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Full text of "Annales"

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CETTE 














SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DU NORD 


Fondée en 1N70 


et autorisée par arrêtés en dates des 3 Juillet 1871 et 28 Juin 1873 


ANNALES 


DE LA 


SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE 


DU NORD 


TOME XXIV 


1896 


LILLE 


IMPRIMERTE LIÉGEOIS-SIX 


1896 


TO HET YORK 
PUBLIC LIFRARY 
148175a 


ASTOE, LENOX AND 
TILDEM FOUNDATIONS 
R su24 L 





LaDRiËre, BoussemaR, CH. BARROIS. 


MEMBRES TITULAIRES ET CORRESPONDANTS (1) 


ANGELLIER, Professeur à la Faculté des Lettres, rue Soiférino, dir Lile, 
ARRAULT Paulin, ingénieur, rue Rochechouart, 69, Paris. 
AULT (d'-DUMESNIL, rue d'Esuette, 1, Abbeville. 

UX, Pharmacien, à Ault (Somme). 
BARROIS, Ch.. Professeur à la Faculté des Sciences, rue Pascal, 37, Lille. 
BARROIS, Jules. Docteur és-sciences, Cap Brun, Toulon. 
BARROIS, Th, Professeur à la Faculté de Médecine, rue Solférino, 220, Lille. 
BARROIS, H, Ingénieur-Directeur de l'usine à gaz, Tourcoing. 
BAYET Louis, Ingén', Walcourt, près Charleroi (Belgique), 
BECOURT, Inspecteur des Forêts au Uuesnoy, 

Professeur à l'Université de Strasbourg (Alsace}. 
BERGAUD, Ing" en chef han, des Mines de Bruay, rue de fa Station, 3, Doual. 
BERGERON, D! &s-sclences, boulevard Haussmann, 157, Puris, 
BERNARD, er-fabricant de sucre, rue de Compiègne, 4, Paris. 
BERTRAND, Prof: à la Faculté des Sciences, rue Malus, 14, Lille. 
BÉZIERS, Directeur du Musée géologique, Rennes. 

BIBLIOT! MUNICIPALE DE LILLE 
BIBLIOTHÈQUE UNIVERSITAIRE DE LILLE. 
BIBLIOTHÈQUE UNIVERSITAIRE DE MONTPELLIER. 
BIBLIOTHÈQUE UNIVERSITAIRE DE RENNES. 
BILLET, Docteur ës-Sciences, Médecin-major à V'Orphelinat Hériot, 
La Boïssière, par Epernon (S.-et-O.). 
BINET, Dir du S,des eaux de Roubais-Tourcoing, r. de Lille, 147, 14 
BODDAERTS (l'abbé) Professeur à l'Institution Notre-Dame, Cambrai. 
BOLE, Pharmacien, rue de Lannoy, 310, Roubaix. 
BOLLAERT, Directeur des Mines de Lens. 
BOULANGER, rue Sulle-le-Comte petite porte). 6, Valenciennes. 
BOURIEZ, Pharmacien, rue Jacquemars-Giélée, 1 lle. 
BOUSSEMAER, Ingénieur, rue Auber, 57, Lili: 
ones Inspecteur des Forêts en re! au Quesnoy. 
Ingénieur, rue à Fiens, 3, Lille. 
BRETON Ludovic, Ingénieur rue Royale, 18, Calais. 
CAMBESSEDES, Professeur à l'École des Maïtres-Mineurs, Douai, 
CALDÉRON, Professeur à l'Université de Madrid (Espagne). 
CARTON, Docteur, Médecin-Major au 19° Chasseurs, Lilie. 
CAYEUX, prép'aux Ecolesdes Mines et des P.-et-Ch., ba St-Michel, 60, Paris. 
CHAPUY, Ingénieur des Mines, square Rameau, 7, Lille, 
CHAUVEAU, Pharmacien, Avesnes. 
Jul, à Deurne, province d'Anvers (Belgique). 
COGET, Jen, Teinturier, rue Pellart, Roubaix. 
COLNION, Victor, Propriétaire, à Fertière-la-Grande. 
COUVREUR, Licencié às-sclences naturelles, à Gondecourt. 
CRÉPIN, Ingénieur aux Mines de Bully-Grenay. 
CRESPEL, Rkhard, Industriel, rue Léon-Gambetta, 54, 


(1) Les Membres correspondants sont ceux qui résident en dehors de la 
académique (Nord, Pas-de-Calris, Somme, Aisne, Ardennes. 





LIER, Dr en droit, boulevard de la Liberté, 108, Lille. 
Léonard, rue Royale, 85, Lille. 
DEBLOCK, Pharmacien, rue du Faubourg-de-Tournai, 53, 
 DEBOUZY, Docteur an médacine, à Wignehies (Nord), 
DECROCK, Licencié ës-aciences naturelles, Institut botanique, Montpellier, 
_ DECROIX, Étudiant, rue d'Inkermann, 5, Lille, 
DEFERNEZ. Édouard, Ingénieur à Liévin-les-Lens. 
DEFRENNE, rue Nationale, 39$, Lille. 
DELCROIX, Avocat, Docteur en Droit, Directeur de la Revue de fa Légistation 
des Mines, place du Goncert, 7, Lil 

ELESSERT DE MOLCINS, ancien professeur, Grande-Rue, 95, Rolle (Suisse) 
DELOBE, Pharmacien, Tournai (Belgique). 
DEI.VAUX, Géologue, avenue Brugmann, 210, Bruxelles. 
DEMESMAY, Industriel, Cysoing (Nord). 
DENIS, J, Professeur à up’, r, de l'Amiral-Courbet, 12, Tourcoing . 
DERENNES, Ingénieur chimiste, 25, boulevad Berbès, Paris 
DERNONCOURT, Représentant de lu Compagnie d'Anzin, Fourmies. 
DESAILLY, Ingénieur aux Mines de Liévin, par Lens. 
DESCAMPS, 1,, rue de l'Aquedue, $ Paris, 
DESCAT, Juies, Manufacturier rue Henri-Kolb, 
DESCHIN, mécaniclen-constructeur, rue du Bourdeau, 44, Lille. 
DESTOMBES, Pierre, boulevard de Paris, Roubaix. 
DEVOS, Jagénieur des Ponts-et-Chaussées, rue des Postes, 20, lille, 
DEWATTINES, Relieur, rue Nationale, 87, Lil 
D'HARDIVILLIERS, Licencié ê-ciences naturelles, Lille. 
DHARVENT, Membre de là Commission des Mon. hist, Béthune (P..de-C } 
DOLLFUS, Gustave, rue de Chabrol, 45, Paris. 
DOLLO, Consers au Musée d'Histoire naturelle de Bruxelles, 
PORLODOT, (Abbé) Professeur à l'Université, qu Vent, 10, Louvain. 
DUBOIS, Professeur au Lycée de St-Quentin (Aisne). 
DULIEUX, Négociant, rue Fontaine-del-Sauls, 33, Lille. 
DUMAS, Inspecteur au eh. de fer d'Orléans, rue Dumoustier, 1 bis, Nantes, 
DUMAS, … Dis du journal le Phosphate, rue du Faub.-Montmartre, 12, Paris, 
DUMONT, Docteur en médecine, à Mons-en-Barœul, prés Lil 
DUTERTRE, Docteur en médecine, rue de la Coupe, 6, Boulogne-sur-Mee. 
LECKMAN, Ales. rue Alexandre-Leleux, 28, Lille. 
ÉCOLE NORMALE D'INSTITUTEURS de Douai 
FARCY, Économe de l'École professionnelle, Armentières. 
FEVER, Chef de division & la Préfecture, r, des Pyramides, 34, Lille, 
FÈVRE Ingénieur, au Corps des Mines, plate de la Frélecture, Arras. 
FLAMENT, Comptable, à Proville, près Camb: 
FLAMMERMONT, Profr à La Faculté des Lettres, f., Ponts-de-Comines, 24, Lille, 
FLIPO, Louis, Propriétaire, à Deñlémont. 
FOCKEU, Docteur en médecine, rue de Juliers, 73, Lille, 
FOREST, Philibert, Maître de carrières à Douries- Maubeuge. 
FORIR, Répétiteur à l'École des mines, rue Nysten, 25, à Liège. 
FOURMENTIN, Persepteur, à Roubaix. L 
FRAZER. D' éssciences, Room, 1049, Drexel Buïlding, Philadelphie. 
GlARD, Professeur à la Sorbonne, rue Stantslas, 14, Paris. 
GIN. Gustave, Ingénieur, St-Pétersbourg, Paris, 
GOBLET, Altred, Ingénieur, Crois, près Routai 
GODBILLE, Médecin. Vétérinaire, à Wignehies 
GODON (Abbé), Professeur à l'institution Notre-Dame, Cambrai, 
GOSSELET, Professeur à ln Faculté des Sciences, rue d'Antin, 18, Lie. 
GOSSELET, 
GRONNIER, 
GROSSOUVRE (de), Ingénie: chef des mines, à Bourges. 
GUERNE (Baron Jales de), rue de Tournon, 6, Paris. 
HALLEZ Paul, Professeur à la Faculté des Sciences, r, de Valmy, 9, Lille. 
HASSENPFLUG, Docteur à Flers, prés Crorr (Nord). 
HELSOX, Ingénieur»clvil des mises, place de Béthune, Lille. 
HERLIN, Georges, Notare, boulevard de la Liberté, 23, Lille. 
BERMARY, Ingéoiver Civil, Bas 





JANET, Léon, Ingénieur au Corps des Mines, rue d'Assas, 85, Paris. 
JANNEL, rue Saint-Vincent-de-Paul, 25, Paris. 


LANGRAND fl'abb@) Vicaire à la Bassée. 
sis Professeur à l'École primaire sup, Haubourdis. 
, Ingénieur des Arts ét Manulnctures. rue Boïlenu, 57, Paris. 
EATI, Ingénieur civil à Senetfe, Mainaut. Helgique. 
LAY, Pharmacien à Aire, (Pde-C_}, 
LECOEQ, Gustave, rue du Nouveau-Siècle, 7, Lille, 
LÉFEUTRE, Contebleur princip. des mises, r. Barthélémy-Delespa: 
LELOIR, Professeur à la Faculté de Médecine, 133, boulevard de la 1 iberté Lille, 
LE MARCHAND, Ingénieur aux Charteeur, Petit-Quévilly $cine-In férieure). 
Ingénieur, Mesvin-Ciply (Belgique. 
LEVAUX, Professeur au Collège de Maubeuge, 
LIÉGEOIS-SIX, Imprimeur, rue Léon flamberts, 244, Lille. 
LIGNIER. Professeur À 1x Facuité des Sciences de Caen (Catvados). 
LOHEST, Professeur à l'Université de Le Rivage à Comblain-auPont {elgique). 
LONQUÉTY, Ingénieur, Boulogne-sur-Bter. 
MALAQUX, Préparateur de Zoologie, à la Faculté des Sciences. 38, Lille. 
MALOU, Sous-chef à la S-Préfesture, r. des Procureurs, 13, St Pol. 
MARCOTTE, Pierre. rue de l'Hôpètal-Militaire, 28, Lille. 
MARGERIE (de), Géorogue, rue de Grenelle, 132, Paris. 
MARIAGE, Négoelant, place de l'Hôpital. 4, Val 
MARGE, Louis, Instituteur, rue du Pont-Lebeurre, Calais 
MARSY, Maître répétiteur au Lycée, Lite. 
MATHIAS, Notaire à Wavrin. 
MAURICE, Ch: Docteur ésaciences, Attiches, par Pont-d-Marcq 
MELON, Licenclé és-sciences, usine à gaz de Moreuil (Scmme) 
METEK, Adolphe, Chimiste, rue Jeanne d'Arc, 41, Lille. 
MEYER. Paul, Représentant de Commerce, rue Roland, 221, Lille, 
MONIEZ, Professeur à ln Faculté de Médecine, r. Colbert, 188, Lille. 
MOREAU Arthur, Maître de carrières, Anor (Nord). 
MORIAMEZ Lucien, à Seint-Wanst-lez-Darai (Nord). 
MONIN,1ngrau Canal de l'isthme de Corinthe, Isthmia (Grèce). 
MOULAN, Ingénieur, Avenue de la Reine, 271, Laeken. 
MOSÉE DE DOUAI. 
MYON, Ingénlaur aux mines de Courrières, à Hilly-Montigny (P.-de-C). 
PAGNIEZ-MIO, Sondeur, Sow: 
PARADES (del, tue Caumartin, 28, Lille. 
PARENT, H, Préparateur à Ia Faculté des Sciences, rue Nationale, 161, Lille. 
PASSELECQ, Directeur de charbonnage à Ciply | Belgiq 
Directeur hon. des Contributions, rue Alexandre-Leleux, 11, Lille 
STE Dourlers (Nord). 
PONTIER ancien Tastituteur à Lumbres (P.-de-C.). 
QUARRÉ, Louis, boulerard de la Liberté 7o, Lille, 
TR Maître de Conférences à la Facullé des Seiences, rue Maluy, 14, Lille. 
RABELLE, Pharmacien à Ribemont (Aisne). 
LITE Mines de Lens {P.-de-C.). 
RICAND Samuel, rue Evrard de Foulloy, 4. Amiens. 
Cambrai. 
RIGAUT Adolphe, industriel, r. de Valmy, 3, Lil 
RIGAUX Henri, Archiviste de ba ville, Hôtel-de-Ville, Lille. 
RONELLE, Architecte, Cambrai, 
ROUSSEL, D' ê-sciences, rue Thouin, 6, Paris. 
ROUTIER, Avocar, rue de Brecquereeque, 152, Boulogne-sur-Mer. 





SELS Doyen hon, de la Faculté des Sciences de Montpellier. 
RUTOT, Cons’ au Musée d'hist. nat, rue de la Loi, 177, Bruxelles. 

So De, Dire, de la Station Aquicole, Boulogne-sur-Mer. 
“SCRIVE DE NÉGRI, Industriel, r. Gambetta, 292, Litie. 

SÉE. Paul, Ingénieur, rue Brôle-Maison, Lille. 
Ingénieur aux mines de Liévin {Pas-de-Calais}. 

“SIX, Achille, Profrau Lycée, rue du Poirier, 3, St-Omer. 

SMITS, Ingénieur, rue Inkermann, 1$, Lille. 

SOCLETRAN, Ingénieur des Mines, Square Labruyère, 3, Paris. 

STECHERT. Libraire, rue de Rennes, 26, l'aris 

STEVENSON, Prof" à l'Université. Washington square, New-York city. 

SUTTER Jean. Licenclé &s-scionces, rue des Ponu-de-Comines, 24, Lille. 

TAINE, Pharmacien, rue du Marché St-Honoré, 7, Paris. 

THÉLU, Directeur de l'Ecole primaire supérieure Frévent (P.-de-C ). 

THÉRY-DELATTRE, Profr au Collège, rue de l'Eglise, 21, Hazebrouck. 

THIERRY, Ingénieur aux mines de Courrières, à Billy-Montigny (P.-de C ;. 

TIERT. Ad, Géologue, rue Cornellle, 7, Paris, 

THIRIEZ, Docteur ds-sciences, Professeur au Collège de Sedan. 

THOMAS, Professeur de chimie à Auxerre (Yonne). 

TROUDE, Maitre-Répétiteur au Lycée, Amiens, 

TRUFFEL. Brasseur, Dorigoles prés Doui 

VAILLANT, Victor, Prép' à la Faculté des Sciences, rue Nationale, 273, Lille. 

VAS DEN BROECK. Cons au Musée, place de l'Industrie, 39, Bruxelles, 

VAX ERTEORN (le baron Octave), rue des Lits, 14, Anvers. 

VIALAT, Ingénieur en chef aux Mines de Liévin. 

VIVIEX, Chimiste, rue Baudreull. 18, St-Qi 

WUILLEMIN, Directeur des Mines d'Aniche. à Douai 

WALKER, Ambroise, Filataur, quai des 4 Écluses, Dunkerque, 

WALKER, Emile, Fllateur, quai des 4 Écluses, Dunkerque. 

SWARTEL Dr, rue Bernos, 34, Lille. 

SWATTEAU, Géologue, Thuin, Belgique. 

WIART, Industriel, Cambrai, 

WILLIAMS, Prof à l'Université, Yale College, New-Havon, Connecticut, 


MEMBRES ASSOCIÉS 


BERTRAND. Profs à l'école des Mines, rue de Rennes, 101, l'aris 
BONNEY, Professeur de Géologie à University-Coilege, Londres, 
BRIART. de l'Acad. Roy, de Belgique. à Morlanwelz. 
CAPELLINE, Recteur de l'Université de Bologne. 
LORTAZAR (de); Ing en chef des Mines, Calle Isabel la Catoliea, 23, Madrid. 
DAUBRÉE, de l'institut, boules, St-Germain, 254, Paris. 
DEWALQUE, Professeur à l'Université de Liège. 
DUPONT, Directeur du Musée d'histoire naturelle de Bruxelles. 
FOUQUÉ. de l'Institut, Professeur au Collège de France, Paris, 
GAUDRY, de l'institut, Professeur au Muséum, Pi 
HALL, Directeur du Musée d'histoire naturelle de l'Etat de New-York, Albany. 
AUDD, Profs à Collage ofScience, South Kensington, 8. W, Lond 
KAYSER, Professeur de Géologie à l'Université de Marbourg, Allemagne. 
LAPPARENT (de), Professeur à l'Eastitur catholique, rue Tilsitt 3, Paris. 
LA VALLÉE-POUSSIN (der, Professeur de Géolagie à l'Université, Louvain 
LESLET, Directeur du Geological Survey de l'Etat de Pensyvanie. 
MAC-TIERSON, Calle de la Exposicion, Barrlo de Monsterio, Madess. 
MALAISE, Professeur émérite à Gembloux. 
MERCEY (de. à la Faloise (Somme), 

MICUEL-LÉVY, Directeur du Service de la Carte Géologique de France, Paris, 


MALO, de l'Acad. Roy. de Lelgique, rue Belliard, 19, 

PELLAT Ed , rue de Vaugirard, ?7, Paris. 

FOTIER, Ingénieur en chef des Mines, boulevard Saint-Michel, S9, Paris. 
PRESTWICI, Shoreham, près Seronosks, Kenl. 

RENARD, Professeur de Géologie à l'Université de Gand. 

SCALUTER, Professeur de Géologie à l'Université de Bonn. 

YELAIN, Professeur de Géographie physique à la Sarbonne, Paris. 








à — 


SWYNGHEDAUW, Maitre de Conférences à la Fneullé des 
Sciences, à Lille, 
+ THÉRY-DELATTRE, Professeur au Collège, à Hazebrouck, 
* VAILLANT, Victor, Préparateur à la Faculté des Sciences 
dé Lille. 
+ VANDENBROECK, Conservateur au Musée d'Histoire Naturelle 
de Bruxelles, 
VANHENDE, Membre de la Société des Sciences de Lille, 
VANROYEN, Maurice, Étudiant à la Faculté des Sciences, 
à Douai. 
+ WARTEL, Membre de a Société Géologique, Docteur en 
Médecine, à Lille. 
WILLM, Ed., Professeur de Chimie à la Faculté des Sciences 
de Lille. 


Des télégrammes ou des lettres de félicitations avaient 
été envoyés par un grand nombre de personnes qui 
n'avaient pas pu assister à la réunion. 


MM. 


* ARRAULT, Paulin, Ingénieur, à Paris. 

« BIGOT, Professeur de Géologie à 1a Faculté dee Sciences de Caen. 

» CHAPUY, P,, Ingénieur des Mines, à Lille. 

* COUVREUR, Licenoié ès.sctences naturelles, à Gondecourt. 
CREVAUX, Proviseur du Lycée de Rochefort-sur-Mer. 
DEHAISNE Mgr, Archiviste honoraire du Département du Nord, 
DELAGE, A., Professeur de Géologie à ln Faculté des Sciences 

de Montpellier. 
DELIGNE, Membre de la Société des Sciences de Lille, 

+ DELVAUX, Émile, Membre de la Socièté Géologique, à Bruxelles, 

* DENIS, Professeur à l'École primaire supérieure, à Tourcoing. 

+ DERENNES, Membre de la Société Géologique, Ingénieur. 

chimiste, à Paris. 

+ DEWALQUE, Professeur à l'Université de Liège. 

DUCAMP, Louis, Préparaleur à la Faenlté des Sciences dé Lille. 

+ DUMONT, Membre de la Société Géologique, Docleur en 

médecine, à Mons-en-Baræul. 

« DUTERTRE, Docteur à Boulogne-sur-Mer, 

* GAUDRY, Albert, Membre de l'Institat, à Paris, 

* DE GUERNE (Baron Jules), anclen Président de li Société 

Géologiqne du Nord, à Paris. 








M. Ch. Barrois remet ensuite à M. Gosselet, en même 
temps que la listé des souscripteurs, un portrait gravé en 
taille douce par le fin burin de M. Mayeur, La gravure, le 
cadre en chêne sculpté et l'album qui renferme la liste des 
souscripteurs, font également honneur aux artistes lillois, 
On remarque beaucoup la reliure de l'album, œuvre de 
M. Dewatines, qui porte, gaufrée sur la couverture, la 
Carte géologique du Département du Nord, 

M. Gosselèt remercie"à la fois M. Barrois, les amis qui 
l'entourent, et tous ceux qui se sont joints en cette circons- 
tance aux membres de la Société géologique du Nord ; 
profondément louché de cette manifestation, il en conser 
vera toujours le souvenir précieux. 

M. Bayet, Recteur de l'Académie, rappelle aux applau 
dissements de l'assemblée, la haute autorité de M. Gosselet 
comme chef d'école, la reconnaissance el l'affection que lui 
portent ses élèves; il est heureux de féliciter l'homme 
aulant que le savant et le professeur, 

M. Van den Broeck présente à M. Gosselet les félicitations 
des géologues belges et rappelle les services qu'il a rendus 
à la géologie de la Belgique. 

A la suite des discours un punch a été oflert à M. 
Gosselet par les souscripteurs. 


Séance du 15 Janvier 1996 


On procède au renouvellement du Bureau, 42 Membres 
étaient présents, 34 onl volé par correspondance. Ont été 
élus : 


Président : MM. Derrenoix. 
Vice-Président : Queva. 

Secrétaire : VAILLANT, 

Trésorier : CRESPEL. 
Bibliothécaire : Quanné-REYBOURBON. 








chaux, par les schistes typiques de Senzeilles où j'ai trouvé 
plusieurs Æhynchonella Omaliusi. C'estau milieu des schis- 
tes moyennement feuillelés que j'ai rencontré, tant à la 
grand’ route, qu'au chemin de Dion, plusieurs exemplaires 
de Rhynchonella Dumonti, 

Le méme fossile se retrouve dans les schistes noirs très 
feuilletés contenant en abondance Cardiola retrostriata, à 
quelques mètres à l'W. du croisement de la même grand’ 
route et du chemin de Baronville. On le voit encore, mais 
dans des schistes moyennement feuilletés renfermés dans 
les schistes de Matagne typiques, le long de ce dernier 
chemin, à 640% du N. de la 5° borne kilométrique de la 
même grand’ roule. 

Enfin, lors de l'excursion de la Société géologique de 
Belgique en septembre dernier, Hhynchonella Dumonti a 
été trouvé en abondance également dans des schistes feuil- 
Jetés, formant un petit bassin dans les schistes de Matagne 
à Cardiola retrostriata, Hyolithes (1) et Cypridina serrato- 
striata, dans la tranchée située au S. du {er viaduc surmon 
tant la voie ferrée de Beauraing vers Dinant, C’est dans 
ce dernier gisement que j'ai également trouvé Cyrtia 
Murchisontana. Mais cette découverte est moins étonnante 
que la première, car M. Dupont a déjà signalé la pré- 
sence de ce fossile à Melreux, dans les schistes de Bar 
vaux, qui sont l'équivalent des schistes de Matagne et 
moi-même, j'ai eu l'occasion de lé rencontrer en abon- 
dance dans les mèmes couches un peu au N. du point 
Signalé par M. Dupont, M. le professeur Gosselet qui a 
bien voulu confirmer la détermination de mes Rhyncho- 
nelles à attiré mon attention sur un phénomène analogue 


(1) D'après mon vénéré Maire G. Dewalque, ces fossiles, connus 
Jusqu'ici sous le nom de Bactrites, n'appartiennent pas à ce genre, 
mais au genre Hgolithes. 





= 


à 4 kilomètres au N.-E. Le village des Tailles est sur 
l'arkose, et celui de Chabreheid sur les schistes rouge- 
lie-de-vin gédinniens, supérieurs à l'arkose. 

Il ne faut pas cependant repousser d'une manière 
absolue la possibilité de trouver du salmien dans le fond 
des vallées. Ainsi dans la petite vallée du ruisseau des 
Noireris, entre Chabreheïd et les Tailles, on voit, sous les 
schistes rouges, de l'arkose mélangée de grès verdâtre, 
puis du schiste bleu, compact, oligistifère, bien analogue à 
certains schistes zonaires du salmien. 


Prolongement salmien d'Odeigne. — Ce prolongement qui 
aîMeure sur la route d'Aywaille entre les bornes 89 el M et 
qui s'étend de la borne 89 jusqu'à Odeigne est uniquement 
formé de schistes rouge-lie-de-vin, assez phylladiques. [ls 
ressemblent à quelques schistes salmiens, mais ils ont 
encore bien plus d'analogie avec les schistes gédinniens, 
On ne peut pas les séparer des schistes de la borne 88 que 
Dumont a mis dans le gédinnien. Si on prend le chemin 
qui va de la borne 89 à Odeigne, on marche sur les schistes 
rouges qui coupent le chemin. Dumont place, on ne voit 
pas pourquoi, ceux de l'E. dans le dévonien el ceux de l'O. 
dans le salmien. 

Ce qui pourrait donner à supposer que tous ces schistes 
sont salmiens c'est qu'ils sont recouverts de blocs d'arkose 
autour des bornes 90 et 91. Ces blocs peuvent être 
éboulés de la colline côte 371, qui est plus élevée que la 
route et dont le sol est couvert d’arkose, Il serait 
peut-être plus simple d'admettre avec Dumont que 
l'arkose se repose en stratification discordante sur des 
schistes rouges, qui, alors, ne peuvent être que salmiens. 
Mais on peut encore faire une autre hypothèse ; les 
schistes rouges de la route sont peut-être intercalés 
l'arkose, comme on en verra un exemple plus loin, 





— 16 — 


Varkose. Elles se relient par continuilé avec celles 
d'Odeigne, qui ont aussi été considérées comme salmiennes 
par Dumont, 

A 2 kilomètres au S.-E. d'Odeigne, dans le fond du 
ruisseau d'Aisne, il y a une carrière de schistes quarzeux 
verdätres, dont l'attribution est assez diflicile, je suis 
disposé à les considérer comme subordonnés à l'arkose. 


Digitation de la borne 91 ou de Bahou. — La bande gédin- 
nienne qui sépare le prolongement d'Odeigne de celui de 
Dochamps commence au N, par l'afleurement d'arkose de 
la route d'Aywaille, à l'E. du kilomètre 91. Elle comprend 
la grande colline de Bahou (côte 571), couverte de débris 
d'arkose, de grès blanc et de schistes rouges, et la colline 
qui forme la partie occidentale du territoire de Dochamps, 
colline couverte de landes et de bois, que j'ai peu étudiée, 

Ces deux collines sont séparées par une profonde vallée 
où se réunissent les ruisseaux d'Aisne et de Fays et que 
traverse la route d'Odeigne à Freyneux, 

Si l'on descend d'Odeigne en suivant cette roule, on 
rencontre au premier tournant les phyllades rouges ; après 
le second lournant viennent, sur 30 m. de longueur, des 
blocs d’arkose, puis de nouveau, des phyllades rouges, 
que l'on suit jusqu'au confluent des deux ruisseaux, 
Dumont a mis ces schistes dans le gédinnien. En effet, ils 
contiennent plusieurs bancs subordonnés d’arkose, qui 
afleurent sur la rive droite du ruisseau, 

Les mêmes phyllades rouges se suivent au N.-0 sur la 
nouvelle route de Freyneux à Oster et au S.-0. sur le 
chemin d'Odeigne à Freyneux. Dans ces deux cas, Dumont 
les place dans le salmien. 

En résumé on ne peut pas séparer tous ces schistes 
rouges; ils se suivent pas à pas, il sont tous : ou salmiens, 
ou gédinniens, Par leur aspect et leur couleur, ils diflèrent 
des schistes salmiens. Dumont avait parfaitement saisi 





== 


céue différence, quand il dit que la couleur des phyllades 
1e Dochamps rappelle les ardoises de Fumai. 

Tenant compte de ces caractères, je suis disposé à les 
ronsidérer comme des schistes gédinniens qui ont acquis 
par compression une structare plus phylladique. Les 
bandes rouges du prolongement dé Dochamps, que 
Dumont place dans le salmien, ne seraient donc que des 
coins de gédinnien qui pénètreraient dans un massif de 
quarzophyllades salmiens, 

M faut aussi remarquer que les schistes rouges se 
relient stratigraphiquement à l'arkose. 

Au moulin de Dochamps, il y a une épaisse masse de 
schiste, rouge, intercalée au milieu de l'arkose, et ce schiste 
contient de gros grains de quarz, analogues à ceux de 
l'arkose, À la scierie c'est de l'arkose, qui est intercalée 
au milieu des schistes rouges. 


IN. — Les grès blancs gédinniens dont il a été question 


plus haut, méritent toute l'attention du géologue. Ce 
sont des grès souvent assez purs, à grains fins, blancs, 
gris ou verdätres ; dans ce cas, ils passent aux schistes 
Qquarzeux vérdâtres. Ils sont bien stratifiés, en couches 
régulières dont l'ensemble peut atteindre 100 mètres. 
Dans un petit ravin au N. de Sumré, ils constituent des 
rochers escarpés, d'où ils se sont éboulés en formant un 
cahos comparable aux amas de la forêt de Fontainebleau. 

C'est au N. de Samré qu'ils occupent leur plus grand 
Méveloppement, aussi peut-on les désigner sous le nom de 
lrès de Saniré. 

On les voit entre ce village et la ferme Hennet; ils 
aMeurent sur la route de Stavelot, à la borne 78 et un peu 
au S. de celte borne: puis près des bornes 79 et 80. Ils y 
sont mélangés de schistes compacts verdâtres, qui peuvent 
se rapporter à la même assise, 


Annales de la Société Géologique du Nord, +. Xx1Y. 





MR — 


On retrouve plus loin le grès blanc, sur la route de 
Bihain à Langlir, entre l'arkose et les schistes rouges, 
puis au S.-E, de Provedroux, dans la mème position; je 
ne les ai pas suivis plus loin vers l'E. 

On ne voit pas de coupe montrant nettement la position 
des grès blanes ; mais partout ils sont entre l'arkose et les 
schistes rouges ; ils occupent donc la place des grès fossi- 
lifères de Gdoumont, près Malmédy, 

Sur le plateau qui est au N, de la Baraque de Fraiture, 
sur celui qui est entre cette Baraque et Odeigne, de même 
que sur la colline de Bahou, il y a du grès blanc, mais, 
comme on ne voit que des débris à la surface du sol, on ne 
peut pas déterminer sa position exacte par rapport à 
l'arkose. 

On peut tirer des faits précédents les lrois conclusions 
suivantes : 

1° Le salmien s'étend moins loin vers le S. du massif de 


Stavelot que ne le figure la carte dé Dumont. 

% Les phyllades rouges d'Odeigne et de la route 
d'Aywaille, que Dumont place dans le salmien, appar- 
tiennent au gédinnien. 

3 Les grès blancs de Samré sont intermédiaires entre 
l'arkose et les schistes rouges. 


Séance du 11 mars 1896 


M. Barrois annonce à la Société que le célèbre géologue 
américain, M. James Hall, vient d'être l'objet d'impu- 
tations calomnieuses de la part de divers journaux 
français. Le Recteur de l'Académie de New-York a 
adressé une lettre de rectification à ces journaux. 

Comme M. Hall est membre associé de la Société Géolo- 
gique du Nord, M. Barrois pense qué la Société devrait 
lui adresser une lettre de sympathie en cette pénible 
circonstance, La proposition est adoptée, 





{y — 


M. Gosselet rappelle que M. Marcel Bertrand, pro- 
fesseur à l'Ecole Nationale supérieure des Mines, membre 
de la Société Géologique du Nord, vient d'être élu membre 
de l'Institut. Il propose à la Société d'inscrire M. Bertrand 
sur la liste des membres associés, où se trouvent déjà tous 
les géologues membres de l'institut. 


M: Barrois fait une lecture sur les divisions géogra- 
phiques de la Bretagne. 
M. Gosselet fait la communication suivante : 


Sur les Cartes agronomiques 
par J. Gosselet 


La question des cartes agronomiques est à l'ordre du 
jour dans notre région. On s'en préoccupe dans les 
Sociétés d'Agriculture des départements du Nord, de 
l'Aisne et du Pas-de-Calais ; on étudie la question en 
Belgique. Mais on peut constater des différences bien 
grandes dans la manière de les envisager. 

Les uns supposent qu'il sufit pour faire une carte 
agronomique de prendre la carte géologique publiée par 
le ministère des travaux publies, de l'agrandir et d'inscrire 
dessus quelques analyses de terre ; d’autres y vont plus 
simplement encore, ils s'imaginent faire une carte agro- 
nomique en portant sur une carte les analyses du sol 
sans méme les discuter au point de vue de leurs relations 
géologiques. 

Je trouve ces deux procédés fâcheux, inégalement 
toutefois, La carte d'analyse chimique du sol ne peut être 
daucune utilité, parce que l'analyse chimique est insuf- 
fisante pour renseigner sur la valeur du sol ; quant à la 
carte géologique avec addition de notes chimiques, elle 
peul être une cause d'erreurs. 





— 20 — 


Pour apprécier la valeur agricole d'un champ, il faut 
connaître la terre arable, le sol vierge, qu'entame souvent 
le soc de la charrus et le sous-sol dont l'altération alimente 
par la base les sols vierges et arables à mésure que ceux 
ci sont entraînés par les eaux pluviales et les charrois. 
C'est dans le sous-sol que l'on trouve les éléments essen- 
liels du sol. Or qui peut, sans avoir fait beaucoup de 
géologie pratique, tracer les limites des divers sous-sols 
et par conséquent des sols. Dans là même parcelle on peut 
trouver plusieurs sous-sols, landis que le même sous-sol 
s'étend parfois sur des centaines d'hectares. Done, à moins 
dé multiplier les analyses au-delà de toute mesure, il faut 
que les échantillons qui doivent servir aux analyses et 
éclairer sur la nature du sol soient prélevés par un 
géologue. 

J'ajouterai que les analyses doivent étre disculées à 
l'aide de considérations géologiques, sans quoi, elles ne 
fournissent que des données incomplètes et erronées. 

Les substances sur lesquelles les cultivateurs ont intérêt 
à être renscignés el que l'analyse chimique peut leur 
dévoiler, sont : les azotates, les phosphates, la polasse, la 
chaux, l'alumine ou plutôt l'argile. 

La quantité d’azotates contenue dans une terre dépend 
principalement de la man dont elle a été cultivée et 
un peu du sous-sol. Les azotates que l'on trouve dans le sol 
dé nos pays ÿ ont été apportés sous forme d'engrais on 
empruntés à l'atmosphère et fixés par la végétation, prinei- 
palement par celle des légumineuses, Par conséquent 
leur quantité varie avec la culture, Une carte qui indi- 
querait en un point une certaine quantité d'azote, devient 
fausse si le mode de culture change, si la Lerre cesse d'étre 
fumée. Les azolates dés engrais entraînés par les eaux 
pluviales pénètrent dans le sol vierge et dans le sous-sol. 
Ils s'y disséminent et sont perdus pour la terre, si le sous- 





sol est permésble jusqu'à une grande profondeur; ils 
restent au contraire à la surface et peuvent être alleints 
par les racines, si le sous-sol contient une couche imper- 
muéable, d'où la nécessité, pour apprécier la réserve d'azote 
contenue dans le sol, dé connaître la nature géologique 
du sous-sol. 

Lu quantité de phosphate, révélée par l'analyse dans le 
sübarable dépend de ce qui ést apporté comme engrais 
et de ce qui est propre au sol. La première origine est 
prépondérante dans ane grande partie du département, 
Vanalyse chimique du sol, sielle n'est pas accompagnée 
‘le celle du sous-sol donnera donc des résultats variables 
avec la culture. 

Cependant beaucoup de contrées crayeuses contiennent 
diwphosphate de chaux naturel provenant de la destruction 
de la craie phosphatée, Le géologue peut juger si cette 
origine est possible et si par conséquent le phosphate est 
propre au sol vierge el au sous-sol. 

- Li potasse est plus uniformément répandue dans le sol 
wierge. Maïs pour la culture, il faut tenir compte de son 
étaitminéralogique. Tandis que la potasse, qui est à l'état 
de feldspath, de kaolin, de schiste, est facilement soluble 
dans Veau pluviale chargée d'acide carbonique, celle qui 
ét dans li glauconie né sort de sa composition qu'avec 
la plus grande difficulté. Il n'a pas encore été prouvé que 
a glhiuconie fournisse de la potasse assimilable. Or la 
glauconie est excessivement abondante dans le dépar- 
ement du Nord. L'analyse chimique, si elle n'est pas 
mecompagnée de l'étude minéralogique, nous dira que le 
SoLesL riche en potasse, mais il ne nous apprendra pas st 
velle polasse peul être utile à la culture. 

“ Lifchaux est un des éléments de richesse agricole 
uibest le plus nécessaire de connaitre, Le géologue 
'apprécietrés approximativement par l'examen du terrain 





zs— 


tandis que l'analyse du s0l arable ne permet pas de 
distinguer la quantité de chaux, propre au sol, de celle qui 
lui est apportée par le chaulage. Aussi quand on fait 
l'analyse d'une terre at-on soin généralement d'indiquer 
depuis quand elle a été marnée, 

Une des qualités que le cultivateur a également grand 
intérêt à connaitre, c'est la perméabilité du sol, Un sol 
trop perméable laisse filtrer les engrais qui se perdent 
dans le sous-sol, tandis que sur un sol imperméable, les 
eaux pluviales qui ruissellent à la surface entrainent ces 
mêmes engrais dans les ruisseaux el les rivières. Le sable 
est le type des terrains perméables; l'argile où glaise 
représente dans le nord de la France le terrain essentiel- 
lement imperméable. Donc une earte agronomique doit 
représenter la nature sableuse ou argileuse du sol, c'est-à- 
dire la quantité de silice et la quantité d'alumine. La 
séparation de la silice et de l'alumine est une opération 
chimique très délicate, J'ajouterai qu'elle est insuflisante, 
Le sable en grains très fins se comporte comme le silicate 
d'alumine en produisant un terrain imperméable, tandis 
que de l'argile enveloppant de gros grains de sable n'empé- 
chera pas la perméabilité du sol. 

Je me suis étendu sur ces considérations pour démon- 
trer que des cartes indiquant seulement des analyses 
chimiques qui ne sont pas guidées par des connaissances 
géologiques approfondies, n'ont aucune utilité, parce 
qu'elles ne renseignent pas sur le sous-sol, parce qu'elles 
confondent la composition variable due 4 la culture avec 
la composition naturelle du sol et par conséquent parce 
qu'elles seraient à recommencer tous les dix ans. 

Si la carte de statistique purement chimique est inutile, 
la carte géologique pure avec annotations chimiques est 
dangereuse. La carte géologique de France est à l'échelle 
de 4/80,000, trop petite par conséquent pour pouvoir 





recevoir les annotations chimiques. Les géologues qui les 
ont construites, et je puis en parler puisque je suis du 
nombre, se sont toujours préoccupés de la question scien- 
tifique, de l'âge du terrain, de la limite des assises; or, 
dans une carte agronomique, l'âge des terrains importe 
peus cé qui doit prédominer, c'est le caractère minéra- 
logique. J'ai déjà eu l'occasion de développer cette consi- 
dération, de rappeler que nous colorons les argiles des 
dièves de Maroilles et du Favril de la même manière que 
la eraîe à Jnoceramus labiatus du Pas-de-Calais, l'argile de 
Louvil comme le sable vert de Mons-en-Barœul. Comment 
weut-on'que se reconnaisse le cultivateur qui consulte la 
carte agronomique où mème le chimiste qui y inscrit les 
résultats de ses analyses? 

Mais ce n'est pas le seul inconvénient. En raison des 
faibles dimensions de l'échelle, nous sommes obligés de 
tricher, de rogner les dépôts très épais, très étendus pour 
faire place à des assises beaucoup plus minces qui ont un 
intérêt géologique considérable, Toutes ces erreurs volon- 
Hires où autres se trouveront amplifiées, si on agrandit 
la carte au 1/40,000, où mème davantage. 

“Or; les seules échelles qui permettent de donner des 
renseignements agricoles est celle du 1/10,000 ou tout au 
plus celle du 1/20,000. 

-Si donc on veut prendre la géologie comme base de la 
tarte agronomique, et tout le monde est d'accord sur ce 
point,il faut refaire la carte géologique, la corriger, la 
compléter, l'adapter en un mot au but que l'on se propose, 

Aesbje crois inutile d'ajouter que ce travail doit étre 
fait par un géologue, et même par un géologue qui 
Lonnait parfaitement la structure géologique du pays dont 
il veut Lracér la carte agronomique. 

“Cestce qui fait le grand mérite de la carte de la 
commune de Crespin que nous a présentée M. Ladrière 





— 


dans la dernière séance, Cette carte est essentiellement 
géologique, mais M. Ladrière a lrouvé le moyen de 
marquer le sol et de le rendre assez transparent pour 
laisser voir le sous»sol. Des sondages très nombreux lui 
ont permis de se rendre comple exactement de ce sous- 
sol et de corriger sur une foule de points la carte géolo- 
gique. 

C'est avec une connaissance parfaite de la structure 
géologique du sol et du sous-sol qu'il a pu choisir les 
endroits où il devait prélever les échantillons destinés à 
l'analyse chimique. 

Je términerai en appelant l'atention de ceux qui s'oc- 
cupent de cartes agronomiques sur un ordre d'idées qu'ils 
négligent à peu près complètement. C’est l'analyse miné- 
ralogique. On a vu plus haut combien il est nécessaire de 
connaître l'état de combinaison, où sé lrouve la potasse, 
la chaux, la silice et les autres substances nécessaires à la 
végétation. 

Tel minéral s'altère facilement ; tel autre résiste à 
l'action de l'air, de l'acide carbonique et même de l'acide 
axotique qui peul se trouver dans les eaux terrestres. 

Généralement, les agronomes qui font des cartes, 
commencent par lamiser la terre et rejellent les gros 
cailloux comme ne jouant que le rôle de matière inerte, 
N'est-il pas un peu imprudent ce mépris du caillou ? Le 
caillou fait l'office d'un drain, autour duquel l'eau dé 
pluie cireule plus facilement. Aussi, voyons-nous que les 
cailloux, même les cailloux de silex, qui sont dans le sol 
ont toutes leurs surfaces aliérées; quand deux galets se 
touchent, la surface de contact présente une surface 
d'altération qui s'étend tout autour comme une auréole; 
il peut même arriver que l'action de l'eau chargée d'acide 
carbonique soit assez puissante pour dissoudre une partie 
du silex et donner naissance à ces galets impressionnés si 





Séance du 22 mars 1896 


Sur un rapport écrit de trois membres, M. Marcel 
Bertrand est élu membre associé de la Société Géologique 
du Nord, 


M. le D' Sauvage, directeur du Musée d'Histoire 
Naturelle de Boulogne-sur-Mer, est nommé membre 
titulaire de la Société. 


Le Secrétaire donne lecture de la note suivante : 


De l'existence de nombreux Radiolaires 
dans le Tichonique supérieur de l'Ardèche, 


par L. Cayeux. 


Le Tithonique supérieur du Sud de l'Ardèche est 
représenté par des calcaires blancs compacts, pauvres en 
fossiles et caractérisés par le Perisphinctes transitorius. 

Au microscope, ces calcaires se montrent criblés de 
petits organismes qui présentent deux manières d'être 
principales : 

le Sections en cloches de formes variées, simples ou 
partagées en deux segments inégaux par un étranglement 
transversal (hauteur moyenne : Owm,06) ; 

2 Sections circulaires ou faiblement elliptiques (dia- 
mètre moyen : Omm, 05). 

Les unes et les autres sont pourvues d'un double 
contour et treillissées. Ce sont des coupes pratiquées par 
Ja section dé la roche dans des Hadiolaires du groupe des 
Cyrtoidea. J'ai reconnu les genres suivants : 


Section des Moxocyurima. — G, Cornutanna Hiæckel, 
Cyrtocalpis Hæckel, et un genre nouveau qui s'intercale 
entre les deux précédents, 





e— 


Section des Dicyarina. — G. Sethocephalus Hæckel, 
Dictyocephalus ? Ehrenb. 

À ces formes je dois ajouter un Æhopalostrum Ehrenb, 
qui est l'unique représentant de l'ordre des Discoidea. 

En résumé, des quatre légions de Radiolaires actuels, 
deux seules existent dans le Tithonique supérieur de 
l'Ardèche : ce sont les Spumellaria avec le genre Hhopa- 
lostrum, et les Nassellaria avec les formes de Cyrtoidea 
énumérées ci-dessus. Parmi ces derniers, les Monocyrtida 
prédominent de beaucoup et les Cyrtocalpis viennent au 
premier rang. Des recherches ultérieures pourront 
enrichir cette faune, mais on peut affirmer, dès mainte- 
nant, qu'elle a pour caractère d'être peu variée. 

Les autres débris organiques qui prennent part à la 
formation du calcaire à P, transitorius sont des spicules 
calcifiés de Spongiaires et des Foraminifères. Us sont d'une 
grande rareté, 

Jai prélevé les échantillons que j'ai examinés dans 
différentes localités du Sud de l'Ardèche : Auriolle, Saint- 
Alban, Berrias, Banne, ele. Tous sont d'une richesse 
surprenante en Radiolaires. Ces organismes y sont réunis 
en télle quantité que parfois ils se touchent. Le calcaire 
qui les renferme est donc issu d'une boue à Rhizopodes 
siliceux qui rappelle, par sa richesse en organismes, la 
bouë à Radiolaires du Pacifique, Or, le calcaire à P. 
Lransitorius n'est nullement siliceux. Tous les Radiolaires, 
sans exception, ont été calciliés et la substitution du 
rarbonate de chaux à la silice s'est faite de façon à 
respecter non seulement la forme des organismes, mais 
encore les détails de structure de leur test. Ce phénomène 
de métamorphose est en lous points comparable à celui 
qui a donné les belles Diatomées calciliées du calcaire de 
Sendat (Japon). 

“Tous les genres cités plus haut vivent encore de nos 





jours. Les Hhopalostrum recueillis par le Challenger sont 

pélagiques, à l'exception d'une seule espèce trouvée à 

1950 brasses, Les Sechocephalus sont uniquement péla- 

giques. Quant aux Cornutanna et Cyrtocalpis, ls comptent 

des espèces tant dé surface que de profondeur, Il n'y a 

donc pas de conclusion bien nette à tirer de la distribution 

bathymétrique actuelle des Radiolaires du Tithonique 

r. Mais il y a, entre loutes les formes que j'ai 

une telle uniformité de laille et d'épaisseur 

faut conclure que leur mode de vie a été le 

mème. Comme un certain nombre sont exclusivement 

pélagiques, j'incline à penser que tous ont été des animaux 
de surface, 

Mes recherches n'ont porté que sur des échantillons 
de l'Ardèche, mais je suis convaineu que la même compo- 
sition organique se retrouvera au niveau de P. transitorins, 
bien au delà des limites de ce département. 

En ce qui concerne la masse considérable de silice mise 
en liberté par la dissolution des coquilles de Radiolaires, 
ilest à remarquer qu'elle ne s'est pas fixée sur place sous 
forme de rognons siliceux. Sauf de très rares exceptions, 
les silex sont absents dans toute la région que j'ai 
parcourue. La silice a donc émigré du calcaire, 

Ce fait n'est d'ailleurs pas isolé, Il existe dans la éme 
région dé nombreux niveaux de Spongiaires. J'en ai 
reconnu dans les assises à Ochetoceras canalieulatum, 
Peltocerus bimammatum, Perisphinetes polyplocus, Aspido- 
ceras acanthicum et jusque dans le Tithonique supérieur, 
Or, les spicules d'Éponges de ces terrains sont invaria- 
blement épigénisés par la caleite et les silex y sont 
inconnus, D'où cette conséquence que le Jurassique supé- 
rieur du Sud de l'Ardèche placé à l'origine, au point de 
vue des organismes siliceux, dans des conditions abso- 
lument comparables à celles du Crélacé supérieur du 





Bassin de Paris est, pour ainsi dire, dépourvu de silex 

alors que la craie en renferme un très grand nombre. Je 

nesuis pas en mesure d'expliquer cette différence radicale, 

Majouterai qu'elle n'est pas spéciale à l'Ardèche. Elle est 

vraie pour beaucoup d'autres points. Sa généralité en 

rend l'explication plus mal aisée et aussi plus désirable, 
M. le Dr Carton fait la lecture suivante : 


Variations du Régime des eaux dans l'Afrique du Nord 
par M. le Dr Carton, Médecin major. 


Lorsque l'archéologue recherche pourquoi les villes puis- 
Santes et nombreuses, les exploitations agricoles dont on 
rencontre à chaque pas les vestiges dans l'Afrique du Nord, 
ontété complètement abandonnées pourquoi le sol couvert 
jadis de riches moissons, de forêts d’oliviers, est aujour- 
d'hui ineulte et dénudé, il est amené à étudier quelles ont 
été les conditions climatologiques, dans lesquelles ont 
véeu ses antiques habitants. 

Dans celle contrée encore tempérée, mais relativement 
chaude, el sujelle à de grandes oscillations de température, 
un élément semble, de nos jours, jouer le rôle principal 
parmi les phénomènes dont l'action a pour résultat d'y 
rendre impossible ou d'y permettre la vie, c'est l'eau. Dans 
les régions de l'Europe, et surtout dans l'Europe centrale, 
où l'eau ne manque presque jamais complètement, les 
Enels de sa plus où moins grande afluence se traduisent 
seulement par un accroissement où une diminution, 
jamais par une suppression lotale de l’activité humaine. 

En Afrique, au contraire, la quantité d'eau qui échoit 
au sol oscille près des limites où elle cesse d'être assez 
abondante pour permettre à l'agriculture ou à la culture 

développer, et des variations, même légères dans 
ielimatologie, peuvent avoir une grande importance. 








— 9 — 


Le volume des pluies reste-t-il au-dessous de ces limites, 
l'homme ne pourra vivre, ou n'y parviendra qu'au prix 
d'eflorts considérables, et sous la menace perpétuelle de 
périr dans la lutte contre les éléments. Les précipitations 
atmosphériques sont-elles, au contraire, suflisantes pour 
permettre à la vie de se manifester, immédiatement, cette 
élévation de la température qui, dans le premier cas, 
était un si grand danger, devient ici une cause de fertilité, 
d'exubérance merveilleuses. Ainsi, dans l'Afrique du 
Nord, où florissait jadis une nombreuse population, une 
oscillation, même faible, dans la climatologiea pu produire 
un changement considérable. 

Les causes de ce changement peuvent done, tout en 
ayant entrainé des ellels très importants, avoir été assez 
peu frappantes pour qu'on ait omis de leur accorder 
l'attention, la valeur, quelquefois très grandes, qu’elles 
méritent. 

Cette remarque était nécessaire en raison desdivergences 
d'opinion qui se sont produites relativement à la climato- 
logie de l'Afrique. 

L'étude de cette question est en effet Lrès délicate. 

En Afrique, on a cru longtemps et j'ai été, d'ailleurs, 
l'un des premiers à soutenir cette opinion, que la dispa- 
rition des innombrables ouvrages d'art édifiés par les 
anciens, suflisait pour expliquer l'appauvrissement du 
pays, 

Le rôle de ces travaux hydrauliques 4 été considérable, 
on ne saurait le méconnaître. Mais on doit remarquer qué 
s'ils avaient pour but de recueillir et de conserver l'eau 
de pluie tombée à la surface du sol, ils n'augmentaient 
en rien le volume des précipitations. 

Or, s'il est vrai que la quantité de liquide qui échoit à 
l'Afrique lui est suffisante, que, si l'on pouvait conserver 
une partie de celui qui tombe en hiver pour l'utiliser en 











#"— 


été, bien des points inculles seraient susceptibles de 
rapport, d'assez nombreux faits tendent à prouver que la 
somme annuelle des pluies n'en a pas moins varié, 

L'eau est moins abondante que jadis à la surface du so), 
ILest un fait d'observation, familier à Lous ceux qui ont 
pratiqué l'Afrique: c'est en grande partie le manque d’eau 
qui empêche de faire des céréales dans de vastes régions, 
où les ruines des grandes villes indiquent, à n'en pas 
douter, que le sol portait autrefois de riches moissons. 
L'existence des forêts qui étaient jadis plus étendues que 
de nos jours et qui même ont disparu en bien des contrées 
atteste également ce fait (1). 

Dans la profondeur du sol l'eau existait aussi autrefois 
en plus grande abondance, On a constaté, à plusieurs 
reprises, que la nappe aquifère s'est abaissée de façon 
plus ou moins considérable. Dernièrement encore, aux 
environs de Kasserine, l'administration tunisienne des 
travaux publics a fait dégager plusieurs puils romains, 
et; n'y rencontrant point d'eau, a poussé les fouilles bien 
au-dessous de la maçonnerie, sans résultat. 

Il est difficile, en ce qui concerne le débit des sources, 
de trouver un point de comparaison bien sûr, qui permette 
d'assurer qu'il ait diminué considérablement, depuis le 
commencement de notre êre. 

Toutes les villes importantes étaient, en effet, alimentées 
par des sources qui jaillissent encore, et munies de 
cilernes où elles pouvaient, en hiver, emmagasiner une 
quantité considérable de liquide. 

L'observation de ce qui s'observe au voisinage des 
exploitations agricoles, des fermes antiques est plus 
probant. Dans certains de ces petits centres, on trouve un 





HV Tissor. — Géographie romparée de l'Afrique romaine, 1, 
D'ATelsuiy. ; — Docteur Canton : Climatologie et Agriculture 
de l'Afrique aneienne, p. 11. 





— nm — 


aquéduc ruiné et des réservoirs dé pelites dimensions, 
qui étaient des puisards ou des bassins de distribution, 
mais pas de vastes réservoirs ou des citernes (!}, A notre 
époque, la source qui les avoisine est tarie durant fout 
l'été, Comme il n'ya pas, dans le voisinage, d'autre moyen 
de se procurer l'eau, on doit admettre que l'absence de 
lout grand réservoir s'explique par ce fait qu'elle coulait 
autrefois toute l'année, 

Ailleurs, j'ai constaté l'abaissement du niveau de la 
source, l'eau coulant au-dessous du bassin qu'elle alimen- 
tait autrefois. 

Les forêts ont aussi, dans toute l'Afrique, diminué 
considérablement en étendue, Je pense que ce fait a causé 
en grande partie la diminution des pluies, bien plus tôt 
que cette dernière ait été cause du dépérissement des 
essences forestières, Car on peut dire que de nos jours et 
avec la sécheresse actuelle, l'homme pourrait encore 
rendre à l'Afrique son revêtement en arbres en choisis- 
sant des espèces appropriées. C'est pourquoi je n'insis- 
terai pas, pour le moment, sur ce phénomène. 

Quoiqu'il en soit, si l'eau tombe encore abondamment 
en hiver, l'humidité moins grande de la surface, l'abais- 
sement de niveau des puits et des sources (que le seul 
abandon des travaux hydrauliques ne peut sufiire à 
expliquer), indiquent que le volume annuel des pluies a 
diminué, On peut objecter à cette opinion que, retenue 
par les racines des arbres, le gazon, les barrages, l'eau 
pénétrait en plus grande abondance dans le sol, tandis 
que de nos jours elle ruisselle à la surface pour se 





(1) V: les travaux hydrauliques dé l'Aîn Halouf : D° Carton, 
Essut de topographie archéologique sur la région de Souk-et 
Arbe, p. 19, ct passim. Je dois ujouter que les ruines qui, 
comme celles-ci, n'ont pas de grands réservoirs ou de citernes sont 
out à fait exceptionnelles. 





précipiter dans les bs-fouds. Ce phénomène devait aussi 
contribuer à élever le niveau de la nappe aquifère ; mais, 
à mon sens, dans des proportions insuflisantes, pour 
expliquer à lui seul un changement aussi considérable 
que celui que j'ai en vue, 

On voit, combien l'étude de cette question est complexe, 

Eu outre, le volume annuel de l'eau qui tombe étant 
suffisant de nos jours comme il l'était jadis, la répartition 
seule en étant mauvaise j'ai eu, comme archéologue, 
moins à me préocuper de la quantité d'eau tombée que 
iles résultats produits par la façon dont elle arrivait et 
dont elle se comportait sur le sol. J'ai donc recherché 
quelles causes pouvaient jadis modérer, régulariser le 
régime des eaux ; je parlerai seulement de celles qui 
offrent un intérêt géologique. 

Les forêts ont joué ici un rôle capital. Je n'ai pas à 
revenirsur la façon dont elles ont pu contribuer à accroitre 
la fréquence des pluies (1) ; mais elles agissent merveil- 
leusement, on le sait, sur le ruissellement. 

… Les gouttes de pluie, arrétées dans leur chute, glissent 
le long des feuilles, des branches, retardées dans leur 

-HLLes forêts « attirent » les pluies, et les pluies font croltre les 
forêts, AL est probable que cette aclion réciproque se fait sentir 
dans lousles pays boisés. De nos jours, el avec la sécheresse actuelle, 
"és toréts de ln Khoumire se reconstituent, la broussallle des 
“montagnes s'élbve en arbustes là où on luf accorde une protection 
‘suifiisante, des semis prütiqués dans certaines contrées ont déjà 
fourni des arbrisseaux de quelques mètres de hauteur, On ne 
ut done dire que c'est à la diminution des pluies que la dispa- 
rition des forèts est due, En revanche, quand on sait quelles ont 
été, en bien des points étrangers à l'Afrique, les conséquences 
"du déboisement, on est en droit d'admettre qu'à un degré plus où 

Hiôlus laut, la destruction des arbrès empêche de se résoudre en 
; des nuagés qui, dans les anciennes conditions, se fussent 
pure ce sujet D' Carton, doc. cût., p. 14). 


Annales de la Société Géologique du Nord, T. XXIV. 





marche par leur adhérence à celles-ci, par leur mille 
rugosités, arrêtées pour s’emmagasiner dans les cupules 
formées par l'insertion des feuilles et des branches vu dans 
le tronc des vieux arbres, pénétrant aussi dans la partie 
spongieuse d'une écorce privée depuis longtemps d'une 
grande partie de son eau, gonflant les mousses desséchées 
qui la recouvrent. Arrivée déjà plus lentement sur le sol, 
elle est reçue H dans une épaisse couche d'humus formée 
de débris de végétaux en décomposition, véritable éponge 
d'une grande puissance d'absorption. 

Le sol lui-même, maintenu dans un certain état de 
fraicheur par celle couche d'humus, est mieux préparé 
à recevoir l'eau que s'il avait été, comme les terrains 
dénudés, formé par une croûte sèche et durcie, diffici- 
lement perméable (*} comme d'autre part, grâce au séjour 
de l'eau dans la couche d'humus sous-jacente, le contact 
entre elle et le sol est prolongé, la pénétration, et par 
suite l'imbibition se sont prodigieusement accrues. 

Quant au liquide qui échappe à tous ces obstacles et qui 
glisse à la surface, il rencontre, chemin faisant, les racines 
des arbres, les toufles de broussaille, d'herbes, minuscules 
barrages qui le forcent à décrire de nombreuses sinuosités 
et à n'arriver au ravin qui doit le recueillir qu'après un 
long contact avec le sol qui en retient encore une partie. 

Arrivée de l'eau plus lente dans les parties inférieures 
de la montagne et de la plaine, transformation d'un torrent 
à durée éphémère en une rivière au cours régulier, tel est 
l'un dés principaux résultats de l'existence des forêts... 1 

Le recul ou la disparition des surfaces boisées, en sup- 
primant ces multiples obstacles a dû contribuer, par 


A1) Bien souvent, à la suite d'une plaie très abondante, mals 
£ourle, nous avons constaté, au cours des fouilles que nous avons 
dirigées, que l'eau n'avait pas pénétré le sol durel à plus de on à 
deux centimètres. 





l'exagération de la violence des eaux sauvages, à modifier 
la configuration du sol. J'ai réuni ailleurs (*) les preuves 
de cet amoindrissement des forêts. 

si Entre Fernans et Afn Draham, à cinq kilomètres envi- 
ron au nord du premier, s'étend, aux confins de la forêt, 
une zone broussailleuse, large de plusieurs kilomètres. 
On y trouve non pas seulement les espèces qui, ailleurs, 
constituent la broussaille à proprement parler, mais, à 
Vétat de buissons où d'arbustes, les essences de la forêt 
voisine qui s'éteudait par conséquent autrefois jusque là. 

Depuis quelque lemps, grâce à la protection dont ils 
sont l'ubjet, les jeunes arbres de haute futaie qui y étaient 
en voie de dépérissement, commencent un peu à dépasser 
de la tte la verdure voisine. 

Sinous n'élions venus soustraire cette broussaille aux 
incendies, aux dévastations des troupeaux, elle aurait fini 
par disparaître (2), tandis que dans quelques années, on 
verra se dresser là des futaies semblables à celles de la 
forêt plus septentrionale. 

Bien des contrées de l'Afrique du Nord ont passé par ce 
premierstade (qui fut souvent un acheminement vers la 
dénudation complète) : la forêt se transformant en brous- 
sailles. Si les causes qui ont amené un tel changement 
avaient continué à agir, les buissons eux-mêmes dont les 
branches les plus élevées sont incendiées, décortiquées ou 
brisées, dont les pousses sont Londues par les chèvres, 
eusseul fini par disparaitre. Et l'on peut encore constater 
un phénomène de ce genre dans une zone voisine de la 
“broussaille qui touche à la forêt. Çà et là dans les vallons, 
on voit encore quelque végétation arborescente ; puis Les 

“(I CARTOS. — Loc. cir. p. 8 el suiv. 


“(2 Les passants les ébranchent, les bergérs les mutilent, les 
“hücherons en font des fagots. Fromentin : Une année dans le 
Sahet, 





= es 


groupes s’isolent, s'écartent les uns des autres, et à Fer- 
nana, des champs, des terrains de parcours, entourent un 
Chène fameux, dernier survivant, comme l'a écrit Elisée 
Reclus, d'une forêt disparue, Dans les ravins, au bord des 
rivières, aux limites des champs, quelques chènes-liège 
rabougris confirment par leur présence le témoignage 
grandiose fourni par l'arbre célèbre, de la diminution de 
la forêt. 

Celle-ci a dû s'étendre assez loin vers le sud, et suivant 
toute apparence, elle émettait des prolongements jusque 
vers la plaine de la Medjerdah. En quelques endroits, les 
croupés rocheuses qui la dominent offrent encore quelques 
chénes-liège malingres. 

I y a, à dix kilomètres de Fernana, sur le sommet d'une 
haute montagne qui sépare la Dakhla de la Rokba et 
et dont le pied est baigné par le fleuve tunisien, un groupe 
d'une vingtaine de ces arbres, mais dont le tronc tortueux, 
le feuillage rare, indiquent qu'ils ne tarderont pas à 
disparaître. Ce sont les vestiges d'un bois qui a couvert 
autrefois les flancs du Djebel Aïrch (Herrech des cartes), 
et qui se reliait jadis, sans doute, à la forêt de Tabarka, 

La Medjerdah est considérée en général comme la 
limite méridionale de la zone où eroissent les chênes-liège, 
en Afrique. Et cependant, plus au sud, dans la région 
comprise entre Béja-gare el la vallée de l'ouéd Ciliana, 
sur un espace long de plus de soixante kilomètres, on en 
rencontre encore dans la broussaille un grand nombre, 
Us ont dû couvrir uné partie des saltus, régions de bois et 
de prairies qui ont existé en ce point, comme nous 
l'apprend l'inscription d'Aîn Ouassel (‘. Et ce qui prouve 
bien que les plantations d’oliviers n’ont pas été les seules 





(1) La lex Hadriana et son commentaire par le procurator 
Patraelus. D Carlon : Reoue archéologique (janvier et février 
1899, p. 21). 


in 


forêts du pays, c'est l'existence de quelques groupes 
d'essences forestières. 

11 y a dans les environs de Zaouïat el Ayadi un véritable 
bois, long de sept à huit kilomètres, de chênes-liège à 
l'état d'arbustes, dont la hauteur ne dépasse pas quatre à 
cinq mètres ; ils sont perdus dans une végétation luxu- 
riante d'arbousiers et de lentisques. Nul doute qu'en pro 
légeant ce point comme on protège les abords de la forèt 
de Kroumirie, on arrive en quelques années à y former 
un bois de rapport. 

Parmi les grès qui constituent une partie du Fedj el 
Adoum, les chênes-liège ne sont pas rares, on les retrouve, 
mais beaucoup moins nombreux, dans certains vallons 
du Djebel ech Chetdi. 

L'épigraphie nous apprend que dès l'époque romaine, 
on s’est attaqué aux bois qui ont couvert celte région, el 
la Joi de l'empereur Hadrien de rudibus agris, qu'avait 
appliquée aux saltus le procurator Patroclus, n'avait 
d'autre but que de les remplacer par des cultures ou des 
plantations. L'histoire des saltus d'Uci Maius est intéres- 
sante à ce point de vue, 

C'était une région dont tous les environs étaient des plus 
peuplés à l'époque où l'on décida d'en défricher les parties 
couvertes d'espèces sauvages, sous le règne de Septime 
Sévère. Alors dans tout le pays s'élevaient ou se construi- 
Saient d'innombrables monuments dont un certain nombre 
mous sont parvenus encore debout. Des villes, de fortes 
bourgades y étaient disséminées, à une faible distance les 
“nés des autres : Thimidum Bure, Numluli, les ruines de Hr 
Chett, etc. L est done fort probable que la forêt avait déjà 
reculé considérablement à cette époque, devant la culture. 

La contrée située immédiatement au Nord fut, dès 
Y'époque numide, des plus prospères, des plus cultivées. 
"C'était la fameuse plaine de Boll, tant convoitée par les 





=#9— 


Carthaginois, où s'élevait une capitale, Bulla Regia, où 
Massinissa rencontra soixante-dix villes et châteaux-forts, 
Plus tard, Salluste cite Vacea, célèbre par son commerce, 
située ‘à six lieues de là, et précisément à l'époque de 
Septime Sévère, d'autres cités avaient, sur son territoire 
même, pris une extrême importance que les édifices de 
Thugga, Thubursicum Bure, Numluli nous révèlent. 

Bien plus, cette contrée est un des points où la coloni- 
sation romaine s’est établie le plus tôt. À six kilomètres 
du village sur le forum duquel nous avons trouvé l'édit 
de Patroclus, fut fondée par Marius, c'est-à-dire trois 
siècles avant le procurateur, li colonie d'Uci Mains. Or, 
après trois cents ans, les descendants des premiers colons 
n'avaient pas encore détruit les hoïs qui les environnaient 
et qui, cependant couvraient une bien petite surface (huit 
à dix kilomètres de diamètre), entourée de tous côtés pan 
les territoires de puissantes colonies ou des municipes. 
On remarquera que cela se passait au siècle où la richesse, 
et par suile l'agriculture de l'Afrique, atteignit son plus 
grand développement, et que les causes de cette prospérité 
qu'il s’agit de rechercher sont bien antérieures à l'époque 
romaine. 

A ceux qui objecteront qu'il s'agit là d'un pays encore 
cultivé de nos jours, nous répondrons que nous avons 
insisté sur la disparition de ces forêts du Nord, parce que 
c'est la région de l'Afrique où la végétation arborescente 
offrait le plus de résistance, où elle à survécu à de longs 
siècles de dévastation dans ce pays dont l'agriculture floris- 
sait à une époque reculée, et où, ainsi que nous le prouve 
une inseription, l'État lui-même s'était attaqué aux bois, 
en tentant d'y attirer assez de bras pour les défricher {‘). 


It) Le sol étant, comme de nos jours, d'une grande fertilité en 
ce point, 1 y avait avantage à le cultiver; 1 n'en a pas été en 
général dé mème des hauteurs montagneuses, où l'on n'avait 
avoun {ntérèt à détruire les forêts. 











—#0— 


Plus au sud encore, le pays était loin d'être complè- 
tement dénudé. À soixante kilomètres au sud du chott 
Djerid, en pleine région saharienne, le plateau des Aouyas 
présente encore ün certain nombre de plantations floris- 
santes d'oliviers, les vallées offrent parfois une broussaille 
assez épaisse, et les habitants du Nefzaoua ont gardé le 
souvenir d'une forêt qui s'étendait de El Hamma à 
Kebilli. 

Arbres ou broussailles, essences forestières ou cultivées, 
ont donc couvert autrefois en Afrique les points qui ne 
portaient pas de céréales, et cela seul nous importe pour 
le moment. 

On a d'ailleurs fait trop bon marché de ces essences 
plus modestes qui atteignent une hauteur dé quatre à cinq 
mètres et sous lesquels on peut encore, comme jadis, 
cheminer à l'ombre. Si, comme le constate M. Bourde, 
elles ne constituent pas de « hautes et épaisses forêts », 
elles n'en ont pas moins une action réelle sur les pluies et 
n'en exercent pas moins une proleelion aussi efficace sur 
le sol. 

Quoi qu'il en soit, et malgré les divergences de détail, 
tout le monde s'accorde à reconnaitre que l'Afrique 
ancienne a été autrement plus boisée (en prenant ce mot 
dans sa plus large acceptation et sans nous occuper de 
savoir s'il s'agit d'espèces forestières cultivées ou de 
broussailles) que maintenant, et nous aurons l'occasion 
de citer de grands travaux hydrauliques dont la présence 
prouve, elle aussi, que le régime des pluies a également 
varié. 

La forêt que l'on traversait autrefois de Tanger à Tripoli 
de Tébessa à Gafsa, a donc bien existé, Elle a pu se 
composer de broussailles de lentisques, de bois de thuyas 
et d'oliviers sauvages, le résultat, au point de vue qui 
nous occupe, à été le mème, 


= A — 


A ces constatations qui suffiraient au besoin, s'ajoutent 
lestémoignages des anciens, Nous renvoyons à l'ouvrage 
de Tissot, qui les énumère ([!), nous contentant de 
remarquer que Salluste lui-même, dont on a invoqué le 
texte pour soutenir que l'Afrique était un pays sans 
arbres (2), parle à maintes reprises des bois, de la brous- 
saille qui couvraient le sol à une époque bien antérieure 
à la romanisation de cette contrée. 

ci (2), c'est Metellus qui prend position dans un pays 
boisé (loca saltuasa). Ailleurs (#, c'est Jugurtha qui se 
réfugie dans un pays inculte, où s'élève un mont couvert 
d'olitiers sauvages, de myrtes et d'arbres qui ne croissent 
que dans un sol aride et sablonneux. 

Pline le Naturaliste, dans sa description de l'Afrique, 
parle plusieurs fois (5) de foréts et de troupeaux d'éléphants 
qu'on y rencontre (5}. Souvent il s'agit de contrées méri- 





{1} Tissot, los. cis. (1, p. 227 et suiv.) 

B} Guerre de Jugurtha, XLAX. Ici méme, le contexte permet 
encoreune interprétation différente: ager frugum fertilis, bonus 
pecort, arborë infecundus. 11 semble que Fhistorien vise les 
Aerpes labourables puisque l'énumération qui précède a trail aux 
produits qui servent à la nourriture de l'homme : un sol impropre 
A Is étiture des arbres fruitiers. Celle de l'olivier n'avait pas 
Encore pris l'extension qu'elle eût plas lard. 

(3) Guerre de Jugurtha, LIV. 

à dbid. XLUUL. 
— (5) Dans L'AUAS : VI, 1. /mas radices denais, altisque repletas 
siloi . incognito genere arborum. 
“OPEN Maurétnie : V, 1, 1, Oppidum Sala, jam solitudinibus 
ñ éléphantorum grogibus infectum. — En Tingitanc : 
Mais l: {psa pronincia ab oriente fert elephantos. — À propos 
Au liloral de là petite Syrie (golphe de Gabès) : excipient saltus 
Fepleti Jerarum multitudine et introsus elephantorum soli- 
“iudines moz deserta vasta, — Noter l'opposition des solitudes 
_ peuplées de hètes féroces, par suite boisées, aux déserls qui né 
. commencent qu'au delà, 





— 42 — 


dionales, Or, ces animaux ne vivent que dans d'épais 
fourrés et dans les forêts d'une grande étendue qui 
n'avaient pas pu naltre depuis l'arrivée des romains, 

Nous rappelons enfin que l'épigraphie et en particulier 
le texte d'Aîn Ouassel nous ont montré que même durant 
les premiers siècles de notre ère, la broussaille existait 
en des parties, devenues ultérieurement très riches, des 
domaines impériaux. 

Or, il est un fait certain, c'est que, sous l'influence de 
la culture d'abord, du régime pastoral ensuite, ces forêts, 
celte broussaille, qui existaient, on vient de le voir, dans 
les premiers temps de l'occupation romaine, n'ont pu que 
diminuer depuis cette époque. Les groupes de thuyas, de 
pins, dont nous avons vu les vesliges dans le centre de la 
Tunisie, sont les restes de forêts qui n'ont pu être ni 
plantées par les Romains qui, en fail de boisement, n'ont 
connu que les cultures fruitières, ni respectées par les 
indigènes, » 

Toute celle végétation forestière, à laquelle font allusion 
les textes anciens, a disparu peu à peu, incendiée par les 
pasteurs, broutée par les chèvres, entraînée avec l'alluvion 
qu'emportaient les eaux ruisselantes, détruité même par 
les anciens cullivateurs qui voulaient faire disparaitre 
avec leur richesse, une cause d'invasion (). 

Ainsi, l'Afrique du Nord apparait, trés anciennement, 
comme un pays couvert de nombreuses et profondes forêts. 
Quelques-unes d'entr'elles subsistaient encore au début 
de notre ère, tant au voisinage du Sahara que dans le 
centre et le Nord; mais elles avaient déjà fait place en 
partie à une broussaille étendue, à des plantations ou à des 
cultures, 


UM) Une ruine berbère, la Kaheua, ft couper les oliviers de la 
Byzacône, qui élalent encore, au VIII: siècle une source de gros 
revenus pour cette province, 


—U— 


Après la dislocation de l'empire romain, arbres fruitiers 
el oliviers disparaissent, la broussaille envahit la plaine 
el les groupes forestiers des régions méridionales dispa- 
raissent ou ne sont plus représentés que par quelques 
individus étoutlés par la végétation broussailleuse. 1 y a 
eu en somme, une diminution progressive et continue du 
revêtement du sol, en bois. 

Quand l'homme procéda à son installation dans les forêts 
primitives, à mesure qu'il en détruisait les arbres, il 
établissait des plantations et construisait au flanc des 
vallées ou sur le cours des rivières, des barrages et des 
réservoirs qui suppléaient par leur présence, 4 la dispa- 
rition des bois, en atténuant aussi la violence du ruisselle- 
meut. De cette façon, les travaux d'art obviaient aux 
inconvénients qu'eût offert la dénudation du sol dont le 
revêtement avait pu disparaître, sans que le régime des 
eaux s'en ressentit. 

Mais celte intervention de l'homme, ce défrichement 
quelque salutaire qu'il parût, n'en créa pas moins un 
danger qui, tôt ou lard, devait éclater, 

Les forêts, grâce à la générosité du sol, à l'humidité 
qu'elles y entreténaient, pouvaient croître et se maintenir 
d'elles-mêmes. Les plantations, les travaux d'art avaient 
nécessité au contraire un entretien constant, Dés que 
Je changement de mœurs, la venue d'un peuple de 
pasteurs fitdécroitre ou cesser la vigilance et les soins dont 

on les entourait, les arbres dépérirent, les barrages furent 
éventrés, et, comme la forêt n'existait plus, comme les 
incendies périodiques et Ja dent des chèvres l'empêchérent 
le repousser, (1) l'eau désormais se précipila avec violence 


MU) Mais si cs conditions désastreuses n'avaient pus existé, 11 
"est probable que les forèts n'eussent pas eu, pour des rulsons d'un 
0 général, et s'appliquant à toute la météorologie du globe, 

at aussi humide que celui qui, dans les temps géologiques 
présida à leur naissance. 





— — 


à la surface du sol, emportant l'humus et l'alluvion, 
ajoutant les désastres de la dénudation et du ravinement 
à l'irrégularité des pluies, conséquence du déhoisement 
et de la pénurie de plus en plus grande de liquide pendant 
la saison estivale. 

Les preuves de ces funestes conséquences abondent. 

Sur les bords de l'Oued Gabès, un ancien lit, dans le 
voisinage des ruines de Tacape, renferme des potéries 
romaines, à 250 au-dessus du lit actuel. Comme la berge 
a environ 4 de hauteur, on doil admettre que, depuis 
l'époque romaine, le lit s'est creusé de plus de la moitié 
de sa profondeur. Sur les bords de l'Oued Melleg auprès 
de Sidi Amar, j'ai relevé un fait analogue, 

Dans l'Oued Ahinar, près de Teboursouk, le pied de la 
culée d'un pont antique est à 3" au-dessous du lit d'un 
torrent qu'il franchissait ; la hauteur totale de la berge 
est actuéHement de S mètres. 

L'action des torrents, violente dans le sens de la 
profondeur s'est fait également sentir avec intensité en 
surface. Les ravins ont remonté vers la montagne, la 
divisant de profonds sillons, déchaussant à Ain Younès 
(région de Testour), un magnifique mur de soulèvement. 

A Bordj Brahim, près de Dougga, un ravin qui s'arrétait 
à quelques mètres au-dessous d'une voie antique l'a 
emportée et remonte actuellement à près de 300 mètres au 
dessus ; sa profondeur et sa largeur étant d'environ 5 
mètres, Enfin, parmi les nombreux exemples de dénu- 
dation que j'ai recueillis, je citerai celui qu'offre l'aquedue 
de Dougga dont les regards, qui forment de véritables 
jalons où le niveau du sol ancien est indiqué par un détail 
de construction ont été, en certains points, découverts sur 
une hauteur de près de 3 mètres. En bien des endroits où 
l'on relève des ruines de fermes, d'exploitations agricoles, 
le sol dénudé, la roche qui le perce de toutes parts 


43 — 


ne permellraient plus de cultures aussi étendues eL aussi 
prospères que celles attestées par l'étendue des coustruc- 
lions voisines. 

Ainsi, les pluies ont certainement diminué en Afrique 
depuis l'époque de Carthage. Mais la proportion dans 
laquelle elles ont subi ce changement est difficile à 
préciser, à l'aide des seules données fournies par l’archéo- 
logie. Je dois done me borner à constater cette diminution 
dont la cause apparente est surtout le déboisement, mais 
qui peut être aussi l'effet d'un phénomène climatologique 
plus général dont je ne saurais rechercher ni l'existence, 
ni l'importance. Je remarquerai seulement qu'en lous cas, 
son action ne ferait que corroborer celle des forêts que 
je viens de signaler. 

En ce qui concerne Je changement des conditions où 
s'est trouvée l'agriculture, c'est l'irrégularité des pluies, 
accrue par le déboisement qu'il faut, à mon avis, incri- 
miner bien plus que la diminution des précipitations 
atmosphériques. De même que pour les modifications 
qu'a subies la configuration du sol, c'est la disparition des 
foréts et la destruction des ouvrages d'art qu'il faut 
accuser (1). 

# Pour peu que l'on ait observé en Afrique, on acquiert 
facilement la conviction que les années d'abondance et de 
diselte dépendent moins qu'on ne serait porté à le croire 
du volume d'eau qui tombe dans l'année, L'hiver a pu être 
très pluvieux ; si les pluies cessent de bonne heure, dans 
un pays où les années différent « furieusement, » si, dans 
la période qui sépare la saison humide du commencement 
deVété, c'estä-dire de l'époque où doit se faire la récolte, 
il ne tombe que peu ou point d'eau, l’année sera une année 
dé disette. Si, au contraire, les pluies ayant été relati- 





(IN D Carton. Note sur la diminution des pluies en Afrique, 
D». 6. 





= 


vément peu abondantes en hiver, se produisent, même 
avec une fréquence restreinte, au cours des semaines qui 
précèdent la récolte, celle-ci sera certainement abondante, 
el les années providentielles, comme les appelle justement 
M. de la Blanchère, deviendront les années ordinaires. 

On saisit facilement qu'autrefois la fréquence des pluies 
étant plus grande, celles-ci aient dû se prolonger plus 
avant dans l'année, à celte époque qu'on peut appeler la 
période « critique » pour l'agriculture, et reprendre plus 
tôt aux approches de l'automne. C'est là ce qui intéresse 
surtout le cultivateur, qui pouvait ainsi jadis commencer 
ses labours plus Lôt, el avait plus de chances de voir ses 
récolles arrosées à uné époque où il suflil parfois d'une 
ou deux ondées pour en assurer la réussite. 

On remarquera que pour produire ces rares pluies 
nécessaires à la fructification, la quantité d'eau ne devait 
pis être bien grande, et que par conséquent une variation, 
même faible, dans la climatologie a pu en causer la 
cessation. 

En dehors de cette prolongation des pluies, on doit aussi 
tenir compte de l’action de l'ombre et de la fraicheur qui 
régnaient dans ce pays boisé, permellant aux rares nuages 
qui se forment en été de se condenser plus facilement que 
dé nos jours, où ils sont enlevés dans les hauteurs de 
l'atmosphère par la colonne d'air violemment ascendante 
que produit l'échaufflement du sol... 

En outre, la terre gardait plus longtemps son humidité 
el l'air voisin de lui, sa fraicheur; l'évaporation par les 
plantes était moindre ; la vapeur d'eau qui, durant le jour, 
était retenue sous la cime des arbres, tombait la nuit, en 
celle rosée bienfaisante que l'on connaît encore un peu en 
Afrique. Enfin, la prolongation de la saison pluvieuse 
procurait à la culture un bénéfice qui, on vient de le voir, 
ä pu être considérable, n 





ET 


Les sources, également plus abondantes aû eommen- 
cement el à la fin de l'été permettaient les irrigations à 
l'époque où Veau est le plus nécessaire en Afrique, De 
mème que le labour et la fumure du sol en augmentaient 
l'humidité, de mème que la suppression de loutes ces 
conditions a modifié profondément l'agricullure de 
VAfrique, de même la disparition des obstacles placés 
par la nature ou par l'homme sur le trajet de l'eau de 
ruissellement en « considérablement accru l'action 
modificatrice. 

Les eaux de pluie n'étant plus absorbées en grande 
partie par le sol, ni retenues à sa surface, y glissent avec 
rapidité, entraînant son revétement en humus et en 
alluvions: des rivières au cours paisible sont devenues de 
redoutables torrents, et privées d’une partie de l'eau que 
leurtransmellail le sol des forèts, des prairies, des champs, 
les sources ont elles-inèmes diminué de débit. 

elles sont les causes qui, à ma connaissance, ont 
modifié la climatologie de l'Afrique ancienne, ou du moins 
celles qui frappent l'archéologue au cours de ses explo- 
ralions. I en existe peut-être de plus générales, des fac- 
leurs météorologiques plus vastes, Certains des faits 
que je viens de citer le donnent à penser, Je m’estimerais 
heureux si cette noté pouvait inspirer à un géologue le 
“désir de les rechercher. 


M. Gosselet présente les observations suivantes : 

La question que vient de soulèver M. Carton est d'une 
"grande importance. Nous sommes Lrop enclins à supposer 
Aa constance des phénomènes météréologiques. Or, l'étude 
-allentive des dépôts géologiques les plus récents démontre 
que les conditions météréologiques se sont modifiées, 
mème depuis les temps historiques. 

Le fait est manifeste pour l'Afrique, M. Carton l’attribue 





HE 


au déboisement du pays. Il se base sur ce que la quantité 
d'eau qui y tombe annuellement est suflisante pour ali- 
menter les sources, si on pouvait régulariser le courant et 
retenir dans le sol la masse qui coule rapidement pendant 
la saison pluviale. Qui nous dit qu'à l'époque romaine la 
pluie ne tombail pas plus régulièrement ou en plus 
grande abondance, ce qui avait permis aux forêts de se 
développer ? 

Lorsqu'on examine les alluvions des rivières du Nord 
de la France, on voit qu'elles ont subi d'importantes modi- 
lications, 


M. Ladrière a montré qu'elles ont passé vers le XTlesiècle 
et vers le IVe siècle de l'ére chrétienne par des périodes 
de crues violentes et continues, qui peuvent s'expliquer en 
partie par un mouvement du sol, un abaissement de l'em- 
bouchure par exemple, mais qui pourraient aussi trouver 
en partie leur raison d’être dans l'existence de périodes 
pluvieuses, 


Si nous remontons plus haut, nous voyons une époque 


semble démontrer une circulation d'eau météorique plus 
active que ce qui se passe aujourd'hui. M. de Mercey l'avait 
déjà fait observer à propos des lufs de la Somme. J'ai 
insisté aussi à plusieurs reprises sur les conclusions que 
l'on pouvait tirer de l'existence des tufs dits fond de mer 
À Saint-Omer, et des tufs des environs d'Albert. 

Il serait à désirer que les faits analogues à ceux que 
vient de nous signaler M. Carton, puissent être recueillis 
partout où ils se sont présentés, Il faudrait y joindre tous 
les documents historiques indiquant une modification 
météréologique. On arriverait peut-être à créer une 
archéologie météréologique, qui s'étendrait presque jus- 
qu'à nos jours, car les observations sérieuses de météréo- 
Jogie datent à peine d'un siècle. 





— 9 — 


Séance du 10 mai 1896 


M. Delecroix, Président, donne lecture d’une lettre 
adre: par le Président de la Société Géologique de 
Suède, invitant la Société Géologique du Nord, à se faire 
représenter à Stockholm, à la célébration de son 25° 
anniversaire. 














M. Gosselet fait une communication sur les phosphates 
de chaux d'Etaves el de Créey-en-Ponthieu. 

M. Lecocq vommunique à la Société un échantillon des 
phosphates de Tébes: qu'il vient de rapporter d'un 
voyage en Alg 








Ereursion du 17 mai, à Montigny-en-Ostrerent 





La Société visite les sabliéres de Montigny-en Ostrevent ; 
elle examine le sable vert et les lits de sable blanc charbon- 
neux qui lui sont supérieurs. Puis elle donne toute son 
attention à l'étude du limon. M. Ladrière expose le résultat 
des observations qu'il y à faites dans les années précé 
dentes ; il est chargé de rendre compte de l’excursion. 











Dans un moment de repos pendant l'excursion, la 
Société vote l'admission comme Membres de: MM. Gaillot, 
directeur de la station agronomique de l'Aisne et de 
M. Mounier, marchand de charbon à Crépy en-Valois. 








Séance due 17 juin 1996 





M. Gosselet fait part à la Société de l'impossibilité où 
se trouve M. Crespel de continuer les fonctions de tréso- 
rier, par suite d'une maladie qui le prive momentanément 
de Ja vue. Il rappelle les services rendus par M. Crespel ; 


Annales de la Société Géoloyique du Nord, T. XXIV. 4 





abondamment surtout au niveau des graviers. Ces silex 
sont du type Moustérien. Dans les éboulis, j'ai rencontré 
une hâche polie qui semblait venir de ce niveau. 





2 Sable argileur, dit de fonderie, épais de 3,20. Ce sable 
renferme çà et là des galets avec fossiles de la craie. Il 
repose aussi sur des graviers. On y trouve, surtout à la 
base, des silex taillés du mème type que ceux de l'argile 
à briques, mais moins nombreux. La base a donné un 
bois de renne, 














Coupe 1 


Argile à briques. 
Sable de fonderte. 
Argile. 

Sable de maçonnerie. 
Sable glauconieux. 

€ Sable blane à lignites. 
g'ytg%gt Gale 


RS &n 





J'ai pu faire à la surface de ee sable une observation 
curieuse. En trois points différents, distants de quelques 
mètres, celte surface était creusée d'une sorte de fosse 
ovalaire, profonde de 0"60, longue de 2 mètres et remplie 
par l'argile à briques. Une dizaine de x laillés repo- 
saient dans ces cuvettes et l'une d'entre elles renfermait 
en outre du charbon de bois formant visiblement les 
restes d’un foyer. 











— À — 


% Argile. — Elle a Ow60 d'épaisseur, Elle devient 
sableuse vers le S.-E., mais, rèste néanmoins dans toute 
sa longueur en haut et en las, séparée des couches qui 
l'enferment, par un semis de graviers. Les graviers de 
la base ont fourni des dents de Hos primigenius. Pas de 
silex taillés. 


4 Sable gris dit de maçonnerie. — C'est un sable assez 
pur, à grains fins ; ressemblant beaucoup au sable glau- 
conieux sous-jacent, sauf qu'il est gris. Il en est séparé 
par une couche de graviers, dans loute sa longueur. Pas 
de silex taillés. 

Toutes ces couches, sauf l'argile à briques, renferment 
des débris charbonneux ; elles sont inelinées vers le S.-E., 
et se terminent en biseau vers le N.-0.; les plus hautes 
sont en stratificalion transgressive sur les autres, 


Vient alors le sable glauconieux marin; à surface profon- 
lément ravinée et portant d'énormes blocs de grès brisés 


el à fragments séparés parfois l'un de l'autre à la distance 
de 10 mètres, Des blocs de ce poids n'ont pu être ainsi 
déplacés que par des éboulements. Ces grès sont cons» 
titués par un sable gros et blanc, bien différent du sable 
glauconieux. 


Ce sable blanc se retrouve, en place semble-t-il, dans ki 
carrière voisine, dite de Madame Moscou. Là, on ne 
trouve plus d'argile sous le sable de fonderie ni, non 
plus, dé sable dé maçonnerie. 

Mais lé sable glauconieux est surmonté d'un sable 
blanc à gros grains, riche en lignites. A la base, om 
rencontre uné surface durcie qui a pu faire dire aux 
ouvriers qu'il y avait, en ce point, des graviers. Mais 
il n'en est rien. 

Sur une coupe perpendiculaire à la précédente, on 
voit les couches inclinées dans le sens de la pente de 





ag uilée 
si * 2 
era conne 











Tennux 
RECEST 


T2 QUATERNAIRE 
Assise 
SCPÉRIECRE 


ASSE 





Tennax 
LASDENIEN 


= 


ç 


i A Limon de lavage avec débris de poteries 0.40 


a  Limon supérieur brun rougeâtre, très 
compact, traversé de nombreuses 
tubulures : traces de vers, de racines, 
tapissées d'un enduit limoneux bru- 
nâlre. 4 4 ee + + + + + 0.80 

LAmon supérteur brun verdâtre, sable 
compact néanmoins se v2 

€ Gravier supérieur, petits éclats de silex 

dont la plupart, entourés d'une gangue 
calcaire, altectent la forme de véri- 
tables granules de craie, On y ren- 
contre parfols des fragments et méme 
des blocs de grès landeniens.  : 0.05 





0.60 





[ e  Limon rougeâtre très sablenx 1eprésen- 
lant le limon fendillé . . + . + + 0.05 
JS Limon à lnches noires. C'est du sable 






prsque pur en très petites velnules, 
nettement stratitiées, de couleur gris 
Jaunâtre, is vi 
sé 





é ou brune, 
rés çà et Ia par de petites linéoles 





graveleuses. + 4. + . + « 2.50 
Graver moyen représenté par quelques 
granules de silex et quelques rares 

éclats où bloes de grès lindeniens . 0,05 








{ 2 Suble ais lune & giuins moyens, 
formant une série de couches plus eu 
ons enchevétrées, plus où moine 
chargées de débris charbonneux. O 
trouve dans la masse quelques ges 
blocs de grès (sables d'Ostifeuurt, faciès 
cambiésien de M. Gesselet). 0,50 à 4 
ble gris, pointillé de grains verts de 
#lauconie (sables d'Ostricourt, {4 
flamand de M, Gosselet). 0,20 à 2,50 


























cd AE 
brunâtre. 








— 39 — 


Fig. 2. — Coupe de la sablière Hérent. 
































a  Limon supérieur, brun rougeñtre Lrès 
compact. +. . + + . + 
Tone V2 non supérieur, brun verdatre, 
Assise Has 
PS Ergeron à peine indiqué . . 0. 
€ Graviersupérieur, granuies de silex a 
quelques blocs de grès marquant la 
\ trace d'un ravinement.  . + - + 0.05 
Le Limon rougeûtre sableux un peu 
! sehistoïde (fendillé) + . + 0.20 à 0.40 
J Tmon à taches noires représenté lei par 
\ du sable gris jaunâtre, très fin, 
Asuse presque pur, en petites veinules ne 
sotee ment stratiflées. On y voit de nom- 
breuses traces végétales. , . : . 3.50 
Gravier moyen marqué par de rares 
! blocs de grès et quelques petits éclats 
\ de sile 0.05 
Tennis Sable grisätre contenant un peu de 
EMNDERIEN | glauronie, partie visible. , . . . 1.00 


Ici comme chez MM. Fockeu et Debruille le limon 
supérieur tout entier est traversé de nombreuses tubu- 
lures; mais, tandis que dans la partie rougeâtre super- 
ficielle toutes sont revêtues intérieurement d'un enduit 

















_— 64 — 








mpli de débris 
de 
us de vu. ln sales, ete, Laplssies 


dan enduit brunätre 2". Es 
& _Limon supé Se plastique, voit 
brun: plus où moins 
colo: 
lunes que Le (Lépôt pré 
\ 

















némes tubu- 
ent, mais le 
ouvent blan- 









revélement de 


TS QMATERNAIRE chätre et ci 


ASsE 
srosmeure | 








Sales pare à 
ailement stralitiées que l'on peut 
aivre sur plusieurs centaines de mè- 
La plupart des (ubulures qui trac 
“it Lergeron présentent, comme 


un D. 
celles du lfmon qui le recouvre, un 
enAuit ealealre ee ee ee 

le Grav périeur formé de granules de 














era 








JL. Gla compacte avec 

oquilles Riva pate 

AssE L Diuvium graveleux formé et de grannles 
ssiauss simpiement 





au milleu 
desquels on trouve parfois que 
gros silex et quelques blocs de gr 





ques 





— Coupe relecée dans un des talus du canal. 





0.6) 


0.40 


M 
310 


ion 























— 7 — 


Excursion en Ardenne 
FAITE DU 5 AU 13 AOUT 1805 
par les élèves délégués de Loutes les Facullés de France 
sous la direction de 
M le Professeur GOSSELET 
Professeur à la Faculté des Sciences de Lille 


Compte-Rendu par 
L. FaAucHERON (ler, 2 et 3 jour). 
P. GRANGE (4°, ie, 6° et 7e jour). 
2. Roux (8e el % jour). 
Licenciés-ès-Sciences Naturelles 





e 


Faisaient partie de l'excursion : 














Faculté de BESANCON. MM. Belgy 
» » Marceau. 
» BORDEAUX. Pétard. 
» » Laborde, 
» CLERMONT. Giraud, 
» Duox. Renaut, 
» GREXOBL&. Brunet-Mauquat. 
» » Offner. 
» Lie. Ducamp. 
» » Riche. 
» » Hautefeuille. 
» » Lagaise. 
» Lyox. Roux. 
» » Grange. 
» » Faucheron. 
» MoNTrELLIER. Combres. 
» Nas Crettier. 
» » Florentin. 
» » Grégoire. 
» » Ferret. 
» RENNES. Guyot. 


Annales de la Société Géologique du Nord, T. xxIV. 5° 


= 
Excursion du 5 Août 


Le 3 août 1895, les élèves délégués de toutes les Facullés 
de France se trouvent réunis à Charleville où M. le 
Professeur Gosselet expose la structure de l'Ardenne, dans 
une salle du Lycée, mise gracieusement à sa disposition 
par M. le Proviseur. 

L'Ardenne est un massif montagneux qui fait partie 
de la ceinture du bassin de Paris, 

Les massifs montagneux disséminés à la surface du 
globe sont de diverses natures et de divers âges. Les 
massifs montagneux de la Provence étudiés dans l'exeur- 
sion de l'année dernière, et qui sont en relation avec 
les Alpes presentent beaucoup de faits analogues à ceux 
que nous pourrons observer dans l'Ardenne. 

Les roches qui constituent les divers massifs monta- 
gneux ont d'abor: été déposées horizontalement au fond 
des bassins de sédimentation : les lacs et les mers; il à 
done fallu l'intervention de mouvements orogéniques 
pour redresser et plisser ces couches primitivement hori- 
zontales : c'est ce que lon a pu constater en Provence, 
c'est aussi ce que l’on pourra observer dans l'Ardenne, 
avec cette différence que l'Ardenne a été formée bien 
ayant les massifs montagneux de la Provence. 

L'Ardenne est en effet très vieille, et par suite de l'action 
destructive des agents atmosphériques et des cours d'eau, 
ses pics ont disparu et il ne reste plus qu'un noyau qui 
a la forme d’un plateau ; c'est au milieu de cet énorme 
plateau que la Meuse a creusé sa vallée ; l'altitude de 
ce plateau, parfaitement uniforme, ne-dépasse guère 
507 mètres ! 

L'Ardenne est donc un massif montagneux qui a été 
complètement arrasé. 

Transportons-nous à une époque plus ancienne, alors 
que le massif existait déjà et était plus élevé ; à l'époque 





= — 


On retrouve en eflet sur le plateau de l'Ardenne, à Rocroi, 
des sables tertiaires. Nous pourrons constater à Givet ces 
dépôts tertiaires. Dans toule l'Ardenne occidentale on 
trouve le tertiaire vers 300 mètres d'altitude. 

Nous n'étudierons pas ces terrains et nous nous repor- 
terons à l'époque où l'Ardenne n'était pas encore formée, 

Les premiers sédiments consistent en schistes et enquartsites. 

Les schistes sont des roches qui ne sont pas très dures, 
qui se divisent facilement en feuillets et dans lesquels le 
microscope révéle la composition suivante : grains de 
quartz et lamelles de mica potassique, Les lamelles dé 
mica disposées sous forme de lames, enveloppent les 
grains de quartz. 

I ne se dépose plus de schistes de nos jours etl'onne 
rencontre cette roche que dans les massifs montagneux 
dont les couches sont fortement redressées ; ils ne 
dépendent cependant pas d'un âge plutôt que d'un autre : 
très anciens dans l’Ardenne, ils sont tertiaires dans les 
Alpes ; ce sont des roches métamorphiques, 

On peut considérer les schistes comme d'anciens dépôts 
d'argile où de quartz et d'éléments feldspathiques plus 
où moins altérés. L'élément feldspathique où alumineux 
se serail transformé en mica sous l'action du métamor- 
phisme. 

On trouve également dans les schistes d'autres minéraux 
qui colorent celle roche, tels la chlorite qui les volore 
en vert, le fer oligiste en rouge, le charbon en noirz les 
cristaux de fer oligiste, de pyrite cubique, d'aimant, sont 
en grande abondance. 

M. Gosselet a cru pendant longtemps que Vaimant 
s'était déposé sous forme de cristaux dans les terrains 
primaires: actuellement, il attribue ces aimants à des 
dépôts de fer qui sont cristallisés plus tard sous l'action 
du métamorphisme. 


ivonien, alors que l'Ard 
Es éoaid ge te 


Eh 





LE 


nous étudierons demain, entre Bogny et Fumay ; un point 
élevé dans le Condroz, au Sud de Namur, et un plateau 
au Nord de Namur, le Brabant. 

Quand la mer dévonienne est venue recouvrir ces régions 
elle a rempli les parties basses et les sédiments se sont 
déposés horizontalement dans les deux bassins de Namur 
et de Dinant. Les dépôts du bassin de Namur sont plus 
récents que ceux du bassin de Dinant. 

Une première difficulté théorique se présente : La mer 
dévonienne a-t-elle recouvert complètement l'Ardenne 
M. Gosselet estime que l'Ardenne est restée une Île depuis 
son ridement et que la mer dévonienne s'est bornée à 
l'entourer. . c 

A une époque ultérieure, pendant le Carbonifère, tout 
le massif Ardennais a subi des plissements considérables; 
les dépôts ont été redressés el ces lerraîns naus offrent 
une inclinaison générale vers le sud. Les rides ont eu pour 
effet d’exhausser les parties hautes et d’abaisser les 
parlies basses, et par suite, il y a rapprochement des 

* massifs cambrien et silurien. 

I est de mode actuellement d'expliquer ces mouvements 
par des poussées tangentielles : il y aurait donc eu une 
poussée langentielle venue du sud qui aurait rapproché 
le massif de Fumay de celui du Condroz et ce dernier 
de celni du Brabant. 

M. Gosselet n'acceple pas celle poussée tangentielle et 
explique ce phénomène plus simplement en le considérant 
comme le résultat de l’enfoncement des bassins. Get 
enfoncement n'a pas eu lieu d'une façon nécessairement 
symétrique ; ce n'est pas toujours en ellet, le centre qui 
s'enfonce, mais quelquefois un point marginal. Ainsi le 
bassin de Namur s'enfonçait surtout vers la partie voisine 
du Condroz et la crête de-ce massif l'a recouvert; en outré 
cet enfoncement s'est produilavec plissements des couches 
qui remplissaient le bassin, surtout celles du centre. 








5 — 


avoir subi un traînage dans le sens du clivage, ce qui les 

a rendus allongés suivant un de leurs axes et parallèles 
au longrain de l'ardoise. 

La bande ardoïsière de St-Barnabé est séparée de la 

première par un banc puissant de quartzites blanc et 

verdâtre qui constituent les monts Roma et du Fay. 

Ces ardoises présentent, près du loit, les caractères 
précédents, c'est-à-dire qu'elles sont vertes et aimans 
tifères ; au centre de la veine, elles deviennent bleuâtres 
et les cristaux d'aimant sont remplacés par du fer oligisté 
en très pelits grains, 

A Monthermé, nous voyons les couches plonger au 
Sud et Sud-Ouest et décrire une courbe à convexité 
tournée vers la Meuse. Celté rivière a coulé tangentiel- 
lement à celle courbure qu'elle n'a pu entamer; elle a, 
ainsi, décrit un méandre en se dirigeant vers le Sud. 
C'est à ces courbes décrites par des quartzites qui faisaient 
obstacles à l'érosion, que M. Gosselet atlribue divers 
méandres de la Meuse. 

Près du pont de Monthermé; on passe à l'assise de Hevin, 
formé dé phyllades noirs et de quartzites de mème couleur: 
Ce sont ces quartziles noirs qui constituent l'enveloppe 
de Monthermé. 

En sortant de Monthermé, on retrouve les schistes verts 
aimantifères de Deville, d'abord la veine de l'Échina, 
puis, la deuxième veine de St-Barnabé qui en est séparée 
par une puissante masse de quartzite, A l'ardoisière de 
l'Échina, on a pu constater la superposilion des assises de 
Revin et de Deville. 

Nous arrivons bientôt à Deville, et au sortir de cæ 
village nous abandonnons l'assise de Deville pour tomber 
dans celle de Revin. 

En nous dirigeant vers Laifour, nous rencontrons 
plusieurs gites dé roches cristallines ; c'est près de 





a 


cristalline au phyllade cambrien. Ils ont une inclinaison 
de 60° environ. 

Nous avons constaté dans ce gite que la porphyroïde 
est entourée de chaque côté par des schistes chloriteux 
et sériciteux qui la séparent des schistes noirs de Revin. 

On rencontre un peu plus loin un autre gîte de 
porphyroïde à éléments plus fins. % 

Vers la maison du garde n° 1%, nous avons observé un 
plissement exagéré des schistes avec quartzite intercalé. 

En face du ravin de la grande Commune, nous avons 
ramassé des échantillons de schistes pyriteux avec filons 
de quartz el nids de chlorile; el nous ayons remarqué 
dans une carrière de quartzite noirs, un pli synelinal 
dont le côté méridional est presque vertical alors que 
le côté seplentrional est incliné vers le Sud. C'est la 
règle dans les plis synclinaux ; on a le contraire dans 
les plis anticlinaux pour lesquels le côté septentrional 
est presque droit ou renversé et le côté sud incliné 
suivant la direction du terrain. 

Dans cette carrière, les schistes noirs de Revin 
semblent venir buter contre la porphyroïde ; c'est un 
point à élucider ! 

Vers la borne 166 de la voie ferrée, on trouve une 
nouvelle roche éruptive, la diorite, dont nous parlera 
M. Gosselet, après le déjeuner, 

Déjeüner à Laifour. 

Porphyroïdes et Diorites sont dés roches éruptives, 
M. Renard l'a démontré en 1883; c'est le seul point sur 
lequel on soit d'accord, Reste à connaître le genre, le 
mode et l'époque des éruptions, 

Dans le 1e gite que nous avons observé, le bane de 
porphyroïde était parrallèle aux bancs de schistes; on 
peut donc supposer, ou bien que lès porphyroïdes sont 
contemporains des schistes; ce seraient des sortes de, 











ailes plongent vers le Sud, I est formé de couches aller- 
nativement rouges et vertes qui sont fortement plissées, 

A quelques mètres plus loin on a une nouvelle coupe 
dans les schistes grisâtres et dans des quartzites qui 
forment des nodules à surface très ondulée. 

Arrivés à Haybes, près du passage à niveau, on trouve 
un nouvel aflleurement des ardoises de Fumay dans 
lesquelles nous avons pu récolter de beaux échantillons 
d'Oldhamia radiata. Après avoir traversé Haybes et avoir 
longé la rive gauche de la Meuse, nous faisons l'ascension 
du rocher dit Roche-à-Fépin, 

Cest un poudingue formé de cailloux roulés dont 
quelques-uns atteignent une taille considérable. 

Dans la partie nord de l'escarpement, il est en banc 
presque horizontal sur les phyllades noirs de Revin 
inelinés vers le S.-E. Il est recouvert par des couches 
d'arkose d'Haybes également horizontales, 

On a pu très bien observer cet escarpement montrant 
Ja discordance manifeste du Dévonien et du Cambrien. 

Lors de la grande poussée du Sud vers le Nord, le 
poudingue s'est relevé dans sa partie sud, redressé et 
presque replié sur sa partie nord. 

L'arkose à pris part à ce mouvement et lout cela sans 
rupture. Les phyllades ont conservé leur posilion normale 
et comme ils ont dû prendre part aussi à ce mouvement, 
il a fallu que leurs feuillets glissassent les uns sur les 
autres de façon à rester parallèles à eux-mêmes. 

En descendant du Signal, on rencontre d’abord les 
schistes fossilifères de Mondrepuits et un peu plus bas une 
carrière d'arkose dont les couches plongent vers le Nord. 

Les carrières d'arkose occeupent trois niveaux difs 
férents. Dans la carrière inférieure, l'arkose est contact 
avec les phyllades cambriens. 

ÆEn suivant la Meuse on rencontre les schistes de Mons 


À 





UE RES NAN CRRS 





_— 96 — 
Sondages aux environs de Lille 


Forage chez M. Vrau, rue du Pont-Neuf, à Lille 


par M. PAGNIEZ-M10 
Profondeur Épaisseur 
Forage commencé au fonds d'un puits de 4" 











Sable gris . A ET 
8 (quaternaire) . . . . 12 
Marnes blanches. . : . . . 9 
PE ET EL 
Marne . . . . . . . . < 41.00 


SO 0 50 ae ue ne | 00) 
MÉTRO: 67 4 à berne te pa 
Pierres grises (tun). . . . . 1.00 
Pierres à couches de sable . . 5.30 








Forage chez M. Joire, à Marcq-en-Barœul 
par M. PAGNEZ-M10 


Altitude Profondeur Epaisseur 
#1 Argile jaune . . . . . 
7 Glaise grise $ 
2 Glaise jsunâtre . . . . . . 
38 Glaise verte. re 
+ 8 39.30 Sable vert . . . . . . + . 
51.30 Sable gris glaiseux. . . + . 
2 Glaise noirâtre . . . . . . 
— 46 71.5 Craie blanche. . « . . . 
— 59 yo Sable gris glaiseux . . . . . 
VISU Craie grise avec silex . . . 
9, Glaise verdâtre . . . . . . 
— #7 117.90  Calcaire carbonifère concrétionné 





Forage à Ascg (Croix de Wallers) 


Altitude Profondeur Épaissenr 
+31 Uww Terre végétale . . . . . . 0.35 
Limon . . . . . . . . + 3.2 
+ 27.45 Petite marne . . + , + . + 4 
Grosse marne. . . . . . . 6.80 
+ 16.65 Dièves tendres . : . . . . 4 
Dièves dures . . . . . . . 15.88 
— 3.33 Calcaire carbonifère. 














AT 


On sail, par exemple, que les diverses roches qui 
ufleurent se désagrègent peu à peu sous l'influence des 
agents atmosphériques ; le produit de ces altérations, 
entrainé par les eaux pluviales avec des débris organiques 
de toutes sortes, formé sur les flancs des coteaux, surtout 
lorsqu'ils sont à pente doute, comme aussi dans certaines 
dépressions du sol peu accentuées, de nouvelles couches 
superficielles d’une nature particulière, différente de celle 
des dépôts quaternaires : ce sont les limons de lavage où 
des pentes {r-r'). 

Parfois mème les parties les plus fines de ces résidus 
descendent jusque dans les vallées où elles sont reprises 
par les eaux d'inondation, Mélangées avec les matières 
solides que relles-ci tiennent en suspension, elles sopt 
déposées, lors des débordements, dans toute l'étendue du 
lit majeur des cours d'eau : c'est ce que nous appelons 
les alluvions récentes {a a a”) 

On rencontre enfin, mais dans des cas relativement 
rares et seulement comme sous-sols, diverses couches 
géologiques appartenant aux âges primaires, secondaires 
où lertiaires ; d'ailleurs le nombre des sous-sols n'est 
guère moins considérable que celui des sols, il varie 
suivant les régions. 


Principales variétés de sols et de sous-sols de Crespin 


Avant de passer en revue les différentes espèces de sols 
et de sous-sols qui existent à Crespin, il me parait néces- 
Saire de préciser à quels dépôts il convient d'appliquer: 
ces dénominations, 

Le sol est la première couche minérale que l'on ren- 
contre en creusant une eXcavation, 

La partie supérieure du sol, plus où moins transformée 
par les amendements, les engrais et les labours, porte le 
nom de sol arable où terre végétale, la partie inférieure 
constitue le sol vierge. 








) 








_— 102 — 


£ 
Limons de lavage (A) Dépôts meubles sur les pentes 


Les limons de lavage produisent deux grandes variétés 
de sols : limen de lavage sans cailloux, limon de lavage avec 
cailloux. 

Lorsque l'influence des agents météoriques auxquels ces. 
limons doivent leur existence ne s'est fait sentir que sur 
des roches sableuses et argileuses, ils constituent des terres 
plus ou moins sableuses, sans cailloux et qui manquent 
de consistance. 

Mais lorsque le remaniement a atteint les couches pro- 
fondes et en particulier le gravier inférieur où diluvium, 
ces limons contiennent des cailloux, ce qui favorise l'évas 
poration. 

Si les limons de lavage ont une certaine épaisseur et 
reposent sur un sous-sol compact, comme la glaise et le 
limon panaché, ils constituent d'excellentes terres : c'est 
ce qui se présente le plus généralement à Crespin. Mais 
dans les quelques points où ces limons recouvrent direc- 
tement le diluvium ou le tulleau, qui sont parfois très 
perméables, le sol se dessèche facilement et sa valeur est 
moindre. 
| a', Limon quaternaire, 


Terrain Quaternaire 
9 À a', Diluvium, 


Dans le terrain quaternaire, les conditions de formation 
des différents termes, du moins de ceux de l'assise supé- 
rieure et de l'assise moyenne, paraissent avoir été les 
mêmes ; on y constate les phénomènes d'allération analo= 
gues au point de vue agricole. Aussi, certains dépôts de 
ces deux assises peuvent-ils être absolument identifiés. 

Le limon supérieur et le limon fendillé, par exemple, 
constituent un sol argilo-sableux trés homogène, plastique 
el cependant assez perméable. Le calcaire y fait complé- 








— 104 — 


en concrétions filiformes ; sous ces deux états, il attaque 
les racines des plantes, Les cultivateurs n'estiment guère 
les terres ferrugineuses. 

En certains points, le limon panaché atteint une épais- 
seur assez considérable (130 et plus) pour qu'il puisse 
être considéré à la fois comme sol et comme sous-sol. 

C'est sur le bord est du marais de Crespin qu'il occupe 
le plus grand espace. D'abord sous-sol du limon de lavage, 
ilaMeure bientôt et constilue lui-même le sol ; cela se voil 
notamment sur le flanc du coteau où sont situées les prin- 
cipales habitations de la commune. 

Comme je l'ai dit plus haut, l'assise inférieure du terrain 
quaternaire paraît avoir échappé au phénomène d'oxyda- 
tion qui a modifié les autres dépôts quaternaires. 


La glaise.et les sables. — Ces deux couches n'afleurent 
pas sur le territoire de Crespin, mais on les trouve dans 
le marais sous les alluvions récentes, où elles forment an 
sous-sol absolument imperméable. 

Quant aux graviers, s'ils ne se montrent nulle part, ils 
n'en sont pas moins fort abondants à Crespin, le dilurümn 
surtout ; on l'y a exploité comme ballast pendant de lon- 
gues années. C'est lui qui sert de sous-sol au coteau de la 
gare, de Blanc-Misseron jusque vers lé milieu du village. 

Lorsque les cailloux du diluviun sont empâtés dans du 
sable, ce qui est le cas le plus général pour Crespin, le 
sous-sol est assez perméable ; mais, en certains points où 
le ciment est argileux, la masse lout entière devient 
compacte et imperméable. 


Landénien inférieur (ew). Sable vert et tuffeaw 


Pour terminer celle énumération, je signalerai le tufféau 
qui, à la côte de Haute Emblise, approche assez près de 
la surface pour être considéré sinon comme so), du moins 


PTE ES 
Heu 














— 


d'une foule de petites vermiculations sinueuses et revétue 
d'un vernis brun de phosphate de chaux. H ya passage 
sans aucune limite visible entre la craie tendre de l'inté 
rieur du récif et la zone de craie durcie, Ailleurs la couché 
dure manque ; la craie phosphalée recouvre directement 
la craie à polypiers et pénêtre dans de larges perforations 
qui y sont creusées, 

À 20 mètres au sud du récif corallien et à un niveau 
qui paraît plus élevé, mais qui ne l'est peut-être pas 
géologiquement en raison de l’inclinaison des couches, la 
craie est durcie à la surface. Elle est aussi par place 
couverte de vernis brun. 

Les nodules du conglomérat varient de la grosseur d'une 
noiselle à celle du poing. Is sont mélangés, surtout à la 
base, de fragments d'Inocérames, de Belemnites, d'Huitres 
et de dents de Squales. 

Les uns sont durs, plus où moins riches en phosphate 
de chaux (1); les autres, lendres el crayeux, semblent 
n'être que de la craie à peine modifiée. 

Les premiers sont plus arrondis; leur surface est 
fréquemment couverte de coquilles adhérentes : Serpules, 
Huitres, Spondyles, [ls sont revêtus d'un vernis brun qui 
s'étend généralement sur les coquilles fixées à leur surface. 
Leurintérieur présente une foule de petites vermiculations 
de quelques millimètres de diamètre, comme celles qui 
viennent d'être citées dans les zones durcies de la craie. 

Les seconds ont une forme plus irrégulière, leur vernis 
est moins constant ; ils présentent des perforations assez 
larges remplies par de la craie phosphatée. 

Il est facile de reconnaitre que les nodules tendres con 
des fragments de la craie blanche sous-jacente qui ant été 
faiblement remaniés, tandis que les nodules durs provien- 


{1} Je dois cotte Indication de la richesse de certains nodules aux 
renseignements qui m'ont été données par des exploitants. 








Celte coupe montre que l'eau de pluie a dissous plus 
facilement la craie phosphatée que la craie blanche qui 
est au-dessus. Celle-ci u servi de loit protecteur à une- 
portion de la craie phosphatée. 

Losqu'on a creusé l'entrée de cette carrière on a trouvé 
un véritable ossuaire. M. Boule, qui a vu les ossements 
avant qu'ils ne se fussent réduits en poussière au musée 
de Péronne, y a reconnu Elephas primigenius, Rkhinoceros 
tichorhinus, Equus caballus, Bison priscus, Cerous elaphus, 
Felis spelea. 

Le point où ont été trouvés les ossements était déblayé 
comptètement lors de ma visite, mais dans un coin de la 
tranchée, plus haut que le gîte fossilifère, on voyait une 
série de couches pleistocènes présentant une inclinaison 
manifeste vers la vallée, 

Sur la craie phosphatée, on voyait de la craie blanche 
en blocs irréguliers enveloppés de limon. La surface de ce 
conglomérat crayeux était très inégale. Au-dessus, et 
comblant en grandes parties ses inégalités, il y avait une 
couche épaisse de Ow20 à {4« de sable phosphaté mélangé 
de silex et passant dans une extrémité de Ja tranchée à 
du limon argileux avec silex. 

Au-dessus venaient de bas en haut. 


8 Limon avec silex. + . - . . . .. vw 
7 Limon argileux avec silex. . . . . . . 050 
6 Limon charbonneux pur sans silèx . . , 1*50 
5 Limon jaune avec silex, . . , . . Tr — 
4 Limon brun. 4 , . « . . « + « . . 
3 Couche arglleuse . . . . . , « . +. on 
© Ergeron avec petits fragments de craie , . 2" 
1 Limon supérieur . « . . + +. +1, {4 


Les ossements auraient été rencontrés, disent les 
ouvriers, dans le limon jaune n° 5, supérieur à la couche 
charbonneuse, qui, ajoutent-ils, n'existait pas au point 
où ils ont été trouvés, 











— 118 — 


A la surface, il y a un banc de craie plus blanche-avectrès 
larges perforations remplies de craie phosphatée riche 
{P£05— 18 v/,) et qui a été pour cette raison confondu 
avec la couche suivante, Au puits n° 2, la craie (M} est 
d'un blanc jaunâtre (P20°— %,44), mais moins dure que la 
précédente. Au puits n° 3, elle a la même teinte blanc 
jaunâtre, mais elle est parcourue en tous sens par dé 
larges perforations remplies de craie phosphatée, qui ka 
transforment en une sorte de brêche. 

Ce premier intervalle a 435 au puits n°4, Ou55 au puits 
n° 3et 3230 au puits n° 2. 

Le second banc de craie phosphatée (N) commence par 
un conglomérat de nodules vernissés et perforés. Au 
ne 4, les nodules sont très irréguliers, très perforés, 
couverts d'un léger vernis ; ils portent des coquilles fixées 
à leur surface ; ils sont en craie blanche (P20°=6#/) et 
dans cette craie blanche on distingue de petits nodules 
de calcaire dur. 

Ce deuxième banc de craie phosphatée a 3n70 au n°4} 
3020 au n° 3 et 270 au n° 2. 

Le second intervalle (0) est occupé par de la craie 
blanche avec grains de phosphate de chaux en quantité 
notable, Dans le puits n° 4, elle est presque blanche 
(P205 = 9 0), mais elle contient des petits fragments de: 
craie dure. Dans le n°3, elle présente de larges perforations 
remplies de craie plus phosphatée. Dans le n° 2, les grains 
de phosphate sont moins abondants (P205 = 7.50), 

La 3 couche de craie phosphatée (P) est épaisse de 4m10 
dans le n° 1 ; Ow75 dans le n° 3 et 0w70 dans le n°2. 

Le troisième intervalle (Q) est formé dans len° 4 par de 
la craïe blanc jaunâtre ([P205 — 2.63) avec grains de phos 
phate disséminés et tubulures remplies de craie phosphatée 
plus riche, Dans le n° 3, celle craie blanc jaunâtre est 
homogéne (P?0* = 2.06). Dans le n° 2, elle reste très peu 


phosphatée par elle-même (P205 — 2.4), mais elle 
présente dans sa partie supérieure de larges perforations 
remplies de craie phosphalée riche et de nodules ; dans 
sa partie inférieure (Q') elle est homogène, el plus géné- 
ralement phosphatée. 

La ätcouche de craie phosphatée (R) n'existe plus que 
dans le puits n°2, c’est-à-dire dans le plus élevé. Dans 
les deux autres elle a été transformée en sable. Au n°2, 
où elle à 9070 d'épaisseur, elle présente à la base un 
conglomérat de nodules de petite taille. 

Au-dessus, toujours dans le n° 2, viennent 7m45 de craie 
blanc-jaunâtre (S) contenant encore quelques grains de 
phosphate (P205 = 5.60). ms 

Ainsi, ily a à Hem-Monacu plusieurs couches de craie 
phosphatée riche, séparées par des craies blanches ou 
blancjaunâtre, toujours un peu phosphatées, mais beau- 
coup plus pauvres. 

Toutes les couches de craie phosphatée riches reposent 
sur un banc de craie pauvre durcie et perlorée; toutes 
commencent par un conglomérat de nodules durs, roulés, 
vernissés et perforés. 

Aya donc eu répétition à plusieurs reprises d'un même 
phénomène où plutôt d'une mème série de phénomènes, 
qui sont essentiellement littoraux. 

Onasouvent attribué le durcissement des roches à une 
émersion. C'est peut-être une opinion trop absolue, car il 
n'est pas démontré qu'il ne puisse se faire sous l'eau, Mais 
il indique certainement un arrêt de la sédimentation, 

On pourrait supposer qu'il se produit quand un courant 
rapidelaveile fond de la mer et y empêche tout espèce de 
dépôt. Getle action peut-elle se passer a de grandes 
profondeurs ? Nous n'en savons rien. 

Mais le durcissement de la couche supérieure de la craie 


Ma élé précédé où accompagné de sa perforation par des 








CE 


_—12— 


mais ce qu'il y a de singulier, c'est que la craie qui la 
coustitue, au lieu d’être enrichie en phosphate, est plutôt 
appauvrie. L'analyse des parois d'une de ces poches a 
fourni pour la craie normale 2,24 +/, de pe et pour la 
zone durcie 2,19 6/,. 

La nature littoral des dépôts de craie phosphatée vient 
corroborer la déduction que l'on pouvait tirer de la pré- 
sence du récif corallien à la partie supérieure de la eraie 
blanche. Un tel récif ne peul se former que sous une 
faible profondeur (20 brasses ou 40 mètres environ (!}). I y 
a done lieu de renoncer à l'hypothèse suivant laquelle a 
craie se serait déposée à des profondeurs comparables à 
celles où l’on trouve la boue à Globérines actuelle (?}. 

Ces considérations sont en parfait accord avec la théorie 
donnée par M. Ad. Carnot, sur l'origine des dépôts de 
phosphate de chaux. 


Gites d'Étares. — J'ai visité de nouveau les gilles 
d'Étaves, guidé par M. Caro, chef d'exploitation de la 
Compagnie Anonyme, que je ne saurais trop remercier de 
sa complaisance. 

Les seules exploitations actuellement en activité sont 
celles de Bocquiau, sur la pente sud de la colline qui est 
au N.-0. du village. C'est là que se trouvent le chanfier 
Duplaquet et celui de la Société Anonyme, 

En 1893 (?] la carrière élait située à mi-cûte, L'exploi- 
tation du sable phosphaté y est actuellement terminée, 
La craie phosphatée dans laquelle étaient creusées les 
pochés remplies de phosphate y est aussi presque 
complètement enlevée. Elle avait environ 2 d'épaisseur, 





{1j LarranexT. — Traité de Géologie, 1. p. 457, 

{21 EL même à celle de Strahan, attribuant une profondeur de 
200 à 600 m. à la mer, où est déposée la craie phosphatée. 

1) Ann. Soc. géol. du Nord, XXI, p. 156. 








Sur la lèvre N.-E. de la faille, la craie phosphatée (D'} a 
40% d'épaisseur ; les bancs sont peu nets, cependant ils 
paraissent s'incliner vers la faille, Une petite couche 
régulière de nodules, située à 1750 au-dessus du fond 
présente cette inclinaison. L'autre lèvre de la faille 
montre un mur de craie blanc-jaunâtre, lourde, demi- 
duré, traversée en tous sens par de larges perforations 
remplies de craie phosphatée. Au-dessus vient le banc de 
calcaire dur B, dont il a été question précédemment ; 
puis, le conglomérat C' et la craie phosphatée ordinaire 
qui n'a pas plus de 4» d'épaisseur et qui cesse rapidement 
vers le S.-0, Il y à donc une dénivellation d'environ 10%. 

Si on examine le mur de craie jaunie (A’)on voit que les 
perforations ramifiées s'étendent sur toute sa surface 
depuis le haut jusqu'en bas. Dans la partie qui n'a pas 
encore été exploitée, le banc de calcaire dur est plaqué 
contre le mur de craie jaunie ; il tapisse done la faille (t}, 
11 est accompagné du côté de la craie phosphatée par une 
petite couche de conglomérat, formée de nodules roulés, 
empâtés dans de la craie phosphatée et accompagnés 
d'huitres très abondantes. C'est évidemment ka base de 
la craie phosphatée, redressée et plongeant avec une incli- 
naison de Sü° sous la craie blanc jaunâtre. 

La craie jaunâtre, le calcaire dur et la base du conglo- 
mérat ont donc élé repliés et pour ces trois couches 
l'apparence de faille n’est qu'un pli à angle droit. Je 
considère comme probable qu'il en est de même pour la 
craie brune, malgré l'apparence des fissures plus ou 
moins parallèles, qui se dirigent vers la pseudo-faille. 





{1) Dans la figure, je l'ai représenté constituant un banc continu ; 
en réalité l'état de la carrière ne m'a pas pertuis de m'en assurer; 
11 est possible qu'il soit discontinu et démantelé comme je l'ai 
dit précédemment. 








— 19 — 


La couche de craie phosphatée à est actuellement 
exploitée sur une longueur de 100% du SE, au N.:0. Elle 
est séparée en deux bancs par une petite couche, plus 
argileuse. Vers l'extrémité N, de la carrière, elle perd 
rapidement de sa richesse en phosphate; les grains de 
phosphate de chaux diminuent en nombre, en même 
temps que de petits nodules se disséminent dans loutes, 
l'épaisseur de la couche, 1 y a passage insensible, mais 
rapide, entre la craie exploitable et celle qui ne l'est pas. 
Tandis que dans la partie exploitée le banc de craie 
phosphaté à 4u au-dessus du conglomérat contient encore 
plus de 40°/, de phosphate de chaux (P205 = 44 te), à 
uné distance de 4 le même banc, non exploité cette fois, 
ne renferme plus que 43°/, de phosphate (P05 = 6,202). 

Le conglomérat e est formé de petits nodules de craie 
phosphatée dure, arrondis el vernissés à la surface, 
enveloppés dans de la craie phosphatée sableuse. 

La couche b a aussi l'apparence d'un conglomérat, mais 
quand on l'étudie avec soin, on remarque qu'elle est 
formée de fragments irréguliers de craie blanche entourés 
de craie phosphatée sableuse, très riche, qui est aussi 
abondante sinon plus que la craie blanche, On doit la 
considérer comme de la craie blanche criblée de perfo- 
ralions si étendues ét si abondantes qu'il ne resté plus 
que des morceaux isolés de la roche primitive (1). 

Les morcéaux de craie blanche qui sont à la partie 
supérieure de la couche sont couverts du vernis brun. La 
couche b coustituait donc la surface de la craie blanche 
avant les perforations qui l'ont en grande partie fait 
disparaitre, Le vernis brun n'est pas absolument limité à 
la surface supérieure des morceaux de craie blanche; 
il descend souvent sur les autres surfaces des morceaux 
de craie blanche, mais il y est moins épais. 





{4 Loc, cit, pe 164, 11g. 2. 


— Ah — 


La craie blanche inférieure a présente aussi des 
perforations trés nombreuses, qui vont en diminuant avec 
la profondeur. Elle n'est pas neltement séparée de la 
couche b, mais tandis que dans la couche b les morceaux 
decraïeblanche sont complétement isolés, dans la couche a, 
il y a simplement engrenage très ramifié de la craie 
blanche el de la craie phosphatée. 

Dans ua point de la carrière, la partie supérieure de la 
craie blanchesous le pseudo-conglomérat crayeux, présente 
une petite zone de craie très dure, rayant le verre. Elle 
rappelle, avec plus de blancheur, la zone durcie qui 
tapisse les parois de certaines poches. 

On a rapporté plus haut l'opinion que ce durissement 
serait dù à des eaux qui, après avoir traversé la craie 
phosphatée, auraient déterminé une cristallisation dans la 
craie. Maïs pourquoi la craie serait-elle dureie en un 
endroit plutôt qu'en un autre ? Pourquoi les fragments de 
craie blanche du pseudo-conglomérat ne sont-ils pas 
dureis et sont-ils cependant phosphatés (P205 = 21 9%) (!] 
tandis que la craie dure ne l'est pas du tout (P#05 traces) ? 
Remarquons que celle craie dure ne ressemble pas aux 
nodules durs de craie phosphatée qui constituent le véri- 
table conglomérat. 

A Hümenviron de l'extrémité du chantier Flour, se se 
une pelite carrière exploitée par M. Loesch. Lorsque je l'a 
vue, elle consistait presqu'uniquement en une poche Sa 
laquelle on tirait du sable phosphaté, 

Les parois de la poche étaient formées par de la craie 
blanche, tendre, tapissée de trois millimètres à peine 
d'argile noire. 


[LI] En raison des perlorations sans nombre de cette couche Il est 
passible que les parties analysées fussent mélangées de sable 
phosplats. 





— 19 — 


Sur la craie blanche, il y a 0w75 de conglomérat formé 
de nodules arrondis en calcaire phospbaté dur, dont la 
teneur est en moyenne 23 à 24 °/, d'acide phosphorique. 
Ces nodules atteignent une grosseur assez considérable y 
beaucoup sont du volume du poing. Leur intérieur 
présente presque toujours une foule de petites perforations 
vermiculées, qui sont vides on remplies de sable phos- 
phaté, 

Outre ces nodules d'apparence assez homogène, le con- 
glomérat contient des blocs plus volumineux de calcaire 
dont Ja richesse en phosphate de chaux atteint 59 ve 
(P#05 = 27, 16 e4): Leur structure est bréchoïde; ils 
contiennent eux-mêmes des nodules roulés et perforés 
analogues à ceux du conglomérat, mais de plus pelite 
taille. Ce sont évidemment des fragments arrachés à une 
couche dure aujourd'hui détruite comme celle d'Étayes, 
IL y a là aussi une série de phénomènes dont le caractère 
littoral est indéniable, 

Ainsi la brèche est une formation intermédiaire entre 
celle du calcaire dur à perforations vermiculées, dont elle 
contient des nodules roulés, et celle du conglomérat, où 
elle se trouve en fragments remaniés. 

Quelques fragments à structure vermiculée allectent la 
forme d'une croûte irrégulière, légèrement courbe, dont 
la surface convexe, vernissée et criblée de perforations 
cylindriques offre l'aspect des rochers qui émergent à 
marée basse, tandis que la surface concave, très inégale 
semble avoir été violemment arrachée d'un banc crayeux, 
auquel elle adhérait et dont elle a emporté des fragments, 

Sur le conglomérat, il y a dans la carrière Loeseh 
un banc de 1" d'épaisseur de craie peu phosphatée 
(P20% — 8,80) qui contient des nodules de calcaire dur 
dont quelques-uns sont du phosphate de chaux presque 
pur (87 %; PO = 40 %), 








— 1% — 


oxydante et dissolvante plus puissante au loil eLau mur 
d'une roche perméable que dans son intérieur. 

La craie phosphatée de Domvast a 2 mètres d'épaisseur, 
Elle est recouverte par du limon qui contient quelques 
petits silex à surface blanchre, 

On y trouve au centre des poches un peu de sable 
tertiaire. Ce fait est en rapport avec la géologie de la région, 
où les couches tertiaires sont beaucoup plus développées 
que la carte géologique ne porterait à le croire, 


EXPLICATION DES PLANCHES 


PL 1, — Fragments du récif crayeux à Diblasus arborescens 
d'Hem Monaeu. 

PI HI. — Partie supérieure de la craie blanche durele, vue de 
profil, 

M. Craie blanche dureie. 

N. Brèche. 

©. Surface avec enduit brun. 

A. Partie supérieure d'un tube dé perforation rempli 
par la brèche; plus bas, ce lube éstrempli de sable 
phosphaté, 

B. Base du même tube se ramifiant ensuite dans 
l'intérieur de la craie blanche (Voir PL, 11). 

a. Autre tube de perforation aboutissant à Ia brèche. 

b. Troisième tube de perforation dont on peut suivre 
sur Je côté l'arrivée à la surface, 

©. Tube de perforation vu en coupe, 

PLII.— Mème échantillon vu de dessous, 

B. Base du tube de perforation (voir PI, 11) qui se 
dirige ensuite horzontalément et se ramified'une 
manière irrégulière, 











apores, de M. de Fromentel (1), famille des Oeudiniens 
(caractères principaux de ce groupe : multiplication par 
bourgeonnement ; gemmation latérale ; calices disposés 
irrégulièrement ; cœnenchyme soudé à la muraille ; 
polypier rameux). 

Les Oculiniens crétacés sont peu communs ; on en cile 
3 genres : Synhelia, Prohelia et Baryhelia (#). 

Le polypier que nous étudions paraît, au premier abord, 
voisin du genre Synhelia (*), mais il ne possède pas de 
columelle ; ce caractère très important nous conduit à le 
rapprocher du genre Astrohelia, connu seulement dans le 
Tertiaire. 

M. Lonsdale à décrit dans : n Dixon, Geology and foss, 
of the tert. and. cret. form. of Sussex » sous le nom de 
“Diblasus (*) un fossile du crétacé supérieur de Douvres, 
qui a beaucoup d'analogie avec le nôtre, 

M. Milne-Edwards (*) considère Diblasus comme très 
voisin de Synhelia et le réunit à ce dernier; cependant 
M. Duncan trouve avec raison que la structure de la 
columelle éloigne le genre Synhelia du genre Diblasus (f). 

L'espèce décrite par M. Lonsdale et par M. Duncan porte 
le nom de Diblasus Gravensis ; c'est un polypier possédant 
les caractères donnés plus haut, mais très irrégulier, 
encroûtant, massif, dont les bourgeons ne s'élèvent pas en 
branches comme dans le Diblasus que nous déerivons ; 
c'est le principal caractère qui différencie nettement ces 
deux espèces. 

Diblasus arborescens forme de véritables récifs dans la 
craie à Belemnites quadratus d'Hem-Monacu. 


(1) DE FROMEXTEL : Paléontologie françuise, tèrr. erËl z00phytes, 
page 135, 


(2) De FROMENTEL, Op, Cit., p. 487. 

43] Voir : Mizxe-Evwanos : H' nai des coralliaires, 1om.?, p.118, 
Voir : DE FROMENTEL : op, cit., p. $88, 

44) Voir aussi : Duncan, British fossil corals, pl. 2, fig. 4 à 41: 
(5) MrzNe-EbWARDS, 0p. cil., p. 115, 


(8) Voir la fig. de la 15 de : Monograph of the british foss: 
corals, 2" série, partie 1, ne 1, de Duncan. 


= 498 — 


et un bronze de l'Empereur Tetricus (268); à 4 sous le 
niveau des basses-mers, un lit de gravier lui a fourni des 
ossements et des objets de l'âge du bronze; à 6% sous le 
même niveau, gisement des haches en pierre polie : l'épais- 
seur totale du dépôt atteint 30w dans le bassin de Penhouet. 

Ces vases de nature argilo-sableuse, forment aussi les 
îles de la Loire, La comparaison de deux édilons sueces- 
sives de la carte d'Etat-major suffit à montrer avec quelle 
rapidité ces îles changent de forme et se déplacent, sous 
l'influence des courants. C'est encore aux apports de la 
Loire, qu'il faut attribuer l'envasement de l'étang actuel 
de la Grande-Brière, golfe marin au temps de César et où 
les galères des Normands pénétraient encore au VII 
siècle. L'épaisseur de la vase y atteint près de Besné 21%, 
sous le niveau de la mer, et y a fourni des coquilles 
marines (Ostrea edulis, Cardtum edule). Elle y est recouverte 
par des tourbes (1) et argiles tourbeuses, atteignant 4250 
d'épaisseur, où l'on trouve en outre de nombreux troncs 
d'arbres renversés, des souches encore enracinées de plus 
de 4 de diamètre. Ces tourbes sont exploitées en Été, 
quand les eaux sont basses. Les poissons sé réunissent 
alors en grand nombre dans les dernières flaques d'eau 
slagnante de la Brière; souvent ils y meurent, s'y décom- 
posent, et déterminent à la surface de ces lagunes la 
formation d'une pellicule irisée d'hydrocarbures liquides, 

{atb) Limon, jaune, argileux, recouvrant d'un manteau 
superficiel mince les plateaux, et paraissant en relation 
topographique avec l'extension originelle des sédiments 
tertiaires. I provient en grande partie de la désagrégation 
de la roche sous-jacente, et se distingue par sa compos 
silion, comme aussi par sa moindre épaisseur, du limon 
de la côte septentrionale. 

fa®) Alluvions anciennes : Des sables grossiers, à stratifi- 
ration entrecroisée, avec minces lits graveleux et véines 





d'argile à débris végélaux, présentent un beau développe- 
ment suivant le pied du Sillon de Bretagne; on les retrouve 
à l'ouest du Sillon, en divers flots anciens. La répartition 
géographique de ces sables établit qu'à un moment de 
l'époque quaternaire, l'embouchure de la Loire se trouva 
au méridien de Coueron : toute la plaine qui s'étend 
actuellement à l'aval de Coueron, à l'ouest du Sillon de 
Bretagne, était une plaine maritime, un golfe où émer- 
geaint des ilots, des hauts fonds, comme actuellement dans 
le Morbihan. Celle vaste baie, correspondant avec un 
ancien contour de la mer tertiaire, fut graduellement 
comblée par les éaux vaseuses de la Loire, auxquelles elle 
servit de bassin de décantation. Le thalweg actuel de 
l'embouchure de la Loire avail donc été creusé antérieure- 
ment à l'époque des ces alluvions anciennes. 


(p'} Sables rouges, grossiers, avec ou sans galets roulés, 
{massif de Nozay, Forêt du Gavre). Argiles mélangées de 
graviers, rappelant par leurs caractères et leur mode de 
formation les argiles à silex du basssin parisien (Massif 
du Temple]. La localisation de ces deux massifs, suivant 
les deux lignes de partage de la feuille, indique la grande 
étendue de leur extension primitive ; les eaux pliocènes 
parventies à la côte 100, recouvrirent nécessairement de 
leurs dépôts la feuille toute entière, jusqu'à l'époque des 
ruissellements quaternaires. Les graviers sont quelquefois 
agglutinés par de l'oxyde de fer, généralement descendu 
danses poches lapissées d'argile, et concentré vers leur 
base (M: Davy}. Dans le Pré de la Marne, au S.-E. de 
Severac, M. Vasseur a reconnu dans les argiles Nassa 
prismatica, Terebratula perforata (p*). 

{m] L'existence des faluns de la Hasse-Loire sur la feuille 
repose sur la découverte dûe à M. Davy, de fossiles 
miocènes Cardita striatissima, Trochus Sedguickü, dans les 
sables rouges et graviers avec argiles de la Forèt du 





ET 


Gavre : il nous a été impossible de distinguer ces couches 
du pliocène, en raison de l'état insuffisant de leurs afleu- 
rements. 


{m,) Meulières avec Chara de Saftré, recouvrant des 
calcaires lacustres à Limnœa cornea, superposés à des 
calcaires Qluvio-marins à Potamides Lamarki : cette série 
correspond au calcaire du Beauce, mieux représenté ici 
que dans le bassin de Rennes (10). 

{m,,) C'alcaire grossier de Rennes à Archiacina armorica, 
Cerithium plicatum, €, trochleare, reposant sur des argiles 
vertes ou jaunes sans fossiles. La superposition directe à 
Saitré du Miocène inférieur sur le Calcaire grossier supé- 
rieur, semble indiquer l'émersion de la contrée pendant 
les époques correspondant à la formation des Sables de 
Beauchamp et de l'Eocene supérieur. Par sa faune et sa 
distribution géographique, le Miocène inférieur témoigne 
en Bretagne d'une parfaite indépendance (16%). 


{e,) Sables et calcaires de Cambon : le calcaire grossier 
supérieur est représenté par des dépôls assez variés. Les 
assises inférieures sont sableuses et remarquables par 
l'abondance et le bel état de conservation des fossiles 
marins qu'elles renferment. Les couches supérieures indi- 
quant un retrait progressif des eaux de la mer, sont à l'état 
de marnes et calcaires saumätres qui se terminent par un 
banc lacustre. On distingue de haut en bas les 4 divisions 
suivantes : 1° Marne et calcaire lacustres et saumâtres à 
Bithinia crassilabris, Cerithium cristatum, exploitéà Pancaud 
pour ciment hydraulique, 2 Calcaire à Cerithtum parisiense, 
Sables coquilliers de la Close à Lithocardium Tournouert, 
grès à végétaux du Bois Gouet et cherls de Grémil, 
à radioluires et spicules d'éponges, 4 Sables quarzeux 
coquilliers du Bois Gouet à Cerichium angulanm, 0. Cail- 
liaudi, et grès calearifères à Ostrea mutabilis de Cambon. 





—ia— 


qu'on passe d'une veine à l'autre, en marchant du sud vers 
le nord. 

sw) Les schistes et poudingues d'Ingrandes présentent 
des afleurements problématiques à l'Est de Blain. 


{S:) Schistes et grès d'Abbaretz (S'— Schistes, G — Grès, 
Ph— Phtanites) : Schistes fins, lustrés, généralement pâles, 
blanchâtre, vert-rusé, dessinant sur la feuille trois bandes 
allongées, parallèles, 1° Guéméné-Penfao à Nozay, 2 Rieux 
à Vay, 3° Théhillac à Nort. Les schistes très allérés super- 
ficiellément ne se montrent qu'exceptionnellement à 
l'afleurement, qui est plutôt jalonné par les bancs inter- 
stratifiés de grès (G), de phtanites (Ph.) et d'ampélites, que 
vontient cel élage. Ils présentent des caractères lithologi- 
ques dislinets dans la première bande et dans les suivantes. 

Dans la bande de Nozay, schistes argileux verdâtres, 
pltanites pâles, grès tendres psammitiques blancs ou 
rouges, marbrés de tons violacés dûs à l'altération du fer 
toujours disséminé dans ces grès (hématite rouge, fer 
oxydulé) : ces grès se divisent facilement en dalles et sont 
recherchés pour les constructions : M. Bureau y a rencontré 
sur la feuille voisine des fossiles caractéristiques de la 
faune ordovicienne (Grès de la forêt d'Ancenis), 

Dans les deux autres bandes, ces grès sont représentés 
par des quarzites durs, gris-bleuâtre, parfois à gros grains, 
imprégnés de veinules de quarz, utilisables pour l'entretien 
des routes et d'épaisseur beaucoup moindre ; ils forment 
dans les landes des crêtes isolées, déchiquetées, pittoresques 
{Rochers de Cragou, Roche de la Vache). Les phtanites, 
noir, bleu-clair, blanchissant par altération, et parfois 
associés à des schistes ampéliteux, forment des lits 
interstratifiés dans le schiste argileux, et supérieurs aux 
grès précédents. Les plissements si complexes que présen- 
lent ces bancs de phtanite dans les carrières, où on peut 
les observer, permettent d'attribuer à des répétitions 








_— 164 — 


{S*) Schistes d'Angers, forment deux bandes ardoisières 
distinctes, celle de Nozay et celle de Guenrouet, La 
première perd autour de Nozay ses caractères ardoisiers, 
fournissant une roche massive (pierre verte), non lissile, 
que l'on peut scier en Lous sens ét même creuser à l'usage 
d'auges. La seconde bande perd de même ses caractères 
habituels à l'est de St-Gildas, où les schistes noirs ardoi- 
sers de Severaë passent graduellement à des schistes 
argileux verts, en dalles, à des schistes rouges, puis à des 
schistes fins, bariolés, finement injectés de filonnels quar- 
zeux vers Guenrouel; au-delà de ce point, leurs caractères 
lithologiques ne permettent plus de les distinguer des 
schistes des étages plus élevés. 


(Si) Le grès armoricain, présente des caractères différents 
dans les 3 bandes qui traversent la feuille, 1° La bande 
de Nozay, très mince, formée de schistes avec lits alternants 
de quarzite dur, de grès à gros grains avec Bilobites 
(Grand-Jouan), et renfermant au Tertre un lit de quarzite 


micacé grenalifère que l'on retrouve au même niveau au 
S. d'Angers. 2 La bande de Béganne à Guenrouet formée 
d'épais grès roses, psammiliques, rappelant ceux de 
Redon, et renfermant dés bancs très ferrugineux, à fer 
oxydulé octaédrique souvent altéré et transformé en 
limonite, Les caractères de cette bande changent brusque- 
ment au-delà de Guenrouet, où aflleurent des quarzites 
blanes sériciliques (Gué-aux-biches), et des grès très durs, 
à silice recristallisée (Grâce). 30 La bande dé la Rabatelais 
formée de quarzites gris-bleuâtre, veinés de quarz, fournit 
des matériaux recherchés pour les routes du département 
tout entier. La présence entre celle bande et la précédente, 
des schistes amphiboliques de Blain, comme aussi les 
particularités de leurs caractères lithologiques, empêchent 
d'y reconnaitre la continuité d'une même zône, comme on 
serait porté à le croire, dès d'abord. L'extrème rapproche- 








En 


orthose microperthitique, quarz pyramidé à golfes de 
pâte, IL concrétions aulour du quarz, et sphérolites de 
matière pétrosiliceuse imprégnée de quarz globulaire, 
sphérolites à croix-noire, parfois magma pétrosiliceux 
fluidal. 

(Gy4] Quarzites de Fégréac séricitiques, parfois feldspa- 
thiques, de couleur blanche ou vertelair, dûe à la séricite, 
On y reconnaît de nombreux gros grains de quarz, arrondis 
où bipyramidés, des grains de feldspath triclinique rares, 
cimentés par des membranes continues de séricite, Le fer 
est généralement à l'état de fer oxydulé. Le gisement de 
ces quarzites, passant parfois à des porphyres (Puceul), et 
à des porphyroïdes schisteuses (+*}, est lié d'une façon si 
intime à celui des schistes séricitiques de Nort (St#), 
qu'on ne saurait leur refuser une origine métamorphique 
commune. On est ainsi porté à y voir des représentants 
métamorphisés des bancs de grès siluriens (SiG.). 


{S'ys) Schistes séricitiques de Nort, cristallifères, blancs 
ou verts, parfois rouge-violacé, soyeux, lustrés, ou chlori- 
leux, présentant parfois grenat, mica noir, amphibole 
bleue sodifère et albite, Ils sont souvent enrichis en silice, 
en amandes parallèles serrées entre leurs feuillets, avec 
albite et chlorite. 11 est dificile de reconnaitre et de 
distinguer dans cette bande, continue de Rieux à Nort, les 
caractères habituels du silurien breton; les caractères 
lithologiques de ces roches séricitiques à alhite, les feraient 
plutôt rapporter à l'étage” des schistes à minéraux (6?) si 
quelques bancs caractéristiques de quarzite et de phtanite 
pe venaient élucider la stratigraphie. La ressemblance 
lithologique de ces massifs schisto-cristallins avec les 
formations primitives ([2) est assez grande, pour que leur 
identité ait été admise jusqu'ici, par la plupart des auteurs: 


(S1y2) Quarzite du Gné-aux-Biches: Quarzite blancfeuilleté, 
séricitique, rappelant dans les carrières du Chat-Troussé, 


— 448 — 





eux au mélamorphisme de diverses roches granulitiques 
(gneiss, pyroxénites). Les pegmatites formées d'orthose el 
dequarzsont modifiées en traversant les serpeutines (Barel} 
el lés pyroxénites (Roiloup) : dans le premier cas, il se 
développe albite, actinote ; dans le second, sphène, oligo- 
chaise, pyroxène. Des aplites, en filons dans les granulites 
du S. de la feuille, ont fourni avec les éléments habituels 
à ces roches, albite, grenat, apatite et tourmaline. 

(4) La granulite feuillet présente de nombreuses 
variétés de roches feuilletées, pauvres en minéraux acces- 
suires, ayant pour caractères communs une structure 
gueissique, glanduleuse, rubanée, une grande richesse 
en mica blanc ou noiret en feldspatlis fragmentés, avee 
quarz granulitique en grains étirés, en gouttelettés, em 
nappes. Une variété dure, rubanée, cornée, employée 
pour l'entretien des routes passe au Halleflint. La dispo- 
sitiou rubanée, fibreuse, propre à ces roches est dûe à un 
développement secondaire de mica en minces membranes 
continues. 

Celte formation dessine sur la feuille, de la Roche- 
Bernard à St-Etienne-de-Montluc, suivant le Sillon de 
Bretagne, une large bande continue, parallèle à la zône 
des gneiss anciens (5 } de l'axe anticlinal des Cornouailles. 
L'aspect brèchoïde de ces roches, en lames minces, le 
développement des minéraux secondaires, la direction 
oblique de leur gisement par rapport à celui des granu> 
lites grenues précitées, d'âge carbonifère, semblent indi- 
quer qu'il y a lieu de les rattacher à des venues granuli- 
liques plus anciennes, ayant subi comme les terrains 
primitifs encaissants, les déformations mécaniques de 
l'époque carhonifére. 

(St) Schistes et grès tourmalinifères de la Forêt d'Ancenis 
Autour du massif granitique de Nozay, les roches présentent 
des varialions étendues, les schistes se chargent de bioite, 


à ” 





consolidation. Elles sont associées fréquemment à des 
masses el filons de granulite et d’aplite, et dans de 
massif de Nivillac à des granulites feuilletées +123, 

(g#yt) Leptynites et qneiss granulitiques de Hérie, formant 
au centre de la feuille, de Pont-Chätean à Héric et à 
Casson, un faisceau de couches gneissiques, variées, 
richesen mica blanc. Lits alternants de granulite feuilletée, 
de schistes micacés et chloriteux feldspathisés, de gneiss 
et surtout de leptynites blanches, à grains fins, compactes, 
en banes où en plaquettes, habituellement au voisinage 
des lits basiques. Ces couches paraissent passer latéra- 
lement, paralternances répétées, aux granulites feuilletées 
suivant le méridien de Pont-Château : il est difièile de 
tracer entre elles une limite exacte, en l'état des aflleure- 
ments. Nous avons compris dans la même notation divers 
bancs de gneiss grenu, des environs de St-Nazaire, 


TERRAINS CRISTALLOPHYLLIENS 


(3!) Des amphiholites rubanées, gneissiques, forment des 
bancs interstratifiés dans les gneiss granulitiqués du sud 
de la feuille (Donges, Casson); elles contiennent magnétite, 
apatite, amphibole sombre dichroïque, orthose, oligoclase, 
sphène, épidote, parfois prehnite, Onytrouve des accidents 
basiques (Paimbœuf à Migron), avec pyroxène et labrador 
{pyroxénite), avec grenat (eklogite), principalement déve- 
loppés au contact des filonnets granulitiques qui traversent 
la roche normale riche en quarz et en amphibole. 

11 faut distinguer de ces amphibolites, les schistes aclis 
nolitiques de Drelféac à Blain, roches vertes résistantes, 
recherchées comme moëllons pour les constructions 
locales et constituant des landes stériles à sol rouge. 
Leurs éléments constiluants sont quarz, actinole, épidote, 
chlorite, exceptionnellement oligoclase, et dans de nom: 
breuses fissures géodiques, albite el chlorite, 


Ne 


les variétés à grains fins. Elles sont essentiellement cons- 
tituées de grenals rouges disséminés dans un pyroxène 
sodique vert-clair (omphazite}, en petites baguettes 
allongées, dépourvues de formes géométriques, orientées 
dans une même direction. Le pyroxène est souvent 
associé à une amphibole de caractères variés, smaragdite 
(Cambon), actinote (Nivillac), glaucophane (Bouvron|, 
qui est presque toujours secondaire, el fournit des 
passages de ces roches à des amphibolites ; elle se 
présente tantôt en cristaux aciculaires ou en squelettes 
dentelés, Ces éklogites contiennent en outre comme 
minéraux subordonnés, rutile, ilménite, apatite ; des 
minéraux secondaires, épidote, zoïsite, sphène, albite et 
parfois au voisinage des filons quarzeux granulitiques, 
quarz, disthène, mica blanc. 


{:) La serpentine constitue deux importants massifs, 
celui de Sem en Donges, isolé parmi les gneïss et un 
autre, long de plus de 30 kil. de Quilly à Nort, formant 
une venue interstratifiée, continue sur la feuille voisine 
d'Ancenis. Roches compactes noirâtres, vert-foncé, à 
cassure conchoïdale, avec taches rouges où blanchâtres, 
dont l'élément essentiel est l'antigorité à Structure 
fibreuse, enchevêtrée ou parfois fenestrée. Les silicates 
magnésiens dont l'altération a donné naissance à l'anti> 
gorile ont disparu, un pyroxène est reconnaissable 
{notamment dans la seconde venue), à la structure fenestrée 
de l'antigorite ; elle est souvent traversée par des veines 
fibreuses de chrysotile plus biréfringente. Ces gisements 
sont remarquables par l'abondance des minéraux secon- 
daires, magnétite et oligiste dans les fissures, géodes de 
limonite à la surface du sol, magnésite (St-Omer), trémolite 
et asbeste (Sem), silice déposée dans des géodes ou filons 
ramifés, sous formes très variées el très belles, quarz, 
calcédoine, agate, cornaline, jaspe, opale. 





roses ou pseudomorphisés en damourite, disthène, pseudo- 
morphoses micacées de cordiérite, mispickel, mobybdé- 
nite, tourmaline, émeraude, apalite, grenat grossulaire 
rutile. 

Gr.) Quarsites graphitiques, noirs, charbonneux, par- 
fois ferrugineux, très siliceux et recherchés pour les 
routes, ou tantôt meubles et pulvérulents, disposés en 
lits interstraliliés, épais de quelques centimètres à 
plusieurs mètres, groupés en un faisceau unique. Ce 
faisceau occupe une position stratigraphique constante, 
ses réapparilions répétées sont dûes à des plissements, 


(G.) Des quarzites séricitiques blancs, en lits inters- 
tratifiés, formés de gros grains de quarzel de membranes 
de séricite sont limités dans cet étage au massif des 
gneiss granuliliques de St-Nazaire. Is rappellent par 
leur composition les grès siluriens du Gué-aux-Biches 
(Sy) et ceux de Fégréac (Sy), au N, de la feuille. 


(Ca) Les cipolins afleurent à la Paclais (Saint-Malo de 
Guersac) et à Ville-és-Martin près Saint-Nazaire, en bancs 
interstratifiés dans les micaschistes granulitiques, et 
passant aux pyroxénites. Ils sont essentiellement formés 
de cristaux de calcite avec nombreuses macles polysynthé- 
tiques suivant b!, et de lamelles de phlogopite disposées 
en lignes parallèles aux salbandes de la roche. Mais en se 
rapprochant des bords des bancs, à Ville-ès-Martin, la 
roche devient plus compacte et aux minéraux précédents 
s'en ajoutent d’autres, amphibole incolore, spinelle pléo- 
naste, chondrodite (la Paelais), biotite; plus près des 
sulbandes, les proportions du mica el de la calcite dimi- 
nuent, le pyroxène, le sphène, le feldspath orthose non 
maclé, le labrador, la wernerite se montrent dans la 
roche qui prend une compacité plus grande et passe 
graduellement aux pyroxénites 37, Mais les eipolins 








— 1565 — 
REMARQUES STRATIGRAPHIQUES. 


Les alluvions de la Loire présentent à St-Nazaire une 
grande importance, tant en raison de leur masse, que 
des débris de diverses époques qui y ont été rencontrés et 
qui ont permis une évaluation de leur âge absolu. Les 
sondages exécutés dans ces alluvions ayant révélé que le 
fond rocheux de la Loire, sous les alluvions, était à 
StNazaire de — 27% sous le niveau des basses mers 
actuelles, à Nantes de — 25%, à Bourgneuf de — 20", à Besné 
de — 48%, iksemble qu'une oscillation du sol de la région 
ait dû se produire, depuis le creusement de la vallée, 
puisque le niveau de base du fleuve n'est plus le même, 
L'observation directe permet également de retracer les 
phases successives de la Grande-Brière et d'expliquer son 
mode de formation ; ee marais tourbeux occupe l'emplace- 
ment d'un ancien Morbihan, héritier lui-mème d'un ancien 
lit de la Vilaine, creusé dans une vallée de dénudation 
éocène. 

Les lambeaux tertiaires, si nombreux sur la feuille 
présentent une relation, constante pour chaque assise, 
entre sa distribution géographique et son altitude, Les 
témoins pliocènes (p?} n'ont été respectés par les érosions 
que suivant les lignes de faîte de la région ; par contre les 
débris du Miocène sont limités comme ceux de l'Éocène, 
aux vallées actuelles et à certaines parties de ces vallées, 
Les dépôts du Miocène moyen ont atteint la vole 100m, 
ceux du Miocène inférieur ont dépassé la cote 50w, et 
ceux de l'Éocène la cote 30w, Cette remarque apprend à la 
fois que les terrains lertiaires, soumis à des mouvements 
généraux d'oscillation, n'ont pas éprouvé de dérangement 
dans leurs relations de position, et que les reliefs de la 
contrée n'ont été modifiés depuis, que par des agents 
atmosphériques. 

Le sous-sol de la région est formé par des strates paléo- 
zoïques ; ces strates reposent à leur tour sur une voûte de 








— 1 — 


Ces modifications des sédiments ont une même cause dans 
le déplacement contemporain des aires de sédimentation 
et de leurs rivages : le dépôt du Grès armoricain (S!} 
envahit transgressivement les schistes (x) et les micas- 
chistes (&) à mesure qu'on avance au S. de la feuille ; 
inversement les diverses assises du Carbonifère (h,,,. hr 
ho.) débordent, vers le N. de la feuille, les formations 
siluriennes préalablement dénudées, reposant ainsi 
successivement sur les différents étages paléozoïques. 

L'influence des actions mécaniques sur lous cès élages, 
fut considérable ; les étirements puissants auxquels ils 
furent soumis se traduisent en général par des failles 
Jongitudinales, qui épousent le bord sud des plis syncli- 
maux, toujours plus étiré et laminé que leur bord nord. 
Il suffira d'en citer comme exemple la grande faille 
orogénique qui enlève le flanc sud du synclinal de Teillé, 
dans toute l'étendue des feuilles de Si-Nazaire el d'Ancenis. 
(Voir Coupe de Langquin, p. 139). 

Si l'on mesure les directions des plis énumérés ci-dessus, 
où conslale que les 5 premiers synelinaux, parallèles 
entre eux, sont orientés à 1000, landis que la ligne direc- 
trice du grand anticlinal des Cornouailles, qui les suit au 
sud, se trouve orientée à 12%5° : l'ensemble de ces rides se 
répartit ainsi en deux séries distinctes obliques, présentant 
entre elles une différence angulaire. Ces deux systèmes 
de plis sont soulignés par leurs relations avec les venues 
granitiques de la région: tandis que le premier est 
jalonné par deux lignes parallèles d'ellipses de granites 
grenus, d'âge carbonifère, le dernier est suivi par une 
venue de granulite feuilletée, laminée, distincté (154), 
plus ancienne et probablement anté-silurienne, Mais 
l'importance du ridement général qui est venu vers la fin 
des temps carhonifères, redresser et rapprocher en ondes 
serrées loutes les formations paléozoïques, en voilant 
toutes les dénivellations antérieures, rend plus incertaine 
l'observation de ces premiers phénomènes, 





— 159 — 


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— 160 — 


Les venues granitiques carbonifères, alignées comme des 
grains de chapelet, montrent des relations topographiques 
évidentes avec les lignes directrices des rides ; c’est entré 
les synclinaux de Nozay et de Rieux, moins profonds 
relativement au niveau actuel de la surface, que ceux qui 
leur succèdent au N. et au S., que se placent les ellipses 
graaulitiques d’Allaire et de Nozay ; comme plus au nord, 
les ellipses granitiques de Bains à Angers coïncident avec 
le relèvement antielinal de Bains. Ces considérations sur 
la répartition des venues granitiques de la région, suivant 
les lignes tectoniques, permettent de rattacher à un mème 
phénomène, sans l'expliquer toutefois d'une façon suffi- 
sante, l'existence de la remarquable zône méramorphique 
1%") qui embrasse sur cette feuille les schistes cristallins, 
d'âge silurien, des synclinaux de Vioreau et de Teillé, 

Remarques hydrographiques : Les eaux atmosphériques 
tombées sur les faites granulitiques perméables du Temple, 
ou sur les faites gréseux de Nozay, sourdent Le long de ces 
lignes de partage à la rencontre des strates schisteux 
imperméables. I est un autre niveau d'eau à la base des 
grès armoricains de la bande de Severac. Le niveau d'eau 
le plus régulier correspond au filon de quarz du Sillon de 
Brelagne, qui draîne tout le massif des gneiss granulitiques 
de Savenay. 

Cultures : La culture de la vigne a sa limite septentrio- 
nale suivant le Sillon de Bretagne; au Nord de cette ligne, 
elle ne prospère qu'en quelques points privilégiés, tels 
que le lambeau tertiaire de Satfré et le bassin houiller de 
Languin. Landes et forêts sur les schistes; bois de pins 
sur les grès perméables du nord de la feuille; prairies, 
chanvre, roseaux, sur les alluvions de la Loire ; céréales, 
seigle, avoine, sarrasin, sur les gnéiss el micaschistes, 

Auteurs consultés : MM, Baret, Bouquet de la Grye, 
E. et L. Bureau, Davy, Kerviler, Lacroix, de la Noe, 
Vasseur. 








— 162 — 


seule localité de Doughboy Hollow ou une autre algue 
gélatineuse et flottante, le Pila australis s'ajoute au 
Reinschia dans la faible proportion de 9 pour cent. Cette 
particularité du Kerosene shale de Doughboy Hollow 
établit la contemporanéilé des genres Pila et Reinschia 
dans une même localité à l'époque houillère, 

3. Je n'ai pas encore rencontré le genre Reïnschia en 
dehors du boghead de la Nouvelle Galles. 

%. Se développant à la manière de nos fleurs d’eau, le 
Reinschia a apporté dans un temps très court une quan- 
tité de substance gélosique suffisante pour prédominer 
sur toutes les autres malières du dépôt charbonneux et 
lui donner son caractère spécial. 

5. L'intensité de l'intervention gélosique du Reinsehia 
dépend bien plus de leur état de développement que de 
leur nombre. 

6. Les thalles des Reinschia sont descendus de la sur- 
face de l'eau où ils vivaient sur le fond englobés dans une 
gelée brune chargée de corps coccoïdes, comme les menus 
débris végétaux humiliés, comme les spores et le pollen. 
Au moment de la formation des grandes couches de 
boghead, il y a eu descente en masse et par nappes de la 
malière végétale flottante. 

7. L'aspect plus ou moins satiné du Kerosene shale 
dépend de la proportion de gelose qu'il contient, Celle-ci 
est transformée en un corps jaune transparent dont li 
cassure vitreuse et luisante contraste avec le charbon mat 
produit par la substance humique fondamentale, 

8. La transformation de la gélose des Reinschia en 
carbure d'hydrogène ne paraît pas être le résultat d'un 
travail bactérien, car elle s'est faite sans altérer la confis 
guration de ces organismes. Les seules traces que j'ai pu 








[ — 16 — 

42 Les menus débris végétaux déjà humitiés lors de la 
formation du dépôt sont assez abondants dans le boghead 
australien. Selon leur degré d'altération ils ont donné 
divers corps bruns. Les plus altérés sont passés à l'état de 
fusains, Les moins allérés sont devenus capables de 
s'imbiber de bitume et se sont transformés en charbon 
brillant craquelé. Un même tissu végétal peut montrer 
cote à cote ces deux transformations extrêmes, On peut 
avoir ainsi des lames de houille avec fusains au milieu du 
charbon d'algues. 

13. Les matières bitumineuses du Kerosene shale sont 
peu condensées. Elles ont donné un charbon brillant, 
vilreux, craquelé irrégulièrement, Ajoutées tardivement, 
elles ont pénétré le dépôt à la manière d'une injection 
très fine qui a rempli le réseau des déchirures de la gelée 
fondamentale, De Ja les substances bitumineuses ont 
gagné les corps qu'elles pouvaient imbiber et ceux qu'elles 
ont teint par action élective. 

18. Le retrait des thalles du Kerosene shale est assez 
fort. À Hartley les diamètres verticaux sont devenus de 
0,33 à 0,27 de leur longueur primitive. Les diamètres 
horizontaux moins réduits sont devenus de 0,50 à 0,38. 
Les thalles représentent done sous leur volume actuel 
de à + de leur volume primitif. 

15, I n'y a pas de Diatomées dans le Kerosene shale, 

46. U n'y avait pas de végétation fixée sur le fond des 
mares à Reinschia. 

47. Les débris animaux n'interviennent pas d’une façon 
sensible dans le Kerosene shale, 





teinte claire du limon p; la plaine moyenne était marquée 
par le limon af, et la plaine basse de la Lys par le limon a, 

Mais cette division ne pouvait plus être maintenue depuis 
que M. Ladrière nous a montré le même limon s'étendant 
des plateaux jusque dans les vallées. 

Le signe p indiquant le pliocène dans la pensée du 
Directeur de la carte d'alors (1), on ne pouvait plus l'altri- 
buer au limon des hauteurs, Quant au limon de la plaine 
basse de la Lys, nous le croyons, M. Ladrière et moi, d'âge 
quaternaire. 

Dès lors, en dehors des alluvions plus ou moins tour: 
beuses des vallées, il n'y avait plus que du limon quater- 
naire; d'où une seule teinte à la place des trois couleurs 
employées par M. Potier. 

On s'étonnera peut-être, que travaillant avec M. Ladrière 
je n'ai pas introduit dans les feuilles de Lille, de Cambrai 
et d'Amiens les divisions du limon qu'il a renconnues, 
Plusieurs raisons s'y sont opposées. 

La première, c’est que l'échelle au 55475 est trop pelite. 
La distinetion des limons compliquerait singulièrement la 
carte, 

En second lieu c'est qu'elle aurait demandé un temps 
trop considérable ; enfin elle eut présenté des difficultés 
sérieuses au moins sur la feuille de Lille. 

On sait que M. Ladrière n’est pas encore parvenu à 
reconnaitre ses divisions dans le limon des Flandres. Nous 
avons fait plusieurs excursions ensemble, Nous sommes 
je crois tombés d'accord ; mais la concordance n'est pas 
encore assez claire pour que M. Ladrière ait cru dévoir s@ 
prononcer. J'étais tenu à moins de prudence, puisqu'il 
fallait exprimer une opinion, sinon sur la carte, au moins 
dans la notice explicative qui l'accompagne. Je fais ces 





(1) Eux dE DEéaUMOxT. — Voir ; Ann, Soc. Géol. Nord, VI, p: 877: 








it — 


Je considère ces limons plus ou moins sableux comme 
correspondant à l'ergeron, Au-dessous, on rencontre un 
diluvium que M. Ladrière a parfaitement reconnu au Vert- 
Galant et qui est son diluvium supérieur. 

Comme il a été dit plus haut, le limon moyen manque. 
Le limon inférieur est au contraire très développé sous 
forme de sable argileux excessivement fin, tantôt vert, 
tantôt blanc, Ce suble est si fin qu'il constitue une couche 
presqu'imperméable. Il a jusqu'à 10 mètres d'épaisseur, I 
n'exisle que dans les vallées et même il n'y affleure pas; 
sa présence n'est révélée que par les sondages. 

Par conséquent, tout le limon visible sur la feuille de 
Lille appartient à l'assise supérieure, 


Terrains tertiaires, — J'ai modifié très légèrement Ja 
carle en y introduisant du pliocène (diestien) pour 
quelques petits lambeaux démantelés sur place et faci- 
lement reconnaissables à la présence des galets et des 
sables ferrugineux. De même j'ai indiqué le panisélien 
des Belges dans quelques collines des environs d'Halluin. 
Mais ces modifications sont à peine visibles sur la carte, 

I n'en est pas de même de celle que j'ai fait subir à 
l'argile des Flandres. M. Potier, avait parfaitement admis 
la division qui venait d'être établie par M. Dollfus entre 
la partie inférieure de l'argile des Flandres sans fossiles 
et la partie supérieure remplie de Nummulites planulata, 
Mais ilavait teinté l’une et l'autre de la même couleur 
rouge attribuée aux sables de Cuise du bassin de Paris. 
Je crois que si l'argile supérieure (argile de Roubaix) cor 
respond bien aux sables de Cuise, l'argile inférieure 
fargile d'Orchies) est au niveau de l'argile plastique de 
Paris, Je Jui ai donc donné la teinte bleu de Prusse de cette 
assise. Il en résulte une différence très grande dans 
l'aspect des deux éditions, bien qu'il n'y ait par dechan- 
gement scientifique réel. 





— 170 — 


Notice explicatice de la Feuille de Lille 


a Alluvions modernes. — Les vallées de la Lys, de 
la Deûle et de la Marque sont pleines d'alluvions récentes 
qui reposent soit sur le quaternaire, soit sur les terrains 
tertiaires et secondaires, le quaternaire ayant été enlevé. 
Ces alluvions sont tourbeuses dans les vallées de la Deûle 
et de la Lys, quand ces vallées sont au niveau de la nappe 
aquifère de la craie; elles sont purement sableuses et 
argileuses dans les autres cus. On a pu constater dans la 
Deûle l'existence de deux crues, l'une du 1ve siècle, l'autre 
du xn° ou xi, qui ont amené un dépôt de gravier et de 
cailloux roulés. 


ab Limon quaternaire. — Ce limon s'élend sur toule 
la feuille, L'assise limoneuse moyenne de la feuille de 
Cambrai n'y est pas connue, 

L'assise supérieure, qui couvre presque tout, présente : 


1° une première couche générale de limon argileux brun 
rougedtre (limon supérieur), employé pour la fabrication 
des briques; 2 une seconde couche, variable avec la 
nalure du sous-sol, Sur le plateau crayeux de Seclin, 
jusque dans la ville de Lille, elle est à l’état de limon 
jaune clair, doux au toucher (ergeron), avec petits débris 
de craie. Sur l'argile de la Flandre, cette couche se présente 
sous forme d'un limon argilo-sableux, jaune panaché de 
blanc, souvent rempli de concrétions calcaires ou ferru- 
gineuses. À mesure que l'on descend, la quantité de sable 
augmente ; sur les bords des vallées de la Marque et de 
la Lys la base de l'assisé est presque entièrement sableuse; 
% un léger dépôt de cailloux où l'on rencontre beaucoup 
de débris de roches et de fossiles tertiaires, On y a trouvé : 
Elephas primigenius, Hyæna spelwa, ete. 

L’assise inférieure n'est connue que dans les vallées où 
on l'atteint par les travaux de terrassements et de sondage, 





—178 — 


es Tuffeau à Cyprina Morris. La partie inférieure 
fine et verte de l'assise précédente passe à un sable de 
même nature qui contient des grès tendres à ciment 
d'opale. Les Diatomées y sont nombreuses, par places. On 
Y-rouve Cyprina Morrisi el Cyprina planata. 

€ L'argile de Louvil, plus ou moins sableuse, 
constitue la base du tufleau, alterne avec lui ou même le 
remplace complètement (Flandre). Quand elle repose sur 
la craie à silex, elle contient des silex et se montre sous 
l'aspect de conglomérat à silex, 

e7 Craie à Mirraster cor testidinarium. On peut y 
distinguer deux zones dont la supérieure se montre seule 
en afleurement ; 

J° Craie blanche avec ou sans silex, exploitée pour la 
fabrication de la chaux. Elle contient en abondance 
Inoceramus involutus et plusieurs autres espèces d'Inocé- 
rames, de nombreux Poissons, Ammonites tricarinalus. Le 


Micraster cor testudinarium y est très commun jusqu'à la 
partie supérieure ; le Micraster cor anguinum y est exces- 
sivement rare et n'apparait que dans les couches les plus 
élevées ; (10 à 20 mètres) 

2 Craie grise, anciennement exploitée comme pierre de 
taille (Lezennes) (3 mètres). 

ot Craie turonienne, — Elle se divise en quaire 


zones « 

le Craie sableuse avec phosphate de chaux (2 mètres 
environ), Cette craie, sableuse et glauconifère se termine 
supérieurement par un banc de nodules de phosphate de 
chaux (ter) que l'on a tenté inutilement d'exploiter, Sa 
faune est intermédiaire entre celle de la craie à M 
breciporus et celle de Ja craie à M. cor testudinarium, El 
affleurait anciennement à Bouvines ; on ne la voit plus 
qu'au fond des carrières souterraines ; 








A4 — 


La troisième nappe se trouve dans la craie, soit dans ki 
craie blanche au-dessus du tun qui forme la couche 
imperméable du fond ou dans la craie sableuse glauconi- 
fère entre les deux premiers tuns. C'est le niveau des puits 
de Lille, des sources de la vallée de la Deule (Emmerin, 
etc.), des forages d'Armentières, de la Madeleine et de 
bien d'autres, 

La quatrième masse, peu distincte de ki précédente, se 
trouve dans les alternances de marne dure et de marne 
argileuse de l'assise à Tercbratulina gracilis ; c'est de là 
que sortent les sources de la vallée de la Marque ; elle se 
confond avec la nappe du tun par la disparition de cette 
dernièréassise vers le Nord. 

Le cinquième niveau est dans les calcaires carbonifères 
ou dévoniens ; il fournit des eaux pures, d’un faible degré 
hydrotymétrique, légèrement sodiques et quelquefois 
d'une extrémeabondance ; mais son gisement esl loujours 
incertain, parce qu'il lient à l'allure et au caractère 
physique du calcaire. 


M. Gosselet présente : 

1e Un schiste rouge et vert avec Oldhamia qu'il a trouvé 
avec M. Malaise dans une recherche d'ardoises sur le lerri- 
toire d'Oignies (Belgique), L'Oldhamia n'existe que dans 
les minces lits verts qui alternent avec les lits rouges et 
non dans ces derniers. 

A cette occasion, M. Barrois rappelle que M. Solas 
considère les Uldhamia comme non organiques, mais dus 
à des froïssements de la roche. 

% De magnifiques échantillons de coraux du récit 
corallien de la craie d'Hemn Monaeu, Les coraux sont trans- 
formés en silice de sorte qu'il sufil de plonger la roche 
dans de l'eau acidulée pour dissoudre la craie et isoler les 
coraux. Les échantillons pris à la surface du récif mon- 
trent un beau vernis brun de phosphate de chaux, 














— 178 — 


métaux précieux. À une époque où les mélaux rares 
commencent à être employés, où l'éclairage réclame le 
æirconium, le thorium, l'yltrium, ete,, fl est utile de faire 
connaître les minéraux qui les fournissent. Sous ce 
rapport, le cours de minéralogie, que je commence aujour- 
d'hui, est une répétition de celui que j'ai fait il y a deux 
ans, 

A côté des minéraux à base métallique, il en est 
d'autres dont l'utilité industrielle est tout aussi considé- 
rable. Je vous citerai particulièrement les minéraux à 
base de chaux : sulfates, carbonates, phosphates. La 
chaux est utilisée dans une foule d'industries; ses qualités 
sont très différentes suivant le calcaire qui a servi à la 
fabriquer. 11 importe donc de connaitre les divers 
calcaires et les endroits où l’on peut se les procurer, La 
magnésie sert aussi dans plusieurs industries ; nous 
aurons à l'étudier au point de vue de ses propriétés el 
de son gisement. 

La silice n’a pas un rôle moindre, à l’état de cristal de 
roche, de quarz blanc, et de sable, Tel sable convient à la 
verrerie, tel autre sert à polir les glaces, tel à mouler la 
fonte, I faut indiquer le motif de leur spécialité et les 
conditions où on les trouve. 

Les matières minérales utilisées en industrie, ne se 
bornent pas aux minéraux cristallisés et à composition 
chimique parfaitement définie. Il y a encore bien d'autres 
substances qui sont utilisées, et qui ont une complexité 
plus grande; je vous citerai en première ligne la houille. 

La houille est un composé très variable, produit par 
des débris végétaux qui se sont carbonisés dans l'intérieur 
du sol en perdant une certaine quantité d’eau, de carbure 
d'hydrogène et d'acide carbonique, La composition de la 
houille est variable : il y a des houilles sèches, antbraci- 
teuses, qui sont du carbone presque pur et des houilles 








NN 


comme cela que les minéralogistes du siècle dernier 
comprenaient la science, 

Pour Hauÿ la houille, l'argile, le pétrole, l'asphalle 
rentrent encore dans la minéralogie; il leur consacre un 
chapitre de son traité de minéralogie comme au calcaire, 
au gypse, au feldspath où au quarz. 

Mais cet illustre savant qui avait découvert les relations 
de forme des cristaux d'une même espèce minérale, 
devait naturellement donner une attention beaucoup plus 
grande aux minéraux susceptibles de cristalliser et aux 
variétés cristallisées de ces minéraux, 

Ses successeurs suivirent son exemple, mais firent une 
place de plus en plus prépondérante à la cristallos 
graphie. Actuellement, pour beaucoup de savants, la 
minéralogie est devenue presque synonyme de la cristallo- 
graphie, La majeure partie d'un cours de minéralogie 
devrait selon eux être employée à l'étude dela structure 
cristalline et de ses propriétés physiques; à peine 
quelques leçons pourraient-elles être consacrées aux prine 
cipales espèces minérales. C’est une façon de comprendre 
la minéralogie en mathématicien et en physicien, mais 
non en naluraliste. L'enseignement ainsi entendu n'est 
pas loujours Lrès profitable aux élèves, aussi la minéras 
logie est-elle dans plusieurs Facultés françaises considérée 
comme une quantité négligeable. {1 n'en « jamais été de 
même à Lille, où l'étude des espèces minérales cristallisées 
a Loujours fait l'objet de très nombreuses leçons, evoû, je 
dois rendre cet hommage à mes anciens élèves, la minéra= 
logie était aimée et travaillée. 

Je n'aurai garde d'abandonner un enseignement que 
m'a donné des résultats si satisfaisants, Une des deux 
années de notre cycle d'études lui sera consacrée. Mais 
la minéraloge limitée aux cristaux naturels ne pré- 
sente pas beauvoup d'applications, 











— 185 — 


Les sédiments qui se forment sous ces eaux vertes du 
Morbihan, dans ce décor toujours changeant, ont cepen- 
dant été peu étudiés, relativement à leur mode de répar- 
tition et à ses causes. L'excellente Läthologie du fond des 
mers de Delesse (1) n’a pas épuisé le sujet. Des formations 
d'origine elastique entrainées par les vents, les pluies où 
les courants, s'accumulent dans les dépressions de ces 
côtes, en même temps qu'y cristallisent des précipités 
chimiques ; et là nature organique, toujours active, y 
prépare de son coté, des dépôts calcaires ou tourbeux, 
résultat de l'accumulation de débris animaux ou végétaux. 
Il semble que cet espace restreint montre ainsi réunis 
tous les sédiments les plus divers par leur origine et leur 
composition chimique, el qu'ainsi il soit merveilleu- 
sement disposé pour révéler au naturaliste, comment se 
formaient aux époques géologiques des faciès synchro- 
niques, différents par leur composition et par leur faune. 

Nous ne nous bornerons pas toutefois dans cette note. à 
l'étude des sédiments du Morbihan proprement-dit ; nous 
devrons sortir de ce Mor-bihan ou petitemer, ainsi nomme» 
par comparaison avec le Mor-bras ou grandemer, par es 
habitants de l'Armorique, pour rechercher les relations de 
ces sédiments avec ceux du Morbraz lui-même. Cette mer, 
externe par rapport au Morbihan, et comme elle, en voie 
d'envasement, n'en diffère guère que par ses dimensions 
plus considérables, s'étendant de la baie de Quiberon à la 
baie de Bourgneuf: c'est de même une mer intérieure, 
éncombrée d'ilots, mais ici la mer a pris le pas sur là 
terre, très réduite. Le Morbraz a peut-être été vu à l'état 
d'archipel, parles Celtes qui construisaient leurs demeures 
“ans le Morbihan à l'état de lagune ? C'est la mer des 
Vénètes, combattus par César. 





ui DELESSE : Lithologie du fond des mers, Paris, Lacroix 1871 
p. 172. 


ne. 


Les caractères Llopographiques de cette mer elles parti- 
cularités de sa sédimentation que nous ferons ressortir 
dans les pages suivantes, lui assurent une individualité 
suflisante pour qu'il soit permis de la distinguer ici par 
un nom propre, de l'Océan, avec lequel elle communique 
librement au large de Belle-Ile. 


St. 
Des SÉDIMENTS QUI SE FORMENT DE NOS JOURS SUR LES COTES 
MORBIHANNAISES ET DE LEUR RÉPAUTITION 


Galets : Des galets se forment en de nombreux points 
de ces côtes ; on y reconnait les débris des roches qui 
constituent les falaises de la région, et notamment des 
plus dures, granite, pegmatite, gneiss, pyroxénilé ét quarz. 
Quelques cailloux étrangers s’y trouvent associés, repris 
dans d'anciennes plages soulevées, datant d'époques anté- 
rieures. La grosseur des galets est aussi variable que leur 
composition lithologique, elle change suivant les points 
où on les trouve : leur forme présente les modifications les 
plus étendues ; parfois ellipsoïdaux, ils sont plus souvent 
aplatis, ovalaires, allongés suivant l'oné de leurs dimen- 
sions, et quelquefois même restent exactement polyédri 
ques, Ils offrent leurs formes les plus globuleuses près 
de Berder, l'ile Longue, la Calébasse, au voisinage dés 
grands courants : par contre, les éboulis fendillés du 
granite paraissent conserver indéfiniment leurs arêtes sur 
les plages d'fluric et lots voisins, où le courant ést 
impuissant à les rouler: On trouve à la fois sur ces côtes, 
mais en des points divers, des galets roulés et des galels 
polyédriques à angles à peine émoussés, toutes ces 
formes étant cependant dûes à un méme agent, qui est le 
courant dé marée, aidé du jeu des lames. C’est à l'action 
de ces lames qui soulèvent el roulent le galet sur les 





— 186 — 


généraux du golfe, mais avec des remous propres à chaque 
anse, partout où la vitesse d’un courant est brusquement 
amortie. 

La plupart des gros galets se trouvent dans la partie 
supérieure des talus ; l'impulsion de la vague est moindre 
dans le mouvement rétrograde que dans le mouvement 
d'ascension, comme l'avait fait remarquer déjà Durocher(}, 
dans son excellent mémoire sur les phénomènes littoraux 
de la Bretagne, et par suite les blocs el beaucoup de gros 
fragments qui ont été amenés par les flots et ont acquis uné 
position d'équilibre, doivent rester en place, n'étant plus 
poussés par derrière. 


Sables : Des sables de composition très variée forment 
des grèves en nombre de baies, et toute une zûne de 
dépôts littoraux en mer ; ils sont plus où moins mélangés 
d'argile suivant les circonstances, et se répartissent en 
sables grossiers, sables fins, sables vaseux. Îls proviennent 
de la désagrégation des roches granitiques où gneissiques 
et de la Lrituration des galets ; leur composition minéra- 
logique varie selon la nature des roches qui leur ont donné 
naissance, mais elle tend en raison de leur mélange, à 
prendre une composition moyenne uniforme. 

On peut classer ces sables en 2 groupes principaux : 
celui des sables quarzeur et celui des sables à gemmes. 


Sables quarzeux : Ces sables, débris des élémentsles 
plus résistants des roches prédominantes de la région, 
gneiss et granites, sont essentiellement formés de grains 
de quarz de grosseur variable, avec abondantes paillettes 
de mica et argile résultant de la décomposition des 
feldspaths. Ils sont plus où moins vaseux suivant les 
gisements, ét permettent de reconnaître associés au quarz,, 





1} Durocier : Bull, soc. géol. de France, 2* sr. T. VI- 1819; 








fer titané, grenal, slaurotide, amphibole, glaucophane, 
sphène, pyroxène, andalousite, zircon, épidote, mica blanc, 
quarz, feldspath, cassitérite, saphir, or natif, platine. 

On les trouve répandus en un assez grand nombre de 
points sur ces côtes ; les gisements les plus souvent cités 
sont les grèves de Penestin, sous les rochers des Demoi- 
selles, la pointe des Poulains à Bellelle, les plages de 
Houat : ils y sont inégalement répartis, selon les saisons 
et l'état des courants, mais disposés en général sous forme 
d'un cordon littoral, dessinant sur les grèves de sables 
quarzeux blanchâtre et vers la limite des hautes mers on 
ruban coloré, tantôt rouge, vert ou bleu d'acier, variable 
comme les teintes des minéraux constituants, prédo- 
minants. Il oceupe dans ces baies la position habituelle 
des cordons de galets, adossés au revers des caps, dans 
les points où les courants litloraux les plus rapides sont 
venus s'amortir : ils y dessinent des ondes concaves vers la 
mer, reproduisant les courbes des lames qui déferlent sur 
le rivage, ou s'alignent suivant des rigoles rayonnantes, 
descendant vers le large, entrainés par les ruisselets d'eau 
douce ou les remous de l'eau marine. Le mode de leur 
répartition soulève cependant un problème intéressant, 
tar ils sont disséminés en nombre de grèves, loin de leur 
gisement initial. 

Le gisement de ces gémmes ainsi entrainées el rémas 
niées par les eaux actuelles, se trouve en place dans les 
roches anciennes de la région, comme nous avons pu le 
constater à la suite de Durocher. Cet excellent observateur 
les avait reconnus à l'embouchure de la Vilaine, près du 
passage de Tréhiguier, en lits ou plaquettes inlerstratifiés 
dans les amphibolites épidotiféres et grenatifères qui y 
présentent un si beau développement. On les trouve égas 
lement dans les mémes conditions, en lentilles, dans les 
schistes cristallifères de l'ile de Groix. 








d'attribuer leur répartition 4 l'action des eaux qui descen- 
dent de la Vilaine avec le reflux. ; 

La vitesse nécessaire pour le transport par les eaux de 
ces sables lourds, à grains de 1 à 2um, et de densité 
moyenne double de celle du quarz, serait moins de deux 
lois celle qui charrie les grains de quarz, d'après les 
expériences de M. Thoulet (!). Par suite, un courant de 
1 nœud suflirait pour Lransporier des grains de 0,0017 de 
diamètre, de densité = 4, même dans l'eau douce; or cette 
vitesse est dépassée par les eaux marines du Morbraz qui 
alteignent presque une vitesse double. Ces sables à gemmes 
cireulent à la façon des galets ; ils représenteraient les 
premiers sédiments déposés lors du jusant de Vilaine, 
et leur dépôt serait limité au voisinage des points, îles 
et écueils, où la vitesse du courant serait d'abord amorlie. 
Restés en mouvement et peut-être en suspension, à la 
traversée des passages profonds, ils sont tombés sur les 
éeueils et les banes sous-marins, partout où la force vive 
de l'eau en mouvement ne suffisait plus pour empécher 
leur chûte. 

Les sables quarzeux et les vases plus légères ne se sont 
déposés que plus tard, dans les profondeurs et les anses 
abritées, dans des eaux moins profondes et plus calmes, à: 
mesure que l'on approchait du moment du flot. Ainsile 
jeu normal des marées explique simplement, en dehors 
de toute considération hypothétique, la présence et la 
dissémination des sables à gemmes dans le N, du Morbraz ; 
on les suit depuis leur gisement originel à l'embouchure 
de la Vilaine, sur les bords dé tous les écueils parsemés 
surcelle côte, jusqu'à une distance de 50 kil. au large: c’est 
donc jusqu'à cette distance de 50 k. que l'on peut distin- 
guer les apports propres de cètte r 


MH) Tnourer : Annal. des mines 1883, p. 19. 








— 192 — 


abaisser et les différences qu'ils produisent sur le niveau 
normal de la marée peut atteindre 0,50. Ainsi après um 
coup de vent d'ouest, on voit assècher sur les rives, 4 
Vabri des marées suivantes, une tranche fraîche de matière 
solide de 0, à 0,50 de hauteur ; il en est encore de même 
après les grandes marées, eLaussi lors des crues du fleuve. 
Ce sont ces sables de la Loire ou de la Vilaine, ainsi 
rejetés à sec par la mer sur le talus du rivage, qui chassés 
par le vent, vont s'entasser lorsqu'ils s'arrétent, sous 
forme dé dunes. L 

Ainsi le vent reprend à nouveau loul ce qui a échappé 
à la trituration par les flots, et il contribue pour sa part, 
à la prédominance des fins sédiments vaseux dans les 
fonds. Les courants de marée apportent les sédiments de 
la Vilaine et de la Loire jusqu'au nord de la baie de 
Quiberon ; les vents les reprennent à l'extrémité de cette 
baie pour les reporter jusqu'à l'embouchure de la Loire 
et sur lous les flots de la baie, 

Les dunes présentent en la région une distribution 
superficielle très étendue, sous forme de massifs liltoraux 
généralement allongés dans une mème direelion domi: 
nante du N.-W. au S.-E., el répartis sur la côte conti- 
mentale, aussi bien que sur les îlots du large (Houat, 
Hodic) ét même sur ceux de l'intérieur (Godec, furic). 
Les masses les plus importantes sont celles qui relient la 
presqu'ile de Quiberon à la terre ferme, et encore celles 
des environs d'Escoublac, qui ensevelirent l'ancien bourg 
de ce nom, vers la fin du siècle dernier. De nos jours, 
l'emplacement de ce vieux bourg n'est plus indiqué que 
par la présence au milieu dés plantalions de pins, qui ont 
fixé la dune, de quelques arbres fruitiers, descendants 
probables de ceux qui périrent. 

La forme de ces massifs sableux, allongés du N.-W. au 
SE, permet d'attribuer leur formation à l'action des 


i k =! 


— 196 — 


débris végétaux épais de 0,003 et assez réguliers parfois 
pour avoir fourni les données du chronomètre préhisto- 
rique, proposé par M. Kerviler, dans ses études sur cette 
région. La composition des vases varie done non seulement 
horizontalement, en divers points des côtes, mais aussi en. 
un méme point, suivant une direction verticale : on 
constate d'ailleurs à l'embouchure de la Loire que les 
vases sableuses sont plus fines sur les bancs qu'à leur 
pied. 

Ces vases uniformément formées du résidu de la tritu- 
ration et de la décomposition des roches feldspathiques de 
la région, différent donc entreelles à la fois par la grosseur 
et par les proportions relatives des éléments constituants : 
elles sont en outre imprégnées dans la région littorale des 
divers sels qui se trouvaient en solution dans les eaux de 
la mer, Delesse (!) a déjà fait ressortir combien ces vases 
avaient de tendance à s'emparer des matières salines ou 
organiques, et à montré que plus elles étaient à grains 
tins, plus elles retenaient de matières solubles dans l'eau. 

Leur répartition géographique est très étendue ; dépo- 
sées uniformément lors de l'élale, ces matières fines sont 
entraînées lorsque l'action du jusant se fait sentir, et elles 
ne demeurent qu'en des points spéciaux, bancs, anses, 
fonds, où le jusant ne peut atteindre une vitesse appré- 
ciablé. Par suile de ce mécanisme, la vase s'accumule 
dans les anses abritées en dehors des courants de jusant, 
ou dans des fonds faisant oflice de lacs, où la vitesse du 
courant descend bien en dessous de # nœud par heure, 

Elles forment des roches assez différentes, suivant leur 
degré de finesse, ou leur mélange à des sables de grosseur 
variée, ou à des galets ; mais ces différences lithologiques 
nous ont offert un moindre intérêt que leurs diflérences 


(1) 1. ©. page 8. 





le Morbraz, en nombre de points abrités, par les fonds de 
% à 70% ; sa répartition à été donnée par Delesse dans une 
planche (PL, A) de sa Lithologie du fond des mers, véritable 
monographie de la répartition du carbonate de chaux 
dans les dépôts littoraux actuels. 


Vases tourbeuses : Mais les huîtres ne prospèrent plus 
dans les fonds qui découvrent tous les jours, aux niveaux 
de 4 à 3m; c’est ici le domaine d'une faune nouvelle, celle 
qui sur les fonds vaseux se plaît parmi les prairies de 
zostères. C'est là que se développent les annélides, divers 
radiaires, et autres animaux qui né s'assimilent guère de 
calcaire, Le sédiment y devient vaso-tourbeux ; la 
composition du sédiment est spéciale dans les fonds vaseux 
où croissent les zostères et où diminue rapidement la 
teneur en carbonate de chaux. 

Ces plantes croissenten grand nombre dans le Morbihan, 
sur les fonds de vase, qui découvrent à chaque marée et 
jusque près le niveau des hautes mers. Il leur suîit pour 
vivre d'être recouverts à chaque marée par l'eau salée, 
pendant une couple d'heures, et bientôt elles y trans- 
forment en prairies la surface des bancs de vase, Un 
véritable tapis les recouvre alors, lapis protécteur, formé 
de feuilles de zostères, en lanières fasciculées, serrées, 
flexibles et résistantes, qui ont pour effet de fixer les 
particules boueuses les plus tenues el pour résultat 
d'amortir considérablement les courants de marée qui 
viennent les balayer. La marée s'y élève donc avec uné 
vitesse très amoindrie, et les boues en suspension, Îles 
débris organiques légers, les bois flottés, viennent se 
concentrer à marée montante el se fixer dans ces régions 
tranquilles, en dehors des courants rapides, Loin d'arrêter 
la éroissance du banc qu'elles ont fixé, les zostères favo- 
risent à la fois son développement en fixant les parties 
existantes el en arrétant entre leurs feuilles et leurs 








parfois possession de son domaine, d'une façon plus où 
moins intermittente, lors des grandes marées ou des 
tempêtes : le marais alors est rempli d'eau saumätre. 
Parfois les eaux salées ainsi abandonnées à elles-mêmes 
lors des grandes marées, s'évaporent lentement, s'ibn'y a 
pas envahissement par les eaux douces, sous l'action du 
soleil et surtout sous celle du vent, donnant naissance 
à des précipités salins, et il se forme au lieu de dépôts 
lourbeux des précipités chimiques. 


Précipités chimiques : L'homme a souvent facilité ce 
travail au fond des anses bretonnes vaseuses, et à ainsi 
créé les marais salants, en élevant de petites digues qui 
retiennent l'eau de la mer ét empéchent la pénétration des 
caux douces. Les marais salants dans le Morbihan sont 
des bassins étendus, peu profonds, à fond argileux, qui 
fournissent au commerce des quantités considérables de 
sel (trentième partie en poids de l'eau de mer emmagas 
sinée) ; mais ce sel n'est pas pur, il renferme de pelites 
quantités de sulfate de soude, de chlorure de magnésium 
et de calcium, et des traces dé bromure et d'iodure, 

Les marais salants de celle côte bretonne fournissent 
anauellement de 100,000 à 200.000 tonnes de chlorure de 
sodium ; mais il s'y forme également d'autres substances 
cristallines d'un grand intérêt géologique, parmi lesquelles 
il convient de citer les eflorescences de divers sulfates, 
et surtout les cristaux de gypse qui se déposent au fond 
de certains marais salants de Batz. 

Les cristaux ont été étudiés par M. Baret, (!) quai ya 
indiqué les faces g! (010) et m (110), les autres faces étant 
arrondies ; ils sont simples où maclés, et agglomérés en 
groupes de plusieurs kilogs. Les cristaux isolés atteignent 
des dimensions de 4 à 4 cent. ; ils sont lransparents où 





() Banner: Bull, soc. soi. nat. Ouest, 1894, vol, 6. p.153. 








— 202 — 


Les sédiments clastiques méritent à ce litre une étude 
détaillée, Ts changent dans les différentes portions de 
ces golfes, et même en chaque point déterminé, suivant la 
grandeur des fonds el suivant la forme de la côte, suivant 
l'heure de la journée et suivant la saison de l'année; ils 
changent en raison de la vitesse et du parcours des cou- 
rauts en chacun des différents points ; ils changent en 
raison des seules modifications de profondeur amenées 
par leur lente accumulation. 

Une même eau courante agitée par le vent et la marée 
transporte, il est vrai, les éléments de ce dépôt à leurs 
places respectives, Mais en chacun de ces points la nature 
et Ja quantité de l'apport est indéfiniment variable ; et ses 
transformations n'impliquent pas nécessairement des 
déplacements verticaux du sous-sol, puisqu'elles se 
produisent pur l'accumulation sufisamment prolongée 
d'un même sédiment, ou par son enlèvement sous l'action 
dé courants, soumis à l'influence des agents atmosphé- 
riques si variables, Ainsi la barre des Charpentiers, formée 
de sable accumulé en mer, devant l'embouchure de la 
Loire, à 10 kil. de la côte, s'élève alternativement pendant 
l'étiage d'été, et s'abaisse en hiver, lors des crues du 
fleuve. 

Sur les rives du Morbihan, des galets se superposent à 
des sables, et des tourbes à des vases, selon les circons- 
lances de temps ou de lieu, selon que des eaux dormantes 
succèdent à des eaux en mouvement, ou que celles-ci 
atteignant la vitesse des gaves pyrénéens, creusent au 
contraire des passes dans les alluvions accumulées, La 
vitesse du moteur est le facteur essentiel qu'il importe de 
cousidérer, 

La vitesse d'un cours d'eau sur un rivage maritime el 
par suite sa puissance de transport, étant fonction de Ja 
pente de sa surface, elle dépend à la fois comme celle-ci, 








— 306 — 


donc de l'étudier quant à ses contours et à la forme de ses 
surfaces ; et la carte (PL IV), à laquelle nous renvoyons, 
en donnera une idée suflisante. 

Les courbes de niveau des profondeurs océaniques, 
tracées sur cette carte (PL TV), longent régulièrement 1 
côte méridionale de la Bretagne, du Finistère au Morbihan ; 
mais subitement, quand on double la presqu'ile de 
Quiberon, ces lignes s'écarteut brusquement : on est entré 
dans la baie de Quiberon, dans le Morbraz, La ligne — 10 
par exemple, est 3 où 4 fois plus éloignée de terre que 
précédemment. 

Ces lignes se maintiennent ensuite à distance, bien loin 
au sud de la presqu'ile, jusqu'en Vendée, devant l'ile d'Yeu. 
C'est que le Morbraz abrite des eaux plus calmes, où 
viennent s’accumuler les matières tenues en suspension, 
jusque là. 

L'apparence est ainsi celle d'un banc sous-marin, qui 
surgirait en mer, entre la Bretagne et la Vendée, prolon- 
géant au large par une plate-forme submergée les terres 
du Morbihan et de la Loire-Inférieure (1). 

La stratigraphie cependant ne révèle pas de relèvement 
du fond rocheux ; la structure géologique du pays remars 
quablement uniforme suivant tout le plateau méridional 
de la Bretagne, est la même que dans le midi du Finistère. 
On n'y observe pas en la région, de redressementanticlinal 
des strates profondes et d'ailleurs la direction de ce ride. 
ment, püt-on le supposer, serait en désaccord aussi bien 
que sa forme, avec la direction des lignes tectoniques 
tracées sur la terre ferme. 

1 y a de meilleures raisons pour attribuer au mode de 
dissémination des alluvions actuelles l'exhaussement dé 





1t) Cette apparence à été admise comme uné réalité par Delesse 
ILithologie du fond des mers p, Hi, eL 11 a même invoqué divers 
arguments on sa faveur, 





— 206 — 


Le frottement, sur les bancs de la Banche el de la 
Lambarde, des eaux descendant de la Loire avec le jusant, 
les ralentit suffisamment pour arrêter les matières en 
suspension, arrivées dans une position d'équilibre : ces 
matières tombent alors et construisent des ponts à l'abri 
des rochers de ces bancs. C'est ainsi, par contre-coup, que 
les eaux resserrées entre ces digues, déterminent des 
chenaux, de part et d'autre des obstacles qu'elles viennent 
d'élever et entre eux et la terre ferme, le chenal du Nord'et 
Je chenal du Sud, que suivent les vaisseaux qui entrent en 
Loire. 

De même dans ki baie de Bourgneuf, les Rochers de la 
Couronnée, et de Pierre-Môine ont déterminé la formation 
des fléches sous-marines qui constituent les bancs de 
Kerouars, du Centre et de la Chaine, entre lesquels 
passent le chenal de la Pierre et le chenal du Centre. L'ile 
d'Yeu a donné naissance au Pont d'Yeu, qui là rattache à 
la Pointe de Monts. 

Le tracé de la courbe — 20% sur la carte, fournit de 
même un contour curviligne, ondulé, sans relation de 
forme avec les précédents, ét dont les convexités tournées 
au large s'appuient à leur tour sur des rochers, sur la 
chaine des iles de Houat-Hædie, ainsi reliée au continent, 
ou sur les débris des formations éocènes, respectés par le 
hasard des dénudations, le plateau du Four, le banc de 
Guérande, et celui dés Bœufs, Nous aurons lieu plus loin 
de revenir sur cet alignement des témoins éocènes suivant 
une même courbe de niveau, 

De nos jours, le contour de cette courbe — 20% enclot à 
peu près le Morbraz, à part les chenaux de Loire et une 
étroite passe, le chenal de la Teignouse, où les eaux plus 
profondes conservent leur vitesse maxima vers le large. 
Celte courbe, convexe dans son ensemble, ne présente 
plus que deux concavilés, correspondant respectivement 








_ 308 — 


1 résulte dé ces faits, comme l'a indiqué M. Partiot (!). 
que les vases de la Loire dont les premiers dépôts appa- 
raissent à environ 10 kil. au-dessous de Nantes el qui 
commencent à former des banes un peu en amont dé 
Paimbœuf, se rassemblent en grande quantité dans la baie 
de Bourgneul ; mais la plus grande parlie est ‘entraînée 
vers le N.-W. dans le Morbraz et dans l'Océan, 

Ainsi le cours de la Loire explique la disposition des 
fonds du littoral, par la simple distribution de ses sédi- 
ments, suivant les règles de la pesanteur el les lois des 
courants; aucune autre interprétation ne nous parait 
rendre compte des faits observés, aussi simplement el 
aussi complètement. 

Les sables vaseux charriés par la Loire se sônt déposés 
à son embouchure sur les côtes, jusque vers la cote — 5%; 
les vases couvrent les fonds de — 100 et — 20m, La figure 
de ces courbes de niveau montre que les eaux boueuses du 
fleuve exéeutent leurs diramalions dans le Morbraz de 3 
côtés, au N. dans la baie de Quiberon, au $. dans la mer 
d'Yeu, et à W. suivant un pont passant entre le chenal du 
Nord et le chenal du Sud, donnant naissance à une masse 
solide dont la convexité est sensible en mer jusqu'à la cote 
— Nu; elle cesse de se faire sentir à partir de la cote 
— 100, où les courbes sous-marines sont grossièrement 
parallèles à la résultante des découpures du rivage. 

Ces conclusions ressortent simplement de la considéra- 
tion successive des diverses courbes de niveau. Ainsi, la 
courbe — 30% suivie sur la carte, réunit à Ja plate forme 
continentale les iles de Belle-Lle et d'Yeu : celle courbe ne 
présente plus que trois parties rentrantes concaves, Corres- 
pondant à la Teignouse, au chenal du Nord et au chenal 
du Sud. Les courbes suivantes, à partir de — 40, ne sont 


(1) Parnor: Annales des Ponts-ctChaussées, 1874, p. 231. 





— 210 — 


tement à l'Océan, se jetle dans une sorte de golfe, le 
Morbraz: ses apports pour ce motif, ne sont ni empilés 
sur place, ni balayés et emportés au large, maïs diver- 
sement retenus et répartis à proximité, par les multiples 
influencés locales, Ils se partagent ; et tandis qu'une partie 
des alluvions est entrainée au loin en mer, le reste demeure 
dans le Morbraz, s'arrêtant quand la vitesse se ralentit, 
au passage d'un haut fond, à la rencontre d'une masse 
d'eau courante en mouvement dans une autre direction, 
suivant la direction des vents et le moment des marées, 
La vitesse de ces courants de marée est en eflet très 
variable; elle s'élève à St-Nazaire (1) jusqu'à 4 nœuds à 
l'heure, y devient nulle au moment de la marée montante, 
et tombe plus où moins dans les divers points du Morbraz. 

Par suile des points d'appui que les ilots et les hauts- 
fonds, si nombreux dans le Morbraz, fournissent aux vases 
et aux sables, l'atterrissement chemine dans cette mer, 
d'aval en amont, relativement à la Loire, formant des 
ponts qui finissent par rejoindre la terre ferme et diviser 
les eaux fluviales entre des chenaux multiples. Le résultat 
final de leur accumulation serait de combler le Morbraz, 
en y réservant des étangs saumâtres, et un chenal profond 
principal, le chenal du Nord, ouvert au midi du Four et de 
Belle-Ile, Ainsi la continuation des processus actuels de 
sédimentation, poursuivis pendant un temps suffisant, 
déplacerait l'embouchûre de la Loire de St-Nazaire à 
Belle-Ile, pour le plus grand avantage de la navigation 
en Loire. 

Ces conclusions basées sur la figure du dépôt sont 
d'accord avec celles ou était arrivé M. Partiot (?) en partant 
des mesures directes, prises par les ingénieurs hydro- 

(1) Kenvisen: Description du Port de St-Nazaire, Paris 1889, p, 96. 

12) Panrior : Annales des Ponts et Chaussées, 1871, p. 290. 








rives convexes, el le reste va à la mer. Entre Nantes et 
St-Nazaire, le fleuve dépose annuellement 659,300 meb. 
de sable et de vase d'après les évaluations de M. Bouquet 
de la Grye ; au delà de St-Nazaire, dans la partie maritime 
du fleuve, les matières entraînées par lé jusant se répartis 
sent de diverses façons, tandis qu'une portion va se déposer 
sur le banc des Morées et dans le S. E, de l'estuaire, le 
reste suit le chenal, sans y demeurer, et arrive sur la 
barre, Là il se produit encore un arrêt (1! ; tandis qu'une 
dernière portion de ces sables franchit Ia barre et est 
portée, suivant les circonstances, dans le Morbraz parle, 
courant de flot, soit au large par le grand courant littoral, 
soit parfois dans la baie de Bourgneuf par les vents 
dominants du N. W. et par les vagues. 

La proportion des sables de Loire qui pénètrent dans la 
baie de Quiberon est relativement faible. M. Partiot (? 
d'après l'examen des sables de la côte, la croit même 
nulle : les sables de Mindin au Pouliguen sont des sables 
de Loire, ceux du Croisie et du bourg de Batz ont une 
nature toute différente; ils sont très blancs et beaucoup plus 
gros. Auprès du Pouliguen, il y à un point de séparation 
tranchée et les sables de Loire ne vont pas plus loin ; ses 
vases seules pénètrent dans le Morbraz, avec le flot. Les 
sables du bassin dé la Vilaine pénètrent seuls danse 
Morbraz lors du jusant et ils y demeurent. 

Entre les deux deltas de la Loire et de la Vilaine, et 
vers leur limite, se trouve la Baie du Trait, envasée parles 
alluvions de la Loire. La répartition des sédiments dans 


{1} La barre extérieure du fleuve s'est élevée de 070 depuis 185% 
d'après les mesures de M. Bouquet de la Gr 
ét beaucoup déplacée. Mais la passe, d'après M. Kerviler, conserves 
rait unë hauteur constante sur la barre, el s'approfondirait mème 
lors des crues d'hiver. 

12) Pannior : Annales des Ponts et Chaussées, 1871, p, 286. 








—eu— 


de celui de la Loire. Le Banc de la Recherche, au large de 
la Vilaine, montre encore par sa forme, allongéesuivant le 
thalweg de cette rivière, l'influence de son courant dans le, 
Morbraz. La Vilaine contribue done plus que Ja Loire, 
dont les eaux ne peuvent entrer dans le Morbraz lors du 
jusant, à combler de ses sables et de ses vases celle mer 
intérieure ainsi que la baie de Quiberon. Mais ses eaux se 
mélant à celles de la Loire, lorsqu'approche le moment de 
l'étale, on ne peut longtemps distinguer les sédiments 
vaseux qui proviennent de l'un ou l'autre de ces bassins, 
et il n'est plus possible de délimiter leurs deltas au-dessous 
de la courbe — 10m, 

Les sédiments sableux conservent plus nettement leurs 
caractères respectifs, et permettent ainsi de reconnaitre 
que les sables du N, du Morbraz proviennent du bassin de 
la Vilaine et non de celui de la Loire. La baie de Quiberon 
doit être regardée comme un lac de décantation de la 
vallée de la Vilaine, dont les eaux sortent ensuile claires 
par les émissaires de la Teignouse et de Béniguet : c'est 
dans cette baie, que viennent aboutir toutes les alluvions 
lourdes de la Vilaine et de ses affluents stanniféres (vallées 
de Bréman, Castillon, Pendelan, Gueheno, Serent, Lizio, 
St-Servant (!) el des dragages méthodiques dans celle mer 
intérieure, à Ja recherche des amas stannifères descendus 
avec les eaux de la Vilaine, mériteraient d'étre lentés, 

Action inverse des affluents du Morbihan, et des chasses de 
son embouchüre : Tandis que les dépôts qui s'effectuent an 
centre du Morbraz se rattachent assez -directement à 
l'érosion des bassins fluviaux de la Vilaine et de la Loire, il 
n'en est plus de même dans les baies de Quiberon et de 
Bourgneuf, aux deux extrémités de celle mer, où les 
rivières afluentes remplissent un rôle tout particulier: 

(A) A. Cariaux : Tableau général des mines métalliques de 
Frânce, p. 228 (cité par M. de Limur). 





_ 216 — 


embouchüre, lors du flot, atteignaient les 2/3 de celles 
qu'on y trouve lors du jusant. À ces vases, viennent se 
méler les produits de la désagrégation des côtes, altaquées 
lors du flot, par l'action combinée du ventet desvagues. 
Les vents contribuent puissamment à déterminer le 
transport dans le sens du flot, vers l'amont, ar les courants 
dûs à la transmission de la marée subissent aussi 
l'influence des vents et l’on sait que les vents d'aval du 
N.-W. au S.-W. sont les vents dominants, 

Les sables et les vases, emporlés en suspension, pénètrent 
avec les eaux du flot dans toutes les unses, baies el 
embouchüres du golfe; mais le maximum de vitesse des 
eaux s'observant 2 h. avant et 2 h, après la pleine mer (1), 
ce n'est que vers le plein, et surtout entre le moment 
de la marée et celui du renversement du courant (soil 
pendant une heure à Port-Navalo}, que s'elfectue une 
sédimentation active, partout où les troubles perdent leur 
vitesse ou rencontrent une foree qui contre-balancs l'action 
du jusant, Ainsi le dépôt des sédiments légers se formé 
surtout dans le Morbihan, lors du plein, c'est-à-dire en 
amont, dans les points où le jusant rencontre des obstacles 
sufisants ; et le dépôt croit en quantité, proportionnel- 
lement aux difficultés qu'éprouve le jusant. 

La nature a apporté des obstacles aussi puissants que 
nombreux au jusant qui descend du Morbihan: il y adieu 
en eflet de considérer comme tels, Ja position des vents 
dominants qui le retiennent, la forme si déchiquetéedes 
côtes, les découpures des rives, les abris fournis par 
d'innombrables iles, la longueur de ce golfe d'embou- 
chôre, l'absence d'affluents importants, et enfin le retard 
du courantde jusant lui-même, qui ne commence dans le 
golfe que lorsqu'il a déjà acquis une force considérable sur 





fi Boxawy : Description des ports de France, 1879, p. 697. 


il 





— 218 — 


dans la passe de Port-Navalo et donner lieu à a formation 
d'un delta. 

La finesse des sédiments qui sortent du Morbihan, 
suspendus dans les eaux du jusant, leur permet de flotter 
plus longtemps ; ils se déposent à marée basse dans le 
Morbraz, lors de l'étale, mélangés aux matières vaseuses 
descendues des bassins de la Vilaine et parfois de la 
Loire, avec lesquelles elles se confondent entièrement. 
L'apport du Morbihan dans la formation de la barre à 
son embouchure est minime, comparé à celui que l'on 
doit attribuer aux eaux si chargées de la Vilaine ; est ce 
que suffirait à établir en dehors de toute autre considé- 
ralion, la dissémination générale des sables à gemmes de 
X Vilaine sur loutes les grèves de la baie de Quiberon. 

Les embouchures du Morbihan et des autres rias 
morbihannaises, comparées à celles de la Loire et de la 
Vilaine, en différent parce qu'au lieu de posséder un delta 
traversé par un ou plusieurs chenaux obstrués par une 
barre, elles ne montrent qu'un chenal avee barre sans 
delta. Cette différence est mise en relief sur les cartes 
{voir PI. V) par la disposition des courbes de niveau, convexe 
en aval pour les fleuves à della comme la Vilaine, et 
concave en aval pour les rias sans della comme le Morbihan. 

Les barres de ces rias ont en outre une disposition 
loute différente au N. et au S. de la presqu'ile de 
Quiberon: au N. de cette presqu'ile, les barres des rivières 
d'Etel, de Lorient, sont placées à l'embouchure même de 
ces rivières, à l'intersection de la e du rivage actuel ; 
au S. de Quiberon, les barres des rias de Crach, d'Auray, 
de Vannes, de Penerf, ne cotncident plus avec l'intersection 
du rivage, mais sont reportées plus où mains loinen mer, 

Ces rias prolongent ainsi leur lit en mer suivant des 
vallées submergées dans le Morbraz, jusqu'à leur barre, 
située à plusieurs kilomètres en mer, La disposition est 





= 0 — 


en amont de l'embouchure, les secondes triomphent à leur 
lour dans la Loire, transportant les troubles en aval. . 

Lors du flot, en effet, la lame ne rejette pas vers l'amont, 
au delà du banc de Bilho (‘). les sables que charrie la 
Loire dans son estuaire ; ces alluvions après avoir tourné 
autour du banc des Morées arrivent finalement à la mer, 
grace à l’action continue des courants et à l'excès du 
volume des eaux du jusant sur celles du flot. D'autre part, 
l'eau des grands fleuves d'eau douce du Morbraz, à leur 
embouchure dans la mer (?}, s'étale à la surface en une 
couche mince, sous laquelle l'eau de mer en repos constitué 
une sorte de coussin protecteur pour les vases déposées au 
fond, el accumulées en forme de delta ; elles sont donc 
peu dérangées par le jusant. I n'en est plus de même pour 
le Morbihan et les rias voisines, où le dépôt s'eflectue lors 
du flot et dans lesquelles la quantité d'eau douce que 
déversent les affluents est insignifiante relativement à la 
masse d'eau marine qui les inonde à la marée montante; 
l'excès des eaux de jusant est insignifiant. [1 y a tous les 
jours et à deux reprises, une crue d'eau salée qui monteel 
descend alternativement le Morbihan, passant à son 
embouchure avec une vitesse de 7 à S nœuds. Ces eaux 
marines agissent alors comme une écluse de chasse, qui 
bülaie le chenal, le creusent dans les alluvions apportées 
par la Vilaine et déposées lors de l’étale, car ces alluvions 
ne peuvent demeurer que sur les bords de ce chenal, là 
où l'équilibre s'établit entre la force du courant et celle de 
la mer. 

Le flot entre dans le golfe du Morbihan avec une rapi- 





(ti Bovçuer be LA Gnye: Rapport sur le régime de la Loire 
Maritime, Paris, 1882, p. 42. 

12] Leseaux de la rude de St-Nazaire contiennent 25 d'eau douce 
{densité 1,017) d'aprés M. Kervilor (Description des ports de France, 
1878, p. 105). 





EE 


dité moindre, mais le jusant dans les vives-eaux atteint 
près de l'ile Longue et de Berder des vitesses de 9 nœuds 
à l'heure; vis-à-vis de Port-Navalo, à l'entrée du Morbihan, 
on trouve des vitesses de 7 à S nœuds au moment où les 
saux en balaient l'entrée, remplissant l'office d'une écluse 
de chasse, Au delà les vitesses sont considérablement 
ralenties ; dans la baie de Quiberon, les courants de 
marées ne dépassent pas habiluellement 1°2à 1°7 et 25 
dans le Passage de la Teignouse, 

Ainsi le chénal du Morbihan est une passe où un 
courant de 7 à 8 nœuds, entretient la profondeur de 10®, 
empéchant tout dépôt et aflouillant même les sédiments 
accumulés dans le Morbraz, lors de l'étale, que ce soient 
dés sables charriés par la Vilaine lors du jusant, ou des 
vases de la Loire et de la Vilaine venues avec le flot. 

De mème, les rias de Crach, de St-Philibert, de Pénerf, 
creusent des passes moins profondes dans ces alluvions, 
et les entretiennent par la prédominance des courants de 
jusant sur ceux de flot, grâce aux chasses naturelles qui 
se produisent par suite de l'emmagasinement des eaux à 
l'amont dans les nombrenses anses de ces rivières. 

On observe encore des faits analogues au S. du Morbraz, 
dans la baie de Bourgneuf, envasée depuis quinze siècles 
parles apports de la Loire (‘). Ainsi l'étier du Dain, 
émissaire par lequel se dessèchent les vastes marais de 
Machecoul, présente en avant de son embouchure une 
plage vaseuse à pente très adoucie, à travers laquelle il 
doit s'ouvrir un chenal jusqu'à la laisse de basse-mer : ce 
chenal a 3 kil. de long. 





Hi) Jour : Déseription des ports de France, 1879. On doit à 
M. Dingler, auquel nous les empruntons jel, d'intéressantes obser- 
vations sur les progrès historiques de cet envasement (Même publi- 
catlon, p. 409. 


— 22 — 


Le détroit de Fromantine complique le phénomène des 
marées dans la baie de Bourgneuf, en même temps qu'il 
explique l'accumulation des vases dans celle baie et la 
formation des marais et des polders de Machecoul et de 
Challans, En effet la faible largeur et le rétrécissement du 
goulet de Fromantine retardent considérablement le flot 
venu du large, du côté de l'ouest ; au contraire, du côté 
du nord, dans la baie de Bourgneuf, le flot portant les 
troubles de la Loire arrive librement et ses eaux tran= 
quilles déposent les vases dont elles étaient chargées. Ce 
dépôt ne s'arrête que quand la mer a recouvert le passage 
du Goa, qui est la ligne de faite du fond de la baie de 
Bourgneuf, alors le jusant s'établit dans le goulet et y dure 
8 h., tandis que le flot n'avait duré que # heures (!}. 

De la baie de Bourgneuf à la baie de Quiberon, dans 
toute son étendue, le fond du Morbraz est donc envasé : les 
marées et les courants marins qui portent au large, ne le 
débarassent qu'en partie des troubles apportés par les 
crues de la Loire et de la Vilaine. 

Une quantité considérable de ces alluvions y demeure, 
s'y transforme diversement sous l'action des agents 
mécaniques, organiques ou chimiques, et s'y répartit 
suivant les lois qui régissent le transport dés matériaux, 
amorlissant les grains de grosseur variée suivant Ja vitesse 
de l'eau aux différents points, selon les frottements subis, 
et les obstacles rencontrés. Ils y forment des deltas de 
forme caractéristique, en lentilles convexes, enchevêtrées, 
à l'embouchüre des fleuves d'eau douce chargés, d'alluvions 
continentales, et des sillons sous-marins à l'encrée des rias 
d'eau salée, où prédomine l'action des marées. 

Application deces donnéesaux contours paléo-géographiques: 
IL ressort de ces observations, que l'examen des courbes 


H) Dinsouee : Ports de Vendée, p. 413. 





de niveau sur une carte marine, ne saurait donner des 
indications suflisantés au géographe qui voudrait recons- 
lituer une ancienne ligne de rivage submergé. Ces indi- 
cations loïn d’être suffisantes sont sauvent faussées, el se 
irouvent méme assez inexactes dans le présent cas, puis- 
qu'au lieu de tracer des vallées noyées devant les rias, et 
des allées émergées devant les fleuves, comme l'exige- 
raïent les courbes d'égal niveau des cartes marines, il 
devrail presque faire le contraire dans le Morbraz, pour 
reconstituer le contour correspondant à un relèvement de 
10w du niveau de base. 

On constate en eflet que les vallées sous-marines des 
rias du Morbihan n'étant que des passes, ouvertes dans 
un barrage par des caux de jusant emmagasinées, ne 
pourraient exister lors d’un relèvement de 10*, dont le 
premier résultat serait d'assécher le golfe, et de le rem- 
placer par une petite rivière d'eau douce. De son côté, la 
Loire, au lieu d'exhausser le Trait et d'élever ses ponts 
sous marins, comme de nos jours, approfondirait son 
1halweg en mer, suivant l'alignement des afleurements 
évcènes, qui sous forme d'écueils, jalonnent un de ses 
anciens lits. 

Les contours de la côte du Morbihan, dans l'hypothèse 
d'un relèvement de 40 du niveau de base, 
done davantage des figures fournies par la 


purément imaginaire, et les contours correspondants se 
sont trouvés réalisés lors de la période néolithique (1). 
M:Kerviler{?)a montré que le fond de la baie de Penhouet 
se trouvait à 2m au-dessous du niveau actuel lors de 
l'invasion romaine, à 4" au-dessous de ce niveau au Vile 


UG. DE LA Nos : Note sur la Géogr, ancienne de l'embouchure 
dela Loire, Bull. Géogr, hist. 1859, n° 3, 
RIKenviLer: Armorique et Bretagne, Paris, Champion, T. 1, 1898. 





























en voie de formation quise lrouve dans la Lower Chalk du 
Wiltshire (*) çà et là la culcédoine s'est concentrée en 
noyaux, ou en lits rameux, lenticulaires, sans conti- 
nuité. Dans les 2°75 supérieurs, il y a également des 
cherts clairs ordinaires. 

A St-Jouin loue la silice de ces couches est concentrée 
en nodules de chert noir, rangés en lits ; la eraie comprise 
entr'eux étant tantôt jaunâtre, tantôt bleuâtre, et quelque- 
fois bariolée jaune et bleu. Cette assise ne renferme pas 
beaucoup de fossiles. 

Couche n° 7. — Craie gris-jaunâtre, un peu glauconieuse, 
divisée en couches par banes de chert gris ou noirs. Au cap 
la Hève dans les premiers 2 1/2 mètres il y # cinq lits de 
cherts grands el massifs, formant une proéminénce 
marquée dans la falaise. Les couches supérieures épaisses 
de 12 à 13 mètres se composent de craie jaunâtre ou 
blanchätre avec cherts nombreux, dispersés ou en lits. 

A St-Jouin ces couches sont plus variables, elle ne 
présentent qu'un seul lit de grands blocs de chert, et sur 
ce lit repose un mètre de craie dure, grise, sableuse, avec 
nodules verts en dehors. Il est recouvert par des 
couches de craie glaucouieuse (7 mètres) avec cherts 
bleuâtres dispersés, et concrétions dures siliceuses. Les 
trois mètres suivants renferment des cherts noirs, el 
finalement il y a une couche de craie grise avec concrélions 
dures siliceuses. 

Dans quelques-unes de ces couches les fossiles sont 
assez abondants; Pecten asper se trouve partout, avec 
P, Galliennei, P, elongatus, Hhynchonella dimidiata, 
Epiaster crassissimus, Amanonites varians, Turrulites tber- 
eulatus, Tur. costatus; Holaster subglobosus est commun 
dans les 2 1/2 mètres supérieurs, 





Hi Voir Quart. Journ. Geol, Sos, vol. XLV, p, 405. 








— 944 — 


d'abord d'accepter comme caractéristiques des Echino- 
dermes ou des Lamellibranches, pour comparer des gise- 
ments éloignés l'un de l'autre ; la répartition de leurs 
espèces est trop dépendante de conditions d'existence 
locales, telles que la profondeur de l'eau, la nature du 
fond de la mer, les courants, Au contraire, la répartition 
des Céphalopodes, animaux capables de se transporter 
plus facilement, dépendait moins de la profondeur de 
l'eau, et doit par conséquent nous inspirer bien plus de 
confiance. 

Si conformément à ce principe, nous basons nos compas 
raisons sur la répartilion des seuls Céphalopodes, nous 
reconnaitrons l'identité des couches à à 8 du Hâvre avec 
notre Lower Chalk, car les Céphalopodes de cette partie du 
Cénomanien du Hävre et ceux de notre Chalk Mark 
appartiennent aux mêmes espèces; par contre, ces espèces 
ne se relrouvent pas dans les Chert-Beds de notre Upper 
Greensand. 

La seule partie de notre Upper Greensand où les Cépha- 
lopodes du Chalk Marl soient associés au Pecten asper el 
aux autres espèces citées ci-dessus, est le sable de Rye Hill, 
niveau qui forme le sommet des Warminster Beds. Cette 
couche loutefois est mince, n'ayant pas plus de 3 mêtres 
d'épaisseur (v. p. 232), et le sable dontelle se compose passe 
graduellement à la craie glauconieuse (Chloritie Marl) qui 
la recouvre. On a montré récemment (!) il est vrai, que 
celle faune de Warminsler n'était pas ka faune typique 
de l'Upper Greensand, attendu que nombre des espèces 
caractéristiques du Chalk Marl y font leur première appt 
rition ; c'est en fait une couche de passage, et le nombre 
des espèces qui passent de celte couche au Chalk Marl ëst 
trois fois plus considérable que celui des formes provenant 
dés couches inférieures. 





(1) Geol. Mag. Déc, IV. Vol HE, pag. 261 (1806). 








— #6 — 


Chalk Mar! ayant été précédé par celui d'un sable glauco- 
nieux dans une mer moins profonde, on conçoit que les 
faunes qui les caractérisent aient dû émigrer, selon que 
l'étendue de la mer s'accroissail el que $a partie centrale 
S'approfondissait, pour rechercher ailleurs les conditions 
qui leur convenaient. 

On constate à l'appui de ces vues, que la diflérence entre 
les faunes du Chalk Marl anglais et du Cénomanien 
normand augmente à mesure qu'on suit les couches du 
nord au sud, el au sud-ouest ; mais toujours elles renfer- 
ment le même assemblage de céphalopodes. 

Notre avis, en résumé, est que le Cénomanien de nos 
coupes du Hävre et de l'Orne n'est que la continuation, 
vers le midi de la Lower Chalk Angletérre, déposée 
dans une mer moins profonde, et en une région où les 
conditions favorisaient li croissance des éponges siliceuses. 
Il est formé pour ces raisons, d'une craie plus sableuse et 
plus glauconieuse, avec une plus grande quantité de 
matière siliceuse sous forme de spieules d'éponges et de 
cherts. 


Le Cénomanien du Devonshire 


par M. À. J. Jukes-Browne. 


Nos dernières études dans le Devonshire nous ont révélé 
un certain nombre de faits nouveaux, importants pour fa 
connaissance de l'étage cénomanien. 

Le terrain crélacé dans ce comté est complètement 
isolé des massifs du Dorsetshire, étant limité à ‘deux 
petits lambeaux s; naux, compris l'un entre Lymes 
Regis et Axmouth, l'autre entre Seaton et Sidmouth: Les 
meilleures coupes sont dans le dernier, notamment dans 
les belles falaises de Beer Head, 











Les surfaces qui limitent les lits brunâtres, au sommet 
‘dés couches À et B, sont remarquablement planes et 
unies : elles correspondent évidemment à des arrèts dans 
la sédimentation, arrêts pendant lesquels les dépôts 
précédemment accumulés ont été durcis par infiltration 
“de solutions phosphalées et calcareuses. 

La marne glauconieuse C paraît correspondre à un 
aceroïissement du niveau représenté à Beer Head par des 
lambeaux discontinus de sable glauconieux, à la base du 
Turonien, Cependant on y trouve Belemnitella plena et quel- 
ques autres fossiles de la Lower-Chalk, de sorte qu'elle 
pourrait représenter lé sommet de celte division, c'est-à- 
dire la zûne à Mel. plenx. En tous cas, il y a sous elle une 
lacune, et il Giut admettre que le reste de la Lower-Chalk 
fait défaut ou qu'il est représenté par les calcaires sableux 
de la zône à Am. Mantelli. 

Voyons done, quels sont les fossiles de celle zûne à 
Am. Mantelli. (couches A et B) ? Ces deux couches offrent 
mn grand nombre d'espèces communes, telles que Am. 
Mantelli, navicularis, falcatus, varians, Coupei. Le nombre 
des espèces propres à chacune d'elles est assez restreint : 
mous citerons à la partie inférieure de À une grande 
espèce de Bryozoaire, très abondante, Ceriocaoa ramulosa, 
associée à des spongiaires cénomaniens bien connus, 
comme Trematocystia Orbignii, Elasmostoma consobrinum. 
Les Ceriocuva sont souvent perforés par le Lithodomus 
rugosus dont on ne retrouve que les moules, Trigonia 
créaulifera, D. sulcataria, Area ligeriensis, Corbis rotundata 
Sont abondants ainsi que de grands échantillons de lu 
Terebratella Menardi. 

Au sommet de celle couche A, on trouve en grand 
nombre Pecten asper, associé à P. Gal ei, P. Puzosianus, 
Inoceramus striatus, Rhynchonella dimidiata, Pseulodiadema 
rariolare, Holuster lœvis, Hol. Hischoffi, Catopygus columbu- 





ris, et nombreux Bryozoaires indéterminés. Parmi les 
céphalopodes propres à celte couche, on remarque 
Ammonites complanatus, A. laticlavius, A. obtectus, 
Turrulites Scheuchzerianus, T. costatus. 

La couche B renferme comme fossile commun Holaster 
subylobasus, rare dans les couches inférieures. M, Meyer y 
4 trouvé Codiopsis domu, Heminster Morrisi, divers 
Brachiopodes du Tourtia, et de nombreux gastéropodes 
des genres Avellana, Natica, Neritopsis, Pleuratomaria, 
Trachus, Turbo, Solarium, Voluta, parmi lesquels Trochus 
Girouinus, Turbo Guerangeri, Avellana eussis, Volut 
Guerangeri. Il y a diverses espèces de Nautiles, N. lœoigatus, 
N. Largilliertianus, etc, Scaphites æqualis, Turrulites 
Morrisii, T. costatus, T. (ravesianus, T. Bechet. 

La couche C contient également un assez grand nombre 
de fossiles, surtout entre Lyme-Regis et Axmoulh, la 
plupart à l'état de moules en phosphate de chaux et 
probablement remaniés, provenant de niveaux inlermé- 
diaires totalement disparus, Les Seaphites wqualis et 
Arnmonites hippocastanum figurent parmi les espèces les 
plus répandues ; elles sont accompagnées de quelques 
espèces rares, telles que Ammonites euomphalus, Am. 
Loupilianus, Am. Henerieri, et une forme nouvelle déerite 
par nous sous le nom de Am, (Acanthoceras) pentagonus. 

Nous donnons ci-dessous la liste complète des fossiles 
de ces 3 couches que nous avons pu identifier. Nous 
indiquons dans des colonnes séparées les espèces qui ont 
été retrouvées dans les couches de Warminster, dans le 
Clalk-Mari, le Chloritie Marl et le Cénomanien du N. 0 de 
la France. Cette liste est le résultat des collections faites 
par M. C.J. A. Meyer, par moi-même et par M. Rhodes 
pour le Geological Survey, Les déterminations en partie 
dues à M. Meyer me sont pour la plupart personnelles, à 
l'exception des Spongiaires et des Bryozoaires étudiés par 
M. le Dr G. J. Hinde, 





— 231 — 


ListE DES FOssiLES CÉNOMANIENS DE LA CÔTE DU DEVONSRIRE 


Dans le tableau suivant, la première colonne contient 
les fossiles de la zone à Ammonites Mantelli du Devonshire; 
la seconde contient les espèces de la marne sableuse 
qui la surmonte ; ces deux colonnes réunies montrent 
la faune Cénomanienne du Devonshire, 


La 3e colonne montre l'extension de ces fossiles dans le 


sable de Rye Hill près de Warminster, couche qui renferme 
la faune dite de Warminster. 








La 4 colonne indique leur présence dans la craie 
glauconieuse avec nodules et fossiles en phosphate de 
chaux de Chard, du Somersetshire et de l'Ouest du 
Dorsetshire. 





La te indique les espèces qu'on rencontre dans le Lower 
Chalk, dans les zônes à Am. rarians, Holaster 
subglobosus, et à Belemnitella plena du sud de l'Angleterre. 





La 6° apprend combien d'espèces se retrouvent dans les 
couches cénomaniennes du nord-ouest de France (Maine 
et Normandie). 





Les lettres donnent l'indication de l'abondance compa- 
ralive des espèces : Le. = très commun, Fr. = commun, 
ue — assez COMMUN, 4.7. re, — rare, 
Lr. très rare, la + dénote que nous ne connaissons 
pas la fréquence relative. 











Lower Chalk 
S a'Angire 


Bave de la Craie 
|Sumerset et Dursel 


| Holaster Bischoffi Renev 
| Holectypus bistriatus Wright... 
Pseucdlodiadema Benettiæ Forbes . 


» (?) Brongniarti Ag. 


Michelini Ag. 
ornatum Goldf. . . 
cariolare Brongn. 
Pygurus lampas De la Beche 
Pyrina læois A# 4 +. + 
Ü »  Desmoulinsii D'Arch . .. 
| »  ()ooulum Ag. 
| Satenia petalifera Desm 
po » car. gibla Ag. 
» 4?) Clarkii Forbes 
Trematopygus #p.. . 












































ANKNELIDA 
Dit-upa diflormis Lam... ...| r. | e. la rar r. | ce. 
Galeolaria plezus SOW . : +. . de e. ele 
Vermicularia umbonata Mant.. | r. » [el £ 
| CRUSTACEA 
Callianassa 5p ....... barre 
( PoLYzoA 
| Eschara neustriaca Mith. . . . r. + | 
HO RES - 
| Ceriopora ED Lovin fe se is] 56 | 
k Bt ne are ae. | 
Ceriocaca ramulosa Mieh. . . . .|L e. +! 
Defrancia (Pelayia) Eudesi Mich.|l. r. +) 
ÉMicropora sp. 1... . . e. + 
: » ep... r. + 















































DEVOX. #E| 8 
TS HE 
3e FE Ë 
NES ass 
Anatina lanceolata Geln . . . .. r. | 
Area Mailleana d'Oib. . . . - .. mirirlelrle 
»  Galliennei d'Orb.. . . ... r. + 
»_ Ligeriensis d'Orb. . e. | 
D MOD 70 SR Re ES : 
Astarte cyprinoides d'Areh. . ..| r. 
| »  Koninckii d'Arch. . . .. re 
Cardita sp (moule). .......| +. ° 
| Cardium alternans Ress... . | r. 
Ù atutaceum Got... | r. 
| » Hillanum (?) Sow. . . .[a.r. a. c. 
» Mailleanumd'Orb. . . .| r. f; + 
Chama cornusopiæ d'Orb. . . .. r. ar. + | 
| Corbis rotundata d'Orb. . . . . . a. ce. el 
| Crassatella Vindennensis d'Orb. .| r. +i 
. Ligeriensis &'Orb. . | r. +! 
É Cucullea 8p. . .......... ? ; 
L Exogyra conica SoW.. . . .... a. e le. ù 
Gastroch@na 8p, . ........ ar. 
| noceramus lutus d'Orb.(non Mant}| e. aele. tele. | 
»  striatus SW... .. | €. ae. e. |e. | 
» sp lallongée). ... | € | 
Ï Lima globosa Sow. . . .... Jr a, r.fa.e.lt. e | 
lo» (ef intermedia d'Orb.) . . | r. e. ar + 
É » ornatad'Orh. ........ ae. r. faclar e. | 
j »  rapa d'Orh. tr. | + | 
| »  Rotomagensis d'Orb.. ..| r. + | 
É »  semiornata d'Orb. . ....| &. la. ea. r e. | 
L »  semisulcata, d'Orh. . . ... i a. +! 
Us mplem d'Orb. . . .. .. Le + 
| »  tecta d'Orb + 
l » ap. (With pitted grooves). . .[a. €. | 
| Lithodemus ragosus d'Orb.. . . | e. le + 
| Lucina Turoniensis(?a'Orb.. . | r. |? + 

















Warvilnster 
Sable supérieur 
Base de la Craie 
|Somerset et Dorse 


+ ++ [ee 


Thetis Sowerbyi (?) Reuss. 

Trigonia affinis Sow.. . . 
costigera Lyc . 
crenulata Lam. 
crenulifera Lyc. 
debilis Lyi 


dunseombensis Lyc || 
nuata d'Orb. . 


Unicardium Ringmeriense Mant. 
Venus Goldfussi Geln. ..,... 


GASTEROPODA 
Aporrhaix (Rostellaria) Maillea- 
nad'Orb. .,. . . . . . .[a 
Aoellana cassis d'Orb, . 

»  Precosti d'Arch. 
Columbellina #p. . . 
Emarginula Meyeri Gar 
Fusus sp...,... 

Natica gaultina d'Orb. 

» 

Neritopsis sp. 

Nerinaa sp... ..,. 

Pleurotomaria Cassisiana d'Orb. 
Mailleana d'Urb.. 
Rhodani(?,P.&R: 
spl. : 
#p. 2. . 
[TEE 























Annales de la Société Géologique du Nord, T. xxIV. 47 








dans l'espace aussi bien que dans le temps. La méthode 
n’acquiert donc quelque valeur que si l'on prend en compte 
ces causes de perturbation, et c'esl ce que nous avons 
tenté dans ce mémoire. 

Notre tableau donne une liste de 200 espèces ou variétés 
trouvées dans le Cénomanien des côtes du Devonshire 
connues déjà dans d'autres régions ; sur ce nombre Zi 
espèces, soit 35 % se retrouvent dans les couches de 
Warminster, quoique la faune de ces couches récemment 
révisée ait fourni 160 espèces. La couche de nodules située 
à la base de la craie du Somersetshire el du Dorsetshire a 
fourni 90 des espèces précitées soit 45 %%, c'est-à-dire un. 
nombre plus grand de formes communes ; il semblerait 
ainsi qu'on doive s'attendre à trouver un plus grand 
nombre d'espèces communes aux niveaux inférieurs, 
ais il n'en est pas ainsi pour la raison que la nature 
des sédiments a changé : la Lower Chalk est un sédiment 
différent des précédents, Quuiqu'il en soit, el malgré celte 
diltérence lithologique, on connait 71 espèces communes 
entre le Cénomanien du Devonshire et le Lower Chalk du 
sud de l'Angleterre, en dehors de sa couche de base. 
L'interprétation brutale des chiffres aménerait à une 
apprécialion erronée puisqu'on lrouve le même nombre 
de formes communes entre la Lower Chalk el les couches 
de Warminster. 

IL est cependant possible de se rendre compte, par Ia 
discussion rationnelle de ces chiffres, des relations réelles 
d'âge des faunes cénomaniennes du Devonshire avec celles 
de Warminster et celles de la Lower Chalk. I y a un grand 
nombre d'espèces qui passent de l'Upper Greensand au Hit 
noduleux de la base du Chalk Mari, et qui ne se retrouvent 
pas dans le Chalk Marl mème ; quelques espèces du 
Devonshire inconnues à la fois dans l'Upper Greensand ét 
dans le Chalk Mari ont été reconnues dans ce lit noduleux, 





Ainsi 40 espèces de notre liste du Devonshire, trouvées 
dans ée lit, n'ont pas été revues dans le Chalk Marl. Si 
l'on ajoute ces 40 formés aux 74 signalées dans la couche 
supérieure, on obtient le total de 111 espèces pour la faune 
de la Lower Chalk, et c’est ce nombre qui doit étre pris 
comme terme de comparaison des faunes. On constate 
alors que sur les 200 espèces de la liste du Devonshire, il y 
na A; soit 55%, communes avec la Lower Chalk, tandis 
Qu'il ny en a que A, soit 35 %, dans les couches de 
Warminster. 

Les relations véritables de ces 3 niveaux ressortent 
encore avec plus de netteté, si on néglige les formes dont 
la répartition dépend essentiellement de la profondeur, 
pour concentrer son attention sur les seuls Céphalopodes, 
La faune du Devonshire a fourni 38 espèces distinctes de 
Céphalopodes, dont 14 sont connues dans les couches de 
Warminster, 25 dans la couche noduleuse, 29 dans la 
Lower Chalk, soit respectivement 29 v/,, 66 0/0, et 76 °/,. Si 
onréunit les formes des deux derniers niveaux, leur 
ensemble contient toutes les espèces de Céphalopodes du 
Cénomanien du Devonshire, à l'exception de trois : 
Ammonites pentagonus, espèce nouvelle représentée par un 
Spécimen unique, Âamites simples de détermination 
douteuse, et Turrulites Bechei, fossile rare, propre au 
Devonshire. 

Ensomme lesespèces les plus communes dans les coupes 
du Devonshire, telles que Ammonites Mantelli, Am. navieu- 
düris, Am. varians, Am. coupei, Turrulites tuberculatus, 
sont'en même temps les plus répandues et les plus 
caractéristiques du Chalk Marl. 

La discussion des faunes établit par conséquent que les 
espèces de la Lower Chalk sont réellement prédominantes 
dans la Série cénomanienne du Devonshire ; l'abondance 
des Céphalopades de la Chalk Mar! dans cette série indique 





que les lits À et B correspondent à la base de la Lower 
Chalk. Mais en même temps il faut reconnaitre que ces 
couches du Devonshire, de composition sableuse, el 
remplies de survivants de l'époque du Greensand, se sont 
déposées dans des mers moins profondes que le Chalk 
Marl, malgré le synchronisme de leur formation. 

Telles sont les relations de la faune cénomanienne si 
spéciale du Devonshire, avec les couches de la série 
anglaise normale ; il reste à chercher leurs relations avec 
la série française, 

Et d'abord la présence dans l'Ouest de la France de 
140 espèces, sur les 200 signalées dans le Devonshire, soit 
70%, sufit à établir entre ces formations un rapproche- 
ment intime. Nous croyons même qu'une connaissance 
plus approfondie de la faune cénomanienne de la Sarthe, 
nous permettrait de reconnaître entre ces régions un plus 
grand nombre d'espèces communes ; la preuve en est que 
déjà actuellement M. Meyer et nous, nous ayons pu 
reconnaitre dans le Devonshire 29 espèces de l'Orne et de 
la Sarthe (Lamellibranches ét Gastéropodes), auparavant 
inconnues en Angleterre. Si on limite cette comparaison 
aux seuls Céphalopodes, on compte 24 espèces communes 
à ces deux faunes, proportion faible à première vue pour 
les 38 espèces du Devonshire. Cette proportion toutefois se 
modifie complètement si on note que la liste du Devonshire 
contient diverses espèces rares, propres à l'Angletérre. 
6 notamment que l'on peut déduire des 38, ce qui laisse le 
rapport de 24 à 32 soit 75 ‘e, 

Nous sommes ainsi fondés à conclure que la série 
vénomanienne du Devonshire est extrémement voisine du 
lype si particulier, connu dans l'Orne et dans la Sarthe ® 
ces dépôts ont été formés dans des conditions physiques 
et bathymétriques analogues, el présentent un même 
assemblage de fossiles. 





La faune cénomanienne du Devonshire nous a encore 
fourni d'autres relations avec la série française ; elles 
offrent un intérêt particulier pour les membrès de la 
Société Géologique du Nord, puisqu'elles ont trait à la 
dissémination d'espèces du tourlia du Nord. Nous y 
avons en eflel reconnu la présence des formes suivantes 
du tourtis de Tournay et de Montignies-sur-Roc, 
Lodiopsis doma, Pyrina Desmoulinsii, Terebratula are- 
nosa, Ter, capillata, Ter. tornacensis, Ter, Verneuili, 
Pecten Passyi, Pecten subinterstriatus, Astarte cypri- 
moïdes, Avellana Prevosti, Solarium Thirrianums, qui à 
l'exception de Ter. capillata et Ter, Tornacensis n'avaient 
pas encore été signalées en Angleterre. Ainsi nous 
apportons un argument nouveau aux vues de d'Archiac, 
MA: Gosselet, Cornet et Briart, qui assimilaient le Tourtia 
aux grès du Maine. Nous signalerons à ce propos la 
présence de Ter. Tornucennis dans le Cénomanien de la 
Sarthe d'après des échantillons que nous devons à M. Bizet 
de Belléme où elle avait été confondne avec Ter. biplicata 
{Defr. non Sow.). 

La conclusion naturelle de ces observations est de 
considérer le Cénomanien dé la Sarthe, du Devonshire, et 
le Tourtia du Nord, comme des formations contemporaines 
datant de l'époque du Lower Chalk et non de l'époque du 
UpperGreensand: leurs caractères lithologiques aberrants, 
généralement sableux, leurs faunes propres doivent leur 
raison d'être à leur position géographique littorale sur les 
bords du bassin anglo-parisien. Ils se sont déposés sur les 
bords de la mer cénomanienne, dans des eaux relativement 
peu profondes, landis que la Lower Chalk s'accumulait 
vers sa partie centrale, sous de plus grandes profondeurs, 

Nombre des formes du Upper Greensand supérieur, 
nomment les Échinodermes et les Lamellibranches, ne 
trouvérent plus un habitat favorable à leur développement 





— 94 — 


et disparurent dans les régions cénomaniennes qui 
s'aflaissaient el où dés dépôts de craie vinrent succéder 
aux formations du Greensand, Mais ces animaux chassés 
par l'établissement de ces conditions physiques nouvelles 
ne moururent pas tous; beaucoup abandonnèrent ces 
régions devenues trop profondes et émigrèrent emportés 
par les eaux cénomaniennes qui envahissaient les régions 
occidentales ; ils y survécurent et on les y trouve mélangés 
aux représentants des faunes nouvelles. 


M. Charles Barrois présente les observations sui- 
vantes : 

Dans nos recherches, déjà anciennes, sur le terrain 
crétacé de la Grande-Bretagne, recherches qui ont été si 
brillamment reprises par divers savants anglais, parmi 
lesquels M. Jukes-Browne occupe une place d'honneur, 
nous avions proposé pour les couches cénomaniennes le 
classement suivant : 


| Zône à Holaster subglobosus } 
Zône du Ghloritie marl \ 
Cénomanien FETES 
ne à Pecten asper { F 
Zäne à Ammonttes Anflatus | #4 PP Aron, 


ancien Chalk mark 


M. Jukes-Browne se basant sur des études habiles 
autant que consciencieuses, réunit notre zône à Pecten 
asper à Ja zône à Ain. inflatus, et fuit rentrer cel étage 
dans l'Albien. Nous ne voyons aucune objection de prin- 
cipé à ce classement nouveau établi sur les caractères des 
faunes elsommes tout disposés à nous y rallier, Mais comme 
toutefois la zône à Am. inflatus contient de l'aveu un& 
nime, des fossiles cénomaniens, et que ln zône à Pecten 
asper en contient un plus grand nombre encore, le 
progrès des études nous parait fatalement destiné à 
amener de nouvelles fluctuations dans ce groupement, 





—58 — 


suivant les localités, les percentages des nouvelles listes 
et les interprétations parfois un peu subjectives des 
faunes. 

Dans le Sud de l'Angleterre, la limite entre la zône à 
Pecten asper et le Chloritie marl est remarquablement 
nèlle ; et c'est à juste litre, croyons-nous, que M. Jukes- 
Browne insiste sur l'importance de cette division que ses 
travaux ont si bien mis en lumière, Nous sommes moins 
préparés à suivre cette division au Sud de la Manche, où 
les couches à Pecten asper nous paraissent se relier davan- 
tage à la série supérieure, à titre de formation plus 
littorale. 


M. Gosselet présente les observations suivantes : 

Le travail qué nous envoie M. Jukes Brown ramène 
avec beaucoup d'à propos notre attention sur le Céno- 
manien du Nord que nous négligeons trop. 

Depuis plusieurs années déjà j'ai modifié dans mon 
enseignement la clussification admise dans l'Esquisse 
géologique du Nord de la France (*) à la suite du mémoire 
magistral de M. Ch. Barroïs (?]. Actuellement, j'assimile 
comme âge les sables glauconifères à Pecten asper de 
l'arrondissement d'Avesnes à la marne à Ammonites lati- 
clavius du Blanc-Nez, en les considérant comme des dépôts 
plus littoraux. Cette manière de voir est conforme à celle 
adoptée par M. Jukes Brown pour les rapports du Céno- 
wmanien du Devonshire avec la Lower Chalk. Elle fait 
disparaître une double lacune bien inexplicable, celle 
des sables à Pecten asper dans le Boulonais et des marnes 
à Ann. laticlacius sur les bords de la Sambre. 





(4) P; 245 et suivantes, 
(21 Ch. Bamroïs Mém. sur Le terrain crétacé des Ardennes et 
des régions coisines. Ann. Soc. Géol. Nord V. p. 84. 





= 26 — 


Mais toutes les dificuliés que présente le Cénomanien 
ne sont pas levées, 

Sur les bords de la Sambre comme aux environs de 
Bavai, la couche à Pecten asper est recouverte directement 
par la marne à Belemnites plenus, sans intercalation de 
toute la craie que M. Jukes Brown désigne sous Je nom 
de Lower Chalk el M. Ch. Barrois sous le nom de craie à 
Holaster subglobosus. Cependant il semble quelquefois y 
avoir passage d'une couche à l'autre et la marne à Belem- 
nites plenus contient des fossiles qui caractérisent les 
sables glauconifères. On peut il est vrai supposer que ces 
fossiles sont remaniés bien que leur fragilité rende 
l'hypothèse difficile à admettre. 

Faut-il adopter l'opinion de Jukes Brown, opinion que 
je professais il y a très longtemps (‘) ? Dans le Devonshire 
on rencontre au-dessus des couches à lecten asper (A et B), 
que M. Jukes Brown rapproche pour le caractère paléon: 
tologique de la base du Lower Chalk, une marne glauco- 
nieuse avec Belemnites plenus représentant la partie 
supérieure de la même assise. Entre les deux manque, 
comme sur la Sambre, la grande masse du Lower Chalk. 

Or M. Jukes Brown dit que les couches cénomaniennes 
du Devonshire doivent leur faune propre à leur position 
géographique liltorale sur les bords du bassin anglo- 
parisien. Elles se sont déposées sur les bords de la mer 
cénomanienne, tandis que le Lower Chalk s'accumulait 
vers sa partie centrale sous de plus grandes profondeurs (?). 

Si cette hypothèse est vraie, on peut supposer que la 
marne à Pecten asper de la Sambre correspond à l'ensemble 
du Cénomanien du Boulonnais. 


(1) Esquisse géologique du Nord de la France, 1 édilion, Bull. 
se. hisl. @L Lit. du département du Nord, VE p. 241 1874. 
(2) Anté p. 283, 





Quant au tourtta de Montigny-sur-Roc et de Tournai, il 
paraît être une formation plus liltorale encore, corres- 
pondant à la partie supérieure des couches à Pecten asper, 
C'est dans sa couche B du Devon que M. Jukes Brown 
à récueuilli le plus grand nombre des oursins qui le 
caractérisent. 

N'oublions pas enfin que le sarrazin de Bellignies est 
aussi, comme l'ont démontré M. Barrois et M. Ladrière, 
une formation littorale plus ancienne que les sables glau- 
conifères à Pecten asper. 

Quant à la limite des étages dits Cénomaniens et 
Albiens (Gault), quand on voit deux géologues aussi 
éminents que M. Jukes Brown et M. Ch. Barrois, après 
avoir étudié la question sous toutes ses faces, arriver à 
des conclusions différentes, on est disposé à admettre que 
ces déterminations de limites ne doivent jouer qu'un 
faible rôle dans la science. 


Sondages aux environs de Lille 
Forage chez M. Léon Allart, industriel, à Roubaix 


Torre végétale. . 

Sable mouvant 

Glaisé "FC 

Suble vert, . . 

Glaise b'anchätre 

Marne grise avec silex 

Marne blanche , - - . 

Diéves 1 

Calcaire gris dur 

Sable noirâtre FA 

Calcaire gris [assez tendre) . 

Calcaire tendre . . : + . , 

Calcaire noir (très tendre) . 
A 110* on a rencontré une fissure de 1"10 





Excursion en Ardenne 
FAITE DU 5 AU 13 AOUT 1895 
par les élèves délégués de toutes le Facultés dé France 
sous la direction de 
M. le Professeur GOSSELET 
Proteseur à la Faculté des Sciences de Lille 
ISuite) 


DEUXIÈME PARTIE, PAR M. GRANGE 


4e Journée (8 Août 1895) 
Étude du terrain déconien inférieur modifie par la pression, 
de Bogny à Charleville. 


L'excursion arrivée le matin à la gare de Monthermé, 
s'engage sur la route de Levrezy. 

On aperçoit bientôt de l'autre côté de la Meuse, l'assise 
de Bogny, formée de phyllades et de quartzites noirs, 

Si on suit le bord sud de l'ilot cambrien, on le voit 
surmonté par le poudingue dévonien qui esi toujours à 
peu près à la même hauteur, son altitude va en décroissant 
légèrement de l’est à l'ouest; ce poudingue est très 
faiblement incliné sur l’assise de Bogny, il diffère de celui 
de Fépin par la plus grande teneur en mica des parties 
schisteuses, qui se trouvent entre les galets. 

Traversant ensuite la Meuse, nous éscaladons une partie 
du rocher qui se trouve au nord de Bogny, pour aller voir 
dans la cheminée, le contact des couches de Bogny avec le 
poudingue ; on y observe une légère discordance, entre le 
poudingue et le cambrien, Puis, toujours sur la montagne, 
nous nous dirigeons vers une carrière de l'assise de 





Bogny. Nous y ubservons des quartzites et des schistes 
noirs, ces derniers remplis de pailleltés brillantes qui 
sont constituées par de l'ottrélite, chloritoïde renfermant 
du fer et du manganèse. 

À l’ane des extrémités de la carrière, on voit le pou- 
dingue dont la pâte présente elle aussi de l'ottrélite. A 
quelques kilomètres de Bogny, à Linchamps, on observe 
également l’ottrelite dans la pâte du poudingue dévonien. 
Or dans ces deux points le chloritoïde est à l’état d'accident 
et se trouve dans la pâte sans aucune trace de stratifi- 
cation; ceci éloigne déjà l'hypothèse du transport, En 
outre les schistes cambriens voisins qui ont formé la 
pâte n’en contiennent pas. Il faut donc admettre, que 
l'ottrélite s'est formé par métamorphisme. Ces deux 
gisements, Bogny et Linchamp, sont les deux seuls où il 
ÿ a concordance du cambrien avec le dévonien, le méta- 
morphisme par plissement n'a donc pas pu avoir lieu; 
aucune roche éruptive (elles manquent dans le voisinage) 
n'a pu agir. Nous devons donc admettre que la concor- 
dance du poudingue avec le schiste ne s’est établie que 
postérieurement à la formation du premier, par un 
mouvement de pression du dévonien sur le cambien, 
pression qui à produit un énorme développement de 
chaleur’ c'est ainsi que l'ottrélite, dont les éléments 
préexislaient déjà dans la pâte, a pu se former. 

Nous traversons de nouveau le pont de Bogny pour 
gagner la rive droite el, nous prenons la route de 
Lévrezy. 

Un peu après le pont nous observons le long de la 
route une carrière de quarzites blancs de l'assise de 
Deville, présentant un pli anticlinal remarquable, 

Un peu plus loin on peut observer le poudingue qui se 
termine par des grès el qui est recouvert par des schistes 
noirs remplaçant ici l'arkose et les schistes de Mon- 





— 90 — 


drepuits. Ce sont les phyllades de Lévrezy que nous 
observons sur la rive droite de la Meuse, en face du 
village de Braux; ces phyllades sont luisants et satinés, 
renferment du mica blanc et ne présentent pas ou presque 
pas de quartzites. Hs sont en outre fortement oudulés, 
quelquefois à angle Lrès aigu, aussi arrive-Lil assez 
souvent que ces plis, dont la formalion est due à une 
poussée venant du sud, se sont cassés et les éléments se 
sont pulvérisés ; il en est résulté au niveau de la cassure 
un chemin neturel que les eaux ont suivi. Emportant peu 
à peu les poussières résultant de la cassure, elles ont 
ainsi formé des fentes plus ou moins rapprochées les 
unes des autres et, pouvant parfois faire croire à une 
stralification différente de celle qui existe réellement: 
Certaines de ces fentes, ont été remplies par des eaux sili- 
ceuses, qui ont déposé des filons de quartz; comme d'au- 
tre part quelques filons se sont formés dans le même sens 
que la stratification, on a fréquemment des filons qui se 
coupent à angle plus ou moins aigu. 

La montagne qui est au sud de Bogny et qui fait face 
à celle où nous avons observé le poudingue, est formée 
jusqu'à Braux par ces schistes de Lévrezy. 

Continuant à longer la rive droîte de la Meuse nous 
montons à une carrière siluée en face de Braux ; nous y 
trouvons des schistes et surtout des quartzophyllades noi- 
râtres et micacés ; ces quartzophyllades présentent des 
bandes schisteuses noires el d'autres arénacées plus clai- 
res, on y trouve en outre des tâches oligisteuses arborisées, 
provenant de dendrites pyriteuses allérées, el, des filons 
de quartz contenant parfois d'assez jolis cristaux. Celle 
assise est celle des quartzophyllades de Braux, formant la 
partie supérieure de l'assise schisteuse de Lévrezy. 

Nous descendons prendre le chemin de Joigny qui 
suit la ligne de chemin de fer; nous trouvons les schistes 





- VU — 


de Joïigny, qui sont plissés satinés et bigarrés; ils présen- 
tent un fond violet ou bleu foncé avec panachures ver- 
1âtres, ils correspondent aux schistes d'Oignies, ce sont 
les mêmes que ceux du Mont Olympe sauf quelques petites 
différences. 

Poursuivant notre route sur Joigny, nous rencontrons 
les schistes de Laforet qui correspondent à l'assise de 
Saint-Hubert; ces schistes sont verts ou vert jaunâtre, 
on y trouve également des psammites el des quartzites gris. 

Un kilomètre plus loin nous voyons l'équivalent du grès 
d'Anor, représenté par une formation toute différente, les 
phyllades d'Alle, qui sont d'un noir brillant et, ont été 
exploités pour faire des ardoises. Comme fossiles, on y a 
trouvé des Astéries. 

Nous sommes bientôt à Joigny, où nous déjeunons, 
Après dejeñner nous traversons la Meuse el nous voyons 
en face du village une carrière avec schistes bigarrés de 
Joigny. 

Puis, on gravit une partie dé la montagne qui est en 
face, pour aller prendre la route de Braux à Nouzon. 

Nous remarquons que le plateau est recouvert par des 
alluvions de la Meuse et, nous dirigeant sur Nouzon, 
nous retrouvons bientôt les schistes de Joigny, puis plus 
Join, après avoir traversé les phyllades d'Alle, sans pouvoir 
les observer, la partie inférieure des schistes de Nouxon, 
Ce sont des schistes gris-jaunâtre avec filons de quartz 
ét bancs de quartzites ; ils sont sans fossiles, 

Nous arrivons au pont de Nouzon, où quelques mètres 
au-dessus (rive gauche), nous 
observons des filons de quartz 
blanc au milieu de schistes 
verdâtres, Ce quartz est d'origine 
thermale, par conséquent bien 
postérieur aux schistes ; si l'on 

examine alentivement certains de ces filons on s'aperçoit 











_— 9 — 


Le cumbrien du massif de Rocroi, se termine en pointe 
vers l'est. Lésdiverses couches dévoniennes qui l'entourent 
dans le mouvement de pression venant du sud, se sont 
repliées sur elles-mêmes en formant une sorte de longue 
queue, si bien que lorsque marchant vers l'est dans l'axe 
du pli nous arrivons aux schistes de St-Hubert, nous 
sommes loin du massif cambrien. 

Cette assise de St-Hubert, nous montre plusieurs faciès 
différents, produits par les conditions différentes de leur 
dépô et de la pression qu’elles ont subie postérieurement, 
Si nous les suivons vers l'E, à 20 kilom. de la Meuse, nous 
les voyons se modifier, devenir plus grossiers el nous ÿ 
voyons apparaître de l'aimant; ce sont les schistes 
#miantifères de Paliseul. Plus à l'est, les schistes sont 
moins grossiers, ils sont chargés de biotite (schistes bioti 
tifères de Bertrix). Plus loin encore la biotite disparaît, les 
schistes deviennent grisätres, il n’y a plus de minéraux, ils 
sont très tendres ; ce sont les schistes de Sainte-Marie. Îls 
se rechargent enfin de paillettes brillantes (schistes ilmé- 
nitiféres de Bastogne), qui sont de l’ilménite, sesquioxyde 
de fer chargé de titane; on ne peut les reconnaitre des 
paillettes de biotite sans le secours du microscope, 

Les couches du bassin de Charleville, analogues comme 
âge à celles de Dinant, mais différentes comme aspect, 
“doivent donc en grande partie ces différences au métamor 
phisme produit par la chaleur, résultant de la pression 
venänt du Sud. 

&e journée (9 août) 
Étude dé la série dévonienne (suite) 

N'ayant pu terminer l'étude de la série dévovienne 
inférieure de Fumay à Vireux, dans l'excursion du 7, 
nous arrivons le matin de Givet à Vireux; nous prenons 


la route de Vireux à Fépin, que nous suivons pendant 34 
kilomètres environ, 














— 281 — 


caractéristique du Waulsortien. Ces calcaires sont parfois 
en grande partie dolomitisés ; les organismes sont plus 
visibles, apparaissant «lors en couleur différente. 

En continuant à suivre la vallée de la Meuse, on observe 
un pli avec cassures, dont la corniche est formée, de 
calcaire construit. 

Avant d'arriver à Waulsort nous voyons la dolomie 
reposer sur le calcaire construit; puis M. Gosselel nous 
montre sous la girouelle placée en face du village de Freyr 
le calcaire carbonifére supérieur formant le Viséen, il 
nous fait en même temps remarquer que le calcaire 
carbonifère constroit disparait en allant au Nord, et, que 
la dolomie reposera, sur le calcaire à encrines. 

Nous prenons le train pour Namur. 

A nolre arrivée nous nous dirigeons vers la citadelle, 
où nous nous trouvons à la partie nord du bassin de 
Namur, L'extrémité nord-ouest de la citadelle est cons- 


truite sur du calcaire carbonifère plongeant au Sud, 
tandis que la partie sud-est est sur le terrain houillèr 
inférieur formé par des psammites et des schistes à 
Productus carbonarius. 


La houille exploitée à Namur provient done du houiller 
inférieur; mais ce qui est plus remarquable c’est que les 
deux veines exploitées, la veine du Château et la veine 
du charbonnage de la Plante, toutes deux fortement 
inclinées vers le sud appartiennent à la même couche; en 
ellet, si l'on suit dans celle direction la rive droite de la 
vallée de la Meuse, deux kilomètres environ après être 
sorti de la sille, on ne tarde pas à voir de nouveau le 
calcaire carbonifère, renversé au-dessus du houiller 
inférieur, 11 y à donc un bassin unielinal qui a ramené 
au sud les couches du Nord. 

Nous rentrons ensuite à Namur. 








tout d'abord des grès blanes qui appartiennent encore à 
l'assise de Saint-Hubert et qui à 3 ou 4 kilomètres de 
nous se chargent de grenats. 

Prenant ensuite un sentier à gauche, près de la borne 4, 
nous trouvons des blocs d'arkose, semblable à celle de 
Bras et constituant l'assise la plus inférieure du Devonien 
de ce pays. 

Au-dessous, lés couches plongent au sud et en nous 
dirigeant au nord, nous trouvons les schistes cambriens 
pétris d'ottrélite et correspondant à l'assise de Bogny. 

Du haut du massif de Serpont, nous apercevons au 
loin, au nord, un autre flot cambrien constituant les 
Hautes-Fanges. Puis, à quelques centaines de mètres, nous 
traversons des schistes verts chloriteux remplis de cristaux 
d'ottrélite, dont quelques-uns sont de très grande taille, 
Continuant toujours nous trouvons de nouveau l'arkose 
dévonienne et les schistes cambriens toujours ottrélitifères. 

Aucune roche éruplive ne se trouve dans le voisinage; 
il à fallu pour métamorphiser ces schistes de Saint-Hubert 
et donner naissance aux beaux cristaux d'ottrélite qu'ils 
renferment, une source de chaleur provenant de pressions 
où de frottéments, On invoque en ellet, ici, une pression 
qui aurait comprimé ces schistes dévoniens dans une 
faille entre deux massifs cambriens. 

Nous rentrons à Libramont par la route, après avoir 
fait le lour du château de Seviscourt ; là, plus heureux 
que dans le sentier que nous ayons suivi en partant et, 
oùnous n'avions trouvé que de rares blocs de schistes à 
gros cristaux d'ottrélite, nous en rencontrons de nom- 
breux sur un lis de pierres, ce qui permet à chacun d'en 
faire une abondante récolte, 

De là nous gagnons la gare. 

Durant le trajet de Libramont à Namur M. Gosselel 
nous fait successivement remarquer : 








4. Phase Mantellienne. — En 1822, Gédéon Mantell 
découvre dans le Wealdien d'Angleterre dés dents appar- 
tenant, d'après lui, à un Iguane gigantesque, d'où le nom 
d'Iguanodon Mantelli qui fut donné à ces restes fossiles. 

2. l'hase Owentenne. — En 1840, on trouve des restes 
d'iguanodon plus nombreux et mieux conservés. Owen 
les étudie et essaie de démontrer les rapports de l'Igua- 
nodon avec les Mammifères. 


3. Phase Huxleyenne, — Plus lard, Huxley reprend 
l'étude de l'Iguanodon, et reconnait les erreurs commises 
par Owen : il démontre les relations de l'Iguanodon avec 
les Oiscaux et l'éloigne des Mammifères. En 1865, il 
aflirme la station debout et la marche bipède de l'Igua- 
nodon, c 


4. Phase Bernissartienne (1). — Enfin, en 1878, M. de Pauw 
rétire du Wéaldien qui recouvre le terrain houiller à 
Bernissart, près Tournay, les débris de vingt-neuf 
squelettes d'Iguanodon, appartenant pour La plupart à 
une nouvelle espèce, Zquanodon Hernissartensis, de taille 
plus forte que J. Mantelli. 

On peut admirer, au Museum de Bruxelles, cinq 
squelettes de ces animaux, complets et montés, el un 
autre qui, sur les ordres de M. Dupont, a été laissé tel qu'ila 
élé trouvé, dans la posilion couchée qu'il occupait au 
moment de sa mort. 

La découverte de 1878 ollre un double intérêt: le 
nombre considérable de squelettes dont beaucoup sont 
Complets, et leur bon état de conservation, dû sans doute 
À ce que ces animaux ont été recouverts avant complète 
décomposition. 


(1)2M. Doll, trop modeste, eût dû qualifier celte quatrième 
phase du litre de Dolloenne, puisque c'est Lui qui a étudié @t 
reconstitué les fgnanodons de Bernissart. 





— 286 — 


Aujourd'hui done les Iguanodons sont connus dans tous 
leurs détails, grâce surlout aux savantes études de 
M. Dollo. 

L'Iguanodon Bernissartensis atteint 9w50 de longueur 
totale, dont 450 pour la tête, le cou et le tronc, et 5m 
pour la queue. 


Tête. — La tête est allongée et se Lermine par une sorte 
de bec qui devait être recouvert de corne. Elle possède 
92 dents. 

Ces dents sont caractéristiques : elles sont comprimées 
en formée de spatule, présentent des ondulations longitu- 
dinales, et leurs bords sont denticulés, Elles ressemblent 
aux dents des vrais Iguanes, qui sont des Lacertiens, el 
sont conformées pour couper el triturer les végétaux. Il 
n'y a pas de dents sur les prémaxillaires. 

Colonne vertébrale. — Lerachis de l'iguanodon comprend 
81 vertèbres, dont 10 cervicales opisthocæliques, 17 dorso- 
lombaires biplanes, 6 sacrées soudées entre elles et 48 
caudales légèrement biconcaves. Les apophysés épineuses 
sont bién développées et sont reliées entre elles par des 
tendons ossifiés croisés dont on retrouve les analogues 
chez l'Aptérix actuel. 

Ceinture scapulatre. — Elle comprend une omoplate et 
coracoide ; il n'y a pas de clavicule comme chez beaucoup 
d'autres reptiles, (caméléons, etc.). Le sternum est pair, 
c'est-à-dire formé de deux moitiés gauche et droite, 

Membres antérieurs, — Les pattes de devant sont relati- 
vement courtes. La main possède cinq doigts ; l'auricu- 
laire a quatre phalanges ; l'index, le majeur et l'annulaire, 
trois ; le pouce est rudimentaire el constitue une sorte 
d'éperon servant sans doute à l'animal d'arme défensive, 

Ceinture pelcienne. — U n'y a pas dé symphyse pubienne; 
l'ischion et le pubis sont allongés ; l'illium possède aussi 
un long prolongement en avant de l'acétabulum. 





— 981 — 


Membres postérieurs, — ls sont énormes : Le fémur est 
très long : il possède une apophyse puissante (comme 
chez les Palmipèdes, où elle sert de point d'insertion au 
muscle caudo-fémoral, qui produit les mouvements laté- 
raux de 1 queue; un autre, l'ischio-fémoral, s'insère 
aussi sur la crête de vetle apophyse). Cette disposition 
devait exister aussi chez l'iguanodon, dont la queue est 
lrès puissante, 

En réalité, cette apophyse du fémur n'a rien de commun 
avec le 4 trochanter des Mammifères; M. Dollo l'appelle 
le 4 trochanter et la crête qui a surmonte crête épitro- 
thantérienne. Les caractères qui rapprochent l'Iguanodon 
des Diseaux sont assez nombreux : 

4° L'allongement de l'ischion et du pubis en arrière de 
l'acétabulum ; 

2 Le prolongement préacétabulaire de l'ilium ; 

3e La ressemblance du fémur avec celui des Oiseaux et 
notamment des Palmipèdes ; 

% Chez les Oiseaux, le péroné osseux ne s'articule pas 
avec le lorse, car il se lermine en pointe; or, chez l'Igua- 
nodon, le tibia est, pour ainsi dire, en train de pousser le 
péroné hors de l'articulation et ne lui laisse plus qu'une 
très pelite surface articulaire avec le calcaneum ; 

%o L'articulation de la jambe sur le pied est, comme 
chez les Oiséaux, intertarsienne : l'astragale et le calca- 
neum commencent à se souder aux os de li jambe; 

6° Le pied ressemble à un pied d'Oiseau, ex, Nandou: 
Je 4er et le 5e orteils sont à peu près absents ; les trois 
orteils bien développés sont formés de 3, 4, 5 phalanges 
dont lés unguéales devaient porter des sabots ou des 
grilles énormes. 

Ainsi, l'Iguanodon n’est pas seulement digne d'attention 
par sa grande taille, mais aussi el surtout par les particu- 
larités de sa structure anatomique. 





— 984 — 


L'Iguanodon se tenait debout sur ses pattes de derrière 
qui, seules, servaient à la marche. Les récherches de 
M. Dollo sont décisives à cêt égard: les empreintes de 
pieds qui ont été trouvées, s'adaptent toutes au membre 
postérieur, aucune au membre antérieur: les pattes 
postérieures sont, d'ailleurs, bien plus développées que 
lés antérieures ; en outre, le poids énorme de la queue 
avait pour conséquence, l'articulation du fémur au 
bassin servant de pivot, de relever Ki partie antérieure 
du corps, d'autant plus que les apophyses épineuses des 
vértébres sont réunies en un axe rigide par des tendons 
ossifiés entre-croisés ; enfin, il existait un fort muscle 
caudo-fémoral qui, par sa contraction bilatérale, contri- 
buait encore à produire la station debout. 

Il est certain aussi, étant donné la constitution du fémur 
et la position du grand trochanter, que l'Iguanodon ne 
pouvait comme le font les Crocodiliens, placer la cuisse 
obliquement ou perpendiculairement au plan médian du 
corps, ce qui est lé cas général chez les Reptiles à marche 
quadrupède. 

La station debout permettait à l'animal d'atteindre les 
feuilles des végétaux élevés el aussi d'observer de loin ses 
ennemis carnassiers. Ses paltes de devant lui servaient 
à la lois d'instrument préhensif et d'arme défensive. 
Mais l'iguanodon était amphibie, ainsi que le montrent 
les traces de palmures observées sur certaines empreintes, 
Sa queue lui servait de balancier. 

D'après M. Dupont, lé gisement de Bernissart si riche 
en Iguanodons 4 un caractère fluvial indiscutable: on y 
trouve une multitude de poissons, des Fougères de petite 
taille, etc. 

11 dévait exister là une vallée très encaissée parcourue 
par un cours d’eau poissonneux bordé de marécages favo- 
rables au régime herbivore des Iguanodons, 








& 


Gel o1 sp) 





* {noaonva9]) 
saydiowoiÿ susunesouig 
CETTE Suay13207 anwxsQ 


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SuoypuwueD) sossolSoidiyy  suapiudo  su>unssssoyy 





nombreuses phalanges ajoutées bout à bout sans articu- 
lation. Or l'atrophie des membres, l'hyperphalangie des 
doigts et la disparition des formations unguéales sont les 
caractères de l'adaplalion à la vie pélagique chez les 
Vertébrés pulmonés, 

Les Mosasauriens ont un omoplale, une interelavicule 
et un coracoïde à la ceinture scapulaire ; l'existence de la 
clavicule est encore douteuse. On a eru longtemps qu'ils 
n'avaient pas de sternum, ce qui les rapprochait des 
Ophidiens, mais en réalité ils ont un sternum délicat, 
Leur sclérolique est ossilié, comme celle des Iehtyo 
sauriens. 

Les Mosasauriens ressemblaient à des sortes de grands 
serpents pélasgiques munis de nageoires; mais pour 
l'organisation ils se rapprochent, en somme, davantage 
des Lacertiens que des Ophi on doit, avec M, Dollo, 
les considérer comme des Lézards adaptés à la vie aqua- 
tique: ils sont aux Sauriens ce que les Baleines sont aux 
mammifères terrestres. La Nouvelle-Zélande serait, d'après 
M. Dollo, le centre de dispersion de ce groupe, car c'est là 
où l'on commence à les trouver (dans le Cénomanien). 

On admire à Bruxelles : 

Haïnosaurus Hernardi, de la craie phosphatée sénonienne 
de Mesvin-Ciply (Hainaut), long de 47 mètres (la tête seule 
a 4m70), 

Mosasaurus Lemonnieri, du Maëstrichtien, qui atteint 
7 mètres de longueur, dont 1"20 pour le crâne. Le Mosa- 
saurus à 133 vertèbres procæliques : les cervicales ont 
des hypopaphyses bien développées, les dorsales ont de 
longues apophyses épineuses, les caudales présentent des 
arcs inférieurs (hémapophyses). Les côtes disparaissent 
vers le milieu du tronc. Le crâne ressemble à celui des 
lézards, il possède des dents plérygoïdiennes et un 
anneau sclérotical, Les dents sont longues et pointues, 
el disposées en rangée. 








en tous sens par des failles et des crans de retour, 
plissées en zig-zag, renversées même en plusieurs points. 

Eu général, dans le houiller du Pas-de-Calais, auquel 
appartiennent les mines de Lens, les couches sont 
cependant én plaleures et d'allure assez régulière ; 
l'ensemble plonge vers le midi. Lorsque l'on approche 
de la lisière sud, les couches sont néanmoins très 
brouillées et mème renversées. La zone des charbons 
maigres et celle des charbons gras sont à peine repré- 
sentées dans le Pas-de-Calais. Le terrain houiller est 
recouvert, dans cette région, par un manteau, épais de 
400 à 450 mètres, de couches lerliaires el crélacées dont 
l'ensemble porte communément le nom de morts terrains. 
Pour arriver à la houille il faut, en effet, traverser d'abord 
lé tertiaire, la craie, puis les argiles ou «dièves n 
turoniennes qui arrêtent les eaux el empêchent leur 
infiltration jusqu'aux galeries des mines el, enfin, le 
calcaire vert où «tourtia » cénomanien. 

La Société des Mines de Lens est propriétaire des 
concessions de Lens et de Douvrin (Pas-de-Calais). Ces 
concessions couvrent une superlicie de 6,939 hectares ; il 
ÿ a 42 puits d'extraction pour 56 couches exploitables, En 
489%. la production de la houille a atteint 2.290.076 tonnes, 

A Douvrin età Vendin, la houille du bas est demi- 
grasse, celle des veines supérieures esl presque grasse, 
Les végétaux les plus communs sont : Pecopteris dentata, 
Lonchopreris ruyosa, Lepidodendron aculeatum, Alethopteris 
Davreuxi, Sphenopteris trifoliata,  Sigillaria  scutella, 
elongata et rugosa, ete. 

A Lens (et aux environs, Bully-Grenay, Courrières, 
Liévin, etc.), on trouve alors les charbons de la zone 
supérieure, très gras; ce sont les charbons à gaz, 
analogues aux flénus belges et contenant jusqu'a 37 et 
40 de matières volatiles et parfois davantage. Les 





espèces que lon y rencontre le plus souvent sont: 
Sphenopteris obtusiloba et necropteroïdes, Pecopteris abbre- 
viata, Alethopteris Serli, Necropteris rurinervis, Dictyopteris 
sub-Brongniarti, Asterophyllites equisetiformis, Sigillaria 
lœcigata, tessellaur et camptotænia, Cordaites horassifolius, 
eic. Avec quelques formes Stéphaniennes: Sphenopteris 
Ben Pecopteris integra, Alehopteris Grandini, 

Calumites cruciatus, Annularia stellara et sphenophylloïdes, 
qui n'existent pas plus bas. 

À Lens, la base du terrain houiller est formée par un, 
schiste compact à Spirifer, Productus et Orthis ; au-dessus 
se trouvent alors les couches de l'époque dite houillère, 
dont le caractère saumâtre et d'eau douce, est dû à un 
mouvement progressif d'émersion. 

Nous descendons par la fosse n° 4, profonde de 225 
mètres; puis, par un plan incliné, à 75 mètres plus 
bas; nous remontons par la fosse n°3. Les galeries qui 
relient les fosses entre-elles sont appelées bowettes. La 
houille ne se trouve qu'en couches minces, depuis Üe10 et 
020 jusqu'à 2 mètres de puissance, Les principales veines 
exploitées dans les fosses n° % et sont les veines Émilie, 
Alfred, du Souich, Marie, etc. Ces veines subissent de 
nombreux rejets. Dans ces rejels et ces failles, la 
composition lithologique du terrain guide les Ingénieurs 
pour retrouver la veine perdue. En eflet, chaque couche 
de charbon est ordinairement intercalée entre deux bancs 
<chisteux : le bane supérieur appelé toit ou roc, es! 
feuilleté, micacé, rempli d'empreintes, mais souvent aussi 
il est gréseux et compact ; le bane inférieur où mur à une 
rassure irrégulière et est très traversé en lous sens par 
des Stigmaria. Les grès peuvent former le toit, mais 
jamais le mur des veines. Les schistes présentent souvent 
des surfaces de glissement polies, brillantes, appelées 
miroirs, et lorsqu'ils ont été plissés où qu'ils ont glissés 





les uns sur les autres ils sont parfois recouverts d'efflo- 
rescences de Pholérite, substance blanche et douce au 
toucher. î 

Nous avons pu observer, dans la fosse n° #4, un tronc de 
Sigillaria en position verticale, et muni de ses Stigmaria, 

Les méthodes d'exploitation de la houille varient 
suivant l'épaisseur des veines ; pour une veine épaisse, 
on creuse des galeries à hauteur d'homme et on emploie 
des cartouches de poudre spéciale ou même de dynamite ; 
pour une veine mince, les mineurs travaillent couchés sur 
lé dos ou à genoux, en suivant le plan de la veine, Le 
charbon ainsi aballu est chargé sur des wagonnels, puis 
montés à la surface du sol où l'on procède au triage, au 
lavage et à l'expédition. 

Nous avons parcouru les galeries el nous avons même 
suivi en rampant une veine en voie d'exploitation. 

M. Remaux, ingénieur en chef des mines de Lens, a, 
le premieren France, appliqué et perfectionné un procédé 
étranger destiné à parer aux dangers d'inondation dans le 
fonçage des puits. Ce procédé consiste à congeler les 
parois du puits au niveau des nappes aquifères qui 
reposent sur les dièves ; ceci fait, on peut sans danger 
garnir ces parois d'une maçonnerie élanche et poursuivre 
le forage à l'abri des inondations. 

La visite des mines s'est lerminée par un diner offert à 
M. Gosselet et aux membres de l'excursion par la Com- 
pagnie des mines de Lens. Au champagne, M. Remaux, se 
faisant l'interpréte de lous les convives, porte un Lost 
«chaleureux au savant et infatigable M. Gosselet à qui 
nous devons dit-il, la connaissance de la constitution 
géologique du sol si riche et du sous-sol plus riche encore 
de nos régions du Nord. » 

A Lens, l'excursion se disloque el chacun part de son 
côté, heureux des enseignements qu'il y a puisés, 





distingue bientôt par les nombreuses habitations qui la 
Couronnent, c'est la montagne de Laon. 

Il est onze heures lorsqu'enfin nous entrons en gare dé 
Laon, nous y sommes recueillis par M. Gosselet, qui nous 
a devancé. 

Après avoir pris un peu de repos, nous gagnons la 
ligne du chemin de fer près de laquelle une carrière 
anciennement exploitée nous permet de constater Ha 
présence de la craie à Belemnitella quadrata. Sur cette 
craie repose une argile dont la partie supérieure tend à 
passer aux sables verts ; elle représente le tufleuu, Cette 
assise est ici dépourvue de fossiles, mais à La Fère où elle 
revêt le faciès flamand, elle devient très fossilifère, 
Le limôn recouvre le tufleau; sa coupe n'est pas assez 
nelle pour que nous puissions en réconnaitre les divisions. 

En gravissant la montagne de Laon, nous trouvons 
dans une carrière située au faubourg de Vaulx un sable 
gris blanchätré à stratification entrecroisée. Ce sable 
Superposé au tufleau est celui de Châlons-sur-Vesle ; c'est 
aussi celui d'Ostricourt revêtu du faciès cambrésien, 

L'argilé à lignités fait complètement défaut; celle 
lacune s'étend aux collines environnantes qui délimitaient 
le rivage de la mer sparnacienne, Dans une carrière 
récemment ouverte près de la première, nous trouvons 
cépendant un mince filet d'argile noire qui est peut-être 
un vestige de la mer sparnacienne. 

Les sables de Cuise ou de Mons-en-Pévèle apparaissent 
avec un développement considérable ; is mesurent environ 
trente mètres d'épaisseur. 

Ce sont comme toujours, des sables doux au toucher 
renfermant avec d'innombrables Numwnaulites planulata de 
nombreux débris de coquilles. A la partie supérieure 
ils renferment des nodules de grès vert arrondis, que les 
ouvriers désignent sous le nom de tétes de chat, 





— 300 — 


Les sables de Cuise sont recouverts par de l'argile 
panisélienne, dont l'afleurement est invisible, mais dont 
la présence est décelée par un abreuvoir situé au pied de 
Ja porte d'Ardon, C'est à celte argile, qui, par suite de son 
imperméabilité, provoque la formation d'un niveau 
uquifère, que la ville de Laon deit son existence, 

Le soubassement de la porte d'Ardon repose sur le 
calcaire à Nummulites lwvigata; nous ne nous attardons 
pas à examiner ce calcaire, nous aurons l'occasion de 
l'étudier dans de meilleures conditions. 

Par la porte d'Ardon, nous pénétrons dans la ville; 
nous en ressortons quelques instants après par la porte 
de Paris, où de récents travaux mettent à jour le calcaire 
grossier, À la partie supérieure des tranchées, nous distin- 
guons un calcaire à Ditrupa strangulata. U repose sur un 
autre calcaire d'un mètre cinquante d'épaisseur, L'abon- 
dance de Nummulites lwvigata à fait donner à ce calcaire 
le nom de pierre à liards. La parlie supérieure de cette 
assise contient de nombreux débris de coquilles ; elle est 
connue sous le nom de banc St-Jacques. 

Sous le calcaire à Memmulites levigata, apparaît un 
grès glauconieux et un sable à Pygorynchus également 
glauconieux. Ce sable que les ouvriers ont désigné sous 
le nom de pain de prussien, correspond aux sables à 
lostellaria ampla de Cassel ; il constitue la base du 
calcaire grossier. 

La présence de l'argile panisélienne sous l'assise à 
Pygorynchus ne fait aucun doute ; elle est décélée par 
une source qui s'échappe du flanc de la colline, D'autre 
part ; on trouve à proximité de la Porte de Paris une tour 
penchée, dont l'inclinaison ne peut s'expliquer que par un 
glissement de couches sableuses sur l'argile. 

En suivant la route qui mène au faubourg de Semilly, 
nous relombons sur les sables de Cuise qui renferment 





— gi — 


des bancs valeaires, durs et cohérents. Dans ces sables 
qui s'élèvent en falaise au bord de la route, sont creusées 
des cavernes encore habitées el connues sous le nom de 
Creutes, Les sables de Cuise et les calcaires qui leur sont 
annexés nous fournissent : 


TuriteUa edita 
Turitea hybridu. 
Neritu Sehmideliana. 


Revenant sur nos pas, nous regagnons la porte de Paris, 
pour nous diriger ensuite sur Molinchart A l'entrée du 
village, nous constatons la présence de la craie à Pelem- 
nitella quadratm. Cette craie ne tarde pas à disparaître 
sous les sables veris landéniens que surmontent au 
moulin de Molinchart des grès blancs mamelonnés 
riches en débris végétaux. Aux grandes carrières de 
Molinchart où ces grès sont activement exploités pour 
le payement des rues de Laon, nous rélevons une coupe 
“ssez intéressante, Sur un sable vert et glauconieux qui 
ést landénien repose un banc de grès épais el continu. 
Ce dernier supporte d'énormes blocs de grès disposés 
irrégulièrement et empâtés par un limon ocreux. 

Les grès landéniens sont surmontés aux Bruyères de la 
Comtesse par d'autres grès à Cyrena cuneiformis. 

À quelque distance du village de Molinchart, se dresse 
au milieu de la plaine un monticule bizarrement découpé, 
le rocher de Gargantua, C’est un amoncellement d'énormes 
grès landéniens très durs el complètement dénudés, 
produit par l'enlévement des sables qui les contenaient. 


Journée du 7 Avril 


En attendant notre départ pour Chailvet ; nous allons, à 
proximité de la gare de Laon, dans un trou ouvert pour. 





906 — 


En suivant les faluns n° Gsur une certaine distance nous 
voyons leur partie inférieure, puis l’assise lout entière 
passer insensiblement au vert ; en même lemps nous les 
voyons devenir argileux. Cette différence de coloration 
qui marche de pair avec celte diversité de constitution est 
le résultat d'une action chimique exercée par les eaux 
pluviales, Les faluns étaient jadis de nature argileuse ; ils 
présentaient une coloration verdâtre, uniforme qui leur 
était communiquée par les sels ferrugineux qu'ils conte- 
naient. En certains points, ils ont été atteints par les eaux 
de ruissellement qui, à l'aide de leur oxygène en disso- 
lution, ont transformé le sulfure de fer en sulfate, puis 
en sulfate de sesquioxyde. Ce dernier, réagissant sur le 
silicate d'alumine a donné du sulfate d'alumine et du 
sous-sulfate de sesquioxyde de fer qui, solubles, ont été 
entrainés. La roche, perdant alors, l'alumine qui lui 
donnait un caractère argileux et les sels qui lui donnaient 
sa coloration, est devenue lé falun blane que nous trou- 
vons aujourd'hui. 

Au voisinage des cendrières de Chailvet, nous rencon- 
trons quelques exploitations de grès'à Cyrena cuneiformis. 
L'argile à liguites qui est inférieure à ces grès, était jadis 
exploitée dans des galeries souterraines. 

Arrivés à lu gare de Chailvet-Urcel, nous utilisons les 
quelques minutes qui nous restent à étudier les petites 
bultes qui se dressent le long de la route, Nous les 
lrouvons formées par des sables blancs landéniens dont 
la stratification entrecroisée est l'indice d'un dépôt 
effectué sous l'action de courants rapides. Ils renferment 
dé très nombreux galets; on peut les considérer comme 
des dunes qui délimitaient le rivage pendant la période 
sparnacienne, 

Rentrés à Laon, nous en repartons bientôt par la route 
de Reims. 





Aux abords de Festieux, près de la ferme de la Plaine, 
nousretrouvons les sables landéniens ; leur stratification 
est entrecroisée ; ils renferment de nombreuses traînées 
ferrugineuses disposées suivant les strates, 

A l'entrée du village, un abreuvoir nous signale la 
présence de l'argile à lignites, 

Sur le versant N. de la colline qui s'élève au-délà de 
Festieux, nous rencontrons les sables à Nummulites 
planulata. D'autres sables ferrugineux, dépourvus de 
fossiles et représentant peut-être l'assise à Pygorynehus, 
les surmontent. Au-dessus, viennent successivement la 
pierre à liards, l'assise à Ditrupa strangulata et le calcaire 
à Cerithium gijanteum. 

L'escarpement qui, à la Maison Rouge, borde la route de 
Laon à Reims est des plus intéressants, Il montre avec 
une netteté remarquable la superposition de plusieurs 
assises yprésiennes et parisiennes, Nous y relevons 


coupe suivante : 


- Sable de Cuise à Turitella edita, Turitella hybrida, 
Nerita Schmideliana. 

- Calcaires grossiérs paniséliens colorés en vert par de la 

flauconie, - 
Argile panisélienne. 

. Calcatre frable et glauconteux à Pygorhynehus ; il ren- 
ferme de nombreux grains de quartz. 

. Assise Nummulités lmvigata représentée par deux bancs 
de calcaire compacte (b, et b;) séparés par un banc de cal- 
caire sableux (b:l. La partie supérieure de bs renferme dé 
très grandes huitres ; elle constitue le Lane St-Jacques. 

» Calcaire grossier à Ditrupa strangulata. 

- Caleaire à Miliolites, Ostrea flabellula, Lucina maæima, 

et Orbitolites complanata. 


Au bois de Fussigny, près de Courtrizy, d'anciennes 
tarrièrés complètement abandonnées, nous permettent 
de compléter la coupe. Nous y trouvons un calcaire dont 
le dépôt s'est peut-treeflectué dans des saux saumâtres ; 


Annales ile la Société Géologique du Nord, T. XXI. 2 





— 906 — 


il renferme d'innombrables cérithes (Cérichium cristatum 
€. denticulatum) qui lui ont valu le nom de calcaire à 
Cérithes. Cette formation que nous voyons pour la première 
fois se rapporte par l'âge à l’assise à Pecten corneus de 
Cassel. Elle est surmontée par l'argile de St-Gobain qui a 
son représentant à Cassel dans l'argile de la Gendarmerie, 

I est curieux de rencontrer à la partie supérieure de 
celte argile de nombreux galets de quartz qui ne peuvent 
provenir que du plateau de l'Ardenne; leur transport 
s'est eflectué au moment où se déposaient les sables 
bartoniens de Beauchamps. 

Dans les carrières de Montehälons situées à l'Ouest du 
bois de Fussigny, nous retrouvons le calcaire à Cérithes qui 
est suffisamment compact pour être employé comme 
pierre de construction ; sa faune montre qu'il s'est déposé 
dans des eaux saumätres. Il est surmonté par des marnes 
blanches sur lesquelles reposent l'argile de St-Gobain et 
les galets de quartz. Très souvent, ces galets sont isolés ; 
les sables bartoniens dans lesquels ils élaient contenus 
ont été entraînés par les eaux de ruissellement. L'action 
de ces eaux ne s'étant que faiblement exercée sur les 
hauteurs, fous pouvons nous attendre à ÿ rencontrer les 
sables. Les faits répondent à notre attente : sur la côte 216 
qui s'élève entre Montchälons et Veslud, nous trouvons en 
éflel une épaisse couche sableuse dans laquelle sont dissé- 
minés de nombreux galets quartzeux. 

En descendant vers le moulin de Montchälons, nous 
lraversons un affleurement de calcaire à Cérithes, où, par, 
suite de la décomposition des parties superficielles, de 
nombreux fossiles se prouvent mis en liberté. Nous y 
recueillons : 

Cerithium cristatum 


Cerithiam denticulatum 
Natioa parisiensis 





ET 


Plus bas, dans le vallon qui nous sépare de la côte 198 
le calcaire à Miliolites, apparait sous le calcaire à Cérithes, 
Nous gravissons rapidement cette côte et bientôt nous 
atteignons le moulin de Montchälons, où le calcaire à 
Cérithes est recouvert par un bane de calcaire verdâtre 
analogue au banc vert, dont la faune accuse un dépôt 
d'eau douce 

L'argile de Saint-Gobain succède au banc verl. Si nous 
suivions celte argile vers le centre du bassin de Paris, 
nous la verrions se charger de cristaux de gypse, de 
fluorine et passer insensiblement à la marne, puis au 
calcaire marneux. C'est avec ce dernier faciès que nous la 
réncontrerons aux environs de Paris, où elle est désignée 
sous le nom de caillasse, 

La nuit qui tombe vient suspendre nos observations ; 
par Orgeval, Chéret et Bruyères, nous regagnons Laon. 


Journée du $ avril 


D'assez bonne heure nous quittons Laon pour nous 
rendre à Paris où nous arrivons vers dix heures. 

Après le déjeuner, nous nous remettons en roule. En 
l'absence de M. Gosselet, qu'une réunion du Congrès des 
Sociétés sayantes relient à Paris, M. Cayeux dirige 
l'exeursion. 

Près de Ja porte de Versailles, nous nous trouvons en 
présence d'une importante exploitation d'argiles sparna- 
ciennes directement recouvertes par le calcaire grossier, 
Ces argiles qui renferment des cristaux de gypse sont 
complètement dépourvues de fossiles ; elles présentent la 
composition suivante de bas en haut : 


1 Argile bariolée 

2. Glaises . - - . - 
4. Sables lignisiféres. . 
4. Fausses glaises. . . 








4, Craie blanche dite de Meudon renfermant de nom- 
breux cordons réguliers de silex cornus ; elle est 
caractérisée pur Belemnites mueronatus, Ostrea 
œesicularis, Echinocorys eulgaris ot Micraster 
Brongniarti ; son épaisseur est d'environ. . . . 

2 Craie à Magas pumilus. . : 

8. Craie jaune dure et tubulaire euienti ee partie 
supérieure de nombreuses perforalions de racines 
qui attéstent la présence d'un ancien sol végétal 

% Calcaire danfen pisolithique . . . 

5. Marnes improprement qualifiées de ‘stronttanitères 
renfermant des fossiles (Paludina aspersa entr- 
autres) que l'on retrouve dans le calcaire d'eau 
douce de Rilly . . 

8. Conglomérat ossifère invisibie : a fourni des débris 

de Gastornis el de dt cb son Line à 

est évalués à , . + 
7. Argile plastique . ES © " : 
8. Caleaire grossier 


C'est le bombement de Meudon qui a déterminé la 
grande réduction d'épaisseur de l'argile plastique en ce 


De Meudon, nous gagnons Gentilly par la ligne de 
Versailles et la ligne de ceinture. À l’entrée du bourg, nous 
nous trouvons en présence de vastes exploitations de 
calcaire grossier. 

Le calcaire grossier supérieur, très incomplet dans les 
carrières de Vaugirard, atteint ici dix mètres d'épaisseur, 
Al est constitué par un caleaire se divisant facilement 
en plaqueties, ëL par des marnes:; il est désigné sous le 
nom de cuillasses. Les quelques rares fossiles qui ont été 
signalés dans cette formation se retrouvent dans le calcaire 
à Cérithes. 

Sous les plateaux, les caillasses renferment du gypse ; 
sur le flanc des vallées, elles en sont complètement 
dépourvues, ce gypse ayant été dissout el entrainé par les 





— 40 — 


eaux météoriques mais on y observe de la fluorine, des 
pseudomorphes de gypse en quarz, quarsine, ete. 

Au-dessus des caillasses apparaissent successivement : 

Les sables de Beauchamps réduits à quelques mêtres 
d'épaisseur ; puis les calcaires et les marnes feuilletées de 
St-Ouen. 

Les talus qui bordent la route d'Arcueil à Villejuif, 
recouverts par le limon et envahis par un épais gazon, ne 
nous permettent d'abord pas de reconnaître la nature du 
sous-sol. Le gypse, peu épais en ce point, n’est pas visible. 
Le premier afleurement qui se présente est une marne 
verte avec laquelle commence l'Oligocène. 

La succession suivante s'observe en montant vers 
Villejuit : 

1. Un calcaire dur, d'eau douce, siliceux, parfois transformé en 

moulière ; c'est le culcuire de Brie. 

2. Une marne à Hultres (Ostrea cyathula, O. longirostris| 

&. Les sables ferrugineux de Fontainebleau que recouvre le 

limon. 

En descendant de Villejuif sur Paris, nous revoyons, 
mais dans un ordre inverse du précédent, la succession 
des couches oligocènes. 

Les travaux exécutés pour l'installation des réservoirs 
de Villejuif, nous permettent de combler la lacune qui 
existe dans notre coupe entre les marnes vertes inférieures 
au calcaire de Brieet les marnes de St-Ouen. Les premières 
désignées sous le nom de marnes supra-gypseuses nous 
offrent la succession suivante : 

1, Marnes vertes avec intorcalation de calcaire ooli- 

tique, l'ensemble a quelques mètres sp 


2. Marnes blanches à Lymnées . 
3. Marnes bleues. « 


Sous les marnes bleues apparait le gypse dans lequel on 
à distingué quatre masses ; seules les deux masses supé- 
rieures existent à Villejuif, 





— Mt — 


… Lä première masse est formée par du gypse succharoïde ; 
la stconde séparée de la précédente par un banc de marne 
à silex ménilite est constituée par une agglomération de 
grands cristaux disposés perpendiculairement aux strates. 
C'est gypse dit «pied d’alouette ». La masse supérieure 
est communément désignée sous le nom de hauts-piliers, 

Nous elôturons notre course par une visite à la grande 
Carrière de la porte d'Italie. Au fond de l'exploitation, nous 
Lrouvons reposant sur le calcaire à Miliolites le banc vert 
à Cerithium lapidum. Les couches supérieures exploitées 
sont formées par un calcaire compact à Cérithes, dont l’un 
des bancs renferme des empreintes végétales. 

Le sommet de la carrière montre un grand dévelop- 
loppement de diluvium formé de silex, d'éléments 
empruntés aux dépôts tertiaires des environs de Paris, 
d'énormes blocs de grès et de rares galels de granit. 


Journée dù 9 Avril 


Descendus à la gare d'Argenteuil, nous gagnons la Seine 
pour la remonter ensuite jusqu'aux Plâtrières. 

En pénétrant dans les exploitations, nous trouvons les 
marnés de Saint-Ouen dont la partie supérieure renferme 
quelques banes de calcaire siliceux. Au-dessus des marnes, 
nous relevons successivement : uné argile à plâtre dans 
laquelle on a trouvé des fossiles mari gypse; les 
marnés supra-gypsiléres. Toutes ces couches plongent 
faiblement vers Paris. 

L'ascension de la côte d'Orgemont nous permet de 
reconnaître des formations plus récentes, ce sont: les 
sables de Fontainebleau et la meulière de Beauce que 
caractérisent de nombreuses graines de Chara, 

Les plâtrières ouvertes sur le versant © de la butte 
d'Orgemont, nous donnent une coupe détaillée des 








Dans les tranchées pratiquées près de la gare pour le 
passage de la ligne, nous trouvons, reposant sur les 
sables verts du tulleau, les sables de Bracheux dans 
lesquels sont disséminés de nombreux petits galets. Pour 
la première fois, nous voyons ces sables devenir fossi- 
lifères : Ostren Bellovacina s'y trouve en très beaux exem- 
plaires ; malheureusement les autres fossiles (Cucullées, 
Cérithes, Cardités), très fragiles, se réduisent en pous- 
sière au moindre choc. 

Les sables landéniens de la tranchée de Villers-sur- 
Coudun nous présentent la composition suivante : 


1. Sables jaunes très épais reposant sur les sables du 
tuféau ; ils renferment de très nombreux débris 


Us60 
040 


4 Sables jaunatres à Ostrea Bellooacina. 
5, Argille sableuse renfermant un banc d'huitres à sa 
base. 


En nous dirigeant vers la butte qui domine Coudun, 
ous rencontrons Es marnes dont la base est riche en 
débris d'huitres: ce sont les murnes de Guiscard ou de 
Melicog qui Sn lant au calcaire de Rilly. Ces 
Marnes que l'on peut re jusque près de Tergnier, 


ble qui appartient 


La végétation inextricable qui couvre li base de la 
butte de Coudun, nous empêche tout d'abord de recon- 
naître la nature du sous-sol. À mi-côte, quelques éclaircies 
favorisent nos recherches el nous trouvons un sable 
probablement panisélien sur lequel repose le calcaire à 
Nummulites lœvigata. Nous suivons ce calcaire jusqu'au 
sommet de la côte. 





— 6 — £- 


Revenus à Coudun, nous rencontrons au milieu du 
villige uné petite exploitation de sables qui paraissent 
être landéniens. Nous y distinguons deux niveaux séparés 
par un lit de cailloux roulés de 80 centimètres d'épaisseur. 
Le niveau inférieur est constitué par des sables finement 
stralifiés ; le niveau supérieur formé de sables ferrugineux 
est recouvert par un diluvium dont la base renferme de 
petits galets. 

Dans le chemin creux qui mène de Coudun à Giraumont, 
apparaissent les marnes de Guiscard, qui occupent le bas 
des talus. Elles sont surmontées par une argile à lignites 
qui renferme des bancs marneux et des calcaires bleus 
et compactes à lymnées. 

Rentrés à Villers-sur-Coudun, nous profitons d'une 
heure d'arrêt pour y déjeuner. A onze heures, nous mon- 
tons en wagon; nous en descendons quelques instants 
après à Ressons-sur-Matz. 

De la gare de Ressons à Cuvilly, nous suivons la craie; 
nous la voyons ensuite disparaitre sous les assises 
tertiaires, 

Au sortir de Cuvilly, apparaissent les sables verts de 
l'assise à Cyprina planata, 1s sont surmontés par des 
sables blanes landéniens dont la stratification est entre- 
croisée. 

L'argile de Guiscard fait iei complètement défaut, 

L'argile à lignites débute par un très petit lil rouge 
de sulfate de fer; elle se continue par un sable très peu 
épais sur lequel repose une couche de gypse de quelques 
centimètres d'épaisseur, Au-dessus vient une argile noire 
et ligniteuse assez développée. 

A Mortemer, l'Yprésien réapparaît avec une allure 
toute particulière. I est constitué par un calcaire d’eau 
douce gris-bleuâtre très riche en débris végétaux. Le 
banc calcaire le plus inférieur contient de nombreuses 





— 947 — 


huitres qu'il a empruntées lors de sa formation aux 
marnes à huîtres sur lesquelles il repose. 

Le calcaire de Mortemer jadis exploité est presque 
complètement abandonné aujourd’hui. Il en est de mème 
des argiles bleuâtres qui le surmontent et qui, il y a 
quelques années, servaient encore à la fabrication des 
veilleuses. : 

De retour à Cuvilly, nous trouvons aux abords du bois 
de Séchelle une cendrière qui nous donne la eoupe 
suivante : 








4. Lignites formant le fond de la carrière. 
2. Argile feuilletée. : . . + + + . . . . . . (08 
3. Lignites . . 06 
£. Agile grise et feuilletée à planorbes, paludines et 
lymnées . . . . . . F ee. 0 
5. Lignites. 4 . . . . . . . . 4, rt JOUE 
6. Argile grise . . . . . . . . + . . . . 015 
7. Lgniles. 4 4 0 4 ee ee à à à . 030 
8. Argile grise . . . . SA, ARE 0=10 
9. Ligniles. . . gone Su nate <e ‘0808 
10. argile gris-jaunâtre avec paludines, lymnées et 
planorbes. . . s : . + 08 
A1. Argile ligniteuge. . . . . £ . 62 
12. Argile grise feuilletée . . . . . . . . . . . 1"20 
13. Marne blanche . . . . PTE Be be dos LE 19 41720) 
4. Lignites. . . 6 fard 60 0 0008 
15. Argile grise lyniteuse . dre que de UD, 
16. Lignites. . . . . . . . . . PRE 
17. Marne gris-faunâtre, : & + «  : « . . « OS 
18. Faluns à Cerithes (Cerithum funatum, Melania 
inquinata da Re «GE ay TEE 2 080 
19. Arglle plastique grise. . . CRE LE 


20. Limon. 


Séduits par le nombre aulant que par les dimensions 
vraiment surprenantes qu'atteignent les Cerithium et les 
Melania des faluns, nous nous jelons avidement sur ce 
gite fossilifère dont la présence n'a pas encore été signalée, 





— 318 — 


Altardés par notre fructueuse récolte, nous reprenons 
précipilamment notre course et après avoir franchi les 
six kilomètres qui nous séparent de la gare de Ressons 
nous montons en wagon pour nous rendre à Péronne. 


Journée du 12 Avril 


La course de Péronne n'avait pas élé prévue; proposée 
au cours de l'excursion, elle avail été acceptée avec 
enthousiasme, car elle nous permettait d'étudier dans son 
plus beau développement la craie à Belemnitelles et les 
phosphates qui lui sont annexés, 

De grand matin, nous quittons Péronne pour gagner 
Hem Monacu, accompagnés par M. Vatrin, propriétaire 
des phosphatières. Dans les vastes carrières ouvertes à l'O. 
de ce village, nous trouvons une série d'anfractuosités 
rémplies de sables phosphatés. Ces poches, sont irrégu- 
lièrement réparties à la surface de la craie campanienne, 

Les sables phosphatés résultent de la transformation 
de la craie phosphatée qui leur est inférieure, Celle-ci, 
dans ses parties supérieures, s'est trouvée décalcifiée par 
les eaux chargées d'acide carbonique ; le phosphate mis 
eu liberté a rempli les poches que nous rencontrons 
aujourd'hui. 

La craie phosphatée comprend une série de bancs dont 
la richesse en phosphate est très variable. Elle repose 
sur une craie blanche à Micraster qui est à peine visible 
au fond des carrières. Cette craie ramenée par la pioche 
nous fournit des dents d'Otodus el de nombreuses 
radioles de Cidaris hirudo et de Cidaris septrifera. 

La craie blanche est surmontée par un poudingue dont 
les nodules formés aux dépens d'une assise aujourd'hui 
disparue, sont recouverts par une patine de phosphate. 





— 319 — 


Ce ronglomérat est très fossilifère; il contient en 
abondance : 


Belemnitella quadrata. 

Ostrea cesicularis 

Coraz pristodontus. 

Lamna acuminata. 

Des polyplers appartenant au genre Calamophyllia. 


Ce poudingue fossilifére nous révèle la présence d’un 
ancien rivage de la mer campanienne. De nombreuses 
perforations d'animaux lithophages observées à la surface 
de la craie blanche et dans les nodules phosphatés viennent 
corroborer cé fait. 

Sur le conglomérat repose une série d'assises plus ou 
moins phospbatées qui se présentent dans l'ordre suivant : 













1. ie phogphatée +. . . . . : . . . . .  3*80 
2. Crale jaune. . . . LD HE Pere à CSS 
3. Crate phosphatée. . . . De 4 m40s nt A 2 MP 
4. Crate blanche. . . . US tonnes < 00 
5. ie très phosphatée . 3 là ete .. 40 
6. Craie blanche . . - - - Grp e Dot 
7. Sables phosphalés de mauvaise qualité renfermant 


des silex « : . . £ É ES 44 Li 











— 323 — 


TABLE DES AUTEURS 


Ch: Barroïs. — Les divisions géographiques de la 
Brètagne, 19. — Légende dé la feuille de SENazaire, 137. 
— Les pliénomènes littoraux actuels du Morbilian, 182 
— Observations sur le travail de M. Jukes Browne, 264. 

C. Eug. Bertrand, — Nouvelles remarques sur le 
Kérosène shale de la Nouvelle-Galles du Sud, 161. 

Jukes Brovvne.— Le Cénomaniendu Devonshire, 246. 


Jukes Browne et WW. Hill, — Le Cénomanien de 
la Normandie et du Sud de l'Angleterre, 227, 

Carton. — Variations du régime des eaux dans l'Afrique 
du Nord, 29. 

Cayeux. — De l'existence de nombreux radiolaires dans 
lelithonique supérieur de l'Ardèche, 26, 

Faucheron, Grange, Roux. — Compte-rendu de 


l'exeursion en Ardenne du 5 au 43 aoûl 1895, des élèves 
des Facultés de France, 73, 268, 

Forie. — Hhynchonella Dumonti et Cyrtia Murchisoniana 
dans les schistes de Matagne, 7, 

Goblet.— Communication sur un sondage fait à Croix, 7, 

Gosselet. — Note sur la terminaison méridionale du 
massif cambrien de Stavelot et sur le grès de Samré, 10, 
— Sur les cartes agronomiques, 19. — Observations sur 
le travail de M. Carton, 47. — Les phosphates de chaux 
d'Etaves et de Crécy-en-Ponthieu, 49. — Note sur les 
gites de phosphate de chaux, d'Hem-Monacu, d'Etaves, 
du Ponthieu, etc. 49, 109, 174. — Carte géologique, 
feuille de Lille, 16%, — Présentalion des cartes géolo- 
giques au 45553 Et au +555 de Gédinne et de Willerzies, 
175. — Introduction du cours de Minéralogie appliquée, 
professé le 20 novembre 1896, 176. — Observations sur 
le travail de M. Jukes Browne, 265. 





— 324 — 


Grange, voir Faucheron. 

Hérent (l'Abbé. — Le qualernaire à Montigny- 
Ostrevent, 0. — Note sur l'existence à Moncheaux, près 
de Douai, des sables de Mons-en-Pévèle, 68. 

VV. Hill, voir J. Browne. 


Ladrière. — Le terrain quaternaire des environs de 
Douai, 54. — La carte agronomique de la commune de 
Crespin (Nord). Considérations générales sur les diffé- 
rentes couches de Lerrain que l'on rencontre à la surface 
du sol, 9, 97. 


Lecocq. — Communication d'un échantillon de phos- 
phates de Tebessa (Algérie), 49. 








Leriche. — Comple-rendu de l'Excursion géologique 
dans les environs de Paris, 298. 


A. Meyer. — Rapport de la commission des finances, 
175. 

Pagniez-Mio. — Forage à Lille, 46. — Idem, à Mareq- 
en-Barœul, 96. 

Parent. — Note sur les polypiers d'Hem-Monacu, 13, 


Péroche. — Au sujet de l'état elimatérique de l'Afrique 
septentrionale, 69, 


Roux, voir Faucheron. 





ÉPOQUES DE PUBLICATION DES LIVRAISO 


Livraison 1. Pages 1 à 48 = Mai 1896 
= 2. — 49 à 96 = Novemb. 1396 
— 3. — 97 à 186 La Janvier 1807 
re 4. — 177 à 32 _ Avril 1897 





Lille — Liégeois-Sir, Imprimeur de la Société Géologique du Nord. 


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SOCIÈTÉ GÉOÉOGIQUE DU NORD 


Fondée en 170 


et autorisée par arrétés en date des 3 Juillet 1871 et 28 Juin 1873 


ANNALES 


DE LA 


SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE 


DU NORD 


TOME XX V 


CONSTANT PRÉVOST 





cote D'un RÉT 
GÉOLO( 

pendant la première moitié du NIX° siècle 
var 

J. GOSSELET 


LRU 
a Faculté des Sclences de Lille 






LILLE 
IMPRIMERIE LIÉGEOIS-SIX 
1896 





Constant PREVOST 


“ ea 
se fit 
POS 





PRÉFACE 


Ilarrive que certaines époques de la Science peuvent 
s'incarner en un homme dont les travaux représentent les 
idées dominantes et les progres accomplis. Constant 
Prévost n'était pas de ces hommes, Son nom ne se rattache 
à aucune découverte saillante, à aucun livre ayant fait 
époque dans la Science, Esprit ardent, mais un peu vague ; 
sceptique, mais doué d'un vrai bon sens, il avait pris pour 
devise ce mot d'Aristote : « Qui veut s'instruire doit 
savoir douter », et il commençait par se l'appliquer à lui- 
même, Au moment de composer un travail, il apercevait 
les lacunes de ses connaissances, il hésitait, désirait de 
nouvellés observations et remeltail à un plus tard, qui ne 


Sa ie se consuma à combattre les théories régnantes, à 
émettre des doutes ou des négations devant presque toutes 
les hypothèses, qui surgissaient dans le champ de la 
Science. On peut dire qu'il vécut de discussion. 11 eut 
comme adversaires les savants les plus illustres de 


1 





=$— 


l'époque, Cuvier, Brongniart, Arago, Humbold, De Buch, 
Élie de Beaumont, d'Orbigny, d'Omalius d'Halloy, etc. 

11 n'est pas une seule opinion géologique de son temps 
qu'il n'ait soumise au crible de la critique. C'est ce qui 
rend particulièrement instructive l'étude de ses idées. 

IL vivait à une époque de transformation de la géologie. 
I vint, lorsque s'éteignait la race des géologues, dont la 
science n'élait qu'une œuvre de raisonnement ou d'ima- 
gination, basée sur quelques observations isolées. 

Lorsqu'il mourut, les hypothèses n'étaient plus en hon- 
neur ; on ne voulait que des faits, rien que des faits. On 
avait compris que la science n'était pas encore assez 
avancée pour chercher des explications, dont la première 
découverte allait démontrer l'erreur. 

Constant Prévost, en combattant toutes les théories à la 
mode, avait puissamment contribué à ce résultat. Mais 
lui-même appartenail encore en partie à l'âge précédent. 
Plus d'une fois, il céda aux anciennes habitudes; il fit 
des hypothèses el ce ne fut pas toujours avec succès, 

Dernier élève de Constant Prévost, qui m'avait choisi 
comme Préparateur quelques années avant sa mort, j'ai 
loujours considéré comme un devoir de faire connaitre au 
publie, la part importante qu prise à la fondation de 
la Science géologique. J'en ai été empêché par la volonté 

elle de mon respectable maître. 
ur son lit de mort, il avait demandé à sa famille de ne 
confier à personne ses manuseri its et ses carnets de voyage. 
Etage “être craignail-i il que leur publication ne vint réveiller 


té n'a plus de raison d'être, 
rition de 568 contemporains nous détache 
nsé que ses opinions 


ma manière de voir et a bien. voulu mé confierses papiers. 





4 


Ils ne contiennent, du reste, rien de bien important, Ce qui 
domine, ce sont des programmes de cours et dés projets 
d'ouvrages. Les carnets de voyage sont plus intéressants. 

Grâce à eux, j'ai pu compléter quelques publications de 
Constant Prévost, particulièrement son voyage à Julia et 
en Sicile. Ses carnets de courses aux environs de Paris 
sont curieux ; on y voit comment s’est formé lentement 
ce faisceau de connaissances qui fait du bassin de Paris, 
la région géologique la mieux connue du monde. 

Ce coup d'œil rétrospeetif sur la marche de la Géologie 
pendant la première moitié du XIXs siècle intéressera, 
je l'espère. Mon but sera complètement atteint s'il peut 
aussi faire ressortir les titres de mon vénéré maitre au 
souvenir des géologues. 


Lille, 20 Juillet 1892 (1). 





(1) Plusieurs circonstances indépendantes de ma volonté ont 
empéché ce livre de paraître plus LôL Je n°ÿ ai fait que très pou 
de modifications. Aussi, bien des pages décèleront des préoccu- 
pations aujourd'hui passées et le lecteur remarquera des omissions 
qui n'en étalent pas à l'époque, où j'ai rédigé les divers chapitres. 





CHAPITRE 1 


BIOGRAPHIE 


Constant Prévost naquit à Paris, le 4 juin 1787. Son 
père, Louis Prévost, étail caissier-payeur de rentes de la 
ville de Paris ; sa mère, Constance Martin, appartenait à 
une famille de magistrats, 

Il perdit son père en 1793. Sa mère, femme du caractère 
le plus élevé et de l'esprit le plus distingué, se consacra 
entièrement à l'éducation de ses enfants, un fils et une fille. 
Après la mort de sa fille, qu'elle eût la douleur de perdre 
en 1804, sa sollicitude se concentra sur son fils. Elle lui fit 
donner une instruction solide et élevée, En 1806, elle 
épousa en secondes noces, Bévière, dont le père était 
sénateur et doyen des maires el des notaires de Paris. 
Cette nouvelle union ne porta aucune atteinte à l'affection 
réciproque de la mère el du fils, car Constant trouva en 
M. Bévière un dévouement et un cœur tout paternels. 

I fut mis à la pension Lepitre, qui suivait les cours de 
l'école centrale du Panthéon, où professait Cuvier, Le 





jeune Prévost fut subjugué dès les premières leçons par 
le talent de l'illustre professeur. Dés lors, il sentit naître 
sa vocation de naturaliste. En 1802, la pension Lepitre 
quitta l'école du Panthéon pour celle des Quatre-Nations, 
qui venait d'être transférée à l'ancien Collège Duplessis. 
Ce fut avec chagrin que Constant Prévost dut renoncer aux 
leçons de son premier maître. Maïs aux Quatre-Nations, fl 
trouva Alexandre Brongniart. Nous nous figurons diffici- 
lement Cuvier et Brongniart professant PH re Naturelle 
à des enfants de 12 à 45 ans. Libres de programmes, sans 
préoccupation d'examens, sans avoir à compter avec des 
inspecteurs qui imposent leurs méthodes, ils enseignent ce 
qu'ils veulent, ce qui doit éveiller la curiosité et l'intelli- 
genee de leurs élèves ; ils leur communiquent leur amour 
pour l'étude et pour la nature. Que l’on s'étonne ensuite 
de voir surgir la pléiade de naturalistes, qui a illustré ka 
France au commencement de ce siècle, 

Si Brongniart n'avait pas le génie de Cuvier, ni sa largeur 
de vue, ni son talent or: il n'en était pas moins un 
professeur de premier ordre. Son enseignement était métho- 
dique, sa parole nelle et claire, ses connaissances trés 
variées et surtout son zèle au-dessus de tout éloge, Jeune 
encore, il se faisait l'ami de ves, CAuSail avec eux, 
Süimulait leurs réflexions et leur esprit d'observation, Après 
les cours venaient des conférences en décuplaient l'avan- 
tage. Là, loin de repousser la controverse et la discussion, 


un zèle ad b 
« Combien, d stant Prévost dans ses notes, j'ai pu 
user et abuser q le cette faculté! Combien aussi 
nl, celles dont 
! Pendant plus 
es les branches 
de l'Histoire naturelle, le plus grand plaisir que je pouvais 





== 


trouver élait de passer une grande partiedes jours de loisir 
dans les collections de mon ancien maitre et dans son 
intimité, Que de moments heureux et utilement employés 
se sont passés ainsi! Combien de fois Desmarets, Leman el 
moi avons-nous examiné, déterminé, décrit et étiqueté les 
collections de mammifères, d'oiseaux, de minéraux, de 
roches, que Brongniart créait et classail pour l'avantage et 
l'instruction de tous. à 

De 1807 à 181%, Constant Prévost accompagna Brongniart 
dans presque lous ses voyages. En 1807, il parcourut avec 
Jui la Normandie et la Bretagne. En 4808 et 1809, après avoir 
traversé la France, visité aux environs de Limoges, les 
gisements d'émeraude et de kaolin, ils suivirent la ligne 
des Pyrénées, de Bayonne à la Maladetta. 

C'était une façon originale de se préparer aux doubles 
examens du baccalauréat, qu'il subit en 18114 dévant la 
Faculté des Lettres, puis devant celle des Sciences. On ne 


peut conseiller aux candidats actuels d'imiter cet exemple, 
Leur intelligence y gagnerail, mais leur examen serait 
peut être compromis, 

Puis, pendant quatre années, Constant Prévost se livra 
à l'étude de la médecine. 


Les étudiants n'étaient pas renfermés alors dans la régle- 
mentation actuelle, Ils arrangeaient leurs études à leur 
bon plaisir; les intelligences médiocres avaient peut-être 
4 souffrir de celte liberté, les amis du plaisir en abusaient, 
inais les travailleurs, les élèves d'élite, trouvaient l'avan- 
tage de pouvoir se livrer aux études de leur goût. 

Tout en faisant la médecine, Constant Prévost suivait 
les cours du Collège de France et travaillait au laboratoire 
de Cuvier, Il y faisait connaissance avec Blainville qui 
allait devenir son ami intime, 11 continuait aussi à fré- 
quenter le cabinet de Brongniart et les collections du 
Muséum. L décrivait les mammifères réunis par Geoffroy 





HS 


StHilaire, et entreprenait un travail sur les poissons de 
France pour la faune française; enfin, il commençait avec 
Blainville une monographie des Squales et des Raïes dont 
le prodrome fut publié plus tard dans le Bulletin de ki 
Société Philomathique. En 1812, il accompagna de nou- 
veau Brongniart, dans son grand voyage en Allemagne. Hs 
visitérent les bords du Rhin, la Westphalie, le Harz, lt 
Prusse, la Saxe, la Bohème, le Tyrol. 

Devant la juste réputation de Brongniart, les musées, 
les universités, les mines et les usines s'ouvrirent aux 
deux voyageurs. Constant Prévost en profila pour dessiner 
presque tous les Sélaciens qui existaient dans les musées 
étrangers. 

A Freyberg, l'illustre Werner leur fit les honneurs de sa 
collection. . 

Ils étaient à Malstatt, lorsque la nouvelle du désast 
de Moscou les força 4 regagner la France, « avec quelque 
peine el non sans quelque danger. à 

A son retour à Paris, Constant Prévost se décida à entrer 
dans l'industrie, Un décret du 12 mai 1810 avait promis 
un million de récompense à l'inventeur d'une machine à 
filer le lin. Le 40 juillet de la même année, Philippe de 
Girard prenait un brevet, Après avoir consacré deux ans 
à perfectionner ses procédés, il monta en 1813 une filature 
rue Meslay. Constant Prévost comprit tout l'avenir réservé 
à l'industrie de la filature mécanique. L s'associa à 
Philippe de Girard et sous son impulsion deux nouvelles 
filatures furent établies rue de Charonne et rue de Ven- 
dôme. I prit la ion de la dernière, 

Malheureusement les évènements de 4814 vinrent arrêter 
tout commerce 5h s filatures de Philippe de Girard durent 
fermer comme loutes les usines de France, Celle de 
Constant Prévost résista plus longtemps; en juillet 1814 
elle était encore en activité, mais elle ne Lurda pas à cesser 
le travail. 





Philippe de Girard avait sacrifié toute sa fortune et celle 
de sa famille. Non seulement le gouvernement de la restau- 
ration ne reconnaissail pas les promesses de l'Empire, 
mais il refusait de prêter 8,000 francs en les hypothéquant 
sur les machines. Pour sauver son industrie el ses 
machines, Philippe de Girard céda aux sollicitations de 
l'empereur d'Autriche désireux de doter ses états de la 
nouvelle industrie. Il partit le 4 décembre 1815 avec 
Constant Prévost pour aller fonder une filature à Hirtem- 
berg,-près de Vienne. 

Constant Prévost resta trois ans à Hirtemberg, de 1846 à 
1819. Pendant ce séjour à l'étranger, il accepta de donner 
des leçons au jeune fils du roi de Westphalie, qui fut depuis 
leprince Napoléon. De plus, il consacra ses loisirs à étudier 
la géologie des environs de Vienne, 

La ville de Vienne est située sur la rive droite du Danube, 
à l'extrémité septentrionale d'une vaste plaine de 400 
kilomètres de longueur qui s'étend des montagnes de 
Styrie au Danube. A l'Ouest, se dresse la chaine du 
Wienerwald dont le point le plus élevé, le Schneeberg, 
est couvert de neige pendant uné grande partie de l'année. 
A l'est les montagnes de la Leitha séparent l'Autriche du 
royaume de Hongrie. 

Constant Prévost reconnul que le terrain des environs 
de Vienne pouvait se rapporter à deux groupés; l'un 
ancien, l'autre moderne. 

Le groupe ancien qui constitue les montagnes du 
Wienerwald et du Leithagebirge est formé de calcaires 
compactes fossilifères, en couches inelinées, et de pou- 
dingues, également en couches inclinées. Le poudingue est 
supérposé au calcaire et d'ailleurs il est formé de galets 
calcaires; il est done postérieur au calcaire, 

Constant Prévost constata que le calcaire renferme des 
fossiles, mais il ne détermina pas exactement son âge, ce 





— 10 — 


que l'état de la Science ne lui eut pas permis de faire alors; 
ilse borna à l'appeler, avec tous sescontemporains, calcaire 
alpin. Quant au poudingue, il signale son analogie avec le 
Nagelilue des Allemands. 

I rapporta aussi au groupe ancien, sans en donner la 
raison, de petits amas de gypse que l'on trouve dans des 
vallées latérales de la bordure orientale du bassin de 
Vienne, en couches horizontales superposées au calcaire, 

Les terrains du groupe moderne remplissent le bassin ; 
ils sont en couches horizontales qui s'adossent aux escar- 
pements abrupts de l'enceinte, en s'élevant légèrement sur 
leur bord et qui descendent en pente douce vers le Danube. 
Quelques buttes surbaissées, s'élevant au milieu de la 
plaine et des cûleaux riants, couverts de vignes, marquent 
la limite de ces terrains modernes au contaet des plateaux 
de poudingue aux noires forêts de sapin et des rochers 
arides de calcaire alpin, 

Constant Prévost divisa son groupe moderne en deux 
assises : 1° de l'argile grise avec lignites ; 2° de la marne 
argileuse verdätre micacée, employée à la fabrication des 
briques et des tuiles, et un calcaire d'eau douce analogue 
au tuf. Il avait recueilli dans la marne micacée, une très 
grande quantité de fossiles, Il reconnut leur âge tertiaire 
et leur analogie avec les fossiles des marnes subapennines. 

Constant Prévost espérait publier un grand travail 
sur les environs de Vienne en décrivant les nombreux 
fossiles qu'il avait recueillis. Malheureusement, un 
incendie arrivé en ASS, anéantit en un instant, ses collec- 
tions, ses notes et ses d u de temps après, il 
quitta Hisemberg et revint à P: ] uté de l'industrie, 
ilse remit à suivre les cours et à l 

C’est alors qu'il recuei 
du bassin de Vienne, La note qu'il publia dans le Journal 
de Physique et qui a été résumée plus haut fit faire un 





progrès réel à la géologie de l'Autriche, mais sa portée au 
point de vue de la géologie générale est bien plus consi- 
dérable. 

En 1821, une circonstance vint lui fournir une raison de 
se donner plus complètement à la Science: il fut chargé 
du Cours de Géologie à l'Athénée, 

L'Athénée était un établissement privé, où l’on donnait 
des cours payés par les auditeurs, I avait eu un grand 
succès sous la Révolution et sous l'Empire, Il le devait à 
l'esprit libéral qui animait l'enseignement, et que n'avait 
pu détruire ni la sanguinaire tyrannie de la Convention, 
ni l'autorité soupçonneuse de l'Empire, 

Sous la Restauration les cours littéraires de l'Athénée 
plirent devant veux de la Sorbonne, mais les cours 
scientifiques avaient conservé tout leur prestige. Pouvait- 
il en être autrement avec des professeurs comme Cuvier, 
Biot, Chevreuil, Blainville, Dumas, ete. 

Lorsque Constant Prévost fut nommé à l'Athénée, la 
géologie était une science nouvelle, qui excitait la curiosité, 
mais qui, plus encore, soulevait les doutes et les préven- 
tions, On lui reprochait de ne reposer que sur des hypo- 
thèses, on lui objectait d'être en conträdiction avec la Bible. 

Constant Prévost allaqua de front ces objections, Il 
prouva que la géologie est une science positive, qu'elle 
repose sur des faits indéniables, qu'il ne peut pas y avoir 
opposition entre la Science et la Bible parce qu'elles sont 
basées sur des faits d'ordre lout-à-fait différent. 

La période de 1820 à 1830, fut pour Constant Prévost une 
période de labeur. Il multipliait les excursions, non 
seulement aux environs de Paris, mais en Normandie et en 
Angleterre: il prenait une part aëlive aux réunions et aux 
publications de la Société d'Histoire Naturelle de Paris. 

Cette Société, aujourd'hui disparue et dont bien peu de 
personnes ont gardé le souvenir, avait été fondée en 4790 





= 


par quelques amateurs dans le but de faire en commun 
des excursions tous les dimanches. Quand le temps ne per- 
mettait pas d'aller à la campagne, on visitait une collection 
publique ou particulière, des jardins, des serres, ou bien 
l'on étudiait un herbier. Ces excursions, où les étrangers 
étaient admis, étaient toujours dirigées par trois membres 
de la Société, un pour chaque règne, 

Bien que les botanistés dominassent dans la Société, on 
y Lrouvait tous les principaux naturalistes de l'époque : 
Desfontaines, Lamarek, Brongniart, Foureroy, Lelièvre, 
Penel, Parmentier, Coquebert, Monnet, ete, Louis Bosc, 
Directeur des Postes, en fut le président. Elle avait en 
province et à l'étranger des correspondants parmi lesquels 
on peut citer Dolomieu à Malte, Saussure et Jurine à 
Genève, Forster et Banks à Londres, Camper à La Haye, 
Poiré à Soissons, Latreille à Tulle, Reboul à Pézenas, Prieur 
et Guyton Morveaux à Dijon. 

Elle publia un volume d'Actes, in-folio, en 1792; puis un 
volume de Mémoires, in-quarto, en 1797. Ellecomptaitalors 
dans son sein, outre les membres précédents, Cuvier, 
Dumeril, Geoffroy St-Hilaire, Hauy, Jussieu, Thouin, ete, 

Après une éclipse qui dura quelques années, la Société 
d'Histoire Naturelle se réorganisa en 1821. Elle devint 
alors une véritable académie d'Histoire Naturelle de 30 
membres choisis à l'élection, divisée en sections, faisant 
des lectures et des rapports, donnant même des prix. Elle 
publia alors cinq volumes de Mémoires dont le dernier 
date de 183%. Elle disparut par suite de la spécialisation 
de plus en plus grande des savants, et surtout, parce que 
la plupart de ses membres, arrivés à de hautes positions 
scientiliques, n'avaient plusletemps d'assister aux séances, 
ni le besoin de recourir à la publicité de ses Mémoires, 

Constant Prévost avait déjà acquis une haute réputation 
scientifique lorsqu'il faillit se remettre à l'industrie, Ses 





= — 


cours à l'Athénée étaient peu payés. Bien qu'il jouit d'une 
honnête aisance, il sentait la nécessité de se créer une 
position, Il avait épousé en 1822 la fille ainée de Target, le 
célèbre jurisconsulte (!}; deux petites filles étaient nées 
dé ce mariage; il devait penser à leur avenir, C'est 
sous l'influence de cette préoccupation qu'il éerivit à 
Philippe-de-Girard pour lui offrir d'établir sous sa direction 
de nouvelles filatures de lin. La réponse de Philippe-de- 
Girard fut probablement négative, car le projet n'eut 
aucune suite. 

En 1829, Constant Prévost fut chargé du cours de Miné- 
ralogie et de Géologie à l'École centrale des Arts et 
Manufactures. 

Un soir de cette même année 1829, que Constant Prévost 
avait chez lui, rue de Paradis, son beau frère Jules Desnoyers 
et son ami Deshayes, il leur fit la proposition de fonder 
une société libre de géologie, société ouverte à tout le 
monde, aux débutants comme aux savants, aux maîtres 
comme aux élèves, où l'on pût discuter Loutes les questions 
sans avoir à passer par un jugement et un rapport acadé- 
mique. 

Quelques mois furent employés à recevoir desadhésions, 
Le 17 mars 1830, il y eut, sous la présidence d'Ami Boué, 
une réunion, où l’on vota le réglement de la nouvelle 
société, 

Tout le monde connait ce règlement sage, libéral, que 
soixante ans de pratique ont à peine efleuré et qui a servi 
de modèle à presque toutes les sociétés scientifiques créées 
depuis lors, 


11) Deux autres filles de Target épousèrent : l'une Jules Desnoyers, 
membre de l'institut, bibliothécaire au Muséum d'Histoire Natu- 
relle ; l'autre Duvergier de Hauranne, qui fut député libéral sous 
la Restauration et ministre au commencement de 1a monaréhlé 
de Juillet. 





74 


La Société géologique de France a joué et joue encore 
un rôle prépondérant dans le progrès de la géologie 
dans notre pays ; mais elle se consacre entièrement à la 
science el s'occupe fort peu des applications, Ce n'était pas 
ce qu'avait révé Constant Prévost. On trouve dans ses 
notes un projet incomplet, mais intéressant pour son 
originalité, 

La Société devait réunir des collections et une biblio- 
thèque, publier un dictionnaire géologique et minéralo- 
gique de la France, un dictionnaire des localités eitées par 
les géologues ; des catalogues de minéraux, de roches, de 
fossiles, des hauteurs déterminées soit géométriquement, 
soit barométriquement, enfin un bulletin trimestriel et des 
mémoires. 

Pour subvenir aux dépenses nécessitées par ces publi- 
cations, la Société eut fait des analyses ; elle eut donné des 
avis motivés, des instructions, des conseils ; elle se serait 
chargée de traduetions et de rapports; elle eut communiqué 
des plans, des cartes, des dessins ; enfin elle devait vendre 
les objets en double de ses collections. 

Chaque membre de la Société payait une cotisation annu- 
elle de 100 francs qu'il pouvait acquilter en argent, en 
dessins, traductions, renseignements, échantillons pourles 
collections, ete. 

Afin d'obtenir une première mise de fonds, on aurait créé 
200 actions de 25 francs, attribuées aux membres fonda- 
teurs à raison de 10 ati r personne. Elles auraient 
été remboursées sur les ouscriptions ultérieures et sur 
une moitié des profits de la Société, L'autre moitié aurait 
servi à donner des d s aux 

Certainement la conception que ré ce projet n’est pas 
celle que nous nous faisons d'une : société savante, La jone- 
lion d'une académie à une sorte d'agence commerciale ne 
paraît pas bien pratique ; il est difficile que l'intervention 





ut — 


de la Société dans les questions industrielles, n'arrive pas 
à lèser les intérèts de quelques sociétaires el ne soil une 
cause de dissentiment et de rupture. 

Heureusement pour la Suciété géologique de France, les 
amisauxquels C, Prévost s'adressa élaient tous dessavants. 
Ils s'inspirérent de ses idées pour les règles de liberté et 
d'égalité qui devaient présider aux travaux de la société, 
mais ils éliminérent complètement la partie commerciale. 

Néanmoins ils accédèrent à son désir d'indiquer les 
applications de la géologie, parmi les buts que devaient 
se proposer les études de la nouvelle société. 

Le procès-verbal de la première séance reflète très bien 
celle préoccupation. Il y est dit que la Société géologique 
aurait pour objet de contribuer au progrès de la géologie 
et de favoriser spécialement en France l'application de 
celle science aux arts industriels et à l'agriculture {1}, 

C. Prévost insista plusieurs fois sur l'importance qu'il ÿ 


avait à ne pas séparer la science appliquée de-la science 

que, Nous retrouvons cette idée dans le discours 
q il au nouveau roi Louis-Philippe, en lui présentant, 
comme Vice-Président, la Société géologique de France, le 
2% Avril 1830, 


& SIRE, 


» Pour devenir florissantes, les sciences ont besoin de 
liberté. 

» Sous quels auspices plus heureux, la Société géologique 
de France pouvait-elle naître ? 

» Animés du désir de se rendre utiles en propageant le 
savoir, quelques hommes, qui ont consacré leur vie à 
l'étude, ont cru pouvoir atteindre leur but en fondant une 
Société sur des bases nouvelles, N'admettant aucun privi- 


() Bull, Soc. Géol. France 1, p. 5. 





_— 16 — 


lège, ils ont appelé indistinetement les hommes de tous les 
rangs, de tous les états et de tous les pays, qui, prenant 
quelqu'intérêt à la science qu'ils cultivent, voudraient 
contribuer à ses progrès. 

1 Aussi, grâce aux principes d'égalité et d'indépendance 
qui la régissent, la Société géologique de France, areçu dans 
l'espace de quelques mois, l'adhésion d'un grand nombre 
de personnes recommandables, qui se sont empressées de 
s'associer à ses ellorts et à ses travaux. 

» Dans tous les temps, l'histoire des révolutions que notre 
planète a éprouvées et la recherche des causes qui les ont 
produites, ant excité un intérét puissant; mais aujourd'hui 
c'est moins comme science spéculative que comme science 
éminemment utile, par ses nombreuses applications aux 
arts, à l'industrie et à l'agriculture, que la géologie, 
devenue positive, a fait depuis peu d'années, lant de 
prosélytes dans le public éclairé. 

» En eflet, ce sont les documents fournis par la connais- 
sance exacte de la structure du globe, qui guident le 
mineur, l'agriculteur, le fabricant, dans la recherche et 
dans l'extraction des substances qu'ils doivent employer 
et que la terre renferme dans son sein. 

» C'est au géologue que demande des instructions préli- 
minaires indispensables, le sondeur habile qui, au moyen 
de procédés ingénieux, va chercher dans les profondeurs 
et ramène à la surface du sol, une eau salutaire, destinée 
à fertiliser des campagnes stériles et à doter des contrées 
pauvres, de riches établissements industriels. 

» Veuillez, Sire, recevoir les hommages sincères et 
l'expression du dévouement des membres de la Société 
géologique de France. 

» Encouragés par votre accueil paternel, ils s'eflorceront 
de mériter votre estime ; tous savent que, s'ils parviennent 
à se rendre uliles au pays ; que, si par leurs travaux, ils 





TE 


honorent le nom français, ils doivent compter sur l'auguste 
protection de Votre Majesté. » 


Louis-Philippe n'avait probablement pas de connais- 
sances géologiques bien étendues. Il répondit : 


« I est fort difficile de pénétrer dans l'intérieur de la 
terre pour rechercher les causes des révolutions qu'elle a 
éprouvées, mais le but que vous vous proposez est éminem- 
ment bon el éminemment utile, vous pouvez complèr que 
je protégerai toujours vos efforts. » 


Si la Société géologique de France avait eu raison d'ex- 
clure toute pensée commerciale de son programme, elle 
eut peut-être lort de rester presque complètement dans le 
domaine de la science pure ét de négliger lés applications 
de la géologie, Ses publications se seraient répandues 
davantage, si on y eût trouvé des renseignements plus 
nombreux sur le gisement des minerais et dés combus- 
tibles, sur la terre végétale, sur la position des nappes 
aquiféres, ele. Avec ces données pratiques, des notions 
saines de géologie scientifique eussent peu à peu pénétré 
dans le monde industriel, 

Ingénieurs, exploitants, architectes, hydrographes, agri- 
culteurs, se seraient convaincus qu'il fait bon pour eux 
d'être un peu géologue. Nous n'assisterions pas à ce sin- 
gulier spectacle que la plupart de ceux qui travaillent le 
sol sont dans une ignorance presque absolue de sa struc- 
ture et de la superposition de ses diverses assises, 

Où l'apprendraient-ils ? La géologie est bien inscrite 
dans le programme des Facultés et des grandes Écoles, 
mais on ne lui fait qu'une place secondaire, Les élèves 
s'habituent à la considérer comme une science accessoire. 
Trop souvent, ils se bornent à en apprendre, pour les exa- 
mens, quelques mots qu'ils s'empressent d'oublier ensuite, 
On l'a bannie de l'enseignement secondaire, car on ne 





= 18 — 


peut donner le nom de géologie à ce qu'on enseigne en 
cinquième à des enfants, qui ne sont en élat, ni de 
comprendre la stratification, qu'on ne leur montre pas du 
reste, ni de se faire une idée des grands faits de la science 
sur la durée des temps et sur la succession des faunes. 

Tel n'était pas l'état de l'opinion en 1830. On tenait 
alors en grand honneur la géologie, toute rudimentaire 
qu'elle fût encore. On résolut de l'introduire dans l'ensei- 
gnement. Sur un rapport de Cuvier, une chaire annexe de 
géologie fut créée à la Sorbonne, près de la Faculté des 
Sciences ; Constant Prévost y fut appelé, 

Ce choix ne fut pas uniquement dù à la recommandation 
de Cuvier, la politique y eut une grande part, Néanmoins 
il était très heureux, 

Il s'agissait alors de propager les grands principes de la 
géologie dansle milieu intelligent, qui fréquentait les cours 
de la Sorbonne. Constant Prévost y était tout préparé par 
son enseignement à l'Athénée. Au lieu de se perdre dans 
les détails, il insistail sur les faits généraux et sur les 
idées théoriques, comme il convenait de le faire en 
s'adressant à un publie d'amateurs, 

Sa diction était facile, un peu monotone, mais point 
fatigante. Son principal défaut était de se répéter béaucoup 
etsous prétexte de résumer le cours précédent de le recom- 
mencer en n'y ajoutant que peu de faits nouveaux. Ces 
résumés de cours élaient dans les habitudes professo- 
rales de l'époque. Hs diminuaient la fatigue d'une séance 
qui durait une heure et demie etils permettaient aux audi: 
teurs d'alors, toujours un peu uliers, dé manquer un 
cours sans pérdre la série de 

Les notes de cours qu'a laissées Constant Prévost ne 
sont ni assez complètes, ni assez ordonnées pour rétablir 
son enseignement, Ce serait du reste inutile, La géologie 





a fait tant de progrès depuis cette époque qu'on ne pour- 
rait en tirer aucun profit (1) 


(1) Les personnes qui s'intéressent à l'enseignement de la Géo- 
logie liront cependant avec plaisir quelques programmes de cours 
faits à la Sorbonne, 


PROGRAMME DU COURS DE 1852 


1 Géologie : définition, but, moyens, rapports avec les autres 
sciences 

© Procédés à suivre pour remonter du présent au passé, des faits 
matériels aux plus hautes conséquences. — Cailloux roulés, — 
Origine du globe. — Plan du cours. 

3 Histoire physique et astronomique de la terre, 

4 Enveloppes de la terre : atmosphère, eau, sol. 

5 Surface du sol. 

6 Éléments chimiques et minéralogiques du sol, 

7 Roches, classification. 

£-9 Roehes quarzeuses, sohisteuses, argileuses. 

10 Roches feldspathiques, pyroxéniques. 

11 Fin des roches, 

12 Fossiles. 

13-14 Structure du s01. 

15 Application au sol parisien. 

16-17-18 Formations néptuniennes. 

20 Description générale du bassin de Paris, 

21-22 Formations plutoniennes : Vésuve. 

23 Le Julia. 

2 Théorie des soulèvements. 

25 Terrains, 

26 Diluvium. 

27 Terrains tertiaires, 

28-29-30 Terrains tertiaires des environs de Paris. 

81 Terrain crétacé. 

82 Terrain jurassique, triasique, 

33 Terrain houiller, 

34 Terrains primaires (résuuré). 


Excursions 


4 Aux buttes Chaumont et au fort de Romainville, 
2 Au mont Valérien. 
# A Montmorency. 





=#— 


Après quelques leçons sur l'histoire de la science et sur 
la nature du globe, il traitait des phénomènes actuels 
sous le titre de formations aqueuses ou nepluniennes et 
formations ignées ou plutoniennes, 


4 A Montmartre. 
5 A Vaugirard et à Meudon. 
6 À Palaiseau et à Orsay. 


PROGRAMME DU COURS DE 1843 


1:2-3 Généralités, Géologie, masse planétaire, sol. 

4 Étude du sol : composition, structure, fige. 

& Éléments chimiques et minéralogiques du s01. 

6 Roches. 

7 Fossiles. 

8 Structure du 801 : joints, strates, masses, dépôts. 

9 Puits artésiens! Grenelle, 
10 Structure du sol ; grottes, fllons, retraits, 
41 Récapitulation des roches : généralités sur les formations, 
42 Formations sur un sol émergé : dégradations. 

13 Talus, dunes, tourbes, glaciers. 

14 Terre végétale, stalactites, stalagmites, travertin, 

15 Action des eaux courantes, 

16 Fleuves, mers, courants, 
17 Produits de la cause aqueuse ; formations neptuniénnes, 
18 Causes ignées : tremblements de terre. 

19 Exposé de la Lhéorte des soulèvements. — Éruptions, 
20 Vésuve, 
21 Etna. 
22 Julia, volcans sous marins. 
23 Santorin et iles volcaniques, Sabrina. 
24 Volcans éteints : volcans en général, 
25 Auvergne, Cantal, 

26 Produits volcaniques. 

27 Récapitulation. Théories des cratères de soulèvemient, 
25-29 Terrains, divisions du sol. 

30 Terrains primaires inférieurs. 
1-32 Dévonien. 
33 Silurien. 
#4 (Pas de désignation), 

S5-86-37 Terrain carbonifère et houiller. 

#8 Excursion à Longjumeau. 

39-40 Terrains carbonifère et muriatifére, 





= — 


Puis il consacrait quelques lecons aux roches, princi- 
palement dans les premières années de son enseignement, 
les étudiant dans leur composition, dans leur structure, 
dans leur gisement, dans leur mode de formation et dans 
leur âge, Pour la description des terrains, il commençait 
par le terrain houiller, qui était alors le terrain le plus 
ancien dont la nature fut assez bien connue. Il parlait 
ensuite des Lerrains antérieurs en remontant la série, puis 
des terrains postérieurs en suivant, celle fois, l'ordre 
chronologique. 

Ilinsistaittout particulièrement sur lesterrains tertiaires 
des environs de Paris, Leur étude constituait, on peut le 
dire, la base de son enseignement. Il continua à la Sorbonne 
les excursions géologiques qu'il avait inaugurées comme 
professeur à l'Athénée, les étendant de plus en plus à 
mesure que se multipliaient les voies de communication, 
Dans ses derniers temps, alors que l'état de sa santé le 
forçait à se faire suppléer dans sa chaire, il continuait 
encore à conduire les excufsions, 

Quelques leçons, surtout dans les premières années, 
étaient consacrées aux questions qu'il avait eu l'habitude 
de traiter à l'Athénée sur la valeur des fossiles, le dilu- 
vium, elc. 

Constant Prévost était essentiellement naturaliste. Aussi 
donnait-il une grande importance à l'étude des fossiles et 
en particulier des mammifères, Il signalait les caractères 
des genres et des espèces, leur différence d'avec les 
espèces actuelles, Son grand talent de dessinateur, 
augmentait beaucoup l'intérêt de cette partie de san enéei- 
gnément. 1 lui arriva d'employer à la Paléontologie} une 





41 Excursion à Meudon. NT 
42 Terrain Jurassique. ' 

43 Excursion à Champigny. 

# Excursion à Creil, 





année entière de cours (*). ! était naturel qu'il protestât 
lorsqu'on voulut créer à la Sorbonne, une chaire spéciale 
de Paléontologie. 

Souvent, ses auditeurs lui adressaient des lettres pour 
lui présenter des objections ou lui demander des explica- 
lions. Il y répondait toujours dans la leçon suivante. C'élait 
une cause de retard dans le programme d'enseignement, 
mais c'était un moyen de propager el de défendre les 
vérilés géologiques. 

Îl avait l'esprit très ouvert, très compréhensif. Pour lui, 
il n’y avait pas de science inutile ; il n'y en avait pas dont 
le géologue ne put tirer un profit quelconque ; il n'y en 
avait pas à laquelle il dût rester étranger. 

Cette largeur de vue, cette étendue de connaissances, 
faisait de lui un causeur charmant et un professeur capable 
d'enseigner toutes les parties alors explorées des Sciences 
géologiques. 


1 fut six fois candidat à l'Institut. Il se vit successi- 


vement préférer Cordier, en 1822, Beudant en 1824, 
Berthier en 4827, et en 1835, Élie de Beaumont. 

Ce dernier échec lui fut très sensible, non seulément 
parce qu'Elie de Beaumont était plus jeune que lui et 





HjvnoGRAMME pu cours DE 18H-1885 


Généralités, lableau des terrains, fossilisation 6 leçons. 
Végétaux fossiles es La 2 
FOYERS + +. : + + : 

Crustacés, Insectes. 

Mollusques . . 

Poissons , . 

Reptiles . . 

Oiseaux . . 

Mammiiè 

Homme 





= 


parce qu'il était son rival scientifique, mais surtout 
parce qu'il fut abandonné dans sa compétition par son 
ami, son ancien maître, Brongniart. Quelques années plus 
tard, il vit encore passer avant lui Dufrénoy. Il ne parait 
pas que cette élection l'eût beaucoup chagriné. I ne parlait 
de, Dufrénoy que comme d'un bon camarade; puis il se 
sentait bien supérieur à l'heureux académicien et par 
conséquent ne se préoccupait pas d'un choix, qui avait été 
guidé par des sentiments extra-scientifiques, Enfin il fut élu 
en 1848. 

En recherchant avec tant de persévérance un fauteuil à 
l'Institut, il obéissait à ce sentiment de noble ambition 
qui domine lous les savants de Paris et qui engendre tant 
de travaux. Pour ces intelligences d'élite, qui sont l'orgueil 
du pays, le titre d'académicien est le plus beau qu'un 
homme puisse porter, et l'habit aux palmes vertes éclipse 
toutes les broderies de l'administration et de la politique, 
aussi élevées qu'elles soient, 

Dans les familles scientifiques, on se destine à l'Institut. 
C'est le but à atteindre, c'est l'héritage qu'il ne faut pas 
laisser en déchéance, c'est l'aiguillon plus puissant peut- 
être encore que l'amour du travail et le souvenir de 
l'illustration paternelle. Au grand avantage du progrès 
intellectuel, tout le monde scientifique et littéraire de 

re les mêmes efluves académiques. C'est une 
re qu'on né connait pas en province. 
de ce FHRUUES à l'Institut, Constant 


membres de la tauifllé impériale, il ne 
urs, ni dignités, Il ne dépassa pas le grade 


était chevalier depuis 1894. 
il fut nommé Président de la Société Géolo- 
gique de France, en 183%, en 1839et en 1851. IN y avait 





-#— 


une grande influence, L'aménité de son caractère, son en 
jouement, sa franche cordialité exerçaient une véritable 
altraction sur ses confrères, même sur ceux qui n'adop- 
taient pas ses principes scientifiques. 

1 contribua 4 maintenir au sein de la Société un esprit 
de discussion amicale qui attirait tant de monde aux 
séances. 


Deshayés a écrit sur ce caractère de la Société et sur Je 
rôle qu'y joua Constant Prévost, quelques lignes qui méri- 
tent d'être méditées par tous les sociétaires : 


« Il a voulu. el c’est là un des beaux côtés de notre ins- 
litution, que la discussion y soit parfaitement libre. 
C'est en effet par la discussion calme et mesurée, mème 
quelquefois animée par le zèle plus ardent de la jeunesse 
où la profondeur des convictions, que la science reçoit 
les plus vives lumières, Souvent, à dessein, Constant 
Prévost jetait parmi nous des idées très avancées ou 
nouvelles, pour les éclaircir à ce foyer lumineux de la 
discussion. Nous le vimes souvent soutenir avec persis- 
tance des opinions qu'il croyait être l'expression de la 
vérité; mais toujours, dans les plus mémorables cireons- 
tances, il garda la plus exquise politesse, faisant toujours 
ressortir son pur amour de la science et de la vérité, Ces 
combats, ne cessait-il de répéter, doivent se faireavecdes 
armes courloisés : il faut chercher l'erreur pour la détruire 
sans blesser les personnes. Ce salutaire exemple a fait 
réguer au sein de la Société cette bonne, cette salutaire 
fraternité qui, en nous unissant de cœur et d'intention 
avec noire fondateur, à repoussé loin de nous ces acri- 
monies qui, pour un mince sujet, éloignent souvent les 
hommes les mieux faits pour s'entendre, n 


Constant Prévost profitait de son titre de fondateur pour 
rappeler lu Société à l'observation du règlement, 





== 


11 y avait un article qu'il avait fait insérer et auquel il 
tenail tout particulièrement, c’est le résumé des travaux 
géologiques, qui devait être fait par un secrétaire où par 
un membre du bureau. Il comprenait qu'il est nécessaire 
à un savant de connaître tous les travaux qui paraissent 
dans sa spécialité ; il se disait qu'en France surtout, où la 
connaissance des langues étrangères élail alors si peu 
répandue (!), on avail besoin d'une revue des travaux faits 
à l'étranger. 

C'est à son initiative que l'on doit le résumé des progrès 
des Sciences géologiques en 1833 fait par le savant Boué, 
qui était, selon l'expression de Constant Prévost, la person- 
nification de la confraternité géologique internationale. 
C'est à la suite de ses observations que d'Archiac entreprit 
l'Histoire des progrès de la Géologie, qui dévia rapidement 
de son but, et devint un traité didactique, plutôt qu'un 
compte-rendu de travaux. 

Après d'Archiac, l'œuvre fut interrompue jusqu'à ce 
qu'elle fut reprise en 1860 par deux vaillants géologues, 
MM. Delesse et De Lapparent. 

Arrêtée de nouveau en 1880, elle vient de renaître en 1886 
dans l'Annuaire de MM, Carez et Douvillé, 

Ces essais multiples que séparent des intervalles stériles, 
montrent à la fois l'importance de l'œuvre et sa difficulté. 
En faisant remonter à Constant Prévost l'idée de ces 
résumés, ce serait commettre une injustice que de ne 
pas citer les noms de ceux qui ont bien voulu et qui 
veulent bien encore sacrifier leur temps à combler les 
immenses lacunes de nos lectures. 

Bien des fois, Constant Prévost insista sur le caractère 
essentiellement libéral que devait avoir la Société géolo- 


(1) C'était l'époque aù Chateaubriant écrivait que les Français, 
pour s'éviter la peine d'apprendre les langues étrangères, avaient, 
les armes à la main, enseigné la leur à toutes les nations. 





gique. « Ce n'est pas une académie qui se recrute au choix, 
c'est une société ouverte, où peut entrer quiconque s'inté- 
resse à la science. Elle ne juge pas; elle ne décide pas 
que telle ou telle hypothèseest vraie, que tel ou tel fait 
est certain. C’est une tribune ouverte à tous les membres 
où peuvent se produire toutes les opinions. » 

En 1847, on discutait si on insérerait dans le Bulletin, 
un article qui criliquait vivement, Lrop vivement même, 
un mémoire dû à un géologue, dont les collègues et les 
amis étaient nombreux dans la société. 

Constant Prévost soutint que le Bulletin devait être 
ouvert à loutes les critiques, à toutes les réclamations 
faites en termes convenables ; Ia Société ne doit repousser 
que les injures et ne peut se faire juge des erreurs. « Je 
vote donc, dit-il, pour l'insertion du mémoire de M. P., en 
engageant l'auteur à rétrancher les expressions qui pour- 
raient paraître blessantes et sans intérêt pour la cause 
qu'il s'eflorce de soutenir, » 

On lira dans les chapitres suivants les diverses opinions 
géologiques de Constant Prévost. 

Quant à ses pensées intimes. il les a consignées en partie 
dans quelques pages que j'ai retrouvées dans ses papiers 
et que je cite presque textuellement, en mé bornant à 
compléter les phrases et à élaguer les doubles emplois 
sans modifier, en aucune manière, les idées, voir même, 
les expressions, 

Ces pages sont intitulées: Quarante années d'études, d'ab- 
sercations et de méditations par un naturaliste géologue. 
On y réconnaitra la contemplation des harmonies de la 
mature dont Berna de Saint-Pierre et Jean-Jacques 
Rousseau avaient imprégné leur siéel n y trouvera la 
prévecupation de se diseulper de l'accusation d'irréligion, 
que bien des esprits portaient alors contre les géologues, 
parce qu'ils repoussaient l'interprétation littérale de la 





+; 


Bible, On y verra Constant Prévost s'excusant nalvement 
d'avoir réussi auprès de ses amis moins heureux. Enfin, on 
y lira facilement les sentiments d'amertume que lui avaient 
laissés ses luttes contre des rivaux sortisdes grandes Ecoles 
ou ornés de titres universitaires. 

« Que peut savoir l'homme qui a le plus consciencieu- 
sement vu et appris, à côté de ce qu’il ignore ? Combien de 
doutes s'élèvent dans son esprit pour une certitude 
acquise! » 

» Combien s'étend pour lui Vhorizon de l'inconnu à 
mesure qu'il s'élève au-dessus du champ de l'ignorance, 

» Ce n'est pas que le résultat des elforts de l'esprit 
humain soit décourageant pour le philosophe, car tout en 
apprenant que ce qu'il connaît est peu de chose compara- 
tivement à ce qu'il ignore, il n'est pas moins émerveillé de 
la grandeur et de l'importance des connaissances acquises. 
1l est fier de voir que son intelligence s'est élevée jusqu'à 
pouvoir suivre dans l'espace les astres qui le sillonnent, 
à calculer leur distance, à reconnaitre les lois qui les 
régissent, à remuer les documents de l'histoire de la terre, 
à se faire une idée de son origine et des divers états par 
lesquels elle a passé, à embrasser l'ensemble des êtres créés, 
à saisir les grandes lois de leurorganisation, à découvrir les 
phénomènes physiques de la vié, à contempler cet ordre, 
cette harmonie, cette prévoyance qui caractérise l'univers, 
à se convainere que tout cela ne peut être l'effet du hasard. » 

« L'homme, qui a force de travail, d'observation, de 
méditation est arrivé à ce point de haute sagesse de se 
connaître lui-même, comprend que, quelque étendu que 
soit le champ de la science, une limite le sépare des régions 
que son intelligence ne pourra jamais atteindre. Tropsage 
pour chercher l'impossible, il jouit du savoir qui est à sa 
portée, il ne s'afllige pas de son impuissance, N'a-t-il pas 
à chaque instant l'occasion de se familiariser avec elle ? » 





« Quel est l'astronome qui peut comprendre la limite de 
l'espace et se faire une idée de l'infini? Est-il plus facile 
au philosophe de comprendre ce que c'est que le commen 
cement des temps ou ce qu'est l'éternité ? » 

« Quel naturaliste arrive à se rendre compte de l'exis- 
tence d'un être quelconque, aussi bien d'un ciron, d'un 
insecte que d'un brochet, d'un aigle, d'un éléphant, d'un 
homme, sans admettre la préexistence d'êtres semblables. n 

Quel mystère que la première création ! Quels mys- 
tères que la vie, que l'instinct, que la pensée ! ! » 

« La science positive ne peut aller au delà de ce que 
l'observation et le raisonnement apprennent. Mais il faut 
que ces instruments soient bons et d'accord, sans cela 
que d'erreurs possibles LE» 

« Ce n'est que par la connaissance que l'on a de soi que 
l'on peut arriver à juger des autres ; c’est par les faits 
qu'on observe, par leur comparaison, par l'expérience, 
{lisez expérimentation) que l'on peut lier les effets aux 
causes, le connu à l'inconnu. » 

«On peut ainsi non seulement connaitre ce qui se passe 
sous nos yeux, mais remonter de proche en proche dans 
le passé, » 

« En dehors de celle immense arène dans laquelle 
l'esprit humain peut s'agiter à l'aise pour chercher la 
vérité, sa raison, aussi bien qu'un sentiment indéfinissable, 
lui démontre qu'il est d'autres vérités qu'il ne peut et ne 
pourra jamais comprendre. » 

« Il entrevoit l'ensemble du système du monde; il sail 
qu'au delà des astres visibles à l'œil nu, il en est d'autres 
que des lunettes de plus en plus fortes lui fontapercevoir: 
il devine qu'au delà il en existe encore. À peut-il com- 
prendre dans son esprit où sont les derniers de ces astres, 
où finit l'univers et ce qu'il y aurait au del. » 

« Un point sur lequel il faut bien insister, c'est qu'il est 





1 — 


pour l’homme deux ordres de vérité: celles qu'il peut 
reconnaitre par ses sens et celles dont il a le sentiment. n 

« Arriver à démontrer quelques-unes des secondes par 
les premières est le seul effort possible, Mais il faut bien 
distinguer les vérités qui se démontrent par des preuves, 
qui déterminent la conviction, et qui constituent la science, 
des vérités qui s'énseignent, qu'il faut croire sans s'en 
rendre compte, qui produisent aussi la conviction, mais 
qui constituent le domaine de la foi et de la religion. » 

“ Ces deux ordres de vérité sont indépendants l'un de 
l'autre et c'est une grave erreur que l'idée de les concilier. 
Un phénomène physique et un miracle sont deux choses 
incompatibles. Vouloir prouver un miracle par un fait 
physique, c’est nier le miracle, c'est compromettre la foi, » 

Puis vient un programme que Constant Prévost avait 
l'intention de développer, mais qui est trop vague pour 
être reproduit. x 

Il reprend : « Dans les temps républicains, alors que 
j'étais élève des Écoles centrales, on se bornaîit à bien 
mériter de la loi et de la patrie ; on ne demandait pas de 
Utres, de places, d'argent, Il y avait égalité entre les 
maîtres et les élèves. n 

«Mes maitres étaient, Cuvier et Brongniart, mes condis- 
ciples, Desmarets, Leman, Brard, Regglé, n 

« C'est qu'alors une atmosphère de cette liberté sans 
excès, de cette égalité pure de toute passion, qui convient 
si bien à la science, rapprochait sans arrière pensée celui 
qui savait de ceux qui voulaient s'instruire. » 

« Dans ces beaux temps, où, à la tempête passagère qui 
détruit les anciens préjugés, succédait une ère de calme et 
d'espoir encore vierge de préjugés nouveaux, personne, 
ni maître, ni écolier, ni parent, ne songeait à se demander 
ou mène telle ou telle étude. » 

« Dans l'étude, on ne voyait que le bonheur de connaitre 





D 


la vérité, Le plaisir de la chercher, l'espérance de la 
rencontrer, suffisaient pour faire naître une vocation, n 

« Dans ce temps on ne faisait pas de la science pour 
devenir baron, député ou pair de la France, pour orner sa 
boutonnière de rubans, pour cumuler de riches émolu- 
ments, Point de princes de la science, ni aussi de courti- 
sans, L'amour de la vérité el celui du pays remplaçaient 
toutes les petites rivalités d'école, de corps et de camara- 
derie. » 

« La culture des sciences ne se faisait pas en société et 
paractions. Les savants n'étaient pas classés oMiciellement, 
les élèves savants n'étaient pas enrégimentés, » 

« Pour avoir le droit d'établir un ponceau sur un égoût 
national, pour faire charger de pavés et de pierres une 
route nationale, pour exploiter des minerais, creuser des 
carrières, élever des redoutes, faire tirer le canon, il 
n'était pas obligatoire d'avoir, avant 18 ans, eu l'avantage 
d'être choisi, de payer une pension, de sortir avee tel ou 
tel numéro suivant les caprices du sort, l'état de santé, et 
quelquefois suivant que l'on a tel ou tel examinateur, » 

uw Tout étudiant pouvait devenir ingénieur ou savant, 
comme tout soldat devenait général, comme l'étaient 
devenu Vauban, d'Alembert, Berthollet, Lagrange, Monge, 
La Place, On devenait naturaliste, professeur, sans avoir 
été bachelier, Hosniés de “eur, agrôgé, comme l'étaient 


tous qui servaient d 
de s'attacher au ch: 
des amis ou des can 
ses projets. » 
« Les compagnies savantes avaient le loisir d'entendre 





nu — 


des travaux sérieux avant de porter des jugements qui 
n'étaient pas sans appel, tant l'esprit d'indépendance et 
de discussion était libre, n 

« Les sociétés étaient des arènes ouvertes à la discussion, 
Les amis restaient amis malgré leurs opinions différentes. 
Les savants ne se réunissaient pas pour entendre l'énoncé 
des travaux projetés par les auteurs, et leurs archives ne 
se bornaient pas à être des bureaux d'annonces ». 

u Le commerce de la librairie était moins prospère, 
l'illustration et les figures ne tenaient pas lien d'obser- 
vation, » 


“ Mes bons amis, vous qui n'avez pas fléchi devant le 
nouveau régime el n'avez pu parvenir, vous m'accusez 
peut-être d'avoir été moins rigide. » 

« Excusez-moi. J'ai comme vous consacré plus de vingt 
ans aux sciences sans espoir d'arriver à quelque position, 
Mes anciens maitres ne m'ont pas moins abandonné que 


vous, Îla fallu des circonstances indépendantes de leur 
volonté et de la mienne, une révolution toute politique, 
pour me faire franchir la barrière qui, jusque là, s'était 
toujours élevée devant nous. 

«J'ai l'honneur d'être professeur à la Faculté des 
Sciences de Paris, mais j'ai gardé toute mon indépendance. 
Cinq fois j'ai été porté comme candidat à l'Académie des 
Sciences, je ne le dois à la faveur d'aucun patron puissant. 
Sans camarade, j'ai lutté avec avantage contre d’hono- 
rables compétiteurs sans cesser de soutenir des opinions 
contraires à celles de la plupart de mes juges, à 

Les réflexions de Constant Prévost s'arrétent ici. S'il à 
jamais songé à les publier, il y a renoncé el il a eu raison. 
La peinture qu'il fait des temps républicains est une 
œuvre de pure imagination, un souvenir exagéré de son 
heureuse jeunesse, à un moment où la société sortie des 

de la guillotine s'épanouissait dans la joie de vivre 





A 2 


encore, Il décrit une Salente incompatible avec les fai- 
blesses humaines. 

Néanmoins bien des esprits éclairés trouveront avec 
Constant Prévost que le système d'examen qui préside au 
recrutement dé notre personnel scientifique n'est pas à 
l'abri de toute critique, Il subordonne le travail persévé- 
rant de l'âge mûr à l'intelligence précoce et à la mémoire 
de la première jeunesse. Il comprime l'originalité et 
développe outre mesure l'esprit d'imitation. 

Ces quelques pages d'épanchement mélancolique nous 
donnent, sur les convictions et les idées de Constant 
Prévost, des aperçus dont on ne peut récuser l'exactitude, 

On l'a accusé d'étre un espril fâcheux, de chercher la 
polémique, de se présenter sur la brèche chaque fois que 
l'on annonçait une nouveauté géologique, Certainement, 
il se croyait le droit de discuter les nouvelles théories ; il 
estimait même que c'était son devoir de les combattre s'il 
les jugeail fausses. I croyait que le savant se doit à lui- 
même d'être le Champion irréductible dé la vérité. Maïs 
quelles que fussent la force et la chaleur qu'ilapportaitdans 
ses discussions, il n'oublia jamais les sentiments d'estime 
et de courtoisie qu'il devait à ses adversaires. 

Autant Constant Prévost aimait à parler, autant il 
répugnait à écrire. Il ne se décidait à prendre la plume que 
lorsque le secrétaire de l'Académie ou celui de la Société 
géologique lui demandaient la copie de sa communication. 

11 recommençait sa rédaction plusieurs fois et il lui 
arrivail même, après avoir écrit quelques pages, d'y 
renoncer complètement, 

On trouve dans ses papiers plusieurs mémoires com- 
mencés, mais à peine ébauchés. I y a sur des idées géné- 
ralés quelques phrases d'introduction qui ne sont même 
pas terminées; puis vient un programmedes chapitres qu'il 
devait traiter, el c'est tout. 








> G, Pilanki 15, rue Morère — Par 








hs 


Tout en pensant à son sujet. il se mettait à dessiner, ses 
papiers sont couverts de croquis de toute nature. L 

Ses carnets de voyage sont remplis de dessins, vues, 
coupes, fossiles, personnages. Ses portraits à la plume sont 
pris sur le vif; qu'il s'agisse d'un savant, d'un homme du 
peuple, d'une paysanne, il suit de les voir pour se dire 
qu'ils sont ressemblants (1). 

l'avait aussi une grande dextérité de main, réunie à un 
esprit inventif ; on retrouve dans ses papiers des descrip- 
tions d'appareils qu'il avait inventés, mais qui n'ont plus 
maintenant d'intérêt. 

Constant Prévost avait compris depuis longtemps qu'en 
géologie comme dans toutes les sciences naturelles, l'expé- 
rience devait se mêler à l'observation et servir de base 
aux théories. On lit dans ses notes une série de projets 
d'expériences. 

En voici quelques-unes : 

4° Imiter les coulées de lave avec de la cire fondue : si 
le cratère a le bord découpé, on doit avoir une coulée; 
si les bords sont de niveau, le débordement sera régulier, 
on aura une nappe. 

2 Faire la même expérience sous l'eau. 

3 Mettre au fond d'un vase du potassium recouvert par 
une couche d'huile ou d'argile pétrie avec de l'huile, au- 
dessus dés couches de sable. — Enfoncer un tube à travers 
les couches supérieures jusqu'au potassium, faire pénétrer 
de l’eau par ce tube, analyser les effets et les produits, 

4° Faire des meulières avec du calcaire siliceux en 
dissolvant le calcaire. 

%e Faire des silex dans de l'argile délayée avec une 
solution siliceuse. 

6° Faire l'agate rubannée avec de la silice colorée. 


(1) Quelques-uns ont été reproduits par la photographie sur la 
planche ci-contre, Presque toutes les coupes où dessins qui figurent 
dans les pages suivantes, sont extraits (extuellement de ses carnets. 





9% — 


7 Faire buste en marbre avec moule de fonte et craie, 
Répéter les expériences de Hall. 

Il avait imaginé quelques expériences sur la sédimenta- 
tion dont il communiqua le résultat à la Société géologique. 

«J'ai mis du sable et du sable ferrugineux lourd sur un 
sédiment argileux fin, gris ou jaune. Le sable ferrugineux 
noir et lourd traverse le sédiment, le sable quarzeux blanc 
reste dessus. » 

« J'ai fait un mélange d'argile jaune, d’ocre rouge et de 
sable coquiller. Après avoir agité, j'ai laissé déposer en 
inelinant le vase ; il s'est formé des dépôts distinets par 
ordre de pesanteur spécifique. Après avoir laissé reposer 
el lasser, j'ai replacé le vase horizontalement, Une partie 
des sédiments a glissé et s'est suspendue dans l'eau. J'ai 
incliné dans un sens opposé et j'ai obtenu des sédiments 
qui se coupaient dans un angle de......., 

IL est impossible de raconter la vie scientifique de 
Constant Prévost sans le son amitié avec Blainville. 
Is s'étaient rencontrés au Collège de France, au cours de 
Cuvier; ils avaient fréquenté ensemble le laboratoire de 
l'illustre anatomiste ; pendant plusieurs années, ils avaient 
habité sous le même loit et leur amitié ne cessa qu'avec 
la vie. Cependant la politique, 
quelquefois mème les principes scientifiques les sépa- 
raient ; mais | Ÿ bl 
tère. Même es n e, méme entétement à 

ons, même résistance à 
iques officielles ; même 





CHAPITRE 11 


DOCTRINE DES CAUSES ACTUELLES 


Le propre de l'esprit humain est de chercher à expliquer 
toutes choses. La recherche des causes est le véritable 
domaine de la science ; c'est le but invariable vers lequel 
tend tout homme d'étude, Depuis que l'humanité pense, 
d'Hésiode à Pasteur, le génie de la science a cherché à 
gravir ces sentiers qui partent du plus profond de nous- 
même, de notre home intérieur, etqui s'élèvent par bien des 
méandres, à travers les brouillards et les précipices, vers 
la région inaccessible des causes premières, À certains 
moments, il a atteint quelques-uns de ces sommets secon= 
daires, où le voyageur se repose en jetant un coup d'œil 
de satisfaction sur le chemin parcouru ; mais, il faut le 
reconnaitre, bien de ces sommets n'étaient que des pointes 
isolées qu'il a fallu abandonner et redescendre pour 
recommencer l'ascension par une voie différente. 

C'est l'histoire de loutes les théories que l'on a faites 
pour expliquer la formation de la terre, 





EE 


Comme des jeunes gens enthousiastes et inexpérimentés 
en face d'une montagne, les premiers pionniers de la 
science de la terre voulurent gravir directement vers le 
point qui était leur idéal, Tentalives infructueuses, que 
l'on peut rappeler, si l’on veut faire l'histoire de l'esprit 
humain, mais qui n'eurent aucune influence sur la marche 
de la géologie. 

A quoi servirent les théories d'Anaximandre, de Xéno- 
phane,de Xanthus,deThéophraste,de Pythagore, d'Aristote, 
A peine purent-ils arriver à constater la présence des 
coquilles marines sur les continents et par suile à suppo- 
ser des changements dans les limites de la mer, Toutes 
les connaissances géologiques positives de l'humanité 
ancienne se résument dans ces vers d'Ovide si souvent cités. 

idi facts ex œquore terras, 
pelago conchæ jacuere marino, 

Le Moyen-âge perdit complètement de vue la géologie 
comme toutes les autres sciences de la nature. 

C'est seulement à la Renaissance que l'attention fut 
ramenée sur l'observation directe du monde physique, Ce 
fut l'œuvre d'hommes de génie, ingénieurs, industriels, 
médecins, qui creusaient des canaux comme Léonard de 
Vinci, qui exploitaient la terre comme Bernard Palissy, 
qui, comme Slenon, étudiaient l'anatomie des animaux 
marins et saisissaient leurs analogies avec les pierres 
figurées. Ts parvinrent à reconnaître l'origine organique 
de ces pierres et à déclarer que la mer avait autrefois 
couvert certaines parties de la terre. 

A cbté d'eux, des philosophes comme Leibnitz et 
Descartes, pour ne citer que les plus célèbres, commen: 
çaient à disserter sur l'origi (CE du monde. 

Le publie ne voyait encore dans les fossiles que des 
jeux de la nature. Les plus avancés admeltaient que la 
présence des coquilles marines sur la montagne était une 





=" 


preuve du déluge et considéraient les os des grands api- 
maux fossiles comme des restes de géants. Voltaire don- 
nait la note gaie, en disant que les coquilles avaient été 
portées sur les montagnes par les pélerins et les éléphants 
fossiles amenés en Gaule et en Italie par Annibal, 

Cependant les habitudes d'observation se multipliaient. 
Dans la deuxième partie du dix-huitième siècle, des 
savants italiens font des sondages dans l'Adriatique ; l'exa- 
men des vallées de la Bourgogne révèle à Buflon l'im- 
portance des ravinements produits par les fleuves ; Lavoi- 
sier reconnait la distribution des terrains aux environs 
de Paris ; Pallas découvre les Mammouths dans le sol 
glacé de la Sibérie; de Saussure constate le redresse- 
ment des couches dans les Alpes; Dolomieu parcourt la 
Calabre agitée par les tremblements de terre, 

Néanmoins toutes ces observations restaient isolées 
parce qu'il n'y avait pas d'enseignement géologique. Les 
savants, partant de leurs propres études, dont le champ 
était toujours très limité, prétendaient découvrir l'origine 
du monde et expliquer tous les faits géologiques. 

Lorsque l'observation manquait, ce qui était le cas le 
plus ordinaire, ils y suppléaient par le raisonnement et 
lorsque le raisonnement était insuflisant, ils faisaient 
appel à l'imagination, Bullon écrivait les Époques de la 
nature et la Théorie de la terre ; Lazaro Moro, son livre sur 
les corps marins que l'on découvre dans les montagnes ; De- 
lucson Traité de géologie et ses Lettres ; Hutton, sa Théorie de 
la terre. 

Cetie habitude de combler les lacunes de la science par 
des conceptions arbitraires, plus ou moins logiques, se 
poursuivit pendant toute la fin du dix-huitième siècle, et 
se continua même, chez les savants, dans la première moi- 
tié du dix-neuvième. On en verra de nombreux exemples 
dans le cours de cette étude. 





LR — 


Quant à l'attention publique, il fallait pour l'attirer sur 
la géologie, autre chose que des théories qui se contre- 
disaient entre elles et qui ne paraissaient basées que sur 
des hypothèses. Il fallait des découvertes positives parfai- 
tement constatées et dont les conséquences immédiates 
s'imposassent à tous les esprits. Ce fut l'œuvre de Cuvier, 

Jusqu'alors on n'avait guère signalé à l'état fossile que 
des coquilles marines où de grands ossements, que les 
naturalistes avaient rapportés à l'Eléphant. À la première 
séance publique tenue par l'Institut de France nouvel- 
lement créé, le 1° pluviôse an IV (20 janvier 1796), Cuvier 
lut un mémoire où il démontrait que l'Eléphant fossile 
appartient à une espèce perdue, différente: des Eléphants 
actuels, C'était la première manifestation publique de 
travaux destinés à renouveler la zoologie et X créer la 
paléontologie. 

En étudiant les os fossiles, recueillis en grand nombre 
dans les platrières de Paris, il reconnut qu'ils apparte- 
naient à des êtres qui ne vivent plus de nos jours. Alors 
se livrant à un examen comparatif des animaux existants, 
il découvrit des lois d'homologie entre lous les organes 
d'un même être; tous concourent au même but, qui est 
de servir de la manière la plus complète et la plus écono- 
mique à la vie propre de l'animal ; tous sont appropriés à 
leurs fonctions ; tous sont entre-eux dans des rapports de 
dépendance coordination, de telle sorte que la dispo 
sition de l’un d'eux peut faire pressentir la forme et la 


ignoré l' l'existence. 

On comprend l'enthousiasme qui s'empara des savants 
à l'annonce de ce domai ouveau si brillamment ouvert 
à l'étude; on comprend qn d écouvertes de Cuvier, 





= 


propagées rapidement dans le monde, l'ait rempli d'une 
profonde admiration pour cette science de la paléontologie, 
qui apparaissait comme un Dieu, capable de ressusciter 
les générations éteintes, Le nom de Cuvier était dans toutes 
les bouches. Le jeune d'Omalius d'Halloy écrivait à ses 
parents en 1803, en leur annonçant qu'il allait suivre le 
cours d'anatomie comparée du Muséum : « Cuvier, le 
célèbre Cuvier, nom que les amants dés sciences ne 
peuvent entendre sans émotion, vient de commencer son 
cours ! » (1). Comme conclusion de ses Hecherches sur les 
ossements fossiles, Cuvier écrivit en 1822 le Discours sur les 
évolutions du globe, où la magie du style se joignait à la 
puissance de l'idée et à la richesse de Ja science (?). 

On y lit: «Examinons maintenant ce qui se passe aujour- 
d'hui sur le globe; analysons les causes quiagissent encore à 
sa surface et déterminons l'étendue possible de leurs effets, 
C'est une partie de l'histoire de la terre d'autant plus 
importante que l'on a cru pendant longtemps pouvoir 
expliquer par les causes actuelles les révolutions anté- 
rieures, comme on explique aïsément dans l'histoire 
politique les événements passés, quand on connaît bien 
les passions el les intrigues de nos jours. Mais nous allons 
malheureusement voir qu'il n'en est pas ainsi dans J'his- 
toire physique ; le fil des opérations est rompu; la marche 
de la nature est changée; et aucun des agents qu'elle 
emploie aujourd'hui ne lui aurait sufli pour produire ses 
anciens ouvrages (?). 

Après avoir jeté un coup d'œil sur les principaux 
phénomènes géologiques que l'on observe actuellement 





M) Notice sur la vie et les tracauæ de J-B.J.d'Omalius 
d'Halloy, var E. Dupont. 

(2) La première édition de ce livre porte le litre de Discours sur 
da théorie de la terre, sercant d'introduction auæ recherelws 
sur les ossements fossiles. 

G) Discours sur les récol. du globe. 3" édition 1895, p. 27 et 28. 





sit 


sur les continents, il ajoute : « Ainsi, nous le répétons, 
c'est en vain que l'on cherche dans les forces qui agissent 
maintenant à la surface de la terre des causes suffisantes 
pour produire les révolutions et les catastrophes dont son 
enveloppe nous montre les traces (1), » 

« Y eut-il une diminution graduelle des eaux ? la mer 
transporta-Lelle dans tous les sens des matières solides ? 
la température du globe diminua-t-elle ou augmenta- 
telle? ce n'est rien de tout cela qui a renversé nos 
couches, qui a revêtu de glace de grands quadrupèdes 
avec leur chair et leur peau, qui a mis à sec des coquil- 
lages aujourd'hui encore aussi bien conservés que si on 
les eut péchés vivants, qui a détruit des espèces el des 
genres entiers (?). » 

On voit par ces citations que Cuvier admettait que la 
térre avait subi plusieurs révolutions ou catastrophes. 
Plusieurs fois, d'après lui, un même pays avait été couvert 
par la mer; puis était devenu continent pour replonger 
plus tard sous les eaux de l'Océan. Ce sont ces invasions 
subites de la mer qui avaient détruit les animaux dont 
on retrouve les restes à l'état fossile. 

Le Discours sur les révolutions du globe fut accueilli 
avec la faveur que l'on devait à son illustre auteur et 
considéré comme le dernier mot de la science. 

La prémière protestation contre les idées de Cuvier 
vint de Constant Prévost. C'était l'époque où la Société 
Philomatique, que l'on appelait l'antichambre de l'Ins 
titut, recevait avec plaisir les critiques contre les idées 
des puissants du jour. 

Constant Prévost y lut en 1825 un mémoire (?) où il 





{4} Discours sur les révol, du globe. 8 édition 1852, p. 4 — 
{21 14. p. 42. ’ 
43) Bull. Soc, Phil. Juin 1895. 





— 4 — 


disait avoir été conduit à cette idée fondamentale. « Qu'au- 
tour de nous, soit sur la terre, soit sous les eaux, soit au 
sein et dans le voisinage des volcans, il se produit des 
phénomènes dont les causes ne différent pas essentielles 
ment de celles qui, dans les temps plus ou moins éloignés, 
ont successivement donné les divers états géologiques. » 

La doctrine des causes actuelles y est parfaitement 
définie, Cependant il n'y avait pas contradiction absolue 
avec les idées de Cuvier, Celui-ci n'avait parlé que des 
révolutions, I n'avait pas nié d'une manière explicite 
que, dans l'intervalle des révolutions, il n’y eût des 

- formations analogues à celles qui se produisent de nos 
jours, 

Deux ans plus tard, en 1827, Constant Prévost reprit les 
mêmes idées dans une dissertation lue à l'Institut, dans 
les séances du 18 juin et du 2 juillet. Le but de cette 
dissertation intitulée : Les continents actuels ontils été à 
plusieurs reprises submergés par la mer ? était d'établir 
que les couches avec coquilles d'eau douce qui sont inter- 
calées à plusieurs niveaux dans les couches marines du 
bassin de Paris, se sont déposées dans la mer, et y ontété 
amenées par les fleuves, Ainsi Coustant Prévost n'admet- 
tait pas, comme l'avait dit Cuvier, que la mer était venue à 
plusieurs reprises couvrir les environs de Paris. 1 croyait, 
et en cela il avait tort, que l'emplacement de Paris avait 
été recouvert, d'une manière continue par la mer jusqu'à 
son émersion définitive. C'était nier une partie des révo- 
lutions admises par Cuvier, 

Dans les pages préliminaires, il se pose nettement 
comme l'adversaire de l'illustre savant, I écrit : ü Dans 
cette étude des terrains les plus récemment formés, il 
n'a loujours semblé possible de faire avec succès l'appli- 
cation de l'analyse la plus rigoureuse et de marcher par 
voie d’analogie, en procédant loujours du connu à l'in- 





—8—- 


connu, passant de l'examen des causes qui agissent main- 
tenant à la surface de la terre el de celui des ellets 
actuellement produits, à la recherche des eflets et des 
causes qui se sont succédés dans les âges écoulés. Je n'ai 
été arrêté nulle part dans cette tentative de lier le passé 
au présent par ce que l’on appelle une limite tranchée 
entre la nature ancienne et la nature actuelle; partout, au 
contraire, j'ai cru apercevoir des nuances, des passages, el 
je n'ai pu me convaincre qu'il serait superflu de chercher 
dans l'ordre présent des choses, l'explication des phéno- 
mènes qui ont eu lieu sur la terre dans les temps reculés ; 
mon expérience s'est refusée à penser, comme le disait 
Cuvier dans le Discours sur les Révolutions du globe, que le 
fil des opérations est rompu, que la marche de la nature 
est changée el qu'aucun des agents qu'elle emploie 
aujourd’hui ne lui aurait sufli pour produire ses anciens 
ouvrages, » 

La dissertation de Constant Prévost ne fut publiée qu'en 
1828 dans le IV+ volume des Mémoires de la Société 
d'Histoire Naturelle (1), 

Deux ans plus tard, en 1830, paraïissaient à Londres les 
Principes de Géologie de Lyell. 

Lyell proclamait aussi que les anciens terrains se sont 
formés comme se forment encore les dépôts contém- 
poraias et sous l'influence des mêmes causes. Il analysait 
avec soin les phénomènes géologiques actuels, puis il s'en 
sérvail pour 
giques anciens. 

Lyell appart 

pris pour base de sa 
nouvellement continu des conti- 











inelles ot d'autres 
intitulé Documents 





#ÿ— 


riques, les roches, même les plus dures, se désagrègent 
et se décomposent ; leurs débris entrainés par les pluies, 
par les ruisseaux, par les rivières vont à la mer, où ils se 
déposent en strates successifs sur le fond de l'Océan. 
Ainsi les continents se démolissent peu à peu et ils 
finiraient par étre ramenés au niveau de la mer, si à 
certaines époques une force interne ne soulevait le fond 
dés bassins océaniques et ne créait de nouvelles terres 
qui deviendront l'objet des mêmes actions de destruction. 

Pour expliquer comment des roches primitivement 
meubles, telles que les sables et les boues, avaient pu 
devenir solides et méme être transformées en roches 
cristallines, il avait encore recours à la chaleur interne, 
qui pouvait produire leur fusion au moins partielle. 

Hutton, qui avait beaucoup observé et médité, avait 
enveloppé sa pensée de tant d'obscurité que son livre resta 
à peu près inconnu sur le continent, jusqu'à ce que son 
disciple et ami Playfair en ft un exposé aussi éloquent 
qu'enthousiaste. Bien mieux qu'Hutton, il insista sur la 
constance des lois de la nature au milieu de tous les 
changements de la terre. Lyell fut le continuateur de 
Playfair et, plus encore que lui, contribua à faire prévaloir 
les idées de Hutton. 4 

Les principes théoriques soutenus par Constant Prévost 
en France et par Lyell en Angleterre ont été désignés sous 
le nom de Théorie des causes actuelles, 

La pensée première, celle de chercher dans l'observation 
des phénomènes présents l'explication des phénomènes 
passés, est tellement naturelle qu'elle a dû venir à l'idée 
de tous les savants, Elle appartient à l'humanité tout 
entière. Mais, réunir les faits en corps de doctrine et 
opposer cette doctrine aux hypothèses de Cuvier fut 
l'œuvre de Constant Prévost et de Lyell. 

La priorité esl acquise sans contestation à Constant 





= 8 — 


Prévost. En 1830, Elie de Beaumont publiait un mémoire 
sur quelques-unes dés révolutions de la surface du globe. 

11 y divise en deux classes distinctes les faits qui ont 
produit les terrains de sédimentation : l'une comprenant 
l'aceumulation tranquille et progressive de chacun des 
dépôts de sédiment, l'autre les phénomènes violents et 
passagers qui ont établi des lignes de démarcation entre 
les dépôts consécutifs, Il observe que les phénomènes des 
périodes de tranquillité sont analogues à ceux de la 
période actuelle et il ajoute la note suivante : 

« Mentionner celte analogie, c'est rappeler aux géo- 
logues les importants travaux qui l'ont mise en lumière 
et particulièrement ceux de M. Constant Prévost et les 
travaux plus récents de M. Lyell, dont l'ouvrage, encore 
inédit, est cependant déjà connu en France, par les commu- 
nications amicales de l’auteur. » (1) 

Bien que les noms de Constant Prévost et de Lyell soient 
loujours associés, au premier rang des promoteurs de la 
théorie des causes actuelles, leurs doctrines sont cependant 
bien diflérentes, Plusieurs points essentiels les séparent. 

Constant Prévost admet la possibilité de phénomènes 
brusques et violents ; Lyell la repousse à peu près complé- 
lement. 

Constant Prévost dit (?), en 1827 : « En feuilletant 
les archives de l'écorce terrestre, 
événements nombreux, gigantesques 
traces de révolutions et de bouleversements sans nombre ; 
mais il a semblé que loutes ces marques d'agitation et de 
trouble avaient à peine eflleuré le mince épiderme qui 
revêt la terre ; qu'au delà et en deçà tout paraissait être 
resté calme et immuable, el qu'ainsi il était au moins plus 





{1} Ann. Se, Nat. 1" série XIX, p.225, 1820. 
(2) Documents p. 7. 





prudent de s'abstenir de toute explication plutôt que 
d'assigner à des effets aussi limités des causes qui ne 
sauraient exister que par des infractions aux lois générales 
de l'Univers. » 

Il ajoute dans une note : « Il ne s'ensuit pas que je me 
sois refusé à croire à des événements qui auraient été les 
ellets de causes insolites, plus ou moins brusques ou 
violentes ; mais ce que je n'ai pas confondu, ce sont des 
causes el des eflets extraordinaires possibles, avec des 
causes et des effets qui, pour être admis, exigeraient un 
renversement des lois de la physique », 

Comme exemples d'eflets insolites et violents, il citait 
dans ses cours, l'irruption des eaux de la mer Noire dans 
la dépression de la mer Caspienne, des dislocations du 
sol qui donneraient naissance à une émersion extraordi- 
naire, etc. ; il ne repoussait pas la formation brusque et 
rapide d'une chaîne de montagnes. 

Done, aux yeux de Constant Prévost, il pouvait s'être 
produit des actions violentes, mais ces événements inso- 
lites devaient être la conséquence des lois générales de la 
physique du monde, 1H ne croit pas, du reste, que ces 
événements violents aient jamais eu pour conséquences 
une catastrophe générale qui aurait anéanti les êtres 
vivants et aurail renouvelé la surface de la terre, 

Lyell est plus aflirmatif; il dit que sa méthode doit 
faire rejeter toutes les théories qui admettent qu'à cer- 
taines époques, le globe et par suite ses habitants, ont 
éprouvé des révolutions, de violentes et subiles catas- 
trophes (!). 

Constant Prévost admel que certaines actions géolo- 
giques ont pu avoir une énergie beaucoup plus grande 
que celles qu’elles possèdent actuellement, 





11] Préneipes : Ed. 1873, p. 428, 





— 1 — 


Lyell croit que tous les phénomènes géologiques ont 
toujours été tels que nous les voyons, Il confond le principe 
des causes actuelles avec celui des causes lentes, et il 
combat les causes violentes à l'égal des causes extra- 
naturelles. 

Constant Prévost porte ses regards sur les premiers 
états du globe, sur une époque où les phénomènes devaient 
différer beaucoup de ceux qui sont maintenant en action ; 
il accepte la fluidité primitive de la terre, la consolidation 
graduelle de son écorce. 

Lyell détourne les yeux de ces premiers âges, il déclare 
qu'il les ignore et qu'il veut les ignorer; il cherche à 
établir que toutes ces hypothèses de chaleur centrale et 
de fluidité primitive s'appuient sur des bases qui s'écrou- 
lent les unes après les autres. I n'en veut pas ; il dit 
même que le géologue ne doit pas s’en préoccuper. H doit 
se contenter, dit-il, de considérer les monuments les plus 
anciens qu'il a à tâche d'interprèter, comme appartenant à 
une période où la croûte terrestre avait déjà acquis une 
solidité et une épaisseur probablement aussi grandes que 
celles qu'elle possède aujourd’hui (1). 

Sans qu'il se prononce d'une manière positive, il ressort 
de la lecture des Principes que les couches les plus 
anciennes connues ne difléraient en rien de celles qui se 
déposent maintenant et qu'elles ont été métamorphosées 
par une action plutonique, en comprenant sous ce nom 
toutes les causes mo ntes, Le peuvent être “mises en 














—41— 


chercher l'origine dans des phénomènes extérieurs, telle 
qu'une force électromagnétique se communiquant du 
soleil à notre globe (1). 

L'accueil que reçut la doctrine des causes actuelles fut 
tout différent en France et en Angleterre. 

En Angleterre, les idées de Lyell qui, sous certains 
rapports, n'étaient autres que celles de Hutton et de 
Playfair, furent facilement adoptées, puis propagées sans 
graïdes difficultés partout où rayonne la puissance 
anglaise, c'est-à-dire dans le monde entier. 

Il n’en fut pas de même des idées de Constant Prévost 
en France, 

Cuvier ne répondit pas à ses attaques. Dans l'analyse 
des travaux de l'Académie des Sciences pour 4827, il 
mentionne le mémoire de Constant Prévost, il le loue de 
ses observations sur le terrain, parle en termes sarcas- 
tiques, mais bienveillants, de ses appréciations sur les 
causes de l'alternance des sédiments marins et terrestres 
et se lait complétement sur les idées générales. 

Deux ans après la publication de son mémoire, Constant 
Prévost se trouva en position de propager ses théories 
dans sa chaire à la Sorbonne ; mais il ne tarda pas à être 
détourné de son enseignement par sa mission à l'Île Julia 
êt par les discussions sur les cratères du soulèvement. 

D'ailleurs, tant que Cuvier vécut, l'éclat qui s'attachait 
à son nom était un obstacle au développement de loute 
idée contraire aux siennes. Après sa mort (1832), une 
autre gloire s'éleva en face de Constant Prévost et lui 
barra encore la route, 

Élie de Beaumont venait de publier ses premiers écrits 
sur l'âge relatif du soulèvement des chaînes de montagnes. 
On croyait qu'autre Champion il était parvenu à déchiffrer 





(1) Principes : 1878 1. Il p. 297. 





—w— 


avec uné rigueur toute mathématique la chronologie des 
âges du globe. 1 devint du coup le maltre de la Géologie 
française, Or, Élie de Beaumont fit grise mine à la théorie 
des causes actuelles. Il avait trop de génie, il avait trop 
observé, en un mot, il était trop géologue pour combattre 
l'idée en elle-même. Il parait mème y avoir attaché une 
certaine importance, car il y consacra un cours au Collège 
de France. Les leçons qu'il ÿ fit en 1843 furent réunies en 
volume sous le litre de Leçons de Géologie pratique. 

Il divisait les faits géologiques de l'histoire de la terre 
en deux classes : les uns, analogues aux phénomènes de la 
période actuelle, se produisaient pendant les périodes de 
tranquillité ; les autres, violents el passagers, ont marqué 
la séparation entre les diverses périodes géologiques (?). 
Il admit que les causes des phénomènes violents ne 
diffèrent pas dans leur nature de celles qui agissent 
journellement (?). 

I n'y avait donc pas grande différence de principes 
sous ce rapport entre Elie de Beaumont el Constant 
Prévost. Toutefois Elie de Beaumont méttait un hiatus 
entre les temps anciens et les temps modernes, car il 
considère ceux-ci comme l'ère spéciale des deltas, des 
dunes et des cratères (3). 

Enfin, il avait relié ses opinions sur l'âge multiple des 
soulèvements des montagnes aux idées des cataclysmes 
détruisant tous les êtres animés (*). C'était aussi la pensée 
de Cuvier qui, bien avant les travaux d'Elie de Baumont, 
écrivait : 

« Les déchirements, les redressements, les renverse- 
ments des couches plus anciennes ne laissent pas douter 


{1j Ann. Se, Nat. 1° S. XIX, p. 224, 1830. 
(2) Ann. des Mines 3: S. X. . 


{4} Ann. Se, Nat. 1° S. XIX p. 226. 





—"w— 


que des causes violentes ne les aient mises en l'état où 
nous les voyons, et même la force des mouvements qu'é- 
prouva la masse des eaux est encore attestée par les amas 
de débris et de cailloux roulés qui s'interposent en beau- 
coup d'endroits entre les couches solides, La vie a donc été 
troublée sur cette terre par des événements effroyables. 
Des êtres vivants sans nombre ont été victimes de ces 
catastrophes; les habitants de la terre sèche se sont vus 
engloutir par les déluges ; les autres qui peuplaient le 
sein des eaux ont été mis à sec avec le fond des mers 
subitement relevé. Leurs races mèmes ont fini pour jamais 
et ne laissent dans le monde que quelques débris à peine 
reconnaissables pour le naturaliste.(#}, » 

Ce furent les mêmes hypothèses que reprit Aleide 
d'Orbigny, le grand maitre en paléontologie (>). « Chaque 
fois, dit-il, qu'un système de montagnes a surgi au-dessus 
des océans, la faune existante à été anéantie par le 
mouvement prolongé des eaux sur les points disloqués et 
même sur ceux qui ne le sont pas; el une nouvelle période 
d'existence ne s'est manifestée que longtemps après le 
repos de la nature, La séparation par faunes distinctes 
successives qu'on trouve dans chaque terrain, dans chaque 
étage géologique, ne serait done que la conséquence 
visible des soulèvements et des affaissements de diverses 
valeurs qu'a dû subir dans toutes ses parties la croûte 
consolidée de l'écorce terrestre. » 

D'Orbigny ne faisait que reproduire les idées régnantes ; 
elles remplissaient tous les ouvrages élémentaires, tous 
les écrits de vulgarisation. 

Il n'y avait peut-être pas une opposition absolue entre 
l'hypothèse des soulèvements des montagnes et la doctrine 
des causes actuelles, telle que l'entendait Constant Prévost, 


(2) Cours élémentaire de Paléontologie et de Géologie strati- 
graphique, p. 135. 





= #0 — 


puisqu'il aeceptait la possibilité de révolutions sous 
l'influence des causes physiques et que les soulèvements 
de montagnes pouvaient rentrer dans cet ordre de phéno- 
mènes. Mais il y avait une telle opposition d'esprit entre 
la théorie des cataclysmes et celle des causes actuelles, 
qu'il était bien difficile d'accepter en même temps l'une 
et l'autre. 

A la séance de la Société Géologique du 20 Mars 4883, 
Dufrénoy fit une profession de foi géologique qui peint 
bien l'état de l'opinion à cette époque, 

« Toute formation est séparée de la précédente et de 
celle qui la suit par une révolution du globe. Cette révo- 
lution amène la cessation complète des formations sédi- 
mentaires et l'action ignée ; puis, les actions sédimentaires 
recommencent ensuite par des tranports. Ce sont d'abord 
des amas considérables de poudingues, composés de galets 
souvent énormes et soudés ensemble; puis des grès à 
gros grains, des grès à grains fins, des grès micacés; puis 
des argiles qui sont des grès à parties imperceptibles; puis 
des marnes, des calcaires argileux et enfin des calcaires 
parfaitement purs, que ces calcaires proviennent de 
sources ou d'animaux. Que l'on fasse des puits artésiens 
dans toutes les formations et l'on trouvera toujours les 
mêmes résultats..., Ceci n'est pas nouveau, ce sont 
des idées énéralement : ado tées | 


qu'avaient eue = 
Prévost, 


(1) Bull. Soc. Géol. 4" s, XIV, p. 820, 





= — 


Faisant l'historique de ses premières publications, il 
dit : « F had previously (1824-1825) made géological tours 
both in England and France in company with professor 
Constant Prévost of Paris, a writer well known to have 
laboured succesfully in the same field of investigation. » 

Ces lignes supprimées dans la traduction française ne 
reparurent plus dans les éditions anglaises suivantes. 

La première traduction des Principes de Géologie ne 
pénétra guère que chez les savants et l'accueil qu'elle ÿ 
reçut ne fut pas très favorable. 

On peut même dire que les théories de Lyell nuisirent 
en France à la doctrine des causesactuelles, parce qu'elles 
repoussaient les cataclysmes d'une manière absolue et 
qu'elles recouraient uniquement à des forces lentes, Des 
savants qui eussent admis le principe des causes actuelles, 
qui se fussent peut-être ralliés aux idées de Constant 
Prévost, repoussaient celles de Lyell. C'était le cas de 
d'Omalius d'Halloy. 

I écrivait en 1847 (1). « Une doctrine qui expliquerait 
toute l'histoire de notre globe par l'action des phénomènes 
qui se passent actuellement doit mériter la préférence 
sur celles qui recourent à des hypothèses, qui font inter- 
venir des phénomènes plus énergiques. Personne ne peut 
élever de doutes à ce sujet, de sorte que la question est 
de savoir si la doctrine, dite des causes actuelles, ne forme 
point d'hypothèses, et si elle explique tous les faits cons- 
tatés par l'observation. » 

« Je demanderai en conséquence, si ce n'est point faire 
des hypothèses, que de dire qu'il se forme, sous les eaux 
limpides de nos mers actuelles, des dépôts aussi puissants 
que ceux que nous présente la série des anciens terrains 
neptuniens ; que les corps organisés, qui sont enveloppés 





(1) Bull .Soc Géol. Fr. 25. IV, p. 532. 





dans ces dépôts, s’y transforment en fossiles semblables 
à ceux que nous Lrouvons dans les terrains anciens; que 
l'action érosive des mers sur les côtes s'exerce depuis des 
milliers de siècles, ét a tranformé d'immenses continents 
en vastes mers; que la chaleur que l'on observe en s'en- 
fonçant dans l'écorce du globe, ainsi que les phénomènes 
des voleans et des tremblements de terre, sont dus à des 
actions chimiques qui se passent dans l'intérieur de cette 
écorce, » 

« Je demanderai, en second lieu, si c'est, par exemple, 
une explication satisfaisante que celle qui admet que des 
soulévements el des aflaissements lents, à peu près insen- 
sibles, comme ceux que l'on observe en Scandinavie, peu- 
vent produire les plissements et les déchirements de 
couches que l’on remarque dans nos montagnes. Je dirai 
que des hypothèses et des explications qui ne remontent 
qu'à un ordre de choses semblable à celui qui règneactuel- 
lement ne satisferont pas notre esprit, qui désire toujours” 
remonter aussi loin que possible. Je sais qu'il est un terme 
où l'investigation du naturaliste doit s'arrêter, etce terme 
c'est celui où cessent les inductions tirées de l'observa- 
tion, Mais est-ce remonter à ce Lerme que de dire que la 
terre a toujours été comme elle est ? Je le crois d'autant 
moins, que je pense que si la terre avait toujours été 
comme elle est, elle ne serait pas comme elle est, c'est-à- 
dire que si certaines forces qui agissent sur elle n'avaient 
pas été dans le cas d'agir avec plus d'énergie, plusieurs 
circonstances que présente la terre n'auraient pu se 
produire. » 

“ Les astronomes peuvent s'être trompés lorsqu'ils ont 
supposé que la terre avait été à l'élal gazeux, comme les 
nébuleuses et certains autres astres qui se meuvent dans 
l'espace ; mais ne sont certainement pas sortis de 
l'induction permise au naturaliste. Il en est de mème des 





=— 


géologues lorsqu'ils ont dit que celle masse gazeuse 
s'était en partie transformée en une masse liquide qui 
tend à son tour à devenir solide, De semblables hypothèses 
n'ont rien de contraire à ce que nous connaissons des lois 
de Ta nature ; mais la question, pour nous, est de savoir 
si, en partant de cette hypothèse, nous expliquons mieux 
l'état actuel de notre globe, qu'en supposant qu'il a toujours 
été à peu près tel qu'il est ? » 

Les objections de d'Omalius se divisent en deux parties, 
Dans la première, il combat les idées communes à Constant 
Prévost et à Lyell ; dans la seconde, il ne s'attaque qu'à 
ce dernier ; il saisit sur le vif les défauts très réels de sa 
théorie. Certainement ce sont ces défauts qui l'avaient mis 
en défiance contre l’ensemble de la doctrine, 

Il existait aussi une autre raison d'opposition aux idées 
de Lyell, une raison philosophique et religieuse. Quelques- 
uns appliquaient à la doctrine de Lyell les reproches que 
l'on avait faites à celles de Hutton. Si toutes les couches 
connues sont des sédiments: sable, argile, calcaire, qui se 
sont formés, comme se forment dé nos jours les dépôts de 
nos mers et de nos lacs: si, à mesure que ces sédiments 
s'entassent les uns sur les autres, les plus profonds 
s'échauffent, se métamorphosent et prennent l'état que 
nous voyons aux plis anciennes de nos roches ; si, à une 
plus grande profondeur encore, ils se transforment en laves 
qui sont rejetées par les volcans ; si ces laves et autres 
produits éruptifs sont à leur lour altérés par les agents 
atmosphériques, désagrégés et portés à l'état de sable, 
d'argile et de dissolution calcaire dans le bassin des mers ; 
si c’est toujours la même matière qui traverse une série 
de cycles semblables dont chacun peut avoirune durée de 
plusieurs millions de siècles; si loutes ces hypothèses sont 
vraies, il n'y a pas de raison pour ne pas croire la lerre 





__— 


éternelle. L'hypothèse de Lyell conduit donc au matéria- 
lisme. On en avait dit autant de la théorie de Hutton. 1 
avait protesté, Lyell protesta aussi-contre les opinions 
matérialistes qu'on lui attribuait. Mais si les protestations 
sont une défense pour l'écrivain, elles ne le sont pas pour 
la doctrine, 

Cependant peu à peu l'opinion se modifia en France en 
faveur des causes actuelles. On constata que certaines 
espèces d'animaux fossiles passaient d'un terrain à l'autre 
ou d'un étage à l'autre, ce qui détruisait l'idée des 
cataclysmes, Barrande contribua à ce résultat par la 
découverte des colonies, 


1 avait reconnu dans le silurien de Bohème, trois faunes 
très distinctes. Vers la partie supérieure de l'étage occupé 
par la faune seconde, il constata qu'il venait s'intercaler 
des schistes qui contenaient la faune troisième, « Done, 
dit-il, la faune troisième vivait en même temps que la 


faune seconde ; elle habitait une mer voisine ; il s'en 
détacha des colonies qui vinrent à certains moments 
s'établir on Bohème, mais qui ne purent y prospérer. Une 
circonstance fortuite y fit disparaître la faune seconde 
et la faune troisième vint s’y installer d'une manière 
définitive. » 

On ne pouvait donc pas croire que la faune troisième 
était le produit d'un acte créateur postérieur au eataclysme 
qui avait fait disparaitre la faune seconde et séparé 
de lui par un laps de temps très long. En un mot, la 
théorie de d'Orbigny, exposée plus haut, était reconnue 
fausse. 

En même tem de Beaumont mullipliait ses sys 
tèmes de soulèvement ; il en reconnaissait une centaine 
qui ne cadraient plus du tout ave k divisions de Lerrains 
et d'étages reconnus par | 1857, des paléon- 
lologistes, tels que d’Archi 1: aient de l'inocuité com- 





=ÿ— 


plète des soulèvements pour les populations animales 
contemporaines. (1) * 

Enfin, en 4862, Lartet écrivait, aux applaudissements de 
lous, que le mot de cataclysme devait étre banni du 
dictionnaire géologique. 

Aussi, lorsque la deuxième traduction française des 
Principes de Géologie fut faite en 1873 sur la! neuvième 
édition anglaise, elle fut bientôt dans toutes les biblio- 
thèques. Outre que l'esprit français, rendu défiant de lui- 
même par les malheurs de la patrie, cherchait partout à 
l'étranger la haute instruction qu'il ne croyait plus 
pouvoir trouver chez les siens, le nom de Lyell était 
devenu populaire, On avait traduit ses livres: l'Ancienneté 
de l'homme et les Éléments de la Géologie ;  jouissait de la 
faveur qui s’attachait aux écrits de Darwin, car Darwin 
s'était appuyé sur les Lhéories de Lyell, et Lyell, adoptant 
etexposant dans les Principes les idées de Darwin, trouvait 
un accueil empressé de la part de tout ceux qu'avait 
séduits la doctrine transformiste. 

On ne s’aperçut pas de la contradiction qu'il y avait 
entre le principe de l'évolution et la théorie des causes 
actuelles, telle que l’entendait Lyell. C'est ce qu'a très 
bien fait ressortir Huxley dans une adresse à la Société 


nde savant, trois grands systèmes géologiques 
qu'il nomme Catastrophisme, Uniformitarisme, Évolu- 


hisme, c’est le système des cataclysmes, 
énements soudains, produits par des 
Huxley définit parfaitement ces causes 

ues, Elles supposent dit-il, l'opération de forces 








| progrés de La géologie, terr. jurassiques. 
Journ. Géol, Soc., XXV, p. XXXVH, 





différentes dans leur nature ou incomparablement diffé- 
rentes en puissance de celles que nous voyons à présent en 
action dans l'univers. Tel serait le délugé mosaïque, tel 
serait le soulèvement des Andes produisant en un jour la 
grande chaine américaine, avec ses centaines de volcans 
et détruisant tous les êtres vivants de la dernière période 
géologique. 

L'Uniformitarisme consiste à dire : la terre a toujours 
été ce qu'elle est ; elle a toujours été habitée par des êtres 
vivants. 

Les forces qui ont présidé à la formation du sol sont 
identiques en nature et égales en intensité à celles que 
nous voyons aujourd'hui à l'œuvre ; les actions produites 
par ces forces étaient lentes et insensibles, comme les 
phénomènes géologiques actuels ; mais leurs ellets accu- 
mulés pendant une série immense de siècles, nous pré- 
sentent une somme de travail que, dans notre esprit peu 
aple à apprécier les quantilés infiniment pelites, nous 
attribuons volontiers à des causes plus puissantes et plus 
soudaines. C'est la théorie de Hutton et de Lyell. 

L'Évolutionisme est atribué par Huxley à Kant, Si 
Kant eut avant Laplace l'idée de la nébuleuse solaire, 
et de l'état primitivement liquide du globe, il ne possédait 
pas plus que lout autre savant de son époque, la moindre 
notion positive sur l'histoire géologique de la terre et de 
ses habitants ; son évolutionisme rudimentaire ne peut être 
compté par la science moderne. C'est donc à Huxley 
lui-même qu'il faut demander ce que c’est que l'évolus 
tionisme. 

L'Évolutionisme différe essentiellement de l'Unifor- 
milarisme parce qu'il jette un coup d'œil investigateur 
sur une époque où la terre n'étail pas encore dans les 
conditions où elle se trouve actuellement ; il fait intervenir 
alors des forces dont l'intensité est différente des forces 





7 — 


actuelles ; mais il exige que ces forces soient des forces 
naturelles et que leur intensité ne soit pas disproportionnée 
à ce que l'on peut logiquement déduire de l'observation 
des phénomènes actuels, 

L'Evolutionisme maintient aussi l'idée des causes lentes 
compensant par la durée leur faible intensité, Il pousse à 
épuiser les causes connues avant de recourir aux causes 
inconnues. 

Cette théorie est presque celle qui était soutenue en 
France par Constant Prévost. 

Constant Prévost disail : la doctrine des causes actuelles 
ne conduit pas à l'éternité; elle admet une origine, un 
commencement, qu’elle ne cherche nullement à expliquer; 
elle admet que les premiers effets produits sont devenus 
à leur tour des causes modificatrices pour les phénomènes 
suivants, Il comparait l'histoire de la terre à celle de 
l'homme, qui ne ressemble pas dans sa décrépitude à ce qu'il 
était à sa naissance ; il la comparaît aussi à l’histoire des 
sociétés qui passent de l'état sauvage à l'état civilisé. 

A propos des phénomènes glaciaires, il écrivit : « Ces 
faits démontrent que la doctrine des causes actuelles peut 
parfaitement se concilier avec l'idée de modification dans 
les phénomènes qui se sont succédés à la surface de la 
terre, avec l'apparition de quelques-uns, avec la cessation 
d’autres, avec un commencement et une fin de toutes 
choses, ce qui lève la principale objection opposée à cette 
doctrine par des personnes qui ont restreint les causes 
acluelles aux causes lentes journalières et qui ont voulu 
que les effets successivement produits ayant toujours été 
identiques fussent pour ainsi dire éternels (1). » 

Constant Prévost, ilest vrai, insistail moins que les évolu- 
tionistes de nos jourssurl'importancede faireentrerletemps 
comme facteur nécessaire des phénomènes géologiques. 


11) Compt. Rend. Acad. Se. XXXVI p. 690, 1851. 





Huxley chertha aussi à faire comprendre, par un 
exemple, comment l'idée de catastrophe peut s'allier avee 
l'Uniformitarisme. 

La marche d'une horloge, dit-il, est un modèle d'action 
uniforme, mais la sonnerie de l'horloge estessentiellement 
uné calastrophe, Le marteau peut-être disposé pour faire 
sauter un baril de poudre ou pour renverser un déluge 
d'eau, Par un arrangement convenable, la pendule, au lieu 
de sonner les heures, peut sonner à toutes sortes d'inter- 
vallesirréguliers, sans qu'il y ait jamais deux foissimilitude 
dans les intervalles, la force et le nombre de ses coups. 
Néanmoins, toutes ces catastrophes irrégulières et sans 
lois apparentes pourraient être le résultat d'une action 
absolument uniforme et nous pouvons avoir deux théories 
d'une horloge étudiant, l'une le marteau, l'autre le 
balancier, 

N'en déplaise à Huxley, ceci n'est pas du Catastro- 
phisme; c'est de l'Uniformitarisme au premier chef; ce 
n'est même pas de l'Évolutionisme, Les petits mouvements 
lents et uniformes du balancier ont tout déterminé; les 
sonneries ont beau être séparées par des intervalles 
irréguliers, le nombre de comnales possibles est 
forcément li! .Le { 
dans 1 
formeront un cel noir de eyeles tous ne 

Huxley ne parle pas de l'horloger qui peut négliger de 

Voilà une vraie catastrophe; il 
er le marteau, le timbre, 


sa structure, dans 
, les ressorts : 
l'horloge va 





=D — 


distantes, elles diminuent d'intensité parce que le 
marteau et le timbre se modifient; un jour une dent cassera, 
puis une seconde ; autant de causes d'irrégularité dans la 
marche, 

Enfin, le grand ressort lui-même sera tellement usé 
qu'il rompra, Ce sera la catastrophe finale. Mais ce n'est 
plus du Catastrophisme, c'est de l'Évolutionisme, c'est-à- 
dire le passage d'un état à un autre, sans retour possible au 
premier ; chacun de ces états étant la conséquence du 
précédent, le motif du suivant. 

Voilà la théorie géologique, celle que nous enseignent 
tous les faits d'observation, celle que nous montre surtout 
la paléontologie dans l'évolution successive des êtres 
fossiles, 





Travaux sur les Formations Neptuniennes (:) 


CHAPITRE HI 


ÉTUDES STRATIGRAPHIQUES SUR LE BASSIN DE PARIS 


1° Coquilles marines du Gypse 


Constant Prévost commença ses études sur le bassin de 
Paris l'année même où Brongniart, par la publication de 
son Essai sur la Géographie minéralogique des environs de 
Paris, venait de donner un guide précieux aux jeunes 
naturalistes. 

L'illustre professeur avait établi que les environs de 
Paris présentent au-dessus de la craie une série d'assises, 
qu'il désignait de la manière suivante, à partir des infé- 


Calcaire grossier ; 39 Calcaire 
5e Sables supérieurs au gypse ; 

Ge Meulières, 
Brongniart avail aussi reconnu que certaines de ces 
assises sont caractérisées par la présence de coquilles 


(1) On emploie ci les termes dont se servait Constant Prévost. 





— 4 — 


marines, tandis que d'autres ne contiennent que des 
coquilles d'eau douce. 

Constant Prévost, alors âgé de 19 ans, résolut, avec son 
ami Anselme Desmarets, d'étudier le gypse de Montmartre, 
dont Brongniart avait donné une deseription complète, le 
divisant en trois grandes masses séparées par des marnes. 

Ils commencèrent leur étude par la partie inférieure 

- ou la troisième masse, que l'on voyait alors dans une 
carrière abandonnée à la Hutte-aux-gardes, Desmarets 
père y avait trouvé un banc de coquilles marines, Cérites 
et Turritelles:(!), et le fait, bien que vérifié par Coupé (?, 
avait paru douteux à l'auteur de l'Essai sur la géographie 
minéralogique. 

Constant Prévost et Desmarets levèrent la coupe ci-contre 
(fig. 1) de la carrière de la Hutte-aux-Gardes. 

Ils constatèrent la présence de fossiles marins dans 
quatre couches de marne, ou de calcaire marneux, 

Ils rencontrèrent aussi dans ces bancs marins des débris 
de crabes, des dents de squales et des vertèbres de poissons, 
confirmant sous ce rapport une découverte due à deux 
savants étrangers, le Saxon Rœmer et le Russe Ingelhardst. 

Ts crurent reconnaître dans les fossiles marins du gypse 

, les espèces qui existent à Grignon dans le calcaire grossier. 
Cette erreur est d'autant plus pardonnable que Cuvier et 
Brongniart venaient de confondre avec les fossiles de 
Grignon, ceux que l'on recueille dans les sables supérieurs. 

L'étude de Constant Prévost et d'Anselme Desmarets fut 
communiquée à la Société philomatique dans sa séance du 
8 Avril 1808 sous le titre de : Note sur les empreintes de corps 
marins trouvés à Montmartre dans plusieurs couches de la 





(1) Desmarers. — Constitution physique des couches de Mont- 
martre. Mémoires de l'Institut, V, p. 46. 

(2) Couré — Sur l'étude du sol des environs de Paris. Journal 
de Physique, LXI, p. 880. 





masse inférieure de la formation gypseuse. Elle fut insérée ou analysée 
dans lé Bulletin de la Société Philomatique (!), dans le Journal de 


1° Gypse en masse avec cordons 
de cristaux (Partieinférieure 
du gros banc). 

2 Marne calcaire blanchâtreavee 
Coquilles marines (Marnes 
prismatisées de Desmarets]. 

3 Gypsoen masse (petit banc) + 

4 Marne calcaire jaunâtre avec \ 

formes pyramidales et nom 
breux fossiles marins . + 

& Gypse oristallisé et piriforme 

6° Marne calcaire blanchätre , 

Te Gypse en masse (bane rouge) . 

& Marne feuilletée 14. , 

9 Gypse en masse id: 

10" Marne calcaire blanche, 
11° Marne feuilletée , . . 


12° Gypse en bancirrégulier : 
13° Marne feuilletée . . : 
14 Culcaire avec coquilles marines 
{Caïlloux blanes) . , , , 
15° Gypse avecles mèmes coquilles 
16 Calcaire marneux avec Îles 
mêmes coquilles (Souchet) . 
17° Marne argileuse re feuil- 
lelée. . . sn TES 
{5 Gypue culeanitére : : 17 
19 Gypse en masse avee cordons 
de cristaux de gypse (Pierre 
blanche) 
Terre glaise indiqués par Desmarets 
père. 


Fig. 1. — Coupe de la arrière de Hutte-auæ-Gardes. 
Physique (?) et dans le Journal des Mines (?) Elle se lermine par les 
conclusions suivantes ; 





Tom. X| LIX. p- 156 et 159. 


à rom. L p. 333-385. 
(3) Tom. XXV, Mars 1809, p. 915-230. 





. re 

«Brongniart et Cuvier ont fait connaître que les fossiles 
renfermés dans les grès du sommet de Montmartre sont 
analogues à ceux de Grignon. Les coquilles que nous avons 
1rouvées dans la marne jaune sont également semblables à 
celles de Grignon. n 

« Nesommes nous pas fondés à conclure de cette double 
analogie que ces animaux ont vécu dans la même mer. » 

« Mais il faudrait qu'ils eussent été déposés à des 
époques différentes, puisque on a trouvé dans les couches 
qui séparent les deux dépôts des vestiges de coquilles, que 
Lamanon (!) et Brongniart(?) regardent comme ayant appar- 
tenu à des animaux qui auraient véeu dans l'eau douce, » 

« Si la présence de quelques fossiles semblables à nos 
coquilles fluviatiles vivantes sufit pour faire regarder la 
première ou haute masse gypseuse et les premiers lits de 
marne qui-la recouvrent comme ayant élé déposés dans 
l'eau douce, l'existence d'une grande quantité d'espèces 
bien reconnues pour marines dans la troisième au basse 
masse peut faire penser, avec autant de raison, que cette 
masse a été déposée dans les eaux de la mer, » 

« Ainsi, contrairement à l'opinion de Lamanon, le gypse 
a pu être tenu en dissolution dans l'eau de la mer comme 
dans les eaux douces. » 

Rien de plus précis que les observations de Prévost et 
de Desmarets. Elles étaient encouragées par Brongniart 
qui les mentionna dans la deuxième édition de l'Essai sur 
la Géographie minéralogique des environs de Paris parue en 
4814. Néanmoins, il mit en doute la position du gypse de 
la Hutte-aux-Gardes et ses relations avec le gypse de la 


{1} Lamanon avait cité des coquilles d'euu douce dans le gypse 
de Montmartre. 

(2) Brongulart et Cuvier avaient trouvé des Lymnées dans les 
marnes blanches supérieures au Gypse à Romainville et à la butte 
Chaumont. 





= — 
seconde masse. Comme la carrière de la Hutte-aux-Gardes 
ne tarda pas à être comblée, les doutes de Brongniart 
restèrent comme l'expression de l'opinion des géolagues 
êt frappèrent de discrédit les observations de Prévost et 
de Desmarets. 

Mais ce merveilleux bassin géologique de Paris réserve 
toujours quelques découvertes aux jeunes géologues, qui 
vont étudier les carrières ou les tranchées qui s'y ouvrent 
tous les jours. 

En 1860, Emile Goubert, que la mort a moissonné au 
moment où il multipliait ses recherches, indiquait des 
fossiles marins dans des marnes blanches entre la première 
et la seconde masse de gypse, à la carrière Bas à Argen- 
teuil (1). 

Six ans plus tard, MM. Bioche et Fabre retrouvaient 
dans la même carrière la couche de marne fossilifère 
étudiée par Prévost et Desmarets (?). 

Quarante-cinq ans après ses études avec Desmarels, 
Constant Prévost crut reconnaitre le banc marneux de la 
Hutte-aux-Gardes dans les marnes à Pholadomya Ludensis, 
visibles dans la tranchée de la gare Saint-Lazare (]. 


2 Marnes à formes pyramidales 


Dans la marne même où ils venaient de découvrir les 
fossiles marins, Prévost et Desmarets rencontrérent des 
pyramides quadrangulaires, dont les faces étaient forte- 
ment striées parallèlement à leur base, Ils reconnurent 
que ces pyramides sont de même nature que la marne et 





1) Bull. Soc. Géol,, XVI, p. 844 (1860). 
IL, p. 324 (1860). 





qu'elles sont toujours réunies six par six ayant leurs 
sommets dirigés vers le centre de l'assemblage (fig. 2). 

Is firent de cette observation l'objet d'une communi- 
cation à la Société Philomatique le 15 avril 1809, sous le 
titre de: Note sur les formes régulières affectées par une marne 
de Montmartre (1). 

Ils ne donnaient aucune explication, Loutes leurs conjec- 
tures ayant été successivement détruites par l'observation, 


Fig. 2 — Formes pyramidales dans la marne, 


Quelques années plus tard, en 1826, Constant Prévost 
essaye cette explication dans l'article : Marne, pour le Dic- 

moaire classique d'Histoire Naturelle. 

Les exemples de formes pyramidales dans les marnes 
s'étaient multipliées. D'après Constant Prévost, la couche 
de marne de la Hutte-aux-gardes avait pu être suivie dans 
toute la ceinture Nord de Paris, à partir de Passy jusqu’au 





physique CXIX, 1809, p. 168; Journal des Mines 


5 





Faubourg du Temple, et partout elle y avait présenté des 
indices d'un semblable retrait. D'une autre part, il avait 
rencontré des pyramides analogues dans une marne cal- 
taire compacte des Marnés à huîtres, vers le sommet des 
collines de Montmorency, de Moulignon et de Saint-Prix 
(fig. 3). 


Fig. 3, — Caleaire compact acec cavités cubiques, 


Dans ces marnes, Constant Prévost observa des cavités 
cubiques, dont les plus petites n'était visibles qu'à la loupe 
et dont les plus grandes atteignaient plusieurs millimètres 
de diamètre. Plus ces cavités étaient grandes, moins leurs 
parois étaient planes ; elles devenaient de plus en plus 
convexes, de sorte que les angles de réunion étaient aigus, 
« 1 me fut facile de concevoir, ajoute Constant Prévost, 
qu'en exagérant par la pensée cet ellet croissant, la masse 
solide au centre de laquelle était la cavité cubique serait 
diviséeensix pyramides, quiauraientehacune pour sommet 
la paroi convexe de la cavité, et je reconnus alors dans 
chacune de celle-ci l'origine d'une division pyramidale 
analogue à celle des marnes de Montmartre, » Il conclut 
que les pyramides sont dues à un retrait particulier qui 
s'est produit dans la marne. « Mais ajoute-t-il, qu'est-ce 
qui à déterminé le rétrait à commencer ainsi ? Nous ne 
saurions l'expliquer. n 





Cette idée l'a préoccupé toute sa vie. Il entreprit des 
expériences pour reconstituer la marche des phénomènes 
de retrait, mais il n’en a pas publié les résultats, I se borna 
à énoncer en 1837 sous forme d'aphorisme quelques propo- 
sitions générales purement hypothétiques (!). 

En 1847, l'attention de la Société géologique de France 
fut appelée sur ces formes pyramidales par une lettre de 
Boué adressée de Vienne à Constant Prévost (#). 

Boué annonça qu'à la suite de travaux longs et impor- 
tants sur les pseudomorphoses, Haidinger venait de tracer 
la série intermédiaire entre les marnes pyramidales et des 
pseudomorphoses incontestables de sel gemme, 

Ce n'était certes pas Haïdinger qui avait eu le premier 
l'idée de comparer les pyramides des marnes à des trémies 
de sel gemme. En eflet, les stries qui couvrent les surfaces 
de ces pyramides sont souvent très prononcées el forment 
comme de petits escaliers. 

Constant Prévost cite expressément l'hypothèse en 1837, 
mais il ne s'y arrûte pas ou plutôt il la repousse, en se 
basant sur ce qu'il y a six pyramides semblables opposées 
par le sommet. Ces six lrémies de sel gemme, toujours 
disposées de la même manière, seraient, selon lui, incom- 
préhensibles, 

D'après l'analyse qu'en donne Boué, une grande partie du 
mémoire du savant autrichien est consacrée à démontrer 
qu'il existe des pseudomorphoses cubiques dans un grand 
nombre de couches gypsifères, et que ces pseudomorphoses 
doivent être attribuées à la disparition de cristaux cubiques 
de sel gemme. 

Haïdinger cite aussi des pyramides quadrangulaires eb 
des cavités striées en forme d'escalier qui existeraient dans 


{1) Bull. Soc. GéoL. Fr. 1" série, VII, p. 820, 1837. 
(2) Ball. Soc, Géol. Fr, 2* LV, 1847, p. 455. 





les marnes calcariféres salifères d'Onondaga aux États- 
Unis, d'après Eaton (!), et dans une marne bilumineuse du 
Muschelkalk des bords du Weser d'après Haussmann. 

A la suite de cette lecture, Constant Prévost exprima 
l'idée que les faits cités par Haïdinger et ceux qu'il avait 
lui-même observés pouvaient se rapporter à deux causes 
toutes diflérentes. 

Il pouvait y avoir eu production, puis dissolution d'un 
cristal cubique de sel marin; ce serait l'origine de la 
petite cavité cubique centrale sur la nature de laquelle il 
ne s'était pas expliqué. Ces premiers phénomènes auraient 
été suivis d’un retrait, qui se serait opéré régulièrement. 
dans des directions perpendiculaires aux faces de Ia 
cavité cubique. 

Très récemment, M. Munier Chalmas s'est occupé de la 
méme question et a rapporté aussi les pyramides en 
escaliers des marnes à la dissolution de trémies de sel 


gemme. 


3 Position des Sables de Beauchamp 


Quand Constant Prévost, revenu en France, reprit ses 
travaux sur le bassin de Paris, il trouva l'état de la science 
ï n départ. Si les découvertes paléon- 
tologiques de Cuvier et les études stratigraphiques de 
Brongniart étaient toujours accueillies avec faveur, ilw'en 
était pas de même des déductions théoriques qu'ils en 
avaient tirées sur le séjour alternatif de la mer et de l'enu 
P. . On se demandait si l'on ne 

autrement la coexistence de 

uce et de mollusques marins dans le 





{1j Amérie. Journ. of. e.1829, L XV n°2; Pi, Mag 1899, n°31, p.72 





même bassin ; on essayait, sans succès, il est vrai, 
d'acclimater des Lymnées et des Planorbes dans des eaux 
graduellement salées. 

L'attention de Constant Prévost fut particulièrement 
appelée sur ce sujet par une découverte qu'il fit près 
du château de Bagneux, à l'extrémité de la plaine de 
Montrouge (1). 

Dans un puits creusé pour l'écoulement des eaux, au 
fond d'une carrière de calcaire grossier, il trouva une 
petite couche de lignite terreux contenant une grande 
quantité de Lymnées, de Bulimes et de Paludines réunis 
avec des Cérites. La position de ce lignite fut longtemps 
incertaine pour Constant Prévost : il tendait à le rapprocher 
des argiles à lignites de Vanves. 

Deux ans après, en 1823, il observa avec Desnoyers, 
dans une carrière ouverte sur la plaine de Vaugirard, un 
dépôt d'eau douce, en amas allongé, vers la partie supé- 
rieure du calcaire grossier (*). 

Voici la coupe de cette carrière relevée dans ses carnets 
d'excursions. 


Terre végétale, . . - . 

Débris et bancs marneux . 

Quarz carié. Le ‘ 

Calcaire marneux plane . 

Quarz carié. . 

Calcaire silicoux . 

Marne verte, minee . 

Quarz carié, 

Plusieurs lits de calcaire in avec coquilles blanches : 
Corbules, etc. et empreintes végétales 





(1) Bull. Soc. Phtlomatique 1821, p. 56-61. Journal de Physique, 
8 GI 3428. Documents, p. 149-161. 
t. (Bull. de Ferrussac) 1, p. 11. — Bull, Soc 





—70— 


Banes peu épals séparés par de petits lits de marne. Un de 
ces lits renferme des coquilles bivalves minces, 
striées, Plusieurs de ces bancs, exploités sous le nom 
de Roche, renferment une grande quantité de Cérites 


Fig. 4. — Coupe de la partie inferieure de la earriére 
de Vaugirard 


k Banc d'un pied de calcaire marneux blanc (d'eau douce ?} 
avec Cérites, Milliolites, Vénus, Paludines et Pla- 
norbes - . - . . 0" 

1 Lit d'argile verte qui rontermé des Div elvet 0 

m Lignite tourbeux noir . , , EU 

n Sable argileux gris, avec coquities morines et d'eau 1 
OURS nr Ne dt Lei, vs) NT 

o Pié marin . ; 

Calcaire grossier, Piero de 6 tallte 


Constant Prévost assimila d'abord la couche de Vaugi- 
rard à celle de Bagneux, Mais plus tard il changea d'idée 
pour des motifs théoriques, qui seront indiqués ullérieu- 
rement. 

La première de ces observations fut pour Constant 
Prévost l’origine de recherches importantes, dont il 
présenta le résultat à la Société Philomatique le 38 juillet 
1821 et qu'il publia dans le Journal de Physique en 1822{1), 





) Bull. Soc Phil. 38 juillet 1824, p. 133-136; Journal de Physique, 
1822. 





=1— 


Beudant et Gillet de Laumont avaient annoncé avoir 
trouvé dans le grès de Pierrelaye et de Beauchamp un 
mélange de coquilles marines et de coquilles d'eau douce, 
A celte époque, la position du grès de Beauchamp n'était 
pas bien fixée. 

Brongniart l'avait rangé dans le calcaire grossier à la 
page 27 de la Géograghie minéralogique des environs de 
Paris ; mais à la page 26, il conjecturait qu'il appartient 
aux grès marins supérieurs au gypse. 

Constant Prévost soupçonnait que ce grès pourrait 
bien représenter les sables inférieurs au calcaire grossier. 
C'est pour vérifier cette hypothèse et pour examiner le 
mélange de coquilles d'eau douce et de coquilles marines 
qu'il entreprit un voyage de quelques jours dans les 
environs de Pontoise. Il partit de Montmorency, cotoya la 
colline gypseuse pour chercher s'il trouverait le calcaire 
grossier entre le gypse et le sable de Beauchamp ; il 
constala que le gypse descend au niveau de la plaine, au 
milieu de laquelle se trouve le sable, I en conclut que le 
calcaire grossier, s'il existe, est très peu épais. Au milieu 
de la plaine, entre Taverny, Beauchamp et Pierrelaye, il 
vil le grès et le sable former quelques collines basses 
parallèles aux collines de la forêt de Montmorency. 

Une carrière pour l'exploitation des pavés, située entre 
le bois el li route de Saint-Leu à Pierrelaye, près du 
Château de Beauchamp. lui offrit la coupe ci-contre 
(fig. 5): 

Constant Prévost observe que, dans cette carrière, il n°y 
a pas mélange proprement dit de coquilles lacustres et de 
coquilles marines, puisqu'elles se trouvent dans des bancs 
bien distincts ; mais, dans le voisinage, il avait recueilli 
dans le sable blanc à la surface du sol, avec les coquilles 
marines des grès, Lymnea longiscata (arenularia?) et 
Cuclostoma mumia. 





= y — 


La coupe donnée plus tard par Brongniart (!) est copiée 
sur le manuscrit de Constant Prévost en même lemps que 
celle de Triel ; mais Bronguiart l'a interprétée d'une 


a Terre végétale. 

b Fragments de calcaire d'appa- 
rence d'eau douce, mais con- 
tonant des Cérites; réunis 
dans une pâte caleaire . . 1-50 

€ Sable arglleux verdälre avec 
Mélania hordeacea . . . 00 

4 Sable blanc - 040 

€ Litrégulier decalcairessablon: 

Verve. neux avee Lymnéeet Cyclos 
4 tôma mamia . . - « « O5 
ae HE. { Sable avec coquilles marines. 
É à Grès blanc, dur, aveccoquilles 
Fig.5 — Carrière de grés marines. Le bane supérieur 
à Beauchamp. Offre à la surface des ondula- 
Lions arrondies. 


manière qui n’est nullement exacte; ainsi il suppose le 
mélange des coquilles d'eau douce et des coquilles marines, 
quoique Constant Prévost dise précisément tout le con- 
traire. 

De Pierrelaye, Constant Prévost descendit vers Pontoise, 
où il rencontra les carrières de calcaire grossier à un 
niveau inférieur au sable de Beauchamp. Au lieu de 
conclure qu'il a affaire à une assise inférieure, il assimile 
la partie supérieure du calcaire au sable, car on y trouve, 
dit-il, les mêmes fo: . Il juge cette observation très 
remarquable, parce qu'elle indique que, dans la même 
formation et à une petite distance géographique, les 
couches contemporaines peuvent présenter une nature 
minéralogique différente. 


{1) Description minéralogique des environs de Paris ; 2'éaition: 
pl 1 C. fig 1 





me 


Voici la coupe qu'il donne d'une carrière de calcaire 
grossier : 

1° Fragments de calcaire d'eau douce, . 

2 Calcaire compact jaunâtre avec coaiiies marines et 
peut-être Cyclostoma mumia . . UE 

3" Lit de marne verte avec indication de ess COR 

# Calcaire compact avec Cériles , + 4 , + - . - 

5" Caleaire léndre marneux avec coquilles marines - - 

@° Calcoire grossier en bancs puissants. . . . . . 


I dit que le petit lit de marne verte rappelle le gypse; 
puis, ne trouvant pas de sable sous ce représentant supposé 
du gypse, il en conclut encore que le sable de Beauchamp 
est remplacé par du calcaire. 

Il faut ajouter pour son excuse qu'il adoptait l'opinion 
de Brongniart. Le fondateur de la géologie parisienne 
admeltait que les sables de Beauchamp ne sont qu'un 
faciès local de la partie supérieure du calcaire grossier. 

Mais Constant Prévost était assez indépendant pour ne 
pas accepter une opinion sur la foi du maître ; son erreur 
d'appréciation provient d'une erreur de détermination, qui 
vicia tout le reste de son excursion. 

A Pontoise, il traversa la rivière et prit la route de 
Rouen. A la sablière de Marcouville, il vit le calcaire de 
St-Quen, le sable vert à Melania hordeacea, le sable et legrès 
de Beauchamp, I observa que les lits de sable ne sont 
pas parallèles entre eux, les uns sont horizontaux, 
d'autres sont inclinés et les lits horizontaux sont séparés 
des lits inclinés par des lignes courbes. C'est une obser- 
vation très nelle de la structure que nous nommons 
aujourd'hui entre-croisée ou par fausse stratification. 
Constant Prévost n'hésite pas à signaler son analogie avec 
la disposition qu'on remarque dans les dunes ou accumu- 
lations de sable par les vents, C'est encore l'explication trop 
absolue que donnent actuellement plusieurs géologues 
distingués, Dans beaucoup de cas, surtout lorsque certains 








— "0m 


rit 


lits sont comme à Marcouville formés de détritus de 
coquilles, la stratification entre-croisée s'est formée sure 
rivage sous l'influence des courants. 

Constant Prévost descendit ensuite vers Osny pour recon- 
naître le terrain sur lequel repose le sable, il vit des 
carrières de calcaire el il y commit les mêmes fautes 
d'appréciation qu'à Pierrelaye. Vers la partie supérieure 
de Ja carrière, il signala un petit lit de marne verte avec 
rognons de sulfate de strontiane et, un peu en dessous, 
intércalé dans le calcaire, un banc de sable fin qu'il jugea 
semblable à celui de Marcouville. C'était une preuve de 
plus à invoquer en faveur du parallélisme supposé du sable 
et du calcaire. 

De l'autre côté du plateau, sur le chemin de Pontoise à 
Cergy, en descendant vers l'Oise, il fit une autre observation 
qui devait être le germe d'une théorie géogénique du 
bassin de Paris. 

I vit un litcontinu formé de morceaux de calcaire blane, 
qui, non seulement avait l'apparence minéralogique du 
calcaire d’eau douce, mais encore renfermait des Lymnées, 
des Bulimes, ete, 1 y remarqua avec le plus grand éton- 
nement des Milliolites, des Natices, et Le Cerithéum lapidum, 
non point disséminés dans toute la roche, mais pelo- 
tonnés en petites masses ou distribués par veines. 

Ce calcaire que Constant Prévosl trouvait si remarquable 
est le banc vert des géologues parisiens. Il repose sur un 
banc à Williolites et à Orbiolires complanata et celui-ci sur un 
petit Hit de marne verte semblable à celle d'Osny. 

Constant Prévost le crut d’abord supérieur au salle, 
mais il reconnut plus lard sa véritable position. (1) 

Constant Prévost visita ensuite le plateau de meulières 
de l'Hautie, les carrières de calcaire de Vaux, le gypse de 
Triel, les environs de Meulan et revint par Nouvelle à la 
Seine, où il prit le batéau pour Paris, 








{tj Bull, Soc, Philom., 14 janvier 1823, p. 104. 








TE 


Entreautres observations, il donne une coupe du sommet 
de la colline de Hautie jusqu'à la Grande route : 


Mouilères avec coquilles d'eau douce et gyrogonites. 

Sable avec tables de grès luisant. 

Argile vérté. 

Gypse avec une très grande quantité d'ossements. 

Marne blanche et gypso à cristaux. 

Marne blanche avec petits Bulimes et lits puissants de rognons 
calcaires, comme à Saint-Ouen. 

Sable vérdâtre avec blocs de grès 

Petit lit presque entièrement composé de Melania hordacea, 

Sable avec coquilles de Beauchamp et grès, 

Calcaire tendre, calcaire compact, marne et argile, disposés sur 
15 lits alternatifs formant un ensemble de 10* d'épaisseur. 


Plusieurs banes de ce calcaire lui montrérent l'apparence 
de celui de Cergy, où ilavait tronvé un mélange de Millio- 
lites et de Lymnées. « Il est vrai, éeritil, qu'il n'y a pas 
de Lymnées, mais la pâte a l'apparence d'un calcaire d'eau 


douce et les Milliolites sont pelotonnées ou réparties par 
veines. n 

Un banc de marne argileuse verdâtre lui rappelle aussi 
les caractères de celle des gypses de Montmartre, où il a 
découvert avec Desmarets des fossiles marins, 

A Triel, il constate également que les sables de 
Beauchamp se trouvent entre le gypse et le caleaire 


gré ses erreurs d'appréciation et de détermination, 
Constant Prévost atteint le résultat qu'il cherchait ; il 
réconnul que les sables de Beauchamp sont distincts des 


lard, quand de nouveaux doutes furent émis sur le 
méme sujet par Méricard-Ferrand, Constant Prévost 
affirma son opinion (!). 


{t) Bul. Soc, Géol, LI, p. 241 (1833). 








EC 


Bien que Constant Prévost wait pas publié de note à 
cette occasion, on peut être certain que dans ses cours, 
soit à l'Athénée, soit à la Sorbonne, il développait les faits 
positifs sur lesquels reposait son affirmation. 

On trouve dans ses carnets de voyage des coupes faites à 
Valmondois, en 1825, où l’on voit que les sables fossilifères 
de Beauchamp sont nettement superposés au calcaire 
grossier, Il note dans le sable des galets de calcaire 
perforés par des pholades. 


Fig. 6. — Coupe prise au racin de Valmondois 
a Limon. 
b Limon contenant des grès épars et des cailloux noirs, 
ce Grès en blocs à la surface du s01. 
4 Sable vert se 1ant au limon : quelques coquilles, 060, 
e Sable coquiller, coquilles roulées, ete., fragments de calcaire 
percé par les pholades, 3". 
S Caleaire grossier à grains fins. 


Dans une autre coupe prise à Noint près de Francon- 
ville (fig. 7), il montre la superposition du calcaire de 
Saint-Ouen aux sables de Beauchamp. 

C'est done bien à tort que d'Archiac s'attribue le mérite 
d'avoir fixé l'âge du grès de Beauchamp 





11) Histoire des Progrès de la Géologie I, p. 569. 





=m— 


Quant à la question de géologie générale, dont Constant 
Prévost cherchait la solution, celle du mélange de 
coquilles marines et de coquilles d'eau douce dans un 
même banc, il l'avait constatée en plusieurs points et l'on 
verra plus loin les conséquences théoriques qu'il en tira. 


a Terre végétale. 

b Fragments de calcaire d'eau 
douce, 

€ Marne verdâtre feuilletée. 

‘4 Calcaire d'eau douce. 

2 Marnes blanches avec Cyclos. 
tomes, Ulves? 

J Marnes blanches fragmen- 
taires. — Potites Paludines, 

g Coquilles marines. 

h Grès et sable çoquiliers. 


Fig. 7. — Coupe sous Franconvélle, prés de Nointel 


Ce mémoire de 482 est important pour peindre l'état 
de la Science géologique à cette époque et pour montrer 
Constant Prévost à l'œuvre comme stratigraphe. Nous le 
voyons s'attacher à une foule de petites observations, dont 
il fait ressortir tout l'intérêt, mais dont il ne peut ni peser 
l'importance, ni tirer les vraies conséquences, parce que 
les grands principes de la Géologie lui manquent comme à 
tous ses contemporains. 

On accordait encore trop d'importance au caractère 
minéralogique. Une couche de marne verte est rapportée 
au gypse parce qu'elle rappelle certaines murnes du 
gypse. Les espèces fossiles analogues sont confondues et 
par conséquent les niveaux fossiliféres ne sont pas distin- 
gués. On n'avait aucun caractère certain pour reconnaitre 
une même couche à quelque distance, En un mot la 
science positive ne comprenait encore que quelques obser- 
vations détachées et aucune loi générale. 





4 Étude des côtes de Normandie et de l'Angleterre 


En 1808, Constant Prévost avait suivi à pied les côtes de 
la Manche, de Dieppe à Saint-Malo, sous la direction de 
Brongniart. Il avait immédiatement compris quelles res- 

ises à pic pouvaient offrir à l'observation 
des géologues ; il y retourna en 1821 avec son ami de 
Blainville et, à la fin de la même année, il présenta à 
l'Académie des Sciences un mémoire important sur la 
composition des falaises depuis le Boulonnais jusqu'au 
Cotentin. 

On ne pôssède plus les carnets de ce voyage, qui ont été 
détruits dans un incendie, Mais on à le manuscrit du 
mémoire el le rapport que fil à son sujet une commission 
composée de Cuvier, Prony et Brongniart, 

La première partie du mémoire est consacrée à la des- 
eriplion des diverses couches qui constituent les falaises. 
Il en distingue 75. Il avail reconnu qu'elles présentent 
une grande courbure, dont il place la partie centrale vers 
l'embouchure de la Seine et dont les extrémités s'appuient 
d'un côté sur les terrains anciens du Cotentin et de l'autre 
sur ceux du Boulonnais. La deuxième partie est formée 
par une descriplion locale des falaises, qu'il suit pas à 
pas, depuis Saint-Valéry jusqu'à Valognes. Le mémoire de 
Constant Prévost est excessivement remarquable pour 
l'époque où il fut fait, car il n'y avait encore rien d'écrit 
sur la Picardie et sur la Normandie. 

Le seul travail qui existait alors sur la Normandie était 
deux lettres de de Gerville sur les fossiles que l'on trouve 
dans le Cotentin, La stratigraphie y était à peine ébauchée 
et l'auteur déclarait lui-même n'y avoir pas grande 
confiance. 





EN, 


Le mémoire de Constant Prévost constituait donc un 
progrès très important pour la géologie de la France, 
Aujourd'hui encore la lecture en est attrayante. Néanmoins, 
conformément à ce qui a été dit plus-haut, il sufira d'y 
signaler quelques points d'un intérêt tout particulier. 

Après avoir fait remarquer la ressemblance des terrains 
aux deux extrémités de la ligne des côtes, dans le Cotentin 
et dans le Boulonnais, Constant Prévost montre que la 
ressemblance se continue à l'intérieur du pays. Il en déduit, 
que les points extrêmes forment le bord d'un vaste golfe, 
où se sont déposées les couches plus récentes, 

Il donne beaucoup de détails sur les couches tertiaires 
de Varangéville, sur le calcaire à Baculites et le falun 
tertiaire de Valognes. 

Sur presque toute la ligne des falaises, depuis l'embou- 
chure de la Somme jusqu'à Dives, il vit un terrain de 
transport rougeâtre qui a quelquefois jusqu'à 40 mètres 
d'épaisseur. 

Il distingua une partie inférieure formée par une argile 
plus ou moins sableuse empâtant de très gros silex blonds, 
qu'il reconnut par leur forme et par leurs fossiles pour 
être ceux de la craie, « Ils ne paraissent pas, écrit-il, avoir 
été roulés, au moins pendant longtemps, mais ils sont 
brisés et leur fragments sont enlassés pèle-mèle dans 
l'argile qui leur sert de gangue. » On a reconnu à cette 
description l'argile ou bief à silex. 

La partie supérieure est formée par une masse puissante 
de sable rarement blanc, presque toujours rouge orangé. 
Il s'agit ici du limon avec lequel il confond quelques 
lambeaux de sable éocène, 

Au milieu de ce sable très fin, il vil d'espace en espace 
d'énormes blocs ou rognons de grès solides dont les sur- 
faces sont mamelonnées et arrondies, «sans que l’on puisse, 
dit-il, attribuer leur forme au frottement. H paraît plus 





probable que ce sont des masses solides formées par agglo- 
mérations successives au sein de la masse de sable, à 

11 vit ce terrain de transport reposer sur les lignités. 11 
confond ici l'argile à silex tertiaire avec le bief à silex 
quaternaire, confusion qui était encore facile, il y a 
quelques années, 

A ce propos, il rappelle que le terrain de transport des 
environs de Paris est aussi formé de silex de la craie qui 
ont été entrainés des bords du bassin vers le centre. 

Dans les conclusions, on trouve une vue très nette du 
bassin stratigraphiquede Paris, Quoique horizontalesd'une 
manière générale, les couches de ce bassin se relèvent de 
toutes parts en se rapprochant de ses bords. Elles sont plus 
épaisses vers le centre, et sont d'autant plus étendues 
qu'elles sont plus anciennes, de sorte qu'elles se dépassent 
et qu'elles forment à la surface du sol une série dé bandes 
concentriques. 

D'Omalius d'Halloy avait dit la même chose en 1843: et 
Constant Prévost avail certainement lu son Mémoire ; 
mais il alla plus loin que d'Omalius, il réunit le sud de 
l'Angleterre au bassin de Paris. 

Les mêmes formations s'y montrent dans le même ordres 
on y voit le contact des couches horizontales avec les 
terrains anciens, w Le bassin de l'ile de Wight, ajoute-t-il, 
peut donc être considéré comme ayant fail partie inté- 
grante du bassin de la Seïne à une certaine époque. Le 
bassin de Londres au contraire appartient à un autre grand 
système qui comprend la Belgique, la Hollande, toute Ja 
basse Allemagne jusqu'à Kænigsberg. Les eaux de la mer 
paraissent avoir séjourné beaucoup plus longtemps dans 
ces divers lieux que dans le bassin de la Seine, Ces deux 
bassins n'ont-ils été en communication qu'après la rupture 
de l'isthme du Pas-de-Calais? C'est par l'examen minu- 
tieux des terrains et par la comparaison des fossiles qu'il 
sera possible de répondre à ces questions, » 





AN 


Comment se fait-il que ce mémoire si remarquable, qui 
jetait un jour si nouveau sur la géologie du Nord de la 
France n'ait pas été publié ? 

Il faut en accuser d'abord et avant tout l'hésitation que 
Constant Prévost a toujours montrée quand il fallait livrer 
ses travaux à l'impression, Dans ce cas particulier, une 
cireonslance a dû augmenter ses appréhensions. Pendant 
que son travail étailentre les mains des commissaires de 
l'institut, De la Bèche publia, dans les Transactions de la 
Société Géologique de Londres, une comparaison des deux 
rives de la Manche. 

Constant Prévost jugea, dès lors, qu'avant dé terminer son 
travail, il lui était indispensable de visiter l'Angleterre. 11 
y fit un premier voyage en 1824. Il reçut l'accueil le plus 
amical des principaux géologues anglais: Lyell, qu'il avait 
guidé l'année précédente dans les environs de Paris, Fiton, 
Segdwick, Buckland, Conybeure, Weaver, Cumberland, 
Davy. 

Il visita successivement sous leur direction les localités 
géologiques célèbres de l'Angleterre, Stoneslield, Dudley, 
la montagne de Malvern, Farfeld, Bristol, a vallée de la 
Wye, Bath, Exeter, Penzance, les caps Landsend et Lizard, 
Plymouth, Lyme-Regis et Portland, s'arrétant partout où 
il ÿ avait une colleetion importante, reçu partout avec cette 
courtoisie exquise, que savent déployer les Anglais, lors 
qu'ils veulent faire à un étranger l'honneur de leur pays. 

Constant Prévost goûta tant de charmes dansses relations 
amicales avec la sociélé anglaise qu'il alla chercher sa 
femme à Paris et l'amena à Londres. Ils y restèrent une 
quinzaine de jours; puis il allèrent avec Fitton passer 
une semaine à l'ile de Wight et ils revinrent en France par 
Brighton et Dieppe. 

1 dut recueillir dans ces voyages un grand nombre de 
faits intéressants, mais il ne les publia pas, Il se borna 





à en faire part à ses amis; il en fit probablement aussi 
l'objet de quelques communications à la Société d'Histoire 
naturelle, car Desnoyers le cite continuellement comme 
autorité dans un mémoire sur le terrain Jr de l'O. 
de la France. 

Ses carnets de voyagé renferment de nombreuses 
coupes. [ serait difficile de dire maintenant les faits 
nouveaux. qu'il avait reconnus et de distinguer ce qui 
lui est propre et ce qu'il devait à ses compagnons de 
voyage. 

Les seules publications, auxquelles ses observations ont 
donné naissance, appartiennent essentiellement à la paléon- 
tologie, non point à la paléontologie descriptive, mais à la 
partie philosophique de cette science et à ses applications 
à la géologie, 

A propos d'une tête de poisson, rencontrée à Villers- 
sur-Mer, à la base des falaises des Vaches noires, il 
parle (!) de ses analogies avec une tête de poisson trouvée 
à Grandmont, près de Beaune (Bourgogne), dans un 
calcaire jurassique analogue à celui de Villers, et que 
Blainville avait nommée Elops macropterus. 

« Voilà done, dit-il, encore une espèce d’être organisé 
dont les débris se retrouvent à une distance considérable 
dans des couches d'u une même époque, Papèo qui n'a été 


+ (QI faut n'admettre un fait évidemment en. 
opposition avec le prineipe gén ral qu'il semble renverser, 


(1) Sur une ichthyolite des rochers des Vashes noires. Bull. 
Soc. Philom. 1824 p.41 et Ann. Se. Nat. HIT, 1824 p. 243. 





= 


qu'après s'être bien assuré qu'il n'est pas explicable par 
une disposition locale, » 

Il veut parler ici de la découverte de mammifères dans 
le terrain jurassique de Stonesfield, découverte qui préoc- 
cupait alors les savants. 

Stonesfeld est un petit village à 6 lieues au N.-0. d'Oxford, 
dans une plaine ou plutôt dans une large vallée, ondulée de 
collines basses et arrondies. C'est le siège d'une exploi- 
tation importante de pierre calcaire nommée Pendle. Cette 
pierre, après avoir été exposée à la gelée pendant l'hiver, 
se fend en lames minces, dont on se sert pour couvrir 
les toits. En fendant une de ces pierres, on découvrit une 
mâchoire que Cuvier, dans une visite au Musée d'Oxford, 
reconnut avoir appartenu à un mammifère didelphe, 

L'illustre anatomiste avait posé comme principe que 
les mammifères n'étaient apparus qu'après la craie, La 
découverte qu'il venait de faire à Oxford, était si extraor- 
dinaire que, de retour à Paris, des doutes le prirent sur sa 
détermination. Dans la seconde édition de son dernier 
volume sur les ossements fossiles, après avoir parlé des 
ossements de reptiles trouvés à Stonesfield, il dit: «Parmi 
ces innombrables fossiles marins sont, à ce qu'on assure, 
deux fragments de mâchoire qui, lors d'une inspection 
rapide que je fis à Oxford, en 1818, me semblèrent de 
quelque didelphe. » 

Un des premiers soins de Constant Prévost à son arrivée 
en Angleterre fut d'aller à Oxford, où il fut accueilli 
avec la plus grande bienveillance par le professeur 
Buckland. Celui-ci lui proposa même de lui confier les 
mäâchoires pour que Cuvier pût les étudier à loisir; mais 
il est probable que Constant Prévost ne voulut pas se 
charger d'un dépôt si précieux, il se contenta de dessiner 
une de ces mâchoires et d'envoyer son dessin à Cuvier, 

Ce dessin dissipa tous les doutes, l'animal était bien un 
didelphe, mais la question de gisement était à régler, 





Constant Prévost l'étudia avec soin. Malgré les afirma- 
tions des géologues anglais, Phillips et Conybearé, il 
conserva des doutes sur l'âge des calcaires exploïtés (1) 

A fait observer qu'on ne voit pas de superposition stratis 
graphique, qu'on ne connail pas les couches qui les sur. 
montent, que les caractères de la roche semblent spéciaux 
à la localité de Stonesfield, que les débris fossiles ÿ sont 
isolés’et entassés sans ordre, qu'ils ont appartenu à des 
animaux marins comme à des animaux terrestres. 

Mais le grand argument qu'il invoque est un argument, 
paléontologique, Il rappelle que l'association des fossiles 
trouvée à Stonesfield, os de Mégalosaure, d'oiseaux (il 
s'agit da Pterodactyle), de Plésiosaure, de Crocodile, de 
Tortues débris de Squales, de poissons, bois, empreintes 
de fougères, elc., existe aussi dans les sables ferrugineux 
de Tilgate en Sussex, qui appartiennent, comme on le sait, 
au Wealdien. 

Buckland avait été frappé de cette ressemblance. Après 
avoir donné la liste des fossiles communs à Stonesfeld et 
à Tilgate, il dit : «Les analogies ci-dessus démontrées son 
très frappantes, et quoiqu'elles montrent que les conditions 
de la terre étaient à peu près lès mêmes dans le moment 
où les deux formations ont été déposées, cependant 16 
nombre et l'épaisseur des strates d'oolithé intérposés entré 
les deux nous défendent même pour un instant de soup 
çonner leur idendité (?). » 

(Aj Observations sur les schistes caleaires colitiiques dé 
Stônesfeld àn Angleterre, dans lesquels ont été trouvés pla 
sieurs ossements fossiles dé mammiféres. Ann. Sc. Nat. IV 
1825, p. 859. 

Obseroation sur le g! t du megalosaure fossile. Bull 
Sce. Phil. 18%, p. 1. — Bull. Sc, Nat Ferussac, VII, 1555» 
net E Mémoire sur le Megatosaure de Stoncafeld. 








rh 


Constant Prévost, qui n’a pas été convaineu de la position 
“attribuée par les Anglais aux schistes de Stonesfeld, ne 
partage pas la même certitude, 

Il verrait volontiers dans les schistes de Stonesfeld et 
dans les sables de Tilgate des amas de détritus de dillé- 
rents âges, apportés par des cours d’eau postérieurement 
à la consolidation du terrain jurassique et du terrain cré- 
tacé. C'est la théorie qu'il proposait pour le mélange de 
coquilles marines et d'eau douce du bassin de Paris, Il se 
défend de vouloir en faire l'application aux schistes de 
Stonesfield. Mais on voit que c’est une idée qui hante son 
esprit et qu'il appliquera à la solution de toutes les diffi- 
cultés paléontologiques. () 

Les observations de Constant Prévost sur Stonesfield 
furent publiées à l'occasion d'un mémoire déjà cité de 
Desnoyers. (*) 

Ce mémoire a eu pour objet de faireconnaitre les terrains 
de la Normandie, entre Belesmes et Alençon, et particuliè- 
rement de signaler une couche de calcaire oolitique, qui 
renferme, près de Mamers, unegrandequantitéde végétaux, 

vait assimiler aux schistes de Stonesfield. 
aiten méme temps une description assez 

lie. C'était la première application 

enclature anglaise aux couches jurassiques du 


en 1852, Constant Prévost dit qu'après s'être proposé 
ssibles sur le gisement de mammifères de 

u que ces mammifères n'ont pas été trans- 

puits, soit de toute autre manière, car ils sont 
üpart des fossiles qui se rencontrent à Mamers. 





4 


Constant Prévost avait fourni à Desnoyers de nombreux 
renseignements. Dans son rapport à la Société Philoma- 
tique, il parle du travail géologique qu'il avait entrepris 
sur les falaises de Normandie, 1] rappelle la structure du 
bassin de Paris avec sa ceinture jurassique appuyée sur 
l'Ardenne, les Vosges, le Morvan, le Limousin, la Bretagne, 
le Cotentin. I! ajouté que, pour compléter l'enceinte, pour 
trouver les bords Nord-Ouest du bassin, il faut passer en 
Augleterre dans le Cornouailles et le Pays de Galles. 
étaye ses dires d'une coupe d'Oxford à Charlbury, qu'il met 
à côté de la coupe de Belesmes à Alençon présentée par 
Desnoyers. 

Il dit que ces coupes confirment celle des falaises du 
Calvados et celles de Paris aux Ardennes et au Jura qu'il 
inséra probablement dans le mémoire précité, Enfin, &l 
donne un extrait d'une carte géologique montrant le pro- 
longement des couches jurassiques de Normandie en 
Angleterre. (!) 

Constant Prévost avait visité la célèbre localité anglaise 
de Lyme-Régis, où l'on rencontre dans les argiles du Lias 
une foule de débris de grands reptiles, Icthyosaures el 
Plésiosaures, 

IL y arriva au moment où l'on venait de découvrir un 
Plésiosaure ; il l'acheta et en fit hommage au Muséum de 
Paris. À celte occasion, il commupiqua à la Société 
Philomatique {) un aperçu sur la géologie de Lyme-Régis 
et sur les principales espèces de reptiles qu'on y avait 
découvertes. 

On trouve dans ses carnets de voyage quelques détails 
sur son acquisi 

Le commerce des fossiles de Lyme-Régis était alors 
entre les mains d’une femme, Mis Mary Anning. C'estelle 





(1) Ann, Se. Nat,, 1" s., IV, p.389, pl. 17. 
(2) Bull. Soc. Phil., 1895, p. 107. 





= 


qui trouva le premier squelette, celui qui est au collège des 
Chirurgiens à Londres. Elle le vendit 5 1. s. au Colonel *# 
qui l'a revendu de suite 80 L. s, 

L'Ichtyosaure, qui est au musée de Bristol, a été vendu 
50 1. s.; un Plésiosaure a été acheté 120 L 8. par le duc de 
Buckingham. Le Plésiosaure du Muséum de Paris a été 
découvert par des marins sur la plage, Miss Anning le leur 
a acheté 3 livres et elle le vendit 10 1. à Constant Prévost, 

En 1851, Constant Prévost retourna en Angleterre, mais 
ses carnets ne contiennent aucune trace de ce nouveau 
voyage. 

Il séjourna une semaine à Hordle, chez la Marquise 
d'Hastings. Il fit sous sa direction une étude détaillée des 
couches fluvio-marines de celte partie du Hampshire, Il 
obtint aussi de la Marquise qu'elle envoyät le résumé de 
ses observations à la Société géologique de France ('). 

En 1849, une nouvelle excursion à Dieppe rappela à 
Constant Prévost le projet qu'il avait formé de donner 
une. description géologique détaillée du littoral de la 
France. I fit part de son programme à l'Académie (?}, 
mais la proposition n'eut aucune suite, 


5° Position des Lignites du Soissonnais 


Monnet (3), puis Poiret (+) avaient signalé dans le Sois- 
sonnais un dépôt charbonneux contenant de la pyrite, qui 
était employé pour la fabrication de l'alun. Ils avaient 
observé des coquilles d'eau douce dans les banes inférieurs 
et des coquilles marines probablement des huîtres dans 
les bancs supérieurs. 





{1} Bull. Soc. géol. 2 S IX, p. 191, 185. 

(2) Compt. Rond. Acad. des Se. XXIX, 26 nov 1849. 
(3) Description minéralogique de la France p. S0. 
(4) Sournal de Physique LI, p. 242 et LIN, p. 5. 





Dans son premier article, publié en 4800, Poiret avait 
conslaté que ces tourbes pyriteuses, comme il les appelait; 
sont situées à un niveau inférieur aux calcaires et aux 
sables marins qui constituent les collines du Soissonnais 
et du Laonnais. 

Liadmit qu'après la formation de la tourbe dans les eaux 
douces, la mer est revenue couvrir le pays et y a déposé les 
sables et les calcaires. Des courants, qui auraient existé an 
sein de la mer, où des torrents, qui se seraient produits 
depuis sa retraite, auraient déblayé les vallées actuelles de 
manière à mettre à nu les couches de tourbe pyriteuses 

Coupé lui répondit (‘) que ces dépôts de lignites peuvent 
être postérieurs au ereusement des vallées et que les 
coquilles marines, qui sont à la partie supérieure, yauraient 
été amenées par le lavage des sables des plateaux, 

Dans son second article, en 1804, Poiret exposa la même 
hypothèse que Coupé; il la déclara possible, cependant il 
préféra encore la première pour des raisons qui n'ont rien 
de scientifique. 

Quelques années plustard, 1843, Héricard-Ferrand fournit 
à Brongniart des détails sur la structure du Soissonnais 
et donna une coupe où l'on voit dans la vallée le dépôt de 
ligoites surmonté par des sables qui passent sous le 
calcaire grossier (2). 

Brongniart reproduisit (#) la coupe d'Héricard-Ferrand 
en acceplant les conclusions de Poiret. 

Constant Prévost avait fait vers la même époque la 
coupe de la montagne de Paris près de Soissons ; ses 


(} Journal de Physique, LH, p. 150, 

(9) Héricann Fennaxn: Sur tn terrain Wear douce supers 
Jleiel et les terrains qui lui sont inférieurs entre les rivières 
d'Aisne et d'Oureq. Ann, des Mines, 1821, VI, p. 419. 

(3) Deseription géologique des environs de Paris 1822: PAR. 
fig. 2. 





conclusions doivent avoir été conformes à celles d'Héri- 
card (‘), car Brongniart cite les deux géologues en même 
temps (*) et s'appuie sur leur témoignage pour mettre les 
lignites du Soissonnais au niveau de l'argile plastique. 

Mais, sous l'influence de la découverte qu'il avait faite, 
en 18%3,d'un petit banc ligniteux dans le calcaire grossier 
de Bagneux (*}, nous voyons Constant Prévost concevoir 
des doutes sur la position des lignites. 

L'année suivante, 1824, il observa dans l'ile de Wight, 
les argiles ligniteuses d'Headon-Hill, qui sont supérieures 
aux sables à Nummulites lwvigata, H fut frappé de leur 
analogie avec célles du Soissonnais et dès lors ses doutes 
augmentèrent. . 

Au printemps de 1825, il fit un nouveau voyage dans le 
Soissonnais. IL vit les sables de Beauchamp à Nanteuil.le- 
Hardouin, puis atteignit, à Vauciennes, dans la vallée de 
l'Authonne, les couches inférieures au calcaire grossier. 

A celte époque, les sables que nous nommons actuel- 
lement sables du Soissonnais et sables de Cuise étaient 
encore fort peu connus. Brongniart les avait réunis au 
calcaire grossier, ne sachant mêmes'ils luiétaient inférieurs 
ou supérieurs, Constant Prévost les distingua parfaitement, 
dans tout le cours de son voyage ; il remarqua à Vau- 
ciennes que ces sables se présentent en stralification 
entrecroisée et qu'ils contiennent des zûnes sinueuses 
de petites Nummulites. 

A Vauxbuin, il rencontra les premières cendrières ; il 
figure dans des coupes, les couches d'argile ligniteuse 
comme s'enfonçant sous les sables précédents. 

I visita les sablières d'Osly (fig. 9) et d'autres encore 
dont le localité n'est pas indiquée dans ses notes; puis 





{t) Ses manuserits ne contiennent rien sur € voyage. 
Bi Description géologique des environs de Paris, p. A. 
B} voir p. 69. 





celles d'Urcel, où il vit les lignites recouverts par des grès, 
celles de Fétieux, de Saint-Gobain (fig. 10, 14) et de 
Bracheux, 

La disparition de presque toutes les cendrières donne 
de l'intérêt aux coupes observées par Constant Prévost 


Fig. 9 — Cendrière d'Osly 
a Terre végétale, cailloux roulés débris. . . . 1pled L 
b Tuf coquiller blane jaune, en lits sinueux ; 
petites Huitrés, Cyrènes, Cérites . . . . 
< Lit de cendre noire, lignite térreux. 
d Argile brune, schisteuse, bitumineuse. . , 
€ Tof charbonneux et coquiller; coquilles brisées, 
Cyrènes, Mélanopaides. 
J Sehiste bitumineux à graîns fins, en its di s 
tinus, remplacés par de la cendre. 
g Séhiste moins fin : Planorbes, plantes , : . 
h Cendres . . + . . «+ + 1 à 4 pieds. 
étaient exploités à une 
faible babléur dans 
grossier, Maisil 


faite ressemblance avec ceux du So ssonnais. Comme dans 
le Soissounais, ils sont accompagnés de lits remplis de 
coquilles d'hultres. Ils lui parurent situés contre les sables 
calcarifères inférieurs (sables du Soissonnais) et à un 
niveau plus bas, [l se demanda quel est le rapport de ces 





= 


deux assises, et, à la page suivante, il résolut la question 
dans une coupe graphique en faisant passer les lignites 
sous le sable. 

Mais le souvenir des lignites d'Headon Hill le pour- 
suivait. L'année suivante, il se remit en route pour visiter 
avec Desnoyers, la Picardie, le Soissonnais et une partie 
de la Champagne. 


Fig. 10. — Cendriére prés de Saint-Gobain 


a Terre végétale. i Sable coquiller. 

& Sable terreux. j Cendres. 

e Lit schisteux. k Sable bleuâtre coquiller : 

d Sable terroux. Huitres, Cyrènes, Cériles. 
Lit L Cendres. 

#, Sable gris. m Sable argileux bleuâtre : 

9 Pilé jaune ; cailloux noirs. Coquilles brisées. 

h Gendre. ñn Cendres. 


Le carnet qui contenait les notes de ce voyage ne s'est 
pas retrouvé. Mais nous en connaissons les résultats par 
quelques lignes que Desnoyers a consacré à la question, 
dans son rapport sur les travaux de la Société géologique 
de France en 1831. 

Ils revinrent convaincus que la plus grande partie des 

i, ites, sinon le système entier, ne passe pas sous le cal- 
ssier, mais qu'il emplit des vallées et qu'il est 
sur les bords des escarpements de calcaire grossier. 





Desnoyers ajoute que leur manière de voir a été fortifiée 
par des considérations paléontologiques. 


a 
a 


Ed 


Fig. 11. — Cendrière Henry à Saint-Gobain 


a Sable terreux se Mant à la terre végétale. 
b Marne jaune. 
e Plé coqailler. 
d Lignes sinveuses de Mgnites. 
e Argile bleuâtre. + . , + « . + + . « . pied. 
J Lignite terreux. . . 2 2 0 7, TER 
4 Argile bleu verdätre, plastique h En, ONCE 
h Lignite terreux, 
é Argile bleu verdâtre, plastique ; coquilles dans le 

DAS. . +: à «se», « als) y, vo » Spies 
À Lignite. 
& Lignite terreux et argile. 
L Lignites. 


Les lignites contenant des ossements de mammifères 
leur paraissaient moins anciens le calcaire grossièr 
où l'on n'en avait pas encor ur faisaient valoir de 
plus la présence dans les ll fe es de [ 
gues aux espèces vivantes et la différence entre les fossiles 
des lignites et ceux de Grignon. 





Ils en conclurent que les lignites du Soissonnais appar- 
tiennent à une époque plus récente que l'argile plastique(:} 

Brongniart adopta leur manière de voir (2), Deshayes y 
apporta son adhésion à la suite d'un voyage à Epernay, où 
il vit que les lignites sont silués. comme le calcaire 
grossier, entre la craie et les assises à meulières. 

« Près de Reims, dit-il, à Hautvillers, les lignites et le 
calcaire grossier sont bout à bout, l'un à côté de l'autre, 
c'est-à-dire que l'argile s'est déposée dans des vallées du 
calcaire grossier et que les deux formations ont été couver- 
tes par les meulières (8), » 

Desnoyers et Prévost ayant de nouveau exprimé leur 
opinion à la Société Géologique dans la séance du 4 juin 
1832, Elie de Beaumont déclara avoir de fortes raisons 
pour continuer à regarder les lignites du Soissonnais 
comme inférieurs au calcaire grossier (*). 

Alors Constant Prévost développa quelques arguments 
en faveur de son opinion. Il rappela que dans l'ile de 
Wigbt, à Headon Hill, on rencontre l'argile plastique el 
l'argile de Londres, qui correspond au calcaire grossier 
{il y joignait l'argile de Barton), toutes deux en couches 
verlicales et un système de couches horizontales composé 
de deux formations d'eau douce avec lignites (Headon 
Beds, Osborne beds) séparées par un dépôt marin. Les 
fossiles d'Headon Hillavaient été déterminés par Deshayes 
qui avait reconnu, Melania inquinata, Melanopsis bucoi- 
noidea, Paludina lenta, Neritina pisiformis, Cerithium fasci- 
culatum, Cyrena Gravesi, Ostrea sparnacensis, tous des 
lignites du Soissonnais (#). 





{1} Bull. Soc. Géol. IL, p. 278. 
(2) Bull. Soe. Géol. IL, p. 278. 
43) Bull. Soc. Géol. If, p. 83. 
(4) Bull. Soc. Géol, 1, p. 419. 
(5) Bull, Soc, Géol, 1, p. 428, 





Devant de pareilles détérminations faites par le paléon- 
tologiste le plus compétent de l'époque, il était logique 
d'assimiler les lignites du Soissonnais à ceux d'Headon et, 
par conséquent, de les considérer comme plus récents que 
le calcaire grossier. 

Elie de Beaumont répondit par un mémoire étendu sur 
le terrain tertiaire inférieur du Nord de la France et sur 
les dépôts de lignites qui s'y trouvent. 

Son principal argument est tiré d'une coupe du plateau 
du bois de Vermand entre Saint-Quentin et Péronne, On 
y voit une couche de lignites recouverte par du sable jaune 
qui contient des rognons calcaires pétris de Nummulites, 
Ilen conclut que les lignites du Soïssonnais appartiennent 
à la partie inférieure du calcaire grossier, 

Deshayes demanda à Elie de Beaumont s'il avait trouvé 
des fossiles dans ses lignites inférieurs au calcaire grossier 
et, sur sa réponse négative, dit queces lignites pourraient 
très bien être différents de ceux du Soissonnais, car ceux: 
ci contenaient quatre espèces encore vivantes dans le midi 
de l'Europe (Melanopsis costata et buccinoïdea, Melania 
inquinata, Paludina subcarinata), proportion d'espèces 
vivantes bien supérieure à ce que contenait 
grossier (). 

Onvoit l'erreurse continuer, basée sur des raisonnements 
paléontologiques hâtifs. D'un autre côté les observations 
d'Élie de Beaumont étaient bien incomplètes ; ; avec son 


grossier, c'est du limon « uaternaire avec débris de silex à 
Nummulites. 


{i) Bull. Soc. Géol. IL, p. 44. 





— 9$ — 


Constant Prévost appuya l'hypothèse de Deshayes. I fit 
remarquer qu'il avait toujours distingué, dans le Sois- 
sonnais comme aux environs de Paris, deux systèmes à 
lignites : l'inférieur visible à La Fère, Dreux, Gentilly, 
rarement fossilifère et qui appartient à la formation de 
l'argile plastique; le supérieur, visible à Épernay, Varan- 
géville, Bagneux, Vaugirard, Montmorency, Headon Hill, 
contenant un mélange de coquilles marines et fluviatiles. 
C'est à ce système qu'il rapportait la plupart des lignites 
du Soissonnais. Quant aux lignites vus par Élie de 
Beaumont, ils devaient appartenir au premier système, 
puisqu'il n'y avait pas trouvé de fossiles (1). 

Dans la séance du % avril 1835, d'Archiac présenta son 
grand mémoire sur le département de l'Aisne et en fit un 
résumé pour le bulletin, 

Il insista sur la question de l'âge des lignites. IL Ia fixa 
de la manière la plus exacte entre les sables de Bracheux, 
qu'il appelait glauconie inférieure, et les sables et grès de 
la base des sables inférieurs (sables de Cuise}. 

Il reconnut que les faits cités par Elie de Beaumont 
n'étaient pas concluants, mais il donna d'autres preuves ; 
à Urcel et à Mailly près de Laon, on exploite les lignites 
sous les sables et les grès; à Maïllly, en particulier, on 
voit ces sables et ces grès s'enfoncer sous le calcaire 
grossier. Ce fait et la circonstance que les lignites repo- 
sent toujours sur la glauconie inférieure établissent mani- 
festement leur âge. 

Quant à leur mode de formation, d'Archiac eonstata que 
les fossiles lacustres proprement dits y sont rares, qu'il ÿ 
a quelques coquilles marines littorales, mélangées avec 
des espèces fluviatiles. Il en conclut que les lignites se 
sont formés sur des plages très basses à l'embouchure 


{1} Bull. Soc. Géol. II, p. 416. 





de grands fleuves, dont les eaux auraient charrié el acon- 
mulé des amas de végétaux, recouverts à plusieurs 
reprises par la mer (!). 

Malgré tous ces faits parfaitement établis, Constant 
Prévost persévéra dans ses idées. 1] avait exploré les envi- 
rons de Reims en 183%. 11 avait pu dresser la coupe de 
quelques cendriéres. Nulle part il n'avait vu les lignités 
s'enfoncer sous le calcaire grossier. 

Il fit part de ses observations à la Société Géologique de 
France, dans la séance du 19 décembre 1836 et il eut éncore 
Elie de Beaumont comme contradicteur (?}; puis à celle 
du 48 décembre 1837, où Deshayes vint de nouveau lui 
apporter son suflrage (*) et à celle du S janvier 1838 en 
réponse à une observation de d'Archiac (1). 

Cette même année, 188, Ch. d'Orbigny entreprit une 
série d’études sur la position des lignites dans le Laonnaïs 
etle Soissonnais ; il en communiqua le résultat à la Société 
Géologique dans sa séance du 4 juin 183$. Il constata les 
faits indiqués par d'Archiac ; it observa que partout aux 
environs de Soissons les ligniles sont situés à la base des 
collines, un peu au-dessus de la vallée, tandis qué lé 
calcaire grossier est à 50® plus haut. Si donc les lignites 
étaient intercalés dans le calcaire grossier ou lui étaient 
supérieurs, il faudrait qu'ils se relevassent de plus de 50w 
contre les collines. 11 constata aussi que près de Mouchenol 
les lignites recouvren calcaire lacustre dé 
Rilly et il _. 











en — 


lignites sont exploités sous les collines tertiaires par des 
galeries horizontales perçées dans la couche charbonneuse. 
Des puits verticaux d’aérage traversent le calcaire grossier 
et les sables qui sont en dessous. Le toit des lignites est 
formé par une couche remplie de Cyrena cunciformis et de 
Cerithium variabile (#). 

Constant Prévost persévéra néanmoins dans sa manière 
de voir disant que, s'il y a des lignites inférieurs au calcaire 
grossier, il ÿ en a, comme à Vaugirard et à Bagneux, qui 
sont contemporains et d’autres, comme ceux de l'ile de 
Wight qui sont postérieurs. En énonçant cette proposition 
générale, il était certes dans le vrai, mais il avait tort 
lorsqu'il rapprochait des lignites de File de Wight la 
plupart des dépôts du Suissonnais et de la Champagne. 

Il faut supposer que la question ne paraissait pas claire 
à tout le monde, car Deshayes et de Boisy soutinrent 
l'opposition de Constant Prévost (?). 

La discussion recommença dans la séance du 4er avril 
1839 (3), puis ce fut fini. Les faits cités par d'Archiac et 
d'Orbigny furent peu à peu constatés par lous les obser- 
vateurs et la position des lignites du Soissonnais, sous le 
calcaire grossier, fut acquise à la science. 


6° Origine des Meulières 


Une très courte note insérée par Constant Prévost, en 
1826, dans le Bulletin de la Société Philomatique (4), traite 
d'une des questions les plus difficiles el les plus contro- 
versées de la géologie, de l'origine des meulières. 

On sait que les collines et les plateaux des environs de 
Paris sont couronnés par une argile rougeñtre remplie de 

11) Bull. Soc. Géol. Fr., IX, p. 818. 

12) Bull. Soc. Géol, Fr., IX, 324. 


13) Bull, Soc. Géol, Fr., X. p. 199. 
14) Bull, Soc. Phil. 1826 p. 167. 





blocs irréguliers, de toutes dimensions, d’une pierre sili- 
ceuse, exploitée pour l'empierrement des routes et pour 
les constructions dans les lieux humides. On l'appelle 
meulière en raison de sa ressemblance d'aspect et de nature 
avec la pierre siliceuse que l'on emploie à la Ferté-sous- 
Jouarre pour la fabrication des meules de moulins. 

Voici ce qu'en dit Constant Prévost. t Les meulières, qui 
couronnent presque lous les plateaux élevés des environs 
de Paris, ne se présentent jamais en bancs continus el 
réguliers. Ce sont des blocs de dimensions variées, au 
milieu d'une argile plus ou moins pure, plus où moins 
colorée en rouge. Si la position relative de ces blocs, ainsi 
que les cassures nettes qu'on remarqué sur les faces de 
quelques-uns, portent à croire qu'ils ne sont plus dans de 
lieu où ils ont été formés, d’un autre côté, en examinant 
avec attention plusieurs exploitations de meulières des 
hauts plateaux, on est convaincu que les dérangements 


ont tout au plus consisté en des lassements et qu'il n'y 4 
pas eu de déplacement par transport, car on retrouve 1Qu> 
jours auprès l'un de l'autre les fragments qui paraissent 
avoir été séparés par une fracture, ét l'on remarqué que la 
surface des blocs, loin d'avoir été usée par le frottement, 
est hérissée pérités et de lames siliceuses très minces 








en 1845 sur celte théorie; 11 fit 
lleuse est pus Hp au contaot 
istance. Bu Géol. de Fr. 





in — 


Il remarqua en outre que les meulières à. coquilles 
d’eau douce occupent presque toujours la circonférence et 
les parties élevées des anfractuosités du sol sous-jacent, 
dont les fonds sont remplis par des meulières, sans 
coquilles, Il en conclut que, si on suit les ondulations de 
la surface d'un grand plateau de meulières comme celui 
de Montmorency, on croit avoir sous les yeux l'ancien 
fond inégal d'un vaste marécage, dont les bords et les 
parties relevées auraient été habités par les mollusques et 
par les plantes, tandis que les profondeurs se trouvaient 
désertes. 


Constant Prévost chercha ensuite à expliquer la forma- 
tion des meulières. 1 suppose que, si des sédiments argi- 
leux se déposent dans une eau qui tient des particules 
siliceuses en suspension, celles-ci, enfermées dans la pôte 
sédimentaire, s'attirent pour former des nodules. rappelle 
à ce sujet une remarque de Fitton: x Lorsque l'argile et 
le silex pulvérisés pour l'usage des potiers sont mélan- 


gés, après avoir été séparément délayés dans l'eau à la 
consistance de erême épaisse, si les ingrédients sont 
laissés agir les uns sur les autres pendant 2% heures, 
les particules siliceuses s'unissent en grains sablonneux 
et la masse n'est plus propre à la fabrication. n 

Ainsi Constant Prévost admet : 

4° Que les meulières n’ont pas été transportées. 

2 Qu'elles sont contemporaines de l'argile dans laquelle 
elles sont empâtées. 

4 Que la silice était à l'état de suspension dans l'eau 
des étangs où se déposait l'argile. 

La première proposition de Constant Prévost sur le non 
iransport des meulières est évidente ; les deux autres sont 
très contestables. 

La contéemporanéité des meulières et de l'argile est 
loin d'être acceptée par tout le monde. Elle a donné lieu 





0 —- 


en 1856 à un débat intéressant entre Meugy et Hébert {1}. 
Meugy fit observer que les meulières constituent une 
formation locale dépendante du calcaire de Beauce et du 
calcaire de Brie (*), et qu'elles n'existent que là où les 
calcaires ne sont pas recouverts par uné assise tertiaires 1 
en déduit, conformément à une ancienne opinion de 
Brongniart (?), que la meulière était primitivement empâtée 
dans du calcaire, que le calcaire a été dissous et qu'il n'est 
plus resté que le squelette siliceux. L'argile serait aussiun 
résidu de la dissolution du calcaire, qui est toujours plus 
ou moins impur. Meugy attribuait cette dissolutionà 
des eaux acides, qui auraient ruisselé dans le bassin dé 
Paris, lorsque le sol présentait à peu près la configuration 
actuelle, Elles seraient venues du sud et auraient dû Jeur 
acidité (probablement de nature chlorhydrique} à des émas 
nations d'origine volcanique, C’est une théorie qui & été 
renouvelée depuis dans d'autres circonstances. 

Hébert, successeur de Constant Prévost à la Sorbonne, 
se fitle défenseur de sa théorie en prouvant, par quelques. 
coupes, qu'il existe des meulières recouvertes de couches 
stratifiées, et dont l'origine ne peut par conséquent être 
dù à l'action d'eaux acides sur un calcaire siliceux: 

Une troisième hypothèse, plus éloignée encore que a 
précédente des idées de Constant Prévost, est celle de Ia 
meuliérisation. 

M. Dollius l'a exposée dans sa notice sur la nouvelle 
carte géologique des environs de Paris. Les eaux atumos» 

l'acide carbonique s’infiltrent dans 
issolvent en partie, pénètrent des 





18} Desbrfebiss géologique dés environs de Paris, p. 79. 





_ 1M — 


déposer la silice, tandis que le carbonate de chaux dis- 
parait par les sources à l'état de bicarbonate. Ainsi la 
meulière n'existerail pas toute formée dans le calcaire 
siliceux, elle naîtrait chaque jour par une migration de 
haut en bas des éléments du calcaire. 

Chacune de ces théories sur l'origine des meulières est 
purement spéculative ; aucune n’est appuyée sur une étude 
sérieuse de la roche et des conditions où elle se rencontre. 
Toutes trois peuvent contenir une certaine somme de 
vérités, Ainsi il est certain que les vides des meulières 
sont dus à la dissolution du ciment calcaire ou marneux 
qui les empâtait ; il est probable que les concrétions sili- 
ceuses, les cristaux de quartz qui tapissent ces cavilés, 
sont le résultat d'apports postérieurs dus à des eaux 
siliceuses incrustantes, mais ce n’est qu'une très petite 
partie par rapport à la masse siliceuse et l'on se demande 
d'ailleurs pourquoi, si la silice est dissoute, elle ne s'échap- 
perait pas parlessources en mémetemps que le bicarbonate, 

Il n'est pas démontré que l'argile qui accompagne les 
meulières soit le résultat de la dissolution sur place d'un 
calcaire, Elle présente les plus grandes analogies avec 
l'argile qui empâte les silex dans le conglomérat à silex 
du Nord. Dans ce cas, il y a eu souvent apport d'argile et 
remaniement des silex à de faibles distances. 

Quant à la possibilité que des agrégats siliceux se soient 
formés dans les couches stratifiées peu de temps après le 
dépôt de ces couches, il n'y a guère à en douter. Les études 
de M. Renard ont prouvé que c'était le cas des silex de la 
craie. 

Aux environs de Mons, il existe dans le terrain crétacé 
une masse siliceuse désignée sous le nom de Rabot, qui a 
été reconnue par des sondages sous la craie et les terrains 
tertiaires sur une étendue considérable, on ne peut l'attri- 
buer à l'action d'une silicification par l'action d'eaux super- 
ficielles, 





Me Rs om 0 
nombre de nodules fort irréguliers de silice: 
dome cmt de chat ; on les 


au milieu de masses argileuses. 

La théorie de Constant Prévost mériteuné 
sion. Si certaines de ses propositions sont m 
fausses, si d'autres paraissent douteuses, on 
oublier qu'il abordait un des problèmes les plus 


et du gisement des roches de silice, 

line se prononce pas dans ses écrits sur M 
la silice des meulières, mais on sait par son en: 
qu'il la rapportait à des sources et qu'il f 


inèné éruplif, mais comme source interne de la S 
lui a quelquefois vivement reproché l'idée de 
qu'il puisse y avoir eu des geysers dans le bassin 
loin de tout volcan. Ce ne pouvait étre une 0 
sérieuse à l'époque où il vivai la réaction c 
théories neptuniennes de Werner battait son pl 
époque où d'Omalius EXk ne craignait pas de 


PT 
pour | Arena me des poches de sable s 
plateaux du bassin de Pa: 


trer que dans | bien di cas la 
cation de végétaux ou d'animau 





Ÿ— 408 — 


laires et Spongiaires). Mais ces êtres ont dû l'emprunter à 
l'eau, dans le séin de laquelle ils vivaient; ils ne pouvaient 
donc pulluler que là où l'eau était chargée de silice, L'exa- 
men du calcaire siliceux de St-Nectaire a montré au même 
savant que la silice, tenue en dissolution dans l'eau de 
St-Nectaire, était concentrée par les Diatomées et fixée par 
elles dans le calcaire que déposent les eaux incrustantes. 

Certes il n'est pas de géologue qui oserait dire qu’il n'ait 
pu y avoir dans le bassin de Paris, à l'époque tertiaire, des 
sources analogues à celle de Saint-Nectaire, 

Constant Prévost publia encore en 1829 (*) une courte 
note sur les graines de Chara fossiles on Gyrogonites 
d'une nouvelle espèce, qu'il avait découvert dans les 
meulières de Montmorency. Ces petits corps avaient 
d'abord été considérés par Lamarck comme des coquilles 
d'animaux voisins des Milliolites. Léman avait montré leur 
analogie avec les capsules de Chara. Mais Lamarck 
conservait sa manière de voir et d'Orbigny avait apporté 
un appui à l'hypothèse de la nature animale des Gyro- 
gonites en découvrant des corps analogues dans les sables 
marins de Rimini. Constant Prévost fit ressortir que li 
nouvelle espèce qu'il signalait se rapprochait plus des 
Chara actuels que celle étudiée par Lamarck [C. medica- 
ginula). rappelle à celle occasion les diverses espèces 
déjà décrites. Il en conclut que le genre Chara était très 
développé aux époques géologiques. 

Un côté de son esprit scientifique se manifeste en celte 
circonstance. Il refuse de donner un nom à la nouvelle 
espèce, « parce qu'il importe, dit-il, que les Gyrogonites 
ne reçoivent un nom spécilique, qu'après qu'une étude 
préliminaire des Chara existants aura fixé la limite des 
diflérences possibles dans les capsules d'une même plante 
el aura fait apprécier la valeur des parties qui peuvent 


{1} Bull, Soc. Philomatique, 18%, p. 19%, 





— DE — 


fournir des caractères distinctifs. » On voil poindre sa 
répugnance contre les déterminations hâtives de certains 
naturalistes descripteurs, qui saisissent le moindre carats 
tère pour créer des espèces et qui grévent la science de 
noms inutiles. 


7° Sable de Fontainebleau et Calcaire de Beauce 


Les études de Constant Prévost sur les sables de 
Fontainebleau et sur le calcaire de Beauce sont inédites, 
Néanmoins, il y a lieu de les citer parce qu'elles contien- 
nent des renseignements sur des points aujourd'hui peu 
connus. 

La première mention qu’on trouve dans ses notés sur ce 
sujet, se rapporte a un voyage qu'il fit en 1823 avec Lyell. 
Il reçut le savant anglais chez sa mère, au Mée, près de 
Melun ; de là ils partirent pour Fontainebleau. 

Ils visitèrent les carrières de Belle-Croix, célèbres alors 


parce qu'on y trouvait les cristaux de calcaire quarzifère, 
dit grès cristallisé, il en donne la coupe suivante, 


Sr 
Fig. 12. — Coupe des carriéres de Belle-Croix à Fontainebleat 


1 Dliuvium. 

2 Caléatre d'eau douce en fragments. # 
3 Sable fin blane, jaune à la purtie né Ten 
4 Grès avec cavités [A) remplies dé sab} 


eti Le deeristaux, 
% Sable blanc fin. 





re 


Dans un autre point, qu'il ne désigne pas autrement que 
par l'appellation de Fontainebleau, il relève une autre 


Fig. 13. — Coupe des sables de Fontainebleau 


a Terre végétale. 

b Sable et diluvium, argile rouge. 

e Calcaire d'eau douce fragmentaire, plus poreux, 

avec beaucoup de coquilles où cavités de 
coquilles. Les fragments sont réunis par une 
marne blanche. , . : 4 + + = »* pieds. 

d Calcaire d'eau douce assez compacte + + + - 2pieds. 

€ Sable argileux vert, quelque fois vert noir, avec 
Lymnées et Gyrogonites . , . , . . , © à 3 pouces. 

J Calcaire sablonneux d'eau doucæ . , . . , 5 à 6 pouces. 

g Sable ferrugineux . . . = : « =. 2 à $ pouces. 

h Sable très blanc et très fin avec des grèsbianc{A) 

il grappes pur l'infiltrationducalcaire 3 pieds. 

4 Grès à surface ondulée, divisé par des fentes et renfermant des 
cavités (B] remplies de sable fin ; les fissures verticales sont 
lapiasées de cristaux calcaires, aînsique la surface de l'assise 
qui est on contact avec le sable, 


On trouve ensuite la mention d'une excursion ultérieure 
sans date, mais cependant qui eut lieu au plus tard en 1833. 
C'était une excursion nombreuse comprenant 42 géologues 
et 28 botanistes dont Adrien et Alexis de Jussieu. On y voit 





WW 


aussi figurer le Docteur Roberton, le généreux donateur 
de la Société Géologique. [ls visitérent encore la carrière de 
Bellecroix ; en y montant ils virent des blocs de grès aux 
formes cariées el aux surfaces caverneuses. Constant 
Prévost pense que se sont des masses de sable agglutiné 
par le calcaire ; il croit que l'infiltration a eu lieu sur un 
fond de sable avant le dépôt des banes de calcaire qui sont 
plus haut. 

Durant le cours de cette exeursion, il prit plusieurs 
coupes dans le calcaire lacustre supérieur et d’autres dans 
le sable. 

L'une d'elles est particulièrement intéressante. IL y 
remarque deux terrains de transport : le supérieur rouge 
contenant des fragments de calcaire d'eau douce et des silex 
arrondis, l'inférieur jaunêtre où il n'existe plus de silex. 


Fig. 44. — Coupe des sables superfciels prés dé Fontainebleau 


a Sable rouge avec fragments de calcaire d'eau douce et silex 
arrondis, 

b Sable fin jaunätre avec fragments de calcaire d'eau douce, 

A Sable blanc en feuillets inclinés différemment; les lits sont 
distinots par la grosseur des grains et la quantité de mica. 


En dessous, il y a du sable blanc en petits lits distincts 
par la grosseur des grains de quarz et par la quantité du 





= 407 — 


mica ; il est disposé en stratification entre-croissée c'est-à- 
dire inclinée dans diverses directions, Constant Prévost 
trouve ee sable différent du vrai sable de Fontainebleau ; 
il se demande si ce n'est pas déjà le résultat du lavage 
des collines. Il eut été plus près de la vérité en y voyant 
des traces de dunes terrestres. 


En 1834 et 1835, nouvelles excursions, dont il rapporte de 
nombreuses coupes. 

C'est alors qu'il se posa un problème dont la solution 
n'est pas encore éclaircie. Le sol de la forêt de Fontaine- 
bleau est constitué par deux assises, l'une plus ancienne 
les sables et grès, l'autre, plus récente le calcaire de Beauce, 
Or il remarqua que les grès étaient souvent à un niveau 
plus élevé que le calcaire, II se demanda si le calcaire ne 
s’est pas déposé dans les dépressions d'un ancien sol formé 
par les sables et les grès. 

Il visita aussi la sablière de Buteau et y releva la série 
de couches suivante. 


Terre végétale. 
Calcaire d'eau douce en fragments dans une marne 


Petit Lit de sable verdätre. 

Marne blanche feuilletée, divisée par de petits Lits 
de sable . 

Sable blanc avee coquilles marines 

Sable blanc avec rognons calcarifères, coquilles . 

Marne hanche sableuse. 

Sable blanc fin sans coquilles 

Sable coquiller. 


Il avait done bien vu que le sable coquiller est au 

sommel de l'assise des sables de Fontainebleau. 
En 1897, Constant Prévost alla passer quelques jours 
os les environs de Fontainebleau avec 14 élèves dont 
Is partirent le 14 mai, en bateau, pour Melun ; 





=48— 


le lemps était mauvais, les eaux, hautes ; cependant le 
bateau marchait bien en profitant des contre-courants. 
Ils avaient quitté Paris à 7 h. du matin, ils arrivèrent 
à Melun à 14 h. 1/2. Is visitérent les environs de Melun, 
de Fontainebleau, de Nemours, de Chateau-Landon ; puis 
ses élèves le quittérent et il continua son excursion avec 
le marquis de Roys et Lajoye, C'est alors qu'il prit à 
Fromont une coupe intéressante, 


Fig. 15.— Coupe de la sabliére de Fromont 


a Calcaire à Hélix. 

b Marne Jaune très argileuse. 

e Marne verdâtre et blanche comme la marne à amender 
d'Armenon avee plaques meuliériformes. 

4 Calcaire marneux blanc et vert représentant le caleaire 
supérieur au grès, où calcaire de Beauce. 


Ainsi Constant Prévost avait distingué au sommet du 
calcaire de Beauce, le calcaire à Hélix de l'Orléannais. Il 
fut plus précis dans la communication qu'il fit le à juin 
suivant à la Société Géologique de France et dont nous 
n'avons qu'un court résumé, 

ll y est dit : (1) 

« Le grès de Fontaineblea 





communication du 20 novembre 1837, Bull. Soc. Géol. de France, 
IX, p. 40, 





— 109 — 


« Au dessus de ce troisième calcaire, on en voit un 
quatrième dont il est séparé par des marnes jaunes et 
vertes. » 

“ Ce dernier calcaire est le calcaire supérieur de la 
Beauce ; il couronne les buttes de Fromont, Rumont, Bro- 
meilles, et s'étend par la forêt d'Orléans jusqu'à la Loire, où 
plusieurs de ces calcaires d'eau douce de différents âges 
sont probablement réunis, » 

La division du calcaire de Beauce en deux assises dis- 
tinctes était un fait important pour la géologie du bassin 
de Paris ; mais on y fit peu d'attention jusqu'à ce que les 
lravaux de M. Douvillé vinssent la mettre en lumière. (1} 
Il est regrettable que la carte géologique de France, qui 
porte tant de division pour le bassin de Paris n'ait adopté 
aucune marque pour distinguer ces deux calcaires. 

En 1842, Constant Prévost communiqua à la Société Géo- 
logique de France quelques observations sur la coloration 
des sables de Fontainebleau (?}; il les compléta en 1845 (#). 

A Orsay les grès sont recouverts de meulières et sur 
celles-ci on trouve du fer limoneux en grains, Les disso- 
lutions métalliques ont pénétré dans les grès après avoir 
traversé les meulières ; mais lorsqu'il y a une couche 
d'argile entre les meulières et les grès, la dissolution n'a 
pu la traverser et le grès n'est pas coloré. 

Les oxides de manganèse et de cobalt sont venus 
comme celui de fer de la surface, mais leur infiltration 
est d'un âge plus récent. La coloration noire s'est éten- 
due sur les grès comme une tâche d'encre. Les fissures 
de la roche sont tapissées d'un enduit noir qui indique le 
passage des substances métalliques; on les voil alors péné- 
trer dans les sables inférieurs et les colorer en noir. 


{1} Bull. Soc. Géol, de France, 3° série, LV, p. 92 
(2) Bull. Soc, Géol, Fr, 15. ; XIE, p. 205, 349, 
(8) Bull. Soc, Géol, Fr. ; 2° S.; II, p. 386. 





= #10 — 


Les sables ne sont colorés que là où ils sont recouverts 
par les meulières:; partout où ils sont placés sous les 
calcaires d'eau douce, ils sont blancs, 

Constant Prévost conelut que les sources qui amenaient 
la silice dans les bassins où se sont formées les meulières 
élaient accompagnées de sources métallifères. 1 faut, 
selon lui, distinguer une action de bas en haut produite 
par les sources, donnant naissance à un dépôt métallifère 
et une action de haut en bas due à la filtration des eaux 
superficielles et entraînant les malières métalliques dépas 
sées sur le sol, 

La seconde action, que l'on peut déduire directement 
de l'observation des faits, est hors de doute, Quant à la 
première action, c'était uné hypothèse Lrès en vogue à 
l'époque où écrivait Constant Prévost. Actuellement on 
est peut-être moins généralement disposé à aller chercher 
dans des sources l'origine des matières minérales et 
particulièrement des minerais de fer; quant à l'origine 
primitive du maganèse, elle est encore bien incertaine. 


8 Calcaire de Château-Landon 


ll existe dans la vallée du Loing, à Château-Landon 
(Seine-et-Marne), des carrières d’où l'on extrait un calcaire 


constructions de Paris sou: 
Landon. C'est ADS) calcair 


{Fssaiaurlagéos 7 
(1608) et Description minéralogique des encirons de Paris, p. 19. 





MAL — 


supérieur (Calcaire de Beauce) ; puis (1) il se décida à le 
réunir au calcaire d'eau douce moyen, c'est-à-dire à une 
couche inférieure aux sables de Fontainebleau, en sebasant 
sur ses analogies lithologiques et sur sa position dans une 
plaine assez basse, inférieure aux plateaux de sable voisins. 

A sa demande, Berthier, membre de l'Institut, qui 
habitait Nemours, avait fait quelques recherches dans les 
environs, Il avait reconnu qu'au Fay, entre Château- 
Landon et Nemours, on voit les sables de Fontainebleau 
au-dessus du calcaire de Château-Landon. 

Il faut croire cependant qu'il restait des doutes dans 
l'esprit des géologues parisiens et dans celui de Brongniart 
lui-même, car le chapitre où il parle du calcaire de Château 
Landon est intitulé Calcaires d'eau douce d'âge incertain. 

Dans la séance du 15 décembre 1834, la question fut 
portée devant la Société Géologique par une note 
d'Héricard Ferrand (?) annonçant qu'il a trouvé à un niveau 
supérieur au calcaire de Chäteau-Landon, un bane de 
calcaire marin avec Cérites et Ampullaires. Le bane qui 
les contient recouvre-t-il le calcaire d’eau douce, ou 
forme-t-il un monticule qui le perce ? Héricard posait ln 
deuxième hypothèse, parce qu'il croyait le calcaire de 
Châtéeau-Landon supérieur aux sables de Fontainebleau. 

Lajoye, élève de Constant Prévost, répondit que le 
calcaire de Château-Landon est le même que celui de 
Nemours et de Provins, qu'ils sont employés concur- 
remment dans les monuments publics, Le calcaire de 
Nemours étant manifestement inférieur aux sables de 
Fontainebleau, il devait en être de même de celui de 
Château-Landon. 


(1) Description géologique des encérons de Paris [1822], p. 290, 

(2) Ball, Soc. Géol. Fr, 1 5, VI, p. 91. (Voir aussi HéRiGARD 
FERRAND), Itinéraire géognostique de Fontainebleau à Château- 
Landon et composition du sol de la plaine de Château-Landon 
(Aon. Soc. Nat., Mai 1826, VII, p. 54). 





— 112 — 


Élie de Beaumont et Dufrenoy repoussèrent les rappro= 
chéments établis par Lajoie entre le calcaire de Château- 
Landon el ceux de Nemours et de Provins. 

C’est alors que Constant Prévost intervint dans le débat. 
On voit dans ses notes que, dès 1832, il considérait le cal= 
caire de Château-Landon comme inférieur au sable de 
Fontainebleau . 

Il rendit compte à la Société d'études qu'il venait de 
faire pendant les vacances dans la vallée du Loing à 
Château - Landon, Nemours, Provins, etc. Sa communi- 
cation n'a pas été publiée, mais fl est bien facile de la 
rétablir par ses notes de voyage. Il est utile de le faire 
pour montrer que cet éminent géologue n'était pas seule- 
ment un esprit théorique, mais que ses qualités d'obser- 
vateur et de stratigraphe n'étaient pas inférieures à celles 
de ses contemporains. 

On trouve dans ses notes deux coupes prises dansles 
carrières de Château-Landon . 


Fig. 16. — Coupe d'une carrière à Château-Landon 


1. Caleaire à tubulures. 
2. Calcaire compact. 
3. Calcaire sablonneux. 
4. Argile sablonneuse analogue aux parties supérieures de l'ar- 
AN rrE trou et fra, ts de lant Les 
Le rot A La 
grès Iléciouts do Nautet. Fo 





— 113 — 


Celte coupe, comme la suivante, démontre la superpo- 
sition du calcaire de Château-Landon à l'argile plastique. 


Fig. 17. — Coupe d'une carrière 
à Château-Landon 
1e Caloaire tendre, divisé, 
2 Calcaire compact à tubulures. 
3 Calcaire blanc jaunâtre avec 
tabulures. 
4 Argile sableuse. 


Une coupe qu'il observa, en descendant de Château- 
Landon à Souppe par la grande route, lui fil voir la 
superposition du calcaire exploité à une assise de sable et 
de galets, 


Fig. 18.— Coupe de 
Château-Landon 
à Souppe 


{ Calcaire exploité. 

2 Peut lit de sable argt- 
leux. 

# Silex blonds et noirs 
très roulés. 

# Craie. 


Sur le chemin de Château-Landon à Nemours, près de 

il constata aussi que le calcaire siliceux 

contient à la base de nombreux galets de silex, et qu'il 
repose sur une assise de galets, de poudingue et de grès. 

Tout le long de la route, on aperçoit, au pied des 

, des blocs de grès et de poudingue qui font saillie 

campagne. 
A Nemours et à Moret, il vit encore le calcaire siliceux 
entre les sables avec cailloux roulésen dessous, et les sables 











Fig. 19. Ca Pts eneiel ie Pr 


A Valvin, près de Fontainebleau, Constat P 
observé la coupe suivante : 






Fig. 20, — Coupe à Valoin. 


1 Meulières iuféricures. 

2 Marnes vertes avec bane subonlonné de calcaire. 
# Marne argileuse jaune. 

4 Ps brune. 


5 ame NU Sl'blanchs, cotéhant dés plégess 


es anne chaux € 





— its — 


À Saint-Ange, près de Moret, il distingua au-dessus du 
calcaire siliceux des marnes verdâtres avec rognons de 
_ magnésite, qu'il rapporta aux marnes supérieures au 
gypse, et, immédiatement sous le sable de Fontainebleau, 
un calcaire marin rappelant le calcaire marin signalé par 
Héricart, à Château-Landon. 

Il était tout naturel d'assimiler les calcaires de Nemours, 
Valvin, de Moret avec celui de Château-Landon, et, par 
te, de considérer celui-ci comme inférieur aux sables de 

tainebleau et même aux marnes vertes, 

À Surville, près de Montereau, il avait dessiné une très 


Fig. 21. — Coupe à Sureille 


1° Meulières supérieures, 
a Sable jaune et blanc contenant Lt la partiesupérieure, 
3 Caleaire d'eau douce avec Lym 

% Petit lit de calcaire "jaunatrà, rappelant le culcatte à coquilles 
marines dé Provins. 

5 Litde marnes vertes. 

&* Calcaire blanc fragmentaire, 

1 EAST plus jaunâtre, siliecux, avec galets dans la partie 
nférieure. 

8 Poudingue calcaire, sable, grès en fragments arrondis non 


mentés. 
9 Argile exploitée, 
10 Craie, 





La présence du banc de calcaire d'eau douce n° 3 au- 
dessus des marnes vertes le frappa. 11 se demanda silles 
marnes vertes disparaissant vers le sud, le calcaire de 
Chéleau-Landon ne serait pas formé par la réunion du 
calcaire siliceux inférieur avec le calcaire d'eau doucemail 
appelait travertin n° 2, 

Les environs de Provins lui offrirent diverses coupes 
celle de la route de Saint-Brice est la suivante ; 


Fig. %. — Coupe à Provins 


1 Meulières. 

% Calcuire d'eau douce. 

& Calcaire avec coquilles marines : Cérites, Natices, él coquilles 
d'eau douce (Cyeloatoma mumia). 

# Chaux carbopalée fibreuse. 

5 Calcaire marneux à grains fins, se divisant en sphéroïdes. 

6° Marnes blanches et vertes avec plaques de calcaire compacts 
très dur, ayant l'apparence de meulières. 

7 Calcaire siliceux d'eau douce, 

8 Calcaire silieeux bréchiforme. 

fr Sables et grès. 

10° Argile, 

11° Craie, 


Cette coupe était tout à fait d'accord avec celle que Naudet 
avait donnée, en 1829, dans les Annales des Sciences. 
Naturelles. Naudet avait trouvé des ossements de Lophio= 
dons dans le calcaire d’eau douce inférieur. Constant 
Prévost attachait une très grande importance à cette 





a 


découverte qui venait conformer d'une manière inespérée 
sa théorie du bassin de Paris. 1] admettait donc que le 
calcaire d'eau douce de Provins correspondait au calcaire 
grossier, 


Sur la route de Nangis il observa la coupe suivante : 


 . 


Li nee 


+ 


Fig. 28, — Coupe à Nangis. 


1° Terre rouge ocrcuse. 
2 Meulières vraies. 
3e Passage des meulières au calcaire d'eau douce. 
# Caleatre bréchiforme d'eau douce. 
5° Calcaire à coquilles marines, 
& Marne calcaire, compaele, jaune, se délitant en boules. 
Te Marne jaunâtre d'aspect strontiantfère. 
# Plaques d'une espèce d'albâtre Nbreux. 
% Marne blanche gypsifère. 
40° Argile grise el verte. 
11: Culcaire d'enu douce aveo Lophiodon. 
12 Grès de l'argile plastique. 


Une coupe prise un peu au-delà, sur le chemin de Fon- 
taine-Rieuse, lui avait montré une exploitation importante 
dans le calcaire d'eau douce supérieur; partout, il avait 
constaté la constance du banc dé chaux carbonatée 
fibreuse, qui peut servir de point de repère aux environs, 





Venant ensuilé à comparer la coupe de Provins avec 
celle de Valvin, il erut reconnaître dans la marne jaunätre 
n° 5 de Valvin, les marnes à coquilles marines de 
et dans les plaques de calcaire dur de la couche inférieure, 
la chaux carbonatée fibreuse de Provins. Il fut ainsi 
conduit à assimiler le calcaire de Valvin, et en consé 
quence celui de Château-Landon, au calcaire de Provins: 
Celte fois encore il se laissait guider par des analogies 
superficielles, mais il était conséquent avec ses observas 
tions, et on peut dire que l'état de la science ne lui permet 
tait guère de juger autrement. 

C'est seulement en 1860 que M. Hébert a montré, par 
des preuves directes de superposition, que le traverlin de 
Champigny et de Valvin correspond au gypse el par consé 
quent est plusrécentque lecalcaire à Lophiodon de Provins. 

Toutes ces distinctions de calcaire d'eau douce sont des 
conquêtes relativement récentes de la géologie. Les études 
de Constant Prévost marquaient un progrès sur les faits 
connus alors, Malheureusement, il ne les publia pas. I1Se 
contenta de la sser imprimer les conclusions suivantes : 

4° Le plateau de Château-Landon fait suite au calcaire 
qui est inférieur aux grès de Fontainebleau. 

2 Ceux-ci deviennent moins épais à mesure que l'on 
remonte dans la vallée du Loing et finissent par dispa- 
raître, landis que les | sables et 4 inférieurs au calcaire, 

nee, 

-Landon, il le considère 
comme formé par li réunion de deux assises de calcaire 
d'eau douce. 

Élie de Beaumont protesta; pour lui le calcaire de 
Chäteau-Landon appartient en entier à une seule el même 
formation, la formation d'eau douce supérieure des envis 
rois de Paris, attendu qu’elle repose sur le prolongement 
des grès de la forêt de Fontainebleau. 





— 119 — 


Les faits sur lesquels se basait Élie de Beaumont n'ont 
pas été publiés, mais il y a, dans les notes de Constant 
Prévost des indications qui font comprendre comment une 
telle opinion devait venir facilement à l'esprit. Dans ses 
explorations les plus anciennes, Constant Prévost remarque 
la ressemblance du calcaire à tubulures avec le calcaire 
d'eau douce qui recouvre les sables à Fontainebleau. Plus 
loin, il dit que certains grès inférieurs au calcaire de 
Château-Landon, entre cette localité et Nemours, ressem- 
blent tellement aux grès de Fontainebleau qu'on peut se 
demander s'ils ne sont pas éboulés du plateau voisin. 

Néanmoins, il ne s'y était pas trompé. 1 répondit à Élie 
de Beaumont que les sables et les grès que l'on voit de 
Provins à Moret ne sont pas le prolongement de ceux de 
Fontainebleau, mais qu'ils appartiennent soit aux sables 
de Beauchamp, soit à ceux de l'argile plastique. 

Dans la séance suivante, celle du 19 janvier 1835, Cons- 
tant Prévost revint sur la question pour présenter la 
coupe générale du sol dé Provins à Orléans. Il voulait, 
disait-il, bien placer la question et en montrer la dif- 
culté (1). 

Pendant l'été, il alla étudier toute la plaine du Galinais, 
entre la Forêt de Fontainebleau, la vallée du Loing, et celle 

. Ses observalions confirmèrent sa manière de 
voir (?] et il devint plus aflirmatif pour rapporter à l'étage 
de l'argile plastique les sables inférieurs au calcaire, mais 
il confondit encore le calcaire marin trouvé par Héricard- 
Ferrand au-dessus du calcaire de Château-Landon, avec les 
marnes vertes de Valvin et avec le calcaire à coquilles 
marines de Provins, Il fit observer que, vers le sud, les 
sables de Fontainebleau et les marnes vertes venant à 





{} Bull, Soc. Géol. Fr, VE p. 114, 
12) Bull. Soe, Géol, Fr., VI, p. 292. 





— 120 — 


manquer, les trois calcaires d'eau douce inférieur, moyen 
el supérieur peuvent être réunis et confondus en une 
seule formation. Il trouvait dans cette disposition une 
preuve en faveur de sa théorie de l'origine du bassin de 
Paris. 

On peut ajouter que les notes recueillies pendant ce 
voyage renferment un grand nombre deeroquisetquelques 
coupes intéressantes, entr'autres celles de la carrière de 
Grouettes, à Château-Landon. 


1" Terre végétale 1 pled. 

2 Caleaire marneux 
mentaire 2 pleds, 

# Banc tendre. 

4 Calcaire fragmentainer 
marnosableux avecnodte 
Les magnésifères com me fi 
Saint-Angé ét à Provins 

& Petites plaques porèuses 
meuliériformes. 

© Calcaire exploité. 

7 Argile plastique, 


Fig. 2%1.— Coupe de la Carrière des Grouettes à Château-Landonk 


Constant Prévost alla visiter sur le haut du plateau, & 
l'O. de Château-Landon, la sablière de Buteaux. I y vitdu 
sable coquiller avec huîtres et autres fossiles marins, Sous 
un calcaire marneux dur qu'il rapporta au calcaire de 
Beauce ; les habitants lui affirmèrent qu'en creusant un 
puits on avait rencontré sous le sable une roche dure 
comme celle de Château-Landon, Il apprit en même temps: 
qu'on était occupé à creuser un autre puils à Bougligny 
et que l'on devait également traverser le sable. 

La méme année (1835), d'Archiac vint confirmer les! 
faits signalés par Constant Prévost (}, Il montra que le 





(1) Bull, Soe. Géol. Fr, VIT, p. 90, 





— (21 — 


calcaire de Château-Landon est dans le prolongement de 
celui de Nemours, que l'un et l'autre sont situés entre les 
sables de l'argile plastique et les sables de Fontainebleau. 
Il découvrit à Bougligny, au-dessus du calcaire de Château 
Landon, un lambeau de sable calcarifére avec Natica 
crassatina et Ostrea eyathula, 

En 1847, une note importante du marquis de Roys 
appuya de nombreuses preuves stratigraphiques l'opinion 

de Constant Prévost ('). Néanmoins, Elie de Beaumont 
persévéra à soutenir qu'il n'existe à Château-Landon 
qu'un seul calcaire, et que ce calcaire est le calcaire d’eau 
supérieur (?), 
elques mois après, Constant Prévost visita pour la 
quatrième fois Château-Landon en compagnie du marquis 
de Roys, Ce fut ee dernier qui exposa le résultat des obser- 
vations communes (*), Constant Prévost se borna à résu- 
mer son opinion en dessinant une coupe des terrains entre 
la Brie et la Beauce (+). Ce fut une nouvelle occasion 
d'exposer sa Chéorie sur l'entrecroisement des couches 
marines et des couches d’eau douce, 

Dufrenoy put alors lui reprocher avec toute raison de 
donner une coupe purement théorique, Mais il n'aurait 
pas. dû oublier que Constant Prévost avait précédemment 

à la Société Géologique les coupes positives, prises 
e, Son Lort était de ne pas les avoir publiées. 
ninoins, celle coupe théorique de Constant Prévost 
est loin d'être sans valeur pour à science, on ÿ voil appa- 
raltre pour la première fois la division du caleuire de 
Beauce en deux assises disti 





(1) Bull. Soc. Géo. VITE p. 160. 

(2) Bull. Soc. Géol. p. 170, 

6) Bull. So . 

{) Bull, Soc. Géol. p. 166, pl. VIH L 2, 




















Quelques temps après, le marquis de R 
coupe donnée par son ami (1), puis, 


Landon comme a par la réunion de d 
d'eau douce séparées par des marnes qui rep 
marnes vertes. 

Dans la même séance, Constant Prévost an 
allait faire une nouvelle exploration des 
Château-Landon, Il avait hâte de voir les 
puits de Bougligny. 








I retourna à la sablière de Buteau, dont il pr 
Fig. 25. — Coupe 
de Bu 


1 Terre végétale. 
2 Fragments de uit re 
3 Petit lit de marne verd 
4 Dane de ealeair: supérièur, 
sans fossiles + . . 
5 Peut lit dé sable Serdñire. 
6 Sable, + . » . «à 
7 Nodules de calcaire fossilis 
fère, Cériies, Cardiüm, 
Huïtres, Vénus, Natces | 
8 Sable avec huîtres , - 
9 Marne blanche d'apparence 
d'eau douce + + + : + à 
40 Sable blanc fin sans coquilles, 


Puis il alla à Bougligny, dont le puits terminé & ü 
traversé les CT suivantes : 








{1} Bull. Soc. Géol. IX, p. 38. 
121 Bull. Soc. Géol. IX, p. SE 


Eh 


Cnicaire d'eau douce. + - 

Sable jaune. , . « - . 

Grès blane . , . , « . 

Sable blanc . “ = 

Calcaire sablonneux et blane, cristallin 3Us 

Calcaire silicenx avec Lymnées, Planorbes 

tubeinres 644 30522 4 Pons e te 

Calcaire nofr fétide . 1,4. dede 

Calcaire sfliéeux + . + 4 4 + , + + + , 

Silex roulés et grès eoloré :  : : « a 

Silex moullériforme dans du calcaire marneux » 
TORRES La * » 


123 pieds. 

Constant Prévost put annoncer à la Société Géologique 
ce fait qui lui donnait complétement raison en montrant 

. de calcaire de Château-Landon sous le sable de Fontai- 
nebleau (1. 

Enfin, en 18, les progrès de l'exploitation firent voir, 
dans une carrière de Château-Landon, la superposition 
sur le calcaire exploité du calcaire à fossiles marins, que 
lous les géologues reconnaissaient comme appartenant à 
la base des sables de Fontainebleau (2). 

Ainsi se terminait cette longue discussion qui n'aurait 
pas passionné autant les géologues parisiens, si deux chefs 
d'école n’eussent été en présence. Cette circonstance, en 
multipliant les observations, apporta de nombreux docu- 
ments pour la connaissance géologique de la partie sud du 
bassin de Paris; elle fit cesser l'incertitude qui régnail 

1810 sur l'âge approximatif du calcaire de Château- 


Toutefois, l'âge absolu de ce calcaire était encore incer 
tin. On a vu que Constant Prévost, de Roys. M. Raulin 
le divisaient en deux assises dont l'inférieure correspon 
drait au calcaire de Champigny et de Valvin et la supé- 
rieure au calcaire de Brie, 





(1) Bull. Soc. Géol, Fr. IX, p. 327. 
(2) Bull. Soc, Géol, Fr. XII, p, 305. 





— 1% — 


La carte géologique détaillée le rapporta tout entier au 
calcaire de Brie, M. Douvillé a exposé les raisons de cell 
détermination. ; 

Près de Fontainebleau, on voit, sur les bords de la Seine, 
un calcaire bréchiforme très analogue à celui de Cham 
pigny: il est surmonté par les marnes vertes, puis par des 
imarnes blanches qui représentent le calcaire de Brie; elles 
contiennent un bane de calcaire bleu avec fossiles, remar 
quable par son odeur fétide. A mesure que l'on se dirige 
vers le sud par la vallée du Loing, les marnes vertes dimi- 
nuent, le calcaire inférieur devient moins cohérent, et les 
marnes supérieures prennent les caractères d'un calcaire 
dur compact. Les marnes vertes disparaissent au sud de 
Fontainebleau et les calcaires infér 
Les calcaires supérieurs seuls pe 
posés aux sables de l'argile plastique. 


%° Théories sur la Formation du Bassin de Paris 


Un savant aussi généralisateur que l'était Constant 
Prévost, ne pouvait se livrer à toutes ces études de détail 
sur les couches tertiaires du bassin de Paris, sans chercher 
à expliquer comment elles s'étaient formées, La principale 
difficulté à son époque venait de ce que l'on trouvait dans 
les mêmes lieux des assises remplies de coquilles marines, 
qui s'étaient certainement déposées dans la mer, alternant 
avec d'autres, caractérisées par la présence de coquilles 
d’eau douce et qui avaient dù se former dans des lacs: 

Cuvier et Brongniart avaient été conduils à admettre 
que la mer et les eaux douces s'étaient succédées plusieurs 
fois dans l'emplacement du bassin de Paris. 

Après la précipitation de la craie, la mér se serait 
relirée une premiére fois, et les cavités du sol crétacé se 
seraient remplies d'argile, de sable et de végétaux terrestres 








— 135 — 


amenés dans un lac par des fleuves, Bientôt la mer serait 
revenue avec d'autres habitants, dont les dépouilles ont 
formé le calcaire grossier, Une nouvelle retraite de 
l'Océan permettait à des eaux lacustres de déposer le 
gypse ; puis la mer revenait de nouveau pour présider à 
la formation des marnes à huitres el des sables marins 
supérieurs. Enfin, le bassin se transformait encore une fois 
en un lac où prenaient naissance les calcaires d'eau douce 
et les meulières supérieures. 

Cuvier ajoutait : « Ce sont ces alternatives qui me 
paraissent maintenant le problème le plus important à 
résoudre, où plutôt à bien définir, à bien circonscrire, car 
pour le résoudre en entier, il faudrait découvrir la cause 
decesévènements, entreprise d'une tout autre difficulté(t}.n 

Cette idée d'émersions et de submersions alternatives, 
qui parait actuellement si logique et si naturelle, était 
accueillie avec une certaine défiance par les géologues. 
On a vu que quelques-uns s'étaient demandés si des 
animaux d'eau douce n'avaient pas pu habiter dans le 
méme milieu que les mollusques marins, On avait orga- 
nisé des expériences pour s'en assurer, 

Beudant, qui eroyail avoir rencontré, à Beauchamp, avec 
Gillet de Laumont, un mélange de fossiles d'eau douce et de 
fossiles marins, avait tenté, sans succès, de faire vivre des 
Lymnées et des Planorbes dans de l'eau, dont il augmentait 
graduellement la salure, 

Constant Prévost fit remarquer que, quand même ces 
expériences eussent réussi, elles n'auraient pas levé les 
difficultés, car, si les animaux d'eau douce ont vécu avec 
les animaux marins, & pourquoi, dit-il, les trouve-t-on 
isolés dans dés couches distinctes, » Il ajoute que l'on x 
quelquefois reconnu dans une même couche un mélange 
de coquilles marines et de coquilles d'eau douce, mais 


(1) Discours sur les révolutions du globe. 








— 7 — 


Bulimes, etc. «Le fait le plus remarquable, ajoute-t-il, 
et qui mé paraîl n'avoir pas été indiqué, c’est qu'on 
trouve mèlés dans les mêmes blocs des Lymnées et des 
Cyclostomes avec des Milliolites et quelques empreintes 
d'Ampullaires et de Cerithium lapidum. Toutefois le 
mélange n'est pas intime ; les Milliolites semblent former 
des veines qui se ramifient dans la pâte du calcaire d'eau- 
douce. » Près de Triel, il trouva les mêmes calcaires, mais 
sans Lymnées. 

Constant Prévost termine son mémoire, par quelques 
pages où il cherche à expliquer les mélanges de coquilles 
marines et de coquilles d'eau douce, Il rappelle sa décou- 
verte de fossiles marins dans le gypse de la Hutte-aux- 
Gardes ; celle qu'il vient de faire, d'une couche d'eau douce 
dans les sables de Beauchamp. « H y a donc, dit-il, plu- 
sieurs alternatives de couches marines et de dépôts d'eau 
douce, avant de passer de la formation de calcaire grossier 
à celle du gypse proprement dit, » 

Les couches marines se composent de sable, d'argile, de 
marnes, qui annoncent un transport, tandis que les couches 
d’eau douce, plus homogènes et plus cristallines, indiquent 
une précipitation lente faite dans un milieu tranquille. 

Cependant, il lui répugnait d'admettre ces nombreux 
changements alternatifs d'eaux douces et d'eaux marines 
dans le bassin de Paris. Voici l'hypothèse qui lui fut 
suggérée par la structure du calcaire de Cergy. 

La mer se serait relirée du bassin de Paris après avoir 
déposé le calcaire grossier, non seulement au centré du 
bassin, mais sur ses bords élevés, occupés aujourd'hui par 
la plaine de Champagne, Un grand lac ayant succédé à la 
mer dans le centre du bassin, il s'y produisait des sédi- 
ments d'eau douce; des cours d'eau qui lavaient la craie 
pyriteuse de la Champagne y arrivaient chargés de sulfate 
de chaux et laissaient déposer le gypse par lits plus ou 
moins cristallin. 





— 199 — 


ne m'être que trop avancé sur le sol, peu sûr des hypo- 
thèses ; je veux seulement faire voir en terminant qu'il 
n'ést pas sans utilité d'en faire quelquefois, puisqu'elles 
préparent à de nouvelles recherches. En eflet, si celle 
que j'ai émise est fondée, si les grès marins du sommet 
de Montmartre peuvent être considérés comme des 
sédiments remaniés et déplacés de l’ancienne mér qui 
avait formé le calcaire grossier, ils devront renfermer les 
mêmes espèces de coquilles que ce dernier. C'est pour 
éclaircir ce point important que j'ai entrepris un travail 
spécial qui exigera du temps et qui a pour but la compa- 
raison exacte des fossiles des deux formations. Je suis 
forcé, pour résoudre le problème, de recueillir moi-même 
ces fossiles, parce que, dans toutes lés collections, ils ont 
été confondus sous la dénomination générale de coquilles 
des environs de Paris n. 

On verra plus loin comment Constant Prévost avait 
appliqué la paléontologie à la reconnaissance des couches 
tertiaires les plus récentes. I avait déjà signalé les difté- 
rences entre la faune marine supérieure au gypse et la 
faune marine inférieure, et l'on pourrait s'étonner de ses 
hésitations sur le même point, si on ne savait que M. de 
Tristan vénail de découvrir les gites fossilifères d'Etampes, 
Constant Prévost jugeait probablement utile de faire leur 
étude avant de se prononcer. 

La même année 1821, il lisait à la Société Philomatique 
une note (!) qui apportait un nouvel argument en faveur 
de sa théorie. 

Il cite la découverte qu'il à faite dans un bassin d'eaux 
thermales sulfureuses, à Baden (Autriche), de deux espèces 
de mollusques : une Néritine et une Ménalopside, II rap- 





{) Bull. Soc. Phiiomatique, 1821 p. 136 et 137; Mém, de la Soc. 
d'Histoire Naturelle 1 p. 254, (1823). 





— 10 — 


pelle que cette association d'une Néritine et d'une Ménas 
lopside se rencontre dans les couches pyrileuses des. 
lignites à Dieppe, à Soissons, à Epernay, et dans l'ile de 
Wight. Ces mêmes couches pyriteuses contiennent à Ha 
partie supérieure un mélange de coquilles marines el 
d’eau douce. Constant Prévost en conclut que le mélange 
a eu lieu par le transport violent et accidentel des pros 
ductions marines dans des eaux où vivaient tranquille. 
ment des mollusques lacustres, 

Sous quelle influence Constant Prévost modifia-t-il ses 
idées? Rien ne permet de le reconnaitre. Le fait est qu'en, 
1827 il lut à l'Académie des Sciences un long mémoire 
qui avait déjà été résumé dans le Bulletin de la Société 
philomatique pour 1825, et qui parut in extenso dans le 
tome IV des Mémoires de la Société d'Histoire naturelle 
de Paris, Le titre porte : Essai sur la formation des terrains 
tertiaires des environs de Paris. 

ncipe la doctrine des causes actuelles, 


aire une application à la formation des, 


terrains de Paris. 
En l'absence de documents sur le fond de la mer, sur 
les rapports qui existe! 


profondeurs et le mouvement des eaux d'autre part, il 
cherche à y suppléer par quelques conjectures rationnelles. 

Il dirige donc ses investigations sur la partie du canal, 
de la Manche comprise entre le Pas-de-Calais et la 
presqu'ile du Cotentin. 

Entre Douvres et Calais, le fond de la mer est à vingl 
brasses environ ; vers la mer du Nord, la profondeuraug 
mente par une pente douce; il en est de même vers le S.-0, 
où la profondeur atteint trente-six brasses, entre Étaples 





— 131 — 


et Hastings ; puis le fond se relève de manière à ne plus 
avoir que vingt-cinq brasses au maximum entre Dieppe et 
Brighton ; au delà la pente augmente graduellement, 

Il y a donc deux digues sous marines entre la mer du 
Nord et la mer de la Manche, l'une vis à vis de Calais et 
l'autre vis à vis de Dieppe. 

Un abaissement du niveau de la mer atteignant vingt 
brasses séparerait la mer du Nord de la mer de la 
Manche, en réunissant la France à l'Angleterre entre 
Calais et Douvres, formant ainsi deux golfes séparés par 
un isthme. Si la mer baissait de cinq brasses en plus, 
une seconde communication s'élablirait de Dieppe à 
Brighton et l’espace entre les deux isthmes deviendrait 
un lac. « Cet aperçu, dit-il, suflit pour montrer comment 
les circonstances peuvent varier en un méme lieu, par 
suite d'un évènement simple en lui-mème. » 

Passant à l'examen des phénomènes qui se produiraient 
dans le bassin actuel de la Manche, Constant Prévost 
signale les éboulements des falaises de la côte anglaise, 
le délayement et l'usure de leurs débris, la sédimentation 
des matières mêmes qui en proviennent, l’enfouissement 
des dépouilles des animaux marins modernes, auxquels 
se trouvent peut-être mélangés quelques fossiles de la 
craie provenant des falaises. D'autre part, sur la côte fran- 
aise, la Seine apporte du limon, du sable, des bois, des 
cadavres flottants, des mollusques terrestres ou d'eau 
douce. 

Ainsi, simultanéité de dépôts, les uns purement marins 
sur la côte anglaise, les autres fuviatiles sur Ja côte fran 
çaise, Au centre du bassin, les deux dépôts doivent se 
mèler, s’enlacer et alterner. 

Supposons maintenant un abaissement de la mer qui 
alleigne vingt-cinq brasses el qui par conséquent trans- 
forme en lac l'intervalle compris entre les deux digues. 





— 189 — 


Sur ces digues basses el étroites, s’éléveraient de longues 
dunes de sable ; plus tard le vent ou des lames impé 
tueuses pourraient pousser ce sable des dunes où des 
portions de la digue elle-même dans le lac, qui se trôu- 
vérait progressivement comblé de sables marins. % 

La Somme et d'autres petites rivières continuant'é y 
apporter des limons argileux, il s'ÿ formerait um sol 
marécageux où les plantes se dévélopperaient. Pendäntee 
temps des phénomènes de sédimentation marine auront 
lieu dans les deux golfes voisins et leurs dépôts seront 
contemporains de ceux qui sont formés au même niveau 
dans les eaux lacustres, 

C'est sur ces suppositions, logiques peut-être, mais qui 
ne sont fondées sur aucune observation directe, que 
Constant Prévost base une explication dé la formation, 
des terrains des environs de Paris. 

La craie blanche est à ses yeux un dépôt pélagique, 
formé loin des rivages, dans une mer tranquille et 
profonde, La blancheur, l'homogénéité, la ténuité des 


des caractères pélagiques dans la rareté des gastéropodes; 
dans l'abondance des Inocérames, qui n'existent pas sur 
nos rivages, dans la présence des Térébratules, des 
Oursins, animaux” à coquilles légères et flottantes après Ia 


qui s 'avénturent en sa haute mer. 

Pendant que de la eraie blanche pélagienne se déposaits 
à Paris, il devait se former sur les bords du bassin des 
couches de craie littorale, telles que la craie tuffeau et 
craie chloritée, « Je puis paraitre commettre une RE 
dit-il, et ne pas connaître les rapports d'âge que M 
attribué aux trois variétés de craie; je sais bien te 
regarde la craie blanche comme supérieure aux deux 
autres et par conséquent comme formée après elles; maïs 








= 4 


des observations m'ont presque démontré qu'il fallait 
distinguer la glauconie inférieure à la craie blanche, de 
la glauconie littorale qui lui est contemporaine, » Quelles 
sont ces observations? On n'en lrouve aucune trace dans 
ses notes, En lous cas, il serait facile d'en citer, La craie 
glauconieuse du pays de Herve présente tous les carac- 
lères minéralogiques de la glauconie inférieure à la craie 
blanche et cependant elle est de l’âge de la craie blanche, 
car elle en renferme les fossiles. 

Les premiers dépôts que l'on rencontre dans les anfrac- 
luosités de la craie, sont des silex brisés, de l'argile plus ou 
moins pure, du sable et du grès, lous matériaux variables à 
peu de distance, mélangés de portions d'arbres, de coquilles 
et d'ossements d'animaux qui vivaient soit dans les fleuves, 
soit à leur embouchure ; le changement dans les dépôts 
annonce un changement dans les causes. On peut supposer 
que la mer s’est retirée tout à fait pour être remplacée par 
des eaux douces ou simplement que son niveau s'est abaissé 
et que les formations ont cessé d'être pélagiennes ; les 
fleuves, qui avaient primitivement une autre direction, 
sont venus déboucher dans le golfe et lui apporter le tribut 
des continents, Constant Prévost accepte la seconde hypo- 
thèse parce que ce dépôt de transport est recouvert par 
plus de 600 pieds de sédiments marins ultérieurs, parce 
que les couches de même âge déposées à l'extrémité 
anglaise du bassin contiennent des fossiles marins. Donc, 
pendant qu'il se produisait sur la côte anglaise des dépôts 
purement marins, sur la côte française de grands fleuves 
débouchaient dans la mer et leurs eaux chargées de sédi- 
ments et de débris organiques terrestres s'étendaient sur 
un large espace sans se mélanger aux eaux salées, 

On admet actuellement qu'il y a eu émersion générale 
ou presque générale du bassin de Paris entre le dépôt de 
la craie et celui des terrains tertiaires, On se base sur le 








+ 


mis à leur disposition, Plusieurs lits d'Huitres, quelque 
fois séparés, comme à Montmartre, par un lit calcaire 
rempli de Planorbes et de Lymnées, ainsi que des débris 
nombreux de poissons marins font présumer que Lous ces 
matériaux, étrangers les uns aux autres, proviennent de 
dépôts plus anciens et ont été violemment entraînés dans 
le bassin en un laps de temps assez court. Ce moment de 
trouble aurait eu pour résultat le remaniement des débris 
déposés sur des rivages marins et leur mélange avec 
de la marne et des fossiles fluviatiles. 

Par suite de l'abaissement successif des eaux, les hauts 
fonds de la Picardie et de l'Artois ont été mis à décou- 
vert; ils ont constitué un isthme couvert de dunes entre 
le lac de la Seine et la mer de l'Allemagne. 

Un jour, une irruption de cette mer, dont leniveau était 
plus élevé que celui du lac, y a entraîné le sable des dunes, 
qui a donné naissance au sable et grès marins supérieurs. 
Le lac fut comblé et transformé en un marécage où se 
déposèrent les meulières et le calcaire d'eau douce supé- 
rieur; enfin les eaux diluviennes, descendant des monta- 
gnes du S-E., vinrent raviver les plaines marécageuses el 
façonnèrent le sol actuel. 

Pendant toute sa vie, malgré les progrès de la science, 
Constant Prévost maintint sa théorie, C'était le sujet de 
la plupart de ses observations à la Société Géologique ; 
qu'il fut question du gypse, des meulières, du calcaire 
d'eau douce, du calcaire grossier, de l'argile plastique, 
toujours arrivait la théorie des affluents, des enchevé- 
trements de couches, 

La discussion sur les Lignites du Soissonnais l'amena à 
exposer nombre de fois son hypothèse (1). Il pensait que ces 
dépôts charbonneux avaient été formés par des fleuves 





(1) Bull, Soc. Géol. de Fr. 1° Série, VIII, p. 76-77 |183%): XI, p. 88 
(1837) ; 2° Série, 11, p. 448; VII, p. 842 (1850). 





— 196 — 


qui débouchaient dans l'estuaire parisien en même temps. 
que la mer déposait à peu de distance mec 
et que d'autres eaux venant du continent y a 
calcaire siliceux. Les diverses roches s' e 
s'avançaient plus ou moins loin dans une direction, suivant 
qu'une de ces causes prédominait sur les autres. Iétait. 
ainsi conduit à rejeter toute idée de changement successif 
dans la nature des eaux qui ont couvert le bassin de Paris: 
A la séance du 18 juin 1838 (1), il présenta un tableau. 
et un plan indiquant les rapports des diverses formations 
tertiaires. Ces tableaux théoriques étaient appuyés sur cinq 
coupes traversant le bassin dans plusieurs directions. 
Peut-on comprendre qu'un homme de bon sens par 
excellence, un géologue qui avait déjà donné tant de 
preuves de son tal bservation, en viénne à imaginer, 
au nom des ca une théorie qu'il qualifie de 


r quelques faits bien. pe © 
mais trop peu nombreux pour pouvoirêtre reliés ensemble, 
C'était d'héri ge que leur avaient légué Buflon, de Luc: 

tres. En un mot, il était de 
contemporain, n'était. 


Les erreurs de Constant Prévost et de d'Omalius ont été, 
utiles à la Science ; elles étaient si graves que leurs succes 
seurs ont compris le danger des généralisations prémas 


{1) Bull. Soc. Géol, IX, p. 329 (1838). 





— 137 — 


turées. Ils se sont mis à l'étude détaillée des faits ; ils ont 
multiplié les observations et nous ont laissé un trésor de 
documents, dont nous pouvons maintenant tirer parti pour 
la synthèse. 

11 y a lieu toutefois de se demander comment Constant 
Prévost a été conduit à concevoir la théorie qui vient 
d’être exposée, ILest évident qu'il lui nquait comme à 
tous ses contemporains, une notion qui imprègne nos 
raisonnements actuels, sans même que nous en ayons 
conscience ; c'est la notion de la durée condsidérable 
des temps géologiques. 

L'idée qu'il se forme de l'histoire géologique du bassin 
de Paris est celle d'un drame en cinq tableaux, et en 
cela encore, il était d'accord avec ses contemporains ; 
Cuvier et Brongniart n'y voyaient guère autre chose. 




















DES CONTINENTS ET SUR LES AFFLUI 


ORIGINE DE LA HOUILLE. 


L'Essai sur la formation des terrains de Paris, 
d'être question, n'était que la quatrième pi 
l'application d'un grand travail dont la 


première partie, lue à l'Académie des S 
séances du 9 juin 4827, elle fut publiée en 1828, 
temps que la quatrième, dans le tome IV des 
de la Société d'Histoire naturelle (!}, puis ré 
nouveau, en volume à part (?), à une époque inc 


{L) Mëm. de la Soctété d'Histoire Naturelle de Paris, L 
46 ES). 


12} Documents pour l'histoire dos terrains tertiah 





— 139 — 


troisième partie. Le mémoire est intitulé : Les continents 
actuels ont-ils été à plusieurs reprises submergés par la mer ! 

L'introduction est un plaidoyer en faveur de la théorie 
des causes actuelles ; il en a été question plus haut (1). 

Dans la première partie, Constant Prévost examina les 
conséquences que l'on doit déduire de l'étude des fossiles. 
I rappelle que la vue des coquilles fossiles dans le sol, 
à l'intérieur des terres, conduisit les géologues à recon- 
naître que la mer avail couvert les continents, Leur étude 
plus attentive révéla l'existence d'étres tout-ä-fait in- 
connus, ou, du moins, différents de ceux qui vivent de nos 
jours. On fut en outre conduit à reconnaître que certains 
de ces fossiles avaient vécu sur lerre. que d'autres 
avaient habité la mer, et que quelques-uns avaient certai. 
nement vécu dans les eaux douces. Constant Prévost fit 
valoir l'importance d'une semblable observation pour 
l'histoire de la formation de la terre, et il en rapporta tout 
l'honneur à Brongniart, qui, le premier, insista sur la 
nécessité de distinguer les dépôts d’eau douce, dans son 
mémoire intitulé : Sur les terrains qui paraissent avoir été 
formés sous l'eau douce (2). 

A ces deux classes distinctes de roches, celles qui 
contiennent des fossiles exclusivement marins, et celles 
qui ne renferment que des fossiles d'eau douce, Constant 
Prévost proposa d'adjoindre une troisième classe pour les 
roches qui offrent des mélanges de coquilles marines et 
de coquilles d’eau douce et dont les caractères minéra- 
logiques ne sont ni ceux des sédiments lacustres, ni ceux 
des sédiments marins. 

IL y rangeait non seulement toutes les accumulations 
produites par des débâcles passagères, telles que les 





(1) Chap. I p. 41. 
(2) Ann. Muséum. juillet, 1 XV, p. 357, 1810. 





— 160 — 


brèches, mais toutes les alluvions et atterrissements 
déposés par les fleuves, soit sur leurs rives, soil à leur 
embouchure, soit enfin sur un fond plus ou moins éloigné 
de la mer, c'est-à-dire toutes les roches détritiques. IL ne 
laissait parmi les formations franchement marines, que 
les calcaires, S'il voulait dire que les sables et les argiles 
qui se déposent dans la mer proviennent originairement 
du lavage des continents, il a parfaitement raison ; mais 
il en est de même du calcaire, Le carbonate de chaux 
produit par la décomposition dés roches feldspathiques 
basiques est porté à la mer à l'état de dissolution dns 
les eaux des fleuves comme l'argile et le sable y sont 
apportés en suspension. Il est vrai que le premier passe, 
avant sa sédimentation, par l'intermédiaire des corps orgas 
nisés : mollusques, coraux, foraminiféres qui l'absorbent, 
en construisent leurs coquilles et le fixent quelquefois 
bien loin de son point d'origine. Mais l'argile, le sable 
peuvent être entraînés par les courants, roulés par les 
vagues, et portés aussi très loin de l'embouchure qui les a. 
versés dans la mer. 
La distinction étah 


s, démontrent la proximité d'un grand 


On objectait à Constant Prévost que les coquilles flavias 
tiles el lacustres de ces dépôts fluvio-marins étaient 
entières, malgré leur délicatesse et ne portaient aucune 
trace d'usure. : 

Il répondait : 
rivages sont entières, bien i 
du roulis; les lymnées, que l'on rencontre avec des fossiles 
marins à Grignon, à Beauchamps, etc., né sont pas 
brisées, bien qu'elles aient évidemment été transportées, 
puisqu'elles se trouvent avec des coquilles marines; les 





— 14 — 


ossements du gypse, les feuilles de plantes terrestres ont 
subi un transport et cependant sont bien conservées, 

On lui avait objecté que si des couches qui renferment 
un mélange de coquilles marines et de coquilles d'eau 
douce pouvaient s'être déposées dans une mer, on ne 
devait pas étendre la même conclusion, comme il l'avait 
fait, à des dépôts qui ne contiennent que des coquilles 
d'eau douce, Il répondit que d'abord ces couches d'eau 
douce intercalées dans des formations marines sont géné- 
ralement de peu d'étendue, qu'en second lieu les eaux des 
grands fleuves parviennent au loin dans l'Océan sans se 
mélanger aux eaux marines, Les animaux marins fuient 
ces eaux pleines de troubles, de sorte que leurs dépouilles 
ne sont pas méêlées aux coquilles terrestres et fluviatiles 
qu'apporte la rivière, 

Il exposait en second lieu le système de Cuvier et de 
Brongniart sur les irruptions multipliées de la mer dans 
le bassin de Paris. Avant de le combattre, il définit ce 
qu'il faut entendre par ces irruptions. Il ne s'agit pas 
d'un événement local par lequel des terres basses auraient 
été submergées, lors de la rupture des digues qui les 
séparaient du bassin des mers; il ne s'agit pas non plus 
d'une submersion passagère causée par le déversement 
d'un bassin supérieur dans un bassin inférieur. Les irrup- 
tions de la mer, dans le système de Cuvier et de Brongniart, 
consistent en cé que la mer, après avoir quitté un point 
qu'elle occupait depuis longtemps et s'être abaissée de 
plusieurs centaines de mètres, s'est élevée de nouveau, 
après un long intervalle sur le premier point abandonné, 
qui était devenu le séjour d'animaux terrestres. Elle y est 
restée assez longtemps pour que plusieurs générations 
d'êtres marins se soient propagées sur le sol envahi. 

Constant Prévost examine ce qui doit arriver dans une 
pareille hypothèse. 





= 


Si la mer se retire, si l'endroit qu'elle occupait passe 
l'état de continent, il s'y produira les phénomènes 
s’accomplissent actuellement sur les continents : érosion, 
ravinement par les eaux pluviales, production d'un sol 
végétal, développement de plantes et d'animaux, formation 
de terreau et de tourbières, Une nouvelle irruption der 
mer ne pourra détruire lous ces vestiges du continent; 
elle ravagera la surface des couches sous jacenles, mais 
elle n’ellacera pas les traces des ravinements continentaux, 
elle ne balayera pas complètement l'ancien sol végétal, 
elle n'emportera pas d'une manière absolue le reste des 
forêts. 

Or, dit Constant Prévost, quand une formation marine 
recouvre une formation d'eau douce, on voit toujours une 
ligne de séparation nette et bien tranchée. Les premiers 
lits qui renferment des coquilles marines reposent immé- 
diatement sur des lits d'eau douce qui ne paraissent avoir 
été nullement dérangés, Môme, dans beaucoup de cas, la 

alogique des premiers dépôts marins ne 
diffère pas de celledes ts d'eau douce qu'ils recouvrent. 
Par conséquent, quand des eaux salées succédèrent à des 
eaux douces, dans un bassin, le remplacement s'est opéré 
sans action violente. j 

11 a dû en être de même quand la dépression d'un lac 
a été rempli par la mer; une portion des ancien, rivages 
doit avoir été respecté pendant, bien qu'ilait examiné 
avec grand soin le: alités où les formations marines 
supérieures au gy) uvrent, sans l'interposition de, 
celui-ci, les formations plus anciennes, telles que le 
calcaire grossier, il n'a trouvé aucune trace des rivages 
du prétendu lac gypseux ; nulle part, il n'a vu les traces, 
d'un sol habitable et habité. 

Il à porté ses recherches dans le Soissonnais, où les 
couches de calcaire grossier sont beaucoup plus élevées 





= 


que les derniers dépôts de plâtre, Le calcaire grossier à 
Laon atteint une hauteur de près de 300, tandis que le 
gypse de Paris ne s'élève pas à plus de 100% au dessus du 
niveau de la mer, Donc, les rivages du lac gypseux sont 
entre Paris el Laon, ou si les rivages sont au-delà de Laon, 
on devrait admettre que le lac avait à Paris une profondeur 
de 300%, D'une manière comme de l'autre, on ne voit pas 
les rivages. 

Ce n’est pas seulement entre les sables marins supé- 
rieurs et le calcaire grossier qu'il n'a pas rencontré les 
traces d'un sol végétal, c’est à la surface des diverses 
formations anciennes : craie, calcaire olithique et granit, 
que ces surfaces soient recouvertes par des formations 
plus récentes ou par des dépôts seulement diluviens. 

Constant Prévost passe ensuite à l'examen des prin- 
cipaux arguments que l'on donnait en faveur de ka sub- 
mersion de surfaces primitivement continentales, 

Le plus important était les tiges verticales du terrain 
houiller, qui prouveraient l'existence d'anciens sols conti- 
nentaux, recouverts ensuite par des formations aqueuses, 

Alexandre Brongniart avait signalé le premier dans la 
mine du Treuil (‘), une véritable forét de végétaux 
fossiles, ayant l'apparence de Bambous ou de grandes 
Presles comme pétrifiés en place ; ils étaient placés 
verticalement, dans un banc de grès de 3 où 4 m. de 
puissance. Il en avait conclu que la houille s'était formée 
sur place par l'accumulation des débris des végétaux qui 
avaient poussé à l'endroit même où l'on trouve leurs 
débris. 

Adolphe Brongniart généralisa l'hypothèse de son illustre 
père (?). I admit que chaque couche de houille représente 





(1) Ann. des Mines, VI p. 459, 1821. 
(2) Classification des végétaux fossiles p. 81, Mémoire du 
Muséum VITE 








— fs — 


Constant Prévost admettait done que la houille est 
formée par des amas de bois flottés, charriés par les 
fleuves et transportés plus ou moins loin dans la mer par 
les courants. Il citait le grand remou connu sous le nom 
de mer de Varecs, entre l'Amérique et l'Europe, comme un 
lieu où devaient s'amasser les bois flottés, charriés par le 
Saint-Laurent et par le Mississipi, el entraînés ensuile par 
le courant marin du Gulf-Stream. 

Il aimait beaucoup à traiter ce sujet dans ses cours, Il 
insistait sur la petite quantité de charbon que produit une 
forêt par rapport à l'espace qu'elle occupe. La plus belle 
futaïe ne donnerait pas plus d’un centimètre de charbon, 
Pour produire une couche de houille de 30 mètres d'épais- 
seur analogue à celle du Creusot, il faudrait que les futaies 
s'y succédassent pendant un temps qu'il estimait au 
moins à 300,000 ans. 

La théorie de Constant Prévost sur l'origine de la 
houille par transport à été reprise dernièrement avec 
autant de succès que de talent par M. Fayol. Elle pourrait 
peut-être s'appliquer aux bassins houillers du centre de la 
France en admettant que l'accumulation des végétaux à 
eu lieu dans les lacs continentaux. Maïs pour le bassin 
franco-belge, pour les bassins anglais, pour ceux du Nord 
de l'Allemagne, pour ceux de l'Amérique, la théorie de la 
formation de la houille sur place parait beaucoup plus 
probable, Il ne s'agit pas de futaies renversées comme le 
disait Constant Prévost, comme le croyait Brongniart, par 
une inondation d'un sol exondé. La houille a dû se former 
dans des forêts marécageuses, généralement couvertes 
d'eau, où lés feuilles qui tombaient chaque année, les 
menues branches et même les vieux troncs venaient 
s'ajouter aux végétations aquatiques. 

Les arbres verticaux sont loin d'être une rareté dans le 
terrain houiller, Si on ne les signale que rarement c'est 





A 


les derniers venus de la forêt houillère, ont néanmoins 
pu résister et se sont trouvés peu à peu ensevelis sous les 
sédiments. 

A l'occasion des tiges debout dans le terrain houiller, 
Constant Prévost discute un fait qui avait été signalé à 
Portland, par T. Webster, en 1816. Entrele terrain juras- 
sique et le terrain crétacé, Webster avait trouvé des 
couches d’eau douce, et au milieu de ce calcaire d'eau douce, 
un lit de lignites terreux qu'il nomma Dirtbed ; il y vit 
une quantité assez considérable de troncs de Cycadées et de 
Conifères silicifiés, ayant encore leurs racines, et qu'il 
jugea en place. C'était à ses yeux, le reste d'un ancien 
sol végétal tourbeux. Tous les géologues qui, depuis lors, 
ont visité Portland ont adopté cette opinion. Constant 
Prévost avait aussi visité Portland ; mais les faits 
qu'il y observa étaient peu nets, ou il les vit mal, car il 
jugea que la couche argileuse avait été formée par sédi- 
mentation, que c'était peut-être de la terre végétale, mais 
de la terre végétale transportée dans un bassin; quant 
aux arbres, ils auraient été aussi transportés. A plusieurs 
reprises (!}, il donna la même explication. 

Les forêts sous-marines que l'on trouve sur les côtes de 
la France el de l'Angleterre n'indiquent pas non plus, 
selon Constant Prévost, une irruption de la mer, dans le 
sens propre du mot, car elles peuvent s'être développées 
dans des terrains bas qui auraient été ensevelis par la 
rupture de digues naturelles ; mais elles démontrent que 
la mer, en venant recouvrir un sol terrestre, n'aurait pas 
fait disparaître complètement les forêts, les prairies et la 
terre végétale, 

Constant Prévost passe à l'examen des roches perforées 
par les pholades beaucoup au-dessus du niveau de la mer 
ou recouvertes par des dépôts marins plus récents, Il 


(4) Bull. Soc. Géol. 1, p. 68 (1890); X, p. 428 (1839). 








— 4 — 


du sol permet de croire à des aflaissements et à des 
soulèvements, qu'on ne peut invoquer pour expliquer la 
formation des terrains parisiens, 

Constant Prévost s'occupa plusieurs fois des rochers 
perforés par les mollusques lithophages, principalement 
pour empêcher qu'on ne confondit avec eux les perfo- 
rations dues aux mollusques terrestres, 

Il avait observé, en 1831, au mont Pellegrino, près de 
Palerme, à 200 mètres au-dessus du niveau de la mer, des 
calcaires compacts avec des cavilés contenant l'Hélix 
aspersa, Ces cavilés étaient cylindriques, quelquefois 
ramifiées et, au fond de chaque ramification, il y avait une 
Hélix. La paroi extrême présentait même une pelite cavité 
qui paraissait correspondre à l'ombilie (1). 

En communiquant celte observation à la Société Géola- 
gique de France, Constant Prévost rappela que lors de la 
réunion extraordinaire à Boulogne-sur-Mer, Buckland 
avait trouvé des cavités analogues dans le calcaire carbo- 
nilère de la Vallée Heureuse et n'ayail pas hésité à les 
rapporter à des Hélix (*). 

Le savant anglais continua ses recherches sur les 
calcaires perforés par des Hélix, I fit connaitre à 
l'Association Britannique, lors de la session de Plymouth 
et de Cambridge, les nombreux faits qu'il avait observés 
(845). Il avait du reste été précédé dans cette voie par un 
dé ses compatriotes, le Rev. John Hodgton qui, en 1827, 
avait attribué à l'Hélix nemoralis des trous percés dans le 
calcaire carbonifère de Welpington (*), 

Constant Prévost revint plus lard sur le même fait 
devant l'Académie des Sciences à propos de grès perforés 


(1) Bull, Soc. Géol. de France, 2 I p. 453. 
(2) Bull. Soc. Géol. de France, X p. 435. 
13) Journal d'Édimbourg, 1 p.193 et XL p. 396. 








—"1M"— 


perfection primitive. Elle avait été recueuillie par le chef 
de la secte religieuse des Harmonistes, qui la faisait passer 
pour l'empreinte des pieds de Jésus-Christ. 

Avec une crédulité incompréhensible, mais dont on 
trouve d'autres exemples à cette époque, Constant Prévost 
entreprit d'expliquer le fait sans le vérifier. 11 dil que ces 
empreintes, tant d'homme que de tortue, pourraient avoir 
été faites à une époque très récente et postérieurement au 
dernier abaissement des mers, car les sédiments ont dû, 
quelle que soit leur ancienneté, conserver un certain état de 
mollesse, tant qu'ils sont restés submergés. 

La supposilion que des roches sédimentaires peuvent 
conserver leur état de mollesse primitive depuis un âge 
géologique reculé, si elles restent submergées et non 
recouvertes, est encore une de ces idées qui ne pouvaient 
se soutenir qu'à une époque où l'on n'avait pas la concep- 
tion de la longue durée des époques géologiques. Aujour- 
d'hui, on est arrivé à reconnaitre que la consolidation des 
roches s'est faite avecune rapidité trèssouventinexplicable, 
Ainsi, dans le calcaire carbonifère du Nord de la France, 
on rencontre des couches de brèche et de poudingue dont 
les cailloux proviennent des bancs de marbre immédia- 
tement sous-jacents. Les sédiments calcaires ont donc 
pu se marmoriser immédiatement après leur dépôt, car ces 
brèches él ces poudingues ne correspondent nullement 
à une différence d'assise ou à un changement de faune, 

Les remarques de Constant Prévost pèchent encore sous 
un autre rapport : si les pas de Stégocephales n'indiquent 
pas une émersion absolue, îls sont au moins le signe qu'ils 
se sont faits sur un rivage, souvent même sur un rivage 
qui émergeait à marée basse; car ils sont accompagnés 
d'empreintes de ripple-marks et de gouttes de pluie. 

Constant Prévost a conservé toute sa vie les opinions 
théoriques qu'il publiait en 1825, Nous le voyons, en mainte 





=AN— 


occasion, combattre l'idée que la mer à pu recouvrir des 
continents plus anciens, nous le voyons recourir au 
transport par les fleuves pour expliquer la présence de 
coquilles d'eau douce mélangées à des fossiles marins ; il 
applique la théorie des afluents à tous les bassins, où l'on 
voit des couches lacustres, alternant avec des couches 
marines, (1) 

A propos de la houille du Nord de l'Angleterre qui 
alterne avec le calcaire carbonifère, il attribue cette 
disposition à ce que les matériaux de chaque couche ont 
été amenés dans la mer de points différents, et il rappelle 
sa théorie des affluents (?). 

A l'occasion d'une discussion sur le mélange de fossiles 
terliaires et secondaires, il insiste pour qu'on ne perde 
pas de vue la possibilité du mélange des fossiles des 
diverses époques par le charriage (3). 

Ilattribue aussi au charriage, pur des fleuves, Ja présence 
des Éléphants dans les terrains d'alluvions de la Sibérie. 

Enfin, il expliqua par des aMluents, la structure géolos 
gique du bassin de la Garonne et en particulier l'amas de 
mammifères trouvé à Sansan (+). 

En 184%, Constant Prévost était allé à Auch, par 
délégation ministérielle, pour visiter la belle collection 
des ossements de Sansan, réunie par Lartet. Dans son 
rapport, il fit part des sentiments qu'il a éprouvés en lt 
voyant, 

“ Quelque prévenu que je fusse en arrivant à Auch, 
par les mémoires publiés par M. Lartet et par les précieux 
envois dont il a enrichi les collections du Muséum, j'ai 


(1) C. R. Acad. Se. : juin 1845; 20 avril 1846. 

(2 Bull. Soc. Géol. XI, p. 180 ot Bull. Soc, Géol., 2 VIT, p. 359 (1800), 

{8} Bull. Soc, Géol, 1, p. 139. 

4%) Bull. Soc. Géol, 28, 111, p. 388 (1846) et IV, p, 996 (1847) 
C. R. Acnd. Se, : 31 juillet 184$, 





Hi 


éprouvé, en voyant la collection immense réunie par ce 
savant, aussi modeste que peu apprécié, un étonnement 
et même une émotion que je ne saurais exprimer. Je 
comprends à peine la réunion de savoir, de zèle, de tact, 
dé dévouement désintéressé qui a été nécéssaire pour 
vaincre les dificultés de recherches, d'extraction, de 
rétablissement de tant d'espèces en un si petit espace (1). n 

Lartet avait loué le terrain où l'on trouvait loutes ces 
merveilles, mais le temps du bail allait expirer et 
quelques Anglais étaient venus offrir des sommes consi- 
dérables au propriétaire. De retour à Paris, Constant 
Prévost usa de son influence au ministère pour obtenir 
que le gouvernement français fit l'acquisition de la 
colline entière ; puis il retourna à Sansan pour régler les 
conditions de la vente. Grâce à lui, le Muséum devint 
possesseur de cet assuaire dont la richesse était incom- 
parable. 

Le point de départ des théories de Constant Prévost, 
exposées dans ce chapitre fut son opposition à l’idée des 
cataclysmes préconisée par Cuvier. IL fut conduit à nier 
les changements successifs et désordonnés de terre en 
mer, d'océan en continent, qu'avait imaginés l'illustre 
naturaliste. Le premier il eûl une idée assez nette de la 
permanence des bassins de sédimentation. IL admettait, 
comme on le verra plus loin, que le fond des océans 
s'allaisse, que la mer, en supposant la masse d'eau cons- 
laute, doit reculer à chaque alfaissement el mettre à sec, 
une partie du continent. Mais dans celte circonstance 
encore, il lui manquait la conception de la durée des 
temps géologiques et de la lenteur des phénomènes qui 
ont présidé à la formation du sol. Cette pensée qui 
pouvait se déduire des livres de Hutton et de Playfair 





(1) G. R. Ac. 8e. XX, Juin 4845, 





== 


n'était pas encore entrée dans la science françaises 
Constant Prévost admettait des affaissements brusques, 
presque cataclystiques, analogues aux soulèvements des 
montagnes. L 

Ilest singulier que ce soit précisément Elie de Beaumont, 
le protagoniste des soulèvéments cataclystiques, qui donna 
la notion juste de l'affaissement graduel des bassins de 
sédimentation à mesure qu'ils se remplissent. {1 est vra 
qu'ilse trompait sur la cause, en attribuant cet affaissement 
au poids des sédiments superposés, mais la raison immé 
diaté des altérnances d'eaux marines et lacustrés était 
trouvée ; les traces de rivage, telles que galets, perfo 
rations, ripple-marks, gouttes de pluie, pas de reptiles, 
étaient expliquées. Tous les lerrains secondaires el 
tertiaires du bassin de Paris s'étaient déposés à une faille 
profondeur et il sufisait d'une légère modification géogras 
phique pour transformer le golfe en une large baie 
émergeant partiellement à marée basse, en une lagune et 
mème en un lac, 

Un seul étage, la araissail avoir pris naissante 
loin des continents. On a vu que Constant Prévost hui 
altribuait une e pélagique. Les travaux récents de 
M. Cayeux (1) viennent de démontrer qu'il faut en revenir 
beaucoup de ce jugement et que la craie a des caractères 

éstes. Quant aux dépôts purement 

L'insisté avec raison sur 

leur faible importance dans le bassin de Paris. Le premier, 

Îl avait démontré que toute Ta partie inférieure du gypse 

à uné origine marine, mais on ne comprend pas coms 

ment il a pu supposer que des calcaires qui ne conte. 

naient qué des Lymnées et des Planorbes, comme certains, 

lits de Saint-Ouen, ont pu se déposer dans la mer sons 
simple influence d'un courant fluviatile. 


{1} Ann, Soc Géo]. Nord. XIX p. 262. 





CHAPITRE V 


PRINCIPE DU SYNCHRONISME DES FORMATIONS 


OÙ DES VAGIÈS. 


NOMENCLATURE GÉOLOGIQUE, 


Dans la séance du 18 décembre 1837, à la suite d'un 
exposé de la théorie des afluents, provoquée par une note 
de M. Prestwich sur des ossements fossiles trouvés au 
Mont Bernon, Constant Prévost énonça ce qu'il appelle le 
principe du Synchronisme des formations, À chaque 
époque doivent correspondre synehroniquement des dépôts 
pélagiens, littoraux, fluvio-marins, fluviatiles, terrestres. 

Ilest donc très naturel qu'un dépôt calcaire manque en 
certains points el soil remplacé par des dépôts argileux el 
sableux, qui prennent alors plus de puissance (1). 

Ce principe est tellement évident, tellement logique 
que l'on se demande comment un savant à pu croire 
en l'énonçant, faire faire un progrès à la science. Cepen- 


Ü} Bull. Soc Géol, XII, p. 06, 1840: 








— 197 — 


«Les faciès sont donc, en définitive, les différentes sortes 
de formation, sédimentaires ou autrés, qui peuvent s'être 
produites simultanément, à un moment quelconque des 
temps géologiques, comme cela se passe encore au témps 
actuel. On dit les divers faciés d’un terrain, comme on 
dirait les diverses formations des temps modernes (1). » 

Les mérites de Gressly et de Constant Prévost ne sont 
nullement diminués parce qu'ils se sont rencontrés duns 
la même idée, en étudiant l'an la Suisse, l'autre le bassin 
de Paris. La conception de Constant Prévost était peut-être 
plus théorique, plus à priori, tandis que celle de Gressly 
ne paraissait que la conclusion de ses études de détail. 

Il ne faudrait pas croire cependant que Constant Prévost 
avait négligé de citer les applications de son principe. Il 
donnait comme exemple de formation de même naturé, el 
contenant des fossiles analogues, mais se rencontrant à 
des niveaux successifs différents : les lignites inférieurs 
au calcaire grossier, les lignites intercalés dans le calcaire 
grossier comme à Bagneux et à Vaugirard et les lignites 
de l'ile de Wight. Ces divers dépôts d'argile à Hignites 
étaient selon lui des branches différentes et successives 
d'une grande formation fluviatile, qui a commencé avec le 
dépôt du calcaire grossier el s'est continué jusque dans les 
derniers temps du remplissage du bassin (?). 

Il cite comme formations contemporaines différentes 
par leur mode d'origine et leurs fossiles, le calcaire 
grossier, le calcaire siliceux, le gypse. En cela il se trompait; 
mais il était dans le vrai, quand, envisageant les côtés 
particuliers de la question, il admettait la contemporanéité 
du calcaire de Provins avec le calcaire grossier, des 
calcaires de Champigny et de Valvin avec le gypse. 


{1} Rennevier, Les faciés géologiques. Arch. des Sc. phys. et 
Naturelles, XII oct. 1884. 
(2) Bull. Soc. Géol. VII, p. 76. 





Dans une autre circonstance, il dit que le Wealdien 
d'Angleterre est une formation d'eau douce locale, qui 
se déposait à l'embouchure d'un grand cours. 
tandis que se formait ailleurs un dépôt marin, qui este 
Néocomien. 

Les résistances que la notion de faciès a rencontrées, il 
y a quelques annéesencore, de la part de géologues placés 
à la lète de la science, nous rend parfaitement compte 
pourquoi Constant Prévost attachait lant d'importance à 
son principe du synchronisme des formations, pourquoi 
il reprenait la méme théorie à chaque occasion. Ce n'était 
que la continuation de la lutte des causes actuelles contre 
les opinions dominantes, 

La nécessité d'exprimer clairement ses idées surce sujel, 
l'amena à proposer une modification au langage géologique 
courant. Bien des géologues, surtout à l'étranger, se 
servaient du mot formation pour désigner un groupe strati- 
graphique d’un âge déterminé, l'ensemble des dépôts qui 
s'étaient effectués pendant une période géologique: Afnst, 
d’Archiac disait la formation crétacée, et les géologuesalle- 
mands appelaient Kreide formation, ce que nous désignons 
habituellement sous le nom de terrain crétacé. 

Le 3 juin 1839, Constant Prévost exposa à Ja Société 
Géologique, (1) les principes de nomenclature qu'il avait 
adoptés pour ses cours el qu'il avail déjà publiés dans 
l'article Terrain du Dictionnaire d'Histoire Naturelle 74 
définit les mots ; sol, roche, formation, terrain. 

Le sol comprend toute la partie solide extérieure, (?) dt 
sphéroïde terrestre ; en deça est la masse planétaire; au 


(1) Bull. Soc. Géol. X p. 340. 1899. 

(2) Constant Prévost dit extérieure parec que dans s0n Opinion 
la masse planétaire centrale peut-être solidifiée deputs longtemps. 
tandis que les couches immédiatement inférieures au sol seraient. 
encore pateusés où fluides (Bull. Soc. Géol. 2: V p: 447. 4848); 





delà l'atmosphère. La première pellicule consolidée par le 
refroidissement est le sol primitif. Toutes les matières qui 
sont venues se déposer sur le sol primitif constituent le sol 
de remblai, Le sol sous primitif est formé par la consoli- 
dation successive de la matière fluide qui s'est faite sous 
le sol primitif, en aceroissant son épaisseur. 

Les roches sont les matériaux du sol, considérés quant à 
leur nature et à leur composition minéralogique : l'argile, 
le calcaire, le granit, etc. 

Sous le nom de dépôts, il désigne la disposition des 
roches en masses, en amas, en strates, en filons, en 
coulées, etc. 

Le mot de formation est réservé pour désigner l'origine 
des roches, quel que soit leur âge. Il les divise en forma- 
tions ignées ou Plutoniennes et formations aqueuses ou 
Nepluniennes, 

ul sait les formations Plutoniennes en formations 
d'intrusion, d'épanchement, d’éruplion, de sublimation, 

Les formations Nepluniennes étaient marines, fluvio- 
marines, fluviales, lacustres, palustres, travertines, 
terrestres, 

11 désignait sous le nom de formations Neptuno-pluto- 
niennes celles dont les matériaux, déposés par les eaux, 
ont été modifiés sur place par l'action plus où moins 
immédiate de la cause ignée. C'est ce que nous appelons 
les roches métamorphiques. 

Les formations Pluto-nepluniennes comprennent les 
roches, dont les matériaux produits par la voie ignée, ont 
été déposés sous les eaux et stratifiés, comme les tufs et 
les conglomérats volcaniques, 

Quant au mot Terrain, il doit, comme le voulait l'école 
de Werner, avoir une signification chronologique, il 
désigne les dépôts qui se sont faits pendant les grandes 
époques successives des temps géologiques, 





— = 


Constant Prévost divise chronologiquement le sol en 
terrains primaires, secondaires et tertiaires. x 

Cesconsidérations furent reprises, étendueset expliquées 
dans plusieurs autres communications à la Société Géolo- 
gique de France (!), à l'Institut (* et dans des articles 
de Revues et de Dictionnaires (?). 

On a vu qu'il n'admettait pas entre les divers lerrains 
des limites nettes et bien tranchées. 11 né pensait pas non 
plus que les mêmes divisions chronologiques puissent être 
applicables à tous les pays. v Ces divisions, dit-il, sont des 
points pris par les géologues dans une série continué de 
produits, comme ceux que les historiens prennent pour 
diviser l'histoire des hommes; mais de même que certains 
faits et certains événements peuvent, dans l'histoire d'un 
peuple où d’une contrée telle que l'Europe, sérvir à séparer 
l'antiquité, le moyen âge et les temps modernes, sans que 
les mêmes coupes naturelles puissent s'appliquer à 
l'histoire de l'Asie ou de l'Amérique, de mêmé les divi- 
sions créées par les géologues européens ne pourront 
sans doute s'appliquer à toute la surface de la terre que 
par des interprétations dangereuses pour la vérité (9): mn 

Les difficultés que rencontrent les géologues américains 
pour adapter à leur pays les divisions géologiques eur6" 
péennes montrent combien Constant Prévost voyail juste 
en celle circonstan 


(1) Bull, Soc, Gool. France, 2°s. 11, p. 306. 
1845. 


(3) Dictionnaire Universel d'Histoire Naturelle, mots: Synchro 
nisme; Formations, Terrains, Géologie, Roches, Sol, Terre, 
Terrains. 

{4j Bull. Soc. Géol. Fr, 2 IV, p. 39. 





CHAPITRE VI 


ÉPOQUE QUATERNAIRE 


Bien que la part de Constant Prévost dans les discus- 

ns au sujet de la période quatérnaire n'ait pas été 

dérable, il est néanmoins intéressant de connaitre, 

sur ces questions dificiles, l'opinion du fondateur de la 
doctrine des causes actuelles. 

D'abord, il n'admettait pas le terme de quaternaire. 
D'après lui, la terre était encore dans la période géologique 
L ire, et il y avait moins de différence entre les phéno- 
_mènes géologiques actuels et ceux de la période tertiaire, 
qu'entre ceux-ci et ceux de la période secondaire. Pour lui, 
la période actuelle se reliait à la période tertiaire par une 
transition insensible. 

Il désignait en général, sous le nom de terrain de 
transport, les dépôts caillouteux que nous rangeons 
actuellement dans le terrain quaternaire, et qu'il avait été 
un des premiers à reconnaitre en Normandie et en 
Picardie, 

ni 








— 163 — 


il ne se faisait pas lui-même une idée bien nette de 
l'origine de son terrain de transport. 

Iladmettait, alors que les matériaux du diluvium avaient 
fait précédemment partie d'une alluvion, c’est-à-dire d'une 
accumulation régulière de matériaux fluviatiles, 

« Depuis qu'il y a eu des fleuves, écritil, dans ses 
anciennes notes de cours, il à dù exister des dépôts de 
gravier le long de leur cours, depuis les moraines des 
glaciers, jusqu'à l'embouchure, Le fond des laes, celui du 
lit des fleuves, en sont couverts. » 

« S'il y a des cailloux roulés, des sables, des graviers 
dans le lit élevé des rivières, on conçoit la possibilité des 
dépôts diluviens, non seuléement sur les parties basses, mais 
aussi sur des plateaux plus élevés. Il suñit d'une débâcle 
produite par l'écoulement d'eaux pluviales, où la rupture 
d'un lac, pour que les cailloux, sables el graviers, aient 
été entraînés des régions supérieures dans les régions 
inférieures. 

Par ces explications, Constant Prévost semblait accepter 
la différence faite entre les termes allucium et dilurium 
proposée par Buckland (1). 

Plus tard, il soutint que celle diflérence entre l'alluvium 
et le diluvium n'est fondée qué sur uné hypothèse et qu'il 
est impossible de donner des caractères qui puissent les 
différencie 

Il devait y avoir, selon lui, des terrains de transport de 
tous les âges, puisque ces lerrains avaient dû se former 
partout où il y avait un sol continental, 

Il est certain que c'est une queslion que se posent 
encore beaucoup de géologues. Pourquoi ne retrouvons- 
nous pas sur lés vieux continents, sur les lerres émergées 
depuis longlemps, tels que l'Ardenne, les graviers des 





{1} Ann. of. physie. avril 1825. 





— 166 — 


anciens fleuves et les restes des animaux lerrestres qui 
vivaient alors? Si l'on peut citer quelques dépôts faits 
sous l'influence fluviatile, ce sont bien moins des traces 
d'un lit de rivière que des sédiments déposés dans un 
lac ou dans un delta. 

Constant Prévost croyait qu'une partie des cailloux, de 
l'argile et du limon du terrain de transport s'étaient faits 
au fond de la mer et avaient été laissés à la surface des 
continents lors de la dernière émersion. 1 confondail 
les dépôts fluviatiles des grands fleuves quaternaires, dont 
il avait cependant reconnu la stratification entrecroisée, 
avec les amas de cailloux que l'on trouve souvent sur les 
plateaux et qui sont aussi variables d'origine que d'âge, 
Une idée si archaïque prouve combien il avait peu étudié 
ces dépôts. 

Il s'était beaucoup plus occupé des brèches osseuses 
que l'on trouve dans les cavernes el dans les fentes des 
rochers. Il avait fait plusieurs travaux sur ce sujet en 
collaboration avec son beau-frère Desnoyers, 

En toute circonstance (1), il soutint que les animaux dont 
on rencontre les débris dans les cavernes, n'y avaient 
jamais habité, que leurs restes y avaient été entraînés pan 
des cours d'eau, [1 se basait sur la forme irrégulière du 
fond des cavités, sur la manière dont les dépôts vssifères 
les remplissent jusqu'au faite, sur la disposition des stalag= 
mites qui les recouvrent. [1 trouvait encore une preuve 
dans la réunion d'animaux du Nord ([Renne, Lagomys, 
Spermophile), a autres qu'il croyait essentiellement 
méridionaux ou au moins de climats tempérés (Eléphant, 
Rhynocéros, Hyène). 

Nul doute que son influence n'ait été prépondérante dans 
les conclusions que son ami et collaborateur Desnoyers 





(1) Bull. Soc. Géol. de Fr, 4° HI, p, 222, 228, 268: XII, p. 341, 296 





— 165 — 


donna à l'article : Caverne dans le Dictionnaire Universel 
d'Histoire Naturelle (1), ce travail plein d'érudition, où 
sont réunis tous les faits que l'on connaissait alors sur les 
grottes. 

Constant Prévost ne partageait pas complétement l'opi- 
nion de Desnoyers sur les ossements humains et sur les 
objets de l'industrie humaine, trouvés dans les cavernes. 
Comme lui, il croyait que beaucoup proviennent d'inbu- 
mations postérieures au remplissage, maïs il faisait des 
exceptions. Il était convaincu de l'existence de l'homme à 
l'époque quaternaire. 

On lit dans ses programmes de cours en 1833, 1836, 
1840 : « Des faits bien constatés, des observations rigou- 
reusés, rapportées pardesobservateursexacts, démontrent, 
qu'il y a en Saxe à Koestritz, en Autriche près de Vienne, 
sur les bords du Rhin, aux environs de Liège, dans le 
midi de la France (Aude, Gard, ete.) des débris de l'homme 
avec des espèces animales perdues ; Rhinocéros, Qurs, 
Hyènes Aurochs, Cerfs. » Et plus loin : « Géologiquement, 
l'homme n'appartient pas à uneautre époqueque l'Éléphant 
fossile, l'Hippopotame, le Rhinocéros, l'Hyène, l'Ours des 
cavernes. Le petit nombre de têtes recueillies en Moravie, 
à Liège, ete, ont un front déprimé comme les Caraïbes, les 
Iottentots, les Nègres. Elles sont accompagnées d'usten- 
siles de sauvage, haches et couteaux en silex et os taillés, 
aiguilles, amulettes, etc... Faut-il en conclure que les 
premiers hommes étaient voisins des négres ? Non, car si 
l'homme peut se modifier par perfection, il peut aussi se 
modifier par dégradation. Aucun être n'est plus influencé 
que l'homme par les circonstances extérieures. » À ce 
sujet, Constant Prévost développait les circonstances qui 
font varier les races d'animaux domestiques et il montrait 
qu'il devait en être de même pour les races humaines. 


V1, p. 543, 1845. 








— 167 — 


qu'il professait, en opposition aux opinions uniformi- 
taristes de Lyell. 

En 1850, dans une communication à l'Académie des 
Sciences, il rappelle les principales hypothèses qui avaient 
déjà été faites pour expliquer la période glaciaire, Le 
passage de la terre dans un point de l'espace moins 
échaufté par le rayonnement des autres astres, la dimi- 
nution momentanée de la chaleur solaire, produite par 
l'extension des taches, puis il expose sa manière de voir. 

Il admet que jusqu'à une certaine époque, la tempé- 
rature propre du globe, jointe à l'action solaire, n'a pas 
permis à l'eau de rester glacée sur aucun point de la 
surface, À une époque subséquente, déterminée par le 
refroidissement de la masse planétaire, les glaciers sont 
devenus possibles, 

Le phénomène glaciaire est donc une cause nouvelle 
qui n'existait pas aux époques antérieures et qui s'est 
développée par suite de l'évolution normale de la terre, 
Il y a des glaciers partout où la quantité d'évaporation 
et l'altitude des montagnes donne lieu à une chute de 
neige plus abondante que celle qui peut être fondue par 
la chaleur elimatérique. Ce résidu annuel est plus consi- 
dérable dans les contrées humides que dans les contrées 
sèches, de sorte que l'on peut concevoir l'apparition et la 
disparition alternative des glaciers sur une portion du 
globe, suivant qu'elle sera successivement submergée et 
émergée. 

Prenant un exemple, il suppose un aflaissement consi- 
dérable de l'Europe, de manière à transformer le continent 
en un grand nombre d'iles et de presqu'iles, correspondant 
aux massifs montagneux, Il se fera une évaporalion bien 
supérieure à celle qui a lieu aujourd'hui ; il tombera plus 
de neige en hiver et il en fondra moins en été, d'autant 
moins que cette disposition des eaux rendra la tempé- 





= 


rature estivale de l'Europe moins extrême, Les glaciers 
des Alpes et des Pyrénées redeviendront alors graduels 
lement ce qu'ils ont été, N s’en formerait dans les Vosges, 
le Jura, l'Auvergne, les Cévennes, la Bretagne, peut-être 
Ces glaciers continueraient à se développer jusqu'à ce que 
toutes les parties du sol, dont il vient de supposer l'immers 
sion, aient été peu à peu émergées (1). 

Plus tard, sans abandonner l'hypothèse précédente, il 
disait que l'on pouvait faire une autre supposition. On 
pouvait admettre que l’orographie de l'Europe restant la 
même, les déserts de l'Afrique fussent couverts par les 
eaux, dès lors, il n'y aurait plus de siroco, ce vent chauil 
qui contribue tant à la fonte des neiges des Alpes, A 
n'admettait pas une période de grand froid général; 
il disait qu’une température moyenne, inférieure de 4 
à lt température actuelle, pourrait faire renaître les 
glaciers dans les vallées des Vosges et faire descendre 
ceux des Alpes, jusque dans la plaine de Genève, A 
suffisait pour cela d'avoir des étés moins chauds et des 
hivers plus humides. 

Ainsi Constant Prévost attribuait le développement des 
glaciers à la fois au refroidissement séculaire du globe et 
aussi à une distribution géographique, qui n'existe plus 
aujourd'hui, c'est-à-dire à une réunion de causes générales 
et locales. 

C'était aussi l'opinion de Lyell : cependant l'illustre 
géologue anglais, très sceptique au sujet de ka chaleur 
centrale, ne faisait pas intervenir le refroidissement 
séculaire du globe, comme une explication de l'époque 
glaciaire. 

Il parait réellement probable que les ellets du refroi- 
diésement du noyau lerrestre ont dû se produire pendant 

le “ 


AE SPEXNXT, p. 600 et XXXI, p. 247. 





une période continue et d'une durée immense, On ne 
comprendrait pas que a température, après s'être main- 
lenuë à peu près égale et uniforme pendant tous les 
temps géologiques, se serait tout d'un coup abaissée 
d’une manière suffisante, pour produire l'époque glaciaire, 
on ne comprendrait pas non plus son relèvement 
postérieur. 
Lyell est très disposé à faire intervenir d’autres causes 
ét en particulier les causes astronomiques : la précession 
des équinoxes, les variations dans l'obliquité de l'éclip- 
que et dans l'excentricité de l'orbite de la terre. Ces 
pl 1énomènes peuvent sans doute amener alternativement, 
pour un hémisphère et pour l'autre, ou même pour toute 
Jaterre, le refroidissement réclamé pour l'époque glaciaire, 
Maïs ils sont périodiques, et les mêmes conditions ont dû 
se répéter bien des fois dans l'immensité des temps géolo- 
iques. Pourquoi alors les phénomèmes glaciaires et 
diluviens ne sont-ils pas périodiques ? 

Plusieurs géologues pensent, il est vrai, qu'il y a eu des 
glaciers à toutes les époques géologiques, depuis lesilurien 
jusqu'à nos jours ; Lyell, conséquent avec lui-même, était 
disposé à l'admettre. Mais, c'est une hypothèse qui n'est 
établie sur aueun fait positif. 

Ces anciens glaciers, s'ils ont existé, doivent avoir 
laissé leurs traces. Or, c'est tout au plus si on trouve 
quelques preuves sérieuses de phénomènes glaciaires 
dans les conglomérats de la fin de l'époque primaire en 
Inde et en Afrique. En supposant même que tous les 
doutes soient levés à cet égard, l'existence de deux 
grandes périodes glaciaires ne constituerait pas ne 
périodicité en rapport avec la périodicité des phénomènes 
astronomiques. 

Quant aux causes géographiques invoquées par Constant 
Prévost, par Lyell et par d'autres géologues, elles n'ont pas 





— 170 — 


la généralité nécessaire pour expliquer l'ensemble. de 
l'époque quaternaire, : 

ns est trop porté à isoler le phénomène glaciaire et à 

‘envisager indépendamment de ce qui l'entoure. Hest 

<etin le fait important, le fait le plus étonnant 
peut-être de l'époque quaternaire, mais il n'est pas le seul. 

Le creusement principal des vallées date aussi le 
ki même période géologique, Dès qu'il s’est formé des 
continents, dès que les eaux de pluie ont ruisselé à leur 
surface, il a dû se creuser des torrents et des rivières. 
Mais les traces de ces anciennes vallées sont si faibles 
que nous ne pouvons pas les suivre et qu'elles passent 
souvent inaperçues. On peut bien admettre que nos 
vallées actuelles sont très anciennes, que quelques-unes 
datent des époques tertiaires, peut-être même de l'époque 
crélacée. Néanmoins, il faut reconnaitre que c'est à 
l'époque quaternaire qu'elles ont reçu le profond coup de 
burin qui les a faites ce qu'elles sont, C’est à Vépoque 
quaternaire que se sont déposés les immenses amas de 
cailloux roulés, de sable, de limon qui existent sur Loules 
les parties de la terre, Les phénomènes qui font dé 
l'époque quaternaire que spéciale en géologie ont 
donc une Maven 


Il est encore impossible d'expliquer d'une manière 
satisfaisante les divers phénomènes géologiques de Na 
période quaternaire. Qu'il s'ai du développement des 
glaciers, du creusement des vallées, de la grande extension! 
des fleuves qui ont déposé le diluvium, ou de la formation 
des limons, l'époque que nous nommons quaternaire, ou 
mieux pléistocène, l'époque où la population animale des 
mers était devenue identique à la faune présente, l'époque 





— I — 


où les continents commençaient à être habités par leurs 
hôtes actuels et où disparaissaient les derniers repré- 
sentants des faunes éteintes, l'époque enfin, où l'homme 
manifeste pour ki première fois sa présence par les 
produits de son intelligence et de son industrie, cette 
époque est jusqu'à présent un problème non résolu de 
la science géologique, 

Il s'est produit alors des phénomènes qui ont pu avoir 
leurs analogues dans les lemps géologiques antérieurs, 
qui se sont manifestés dans les temps historiques et qui 
se manifestent encore sous nos yeux, mais qui avaient à 
l'époque quaternaire une intensité incomparablement 
supérieure à leur intensité actuelle. Nous devons attendre 
les progrès de la science, pour en donner une explication 
naturelle et universellement adoptée. 

11 y a déjà quelques faits qui semblent acquis; la longue 
durée de l'époque pleistocène, la généralité des phéno- 
mènes glaciaires dans les deux continents et dans les 
deux hémisphères, la multiplicité des périodes successives 
froides et chaudes, la nécessité de faire intervenir un 
mouvement d'eau considérable à l'état de vapeur, de 
pluie, de neige, de glace, de fleuve ; mais malgré le grand 
nombre d'observateurs éminents qui se sont occupés du 
terrain pleistocène, il reste encore à analyser et à vérifier 
bien des faits de détail. 

La faune à Elephas antiquus est-elle plus ancienne que 
la faune à Elephas primigenius où en est-elle contempo- 
raine ? Le limon est-il d'origine éolienne ou at-il été 
stratifié sous les eaux ? Y a-t-il une seule époque glaciaire ? 
Yen a-t-il deux ? Y en a-t-il trois ou davantage? Lu 
température élait-elle très froide ou très humide ? 

Ce ne sont pas seulement les géologues qui doivent 
coopérer à la solution du problème. I serait important de 
connaitre les limites que peuvent atteindre les variations 





= 18 — 


météorologiques sur les continents actuels. Or, c’est 4 
peine si, en météréologie, l'on possède un demi-siéelé 
d'observation, mn. 

Nous avons bien des indices que, depuis le commen: 
cement des temps historiques, il y a eu des modifications 
de climat, dont la raison nous est également inconnue: 

Nous avons mêmes des preuves que depuis l'ère chré 
tienne, les rivières du nord de la France ont acquis une 
intensité qu'elles n'ont plus actuellement ét nous pouvons 
attribuer, partiellement au moins, ces diflérences dé 
régime des cours d’eau à an changement dans les condi 
tions météréologiques. 

C'est peut-être dans l'atmosphère et hors de l'atmosphère 
qu'il faut chercher la cause principale des phénomènes 
quatérnaires, 

Depuis que l'analyse spectrale nous a montré les astres 
composés des mêmes éléments que la terre, depuis qu'il 
nous à fait connaitre la présence de l'hydrogène dans les 
comëles, nous pouvons supposer des modifications évens 
tuelles de l'atmosphère terrestre par sa jonction avec les 
météores gazeux. La confluence d'une de ces nébulosités. 
avec l'enveloppe gazeuse de notre planète ne serait pas 
plus extraordi ] chute des aérolithes, dont 
l'origine sidéral ï hors de doute. 

i re repoussée par Constant 
Prévost au nor héorie des causes actuelles. On 
pourrait lui répondre par ses propres paroles. 

“ Nous pouvons, disait-il, supposer dans l'avenir une 
époque où la croûte terrestre aura acquis uné épaisseur 
assez grande pour que les phénomènes volcaniques my 
soient plus possibles. Ce ne serait pas uné raison pour 
qu'un géologue de cette époque future niât l'origine 
éruptive des laves et en revienne aux hypothèses de 
Werner. » 





— 173 — 


On doit faire les théories avec les faits, rien qu'avec les 
faits, mais on ne doit pas refuser de se servir des hypo- 
thèses logiques et naturelles pour combler provisoirement 
les vides que laisse une science toujours bornée, parce 
qu’elle est essentiellement progressive. 

Ces hypothèses fantaisistes mais raisonnables, dont il 
n'est permis, ni de nier la possibilité, ni d'espérer la 
démonstration, sont utiles, nous a dit d'Omalius d’Halloy, 
parce qu’elles nous donnent un moyen d'échapper à la 
tyrannie de savants convaincus, qui veulent nous imposer 
leurs théories, malgré les objections qu’elles soulèvent, 
sous prétexte qu'il n'y en a pas d'autres acceptables. 





A1 — 


Pendant que Smith établissait la géologie stratigra- 
phiquedesterrainssecondaires d'Angleterre, Al, Brongniart 
étudiait les terrains tertiaires des environs de Paris. Grâce 
à l'éclat qu'avaient jeté les découvertes paléontologiques 
de Cuvier, son collaborateur, les travaux de Brongniart 
acquirentrapidementuneautoritéquen'avaient pasobtenue 
les observateurs qui l'avaient précédé : de Lamanon, 
Lavoisier, Coupé, bien qu'il ne fût peut-être pas toujours 
en progrès sur eux. 

L'Essai sur la géographie minéralogique des environs de 
Paris, fut présenté à l'Académie des Sciences en 4808 et la 
première partie insérée dans le Journal des Mines de la 
même année. Le mémoire entier fut publié en 1811 avec 
quelques modifications. 

Voici ce qu'en dit d'Archiac (4): « Le travail complet 
de 1841, avec ses descriptions locales, une carte géologique 
et des coupes qui certainement lui donnent plus d'impor- 
tance, quoique différant à plusieurs égards de l'Essai 
publié trois ans auparavant, n’est cependant pas plus exact, 
et les erreurs stratigraphiques du premier mémoire n’ont 
pas eté corrigées dans le second, qui en outre en présente 
de nouvelles, n 

Ce jugement est sévère, pour ne pas dire injuste. 
D'Archiac avait conservé de son ancien métier d'officier 
de cavalerie, l'habitude de sabrer quel que peu les 
travaux de ses devanciers. Il n'avait aucune indulgence 
pour leurs erreurs. Arrivé à une époque où la méthode 
scientifique était déjà bien établie, il n'eut qu'à l'appliquer 
à des questions qui ne présentaient plus de dificultés 
réelles, Il ne se rendait pas compte des incertitudes par 
où avaient dû passer ses maîtres, alors que les procédés 
d'investigation n'avaient pas encore fait leurs preuves el 


(1) Géologie et Paléontologie, p: 188. 








= Ame 


ses livres; son enseignement au Muséum les répandait à de 
nombreux disciples ; son salon, ouvert à tous les savants, 
était un lieu où l'on venait discuter les nouvelles géolo- 
giques. Lui-mème voyageait beaucoup, recueillant partout 
des observations et initiant les savants étrangers à sa 
méthode de travail. 

L'opinion se formait peu à peu sur les services que la 
géologie pouvait retirer de l'étude des fossiles. 

En 1820, Constant Prévost écrivait : « Il est admis par 
tous les géologues modernes que les corps organisés 
fossiles, dont on retrouve les débris dans les couches de 
la terre, différent d'autant plus des êtres actuellement 
existants, qu'ils sont enfouis dans des couches plus 
anciennes, » (1) 

« Tous les géologues conviennent, ajoute Brongniart, 
que plus les terrains sont supérieurs où nouveaux, plus 
les débris qu'ils renferment ont de ressemblance avec les 
êtres qui vivent actuellement à la surface de la terre. » (*) 

Ces lois posées, il restait à les appliquer pour la solution 
de grands problèmes géologiques. C’est ce que fit Constant 
Prévost, l'élève et l'admirateur de Brongniart. 

Îl'avait mis à profit son séjour en Autriche pour étudier 
les terrains des environs de Vienne et y recueillir 
de nombreux fossiles ; malheureusement, un incendie 
le priva de la plus grande partie de ses collections. 

En comparant ce qui lui restait avec la collection de 
Defrance, il acquit bien vite la preuve que les fossiles de 
Vienne différent beaucoup de ceux de Grignon. Il ne put 
reconnaître que deux espèces semblables. Au contraire, en 
étudiant dans les collections de Ménard de la Graye, les 


{1) Journal de Physique, 1820, XCI et Documents pour l'Histoire 
des térrains tertiaires, p. 219. 
(2) Rapport à l'Acad. des Sc. du 11 décembre 18%; Documents, 
p. 225. 
12 


E 





— 178 — 


fossiles dés collines subapennines que Brocchi venait de 
décrire, il ÿ trouva qurante-sept espèces communes avec 
celles d'Autriche. 11 en vint donc à dire que les fossiles de 
Vienne ressemblaient plus à ceux des collines subapens 
nines qu'à ceux de Grignon. 

Dans ses comparaisons avec l'Italie, Constant Prévost 
s’appuyait sur le mémoire de Brocchi : Conchiologie fossile 
sub-apennine, Brocchi avait constaté que la chaine des 
Apennins est essentiellement formée par un axe de calcaire 
secondaire et qu'elle est bordée de chaque côté par des 
collines argileuses et sableuses, riches en fossiles. [l avait 
étudié ces fossiles, en avait figuré un grand nombre el avait 
reconnu que la plupart différent essentiellement des 
fossiles des environs de Paris, tandis que plusieurs onL 
leurs analogues vivant encore dans la Méditerranée, 

Néanmoins, infidèle aux principes posés plus haut el 
qu'il avait lui-même contribué à établir, il supposa que 
les terrains tertiaires des collines subappennines étaient 
contemporains de ceux du bassin de Paris et il expliqua 
leur différence par des circonstances géographiques 
d'habitat, 

Constant Prévost ne fut pas de son avis. [Il admettait, 
bien que ce point de science fut encore fort obscur, que 
deux faunes, qui se seraient déposées en même temps 
dans des bassins géologiques éloignés, peuvent diflérer 
entre-elles. Néanmoins, il passa outre à ces considérations 
et basa son raisonnement sur le fait que les fossiles dé 
Vienne et d'Italie s'éloignent moins que ceux dé Grignon 
des animaux vivants dans nos mers, « Donc, dit-il, on. 
doit considérer les terrains modernes (tertiaires) observés 
en Italie et en Autriche, comme le produit simultané du 
dernier séjour des eaux de la mer sur les continents 
européens ; tandis qu'il faut regarder la formation du 
calcaire grossier des environs de Paris comme apparte- 





AN 


nant à une époque diflérente et à un âge de la terre 
beaucoup plus ancien. » 

Ainsi il y avait lieu de diviser en deux l'époque tertiaire 
considérée jusqu'alors comme unique, les couches de 
Grignon appartenant à l'époque la plus ancienne, celles 
de Vienne et d'Italie, à la plus récente. 

Constant Prévost s'est demandé s'il n'existait pas aux 
environs de Paris des couches que l'on pût rapporter à 
la seconde époque. Il remarqua que Cuvier et Brongniart 
ont signalé deux dépôts marins fossiliféres, séparés par 
un dépôt d'eau douce, le gypse, qui contient une faune de 
mammifères différents des mammifères actuels non seule- 
ment comme espèces, mais comme genres. 

« Combien de siècles n'a-l-il pas fallu pour le dévelop- 
pement de cette faune, de ces races introduites dans la 
série graduée des corps organisés, pour sa multiplication, 
pour son extinction successive, car déjà plusieurs n'exis- 
taient plus lorsque la mer est venue une seconde fois 
submerger les mêmes contrées, 

« Les zoologistes, ajoute-t-il, ne seraient-ils pas auss 
étonnés que les géologues de voir que le temps n'aurait 
apporté aucune modification à la série des corps orga- 
nisés. » 

C'était une raison de penser, contrairement à l'opinion 
de Cuvier et de Brongniart, que les deux dépôts marins, 
l'un inférieur, l'autre supérieur au gypse, ne pouvaient 
pas contenir les mêmes fossiles. 

Constant Prévost fait remarquer que les coquilles fossiles 
du dépôt marin supérieur sont en général en mauvais état 
de conservation. Cependant, si on examine les listes 
données par Cuvier et Brongniart, on trouve,avec quelques 
espèces semblables à celle du dépôt inférieur (!), beaucoup 





(1) Ces espèces sont reconnues actuellement différentes. 





— 180 — 


d’autres qui sont spéciales, Ainsi les sables supérieurs ne 
contiennent ni les Milliolites, ni les Orbitolites; miles 
Nummulites des calcaires inférieurs, ni le Cerithiéwm 
giganteum, ni le Voluta cythara, etc. Par contre, on y voit 
apparaître les Spirorbes, Cerithium plicatum, et plusieurs. 
espèces d'huîtres, dont la plus remarquable, Üstrea hip 
popus (actuellement Ostrea longirostris) est si commune 
dans le bassin de Vienne, (*) 

1 conclut « que, s'il fallait se décider à rapporter les. 
terrains des environs de Vienne et ceux d'Italie à unedes 
deux formations marines des environs de Paris, on cons 
viendra que, sous beaucoup de rapports généraux, on 
pourrait leur trouver de l'analogie avec la dernière, la 
plus récente de ces formations. » 

Rappelons que ces phrases ont été écrites en 4820» 
Constant Prévost n'avait pas encore les opinions qu'il 
soutiendra plus tard, au sujet de l'invasion des mers eb 
des cataclysmes. 

Il avait remarqué que certaines coquilles de Vienne qui 
n'existent pas à Grigno: rouvent à Bordeaux, à Dax, 
à Léognan et même en Touraine, Il émet donc avec doute 
la pensée que les terrains lertiaires de ces localités sont 
du méme âge que ceux de Vienne, 

Plus tard, il fut plus afirmatif dans un mémoire (*}lu à 
la Société Philomatique en mai et juin 1825, Il ditque dans 
les bassins du midi, on ail trouver des dépôts marins 
formés peut-être en temps que les collines sub 
apennines et que celles qui entourent Vienne, lorsque 
depuis longtemps le bassin de la Seine était occupé, 
par des eaux douces, c'est-à-dire postérieurement. à" 
la deuxième formation marine des environs dé Paris: 





(1) 11 1a confond avec Ostrea crassissima. 
(2) Bull. Soc. Philomatique 1825. 





181. — 


Ainsi, la science doit à Constant Prévost d'avoir reconnu, 
le premier, l'existence de terrains tertiaires plus jeunes 
que le calcaire grossier de Paris, et d’avoir résolu l’un des 
plus importants problèmes de géologie par l'application 
des lois générales de la paléontologie. 

Dufrénoy lui a reproché un jour (!) d'avoir assimilé le 
terrain terliaire supérieur de Vienne et du midi aux 
meulières et même aux sables supérieurs des environs de 
Paris, C'était effectivement son opinion, mais il ne l'avait 
exprimée qu'avec doute, parce qu'ilse rendait bien compte 
qu'il n'y avait pas de preuves positives. L'erreur du 
reste n'était pas extrême pour une époque où les grandes 
divisions géologiques étaient à peine ébauchées. IE n'y a 
pas longtemps encore que l'on réunissait dans le terrain 
miocène, les sables de Fontainebleau, les meulières de 
Beauce, les faluns de Touraine, de Bordeaux et de Vienne. 
I fallait être concurrent de Constant Prévost à l'Institut 
pour ne pas rendre hommage à sa sagacité. 

En 1822, une nouvelle édition du livre de Brongniart el 
de Cuvier, sous le titre de Description géologique des environs 
de Paris, it faire un pas considérable à la géologie strali- 
graphique. 

Au mémoire primitif se trouve ajoutée la description 
d'un grand nombre de lieux de l'Allemagne, de la Suisse, 
de l'Italie, ete., qui présentent des lerrains analogues à 
ceux du bassin de Paris, Ces descriptions, qui étaient 
l'œuvre uniquement de Brongniart (*) constituaient la 
partie la plus importante de l'édition, non seulement par 
les faits nouveaux qu'elles révélaient, mais surtout par la 
méthode et les principes qui avaient guidé les recherches. 


{1) Bull. Soc, géol. Fr. IV, p. 490 (1834). 

(2) Brongnlart lés avait déjh publiés presque complètement 
l'annéo précédente dans un mémoire inséré dans les Ann, des 
Mines, 1. VI, p. 599 (1821). 





Après avoir rappelé que l'observation des fossiles a 
révélé aux géologues une succession distincte de géné. 
rations qui permettent d'établir une chronologie dans les 
époques anciennes, après avoir dit que la nature des 
roches est généralement d'accord avec ki ressemblance 
des fossiles, il pose la question suivante : 

« Lorsque, dans deux terrains éloignés, les roches sont 
de nature différente tandis que les débris organiques sont 
analogues, doit-on, d’après cette diflérence, regarder ces 
terrains comme de formation différente; où bien; doibon 
à cause de la ressemblance des corps organisés, Jes 
regarder comme de la même époque de formation, lürs- 
qu'aucun fait de superposition ne s'y oppose évidemment? 

Pour répondre à cette question, Brongniart constate 
d'abord qu'il se forme actuellement des dépôts dé nature 
très différente : puis il fait observer que le développement 
d'une génération fossile suppose une longue série de 
siècles ou du moins d'années (!) pendant laquelle tous tes 
êtres vivants ont un caractère particulier de famille, ou 
d'époque, qu'on ne peut ni définir, ni méconnaîtres 

“ Je régarde done, dit-il, les caractères d'époque de 
formation tirés de l'analogie des êtres organisés comme 
de première valeur en géognosie, comme devant Vem- 
porter sur toutes les autres différences, quelque grandes 
qu'elles paraissent (suit l'énumération de ces différences 
telles que la nature des couches, leur inclinaison, Ha 
stratification contrastante, ete.) ; car toutes ces différences 
peuvent être le résultat d'une révolution et d'une formation 
instantanée qui n'établissent point en géologie d'époque 
spéciale, » 

Parmi les applications que Brongniart fit dé ces prin- 
cipes, il suflit de citer quelques faits particuliers. Dans 


{1} La notion des temps était encore bien vague dans l'esprit 
des savants, 





un calcaire noir, compact, assez dur, sublamellaire de la 
montagne des Fiz des Alpes de Savoie, il avait trouvé 
des fossiles semblables à ceux de la craie chloritée de 
Rouen, Ilen conclut que le calcaire noir est de même âge 
que la craie, Un autre calcaire noir compact avec lits de 
silex, de la montagne des Diablerets près de Bex, lui avait 
fourni une série d'espèces semblables, quelques-unes 
mêmes identiques avec celles du calcaire grossier des 
environs de Paris : il le rapporte done à la formation du 
calcaire grossier, tout en témoignant des hésitations qui 
nous paraissent singulières dans l'état actuel de la science, 
mais qui prouvent avec quelle prudence, il se servait de 
ses principes. 

Brongniart cite l'assimilation qu'avait faite Constant 
Prévost des couches tertiaires de Vienne et de l'Italie avec 
la formation marine supérieure des environs de Paris; il 
parait l'admettre, mais il insiste si peu sur la démonstra- 
tion qu'on peut se demander s'il en est bien convaineu. Il 
ne partage pas les doutes de Constant Prévost sur l'âge 
des faluns de Touraine et des environs de Bordeaux; il 
continue à les assimiler au calcaire grossier de Grignon. 

Les conclusions auxquelles était arrivé Constant Prévost 
furent confirmées et complétées par J: Desnoyers son 
beau-frère, Dans une communication faite en 4825 à la 
Société d'Histoire Naturelle (*) sur les térrains tertiaires 
du Cotentin, Desnoyers émit brièvement l'opinion que ces 
terrains tertiaires, ainsi que ceux de la Loire, ceux des 
collines subapennines, de l'Autriche, ete., doivent consti- 
tuer avec le crag d'Angleterre la formation tertiaire la 
plus moderne. 

En 1829, le méme savant publia dans les Annales des 
Sciences naturelles (?) un second mémoire intitulé : Obser- 





11) Mém, Soe, d'Hist. Nat. Paris 1 2, 1825 p. 238, 
{2} Ann. Se. Nat., XVI, p. 471. 





— A8 — 


vations sur un ensemble de dépôts marins plus récents que 
les terrains tertiaires du bassin de la Seine et constituant 
une formation géologique distincte. 

H fit rentrer dans cet ensemble, qu'il désigna sous le 
nom deterrains tertiaires récents, outre un certain nombre 
de dépôts d'eau douce (Val d'Arno, Issoire, etc), des for- 
mations marines très nombreuses; le crag d'Angleterre, 
les tufs coquillers de la Manche, de la Bretagne, de la 
Loire, de la Touraine, de Mérignac, de Dax, de Salles, le 
calcaire mϾllon et les sables de Montpellier, la Mollasse 

ère du Rhône, la Mollasse et le Nagellue de 
Suisse, les sables du bassin dé Vienne, les sables des 
collines subapennines, les calcaires de Sicile, de Corse,de 
Malte, de Sardaigi 

Ces dépôts, qui pi ntent comme roche prédominante 

et de graviers quarzeux, sont 


tertiaires plus anciens, sur ce qu'elle est dans tous les 
bassins à la fin de Ja série tertiaire et principalement sur 
ce qu'elle est superposée en Touraine au calcaire d'eau 
douce supérieur du bassin de Paris. Ainsi, Constant 
Prévost avait formé groupe tertiaire supérieur et Vavait 
rapproché d’une manière dubitative des couches marines 
supérieures du même bassin; Desnoyers complète Mes 
documents sur £e groupe tertiaire supérieur el démontre 
qu'il est plus récent que les couches marines supérieures 
et même que les couches d'eau douce supérieures du 
bassin de la Seîne. 





Après la fondation de la Société géologique de France, 
en 1830, la valeur du caractère paléontologique fut une 
des premières questions discutées, 

Dans la séance du 2 mai 1834, Deshayes lut un mémoire 
intitulé : Tableau comparatif des espèces de coquilles vivantes 
avec les espèces de coquilles fossiles des terrains tertiaires de 
l'Europe et des espèces fossiles de ces terrains entre eux (*). 

Idistingueles terrainstertiaires des terrains secondaires 
parce que ceux-ci ne contiennent à l'état fossile que des 
espèces qui paraissent anéanties, tandis que les terrains 
tertiaires offrent avec des espèces perdues, d'autres espèces 
qui vivent encore de nos jours, On peut les diviser.en trois 
grandes époques, parfaitement distinctes, d'après la pro- 
portion numérique des espèces éleintes et des espèces 
encore vivantes. 

Proportion 
d'espèces virantes 
AN Epoque "2 2 COS 
2 » DS RCU US TRS ES 
Burns te le M roue st PE 


Dans la première époque Deshayes range le bassin de 
Paris, celui de Belgique, celui de Londres, celui de Valogne. 

Dans la seconde : les faluns de Touraine, le bassin de 
Bordeaux, la Superga près de Turin, les environs de 
Montpellier, le bassin de Vienne, 

La troisième époque comprend le terrain subapennin 
de l'Italie, de Ja Sicile, des environs de Perpignan et le 
Crag d'Angleterre, 

En séparant le Crag et les marnes subapennines des 
faluns des bassins de Bordeaux et de Vienne, Deshayes 
élablissait une troisième division des terrains tertiaires, 
postérieure à celles que Constant Prévostavaient reconnues, 





(1) Bull, Soc. Géol. Fr. f, p 185, 





La lecture de Deshayes fut approuvée paies £ù 
Beaumont, Constant Prévost et Ami Boué: 

Elie de Beaumont déclare qu'il était arrivé sé à 
diviser les terrains tertiaires en (rois étages par une 
méthode purement géologique. 1 ajoute que chacun de 
ces étages renferme les ossements d'une génération parti- 
culière de grands mammifères. à 

Constant Prévost rappelle ses propres travaux. 

Ami Boué dit qu'il a eu la même idée que Deshayes: 
Cependant, il fit sur les principes des réservés qu'il sa 
proposait de développer plus tard, el qui étaient bien moins 
des réserves que de sérieuses objections, En effet dans les 
séances du der et du 19 décembre de la même annéeil 
présenta un mémoire intitulé: Essai pour apprécier des 
avantages de la paléontologie appliquée à la géognoste et à ln 
géologie. Nous n'avons pas ce mémoire, mais le Bulletin 
de la Société Géologique en contient les conclusions, Boué 
n'acceple le caractère paléontologique qu'à défaut d'autres, 
lorsque la superposition est obscure. Cependant, il croît 
que l'observation des fossiles est un guide commode dans 
les bassins bien connus. 

Aux attaques de Boué, Deshayes répondit par un exposé 
magistral des principes de la paléontologie, exposé où, 
après soixante ans d es, on n'a pas un mot à relrancher 
et bien peu à ajouter. (!] Il est à reproduire en entier, 

« Qu'est-ce que la Géologie? C'est la Science qui s'occupe 
des couches de la terre dans leur nature et leurs rapports: 

« Lorsque l'on a sous les yeux un grand nombre des 
couches de la terre ou quand on les a loutes réunies dans 
un tableau figuratif, l'idée simple qui nait de l'inspection: 
de leur masse, c'est celle d'un espace de temps écoulé. 

* Les couches de la terre ne représentent donc à l'esprit, en 


{1} Bull, Soc, GéoL France 11, p. 88, 





— 187 — 


dernière analyse, qu'un long chronomètre dont nous 
cherchons à connaître l'étendue. » 

1 En examinant, en étudiant avec soin les couches de 
la terre, on s'est bientôt aperçu qu'elles n'avaient pas 
toutes été déposées sous l'influence des mêmes phéno- 
mènes ; on entrevit en même temps que les mêmes 
phénomènes avaient présidé en quelque sorte à la forma 
tion d'un certain nombre de couches; on les groupa dès 
lors, on brisa par la pensée la grande période, on la 
décomposa en périodes plus petites, à chacune desquelles 
on a donné le nom de formation. » 

«“ S'il est vrai que les couches de la terre représentent 
un long espace de temps, s'il est vrai que toules ces 
couches n'ont pas été déposées sous l'influence d'un 
même phénomène, mais que les phénomènes se sont 
succédé à mesure que des groupes de couches ont été 
formés, il faudra en conséquence que la définition la plus 
simple d’une formation soit celle-ci : Un espace de temps 
représenté par un certain nombre de couches de la terre, 
déposées sous l'influence des mêmes phénomènes. n 

“ Si cette définition simple d'une formation découle 
naturellement de ce qui précède, si elle en. est la conelu- 
sion, il devient de toute évidence qu'on ne peut limiter 
une formation, sans avoir apprécié préalablement avec le 
plus grand soin les phénomènes et leur valeur respective : 
c'est là la conclusion logique. » 

u Dès lors, on doit se demander qu'est-ce donc que ces 
phénomènes, et d'abord sur quoi ont-ils agi ? » 

«Il est évident qu'il n'ont eu d'action que sur deux 
sortes de choses : de la matière inorganique et de la 
matière organisée, » 

« La matière inorganique ou minérale des couches est 
extrèmement variable ; c’est un fait incontestablement 
prouvé et établi par l'observation de tous les géologues : 





— 188 — 


ainsi une même couche pourra être marneuse, calcaire, 
cristalline, siliceuse ou de sable ; elle sera tantôt blanche 
ou de tout autre couleur, selon les circonstances locales 
qui l’auront modifiée, etc. Les éléments chimiques sont 
également variables. On ne peut donc pas dire que deux 
couches que l'on ne voit pas en continuité sont du même 
âge parce qu'elles ont la même composition minérale, » 

« Lorsque l'on examine avec quelqueattention les corps 
organisés contenus dans les couches terrestres, on oil 
leurs espèces passer d’une couche à l'autre, quoique par 
leurnature ces couches soient très diflérentes ; ces espèces 
restent les mêmes ou subissent peu d'altération, quoique 
la composition des couches qui les recèlent ait été consi- 
dérablement modifiée. » . 

« En admettant ces deux faits comme incontéstables et 
ils le sont, c'est-à-dire que la composition minérale des 
couches est très vi e, tandis que les débris d'êtres 
urganisés qu'elles re! ent ne le sont qu'infiniment 
moins, on peut conclure évidemment que, si l'on veut 
trouver un yen, une mesure, pour déterminer les limites 
d' une for: ion, on d ïit les chercher dans ce qui est le 


«“ Cela sera d'au! 1 acile que nous avons sous 
les yeux une de ces périodes, et que nous pouvons la 
comparer avec une période de la nature ancienne, que 
nous pouvons par approximation nous figurer cettenalure 
ancienne, parce que nous avons avec elle un point fixe de 
comparaison. » 

« Dès lors une formation est une période zoologique ; 
conçue rationnellement, elle est représentée par un cer- 





AE 


lain nombre des couches de la terre, recélant un ensemble 
d'êtres organisés qui ne se trouvent que dans ces couches. 
Il faut donc connaître les corps organisés pour décider les 
limites des formations ; celté conclusion est de toute 
rigueur, » 

« Ainsi une formation ne sera pas limitée par le chan- 
gement subit de la nature de la roche, par la position 
contrastante des couches, par des phénomènes de soulé- 
vement, de dislocation, ete, Tout cela peut fort bien 
n'être que des accidents locaux ; tous ces accidents ont 
pu survenir sans que les êtres vivants aient éprouvé d'alté- 
ration, et c'est en eflet ce que l'observation démontre. 
Mais quand on pourra dire : un tél ensemble d'êtres orga- 
uisés a commencé à telle couche et a fini à telle autre 
couche, et à cet ensemble en a succédé un autre qui ne 
lui ressemble pas, on aura fixé définitivement la longueur 
d'une période de vie ou d'une formation ; et il n’en faut 
pas douter, dans l'ensemble des couches de la terre iby a 
plusieurs de ces périodes. n 

A la suite de fa communication de Deshayes, Dufrénoy 
déclara qu'il était convaineu que les groupes paléontolo- 
giques s'accordaient avec les groupes stratigraphiques 
parce que les révolutions, qui ont suivi les soulèvements, 
ont renouvelé la faune. 

Plus que jamais l'idée de catastrophes multiples se 
répandait dans l'esprit des géologues et unissait la théorie 
des cataclysmes à celle des soulèvements, 

Boué ne se lint pas pour baltu. 11 partit pour Bordeaux 
afin d'étudier le calcaire marin de la Gironde. 1 écrivit à 
la Société Géologique (!) que d'après l'examen des collec- 
tions, il y a mélange des coquilles de Paris avee d'autres 
espèces qui annoncent un dépôt plus récent, « mélange 


(1) Séance du 16 avril 1832, — B, S. Géo, Fr, I p. 876. 





inconciliable, dit-il avec le système de mm" 
ment zoologique de Deshayes. » 

La Société Géologique s'intéressait vivement à la diseus- 
sion. Desnoyers, qui était alors secrétaire, écrivit au nom! 
de la Société à Des Moulins, riche amateur d'histoire 
naturelle à Bordeaux, pour lui demander son avis, Des 
Moulins répondit (*}: « Le mélange des fossiles bordelais et 
des fossiles parisiens est très évident dans les collections, 
mais il est fortement modifié sur le terrain. » 1 distingue 
trois niveaux fossilifères aux environs de Bordeaux: 

19 Les faluns qui contiennent les fossiles d'apparence 
récente ; 

2 Le calcaire grossier de Laroque et de la rive droite de 
la Garonne, où l'on trouve avec des fossiles des faluns 
quelques fossiles des environs de Paris; 

30 Le calcaire de Blaye et de Sainte-Estèphe qui est 
le véritable calcaire grossier parisien, dont il contient Jes 
fossiles. 

Dufrénoy et Elie de Beaumont étant venus appuyer, 
d'arguments straligraphiques, la déclaration importante 
de Des Moulins, l'incident fut vidé en faveur de Deshayes. 

Deshayes avait reconnu l'indépendance paléontologique 
de la craie par rapport aux terrains tertiaires. 11 voulut 
voir quelles relations avaient entre elles lés couches plus 
anciennes. Dans ce but, il parcourut le bord oriental du 
bassin de Paris et il vint communiquer le résultat de ses 
études à la Société Géologique (*), dans sa séance du 5 
février 1838. 

1 ne formait qu'un seul groupe de tous les terrains de 
sédiments antérieurs à la houille, car il y a des espèces 
qui passent d’une couche à l'autre, depuis la Grauwacke 





(4) Bull. Soc, Géol, Fr. 11, p 88. 
(2) Bull. Soc, Géol. Fr. IX, p. 169. 





— 19 — 


jusque dans le terrain houiller proprement dit et même 
dans le Zechstein, Le Muschelkalk lui a offert des coquilles 
dont aucune ne se trouve ni dans la formation jurassique 
qui le recouvre, ini dans la formation carbonifère qui est 
en dessous. Quant au Grès bigarré, il lui a présenté 
des espèces identiques à celles du Muschelkalk, ce qui 
prouve les rapports intimes des deux étages. 

Deshayes admet done cinq groupes de terrains carac- 
térisés par ce fait qu'aucune espèce ne passe de l'un à 
l'autre : « Cinq fois, dit-il, les générations se sont succédé, 
sans présenter de rapports les unes avec les autres et 
chaque fois il y a eu progression dans le nombre des 
espèces el dans lé développement progressif des formes. » 

Ces cinq groupes, qui sont ceux du carbonifère, du 
trias, de l'oolithe, de la craie et des lerrains térliaires, 
sont divisés en étages, reliés entre eux par quelques 
espèces communes, 

Rozel approuva les divisions au nom des géologues . 
purs, c'est-à-dire des stratigraphes. Probablement il parla 
des époques de soulèvement, car Deshayes lui répondit 
que les soulèvements qui s'étaient produits pendant 
certaines formations, n'avaient pas changé complétement 
les espèces animales qui s'y développaient. 

Deshayes reconnaissait que les limites desdivers groupes 
n'étaient pas encore bien précisées. Peut-être acceptait-il 
l'idée que les renouvellements complets de faune ont été 
déterminés par des calaclysmes dus aux grands soulé- 
vements, car Constant Prévost, l'adversaire bien connu des 
cataclysmes, après avoir approuvé, d'une manière générale 
la concordance entre les groupes géologiques et les 
groupes paléontologiques, se hâte d'ajouter « qu'il n'y 
a pas toujours coïncidence entre ces groupes et les grandes 
époques de dislocation, puisque c’est pendant le dépôt 
des terrains tertiaires dont Deshayes ne fait qu’un seul 





groupe, qué se sont produits les plus grands phénomènes 
de ce genre. n 

Puis viennent, dans la même séance ou dans une 
séance suivante, une série d'objections contre la méthode 
paléontologique, objections que Constant Prévost'est le 
premier à poser ou à faire valoir, Ainsi il fait remarquer 
que les études de Deshayes ne portent quesur une aire 
infiniment petile de la surface du globe et que ce serait 
trop présumer que d'en vouloir déduire des lois générales: 
F. Lajoye, relève Ja difficulté qu'il y a à définir une espèce, 
et par conséquent l'incertitude des caractères tirés de ‘ls 
distinction des espèces pour déterminer l'âge d'une couche. 

Deshayes reconnut la dificulté réelle des déterminations, 
et dit que pour être bien faites, elles exigent de nombreux 
matériaux. IL eût pu ajouter que si Lamarck, Cuvier, 
Blainville, Geoffroy Saint-Hilaire ne pouvaient pas s'en- 
tendre sur la définition théorique de l'espèce, ils s'accor- 
daient parfaitement en pratique, quand ils se trouvaient 
en présence de la nature, pour distinguer et caractériser 


Lajoye fit aussi observer que dans les conditions 
actuelles, les esp varient avec la latitude. Boubée 
ajouta qu 'elles varient avec la nature des sédiments el 
avec la profondeur. 

De Verneuil, tout paléontologiste qu'il était, objéeta[1}n 
que des savants éminents citaient la même espèce dans 
deux groupes géologiques, lels que Ananchytes ovata et 
Micraster cor anguinum qui se trouveraient à la fois dans 
le Crétacé et dans le Jurassique, 

Il ajoutait que Bronn dans son Lethœa geognostica avait 
signalé certains étages comme renfermant les fossiles qui 
appartiennent généralement à des terrains différents. 


(1) Buu. Soc. Géol., Fr. IX, p. 185. 





—4109— 


Ainsi les schistes des Alpes, où l'on rencontre des plantes 
houillères avec des Bélemnites du lias ; les terrains 
salifères de Salzbourg, contenant des fossiles du calcaire 
de montagne avec ceux du lias et de l'oolithe (1) ; les 
calcaires de Saint-Cassian, où l'ontrouveréunies des formes 
caractéristiques du muschelkalk et du jurassique ; la craie 
des Pyrénées qui renferme des fossiles tertiaires ; celle de 
Gossau et celle de Cressenberg qui sont dans le même cas. 

Deshayes reconaut l'importance de ces objections; il y 
répondit en faisant appel à une étude plus sérieuse des 
fossiles, 

Il aurait pu aussi en appeler au progrès de la strati- 
graphie, qui, après bien des efforts, finit par résoudre, en 
faveur des lois paléontologiques, le problème posé par la 
coexistence des Fougères houillères et des Bélemnites 
liasiques dans les Alpes. Les autres faits, cités par Bronn 
et par de Verneuil, lénaient soil à des erreurs stratigra- 
phiques que la paléontologie était appelée à corriger, soit à 
des fautes de détermination, soit à l'appréciation fausse 
des caractères paléontologiques que l'on commençait 
seulement à appliquer. 

La discussion reprit dans la séance du 46 avril, Constant 
Prévost soutint que les dépôts contemporains peuvent 
avoir des caractères zoologiques différents, tandis qu'il 
peut y avoir de grandes ressemblances, entre les fossiles 
de deux dépôts d'âges divers (*). 

Deshayes ayant défendu ses doctrines, Constant Prévost 
eita un exemple : l'Amérique, avant l'arrivée des Conquis- 
tadores, avait sa faune spéciale de tapirs, de lamas, ete. ; 
elle ne contenait ni chevaux, ni chèvres, ni bœufs, ni 





Ü) De Verneuil méllait en mème temps sous les veux dé là 
Société un échantillon de calcaire de Salzbourg contenant des 
Ammonites et un Orthocère, 

(2) Bull. Soc. Géol. Fr., IX, p. 263, 

13 





= — 


lapins, ni rats. Les Espagnols y portèrent ces animaux qui 
s'y multiplièrent avec la plus grande rapidité et la plus 
grande fécondité excluant peu à peu les espèces primitives. 
Un géologue des âges futurs, entrouvant dans lessédiments 
des fleuves américains actuels des chevaux et des bœufs, 
jugera qu'ils sont exactement de même âge que ceux qui 
contiennent les mêmes fossiles sur l'ancien continent Al 
croira aussi que les sédiments antérieurs, précolombiens, 
sont plus anciens que ceux qui renferment en Europe la 
faune des bœufs et des chevaux, plus anciens que les 
sédiments des époques romaine, grecque ou même 
égyptienne. Le résultat, qui dans le cas cité est le fait de 
l'homme, serait le méme si les deux continents venaient à 
être réunis pour un certain lemps par suile dés mou» 
vements du sol, circonstance qui a dû se reproduire 
plusieurs fois dans les anciennes époques. 

Il n'y aurait eu, dit en terminant Constant Prévost, ni 
destruction brusque et complète des espèces, ni création 
de types nouveaux, On sent dans cette dernière phrase, 
l'influence de l'opinion de Blainville sur la création simule 
tanée de tous les êtres vi 

La théorie de BI e est aujourd'hui peu connue ; 
elle est tombée absolument dans l'oubli et elle le mérites 
Blainville était, comme Cuvier, partisan de la fixité de 
l'espèce, mais il la comprenait dans un sens très large, 
en réunissant dans une même espèce dés formes que la 
plupart des naturalistes regardent comme des espèces 
différentes. 7 

Il supposait que toutes les espèces vivant actuellement 
ou ayant vécu dans les temps géologiques avaient été 
créées en même temps el disséminées sur tout le globe. 
IL admettait que les faunes, c'est-à-dire les groupes 
d'espèces compatriotes se déplaçaient à la surface de I 
lerre. 





= Au — 


Ainsi, une portion de la terre, peuplée par la faune À, 
aurait vu un jour celle-ci partir et être remplacé par Ja 
faune B, qui vivait ailleurs ; plus tard la faune B s’en va 
ut la faune C lui succède, après avoir quitté son ancienne 
patrie. 

Dans ces migrations successives une foule de types 
périssaient ; ce sont ceux qui n'existent plus qu'à l'état 
fossile, L'ensemble de l'animalité allait donc toujours en 
s'amoindrissant. 

On est tenté de croire qu'il fallait l'enthousiasme et 
l'éloquence de Blainville pour faire accepter une hypothèse 
si contraire aux constatations les plus simples de la paléon- 
tologie. Cependant la théorie de la translation, comme on 
l'appelait, était encore professée en 1858 par Flourens au 
Muséum d'Histoire Naturelle. 

Quand on voit un génie comme Blainville, un savant 
érudit comme Flourens, imaginer et enseigner des concep- 
tions aussi étranges, on se fait une idée des progrès 
immenses que la géologie a faits depuis cinquante ans. 

Deshayes se borna à répondre que les formations d’une 
même époque se lient par l'universalité et la prédominance 
de certaines espèces. Dans le cas cité les alluvions pré- 
colombiennes et post-colombiennes seraient liées par la 
présence de l'homme, 

Néanmoins, l'objection était sérieuse, elle se dressa et 
se dressé encore plus d'une fois devant les affirmations des 
paléontologistes. 

Dans le cours de la discussion Constant Prévost, 
avait repoussé une hypothèse cataclystique due à Agassiz. 
C'était le moment où la conception de l'extension des 
glaciers à l'époque quaternaire commencait à pénétrer dans 
l'esprit des géologues. Agassiz croyait que l'on devait 
attribuer au froid de l'époque glaciaire la destruction des 
animaux antérieurs à la faune actuelle, et il ajoutait que 





— 196 — 


les changements dans les diverses couches de sédiments 
doivent avoir été influencés par des changements correse 
pondants dans la température atmosphérique. 

Constant Prévost, toujours opposé à l'idée des catas 
clysmes, objecta que si un froid rigoureux avait détruit 
tous les animaux de la période crayeuse, par exemple, il 
devrait ensuite s'être formé, pendant quelques temps des 
couches sans fossiles, car les animaux de la nouvellé 
création ne pouvaient devenir nombreux qu'au boul d'un 
certain laps de temps, Au contraire les premières couches 
térliairés, au contact de la craie, sont remplies d'une 
quantité prodigieuse d'animaux. Il n'y a donc pas eu 
interruption dans le développement de la vie. 

La discussion recommença (!) dans la séance du 3 juin 
1839. Constant Prévost ayant présenté un tableau des 
terrains, où il les divisait seulement en trois groupés : 
primaires, secondaires, tertiaires, Deshayes prit la parole 
pour défendre sa division en cinq groupes. I l'appuya sur 
l'autorité d'autres paléontologistes, Ad. Brongniart, Milne 
Edwards, Agassiz, dont les études sur les végétaux, les 
polypiers el les poissons concordaient à faire considérer 
ces cinq groupes géologiques, comme indépendants, 

Constant Prévost ne nie pas que dans l'état actuel, Ja: 
division en cinq groupes ne fût fondée sur des faits 
positifs; mais il ne la eroit pas le dernier motde la science, 
Il se demande si on n'arrivera pas à établir un plus grand 
nombre de groupes ; si entre ces groupes, alors bien 
tranchés paléontologiquement, ne viendront pas s'inter- 
caler des formations intermédiaires, où l'on trouvera 
réunis des fossiles considérés pour le moment commé 
spéciaux à deux groupes différents. 

Non seulement il se fait ces demandes, mais ily répond. 





{1} B. S. Géol., Fr,, IX. p. 943. 





A4 — 


affirmativement : w Il croit devoir admettre à priori que 
cela sera ; car autrement on serait entraîné à cette consé- 
quence qu'il ÿ aurait eu sur la terre cinq créations indé- 
pendantes, qui auraient succédé à la destruction complète 
de tout ce qui existait précédemment; hypothèse que 
l'uniformité dans le plan d'organisation des êtres, leur 
étude philosophique, celle de la marche de la nature 
el des phénomènes dont nous sommes témoins ne semble 
pas appuyer. n 

Quand un groupe succède à un autre, il présente de suite 
une faune très nombreuse. Constant Prévost ne comprend 
pas une création instantanée si féconde en espèces et en 
individus. Le fait s'expliquerait plus facilément en 
supposant qu'un dépôt avec ses êtres vivants spéciaux 
vient succéder à un autre dépôt autrement habité. C'est 
ce qui pourrail arriver, pense-Lil, par une cause toute 
naturelle, comme la rupture de l'isthme de Suez ou de 
l'Isthme de Panama. 

Peut-être se faisail-il illusion sur l'importance géolo- 
gique des communications établies entre deux mers. Ce 
qu'il osait à peine demander à un phénomène géologique, 
le génie de l'homme devait le faire, L'ouverture du 
canal de Suez a permis à quelques animaux de la Mer 
rouge de passer dans la Méditerranée et inversement ; 
mais la faune de l'une ou l'autre mer n'a pas été modifiée 
dans son ensemble. 1 en serait peut-être autrement, si le 
percement de l'isthme avait établi un courant qui aurait 
eu pour résultat dé changer la nature des sédiments. 

Des modifications dans la faune se produiraient très 
probablement, si des eaux chargées d'argile venaient 
apporter leurs troubles boueux dans un bassin aux eaux 
claires ; les animaux, qui peuplaient ce bassin, s'enfui- 
raient où périraient dès l'abord et une population plus 
robuste viendrait s'y substituer, 





Ce sont ces idées qui ont été développées dans un 
autre chapitre et qui règnent maintenant dans la science 
sous le nom de théorie des faciès. 

Deshayes s'était fort peu occupé des terrains i 
à la houille, qui alors, n'étaient guère connus ; Werner les 
avait appelés terrains de transition, parce qu'il les trouvait 
intermédiaires entre les terrains primitits, massifs et 
crislallisés, tels que le granite, et les terrains secondaires, 
déposés sous l'eau, comme le démontraient leurs couches 
horizontales et leurs fossiles, Les roches de transition 
avaient quelques caractères minéralogiques des premiers 
éL on y trouvait des fossiles comme dans les seconds. 

En Allemagne, on désignait une grande partie de Les 
couches de transition sous le nom de Grauwacke; en 
Angleterre, on y avait distingué le Calcaire de montagne, 
que ses rapports intimes avec la houille avaient fait 
nommer Calcaire carbonifére, et le Vieux grès x 5 
en Belgique, d'O d'Halloy et Dumont ava 
divisé les terrains anciens en terrains anthracifére et 
lerrain ardoisier, et ils y avaient établi des subdivisions 
basées uniquement sur la stratigraphie et les caractères 
lithologiques. S'il y avait déjà eu des publications impots 
tantes et très utiles sur la paléontologie de ces terrains, 
on peut dire qu'elles n'avaient apporté aucune vue 
stratigraphique, 

La lumière commença à se faire en Angleterre par les 
travaux de Sedgwick et de Murchison (1835). En étudiant 
dans le pays de Galles les terrains inférieurs au grès rouge, 
ces géologues y établirent deux divisions: silurien, et 
cambrien ; mais ils ne les fondaient pas encore sur une 

base paléontologique, car Murchison reconnaissail que les 
fossiles du Bala, qu'il plaçait dans le cambrien, étaient les 
mêmes que ceux du Caradoc dont il faisait une divisior 
du silurien. [l constatait toutefois que les deux nouveaux 





groupes avaient des fossiles différents de ceux du calcaire 
carbonifère. 

Deux ans aprés (1837), Lonsdale ayant examiné une 
série de fossiles du Devonshire, leur trouva des caractères 
intermédiaires entre ceux du calcaire carbonifère et ceux 
du système silurien. 1l eut l'idée que les schisles calca- 
rifères qui les contenaient, devaient représenter le vieux 
grès rouge du Nord de l'Angleterre et il la communiqua à 
ses amis Sedgwick et Murchison. Ceux-ci étudiérent la 
question au point de vue stratigraphique, adoptèrent les 
idées de Lonsdale et formèrent un nouveau groupe qu'ils 
nommérent devonien, Puis ils parcoururent le continent 
pour y étudier les dépôts contemporains des divisions 
qu'ils avaient établies en Angleterre. I ne leur fut pas 
difficile de les reconnaitre dans le Boulonnais, en Belgique 
et en Allemagne. 

Quelle était la valeur de ces groupes géologiques au 
point de vue de la science générale ? 

On a vu que Deshayes avait admis que la grauwacke du 
Rhin avait des fossiles communs avec les couches supé- 
rieures, même avec le terrain houiller et le zechstein. Les 
divisions des terrains anciens n'étaient donc à ses yeux 
que des étages de la même valeur, que les divers étages de 
la craie ou du jurassique, 

De Verneuil avail accompagné Sedgwiek et Murchison 
dans un de leurs voyages dans les contrées Rhénanes, qu'il 
avait déjà visitées plusieurs fois pour recueillir les beaux 
fossiles de l'Eifel, Sur les instances des géologues anglais, 
il entreprit avec son ami d’Archiac une description des 
fossiles de ces roches anciennes. Ils reconnurent bientôt 
l'immensité du travail, et virent qu'il serait l'œuvre d'une 
vie entière, si mème il était possible. Ils résolurent donc 
de faire une halte, comme ils le disent eux-mêmes, et de 
constater l'élai présent de la science en publiant un species 





— 200 — 


de la faune des terrains anciens (!). lis l'iccompagnèrent 
d'une introduetion intitulée : Coup d'œil Dh" 
des dépôts palæwzoiques. 

Entre autres conclusions, ils posent en principe qu'il 
n'y a pas eu de changements brusques el complets 
pendant la période paléozoïque et que les trois systèmes 
de cette période se relient par un petit nombre d'espèces 
communes, C’élait une confirmation de ce qu'avait tit 
Deshayes, confirmation appuyée sur des faits infiniment 
plus nombreux. Mais là où ils se séparent de Deshayes, 
c'est lorsqu'ils ajoutent, sans preuves, qu'ila dtenlétrede 
même pendant la formation des couches secondaires, 
c'est-à-dire pendant tous les temps géologiques. Hs nient 
que les soulèvements aient pu occasionner la destruction 
complète des animaux qui vivaient loin du théâtre de ces 
bouleversements. Ils formulent, en outre, quelques lois 
paléontologiques importantes, entre autres les deux 
suivantes : 

Les espèces qui se lrouvent à la fois dans un grand 
nombre de points et dans des pays très éloignés les ins 
des autres sont celles qui ont presque toujours véeu 
pendant la formation de plusieurs systèmes consécutifs: 

Les espèces qui appartiennent à un seul système 
s'observent rarement à de grandes distances, 

Le peu d'intérêt qu'on attachait alors en France à l'étude 
des terrains primaires fit qu'on ne lut guère le mémoire 
de d'Archiac et de de Verneuil, 

Le Ier septembre 1842 d'Orbigny présentait à la Société 
Géologique de France, en session extraordinaire à Grenoble 
la prémière livraison de la Paléontologie françaises 

« J'ai entrepris ce dernier ouvrage, écrit-il, dans le bul 
de populariser en France, le goût de la géologie en donnant 





(1) Memoir on the fossils of Une Older déposits in the Rhenish 
provinees 1842. 





NN 


aux adeptes de cette science des moyens plus faciles 
d'étudier les nombreux fossiles de notre territoire. W 

Œuvre colossale, qu'il devait laisser à peine ébauchée. 
Néanmoins, ilatteignit le but qu'il se proposait; Îl permit 
aux collectionneurs de déterminer leurs fossiles et fl donna 
une impulsion des plus puissantes aux études géologiques. 
Les paléontologistes se multiplièrent; les déterminations 
devinrent plus sûres, plus précises; par suite, le nombre 
des espèces communes à plusieurs terrains diminua ainsi 
que l'avait prévu Deshayes. La méthode paléontologique 
gagna en sécurité ; elle allait l'emporter dans l'esprit des 
savants, mais elle avait encore un assaut à subir. 

Le 10 avril 1847, Dumont lut, à l'Académie Royale de 
Bruxelles, une note sur la valeur du caractère paléon- 
tologique en Géologie (*). 

Après avoir rappelé la dificulté et l'incertitude des 
détérminations spécifiques, il veut bien admettre qu'à 
l'aide des fossiles connus, on pourra distinguer deux 
couches très éloignées l'une de l'autre, mais il ajoute que, 
si on montrait à un paléontologiste des fossiles nouveaur 
de deux couches contigües, il ne pourrait pas dire laquelle 
de ces deux couches est la plus ancienne, 

I s'arme des deux déclarations de Verneuil et d'Archiac 
pour dire que, puisque les espèces propres à une couche 
n'occupent qu'une très petite surface géographique, elles 
né peuvent, dès lors, caractériser la couche dans toute 
son étendue, De même, quand une espèce occupe une 
grande surface, elle se rencontre dans plusieurs couches 
el même dans plusieurs systèmes de couches, Done, 
s'écrie-t-il victorieusement, il n'existe pas d'espèces 
caractéristiques d'une couche pour tous les points du 
globe. 


(1) Ac. Roy. Belg. XIV 1847 4* partie p. 292. 





Il arrive à deux autres arguments plus sérieux, basés, 
sur ce que dans la nature actuelle les espèces varient 
avec la nature des milieux, la pression, la température, et 
qu'il a dû en étre de même dans les Lemps anciens, | 

Sur les bords des mers actuelles, on peut distinguerdes 
zônes bathymétriques, de profondeur croissante, habitées 
par des espèces différentes. Il en a été de même à toutes 
les époques. Désignons les diverses faunes bathymétriques 
d'une première époque, par les lettres À, B, C, D, ele, 
Admettons que le sol se soulève, Après le soulèvement, 
dans la seconde époque, la zône À sera exondée eb les 
dépôts continueront à se faire au-dessus des zônes B € D. 
Mais comme leur profondeur a varié et que la nature des 
animaux dépend de la profondeur, la zône B sera recou- 
verte par la faune A’, semblable à la faune À; la zûne & 
par une faune B' semblable à la faune B; la zône D par 
une faune €’ semblable à C. Troisième époque : nouveau 
soulèvement, nouveau recul du rivage, nouveau chan 
gement bathymétrique: Sur B' se dépose la faune AN, 
sur C' la faune B", Les paléontologistes, en constatant 
la présence d'espèces semblables en A, A', A”, AM, 
réuniraient ces zônes, les croiraient de même âge el 
commettraient ainsi une erreur, 

Une autre objection qui paraissait non moins sérieuse 
était la suivante : La vie n'a pu commencer surle globe 
qu'après une certaine période de refroidissement, lorsque 
la température à atteint 90° par exemple. 

Le refroidissement a commencé par les pôles. Là, se 
développait la faune À. Le refroidissement augmentant, la 
vie a pu gagner vers l'équateur dans la zdne tempérée par 
exemple, et comme les animaux sont en rapport avec la 
température, il s'y est développé une faune A’ analogue 
la faune A. Pendant ce temps, la faune B avait succédé à 
la faune À. dans la zône polaire, 





Le refroidissement gagne encore, la faune C se produit 
au pôle pendant que la faune B' vit dans la zône tempérée 
et la faune A” dans les contrées tropicales, 

Le paléontologiste, en admettant la contemporanéité 
des faunes À, A', A" d'une part, B, B', B" d'autre part, 
commetlra une erreur. 

Il est done démontré, conclut Dumont, que des êtres 
analogues vivaient à des temps différents. De là, à dire 
que la paléontologie est une cause d'erreur, il n'y avait 
qu'un pas et Dumont ne se fai pas faute de le franchir. 

De Koninck répondit à Dumont (!}. fl lui reprocha très 
justement d'avoir raisonné à priori, tandis que les lois 
paléontologiques sont basées sur l'observation, mais il 
ne réfuta pas ses arguments. Il eut aussi le tort de faire 
dégénérer la discussion en une querelle personnelle, dont 
il n'y a plus à se préoccuper. 

Dumont, malgré toutes ses prélentions à la rigueur 
mathématique, malgré ses formules algébriques, avait 
oublié un puissant facteur : le temps. Cette négligence 
suflisait à fausser lous ses raisonnements, La note de 
Dumont fut lue à la Société Géologique de France dans la 
séance du 19 avril 1847, Elle n'y eut aucun succès ; elle 
fut combattue par de Verneuil, Michelin, Hébert. 

Frappoli essaya de soutenir les vues de Dumont, en 
faisant valoir les résultats où étaient arrivés les maitres 
de la science sans le secours du caractère paléontologique, 
singulier raisonnement, qui rappelle celui qu'on faisait à 
peu près à la même époque sur un autre sujet. On à 
accompli de beaux et longs voyages en diligence, disait 
Arago, done nous n'avons pas besoin de chemins de fer. 

Dans la même séance (2), de Verneuil fit à la note de 
Dumont une réponse péremptoire et sans réplique pos- 


(1) Ac. Royal Bel., XIV, 1847, 2 partie, p. 62, 
(2) Bull. S. G, Fr, 2 série p, 646. 





— 204 — 


sible. Il revenait d'étudier les terrains anciens de L'Amé 
rique. 11 les compara à ceux de l'Europe et reconnut que 
les espèces identiques ont véeu à la méme époque en 
Amérique et en Europe, qu'elles y ont eu à peu prés Ia 
mème durée et qu'elles s'y succèdent les nes NAS 
dans le même ordre. 

l conclut en ces termes : « Les premières traces de 
la vie organique, dans les contrées les plus distantes/se 
montrent sous des formes à peu près semblables 4 Ua 
base du système silurien, et les mêmes types, souvent les 
mêmes espèces se développent successivement el parals 
lélement à travers toute la série des couches paléozoïques-n 

« Si nous n'avons pas réussi à lever le voile qui nous 
cache encore les causes de ce grand phénomène, au moins 
nos observations démontrent-elles l'ineficacité de celles 
par lesquelles certains auteurs cherchent à l'expliquer: 
Elles prouvent, en eflet, que le phénomène lui-même est 
indépendant de l'influence qu'exerce sur la distribution 
des animaux la différence des profondeurs des mers. 
Elles prouvent que, dans son expression généralé, il'est 
indépendant des soulèvements qui ont affecté la surface 
du globe, car depuis la frontière orientale de Ja Russie, 
jusqu'au Missouri nou près des lignes de dislocation, 
dans les couches qui sont horizontales, comme dans celles 
qui sont redressées, la loi, suivant laquelle il s'accomplit, 
parait uniforme, » 

On peut dire que le mémoire de de Verneuil établissait 
pour la première fois, la paléontologie stratigraphique 
sur une base inébranlable. Jusqu'alors les observations 
s'étaient bornées à un petit coin du globe, à l'Europe; 
avec de Verneuil, elles s'étendent aux deux continents et 
donnent les mêmes résultats. La succession des faunes 
apparall comme un phénomène dépendant d'une loi 
générale que les uns considèrent comme la loi d'évolution 





— 905 — 


des êtres vivants, et où d'autres, plus nombreux, voient 
le développement général du plan du Créateur, 

Quelle que soit l'opinion philosophique adoptée, il y avait 
encore à déterminer le procédé de ces tranformations. 

En France, la théorie des cataclysmes et des créations 
successives élait dominante ; d'Orbigny en était le porte- 
drapeau. 

Voici les propositions que l'on trouve dans son cours 
de géologie stratigraphique publié en 1847 et 1848, 

“ Les animaux sont répartis par étages, suivant les 
époques géologiques. Chacune de ces époques présente 
en effet à la surface du globe une faune distincle, carae- 
térisée par des formes spéciales et par des espèces 
identiquement les mêmes partout, à (1) 

“ Les animaux, ne montrant dans leurs formes spéci- 
tiques aucune transition, se sont succédé à la surface du 
globe non par passage, mais par extinction des races 
existantes et par la création successive des espèces à 
chaque époque géologique. »(?} 

« La fin de chaque grande période a été marquée par 
l'anéantissement des êtres composant la faune de chacune 
de ces périodes el une faune nouvelle s'est ensuite mani- 
festée à la surface du globe, » (} 

« Chaque fois qu'un système de montagne a surgi au- 
dessus des océans, la faune existante a été anéantie par le 
mouvement prolongé des eaux sur les points disloqués et 
sur ceux qui ne le sont pas, et une nouvelle période d'exis- 
tence ne s'est manifestée que longtemps après le repos de 
la nature. » (*) 

Ainsi, pour d'Orbigny, il n'y a pas de transition entre 
les formes spécifiques ; la substitution d'une faune à une 
autre s'est opérée non par passage graduel, mais par 


(1) Loc. eit., p, 156; (2) 1d., p. 186: (8) 1d., p. 454; (4) 1d., p. 130. 





= 206 — 


renouvellement complet, après la destruetion de toutes 
les espèces existantes, par un cataclysme général el les 
calaclysmes ont eu pour cause le soulèvement des chaînes 
de montagne. 

Il admet que quelques espèces ont pu survivre aux cata- 
clysmes et se trouver ainsi dans deux étages successifs ; 
mais il croit ces cas très rares. Quant à des formes ana- 
logues, qui seraient séparées par des intervalles de 
quelques étages, il n'en connait pas. Il déclare même 
franchement que s'il en trouvait, quelle que fût leur 
ressemblance, il les considérait comme des espèces dilté- 
rentes. 

Il compte 28 étages séparés par 27 calaclysmes. Aux 
philosophes qui lui reprochaient de condamner le Créateur 
au supplice de Sysiphe roulant sans cesse son caillou, 
puisqu'il l'oblige à reconstruire le monde vivant chaque 
fois qu'il l'a laissé détruire, il répond : « Pourquoi veut-on 
donner des entraves à la puissance créatrice ? Pourquoi 
veut-on empêcher la nature de reproduire, à diverses 
reprises dans les âges du monde, des formes analogues, 
sinon identiques, surtout lorsque le temps et l'espace les 
séparent ? » 

Que devait dire Constant Prévost qui, sollicité par 
quelques amis, s'était fait suppléer en 1847 par d'Orbigny 
dans sa chaire de la Sorbonne. Il en parlait plus tard en 
soupirant et disait : « J'ai eu trop de faiblesse !, n 1 jugeu 
même à propos de protester dans un de ses cours contre 
le titre de Professeur suppléant à la Faculté des Sciences 
de Paris, que d'Orbigny avait pris dans l'ouvrage, où il se 
mellait en désaccord si complet avec le titulaire de la 
chaire. 

Comme tous les géologues ses contemporains, Elie de 
Beaumont, d'Omalius d'Halloy et bien d'autres, Constant 


Prodome. — Introduction XXXIX. 





= 7 — 


Prévost ne croyait pas que les fossiles fussent des guides 
certains pour déterminer l’âge géologique d'une couche, 
I voyait les exagérations de d'Orbigny et deses disciples ; 
il devinait les discussions au sujet des espèces, dont les 
unes sont caractéristiques et dont les autres ne le sont 
pas. Lui qui un des premiers avait montré tout le parti 
qu'on peut tirer de la paléontologie pour la détermination 
de l’âge du sol, il voulut faire machine à rebours. Mais il 
n'était plus au courant de la science, il n'avait aucun fait 
à opposer aux observations qui s'accumulaient et établis- 
saient sur des bases inébranlables la valeur du caractère 
paléontologique. 11 se borna à des protestations générales, 
à des exposés de principes, que l'on écoutait par respect 
pour son âge, mais qu'on ne se donnait même plus la 
peine de discuter. 

Du reste, ses principes sont purement négatifs. Il doute 
de tout, il combat toutes les hypothèses, il ne propose 
aucune théorie, 

Le 30 septembre 4850, il lut à l'Académie des Sciences (1), 
une série de propositions sur la fossilisation et l'emploi 
des fossiles en géologie; il les fait précéder des phrases 
suivantes qui résument sa pensée. « J'ai été conduit à croire 
et je persiste à penser que, depuis le moment où les con- 
ditions indispensables à la vie se sont trouvées réunies à 
la surface de la terre, les végétaux et les animaux créés 
par une puissance, qu’il n'est pas plus permis à la science 
de définir que de nier, n'ont pas cessé de peupler sa surface 
sans interruption et sous des conditions essentiellement 
semblables à celles sous lesquelles ils se sont propagés 
jusqu'au moment actuel, » 

“ Les premiers ou plus anciens des êtres sont liés si 
intimement par une organisation commune avec ceux qui 


(1) C. R. Acad. Se. XXXI. 1850, p. 481. 





— 208 — 


sont les contemporains de l'homme, que l'on ne peut 
considérer les uns et les autres que comme les partiès 
d'un grand Lou indivisible dont la conception a été une 
œuvre unique, dont le temps el aucun événement ou cali- 
clysme imprévu n'aurait interrompu ou altéré le déve- 
loppement. Ce seraient done autant de préjugés sans 
fondement géologique, que de eroire : 

19 Que la création aurait été une et instantanée plutôt 
que multiple, locale et successive. 

2 Que les organisations simples d'abord, auraient été 
se perfectionnant et se modifiant insensiblement ou révo- 
lulionnairement en raison de changements survenus dans 
les circonstances extérieures et dans la composition des 
milieux ambiants. 

4 Que des causes violentes auraient à diverses reprises 
anéanti toutes les existences, et qu'après les crises passées, 
de nouvelles créations seraient venues réparer le dommage. 

4 Que des individus d'une même espèce auraient instan- 
tanément apparu ou disparu sur les points les plus éloignés 
les uns des autres. 

3% Que l'inventaire des débris fossiles, recueillis jusqu'à 
présent par les paléontologistes, dans les divers lérrains, 
puisse donner une idée approximative des flores et des 
faunes successives. 

6° Que, par conséquent, les comparaisons, les rappro- 
chements entre des portions du sol de contrées éloignées 
puissent être mathématiquement établis au moyens des 
proportions numériques données par le nombre plus 
ou moins grand des espèces communes, particulières, 
analogues, identiques, recueillies dans des dépôts, dont les 
rapports de position ne peuvent étre constatés direc- 
tement. » 

Ainsi, Constant Prévost reniait presque, en 4850, les 
opinions qui l'avaient guidé dans ses premiers travaux 





géologiques. T1 penchait à adopter les théories de Blainville 
qui sont la négation de toute histoire paléontologique 
des êtres vivants, de toute application convaineue de leur 
étude à la détermination des terrains. I arrivait à formuler 
la doctrine décourageante que Lyell, Darwin et leurs 
adeptes ont reprise, quand ils proclament l'insuflisance 
irrémédiable des documents paléontologiques. 

Certainement, le savant doit toujours avoir à la pensée, 
l'idée que la science n'est pas complèle, que sans cesse 
elle progresse, que les moyens d'investigation augmentent 
el que ce qui est connu n'es rien auprès de ce qui reste 
à découvrir. Mais, quand il construit un système, quand il 
énonce des propositions, il doit se baser sur des faits 
po el ne pas se borner à des négations, ni à des doutes, 
I ne doil pas prendre comme point de départ de ses 
raisonnements les lacunes de Ja science, ni une ignorance 
vraie où supposée, 

I peut réclamer d'une théorie qu'elle ne soit contraire 
à aucun fait; il peut même à la rigueur lui demander 
d'expliquer tous les faits connus; mais il n'a pas le droit 
d'exiger qu'elle se plie à des conceptions hypothétiques, 
ni qu'elle s'applique aux phénomènes à découvrir. De 
deux choses l'une, ou ces futures observations seront 
conformes à la théorie et en constitueront une nouvelle 
preuve, ou celle-ci ne pourra pas les expliquer; il faudra 
alors la compléter, la modifier où même l'abandonner 
complétement. Mieux vaut pour le progrès une erreur 
que l'on peut détruire, que le doute général qui supprime 
toute initiative. 

Quelques savants ne l'entendent pas ainsi; leur doute va 
jusqu'à l'incrédulité. Pour eux, une théorie n'est qu'un 
système ingénieux qui permet de synthétiser certains 
phénomènes, mais qui n'a aucune importance réelle. Is 


Lu 





— 210 — 


adoptent deux théories contradictoires, l’une pour expli- 
quer quelques faits et l'autre pour en expliquer d’autres. 

On doit repousser cette manière par trop éclectique de 
concevoir la science. On doit avoir foi en ses théories, on 
doit les considérer comme l’expression, sinon de la science 
immuable, au moins de la science présente. 


Travaux sur les Formations Plutonniennes 


CHAPITRE VIII 


ILE JULIA 


En août 1831, on apprit à Paris par les journaux qu'une 
Île venait d'apparaltre au milieu de la Méditerranée, entre 
la Sicile et l'Afrique. On racontait que la surface de la 
imer était devenue bouillonnante, que du sein des eaux 
étaient sorties avec fracas des gerbes de feu, qui retom- 

en pluie de pierres el qu'enfin une nouvelle île 

aru. 11 y avait là un sujet d'études bien digne de 
l'attention des savants. Mais l'intérét scientifique ne fut 
pas l'idée dominante; on pensa immédiatement aux consé- 
quences politiques. 

La nouvelle île n'était-elle pas le premier point d’une 
chaine de montagnes qui allait se soulever et réunir la 
Sicile à la Tunisie? Le détroit de Messine n'allait-il pas 
devenir l'unique passage pour aller en Orient ? Le 





— 212 — 


commerce du Levant dépendrait donc du bon vouloir du 
roi des Deux-Siciles, et Malte perdrait son importance 
Stratégique pour la marine anglaise. À qui allait appar- 
tenir la nouvelle terre ? 

Le gouvernement sicilien expédia la corvette l'£tna sous 
le commandement du signor Cacace. L'amiral Hotham, qui 
commandait la flotte anglaise à Malte, envoya d'abord le 
capitaine Swinburn avec le sloop le Hapide. Tous deux 
furent en vue du volcan dans les journées du 17 au 19 
juillet. Us fixérent sa position, mais ils ne purent y 
débarquer. 

Le 4 août, l'amiral Hotham envoya un nouveau navire, 
le cutter Hund sous les ordres du capitaine Senhouse, Ce 
marin débarqua le premier sur l'ile. H en prit possession 
au nom de Sa Majesté Britannique el lui donna le nom 
d'ile Graham, Mais déjà les Siciliens l'avaient nommée 
Ferdinandea en l'honneur de leur roi, tandis que d’autres 
marins, et d'après eux les journaux, l'avaient appelée 
Nérita, parce qu'ils la supposaient située sur le banc sous- 
marin qui portait ce nom dans la carte de Smith ('). 

Le gouvernement français, au lendemain de la conquête 
d'Alger, ne devait pas rester insensible à un événement 
qui pouvait changer complètement les rapports de l'Europe 
et de l'Afrique. 1! décida aussitôt l'envoi d'un bâtiment et 
il proposa à l'Académie d'adjoindre un géologue à l'expé- 
dition. 


(1) On lu nommu aussi ile Corrao du nom du capilaine du 
brick napolilain La Thérésine, qui vit l'ile Le 16 juillet ot le 
capitaine Swinburn, plus courlisan que Le capitaine Senhouse, lui 
avait donné le nom d'Hotham en l'honneur de l'amiral anglais. 
On verra plus loin que Constant Prévost là nomima lle Julia. 
C'était beaucoup de noms pour une terre qui ne devait pas sub. 
sister plus de trois mois. 





— 213 — 


Constant Prévost assistait à la séance.Il demanda immé- 
diatement à être chargé de la mission. Dans la séance 
suivante il fut désigné sur un rapport signé de Cordier, 
Brongniart et Cuvier; une somme de 2.00 francs lui fut 
allouée pour son voyage. 

Le ministre de la marine pressait le départ. Constant 
Prévost dut partir sans avoir, en aucune manière, préparé 
son voyage, Humboldt, qui était alors à Paris, lui donna 
des instructions détaillées sur ce qu'il devait observer; 
il lui recommanda d'une manière toute spéciale de se 
livrer à une enquête très soigneuse sur tous les événements 
qui avaient précédé l'apparition de l'ile, Les instructions 
de Humboldt, écrites par Constant Prévost sous la dictée 
de l'illustre savant, mériteraient d'étre conservées; car, 
actuellement encore, elles pourraient s'appliquer à tous 
les faits d'éruptions sous-marines. 

Thénard prenait un grand intérêt à l'expédition. Non 
seulement il donna à Constant Prévost des avis sur la 
manière de recueillir les gaz volcaniques et de les essayer, 
mais il lui conseilla de prolonger son voyage en explorant 
la Sicile et le sud de litalie. I lui fallait au moins six 
mois et six mille francs, à L'Académie, dit-il, se chargera 
des frais; elle les prendra sur les fonds Monthyon ». 

Bien que Constant Prévost eût un réel talent comme 
dessinateur et paysagiste, il demanda à être accompagné 
par un dessinateur, afin de pouvoir consacrer lout son 
temps et toute son attention à l'observation géologique. 

Il désigna un jeune peintre, Joinville, qui avait déjà 
fait plusieurs voyages en Sicile et qui connaissait parfai- 
tement la langue et les habitudes du pays. Le ministre 
des travaux publics, qui avait alors dans son département 
les beaux-arts et les sciences fit la singulière réponse que 
voici : 





= — 


« Monsieur, 


» Vous m'avez exprimé le désir d'emmener dans l'expé- 
dition que vous allez faire, sur les côtes de la Sicile, pour 
explorer un nouveau volcan, un dessinateur dont les 
frais de nourriture seraient à la charge de mon dépar 
tément, et qui obtiendrait du Ministre de la marine, si 
j'en faisais la demande, le passage graluit sur le bâtiment 
qui doit vous porter. 

» Comme je n'ai à ma disposition, sur l'exercice courant, 
aucun fond applicable à cette dépense, j'ai le regret de ne 
pouvoir donner suite à votre demande, et je ne pourrai 
prendre d'engagement pour l'année 1832, qu'après que le 
budget aura été voté, 

» Agréez, Monsieur, ete. 


Le Paîr de France, Ministre-Secrétaire d'État, 
du Commerce et des Travaux publics, 


D'ARGOUT. n 


D'Argout n'avait certainement pas lu la lettre au bas 
de laquelle il mettait sa signature. Il fallait un haut 
degré d'esprit bureaucratique pour répondre que l'on 
devait attendre le vote du budget avant d'aller dessiner 
une éruption. Heureusement, le Ministre de la marine 
élait là. Le même jour, l'Amiral de Rigny, décidait que 
Joinville serait reçu à bord et qu'il aurait sa nourriture 
à la table de l'État-major. 

Enfin, Constant Prévost, après avoir été présenté au 
Roi et à la Reîne, muni de recommandations pour tous 
les représentants de France en Sicile, quitta Paris le 
6 septembre, par les messageries Lafille et Caillard. 11 
arriva à Marseille le 11, à 5 heures du matin. Il dut y 
séjourner un jour, parce qu'il n'y avait pas de places à la 





— 215 — 


diligence de Toulon, où il n'arriva que le 13 au matin. 
I y trouva le lieutenant de vaisseau Lapierre, commandant 
du brick La Fléche, sur lequel il devait s'embarquer, Le 
Vice Amiral de Rosamel, Préfet maritime, lui fit part des 
instructions qu'il donnait au Commandant Lapierre, par 
ordre du Ministre, 

Voici quelques extraits de la lettre que Constant Prévost 
écrivait à l'Académie, à ce sujet. On y lira avec plaisir, 
les preuves du zèle que le Ministre de la marine déploya 
en cette circonstance, pour satisfaire aux intérêts de la 
science. 

«Ainsi non seulement je pourrai faire en mer, auprès 
du nouveau volcan, toutes les observations possibles dans 
le moment actuel, mais encore j'aurai les moyens de 
visiter les iles Pantellaria, Limosa, Lampione et Lam- 
pedouze; je pourrai même, si le bâtiment peut le faire 
sans être soumis à la quarantaine à son relour en Sicile, 
aborder à Malte pour y recueillir les documents nombreux 
que l’on doit déjà posséder dans cette Île sur l'apparition 
de Nérita. Après avoir touché en Sicile, à Girgenti, au 
cap Passaro, à Syracuse, je compte me rendre à Catane 
pour visiter l'Etna avec quelques détails et ne reprendre 
le bâtiment qu'à Messine pour parcourir avec lui les îles 
Lipari, avant de me rendre à Palerme, J'espère, dans cette 
ville, recueillir de nouveaux renseignements sur les effets 
qui ont pu coïncider en Sicile avec l'éruption du volcan 
sous-marin, S'il devenait intéressant de retourner auprès 
de celui-ci, soit pour comparer son nouvel état à celui 
qui aura fait le sujet de nos premières observations, soit 
pour tenter d'aborder l'ilot volcanique, si nous n'avons 
pu le faire d'abord, je renouvellerai la visite au volcan avant 
de passer à Naples, où le bâtiment devra me conduire. 

Depuis mon arrivée à Toulon, j'ai eu l'avantage d'entrer 
en rapport avec M. le lieutenant de vaisseau Lapierre 





— 316 — 


qui commande La Fléche, Je regarde le choix d'un'oficier 
aussi distingué comme le meilleur augure pour le succès 
de notre mission, M. Lapierre qui a déjà fait le voyage 
autour du monde sur la Thétis, que commandait M. de 
Bougainvillé, prend le plus vif intérêt au but de notre 
expédition, dont il apprécie toute l'importance pour les 
progrès d'une science à laquelle il est loin d’être étranger. » 

Les instruments, baromètres, thermomètres, eL autres, 
expédiés de Paris par le ministre de la marine (toujours 
le ministère de ln marine !}, nécessitant quelques répa- 
rations, le brick ne put mettre à la voile que le seize 
septembre. 

La relation du voyage de Constant Prévost a été publiée 
par partie dans la Revue des Deux-Mondes, dans les 
Annales des Sciences Naturelles (1) et dans les Mémoires 
de la Société Géologique de France (*). Le récit qu'on va 
lire, extrait de ses carnets de voyage, est plus complet 


sous certains rapports, tandis que quelques points 
secondaires ont été négligés. 


u Le 25 septembre, au soir, à cinq heures, la vigie 
placée dans les mâts, signala une terre de laquelle on 
voyait s'élever de la fumée, Étant montés sur les hunes, 
nous aperçümes en effet l'Île, qui avait la forme de deux 
pitons réunis par une terre plus basse. 

Nous étions à 18 milles, et nous vimes, par moment, 
des bouffées d'une vapeur blanche qui s'élevaient, du côté 
du sud principalement, à une hauteur double de celle de 
l'ile. A plusieurs reprises et lorsque nous étions sous le 
ent, nous sentimes une odeur sulfureuse plus analogue à 
celle du lignite pyriteux en combustion qu'à celle de 
l'hydrogène sulfuré. 





{1} Ann. So, Nat. XXIV, 1881, p. 108. 
12} Mém. Soc. Géol. Fr., 1® sér,, Il, p, 915 1835 





— 217 — 


Le 26 septembre, le vent étant contraire et la mer très 
grosse, nous fümes obligés de nous éloigner (1). Dans la 
nuit du 26 au 27, nous fûmes assaillis par une lempêtle 
affreuse. Je passai cependant la nuit dans les bastingages, 
enveloppé dans mon manteau et me tenant aux cordes ; et 
malgré un malaise bien grand, je ne cessai d'avoir les 
veux fixés sur le volcan dans l'espoir d'y découvrir un 
indice d'éruption. 

Le 27 au matin, nous parvinmes à nous rapprocher 
analgré la mer très houleuse, Vers midi, nous étions à 8 
milles environ, alors nous lournämes l'ile et nous pümes 
prendre un grand nombre de vues sous différents aspects. 
Elle paraissait comme une masse noire solide, ayant 
tantôt la forme d'un dôme surbaissé dont la base était 
triple de sa hauteur, tantôt, celle de deux collines inégales 
séparées par un large vallon ; ses bords s'élevaient à pic, 
à l'exception d'un côté où la vapeur sortait avec le plus 
d'abondance ; celle-ci s'échappaît visiblement de la surface 
de la mer elle-même à une assez grande distance, 

Le 28 au matin, nous pümes approcher jusqu'à deux 
milles, et voir alors distinctement que la vapeur s'élevait 
non seulement de la mer, mais encore d’une cavité séparée 
de celle-ci par un bord très mince du côté du sud. 

Bien que tout nous fil craindre que nous ne puissions 
aborder parceque, à ladistance où nousétions, nous voyions 
la mer briser avec une grande violence, sur toute la circon- 
férence de la falaise à pic, je demandai au capitaine de 
faire une tentative, Un autre motif d'appréhension était 
la couleur d'un jaune verdâtre de l'eau qui entourait l'ile, 
couleur qui contrastait avec celle d'un bleu indigo de la 
pleine mer et qui sémblait annoncer soit des écueils, soit 


(1) Ce mème jour, F. Hoffmann essaya d'aborder à l'ile pour Ja 
deuxième fois, mais la mer ne le lui permit pas, 





— 218 — 


des courants rapides, dans une eau modifiée par l’action 
volcanique souterraine, 

À midi, la mer étant un peu tombée, le capitaine voulut 
bien faire mettre un canot à notre disposition. 

1l en confia le commandement à M. Fourichon, son 
second, lieutenant de frégate, et à M. Prouleroy, élève 
de Lre classe, Je m'embarquai avec M. Joinville, et conduit 
à la rame par huit matelots expérimentés el courageux, 
en moins d'une heure, nous arrivames sur les brisans ; 
nous reconnûmes alors que ceux-ci étaient produits par 
la lime qui venait frapper avec force contre une plage 


Fig. 26. — Ile Julia au moment du débarquement 
de Constant Prévost. 
À Point de débarquement. 
B Bord sud de l'Hlot couvert d'efforsscences sullureuses, 
€ Bord du cratère Intérieur faisant une légère suillie. 
D Plan lueliné ét concave s'élevant jusqu'au sommet de lle, 
Æ Endroit de la plage d'où sortent des vapeurs. 


courte el terminée brusquement par une pente rapide et 
non par des roches solides ; l'eau vert-jaunâtre, dans 
laquelle nous étions el qui était couverte d'une écume 
rousse, avait une saveur sensiblement acide, où moins 
amère que celle de la grande mer. Sa lempérature était 
aussi plus élevée, mais de quelques degrés seulement, 
210 à 23, Nous sondämes à environ 30 brasses du rivage et 
nous trouvâmes le fond à 40 ou 50 brasses; nous nous étions 
dirigés vers le seul point où, de la surface de l'ile, on put 
descendre par une pente douce vers la mer (fig. 26). 





— 219 — 


La merétaittropagitée pour permettreun débarquement; 
nous n'étions qu'à 40 brasses du rivage, je pus me con- 
vaincre qu'au moins pour la partie que nous avions sous 
les yeux, l'île était formée de matières meubles et pulvé- 
rulentes : cendre rapilli, scories, qui étaient retombées, 
après avoir été projetées en l'air pendant les éruptions, 

Je n'aperçus aucun indice de roches solides soulevées ; 
mais je reconnus bien distinctement l'existence d'un 
cratère en entonnoir presque central, duquel s'élevaient 
d’épaisses colonnes de vapeur et dont les parois étaient 
enduites d'eflorescenses salines blanches. 

Nous allions nous éloigner avec le regret de ne pouvoir 
emporter au moins quelques échantillons de ce sol, si 
nouveau et si effrayant, lorsqu'un matelot proposa d'aller 
à la côte à la nage ; on l’attacha avec la ligne de sonde et 
en quelques minutes, après avoir disparu d'abord sous la 
lame et dans la vapeur épaisse qui s'en échappait, il arriva 
sain et sauf sur la plage; il nous fit signe que celle-ci 
était tellement brûlante, qu'il ne pouvait y tenir les pieds. 
M. Fourichon ne put résister au désir d'aller chercher 
lui-même des échantillons, il se jeta à la nage et fut suivi 
par M. de Prouleroy et un second matelot qui emporta 
avec lui un panier, un marteau et une bouteille. Je 
regreltai bien vivement de n'être pas assez bon nageur 
pour pouvoir suivre un pareil exemple: je restai dans le 
bateau et, malgré ses mouvements brusques, nous fimes, 
M. Joinville et moi, quelques croquis, 

Nos intrépides compagnons s'élevérent jusqu'au bord 
du cratère, marchant sur des sables et des scories brûlantes 
et au milieu des vapeurs qui s'échappaient du sol ; il nous 
annoncérent que ce cratère était rempli d'une eau rous- 
sâtre et bouillante, formant un lac d'environ {80 pieds de 
diamètre ; enfin, ils revinrent à bord après avoir fait 
passer, au moyen d'une corde, un panier d'échantillons. 





On n'avait vu que des cendres et des scories ; cepen- 
dant, parmi les moreeaux rapportés, je reconnus un 
fragment de calcaire blanc, ayant tous les caractères de la 
dolomie ; je conçus dès lors l'espoir de trouver quelques 
roches soulevées et modifiées par l'action volcanique et je 
me décidai à tenter une nouvelle expédition, le lende- 
main, si la mer le permettait. 

Dans la nuit du 28 au 29, nous fûmes portés par des 
courants vers les côtes de Sicile et nous nous trouvämes 
le matin à plus de 6 milles du volcan, sans pouvoir en 
approcher d'avantage, le calme étant survenu. 

Un canot fut de nouveau mis à la mer vers 10 heures. 
J'avais fait mes préparatifs, fait disposer des flacons, des 
bouteilles, des boites de fer-blanc; nous primes des 
thermomètres et une machine faite à bord pour puiser de 
l'eau à différentes profondeurs, 

En conséquence, nous préparämes une planche de 2 


pieds de long; sur la partie moyenne peinte en blanc, 
j'écrivis moi-même : 


ILE JULIA 
ÉTAT-MAJOR DU BRICK LA FLÈCHE 
MM. CONSTANT PHÉVOST, PROFESSEUR DE GÉOLOGIE À PARIS, 
JOIN VILLE, PEINTRE, 
27, 28, 20 skPTEMBRE 1831 


Sur l'un des bouts de cette planche, nous fimes clouer 
une bande de drap rouge et une autre de drap bleu à 
l'autre extrémité. 

Pendant les journées des 26, 27 et 28, le Capitaine 
Lapierre avait relevé avec soin la position de l'ile, 1 


la trouva : 
Latitude 37e 107507 


Longitude 10° 228" 


Cette position ne correspondait pas à celle du banc 
sous-marin appelé Secca del Corallo par les pêcheurs 





_ 2 — 


siliciens et baptisé, on ne sait pourquoi, de l'appellation 
de Nérita dans la carte de Smith. Constant Prévost jugea 
que l’on ne devait pas conserver ce nom, le seul qu'il 
connut ; il inventa avec ses compagnons le nom de Julia, 
parce que l'apparition avait eu lieu dans le mois de 
juillet. 

On caleula que la distance du nouveau volcan à Pantel- 
laria était de 43 milles (80 kilom,) et à Siacca de 26 milles 
(48 kilom.) 

La hauteur de l’ile fut estimée à 69 m. 86 et sa circonfé- 
rence à 700 mètres environ, 

Cette fois le capitaine confia la conduite de l'expédition 
aux deux officiers qui n'avaient pas pris part à la première, 
MM. Aragon et Barlet, lieutenants de frégate ; MM. de 
Franlieu, élève de 4re classe, Baud, chirurgien-major, 
Dérussat, commissaire, nous accompagnèrent, el nous 
fümes conduits par le maitre-canonnier et huit matelots 
d'élite, parmi lesquels se trouvaient les deux qui avaient 


été à terre, le jour précédent. 

Nous mimes deux heures à traverser l'espace qui sépa- 
rait le brick du volcan. Une embareation d'un bâtiment 
qui était au large venait d'en faire le tour sans avoir 
débarqué, Nous hissämes le pavillon francais en tête de 
notre frôle nacelle et nous nous encourageämes à ne pas 
reculer. 


A un mille nous commencçâmes à traverser des courants 
d'eau jaunâtre, dont je remplis quelques bouteilles et 
pris la température, Des courants de pareille couleur 
semblaient partir comme des rayons d'une zone semblable 
qui entourait l'ile, La sonde nous donna 40, 50, 60 brasses 
dans ces eaux, en approchant de l'ile jusqu'à 200 pieds 
du bord. 

Nous nous trouvions un peu à droite du point où le 
premier débarquement avait eu lieu. Nous étions tous 





disposés à gagner le rivage en nageant; je désirais me 
faire attacher et tirer à Lerre par un matelot qui m'aurait 
précédé. 

Après en avoir délibéré, nos officiers pensèrent que, 
mieux que le jour précédent, on pourrait tenter d'aborder. 
Nous avançämes jusqu'à la lame, un homme se jeta à l'eau 
pour porter un grapin à terre et, profitant avec adresse du 
flot qui poussa la barque sur le rivage, les matelots se 
précipitèrent pour la retenir et la mettre à sec sur la plage. 
Nous en fümes quitte, Joinville et moi, pour entrer dans 
l'eau jusqu'à la ceinture. 

Vainqueurs de Neptune, nous n'avions plus que Pluton 
à craindre. I était une heure ét demie, nous devions être 
rentrés à bord au coucher du soleil. Le brick était à trois 
lieues, il nous fallait au moins deux heures de marche 
pour l'atteindre, enfin deux heures nous restaient à con- 
sacrer à nos observations sur ce petit coin de terre qui 
nous amenait de si loin : nous nous distribuämes les rôles, 

MM. Aragon et Barlet se chargèrent de mesurer la 
circonférence de l'ile qu'ils trouvèrent être d'environ 700 
mètres sur 70 de hauteur. Le docteur Baud fit toutes les 
expériences thermométriques ; M. de Franlieu fit sonder 
dans le cratère et puiser de l’eau aux diverses profondeurs 
et sur les différents bords, M. Joinville se mit à faire 
des dessins, 

Enfin, M. Derussat fit hisser le pavillon tricolore sur le 
point le plus élevé: de l'ile et fixer l'écriteau que nous 
avions préparé, non pour prendre possession (1) par une 
vaine el ridicule cérémonie, d'un las de cendres 
surgi au milieu des mers, mais pour constater notre 
présence, el pour apprendre à ceux qui viendraient après 


(1) Hs ignoralent alors la prise de possession par le capitaine 
Senhouse et ils ne trouvèrent rien sur l'ile annonçant que d'autres 
personnes y avaient débarqué. 





— 993 — 


nous, que la France et son gouvernement ne laissent 
échapper aucune occasion de montrer l'intérêt qu'ils 
prennent aux questions scientifiques, dont la solution 
peut étendre le domaine des connaissances positives. 
Deux matelots m'accompagnant, je me mis en devoir 
de parcourir tous les points de notre flot pour rechercher 
surtout, si en quelque endroit, des matières appartenantau 
fond de la mer n’auraient pas été soulevées ou projetées. 


Fig. 28, — Disposition en atratifleation entrécroisée 
des cendres et des seories de l'ile Julia 


Après avoir gravi la plus haute cime au milieu des 
s brûlantes, après avoir fait deux fois le tour 
entier au pied des falaises, je fus assuré que ce monticule 
dont la base est à cinq ou six cents pieds dans la mer, 
était entièrement composé, comme je l'avais présumé le 
28, de matières pulvérulentes, de fragments de scories de 
toutes les dimensions, jusqu'à celle de deux pieds cubes, 
au plus. 

Je trouvai quelques blocs dont le centre, très dur, 
avait l'aspeet et la consistance de la lave; mais ces masses 
globulaires avaient été projetées, 

Le cratère est un cirque en entonnoir presque régulier 
dont tous les bords sont inclinés suivant une pente d'environ 
45°. Dans les coupes latérales produites par les ébou- 
lements, on distingue que la stratification est parallèle à 





cette ligne de pente, tandis que du côté extérieur les 
mêmes matériaux sont disposés dans un sens opposé (1). 

Le centre du cratère est occupé par un petit lac qui n'est 
pas parfaitement circulaire, étant plus large de V'E. à l'O. 
que du N. au S. De ce dernier côté on peut distinguer un 
petit bassin qui ne communique avec le grand que par 
une ouverture de 4 à 5 pieds et qui en est séparé par une 
digue de scories rousses. La largeur du grand bassin est 
de 140 à 150 pieds et celle du petit de 25 pieds. La tempé- 
rature de l'eau mesurée plusieurs fois est de 9%° sur la 
rive nord et de 98°sur la rive sud. 


Fig. 29. — Vue des falaises de l'ile Julia du côté nord 

Quant à la coupure à pie des falaises, il est facile de voir 
qu'elle est l'effet postérieur d'éboulements causés soit par 
des secousses imprimées au sol, soit plus probablement 
par l'action des flots qui, enlrainant les matières meubles, 
ont successivement miné les bords; ceux-ci se trouvanten 
surplomb sont Lombés; lous les jours ils se dégradent, et 
c'est déjà aux dépens des éboulements qu'il s'est formé 
autour de l'ile une plage, sorte de bourlet de 15 à 20 pieds 


1} On voit que Constant Prévost avait parfaitement reconnu Ja 
£tratification quaquaversale propre aux cratères volcaniques. Dans 
ses notes, 11 dit que, dans les coupes de la falaise, les cendres et les 
lapillis forment des lits nombreux déposés de la même manière 
que le gravier dans les alluvions, © 1 
constamment parallèles, ua lit prenant plus d'épaisseur d'un côté 
que de l'autre, l'inclinalson change el devient quelquefois opposée 
à cs qu'elle était un peu avant {fig. 28) 





de largeur, qui se termine brusquement en pente dans Ia 
mer (1), 


— Plan de l'ile Julia fait Le 29 scptembre 
ol d'oiseau, par Constant Précost 


du débarquement. 





S tard que la Lompète qu'il venait de subir lo 26 avait 
maté 


a éboulement considérable des bords de l'ile ét en 
a L comp ètement changé la forme. Toute la partie de l'ile qui 
correspondait à la direction du Levant avait disparu. 


15 








= 


cantes, car l'odeur sulfureuse n'était pas toujours sensible, 
lorsque nous étions au centre de la colonne de vapeurs. 
Dans un espace qui peut avoir 50 ou 60 pieds de long, le 
sable noir de la plage est véritablement brûlant. 

Le thermomètre indiquait sur le sol baigné par la 
mer à chaque flot, une température de 81 à 85° c. L'eau 
qui restait dans les dépressions semblait bouillir, mais, 
en y plongeant la main, je ne la trouvai pas assez chaude 
pour qu'elle pôt être en réelle ébullition, Enfonçant ma 
main à quelques pouces dans le sable brûlant de la 
surface, je le trouvai frais: dans une de ces expériences, 
l'un de mes doigts s'étant trouvé sur le trajet d’une bulle 
de gaz ou de vapeur, qui, visiblement, était partie d'une 
grande profondeur, je fus vivement brûlé el convaincu 
que l'ébullition était produite par des bulles qui venaient 
de l'intérieur de la terre. Chacune d'elles projetait, même 
avec une légère détonation, du sable et des grains volca- 

ues, représentant autant de petits cratères d'éruption. 

Parmi ces milliers de volcans en miniature, j'en fis remar- 
quer un qui servit à donner à mes compagnons de voyage 
une idée de la manière dont l'ile Julia avait été formée. I 
avait environ un pied de diamètre, c’est-à-dire que le 
et les scories lancés continuellement par lui jusqu'à 

2 pieds d ut, avaient formé autour de sa bouche 
d'éruption une sorte de taupinière d'un pied de base sur 
uces de hauteur, je fis ébouler les parois exté- 

s de ce cône et j'en fis un cratère semblable à l'ile 


erchai en vain à enflammer le gaz qui s'échappait 
il me parut sans odeur; mais, à quelques 
tance, des vapeurs sulfureuses sorlaient du 

re, et este du soufre el du muriate de 





pris de l'eau dans des bouteilles qui ont été cachetées de 
suite. 

J'avais promis une prime aux matelots qui m'appor- 
léraient des cailloux blancs ou jaunes et des coquilles ; 
j'ai rassemblé plusieurs des premiers el j'en ai trouvé 
moi-même mêlés avec les produits volcaniques : ils sont 
allérés et ils ont été projetés du fond avec les scories, 

Tout me porte à croire que ce volean a produit des 
coulées de laves sous-marines, el si, comme cela est présu= 
able, l'apparition du cratère d'éruplion a été précédée 
du soulèvement du sol qui paraît avoir été de 3 ou 600 
pieds au-dessous du niveau de la mer, H doit exister autour 
de l'ile Julia une ceinture de rochers soulevés qui seraient 
le bord du cratère de soulèvement ; peut-être celte nouvelle 
disposition du sol est-elle la principale cause de la colo- 
ration particulière en vert jaunätre des eaux de la mer à 
une assez grande distance de l'ile, et des courants qui se 
manifestent autour, et qui n'exislaient pas avant l'appa- 
rilion du phénomène volcanique. 

Eufin, il fallut descendre, le signal du départ était 
donné: il étail temps, car la mer devenue plus forte, 
menaçail de remplir notre bateau et de l'entrainer, Grâce 
au sang-froïid et à l'habileté de nos jeunes oficiers, à 
l'obéissance courageuse de nos matelots, une manœuvre 
rapide nous fit repasser la barre sans accident, En deux 
heures nous atléignimes Le brick, n 

En quittant l'ile Julia, Constant Prévost et le Capitaine 
Lapierre avaient l'intention d'y revenir après avoir visité 
Ja Sicile et les îles Lipari:; mais à Palerme, ils apprirent 
que l'ile n'existait plus. 

Le 26 octobre, le vapeur français, le François 4er, l'avait 
visitée. I n'avait plus trouvé qu'une terre basse, au milieu 
de laquelle s'élevait une petite colline isolée de 20 mètres 
de hauteur; un bassin plein d'eau bouillante marquaît 
la place de l'ancien cratère. 





Le 7 novembre, la colline se voyait encore ; mais un mois 
plus tard, elle avait disparu. Un officier du génie, envoyé 
par le gouvernement Sicilien (1) pour lever le plan de l'ile 
ne trouva plus que l'écume des vagues qui se brisaient sur 
un banc sous-marin. 

Le 12 janvier, l'Amiral Hugon chercha en vain la place 
de Julia, et lorsqu'en février, M. de Franelieu revint avec 
Constant Prévost à Siacca dans le but d'aller faire des 
sondages sur l'ile qu'ils avaient visitée, ils ne purent eu 
retrouver exactement l'emplacement. 

Constant Prévost ne fut pas le seul savant qui étudia l'ile 
Julia. Au moment de l'éruption, il y avait en Italie une 
mission scientifique allemande composée de Fr. Hofimann, 
professeur de géologie à l'Université de Halle, Escher de la 
Linth de Zurich, Philippi de Berlin et le Docteur Schültz. 

Ces savants n'eurent pas phütot reçu à Palerme, la 
nouvelle de l'apparition de l'ile Julia, qu'ils s'empressèrent 
d'y aller, Îls trouvèrent l'éruplion en pleine activité et, 
sous le rapport volcanique, leur récit (?] est plus intéressant 
que celui de Constant Prévost. 

Arrivés à Siacca le 23 juillet, il virent distinctement 
la grande masse de fumée qui s'élevait à l'horizon, Le soir 
on distinguait une lueur rougeâtre au milieu de la fumée, 
On entendait des bruits ressemblant à une longue canon- 
nade, qui se continuait parfois pendant un quart d'heure, 

Le 24, ils louèrent une barque et allérent à l'ile sans 
pouvoir y débarquer. Ils s'en approchèrent de 8 milles. Is 
estimérent son diamètre de l’est à l'ouest à 800 pieds 





(1) La possession de Julia avait fait l'objet d'un échange de notes 
diplomatiques entre Les gouvernements sicilien ét anglais. Co 
dernier avait cédé, lorsqu'il rut con vainen que lie n'aurait qu'une 
existence éphémère. 

len der Physik und Chemie herausgegeben zu Berlin, 
Paggendorf, L 24, p. 65. 1832. 








Mi 


a toujours été aussi grande que pendant les douze heures 
qu'il resta près du volcan et pendant les quatre jours 
qu'il l'a observé de loin, il ne croit pas qu'un homme au 
monde puisse approcher du cratère. 

A partir du 15 août, le volcan commença à s'apaiser, 
Le 19, il reçut la visite de M. Osborne (1), chirurgien du 
vaisseau anglais le Grange. Le cratère était fermé du côté 
de la mer, il n'en sortait plus que des vapeurs qui exci- 
aient des nausées, 

Le 25 août, plusieurs Siciliens de Siacca, accompagnés 
d'un voyageur anglais, Weight, se rendirent à Julia. Les 
éruptions avaient complètement cessé et l'ile était à peu 
près dans le même état que la vit Constant Prévost. 

Le 26 septembre, au moment même où le brick La Flèche 
arrivait en vue de Julia, Hoffmann et ses compagnons 
s'embañquaient à Marsala sur une barque de pêcheur 
allant à la rame el se dirigeaient pour la seconde fois vers 
le volcan. Une nouvelle tempête de siroco les empécha 
encore de débarquer, mais ils approchèrent assez près du 
côté nord, où ils étaient à l'abri, pour queles rames passent 
toucher le sable volcanique. Is firent le tour de l'ile, Leurs 
observations furent conformes à celles que Constant 
Prévost fit le lendemain. 

Comme lui, ils constatèrent que l'ile est formée unique. 
ment de débris volcaniques meubles, cendres et scories 
sans laves ; comme lui, ils reconnurent la disposition 
quaquaversale, du côté du S. 0, où les parois de l'ile 

le pées, Escher de la Linth fit une esquisse très 
intéressante qui porterait à supposer, contrairement à 
l'observation positive de Constant Prévost, que l'ile avait 


11) Gaxetté de Malte 25 août 1834. 
Bi Loc, cit, pl. M, Mg: 5, 








Du 29 juin au 2 juillet, on ressentit, sur plusieurs points 
de Sicile, de fortes secousses souvent accompagnées de 
bruits plus ou moins forts. Les pécheurs observèrent à 
peu de distance de la Secca del coralle, de violents mouves 
ments d'eau el de nombreux poissons morts. Quelques 
poissons nommés Cérengole du poids de 50 livres furent 
vendus non seulement à Siacca, mais à Palerme, Ils 
avaient été pris à demi-vivants et comme engourdis près 
de la Secca del corallo. 

Le S juillet, le capitaine Francesco Tefiletti (!) qui 
commandait le brigantin sicilien, Le Gustave, passant dans 
ces parages, entendit des détonations dont il ne pouvait 
pas se rendre compte. En approchant du point d'où elles 
paraissaient provenir, il aperçut un nuage épais qui 
s'élevait à la surface dé la mer. La curiosité le fit avancer 
plus près. Il vit alors distinctement l'eau de mer qui 
s'élevait pendant quelques minutes, sous la forme d'une 
colonne surmontée d'un nuage de fumée, et qui retombait 
ensuite, en faisant bouillonner l'eau tout autour, D estima 
la hauteur du jet à 100 palmes (360), I s'arrêta 5 heures à 
contempler ce spectacle qui. pendant ce laps de temps, 
se renouvela 10 à 12 fois, 

Le 10 juillet, le bâtiment napolitain, La Thérésine, 
capitaine Giovanni Corrao, observa le même phénomène, 
et le prince Pignatelli l'aperçut aussi des côtes de Sicile. 
l'était un homme instruit qui avait faitses études en France, 
etqui, par hasard, fut témoin d'un des phénomènes géolo- 

s plus importants qu'il soit donné à l'homme de 

voir. Il remit à Constant Prévost, la narration suivante, 
grande partie inédite, 

let, dès qu'il fit jour, je vis s'élever du côté dut 

ns bruit, ni retentissement, une colonne de vapeur 





it) Giornale delle due Sjeilie, 9 agnosta 1834. 





= — 


que je pris pendant quelque temps pour une trombe 
marine; mais, après 7 heures, la voyant tantôt monter, 
tantôt descendre très violemment et s'obseurcir en prenant 
une couleur platine, gris roux, formant bientôt des globes 
de fumée qui montaient les uns sur les autres, je me 
convainquis que ce n'était pas une trombe marine, comme 
je le croyais, mais je ne pouvais pas deviner ce que ce 
pouvait être. Je restais toute la journée sur le rivage et je 
regardais avec toute mon attention jusqu'à 7 h. 1/2 après 
midi, étonné de ce spectacle nouveau, étourdi de ce qui 
arrivait el je restais plongé dans de profondes réflexions, 
de sorte qu'on eroyait que j'avais perdu la tête. 

Quand la brume fut arrivée, je m’aperçus que celle 
colonne que j'avais vu grise, devenait de moment en 
moment entièrement rouge. Lorsqu'il fit tout à fait obscur, 
le ciel donnait les effets d’une éruption volcanique avec 
des éclairs de différentes formes, des couleurs et des feus 
continuels, comme ve qui se produit ordinairement au 
Vésuve, mais d'une manière singulière, sortant de la mer 
et offrant un spectacle nouveau que je n'avais jamais vu, 
d'autant plus que la colonne de fumée de ces éruptions en 
se réfléchissant dans les eaux en faisait paraître uneautre 
horizontale au niveau de la mer. 

Je restai toute la nuit les yeux fixés sur ce spectacle, 
voyant de temps en temps s'aceroitre le feu et les éelairs 
enflammés, aussi bien que le bruit, Les matières ignées 
s'élevaient vers le ciel, en formant pour ainsi dire ce que 
les Français nomment un bouquet d'artifice, 

Le jour suivant, 41 juillet, quoique le ciel fut moins 
obseur et le soleil plus brillint, cependant, je continuais 
à observer le feu, mais je ne pus reconnaitre s'il y 
avait au pied de la colonne de vapeur une base de terre 
ou si c'était une éruption sous-marine, 

En conséquence, je crus bon de me rendre en barque 





— 23% — 


sur les lieux et bien que j'eus beaucoup de peine à trouver 
quelques gens qui voulurent m'y conduire, je m'embarquai 
à la fin sur un bateau et fit rame vers le volcan. 

L'envie d'arriver rapidement, me fil sentir davantage la 
peine du voyage qui fut d'environ 20 milles (37 kil.}; mais 
l'impatience, la peine, le désagrément, tout fut compensé 
par le plaisir d'avoir été le premier qui eut la hardiesse 
d'approcher d'un point si intéressant, si incertain et qui 
pouvait faire du bruit dans le monde. 

Arrivé à une certaine distance, je fus contraint de 
m'arrêter par la érainte de l'eau qui bouillait comme un 
pot-au-feu et je dus reculer à cause de la chaleur exces- 
sive et de quelques mouvements irréguliers et convulsifs 
du bateau comme s'il était secoué par dessous. 

En retournant, je vis flotter quelques poissons morts 
d'une grosseur considérable ; je vis aussi sur l'eau des 
lapillis et des ponces de couleur jaune, verte, noire et 
rouge, semblables à celles que rejette le Vésuve. Enfin. 
ne me trouvant pas en sûreté, tant par l'odeur suffocante 
et sulfureuse que par l'ébrantement du bateau, qui était 
continuel, je me retirai à un demi-mille en arrière, pour 
ne pas subir la destinée de Pline. 

De là, j'observais que de temps à autre, il s'élevait des 
matières ignées, bitumineuses, sulfureuses, métalliques, 

ses et lapilleuses, des masses de pierre noire, de la 

isse et de différentes formes avec des bruits de 

tonnerre ; puis les eaux s’élevaient et retombaient avec un 
bruit semblable à une cascade, De tous les points, l'érup 
tion se présentait ä moi d’une manière différente, formant 
lu spectateur des vues admirables, telles qu'on 

jamais observées, non seulement par la variété 

ouleurs agréables, mais aussi par le roulement 
continuel de globes de fumée qui s'élevaient à l'altitude de 
S0 palmes (21 mètres) et plus et dont les masses de vapeur, 








— 97 — 


Plusieurs autres marins virent aussi l'éruption, Le 
Capitaine Prospera Schiaflina de la bombarde sarde 
Sainte-Anne, en porta la nouvelle à Malte (1). D'après son 
récit, la fumée était divisée en trois colonnes distinctes. 

Les phénomènes lumineux qui furent observés dans 
l'atmosphère au moment de l'éruplion sont intéressants à 
signaler en raison de leur analogie avee ceux que l'on vit 
en Europe une année après l'éruption du Krakatoa et que 
l'on attribua à la dissémination des poussières volcaniques 
dans les hautes régions de l'atmosphère. 

Voici un extrait d'une lettre écrite à Constant Prévost par 
Miss Humphry, dont le frère, directeur de l'établissement 
Woodhaus à Marsala, avait visité le volean, le 26 juillet. 

« Mercredi 9 août, le soleil avail une apparence extraor- 

ment étrange. Une heure à peu prés avant son 
coucher, il avait l'apparence d'une lune blanche. Nous 
l'examinämes au télescope et nous pümes très clairement 
apercevoir 11 taches, quelques-unes plus grandes, quel- 
ques-unes plus petites. Une était particulièrement grande, 
et presque dans le centre, 

Dans la soirée du 10, le soleil eut la même apparence 
extraordinaire et une demi-heure après qu'il fût couché, 
la soirée devint entièrement lumineuse avée un rayon 
soudain de lumière comme si le soleil allait revenir en 
arrière ; j'étais à cheval dehors et je sentis beaucoup de 
frayeur 

a soirée du 11, le soleil eut la même apparence 
y eût une remarquable rougeur dans le éiel à l'endroit 
se coucha. 


U'imposante. Une heure à une heure et demie 





‘ourrter anglais nttribue In découverte dé l'ile au Capt- 
ner, de marine marchande, 





après qu'il se füt couché, les cieux avaient l'apparence la 
plus étonnante que j'ai jamais vue. De la partie où le 
soleil s'était couché, la rougeur s'étendait jusqu'au-dessous 
de, Marsala et nous fûümes tous frappés de terreur. En 
vérité, j'ai tremblé pour les conséquences ! Quoique ce fut 
le moment de la lune noire (nouvelle lune}, la nuit était 
entièrement lumineuse, C'etait une espèce de rougeur 
jaunâtre indescriptible. Jamais je n'oublierai cette nuit 
horrible (horrifie). n 

Ces phénomènes météoriques furent observés à Palerme, 
à Rome, à Florence el jusqu'à Genève, 

A Palerme, dans la soirée du 12 août, sur Ja fin du 
crépuscule, parut une vive lumière de couleur roussâtre 
qui s’élendit du couchant vers le nord, jusqu'à la hauteur 
de 4%; elle disparut à neuf heures 4/2. Non seulement le 
crépuscule du soir était prolongé, mais celui du jour était 
anticipé. 

Les astronomes de Florence remarquèrent que cette 
lueur crépusculaire paraissait plus vive quand l'atmos- 
phère était remplie de vapeurs. Le 13, un vent du NE, 
ayant complètement dissipé la vapeur, on ne vit plus les 
lueurs crépusculaires des jours précédents, 

Le phénomène fut visible à Genève le 13, mais la 
lumière était très blanche, avec un tour rose ; elle alla en 
se dilatant jusqu'à ce qu'elle atteignit 40°. 

Les roches de l'ile Julia ou Ferdinandea ont été étudiées 
en 1883 par M. le docteur H. Foerstaer (}, à qui on devait 
déjà la carte géologique de l'ile Pantellaria. 

M. Foerslaer a reconnu que la lave de Julia est un 
basalte de la même nature que celui de l'Etua et celui 


(1) M. Foersiaer. — Dus Gestein der Insel Ferdinandea und seine 
Bexiehungen zu den jungsten Laven Pantellarias und des Atnas, 
Minéralog. und. petrogr. Mittheil. Tschermak V. 1883. 





— 239 — 


des dernières éruptions de Pantellatia. Il admet que 
Ferdinandea et Pantellaria constituent un volcan com- 
plexe analogue à celui des îles Lipari. 

Le travail de M. Foerstaer a été fait sur des échan- 
lillons provenant des Musées de Palerme, de Naples 
et de Strasbourg. Le premier avait été recueilli par C. 
Gemellaro; quant aux deux autres, leur provenance est 
ignorée. 

Je ne puis pas taire une certaine tristesse patriotique, 
en pensant que la collection, rapportée par Constant 

é rs du Muséum et 





Prévost. est enfouie dans les tir 
qu'il n'est venu à aucun géologue français l'idée de 
l'étudier. 


CHAPITRE IX 





En quittant l'ile Julia, le brick la Fléche fit voile pour 
Malte. Constant Prévost y séjourna une semaine, du 10 au 
46 octobre, dessinant beaucoup, prenant des coupes el des 
vues, visitant les collec 

Les résultats scientifiques qu'il y recueillit sont insérés 
dans une lettre écrite à Brongniart (1). 11 reconnut l’âge 
récent du sol de Malte, malgré sa ressemblance avec les 
terrains plus anciens. 

«J'ai retrouvé ici les dépôts pélagiques contemporains 
des dépôts littoraux dont le crag de Norfolk, les faluns de 
Tourraine, du Cotentin, de Dax, etc., sont des exemples. » 

«Aussi la pierre de Malte etles argiles, qui alternentavec 
les bancs calcaires, ont-elles par leurs caractères généraux, 
par leurs faciès, la plus grande analogie avec certaines 
parties des terrains secondaires, au point qu'un géologue, 
qui s'en rapporterait aux caractères minéralogiques des 
roches, pourrait se croire sur les côtes de la Normandie. 





ns. 








(1) Bull. Soc. Géol. France, I, p. 112. 


si — 


Mais sous ces bancs presqu'entièrement composés de 
Polypiers, de Térébratules, de plusieurs espèces d'Oursins 
et même d'Encrines, il verrail des sables et des argiles qui 
enveloppent les coquilles subapennines roulées, de grandes 
dents de Squales, des os de Lamentins et peut-être même 
des Mammifères, n 

Constant Prévost retrouva, oubliée dans un coin de la 
bibliothèque, la colleetion géologique faite par Dolomiew 
lorsqu'il était chevalier de Malte; il la mit en ordre, y prit 
par voie d'échange quelques fossilés qui lui manquaient, 
dessina ceux qu'il ne pouvait pas avoir et parvint ainsi à 
réunir une collection importante dés térrains dé Malle: 
Elle doit se trouver au Muséum d'Histoire Naturelle à 
Paris, 

Le projet de Constant Prévost était de visiter les îles 
dé La Pantellerie, de Limosa, de Lampedouze et de 
Lampione; mais on lui dit qu'il était impossible d'y 
aborder avec lé brick et qu'il faudrait se soumettre au 
retour à une longue quarantaine. I apprit de plus 
qu'Hoffmann venait de publier une notice sur La Pantel- 
lerie et qu'un botaniste, nommé Grusoin, avait recueilli 
des observations géologiques sur les petites Îles de la côte 
d'Afrique ; ; imosà à était volcanique, tandis que Lam: 


rlouvoyé pendant plusieurs jours, le long des 
onales de la Sicile, le brick entra dans le port 
ntre loules ses prévisions, Constant Prévost 


au 2 novembre. au paraît avoir supporté assez facilement 
ce contrelemps comme en témoigne la lettre suivante= 


1] Ce qui n'empéche pas Poulett Sorope d'écrire en 185$ que 
ces iles sont entièrement volcaniques (Les volcans p. 247). 


16 





— 99 — 


“ Isolé au milieu de ce port célèbre, ayant en perspec- 
live le gigantesque Elna, que je voyais pour la première 
fois parcourant sans cesse de l'œil, avec une émotion 
curieuse, l'enceinte, aujourd'hui déserte, de l'une des plus 
grandes villes du monde, qui fut la demeure d'un peuple 
riche, nombreux el ami des arts, le siège de l'antique 
civilisation el le théâtre des plus insignes cruaulés, 
apercevant ces Latomies, ces Epipoles, ces théâtres, ces 
vestiges de temple, ces fontaines, ces tombeaux, celte 
ombre d'Archimède enfin, vingt-et-un jours n'auraient 
pas été de lrop pour méditer sur les souvenirs que 
retraçait à mon imagination ce tableau magique. J'aurais 
plutôt demandé à prolonger une illusion attachante et qui 
devait cesser au moment où, metlant le pied à lerre, je 
ne trouverais, au lieu de la belle Syracuse, qu'une ville 
infecte, à peine peuplée de quelques malheureux hideux 
de misère et d'ignorance. Mais j'étais impatient d'inters 
roger le sol, j'avais mis de l'ordre dans mes notes et 
dans mes collections, recueilli quelques poissons et mole 
lusques; dans des promenades en bateau, j'avais pu seu- 
lement examiner la nature des terrains tertiaires les 
plus modernes, qui forment l'entrée du port, Nos autres 
courses avaient eu pour termes la fontaine Aréthuse et le 
cours de l'antique Anapé, dont les rives nourrissent encore 
le Papyrus. à 

À Syracuse, Constant Prévost fut joint par un de ses 
amis, M. de Montalembert, qui ne le quitta plus. Ce futlä 
aussi qu'il prit comme valet de chambre un matelot de la 
Fléche, nommé Tambourini. 

Après avoir visité les environs de Syracuse, il partil 
pour le cap Passaro dans l'intention d'étudier les volcans 
que l'on disail exister de ce côté, Il constata qu'il y à 
bien des roches volcaniques, mais que ces roches sont très 





— 23 — 


anciennes. lserendit alors à Catane par Modica, Sortino(!}, 
Mellili (+), toujours à la recherche des alternances de roches 
volcaniques et de roches sédimentaires. À Mellili, il visita 
le gisement célèbre de dussodyle, 

Pendant ée temps, le bâtiment était allé à Messine. 
Le capitaine Lapierre, MM, Baudet et Dérussat vinrent 
attendre Constant Prévost à Catane. 

1 y arriva le 15 novembre. [ls visitérent ensemble les 
iles Cyclopes et gravirent l'Etna, mais ce ne fut pas sans 
grandes difficultés. Le cône était alors couvert d'une neige 
épaisse. Quatre des voyageurs et un guide furent forcés 
par le froid et la raréfaction de l'air de s'arrêter au pied: 
Constant Prévost parvint jusqu'en haut. 11 tenait essen- 
liellement à atteindre l'ouverture du cratère, car c'était 
le premier volcan qu'il lui était donné d'observer. L'Etna 
étail alors dans une période de repos. On ne voyait que 
d'épaisses vapeurs qui sorlaient au milieu de la neige 
par les fentes du cratère, Constant Prévost inserivit dans 
ses notes la ressemblance frappante de structure entre 
le cratère de l'Etna et le nouveau volcan méditerranéen. 

il eut aussi l'occasion de causer avec le profes- 
Gemmellaro, qui avait visité l'ile Julia au moment 
où l'éruption était la plus violente. 

Le 22 novembre, Constant Prévost el ses compagnons 
rejoignirent le brick à Messine, En routé, ils visitérent 
Taormine, où ils virent des roches anciennes, triasiques ? 

L calcaires en couches verticales), recouvertes, 

de 200 mètres, par des strates horizontaux de 

moderne. C'est près de Taormine que 

nalé une roche qui se forme encore 

de nos jours et qui élait exploitée pour meules. Constant 





{1} Localité entre Syrneuse et Vizzini, 
(2) Localité près die In côte à l'E. de Scordtit. 





— 2 — 


Prévost se rendit à l'endroit indiqué ; il vit bien des 
roches conglomérées très modernes en voie de formation ; 
mais il lui parut que la couche exploitée pour faire des 


meules était toute différente. 









Passaro 





&. 


Pananél 
… Rliour Sais 


Abeuwri © 


oUstica 





. 


. Avanture 


Bon 


Parcours de Constant Fhérose 








gGezro 


eLimosa 


Soussn 


Lampione Lampedusa 








Fig. 30. — Carte de la Sicile et des tles voisines. 


Averti que, pendant la mauvaise saison, le brick ne 


pourrait pas s’aventurer dans le voisinage des îles d'Éole, 


il résolut d'aller louer une barque à Melazzo. Une tempête 
le retint 8 jours sur le rivage. Il en profita pour étudier 
les roches anciennes des monts Pélores. Enfin, le 4 
décembre, il put prendre la mer pour aller à Lipari. Après 
avoir consacré 8 jours à l'étude des principales îles, il 
revint atterrir en Sicile, à Cefalu, et le lendemain 
17 décembre, il rejoignit le brick à Palerme, 

I resta à Palerme du 17 décembre au 27 janvier, retenu 
par le mauvais temps et la maladie, Il régnait alors une 
sorte de grippe ou d'influenza, que l'on a considérée depuis 
comme l'avant-coureur du choléra. 30.000 personnes 
étaient atteintes dans le mème moment à Palerme. Tout 
l'équipage du brick paya son tribut à la maladie, Constant 
Prévost l'eût aussi ; elle débuta pour lui par une sürte 
d’accablement moral. En arrivant à Palerme, il avait 
éprouvé un grand désappointement ; il n'y avait pas trouvé 
les lettres qu'il espérait. Il n'avait pas eu de nouvelles de 
sa famille depuis son départ. Il se consolait cependant à 
la pensée que les ofliciers de La Fléche n'avaient reçu 
non plus aucune lettre, et il accusait la négligence de 
l'administration dé la poste. 

I cherchait de la distraction en causant avec l'abbé 
Ferrara, le modeste et savant professeur de l'Université; 
avec le docteur Fodéra, qu'il avait connu à Paris ; avec ses 
jeunes compagnons de La Flêche, qui, eux, trouvaient un 
grand charme à séjourner dans la capitale de la Sicile. 
Le soir, on alait au pe où à une réception de la 


liennes à équipage français, fut plus que cordial. 

Quant à Constant Prévost, il était toujours préoccupé 
de sa famille. Le 29 décembre, il écrivit dans son journal 
de voyage, 





“ Depuis quelques jours j'éprouve des spasmes nerveux 
qui me fontheaucoup souffrir. La musique produit sur moi, 
dans les accès, un effet remarquable, elle me cause les plus 
vives émotions, Je pense sans cesse à mes bons amis ; m4 
tendre et bonne Amable, mes chères pelites filles, vous 
ne me laissez pas un instant libre de penser à ce qui doit 
m'occuper. Je suis tout à vous pour mon malheur, Ne pas 
avoir de vos nouvelles depuis trois mois, ne pas savoir si 
vous n'êtes pas inquiètes de moi, ces idées me lourmentent 
sans cessé el me privent de mon énergie. Une lettre, un 
mot de toi, ma seule et chère amie, me rendrait la tran- 
quillité d'esprit et ce serait le bonheur, le seul que je 
puisse espérer jusqu'au moment où nous serons réunis. » 

Le 4 janvier, il fut pris de la fièvre et dut rester plusieurs 
jours au lit, 

Il était impatient de quitter la Sicile. Cependant il ne 
pouvait se décider à le faire sans avoir été prendre sur la 
côte méridionale des renseignements relativement aux 
signes précurseurs de l'apparition de l'Ile Julia et sur les 
évènements qui avaient amené sa disparition. Puis il 
voulait pénétrer dans l'intérieur de l'ile pour fixer ses 
incertitudes sur les alternances de basalte et de calcaire 
que Gemellaro n'admettail pas, tandis que l'abbé Ferrara 
et Fr. Hoffmann les considéraient comme incontestables, 

Contre l'avis des médecins et des habitants, il se décida 
à entreprendre celte course que l'on disait impraticable 
pendant la saison des pluies. Le 29 janvier il quitta Palerme 
accompagné de Montalembert et du fidèle Tambourini, Il 
se dirigea vers le sud-est en passant par Caltanisella, 
Castrogiovani, Piazza, Palagonia, Vizzini, où il vit les 
allérnances des produits plutoniens el nepluniens ; puis il 
regagna la côte méridionale à Terranova pour la suivre 
en passant par Girgenti, Sciacca, Castelvetrano, Marsala, 
Trapani, Alcama et rentrer à Palerme après cinq semaines 
d'absence. 





— 41 — 


En chemin, il étudia les gîtes de gypse, de soufre et de 
sel de Caltanisetta. 

A Girgenti, Constant Prévost trouva enfin des lettres de 
sa famille. Sa joie débord: crit à Desnoyers, son beau- 
frère. 

« C'est le 19 février 1831, c'est au milieu des ruines de 
l'ancienne Agrigente, que, pour la première fois, je recois 
de vos nouvelles, c'est l'âme louté émue à l'aspect de ces 
monuments qui disent si bien aux passants combien sont 
éphémères la puissance et l'existence de l'homme, que j'ai 
été rendu à la vie par l'arrivée de votre lettre, de celle de 
ma bonne Amable, de ma mère et de ma petite fille. 

Ces temples antiques, eh! bien, ils sont construits avec 
le calcaire Le plus récent, le nf Desnoyers. » « Al était 
piquant, dit-il autre part, de constater que les pierres des 
monuments les plus anciens avaient été arrachées à des 
strates si modernes, que plusieurs sont tentés de les consi 
dérer comme des dépôts presque contemporains de ceux” 
qui se forment encore aujourd'hui. » 

Etant à Girgenti, il alla visiter les volcans boueux dits 
Malaeuba. Ce sont des sources intermillentes d'eau salée 
qui sortent en bouillonnant de l'argile gypsifère, La 
colonne de boue s'élève parfois à plusieurs décimèlres dé 
hauteur entraînée par les gaz qui s'en dégagent. Là, elle 
retombe autour de l'ouverture, s'y dessèche et finit par 
sy amasser sous forme d'un cône très aplati ayant la 
plus grande analogie avec les cônes volcaniques. La 
masse gazeuse qui pousse la boue et qui détermine 
l'éruption est essentiellement de l'acide carbonique, auquel 
se trouve mêlée une petite quantité d'air et de l'hydrogène 
sulfuré, qui peut provenir du terrain salifère lui-même. 

Constant Prévost ne fut pas témoin d'une de ces érup- 
tions, car ki vue des Malacuba lui fit peu d'effet ; il se 
contenta d'en prendre un croquis et il dit dans sa lettre 





_— %8 — 


de Naples: « C'est un phénomène curieux, quoique des 
effets m'en ont paru bien petits, après l'idée que je men 
était faite, 

Le long de la côte méridionale et surtout à Sciacca il 
réunit des documents précieux sur l'éruplion. Il put y 
consulter particulièrement le D' Salvator Rosa et surtout 
Je prince Pignatelli qui avait été élevé à Paris, où il avait 
suivi les cours de Cuvier et d'Haûy, A Sciacca, il fut 
rejoint par M. de Franelieu, qui alla constater la dispa- 
rilion du volcan et sonder sur son emplacement. 

Dans celle course à l'intérieur de Ja Sicile, il logeait 
souvent dans les couvents ; quelquefois, quand il n'yavait 
pas d'auberge, un habitant du pays offrait une hospitalité 
qui n'était pas toujours à dédaigner. 

“ À Nixcemi, petite ville de 600 âmes, il n'y avait pas de 
locanda. Nous allons chez le syndic, qui sur la vue dé nos 
lettres de recommandation, nous fait espérer un logement. 
Nous sortons de chez lui décidés à partir pour aller loger 
plus loin, lorsque nous 1rouvons sur la place le marquis 
de Rocca-Lamera. II nous aborde avec un militaire qu'il 
nous dit être le maire du pays. Celui-ci nous offre sans 
façon un gile que nous acceplons de même, Grand est 
notre étonnement à la vue d'une charmante maison bien 
meublée. IL y a trois domestiques qui parlent français, 
Le souper est bien servi. I y a 15 couverts, çar l'hôte a une 
nombreuse famille. Les lits sont bons; nous dormons 
bien. Le lendemain nous descendons à neuf heures ; nous 
faisons honneur à un excellent déjeûner et nous parlons à 
onze heures pour Terranova. 

Deux jours après, à Liceata, « le temps avait été affreux 
lauté la nuit, il pleuyait encore à torrents, I] fallait rester 
à l'hôtel toute la journée. Madame. Vénéra Terrilo nous 
fait inviter à diner par ses gendres, Le diner est bien servi 
el la conversation qui.a lieu en italien, dure jusqu'à dix 
heures du soir, » 





La Sicile avait déjà été l'objet de plusieurs mémoires 
importants de la part de Spallanzani, Borek, Bridone, 
Hamilton, Brocchi, Recupero, Ferrara, Smith, Kepha- 
lidès, Moricaud, Daubeny, Haug. ete. Cependant bien des 
questions restaient à résoudre, En 18%, elle fut visitée 
par Buckland, Lyell, de la Marmora, Escher de la Linthi, 
Fr. Hoflmann, Christi et Constant Prévost. 

Fr. Hoffmann avait précédé de quelques mois Constant 
Prévost. Comme l'un et l'autre publièrent leurs obser- 
vations à mesure qu'ils les faisaient, celles d'Hoflmann 
précèdent celles de Constant Prévost ; mais ée dérnièr 
ignorait, en étrivant, les résultats auxquels Hoffmann était 
arrivé. Ce fut seulement lors de son retour, à son passage 
à Naples, qu'il rencontra le savant professeur prussien. 
Ils venaient tous deux d'étudier l'ile Julia et la Sicile; ils 
durent en faire le sujet principal de leur conversation. 
ils tombèrent d'accord sur presque tous les points n dit 
Constant Prévost, En réalité, Constant Prévost, séduit par 
la seience el le caractère d'Hoffmann, subit l'influence de 
ses idées et se prit à douter de ce qu'il avait eru voir, 

l'on veut se rendre compte exactement de ce qu'a vu el 
pensé Constant Prévost, il faut se reporter à ses notes de 
voyage el aux lettres qu'il écrivit de Syracuse (1), de 
Palerme (?)} et de Naples (#). 

La lettre de Syracuse est déjà connue, Celle de Palerme 
datée 8 décembre 1831 est adressée à Cordier. Constant 
Prévost n'avail encore visité que: la côte orientale de Ha 
Sicile, la presqu'ilé de Mélazzo et les iles Lipari. Quant à 
la lettre de Naples. elle date du 48 mars 1832, 

Ces es lettres furent publiées avant le retour de 
FPauteur dans le Bulletin de la Société Géologique de 





(1) But, Soc, Géol. dé Fr., I, pe 2. —(9jtu, page Aie, — IS), 
D. 108. 





France, Lorsque Fr, Hoffmann en eut connaissance, il 
envoya à la Société quelques observations qui furent 
insérées dans le même recueil (1. Constant Prévost y 
répondit. On constate dans sa réponse la profonde 
impression qu'avait faite sur lui l'autorité d'Hoffmann, Par 
sa disposition d'esprit, il était toujours prêt à douter de 
ses propres observations, Îl comprenait aussi qu'il avait 
visilé la Sicile trop rapidement pour avoir des opinions 
fermes. 

Ces sentiments se manifestèrent mieux encore lorsque, 
dix ans plus tard, de Pinteville lat à la Société Géologique 
un travail sur le terrain gypseux de Sicile (?). 

Constant Prévost regretlait de n'avoir pas écrit le grand 
mémoire qu'il avait projeté. Il avait été entrainé par des 
discussions de doctrines et, au bont de dix ans, ilse trouvait 
que ses souvenirs, ainsi que l'interprétation de ses notes, 
étaient étoullés par ses doutes. Il se borna à insérer 
dans le Bulletin quelques pages el une coupe, qui repré- 
sentait bien plus les idées de de Pinteville, que les 
observations contenues dans ses propres notes et dans 
ses carnets de voyage. 

Quoiqu'il en soit les lettres de Constant Prévost furent 
longtemps, avec les travaux d'Hoffmann, la base de nos 
connaissances sur les terrains stratifiés de la Sicile. L 
fallait, pour que la géologie de celte île entrit dans une 
période de précision plus grande, que les terrains de la 
grande zone méditerranéenne fussent mieux étudiés sur 
le continent, Cest seulement à une époque trés récente 
que les travaux de Mojsisowics, d'Oppel, d'Hébert, de 
Capellini, etc, ont fait connaitre les faciès méditer 
ranéens des terrains lriasiques, jurassiques, crélucés, 





(1) Bal. Sos. Géol. dé Fr. TE p. 175. 
(2) Bull. Soc. GéoL. de Fe. XIV p. 546 (1849). 





— Di — 


éocènes. Alors, depuis 1880, Gemellaro et Sequenza purent 
s'appliquer à distinguer par leurs fossiles les principales 
couches de Sicile. D'habiles géologues ont continué leur 
œuvre de sorte que la géologie de la Sicile est maintenant 
parfaitement connue, 

Aussi, les notes et les publications de Constant Prévost 
n'ont plus qu'une valeur historique. Il serait inutile d'y 
insister si quelques points n'avaient un intérét scienti- 
lique général et ne marquaient l'état des connaissances de 
l'époque. 


1° Calcaire À Rudistes et à Nummulites 


Dans un grand nombre de localités de Sicile, on 
rencontre uncalcaire blanc compaet, qui présentait, d'après 
tous les observateurs, la particularité de contenie à la 
lois des Rudistes et des Nummulites. 

Lyell et Daubeny en avaient fait du tertiaire, Er. 
Hoffmann reconnut son analogie avec le calcaire des 
Apennins, mais il ne fixa pas son âge. Constant Prévost 
le compara sans hésiter au calcaire d'Angoulême et le 
rangea dans le terrain crétacé. Il constata qu'il passe 
inférieurement à un calcaire plus ancien etsupérieurement 


istence des Nummulites et des Hippurites ne 
paraissait pas trop étrange à celte époque, Plus tard, lors 
des discussions sur la valeur du caractère paléontologique, 
ce fut un argument que l'on fit valoir contre les paléon- 


La question vint en 1844 devant la Société géologiquede 
France, à l'occasion d'une communication de Leymerie, 


Ce savant afirmait qu'il n'y avait pas dans le midi de la 
France, un mélange de Rudistes et de Nummulites et que 





les calcaires nummulitiques devaient, contre l'opinion de 
Dufrénoy, être réunis aux terrains tertiaires. Constant 
Prévost dit alors (!) : « Le cap Passaro est formé par 
plusieurs assises presque horizontales, intimement liées 
l'une à l'autre, d'un caléaire blanc, dur, cristallin, Celles 
de ces assises qui sont inférieures renferment un très 
grand nombre d'Hippurites, tandis que les supérieures 
sont presque entiérement formées de Mélonies el de 
Nummulites, je crois même me rappeler et je l'ai noté 
que ces deux fossiles se rencontrent dans la mêmecouché, 
Je n'avance ce fait qu'avec doute, maïs ce dont je suis 
convaineu, c'est que la concordance parfaite dans la 
superposition, les rapports des divèrs bancs én contact, 
l'identité minéralogique, ne permettent pas d'admettre 
une distinction géologique entre les banes inférieurs et 
supérieurs. Pour le géologue, c'est évidemment le même 
système, n 

Plus tard, à propos d'une discussion analogue, il exprima 
des doutes encore plus formels sur la présence des 
Hippurites et des Nummulites dans le même banc ; mais 
Îl ajoute que l'on trouvera dans d'autres localités le 
passage des roches secondaires aux roches tertiaires. 

Si l'on veut se rendre compte de la nature des doules 
de Constant Prévost, doutesque je lui ai entendu accentuer 
dans ses dernières années, il faut se reporter à ses notes 
de voyage. 

Quand il citait le calcaire blane d'une manière générale, 
i le nommait calcaire à Nummulites et à Hippurites, 
ucceplant ainsi l'opinion de ses devanciers, Mais, quand il 
formulait ses propres observations, il distinguait nettement 
les Hippurites à Ja base et les Nummulites au sommet. 

Dans la vue qu'il dessine de Pachino el du cap Passaro, 
Ia crête calcaire au sud du basalte est indiquée comme 


(1) Bull. Soc, géol. France, 2° 11, p. 27. 





calcaire à Hippurites et celle qui est au nord comme 
calcaire blane à Nummulites et Hippurites ? 

La coupe du Mont Passaro (fig. 4) montre à mi-côte 
des bancs marqués dans le manuscrit par le signe H et 
indiqués comme calcaire à Hippurites, tandis qu'au 
sommet le calcaire est marqué comme calcaire fendillé 
et porte en légende Nummulites (souligné), Hippurites, 


Fig. 31. — Coupe géologique du Cap Passaro 
A Calcaire fendillé verticalement : Nammalites, Hippurites, 
H Caleaire à Hippurites. 
F Banc plus cayerneux, également à Hippurites. 
B Argile volcanique, 
C Basalte noir, 
D Tuf volcanique. 
E Tuf calcaire. 


Dans sa communication de 184%, Constant Prévost dit (1) 
que l'on trouve entre le cap Passaro et Syracuse sur les 
bancs saccharoïdes à Hippurites et Nummulites, un calcaire 
plus grossier, jaunätre, dans lequel, avecles Turhinolies el 
des moules de coquilles univalves d'aspect tertiaire, se 
voient non pas des Hippurites semblables à celles du cap 
Passaro, mais des vestiges de coquilles cloisonnées à la 


(1) Bull. Soc. Géol. Fr, 2 série 11 p. 27. 








= 


Cependant, il résulle de la communication qu'a bien 
voulu me faire M. Baldacci que les faits de discordance 
observés par Constant Prévost ne liendraient qu'à des 
circonstances locales el particulières. C'est du reste ce 
que lui avait déjà fait observer Fr, Hoffmann ('}. 


ntercalation des Basaltes dans les roches 
sédimentaires 


La question des roches éruptives de Sicile est une de 
s qui avaient le plus préoccupé Constant Prévost. Sa 
remière visite avait été pour la région du Val di Noto, 
près de Syracuse. Gemellaro avail annoncé y avoir trouvé 
des volcans à cratères et Daubeny y avait vu les roches 
volcaniques alterner avec les calcaires à Hippurites et à 
mmulites, Constant Prévost visita les principaux aMeu- 
rements de basalte qui s'éténdent du cap Passaro au bord 
sud de la plaine de Catane ; il ne put pas y reconnaître de 
re, mais il constala que ces roches sont interstra- 
tifiées dans les terrains sédimentaires et qu'elles sont 
d'âge variable. 
cap Passaro la roche éruptive consiste en basalte qui 
contient beaucoup de cristaux de feldspath et qui passe 
par places aux amygdaloïdes. Elle traverse Ki craie 4 
es, la coupe en divers sens et la rend saccharoïde. 
est recouverte par la partie supérieure de 1 
La coupe reproduite plus haut en est une 





Li) Bull. Soc, Géot Fr, 4° 8, Ip. 








— 987 — 


Près de Sortino (1), dans un endroit qu’il nomme Monti- 
celli, il observa des basaltes et d'autres roches volcaniques 
sous le calcaire à grands Clypéastres du langhien (Fig. 33). 


Fig. 33, — Position des roches rolcaniques à Monticellé 


A Calcaire blanc. 
B Tuf calcaire. 


C Fragments de calcaire et de basalte, 
D Tuf voleanique. 


£ Roche volcanique amygdalotdé. 

Mais ce fut surtout autour de Militello qu'il vit des 
preuves remarquables de l'intercalation des roches volea- 
niques au milieu des calcaires stratifiés, La coupe prise 


Fig. 35, — Fes entre Militéllo et Palagonia. 
salté, 
$ B B" Caleaire coquiller. 
€ Roche noire stratifiée. 
D Roche volcanique. 


entre Militello et Palagonia (Fig. 34) est typique sous cé 
rapport. 


(4) Voir p. 248, 








—#ÿ{ — 


La disposition du basalle en nappes étendues au milieu 
des roches stratifiées, et la présence de fossiles dans des 
couches basaltiques le conduisirent à considérer les 
éruptions anciennes de la Sicile comme ayant eu lieu 
sous les eaux de la mer, comme analogues à celle qu'il 
venait de voir à Julia. C'est aux conditions sous-marines 
dé ces éruptions qu'il attribue l'absence de cratères, Il 
avail constaté que le cratère de Julia avait été complè- 
tement démantelé et détruit par les vagues ; il ne devail 
en rester qu'une butte arrondie formée par les scories et 
les laves consolidées autour de la cheminée volcanique, 
Aux environs de Sartino et de Militello, il retrouvait ces 
anciens cratères sous-marins caractérisés, non par un 
cône tronqué de cendre à stratilication quaquaversale, 
comme les volcans émergés, mais par des massifs 
saillants de basalte et de blocs basaltiques, par des 
couches de tufs et de conglomérats grossiers, qui s'ap- 
pliquent sur ces massifs, et par les larges coulées qui en 
descendent, 

« Le seul moyen, dit-il, de reconnaitre les points par 
lesquels les matières fluides se sont épanchées sous les 
eaux, est de remonter les pentes qui présentent les surfaces 
des couches volcaniques et qui convergent vers un même 
point {1}. n 


ñ Presqu'ile de Mélazzo 


On a vu que Constant Prévost, retenu par le mauvais 

lémps, avail dû séjourner huit jours à Mélazzo, avant de 

barquer pour les îles Lipari. 1 y vit un fait qu'il 

it pas encore bien étudié : la superposition de couches 
horizontales sur des roches anciennes très inelinées, 


(4) Mém. Soc. géol. France n° 5 p, 100. 








La presqu'ile de Mélazzo est essentiellement fo 

des gneiss et des phyllades traversés de filons de quarz et 

de pegmatite. Sur ces roches, qui sont fortement inclinées 
et plusieurs fois plissées, reposent horizontalement des 
calcaires que la carte géologique de Sicile rapporte au 
pliocène, M. Seguenza à l’aquitannien et M. Baldacci au 
langhien (3). ls commencent par une brèche caleaire L 
remplie de fragments souvent volumineux des roches 
anciennes inférieures. La surface de séparation des deux 
formations est très inégale. Le calcaire pénètre dans les 
anfractuosités et les fentes de la roche sous jacente. r 

Constant Prévost a vu de ces sortes de filons calcaires 
qui avaient 200 pieds de profondeur, Il observa que le 
calcaire a contracté une forte adhérence avec le gneiss et 
qu'il a acquis à ce contact une grande dureté. 

Constant Prévost, qui avait encore toute sa foi dlans la 
théorie du soulèvement des montagnes, suppose que les 
roches anciennes ont soulevé le calcaire el pénétré dans 
celui-ci lorsqu'il était encore pâteux. Les coupes qu'il à 
dans ses carnets sont très claires ; elles indiquent que des 
mouvements importants se sont fait postérieurement au 
dépôt des calcaires, ce qui n'a rien d'étonnant, puisque l'on. 
sait que toute la presqu'ile de Mélazzo est recouverte de 
couches quaternaires, qui ont élé portées à une grande 
hauteur. 

Ce qui avait surtout frappé Constant Prévost, c'est la 
dureté du calcaire adhérent au gneiss. 1 ne s'était pas 
rendu compte que le calcaire avait pu étre silicalisé posté 
rieurement à son dépôt par les eaux qui avaient traversé 
la pegmatite et le gneiss fragmentaires. La connaissanci 
des modifications chimiques produites sous l'influence 





— 1 — 


5 Formation gypseuse et salifère 


L'étude des terrains gypseux de Sicile devait vivement 
intéresser un géologue qui avait consacré ses premiers 
travaux au gypse des environs de Paris. Aussi, malgré la 
maladie, malgré le mauvais temps, Constant Prévost avait 
voulu visiter les gites gypseux et salifères qui sont au 
centre de Ja Si 

I fut d'abord frappé de certaines analogies entre ces 
terrains de Sicile et ceux des environs de Paris. Ainsi, il 
indique l'association presque constante du gypse avec 
les marnes qui rappellent celles d'Argenteuil et avee des 
calcaires siliceux concrélionnés qui ressemblent à ceux 
de Champigny et même aux meulières inférieures. 

I n'était pas d'accord avec Fr, Hoffmann pour l'âge des 
couches de gypse. Tandis que le géologue allemand les 

p portait au crétacé inférieur, Constant Prévost les consi- 

comme tertiaires, Plus tard, dans sa discussion 
avec Hoffmann, il admit qu'elles avaient pu se former 
entre la période secondaire et la période tertiaire, où 
même à la fin de l'une où au commencement de l'autre. 

Les travaux plus récents, particulièrement ceux de 

pellini, ont fortement rajeuni l'âge des gypses de 


‘econnu que les couches inférieures de la formation 

e sont des argiles sableuses, grises ou brunes, qui 

nt les grands amas de sel gemme exploités en 

; trouve des couches intercalées de sable et de 

, parfois fossilifères, où l'on cite: Nassa pseudo- 

chlatrata, Pisa ia erculpta, el. Les couches supérieures 

de La foi n gypseuse contiennent des Congéries el 

sont inférieures au pliocène le mieux caractérisé. On peut 

done rapporter la formation gypseuse à la fin de l'époque 
miocène, 








— 263 — 


collines voisines étaient formées par un terrain qu'il 
désignait sous le nom de craie ou plutôt de calcaire du 
Mont Erix et qui est jurassique. 1 fut évidemment embare 
rassé par cette disposition. La coupe qu'il figure dans ses 
carnets n'est pas très explicite, Dans sa lettre de Naples, il 
dit : « que si les éléments dé la formation gypseuse ont été 
apportés par des sources, ils ont pu traverser des terrains 
d'âge différent ou s'arrêter à différents étages, soit que 
le phénomène ail eu lieu à diverses époques, ou seulement 
à une époque récente (1). 

On voit qu'il adopte une théorie assez analogue à celle 
de l'intrusion des basalles entre les couches des terrains 
sédimentaires, 

Girgenti 


Fig. 38. — Coupe des environs de Girgenti. 
À Caluire 
B Argile brune et bleue pliocène 
C Argile blanehe 
D Gypse cristallisé 
Æ Calcaire gypseux imiocène sup" 
F Marne blanche 


Les observations de Constant Prévost autour de Catolica 
et de Sciaca sont très incomplètes, Il n'y a dans ses notes 
que des vues et des panoramas ; pas une coupe, pas même 
une appréciation. Pour les environs de Girgenti. il ya une 
coupe que l'on peut reproduire parce qu'elle donne une 
idée de la position géologique du gypse (Fig. 38). 





H) Bull. Soc. géol, Fr, 11, p. 405. 





— 264 — 


L'interprétation de la légende précédente est celle de la 
carte géologique de Sicile. 

L'association constante en Sicile du gypse avec le sel 
gemme et avec le soufre, la présence fréquente du bitume, 
ne purent que contribuer à confirmer Constant Prévost 
dans la théorie qu'il s’était faite sur l’origine geysérienne 
du gypse « cette formation pour ainsi dire mixte entre 
les sédiments et les précipités, dans les caractères parti- 
culiers de laquelle on reconnaît, avec les eflets d’un 
dissolvant liquide, l’influence plus ou moins directe d’un 
ou de plusieurs agents qui auraient exercé leur action de 
bas en haut (!). » 





(1) Bull. Soc. Géol. Fr. II p. 404. 


CHAPITRE X 


ILES LIPARI 


Partis de Melazzo le # décembre à 10 heures, Constant 
Prévost el ses compagnons arrivèrent à Lipari à 8 heures 
du , après une navigation contrariée par le vent. 
Comme ils n'avaient pas la libre entrée, ils durent pa: 
la nuit dans la chambre du gardien de la santé. Le len- 
demain, le premier soin de Constant Prévost fut de 
chercher un logement. Ne pouvant en trouver, il se rendit 
chez le chanoïne Tricone pour lequel il avait une lettre de 
recommandation. La réception fut cordiale; le chanoine 
offrit l'hospitalité aux géologues. 

Les notes de Constant Prévost sur les îles Lipari se 
burnent presque à des croquis, très intéressants il est 
i. Son voyage toutefois ne lui fut pas inutile ; fré- 
quemment les noms de Stromboli, Vulcano et d'autres 
vinrent sous sa plume, quand il combattit la doctrine des 
cratères de soulèvement. Il avait été précédé dans ces iles 
par Fr. Hoffmann, qui en donna une description détaillée. 
s lors elles furent visitées par plusieurs géologues. 





























En 1889, une société anglaise, fréologist Association, 
organisa une excursion aux Îles Lipari ainsi qu'aux autres 
volcans d'Italie sous la direction de M. Johnston Lavis. 
On peut renvoyer à ces divers travaux, en se boruant à 
présenter quelques-uns des croquis de Constant Prévost et 
ä exposer très brièvement la structure de ces Iles, peu 
connues en France. 

Les iles Lipari ou tles d'Eole sont au nombre de sept 
sans compter quelques petits lots inhabités. La plus 
grande est Lipari qui a 36 kilomètres carrés et dont ln 
capitale, la ville de Lipari, compte 12.000 habitants. 2 

L'ile de Lipari est entièrement volcanique; les argiles, 
sables et tufs stratiliés qu'on y trouve sont des produits du 
lavage des roches volcaniques ; ils contiennent quelquefois. 
des feuilles et en particulier des feuilles de palmier, qui 
indiquent un climat plus chaud que le climat actuel. 

Bien qu'il n'ÿ ait pas eu d'éruption à Lipari depuis 
l'époque historique, on y voit encore des cônes volcaniques 
bien conservés. La plupart possèdent, outre le cratère 
central, des cratères latéraux accessoires. Les plus impor- 
lants sont le Mont Chirica, le Mont Angelo, le Mont 
Guardia, ete. 

M. Cortesi, ingénieur des mines, qui fit la carte géolo- 
gique des iles Lipari, divise les produits des volcans en 
laves anciennes et laves modernes postérieures à l'époque. 
qualernaire, Ces dernières sont des trachyles, des ponces, 
des obsidiennes. Parmi les laves anciennes, il cite la 
dolérite, la leucotéphrine et la variété de trachyte dite 
liparite, 

Le Mont Bianco, où le commerce va chercher la pierre 
ponce, a une forme arrondie. Il présente à son sommet 
ou cratère de { kilomètre de circonférence et de 160 mètres 
de profondeur, entouré d'un cratère plus ancien. Le 
cône est sillonné de ravins sinueux qui partent du 





4 — 


sommel et qui descendent de tous côtés en irradiant. 
Constant Prévost en remarquant leur analogie avee les 
barancos de Palma émet l'opinion qu'ils ont été produits 
par les eaux pluviales. 


Cop 
de la Castagna 


Monte 
Monte Rosa Bianco | 


Fig. 39, — Vue du Monte Biarco à Lipari 


Près du Mont Bianco el provenant de ce volcan, il y a 
une coulée d'obsidienne ou verre volcanique, qui constitue 
le cap della Castagna. Constant Prévost observa la dispo- 
sition presque stratifiée de l’obsidienne et sa pénétration 
dans le tuf ponceux (Fig, 40). 


Fig. 40. — Alternance de la poncé (A) ét de l'obnilienne (8) 
au cap della Castagna 


C'est un fait tout à fait semblable à celui que présente 
la Punta del Schiavo à Ischia (1). 

De Lipari, Constant Prévost se rendit à Stromboli em 
passant devant les rochers de Dattolo, de Basiluzzo, de 





{1} Gosselet : Observations géologiques faites cn Italie. 








— 26) — 


goulfre avec fracas, Les parois de la grotte sont tapissées 
de Fucus et de Corallines jusqu'au niveau des flots (fig. 42). 

A 3 heures, les explorateurs se trouvaient à la hauteur 
de Panaria ; le vent paraissant vouloir manquer, les 
matelots jugèrent prudent de s'y arréter. Ils firent done 
voile vers cette île en passant entre Dattolo et Lisca nera. 
La première, dit Constant Prévost, a la forme d’une pyra- 
mide de 50 m. de hauteur formée d’un tuf blanc sulfo- 
alumineux ; la seconde est en lave noire compacte, dure, 
divisée en gros blocs irréguliers. 


Fig. 42. — Vue d'une grotte à Lisca bianea 


Ils descendent à Panaria, on tire le bateau à terre et ils 
attendent deux heures qu'on leur accorde l'entrée. Enfin le 
chapelain, qui est en même temps commissaire de santé, 
arrive et satisfait aux mesures de police. Un paysan cède 
son logement et, pendant que Tambourini apprête le 
repas, Constant Prévost explore l'ile. 

Panaria, dit-il, a 12 où 15 kilomètres de circonférence. 
Comme les autres îles, elle a la forme d'un plan incliné 
vers le sud, terminé du côté nord par une falaise abrupte, 





elle ést composée uniquement de trachyte Livarite) très 

dur, dont la disposition rappelle celle du granit, ile est. 
jonchée d'énormes blocs arrondis, comme polis, entassés 

les uns sur les autres ; sur la plage on trouve un tuf jaune 

“analogue au pépérino. 


Panaria Stromboli 


Fig. 43, — Stromboli et Panaria, cues du Monte Rosso à Lipart 


D'après AL Cortèse, Panaria est le reste d'un grand cône 

volcanique dont faisait partie aussi l'ilot de Basiluzzo, et 

les roches voisines 

du côté nord, remar- 

quables par leurs 

formes découpées en 

aiguilles, comme les 

parties les plus pitto- 

Fig, #. — Blocs de trachyte à Panaria resques des Apen- 

nins. Constant Prévost a dessiné le rocher de Strombaluzzo 
près de Basiluzzo (Fig. 45). 

Le lendemain, 7 décembre, ils firent voile vers Stroms 
boli. Après avoir obtenu l'entrée de l'ile, ils se rendirent 
chez le curé de Saint-Vincent, pour lequel ils avaient 
recommandation et ils aeceptèrent l'hospitalité qu'i 
offrait. 

L'ile dé Stromboli est bien connie 
visitée. Elle est presque uniquen 











"ii — 


volcanique de 4% kilomètres de circonférence et de 1000 
mètres de hauteur. Son sommet, tronqué par un grand 
cratère presque circulaire, présenté au nord une profonde 
échancrure qui s'étend jusqu'à la mer. A l'intérieur du 
cratère, à 150 mètres en dessous des bords, s'élève un 





Fig. 45.— Vue de Strombaluszo 


cône surbaissé qui est le foyer des éruptions. 11 possède 
un nombre de bouches variable avec les époques. Lors de 

te de Constant Prévost, il y avait trois bouches dont 
les éruptions étaient alternatives ou simultanées. Celle du 


- Fig. 46. — Vue de Stromboli, côté nord 


sud était la plus active, Les projections s'y succédaient à 
quelques minutes d'intervalle, La vapeur blanche qui se 
dégage continuellement du volcan devenait plus intense, 





— 27 — 


puis elle s'assombrissait parce qu'il s'y mélait des projee- 
tions dé cendres ; puis venait un jet de pierres incandes- 
eentes accompagné d'une détonalion qui ressemblait à un 
fort coup de canon. 

Les géologues se posent plusieurs problèmes à propos 
du Stromboli. On se demande s'il produit des laves, On ne 
voit pas de coulées, mais la lave qui sortirait de la bouche 
du volcan, si toutefois il y en avail, ne pourrait pas 
s'arrêter sur le plan incliné de 4% que forme le cône 
intérieur du côté nord vers lu mer el roulerait jusqué dans 
les flots. Certains géologues disent avoir observé de la lave, 
Constant Prévost signale une fente incandescente en avant 
des trois bouches du côté de ka mer, Dans le croquis qu'il 
a fait du cône interne, il a écrit, sur cette trainée lumis 
neuse le mot de lave incandescente, 


Fig. #7. — Vue de l'intérieur dit eratère de Stramboli, 
prise du haut du sratére. 


Un autre point encore en suspens au sujet du Stromboli 
c'est l'influence de la pression atmosphérique sur les 
éruptions. Les pêcheurs des environs disent que l'augmens 
tation des vapeurs qui sortent du Stromboli annonce le 
mauvais temps, Le curé de Saint-Vincent, qui avait passé 
toute sa vie dans l'ile, aflirma à Constant Prévost que c'eslu 





_ 273 — 


exact et que l'approche du siroco augmente les détonations 
et les projections du volcan. 

Les grandes éruptions sont rares à Stromboli. Cependant 
le 17 novembre 1879, il y en eut une assez violente, dont 
M. Johnston Lavis a donné le récit. 

De retour à Lipari, le 11 décembre, Constant Prévost 
alla le 12 et le 13 visiter Vulcano, 

L'ile de Vulcano, dont la circonférence est de 50 kilo- 
mètres, possède trois cratères. Le cratère de Vulcanello, 
qui date de l'an 200 avant Jésus-Christ, est au sommet 
d'un cône de 300 mètres, séparé du reste de l'ile par une 
plaine basse, où était située la fabrique de soufre et d'acide 
borique avant la dernière éruption. Le cratère, actuel- 

est celui de Vuleano dont l'altitude est de 
387 mètres. Il eut pendant le 48 siècle de nombreuses 


Fig. 48.— Vie du cône de Vulcano entouré de son cratère 
eætérieur, prise du sommét de Vuloanello 


éruptions. Lorsque Constant Prévost le visita, il était en 
repos depuis 1786; on y avait établi des exploitations de 
soufre et d'acide borique. H se réveilla en 1873. En 1886, 
il eut une très forte éruption qui détruisit les usines et fit 
fuir les habitants, Depuis lors, les éruptions se succèdent 
presque tous les ans. Le edne de Vuleano est entouré d'un 
cratère extérieur largement ébréché au N.-E, dont le point 
le plus élevé est le Mont Saraceno (488 mètres), HN est au 
cône de Vuleano ce que la Somma est au Vésuve. 

Le 1% décembre, Constant Prévost quittait les Îles Lipari 
par un temps superbe el allait de nouveau débarquer en 
Sicile, 

13 








— 27 — 


C’est pendant ce Lermps qu'il rédigea sa lettre de Naples 
qui fut insérée presqu'en entier dans le Bulletin de Ia 
Société géologique de France. 

1 aussi à Naples qu'il rencontra Frédéric Hoffman et 
Escher de la Linth. Hs causèrent ensemble de la Sicile et 
de l'ile Julia, sans pouvoir arriver à se mettre d'accord. 
Hoffmann soutenait la théorie de de Buch sur les cratères 

soulèvement, landis que Constant Prévost l'avait abans 
onnée, au moins en ce qui concerne File Julia. 
Sa première course géologique aux environs de Naples 
t pour le lac d'Agnagno, cratère lac de près de 3,000 m. 
de superficie, Breislak suppose qu'il eat le résultat d’une 
atant du 12 siècle, En effet, il n’était pas connu 
ns et son nom est d'origine normande. 
a bord méridional se trouve la grotte du chien, 
Voici comment Constant Prévost raconte sa visite : 
w La grotte a 12 pieds de profondeur et 5 pieds de large; 
st fermée par une porte. Les lumières s'y éteignent 
A pied du sol et quand on se baisse à ce niveau, on 
sent l'odeur piquante de l'acide carbonique. Moyennant 
6 carlins (2 fr. 30) on fait l'expérience du chien. Dès 
qu'on a posé Le chien à terre dans la grotte, une minute 
sufit pour lui faire perdre connaissance. On le porte à 
spire avec peine, se lève, chancelle pendant 
; puis il revient à lui et son premier aele 
est de se jeter sur les visiteurs.» 
e la grotte du chien se trouvent les anciens 
Etuves de San Germano, Les vapeurs sortent 
uses ouvertures entourées de voñtes, qui se 
‘efflorescences salines et de cristaux de soufre.» 
joute-1-il, un phénomène que je ne puis 
En allumant de l'amadou et en soufflant dessus, 
mème à { ou eds de l'ouverture, la vapeur qui sort de 
celle-ci augmente considérablement. Elle a une odeur 
urineuse, » 








= 7 


au S. du Chäteau, on aperçoit, à 10 où 12 pieds sous les 
eaux, les vestiges d'une ancienne route, la Via Venitiana, 
qui allait au cap Misène, Le long d'une autre route 
ruinée, qui conduisait au lac Fusare, il vit une galerie 
voûtée, qui paraît avoir été remplie de cendres volcaniques 
analogues à celles qui entourent le temple de Sérapis à 
Pouzzoles. La cendre est encore collée sur la muraille et 
présente une disposition stratifiée très manifeste. La 
1 qu'elle eût été réparée: par Murat, était alors 
; elle était creusée de ravins qui atteignaient 

pieds de profondeur, 








Fig &0.— Dernier pilier du Pont de Caligula aere plaque 
de marbre percée par les pholades. 


il observa aussi des preuves très 
nettes cillation du sol. Le Pont dit de Caligula est le 
reste d'un ancien môle qui se dirige de la ville vers la 
pleine mer, Il en reste 13 piliers. Sur le 4e pilier, il vit des 
Balanes fixées à 7 pieds au-dessus du niveau de la mer, 
Le dernier pilier a son sommet environ à 15 pieds au- 
dessus de l'eau sten partie couvert d'herbes, mais on 
Y voit dés impressions de Balanes, bien qu'on n’en trouve 








— 79 — 


sur les flancs de li montagne ; une coulée se dirigeait vers 
Pompeï, tandis qu'une autre suivait la Fossa della vetrana, 
entre l'Ermitage et les bords de la Somma. Les détails de 
l'éruplion n'auraient aucun intérêt, pas plus que les 
croquis qu'il a pris du cône et du cratère, 

Son attention fut appelée sur deux points, qui ont une 
certaine importance au point de vue de l'histoire des 
théories volcaniques. 

Il donne un bon croquis des filons de lave qui traversent 
le tuf de la Somma, en se coupant dans des directions 
très variées (Fig, 51), 

A la partie inférieure de la Fossa grande, il vit et 
dessina une stratification discordante entre les cendres et 
tufs de la Somma et des lives qu'il rapporte au Vésuve, 


Fig.52 — Coupe prise à La Fossa grande 

A Anciennes laves du Vésuve. 
B Cendres et tufs de la Somme. 
D Lave de 1707. 
Æ Lave de 1810. 
FE Tuf de la Sommn avec be Li) de ponce de calcaire blanc 

et de tuf amphigénique. 
mais dont la date est indéterminée, Les tufs anciens sont 
profondément ravinés ; ils sont altérés el jaunis à la 
surface, On peut supposer qu'ils appartiennent à la troi- 
sième phase reconnue par M. Johnston-Lavis (1) dans 





M) Jonxsrox-Lavis. The yéology of Monte Somma and Vésunius 
being a study in culeanology. Quart. journ. Géol, Soc. XL p. #5. 








CHAPITRE 





THÉORIE DES CHATÈRES DE SOULE 








Au commencement du XIX®: : 
autour de sa chaire de géologie de F1 
de tous les pay: 
son esprit den 


le, Werner attrait 
evberg, des étudiants 
Par l'universalité de ses conna nces, 
thode, la acité de son imagination, 
l'éloquence de sa parole, le charme de sa conversation, 
il leur inspirait un profond enthousiasme pour la géologie, 
el pour sa personne des sentiments de reconnaissance el 
de vénération qui suflisent pour immorl run profes 
seur, lorsque ses élèves s'appellent Karsten, Wiedemann, 
Humbold, de Buch, Dubuisson, de Charpentier, Hoffmann. 
ete. Ce qui honore le plus le maître et les élèves, c’est que 
l'affection de ces hommes illustres pour leur très illustre 
professeur ne les empécha pas de combattre ses idées 
ee qu'elles ent de ématique et de trop absolu 
Werner attribuait à l'eau l'origine de toutes 1 
Une mer uni elle et tranquille avait lai 
liser le granit, puis le: 
les basaltes, toutes 



































hes, 
cristal- 
istes, les porphyres, les trapps, 
roches qui devenaient de moins en 

















—. 383 — 


cleints antérieurement aux époques historiques passa 
presque inaperçue. 

Dix ans plus tard, au autre savant, Dolomieu, inspecteur 
royal des manufactures, parcourait le plateau central 
pour visiter les nombreuses papeteries qui y existaient 
alors, Voyageant à pied, sans s'inquiéter des auberges, une 
croule de pain et un morceau de fromage dans la poche, 
couchant dans une cabane de pâtre où même à la belle 
éoile, il aimait à causer avec les gens du pays : maçons, 
forgerons, carriers, On lui parla d'une roche noire Lrès 
dure, qu'il fut curieux de voir sur place. Quand il fut 
arrivé en face de la carrière, ilaperçut une foule de piliers, 
prismatiques qui lui rappelèrent ce qu'il avait lu du 
basalle de la Chaussée-4les-Géants. Il reconnut que ces 
piliers faisaient partie d'une longue traînée qui semblait 
descendre d'une colline. En la remontant, il trouva un 
cratère entouré de scories. L resta quelque temps duns le 
pays, le parcourant dans ous les sens ; partout il vit le 
basalte sortir d'un volcan. 

Ainsi, il découvrit pour la seconde fois, les volcans 
éteints de l'Auvergne, mais plus perspicace que Guettard, 
il reconout l'origine ignée du basalte. 

Cette lois, la découverte fit sensation, car Desmarets, 
malgré son origine modeste el la simplicité de sa wie, 
était lié avec toute la société élégante et instruite de 
l'époque. I fut élu membre de l'Académie des Sciences, 
honneur qui faillit lui coûter cher; le Ministre des 
Finances trouva que le rang d'académicien était incom- 
patible avec les fonctions d'inspecteur royal des manufac- 
tures. Heureusement, ce Ministre ne resta pas longtemps 
au pouvoir ; son successeur mil Desmarets à la tête de la 
manufacture de Sèvres 

La découverte de Desmarets fut le signal de nombreux 
travaux sur les volcans éteints du sud de la France, de 





= 5 — 


au vulcanisme. Il conclut de ses propres observations et 
de la comparaison des descriptions des voyageurs, que 
non seulement les îles Madères, mais bien d'autres Îles 
encore, étaient formées uniquement de produits volea- 
niques, de laves et de scories. 

L'influence qu'avait encore sur son espril l'enseigne- 
ment de Werner, lui inspira une théorie singulière sur 
l'origine de la forme conique de ces les, 

Constatant que loutes se présentent comme un cône 
dont le sommet est occupé par une cavilé centrale en 
forme d'entonnoir, lé cratère, et qu'elles sont composées 
de laves, de luf, de conglomérat volcanique en couches 
inclinées qui descendent des bords du cratère vers la mer, 
il admit que ces diverses malières volcaniques, dues à 
d'anciennes éruptions dont les bouches sont inconnues, se 
sont déposées horizontalement dans ï , le 
sol poussé de bas en haut par une force intérieure s'est 
soulevé, s'est déchiré et étoilé. = 

Il s'est produit une ouverture centrale dont la commu 
nication avec l'intérieur a été immédiatement fermée par 
la chute sur elle-même d'une portion de la masse soulevée, 
Il en résulta un vaste cirque qu'il nomma cratère de 
soulèvement. Toutefois si celte ouverture vient à se 
rouvrir par suite d'un nouveau soulèvement, il peut se 
former dans l'intérieur du cirque un cône plus petit dont. 
l'ouverture restera en communication avec le foyer central 
et deviendra le siège de l'activité volcanique ; c'est pours 
quoi il le nomma cratère d'éruption. 

Comme exemple de sa théorie, de Bueh cita le pie de 
Ténériffe (Fig. 53). Cette montagne conique, nommée aussi 
pie de Teyde, d'une altitude de 4,500 mètres est terminée 
par un cratère toujours fumant ; elle est située au miliéu 
d'un cirque cratériforme dont les bords sont élevés de 2500 

u-dessus de la mer. De Buch considère la mon- 





= Ré — 


lagne qui forme le cirque cratériforme comme le résultal 
d'un premier soulèvement ; quant au Pic de Teyde il serait 
aussi le résultat d'un soulèvement qui se serait produit au 
centre du premier cratère (1). 

Dans un mémoire publié en 1827, il décrivit tous des 
volcans connus, et il montra que tous présentent la même 
disposition. 1 la retrouva notamment à l'Etna et au Vésuve: 
I dit à propos du Vésuve : « Le volcan tel que nous le 
voyons est sorti tout formé du sein de la terre en 79% 


Fig. 53, — Vue du Pie de Ténérifle, d'après de Buch 
(Sommet couvert de neige), 


Depuis cette époque, sa hauteur a toujours été en dimi- 
muant (#}, » À propos de l'Etna, il ajoute: « Nous ne pous 
vous pas refuser de voir en lui un individu, pour ainsi dire 
arrivé à sa perfection au moment de su naissance, Il ne 
pourrait pas être le résultat de coulées et d'éruptions 
successives, sa forme est trop régulière el Lrop symétrique 
pour avoir une telle « 

Outre Ténérille, de Buch Ÿ ma, Santorin, 
Barren-Island, comme des exemples d'iles formées par 
le soulèvement du sol. 





{f} Description des tles Canaries, p. M2. 
(9) Zd , p. 812. 
(8) Z., p. 3%. 





— 981 — 


Bien que Léopold de Buch soit généralement considéré 
comme ayant imaginé la théorie des cratères de soulève- 
ment, on doit cependant le décharger d'une partie de celte. 
responsabilité, car ilen a puisé l'idée dans les récits de 
Humboldt, autre élève de Werner, 

En 1811, dans son essai politique sur la Nouvelle- 
Espagne, Humboldt donna une description de l'éruption 
du volcan mexicain, le Jorullo. 

& Dans la nuit du 28 au 29 septémbre 1759, une plaine 
de 3 à 4.000 mètres carrés, dans laquelle on cullivait la 
canne à sucre et l'indigo, se souleva en forme de vessie 
d'une hauteur de 160 mètres vers le centre ; des milliers 
de petits cônes de 2 à 3 mètres de hauteur (hornétos) 
sorlirent sur tous les points; au milieu de cette plaine 
bombée, dite Malpuis, et le long d'une crevasse, il s'éleva 
6 grands cônes de # à 500 mètres d'altitude, dont l'un, le 
Jorullo, continua à vomir des flammes. » 

Tel est le récit de Humboldt qui inspira Léopold 
de Buch, 

Avant les publications, de de Buch, tous les géologues 
qui avaient observé des volcans, Spallanzani, Breislak, 
de Saussure, Dolomieu, Hamilton, etc, considéraient 
les montagnes volcaniques comme des amas de scories 
et de lavés qui s'étaient accumulés sous forme de cônes 
autour de la bouche de sortie, 

La nouvelle théorie fut combattue immédiatement par 
deux géologues anglais qui s'étaient livrés particulièrement 
à l'étude des volcans, 

Poulet Scrope dans son livre sur les volcans (*) soutint 
l'opinion de Spallanzani; il fit remarquer la disposition 
des lits de cendre et de scories à l'ile de Nisita et au cap 





(1) Consideration on Voleanos 1825.Trans, Géol, Soc. Lond. 2m 
S. 1 p. 941, 1827, 








— 389 — 


à Santorin el enfin le soulèvement de la côte de Valparaiso 
au Chili, 

Lorsqu'on apprit l'apparition de l'ile Julia au milieu 
de la Méditerranée, on y vit une nouvelle preuve en 
faveur des soulèvements. 

Constant Prévost, qui n'avait jamais visité de volcans, 
qui avait suivi les leçons de Werner, qui étail l'ami de 
Humboldt et de de Buch, avait naturellement adopté leur 
théorie, Cependant, il le dit dans ses notes, il m'était pas 
complètement convaincu. 

A Julia, il ne trouva qu'un cratère d'éruption, Ses 
doutes augmentèrent; cependant il écrivit dans sa pre- 
mière lettre: «Si comme cela est présumable, l'apparition 
du cratère d'éruplion à été précédée du soulèvement du 
sol, il doit exister autour de l'ile Julia une ceinture de 
rochers soulevés qui forment le bord du cratère de soulé- 
vement (1) ». Malgré cette restriction, le rapport de Constant 
Prévost fut un coup de foudre pour les partisans des 
cratères de soulèvement. Arago était exaspéré. I annonça 
à l'Académie que Constant Prévost donnait des preuves dé 
l'existence du soulèvement, I ne consentit à laisser publier 
son rapport dans les Annales des Sciences Naturelles 
qu'à la condition qu'il serait suivi d'une note corréetive, 
où on lit, sous la signature d'Alexandre Brongniart, les 
phrases suivantes : « Les figures 1! et 2 nous font voir 
forme et la structure de ce sol évidemment soulevé: .. 
Les observations et les figures faites par Constant Prévost 
ont donc déjà contribué à faire concevoir et admettre la 
réalité et la généralité de la Chéorie des soulévements (2), x 

D'un autre côté, le rapport sur les progrès de la géologie 
en 1830 et 1831, lu par Ami Boué, dans la séance du 30 





li) Bull. Soi . IL p.#7. 
{2) Ann. LV, D. 112. 








= h — 


I ne reconnaissait que trois espèces de cratères : 

1e Les cratères dans lesquels les gaz seuls ont été en 
action et ont produit quelque chose d'analogue à l'explo- 
sion d'une mine. Ces cratères ont peu où point de 
saillie, Ils affectent la forme d'un entonnoir irrégulier 
dont les bords sont composés par les couches même du 
terrain, On ne voit autour de l'ouverture que des débris 
dispersés et communément peu abondants du sol, qui 
a été superficiellement évidé pur la violence des gaz. 

Cordier ne cile pas d'exemple de ces cratères ét on né 
sait à quelle disposition il fait allusion. En tous cas les 
éruptions par explosion sont bien analogues à l'hypothèse 
que vient de développer M. Daubrée à propos des che 
minées diamantifères de l'Afrique australe. 

2 Les cratères dans lesquels l'explosion des gaz est 
accompagnée de projections de lave à l'état de déjections 
incohérentes qui s'accumulent autour de la cheminée 
éruptive sous formé de montagne conique. 

3 Les cratères formés comme les précédents, mais avec 
épanchement de lave liquide. 

Elie de Beaumont étant venu citer comme cratères de 
soulèvement le Cantal et le mont Dore, Cordier fut plus 
explicite encore, Il ne voit dans ces massifs montagneux 
qu'une immense accumulation de courants de toute 
espèce, alternant avec des couches de déjections incohé- 
rentes, les unes meubles, les autres consolidées, Toutes 
ces couches volcaniques sont en place et à leur niveau prie 
mitif, Elles remontent toutes avec quelques degrés vers le 
centre du massif de la montagne, parce que c'est de ce 
centre, où des points voisins qu'elles sont sorties, pour 
s'étendre au loin et pour couler en rayonnant vers les 
plaines. 

«I est inutile d'invoquer des forces insolites, imagi- 
nairés, purement locales et vraiment merveilleuses, 








— 293 — 


précédé d'une plus longue attente. Il ne s'animait qu'une 
fois par an, lorsqu'il parlait des soulèvements, On voyait 
alors ce grand vieillard se lever pour protester du haut 
de sa taille, toujours droile, contre la théorie qui faisait 
pousser comme des champignons, les volcans et les mon- 
tagnes. 

De Buch, sans avoir jamais visité Santorin la consi- 
dérait comme un des exemples les plus remarquables de 
cratère de soulèvement, 

Les iles de Santorin secomposent de Lrois iles, Santorin, 
Thérasiu, Apronisi, circonscrivant un espace circulaire de 
2 lieues de diamètre, dans lesquelles surgissent quelques 
Hots, les Kaïménis (fig. 56, p. 316). Pour de Buch, les 
iles extérieures seraient les restes d'un vaste cratère de 
soulèvement, Quant aux Kaiménis, elles seraient encore 
le résultat de soulévements isolés dans l'intérieur du 
grand cratère, 

« La sortie de chacune d'elle semble avoir été une 
tentative de la nature pour l'établissement d'un cône 
d'éruption. Mais jusqu'à présent toutes ces lentatives ont 
manqué (1), » 

Virlet d'Aoust, lut, le 17 décembre 1842, une série de 
considérations sur le système volcanique de Santorin (?). 
1 déclara qu'après avoir étudié Les îles, il s'est convainon 
qu'elles constituent un cratère d'éruption. La falaise qui 
entoure le golfe présente une immense série de lits de 
tufs et d'agrégats trachytiques, comme le montre la 
section intérieure des cratères d’éruption ; les laves n'y 
manquent pas ainsi que le croyait de Buch; elles sont 
réprésentées par des coulées trachytiques, qui se retrous 
vent à toutes les hauteurs. 





{1} Étie de Buumont: Ann Se, Nat, XIX p. 398, 
(2) Bull. Soc. Géol. Fr, ILE p. 287 et 302, Voir aussi IX p. ITÈ 








S— 


forme des fractures rayonnantes qui résulteraient de l'étoi- 
lement; ces fractures seront au nombre d'au moins trois 
ou quatre; elles auront leur plus grande largeur et leur 
plus grande profondeur à leur origine dans la cavité 
centrale, tandis qu'elles devront diminuer dans toutes 
leurs dimensions à mesure qu'elles se rapprochent de In 
circonférence du cône, Le cratère de Palma lui-même ne 
remplit pas ces conditions, car il n'y à qu'une seule 
vallée qui puisse être considérée comme vallée de fracture, 
le Barancos de las Augustias, Quant aux nombreux pelils 
ncos qui entourent le cône, ce ne sont que des vallées 
d'érosion comme celles que l'on remarque autour des 
cônes d'éruption de Stromboli, de Vulcano, ete. Il cherche 
à démontrer par le calcul que pour produire un cône 
comme celui de Santorin, il faudrait un soulèvement de 
près de 129,730 mètres de hauteur s'exerçant sur une 
surface circulaire de 6%,199,784 mètres de rayon, Il se 
hâte de déclarer de tels résullats absurdes. Il arrive 
également à des conclusions analogues pour Palma. 

Élie de Beaumont et Dufrénoy contestèrent l'exactitude 
du raisonnement mathémathique de Virlet. 

Dufrénoy donna ensuite la définition du cratère de 
soulèvement, C'est une cavité cireulaire présentant un 
escarpement abrupt à l'intérieur avec des pentes ordinai- 
rement très douces extérieurement, el offrant la forme 
d'un cône très surbaissé, dont le pourtour est divisé par 
des fentes de déchirement qui peuvent avoir été élargies 
par de: ons postérieures. Puis il ajoute : « Ces sortes 
de cratères ou cavités en entonnoir existent non seulement 
dans les terrains volcaniques, mais dans les terrains de 
toute autre nature, graniliques et calcaires (1). » 

A cetté nouvelle aflirmation, qui venait compliquer et 


(1) Bull. Soc. Géol, ILE, p. 296. 











_— 297 — 


loyauté scientifique. 11 y rétracte ses premières opinions 
sur l'Etna(!). Un tel aveu venant d'un géologue de la 
valeur de Fr. Hoffmann, portail un coup terrible à la 
‘héorie. 

Cette méme année 1833 vit paraltre le grand mémoire 
de Dufrénoy et d'Élie de Beaumont Sur les groupes du Mont 
Dore et du Cantal et sur les soulèvements auxquels ces 
montagnes doivent leur relief (21. 

Les auteurs, en décrivant la structure géologique de ces 
deux groupes de montagnes examinent les causes qui 
leur ont donné leur forme actuelle. Is l'attribuent 
à un soulèvement postérieur à la sortie des basalles, 
Ils admettent que les basaltes el les trachytes se sont 
étendus à la surface du sol en épaisses nappes horis 
zontales et s'y sont refroidies assez tranquillement pour 
acquérir une structure compacte, exempte de cellulosité ; 
ils ne pensent pas que des roches à texture aussi serrée 
aient pu se solidifier sur des pentes de plus de 3 degrés, 
d'où il résulte qu'un cône revêtu de basalle est nécessais 
rement un cône de soulèvement. « Dès lors, disent-ils, si de 
semblables nappes, comme cela arrive au Mont Dore et 
au Cantal, se relèvent vers un point central sous des 
angles variables, qui vont en quelques points jusqu'à plus 
de 12 degrés, on est fondé à supposer que la croûte 
extérieure du globe à éprouvé en ce point l'action d'une 
force agissant de bas en haut, qui l'a en quelque sorte 
éloilée et qui a relevé en forme de pyramide les secteurs 
désunis de ki surface plane primitive (3), » 

Au Cantal et au Mont Dore, ils signalent, en outre, des 
cônes de phonolite autour desquels les roçhes se relèvent 





1) Bull, Soc. Géol, Fr. 1U, p. 170. Séance du 28 janvier 1893, 

(2) Ann, des Mines, 3 série, LI, p. 691, 1883, — Bull, Soc, Géol. 
Fr., AU, p. 205-274, 1833. 

13) Bull, Soc, Géol. Fr, 1 p, ?, 








— 299 — 


agit, non pas d'une maniére subite, mais suceessive el 
son élévation au-dessus de sa base est le résultat de 
l'accumulation de matières ignées, qui à diverses reprises 
ont été rejelées par ses ouvertures, Rien ne conduit 
à penser que ces ouvertures elles-mêmes ont élé déter- 
minées par les matières qu'elles rejettent; « rien dans 
les volcans ne montre les résultats d’une force qui aurait 
commencé par soulever el fracturer le sol sur une grande 
étendue et une grande hauteur (1), » 

Loin d'attribuer aux phonolites de Sanadoire et de la 
Thuilière une origine plus récente que celle des trachytés 
et des basaltes qu'ils auraient soulevés, Constant Prévost 
dit que ces masses appartiennent aux plus anciens phéno- 
méènes volcaniques, que la phonolite à grands rapports 
avec le trachyte, c'est de la lave trachytique réfroidie 
dans les cheminées d’éruption. Il admet que les basaltes 
que l'on voit sur les plateaux environnants ont percé les 
masses trachytiques et phonolitiques (?). 

Après que la session extraordinaire de la Société géolo- 
gique eut été close à Issoire, Constant Prévost continua à 
explorer la contrée volcanique du centre de la France 
avec son fidèle Montalembert. Il visita les environs du 
Puy, le Velay, le Mezene, le Vivarais, le Cantal et revint 
une seconde fois au mont Dore. 

A son retour à Paris, il envoya au Président de l'Aca- 
démie des Sciences le 18 novembre 183 une lettre (%) où il 
rendait compte de ses observations, 





(1) Ball. Soc, Géol. TV p. 20. 

(2) Bull Géol, IV p. 49. 

(3 Cette lettre fut imprimée à la suite du mémoire sur File Julia 
dans les Mémoires de la Société Géologique de France. IL n'en est 
pas fait mention dans les publications de l'Académie, mais les 
journaux du temps en donnent l'analyse ot disent qu'elle fut lue 
par le secrétaire perpétuel sur la demande de plusieurs membres. 








— 901 — 


lune à des cratères de soulévement(1). Puis il présenta des 
observations sur le Cantal et le mont Dore (2}, On y trouve 
plusieurs faits bien établis : la disposition des trachytes en 
coulées, la multiplicité des périodes trachytiques, la 
position des phonolites entre les trachytes et les basaltes, 
l'émission du basalle à deux époques distinctes. 1 montre 
que les phonolites du Griou n'ont pas été un agent de 
soulèvement, puisque les assises sur lesquelles elles 
reposent ne sont pas dérangées et que les trachytes des 
contreforts sont inelinés en sens contraire de la poussée 
qu'aurait exercée le Griou. 

Dans la discussion qui suivit celle lecture, MM. E. de 
Beaumont, Dufrénoy, Burat et Fournet soutinrent In 
théorie des cratères de soulèvement, tandis que Constant 
Prévost appuya les idées de Des Genevez (3). 

On a vu que les partisans des cratères de soulèvement 
prétendaient que la force interne soulevante pouvait agir 
sur toute espèce de lerrain et qu'il devait y avoir des 
cratères de soulèvement dans les terrains granitiques où 
calcaires, 

Burat qui, dans sa description des lerrains volcaniques 
de la France centrale (1833) avait adopté les théories d'Elie 
de Beaumont, avail cité comme exemple de cratère de 
soulèvement établi dans un sol non volcanique, le cirque 
du Palau midi du Cantal. 

Les bords étaient entièrement granitiques, el vers le 
centre seulement de la plaine cireulaire qui forme le fond, 
surgissent trois montagnes côniques de nature basal- 
tique (4). 





Ü) Bu œ 1. IV, p. 98. séance du 2 Décembre 1833, 

(2) Bull. y p. 114, Séance du 9 Décembre 1893. 
LV, p. 116, 124, 145, 225, 

(4) Bull. Soc, Géol, ., IL, p, 169? 








OT — 


J'étais alors aussi animé pour l'attaque de la théorie des 
cratères de soulèvement, que je regardais comme une 
erreur célèbre, que M. d'Omalius était entrainé, avec la 
grande majorité des plus éminents géologues, à la soutenir 
comme une vérilé de grande importance. C'est au bord 
des lacs de Daun, sur le cratère de Gérolstein, au sommet 
du Siebengehirge, que nous essayämes successivement 
nos objections, » 

« Les journées n'étaient pas assez longues pour larir les 
raisons que nous trouvions pour expliquer chaeun dans le 
sens de nos doctrines les faits en présence desquels nous 
nous trouvions, n 

“Nous poursuivions à lable et la nuit les raisonnements 
que la tombée du jour nous avait forcé d'interrompre sur 
le terrain.» 

«C'est dans ces combats si gais, si animés de l'Eifel que 
j'ai pris la hardiesse d'entrer en lice à Bonn avec l'illustre 
auteur de la théorie des cratères de soulèvement. M. de 
Buch a daigné répondre à mes objections el j'ai le bonheur 
de penser que ma confiance he m'a fait perdre aucun titre 
à l'estime de ce patriarche de la science, » 

Avec l'année 1835, nous arrivons à trois publications de 
première importance dans l'histoire des théories volca- 
niques en France ; celle de Constant Prévost sur l'ile 
Julia, d'Élie de Beaumont sur l'Etna et de Dufrénoy sur 
le Vésuve, 

Le travail de Constant Prévost sur l'ile Julia parut 
dans les Mémoires de la Société Géologique de France, 

Après avoir décrit les phénomènes dont il avait été 
lémoin à Julia, il examine si cette île est due à un soulé- 
vement. Il répond par la négative comme il l'avait fait 
dans son premier rapport à l'Académie. De plus, il retiré 
son hypothèse, qu'il existait autour de l'ile une ceinture 
de rochers formée par les bords du cratère de soulèvement; 








— 308 — 


‘il en trouve la preuve principalement dans la 
saillie rapide de cette gibbosité qui contraste fortement 
avec les pentes douces des talus latéraux. Il insiste sur la 
régularité des couches de lave et de scories que l’on voit 
dans les estarpements du Val del Bove, [ne eroit pas que 
des matières meubles et liquides puissent présenter une 
telle régularité en coulant où en tombant sur des pentes 
considérables. 

Voici ses conclusions : Le sol à peu près plat, qui se 
Lrouve aujourd'hui occupé par l'Etna, s'est d'abord fendu à 
un grand nombre de reprises successives, suivant diverses 
directions, 


Par ces fentes sortirent des laves qui se répandirent en 
nappes horizontales minces et uniformes, Les éruptions 
de lave étaient accompagnées de projections de scories 
qui retombaient sous forme de pluie sur les espaces 
environnants el qui se déposaient aussi en couches 


horizontales (1). 

Un jour l'agent intérieur, qui fendail si souvent le 
terrain, ayant sans doute déployé une énergie extraor- 
dinaire l'a rompu et soulevé. Dès lors, l'Etna a été une 
montagne et le canal de communication entre l'intérieur 
du globe et l'atmosphère étant resté ouvert, celle montagne 
a été un volcan permanent, 

Cependant Elie de Beaumont attribuait aux phénomènes 
éruptifs proprement dits une importance bieñ plus grande 
que ne le faisait de Buch, 

Pour lui, tous les petits cômes parasites, qui jonchent 
comme autant de pustules les flancs dé l'Etua, sont formés 





{l) Comment Elie de Beaumont pouvall-il expliquer que les 
scorles el les cendres ne s'amassulent pas en monticules coniques 
autour des bouches, dans la première phase éruptivé? En quoi ln 
deuxième phase éruptive différait-elle de la première ? 


20 








_— 07 — 


devant son esprit, comme des obstacles insurmontables, 
quelques objections secondaires déjà en grande partie 
résolues, et qu'une observation un peu attentive eût rapi- 
dement levées. 

Le mémoire de Dufrénoy () sur les terrains volcaniques 
des environs de Naples parut après celui d'Élie de Beau- 
mont, Il s'inspire de la foi la plus vive et la plus naïve en 
la théorie de de Buch. 

Il conelut, comme la théorie le voulait, que la Somma est 
un cratère de soulèvement, que le Vésuve est aussi un 
cône de soulèvement, que le Monte Nuovo est sorti de terre 
sous la forme d'une vaste ampoule qui s'est crevée de 
manière à produire un cratère (?}, Que les autres cônes de 
la Campanie et en particulier l'Astroni sont formés par 
du tuf déposé en couches horizontales dans le sein de 
la mer, puis soulevé par l'arrivée au jour du trachyte (?). 
Cônes de soulèvement aussi les quatre petits cônes 

es qui se sont produits sur les flancs du Vésuve 
près de Torre del Græco en 1760, et les autres cônes de 
scories formés en juin 183% dans le cratère principal el 
sur ses bords (#). 

Ces appréciations reposent sur de simples conjectures, 
sur des observalions superficielles, et mème sur des 
erreurs incompréhensibles. 

Dufrénoy prend les roches calcaires si riches en miné» 
raux de la Somma pour des galets ; lui, minéralogiste, ne 
reconnait pas l'amphigène dans les laves modernes du 
Vésuve! 

De Buch, qui avait accompagné Dufrénoy et Élie de 
Beaumont, chercha à étayer sa théorie sur de nouveaux 


{tj Ann. des Mines, 3° S., XI p. 119, 369.389. 
{2) Loc. cit. p. 

{31 Loc, cit, 

{4} Loc, elt,, p. 399-401. 











= 90 — 


La discussion fut portée à l'Académie des Sciences (!), 
où Élie de Beaumont déclara que les faits allégués par 
Constant Prévost ne détruisaient pas la valeur de la décou- 
verte de Pilla et des conséquences qu'on pouvait en 
déduire. 

Dufrénoy insisla de nouveau sur l'identité du tuf qui 
couvre toute la Campanie et qui forme les cônes volea- 
niques de l'Astroni, de la Solfatare, de Monte Nuovo, de 
la Somma, de l'Epoméo, Constant Prévost lui répondit 
que ces Lufs sont variables d'âge et de formation. 

Le silence se fit, où parut se faire, sur la théorie des 
cratères de soulèvement, chacun des lutieurs demeurant 
sur ses positions; tous les arguments avaient été épuisés 
pour et contre, 

Sous l'influence d'Arago, d'Elie de Beaumont, d'Hume, 
boldt la théorie pénétrait peu à peu dans l'opinion publie 
que ; elle fut reproduite dans les livres élémentaires; elle 
entra plus lard dans l'enseignement secondaire; en un 
mot, elle devint la théorie oMicielle, 

Mais Constant Prévost n'était pas disposé à se taire, Lui 
qui avait bravé Cuvier dans loute sa gloire, ne baissait 
pas pavillon devant le succès de ses adversaires, Chaque 
année dans sa chaire 1e la Sorbonne, il démolissait les 
cratères de soulèvement, I saisissait toutes les occasions 
de porter la question devant la Société Géologique, devant 
la Société Philomatique, devant l’Académie. Bienqu'il ne 
fût pas seul à nier les cratères de soulèvement, bien que 
d'autres avant lui eussent soutenu que tous les cûnes vol- 
caniques étaient des cônes d'éruption, il fut en France 
le porte drapeau de la doctrine, parce que seul il restait 
sur la brèche. 

Le 2 mars 1N40, il exposa à la Société Géologique de 
France son opinion sur la formation des cônes volcaniques 


{li Compte-rendu Acad. des Sciences, 1837, 3 avril 








— 41 — 


nouveaux el produisent de la chaleur. Il compare la cause 
des éruptions volcaniques à celle qui fait sortir le vin de 
Champagne dés bouteilles qu'on vient de déboucher, 

Le 19 décembre 1842, à propos d'une communication 
de La Ruelle sur le Cantal, la discussion recommencça 
entre Constant Prévost et Dufrénoy, Ce fut une occasion 
pour le premier d'exposer de nouveau ses opinions à la 
Societé Géologique {1} et quelques jours après à la Société 
Philomatique {?). 

En 1852, au bruit qu'il y avait une éruption de l'Etna, 
Constant Prévost demanda à l'Académie une nouvelle 
mission pour aller étudier les formations volcaniques de 
llialie, Elle lui fut accordée, mais il n'en profila pas. 
Néanmoins, il forma une société pour l'étude des volcans 
méditerranéens ; sur son insistance, Collomb, un des 
sociétaires, entreprit en 1853 un voyage préliminaire à 
Naples et en Sicile, 

En 1855, lors de la mission confiée par l'Académie à 
Ch. Deville pour aller étudier l'éruption du Vésuve, Cons- 
tant Prévost saisit encore l'occasion d'entretenir l'illustre 
assemblée des cratères de soulèvement. On le laissa dire 
sans répondre (?), 

Lorsque Ch. Deville revint et communiqua à la Société 
Géologique les résultats de son voyage, Constant Prévost 
l'interpella pour lui demander s'il avait étudié la question 
des cratères de soulèvement. Deville lui répondit que la 
question était toute tranchée pour lui et qu'il croyait 
avoir recueilli des faits nouveaux à l'appui de la théorie, 

Cette fois, Constant Prévost ne se contint plus. Il s'en 
prit directement à Élie de Beaumont (#}. 





H) Bull. Soc. Géol., XIV, p. A7 

(2) Proc. verb. Soc. Phil., 184%, p. 1-16. 
131 G. R. A. S., XLI, p. 794-866 (1855). 
{) G. R. ae S. XLI, p. 923, 26 nov. 1835. 





Dh don 





— 3 — 


dans celui de Vogt (1), écrit sous l'influence des leçons 
d'Élie de Beaumont ét même dans plusieurs Géologies 
élémentaires anglaises (*). 

Cependant, c'est en Angleterre qu'elle rencontra en 
Poulett Scrope et surtout en Lyell les adversaires les plus 
redoutables. Les principaux arguments invoqués par de 
Buch, Elie de Beaumont et leurs adhérents étaient on l'a 
vu: a 
4 L'impossibilité par des laves compactes de se sali- 
difier sous une inclinaison supérieure à 4, 

2 La largeur et Ka régularité des nappes de lave que 
l'on observe dans les parois des cratères de soulèvement, 

Par une étude approfondie de l'Etna et particulièrement 
du Val del Bove (3), Lyell reconaut des courants de lave 
compacte qui se sont solidifiés sous des angles pouvant 
alleindre 45°. 1 démontra que, dans les escarpements de 
la Somma et du Val del Bove, les nappes de lave sont 
loin d'avoir la largeur et la régularité qu'on leur supposait. 
Quand on regarde ces escarpements de loin, on croit voir 
des nappes continues, Mais de près on reconnait qu'elles 
se divisent en tronçons de peu détendue, séparés par 
des scories, Ce sont différentes coulées de lave qui sont 
situées à peu près dans le prolongement l'une de l'autre, 

Enfin, il fit observer que, si les couches de cendres. de 
lave et de scories devaient leur inclinaison à un soulés 
vement, les dykes qui les traversent n'auraient pas 
conservé leur verticalité, mais seraient autant déjetés de 
la perpendiculaire que les laves et les scories sont éloignées 
de l'horizontale. 





Lehrbuch der Geologie und petrefactenkunde: 

Geology. — AXSTED — Elementarg Geotogl: 

F) Structure des laves molernes quier sont solidifiées sur 

tuné pente, Phylosophical Transactions of the Royal Soctety of 
London t, 148 p. 109. 1858, 








— Hi — 


relatée dans les pages précédentes, il n'est pas hors de 
propos de résumer les diverses phases de l'éruplion. 

Le 26 janvier 1866, on remarqua dans l'ile de Néa 
Kaïméni que les maisons se lézardaient et que des blocs 
roulaient sur les pentes du cône volcanique qui constitué 
l'ilot. Ces phénomènes s'aggravèrent pendant les quatre 
jours suivants, puis on entendit des bruits sourds qui 
paraissaient venir des profondeurs de la Lérre, le quai se 
fendit, des maisons s'écroulèrent, En même temps, une 
multitude de bulles de gaz se dégagéaient à travers les 
eaux de l'anse de Vulcano et la température de ki mer 
s'y élevait, 

Le {er février, des flammes apparaissent à la surface de 
la mer, des fentes nombreuses se produiseñt, les unes 
dirigées de l'est à l'ouest, les autres ayant une direction 
perpendiculaire. 

Le sol de la plage s'aflaissa rapidement. L'afflaissement 
fut de 6 mètres sur la côte occidentale et se fit à certain 
moment à raison de Owl5 à l'heure. Ces phénoménes se 
coutinuérent en augmentant d'intensité, Pendant Ha auit 
du 4 février, on découvrit à la surface de l'eau un récif 
enveloppé d'un épais nuage de vapeurs lumineuses, 
Quelques heures après, l'Hot avait 20 mètres de longueur 
et 10 mètres de hauteur, M, de Cigalla y ayant abordé 
Lrouva à sa surface des débris de fond de mer, des galets, 
des fragments de coquilles, une pièce de bois, L'accrois. 
sement de l'ilot se faisait sans secousse, sans projection, 
mais avec une extrême rapidité. Il s'opérait du dedans 
au dehors, comme par un mouvement d'expansion, des 
blocs solides semblaient partir du centre et se déplacer 
vers l'extérieur; la nuit, ces blocs étaient en certains 
points incandescents. 

Le ä février, le nouvel ilot qui avait été nommé Georgios, 
avait rejoint l'ile de Néa Kaiméni. Deux jours après il 





— HG — 


avait 130 métres de longueur, 60 mètres de largeur EL 
30 mètres de hauteur. C'était un amas confus de gros 
blocs grisätres, Quand l'un d'eux se détachait et roulait 
sur la pente, on apercevait une vive eflervescence à la 
place qu'il venait de quitter, Des vapeurs sulfureuses s'en 
dégageaient en abondance sous forme d'un épais nuagé 
blanc, et pendant la nuit on voyait briller des flammes, 


I n'y avait encore de crali 


Fig. 66, = Vue du goife de Santorin pendant l'éruption de 1#8, 
d'après Lyell. 


à Santorin mu Théra. { Nés Kaiment, 
b Thérasia. 8 Gcorglos. 
€ Aspronisi. h Aprossh, 
4 Palowa Kaimeni 4 Mont-StElias, forme de roclies 


«# Micra Kaïmèni. anciénnes. 


Le 12 février au soir une gerbe de feu jaillit du sommet 
du Georgios el relomba sous forme d'une pluie de centres 
et de lapi 

Le 1 en présence des membres de la commission 
scientifique grecque. un rocher surgit de la mer au S20y 





— 7 — 


de Néa Kaiméni, puis il disparut au bout de quelques 
minutes; le méme fait se reproduisit un quart d'heure 
après, puis pendant tout le reste de la journée, Le lens 
demain les mêmes rochers réparurent, mais ils restèrent 
émergés. Us s'accrurent péu à peu, sans bruit, sans 
secousses et linirent par se souder et former un flot que 
l'on appela Aphroessa. 

Le Georgios avait continué ses éruptions, puis s'était un 
peu calé, Le 20 février, il y eut soudainement une explo- 
sion épouvantable avec projection d'une grèle de pierres 
brûlantes, deux membres de la commission grecque 
furent blessés et leurs vétements brûlés. 

Le 10 mars, un nouveau rocher, Réka, surgil près 
d'Aphroessa ; trois jours après il s'était soudé à cet ilot et 
le 20 mars, l'ilot d'Aphroëssa lui-même s'était soudé à 
Néa Kaiméni. H s'accroissait en hauteur comme en étendue, 
mais toujours tranquillement et sans projections ; en exa- 
minant avec soin on distinguait plusieurs trainées de lave 
dont les blocs se déplacaient rapidement, 

Le 19 mai, dans l'intervalle entre Aphræssa et Paloa 
Kaiïméni, ‘on vit poindre de nouveaux rochers que l'on 
nomma les îles de Mai, M, Fouqué pense que ce sont des 
laves sorties par une nouvelle ouverlure sous-marine, 
elles contiennent une grande quantité de nodules de lave 
à anorthite, arrachés au sous-sol de la baie, 

Les éruptions du Georgios continuaient, elles avaient 
d'abord lieu par des fentes, M, Fouqué vit peu à peu s'y 
former une cavité cratériforme par la projection du sommet 
du cône, Les explosions y avaient lieu loutes les quatre à 
cinq minutes. L'écoulement des laves se faisait tantôt dans 
une direction, tantôt dans une autre; il semblait partir du 
cratère, Celui-ci se couvrait de cendres de scories et 
acquérait la disposition des cônes volcaniques ordinaires, 
En mars 1867, sa hauteur atteignit 108 m. 





— 49 — 


Le résultat de ces éruptions fut de doubler l'ile de 
Néa Kaïméni {Fig. 57). 

Le fait le plus caractéristique de l’éruption de 1866 est 
la tranquillité avec laquelle les laves sont sorties pendant 
la première période de l'éruption; « Les cônes n'étaient 
d'abord que des amas pierreux, dépourvus de cratères et 
semblables aux anciens dômes trachytiques. » M. Fouqué 
désigne cet état sous le nom de cumulo-volcan, Plus tard 
cel amas se Lransforma en un cône avec cratère recouvert 
de scories et de cendres. 

M. Fouqué ne s'est pas contenté d'étudier l'éruption du 
nouveau volcan. Il a discuté les divers récits des éruptions 
qui se sont produites dans les temps anciens. Il ne lui a 
pas été difficile de démontrer que les Kaiménis s'étaient 
formés par éruption ét non par soulèvement comme le 
croyait de Buch. 

Enfin l'examen stratigraphique des falaises de l'ile de 
Santorin le conduisit à discuter la théorie des cratères de 
soulèvement. Il expose avec beaucoup de clarté les argu- 
ments qu'Elie de Beaumont faisait valoir en faveur de 
la théorie de de Buch et il détaille avec non moins de 
précision el de force de raisonnement les objections des 
adversaires, 

L'étude de l'archipel de Santorin lui fournit des preuves 
péremptoires contre la théorie. Les roches métamor- 
phiques qui forment une partie de l'ile de Théra présentent 
les mêmes directions et la même inclinaison que dans 
toutes les Cyclades et les continents voisins. 

Les dépôts d'origine sous-marine que l'on trouve dans 
la partie orientale de la même île sont horizontaux, ou 
bien ils pendent d'un côté vers l'extérieur de l'ile, de 
l'autre vers la baie. 

Ces deux dispositions sont contradictoires avec la 
théorie de de Buch. 





— 320 — 


Les dépôts de formation volcanique subaérienne 
plongent en général de l'intérieur de la baie vers l’exté- 
rieur comme le veut la théorie. Mais, dans les falaises, 
on remarque que ce sont surtout les parties supérieures 
qui présentent cette inclinaison. Les parties inférieures 
sont horizontales ou même inelinées vers la baie. Ce 
qui ne pourrait pas se comprendre dans la théorie de 
de Buch. 

Les dykes ou filons de lave verticaux, qui coupent les 
couches volcaniques et qui sont bien visibles dans la 
falaise, ont conservé leur verticalité, tandis qu’un soulé- 
vement central eut altéré cette direction. 

M. Fouqué explique la formation de la baie c'est-à-dire 
du vaste cratère de Santorin par des explosions formi- 
dables qui ont vidé l'intérieur du cône, suivies d’un 
effondrement qui a déterminé la formation des parois 
verticales de l'île. 

Il termina le résumé de ses considérations générales par 
cette phrase qui clot la discussion engagée depuis 1825. 

«La théorie des cratères de soulèvement doit être défi- 
nitivement abandonnée; elle ne peul plus être considérée 
que comme un de ces nobles débris dont la science en 
progrès jonche incessamment l'arène de son chemin (!). » 























(1) Fououé. Santorin, p. XXVI. 


CHAPITRE XII 


THÉORIES DE LA FORMATION DES MONTA 





Le 22 juin 1829, Élie de Beaumont lut à l'Académie des 
Sciences un mémoire (!) destiné à imprimer un cachel 
particulier à la géologie francaise pendant près d'un demi- 
siècle. 

On savait, depuis Saussure, que l'on trouve dans les 
montagnes des terrains en couches inclinées, que ces 
terrains ont dù se déposer horizontalement, comme tous 
les sédiments, et qu'ils ont été redressés à une époque 
postérieure. 

Au pied des montagnes et sur leurs flancs, il y a d'autres 
terrains en couches horizontales, qui viennent butter contre 
les escarpements des premiers, où qui reposent sur les 
tranches des couches relevées, où mème s’élendent dans 
la plaine sans jamais s'élever sur la montagne. 

IL est évident que les premiers sont plus anciens que les 
seconds et que le phénomène de redressement des couches 














(1) Recherches sur quelques-unes des révolutions de la 
surface du globe, ele. Ann. Se. Nal. XVIII, p. 5 et284, XIX, p. 9 


et 177. n 





5 — 


redressements n'ont pus été en nombre illimité, ni répartis 
sans règle lixe pendant toute la durée des temps géolo- 
giques. 

Le redressement des couches et la formation d'une 
chaîne de montagnes sont à ses yeux les résullats d'un 
phénomène unique, brusque et violent, ayant produit un 
véritable cataclysme dans toutes les contrées environ 
nantes et ayant anéanli à une grande distance lous les 
êtres vivants. 

U doit done correspondre aux interruptions que pré- 
sentent les terrains de sédiment, interruptions qui servent 
à limiter les diverses époques géologiques. 

Élie de Beaumont admet que chaque système de redres- 
sement est caractérisé non seulement par la discordance 
de stratification entre les couches relevées et les couches 
horizontales, qui fixe son âge, mais aussi par sa direction 
Toutes les couches relevées à la méme époque présentent 
à peu près la même direction et réciproquement loutes 
les montagnes ayant la même direction doivent avoir été 
formées à la même époque. 

Ce second caractère lui permeltait de fixer l’âge de 
dislocation des montagnes, là où il n'y a pas de couches 
horizontales dans le voisinage des couches redressées, IL 
lui permettait aussi d'assimiler comme de même âge des 
montagnes situées à une grande distance les unes des 
autres, 

ypothèse était séduisante, malheureusement elle 
it basée que sur des observations très limitées, 

Si l'on veut juger combien était fragile le système d'Élie 
de Beaumont, il suffit de lire le paragraphe qu'il consacre 
à établir la concordance entre la révolution qui a séparé 
le dépôt du calcaire jurassique de celui du grès vert, 
d'une part, et le redressement des couches de l'Erzge- 
birge, de la Côte-d'Or et du Mont Pilas, d'autre part. 








an — 


109 Le redressement de l'Erzgebinge a eu lieu certai- 
nement avant le dépôt du terrain erétacé, celui de la Côte 
d'Or est postérieur au dépôt du terrain jurassique. Done, 
la dislocation qui leur a donné naissance a eu lieu à une 
époque intermédiaire entre la période du dépôt du Lerrain 
jurassique et la période du dépôt du terrain crétacé, 

Élie de Beaumont ajoute que ses observations dans le 
Jura confirment sa détermination de l'âge du redres- 
sement de la Côte d'Or, 

Le Jura présente un système de hautes vallées paral- 
lèles entre elles, formées par les plis synelinaux des 
couches jurassiques et séparées par les plis anticlinaux 
des mémes couches. Tout semble conduire à assimiler 
ces hautes vallées aux inflexions des couches du calcaire 
jurassique de la Côte d'Or, Or, dans le fond des vallées 
jurassiques, on trouve des dépôts crétacés analogues au 
grès vert de la perte du Rhône, Done, la formation des 
rides du Jura est antérieure au dépôt des couches du grès 
vert. Les sommets jurassiques des crêtes intermédiaires 
formaient autant d'iles et de presqu'iles dans la mer où 
se déposait le grès vert. 

Il n'est certes pas uu-géolugue qui ne soit frappé de la 
faiblesse de ces raisonnements, ainsi que des hypothèses 
et des erreurs qui leur servent de base, Beaucoup de ces 
erreurs ne peuvent pas être imputées à Elie de Beaumont. 

L'étage néocomien, intermédiaire entre le lerrain juras- 
sique et le terrain crétacé, n'était pas reconnu. Il n'y 
4 pas bien longtemps que des géologues les plus éminents 
professaient encore qu'il y a entre ces deux terrains un 
immense hiatus et une émersion générale du sol. Les 
discussions auxquelles a donné lieu la création de ce qu'on 
a appelé l'étage tithonique sont mémorables dans l'histoire 
‘le la géologie française. 

Un sait maintenant qu'en beaucoup de points le terrain 








— 


même temps également par un pli. Leur parallélisme ne 
prouve rien, car il faudrait commencer par démontrer 
que deux vallées très éloignées suivant la même direction 
sont le produit du même phénomène. Élie de Beaumont 
n'avait pas le droit de poser ce principe en postulatum. 
Cependant il était si complètement convaineu de sa vérité 
qu'il ne croyait pas que l'on püt en douter; aussi ne se 
donnait-il pas la peine de le prouver. 

Bien plus, il conclut de leur parallélisme de direction 
le synchronisme de chaines de montagnes séparées par 
des distances bien plus grandes encore, 

À propos de son système Pyrénées-Apennins, il écrit : 
uw U parait donc permis de dire que, depuis les bords de 
Alabama et du Tenesse (État-Unis) jusqu'au cap Comorin 
dans l'Inde, où du moins depuis le cap Ortégal en 
Galice jusqu'à l'entrée du golfe Persique, on peut suivre 

la surface du globe, sur une longueur de 3500 où au 
moins 1600 lieues, une série plus ou moins interrompue 
d'aspérités allongées sensiblement parallèles entre elles. 
Leur parallélisme et leur proximité semblent indiquer 
qu'elles ont toutes été produites en mème temps el pour 
ainsi dire d'un seul coup (), » 

On remarquera la prudence d'Élie de Beaumont; malgré 
ses convictions, malgré l'enthousiasme secret qu'il devait 
posséder à la pensée d'avoir découvert une des grandes 
lois de la géologie, il n'ose pas affirmer; les mots il semble, 
il paraît, reviennent sans cesse sous Sa plume. 

ÎL est tout aussi prudent quand il s'agit de là cause des 
dislocations dont il a cherché à déterminer l'âge, M dit 
qu'il ne s'en occupe pas, que ses résultats sont indépen- 
dants de toutes les hypothèses. 

On reste libre à la rigueur de choisir entre l'hypothèse 
de Delue, qui expliquait le redressement des couches par 


1] Ann. Se, Nat. XVUIT, p. 324. 











— 329 — 


pouvaient se regarder sans rire, Ce mot, il y à un 
certain nombre d'années, aurait été appliqué aux géolo- 
gues, sans qu'ils eussent trop le droit de s'en plaindre, 
Aujourd'hui la Géologie a pris un rang parmi les sciences 
exactes (1). n 

Brongniart et Arago sont bien plus afirmatifs qu'Élie 
de Beaumont ; ils suppriment les il semble, il parait As 
n'hésitent pas au sujet de l’origine des montagnes, à 
adopter la théorie des soulèvements proposés par de 
Buch ; tandis qu'Élie de Beaumont s'était servi presqu'uni- 
quement du terme de ridement, que, dans tout le cours 
de son long mémoire, deux fois seulement, le mot de 
soulèvement avait échappé à sa plume. Brongniart el 
Arago emploient uniquement le terme de soulèvement, 
Ils le définissent comme on l'a toujours défini depuis celte 
époque. 

D'après Brongniart, c’est une exuhérance des partis 
inférieures aux couches qui composent l'écorce du globe (#, 
Arago dit que les montagnes sont sorties du sein de Ja 
terre en pérçant violemment sa croûte (5). 

Élie de Beaumont se trouva ainsi enveloppé d'une 
atmosphère d’encens académique, à travers laquelle les 
justes objections de ses émules prirent à ses yeux l'appa- 
rence de critiques jalouses. 

Ami Boué, qui l'avait précédé dans ces études et qui s'y 
était montré plus prudent, mais aussi moins clair el 
moins systématique, se fit le porte-voix de l'opposition. 
1 publia en 1834, dans le Journal de Géologie, une série 
de critiques sur le mémoire d'Élie de Beaumont, puis, 
dans les résumés annuels des progrès de la Géologie qu'il 





11) Annuaire du bureau des Longitudes pour l'an 1830: 
12) Loc. cit, p. 38. 
13) Loc. clt., p. 904. 








ii 


ne cilait que quatre ridements, En le publiant, la même 
année, dans les Annales des Sriences Naturelles, il en 
porta le nombre à dix. Plus tard, il en reconnut treize. 
puis vingt, puis vingt-quatre, et enfin quatré-vingt-seize, 

Iladmit en outre des retours de li même direction à des 
époques différentes. Enfin, il insisla sur ce que les chaînes 
de montagnes étaient souvent, comme il l'avait dit pour 
les Alpes et les Apennins, composées de plusieurs 
chainons se croisant dans des directions diflérentes el 
soulevées à diverses époques, IT reconnut lui-mème dans 
les Pyrénées, qu'il avait primilivement supposé formées 
d'un seul jet, les traces de quatre systèmes diflérents. 

Ces modifications aux principes absolus qu'il avait posés 
lui permirent de répondre à presque toutes les objections 
de détail qui lui étaient faites. Mais en même temps elles 
diminuaient singulièrement la valeur de la théorie. 

La multiplication extrême des soulèévements montrait 
que es phénomènes n'étaient pour rien dans les moditi- 

ns des faunes. La récurrence d'une même direction, 

la multiplicité de direction dans une même chaine, aflai- 
blissaient, s'ils ne le supprimaient pas, le rapport que l'on 
admettait entre la direction d'un système de soulèvement 
et son âge. M 

Mais ces réflexions ne vinrent qu'aux plus sages. 
L'opinion était lancée, elle accepta d'enthousiasme sans 
rien examiner, Chacun voulut découvrir son soulève 
ment. On vit les géologues établir à l'envie un nouveau 
système de soulèvement toutes les fois qu'ils consta- 
taient un €as particulier de stratification discordante 
ou transgressive, chaque fois qu'ils trouvaient dans le 
redressement des couches une direction différente de 
celles qui avaient été signalées par Elie de Beaumont. 

Après avoir reconnu on cru reconnaitre le parallé 
lisme des montagnes de même âge, après avoir suivi 








— 333 — 


On attribuait donc la formation des montagnes aux roches 
éruplives qui constituent généralement le noyau de la 
chaine et que l'on voit apparaitre sur les plus grandes 
hauteurs. Toutes les chaînes de montagnes disait de Buch, 
ont été soulevées par le porphyre pyroxénique (!). 

Nul doute qu'Elie de Beaumont ne fut alors partisan de 
la théorie de de Buch. Cela ressort de ses restrictions et 
dé son silence même. 

Mais plus tard il adopla une autre hypothèse en 
cherchant la cause des dislocations du sol dans le refroi- 
dissement séculaire de notre planète, 

« Le refroidissement séculaire, c'est-à-dire la diffusion 
lente de celle chaleur primilive à laquelle les planètes 
doivent leur forme sphéroïdale, et la disposition régulière 
de leurs couches du centre à la circonférence, par ordre 
de pesanteur spécifique, présente, en eflet, un élément 
auquel il me semble depuis longtemps que ces effets 
extraordinaires pourraient être rallachés, n 

« Cet élément est le rapport qu'un refroidissement aussi 
avancé que celui des corps planétaires établit sans cesse, 
entre la capacité de leur enveloppe solide et le volume 
de leur masse interne. » 

u Dans un temps donné, la température de l'intérieur 
des planètes s'abaisse d'une quantité beaucoup plus grande 
que celle de leur surface, dont le refroidissement est 
aujourd’hui presque insensible. Nous ignorons sans doute 
quelles sont les propriétés physiques des matières dont 
l'intérieur de ces corps est composé; mais les analogies 
les plus naturelles portent à penser que l'inégalité de 
refroidissement dont on vient de parler, doit mettre leurs 
enveloppes dans la nécessité de diminuer sans cesse de 
capacité, malgré la constance presque rigoureuse de leur. 


Ann. dé Pogg. IX, 1827. 





— 385 — 


fusion ignée et il l'avait terminée par l’énumération 
des diverses conséquences géologiques qui en résultent ; 
il dit en particulier que la lave est poussée dans les 
cheminées volcaniques par la contraction de l'enveloppe 
terrestre, T1 ne cite cependant pas la formation des 
montagnes comme un résultat nécessaire du refroidis- 
sement du globe. Certainement, le mémoire de Cordier 
a dù inspirer Elie de Beaumont, mais on ne peut pas 
dire que celui-ci 1 {emprunté sa théorie. 

Constant Prévost affirma à plusieurs reprises que dès 
1822 il professait à l’Athénée (!) les idées de Deluc sur 
la formalion des bassins des mers par l'affaissement 
successif de la croûte terrestre. Mais au lieu d’expli- 
quer les affaissements, comme Delue, par l'existence de 
vastes cavernes souterraines, il en voyail la cause dans 
la contraction progressive de la planète, 





























() Je n'ai pas retrouvé les notes de l'Athénée, mais voici celles 
du cours qu'il fit le 17 mal 1833 à la Sorbonne. 

CAUSES DES DISLOCATIONS : 

Soulècements. — Eflorts de la matière contenue pour sortir, 
augmentation de volume. 

Afaissements. — Défaut de soutien de l'écorce solide par dimi- 
nution de volume — Cavernes — Deluc. 

Elets du refroidissement séculaire. — Masse interne: vides; 
— masse externe: fissures par retrait. 

Action mécanique. — Pression mécanique des fluides contenus. 


Action chimique. — Formation de gaz par diminution de 
pression. 
Ellets généraux. — Soulèvements et affalssements sur les 


lignes de ruptures. 

A la leçon précédente (15 mai), il avait dit : «de même que ce ne 
sont pas les laves ct les gaz qui soulèvent les montagnes volea- 
niques, il est probable que les granites, les porphyres, les serpen- 
Unes, les trachytes et les basaltes n'ont pas soulevé les montagnes, 
mails que, comme les laves, elles sont sorties par les ouvertures 
du sol disloqué. » 








— 357— 


qui, faisant eflorl pour s'échapper de l'intérieur de la 
ierre, brise et soulève l'obstacle qui lui résiste, » 

“Les granites, les porphyres, les basaltes sont sortis 
à travers le sol, comme le font les laves, en profitant des 
fissures de ce sol disloqué par le retrait, et c'est prendre 
la conséquence pour la cause que d'attribuer à ces 
malières la dislocation elle-même (#, » 

Dans la séance du 27 janvier 1840, Constant Prévost 
exposa occasionnellement la même théorie, Rozet lui 
ayant répondu dans la séance suivante que la grande 
dépression entre le Jura el la Bourgogne devait être 
allribuée plutôt à l'élévation des deux chaînes qu'à un 
enfoncement du sol compris entre elles, Constant Prévost 
développa ses idées pendant deux séances [?). 

Il commença par définir la théorie des soulévements 
à l'aide de citations empruntées à Lazaro Moro, à de Buch, 
à Humboldt, à Élie de Beaumont et Dufrénoy, à Arago, 
à Hopkins. D'après ces auteurs, la théorie des soulè- 
vements est celle qui explique li formation des monta- 
gnes par l'action d'un agent placé sous la croûte terrestre, 
qui pousse au-dessus de lui cette croûte, la soulève, la 
fend et en redresse les lambeaux. 

A celte théorie Constant Prévost opposa la suivante : Le 
relief du sol est le résultat de grands affaissements suc 
cessifs accompagnés de plissements, de mouvements de 
bascule et de ruptures, qui ont pu amener des élévations 
absolues. 

Les matières ignées, loin d'avoir soulevé et rompu le 
sol, ont simplement profité des solutions de continuité qui 
leur ont été offertes pour sortir et s'épancher au dehors. 

Pour expliquer sa pensée, il prend plusieurs compas 
raisons éntr'autres la suivante qu'il affectionnait. 





U) Bull. Soe. Géol. Fr, 18, X, pe 490, 1890. 
2j Bull, Soc. Géol, Fr, LS, XI, p. 189, mars 1840. 








— 339 — 


de Padoue, on trouve celte phrase : « I ne me semble pas 
à propos de souscrire à l'opinion qu'une chaine de mon- 
lagnes doit être exclusivement indiquée par la présence 
des roches ignées qui la traversent, parce que ces roches 
peuvent avoir poussé à une grande hauteur les couches 
supérieures sans les déchirer de manière à paraître aux 
yeux de l'obvervateur (1). » 

Dans la table analytique du même volume on trouve 
aussi la phrase suivante à propos d'une partie de l'article 
de Zigno : « soulevés par Le trachyte après le dépôt du 
terrain tertiaire moyen. n 

De Zigno n'a pas dit cela. mais c’est l'interprétation 
populaire de son travail. 

Un élève d'Elie de Beaumont, Vignaud, venait d'envoyer 
à l'Ecole des Mines un rapport géologique el minéralo- 
gique sur la province du Tigré. Cordier jugéa à propos 
de le communiquer à la Société Géologique. On y trouve 
la phrase suivante : & Ce terrain, (terrain de transition 
inférieur) [ut soulevé à l'époque de sa première période 
par des roches ignées inférieures, lesquelles poussées 
par un développement considérable de chaleur dans 
l'intérieur du globe et trouvant des terrains d'une 
niture siliceuse qui leur présentaient une résistance 
très lenace, durent faire un effort considérable, » 

En 1850. lorsque Elie de Beaumont eut présenté à 
l'Académie ses premiers travaux sur le réseau pente 
gonal (*}, Constant Prévost constata (*, comme il l'avait 
déjà fait l'année précédente à la Société Géologique (#}, 
qu'il n'y avait pas de désaccord réel entre Elie de 
Bexumont et lui, au sujet de la cause qui avait produit 





{1} Bull. Soc, Géol, 1 S. XEV, p. 56. 
12) CR: A. S. XXXL p. 323. 
(8) CR. AS. loc. cit, p. 438. 
Hi Bun. Soc. Géol, 2% S, XII p, 5h 








—Wt — 


mol parcequ'il comportait une idée théorique qui avait 
été reconnue erronée, Il proposa de le remplacer par les 
termes de ridement, plissement, dislocation (1). 

Élie de Beaumont soutint que le mot de soulèvement 
exprimait parfaitement la manière dont il concevait la 
formation des montagnes. 

Le refroidissement lent et continu de la terre détermine 
pour lous les points de la surface un mouvement centri 
pète, se résumant par un abaissement insensible, qui 
s'opère pendant toute la durée des temps géologiques. 

Mais la formation d'un système de montagnes est à ses 
yeux un phénomène d’une très courte durée et pour ainsi 
dire instantané, Il consiste dans l'écrasement transversal 
d'un fuseau de l'écorce terrestre, 11 s'est produit des 
excroissances qui se sont élevées au-dessus de la surface 
initiale. En même temps les matières internes, forcées 
par la compression de chercher une issue, ont crevé les 
assises superficielles de bas en haut, ce qui est un véri 
table soulèvement. 

On voit qu'Élie de Beaumont n'abandonne pas complé- 
tement la théorie de de Buch, 

Dans la formation des montagnes il distingue deux 
actes : le bossellement du fuseau et la sortie des roches 
éruptives. Si son explication était exacte, on pouvait 
réellement appliquer à l'un et à l'autre fait le terme de 
soulèvement. Cependant le mot de ridement proposé par 
Constant Prévost, el si souvent employé par Élie de 
Beaumont, eut été préférable pour exprimer le fait du 
bossellement et il a maintenant prévalu. 

vait bien des réserves à faire sur l'expli- 
Beaumont. Ceux méme de ses élèves qui 
‘anservant encore le terme de 
soulèveme 





NH C.R.A 





— 3312 — 


éruptives un rôle aclif quelconque dans la formation des 
montagnes. Îls repoussent l'hypothèse que la naissance 
d'une chaîne de montagnes soit un phénomène pour ainsi 
dire instantané, l'idée même du fuseau terrestre écrasé, 
subit une modification considérable, 

Certainement toute chaine de montagnes est, selon les 
expressions très justes d'Élie de Beaumont, une ride, un 
repli de l'écorce devenue trop large. 11 y a rapprochement 
de deux points que l'on peut supposer réster à la 
même hauteur de chaque côté du pli; entre ces deux 
points, dans la région plissée, il y à abaissement et éléva- 
tion. L'élévation est plus sensible parce qu'elle paraît à 
la surface des continents, landis que la partie abaissée se 
trouve recouverte par les eaux de la mer. Mais comme le 
fait remarquer avec beaucoup de raison M. de Lapparent, 
« on n'aurait qu'une idée incomplète du relief du globe, 
si on se bornait à l'étude des rides continentales. Les 
lignes de hauteur doivent être considérées en elles- 
mêmes, abstraction faite de la saillie qu'elles forment 
au-dessus de la nappe océanique, dont l'existence ne 
sert à ce point de vue qu'à accentuer le caractère des 
dépressions, sans créer pour cet deux domaines dis: 
tinets en ce qui concerne le relief (!). » 

On voit que ces nouvelles idées sont exactement celles 

- que professait Constant Prévost lorsqu'il disait en 1840 
que par suile du refroidissement de la masse interne 
la croûte solide enveloppante a été plissée et fracturée. 

Ce que Constant Prévost n'avait pas dit, ce qui avait 
échappé à Elie de Beaumont, c'est la disposition dyssy= 
métrique des montagnes que Dana à fait remarquer le 
premier et à laquelle M. de Lapparent attache avet 
raison une grande importance, 





{1} Traité de Géologie, ®r éd. p. 83, 





rh — 


Dans un pli saillant de l'écorce terrestre, il y a toujours 
deux versants inégalement inclinés et au pied du plus 
abrupt $e trouve la plus grande dépression. 

Ce fait lient à ce que les deux points que l'on peut 
supposer avoir conservé leur niveau fixe en dehors de 
la partie plissée ne se sont pas rapprochés de la même 
quantité vers le centre du plissement, L'un d'eux peut 
être considéré comme ayant été plus où moins immobile, 
ï is que l'autre a fait tout le chemin, M. Suess, l'illustre 
géologue de Vienne, a parfaitement exprimé celte action 

ndaire en la désignant comme une poussée langen- 
lielle, qui ne s'est exercée que d'un seul côté, 

Les plis ont done pris, en général, une forme dyssymé- 
métrique, Si la pression à été considérable, ils ont pu 
retomber les uns sur les autres, se rompre, glisser sur leurs 
pentes el produire, soil la stucture particulière que 
M. Suess a désignée sous le nom de structure en écailles, 
soit les lambeaux de recouvrement ou plis déversés dont 
M. Marcel Bertrand a, le premier, révélé la structure. 

Mais ces accidents, dont la connaissance à depuis 
quelques années changé si profondément la conception, 
par trop simple que l'on se faisait des rides terrestres, 
peuvent presque loujours s'expliquer par une série 
«d’affaissements. 

Tantôt l'aflaissement, se produisant sur le soubus- 

ement d'un bassin rempli de couches horizontales, 


les couches horizontales, de les redresser et d'y 
déterminer des ruplures ou failles. Tantôt, s'exerçant 
plus d'intensité sur le même bassin, il pourra 


qu'il ste au même point, soit qu'il se déve 
loppe dans le voisinage sous un des massifs qui étaient 








TABLE DES MATIÈRES 


ER 


Péfgèe Le 04 4 den BOere 6 à ce lp M 


Chapitre L  — Biographie 





Chapitre 11 — Doctrine de ses actuelles. 


THAVAUX SUR LES FORMATIONS NEPTUNIENNES 


Chapitre HL— Études s 





raligraphiques sur le Bassin de Paris. 
1 Coquilles marines du Gypse 

> Marnes à formes pyramidales . 

3 Sables de 1 : 
terre 
sonnais 





Meulières. 
Fontainel 









* Sables 4 au et calcaire 
de Beau 
alcaire d 
9 Théories sur lt format 
de Paris . 





cau-Landon a 
n du Bassin 











Chapitre IV.— Théorie sur la non-submerslon flérulive des 
nts et sur les affluents. Origine 
de la houille. MA 





as 


— 3H — 
Pages 
Chapitre V. — Principe du synehronisme des formations 
ou des faciès. — Nomenclature géologique 155 
Chapitre VI. — Époque quaternaire . . . . . . . . . 161 


Chapitre VII.— Théories paléontologiques . . . . . . . 114 


TRAVAUX SUR LES FORMATIONS PLUTON! 





Chapitre VIIL— Ie Julia. . 4 . . $ 80 5x D ni l'E 


Chapitre IX. — Sicile. . . . : . : . . . . . . . 2% 
1" Calcaire à Rudistes el à Nummulites . 251 
2 Division des terrains Lertiaires de Sicile 254 
3 Intercalation des basaltes dans les 
roches sédimentaires . . . . . . 255 
4 Presqu'ile de Mélazzo. . . . . . . 259 
5° Formation gypseuse et salifère . . . 261 





Chapitre X. — Iles Lipart 4... . ibn & 
Chapitre XL — Naples . . : : : po 807 15 CT 
Chapitre XUL.— Théorie des cratères de soulèvement . . . 281 


Chapitre XIIT.— Théories sur la formation des montagnes . 321 








Lille, Liégeois-Six, Imprimeur de la Société Géologique du Nord. 


ERRATA 


P, 10, ligne 40, aw lien de His-mberg, lise: IHrtemberg, 





Page 12, ligne 1, au lieu de Penel, lisez Pinel. 





Page 30, ligne 28, au lieu de Meurein, lise: Meulien. 


Page 80. ligne 5. au lien de facile, lise: faite. 





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REFERENCE DEPARTMENT 


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taken from the Building