ainsi la continuation des processus actuels de
sédimentation, poursuivis pendant un temps suffisant,
déplacerait l'embouchûre de la Loire de St-Nazaire à
Belle-Ile, pour le plus grand avantage de la navigation
en Loire.
Ces conclusions basées sur la figure du dépôt sont
d'accord avec celles ou était arrivé M. Partiot (?) en partant
des mesures directes, prises par les ingénieurs hydro-
(1) Kenvisen: Description du Port de St-Nazaire, Paris 1889, p, 96.
12) Panrior : Annales des Ponts et Chaussées, 1871, p. 290.
rives convexes, el le reste va à la mer. Entre Nantes et
St-Nazaire, le fleuve dépose annuellement 659,300 meb.
de sable et de vase d'après les évaluations de M. Bouquet
de la Grye ; au delà de St-Nazaire, dans la partie maritime
du fleuve, les matières entraînées par lé jusant se répartis
sent de diverses façons, tandis qu'une portion va se déposer
sur le banc des Morées et dans le S. E, de l'estuaire, le
reste suit le chenal, sans y demeurer, et arrive sur la
barre, Là il se produit encore un arrêt (1! ; tandis qu'une
dernière portion de ces sables franchit Ia barre et est
portée, suivant les circonstances, dans le Morbraz parle,
courant de flot, soit au large par le grand courant littoral,
soit parfois dans la baie de Bourgneuf par les vents
dominants du N. W. et par les vagues.
La proportion des sables de Loire qui pénètrent dans la
baie de Quiberon est relativement faible. M. Partiot (?
d'après l'examen des sables de la côte, la croit même
nulle : les sables de Mindin au Pouliguen sont des sables
de Loire, ceux du Croisie et du bourg de Batz ont une
nature toute différente; ils sont très blancs et beaucoup plus
gros. Auprès du Pouliguen, il y à un point de séparation
tranchée et les sables de Loire ne vont pas plus loin ; ses
vases seules pénètrent dans le Morbraz, avec le flot. Les
sables du bassin dé la Vilaine pénètrent seuls danse
Morbraz lors du jusant et ils y demeurent.
Entre les deux deltas de la Loire et de la Vilaine, et
vers leur limite, se trouve la Baie du Trait, envasée parles
alluvions de la Loire. La répartition des sédiments dans
{1} La barre extérieure du fleuve s'est élevée de 070 depuis 185%
d'après les mesures de M. Bouquet de la Gr
ét beaucoup déplacée. Mais la passe, d'après M. Kerviler, conserves
rait unë hauteur constante sur la barre, el s'approfondirait mème
lors des crues d'hiver.
12) Pannior : Annales des Ponts et Chaussées, 1871, p, 286.
—eu—
de celui de la Loire. Le Banc de la Recherche, au large de
la Vilaine, montre encore par sa forme, allongéesuivant le
thalweg de cette rivière, l'influence de son courant dans le,
Morbraz. La Vilaine contribue done plus que Ja Loire,
dont les eaux ne peuvent entrer dans le Morbraz lors du
jusant, à combler de ses sables et de ses vases celle mer
intérieure ainsi que la baie de Quiberon. Mais ses eaux se
mélant à celles de la Loire, lorsqu'approche le moment de
l'étale, on ne peut longtemps distinguer les sédiments
vaseux qui proviennent de l'un ou l'autre de ces bassins,
et il n'est plus possible de délimiter leurs deltas au-dessous
de la courbe — 10m,
Les sédiments sableux conservent plus nettement leurs
caractères respectifs, et permettent ainsi de reconnaitre
que les sables du N, du Morbraz proviennent du bassin de
la Vilaine et non de celui de la Loire. La baie de Quiberon
doit être regardée comme un lac de décantation de la
vallée de la Vilaine, dont les eaux sortent ensuile claires
par les émissaires de la Teignouse et de Béniguet : c'est
dans cette baie, que viennent aboutir toutes les alluvions
lourdes de la Vilaine et de ses affluents stanniféres (vallées
de Bréman, Castillon, Pendelan, Gueheno, Serent, Lizio,
St-Servant (!) el des dragages méthodiques dans celle mer
intérieure, à Ja recherche des amas stannifères descendus
avec les eaux de la Vilaine, mériteraient d'étre lentés,
Action inverse des affluents du Morbihan, et des chasses de
son embouchüre : Tandis que les dépôts qui s'effectuent an
centre du Morbraz se rattachent assez -directement à
l'érosion des bassins fluviaux de la Vilaine et de la Loire, il
n'en est plus de même dans les baies de Quiberon et de
Bourgneuf, aux deux extrémités de celle mer, où les
rivières afluentes remplissent un rôle tout particulier:
(A) A. Cariaux : Tableau général des mines métalliques de
Frânce, p. 228 (cité par M. de Limur).
_ 216 —
embouchüre, lors du flot, atteignaient les 2/3 de celles
qu'on y trouve lors du jusant. À ces vases, viennent se
méler les produits de la désagrégation des côtes, altaquées
lors du flot, par l'action combinée du ventet desvagues.
Les vents contribuent puissamment à déterminer le
transport dans le sens du flot, vers l'amont, ar les courants
dûs à la transmission de la marée subissent aussi
l'influence des vents et l’on sait que les vents d'aval du
N.-W. au S.-W. sont les vents dominants,
Les sables et les vases, emporlés en suspension, pénètrent
avec les eaux du flot dans toutes les unses, baies el
embouchüres du golfe; mais le maximum de vitesse des
eaux s'observant 2 h. avant et 2 h, après la pleine mer (1),
ce n'est que vers le plein, et surtout entre le moment
de la marée et celui du renversement du courant (soil
pendant une heure à Port-Navalo}, que s'elfectue une
sédimentation active, partout où les troubles perdent leur
vitesse ou rencontrent une foree qui contre-balancs l'action
du jusant, Ainsi le dépôt des sédiments légers se formé
surtout dans le Morbihan, lors du plein, c'est-à-dire en
amont, dans les points où le jusant rencontre des obstacles
sufisants ; et le dépôt croit en quantité, proportionnel-
lement aux difficultés qu'éprouve le jusant.
La nature a apporté des obstacles aussi puissants que
nombreux au jusant qui descend du Morbihan: il y adieu
en eflet de considérer comme tels, Ja position des vents
dominants qui le retiennent, la forme si déchiquetéedes
côtes, les découpures des rives, les abris fournis par
d'innombrables iles, la longueur de ce golfe d'embou-
chôre, l'absence d'affluents importants, et enfin le retard
du courantde jusant lui-même, qui ne commence dans le
golfe que lorsqu'il a déjà acquis une force considérable sur
fi Boxawy : Description des ports de France, 1879, p. 697.
il
— 218 —
dans la passe de Port-Navalo et donner lieu à a formation
d'un delta.
La finesse des sédiments qui sortent du Morbihan,
suspendus dans les eaux du jusant, leur permet de flotter
plus longtemps ; ils se déposent à marée basse dans le
Morbraz, lors de l'étale, mélangés aux matières vaseuses
descendues des bassins de la Vilaine et parfois de la
Loire, avec lesquelles elles se confondent entièrement.
L'apport du Morbihan dans la formation de la barre à
son embouchure est minime, comparé à celui que l'on
doit attribuer aux eaux si chargées de la Vilaine ; est ce
que suffirait à établir en dehors de toute autre considé-
ralion, la dissémination générale des sables à gemmes de
X Vilaine sur loutes les grèves de la baie de Quiberon.
Les embouchures du Morbihan et des autres rias
morbihannaises, comparées à celles de la Loire et de la
Vilaine, en différent parce qu'au lieu de posséder un delta
traversé par un ou plusieurs chenaux obstrués par une
barre, elles ne montrent qu'un chenal avee barre sans
delta. Cette différence est mise en relief sur les cartes
{voir PI. V) par la disposition des courbes de niveau, convexe
en aval pour les fleuves à della comme la Vilaine, et
concave en aval pour les rias sans della comme le Morbihan.
Les barres de ces rias ont en outre une disposition
loute différente au N. et au S. de la presqu'ile de
Quiberon: au N. de cette presqu'ile, les barres des rivières
d'Etel, de Lorient, sont placées à l'embouchure même de
ces rivières, à l'intersection de la e du rivage actuel ;
au S. de Quiberon, les barres des rias de Crach, d'Auray,
de Vannes, de Penerf, ne cotncident plus avec l'intersection
du rivage, mais sont reportées plus où mains loinen mer,
Ces rias prolongent ainsi leur lit en mer suivant des
vallées submergées dans le Morbraz, jusqu'à leur barre,
située à plusieurs kilomètres en mer, La disposition est
= 0 —
en amont de l'embouchure, les secondes triomphent à leur
lour dans la Loire, transportant les troubles en aval. .
Lors du flot, en effet, la lame ne rejette pas vers l'amont,
au delà du banc de Bilho (‘). les sables que charrie la
Loire dans son estuaire ; ces alluvions après avoir tourné
autour du banc des Morées arrivent finalement à la mer,
grace à l’action continue des courants et à l'excès du
volume des eaux du jusant sur celles du flot. D'autre part,
l'eau des grands fleuves d'eau douce du Morbraz, à leur
embouchure dans la mer (?}, s'étale à la surface en une
couche mince, sous laquelle l'eau de mer en repos constitué
une sorte de coussin protecteur pour les vases déposées au
fond, el accumulées en forme de delta ; elles sont donc
peu dérangées par le jusant. I n'en est plus de même pour
le Morbihan et les rias voisines, où le dépôt s'eflectue lors
du flot et dans lesquelles la quantité d'eau douce que
déversent les affluents est insignifiante relativement à la
masse d'eau marine qui les inonde à la marée montante;
l'excès des eaux de jusant est insignifiant. [1 y a tous les
jours et à deux reprises, une crue d'eau salée qui monteel
descend alternativement le Morbihan, passant à son
embouchure avec une vitesse de 7 à S nœuds. Ces eaux
marines agissent alors comme une écluse de chasse, qui
bülaie le chenal, le creusent dans les alluvions apportées
par la Vilaine et déposées lors de l’étale, car ces alluvions
ne peuvent demeurer que sur les bords de ce chenal, là
où l'équilibre s'établit entre la force du courant et celle de
la mer.
Le flot entre dans le golfe du Morbihan avec une rapi-
(ti Bovçuer be LA Gnye: Rapport sur le régime de la Loire
Maritime, Paris, 1882, p. 42.
12] Leseaux de la rude de St-Nazaire contiennent 25 d'eau douce
{densité 1,017) d'aprés M. Kervilor (Description des ports de France,
1878, p. 105).
EE
dité moindre, mais le jusant dans les vives-eaux atteint
près de l'ile Longue et de Berder des vitesses de 9 nœuds
à l'heure; vis-à-vis de Port-Navalo, à l'entrée du Morbihan,
on trouve des vitesses de 7 à S nœuds au moment où les
saux en balaient l'entrée, remplissant l'office d'une écluse
de chasse, Au delà les vitesses sont considérablement
ralenties ; dans la baie de Quiberon, les courants de
marées ne dépassent pas habiluellement 1°2à 1°7 et 25
dans le Passage de la Teignouse,
Ainsi le chénal du Morbihan est une passe où un
courant de 7 à 8 nœuds, entretient la profondeur de 10®,
empéchant tout dépôt et aflouillant même les sédiments
accumulés dans le Morbraz, lors de l'étale, que ce soient
dés sables charriés par la Vilaine lors du jusant, ou des
vases de la Loire et de la Vilaine venues avec le flot.
De mème, les rias de Crach, de St-Philibert, de Pénerf,
creusent des passes moins profondes dans ces alluvions,
et les entretiennent par la prédominance des courants de
jusant sur ceux de flot, grâce aux chasses naturelles qui
se produisent par suite de l'emmagasinement des eaux à
l'amont dans les nombrenses anses de ces rivières.
On observe encore des faits analogues au S. du Morbraz,
dans la baie de Bourgneuf, envasée depuis quinze siècles
parles apports de la Loire (‘). Ainsi l'étier du Dain,
émissaire par lequel se dessèchent les vastes marais de
Machecoul, présente en avant de son embouchure une
plage vaseuse à pente très adoucie, à travers laquelle il
doit s'ouvrir un chenal jusqu'à la laisse de basse-mer : ce
chenal a 3 kil. de long.
Hi) Jour : Déseription des ports de France, 1879. On doit à
M. Dingler, auquel nous les empruntons jel, d'intéressantes obser-
vations sur les progrès historiques de cet envasement (Même publi-
catlon, p. 409.
— 22 —
Le détroit de Fromantine complique le phénomène des
marées dans la baie de Bourgneuf, en même temps qu'il
explique l'accumulation des vases dans celle baie et la
formation des marais et des polders de Machecoul et de
Challans, En effet la faible largeur et le rétrécissement du
goulet de Fromantine retardent considérablement le flot
venu du large, du côté de l'ouest ; au contraire, du côté
du nord, dans la baie de Bourgneuf, le flot portant les
troubles de la Loire arrive librement et ses eaux tran=
quilles déposent les vases dont elles étaient chargées. Ce
dépôt ne s'arrête que quand la mer a recouvert le passage
du Goa, qui est la ligne de faite du fond de la baie de
Bourgneuf, alors le jusant s'établit dans le goulet et y dure
8 h., tandis que le flot n'avait duré que # heures (!}.
De la baie de Bourgneuf à la baie de Quiberon, dans
toute son étendue, le fond du Morbraz est donc envasé : les
marées et les courants marins qui portent au large, ne le
débarassent qu'en partie des troubles apportés par les
crues de la Loire et de la Vilaine.
Une quantité considérable de ces alluvions y demeure,
s'y transforme diversement sous l'action des agents
mécaniques, organiques ou chimiques, et s'y répartit
suivant les lois qui régissent le transport dés matériaux,
amorlissant les grains de grosseur variée suivant Ja vitesse
de l'eau aux différents points, selon les frottements subis,
et les obstacles rencontrés. Ils y forment des deltas de
forme caractéristique, en lentilles convexes, enchevêtrées,
à l'embouchüre des fleuves d'eau douce chargés, d'alluvions
continentales, et des sillons sous-marins à l'encrée des rias
d'eau salée, où prédomine l'action des marées.
Application deces donnéesaux contours paléo-géographiques:
IL ressort de ces observations, que l'examen des courbes
H) Dinsouee : Ports de Vendée, p. 413.
de niveau sur une carte marine, ne saurait donner des
indications suflisantés au géographe qui voudrait recons-
lituer une ancienne ligne de rivage submergé. Ces indi-
cations loïn d’être suffisantes sont sauvent faussées, el se
irouvent méme assez inexactes dans le présent cas, puis-
qu'au lieu de tracer des vallées noyées devant les rias, et
des allées émergées devant les fleuves, comme l'exige-
raïent les courbes d'égal niveau des cartes marines, il
devrail presque faire le contraire dans le Morbraz, pour
reconstituer le contour correspondant à un relèvement de
10w du niveau de base.
On constate en eflet que les vallées sous-marines des
rias du Morbihan n'étant que des passes, ouvertes dans
un barrage par des caux de jusant emmagasinées, ne
pourraient exister lors d’un relèvement de 10*, dont le
premier résultat serait d'assécher le golfe, et de le rem-
placer par une petite rivière d'eau douce. De son côté, la
Loire, au lieu d'exhausser le Trait et d'élever ses ponts
sous marins, comme de nos jours, approfondirait son
1halweg en mer, suivant l'alignement des afleurements
évcènes, qui sous forme d'écueils, jalonnent un de ses
anciens lits.
Les contours de la côte du Morbihan, dans l'hypothèse
d'un relèvement de 40 du niveau de base,
done davantage des figures fournies par la
purément imaginaire, et les contours correspondants se
sont trouvés réalisés lors de la période néolithique (1).
M:Kerviler{?)a montré que le fond de la baie de Penhouet
se trouvait à 2m au-dessous du niveau actuel lors de
l'invasion romaine, à 4" au-dessous de ce niveau au Vile
UG. DE LA Nos : Note sur la Géogr, ancienne de l'embouchure
dela Loire, Bull. Géogr, hist. 1859, n° 3,
RIKenviLer: Armorique et Bretagne, Paris, Champion, T. 1, 1898.
en voie de formation quise lrouve dans la Lower Chalk du
Wiltshire (*) çà et là la culcédoine s'est concentrée en
noyaux, ou en lits rameux, lenticulaires, sans conti-
nuité. Dans les 2°75 supérieurs, il y a également des
cherts clairs ordinaires.
A St-Jouin loue la silice de ces couches est concentrée
en nodules de chert noir, rangés en lits ; la eraie comprise
entr'eux étant tantôt jaunâtre, tantôt bleuâtre, et quelque-
fois bariolée jaune et bleu. Cette assise ne renferme pas
beaucoup de fossiles.
Couche n° 7. — Craie gris-jaunâtre, un peu glauconieuse,
divisée en couches par banes de chert gris ou noirs. Au cap
la Hève dans les premiers 2 1/2 mètres il y # cinq lits de
cherts grands el massifs, formant une proéminénce
marquée dans la falaise. Les couches supérieures épaisses
de 12 à 13 mètres se composent de craie jaunâtre ou
blanchätre avec cherts nombreux, dispersés ou en lits.
A St-Jouin ces couches sont plus variables, elle ne
présentent qu'un seul lit de grands blocs de chert, et sur
ce lit repose un mètre de craie dure, grise, sableuse, avec
nodules verts en dehors. Il est recouvert par des
couches de craie glaucouieuse (7 mètres) avec cherts
bleuâtres dispersés, et concrétions dures siliceuses. Les
trois mètres suivants renferment des cherts noirs, el
finalement il y a une couche de craie grise avec concrélions
dures siliceuses.
Dans quelques-unes de ces couches les fossiles sont
assez abondants; Pecten asper se trouve partout, avec
P, Galliennei, P, elongatus, Hhynchonella dimidiata,
Epiaster crassissimus, Amanonites varians, Turrulites tber-
eulatus, Tur. costatus; Holaster subglobosus est commun
dans les 2 1/2 mètres supérieurs,
Hi Voir Quart. Journ. Geol, Sos, vol. XLV, p, 405.
— 944 —
d'abord d'accepter comme caractéristiques des Echino-
dermes ou des Lamellibranches, pour comparer des gise-
ments éloignés l'un de l'autre ; la répartition de leurs
espèces est trop dépendante de conditions d'existence
locales, telles que la profondeur de l'eau, la nature du
fond de la mer, les courants, Au contraire, la répartition
des Céphalopodes, animaux capables de se transporter
plus facilement, dépendait moins de la profondeur de
l'eau, et doit par conséquent nous inspirer bien plus de
confiance.
Si conformément à ce principe, nous basons nos compas
raisons sur la répartilion des seuls Céphalopodes, nous
reconnaitrons l'identité des couches à à 8 du Hâvre avec
notre Lower Chalk, car les Céphalopodes de cette partie du
Cénomanien du Hävre et ceux de notre Chalk Mark
appartiennent aux mêmes espèces; par contre, ces espèces
ne se relrouvent pas dans les Chert-Beds de notre Upper
Greensand.
La seule partie de notre Upper Greensand où les Cépha-
lopodes du Chalk Marl soient associés au Pecten asper el
aux autres espèces citées ci-dessus, est le sable de Rye Hill,
niveau qui forme le sommet des Warminster Beds. Cette
couche loutefois est mince, n'ayant pas plus de 3 mêtres
d'épaisseur (v. p. 232), et le sable dontelle se compose passe
graduellement à la craie glauconieuse (Chloritie Marl) qui
la recouvre. On a montré récemment (!) il est vrai, que
celle faune de Warminsler n'était pas ka faune typique
de l'Upper Greensand, attendu que nombre des espèces
caractéristiques du Chalk Marl y font leur première appt
rition ; c'est en fait une couche de passage, et le nombre
des espèces qui passent de celte couche au Chalk Marl ëst
trois fois plus considérable que celui des formes provenant
dés couches inférieures.
(1) Geol. Mag. Déc, IV. Vol HE, pag. 261 (1806).
— #6 —
Chalk Mar! ayant été précédé par celui d'un sable glauco-
nieux dans une mer moins profonde, on conçoit que les
faunes qui les caractérisent aient dû émigrer, selon que
l'étendue de la mer s'accroissail el que $a partie centrale
S'approfondissait, pour rechercher ailleurs les conditions
qui leur convenaient.
On constate à l'appui de ces vues, que la diflérence entre
les faunes du Chalk Marl anglais et du Cénomanien
normand augmente à mesure qu'on suit les couches du
nord au sud, el au sud-ouest ; mais toujours elles renfer-
ment le même assemblage de céphalopodes.
Notre avis, en résumé, est que le Cénomanien de nos
coupes du Hävre et de l'Orne n'est que la continuation,
vers le midi de la Lower Chalk Angletérre, déposée
dans une mer moins profonde, et en une région où les
conditions favorisaient li croissance des éponges siliceuses.
Il est formé pour ces raisons, d'une craie plus sableuse et
plus glauconieuse, avec une plus grande quantité de
matière siliceuse sous forme de spieules d'éponges et de
cherts.
Le Cénomanien du Devonshire
par M. À. J. Jukes-Browne.
Nos dernières études dans le Devonshire nous ont révélé
un certain nombre de faits nouveaux, importants pour fa
connaissance de l'étage cénomanien.
Le terrain crélacé dans ce comté est complètement
isolé des massifs du Dorsetshire, étant limité à ‘deux
petits lambeaux s; naux, compris l'un entre Lymes
Regis et Axmouth, l'autre entre Seaton et Sidmouth: Les
meilleures coupes sont dans le dernier, notamment dans
les belles falaises de Beer Head,
Les surfaces qui limitent les lits brunâtres, au sommet
‘dés couches À et B, sont remarquablement planes et
unies : elles correspondent évidemment à des arrèts dans
la sédimentation, arrêts pendant lesquels les dépôts
précédemment accumulés ont été durcis par infiltration
“de solutions phosphalées et calcareuses.
La marne glauconieuse C paraît correspondre à un
aceroïissement du niveau représenté à Beer Head par des
lambeaux discontinus de sable glauconieux, à la base du
Turonien, Cependant on y trouve Belemnitella plena et quel-
ques autres fossiles de la Lower-Chalk, de sorte qu'elle
pourrait représenter lé sommet de celte division, c'est-à-
dire la zûne à Mel. plenx. En tous cas, il y a sous elle une
lacune, et il Giut admettre que le reste de la Lower-Chalk
fait défaut ou qu'il est représenté par les calcaires sableux
de la zône à Am. Mantelli.
Voyons done, quels sont les fossiles de celle zûne à
Am. Mantelli. (couches A et B) ? Ces deux couches offrent
mn grand nombre d'espèces communes, telles que Am.
Mantelli, navicularis, falcatus, varians, Coupei. Le nombre
des espèces propres à chacune d'elles est assez restreint :
mous citerons à la partie inférieure de À une grande
espèce de Bryozoaire, très abondante, Ceriocaoa ramulosa,
associée à des spongiaires cénomaniens bien connus,
comme Trematocystia Orbignii, Elasmostoma consobrinum.
Les Ceriocuva sont souvent perforés par le Lithodomus
rugosus dont on ne retrouve que les moules, Trigonia
créaulifera, D. sulcataria, Area ligeriensis, Corbis rotundata
Sont abondants ainsi que de grands échantillons de lu
Terebratella Menardi.
Au sommet de celle couche A, on trouve en grand
nombre Pecten asper, associé à P. Gal ei, P. Puzosianus,
Inoceramus striatus, Rhynchonella dimidiata, Pseulodiadema
rariolare, Holuster lœvis, Hol. Hischoffi, Catopygus columbu-
ris, et nombreux Bryozoaires indéterminés. Parmi les
céphalopodes propres à celte couche, on remarque
Ammonites complanatus, A. laticlavius, A. obtectus,
Turrulites Scheuchzerianus, T. costatus.
La couche B renferme comme fossile commun Holaster
subylobasus, rare dans les couches inférieures. M, Meyer y
4 trouvé Codiopsis domu, Heminster Morrisi, divers
Brachiopodes du Tourtia, et de nombreux gastéropodes
des genres Avellana, Natica, Neritopsis, Pleuratomaria,
Trachus, Turbo, Solarium, Voluta, parmi lesquels Trochus
Girouinus, Turbo Guerangeri, Avellana eussis, Volut
Guerangeri. Il y a diverses espèces de Nautiles, N. lœoigatus,
N. Largilliertianus, etc, Scaphites æqualis, Turrulites
Morrisii, T. costatus, T. (ravesianus, T. Bechet.
La couche C contient également un assez grand nombre
de fossiles, surtout entre Lyme-Regis et Axmoulh, la
plupart à l'état de moules en phosphate de chaux et
probablement remaniés, provenant de niveaux inlermé-
diaires totalement disparus, Les Seaphites wqualis et
Arnmonites hippocastanum figurent parmi les espèces les
plus répandues ; elles sont accompagnées de quelques
espèces rares, telles que Ammonites euomphalus, Am.
Loupilianus, Am. Henerieri, et une forme nouvelle déerite
par nous sous le nom de Am, (Acanthoceras) pentagonus.
Nous donnons ci-dessous la liste complète des fossiles
de ces 3 couches que nous avons pu identifier. Nous
indiquons dans des colonnes séparées les espèces qui ont
été retrouvées dans les couches de Warminster, dans le
Clalk-Mari, le Chloritie Marl et le Cénomanien du N. 0 de
la France. Cette liste est le résultat des collections faites
par M. C.J. A. Meyer, par moi-même et par M. Rhodes
pour le Geological Survey, Les déterminations en partie
dues à M. Meyer me sont pour la plupart personnelles, à
l'exception des Spongiaires et des Bryozoaires étudiés par
M. le Dr G. J. Hinde,
— 231 —
ListE DES FOssiLES CÉNOMANIENS DE LA CÔTE DU DEVONSRIRE
Dans le tableau suivant, la première colonne contient
les fossiles de la zone à Ammonites Mantelli du Devonshire;
la seconde contient les espèces de la marne sableuse
qui la surmonte ; ces deux colonnes réunies montrent
la faune Cénomanienne du Devonshire,
La 3e colonne montre l'extension de ces fossiles dans le
sable de Rye Hill près de Warminster, couche qui renferme
la faune dite de Warminster.
La 4 colonne indique leur présence dans la craie
glauconieuse avec nodules et fossiles en phosphate de
chaux de Chard, du Somersetshire et de l'Ouest du
Dorsetshire.
La te indique les espèces qu'on rencontre dans le Lower
Chalk, dans les zônes à Am. rarians, Holaster
subglobosus, et à Belemnitella plena du sud de l'Angleterre.
La 6° apprend combien d'espèces se retrouvent dans les
couches cénomaniennes du nord-ouest de France (Maine
et Normandie).
Les lettres donnent l'indication de l'abondance compa-
ralive des espèces : Le. = très commun, Fr. = commun,
ue — assez COMMUN, 4.7. re, — rare,
Lr. très rare, la + dénote que nous ne connaissons
pas la fréquence relative.
Lower Chalk
S a'Angire
Bave de la Craie
|Sumerset et Dursel
| Holaster Bischoffi Renev
| Holectypus bistriatus Wright...
Pseucdlodiadema Benettiæ Forbes .
» (?) Brongniarti Ag.
Michelini Ag.
ornatum Goldf. . .
cariolare Brongn.
Pygurus lampas De la Beche
Pyrina læois A# 4 +. +
Ü » Desmoulinsii D'Arch . ..
| » ()ooulum Ag.
| Satenia petalifera Desm
po » car. gibla Ag.
» 4?) Clarkii Forbes
Trematopygus #p.. .
ANKNELIDA
Dit-upa diflormis Lam... ...| r. | e. la rar r. | ce.
Galeolaria plezus SOW . : +. . de e. ele
Vermicularia umbonata Mant.. | r. » [el £
| CRUSTACEA
Callianassa 5p ....... barre
( PoLYzoA
| Eschara neustriaca Mith. . . . r. + |
HO RES -
| Ceriopora ED Lovin fe se is] 56 |
k Bt ne are ae. |
Ceriocaca ramulosa Mieh. . . . .|L e. +!
Defrancia (Pelayia) Eudesi Mich.|l. r. +)
ÉMicropora sp. 1... . . e. +
: » ep... r. +
DEVOX. #E| 8
TS HE
3e FE Ë
NES ass
Anatina lanceolata Geln . . . .. r. |
Area Mailleana d'Oib. . . . - .. mirirlelrle
» Galliennei d'Orb.. . . ... r. +
»_ Ligeriensis d'Orb. . e. |
D MOD 70 SR Re ES :
Astarte cyprinoides d'Areh. . ..| r.
| » Koninckii d'Arch. . . .. re
Cardita sp (moule). .......| +. °
| Cardium alternans Ress... . | r.
Ù atutaceum Got... | r.
| » Hillanum (?) Sow. . . .[a.r. a. c.
» Mailleanumd'Orb. . . .| r. f; +
Chama cornusopiæ d'Orb. . . .. r. ar. + |
| Corbis rotundata d'Orb. . . . . . a. ce. el
| Crassatella Vindennensis d'Orb. .| r. +i
. Ligeriensis &'Orb. . | r. +!
É Cucullea 8p. . .......... ? ;
L Exogyra conica SoW.. . . .... a. e le. ù
Gastroch@na 8p, . ........ ar.
| noceramus lutus d'Orb.(non Mant}| e. aele. tele. |
» striatus SW... .. | €. ae. e. |e. |
» sp lallongée). ... | € |
Ï Lima globosa Sow. . . .... Jr a, r.fa.e.lt. e |
lo» (ef intermedia d'Orb.) . . | r. e. ar +
É » ornatad'Orh. ........ ae. r. faclar e. |
j » rapa d'Orh. tr. | + |
| » Rotomagensis d'Orb.. ..| r. + |
É » semiornata d'Orb. . ....| &. la. ea. r e. |
L » semisulcata, d'Orh. . . ... i a. +!
Us mplem d'Orb. . . .. .. Le +
| » tecta d'Orb +
l » ap. (With pitted grooves). . .[a. €. |
| Lithodemus ragosus d'Orb.. . . | e. le +
| Lucina Turoniensis(?a'Orb.. . | r. |? +
Warvilnster
Sable supérieur
Base de la Craie
|Somerset et Dorse
+ ++ [ee
Thetis Sowerbyi (?) Reuss.
Trigonia affinis Sow.. . .
costigera Lyc .
crenulata Lam.
crenulifera Lyc.
debilis Lyi
dunseombensis Lyc ||
nuata d'Orb. .
Unicardium Ringmeriense Mant.
Venus Goldfussi Geln. ..,...
GASTEROPODA
Aporrhaix (Rostellaria) Maillea-
nad'Orb. .,. . . . . . .[a
Aoellana cassis d'Orb, .
» Precosti d'Arch.
Columbellina #p. . .
Emarginula Meyeri Gar
Fusus sp...,...
Natica gaultina d'Orb.
»
Neritopsis sp.
Nerinaa sp... ..,.
Pleurotomaria Cassisiana d'Orb.
Mailleana d'Urb..
Rhodani(?,P.&R:
spl. :
#p. 2. .
[TEE
Annales de la Société Géologique du Nord, T. xxIV. 47
dans l'espace aussi bien que dans le temps. La méthode
n’acquiert donc quelque valeur que si l'on prend en compte
ces causes de perturbation, et c'esl ce que nous avons
tenté dans ce mémoire.
Notre tableau donne une liste de 200 espèces ou variétés
trouvées dans le Cénomanien des côtes du Devonshire
connues déjà dans d'autres régions ; sur ce nombre Zi
espèces, soit 35 % se retrouvent dans les couches de
Warminster, quoique la faune de ces couches récemment
révisée ait fourni 160 espèces. La couche de nodules située
à la base de la craie du Somersetshire el du Dorsetshire a
fourni 90 des espèces précitées soit 45 %%, c'est-à-dire un.
nombre plus grand de formes communes ; il semblerait
ainsi qu'on doive s'attendre à trouver un plus grand
nombre d'espèces communes aux niveaux inférieurs,
ais il n'en est pas ainsi pour la raison que la nature
des sédiments a changé : la Lower Chalk est un sédiment
différent des précédents, Quuiqu'il en soit, el malgré celte
diltérence lithologique, on connait 71 espèces communes
entre le Cénomanien du Devonshire et le Lower Chalk du
sud de l'Angleterre, en dehors de sa couche de base.
L'interprétation brutale des chiffres aménerait à une
apprécialion erronée puisqu'on lrouve le même nombre
de formes communes entre la Lower Chalk el les couches
de Warminster.
IL est cependant possible de se rendre compte, par Ia
discussion rationnelle de ces chiffres, des relations réelles
d'âge des faunes cénomaniennes du Devonshire avec celles
de Warminster et celles de la Lower Chalk. I y a un grand
nombre d'espèces qui passent de l'Upper Greensand au Hit
noduleux de la base du Chalk Mari, et qui ne se retrouvent
pas dans le Chalk Marl mème ; quelques espèces du
Devonshire inconnues à la fois dans l'Upper Greensand ét
dans le Chalk Mari ont été reconnues dans ce lit noduleux,
Ainsi 40 espèces de notre liste du Devonshire, trouvées
dans ée lit, n'ont pas été revues dans le Chalk Marl. Si
l'on ajoute ces 40 formés aux 74 signalées dans la couche
supérieure, on obtient le total de 111 espèces pour la faune
de la Lower Chalk, et c’est ce nombre qui doit étre pris
comme terme de comparaison des faunes. On constate
alors que sur les 200 espèces de la liste du Devonshire, il y
na A; soit 55%, communes avec la Lower Chalk, tandis
Qu'il ny en a que A, soit 35 %, dans les couches de
Warminster.
Les relations véritables de ces 3 niveaux ressortent
encore avec plus de netteté, si on néglige les formes dont
la répartition dépend essentiellement de la profondeur,
pour concentrer son attention sur les seuls Céphalopodes,
La faune du Devonshire a fourni 38 espèces distinctes de
Céphalopodes, dont 14 sont connues dans les couches de
Warminster, 25 dans la couche noduleuse, 29 dans la
Lower Chalk, soit respectivement 29 v/,, 66 0/0, et 76 °/,. Si
onréunit les formes des deux derniers niveaux, leur
ensemble contient toutes les espèces de Céphalopodes du
Cénomanien du Devonshire, à l'exception de trois :
Ammonites pentagonus, espèce nouvelle représentée par un
Spécimen unique, Âamites simples de détermination
douteuse, et Turrulites Bechei, fossile rare, propre au
Devonshire.
Ensomme lesespèces les plus communes dans les coupes
du Devonshire, telles que Ammonites Mantelli, Am. navieu-
düris, Am. varians, Am. coupei, Turrulites tuberculatus,
sont'en même temps les plus répandues et les plus
caractéristiques du Chalk Marl.
La discussion des faunes établit par conséquent que les
espèces de la Lower Chalk sont réellement prédominantes
dans la Série cénomanienne du Devonshire ; l'abondance
des Céphalopades de la Chalk Mar! dans cette série indique
que les lits À et B correspondent à la base de la Lower
Chalk. Mais en même temps il faut reconnaitre que ces
couches du Devonshire, de composition sableuse, el
remplies de survivants de l'époque du Greensand, se sont
déposées dans des mers moins profondes que le Chalk
Marl, malgré le synchronisme de leur formation.
Telles sont les relations de la faune cénomanienne si
spéciale du Devonshire, avec les couches de la série
anglaise normale ; il reste à chercher leurs relations avec
la série française,
Et d'abord la présence dans l'Ouest de la France de
140 espèces, sur les 200 signalées dans le Devonshire, soit
70%, sufit à établir entre ces formations un rapproche-
ment intime. Nous croyons même qu'une connaissance
plus approfondie de la faune cénomanienne de la Sarthe,
nous permettrait de reconnaître entre ces régions un plus
grand nombre d'espèces communes ; la preuve en est que
déjà actuellement M. Meyer et nous, nous ayons pu
reconnaitre dans le Devonshire 29 espèces de l'Orne et de
la Sarthe (Lamellibranches ét Gastéropodes), auparavant
inconnues en Angleterre. Si on limite cette comparaison
aux seuls Céphalopodes, on compte 24 espèces communes
à ces deux faunes, proportion faible à première vue pour
les 38 espèces du Devonshire. Cette proportion toutefois se
modifie complètement si on note que la liste du Devonshire
contient diverses espèces rares, propres à l'Angletérre.
6 notamment que l'on peut déduire des 38, ce qui laisse le
rapport de 24 à 32 soit 75 ‘e,
Nous sommes ainsi fondés à conclure que la série
vénomanienne du Devonshire est extrémement voisine du
lype si particulier, connu dans l'Orne et dans la Sarthe ®
ces dépôts ont été formés dans des conditions physiques
et bathymétriques analogues, el présentent un même
assemblage de fossiles.
La faune cénomanienne du Devonshire nous a encore
fourni d'autres relations avec la série française ; elles
offrent un intérêt particulier pour les membrès de la
Société Géologique du Nord, puisqu'elles ont trait à la
dissémination d'espèces du tourlia du Nord. Nous y
avons en eflel reconnu la présence des formes suivantes
du tourtis de Tournay et de Montignies-sur-Roc,
Lodiopsis doma, Pyrina Desmoulinsii, Terebratula are-
nosa, Ter, capillata, Ter. tornacensis, Ter, Verneuili,
Pecten Passyi, Pecten subinterstriatus, Astarte cypri-
moïdes, Avellana Prevosti, Solarium Thirrianums, qui à
l'exception de Ter. capillata et Ter, Tornacensis n'avaient
pas encore été signalées en Angleterre. Ainsi nous
apportons un argument nouveau aux vues de d'Archiac,
MA: Gosselet, Cornet et Briart, qui assimilaient le Tourtia
aux grès du Maine. Nous signalerons à ce propos la
présence de Ter. Tornucennis dans le Cénomanien de la
Sarthe d'après des échantillons que nous devons à M. Bizet
de Belléme où elle avait été confondne avec Ter. biplicata
{Defr. non Sow.).
La conclusion naturelle de ces observations est de
considérer le Cénomanien dé la Sarthe, du Devonshire, et
le Tourtia du Nord, comme des formations contemporaines
datant de l'époque du Lower Chalk et non de l'époque du
UpperGreensand: leurs caractères lithologiques aberrants,
généralement sableux, leurs faunes propres doivent leur
raison d'être à leur position géographique littorale sur les
bords du bassin anglo-parisien. Ils se sont déposés sur les
bords de la mer cénomanienne, dans des eaux relativement
peu profondes, landis que la Lower Chalk s'accumulait
vers sa partie centrale, sous de plus grandes profondeurs,
Nombre des formes du Upper Greensand supérieur,
nomment les Échinodermes et les Lamellibranches, ne
trouvérent plus un habitat favorable à leur développement
— 94 —
et disparurent dans les régions cénomaniennes qui
s'aflaissaient el où dés dépôts de craie vinrent succéder
aux formations du Greensand, Mais ces animaux chassés
par l'établissement de ces conditions physiques nouvelles
ne moururent pas tous; beaucoup abandonnèrent ces
régions devenues trop profondes et émigrèrent emportés
par les eaux cénomaniennes qui envahissaient les régions
occidentales ; ils y survécurent et on les y trouve mélangés
aux représentants des faunes nouvelles.
M. Charles Barrois présente les observations sui-
vantes :
Dans nos recherches, déjà anciennes, sur le terrain
crétacé de la Grande-Bretagne, recherches qui ont été si
brillamment reprises par divers savants anglais, parmi
lesquels M. Jukes-Browne occupe une place d'honneur,
nous avions proposé pour les couches cénomaniennes le
classement suivant :
| Zône à Holaster subglobosus }
Zône du Ghloritie marl \
Cénomanien FETES
ne à Pecten asper { F
Zäne à Ammonttes Anflatus | #4 PP Aron,
ancien Chalk mark
M. Jukes-Browne se basant sur des études habiles
autant que consciencieuses, réunit notre zône à Pecten
asper à Ja zône à Ain. inflatus, et fuit rentrer cel étage
dans l'Albien. Nous ne voyons aucune objection de prin-
cipé à ce classement nouveau établi sur les caractères des
faunes elsommes tout disposés à nous y rallier, Mais comme
toutefois la zône à Am. inflatus contient de l'aveu un&
nime, des fossiles cénomaniens, et que ln zône à Pecten
asper en contient un plus grand nombre encore, le
progrès des études nous parait fatalement destiné à
amener de nouvelles fluctuations dans ce groupement,
—58 —
suivant les localités, les percentages des nouvelles listes
et les interprétations parfois un peu subjectives des
faunes.
Dans le Sud de l'Angleterre, la limite entre la zône à
Pecten asper et le Chloritie marl est remarquablement
nèlle ; et c'est à juste litre, croyons-nous, que M. Jukes-
Browne insiste sur l'importance de cette division que ses
travaux ont si bien mis en lumière, Nous sommes moins
préparés à suivre cette division au Sud de la Manche, où
les couches à Pecten asper nous paraissent se relier davan-
tage à la série supérieure, à titre de formation plus
littorale.
M. Gosselet présente les observations suivantes :
Le travail qué nous envoie M. Jukes Brown ramène
avec beaucoup d'à propos notre attention sur le Céno-
manien du Nord que nous négligeons trop.
Depuis plusieurs années déjà j'ai modifié dans mon
enseignement la clussification admise dans l'Esquisse
géologique du Nord de la France (*) à la suite du mémoire
magistral de M. Ch. Barroïs (?]. Actuellement, j'assimile
comme âge les sables glauconifères à Pecten asper de
l'arrondissement d'Avesnes à la marne à Ammonites lati-
clavius du Blanc-Nez, en les considérant comme des dépôts
plus littoraux. Cette manière de voir est conforme à celle
adoptée par M. Jukes Brown pour les rapports du Céno-
wmanien du Devonshire avec la Lower Chalk. Elle fait
disparaître une double lacune bien inexplicable, celle
des sables à Pecten asper dans le Boulonais et des marnes
à Ann. laticlacius sur les bords de la Sambre.
(4) P; 245 et suivantes,
(21 Ch. Bamroïs Mém. sur Le terrain crétacé des Ardennes et
des régions coisines. Ann. Soc. Géol. Nord V. p. 84.
= 26 —
Mais toutes les dificuliés que présente le Cénomanien
ne sont pas levées,
Sur les bords de la Sambre comme aux environs de
Bavai, la couche à Pecten asper est recouverte directement
par la marne à Belemnites plenus, sans intercalation de
toute la craie que M. Jukes Brown désigne sous Je nom
de Lower Chalk el M. Ch. Barrois sous le nom de craie à
Holaster subglobosus. Cependant il semble quelquefois y
avoir passage d'une couche à l'autre et la marne à Belem-
nites plenus contient des fossiles qui caractérisent les
sables glauconifères. On peut il est vrai supposer que ces
fossiles sont remaniés bien que leur fragilité rende
l'hypothèse difficile à admettre.
Faut-il adopter l'opinion de Jukes Brown, opinion que
je professais il y a très longtemps (‘) ? Dans le Devonshire
on rencontre au-dessus des couches à lecten asper (A et B),
que M. Jukes Brown rapproche pour le caractère paléon:
tologique de la base du Lower Chalk, une marne glauco-
nieuse avec Belemnites plenus représentant la partie
supérieure de la même assise. Entre les deux manque,
comme sur la Sambre, la grande masse du Lower Chalk.
Or M. Jukes Brown dit que les couches cénomaniennes
du Devonshire doivent leur faune propre à leur position
géographique liltorale sur les bords du bassin anglo-
parisien. Elles se sont déposées sur les bords de la mer
cénomanienne, tandis que le Lower Chalk s'accumulait
vers sa partie centrale sous de plus grandes profondeurs (?).
Si cette hypothèse est vraie, on peut supposer que la
marne à Pecten asper de la Sambre correspond à l'ensemble
du Cénomanien du Boulonnais.
(1) Esquisse géologique du Nord de la France, 1 édilion, Bull.
se. hisl. @L Lit. du département du Nord, VE p. 241 1874.
(2) Anté p. 283,
Quant au tourtta de Montigny-sur-Roc et de Tournai, il
paraît être une formation plus liltorale encore, corres-
pondant à la partie supérieure des couches à Pecten asper,
C'est dans sa couche B du Devon que M. Jukes Brown
à récueuilli le plus grand nombre des oursins qui le
caractérisent.
N'oublions pas enfin que le sarrazin de Bellignies est
aussi, comme l'ont démontré M. Barrois et M. Ladrière,
une formation littorale plus ancienne que les sables glau-
conifères à Pecten asper.
Quant à la limite des étages dits Cénomaniens et
Albiens (Gault), quand on voit deux géologues aussi
éminents que M. Jukes Brown et M. Ch. Barrois, après
avoir étudié la question sous toutes ses faces, arriver à
des conclusions différentes, on est disposé à admettre que
ces déterminations de limites ne doivent jouer qu'un
faible rôle dans la science.
Sondages aux environs de Lille
Forage chez M. Léon Allart, industriel, à Roubaix
Torre végétale. .
Sable mouvant
Glaisé "FC
Suble vert, . .
Glaise b'anchätre
Marne grise avec silex
Marne blanche , - - .
Diéves 1
Calcaire gris dur
Sable noirâtre FA
Calcaire gris [assez tendre) .
Calcaire tendre . . : + . ,
Calcaire noir (très tendre) .
A 110* on a rencontré une fissure de 1"10
Excursion en Ardenne
FAITE DU 5 AU 13 AOUT 1895
par les élèves délégués de toutes le Facultés dé France
sous la direction de
M. le Professeur GOSSELET
Proteseur à la Faculté des Sciences de Lille
ISuite)
DEUXIÈME PARTIE, PAR M. GRANGE
4e Journée (8 Août 1895)
Étude du terrain déconien inférieur modifie par la pression,
de Bogny à Charleville.
L'excursion arrivée le matin à la gare de Monthermé,
s'engage sur la route de Levrezy.
On aperçoit bientôt de l'autre côté de la Meuse, l'assise
de Bogny, formée de phyllades et de quartzites noirs,
Si on suit le bord sud de l'ilot cambrien, on le voit
surmonté par le poudingue dévonien qui esi toujours à
peu près à la même hauteur, son altitude va en décroissant
légèrement de l’est à l'ouest; ce poudingue est très
faiblement incliné sur l’assise de Bogny, il diffère de celui
de Fépin par la plus grande teneur en mica des parties
schisteuses, qui se trouvent entre les galets.
Traversant ensuite la Meuse, nous éscaladons une partie
du rocher qui se trouve au nord de Bogny, pour aller voir
dans la cheminée, le contact des couches de Bogny avec le
poudingue ; on y observe une légère discordance, entre le
poudingue et le cambrien, Puis, toujours sur la montagne,
nous nous dirigeons vers une carrière de l'assise de
Bogny. Nous y ubservons des quartzites et des schistes
noirs, ces derniers remplis de pailleltés brillantes qui
sont constituées par de l'ottrélite, chloritoïde renfermant
du fer et du manganèse.
À l’ane des extrémités de la carrière, on voit le pou-
dingue dont la pâte présente elle aussi de l'ottrélite. A
quelques kilomètres de Bogny, à Linchamps, on observe
également l’ottrelite dans la pâte du poudingue dévonien.
Or dans ces deux points le chloritoïde est à l’état d'accident
et se trouve dans la pâte sans aucune trace de stratifi-
cation; ceci éloigne déjà l'hypothèse du transport, En
outre les schistes cambriens voisins qui ont formé la
pâte n’en contiennent pas. Il faut donc admettre, que
l'ottrélite s'est formé par métamorphisme. Ces deux
gisements, Bogny et Linchamp, sont les deux seuls où il
ÿ a concordance du cambrien avec le dévonien, le méta-
morphisme par plissement n'a donc pas pu avoir lieu;
aucune roche éruptive (elles manquent dans le voisinage)
n'a pu agir. Nous devons donc admettre que la concor-
dance du poudingue avec le schiste ne s’est établie que
postérieurement à la formation du premier, par un
mouvement de pression du dévonien sur le cambien,
pression qui à produit un énorme développement de
chaleur’ c'est ainsi que l'ottrélite, dont les éléments
préexislaient déjà dans la pâte, a pu se former.
Nous traversons de nouveau le pont de Bogny pour
gagner la rive droite el, nous prenons la route de
Lévrezy.
Un peu après le pont nous observons le long de la
route une carrière de quarzites blancs de l'assise de
Deville, présentant un pli anticlinal remarquable,
Un peu plus loin on peut observer le poudingue qui se
termine par des grès el qui est recouvert par des schistes
noirs remplaçant ici l'arkose et les schistes de Mon-
— 90 —
drepuits. Ce sont les phyllades de Lévrezy que nous
observons sur la rive droite de la Meuse, en face du
village de Braux; ces phyllades sont luisants et satinés,
renferment du mica blanc et ne présentent pas ou presque
pas de quartzites. Hs sont en outre fortement oudulés,
quelquefois à angle Lrès aigu, aussi arrive-Lil assez
souvent que ces plis, dont la formalion est due à une
poussée venant du sud, se sont cassés et les éléments se
sont pulvérisés ; il en est résulté au niveau de la cassure
un chemin neturel que les eaux ont suivi. Emportant peu
à peu les poussières résultant de la cassure, elles ont
ainsi formé des fentes plus ou moins rapprochées les
unes des autres et, pouvant parfois faire croire à une
stralification différente de celle qui existe réellement:
Certaines de ces fentes, ont été remplies par des eaux sili-
ceuses, qui ont déposé des filons de quartz; comme d'au-
tre part quelques filons se sont formés dans le même sens
que la stratification, on a fréquemment des filons qui se
coupent à angle plus ou moins aigu.
La montagne qui est au sud de Bogny et qui fait face
à celle où nous avons observé le poudingue, est formée
jusqu'à Braux par ces schistes de Lévrezy.
Continuant à longer la rive droîte de la Meuse nous
montons à une carrière siluée en face de Braux ; nous y
trouvons des schistes et surtout des quartzophyllades noi-
râtres et micacés ; ces quartzophyllades présentent des
bandes schisteuses noires el d'autres arénacées plus clai-
res, on y trouve en outre des tâches oligisteuses arborisées,
provenant de dendrites pyriteuses allérées, el, des filons
de quartz contenant parfois d'assez jolis cristaux. Celle
assise est celle des quartzophyllades de Braux, formant la
partie supérieure de l'assise schisteuse de Lévrezy.
Nous descendons prendre le chemin de Joigny qui
suit la ligne de chemin de fer; nous trouvons les schistes
- VU —
de Joïigny, qui sont plissés satinés et bigarrés; ils présen-
tent un fond violet ou bleu foncé avec panachures ver-
1âtres, ils correspondent aux schistes d'Oignies, ce sont
les mêmes que ceux du Mont Olympe sauf quelques petites
différences.
Poursuivant notre route sur Joigny, nous rencontrons
les schistes de Laforet qui correspondent à l'assise de
Saint-Hubert; ces schistes sont verts ou vert jaunâtre,
on y trouve également des psammites el des quartzites gris.
Un kilomètre plus loin nous voyons l'équivalent du grès
d'Anor, représenté par une formation toute différente, les
phyllades d'Alle, qui sont d'un noir brillant et, ont été
exploités pour faire des ardoises. Comme fossiles, on y a
trouvé des Astéries.
Nous sommes bientôt à Joigny, où nous déjeunons,
Après dejeñner nous traversons la Meuse el nous voyons
en face du village une carrière avec schistes bigarrés de
Joigny.
Puis, on gravit une partie dé la montagne qui est en
face, pour aller prendre la route de Braux à Nouzon.
Nous remarquons que le plateau est recouvert par des
alluvions de la Meuse et, nous dirigeant sur Nouzon,
nous retrouvons bientôt les schistes de Joigny, puis plus
Join, après avoir traversé les phyllades d'Alle, sans pouvoir
les observer, la partie inférieure des schistes de Nouxon,
Ce sont des schistes gris-jaunâtre avec filons de quartz
ét bancs de quartzites ; ils sont sans fossiles,
Nous arrivons au pont de Nouzon, où quelques mètres
au-dessus (rive gauche), nous
observons des filons de quartz
blanc au milieu de schistes
verdâtres, Ce quartz est d'origine
thermale, par conséquent bien
postérieur aux schistes ; si l'on
examine alentivement certains de ces filons on s'aperçoit
_— 9 —
Le cumbrien du massif de Rocroi, se termine en pointe
vers l'est. Lésdiverses couches dévoniennes qui l'entourent
dans le mouvement de pression venant du sud, se sont
repliées sur elles-mêmes en formant une sorte de longue
queue, si bien que lorsque marchant vers l'est dans l'axe
du pli nous arrivons aux schistes de St-Hubert, nous
sommes loin du massif cambrien.
Cette assise de St-Hubert, nous montre plusieurs faciès
différents, produits par les conditions différentes de leur
dépô et de la pression qu’elles ont subie postérieurement,
Si nous les suivons vers l'E, à 20 kilom. de la Meuse, nous
les voyons se modifier, devenir plus grossiers el nous ÿ
voyons apparaître de l'aimant; ce sont les schistes
#miantifères de Paliseul. Plus à l'est, les schistes sont
moins grossiers, ils sont chargés de biotite (schistes bioti
tifères de Bertrix). Plus loin encore la biotite disparaît, les
schistes deviennent grisätres, il n’y a plus de minéraux, ils
sont très tendres ; ce sont les schistes de Sainte-Marie. Îls
se rechargent enfin de paillettes brillantes (schistes ilmé-
nitiféres de Bastogne), qui sont de l’ilménite, sesquioxyde
de fer chargé de titane; on ne peut les reconnaitre des
paillettes de biotite sans le secours du microscope,
Les couches du bassin de Charleville, analogues comme
âge à celles de Dinant, mais différentes comme aspect,
“doivent donc en grande partie ces différences au métamor
phisme produit par la chaleur, résultant de la pression
venänt du Sud.
&e journée (9 août)
Étude dé la série dévonienne (suite)
N'ayant pu terminer l'étude de la série dévovienne
inférieure de Fumay à Vireux, dans l'excursion du 7,
nous arrivons le matin de Givet à Vireux; nous prenons
la route de Vireux à Fépin, que nous suivons pendant 34
kilomètres environ,
— 281 —
caractéristique du Waulsortien. Ces calcaires sont parfois
en grande partie dolomitisés ; les organismes sont plus
visibles, apparaissant «lors en couleur différente.
En continuant à suivre la vallée de la Meuse, on observe
un pli avec cassures, dont la corniche est formée, de
calcaire construit.
Avant d'arriver à Waulsort nous voyons la dolomie
reposer sur le calcaire construit; puis M. Gosselel nous
montre sous la girouelle placée en face du village de Freyr
le calcaire carbonifére supérieur formant le Viséen, il
nous fait en même temps remarquer que le calcaire
carbonifère constroit disparait en allant au Nord, et, que
la dolomie reposera, sur le calcaire à encrines.
Nous prenons le train pour Namur.
A nolre arrivée nous nous dirigeons vers la citadelle,
où nous nous trouvons à la partie nord du bassin de
Namur, L'extrémité nord-ouest de la citadelle est cons-
truite sur du calcaire carbonifère plongeant au Sud,
tandis que la partie sud-est est sur le terrain houillèr
inférieur formé par des psammites et des schistes à
Productus carbonarius.
La houille exploitée à Namur provient done du houiller
inférieur; mais ce qui est plus remarquable c’est que les
deux veines exploitées, la veine du Château et la veine
du charbonnage de la Plante, toutes deux fortement
inclinées vers le sud appartiennent à la même couche; en
ellet, si l'on suit dans celle direction la rive droite de la
vallée de la Meuse, deux kilomètres environ après être
sorti de la sille, on ne tarde pas à voir de nouveau le
calcaire carbonifère, renversé au-dessus du houiller
inférieur, 11 y à donc un bassin unielinal qui a ramené
au sud les couches du Nord.
Nous rentrons ensuite à Namur.
tout d'abord des grès blanes qui appartiennent encore à
l'assise de Saint-Hubert et qui à 3 ou 4 kilomètres de
nous se chargent de grenats.
Prenant ensuite un sentier à gauche, près de la borne 4,
nous trouvons des blocs d'arkose, semblable à celle de
Bras et constituant l'assise la plus inférieure du Devonien
de ce pays.
Au-dessous, lés couches plongent au sud et en nous
dirigeant au nord, nous trouvons les schistes cambriens
pétris d'ottrélite et correspondant à l'assise de Bogny.
Du haut du massif de Serpont, nous apercevons au
loin, au nord, un autre flot cambrien constituant les
Hautes-Fanges. Puis, à quelques centaines de mètres, nous
traversons des schistes verts chloriteux remplis de cristaux
d'ottrélite, dont quelques-uns sont de très grande taille,
Continuant toujours nous trouvons de nouveau l'arkose
dévonienne et les schistes cambriens toujours ottrélitifères.
Aucune roche éruplive ne se trouve dans le voisinage;
il à fallu pour métamorphiser ces schistes de Saint-Hubert
et donner naissance aux beaux cristaux d'ottrélite qu'ils
renferment, une source de chaleur provenant de pressions
où de frottéments, On invoque en ellet, ici, une pression
qui aurait comprimé ces schistes dévoniens dans une
faille entre deux massifs cambriens.
Nous rentrons à Libramont par la route, après avoir
fait le lour du château de Seviscourt ; là, plus heureux
que dans le sentier que nous ayons suivi en partant et,
oùnous n'avions trouvé que de rares blocs de schistes à
gros cristaux d'ottrélite, nous en rencontrons de nom-
breux sur un lis de pierres, ce qui permet à chacun d'en
faire une abondante récolte,
De là nous gagnons la gare.
Durant le trajet de Libramont à Namur M. Gosselel
nous fait successivement remarquer :
4. Phase Mantellienne. — En 1822, Gédéon Mantell
découvre dans le Wealdien d'Angleterre dés dents appar-
tenant, d'après lui, à un Iguane gigantesque, d'où le nom
d'Iguanodon Mantelli qui fut donné à ces restes fossiles.
2. l'hase Owentenne. — En 1840, on trouve des restes
d'iguanodon plus nombreux et mieux conservés. Owen
les étudie et essaie de démontrer les rapports de l'Igua-
nodon avec les Mammifères.
3. Phase Huxleyenne, — Plus lard, Huxley reprend
l'étude de l'Iguanodon, et reconnait les erreurs commises
par Owen : il démontre les relations de l'Iguanodon avec
les Oiscaux et l'éloigne des Mammifères. En 1865, il
aflirme la station debout et la marche bipède de l'Igua-
nodon, c
4. Phase Bernissartienne (1). — Enfin, en 1878, M. de Pauw
rétire du Wéaldien qui recouvre le terrain houiller à
Bernissart, près Tournay, les débris de vingt-neuf
squelettes d'Iguanodon, appartenant pour La plupart à
une nouvelle espèce, Zquanodon Hernissartensis, de taille
plus forte que J. Mantelli.
On peut admirer, au Museum de Bruxelles, cinq
squelettes de ces animaux, complets et montés, el un
autre qui, sur les ordres de M. Dupont, a été laissé tel qu'ila
élé trouvé, dans la posilion couchée qu'il occupait au
moment de sa mort.
La découverte de 1878 ollre un double intérêt: le
nombre considérable de squelettes dont beaucoup sont
Complets, et leur bon état de conservation, dû sans doute
À ce que ces animaux ont été recouverts avant complète
décomposition.
(1)2M. Doll, trop modeste, eût dû qualifier celte quatrième
phase du litre de Dolloenne, puisque c'est Lui qui a étudié @t
reconstitué les fgnanodons de Bernissart.
— 286 —
Aujourd'hui done les Iguanodons sont connus dans tous
leurs détails, grâce surlout aux savantes études de
M. Dollo.
L'Iguanodon Bernissartensis atteint 9w50 de longueur
totale, dont 450 pour la tête, le cou et le tronc, et 5m
pour la queue.
Tête. — La tête est allongée et se Lermine par une sorte
de bec qui devait être recouvert de corne. Elle possède
92 dents.
Ces dents sont caractéristiques : elles sont comprimées
en formée de spatule, présentent des ondulations longitu-
dinales, et leurs bords sont denticulés, Elles ressemblent
aux dents des vrais Iguanes, qui sont des Lacertiens, el
sont conformées pour couper el triturer les végétaux. Il
n'y a pas de dents sur les prémaxillaires.
Colonne vertébrale. — Lerachis de l'iguanodon comprend
81 vertèbres, dont 10 cervicales opisthocæliques, 17 dorso-
lombaires biplanes, 6 sacrées soudées entre elles et 48
caudales légèrement biconcaves. Les apophysés épineuses
sont bién développées et sont reliées entre elles par des
tendons ossifiés croisés dont on retrouve les analogues
chez l'Aptérix actuel.
Ceinture scapulatre. — Elle comprend une omoplate et
coracoide ; il n'y a pas de clavicule comme chez beaucoup
d'autres reptiles, (caméléons, etc.). Le sternum est pair,
c'est-à-dire formé de deux moitiés gauche et droite,
Membres antérieurs, — Les pattes de devant sont relati-
vement courtes. La main possède cinq doigts ; l'auricu-
laire a quatre phalanges ; l'index, le majeur et l'annulaire,
trois ; le pouce est rudimentaire el constitue une sorte
d'éperon servant sans doute à l'animal d'arme défensive,
Ceinture pelcienne. — U n'y a pas dé symphyse pubienne;
l'ischion et le pubis sont allongés ; l'illium possède aussi
un long prolongement en avant de l'acétabulum.
— 981 —
Membres postérieurs, — ls sont énormes : Le fémur est
très long : il possède une apophyse puissante (comme
chez les Palmipèdes, où elle sert de point d'insertion au
muscle caudo-fémoral, qui produit les mouvements laté-
raux de 1 queue; un autre, l'ischio-fémoral, s'insère
aussi sur la crête de vetle apophyse). Cette disposition
devait exister aussi chez l'iguanodon, dont la queue est
lrès puissante,
En réalité, cette apophyse du fémur n'a rien de commun
avec le 4 trochanter des Mammifères; M. Dollo l'appelle
le 4 trochanter et la crête qui a surmonte crête épitro-
thantérienne. Les caractères qui rapprochent l'Iguanodon
des Diseaux sont assez nombreux :
4° L'allongement de l'ischion et du pubis en arrière de
l'acétabulum ;
2 Le prolongement préacétabulaire de l'ilium ;
3e La ressemblance du fémur avec celui des Oiseaux et
notamment des Palmipèdes ;
% Chez les Oiseaux, le péroné osseux ne s'articule pas
avec le lorse, car il se lermine en pointe; or, chez l'Igua-
nodon, le tibia est, pour ainsi dire, en train de pousser le
péroné hors de l'articulation et ne lui laisse plus qu'une
très pelite surface articulaire avec le calcaneum ;
%o L'articulation de la jambe sur le pied est, comme
chez les Oiséaux, intertarsienne : l'astragale et le calca-
neum commencent à se souder aux os de li jambe;
6° Le pied ressemble à un pied d'Oiseau, ex, Nandou:
Je 4er et le 5e orteils sont à peu près absents ; les trois
orteils bien développés sont formés de 3, 4, 5 phalanges
dont lés unguéales devaient porter des sabots ou des
grilles énormes.
Ainsi, l'Iguanodon n’est pas seulement digne d'attention
par sa grande taille, mais aussi el surtout par les particu-
larités de sa structure anatomique.
— 984 —
L'Iguanodon se tenait debout sur ses pattes de derrière
qui, seules, servaient à la marche. Les récherches de
M. Dollo sont décisives à cêt égard: les empreintes de
pieds qui ont été trouvées, s'adaptent toutes au membre
postérieur, aucune au membre antérieur: les pattes
postérieures sont, d'ailleurs, bien plus développées que
lés antérieures ; en outre, le poids énorme de la queue
avait pour conséquence, l'articulation du fémur au
bassin servant de pivot, de relever Ki partie antérieure
du corps, d'autant plus que les apophyses épineuses des
vértébres sont réunies en un axe rigide par des tendons
ossifiés entre-croisés ; enfin, il existait un fort muscle
caudo-fémoral qui, par sa contraction bilatérale, contri-
buait encore à produire la station debout.
Il est certain aussi, étant donné la constitution du fémur
et la position du grand trochanter, que l'Iguanodon ne
pouvait comme le font les Crocodiliens, placer la cuisse
obliquement ou perpendiculairement au plan médian du
corps, ce qui est lé cas général chez les Reptiles à marche
quadrupède.
La station debout permettait à l'animal d'atteindre les
feuilles des végétaux élevés el aussi d'observer de loin ses
ennemis carnassiers. Ses paltes de devant lui servaient
à la lois d'instrument préhensif et d'arme défensive.
Mais l'iguanodon était amphibie, ainsi que le montrent
les traces de palmures observées sur certaines empreintes,
Sa queue lui servait de balancier.
D'après M. Dupont, lé gisement de Bernissart si riche
en Iguanodons 4 un caractère fluvial indiscutable: on y
trouve une multitude de poissons, des Fougères de petite
taille, etc.
11 dévait exister là une vallée très encaissée parcourue
par un cours d’eau poissonneux bordé de marécages favo-
rables au régime herbivore des Iguanodons,
&
Gel o1 sp)
* {noaonva9])
saydiowoiÿ susunesouig
CETTE Suay13207 anwxsQ
al
SuoypuwueD) sossolSoidiyy suapiudo su>unssssoyy
nombreuses phalanges ajoutées bout à bout sans articu-
lation. Or l'atrophie des membres, l'hyperphalangie des
doigts et la disparition des formations unguéales sont les
caractères de l'adaplalion à la vie pélagique chez les
Vertébrés pulmonés,
Les Mosasauriens ont un omoplale, une interelavicule
et un coracoïde à la ceinture scapulaire ; l'existence de la
clavicule est encore douteuse. On a eru longtemps qu'ils
n'avaient pas de sternum, ce qui les rapprochait des
Ophidiens, mais en réalité ils ont un sternum délicat,
Leur sclérolique est ossilié, comme celle des Iehtyo
sauriens.
Les Mosasauriens ressemblaient à des sortes de grands
serpents pélasgiques munis de nageoires; mais pour
l'organisation ils se rapprochent, en somme, davantage
des Lacertiens que des Ophi on doit, avec M, Dollo,
les considérer comme des Lézards adaptés à la vie aqua-
tique: ils sont aux Sauriens ce que les Baleines sont aux
mammifères terrestres. La Nouvelle-Zélande serait, d'après
M. Dollo, le centre de dispersion de ce groupe, car c'est là
où l'on commence à les trouver (dans le Cénomanien).
On admire à Bruxelles :
Haïnosaurus Hernardi, de la craie phosphatée sénonienne
de Mesvin-Ciply (Hainaut), long de 47 mètres (la tête seule
a 4m70),
Mosasaurus Lemonnieri, du Maëstrichtien, qui atteint
7 mètres de longueur, dont 1"20 pour le crâne. Le Mosa-
saurus à 133 vertèbres procæliques : les cervicales ont
des hypopaphyses bien développées, les dorsales ont de
longues apophyses épineuses, les caudales présentent des
arcs inférieurs (hémapophyses). Les côtes disparaissent
vers le milieu du tronc. Le crâne ressemble à celui des
lézards, il possède des dents plérygoïdiennes et un
anneau sclérotical, Les dents sont longues et pointues,
el disposées en rangée.
en tous sens par des failles et des crans de retour,
plissées en zig-zag, renversées même en plusieurs points.
Eu général, dans le houiller du Pas-de-Calais, auquel
appartiennent les mines de Lens, les couches sont
cependant én plaleures et d'allure assez régulière ;
l'ensemble plonge vers le midi. Lorsque l'on approche
de la lisière sud, les couches sont néanmoins très
brouillées et mème renversées. La zone des charbons
maigres et celle des charbons gras sont à peine repré-
sentées dans le Pas-de-Calais. Le terrain houiller est
recouvert, dans cette région, par un manteau, épais de
400 à 450 mètres, de couches lerliaires el crélacées dont
l'ensemble porte communément le nom de morts terrains.
Pour arriver à la houille il faut, en effet, traverser d'abord
lé tertiaire, la craie, puis les argiles ou «dièves n
turoniennes qui arrêtent les eaux el empêchent leur
infiltration jusqu'aux galeries des mines el, enfin, le
calcaire vert où «tourtia » cénomanien.
La Société des Mines de Lens est propriétaire des
concessions de Lens et de Douvrin (Pas-de-Calais). Ces
concessions couvrent une superlicie de 6,939 hectares ; il
ÿ a 42 puits d'extraction pour 56 couches exploitables, En
489%. la production de la houille a atteint 2.290.076 tonnes,
A Douvrin età Vendin, la houille du bas est demi-
grasse, celle des veines supérieures esl presque grasse,
Les végétaux les plus communs sont : Pecopteris dentata,
Lonchopreris ruyosa, Lepidodendron aculeatum, Alethopteris
Davreuxi, Sphenopteris trifoliata, Sigillaria scutella,
elongata et rugosa, ete.
A Lens (et aux environs, Bully-Grenay, Courrières,
Liévin, etc.), on trouve alors les charbons de la zone
supérieure, très gras; ce sont les charbons à gaz,
analogues aux flénus belges et contenant jusqu'a 37 et
40 de matières volatiles et parfois davantage. Les
espèces que lon y rencontre le plus souvent sont:
Sphenopteris obtusiloba et necropteroïdes, Pecopteris abbre-
viata, Alethopteris Serli, Necropteris rurinervis, Dictyopteris
sub-Brongniarti, Asterophyllites equisetiformis, Sigillaria
lœcigata, tessellaur et camptotænia, Cordaites horassifolius,
eic. Avec quelques formes Stéphaniennes: Sphenopteris
Ben Pecopteris integra, Alehopteris Grandini,
Calumites cruciatus, Annularia stellara et sphenophylloïdes,
qui n'existent pas plus bas.
À Lens, la base du terrain houiller est formée par un,
schiste compact à Spirifer, Productus et Orthis ; au-dessus
se trouvent alors les couches de l'époque dite houillère,
dont le caractère saumâtre et d'eau douce, est dû à un
mouvement progressif d'émersion.
Nous descendons par la fosse n° 4, profonde de 225
mètres; puis, par un plan incliné, à 75 mètres plus
bas; nous remontons par la fosse n°3. Les galeries qui
relient les fosses entre-elles sont appelées bowettes. La
houille ne se trouve qu'en couches minces, depuis Üe10 et
020 jusqu'à 2 mètres de puissance, Les principales veines
exploitées dans les fosses n° % et sont les veines Émilie,
Alfred, du Souich, Marie, etc. Ces veines subissent de
nombreux rejets. Dans ces rejels et ces failles, la
composition lithologique du terrain guide les Ingénieurs
pour retrouver la veine perdue. En eflet, chaque couche
de charbon est ordinairement intercalée entre deux bancs
<chisteux : le bane supérieur appelé toit ou roc, es!
feuilleté, micacé, rempli d'empreintes, mais souvent aussi
il est gréseux et compact ; le bane inférieur où mur à une
rassure irrégulière et est très traversé en lous sens par
des Stigmaria. Les grès peuvent former le toit, mais
jamais le mur des veines. Les schistes présentent souvent
des surfaces de glissement polies, brillantes, appelées
miroirs, et lorsqu'ils ont été plissés où qu'ils ont glissés
les uns sur les autres ils sont parfois recouverts d'efflo-
rescences de Pholérite, substance blanche et douce au
toucher. î
Nous avons pu observer, dans la fosse n° #4, un tronc de
Sigillaria en position verticale, et muni de ses Stigmaria,
Les méthodes d'exploitation de la houille varient
suivant l'épaisseur des veines ; pour une veine épaisse,
on creuse des galeries à hauteur d'homme et on emploie
des cartouches de poudre spéciale ou même de dynamite ;
pour une veine mince, les mineurs travaillent couchés sur
lé dos ou à genoux, en suivant le plan de la veine, Le
charbon ainsi aballu est chargé sur des wagonnels, puis
montés à la surface du sol où l'on procède au triage, au
lavage et à l'expédition.
Nous avons parcouru les galeries el nous avons même
suivi en rampant une veine en voie d'exploitation.
M. Remaux, ingénieur en chef des mines de Lens, a,
le premieren France, appliqué et perfectionné un procédé
étranger destiné à parer aux dangers d'inondation dans le
fonçage des puits. Ce procédé consiste à congeler les
parois du puits au niveau des nappes aquifères qui
reposent sur les dièves ; ceci fait, on peut sans danger
garnir ces parois d'une maçonnerie élanche et poursuivre
le forage à l'abri des inondations.
La visite des mines s'est lerminée par un diner offert à
M. Gosselet et aux membres de l'excursion par la Com-
pagnie des mines de Lens. Au champagne, M. Remaux, se
faisant l'interpréte de lous les convives, porte un Lost
«chaleureux au savant et infatigable M. Gosselet à qui
nous devons dit-il, la connaissance de la constitution
géologique du sol si riche et du sous-sol plus riche encore
de nos régions du Nord. »
A Lens, l'excursion se disloque el chacun part de son
côté, heureux des enseignements qu'il y a puisés,
distingue bientôt par les nombreuses habitations qui la
Couronnent, c'est la montagne de Laon.
Il est onze heures lorsqu'enfin nous entrons en gare dé
Laon, nous y sommes recueillis par M. Gosselet, qui nous
a devancé.
Après avoir pris un peu de repos, nous gagnons la
ligne du chemin de fer près de laquelle une carrière
anciennement exploitée nous permet de constater Ha
présence de la craie à Belemnitella quadrata. Sur cette
craie repose une argile dont la partie supérieure tend à
passer aux sables verts ; elle représente le tufleuu, Cette
assise est ici dépourvue de fossiles, mais à La Fère où elle
revêt le faciès flamand, elle devient très fossilifère,
Le limôn recouvre le tufleau; sa coupe n'est pas assez
nelle pour que nous puissions en réconnaitre les divisions.
En gravissant la montagne de Laon, nous trouvons
dans une carrière située au faubourg de Vaulx un sable
gris blanchätré à stratification entrecroisée. Ce sable
Superposé au tufleau est celui de Châlons-sur-Vesle ; c'est
aussi celui d'Ostricourt revêtu du faciès cambrésien,
L'argilé à lignités fait complètement défaut; celle
lacune s'étend aux collines environnantes qui délimitaient
le rivage de la mer sparnacienne, Dans une carrière
récemment ouverte près de la première, nous trouvons
cépendant un mince filet d'argile noire qui est peut-être
un vestige de la mer sparnacienne.
Les sables de Cuise ou de Mons-en-Pévèle apparaissent
avec un développement considérable ; is mesurent environ
trente mètres d'épaisseur.
Ce sont comme toujours, des sables doux au toucher
renfermant avec d'innombrables Numwnaulites planulata de
nombreux débris de coquilles. A la partie supérieure
ils renferment des nodules de grès vert arrondis, que les
ouvriers désignent sous le nom de tétes de chat,
— 300 —
Les sables de Cuise sont recouverts par de l'argile
panisélienne, dont l'afleurement est invisible, mais dont
la présence est décelée par un abreuvoir situé au pied de
Ja porte d'Ardon, C'est à celte argile, qui, par suite de son
imperméabilité, provoque la formation d'un niveau
uquifère, que la ville de Laon deit son existence,
Le soubassement de la porte d'Ardon repose sur le
calcaire à Nummulites lwvigata; nous ne nous attardons
pas à examiner ce calcaire, nous aurons l'occasion de
l'étudier dans de meilleures conditions.
Par la porte d'Ardon, nous pénétrons dans la ville;
nous en ressortons quelques instants après par la porte
de Paris, où de récents travaux mettent à jour le calcaire
grossier, À la partie supérieure des tranchées, nous distin-
guons un calcaire à Ditrupa strangulata. U repose sur un
autre calcaire d'un mètre cinquante d'épaisseur, L'abon-
dance de Nummulites lwvigata à fait donner à ce calcaire
le nom de pierre à liards. La parlie supérieure de cette
assise contient de nombreux débris de coquilles ; elle est
connue sous le nom de banc St-Jacques.
Sous le calcaire à Memmulites levigata, apparaît un
grès glauconieux et un sable à Pygorynchus également
glauconieux. Ce sable que les ouvriers ont désigné sous
le nom de pain de prussien, correspond aux sables à
lostellaria ampla de Cassel ; il constitue la base du
calcaire grossier.
La présence de l'argile panisélienne sous l'assise à
Pygorynchus ne fait aucun doute ; elle est décélée par
une source qui s'échappe du flanc de la colline, D'autre
part ; on trouve à proximité de la Porte de Paris une tour
penchée, dont l'inclinaison ne peut s'expliquer que par un
glissement de couches sableuses sur l'argile.
En suivant la route qui mène au faubourg de Semilly,
nous relombons sur les sables de Cuise qui renferment
— gi —
des bancs valeaires, durs et cohérents. Dans ces sables
qui s'élèvent en falaise au bord de la route, sont creusées
des cavernes encore habitées el connues sous le nom de
Creutes, Les sables de Cuise et les calcaires qui leur sont
annexés nous fournissent :
TuriteUa edita
Turitea hybridu.
Neritu Sehmideliana.
Revenant sur nos pas, nous regagnons la porte de Paris,
pour nous diriger ensuite sur Molinchart A l'entrée du
village, nous constatons la présence de la craie à Pelem-
nitella quadratm. Cette craie ne tarde pas à disparaître
sous les sables veris landéniens que surmontent au
moulin de Molinchart des grès blancs mamelonnés
riches en débris végétaux. Aux grandes carrières de
Molinchart où ces grès sont activement exploités pour
le payement des rues de Laon, nous rélevons une coupe
“ssez intéressante, Sur un sable vert et glauconieux qui
ést landénien repose un banc de grès épais el continu.
Ce dernier supporte d'énormes blocs de grès disposés
irrégulièrement et empâtés par un limon ocreux.
Les grès landéniens sont surmontés aux Bruyères de la
Comtesse par d'autres grès à Cyrena cuneiformis.
À quelque distance du village de Molinchart, se dresse
au milieu de la plaine un monticule bizarrement découpé,
le rocher de Gargantua, C’est un amoncellement d'énormes
grès landéniens très durs el complètement dénudés,
produit par l'enlévement des sables qui les contenaient.
Journée du 7 Avril
En attendant notre départ pour Chailvet ; nous allons, à
proximité de la gare de Laon, dans un trou ouvert pour.
906 —
En suivant les faluns n° Gsur une certaine distance nous
voyons leur partie inférieure, puis l’assise lout entière
passer insensiblement au vert ; en même lemps nous les
voyons devenir argileux. Cette différence de coloration
qui marche de pair avec celte diversité de constitution est
le résultat d'une action chimique exercée par les eaux
pluviales, Les faluns étaient jadis de nature argileuse ; ils
présentaient une coloration verdâtre, uniforme qui leur
était communiquée par les sels ferrugineux qu'ils conte-
naient. En certains points, ils ont été atteints par les eaux
de ruissellement qui, à l'aide de leur oxygène en disso-
lution, ont transformé le sulfure de fer en sulfate, puis
en sulfate de sesquioxyde. Ce dernier, réagissant sur le
silicate d'alumine a donné du sulfate d'alumine et du
sous-sulfate de sesquioxyde de fer qui, solubles, ont été
entrainés. La roche, perdant alors, l'alumine qui lui
donnait un caractère argileux et les sels qui lui donnaient
sa coloration, est devenue lé falun blane que nous trou-
vons aujourd'hui.
Au voisinage des cendrières de Chailvet, nous rencon-
trons quelques exploitations de grès'à Cyrena cuneiformis.
L'argile à liguites qui est inférieure à ces grès, était jadis
exploitée dans des galeries souterraines.
Arrivés à lu gare de Chailvet-Urcel, nous utilisons les
quelques minutes qui nous restent à étudier les petites
bultes qui se dressent le long de la route, Nous les
lrouvons formées par des sables blancs landéniens dont
la stratification entrecroisée est l'indice d'un dépôt
effectué sous l'action de courants rapides. Ils renferment
dé très nombreux galets; on peut les considérer comme
des dunes qui délimitaient le rivage pendant la période
sparnacienne,
Rentrés à Laon, nous en repartons bientôt par la route
de Reims.
Aux abords de Festieux, près de la ferme de la Plaine,
nousretrouvons les sables landéniens ; leur stratification
est entrecroisée ; ils renferment de nombreuses traînées
ferrugineuses disposées suivant les strates,
A l'entrée du village, un abreuvoir nous signale la
présence de l'argile à lignites,
Sur le versant N. de la colline qui s'élève au-délà de
Festieux, nous rencontrons les sables à Nummulites
planulata. D'autres sables ferrugineux, dépourvus de
fossiles et représentant peut-être l'assise à Pygorynehus,
les surmontent. Au-dessus, viennent successivement la
pierre à liards, l'assise à Ditrupa strangulata et le calcaire
à Cerithium gijanteum.
L'escarpement qui, à la Maison Rouge, borde la route de
Laon à Reims est des plus intéressants, Il montre avec
une netteté remarquable la superposition de plusieurs
assises yprésiennes et parisiennes, Nous y relevons
coupe suivante :
- Sable de Cuise à Turitella edita, Turitella hybrida,
Nerita Schmideliana.
- Calcaires grossiérs paniséliens colorés en vert par de la
flauconie, -
Argile panisélienne.
. Calcatre frable et glauconteux à Pygorhynehus ; il ren-
ferme de nombreux grains de quartz.
. Assise Nummulités lmvigata représentée par deux bancs
de calcaire compacte (b, et b;) séparés par un banc de cal-
caire sableux (b:l. La partie supérieure de bs renferme dé
très grandes huitres ; elle constitue le Lane St-Jacques.
» Calcaire grossier à Ditrupa strangulata.
- Caleaire à Miliolites, Ostrea flabellula, Lucina maæima,
et Orbitolites complanata.
Au bois de Fussigny, près de Courtrizy, d'anciennes
tarrièrés complètement abandonnées, nous permettent
de compléter la coupe. Nous y trouvons un calcaire dont
le dépôt s'est peut-treeflectué dans des saux saumâtres ;
Annales ile la Société Géologique du Nord, T. XXI. 2
— 906 —
il renferme d'innombrables cérithes (Cérichium cristatum
€. denticulatum) qui lui ont valu le nom de calcaire à
Cérithes. Cette formation que nous voyons pour la première
fois se rapporte par l'âge à l’assise à Pecten corneus de
Cassel. Elle est surmontée par l'argile de St-Gobain qui a
son représentant à Cassel dans l'argile de la Gendarmerie,
I est curieux de rencontrer à la partie supérieure de
celte argile de nombreux galets de quartz qui ne peuvent
provenir que du plateau de l'Ardenne; leur transport
s'est eflectué au moment où se déposaient les sables
bartoniens de Beauchamps.
Dans les carrières de Montehälons situées à l'Ouest du
bois de Fussigny, nous retrouvons le calcaire à Cérithes qui
est suffisamment compact pour être employé comme
pierre de construction ; sa faune montre qu'il s'est déposé
dans des eaux saumätres. Il est surmonté par des marnes
blanches sur lesquelles reposent l'argile de St-Gobain et
les galets de quartz. Très souvent, ces galets sont isolés ;
les sables bartoniens dans lesquels ils élaient contenus
ont été entraînés par les eaux de ruissellement. L'action
de ces eaux ne s'étant que faiblement exercée sur les
hauteurs, fous pouvons nous attendre à ÿ rencontrer les
sables. Les faits répondent à notre attente : sur la côte 216
qui s'élève entre Montchälons et Veslud, nous trouvons en
éflel une épaisse couche sableuse dans laquelle sont dissé-
minés de nombreux galets quartzeux.
En descendant vers le moulin de Montchälons, nous
lraversons un affleurement de calcaire à Cérithes, où, par,
suite de la décomposition des parties superficielles, de
nombreux fossiles se prouvent mis en liberté. Nous y
recueillons :
Cerithium cristatum
Cerithiam denticulatum
Natioa parisiensis
ET
Plus bas, dans le vallon qui nous sépare de la côte 198
le calcaire à Miliolites, apparait sous le calcaire à Cérithes,
Nous gravissons rapidement cette côte et bientôt nous
atteignons le moulin de Montchälons, où le calcaire à
Cérithes est recouvert par un bane de calcaire verdâtre
analogue au banc vert, dont la faune accuse un dépôt
d'eau douce
L'argile de Saint-Gobain succède au banc verl. Si nous
suivions celte argile vers le centre du bassin de Paris,
nous la verrions se charger de cristaux de gypse, de
fluorine et passer insensiblement à la marne, puis au
calcaire marneux. C'est avec ce dernier faciès que nous la
réncontrerons aux environs de Paris, où elle est désignée
sous le nom de caillasse,
La nuit qui tombe vient suspendre nos observations ;
par Orgeval, Chéret et Bruyères, nous regagnons Laon.
Journée du $ avril
D'assez bonne heure nous quittons Laon pour nous
rendre à Paris où nous arrivons vers dix heures.
Après le déjeuner, nous nous remettons en roule. En
l'absence de M. Gosselet, qu'une réunion du Congrès des
Sociétés sayantes relient à Paris, M. Cayeux dirige
l'exeursion.
Près de Ja porte de Versailles, nous nous trouvons en
présence d'une importante exploitation d'argiles sparna-
ciennes directement recouvertes par le calcaire grossier,
Ces argiles qui renferment des cristaux de gypse sont
complètement dépourvues de fossiles ; elles présentent la
composition suivante de bas en haut :
1 Argile bariolée
2. Glaises . - - . -
4. Sables lignisiféres. .
4. Fausses glaises. . .
4, Craie blanche dite de Meudon renfermant de nom-
breux cordons réguliers de silex cornus ; elle est
caractérisée pur Belemnites mueronatus, Ostrea
œesicularis, Echinocorys eulgaris ot Micraster
Brongniarti ; son épaisseur est d'environ. . . .
2 Craie à Magas pumilus. . :
8. Craie jaune dure et tubulaire euienti ee partie
supérieure de nombreuses perforalions de racines
qui attéstent la présence d'un ancien sol végétal
% Calcaire danfen pisolithique . . .
5. Marnes improprement qualifiées de ‘stronttanitères
renfermant des fossiles (Paludina aspersa entr-
autres) que l'on retrouve dans le calcaire d'eau
douce de Rilly . .
8. Conglomérat ossifère invisibie : a fourni des débris
de Gastornis el de dt cb son Line à
est évalués à , . +
7. Argile plastique . ES © " :
8. Caleaire grossier
C'est le bombement de Meudon qui a déterminé la
grande réduction d'épaisseur de l'argile plastique en ce
De Meudon, nous gagnons Gentilly par la ligne de
Versailles et la ligne de ceinture. À l’entrée du bourg, nous
nous trouvons en présence de vastes exploitations de
calcaire grossier.
Le calcaire grossier supérieur, très incomplet dans les
carrières de Vaugirard, atteint ici dix mètres d'épaisseur,
Al est constitué par un caleaire se divisant facilement
en plaqueties, ëL par des marnes:; il est désigné sous le
nom de cuillasses. Les quelques rares fossiles qui ont été
signalés dans cette formation se retrouvent dans le calcaire
à Cérithes.
Sous les plateaux, les caillasses renferment du gypse ;
sur le flanc des vallées, elles en sont complètement
dépourvues, ce gypse ayant été dissout el entrainé par les
— 40 —
eaux météoriques mais on y observe de la fluorine, des
pseudomorphes de gypse en quarz, quarsine, ete.
Au-dessus des caillasses apparaissent successivement :
Les sables de Beauchamps réduits à quelques mêtres
d'épaisseur ; puis les calcaires et les marnes feuilletées de
St-Ouen.
Les talus qui bordent la route d'Arcueil à Villejuif,
recouverts par le limon et envahis par un épais gazon, ne
nous permettent d'abord pas de reconnaître la nature du
sous-sol. Le gypse, peu épais en ce point, n’est pas visible.
Le premier afleurement qui se présente est une marne
verte avec laquelle commence l'Oligocène.
La succession suivante s'observe en montant vers
Villejuit :
1. Un calcaire dur, d'eau douce, siliceux, parfois transformé en
moulière ; c'est le culcuire de Brie.
2. Une marne à Hultres (Ostrea cyathula, O. longirostris|
&. Les sables ferrugineux de Fontainebleau que recouvre le
limon.
En descendant de Villejuif sur Paris, nous revoyons,
mais dans un ordre inverse du précédent, la succession
des couches oligocènes.
Les travaux exécutés pour l'installation des réservoirs
de Villejuif, nous permettent de combler la lacune qui
existe dans notre coupe entre les marnes vertes inférieures
au calcaire de Brieet les marnes de St-Ouen. Les premières
désignées sous le nom de marnes supra-gypseuses nous
offrent la succession suivante :
1, Marnes vertes avec intorcalation de calcaire ooli-
tique, l'ensemble a quelques mètres sp
2. Marnes blanches à Lymnées .
3. Marnes bleues. «
Sous les marnes bleues apparait le gypse dans lequel on
à distingué quatre masses ; seules les deux masses supé-
rieures existent à Villejuif,
— Mt —
… Lä première masse est formée par du gypse succharoïde ;
la stconde séparée de la précédente par un banc de marne
à silex ménilite est constituée par une agglomération de
grands cristaux disposés perpendiculairement aux strates.
C'est gypse dit «pied d’alouette ». La masse supérieure
est communément désignée sous le nom de hauts-piliers,
Nous elôturons notre course par une visite à la grande
Carrière de la porte d'Italie. Au fond de l'exploitation, nous
Lrouvons reposant sur le calcaire à Miliolites le banc vert
à Cerithium lapidum. Les couches supérieures exploitées
sont formées par un calcaire compact à Cérithes, dont l’un
des bancs renferme des empreintes végétales.
Le sommet de la carrière montre un grand dévelop-
loppement de diluvium formé de silex, d'éléments
empruntés aux dépôts tertiaires des environs de Paris,
d'énormes blocs de grès et de rares galels de granit.
Journée dù 9 Avril
Descendus à la gare d'Argenteuil, nous gagnons la Seine
pour la remonter ensuite jusqu'aux Plâtrières.
En pénétrant dans les exploitations, nous trouvons les
marnés de Saint-Ouen dont la partie supérieure renferme
quelques banes de calcaire siliceux. Au-dessus des marnes,
nous relevons successivement : uné argile à plâtre dans
laquelle on a trouvé des fossiles mari gypse; les
marnés supra-gypsiléres. Toutes ces couches plongent
faiblement vers Paris.
L'ascension de la côte d'Orgemont nous permet de
reconnaître des formations plus récentes, ce sont: les
sables de Fontainebleau et la meulière de Beauce que
caractérisent de nombreuses graines de Chara,
Les plâtrières ouvertes sur le versant © de la butte
d'Orgemont, nous donnent une coupe détaillée des
Dans les tranchées pratiquées près de la gare pour le
passage de la ligne, nous trouvons, reposant sur les
sables verts du tulleau, les sables de Bracheux dans
lesquels sont disséminés de nombreux petits galets. Pour
la première fois, nous voyons ces sables devenir fossi-
lifères : Ostren Bellovacina s'y trouve en très beaux exem-
plaires ; malheureusement les autres fossiles (Cucullées,
Cérithes, Cardités), très fragiles, se réduisent en pous-
sière au moindre choc.
Les sables landéniens de la tranchée de Villers-sur-
Coudun nous présentent la composition suivante :
1. Sables jaunes très épais reposant sur les sables du
tuféau ; ils renferment de très nombreux débris
Us60
040
4 Sables jaunatres à Ostrea Bellooacina.
5, Argille sableuse renfermant un banc d'huitres à sa
base.
En nous dirigeant vers la butte qui domine Coudun,
ous rencontrons Es marnes dont la base est riche en
débris d'huitres: ce sont les murnes de Guiscard ou de
Melicog qui Sn lant au calcaire de Rilly. Ces
Marnes que l'on peut re jusque près de Tergnier,
ble qui appartient
La végétation inextricable qui couvre li base de la
butte de Coudun, nous empêche tout d'abord de recon-
naître la nature du sous-sol. À mi-côte, quelques éclaircies
favorisent nos recherches el nous trouvons un sable
probablement panisélien sur lequel repose le calcaire à
Nummulites lœvigata. Nous suivons ce calcaire jusqu'au
sommet de la côte.
— 6 — £-
Revenus à Coudun, nous rencontrons au milieu du
villige uné petite exploitation de sables qui paraissent
être landéniens. Nous y distinguons deux niveaux séparés
par un lit de cailloux roulés de 80 centimètres d'épaisseur.
Le niveau inférieur est constitué par des sables finement
stralifiés ; le niveau supérieur formé de sables ferrugineux
est recouvert par un diluvium dont la base renferme de
petits galets.
Dans le chemin creux qui mène de Coudun à Giraumont,
apparaissent les marnes de Guiscard, qui occupent le bas
des talus. Elles sont surmontées par une argile à lignites
qui renferme des bancs marneux et des calcaires bleus
et compactes à lymnées.
Rentrés à Villers-sur-Coudun, nous profitons d'une
heure d'arrêt pour y déjeuner. A onze heures, nous mon-
tons en wagon; nous en descendons quelques instants
après à Ressons-sur-Matz.
De la gare de Ressons à Cuvilly, nous suivons la craie;
nous la voyons ensuite disparaitre sous les assises
tertiaires,
Au sortir de Cuvilly, apparaissent les sables verts de
l'assise à Cyprina planata, 1s sont surmontés par des
sables blanes landéniens dont la stratification est entre-
croisée.
L'argile de Guiscard fait iei complètement défaut,
L'argile à lignites débute par un très petit lil rouge
de sulfate de fer; elle se continue par un sable très peu
épais sur lequel repose une couche de gypse de quelques
centimètres d'épaisseur, Au-dessus vient une argile noire
et ligniteuse assez développée.
A Mortemer, l'Yprésien réapparaît avec une allure
toute particulière. I est constitué par un calcaire d’eau
douce gris-bleuâtre très riche en débris végétaux. Le
banc calcaire le plus inférieur contient de nombreuses
— 947 —
huitres qu'il a empruntées lors de sa formation aux
marnes à huîtres sur lesquelles il repose.
Le calcaire de Mortemer jadis exploité est presque
complètement abandonné aujourd’hui. Il en est de mème
des argiles bleuâtres qui le surmontent et qui, il y a
quelques années, servaient encore à la fabrication des
veilleuses. :
De retour à Cuvilly, nous trouvons aux abords du bois
de Séchelle une cendrière qui nous donne la eoupe
suivante :
4. Lignites formant le fond de la carrière.
2. Argile feuilletée. : . . + + + . . . . . . (08
3. Lignites . . 06
£. Agile grise et feuilletée à planorbes, paludines et
lymnées . . . . . . F ee. 0
5. Lignites. 4 . . . . . . . . 4, rt JOUE
6. Argile grise . . . . . . . . + . . . . 015
7. Lgniles. 4 4 0 4 ee ee à à à . 030
8. Argile grise . . . . SA, ARE 0=10
9. Ligniles. . . gone Su nate <e ‘0808
10. argile gris-jaunâtre avec paludines, lymnées et
planorbes. . . s : . + 08
A1. Argile ligniteuge. . . . . £ . 62
12. Argile grise feuilletée . . . . . . . . . . . 1"20
13. Marne blanche . . . . PTE Be be dos LE 19 41720)
4. Lignites. . . 6 fard 60 0 0008
15. Argile grise lyniteuse . dre que de UD,
16. Lignites. . . . . . . . . . PRE
17. Marne gris-faunâtre, : & + « : « . . « OS
18. Faluns à Cerithes (Cerithum funatum, Melania
inquinata da Re «GE ay TEE 2 080
19. Arglle plastique grise. . . CRE LE
20. Limon.
Séduits par le nombre aulant que par les dimensions
vraiment surprenantes qu'atteignent les Cerithium et les
Melania des faluns, nous nous jelons avidement sur ce
gite fossilifère dont la présence n'a pas encore été signalée,
— 318 —
Altardés par notre fructueuse récolte, nous reprenons
précipilamment notre course et après avoir franchi les
six kilomètres qui nous séparent de la gare de Ressons
nous montons en wagon pour nous rendre à Péronne.
Journée du 12 Avril
La course de Péronne n'avait pas élé prévue; proposée
au cours de l'excursion, elle avail été acceptée avec
enthousiasme, car elle nous permettait d'étudier dans son
plus beau développement la craie à Belemnitelles et les
phosphates qui lui sont annexés,
De grand matin, nous quittons Péronne pour gagner
Hem Monacu, accompagnés par M. Vatrin, propriétaire
des phosphatières. Dans les vastes carrières ouvertes à l'O.
de ce village, nous trouvons une série d'anfractuosités
rémplies de sables phosphatés. Ces poches, sont irrégu-
lièrement réparties à la surface de la craie campanienne,
Les sables phosphatés résultent de la transformation
de la craie phosphatée qui leur est inférieure, Celle-ci,
dans ses parties supérieures, s'est trouvée décalcifiée par
les eaux chargées d'acide carbonique ; le phosphate mis
eu liberté a rempli les poches que nous rencontrons
aujourd'hui.
La craie phosphatée comprend une série de bancs dont
la richesse en phosphate est très variable. Elle repose
sur une craie blanche à Micraster qui est à peine visible
au fond des carrières. Cette craie ramenée par la pioche
nous fournit des dents d'Otodus el de nombreuses
radioles de Cidaris hirudo et de Cidaris septrifera.
La craie blanche est surmontée par un poudingue dont
les nodules formés aux dépens d'une assise aujourd'hui
disparue, sont recouverts par une patine de phosphate.
— 319 —
Ce ronglomérat est très fossilifère; il contient en
abondance :
Belemnitella quadrata.
Ostrea cesicularis
Coraz pristodontus.
Lamna acuminata.
Des polyplers appartenant au genre Calamophyllia.
Ce poudingue fossilifére nous révèle la présence d’un
ancien rivage de la mer campanienne. De nombreuses
perforations d'animaux lithophages observées à la surface
de la craie blanche et dans les nodules phosphatés viennent
corroborer cé fait.
Sur le conglomérat repose une série d'assises plus ou
moins phospbatées qui se présentent dans l'ordre suivant :
1. ie phogphatée +. . . . . : . . . . . 3*80
2. Crale jaune. . . . LD HE Pere à CSS
3. Crate phosphatée. . . . De 4 m40s nt A 2 MP
4. Crate blanche. . . . US tonnes < 00
5. ie très phosphatée . 3 là ete .. 40
6. Craie blanche . . - - - Grp e Dot
7. Sables phosphalés de mauvaise qualité renfermant
des silex « : . . £ É ES 44 Li
— 323 —
TABLE DES AUTEURS
Ch: Barroïs. — Les divisions géographiques de la
Brètagne, 19. — Légende dé la feuille de SENazaire, 137.
— Les pliénomènes littoraux actuels du Morbilian, 182
— Observations sur le travail de M. Jukes Browne, 264.
C. Eug. Bertrand, — Nouvelles remarques sur le
Kérosène shale de la Nouvelle-Galles du Sud, 161.
Jukes Brovvne.— Le Cénomaniendu Devonshire, 246.
Jukes Browne et WW. Hill, — Le Cénomanien de
la Normandie et du Sud de l'Angleterre, 227,
Carton. — Variations du régime des eaux dans l'Afrique
du Nord, 29.
Cayeux. — De l'existence de nombreux radiolaires dans
lelithonique supérieur de l'Ardèche, 26,
Faucheron, Grange, Roux. — Compte-rendu de
l'exeursion en Ardenne du 5 au 43 aoûl 1895, des élèves
des Facultés de France, 73, 268,
Forie. — Hhynchonella Dumonti et Cyrtia Murchisoniana
dans les schistes de Matagne, 7,
Goblet.— Communication sur un sondage fait à Croix, 7,
Gosselet. — Note sur la terminaison méridionale du
massif cambrien de Stavelot et sur le grès de Samré, 10,
— Sur les cartes agronomiques, 19. — Observations sur
le travail de M. Carton, 47. — Les phosphates de chaux
d'Etaves et de Crécy-en-Ponthieu, 49. — Note sur les
gites de phosphate de chaux, d'Hem-Monacu, d'Etaves,
du Ponthieu, etc. 49, 109, 174. — Carte géologique,
feuille de Lille, 16%, — Présentalion des cartes géolo-
giques au 45553 Et au +555 de Gédinne et de Willerzies,
175. — Introduction du cours de Minéralogie appliquée,
professé le 20 novembre 1896, 176. — Observations sur
le travail de M. Jukes Browne, 265.
— 324 —
Grange, voir Faucheron.
Hérent (l'Abbé. — Le qualernaire à Montigny-
Ostrevent, 0. — Note sur l'existence à Moncheaux, près
de Douai, des sables de Mons-en-Pévèle, 68.
VV. Hill, voir J. Browne.
Ladrière. — Le terrain quaternaire des environs de
Douai, 54. — La carte agronomique de la commune de
Crespin (Nord). Considérations générales sur les diffé-
rentes couches de Lerrain que l'on rencontre à la surface
du sol, 9, 97.
Lecocq. — Communication d'un échantillon de phos-
phates de Tebessa (Algérie), 49.
Leriche. — Comple-rendu de l'Excursion géologique
dans les environs de Paris, 298.
A. Meyer. — Rapport de la commission des finances,
175.
Pagniez-Mio. — Forage à Lille, 46. — Idem, à Mareq-
en-Barœul, 96.
Parent. — Note sur les polypiers d'Hem-Monacu, 13,
Péroche. — Au sujet de l'état elimatérique de l'Afrique
septentrionale, 69,
Roux, voir Faucheron.
ÉPOQUES DE PUBLICATION DES LIVRAISO
Livraison 1. Pages 1 à 48 = Mai 1896
= 2. — 49 à 96 = Novemb. 1396
— 3. — 97 à 186 La Janvier 1807
re 4. — 177 à 32 _ Avril 1897
Lille — Liégeois-Sir, Imprimeur de la Société Géologique du Nord.
no JAI NP
je wo “rurmoque MIA V
au mon ont ‘9h
AGO AIXX 9W0S
PONT MP 1090 US NP
aug “ao 0 Dvd *9 44 adéoroqu
dit
: es
ASTOR, LENUL A: ù
TILBEN FSUNDATIONS
#
+
SOCIÈTÉ GÉOÉOGIQUE DU NORD
Fondée en 170
et autorisée par arrétés en date des 3 Juillet 1871 et 28 Juin 1873
ANNALES
DE LA
SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE
DU NORD
TOME XX V
CONSTANT PRÉVOST
cote D'un RÉT
GÉOLO(
pendant la première moitié du NIX° siècle
var
J. GOSSELET
LRU
a Faculté des Sclences de Lille
LILLE
IMPRIMERIE LIÉGEOIS-SIX
1896
Constant PREVOST
“ ea
se fit
POS
PRÉFACE
Ilarrive que certaines époques de la Science peuvent
s'incarner en un homme dont les travaux représentent les
idées dominantes et les progres accomplis. Constant
Prévost n'était pas de ces hommes, Son nom ne se rattache
à aucune découverte saillante, à aucun livre ayant fait
époque dans la Science, Esprit ardent, mais un peu vague ;
sceptique, mais doué d'un vrai bon sens, il avait pris pour
devise ce mot d'Aristote : « Qui veut s'instruire doit
savoir douter », et il commençait par se l'appliquer à lui-
même, Au moment de composer un travail, il apercevait
les lacunes de ses connaissances, il hésitait, désirait de
nouvellés observations et remeltail à un plus tard, qui ne
Sa ie se consuma à combattre les théories régnantes, à
émettre des doutes ou des négations devant presque toutes
les hypothèses, qui surgissaient dans le champ de la
Science. On peut dire qu'il vécut de discussion. 11 eut
comme adversaires les savants les plus illustres de
1
=$—
l'époque, Cuvier, Brongniart, Arago, Humbold, De Buch,
Élie de Beaumont, d'Orbigny, d'Omalius d'Halloy, etc.
11 n'est pas une seule opinion géologique de son temps
qu'il n'ait soumise au crible de la critique. C'est ce qui
rend particulièrement instructive l'étude de ses idées.
IL vivait à une époque de transformation de la géologie.
I vint, lorsque s'éteignait la race des géologues, dont la
science n'élait qu'une œuvre de raisonnement ou d'ima-
gination, basée sur quelques observations isolées.
Lorsqu'il mourut, les hypothèses n'étaient plus en hon-
neur ; on ne voulait que des faits, rien que des faits. On
avait compris que la science n'était pas encore assez
avancée pour chercher des explications, dont la première
découverte allait démontrer l'erreur.
Constant Prévost, en combattant toutes les théories à la
mode, avait puissamment contribué à ce résultat. Mais
lui-même appartenail encore en partie à l'âge précédent.
Plus d'une fois, il céda aux anciennes habitudes; il fit
des hypothèses el ce ne fut pas toujours avec succès,
Dernier élève de Constant Prévost, qui m'avait choisi
comme Préparateur quelques années avant sa mort, j'ai
loujours considéré comme un devoir de faire connaitre au
publie, la part importante qu prise à la fondation de
la Science géologique. J'en ai été empêché par la volonté
elle de mon respectable maître.
ur son lit de mort, il avait demandé à sa famille de ne
confier à personne ses manuseri its et ses carnets de voyage.
Etage “être craignail-i il que leur publication ne vint réveiller
té n'a plus de raison d'être,
rition de 568 contemporains nous détache
nsé que ses opinions
ma manière de voir et a bien. voulu mé confierses papiers.
4
Ils ne contiennent, du reste, rien de bien important, Ce qui
domine, ce sont des programmes de cours et dés projets
d'ouvrages. Les carnets de voyage sont plus intéressants.
Grâce à eux, j'ai pu compléter quelques publications de
Constant Prévost, particulièrement son voyage à Julia et
en Sicile. Ses carnets de courses aux environs de Paris
sont curieux ; on y voit comment s’est formé lentement
ce faisceau de connaissances qui fait du bassin de Paris,
la région géologique la mieux connue du monde.
Ce coup d'œil rétrospeetif sur la marche de la Géologie
pendant la première moitié du XIXs siècle intéressera,
je l'espère. Mon but sera complètement atteint s'il peut
aussi faire ressortir les titres de mon vénéré maitre au
souvenir des géologues.
Lille, 20 Juillet 1892 (1).
(1) Plusieurs circonstances indépendantes de ma volonté ont
empéché ce livre de paraître plus LôL Je n°ÿ ai fait que très pou
de modifications. Aussi, bien des pages décèleront des préoccu-
pations aujourd'hui passées et le lecteur remarquera des omissions
qui n'en étalent pas à l'époque, où j'ai rédigé les divers chapitres.
CHAPITRE 1
BIOGRAPHIE
Constant Prévost naquit à Paris, le 4 juin 1787. Son
père, Louis Prévost, étail caissier-payeur de rentes de la
ville de Paris ; sa mère, Constance Martin, appartenait à
une famille de magistrats,
Il perdit son père en 1793. Sa mère, femme du caractère
le plus élevé et de l'esprit le plus distingué, se consacra
entièrement à l'éducation de ses enfants, un fils et une fille.
Après la mort de sa fille, qu'elle eût la douleur de perdre
en 1804, sa sollicitude se concentra sur son fils. Elle lui fit
donner une instruction solide et élevée, En 1806, elle
épousa en secondes noces, Bévière, dont le père était
sénateur et doyen des maires el des notaires de Paris.
Cette nouvelle union ne porta aucune atteinte à l'affection
réciproque de la mère el du fils, car Constant trouva en
M. Bévière un dévouement et un cœur tout paternels.
I fut mis à la pension Lepitre, qui suivait les cours de
l'école centrale du Panthéon, où professait Cuvier, Le
jeune Prévost fut subjugué dès les premières leçons par
le talent de l'illustre professeur. Dés lors, il sentit naître
sa vocation de naturaliste. En 1802, la pension Lepitre
quitta l'école du Panthéon pour celle des Quatre-Nations,
qui venait d'être transférée à l'ancien Collège Duplessis.
Ce fut avec chagrin que Constant Prévost dut renoncer aux
leçons de son premier maître. Maïs aux Quatre-Nations, fl
trouva Alexandre Brongniart. Nous nous figurons diffici-
lement Cuvier et Brongniart professant PH re Naturelle
à des enfants de 12 à 45 ans. Libres de programmes, sans
préoccupation d'examens, sans avoir à compter avec des
inspecteurs qui imposent leurs méthodes, ils enseignent ce
qu'ils veulent, ce qui doit éveiller la curiosité et l'intelli-
genee de leurs élèves ; ils leur communiquent leur amour
pour l'étude et pour la nature. Que l’on s'étonne ensuite
de voir surgir la pléiade de naturalistes, qui a illustré ka
France au commencement de ce siècle,
Si Brongniart n'avait pas le génie de Cuvier, ni sa largeur
de vue, ni son talent or: il n'en était pas moins un
professeur de premier ordre. Son enseignement était métho-
dique, sa parole nelle et claire, ses connaissances trés
variées et surtout son zèle au-dessus de tout éloge, Jeune
encore, il se faisait l'ami de ves, CAuSail avec eux,
Süimulait leurs réflexions et leur esprit d'observation, Après
les cours venaient des conférences en décuplaient l'avan-
tage. Là, loin de repousser la controverse et la discussion,
un zèle ad b
« Combien, d stant Prévost dans ses notes, j'ai pu
user et abuser q le cette faculté! Combien aussi
nl, celles dont
! Pendant plus
es les branches
de l'Histoire naturelle, le plus grand plaisir que je pouvais
==
trouver élait de passer une grande partiedes jours de loisir
dans les collections de mon ancien maitre et dans son
intimité, Que de moments heureux et utilement employés
se sont passés ainsi! Combien de fois Desmarets, Leman el
moi avons-nous examiné, déterminé, décrit et étiqueté les
collections de mammifères, d'oiseaux, de minéraux, de
roches, que Brongniart créait et classail pour l'avantage et
l'instruction de tous. à
De 1807 à 181%, Constant Prévost accompagna Brongniart
dans presque lous ses voyages. En 1807, il parcourut avec
Jui la Normandie et la Bretagne. En 4808 et 1809, après avoir
traversé la France, visité aux environs de Limoges, les
gisements d'émeraude et de kaolin, ils suivirent la ligne
des Pyrénées, de Bayonne à la Maladetta.
C'était une façon originale de se préparer aux doubles
examens du baccalauréat, qu'il subit en 18114 dévant la
Faculté des Lettres, puis devant celle des Sciences. On ne
peut conseiller aux candidats actuels d'imiter cet exemple,
Leur intelligence y gagnerail, mais leur examen serait
peut être compromis,
Puis, pendant quatre années, Constant Prévost se livra
à l'étude de la médecine.
Les étudiants n'étaient pas renfermés alors dans la régle-
mentation actuelle, Ils arrangeaient leurs études à leur
bon plaisir; les intelligences médiocres avaient peut-être
4 souffrir de celte liberté, les amis du plaisir en abusaient,
inais les travailleurs, les élèves d'élite, trouvaient l'avan-
tage de pouvoir se livrer aux études de leur goût.
Tout en faisant la médecine, Constant Prévost suivait
les cours du Collège de France et travaillait au laboratoire
de Cuvier, Il y faisait connaissance avec Blainville qui
allait devenir son ami intime, 11 continuait aussi à fré-
quenter le cabinet de Brongniart et les collections du
Muséum. L décrivait les mammifères réunis par Geoffroy
HS
StHilaire, et entreprenait un travail sur les poissons de
France pour la faune française; enfin, il commençait avec
Blainville une monographie des Squales et des Raïes dont
le prodrome fut publié plus tard dans le Bulletin de ki
Société Philomathique. En 1812, il accompagna de nou-
veau Brongniart, dans son grand voyage en Allemagne. Hs
visitérent les bords du Rhin, la Westphalie, le Harz, lt
Prusse, la Saxe, la Bohème, le Tyrol.
Devant la juste réputation de Brongniart, les musées,
les universités, les mines et les usines s'ouvrirent aux
deux voyageurs. Constant Prévost en profila pour dessiner
presque tous les Sélaciens qui existaient dans les musées
étrangers.
A Freyberg, l'illustre Werner leur fit les honneurs de sa
collection. .
Ils étaient à Malstatt, lorsque la nouvelle du désast
de Moscou les força 4 regagner la France, « avec quelque
peine el non sans quelque danger. à
A son retour à Paris, Constant Prévost se décida à entrer
dans l'industrie, Un décret du 12 mai 1810 avait promis
un million de récompense à l'inventeur d'une machine à
filer le lin. Le 40 juillet de la même année, Philippe de
Girard prenait un brevet, Après avoir consacré deux ans
à perfectionner ses procédés, il monta en 1813 une filature
rue Meslay. Constant Prévost comprit tout l'avenir réservé
à l'industrie de la filature mécanique. L s'associa à
Philippe de Girard et sous son impulsion deux nouvelles
filatures furent établies rue de Charonne et rue de Ven-
dôme. I prit la ion de la dernière,
Malheureusement les évènements de 4814 vinrent arrêter
tout commerce 5h s filatures de Philippe de Girard durent
fermer comme loutes les usines de France, Celle de
Constant Prévost résista plus longtemps; en juillet 1814
elle était encore en activité, mais elle ne Lurda pas à cesser
le travail.
Philippe de Girard avait sacrifié toute sa fortune et celle
de sa famille. Non seulement le gouvernement de la restau-
ration ne reconnaissail pas les promesses de l'Empire,
mais il refusait de prêter 8,000 francs en les hypothéquant
sur les machines. Pour sauver son industrie el ses
machines, Philippe de Girard céda aux sollicitations de
l'empereur d'Autriche désireux de doter ses états de la
nouvelle industrie. Il partit le 4 décembre 1815 avec
Constant Prévost pour aller fonder une filature à Hirtem-
berg,-près de Vienne.
Constant Prévost resta trois ans à Hirtemberg, de 1846 à
1819. Pendant ce séjour à l'étranger, il accepta de donner
des leçons au jeune fils du roi de Westphalie, qui fut depuis
leprince Napoléon. De plus, il consacra ses loisirs à étudier
la géologie des environs de Vienne,
La ville de Vienne est située sur la rive droite du Danube,
à l'extrémité septentrionale d'une vaste plaine de 400
kilomètres de longueur qui s'étend des montagnes de
Styrie au Danube. A l'Ouest, se dresse la chaine du
Wienerwald dont le point le plus élevé, le Schneeberg,
est couvert de neige pendant uné grande partie de l'année.
A l'est les montagnes de la Leitha séparent l'Autriche du
royaume de Hongrie.
Constant Prévost reconnul que le terrain des environs
de Vienne pouvait se rapporter à deux groupés; l'un
ancien, l'autre moderne.
Le groupe ancien qui constitue les montagnes du
Wienerwald et du Leithagebirge est formé de calcaires
compactes fossilifères, en couches inelinées, et de pou-
dingues, également en couches inclinées. Le poudingue est
supérposé au calcaire et d'ailleurs il est formé de galets
calcaires; il est done postérieur au calcaire,
Constant Prévost constata que le calcaire renferme des
fossiles, mais il ne détermina pas exactement son âge, ce
— 10 —
que l'état de la Science ne lui eut pas permis de faire alors;
ilse borna à l'appeler, avec tous sescontemporains, calcaire
alpin. Quant au poudingue, il signale son analogie avec le
Nagelilue des Allemands.
I rapporta aussi au groupe ancien, sans en donner la
raison, de petits amas de gypse que l'on trouve dans des
vallées latérales de la bordure orientale du bassin de
Vienne, en couches horizontales superposées au calcaire,
Les terrains du groupe moderne remplissent le bassin ;
ils sont en couches horizontales qui s'adossent aux escar-
pements abrupts de l'enceinte, en s'élevant légèrement sur
leur bord et qui descendent en pente douce vers le Danube.
Quelques buttes surbaissées, s'élevant au milieu de la
plaine et des cûleaux riants, couverts de vignes, marquent
la limite de ces terrains modernes au contaet des plateaux
de poudingue aux noires forêts de sapin et des rochers
arides de calcaire alpin,
Constant Prévost divisa son groupe moderne en deux
assises : 1° de l'argile grise avec lignites ; 2° de la marne
argileuse verdätre micacée, employée à la fabrication des
briques et des tuiles, et un calcaire d'eau douce analogue
au tuf. Il avait recueilli dans la marne micacée, une très
grande quantité de fossiles, Il reconnut leur âge tertiaire
et leur analogie avec les fossiles des marnes subapennines.
Constant Prévost espérait publier un grand travail
sur les environs de Vienne en décrivant les nombreux
fossiles qu'il avait recueillis. Malheureusement, un
incendie arrivé en ASS, anéantit en un instant, ses collec-
tions, ses notes et ses d u de temps après, il
quitta Hisemberg et revint à P: ] uté de l'industrie,
ilse remit à suivre les cours et à l
C’est alors qu'il recuei
du bassin de Vienne, La note qu'il publia dans le Journal
de Physique et qui a été résumée plus haut fit faire un
progrès réel à la géologie de l'Autriche, mais sa portée au
point de vue de la géologie générale est bien plus consi-
dérable.
En 1821, une circonstance vint lui fournir une raison de
se donner plus complètement à la Science: il fut chargé
du Cours de Géologie à l'Athénée,
L'Athénée était un établissement privé, où l’on donnait
des cours payés par les auditeurs, I avait eu un grand
succès sous la Révolution et sous l'Empire, Il le devait à
l'esprit libéral qui animait l'enseignement, et que n'avait
pu détruire ni la sanguinaire tyrannie de la Convention,
ni l'autorité soupçonneuse de l'Empire,
Sous la Restauration les cours littéraires de l'Athénée
plirent devant veux de la Sorbonne, mais les cours
scientifiques avaient conservé tout leur prestige. Pouvait-
il en être autrement avec des professeurs comme Cuvier,
Biot, Chevreuil, Blainville, Dumas, ete.
Lorsque Constant Prévost fut nommé à l'Athénée, la
géologie était une science nouvelle, qui excitait la curiosité,
mais qui, plus encore, soulevait les doutes et les préven-
tions, On lui reprochait de ne reposer que sur des hypo-
thèses, on lui objectait d'être en conträdiction avec la Bible.
Constant Prévost allaqua de front ces objections, Il
prouva que la géologie est une science positive, qu'elle
repose sur des faits indéniables, qu'il ne peut pas y avoir
opposition entre la Science et la Bible parce qu'elles sont
basées sur des faits d'ordre lout-à-fait différent.
La période de 1820 à 1830, fut pour Constant Prévost une
période de labeur. Il multipliait les excursions, non
seulement aux environs de Paris, mais en Normandie et en
Angleterre: il prenait une part aëlive aux réunions et aux
publications de la Société d'Histoire Naturelle de Paris.
Cette Société, aujourd'hui disparue et dont bien peu de
personnes ont gardé le souvenir, avait été fondée en 4790
=
par quelques amateurs dans le but de faire en commun
des excursions tous les dimanches. Quand le temps ne per-
mettait pas d'aller à la campagne, on visitait une collection
publique ou particulière, des jardins, des serres, ou bien
l'on étudiait un herbier. Ces excursions, où les étrangers
étaient admis, étaient toujours dirigées par trois membres
de la Société, un pour chaque règne,
Bien que les botanistés dominassent dans la Société, on
y Lrouvait tous les principaux naturalistes de l'époque :
Desfontaines, Lamarek, Brongniart, Foureroy, Lelièvre,
Penel, Parmentier, Coquebert, Monnet, ete, Louis Bosc,
Directeur des Postes, en fut le président. Elle avait en
province et à l'étranger des correspondants parmi lesquels
on peut citer Dolomieu à Malte, Saussure et Jurine à
Genève, Forster et Banks à Londres, Camper à La Haye,
Poiré à Soissons, Latreille à Tulle, Reboul à Pézenas, Prieur
et Guyton Morveaux à Dijon.
Elle publia un volume d'Actes, in-folio, en 1792; puis un
volume de Mémoires, in-quarto, en 1797. Ellecomptaitalors
dans son sein, outre les membres précédents, Cuvier,
Dumeril, Geoffroy St-Hilaire, Hauy, Jussieu, Thouin, ete,
Après une éclipse qui dura quelques années, la Société
d'Histoire Naturelle se réorganisa en 1821. Elle devint
alors une véritable académie d'Histoire Naturelle de 30
membres choisis à l'élection, divisée en sections, faisant
des lectures et des rapports, donnant même des prix. Elle
publia alors cinq volumes de Mémoires dont le dernier
date de 183%. Elle disparut par suite de la spécialisation
de plus en plus grande des savants, et surtout, parce que
la plupart de ses membres, arrivés à de hautes positions
scientiliques, n'avaient plusletemps d'assister aux séances,
ni le besoin de recourir à la publicité de ses Mémoires,
Constant Prévost avait déjà acquis une haute réputation
scientifique lorsqu'il faillit se remettre à l'industrie, Ses
= —
cours à l'Athénée étaient peu payés. Bien qu'il jouit d'une
honnête aisance, il sentait la nécessité de se créer une
position, Il avait épousé en 1822 la fille ainée de Target, le
célèbre jurisconsulte (!}; deux petites filles étaient nées
dé ce mariage; il devait penser à leur avenir, C'est
sous l'influence de cette préoccupation qu'il éerivit à
Philippe-de-Girard pour lui offrir d'établir sous sa direction
de nouvelles filatures de lin. La réponse de Philippe-de-
Girard fut probablement négative, car le projet n'eut
aucune suite.
En 1829, Constant Prévost fut chargé du cours de Miné-
ralogie et de Géologie à l'École centrale des Arts et
Manufactures.
Un soir de cette même année 1829, que Constant Prévost
avait chez lui, rue de Paradis, son beau frère Jules Desnoyers
et son ami Deshayes, il leur fit la proposition de fonder
une société libre de géologie, société ouverte à tout le
monde, aux débutants comme aux savants, aux maîtres
comme aux élèves, où l'on pût discuter Loutes les questions
sans avoir à passer par un jugement et un rapport acadé-
mique.
Quelques mois furent employés à recevoir desadhésions,
Le 17 mars 1830, il y eut, sous la présidence d'Ami Boué,
une réunion, où l’on vota le réglement de la nouvelle
société,
Tout le monde connait ce règlement sage, libéral, que
soixante ans de pratique ont à peine efleuré et qui a servi
de modèle à presque toutes les sociétés scientifiques créées
depuis lors,
11) Deux autres filles de Target épousèrent : l'une Jules Desnoyers,
membre de l'institut, bibliothécaire au Muséum d'Histoire Natu-
relle ; l'autre Duvergier de Hauranne, qui fut député libéral sous
la Restauration et ministre au commencement de 1a monaréhlé
de Juillet.
74
La Société géologique de France a joué et joue encore
un rôle prépondérant dans le progrès de la géologie
dans notre pays ; mais elle se consacre entièrement à la
science el s'occupe fort peu des applications, Ce n'était pas
ce qu'avait révé Constant Prévost. On trouve dans ses
notes un projet incomplet, mais intéressant pour son
originalité,
La Société devait réunir des collections et une biblio-
thèque, publier un dictionnaire géologique et minéralo-
gique de la France, un dictionnaire des localités eitées par
les géologues ; des catalogues de minéraux, de roches, de
fossiles, des hauteurs déterminées soit géométriquement,
soit barométriquement, enfin un bulletin trimestriel et des
mémoires.
Pour subvenir aux dépenses nécessitées par ces publi-
cations, la Société eut fait des analyses ; elle eut donné des
avis motivés, des instructions, des conseils ; elle se serait
chargée de traduetions et de rapports; elle eut communiqué
des plans, des cartes, des dessins ; enfin elle devait vendre
les objets en double de ses collections.
Chaque membre de la Société payait une cotisation annu-
elle de 100 francs qu'il pouvait acquilter en argent, en
dessins, traductions, renseignements, échantillons pourles
collections, ete.
Afin d'obtenir une première mise de fonds, on aurait créé
200 actions de 25 francs, attribuées aux membres fonda-
teurs à raison de 10 ati r personne. Elles auraient
été remboursées sur les ouscriptions ultérieures et sur
une moitié des profits de la Société, L'autre moitié aurait
servi à donner des d s aux
Certainement la conception que ré ce projet n’est pas
celle que nous nous faisons d'une : société savante, La jone-
lion d'une académie à une sorte d'agence commerciale ne
paraît pas bien pratique ; il est difficile que l'intervention
ut —
de la Société dans les questions industrielles, n'arrive pas
à lèser les intérèts de quelques sociétaires el ne soil une
cause de dissentiment et de rupture.
Heureusement pour la Suciété géologique de France, les
amisauxquels C, Prévost s'adressa élaient tous dessavants.
Ils s'inspirérent de ses idées pour les règles de liberté et
d'égalité qui devaient présider aux travaux de la société,
mais ils éliminérent complètement la partie commerciale.
Néanmoins ils accédèrent à son désir d'indiquer les
applications de la géologie, parmi les buts que devaient
se proposer les études de la nouvelle société.
Le procès-verbal de la première séance reflète très bien
celle préoccupation. Il y est dit que la Société géologique
aurait pour objet de contribuer au progrès de la géologie
et de favoriser spécialement en France l'application de
celle science aux arts industriels et à l'agriculture {1},
C. Prévost insista plusieurs fois sur l'importance qu'il ÿ
avait à ne pas séparer la science appliquée de-la science
que, Nous retrouvons cette idée dans le discours
q il au nouveau roi Louis-Philippe, en lui présentant,
comme Vice-Président, la Société géologique de France, le
2% Avril 1830,
& SIRE,
» Pour devenir florissantes, les sciences ont besoin de
liberté.
» Sous quels auspices plus heureux, la Société géologique
de France pouvait-elle naître ?
» Animés du désir de se rendre utiles en propageant le
savoir, quelques hommes, qui ont consacré leur vie à
l'étude, ont cru pouvoir atteindre leur but en fondant une
Société sur des bases nouvelles, N'admettant aucun privi-
() Bull, Soc. Géol. France 1, p. 5.
_— 16 —
lège, ils ont appelé indistinetement les hommes de tous les
rangs, de tous les états et de tous les pays, qui, prenant
quelqu'intérêt à la science qu'ils cultivent, voudraient
contribuer à ses progrès.
1 Aussi, grâce aux principes d'égalité et d'indépendance
qui la régissent, la Société géologique de France, areçu dans
l'espace de quelques mois, l'adhésion d'un grand nombre
de personnes recommandables, qui se sont empressées de
s'associer à ses ellorts et à ses travaux.
» Dans tous les temps, l'histoire des révolutions que notre
planète a éprouvées et la recherche des causes qui les ont
produites, ant excité un intérét puissant; mais aujourd'hui
c'est moins comme science spéculative que comme science
éminemment utile, par ses nombreuses applications aux
arts, à l'industrie et à l'agriculture, que la géologie,
devenue positive, a fait depuis peu d'années, lant de
prosélytes dans le public éclairé.
» En eflet, ce sont les documents fournis par la connais-
sance exacte de la structure du globe, qui guident le
mineur, l'agriculteur, le fabricant, dans la recherche et
dans l'extraction des substances qu'ils doivent employer
et que la terre renferme dans son sein.
» C'est au géologue que demande des instructions préli-
minaires indispensables, le sondeur habile qui, au moyen
de procédés ingénieux, va chercher dans les profondeurs
et ramène à la surface du sol, une eau salutaire, destinée
à fertiliser des campagnes stériles et à doter des contrées
pauvres, de riches établissements industriels.
» Veuillez, Sire, recevoir les hommages sincères et
l'expression du dévouement des membres de la Société
géologique de France.
» Encouragés par votre accueil paternel, ils s'eflorceront
de mériter votre estime ; tous savent que, s'ils parviennent
à se rendre uliles au pays ; que, si par leurs travaux, ils
TE
honorent le nom français, ils doivent compter sur l'auguste
protection de Votre Majesté. »
Louis-Philippe n'avait probablement pas de connais-
sances géologiques bien étendues. Il répondit :
« I est fort difficile de pénétrer dans l'intérieur de la
terre pour rechercher les causes des révolutions qu'elle a
éprouvées, mais le but que vous vous proposez est éminem-
ment bon el éminemment utile, vous pouvez complèr que
je protégerai toujours vos efforts. »
Si la Société géologique de France avait eu raison d'ex-
clure toute pensée commerciale de son programme, elle
eut peut-être lort de rester presque complètement dans le
domaine de la science pure ét de négliger lés applications
de la géologie, Ses publications se seraient répandues
davantage, si on y eût trouvé des renseignements plus
nombreux sur le gisement des minerais et dés combus-
tibles, sur la terre végétale, sur la position des nappes
aquiféres, ele. Avec ces données pratiques, des notions
saines de géologie scientifique eussent peu à peu pénétré
dans le monde industriel,
Ingénieurs, exploitants, architectes, hydrographes, agri-
culteurs, se seraient convaincus qu'il fait bon pour eux
d'être un peu géologue. Nous n'assisterions pas à ce sin-
gulier spectacle que la plupart de ceux qui travaillent le
sol sont dans une ignorance presque absolue de sa struc-
ture et de la superposition de ses diverses assises,
Où l'apprendraient-ils ? La géologie est bien inscrite
dans le programme des Facultés et des grandes Écoles,
mais on ne lui fait qu'une place secondaire, Les élèves
s'habituent à la considérer comme une science accessoire.
Trop souvent, ils se bornent à en apprendre, pour les exa-
mens, quelques mots qu'ils s'empressent d'oublier ensuite,
On l'a bannie de l'enseignement secondaire, car on ne
= 18 —
peut donner le nom de géologie à ce qu'on enseigne en
cinquième à des enfants, qui ne sont en élat, ni de
comprendre la stratification, qu'on ne leur montre pas du
reste, ni de se faire une idée des grands faits de la science
sur la durée des temps et sur la succession des faunes.
Tel n'était pas l'état de l'opinion en 1830. On tenait
alors en grand honneur la géologie, toute rudimentaire
qu'elle fût encore. On résolut de l'introduire dans l'ensei-
gnement. Sur un rapport de Cuvier, une chaire annexe de
géologie fut créée à la Sorbonne, près de la Faculté des
Sciences ; Constant Prévost y fut appelé,
Ce choix ne fut pas uniquement dù à la recommandation
de Cuvier, la politique y eut une grande part, Néanmoins
il était très heureux,
Il s'agissait alors de propager les grands principes de la
géologie dansle milieu intelligent, qui fréquentait les cours
de la Sorbonne. Constant Prévost y était tout préparé par
son enseignement à l'Athénée. Au lieu de se perdre dans
les détails, il insistail sur les faits généraux et sur les
idées théoriques, comme il convenait de le faire en
s'adressant à un publie d'amateurs,
Sa diction était facile, un peu monotone, mais point
fatigante. Son principal défaut était de se répéter béaucoup
etsous prétexte de résumer le cours précédent de le recom-
mencer en n'y ajoutant que peu de faits nouveaux. Ces
résumés de cours élaient dans les habitudes professo-
rales de l'époque. Hs diminuaient la fatigue d'une séance
qui durait une heure et demie etils permettaient aux audi:
teurs d'alors, toujours un peu uliers, dé manquer un
cours sans pérdre la série de
Les notes de cours qu'a laissées Constant Prévost ne
sont ni assez complètes, ni assez ordonnées pour rétablir
son enseignement, Ce serait du reste inutile, La géologie
a fait tant de progrès depuis cette époque qu'on ne pour-
rait en tirer aucun profit (1)
(1) Les personnes qui s'intéressent à l'enseignement de la Géo-
logie liront cependant avec plaisir quelques programmes de cours
faits à la Sorbonne,
PROGRAMME DU COURS DE 1852
1 Géologie : définition, but, moyens, rapports avec les autres
sciences
© Procédés à suivre pour remonter du présent au passé, des faits
matériels aux plus hautes conséquences. — Cailloux roulés, —
Origine du globe. — Plan du cours.
3 Histoire physique et astronomique de la terre,
4 Enveloppes de la terre : atmosphère, eau, sol.
5 Surface du sol.
6 Éléments chimiques et minéralogiques du sol,
7 Roches, classification.
£-9 Roehes quarzeuses, sohisteuses, argileuses.
10 Roches feldspathiques, pyroxéniques.
11 Fin des roches,
12 Fossiles.
13-14 Structure du s01.
15 Application au sol parisien.
16-17-18 Formations néptuniennes.
20 Description générale du bassin de Paris,
21-22 Formations plutoniennes : Vésuve.
23 Le Julia.
2 Théorie des soulèvements.
25 Terrains,
26 Diluvium.
27 Terrains tertiaires,
28-29-30 Terrains tertiaires des environs de Paris.
81 Terrain crétacé.
82 Terrain jurassique, triasique,
33 Terrain houiller,
34 Terrains primaires (résuuré).
Excursions
4 Aux buttes Chaumont et au fort de Romainville,
2 Au mont Valérien.
# A Montmorency.
=#—
Après quelques leçons sur l'histoire de la science et sur
la nature du globe, il traitait des phénomènes actuels
sous le titre de formations aqueuses ou nepluniennes et
formations ignées ou plutoniennes,
4 A Montmartre.
5 A Vaugirard et à Meudon.
6 À Palaiseau et à Orsay.
PROGRAMME DU COURS DE 1843
1:2-3 Généralités, Géologie, masse planétaire, sol.
4 Étude du sol : composition, structure, fige.
& Éléments chimiques et minéralogiques du s01.
6 Roches.
7 Fossiles.
8 Structure du 801 : joints, strates, masses, dépôts.
9 Puits artésiens! Grenelle,
10 Structure du sol ; grottes, fllons, retraits,
41 Récapitulation des roches : généralités sur les formations,
42 Formations sur un sol émergé : dégradations.
13 Talus, dunes, tourbes, glaciers.
14 Terre végétale, stalactites, stalagmites, travertin,
15 Action des eaux courantes,
16 Fleuves, mers, courants,
17 Produits de la cause aqueuse ; formations neptuniénnes,
18 Causes ignées : tremblements de terre.
19 Exposé de la Lhéorte des soulèvements. — Éruptions,
20 Vésuve,
21 Etna.
22 Julia, volcans sous marins.
23 Santorin et iles volcaniques, Sabrina.
24 Volcans éteints : volcans en général,
25 Auvergne, Cantal,
26 Produits volcaniques.
27 Récapitulation. Théories des cratères de soulèvemient,
25-29 Terrains, divisions du sol.
30 Terrains primaires inférieurs.
1-32 Dévonien.
33 Silurien.
#4 (Pas de désignation),
S5-86-37 Terrain carbonifère et houiller.
#8 Excursion à Longjumeau.
39-40 Terrains carbonifère et muriatifére,
= —
Puis il consacrait quelques lecons aux roches, princi-
palement dans les premières années de son enseignement,
les étudiant dans leur composition, dans leur structure,
dans leur gisement, dans leur mode de formation et dans
leur âge, Pour la description des terrains, il commençait
par le terrain houiller, qui était alors le terrain le plus
ancien dont la nature fut assez bien connue. Il parlait
ensuite des Lerrains antérieurs en remontant la série, puis
des terrains postérieurs en suivant, celle fois, l'ordre
chronologique.
Ilinsistaittout particulièrement sur lesterrains tertiaires
des environs de Paris, Leur étude constituait, on peut le
dire, la base de son enseignement. Il continua à la Sorbonne
les excursions géologiques qu'il avait inaugurées comme
professeur à l'Athénée, les étendant de plus en plus à
mesure que se multipliaient les voies de communication,
Dans ses derniers temps, alors que l'état de sa santé le
forçait à se faire suppléer dans sa chaire, il continuait
encore à conduire les excufsions,
Quelques leçons, surtout dans les premières années,
étaient consacrées aux questions qu'il avait eu l'habitude
de traiter à l'Athénée sur la valeur des fossiles, le dilu-
vium, elc.
Constant Prévost était essentiellement naturaliste. Aussi
donnait-il une grande importance à l'étude des fossiles et
en particulier des mammifères, Il signalait les caractères
des genres et des espèces, leur différence d'avec les
espèces actuelles, Son grand talent de dessinateur,
augmentait beaucoup l'intérêt de cette partie de san enéei-
gnément. 1 lui arriva d'employer à la Paléontologie} une
41 Excursion à Meudon. NT
42 Terrain Jurassique. '
43 Excursion à Champigny.
# Excursion à Creil,
année entière de cours (*). ! était naturel qu'il protestât
lorsqu'on voulut créer à la Sorbonne, une chaire spéciale
de Paléontologie.
Souvent, ses auditeurs lui adressaient des lettres pour
lui présenter des objections ou lui demander des explica-
lions. Il y répondait toujours dans la leçon suivante. C'élait
une cause de retard dans le programme d'enseignement,
mais c'était un moyen de propager el de défendre les
vérilés géologiques.
Îl avait l'esprit très ouvert, très compréhensif. Pour lui,
il n’y avait pas de science inutile ; il n'y en avait pas dont
le géologue ne put tirer un profit quelconque ; il n'y en
avait pas à laquelle il dût rester étranger.
Cette largeur de vue, cette étendue de connaissances,
faisait de lui un causeur charmant et un professeur capable
d'enseigner toutes les parties alors explorées des Sciences
géologiques.
1 fut six fois candidat à l'Institut. Il se vit successi-
vement préférer Cordier, en 1822, Beudant en 1824,
Berthier en 4827, et en 1835, Élie de Beaumont.
Ce dernier échec lui fut très sensible, non seulément
parce qu'Elie de Beaumont était plus jeune que lui et
HjvnoGRAMME pu cours DE 18H-1885
Généralités, lableau des terrains, fossilisation 6 leçons.
Végétaux fossiles es La 2
FOYERS + +. : + + :
Crustacés, Insectes.
Mollusques . .
Poissons , .
Reptiles . .
Oiseaux . .
Mammiiè
Homme
=
parce qu'il était son rival scientifique, mais surtout
parce qu'il fut abandonné dans sa compétition par son
ami, son ancien maître, Brongniart. Quelques années plus
tard, il vit encore passer avant lui Dufrénoy. Il ne parait
pas que cette élection l'eût beaucoup chagriné. I ne parlait
de, Dufrénoy que comme d'un bon camarade; puis il se
sentait bien supérieur à l'heureux académicien et par
conséquent ne se préoccupait pas d'un choix, qui avait été
guidé par des sentiments extra-scientifiques, Enfin il fut élu
en 1848.
En recherchant avec tant de persévérance un fauteuil à
l'Institut, il obéissait à ce sentiment de noble ambition
qui domine lous les savants de Paris et qui engendre tant
de travaux. Pour ces intelligences d'élite, qui sont l'orgueil
du pays, le titre d'académicien est le plus beau qu'un
homme puisse porter, et l'habit aux palmes vertes éclipse
toutes les broderies de l'administration et de la politique,
aussi élevées qu'elles soient,
Dans les familles scientifiques, on se destine à l'Institut.
C'est le but à atteindre, c'est l'héritage qu'il ne faut pas
laisser en déchéance, c'est l'aiguillon plus puissant peut-
être encore que l'amour du travail et le souvenir de
l'illustration paternelle. Au grand avantage du progrès
intellectuel, tout le monde scientifique et littéraire de
re les mêmes efluves académiques. C'est une
re qu'on né connait pas en province.
de ce FHRUUES à l'Institut, Constant
membres de la tauifllé impériale, il ne
urs, ni dignités, Il ne dépassa pas le grade
était chevalier depuis 1894.
il fut nommé Président de la Société Géolo-
gique de France, en 183%, en 1839et en 1851. IN y avait
-#—
une grande influence, L'aménité de son caractère, son en
jouement, sa franche cordialité exerçaient une véritable
altraction sur ses confrères, même sur ceux qui n'adop-
taient pas ses principes scientifiques.
1 contribua 4 maintenir au sein de la Société un esprit
de discussion amicale qui attirait tant de monde aux
séances.
Deshayés a écrit sur ce caractère de la Société et sur Je
rôle qu'y joua Constant Prévost, quelques lignes qui méri-
tent d'être méditées par tous les sociétaires :
« Il a voulu. el c’est là un des beaux côtés de notre ins-
litution, que la discussion y soit parfaitement libre.
C'est en effet par la discussion calme et mesurée, mème
quelquefois animée par le zèle plus ardent de la jeunesse
où la profondeur des convictions, que la science reçoit
les plus vives lumières, Souvent, à dessein, Constant
Prévost jetait parmi nous des idées très avancées ou
nouvelles, pour les éclaircir à ce foyer lumineux de la
discussion. Nous le vimes souvent soutenir avec persis-
tance des opinions qu'il croyait être l'expression de la
vérité; mais toujours, dans les plus mémorables cireons-
tances, il garda la plus exquise politesse, faisant toujours
ressortir son pur amour de la science et de la vérité, Ces
combats, ne cessait-il de répéter, doivent se faireavecdes
armes courloisés : il faut chercher l'erreur pour la détruire
sans blesser les personnes. Ce salutaire exemple a fait
réguer au sein de la Société cette bonne, cette salutaire
fraternité qui, en nous unissant de cœur et d'intention
avec noire fondateur, à repoussé loin de nous ces acri-
monies qui, pour un mince sujet, éloignent souvent les
hommes les mieux faits pour s'entendre, n
Constant Prévost profitait de son titre de fondateur pour
rappeler lu Société à l'observation du règlement,
==
11 y avait un article qu'il avait fait insérer et auquel il
tenail tout particulièrement, c’est le résumé des travaux
géologiques, qui devait être fait par un secrétaire où par
un membre du bureau. Il comprenait qu'il est nécessaire
à un savant de connaître tous les travaux qui paraissent
dans sa spécialité ; il se disait qu'en France surtout, où la
connaissance des langues étrangères élail alors si peu
répandue (!), on avail besoin d'une revue des travaux faits
à l'étranger.
C'est à son initiative que l'on doit le résumé des progrès
des Sciences géologiques en 1833 fait par le savant Boué,
qui était, selon l'expression de Constant Prévost, la person-
nification de la confraternité géologique internationale.
C'est à la suite de ses observations que d'Archiac entreprit
l'Histoire des progrès de la Géologie, qui dévia rapidement
de son but, et devint un traité didactique, plutôt qu'un
compte-rendu de travaux.
Après d'Archiac, l'œuvre fut interrompue jusqu'à ce
qu'elle fut reprise en 1860 par deux vaillants géologues,
MM. Delesse et De Lapparent.
Arrêtée de nouveau en 1880, elle vient de renaître en 1886
dans l'Annuaire de MM, Carez et Douvillé,
Ces essais multiples que séparent des intervalles stériles,
montrent à la fois l'importance de l'œuvre et sa difficulté.
En faisant remonter à Constant Prévost l'idée de ces
résumés, ce serait commettre une injustice que de ne
pas citer les noms de ceux qui ont bien voulu et qui
veulent bien encore sacrifier leur temps à combler les
immenses lacunes de nos lectures.
Bien des fois, Constant Prévost insista sur le caractère
essentiellement libéral que devait avoir la Société géolo-
(1) C'était l'époque aù Chateaubriant écrivait que les Français,
pour s'éviter la peine d'apprendre les langues étrangères, avaient,
les armes à la main, enseigné la leur à toutes les nations.
gique. « Ce n'est pas une académie qui se recrute au choix,
c'est une société ouverte, où peut entrer quiconque s'inté-
resse à la science. Elle ne juge pas; elle ne décide pas
que telle ou telle hypothèseest vraie, que tel ou tel fait
est certain. C’est une tribune ouverte à tous les membres
où peuvent se produire toutes les opinions. »
En 1847, on discutait si on insérerait dans le Bulletin,
un article qui criliquait vivement, Lrop vivement même,
un mémoire dû à un géologue, dont les collègues et les
amis étaient nombreux dans la société.
Constant Prévost soutint que le Bulletin devait être
ouvert à loutes les critiques, à toutes les réclamations
faites en termes convenables ; Ia Société ne doit repousser
que les injures et ne peut se faire juge des erreurs. « Je
vote donc, dit-il, pour l'insertion du mémoire de M. P., en
engageant l'auteur à rétrancher les expressions qui pour-
raient paraître blessantes et sans intérêt pour la cause
qu'il s'eflorce de soutenir, »
On lira dans les chapitres suivants les diverses opinions
géologiques de Constant Prévost.
Quant à ses pensées intimes. il les a consignées en partie
dans quelques pages que j'ai retrouvées dans ses papiers
et que je cite presque textuellement, en mé bornant à
compléter les phrases et à élaguer les doubles emplois
sans modifier, en aucune manière, les idées, voir même,
les expressions,
Ces pages sont intitulées: Quarante années d'études, d'ab-
sercations et de méditations par un naturaliste géologue.
On y réconnaitra la contemplation des harmonies de la
mature dont Berna de Saint-Pierre et Jean-Jacques
Rousseau avaient imprégné leur siéel n y trouvera la
prévecupation de se diseulper de l'accusation d'irréligion,
que bien des esprits portaient alors contre les géologues,
parce qu'ils repoussaient l'interprétation littérale de la
+;
Bible, On y verra Constant Prévost s'excusant nalvement
d'avoir réussi auprès de ses amis moins heureux. Enfin, on
y lira facilement les sentiments d'amertume que lui avaient
laissés ses luttes contre des rivaux sortisdes grandes Ecoles
ou ornés de titres universitaires.
« Que peut savoir l'homme qui a le plus consciencieu-
sement vu et appris, à côté de ce qu’il ignore ? Combien de
doutes s'élèvent dans son esprit pour une certitude
acquise! »
» Combien s'étend pour lui Vhorizon de l'inconnu à
mesure qu'il s'élève au-dessus du champ de l'ignorance,
» Ce n'est pas que le résultat des elforts de l'esprit
humain soit décourageant pour le philosophe, car tout en
apprenant que ce qu'il connaît est peu de chose compara-
tivement à ce qu'il ignore, il n'est pas moins émerveillé de
la grandeur et de l'importance des connaissances acquises.
1l est fier de voir que son intelligence s'est élevée jusqu'à
pouvoir suivre dans l'espace les astres qui le sillonnent,
à calculer leur distance, à reconnaitre les lois qui les
régissent, à remuer les documents de l'histoire de la terre,
à se faire une idée de son origine et des divers états par
lesquels elle a passé, à embrasser l'ensemble des êtres créés,
à saisir les grandes lois de leurorganisation, à découvrir les
phénomènes physiques de la vié, à contempler cet ordre,
cette harmonie, cette prévoyance qui caractérise l'univers,
à se convainere que tout cela ne peut être l'effet du hasard. »
« L'homme, qui a force de travail, d'observation, de
méditation est arrivé à ce point de haute sagesse de se
connaître lui-même, comprend que, quelque étendu que
soit le champ de la science, une limite le sépare des régions
que son intelligence ne pourra jamais atteindre. Tropsage
pour chercher l'impossible, il jouit du savoir qui est à sa
portée, il ne s'afllige pas de son impuissance, N'a-t-il pas
à chaque instant l'occasion de se familiariser avec elle ? »
« Quel est l'astronome qui peut comprendre la limite de
l'espace et se faire une idée de l'infini? Est-il plus facile
au philosophe de comprendre ce que c'est que le commen
cement des temps ou ce qu'est l'éternité ? »
« Quel naturaliste arrive à se rendre compte de l'exis-
tence d'un être quelconque, aussi bien d'un ciron, d'un
insecte que d'un brochet, d'un aigle, d'un éléphant, d'un
homme, sans admettre la préexistence d'êtres semblables. n
Quel mystère que la première création ! Quels mys-
tères que la vie, que l'instinct, que la pensée ! ! »
« La science positive ne peut aller au delà de ce que
l'observation et le raisonnement apprennent. Mais il faut
que ces instruments soient bons et d'accord, sans cela
que d'erreurs possibles LE»
« Ce n'est que par la connaissance que l'on a de soi que
l'on peut arriver à juger des autres ; c’est par les faits
qu'on observe, par leur comparaison, par l'expérience,
{lisez expérimentation) que l'on peut lier les effets aux
causes, le connu à l'inconnu. »
«On peut ainsi non seulement connaitre ce qui se passe
sous nos yeux, mais remonter de proche en proche dans
le passé, »
« En dehors de celle immense arène dans laquelle
l'esprit humain peut s'agiter à l'aise pour chercher la
vérité, sa raison, aussi bien qu'un sentiment indéfinissable,
lui démontre qu'il est d'autres vérités qu'il ne peut et ne
pourra jamais comprendre. »
« Il entrevoit l'ensemble du système du monde; il sail
qu'au delà des astres visibles à l'œil nu, il en est d'autres
que des lunettes de plus en plus fortes lui fontapercevoir:
il devine qu'au delà il en existe encore. À peut-il com-
prendre dans son esprit où sont les derniers de ces astres,
où finit l'univers et ce qu'il y aurait au del. »
« Un point sur lequel il faut bien insister, c'est qu'il est
1 —
pour l’homme deux ordres de vérité: celles qu'il peut
reconnaitre par ses sens et celles dont il a le sentiment. n
« Arriver à démontrer quelques-unes des secondes par
les premières est le seul effort possible, Mais il faut bien
distinguer les vérités qui se démontrent par des preuves,
qui déterminent la conviction, et qui constituent la science,
des vérités qui s'énseignent, qu'il faut croire sans s'en
rendre compte, qui produisent aussi la conviction, mais
qui constituent le domaine de la foi et de la religion. »
“ Ces deux ordres de vérité sont indépendants l'un de
l'autre et c'est une grave erreur que l'idée de les concilier.
Un phénomène physique et un miracle sont deux choses
incompatibles. Vouloir prouver un miracle par un fait
physique, c’est nier le miracle, c'est compromettre la foi, »
Puis vient un programme que Constant Prévost avait
l'intention de développer, mais qui est trop vague pour
être reproduit. x
Il reprend : « Dans les temps républicains, alors que
j'étais élève des Écoles centrales, on se bornaîit à bien
mériter de la loi et de la patrie ; on ne demandait pas de
Utres, de places, d'argent, Il y avait égalité entre les
maîtres et les élèves. n
«Mes maitres étaient, Cuvier et Brongniart, mes condis-
ciples, Desmarets, Leman, Brard, Regglé, n
« C'est qu'alors une atmosphère de cette liberté sans
excès, de cette égalité pure de toute passion, qui convient
si bien à la science, rapprochait sans arrière pensée celui
qui savait de ceux qui voulaient s'instruire. »
« Dans ces beaux temps, où, à la tempête passagère qui
détruit les anciens préjugés, succédait une ère de calme et
d'espoir encore vierge de préjugés nouveaux, personne,
ni maître, ni écolier, ni parent, ne songeait à se demander
ou mène telle ou telle étude. »
« Dans l'étude, on ne voyait que le bonheur de connaitre
D
la vérité, Le plaisir de la chercher, l'espérance de la
rencontrer, suffisaient pour faire naître une vocation, n
« Dans ce temps on ne faisait pas de la science pour
devenir baron, député ou pair de la France, pour orner sa
boutonnière de rubans, pour cumuler de riches émolu-
ments, Point de princes de la science, ni aussi de courti-
sans, L'amour de la vérité el celui du pays remplaçaient
toutes les petites rivalités d'école, de corps et de camara-
derie. »
« La culture des sciences ne se faisait pas en société et
paractions. Les savants n'étaient pas classés oMiciellement,
les élèves savants n'étaient pas enrégimentés, »
« Pour avoir le droit d'établir un ponceau sur un égoût
national, pour faire charger de pavés et de pierres une
route nationale, pour exploiter des minerais, creuser des
carrières, élever des redoutes, faire tirer le canon, il
n'était pas obligatoire d'avoir, avant 18 ans, eu l'avantage
d'être choisi, de payer une pension, de sortir avee tel ou
tel numéro suivant les caprices du sort, l'état de santé, et
quelquefois suivant que l'on a tel ou tel examinateur, »
uw Tout étudiant pouvait devenir ingénieur ou savant,
comme tout soldat devenait général, comme l'étaient
devenu Vauban, d'Alembert, Berthollet, Lagrange, Monge,
La Place, On devenait naturaliste, professeur, sans avoir
été bachelier, Hosniés de “eur, agrôgé, comme l'étaient
tous qui servaient d
de s'attacher au ch:
des amis ou des can
ses projets. »
« Les compagnies savantes avaient le loisir d'entendre
nu —
des travaux sérieux avant de porter des jugements qui
n'étaient pas sans appel, tant l'esprit d'indépendance et
de discussion était libre, n
« Les sociétés étaient des arènes ouvertes à la discussion,
Les amis restaient amis malgré leurs opinions différentes.
Les savants ne se réunissaient pas pour entendre l'énoncé
des travaux projetés par les auteurs, et leurs archives ne
se bornaient pas à être des bureaux d'annonces ».
u Le commerce de la librairie était moins prospère,
l'illustration et les figures ne tenaient pas lien d'obser-
vation, »
“ Mes bons amis, vous qui n'avez pas fléchi devant le
nouveau régime el n'avez pu parvenir, vous m'accusez
peut-être d'avoir été moins rigide. »
« Excusez-moi. J'ai comme vous consacré plus de vingt
ans aux sciences sans espoir d'arriver à quelque position,
Mes anciens maitres ne m'ont pas moins abandonné que
vous, Îla fallu des circonstances indépendantes de leur
volonté et de la mienne, une révolution toute politique,
pour me faire franchir la barrière qui, jusque là, s'était
toujours élevée devant nous.
«J'ai l'honneur d'être professeur à la Faculté des
Sciences de Paris, mais j'ai gardé toute mon indépendance.
Cinq fois j'ai été porté comme candidat à l'Académie des
Sciences, je ne le dois à la faveur d'aucun patron puissant.
Sans camarade, j'ai lutté avec avantage contre d’hono-
rables compétiteurs sans cesser de soutenir des opinions
contraires à celles de la plupart de mes juges, à
Les réflexions de Constant Prévost s'arrétent ici. S'il à
jamais songé à les publier, il y a renoncé el il a eu raison.
La peinture qu'il fait des temps républicains est une
œuvre de pure imagination, un souvenir exagéré de son
heureuse jeunesse, à un moment où la société sortie des
de la guillotine s'épanouissait dans la joie de vivre
A 2
encore, Il décrit une Salente incompatible avec les fai-
blesses humaines.
Néanmoins bien des esprits éclairés trouveront avec
Constant Prévost que le système d'examen qui préside au
recrutement dé notre personnel scientifique n'est pas à
l'abri de toute critique, Il subordonne le travail persévé-
rant de l'âge mûr à l'intelligence précoce et à la mémoire
de la première jeunesse. Il comprime l'originalité et
développe outre mesure l'esprit d'imitation.
Ces quelques pages d'épanchement mélancolique nous
donnent, sur les convictions et les idées de Constant
Prévost, des aperçus dont on ne peut récuser l'exactitude,
On l'a accusé d'étre un espril fâcheux, de chercher la
polémique, de se présenter sur la brèche chaque fois que
l'on annonçait une nouveauté géologique, Certainement,
il se croyait le droit de discuter les nouvelles théories ; il
estimait même que c'était son devoir de les combattre s'il
les jugeail fausses. I croyait que le savant se doit à lui-
même d'être le Champion irréductible dé la vérité. Maïs
quelles que fussent la force et la chaleur qu'ilapportaitdans
ses discussions, il n'oublia jamais les sentiments d'estime
et de courtoisie qu'il devait à ses adversaires.
Autant Constant Prévost aimait à parler, autant il
répugnait à écrire. Il ne se décidait à prendre la plume que
lorsque le secrétaire de l'Académie ou celui de la Société
géologique lui demandaient la copie de sa communication.
11 recommençait sa rédaction plusieurs fois et il lui
arrivail même, après avoir écrit quelques pages, d'y
renoncer complètement,
On trouve dans ses papiers plusieurs mémoires com-
mencés, mais à peine ébauchés. I y a sur des idées géné-
ralés quelques phrases d'introduction qui ne sont même
pas terminées; puis vient un programmedes chapitres qu'il
devait traiter, el c'est tout.
> G, Pilanki 15, rue Morère — Par
hs
Tout en pensant à son sujet. il se mettait à dessiner, ses
papiers sont couverts de croquis de toute nature. L
Ses carnets de voyage sont remplis de dessins, vues,
coupes, fossiles, personnages. Ses portraits à la plume sont
pris sur le vif; qu'il s'agisse d'un savant, d'un homme du
peuple, d'une paysanne, il suit de les voir pour se dire
qu'ils sont ressemblants (1).
l'avait aussi une grande dextérité de main, réunie à un
esprit inventif ; on retrouve dans ses papiers des descrip-
tions d'appareils qu'il avait inventés, mais qui n'ont plus
maintenant d'intérêt.
Constant Prévost avait compris depuis longtemps qu'en
géologie comme dans toutes les sciences naturelles, l'expé-
rience devait se mêler à l'observation et servir de base
aux théories. On lit dans ses notes une série de projets
d'expériences.
En voici quelques-unes :
4° Imiter les coulées de lave avec de la cire fondue : si
le cratère a le bord découpé, on doit avoir une coulée;
si les bords sont de niveau, le débordement sera régulier,
on aura une nappe.
2 Faire la même expérience sous l'eau.
3 Mettre au fond d'un vase du potassium recouvert par
une couche d'huile ou d'argile pétrie avec de l'huile, au-
dessus dés couches de sable. — Enfoncer un tube à travers
les couches supérieures jusqu'au potassium, faire pénétrer
de l’eau par ce tube, analyser les effets et les produits,
4° Faire des meulières avec du calcaire siliceux en
dissolvant le calcaire.
%e Faire des silex dans de l'argile délayée avec une
solution siliceuse.
6° Faire l'agate rubannée avec de la silice colorée.
(1) Quelques-uns ont été reproduits par la photographie sur la
planche ci-contre, Presque toutes les coupes où dessins qui figurent
dans les pages suivantes, sont extraits (extuellement de ses carnets.
9% —
7 Faire buste en marbre avec moule de fonte et craie,
Répéter les expériences de Hall.
Il avait imaginé quelques expériences sur la sédimenta-
tion dont il communiqua le résultat à la Société géologique.
«J'ai mis du sable et du sable ferrugineux lourd sur un
sédiment argileux fin, gris ou jaune. Le sable ferrugineux
noir et lourd traverse le sédiment, le sable quarzeux blanc
reste dessus. »
« J'ai fait un mélange d'argile jaune, d’ocre rouge et de
sable coquiller. Après avoir agité, j'ai laissé déposer en
inelinant le vase ; il s'est formé des dépôts distinets par
ordre de pesanteur spécifique. Après avoir laissé reposer
el lasser, j'ai replacé le vase horizontalement, Une partie
des sédiments a glissé et s'est suspendue dans l'eau. J'ai
incliné dans un sens opposé et j'ai obtenu des sédiments
qui se coupaient dans un angle de.......,
IL est impossible de raconter la vie scientifique de
Constant Prévost sans le son amitié avec Blainville.
Is s'étaient rencontrés au Collège de France, au cours de
Cuvier; ils avaient fréquenté ensemble le laboratoire de
l'illustre anatomiste ; pendant plusieurs années, ils avaient
habité sous le même loit et leur amitié ne cessa qu'avec
la vie. Cependant la politique,
quelquefois mème les principes scientifiques les sépa-
raient ; mais | Ÿ bl
tère. Même es n e, méme entétement à
ons, même résistance à
iques officielles ; même
CHAPITRE 11
DOCTRINE DES CAUSES ACTUELLES
Le propre de l'esprit humain est de chercher à expliquer
toutes choses. La recherche des causes est le véritable
domaine de la science ; c'est le but invariable vers lequel
tend tout homme d'étude, Depuis que l'humanité pense,
d'Hésiode à Pasteur, le génie de la science a cherché à
gravir ces sentiers qui partent du plus profond de nous-
même, de notre home intérieur, etqui s'élèvent par bien des
méandres, à travers les brouillards et les précipices, vers
la région inaccessible des causes premières, À certains
moments, il a atteint quelques-uns de ces sommets secon=
daires, où le voyageur se repose en jetant un coup d'œil
de satisfaction sur le chemin parcouru ; mais, il faut le
reconnaitre, bien de ces sommets n'étaient que des pointes
isolées qu'il a fallu abandonner et redescendre pour
recommencer l'ascension par une voie différente.
C'est l'histoire de loutes les théories que l'on a faites
pour expliquer la formation de la terre,
EE
Comme des jeunes gens enthousiastes et inexpérimentés
en face d'une montagne, les premiers pionniers de la
science de la terre voulurent gravir directement vers le
point qui était leur idéal, Tentalives infructueuses, que
l'on peut rappeler, si l’on veut faire l'histoire de l'esprit
humain, mais qui n'eurent aucune influence sur la marche
de la géologie.
A quoi servirent les théories d'Anaximandre, de Xéno-
phane,de Xanthus,deThéophraste,de Pythagore, d'Aristote,
A peine purent-ils arriver à constater la présence des
coquilles marines sur les continents et par suile à suppo-
ser des changements dans les limites de la mer, Toutes
les connaissances géologiques positives de l'humanité
ancienne se résument dans ces vers d'Ovide si souvent cités.
idi facts ex œquore terras,
pelago conchæ jacuere marino,
Le Moyen-âge perdit complètement de vue la géologie
comme toutes les autres sciences de la nature.
C'est seulement à la Renaissance que l'attention fut
ramenée sur l'observation directe du monde physique, Ce
fut l'œuvre d'hommes de génie, ingénieurs, industriels,
médecins, qui creusaient des canaux comme Léonard de
Vinci, qui exploitaient la terre comme Bernard Palissy,
qui, comme Slenon, étudiaient l'anatomie des animaux
marins et saisissaient leurs analogies avec les pierres
figurées. Ts parvinrent à reconnaître l'origine organique
de ces pierres et à déclarer que la mer avait autrefois
couvert certaines parties de la terre.
A cbté d'eux, des philosophes comme Leibnitz et
Descartes, pour ne citer que les plus célèbres, commen:
çaient à disserter sur l'origi (CE du monde.
Le publie ne voyait encore dans les fossiles que des
jeux de la nature. Les plus avancés admeltaient que la
présence des coquilles marines sur la montagne était une
="
preuve du déluge et considéraient les os des grands api-
maux fossiles comme des restes de géants. Voltaire don-
nait la note gaie, en disant que les coquilles avaient été
portées sur les montagnes par les pélerins et les éléphants
fossiles amenés en Gaule et en Italie par Annibal,
Cependant les habitudes d'observation se multipliaient.
Dans la deuxième partie du dix-huitième siècle, des
savants italiens font des sondages dans l'Adriatique ; l'exa-
men des vallées de la Bourgogne révèle à Buflon l'im-
portance des ravinements produits par les fleuves ; Lavoi-
sier reconnait la distribution des terrains aux environs
de Paris ; Pallas découvre les Mammouths dans le sol
glacé de la Sibérie; de Saussure constate le redresse-
ment des couches dans les Alpes; Dolomieu parcourt la
Calabre agitée par les tremblements de terre,
Néanmoins toutes ces observations restaient isolées
parce qu'il n'y avait pas d'enseignement géologique. Les
savants, partant de leurs propres études, dont le champ
était toujours très limité, prétendaient découvrir l'origine
du monde et expliquer tous les faits géologiques.
Lorsque l'observation manquait, ce qui était le cas le
plus ordinaire, ils y suppléaient par le raisonnement et
lorsque le raisonnement était insuflisant, ils faisaient
appel à l'imagination, Bullon écrivait les Époques de la
nature et la Théorie de la terre ; Lazaro Moro, son livre sur
les corps marins que l'on découvre dans les montagnes ; De-
lucson Traité de géologie et ses Lettres ; Hutton, sa Théorie de
la terre.
Cetie habitude de combler les lacunes de la science par
des conceptions arbitraires, plus ou moins logiques, se
poursuivit pendant toute la fin du dix-huitième siècle, et
se continua même, chez les savants, dans la première moi-
tié du dix-neuvième. On en verra de nombreux exemples
dans le cours de cette étude.
LR —
Quant à l'attention publique, il fallait pour l'attirer sur
la géologie, autre chose que des théories qui se contre-
disaient entre elles et qui ne paraissaient basées que sur
des hypothèses. Il fallait des découvertes positives parfai-
tement constatées et dont les conséquences immédiates
s'imposassent à tous les esprits. Ce fut l'œuvre de Cuvier,
Jusqu'alors on n'avait guère signalé à l'état fossile que
des coquilles marines où de grands ossements, que les
naturalistes avaient rapportés à l'Eléphant. À la première
séance publique tenue par l'Institut de France nouvel-
lement créé, le 1° pluviôse an IV (20 janvier 1796), Cuvier
lut un mémoire où il démontrait que l'Eléphant fossile
appartient à une espèce perdue, différente: des Eléphants
actuels, C'était la première manifestation publique de
travaux destinés à renouveler la zoologie et X créer la
paléontologie.
En étudiant les os fossiles, recueillis en grand nombre
dans les platrières de Paris, il reconnut qu'ils apparte-
naient à des êtres qui ne vivent plus de nos jours. Alors
se livrant à un examen comparatif des animaux existants,
il découvrit des lois d'homologie entre lous les organes
d'un même être; tous concourent au même but, qui est
de servir de la manière la plus complète et la plus écono-
mique à la vie propre de l'animal ; tous sont appropriés à
leurs fonctions ; tous sont entre-eux dans des rapports de
dépendance coordination, de telle sorte que la dispo
sition de l’un d'eux peut faire pressentir la forme et la
ignoré l' l'existence.
On comprend l'enthousiasme qui s'empara des savants
à l'annonce de ce domai ouveau si brillamment ouvert
à l'étude; on comprend qn d écouvertes de Cuvier,
=
propagées rapidement dans le monde, l'ait rempli d'une
profonde admiration pour cette science de la paléontologie,
qui apparaissait comme un Dieu, capable de ressusciter
les générations éteintes, Le nom de Cuvier était dans toutes
les bouches. Le jeune d'Omalius d'Halloy écrivait à ses
parents en 1803, en leur annonçant qu'il allait suivre le
cours d'anatomie comparée du Muséum : « Cuvier, le
célèbre Cuvier, nom que les amants dés sciences ne
peuvent entendre sans émotion, vient de commencer son
cours ! » (1). Comme conclusion de ses Hecherches sur les
ossements fossiles, Cuvier écrivit en 1822 le Discours sur les
évolutions du globe, où la magie du style se joignait à la
puissance de l'idée et à la richesse de Ja science (?).
On y lit: «Examinons maintenant ce qui se passe aujour-
d'hui sur le globe; analysons les causes quiagissent encore à
sa surface et déterminons l'étendue possible de leurs effets,
C'est une partie de l'histoire de la terre d'autant plus
importante que l'on a cru pendant longtemps pouvoir
expliquer par les causes actuelles les révolutions anté-
rieures, comme on explique aïsément dans l'histoire
politique les événements passés, quand on connaît bien
les passions el les intrigues de nos jours. Mais nous allons
malheureusement voir qu'il n'en est pas ainsi dans J'his-
toire physique ; le fil des opérations est rompu; la marche
de la nature est changée; et aucun des agents qu'elle
emploie aujourd'hui ne lui aurait sufli pour produire ses
anciens ouvrages (?).
Après avoir jeté un coup d'œil sur les principaux
phénomènes géologiques que l'on observe actuellement
M) Notice sur la vie et les tracauæ de J-B.J.d'Omalius
d'Halloy, var E. Dupont.
(2) La première édition de ce livre porte le litre de Discours sur
da théorie de la terre, sercant d'introduction auæ recherelws
sur les ossements fossiles.
G) Discours sur les récol. du globe. 3" édition 1895, p. 27 et 28.
sit
sur les continents, il ajoute : « Ainsi, nous le répétons,
c'est en vain que l'on cherche dans les forces qui agissent
maintenant à la surface de la terre des causes suffisantes
pour produire les révolutions et les catastrophes dont son
enveloppe nous montre les traces (1), »
« Y eut-il une diminution graduelle des eaux ? la mer
transporta-Lelle dans tous les sens des matières solides ?
la température du globe diminua-t-elle ou augmenta-
telle? ce n'est rien de tout cela qui a renversé nos
couches, qui a revêtu de glace de grands quadrupèdes
avec leur chair et leur peau, qui a mis à sec des coquil-
lages aujourd'hui encore aussi bien conservés que si on
les eut péchés vivants, qui a détruit des espèces el des
genres entiers (?). »
On voit par ces citations que Cuvier admettait que la
térre avait subi plusieurs révolutions ou catastrophes.
Plusieurs fois, d'après lui, un même pays avait été couvert
par la mer; puis était devenu continent pour replonger
plus tard sous les eaux de l'Océan. Ce sont ces invasions
subites de la mer qui avaient détruit les animaux dont
on retrouve les restes à l'état fossile.
Le Discours sur les révolutions du globe fut accueilli
avec la faveur que l'on devait à son illustre auteur et
considéré comme le dernier mot de la science.
La prémière protestation contre les idées de Cuvier
vint de Constant Prévost. C'était l'époque où la Société
Philomatique, que l'on appelait l'antichambre de l'Ins
titut, recevait avec plaisir les critiques contre les idées
des puissants du jour.
Constant Prévost y lut en 1825 un mémoire (?) où il
{4} Discours sur les révol, du globe. 8 édition 1852, p. 4 —
{21 14. p. 42. ’
43) Bull. Soc, Phil. Juin 1895.
— 4 —
disait avoir été conduit à cette idée fondamentale. « Qu'au-
tour de nous, soit sur la terre, soit sous les eaux, soit au
sein et dans le voisinage des volcans, il se produit des
phénomènes dont les causes ne différent pas essentielles
ment de celles qui, dans les temps plus ou moins éloignés,
ont successivement donné les divers états géologiques. »
La doctrine des causes actuelles y est parfaitement
définie, Cependant il n'y avait pas contradiction absolue
avec les idées de Cuvier, Celui-ci n'avait parlé que des
révolutions, I n'avait pas nié d'une manière explicite
que, dans l'intervalle des révolutions, il n’y eût des
- formations analogues à celles qui se produisent de nos
jours,
Deux ans plus tard, en 1827, Constant Prévost reprit les
mêmes idées dans une dissertation lue à l'Institut, dans
les séances du 18 juin et du 2 juillet. Le but de cette
dissertation intitulée : Les continents actuels ontils été à
plusieurs reprises submergés par la mer ? était d'établir
que les couches avec coquilles d'eau douce qui sont inter-
calées à plusieurs niveaux dans les couches marines du
bassin de Paris, se sont déposées dans la mer, et y ontété
amenées par les fleuves, Ainsi Coustant Prévost n'admet-
tait pas, comme l'avait dit Cuvier, que la mer était venue à
plusieurs reprises couvrir les environs de Paris. 1 croyait,
et en cela il avait tort, que l'emplacement de Paris avait
été recouvert, d'une manière continue par la mer jusqu'à
son émersion définitive. C'était nier une partie des révo-
lutions admises par Cuvier,
Dans les pages préliminaires, il se pose nettement
comme l'adversaire de l'illustre savant, I écrit : ü Dans
cette étude des terrains les plus récemment formés, il
n'a loujours semblé possible de faire avec succès l'appli-
cation de l'analyse la plus rigoureuse et de marcher par
voie d’analogie, en procédant loujours du connu à l'in-
—8—-
connu, passant de l'examen des causes qui agissent main-
tenant à la surface de la terre el de celui des ellets
actuellement produits, à la recherche des eflets et des
causes qui se sont succédés dans les âges écoulés. Je n'ai
été arrêté nulle part dans cette tentative de lier le passé
au présent par ce que l’on appelle une limite tranchée
entre la nature ancienne et la nature actuelle; partout, au
contraire, j'ai cru apercevoir des nuances, des passages, el
je n'ai pu me convaincre qu'il serait superflu de chercher
dans l'ordre présent des choses, l'explication des phéno-
mènes qui ont eu lieu sur la terre dans les temps reculés ;
mon expérience s'est refusée à penser, comme le disait
Cuvier dans le Discours sur les Révolutions du globe, que le
fil des opérations est rompu, que la marche de la nature
est changée el qu'aucun des agents qu'elle emploie
aujourd’hui ne lui aurait sufli pour produire ses anciens
ouvrages, »
La dissertation de Constant Prévost ne fut publiée qu'en
1828 dans le IV+ volume des Mémoires de la Société
d'Histoire Naturelle (1),
Deux ans plus tard, en 1830, paraïissaient à Londres les
Principes de Géologie de Lyell.
Lyell proclamait aussi que les anciens terrains se sont
formés comme se forment encore les dépôts contém-
poraias et sous l'influence des mêmes causes. Il analysait
avec soin les phénomènes géologiques actuels, puis il s'en
sérvail pour
giques anciens.
Lyell appart
pris pour base de sa
nouvellement continu des conti-
inelles ot d'autres
intitulé Documents
#ÿ—
riques, les roches, même les plus dures, se désagrègent
et se décomposent ; leurs débris entrainés par les pluies,
par les ruisseaux, par les rivières vont à la mer, où ils se
déposent en strates successifs sur le fond de l'Océan.
Ainsi les continents se démolissent peu à peu et ils
finiraient par étre ramenés au niveau de la mer, si à
certaines époques une force interne ne soulevait le fond
dés bassins océaniques et ne créait de nouvelles terres
qui deviendront l'objet des mêmes actions de destruction.
Pour expliquer comment des roches primitivement
meubles, telles que les sables et les boues, avaient pu
devenir solides et méme être transformées en roches
cristallines, il avait encore recours à la chaleur interne,
qui pouvait produire leur fusion au moins partielle.
Hutton, qui avait beaucoup observé et médité, avait
enveloppé sa pensée de tant d'obscurité que son livre resta
à peu près inconnu sur le continent, jusqu'à ce que son
disciple et ami Playfair en ft un exposé aussi éloquent
qu'enthousiaste. Bien mieux qu'Hutton, il insista sur la
constance des lois de la nature au milieu de tous les
changements de la terre. Lyell fut le continuateur de
Playfair et, plus encore que lui, contribua à faire prévaloir
les idées de Hutton. 4
Les principes théoriques soutenus par Constant Prévost
en France et par Lyell en Angleterre ont été désignés sous
le nom de Théorie des causes actuelles,
La pensée première, celle de chercher dans l'observation
des phénomènes présents l'explication des phénomènes
passés, est tellement naturelle qu'elle a dû venir à l'idée
de tous les savants, Elle appartient à l'humanité tout
entière. Mais, réunir les faits en corps de doctrine et
opposer cette doctrine aux hypothèses de Cuvier fut
l'œuvre de Constant Prévost et de Lyell.
La priorité esl acquise sans contestation à Constant
= 8 —
Prévost. En 1830, Elie de Beaumont publiait un mémoire
sur quelques-unes dés révolutions de la surface du globe.
11 y divise en deux classes distinctes les faits qui ont
produit les terrains de sédimentation : l'une comprenant
l'aceumulation tranquille et progressive de chacun des
dépôts de sédiment, l'autre les phénomènes violents et
passagers qui ont établi des lignes de démarcation entre
les dépôts consécutifs, Il observe que les phénomènes des
périodes de tranquillité sont analogues à ceux de la
période actuelle et il ajoute la note suivante :
« Mentionner celte analogie, c'est rappeler aux géo-
logues les importants travaux qui l'ont mise en lumière
et particulièrement ceux de M. Constant Prévost et les
travaux plus récents de M. Lyell, dont l'ouvrage, encore
inédit, est cependant déjà connu en France, par les commu-
nications amicales de l’auteur. » (1)
Bien que les noms de Constant Prévost et de Lyell soient
loujours associés, au premier rang des promoteurs de la
théorie des causes actuelles, leurs doctrines sont cependant
bien diflérentes, Plusieurs points essentiels les séparent.
Constant Prévost admet la possibilité de phénomènes
brusques et violents ; Lyell la repousse à peu près complé-
lement.
Constant Prévost dit (?), en 1827 : « En feuilletant
les archives de l'écorce terrestre,
événements nombreux, gigantesques
traces de révolutions et de bouleversements sans nombre ;
mais il a semblé que loutes ces marques d'agitation et de
trouble avaient à peine eflleuré le mince épiderme qui
revêt la terre ; qu'au delà et en deçà tout paraissait être
resté calme et immuable, el qu'ainsi il était au moins plus
{1} Ann. Se, Nat. 1" série XIX, p.225, 1820.
(2) Documents p. 7.
prudent de s'abstenir de toute explication plutôt que
d'assigner à des effets aussi limités des causes qui ne
sauraient exister que par des infractions aux lois générales
de l'Univers. »
Il ajoute dans une note : « Il ne s'ensuit pas que je me
sois refusé à croire à des événements qui auraient été les
ellets de causes insolites, plus ou moins brusques ou
violentes ; mais ce que je n'ai pas confondu, ce sont des
causes el des eflets extraordinaires possibles, avec des
causes et des effets qui, pour être admis, exigeraient un
renversement des lois de la physique »,
Comme exemples d'eflets insolites et violents, il citait
dans ses cours, l'irruption des eaux de la mer Noire dans
la dépression de la mer Caspienne, des dislocations du
sol qui donneraient naissance à une émersion extraordi-
naire, etc. ; il ne repoussait pas la formation brusque et
rapide d'une chaîne de montagnes.
Done, aux yeux de Constant Prévost, il pouvait s'être
produit des actions violentes, mais ces événements inso-
lites devaient être la conséquence des lois générales de la
physique du monde, 1H ne croit pas, du reste, que ces
événements violents aient jamais eu pour conséquences
une catastrophe générale qui aurait anéanti les êtres
vivants et aurail renouvelé la surface de la terre,
Lyell est plus aflirmatif; il dit que sa méthode doit
faire rejeter toutes les théories qui admettent qu'à cer-
taines époques, le globe et par suite ses habitants, ont
éprouvé des révolutions, de violentes et subiles catas-
trophes (!).
Constant Prévost admel que certaines actions géolo-
giques ont pu avoir une énergie beaucoup plus grande
que celles qu’elles possèdent actuellement,
11] Préneipes : Ed. 1873, p. 428,
— 1 —
Lyell croit que tous les phénomènes géologiques ont
toujours été tels que nous les voyons, Il confond le principe
des causes actuelles avec celui des causes lentes, et il
combat les causes violentes à l'égal des causes extra-
naturelles.
Constant Prévost porte ses regards sur les premiers
états du globe, sur une époque où les phénomènes devaient
différer beaucoup de ceux qui sont maintenant en action ;
il accepte la fluidité primitive de la terre, la consolidation
graduelle de son écorce.
Lyell détourne les yeux de ces premiers âges, il déclare
qu'il les ignore et qu'il veut les ignorer; il cherche à
établir que toutes ces hypothèses de chaleur centrale et
de fluidité primitive s'appuient sur des bases qui s'écrou-
lent les unes après les autres. I n'en veut pas ; il dit
même que le géologue ne doit pas s’en préoccuper. H doit
se contenter, dit-il, de considérer les monuments les plus
anciens qu'il a à tâche d'interprèter, comme appartenant à
une période où la croûte terrestre avait déjà acquis une
solidité et une épaisseur probablement aussi grandes que
celles qu'elle possède aujourd’hui (1).
Sans qu'il se prononce d'une manière positive, il ressort
de la lecture des Principes que les couches les plus
anciennes connues ne difléraient en rien de celles qui se
déposent maintenant et qu'elles ont été métamorphosées
par une action plutonique, en comprenant sous ce nom
toutes les causes mo ntes, Le peuvent être “mises en
—41—
chercher l'origine dans des phénomènes extérieurs, telle
qu'une force électromagnétique se communiquant du
soleil à notre globe (1).
L'accueil que reçut la doctrine des causes actuelles fut
tout différent en France et en Angleterre.
En Angleterre, les idées de Lyell qui, sous certains
rapports, n'étaient autres que celles de Hutton et de
Playfair, furent facilement adoptées, puis propagées sans
graïdes difficultés partout où rayonne la puissance
anglaise, c'est-à-dire dans le monde entier.
Il n’en fut pas de même des idées de Constant Prévost
en France,
Cuvier ne répondit pas à ses attaques. Dans l'analyse
des travaux de l'Académie des Sciences pour 4827, il
mentionne le mémoire de Constant Prévost, il le loue de
ses observations sur le terrain, parle en termes sarcas-
tiques, mais bienveillants, de ses appréciations sur les
causes de l'alternance des sédiments marins et terrestres
et se lait complétement sur les idées générales.
Deux ans après la publication de son mémoire, Constant
Prévost se trouva en position de propager ses théories
dans sa chaire à la Sorbonne ; mais il ne tarda pas à être
détourné de son enseignement par sa mission à l'Île Julia
êt par les discussions sur les cratères du soulèvement.
D'ailleurs, tant que Cuvier vécut, l'éclat qui s'attachait
à son nom était un obstacle au développement de loute
idée contraire aux siennes. Après sa mort (1832), une
autre gloire s'éleva en face de Constant Prévost et lui
barra encore la route,
Élie de Beaumont venait de publier ses premiers écrits
sur l'âge relatif du soulèvement des chaînes de montagnes.
On croyait qu'autre Champion il était parvenu à déchiffrer
(1) Principes : 1878 1. Il p. 297.
—w—
avec uné rigueur toute mathématique la chronologie des
âges du globe. 1 devint du coup le maltre de la Géologie
française, Or, Élie de Beaumont fit grise mine à la théorie
des causes actuelles. Il avait trop de génie, il avait trop
observé, en un mot, il était trop géologue pour combattre
l'idée en elle-même. Il parait mème y avoir attaché une
certaine importance, car il y consacra un cours au Collège
de France. Les leçons qu'il ÿ fit en 1843 furent réunies en
volume sous le litre de Leçons de Géologie pratique.
Il divisait les faits géologiques de l'histoire de la terre
en deux classes : les uns, analogues aux phénomènes de la
période actuelle, se produisaient pendant les périodes de
tranquillité ; les autres, violents el passagers, ont marqué
la séparation entre les diverses périodes géologiques (?).
Il admit que les causes des phénomènes violents ne
diffèrent pas dans leur nature de celles qui agissent
journellement (?).
I n'y avait donc pas grande différence de principes
sous ce rapport entre Elie de Beaumont el Constant
Prévost. Toutefois Elie de Beaumont méttait un hiatus
entre les temps anciens et les temps modernes, car il
considère ceux-ci comme l'ère spéciale des deltas, des
dunes et des cratères (3).
Enfin, il avait relié ses opinions sur l'âge multiple des
soulèvements des montagnes aux idées des cataclysmes
détruisant tous les êtres animés (*). C'était aussi la pensée
de Cuvier qui, bien avant les travaux d'Elie de Baumont,
écrivait :
« Les déchirements, les redressements, les renverse-
ments des couches plus anciennes ne laissent pas douter
{1j Ann. Se, Nat. 1° S. XIX, p. 224, 1830.
(2) Ann. des Mines 3: S. X. .
{4} Ann. Se, Nat. 1° S. XIX p. 226.
—"w—
que des causes violentes ne les aient mises en l'état où
nous les voyons, et même la force des mouvements qu'é-
prouva la masse des eaux est encore attestée par les amas
de débris et de cailloux roulés qui s'interposent en beau-
coup d'endroits entre les couches solides, La vie a donc été
troublée sur cette terre par des événements effroyables.
Des êtres vivants sans nombre ont été victimes de ces
catastrophes; les habitants de la terre sèche se sont vus
engloutir par les déluges ; les autres qui peuplaient le
sein des eaux ont été mis à sec avec le fond des mers
subitement relevé. Leurs races mèmes ont fini pour jamais
et ne laissent dans le monde que quelques débris à peine
reconnaissables pour le naturaliste.(#}, »
Ce furent les mêmes hypothèses que reprit Aleide
d'Orbigny, le grand maitre en paléontologie (>). « Chaque
fois, dit-il, qu'un système de montagnes a surgi au-dessus
des océans, la faune existante à été anéantie par le
mouvement prolongé des eaux sur les points disloqués et
même sur ceux qui ne le sont pas; el une nouvelle période
d'existence ne s'est manifestée que longtemps après le
repos de la nature, La séparation par faunes distinctes
successives qu'on trouve dans chaque terrain, dans chaque
étage géologique, ne serait done que la conséquence
visible des soulèvements et des affaissements de diverses
valeurs qu'a dû subir dans toutes ses parties la croûte
consolidée de l'écorce terrestre. »
D'Orbigny ne faisait que reproduire les idées régnantes ;
elles remplissaient tous les ouvrages élémentaires, tous
les écrits de vulgarisation.
Il n'y avait peut-être pas une opposition absolue entre
l'hypothèse des soulèvements des montagnes et la doctrine
des causes actuelles, telle que l'entendait Constant Prévost,
(2) Cours élémentaire de Paléontologie et de Géologie strati-
graphique, p. 135.
= #0 —
puisqu'il aeceptait la possibilité de révolutions sous
l'influence des causes physiques et que les soulèvements
de montagnes pouvaient rentrer dans cet ordre de phéno-
mènes. Mais il y avait une telle opposition d'esprit entre
la théorie des cataclysmes et celle des causes actuelles,
qu'il était bien difficile d'accepter en même temps l'une
et l'autre.
A la séance de la Société Géologique du 20 Mars 4883,
Dufrénoy fit une profession de foi géologique qui peint
bien l'état de l'opinion à cette époque,
« Toute formation est séparée de la précédente et de
celle qui la suit par une révolution du globe. Cette révo-
lution amène la cessation complète des formations sédi-
mentaires et l'action ignée ; puis, les actions sédimentaires
recommencent ensuite par des tranports. Ce sont d'abord
des amas considérables de poudingues, composés de galets
souvent énormes et soudés ensemble; puis des grès à
gros grains, des grès à grains fins, des grès micacés; puis
des argiles qui sont des grès à parties imperceptibles; puis
des marnes, des calcaires argileux et enfin des calcaires
parfaitement purs, que ces calcaires proviennent de
sources ou d'animaux. Que l'on fasse des puits artésiens
dans toutes les formations et l'on trouvera toujours les
mêmes résultats..., Ceci n'est pas nouveau, ce sont
des idées énéralement : ado tées |
qu'avaient eue =
Prévost,
(1) Bull. Soc. Géol. 4" s, XIV, p. 820,
= —
Faisant l'historique de ses premières publications, il
dit : « F had previously (1824-1825) made géological tours
both in England and France in company with professor
Constant Prévost of Paris, a writer well known to have
laboured succesfully in the same field of investigation. »
Ces lignes supprimées dans la traduction française ne
reparurent plus dans les éditions anglaises suivantes.
La première traduction des Principes de Géologie ne
pénétra guère que chez les savants et l'accueil qu'elle ÿ
reçut ne fut pas très favorable.
On peut même dire que les théories de Lyell nuisirent
en France à la doctrine des causesactuelles, parce qu'elles
repoussaient les cataclysmes d'une manière absolue et
qu'elles recouraient uniquement à des forces lentes, Des
savants qui eussent admis le principe des causes actuelles,
qui se fussent peut-être ralliés aux idées de Constant
Prévost, repoussaient celles de Lyell. C'était le cas de
d'Omalius d'Halloy.
I écrivait en 1847 (1). « Une doctrine qui expliquerait
toute l'histoire de notre globe par l'action des phénomènes
qui se passent actuellement doit mériter la préférence
sur celles qui recourent à des hypothèses, qui font inter-
venir des phénomènes plus énergiques. Personne ne peut
élever de doutes à ce sujet, de sorte que la question est
de savoir si la doctrine, dite des causes actuelles, ne forme
point d'hypothèses, et si elle explique tous les faits cons-
tatés par l'observation. »
« Je demanderai en conséquence, si ce n'est point faire
des hypothèses, que de dire qu'il se forme, sous les eaux
limpides de nos mers actuelles, des dépôts aussi puissants
que ceux que nous présente la série des anciens terrains
neptuniens ; que les corps organisés, qui sont enveloppés
(1) Bull .Soc Géol. Fr. 25. IV, p. 532.
dans ces dépôts, s’y transforment en fossiles semblables
à ceux que nous Lrouvons dans les terrains anciens; que
l'action érosive des mers sur les côtes s'exerce depuis des
milliers de siècles, ét a tranformé d'immenses continents
en vastes mers; que la chaleur que l'on observe en s'en-
fonçant dans l'écorce du globe, ainsi que les phénomènes
des voleans et des tremblements de terre, sont dus à des
actions chimiques qui se passent dans l'intérieur de cette
écorce, »
« Je demanderai, en second lieu, si c'est, par exemple,
une explication satisfaisante que celle qui admet que des
soulévements el des aflaissements lents, à peu près insen-
sibles, comme ceux que l'on observe en Scandinavie, peu-
vent produire les plissements et les déchirements de
couches que l’on remarque dans nos montagnes. Je dirai
que des hypothèses et des explications qui ne remontent
qu'à un ordre de choses semblable à celui qui règneactuel-
lement ne satisferont pas notre esprit, qui désire toujours”
remonter aussi loin que possible. Je sais qu'il est un terme
où l'investigation du naturaliste doit s'arrêter, etce terme
c'est celui où cessent les inductions tirées de l'observa-
tion, Mais est-ce remonter à ce Lerme que de dire que la
terre a toujours été comme elle est ? Je le crois d'autant
moins, que je pense que si la terre avait toujours été
comme elle est, elle ne serait pas comme elle est, c'est-à-
dire que si certaines forces qui agissent sur elle n'avaient
pas été dans le cas d'agir avec plus d'énergie, plusieurs
circonstances que présente la terre n'auraient pu se
produire. »
“ Les astronomes peuvent s'être trompés lorsqu'ils ont
supposé que la terre avait été à l'élal gazeux, comme les
nébuleuses et certains autres astres qui se meuvent dans
l'espace ; mais ne sont certainement pas sortis de
l'induction permise au naturaliste. Il en est de mème des
=—
géologues lorsqu'ils ont dit que celle masse gazeuse
s'était en partie transformée en une masse liquide qui
tend à son tour à devenir solide, De semblables hypothèses
n'ont rien de contraire à ce que nous connaissons des lois
de Ta nature ; mais la question, pour nous, est de savoir
si, en partant de cette hypothèse, nous expliquons mieux
l'état actuel de notre globe, qu'en supposant qu'il a toujours
été à peu près tel qu'il est ? »
Les objections de d'Omalius se divisent en deux parties,
Dans la première, il combat les idées communes à Constant
Prévost et à Lyell ; dans la seconde, il ne s'attaque qu'à
ce dernier ; il saisit sur le vif les défauts très réels de sa
théorie. Certainement ce sont ces défauts qui l'avaient mis
en défiance contre l’ensemble de la doctrine,
Il existait aussi une autre raison d'opposition aux idées
de Lyell, une raison philosophique et religieuse. Quelques-
uns appliquaient à la doctrine de Lyell les reproches que
l'on avait faites à celles de Hutton. Si toutes les couches
connues sont des sédiments: sable, argile, calcaire, qui se
sont formés, comme se forment dé nos jours les dépôts de
nos mers et de nos lacs: si, à mesure que ces sédiments
s'entassent les uns sur les autres, les plus profonds
s'échauffent, se métamorphosent et prennent l'état que
nous voyons aux plis anciennes de nos roches ; si, à une
plus grande profondeur encore, ils se transforment en laves
qui sont rejetées par les volcans ; si ces laves et autres
produits éruptifs sont à leur lour altérés par les agents
atmosphériques, désagrégés et portés à l'état de sable,
d'argile et de dissolution calcaire dans le bassin des mers ;
si c’est toujours la même matière qui traverse une série
de cycles semblables dont chacun peut avoirune durée de
plusieurs millions de siècles; si loutes ces hypothèses sont
vraies, il n'y a pas de raison pour ne pas croire la lerre
__—
éternelle. L'hypothèse de Lyell conduit donc au matéria-
lisme. On en avait dit autant de la théorie de Hutton. 1
avait protesté, Lyell protesta aussi-contre les opinions
matérialistes qu'on lui attribuait. Mais si les protestations
sont une défense pour l'écrivain, elles ne le sont pas pour
la doctrine,
Cependant peu à peu l'opinion se modifia en France en
faveur des causes actuelles. On constata que certaines
espèces d'animaux fossiles passaient d'un terrain à l'autre
ou d'un étage à l'autre, ce qui détruisait l'idée des
cataclysmes, Barrande contribua à ce résultat par la
découverte des colonies,
1 avait reconnu dans le silurien de Bohème, trois faunes
très distinctes. Vers la partie supérieure de l'étage occupé
par la faune seconde, il constata qu'il venait s'intercaler
des schistes qui contenaient la faune troisième, « Done,
dit-il, la faune troisième vivait en même temps que la
faune seconde ; elle habitait une mer voisine ; il s'en
détacha des colonies qui vinrent à certains moments
s'établir on Bohème, mais qui ne purent y prospérer. Une
circonstance fortuite y fit disparaître la faune seconde
et la faune troisième vint s’y installer d'une manière
définitive. »
On ne pouvait donc pas croire que la faune troisième
était le produit d'un acte créateur postérieur au eataclysme
qui avait fait disparaitre la faune seconde et séparé
de lui par un laps de temps très long. En un mot, la
théorie de d'Orbigny, exposée plus haut, était reconnue
fausse.
En même tem de Beaumont mullipliait ses sys
tèmes de soulèvement ; il en reconnaissait une centaine
qui ne cadraient plus du tout ave k divisions de Lerrains
et d'étages reconnus par | 1857, des paléon-
lologistes, tels que d’Archi 1: aient de l'inocuité com-
=ÿ—
plète des soulèvements pour les populations animales
contemporaines. (1) *
Enfin, en 4862, Lartet écrivait, aux applaudissements de
lous, que le mot de cataclysme devait étre banni du
dictionnaire géologique.
Aussi, lorsque la deuxième traduction française des
Principes de Géologie fut faite en 1873 sur la! neuvième
édition anglaise, elle fut bientôt dans toutes les biblio-
thèques. Outre que l'esprit français, rendu défiant de lui-
même par les malheurs de la patrie, cherchait partout à
l'étranger la haute instruction qu'il ne croyait plus
pouvoir trouver chez les siens, le nom de Lyell était
devenu populaire, On avait traduit ses livres: l'Ancienneté
de l'homme et les Éléments de la Géologie ; jouissait de la
faveur qui s’attachait aux écrits de Darwin, car Darwin
s'était appuyé sur les Lhéories de Lyell, et Lyell, adoptant
etexposant dans les Principes les idées de Darwin, trouvait
un accueil empressé de la part de tout ceux qu'avait
séduits la doctrine transformiste.
On ne s’aperçut pas de la contradiction qu'il y avait
entre le principe de l'évolution et la théorie des causes
actuelles, telle que l’entendait Lyell. C'est ce qu'a très
bien fait ressortir Huxley dans une adresse à la Société
nde savant, trois grands systèmes géologiques
qu'il nomme Catastrophisme, Uniformitarisme, Évolu-
hisme, c’est le système des cataclysmes,
énements soudains, produits par des
Huxley définit parfaitement ces causes
ues, Elles supposent dit-il, l'opération de forces
| progrés de La géologie, terr. jurassiques.
Journ. Géol, Soc., XXV, p. XXXVH,
différentes dans leur nature ou incomparablement diffé-
rentes en puissance de celles que nous voyons à présent en
action dans l'univers. Tel serait le délugé mosaïque, tel
serait le soulèvement des Andes produisant en un jour la
grande chaine américaine, avec ses centaines de volcans
et détruisant tous les êtres vivants de la dernière période
géologique.
L'Uniformitarisme consiste à dire : la terre a toujours
été ce qu'elle est ; elle a toujours été habitée par des êtres
vivants.
Les forces qui ont présidé à la formation du sol sont
identiques en nature et égales en intensité à celles que
nous voyons aujourd'hui à l'œuvre ; les actions produites
par ces forces étaient lentes et insensibles, comme les
phénomènes géologiques actuels ; mais leurs ellets accu-
mulés pendant une série immense de siècles, nous pré-
sentent une somme de travail que, dans notre esprit peu
aple à apprécier les quantilés infiniment pelites, nous
attribuons volontiers à des causes plus puissantes et plus
soudaines. C'est la théorie de Hutton et de Lyell.
L'Évolutionisme est atribué par Huxley à Kant, Si
Kant eut avant Laplace l'idée de la nébuleuse solaire,
et de l'état primitivement liquide du globe, il ne possédait
pas plus que lout autre savant de son époque, la moindre
notion positive sur l'histoire géologique de la terre et de
ses habitants ; son évolutionisme rudimentaire ne peut être
compté par la science moderne. C'est donc à Huxley
lui-même qu'il faut demander ce que c’est que l'évolus
tionisme.
L'Évolutionisme différe essentiellement de l'Unifor-
milarisme parce qu'il jette un coup d'œil investigateur
sur une époque où la terre n'étail pas encore dans les
conditions où elle se trouve actuellement ; il fait intervenir
alors des forces dont l'intensité est différente des forces
7 —
actuelles ; mais il exige que ces forces soient des forces
naturelles et que leur intensité ne soit pas disproportionnée
à ce que l'on peut logiquement déduire de l'observation
des phénomènes actuels,
L'Evolutionisme maintient aussi l'idée des causes lentes
compensant par la durée leur faible intensité, Il pousse à
épuiser les causes connues avant de recourir aux causes
inconnues.
Cette théorie est presque celle qui était soutenue en
France par Constant Prévost.
Constant Prévost disail : la doctrine des causes actuelles
ne conduit pas à l'éternité; elle admet une origine, un
commencement, qu’elle ne cherche nullement à expliquer;
elle admet que les premiers effets produits sont devenus
à leur tour des causes modificatrices pour les phénomènes
suivants, Il comparait l'histoire de la terre à celle de
l'homme, qui ne ressemble pas dans sa décrépitude à ce qu'il
était à sa naissance ; il la comparaît aussi à l’histoire des
sociétés qui passent de l'état sauvage à l'état civilisé.
A propos des phénomènes glaciaires, il écrivit : « Ces
faits démontrent que la doctrine des causes actuelles peut
parfaitement se concilier avec l'idée de modification dans
les phénomènes qui se sont succédés à la surface de la
terre, avec l'apparition de quelques-uns, avec la cessation
d’autres, avec un commencement et une fin de toutes
choses, ce qui lève la principale objection opposée à cette
doctrine par des personnes qui ont restreint les causes
acluelles aux causes lentes journalières et qui ont voulu
que les effets successivement produits ayant toujours été
identiques fussent pour ainsi dire éternels (1). »
Constant Prévost, ilest vrai, insistail moins que les évolu-
tionistes de nos jourssurl'importancede faireentrerletemps
comme facteur nécessaire des phénomènes géologiques.
11) Compt. Rend. Acad. Se. XXXVI p. 690, 1851.
Huxley chertha aussi à faire comprendre, par un
exemple, comment l'idée de catastrophe peut s'allier avee
l'Uniformitarisme.
La marche d'une horloge, dit-il, est un modèle d'action
uniforme, mais la sonnerie de l'horloge estessentiellement
uné calastrophe, Le marteau peut-être disposé pour faire
sauter un baril de poudre ou pour renverser un déluge
d'eau, Par un arrangement convenable, la pendule, au lieu
de sonner les heures, peut sonner à toutes sortes d'inter-
vallesirréguliers, sans qu'il y ait jamais deux foissimilitude
dans les intervalles, la force et le nombre de ses coups.
Néanmoins, toutes ces catastrophes irrégulières et sans
lois apparentes pourraient être le résultat d'une action
absolument uniforme et nous pouvons avoir deux théories
d'une horloge étudiant, l'une le marteau, l'autre le
balancier,
N'en déplaise à Huxley, ceci n'est pas du Catastro-
phisme; c'est de l'Uniformitarisme au premier chef; ce
n'est même pas de l'Évolutionisme, Les petits mouvements
lents et uniformes du balancier ont tout déterminé; les
sonneries ont beau être séparées par des intervalles
irréguliers, le nombre de comnales possibles est
forcément li! .Le {
dans 1
formeront un cel noir de eyeles tous ne
Huxley ne parle pas de l'horloger qui peut négliger de
Voilà une vraie catastrophe; il
er le marteau, le timbre,
sa structure, dans
, les ressorts :
l'horloge va
=D —
distantes, elles diminuent d'intensité parce que le
marteau et le timbre se modifient; un jour une dent cassera,
puis une seconde ; autant de causes d'irrégularité dans la
marche,
Enfin, le grand ressort lui-même sera tellement usé
qu'il rompra, Ce sera la catastrophe finale. Mais ce n'est
plus du Catastrophisme, c'est de l'Évolutionisme, c'est-à-
dire le passage d'un état à un autre, sans retour possible au
premier ; chacun de ces états étant la conséquence du
précédent, le motif du suivant.
Voilà la théorie géologique, celle que nous enseignent
tous les faits d'observation, celle que nous montre surtout
la paléontologie dans l'évolution successive des êtres
fossiles,
Travaux sur les Formations Neptuniennes (:)
CHAPITRE HI
ÉTUDES STRATIGRAPHIQUES SUR LE BASSIN DE PARIS
1° Coquilles marines du Gypse
Constant Prévost commença ses études sur le bassin de
Paris l'année même où Brongniart, par la publication de
son Essai sur la Géographie minéralogique des environs de
Paris, venait de donner un guide précieux aux jeunes
naturalistes.
L'illustre professeur avait établi que les environs de
Paris présentent au-dessus de la craie une série d'assises,
qu'il désignait de la manière suivante, à partir des infé-
Calcaire grossier ; 39 Calcaire
5e Sables supérieurs au gypse ;
Ge Meulières,
Brongniart avail aussi reconnu que certaines de ces
assises sont caractérisées par la présence de coquilles
(1) On emploie ci les termes dont se servait Constant Prévost.
— 4 —
marines, tandis que d'autres ne contiennent que des
coquilles d'eau douce.
Constant Prévost, alors âgé de 19 ans, résolut, avec son
ami Anselme Desmarets, d'étudier le gypse de Montmartre,
dont Brongniart avait donné une deseription complète, le
divisant en trois grandes masses séparées par des marnes.
Ils commencèrent leur étude par la partie inférieure
- ou la troisième masse, que l'on voyait alors dans une
carrière abandonnée à la Hutte-aux-gardes, Desmarets
père y avait trouvé un banc de coquilles marines, Cérites
et Turritelles:(!), et le fait, bien que vérifié par Coupé (?,
avait paru douteux à l'auteur de l'Essai sur la géographie
minéralogique.
Constant Prévost et Desmarets levèrent la coupe ci-contre
(fig. 1) de la carrière de la Hutte-aux-Gardes.
Ils constatèrent la présence de fossiles marins dans
quatre couches de marne, ou de calcaire marneux,
Ils rencontrèrent aussi dans ces bancs marins des débris
de crabes, des dents de squales et des vertèbres de poissons,
confirmant sous ce rapport une découverte due à deux
savants étrangers, le Saxon Rœmer et le Russe Ingelhardst.
Ts crurent reconnaître dans les fossiles marins du gypse
, les espèces qui existent à Grignon dans le calcaire grossier.
Cette erreur est d'autant plus pardonnable que Cuvier et
Brongniart venaient de confondre avec les fossiles de
Grignon, ceux que l'on recueille dans les sables supérieurs.
L'étude de Constant Prévost et d'Anselme Desmarets fut
communiquée à la Société philomatique dans sa séance du
8 Avril 1808 sous le titre de : Note sur les empreintes de corps
marins trouvés à Montmartre dans plusieurs couches de la
(1) Desmarers. — Constitution physique des couches de Mont-
martre. Mémoires de l'Institut, V, p. 46.
(2) Couré — Sur l'étude du sol des environs de Paris. Journal
de Physique, LXI, p. 880.
masse inférieure de la formation gypseuse. Elle fut insérée ou analysée
dans lé Bulletin de la Société Philomatique (!), dans le Journal de
1° Gypse en masse avec cordons
de cristaux (Partieinférieure
du gros banc).
2 Marne calcaire blanchâtreavee
Coquilles marines (Marnes
prismatisées de Desmarets].
3 Gypsoen masse (petit banc) +
4 Marne calcaire jaunâtre avec \
formes pyramidales et nom
breux fossiles marins . +
& Gypse oristallisé et piriforme
6° Marne calcaire blanchätre ,
Te Gypse en masse (bane rouge) .
& Marne feuilletée 14. ,
9 Gypse en masse id:
10" Marne calcaire blanche,
11° Marne feuilletée , . .
12° Gypse en bancirrégulier :
13° Marne feuilletée . . :
14 Culcaire avec coquilles marines
{Caïlloux blanes) . , , ,
15° Gypse avecles mèmes coquilles
16 Calcaire marneux avec Îles
mêmes coquilles (Souchet) .
17° Marne argileuse re feuil-
lelée. . . sn TES
{5 Gypue culeanitére : : 17
19 Gypse en masse avee cordons
de cristaux de gypse (Pierre
blanche)
Terre glaise indiqués par Desmarets
père.
Fig. 1. — Coupe de la arrière de Hutte-auæ-Gardes.
Physique (?) et dans le Journal des Mines (?) Elle se lermine par les
conclusions suivantes ;
Tom. X| LIX. p- 156 et 159.
à rom. L p. 333-385.
(3) Tom. XXV, Mars 1809, p. 915-230.
. re
«Brongniart et Cuvier ont fait connaître que les fossiles
renfermés dans les grès du sommet de Montmartre sont
analogues à ceux de Grignon. Les coquilles que nous avons
1rouvées dans la marne jaune sont également semblables à
celles de Grignon. n
« Nesommes nous pas fondés à conclure de cette double
analogie que ces animaux ont vécu dans la même mer. »
« Mais il faudrait qu'ils eussent été déposés à des
époques différentes, puisque on a trouvé dans les couches
qui séparent les deux dépôts des vestiges de coquilles, que
Lamanon (!) et Brongniart(?) regardent comme ayant appar-
tenu à des animaux qui auraient véeu dans l'eau douce, »
« Si la présence de quelques fossiles semblables à nos
coquilles fluviatiles vivantes sufit pour faire regarder la
première ou haute masse gypseuse et les premiers lits de
marne qui-la recouvrent comme ayant élé déposés dans
l'eau douce, l'existence d'une grande quantité d'espèces
bien reconnues pour marines dans la troisième au basse
masse peut faire penser, avec autant de raison, que cette
masse a été déposée dans les eaux de la mer, »
« Ainsi, contrairement à l'opinion de Lamanon, le gypse
a pu être tenu en dissolution dans l'eau de la mer comme
dans les eaux douces. »
Rien de plus précis que les observations de Prévost et
de Desmarets. Elles étaient encouragées par Brongniart
qui les mentionna dans la deuxième édition de l'Essai sur
la Géographie minéralogique des environs de Paris parue en
4814. Néanmoins, il mit en doute la position du gypse de
la Hutte-aux-Gardes et ses relations avec le gypse de la
{1} Lamanon avait cité des coquilles d'euu douce dans le gypse
de Montmartre.
(2) Brongulart et Cuvier avaient trouvé des Lymnées dans les
marnes blanches supérieures au Gypse à Romainville et à la butte
Chaumont.
= —
seconde masse. Comme la carrière de la Hutte-aux-Gardes
ne tarda pas à être comblée, les doutes de Brongniart
restèrent comme l'expression de l'opinion des géolagues
êt frappèrent de discrédit les observations de Prévost et
de Desmarets.
Mais ce merveilleux bassin géologique de Paris réserve
toujours quelques découvertes aux jeunes géologues, qui
vont étudier les carrières ou les tranchées qui s'y ouvrent
tous les jours.
En 1860, Emile Goubert, que la mort a moissonné au
moment où il multipliait ses recherches, indiquait des
fossiles marins dans des marnes blanches entre la première
et la seconde masse de gypse, à la carrière Bas à Argen-
teuil (1).
Six ans plus tard, MM. Bioche et Fabre retrouvaient
dans la même carrière la couche de marne fossilifère
étudiée par Prévost et Desmarets (?).
Quarante-cinq ans après ses études avec Desmarels,
Constant Prévost crut reconnaitre le banc marneux de la
Hutte-aux-Gardes dans les marnes à Pholadomya Ludensis,
visibles dans la tranchée de la gare Saint-Lazare (].
2 Marnes à formes pyramidales
Dans la marne même où ils venaient de découvrir les
fossiles marins, Prévost et Desmarets rencontrérent des
pyramides quadrangulaires, dont les faces étaient forte-
ment striées parallèlement à leur base, Ils reconnurent
que ces pyramides sont de même nature que la marne et
1) Bull. Soc. Géol,, XVI, p. 844 (1860).
IL, p. 324 (1860).
qu'elles sont toujours réunies six par six ayant leurs
sommets dirigés vers le centre de l'assemblage (fig. 2).
Is firent de cette observation l'objet d'une communi-
cation à la Société Philomatique le 15 avril 1809, sous le
titre de: Note sur les formes régulières affectées par une marne
de Montmartre (1).
Ils ne donnaient aucune explication, Loutes leurs conjec-
tures ayant été successivement détruites par l'observation,
Fig. 2 — Formes pyramidales dans la marne,
Quelques années plus tard, en 1826, Constant Prévost
essaye cette explication dans l'article : Marne, pour le Dic-
moaire classique d'Histoire Naturelle.
Les exemples de formes pyramidales dans les marnes
s'étaient multipliées. D'après Constant Prévost, la couche
de marne de la Hutte-aux-gardes avait pu être suivie dans
toute la ceinture Nord de Paris, à partir de Passy jusqu’au
physique CXIX, 1809, p. 168; Journal des Mines
5
Faubourg du Temple, et partout elle y avait présenté des
indices d'un semblable retrait. D'une autre part, il avait
rencontré des pyramides analogues dans une marne cal-
taire compacte des Marnés à huîtres, vers le sommet des
collines de Montmorency, de Moulignon et de Saint-Prix
(fig. 3).
Fig. 3, — Caleaire compact acec cavités cubiques,
Dans ces marnes, Constant Prévost observa des cavités
cubiques, dont les plus petites n'était visibles qu'à la loupe
et dont les plus grandes atteignaient plusieurs millimètres
de diamètre. Plus ces cavités étaient grandes, moins leurs
parois étaient planes ; elles devenaient de plus en plus
convexes, de sorte que les angles de réunion étaient aigus,
« 1 me fut facile de concevoir, ajoute Constant Prévost,
qu'en exagérant par la pensée cet ellet croissant, la masse
solide au centre de laquelle était la cavité cubique serait
diviséeensix pyramides, quiauraientehacune pour sommet
la paroi convexe de la cavité, et je reconnus alors dans
chacune de celle-ci l'origine d'une division pyramidale
analogue à celle des marnes de Montmartre, » Il conclut
que les pyramides sont dues à un retrait particulier qui
s'est produit dans la marne. « Mais ajoute-t-il, qu'est-ce
qui à déterminé le rétrait à commencer ainsi ? Nous ne
saurions l'expliquer. n
Cette idée l'a préoccupé toute sa vie. Il entreprit des
expériences pour reconstituer la marche des phénomènes
de retrait, mais il n’en a pas publié les résultats, I se borna
à énoncer en 1837 sous forme d'aphorisme quelques propo-
sitions générales purement hypothétiques (!).
En 1847, l'attention de la Société géologique de France
fut appelée sur ces formes pyramidales par une lettre de
Boué adressée de Vienne à Constant Prévost (#).
Boué annonça qu'à la suite de travaux longs et impor-
tants sur les pseudomorphoses, Haidinger venait de tracer
la série intermédiaire entre les marnes pyramidales et des
pseudomorphoses incontestables de sel gemme,
Ce n'était certes pas Haïdinger qui avait eu le premier
l'idée de comparer les pyramides des marnes à des trémies
de sel gemme. En eflet, les stries qui couvrent les surfaces
de ces pyramides sont souvent très prononcées el forment
comme de petits escaliers.
Constant Prévost cite expressément l'hypothèse en 1837,
mais il ne s'y arrûte pas ou plutôt il la repousse, en se
basant sur ce qu'il y a six pyramides semblables opposées
par le sommet. Ces six lrémies de sel gemme, toujours
disposées de la même manière, seraient, selon lui, incom-
préhensibles,
D'après l'analyse qu'en donne Boué, une grande partie du
mémoire du savant autrichien est consacrée à démontrer
qu'il existe des pseudomorphoses cubiques dans un grand
nombre de couches gypsifères, et que ces pseudomorphoses
doivent être attribuées à la disparition de cristaux cubiques
de sel gemme.
Haïdinger cite aussi des pyramides quadrangulaires eb
des cavités striées en forme d'escalier qui existeraient dans
{1) Bull. Soc. GéoL. Fr. 1" série, VII, p. 820, 1837.
(2) Ball. Soc, Géol. Fr, 2* LV, 1847, p. 455.
les marnes calcariféres salifères d'Onondaga aux États-
Unis, d'après Eaton (!), et dans une marne bilumineuse du
Muschelkalk des bords du Weser d'après Haussmann.
A la suite de cette lecture, Constant Prévost exprima
l'idée que les faits cités par Haïdinger et ceux qu'il avait
lui-même observés pouvaient se rapporter à deux causes
toutes diflérentes.
Il pouvait y avoir eu production, puis dissolution d'un
cristal cubique de sel marin; ce serait l'origine de la
petite cavité cubique centrale sur la nature de laquelle il
ne s'était pas expliqué. Ces premiers phénomènes auraient
été suivis d’un retrait, qui se serait opéré régulièrement.
dans des directions perpendiculaires aux faces de Ia
cavité cubique.
Très récemment, M. Munier Chalmas s'est occupé de la
méme question et a rapporté aussi les pyramides en
escaliers des marnes à la dissolution de trémies de sel
gemme.
3 Position des Sables de Beauchamp
Quand Constant Prévost, revenu en France, reprit ses
travaux sur le bassin de Paris, il trouva l'état de la science
ï n départ. Si les découvertes paléon-
tologiques de Cuvier et les études stratigraphiques de
Brongniart étaient toujours accueillies avec faveur, ilw'en
était pas de même des déductions théoriques qu'ils en
avaient tirées sur le séjour alternatif de la mer et de l'enu
P. . On se demandait si l'on ne
autrement la coexistence de
uce et de mollusques marins dans le
{1j Amérie. Journ. of. e.1829, L XV n°2; Pi, Mag 1899, n°31, p.72
même bassin ; on essayait, sans succès, il est vrai,
d'acclimater des Lymnées et des Planorbes dans des eaux
graduellement salées.
L'attention de Constant Prévost fut particulièrement
appelée sur ce sujet par une découverte qu'il fit près
du château de Bagneux, à l'extrémité de la plaine de
Montrouge (1).
Dans un puits creusé pour l'écoulement des eaux, au
fond d'une carrière de calcaire grossier, il trouva une
petite couche de lignite terreux contenant une grande
quantité de Lymnées, de Bulimes et de Paludines réunis
avec des Cérites. La position de ce lignite fut longtemps
incertaine pour Constant Prévost : il tendait à le rapprocher
des argiles à lignites de Vanves.
Deux ans après, en 1823, il observa avec Desnoyers,
dans une carrière ouverte sur la plaine de Vaugirard, un
dépôt d'eau douce, en amas allongé, vers la partie supé-
rieure du calcaire grossier (*).
Voici la coupe de cette carrière relevée dans ses carnets
d'excursions.
Terre végétale, . . - .
Débris et bancs marneux .
Quarz carié. Le ‘
Calcaire marneux plane .
Quarz carié. .
Calcaire silicoux .
Marne verte, minee .
Quarz carié,
Plusieurs lits de calcaire in avec coquilles blanches :
Corbules, etc. et empreintes végétales
(1) Bull. Soc. Phtlomatique 1821, p. 56-61. Journal de Physique,
8 GI 3428. Documents, p. 149-161.
t. (Bull. de Ferrussac) 1, p. 11. — Bull, Soc
—70—
Banes peu épals séparés par de petits lits de marne. Un de
ces lits renferme des coquilles bivalves minces,
striées, Plusieurs de ces bancs, exploités sous le nom
de Roche, renferment une grande quantité de Cérites
Fig. 4. — Coupe de la partie inferieure de la earriére
de Vaugirard
k Banc d'un pied de calcaire marneux blanc (d'eau douce ?}
avec Cérites, Milliolites, Vénus, Paludines et Pla-
norbes - . - . . 0"
1 Lit d'argile verte qui rontermé des Div elvet 0
m Lignite tourbeux noir . , , EU
n Sable argileux gris, avec coquities morines et d'eau 1
OURS nr Ne dt Lei, vs) NT
o Pié marin . ;
Calcaire grossier, Piero de 6 tallte
Constant Prévost assimila d'abord la couche de Vaugi-
rard à celle de Bagneux, Mais plus tard il changea d'idée
pour des motifs théoriques, qui seront indiqués ullérieu-
rement.
La première de ces observations fut pour Constant
Prévost l’origine de recherches importantes, dont il
présenta le résultat à la Société Philomatique le 38 juillet
1821 et qu'il publia dans le Journal de Physique en 1822{1),
) Bull. Soc Phil. 38 juillet 1824, p. 133-136; Journal de Physique,
1822.
=1—
Beudant et Gillet de Laumont avaient annoncé avoir
trouvé dans le grès de Pierrelaye et de Beauchamp un
mélange de coquilles marines et de coquilles d'eau douce,
A celte époque, la position du grès de Beauchamp n'était
pas bien fixée.
Brongniart l'avait rangé dans le calcaire grossier à la
page 27 de la Géograghie minéralogique des environs de
Paris ; mais à la page 26, il conjecturait qu'il appartient
aux grès marins supérieurs au gypse.
Constant Prévost soupçonnait que ce grès pourrait
bien représenter les sables inférieurs au calcaire grossier.
C'est pour vérifier cette hypothèse et pour examiner le
mélange de coquilles d'eau douce et de coquilles marines
qu'il entreprit un voyage de quelques jours dans les
environs de Pontoise. Il partit de Montmorency, cotoya la
colline gypseuse pour chercher s'il trouverait le calcaire
grossier entre le gypse et le sable de Beauchamp ; il
constala que le gypse descend au niveau de la plaine, au
milieu de laquelle se trouve le sable, I en conclut que le
calcaire grossier, s'il existe, est très peu épais. Au milieu
de la plaine, entre Taverny, Beauchamp et Pierrelaye, il
vil le grès et le sable former quelques collines basses
parallèles aux collines de la forêt de Montmorency.
Une carrière pour l'exploitation des pavés, située entre
le bois el li route de Saint-Leu à Pierrelaye, près du
Château de Beauchamp. lui offrit la coupe ci-contre
(fig. 5):
Constant Prévost observe que, dans cette carrière, il n°y
a pas mélange proprement dit de coquilles lacustres et de
coquilles marines, puisqu'elles se trouvent dans des bancs
bien distincts ; mais, dans le voisinage, il avait recueilli
dans le sable blanc à la surface du sol, avec les coquilles
marines des grès, Lymnea longiscata (arenularia?) et
Cuclostoma mumia.
= y —
La coupe donnée plus tard par Brongniart (!) est copiée
sur le manuscrit de Constant Prévost en même lemps que
celle de Triel ; mais Bronguiart l'a interprétée d'une
a Terre végétale.
b Fragments de calcaire d'appa-
rence d'eau douce, mais con-
tonant des Cérites; réunis
dans une pâte caleaire . . 1-50
€ Sable arglleux verdälre avec
Mélania hordeacea . . . 00
4 Sable blanc - 040
€ Litrégulier decalcairessablon:
Verve. neux avee Lymnéeet Cyclos
4 tôma mamia . . - « « O5
ae HE. { Sable avec coquilles marines.
É à Grès blanc, dur, aveccoquilles
Fig.5 — Carrière de grés marines. Le bane supérieur
à Beauchamp. Offre à la surface des ondula-
Lions arrondies.
manière qui n’est nullement exacte; ainsi il suppose le
mélange des coquilles d'eau douce et des coquilles marines,
quoique Constant Prévost dise précisément tout le con-
traire.
De Pierrelaye, Constant Prévost descendit vers Pontoise,
où il rencontra les carrières de calcaire grossier à un
niveau inférieur au sable de Beauchamp. Au lieu de
conclure qu'il a affaire à une assise inférieure, il assimile
la partie supérieure du calcaire au sable, car on y trouve,
dit-il, les mêmes fo: . Il juge cette observation très
remarquable, parce qu'elle indique que, dans la même
formation et à une petite distance géographique, les
couches contemporaines peuvent présenter une nature
minéralogique différente.
{1) Description minéralogique des environs de Paris ; 2'éaition:
pl 1 C. fig 1
me
Voici la coupe qu'il donne d'une carrière de calcaire
grossier :
1° Fragments de calcaire d'eau douce, .
2 Calcaire compact jaunâtre avec coaiiies marines et
peut-être Cyclostoma mumia . . UE
3" Lit de marne verte avec indication de ess COR
# Calcaire compact avec Cériles , + 4 , + - . -
5" Caleaire léndre marneux avec coquilles marines - -
@° Calcoire grossier en bancs puissants. . . . . .
I dit que le petit lit de marne verte rappelle le gypse;
puis, ne trouvant pas de sable sous ce représentant supposé
du gypse, il en conclut encore que le sable de Beauchamp
est remplacé par du calcaire.
Il faut ajouter pour son excuse qu'il adoptait l'opinion
de Brongniart. Le fondateur de la géologie parisienne
admeltait que les sables de Beauchamp ne sont qu'un
faciès local de la partie supérieure du calcaire grossier.
Mais Constant Prévost était assez indépendant pour ne
pas accepter une opinion sur la foi du maître ; son erreur
d'appréciation provient d'une erreur de détermination, qui
vicia tout le reste de son excursion.
A Pontoise, il traversa la rivière et prit la route de
Rouen. A la sablière de Marcouville, il vit le calcaire de
St-Quen, le sable vert à Melania hordeacea, le sable et legrès
de Beauchamp, I observa que les lits de sable ne sont
pas parallèles entre eux, les uns sont horizontaux,
d'autres sont inclinés et les lits horizontaux sont séparés
des lits inclinés par des lignes courbes. C'est une obser-
vation très nelle de la structure que nous nommons
aujourd'hui entre-croisée ou par fausse stratification.
Constant Prévost n'hésite pas à signaler son analogie avec
la disposition qu'on remarque dans les dunes ou accumu-
lations de sable par les vents, C'est encore l'explication trop
absolue que donnent actuellement plusieurs géologues
distingués, Dans beaucoup de cas, surtout lorsque certains
— "0m
rit
lits sont comme à Marcouville formés de détritus de
coquilles, la stratification entre-croisée s'est formée sure
rivage sous l'influence des courants.
Constant Prévost descendit ensuite vers Osny pour recon-
naître le terrain sur lequel repose le sable, il vit des
carrières de calcaire el il y commit les mêmes fautes
d'appréciation qu'à Pierrelaye. Vers la partie supérieure
de Ja carrière, il signala un petit lit de marne verte avec
rognons de sulfate de strontiane et, un peu en dessous,
intércalé dans le calcaire, un banc de sable fin qu'il jugea
semblable à celui de Marcouville. C'était une preuve de
plus à invoquer en faveur du parallélisme supposé du sable
et du calcaire.
De l'autre côté du plateau, sur le chemin de Pontoise à
Cergy, en descendant vers l'Oise, il fit une autre observation
qui devait être le germe d'une théorie géogénique du
bassin de Paris.
I vit un litcontinu formé de morceaux de calcaire blane,
qui, non seulement avait l'apparence minéralogique du
calcaire d’eau douce, mais encore renfermait des Lymnées,
des Bulimes, ete, 1 y remarqua avec le plus grand éton-
nement des Milliolites, des Natices, et Le Cerithéum lapidum,
non point disséminés dans toute la roche, mais pelo-
tonnés en petites masses ou distribués par veines.
Ce calcaire que Constant Prévosl trouvait si remarquable
est le banc vert des géologues parisiens. Il repose sur un
banc à Williolites et à Orbiolires complanata et celui-ci sur un
petit Hit de marne verte semblable à celle d'Osny.
Constant Prévost le crut d’abord supérieur au salle,
mais il reconnut plus lard sa véritable position. (1)
Constant Prévost visita ensuite le plateau de meulières
de l'Hautie, les carrières de calcaire de Vaux, le gypse de
Triel, les environs de Meulan et revint par Nouvelle à la
Seine, où il prit le batéau pour Paris,
{tj Bull, Soc, Philom., 14 janvier 1823, p. 104.
TE
Entreautres observations, il donne une coupe du sommet
de la colline de Hautie jusqu'à la Grande route :
Mouilères avec coquilles d'eau douce et gyrogonites.
Sable avec tables de grès luisant.
Argile vérté.
Gypse avec une très grande quantité d'ossements.
Marne blanche et gypso à cristaux.
Marne blanche avec petits Bulimes et lits puissants de rognons
calcaires, comme à Saint-Ouen.
Sable vérdâtre avec blocs de grès
Petit lit presque entièrement composé de Melania hordacea,
Sable avec coquilles de Beauchamp et grès,
Calcaire tendre, calcaire compact, marne et argile, disposés sur
15 lits alternatifs formant un ensemble de 10* d'épaisseur.
Plusieurs banes de ce calcaire lui montrérent l'apparence
de celui de Cergy, où ilavait tronvé un mélange de Millio-
lites et de Lymnées. « Il est vrai, éeritil, qu'il n'y a pas
de Lymnées, mais la pâte a l'apparence d'un calcaire d'eau
douce et les Milliolites sont pelotonnées ou réparties par
veines. n
Un banc de marne argileuse verdâtre lui rappelle aussi
les caractères de celle des gypses de Montmartre, où il a
découvert avec Desmarets des fossiles marins,
A Triel, il constate également que les sables de
Beauchamp se trouvent entre le gypse et le caleaire
gré ses erreurs d'appréciation et de détermination,
Constant Prévost atteint le résultat qu'il cherchait ; il
réconnul que les sables de Beauchamp sont distincts des
lard, quand de nouveaux doutes furent émis sur le
méme sujet par Méricard-Ferrand, Constant Prévost
affirma son opinion (!).
{t) Bul. Soc, Géol, LI, p. 241 (1833).
EC
Bien que Constant Prévost wait pas publié de note à
cette occasion, on peut être certain que dans ses cours,
soit à l'Athénée, soit à la Sorbonne, il développait les faits
positifs sur lesquels reposait son affirmation.
On trouve dans ses carnets de voyage des coupes faites à
Valmondois, en 1825, où l’on voit que les sables fossilifères
de Beauchamp sont nettement superposés au calcaire
grossier, Il note dans le sable des galets de calcaire
perforés par des pholades.
Fig. 6. — Coupe prise au racin de Valmondois
a Limon.
b Limon contenant des grès épars et des cailloux noirs,
ce Grès en blocs à la surface du s01.
4 Sable vert se 1ant au limon : quelques coquilles, 060,
e Sable coquiller, coquilles roulées, ete., fragments de calcaire
percé par les pholades, 3".
S Caleaire grossier à grains fins.
Dans une autre coupe prise à Noint près de Francon-
ville (fig. 7), il montre la superposition du calcaire de
Saint-Ouen aux sables de Beauchamp.
C'est done bien à tort que d'Archiac s'attribue le mérite
d'avoir fixé l'âge du grès de Beauchamp
11) Histoire des Progrès de la Géologie I, p. 569.
=m—
Quant à la question de géologie générale, dont Constant
Prévost cherchait la solution, celle du mélange de
coquilles marines et de coquilles d'eau douce dans un
même banc, il l'avait constatée en plusieurs points et l'on
verra plus loin les conséquences théoriques qu'il en tira.
a Terre végétale.
b Fragments de calcaire d'eau
douce,
€ Marne verdâtre feuilletée.
‘4 Calcaire d'eau douce.
2 Marnes blanches avec Cyclos.
tomes, Ulves?
J Marnes blanches fragmen-
taires. — Potites Paludines,
g Coquilles marines.
h Grès et sable çoquiliers.
Fig. 7. — Coupe sous Franconvélle, prés de Nointel
Ce mémoire de 482 est important pour peindre l'état
de la Science géologique à cette époque et pour montrer
Constant Prévost à l'œuvre comme stratigraphe. Nous le
voyons s'attacher à une foule de petites observations, dont
il fait ressortir tout l'intérêt, mais dont il ne peut ni peser
l'importance, ni tirer les vraies conséquences, parce que
les grands principes de la Géologie lui manquent comme à
tous ses contemporains.
On accordait encore trop d'importance au caractère
minéralogique. Une couche de marne verte est rapportée
au gypse parce qu'elle rappelle certaines murnes du
gypse. Les espèces fossiles analogues sont confondues et
par conséquent les niveaux fossiliféres ne sont pas distin-
gués. On n'avait aucun caractère certain pour reconnaitre
une même couche à quelque distance, En un mot la
science positive ne comprenait encore que quelques obser-
vations détachées et aucune loi générale.
4 Étude des côtes de Normandie et de l'Angleterre
En 1808, Constant Prévost avait suivi à pied les côtes de
la Manche, de Dieppe à Saint-Malo, sous la direction de
Brongniart. Il avait immédiatement compris quelles res-
ises à pic pouvaient offrir à l'observation
des géologues ; il y retourna en 1821 avec son ami de
Blainville et, à la fin de la même année, il présenta à
l'Académie des Sciences un mémoire important sur la
composition des falaises depuis le Boulonnais jusqu'au
Cotentin.
On ne pôssède plus les carnets de ce voyage, qui ont été
détruits dans un incendie, Mais on à le manuscrit du
mémoire el le rapport que fil à son sujet une commission
composée de Cuvier, Prony et Brongniart,
La première partie du mémoire est consacrée à la des-
eriplion des diverses couches qui constituent les falaises.
Il en distingue 75. Il avail reconnu qu'elles présentent
une grande courbure, dont il place la partie centrale vers
l'embouchure de la Seine et dont les extrémités s'appuient
d'un côté sur les terrains anciens du Cotentin et de l'autre
sur ceux du Boulonnais. La deuxième partie est formée
par une descriplion locale des falaises, qu'il suit pas à
pas, depuis Saint-Valéry jusqu'à Valognes. Le mémoire de
Constant Prévost est excessivement remarquable pour
l'époque où il fut fait, car il n'y avait encore rien d'écrit
sur la Picardie et sur la Normandie.
Le seul travail qui existait alors sur la Normandie était
deux lettres de de Gerville sur les fossiles que l'on trouve
dans le Cotentin, La stratigraphie y était à peine ébauchée
et l'auteur déclarait lui-même n'y avoir pas grande
confiance.
EN,
Le mémoire de Constant Prévost constituait donc un
progrès très important pour la géologie de la France,
Aujourd'hui encore la lecture en est attrayante. Néanmoins,
conformément à ce qui a été dit plus-haut, il sufira d'y
signaler quelques points d'un intérêt tout particulier.
Après avoir fait remarquer la ressemblance des terrains
aux deux extrémités de la ligne des côtes, dans le Cotentin
et dans le Boulonnais, Constant Prévost montre que la
ressemblance se continue à l'intérieur du pays. Il en déduit,
que les points extrêmes forment le bord d'un vaste golfe,
où se sont déposées les couches plus récentes,
Il donne beaucoup de détails sur les couches tertiaires
de Varangéville, sur le calcaire à Baculites et le falun
tertiaire de Valognes.
Sur presque toute la ligne des falaises, depuis l'embou-
chure de la Somme jusqu'à Dives, il vit un terrain de
transport rougeâtre qui a quelquefois jusqu'à 40 mètres
d'épaisseur.
Il distingua une partie inférieure formée par une argile
plus ou moins sableuse empâtant de très gros silex blonds,
qu'il reconnut par leur forme et par leurs fossiles pour
être ceux de la craie, « Ils ne paraissent pas, écrit-il, avoir
été roulés, au moins pendant longtemps, mais ils sont
brisés et leur fragments sont enlassés pèle-mèle dans
l'argile qui leur sert de gangue. » On a reconnu à cette
description l'argile ou bief à silex.
La partie supérieure est formée par une masse puissante
de sable rarement blanc, presque toujours rouge orangé.
Il s'agit ici du limon avec lequel il confond quelques
lambeaux de sable éocène,
Au milieu de ce sable très fin, il vil d'espace en espace
d'énormes blocs ou rognons de grès solides dont les sur-
faces sont mamelonnées et arrondies, «sans que l’on puisse,
dit-il, attribuer leur forme au frottement. H paraît plus
probable que ce sont des masses solides formées par agglo-
mérations successives au sein de la masse de sable, à
11 vit ce terrain de transport reposer sur les lignités. 11
confond ici l'argile à silex tertiaire avec le bief à silex
quaternaire, confusion qui était encore facile, il y a
quelques années,
A ce propos, il rappelle que le terrain de transport des
environs de Paris est aussi formé de silex de la craie qui
ont été entrainés des bords du bassin vers le centre.
Dans les conclusions, on trouve une vue très nette du
bassin stratigraphiquede Paris, Quoique horizontalesd'une
manière générale, les couches de ce bassin se relèvent de
toutes parts en se rapprochant de ses bords. Elles sont plus
épaisses vers le centre, et sont d'autant plus étendues
qu'elles sont plus anciennes, de sorte qu'elles se dépassent
et qu'elles forment à la surface du sol une série dé bandes
concentriques.
D'Omalius d'Halloy avait dit la même chose en 1843: et
Constant Prévost avail certainement lu son Mémoire ;
mais il alla plus loin que d'Omalius, il réunit le sud de
l'Angleterre au bassin de Paris.
Les mêmes formations s'y montrent dans le même ordres
on y voit le contact des couches horizontales avec les
terrains anciens, w Le bassin de l'ile de Wight, ajoute-t-il,
peut donc être considéré comme ayant fail partie inté-
grante du bassin de la Seïne à une certaine époque. Le
bassin de Londres au contraire appartient à un autre grand
système qui comprend la Belgique, la Hollande, toute Ja
basse Allemagne jusqu'à Kænigsberg. Les eaux de la mer
paraissent avoir séjourné beaucoup plus longtemps dans
ces divers lieux que dans le bassin de la Seine, Ces deux
bassins n'ont-ils été en communication qu'après la rupture
de l'isthme du Pas-de-Calais? C'est par l'examen minu-
tieux des terrains et par la comparaison des fossiles qu'il
sera possible de répondre à ces questions, »
AN
Comment se fait-il que ce mémoire si remarquable, qui
jetait un jour si nouveau sur la géologie du Nord de la
France n'ait pas été publié ?
Il faut en accuser d'abord et avant tout l'hésitation que
Constant Prévost a toujours montrée quand il fallait livrer
ses travaux à l'impression, Dans ce cas particulier, une
cireonslance a dû augmenter ses appréhensions. Pendant
que son travail étailentre les mains des commissaires de
l'institut, De la Bèche publia, dans les Transactions de la
Société Géologique de Londres, une comparaison des deux
rives de la Manche.
Constant Prévost jugea, dès lors, qu'avant dé terminer son
travail, il lui était indispensable de visiter l'Angleterre. 11
y fit un premier voyage en 1824. Il reçut l'accueil le plus
amical des principaux géologues anglais: Lyell, qu'il avait
guidé l'année précédente dans les environs de Paris, Fiton,
Segdwick, Buckland, Conybeure, Weaver, Cumberland,
Davy.
Il visita successivement sous leur direction les localités
géologiques célèbres de l'Angleterre, Stoneslield, Dudley,
la montagne de Malvern, Farfeld, Bristol, a vallée de la
Wye, Bath, Exeter, Penzance, les caps Landsend et Lizard,
Plymouth, Lyme-Regis et Portland, s'arrétant partout où
il ÿ avait une colleetion importante, reçu partout avec cette
courtoisie exquise, que savent déployer les Anglais, lors
qu'ils veulent faire à un étranger l'honneur de leur pays.
Constant Prévost goûta tant de charmes dansses relations
amicales avec la sociélé anglaise qu'il alla chercher sa
femme à Paris et l'amena à Londres. Ils y restèrent une
quinzaine de jours; puis il allèrent avec Fitton passer
une semaine à l'ile de Wight et ils revinrent en France par
Brighton et Dieppe.
1 dut recueillir dans ces voyages un grand nombre de
faits intéressants, mais il ne les publia pas, Il se borna
à en faire part à ses amis; il en fit probablement aussi
l'objet de quelques communications à la Société d'Histoire
naturelle, car Desnoyers le cite continuellement comme
autorité dans un mémoire sur le terrain Jr de l'O.
de la France.
Ses carnets de voyagé renferment de nombreuses
coupes. [ serait difficile de dire maintenant les faits
nouveaux. qu'il avait reconnus et de distinguer ce qui
lui est propre et ce qu'il devait à ses compagnons de
voyage.
Les seules publications, auxquelles ses observations ont
donné naissance, appartiennent essentiellement à la paléon-
tologie, non point à la paléontologie descriptive, mais à la
partie philosophique de cette science et à ses applications
à la géologie,
A propos d'une tête de poisson, rencontrée à Villers-
sur-Mer, à la base des falaises des Vaches noires, il
parle (!) de ses analogies avec une tête de poisson trouvée
à Grandmont, près de Beaune (Bourgogne), dans un
calcaire jurassique analogue à celui de Villers, et que
Blainville avait nommée Elops macropterus.
« Voilà done, dit-il, encore une espèce d’être organisé
dont les débris se retrouvent à une distance considérable
dans des couches d'u une même époque, Papèo qui n'a été
+ (QI faut n'admettre un fait évidemment en.
opposition avec le prineipe gén ral qu'il semble renverser,
(1) Sur une ichthyolite des rochers des Vashes noires. Bull.
Soc. Philom. 1824 p.41 et Ann. Se. Nat. HIT, 1824 p. 243.
=
qu'après s'être bien assuré qu'il n'est pas explicable par
une disposition locale, »
Il veut parler ici de la découverte de mammifères dans
le terrain jurassique de Stonesfield, découverte qui préoc-
cupait alors les savants.
Stonesfeld est un petit village à 6 lieues au N.-0. d'Oxford,
dans une plaine ou plutôt dans une large vallée, ondulée de
collines basses et arrondies. C'est le siège d'une exploi-
tation importante de pierre calcaire nommée Pendle. Cette
pierre, après avoir été exposée à la gelée pendant l'hiver,
se fend en lames minces, dont on se sert pour couvrir
les toits. En fendant une de ces pierres, on découvrit une
mâchoire que Cuvier, dans une visite au Musée d'Oxford,
reconnut avoir appartenu à un mammifère didelphe,
L'illustre anatomiste avait posé comme principe que
les mammifères n'étaient apparus qu'après la craie, La
découverte qu'il venait de faire à Oxford, était si extraor-
dinaire que, de retour à Paris, des doutes le prirent sur sa
détermination. Dans la seconde édition de son dernier
volume sur les ossements fossiles, après avoir parlé des
ossements de reptiles trouvés à Stonesfield, il dit: «Parmi
ces innombrables fossiles marins sont, à ce qu'on assure,
deux fragments de mâchoire qui, lors d'une inspection
rapide que je fis à Oxford, en 1818, me semblèrent de
quelque didelphe. »
Un des premiers soins de Constant Prévost à son arrivée
en Angleterre fut d'aller à Oxford, où il fut accueilli
avec la plus grande bienveillance par le professeur
Buckland. Celui-ci lui proposa même de lui confier les
mäâchoires pour que Cuvier pût les étudier à loisir; mais
il est probable que Constant Prévost ne voulut pas se
charger d'un dépôt si précieux, il se contenta de dessiner
une de ces mâchoires et d'envoyer son dessin à Cuvier,
Ce dessin dissipa tous les doutes, l'animal était bien un
didelphe, mais la question de gisement était à régler,
Constant Prévost l'étudia avec soin. Malgré les afirma-
tions des géologues anglais, Phillips et Conybearé, il
conserva des doutes sur l'âge des calcaires exploïtés (1)
A fait observer qu'on ne voit pas de superposition stratis
graphique, qu'on ne connail pas les couches qui les sur.
montent, que les caractères de la roche semblent spéciaux
à la localité de Stonesfield, que les débris fossiles ÿ sont
isolés’et entassés sans ordre, qu'ils ont appartenu à des
animaux marins comme à des animaux terrestres.
Mais le grand argument qu'il invoque est un argument,
paléontologique, Il rappelle que l'association des fossiles
trouvée à Stonesfield, os de Mégalosaure, d'oiseaux (il
s'agit da Pterodactyle), de Plésiosaure, de Crocodile, de
Tortues débris de Squales, de poissons, bois, empreintes
de fougères, elc., existe aussi dans les sables ferrugineux
de Tilgate en Sussex, qui appartiennent, comme on le sait,
au Wealdien.
Buckland avait été frappé de cette ressemblance. Après
avoir donné la liste des fossiles communs à Stonesfeld et
à Tilgate, il dit : «Les analogies ci-dessus démontrées son
très frappantes, et quoiqu'elles montrent que les conditions
de la terre étaient à peu près lès mêmes dans le moment
où les deux formations ont été déposées, cependant 16
nombre et l'épaisseur des strates d'oolithé intérposés entré
les deux nous défendent même pour un instant de soup
çonner leur idendité (?). »
(Aj Observations sur les schistes caleaires colitiiques dé
Stônesfeld àn Angleterre, dans lesquels ont été trouvés pla
sieurs ossements fossiles dé mammiféres. Ann. Sc. Nat. IV
1825, p. 859.
Obseroation sur le g! t du megalosaure fossile. Bull
Sce. Phil. 18%, p. 1. — Bull. Sc, Nat Ferussac, VII, 1555»
net E Mémoire sur le Megatosaure de Stoncafeld.
rh
Constant Prévost, qui n’a pas été convaineu de la position
“attribuée par les Anglais aux schistes de Stonesfeld, ne
partage pas la même certitude,
Il verrait volontiers dans les schistes de Stonesfeld et
dans les sables de Tilgate des amas de détritus de dillé-
rents âges, apportés par des cours d’eau postérieurement
à la consolidation du terrain jurassique et du terrain cré-
tacé. C'est la théorie qu'il proposait pour le mélange de
coquilles marines et d'eau douce du bassin de Paris, Il se
défend de vouloir en faire l'application aux schistes de
Stonesfield. Mais on voit que c’est une idée qui hante son
esprit et qu'il appliquera à la solution de toutes les diffi-
cultés paléontologiques. ()
Les observations de Constant Prévost sur Stonesfield
furent publiées à l'occasion d'un mémoire déjà cité de
Desnoyers. (*)
Ce mémoire a eu pour objet de faireconnaitre les terrains
de la Normandie, entre Belesmes et Alençon, et particuliè-
rement de signaler une couche de calcaire oolitique, qui
renferme, près de Mamers, unegrandequantitéde végétaux,
vait assimiler aux schistes de Stonesfield.
aiten méme temps une description assez
lie. C'était la première application
enclature anglaise aux couches jurassiques du
en 1852, Constant Prévost dit qu'après s'être proposé
ssibles sur le gisement de mammifères de
u que ces mammifères n'ont pas été trans-
puits, soit de toute autre manière, car ils sont
üpart des fossiles qui se rencontrent à Mamers.
4
Constant Prévost avait fourni à Desnoyers de nombreux
renseignements. Dans son rapport à la Société Philoma-
tique, il parle du travail géologique qu'il avait entrepris
sur les falaises de Normandie, 1] rappelle la structure du
bassin de Paris avec sa ceinture jurassique appuyée sur
l'Ardenne, les Vosges, le Morvan, le Limousin, la Bretagne,
le Cotentin. I! ajouté que, pour compléter l'enceinte, pour
trouver les bords Nord-Ouest du bassin, il faut passer en
Augleterre dans le Cornouailles et le Pays de Galles.
étaye ses dires d'une coupe d'Oxford à Charlbury, qu'il met
à côté de la coupe de Belesmes à Alençon présentée par
Desnoyers.
Il dit que ces coupes confirment celle des falaises du
Calvados et celles de Paris aux Ardennes et au Jura qu'il
inséra probablement dans le mémoire précité, Enfin, &l
donne un extrait d'une carte géologique montrant le pro-
longement des couches jurassiques de Normandie en
Angleterre. (!)
Constant Prévost avait visité la célèbre localité anglaise
de Lyme-Régis, où l'on rencontre dans les argiles du Lias
une foule de débris de grands reptiles, Icthyosaures el
Plésiosaures,
IL y arriva au moment où l'on venait de découvrir un
Plésiosaure ; il l'acheta et en fit hommage au Muséum de
Paris. À celte occasion, il commupiqua à la Société
Philomatique {) un aperçu sur la géologie de Lyme-Régis
et sur les principales espèces de reptiles qu'on y avait
découvertes.
On trouve dans ses carnets de voyage quelques détails
sur son acquisi
Le commerce des fossiles de Lyme-Régis était alors
entre les mains d’une femme, Mis Mary Anning. C'estelle
(1) Ann, Se. Nat,, 1" s., IV, p.389, pl. 17.
(2) Bull. Soc. Phil., 1895, p. 107.
=
qui trouva le premier squelette, celui qui est au collège des
Chirurgiens à Londres. Elle le vendit 5 1. s. au Colonel *#
qui l'a revendu de suite 80 L. s,
L'Ichtyosaure, qui est au musée de Bristol, a été vendu
50 1. s.; un Plésiosaure a été acheté 120 L 8. par le duc de
Buckingham. Le Plésiosaure du Muséum de Paris a été
découvert par des marins sur la plage, Miss Anning le leur
a acheté 3 livres et elle le vendit 10 1. à Constant Prévost,
En 1851, Constant Prévost retourna en Angleterre, mais
ses carnets ne contiennent aucune trace de ce nouveau
voyage.
Il séjourna une semaine à Hordle, chez la Marquise
d'Hastings. Il fit sous sa direction une étude détaillée des
couches fluvio-marines de celte partie du Hampshire, Il
obtint aussi de la Marquise qu'elle envoyät le résumé de
ses observations à la Société géologique de France (').
En 1849, une nouvelle excursion à Dieppe rappela à
Constant Prévost le projet qu'il avait formé de donner
une. description géologique détaillée du littoral de la
France. I fit part de son programme à l'Académie (?},
mais la proposition n'eut aucune suite,
5° Position des Lignites du Soissonnais
Monnet (3), puis Poiret (+) avaient signalé dans le Sois-
sonnais un dépôt charbonneux contenant de la pyrite, qui
était employé pour la fabrication de l'alun. Ils avaient
observé des coquilles d'eau douce dans les banes inférieurs
et des coquilles marines probablement des huîtres dans
les bancs supérieurs.
{1} Bull. Soc. géol. 2 S IX, p. 191, 185.
(2) Compt. Rond. Acad. des Se. XXIX, 26 nov 1849.
(3) Description minéralogique de la France p. S0.
(4) Sournal de Physique LI, p. 242 et LIN, p. 5.
Dans son premier article, publié en 4800, Poiret avait
conslaté que ces tourbes pyriteuses, comme il les appelait;
sont situées à un niveau inférieur aux calcaires et aux
sables marins qui constituent les collines du Soissonnais
et du Laonnais.
Liadmit qu'après la formation de la tourbe dans les eaux
douces, la mer est revenue couvrir le pays et y a déposé les
sables et les calcaires. Des courants, qui auraient existé an
sein de la mer, où des torrents, qui se seraient produits
depuis sa retraite, auraient déblayé les vallées actuelles de
manière à mettre à nu les couches de tourbe pyriteuses
Coupé lui répondit (‘) que ces dépôts de lignites peuvent
être postérieurs au ereusement des vallées et que les
coquilles marines, qui sont à la partie supérieure, yauraient
été amenées par le lavage des sables des plateaux,
Dans son second article, en 1804, Poiret exposa la même
hypothèse que Coupé; il la déclara possible, cependant il
préféra encore la première pour des raisons qui n'ont rien
de scientifique.
Quelques années plustard, 1843, Héricard-Ferrand fournit
à Brongniart des détails sur la structure du Soissonnais
et donna une coupe où l'on voit dans la vallée le dépôt de
ligoites surmonté par des sables qui passent sous le
calcaire grossier (2).
Brongniart reproduisit (#) la coupe d'Héricard-Ferrand
en acceplant les conclusions de Poiret.
Constant Prévost avait fait vers la même époque la
coupe de la montagne de Paris près de Soissons ; ses
(} Journal de Physique, LH, p. 150,
(9) Héricann Fennaxn: Sur tn terrain Wear douce supers
Jleiel et les terrains qui lui sont inférieurs entre les rivières
d'Aisne et d'Oureq. Ann, des Mines, 1821, VI, p. 419.
(3) Deseription géologique des environs de Paris 1822: PAR.
fig. 2.
conclusions doivent avoir été conformes à celles d'Héri-
card (‘), car Brongniart cite les deux géologues en même
temps (*) et s'appuie sur leur témoignage pour mettre les
lignites du Soissonnais au niveau de l'argile plastique.
Mais, sous l'influence de la découverte qu'il avait faite,
en 18%3,d'un petit banc ligniteux dans le calcaire grossier
de Bagneux (*}, nous voyons Constant Prévost concevoir
des doutes sur la position des lignites.
L'année suivante, 1824, il observa dans l'ile de Wight,
les argiles ligniteuses d'Headon-Hill, qui sont supérieures
aux sables à Nummulites lwvigata, H fut frappé de leur
analogie avec célles du Soissonnais et dès lors ses doutes
augmentèrent. .
Au printemps de 1825, il fit un nouveau voyage dans le
Soissonnais. IL vit les sables de Beauchamp à Nanteuil.le-
Hardouin, puis atteignit, à Vauciennes, dans la vallée de
l'Authonne, les couches inférieures au calcaire grossier.
A celte époque, les sables que nous nommons actuel-
lement sables du Soissonnais et sables de Cuise étaient
encore fort peu connus. Brongniart les avait réunis au
calcaire grossier, ne sachant mêmes'ils luiétaient inférieurs
ou supérieurs, Constant Prévost les distingua parfaitement,
dans tout le cours de son voyage ; il remarqua à Vau-
ciennes que ces sables se présentent en stralification
entrecroisée et qu'ils contiennent des zûnes sinueuses
de petites Nummulites.
A Vauxbuin, il rencontra les premières cendrières ; il
figure dans des coupes, les couches d'argile ligniteuse
comme s'enfonçant sous les sables précédents.
I visita les sablières d'Osly (fig. 9) et d'autres encore
dont le localité n'est pas indiquée dans ses notes; puis
{t) Ses manuserits ne contiennent rien sur € voyage.
Bi Description géologique des environs de Paris, p. A.
B} voir p. 69.
celles d'Urcel, où il vit les lignites recouverts par des grès,
celles de Fétieux, de Saint-Gobain (fig. 10, 14) et de
Bracheux,
La disparition de presque toutes les cendrières donne
de l'intérêt aux coupes observées par Constant Prévost
Fig. 9 — Cendrière d'Osly
a Terre végétale, cailloux roulés débris. . . . 1pled L
b Tuf coquiller blane jaune, en lits sinueux ;
petites Huitrés, Cyrènes, Cérites . . . .
< Lit de cendre noire, lignite térreux.
d Argile brune, schisteuse, bitumineuse. . ,
€ Tof charbonneux et coquiller; coquilles brisées,
Cyrènes, Mélanopaides.
J Sehiste bitumineux à graîns fins, en its di s
tinus, remplacés par de la cendre.
g Séhiste moins fin : Planorbes, plantes , : .
h Cendres . . + . . «+ + 1 à 4 pieds.
étaient exploités à une
faible babléur dans
grossier, Maisil
faite ressemblance avec ceux du So ssonnais. Comme dans
le Soissounais, ils sont accompagnés de lits remplis de
coquilles d'hultres. Ils lui parurent situés contre les sables
calcarifères inférieurs (sables du Soissonnais) et à un
niveau plus bas, [l se demanda quel est le rapport de ces
=
deux assises, et, à la page suivante, il résolut la question
dans une coupe graphique en faisant passer les lignites
sous le sable.
Mais le souvenir des lignites d'Headon Hill le pour-
suivait. L'année suivante, il se remit en route pour visiter
avec Desnoyers, la Picardie, le Soissonnais et une partie
de la Champagne.
Fig. 10. — Cendriére prés de Saint-Gobain
a Terre végétale. i Sable coquiller.
& Sable terreux. j Cendres.
e Lit schisteux. k Sable bleuâtre coquiller :
d Sable terroux. Huitres, Cyrènes, Cériles.
Lit L Cendres.
#, Sable gris. m Sable argileux bleuâtre :
9 Pilé jaune ; cailloux noirs. Coquilles brisées.
h Gendre. ñn Cendres.
Le carnet qui contenait les notes de ce voyage ne s'est
pas retrouvé. Mais nous en connaissons les résultats par
quelques lignes que Desnoyers a consacré à la question,
dans son rapport sur les travaux de la Société géologique
de France en 1831.
Ils revinrent convaincus que la plus grande partie des
i, ites, sinon le système entier, ne passe pas sous le cal-
ssier, mais qu'il emplit des vallées et qu'il est
sur les bords des escarpements de calcaire grossier.
Desnoyers ajoute que leur manière de voir a été fortifiée
par des considérations paléontologiques.
a
a
Ed
Fig. 11. — Cendrière Henry à Saint-Gobain
a Sable terreux se Mant à la terre végétale.
b Marne jaune.
e Plé coqailler.
d Lignes sinveuses de Mgnites.
e Argile bleuâtre. + . , + « . + + . « . pied.
J Lignite terreux. . . 2 2 0 7, TER
4 Argile bleu verdätre, plastique h En, ONCE
h Lignite terreux,
é Argile bleu verdâtre, plastique ; coquilles dans le
DAS. . +: à «se», « als) y, vo » Spies
À Lignite.
& Lignite terreux et argile.
L Lignites.
Les lignites contenant des ossements de mammifères
leur paraissaient moins anciens le calcaire grossièr
où l'on n'en avait pas encor ur faisaient valoir de
plus la présence dans les ll fe es de [
gues aux espèces vivantes et la différence entre les fossiles
des lignites et ceux de Grignon.
Ils en conclurent que les lignites du Soissonnais appar-
tiennent à une époque plus récente que l'argile plastique(:}
Brongniart adopta leur manière de voir (2), Deshayes y
apporta son adhésion à la suite d'un voyage à Epernay, où
il vit que les lignites sont silués. comme le calcaire
grossier, entre la craie et les assises à meulières.
« Près de Reims, dit-il, à Hautvillers, les lignites et le
calcaire grossier sont bout à bout, l'un à côté de l'autre,
c'est-à-dire que l'argile s'est déposée dans des vallées du
calcaire grossier et que les deux formations ont été couver-
tes par les meulières (8), »
Desnoyers et Prévost ayant de nouveau exprimé leur
opinion à la Société Géologique dans la séance du 4 juin
1832, Elie de Beaumont déclara avoir de fortes raisons
pour continuer à regarder les lignites du Soissonnais
comme inférieurs au calcaire grossier (*).
Alors Constant Prévost développa quelques arguments
en faveur de son opinion. Il rappela que dans l'ile de
Wigbt, à Headon Hill, on rencontre l'argile plastique el
l'argile de Londres, qui correspond au calcaire grossier
{il y joignait l'argile de Barton), toutes deux en couches
verlicales et un système de couches horizontales composé
de deux formations d'eau douce avec lignites (Headon
Beds, Osborne beds) séparées par un dépôt marin. Les
fossiles d'Headon Hillavaient été déterminés par Deshayes
qui avait reconnu, Melania inquinata, Melanopsis bucoi-
noidea, Paludina lenta, Neritina pisiformis, Cerithium fasci-
culatum, Cyrena Gravesi, Ostrea sparnacensis, tous des
lignites du Soissonnais (#).
{1} Bull. Soc. Géol. IL, p. 278.
(2) Bull. Soe. Géol. IL, p. 278.
43) Bull. Soc. Géol. If, p. 83.
(4) Bull. Soc. Géol, 1, p. 419.
(5) Bull, Soc, Géol, 1, p. 428,
Devant de pareilles détérminations faites par le paléon-
tologiste le plus compétent de l'époque, il était logique
d'assimiler les lignites du Soissonnais à ceux d'Headon et,
par conséquent, de les considérer comme plus récents que
le calcaire grossier.
Elie de Beaumont répondit par un mémoire étendu sur
le terrain tertiaire inférieur du Nord de la France et sur
les dépôts de lignites qui s'y trouvent.
Son principal argument est tiré d'une coupe du plateau
du bois de Vermand entre Saint-Quentin et Péronne, On
y voit une couche de lignites recouverte par du sable jaune
qui contient des rognons calcaires pétris de Nummulites,
Ilen conclut que les lignites du Soïssonnais appartiennent
à la partie inférieure du calcaire grossier,
Deshayes demanda à Elie de Beaumont s'il avait trouvé
des fossiles dans ses lignites inférieurs au calcaire grossier
et, sur sa réponse négative, dit queces lignites pourraient
très bien être différents de ceux du Soissonnais, car ceux:
ci contenaient quatre espèces encore vivantes dans le midi
de l'Europe (Melanopsis costata et buccinoïdea, Melania
inquinata, Paludina subcarinata), proportion d'espèces
vivantes bien supérieure à ce que contenait
grossier ().
Onvoit l'erreurse continuer, basée sur des raisonnements
paléontologiques hâtifs. D'un autre côté les observations
d'Élie de Beaumont étaient bien incomplètes ; ; avec son
grossier, c'est du limon « uaternaire avec débris de silex à
Nummulites.
{i) Bull. Soc. Géol. IL, p. 44.
— 9$ —
Constant Prévost appuya l'hypothèse de Deshayes. I fit
remarquer qu'il avait toujours distingué, dans le Sois-
sonnais comme aux environs de Paris, deux systèmes à
lignites : l'inférieur visible à La Fère, Dreux, Gentilly,
rarement fossilifère et qui appartient à la formation de
l'argile plastique; le supérieur, visible à Épernay, Varan-
géville, Bagneux, Vaugirard, Montmorency, Headon Hill,
contenant un mélange de coquilles marines et fluviatiles.
C'est à ce système qu'il rapportait la plupart des lignites
du Soissonnais. Quant aux lignites vus par Élie de
Beaumont, ils devaient appartenir au premier système,
puisqu'il n'y avait pas trouvé de fossiles (1).
Dans la séance du % avril 1835, d'Archiac présenta son
grand mémoire sur le département de l'Aisne et en fit un
résumé pour le bulletin,
Il insista sur la question de l'âge des lignites. IL Ia fixa
de la manière la plus exacte entre les sables de Bracheux,
qu'il appelait glauconie inférieure, et les sables et grès de
la base des sables inférieurs (sables de Cuise}.
Il reconnut que les faits cités par Elie de Beaumont
n'étaient pas concluants, mais il donna d'autres preuves ;
à Urcel et à Mailly près de Laon, on exploite les lignites
sous les sables et les grès; à Maïllly, en particulier, on
voit ces sables et ces grès s'enfoncer sous le calcaire
grossier. Ce fait et la circonstance que les lignites repo-
sent toujours sur la glauconie inférieure établissent mani-
festement leur âge.
Quant à leur mode de formation, d'Archiac eonstata que
les fossiles lacustres proprement dits y sont rares, qu'il ÿ
a quelques coquilles marines littorales, mélangées avec
des espèces fluviatiles. Il en conclut que les lignites se
sont formés sur des plages très basses à l'embouchure
{1} Bull. Soc. Géol. II, p. 416.
de grands fleuves, dont les eaux auraient charrié el acon-
mulé des amas de végétaux, recouverts à plusieurs
reprises par la mer (!).
Malgré tous ces faits parfaitement établis, Constant
Prévost persévéra dans ses idées. 1] avait exploré les envi-
rons de Reims en 183%. 11 avait pu dresser la coupe de
quelques cendriéres. Nulle part il n'avait vu les lignités
s'enfoncer sous le calcaire grossier.
Il fit part de ses observations à la Société Géologique de
France, dans la séance du 19 décembre 1836 et il eut éncore
Elie de Beaumont comme contradicteur (?}; puis à celle
du 48 décembre 1837, où Deshayes vint de nouveau lui
apporter son suflrage (*) et à celle du S janvier 1838 en
réponse à une observation de d'Archiac (1).
Cette même année, 188, Ch. d'Orbigny entreprit une
série d’études sur la position des lignites dans le Laonnaïs
etle Soissonnais ; il en communiqua le résultat à la Société
Géologique dans sa séance du 4 juin 183$. Il constata les
faits indiqués par d'Archiac ; it observa que partout aux
environs de Soissons les ligniles sont situés à la base des
collines, un peu au-dessus de la vallée, tandis qué lé
calcaire grossier est à 50® plus haut. Si donc les lignites
étaient intercalés dans le calcaire grossier ou lui étaient
supérieurs, il faudrait qu'ils se relevassent de plus de 50w
contre les collines. 11 constata aussi que près de Mouchenol
les lignites recouvren calcaire lacustre dé
Rilly et il _.
en —
lignites sont exploités sous les collines tertiaires par des
galeries horizontales perçées dans la couche charbonneuse.
Des puits verticaux d’aérage traversent le calcaire grossier
et les sables qui sont en dessous. Le toit des lignites est
formé par une couche remplie de Cyrena cunciformis et de
Cerithium variabile (#).
Constant Prévost persévéra néanmoins dans sa manière
de voir disant que, s'il y a des lignites inférieurs au calcaire
grossier, il ÿ en a, comme à Vaugirard et à Bagneux, qui
sont contemporains et d’autres, comme ceux de l'ile de
Wight qui sont postérieurs. En énonçant cette proposition
générale, il était certes dans le vrai, mais il avait tort
lorsqu'il rapprochait des lignites de File de Wight la
plupart des dépôts du Suissonnais et de la Champagne.
Il faut supposer que la question ne paraissait pas claire
à tout le monde, car Deshayes et de Boisy soutinrent
l'opposition de Constant Prévost (?).
La discussion recommença dans la séance du 4er avril
1839 (3), puis ce fut fini. Les faits cités par d'Archiac et
d'Orbigny furent peu à peu constatés par lous les obser-
vateurs et la position des lignites du Soissonnais, sous le
calcaire grossier, fut acquise à la science.
6° Origine des Meulières
Une très courte note insérée par Constant Prévost, en
1826, dans le Bulletin de la Société Philomatique (4), traite
d'une des questions les plus difficiles el les plus contro-
versées de la géologie, de l'origine des meulières.
On sait que les collines et les plateaux des environs de
Paris sont couronnés par une argile rougeñtre remplie de
11) Bull. Soc. Géol. Fr., IX, p. 818.
12) Bull. Soc. Géol, Fr., IX, 324.
13) Bull, Soc. Géol, Fr., X. p. 199.
14) Bull, Soc. Phil. 1826 p. 167.
blocs irréguliers, de toutes dimensions, d’une pierre sili-
ceuse, exploitée pour l'empierrement des routes et pour
les constructions dans les lieux humides. On l'appelle
meulière en raison de sa ressemblance d'aspect et de nature
avec la pierre siliceuse que l'on emploie à la Ferté-sous-
Jouarre pour la fabrication des meules de moulins.
Voici ce qu'en dit Constant Prévost. t Les meulières, qui
couronnent presque lous les plateaux élevés des environs
de Paris, ne se présentent jamais en bancs continus el
réguliers. Ce sont des blocs de dimensions variées, au
milieu d'une argile plus ou moins pure, plus où moins
colorée en rouge. Si la position relative de ces blocs, ainsi
que les cassures nettes qu'on remarqué sur les faces de
quelques-uns, portent à croire qu'ils ne sont plus dans de
lieu où ils ont été formés, d’un autre côté, en examinant
avec attention plusieurs exploitations de meulières des
hauts plateaux, on est convaincu que les dérangements
ont tout au plus consisté en des lassements et qu'il n'y 4
pas eu de déplacement par transport, car on retrouve 1Qu>
jours auprès l'un de l'autre les fragments qui paraissent
avoir été séparés par une fracture, ét l'on remarqué que la
surface des blocs, loin d'avoir été usée par le frottement,
est hérissée pérités et de lames siliceuses très minces
en 1845 sur celte théorie; 11 fit
lleuse est pus Hp au contaot
istance. Bu Géol. de Fr.
in —
Il remarqua en outre que les meulières à. coquilles
d’eau douce occupent presque toujours la circonférence et
les parties élevées des anfractuosités du sol sous-jacent,
dont les fonds sont remplis par des meulières, sans
coquilles, Il en conclut que, si on suit les ondulations de
la surface d'un grand plateau de meulières comme celui
de Montmorency, on croit avoir sous les yeux l'ancien
fond inégal d'un vaste marécage, dont les bords et les
parties relevées auraient été habités par les mollusques et
par les plantes, tandis que les profondeurs se trouvaient
désertes.
Constant Prévost chercha ensuite à expliquer la forma-
tion des meulières. 1 suppose que, si des sédiments argi-
leux se déposent dans une eau qui tient des particules
siliceuses en suspension, celles-ci, enfermées dans la pôte
sédimentaire, s'attirent pour former des nodules. rappelle
à ce sujet une remarque de Fitton: x Lorsque l'argile et
le silex pulvérisés pour l'usage des potiers sont mélan-
gés, après avoir été séparément délayés dans l'eau à la
consistance de erême épaisse, si les ingrédients sont
laissés agir les uns sur les autres pendant 2% heures,
les particules siliceuses s'unissent en grains sablonneux
et la masse n'est plus propre à la fabrication. n
Ainsi Constant Prévost admet :
4° Que les meulières n’ont pas été transportées.
2 Qu'elles sont contemporaines de l'argile dans laquelle
elles sont empâtées.
4 Que la silice était à l'état de suspension dans l'eau
des étangs où se déposait l'argile.
La première proposition de Constant Prévost sur le non
iransport des meulières est évidente ; les deux autres sont
très contestables.
La contéemporanéité des meulières et de l'argile est
loin d'être acceptée par tout le monde. Elle a donné lieu
0 —-
en 1856 à un débat intéressant entre Meugy et Hébert {1}.
Meugy fit observer que les meulières constituent une
formation locale dépendante du calcaire de Beauce et du
calcaire de Brie (*), et qu'elles n'existent que là où les
calcaires ne sont pas recouverts par uné assise tertiaires 1
en déduit, conformément à une ancienne opinion de
Brongniart (?), que la meulière était primitivement empâtée
dans du calcaire, que le calcaire a été dissous et qu'il n'est
plus resté que le squelette siliceux. L'argile serait aussiun
résidu de la dissolution du calcaire, qui est toujours plus
ou moins impur. Meugy attribuait cette dissolutionà
des eaux acides, qui auraient ruisselé dans le bassin dé
Paris, lorsque le sol présentait à peu près la configuration
actuelle, Elles seraient venues du sud et auraient dû Jeur
acidité (probablement de nature chlorhydrique} à des émas
nations d'origine volcanique, C’est une théorie qui & été
renouvelée depuis dans d'autres circonstances.
Hébert, successeur de Constant Prévost à la Sorbonne,
se fitle défenseur de sa théorie en prouvant, par quelques.
coupes, qu'il existe des meulières recouvertes de couches
stratifiées, et dont l'origine ne peut par conséquent être
dù à l'action d'eaux acides sur un calcaire siliceux:
Une troisième hypothèse, plus éloignée encore que a
précédente des idées de Constant Prévost, est celle de Ia
meuliérisation.
M. Dollius l'a exposée dans sa notice sur la nouvelle
carte géologique des environs de Paris. Les eaux atumos»
l'acide carbonique s’infiltrent dans
issolvent en partie, pénètrent des
18} Desbrfebiss géologique dés environs de Paris, p. 79.
_ 1M —
déposer la silice, tandis que le carbonate de chaux dis-
parait par les sources à l'état de bicarbonate. Ainsi la
meulière n'existerail pas toute formée dans le calcaire
siliceux, elle naîtrait chaque jour par une migration de
haut en bas des éléments du calcaire.
Chacune de ces théories sur l'origine des meulières est
purement spéculative ; aucune n’est appuyée sur une étude
sérieuse de la roche et des conditions où elle se rencontre.
Toutes trois peuvent contenir une certaine somme de
vérités, Ainsi il est certain que les vides des meulières
sont dus à la dissolution du ciment calcaire ou marneux
qui les empâtait ; il est probable que les concrétions sili-
ceuses, les cristaux de quartz qui tapissent ces cavilés,
sont le résultat d'apports postérieurs dus à des eaux
siliceuses incrustantes, mais ce n’est qu'une très petite
partie par rapport à la masse siliceuse et l'on se demande
d'ailleurs pourquoi, si la silice est dissoute, elle ne s'échap-
perait pas parlessources en mémetemps que le bicarbonate,
Il n'est pas démontré que l'argile qui accompagne les
meulières soit le résultat de la dissolution sur place d'un
calcaire, Elle présente les plus grandes analogies avec
l'argile qui empâte les silex dans le conglomérat à silex
du Nord. Dans ce cas, il y a eu souvent apport d'argile et
remaniement des silex à de faibles distances.
Quant à la possibilité que des agrégats siliceux se soient
formés dans les couches stratifiées peu de temps après le
dépôt de ces couches, il n'y a guère à en douter. Les études
de M. Renard ont prouvé que c'était le cas des silex de la
craie.
Aux environs de Mons, il existe dans le terrain crétacé
une masse siliceuse désignée sous le nom de Rabot, qui a
été reconnue par des sondages sous la craie et les terrains
tertiaires sur une étendue considérable, on ne peut l'attri-
buer à l'action d'une silicification par l'action d'eaux super-
ficielles,
Me Rs om 0
nombre de nodules fort irréguliers de silice:
dome cmt de chat ; on les
au milieu de masses argileuses.
La théorie de Constant Prévost mériteuné
sion. Si certaines de ses propositions sont m
fausses, si d'autres paraissent douteuses, on
oublier qu'il abordait un des problèmes les plus
et du gisement des roches de silice,
line se prononce pas dans ses écrits sur M
la silice des meulières, mais on sait par son en:
qu'il la rapportait à des sources et qu'il f
inèné éruplif, mais comme source interne de la S
lui a quelquefois vivement reproché l'idée de
qu'il puisse y avoir eu des geysers dans le bassin
loin de tout volcan. Ce ne pouvait étre une 0
sérieuse à l'époque où il vivai la réaction c
théories neptuniennes de Werner battait son pl
époque où d'Omalius EXk ne craignait pas de
PT
pour | Arena me des poches de sable s
plateaux du bassin de Pa:
trer que dans | bien di cas la
cation de végétaux ou d'animau
Ÿ— 408 —
laires et Spongiaires). Mais ces êtres ont dû l'emprunter à
l'eau, dans le séin de laquelle ils vivaient; ils ne pouvaient
donc pulluler que là où l'eau était chargée de silice, L'exa-
men du calcaire siliceux de St-Nectaire a montré au même
savant que la silice, tenue en dissolution dans l'eau de
St-Nectaire, était concentrée par les Diatomées et fixée par
elles dans le calcaire que déposent les eaux incrustantes.
Certes il n'est pas de géologue qui oserait dire qu’il n'ait
pu y avoir dans le bassin de Paris, à l'époque tertiaire, des
sources analogues à celle de Saint-Nectaire,
Constant Prévost publia encore en 1829 (*) une courte
note sur les graines de Chara fossiles on Gyrogonites
d'une nouvelle espèce, qu'il avait découvert dans les
meulières de Montmorency. Ces petits corps avaient
d'abord été considérés par Lamarck comme des coquilles
d'animaux voisins des Milliolites. Léman avait montré leur
analogie avec les capsules de Chara. Mais Lamarck
conservait sa manière de voir et d'Orbigny avait apporté
un appui à l'hypothèse de la nature animale des Gyro-
gonites en découvrant des corps analogues dans les sables
marins de Rimini. Constant Prévost fit ressortir que li
nouvelle espèce qu'il signalait se rapprochait plus des
Chara actuels que celle étudiée par Lamarck [C. medica-
ginula). rappelle à celle occasion les diverses espèces
déjà décrites. Il en conclut que le genre Chara était très
développé aux époques géologiques.
Un côté de son esprit scientifique se manifeste en celte
circonstance. Il refuse de donner un nom à la nouvelle
espèce, « parce qu'il importe, dit-il, que les Gyrogonites
ne reçoivent un nom spécilique, qu'après qu'une étude
préliminaire des Chara existants aura fixé la limite des
diflérences possibles dans les capsules d'une même plante
el aura fait apprécier la valeur des parties qui peuvent
{1} Bull, Soc. Philomatique, 18%, p. 19%,
— DE —
fournir des caractères distinctifs. » On voil poindre sa
répugnance contre les déterminations hâtives de certains
naturalistes descripteurs, qui saisissent le moindre carats
tère pour créer des espèces et qui grévent la science de
noms inutiles.
7° Sable de Fontainebleau et Calcaire de Beauce
Les études de Constant Prévost sur les sables de
Fontainebleau et sur le calcaire de Beauce sont inédites,
Néanmoins, il y a lieu de les citer parce qu'elles contien-
nent des renseignements sur des points aujourd'hui peu
connus.
La première mention qu’on trouve dans ses notés sur ce
sujet, se rapporte a un voyage qu'il fit en 1823 avec Lyell.
Il reçut le savant anglais chez sa mère, au Mée, près de
Melun ; de là ils partirent pour Fontainebleau.
Ils visitèrent les carrières de Belle-Croix, célèbres alors
parce qu'on y trouvait les cristaux de calcaire quarzifère,
dit grès cristallisé, il en donne la coupe suivante,
Sr
Fig. 12. — Coupe des carriéres de Belle-Croix à Fontainebleat
1 Dliuvium.
2 Caléatre d'eau douce en fragments. #
3 Sable fin blane, jaune à la purtie né Ten
4 Grès avec cavités [A) remplies dé sab}
eti Le deeristaux,
% Sable blanc fin.
re
Dans un autre point, qu'il ne désigne pas autrement que
par l'appellation de Fontainebleau, il relève une autre
Fig. 13. — Coupe des sables de Fontainebleau
a Terre végétale.
b Sable et diluvium, argile rouge.
e Calcaire d'eau douce fragmentaire, plus poreux,
avec beaucoup de coquilles où cavités de
coquilles. Les fragments sont réunis par une
marne blanche. , . : 4 + + = »* pieds.
d Calcaire d'eau douce assez compacte + + + - 2pieds.
€ Sable argileux vert, quelque fois vert noir, avec
Lymnées et Gyrogonites . , . , . . , © à 3 pouces.
J Calcaire sablonneux d'eau doucæ . , . . , 5 à 6 pouces.
g Sable ferrugineux . . . = : « =. 2 à $ pouces.
h Sable très blanc et très fin avec des grèsbianc{A)
il grappes pur l'infiltrationducalcaire 3 pieds.
4 Grès à surface ondulée, divisé par des fentes et renfermant des
cavités (B] remplies de sable fin ; les fissures verticales sont
lapiasées de cristaux calcaires, aînsique la surface de l'assise
qui est on contact avec le sable,
On trouve ensuite la mention d'une excursion ultérieure
sans date, mais cependant qui eut lieu au plus tard en 1833.
C'était une excursion nombreuse comprenant 42 géologues
et 28 botanistes dont Adrien et Alexis de Jussieu. On y voit
WW
aussi figurer le Docteur Roberton, le généreux donateur
de la Société Géologique. [ls visitérent encore la carrière de
Bellecroix ; en y montant ils virent des blocs de grès aux
formes cariées el aux surfaces caverneuses. Constant
Prévost pense que se sont des masses de sable agglutiné
par le calcaire ; il croit que l'infiltration a eu lieu sur un
fond de sable avant le dépôt des banes de calcaire qui sont
plus haut.
Durant le cours de cette exeursion, il prit plusieurs
coupes dans le calcaire lacustre supérieur et d’autres dans
le sable.
L'une d'elles est particulièrement intéressante. IL y
remarque deux terrains de transport : le supérieur rouge
contenant des fragments de calcaire d'eau douce et des silex
arrondis, l'inférieur jaunêtre où il n'existe plus de silex.
Fig. 44. — Coupe des sables superfciels prés dé Fontainebleau
a Sable rouge avec fragments de calcaire d'eau douce et silex
arrondis,
b Sable fin jaunätre avec fragments de calcaire d'eau douce,
A Sable blanc en feuillets inclinés différemment; les lits sont
distinots par la grosseur des grains et la quantité de mica.
En dessous, il y a du sable blanc en petits lits distincts
par la grosseur des grains de quarz et par la quantité du
= 407 —
mica ; il est disposé en stratification entre-croissée c'est-à-
dire inclinée dans diverses directions, Constant Prévost
trouve ee sable différent du vrai sable de Fontainebleau ;
il se demande si ce n'est pas déjà le résultat du lavage
des collines. Il eut été plus près de la vérité en y voyant
des traces de dunes terrestres.
En 1834 et 1835, nouvelles excursions, dont il rapporte de
nombreuses coupes.
C'est alors qu'il se posa un problème dont la solution
n'est pas encore éclaircie. Le sol de la forêt de Fontaine-
bleau est constitué par deux assises, l'une plus ancienne
les sables et grès, l'autre, plus récente le calcaire de Beauce,
Or il remarqua que les grès étaient souvent à un niveau
plus élevé que le calcaire, II se demanda si le calcaire ne
s’est pas déposé dans les dépressions d'un ancien sol formé
par les sables et les grès.
Il visita aussi la sablière de Buteau et y releva la série
de couches suivante.
Terre végétale.
Calcaire d'eau douce en fragments dans une marne
Petit Lit de sable verdätre.
Marne blanche feuilletée, divisée par de petits Lits
de sable .
Sable blanc avee coquilles marines
Sable blanc avec rognons calcarifères, coquilles .
Marne hanche sableuse.
Sable blanc fin sans coquilles
Sable coquiller.
Il avait done bien vu que le sable coquiller est au
sommel de l'assise des sables de Fontainebleau.
En 1897, Constant Prévost alla passer quelques jours
os les environs de Fontainebleau avec 14 élèves dont
Is partirent le 14 mai, en bateau, pour Melun ;
=48—
le lemps était mauvais, les eaux, hautes ; cependant le
bateau marchait bien en profitant des contre-courants.
Ils avaient quitté Paris à 7 h. du matin, ils arrivèrent
à Melun à 14 h. 1/2. Is visitérent les environs de Melun,
de Fontainebleau, de Nemours, de Chateau-Landon ; puis
ses élèves le quittérent et il continua son excursion avec
le marquis de Roys et Lajoye, C'est alors qu'il prit à
Fromont une coupe intéressante,
Fig. 15.— Coupe de la sabliére de Fromont
a Calcaire à Hélix.
b Marne Jaune très argileuse.
e Marne verdâtre et blanche comme la marne à amender
d'Armenon avee plaques meuliériformes.
4 Calcaire marneux blanc et vert représentant le caleaire
supérieur au grès, où calcaire de Beauce.
Ainsi Constant Prévost avait distingué au sommet du
calcaire de Beauce, le calcaire à Hélix de l'Orléannais. Il
fut plus précis dans la communication qu'il fit le à juin
suivant à la Société Géologique de France et dont nous
n'avons qu'un court résumé,
ll y est dit : (1)
« Le grès de Fontaineblea
communication du 20 novembre 1837, Bull. Soc. Géol. de France,
IX, p. 40,
— 109 —
« Au dessus de ce troisième calcaire, on en voit un
quatrième dont il est séparé par des marnes jaunes et
vertes. »
“ Ce dernier calcaire est le calcaire supérieur de la
Beauce ; il couronne les buttes de Fromont, Rumont, Bro-
meilles, et s'étend par la forêt d'Orléans jusqu'à la Loire, où
plusieurs de ces calcaires d'eau douce de différents âges
sont probablement réunis, »
La division du calcaire de Beauce en deux assises dis-
tinctes était un fait important pour la géologie du bassin
de Paris ; mais on y fit peu d'attention jusqu'à ce que les
lravaux de M. Douvillé vinssent la mettre en lumière. (1}
Il est regrettable que la carte géologique de France, qui
porte tant de division pour le bassin de Paris n'ait adopté
aucune marque pour distinguer ces deux calcaires.
En 1842, Constant Prévost communiqua à la Société Géo-
logique de France quelques observations sur la coloration
des sables de Fontainebleau (?}; il les compléta en 1845 (#).
A Orsay les grès sont recouverts de meulières et sur
celles-ci on trouve du fer limoneux en grains, Les disso-
lutions métalliques ont pénétré dans les grès après avoir
traversé les meulières ; mais lorsqu'il y a une couche
d'argile entre les meulières et les grès, la dissolution n'a
pu la traverser et le grès n'est pas coloré.
Les oxides de manganèse et de cobalt sont venus
comme celui de fer de la surface, mais leur infiltration
est d'un âge plus récent. La coloration noire s'est éten-
due sur les grès comme une tâche d'encre. Les fissures
de la roche sont tapissées d'un enduit noir qui indique le
passage des substances métalliques; on les voil alors péné-
trer dans les sables inférieurs et les colorer en noir.
{1} Bull. Soc. Géol, de France, 3° série, LV, p. 92
(2) Bull. Soc, Géol, Fr, 15. ; XIE, p. 205, 349,
(8) Bull. Soc, Géol, Fr. ; 2° S.; II, p. 386.
= #10 —
Les sables ne sont colorés que là où ils sont recouverts
par les meulières:; partout où ils sont placés sous les
calcaires d'eau douce, ils sont blancs,
Constant Prévost conelut que les sources qui amenaient
la silice dans les bassins où se sont formées les meulières
élaient accompagnées de sources métallifères. 1 faut,
selon lui, distinguer une action de bas en haut produite
par les sources, donnant naissance à un dépôt métallifère
et une action de haut en bas due à la filtration des eaux
superficielles et entraînant les malières métalliques dépas
sées sur le sol,
La seconde action, que l'on peut déduire directement
de l'observation des faits, est hors de doute, Quant à la
première action, c'était uné hypothèse Lrès en vogue à
l'époque où écrivait Constant Prévost. Actuellement on
est peut-être moins généralement disposé à aller chercher
dans des sources l'origine des matières minérales et
particulièrement des minerais de fer; quant à l'origine
primitive du maganèse, elle est encore bien incertaine.
8 Calcaire de Château-Landon
ll existe dans la vallée du Loing, à Château-Landon
(Seine-et-Marne), des carrières d’où l'on extrait un calcaire
constructions de Paris sou:
Landon. C'est ADS) calcair
{Fssaiaurlagéos 7
(1608) et Description minéralogique des encirons de Paris, p. 19.
MAL —
supérieur (Calcaire de Beauce) ; puis (1) il se décida à le
réunir au calcaire d'eau douce moyen, c'est-à-dire à une
couche inférieure aux sables de Fontainebleau, en sebasant
sur ses analogies lithologiques et sur sa position dans une
plaine assez basse, inférieure aux plateaux de sable voisins.
A sa demande, Berthier, membre de l'Institut, qui
habitait Nemours, avait fait quelques recherches dans les
environs, Il avait reconnu qu'au Fay, entre Château-
Landon et Nemours, on voit les sables de Fontainebleau
au-dessus du calcaire de Château-Landon.
Il faut croire cependant qu'il restait des doutes dans
l'esprit des géologues parisiens et dans celui de Brongniart
lui-même, car le chapitre où il parle du calcaire de Château
Landon est intitulé Calcaires d'eau douce d'âge incertain.
Dans la séance du 15 décembre 1834, la question fut
portée devant la Société Géologique par une note
d'Héricard Ferrand (?) annonçant qu'il a trouvé à un niveau
supérieur au calcaire de Chäteau-Landon, un bane de
calcaire marin avec Cérites et Ampullaires. Le bane qui
les contient recouvre-t-il le calcaire d’eau douce, ou
forme-t-il un monticule qui le perce ? Héricard posait ln
deuxième hypothèse, parce qu'il croyait le calcaire de
Châtéeau-Landon supérieur aux sables de Fontainebleau.
Lajoye, élève de Constant Prévost, répondit que le
calcaire de Château-Landon est le même que celui de
Nemours et de Provins, qu'ils sont employés concur-
remment dans les monuments publics, Le calcaire de
Nemours étant manifestement inférieur aux sables de
Fontainebleau, il devait en être de même de celui de
Château-Landon.
(1) Description géologique des encérons de Paris [1822], p. 290,
(2) Ball, Soc. Géol. Fr, 1 5, VI, p. 91. (Voir aussi HéRiGARD
FERRAND), Itinéraire géognostique de Fontainebleau à Château-
Landon et composition du sol de la plaine de Château-Landon
(Aon. Soc. Nat., Mai 1826, VII, p. 54).
— 112 —
Élie de Beaumont et Dufrenoy repoussèrent les rappro=
chéments établis par Lajoie entre le calcaire de Château-
Landon el ceux de Nemours et de Provins.
C’est alors que Constant Prévost intervint dans le débat.
On voit dans ses notes que, dès 1832, il considérait le cal=
caire de Château-Landon comme inférieur au sable de
Fontainebleau .
Il rendit compte à la Société d'études qu'il venait de
faire pendant les vacances dans la vallée du Loing à
Château - Landon, Nemours, Provins, etc. Sa communi-
cation n'a pas été publiée, mais fl est bien facile de la
rétablir par ses notes de voyage. Il est utile de le faire
pour montrer que cet éminent géologue n'était pas seule-
ment un esprit théorique, mais que ses qualités d'obser-
vateur et de stratigraphe n'étaient pas inférieures à celles
de ses contemporains.
On trouve dans ses notes deux coupes prises dansles
carrières de Château-Landon .
Fig. 16. — Coupe d'une carrière à Château-Landon
1. Caleaire à tubulures.
2. Calcaire compact.
3. Calcaire sablonneux.
4. Argile sablonneuse analogue aux parties supérieures de l'ar-
AN rrE trou et fra, ts de lant Les
Le rot A La
grès Iléciouts do Nautet. Fo
— 113 —
Celte coupe, comme la suivante, démontre la superpo-
sition du calcaire de Château-Landon à l'argile plastique.
Fig. 17. — Coupe d'une carrière
à Château-Landon
1e Caloaire tendre, divisé,
2 Calcaire compact à tubulures.
3 Calcaire blanc jaunâtre avec
tabulures.
4 Argile sableuse.
Une coupe qu'il observa, en descendant de Château-
Landon à Souppe par la grande route, lui fil voir la
superposition du calcaire exploité à une assise de sable et
de galets,
Fig. 18.— Coupe de
Château-Landon
à Souppe
{ Calcaire exploité.
2 Peut lit de sable argt-
leux.
# Silex blonds et noirs
très roulés.
# Craie.
Sur le chemin de Château-Landon à Nemours, près de
il constata aussi que le calcaire siliceux
contient à la base de nombreux galets de silex, et qu'il
repose sur une assise de galets, de poudingue et de grès.
Tout le long de la route, on aperçoit, au pied des
, des blocs de grès et de poudingue qui font saillie
campagne.
A Nemours et à Moret, il vit encore le calcaire siliceux
entre les sables avec cailloux roulésen dessous, et les sables
Fig. 19. Ca Pts eneiel ie Pr
A Valvin, près de Fontainebleau, Constat P
observé la coupe suivante :
Fig. 20, — Coupe à Valoin.
1 Meulières iuféricures.
2 Marnes vertes avec bane subonlonné de calcaire.
# Marne argileuse jaune.
4 Ps brune.
5 ame NU Sl'blanchs, cotéhant dés plégess
es anne chaux €
— its —
À Saint-Ange, près de Moret, il distingua au-dessus du
calcaire siliceux des marnes verdâtres avec rognons de
_ magnésite, qu'il rapporta aux marnes supérieures au
gypse, et, immédiatement sous le sable de Fontainebleau,
un calcaire marin rappelant le calcaire marin signalé par
Héricart, à Château-Landon.
Il était tout naturel d'assimiler les calcaires de Nemours,
Valvin, de Moret avec celui de Château-Landon, et, par
te, de considérer celui-ci comme inférieur aux sables de
tainebleau et même aux marnes vertes,
À Surville, près de Montereau, il avait dessiné une très
Fig. 21. — Coupe à Sureille
1° Meulières supérieures,
a Sable jaune et blanc contenant Lt la partiesupérieure,
3 Caleaire d'eau douce avec Lym
% Petit lit de calcaire "jaunatrà, rappelant le culcatte à coquilles
marines dé Provins.
5 Litde marnes vertes.
&* Calcaire blanc fragmentaire,
1 EAST plus jaunâtre, siliecux, avec galets dans la partie
nférieure.
8 Poudingue calcaire, sable, grès en fragments arrondis non
mentés.
9 Argile exploitée,
10 Craie,
La présence du banc de calcaire d'eau douce n° 3 au-
dessus des marnes vertes le frappa. 11 se demanda silles
marnes vertes disparaissant vers le sud, le calcaire de
Chéleau-Landon ne serait pas formé par la réunion du
calcaire siliceux inférieur avec le calcaire d'eau doucemail
appelait travertin n° 2,
Les environs de Provins lui offrirent diverses coupes
celle de la route de Saint-Brice est la suivante ;
Fig. %. — Coupe à Provins
1 Meulières.
% Calcuire d'eau douce.
& Calcaire avec coquilles marines : Cérites, Natices, él coquilles
d'eau douce (Cyeloatoma mumia).
# Chaux carbopalée fibreuse.
5 Calcaire marneux à grains fins, se divisant en sphéroïdes.
6° Marnes blanches et vertes avec plaques de calcaire compacts
très dur, ayant l'apparence de meulières.
7 Calcaire siliceux d'eau douce,
8 Calcaire silieeux bréchiforme.
fr Sables et grès.
10° Argile,
11° Craie,
Cette coupe était tout à fait d'accord avec celle que Naudet
avait donnée, en 1829, dans les Annales des Sciences.
Naturelles. Naudet avait trouvé des ossements de Lophio=
dons dans le calcaire d’eau douce inférieur. Constant
Prévost attachait une très grande importance à cette
a
découverte qui venait conformer d'une manière inespérée
sa théorie du bassin de Paris. 1] admettait donc que le
calcaire d'eau douce de Provins correspondait au calcaire
grossier,
Sur la route de Nangis il observa la coupe suivante :
.
Li nee
+
Fig. 28, — Coupe à Nangis.
1° Terre rouge ocrcuse.
2 Meulières vraies.
3e Passage des meulières au calcaire d'eau douce.
# Caleatre bréchiforme d'eau douce.
5° Calcaire à coquilles marines,
& Marne calcaire, compaele, jaune, se délitant en boules.
Te Marne jaunâtre d'aspect strontiantfère.
# Plaques d'une espèce d'albâtre Nbreux.
% Marne blanche gypsifère.
40° Argile grise el verte.
11: Culcaire d'enu douce aveo Lophiodon.
12 Grès de l'argile plastique.
Une coupe prise un peu au-delà, sur le chemin de Fon-
taine-Rieuse, lui avait montré une exploitation importante
dans le calcaire d'eau douce supérieur; partout, il avait
constaté la constance du banc dé chaux carbonatée
fibreuse, qui peut servir de point de repère aux environs,
Venant ensuilé à comparer la coupe de Provins avec
celle de Valvin, il erut reconnaître dans la marne jaunätre
n° 5 de Valvin, les marnes à coquilles marines de
et dans les plaques de calcaire dur de la couche inférieure,
la chaux carbonatée fibreuse de Provins. Il fut ainsi
conduit à assimiler le calcaire de Valvin, et en consé
quence celui de Château-Landon, au calcaire de Provins:
Celte fois encore il se laissait guider par des analogies
superficielles, mais il était conséquent avec ses observas
tions, et on peut dire que l'état de la science ne lui permet
tait guère de juger autrement.
C'est seulement en 1860 que M. Hébert a montré, par
des preuves directes de superposition, que le traverlin de
Champigny et de Valvin correspond au gypse el par consé
quent est plusrécentque lecalcaire à Lophiodon de Provins.
Toutes ces distinctions de calcaire d'eau douce sont des
conquêtes relativement récentes de la géologie. Les études
de Constant Prévost marquaient un progrès sur les faits
connus alors, Malheureusement, il ne les publia pas. I1Se
contenta de la sser imprimer les conclusions suivantes :
4° Le plateau de Château-Landon fait suite au calcaire
qui est inférieur aux grès de Fontainebleau.
2 Ceux-ci deviennent moins épais à mesure que l'on
remonte dans la vallée du Loing et finissent par dispa-
raître, landis que les | sables et 4 inférieurs au calcaire,
nee,
-Landon, il le considère
comme formé par li réunion de deux assises de calcaire
d'eau douce.
Élie de Beaumont protesta; pour lui le calcaire de
Chäteau-Landon appartient en entier à une seule el même
formation, la formation d'eau douce supérieure des envis
rois de Paris, attendu qu’elle repose sur le prolongement
des grès de la forêt de Fontainebleau.
— 119 —
Les faits sur lesquels se basait Élie de Beaumont n'ont
pas été publiés, mais il y a, dans les notes de Constant
Prévost des indications qui font comprendre comment une
telle opinion devait venir facilement à l'esprit. Dans ses
explorations les plus anciennes, Constant Prévost remarque
la ressemblance du calcaire à tubulures avec le calcaire
d'eau douce qui recouvre les sables à Fontainebleau. Plus
loin, il dit que certains grès inférieurs au calcaire de
Château-Landon, entre cette localité et Nemours, ressem-
blent tellement aux grès de Fontainebleau qu'on peut se
demander s'ils ne sont pas éboulés du plateau voisin.
Néanmoins, il ne s'y était pas trompé. 1 répondit à Élie
de Beaumont que les sables et les grès que l'on voit de
Provins à Moret ne sont pas le prolongement de ceux de
Fontainebleau, mais qu'ils appartiennent soit aux sables
de Beauchamp, soit à ceux de l'argile plastique.
Dans la séance suivante, celle du 19 janvier 1835, Cons-
tant Prévost revint sur la question pour présenter la
coupe générale du sol dé Provins à Orléans. Il voulait,
disait-il, bien placer la question et en montrer la dif-
culté (1).
Pendant l'été, il alla étudier toute la plaine du Galinais,
entre la Forêt de Fontainebleau, la vallée du Loing, et celle
. Ses observalions confirmèrent sa manière de
voir (?] et il devint plus aflirmatif pour rapporter à l'étage
de l'argile plastique les sables inférieurs au calcaire, mais
il confondit encore le calcaire marin trouvé par Héricard-
Ferrand au-dessus du calcaire de Château-Landon, avec les
marnes vertes de Valvin et avec le calcaire à coquilles
marines de Provins, Il fit observer que, vers le sud, les
sables de Fontainebleau et les marnes vertes venant à
{} Bull, Soc. Géol. Fr, VE p. 114,
12) Bull. Soe, Géol, Fr., VI, p. 292.
— 120 —
manquer, les trois calcaires d'eau douce inférieur, moyen
el supérieur peuvent être réunis et confondus en une
seule formation. Il trouvait dans cette disposition une
preuve en faveur de sa théorie de l'origine du bassin de
Paris.
On peut ajouter que les notes recueillies pendant ce
voyage renferment un grand nombre deeroquisetquelques
coupes intéressantes, entr'autres celles de la carrière de
Grouettes, à Château-Landon.
1" Terre végétale 1 pled.
2 Caleaire marneux
mentaire 2 pleds,
# Banc tendre.
4 Calcaire fragmentainer
marnosableux avecnodte
Les magnésifères com me fi
Saint-Angé ét à Provins
& Petites plaques porèuses
meuliériformes.
© Calcaire exploité.
7 Argile plastique,
Fig. 2%1.— Coupe de la Carrière des Grouettes à Château-Landonk
Constant Prévost alla visiter sur le haut du plateau, &
l'O. de Château-Landon, la sablière de Buteaux. I y vitdu
sable coquiller avec huîtres et autres fossiles marins, Sous
un calcaire marneux dur qu'il rapporta au calcaire de
Beauce ; les habitants lui affirmèrent qu'en creusant un
puits on avait rencontré sous le sable une roche dure
comme celle de Château-Landon, Il apprit en même temps:
qu'on était occupé à creuser un autre puils à Bougligny
et que l'on devait également traverser le sable.
La méme année (1835), d'Archiac vint confirmer les!
faits signalés par Constant Prévost (}, Il montra que le
(1) Bull, Soe. Géol. Fr, VIT, p. 90,
— (21 —
calcaire de Château-Landon est dans le prolongement de
celui de Nemours, que l'un et l'autre sont situés entre les
sables de l'argile plastique et les sables de Fontainebleau.
Il découvrit à Bougligny, au-dessus du calcaire de Château
Landon, un lambeau de sable calcarifére avec Natica
crassatina et Ostrea eyathula,
En 1847, une note importante du marquis de Roys
appuya de nombreuses preuves stratigraphiques l'opinion
de Constant Prévost ('). Néanmoins, Elie de Beaumont
persévéra à soutenir qu'il n'existe à Château-Landon
qu'un seul calcaire, et que ce calcaire est le calcaire d’eau
supérieur (?),
elques mois après, Constant Prévost visita pour la
quatrième fois Château-Landon en compagnie du marquis
de Roys, Ce fut ee dernier qui exposa le résultat des obser-
vations communes (*), Constant Prévost se borna à résu-
mer son opinion en dessinant une coupe des terrains entre
la Brie et la Beauce (+). Ce fut une nouvelle occasion
d'exposer sa Chéorie sur l'entrecroisement des couches
marines et des couches d’eau douce,
Dufrenoy put alors lui reprocher avec toute raison de
donner une coupe purement théorique, Mais il n'aurait
pas. dû oublier que Constant Prévost avait précédemment
à la Société Géologique les coupes positives, prises
e, Son Lort était de ne pas les avoir publiées.
ninoins, celle coupe théorique de Constant Prévost
est loin d'être sans valeur pour à science, on ÿ voil appa-
raltre pour la première fois la division du caleuire de
Beauce en deux assises disti
(1) Bull. Soc. Géo. VITE p. 160.
(2) Bull. Soc. Géol. p. 170,
6) Bull. So .
{) Bull, Soc. Géol. p. 166, pl. VIH L 2,
Quelques temps après, le marquis de R
coupe donnée par son ami (1), puis,
Landon comme a par la réunion de d
d'eau douce séparées par des marnes qui rep
marnes vertes.
Dans la même séance, Constant Prévost an
allait faire une nouvelle exploration des
Château-Landon, Il avait hâte de voir les
puits de Bougligny.
I retourna à la sablière de Buteau, dont il pr
Fig. 25. — Coupe
de Bu
1 Terre végétale.
2 Fragments de uit re
3 Petit lit de marne verd
4 Dane de ealeair: supérièur,
sans fossiles + . .
5 Peut lit dé sable Serdñire.
6 Sable, + . » . «à
7 Nodules de calcaire fossilis
fère, Cériies, Cardiüm,
Huïtres, Vénus, Natces |
8 Sable avec huîtres , -
9 Marne blanche d'apparence
d'eau douce + + + : + à
40 Sable blanc fin sans coquilles,
Puis il alla à Bougligny, dont le puits terminé & ü
traversé les CT suivantes :
{1} Bull. Soc. Géol. IX, p. 38.
121 Bull. Soc. Géol. IX, p. SE
Eh
Cnicaire d'eau douce. + -
Sable jaune. , . « - .
Grès blane . , . , « .
Sable blanc . “ =
Calcaire sablonneux et blane, cristallin 3Us
Calcaire silicenx avec Lymnées, Planorbes
tubeinres 644 30522 4 Pons e te
Calcaire nofr fétide . 1,4. dede
Calcaire sfliéeux + . + 4 4 + , + + + ,
Silex roulés et grès eoloré : : : « a
Silex moullériforme dans du calcaire marneux »
TORRES La * »
123 pieds.
Constant Prévost put annoncer à la Société Géologique
ce fait qui lui donnait complétement raison en montrant
. de calcaire de Château-Landon sous le sable de Fontai-
nebleau (1.
Enfin, en 18, les progrès de l'exploitation firent voir,
dans une carrière de Château-Landon, la superposition
sur le calcaire exploité du calcaire à fossiles marins, que
lous les géologues reconnaissaient comme appartenant à
la base des sables de Fontainebleau (2).
Ainsi se terminait cette longue discussion qui n'aurait
pas passionné autant les géologues parisiens, si deux chefs
d'école n’eussent été en présence. Cette circonstance, en
multipliant les observations, apporta de nombreux docu-
ments pour la connaissance géologique de la partie sud du
bassin de Paris; elle fit cesser l'incertitude qui régnail
1810 sur l'âge approximatif du calcaire de Château-
Toutefois, l'âge absolu de ce calcaire était encore incer
tin. On a vu que Constant Prévost, de Roys. M. Raulin
le divisaient en deux assises dont l'inférieure correspon
drait au calcaire de Champigny et de Valvin et la supé-
rieure au calcaire de Brie,
(1) Bull. Soc. Géol, Fr. IX, p. 327.
(2) Bull. Soc, Géol, Fr. XII, p, 305.
— 1% —
La carte géologique détaillée le rapporta tout entier au
calcaire de Brie, M. Douvillé a exposé les raisons de cell
détermination. ;
Près de Fontainebleau, on voit, sur les bords de la Seine,
un calcaire bréchiforme très analogue à celui de Cham
pigny: il est surmonté par les marnes vertes, puis par des
imarnes blanches qui représentent le calcaire de Brie; elles
contiennent un bane de calcaire bleu avec fossiles, remar
quable par son odeur fétide. A mesure que l'on se dirige
vers le sud par la vallée du Loing, les marnes vertes dimi-
nuent, le calcaire inférieur devient moins cohérent, et les
marnes supérieures prennent les caractères d'un calcaire
dur compact. Les marnes vertes disparaissent au sud de
Fontainebleau et les calcaires infér
Les calcaires supérieurs seuls pe
posés aux sables de l'argile plastique.
%° Théories sur la Formation du Bassin de Paris
Un savant aussi généralisateur que l'était Constant
Prévost, ne pouvait se livrer à toutes ces études de détail
sur les couches tertiaires du bassin de Paris, sans chercher
à expliquer comment elles s'étaient formées, La principale
difficulté à son époque venait de ce que l'on trouvait dans
les mêmes lieux des assises remplies de coquilles marines,
qui s'étaient certainement déposées dans la mer, alternant
avec d'autres, caractérisées par la présence de coquilles
d’eau douce et qui avaient dù se former dans des lacs:
Cuvier et Brongniart avaient été conduils à admettre
que la mer et les eaux douces s'étaient succédées plusieurs
fois dans l'emplacement du bassin de Paris.
Après la précipitation de la craie, la mér se serait
relirée une premiére fois, et les cavités du sol crétacé se
seraient remplies d'argile, de sable et de végétaux terrestres
— 135 —
amenés dans un lac par des fleuves, Bientôt la mer serait
revenue avec d'autres habitants, dont les dépouilles ont
formé le calcaire grossier, Une nouvelle retraite de
l'Océan permettait à des eaux lacustres de déposer le
gypse ; puis la mer revenait de nouveau pour présider à
la formation des marnes à huitres el des sables marins
supérieurs. Enfin, le bassin se transformait encore une fois
en un lac où prenaient naissance les calcaires d'eau douce
et les meulières supérieures.
Cuvier ajoutait : « Ce sont ces alternatives qui me
paraissent maintenant le problème le plus important à
résoudre, où plutôt à bien définir, à bien circonscrire, car
pour le résoudre en entier, il faudrait découvrir la cause
decesévènements, entreprise d'une tout autre difficulté(t}.n
Cette idée d'émersions et de submersions alternatives,
qui parait actuellement si logique et si naturelle, était
accueillie avec une certaine défiance par les géologues.
On a vu que quelques-uns s'étaient demandés si des
animaux d'eau douce n'avaient pas pu habiter dans le
méme milieu que les mollusques marins, On avait orga-
nisé des expériences pour s'en assurer,
Beudant, qui eroyail avoir rencontré, à Beauchamp, avec
Gillet de Laumont, un mélange de fossiles d'eau douce et de
fossiles marins, avait tenté, sans succès, de faire vivre des
Lymnées et des Planorbes dans de l'eau, dont il augmentait
graduellement la salure,
Constant Prévost fit remarquer que, quand même ces
expériences eussent réussi, elles n'auraient pas levé les
difficultés, car, si les animaux d'eau douce ont vécu avec
les animaux marins, & pourquoi, dit-il, les trouve-t-on
isolés dans dés couches distinctes, » Il ajoute que l'on x
quelquefois reconnu dans une même couche un mélange
de coquilles marines et de coquilles d'eau douce, mais
(1) Discours sur les révolutions du globe.
— 7 —
Bulimes, etc. «Le fait le plus remarquable, ajoute-t-il,
et qui mé paraîl n'avoir pas été indiqué, c’est qu'on
trouve mèlés dans les mêmes blocs des Lymnées et des
Cyclostomes avec des Milliolites et quelques empreintes
d'Ampullaires et de Cerithium lapidum. Toutefois le
mélange n'est pas intime ; les Milliolites semblent former
des veines qui se ramifient dans la pâte du calcaire d'eau-
douce. » Près de Triel, il trouva les mêmes calcaires, mais
sans Lymnées.
Constant Prévost termine son mémoire, par quelques
pages où il cherche à expliquer les mélanges de coquilles
marines et de coquilles d'eau douce, Il rappelle sa décou-
verte de fossiles marins dans le gypse de la Hutte-aux-
Gardes ; celle qu'il vient de faire, d'une couche d'eau douce
dans les sables de Beauchamp. « H y a donc, dit-il, plu-
sieurs alternatives de couches marines et de dépôts d'eau
douce, avant de passer de la formation de calcaire grossier
à celle du gypse proprement dit, »
Les couches marines se composent de sable, d'argile, de
marnes, qui annoncent un transport, tandis que les couches
d’eau douce, plus homogènes et plus cristallines, indiquent
une précipitation lente faite dans un milieu tranquille.
Cependant, il lui répugnait d'admettre ces nombreux
changements alternatifs d'eaux douces et d'eaux marines
dans le bassin de Paris. Voici l'hypothèse qui lui fut
suggérée par la structure du calcaire de Cergy.
La mer se serait relirée du bassin de Paris après avoir
déposé le calcaire grossier, non seulement au centré du
bassin, mais sur ses bords élevés, occupés aujourd'hui par
la plaine de Champagne, Un grand lac ayant succédé à la
mer dans le centre du bassin, il s'y produisait des sédi-
ments d'eau douce; des cours d'eau qui lavaient la craie
pyriteuse de la Champagne y arrivaient chargés de sulfate
de chaux et laissaient déposer le gypse par lits plus ou
moins cristallin.
— 199 —
ne m'être que trop avancé sur le sol, peu sûr des hypo-
thèses ; je veux seulement faire voir en terminant qu'il
n'ést pas sans utilité d'en faire quelquefois, puisqu'elles
préparent à de nouvelles recherches. En eflet, si celle
que j'ai émise est fondée, si les grès marins du sommet
de Montmartre peuvent être considérés comme des
sédiments remaniés et déplacés de l’ancienne mér qui
avait formé le calcaire grossier, ils devront renfermer les
mêmes espèces de coquilles que ce dernier. C'est pour
éclaircir ce point important que j'ai entrepris un travail
spécial qui exigera du temps et qui a pour but la compa-
raison exacte des fossiles des deux formations. Je suis
forcé, pour résoudre le problème, de recueillir moi-même
ces fossiles, parce que, dans toutes lés collections, ils ont
été confondus sous la dénomination générale de coquilles
des environs de Paris n.
On verra plus loin comment Constant Prévost avait
appliqué la paléontologie à la reconnaissance des couches
tertiaires les plus récentes. I avait déjà signalé les difté-
rences entre la faune marine supérieure au gypse et la
faune marine inférieure, et l'on pourrait s'étonner de ses
hésitations sur le même point, si on ne savait que M. de
Tristan vénail de découvrir les gites fossilifères d'Etampes,
Constant Prévost jugeait probablement utile de faire leur
étude avant de se prononcer.
La même année 1821, il lisait à la Société Philomatique
une note (!) qui apportait un nouvel argument en faveur
de sa théorie.
Il cite la découverte qu'il à faite dans un bassin d'eaux
thermales sulfureuses, à Baden (Autriche), de deux espèces
de mollusques : une Néritine et une Ménalopside, II rap-
{) Bull. Soc. Phiiomatique, 1821 p. 136 et 137; Mém, de la Soc.
d'Histoire Naturelle 1 p. 254, (1823).
— 10 —
pelle que cette association d'une Néritine et d'une Ménas
lopside se rencontre dans les couches pyrileuses des.
lignites à Dieppe, à Soissons, à Epernay, et dans l'ile de
Wight. Ces mêmes couches pyriteuses contiennent à Ha
partie supérieure un mélange de coquilles marines el
d’eau douce. Constant Prévost en conclut que le mélange
a eu lieu par le transport violent et accidentel des pros
ductions marines dans des eaux où vivaient tranquille.
ment des mollusques lacustres,
Sous quelle influence Constant Prévost modifia-t-il ses
idées? Rien ne permet de le reconnaitre. Le fait est qu'en,
1827 il lut à l'Académie des Sciences un long mémoire
qui avait déjà été résumé dans le Bulletin de la Société
philomatique pour 1825, et qui parut in extenso dans le
tome IV des Mémoires de la Société d'Histoire naturelle
de Paris, Le titre porte : Essai sur la formation des terrains
tertiaires des environs de Paris.
ncipe la doctrine des causes actuelles,
aire une application à la formation des,
terrains de Paris.
En l'absence de documents sur le fond de la mer, sur
les rapports qui existe!
profondeurs et le mouvement des eaux d'autre part, il
cherche à y suppléer par quelques conjectures rationnelles.
Il dirige donc ses investigations sur la partie du canal,
de la Manche comprise entre le Pas-de-Calais et la
presqu'ile du Cotentin.
Entre Douvres et Calais, le fond de la mer est à vingl
brasses environ ; vers la mer du Nord, la profondeuraug
mente par une pente douce; il en est de même vers le S.-0,
où la profondeur atteint trente-six brasses, entre Étaples
— 131 —
et Hastings ; puis le fond se relève de manière à ne plus
avoir que vingt-cinq brasses au maximum entre Dieppe et
Brighton ; au delà la pente augmente graduellement,
Il y a donc deux digues sous marines entre la mer du
Nord et la mer de la Manche, l'une vis à vis de Calais et
l'autre vis à vis de Dieppe.
Un abaissement du niveau de la mer atteignant vingt
brasses séparerait la mer du Nord de la mer de la
Manche, en réunissant la France à l'Angleterre entre
Calais et Douvres, formant ainsi deux golfes séparés par
un isthme. Si la mer baissait de cinq brasses en plus,
une seconde communication s'élablirait de Dieppe à
Brighton et l’espace entre les deux isthmes deviendrait
un lac. « Cet aperçu, dit-il, suflit pour montrer comment
les circonstances peuvent varier en un méme lieu, par
suite d'un évènement simple en lui-mème. »
Passant à l'examen des phénomènes qui se produiraient
dans le bassin actuel de la Manche, Constant Prévost
signale les éboulements des falaises de la côte anglaise,
le délayement et l'usure de leurs débris, la sédimentation
des matières mêmes qui en proviennent, l’enfouissement
des dépouilles des animaux marins modernes, auxquels
se trouvent peut-être mélangés quelques fossiles de la
craie provenant des falaises. D'autre part, sur la côte fran-
aise, la Seine apporte du limon, du sable, des bois, des
cadavres flottants, des mollusques terrestres ou d'eau
douce.
Ainsi, simultanéité de dépôts, les uns purement marins
sur la côte anglaise, les autres fuviatiles sur Ja côte fran
çaise, Au centre du bassin, les deux dépôts doivent se
mèler, s’enlacer et alterner.
Supposons maintenant un abaissement de la mer qui
alleigne vingt-cinq brasses el qui par conséquent trans-
forme en lac l'intervalle compris entre les deux digues.
— 189 —
Sur ces digues basses el étroites, s’éléveraient de longues
dunes de sable ; plus tard le vent ou des lames impé
tueuses pourraient pousser ce sable des dunes où des
portions de la digue elle-même dans le lac, qui se trôu-
vérait progressivement comblé de sables marins. %
La Somme et d'autres petites rivières continuant'é y
apporter des limons argileux, il s'ÿ formerait um sol
marécageux où les plantes se dévélopperaient. Pendäntee
temps des phénomènes de sédimentation marine auront
lieu dans les deux golfes voisins et leurs dépôts seront
contemporains de ceux qui sont formés au même niveau
dans les eaux lacustres,
C'est sur ces suppositions, logiques peut-être, mais qui
ne sont fondées sur aucune observation directe, que
Constant Prévost base une explication dé la formation,
des terrains des environs de Paris.
La craie blanche est à ses yeux un dépôt pélagique,
formé loin des rivages, dans une mer tranquille et
profonde, La blancheur, l'homogénéité, la ténuité des
des caractères pélagiques dans la rareté des gastéropodes;
dans l'abondance des Inocérames, qui n'existent pas sur
nos rivages, dans la présence des Térébratules, des
Oursins, animaux” à coquilles légères et flottantes après Ia
qui s 'avénturent en sa haute mer.
Pendant que de la eraie blanche pélagienne se déposaits
à Paris, il devait se former sur les bords du bassin des
couches de craie littorale, telles que la craie tuffeau et
craie chloritée, « Je puis paraitre commettre une RE
dit-il, et ne pas connaître les rapports d'âge que M
attribué aux trois variétés de craie; je sais bien te
regarde la craie blanche comme supérieure aux deux
autres et par conséquent comme formée après elles; maïs
= 4
des observations m'ont presque démontré qu'il fallait
distinguer la glauconie inférieure à la craie blanche, de
la glauconie littorale qui lui est contemporaine, » Quelles
sont ces observations? On n'en lrouve aucune trace dans
ses notes, En lous cas, il serait facile d'en citer, La craie
glauconieuse du pays de Herve présente tous les carac-
lères minéralogiques de la glauconie inférieure à la craie
blanche et cependant elle est de l’âge de la craie blanche,
car elle en renferme les fossiles.
Les premiers dépôts que l'on rencontre dans les anfrac-
luosités de la craie, sont des silex brisés, de l'argile plus ou
moins pure, du sable et du grès, lous matériaux variables à
peu de distance, mélangés de portions d'arbres, de coquilles
et d'ossements d'animaux qui vivaient soit dans les fleuves,
soit à leur embouchure ; le changement dans les dépôts
annonce un changement dans les causes. On peut supposer
que la mer s’est retirée tout à fait pour être remplacée par
des eaux douces ou simplement que son niveau s'est abaissé
et que les formations ont cessé d'être pélagiennes ; les
fleuves, qui avaient primitivement une autre direction,
sont venus déboucher dans le golfe et lui apporter le tribut
des continents, Constant Prévost accepte la seconde hypo-
thèse parce que ce dépôt de transport est recouvert par
plus de 600 pieds de sédiments marins ultérieurs, parce
que les couches de même âge déposées à l'extrémité
anglaise du bassin contiennent des fossiles marins. Donc,
pendant qu'il se produisait sur la côte anglaise des dépôts
purement marins, sur la côte française de grands fleuves
débouchaient dans la mer et leurs eaux chargées de sédi-
ments et de débris organiques terrestres s'étendaient sur
un large espace sans se mélanger aux eaux salées,
On admet actuellement qu'il y a eu émersion générale
ou presque générale du bassin de Paris entre le dépôt de
la craie et celui des terrains tertiaires, On se base sur le
+
mis à leur disposition, Plusieurs lits d'Huitres, quelque
fois séparés, comme à Montmartre, par un lit calcaire
rempli de Planorbes et de Lymnées, ainsi que des débris
nombreux de poissons marins font présumer que Lous ces
matériaux, étrangers les uns aux autres, proviennent de
dépôts plus anciens et ont été violemment entraînés dans
le bassin en un laps de temps assez court. Ce moment de
trouble aurait eu pour résultat le remaniement des débris
déposés sur des rivages marins et leur mélange avec
de la marne et des fossiles fluviatiles.
Par suite de l'abaissement successif des eaux, les hauts
fonds de la Picardie et de l'Artois ont été mis à décou-
vert; ils ont constitué un isthme couvert de dunes entre
le lac de la Seine et la mer de l'Allemagne.
Un jour, une irruption de cette mer, dont leniveau était
plus élevé que celui du lac, y a entraîné le sable des dunes,
qui a donné naissance au sable et grès marins supérieurs.
Le lac fut comblé et transformé en un marécage où se
déposèrent les meulières et le calcaire d'eau douce supé-
rieur; enfin les eaux diluviennes, descendant des monta-
gnes du S-E., vinrent raviver les plaines marécageuses el
façonnèrent le sol actuel.
Pendant toute sa vie, malgré les progrès de la science,
Constant Prévost maintint sa théorie, C'était le sujet de
la plupart de ses observations à la Société Géologique ;
qu'il fut question du gypse, des meulières, du calcaire
d'eau douce, du calcaire grossier, de l'argile plastique,
toujours arrivait la théorie des affluents, des enchevé-
trements de couches,
La discussion sur les Lignites du Soissonnais l'amena à
exposer nombre de fois son hypothèse (1). Il pensait que ces
dépôts charbonneux avaient été formés par des fleuves
(1) Bull, Soc. Géol. de Fr. 1° Série, VIII, p. 76-77 |183%): XI, p. 88
(1837) ; 2° Série, 11, p. 448; VII, p. 842 (1850).
— 196 —
qui débouchaient dans l'estuaire parisien en même temps.
que la mer déposait à peu de distance mec
et que d'autres eaux venant du continent y a
calcaire siliceux. Les diverses roches s' e
s'avançaient plus ou moins loin dans une direction, suivant
qu'une de ces causes prédominait sur les autres. Iétait.
ainsi conduit à rejeter toute idée de changement successif
dans la nature des eaux qui ont couvert le bassin de Paris:
A la séance du 18 juin 1838 (1), il présenta un tableau.
et un plan indiquant les rapports des diverses formations
tertiaires. Ces tableaux théoriques étaient appuyés sur cinq
coupes traversant le bassin dans plusieurs directions.
Peut-on comprendre qu'un homme de bon sens par
excellence, un géologue qui avait déjà donné tant de
preuves de son tal bservation, en viénne à imaginer,
au nom des ca une théorie qu'il qualifie de
r quelques faits bien. pe ©
mais trop peu nombreux pour pouvoirêtre reliés ensemble,
C'était d'héri ge que leur avaient légué Buflon, de Luc:
tres. En un mot, il était de
contemporain, n'était.
Les erreurs de Constant Prévost et de d'Omalius ont été,
utiles à la Science ; elles étaient si graves que leurs succes
seurs ont compris le danger des généralisations prémas
{1) Bull. Soc. Géol, IX, p. 329 (1838).
— 137 —
turées. Ils se sont mis à l'étude détaillée des faits ; ils ont
multiplié les observations et nous ont laissé un trésor de
documents, dont nous pouvons maintenant tirer parti pour
la synthèse.
11 y a lieu toutefois de se demander comment Constant
Prévost a été conduit à concevoir la théorie qui vient
d’être exposée, ILest évident qu'il lui nquait comme à
tous ses contemporains, une notion qui imprègne nos
raisonnements actuels, sans même que nous en ayons
conscience ; c'est la notion de la durée condsidérable
des temps géologiques.
L'idée qu'il se forme de l'histoire géologique du bassin
de Paris est celle d'un drame en cinq tableaux, et en
cela encore, il était d'accord avec ses contemporains ;
Cuvier et Brongniart n'y voyaient guère autre chose.
DES CONTINENTS ET SUR LES AFFLUI
ORIGINE DE LA HOUILLE.
L'Essai sur la formation des terrains de Paris,
d'être question, n'était que la quatrième pi
l'application d'un grand travail dont la
première partie, lue à l'Académie des S
séances du 9 juin 4827, elle fut publiée en 1828,
temps que la quatrième, dans le tome IV des
de la Société d'Histoire naturelle (!}, puis ré
nouveau, en volume à part (?), à une époque inc
{L) Mëm. de la Soctété d'Histoire Naturelle de Paris, L
46 ES).
12} Documents pour l'histoire dos terrains tertiah
— 139 —
troisième partie. Le mémoire est intitulé : Les continents
actuels ont-ils été à plusieurs reprises submergés par la mer !
L'introduction est un plaidoyer en faveur de la théorie
des causes actuelles ; il en a été question plus haut (1).
Dans la première partie, Constant Prévost examina les
conséquences que l'on doit déduire de l'étude des fossiles.
I rappelle que la vue des coquilles fossiles dans le sol,
à l'intérieur des terres, conduisit les géologues à recon-
naître que la mer avail couvert les continents, Leur étude
plus attentive révéla l'existence d'étres tout-ä-fait in-
connus, ou, du moins, différents de ceux qui vivent de nos
jours. On fut en outre conduit à reconnaître que certains
de ces fossiles avaient vécu sur lerre. que d'autres
avaient habité la mer, et que quelques-uns avaient certai.
nement vécu dans les eaux douces. Constant Prévost fit
valoir l'importance d'une semblable observation pour
l'histoire de la formation de la terre, et il en rapporta tout
l'honneur à Brongniart, qui, le premier, insista sur la
nécessité de distinguer les dépôts d’eau douce, dans son
mémoire intitulé : Sur les terrains qui paraissent avoir été
formés sous l'eau douce (2).
A ces deux classes distinctes de roches, celles qui
contiennent des fossiles exclusivement marins, et celles
qui ne renferment que des fossiles d'eau douce, Constant
Prévost proposa d'adjoindre une troisième classe pour les
roches qui offrent des mélanges de coquilles marines et
de coquilles d’eau douce et dont les caractères minéra-
logiques ne sont ni ceux des sédiments lacustres, ni ceux
des sédiments marins.
IL y rangeait non seulement toutes les accumulations
produites par des débâcles passagères, telles que les
(1) Chap. I p. 41.
(2) Ann. Muséum. juillet, 1 XV, p. 357, 1810.
— 160 —
brèches, mais toutes les alluvions et atterrissements
déposés par les fleuves, soit sur leurs rives, soil à leur
embouchure, soit enfin sur un fond plus ou moins éloigné
de la mer, c'est-à-dire toutes les roches détritiques. IL ne
laissait parmi les formations franchement marines, que
les calcaires, S'il voulait dire que les sables et les argiles
qui se déposent dans la mer proviennent originairement
du lavage des continents, il a parfaitement raison ; mais
il en est de même du calcaire, Le carbonate de chaux
produit par la décomposition dés roches feldspathiques
basiques est porté à la mer à l'état de dissolution dns
les eaux des fleuves comme l'argile et le sable y sont
apportés en suspension. Il est vrai que le premier passe,
avant sa sédimentation, par l'intermédiaire des corps orgas
nisés : mollusques, coraux, foraminiféres qui l'absorbent,
en construisent leurs coquilles et le fixent quelquefois
bien loin de son point d'origine. Mais l'argile, le sable
peuvent être entraînés par les courants, roulés par les
vagues, et portés aussi très loin de l'embouchure qui les a.
versés dans la mer.
La distinction étah
s, démontrent la proximité d'un grand
On objectait à Constant Prévost que les coquilles flavias
tiles el lacustres de ces dépôts fluvio-marins étaient
entières, malgré leur délicatesse et ne portaient aucune
trace d'usure. :
Il répondait :
rivages sont entières, bien i
du roulis; les lymnées, que l'on rencontre avec des fossiles
marins à Grignon, à Beauchamps, etc., né sont pas
brisées, bien qu'elles aient évidemment été transportées,
puisqu'elles se trouvent avec des coquilles marines; les
— 14 —
ossements du gypse, les feuilles de plantes terrestres ont
subi un transport et cependant sont bien conservées,
On lui avait objecté que si des couches qui renferment
un mélange de coquilles marines et de coquilles d'eau
douce pouvaient s'être déposées dans une mer, on ne
devait pas étendre la même conclusion, comme il l'avait
fait, à des dépôts qui ne contiennent que des coquilles
d'eau douce, Il répondit que d'abord ces couches d'eau
douce intercalées dans des formations marines sont géné-
ralement de peu d'étendue, qu'en second lieu les eaux des
grands fleuves parviennent au loin dans l'Océan sans se
mélanger aux eaux marines, Les animaux marins fuient
ces eaux pleines de troubles, de sorte que leurs dépouilles
ne sont pas méêlées aux coquilles terrestres et fluviatiles
qu'apporte la rivière,
Il exposait en second lieu le système de Cuvier et de
Brongniart sur les irruptions multipliées de la mer dans
le bassin de Paris. Avant de le combattre, il définit ce
qu'il faut entendre par ces irruptions. Il ne s'agit pas
d'un événement local par lequel des terres basses auraient
été submergées, lors de la rupture des digues qui les
séparaient du bassin des mers; il ne s'agit pas non plus
d'une submersion passagère causée par le déversement
d'un bassin supérieur dans un bassin inférieur. Les irrup-
tions de la mer, dans le système de Cuvier et de Brongniart,
consistent en cé que la mer, après avoir quitté un point
qu'elle occupait depuis longtemps et s'être abaissée de
plusieurs centaines de mètres, s'est élevée de nouveau,
après un long intervalle sur le premier point abandonné,
qui était devenu le séjour d'animaux terrestres. Elle y est
restée assez longtemps pour que plusieurs générations
d'êtres marins se soient propagées sur le sol envahi.
Constant Prévost examine ce qui doit arriver dans une
pareille hypothèse.
=
Si la mer se retire, si l'endroit qu'elle occupait passe
l'état de continent, il s'y produira les phénomènes
s’accomplissent actuellement sur les continents : érosion,
ravinement par les eaux pluviales, production d'un sol
végétal, développement de plantes et d'animaux, formation
de terreau et de tourbières, Une nouvelle irruption der
mer ne pourra détruire lous ces vestiges du continent;
elle ravagera la surface des couches sous jacenles, mais
elle n’ellacera pas les traces des ravinements continentaux,
elle ne balayera pas complètement l'ancien sol végétal,
elle n'emportera pas d'une manière absolue le reste des
forêts.
Or, dit Constant Prévost, quand une formation marine
recouvre une formation d'eau douce, on voit toujours une
ligne de séparation nette et bien tranchée. Les premiers
lits qui renferment des coquilles marines reposent immé-
diatement sur des lits d'eau douce qui ne paraissent avoir
été nullement dérangés, Môme, dans beaucoup de cas, la
alogique des premiers dépôts marins ne
diffère pas de celledes ts d'eau douce qu'ils recouvrent.
Par conséquent, quand des eaux salées succédèrent à des
eaux douces, dans un bassin, le remplacement s'est opéré
sans action violente. j
11 a dû en être de même quand la dépression d'un lac
a été rempli par la mer; une portion des ancien, rivages
doit avoir été respecté pendant, bien qu'ilait examiné
avec grand soin le: alités où les formations marines
supérieures au gy) uvrent, sans l'interposition de,
celui-ci, les formations plus anciennes, telles que le
calcaire grossier, il n'a trouvé aucune trace des rivages
du prétendu lac gypseux ; nulle part, il n'a vu les traces,
d'un sol habitable et habité.
Il à porté ses recherches dans le Soissonnais, où les
couches de calcaire grossier sont beaucoup plus élevées
=
que les derniers dépôts de plâtre, Le calcaire grossier à
Laon atteint une hauteur de près de 300, tandis que le
gypse de Paris ne s'élève pas à plus de 100% au dessus du
niveau de la mer, Donc, les rivages du lac gypseux sont
entre Paris el Laon, ou si les rivages sont au-delà de Laon,
on devrait admettre que le lac avait à Paris une profondeur
de 300%, D'une manière comme de l'autre, on ne voit pas
les rivages.
Ce n’est pas seulement entre les sables marins supé-
rieurs et le calcaire grossier qu'il n'a pas rencontré les
traces d'un sol végétal, c’est à la surface des diverses
formations anciennes : craie, calcaire olithique et granit,
que ces surfaces soient recouvertes par des formations
plus récentes ou par des dépôts seulement diluviens.
Constant Prévost passe ensuite à l'examen des prin-
cipaux arguments que l'on donnait en faveur de ka sub-
mersion de surfaces primitivement continentales,
Le plus important était les tiges verticales du terrain
houiller, qui prouveraient l'existence d'anciens sols conti-
nentaux, recouverts ensuite par des formations aqueuses,
Alexandre Brongniart avait signalé le premier dans la
mine du Treuil (‘), une véritable forét de végétaux
fossiles, ayant l'apparence de Bambous ou de grandes
Presles comme pétrifiés en place ; ils étaient placés
verticalement, dans un banc de grès de 3 où 4 m. de
puissance. Il en avait conclu que la houille s'était formée
sur place par l'accumulation des débris des végétaux qui
avaient poussé à l'endroit même où l'on trouve leurs
débris.
Adolphe Brongniart généralisa l'hypothèse de son illustre
père (?). I admit que chaque couche de houille représente
(1) Ann. des Mines, VI p. 459, 1821.
(2) Classification des végétaux fossiles p. 81, Mémoire du
Muséum VITE
— fs —
Constant Prévost admettait done que la houille est
formée par des amas de bois flottés, charriés par les
fleuves et transportés plus ou moins loin dans la mer par
les courants. Il citait le grand remou connu sous le nom
de mer de Varecs, entre l'Amérique et l'Europe, comme un
lieu où devaient s'amasser les bois flottés, charriés par le
Saint-Laurent et par le Mississipi, el entraînés ensuile par
le courant marin du Gulf-Stream.
Il aimait beaucoup à traiter ce sujet dans ses cours, Il
insistait sur la petite quantité de charbon que produit une
forêt par rapport à l'espace qu'elle occupe. La plus belle
futaïe ne donnerait pas plus d’un centimètre de charbon,
Pour produire une couche de houille de 30 mètres d'épais-
seur analogue à celle du Creusot, il faudrait que les futaies
s'y succédassent pendant un temps qu'il estimait au
moins à 300,000 ans.
La théorie de Constant Prévost sur l'origine de la
houille par transport à été reprise dernièrement avec
autant de succès que de talent par M. Fayol. Elle pourrait
peut-être s'appliquer aux bassins houillers du centre de la
France en admettant que l'accumulation des végétaux à
eu lieu dans les lacs continentaux. Maïs pour le bassin
franco-belge, pour les bassins anglais, pour ceux du Nord
de l'Allemagne, pour ceux de l'Amérique, la théorie de la
formation de la houille sur place parait beaucoup plus
probable, Il ne s'agit pas de futaies renversées comme le
disait Constant Prévost, comme le croyait Brongniart, par
une inondation d'un sol exondé. La houille a dû se former
dans des forêts marécageuses, généralement couvertes
d'eau, où lés feuilles qui tombaient chaque année, les
menues branches et même les vieux troncs venaient
s'ajouter aux végétations aquatiques.
Les arbres verticaux sont loin d'être une rareté dans le
terrain houiller, Si on ne les signale que rarement c'est
A
les derniers venus de la forêt houillère, ont néanmoins
pu résister et se sont trouvés peu à peu ensevelis sous les
sédiments.
A l'occasion des tiges debout dans le terrain houiller,
Constant Prévost discute un fait qui avait été signalé à
Portland, par T. Webster, en 1816. Entrele terrain juras-
sique et le terrain crétacé, Webster avait trouvé des
couches d’eau douce, et au milieu de ce calcaire d'eau douce,
un lit de lignites terreux qu'il nomma Dirtbed ; il y vit
une quantité assez considérable de troncs de Cycadées et de
Conifères silicifiés, ayant encore leurs racines, et qu'il
jugea en place. C'était à ses yeux, le reste d'un ancien
sol végétal tourbeux. Tous les géologues qui, depuis lors,
ont visité Portland ont adopté cette opinion. Constant
Prévost avait aussi visité Portland ; mais les faits
qu'il y observa étaient peu nets, ou il les vit mal, car il
jugea que la couche argileuse avait été formée par sédi-
mentation, que c'était peut-être de la terre végétale, mais
de la terre végétale transportée dans un bassin; quant
aux arbres, ils auraient été aussi transportés. A plusieurs
reprises (!}, il donna la même explication.
Les forêts sous-marines que l'on trouve sur les côtes de
la France el de l'Angleterre n'indiquent pas non plus,
selon Constant Prévost, une irruption de la mer, dans le
sens propre du mot, car elles peuvent s'être développées
dans des terrains bas qui auraient été ensevelis par la
rupture de digues naturelles ; mais elles démontrent que
la mer, en venant recouvrir un sol terrestre, n'aurait pas
fait disparaître complètement les forêts, les prairies et la
terre végétale,
Constant Prévost passe à l'examen des roches perforées
par les pholades beaucoup au-dessus du niveau de la mer
ou recouvertes par des dépôts marins plus récents, Il
(4) Bull. Soc. Géol. 1, p. 68 (1890); X, p. 428 (1839).
— 4 —
du sol permet de croire à des aflaissements et à des
soulèvements, qu'on ne peut invoquer pour expliquer la
formation des terrains parisiens,
Constant Prévost s'occupa plusieurs fois des rochers
perforés par les mollusques lithophages, principalement
pour empêcher qu'on ne confondit avec eux les perfo-
rations dues aux mollusques terrestres,
Il avait observé, en 1831, au mont Pellegrino, près de
Palerme, à 200 mètres au-dessus du niveau de la mer, des
calcaires compacts avec des cavilés contenant l'Hélix
aspersa, Ces cavilés étaient cylindriques, quelquefois
ramifiées et, au fond de chaque ramification, il y avait une
Hélix. La paroi extrême présentait même une pelite cavité
qui paraissait correspondre à l'ombilie (1).
En communiquant celte observation à la Société Géola-
gique de France, Constant Prévost rappela que lors de la
réunion extraordinaire à Boulogne-sur-Mer, Buckland
avait trouvé des cavités analogues dans le calcaire carbo-
nilère de la Vallée Heureuse et n'ayail pas hésité à les
rapporter à des Hélix (*).
Le savant anglais continua ses recherches sur les
calcaires perforés par des Hélix, I fit connaitre à
l'Association Britannique, lors de la session de Plymouth
et de Cambridge, les nombreux faits qu'il avait observés
(845). Il avait du reste été précédé dans cette voie par un
dé ses compatriotes, le Rev. John Hodgton qui, en 1827,
avait attribué à l'Hélix nemoralis des trous percés dans le
calcaire carbonifère de Welpington (*),
Constant Prévost revint plus lard sur le même fait
devant l'Académie des Sciences à propos de grès perforés
(1) Bull, Soc. Géol. de France, 2 I p. 453.
(2) Bull. Soc. Géol. de France, X p. 435.
13) Journal d'Édimbourg, 1 p.193 et XL p. 396.
—"1M"—
perfection primitive. Elle avait été recueuillie par le chef
de la secte religieuse des Harmonistes, qui la faisait passer
pour l'empreinte des pieds de Jésus-Christ.
Avec une crédulité incompréhensible, mais dont on
trouve d'autres exemples à cette époque, Constant Prévost
entreprit d'expliquer le fait sans le vérifier. 11 dil que ces
empreintes, tant d'homme que de tortue, pourraient avoir
été faites à une époque très récente et postérieurement au
dernier abaissement des mers, car les sédiments ont dû,
quelle que soit leur ancienneté, conserver un certain état de
mollesse, tant qu'ils sont restés submergés.
La supposilion que des roches sédimentaires peuvent
conserver leur état de mollesse primitive depuis un âge
géologique reculé, si elles restent submergées et non
recouvertes, est encore une de ces idées qui ne pouvaient
se soutenir qu'à une époque où l'on n'avait pas la concep-
tion de la longue durée des époques géologiques. Aujour-
d'hui, on est arrivé à reconnaitre que la consolidation des
roches s'est faite avecune rapidité trèssouventinexplicable,
Ainsi, dans le calcaire carbonifère du Nord de la France,
on rencontre des couches de brèche et de poudingue dont
les cailloux proviennent des bancs de marbre immédia-
tement sous-jacents. Les sédiments calcaires ont donc
pu se marmoriser immédiatement après leur dépôt, car ces
brèches él ces poudingues ne correspondent nullement
à une différence d'assise ou à un changement de faune,
Les remarques de Constant Prévost pèchent encore sous
un autre rapport : si les pas de Stégocephales n'indiquent
pas une émersion absolue, îls sont au moins le signe qu'ils
se sont faits sur un rivage, souvent même sur un rivage
qui émergeait à marée basse; car ils sont accompagnés
d'empreintes de ripple-marks et de gouttes de pluie.
Constant Prévost a conservé toute sa vie les opinions
théoriques qu'il publiait en 1825, Nous le voyons, en mainte
=AN—
occasion, combattre l'idée que la mer à pu recouvrir des
continents plus anciens, nous le voyons recourir au
transport par les fleuves pour expliquer la présence de
coquilles d'eau douce mélangées à des fossiles marins ; il
applique la théorie des afluents à tous les bassins, où l'on
voit des couches lacustres, alternant avec des couches
marines, (1)
A propos de la houille du Nord de l'Angleterre qui
alterne avec le calcaire carbonifère, il attribue cette
disposition à ce que les matériaux de chaque couche ont
été amenés dans la mer de points différents, et il rappelle
sa théorie des affluents (?).
A l'occasion d'une discussion sur le mélange de fossiles
terliaires et secondaires, il insiste pour qu'on ne perde
pas de vue la possibilité du mélange des fossiles des
diverses époques par le charriage (3).
Ilattribue aussi au charriage, pur des fleuves, Ja présence
des Éléphants dans les terrains d'alluvions de la Sibérie.
Enfin, il expliqua par des aMluents, la structure géolos
gique du bassin de la Garonne et en particulier l'amas de
mammifères trouvé à Sansan (+).
En 184%, Constant Prévost était allé à Auch, par
délégation ministérielle, pour visiter la belle collection
des ossements de Sansan, réunie par Lartet. Dans son
rapport, il fit part des sentiments qu'il a éprouvés en lt
voyant,
“ Quelque prévenu que je fusse en arrivant à Auch,
par les mémoires publiés par M. Lartet et par les précieux
envois dont il a enrichi les collections du Muséum, j'ai
(1) C. R. Acad. Se. : juin 1845; 20 avril 1846.
(2 Bull. Soc. Géol. XI, p. 180 ot Bull. Soc, Géol., 2 VIT, p. 359 (1800),
{8} Bull. Soc, Géol, 1, p. 139.
4%) Bull. Soc. Géol, 28, 111, p. 388 (1846) et IV, p, 996 (1847)
C. R. Acnd. Se, : 31 juillet 184$,
Hi
éprouvé, en voyant la collection immense réunie par ce
savant, aussi modeste que peu apprécié, un étonnement
et même une émotion que je ne saurais exprimer. Je
comprends à peine la réunion de savoir, de zèle, de tact,
dé dévouement désintéressé qui a été nécéssaire pour
vaincre les dificultés de recherches, d'extraction, de
rétablissement de tant d'espèces en un si petit espace (1). n
Lartet avait loué le terrain où l'on trouvait loutes ces
merveilles, mais le temps du bail allait expirer et
quelques Anglais étaient venus offrir des sommes consi-
dérables au propriétaire. De retour à Paris, Constant
Prévost usa de son influence au ministère pour obtenir
que le gouvernement français fit l'acquisition de la
colline entière ; puis il retourna à Sansan pour régler les
conditions de la vente. Grâce à lui, le Muséum devint
possesseur de cet assuaire dont la richesse était incom-
parable.
Le point de départ des théories de Constant Prévost,
exposées dans ce chapitre fut son opposition à l’idée des
cataclysmes préconisée par Cuvier. IL fut conduit à nier
les changements successifs et désordonnés de terre en
mer, d'océan en continent, qu'avait imaginés l'illustre
naturaliste. Le premier il eûl une idée assez nette de la
permanence des bassins de sédimentation. IL admettait,
comme on le verra plus loin, que le fond des océans
s'allaisse, que la mer, en supposant la masse d'eau cons-
laute, doit reculer à chaque alfaissement el mettre à sec,
une partie du continent. Mais dans celte circonstance
encore, il lui manquait la conception de la durée des
temps géologiques et de la lenteur des phénomènes qui
ont présidé à la formation du sol. Cette pensée qui
pouvait se déduire des livres de Hutton et de Playfair
(1) G. R. Ac. 8e. XX, Juin 4845,
==
n'était pas encore entrée dans la science françaises
Constant Prévost admettait des affaissements brusques,
presque cataclystiques, analogues aux soulèvements des
montagnes. L
Ilest singulier que ce soit précisément Elie de Beaumont,
le protagoniste des soulèvéments cataclystiques, qui donna
la notion juste de l'affaissement graduel des bassins de
sédimentation à mesure qu'ils se remplissent. {1 est vra
qu'ilse trompait sur la cause, en attribuant cet affaissement
au poids des sédiments superposés, mais la raison immé
diaté des altérnances d'eaux marines et lacustrés était
trouvée ; les traces de rivage, telles que galets, perfo
rations, ripple-marks, gouttes de pluie, pas de reptiles,
étaient expliquées. Tous les lerrains secondaires el
tertiaires du bassin de Paris s'étaient déposés à une faille
profondeur et il sufisait d'une légère modification géogras
phique pour transformer le golfe en une large baie
émergeant partiellement à marée basse, en une lagune et
mème en un lac,
Un seul étage, la araissail avoir pris naissante
loin des continents. On a vu que Constant Prévost hui
altribuait une e pélagique. Les travaux récents de
M. Cayeux (1) viennent de démontrer qu'il faut en revenir
beaucoup de ce jugement et que la craie a des caractères
éstes. Quant aux dépôts purement
L'insisté avec raison sur
leur faible importance dans le bassin de Paris. Le premier,
Îl avait démontré que toute Ta partie inférieure du gypse
à uné origine marine, mais on ne comprend pas coms
ment il a pu supposer que des calcaires qui ne conte.
naient qué des Lymnées et des Planorbes, comme certains,
lits de Saint-Ouen, ont pu se déposer dans la mer sons
simple influence d'un courant fluviatile.
{1} Ann, Soc Géo]. Nord. XIX p. 262.
CHAPITRE V
PRINCIPE DU SYNCHRONISME DES FORMATIONS
OÙ DES VAGIÈS.
NOMENCLATURE GÉOLOGIQUE,
Dans la séance du 18 décembre 1837, à la suite d'un
exposé de la théorie des afluents, provoquée par une note
de M. Prestwich sur des ossements fossiles trouvés au
Mont Bernon, Constant Prévost énonça ce qu'il appelle le
principe du Synchronisme des formations, À chaque
époque doivent correspondre synehroniquement des dépôts
pélagiens, littoraux, fluvio-marins, fluviatiles, terrestres.
Ilest donc très naturel qu'un dépôt calcaire manque en
certains points el soil remplacé par des dépôts argileux el
sableux, qui prennent alors plus de puissance (1).
Ce principe est tellement évident, tellement logique
que l'on se demande comment un savant à pu croire
en l'énonçant, faire faire un progrès à la science. Cepen-
Ü} Bull. Soc Géol, XII, p. 06, 1840:
— 197 —
«Les faciès sont donc, en définitive, les différentes sortes
de formation, sédimentaires ou autrés, qui peuvent s'être
produites simultanément, à un moment quelconque des
temps géologiques, comme cela se passe encore au témps
actuel. On dit les divers faciés d’un terrain, comme on
dirait les diverses formations des temps modernes (1). »
Les mérites de Gressly et de Constant Prévost ne sont
nullement diminués parce qu'ils se sont rencontrés duns
la même idée, en étudiant l'an la Suisse, l'autre le bassin
de Paris. La conception de Constant Prévost était peut-être
plus théorique, plus à priori, tandis que celle de Gressly
ne paraissait que la conclusion de ses études de détail.
Il ne faudrait pas croire cependant que Constant Prévost
avait négligé de citer les applications de son principe. Il
donnait comme exemple de formation de même naturé, el
contenant des fossiles analogues, mais se rencontrant à
des niveaux successifs différents : les lignites inférieurs
au calcaire grossier, les lignites intercalés dans le calcaire
grossier comme à Bagneux et à Vaugirard et les lignites
de l'ile de Wight. Ces divers dépôts d'argile à Hignites
étaient selon lui des branches différentes et successives
d'une grande formation fluviatile, qui a commencé avec le
dépôt du calcaire grossier el s'est continué jusque dans les
derniers temps du remplissage du bassin (?).
Il cite comme formations contemporaines différentes
par leur mode d'origine et leurs fossiles, le calcaire
grossier, le calcaire siliceux, le gypse. En cela il se trompait;
mais il était dans le vrai, quand, envisageant les côtés
particuliers de la question, il admettait la contemporanéité
du calcaire de Provins avec le calcaire grossier, des
calcaires de Champigny et de Valvin avec le gypse.
{1} Rennevier, Les faciés géologiques. Arch. des Sc. phys. et
Naturelles, XII oct. 1884.
(2) Bull. Soc. Géol. VII, p. 76.
Dans une autre circonstance, il dit que le Wealdien
d'Angleterre est une formation d'eau douce locale, qui
se déposait à l'embouchure d'un grand cours.
tandis que se formait ailleurs un dépôt marin, qui este
Néocomien.
Les résistances que la notion de faciès a rencontrées, il
y a quelques annéesencore, de la part de géologues placés
à la lète de la science, nous rend parfaitement compte
pourquoi Constant Prévost attachait lant d'importance à
son principe du synchronisme des formations, pourquoi
il reprenait la méme théorie à chaque occasion. Ce n'était
que la continuation de la lutte des causes actuelles contre
les opinions dominantes,
La nécessité d'exprimer clairement ses idées surce sujel,
l'amena à proposer une modification au langage géologique
courant. Bien des géologues, surtout à l'étranger, se
servaient du mot formation pour désigner un groupe strati-
graphique d’un âge déterminé, l'ensemble des dépôts qui
s'étaient effectués pendant une période géologique: Afnst,
d’Archiac disait la formation crétacée, et les géologuesalle-
mands appelaient Kreide formation, ce que nous désignons
habituellement sous le nom de terrain crétacé.
Le 3 juin 1839, Constant Prévost exposa à Ja Société
Géologique, (1) les principes de nomenclature qu'il avait
adoptés pour ses cours el qu'il avail déjà publiés dans
l'article Terrain du Dictionnaire d'Histoire Naturelle 74
définit les mots ; sol, roche, formation, terrain.
Le sol comprend toute la partie solide extérieure, (?) dt
sphéroïde terrestre ; en deça est la masse planétaire; au
(1) Bull. Soc. Géol. X p. 340. 1899.
(2) Constant Prévost dit extérieure parec que dans s0n Opinion
la masse planétaire centrale peut-être solidifiée deputs longtemps.
tandis que les couches immédiatement inférieures au sol seraient.
encore pateusés où fluides (Bull. Soc. Géol. 2: V p: 447. 4848);
delà l'atmosphère. La première pellicule consolidée par le
refroidissement est le sol primitif. Toutes les matières qui
sont venues se déposer sur le sol primitif constituent le sol
de remblai, Le sol sous primitif est formé par la consoli-
dation successive de la matière fluide qui s'est faite sous
le sol primitif, en aceroissant son épaisseur.
Les roches sont les matériaux du sol, considérés quant à
leur nature et à leur composition minéralogique : l'argile,
le calcaire, le granit, etc.
Sous le nom de dépôts, il désigne la disposition des
roches en masses, en amas, en strates, en filons, en
coulées, etc.
Le mot de formation est réservé pour désigner l'origine
des roches, quel que soit leur âge. Il les divise en forma-
tions ignées ou Plutoniennes et formations aqueuses ou
Nepluniennes,
ul sait les formations Plutoniennes en formations
d'intrusion, d'épanchement, d’éruplion, de sublimation,
Les formations Nepluniennes étaient marines, fluvio-
marines, fluviales, lacustres, palustres, travertines,
terrestres,
11 désignait sous le nom de formations Neptuno-pluto-
niennes celles dont les matériaux, déposés par les eaux,
ont été modifiés sur place par l'action plus où moins
immédiate de la cause ignée. C'est ce que nous appelons
les roches métamorphiques.
Les formations Pluto-nepluniennes comprennent les
roches, dont les matériaux produits par la voie ignée, ont
été déposés sous les eaux et stratifiés, comme les tufs et
les conglomérats volcaniques,
Quant au mot Terrain, il doit, comme le voulait l'école
de Werner, avoir une signification chronologique, il
désigne les dépôts qui se sont faits pendant les grandes
époques successives des temps géologiques,
— =
Constant Prévost divise chronologiquement le sol en
terrains primaires, secondaires et tertiaires. x
Cesconsidérations furent reprises, étendueset expliquées
dans plusieurs autres communications à la Société Géolo-
gique de France (!), à l'Institut (* et dans des articles
de Revues et de Dictionnaires (?).
On a vu qu'il n'admettait pas entre les divers lerrains
des limites nettes et bien tranchées. 11 né pensait pas non
plus que les mêmes divisions chronologiques puissent être
applicables à tous les pays. v Ces divisions, dit-il, sont des
points pris par les géologues dans une série continué de
produits, comme ceux que les historiens prennent pour
diviser l'histoire des hommes; mais de même que certains
faits et certains événements peuvent, dans l'histoire d'un
peuple où d’une contrée telle que l'Europe, sérvir à séparer
l'antiquité, le moyen âge et les temps modernes, sans que
les mêmes coupes naturelles puissent s'appliquer à
l'histoire de l'Asie ou de l'Amérique, de mêmé les divi-
sions créées par les géologues européens ne pourront
sans doute s'appliquer à toute la surface de la terre que
par des interprétations dangereuses pour la vérité (9): mn
Les difficultés que rencontrent les géologues américains
pour adapter à leur pays les divisions géologiques eur6"
péennes montrent combien Constant Prévost voyail juste
en celle circonstan
(1) Bull, Soc, Gool. France, 2°s. 11, p. 306.
1845.
(3) Dictionnaire Universel d'Histoire Naturelle, mots: Synchro
nisme; Formations, Terrains, Géologie, Roches, Sol, Terre,
Terrains.
{4j Bull. Soc. Géol. Fr, 2 IV, p. 39.
CHAPITRE VI
ÉPOQUE QUATERNAIRE
Bien que la part de Constant Prévost dans les discus-
ns au sujet de la période quatérnaire n'ait pas été
dérable, il est néanmoins intéressant de connaitre,
sur ces questions dificiles, l'opinion du fondateur de la
doctrine des causes actuelles.
D'abord, il n'admettait pas le terme de quaternaire.
D'après lui, la terre était encore dans la période géologique
L ire, et il y avait moins de différence entre les phéno-
_mènes géologiques actuels et ceux de la période tertiaire,
qu'entre ceux-ci et ceux de la période secondaire. Pour lui,
la période actuelle se reliait à la période tertiaire par une
transition insensible.
Il désignait en général, sous le nom de terrain de
transport, les dépôts caillouteux que nous rangeons
actuellement dans le terrain quaternaire, et qu'il avait été
un des premiers à reconnaitre en Normandie et en
Picardie,
ni
— 163 —
il ne se faisait pas lui-même une idée bien nette de
l'origine de son terrain de transport.
Iladmettait, alors que les matériaux du diluvium avaient
fait précédemment partie d'une alluvion, c’est-à-dire d'une
accumulation régulière de matériaux fluviatiles,
« Depuis qu'il y a eu des fleuves, écritil, dans ses
anciennes notes de cours, il à dù exister des dépôts de
gravier le long de leur cours, depuis les moraines des
glaciers, jusqu'à l'embouchure, Le fond des laes, celui du
lit des fleuves, en sont couverts. »
« S'il y a des cailloux roulés, des sables, des graviers
dans le lit élevé des rivières, on conçoit la possibilité des
dépôts diluviens, non seuléement sur les parties basses, mais
aussi sur des plateaux plus élevés. Il suñit d'une débâcle
produite par l'écoulement d'eaux pluviales, où la rupture
d'un lac, pour que les cailloux, sables el graviers, aient
été entraînés des régions supérieures dans les régions
inférieures.
Par ces explications, Constant Prévost semblait accepter
la différence faite entre les termes allucium et dilurium
proposée par Buckland (1).
Plus tard, il soutint que celle diflérence entre l'alluvium
et le diluvium n'est fondée qué sur uné hypothèse et qu'il
est impossible de donner des caractères qui puissent les
différencie
Il devait y avoir, selon lui, des terrains de transport de
tous les âges, puisque ces lerrains avaient dû se former
partout où il y avait un sol continental,
Il est certain que c'est une queslion que se posent
encore beaucoup de géologues. Pourquoi ne retrouvons-
nous pas sur lés vieux continents, sur les lerres émergées
depuis longlemps, tels que l'Ardenne, les graviers des
{1} Ann. of. physie. avril 1825.
— 166 —
anciens fleuves et les restes des animaux lerrestres qui
vivaient alors? Si l'on peut citer quelques dépôts faits
sous l'influence fluviatile, ce sont bien moins des traces
d'un lit de rivière que des sédiments déposés dans un
lac ou dans un delta.
Constant Prévost croyait qu'une partie des cailloux, de
l'argile et du limon du terrain de transport s'étaient faits
au fond de la mer et avaient été laissés à la surface des
continents lors de la dernière émersion. 1 confondail
les dépôts fluviatiles des grands fleuves quaternaires, dont
il avait cependant reconnu la stratification entrecroisée,
avec les amas de cailloux que l'on trouve souvent sur les
plateaux et qui sont aussi variables d'origine que d'âge,
Une idée si archaïque prouve combien il avait peu étudié
ces dépôts.
Il s'était beaucoup plus occupé des brèches osseuses
que l'on trouve dans les cavernes el dans les fentes des
rochers. Il avait fait plusieurs travaux sur ce sujet en
collaboration avec son beau-frère Desnoyers,
En toute circonstance (1), il soutint que les animaux dont
on rencontre les débris dans les cavernes, n'y avaient
jamais habité, que leurs restes y avaient été entraînés pan
des cours d'eau, [1 se basait sur la forme irrégulière du
fond des cavités, sur la manière dont les dépôts vssifères
les remplissent jusqu'au faite, sur la disposition des stalag=
mites qui les recouvrent. [1 trouvait encore une preuve
dans la réunion d'animaux du Nord ([Renne, Lagomys,
Spermophile), a autres qu'il croyait essentiellement
méridionaux ou au moins de climats tempérés (Eléphant,
Rhynocéros, Hyène).
Nul doute que son influence n'ait été prépondérante dans
les conclusions que son ami et collaborateur Desnoyers
(1) Bull. Soc. Géol. de Fr, 4° HI, p, 222, 228, 268: XII, p. 341, 296
— 165 —
donna à l'article : Caverne dans le Dictionnaire Universel
d'Histoire Naturelle (1), ce travail plein d'érudition, où
sont réunis tous les faits que l'on connaissait alors sur les
grottes.
Constant Prévost ne partageait pas complétement l'opi-
nion de Desnoyers sur les ossements humains et sur les
objets de l'industrie humaine, trouvés dans les cavernes.
Comme lui, il croyait que beaucoup proviennent d'inbu-
mations postérieures au remplissage, maïs il faisait des
exceptions. Il était convaincu de l'existence de l'homme à
l'époque quaternaire.
On lit dans ses programmes de cours en 1833, 1836,
1840 : « Des faits bien constatés, des observations rigou-
reusés, rapportées pardesobservateursexacts, démontrent,
qu'il y a en Saxe à Koestritz, en Autriche près de Vienne,
sur les bords du Rhin, aux environs de Liège, dans le
midi de la France (Aude, Gard, ete.) des débris de l'homme
avec des espèces animales perdues ; Rhinocéros, Qurs,
Hyènes Aurochs, Cerfs. » Et plus loin : « Géologiquement,
l'homme n'appartient pas à uneautre époqueque l'Éléphant
fossile, l'Hippopotame, le Rhinocéros, l'Hyène, l'Ours des
cavernes. Le petit nombre de têtes recueillies en Moravie,
à Liège, ete, ont un front déprimé comme les Caraïbes, les
Iottentots, les Nègres. Elles sont accompagnées d'usten-
siles de sauvage, haches et couteaux en silex et os taillés,
aiguilles, amulettes, etc... Faut-il en conclure que les
premiers hommes étaient voisins des négres ? Non, car si
l'homme peut se modifier par perfection, il peut aussi se
modifier par dégradation. Aucun être n'est plus influencé
que l'homme par les circonstances extérieures. » À ce
sujet, Constant Prévost développait les circonstances qui
font varier les races d'animaux domestiques et il montrait
qu'il devait en être de même pour les races humaines.
V1, p. 543, 1845.
— 167 —
qu'il professait, en opposition aux opinions uniformi-
taristes de Lyell.
En 1850, dans une communication à l'Académie des
Sciences, il rappelle les principales hypothèses qui avaient
déjà été faites pour expliquer la période glaciaire, Le
passage de la terre dans un point de l'espace moins
échaufté par le rayonnement des autres astres, la dimi-
nution momentanée de la chaleur solaire, produite par
l'extension des taches, puis il expose sa manière de voir.
Il admet que jusqu'à une certaine époque, la tempé-
rature propre du globe, jointe à l'action solaire, n'a pas
permis à l'eau de rester glacée sur aucun point de la
surface, À une époque subséquente, déterminée par le
refroidissement de la masse planétaire, les glaciers sont
devenus possibles,
Le phénomène glaciaire est donc une cause nouvelle
qui n'existait pas aux époques antérieures et qui s'est
développée par suite de l'évolution normale de la terre,
Il y a des glaciers partout où la quantité d'évaporation
et l'altitude des montagnes donne lieu à une chute de
neige plus abondante que celle qui peut être fondue par
la chaleur elimatérique. Ce résidu annuel est plus consi-
dérable dans les contrées humides que dans les contrées
sèches, de sorte que l'on peut concevoir l'apparition et la
disparition alternative des glaciers sur une portion du
globe, suivant qu'elle sera successivement submergée et
émergée.
Prenant un exemple, il suppose un aflaissement consi-
dérable de l'Europe, de manière à transformer le continent
en un grand nombre d'iles et de presqu'iles, correspondant
aux massifs montagneux, Il se fera une évaporalion bien
supérieure à celle qui a lieu aujourd'hui ; il tombera plus
de neige en hiver et il en fondra moins en été, d'autant
moins que cette disposition des eaux rendra la tempé-
=
rature estivale de l'Europe moins extrême, Les glaciers
des Alpes et des Pyrénées redeviendront alors graduels
lement ce qu'ils ont été, N s’en formerait dans les Vosges,
le Jura, l'Auvergne, les Cévennes, la Bretagne, peut-être
Ces glaciers continueraient à se développer jusqu'à ce que
toutes les parties du sol, dont il vient de supposer l'immers
sion, aient été peu à peu émergées (1).
Plus tard, sans abandonner l'hypothèse précédente, il
disait que l'on pouvait faire une autre supposition. On
pouvait admettre que l’orographie de l'Europe restant la
même, les déserts de l'Afrique fussent couverts par les
eaux, dès lors, il n'y aurait plus de siroco, ce vent chauil
qui contribue tant à la fonte des neiges des Alpes, A
n'admettait pas une période de grand froid général;
il disait qu’une température moyenne, inférieure de 4
à lt température actuelle, pourrait faire renaître les
glaciers dans les vallées des Vosges et faire descendre
ceux des Alpes, jusque dans la plaine de Genève, A
suffisait pour cela d'avoir des étés moins chauds et des
hivers plus humides.
Ainsi Constant Prévost attribuait le développement des
glaciers à la fois au refroidissement séculaire du globe et
aussi à une distribution géographique, qui n'existe plus
aujourd'hui, c'est-à-dire à une réunion de causes générales
et locales.
C'était aussi l'opinion de Lyell : cependant l'illustre
géologue anglais, très sceptique au sujet de ka chaleur
centrale, ne faisait pas intervenir le refroidissement
séculaire du globe, comme une explication de l'époque
glaciaire.
Il parait réellement probable que les ellets du refroi-
diésement du noyau lerrestre ont dû se produire pendant
le “
AE SPEXNXT, p. 600 et XXXI, p. 247.
une période continue et d'une durée immense, On ne
comprendrait pas que a température, après s'être main-
lenuë à peu près égale et uniforme pendant tous les
temps géologiques, se serait tout d'un coup abaissée
d’une manière suffisante, pour produire l'époque glaciaire,
on ne comprendrait pas non plus son relèvement
postérieur.
Lyell est très disposé à faire intervenir d’autres causes
ét en particulier les causes astronomiques : la précession
des équinoxes, les variations dans l'obliquité de l'éclip-
que et dans l'excentricité de l'orbite de la terre. Ces
pl 1énomènes peuvent sans doute amener alternativement,
pour un hémisphère et pour l'autre, ou même pour toute
Jaterre, le refroidissement réclamé pour l'époque glaciaire,
Maïs ils sont périodiques, et les mêmes conditions ont dû
se répéter bien des fois dans l'immensité des temps géolo-
iques. Pourquoi alors les phénomèmes glaciaires et
diluviens ne sont-ils pas périodiques ?
Plusieurs géologues pensent, il est vrai, qu'il y a eu des
glaciers à toutes les époques géologiques, depuis lesilurien
jusqu'à nos jours ; Lyell, conséquent avec lui-même, était
disposé à l'admettre. Mais, c'est une hypothèse qui n'est
établie sur aueun fait positif.
Ces anciens glaciers, s'ils ont existé, doivent avoir
laissé leurs traces. Or, c'est tout au plus si on trouve
quelques preuves sérieuses de phénomènes glaciaires
dans les conglomérats de la fin de l'époque primaire en
Inde et en Afrique. En supposant même que tous les
doutes soient levés à cet égard, l'existence de deux
grandes périodes glaciaires ne constituerait pas ne
périodicité en rapport avec la périodicité des phénomènes
astronomiques.
Quant aux causes géographiques invoquées par Constant
Prévost, par Lyell et par d'autres géologues, elles n'ont pas
— 170 —
la généralité nécessaire pour expliquer l'ensemble. de
l'époque quaternaire, :
ns est trop porté à isoler le phénomène glaciaire et à
‘envisager indépendamment de ce qui l'entoure. Hest
<etin le fait important, le fait le plus étonnant
peut-être de l'époque quaternaire, mais il n'est pas le seul.
Le creusement principal des vallées date aussi le
ki même période géologique, Dès qu'il s’est formé des
continents, dès que les eaux de pluie ont ruisselé à leur
surface, il a dû se creuser des torrents et des rivières.
Mais les traces de ces anciennes vallées sont si faibles
que nous ne pouvons pas les suivre et qu'elles passent
souvent inaperçues. On peut bien admettre que nos
vallées actuelles sont très anciennes, que quelques-unes
datent des époques tertiaires, peut-être même de l'époque
crélacée. Néanmoins, il faut reconnaitre que c'est à
l'époque quaternaire qu'elles ont reçu le profond coup de
burin qui les a faites ce qu'elles sont, C’est à Vépoque
quaternaire que se sont déposés les immenses amas de
cailloux roulés, de sable, de limon qui existent sur Loules
les parties de la terre, Les phénomènes qui font dé
l'époque quaternaire que spéciale en géologie ont
donc une Maven
Il est encore impossible d'expliquer d'une manière
satisfaisante les divers phénomènes géologiques de Na
période quaternaire. Qu'il s'ai du développement des
glaciers, du creusement des vallées, de la grande extension!
des fleuves qui ont déposé le diluvium, ou de la formation
des limons, l'époque que nous nommons quaternaire, ou
mieux pléistocène, l'époque où la population animale des
mers était devenue identique à la faune présente, l'époque
— I —
où les continents commençaient à être habités par leurs
hôtes actuels et où disparaissaient les derniers repré-
sentants des faunes éteintes, l'époque enfin, où l'homme
manifeste pour ki première fois sa présence par les
produits de son intelligence et de son industrie, cette
époque est jusqu'à présent un problème non résolu de
la science géologique,
Il s'est produit alors des phénomènes qui ont pu avoir
leurs analogues dans les lemps géologiques antérieurs,
qui se sont manifestés dans les temps historiques et qui
se manifestent encore sous nos yeux, mais qui avaient à
l'époque quaternaire une intensité incomparablement
supérieure à leur intensité actuelle. Nous devons attendre
les progrès de la science, pour en donner une explication
naturelle et universellement adoptée.
11 y a déjà quelques faits qui semblent acquis; la longue
durée de l'époque pleistocène, la généralité des phéno-
mènes glaciaires dans les deux continents et dans les
deux hémisphères, la multiplicité des périodes successives
froides et chaudes, la nécessité de faire intervenir un
mouvement d'eau considérable à l'état de vapeur, de
pluie, de neige, de glace, de fleuve ; mais malgré le grand
nombre d'observateurs éminents qui se sont occupés du
terrain pleistocène, il reste encore à analyser et à vérifier
bien des faits de détail.
La faune à Elephas antiquus est-elle plus ancienne que
la faune à Elephas primigenius où en est-elle contempo-
raine ? Le limon est-il d'origine éolienne ou at-il été
stratifié sous les eaux ? Y a-t-il une seule époque glaciaire ?
Yen a-t-il deux ? Y en a-t-il trois ou davantage? Lu
température élait-elle très froide ou très humide ?
Ce ne sont pas seulement les géologues qui doivent
coopérer à la solution du problème. I serait important de
connaitre les limites que peuvent atteindre les variations
= 18 —
météorologiques sur les continents actuels. Or, c’est 4
peine si, en météréologie, l'on possède un demi-siéelé
d'observation, mn.
Nous avons bien des indices que, depuis le commen:
cement des temps historiques, il y a eu des modifications
de climat, dont la raison nous est également inconnue:
Nous avons mêmes des preuves que depuis l'ère chré
tienne, les rivières du nord de la France ont acquis une
intensité qu'elles n'ont plus actuellement ét nous pouvons
attribuer, partiellement au moins, ces diflérences dé
régime des cours d’eau à an changement dans les condi
tions météréologiques.
C'est peut-être dans l'atmosphère et hors de l'atmosphère
qu'il faut chercher la cause principale des phénomènes
quatérnaires,
Depuis que l'analyse spectrale nous a montré les astres
composés des mêmes éléments que la terre, depuis qu'il
nous à fait connaitre la présence de l'hydrogène dans les
comëles, nous pouvons supposer des modifications évens
tuelles de l'atmosphère terrestre par sa jonction avec les
météores gazeux. La confluence d'une de ces nébulosités.
avec l'enveloppe gazeuse de notre planète ne serait pas
plus extraordi ] chute des aérolithes, dont
l'origine sidéral ï hors de doute.
i re repoussée par Constant
Prévost au nor héorie des causes actuelles. On
pourrait lui répondre par ses propres paroles.
“ Nous pouvons, disait-il, supposer dans l'avenir une
époque où la croûte terrestre aura acquis uné épaisseur
assez grande pour que les phénomènes volcaniques my
soient plus possibles. Ce ne serait pas uné raison pour
qu'un géologue de cette époque future niât l'origine
éruptive des laves et en revienne aux hypothèses de
Werner. »
— 173 —
On doit faire les théories avec les faits, rien qu'avec les
faits, mais on ne doit pas refuser de se servir des hypo-
thèses logiques et naturelles pour combler provisoirement
les vides que laisse une science toujours bornée, parce
qu’elle est essentiellement progressive.
Ces hypothèses fantaisistes mais raisonnables, dont il
n'est permis, ni de nier la possibilité, ni d'espérer la
démonstration, sont utiles, nous a dit d'Omalius d’Halloy,
parce qu’elles nous donnent un moyen d'échapper à la
tyrannie de savants convaincus, qui veulent nous imposer
leurs théories, malgré les objections qu’elles soulèvent,
sous prétexte qu'il n'y en a pas d'autres acceptables.
A1 —
Pendant que Smith établissait la géologie stratigra-
phiquedesterrainssecondaires d'Angleterre, Al, Brongniart
étudiait les terrains tertiaires des environs de Paris. Grâce
à l'éclat qu'avaient jeté les découvertes paléontologiques
de Cuvier, son collaborateur, les travaux de Brongniart
acquirentrapidementuneautoritéquen'avaient pasobtenue
les observateurs qui l'avaient précédé : de Lamanon,
Lavoisier, Coupé, bien qu'il ne fût peut-être pas toujours
en progrès sur eux.
L'Essai sur la géographie minéralogique des environs de
Paris, fut présenté à l'Académie des Sciences en 4808 et la
première partie insérée dans le Journal des Mines de la
même année. Le mémoire entier fut publié en 1811 avec
quelques modifications.
Voici ce qu'en dit d'Archiac (4): « Le travail complet
de 1841, avec ses descriptions locales, une carte géologique
et des coupes qui certainement lui donnent plus d'impor-
tance, quoique différant à plusieurs égards de l'Essai
publié trois ans auparavant, n’est cependant pas plus exact,
et les erreurs stratigraphiques du premier mémoire n’ont
pas eté corrigées dans le second, qui en outre en présente
de nouvelles, n
Ce jugement est sévère, pour ne pas dire injuste.
D'Archiac avait conservé de son ancien métier d'officier
de cavalerie, l'habitude de sabrer quel que peu les
travaux de ses devanciers. Il n'avait aucune indulgence
pour leurs erreurs. Arrivé à une époque où la méthode
scientifique était déjà bien établie, il n'eut qu'à l'appliquer
à des questions qui ne présentaient plus de dificultés
réelles, Il ne se rendait pas compte des incertitudes par
où avaient dû passer ses maîtres, alors que les procédés
d'investigation n'avaient pas encore fait leurs preuves el
(1) Géologie et Paléontologie, p: 188.
= Ame
ses livres; son enseignement au Muséum les répandait à de
nombreux disciples ; son salon, ouvert à tous les savants,
était un lieu où l'on venait discuter les nouvelles géolo-
giques. Lui-mème voyageait beaucoup, recueillant partout
des observations et initiant les savants étrangers à sa
méthode de travail.
L'opinion se formait peu à peu sur les services que la
géologie pouvait retirer de l'étude des fossiles.
En 1820, Constant Prévost écrivait : « Il est admis par
tous les géologues modernes que les corps organisés
fossiles, dont on retrouve les débris dans les couches de
la terre, différent d'autant plus des êtres actuellement
existants, qu'ils sont enfouis dans des couches plus
anciennes, » (1)
« Tous les géologues conviennent, ajoute Brongniart,
que plus les terrains sont supérieurs où nouveaux, plus
les débris qu'ils renferment ont de ressemblance avec les
êtres qui vivent actuellement à la surface de la terre. » (*)
Ces lois posées, il restait à les appliquer pour la solution
de grands problèmes géologiques. C’est ce que fit Constant
Prévost, l'élève et l'admirateur de Brongniart.
Îl'avait mis à profit son séjour en Autriche pour étudier
les terrains des environs de Vienne et y recueillir
de nombreux fossiles ; malheureusement, un incendie
le priva de la plus grande partie de ses collections.
En comparant ce qui lui restait avec la collection de
Defrance, il acquit bien vite la preuve que les fossiles de
Vienne différent beaucoup de ceux de Grignon. Il ne put
reconnaître que deux espèces semblables. Au contraire, en
étudiant dans les collections de Ménard de la Graye, les
{1) Journal de Physique, 1820, XCI et Documents pour l'Histoire
des térrains tertiaires, p. 219.
(2) Rapport à l'Acad. des Sc. du 11 décembre 18%; Documents,
p. 225.
12
E
— 178 —
fossiles dés collines subapennines que Brocchi venait de
décrire, il ÿ trouva qurante-sept espèces communes avec
celles d'Autriche. 11 en vint donc à dire que les fossiles de
Vienne ressemblaient plus à ceux des collines subapens
nines qu'à ceux de Grignon.
Dans ses comparaisons avec l'Italie, Constant Prévost
s’appuyait sur le mémoire de Brocchi : Conchiologie fossile
sub-apennine, Brocchi avait constaté que la chaine des
Apennins est essentiellement formée par un axe de calcaire
secondaire et qu'elle est bordée de chaque côté par des
collines argileuses et sableuses, riches en fossiles. [l avait
étudié ces fossiles, en avait figuré un grand nombre el avait
reconnu que la plupart différent essentiellement des
fossiles des environs de Paris, tandis que plusieurs onL
leurs analogues vivant encore dans la Méditerranée,
Néanmoins, infidèle aux principes posés plus haut el
qu'il avait lui-même contribué à établir, il supposa que
les terrains tertiaires des collines subappennines étaient
contemporains de ceux du bassin de Paris et il expliqua
leur différence par des circonstances géographiques
d'habitat,
Constant Prévost ne fut pas de son avis. [Il admettait,
bien que ce point de science fut encore fort obscur, que
deux faunes, qui se seraient déposées en même temps
dans des bassins géologiques éloignés, peuvent diflérer
entre-elles. Néanmoins, il passa outre à ces considérations
et basa son raisonnement sur le fait que les fossiles dé
Vienne et d'Italie s'éloignent moins que ceux dé Grignon
des animaux vivants dans nos mers, « Donc, dit-il, on.
doit considérer les terrains modernes (tertiaires) observés
en Italie et en Autriche, comme le produit simultané du
dernier séjour des eaux de la mer sur les continents
européens ; tandis qu'il faut regarder la formation du
calcaire grossier des environs de Paris comme apparte-
AN
nant à une époque diflérente et à un âge de la terre
beaucoup plus ancien. »
Ainsi il y avait lieu de diviser en deux l'époque tertiaire
considérée jusqu'alors comme unique, les couches de
Grignon appartenant à l'époque la plus ancienne, celles
de Vienne et d'Italie, à la plus récente.
Constant Prévost s'est demandé s'il n'existait pas aux
environs de Paris des couches que l'on pût rapporter à
la seconde époque. Il remarqua que Cuvier et Brongniart
ont signalé deux dépôts marins fossiliféres, séparés par
un dépôt d'eau douce, le gypse, qui contient une faune de
mammifères différents des mammifères actuels non seule-
ment comme espèces, mais comme genres.
« Combien de siècles n'a-l-il pas fallu pour le dévelop-
pement de cette faune, de ces races introduites dans la
série graduée des corps organisés, pour sa multiplication,
pour son extinction successive, car déjà plusieurs n'exis-
taient plus lorsque la mer est venue une seconde fois
submerger les mêmes contrées,
« Les zoologistes, ajoute-t-il, ne seraient-ils pas auss
étonnés que les géologues de voir que le temps n'aurait
apporté aucune modification à la série des corps orga-
nisés. »
C'était une raison de penser, contrairement à l'opinion
de Cuvier et de Brongniart, que les deux dépôts marins,
l'un inférieur, l'autre supérieur au gypse, ne pouvaient
pas contenir les mêmes fossiles.
Constant Prévost fait remarquer que les coquilles fossiles
du dépôt marin supérieur sont en général en mauvais état
de conservation. Cependant, si on examine les listes
données par Cuvier et Brongniart, on trouve,avec quelques
espèces semblables à celle du dépôt inférieur (!), beaucoup
(1) Ces espèces sont reconnues actuellement différentes.
— 180 —
d’autres qui sont spéciales, Ainsi les sables supérieurs ne
contiennent ni les Milliolites, ni les Orbitolites; miles
Nummulites des calcaires inférieurs, ni le Cerithiéwm
giganteum, ni le Voluta cythara, etc. Par contre, on y voit
apparaître les Spirorbes, Cerithium plicatum, et plusieurs.
espèces d'huîtres, dont la plus remarquable, Üstrea hip
popus (actuellement Ostrea longirostris) est si commune
dans le bassin de Vienne, (*)
1 conclut « que, s'il fallait se décider à rapporter les.
terrains des environs de Vienne et ceux d'Italie à unedes
deux formations marines des environs de Paris, on cons
viendra que, sous beaucoup de rapports généraux, on
pourrait leur trouver de l'analogie avec la dernière, la
plus récente de ces formations. »
Rappelons que ces phrases ont été écrites en 4820»
Constant Prévost n'avait pas encore les opinions qu'il
soutiendra plus tard, au sujet de l'invasion des mers eb
des cataclysmes.
Il avait remarqué que certaines coquilles de Vienne qui
n'existent pas à Grigno: rouvent à Bordeaux, à Dax,
à Léognan et même en Touraine, Il émet donc avec doute
la pensée que les terrains lertiaires de ces localités sont
du méme âge que ceux de Vienne,
Plus tard, il fut plus afirmatif dans un mémoire (*}lu à
la Société Philomatique en mai et juin 1825, Il ditque dans
les bassins du midi, on ail trouver des dépôts marins
formés peut-être en temps que les collines sub
apennines et que celles qui entourent Vienne, lorsque
depuis longtemps le bassin de la Seine était occupé,
par des eaux douces, c'est-à-dire postérieurement. à"
la deuxième formation marine des environs dé Paris:
(1) 11 1a confond avec Ostrea crassissima.
(2) Bull. Soc. Philomatique 1825.
181. —
Ainsi, la science doit à Constant Prévost d'avoir reconnu,
le premier, l'existence de terrains tertiaires plus jeunes
que le calcaire grossier de Paris, et d’avoir résolu l’un des
plus importants problèmes de géologie par l'application
des lois générales de la paléontologie.
Dufrénoy lui a reproché un jour (!) d'avoir assimilé le
terrain terliaire supérieur de Vienne et du midi aux
meulières et même aux sables supérieurs des environs de
Paris, C'était effectivement son opinion, mais il ne l'avait
exprimée qu'avec doute, parce qu'ilse rendait bien compte
qu'il n'y avait pas de preuves positives. L'erreur du
reste n'était pas extrême pour une époque où les grandes
divisions géologiques étaient à peine ébauchées. IE n'y a
pas longtemps encore que l'on réunissait dans le terrain
miocène, les sables de Fontainebleau, les meulières de
Beauce, les faluns de Touraine, de Bordeaux et de Vienne.
I fallait être concurrent de Constant Prévost à l'Institut
pour ne pas rendre hommage à sa sagacité.
En 1822, une nouvelle édition du livre de Brongniart el
de Cuvier, sous le titre de Description géologique des environs
de Paris, it faire un pas considérable à la géologie strali-
graphique.
Au mémoire primitif se trouve ajoutée la description
d'un grand nombre de lieux de l'Allemagne, de la Suisse,
de l'Italie, ete., qui présentent des lerrains analogues à
ceux du bassin de Paris, Ces descriptions, qui étaient
l'œuvre uniquement de Brongniart (*) constituaient la
partie la plus importante de l'édition, non seulement par
les faits nouveaux qu'elles révélaient, mais surtout par la
méthode et les principes qui avaient guidé les recherches.
{1) Bull. Soc, géol. Fr. IV, p. 490 (1834).
(2) Brongnlart lés avait déjh publiés presque complètement
l'annéo précédente dans un mémoire inséré dans les Ann, des
Mines, 1. VI, p. 599 (1821).
Après avoir rappelé que l'observation des fossiles a
révélé aux géologues une succession distincte de géné.
rations qui permettent d'établir une chronologie dans les
époques anciennes, après avoir dit que la nature des
roches est généralement d'accord avec ki ressemblance
des fossiles, il pose la question suivante :
« Lorsque, dans deux terrains éloignés, les roches sont
de nature différente tandis que les débris organiques sont
analogues, doit-on, d’après cette diflérence, regarder ces
terrains comme de formation différente; où bien; doibon
à cause de la ressemblance des corps organisés, Jes
regarder comme de la même époque de formation, lürs-
qu'aucun fait de superposition ne s'y oppose évidemment?
Pour répondre à cette question, Brongniart constate
d'abord qu'il se forme actuellement des dépôts dé nature
très différente : puis il fait observer que le développement
d'une génération fossile suppose une longue série de
siècles ou du moins d'années (!) pendant laquelle tous tes
êtres vivants ont un caractère particulier de famille, ou
d'époque, qu'on ne peut ni définir, ni méconnaîtres
“ Je régarde done, dit-il, les caractères d'époque de
formation tirés de l'analogie des êtres organisés comme
de première valeur en géognosie, comme devant Vem-
porter sur toutes les autres différences, quelque grandes
qu'elles paraissent (suit l'énumération de ces différences
telles que la nature des couches, leur inclinaison, Ha
stratification contrastante, ete.) ; car toutes ces différences
peuvent être le résultat d'une révolution et d'une formation
instantanée qui n'établissent point en géologie d'époque
spéciale, »
Parmi les applications que Brongniart fit dé ces prin-
cipes, il suflit de citer quelques faits particuliers. Dans
{1} La notion des temps était encore bien vague dans l'esprit
des savants,
un calcaire noir, compact, assez dur, sublamellaire de la
montagne des Fiz des Alpes de Savoie, il avait trouvé
des fossiles semblables à ceux de la craie chloritée de
Rouen, Ilen conclut que le calcaire noir est de même âge
que la craie, Un autre calcaire noir compact avec lits de
silex, de la montagne des Diablerets près de Bex, lui avait
fourni une série d'espèces semblables, quelques-unes
mêmes identiques avec celles du calcaire grossier des
environs de Paris : il le rapporte done à la formation du
calcaire grossier, tout en témoignant des hésitations qui
nous paraissent singulières dans l'état actuel de la science,
mais qui prouvent avec quelle prudence, il se servait de
ses principes.
Brongniart cite l'assimilation qu'avait faite Constant
Prévost des couches tertiaires de Vienne et de l'Italie avec
la formation marine supérieure des environs de Paris; il
parait l'admettre, mais il insiste si peu sur la démonstra-
tion qu'on peut se demander s'il en est bien convaineu. Il
ne partage pas les doutes de Constant Prévost sur l'âge
des faluns de Touraine et des environs de Bordeaux; il
continue à les assimiler au calcaire grossier de Grignon.
Les conclusions auxquelles était arrivé Constant Prévost
furent confirmées et complétées par J: Desnoyers son
beau-frère, Dans une communication faite en 4825 à la
Société d'Histoire Naturelle (*) sur les térrains tertiaires
du Cotentin, Desnoyers émit brièvement l'opinion que ces
terrains tertiaires, ainsi que ceux de la Loire, ceux des
collines subapennines, de l'Autriche, ete., doivent consti-
tuer avec le crag d'Angleterre la formation tertiaire la
plus moderne.
En 1829, le méme savant publia dans les Annales des
Sciences naturelles (?) un second mémoire intitulé : Obser-
11) Mém, Soe, d'Hist. Nat. Paris 1 2, 1825 p. 238,
{2} Ann. Se. Nat., XVI, p. 471.
— A8 —
vations sur un ensemble de dépôts marins plus récents que
les terrains tertiaires du bassin de la Seine et constituant
une formation géologique distincte.
H fit rentrer dans cet ensemble, qu'il désigna sous le
nom deterrains tertiaires récents, outre un certain nombre
de dépôts d'eau douce (Val d'Arno, Issoire, etc), des for-
mations marines très nombreuses; le crag d'Angleterre,
les tufs coquillers de la Manche, de la Bretagne, de la
Loire, de la Touraine, de Mérignac, de Dax, de Salles, le
calcaire mϾllon et les sables de Montpellier, la Mollasse
ère du Rhône, la Mollasse et le Nagellue de
Suisse, les sables du bassin dé Vienne, les sables des
collines subapennines, les calcaires de Sicile, de Corse,de
Malte, de Sardaigi
Ces dépôts, qui pi ntent comme roche prédominante
et de graviers quarzeux, sont
tertiaires plus anciens, sur ce qu'elle est dans tous les
bassins à la fin de Ja série tertiaire et principalement sur
ce qu'elle est superposée en Touraine au calcaire d'eau
douce supérieur du bassin de Paris. Ainsi, Constant
Prévost avait formé groupe tertiaire supérieur et Vavait
rapproché d’une manière dubitative des couches marines
supérieures du même bassin; Desnoyers complète Mes
documents sur £e groupe tertiaire supérieur el démontre
qu'il est plus récent que les couches marines supérieures
et même que les couches d'eau douce supérieures du
bassin de la Seîne.
Après la fondation de la Société géologique de France,
en 1830, la valeur du caractère paléontologique fut une
des premières questions discutées,
Dans la séance du 2 mai 1834, Deshayes lut un mémoire
intitulé : Tableau comparatif des espèces de coquilles vivantes
avec les espèces de coquilles fossiles des terrains tertiaires de
l'Europe et des espèces fossiles de ces terrains entre eux (*).
Idistingueles terrainstertiaires des terrains secondaires
parce que ceux-ci ne contiennent à l'état fossile que des
espèces qui paraissent anéanties, tandis que les terrains
tertiaires offrent avec des espèces perdues, d'autres espèces
qui vivent encore de nos jours, On peut les diviser.en trois
grandes époques, parfaitement distinctes, d'après la pro-
portion numérique des espèces éleintes et des espèces
encore vivantes.
Proportion
d'espèces virantes
AN Epoque "2 2 COS
2 » DS RCU US TRS ES
Burns te le M roue st PE
Dans la première époque Deshayes range le bassin de
Paris, celui de Belgique, celui de Londres, celui de Valogne.
Dans la seconde : les faluns de Touraine, le bassin de
Bordeaux, la Superga près de Turin, les environs de
Montpellier, le bassin de Vienne,
La troisième époque comprend le terrain subapennin
de l'Italie, de Ja Sicile, des environs de Perpignan et le
Crag d'Angleterre,
En séparant le Crag et les marnes subapennines des
faluns des bassins de Bordeaux et de Vienne, Deshayes
élablissait une troisième division des terrains tertiaires,
postérieure à celles que Constant Prévostavaient reconnues,
(1) Bull, Soc. Géol. Fr. f, p 185,
La lecture de Deshayes fut approuvée paies £ù
Beaumont, Constant Prévost et Ami Boué:
Elie de Beaumont déclare qu'il était arrivé sé à
diviser les terrains tertiaires en (rois étages par une
méthode purement géologique. 1 ajoute que chacun de
ces étages renferme les ossements d'une génération parti-
culière de grands mammifères. à
Constant Prévost rappelle ses propres travaux.
Ami Boué dit qu'il a eu la même idée que Deshayes:
Cependant, il fit sur les principes des réservés qu'il sa
proposait de développer plus tard, el qui étaient bien moins
des réserves que de sérieuses objections, En effet dans les
séances du der et du 19 décembre de la même annéeil
présenta un mémoire intitulé: Essai pour apprécier des
avantages de la paléontologie appliquée à la géognoste et à ln
géologie. Nous n'avons pas ce mémoire, mais le Bulletin
de la Société Géologique en contient les conclusions, Boué
n'acceple le caractère paléontologique qu'à défaut d'autres,
lorsque la superposition est obscure. Cependant, il croît
que l'observation des fossiles est un guide commode dans
les bassins bien connus.
Aux attaques de Boué, Deshayes répondit par un exposé
magistral des principes de la paléontologie, exposé où,
après soixante ans d es, on n'a pas un mot à relrancher
et bien peu à ajouter. (!] Il est à reproduire en entier,
« Qu'est-ce que la Géologie? C'est la Science qui s'occupe
des couches de la terre dans leur nature et leurs rapports:
« Lorsque l'on a sous les yeux un grand nombre des
couches de la terre ou quand on les a loutes réunies dans
un tableau figuratif, l'idée simple qui nait de l'inspection:
de leur masse, c'est celle d'un espace de temps écoulé.
* Les couches de la terre ne représentent donc à l'esprit, en
{1} Bull, Soc, GéoL France 11, p. 88,
— 187 —
dernière analyse, qu'un long chronomètre dont nous
cherchons à connaître l'étendue. »
1 En examinant, en étudiant avec soin les couches de
la terre, on s'est bientôt aperçu qu'elles n'avaient pas
toutes été déposées sous l'influence des mêmes phéno-
mènes ; on entrevit en même temps que les mêmes
phénomènes avaient présidé en quelque sorte à la forma
tion d'un certain nombre de couches; on les groupa dès
lors, on brisa par la pensée la grande période, on la
décomposa en périodes plus petites, à chacune desquelles
on a donné le nom de formation. »
«“ S'il est vrai que les couches de la terre représentent
un long espace de temps, s'il est vrai que toules ces
couches n'ont pas été déposées sous l'influence d'un
même phénomène, mais que les phénomènes se sont
succédé à mesure que des groupes de couches ont été
formés, il faudra en conséquence que la définition la plus
simple d’une formation soit celle-ci : Un espace de temps
représenté par un certain nombre de couches de la terre,
déposées sous l'influence des mêmes phénomènes. n
“ Si cette définition simple d'une formation découle
naturellement de ce qui précède, si elle en. est la conelu-
sion, il devient de toute évidence qu'on ne peut limiter
une formation, sans avoir apprécié préalablement avec le
plus grand soin les phénomènes et leur valeur respective :
c'est là la conclusion logique. »
u Dès lors, on doit se demander qu'est-ce donc que ces
phénomènes, et d'abord sur quoi ont-ils agi ? »
«Il est évident qu'il n'ont eu d'action que sur deux
sortes de choses : de la matière inorganique et de la
matière organisée, »
« La matière inorganique ou minérale des couches est
extrèmement variable ; c’est un fait incontestablement
prouvé et établi par l'observation de tous les géologues :
— 188 —
ainsi une même couche pourra être marneuse, calcaire,
cristalline, siliceuse ou de sable ; elle sera tantôt blanche
ou de tout autre couleur, selon les circonstances locales
qui l’auront modifiée, etc. Les éléments chimiques sont
également variables. On ne peut donc pas dire que deux
couches que l'on ne voit pas en continuité sont du même
âge parce qu'elles ont la même composition minérale, »
« Lorsque l'on examine avec quelqueattention les corps
organisés contenus dans les couches terrestres, on oil
leurs espèces passer d’une couche à l'autre, quoique par
leurnature ces couches soient très diflérentes ; ces espèces
restent les mêmes ou subissent peu d'altération, quoique
la composition des couches qui les recèlent ait été consi-
dérablement modifiée. » .
« En admettant ces deux faits comme incontéstables et
ils le sont, c'est-à-dire que la composition minérale des
couches est très vi e, tandis que les débris d'êtres
urganisés qu'elles re! ent ne le sont qu'infiniment
moins, on peut conclure évidemment que, si l'on veut
trouver un yen, une mesure, pour déterminer les limites
d' une for: ion, on d ïit les chercher dans ce qui est le
«“ Cela sera d'au! 1 acile que nous avons sous
les yeux une de ces périodes, et que nous pouvons la
comparer avec une période de la nature ancienne, que
nous pouvons par approximation nous figurer cettenalure
ancienne, parce que nous avons avec elle un point fixe de
comparaison. »
« Dès lors une formation est une période zoologique ;
conçue rationnellement, elle est représentée par un cer-
AE
lain nombre des couches de la terre, recélant un ensemble
d'êtres organisés qui ne se trouvent que dans ces couches.
Il faut donc connaître les corps organisés pour décider les
limites des formations ; celté conclusion est de toute
rigueur, »
« Ainsi une formation ne sera pas limitée par le chan-
gement subit de la nature de la roche, par la position
contrastante des couches, par des phénomènes de soulé-
vement, de dislocation, ete, Tout cela peut fort bien
n'être que des accidents locaux ; tous ces accidents ont
pu survenir sans que les êtres vivants aient éprouvé d'alté-
ration, et c'est en eflet ce que l'observation démontre.
Mais quand on pourra dire : un tél ensemble d'êtres orga-
uisés a commencé à telle couche et a fini à telle autre
couche, et à cet ensemble en a succédé un autre qui ne
lui ressemble pas, on aura fixé définitivement la longueur
d'une période de vie ou d'une formation ; et il n’en faut
pas douter, dans l'ensemble des couches de la terre iby a
plusieurs de ces périodes. n
A la suite de fa communication de Deshayes, Dufrénoy
déclara qu'il était convaineu que les groupes paléontolo-
giques s'accordaient avec les groupes stratigraphiques
parce que les révolutions, qui ont suivi les soulèvements,
ont renouvelé la faune.
Plus que jamais l'idée de catastrophes multiples se
répandait dans l'esprit des géologues et unissait la théorie
des cataclysmes à celle des soulèvements,
Boué ne se lint pas pour baltu. 11 partit pour Bordeaux
afin d'étudier le calcaire marin de la Gironde. 1 écrivit à
la Société Géologique (!) que d'après l'examen des collec-
tions, il y a mélange des coquilles de Paris avee d'autres
espèces qui annoncent un dépôt plus récent, « mélange
(1) Séance du 16 avril 1832, — B, S. Géo, Fr, I p. 876.
inconciliable, dit-il avec le système de mm"
ment zoologique de Deshayes. »
La Société Géologique s'intéressait vivement à la diseus-
sion. Desnoyers, qui était alors secrétaire, écrivit au nom!
de la Société à Des Moulins, riche amateur d'histoire
naturelle à Bordeaux, pour lui demander son avis, Des
Moulins répondit (*}: « Le mélange des fossiles bordelais et
des fossiles parisiens est très évident dans les collections,
mais il est fortement modifié sur le terrain. » 1 distingue
trois niveaux fossilifères aux environs de Bordeaux:
19 Les faluns qui contiennent les fossiles d'apparence
récente ;
2 Le calcaire grossier de Laroque et de la rive droite de
la Garonne, où l'on trouve avec des fossiles des faluns
quelques fossiles des environs de Paris;
30 Le calcaire de Blaye et de Sainte-Estèphe qui est
le véritable calcaire grossier parisien, dont il contient Jes
fossiles.
Dufrénoy et Elie de Beaumont étant venus appuyer,
d'arguments straligraphiques, la déclaration importante
de Des Moulins, l'incident fut vidé en faveur de Deshayes.
Deshayes avait reconnu l'indépendance paléontologique
de la craie par rapport aux terrains tertiaires. 11 voulut
voir quelles relations avaient entre elles lés couches plus
anciennes. Dans ce but, il parcourut le bord oriental du
bassin de Paris et il vint communiquer le résultat de ses
études à la Société Géologique (*), dans sa séance du 5
février 1838.
1 ne formait qu'un seul groupe de tous les terrains de
sédiments antérieurs à la houille, car il y a des espèces
qui passent d’une couche à l'autre, depuis la Grauwacke
(4) Bull. Soc, Géol, Fr. 11, p 88.
(2) Bull. Soc, Géol. Fr. IX, p. 169.
— 19 —
jusque dans le terrain houiller proprement dit et même
dans le Zechstein, Le Muschelkalk lui a offert des coquilles
dont aucune ne se trouve ni dans la formation jurassique
qui le recouvre, ini dans la formation carbonifère qui est
en dessous. Quant au Grès bigarré, il lui a présenté
des espèces identiques à celles du Muschelkalk, ce qui
prouve les rapports intimes des deux étages.
Deshayes admet done cinq groupes de terrains carac-
térisés par ce fait qu'aucune espèce ne passe de l'un à
l'autre : « Cinq fois, dit-il, les générations se sont succédé,
sans présenter de rapports les unes avec les autres et
chaque fois il y a eu progression dans le nombre des
espèces el dans lé développement progressif des formes. »
Ces cinq groupes, qui sont ceux du carbonifère, du
trias, de l'oolithe, de la craie et des lerrains térliaires,
sont divisés en étages, reliés entre eux par quelques
espèces communes,
Rozel approuva les divisions au nom des géologues .
purs, c'est-à-dire des stratigraphes. Probablement il parla
des époques de soulèvement, car Deshayes lui répondit
que les soulèvements qui s'étaient produits pendant
certaines formations, n'avaient pas changé complétement
les espèces animales qui s'y développaient.
Deshayes reconnaissait que les limites desdivers groupes
n'étaient pas encore bien précisées. Peut-être acceptait-il
l'idée que les renouvellements complets de faune ont été
déterminés par des calaclysmes dus aux grands soulé-
vements, car Constant Prévost, l'adversaire bien connu des
cataclysmes, après avoir approuvé, d'une manière générale
la concordance entre les groupes géologiques et les
groupes paléontologiques, se hâte d'ajouter « qu'il n'y
a pas toujours coïncidence entre ces groupes et les grandes
époques de dislocation, puisque c’est pendant le dépôt
des terrains tertiaires dont Deshayes ne fait qu’un seul
groupe, qué se sont produits les plus grands phénomènes
de ce genre. n
Puis viennent, dans la même séance ou dans une
séance suivante, une série d'objections contre la méthode
paléontologique, objections que Constant Prévost'est le
premier à poser ou à faire valoir, Ainsi il fait remarquer
que les études de Deshayes ne portent quesur une aire
infiniment petile de la surface du globe et que ce serait
trop présumer que d'en vouloir déduire des lois générales:
F. Lajoye, relève Ja difficulté qu'il y a à définir une espèce,
et par conséquent l'incertitude des caractères tirés de ‘ls
distinction des espèces pour déterminer l'âge d'une couche.
Deshayes reconnut la dificulté réelle des déterminations,
et dit que pour être bien faites, elles exigent de nombreux
matériaux. IL eût pu ajouter que si Lamarck, Cuvier,
Blainville, Geoffroy Saint-Hilaire ne pouvaient pas s'en-
tendre sur la définition théorique de l'espèce, ils s'accor-
daient parfaitement en pratique, quand ils se trouvaient
en présence de la nature, pour distinguer et caractériser
Lajoye fit aussi observer que dans les conditions
actuelles, les esp varient avec la latitude. Boubée
ajouta qu 'elles varient avec la nature des sédiments el
avec la profondeur.
De Verneuil, tout paléontologiste qu'il était, objéeta[1}n
que des savants éminents citaient la même espèce dans
deux groupes géologiques, lels que Ananchytes ovata et
Micraster cor anguinum qui se trouveraient à la fois dans
le Crétacé et dans le Jurassique,
Il ajoutait que Bronn dans son Lethœa geognostica avait
signalé certains étages comme renfermant les fossiles qui
appartiennent généralement à des terrains différents.
(1) Buu. Soc. Géol., Fr. IX, p. 185.
—4109—
Ainsi les schistes des Alpes, où l'on rencontre des plantes
houillères avec des Bélemnites du lias ; les terrains
salifères de Salzbourg, contenant des fossiles du calcaire
de montagne avec ceux du lias et de l'oolithe (1) ; les
calcaires de Saint-Cassian, où l'ontrouveréunies des formes
caractéristiques du muschelkalk et du jurassique ; la craie
des Pyrénées qui renferme des fossiles tertiaires ; celle de
Gossau et celle de Cressenberg qui sont dans le même cas.
Deshayes reconaut l'importance de ces objections; il y
répondit en faisant appel à une étude plus sérieuse des
fossiles,
Il aurait pu aussi en appeler au progrès de la strati-
graphie, qui, après bien des efforts, finit par résoudre, en
faveur des lois paléontologiques, le problème posé par la
coexistence des Fougères houillères et des Bélemnites
liasiques dans les Alpes. Les autres faits, cités par Bronn
et par de Verneuil, lénaient soil à des erreurs stratigra-
phiques que la paléontologie était appelée à corriger, soit à
des fautes de détermination, soit à l'appréciation fausse
des caractères paléontologiques que l'on commençait
seulement à appliquer.
La discussion reprit dans la séance du 46 avril, Constant
Prévost soutint que les dépôts contemporains peuvent
avoir des caractères zoologiques différents, tandis qu'il
peut y avoir de grandes ressemblances, entre les fossiles
de deux dépôts d'âges divers (*).
Deshayes ayant défendu ses doctrines, Constant Prévost
eita un exemple : l'Amérique, avant l'arrivée des Conquis-
tadores, avait sa faune spéciale de tapirs, de lamas, ete. ;
elle ne contenait ni chevaux, ni chèvres, ni bœufs, ni
Ü) De Verneuil méllait en mème temps sous les veux dé là
Société un échantillon de calcaire de Salzbourg contenant des
Ammonites et un Orthocère,
(2) Bull. Soc. Géol. Fr., IX, p. 263,
13
= —
lapins, ni rats. Les Espagnols y portèrent ces animaux qui
s'y multiplièrent avec la plus grande rapidité et la plus
grande fécondité excluant peu à peu les espèces primitives.
Un géologue des âges futurs, entrouvant dans lessédiments
des fleuves américains actuels des chevaux et des bœufs,
jugera qu'ils sont exactement de même âge que ceux qui
contiennent les mêmes fossiles sur l'ancien continent Al
croira aussi que les sédiments antérieurs, précolombiens,
sont plus anciens que ceux qui renferment en Europe la
faune des bœufs et des chevaux, plus anciens que les
sédiments des époques romaine, grecque ou même
égyptienne. Le résultat, qui dans le cas cité est le fait de
l'homme, serait le méme si les deux continents venaient à
être réunis pour un certain lemps par suile dés mou»
vements du sol, circonstance qui a dû se reproduire
plusieurs fois dans les anciennes époques.
Il n'y aurait eu, dit en terminant Constant Prévost, ni
destruction brusque et complète des espèces, ni création
de types nouveaux, On sent dans cette dernière phrase,
l'influence de l'opinion de Blainville sur la création simule
tanée de tous les êtres vi
La théorie de BI e est aujourd'hui peu connue ;
elle est tombée absolument dans l'oubli et elle le mérites
Blainville était, comme Cuvier, partisan de la fixité de
l'espèce, mais il la comprenait dans un sens très large,
en réunissant dans une même espèce dés formes que la
plupart des naturalistes regardent comme des espèces
différentes. 7
Il supposait que toutes les espèces vivant actuellement
ou ayant vécu dans les temps géologiques avaient été
créées en même temps el disséminées sur tout le globe.
IL admettait que les faunes, c'est-à-dire les groupes
d'espèces compatriotes se déplaçaient à la surface de I
lerre.
= Au —
Ainsi, une portion de la terre, peuplée par la faune À,
aurait vu un jour celle-ci partir et être remplacé par Ja
faune B, qui vivait ailleurs ; plus tard la faune B s’en va
ut la faune C lui succède, après avoir quitté son ancienne
patrie.
Dans ces migrations successives une foule de types
périssaient ; ce sont ceux qui n'existent plus qu'à l'état
fossile, L'ensemble de l'animalité allait donc toujours en
s'amoindrissant.
On est tenté de croire qu'il fallait l'enthousiasme et
l'éloquence de Blainville pour faire accepter une hypothèse
si contraire aux constatations les plus simples de la paléon-
tologie. Cependant la théorie de la translation, comme on
l'appelait, était encore professée en 1858 par Flourens au
Muséum d'Histoire Naturelle.
Quand on voit un génie comme Blainville, un savant
érudit comme Flourens, imaginer et enseigner des concep-
tions aussi étranges, on se fait une idée des progrès
immenses que la géologie a faits depuis cinquante ans.
Deshayes se borna à répondre que les formations d’une
même époque se lient par l'universalité et la prédominance
de certaines espèces. Dans le cas cité les alluvions pré-
colombiennes et post-colombiennes seraient liées par la
présence de l'homme,
Néanmoins, l'objection était sérieuse, elle se dressa et
se dressé encore plus d'une fois devant les affirmations des
paléontologistes.
Dans le cours de la discussion Constant Prévost,
avait repoussé une hypothèse cataclystique due à Agassiz.
C'était le moment où la conception de l'extension des
glaciers à l'époque quaternaire commencait à pénétrer dans
l'esprit des géologues. Agassiz croyait que l'on devait
attribuer au froid de l'époque glaciaire la destruction des
animaux antérieurs à la faune actuelle, et il ajoutait que
— 196 —
les changements dans les diverses couches de sédiments
doivent avoir été influencés par des changements correse
pondants dans la température atmosphérique.
Constant Prévost, toujours opposé à l'idée des catas
clysmes, objecta que si un froid rigoureux avait détruit
tous les animaux de la période crayeuse, par exemple, il
devrait ensuite s'être formé, pendant quelques temps des
couches sans fossiles, car les animaux de la nouvellé
création ne pouvaient devenir nombreux qu'au boul d'un
certain laps de temps, Au contraire les premières couches
térliairés, au contact de la craie, sont remplies d'une
quantité prodigieuse d'animaux. Il n'y a donc pas eu
interruption dans le développement de la vie.
La discussion recommença (!) dans la séance du 3 juin
1839. Constant Prévost ayant présenté un tableau des
terrains, où il les divisait seulement en trois groupés :
primaires, secondaires, tertiaires, Deshayes prit la parole
pour défendre sa division en cinq groupes. I l'appuya sur
l'autorité d'autres paléontologistes, Ad. Brongniart, Milne
Edwards, Agassiz, dont les études sur les végétaux, les
polypiers el les poissons concordaient à faire considérer
ces cinq groupes géologiques, comme indépendants,
Constant Prévost ne nie pas que dans l'état actuel, Ja:
division en cinq groupes ne fût fondée sur des faits
positifs; mais il ne la eroit pas le dernier motde la science,
Il se demande si on n'arrivera pas à établir un plus grand
nombre de groupes ; si entre ces groupes, alors bien
tranchés paléontologiquement, ne viendront pas s'inter-
caler des formations intermédiaires, où l'on trouvera
réunis des fossiles considérés pour le moment commé
spéciaux à deux groupes différents.
Non seulement il se fait ces demandes, mais ily répond.
{1} B. S. Géol., Fr,, IX. p. 943.
A4 —
affirmativement : w Il croit devoir admettre à priori que
cela sera ; car autrement on serait entraîné à cette consé-
quence qu'il ÿ aurait eu sur la terre cinq créations indé-
pendantes, qui auraient succédé à la destruction complète
de tout ce qui existait précédemment; hypothèse que
l'uniformité dans le plan d'organisation des êtres, leur
étude philosophique, celle de la marche de la nature
el des phénomènes dont nous sommes témoins ne semble
pas appuyer. n
Quand un groupe succède à un autre, il présente de suite
une faune très nombreuse. Constant Prévost ne comprend
pas une création instantanée si féconde en espèces et en
individus. Le fait s'expliquerait plus facilément en
supposant qu'un dépôt avec ses êtres vivants spéciaux
vient succéder à un autre dépôt autrement habité. C'est
ce qui pourrail arriver, pense-Lil, par une cause toute
naturelle, comme la rupture de l'isthme de Suez ou de
l'Isthme de Panama.
Peut-être se faisail-il illusion sur l'importance géolo-
gique des communications établies entre deux mers. Ce
qu'il osait à peine demander à un phénomène géologique,
le génie de l'homme devait le faire, L'ouverture du
canal de Suez a permis à quelques animaux de la Mer
rouge de passer dans la Méditerranée et inversement ;
mais la faune de l'une ou l'autre mer n'a pas été modifiée
dans son ensemble. 1 en serait peut-être autrement, si le
percement de l'isthme avait établi un courant qui aurait
eu pour résultat dé changer la nature des sédiments.
Des modifications dans la faune se produiraient très
probablement, si des eaux chargées d'argile venaient
apporter leurs troubles boueux dans un bassin aux eaux
claires ; les animaux, qui peuplaient ce bassin, s'enfui-
raient où périraient dès l'abord et une population plus
robuste viendrait s'y substituer,
Ce sont ces idées qui ont été développées dans un
autre chapitre et qui règnent maintenant dans la science
sous le nom de théorie des faciès.
Deshayes s'était fort peu occupé des terrains i
à la houille, qui alors, n'étaient guère connus ; Werner les
avait appelés terrains de transition, parce qu'il les trouvait
intermédiaires entre les terrains primitits, massifs et
crislallisés, tels que le granite, et les terrains secondaires,
déposés sous l'eau, comme le démontraient leurs couches
horizontales et leurs fossiles, Les roches de transition
avaient quelques caractères minéralogiques des premiers
éL on y trouvait des fossiles comme dans les seconds.
En Allemagne, on désignait une grande partie de Les
couches de transition sous le nom de Grauwacke; en
Angleterre, on y avait distingué le Calcaire de montagne,
que ses rapports intimes avec la houille avaient fait
nommer Calcaire carbonifére, et le Vieux grès x 5
en Belgique, d'O d'Halloy et Dumont ava
divisé les terrains anciens en terrains anthracifére et
lerrain ardoisier, et ils y avaient établi des subdivisions
basées uniquement sur la stratigraphie et les caractères
lithologiques. S'il y avait déjà eu des publications impots
tantes et très utiles sur la paléontologie de ces terrains,
on peut dire qu'elles n'avaient apporté aucune vue
stratigraphique,
La lumière commença à se faire en Angleterre par les
travaux de Sedgwick et de Murchison (1835). En étudiant
dans le pays de Galles les terrains inférieurs au grès rouge,
ces géologues y établirent deux divisions: silurien, et
cambrien ; mais ils ne les fondaient pas encore sur une
base paléontologique, car Murchison reconnaissail que les
fossiles du Bala, qu'il plaçait dans le cambrien, étaient les
mêmes que ceux du Caradoc dont il faisait une divisior
du silurien. [l constatait toutefois que les deux nouveaux
groupes avaient des fossiles différents de ceux du calcaire
carbonifère.
Deux ans aprés (1837), Lonsdale ayant examiné une
série de fossiles du Devonshire, leur trouva des caractères
intermédiaires entre ceux du calcaire carbonifère et ceux
du système silurien. 1l eut l'idée que les schisles calca-
rifères qui les contenaient, devaient représenter le vieux
grès rouge du Nord de l'Angleterre et il la communiqua à
ses amis Sedgwick et Murchison. Ceux-ci étudiérent la
question au point de vue stratigraphique, adoptèrent les
idées de Lonsdale et formèrent un nouveau groupe qu'ils
nommérent devonien, Puis ils parcoururent le continent
pour y étudier les dépôts contemporains des divisions
qu'ils avaient établies en Angleterre. I ne leur fut pas
difficile de les reconnaitre dans le Boulonnais, en Belgique
et en Allemagne.
Quelle était la valeur de ces groupes géologiques au
point de vue de la science générale ?
On a vu que Deshayes avait admis que la grauwacke du
Rhin avait des fossiles communs avec les couches supé-
rieures, même avec le terrain houiller et le zechstein. Les
divisions des terrains anciens n'étaient donc à ses yeux
que des étages de la même valeur, que les divers étages de
la craie ou du jurassique,
De Verneuil avail accompagné Sedgwiek et Murchison
dans un de leurs voyages dans les contrées Rhénanes, qu'il
avait déjà visitées plusieurs fois pour recueillir les beaux
fossiles de l'Eifel, Sur les instances des géologues anglais,
il entreprit avec son ami d’Archiac une description des
fossiles de ces roches anciennes. Ils reconnurent bientôt
l'immensité du travail, et virent qu'il serait l'œuvre d'une
vie entière, si mème il était possible. Ils résolurent donc
de faire une halte, comme ils le disent eux-mêmes, et de
constater l'élai présent de la science en publiant un species
— 200 —
de la faune des terrains anciens (!). lis l'iccompagnèrent
d'une introduetion intitulée : Coup d'œil Dh"
des dépôts palæwzoiques.
Entre autres conclusions, ils posent en principe qu'il
n'y a pas eu de changements brusques el complets
pendant la période paléozoïque et que les trois systèmes
de cette période se relient par un petit nombre d'espèces
communes, C’élait une confirmation de ce qu'avait tit
Deshayes, confirmation appuyée sur des faits infiniment
plus nombreux. Mais là où ils se séparent de Deshayes,
c'est lorsqu'ils ajoutent, sans preuves, qu'ila dtenlétrede
même pendant la formation des couches secondaires,
c'est-à-dire pendant tous les temps géologiques. Hs nient
que les soulèvements aient pu occasionner la destruction
complète des animaux qui vivaient loin du théâtre de ces
bouleversements. Ils formulent, en outre, quelques lois
paléontologiques importantes, entre autres les deux
suivantes :
Les espèces qui se lrouvent à la fois dans un grand
nombre de points et dans des pays très éloignés les ins
des autres sont celles qui ont presque toujours véeu
pendant la formation de plusieurs systèmes consécutifs:
Les espèces qui appartiennent à un seul système
s'observent rarement à de grandes distances,
Le peu d'intérêt qu'on attachait alors en France à l'étude
des terrains primaires fit qu'on ne lut guère le mémoire
de d'Archiac et de de Verneuil,
Le Ier septembre 1842 d'Orbigny présentait à la Société
Géologique de France, en session extraordinaire à Grenoble
la prémière livraison de la Paléontologie françaises
« J'ai entrepris ce dernier ouvrage, écrit-il, dans le bul
de populariser en France, le goût de la géologie en donnant
(1) Memoir on the fossils of Une Older déposits in the Rhenish
provinees 1842.
NN
aux adeptes de cette science des moyens plus faciles
d'étudier les nombreux fossiles de notre territoire. W
Œuvre colossale, qu'il devait laisser à peine ébauchée.
Néanmoins, ilatteignit le but qu'il se proposait; Îl permit
aux collectionneurs de déterminer leurs fossiles et fl donna
une impulsion des plus puissantes aux études géologiques.
Les paléontologistes se multiplièrent; les déterminations
devinrent plus sûres, plus précises; par suite, le nombre
des espèces communes à plusieurs terrains diminua ainsi
que l'avait prévu Deshayes. La méthode paléontologique
gagna en sécurité ; elle allait l'emporter dans l'esprit des
savants, mais elle avait encore un assaut à subir.
Le 10 avril 1847, Dumont lut, à l'Académie Royale de
Bruxelles, une note sur la valeur du caractère paléon-
tologique en Géologie (*).
Après avoir rappelé la dificulté et l'incertitude des
détérminations spécifiques, il veut bien admettre qu'à
l'aide des fossiles connus, on pourra distinguer deux
couches très éloignées l'une de l'autre, mais il ajoute que,
si on montrait à un paléontologiste des fossiles nouveaur
de deux couches contigües, il ne pourrait pas dire laquelle
de ces deux couches est la plus ancienne,
I s'arme des deux déclarations de Verneuil et d'Archiac
pour dire que, puisque les espèces propres à une couche
n'occupent qu'une très petite surface géographique, elles
né peuvent, dès lors, caractériser la couche dans toute
son étendue, De même, quand une espèce occupe une
grande surface, elle se rencontre dans plusieurs couches
el même dans plusieurs systèmes de couches, Done,
s'écrie-t-il victorieusement, il n'existe pas d'espèces
caractéristiques d'une couche pour tous les points du
globe.
(1) Ac. Roy. Belg. XIV 1847 4* partie p. 292.
Il arrive à deux autres arguments plus sérieux, basés,
sur ce que dans la nature actuelle les espèces varient
avec la nature des milieux, la pression, la température, et
qu'il a dû en étre de même dans les Lemps anciens, |
Sur les bords des mers actuelles, on peut distinguerdes
zônes bathymétriques, de profondeur croissante, habitées
par des espèces différentes. Il en a été de même à toutes
les époques. Désignons les diverses faunes bathymétriques
d'une première époque, par les lettres À, B, C, D, ele,
Admettons que le sol se soulève, Après le soulèvement,
dans la seconde époque, la zône À sera exondée eb les
dépôts continueront à se faire au-dessus des zônes B € D.
Mais comme leur profondeur a varié et que la nature des
animaux dépend de la profondeur, la zône B sera recou-
verte par la faune A’, semblable à la faune À; la zûne &
par une faune B' semblable à la faune B; la zône D par
une faune €’ semblable à C. Troisième époque : nouveau
soulèvement, nouveau recul du rivage, nouveau chan
gement bathymétrique: Sur B' se dépose la faune AN,
sur C' la faune B", Les paléontologistes, en constatant
la présence d'espèces semblables en A, A', A”, AM,
réuniraient ces zônes, les croiraient de même âge el
commettraient ainsi une erreur,
Une autre objection qui paraissait non moins sérieuse
était la suivante : La vie n'a pu commencer surle globe
qu'après une certaine période de refroidissement, lorsque
la température à atteint 90° par exemple.
Le refroidissement a commencé par les pôles. Là, se
développait la faune À. Le refroidissement augmentant, la
vie a pu gagner vers l'équateur dans la zdne tempérée par
exemple, et comme les animaux sont en rapport avec la
température, il s'y est développé une faune A’ analogue
la faune A. Pendant ce temps, la faune B avait succédé à
la faune À. dans la zône polaire,
Le refroidissement gagne encore, la faune C se produit
au pôle pendant que la faune B' vit dans la zône tempérée
et la faune A” dans les contrées tropicales,
Le paléontologiste, en admettant la contemporanéité
des faunes À, A', A" d'une part, B, B', B" d'autre part,
commetlra une erreur.
Il est done démontré, conclut Dumont, que des êtres
analogues vivaient à des temps différents. De là, à dire
que la paléontologie est une cause d'erreur, il n'y avait
qu'un pas et Dumont ne se fai pas faute de le franchir.
De Koninck répondit à Dumont (!}. fl lui reprocha très
justement d'avoir raisonné à priori, tandis que les lois
paléontologiques sont basées sur l'observation, mais il
ne réfuta pas ses arguments. Il eut aussi le tort de faire
dégénérer la discussion en une querelle personnelle, dont
il n'y a plus à se préoccuper.
Dumont, malgré toutes ses prélentions à la rigueur
mathématique, malgré ses formules algébriques, avait
oublié un puissant facteur : le temps. Cette négligence
suflisait à fausser lous ses raisonnements, La note de
Dumont fut lue à la Société Géologique de France dans la
séance du 19 avril 1847, Elle n'y eut aucun succès ; elle
fut combattue par de Verneuil, Michelin, Hébert.
Frappoli essaya de soutenir les vues de Dumont, en
faisant valoir les résultats où étaient arrivés les maitres
de la science sans le secours du caractère paléontologique,
singulier raisonnement, qui rappelle celui qu'on faisait à
peu près à la même époque sur un autre sujet. On à
accompli de beaux et longs voyages en diligence, disait
Arago, done nous n'avons pas besoin de chemins de fer.
Dans la même séance (2), de Verneuil fit à la note de
Dumont une réponse péremptoire et sans réplique pos-
(1) Ac. Royal Bel., XIV, 1847, 2 partie, p. 62,
(2) Bull. S. G, Fr, 2 série p, 646.
— 204 —
sible. Il revenait d'étudier les terrains anciens de L'Amé
rique. 11 les compara à ceux de l'Europe et reconnut que
les espèces identiques ont véeu à la méme époque en
Amérique et en Europe, qu'elles y ont eu à peu prés Ia
mème durée et qu'elles s'y succèdent les nes NAS
dans le même ordre.
l conclut en ces termes : « Les premières traces de
la vie organique, dans les contrées les plus distantes/se
montrent sous des formes à peu près semblables 4 Ua
base du système silurien, et les mêmes types, souvent les
mêmes espèces se développent successivement el parals
lélement à travers toute la série des couches paléozoïques-n
« Si nous n'avons pas réussi à lever le voile qui nous
cache encore les causes de ce grand phénomène, au moins
nos observations démontrent-elles l'ineficacité de celles
par lesquelles certains auteurs cherchent à l'expliquer:
Elles prouvent, en eflet, que le phénomène lui-même est
indépendant de l'influence qu'exerce sur la distribution
des animaux la différence des profondeurs des mers.
Elles prouvent que, dans son expression généralé, il'est
indépendant des soulèvements qui ont affecté la surface
du globe, car depuis la frontière orientale de Ja Russie,
jusqu'au Missouri nou près des lignes de dislocation,
dans les couches qui sont horizontales, comme dans celles
qui sont redressées, la loi, suivant laquelle il s'accomplit,
parait uniforme, »
On peut dire que le mémoire de de Verneuil établissait
pour la première fois, la paléontologie stratigraphique
sur une base inébranlable. Jusqu'alors les observations
s'étaient bornées à un petit coin du globe, à l'Europe;
avec de Verneuil, elles s'étendent aux deux continents et
donnent les mêmes résultats. La succession des faunes
apparall comme un phénomène dépendant d'une loi
générale que les uns considèrent comme la loi d'évolution
— 905 —
des êtres vivants, et où d'autres, plus nombreux, voient
le développement général du plan du Créateur,
Quelle que soit l'opinion philosophique adoptée, il y avait
encore à déterminer le procédé de ces tranformations.
En France, la théorie des cataclysmes et des créations
successives élait dominante ; d'Orbigny en était le porte-
drapeau.
Voici les propositions que l'on trouve dans son cours
de géologie stratigraphique publié en 1847 et 1848,
“ Les animaux sont répartis par étages, suivant les
époques géologiques. Chacune de ces époques présente
en effet à la surface du globe une faune distincle, carae-
térisée par des formes spéciales et par des espèces
identiquement les mêmes partout, à (1)
“ Les animaux, ne montrant dans leurs formes spéci-
tiques aucune transition, se sont succédé à la surface du
globe non par passage, mais par extinction des races
existantes et par la création successive des espèces à
chaque époque géologique. »(?}
« La fin de chaque grande période a été marquée par
l'anéantissement des êtres composant la faune de chacune
de ces périodes el une faune nouvelle s'est ensuite mani-
festée à la surface du globe, » (}
« Chaque fois qu'un système de montagne a surgi au-
dessus des océans, la faune existante a été anéantie par le
mouvement prolongé des eaux sur les points disloqués et
sur ceux qui ne le sont pas, et une nouvelle période d'exis-
tence ne s'est manifestée que longtemps après le repos de
la nature. » (*)
Ainsi, pour d'Orbigny, il n'y a pas de transition entre
les formes spécifiques ; la substitution d'une faune à une
autre s'est opérée non par passage graduel, mais par
(1) Loc. eit., p, 156; (2) 1d., p. 186: (8) 1d., p. 454; (4) 1d., p. 130.
= 206 —
renouvellement complet, après la destruetion de toutes
les espèces existantes, par un cataclysme général el les
calaclysmes ont eu pour cause le soulèvement des chaînes
de montagne.
Il admet que quelques espèces ont pu survivre aux cata-
clysmes et se trouver ainsi dans deux étages successifs ;
mais il croit ces cas très rares. Quant à des formes ana-
logues, qui seraient séparées par des intervalles de
quelques étages, il n'en connait pas. Il déclare même
franchement que s'il en trouvait, quelle que fût leur
ressemblance, il les considérait comme des espèces dilté-
rentes.
Il compte 28 étages séparés par 27 calaclysmes. Aux
philosophes qui lui reprochaient de condamner le Créateur
au supplice de Sysiphe roulant sans cesse son caillou,
puisqu'il l'oblige à reconstruire le monde vivant chaque
fois qu'il l'a laissé détruire, il répond : « Pourquoi veut-on
donner des entraves à la puissance créatrice ? Pourquoi
veut-on empêcher la nature de reproduire, à diverses
reprises dans les âges du monde, des formes analogues,
sinon identiques, surtout lorsque le temps et l'espace les
séparent ? »
Que devait dire Constant Prévost qui, sollicité par
quelques amis, s'était fait suppléer en 1847 par d'Orbigny
dans sa chaire de la Sorbonne. Il en parlait plus tard en
soupirant et disait : « J'ai eu trop de faiblesse !, n 1 jugeu
même à propos de protester dans un de ses cours contre
le titre de Professeur suppléant à la Faculté des Sciences
de Paris, que d'Orbigny avait pris dans l'ouvrage, où il se
mellait en désaccord si complet avec le titulaire de la
chaire.
Comme tous les géologues ses contemporains, Elie de
Beaumont, d'Omalius d'Halloy et bien d'autres, Constant
Prodome. — Introduction XXXIX.
= 7 —
Prévost ne croyait pas que les fossiles fussent des guides
certains pour déterminer l’âge géologique d'une couche,
I voyait les exagérations de d'Orbigny et deses disciples ;
il devinait les discussions au sujet des espèces, dont les
unes sont caractéristiques et dont les autres ne le sont
pas. Lui qui un des premiers avait montré tout le parti
qu'on peut tirer de la paléontologie pour la détermination
de l’âge du sol, il voulut faire machine à rebours. Mais il
n'était plus au courant de la science, il n'avait aucun fait
à opposer aux observations qui s'accumulaient et établis-
saient sur des bases inébranlables la valeur du caractère
paléontologique. 11 se borna à des protestations générales,
à des exposés de principes, que l'on écoutait par respect
pour son âge, mais qu'on ne se donnait même plus la
peine de discuter.
Du reste, ses principes sont purement négatifs. Il doute
de tout, il combat toutes les hypothèses, il ne propose
aucune théorie,
Le 30 septembre 4850, il lut à l'Académie des Sciences (1),
une série de propositions sur la fossilisation et l'emploi
des fossiles en géologie; il les fait précéder des phrases
suivantes qui résument sa pensée. « J'ai été conduit à croire
et je persiste à penser que, depuis le moment où les con-
ditions indispensables à la vie se sont trouvées réunies à
la surface de la terre, les végétaux et les animaux créés
par une puissance, qu’il n'est pas plus permis à la science
de définir que de nier, n'ont pas cessé de peupler sa surface
sans interruption et sous des conditions essentiellement
semblables à celles sous lesquelles ils se sont propagés
jusqu'au moment actuel, »
“ Les premiers ou plus anciens des êtres sont liés si
intimement par une organisation commune avec ceux qui
(1) C. R. Acad. Se. XXXI. 1850, p. 481.
— 208 —
sont les contemporains de l'homme, que l'on ne peut
considérer les uns et les autres que comme les partiès
d'un grand Lou indivisible dont la conception a été une
œuvre unique, dont le temps el aucun événement ou cali-
clysme imprévu n'aurait interrompu ou altéré le déve-
loppement. Ce seraient done autant de préjugés sans
fondement géologique, que de eroire :
19 Que la création aurait été une et instantanée plutôt
que multiple, locale et successive.
2 Que les organisations simples d'abord, auraient été
se perfectionnant et se modifiant insensiblement ou révo-
lulionnairement en raison de changements survenus dans
les circonstances extérieures et dans la composition des
milieux ambiants.
4 Que des causes violentes auraient à diverses reprises
anéanti toutes les existences, et qu'après les crises passées,
de nouvelles créations seraient venues réparer le dommage.
4 Que des individus d'une même espèce auraient instan-
tanément apparu ou disparu sur les points les plus éloignés
les uns des autres.
3% Que l'inventaire des débris fossiles, recueillis jusqu'à
présent par les paléontologistes, dans les divers lérrains,
puisse donner une idée approximative des flores et des
faunes successives.
6° Que, par conséquent, les comparaisons, les rappro-
chements entre des portions du sol de contrées éloignées
puissent être mathématiquement établis au moyens des
proportions numériques données par le nombre plus
ou moins grand des espèces communes, particulières,
analogues, identiques, recueillies dans des dépôts, dont les
rapports de position ne peuvent étre constatés direc-
tement. »
Ainsi, Constant Prévost reniait presque, en 4850, les
opinions qui l'avaient guidé dans ses premiers travaux
géologiques. T1 penchait à adopter les théories de Blainville
qui sont la négation de toute histoire paléontologique
des êtres vivants, de toute application convaineue de leur
étude à la détermination des terrains. I arrivait à formuler
la doctrine décourageante que Lyell, Darwin et leurs
adeptes ont reprise, quand ils proclament l'insuflisance
irrémédiable des documents paléontologiques.
Certainement, le savant doit toujours avoir à la pensée,
l'idée que la science n'est pas complèle, que sans cesse
elle progresse, que les moyens d'investigation augmentent
el que ce qui est connu n'es rien auprès de ce qui reste
à découvrir. Mais, quand il construit un système, quand il
énonce des propositions, il doit se baser sur des faits
po el ne pas se borner à des négations, ni à des doutes,
I ne doil pas prendre comme point de départ de ses
raisonnements les lacunes de Ja science, ni une ignorance
vraie où supposée,
I peut réclamer d'une théorie qu'elle ne soit contraire
à aucun fait; il peut même à la rigueur lui demander
d'expliquer tous les faits connus; mais il n'a pas le droit
d'exiger qu'elle se plie à des conceptions hypothétiques,
ni qu'elle s'applique aux phénomènes à découvrir. De
deux choses l'une, ou ces futures observations seront
conformes à la théorie et en constitueront une nouvelle
preuve, ou celle-ci ne pourra pas les expliquer; il faudra
alors la compléter, la modifier où même l'abandonner
complétement. Mieux vaut pour le progrès une erreur
que l'on peut détruire, que le doute général qui supprime
toute initiative.
Quelques savants ne l'entendent pas ainsi; leur doute va
jusqu'à l'incrédulité. Pour eux, une théorie n'est qu'un
système ingénieux qui permet de synthétiser certains
phénomènes, mais qui n'a aucune importance réelle. Is
Lu
— 210 —
adoptent deux théories contradictoires, l’une pour expli-
quer quelques faits et l'autre pour en expliquer d’autres.
On doit repousser cette manière par trop éclectique de
concevoir la science. On doit avoir foi en ses théories, on
doit les considérer comme l’expression, sinon de la science
immuable, au moins de la science présente.
Travaux sur les Formations Plutonniennes
CHAPITRE VIII
ILE JULIA
En août 1831, on apprit à Paris par les journaux qu'une
Île venait d'apparaltre au milieu de la Méditerranée, entre
la Sicile et l'Afrique. On racontait que la surface de la
imer était devenue bouillonnante, que du sein des eaux
étaient sorties avec fracas des gerbes de feu, qui retom-
en pluie de pierres el qu'enfin une nouvelle île
aru. 11 y avait là un sujet d'études bien digne de
l'attention des savants. Mais l'intérét scientifique ne fut
pas l'idée dominante; on pensa immédiatement aux consé-
quences politiques.
La nouvelle île n'était-elle pas le premier point d’une
chaine de montagnes qui allait se soulever et réunir la
Sicile à la Tunisie? Le détroit de Messine n'allait-il pas
devenir l'unique passage pour aller en Orient ? Le
— 212 —
commerce du Levant dépendrait donc du bon vouloir du
roi des Deux-Siciles, et Malte perdrait son importance
Stratégique pour la marine anglaise. À qui allait appar-
tenir la nouvelle terre ?
Le gouvernement sicilien expédia la corvette l'£tna sous
le commandement du signor Cacace. L'amiral Hotham, qui
commandait la flotte anglaise à Malte, envoya d'abord le
capitaine Swinburn avec le sloop le Hapide. Tous deux
furent en vue du volcan dans les journées du 17 au 19
juillet. Us fixérent sa position, mais ils ne purent y
débarquer.
Le 4 août, l'amiral Hotham envoya un nouveau navire,
le cutter Hund sous les ordres du capitaine Senhouse, Ce
marin débarqua le premier sur l'ile. H en prit possession
au nom de Sa Majesté Britannique el lui donna le nom
d'ile Graham, Mais déjà les Siciliens l'avaient nommée
Ferdinandea en l'honneur de leur roi, tandis que d’autres
marins, et d'après eux les journaux, l'avaient appelée
Nérita, parce qu'ils la supposaient située sur le banc sous-
marin qui portait ce nom dans la carte de Smith (').
Le gouvernement français, au lendemain de la conquête
d'Alger, ne devait pas rester insensible à un événement
qui pouvait changer complètement les rapports de l'Europe
et de l'Afrique. 1! décida aussitôt l'envoi d'un bâtiment et
il proposa à l'Académie d'adjoindre un géologue à l'expé-
dition.
(1) On lu nommu aussi ile Corrao du nom du capilaine du
brick napolilain La Thérésine, qui vit l'ile Le 16 juillet ot le
capitaine Swinburn, plus courlisan que Le capitaine Senhouse, lui
avait donné le nom d'Hotham en l'honneur de l'amiral anglais.
On verra plus loin que Constant Prévost là nomima lle Julia.
C'était beaucoup de noms pour une terre qui ne devait pas sub.
sister plus de trois mois.
— 213 —
Constant Prévost assistait à la séance.Il demanda immé-
diatement à être chargé de la mission. Dans la séance
suivante il fut désigné sur un rapport signé de Cordier,
Brongniart et Cuvier; une somme de 2.00 francs lui fut
allouée pour son voyage.
Le ministre de la marine pressait le départ. Constant
Prévost dut partir sans avoir, en aucune manière, préparé
son voyage, Humboldt, qui était alors à Paris, lui donna
des instructions détaillées sur ce qu'il devait observer;
il lui recommanda d'une manière toute spéciale de se
livrer à une enquête très soigneuse sur tous les événements
qui avaient précédé l'apparition de l'ile, Les instructions
de Humboldt, écrites par Constant Prévost sous la dictée
de l'illustre savant, mériteraient d'étre conservées; car,
actuellement encore, elles pourraient s'appliquer à tous
les faits d'éruptions sous-marines.
Thénard prenait un grand intérêt à l'expédition. Non
seulement il donna à Constant Prévost des avis sur la
manière de recueillir les gaz volcaniques et de les essayer,
mais il lui conseilla de prolonger son voyage en explorant
la Sicile et le sud de litalie. I lui fallait au moins six
mois et six mille francs, à L'Académie, dit-il, se chargera
des frais; elle les prendra sur les fonds Monthyon ».
Bien que Constant Prévost eût un réel talent comme
dessinateur et paysagiste, il demanda à être accompagné
par un dessinateur, afin de pouvoir consacrer lout son
temps et toute son attention à l'observation géologique.
Il désigna un jeune peintre, Joinville, qui avait déjà
fait plusieurs voyages en Sicile et qui connaissait parfai-
tement la langue et les habitudes du pays. Le ministre
des travaux publics, qui avait alors dans son département
les beaux-arts et les sciences fit la singulière réponse que
voici :
= —
« Monsieur,
» Vous m'avez exprimé le désir d'emmener dans l'expé-
dition que vous allez faire, sur les côtes de la Sicile, pour
explorer un nouveau volcan, un dessinateur dont les
frais de nourriture seraient à la charge de mon dépar
tément, et qui obtiendrait du Ministre de la marine, si
j'en faisais la demande, le passage graluit sur le bâtiment
qui doit vous porter.
» Comme je n'ai à ma disposition, sur l'exercice courant,
aucun fond applicable à cette dépense, j'ai le regret de ne
pouvoir donner suite à votre demande, et je ne pourrai
prendre d'engagement pour l'année 1832, qu'après que le
budget aura été voté,
» Agréez, Monsieur, ete.
Le Paîr de France, Ministre-Secrétaire d'État,
du Commerce et des Travaux publics,
D'ARGOUT. n
D'Argout n'avait certainement pas lu la lettre au bas
de laquelle il mettait sa signature. Il fallait un haut
degré d'esprit bureaucratique pour répondre que l'on
devait attendre le vote du budget avant d'aller dessiner
une éruption. Heureusement, le Ministre de la marine
élait là. Le même jour, l'Amiral de Rigny, décidait que
Joinville serait reçu à bord et qu'il aurait sa nourriture
à la table de l'État-major.
Enfin, Constant Prévost, après avoir été présenté au
Roi et à la Reîne, muni de recommandations pour tous
les représentants de France en Sicile, quitta Paris le
6 septembre, par les messageries Lafille et Caillard. 11
arriva à Marseille le 11, à 5 heures du matin. Il dut y
séjourner un jour, parce qu'il n'y avait pas de places à la
— 215 —
diligence de Toulon, où il n'arriva que le 13 au matin.
I y trouva le lieutenant de vaisseau Lapierre, commandant
du brick La Fléche, sur lequel il devait s'embarquer, Le
Vice Amiral de Rosamel, Préfet maritime, lui fit part des
instructions qu'il donnait au Commandant Lapierre, par
ordre du Ministre,
Voici quelques extraits de la lettre que Constant Prévost
écrivait à l'Académie, à ce sujet. On y lira avec plaisir,
les preuves du zèle que le Ministre de la marine déploya
en cette circonstance, pour satisfaire aux intérêts de la
science.
«Ainsi non seulement je pourrai faire en mer, auprès
du nouveau volcan, toutes les observations possibles dans
le moment actuel, mais encore j'aurai les moyens de
visiter les iles Pantellaria, Limosa, Lampione et Lam-
pedouze; je pourrai même, si le bâtiment peut le faire
sans être soumis à la quarantaine à son relour en Sicile,
aborder à Malte pour y recueillir les documents nombreux
que l’on doit déjà posséder dans cette Île sur l'apparition
de Nérita. Après avoir touché en Sicile, à Girgenti, au
cap Passaro, à Syracuse, je compte me rendre à Catane
pour visiter l'Etna avec quelques détails et ne reprendre
le bâtiment qu'à Messine pour parcourir avec lui les îles
Lipari, avant de me rendre à Palerme, J'espère, dans cette
ville, recueillir de nouveaux renseignements sur les effets
qui ont pu coïncider en Sicile avec l'éruption du volcan
sous-marin, S'il devenait intéressant de retourner auprès
de celui-ci, soit pour comparer son nouvel état à celui
qui aura fait le sujet de nos premières observations, soit
pour tenter d'aborder l'ilot volcanique, si nous n'avons
pu le faire d'abord, je renouvellerai la visite au volcan avant
de passer à Naples, où le bâtiment devra me conduire.
Depuis mon arrivée à Toulon, j'ai eu l'avantage d'entrer
en rapport avec M. le lieutenant de vaisseau Lapierre
— 316 —
qui commande La Fléche, Je regarde le choix d'un'oficier
aussi distingué comme le meilleur augure pour le succès
de notre mission, M. Lapierre qui a déjà fait le voyage
autour du monde sur la Thétis, que commandait M. de
Bougainvillé, prend le plus vif intérêt au but de notre
expédition, dont il apprécie toute l'importance pour les
progrès d'une science à laquelle il est loin d’être étranger. »
Les instruments, baromètres, thermomètres, eL autres,
expédiés de Paris par le ministre de la marine (toujours
le ministère de ln marine !}, nécessitant quelques répa-
rations, le brick ne put mettre à la voile que le seize
septembre.
La relation du voyage de Constant Prévost a été publiée
par partie dans la Revue des Deux-Mondes, dans les
Annales des Sciences Naturelles (1) et dans les Mémoires
de la Société Géologique de France (*). Le récit qu'on va
lire, extrait de ses carnets de voyage, est plus complet
sous certains rapports, tandis que quelques points
secondaires ont été négligés.
u Le 25 septembre, au soir, à cinq heures, la vigie
placée dans les mâts, signala une terre de laquelle on
voyait s'élever de la fumée, Étant montés sur les hunes,
nous aperçümes en effet l'Île, qui avait la forme de deux
pitons réunis par une terre plus basse.
Nous étions à 18 milles, et nous vimes, par moment,
des bouffées d'une vapeur blanche qui s'élevaient, du côté
du sud principalement, à une hauteur double de celle de
l'ile. A plusieurs reprises et lorsque nous étions sous le
ent, nous sentimes une odeur sulfureuse plus analogue à
celle du lignite pyriteux en combustion qu'à celle de
l'hydrogène sulfuré.
{1} Ann. So, Nat. XXIV, 1881, p. 108.
12} Mém. Soc. Géol. Fr., 1® sér,, Il, p, 915 1835
— 217 —
Le 26 septembre, le vent étant contraire et la mer très
grosse, nous fümes obligés de nous éloigner (1). Dans la
nuit du 26 au 27, nous fûmes assaillis par une lempêtle
affreuse. Je passai cependant la nuit dans les bastingages,
enveloppé dans mon manteau et me tenant aux cordes ; et
malgré un malaise bien grand, je ne cessai d'avoir les
veux fixés sur le volcan dans l'espoir d'y découvrir un
indice d'éruption.
Le 27 au matin, nous parvinmes à nous rapprocher
analgré la mer très houleuse, Vers midi, nous étions à 8
milles environ, alors nous lournämes l'ile et nous pümes
prendre un grand nombre de vues sous différents aspects.
Elle paraissait comme une masse noire solide, ayant
tantôt la forme d'un dôme surbaissé dont la base était
triple de sa hauteur, tantôt, celle de deux collines inégales
séparées par un large vallon ; ses bords s'élevaient à pic,
à l'exception d'un côté où la vapeur sortait avec le plus
d'abondance ; celle-ci s'échappaît visiblement de la surface
de la mer elle-même à une assez grande distance,
Le 28 au matin, nous pümes approcher jusqu'à deux
milles, et voir alors distinctement que la vapeur s'élevait
non seulement de la mer, mais encore d’une cavité séparée
de celle-ci par un bord très mince du côté du sud.
Bien que tout nous fil craindre que nous ne puissions
aborder parceque, à ladistance où nousétions, nous voyions
la mer briser avec une grande violence, sur toute la circon-
férence de la falaise à pic, je demandai au capitaine de
faire une tentative, Un autre motif d'appréhension était
la couleur d'un jaune verdâtre de l'eau qui entourait l'ile,
couleur qui contrastait avec celle d'un bleu indigo de la
pleine mer et qui sémblait annoncer soit des écueils, soit
(1) Ce mème jour, F. Hoffmann essaya d'aborder à l'ile pour Ja
deuxième fois, mais la mer ne le lui permit pas,
— 218 —
des courants rapides, dans une eau modifiée par l’action
volcanique souterraine,
À midi, la mer étant un peu tombée, le capitaine voulut
bien faire mettre un canot à notre disposition.
1l en confia le commandement à M. Fourichon, son
second, lieutenant de frégate, et à M. Prouleroy, élève
de Lre classe, Je m'embarquai avec M. Joinville, et conduit
à la rame par huit matelots expérimentés el courageux,
en moins d'une heure, nous arrivames sur les brisans ;
nous reconnûmes alors que ceux-ci étaient produits par
la lime qui venait frapper avec force contre une plage
Fig. 26. — Ile Julia au moment du débarquement
de Constant Prévost.
À Point de débarquement.
B Bord sud de l'Hlot couvert d'efforsscences sullureuses,
€ Bord du cratère Intérieur faisant une légère suillie.
D Plan lueliné ét concave s'élevant jusqu'au sommet de lle,
Æ Endroit de la plage d'où sortent des vapeurs.
courte el terminée brusquement par une pente rapide et
non par des roches solides ; l'eau vert-jaunâtre, dans
laquelle nous étions el qui était couverte d'une écume
rousse, avait une saveur sensiblement acide, où moins
amère que celle de la grande mer. Sa lempérature était
aussi plus élevée, mais de quelques degrés seulement,
210 à 23, Nous sondämes à environ 30 brasses du rivage et
nous trouvâmes le fond à 40 ou 50 brasses; nous nous étions
dirigés vers le seul point où, de la surface de l'ile, on put
descendre par une pente douce vers la mer (fig. 26).
— 219 —
La merétaittropagitée pour permettreun débarquement;
nous n'étions qu'à 40 brasses du rivage, je pus me con-
vaincre qu'au moins pour la partie que nous avions sous
les yeux, l'île était formée de matières meubles et pulvé-
rulentes : cendre rapilli, scories, qui étaient retombées,
après avoir été projetées en l'air pendant les éruptions,
Je n'aperçus aucun indice de roches solides soulevées ;
mais je reconnus bien distinctement l'existence d'un
cratère en entonnoir presque central, duquel s'élevaient
d’épaisses colonnes de vapeur et dont les parois étaient
enduites d'eflorescenses salines blanches.
Nous allions nous éloigner avec le regret de ne pouvoir
emporter au moins quelques échantillons de ce sol, si
nouveau et si effrayant, lorsqu'un matelot proposa d'aller
à la côte à la nage ; on l’attacha avec la ligne de sonde et
en quelques minutes, après avoir disparu d'abord sous la
lame et dans la vapeur épaisse qui s'en échappait, il arriva
sain et sauf sur la plage; il nous fit signe que celle-ci
était tellement brûlante, qu'il ne pouvait y tenir les pieds.
M. Fourichon ne put résister au désir d'aller chercher
lui-même des échantillons, il se jeta à la nage et fut suivi
par M. de Prouleroy et un second matelot qui emporta
avec lui un panier, un marteau et une bouteille. Je
regreltai bien vivement de n'être pas assez bon nageur
pour pouvoir suivre un pareil exemple: je restai dans le
bateau et, malgré ses mouvements brusques, nous fimes,
M. Joinville et moi, quelques croquis,
Nos intrépides compagnons s'élevérent jusqu'au bord
du cratère, marchant sur des sables et des scories brûlantes
et au milieu des vapeurs qui s'échappaient du sol ; il nous
annoncérent que ce cratère était rempli d'une eau rous-
sâtre et bouillante, formant un lac d'environ {80 pieds de
diamètre ; enfin, ils revinrent à bord après avoir fait
passer, au moyen d'une corde, un panier d'échantillons.
On n'avait vu que des cendres et des scories ; cepen-
dant, parmi les moreeaux rapportés, je reconnus un
fragment de calcaire blanc, ayant tous les caractères de la
dolomie ; je conçus dès lors l'espoir de trouver quelques
roches soulevées et modifiées par l'action volcanique et je
me décidai à tenter une nouvelle expédition, le lende-
main, si la mer le permettait.
Dans la nuit du 28 au 29, nous fûmes portés par des
courants vers les côtes de Sicile et nous nous trouvämes
le matin à plus de 6 milles du volcan, sans pouvoir en
approcher d'avantage, le calme étant survenu.
Un canot fut de nouveau mis à la mer vers 10 heures.
J'avais fait mes préparatifs, fait disposer des flacons, des
bouteilles, des boites de fer-blanc; nous primes des
thermomètres et une machine faite à bord pour puiser de
l'eau à différentes profondeurs,
En conséquence, nous préparämes une planche de 2
pieds de long; sur la partie moyenne peinte en blanc,
j'écrivis moi-même :
ILE JULIA
ÉTAT-MAJOR DU BRICK LA FLÈCHE
MM. CONSTANT PHÉVOST, PROFESSEUR DE GÉOLOGIE À PARIS,
JOIN VILLE, PEINTRE,
27, 28, 20 skPTEMBRE 1831
Sur l'un des bouts de cette planche, nous fimes clouer
une bande de drap rouge et une autre de drap bleu à
l'autre extrémité.
Pendant les journées des 26, 27 et 28, le Capitaine
Lapierre avait relevé avec soin la position de l'ile, 1
la trouva :
Latitude 37e 107507
Longitude 10° 228"
Cette position ne correspondait pas à celle du banc
sous-marin appelé Secca del Corallo par les pêcheurs
_ 2 —
siliciens et baptisé, on ne sait pourquoi, de l'appellation
de Nérita dans la carte de Smith. Constant Prévost jugea
que l’on ne devait pas conserver ce nom, le seul qu'il
connut ; il inventa avec ses compagnons le nom de Julia,
parce que l'apparition avait eu lieu dans le mois de
juillet.
On caleula que la distance du nouveau volcan à Pantel-
laria était de 43 milles (80 kilom,) et à Siacca de 26 milles
(48 kilom.)
La hauteur de l’ile fut estimée à 69 m. 86 et sa circonfé-
rence à 700 mètres environ,
Cette fois le capitaine confia la conduite de l'expédition
aux deux officiers qui n'avaient pas pris part à la première,
MM. Aragon et Barlet, lieutenants de frégate ; MM. de
Franlieu, élève de 4re classe, Baud, chirurgien-major,
Dérussat, commissaire, nous accompagnèrent, el nous
fümes conduits par le maitre-canonnier et huit matelots
d'élite, parmi lesquels se trouvaient les deux qui avaient
été à terre, le jour précédent.
Nous mimes deux heures à traverser l'espace qui sépa-
rait le brick du volcan. Une embareation d'un bâtiment
qui était au large venait d'en faire le tour sans avoir
débarqué, Nous hissämes le pavillon francais en tête de
notre frôle nacelle et nous nous encourageämes à ne pas
reculer.
A un mille nous commencçâmes à traverser des courants
d'eau jaunâtre, dont je remplis quelques bouteilles et
pris la température, Des courants de pareille couleur
semblaient partir comme des rayons d'une zone semblable
qui entourait l'ile, La sonde nous donna 40, 50, 60 brasses
dans ces eaux, en approchant de l'ile jusqu'à 200 pieds
du bord.
Nous nous trouvions un peu à droite du point où le
premier débarquement avait eu lieu. Nous étions tous
disposés à gagner le rivage en nageant; je désirais me
faire attacher et tirer à Lerre par un matelot qui m'aurait
précédé.
Après en avoir délibéré, nos officiers pensèrent que,
mieux que le jour précédent, on pourrait tenter d'aborder.
Nous avançämes jusqu'à la lame, un homme se jeta à l'eau
pour porter un grapin à terre et, profitant avec adresse du
flot qui poussa la barque sur le rivage, les matelots se
précipitèrent pour la retenir et la mettre à sec sur la plage.
Nous en fümes quitte, Joinville et moi, pour entrer dans
l'eau jusqu'à la ceinture.
Vainqueurs de Neptune, nous n'avions plus que Pluton
à craindre. I était une heure ét demie, nous devions être
rentrés à bord au coucher du soleil. Le brick était à trois
lieues, il nous fallait au moins deux heures de marche
pour l'atteindre, enfin deux heures nous restaient à con-
sacrer à nos observations sur ce petit coin de terre qui
nous amenait de si loin : nous nous distribuämes les rôles,
MM. Aragon et Barlet se chargèrent de mesurer la
circonférence de l'ile qu'ils trouvèrent être d'environ 700
mètres sur 70 de hauteur. Le docteur Baud fit toutes les
expériences thermométriques ; M. de Franlieu fit sonder
dans le cratère et puiser de l’eau aux diverses profondeurs
et sur les différents bords, M. Joinville se mit à faire
des dessins,
Enfin, M. Derussat fit hisser le pavillon tricolore sur le
point le plus élevé: de l'ile et fixer l'écriteau que nous
avions préparé, non pour prendre possession (1) par une
vaine el ridicule cérémonie, d'un las de cendres
surgi au milieu des mers, mais pour constater notre
présence, el pour apprendre à ceux qui viendraient après
(1) Hs ignoralent alors la prise de possession par le capitaine
Senhouse et ils ne trouvèrent rien sur l'ile annonçant que d'autres
personnes y avaient débarqué.
— 993 —
nous, que la France et son gouvernement ne laissent
échapper aucune occasion de montrer l'intérêt qu'ils
prennent aux questions scientifiques, dont la solution
peut étendre le domaine des connaissances positives.
Deux matelots m'accompagnant, je me mis en devoir
de parcourir tous les points de notre flot pour rechercher
surtout, si en quelque endroit, des matières appartenantau
fond de la mer n’auraient pas été soulevées ou projetées.
Fig. 28, — Disposition en atratifleation entrécroisée
des cendres et des seories de l'ile Julia
Après avoir gravi la plus haute cime au milieu des
s brûlantes, après avoir fait deux fois le tour
entier au pied des falaises, je fus assuré que ce monticule
dont la base est à cinq ou six cents pieds dans la mer,
était entièrement composé, comme je l'avais présumé le
28, de matières pulvérulentes, de fragments de scories de
toutes les dimensions, jusqu'à celle de deux pieds cubes,
au plus.
Je trouvai quelques blocs dont le centre, très dur,
avait l'aspeet et la consistance de la lave; mais ces masses
globulaires avaient été projetées,
Le cratère est un cirque en entonnoir presque régulier
dont tous les bords sont inclinés suivant une pente d'environ
45°. Dans les coupes latérales produites par les ébou-
lements, on distingue que la stratification est parallèle à
cette ligne de pente, tandis que du côté extérieur les
mêmes matériaux sont disposés dans un sens opposé (1).
Le centre du cratère est occupé par un petit lac qui n'est
pas parfaitement circulaire, étant plus large de V'E. à l'O.
que du N. au S. De ce dernier côté on peut distinguer un
petit bassin qui ne communique avec le grand que par
une ouverture de 4 à 5 pieds et qui en est séparé par une
digue de scories rousses. La largeur du grand bassin est
de 140 à 150 pieds et celle du petit de 25 pieds. La tempé-
rature de l'eau mesurée plusieurs fois est de 9%° sur la
rive nord et de 98°sur la rive sud.
Fig. 29. — Vue des falaises de l'ile Julia du côté nord
Quant à la coupure à pie des falaises, il est facile de voir
qu'elle est l'effet postérieur d'éboulements causés soit par
des secousses imprimées au sol, soit plus probablement
par l'action des flots qui, enlrainant les matières meubles,
ont successivement miné les bords; ceux-ci se trouvanten
surplomb sont Lombés; lous les jours ils se dégradent, et
c'est déjà aux dépens des éboulements qu'il s'est formé
autour de l'ile une plage, sorte de bourlet de 15 à 20 pieds
1} On voit que Constant Prévost avait parfaitement reconnu Ja
£tratification quaquaversale propre aux cratères volcaniques. Dans
ses notes, 11 dit que, dans les coupes de la falaise, les cendres et les
lapillis forment des lits nombreux déposés de la même manière
que le gravier dans les alluvions, © 1
constamment parallèles, ua lit prenant plus d'épaisseur d'un côté
que de l'autre, l'inclinalson change el devient quelquefois opposée
à cs qu'elle était un peu avant {fig. 28)
de largeur, qui se termine brusquement en pente dans Ia
mer (1),
— Plan de l'ile Julia fait Le 29 scptembre
ol d'oiseau, par Constant Précost
du débarquement.
S tard que la Lompète qu'il venait de subir lo 26 avait
maté
a éboulement considérable des bords de l'ile ét en
a L comp ètement changé la forme. Toute la partie de l'ile qui
correspondait à la direction du Levant avait disparu.
15
=
cantes, car l'odeur sulfureuse n'était pas toujours sensible,
lorsque nous étions au centre de la colonne de vapeurs.
Dans un espace qui peut avoir 50 ou 60 pieds de long, le
sable noir de la plage est véritablement brûlant.
Le thermomètre indiquait sur le sol baigné par la
mer à chaque flot, une température de 81 à 85° c. L'eau
qui restait dans les dépressions semblait bouillir, mais,
en y plongeant la main, je ne la trouvai pas assez chaude
pour qu'elle pôt être en réelle ébullition, Enfonçant ma
main à quelques pouces dans le sable brûlant de la
surface, je le trouvai frais: dans une de ces expériences,
l'un de mes doigts s'étant trouvé sur le trajet d’une bulle
de gaz ou de vapeur, qui, visiblement, était partie d'une
grande profondeur, je fus vivement brûlé el convaincu
que l'ébullition était produite par des bulles qui venaient
de l'intérieur de la terre. Chacune d'elles projetait, même
avec une légère détonation, du sable et des grains volca-
ues, représentant autant de petits cratères d'éruption.
Parmi ces milliers de volcans en miniature, j'en fis remar-
quer un qui servit à donner à mes compagnons de voyage
une idée de la manière dont l'ile Julia avait été formée. I
avait environ un pied de diamètre, c’est-à-dire que le
et les scories lancés continuellement par lui jusqu'à
2 pieds d ut, avaient formé autour de sa bouche
d'éruption une sorte de taupinière d'un pied de base sur
uces de hauteur, je fis ébouler les parois exté-
s de ce cône et j'en fis un cratère semblable à l'ile
erchai en vain à enflammer le gaz qui s'échappait
il me parut sans odeur; mais, à quelques
tance, des vapeurs sulfureuses sorlaient du
re, et este du soufre el du muriate de
pris de l'eau dans des bouteilles qui ont été cachetées de
suite.
J'avais promis une prime aux matelots qui m'appor-
léraient des cailloux blancs ou jaunes et des coquilles ;
j'ai rassemblé plusieurs des premiers el j'en ai trouvé
moi-même mêlés avec les produits volcaniques : ils sont
allérés et ils ont été projetés du fond avec les scories,
Tout me porte à croire que ce volean a produit des
coulées de laves sous-marines, el si, comme cela est présu=
able, l'apparition du cratère d'éruplion a été précédée
du soulèvement du sol qui paraît avoir été de 3 ou 600
pieds au-dessous du niveau de la mer, H doit exister autour
de l'ile Julia une ceinture de rochers soulevés qui seraient
le bord du cratère de soulèvement ; peut-être celte nouvelle
disposition du sol est-elle la principale cause de la colo-
ration particulière en vert jaunätre des eaux de la mer à
une assez grande distance de l'ile, et des courants qui se
manifestent autour, et qui n'exislaient pas avant l'appa-
rilion du phénomène volcanique.
Eufin, il fallut descendre, le signal du départ était
donné: il étail temps, car la mer devenue plus forte,
menaçail de remplir notre bateau et de l'entrainer, Grâce
au sang-froïid et à l'habileté de nos jeunes oficiers, à
l'obéissance courageuse de nos matelots, une manœuvre
rapide nous fit repasser la barre sans accident, En deux
heures nous atléignimes Le brick, n
En quittant l'ile Julia, Constant Prévost et le Capitaine
Lapierre avaient l'intention d'y revenir après avoir visité
Ja Sicile et les îles Lipari:; mais à Palerme, ils apprirent
que l'ile n'existait plus.
Le 26 octobre, le vapeur français, le François 4er, l'avait
visitée. I n'avait plus trouvé qu'une terre basse, au milieu
de laquelle s'élevait une petite colline isolée de 20 mètres
de hauteur; un bassin plein d'eau bouillante marquaît
la place de l'ancien cratère.
Le 7 novembre, la colline se voyait encore ; mais un mois
plus tard, elle avait disparu. Un officier du génie, envoyé
par le gouvernement Sicilien (1) pour lever le plan de l'ile
ne trouva plus que l'écume des vagues qui se brisaient sur
un banc sous-marin.
Le 12 janvier, l'Amiral Hugon chercha en vain la place
de Julia, et lorsqu'en février, M. de Franelieu revint avec
Constant Prévost à Siacca dans le but d'aller faire des
sondages sur l'ile qu'ils avaient visitée, ils ne purent eu
retrouver exactement l'emplacement.
Constant Prévost ne fut pas le seul savant qui étudia l'ile
Julia. Au moment de l'éruption, il y avait en Italie une
mission scientifique allemande composée de Fr. Hofimann,
professeur de géologie à l'Université de Halle, Escher de la
Linth de Zurich, Philippi de Berlin et le Docteur Schültz.
Ces savants n'eurent pas phütot reçu à Palerme, la
nouvelle de l'apparition de l'ile Julia, qu'ils s'empressèrent
d'y aller, Îls trouvèrent l'éruplion en pleine activité et,
sous le rapport volcanique, leur récit (?] est plus intéressant
que celui de Constant Prévost.
Arrivés à Siacca le 23 juillet, il virent distinctement
la grande masse de fumée qui s'élevait à l'horizon, Le soir
on distinguait une lueur rougeâtre au milieu de la fumée,
On entendait des bruits ressemblant à une longue canon-
nade, qui se continuait parfois pendant un quart d'heure,
Le 24, ils louèrent une barque et allérent à l'ile sans
pouvoir y débarquer. Ils s'en approchèrent de 8 milles. Is
estimérent son diamètre de l’est à l'ouest à 800 pieds
(1) La possession de Julia avait fait l'objet d'un échange de notes
diplomatiques entre Les gouvernements sicilien ét anglais. Co
dernier avait cédé, lorsqu'il rut con vainen que lie n'aurait qu'une
existence éphémère.
len der Physik und Chemie herausgegeben zu Berlin,
Paggendorf, L 24, p. 65. 1832.
Mi
a toujours été aussi grande que pendant les douze heures
qu'il resta près du volcan et pendant les quatre jours
qu'il l'a observé de loin, il ne croit pas qu'un homme au
monde puisse approcher du cratère.
A partir du 15 août, le volcan commença à s'apaiser,
Le 19, il reçut la visite de M. Osborne (1), chirurgien du
vaisseau anglais le Grange. Le cratère était fermé du côté
de la mer, il n'en sortait plus que des vapeurs qui exci-
aient des nausées,
Le 25 août, plusieurs Siciliens de Siacca, accompagnés
d'un voyageur anglais, Weight, se rendirent à Julia. Les
éruptions avaient complètement cessé et l'ile était à peu
près dans le même état que la vit Constant Prévost.
Le 26 septembre, au moment même où le brick La Flèche
arrivait en vue de Julia, Hoffmann et ses compagnons
s'embañquaient à Marsala sur une barque de pêcheur
allant à la rame el se dirigeaient pour la seconde fois vers
le volcan. Une nouvelle tempête de siroco les empécha
encore de débarquer, mais ils approchèrent assez près du
côté nord, où ils étaient à l'abri, pour queles rames passent
toucher le sable volcanique. Is firent le tour de l'ile, Leurs
observations furent conformes à celles que Constant
Prévost fit le lendemain.
Comme lui, ils constatèrent que l'ile est formée unique.
ment de débris volcaniques meubles, cendres et scories
sans laves ; comme lui, ils reconnurent la disposition
quaquaversale, du côté du S. 0, où les parois de l'ile
le pées, Escher de la Linth fit une esquisse très
intéressante qui porterait à supposer, contrairement à
l'observation positive de Constant Prévost, que l'ile avait
11) Gaxetté de Malte 25 août 1834.
Bi Loc, cit, pl. M, Mg: 5,
Du 29 juin au 2 juillet, on ressentit, sur plusieurs points
de Sicile, de fortes secousses souvent accompagnées de
bruits plus ou moins forts. Les pécheurs observèrent à
peu de distance de la Secca del coralle, de violents mouves
ments d'eau el de nombreux poissons morts. Quelques
poissons nommés Cérengole du poids de 50 livres furent
vendus non seulement à Siacca, mais à Palerme, Ils
avaient été pris à demi-vivants et comme engourdis près
de la Secca del corallo.
Le S juillet, le capitaine Francesco Tefiletti (!) qui
commandait le brigantin sicilien, Le Gustave, passant dans
ces parages, entendit des détonations dont il ne pouvait
pas se rendre compte. En approchant du point d'où elles
paraissaient provenir, il aperçut un nuage épais qui
s'élevait à la surface dé la mer. La curiosité le fit avancer
plus près. Il vit alors distinctement l'eau de mer qui
s'élevait pendant quelques minutes, sous la forme d'une
colonne surmontée d'un nuage de fumée, et qui retombait
ensuite, en faisant bouillonner l'eau tout autour, D estima
la hauteur du jet à 100 palmes (360), I s'arrêta 5 heures à
contempler ce spectacle qui. pendant ce laps de temps,
se renouvela 10 à 12 fois,
Le 10 juillet, le bâtiment napolitain, La Thérésine,
capitaine Giovanni Corrao, observa le même phénomène,
et le prince Pignatelli l'aperçut aussi des côtes de Sicile.
l'était un homme instruit qui avait faitses études en France,
etqui, par hasard, fut témoin d'un des phénomènes géolo-
s plus importants qu'il soit donné à l'homme de
voir. Il remit à Constant Prévost, la narration suivante,
grande partie inédite,
let, dès qu'il fit jour, je vis s'élever du côté dut
ns bruit, ni retentissement, une colonne de vapeur
it) Giornale delle due Sjeilie, 9 agnosta 1834.
= —
que je pris pendant quelque temps pour une trombe
marine; mais, après 7 heures, la voyant tantôt monter,
tantôt descendre très violemment et s'obseurcir en prenant
une couleur platine, gris roux, formant bientôt des globes
de fumée qui montaient les uns sur les autres, je me
convainquis que ce n'était pas une trombe marine, comme
je le croyais, mais je ne pouvais pas deviner ce que ce
pouvait être. Je restais toute la journée sur le rivage et je
regardais avec toute mon attention jusqu'à 7 h. 1/2 après
midi, étonné de ce spectacle nouveau, étourdi de ce qui
arrivait el je restais plongé dans de profondes réflexions,
de sorte qu'on eroyait que j'avais perdu la tête.
Quand la brume fut arrivée, je m’aperçus que celle
colonne que j'avais vu grise, devenait de moment en
moment entièrement rouge. Lorsqu'il fit tout à fait obscur,
le ciel donnait les effets d’une éruption volcanique avec
des éclairs de différentes formes, des couleurs et des feus
continuels, comme ve qui se produit ordinairement au
Vésuve, mais d'une manière singulière, sortant de la mer
et offrant un spectacle nouveau que je n'avais jamais vu,
d'autant plus que la colonne de fumée de ces éruptions en
se réfléchissant dans les eaux en faisait paraître uneautre
horizontale au niveau de la mer.
Je restai toute la nuit les yeux fixés sur ce spectacle,
voyant de temps en temps s'aceroitre le feu et les éelairs
enflammés, aussi bien que le bruit, Les matières ignées
s'élevaient vers le ciel, en formant pour ainsi dire ce que
les Français nomment un bouquet d'artifice,
Le jour suivant, 41 juillet, quoique le ciel fut moins
obseur et le soleil plus brillint, cependant, je continuais
à observer le feu, mais je ne pus reconnaitre s'il y
avait au pied de la colonne de vapeur une base de terre
ou si c'était une éruption sous-marine,
En conséquence, je crus bon de me rendre en barque
— 23% —
sur les lieux et bien que j'eus beaucoup de peine à trouver
quelques gens qui voulurent m'y conduire, je m'embarquai
à la fin sur un bateau et fit rame vers le volcan.
L'envie d'arriver rapidement, me fil sentir davantage la
peine du voyage qui fut d'environ 20 milles (37 kil.}; mais
l'impatience, la peine, le désagrément, tout fut compensé
par le plaisir d'avoir été le premier qui eut la hardiesse
d'approcher d'un point si intéressant, si incertain et qui
pouvait faire du bruit dans le monde.
Arrivé à une certaine distance, je fus contraint de
m'arrêter par la érainte de l'eau qui bouillait comme un
pot-au-feu et je dus reculer à cause de la chaleur exces-
sive et de quelques mouvements irréguliers et convulsifs
du bateau comme s'il était secoué par dessous.
En retournant, je vis flotter quelques poissons morts
d'une grosseur considérable ; je vis aussi sur l'eau des
lapillis et des ponces de couleur jaune, verte, noire et
rouge, semblables à celles que rejette le Vésuve. Enfin.
ne me trouvant pas en sûreté, tant par l'odeur suffocante
et sulfureuse que par l'ébrantement du bateau, qui était
continuel, je me retirai à un demi-mille en arrière, pour
ne pas subir la destinée de Pline.
De là, j'observais que de temps à autre, il s'élevait des
matières ignées, bitumineuses, sulfureuses, métalliques,
ses et lapilleuses, des masses de pierre noire, de la
isse et de différentes formes avec des bruits de
tonnerre ; puis les eaux s’élevaient et retombaient avec un
bruit semblable à une cascade, De tous les points, l'érup
tion se présentait ä moi d’une manière différente, formant
lu spectateur des vues admirables, telles qu'on
jamais observées, non seulement par la variété
ouleurs agréables, mais aussi par le roulement
continuel de globes de fumée qui s'élevaient à l'altitude de
S0 palmes (21 mètres) et plus et dont les masses de vapeur,
— 97 —
Plusieurs autres marins virent aussi l'éruption, Le
Capitaine Prospera Schiaflina de la bombarde sarde
Sainte-Anne, en porta la nouvelle à Malte (1). D'après son
récit, la fumée était divisée en trois colonnes distinctes.
Les phénomènes lumineux qui furent observés dans
l'atmosphère au moment de l'éruplion sont intéressants à
signaler en raison de leur analogie avee ceux que l'on vit
en Europe une année après l'éruption du Krakatoa et que
l'on attribua à la dissémination des poussières volcaniques
dans les hautes régions de l'atmosphère.
Voici un extrait d'une lettre écrite à Constant Prévost par
Miss Humphry, dont le frère, directeur de l'établissement
Woodhaus à Marsala, avait visité le volean, le 26 juillet.
« Mercredi 9 août, le soleil avail une apparence extraor-
ment étrange. Une heure à peu prés avant son
coucher, il avait l'apparence d'une lune blanche. Nous
l'examinämes au télescope et nous pümes très clairement
apercevoir 11 taches, quelques-unes plus grandes, quel-
ques-unes plus petites. Une était particulièrement grande,
et presque dans le centre,
Dans la soirée du 10, le soleil eut la même apparence
extraordinaire et une demi-heure après qu'il fût couché,
la soirée devint entièrement lumineuse avée un rayon
soudain de lumière comme si le soleil allait revenir en
arrière ; j'étais à cheval dehors et je sentis beaucoup de
frayeur
a soirée du 11, le soleil eut la même apparence
y eût une remarquable rougeur dans le éiel à l'endroit
se coucha.
U'imposante. Une heure à une heure et demie
‘ourrter anglais nttribue In découverte dé l'ile au Capt-
ner, de marine marchande,
après qu'il se füt couché, les cieux avaient l'apparence la
plus étonnante que j'ai jamais vue. De la partie où le
soleil s'était couché, la rougeur s'étendait jusqu'au-dessous
de, Marsala et nous fûümes tous frappés de terreur. En
vérité, j'ai tremblé pour les conséquences ! Quoique ce fut
le moment de la lune noire (nouvelle lune}, la nuit était
entièrement lumineuse, C'etait une espèce de rougeur
jaunâtre indescriptible. Jamais je n'oublierai cette nuit
horrible (horrifie). n
Ces phénomènes météoriques furent observés à Palerme,
à Rome, à Florence el jusqu'à Genève,
A Palerme, dans la soirée du 12 août, sur Ja fin du
crépuscule, parut une vive lumière de couleur roussâtre
qui s’élendit du couchant vers le nord, jusqu'à la hauteur
de 4%; elle disparut à neuf heures 4/2. Non seulement le
crépuscule du soir était prolongé, mais celui du jour était
anticipé.
Les astronomes de Florence remarquèrent que cette
lueur crépusculaire paraissait plus vive quand l'atmos-
phère était remplie de vapeurs. Le 13, un vent du NE,
ayant complètement dissipé la vapeur, on ne vit plus les
lueurs crépusculaires des jours précédents,
Le phénomène fut visible à Genève le 13, mais la
lumière était très blanche, avec un tour rose ; elle alla en
se dilatant jusqu'à ce qu'elle atteignit 40°.
Les roches de l'ile Julia ou Ferdinandea ont été étudiées
en 1883 par M. le docteur H. Foerstaer (}, à qui on devait
déjà la carte géologique de l'ile Pantellaria.
M. Foerslaer a reconnu que la lave de Julia est un
basalte de la même nature que celui de l'Etua et celui
(1) M. Foersiaer. — Dus Gestein der Insel Ferdinandea und seine
Bexiehungen zu den jungsten Laven Pantellarias und des Atnas,
Minéralog. und. petrogr. Mittheil. Tschermak V. 1883.
— 239 —
des dernières éruptions de Pantellatia. Il admet que
Ferdinandea et Pantellaria constituent un volcan com-
plexe analogue à celui des îles Lipari.
Le travail de M. Foerstaer a été fait sur des échan-
lillons provenant des Musées de Palerme, de Naples
et de Strasbourg. Le premier avait été recueilli par C.
Gemellaro; quant aux deux autres, leur provenance est
ignorée.
Je ne puis pas taire une certaine tristesse patriotique,
en pensant que la collection, rapportée par Constant
é rs du Muséum et
Prévost. est enfouie dans les tir
qu'il n'est venu à aucun géologue français l'idée de
l'étudier.
CHAPITRE IX
En quittant l'ile Julia, le brick la Fléche fit voile pour
Malte. Constant Prévost y séjourna une semaine, du 10 au
46 octobre, dessinant beaucoup, prenant des coupes el des
vues, visitant les collec
Les résultats scientifiques qu'il y recueillit sont insérés
dans une lettre écrite à Brongniart (1). 11 reconnut l’âge
récent du sol de Malte, malgré sa ressemblance avec les
terrains plus anciens.
«J'ai retrouvé ici les dépôts pélagiques contemporains
des dépôts littoraux dont le crag de Norfolk, les faluns de
Tourraine, du Cotentin, de Dax, etc., sont des exemples. »
«Aussi la pierre de Malte etles argiles, qui alternentavec
les bancs calcaires, ont-elles par leurs caractères généraux,
par leurs faciès, la plus grande analogie avec certaines
parties des terrains secondaires, au point qu'un géologue,
qui s'en rapporterait aux caractères minéralogiques des
roches, pourrait se croire sur les côtes de la Normandie.
ns.
(1) Bull. Soc. Géol. France, I, p. 112.
si —
Mais sous ces bancs presqu'entièrement composés de
Polypiers, de Térébratules, de plusieurs espèces d'Oursins
et même d'Encrines, il verrail des sables et des argiles qui
enveloppent les coquilles subapennines roulées, de grandes
dents de Squales, des os de Lamentins et peut-être même
des Mammifères, n
Constant Prévost retrouva, oubliée dans un coin de la
bibliothèque, la colleetion géologique faite par Dolomiew
lorsqu'il était chevalier de Malte; il la mit en ordre, y prit
par voie d'échange quelques fossilés qui lui manquaient,
dessina ceux qu'il ne pouvait pas avoir et parvint ainsi à
réunir une collection importante dés térrains dé Malle:
Elle doit se trouver au Muséum d'Histoire Naturelle à
Paris,
Le projet de Constant Prévost était de visiter les îles
dé La Pantellerie, de Limosa, de Lampedouze et de
Lampione; mais on lui dit qu'il était impossible d'y
aborder avec lé brick et qu'il faudrait se soumettre au
retour à une longue quarantaine. I apprit de plus
qu'Hoffmann venait de publier une notice sur La Pantel-
lerie et qu'un botaniste, nommé Grusoin, avait recueilli
des observations géologiques sur les petites Îles de la côte
d'Afrique ; ; imosà à était volcanique, tandis que Lam:
rlouvoyé pendant plusieurs jours, le long des
onales de la Sicile, le brick entra dans le port
ntre loules ses prévisions, Constant Prévost
au 2 novembre. au paraît avoir supporté assez facilement
ce contrelemps comme en témoigne la lettre suivante=
1] Ce qui n'empéche pas Poulett Sorope d'écrire en 185$ que
ces iles sont entièrement volcaniques (Les volcans p. 247).
16
— 99 —
“ Isolé au milieu de ce port célèbre, ayant en perspec-
live le gigantesque Elna, que je voyais pour la première
fois parcourant sans cesse de l'œil, avec une émotion
curieuse, l'enceinte, aujourd'hui déserte, de l'une des plus
grandes villes du monde, qui fut la demeure d'un peuple
riche, nombreux el ami des arts, le siège de l'antique
civilisation el le théâtre des plus insignes cruaulés,
apercevant ces Latomies, ces Epipoles, ces théâtres, ces
vestiges de temple, ces fontaines, ces tombeaux, celte
ombre d'Archimède enfin, vingt-et-un jours n'auraient
pas été de lrop pour méditer sur les souvenirs que
retraçait à mon imagination ce tableau magique. J'aurais
plutôt demandé à prolonger une illusion attachante et qui
devait cesser au moment où, metlant le pied à lerre, je
ne trouverais, au lieu de la belle Syracuse, qu'une ville
infecte, à peine peuplée de quelques malheureux hideux
de misère et d'ignorance. Mais j'étais impatient d'inters
roger le sol, j'avais mis de l'ordre dans mes notes et
dans mes collections, recueilli quelques poissons et mole
lusques; dans des promenades en bateau, j'avais pu seu-
lement examiner la nature des terrains tertiaires les
plus modernes, qui forment l'entrée du port, Nos autres
courses avaient eu pour termes la fontaine Aréthuse et le
cours de l'antique Anapé, dont les rives nourrissent encore
le Papyrus. à
À Syracuse, Constant Prévost fut joint par un de ses
amis, M. de Montalembert, qui ne le quitta plus. Ce futlä
aussi qu'il prit comme valet de chambre un matelot de la
Fléche, nommé Tambourini.
Après avoir visité les environs de Syracuse, il partil
pour le cap Passaro dans l'intention d'étudier les volcans
que l'on disail exister de ce côté, Il constata qu'il y à
bien des roches volcaniques, mais que ces roches sont très
— 23 —
anciennes. lserendit alors à Catane par Modica, Sortino(!},
Mellili (+), toujours à la recherche des alternances de roches
volcaniques et de roches sédimentaires. À Mellili, il visita
le gisement célèbre de dussodyle,
Pendant ée temps, le bâtiment était allé à Messine.
Le capitaine Lapierre, MM, Baudet et Dérussat vinrent
attendre Constant Prévost à Catane.
1 y arriva le 15 novembre. [ls visitérent ensemble les
iles Cyclopes et gravirent l'Etna, mais ce ne fut pas sans
grandes difficultés. Le cône était alors couvert d'une neige
épaisse. Quatre des voyageurs et un guide furent forcés
par le froid et la raréfaction de l'air de s'arrêter au pied:
Constant Prévost parvint jusqu'en haut. 11 tenait essen-
liellement à atteindre l'ouverture du cratère, car c'était
le premier volcan qu'il lui était donné d'observer. L'Etna
étail alors dans une période de repos. On ne voyait que
d'épaisses vapeurs qui sorlaient au milieu de la neige
par les fentes du cratère, Constant Prévost inserivit dans
ses notes la ressemblance frappante de structure entre
le cratère de l'Etna et le nouveau volcan méditerranéen.
il eut aussi l'occasion de causer avec le profes-
Gemmellaro, qui avait visité l'ile Julia au moment
où l'éruption était la plus violente.
Le 22 novembre, Constant Prévost el ses compagnons
rejoignirent le brick à Messine, En routé, ils visitérent
Taormine, où ils virent des roches anciennes, triasiques ?
L calcaires en couches verticales), recouvertes,
de 200 mètres, par des strates horizontaux de
moderne. C'est près de Taormine que
nalé une roche qui se forme encore
de nos jours et qui élait exploitée pour meules. Constant
{1} Localité entre Syrneuse et Vizzini,
(2) Localité près die In côte à l'E. de Scordtit.
— 2 —
Prévost se rendit à l'endroit indiqué ; il vit bien des
roches conglomérées très modernes en voie de formation ;
mais il lui parut que la couche exploitée pour faire des
meules était toute différente.
Passaro
&.
Pananél
… Rliour Sais
Abeuwri ©
oUstica
.
. Avanture
Bon
Parcours de Constant Fhérose
gGezro
eLimosa
Soussn
Lampione Lampedusa
Fig. 30. — Carte de la Sicile et des tles voisines.
Averti que, pendant la mauvaise saison, le brick ne
pourrait pas s’aventurer dans le voisinage des îles d'Éole,
il résolut d'aller louer une barque à Melazzo. Une tempête
le retint 8 jours sur le rivage. Il en profita pour étudier
les roches anciennes des monts Pélores. Enfin, le 4
décembre, il put prendre la mer pour aller à Lipari. Après
avoir consacré 8 jours à l'étude des principales îles, il
revint atterrir en Sicile, à Cefalu, et le lendemain
17 décembre, il rejoignit le brick à Palerme,
I resta à Palerme du 17 décembre au 27 janvier, retenu
par le mauvais temps et la maladie, Il régnait alors une
sorte de grippe ou d'influenza, que l'on a considérée depuis
comme l'avant-coureur du choléra. 30.000 personnes
étaient atteintes dans le mème moment à Palerme. Tout
l'équipage du brick paya son tribut à la maladie, Constant
Prévost l'eût aussi ; elle débuta pour lui par une sürte
d’accablement moral. En arrivant à Palerme, il avait
éprouvé un grand désappointement ; il n'y avait pas trouvé
les lettres qu'il espérait. Il n'avait pas eu de nouvelles de
sa famille depuis son départ. Il se consolait cependant à
la pensée que les ofliciers de La Fléche n'avaient reçu
non plus aucune lettre, et il accusait la négligence de
l'administration dé la poste.
I cherchait de la distraction en causant avec l'abbé
Ferrara, le modeste et savant professeur de l'Université;
avec le docteur Fodéra, qu'il avait connu à Paris ; avec ses
jeunes compagnons de La Flêche, qui, eux, trouvaient un
grand charme à séjourner dans la capitale de la Sicile.
Le soir, on alait au pe où à une réception de la
liennes à équipage français, fut plus que cordial.
Quant à Constant Prévost, il était toujours préoccupé
de sa famille. Le 29 décembre, il écrivit dans son journal
de voyage,
“ Depuis quelques jours j'éprouve des spasmes nerveux
qui me fontheaucoup souffrir. La musique produit sur moi,
dans les accès, un effet remarquable, elle me cause les plus
vives émotions, Je pense sans cesse à mes bons amis ; m4
tendre et bonne Amable, mes chères pelites filles, vous
ne me laissez pas un instant libre de penser à ce qui doit
m'occuper. Je suis tout à vous pour mon malheur, Ne pas
avoir de vos nouvelles depuis trois mois, ne pas savoir si
vous n'êtes pas inquiètes de moi, ces idées me lourmentent
sans cessé el me privent de mon énergie. Une lettre, un
mot de toi, ma seule et chère amie, me rendrait la tran-
quillité d'esprit et ce serait le bonheur, le seul que je
puisse espérer jusqu'au moment où nous serons réunis. »
Le 4 janvier, il fut pris de la fièvre et dut rester plusieurs
jours au lit,
Il était impatient de quitter la Sicile. Cependant il ne
pouvait se décider à le faire sans avoir été prendre sur la
côte méridionale des renseignements relativement aux
signes précurseurs de l'apparition de l'Ile Julia et sur les
évènements qui avaient amené sa disparition. Puis il
voulait pénétrer dans l'intérieur de l'ile pour fixer ses
incertitudes sur les alternances de basalte et de calcaire
que Gemellaro n'admettail pas, tandis que l'abbé Ferrara
et Fr. Hoffmann les considéraient comme incontestables,
Contre l'avis des médecins et des habitants, il se décida
à entreprendre celte course que l'on disait impraticable
pendant la saison des pluies. Le 29 janvier il quitta Palerme
accompagné de Montalembert et du fidèle Tambourini, Il
se dirigea vers le sud-est en passant par Caltanisella,
Castrogiovani, Piazza, Palagonia, Vizzini, où il vit les
allérnances des produits plutoniens el nepluniens ; puis il
regagna la côte méridionale à Terranova pour la suivre
en passant par Girgenti, Sciacca, Castelvetrano, Marsala,
Trapani, Alcama et rentrer à Palerme après cinq semaines
d'absence.
— 41 —
En chemin, il étudia les gîtes de gypse, de soufre et de
sel de Caltanisetta.
A Girgenti, Constant Prévost trouva enfin des lettres de
sa famille. Sa joie débord: crit à Desnoyers, son beau-
frère.
« C'est le 19 février 1831, c'est au milieu des ruines de
l'ancienne Agrigente, que, pour la première fois, je recois
de vos nouvelles, c'est l'âme louté émue à l'aspect de ces
monuments qui disent si bien aux passants combien sont
éphémères la puissance et l'existence de l'homme, que j'ai
été rendu à la vie par l'arrivée de votre lettre, de celle de
ma bonne Amable, de ma mère et de ma petite fille.
Ces temples antiques, eh! bien, ils sont construits avec
le calcaire Le plus récent, le nf Desnoyers. » « Al était
piquant, dit-il autre part, de constater que les pierres des
monuments les plus anciens avaient été arrachées à des
strates si modernes, que plusieurs sont tentés de les consi
dérer comme des dépôts presque contemporains de ceux”
qui se forment encore aujourd'hui. »
Etant à Girgenti, il alla visiter les volcans boueux dits
Malaeuba. Ce sont des sources intermillentes d'eau salée
qui sortent en bouillonnant de l'argile gypsifère, La
colonne de boue s'élève parfois à plusieurs décimèlres dé
hauteur entraînée par les gaz qui s'en dégagent. Là, elle
retombe autour de l'ouverture, s'y dessèche et finit par
sy amasser sous forme d'un cône très aplati ayant la
plus grande analogie avec les cônes volcaniques. La
masse gazeuse qui pousse la boue et qui détermine
l'éruption est essentiellement de l'acide carbonique, auquel
se trouve mêlée une petite quantité d'air et de l'hydrogène
sulfuré, qui peut provenir du terrain salifère lui-même.
Constant Prévost ne fut pas témoin d'une de ces érup-
tions, car ki vue des Malacuba lui fit peu d'effet ; il se
contenta d'en prendre un croquis et il dit dans sa lettre
_— %8 —
de Naples: « C'est un phénomène curieux, quoique des
effets m'en ont paru bien petits, après l'idée que je men
était faite,
Le long de la côte méridionale et surtout à Sciacca il
réunit des documents précieux sur l'éruplion. Il put y
consulter particulièrement le D' Salvator Rosa et surtout
Je prince Pignatelli qui avait été élevé à Paris, où il avait
suivi les cours de Cuvier et d'Haûy, A Sciacca, il fut
rejoint par M. de Franelieu, qui alla constater la dispa-
rilion du volcan et sonder sur son emplacement.
Dans celle course à l'intérieur de Ja Sicile, il logeait
souvent dans les couvents ; quelquefois, quand il n'yavait
pas d'auberge, un habitant du pays offrait une hospitalité
qui n'était pas toujours à dédaigner.
“ À Nixcemi, petite ville de 600 âmes, il n'y avait pas de
locanda. Nous allons chez le syndic, qui sur la vue dé nos
lettres de recommandation, nous fait espérer un logement.
Nous sortons de chez lui décidés à partir pour aller loger
plus loin, lorsque nous 1rouvons sur la place le marquis
de Rocca-Lamera. II nous aborde avec un militaire qu'il
nous dit être le maire du pays. Celui-ci nous offre sans
façon un gile que nous acceplons de même, Grand est
notre étonnement à la vue d'une charmante maison bien
meublée. IL y a trois domestiques qui parlent français,
Le souper est bien servi. I y a 15 couverts, çar l'hôte a une
nombreuse famille. Les lits sont bons; nous dormons
bien. Le lendemain nous descendons à neuf heures ; nous
faisons honneur à un excellent déjeûner et nous parlons à
onze heures pour Terranova.
Deux jours après, à Liceata, « le temps avait été affreux
lauté la nuit, il pleuyait encore à torrents, I] fallait rester
à l'hôtel toute la journée. Madame. Vénéra Terrilo nous
fait inviter à diner par ses gendres, Le diner est bien servi
el la conversation qui.a lieu en italien, dure jusqu'à dix
heures du soir, »
La Sicile avait déjà été l'objet de plusieurs mémoires
importants de la part de Spallanzani, Borek, Bridone,
Hamilton, Brocchi, Recupero, Ferrara, Smith, Kepha-
lidès, Moricaud, Daubeny, Haug. ete. Cependant bien des
questions restaient à résoudre, En 18%, elle fut visitée
par Buckland, Lyell, de la Marmora, Escher de la Linthi,
Fr. Hoflmann, Christi et Constant Prévost.
Fr. Hoffmann avait précédé de quelques mois Constant
Prévost. Comme l'un et l'autre publièrent leurs obser-
vations à mesure qu'ils les faisaient, celles d'Hoflmann
précèdent celles de Constant Prévost ; mais ée dérnièr
ignorait, en étrivant, les résultats auxquels Hoffmann était
arrivé. Ce fut seulement lors de son retour, à son passage
à Naples, qu'il rencontra le savant professeur prussien.
Ils venaient tous deux d'étudier l'ile Julia et la Sicile; ils
durent en faire le sujet principal de leur conversation.
ils tombèrent d'accord sur presque tous les points n dit
Constant Prévost, En réalité, Constant Prévost, séduit par
la seience el le caractère d'Hoffmann, subit l'influence de
ses idées et se prit à douter de ce qu'il avait eru voir,
l'on veut se rendre compte exactement de ce qu'a vu el
pensé Constant Prévost, il faut se reporter à ses notes de
voyage el aux lettres qu'il écrivit de Syracuse (1), de
Palerme (?)} et de Naples (#).
La lettre de Syracuse est déjà connue, Celle de Palerme
datée 8 décembre 1831 est adressée à Cordier. Constant
Prévost n'avail encore visité que: la côte orientale de Ha
Sicile, la presqu'ilé de Mélazzo et les iles Lipari. Quant à
la lettre de Naples. elle date du 48 mars 1832,
Ces es lettres furent publiées avant le retour de
FPauteur dans le Bulletin de la Société Géologique de
(1) But, Soc, Géol. dé Fr., I, pe 2. —(9jtu, page Aie, — IS),
D. 108.
France, Lorsque Fr, Hoffmann en eut connaissance, il
envoya à la Société quelques observations qui furent
insérées dans le même recueil (1. Constant Prévost y
répondit. On constate dans sa réponse la profonde
impression qu'avait faite sur lui l'autorité d'Hoffmann, Par
sa disposition d'esprit, il était toujours prêt à douter de
ses propres observations, Îl comprenait aussi qu'il avait
visilé la Sicile trop rapidement pour avoir des opinions
fermes.
Ces sentiments se manifestèrent mieux encore lorsque,
dix ans plus tard, de Pinteville lat à la Société Géologique
un travail sur le terrain gypseux de Sicile (?).
Constant Prévost regretlait de n'avoir pas écrit le grand
mémoire qu'il avait projeté. Il avait été entrainé par des
discussions de doctrines et, au bont de dix ans, ilse trouvait
que ses souvenirs, ainsi que l'interprétation de ses notes,
étaient étoullés par ses doutes. Il se borna à insérer
dans le Bulletin quelques pages el une coupe, qui repré-
sentait bien plus les idées de de Pinteville, que les
observations contenues dans ses propres notes et dans
ses carnets de voyage.
Quoiqu'il en soit les lettres de Constant Prévost furent
longtemps, avec les travaux d'Hoffmann, la base de nos
connaissances sur les terrains stratifiés de la Sicile. L
fallait, pour que la géologie de celte île entrit dans une
période de précision plus grande, que les terrains de la
grande zone méditerranéenne fussent mieux étudiés sur
le continent, Cest seulement à une époque trés récente
que les travaux de Mojsisowics, d'Oppel, d'Hébert, de
Capellini, etc, ont fait connaitre les faciès méditer
ranéens des terrains lriasiques, jurassiques, crélucés,
(1) Bal. Sos. Géol. dé Fr. TE p. 175.
(2) Bull. Soc. GéoL. de Fe. XIV p. 546 (1849).
— Di —
éocènes. Alors, depuis 1880, Gemellaro et Sequenza purent
s'appliquer à distinguer par leurs fossiles les principales
couches de Sicile. D'habiles géologues ont continué leur
œuvre de sorte que la géologie de la Sicile est maintenant
parfaitement connue,
Aussi, les notes et les publications de Constant Prévost
n'ont plus qu'une valeur historique. Il serait inutile d'y
insister si quelques points n'avaient un intérét scienti-
lique général et ne marquaient l'état des connaissances de
l'époque.
1° Calcaire À Rudistes et à Nummulites
Dans un grand nombre de localités de Sicile, on
rencontre uncalcaire blanc compaet, qui présentait, d'après
tous les observateurs, la particularité de contenie à la
lois des Rudistes et des Nummulites.
Lyell et Daubeny en avaient fait du tertiaire, Er.
Hoffmann reconnut son analogie avec le calcaire des
Apennins, mais il ne fixa pas son âge. Constant Prévost
le compara sans hésiter au calcaire d'Angoulême et le
rangea dans le terrain crétacé. Il constata qu'il passe
inférieurement à un calcaire plus ancien etsupérieurement
istence des Nummulites et des Hippurites ne
paraissait pas trop étrange à celte époque, Plus tard, lors
des discussions sur la valeur du caractère paléontologique,
ce fut un argument que l'on fit valoir contre les paléon-
La question vint en 1844 devant la Société géologiquede
France, à l'occasion d'une communication de Leymerie,
Ce savant afirmait qu'il n'y avait pas dans le midi de la
France, un mélange de Rudistes et de Nummulites et que
les calcaires nummulitiques devaient, contre l'opinion de
Dufrénoy, être réunis aux terrains tertiaires. Constant
Prévost dit alors (!) : « Le cap Passaro est formé par
plusieurs assises presque horizontales, intimement liées
l'une à l'autre, d'un caléaire blanc, dur, cristallin, Celles
de ces assises qui sont inférieures renferment un très
grand nombre d'Hippurites, tandis que les supérieures
sont presque entiérement formées de Mélonies el de
Nummulites, je crois même me rappeler et je l'ai noté
que ces deux fossiles se rencontrent dans la mêmecouché,
Je n'avance ce fait qu'avec doute, maïs ce dont je suis
convaineu, c'est que la concordance parfaite dans la
superposition, les rapports des divèrs bancs én contact,
l'identité minéralogique, ne permettent pas d'admettre
une distinction géologique entre les banes inférieurs et
supérieurs. Pour le géologue, c'est évidemment le même
système, n
Plus tard, à propos d'une discussion analogue, il exprima
des doutes encore plus formels sur la présence des
Hippurites et des Nummulites dans le même banc ; mais
Îl ajoute que l'on trouvera dans d'autres localités le
passage des roches secondaires aux roches tertiaires.
Si l'on veut se rendre compte de la nature des doules
de Constant Prévost, doutesque je lui ai entendu accentuer
dans ses dernières années, il faut se reporter à ses notes
de voyage.
Quand il citait le calcaire blane d'une manière générale,
i le nommait calcaire à Nummulites et à Hippurites,
ucceplant ainsi l'opinion de ses devanciers, Mais, quand il
formulait ses propres observations, il distinguait nettement
les Hippurites à Ja base et les Nummulites au sommet.
Dans la vue qu'il dessine de Pachino el du cap Passaro,
Ia crête calcaire au sud du basalte est indiquée comme
(1) Bull. Soc, géol. France, 2° 11, p. 27.
calcaire à Hippurites et celle qui est au nord comme
calcaire blane à Nummulites et Hippurites ?
La coupe du Mont Passaro (fig. 4) montre à mi-côte
des bancs marqués dans le manuscrit par le signe H et
indiqués comme calcaire à Hippurites, tandis qu'au
sommet le calcaire est marqué comme calcaire fendillé
et porte en légende Nummulites (souligné), Hippurites,
Fig. 31. — Coupe géologique du Cap Passaro
A Calcaire fendillé verticalement : Nammalites, Hippurites,
H Caleaire à Hippurites.
F Banc plus cayerneux, également à Hippurites.
B Argile volcanique,
C Basalte noir,
D Tuf volcanique.
E Tuf calcaire.
Dans sa communication de 184%, Constant Prévost dit (1)
que l'on trouve entre le cap Passaro et Syracuse sur les
bancs saccharoïdes à Hippurites et Nummulites, un calcaire
plus grossier, jaunätre, dans lequel, avecles Turhinolies el
des moules de coquilles univalves d'aspect tertiaire, se
voient non pas des Hippurites semblables à celles du cap
Passaro, mais des vestiges de coquilles cloisonnées à la
(1) Bull. Soc. Géol. Fr, 2 série 11 p. 27.
=
Cependant, il résulle de la communication qu'a bien
voulu me faire M. Baldacci que les faits de discordance
observés par Constant Prévost ne liendraient qu'à des
circonstances locales el particulières. C'est du reste ce
que lui avait déjà fait observer Fr, Hoffmann ('}.
ntercalation des Basaltes dans les roches
sédimentaires
La question des roches éruptives de Sicile est une de
s qui avaient le plus préoccupé Constant Prévost. Sa
remière visite avait été pour la région du Val di Noto,
près de Syracuse. Gemellaro avail annoncé y avoir trouvé
des volcans à cratères et Daubeny y avait vu les roches
volcaniques alterner avec les calcaires à Hippurites et à
mmulites, Constant Prévost visita les principaux aMeu-
rements de basalte qui s'éténdent du cap Passaro au bord
sud de la plaine de Catane ; il ne put pas y reconnaître de
re, mais il constala que ces roches sont interstra-
tifiées dans les terrains sédimentaires et qu'elles sont
d'âge variable.
cap Passaro la roche éruptive consiste en basalte qui
contient beaucoup de cristaux de feldspath et qui passe
par places aux amygdaloïdes. Elle traverse Ki craie 4
es, la coupe en divers sens et la rend saccharoïde.
est recouverte par la partie supérieure de 1
La coupe reproduite plus haut en est une
Li) Bull. Soc, Géot Fr, 4° 8, Ip.
— 987 —
Près de Sortino (1), dans un endroit qu’il nomme Monti-
celli, il observa des basaltes et d'autres roches volcaniques
sous le calcaire à grands Clypéastres du langhien (Fig. 33).
Fig. 33, — Position des roches rolcaniques à Monticellé
A Calcaire blanc.
B Tuf calcaire.
C Fragments de calcaire et de basalte,
D Tuf voleanique.
£ Roche volcanique amygdalotdé.
Mais ce fut surtout autour de Militello qu'il vit des
preuves remarquables de l'intercalation des roches volea-
niques au milieu des calcaires stratifiés, La coupe prise
Fig. 35, — Fes entre Militéllo et Palagonia.
salté,
$ B B" Caleaire coquiller.
€ Roche noire stratifiée.
D Roche volcanique.
entre Militello et Palagonia (Fig. 34) est typique sous cé
rapport.
(4) Voir p. 248,
—#ÿ{ —
La disposition du basalle en nappes étendues au milieu
des roches stratifiées, et la présence de fossiles dans des
couches basaltiques le conduisirent à considérer les
éruptions anciennes de la Sicile comme ayant eu lieu
sous les eaux de la mer, comme analogues à celle qu'il
venait de voir à Julia. C'est aux conditions sous-marines
dé ces éruptions qu'il attribue l'absence de cratères, Il
avail constaté que le cratère de Julia avait été complè-
tement démantelé et détruit par les vagues ; il ne devail
en rester qu'une butte arrondie formée par les scories et
les laves consolidées autour de la cheminée volcanique,
Aux environs de Sartino et de Militello, il retrouvait ces
anciens cratères sous-marins caractérisés, non par un
cône tronqué de cendre à stratilication quaquaversale,
comme les volcans émergés, mais par des massifs
saillants de basalte et de blocs basaltiques, par des
couches de tufs et de conglomérats grossiers, qui s'ap-
pliquent sur ces massifs, et par les larges coulées qui en
descendent,
« Le seul moyen, dit-il, de reconnaitre les points par
lesquels les matières fluides se sont épanchées sous les
eaux, est de remonter les pentes qui présentent les surfaces
des couches volcaniques et qui convergent vers un même
point {1}. n
ñ Presqu'ile de Mélazzo
On a vu que Constant Prévost, retenu par le mauvais
lémps, avail dû séjourner huit jours à Mélazzo, avant de
barquer pour les îles Lipari. 1 y vit un fait qu'il
it pas encore bien étudié : la superposition de couches
horizontales sur des roches anciennes très inelinées,
(4) Mém. Soc. géol. France n° 5 p, 100.
La presqu'ile de Mélazzo est essentiellement fo
des gneiss et des phyllades traversés de filons de quarz et
de pegmatite. Sur ces roches, qui sont fortement inclinées
et plusieurs fois plissées, reposent horizontalement des
calcaires que la carte géologique de Sicile rapporte au
pliocène, M. Seguenza à l’aquitannien et M. Baldacci au
langhien (3). ls commencent par une brèche caleaire L
remplie de fragments souvent volumineux des roches
anciennes inférieures. La surface de séparation des deux
formations est très inégale. Le calcaire pénètre dans les
anfractuosités et les fentes de la roche sous jacente. r
Constant Prévost a vu de ces sortes de filons calcaires
qui avaient 200 pieds de profondeur, Il observa que le
calcaire a contracté une forte adhérence avec le gneiss et
qu'il a acquis à ce contact une grande dureté.
Constant Prévost, qui avait encore toute sa foi dlans la
théorie du soulèvement des montagnes, suppose que les
roches anciennes ont soulevé le calcaire el pénétré dans
celui-ci lorsqu'il était encore pâteux. Les coupes qu'il à
dans ses carnets sont très claires ; elles indiquent que des
mouvements importants se sont fait postérieurement au
dépôt des calcaires, ce qui n'a rien d'étonnant, puisque l'on.
sait que toute la presqu'ile de Mélazzo est recouverte de
couches quaternaires, qui ont élé portées à une grande
hauteur.
Ce qui avait surtout frappé Constant Prévost, c'est la
dureté du calcaire adhérent au gneiss. 1 ne s'était pas
rendu compte que le calcaire avait pu étre silicalisé posté
rieurement à son dépôt par les eaux qui avaient traversé
la pegmatite et le gneiss fragmentaires. La connaissanci
des modifications chimiques produites sous l'influence
— 1 —
5 Formation gypseuse et salifère
L'étude des terrains gypseux de Sicile devait vivement
intéresser un géologue qui avait consacré ses premiers
travaux au gypse des environs de Paris. Aussi, malgré la
maladie, malgré le mauvais temps, Constant Prévost avait
voulu visiter les gites gypseux et salifères qui sont au
centre de Ja Si
I fut d'abord frappé de certaines analogies entre ces
terrains de Sicile et ceux des environs de Paris. Ainsi, il
indique l'association presque constante du gypse avec
les marnes qui rappellent celles d'Argenteuil et avee des
calcaires siliceux concrélionnés qui ressemblent à ceux
de Champigny et même aux meulières inférieures.
I n'était pas d'accord avec Fr, Hoffmann pour l'âge des
couches de gypse. Tandis que le géologue allemand les
p portait au crétacé inférieur, Constant Prévost les consi-
comme tertiaires, Plus tard, dans sa discussion
avec Hoffmann, il admit qu'elles avaient pu se former
entre la période secondaire et la période tertiaire, où
même à la fin de l'une où au commencement de l'autre.
Les travaux plus récents, particulièrement ceux de
pellini, ont fortement rajeuni l'âge des gypses de
‘econnu que les couches inférieures de la formation
e sont des argiles sableuses, grises ou brunes, qui
nt les grands amas de sel gemme exploités en
; trouve des couches intercalées de sable et de
, parfois fossilifères, où l'on cite: Nassa pseudo-
chlatrata, Pisa ia erculpta, el. Les couches supérieures
de La foi n gypseuse contiennent des Congéries el
sont inférieures au pliocène le mieux caractérisé. On peut
done rapporter la formation gypseuse à la fin de l'époque
miocène,
— 263 —
collines voisines étaient formées par un terrain qu'il
désignait sous le nom de craie ou plutôt de calcaire du
Mont Erix et qui est jurassique. 1 fut évidemment embare
rassé par cette disposition. La coupe qu'il figure dans ses
carnets n'est pas très explicite, Dans sa lettre de Naples, il
dit : « que si les éléments dé la formation gypseuse ont été
apportés par des sources, ils ont pu traverser des terrains
d'âge différent ou s'arrêter à différents étages, soit que
le phénomène ail eu lieu à diverses époques, ou seulement
à une époque récente (1).
On voit qu'il adopte une théorie assez analogue à celle
de l'intrusion des basalles entre les couches des terrains
sédimentaires,
Girgenti
Fig. 38. — Coupe des environs de Girgenti.
À Caluire
B Argile brune et bleue pliocène
C Argile blanehe
D Gypse cristallisé
Æ Calcaire gypseux imiocène sup"
F Marne blanche
Les observations de Constant Prévost autour de Catolica
et de Sciaca sont très incomplètes, Il n'y a dans ses notes
que des vues et des panoramas ; pas une coupe, pas même
une appréciation. Pour les environs de Girgenti. il ya une
coupe que l'on peut reproduire parce qu'elle donne une
idée de la position géologique du gypse (Fig. 38).
H) Bull. Soc. géol, Fr, 11, p. 405.
— 264 —
L'interprétation de la légende précédente est celle de la
carte géologique de Sicile.
L'association constante en Sicile du gypse avec le sel
gemme et avec le soufre, la présence fréquente du bitume,
ne purent que contribuer à confirmer Constant Prévost
dans la théorie qu'il s’était faite sur l’origine geysérienne
du gypse « cette formation pour ainsi dire mixte entre
les sédiments et les précipités, dans les caractères parti-
culiers de laquelle on reconnaît, avec les eflets d’un
dissolvant liquide, l’influence plus ou moins directe d’un
ou de plusieurs agents qui auraient exercé leur action de
bas en haut (!). »
(1) Bull. Soc. Géol. Fr. II p. 404.
CHAPITRE X
ILES LIPARI
Partis de Melazzo le # décembre à 10 heures, Constant
Prévost el ses compagnons arrivèrent à Lipari à 8 heures
du , après une navigation contrariée par le vent.
Comme ils n'avaient pas la libre entrée, ils durent pa:
la nuit dans la chambre du gardien de la santé. Le len-
demain, le premier soin de Constant Prévost fut de
chercher un logement. Ne pouvant en trouver, il se rendit
chez le chanoïne Tricone pour lequel il avait une lettre de
recommandation. La réception fut cordiale; le chanoine
offrit l'hospitalité aux géologues.
Les notes de Constant Prévost sur les îles Lipari se
burnent presque à des croquis, très intéressants il est
i. Son voyage toutefois ne lui fut pas inutile ; fré-
quemment les noms de Stromboli, Vulcano et d'autres
vinrent sous sa plume, quand il combattit la doctrine des
cratères de soulèvement. Il avait été précédé dans ces iles
par Fr. Hoffmann, qui en donna une description détaillée.
s lors elles furent visitées par plusieurs géologues.
En 1889, une société anglaise, fréologist Association,
organisa une excursion aux Îles Lipari ainsi qu'aux autres
volcans d'Italie sous la direction de M. Johnston Lavis.
On peut renvoyer à ces divers travaux, en se boruant à
présenter quelques-uns des croquis de Constant Prévost et
ä exposer très brièvement la structure de ces Iles, peu
connues en France.
Les iles Lipari ou tles d'Eole sont au nombre de sept
sans compter quelques petits lots inhabités. La plus
grande est Lipari qui a 36 kilomètres carrés et dont ln
capitale, la ville de Lipari, compte 12.000 habitants. 2
L'ile de Lipari est entièrement volcanique; les argiles,
sables et tufs stratiliés qu'on y trouve sont des produits du
lavage des roches volcaniques ; ils contiennent quelquefois.
des feuilles et en particulier des feuilles de palmier, qui
indiquent un climat plus chaud que le climat actuel.
Bien qu'il n'ÿ ait pas eu d'éruption à Lipari depuis
l'époque historique, on y voit encore des cônes volcaniques
bien conservés. La plupart possèdent, outre le cratère
central, des cratères latéraux accessoires. Les plus impor-
lants sont le Mont Chirica, le Mont Angelo, le Mont
Guardia, ete.
M. Cortesi, ingénieur des mines, qui fit la carte géolo-
gique des iles Lipari, divise les produits des volcans en
laves anciennes et laves modernes postérieures à l'époque.
qualernaire, Ces dernières sont des trachyles, des ponces,
des obsidiennes. Parmi les laves anciennes, il cite la
dolérite, la leucotéphrine et la variété de trachyte dite
liparite,
Le Mont Bianco, où le commerce va chercher la pierre
ponce, a une forme arrondie. Il présente à son sommet
ou cratère de { kilomètre de circonférence et de 160 mètres
de profondeur, entouré d'un cratère plus ancien. Le
cône est sillonné de ravins sinueux qui partent du
4 —
sommel et qui descendent de tous côtés en irradiant.
Constant Prévost en remarquant leur analogie avee les
barancos de Palma émet l'opinion qu'ils ont été produits
par les eaux pluviales.
Cop
de la Castagna
Monte
Monte Rosa Bianco |
Fig. 39, — Vue du Monte Biarco à Lipari
Près du Mont Bianco el provenant de ce volcan, il y a
une coulée d'obsidienne ou verre volcanique, qui constitue
le cap della Castagna. Constant Prévost observa la dispo-
sition presque stratifiée de l’obsidienne et sa pénétration
dans le tuf ponceux (Fig, 40).
Fig. 40. — Alternance de la poncé (A) ét de l'obnilienne (8)
au cap della Castagna
C'est un fait tout à fait semblable à celui que présente
la Punta del Schiavo à Ischia (1).
De Lipari, Constant Prévost se rendit à Stromboli em
passant devant les rochers de Dattolo, de Basiluzzo, de
{1} Gosselet : Observations géologiques faites cn Italie.
— 26) —
goulfre avec fracas, Les parois de la grotte sont tapissées
de Fucus et de Corallines jusqu'au niveau des flots (fig. 42).
A 3 heures, les explorateurs se trouvaient à la hauteur
de Panaria ; le vent paraissant vouloir manquer, les
matelots jugèrent prudent de s'y arréter. Ils firent done
voile vers cette île en passant entre Dattolo et Lisca nera.
La première, dit Constant Prévost, a la forme d’une pyra-
mide de 50 m. de hauteur formée d’un tuf blanc sulfo-
alumineux ; la seconde est en lave noire compacte, dure,
divisée en gros blocs irréguliers.
Fig. 42. — Vue d'une grotte à Lisca bianea
Ils descendent à Panaria, on tire le bateau à terre et ils
attendent deux heures qu'on leur accorde l'entrée. Enfin le
chapelain, qui est en même temps commissaire de santé,
arrive et satisfait aux mesures de police. Un paysan cède
son logement et, pendant que Tambourini apprête le
repas, Constant Prévost explore l'ile.
Panaria, dit-il, a 12 où 15 kilomètres de circonférence.
Comme les autres îles, elle a la forme d'un plan incliné
vers le sud, terminé du côté nord par une falaise abrupte,
elle ést composée uniquement de trachyte Livarite) très
dur, dont la disposition rappelle celle du granit, ile est.
jonchée d'énormes blocs arrondis, comme polis, entassés
les uns sur les autres ; sur la plage on trouve un tuf jaune
“analogue au pépérino.
Panaria Stromboli
Fig. 43, — Stromboli et Panaria, cues du Monte Rosso à Lipart
D'après AL Cortèse, Panaria est le reste d'un grand cône
volcanique dont faisait partie aussi l'ilot de Basiluzzo, et
les roches voisines
du côté nord, remar-
quables par leurs
formes découpées en
aiguilles, comme les
parties les plus pitto-
Fig, #. — Blocs de trachyte à Panaria resques des Apen-
nins. Constant Prévost a dessiné le rocher de Strombaluzzo
près de Basiluzzo (Fig. 45).
Le lendemain, 7 décembre, ils firent voile vers Stroms
boli. Après avoir obtenu l'entrée de l'ile, ils se rendirent
chez le curé de Saint-Vincent, pour lequel ils avaient
recommandation et ils aeceptèrent l'hospitalité qu'i
offrait.
L'ile dé Stromboli est bien connie
visitée. Elle est presque uniquen
"ii —
volcanique de 4% kilomètres de circonférence et de 1000
mètres de hauteur. Son sommet, tronqué par un grand
cratère presque circulaire, présenté au nord une profonde
échancrure qui s'étend jusqu'à la mer. A l'intérieur du
cratère, à 150 mètres en dessous des bords, s'élève un
Fig. 45.— Vue de Strombaluszo
cône surbaissé qui est le foyer des éruptions. 11 possède
un nombre de bouches variable avec les époques. Lors de
te de Constant Prévost, il y avait trois bouches dont
les éruptions étaient alternatives ou simultanées. Celle du
- Fig. 46. — Vue de Stromboli, côté nord
sud était la plus active, Les projections s'y succédaient à
quelques minutes d'intervalle, La vapeur blanche qui se
dégage continuellement du volcan devenait plus intense,
— 27 —
puis elle s'assombrissait parce qu'il s'y mélait des projee-
tions dé cendres ; puis venait un jet de pierres incandes-
eentes accompagné d'une détonalion qui ressemblait à un
fort coup de canon.
Les géologues se posent plusieurs problèmes à propos
du Stromboli. On se demande s'il produit des laves, On ne
voit pas de coulées, mais la lave qui sortirait de la bouche
du volcan, si toutefois il y en avail, ne pourrait pas
s'arrêter sur le plan incliné de 4% que forme le cône
intérieur du côté nord vers lu mer el roulerait jusqué dans
les flots. Certains géologues disent avoir observé de la lave,
Constant Prévost signale une fente incandescente en avant
des trois bouches du côté de ka mer, Dans le croquis qu'il
a fait du cône interne, il a écrit, sur cette trainée lumis
neuse le mot de lave incandescente,
Fig. #7. — Vue de l'intérieur dit eratère de Stramboli,
prise du haut du sratére.
Un autre point encore en suspens au sujet du Stromboli
c'est l'influence de la pression atmosphérique sur les
éruptions. Les pêcheurs des environs disent que l'augmens
tation des vapeurs qui sortent du Stromboli annonce le
mauvais temps, Le curé de Saint-Vincent, qui avait passé
toute sa vie dans l'ile, aflirma à Constant Prévost que c'eslu
_ 273 —
exact et que l'approche du siroco augmente les détonations
et les projections du volcan.
Les grandes éruptions sont rares à Stromboli. Cependant
le 17 novembre 1879, il y en eut une assez violente, dont
M. Johnston Lavis a donné le récit.
De retour à Lipari, le 11 décembre, Constant Prévost
alla le 12 et le 13 visiter Vulcano,
L'ile de Vulcano, dont la circonférence est de 50 kilo-
mètres, possède trois cratères. Le cratère de Vulcanello,
qui date de l'an 200 avant Jésus-Christ, est au sommet
d'un cône de 300 mètres, séparé du reste de l'ile par une
plaine basse, où était située la fabrique de soufre et d'acide
borique avant la dernière éruption. Le cratère, actuel-
est celui de Vuleano dont l'altitude est de
387 mètres. Il eut pendant le 48 siècle de nombreuses
Fig. 48.— Vie du cône de Vulcano entouré de son cratère
eætérieur, prise du sommét de Vuloanello
éruptions. Lorsque Constant Prévost le visita, il était en
repos depuis 1786; on y avait établi des exploitations de
soufre et d'acide borique. H se réveilla en 1873. En 1886,
il eut une très forte éruption qui détruisit les usines et fit
fuir les habitants, Depuis lors, les éruptions se succèdent
presque tous les ans. Le edne de Vuleano est entouré d'un
cratère extérieur largement ébréché au N.-E, dont le point
le plus élevé est le Mont Saraceno (488 mètres), HN est au
cône de Vuleano ce que la Somma est au Vésuve.
Le 1% décembre, Constant Prévost quittait les Îles Lipari
par un temps superbe el allait de nouveau débarquer en
Sicile,
13
— 27 —
C’est pendant ce Lermps qu'il rédigea sa lettre de Naples
qui fut insérée presqu'en entier dans le Bulletin de Ia
Société géologique de France.
1 aussi à Naples qu'il rencontra Frédéric Hoffman et
Escher de la Linth. Hs causèrent ensemble de la Sicile et
de l'ile Julia, sans pouvoir arriver à se mettre d'accord.
Hoffmann soutenait la théorie de de Buch sur les cratères
soulèvement, landis que Constant Prévost l'avait abans
onnée, au moins en ce qui concerne File Julia.
Sa première course géologique aux environs de Naples
t pour le lac d'Agnagno, cratère lac de près de 3,000 m.
de superficie, Breislak suppose qu'il eat le résultat d’une
atant du 12 siècle, En effet, il n’était pas connu
ns et son nom est d'origine normande.
a bord méridional se trouve la grotte du chien,
Voici comment Constant Prévost raconte sa visite :
w La grotte a 12 pieds de profondeur et 5 pieds de large;
st fermée par une porte. Les lumières s'y éteignent
A pied du sol et quand on se baisse à ce niveau, on
sent l'odeur piquante de l'acide carbonique. Moyennant
6 carlins (2 fr. 30) on fait l'expérience du chien. Dès
qu'on a posé Le chien à terre dans la grotte, une minute
sufit pour lui faire perdre connaissance. On le porte à
spire avec peine, se lève, chancelle pendant
; puis il revient à lui et son premier aele
est de se jeter sur les visiteurs.»
e la grotte du chien se trouvent les anciens
Etuves de San Germano, Les vapeurs sortent
uses ouvertures entourées de voñtes, qui se
‘efflorescences salines et de cristaux de soufre.»
joute-1-il, un phénomène que je ne puis
En allumant de l'amadou et en soufflant dessus,
mème à { ou eds de l'ouverture, la vapeur qui sort de
celle-ci augmente considérablement. Elle a une odeur
urineuse, »
= 7
au S. du Chäteau, on aperçoit, à 10 où 12 pieds sous les
eaux, les vestiges d'une ancienne route, la Via Venitiana,
qui allait au cap Misène, Le long d'une autre route
ruinée, qui conduisait au lac Fusare, il vit une galerie
voûtée, qui paraît avoir été remplie de cendres volcaniques
analogues à celles qui entourent le temple de Sérapis à
Pouzzoles. La cendre est encore collée sur la muraille et
présente une disposition stratifiée très manifeste. La
1 qu'elle eût été réparée: par Murat, était alors
; elle était creusée de ravins qui atteignaient
pieds de profondeur,
Fig &0.— Dernier pilier du Pont de Caligula aere plaque
de marbre percée par les pholades.
il observa aussi des preuves très
nettes cillation du sol. Le Pont dit de Caligula est le
reste d'un ancien môle qui se dirige de la ville vers la
pleine mer, Il en reste 13 piliers. Sur le 4e pilier, il vit des
Balanes fixées à 7 pieds au-dessus du niveau de la mer,
Le dernier pilier a son sommet environ à 15 pieds au-
dessus de l'eau sten partie couvert d'herbes, mais on
Y voit dés impressions de Balanes, bien qu'on n’en trouve
— 79 —
sur les flancs de li montagne ; une coulée se dirigeait vers
Pompeï, tandis qu'une autre suivait la Fossa della vetrana,
entre l'Ermitage et les bords de la Somma. Les détails de
l'éruplion n'auraient aucun intérêt, pas plus que les
croquis qu'il a pris du cône et du cratère,
Son attention fut appelée sur deux points, qui ont une
certaine importance au point de vue de l'histoire des
théories volcaniques.
Il donne un bon croquis des filons de lave qui traversent
le tuf de la Somma, en se coupant dans des directions
très variées (Fig, 51),
A la partie inférieure de la Fossa grande, il vit et
dessina une stratification discordante entre les cendres et
tufs de la Somma et des lives qu'il rapporte au Vésuve,
Fig.52 — Coupe prise à La Fossa grande
A Anciennes laves du Vésuve.
B Cendres et tufs de la Somme.
D Lave de 1707.
Æ Lave de 1810.
FE Tuf de la Sommn avec be Li) de ponce de calcaire blanc
et de tuf amphigénique.
mais dont la date est indéterminée, Les tufs anciens sont
profondément ravinés ; ils sont altérés el jaunis à la
surface, On peut supposer qu'ils appartiennent à la troi-
sième phase reconnue par M. Johnston-Lavis (1) dans
M) Jonxsrox-Lavis. The yéology of Monte Somma and Vésunius
being a study in culeanology. Quart. journ. Géol, Soc. XL p. #5.
CHAPITRE
THÉORIE DES CHATÈRES DE SOULE
Au commencement du XIX®: :
autour de sa chaire de géologie de F1
de tous les pay:
son esprit den
le, Werner attrait
evberg, des étudiants
Par l'universalité de ses conna nces,
thode, la acité de son imagination,
l'éloquence de sa parole, le charme de sa conversation,
il leur inspirait un profond enthousiasme pour la géologie,
el pour sa personne des sentiments de reconnaissance el
de vénération qui suflisent pour immorl run profes
seur, lorsque ses élèves s'appellent Karsten, Wiedemann,
Humbold, de Buch, Dubuisson, de Charpentier, Hoffmann.
ete. Ce qui honore le plus le maître et les élèves, c’est que
l'affection de ces hommes illustres pour leur très illustre
professeur ne les empécha pas de combattre ses idées
ee qu'elles ent de ématique et de trop absolu
Werner attribuait à l'eau l'origine de toutes 1
Une mer uni elle et tranquille avait lai
liser le granit, puis le:
les basaltes, toutes
hes,
cristal-
istes, les porphyres, les trapps,
roches qui devenaient de moins en
—. 383 —
cleints antérieurement aux époques historiques passa
presque inaperçue.
Dix ans plus tard, au autre savant, Dolomieu, inspecteur
royal des manufactures, parcourait le plateau central
pour visiter les nombreuses papeteries qui y existaient
alors, Voyageant à pied, sans s'inquiéter des auberges, une
croule de pain et un morceau de fromage dans la poche,
couchant dans une cabane de pâtre où même à la belle
éoile, il aimait à causer avec les gens du pays : maçons,
forgerons, carriers, On lui parla d'une roche noire Lrès
dure, qu'il fut curieux de voir sur place. Quand il fut
arrivé en face de la carrière, ilaperçut une foule de piliers,
prismatiques qui lui rappelèrent ce qu'il avait lu du
basalle de la Chaussée-4les-Géants. Il reconnut que ces
piliers faisaient partie d'une longue traînée qui semblait
descendre d'une colline. En la remontant, il trouva un
cratère entouré de scories. L resta quelque temps duns le
pays, le parcourant dans ous les sens ; partout il vit le
basalte sortir d'un volcan.
Ainsi, il découvrit pour la seconde fois, les volcans
éteints de l'Auvergne, mais plus perspicace que Guettard,
il reconout l'origine ignée du basalte.
Cette lois, la découverte fit sensation, car Desmarets,
malgré son origine modeste el la simplicité de sa wie,
était lié avec toute la société élégante et instruite de
l'époque. I fut élu membre de l'Académie des Sciences,
honneur qui faillit lui coûter cher; le Ministre des
Finances trouva que le rang d'académicien était incom-
patible avec les fonctions d'inspecteur royal des manufac-
tures. Heureusement, ce Ministre ne resta pas longtemps
au pouvoir ; son successeur mil Desmarets à la tête de la
manufacture de Sèvres
La découverte de Desmarets fut le signal de nombreux
travaux sur les volcans éteints du sud de la France, de
= 5 —
au vulcanisme. Il conclut de ses propres observations et
de la comparaison des descriptions des voyageurs, que
non seulement les îles Madères, mais bien d'autres Îles
encore, étaient formées uniquement de produits volea-
niques, de laves et de scories.
L'influence qu'avait encore sur son espril l'enseigne-
ment de Werner, lui inspira une théorie singulière sur
l'origine de la forme conique de ces les,
Constatant que loutes se présentent comme un cône
dont le sommet est occupé par une cavilé centrale en
forme d'entonnoir, lé cratère, et qu'elles sont composées
de laves, de luf, de conglomérat volcanique en couches
inclinées qui descendent des bords du cratère vers la mer,
il admit que ces diverses malières volcaniques, dues à
d'anciennes éruptions dont les bouches sont inconnues, se
sont déposées horizontalement dans ï , le
sol poussé de bas en haut par une force intérieure s'est
soulevé, s'est déchiré et étoilé. =
Il s'est produit une ouverture centrale dont la commu
nication avec l'intérieur a été immédiatement fermée par
la chute sur elle-même d'une portion de la masse soulevée,
Il en résulta un vaste cirque qu'il nomma cratère de
soulèvement. Toutefois si celte ouverture vient à se
rouvrir par suite d'un nouveau soulèvement, il peut se
former dans l'intérieur du cirque un cône plus petit dont.
l'ouverture restera en communication avec le foyer central
et deviendra le siège de l'activité volcanique ; c'est pours
quoi il le nomma cratère d'éruption.
Comme exemple de sa théorie, de Bueh cita le pie de
Ténériffe (Fig. 53). Cette montagne conique, nommée aussi
pie de Teyde, d'une altitude de 4,500 mètres est terminée
par un cratère toujours fumant ; elle est située au miliéu
d'un cirque cratériforme dont les bords sont élevés de 2500
u-dessus de la mer. De Buch considère la mon-
= Ré —
lagne qui forme le cirque cratériforme comme le résultal
d'un premier soulèvement ; quant au Pic de Teyde il serait
aussi le résultat d'un soulèvement qui se serait produit au
centre du premier cratère (1).
Dans un mémoire publié en 1827, il décrivit tous des
volcans connus, et il montra que tous présentent la même
disposition. 1 la retrouva notamment à l'Etna et au Vésuve:
I dit à propos du Vésuve : « Le volcan tel que nous le
voyons est sorti tout formé du sein de la terre en 79%
Fig. 53, — Vue du Pie de Ténérifle, d'après de Buch
(Sommet couvert de neige),
Depuis cette époque, sa hauteur a toujours été en dimi-
muant (#}, » À propos de l'Etna, il ajoute: « Nous ne pous
vous pas refuser de voir en lui un individu, pour ainsi dire
arrivé à sa perfection au moment de su naissance, Il ne
pourrait pas être le résultat de coulées et d'éruptions
successives, sa forme est trop régulière el Lrop symétrique
pour avoir une telle «
Outre Ténérille, de Buch Ÿ ma, Santorin,
Barren-Island, comme des exemples d'iles formées par
le soulèvement du sol.
{f} Description des tles Canaries, p. M2.
(9) Zd , p. 812.
(8) Z., p. 3%.
— 981 —
Bien que Léopold de Buch soit généralement considéré
comme ayant imaginé la théorie des cratères de soulève-
ment, on doit cependant le décharger d'une partie de celte.
responsabilité, car ilen a puisé l'idée dans les récits de
Humboldt, autre élève de Werner,
En 1811, dans son essai politique sur la Nouvelle-
Espagne, Humboldt donna une description de l'éruption
du volcan mexicain, le Jorullo.
& Dans la nuit du 28 au 29 septémbre 1759, une plaine
de 3 à 4.000 mètres carrés, dans laquelle on cullivait la
canne à sucre et l'indigo, se souleva en forme de vessie
d'une hauteur de 160 mètres vers le centre ; des milliers
de petits cônes de 2 à 3 mètres de hauteur (hornétos)
sorlirent sur tous les points; au milieu de cette plaine
bombée, dite Malpuis, et le long d'une crevasse, il s'éleva
6 grands cônes de # à 500 mètres d'altitude, dont l'un, le
Jorullo, continua à vomir des flammes. »
Tel est le récit de Humboldt qui inspira Léopold
de Buch,
Avant les publications, de de Buch, tous les géologues
qui avaient observé des volcans, Spallanzani, Breislak,
de Saussure, Dolomieu, Hamilton, etc, considéraient
les montagnes volcaniques comme des amas de scories
et de lavés qui s'étaient accumulés sous forme de cônes
autour de la bouche de sortie,
La nouvelle théorie fut combattue immédiatement par
deux géologues anglais qui s'étaient livrés particulièrement
à l'étude des volcans,
Poulet Scrope dans son livre sur les volcans (*) soutint
l'opinion de Spallanzani; il fit remarquer la disposition
des lits de cendre et de scories à l'ile de Nisita et au cap
(1) Consideration on Voleanos 1825.Trans, Géol, Soc. Lond. 2m
S. 1 p. 941, 1827,
— 389 —
à Santorin el enfin le soulèvement de la côte de Valparaiso
au Chili,
Lorsqu'on apprit l'apparition de l'ile Julia au milieu
de la Méditerranée, on y vit une nouvelle preuve en
faveur des soulèvements.
Constant Prévost, qui n'avait jamais visité de volcans,
qui avait suivi les leçons de Werner, qui étail l'ami de
Humboldt et de de Buch, avait naturellement adopté leur
théorie, Cependant, il le dit dans ses notes, il m'était pas
complètement convaincu.
A Julia, il ne trouva qu'un cratère d'éruption, Ses
doutes augmentèrent; cependant il écrivit dans sa pre-
mière lettre: «Si comme cela est présumable, l'apparition
du cratère d'éruplion à été précédée du soulèvement du
sol, il doit exister autour de l'ile Julia une ceinture de
rochers soulevés qui forment le bord du cratère de soulé-
vement (1) ». Malgré cette restriction, le rapport de Constant
Prévost fut un coup de foudre pour les partisans des
cratères de soulèvement. Arago était exaspéré. I annonça
à l'Académie que Constant Prévost donnait des preuves dé
l'existence du soulèvement, I ne consentit à laisser publier
son rapport dans les Annales des Sciences Naturelles
qu'à la condition qu'il serait suivi d'une note corréetive,
où on lit, sous la signature d'Alexandre Brongniart, les
phrases suivantes : « Les figures 1! et 2 nous font voir
forme et la structure de ce sol évidemment soulevé: ..
Les observations et les figures faites par Constant Prévost
ont donc déjà contribué à faire concevoir et admettre la
réalité et la généralité de la Chéorie des soulévements (2), x
D'un autre côté, le rapport sur les progrès de la géologie
en 1830 et 1831, lu par Ami Boué, dans la séance du 30
li) Bull. Soi . IL p.#7.
{2) Ann. LV, D. 112.
= h —
I ne reconnaissait que trois espèces de cratères :
1e Les cratères dans lesquels les gaz seuls ont été en
action et ont produit quelque chose d'analogue à l'explo-
sion d'une mine. Ces cratères ont peu où point de
saillie, Ils affectent la forme d'un entonnoir irrégulier
dont les bords sont composés par les couches même du
terrain, On ne voit autour de l'ouverture que des débris
dispersés et communément peu abondants du sol, qui
a été superficiellement évidé pur la violence des gaz.
Cordier ne cile pas d'exemple de ces cratères ét on né
sait à quelle disposition il fait allusion. En tous cas les
éruptions par explosion sont bien analogues à l'hypothèse
que vient de développer M. Daubrée à propos des che
minées diamantifères de l'Afrique australe.
2 Les cratères dans lesquels l'explosion des gaz est
accompagnée de projections de lave à l'état de déjections
incohérentes qui s'accumulent autour de la cheminée
éruptive sous formé de montagne conique.
3 Les cratères formés comme les précédents, mais avec
épanchement de lave liquide.
Elie de Beaumont étant venu citer comme cratères de
soulèvement le Cantal et le mont Dore, Cordier fut plus
explicite encore, Il ne voit dans ces massifs montagneux
qu'une immense accumulation de courants de toute
espèce, alternant avec des couches de déjections incohé-
rentes, les unes meubles, les autres consolidées, Toutes
ces couches volcaniques sont en place et à leur niveau prie
mitif, Elles remontent toutes avec quelques degrés vers le
centre du massif de la montagne, parce que c'est de ce
centre, où des points voisins qu'elles sont sorties, pour
s'étendre au loin et pour couler en rayonnant vers les
plaines.
«I est inutile d'invoquer des forces insolites, imagi-
nairés, purement locales et vraiment merveilleuses,
— 293 —
précédé d'une plus longue attente. Il ne s'animait qu'une
fois par an, lorsqu'il parlait des soulèvements, On voyait
alors ce grand vieillard se lever pour protester du haut
de sa taille, toujours droile, contre la théorie qui faisait
pousser comme des champignons, les volcans et les mon-
tagnes.
De Buch, sans avoir jamais visité Santorin la consi-
dérait comme un des exemples les plus remarquables de
cratère de soulèvement,
Les iles de Santorin secomposent de Lrois iles, Santorin,
Thérasiu, Apronisi, circonscrivant un espace circulaire de
2 lieues de diamètre, dans lesquelles surgissent quelques
Hots, les Kaïménis (fig. 56, p. 316). Pour de Buch, les
iles extérieures seraient les restes d'un vaste cratère de
soulèvement, Quant aux Kaiménis, elles seraient encore
le résultat de soulévements isolés dans l'intérieur du
grand cratère,
« La sortie de chacune d'elle semble avoir été une
tentative de la nature pour l'établissement d'un cône
d'éruption. Mais jusqu'à présent toutes ces lentatives ont
manqué (1), »
Virlet d'Aoust, lut, le 17 décembre 1842, une série de
considérations sur le système volcanique de Santorin (?).
1 déclara qu'après avoir étudié Les îles, il s'est convainon
qu'elles constituent un cratère d'éruption. La falaise qui
entoure le golfe présente une immense série de lits de
tufs et d'agrégats trachytiques, comme le montre la
section intérieure des cratères d’éruption ; les laves n'y
manquent pas ainsi que le croyait de Buch; elles sont
réprésentées par des coulées trachytiques, qui se retrous
vent à toutes les hauteurs.
{1} Étie de Buumont: Ann Se, Nat, XIX p. 398,
(2) Bull. Soc. Géol. Fr, ILE p. 287 et 302, Voir aussi IX p. ITÈ
S—
forme des fractures rayonnantes qui résulteraient de l'étoi-
lement; ces fractures seront au nombre d'au moins trois
ou quatre; elles auront leur plus grande largeur et leur
plus grande profondeur à leur origine dans la cavité
centrale, tandis qu'elles devront diminuer dans toutes
leurs dimensions à mesure qu'elles se rapprochent de In
circonférence du cône, Le cratère de Palma lui-même ne
remplit pas ces conditions, car il n'y à qu'une seule
vallée qui puisse être considérée comme vallée de fracture,
le Barancos de las Augustias, Quant aux nombreux pelils
ncos qui entourent le cône, ce ne sont que des vallées
d'érosion comme celles que l'on remarque autour des
cônes d'éruption de Stromboli, de Vulcano, ete. Il cherche
à démontrer par le calcul que pour produire un cône
comme celui de Santorin, il faudrait un soulèvement de
près de 129,730 mètres de hauteur s'exerçant sur une
surface circulaire de 6%,199,784 mètres de rayon, Il se
hâte de déclarer de tels résullats absurdes. Il arrive
également à des conclusions analogues pour Palma.
Élie de Beaumont et Dufrénoy contestèrent l'exactitude
du raisonnement mathémathique de Virlet.
Dufrénoy donna ensuite la définition du cratère de
soulèvement, C'est une cavité cireulaire présentant un
escarpement abrupt à l'intérieur avec des pentes ordinai-
rement très douces extérieurement, el offrant la forme
d'un cône très surbaissé, dont le pourtour est divisé par
des fentes de déchirement qui peuvent avoir été élargies
par de: ons postérieures. Puis il ajoute : « Ces sortes
de cratères ou cavités en entonnoir existent non seulement
dans les terrains volcaniques, mais dans les terrains de
toute autre nature, graniliques et calcaires (1). »
A cetté nouvelle aflirmation, qui venait compliquer et
(1) Bull. Soc. Géol, ILE, p. 296.
_— 297 —
loyauté scientifique. 11 y rétracte ses premières opinions
sur l'Etna(!). Un tel aveu venant d'un géologue de la
valeur de Fr. Hoffmann, portail un coup terrible à la
‘héorie.
Cette méme année 1833 vit paraltre le grand mémoire
de Dufrénoy et d'Élie de Beaumont Sur les groupes du Mont
Dore et du Cantal et sur les soulèvements auxquels ces
montagnes doivent leur relief (21.
Les auteurs, en décrivant la structure géologique de ces
deux groupes de montagnes examinent les causes qui
leur ont donné leur forme actuelle. Is l'attribuent
à un soulèvement postérieur à la sortie des basalles,
Ils admettent que les basaltes el les trachytes se sont
étendus à la surface du sol en épaisses nappes horis
zontales et s'y sont refroidies assez tranquillement pour
acquérir une structure compacte, exempte de cellulosité ;
ils ne pensent pas que des roches à texture aussi serrée
aient pu se solidifier sur des pentes de plus de 3 degrés,
d'où il résulte qu'un cône revêtu de basalle est nécessais
rement un cône de soulèvement. « Dès lors, disent-ils, si de
semblables nappes, comme cela arrive au Mont Dore et
au Cantal, se relèvent vers un point central sous des
angles variables, qui vont en quelques points jusqu'à plus
de 12 degrés, on est fondé à supposer que la croûte
extérieure du globe à éprouvé en ce point l'action d'une
force agissant de bas en haut, qui l'a en quelque sorte
éloilée et qui a relevé en forme de pyramide les secteurs
désunis de ki surface plane primitive (3), »
Au Cantal et au Mont Dore, ils signalent, en outre, des
cônes de phonolite autour desquels les roçhes se relèvent
1) Bull, Soc. Géol, Fr. 1U, p. 170. Séance du 28 janvier 1893,
(2) Ann, des Mines, 3 série, LI, p. 691, 1883, — Bull, Soc, Géol.
Fr., AU, p. 205-274, 1833.
13) Bull, Soc, Géol. Fr, 1 p, ?,
— 299 —
agit, non pas d'une maniére subite, mais suceessive el
son élévation au-dessus de sa base est le résultat de
l'accumulation de matières ignées, qui à diverses reprises
ont été rejelées par ses ouvertures, Rien ne conduit
à penser que ces ouvertures elles-mêmes ont élé déter-
minées par les matières qu'elles rejettent; « rien dans
les volcans ne montre les résultats d’une force qui aurait
commencé par soulever el fracturer le sol sur une grande
étendue et une grande hauteur (1), »
Loin d'attribuer aux phonolites de Sanadoire et de la
Thuilière une origine plus récente que celle des trachytés
et des basaltes qu'ils auraient soulevés, Constant Prévost
dit que ces masses appartiennent aux plus anciens phéno-
méènes volcaniques, que la phonolite à grands rapports
avec le trachyte, c'est de la lave trachytique réfroidie
dans les cheminées d’éruption. Il admet que les basaltes
que l'on voit sur les plateaux environnants ont percé les
masses trachytiques et phonolitiques (?).
Après que la session extraordinaire de la Société géolo-
gique eut été close à Issoire, Constant Prévost continua à
explorer la contrée volcanique du centre de la France
avec son fidèle Montalembert. Il visita les environs du
Puy, le Velay, le Mezene, le Vivarais, le Cantal et revint
une seconde fois au mont Dore.
A son retour à Paris, il envoya au Président de l'Aca-
démie des Sciences le 18 novembre 183 une lettre (%) où il
rendait compte de ses observations,
(1) Ball. Soc, Géol. TV p. 20.
(2) Bull Géol, IV p. 49.
(3 Cette lettre fut imprimée à la suite du mémoire sur File Julia
dans les Mémoires de la Société Géologique de France. IL n'en est
pas fait mention dans les publications de l'Académie, mais les
journaux du temps en donnent l'analyse ot disent qu'elle fut lue
par le secrétaire perpétuel sur la demande de plusieurs membres.
— 901 —
lune à des cratères de soulévement(1). Puis il présenta des
observations sur le Cantal et le mont Dore (2}, On y trouve
plusieurs faits bien établis : la disposition des trachytes en
coulées, la multiplicité des périodes trachytiques, la
position des phonolites entre les trachytes et les basaltes,
l'émission du basalle à deux époques distinctes. 1 montre
que les phonolites du Griou n'ont pas été un agent de
soulèvement, puisque les assises sur lesquelles elles
reposent ne sont pas dérangées et que les trachytes des
contreforts sont inelinés en sens contraire de la poussée
qu'aurait exercée le Griou.
Dans la discussion qui suivit celle lecture, MM. E. de
Beaumont, Dufrénoy, Burat et Fournet soutinrent In
théorie des cratères de soulèvement, tandis que Constant
Prévost appuya les idées de Des Genevez (3).
On a vu que les partisans des cratères de soulèvement
prétendaient que la force interne soulevante pouvait agir
sur toute espèce de lerrain et qu'il devait y avoir des
cratères de soulèvement dans les terrains granitiques où
calcaires,
Burat qui, dans sa description des lerrains volcaniques
de la France centrale (1833) avait adopté les théories d'Elie
de Beaumont, avail cité comme exemple de cratère de
soulèvement établi dans un sol non volcanique, le cirque
du Palau midi du Cantal.
Les bords étaient entièrement granitiques, el vers le
centre seulement de la plaine cireulaire qui forme le fond,
surgissent trois montagnes côniques de nature basal-
tique (4).
Ü) Bu œ 1. IV, p. 98. séance du 2 Décembre 1833,
(2) Bull. y p. 114, Séance du 9 Décembre 1893.
LV, p. 116, 124, 145, 225,
(4) Bull. Soc, Géol, ., IL, p, 169?
OT —
J'étais alors aussi animé pour l'attaque de la théorie des
cratères de soulèvement, que je regardais comme une
erreur célèbre, que M. d'Omalius était entrainé, avec la
grande majorité des plus éminents géologues, à la soutenir
comme une vérilé de grande importance. C'est au bord
des lacs de Daun, sur le cratère de Gérolstein, au sommet
du Siebengehirge, que nous essayämes successivement
nos objections, »
« Les journées n'étaient pas assez longues pour larir les
raisons que nous trouvions pour expliquer chaeun dans le
sens de nos doctrines les faits en présence desquels nous
nous trouvions, n
“Nous poursuivions à lable et la nuit les raisonnements
que la tombée du jour nous avait forcé d'interrompre sur
le terrain.»
«C'est dans ces combats si gais, si animés de l'Eifel que
j'ai pris la hardiesse d'entrer en lice à Bonn avec l'illustre
auteur de la théorie des cratères de soulèvement. M. de
Buch a daigné répondre à mes objections el j'ai le bonheur
de penser que ma confiance he m'a fait perdre aucun titre
à l'estime de ce patriarche de la science, »
Avec l'année 1835, nous arrivons à trois publications de
première importance dans l'histoire des théories volca-
niques en France ; celle de Constant Prévost sur l'ile
Julia, d'Élie de Beaumont sur l'Etna et de Dufrénoy sur
le Vésuve,
Le travail de Constant Prévost sur l'ile Julia parut
dans les Mémoires de la Société Géologique de France,
Après avoir décrit les phénomènes dont il avait été
lémoin à Julia, il examine si cette île est due à un soulé-
vement. Il répond par la négative comme il l'avait fait
dans son premier rapport à l'Académie. De plus, il retiré
son hypothèse, qu'il existait autour de l'ile une ceinture
de rochers formée par les bords du cratère de soulèvement;
— 308 —
‘il en trouve la preuve principalement dans la
saillie rapide de cette gibbosité qui contraste fortement
avec les pentes douces des talus latéraux. Il insiste sur la
régularité des couches de lave et de scories que l’on voit
dans les estarpements du Val del Bove, [ne eroit pas que
des matières meubles et liquides puissent présenter une
telle régularité en coulant où en tombant sur des pentes
considérables.
Voici ses conclusions : Le sol à peu près plat, qui se
Lrouve aujourd'hui occupé par l'Etna, s'est d'abord fendu à
un grand nombre de reprises successives, suivant diverses
directions,
Par ces fentes sortirent des laves qui se répandirent en
nappes horizontales minces et uniformes, Les éruptions
de lave étaient accompagnées de projections de scories
qui retombaient sous forme de pluie sur les espaces
environnants el qui se déposaient aussi en couches
horizontales (1).
Un jour l'agent intérieur, qui fendail si souvent le
terrain, ayant sans doute déployé une énergie extraor-
dinaire l'a rompu et soulevé. Dès lors, l'Etna a été une
montagne et le canal de communication entre l'intérieur
du globe et l'atmosphère étant resté ouvert, celle montagne
a été un volcan permanent,
Cependant Elie de Beaumont attribuait aux phénomènes
éruptifs proprement dits une importance bieñ plus grande
que ne le faisait de Buch,
Pour lui, tous les petits cômes parasites, qui jonchent
comme autant de pustules les flancs dé l'Etua, sont formés
{l) Comment Elie de Beaumont pouvall-il expliquer que les
scorles el les cendres ne s'amassulent pas en monticules coniques
autour des bouches, dans la première phase éruptivé? En quoi ln
deuxième phase éruptive différait-elle de la première ?
20
_— 07 —
devant son esprit, comme des obstacles insurmontables,
quelques objections secondaires déjà en grande partie
résolues, et qu'une observation un peu attentive eût rapi-
dement levées.
Le mémoire de Dufrénoy () sur les terrains volcaniques
des environs de Naples parut après celui d'Élie de Beau-
mont, Il s'inspire de la foi la plus vive et la plus naïve en
la théorie de de Buch.
Il conelut, comme la théorie le voulait, que la Somma est
un cratère de soulèvement, que le Vésuve est aussi un
cône de soulèvement, que le Monte Nuovo est sorti de terre
sous la forme d'une vaste ampoule qui s'est crevée de
manière à produire un cratère (?}, Que les autres cônes de
la Campanie et en particulier l'Astroni sont formés par
du tuf déposé en couches horizontales dans le sein de
la mer, puis soulevé par l'arrivée au jour du trachyte (?).
Cônes de soulèvement aussi les quatre petits cônes
es qui se sont produits sur les flancs du Vésuve
près de Torre del Græco en 1760, et les autres cônes de
scories formés en juin 183% dans le cratère principal el
sur ses bords (#).
Ces appréciations reposent sur de simples conjectures,
sur des observalions superficielles, et mème sur des
erreurs incompréhensibles.
Dufrénoy prend les roches calcaires si riches en miné»
raux de la Somma pour des galets ; lui, minéralogiste, ne
reconnait pas l'amphigène dans les laves modernes du
Vésuve!
De Buch, qui avait accompagné Dufrénoy et Élie de
Beaumont, chercha à étayer sa théorie sur de nouveaux
{tj Ann. des Mines, 3° S., XI p. 119, 369.389.
{2) Loc. cit. p.
{31 Loc, cit,
{4} Loc, elt,, p. 399-401.
= 90 —
La discussion fut portée à l'Académie des Sciences (!),
où Élie de Beaumont déclara que les faits allégués par
Constant Prévost ne détruisaient pas la valeur de la décou-
verte de Pilla et des conséquences qu'on pouvait en
déduire.
Dufrénoy insisla de nouveau sur l'identité du tuf qui
couvre toute la Campanie et qui forme les cônes volea-
niques de l'Astroni, de la Solfatare, de Monte Nuovo, de
la Somma, de l'Epoméo, Constant Prévost lui répondit
que ces Lufs sont variables d'âge et de formation.
Le silence se fit, où parut se faire, sur la théorie des
cratères de soulèvement, chacun des lutieurs demeurant
sur ses positions; tous les arguments avaient été épuisés
pour et contre,
Sous l'influence d'Arago, d'Elie de Beaumont, d'Hume,
boldt la théorie pénétrait peu à peu dans l'opinion publie
que ; elle fut reproduite dans les livres élémentaires; elle
entra plus lard dans l'enseignement secondaire; en un
mot, elle devint la théorie oMicielle,
Mais Constant Prévost n'était pas disposé à se taire, Lui
qui avait bravé Cuvier dans loute sa gloire, ne baissait
pas pavillon devant le succès de ses adversaires, Chaque
année dans sa chaire 1e la Sorbonne, il démolissait les
cratères de soulèvement, I saisissait toutes les occasions
de porter la question devant la Société Géologique, devant
la Société Philomatique, devant l’Académie. Bienqu'il ne
fût pas seul à nier les cratères de soulèvement, bien que
d'autres avant lui eussent soutenu que tous les cûnes vol-
caniques étaient des cônes d'éruption, il fut en France
le porte drapeau de la doctrine, parce que seul il restait
sur la brèche.
Le 2 mars 1N40, il exposa à la Société Géologique de
France son opinion sur la formation des cônes volcaniques
{li Compte-rendu Acad. des Sciences, 1837, 3 avril
— 41 —
nouveaux el produisent de la chaleur. Il compare la cause
des éruptions volcaniques à celle qui fait sortir le vin de
Champagne dés bouteilles qu'on vient de déboucher,
Le 19 décembre 1842, à propos d'une communication
de La Ruelle sur le Cantal, la discussion recommencça
entre Constant Prévost et Dufrénoy, Ce fut une occasion
pour le premier d'exposer de nouveau ses opinions à la
Societé Géologique {1} et quelques jours après à la Société
Philomatique {?).
En 1852, au bruit qu'il y avait une éruption de l'Etna,
Constant Prévost demanda à l'Académie une nouvelle
mission pour aller étudier les formations volcaniques de
llialie, Elle lui fut accordée, mais il n'en profila pas.
Néanmoins, il forma une société pour l'étude des volcans
méditerranéens ; sur son insistance, Collomb, un des
sociétaires, entreprit en 1853 un voyage préliminaire à
Naples et en Sicile,
En 1855, lors de la mission confiée par l'Académie à
Ch. Deville pour aller étudier l'éruption du Vésuve, Cons-
tant Prévost saisit encore l'occasion d'entretenir l'illustre
assemblée des cratères de soulèvement. On le laissa dire
sans répondre (?),
Lorsque Ch. Deville revint et communiqua à la Société
Géologique les résultats de son voyage, Constant Prévost
l'interpella pour lui demander s'il avait étudié la question
des cratères de soulèvement. Deville lui répondit que la
question était toute tranchée pour lui et qu'il croyait
avoir recueilli des faits nouveaux à l'appui de la théorie,
Cette fois, Constant Prévost ne se contint plus. Il s'en
prit directement à Élie de Beaumont (#}.
H) Bull. Soc. Géol., XIV, p. A7
(2) Proc. verb. Soc. Phil., 184%, p. 1-16.
131 G. R. A. S., XLI, p. 794-866 (1855).
{) G. R. ae S. XLI, p. 923, 26 nov. 1835.
Dh don
— 3 —
dans celui de Vogt (1), écrit sous l'influence des leçons
d'Élie de Beaumont ét même dans plusieurs Géologies
élémentaires anglaises (*).
Cependant, c'est en Angleterre qu'elle rencontra en
Poulett Scrope et surtout en Lyell les adversaires les plus
redoutables. Les principaux arguments invoqués par de
Buch, Elie de Beaumont et leurs adhérents étaient on l'a
vu: a
4 L'impossibilité par des laves compactes de se sali-
difier sous une inclinaison supérieure à 4,
2 La largeur et Ka régularité des nappes de lave que
l'on observe dans les parois des cratères de soulèvement,
Par une étude approfondie de l'Etna et particulièrement
du Val del Bove (3), Lyell reconaut des courants de lave
compacte qui se sont solidifiés sous des angles pouvant
alleindre 45°. 1 démontra que, dans les escarpements de
la Somma et du Val del Bove, les nappes de lave sont
loin d'avoir la largeur et la régularité qu'on leur supposait.
Quand on regarde ces escarpements de loin, on croit voir
des nappes continues, Mais de près on reconnait qu'elles
se divisent en tronçons de peu détendue, séparés par
des scories, Ce sont différentes coulées de lave qui sont
situées à peu près dans le prolongement l'une de l'autre,
Enfin, il fit observer que, si les couches de cendres. de
lave et de scories devaient leur inclinaison à un soulés
vement, les dykes qui les traversent n'auraient pas
conservé leur verticalité, mais seraient autant déjetés de
la perpendiculaire que les laves et les scories sont éloignées
de l'horizontale.
Lehrbuch der Geologie und petrefactenkunde:
Geology. — AXSTED — Elementarg Geotogl:
F) Structure des laves molernes quier sont solidifiées sur
tuné pente, Phylosophical Transactions of the Royal Soctety of
London t, 148 p. 109. 1858,
— Hi —
relatée dans les pages précédentes, il n'est pas hors de
propos de résumer les diverses phases de l'éruplion.
Le 26 janvier 1866, on remarqua dans l'ile de Néa
Kaïméni que les maisons se lézardaient et que des blocs
roulaient sur les pentes du cône volcanique qui constitué
l'ilot. Ces phénomènes s'aggravèrent pendant les quatre
jours suivants, puis on entendit des bruits sourds qui
paraissaient venir des profondeurs de la Lérre, le quai se
fendit, des maisons s'écroulèrent, En même temps, une
multitude de bulles de gaz se dégagéaient à travers les
eaux de l'anse de Vulcano et la température de ki mer
s'y élevait,
Le {er février, des flammes apparaissent à la surface de
la mer, des fentes nombreuses se produiseñt, les unes
dirigées de l'est à l'ouest, les autres ayant une direction
perpendiculaire.
Le sol de la plage s'aflaissa rapidement. L'afflaissement
fut de 6 mètres sur la côte occidentale et se fit à certain
moment à raison de Owl5 à l'heure. Ces phénoménes se
coutinuérent en augmentant d'intensité, Pendant Ha auit
du 4 février, on découvrit à la surface de l'eau un récif
enveloppé d'un épais nuage de vapeurs lumineuses,
Quelques heures après, l'Hot avait 20 mètres de longueur
et 10 mètres de hauteur, M, de Cigalla y ayant abordé
Lrouva à sa surface des débris de fond de mer, des galets,
des fragments de coquilles, une pièce de bois, L'accrois.
sement de l'ilot se faisait sans secousse, sans projection,
mais avec une extrême rapidité. Il s'opérait du dedans
au dehors, comme par un mouvement d'expansion, des
blocs solides semblaient partir du centre et se déplacer
vers l'extérieur; la nuit, ces blocs étaient en certains
points incandescents.
Le ä février, le nouvel ilot qui avait été nommé Georgios,
avait rejoint l'ile de Néa Kaiméni. Deux jours après il
— HG —
avait 130 métres de longueur, 60 mètres de largeur EL
30 mètres de hauteur. C'était un amas confus de gros
blocs grisätres, Quand l'un d'eux se détachait et roulait
sur la pente, on apercevait une vive eflervescence à la
place qu'il venait de quitter, Des vapeurs sulfureuses s'en
dégageaient en abondance sous forme d'un épais nuagé
blanc, et pendant la nuit on voyait briller des flammes,
I n'y avait encore de crali
Fig. 66, = Vue du goife de Santorin pendant l'éruption de 1#8,
d'après Lyell.
à Santorin mu Théra. { Nés Kaiment,
b Thérasia. 8 Gcorglos.
€ Aspronisi. h Aprossh,
4 Palowa Kaimeni 4 Mont-StElias, forme de roclies
«# Micra Kaïmèni. anciénnes.
Le 12 février au soir une gerbe de feu jaillit du sommet
du Georgios el relomba sous forme d'une pluie de centres
et de lapi
Le 1 en présence des membres de la commission
scientifique grecque. un rocher surgit de la mer au S20y
— 7 —
de Néa Kaiméni, puis il disparut au bout de quelques
minutes; le méme fait se reproduisit un quart d'heure
après, puis pendant tout le reste de la journée, Le lens
demain les mêmes rochers réparurent, mais ils restèrent
émergés. Us s'accrurent péu à peu, sans bruit, sans
secousses et linirent par se souder et former un flot que
l'on appela Aphroessa.
Le Georgios avait continué ses éruptions, puis s'était un
peu calé, Le 20 février, il y eut soudainement une explo-
sion épouvantable avec projection d'une grèle de pierres
brûlantes, deux membres de la commission grecque
furent blessés et leurs vétements brûlés.
Le 10 mars, un nouveau rocher, Réka, surgil près
d'Aphroessa ; trois jours après il s'était soudé à cet ilot et
le 20 mars, l'ilot d'Aphroëssa lui-même s'était soudé à
Néa Kaiméni. H s'accroissait en hauteur comme en étendue,
mais toujours tranquillement et sans projections ; en exa-
minant avec soin on distinguait plusieurs trainées de lave
dont les blocs se déplacaient rapidement,
Le 19 mai, dans l'intervalle entre Aphræssa et Paloa
Kaiïméni, ‘on vit poindre de nouveaux rochers que l'on
nomma les îles de Mai, M, Fouqué pense que ce sont des
laves sorties par une nouvelle ouverlure sous-marine,
elles contiennent une grande quantité de nodules de lave
à anorthite, arrachés au sous-sol de la baie,
Les éruptions du Georgios continuaient, elles avaient
d'abord lieu par des fentes, M, Fouqué vit peu à peu s'y
former une cavité cratériforme par la projection du sommet
du cône, Les explosions y avaient lieu loutes les quatre à
cinq minutes. L'écoulement des laves se faisait tantôt dans
une direction, tantôt dans une autre; il semblait partir du
cratère, Celui-ci se couvrait de cendres de scories et
acquérait la disposition des cônes volcaniques ordinaires,
En mars 1867, sa hauteur atteignit 108 m.
— 49 —
Le résultat de ces éruptions fut de doubler l'ile de
Néa Kaïméni {Fig. 57).
Le fait le plus caractéristique de l’éruption de 1866 est
la tranquillité avec laquelle les laves sont sorties pendant
la première période de l'éruption; « Les cônes n'étaient
d'abord que des amas pierreux, dépourvus de cratères et
semblables aux anciens dômes trachytiques. » M. Fouqué
désigne cet état sous le nom de cumulo-volcan, Plus tard
cel amas se Lransforma en un cône avec cratère recouvert
de scories et de cendres.
M. Fouqué ne s'est pas contenté d'étudier l'éruption du
nouveau volcan. Il a discuté les divers récits des éruptions
qui se sont produites dans les temps anciens. Il ne lui a
pas été difficile de démontrer que les Kaiménis s'étaient
formés par éruption ét non par soulèvement comme le
croyait de Buch.
Enfin l'examen stratigraphique des falaises de l'ile de
Santorin le conduisit à discuter la théorie des cratères de
soulèvement. Il expose avec beaucoup de clarté les argu-
ments qu'Elie de Beaumont faisait valoir en faveur de
la théorie de de Buch et il détaille avec non moins de
précision el de force de raisonnement les objections des
adversaires,
L'étude de l'archipel de Santorin lui fournit des preuves
péremptoires contre la théorie. Les roches métamor-
phiques qui forment une partie de l'ile de Théra présentent
les mêmes directions et la même inclinaison que dans
toutes les Cyclades et les continents voisins.
Les dépôts d'origine sous-marine que l'on trouve dans
la partie orientale de la même île sont horizontaux, ou
bien ils pendent d'un côté vers l'extérieur de l'ile, de
l'autre vers la baie.
Ces deux dispositions sont contradictoires avec la
théorie de de Buch.
— 320 —
Les dépôts de formation volcanique subaérienne
plongent en général de l'intérieur de la baie vers l’exté-
rieur comme le veut la théorie. Mais, dans les falaises,
on remarque que ce sont surtout les parties supérieures
qui présentent cette inclinaison. Les parties inférieures
sont horizontales ou même inelinées vers la baie. Ce
qui ne pourrait pas se comprendre dans la théorie de
de Buch.
Les dykes ou filons de lave verticaux, qui coupent les
couches volcaniques et qui sont bien visibles dans la
falaise, ont conservé leur verticalité, tandis qu’un soulé-
vement central eut altéré cette direction.
M. Fouqué explique la formation de la baie c'est-à-dire
du vaste cratère de Santorin par des explosions formi-
dables qui ont vidé l'intérieur du cône, suivies d’un
effondrement qui a déterminé la formation des parois
verticales de l'île.
Il termina le résumé de ses considérations générales par
cette phrase qui clot la discussion engagée depuis 1825.
«La théorie des cratères de soulèvement doit être défi-
nitivement abandonnée; elle ne peul plus être considérée
que comme un de ces nobles débris dont la science en
progrès jonche incessamment l'arène de son chemin (!). »
(1) Fououé. Santorin, p. XXVI.
CHAPITRE XII
THÉORIES DE LA FORMATION DES MONTA
Le 22 juin 1829, Élie de Beaumont lut à l'Académie des
Sciences un mémoire (!) destiné à imprimer un cachel
particulier à la géologie francaise pendant près d'un demi-
siècle.
On savait, depuis Saussure, que l'on trouve dans les
montagnes des terrains en couches inclinées, que ces
terrains ont dù se déposer horizontalement, comme tous
les sédiments, et qu'ils ont été redressés à une époque
postérieure.
Au pied des montagnes et sur leurs flancs, il y a d'autres
terrains en couches horizontales, qui viennent butter contre
les escarpements des premiers, où qui reposent sur les
tranches des couches relevées, où mème s’élendent dans
la plaine sans jamais s'élever sur la montagne.
IL est évident que les premiers sont plus anciens que les
seconds et que le phénomène de redressement des couches
(1) Recherches sur quelques-unes des révolutions de la
surface du globe, ele. Ann. Se. Nal. XVIII, p. 5 et284, XIX, p. 9
et 177. n
5 —
redressements n'ont pus été en nombre illimité, ni répartis
sans règle lixe pendant toute la durée des temps géolo-
giques.
Le redressement des couches et la formation d'une
chaîne de montagnes sont à ses yeux les résullats d'un
phénomène unique, brusque et violent, ayant produit un
véritable cataclysme dans toutes les contrées environ
nantes et ayant anéanli à une grande distance lous les
êtres vivants.
U doit done correspondre aux interruptions que pré-
sentent les terrains de sédiment, interruptions qui servent
à limiter les diverses époques géologiques.
Élie de Beaumont admet que chaque système de redres-
sement est caractérisé non seulement par la discordance
de stratification entre les couches relevées et les couches
horizontales, qui fixe son âge, mais aussi par sa direction
Toutes les couches relevées à la méme époque présentent
à peu près la même direction et réciproquement loutes
les montagnes ayant la même direction doivent avoir été
formées à la même époque.
Ce second caractère lui permeltait de fixer l’âge de
dislocation des montagnes, là où il n'y a pas de couches
horizontales dans le voisinage des couches redressées, IL
lui permettait aussi d'assimiler comme de même âge des
montagnes situées à une grande distance les unes des
autres,
ypothèse était séduisante, malheureusement elle
it basée que sur des observations très limitées,
Si l'on veut juger combien était fragile le système d'Élie
de Beaumont, il suffit de lire le paragraphe qu'il consacre
à établir la concordance entre la révolution qui a séparé
le dépôt du calcaire jurassique de celui du grès vert,
d'une part, et le redressement des couches de l'Erzge-
birge, de la Côte-d'Or et du Mont Pilas, d'autre part.
an —
109 Le redressement de l'Erzgebinge a eu lieu certai-
nement avant le dépôt du terrain erétacé, celui de la Côte
d'Or est postérieur au dépôt du terrain jurassique. Done,
la dislocation qui leur a donné naissance a eu lieu à une
époque intermédiaire entre la période du dépôt du Lerrain
jurassique et la période du dépôt du terrain crétacé,
Élie de Beaumont ajoute que ses observations dans le
Jura confirment sa détermination de l'âge du redres-
sement de la Côte d'Or,
Le Jura présente un système de hautes vallées paral-
lèles entre elles, formées par les plis synelinaux des
couches jurassiques et séparées par les plis anticlinaux
des mémes couches. Tout semble conduire à assimiler
ces hautes vallées aux inflexions des couches du calcaire
jurassique de la Côte d'Or, Or, dans le fond des vallées
jurassiques, on trouve des dépôts crétacés analogues au
grès vert de la perte du Rhône, Done, la formation des
rides du Jura est antérieure au dépôt des couches du grès
vert. Les sommets jurassiques des crêtes intermédiaires
formaient autant d'iles et de presqu'iles dans la mer où
se déposait le grès vert.
Il n'est certes pas uu-géolugue qui ne soit frappé de la
faiblesse de ces raisonnements, ainsi que des hypothèses
et des erreurs qui leur servent de base, Beaucoup de ces
erreurs ne peuvent pas être imputées à Elie de Beaumont.
L'étage néocomien, intermédiaire entre le lerrain juras-
sique et le terrain crétacé, n'était pas reconnu. Il n'y
4 pas bien longtemps que des géologues les plus éminents
professaient encore qu'il y a entre ces deux terrains un
immense hiatus et une émersion générale du sol. Les
discussions auxquelles a donné lieu la création de ce qu'on
a appelé l'étage tithonique sont mémorables dans l'histoire
‘le la géologie française.
Un sait maintenant qu'en beaucoup de points le terrain
—
même temps également par un pli. Leur parallélisme ne
prouve rien, car il faudrait commencer par démontrer
que deux vallées très éloignées suivant la même direction
sont le produit du même phénomène. Élie de Beaumont
n'avait pas le droit de poser ce principe en postulatum.
Cependant il était si complètement convaineu de sa vérité
qu'il ne croyait pas que l'on püt en douter; aussi ne se
donnait-il pas la peine de le prouver.
Bien plus, il conclut de leur parallélisme de direction
le synchronisme de chaines de montagnes séparées par
des distances bien plus grandes encore,
À propos de son système Pyrénées-Apennins, il écrit :
uw U parait donc permis de dire que, depuis les bords de
Alabama et du Tenesse (État-Unis) jusqu'au cap Comorin
dans l'Inde, où du moins depuis le cap Ortégal en
Galice jusqu'à l'entrée du golfe Persique, on peut suivre
la surface du globe, sur une longueur de 3500 où au
moins 1600 lieues, une série plus ou moins interrompue
d'aspérités allongées sensiblement parallèles entre elles.
Leur parallélisme et leur proximité semblent indiquer
qu'elles ont toutes été produites en mème temps el pour
ainsi dire d'un seul coup (), »
On remarquera la prudence d'Élie de Beaumont; malgré
ses convictions, malgré l'enthousiasme secret qu'il devait
posséder à la pensée d'avoir découvert une des grandes
lois de la géologie, il n'ose pas affirmer; les mots il semble,
il paraît, reviennent sans cesse sous Sa plume.
ÎL est tout aussi prudent quand il s'agit de là cause des
dislocations dont il a cherché à déterminer l'âge, M dit
qu'il ne s'en occupe pas, que ses résultats sont indépen-
dants de toutes les hypothèses.
On reste libre à la rigueur de choisir entre l'hypothèse
de Delue, qui expliquait le redressement des couches par
1] Ann. Se, Nat. XVUIT, p. 324.
— 329 —
pouvaient se regarder sans rire, Ce mot, il y à un
certain nombre d'années, aurait été appliqué aux géolo-
gues, sans qu'ils eussent trop le droit de s'en plaindre,
Aujourd'hui la Géologie a pris un rang parmi les sciences
exactes (1). n
Brongniart et Arago sont bien plus afirmatifs qu'Élie
de Beaumont ; ils suppriment les il semble, il parait As
n'hésitent pas au sujet de l’origine des montagnes, à
adopter la théorie des soulèvements proposés par de
Buch ; tandis qu'Élie de Beaumont s'était servi presqu'uni-
quement du terme de ridement, que, dans tout le cours
de son long mémoire, deux fois seulement, le mot de
soulèvement avait échappé à sa plume. Brongniart el
Arago emploient uniquement le terme de soulèvement,
Ils le définissent comme on l'a toujours défini depuis celte
époque.
D'après Brongniart, c’est une exuhérance des partis
inférieures aux couches qui composent l'écorce du globe (#,
Arago dit que les montagnes sont sorties du sein de Ja
terre en pérçant violemment sa croûte (5).
Élie de Beaumont se trouva ainsi enveloppé d'une
atmosphère d’encens académique, à travers laquelle les
justes objections de ses émules prirent à ses yeux l'appa-
rence de critiques jalouses.
Ami Boué, qui l'avait précédé dans ces études et qui s'y
était montré plus prudent, mais aussi moins clair el
moins systématique, se fit le porte-voix de l'opposition.
1 publia en 1834, dans le Journal de Géologie, une série
de critiques sur le mémoire d'Élie de Beaumont, puis,
dans les résumés annuels des progrès de la Géologie qu'il
11) Annuaire du bureau des Longitudes pour l'an 1830:
12) Loc. cit, p. 38.
13) Loc. clt., p. 904.
ii
ne cilait que quatre ridements, En le publiant, la même
année, dans les Annales des Sriences Naturelles, il en
porta le nombre à dix. Plus tard, il en reconnut treize.
puis vingt, puis vingt-quatre, et enfin quatré-vingt-seize,
Iladmit en outre des retours de li même direction à des
époques différentes. Enfin, il insisla sur ce que les chaînes
de montagnes étaient souvent, comme il l'avait dit pour
les Alpes et les Apennins, composées de plusieurs
chainons se croisant dans des directions diflérentes el
soulevées à diverses époques, IT reconnut lui-mème dans
les Pyrénées, qu'il avait primilivement supposé formées
d'un seul jet, les traces de quatre systèmes diflérents.
Ces modifications aux principes absolus qu'il avait posés
lui permirent de répondre à presque toutes les objections
de détail qui lui étaient faites. Mais en même temps elles
diminuaient singulièrement la valeur de la théorie.
La multiplication extrême des soulèévements montrait
que es phénomènes n'étaient pour rien dans les moditi-
ns des faunes. La récurrence d'une même direction,
la multiplicité de direction dans une même chaine, aflai-
blissaient, s'ils ne le supprimaient pas, le rapport que l'on
admettait entre la direction d'un système de soulèvement
et son âge. M
Mais ces réflexions ne vinrent qu'aux plus sages.
L'opinion était lancée, elle accepta d'enthousiasme sans
rien examiner, Chacun voulut découvrir son soulève
ment. On vit les géologues établir à l'envie un nouveau
système de soulèvement toutes les fois qu'ils consta-
taient un €as particulier de stratification discordante
ou transgressive, chaque fois qu'ils trouvaient dans le
redressement des couches une direction différente de
celles qui avaient été signalées par Elie de Beaumont.
Après avoir reconnu on cru reconnaitre le parallé
lisme des montagnes de même âge, après avoir suivi
— 333 —
On attribuait donc la formation des montagnes aux roches
éruplives qui constituent généralement le noyau de la
chaine et que l'on voit apparaitre sur les plus grandes
hauteurs. Toutes les chaînes de montagnes disait de Buch,
ont été soulevées par le porphyre pyroxénique (!).
Nul doute qu'Elie de Beaumont ne fut alors partisan de
la théorie de de Buch. Cela ressort de ses restrictions et
dé son silence même.
Mais plus tard il adopla une autre hypothèse en
cherchant la cause des dislocations du sol dans le refroi-
dissement séculaire de notre planète,
« Le refroidissement séculaire, c'est-à-dire la diffusion
lente de celle chaleur primilive à laquelle les planètes
doivent leur forme sphéroïdale, et la disposition régulière
de leurs couches du centre à la circonférence, par ordre
de pesanteur spécifique, présente, en eflet, un élément
auquel il me semble depuis longtemps que ces effets
extraordinaires pourraient être rallachés, n
« Cet élément est le rapport qu'un refroidissement aussi
avancé que celui des corps planétaires établit sans cesse,
entre la capacité de leur enveloppe solide et le volume
de leur masse interne. »
u Dans un temps donné, la température de l'intérieur
des planètes s'abaisse d'une quantité beaucoup plus grande
que celle de leur surface, dont le refroidissement est
aujourd’hui presque insensible. Nous ignorons sans doute
quelles sont les propriétés physiques des matières dont
l'intérieur de ces corps est composé; mais les analogies
les plus naturelles portent à penser que l'inégalité de
refroidissement dont on vient de parler, doit mettre leurs
enveloppes dans la nécessité de diminuer sans cesse de
capacité, malgré la constance presque rigoureuse de leur.
Ann. dé Pogg. IX, 1827.
— 385 —
fusion ignée et il l'avait terminée par l’énumération
des diverses conséquences géologiques qui en résultent ;
il dit en particulier que la lave est poussée dans les
cheminées volcaniques par la contraction de l'enveloppe
terrestre, T1 ne cite cependant pas la formation des
montagnes comme un résultat nécessaire du refroidis-
sement du globe. Certainement, le mémoire de Cordier
a dù inspirer Elie de Beaumont, mais on ne peut pas
dire que celui-ci 1 {emprunté sa théorie.
Constant Prévost affirma à plusieurs reprises que dès
1822 il professait à l’Athénée (!) les idées de Deluc sur
la formalion des bassins des mers par l'affaissement
successif de la croûte terrestre. Mais au lieu d’expli-
quer les affaissements, comme Delue, par l'existence de
vastes cavernes souterraines, il en voyail la cause dans
la contraction progressive de la planète,
() Je n'ai pas retrouvé les notes de l'Athénée, mais voici celles
du cours qu'il fit le 17 mal 1833 à la Sorbonne.
CAUSES DES DISLOCATIONS :
Soulècements. — Eflorts de la matière contenue pour sortir,
augmentation de volume.
Afaissements. — Défaut de soutien de l'écorce solide par dimi-
nution de volume — Cavernes — Deluc.
Elets du refroidissement séculaire. — Masse interne: vides;
— masse externe: fissures par retrait.
Action mécanique. — Pression mécanique des fluides contenus.
Action chimique. — Formation de gaz par diminution de
pression.
Ellets généraux. — Soulèvements et affalssements sur les
lignes de ruptures.
A la leçon précédente (15 mai), il avait dit : «de même que ce ne
sont pas les laves ct les gaz qui soulèvent les montagnes volea-
niques, il est probable que les granites, les porphyres, les serpen-
Unes, les trachytes et les basaltes n'ont pas soulevé les montagnes,
mails que, comme les laves, elles sont sorties par les ouvertures
du sol disloqué. »
— 357—
qui, faisant eflorl pour s'échapper de l'intérieur de la
ierre, brise et soulève l'obstacle qui lui résiste, »
“Les granites, les porphyres, les basaltes sont sortis
à travers le sol, comme le font les laves, en profitant des
fissures de ce sol disloqué par le retrait, et c'est prendre
la conséquence pour la cause que d'attribuer à ces
malières la dislocation elle-même (#, »
Dans la séance du 27 janvier 1840, Constant Prévost
exposa occasionnellement la même théorie, Rozet lui
ayant répondu dans la séance suivante que la grande
dépression entre le Jura el la Bourgogne devait être
allribuée plutôt à l'élévation des deux chaînes qu'à un
enfoncement du sol compris entre elles, Constant Prévost
développa ses idées pendant deux séances [?).
Il commença par définir la théorie des soulévements
à l'aide de citations empruntées à Lazaro Moro, à de Buch,
à Humboldt, à Élie de Beaumont et Dufrénoy, à Arago,
à Hopkins. D'après ces auteurs, la théorie des soulè-
vements est celle qui explique li formation des monta-
gnes par l'action d'un agent placé sous la croûte terrestre,
qui pousse au-dessus de lui cette croûte, la soulève, la
fend et en redresse les lambeaux.
A celte théorie Constant Prévost opposa la suivante : Le
relief du sol est le résultat de grands affaissements suc
cessifs accompagnés de plissements, de mouvements de
bascule et de ruptures, qui ont pu amener des élévations
absolues.
Les matières ignées, loin d'avoir soulevé et rompu le
sol, ont simplement profité des solutions de continuité qui
leur ont été offertes pour sortir et s'épancher au dehors.
Pour expliquer sa pensée, il prend plusieurs compas
raisons éntr'autres la suivante qu'il affectionnait.
U) Bull. Soe. Géol. Fr, 18, X, pe 490, 1890.
2j Bull, Soc. Géol, Fr, LS, XI, p. 189, mars 1840.
— 339 —
de Padoue, on trouve celte phrase : « I ne me semble pas
à propos de souscrire à l'opinion qu'une chaine de mon-
lagnes doit être exclusivement indiquée par la présence
des roches ignées qui la traversent, parce que ces roches
peuvent avoir poussé à une grande hauteur les couches
supérieures sans les déchirer de manière à paraître aux
yeux de l'obvervateur (1). »
Dans la table analytique du même volume on trouve
aussi la phrase suivante à propos d'une partie de l'article
de Zigno : « soulevés par Le trachyte après le dépôt du
terrain tertiaire moyen. n
De Zigno n'a pas dit cela. mais c’est l'interprétation
populaire de son travail.
Un élève d'Elie de Beaumont, Vignaud, venait d'envoyer
à l'Ecole des Mines un rapport géologique el minéralo-
gique sur la province du Tigré. Cordier jugéa à propos
de le communiquer à la Société Géologique. On y trouve
la phrase suivante : & Ce terrain, (terrain de transition
inférieur) [ut soulevé à l'époque de sa première période
par des roches ignées inférieures, lesquelles poussées
par un développement considérable de chaleur dans
l'intérieur du globe et trouvant des terrains d'une
niture siliceuse qui leur présentaient une résistance
très lenace, durent faire un effort considérable, »
En 1850. lorsque Elie de Beaumont eut présenté à
l'Académie ses premiers travaux sur le réseau pente
gonal (*}, Constant Prévost constata (*, comme il l'avait
déjà fait l'année précédente à la Société Géologique (#},
qu'il n'y avait pas de désaccord réel entre Elie de
Bexumont et lui, au sujet de la cause qui avait produit
{1} Bull. Soc, Géol, 1 S. XEV, p. 56.
12) CR: A. S. XXXL p. 323.
(8) CR. AS. loc. cit, p. 438.
Hi Bun. Soc. Géol, 2% S, XII p, 5h
—Wt —
mol parcequ'il comportait une idée théorique qui avait
été reconnue erronée, Il proposa de le remplacer par les
termes de ridement, plissement, dislocation (1).
Élie de Beaumont soutint que le mot de soulèvement
exprimait parfaitement la manière dont il concevait la
formation des montagnes.
Le refroidissement lent et continu de la terre détermine
pour lous les points de la surface un mouvement centri
pète, se résumant par un abaissement insensible, qui
s'opère pendant toute la durée des temps géologiques.
Mais la formation d'un système de montagnes est à ses
yeux un phénomène d’une très courte durée et pour ainsi
dire instantané, Il consiste dans l'écrasement transversal
d'un fuseau de l'écorce terrestre, 11 s'est produit des
excroissances qui se sont élevées au-dessus de la surface
initiale. En même temps les matières internes, forcées
par la compression de chercher une issue, ont crevé les
assises superficielles de bas en haut, ce qui est un véri
table soulèvement.
On voit qu'Élie de Beaumont n'abandonne pas complé-
tement la théorie de de Buch,
Dans la formation des montagnes il distingue deux
actes : le bossellement du fuseau et la sortie des roches
éruptives. Si son explication était exacte, on pouvait
réellement appliquer à l'un et à l'autre fait le terme de
soulèvement. Cependant le mot de ridement proposé par
Constant Prévost, el si souvent employé par Élie de
Beaumont, eut été préférable pour exprimer le fait du
bossellement et il a maintenant prévalu.
vait bien des réserves à faire sur l'expli-
Beaumont. Ceux méme de ses élèves qui
‘anservant encore le terme de
soulèveme
NH C.R.A
— 3312 —
éruptives un rôle aclif quelconque dans la formation des
montagnes. Îls repoussent l'hypothèse que la naissance
d'une chaîne de montagnes soit un phénomène pour ainsi
dire instantané, l'idée même du fuseau terrestre écrasé,
subit une modification considérable,
Certainement toute chaine de montagnes est, selon les
expressions très justes d'Élie de Beaumont, une ride, un
repli de l'écorce devenue trop large. 11 y a rapprochement
de deux points que l'on peut supposer réster à la
même hauteur de chaque côté du pli; entre ces deux
points, dans la région plissée, il y à abaissement et éléva-
tion. L'élévation est plus sensible parce qu'elle paraît à
la surface des continents, landis que la partie abaissée se
trouve recouverte par les eaux de la mer. Mais comme le
fait remarquer avec beaucoup de raison M. de Lapparent,
« on n'aurait qu'une idée incomplète du relief du globe,
si on se bornait à l'étude des rides continentales. Les
lignes de hauteur doivent être considérées en elles-
mêmes, abstraction faite de la saillie qu'elles forment
au-dessus de la nappe océanique, dont l'existence ne
sert à ce point de vue qu'à accentuer le caractère des
dépressions, sans créer pour cet deux domaines dis:
tinets en ce qui concerne le relief (!). »
On voit que ces nouvelles idées sont exactement celles
- que professait Constant Prévost lorsqu'il disait en 1840
que par suile du refroidissement de la masse interne
la croûte solide enveloppante a été plissée et fracturée.
Ce que Constant Prévost n'avait pas dit, ce qui avait
échappé à Elie de Beaumont, c'est la disposition dyssy=
métrique des montagnes que Dana à fait remarquer le
premier et à laquelle M. de Lapparent attache avet
raison une grande importance,
{1} Traité de Géologie, ®r éd. p. 83,
rh —
Dans un pli saillant de l'écorce terrestre, il y a toujours
deux versants inégalement inclinés et au pied du plus
abrupt $e trouve la plus grande dépression.
Ce fait lient à ce que les deux points que l'on peut
supposer avoir conservé leur niveau fixe en dehors de
la partie plissée ne se sont pas rapprochés de la même
quantité vers le centre du plissement, L'un d'eux peut
être considéré comme ayant été plus où moins immobile,
ï is que l'autre a fait tout le chemin, M. Suess, l'illustre
géologue de Vienne, a parfaitement exprimé celte action
ndaire en la désignant comme une poussée langen-
lielle, qui ne s'est exercée que d'un seul côté,
Les plis ont done pris, en général, une forme dyssymé-
métrique, Si la pression à été considérable, ils ont pu
retomber les uns sur les autres, se rompre, glisser sur leurs
pentes el produire, soil la stucture particulière que
M. Suess a désignée sous le nom de structure en écailles,
soit les lambeaux de recouvrement ou plis déversés dont
M. Marcel Bertrand a, le premier, révélé la structure.
Mais ces accidents, dont la connaissance à depuis
quelques années changé si profondément la conception,
par trop simple que l'on se faisait des rides terrestres,
peuvent presque loujours s'expliquer par une série
«d’affaissements.
Tantôt l'aflaissement, se produisant sur le soubus-
ement d'un bassin rempli de couches horizontales,
les couches horizontales, de les redresser et d'y
déterminer des ruplures ou failles. Tantôt, s'exerçant
plus d'intensité sur le même bassin, il pourra
qu'il ste au même point, soit qu'il se déve
loppe dans le voisinage sous un des massifs qui étaient
TABLE DES MATIÈRES
ER
Péfgèe Le 04 4 den BOere 6 à ce lp M
Chapitre L — Biographie
Chapitre 11 — Doctrine de ses actuelles.
THAVAUX SUR LES FORMATIONS NEPTUNIENNES
Chapitre HL— Études s
raligraphiques sur le Bassin de Paris.
1 Coquilles marines du Gypse
> Marnes à formes pyramidales .
3 Sables de 1 :
terre
sonnais
Meulières.
Fontainel
* Sables 4 au et calcaire
de Beau
alcaire d
9 Théories sur lt format
de Paris .
cau-Landon a
n du Bassin
Chapitre IV.— Théorie sur la non-submerslon flérulive des
nts et sur les affluents. Origine
de la houille. MA
as
— 3H —
Pages
Chapitre V. — Principe du synehronisme des formations
ou des faciès. — Nomenclature géologique 155
Chapitre VI. — Époque quaternaire . . . . . . . . . 161
Chapitre VII.— Théories paléontologiques . . . . . . . 114
TRAVAUX SUR LES FORMATIONS PLUTON!
Chapitre VIIL— Ie Julia. . 4 . . $ 80 5x D ni l'E
Chapitre IX. — Sicile. . . . : . : . . . . . . . 2%
1" Calcaire à Rudistes el à Nummulites . 251
2 Division des terrains Lertiaires de Sicile 254
3 Intercalation des basaltes dans les
roches sédimentaires . . . . . . 255
4 Presqu'ile de Mélazzo. . . . . . . 259
5° Formation gypseuse et salifère . . . 261
Chapitre X. — Iles Lipart 4... . ibn &
Chapitre XL — Naples . . : : : po 807 15 CT
Chapitre XUL.— Théorie des cratères de soulèvement . . . 281
Chapitre XIIT.— Théories sur la formation des montagnes . 321
Lille, Liégeois-Six, Imprimeur de la Société Géologique du Nord.
ERRATA
P, 10, ligne 40, aw lien de His-mberg, lise: IHrtemberg,
Page 12, ligne 1, au lieu de Penel, lisez Pinel.
Page 30, ligne 28, au lieu de Meurein, lise: Meulien.
Page 80. ligne 5. au lien de facile, lise: faite.
THE NEW YORK PUBLIC LIBRARY
REFERENCE DEPARTMENT
This book is under no circumstances to be
taken from the Building