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ANNALES
hK
CHIMIE ET DE PHYSIQUE.
CINQUIÈME SÉRIE.
<878.
PARIS. - IMPRLMERIE DE GAUTHIER-VILLxVRS
Quai des Auçustiiis, 55.
ANNALES
DE
CHIMIE ET DE PHYSIQIE.
PAR
MM. CHEVREUL, DUMAS. BOUSSINGAULT.
REGNAULT, WURTZ.
AVEC LA COLLABOKATION DR
M. BERTIN.
/
CIKOVIEIVEE: série. -- TOiHE XllI.
PARIS,
G. iMASSON, ÉDITEUR,
LIBRAIRE DE l' ACADÉMIE DE MÉDBCIKE,
Boulevard Saint-Germain
(en face de l'École de Médecine).
IMPRIMERIE DE GAUTHISR-VILLARS,
Quai des Auguslins, 55.
1878
fs ■
I»
. s
ANNALES
DE
CHIMIE ET DE PHYSIQUE.
QUELQUES-UNES DES DONNÉES FONDAMENTALES
DE LA THBRHOCHIMIE ;
Par m. BERTHELOT.
La suite de mes expériences m'a conduit à déterminer de
nouveau quelques-unes des données fondamentales de la
thermochimie, qui se sont présentées dans le cours de mes
reclierclies : je veux parler de la chaleur de formation de
Tacide sulfureux, de la chaleur de combustion de Poxydc
de carbone, de l'élhylène, de l'acétylène et de la benzine,
enfin de la chaleur de formation des composés que le
brome et l'iode forment, tant avec l'hydrogène qu'avec
l'oxygène.
Voici le résultat de mes observations.
I. — Acide sulfureux.
La chaleur de combustion du soufre intervient dans la
formation thermique des acides oxygénés du soufre ei
de leurs sels. Quoique mesurée à plusieurs reprises, elhî
n'est pas bien connue. En effet, les nombres des di-
vers observateurs, rapportés à i6 grammes de soufre,
S 4- O* = SO* gazeux, sont fort discordants :
Dulong ayant trouvé -\-^\ ,6
Hess -f-4i , I
Andrews -f- 36,9
Favre et Silbermann h- 35, 6
tous nombres qui s* appliquent au soufre octaédrique.
I
6 » BBRTHELOT.
«
Les derniers auteurs attribuent ces divergences à la for-
mation de Tacidesulfurique anhydre, opinion qui m'avait
semblé d^abord douteuse, a cause de la grande quantité
d'acide anhydre dont elle supposerait la formation. En
effet, la chaleur dégagée par la métamorphose de l'acide
sulfureux en acide sulfurique anhydre
SO' -+ 0 = S0% s'élève seulement à -+- 17,2;
elle n'e^t pas même la moitié de la chaleur de formation
de l'acide sulfureux. Depuis il m'est venu quelques scru-
pules, en réfléchissant que la présence de la moindre trace
d'humidité dans les gaz doit déterminer la formation de
l'acide sulfurique hydraté, avec un dégagement total de
chaleur à peu près double de celui qui répond à l'acide
sulfureux.
J'ai cru devoir faire de nouvelles expériences. J'ai em-
ployé une chambre à combustion en verre mince, très-
légère, d'une capacité assez considérable, et disposée de
façon à pouvoir voir la combustion et constater s'il y a
quelque trace de soufre sublimé ou d'acide sulfurique
condensé ; dernière circonstance qui se présente en effet,
pour peu que l'oxygène ne soit pas absuliunent sec.
Voici le dessin de cet appareil (Jig» i) :
CCCC est la chambre à combustion en verre, figurée
au centre d*un calorimètre d'un litre, lequel est disposé
comme dans mes autres expériences.
Cette chambre en verre, de forme cylindrique, est ter-
minée par deux calottes sphéroïdales. Vers sa partie infé-
rieure s'ouvre un serpentin de verre sss^ soudé, enroulé
autour de la chambre et qui se termine en /par un tube
vertical ff, recourbé plus loin à angle droit et destiné à
éconduire Facide sulfureux hors du laboratoire.
La chambre a combustion est munie de deux tubulures
verticales à sa partie supérieure. L'une d'elles, plus étroite,
00, porte un tube recourbé à angle droit, l'i\ qui amène
UONMËES FOHDlHEnTALBS DE LA TMEBHOCBlUtE.
7
l'oxygène sec dans la chambre. Cet oxygène est débité par
un gazomètre.
L'autre tubulure plus large, K, est muuie d'un gros bou-
chon B, par lequel s'engage un large tube vertical T, fermé
à sa partie supérieure par un autre bouchon plus petit, 6.
C'est par ce tube T que l'on introduit le charbon en
igniti on, destiné à enflammer le souTre (l'OirpIus loin).
Le soufre lui-même est placé dans un petit creuset de
biscuit suspendu par un fil de platine,/!
Ce fil est fiché par sa partie supérieure dans le bou-
oliouB, 11 traverse deux rondelles de mica, m, m, destinées
à proléger le bouchon contre la flamme.
8 BEATHEl.OT.
J'ai employé aussi la même chambre à combustion en
verre pour brûler l'oxyde de carbone et les carbures d'hy-
drogène, sauf à en modifier légèrement les dispositions,
comme il sera dit plus loin. Elle me parait offrirde grands
avantages sur les chambres métalliques, employées par
Duloug et par MM. Favre et Silbermann. Non-seulemcni
elle est beaucoup plus légère : ce qui permet de la peser sur
des balances à analyse ordinaire et ce qui rend très-pelilc
Tinterveniion de la masse de cette chambre évaluée en
eau. Mais, en outre, sa transparence permet de voir et de
régler la combustion, ce qui n'est pas facile avec les cham-
bres métalliques. La clôture de la chambre de verre est
plus facile à obtenir, et sa forme peut être modifiée aisé-
ment, suivant les besoins de chaque expérience. D'ailleurs
la construction d'une chambre nouvelle, appropriée à
chaque cas particulier, est facile , peu coûteuse , et
prompte à réaliser.
Enfin la chambre de verre peut être immergée entière-
ment, à l'exception des tubulures, sous le niveau de Teau
du calorimètre; tandis que les chambres métalliques les
plus usitées offrent une surface extérieure considérable.
J'ajouterai que la cause d'erreur qui résulte de cette cir-
constance est d'autant plus atténuée dans une chambre de
verre, que le verre est moins conducteur que le métal.
Mais revenons à la combustion du soufre. Dans mes ex-
périences, le soufre était du soufre octaédrique pur, ne
laissant pas de cendres. On le pesait, avant l'expérience,
dans un petit creuset de porcelaine, et on avait soin de le
brûler jusqu'à la dernière trace. Cette précaution m'a
paru indispensable, les combustions incomplètes fournis-
sant des nombres peu réguliers.
Comme contrôle j'ai cherché à peser l'acide sulfureux
produit, en le récoltant dans un tube de Liebig; mais celte
adjonction rend la marche des combustions irrégulîère.
Après avoir vérifié, dans quelques essais, que le poids de
DONIVÉES FOJKDAMENTÂLES DE LA THERMOCHIMIE. [)
Tacide sulfureux concorde avec celui du soufre à -pf^ près,
je me suis borné à peser le soufre brûlé, Tacide sulfureux
étant conduit par un lube hors du laboratoire.
L'inflammation du soufre éiaît produite à l'aide d'un
très-petit morceau de charbon de bois, pesant environ
1 milligrammes, que l'on enflammait et qu'on laissait
tomber, par un large tube, aussitôt refermé, dans le creuset
suspendu à l'intérieur de la chambre à combustion.
En réglant l'accès de l'oxygène, la combustion s'effectue
très-bien. Elle durait dix à douze minutes dans mes essais;
réchauffement de l'eau du calorimètre se prolongeant en-
suite pendant quatre à cinq minutes. Voici les nombres
obtenus :
Poids Chaleur dégagée
du par iG grammes de soufre
soufre brûU'. S -+- 0= — SC.
0,867 -^ 34,57
o,82() -4- 34^54
0,901 -f- 34,39
0,860 -f- 34,70
i
Moyenne.... -+- 34^55
Le nombre que j'ai adopté comme résultant de mes essais
est plus faible que ceux de mes prédécesseurs; ce que j'at-
tribue en partie à un procédé plus exact pour apprécier les
corrections dues au refroidissement (*). En effet ces cor-
rections ont été exécutées à l'aide de données spéciales
mesurées dans chaque essai, et non à l'aide de coefficients
déterminés une fois pour toutes, comme on le faisait autre-
fois. Leur valeur s'est élevée de 4 à 5 centièmes seulement
du chiffre total, dans mes mesures.
La différence entre mes données et celles de mes prédé-
(*) Annales de Chimie et de Physique, /j** série, t. XXIX, p. 107, iTS.
I O BEETHELOT.
ccfsseurs me pataît aussi due en partie à une formation
moindre diacide sulfurique anhydre, formation que je n^ai
cependant pas réussi plus qu'eux à éviter complètement;
le nombre véritable doit donc être un peu inférieur à
4-34^55.
Le soufre insoluble (tiré de la fleur de soufre) donnera
eicactement le même nombre, sa transformation en soufre
octaédrique, vers i8 degrés, ne produisant ni dégagement,
ni absorption de chaleur d'après mes déterminations (^).
En adoptant cette valeur pour la réaction suivante :
(i) S-f-0»i=SO' gaz dégage -h 34, 55
on peut calculer la chaleur de formation de l'acide sulfu-
rique et des sulfates. La formation thermique de l'acide
sulfurique se conclut des données suivantes, que je regarde
comme les plus exactes :
S -f- O' = SO^ gaz -f-34,55 {')
SO' gaz -h eau = SO^ dissous -h 3 ,85 (-)
SO'diss. -f-Clgaz + 2HOr=S0»,H0élen(lii. -4-36,95 (*
H 4-Cl= HCl étendu -4-39,3 ;*
H -I- O r::: HO +34,5 «
D'où je lire
SO^dissous-i-O -f- HO -f- eau — SOS HO étendu • 4-32, i5
SO^ gaz H- 0 -h HO -4- eau = SO»,HO étendu -r-36, o
S -+- 0* -4- HO -f- eau — SO^HO étendu -H70,5
(») Foir mes expériences, Annales de Chimie et de Pt^xsiijuey 4** série,
t. XXVI, p. 4G2.
'») Berthelot.
(') Favre et Thomsen.
(*; Thomsen.
(*} Thomsen.
(*') Moyenne des auteurs.
I
t
DONHÉES FONDiMESTÂLES DE LA TUEUMOCBIMIE. I I
t
On a encore :
S0»-4-eau = S0%H0élendu +18,7 0)
SO»HOpur-l- eau rrr SOS HO étendu., -4- B,5;')
D'où je lire :
,2) S -4- 0^ =r SO' anhydre dégage ..... -h5i , 8
(3) SO' -hO = S03 anhydre -f-i?,?.
(4) S-+-0»-f-HO = SO\HO 4-62,0
5) S -+- 0* H- H — SO<H +96,5
On a enfin, d'après diverses autres données que je sup-
prime :
Sh-0^-+-K —S0*K solide 1-171,1
S-hO*-+-Na"SO»Na -4-i63,2
S -f- 0< -4- Pb -- SO* Pb -+-107,0
S -f- OM- Zn -zz SO* Zn -1-116,7 /
S H- 0^ -t- Cu =r S0«Cu -^ 9> »4
II. — ^Oxjde de carbone,
J*ai déterminé de nouveau la chaleur de combustion
de Toxyde de carbone, quantité importante et dont la
valeur exacte laisse encore quelques doutes. En effet, voici
les nombres obtenus par les divers auteurs, ces nombres
étant rapportés à C*0' = 38^', et à la réaction :
C202-h0*=:C»0<.
Cal
D*après Dulong 73>75
Favre et Silhermann 67,28
Grassi 66,02
Andrews 68,07
Thomsen 66 , 08
(') Berthelot.
(*) Divers auteurs.
12 BERTHELOT.
La moyenne générale des quatre premiers nombres,
seule connue à l'époque de mes premières études, étant
69^**, o, j'avais cru pouvoir adopter cette valeur dans mes
anciens calculs. En y joignant le nombre de M. Thomsen,
cette moyenne tombe à 68^*', 20.
Tous ces nombres sont sujets à une cause d'erreur assez
sensible, parce que Ton n'avait pas réussi jusqu'à présent
à brûler l'oxyde de carbone pur. Mais il avait toujours
fallu le mélanger avec de l'hydrogène; ce qui complique à
la fois les mesures de poids et les calculs calorimétriques,
l'exactitude du nombre relatif à l'oxyde de carbone étant
ainsi subordonnée à celui dé l'hydrogène.
J'ai obtenu moi-même par voie indirecte, c'est-à-dire
en changeant l'acide formique, d'une part en oxyde de
carbone, et de l'autre en acide carbonique, la valeur
68,5 {').
Il m'a paru utile de mesurer de nouveau la chaleur de
combustion de l'oxyde de carbone. J'ai opéré avec la cham-
bre à combustion décrite à la page 7, et modifiée confor-
mément à \^fig. 2 (p. i3), par l'introduction de deux
tubes concentriques L et /, destinés à amener l'oxyde de
caibone et l'oxygène à travers le bouchon. Ces tubes sont
terminés à leur partie inférieure par une feuille de platine
p^ mince et enroulée.
Je suis parvenu, avec l'aide dévouée de M. Ogier, à brûler
ainsi l'oxyde de carbone pur dans l'oxygène. Il suflSt de
régler convenablement l'accès des deux gaz, à l'aide d'une
petite pince posée en g sur le tube de caoutchouc qui
amène l'oxyde de carbone. L'expérience est délicate et ne
réussit pas toujours, l'oxyde de carbone s'éteîgnant parfois
subitement.
Une première série de huit expériences, dans lesquelles
(*) Annales de Chimie et de Physique, b^ série, t. V, p. 3i6.
DOKHÉES FOl^DAMENTALES DE LÀ THERMOCHIMIE. l3
l'oxyde de carbone brûlé a élé pesé souâ forme d'acide
carbonique, ont donné comme valeur moyenne : -H 68,22. '
Quelques-unes de ces expériences s' écartant un peu de la
moyenne, on a répété les essais. Quatre nouvelles expé-
riences conduites avec beaucoup de soin ont donné des
Fig. 2.
résultats concordant à 2 ou 3 millièmes près, et qui con-
duisent à exprimer la chaleur de combustion par la valeur
H- 68, 12.
J'adopterai la valeur 68,17, ou plus simplement 68,2,
comme moyenne définitive. En regardant comme exacte la
cbaleur de formation de l'acide carbonique donnée par
y
l4 BERTBELOT.
MM. Favreet Silbermann, soit
C^ (diamant) -+- 0*=: C'O* dégage 4- gf "',00,
la chaleur dégagée par l'union du carbone (diamant) et de
Toxygène dans la formation de Toxyde de carbone devient :
C'(diamant)H-0' = C*0»(28«^)dégage: H-25^S8.
Avec le carbone amorphe, il faudrait accroître celte valeur
de 3,0^ soit
C^( amorphe) -4- 0*= OO* dégage : -h 28,8.
m. — Éthjlène.
Deux combustions régulières de l'éthylène faites aver
cet appareil, en pesant l'eau et Tacide carbonique et cii
tenant compte des traces non brûlées, suivant les procédés
de MM. Favre et Silbermann, nous ont donné pour la
chaleur de combustion de aS grammes d'éthylène les
nombres .
33i, I
337,9
Moyenne. . . 334,5
résultat concordant avec ceux de nos prédécesseurs. En
effet, les nombres de Dulong, Favre et Silbermann, An-
drews, Thomsen, oscillent entre 332, o et 336,8, la
moyenne étant 'iZ^^i.
IV. — Acétjlène,
La combustion régulière de ce gaz est plus difficile Ix
réaliser que celle de Télhylène. Deux essais ont fourni,
pour C*H* = 26 grammes,
3i2,o
323,0
Moyenne... 3i7,5
DOJXNÉES FOUDA MENTALES DB LÀ THERSflOCHIMIE. l5
M. Thomsen a obtenu des nombres variant de 3o8 àv3i5,
en moyenne 3i i.
J'ai obtenu moi-même, en brûlant l'acétylène par voie
humide : Sai [voir ce Recueil, 5® série, t. IX, p. 1 65).
Je ne reviendrai pas sur les conclusions que j'ai tirées
de ce nombre, relativement au caractère endothermîque
de la synthèse de l'acéiylène et à ses diverses transfor-
mations [voir le Mémoire cité, p. 171a i74)«
V. — Benzine, Om\
La chaleur de combustion de la benzine n'a jamais été
déterminée. Nous avons trouvé dans une expérience, pour
C**H^ = 78 grammes :
La chaleur de combustion égale à 776.
Mais celte quantité demande à être étudiée d'une ma-
nière plus approfondie. -Nous y reviendrons.
VL — Acide bronihydrique.
La chaleur de formation de l'acide bromhydrique a été
déduite d'abord, par MM. Favreet Silbermann, delà cha-
leur dégagée lorsqu'on déplace le brome du bromure de
potassium au moyen du chlore 5 ils ont donné le nombre
suivant :
H + Br liquide -f- eau rrr HBr étendu dégage ... +28,4
M. Thomsen a trouvé exactement le même nombre, par la
même méthode.
Ayant dissous le brome pur dans la potasse, puis réduit
le produit par l'acide sulfureux, en présence d'un très-grand
excès d'acide chlorhydrîque, j'ai trouvé pour la chaleur
de formation de l'acide bromhydrique un nombre sensible-
ment plus fort : -f- 29,8.
Quoique ce résultat soit obtenu par la réunion de
l6 BERTHELOT.
deux expériences successives, il conduit à supposer que
la réaction du chlore sur le bromure de potassium pourrait
donner lieu à quelque phénomène secondaire qui aurait
passé inaperçu. En effet, dans une expérience d'ordre
analytique telle que celle-ci, le brome n'est pas séparé di-
rectement et en nature, mais il demeure dissous; de sorte
que le poids du brome libre n'est pas mesuré d'une manière
immédiate et dans les conditions mêmes de la détermina-
tion calorimétrique. On le conclut d'une analyse ultérieure,
pendant laquelle certaines transformations sont possibles.
J'ai cru préférable d'opérer par voie synthétique, c'est-
à-dire sur le brome pur, pris sous un poids connu, et que
l'on dissout en vase clos, c'est-à-dire dans une fiole calori-
métrique, au moyen d'une solution étendue d'acide sulfu-
reux. J'ai obtenu ainsi :
Poids
Chaleur
dégagée
du brome.
par Br =
= 8o»r.
13,752
• . -f- •27»7
à i3°
3,675
-4-27,2
à i4%
6
5,653
-h 26,7
à i5'>
Moyenne ... -h 27 , 2
Ce nombre répond à la réaction
SO' dissous -h Br liquide -}- 2 HO =. SO*, HO étendu -»- H Br étendu .
On en tire, d'après les chaleurs de formation de l'acide
chlorhydrique (au moyen des éléments) et de l'acide sulfu-
rique (au moyen du chlore et de l'acide sulfureux) adoptées
plus haut (p. 10) :
( I ) H -h Br liquide -f- eau = H Br dissous : dégage. . . -f-ag , 5 ;
nombre que je crois plus exact que les précédents, parce
que l'état initial et l'état final sont mieux définis.
On en tire encore :
( 2 ) H H- Br gaz -h eau = HI Br étendu, dégage : -f- 33 , i ,
DONNÉES FONDÀMEKTÀLES DE LA THERMOCHIMIE. I7
nombre inférieur seulement de 6 unités à la chaleur de
formation de Facide chlorhydrique dissous.
J'ai trouvé d'ailleurs [Annales de Chimie et de Phjr^
siquey 4* série, i, IV, p. 477)
HBr gaz -h €jau =. HBr étendu +20 ,0
d'où résulte
(3) H 4- Br liquide 1= HBr gaz -+- 9,5
(4) H + Br solide = HBr gaz -h 9,4
(5) H-f-Brgaz = HBr gaz +i3,i
VI. — Acide iodhjdvique.
MM. Favre et Silberraann ont déduit la chaleur de for-
mation de Tacide iodhydrique de la chaleur dégagée lors-
qu'on précipite l'iode de Tiodure de potassium par le
chlore, soit
H -ri solide -h eau z=z HI étendu i5,o.
M. Thomsen a trouvé, d'après la même réaction :
4- l3,2.
J'ai contrôlé ces nombres par voie synthétique, en dis-
solvant l'iode dans Tacide sulfureux. J'opérais chaque fois
sur la^'j^ d'iode. Dans mes essais,
SO» étendu + 1 solide -i- 2HO
z=z SO^, HO étendu 4- HI étend u, a dégagé -4-10,9
Ce nombre a été obtenu en opérant en présence d'un
grand excès d'acide sulfureux.
En opérant avec un excès à peine sensible, j*ai trouvé
-h 11,2, nombre que je crois moins exact, la liqueur de-
meurant teintée en jaune. D'après le chiffre -h 10,9, on a
(i) H -h Isolide -f- eau = HI étendu -hi3,2,
c'est-à-dire le même nombre que M. Thomsen a obtenu
par une réaction différente. '
Ann, de Chim, et de Phjrs,^ 5* série, t. XIII. (Janvier 1878.) 2
1 8 BBILTHELOT.
Cette concordance entre l'expérience synthétique et
Texpérience analytique s'explique aisément pour Tiode,
en remarquant que dans la dernière expérience cet élé-
ment ne demeure pas dissous et apte à des réactions secon-
daires comme le brome ] mais qu'il se précipite en nature
et presque en totalité.
On déduit encore de ce chiffre ( * )
(2) H -i-Igaz + eau 4- HI étendu -f-i8,6;
nombre qui est à peu près la moitié d'une valeur intermé-
diaire entre les chaleurs de formation des acides chlorhy-
drique et bromhydrique dissous au moyen de leurs éléments
gazeux. Enfin
(a) H + 1 solide = HI gaz —6,3
(4) H-4-Igaz =HIgaz — o,q
Les nombres qui expriment la formation thermique des
trois hydracides au moyen de leurs éléments gazeux,
c'est-à-dire
-{-22, o (H 4- Cl gaz)
-4-i3,i (H-f-Brgaz)
— o,9(H-f-I gaz)
ne sont pas fort éloignés des rapports simples 0:1:2, que
je rappelle en passant.
VII. — jicide bromique.
J'ai opéré sur du bromate de potasse très-pur, que j'avais
préparé moi-même et analysé. Je l'ai réduit par l'acide
(*) On admet ici que la Yaporisation de l'iode (1 = 127^) à zéro absorbe
— 5,4 9 valeur obtenue en ajoutant aux chaleurs de fusion et de Yaporisa-
tion l'excès des chaleurs spécifiques liquide et solide sur la chaleur spéci-
fique gazeuse depuis o"* jusqu'aux températures de fusion et de Taporisation.
DONNÉES FONDAMENTALES DE LÀ THERMOGHIMIE. I9
sulfureux, en présence d'un très-grand excès d'acide
chlorhydrîque. J'ai trouvé :
IBrO^'K -+- eau (5o parties) à i i^absorbe ... — 9,85
Br liquide -h 0* -4- HO -f- eau
= Br 0% HO étendu absorbe . . . — 24 , 8
M. Thomsen, en réduisant le même acide par le chlo-
rure stanneux, a trouvé — 21,8. Mais, en substituant, dans
le calcul de ses expériences, le nombre + 38,5, qui me
semble plus exact, au nombre -i- 38,o, qu'il a adopté pour
la percbloruration du chlorure stanneux, on arrive égale-
ment à — 24,8.
On tire de là
(2) Br gaz -4- 0* -4- HO -f- eau = BrOS HO étendu. —21,2
nombre presque double de la chaleur absorbée dans la for-
mation de l'acide chlorique ( — 12,0).
On a encore, pour l'acide bromique (et les bromates
dissous)
BrOSHO étendu :=HBr étendu -f-0« -f-i5,5
BrOSKsoUde =KBr-h0« +11,1
valeurs qui sont sensiblement les mêmes que pour l'acide
chlorique dissous (4- 16,8) et pour le chlorate de potasse
solide (-h 11,0).
Vni. — jicide hjpobromeux.
Les hypobromites se forment aisément par la réaction
du brome sur les solutions alcalines. J'ai trouvé, en pré-
sence d'un excès d'alcali,
NaO(iéq. — 3"') 4-Br(i4^'3i8et 3^365) à 9"... -+-6,0
KO (iéq.=:4^^') -f-Br(i5,8oi et 5,734) à 11». . . -4-5,95
BaO (1 éq.=:6"') -hBr (12,096 et 12,339) à i3«. . . -f-5,7
En admettant que l'acide hypobromeux étendu dégage,
en s'unissant aux bases, la même quantité de chaleur que
2.
20 beuthelot.
Tacide hypochloreux, soit -h 9,5, je lîre des chiffres pré-
cédents :
(i) Brliquide-f-0 4- eau rrrrBrO étendu. . . — 6,7
(2) Brgaz -4- 0 -T- eau = BrO étendu ... — 3,i;
le dernier nombre est le mêuie sensiblement que pour la
formation de Tacide hypochloreux [ — 2,9 (*)].
Avant de pousser plus loin ces comparaisons, il faut
étudier la formation thermique des composés oxygénés de
l'iode.
%»% *%%*%%**%%%%* %v» \
RECHERCHES SUR L ACIDE lODIQlIE;
Par m. BERTHELOT.
1. Je vais exposer les résultats que j'ai obtenus en fai-
sant agir Tiode sur la potasse, condition dans laquelle on
observe les formations de l'acide hypo-iodeux et de l'acide
iodique^ j'examinerai ensuite la réaction de l'acide iodique
sur l'eau et les alcalis ; enfin je comparerai la formation
thermique des sels oxygénés qui dérivent du chlore, du
brome et de Tiode, en tâchant d'en déduire quelques don-
nées nouvelles pour la mécanique moléculaire.
2. Si l'on dissout Tiode dans la potasse étendue, à la
température ordinaire, avec le concours de mon écraseur,
deux effets thermiques se succèdent très- rapidement. Pen-
dant la première minute, on observe un abaissement de
température, qui s'élève jusqu'à — 0^,3, lorsqu'on dissout,
par exemple, 3i grammes d'iode dans 5oo centimètres
cubes d'une solution renfermant 7 équivalent de potasse
•
(*) Fotr ce Recueil, 5* série, t. V, p. 338
ACIDE lODIQUE. ^1
par litre. Ce phénomène initial répond à la dissolution de
la plus grande portion de l'iode employé. Des effets de
même signe ont lieu également avec des liqueurs deux fois
et quatre fois aussi étendues.
Aussitôt ces effets produits, le thermomètre remonte,
par suite d'une nouvelle réaction, qui se prolonge pendant
quatre à cinq minutes, tandis que la totalité de l'iode entre
en dissolution. La réaction complète peut être effectuée
en rapports équivalents (sauf une trace d'iode libre ou de
quelque autre composé, qui jaunit un peu la liqueur). A
ce moment, la liqueur renferme de Tiodate et de Tîodure
de potassium, conformément à la réaction connue.
3P -f- 6K0 étendue = 5KI dissous -f- 10* K dissous.
3. Le phénomène initial me parait dû. à la formation
d'un hypo-iodîle. ,
I* -f- 2 KO étendue = 10, KO étendu H- Kl étendu ;
mais ce corps n'a qu'une existence momentanée, et il se
change aussitôt en iodate, à la température ordinaire.
On sait que la même réaction ne se produit très-rapi-
dement que vers loo degrés avec les hypochlorîtes.
L'hypobromite avec excès d'alcali résiste bien plus long-
temps, même à lOO degrés, comme je l'ai vérifié.
4. Cette inégale stabilité des trois sels est explicable par
la progression inverse des stabilités des chlorate, bromate,
iodate, ainsi qu'on le verra tout à l'heure. L'acide hypo-
chloreux libre, au contraire, est le plus stable de tous, car
on peut le déplacer à froid par l'acide carbonique, et même
par l'acide acétique; tandis que l'un ou l'autre de ces der-
niers acides, mis en présence des hypobromîtes, en sépare
aussitôt du brome, comme Balard Tavait observé dès l'ori-
gine. Ce brome est mêlé probablement de quelque autre
composé, ainsi que je l'ai reconnu, d'après la mesure de la
chaleur dégagée dans les deux cas.
22
BERTHELOT.
5. Je ferai observer encore ici que la formalîon des hy-
pobromites ne suffit pas pour expliquer la réaction du brome
sur les alcalis. En effet, celle-ci va beaucoup plus loin que
celle du chlore : ainsi Teau de baryte dissout à froid près de
a équivalents de brome. Jusqu'à i y Br pour Ba O = 768'', 5,
la liqueur est à peine teintée ; elle n^offre pas Todeur da
brome proprement dite. La chaleur dégagée, à ce moment,
soit -i-5^**,4> oc diffère guère de la chaleur dégagée par
la réaction d'un seul équivalent de brome (+5,7). Il y
a donc là quelque chose à éclaircir.
6. Mais revenons à la formation deThypo-iodite. Quand
on ajoute l'iode à la potasse étendue par fractions succes-
sives, en deux fois ou en trois fois par exemple, chaque
addition donne lieu à la même succession de phénomènes,
c'est-à-dire à un abaissement de température, suivi aussitôt
d'un réchauffement; ce qui montre que l'effet est bien
caractéristique de la réaction elle-même, et indépendant
des fractions d'iode et de potasse déjà combinées.
Ces effets singuliers, que le thermomètre seul peut nous
révéler, demandent à être précisés par des chiffres :
l4-K0(i«^=2ii'),à i4<>:
Premier effet : absorption . • .
Deuxième effet : dégagement
Effet total. . .
î-hK0(i'^ = 4^''),k i5o:
On ajoute la moitié de Tiode : premier effet. .
» * deuxième effet
Effet total . .
On ajoute le surplus de Tiode : premier effet. .
» » deuxième effet
Effet total . .
La chaleur totale des deux effets réunis. . • .
Cal
— o,58
-f- o,65
0,07
— o,38
-T- o,3o
0
,08
—
0,
ȕ9
-+-
0,
»i7
03
>02
— O.IO
AGIDB lODIQUE. a3
I + KO(i*<»=8»%ài5°:-
Premier effet — i ,27
Deuxième effet « -+- 1,18
Effet total .. . — o>o9
7. Observons ici que le premier effet thermique, c'est-
à-dire le refroidissement, ne fournit pas une mesure pré-
cise de la chaleur absorbée dans la réaction correspondante
(formation de Thypo-iodite), mais seulement une limite
supérieure; attendu que le réchauffement succède trop ra-
pidement.
Ce premier effet suffit cependant pour établir Vexis-
tence d^une réaction chimique directe, accomplie av^ec
absorption de chaleur; phénomène assez rare en Chimie.
Cette absorption surpasse — 2,5 pour la réaction :
P -h 2 KO étendue ( i"' = 8^*1) = 10, KO dissous -+- Kl étendu.
8. La même remarque s'applique à la réaction totale
(formation de Tiodate), dont la valeur thermique est au
contraire mesurée avec beaucoup d'exactitude. La forma-
tion de l'iodate, au moyen de Tiode et de la potasse, répond
à une absorption de chaleur, quand elle a lieu dans des
liqueurs étendues, telles que i équivalent d'alcali soit dis-
sous dans 4 et 8 litres de liqueur, vers i5 degrés.
A première vue, on serait porté à attribuer cette ab-
sorption au travail nécessaire pour amener Tiode solide
dans Fétat de dissolution. Sans contester d'une manière gé-
nérale la réalité de cette interprétation, observons cepen-
dant que la dissolution de l'iode dans F acide iodhydrique
ou dans l'iodure de potassium répond à un phénomène
thermique nul, diaprés les expériences concordantes de
M. Raoult et de M. Thomsen.
9. Ce n'est pas seulement l'état dissous de l'iode qu'il
convient d^nvoquer ici, mais aussi celui des autres corps
qui concourent à la réaction, tels que la potasse, l'iodure
a4 BERTHELOT.
de potassium et Tiodate de potasse. Soit la réaction entre
corps dissous :
61 (solide ou dissous) -f- 6K0( i*«i = 4'"ou 8"»)
= 5 Kl dissous + 10* K dissous.
Elle absorbe, d'après ce qui précède : — o^*',6.
Au contraire, si Tiodure et Tiodate étaient produits à
Tétat de cristaux, la réaction dégagerait +3i,6.
Si Ton rapportait la réaction à l'hydrate de potasse
solide: KO, HO, le dégagement de chaleur serait porté à
4- io6^*^,5. A la vérité, l'hydrate de potasse KO, HO ne
saurait être supposé exister dans cet état, au sein des
liqueurs. Mais, en le supposant sous la forme de lliydrate
cristallisé : KO, HO -{- aH'O*, la réaction dégage encore
La réaction véritable est donc exothermique, mais à la
condition d^ écarter V influence du dis so lisant, en rappor^
tant les phénomènes à Vétat solide, comme je propose de
le faire depuis quelques années [Annales de Chimie et de
Physique, 5® série, t. IV, p. 74)-
10. On passe de là à l'acide iodique anhydre, à l'acide
monohydraté et à l'iodate de potasse solide, à l'aide des
données que voici :
i^ lodate de potasse dissous,
IO«H(i*^=iï"')4-KO(r^=:ii^')==IO«Rdissous,ài3\ -4-i4,3o
IO«H(i''^^=:4"»)H-KO(r*ï=4"')=:IO«K dissous -l-i4,25
Ces nombres surpassent d'une petite quantité la chaleur
de neutralisation de Tacide azotique par la potasse; excès
que j'ai vérifié par la méthode des doubles décompositions
réciproques, c'est-à-dire en traitant tour à tour l'iodate de
potasse dissous par l'acide azotique étendu, et l'azotate de
potasse par l'acide iodique, en présence des mêmes quan-
tités d'eau.
ACIDE lODEQVE. a5
2** Dissolution de l'acide iodique hydraté,
10* H cristallisé (i partie -h 45 parues d'eau) à 12®. . . — 2,67
M. Ditte a trouvé — 2 , 24 *, M. Thomsen — 2517, à une
température un peu différente.
3° Dissolution de l 'acide iodique,
IO«H{i**ïr= i^î*) 4- son volume d'eau à i3° — o,3o
10«H(i^^ — 2"'J Id. —0,08
I0«H(i*^ = 4"') Id. —0,0
4° Dissolution de l 'acide iodique anhydre.
10* pur et vérifié ( i partie 4- 4^ parties d'eau )ài2**... — 0,81
M. Dîtie a trouvé — 0,95-, M. Thomsen — 0,89; à
une température un peu différente.
5° Dissolution de l 'acide iodique semihydraté.
10* H, lOS composé bien défini (i p. -1-4 5 p. d'eau à 12"). — 2,86
6** Les trois dissolutions formées par l'acide anhydre, mo-
nohydraté et semihydraté, renferment l'acide dans le même
état moléculaire. En effet, traitées aussitôt après leur
accomplissement par la potasse (i®*i=2^^'), elles ont dé-
gagé la même quantité de chaleur :
Pour 10» -4-14,28
Pour IO«H -f-i4,3i
Pour i(IO« H, 10») +14,35
7° Dissolution des iodates de potasse,
lO^K cristallisé (i partie -h 4o parties d'eau) à 12**. . — 6,o5
I0«K(i'*ï = 2*^') -Hsonvolumed'eau à 13*^ — o,36
I0«K(i^*i=:4iî') Id. —0,0
10® K, 10* H cristallisé ( i partie -h 4° parties d'eau ) . . — 11,8
H. Formation de V acide, — De ces données on tire
I solide + 0*4- eau = 10* HO étendu. . -+-22,6
Ce chiffre, obtenu par voie synthétique, concorde avec
7.6
la valeur + 2i,5 trouvée par M. Thomsen, k Taide de
procédés analytiques ; on a encore :
I solide -4- O' = 10* anhydre -h23 ,4
I gaz -f- O* = 10* solide -m8,o
I solide H- O*^ -f- H -*- eaa = IO«H dissous. . -4-57 , i
I solide -+- 0« -i- H =r IO«H cristallisé -^59,8
10* solide -h no solide — IO«H crisullisé . . -^ i , 1 3
Il résulte de ce dernier nombre que Tliydratation de
Tacide iodique ne dégage pas plus de clialeur que celle
des hydrates salins.
On a enfin :
10* solide -*- lO'H solide = lO'H, 10». -+- o ,62
10* H dissous = HI dissous 4-0* — 4^ >9
12. Sels:
IO«H cristall.-f-KHO'sol.=IO«K cristalL-+-H»0' sol. . +3i ,5
La formation de Tiodate de potasse solide, définie par
le chiffre ci-dessus, dégage beaucoup moins de chaleur que
celle des sulfate et azotate^ elle surpasse au contraire nota-
blement celle des sels organiques monobasiques *, mais elle
est comparable à celle des sels des acides organiques les
plus puissants, tels que les oxalates.
En effet, j'ai trouvé, toutes choses égales d'ailleurs, c'est-
à-dire Tacide hydraté, la base hydratée, enfin le sel et l'eau
étant tous supposés solides :
Azotate, AzO^K H-4i ,2
Sulfate, SO*K +4o»7
lodate, IO«K -h3i ,5
Oxalale, C<K^O« +29,4
Formiate, C'HKO' +25,5
Acétate, OH^KO^ -f-21 ,9
Benzoale, C»<H*KO' ■. . -1-22, 5
ACIDE lODIQUB. ^J
Soit encore l'iodate acide :
IO«K cristallisé -f- lO'H solide = WK, IO*H solide. . . -f-3, i
«
valeur de Tordre de celles des sels doubles ordinaires.
On a enfin, depuis les éléments :
I solide 4- 0« -I- K = IO«K solide H- 1 ^3 , 9
Avec I gazeux -h 1 29 , 3
IO«K solide = Kl solide 4- 0« — 44, i
IO«K dissous = Kl dissous -h 0« — 4^ ,4
13. La chaleur dégagée par la formation de Tiodate de
potasse solide depuis les éléments (-1-129,3) surpasse
celle du bromate et du chlorafte solides. J'ai trouvé, en
effet :
ClH-0«H-K:=rC10«Kdégage... + 94,6
Br gaz -f. 0« -f- K = BrO«K + 87 ,6
Igaz+0«-+-K = IO«K -4-129,3
On sait que la stabilité relative des trois sels va crois-
sant, du bromate au chlorate et à Tiodate.
C'est 'ce qui ressort plus nettement de la comparaison
des chaleurs mises en jeu, lorsque les trois sels solides se
décomposent, avec mise en liberté d'oxygène ;
ClO^K =KCl H- 0% dégage -f-ii,o
BrO«K=KBr-4-0% dégage 4-ii,i
IO«K =:KI -h 0% absorbe — 44>i
Non-seulement la décomposition de Tiodate est plus diffi-
cile, à cause de son caractère endo thermique ; mais elle
est accompagnée de phénomènes de dissociation, Tiodure
de potassium sec absorbant l'oxygène libre. J'ai déjà in-
sisté sur cette question^ qui est fort importante (ce Recueil,
5® série, t. XII, p. 3i3).
14. Pour achever la comparaison, il conviendrait de
l'étendre aux trois acides les moins oxygénés, savoir :
acides hypochloreuX) hypobromeux, hypo-îodeux. Malheu-
aS BERTHELOT. — ACIDE lODIQUE.
reusement, les données relatives au dernier corps sont fort
imparfaites, la chaleur observée dans la formation de
riiypo-iodite étant une limite inférieure plutôt qu^un
nombre absolu. J'ai trouvé d'ailleurs (t;oi> plus haut) :
I'sol.-4-2KO étend. =10, KO diss. -4-KIdiss. . . . —-2.5 — a
I sol. -1-0 gaz -h eau = 10 étendu. .. . x )
10 étendu -h KO étendue y \ ' "^-^ — "+- ^ — *
Si Ton admet que l'union de l'acide hypo-iodeux avec la
potasse dégage la même quantité de chaleur que celle de
l'acide hypochloreux, soit /= 4- 9, 5, on aura
c'est-à-dire
I solide H- O -f- eau = 10 et. absorbe — 4 » 5 — «
Cette quantité est négative, de même que la chaleur de for-
mation des acides hypochloreux ( — 2,9) et hypobro-
meux ( — 6,7).
'Les acides chlorique ( — 12,0), bromique ( — 24,8) et
iodique (+ 22,6) s'écartent bien davantage les uns des
autres.
15. Comparons les trois réactions principales dont les
systèmes formés par un corps halogène et un alcali sont
susceptibles.
i« 3 Cl* gaz -f- 6K0 étendue
= 3(C10, KO) dissous -h 3 KCl dissous, -f- 76,2
CIO*, KO dissous -f- 5KC1 dissous. . . -f- 94»^
6KC1 dissous -HO* -f-iii,o
Le dégagement de chaleur et la stabilité vont croissant
de l'hypochlorîte au chlorate et à l'oxygène libre.
2*> 3Br'gazH-6KOétendue
= 3(BrO, KO) dissous -h 3KBr dissous, -h 67, 6
BrOS KO dissous 4- 5KBr dissous. . . -I-549O
6KBr dissous -HO» 4-74>4
HÉTBT. -^ PURIFICATION DES EAUX GRASSES. 2g
La formation de rhypobromite dégage une quantilé de
chaleur un peu plus grande que le broinate ; ce qui explique
la stabilité relative du premier composé. Mais la formation
du bromure et de Toxygène demeure toujours la réaction
qui dégage le plus de chaleur. On sait d^ailleurs que la
potasse concentrée peut donner de l'oxygène, en agissant
sur le brome libre.
3« 3P gaz + 6K0 étendue
= 3(10, KO) dissous -f- 3KI dissous. . -+-24,9 — 3a
10*, KO dissous -f- SKI dissous. . . . -4-3i ,8
6KI dissous -h O** — 12,3
Ici la formation de Tiodate l'emporte sur toutes les
autres ; le dégagement de l'oxygène libre entraînerait
même une absorption de chaleur, contrairement à ce qui
arrive pour le chlorate et le bromate. Aussi ce dégagement
n'a-t-il pas lieu à la température ordinaire 5 mais il s'ef-
fectue seulement avec le concours d'une énergie étrangère,
empruntée à l'acte de l'échaufTement.
On voit que les principales circonstances chimiques de
la formation des combinaisons entre l'oxygène et les corps
halogènes sont d'accord avec les données thermiques.
MÉTHODE CHIMIQUE POUR L4 PURIFICATION DES E4VX 6R4SSES
DES CONDENSEURS A SURFACES,
PARTICULIÈREMENT A BORD DES JVA VIRES A VAPEUR^
Par m. HÉTET,
Professeur de Chimie à Brest.
Dans les nouvelles machines marines, la condensation
de la vapeur se fait par contact, à Taide de condenseurs à
surfaces, et non plus, comme autrefois, par injection.
Les avantages attendus de cette modification, qui em«
3o HÉTET.
ployait de l*eau distillée chaude à ralimen talion, étaient :
1° la suppression des dépôts salins ou calcaires et, par
suite, l'absence des coups de feu si dangereux qu'ils pro-
duisent 5 2** l'inutilité des extractions, la salure ne pou-
vant augmenter dans les chaudières ; 3^ enfin l'économie
notable du charbon.
Mais on s'aperçut bientôt que des inconvénients plus
graves avaient pris la place des anciens : des dépôts de
matière grasse, très-chargés de fer enlevé aux chaudières,
se formaient et s^accolaient aux tôles avec une très-forte
adhérence. Les surfaces de chauffe ainsi recouvertes n'é-
taient plus mouillées et des coups de feu pouvaient se pro-
duire (comme sur le cuirassé le Lagallissonnière) ,
Les mêmes effets se sont produits en France, en Angle-
terre, eu Amérique, partout où Ton emploie les nouvelles
machines à condensation par contact, et toutes les na-
tions maritimes recherchent le moyen de conjurer une si-
tuation si menaçante pour la durée et la résistance immé-
diate des appareils à vapeur.
En outre, la vapeur fournie par une chaudière chargée
de corps gras s'en trouve imprégnée et ne peut donner
par condensation qu'une eau grasse impotable. De là l'im-
possibilité de faire ainsi à bord de l'eau distillée pour bois-
son, et l'hygiène des équipages se trotivait compromise sur
un point important.
Il y avait donc là deux questions très-importantes que
j'étais appelé à étudier par la nature de mon service
comme chimiste de la Marine, mais elles étaient tellement
connexes qu'elles constituaient un double problème pou-
vant être résolu simultanément par le même procédé.
Voyons d'abord comment les eaux condensées pour l'ali-
mentation sont chargées d'acides gras qui rongent les tôles
et forment des savons ferrugineux, très-lourds et très-
adhérents.
La vapeur, en passant dans les tiroirs et dans les cylin-
PURIFICATION DES EAUX GRASSES. 3l
dres^ réagît sur l'huile de graissage et la décompose en
grande partie en acides gras et en glycérine^ ces produits
sont entraînés au condenseur, où ils se rassemblent dans
Teau de condensation, qui en devient laiteuse.
Cette émulsion d'huiles et diacides gras (acide oléique
principalement) est lancée dans les chaudières, où s'accu-
mulent de plus en plus les corps gras acides qui se combi-
nent au fer des surfaces pour former des savons très-ba-
siques et mélangés d'oxydes de fer en proportion variable.
Nos expériences et nos analyses ont permis de constater
que les j de l'huile de graissage se trouvent décomposés
dans la vapeur en acide gras et glycérine ^ l'autre cinquième,
restant à l'état d'huile, est entraîné également par l'eau
d'alimentation.
Un grand nombre de dépôts de chaudières m'ont été
remis et j'ai pu constater l'énorme proportion de fer en-
levé par les graisses acidifiées dans les organes de la ma-
chine.
En février 1876, le commandant du Champlain, croi-
seur de deuxième classe, dont la machine est d'environ
5oo chevaux nominaux (2000 chevaux-vapeur), m'écrivait
ce qui suit :
ce J'ai l'honneur d'adresser à M. Hétet des échantillons
des dépôts recueillis dans une des chaudières du bâtiment.
)) Il semble que les matières grasses ramenées du con-
denseur à surface aux chaudières par l'alimentation, ainsi
qu'une certaine quantité d'huile répandue avant la chauffe
sur la surface du niveau d'eau (*) (pour empêcher les en-
traînements d'eau aux cylindres), il semble que ces ma-
tières grasses aient un peu attaqué les tôles. La chaudière
dans laquelle ces dépôts ont été recueillis a seulement
cent trente et une heures de chauffe. »
(*) C'est une très-mauyaise pratique que d'introduire ainsi de Thuile
dans les chaudières.
3 3 BÉTET*
Un kilogramme de ce dépôt contenait :
Matières grasses 4^0
Oxyde de fer 565 ou 895 de fer métal.
Sels divers (de Teau de mer) . . i5
1000
On nettoya la chaudière et Ton trouva aïo kilogrammes de
ce dépôt peu homogène, mais qui renfermait au moins
83 kilogrammes de fer (enlevés à la chaudière).
En me remerciant de mon analyse, le commandant du
Champlain exprimait Topinion que, a d'après la propor-
tion d'oxyde de fer trouvée après cent trente et une heures
de chauffe, la chaudière devant être changée lorsqu'elle
est à demi usée, ne durerait pas cinq ans à cent jours de
chauffe par année, ce qui est la base ordinairement adop«
lée. Jusqu'ici la chaudière marine ne devait atteindre la
demi-usure qu'au bout de dix ans » •
Je continuai le titrage du fer dans les dépôts des autres
chaudières du même bâtiment, et voici quelques chiffres
très-frappants :
1® Fnce verticale des lames d'eau.
{ Matière grasse 200
I Oxyde de fer 7^5
2® Dessus de ciels de foyets,
! Matière grasse igo
Oxyde de fer «^SS
3** Fonds des chaudières,
-.., , ( Matière grasse 4oo
Bâbord avant . . . { ^ , , ^ Z ^
[ Oxyde de fer 570
„ ., , l Matière crasse 35o
Tribord avant ...',, r n t-
[ Oxyde de fer oaS
^ ., j ., \ Matière grasse 370
Tribord arrière . . { ^ , , - J ^
( Oxyde de fer oo5
PURIFICATION DES EAUX GRASSES. 33
En résumé, après une période d'environ cinq jours de
chauffe, les chaudières de ce bàliment avaient, au net-
toyage, donné environ looo kilogrammes de dépôts conte-
nant 5oo kilogrammes de fer pris aux tôles de ses chau-
dières. Il est vrai que la quantité dhuile de graissage avait
été plus forte qu'en cours ordinaire de campagne ; mais le
même effet fâcheux s'est produit sur tous les bâtiments a
vapeur munis de condenseurs à surface, dont les inconvé-
nients sont aujourd'hui bien connus partout. Tout récem-
ment l'Amirauté anglaise a ordonné une enquête sur les
causes de la détérioration rapide des chaudières de plu-
sieurs navires pourvus de condenseurs à surface.
Puisque ce sont les acides gras qui détruisent les chau-
dières, le remède au mal consistait â obtenir, d'une ma-
nière sûre, pratique et peu coûteuse, la neutralisation de
ces acides gras et la saponification de Thuile, afin de ne
laisser arriver aux bouilleurs ni acides gras, ni matières
grasses, capables de les attaquer, de les ronger.
Pour atteindre ce but, il fallait les engager dans une
combinaison tout à fait inoffensive pour les surfaces de
chauffe et indécomposable elle-même par le fer et le cuivre,
en outre non susceptible d'adhérer aux tôles 5 enGn en
retenir au dehors le plus possible.
La chaux permettait de satisfaire â ces conditions, mais
il fallait l'employer sous une forme appropriée aux cir-
constances. Le seul moyen pratique était l'usage d'une
dissolution aqueuse de chaux, pouvant aller chercher et
atteindre, pour s'y combiner en savon insoluble, les corps
gras divisés à l'infini dans une quantité énorme d'eau de
condensation, par exemple i kilogramme d'huile pour
10 000 litres d^ eau condensée au moins.
C'était là la grande difficulté du problème, et elle a été
vaincue par la solution très-diluée elle-même d'oxyde cal-
cique. Lorsque l'eau de chaux arrive se mélanger à l'eau
grasse d'alimentation, il se produit deux choses; l'acide
Ann, de Chim. et de Phxs; 5* série, t. XIII. (Janvier 1878.) 3
34 HÉTET.
libre (acide oléique) forme Toléate de chai^x en particules
très-fines, facilement entraînées aux chaudières par le
courant. Là ce savon léger et spongieux se granule par
TébuUition en flottant dans le liquide, pour se déposer
seulement à la cessation des fei^x, sous forme de sable ooli-
thique. Gomme ce savon calcaire n^est point adhérent, on
l'enlève avec rapidité et facilement.
Quant à rhuile non décomposée par la vapeur, le j,
ai-je dit, de l'huile de graissage, elle est empâtée par l'eau
de chaux et forme un magma butyreux qui reste dans la
caisse où se fait la réaction, de sorte que cette partie d'huile
ne retourne jamais aux chaudières.
Le principe de la méthode consiste donc à combiner de
la chaux aux matières grasses entraînées dans Peau de con-
densation, soit les acides gras, soit les graisses elles-mêmes ;
en outre à edectuer les combinaisons et à les compléter
avant l'arrivée aux chaudières de Peau d'alimentation.
Application de la matière aux machines soit Jïxes^
soit marines.
Le réactif chimique, Veau de chaux, s'obtient d'une
manière continue en faisant agir sur de la chaux éteinte en
poudre tamisée (telle qu'on l'emploie pour la peinture)
un courant d'eau dérivé du courant même d'alimentation,
après qu'il a subi la réaction qui neutralise les acides gras.
De cette manière, on n'introduit aucune eau additionnelle
dans la circulation générale.
Celte solution de chaux est obtenue dans un petit appa-
reil, récipient cylindrique au fond duquel on fait arriver,
par un entonnoir dont la douille est suffisamment pro*
longée, la chaux et l'eau qui doit la dissoudre.
L'eau saturée d'oxyde calcique gagne bientôt la partie
supérieure du récipient, tandis que Texcès de chaux reste
à la partie inférieure en raison de sa densité.
PURIFICATION DES BAUX GRASSES. 35
C'est à la partie supérieure de cet appareil très-simple
que l'on puise l'eau de chaux, pour Tinjecter dans Peau
d'alimentation à dégraisser. Dans le cas où la machine
n'exige qu'un très-faible graissage, on puise Peau de chaux
avec un vase de capacité déterminée et on l'introduit dans
le courant d'eau grasse d'alimentation, à Faide d'un vase
à double robinet muni d'un tube de niveau et en opérant
de manière que l'écoulement soit à peu près continu (^).
Si la machine comporte un fort graissage, la proportion
d'eau de chaux étant très-élevée, il est utile et même presque
indispensable de recourir à une fabrication courante et
mécanique de Teau de chaux, au moyen d'une installation
que je vais décrire sommairement.
Réglage du débit de Veau de chaux,
La proportion de chaux n'a de rapport obligé qu'avec
l'huile de graissage \ théoriquement il faut | de chaux
hydratée du poids des corps gras 5 mais en pratique on
double cette quantité, proportion beaucoup trop forte,
mais qui assure dans tous les cas la complète préservation
des chaudières. (La chaux coûte si peu qu'il n'y a pas d'é-
conomie à faire.)
On aura, P étant le poids d'huile en kilogrammes par
p
heure, j pour la chaux à verser dans l'entonnoir du
pient où se fabrique la solution \ il convient de verser la
chaux tous les quarts d'heure, comme on graisse dans la
vapeur d'une manière régulière.
l^our mesurer facilement la chaux, on se sert de petites
mesures de 25, 5 o, 100 grammes.
P .
La quantité de chaux j doit se trouver en dissolution et
(*) Voir Revue maritime ^ avril 1876.
3.
réci-
3d DÉTBT.
il faut débiter un nombre de litres d'eau de chaux qui la
contienne 5 vu la faible solubilité de l'oxyde calcique, on
compte sur i gramme au plus de chaux par litre ; en con-
séquence, le débit en litres par heure sera a5o parties,
pour I kilogramme d'huile = a5o litres, qui iront se mé-
langer à 10 000 litres d'eau grasse au moins.
Dans les grandes machines, pour régler exactement et
automatiquement ce débit d'eau de chaux et son mélange
à Peau grasse d'alimentation, on a installé un système de
deux petites pompes, actionnées par la machine. L'une
fabrique l'eau de chaux à l'aide du récipient indiqué, et
l'autre puise la solution calcique pour la lancer dans le
tuyau de décharge, dontl a partie inférieure, élargie, forme
caisse à réaction (*).
Le mélange parfait des deux liquides se fait là, a l'aide
du mouvement de l'eau déterminé par les pompes alimen-
taires ] Toléate calcique est entraîné aux chaudières, mais
l'huile empâtée reste dans la caisse et l'on s'en débarrasse
à l'aide d'un robinet inférieur de décharge.
^pprouisionnement de chaux, — Chaque navire peut
emporter la chaux nécessaire à une longue campagne^
pour une machine de 5oo chevaux, a tonneaux de chauic
correspondent à 4000 heures de marche à grande allure.
Ce n'est ni encombrant ni coûteux.
Dépôt (Voléate de chaux des chaudières, — On pour-
rait peut-être se préoccuper du savon calcaire qui au bout
d'un certain temps doit s'accumuler; il est facile d'en ap-
précier le poids, sachant que, par kilogramme d'huile de
graissage, il peut se former 820 grammes de savon de
chaux. On a reconnu qu'on peut sans inconvénient les
laisser jusqu'à la proportion de i5 kilogrammes par mètre
(*) Ce système de pompes, pour les grands navires, a été établi par un
savant ingénieur de la marine, M. Risbec, chargé de diriger les expériences
et d'appliquer la méthode chimique de M. Hétet.
PURIFICATION DES EAUX GRASSES. dj
cube d'eau contenue dans la chaudière, ce qui correspond
à un grand nombre de jours 5 les nettoyages ne sont donc
pas à faire plus fréquemment qu'à Tordinaire, et ils se font
plus facilement et plus rapidement, puisque la matière
déposée est granuleuse et sans aucune adhérence.
Fabrication d^eau distillée pour boisson. — La règle est
de faire à bord de Teau potable par condensation de la va-
peur des chaudières dans des réfrigérants spéciaux, puis
de filtrer cette eau sur du noir animal. Mais, depuis Tusage
des condenseurs à surface, les vapeurs entraînant des acides
gras, on avait vu les réfrigérants s'engorger de graisse, et
ils ne donnaient plus qu une eau détestable, qu'on ne pou-
vait faire servir, ni comme boisson, ni même au lavage.
Il fallait recourir à des chaudières spéciales, soit cuisines
distillatoires, soit bouilleurs à double vaporisation, nou-
velle dépense et nouvel encombrement.
Depuis que les corps gras sont fixés à Tétat de savon
calcaire et qu'il n'y a plus de graisse libre dans les chau-
dières, la vapeur ne peut plus entraîner de corps gras
volatils et donne par condensation dans le réfrigérant
réglementaire une eau qui, après son passage dans la caisse
au noir animal en grains, est parfaitement limpide, sans
odeur ni saveur et fort agréable à boire.
J'ajouterai que les eaux grasses de toutes provenances
purifiées par l'eau de chaux et méthodiquement peuvent,
après filtra ti on sur le noir animal, être propres à tous les
usages économiques. J'en ai fait la preuve avec les eaux les
plus grasses, provenant du lavage de vaisselle des cuisines
du grand hôpital de Brest.
Conséquences de la méthode.
Les expériences nombreuses faites à Brest, sur le croi-
seur le Dupetit'ThouarSf ont donné les résultats les plus
parfaits, qui ont été consignés dans les rapports des com-
38 HÉTET.
missions d'épreuves, puis dans un rapport spécial de
M. de la Poix de Fréminville , professeur à FÉcole
Centrale, ex-directeur du Génie maritime.
Voici les conclusions de ce dernier rapport adressé au
Préfet maritime du a® arrondissement :
« Brest, le i4 noTembre 1876.
)) Monsieur le Vice-Amira.l,
)> Vous m'avez fait Thonneur de me demander mon opinion
sur les résultats obtenus à bord du Dupetit'Thouars , à la
suite de l'application du procédé de M. Hétet, pour le dé-
graissage des eaux d'alimentation.
» Ces résultats appartiennent 'à deux ordres de faits dis-
tincts :
» 1*^ Permettre d'employer l'eau provenant des conden-
seurs à surface à la distillation et, par suite, à former l'ap-
provisionnement d'eau potable;
)> 2? Prévenir les détériorations rapides des chaudières,
constatées depuis longtemps, lorsque celles-ci sont alimen-
tées par des eaux chargées de matières grasses.
» La possibilité de rendre potable, par distillation, les
eaux provenant des condenseurs à surface présente un
intérêt considérable, puisqu'elle dispenserait des chau-
dières spéciales employées uniquement à faire de l'eau
douce.
)) Par le procédé Hétet, les eaux, ayant été préalableiAent
dépouillées de graisses libres, le sont également d'oléale
de chaux qui a donné lieu à des dépôts retenus à l'intérieur
de la chaudière.
)) Après avoir établi les filtres dans des conditions meil-
leures, l'eau est arrivée parfaitement limpide, et, après
l'avoir dégustée à plusieurs reprises, il m'a ^té impossible
d*y découvrir aucune saveur sensible.
)) Sous ce rapport, le problème de dégraissage de l'eku
des condenseurs à surface semble donc avoir reçu une* sol u-
PURIFICATION DES EAUX GRASSES. 39
tion qui serait complète si elle avait la sanction d'une
expérience prolongée, faite au cours de campagne dans les
conditions ordinaires du service.
» En ce qui concerne la protection des chaudières, co
qui est de beaucoup le point le plus important de la ques-
tion, les résultats obtenus paraissent au moins aussi com^
plets que pour la distillation. Les acides gras sont saponi-
fiés par Teau de chaux et donnent lieu à des précipités
solides qui, par leur nature et la manière dont ils se dé*
}>osent, se sont montrés d'une innocuité parfaite à l'égard,
soit des surfaces métalliques^ soit des chaudières elles-
mêmes. Mais, de même que pour la distillation, il importe
que les bons résultats constatés aux essais soient confirmés
en cours de navigation.
» Signé : de Frémi» ville. »
«
De son côté, le Préfet maritime, en transmettant tous
les rapports au Ministre de la Marine, faisait ressortir la
valeur du procédé Hétet, au double point de vue de l'éco-
nomie et de l'hygiène.
Depuis le commencement de 1877, le Dupetit-Thouars
a été armé, et l'expérience en cours de navigation est faite :
elle a confirmé les excellents résultats des essais^ tant au
point de vue de la potabilité de l'eau que pour la préser-
vation des chaudières, qui n'ont subi aucune altération
provenant des eaux d'alimentation.
Un autre navire de l'état, le cuirassé le Colbertj de
l'escadre du nord, est également muni d'un système h
dégraisser par l'eau de chaux et les résultats ont été trou-
vés très-satisfaisants.
En présence de tous ces faits, on peut dire que le pro-
blème est résolu. Les chaudières sont conservées et du-
reront plus longtemps qu'avec les anciennes machines
alimentées par les eaux salées ou calcaires 5 les conden-
seurs ont retrouvé tous les avantages qu'on en espérait et
4o HÉTET. PURIFlCATlOlf DES KAUX GRASSES.
qui sont si considérables; il n*y a plus à craindre ni dépôts
salins, ni dépôts gras dans les chaudières-, il n'y a donc
pas de coups de feu à redouter; plus d'extraction néces-
saire; on réalisera Téconomie de charbon prévue.
Mais les avantages ne s'arrêtent pas la : puisque les
chaudières devaient durer dix ans et qu'elles étaient usées
en quatre ou cinq ans par les corps gras des condenseurs a
surface, le système a donc pour eAet d'économiser une
chaudière sur deux, ce qui se traduit par des sommes con-
sidérables dépensées en pure perte aujourd'hui et que fera
gagner la méthode de neutralisation par l'eau de chaux.
Enfin le mauvais état des chaudières a encore pour consé-
quence très-fàclieuse le chômage des machines et des
navires qui les portent; avec des chaudières intactes, les
vaisseaux de guerre, par exemple, seront toujours prêts à
marcher, pour défendre l'honneur et les intérêts du pays.
Nota. — On avait pensé à employer la soude pour former des
savons solubles; ce moyen, qui paraît bon théoriquement^ n'est
pas pratique.
La sonde coûte quarante fois autant que la chaux ; il est impos-
sible de séparer ainsi les huiles non décomposées par la vapeur.
Le savon soluble qui se concentre dans la chaudière se brûle
au contact des surfaces chauffées et détermine quelques altéra-
tions; pour éviter ce fâcheux effet, il faut faire des extractions
fréquentes, et alors toute Téconomie des condenseurs à surface se
trouve changée, on en perd les principaux avantages.
La vapeur provenant d'une chaudière chargée de savon so-
luble ne peut fournir par condensation de Teau distillée potable.
«%»%««««%««%«\««%%«%%«%%%%««%«
L. SMITH. MÉTÉORITES DE ROGHBSTEll, ETC. 4^
DESCRIPTION DES PIERRES MÉTÉORIQUES DE ROGHESTER,
DE WARRENTON ET DE GYNTUIANA,
TOMBÉES RESPECTIVEMENT LES 21 DÉCEMBRE 1876, 3 ET
23 JANVIER 1877. Remarques sur les chutes anté-
rieures DE météorites dans CES MÊMES RÉGIONS ;
Par m. LAWRENCE SMITH,
de LouîsTille (Kentucky).
Une courte Notice sur les trois météorites qui forment
le sujet de cette Communication a été adressée par moi à
l'Académie (*) peu de temps après leur chute. J'avais
attendu, pour donner une description plus détaillée de
leur parcours et de leur chute, de pouvoir me livrer à un
examen plus approfondi*, c'est ce que j'ai fait maintenant,
car on m'a qnvoyé la pierre tout entière tombée à Cyn-
thiana et une bonne partie des fragments qu'on a recueillis
des deux autres.
Le premier point intéressant que présentent ces trois
météorites, c'est qu'elles sont tombées dans un intervalle
de trente-deux jours et dans une portion limitée de terri-
toire s'étcndant sur 2 degrés de latitude et 6 degrés de lon-
gitude. En second lieu, elles diffèrent entre elles quant aux
caractères de leur structure, et- chacune d'elles a, en outre,
certaines particularités qui la distinguent du type ordinaire
des pierres météoriques. En troisième lieu, elles sont tom-
(*) Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences, t. LXXXIV,
p. 3g8, et t. LXXXV, p. 678. J'ai envoyé des échantillons de ces météorites
au Muséum du Jardin des Plantes.
4a I*. SMSTH. MÉTÉORITES DE ROCHESTKR,
bées dans une bande de territoire qui, je le montrerai,
a été le réceptacle de toutes les masses météoriques dont
on a observé la chute et qu'on a recueillies aux Etats-Unis
(à l'exception de 2 kilogrammes environ de ces pierres).
Météorite de lîochester [Tndianà).
Le passage de cette météorite à travers Talmosphère de
la terre n'a laissé qu'un faible souvenir de sa visite. Elle a
cependant été observée à Bloomington (Indiana), lat. 89*' i a',
long* 86^ 32^, par le professeur Kirkwood, astronome dis-
tingué, qui m'a communiqué ses observations en ce temps-
là, et qui les a fait connaître subséquemment plus en
détail à la Société philosophique américaine, avec les ob-
servations qu'il avait recueillies d*autres personnes. Aussi
je donnerai simplement un aperçu sommaire des phéno-
mènes qui ont accompagné sa marche, avant de décrire les
caractères chimiques et minéralogiques de la pierre qui
est tombée.
Le bolide apparut le ai décembre 1876, vers 9 heures
du soir : il était d'une magnificence extraordinaire, et mar-
chait vers Test, en passant par-dessus les Etats du Kansas,
de Missouri, de l'IUînois, d'Indiana, de TOhio, et sur cer-
taines parties des Etats de Pensylvanie et de New- York.
Quoique nous n'ayons pas d'observations faites dans ces
deux deniiers Etats, le professeur Kîrkwood est, sans nul
doute, dans le vrai en indiquant ce trajet comme son vrai
parcours. A Bloomington, son élévation était de i5 degrés
et le calcul fait pour déterminer sa trajectoire, là où elle a
été observée, montre qu'elle a été de 1000 à iioo milles
(1600 à 1760 kilomètres) en longueur-, on suppose que
sa hauteur était de 38 milles (60 kilomètres) au-dessus
de l'endroit où est tombé le petit fragment. Dans les diffé-
rentes parties de son parcours, le bolide lançait des fragments
avec le bruit ordinaire de ronflement et la commotion de
DE WA:KR£lfXON ET DB GTIfTHIANiU 43
Tatmosphère qui accompagnent généralement le mouve-
ment de ces corps. Quand il traversa TÉtat d'Indiana, il
paraissait suivi d'une série de petits bolides, dont beau-
coup avaient la grandeur apparente de Vénus ou de
Jupiler* Sa vitesse par rapport à la surface de la Terre
semblait être de 8 à la milles (la à 19 kilomètres) par se-
conde. On raconte que les manifestations lumineuses
de ce corps étaient remarquablement belles, et qu'elles ont
à peine été égalées, mais jamais surpassées, dans aucune^
circonstance antérieure de ce genre. La cause de cet éclat
dépend de la structure physique du corps, dont nous par-
lerons plus. loin en détail.
Le fragment tombé.
Le seul fragment de ce bolide qu'on sache être tombé-
est celui dont la chute eut lieu sur une ferme à 3 milles
(4800 mètres) au nord-ouest de Rochester, lat. 4^ degrés^
long. 86 degrés. Le fermier entendit l'explosion et bientôt
après vit un corps frapper le sol à peu de distance
de lui ; il y avait i5 centimètres de neige sur la terre et le
lendemain matin il trouva la pierre qui avait rebondi à
peu de dislance de l'endroit où elle était primitivement
tombée; elle n^avait pas pénétré dans le sol. La pierre
entière pesait un peu moins de 4oo grammes, et, comme
nous n^avons entendu parler de la chute d'aucune autre
masse, il est raisonnable de supposer que le bolide a été
réduit en fragments très-menus et en poussière, comme les
fragments extrêmement petits de l'aérolithe de Kepler et
autres semblables. La manière suivant laquelle la matière
fondue de l'extérieur de beaucoup de météorites est ré-
pandue sur leurs surfaces, en traits brillants couvrant des
plans fraîchement rompus, montre clairement que cette
désagrégation s'opère constamment et rapidement pendant
leur passage au travers de l'air, et j'ai dans ma collection
44 I** tMlTH. MÉTÉORITES DE ROCHC8TER,
un grand nombre de beaux exemples qui viennent à Tappui
de ce fait.
Le professeur Kirkwood est d'avis que ce bolide n*a
jamais quitte notre atmosphère. Cela est d'accord avec
mes vues générales sur ce sujet, à savoir qu'il est rare
qu'une météorite, si elle pénètre dans notre atmosphère,
ne soit pas entièrement décomposée en fragments ou en
poudre. La pierre qui nous occupe a été cassée en plu-
sieurs petits fragments dont je me suis procuré la majeure
partie, les autres ont été perdus; deux ou trois seulement
sont entrés dans des collections. Ces spécimens sont pré-
cieux, car la pierre est une des plus remarquables de son
type. Elfe appartient à la variété pisolithique,et cela d'une
manière bien nette \ sa couleur est grise^ elle se broie aisé-
ment entre les doigts en donnant une poudre légère (une
partie est même de la poussière fine) et de petits globules.
Quelques-uns de ces derniers sont parfaitementspliériques ;
j'en possède des échantillons de 2 et 3 millimètres de dia-
mètre. Elle ressemble d'une manière plus étroite à la pierre
d'Ausson (Montréjeau) qu'à aucune autre que je con-
naisse, quoiqu'elle soit beaucoup plus friable.
Cette structure oolithique spéciale, qu'on voit souvent
dans bien des parties des pierres météoriques, a récemment
beaucoup attiré l'attention. Le professeur Tschermak, de
Vienne, a tout dernièrement publié un intéressant Mé-
moire sur ce sujet (*).
Le poids spécifique de la pierre, pris sur plusieurs
échantillons moyens, est de 3,55.
Analyse chimique.
La partie pierreuse, débarrassée aussi complètement que
(*) Sitzungsherichte dcr K, Ahademîe der Wîssenschmften, t. LXXI,
p. 66i; Vienne.
DE WARRElfTON ET DE CYNTHIÂHÀ. 4^
possible de la partie métallique, contenait encore une
quantité notable de troïlite qu'on ne pouvait séparer mé-
caniquement. La quantité de soufre trouvée dans cette
portion de la météorite faisait connaître la quantité de
troïlite présente. Elle était de 3,3 1 pour loo.
La partie minérale pierreuse, traitée par l'acide cblorby-
drique, donne :
Partie soluble 4? 9^^ pour 100
Partie insoluble 52 , 20 »
Sa composition est la suivante :
Partie soluble. Partie insoluble.
Silice 34,55 57,81
Protoxyde de fer 27 , 76 11 ,o4
Aluinine traces o , 23
Chaux traces 5 , 3 1
Magnésie 36,3^ ^4997
Oxyde de chrome » 0,10
Soude 0,46 0,84
99,14 100, 3o
J'ai séparé complètement quelques-uns des globules de
la pâte ambiante, ce qui se fait aisément en frottant un
fragment de pierre entre les doigts. On y pouvait distin-
guer de très-petites paillettes de fer. Pulvérisés et traités
par l'acide cblorbydrique , ils donnaient à peu près le
même résultat que la pâte, c'est-à-dire : partie soluble 46,80,
partie insoluble 53, 20, et dans la partie soluble la magnésie
entrait pour 34^48 pour 100^ ce qui montre clairement
que les spliérules étaient simplement des concrétions de la
matière ordinaire formant la pierre.
Le fer nickelifère, qu'on en séparait mécaniquement, se
compose de :
Fer 94,49
Nickel 4f i^
Cobalt o,5i
46 L. SMITH. MÉTÉORITES DE EOCHE8TER,
La quantité de fer était trop petite pour qu^on y put
rechercher les autres éléments, comme le phosphore et le
cuivre ^ ceux-ci étaient sans nul doute présents, mais en
quantités extrêmement petites, comme d'habitude.
Constitution minéralogique de la pierre de Rochester.
Un examen attentif sous le microscope, tant de la sur-
face brisée que d'une section usée finement par le frotte-
ment, montre que la pierre se compose des mono et bi-
silicates qu'on trouve habituellement dans ces corps, mêlés
avec du fer nickelifère et de la troïlite. On n'y distingue
rien qui ressemble à de l'anorthite. Les trois premiers
minéraux constituent la majeure partie de la pierre, et il
est possible qu'il s'y rencontre plus d'un type de chacun
de ces minéraux.
Le fer nickelifère y est tout à fait abondant, bien que le
professeur Shepard l'ait estimé, d'après un examen super-
ficiel, à I pour loo. Grâce à la méthode pleine de soins
employée pour le séparer, je trouve dans deux échantil-
lons moyens qu'il y en a jusqu'à lo pour loo. Les pail-
lettes de fer sont très-brillantes et lustrées; elles ont l'air
d'être recouvertes de plombagine, quoiqu'on ne trouve pas
trace de ce dernier minéral. La troïlite ne se découvre pas
aussi bien à l'œil qu'au moyen de l'acide chlorhydrique.
Une des sphérules a été usée de manière à obtenir une sec-
tion bien finie et la lumière polarisée a montré qu'elle
contient les deux classes de silicates dont on vient de parler.
Ce fait, comme on l'a déjà dit, est corroboré par l'analyse
chimique.
Je considère la pierre de Rochesier comme composée
des minéraux suivants :
Bronzite 46îOO pour loo
Olivine 4' 9^^ **
Fer nickelifère 10,00 »
Troïlite 3, 00
Fer chromé o, i5
M
DE waureutok et de cy»thia»à. 47
Météorite de Warrenton [Missouri).
Le 3 janvier 1877, vers le lever du Soleîl, à 5 milles
(8 kilomètres) de Warrenton, dans l'Etat de Missouri,
lat. 38®5o', long. 91^10', des observateurs entendirent un
son semblable au sifflet d'une locomotive dans le loin-
tain; d'autres le comparèrent au bruit que cause dans Tair
le passage d'un boulet. Le son venait du -nord-ouest^ il
devint de plus en plus fort pour quatre observateurs près
de Warrenton. En regardant en l'air, ils virent choir un
objet qui frappa un arbre en brisant les branches, et
tomba par terre avec un bruit de craquement. Les obser-
vateurs étaient à 5o ou 60 mètres du lieu de la chute i
en approchant de ce point, ils virent une masse de pierre,
brisée en un certain nombre de morceaux. D'après les
fragments, ils supposent qu'elle avait originairement une
forme conique et environ 18 pouces (o°*,45 ) de longueur.
La neige était fondue, et la terre dégelée dans son voi-
sinage; mais les morceaux, quoique chauds, pouvaient
facilement être pris à la main. Son poids a été estimé à
100 livres environ; mais il est impossible de dire si cette
évaluation est exacte ou non; car on n'a conservé que
10 ou i5 livres de fragments (dont j'ai plusieurs en ma
possession), la plupart de petit volume. Quelques
spécimens sont dans la collection du Collège de Yale; le
reste est dispersé chez les habitants du pays où il est tombé.
Pour ce qui regarde sa température au moment de la
chute, je puis dire que j'ai un échantillon, montrant d*une
manière péremptoirc que le bolide n'était pas très-chaud
au moment où il a frappé l'arbre ; car une portion des
fibres ligneuses d'une des branches est adhérente à la surface
et engagée dans la croûte rugueuse de la pierre; ces fibres
délicates ne présentent pas la moindre trace de brûlure.
Un fait à noter, en ce qui regarde la chute de cette
météorite^ c'est qu'on n'entendit aucune explosion, qu'on
48 L. SMITH. MÉTÉORITES DE BOCHESTEB,
ne remarqua aucun phénomène lumineux produit par son
passage à travers Taîr. Cela peut être dû en partie à cette
circonstance, que la chute se produisit au moment du leYer
du Soleil. Mais il n'y a pas de doute que c^était une mé-
téorite, lassée de son mouvement rapide dans Tatmosphère
et tombée tranquillement comme un oiseau épuisé dans
son vol. Sa direction, autant qu'on a pu en juger, était du
nord-ouest au sud-est.
Aspect de la pierre •
Etudiée sur les divers fragments soumis à mon observa-
tion, elle diffère à un degré marqué de celle que je viens
de décrire et qui tomba seulement quelques jours avant.
Elle a ses points d'intérêt spécial et ne ressemble à aucune
des météorites que je connais, excepté à celle qui tomba â
Ornans, le ii juillet 1868. Mais elle ressemble de tous
points à cette dernière, tant au point de vue des apparences
physiques que de la composition chimique. On peut en
juger, en comparant mes résultats pour la pierre de War->
renton à ceux de Pisani pour la pierre d'Ornans (Comptes
rendus de V Académie des Sciences^ t. II, p. 663, 1868),
quoique sa manière de présenter les résultats d'analyses
difTère de la mienne. Le poids spéciGque qu'il a indiqué
est un peu plus élevé que celui que j'ai trouvé; ceci n'a
rien d'étonnant dans des spécimens différents de ces
corps poreux de nature semblable. La croûte de la
pierre de Warrenton est d'un noir terne et très-épaisse ;
dans bien des endroits de plusieurs centimètres carrés,
elle a de 2™"*,5 à 3™™,5. C'est la plus épaisse que j'aie
jamais vue. Ces endroits se rencontrent là où la croûte
est une scorie épaisse qui se termine quelquefois brusque-
ment sur une partie plus unie de la croûte \ cela vient sans
doute de ce que la matière fondue à la surface est ren-
voyée en arrière et en sens contraire du mouvement de la
DE WARRENTOJN ET DE GYNTHIAlfA. 49
pierre et qu'une partie de la surface se trouvant également
balayée, elle laisse cette partie plus unie, tandis qu'elle
s'accumule derrière sous forme d'une surface de scorie (^).
L'intérieur de la pierre est d'une couleur uniforme de
cendre très-noire; elle est douce au toucher et s'écrase
facilement. Cela explique ce fait qu'elle a été brisée
en fragments par son choc sur le sol. Sa structure est
caractéristique et les globules y sont très-petits. Sa densité
est de 39479 et la quantité de matière métallique qu'elle
renferme est très-petite.
Composition chimique.
La pierre pulvérisée et débarrassée des particules métal-
liques a donné à l'analyse une quantité de soufre corres-
pondant à 3,5i pour 100 de troïlîte. Le fer nickelifère est
en très-petite quantité et représente 2,01 pour 100 seule-
ment. Les minéraux pierreux traités par l'acide chlor-
hydrique ont donné :
Partie soluble dans l'acide 80, 4^ pour 100
Partie insoluble dans Tacide i9>6o »
qui se décomposent comme il suit :
Partie soluble. Partie insoluble.
Silice 33,02 56,90
Protoxyde de IVr ^1 t^l 10,20
Alumine 0,12 0,20
Chaux traces 7 ,62
Magnésie 28,41 22, 4'
Oxyde de nickel i ,54
Oxyde de cobalt o ,3 1
Soude 0,07 1 ,00
Oxyde de chrome » o, 33
101, o4 9^>66
1.
»
(') On peut voir que cette description de la croûte correspond par faite*
Aiin. de Chim, et de Pkjs,, 5« série, t. XIÏI. (Janvier 1878.) 4
DO L. SMITH. MtTÉORITBS DE ROCHISTEB,
J'ai obtenu o,33 pour loo d'oxyde de chrome, ce qui
conduirait à o,5o pour loo de fer cbromë, si le chrome
se présente sous celle forme. Néanmoins, il n*y a pas moyen
de décider s'il en esl ainsi, quoique cela soit probable, le
cbrome étant dans la partie insoluble.
L'oxyde de nickel, à l'exception peut-être d'une très-
petite proportion, appartient à la composition des silicates
solubles.
Le fer nickelifère a donné :
Fer 88, 5i
rfickei 10,21
Cobalt 0,60
99»3ï
Constitution niinéralogique de la pierre de Warrenlon,
L^examen microscopique ne m'a donné aucune indica-
tion bien claire ; car il n'est pas possibltî de préparer une
bonne section pour robservalion. Toutefois l'analyse chi-
mique montre les mono et bisilicates ordinaires des types de
l'olivine et de la bronzite. Le trait le plus marqué est la
prépondérance de Tolivine, qui forme près des { de la masse.
La proportion des minéraux constituants est à peu près
la suivante:
Olivint' 76,00 pour 100.
Bronzite et pyroxène 18,00 ■
Fer nickelifère 2 , 00 »•
Troïlite ^ 3,5o
Fer chromé o , 5o »
ment à celle de la pierre dOrnans, donnée par M. Daubréo, Bulletin de
la SoL'it'té géologique Je Frauce, i* série, t. XXVI, p. yô; 1SG8.
DE WAR1LEKT0IC ET DE GYUTHIANA. Di
Météorite de CjnthianaiJLeniVLQk^).
J'ai appelé cette météorite pierre fie Cjnthiana, quoi-
qu'elle soit tombé à 9 milles (i4 kilomètres) de cet endroit
dans le comté d'Harrisson (^) -, maïs Cynthîana est le point
important le plus rapproché de l'endroit où a eu lieu la
chute.
Le ^3 janvier 1877, à 4 heures du matin, plusieurs per-
sonnes virent un splendide bolide traverser le comté de
Monroë (Indiana) dans la direction du sud-est, à 35 degrés
environ au-dessus de l'horizon. Le même bolide a été
observé par un certain nombre de personnes dans le comté,
de Décatur du même Etat, latitude 39^27', longitude
85^28', et il disparut exactement comme s'il touchait
terre, à une distance qui ne paraissait pas dépasser -|- de
mille (400 mètres). Comme on le verra, il était tombé à
une distance d'environ 60 milles (96 kilomètres).
Il paraissait tomber perpendiculairement à la surface de
la terre. Je n'ai pu savoir si quelqu'un a vu ce fait, en ad-
mettant qu'il soit vrai. Dans TElat de Kenlucky, on vit le
bolide sur une grande étendue de lerritoire.Le phénomène
était accompagné des bruits qu'on entend ordinairement
dans le ciel et qui annoncent l'approche de ces corps ; aussi
une grande consternation se produisit-elle parmi les habi-
tants des pays environnants. Heureusement un de ces ob-
servateurs, fermier intelligent, entendit un corps solide
frapper le sol 5 il se rendit immédiatement sur les lieux et
retira la pierre d'un trou d'environ o™,4o ; c'est la pro-
fondeur à laquelle elle était entrée dans la terre.
(*) Je saisis ici l'occasion de rectifier une erreur que j'ai vue dans plu-
sieurs catalogues, entre autres ceux de Vienne, du British Muséum et du
Muséum de Paris. Ces catalogues indiquent la chute d'une météorite dé-
crite par moi le 28 mars i858 comme ayant eu lieu dans le comté d'Har-
risson en Kcntucky. C'est comté d'Harrisson en Indiana qu'il faut lire.
4. .
52 L. SMITH. MÉTÉOB1TE8 DE ROCHBSTEB,
Quelques jours après la chute et avant qu'elle fût
généralement connue, le professeur Kîrkwood m'écrivît
pour me faire part des observations recueillies en Indiana,
et m'engager à rechercher la météorite quelque part dans
la région où elle était tombée. Toutefois j^avais fait les ob-
servations et je m'étais procuré la météorite avant l'arrivée
de la lettre.
Caractère de la pierre.
Elle est anguleuse, trouée profondément et régulièrement
sur une partie, le reste étant comparativement uni . La croûte
est d'un noir terne, et, quand la météorite me parvint, elle
' était aussi complètement intacte qu'au moment de la chute.
- Il y avait cependant une partie fraîchement brisée, de a à
3 centimètres carrés, qui, pour un observateur superficiel,
aurait semblé le résultat d'une cassure après la chute. Maïs
un examen attentif me montra qu'elle lui était antérieure
et avait eu lieu avant que la matière fondue de la surface
se fût entièrement refroidie 5 car quelques gouttelettes de
cette matière avaient jailli sur la cassure, à laquelle elles
adhéraient solidement, et la matière fondue elle-même avait
surmonté une arête de la fracture. Cela n'avait pu provenir
d'une fusion quelconque de la surface, qui était trop fraîche
et trop intacte pour avoir été portée à une température
aussi élevée. La cassure avait donc éié produite par la même
cause qui avait donné naissance aux trous (^).
La pierre pèse 6 kilogrammes; elle appartient à la va-
riété des brèches dures, et présente, quand on la casse,
une surface identique à celle de la pierre de Parnallee, à
laquelle elle ressemble dans tous les autres points de détail ;
les taches rondes, d'un jaune très-pâle, ayant quelquefois
(*) Cela a été mis hors de doute de la manière la plus complète et la
plus claire, par le professeur Maskelyne, dans le Philosophical Magtizine,
août 1876.
DE WARaBNTON ET DS CYUTHIÀNÀ. 53
5 et 6 millimètres de diamètre, sont disséminées de la même
manière dans la pâte; il en est de même de la troïlite, de
la structure globulaire de certaines parties et des quelques
particules d'un minéral siliceux noir.
Par une singulière coïncidence, le poids spécifique de la
portion que j'ai expérimentée est le même que celui trouvé
par Maskelyne, c'est-à-dire 3,4ï- Sous le microscope, elle
présente le même aspect que celui qu'a décrit cet auteur.
Analyse chimique.
La matière pierreuse, débarrassée du fer métallique, se
composait de:
Matière soluble dansTacide chlorhydrique . . . 56, 5o pour loo
Matière insoluble dans Tacidechlorhydrique.. 4^9^^ **
Une partie de la portion soluble se composait de troïlite,
que je n'ai pu séparer mécaniquement, mais qui se déduit
des analyses suivantes:
Partie soluble. Partie insoluble.
Silice 33 ,65 57 ,60
Protoxyde de fer 3o,83 1 1 ,4^1
Alumine 0,11 ^9 43
Chaux . traces 5, 70
Magnésie 34,61 ^3,95
Oxyde de chrome >» o , 38
Soude » I , ^4
99,20 100,72
La portion étudiée contenait 5, 93 pour 100 de fer nicke-
lifère, composé de
Fer 90,64
Nickel 8,35
Ck)balt 0,73
99>7
2
54 L- SAilTH. MÉTÉORITES DE BOCHESTER,
Constitution minéralogique de la pien^e de Cynthiana.
Les minéraux, dans cette pierre, se distinguent facilement
à Toeil, mais se voient d'une façon bien plus nette sous un
grossissement moyen, surtout les concrétions rondes et dis-
tinctes d'une bronzite d'un jaune clair. La troïlite, les pail-
lettes métalliques et les filaments se voient aussi facilement.
On n'a pas essayé de séparer les minéraux pierreux en
quantité suffisante pour l'analyse^ des essais quantitatifs
ont été faits pour distinguer leurs caractères. De l'examen
chimique qui précède je déduis les résultats suivants, qui
donnent à peu près la proportion des minéraux consti-
tuants : «
Olivine. 5o,oo
Bronzite et pyroxène . 38, oo
Fer nickeiifère 6,00
Troïlite 5,5o
Fer chromé o , Sa
Il n'y avait pas de cristaux de minéraux visibles, soit k
l'œil nu, soit à la loupe.
Remarques sur la région où ces météorites sont tombées.
Dans l'étude des trois aérolithes qu'on vient de décrire,
il est intéressant d'examiner la région dans laquelle ils
sont tombés, en ayant égard aux chutes précédentes de
date récente.
Dans une période de moins de dix-Luit ans, il y a eu,
dans les Etats-Unis, douze chutes de pierres météoriques
qui ont été subséquemment ramassées. A une ou deux
exceptions près, je les ai toutes décrites en détail et j'en ai
fourni des écLantillons aux différents cabinets d'Amérique
et d'Europe.
D£ WAHUBIïTOIf ET DE CYNTHIÀNÀ. 55
En groupant ensemble toutes ces chutes et en estimant
la quantité de matière météorique qui les accompagnait,
j'ai été frappé de ce fait singulier, que huit d'entre elles,
formant un total de plus de looo kilogrammes de matière,
se sont produites dans les régions de la Prairie de l'ouest,
non loin de chez moi ; et ces chutes sont limitées dans une
région ne dépassant pas le huitième de la surface des
Etats-Unis, à l'est des Montagnes-Rocheuses. On peut sup-
poser qu'une raison de ce fait est que cette région a une
population plus dense et que par suite il y a plus d'obser-
vateurs. Ce n'est pourtant pas là la cause; car elle ne
contient pas beaucoup plus que la population moyenne
ordinaire de ce pays-ci.
J'ai fait un croquis de la région où ces huit chutes ont
eu lieu; un coup d'oeil fera connaître leurs positions res-
pectives. Il est accompagné d'une table donnant quelques
détails comparatifs pour chacun d'eux.
56 L. SHira. — hétëoutu db sociiuteb.
Kg. I.
DE WARREBITON ET DE GTlfTHIAMA.
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58 L. SMITH. MÉTÉORITES DE ROCHESTER, ETC.
Pendant la même période, il y a eu, aux États-Unis,
quatre autres chutes de météorites pesant en tout moins
de 2 kilogrammes. Elles ont eu lieu respectivement :
Latitude. Longitude.
28 novembre 1868
34.30
87
9 décembre 1868
34 .3o
87.50
6 octobre 1869
32. 10
85
21 mai 1871
44 -30
6g. 10
Ainsi, dans la région indiquée ci-dessus, nous observons
plus de bolides que dans aucune autre. Le professeur
Kirkwood en a récemment décrit sept, vus par lui ou par
d*autres, depuis juillet 1876 jusqu'en février 1877. Les
pierres de trois d'entre eux sont celles que nous venons de
décrire; les autres bolides n'ont pas laissé trace de leur
passage. Dans mes observations personnelles, j'ai noté,
pendant les trois dernières années, trois spiendides bolides
qu'on- a vus apparaître dans* le ciel, mais dont on n'a pas
trouvé de fragments; je les ai décrits, et il y en a encore
d'autres qui m'ont été dépeints par d'autres observateurs.
Une circonstance encore plus frappante est celle-ci :
dans les soixante dernières années, il y a eu vingt chutes
bien observées de pierres météoriques. Parmi elles, il y en
a juste la moitié qui sont tombées dans la région dont j'ai
donné le plan, en rappelant les huit chutes des dix-liuit
dernières années; le poids qu'elles représentent est de près
de 1200 kilogrammes : cette quantité est vingt fois plus
grande que celle qu'ont fournie les dix autres chutes qui se
sont produites çà et là dans d'autres régions.
J'ai mentionné ce fait singulier, non pas qu'il ait aucune
signification cosmique, mais simplement comme une por-
tion des memoranda que je liens pour mes observations et de
l 'étude de ces curieux traits d'union entre le ciel et la terre.
Avant peu, j'espère réunir ensemble mes études spécu-
latives plus récentes sur ces corps.
%«««%%%««%%%%%%«%«%%«««««%««%%
A. BEETIN. — SDR LES TÉLÉPHONES. 5g
SUR LES TÉLÉPHONES^
Par m. a. BERTIN.
Le nom de Téléphone devrait être réservé pour les
appareils qui permetlenl de porter au loin la voix à la
manière des tuyaux acoustiques 5 cependant le premier
qui a reçu ce nom ne permettait que le transport des sons
musicaux et encore en pelit nombre.
Cet appareil est celui que M. Reîss de Francfort a fait
connaître en 1860. Il repose sur la propriété qu'ont les
courants électriques, de produire des sons dans les électro-
aimants. Ces sons, découverts par Page en 1837, ont fait
l'objet des recherches d'un grand nombre de physiciens;
on en trouvera l'historique en tête du Mémoire que Wer-
theim a consacré à ce sujet (*). On peut les produire de
bien des manières : l'une des plus simples est de placer
une tige de fer ou d'acier dans l'axe d'une hélice ou d'une
bobine traversée par des courants interrompus. L'ai-
mantation produisant toujours un allongement du fer et
la désaimantation un raccourcissement, il en résulte que
le passage des courants interrompus dans la bobine doit
produire des vibrations longitudinales dans le noyau. Ce
son longitudinal est unique et ne dépend que de la lon-
gueur de" la tige et de son élasticité : de plus il est très-
peu intense et c'est là une difficulté très-grande pour le
faire entendre dans nos cours. Il est vrai qu'il est le plus
souvent accompagné d'un bruit plus facile à percevoir et
qui provient des chocs de la tige contre les parois de la
bobine, lorsque la première n'est pas exactement dans l'axe
de la seconde. Mais ce bruit n'est qu'accidentel et l'on doit
(') J finales de Chimie et de Phjrsiquet 3® sérî*», t. XXIII, p. 3oa.
6o A. BEKTllf.
le faire disparaître, car il est étranger aux sons galva-
niques proprement dits. Il est évident que le courant qui
traverse la bobine peut provenir d^une source très-éloignée
ou, en d^autres termes, que Ton peut produire à distance
les sons galvaniques : c'est cette production des sons gal-
vaniques à distance qui constitue Tappareil que M. Reiss
a appelé le Téléphone (*).
Le récepteur R (jig, i) de ce télégrapbe acoustique est une
petite bobine d'environ i6 centimètres de long, entourée
de six couches de fil fin, dans Taxe de laquelle est placée
une aiguille à tricoter de 27 centimètres. Cette aiguille
est supportée à ses extrémités par deux chevalets qui repo-
sent, ainsi que la bobine, sur la plate-forme d^une caisse
résonnante percée de deux trous ^ la résonnance de cette
caisse peut être augmentée par celle d'une seconde caisse
également percée de deux trous, qui peut servir de cou-
vercle à la première et enfermer tout l'appareil.
Le transmetteur T, ou Tiiiterrupteur, a la forme d'une
boite cubique portant latéralement un tuyau à pavillon
par lequel on peut faire entendre un son qui mettra en
vibration l'air de la boite. Ces vibrations se transmettent
à une membrane qui ferme la boite à la partie supérieure
et les vibrations de cette membrane serviront à interrompre
le courant de la manière suivante. Au centre de cette
membrane on a collé une petite rondelle de platine très-
mince, qui communique par une bande métallique avec le
bouton A. Au-dessus de la rondelle et à une petite distance,
une pointe de platine est suspendue à l'extrémité d'une
lame en communication métallique avec un second bou-
ton B. Ces deux boutons, ainsi que les deux boutons d'at-
tache C et D de la bobine du récepteur, sont réunis par
deux (ils, entre eux et avec la pile P, comme l'indique la
(*) KcBN, Électricité appliquée, p. lao. — Muller, Traité de Physique,
t. H, p. 387.
SUR LES TÉLÉPBOIIES.
figure. L'uu des fils de communication peut être rem-
place par la terre.
S! l'on interrompait le courant de la pile à des inter-
valles périodiques assez éloignes on n entendrait dans la
boîte résonnante du lecepleui qu une succession de petits
bruits très faibles tels que ceux qu on peut produire avec
les ongles en les faisant claquer l'un contre l'autre ; mais
ces sons, d'ailleurs très-faibles, étant de mëmeliauteur, ne
pourraient servir à faire des signaux. Il n'en sera plus de
6a ▲. BERTin.
même si Ton produit des sons de hauteurs diflerentes dans
la boite du transmetteur, soit en chantant, soit en sifflant
devant le pavillon du tuyau que porte celte boite. L'air se
mettra en vibrations qui se transmettront à la membrane,
celle-ci en vibrant approchera et éloignera périodique-
ment la plaque centrale de la pointe placée vis-à-vis, et
produira dans le courant des interruptions périodiques
aussi rapides que les vibrations des sons émis. L'oreille
placée près de la boite du récepteur entendra donc une
série de bruits trop fréquents pour être perçus séparément,
mais leur succession rapide donnera un son composé dont
la hauteur sera la même que celle du son émis dans la
boîte du transmetteur. Une gamme chantée dans celle-ci
produira donc dans le récepteur une gamme correspon-
.dante, au moins dans certaines limites. Ces notes sont
comprises, suivant M. Reiss, entre F et j"y c'est-à-dire
entre /bi etja^, ou encore entre le^ade la seconde octave
du piano et le Ja de la cinquième.
Dans les expériences que M. Reiss a faites devant le
Congrès scientifique de Francfort (* ), les sons ont été
transmis à une distance de loo mètres*, mais il n'y a évi-
demment aucune raison pour ne pas aller beaucoup plus
loin.
Ce premier essai de téléphone n'a pas obtenu tout
le succès que son auteur en espérait : il a donné seule-
ment un appareil de ^Physique, qui est encore peu ré-
pandu dans nos cabinets, mais il n'a jamais pu être
employé dans la télégraphie. L'appareil a en effet des dé-
fauts que la pratique révèle immédiatement à l'expéri-
mentateur.
D'une part, la transmission des sons est très-imparfaite.
Les vibrations de la membrane n'établissent pas toujours
( *) Annuaire de la Société de Physique de Francfort^ 1860-18G1.
SUR les' téléphonies. 63
le contact entre la rondelle et la pointe, et bien des sons
n'arrivent pas au récepteur. On a mis, il est vrai, sur le
côté de la boite du transmetteur un électro-aimant h
armature vibrante qui assure beaucoup mieux le passage
du .courant; mais, les interruptions n'étant plus assez
rapides, on ne perçoit plus qu'une série de cliocs et non
plus un son d'une hauteur déterminée. D'autre part, le
récepteur reçoit des sons tellement faibles qu'ils sont
difficiles à percevoir et qu'ils disparaissent au moindre
bruit extérieur.
Ces défauts ont été victorieusement combattus dans le
téléphone de M. Elisha Gray, qui a été expérimenté à l'Ex-
position de Philadelphie (*).
Les interruptions du courant sont produites par les
vibrations de diapasons électriques, mis en mouvement
par une pile locale. Ces diapasons, formant une gamme
chromatique de deux octaves, sont placés dans une boîte
à clavier, dont chaque touche fait passer le courant de la
pile locale dans le diapason correspondant. On peut donc,
sur cette espèce de piano, jouer un air quelconque dont les
notes sont comprises entre deux octaves consécutives.
Chaque diapason qui vibre ouvre et ferme le courant
d'une pile de ligne qui, à l'autre station, va mettre en
activité un électro-aimant ordinaire à deux branches. L'un
des pôles de cet électro-aimant est fixé à une armature en
fer, tandis que l'autre en est à une petite distance, jj de
pouce ou ^de millimètre. Dans ces conditions, le passage
des courants interrompus dans Félectro-aîmant produira
des vibrations dans l'armature et par suite un son d'une
faible intensité. Pour le renforcer, on a fixé au centre de
l'armature un pied en fer, qui est appliqué sur une caisse
résonnante de grandes dimensions. L'électro-aimant, fermé
(*) Scientific American^ supplément. New- York, 5 février i8;G.
64 A. BERTIN.
par le haut et renversé sur son armature, posée sur sa
caisse, rappelle de loin les gros diapasons à caisse réson-
nante que Ton voit dans nos cabinets.
Telle est la disposition qui a permis de transmettre à de
grandes distances une mélodie avec une intensité suffi-
sante pour être entendue d'un nombreux auditoire. Mais
ce n'était pas encore le téléphone, c'est-à-dire l'appareil
pouvant transmettre la parole par des courants électri-
ques : il était réservé à M. Graham Bell, de Boston, de ré-
soudre ce problème difficile.
M. Bell a commencé à travailler à son invention en iS^S.
Il y a déjà plusieurs mois qu'il l'a amené à sa perfectioni
mais son appareil n*a été présenté à l'Académie que depuis
peu de temps par M. Bréguet(*). La Note était accom-
pagnée d'une figure que nous reproduisons ici, et qui
représente le téléphone en grandeur naturelle.
Les organes du téléphone sont renfermés dans une enve-
loppe en bois qui a la forme d'un cornet acoustique et que
l'on tient à la main. A Tune des extrémités on voit deux
boutons : ils servent à attacher les fils de communication,
qui réunissent deux appareils semblables placés aux deux
extrémités de la ligne. Sur une ligne télégraphique l'un
des fils serait naturellement remplacé par la terre.
A l'extrémité opposée aux boutons d'attache, le bois est
creusé comme un pavillon d'instrument à vent. C'est ce
pavillon que l'on met contre l'oreille pour entendre; c'est
devant ce pavillon, à i centimètre à peu près, que l'on
parle lentement, à haute voix et en articulant bien. Quel
effet produiront ces paroles sur le téléphone? Pour nous
en rendre compte, il faut le démonter et examiner ce que
contient le morceau de bois que nous avons entre les
mains. Nous y trouverons d'abord dans l'axe un long
(*) Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences du 29 oc-
tobre 1877.
SDK LES rtLtPBOBBS. 65
cylindre d'acier, et nous reconnaltrODS qa'il est aiatdntë.
Kous verrons ensuite que cet aimant porte, en son p6le le
plasvoiaindapavillon, une petite bobine en bois, entourée
d'an fil de cuivre, dont les extrémités viennent aboutir aux
boutons d'atlacbe des fils de ligne. EnSn nous remarque-
rons, devant ce pâle et à une très-petite distance, une ron-
delle de t61e mince, fixée par son pourtour à peu près an
milieu de la distance qui sépare l'aimant du pavillon.
Jnn. de Chim. et de Phji., 5* sârie, t. X.11I. [Janvier 1873.) ^
66 A. BERTnr. — son les téléphones •
Quand on parle conlre le pavillon, cette rondelle vibre
comme une membrane, et une oreille qui serait placée
par derrière percevrait tous les sons émis, avec leur arti-
culation, leur timbre et toutes les modifications qui dis-
tinguent les voyelles dans une même voix et les différentes
voix les unes des autres. Ces sons seront aussi perçus par
Toreille appliquée au pavillon du téléphone qui est à
Tautre extrémité de la ligne ^ seulement ils ne se propa-
geront plus par une communication directe du mouve-
ment vibratoire, mais en produisant des modifications
exactement correspondantes dans les aimants des deux
téléphones, et c'est là ce quMl y a de vraiment merveilleux
dans l'invention de M. Bell.
Les vibrations de la rondelle de fer du téléphone par-
lant ne peuvent se produire sans changer périodiquement,
quoique très-faiblement, la distance de cette rondelle au
pôle de Taimant qui lui fait face. Le magnétisme de cet
aimant est donc modifié, et il en résulte dans la bobine qui
Tentoure des courants induits correspondant à ces modi-
fications. Ces courants induits se transmettent par le fil
de ligne à la bobine du second téléphone et modifient à
leur tour le magnétisme de Taiinant qu'il renferme.
L'attraction de cet aimant sur la rondelle de fer qui est
placée devant lui est donc variable, et cette rondelle est
mise en vibration d'une manière synchrone avec la pre-
mière. Les vibrations de la première rondelle sont donc
reportées sur la seconde et l'oreille, placée derrière celle-ci,
perçoit les paroles aussi fidèlement que si elle était der-
rière la rondelle du premier téléphone, avec cette diffé-
rence, toutefois, que les sons sont affaiblis par la distance,
comme les courants qui les transmettent. Tel est, en peu
de mots, le jeu des forces mises en activité dans le télé-
phone. On ne peut s'empêcher d'être étonné et de l'ex-?
tréme petitesse de ces forces, puisque les vibrations de la
rondelle parlante ne sont pas visibles, et du parfait ayn-
A. DITTE. QUELQUES PROPRIÉTÉS, ETC. 67
chronisme de leurs transformations successives, puisque
les mêmes modifications de cette rondelle se reproduisent
aux deux extrémités. Il est bien curieux que cet instrument
si délicat soit en même temps très-rustique, de telle façon
qu'on peut le démonter et le remonter sans précaution,
remplacer les rondelles par d^autres prises presqu e au ha-
sard, sans lui faire perdre ses qualités.
Il lui manque cependant, pour èlre parfait, la possibilité
de faire des signaux d'appel*, car enfin on aurait beau
parler dans le premier appareil, si le second n'est pas
appliqué contre l'oreille de celui qui doit écouter. Eu ce
moment on n'a d'autre ressource que de frapper avec le
doigt contre la rondelle de fer : le bruit se transmet à la
rondelle du second téléphone, mais il est trop faible pour
attirer l'attention d'une personne distraite ou un peu
éloignée.
On reproche aussi au téléphone la faiblesse des cou-
rants qu'il emploie et qui, dans les transmissions par les
,fils télégraphiques, les laisse sous l'influence prédomi-
nante des courants voisins ou des courants terrestres.
Mais enfin, tel qu'il est, il est employé en Amérique, il
est essayé en Europe et il faut espérer qu'il ne sera pas
seulement un sujet d'étonnement, mais encore un moyen
de communication d'une utilité incontestable.
%*<
EX1VE3I DE QUELQUES PROPRIÉTÉS DE L'ACIDE BORIQUE -,
Pah m. Alfred DITTE^
Professeur à la Faculté des Sciences de Caen.
Quand on dissout de Tacide borique anhydre dans l'eau,
on n'observe rien de bien remarquable \ mais, si à de Tacide
anhydre et pulvérisé on ajoute une quantité d'eau relative-
5.
'68 A. DITTE.
ment petite, par exemple le double de son poids, et qu'on
agite le mélange, on voit presque immédiatement Tacide se
gonfler et augmenter de volume en s'hydratant ; en même
temps le mélange s^échauffe beaucoup, la température de
la masse s'élève presque instantanément a loo degrés, et
Teau en excès se dégage brusquement sousibrme de vapeur.
Ce grand dégagement de chaleur de la part d'un acide peu
énergique surprend au premier abord ; en examinant de
près ce qui se passe, j'ai été conduit à mesurer la quantité
de chaleur qui se dégage dans ces circonstances, et a déter-
miner quelques-unes des propriétés de ce corps.
I. — Chaleur de dissolution de V acide boiique hydraté.
On l'obtient en dissolvant dans Feau un poids connu dia-
cide cristallisé pur et réduit en poudre fine \ la dissolution
est presque immédiate, et la température s'abaisse. La
mesure de cet abaissement de température donne, pour la
quantité de chaleur Q absorbée par la dissolution de
I équivalent (6*2 grammes) d'acide hydraté dans l'eau à
i 5 degrés :
Cal
— 3?.o8,i
— 3149,7
— 3i45,7
— 33o8,8
— 3o57 , I
ej^ moyenne Q= 3186,7. Cette valeur de Q correspond
à la formation d'une dissolution à peu près saturée à
i5 degrés, c'est-à-dire à i équivalent d'acide pour ai3
d'eau environ ; si l'on étend cette liqueur, on n'observe
qu'une variation de température très-faible -, en ajoutant,
par exemple, à la dissolution la moitié de l'eau qu^elle con-
tient déjà, ce qui correspond alors à 3ao équivalents d'eau-
pour I d'acide, l'absorption de chaleur n'est que de
— a4i calories.
QUELQUES PROPRIjÊTÉS DE l' ACIDE BORIQUE. 69
II. — Chaleur d' hydratation de V acide borique anhydre.
On peut Tévaluer de deux manières différentes :
I® On dissout dans l'eau une certaine quantité d'acide
anhydre et l'on observe la quantité de chaleur Qi qui se
dégage ; elle représente la chaleur d'hydratation cherchée ^,
diminuée de la chaleur de dissolution Q de l'hydrate formé.
En prenant de l'acide fondu, le pulvérisant et le tamisant
rapidement, il n'attire pas d'humidité en quantité appré-
ciable, et sa dissolution dans l'eau s'effectue dans un
temps très-court (deux à trois minutes), ce qui rend les
mesures faciles •, on trouve ainsi, pour la chaleur dé-
gagée par I équivalent d'acide (35 grammes) en s'hydra-
tant :
Qr
Qt + Q-^.
3071,5
H- 6279,6
3075,6
-f- 6275,7
3090 , I
-f- 6255 , 4
3229,3
+ 6394,6
ce qui donne pour la valeur moyenne ^= 4-63oi,3, à
14 degrés.
2° On peut aussi introduire dans une dissolution saturée
d'acide borique à une température donnée une petite
quantité d'acide fondu finement pulvérisé *, par l'agitation
du mélange, l'acide s'hydrate presque instantanément, et,
en opérant sur un poids de matière assez faible pour que la
température s'élève peu (de i à 2 degrés tout au plus), il
est facile de tenir compte de la petite quantité d'acide qui
se dissout dans la liqueur par suite de cette faible élévation
de température, et d'apporter au nombre directement
observé la correction correspondante. Dans aucune expé-
rience elle ne s'est élevée à plus de 4 centièmes du résul-
JO A.. DITTE.
tal total. On trouve ainsi pour la valeur de ^:
Cal
-4- 6149, 8
-1- 6197,7
-- 6276,9
- 6207,9
ce qui donne pour valeur moyenne
:^-- H- 6208,1.
En combinant les nombres fournis par les deux séries
d'expériences, on a
^ — -^ 6254, 7.
Ainsi la dissolution de Tacide hydraté absorbe environ
la moitié de la chaleur que Thydratation de l'acide anhydre
dégage, ce qui explique la ditTérence des phénomènes que
l'on observe quand on ajoute à l'acide pulvérisé peu ou
beaucoup d'eau.
III. — Chaleur spécifique de V acide borique hydraté.
On la calcule à Taide de la formule de Person
me -r- m' c'
m -h m'
c étant la chaleur spécifique de l'acide anhydre égale à
0,23743, d'après M. Regnault, et cf celle de la glace
égale à o,5o4 ; cela donne
•y =: 0,3535 16.
Si l'on ajoutait à de l'acide borique anhydre et pulvérisé
la quantité d'eau exactement nécessaire pour Thydrater^
la chaleur dégagée suffirait à porter la masse à une tempe-
QUELQUES PROPRIÉTÉS DE l'aCIDE BORIQUE. ^%
rature donnée par
62 X 0,3535 16
.Or une partîe de cette chaleur est employée à échauffer
le vase dans lequel on opère*, mais, sî l'on n'ajoute qu'une
petite quantité d'eau en sus de la quantité nécessaire à l'hy*
dratation de Tacide, on voit que la chaleur restée libre
sera encore su'ffisante pour volatiliser cette eau brusque-
ment, tout en maintenant la masse à 100 degrés.
IV. — Densité et dilatation de V acide borique anhydre.
Les Traités de Chimie donnent pour cette densité i,83,
sans indication de température (^). Voici les résultats
de déterminations faites sur un échantillon d'acide bo-
rique très-pur, maintenu en fusion jusqu'à disparition
complète de l'eau, et préparé très-obligeamment, avec
beaucoup de soin, par M. Margotiet, agrégé-préparateur de
Chimie à TÉcole Normale supérieure. Les mesures effec-
tuées dans l'essence de térébenthine bien desséchée ont
donné pour la densité par rapport à l'eau :
à o" ^rm,8766
à 12" ^r- 1,8476
à 8o'> à z 1,6988
On en conclut pour la valeur du coefficient de dilatation,
entre i a et 80 degrés,
a;^:=:o,ooi3o86.
V. — Densité et dilatation de V acide bonque hydrate,
La densité que donnent les Traités, sans dire la tempé-
( * ) C'est le chiffra donné par MM. Dumas et Le Royer {Journal de Phy^
sique, t. XGII, p. 40 1 : Essai sur le ^volume de V atome des corps).
72
A.
DITTE.
rature correspondante
ï, est
1,48.
Voici les résultats qne j'ai
obtenus :
Densité à
0".
^— i,f>463
»
12".
§--z I ,5172
J— i,5i28
»
i4".
to
6o«.
^=r.I,4l65
>»
8o».
^ — 1 , 3828
On en conclut, pour le coefficient de dilatation entre la et
60 degrés^ puis entre 12 et 80 degrés,
^f.--^ 0,0015429,
A%zzz 0,0014785.
VI. — Densité moyenne et contraction de V acide borufue
hydraté.
En regardant cet acide comme formé diacide anhydre et
d'eau solide, de manière à ne pas avoir à faire intervenir
un changement d'état, la densité moyenne qu'aurait Tacide
hydraté, si ses éléments s'étaient unis sans changement de
volume, serait
D := 1 ,3oo3.
Or, ce nombre étant plus petit que la valeur réelle de la
densité, on en déduit une diminution de volume au mo-
ment de la combinaison, ce'qui correspond bien à un déga-
gement de chaleur; la valeur de la contraction est
C^ — ^ — = 0,15912.
VII. — Chaleur de contraction de l'acide borique liydraté.
C'est la quantité de chaleur nécessaire pour ramener,
en le dilatant, Tacide borique hydraté au volume qu'il oc-
QUELQUES PROPRIÉTÉS DE l'ACIDE BORIQUE- 73
cuperait, s'il s'étaît formé sans contraction. On sait qu'elle
est représentée par la formule
= {b-)!
7
[d densité réelle, D densité moyenne, E équivalent, A coef-
ficient de dilatation, y chaleur spécifique de l'acide bo-
rique hydraté). On en tire
La contraction ne peut donc qu'en partie rendre
compte de la chaleur que l'hydratation dégage. La chaleur
de contraction employée à échauffer l'acide hydraté le por-
terait à la température
\d ; a
Ainsi il suffirait de chauffer à i36 degrés l'acide cristal-
lisé, pour que sa densité devienne i,3oo. Malheureu-
sement il n'est pas possible de mesurer dans les con-
ditions habiyjelles et à i36 degrés la densité de l'acide
hydraté, qui perd une partie de son eau avant cette tem-
pératures
VIII. — Solubilité de V acide borique dans Veau.
Il était nécessaire, pour les corrections dont j'ai parlé
plus haut, de connaître exactement la loi de solubilité de
l'acide hydraté dans l'eau; les ouvrages de Chimie ne
donnent que très-peu de renseignements à cet égard et en-
core les nombres relatifs à loo degrés sont-ils en complet
désaccord les uns avec les autres. Cette solubilité, déter-
y4 A* DITTE.
minée à diverses températures, a donné pour la quanlité
diacide dissoute dans i litre d^eau :
Température. BoO', 3H0. BoO' correspondant.
o gr
o ^9À1 ' ï >oo
12 29 , ?,o 1 6 , 5o
20 39,92 22,49
40 69,91 39,50
62 ii4,i6 64^50
80 168,1 5 95,00
102 291,16 164, 5o
Ces nombres se placent sur une courbe de solubilité ex-
trêmement régulière, dont la convexité est tournée vers
Taxe des températures, et que représente l'équation empi-
rique
jrrir 19,4 -f- 0,63636 / -h o,oi66o8r' — 0,00001604 ^;
l'acide borique se dissout dans l'acide chlorhydrîque
étendu, bien plus facilement que dans Teau pure. Il ne
parait cependant exister aucune combinaison entre les
deux acides, au moins anhydres. En effet, Tacide borique
fondu et pulvérisé, soumis à l'action d'un courant diacide
chlorhydrique sec, n'en absorbe h aucune des températures
comprises entre — 6® et le point auquel l'acide fondu
commence à se ramollir.
IX. — Cristallisation de V acide borique hydraté.
Il se présente habituellement sous la forme de paillettes
incolores, transparentes et brillantes. Après avoir vaine-
ment cherché à en obtenir dans l'eau pure des cristaux
mesurables, je l'ai vu se produire ainsi dans une liqueur
faiblement acidulée par l'acide acétique et contenant, en
outre, du nitrate d'argent. L'acide borique ne donne aucun
précipité dans ces circonstances. La liqueur abandonnée
dans un vase ouvert, à l'obscurité et à une température
QUELQUES PROPRIÉTÉS DE LUCIDE BORIQUE. jS
variable de r5 à aS degrés, s'évapore très-lentement. Au
bout de quelque temps apparaissent au fond du vase ou
adhérents à la surface terminale du liquide de beaux
prismes hexagonaux transparents qui grossissent peu à
peu. Ils atteignent jusqu'à 6 et 8 millimètres de longueur
sur 2 millimètres d'épaisseur, et ne présentent aucune
modification apparente. On trouve avec eux quelques
paillettes de la forme ordinaire de Tacide borique. Les
prismes présentent perpendiculairement à leurs arêtes
latérales un clivage net et très-facile qui produit des sec-
tions hexagonales. Les cristaux, quoique formés dans une
eau mère renfermant du nitrate d'argent, ne retiennent pas
trace de métal après un lavage à l'eau froide ; c'est là de
l'acide borique trihydaté, comme le montrent les nombres
suivants :
1. II. Calculé.
BoO^ 56,58 56, oo 56,45
HO 43,4tî 44, oo 43,55
100,00 100,00 100,00
Ainsi, comme cela se produit souvent du reste, ce sont
les impuretés de la liqueur qui ont rendu dans ce cas la
cristallisation plus facile.
L'hydratation de l'acide borique me paraît fournir le
sujet d'une expérience propre à montrer dans un cours,
d'une manière très-simple et frappante, le dégagement de
chaleur produit dans certaines actions chimiques. En opé-
rant, par exemple, sur 100 grammes d'acide borique et
125 grammes d'eau, on peut fondre en quelques instants
un lingot d'alliage de Darcet placé au milieu du mélange,
en même temps qu'il se dégage une grande quantité de
vapeur.
y6 E. DUGLA.UX. — TENSION SUPERFICIELLE
SUR LA TENSION SUPERFICIELLE
DANS LA SÉRIE DES ALCOOLS ET DES ACIDES GRAS;
Par m. E. DUCLAUX,
Professeur de Physique à la Faculté des Sciences de Lyon.
Simon (de Metz) (*) est le premier physicien qui ait
publié des recherches suivies sur la tension superficielle
des liquides autres que Teau et des dissolutions salines.
Il a constaté que les dissolutions saturées de chlorhydrate
d'ammoniaque et des sulfates de potasse, de cuivre et
d'oxydule de cuivre, s^élèvent, dans un tube capillaire,
à une hauteur supérieure à celle qu'atteint l'eau. Comme
les constantes de capillarité sont , toutes choses égales
d'ailleurs, proportionnelles au produit de la densité du
liquide par la hauteur soulevée, il résulte de l'observa tien
de Simon que ces constantes sont, pour les dissolutions
précitées, supérieures à celle de l'eau, et ce fait devient
intéressant quand on songe que, parmi les liquides homo-
gènes, c'est l'eau, c'est-à-dire la substance dont l'équivalezit
est le plus faible, qui a la tension superficielle la plus con-
sidérable.
Plus tard, Buliginski (*) étudia la loi de variation de la
tension superficielle avec la concentration pour les solu-
tions de salpêtre et de sel ammoniac. Si, avec lui, on ap-
pelle A la valeur de cette tension pour l'eau, G sa valeur
pour une solution renfermant sous l'unité de poids g de
sel et p d'eau, on a, pour exprimer la relation entre la
concentration et la constante de capillarité, l'expression
G = A (p 4- gr*),
(*) annales de Chimie et de Phjrsique, 3* série, t. XXXII, p, 5.
(•) P^gg' ^""f *• CXXXIV, p. 44o.
DES ALCOOLS ET DES ACIDES GRAS. ^^
OÙ k est un coefficient plus grand que l'unité , variable
d'un sel à Tautre. Cette expression peut se transformer,
en tenant compte de la relation
et devient alors
G±=A-^-gA{k — i),
ce qui prouve que, dans les limites des expériences de
Buliginski y jusqu'à a5 pour loo de sel, par exemple, dans
le cas du chlorhydrate d^ammoniaque, la tension superfi-
cielle croît proportionnellement à la richesse centésimale
de la solution. La loi de la variation est donc représentée
par une ligne droite.
En étudiant le même sujet, M. Valson y a introduit une
idée nouvelle, celle de compter les proportions de sel dis-
soutes non plus en poids, mais en poids équivalents. En
dissolvant, par exemple, dans un litre d*eau, des poids de
divers sels égaux à leur équivalent exprimé en grammes,
il a trouvé, outre une loi dite des modules] qui n'a qu'une
valeur secondaii*fe, le fait intéressant que voici : c'est que
les dissolutions ainsi préparées avec les chlorures, bro-
mures, iodures, sulfates et nitrates de métaux divers avaient
toutes même tension superficielle.
Cela rendait probable, d'une manière générale, Texis-
tence d'une relation simple entre la tension superficielle
et le poids équivalent des sels employés. Si, en particulier,
la loi formulée par Buliginski est exacte pour ces diverses
substances, les droites qui, pour chaque sel, représentent
la loi de variation de la constante capillaire avec la concen-
tration, doivent passer toutes par un même point, lors-
qu'on porte comme abscisses non plus les proportions pon-
dérales, mais les proportions équivalentes; comme elles
partent aussi d'un même point, elles doivent se confondre,
ce qui revient à dire que la loi de variation est la même
pour toutes.
yS £. DUCLA.UX. TENSION SUPERFICIELLE
Celle conclusion vient d'êlre solidement établie par
M. Quincke (^), qui, à la suite d'expériences multipliées
sur les dissolutions de divers chlorures, a cru pouvoir for-
muler la loi suivante : « La cohésion (c'est le nom qu'il
donne à la constante capillaire) croît à peu près propor-
tionnellement au nombre d^équivalents des divers sels
dissous dans loo équivalents d'eau. »
Le mot àpeuprès est nécessaire, car les vérifications de
la loi sont trop souvent approximatives. Elles ne se font
pas bien pour les solutions concentrées, surtout celles de
chlorure de calcium^ elles pèchent aussi pour les dissolu-
tions de perchlorure de fer. M. Quincke les trouve incor-
rectes, en outre, pour le chlorure de potassium et lechlor->
hydrate d'ammoniaque. Pour ce dernier sel au moins, la
chose est singulière; Buliginski^ qui Ta étudié, donne pour
lui une formule, du genre de celle que nous avons indiquée
plus haut, et dans laquelle le coefficient de proportionna-
lité est, quand on fait la correction nécessitée par le
changement de variable, à peu près identique à celui de la
formule générale de même forme donnée par M. Quincke.
D*après Buliginski, le sel ammoniac rentrerait donc dans
la loi commune, tandis que, d'après M. Quincke, il n'y
obéit pas. Lorsqu'on cherche la raison de cette contradic-
tion, on s'aperçoit que M. Quincke a mesuré les tensions
superficielles de ses liqueurs par deux méthodes différen-
tes, celle des ascensions capillaires et celle des bulles
liquides, et qu'ayant obtenu des résultats discordants, il
adopte arbitrairement, en vertu d'idées préconçues, les
nombres fournis par la seconde de ces méthodes, celle qui^
comme nous le verrons bientôt, exige les mesures les plus
délicates, celle au moins, si l'on veut n'envisager que le
côté pratique, où les nombres bruts sont les moins concor*
dants. Quand on prend au contraire, dans les expériences
(*) Pogg. Ann.^ t. CLX, p. 6; 1877.
DES A.LCOOLS ET DES ACinES GRAS. jg
mêmes de M. Quincke, les nombres fournis par la mesure
des hauteurs capillaires, le chlorhydrate d ammoniaque ne
diffère pas des autres chlorures.
La loi posée par M. Quincke parait donc avoir un assez
haut degré de généralité. Elle semble s'appliquer aussi aux
solutions alcooliques. Il est permis de trouver pourtant
qu'elle a une base trop élroile, soit parce que le nombre
d'équivalents de sel en solution, qui forme la variable in-
dépendante, est astreint à osciller dans des limites assez
étroites, soit parce que la loi ne s'applique plus bien lors-
que les solutions sont trop concentrées. Elle est néan-
moins intéressante, et il est fâcheux qu'en elle se résume
tout ce que la science possède d'établi sur la corrélation
très-certaine entre la cofistante de capillarité et la compo-
sition chimique des liqueurs.
Les physiciens ont malheureusement été détournés des
recherches sur les phénomènes capillaires par une très-
fausse idée des difficultés qu'y rencontre l'expérimenta-
tion. En voyant des observateurs habiles ne pas s'accorder
sur la vérification d'une loi simple comme celle de Jurin,
et obtenir, dans des conditions identiques en apparence,
des résultats tout à fait discordants, on a conclu à l'exis-
tence de causes d'erreurs inconnues, et par suite impossi-
bles à éviter. Ces idées ont pu persister, tant qu'on ne
s'est pas rendu un compte bien exact de la vraie nature et
de la vraie localisation des forces agissantes; mais aujour-
d'hui qu'on sait qu'elles proviennent de la couche infini-
ment mince de liquide qui recouvre la surface libre, on
s'explique toutes les difficultés qu'ont rencontrées les pre-
miers expérimentateurs, et l'on apprend à les prévenir.
Pour le cas des tubes capillaires par exemple, la seule
précaution à prendre pour avoir des mesures exactes et
précises est de laver très-soigneusement le tube, de façpn
que le liquide le mouille bien et que l'angle de raccor-
dement avec la paroi soit nul. En dehors de ces conditions.
8o £. DUGLA.UX. TENSION SUPERF ICiAlE
toute mesure, avec quelque soin qu'elle soit faite, est in-
certaine, et par suite inutile. Mais on ne les réalise pas
toujours avec la même facilité.
Avec Teau et les liquides à forte tension superficielle, il
suffitM'une trace imperceptible de matière grasse sur les
parois, pour que celle-ci, s'élendant en couche mince sur
la surface libre, diminue dans une proportion notable la
hauteur soulevée. Si la surface capillaire reste quelque
temps exposée à Tair, le niveau s^abaisse encore par suite
du dépôt de poussière qui s'y produit, et dans laquelle il
existe toujours des corpuscules graisseux, ainsi que le
prouve le loucher gras de toutes les poussières un peu an-
ciennes. Pour éviter ces causes d'erreur, il faut recourir
au nettoyage exact des tubes, tel que Gay-Lussac le pra-
tiquait, et faire la lecture de la hauteur soulevée, dès que
l'équilibre s'est établi.
Avec les alcools, les éthers, les acides gras, les essences,
et en général les dissolvants des matières grasses, les diffi-
cultés que je viens de signaler sont moins à craindre,
d'abord parce que ces substances adhèrent mieux au verre,
ensuite parce qu'elles redoutent moins l'influence des
matières grasses, dont les tensions superficielles sont voi-
sines des leurs. Mais, avec les corps de ces séries qui sont
volatils, par exemple les alcools, il existe une autre cause
d'erreur, c'est que leurs solutions aqueuses s'appauvris-
sent par évapora lion. Dès lors leur tension superficielle
augmente, et la colonne s'élève. Avec l'alcool méthylique,
j'ai vu la hauteur capillaire augmenter en deux heures
de ~ de sa valeur. Avec les alcools de degré plus élevë,
les pertes par évaporation sont moindres; mais, commela
tension superficielle change très-rapidement avec la pro-
portion d'alcool dissoute dans l'eau, les plus petites* varia-
tions dans la composition de la couche superficielle se tra-
duisent par une élévation irès-sensible du niveau.
Pour se mettre à Tabri de ces deux sortes d'erreurs, on
DES ALCOOLS ET DES ACIDES GKAS. 8l
peut employer plusieurs dispositifs; voici celui qui m'a
paru le plus simple et le plus sûr. J'emploie un tube de
thermomètre calibré, d'un diamètre voisin de -y de milli-
mètre, de façon que la hauteur d'eau soulevée soit voisine
de i5 centimètres. Avec un tube- plus large, la sensibilité
est trop faible 5 avec un plus étroit, la colonne, en s'éle-
vant ou s' abaissant, subit des frottements qui l'entravent. Ce
tube, usé en cône à sa partie supérieure, est assujetti à
une potence commandée par une crémaillère. L'extrémité
pointue pénètre à moitié dans une petite ampoule en verre
soufflé, reliée par son autre bout à un tube étroit de
caoutchouc, terminé par une poire élastique percée d'un
trou : c'est avec cette poire qu'on manœuvre à distance le
liquide dans lequel on fait plonger le tube capillaire après
l'avoir bien nettoyé. On élève d'abord ce liquide au-dessus
de son niveau, et on le laisse retomber. On s'arrange, au
moyen de là crémaillère, de façon que le niveau soit
voisin d'une des divisions que le tube porte extérieure-
ment: cela est commode pour rendre toutes les expériences
immédiatement comparables. Quand on en est arrivé là,
on soulève une dernière fois le liquide, et l'on fait la lec-
ture lorsque le niveau est devenu stationnaire.
Mais le niveau atteint est-il le niveau normal? Il est
facile de s'en assurer. On se met d^abord à l'abri des er-
reurs qui pourraient provenir de Fimparfait nettoyage du
tube, en soulevant celui-ci doucement au moyen de la
crémaillère. La hauteur observée au cathétomètre ne .
change pas si le tube est propre. Il faudrait, pour arriver à
ce résultat avec un tube sale, qu'il fût également mal-
propre et également mal mouillé dans les deux cas, chose
tout à fait improbable, car les impuretés sont toujours
très-minimes et très-locales, si ce tube a été bien nettoyé.
Restent les erreurs qui pourraient provenir du change-
ment de composition delà surface capillaire ; on s'en af-
franchit en produisant, au moyen du jeu de la poire de
Ann. de Chim. et de Phjrs,, 5® série, t. XIIL ( Janvier ï 877.) 6
82 B. DUCLAtJX. TEMSIOH SUPERFICIELLE
caoutchouc, un courant ascendant rapide dans le tube ca-
pillaire. Les gouttes qui viennent perler à l'extrémîtë supé-
rieure tombent dans la dilatation ampullaireet en saturent
Tair intérieur ; quand on cesse d'aspirer, le liquidere tombe,
et Texpérience n'est jugée bonne que lorsque , après
deux opérations successives ainsi conduites, le niveau ne
change pas. Si, avec cela, on opère dans une chambre à
température constante, où le liquide étudié ait séjourné
quelles heures, on peut admettre que Ton connaît bien
la température delà colonne liquide, et ainsi se trouvent
évitées ou réduites à leur minimum les principales causes
d^nexactitinle qui peuvent aiTecter ces expériences. Quand
on est outillé et exercé, une observation ne demande pas
plus de dix minutes, tout compris.
Ce procédé, le plus parfait au point de vue théorique,
est supérieur, au point de vue pratique , à la méthode
par les lames parallèles, où il y a de trop larges surfaces i
nettoyer, et à la mesure des bulles liquides étalées sur
un plan, où la couche superficielle est trop exposée au
contact de Pair. Il peut tout aussi bien donner les valeurs
absolues des tensions superficielles que leurs rapports pour
des liquides divers. Mais, quand on ne recherche que ces
rapports, on peut recourir à d'autres moyens qui, moins
parfaits en théorie, sont d'une pratique plus aisée.
Tel est celui où Ton utilise les lois de l'écoulement par
gouttes. "Quand on fait écouler un liquide par un tube ca-
pillaire à parois épaisses, on sait que chacune des gouttes
qui viennent perler à son extrémité se développe à Tinté-
rieur d*une espèce de sac élastique qui se gonfle tant que
la limite d'élasticité de ses parois n'est pas atteinte, et se
brise après s'être creusé en gorge lorsqu'elle est dépassée*
Il se produit sur le cercle de gorge des phénomènes asses
difficiles à analyser; mais, tant que les gouttes restent dans
de certaines conditions de similitude faciles à réaliser,
l'expérience démontre que, pour un même liquide, les poids
^ DES ALCOOLS ET DES ACIDES GKAS. 83
des gouttes sont proportionnels aux eirconférences ou aux
diamètres des tubes desquels elles se détachent, et que pour
un même tube et des liquides divers, les poids des gouttes
sont proportionnels aux tensions superficielles de ces li-
quides.
C'est cette loi que Ton peut utiliser, soit en pesant les
gouttes qui tombent, soit en mesurant le nombre de gouttes
fournies par un volume donné de liquide de densité connue.
Ces deux moyens reviennent évidemment au même; mais
le second est plus commode, et c'est celui auquel je me
suiâ arrêté. J'emploie un compte-gouttes du volume de
5 centimètres cubes, pourvu d'un orifice tel que, lorsqu'il
est rempli d'eau distillée à la température de i5 degrés,
cette eau, en s'écoulant, donne exactement loo gouttes. Si
avec un autre liquide de densité d^ et dans les mêmes con-
j. . 1 loo d , ,
ditions, on trouve n gouttes, le rapport j qui est le
rapport du poids des gouttes de ce liquide et d'eau, donne
aussi le rapport des tensions superficielles de ces deux
substances.
On voit l'avantage de la méthode. La surface du verre
n'a pas besoin dêtre d'une propreté absolue ; il suffit
qu'elle le soit assez pour qu'il y ait adhésion du liquide, ce
qu'il est facile d'obtenir. La séparation ne se fait jamais
qu'un peu au-dessous de la paroi solide, sur une surface
capillaire toujours propre, fraîche, et sans cesse renou*
velée. On supprime donc à la fois les incertitudes prove-
nant du liquide et de la paroi.
Mais on ne gagne ces avantages qu'au prix de quelque
incertitude sur l'application de la formule indiquée plus
haut, et cette incertitude, Texpérience seule peut la faire
disparaître. La théorie ne peut, en effet, indiquer que
grossièrement les limites dans lesquelles la similitude des
gouttes est assez grande pour qu'on puisse appliquer la loi
que nous avons énoncée.
6.
84 E. DUCLAUX. TENSION SUPERFICIELLE
Or rexpérîeuce montre que l'oriGce capillaire de ma
/. . , . I oo d .
pipette iournit tres-exactemenl Jes rapports des ten-
sions superficielles tant que n est compris entre loo, va-
leur qui convient à l'eau, et i4o, chiffre voisin de celui de
Talcoolà lo degrés. On pourrait, pour aller au delà, prendre
un orifice plus étroit pour assurer une similitude plus par-
faite, et prendre alors comme terme de comparaison non
plus l'eau, comme avec l'orifice le plus large, mais l'alcool
à lo degrés. Un orifice par lequel 4 centimètres cubes d*eaii
distillée donneraient loo gouttes pourrait conduire depuis
n = i4o jusqu'à n = 3oo, et l'on pourrait continuer de la
même façon en prenant des orifices à section de plus en
plus faible et des liquides de comparaison convenablement
choisis. Mais il est plus commode et tout aussi sur de
n'avoir qu'un seul compte-gouttes, et de dresser, en com-
parant ses indications avec celles que fournit la méthode
des tubes capillaires, une Table de correction, disant de
combien les nombres de gouttes qu'il fournit diffèrent des
nombres qu'il devrait fournir, si la similitude entre les
gouttes existait à tous les degrés de l'échelle.
Avec le compte-gouttes dont je me sers, et tous ceux qui
pourraient être construits dans les mêmes dimensions,
voici ce qu'il faut retrancher des nombres trouvés par ex-
périence pour avoir les nombres théoriques, ceux qu^il
faut faire entrer dans le calcul du rapport :
Jusqu^à i4o gouttes n on retranche o gouttes.
De i4o à 145 » 0,5
145 à i5o » 1
i5o à i55 " I ,5
i55 à 160 " 2
160 à 170 » 2,5
170 à 180 •' 3
180 à 190 » 4
DES ALCOOLS ET DES ACIDES GRAS. 85
De 190 à 200 gouttes, on retranche 5 gouttes.
200 à 210 « 6
210 à 220 » *]
220 à 23o ' 8,5
23o à 240 » 10
240 à 25o ■* II
25o à 260 ' 12
260 à 280 >' i3
280 à 3oo > 14
et ainsi de suite, en retranchant une goutte de plus pour
chaque vingtaine de gouttes au delà de 3oo. La correction
est, on le voit, toujours assez faible, et au delà de 3oo gouttes
n'a pas besoin d'être connue à plus d'une unité près. Une
erreur d'une goutte, dans ces limites, n'affecte que la troi-
sième décimale du rapport des tensions, décimale qui est
toujours incertaine, quel que soit le procédé employé.
Lorsqu'on veut se dispenser de compter les gouttes, ce
qui est d'ailleurs plus facile et moins rebutant qu'on ne
pense, on peut se servir d'un petit appareil facile à con-
struire, et qui se compose d'un simple tournebroche dont
l'axe nioteur et l'axe résistant portent chacun une large
poulie de caoutchouc durci ou de carton comprimé. Entre
ces deux poulies est entraînée une bande de papier, en-
roulée au préalable sur une troisième poulie placée, à la
même hauteur, à une certaine distance. Au-dessus de la
portion horizontale de cette bande, on dispose le compte-
gouttes sur un support convenable, de façon que les gouttes
soient reçues et emportées par le ruban de papier qui se
déroule. On trouve chez les marchands de papiers peints
des rouleaux de papier non collé que Ton découpe de la
largeur convenable, et qui conserve assez longtemps la
trace des gouttes reçues pour qu'il soit possible de les
compter aussitôt l'écoulement terminé. Si l'on veut en
garder une trace plus durable, on peut, avec les liquides
aqueux, frotter d'abord le papier avec un mélange de noix
86 E. DUCLAtJK. TENSION SUPERFICIELLE
de galle pulvérisée et de sulfate de fer desséché, qui donne
une tache d'encre en chaque point mouillé. Avec les li-
quides ne renfermant pas d'eau, on pourrait trouver dans
chaque cas, s'il était nécessaire, un phénomène analogue,
conduisant au même résultat.
C'est surtout par ce procédé du compte-gouttes qu'ont
été faites les expériences dont je '^aîs rapporter les détails.
J'indiquerai, à propos de chaque corps étudié, quand cela
sera nécessaire, les moyens que j'ai employas pour le pré-
parer à l'état de pureté, et je donnerai la Table de corres-
pondance entre les densités, les nombres de gouttes et les
tensions superficielles de ses divers mélanges avec l'eau. Les
nombres de gouttes indiqués sont les nombres réels, ceux
qu'on obtient dans le compte-gouttes de 5 centimètres
cubes. La connaissance de«x nombre de gouttes fournil un
moyen de dosage très-précis, de beaucoup supérieur, sur-
tout pour les alcools à équivalent élevé, à celui que pour-
rait fournir l'étude des densités. Les tensions superfi-
cielles peuvent se conclure des nombres de gouttes indi-
qués, en leur faisant subir la correction signalée plus
haut.
I. — SsaiE DES ALCOOLS.
1 ^ Alcool méthylique.
L'alcool était celui du commerce, purifié par les procédés
connus. Il bouillait à 66 degrés exactement, et sa densité
était de 0,7995 à i5 degrés. J'en ai fait avec l'eau des mé-
langes divers, auxquels j'ai été surpris de ne pas trouver les
densités assignées par M. H. Sainte-Claire Deville, et ce
fait m'a inspiré quelques doutes sur la pureté dé mon
alcool, que je n'avais éprouvée que par son point d'ébul-
lition et sa densité, deux caractères fort incertains, on le
sait, mais qui sont encore, parmi les constantes physiques
les plus facilement mesurables, ceux qui fournissent les
meilleures indications. Je crois qu'on pourra y substituer.
DÈS ALCOOLS ET DES ACIDES GRAS. 8?
j
avec grand avantage, la mesure de Ja tension superficielle,
beaucoup plus variable, d'un alcool à l'autre, lorsqu'on
emploie les mélanges aqueux, qu'une autre propriété phy-
sique quelconque.
Lorsqu'on a des doutes sur la pureté d'une substance
volatile, il n'y a qu'à la distiller, et à essayer, au point
de vue de la tension superficielle, les premières et les
dernières portions. Ce n'est que dans des cas tout à fait
exceptionnels que les deux corps dont elle pourrait être
formée passeraient d'un bout à l'autre de la distilla-
tion, en proportions constantes. En fractionnant les pro-
duits et en les étudiant au compte-gouttes, soit tels quels,
soit après les avoir mélangés avec l'eau en proportions
déterminées, on voit avec la plus grande facilité si le liquide
examiné est homogène, ou si c'est un mélange. Pour donner
une idée de la sûreté de cette méthode, je dirai que je n'ai
pas réussi à trouver dans le commerce ou à préparer par
fermentation un acide butyrique résistant à celte épreuve,
, et que je crois que cet acide tout à fait pur est encore in-
connua
L'alcool mélhylique dont je me suis servi s'est au con-
traire montré tout à fait pur. Je ne peux donc que constater
le désaccord qui existe entre mes nombres et ceux de
M. H. Sainte-Claire Deville; Voici ceux que j'ai obtenus :
Alcool pour loo Nombre Tension
en Toiumes. Densité. de gouttes. superficielle.
I » io4 0*962 •
2 o>997* ^^1 0,982
3 » 1 10 0,905
4 » ii3 o, 880
5 0,992g ii6 o,856
6 « n8,5 0,840'
7 » 120,5 0,824
8 » 123 0,806
9 *» '^5 0,793
88 E. DCCLAUX. TENSION SUPERFICIELLE
Alcool pour 100 Densité Nombre Tension
en volumes. à j5 degrés. dégouttes. superfîcielle.
lo OyÇ^S'jg 127 0,777
1 5 »» 1 38 o > 7 • o
20 0,9742 i47i^ 0,660
25 I. 1^7,5 0,620
3o * 166 0,590
35 » 174»^ o,56o
4o 0,9500 182,5 o,53o
45 .» 189 o,5o8
5o 0,9345 196 0,488
60 0,9234 207,5 0,458
70 » 219 0,425
80 0,8713 23o 0,392
90 o , 8462 247 ^ > ^60
100... 0,7995 277 o,3o2
Lorsqu'on traduit sur une courbe les résultais relatifs
à la tension superficielle, on remarque un point d'inflexion
au voisinage de l'alcool à yo degrés, et la courbe se relève
même beaucoup au voisinage de l'alcool absolu. 11 ne faut
pas s'en étonner, A la température d'ébullition correspond
une tension superficielle nullf^ et les corps très-volatils à
la température ordinaire, comme F^tsprit-de-bois pur, doi-
vent avoir une tension superficielle a^â4Jltant plus faible
qu'ils sont plus voisins de leur point d'ébulliîîon.
2** Alcool ordinaire.
Les moyens d'obtenir cet alcool, à Tétalpur, étant bi^^^
connus, je n'y insisterai pas. Voici les nombres que j^^'
obtenus. S^
s
Alcool p. 100 N. de gouttes Tensions
en volumes. Densités. à iS». superficielles.
' o>99^5 107 0,933
^^ 0,9970 Ii3 0,88b
3..... 0,9956 u8 o>775
(
uÈs Alcools bt des acidbs 6ba8. 89
Alcool p. 100 , N. de gouttes ' Tensions -
en volumes. Densités. à 1 5<^. superficielles.
4 0,9942 ii2j5 0,812
5 0,9929 126,5 0,785
6 0,9916 i3o,5 0,760
7 0,9903 i34 Oj74o
8.'.... 0,9891 137,5 0,720
9 o>9878 i4o,5 0,700
10 0,9867 i44 0,682
Il 0,9855 i47 o,665
12. ... 0,9844 i5o o,65o
i3 o,g833 i53,5 0,637
i4 0,9822 i57 0,625
i5..... 0,9812 160 o,6i5
20 0,9763 176 o,568
25 0,9711 195 0,527
3o 0,9657 2o5 o>49^
35 0,9594 216 0,465
4o 0,9523 226 o,44o
45 0,9440 235 0,4^5
5o. ... 0,9348 243 0,410
60 0,9141 25i 0,382
70 0,8907 256 o,365
80 ... . o , 8645 259 o , 35o
90 0,8346 261 o,338
loo 0,7947 270 o,3o2
La courbe des tensions, et surtout celle du nombre de
gouttes, ont une tendance manifeste à se relever, au voisinage
de l'alcool pur, mais les titres alcooliques, pour lesquels
ce fait se produit, sont beaucoup plus élevés que pour Tal-
cool méthylique, Talcooi ordinaire étant moins volatil.
39 Alcool isopropylique.
L'alcool que j'ai étudié avait, à i5 degrés, une densité
de 0,^97 et bouillait d'une façon continue à 83 degrés, à la
go E. DCGLIUX. TENSION SUPERFICIELLE
pression de 0^,74^. U était miscible à Teauen toutes pro-
portions; toutefois, la liqueur se troublait un peu au voi-
sinage de Talcool à 4o degrés. Le fait ne me paraît pas dû
à une impureté quelconque; car,' en soumettant cet alcool
à répreuve délicate dont j'ai parlé à propos de l'alcool mé-
tbylique, je n'ai pas trouvé de différences sensibles entre
les premiers et les derniers produits de la distillatioq.
Toutefois, je ne considère les tensions superficielles du
tableau ci-dessous, comme définitivement établies, que
jusqu'au voisinage de 4^ degrés. Au-dessus de ce litre, il
n'y a guère que celle de l'alcool absolu sur laquelle je puisse
compter.
Voici les nombres obtenus:
Alcool pour 100 Densiir Nombre Tension
en volumes. à i5 dej;i'os. de (jouîtes, superficielle.
5.. 0,9934 146 0,680
10 0,9868 172 0,574
18,2..... 0,9787 208 0,484
25 » 225 0,430
3o 0,9605 243 0,3^5
4o 0,9477 277 o,35i
60 0,9064 281 o,33o
80 o,8584
100 o>79y ^78 o,3oo
La tension superficielle diminue notablement ici quand
on passe de Teau pure aux alcools à faible titre. Nous al-
lons voir cet effet s'accuser de plus en plus.
4** Alcool isobiitjlique . ^
Cet alcool est assez facile à obtenir pur. Celui dont je
me suis servi bouillait et passait tout entier à la distilla-
tion à la température de 107 degrés. Il avait une densité
de 0,8064 à i5 degrés.
#
\
)>ES A.LGOOLS ET DBS ACIDES GHAS. pi
Alcool pour 100 Densité Nombre Tenaion •
en Tolumes. à là degrés, de gouttes, superficielle.
0,2 » 107,5 o,g3o
0,4 ^> n5j5 Oy866
e ^
0,6 » 123 o,8î3
0,8 » i29>S 0,775
1 j» i35 0,742
1,5..... » 147 0,680
2........ » i57 0,640
2,5 0,9950 168 0,600
3 » 177 0,572
4.* » 193 0,525
5 0,9930 209 0,489
6 0,9915 224 0,455
7« » 239 0,4^0
8 > 255 o,4io
9. » 270 o,386
10 0,9875 286 0,370
5*^ Alcool amy tique.
L'alcool que j*ai employé, vendu comme pur dans le
commerce, a été redîstillé sur de la potasse pour le séparer
de Féther cenanthique qui le souille quelquefois, etTonn^a
recueilli que ce qui a passé en tire 127 et i3o degrés. Le
liquide obtenu a ensuite été redistillé, et Ton n^a employé
que la portion bouillant entre 128 et 129 degrés. La den-
sité était, à i5 degrés, de 0,81 48. Jen^ai pu le dissoudre
dans Teau en proportions supérieures à 4 pour loOj et en-
core la solution obtenue n'était-elle limpide qu'à 10 ou
11 degrés; elle se troublait quand la température remon-
tait à i5 degrés, et quelques gouttes d'alcool aqueux se réu-
nissaient a sa surface. Voici les nombres qui se rappor-
tent à cet alcool :
Alcool pour 100 Densité Nombre Tension
en Tolumes. à i5 degrés, dégouttes. superficielle.
0,1 » m 0,900
o,a » 120,5 o,83o
0,3 • 128,5 0,775
93 £. DUCLÀUX. — TEJfSION SUPERFICIELLE
Alcool pour 100 Densité Nombro Tension
en Tolumes. à 1 5 degrés, do goultos. superficielle.
o,4 » i37 o>73o
o,5 o»9994 i44>5 0,695
0,6 » 1 5o o , 668
0,7 « i56 0,645
0,8 » 161 ,5 0,625
0,9 » 166,5 0,610
1,0 0,9988 171,5 0,594
1,2 » 181, 5 o,563
1 ,4 " 189 o,538
1 ,6 » 199 o,5i5
1,8 » 207 ,5 o , 495
2,0... . 0,9975 2i5,5 0,479
2,5 .... » 235 o,44'
3 0,9966 254 0,408
3,5 » 274 o,38o
4,0 0,9955 291 o,358
On voit ici combien les plus faibles traces d'alcool amy-
lîque abaissent la tension superficielle de Teau. Cet effet
est encore plus remarquable avec Talcool caprylique.
6^ alcool caprylique.
•
Il est très -difficile, sinon impossible, de préparer ce
corps à l'état absolument pur. Celui que j'ai employé
bouillait au voisinage de 107 degrés et avait pour densité
0,817. Sa solubilité dans Teau était très-faible, mais il
est difficile de la mesurer; si Ton ajoute à de Teau un
poids déterminé d'alcool, et qu'on agite, une partie de
Falcool reste fixée en couche mince sur la surface de l'eau
et les parois du flacon, et il est difficile de savoir le mo-
ment où elle a complètement disparu. On n'a qu'un seul
moyen d'en être averii, c'est de mesurer la tension super-
ficielle des diverses liqueurs qu'on obtient en ajoutant à un
poids déterminé d'alcool des volumes d'eau de plus en plus
grands. Quand cette tension commence à diminuer, c'est
DBS ALCOOLS ET DES AÇIDE8 GRAS. qS
que tout l'alcool est dissous et que Teau qu'on a ajoutée en
dernier lieu n'a servi qu'à étendre la dissolution primitive
au lieu de se saturer, comme les portions précédentjes, aux
dépens de l'alcool en excès. J'ai trouvé ainsi que la solu-
bilité maximum de cet alcool correspondait à 1*^^,6 par
litre d'eau 5 en étendant d'eau cette solution saturée, j'ai
obtenu des liqueurs de titres divers qui m'ont donné les ré-
sultats suivants :
Alcool pour 100 Nombre Tension
en volumes. de gouttes. superficieUe.
o,oi5 12.5 o,8oo
ô,o3. ........ 143 Oï'joo
0,04 i53 0,660
o,o5 160 o,633
0,06 167 0,606
0,08 i83 0,545
0,10..' 197 G, 521
0,12 209 o , 495
o, i5 23o 0,452
0,16 235 O9444
On voit combien il faut peu d'alcool caprylique pour
abaisser notablement la tension superficielle de l'eau. L'in>
fluence des alcools de degré supérieur est encore plus
grande, mais ils sont beaucoup moins solubles; ils sont
très-difficiles à obtenir à l'état pur, et je n'ai pas poussé
plus loin cette étude. Il me reste à parler maintenant de
la série des acides gras.
II. ACIDES GRAS.
1** Acide forinique.
Je me suis servi, pour préparer les dissolutions peu con-
centrées, de Tacide du commerce, qui est généralement le
prétendu hydrate à 56 pour 100 C*H*0* -+- 4 HO. Celui
94 E- DUCLAUXé — TENSION SUPERFICIELLE
que j'ai employé bouillait assez régulièrement à io5^,'5 et
avait une densité de x,i3o à i5 degrés.
J'ai déterminé la tension superficielle de l'acide pur au
moyen d'un échantillon préparé par le procédé de M. Beiv
thelot, mais dont je n'avais pas des quantités suffisantes
pour étudier les solutions concentrées.
Acide pour loo Densité Nombre Tension
en Toiumes. à i5 degrés. dégouttes. superficielle.
6,7 Ï.OÏ9 "4 0*894
i3,5. ... i,o38 125 o,83o
20,0 » i34,5 0*789
26,5 1,071 142,5 0,75*
33,5 » _ i5o 0,725
40,0 i,io5 i58 0,705
45,0 » i63,5 o,685
53,0 i,i3o 173 o,665
ioo,o » 238 0,534
«
Cet acide, le premier de la série, fait très-peu varier la
tension superficielle de l'eau. L'effet va encore ici être
d'autant plus marqué que nous aurons affaire à des corps
d'équivalent plus élevé.
2^ Acide acétique.
Je n'ai aucun détail particulier à donner sur ce corps,
que l'on peut obtenir dans le commerce tout à fait pur et
en aussi grandes quantités qu'on le désire. Voici les nom-
bres qui s'y rapportent :
Acide pour 100 Densité Nombre Tension
en Tol urnes. à i5 degrés. de gouttes. superficielle.
1 1,001 106,5 0,940
2 1,002 111,5 0,901
3 i,oo4 ii5,5 0,869
4 I ,oo55 119,^ 0,841
5 1,0075 123 0,819
' DBS ALCOOLS ET
DES ACIDES
•
GRAS.
Acide pour 100
Densité
Nombre
Tension
en Yolumes. à ]
1 5 degrés.
de gouttes.
superficielle.
6
r,oo9
126
0,800
7
r , 0 I o5
129
0,782
8
[ ,OI25
l32
0,767
9
1 ,0145
134,5
0,754
10
1 ,oi55
.137
o,74i
20
I ,0275
159,5
0,644
3o
i,o4i
177
0,587
40
[ ,o5i5
192
0,547
5o
1 ,060
206
o,5i4
60
1,067
217
o,5o3
70
1,070
23o
o,483
80. . • • .
1,073
247
0,456
90
1,073
264
0429
100
I , o635
279
0,396
95
La courbe des tensions superficielles, qui est très-régu-
lière d'allures avec tous les corps un peu éloignés à la
température ordinaire de leur point d'ébuUition, subit une
flexion sensible avec Tacide acétique dans toute la région
comprise entre 4^ ^^ 90 d'acide pour 100 de mélange.
C'est précisément la région dans laquelle se produit aussi
l'augmentation anomale de densité des dissolutions
aqueuses, qui donne un maximum de densité au voisi-
nage de Pacidc à 80 pour 100 en volume. Les deux
faits sont évidemment corrélatifs, mais la corrélation est
difficile à expliquer dans Tétat actuel de la science. Je me
contente de signaler celte particularité. J'aurai à y revenir
quand nous arriverons aux conclusions à tirer de Ten-
semble de ces mesures.
3*^ Acide butyrique.
J'ai étudié des acides butyriques de diverses prove-
nances, les uns fournis par des fermentations butyriques
normales, les autres obtenus dans la fabrication des bou-
96 E. DUCLAUZ. TEHSIOfi SL'PEnFICIBLLE
gies stéariques. Je n^eti ai pas trouvé qui ne fût mélangé
d'une petite ({iianlîtc d'acide valérianique on proportions
trop faibles pour être appréciables h l'analyse organique,
mais pas assez petites pour échapper nu contrôle de la dis-
tillation fractionnée^ combinée, comme je Tai indiqué plus
haut, avec Tétude de la tension superficielle. L'acide va-
lérianique fait varier celle de l'eau beaucoup plus qu'un
volume égal d'acide butyrique, et, comme il passe le pre»
mier à la distillation, il est assez facile dVn déceler la pré-
sence. Toutefois, la marche de la distillation est, comme
je le montrerai dans un autre travail, trop peu différente
chez ces deux acides pour fournir un moyen de séparation.
Leurs autres propriétés, et même celles de leurs sels, sont
aussi trop semblables pour permettre facilement de les iso-
ler lorsqu'on ne dispose pas d'une masse considérable de
produits. Je n'ai pu, pour ma part, obtenir de l'acide bu-
tyrique pur en quantité suffisante pour préparer des disso-
lutions dont le titre dépassât 4 pour 100. Cette faible
quantité produit heureusement une variation notable de
tension superficielle, ainsi qu'on va le voir.
Pour les titres supérieurs inscrits au tableau ci-dessous,
ils ont été obtenus au moyen d'un alcool renfermant encore
un peu d'acide valérianique. Us donnent par conséquent
un nombre de gouttes trop élevé, et ont une tension trop
faible, mais d'une quantité qui ne dépasse certainement
pas deux unités de la seconde décimale.
Aciilo pour 100 Nombre Tension
en Tolumcs. Densité. de gouttes. superficielle.
0,5. .. . » 120 o,838
I » i33 o,'y52
2 1 ,001 i53 o,655
3. . . . . » 1^0 0,589
4 »i002 184 0,544
5 » ig6 o,5i
BES ALCOOLS ET DBS ACIDES GBAS. 97
Acide pour loo ?lombre Tension
en volume. Densité. de gouttes. ' superficielle.
6 i,oo3 208 0,48
7 » 217 0,46
8 i,oo5 227 0,44
g 9 236 0,4^
10 1,006 243 o,4i
Je ne donne pas les nombres relatifs à des titres plus
élevés ; ceux que j'ai obtenus ne méritent aucune confiance,
à cause du mélange d'acide valérianique. Ce n'est que pour
des solutions très-concentrées que cet acide, dont la tension
superficielle, lorsqu'il est pur, est voisine de celle de
l'acide butyrique, n'intervient pas pour modifier notable-
ment les nombres relatifs à ce dernier acide. J'ai trouvé
que celui que j'ai employé, avec une densité de o, 9672,
donnait 274 gouttes et avait par suite une tension superfi-
cielle égale à 0,370.
Il est remarquable que les solutions aqueuses de cet acide
présentent, comme celles de l'acide acétique, un maximum
de densité qui est d'environ 1,007 au voisinage de
20 pour 100 en volume.
Je n'ai pas étudié d'acides gras supérieurs, parce que les
moyens de les préparer, à l'état pur, font complètement
défaut, et que les mesures que j'avais à faire sont trop pré-
cises pour pouvoir s'accommoder d'une impureté quelcon-
que, surtout provenant d'acides à équivalent élevé, dont il
suffit de quantités très-faibles pour faire varier notablement
la teusion superficielle de l'eau. La série des acides gras
présente en effet le même phénomène que celle des alcools.
Les termes d'un ordre élevé exercent, à quantités égales,
une influence qui va en grandissant avec le poids molécu-
laire. Voici ce qui le prouve : si, pour avoir des nombres
comparables, on part de dissolutions très-étendues, renfer-
mant par exemple par litre ^ d'équivalent ( O = 100),
Jnn, d« Chim, et de Phys,., 5" série, t. Xllî. ( Janvier 1878.) 7
g9 E. DTJGLAUX. — TENSION SUPERFICIELLE
voici ce que doonént les liquides obtenus, au compte-
gouttes, à 1 5 degrés :
>
Eau pure i oo
Acide formique loi
• acétique i o5
» propionique (du cyanure d*éthyle). ... 1 13
» butyrique (impur) i52
» valérianique (de la racine de valériane). i83
» caproîque (bouillant à 200 degrés ) . . . . 263
Le peu de solubilité des acides supérieurs fait qu^ils se
dérobent à cette étude, mais la loi reste la même. La disso-
lution saturée d'acide caprique ne renferme pas plus de
0^,4 ^^ cet acide par litre, et donne i33,5 gouttes, ce qui
lui donne une tension superficielle égale à o, ^5, la même
que celle de la dissolution d*acide formique à 27 pour 100
d'acide.
GONGLUSIOlfS.
Il ne nous reste plus, pour terminer, qu'à tirer des études
qui précèdent les conclusions qu'elles comportent. Ces
conclusions peuvent se formuler d'une façon très-simple.
Si Ton construit les courbes des tensions superficielles des
corps étudiés, en prenant pour ordonnées les valeurs don-
nées de ces tensions et pour abscisses les proportions centé-
simales, en volume, du corps auquel elles se rapportent,
on voit d'abord que toutes ces courbes ressemblent à des
paraboles plus ou moins allongées, ou plus exactement à la
courbe exponentielle j^ = K (e*— i). Il n'y a d'exception
que pour la courbe de l'alcool méthylique, qui présente un
point d'inflexion dont nous savons la raison d'être, et celle
deTalcool ordinaire, qui, pour les mêmes raisons, s'inflécbit
un peu au voisinage de l'alcool absolu, très-volatil aussi.
Une étude plus approfondie montre ensuite que les va-
leurs de X qui, dans les diverses séries de dissolutions, cor*
respondent à une même valeur dey^ sont proportionnelles
DES ALCOOLS ET DES ACIDES GRAS. QQ
entre elles dans la série des alcools et celle des acides gras.
Voici, pour le démontrer, un tableau où l'on a calculé pour
des mêmes valeurs de j^ prises tout le long de Téclielle, les
rapports des valeurs de x calculés en prenant pour terme
de comparaison Talcool amylique, celui de tous les alcools
faciles à préparer à Tétat pur, qui abaisse le plus la ten-
sion superficielle de Teau.
Valeur des A. méthyl. Aie, éthyl. Aie. propyl. Aie. butyl. Aie. capryl.
tensions.
A. amyl.
Aie. amyl.
Aie. amyl.
Aie. amyl.
Aie. amyl.
. 0,90...
33
16'
»
2.7
»
o,85. . .
34
17
)j
2,8
»
0,80. . .
34
18
9'i
'-».8 .
0,057
0,75. . .
33
18
»
»
M
0,70. . .
33
18
t>
2,8
0,061
o,65. . .
3i
'7
u
2,6
»
0,66. .
w
18
9,3
2,6
o,o63
0,55. . .
•I
16
M
2,6
»
o,5o. . •
>•
16
11
2,6
0,064
0,45. .
•#
16
M
2,6
»
o,4o. . .
M
16
9'3
2,6
»
On n^a pas poussé au delà du terme o, 4^ la vérification
pour Talcool métbylique, à cause du voisinage du point
d'inflexion. Pour les autres alcools, la concordance est re-
marquable, et Taugmentation de tous les nombres entre
les termes p, 85 et 0,70 semblerait indiquer qu'entre ces
limites la tension superficielle de Talcool amylique a été
évaluée un peu trop bas.
Pour la série des acides gras, on a calculé les nombres
en les rapportant à Facide acétique, à cause de l'état d'im-
pureté relative des termes supérieurs.
Valeur des tensions.
0,90..
o , 85 • .
0,80. .
Aeide formique.
Acide butyrique.
Aeide acétique.
Aeide aeétique.
2,9
0, 10
3,1
G, 10
3,0
0,11
7-
lOO s. DUCLAUX. TENSION SUPERFICIELLE
Acide formique. Acide butyrique.
Valeur des tensions.
Acide acétique.
Acide acétique.
0,75
3,0
0,12
0,70. . . .
2'9
Oyio
o,65
3,0
0, 10
0,60 ....
»
0,10
On est donc autorisé à poser la loi suivante : Si, avec les
divers alcools ou les divers acides gras, on compose des dis-
solutions à des titres variés, et si Ton compare entre elles
celles de ces dissolutions qui ont même tension superfi-
cielle, les proportions centésimales d^alcool ou d'acide
qu'elles renferment seront entre elles dans un rapport
constant, indépendant de la valeur de la tension.
En d'autres termes, si x=/[y) est l'équation de la
courbe des tensions pour un corps donné, x = f^fiy) sera
l'équation pour un autr« corps, k étant donné par les
tableaux qui précèdent. En d'autres termes encore, la fonc-
tion inconnue de j^, qui entre dans l'expression ci-dessus,
est la même pour tous les corps d'une même série, et ne se
modifie de l'un à l'autre que par l'introduction d'un coef-
ficient constant, caractéristique de chaque corps.
J'ai cherché en vain une relation entre ce coefficient et
le poids équivalent de la substance. Peut-être mon in-
succès tient-il à ce que je n'ai pu comparer des corps de
la même série, car je n'ai eu à ma disposition que de l'alcool
isopropylique et isobutylique, tandis que les autres alcools
étaient de la série normale. Je me suis assuré que la tension
superficielle était une des constantes physiques qui distin-
guent les corps des deux séries. Il y a là une étude & faire.
Quoiqu'il en soit des résultats à rencontrer dans cette
voie, la loi qui précède est établie sur une base plus large
qu'aucune des lois analogues formulées jusqu'ici. Il IM
s'agit plus en effet de reconnaître la même tension super-*,
ficîelle à des dissolutions dont les richesses en sel et les deii-
sités sont voisines, et dont les constantes de capillarité
DES ALCOOLS ET DES ACIDES GRAS. lOI
s^éloignent peu de celles de l'eau. Nous avons opéré sur des
liquides où ces tensîous sont comprises entre i et 0,4) dont
les densités pour une même tension varient de ^ de leur
valeur, et dont les teneurs en substances actives sont très-
différentes. Si l'on compare, en effet, les termes extrêmes
de la série, on verra que, pour produire une tension super-
ficielle égale à o,65 par exemple, il faut prendre des disso-
lutions renfermant par litre 210 centimètres cubes d'alcool
méihylique et seulement o'*', 3 d'alcool caprylique, et ces
nombres sont entre eux comme i et 700.
La loi ne semble pas se borner d'ailleurs aux mélanges
binaires, et j'ai trouvé qu'elle s'applique aux mélanges ter-
naires, pourvu qu'on réalise chez ceux-ci des conditions qui
les rendent comparables. Si, par exemple, on compose des
dissolutions des divers acides gras renfermant chacun par
litre un équivalent d'acide, et si Ton mélange ensuite en
proportions différentes ces diverses dissolutions, on ob-
tiendra des liqueurs dont l'acidité totale sera la même, mais
proviendra de quantités variables des acides employés. Ces
dissolutions ontdes tensions superficielles qui varient entre
celles des liqueurs normales qui ont servi à les former,
tensions qui, comme nous l'avons vu plus haut, sont très-
différentes. On peut donc dresser pour elles des courbes de
tension en prenant pour abscisses les proportionsde l'un des
acides dans le mélange, absolument comme tout à l'heure
nous prenions la proportion de substance active dans sa dis-
solution dans l'eau. Si l'on compare ces courbes entre ell«s,
on trouve encore un rapport constant entre les valeurs des
abscisses qui correspondent à une même ordonnée.
Je montrerai dans un autre travail quel profit on peut
retirer de cette variation des tensions pour calculer ap-
proximativement la proportion des acides gras dans le mé-
lange. J'aurais, pour le faire ici, à m'écarter trop de mon
sujet, et à lui faire quitter le terrain de la Physique pure,
sur lequel je tiens à le laisser.
■ V
lOa B. GUIMET.
MÉMOIRE
SUR LA FORMATION DES OUTREMERS ET LEUR COLORATION-,
Par m. E. GUIMET.
Lorsque Ton suit les phases de la cuisson de routremer,
tel que l'a préparé J.-B. Guimet et tel qu on le prépare
généralement de nos jours, on observe diverses colorations
qui se succèdent Tune à Tautre dans l'ordre suivant :
Brun.
Vert.
Bleu.
Violet.
Rose.
Blanc.
Ces couleurs sont le résultat de l'oxydation successive du
mélange primitif de kaolin, de soufre et de carbonate et
sulfate de soude destiné à préparer l'outremer.
En effet, lorsque le four qui contient les creusets renfer-
mant le mélange commence à rougir, le soufre fond et
produit immédiatement avec la soude des polysulfures.
Les corps qui se forment alors présentent des colora-
tions diverses, mais sont tellement instables en présence
de l'air et de l'eau qu'on ne peut les définir. Ils paraissent,
du reste, ne devoir leur coloration qu'aux sulfures qui im-
prègnent la masse.
Le premier produit stable est le brun ^ il apparaît au
moment où, le four s'échauffant davantage, on voit sortir
des creusets des flammes bleues, indices de la combuslion
du soufre se transformant en acide sulfureux.
Lorsque les flammes ont cessé d'apparaître, cette
transformation est achevée ; si l'on retire un creuset du
four, il est rempli d'une matière verte.
FOKMATION DES OUTREMERS ET LEUR COLORATIOIC. Io3
La température étant arrivée à 700 degrés, le bleu com-
raence à se former.
Si à ce moment on continue le chauffage en laissant,
comme précédemment, entrer de l'air en excès, la matière
prend une nuance violette, puis rouge ou plutôt rose, et
enfin l'outremer devient blanc.
Cet outremer blanc, mélangé avec un peu de charbon
et chauffé au rouge, reproduit, selon la quantité de charbon
ajoutée, du rose, du' violet, du bleu, du vert ou du brun.
On peut aussi, en prolongeant ce chauffage et par consé-
quent Foxydation, faire redescendre à Tun de ces produits
•dérivés du blanc tous les termes de la série et transformer
par exemple le brun en vert, bleu, rose et blanc.
Le même fait s'observe avec un mélange de sulfate de
soude, de kaolin et de charbon,. qui se comporte comme
Ton tremer blanc mélangé de charbon.
En remplaçant le charbon par Fhydrogène, le sel am-
moniac, ou tout autre corps réducteur, on obtient les
mêmes résultats.
Ces faits semblent bien indiquer que la marche de la
coloration suit celle de l'oxydation. Nous allons en trouver
des preuves dans Texamendes produits dans les différentes
périodes du chauffage.
CARACTÈRES DES OUTREMERS. .
Ces couleurs, au sortir du creuset, contiennent une par-
tie insoluble, qui est la matière colorante, et une partie
soluble, qui comprend les produits éliminés de la combi-
naison.
Nous allons indiquer dans un tableau les divers carac-
tèreis de ces outremers colorés et ceux de leurs eaux de
lavage.
I04 B. GUIMBT.
#
Brun et vert.
RéAGTIONS DE LA MATIERE REACTIONS DES EAUX DE
COLORANTE. LAVAGE.
CliaulT&s au rouge sombre au Eaux alcalines fortement co-
con tact de Tair, se transforment lorées par des poly sulfures de
en bleu. sodium qui se transforment peu
Traités par les acides étendus, à peu en hyposulfites inco-
dégagent de l'hydrogène sul- lores; les acides y déterminent
furé. Il se forme un dépôt de un abondant précipité de soufre
soufre et le produit devient et un dégagement d'hydrogène
blanc. sulfuré.
Bleu parfait.
Traité par les acides étendus, Eaux neutres ne contiennent
dégage de l'hydrogène sulfure que du sulfate de soude avec
mélangé à de l'acide sulfureux ; des traces d^hyposulfites.
il se forme un dépôt de soufre
et le produit devient blanc.
Le violet, étant un mélange mécanique de bleu et de
rose, participe aux propriétés de ces deux outremers.
Bose et blanc.
Traités parles acides étendus, Eaux acides : l'acidité est
ne dégagent que de l'acide sul- produite par un acide et non
fureux ; il se dépose du soufre par un sel à réaction acide ; les
et le produit devient blanc. eaux ne contiennent plus que
des sulfates sans traces d'hypo-
sulfîtes, elles contiennent de
l'alumine.
Il se produit, dans ce cas, un phénomène remarquable :
le fer, dont le kaolin contient toujours une petite quan-
tité, et qui, jusqu^à présent, était resté insoluble, mèléi la
matière colorante, le fer, disons-nous, apparaît dans les
FORMATION DES OUTREMERS ET LEUR COLORATION. I o5
eaux de lavage qu'il colore fortement en jaune brun, et se
précipite rapidement à Tétat de sous-sel d'un jaune
ocreux. La chaleur produit immédiatement ce dédouble-
ment. Si, lorsque le fer est précipité, on traite les eaux de
lavage par l'ammoniaque, il se précipite une quantité con-
sidérable d'alumine.
PRODUCTION DE LA MATIERE COLORANTE.
Examinons maintenant comment s'opère le passage
d'une couleur à l'autre.
La transformation du brun en vert n'a pas encore pu
être étudiée suffisamment par des méthodes de laboratoire :
nous ne pouvons donc pas en parler ici.
TRANSFORMATION DU VERT EN BLEU.
Dans l'état actuel de la Science, on peut dire que tous
les travaux faits pour établir une différence dans la com-
position élémentaire entre le vert et le bleu obtenu par le
grillage de ce vert n'ont abouti qu'à prouver sous ce rap-
port Tidentité absolue de ces deux produits.
Il n'existe pas j^i ^^ différence dans la proportion des
éléments qui constituent ces deux corps. Or l'oxygène n'a
pas été dosé : le changement de couleur ne peut donc pro-
venir que d'un changement d'état des composés sulfurés,
changement produit sous l'influence de l'oxygène.
TRANSFORMATION DU BLEU EN ROSE.
Il y a, dans ce cas, une véritable différence entre ces
deux corps.
Nous avons vu, par Texamen des eaux de lavage, que de
l'alumine était rendue soluble; les analyses démontrent
que les proportions de soude et de soufre n'ont pas changé
sensiblement.
lo6 B. GUIMET.
Nous nous trouvons donc en présence d'un outremer
contenant une plus grande quantité de silice, et Ton a
souvent attribué la coloration rose à un excès de silice.
Il n^en est rien. Si Ton prend, en eflet, de Toutremer
rose, débarrassé par un lavage soigné de toute l'alumine
éliminée pendant la transformation du bleu en rose, cet
outremer, qui contient un excès de silice, chauffé avec du
charbon, se transforme en un outremer bleu qui contient
la même quantité de silice et d'alumine que Toutremer
rose avant cette transformation.
C'est donc par une oxydation que la coloration rose
est obtenue, et Ton vérifie ainsi les conséquences que fai-
saient prévoir les caractères chimiques de ce produit (ab-
sence de dégagement d'hydrogène sulfuré lors du traite-
ment par les acides, etc.).
Nous supposons que c'est l'acide sulfurique, dont la pro-
duction succède à l'acide sulfureux pendant la réaction,
qui désagrège le produit en formant un sulfate d^ alumine
soluble : c'est aussi cet acide qui favoriserait la formation
du rose.
D'après les caractères indiqués pour ces diflférenles cou-
leurs, nous pouvons définir ainsi les outremers : a Les ou-
tremers sont des produits insolubles^ composés de silice^
d'alumine, de soude, de soufre et d'oxygène ] traités par les
acides étendus, ils se décolorent, et cette décoloration est
accompagnée d* un dépôt de soufre et du dégagement d'un
composé acide du soufre » .
DU ROLE DE CHACUN DES CONSTITUANTS DE l'ouTKEMER.
Oxygène. — Nous lui attribuons, d'après les expériences
ci-dessus, la production de la couleur, et il paraît aujour-
d'hui démontré qu'en son absence les sulfures ne peuvent
former d'outremers; il faut la présence d'hyposulfiles pour
la production d'une couleur stable.
FORMATION DES OUTREMERS ET LEUR COLORATION. IO7
Soufre. — Avec les mêmes proportions des autres con-
stltuanis, peu de soufre donne un bleu clair, et plus la
dose est augmentée, plus le bleu devient foncé. Toutefois,
lorsque l'on est arrivé à une certaine nuance, qui dépend
des proportions des autres corps dans le mélange, tout
l'excès de soufre que Ton pourrait introduire serait élimi-
né, soit par volatilisation, soit â Tétat de sulfate de soude.
Soude. — La proportion de soude est toujours la même
dans les outremers : elle est de 3o pour loo environ; tout
excès de soude que Ton voudrait faire entrer dans le mé-
lange primitif disparaîtrait toujours à Tétat de sulfate de
soude, grâce à Texcès de soufre que Ton est obligé d'intro-
duire dans la masse pour parer aux pertes occasionnées,
par la volatilisation de ce produit.
Silice, — Sa proportion est sensiblement constante dans
tous les outremers, 37 à 38 pour loo environ; son rôle
n'a jamais pu être bien défini.
jilumine, — C'est de la quantité d'alumine contenue
dans le mélange primitif que dépend la nuance du bleu.
Quand la proportion d'alumine diminue, celle du soufre
augmente de la même quantité, tandis que les proportions
respectives de silice et de soude ne changent pas.
On a cru jusqu'à présent devoir caractériser les outre-
mers clairs ou bleu pur et les outremers foncés ou rosés
par la dénomination à^ outremers pauvres en silice et riches
en silice.
Le fait est que ces outremers contiennent tous la même
proportion de silice; seulement, pour les préparer, on
emploie des kaolins plus ou moins siliceux : c'est ce qui a
donné lieu à cette dénomination erronée. Si l'on examine,
en effet, la composition d'un outremer clair comparée à
celle d'un outremer foncé, on verra que sur loo parties de
ces corps la silice et la soude sont représentées par le même
chiffre; l'outremer clair contient 8 pour loo de soufre et
l'outremer foncé en con tiendra 1 3 pour loo, et dans l'outre-
I08 E. 6UIMET.
mer clair il y a 5 parties d'alumine en plus que dans l'ou-
tremer foncé*
Une variation dans la quantité d'alumine est suivie par
une variation en sens inverse dans la quantité de soufre
combiné.
En sorte que, en se servant de kaolins de compositions dif-
férentes, on peut faire varier la nuance du produit obtenu
depuis le bleu pâle à nuance de lapis jusqu'au bleu foncé à
nuance violette.
En résumé, la soude et la silice restant sensiblement en
quantité constante dans tous les outremers, la quantité de
soufre combiné peut varier environ du simple au double,
tandis que la quantité d'alumine contenue à l'état de com-
binaison dans le produit varie dans la proportion de •; en-
viron.
Les outremers ainsi obtenus présentent au microscope
une texture cristalline et un aspect parfaitement hom<^ène^
il faut donc croire que la proportion de soufre et d'alumine
peut varier dans les limites ci-dessus sans que l'outremer
cesse d'être un corps parfaitement défini, et c'est ce qui au-
rait jusqu'à présent empêché l'analyse d'assigner à l'outre-
mer une formule chimique invariable.
Il fallait donc chercher d'autres procédés que l'analyse
pour étudier avec plus de précision le rôle des corps qui
constituent l'outremer.
C'est pour cela que l'on a fait au laboratoire de l'usine
de Fleurieux des expériences de substitution qui ont abouti
aux résultats suivants.
On a, dans le mélange primitif, substitué au soufre,
équivalent à équivalent, le sélénium d'abord et le tellure
ensuite, et l'on a produit les couleurs dont nous donnons le
tableau ci-après, en même temps que celui des outremers
au soufre qui leur correspondent.
FORMATION DES OUTREMERS ET LEUR COLORATION. lOp
Outremers au soufre. Outremers au sélénium. . Outremers au tellure.
Brun.
Brun.
Vert.
V
Jaune.
Bleu.
Rouge pourpré.
Vert.
Violet.
j» •
1)
Rose.
Rose.
Gris.
Blanc.
Blanc.
Blanc.
Ces corps présentent les mêmes réactions que les outre-
mers au soufre. Comme eux, ils sont décomposés par les
acides étendus avec dépôt de sélénium ou tellure, et déga-
gement d'un gaz sélénifère ou tellurifère.
On peu( aussi, en- chauffant avec du charbon un des
composés de cette série, reproduire tous les autres compo-
sés supérieurs.
Depuis longtemps la soude avait été remplacée par la
potasse dans la préparation de l'outremer, et Ton avait
reconnu que le produit blanc ainsi obtenu présentait tous
les caractères de Toutremer.
Les bases alcalines et terreuses, comme la chaux, la
baryte, la magnésie, la litliîne, etc., substituées équivalent
à équivalent à la soude, donnent toutes des corps présentant
les mêmes réactions que les outremers (décomposition par
les acides, dépôt de soufre et dégagement d'acide sulfhy-
drique ou sulfureux).
Ces combinaisons sont incolores, excepté celles que
donne la baryte. Ce dernier outremer, en général, affecte
une nuance grise; mais, dans certaines circonstances, il
parait être jaune. Toutefois nous avons obtenu si peu de
cet outremer jaune qu'il nous a été impossible de le carac-
tériser.
On s'est arrêté, dans ces expériences de substitution,
aux métaux dont les sulfures sont insolubles; car, le lavage
ne pouvant les éliminer, on ne peut savoir facilement si
l'on est en présence d'un outremer ou d'un silicate mé-
IIO E. GUIHBT. FORMATION D^8 OUTREMERS, ETC.
langé de sulfures insolubles et pouvant alors prëseoter
les réactions des outremers.
Nous avons essayé de substituer Toxyde de cbrome a
l'alumine, mais cet oxyde agissant comme fondant, i
700 d^rés, température nécessaire à la production de
Toutremer, la masse s'est fondue et par suite n'a pas pu
offrir les propriétés physiques des outremers.
D'après ces études, on voit que le soufre uni à l'oxygène
produit la coloration, puisque, lorsqu'il est remplacé par
les corps de sa famille, l'outremer change de couleur.
La soude, si elle ne produit pas directement la colora-
tion, est pourtant nécessaire, puisque les autres corps qu'on
lui substitue dans Toutremer empêchent la coloration
de se produire.
Enfin l'outremer n'est pas un corps unique : il existe
toute une série d'outremers, les uns colorés (outremers
au soufre, au sélénium et au tellure); les autres incolores
(outremers à la potasse, à la chaux, à la lithine, etc.), et
l'étude de ces corps pourra peut-être jeter un jour non-
veau sur la composition chimique de l'outremer.
Nous avons cru devoir publier dès à présent ces ré-
sultats, déduits de l'examen impartial des nombreuses
expériences exécutées à l'usine de Fleurieux et des analyses
fournies par les savants français et étrangers qui se sont
occupés de l'outremer.
On voit que le champ des explorations théoriques est
encore assez vaste, et il eut peut-être mieux valu attendre
de pouvoir offrir des formules positives.
Mais, comme l'attention du monde savant est depuis
quelque temps attirée sur ces questions, il est important
de revendiquer pour J.-B. Gui met l'honneur de la dé-
couverte de la série des outremers au soufre, qu'il avait
préparés et étudiés longtemps avant que personne fut
même parvenu à produire induslriellemeni l'outremer
bleu.
W« HOBERTS. FUSIBILITÉ, ETC. III
Nous tenions aussi à signaler les importants travaux
des chimistes qui nous secondent dans nos recherches.
Je citerai particulièrement le Directeur de Tusine de
Fleurieux, M. Th. Morel, qui a trouvé les outremers au
sélénium et au tellure, et M. J.-F. Plicque, qui a entrepris
la synthèse de Toutremer au moyen du silico-aluminate
de soude.
Les expériences se poursuivent avec activité et Ton
peut dès à présent entrevoir que la composition exacte
de Toutremer, sa formule chimique, s'il en a une, sera «
bientôt révélée.
«%»V%«r%%%V%«\'\%V%»V%%\%«r\«%\«%
NOTES SUR U FUSIBILITÉ, LA LIQII&TION ET LA BENSITÉ
DE CERTAINS ALLIAGES D'ARGENT ET DE CUIVRE, DOR
ET DE CUIVRE;
Par m. Wichandler ROBERTS,
Membre de la Société Royale de Londres, chimiste de la Monnaie
de Londres.
(Traduit de l'anglais par M. E. DcuAs,
Essayeur du Bureau de la Garantie de Paris.)
ALLIAGES d'argent ET DE CUIVRE.
Les alliages d^argent et de cuivre présentent certaines
particularités physiques et chimiques qui, en dehors de
leur valeur commerciale, rendent leur étude très-intéres-
sante au point de vue scientifique.
Une de leurs propriétés les plus remarquables est la mo-
bilité singulière de leurs molécules constituantes, en vertu
de laquelle certaines combinaisons de leurs éléments
sMsolent et se groupent spontanément dans une masse
lia W. &OBERTS. FUSIBILITÉ, LIQUÂTION
d'alliage en fusion, et en altèrent ainsi constamment Tho-
mogénéité. Ces irrégularités de composition d'un même
lingot ont été constatées depuis longtemps déjà.
Au XYi® siècle, Lazarus Erckern en parle dans un de ses
ouvrages comme d'un phénomène avec lequel il est fami-
lier. Jars, dans un Mémoire publié en 1781, établit d'une
manière très-explicite que les lingots d'alliage titres bas
d*argent et de cuivre sont moins riches au centre qu'à la
surface.
Depuis le commencement du siècle, ces alliages ont été
l'objet de beaucoup d'excellents travaux. M. Darcet, in-
specteur général des Essais en France, iit, en i8a4» une
série de recherches sur les phénomènes qui accompagnent ^
ce refroidissement après fusion des alliages d'argent et de
cuivre. Les résultats de ces expériences ne furent point
publiés; maïs M. Levol, en i852, dans un Mémoire bien
connu sur les alliages métalliques (') rappelle que Darcet,
dans ce travail, avait pour but de chercher un moyen d'as-
surer l'homogénéilé des lames destinées à la fabrication
des monnaies. Il ajoute que ces essais ne semblaient pas
destinés à donner des résultats satisfaisants, et je crois,
d'après les résultats de mes propres expériences, pouvoir
dire que cette conclusion doit être modifiée.
M. A. Levol, dans ses expériences, coulait le métal à
examiner, soit dans un moule cubique de o™,o45 de côté,
soit dans un moule sphérique de o°^,o5o de diamètre.
Ses conclusions sont que le seul alliage homogène de
cuivre et d'argent est celui qui contient :
Argent .... 718,93
Cuivré 281 ,07
, 1000,00
(*) Sur les alliages considérés sous le rapport de leur composition chi"
mique {yénnales de Chimie et de Physique, 3* série, t. XXXVI).
SX DBJI6ITÉ Dit CERTAINS ALLIA6BS. Il3
combinaison définie qui aurait pour formule
Ag'Cu* (ou Ag'jCu* si Ton prend 63, 34 pour équivalent du cuivre).
Il considère tous les autres alliages possibles de cuivre
et d' aident comme des mélanges de cet alliage défini avec
des excès variables de Tun des deux métaux primitifs.
En 1860, Matthiessen (^ ) étudia ces alliages avec le soin
minutieux qui caractérise tous ses travaux, et il les décrivit
comme des mélanges mécaniques des deux métaux, sou-
mis à des modifications allotropiques déterminées.
La courbe des conductibilités électriques amena Mat-
thiessen à douter de Texactitude des conclusions de Levol
au sujet d'un alliage défini Ag^Cu*; car, dans ce cas, cette
courbe aurait dû consister en deux lignes droites conduisant
respectivement de Falliage de Levol au cuivre et a l'argent
pur, et nous observons au contraire, en examinant la
courbe partant du cuivre, que le pouvoir conducteur de ce
métal éprouve une décroissance rapide par l'alliage à ce
métal de faibles quantités d'argent.
De l'alliage qui contient 10 pour 100 d'argent à celui
contenant 65, nous avons une ligne droite et nous considé-
rons les alliages intermédiaires comme des mélanges des
deux alliages extrêmes. De ce dernier jusqu'à celui conte-
nant 72 pour 100 d'argent, nous pouvons avoir des mé-
langes ou solutions des alliages à 65 et 72 pour 100.
Ce dernier alliage, dont la conductibilité est de. 63,7
(celle de l'argent fin étant prise pour 100), donne le point
inférieur de la courbe et correspond exactement à l'alliage
de Levol, Ag*,Cu'.
Les alliages intermédiaires entre celui-ci et l'argent
pur peuvent être des mélanges ou des solutions de cet al-
liage normal dans de l'argent pur ou contenant de faibles
quantités de cuivre.
(*) PhiL Trans,f ^, ^^Z; 1860.
Ann, de Chim, et de Phys., 5« série, t. XIH. (Janvier 1878.) 8
Il4 W. ROBE&TS. — FUSIBILITÉ, LIQUÂTIOH
Il semble donc que, s^il existe un alliage d'une composition
constante d'environ 65 pour loo d'argent, nous devrions
trouver une ligne droite entre Talliage à 72 pour 100 et
celui à 10 pour 100.
J'arrive main tenant àrcxposé de mes propres expériences.
Il me sembla d^abord que la détermination du point de
> fusion d'une série d'alliages de cuivre et d^argent devait
donner des indications précieuses sur le mode d'arrange-
ment de leurs molécules dans la solidification d'une masse
d'alliages de ces deux métaux.
Pour cette détermination, j'ai employé, en le modifiant,
le procédé décrit par Pouillet pour Tétude de la chaleur
spécifique du platine à de hautes températures (^).
Dès que Talliage était fondu, on y plongeait un cylindre
de fer tourné d'un poids connu, fixé à l'extrémité d'un
support en fil métallique.
Le creuset était alors retiré du feu, et, lorsque l'alliage
commençait à se solidifier, le cylindre de fer était immé-
diatement placé dans un calorimètre consistant en une
double enveloppe métallique en cuivre étamé, semblable k
ceux que Ton emploie pour la détermination des chaleurs
spécifiques par la méthode des mélanges.
11 était essentiel de déterminer d'abord la chaleur spéci-
fique moyenne du fer employé, entre zéro etla température
maxima obtenue pendant les expériences.
Le point de fusion de l'argent était un point de départ
très-convenable, d'autant plus qu'il a été déterminé avec
beaucoup de soin par M. Becquerel (^).
Cette détermination s'est faite en plaçant un fil d'argent
pur dans une nacelle de porcelaine enfermée dans un tube
de porcelaine, entouré de vapeur de zinc bouillant, dont la
température a été fixée par M. Deville à lo^o degrés C. (•).
(*) Éléments de Physique^ 6* édition, t. II, p. 564-
j4nnales de Chimie et de Physique, l* série, t. LXVIII, p. 74.
Comptes rendus des séances de CJcadémie des Sciences^ t. LVII, p. 897,
£T DENSITÉ DE CEBTAlfîS ALLIAGES. IlS
Cette chaleur ayant ëtë suffisante pour fondre partiellement
le fil d'argent, on peut la considérer comme représentant
le point de fusion de ce métal.
Pour déterminer la chaleur spécifique du cylindre de fer
dont je devais me servir, je l'ai plongé dans de Fargent
fondu, puis transporté dans le calorimètre. Il est bon de
remarquer ici que la couche d*oxyde qui se forme à la sur-
face du fer le préserve complètement de toute soudure
avec Talliage fondu, mais que néanmoins il est impos-
sible d'empêcher qu'une faible portion de Talliage adhé-
rent au cylindre ne soit emportée avec lui dans le calori-
mètre. Ce métal ainsi emporté involontairement a toujours
été recueilli et estimé à part.
Pour l'argent pur, 0,6701 ont été pris comme chaleur
spécifique : pour les alliages, on a dû faire les corrections
nécessaires en déduisant la chaleur spécifique de chaque
alliage de celle de ses éléments; on calculait le poids
équivalent du fer en multipliant le poids du métal intro-
duit, par sa chaleur spécifique, et en divisant le produit
de cette multiplication par la chaleur spécifique du fer
déterminée par les expériences préliminaires.
Ce poids était ajouté à celui du fer employé.
Les chaleurs spécifiques des mélanges à de hautes tempé-
ratures n'ont pas été déterminées, et l'adoplion des nom-
bres donnés par M. Regnault, dans le calcul des chaleurs
indiquées par l' introduction des alliages dans le calori-
mètre, a pu élever les résultats de quelques degrés.
Les résultats des expériences ont été calculés au moyen
de la formule
p{T-B)
p est le poids du fer employé;
P est le poids de l'eau;
pV et p"(/' les valeurs en eau du calorimètre et du ther-
momètre;
8.
Il6 yv. ROBEHTS. FUSIBILITÉ, LIQUATION
T la température initiale du fer ;
t la température initiale de Teau;
0 la température 6nale;
X la chaleur spécifique cherchée;
Pour une expérience, ces quantités ont donné les chiffres
suivants :
p 83«%i4o
P 2»6o«',52o
p'c'-hp^c^. 15,687
T 1040° C.
i 16° C.
G 63*» C.
Le poids de l'argent entraîné par le fer était de S^*", a66,
dont l'effet calorifique équivaut à celui de i^"^, 3o6 de fer.
. La valeur corrigée de p devient donc
83, i4o + 1 , 3o6 = 84«'",446.
Substituant ces valeurs dans la formule ci-dessus, nous
avons
_ f9.6o,5?. -4-15,687) (63-1 61 _ ^ , ,
''" 84,446(io4o-63) -'5734.
Trois expériences successives ont donné
15795, i555o, 15734,
d'où Ton a tiré la moyenne adoptée
.5693 (').
Nous devons faire remarquer que cette méthode de dé-
termination de la chaleur spécifique du fer comporte cer-
taines causes d'erreur.
(* ) Weinhold donne le chiffre 0,1567 comme celui de la chaleur spéci-
fique du fer poli entre zéro et 900 degrés. {Annales dePoggendorffy t. GXLIX,
p. ai/|.)
ET^ DENSITÉ DE CEETAINS ALLIAGES. II7
Les principales sont :
1® La perte de chaleur rendue latente par la production
et Févaporation d'une petite quantité de vapeur d'eau ;
2^ La petite dîflférencequi existe entre la chaleur spéci-
fique du fer et celle de la mince couche d'oxyde qui se
forme à la surface;
3** La perte de chaleur éprouvée par le fer pendant son
transport du creuset au calorimètre ;
4** Le rayonnement de l'instrument.
Le point de fusion du cuivre n'a pas été exactement
déterminé. J'ai éprouvé de grandes difficultés à le soumettre
aux expériences du calorimètre, à cause de la ténacité avec
laquelle il adhère au fer. Une exactitude rigoureuse n^étant
pas absolument nécessaire sur ce point, j'ai adopté le point
de fusion indiqué par le D"^ Van Riemsdijk (*), pour le
cuivre rouge = iSSo*' C.
Chaque alliage a été synthétîquement préparé en fondant
ensemble de l'argent pur et du cuivre pur, et, au moment
où Talliage fondu était retiré du fourneau, une portion
était réduite en grenaille et soumise à l'analyse.
Les indications nécessaires pour la détermination di;
point de fusion de chaque alliage étaient fournies par une
expérience semblable à celle par laquelle on a déterminé la
chaleur spécifique du fer, et pour le calcul il suffisait de
ti'ansposer les termes de l'équation, T devenant l'inconnue
et prenant la place de a:,
px '
la valeur de x étant toujours o,i5693 (chaleur spécifique
du fer déterminée précédemment).
Exemple. — Une expérience faite pour déterminer le
( * ) Archives néerlandaises, t. III, 1868.
Il8 W. R0BERT8. — FUSIBILITÉ, LIQVÀTIOM
point de fusion de Talliage à 820,7 donne les résultats
suivants :
P 247«S74
p'c' ■^p"c" . i5«s687
t i5«C.
0 56« C.
L'effet caloriBque de l'alliage entraîné (3*',6o8) équi-
valant à celui de i8',543 de fer, la valeur de p corrigée
devient
828% 55 -H l«^543=:84«^093.
Substituant les valeurs aux signes dans Féquation, nous
trouvons
(a47,74+ 15.687) (56 -»5) , ^fi
84,093x15693 "*"
=;874»,42C.
La table suivante conlieni les résultats des expériences :
Points de fusion des alliages d'argent et de cuivre.
Point
Formule de fusion
rtuméros. Titres. approximative. observé. Moyennes.
1 1000 Ag » io4o
l 9"9>9
2 9^5 Ag'Cu.... l 939,0 \ 931, 1
1 934,5
/ 874,6
3 820,7 Ag»Cu.... ^9' '5 l 886,a
900,5
' 877,8
/ 882,4
r 798 Ag'Cu». . ! 885,4 [ 887,0
890*9
ET DEirSlTÉ DE CERTAINS
Numéros. Titres.
5*
6*
8
9
10^
11*
12*
13'*
H
773,6
750,3
718,93
63o , 29
600
569,6
56i,i
540,8
5oo
497
Formule
approximative.
Ag'Cu....
Ag'Cu^ . .
Ag^Cu».
AgCu. . .
Ag'Cu».. .
Ag'Cu».. .
Ag'Cu* . . .
Ag'« Cu*» . .
Ag^Cu» . . .
Ag'»Cu"..
ALLIAGES.
Point
de fusion
observé.
( 85f,9
857,9
862,3
852,3
848,5
868,4
863,5
879,5
85i,9
844,9
837,6
l 852,7
854,9
849,8
858,6
864,6
897,6
902,2
( 9"), 8
9'4,8
927,2
( 9'4»«
916,0
921,5
927,6
93 i, 9
944» ï
945,6
l 940,2
973,0
981,5
955,6
i'9
Moyennes.
858,3
85o,4
870,5
846,8
857,0
899,9
9'7,6
9'9.8
940,8
962,6
lao
Numéros. Titres.
W* nOBERTS. — FUSIBILITÉ, LIQUATIOV
Point
• Formule
approximatlTe.
15-
459>4
AgCu'. . . .
16
25o,5
AgCu'. • • .
de fusion
observé.
Moyennet.
953,5 j
1 963,9 [
9603
9^4 >i )
1080,8 \
ii4i,8 1
>"4»9 1
•
iii4,i
III9.I /
17 G (cuivre pur)
i33o
La courbe suivante représente graphiquement les rësnllàls ^
de ces expériences. Les coordonnées sont les titres d*iiae .
part, les points de fusion de l'autre,
. On remarquera que cette courbe s'abaisse rapidement
du point de fusion de l'argent pur à celui de l'alliage A
925 de fin, qui est celui des monnaies anglaises, et dont
la formule est approximativement
Ag' Cu.
Les alliages désignés par les n°* 7 et 8 présentent vu
intérêt particulier; le premier, dont le titre est 718,93^
est l'alliage homogène de Levol, et j'avais supposé que kcm
point de fusion serait le moins élevé, mais l'expérieiiM
m'a démontré que celui qui porte le n^ 8, et dont le tilÂB
est 63o, 29, ^fond à une] température moindre que a3%y.
Cet alliage, dont la formule est Ag Cu, avait déjà pt^
sente des particularités de conductibilité électrique ^i
l'avaient signalé à Matthiessen comme devant avoir itile
constitution moléculaire particulière. >. f '
A partir de ce point, la courbe détermine les points dtf
fusion s'élevant jusqu'à 1 33e degrés, qui est celui du cai^M'
pur pour des {illiages dans lesquels la proportion de' CQ
métal s'élève de plus en plus. " -
Pour vérifier le point de fusion des alliages n°* 7 et 8..
ET ntatUi DE CKBTAIHS ÂLLUCEB. lai
mm
■■■■■■■«■■il
-mmal
IBI
12a W. ROBERTS. FUSIBILITÉ, LIQUÀTION
nous en avons placé des copeaux dans un creuset couvert
que l'on a chauffé au moyen de la vapeur de cadmium
dont la température, déterminée par M. Deville, est de
860 degrés. L'un de ces alliages (n° 7) a fondu en
partie le second (n^8) complètement. Il est donc évi-
dent pour moi que les points de fusion des alliages indi-
qués par la courbe sont tout à fait exacts. Il est possible
cependant que Texamen d^une série plus complète d'al-
liages en modifie légèrement la forme. Cet examen critique
est surtout nécessaire pour les alliages voisins de celui
à 49^9 c^i* les résultats obtenus jusqu'à présent diffèrent
sensiblement les uns des autres, et en outre leur moyenne
s'écarte de la ligne probable de la courbe.
Je ne suis pas satisfait de mes observations sur l'alliage
à 773, î de fin. Cet alliage présente un intérêt particulier;
sa formule est Ag' Cu, l'argent étant monoatomique.
Depuis que ce Mémoire a été soumis à la Société Royale,
j'ai fait quelques expériences complémentaires sur les
alliages de ces deux parties de la courbe.
Le calorimètre que j'ai employé pour ces nouvelles obser-
vations était en argent poli , d'une contenance de 1 200 gram-
mes d'eau, dont la température ne s'élevait jamais au-
dessus de i5 degrés; l'équivalent d'eau de cet instrument
était seulement de i5s%72. Les niasses de fer employées
pour transmettre la chaleur étaient semblables à celles
qui m'avaient servi dans ces précédentes expériences. La
moyenne de plusieurs opérations très-concordantes entre
elles, faites avec ce nouvel appareil, m'a donné i5oo3
pour expression de la chaleur spécifique du fer.
Les résultats que j'ai obtenus dans cette nouvelle série
d'expériences sont ceux que Ton a marqués d'un asté-
risque (*) dans le tableau dçs points de fusion. Ils con-
firment la direction primitive de la courbe pour les al-
liages de 718 à 800 de fin, mais éprouvent une déviation
au point correspondant à l'alliage n° H (Ag*Cu*). Il
BT DEÀSITÉ DE GERTÀIlfS ALLIAGES. I ^3
peut être intéressant de rappeler ici que les expériences
sur lesquelles Matthiessen a basé la courbe des conducti-
bilités semblent indiquer une déviation au point corres-
pondant à l'alliage 4^9,4 (AgCu*) (i5 mai 1875).
Il peut être curieux et utile de comparer ces résultats
avec ceux obtenus par Rudberg sur les alliages de plomb
et d'étain. Il a constaté qu'un thermomètre placé dans un
alliage fondu de ces deux métaux indique deux points sta-
tionnaires distincts de température pendant le passage de
Tétat liquide à l'état solide : un de ces points est toujours
187 degrés G. , et, dans l'alliage Pb Sn® , ces deux points coïn-
cident à cette température (fait duquel Rudberg conclut
que cet alliage est le seul où les deux métaux se trouvent
chimiquement combinés).
J'espère, en continuant ces recherches, arriver à déter-
miner si le changement d'état des alliages d'argent et de
cuivre s'effectue aussi à une température constante.
Je dois mentionner que M. A. Riche (*) a déterminé le
point de fusion de certains alliages de cuivre et d*étain au
moyen du pyromètre thermo- électrique de Becquerel, et
qu'il a obtenu des résultats analogues avec les alliages
SnCu' et SnCu^; mais, pour les autres alliages de ces
mêmes métaux, les résultats didèrent beaucoup de ceux
que nous venons de mentionner.
Il est difficile, pour le moment, de montrer la relation
qui existe entre ces résultats et les phénomènes de la li-
quation dans les alliages d'argent et de cuivre*, mais on
peut dès maintenant voir que dans notre courbe les al-
liages n°* 7 et 8 occupent des positions qui concordent
avec celles qui leur sont assignées dans la courbe de con-
ductibilité électrique de Matthiessen.
L'ordre dans lequel se classent les points de fusion des
(*) Annales de Chimie et de Physique, 4* série, t. XXX, p. 35 1.
124 W. nOBEHTS. — FUSIBILITÉ, LIQBATIOM
alliages parait démonlrer que la liquation est le résultat"
de l'ÎDégalilé du refroidissement dans une masse composée
d'argent et de cuivre, el il csi probable que, si le refroi-
dissement était considérablement accéléré, cette liqi
se trouverait très -modifiée.
Dans le but de m'assurcr de la vérité de cette opinion,
je me suis servi de nioulcs cubiques (ayant environ 43 mil-
1
on pou va
limèlres de côte), que ]'<
rouge vif, et dans lesquels on poi
et uniformément les alliages (')
Tous les cubes qui ont s^rvi aux expér
coulés dans des moules coiisiruils d.' la mèr
it cliauiTer a
:froidir rapidement^
Le premier lingot coulé avec un
923 environJ
(' ) Au sujet des liii|;utB ï bas titre, Jars a'oxprimo Binai dans l'on
luquel je nio buïs déjà reporté, p. ^^i : • Je remarquai par des expA*'!
loiir rondro Igs liagole d'une lenaur plus égala dans toulof 4
leurs pallies, il fnlJail que les liDQOtières fussent nusGJ cbaudes qu'il e
J'ajouterai que certaines eipériences non publiées, /oitos par lo D' Boy-
cott, ancien essajeur a la Monnaie de Calcalta, out démontré que
qualioii des alliages d'argeut et de cuivre est modillée par le coulage dani |
des moules de sable et que M. E. Scjd proposa eo 1871, comme uoe
lioration dans la Cabricalîon des monnaies, l'emploi des lingotièros de fer 1
chaudes pour les Hlliagea d'or et ceui d'argent, disant que les lames
guaiont en airaujjement moléoulaîre et en dactilité.
r
ET DEHSITÉ DE C
fut refroidi rapidement. Sa coinposiûon cotiflrme les con-
clusions de M. Levol. Le centre est d'un titre plus élevé
de 1 3,8 que les parties extérieures.
TerlicnJ.
«. 9^4,6
h. 93Ï,3 IJ. ^■•■i
6. g?6,o
1. 923,7 r. ^-ïi
c. gig.i
k. 9îî,3 î. 923
d. 9Ï5,5
/. 933,3
e. 93., r,
m. 953,9
f- 925,0
S- gai. a
«. 9aî,8
p. 933,7
'"• ?s
Ipil
1
Le second cube, coulé avec le même alliage et refroidi
lentement, tnoulre que, danscccas,leséléineutsconsiituanis
de l'alliage subissent très-peu de transformations molécu-
laires, car le maximum de dilTérence entre les diverses
parties de ce lingot est de 1,4.
1
Vu cube (le l'alliage monétaire français à 900, refroïdîl
rapidement, présciue une diflérence de 10,1 entre les!
centres el les coins. Le même alliage, refroidi lentcRientil
ne donne plus qu'une variation de 1,3.
r
ET DBMSITÉ DE CERTAINS ALLIAGES. 13^
La dîQert-nce Diaxima trouvée par Levol dans les dif-
férentes parties de son alliage homogène était de 0,44-
J'ai trouvé que, si le refroidissement est lent, celte lio-
nidgénéité est trouLlée, et qu'alors les parties extérieures
du cube deviennent un peu plus i-îches en argent que le
Alliage c<
718.93
>8,,07
,,8.4
7>8,3
Le cube suivant représente les résultais d'une expérience
sur l'alliage dont le point de fusion est le moins élevé el
dont la composition correspond à la formule AgCu. Sa
structure est intéressante, car les densités des deux métaux
semblent avoir influé sur l'arrangement des molécules. La
portion inférieure se trouve, en effet, plus riclie que la
ponion supérieure.
I
FUSIBILITÉ, LIQDATION
63o,3
369,7
I
li à la QDUlle,
E3a,3
La difl'drence maxima est de 21,1.
Levol avait trouvé dans un cube de son alliage les anglei
plus riches que le cenlre de -~~i i pour moi, le seul
sur lequel j'aie conslatérellet des densi lés est celui à 6904]
fin.
La figure suivante montre le résuliat d<;s analyse!
diverses portions de la niasse d'un alliage contenant 333,3
de fin (AgCu').
Celle masse diffère de composition tlans ses parties, maïs ■
aucune loi ne semble avoir présidé à l'arrangcntcnt de ses
ilécules cousliluautcs.
ET DEAStTË
vue
T.nleil.
ba
Plan
om.
«. 343,8
/
3iG,i
i
33i,j
*. 333,0
l.
33î,o
c. 337,5
m
33i,r.
d. 33o,o
n
334,8
e. 33i,o
g
h
33i,u
331,c
a goutle..
En résumé, ces observalions conduisent k penser que les
alliages d'argent et de cuivre dans certaines coiididous
d'iioinogénéité, comme celui de Levol, ne sont pas aoumis
à la liquation lorsqu'on les coule ddns le moule à la tem-
péralure ordinaire et qu'on les refroidit immédiatement.
Pour les alliages inférieurs à 718,9 de fin, les surfaces
extérieures sont plus riches que le centre.
La courbe de fusibilité montre que les alliages infé-
rieurs à 35u ont un point de fusion plus élevé (\ae les
autres et que l'argent fin lui-même.
Il ne paraît donc pas que la liquation soit due à u
séparation des alliages les moins fusibles dans une masse
d'argent et de cuivre; car, s'il en était ainsi, les parties
extérieures des lingots devraient toujours se trouver moins
riches en argent que le centre.
Il est impossible, pour le moment, de donner une expli-
cation satisfaisante et complète de cette reconstitution mo-
léculaire, mais il me semble qu'il y a déjà un certain inté-
Jnn. deCllim. et d, Phy'., 5" »*rie. t. XIII. (Janvier .((73.) 9
l3o W. ROBEKTS. FUSIBILITÉ^ LIQUATION
rêt à constater que les mêmes alliages occupent les mêmes
points sur les courbes de fusibilité et de conductibilité élec-
trique, et que la disposition des molécules d'un alliage dé-
pend en grande partie de son mode de refroidissement.
J'ai cherché, sur une indication de M. R. Muller, à
déterminer les relations eutreles densités de l'argent solide
et fondu.
J'ai employé la méthode qu'il a inventée et dont il se
sert pour la détermination de la densité de la fonte (^ ) en
fusion.
Un vase conique, en tôle mince de Low-Moor, d'une
épaisseur de i millimètre, de 16 centimètres de hauteur
et d'une capacité intérieure de 54o centimètres cubes
environ, fut pesé vide d'abord, puis rempli d'eau distillée
à une température connue, ce qui permit de déterminer
exactement sa capacité à la température ambiante.
De l'argent fondu à une température déterminée exac-
tement par notre méthode calorimétrique ordinaire fut
coulé dans ce vase en observant toutes les précautions
indiquées par M. Muller pour son remplissage.
Après le refroidissement, le cône de métal fut de nouveau
pesé avec son contenu.
La surface du métal fondu dans le creuset était couverte
de charbon, et, comme on sait que l'argent fin en fusion
absorbe une partie de l'oxygène de l'air, le cône était rem-
pli d'une atmosphère de vapeurs de charbon.
La correction la plus importante qil'il ait fallu apporter
aux résultats de cette opération est celle relative au chan-
gement de volume du vase à la suite de Tintroduction du
métal fondu.
Les différentes qualités de fer travaillé présentent de
grandes variétés de dilatation par la chaleur. Ce fait et
(») Rapports de la Société Rojrale, t. XXII, p. 3C6, et t. XXIII, p. aoo.
ET DENSITÉ DE CERTÂIIiS ALLIAGES. l3l
r accroissement connu de cette eicpansion à de hautes tem-
pératures rendirent nécessaire de déterminer ce coefficient
moyen, pour les températures entre zéro et le point de fu-
sion de l'argent.
Dans ce but, nous avons adopté une modification de
la méthode de Ramsdcn : le fer placé dans une enve-
loppe de graphite fut entouré d'argent en fusion. L'in-
dication du micromètre était prise lorsque la longueur du
fer était restée invariable pendant un certain temps, con-
sidérant que ce moment était celui de la solidification de
l'argent, la perte de la chaleur latente de la liquéfaction
rendant à ce moment la température constante.
Un grand nombre d'expériences m'ont donné, malgré
les difficultés qu'elles présentaient, des résultats que je crois
exacts. Les nombres
0,0000124^
0,00001254
0,OOOOI2l5
0,00001219
0,00001271
Moyenne... 0,00001240
expriment la dilatation linéaire pour i degré du fer
Low-Moor employé, j usqu'à la température de fusion de
l'argent.
Le coefficient moyen de dilatation cubique déduit de ces
résultats est.
0,00008720.
Ce nombre est beaucoup plus élevé que celui donné par
Rinmann,qui serait o,oooou8o8 pour le fer travaillé, entre
i5 degrés et le rouge blanc.
Le tableau suivant donne les résultats des expériences
faites pour déterminer les densités de l'argent fin et de
l'alliage homogène de Levol en fusion. Nous avons choisi
cet alliage parce que sa densité à l'état solide concorde
l33t W. ROBERTS. FUSIBILITÉ, LIQUÀTIOH
très-sensiblement avec celle de ses éléments constituants.
La dilatation cubique pour l'argent pur était dans la
proportion de 9,4^12 : 10 ^Sy.
En déduisant le coefficient moyen, soit io5o d^rés,
nous trouvons o^oooi 11 64 pour i degré.
Le coefficient de dilatation linéaire est
0| 00003721.
Le coefficient moyen de dilatation linéaire de Targenl
entre zéro et 100 degrés est, suivant diflerents auteurs,
0^0000201 5.
On voit donc que la dilatation de l'argent entre zéro
et io5o degrés est à peu près le triple de ce qu'elle serait
si elle avait suivi la même loi pour toutes les températures.
Le coefficient moyen de dilatation linéaire de l'alliage de
Levol, jusqu'à son point de fusion, déduit des densités
données par le tableau, est o,oooo37o3.
Mais il est impossible de le comparer avec celui qu'il
donnerait à de hautes températures, tant que ce dernier
n'aura pas été observé d'une manière positive.
VOLUME
initial
du
cône.
VOLUME
du cône
rempli
de métal
fondu.
TEM-
PÉBATURF,
du
métal
liquide.
POIDS
du
métal.
DENSITÉ
du
métal
liquide.
métal
soHd«.
Argent
pur.
co
536,6
542,9
co
556,3
564,4
I143**
1223
Moyei
kg
5 , 2554
5,3483
ine
9,4468
9*4757
9,4612
10,57
Alliage
deLevol.
735,13
537,42
778,06
557,25
1020
Il3l
kg
7,0624
5,0334
IMoyenne
9,0788
9,o32i
9,o554
9»9<45
(Levol).
ET DENSITÉ DE CERTAINS ALLIAGES. l33
ALLIAGES d'or ET DE CUIVRE.
Malgré Fimportance scientifique et commerciale des al-
liages d'or et de cuivre, peu d'entre eux ont été jusqu'à
présent étudiés au point de vue de leur densité.
En 1873, me trouvant à Prague, je saisis cette occasion
pour faire, avec le professeur Zenger, de cette ville, une
série d'expériences au moyen de la balance à tangente ^
quMl venait d'inventer, et pour chercher à déterminer les
relations de densité qui existent entre les différents alliages
d'or et de cuivre.
Les alliages, pesés d'abord dans l'air, l'étaient ensuite
dans Teau \ un miroir fixé au fléau de la balance permet-
tait de mesurer Finclinaison de ce fléau par le déplacement
d*un rayon lumineux qui l'accroissait beaucoup ; mais ces
expériences n'eurent pas de suite, la méthode ordinaire de
peser nous paraissant plus simple et plus sûre.
La possibilité de déterminer le titre d'un alliage d'or et
de cuivre par Tobservation de la densité a été récemment
discutée par M. O.-G. Broch, professeur de Mathémati-
ques à Christiania, qui a conclu d'une série d'expériences
consciencieuses ( ^ ) que l'erreur probable d'une seule ob-
servation sur un poids de 90 grammes environ pouvait être
de ± 0,00 14-
Une différence de zh 0,001 dans un alliage d'or appro-
chant de 900 correspond à une différence de densité de
zb 0,0019. La limite d'erreur dans la constatation de la
densité de ces alliages correspond donc à une erreur de
titre de 7—77, et le D"^ Broch en conclut que l'on peut dé-
terminer la différence de titre de deux masses de monnaies
d'or et de cuivre avec une approximation de 77777, en les
pesant successivement dans l'air et dans Feau.
(*) Norwegicm Njrt, Mag, for Natursk. Christiania, 1876.
1,1 1 W BOUKUTS. -- FUSIBILITÉ, LIQUATION
1,11 iirrMriM-c, (laii.H ces alliages, de métaux autres que Tor
ri \v iiiivrr nn pn^ un^ grande importance tant que leur
Jrniiilr nu dinï^n; pas sensiblement de celle du cuivre.
Ainni, ni dniis un alliage à 900 on remplace i millième
«lu rnivrn par 1 millième d'argent, la densité calculée s'é-
\it\v lin I7,i6ïj'2 à 17,1722, ce qui correspond à une élëva-
lion ili- litnMlc rjfTi'
Il ml f;/ïnéralcmcnt admis que, par les procédés actuels
irintHuI, Terreur possible est de 77777, et M. Broch af-
lii-iiiif (Hie, par la simple constatation des densités, on peut
iliî|(4rniincr le titre d'un alliage avec une approximation
(!i!S observations du D*^ Broch ont servi de point de
di^nart à des recherclies plus étendues, dont Tobjct était
ilo constater la dilatation ou la contraction causée par la
riSntiioii en alliage de Tor et du cuivre purs, car on sait
i|ue peu d'alliages possèdent la densité qu'indiquerait le
rulcul, d'après celle de leurs éléments.
Calvert et Thomson, qui ont déterminé les densités de
beaucoup d'alliages (^), ont constaté dans le cours de leurs
recherches que les alliages de cuivre se contractent tou-
jours. Ils ne paraissent pas avoir expérimenté les alliages de
l'or et du cuivre; mais^ en l'absence des observations pra-»
tiques, on pouvait supposer ces alliages soumis à la même
loi. Matthicssen a, en effet, démontré que les alliages d'or
et d'argent, d'or et de plomb, ont toujours une densité
réelle supérieure de o,3 à 1,8, à la densité calculée (*).
Plus récemment, M. Alfred Riche a constaté que les
alliages de cuivre et d'étainse contractent légèrement et ré-
gulièrement lorsqu'ils contiennent au-dessus de 48 pour 100
d'étaiii, et qu'à partir de ce titre la contraction augmente
(•) P/iii, Mag., t. XVUI, p. 354 j 1809.
(•) PhiL Trans,. 177; i85o.
ET DENSITÉ DE CERTAINS ALLIAGES. l35
brusquement et atteint son maximumautitrede38pour loo
d'ëlain, alliage dont la densité est supérieure à celle du
cuivre pur. On voit, par la courbe (^) qui représente
ces variations, que, si certains de ces alliages se contractent
ou se dilatent d'une manière extraordinaire^ les autres se
divisent en trois groupes, dont les densités varient réguliè-
rement suivant leur composition.
Ainsi, par exemple, dans ces alliages de cuivre et d'étain,
pour ceux qui contiennent 4'^,^ 29 et 18 d'étaîn, la déter-
mination des densités donnerait sur leur composition des
renseignements très-incertains, et, si les alliages de cuivre
et d'or se comportent comme ceux de cuivre et d^étain,
toute méthode de détermination de leur composition, par
la comparaison de leurs densités, perdrait beaucoup de sa
valeur.
Dans le but de déterminer si ces alliages dW et de cuivre
se comportent de la même manière que ceux de cuivre et
d'étain, nous avons préparé par voie de fusion avec de l'or
pur et du cuivre pur une série d'alliages dont nous avons
vérifié les titres par les méthodes ordinaires d'essai. L'or
avait été purifié parles moyens adoptés pour la préparation
de l'or étalon des essais (')•
Quant au cuivre que nous avons employé, sa grande
conductibilité électrique nous garantissait sa pureté
Gomme on se proposait d'appliquer à l'essai des mon*
naies ce procédé de détermination des titres par les den-
sités, il a paru logique d'examiner une série d'alliages
sous forme de disques comprimés avec la même pression
entre des coins gravés, car on sait que la densité des mé-
taux est sensiblement modifiée par le recrouissage^ la
(*) Nous donnons la courbe de ces densités sur la même planche qui
porte (p. iS;) le diagramme des densités des alliages d'or et de cuivre.
(*) Quatrième Rapport annuel du Directeur de la Monnaie de Londres y
1872. Appendice^ p. /j6.
( ■
l36 W. ROBEUTS. — FUSIBILITÉ, LIQUATION
densité de l'oï* varie, dans ce cas, entre 19,258 et 199367,
et celle du cuivre entre 8,535 et 8,916 (*).
Pour la détermination de ces densités, on a employé la
méthode ordinaire. Une cage de fil de platine était 8iia<*
pendue par un très-mince fil de platine sous Fun des plft*^
teaux d'une très-délicate balance d'essai de Oertling qui,'
avec cette charge, restait sensible au 0^*^,00001.
Le flan de métal placé dans le plateau supportant la cage
de platine était équilibré au moyen d'une tare de plomb
placée dans loutre et un curseur du poids de oS',ooi.
On remplaçait alors le flan lui-même par des poids mé^
triques aj ustés avec soin, et le poids da flan se trouvait
ainsi déterminé avec la plus grande exactitude. Le AftÉ..
placé alors dans la cage de platine était plongé daeiè
de Teau distillée que Ton faisait bouillir pendant un ûtr^
tain temps et que Ton plaçait ensuite sous le récipièitti^
d'une machine pneumatique. '-*>.
Le vase contenant Teau distillée ainsi bien purgée d^Av
était alors replacé sous le plateau de la balance. La cagélijl^
platine y était raccrochée et Ton rétablissait Téquilibre'^,^
moyen de poids placés dans ce plateau. La lempéralMUv "
de Teau était soigneusement notée pendant la durée de^lri^;,
pesée. ' '•^i^*^
Le flan soulevé avec des pinces jusqu'à la surface' '«|[{m^^
Teau, on constatait alors, en rétablissant l'équilibre dé Ufi'jj^x
balance, le poids du liquide déplacé par la cage. ^ 'ilykl
Le tableau suivant donne le résultat de ces ezpérieoifMlfv^^
^U
■ ■ ■ •• • »M.-^i^^» .
(*) Quatrième Rapport annuel du Directeur [de la Monnaie ^ i^flm •.^igi^'^^
pendice, p. 46. ' ."*- • -'
:-^«^-
■ ' . '.
. -■.'
■I
/•■■
XX DKMSITi SB CEBTÀINS ALLIAGES. l37
Diagramme! de* demités dei alliagei d'or et de eulure
et de caivre et d'ètaln.
i38
W. ROBERTS. FUSIBILITÉ, LIQUATION
DcTisUcs des alliages cl or et de cuivre.
830y5. .
8Ci,4..
[\u*Cu.]-
lio la
limaille.
Titre.
1
1,000..
980, I . .
968,8..
958,3..
9Î8,/|..
9.38,5..
[Au'Cu.].
933,0. .
912,8..
900,5. .
Au'Cu.\ f >i
18.787
i8,8'|5
i8,8i3
18,719
i8,C:îy
i8,r».)i
i8,5i.>
i8,32G
18, .'170
i8,iiy
i8,i3o
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i7,7.,G
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»
i I9»*^'8Î
ij),3ioS
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18,5778
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18, I i5o
18, I2l3
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17,9335
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17,7807
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17,5077 >
« 7:^^99 )
17, iG32
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16,8086
i0,8o58
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16/1809
i0,/,8|O
16, 4848
Moyenne.
4
18,83*^5
I» •n««iU'
ralrulé.».
DifTi' renée.
6
i9,3io3 i9,3oJo* -+-o,oi83
18, 8355 -i-o,oo3o
i7,568oî 17,6087
-0,0407
CoefQcieni
de dilatatiuR
cubiqne
0,0000424 >
0,0000 {270
i8,58o') i8,58oi ho, 0001 0, 00004 'i8|
18, 356? i8,30û5 —0,0043 0,00004296
18,1173 18,1378 — o,02o5 0.000043.KS
ï7»9'^-'|0 17» 9301 -fo,oo39 o, 000043 ij)
17,7911 17,7956 - o,oo'|5 0,00004326
o, 0000)337
17,1653 17,1750 —0,0097 0,00004360
i6,8ot)2 16,8047 H-o,ooi5 0,00004380
16, 4832 i6,403o -+-0,0202 0,00004%
La cinquième colonne contient les densités des alliages
calculées dans riiypotlièse que la combinaison ne donne-
rail lieu à aucun changement de volume, et ces résultats
sont représentés par une courbe dont les coordonnées sonl
ET DENSITÉ DE CERTAINS ALLIAGES. 1 Sp
d'une part les proportions de l'or dans Talliage et de
l'autre les densités.
Les densités moyennes des flàiis trouvées expérimentale-
ment sont marquées d'un astérique (*) et concordent com-
plètement avec les nombres donnés parles calculs, ce qui
permet de supposer qu'il n'y a pas de changement de
volume par suite de l'alliage des deux métaux.
Les proportions d'or dans les alliages examinés varient
de 860 et 980 millièmes : dans ces limites se trouvent com-
pris tous les alliages monétaires connus jusqu'à ce jour.
Nous voyons par ces expériences que l'on peut déduire
le titre des monnaies^ d'or de leur densité et que cette
méthode permet de vérifier rapidement la valeur d'une
quantité considérable de pièces d'or sans les détruire, ce
qui peut être d'un certain intérêt pour la vériflcation
des deniers de bottes. Ce procédé n^est pas d'une aussi
grande exactitude lorsqu'il s'agît de déterminer le litre
d*une seule pièce, les causes d'erreurs ayant plus d'impor-
tance pour les petites masses que pour les grandes.
il n'est pas probable que les alliages soient à leur
maximum de densité lorsqu'ils sont sous forme de flans
comprimés, car on sait que l'or atteint ce maximuni
lorsqu'il est précipité de dissolutions à l'état très-divisé.
Aussi, dans la suite de ces expériences, avons-nous em-
ployé, d'après les indications de M. Riche, nos alliages à
l'état de limaille.
Cette méthode a l'avantage de supprimer les erreurs
provenant des cavités qui se trouvent dans les lingots
fondus et des différences de composition intérieure.
Un grand nombre de déterminations ont été faites dans
ces conditions, mais il nous a été impossible d'obtenir des
résultats concordants*, quelques-uns des résultats aind
obtenus sont mentionnés dans la seconde colonne de
notre tableau, mais ils ne sont pas satisfaisants, et nous
n'avons pas poursuivi ce» expériences pour les alliages
au-dessus des 938,5, point où les différences entre les
l4o ▲. BARTHÉLElfY.
densités calculées et les densités expérimentales com-
mencent à devenir trop considérables.
Nous exécutons en ce moment les déterminations des
densités d'une série complète d'alliages *, mais, sauf le cas
de quelque déviation irès-considérable poursuivie dans
Iqs parties de la courbe qui restent à examiner, nous
croyons que Ton peut considérer nos résultats comme défi-
nitifs et concluants, au moins dans la pratique.
«%%%%%%% WV%«i%%»%%%%%VX-\%%%«>%%V
DE U RESPIRATION DES PLANTES AQUATIQUES SDBHERGÉBS ;
Par m. a. BARTHÉLÉMY,
Professeur de Physique au lycée de Toulouse, Docteur es sciences.
La respiration des plantes aquatiques submergées a été
jusqu^ici peu étudiée. Les quelques physiologistes qui s'en
sont occupés ont tous pris pour preuve et pour mesure de
cette respiration les bulles gazeuses que ces plantes rejettent
lorsqu'elles sont exposées au soleil. Pour recueillir et
analyser ces gaz, on place, avec MM. Cloëz et Gratiolet,
les plantes dans une cloche pleine d^eau, dressée sur un
réservoir et exposée au soleil.
Les résultats ainsi obtenus sont assez dénués de vrai-
semblance pour que les auteurs eux-mêmes ne les aient
donnés qu'en introduisant certaines réserves. C'est d*abord
la présence de Tazote qu'on attribue à la décomposition de
la plante, bien quMl soit soui^ent en quantité phis grande
que la substance de la plante parait en contenir, puis le
grand volume de gaz rejeté, 2 litres en dix heures dans
Texpérience de MM. Cloëz et Gratiolet, et qui ferait de
cette respiration une des fonctions les plus actives du règne
4>rganique. 11 est constant aussi pour les mêmes auteurs
que les gaz en dissolution dans Teau, et l'azote lui-même^
sont nécessaires au phénomène.
Dès mes premières recherches sur ce sujet, recherches
qui datent de plusieurs années, je me suis demandé si ces
HESPIRATIOn DBS PLANTES AQrATIQOBS. l4l
dégagements gazeux considérables avaient réellement une
origine physiologique et n'étaient pas provoqués par Fex-
périence èlle-méme.
Voici les principales expériences qui me paraissent
propres à élucider la question.
1° Dans une mare assez profonde dont le fond est garni
de plantes aquatiques {Polamogeton, Nayas, etc.), je fais
descendre une cloche dont le bord est garni de trois pointes
destinées à maintenir l'ouverture au-dessus du fond ; la
cloche étant entièrement submergée, la température de
l'eau de la cloche est celle du liquide ambiant, la pression
n'est point modifiée, et les plantes restent soumises aux in-
fluences naturelles. Or, dans ces conditions, on n'a trouvé
au bout de cinq jours que quelques bulles gazeuses qui
étaient de Fazote presque pur. Une autre cloche, dans une
mare voisine, est restée un mois en place et n'a présenté au
bout de ce temps que a ou 3 centimètres cubes de
gaz, bien que les plantes aient atteint dans un espace de
temps un volume considérable.
a^ Une cloche pleine d'eau est maintenue soulevée sur
des Polamées, de telle sorte que les plantes restent au-
dessous du niveau extérieur du liquide, tandis que la partie
supérieure de la cloche est frappée par les rayons du soleil.
Alors sur les parois intérieures de la cloche se produisent
des bulles gazeuses qui finissent par se détacher ; en même
temps quelques bulles apparaissent sur les feuilles supé-
rieures des plantes aquatiques, sans qu'on puisse dire si
elles proviennent de la plante ou du liquide. Le phénomène
s'arrête, d'ailleurs, bientôt.
3° Dans une partie de la mare moins profonde, on dis-
pose une cloche pleine d'eau, de manière que les plantes
aquatiques s'élèvent dans l'intérieur de la cloche au-dessus
du niveau extérieur, et qu'on retrouve dans les conditions
des expériences de MM. Cloëz et Gratiolet. Un thermo*
mètre plongé dans le liquide indique une élévation rapide
de température, et l'on voit apparaître sur toute la surface
l42 A. BAUTBéLEMT.
de la plante des bulles grosses au sommet de la plante,
plus petites en bas, et qui cessent de se produire un peu
au-dessous du niveau, tout le long d'un plan horizontal. A
partir de ce moment des chapelets de bulles gazeuses
s'élèvent de toutes les parties des plantes, de Faisselle des
feuilles, des fentes du parenchyme, des parties mortes
situées au-dessus du niveau d'équilibre.
Si on laisse les plantes aquatiques dans cette situation,
elles meurent et disparaissent peu à peu, tandis qu'une
quantité considérable de conferves se développent et enva-
hissent toute la cloche sous forme d'une masse rougeâtre,
gorgéedebulles gazeuses formées d'acide carbonique, d'azote
et d'oxygène.
Transportées dans une cuve pleine d'eau distillée, les
PotaméesetlesiV//yrt5 nedonnent que quelques centimètres
cubes de gaz, les Yalisnéries en donnent moins encore.
L'addition d'acide carbonique dissous ne fait que hâter
leur décomposition.
Comment ne pas voir dans ces dégagements gazeux l'effet
combiné d'une diminution brusque de pression et d'une élé-
vation rapide de température sur les gaz dont sont gorgées
les plantes aquatiques, dont les feuilles, la tige et même les
racines sont creusées de canaux ou de cavités cloisonnées
à vastes méats? El peut-on appeler physiologique une exha-
lation gazeuse qui ne s'effectue que dans des conditions ex-
ceptionnelles et sans organes déterminés ?
J'ai puisé pendant plusieurs jours les g«iz ainsi dégagés,
en ayant soin de ne pas soumettre les plantes à une succion
trop prolongée et de ne recueillir chaque fois que lo cen-
timètres cubes de gaz. Le premier jour j'ai trouvé gi pour
ICO d'azoîe^ ledeuxième jour 85 ; le troisième jour la pro-
portion d'oxygène était montée à 20 pour 100; le quatrième
jour elle est de 28 à 3opour 100 et reste sensiblement dans
ces limites pendant les trois jours qui suivent.
La plante étant restée au repos pendant huit jours el
n'ayant, pendant ce temps, dégagé que des traces de gaz,
RESPIRATION DES PLAINTES AQUATIQUES. l43
une nouvelle succion m'a ramené à la proportion de
95 pour 100 d'azote.
Il semble résulter de ces e?cpér5enccs que les plantes
aquatiques observées dans leur milieu naturel et à l'état
normal ne rejettent pas de gaz, même au soleil, pas plus
que les animaux aquatiques, et que les dégagements que
l'on a observés jusqu'ici sont provoqués par l'expérience
et dus à l'atmosphère gazeuse intérieure.
Pour nous, le véritable acte respiratoire dans les plantes
aquatiques consiste dans Tabsorpiion de l'air en dissolution
dans l'eau, probablement par les racines qui sont gorgées
de gaz formés de 3o à 36 pour 100 d'oxygène. Cet air
remplit les cavités de la plante, de sorte que l'oxygène est
absorbé par la plante ou diiïusé dans le liquide extérieur,
et la proportion d'azote est d'autant plus grande que la cir-
culation de cet air a été moins active.
Quant à la respiration chlorophyllienne ou cuticulaire,
on ne peut la constater que par l'étude des échanges de
substances gazeuses dissoutes entre la surface verte et le li-
quide ambiant. C'est là une question difficile, qui m'occupe
depuis longtemps et qui demande encore de nouvelles
études*
*x%*\%'»\%\%\^*\^\>*%x*\%'%*\*\\
GRAVURE SIR VERRE PAR L'ÉLECTRICITÉ;
Par m. planté.
J'ai décrit précédemment une expérience dans laquelle un tube
de verre, traversé par un fil de platine servant d'électrode à un
puissant courant vol laïque, se trouve creusé instantanément en
forme de cône ou d'entonnoir, au sein d*un vollamètre conte«
nant une solution saline. Dans d'autres expériences sur les effets
lumineux produits par un courant de forte tension, au contact
de réiectrode positive ou négative avec les parois d'un vase en
verre ou en cristal, humecté d'une solution de sel marin, j'ai eu
l'occasion d'observer que le verre ou le cristal était fortement
attaqué aux points touchés par l'électrode, et que les anneau
l44 G- PLAHTÉ. — GRAVURE SUR VBRRE PAR L^ÉLECTRICITÉ.
lumineux concentriques, formés tout autour, restaient quelque-
fois gravés à la surface du verre du voltamètre. En employant,
comme solution saline, de l'azotate de potasse, il fallait une force
électrique beaucoup moindre qu'avec le chlorure de sodium ou
d*autres sels, pour produire ces effets.
Ces observations m'ont conduit à appliquer le courant élec-
trique à la gravure sur verre ou sur cristal. On recouvre la sur-
face d*une lame de verre ou d'une plaque de cristal avec une
solution concentrée de nitrate de potasse, en versant simplement
le liquide sur la plaque, posée horizontalement sur une table ou
dans une cuvette peu profonde. D'autre part, on fait plonger,
dans la couche liquide qui recouvre le verre, et le long des bords
de la lame, un fil de platine horizontal, communiquant avec les
pôles d'une batterie secondaire de 5o à 60 éléments; puis, tenant
à la main l'autre électrode formée d'un iil de platine entouré,
sauf à son extrémité, d*un étui isolant, on touche le verre, re*
couvert de la couche mince de solution saline, aux points où l'on
veut graver des caractères ou un dessin.
Un sillon lumineux se produit partout 011 touche l'électrode,
et, quelle que soit la rapidité avec laquelle on écrive ou l'on des-
sine, les traits que l'on a faits se trouvent nettement gravés sur le
verre ('). Si l'on écrit ou si Ton dessine lentement, les traits sont
gravés profondément; quant à leur largeur, elle dépend du
diamètre du fil servant d'électrode; s'il est taillé en pointe, ces
traits peuvent être extrêmement déliés.
On peut graver avec l'une ou l'autre électrode; il faut toute-
fois un courant moins fort pour graver avec l'électrode négative.
Bien que j'aie obtenu ces résultats en faisant usage de batte-
ries secondaires, il est clair qu'on peut employer de préférence,
pour un travail continu, toute autre source d'électricité, de
quantité et de tension suffisantes, soit une pile de Bunsen d'un
assez grand nombre d'éléments, soit une machine de Gramme ou
même une machine magnéto-électrique à courants alternative-
ment positifs et négatifs.
( * ) Oa a si souvent besoin d'écrire ou de marquer des traits sur le verre
dans les laboratoires que ce procédé y trouvera de fréquentes applications.
K. PICTET. LIQUÉFACTIOR DE l' OXYGÈNE. l45
MÉMOIRE SUR LA LIQUÉFACTION DE L'OXYGÈNE,
LA LIQUÉFACTION ET LA SOLIDIFICATION DE l' HYDROGENE,
ET SUR LES THÉORIES DES CHANGEMENTS d'ÉTAT DES
CORPS ;
Par m. Raoul PICTET.
Afin de rendre la lecture de ce Mémoire plus facile, nous
l'avons partagé en six Chapitres, traitant chacun un sujet
spécial de cette étude.
Le Chapitre I" est consacré aux Considérations géné^
raies. Nous y développons le but de ce Mémoire et les lois
physiques relatives au changement d'état des corps.
Le Chapitre II contient la Description des appareils
employés*
Le Chapitre III relate les Expéiiences elles-mêmes.
Le Chapitre lY est affecté aux calculs pour la réduction
des observations : détermination de la densité de Toxygène
liquide^ des températures minima et des tensions maxima
des vapeurs de l'oxygène liquide.
Le Chapitre Vest consacré à Y Hydrogène.
Le Chapitre YI donne les Conclusions que l'on peut tirer
de ces expériences et de ces résultats.
I. — GoirsiDiRATioirs générales.
Tous les phénomènes de la chaleur ont été révélés
primitivement à Fhomme par l'intermédiaire du sens du
toucher.
L'impression de froid et de chaud, née de la modalité
particulière des sensations tactiles, a été tout d'abord attri-
buée â un fluide spécial, le phlogisfique, ou la chaleur,
répandu dans tous les corps à un degré différent. Cette
théorie, admise pendant tant de siècles, était le pendant des
liypothèses alors en vogue sur la lumière et devait, presque
j4nn, de Chim.ee dePkys., 5«8érie, t. XIH. fFévriep 1878.) lO
l46 R. PICTET.
forcement, découler de l'esprit plutôt analytique qui gui-
dait la Science à cette époque.
Mais, peu à peu, plusieurs catégories de phénomènes
furent rangées dans le chapitre de la chaleur, bien que le
sens du toucher fût complètement exclu de Tétude de ces
manifestations calorifiques. La calorimétrie prit naissance,
ainsi que l'étude du changement d'état des corps. Le nom
de chaleur latente ou insensible est encore resté dans la
littérature scientifique, et précise bien cette phase particu-
lière par laquelle a passé l'esprit hamain.
La route nouvelle, ouverte aux investigations, ne tarda
pas à faire apparaître un champ tellement fertile en décou-
vertes de toutes espèces, qu'on peut affirmer que toutes les
connaissances humaines en ont profité.
La Théorie mécanique de la chaleur, qui en est sortie
de toute pièce, est une œuvre immense, où la Philosophie,
autant que la Physique et la Chimie, ont trouvé une abon-
dante moisson de faits, d'explications, de rapprochements
qui ont éclairé d'une vive lumière le chaos dans lequel
tâtonnaient les chercheurs d'autrefois^
Cette grandiose découverte consiste à supprimer complè-
tement le phlogistique ou la chaleur en elle-même et à la
remplacer par le mouvement des particules constituantes
des corps. L'étude de la chaleur est 'devenue l'étude du
mouvement : mouvements intimes d'atomes, de molécules
invisibles, que le microscope ne saurait distinguer, mais
que l'on prouve aujourd'hui et démontre d'une manière
aussi saisissante que si on les voyait directement.
Le terrain de la lutte s'est ainsi complètement déplacé,
et l'étude de la constitution des corps est devenue une con-
dition essentielle de l'étude de la chaleur. Ces deux cha-
pitres sont inséparables et doivent se traiter ensemble.
La Théorie des gaz, telle qu'elle a été admirablement
développée par M. Clausius, est un des résultats les pins
remarquables et les plus directs de ce progrès scienti-
fique.
LlQUÉFACTIOlî DE l'oXYGÈNE. 14/
Le but que nous poursuivons dans ce Mémoire est de
nous servir de la Théorie mécanique de la chaleur, devenue
classique aujourd'hui y pour expliquer quelques phénoi-
mènes anomaux ou semblant tels, qui paraissent plus ou
moins contradictoires, soit avec les lois générales de la Phy-
sique, soit avec la théorie de M. Clausius, et deles ramener,
par la méthode expérimentale, à des phénomènes de même
nature ne créant aucune exception aux lois précitées.
ÂGn d'établir la question d'une manière bien précise,
nous allons décrire en quelques mots les phénomènes que
nous visons.
Presque tous les corps connus sont susceptibles de passer
par les trois élats : gazeux, liquide et solide.
Pour un même corps, ces trois états exigent des tempé-
ratures différentes : l'état solide correspond à la tempé-
rature la plus basse, l'état liquide à une température
plus élevée et l'état gazeux à une température supérieure
encore.
On admet, en conséquence, que les particules consti-
tuantes des corps, appelées molécules et atomes^ s'attirent
entre elles et tendent à se rapprocher, mais qu'une force
opposée résiste à cette tendance et lutte contre cette attrac-
tion. Cette force serait le mom^ement calorifique, et ce
mouvement est en rapport avec la température.
Cette loi générale implique l'idée que tous les corps,
sans exception, sont constitués d'une manière analogue
et que toutes les particules constituantes sont soumises
aux forces de la cohésion et du mouvement de la cha-
leur.
On peut déduire de là que, si la chaleur diminue de plus
en plus dans un corps gazeux, la cohésion moléculaire
l'amènera forcément à l'état liquide et solide; sans quoi
l'hypothèse de la généralité de la loi serait fausse.
M. Régna ult, dans ses mémorables expériences sur la
compressibilitédes gaz, a mis en lumière un point impor-
tant : toutes les vapeurs comprimées, lorsqu'elles arrivent
10.
l48 R. PIGTET.
près du point de leur liquéfaction, se compliment plus que
ne rindique la loi de Mariotte et de Gay-Lussac, loi qui
s'applique à un gaz idéal absolument parfait.
Ce résultat montre évidemment que les forces molécu-
laires, soit la cohésion, s'ajoutent à la pression pour rap-
procher encore les molécules libres qui pénètrent dans
leur sphère d'attraction et vont se précipiter en gouttelettes
liquides.
Toutes les vapeurs des liquides connus, depuis les va*
peurs de mercure, celles de Teau, de Talcool, de Tacide
sulfureux, de Tacide carbonique, subissent la même in-
fluence; toutes, elles se compriment plus que ne le ferait
un gaz parfait.
Seuls, les gaz appelés permanents échappent à cette
altération spéciale aux vapeurs, nommées ainsi par oppo-
sition aux gaz parfaits.
Us éprouvent même une altération inverse sous raction
de fortes pressions, c'est-à-dire qu'ils se compriment moins
que ne le voudrait la loi de Mariotte et de Gay-Lussac.
M. Regnault a montré que l'hydrogène en particulier
se comprime passablement moins que l'azote et Toxygène ;
les deux derniers gaz suivent presque ab^lunient la loi de
Mariotte avec des écarts extrêmement faibles pour des
pressions de 3o et 5o atmosphères.
Si Ton appelle cov^olume d'une vapeur la différence que
Ton observe entre son volume, sous une pression et une
température données, et le volume qu'elle devrait occuper
si la loi de Mariotte et de Gay-Lussac était rigoureusement
exacte, on trouve que le covolume des vapeurs est toujours
positif, tandis que celui des gaz permanents est presque
nul ou négatif.
En se basant sur ces résultats et admettant la théorie de
M. Clausius sur la constitution des gaz et des vapeurs, on
est appelé à reconnaître que certaines molécules, bien que
rapprochées considérablement les unes des autres, tendent
plutôt à se repousser qu'à s\ittirer^ puisque la pression
LIQUÉFACTION DE L^OXYGÈNE. l49
augmente plus vite que le calcul ne Tindique, dans Thypo-
thèse où ]a cohésion serait nulle.
Pour une différence de volume de moitié, c'est-à-dire en
comprimant une masse gazeuse dont le volume est i et la
réduisant à un volume égal à 1, pour les gaz permanents
la pression a plus que doublé, pour les vapeurs elle reste
inférieure au double de la pression initiale.
Il est évident que ces résultats sont un puissant argu-
ment en faveur de la non-généralité de la cohésion y qui ne
serait qu'une force accidentelle ou spéciale à certains corps
et pourrait même être remplacée dans quelques cas par une
force répulsive et opposée,
M. Natterer, professeur de Physique à Vienne, a voulu
déterminer expérimentalement jusqu'où Ton peut com-
primer les gaz appelés permanents et quelle est, au point
de vue des volumes, Tinfluence de pressions colossales pou-
vant atteindre presque 3ooo atmosphères. Il espérait ob-
tenir, par l'intermédiaire de cette puissance gigantesque, un
changement d'état, à cause du rapprochement considérable
des molécules gazeuses.
Si la cohésion des molécules gazeuses eût été tant soit
peu appréciable, il est certain à première vue que ce chan-
gement d'état devait s'opérer.
Voici quelques chiffres obtenus par M. Natterer dans
ses expériences, faites en i854, à la suite des observations
recueillies par M. Regnault.
Hydrogène, oxygène et azote. '— M. Natterer a com-
primé rhydrogène, l'oxygène et Tazote de la pression
atmosphérique jusqu'à une pression de 2790 atmosphères.
Il réglait ses observations de la manière suivante :
Dans le même espace clos, il introduisait progressive-
ment des volumes égaux d'hydrogène, par exemple 10 vo-
lumes égaux au volume initial. Un manomètre spécial et
très-sensible indiquait la pression correspondante.
Dans le tableau suivant, la première colonne indique
les volumes de gaz comprimés dans le volume primitif,
i5o
K. PICTET.
la seconde colonne donne les pressions observées en atmO'
spbères, et la troisième les différences de ces pressions.
HYDROGÊNE.
OXTGÈHB.
AZOTE.
Yolam.
Atmosph.
^ — "^
Dur.
Yolain.
Atmosph.
Diir.
Volnm.
Atmosph.
MIT.
0
0
0
0
0
0
*
8
8
8
7
7
'
5
5
5
i8
18
'7
'7 1
i5
i5
38
38
10
•
27
# 1
27 :
.0
35
35
10
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68
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78
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167
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10
85
85
10
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i34
337 •
333 1
t
335
340
i38
146
13
337
243
II
335
353
13
338
348
274
387
i3
277
387
387
298
1
II
375
385
3o6
331
i5
358
438
16
357
383
T *\
355
444
368
454
367
494.
12
365
466 ^
33
418
438
539
556
!■'
417
427
463
479 -
16
4i5
435
600
63o
3o
458
468
608
637
19
457
467
539
563
24
455
465
729 i
764
35
488
665
\ .
487
614
1
A ■■
485
84o
# _
498
685
30
497
641
27
495
883
4a
538
775
1 24
537
764 j
36
535
1095
; ^
548
799
547
800
oyj
545
1159 :
598
930
38
597
lOIO
46
595
i546
94
608
958
607
io56
6o5
i64o :
668
ii34
j 3o
647
1384 ,
1
646
3046
678
1164
657
i354
70
655
3i56
1,0
768
1434
h.
675
3394
laS
768
1471
685
3533
838
838
1701
1741
40
695
7o5
3654
2790
i36
878
1904
44
888
1948
908
3o44
hi
918
3098
948
3377
P4/V
958
3347
70
978
35o5
89
988
3594
998
3689
! ,.,
1Q08
2790
101
LIQUÉFACTION DE l'oXYGÈNE. l5i.
Nous mettons en regard les trois gaz observés ; Toxygène
ne monte que jusqu'à une pression de i354 atmosphères,
limites supérieures obtenues pour ce corps.
Le tableau précédent prouve d'une manière évidente que
la loi de Mario tte est absolument fausse dès que l'on dé-
passe une pression de loo atmosphères, cela pour les trois
gaz étudiés.
Pour les pressions relativement modérées, c'est l'oxygène
qui suit le plus exactement la loi de Mariotte, mieux que
Thydrogène. Par contre, aux pressions supérieures les
écarts s'accentuent très-nettement, et, lorsque l'on a com-
primé 657 volumes d'oxygène, la pression, qui devrait
théoriquement être de 607 atmosphères, est égale à i354 at-
mosphères, c'est-à-dire plus que double.
Dans les mêmes conditions, l'hydrogène présente une
pression de iio4 atmosphères et l'azote de ai 56. On voit
par ces chiffres que les molécules gazeuses doivent se re*
pousser SL\ec une énergie considérable, puisque 10 volumes
d'oxygène amènent une augmentation de 70 atmosphères
et de 110 pour l'azote.
Ces résultats, traduits par une courbe dont les abscisses
représentent les volumes comprimés et les ordonnées les
pressions correspondantes, indiquent une tendance mani-
feste vers une limite de compressibilité qu'il n'est pas pos-
sible de dépasser. Cette limite correspond au point où la
courbe devient asymptotique à l'ordonnée verticale. Alors,
pour une très-petite augmentation dans la quantité de gaz
introduite dans le volume primitif, la pression augmente
d'une quantité infinie.
C'est ce qui doit arriver probablement quand on a amené,
par le seul fait de la compression, les molécules du gaz au
contact absolu. Les espaces intermoléculaires devenant
nuls, toute 4iiniiiution de volume est impossible, à cause
deV impénétrabilité de la matière.
Ces considérations, appuyées sur des faits irrécusables,
i5a
R. PICTET.
semblent donc infirmer d^une façon sérieuse la généralité
de la cohésion.
Il semblerait, d'après ces expériences, ainsi que Tex-
plique M. Clausius, que la cohésion moléculaire pour tous
les gaz permanents serait nulle et que les écarts de la loi
de Mariotte, tels que nous venons de les exposer^ auraient
pour cause essentielle le volume matériel des molécules et
des atomes, leur épaisseur ou leur diamètre .
Dans les vapeurs, au contraire, la cohésion exercerait de
suite son action, même sous de faibles pressions, ce qui
motiverait l'écart en sens inverse que l'on observe en com-
parant les vapeurs et les gaz permanents.
Ce sont essentiellement ces phénomènes et ces explica-
tions, basées sur les expériences de MM. Regnault etNat-
terer, et la théorie de M. Clausius, que nous désirons
étudier plus à fond, et cela en nous servant d'un travail
précédent relatif aux rapports qui existent entre les diffé-
rentes propriétés physiques et chimiques des liquides vo-
latils (').
Mous avons démontré dans le travail dont il s'agit que,
pour une même température, la cohésion de tous les li»
guides est la même^ c'est-à-dire que les forces molécu-
laires qui lient entre eux â atomes ou 2 molécules d'un
liquide quelconque ont une puissance égale, lorsque la
température est la même, pour tous les liquides.
On peut exprimer ce théorème de cette manière : si l'on
prend tous les liquides volatils à une même température
et que l'on calcule le travail dépensé pour arracher de
ce liquide à cette température un atome a et le rendre
libre de la cohésiou qui le retient, le travail dépensé sera
identiquement le même pour tous les liquides sans ex-
ception.
Cette loi prouve que l'état liquide ne se manifeste pas
(*) Archives des Sciences phjrsiques et naturelles^ t. LY, p. 66.
LIQUÉFACTION DE l' OXYGÈNE. l53
indistinctement quelle que soit la puissance de la cohésion:
il faut que cette cohésion représente une certaine puissance
K agissant à une distance / entre a molécules, de telle
sorte que le travail de condensation ou de volatilisation
corresponde pour une température t à cette quantité con-
stante. Sans cette condition essentielle, la liquéfaction ne
saurait être obtenue.
La seule force connue qui lutte directement contre la
cohésion, c'est la chaleur. On admet qu^elle donne aux élé-
ments constitutifs des corps des mouvements d^ oscillation
pendulaire, dont l'amplitude est une fonction de la tem-
pérature.
Une foule de considérations, tirées essentiellement des
variations dans les chaleurs latentes internes, telles qu'elles
sont fournies par les Tables de M. Regnault, des lois qui
unissent les tensions des vapeurs avec la température, des
lois de la dilatation, etc., etc., me font émettre Phypothëse
que la température est directement proportionnelle, sui-
vant une fonction simple, à V amplitude du mouvement
calorilique.
Si Ton prenait comme mesure une fraction très-petite
du millimètre, analogue à celle dont on se sert pour me-
surer les ondulations lumineuses, on trouverait qu'une
oscillation double correspond à une température absolue
double; une oscillation triple comme longueur donnerait
une température trois fois plus élevée.
Le zéro absolu correspondrait à la longueur d'oscillation
nulle, comme un pendule qui serait arrêté.
Cette définition de la température s'accorde avec celle
que nous avons donnée précédemment ( ^ ) : elle consiste à
dire que la température d'un corps est absolument définie
quand on connaît le potentiel dynamique d'un corps entre
(*) Société de Phj'siqueet et Histoire natufelle de Getièt^e, séance du jeudi
30 décembre 1877.
l54 R. VICTET.
uae température t' quelconque, prise comme point de dé-
part, et Une température t variable, mais toujours exprimée
par réquatîon dynamique où elle entre.
Le calcul des tensions de la vapeur d^eau basé sur cette
théorie s'accorde à i millimètre près, pour toutes les tem-
pératures comprises entre aoo degrés et zéro. ]Nous pensons
donc pouvoir donner comme très-probable cette expression
de la température et nous la considérons comme la mesure
de r amplitude du mouvement calorifique.
Est-ce à dire que, lorsque Ton a un corps à t°, tous les
éléments de ce corps, sans exception, vibrent de telle sorte
que les amplitudes soient toutes rigoureusement égales ?
Nullement^ au contraire même, certaines vibrations inter-
fèrent entre elles et produisent, tantôt des vibrations plus
longues, tantôt des vibrations plus courtes. La tempéra-
ture du corps correspond à la moyenne de tous ces mouve-
ments élémentaires et donne la résultante dynamique des
travaux partiels qui constituent la provision de force accu-
mulée dans ce corps, provision que nous appelons son po^
tentiel.
Cette manière d'envisager l'action de la cbaleur peut se
démontrer expérimentalement par les changements d'état
des liquides en vapeur et réciproquement.
En effet, prenons une vapeur quelconque sous une pres-
sion P et une température t.
Dans ces conditions, l'intervalle intra moléculaire qui
sépare les molécules libres de la vapeur est inversement
proportionnel au nombre de ces molécules. Pour un
nombre double, l'intervalle sera devenu moitié.
Appelons K la puissance constante pour tous les li-
quides, qui doit représenter l'énergie de la cohésion à la
température t et appelons / la longueur de F oscillation ca-
lorifique correspondant à la température t.
La fig. I représente a molécules de cette vapeur
prises à la pression P et à la température t. La dis-
LIQUÉFACTION DE L^OXYGÈNE. l55
tance des molécules A et B est AB et Ton peut faire varier
cette distance à volonté en augmentant la pression du gaz.
Fig. I.
L
^
U<4 '■ r— i L
r«- r *^
À * B* B' B
€r^
Appelons L la distance minimum à laquelle la cohésion
agît avec assez d'énergie pour passer par la valeur K et soit
AB" = / la longueur d'oscillation calorifique correspon-
dant à la température t. Nous pouvons suivre pas à pas
tous les phénomènes qui vont se passer.
Il est évident, dans ce premier cas, que, tant que la
pression P maintient les molécules A et B à une distance
AB, la cohésion ne pourra pas amener la liquéfaction^
car sa puissance est inférieure à K, limite nécessaire; par
conséquent on pourra comprimer les vapeurs et introduire
dans le même volume une nouvelle quantité d'éléments
gazeux.
Lorsque la pression sera arrivée à une valeur P, la dis-
tance AB sera réduite à la longueur AB'. A ce moment
précis, la cohésion étant devenue égale à K, la molécule B
se précipitera sur la molécule A et formera une molécule
de liquide.
Les a molécules, dans ce rapprochement, dévelop-
peront beaucoup de chaleur, puisque la première oscilla-
tion sera égale à AB' et que quelques instants plus tard elle
sera réduite à AB''. La force vive perdue et cédée aux parois
du réservoir représente la chaleur latente de condensa^
tlon: c'est le travail de la cohésion entre les limites AB'
et AB".
Les variations de volume du gaz et du liquide «condensé
AB'
permettent de déterminer |e rapport des longueurs -rg:;^*
|56 R. PIGTET.
Ce changement de volume est considérable pour les lir
quides de volatilité moyenne.
Par ce moyen, et par le simple jeu de la loi de Mariette
et de la cohésion moléculaire, nous nous rendons très>bien
compte de la manière dont se passe la liquéfaction d'une
vapeur.
Il faut commencer par rapprocher les molécules jusqu'à
une certaine limite où la cohésion est suffisante, puis, dès
cet instant, la température supposée constante, la pres-
sion l'est aussi, quelle que soit du reste la quantité de va-
peur que Ton introduise dans le même espace. La pression
V sera maximum. La chaleur latente dégagée est fonction
des longueurs AB' et ÂB^' et du nombre de molécules qui se
condensent^ elle l'est, par conséquent, aussi de la valeur
de K correspondant à la température de condensation £^.
Si Ton envisage successivement dans les mêmes condi-
tions doutes les vapeurs connues, on doit trouver Texpli-
cation de tous les phénomènes correspondant aux change-
ments d'état gazeux en liquide.
Faisons cet examen, en choisissant les liquides dans leur
ordre de volatilité.
On peut d'avance reconnaître que la puissance avec la-
quelle 2 molécules s'attirent est variable suivant la na-
ture du corps.
Plus un liquide sera fixe, plus son point d'ébullition
sera élevé sur l'échelle thermométrique, plus la cohésion
réunit avec force ses particules constituantes.
Aussi l'on en conclut que la distance à laquelle les molé-
cules de ce corps s'attireront à une température t sera plus
grande que la distance correspondant, dans les mêmes con-
ditions, à a molécules d'un liquide plus volatil.
Prenons comme exemple l'eau et l'éther sulfurique et
comprimons leurs vapeurs à une température de 3o degrés.
La distance AB^ pour l'eau sera plus grande que pour
l'éther ^ par conséquent, d'après la loi de Mariotte, la
LIQUÉFACTION DE L^OXYGÈNE. 167
pression de la vapeur d'eau sera plus faible que celle qui
correspond aux vapeurs d'éther.
Le rapport des pressions sera exactement proportionnel
au pouvoir volatil.
La longueur AB' correspond à 3i"™,548 de mercure
pour Teau et à 634"", 80 pour l'ëther.
Pour les deux liquides, la pression n'est pas la même.
Par contre, la longueur des oscillations calorifiques AB"
sera égale pour les deux liquides après la condensation.
La chaleur latente dégagée dans ces deux cas sera donc
uniquement proportionnelle au nombre de molécules qui
se seront combinées par la cohésion en liquide, à une
constante K spéciale à la température £ et à la fonction qui
lie Taccroissement de la puissance de la cohésion par rap«
port aux distances qui séparent les molécules A et B.
En comparant successivement Teau à Téther sulfurique,
à Tacide sulfureux, à Tammoniaque, à Facide carbonique,
on voit que la distance AB' à laquelle s'opère la condensa-
tion diminue de plus en plus à mesure que Ton choisit un
liquide plus volatil ] à zéro Teau se condense sous une pres-
sion de 4 millimètres, Facide sulfureux en exige ii65,
Féther méthylique 1879, enfin Facide carbonique réclame
près de 3o atmosphères.
Il est évident que plus on choisit des vapeurs rebelles à
la condensation, moins il y a d'écart entre le volume du li-
quide condensé et celui des vapeurs. Cette remarque est
importante, car elle prouve que le seul élément variable est
la puissance de la cohésion suivant la nature intime des
vapeurs.
Nous voyons, par tout ce qui précède, que dans la con-
densation de 2 molécules gazeuses A et 6, il faut réaliser
deux conditions:
1® Rapprocher suffisamment ces molécules pour que la
distance AB'à laquelle on les amène corresponde à une at-
traction minimum égale à K.
l58 U. PICTET.
a^ Il est nécessaire et indispensable que la distance ÂB'
soit plus grande que AB", longueur d^ oscillation de la
température.
En effet, si l'attraction des molécules gazeuses est faible
et que pour une température t la longueur d'oscillation l
correspondant à la température soit plus grande que la
distance à laquelle on doit rapprocher les deux molécules
pour que la puissance de la cohésion soit K, la liquéfaction
déifient impossible^ puisquà cette température t F écart
minimum, est trop grand pour permettre le changement
d'état.
Cette seconde condition explique entièrement tous les
phénomènes qui se rapportent aux gaz appelés permanents.
Il ne suffit pas, pour condenser ces gaz, de leur faire subir
d'énormes pressions, il faut amener la longueur d'oscilla-
tion calorifique à devenir inférieure à AB' et, pour cela,
il faut abaisser leur température, il faut ôter la chaleur,
réduire les mouvements calorifiques au minimum. Alors,
AB^ étant très-petit, aussi petit que possible, on peut
espérer que la distance AB', à laquelle la cohésion passe
par la valeur K, sera plus grande que AB'^ Dans ce cas
seulement y la liquéfaction s'obtiendra.
Jusqu'à présent, on croyait que la pression et la tempé'^
rature étaient ainsi liées ensemble que l'on pouvait tou^
jours remplacer l'une par Vautre. Cela est vrai dans cer-
taines limites que nous avons définies par cette explication.
Presque tous les liquides volatils permettent d'établir la
table des tensions de leurs vapeurs saturées^ ces Tables
indiquent le rapport qui existe entre l'augmentation de la
pression P et la température t. Mais ces Tables sont abso-
lument impossibles à donner pour des valeurs de t très-
élevées, et l'expérience a prouvé que, pour une certaine
température t, le liquide passe spontanément en vapeur
sans changer de volume. A partir de ce point, la liquéfac-
tion des vapeurs ainsi formées devient impossible.
LIQUÉFACTION DE l'oXYGÈNE. 169
Pour Teau, cette température est intermédiaire entre
4oo et 5oo degrés. Pour Téther, elle est plus basse; pour
Tacide sulfureux, elle n'atteint pas 25o degrés. Pour Tacide
carbonique et le protoxyde d'azote, elle est encore moins
élevée ; enfin, pour les gaz permanents, Thydrogène, l'oxy-
gène et Tazote, ce point est inférieur à la température
ambiante.
Cette explication permet donc de considérer comme gé-
nérale la loi de la cohésion, et elle montre qu'il est indis-
pensable, pour liquéfier ces gaz, de se servir des deux
moyens indiqués :
Obtenir de fortes pressions ;
Obtenir un très^grand Jroid.
Ces deux moyens sont nécessaires, doivent s'employer
simultanément et ne peuvent se remplacer par aucun
expédient.
La méthode analytique qui nous a conduit à ce résultat
permet de nombreuses applications. Toutes les lois qui
régissent les variations des chaleurs latentes internes,
externes, les tensions des vapeurs volatiles, les chaleurs
spécifiques, les mélanges des liquides volatils, les mélanges
de gaz et de vapeurs, en un mot, toute la calorimétrie
et la Thermodynamique se résument dans le problème de
Physique que nous venons d'exposer.
Toutes ces applications trouveront leur place dans un
Mémoire spécial que nous préparons. Ici, nous voulons
seulement démontrer expérimentalement que les déduc-
tions précédentes se rapportant aux gaz permanents sont
exactes.
n. — Description des appareils.
Dans le Chapitre précédent, nous avons établi l'antago-
nisme apparent qui existe entre les vapeurs et les gaz per-
manents, antagonisme reposant surtout sur les anomalies
l6o B. PICTET.
de la loi de Mariotte et Timpossibilité de liquéfier ces gaz
malgré des pressions fantastiques.
La théorie nous a conduit à reconnaître la nécessité de
modifier Té ta t des gaz permanents de deux manières: les
soumettre à des pressions de plus en plus énergiques et
abaisser leur température aussi bas que possible.
Nous allons maintenant décrire les moyens mécaniques
que nous avons choisis pour atteindre ce double but.
Avant d^arrèter un dispositif en vue d^un résultat bien
défini, il faut poser toutes les conditions requises pour
assurer une marche régulière, pour éliminer les aleUy
Timprévu, qui viennent trop souvent à la traverse voiler
la netteté des phénomènes à observer et introduisent des
éléments perturbateurs qui gênent Fexactitude des obser-
vations.
Pour arriver à liquéfier les gaz permanents, nous trou-
vons cinq conditions essentielles que le dispositif méca—
nique doit remplir. Elles sont toutes basées sur les résul-
tats connus, relatifs à la liquéfaction des autres vapeurs.
Ce sont :
i^ Agir sur un gaz absolument pur, sans aucune trace
de gaz étranger ;
a^ Disposer d'une compression méthodique de ce gax,
pouvoir atteindre des pressions énergiques et pouvoir me-
surer ces pressions exactement ;
3^ Avoir à sa disposition les températures les plus
basses possibles et pouvoir les maintenir indéfiniment, tout
en soustrayant de la chaleur à ces basses températures \
4° Disposer d*une grande surface de condensation main-
tenue à ces basses températures ;
5^ Pouvoir utiliser la détente des gaz de la pression
considérable à la pression atmosphérique, dé lente qui,
s'ajoutant aux moyens précédents, oblige la liquéfaction.
Ces cinq conditions sont aussi importantes Tune que
l'autre. Si Ton avait un gaz impur, la liquéfaction se rap-
< LIQUÉFACTION DE l'oXYGÈIïE. i6i
porterak peut-être au gaz élranger ] les lois des pressions
rapportées aux températures sont troublées parla présence
de gaz étrangers dans le gaz que l'on étudie; il faut donc
absolument travailler sur un gaz chimiquement pur.
Comme pression, une limite de 800 atmosphères nous a
paru suffisante pour une première série d'expériences.
Nous nous servons d'un manomètre métallique exécuté
exprès dans ce but chez M. Bourdon et gradué avec le
plus grand soin au moyen de pressions hydrauliques me-
surées à la balance. Sans être absolument parfait, cet ap-
pareil présente assez d'exactitude pour que l'on connaisse
une pression à i ou 2 atmosphères près, ce qui est suffi-
sant.
Tout le système de la production des basses tempéra-
tures fera le sujet de la description ci-après ; c'est la partie
mécanique la plus dispendieuse et la plus délicate. Il faut
disposer d'une grande surface de condensation pour les gaz
comprimés, car la plupart des expériences entreprises pré-
cédemment dans ce but ont échoué faute d'avoir pris assez,
de précautions de ce côté-là.
Une surface donnée ne condense qu'un poids défini de
vapeurs. Si cette surface est exiguë, si les parois sont mau-
vaises conductrices de la chaleur, le phénomène de la con-
densation sera excessivement ralenti. C'est pour cette rai-
son que nous ne voulons pas nous servir de tubes épais en
verre et que nous donnerons un grand développement au
tube de métal destiné à opérer la condensation du gaz.
Enfin, dans le cas où la pression obtenue, jointe à l'in-
fiuence de la température, ne suffirait pas pour amener la
liquéfaction à Vétat statique, on peut la contraindre par la
détente du gaz.
Supposons, en effet, que le gaz soit comprimé à 5oo at«
mosphères de pression et soit maintenu à — 100^. Dans
ces conditions, il serait encore gazeux. Si nous le déten-
dons de la pression 5oo atmosphères à la pression atmo-r
.4nn, de Clxim, et de Phys., 5« série, t. XIII. (Février 1878.) 1 1
l62 R. PICTET.
sphérique, cette détente produira uu travail considérable.
Ce travail sera fourni au détriment de la température du
gaz, mais cet abaissement de température pourra être tel
que le gaz perde toute trace de chaleur et qu'une partie
de ce gaz passe par le zéro absolu, ce point particulier où
la vibration calorifique est nulle. Dans ce cas, évidem-
ment, la cohésion y si elle est une force générale y amènera
Fétat liquide et même solide du corps étudié.
Pour appuyer cette déduction sur des chiffres plus
précis, nous dirons que i kilogramme d^oxygène par le
travail de détente produirait 49664^^*"? tandis que la cha-
leur totale représentée par i kilogramme d'oxygène de
— 100® au zéro absolu n'est que de 87*^*^9 qui, transfor-
mées en travail, ne font que i6334*^"'
Ce résultat montre donc que la détente complète ne sera
pas possible ,* mais un gaz a comme caractère distinctif une
détente illimitée : donc, ce caractère devant se peixlre pen-
dant le mouvement, une partie du gaz se condensera et
passera à l'état liquide ou solide. Si ce changement
n'avait' pas lieu, une partie du gaz deviendrait une pous-
sière inerte, et alors la cohésion ne serait point une loi
générale de la nature.
C'est donc un critérium absolu et définitif. La détente
des gaz comprimés servira de preuve irrécusable.
Voilà les principales conditions qui nous ont guidé dans
la disposition mécanique que nous avons adoptée pour la
liquéfaction des gaz permanents.
Nous allons maintenant décrire sommairement les ap-
pareils eux-mêmes.
Ils se divisent en trois parties distinctes :
1° Une circulation d'acide sulfureux, servant à pro-
duire une première chute de température 5
7? Une circulation d'acide carbonique ou de protoxyde
d'azote, servant à amener une seconde chute de tempéra-
ture ;
LlQUÉFÀCTIOIf DE L^OXTGÈNE. l63
3^ La production de Toxygène en vase clos, mis en
communication avec Tacide carbonique solidifié par un
long tube mince complètement noyé dans cet acide carbo-
nique.
La PI. 1 représente l'ensemble du dispositif en éléva-
tion et en plan.
C'est dans un corps de bâtiment appartenant à la Société
genevoise de construction d'instruments de Physique que
ces appareils ont été disposés.
M. Th. Turreltini, le directeur de cette Société, a bien
voulu m' autoriser à me servir de sq3 locaux et de sa ma-
chine à vapeur pour faciliter mes recheiches et mes expé-
riences.
Je profite de cette occasion pour lui en témoigner ma
sincère reconDaissance, ainsi qu'à la Société qu'il dirige.
Tous les instruments qui m'ont servi ont été construits
dans ses ateliers, et c'est uniquement grâce à leur perfec-
tion que nous avons obtenu des résultats précis sans aucun
accident quelconque.
ha fi g, I de la PL I représente en élévation l'ensemble
des appareils. On voit d'abord deux grandes caisses U et V
que le plan de la figure coupe par la partie médiane.
Dans la caisse supérieure U se trouve un grand tube de
cuivre R, ayant o"',i2 de diamètre et i"*,io de longueur.
Ce tube traverse la caisse de part en part dans une posi-
tion légèrement inclinée. La différence de niveau entre les
deux extrémités est de o™,i2.
C'est dans ce tube que Ton introduit de l'acide sulfureux
liquide par le tube 2, aboutissant à la partie inférieure de
ce réservoir sur la génératrice supérieure du cylindre.
Lorsque Tacide sulfureux s'est accumulé dans ce récipient,
de telle manière que le niveau du liquide touche l'orifice
du tube z^ la surface de ce liquide est maximum, car elle
s'étend d'un bout à l'autre du tube sur la plus grande
section.
II*
t
164 ^* PIGTET.
Un robiuet r, ayant une section de o°^,oao de diamètre,
est placé sur la partie supérieure du grand tube contenant
Tacide sulfureux. Ce robinet fait face au tuyau d'entrée du
liquide placé à Tautre extrémité.
Un long tube de 0*^,025 de diamètre réunit ce robinet r
avec l'aspiration d'une première pompe P.
Si Ton met cette pompe en action par l'intermédiaire
d'une transmission mécanique, elle produira un vide con-
sidérable sur l'acide sulfureux contenu dans le tube R.
Aussitôt la volatilisation de l'acide sulfureux sera excitée
et la température de ce liquide s'abaissera promptement.
Elle deviendra d'autant plus basse que le vide sera plus
parfait.
Dans les laboratoires de Physique, on se sert générale-
ment de pompes pneumatiques pour faire le vide; ces ap-
pareils délicats ne pouvaient convenir à ces sortes d'expé-
riences qiii demandent une continuité de marche de bien
des heures et la soustraction d'une énorme quantité de cha-
leur ; d'un autre côté, les pompes ordinaires ne donnent
pas un rendement excellent et ne permettent pas facilement
d'obtenir un vide (;pmplet. J'ai tourné la difficulté en ac-
couplant deux pompes industrielles semblables à celles qui
nous servent dans nos appareils à glace, et associées de
telle sorte que l'aspiration de la seconde pompe V [PL 1,
jîg, 2) corresponde à la compression de la première P.
Grâce à cette disposition, les espaces nuisibles de la
première pompe, les fuites latérales du piston, les petites
imperfections mécaniques inhérentes à des instruments de
grande taille et industriels, sont complètement supprimés,
et l'aspiration devient aussi énergique que celle de la
meilleure machine pneumatique.
Quelques chiffres suffiront pour démontrer la remar-
quable puissance de cet accouplement.
Avec une excellente machine pneumatique faisant le
vide à -; millimètre et ayant des cylindres de 750 centi*
LIQUÉFACTION DE L^OXTGÈNE. l65
mètres cubes, j'ai fait le vide sur un flacon contenarit de
l'acide sulfureux liquide. Le poids du flacon et de l'acide
était de 3 20 grammes. Le flacon était entouré de chiffons
et de déchets de coton pour éviter le rayonnement exté-
rieur de la chaleur et la conductibilité.
Après avoir pompé sans arrêt plus de trois quarts
d'heure, étant quatre pour nous relayer, la température
marquée par un thermomètre étalon à alcool n'était que
de — 54°. Vingt minutes plus tard elle ne fut que de
— 55% et il nous fut impossible de la faire baisser davan-
tage.
Avec les deux pompes accouplées ainsi que nous l'a-
vons décrit, la température du tube R, relevée par le
même thermomètre à alcool indique — 3o^ après quatre
minutes de marche, — 4^*' après dix minutes, et enfln des-
cend progressivement jusqu'à — 73®, la limite la plus
basse que nous ayons pu atteindre.
Le thermomètre à alcool se glisse dans un petit man-
chon en cuivre dont la bouche ouvre contre le flanc du
grand réservoir R. L'autre extrémité est |fermée et tout le
tube est noyé dans l'acide sulfureux liquide. On verse
dans ce manchon un peu d'alcool absolu qui établit un
contact entre les parois du tube et le thermomètre.
Les pompes P et P' sont en fonte; elles sont construites
sur le système de M. Daniel Colladon, appliqué aux com-
presseurs à air. La tige du piston est creuse, et l'on entre-
tient une circulation d'eau qui permet au presse- étoupe
de se conserver longtemps sans subir l'action nuisible de
rélévatioû de température, qu'il est presque impossible
d'éviter sans cet artifice. La garniture du presse-étoupe
est composée de deux parties, séparées par un anneau mé-
tallique. Cet anneau fait l'office de chambre et sert à évi-
ter les rentrées d'air. Voici comment :
La seconde pompe P' comprime l'acide sulfureux jusqu'à
une pression de i à 2 atmosphères dans un condenseur C.
l66 * a. PIGTET.
Ce condenseur est en cuivre et affecte la forme d'une
chaudière tubulaire. Un courant d'eau ordinaire traverse
les tubes de ce condenseur et enlève la chaleur fournie par
le changement d'état. Puisque la pression produite par la
seconde pompe à la compression dépasse la pression atmo-
sphérique, il suffit de réunir par un tube Panneau métal-
lique logé dans les deux garnitures des deux pompes P et
P avec la canalisation qui joint la pompe P au conden-
seur C. On ne s'expose ainsi en aucune façon à des ren-
trées d'air dans l'appareil. Cet accident, s'il avait lieu, pa-
ralyserait immédiatement la marche des pompes, car la
pression des gaz dans le condenseur C irait constamment
en croissant et dépasserait rapidement les limites admises.
Cette précaution, uniquement du domaine de la pra-
tique, est absolument indispensable pour assurer un fonc-
tionnement de quelque durée.
Le volume de la pompe P est de 3 litres par cylindrée,
ce qui explique la rapidité avec laquelle la température
descend dans le tube R dès le commencement de la mise
en marche.
Les soupapes des pompes P et P ont été faites avee un
soin tout particulier-, elles sont en acier et le siège des
clapets est en bronze. Un rodage prolongé permet une par-
faite herméticité.
Les ressorts à aspiration sont très-doux et suffisent sen-
lement à faire plaquer la soupape.
La vitesse des pompes varie entre 80 et 100 tours par ,
minute.
L'acide sulfureux qui s'évapore dans le tube R , grâce à
la grande surface libre du liquide, passe dans le robinet r,
se rend dans la première pompe, de là dans la seconde ,
puis dans le condenseur. Là les vapeurs se condensent, re-
passent à l'état liquide et gagnent la partie inférieure du
condenseur. J'ai placé dans cet endroit l'ouverture du tnbe
z qui relie le condenseur au tube R. Un robinet de réglage
LIQUÉFACTIOir DE L'oXTGÈIfE. ifi^
à vis q peraiet de donner à la section de Touverture la gran-
deur voulue pour que le poids du liquide qui s*écoule sous
rinûuence de la diflerence de pression entre le condenseur
et le tube R soit rigoureusement ëgal à celui des vapeurs
aspirées pendant le même temps.
Comme ce poids est extrêmement faible, quHl représente
seulement quelques grammes par minute, il suffit d'en-
tr^ouvrir légèrement le robinet ^, en donnant à la clef un
dixième de tour tout au plus.
De cette manière, le niveau du liquide dans le tube R
reste constant.
Le cycle d'acide sulfureux est complet et la chute de
température obtenue dans le grand tube R est constamment
maintenue par le travail mécanique des pompes P et P'.
Celte première circulation d'acide sulfureux n*est quun
expédient pour obtenir de l'acide carboniqne ou du prot-
oxyde d'azote à Tétat liquide en quantités assez considé-
rables.
Si l'on voulait condenser par des pompes ordinaires de
l'acide carbonique ou du protoxjde d'azote, il faudrait
pouvoir comprimer ces gaz sous des pressions dépassant
3o à 4o atmosphères, même en utilisant pour la conden-
sation de l'eau très-froide»
Ces pressions sont irréalisables sur une grande échelle :
on ne peut les obtenir qu'au moyen de pompes spéciales
dont le débit est fort limité et qui ne peuvent nullement
résister à une marche continue.
Par contre y si nous condensons l'acide carbonique à
une température de — 65®, la pression s'abaisse à 4 ^u
6 atmosphères seulement, pression très-facile à obtenir
au moyen de pompes semblables a P et P.
Dans ce but, j'ai logé au milieu du tube R un second
tube de diamètre moindre, ayant 1™,ID de longueur sur
o"^,o6 de diamètre.
Ce tube, représenté en S, est conséquemment baigné
l68 R. PTCTET.
dans racide sulfureux qui Tenveloppe de Toutes partSy et
il participe à cette basse température de — 65". Ce tube
S sert de condenseur à l'acide carbonique, que Ton y
comprime par Taction de deux pompes O et O', en tout
semblables aux pompes P et P et semblablement disposées.
L'acide carbonique est fabriqué avec beaucoup de soins
dans deux grands bocaux en verre, pleins de fragments
de marbre de Carrare sur lesquels on laisse agir de Ta-
cide chlorhydrique introduit progressivement. Le gaz qui
se dégage est lavé, puis desséché par un grand appareil
plein de chlorure de calcium. De là on l'emmagasine dans
un gazomètre à huile G [PL I, fig. i et 2) , ayant i mètre
cube de capacité.
Un tuyau c relie le gazomètre avec un robinet à trois
voies K [PI, lyfig* 2).
Au commencement de l'opération, on tourne ce robinet
K de telle sorte que le gazomètre G soit mis en communi-
cation avec l'aspiration de la pompe O par l'intermédiaire
des tubes c et c'.
Les pompes O et CK ne sont mises en mouvement que
lorsque la température inférieure est déjà obtenue dans le
tube R par le jeu des pompes P et P.
Immédiatement la condensation de l'acide carbonique
s'obtient dans le tube S, sous une pression indiquée au
manomètre m. Elle est variable suivant la quantité de gaz
qu'on admet dans les pompes O et O^; mais, en général, elle
reste comprise entre 4 ^^ 7 atmosphères. La température
de l'acide sulfureux se relève toujours un peu dès que les
pompes O et O' se mettent en activité.
Ce résultat est naturel, puisque l'acide carbonique qui
se liquéfie cède toute sa chaleur latente de liquéfaction à
l'acide sulfureux. La température monte ainsi jusqu'à
— 5o°. Dès qu'on ralentit la condensation de l'acide car-
bonique, cette température redescend aussitôt, en oscil-
lant constamment entre — 5o^ et — 65^*
LIQUÉFAGTlOli DE l'oXYGEKE. 169
Tout le gaz contenu dans le gazomètre est aspiré par les
pompes O et Cy et comprimé dans le tube S, où il se
liquéfie facilement. On peut ainsi en accumuler plus de
2 kilogrammes en un quart d'heure.
Une fois Tacide carbonique liquide obtenu, il ne reste
plus qu^à l'utiliser pour la condensation de Foxygène.
Les appareils spéciaux établis dans ce but se trouvent
dans la longue caisse Y, située juste au-dessous de la pre-
mière.
Cette caisse contient, comme la caisse U, deux tubes
en cuivre; seulement leurs dimensions sont notablement
différentes.
Un premier tube, extérieur au second, a exactement
3", 70 de long sur o",o35 de diamètre extérieur. Il est
légèrement incliné vers le sol, mais dans le sens opposé
aux tubes R et S.
Dans les Jig. i et 2 de la PL /, il est désigné par la
lettre D. Ce tube correspond au réservoir d'acide carboni-
que liquide par le tuyau f.
Un robinet de réglage p à vis, tout à fait semblable au
robinet de réglage de Tacide sulfureux, permet d'ouvrir
ou de fermer la canalisation et de régler exactement la va-
leur de l'orifice de passage.
J'ai disposé l'entrée de T acide carbonique liquide vers
le milieu du long tube P, pour la raison que j'indiquerai
plus loin.
Une seconde bride /(P/. /, /îgr.a), placée dans la partie
supérieure de D, permet d'ajuster un tuyau c/'qui, partant
de fy établit la communication entre le robinet à trois
voies K çt le sommet du tube D.
Ces dispositions une fois connues, voyons comment la
seconde circulation fonctionne.
On commence par soutirer le gaz du gazomètre préala-
blement rempli. Lorsque tout le gaz est liquéfié dans le
condenseur S, on ouvre le robinet de réglage p. L'acide
m. PIGTET.
170
caThonuiiui liquide passe dans le tube t et abaisse instan-
tani^'mcril la température de toute la canalisation.
Les premières gouttes qui tombent dans le long tube D,
rencontrant un métal à la température ambiante, s'éva-
porent rapidement. Les vapeurs produites retournent se
condenser dans le conducteur S.
Une seconde quantité de liquide descend de nouveau
dans le tube dès que Téquilibre de pression est rétabli et
amène un plus grand abaissement de température des pa-
rois de D.
Ainsi, progressivement, Tacide carbonique descend du
tube supérieur S dans le tube inférieur D. Il commence
par s'accumuler dans la partie la plus basse; puis le ni-
veau s'élève progressivement jusqu'à la partie supérieure
voisine de la bride^*.
Pendant cette opération de remplissage, on est parfaite-
ment renseigné sur ce qui se passe, par le jeu du mano-
mètre m indiquant la pression dans le condenseur S.
Chaque fois qu'une certaine quantité d'acide carbonique
liquide descend dans le tube D encore chaud, relativement
a la température très-basse de Tacide carbonique, on voit
une brusque élévation de a ou 3 atmosphères au ma-
nomètre m.
Cette augmentation de pression disparait promptement,
puisqu'elle n'est produite que par le reflux de l'acide ga-
zeux, lequel se condense de nouveau pour redescendre
une seconde fois dans le collecteur D.
Lorsque le calme du manomètre m indique que tout le
tube a pris la température correspondant à celle de l'acide
sulfureux en R, c'est-à-dire environ — 60° à — 65°, on
tourne le robinet à trois voies K, de telle sorte que le ga-
zomètre soit isolé et que l'aspiration de la pompe O
s'adresse, par l'intermédiaire des tubes c et cf, à la partie
supérieure du tube D.
On doit mettre à cette opération une grande précaution.
LIQUÉFACTION DE l'oXYGÊWE. I7I
car, si l'on ouvrait brusquement ce robinet, le liquide
contenu dans le tube D se mettrait spontanément en ébullî-
tion, bien que la température soit si basse, et une bonne
partie de ce liquide s'engagerait dans la canalisation et
dans les pompes. Là, la température élevée développerait
une telle quantité de vapeurs, que la surface du conden-
seur S serait tout à fait insuffisante pour la modérer. La
pression atteindrait 3o ou 4o atmosphères en quelques se-
condes et Ton aurait certainement un accident à déplorer.
C'est donc peu à peu que cette communication doit
s'établir, pour diminuer progressivement et lentement la
pression qui contient l'acide carbonique liquide.
On laisse quelques minutes encore ouvert le robinet de
réglage p, afin d'être sûr que tout l'acide carbonique li-
quide est bien descendu dans le collecteur D. La différence
de pression que procure le jeu des pompes amène infailli-
blement ce résultat.
On ferme le robinet de réglage p, dès qu'un givre in-
tense blanchit toute la canalisation d^c^ signe certain que
tout le tube D est plein de liquide.
A ce moment commence un nouvel et considérable abais-
sement de température.
Le vide se fait sur l'acide carbonique liquide et le froid
devient si intense que cet acide se solidifie.
Mesure des températures. — Il est impossible de se
servir de thermomètre à alcool pour estimer des tempéra-
tures aussi basses. La contraction et la dilatation de ce li-
quide ne donnent plus aucune «garantie sérieuse.
Je me suis servi, pour la mesure de ces température, de
la formule suivante, que j'ai déduite directement de la
Théorie mécanique de la chaleur appliquée aux change-
ments d'état ;
^F ^ [V-4-(c~/') (/^-0]43i X 1,293 JX 274 (f^-/)
P io333[(274-f-f')'-- (274-4- r') [t'^t)]
172 H. PICTET,
P'
Dans cette formule, /— représente le ogarithme népé-
rien du quotient des tensions à saturation aux tempéra-
tures i' et t.
i est une température iixe prise comme point de départ,
zéro ou 100 degrés si possible, ou une température in-
termédiaire donnée par un thermomètre étalon \
t est la température à déterminer \
P est la tension observée au manomètre à mercure lorsque
le vide est produit : cette tension correspond à la tem-
pérature t\
P^est la tension des vapeurs à la température t\ elle est
donnée par les Tables de M. Regnault \
X' est la chaleur latente de volatilisation à la tempéra-
ture i!\
c est la chaleur spécifique du liquide moyenne entre t' ett;
h est la chaleur spécifique des vapeurs à pression con-
stante \
i est la densité des vapeurs par rapport à l'air, densité lé-
gèrement variable suivant la pression P et dont on a
Teslimation exacte par la loi des co volumes fournie par
M. Regnault.
En donnant à t des valeurs successives de 10 degrés en
10 degrés inférieures à t'^ on trace la courbe des tensions
maxima correspondant aux températures, et c^est cette
courbe qui permet des observations de température trèa-
exactes et rapides.
Ce n'est pas ici la place de démontrer cette formule, ni
les équations sur lesquelles elle repose ^ nous dirons seule-
ment que, appliquée aux vapeurs d'eau, d'acide sulfu-
reux, etc., elle s'accorde, au millimètre près, avec les
Tables de M. Regnault entre les limites t' = aoo° et t = o®,
qui correspondent aux maxima des écarts observés, étu-
diés avec le plus de précision.
LIQUÉFACTION DE l'oXTGÈNE. 1^3
Nous venons d^exposer comment s'établit la seconde
circulation ^ celle d'acide carbonique ou de protoxyde
d'azote, car les deux gaz peuvent être employés indiilé-
remment.
Cette seconde circulation amène une chute de tempéra-
ture qui atteint — 120** et même — i4o** lorsque le vide
est complet.
Nous passons maintenant à l'oxygène et au dispositif
qui permet d'utiliser ce grand froid et d'obtenir une pres-
sion énergique.
J'ai disposé dans l'intérieur du long tube D un second
tube plus petit comme diamètre, mais plus long que le
tube D d'environ o", 5o.
Ce petit tube est très-épais. Son diamètre intérieur est
exactement de o"',oo4 et son diamètre extérieur de o"*,oi5«
La longueur de ce tube A (P/. /, jig. i et 2) est de 4"*, i6«
Ce tube A traverse les deux fonds du tube D et dépasse
ce tube de quelques centimètres dans la partie inférieure
et de près de o'^jSodans la partie supérieure. C'est ce long
tube qui doit servir de réservoir à l'oxygène comprimé.
Dans la partie inférieure, ce tube de cuivre est fileté sur
une longueur de o", 06.
Un maqcbon en acier se visse sur le tube, qui a été préa-
lablement étamé.
En chauffant, on obtient une soudure parfaite.
Ce manchon en acier est percé de deux orifices. Sur l'un
vient se fixer un grand manomètre métallique m! (PL J,
fîg. I et 2), gradué jusqu'à 800 atmosphères.
Le diamètre de ce manomètre est suffisant pour que Ton
puisse apprécier assez facilement le 7;^ de chaque gradua-
tion, correspondant à 10 atmosphères. On peut donc esti-
mer la pression à i atmosphère près.
Le manomètre communique avec la partie centrale du
tube A par un trou pratiqué dans l'épaisseur des parois de
ce tube, en face de l'ouverture du manchon.
1^4 ^' PICTET.
Le joint du manchon et du manomètre est rendu abso-
lument hermétique par le serrage à bloc d'un anneau de
cuivre, comprimé entre les deux surfaces planes du
joint.
Cet anneau s*aplaiit légèrement et s'incruste dans ces
deux surfaces d'une façon si intime qu'aucune fuite n'est
a craindre.
Le second orifice du manchon d'acier est destiné au
passage de Toxygèue liquide. Il est placé au-dessous du
manomètre m\
Cet orifice est très-étroit, il n'a que o™,oo3 de diamètre.
Une petite lance, percée d'un trou de o™, ooi, vient se
fixer à vis dans l'ouverture du manchon. C'est par son
extrémité que les gaz comprimés et le liquide s'échappe-
ront dès qu'on desserrera la vis d'acier v, qui ferme l'ex-
trémité du tube A.
Ainsi que nous l'avons dit, le manchon d'acier enve-
loppe de toutes parts l'extrémité du tube A.
Si l'on ajuste, en face de l'orifice de ce tube et parallè-
lement à son axe, une vis à bout conique, filetée dans le
manchon même, cette vis viendra obstruer entièrement le
tube A lorsque la pointe se sera engagée dans Porifice du
tube.
Une forte pression ne risque pas de faire baver le tube
de cuivre, car il est maintenu dans la gaine solide qui le
protège.
Ce système de fermeture donne les meilleurs résultats^
La partie supérieure du tube A se recourbe vers le
sol et ce tube se relie à un gros obus de fer forgé B
{PL lyfig' I et a).
Cet obus a été forgé avec le plus grand soin, de ma*
nière à assurer la qualité exceptionnelle du métal et son
homogénéité.
On a pratiqué dans l'intérieur une cavité cylindrique
ayant exactement lôSp centimètres cubes de capacité. Les
\i
LIQUÉFACTION DE l'oXYGÈNE. 1^5
dimensions extérieures de cet obus sont de o"*, 28 de hau-
teur et de o", 17 de diamètre.
Les parois de ce récipient ont une épaisseur moyenne
de o°',o35.
Le calcul des résistances montre qu'un obus pareil
peut résister à une pression de plus de i5oo atmosphères.
La réunion du tube A avec Tobus 6 se fait par l'in-
termédiaire de deux joints semblables à celui du mano-
mètre m'.
Un bouchon à vis en acier se visse à bloc sur Textré-
mité du tube A et ce bouchon pénètre lui-même dans
l'ouverture de l'obus. Un anneau de cuivre sert égale-
ment de garniture pour éviter toute espèce de déperdition
de gaz.
Avant de faire le joint, on introduit dans l'obus un
poids connu de chlorate de potasse mélangé de chlorure de
potassium, puis on visse le réservoir B à l'extrémité du'
tube A.
Sous l'obus 6, on [dispose une couronne de gaz, telle
qu'on les emploie dans les fours Perrot. En réglant la
flamme, on amène progressivement la température de
l'obus aux 485 ou 5oo degrés nécessaires pour le dégage-
ment complet de l'oxygène.
Le manomètre mf permet de suivre constamment la
marche de l'opération.
Ce dispositif dispense de l'emploi des pompes pour la
compression des gaz. La réaction chimique est la source
unique de la pression.
La surfaee du tube A est relativement considérable,
puisqu'il y a 3"*, 62 noyés dans l'acide carbonique solide.
Nous avons fait aboutir le tube t vers le milieu du tube
D, pour ne pas risquer d'élever brusquement la tempéra-
ture de l'oxygène liquéfié qui ira s'emmagasiner dans la
partie inférieure du tube A.
En effet, l'acide carbonique liquide contenu dans le
1^6 R. PIGTBT.
tube s passe dans le tube D à une température qui n'est
pas instantanément le minimum. Il faut un certain temps
pour amener l'abaissement complet de sa température;
or il est nécessaire que les gaz condensés soient à l'abri
de cette oscillation calorifique.
Le cul-de-sac compris entre l'orifice de la tubulure t et
le manomètre mf résout parfaitement le problème, car
l'acide carbonique cristallisé qui s'y trouve conserve une
température constante minimum.
Telles sont les dispositions générales que j'ai adoptées
pour tenter expérimentalement la liquéfaction de l'oxy-
gène.
La description que nous venons d'en faire étant, par la
force des choses, un peu longue et coupée de détails secon-
daires, je vais la résumer très-brièvement, me bornant aux
conditions essentielles et les présentant dans l'ordre opposé
à celui qui vient d'être suivi.
Le but que nous nous proposons est de liquéfier le gaz
oxygène au moyen de basses températures et de fortes pres-
sions.
Pour produire l'oxygène, nous nous servons d'un obus
creux en fer dans lequel on met du chlorate de potasse
que l'on chauffe progressivement.
L'oxygène se comprime dans l'espace clos, par sa propre
formation. C'est ainsi que nous obtenons les pressions con-
sidérables.
Afin de permettre au gaz de subir les basses tempéra-
tures, on fait communiquer la partie supérieure de l'obus
avec un long tube en cuivre à parois résistantes.
La pression de l'oxygène s'y établit comme dans l'obus,
et un manomètre permet de la mesurer directement, avec
une approximation suffisante pour une première re-
cherche .
Autour de ce tube renfermant l'oxygène sous pression ^
nous plaçons un second tube presque aussi long, qui com-
LIQUÉFACTION DE L^OXTGÈlfE. 1 J^
munique avec un réservoir d'acide carbonique liquide.
Par un robiuet de réglage convenablement disposé ,
on laisse passer peu à peu, dans ce long tube, suffisam-
ment d*acide carbonique liquide pour le remplir jusqu'eti
haut*
Deux pompes font ensuite le vide sur cet acide carbo-
nique et abaissent la température jusqu'à congeler et cris-
talliser le liquide;
Alors Toxygène, soumis simultanément à cette basse
température et à l'énorme pression produite par la réaction'
chimique, se condense; ce qui se prouve soit par l'ap-
parence du jet projeté par l'orifice du tube à oxygène,
soit par les variations de pression indiquées au mano-
mètre. '
' Pour obtenir une grande quantité d'acide carbonique
liquide, nous employons un expédient mécanique qui con-
siste à déterminer une première chute de température par
Tintermédiairede l'acide sulfureux.
Les appareils ordinairement employés dans les labora-
toires étant beaucoup trop faibles, cette disposition parti-
culière les remplace et permet de produire la liquéfaction,
^oit de l'acide carbonique, soit du protoxyde d'azote, sur
une grande échelle et avec une facilité parfaite.
Ces deux circulations d'acide sulfureuse et d'acide car-
bonique sont permanentes, c'est-à-dire que toutes les
quantités de vapeur qui sont aspirées par les quatre pompes
sont transformées en liquide, puis repassent constamment
dans les tubes, où elles subissent une nouvelle volati-
lisation.
Le travail mécanique des pompes représente exactement
\2i cause productrice du froid, ^
Une relation intime réunit ces deux quantités : d'une part
le nombre de kilogrammètres fournis par la machine à va-
peur motrice, de l'autre le nombre de calories absorbées
par la production du froid.
Ànn. de Chim, etde Phj^s.t^^ Kérie, t. XIII. ( Février 1878.) 13t
178 R. PICTET.
Les températures tendent vers un état de régime qui
correspond au plus grand froid quMI soit possible de pro-
duire avec les moyens décrits.
Supposons que nous assistions dans l'intérieur du tube A
(PI, I^fig» I et a), à la liquéfaction de i gramme d^ oxygène.
Le changement d'état gazeux en liquide développe beaucoup
de chaleur. Que devient cette chaleur?
Elle passe d'abord au travers des parois du tube A et
agit sur r acide carbonique solide qui baigne ce tube. Une
petite portion de ce corps passe aussitôt de Tétat solide à
l'état gazeux. Cette modification utilise toute la chaleur
fournie par Toxygène.
L'acide carbonique gazeux entraine cette chaleur dans
les pompes O et (y et l'apporte dans le condenseur S. Là,
l'acide carbonique reprend sa forme liquide et cède toute
cette chaleur qu'il avait soutirée à l'oxygène.
La chaleur dégagée par ce second changement d'état tra-
verse à son tour les parois métalliques du tube S et passe
dans l'acide sulfureux liquide qui noie ce tube.
Ici, comme précédemment, une quantité définie d'acide
sulfureux liquide se vaporise et fixe cette chaleur par son
mouvement moléculaire.
Les vapeurs d'acide sulfureux vont aux pompes P et P'
et sont comprimées dans le condenseur C.
Le dernier changement d'état s'opère et l'acide sulfureux
liquide est reconstitué.
La chaleur abandonnée pendant cette transformation
traverse les parois métalliques du condenseur C et passe
dans le courant d'eau ordinaire qui traverse ce conden-
seur.
L'eau sortant de cet appareil possède donc toute la char-
leur cédée par V oxygène, et cette chaleur est jetée dans
l'égout avec l'eau de condensation.
Nous avons donc utilisé dans ce dispositif cinq change^
ment s d'états successifs, pour ôter à l'oxygène delà ch«-
LIQUÉFACTIOM DE JU^OXTGÈNE. 1^9
leur à une basse température et amener cette chaleur dans
Tégout mécaniquement.
Nous pensons que les explications qui précèdent suffi-
sent pour donner une notion exacte des appareils que nous
avons construits et permettront de suivre avec clarté la
marche des expériences que nous allons relater dans le
Chapitre suivant.
m. ^
Relation des expériences.
Avant de procéder à des expériences définitives aussi
complexes que celles qui nous occupent, on doit d'abord
vérifier la marche de chaque appareil séparément et passer
ainsi du simple au compliqué.
Ces préliminaires ressortent uniquement du domaine de
la pratique, de la Mécanique proprement dite. Les équa-
tions, les théories n'y jouent plus aucun rôle.
Ce qu'il faut, c'est d'avoir des joints absolument étan-
ches, des soupapes hermétiques, des frottements aussi doux
que possible, des garnitures parfaites, des manomètres
bien exacts et corrigés, des thermomètres précis, des subr
stances chimiques absolument pures-, ce sont mille détails,
trop longs à énumérer, mais dont chacun est si important
que le plus léger oubli, la plus petite inadvertance com-
promet à fond le succès final.
La moindre rentrée d'air, si facile à concevoir pour
quatre pompes industrielles marchant avec un vide baro-
métrique, serait une cause inévitable d'arrêt. Il faut la pré-
venir à tout prix.
Dans la fabrication de l'acide carbonique par Faction
chimique de l'acide chlorhydrique sur le marbre, il faut
dessécher les gaz, vérifier les matières premièi*es, purger
d'air le gazomètre et les appareils.
Pour l'oxygène, le chlorate de potasse doit être absolu-
11.
iSo B. PICTET.
ment aec et pur. Il faat l'introduire sans qu^aucun corps
étranger puisse s^y associer.
Enfin il faut s'entourer de mille précautions, et ce
qu'on peut affirmer, c'est qu'on n'en prend jamais trop.
A ce sujet, nous devons un témoignage de reconnais-
sance à M. le D' Monnier, professeur de Chimie bio-
logique à l'Université de Genève, qui nous a prêté son
concours avec une bienveillance parfaite, ainsi que son pré-
parateur, M. Walter, et M. Bûrgin, ingénieur, attachés
notre Société.
Les premières expériences partielles consistèrent à ob-
tenir régulièrement les basses températures et à les main-
tenir pendant plusieurs heures, de façon à être sûr de cette
partie essentielle des préparatifs.
Il nous fallut plus de quinze jours de tâtonnements et
d'essais continuels pour arriver à un bon résultat.
Voici en quelques mots ce que nous apprirent ces essais :
Le premier condenseur que j'avais fait pour l'acidç
carbonique était un serpentin en cuivre, baigné dan& un
récipient de même métal qui contenait l'acide sulfureux
liquide.
Or, lorsque la température de l'acide sulfureux des-
cendait au-dessous de — 65?, l'acide carbonique se soli-
difiait dans l'intérieur du serpentin-, la pression à la
compression atteignait en quelques instants la et même
i4 atmosphères, parce que, tout le serpentin étant plein,
la surface de condensation se trouvait presque entièrement
supprimée.
Cet accident me conduisit à la disposition indiquée dans
la PL /. Le serpentin a été remplacé par un tube de o",o6
de diamètre, et de cette façon les congélations, si elles ont
lieu, ne sont plus à craindre, car le volume disponible est
très-suffisant pour recevoir tout le gaz du gazomètre.
Dans cette première série d'expériences préliminaires,
j'ai marqué les tensions maxima des vapeurs d'acide car-
LIQUÉFACTION DE L^OXYGÈKE. l8l
bonique et de protoxyde d'azoie correspondant aux tempé-
ratures indiquées par un thermomètre à alcool construit
par la maison Salleron, de Paris.
Ces résultats ont donné des chiffres passablement dif-
férents de ceux qui se trouvent dans les Traités de Phy-
sique, spécialement ceux qui concernent le protoxyde
d'azote.
Je résumerai plus loin ces données numériques en un
tableau. '
Une fois rompu aux mouvements coordonnés qu exigent
la mise en train successive des quatre pompes et la ma-
nœuvre des robinets, je procédai, le st2 décembre 1877 au
matin, à une expérience complète.
Voici le relevé de mes notes, prises pendant Texpé-
rience :
Première expérience du 22 décembre. — Les pompes sont
mises en action vers 9 heures du matin. La température
s'abaisse rapidement dans le tube R.
9**3o"*. La température est — 55®. On met les pompes
d'acide carbonique en fonctionnement. Le gazomètre des-
cend. Pression de Tacide carbonique, 6 atmosphères.
Elle monte lentement pendant la marche jusqu'à 8 atmo-
sphères.
9** 50". La température est — 49**^ la pression 8**", 5.
Je ferme l'admission de Tacide carbonique aux pompes.
ioî*2o™. Température — 65°, pression 3**"*, 9.
Je rouvre Tadmission du gaz, mais légèrement.
io**4o"*« Température — 60", pression 5 atmosphères.
800 litres de gaz acide carbonique sont déjà liquéfiés.
Le givre couvre le bas du manomètre m' à oxygène.
10** 5o™. On visse Tobus au tube A.
L'obus est chargé de 700 grammes de chlorate de po-
tasse mélangés à 25o grammes de chlorure de potassium
piles epsemble, tamisés et parfaitement desséchés.
1 1 heures. On allume la couronne de gaz sous l'obus.
]B2 £• F1C3TT.
L'acide carliDnîqae est introduit pins abcmdamiiieBt dms
les pompes. La pression monte à i o ainio?pbèrcs. teimpé-
rature — 4^**. On est certain qne l'acJde caiiionîqne a paase
en totalité dans le loue tube D. parc^ que le cî^Te pamit
sur le tube t?» qui déboncbe au liauî du tube D.
1 1^ i5*. On mtel en communicatioc le tube (^ axec Fa»-
piration deE pompes: la tempérLture df l'acide a
devient un minimum. — 1 30*".
II** 35". Le manomètre de l'oy^irène indique un
menœment dépression. euTiron 5 atmosphères.
Le p^me des deux circulations d'aride sulfurenx
diacide cailKmique est parfaitement établi.
12** lo*. Le manomètre à OTr^ènr marque 5o al
12** i6™. La pression monte à 6o atmoçpbcres,
ainsi qn*il suit :
fc B
2.23
2.29
2.34
2.36
2.37.25».
V3S
2.3q
2.3q.
2.40
2.42
2.40
2.5o
I.
I. 5
70
8d
100
i5o
2D0
4tK>
5io
525
5:>6
4:«
La pr»sion est stationnaire: donc tons les
chimiques et physiques sont terminés.
LIQUÉFACTION DE L^OXTGEJIE. l83
La condensation a provoqué l^abaissement de pression
signalée au manomètre, et tout le volume représenté par
la capacité intérieure du tube A est plein d'oxygène li-
quide.
Il y a certainement excès de gaz, ce qui motive une pres-
sion supérieure à celle de la tension maximum correspoB-
dant à la température de l'acide carbonique solide.
l'^io'*. La pression est exactement 470 atmosphères.
J'ouvre le robinet à vis qui ferme le tube A.
Un jet liquide sort avec une grande violence et revêt
l'apparence d'un pinceau blanc éclatant. Une auréole
bleuâtre entoure ce jet surtout dans la partie inférieure.
La longueur du pinceau liquide est d'environ o**, 10
à o**, la sur un diamètre de i^,5 à a centimètres.
Le jet dure trois à quatre secondes environ.
Je referme le robinet régleur.
La pression est encore de 396 atmosphères.
En quelques minutes, elle descend à 35 a, où elle reste
stationnaire à peu près à trois minutes.
1*^ i8™. Je rouvre le robinet à vis. Un second jet liquide
sdt't, semblable au premier; mais, tout de suite après,
le gaz s'échappe sous l'aspect aériforme bien caracté-
risé.
Le gaz, en se détendant, produit un fort brouillard par
sa condensation partielle; cependant il est évident qu'il
sort de l'orifice sous un état différent de celui qu'il revê-
tait au début : il n'y avait certainement plus de liquide
dans le tube.
1^ 19™. La pression est de 5o atmosphères. Le gaz s'é-
chappe en continuant de produire un brouillard bleuâtre
très-apparent, mais sans aucune apparence d'entraînement
de liquide.
Des charbons légèrement enflammés placés sous la lance
au moment du second jet s'allumèrent avec une violence
inouïe, en projetant des étincelles de tous les côtés.
l84 H* PIGTET*
, Cette première expérience suffit amplement pour dé-
montrer expérimentalement que Toxygène peut se liquë*
fier.
La marche des pressions est un caractère plus positif
encore, s'il est possible, de cette démonstration que les
apparences du jet à la sortie. Cependant Taccord complet
qui règne dans ces phénomènes connexes et la possibilité
d'introduire dans les calculs toutes ces données numéri-
ques nous ont engagé à reproduire plusieurs fois de suite
cette même expérience, pour arriver à déterminer la iten^
site de Toxygène liquide, ainsi que la tension maximum
pour une température définie.
Ces deux éléments physiques sont les plus importants à
connaître et caractérisent les propriétés générales du nou-
veau liquide.
Dans ce but, nous avons reproduit cinq expériences con-
sécutives, qui permettent d'obtenir des moyennes exactes
numériques.
Les quantités que nous avons mesurées avec le plus de
précision sont :
i^ Le poids total du chlorate de potasse et du chlorure
de potassium introduit dans l'obus;
7p La température à laquelle la réaction a lieu;
3"^ Le volume exact du chlorure de potassium qui con-
stitue le résidu ;
4^ Le volume occupé par l'oxygène ''comprimé ;
5° Le volume du tube où l'oxygène doit se condenser;
6° La pression théorique à laquelle on devrait parvenir
s'il n'y avait pas de condensation ;
7^ La pression obtenue au moment de la décomposition
du chlorate de potasse ;
8^ La pression. statique après la condensation ;
9^ La marche du manomètre après le premier jet, lors-
qu'une seconde condensation commence;
lo^ La pression statique après la condensation, lorsque
LIQUÉFÀCTIO» DE l'oXYGÈRE. t8S
*
le tube est entièrement rempli pour la seconde fois^ cette
pression est caractërisëe par la fixité de raigii,iUe durant
plusieurs minutes; \
11^ Mêmes observations après le second jet \
la^ Déterminer, par la position de Taiguille du mano-
mètre, la pression maximum à laquelle se produit la con-
densation.
Cette position est obtenue lorsque la chute de Tai-
guille est inférieure à celle qui devrait correspondre à la
condensation d'un volume de liquide égal au volume du
tube refroidi.
La fixité de cette pression est un caractère précis et
infaillible qui permet aisément de déterminer cette tension
maximum.
i3^ La température de F acide carbonique solide dans
l'enveloppe du tube A ;
i4^ La densité de Toxygène gazeux.
Ces diverses données numériques permettent de déduire
la densité de Vbxjgène liquide avec une assez grande
exactitude, ainsi que nous le montrerons plus loin. Comme
il n est pas utile d'encombrer ce Mémoire de chiffres, nous
nous bornerons à relater une des cinq expériences, faite
le 27 décembre, de 8 à 10 heures du soir.
Les autres, ayant eu liejii dans des conditions analogues,
ne diffèrent que par les variations observées dans la durée
des jets et par quelques écarts dans les pressions extrêmes,
écarts que nous signalerons dans les tableaux.
Expérience du vj décembre, de S à 10 heures du soir.
— Les pompes à glace sont mises en action vers 8 heures
et peu après celles à acide carbonique*
A 9^ 3o", le givre apparaît sur le tube de retour c^, te
qui montre que le grand tube D est complètement rempli
d'acide carbonique solide.
Notre manomètre métallique ayant un écart au départ
de 29 atmosphères, nous donnons ci-dessous les pressions,
|8C IL. FIGTET*
corrigées de cette différence du cadran, différence. sans
importance du reste quant à leur valeur absolue*
■ Pression,
h m 8 atm
8 . 3^ • 5o
O • 0%j • 20 •••••••••••• DO
8.45 70
S. 00. IQ 00
8 . 5 1 • 40 • 9^
8.5^ 100
8.52. 3o aïo
o • O^ • 4>3 ••••••••>••• 'OIO
O • 92 • 99 •••••••••••• 000
8.53 ^Qo
o • 00 •IO*a*««»«***»* 020
' M o • 30 ■ 00 ««X ••!•••■•• 929
O • 90 • 49 • ••«•••••••• 9213
8.54 ; 525
8.55 5a3
8,57 5oo
• 8.59 489
9. O 4^0
9-5 475 •
9.10 472
9'*5 47^
917 47Ï
La pression étant devenue stationnaire, j^ouvrele robinet
de fermeture.
Un jet liquide s^échappe, éclairé par un faisceau de lu-
mière électrique.
On distingue nettement les mêmes apparences que nous
avons déjà décrites.
Au moment de la fermeture, la pression est exactement
de 432 atmosphères.
LIQUÉFACTION DE l'oXYGENE.
187
h m
9.18
9-^9
9.20
9.21
9.22
9.23
9.24
9.25
9.26
9 27
9.28
9-^*9
9.30
9.3i
9.32
9.35
Pression,
s atm
• • • • • 4^9
4^^
^12
/. 4o5
395
390
. 386
383
38o
379
378
378
378
378
378
378
La pression est devenue stalionnaire une seconde fois,
le manomètre a baissé progressivement de 432 atmosphères
à 378, où il est de nouveau fixe. Différence^ 54 atmo-
sphères.
J'ouvre le robinet de sortie. Il s'échappe un jet absolu-
ment semblable au premier et sensiblement de même
durée. Dès quMl y a trace de gaz à Torifîce de sortie, j'en
conclus que tout le liquide s'est écoulé; je ferme le robinet
instantanément»
Pression.
m
atm
9.35.15.
291
9.36 .
285
9.37 .
280
9-38 .
276
9-39 .
272
9.40 .
272
9.41 .
272
l88 H* PICTKT.
Pression,
h m atm
9-4^ 272
9-43... 272
9-44--- ^1^
9-45 27^
9-46 272
g.5o. 272
La pression est pour la troisième fois constante^ seule-
ment elle n'a baissé, en quinze minutes, que de 19 atmo-
sphères.
La précédente fois elle avait baissé dans le même temps
de 54 atmosphères.
J'ouvre de nouveau le robinet de réglage.
n sort peu de liquide et presque immédiatement le gaz
seul s^échappe.
La transition est tellement visible qu'elle a été saisie par
plus de vingt assistants au même instant.
Le brouillard produit par la détente du gaz est extrême-
ment marqué, mais l'apparence générale du jet est pro-
fondément modifiée et Ton ne saurait confondre ces deux
phases successives.
A partir de cet instant, le manomètre ne descend pins,
lorsqu'on ferme le robinet; il est absolument fixe après
chaque fermeture.
PressioD.
h m atm
9.52 ' 225
9.53 225
Nouveau jet gazeux.
h m
9-^4 190
9.55 190
Jet gazeux.
h m
• Q • 90. **•.••••*«■•.. 1 40
9-57 • 143
LIQUÉFAGTIOW DB L^OXYGÈNE. l8p
Jet ^seax assez long.
h m atm
^ 9-54 72
9.55 . ^2
Dernier jet gazeux.
h m
9.56. ..••.,.. O
L'expérience est terminée.
On enlève Tobus pendant quUl est encore diaud^ afin
d'éviter que le bouchon à vis ne se grippe.
On bouche lorifice de Tobus avec un bouthon de li^
et on le laisse refroidir.
Lorsqu'il est froid, on verse de l'eau dans Tintérieur^ de
manière à faire affleurer le niveau au joint de cuivre sur
lequel vient plaquer le bouchon à vis.
Il est évident que cette eau occupe le même volume que
remplissait l'oxygène pendant l'expérience.
On connaît exactement le poids de l'eau versée dans
l'obus au moyen de deux pesées successives de Téprouyette
dans laquelle cette eau se trouvait.
On Ja pèse ayant le remplissage et après. La différence
correspond au poids de l'eau versée.
Ce poids a été trouvé exactement de 944 grammes^ donc
le volume est de 944 centimètres cubes.
Une autre détermination, que l'on fait également pen-
dant la. durée de l'expérience, consiste à lire la pression P
correspondant à l'aspiration des pompés à acide carbo-
nique, pour connaître la température à laquelle la liqué-
faction a eu lieu. Ces observations ont été faites k plusieurs
reprise$et les résultats sont tellement identiques dans toutes
les expériences que les moyennes sont absolument exactes.
Mous signalerons ici un point secondaire, mais qui
prend de l'importance pour l'évaluation de la température
de l'obus pendant l'opération.
Afin d'éviter tout danger d'explosion, si un accident
tgO R. PICTET.
imprévu venait à se produire, j*ai entouré Tobus de trois
gros anneaux en fonte, superposés les uns sur les autres.
Ils forment une sorte d'épais fourreau ayant o"^, 5o de haut,
un diamètre intérieur de o™, 23 et un diamètre extérieur
de 32*^,5.
Entre Tobus, qui est au centre, et les parois de ce four-
reau il y a un intervalle circulaire de o'",o3, par où cir-
culent les flammes de la couronne de gaz.
Cette disposition permet à Tobus de se chauffer très-
également partout à là fois, et présente surtout l'avantage,
lorsque la température est assez élevée pour amener la
réaction chimique, de conserver cette température très-
longtemps sans grande variation. Le rayonnement exté-
rieur ne peut pas agir sur Tobus directement, mais n'in-
fluence que le fourreau, dont Ténorme masse représente
un magasin de chaleur suffisant.
Nous avons cherché dans les auteurs les plus autorisés
les éléments nécessaires à la détermination de cette tem-
pérature assez haute. £»oit par le ramollissement du verre,
soit par les températures qui amènent le rouge sombre,
soit par la fusion de métaux, soit par l'usage du thermo-
mètre à air, on peut conclure que cette température est
comprise entre 480 et 5oo degrés; une température de
5^5 degrés serait un maximum et 480 degrés serait trop
faible.
Gomme la flamme du gaz est éteinte dès que la réaction
a eu lieu, la température reste & peu près constante pen«
dant la demi-heure qui suit. Nous l'estimerons' dans nos
calculs à 485 degrés, en nous basant sur le fait que nos ex-
périences ont assez de durée, pour donner à ce chiffre infé-
rieur une plus grande exactitude qu'au chiffre supérieur.
Sur ce point là, une erreur d'une vingtaine de degrés est
admissible, mais elle n'a qu'une influence assez faible sur
les résultats numériques. ^
Sur les cinq expériences faites pour la liquéfaction de
LIQUÉFACTIOiy DE I.'0XYGÈIfE. I9I
Toxygëne, trois ont été faites à Taide de Tacide carbonique^
et deux à Taîde du protoxyde d'azote.
Elles ont, du reste, été dirigées de la même, manière et
dans des conditions aussi identiques que possible.
Ces expériences ont eu lieu :
i^ Le lundi, 24 décembre, de 9 heures à 1 heure avec
Tacide carbonique ;
!À° Le jeudi 27 décembre, de 10 heures à midi, avec
Tacide carbonique ;
3^ Le jeudi 27 décembre, de 8 à 10 heures du soir, avec
Tacide carbonique ;
4^ Le samedi 29 décembre, de 4 ^ 6 heures du soir, avec
le protoxyde d'azote ;
- 5^ Le vendredi 4 janvier, de 4 à 6 heures du soir, avec
le protoxyde d'azote.
Nous n'avons pas l'intention, comme nous l'avons dit, de
donner in extenso tous les chiffres correspondant à ces expé*
riences par heures et minutes, mais nous groupons dans le
tableau ci^après les données essentielles qui caractérisent les
phénomènes de liquéfaction et qui serviront de base au calcul.
Dans chaque expérience nous avons introduit dans Tobus
rigoureusement la même quantité de chlorate de potasse,
mélangé de chlorure de potassium.
Ces produits, préparés avec le plus grand soin dans le*
laboratoire de Chimie de M. Monnier, ont été séchés, fon-
dus, puis piles avant d'être mis dans le récipient.
Les quantités dont j'ai fait usage dans ces cinq expé*
riences étaient :
Chlorate de potasse 700''
Chlorure de potassium. .../.. 3oo
Les observations les plus importantes se rapportent à
cinq phases successives dans chaque expérience. Nous enre-
gistrons :
1^ La pression maximum obsen^e au manomètre
19^ li* PICTBT.
après la production totale du gaz et après que la con-'
densation iest opérée dans le tube.
Cette pression est stationnaire au moins pendant un
quart d'heure.
Elle est toujours inférieure à la pression marquée par le
manomètre a la fin de la réaction chimique, réaction
extrêmement brusque.
a® La pression après le premier jet, lorsque l'on yoît
distinctement que le jet liquide est remplacé par un jet •
gazeux.
On ferme le robinet, et Ton marque la pression instan-
tanément.
3^ La pression stationnaire gui suit rabaissement de
pression constamment consécutif à cette dernière opéra-
tion»
La condensation de l'oxygène dans le tube entraîne cette
diminution de pression.
Quand le tube est plein une seconde fois, la conden«
sation s'arrête forcément et la pression devient station-
naire.
4^ La pression après le deuxième jet,
5^ Im pression stationnaire après le deuxième jet.
Dans toutes nos expériences, le troisième jet n'a jamais
été complet ; il a toujours été notablement inférieur aux
deux premiers, ce qui prouve que la condensation n'a pas
pu être assez abondante pour remplir trois fois le tuba
refroidi.
Nous verrons dans le Chapitre suivant comment ces don-
nées numériques peuvent fournir la densité de l'oxygène .
liquide.
Voici le tableau des cinq expériences, que nous dési-
gnons par les numéros 1 à 5 en tête de chaque colonne cor*
respondante.
Les pressions sont corrigées de l'écart du manomètre et
représentent les .tensions effectives.
LIQUÉFÀCTIOir DE l'oXTGÈNE.
ts3
Tableau des résultats numériques obtenus dans cinq expériences
consécutives sur la liquéfaction de l'oxygène.
DÉSIGNATION DES PRESSIONS.
i^' Pression maximum stationnaire de
l'oxygène avant la sortie du i*'' jet.
a*> Pression indiquée immédiatement
après le i*" jet liquide.
3<^ Pression stationnaire avant le2*jet
liquide, durant quelques minutes.
4° Pression après le a* jet.
5<* Pression stationnaire avant le 3* jet
liquide.
6^ Pression immédiatement après le
3* jet? qui est très-court.
7*» Pression stationnaire après le 3* jet,
environ cinq minutes plus tard.
8** Pression après le 4" jet, toujours
gazeux.
NUMÉROS DES EXPÉRIENCES.
atm
470
367
3o8
385
274
n
atm
471
339
290
271
245
253
atm
471
433
378
291
272
V
atm
469
400
346
285
25x
.2x5
218
atm
469
416
36i
296
253
205
912
Dans le Chapitre suivant nous nous servirons des résul-
tats numériques contenus dans ce tableau pour le calcul
de la densité de l'oxygène liquide par le moyen de deux
méthodes différentes.
IV. — Calcul de la densité de l'oxtgàks LiQtnDS.
Tensions maxima.
Si nous discutons les résultats des expériences relatées
dans le Chapitre précédent, nous pouvons en déduire
plusieurs conséquences immédiates sur les propriétés phy-
siques de Toxygène liquéfié.
Pour cela, calculons d^abord le poids d^oxygène dégagé
pendant la réaction.
Ann. de Chim, et de Ph^s., 5« série, t. XUI. (Février 1878.) 1 3
194 ^* PICTKT.
Nous avons la formule
2KCI0» = KCl-i-0».
En la rapportant à 700 grammes de chlorate de potasse,
on a
700 X 39, 16 = 274^% 12,
Pour avoir le volume de cette masse de gaz à zéro, il
faut diviser ce poids par le poids spéciGque d,
^=r 1,437 (Regnault),
et l'on trouve
1,437 -'9' '*•
Ces 191^^% 4 sont portés à une température de 485 de-
grés et remplissent un volume composé de deux parties :
i^ L'espace vide au-dessus du chlorure de potassium;
2^ Le volume du tube A, de Tobus au manomètre.
Appelons i^ le premier et »/ le second.
Supposons que i^ et 1/ soient à la même température de
485 degrés. Calculons la pression finale que doit produire
la production de 1 91'*% 4 <!' oxygène^
On suppose exacte la loi de Mariotte et de Gay-Lussac,
et l'on pose
f I ) p — ^9' »4 (274 +485) 1000 ^
^ ^ 274 (P -HP') '
1^ et «^ s'expriment en centimètres cubes.
Les pesées de Teau nécessaire pour remplir Tobus après
les expériences donnent exactement
p = 944"^.
Quant à i^, il est égal à la section du tube multipliée
par sa longueur totale.
Le tube a o™, 004 de diamètre et 4^9 16 ^^ longueur;
donc
i/ = ir(o,2)' X 4"» '6 = 52*^, 25.
LIQUÉFACTION DB l' OXYGÈNE. IQS
Remplaçant dans Téquation (i) i^ et i^ pa^: leurs valeurs,
on en tîre la valeur de P. Nous tenons compte de la tem-
pérature de 485 degrés, qui agît sur le volume i^. En pre-
nant pour coefficient la dilatation du fer,
K = 0,0000122045,
on a la formule finale
(5,) p^ 191,4 (274 -+< 485) 1000
^74[944(^ -h 485 X 3x0,0000122045) -4-52,25]
P = 532«^^™,io.
Nous voyons par là que la pression correspondant à ia
production de 191^^^, 4 d^oxygène est au maximum de
532»*°^, 10.
Cette pression n'a pas été atteinte, mais on s'en est pas-
sablement rapproché; nous avons vu le manomètre à 522,
524) 5i7 atmosphères, mais il n'a jamais dépassé 526
( troisième expérience ) .
Par contre, la pression, après avoir assez rapidement
baissé, s'arrête à une valeur fixe pendant plusieurs mi-
nutes.
Cet arrêt dans la marche de T aiguille du manomètre
est un indice évident que la condensation s'est aussi arrêtée.
Quelle peut en être la cause ?
Une seule est admissible, c'est que le tube de conden-
sation est rempli de liquide. S'il ne l'était pas, la conden-
sation continuerait infailliblement, puisque la température
est maintenue constante par l'action de plus de 2 kilo-
grammes d'acide carbonique solide ou de protoxyde d'a-
zote.
11 faut donc connaître d'une manière précise le volume
du tube où la condensation peut s'opérer.
Entre le manomètre m et le sommet du tube qui contient
l'acide carbonique, je mesure exactement une longueur de
3™,62.
i3.
ig6 R* PIGTET.
Donc le volume t^ (où Toxygène se liquéfie) est de
if=zn (0,2)' X 3*" ,62 — 45^^467.
La température de ce tube est d'environ — lao®, ce qui
contribue à diminuer son volume^ d'autre part, il est sou-
mis à l'intérieur à une pression considérable, ce qui tend à
l'augmenter. Ces deux causes de changements produisent
toutes deux des efîets très-petits, numériquement parlant,
et agissent en sens contraire. Nous pouvons donc, sans
grande erreur, nous servir de ce nombre tel quel.
Calculons pour chaque expérience la différence qui
existe entre la pression théorique, à laquelle on aurait dû
parvenir sans condensation, et la pression stationnaire
obtenue avant le premier jet ^ on aura de cette manière une
estimation de la variation de volume correspondant au
changement d'état opéré.
1. 1. 8. 4. 8.
Pression théorique. . 532, 10 532, 10 532, 10 532, 10 532, 10
Pression observée. . . ^'jo 47^ 47 ^ 4^ 4^
Différence 62,10 61,10 61,10 63, 10 63, 10
La moyenne de ces cinq expériences donne pour la dif-
férence le nombre 62''", i .
On peut calculer le poids en grammes représenté par
la variation de i atmosphère^ appelons-Fe ^. On a la for-
mule
donc le poids F de l'oxygène liquéfié est égal k
(5) *' = li^|r^ = 6>«M,
' 532*% lo
plus le poids du gaz compris dans le tube avant la liquér
faction.
Nous avons supposé dans la recherche de la pression
LIQUÉFACTION DE l'oXYGÈHE. I97
maximum théorique que le volume total i^ + i^ occupé par
le gaz était à la température de + 485^.
Nous devons donc calculer le poids du gaz comprimé
dans le volume s^ à 485 degrés.
Ce poids est donné par la proportion
(6) 996,25 :274> 12 = 45*467 ••2^>
d'où X est déduit^ et Ton a
ar= I2«',5i.
La variation moyenne de la pression observée avant le
premier jet indique la variation du volume correspondant
auchangement d'état; donc le poids du gaz condensé est
la somme du poids du gaz qui se trouv^ait dans le tube
aidant la condensation, plus le poids du gaz représenté
par la diminution de- pression.
On a pour sa valeur, en appelant ce poids R,
(7) R =12,51 +62,1 xo8',5i5i7,
R = 44^', 5o2.
■
Le volume occupé par ce liquide est égal à u' \ donc, en
appelant J la densité de l'oxygène liquide,
et l'on en tire
44>5o2
^^^=:^:= 0,9787.
Telle est donc la densité de l'oxygène liquide, déduite
des observations directes relatées dans les cinq expériences
faites dans ce but.
M. Dumas, Secrétaire perpétuel de l'Académie des
Sciences de Paris, nous écrivait, à la date du 26 décembre
dernier, les observations suivantes :
« Voulez-vous me permettre d'ajouter que, si je ne me
198 B. PICTET.
trompe, la densité de l'oxygène liquide doit être égale à
celle de l'eau.
» La densité du soufre étant 2, ce que j'ai appelé il 7 a
près de soixante ans, à Genève même, son volume atomique
égale
32
— j
2
soit 16.
» Les corps isomorphes ayant même volume atomique,
si celui de Toxygène est pris pour 16, on aura, pour la
densité de Toxygène solide,
16
T6=''
et à peu près ce .chiffre pour la densité à Fétat liquide..
» Le volume atomique du phosphore étant i5,5, on au-
rait, pour l'azote,
et plus probablement o,4S, à cause de l'état dédoublé de
sa molécule.
)> Le volume atomique du magnésium étant i3,8, celui
de Thydrogène serait
1
-—— - = 0,07 au moins.
10,0
» Ce volume pourrait être beaucoup plus élevé, si l'hy-
drogène, comme le potassium et le sodium, offrait à l'état
libre un volume très-supérieur à celui qu'il affecte à l'état
combiné.
» Ces présomptions peuvent avoir quelque intérêt pour
se rendre compte de l'éiat probable du liquide que vous
devez obtenir. Il serait très -intéressant de savoir si la den-
sité de l'oxygène liquide se rapproche ou s'éloigne de celle
qu'on serait porté à lui attribuer.
» Mais le problème de Mécanique moléculaire dont
LIQUÉFACTION DE l'oXYGÈME. IQQ
VOUS poursuivez la solution vous réclame tout entier, et
je me reprocherais de vous en distraire, malgré Tintérèt
paternel que je porte à la détermination du volume ato-
mique.
» P. -S. — Si l'hydrogène est un mêlai, comme je me
suis permis de le supposer dans ma jeunesse, sa conden-
sation ne pourrait-elle pas donner lieu à un amalgame so-
lide en le comprimant sur le mercure congelé?
» En ce cas, la tension pourrait être détruite ou dimi-
nuée; »
Nous sommes très-heureux d'avoir pu confirmer expéri-
mentalement les prévisions de notre illustre maître, et
nous pensons que cette vérification, obtenue soixante ans
après la fondation de la théorie atomique, est un beau
trfomphe pour son plus ardent et savant promoteur.
Seconde méthode, — Les expériences dont nous avons
donné les chiffres essentiels permettent une sejconde esti-
mation de la densité, estimation moins précise que celle
que nous avons obtenue par les calculs précédents, mais
qu'il ne faut point cependant dédaigner.
Voici comment nous comprenons cette seconde recher-
che : le robinet de réglage a été fermé après le premier jet
d'oxygène liquide, au moment très-marqué où le jet li-
quide était remplacé par un jet gazeux.
Le brouillard épais produit par la condensation de
Foxygène à Tétat vésiculaire, au moment de la détente, ne
trouble absolument pas cette observation, qui peut se faire
par plusieurs assistants simultanément.
Donc, au moment de la fermeture du robinet à vis, on
peut assurer que tout le liquida condensé est parti par
Torifice. Le tube doit être plein de gaz sous pression.
Ce gaz sort d'un obus où la température est élevée et
pénètre dans le tube puissamment refroidi.
11 nous faut estimer la température probable du gaz au
moment de la fermeture du robinet.
aOO R. PICTET.
On sait que les gaz prennent avec une facilité extraordi*-
naire la température des enveloppes qui les contiennent,
surtout quand les espaces sont restreints.
Nous devons donc déduire la température du gaz du
rapport des écarts de température que subiront le gaz ^ui
se refroidit et le cuivre du tube qui s'échauffe.
On connaît le poids de ces deux corps, leurs chaleurs
spécifiques et leurs températures extrêmes : donc la solution
est possible.
Calculons le poids A du tube de cuivre.
Les dimensions sont :
m
Diamètre extérieur o,oi5
» intérieur o,oo4
Longueur 3,620
Densité SyQ^o
On a
(8) A=i7r(o,75)'— (o,2)»362X8«%95,
A = 53198% 3.
A la fin du premier jet, après la condensation de l'oxy-
gène et sa projection au dehors, on peut estimer que le
maximum de la température du cuivre est de — 110^, li-
mite supérieure.
Appelons oc le nombre de degrés dont la température du
cuivre s'élèvera, et^ le nombre de degrés correspondant à
rabaissement de température de F grammes de gaz compris
dans le tube sous une pression P.
On peut former les deux équations
(9) 5,3193 ca: = FK/,
et
(10) ar-4-/=r485 — (— 110) =595.
Dans ces équations, c est la chaleur spécifique du cuivre,
soit 0^094» et K la chaleur spécifique à pression constante
LIQUÉFACTION DE L^OXYGENE. aOI
de Toxygène, soit 0,218a. Quant & F, il est donné par la
formule
i..\ T? 0,045467 X 1,4^7 (274 -f- 3: — 1 10) X P
274
Résolvant ces équations^ nous trouvons comme solutions
numériques
x=z 40,
r = 59I^
F= i6«',59
pour P = 4oo**"',
Pour chacune des cinq expériences faites, nous ajoute-
rons au poids du gaz contenu dans le tube le poids d'oxy-
gène correspondant à la diminution de la pression obser-
vée, au moment où elle est redevenue stationnaire.
La somme représentera le poids de Toxygène liquide
avant la sortie du deuxième jet.
Première expérience. — La pression initiale est de
367 atmosphères. La formule (11) appliquée donne pour F
F = Q>q45467><: 1.437 ^168x867 ^ ,^,^ 5^
274
D'un autre côté, nous savons que la pression a diminué
progressivement de la pression întiliale 367 à la pression
stationnaire 3o8. La difierence est de 59 atmosphères.
Le poids correspondant à cette différence est F.
F' = o,5i5i7 X 59 = 3o«%395.
La somme F H- P représente le poids d'oxygène con-
densé, etéquivautà 4^^'', 100.
Cette expérience donnerait pour la densité de l'oxygène
liquide la valeur
45 , I 00
45746- = o.99'9-
Deuxième expérience, — La pression initiale est de
395 atmosphères.
F=: l6«',2I.
a02 R% PICTBT.
La pression passe progressivement de 395 atmosphères
à 339, où elle reste stationnaire.
Cette différence est de 56 atmosphères :
F = o,5i5i7X56 = 28,85,
F-4-F' = 45«%o6.
La densité !v *//— = 0,0008.
45,467 '^^
Troisième expérience, — La pression initiale est de
432 atmosphères.
F=: 178'* 3o6.
La pression descend jusqu'à 378 atmosphères.
La différence est de 54 atmosphères.
F' = 54xo,5i5i7 = 27*% 126,
F-i-F = 45«%i26.
T J . ^ 45 9 I 26 w
La densité T. ... z=z o,qq25.
45,467 '^^
Quatrième expérience. — La pression initiale est
4oo atmosphères. *
Fr=i6«s59.
La pression tombe jusqu'à 346 atmosphères.
La différence est de 54 atmosphères.
F' = 54 X o,5i5i7 = 27«%82,
F-f-F'=44«%4i-
La densité Tp— = 0,0767.
45,467 '^J J
Cinquième expérience, — La pression initiale est 4 16 at-
mosphères.
F=i6«%665.
La pression s'abaisse jusqu'à 36 1 atmosphères.
Différence 55 atmosphères.
F' = 55xo,5i5i7=:28«',33,
F-^F' = 44«%995.
LIQUÉFACTION DE l'oXTGÈNE. ao3
La densité ^7^*v? == 0,0806.
45,467 '^ ^
Nous pouvons tirer de ces cinq expériences une moyenne
générale plus exacte. .
On trouve pour la densité
dz=z 0,9883.
La première méthode employée nous avait conduit à la
valeur
€f=z 0,9787.
La différence o , 0096 est du même ordre que les erreurs
d'observation.
Nous remarquons, en effet, que notre manomètre ne peut
indiquer les pressions avec exactitude qu'à i atmosphère
près, et que nous avons dû employer les chaleurs spéci-
fiques en dehors des limites où leurs déterminations ont
été faites.
L'abaissement de température pendant la durée des expé-
riences est une cause permanente d'écarts, qui tendent tous
àybrcer la valeur de la densité.
C'est pourquoi, tout en ayant donné la valeur de la den-
sité tirée des cinq expériences au moyen des variations de
pression consécutives au premier jet, nous pensons que la
première méthode est plus sûre et nous a fourni un chiffre
qui se rapproche davantage de la réalité.
C'est donc le nombre 0,9787 qui nous parait le plus
exact.
Tension maximum des vapeurs d^oxjgène, -r— Le
second élément physique que nous avions en vue de déter-
miner avec exactitude au moyeu des cinq expériences
relatées est la tension maxim^um des vapeurs d'oxygène.
Cette détermination est encore très-incomplète, car elle
demande un nombre beaucoup plus grand d'expériences.
Il faut pouvoir faire varier les températures entre cer-
ao4 R« PIGTET.
taines limites! parfaitement connues et observer simultané-
ment les changements de pressions.
Dans cette première série de recherches, notre but
étant avant tout de liquéfier l'oxygène, nous avons fait
usage du minimum de température que Ton pouvait
atteindre avec nos instruments.
Kous nous sommes servi, soit de Tacide carbonique, soit
du protoxyde d'azote comme liquide auxiliaire^, nous
avons eu, par conséquent, deux minime correspondant
chacun à l'un des deux liquides.
Les données numériques contenues dans le tableau de
la page ig3 nous montrent clairement la valeur de ces deux
minima, l'un à la température de l'acide carbonique solide,
l'autre à celle du protoxyde d'azote.
Après la sortie du deuxième jet liquide, la pression dans
la première expérience est encore 285 atmosphères. Cette
pression s'abaisse progressivement jusqu'à la limite infé*
rîeure 274? où elle reste stationnaire et invariable pendant
plusieurs minutes.
Cette chute correspond à une diminution de 1 1 atmo-
sphères seulement.
Le poids d'oxygène liquéfié durant cette chute de pression
ne dépasse pas 6 grammes.
Mous sommes certain, par conséquent, que le tube con-
denseur 7ï'e5^ /^a^^/ezh; donc, si la tension des vapeurs
d'oxygène correspondant à la température de l'acide car-
bonique solide est inférieure à 274 atmosphères, la con-'
densation doit continuer ^ mais nous voyons qu'elle s'arrête ;
par conséquent, la tension maximum des vapeurs d'oxy-
gène à cette température est exactement 2,'j^dXmosiphhTes.
Les trois premières expériences, faites avec l'acide car-
bonique, nous donnent les résultats suivants :
Première 2'j4"*'"
Deuxième ... 271
Troisième 272
LIQUÉFACTION DE l'oXYGENE. 905
Les deux dernières expériences, faites avec leprotoxyde
d'azote, donnent :
Quatrième aSi**"^
Cinquième 253
La pression est moindre avec le protoxyde d'azote
qu'avec Tacide carbonique.
Pour que ces chiffres aient une signification précise, il
faut connaître exactement en degrés les températures aux-
quelles ces pressions correspondent : sans cela la pression
maximum observée perdrait tout son intérêt.
Voici les déductions successives qui nous ont permis une
première approximation.
Mesure des températures, — Nous avons indiqué dans
un Chapitre précédent ui>e formule générale que nous
avons déduite directement de la Théorie mécanique de la
chaleur par l'analyse. Cette formule lie ensemble les pres-
sions maxima aux températures corresponidantes. Elle
comprend en outre dans ses facteurs la chaleur latente de
volatilisation à une température prise pour base, ainsi que
la différence c — h des chaleurs spéciâques du liquide et
de la vapeur. Cette formule est
^P ."" io333[{274-f-f')='— (274-1- ^)(/' — /)]
Dans cette formule, on suppose connues les quantités
suivantes :
F à/', X', {c—k) et J-
Comme la démonstration analytique de cette formule n'a
pas encore été publiée, nous ne nous croyons pas autorisé à
nous en servir, sans Tavoir vérifiée au moins par un
exemple appliqué à l'eau, dont tous les éléments ont été
déterminés avec tant de soin par M. Regnault.
Nous ne voulons nullement remplacer une démonstra-
tion par un exemple \ mais une véri6cation numérique de
dOli R* PICTET.
Odilo iiulure aura le double avantage de montrer en détail
rriii|ilr)i de cette formule et la coïncidence parfaite des
réiAullJil/i numériques.
Noui reprendrons cette question complètement dans un
prochain travail, qui n'est point encore terminé.
l'renons, pour la vériGcation numérique de la formule,
lui données suivantes, tirées des tableaux de M. Regnault :
/'".-- 200*^5
P', correspondant à t'° = 1 1688"*™, 96 de mercure ;
8j densité de la vapeur d'eau donnée par la courbe des
covolumes, o ,6a665 ;
c — A, d'après M. Regnault, entre 200^ et 8a^, soit o,544*
Nous avons ainsi choisi un écart arbitrairement assez
grand, car t' — 1= 118°.
On a, comme formule numérique à calculer,
11688,96
a:
(464»3 -h 0,544* ii8)43i . 1,293.0,62665.274.118
io333[(274 -ï- 200)' — 274 + 200)118]
En opérant les calculs par logarithmes, on arrive au
résultat suivant :
log. niim 9*7747759
log. dénom 9,2414^47
Différence o , 53332 1 2
log. mod 0,3622157
0,1711055 log. de ïj^S^S*]!
log. F 4>o67774o
1,482871
2,5849o3o log. 384"*'", 5 1
a; = 38495i.
LIQUÉFACTION DE l'oXYGENE. ao^
Or, si nous cherchons dans les Tables deM.Regnault la
tension de la vapeur d^eau correspondant à 82 degrés, on
trouve qu'elle est égale à 384°""*, 435.
Cet exeniple suflGit pour montrer que notre formule
représente avec toute exactitude la fonction qui lie la
température aux pressions.
Nous avons le projet d'employer cette formule, adaptée
à Tacide sulfureux, pour remplacer toutes les indications
des thermomètres à alcool. On aura de cette manière des
thermomètres dynamomètres d'une exquise sensibilité, qui
remplaceront les données complètement aléatoires des
thermomètres de toute espèce, dès qu'on dépasse — 20°
ou — 25°.
La réduction complète des laborieux calculs numériques
qu'exige cette transformation n'est pas encore finie, car
nous voulons obtenir quelques vérifications expérimentales
sur les éléments encore peu connus des liquides volatils
employés.
Nous sommes donc encore obligé de recourir dans une
certaine mesure au thermomètre à alcool.
M. Salleron, de Paris, m'en a construit une dizaine, gra-
dués jusqu'à — 100° : ce sont ceux-là dont je me suis servi .
J'ai trouvé que l'acide carbonique se transforme en
vapeur sous la pression de 760, à une température
de — 80**.
Mais nos pompes produisent un vide presque absolu sur
cet acide carbonique solide. Les thermomètres ne suffisent
plus du tout pour connaître même approximativement la
température que l'on amène ^ il faut employer la formule
thermodynamique.
Pour déterminer la valeur de X'pour l'acide carbonique
j^ — 800, j'ai utilisé deux formules précédemment démon-
trées dans une publication déjà mentionnée (^). La première
{^) archives des Sciences physiques et naturelles, janyier 1876.
ao8 R. PIGTET.
est
^_„^ jio333(274--8o)^
1,298^x431 X274'
quantité multipliée par la dérivée des pressions par rap-
port aux températures.
La seconde donne la valeur de cette dérivée, que nous
appellerons D *, elle est
_ o,o4i X274
274 — 80
Effectuant les calculs numériques et substituant i D sa
valeur, on trouve, pour X*^^,
X«» = 96^«i, 766.
Nous avons pris, pour la densité à zéro, 5= i,5a4i
(Regkault). Une fois V connu, nous avons calculé la
courbe représentée dans la PL II au moyen de notre for-
mule générale, en donnant à t une série de valeurs de
10 degrés en 10 degrés.
Les abscisses de cette courbe représentent les tempéra-
tures, et les ordonnées les tensions correspondantes.
Si donc on connaît les pressions marquées au manomètre
à mercure, lorsqu'on fait le vide sur l'acide carbonique, on
connaîtra, grâce à cette courbe, la température de ce corps.
11 y a dans cette détermination bien des éléments que Ton
ne connaît que par à peu près, bien des chiffres à corro*
borer avec des expériences directes \ aussi ne donnons-nous
celte mesure des températures que comme une premiè/e
approx imatio n .
Voici le calcul pour la température — 120® :
V=:96->,766,
(c — ^) = o,i947,
déduit par des analogies de corps isomorphes.
LIQUÉFACTION DE L^ OXYGÈNE. SOp
log 104,554=2,0193407
log 1,5241 = o,i83oi35
log 1,2931=0,1115985
log 4^1 = 2,6344773
log 274 = 2*4377506
log 4® = 1 , 6020600
log n u m . 8 , 9882406
log io333 = 4,014^264
iog 194' — 194 X 4^ =4,47^3225
log — = 0,3622164
m
logdénom. 8,8517646
log quot. = o, 1364760 log lie i ,36923
log 760 = 2, 88081 36
1 ,36923
1 ,5i i5836 log de 32^»"^, 488.
La pression correspondant à — 1 20° est de 3 2"", 488 de
mercure.
C'est au moyen de calculs identiques que la courbe A
des tensions de Tacide carbonique a été établie.
Nous avons fait un travail absolument analogue pour le
protoxyde d'azote.
Le résultat est donné par la courbe 6, calculée de 10 en
10 degrés.
Nous avons pris comme point de départ — 92° avec la
pression barométrique de Genève, c'est-à-dire 780 milli-
mètres.
C'est la température d'ébullition de ce liquide que j^ai
observée directement.
Les deux courbes A et B montrent que le protoxyde
d'azote conserve des tensions plus fortes que l'acide carbo-
nique.
On peut donc descendre avec le protoxyde d'azote à des
températures plus basses qu'avec l'acide carbonique.
Ànn. de Chim. ei de Pl^s,, 5« série, t. XIII. (Féyrier 1878.) 1 4
aïO R. PICTET.
Nos pompes O et O', qui aspiraient Tacide carbonique
vaporisé dans le tube D {PL 1, fig. 2), faisaient le vide à
9 millimètres. La pression oscillait entre 8 et 12 milli-
mètres, suivant la vitesse des pompes.
Nous pouvons donc admettre, à titre provisoircy que la
température correspondant aux trois premières expé-
riences faites avec V acide carbonique était d'ent^iron
— i3o",e^ de — 1^0^ pour les deux dernières faites as^ec
le protoxjde d'azote.
On déduit de ces résultats que la tension maximum de
Toxygène liquide est
Pression.
* o a : m
— i3o 273
— i4o 262
Une différence d'environ 10 degrés amènerait une éléva-
vatîon de pression de 21 atmosphères.
Telles sont, pour le moment, les conclusions numé*
riques que ces premiers essais ont fournies.
Nous avons dit précédemment que le protoxyde d'azote
nous a donné des pressions différentes de celles qui sont
relatées dans les Traités de Physique. Voici comment nous
nous en sommes aperçu.
En faisant les études préliminaires qui ont décidé le dis-
positif mécanique employé, j'ai mis en regard les deux
tableaux suivants, donnant les tensions maxima de l'acide
carbonique et du protoxyde d'azote ; c'était pour déterminer
lequel des deux liquides il fallait choisir pour obtenir le
plus grand froid.
Température.
Acide
carbonique.
Protoxyde
d'azote.
0
—87,2
-84,4....
fllm
»
atm
J ,0
I ,10
-81,7....
0
I ,22
—80,0. . . .
1,0
K
—78,9....
1*
1,37
LIQUÉFACTION DE l'oXYGÈKE. 211
. Acide
Protoxyde
Température.
carbonique.
d'azote.
Différences.
0
atm
atm
-77,2....
1,36
»
76,1....
u
1,55
— 73,3. . . -
3»
«'77
70,5 ...
2,28
2,03
— 0,25
67,8....
)»
2,34
63,9
3,6
u
— 62,2. . . .
»
3,11
59,4
4,6
3,58
-+-1 ,02
— 5i ,0. . . .
7'0
5,36
-1-1,64
— 48)8. . . -
7'7
»
— 48>3. . . .
»
6,09
— 37,2. ...
>i
9.74
—36,6. . . .
12,5
9*9»
H-2,59
L'inspection de ce tableau montre que les pressions sont
sensiblement les mêmes pour les deux liquides ; cependant,
entre les températures — y5^ et — 36*^,6, les tensions du
protoxyde d^azote sont constamment inférieures aux ten-
sions correspondantes de l'acide carbonique. Celte raison
me décida à employer d'abord l'acide carbonique, qui
devait, d'ap.rès ce tableau, donner sous le vide le plus grand
froid.
En effet, la formule qui lie les tensions aux températures
montre que, si à une température quelconque un liquide
possède une tension supérieure à celle d'un autre liquide
à la même température, cette différence subsistera très-
probablement pour toutes les températures avec le même
signe.
Comme les températures de — 35^ à — do° sont beau-
coup plus précises que celles que m'avait fournies l'alcool
à — 7 5** et — So**, j'ai cru devoir attacher plus de con-
fiance aux pressions indiquées à ces températures moins
basses.
Mais lorsque, dans les deux dernières expériences, je
i4.
212 A. PICTET.
remplaçai l'acide carbonique par le protoxyde d'azote pur,
fabriqué au moyen du nitrate d'ammoniaque cristallisé, je
trouvai pour ce corps des tensions notablement supérieures
à celles de l'acide carbonique. Il y a donc eu une erreur
manifeste dans les tableaux dressés, il y a quelques années,
par Faraday et divers expérimentateurs.
Ces diflérences sont si marquées, que j'ai cru un instant
avoir une rentrée d'air qui augmentait la pression du gaz
à la condensation.
Pour être sûr du contraire, j'ai condensé tout le contenu
du gazomètre dans le tube S, puis je l'ai laissé distiller.
Les vapeurs rentraient dans le gazomètre lentement. Après
avoir opéré une purge abondante, qui devait entraîner
toute trace de gaz étranger, les pressions indiquées au
manomètre correspondaient rigoureusement aux tensions
maxima du protoxyde d'azote liquide.
La température indiquée par le thermomètre à alcool
permettait de suivre degré par degré l'élévation progressive
de la température, les pompes étant en arrêt.
Cette méthode présente l'avantage sérieux de permettre
une observation de longue durée. La température indiquée
au thermomètre est certainement égale ou très-légèrement
supérieure à celle du protoxyde d'azote, de sorte que les
indications du manomètre sont dans tous les cas des mi-
nima.
Voici le tableau que nous avons fait pour l'acide carbo-
nique et le protoxyde d'azote :
Pro,toxyde
Température. d'azote.
o alm
—9^ i,o
—90 1,10
— 88 1 , 1 5
—86 1,35
— 84. ... * »îo
^—82 I ,72
0
LIQUÉFACTION DE LOXYGENE.
îr
210
Température.
80,
.78
— 76. . . .
-74....
72..
■70..
68..
66..
■64..
62..
-60..
■58..
-56..
-54..
■52..
-5o..
48..
■46..
.44..
-40..
38..
36..
-34..-
Acide
carbonique,
atm
»o
,i5
,33
,55
,78
2,08
2,4l
2,71
3,10
3,4^^
3,90
4,40
5,46
6,10
6,80
8,o5
8,72
9,45
10,25
I I ,00
11,90
12,70
Protoxyde
d*azote.
atm
2, 12
2,36
2,60
2,85
3V5
3,5o
3,80
4,20
4,60
5,o5
5,5o
6,10
6,32
7,o5
7,63
8,3o
9,00
9,60
10, 3o
1 1 ,02
Il ,70
1 2 , 5o
13,19
Diflerences.
—0,96
—0,97
,o3
,o5
>07
^07
,09
,ïO
,i5
,i5
,10
,20
—0,86
—0,85
-o,83
—0,90
—0,95
-0,88
-o,85
—0,77
—0,70
—0,60
—0,49
Ce tableau, dressé directement à la suite d'observations
répétées, nous montre que le protoxyde d'azote a constam-
ment des pressions supérieures à celles de l'acide carbo-
nique, ce qui est d'accord avec les inductions théoriques
que nous avons signalées.
Nous donnons ce tableau in extenso, car les pressions
inscrites dans les Traités de Physique sont espacées et cor-
respondent à des températures trop écartées •
Nous tenions aussi à comparer directement et dans des
ai4 R. PIGTET.
conditions identiques l'acide carbonique et le protoxyde
d'azote.
Le tableau général de nos expériences, tel qu'il est relaté
à la page igi de ce Mémoire, nous fournit encore une
preuve péremptoire de l'état liquide de l'oxygène.
En effet, pour trois expériences (les n^'* 2, 4 et 5), le
troisième jet d'oxygène fut très-court et je fermai presque
subitement le robinet régleur.
Cette manœuvre permit à une petite quantité d'oxy-
gène liquide de rester adhérente aux parois du tube.
L'évaporation rapide abaissa de quelques degrés la tem-
pérature des parois, pendant que les vapeurs formées
s'écliappaîent par l'orifice du robinet de sortie. Au moment
de la fermeture, la pression était de a45 atmosphères dans
la deuxième expérience. Quelques instants plus tard, elle
s'élève jusqu'à a53 atmosphères. Cette élévation de la pres-
sion, au moment où la production du gaz est terminée
depuis longtemps, ne s'explique que si Ton admet qu'une
petite quantité d'oxygène repasse de l'état liquide à l'état
gazeux.
La conductibilité des parois de cuivre du tube est suffi-
sante pour établir l'équilibre de température très-rapide-
ment.
Dans les deux autres expériences, la pression monta de
2i5 atmosphères, à 2i3^etde 2o5 à 212 atmosphères.
Solidification de l'oxygène, — Dans les troisième et
quatrième expériences, nous nous sommes servi de la lu-
mière électrique condensée par un réflecteur, pour exami-
ner l'apparence des jets à la sortie de l'orifice.
Cette lumière intense nous a permis de distinguer net-
tement deux parties dans la veine fluide : une portion cen-
trale^ assez diaphane, ayant 2 à 3 millimètres de diamètre,
et une portion périphérique, ayant de 10 à i5 millimè-
tres, d'un blanc éclatant. Ces deux nappes concentriques
ressemblaient à deux cylindres emboîtés l'un dans Fautre,
LIQUÉFACTION DE l'oXYGEME. 2i5
l'extérieur paraissant être fait de poussière de craie ou
de neige. Leur longueur avait environ lo à 12 centimè-
tres.
Nous avons cherché à nous rendre compte de la nature
de celle substance blanche, à savoir si ce n'était peut-être
pas de l'oxygène solidifié.
Nous nous sommes servi pour cette recherche de la po-
larisation. En examinant, au moyen d'un prisme de Nicol,
la lumière réfléchie à angle droit par rapport aux rayons
incidents, on peut aisément distinguer si elle est polari-
sée ou non. Le réflecteur, placé à 2 mètres de l'orifice du
jet, envoyait sur l'oxygène des rayons horizontaux.
M. H. Dufour, professeur de Physique à l'Académie de
Lausanne, eut la complaisance d'examiner la lumière ré-
fléchie par le jet, en se tenant de telle sorte que les rayons
observés dans l'analyseur fussent émis normalement à l'axe
du réflecteur parabolique.
Pendant le jet, le prisme de Nicol tournait entre les
doigts de 90 degrés. Durant la rotation, M. Dufour saisit
distinctement une notable diflerence dans l'intensité de
cette lumière, ce qui prouve qu'elle était, partiellement
au moins, polarisée.
Cette expérience , qui doit être répétée plusieurs fois
encore, porterait à faire croire que l'oxygène, au sortir du
tube, se volatilise avec une telle énergie que les particules
liquides sont transformées en petits cristaux solides,
vraie poussière d'oxygène gelé, La chaleur de l'air am-
biant retransforme presque instantanément ces cristaux
en gaz.
Voilà, dans leurs traits généraux, les résultats de toute
espèce que nous ont fournis ces expériences. Us sont en-
core bien incomplets et demandent à être vérifiés et sur-
tout corroborés par d'autres recherches connexes. Il nous
faut essayer de rendre cet oxygène liquide ^visible en le
condensant dans des appareils transparents. Le problème
2l6 R. PICTET.
est très-complexe, hérissé de difficultés pratiques; on doit
empèclier le givre, qui se dépose de suite sur les surfaces
froides et trouble leur apparence, on doit avoir des joints
étanches avec des corps fragiles, etc., etc. Enfin nous lut-
terons et nous ferons notre possible pour tourner tous ces
obstacles.
V. — Liquéfaction et solidification de l'hydrogène.
Après avoir obtenu les résultats précédents avec le gaz
oxygène, nous avons été naturellement conduit à opérer
de la même manière sut V hydrogène.
Tout le dispositif mécanique que nous avons employé
pour le premier gaz pouvait servir, sans aucun changement
pour le second.
Il suffisait de déterminer une méthode chimique bien
précise donnant de V hydrogène pur, sans eau , sans trace
de gaz étranger, et laissant dans Tobus un résidu non
volatil.
Ces deux conditions sont indispensables si Ton veut
opérer avec précision et ne pas troubler les indications de
l'expérience par l'introduction de facteurs dont il est im-
possible de mesurer les effets.
Pour ces motifs, j'ai écarté les moyens reposant sur la
décomposition de l'eau, soit par les métaux alcalins, soit
par la pile, et je me suis arrêté au procédé suivant, sur le
conseil de M. Monnier.
M, Berthelot a démontré dans la synthèse de l'acide
oxalique et de F acide formique que, si l'on mélange du
formiate de potasse avec de la potasse caustique, on ob-
tient, en chauffant le mélange à 2^5 degrés, de l'hydre- ^
gène absolument pur sans trace d'eau ni de substance
étrangère.
Voici la formule qui explique la réaction :
4 CHO'K -f- 2 KHO = C'0*K' -t- 2 CO»K» + H*.
LIQUÉFACTIOM DE L'OXYGÈWE. 2ly
Ajoutons un excès de potasse, la réaction suivante se
formera :
C^O<K' -h 2 KHO = 2 CO»K^ -h H^
Total pour l'hydrogène H'* .
Le résidu consiste uniquement en carbonate de potasse
qui reste dans Tobus et n'est point volatil.
Les expériences préliminaires, faites au laboratoire, me
donnèrent des résultats très-satisfaisants.
La réaction marche très- régulièrement, sans soubre-
saut, et la température est fixe à 22S degrés.
Voici la charge de formiate de potasse et de potasse
que nous mîmes dans l'obus, lors de la première expé-
rience, faite le jeudi 10 janvier, de 7 heures à 9 heures du
soir ;
Formiate CHO'K 12618'^
Potasse KHO 5oo
Le tout fut préalablement chauffé à i5o degrés pour
chasser toute trace d'eau et donner une certitude absolue
de la pureté du mélange.
L'obus lui-même fut chauffé à i5o degrés pour éviter de
toute manière l'influence de l'humidité.
Ces préparatifs terminés, l'obus fut fixé à sa place et
l'opération commença.
Les pompes à acide sulfureux condensèrent le prot-
oxyde d'azote régulièrement comme dans les expériences
précédentes, et bientôt le givre épais, qui apparut sur le
manomètre à oxygène, nous indiqua que l'on pouvait ac-
tiver la production de l'hydrogène.
Voici le relevé de mes notes, prises pendant l'expé-
rience :
8*" 32". Le givre est intense partout sur toute la canali-
sation de protoxyde d'azote^
La pression de l'hydrogène est de 5o atmosphères.
21 8 R. PICTET.
Pression.
h m atm
8.34 60
8.35 70
8.38 80
8.43 90
8.45 92
La flamme du gaz est un peu baissée, pour ne pas trop
chaufler les parois extérieures de l'obus et égaliser la tem-
pérature.
Pression.
m atai
8.47 100
8.5o 112
8.52 i4o
8.56 i5o
8.58 170
8.59 190
9. o 200
9. I 2l5
9 . I . 45 240
0.2 260
9.4 3oo
9.5 340
9. 5.3o 35o
9.6 370
9. 6. i5 4°^
9. 6.3o ^So
9. 7 5oo
9. 8 55o
9-9 ^90
f 9. io.3o 640
9. II 65o
9.ii.3o« 652
La pression est presque stationnaire, après avoir monté
LIQUÉFACTION DE L OXYGENE. 21 9
graduellement pendant quarante minutes^ j^ouvre le robi-
net de fermeture.
Le jet est éclairé par une forte lumière électrique.
Au moment de l'ouverture, on vit jaillir par Torifice de
la lance un jet opaque d'une teinte bleu-acier très-carac-
térisée, La portion opaque avait environ ©"^,14 de lon-
gueur et un diamètre de o"^,oi5 à o'",oao environ.
Au-dessous de cette partie bleue, non transparente, on
distinguait nettement, au travers d'un fort brouillard pro-
duit par la condensation vésiculaîre de l'hydrogène, une
zone blanchâtre, moins bleue que celle dont elle était la
continuation, et suffisamment translucide pour permettre
de distinguer les objets fortement éclairés qui se trouvaient
de l'autre côté.
Au même instant nous entendimes un bruit strident,
aigu, comparable à celui que produit une barre de fer
rougîe jetée subitement dans l'eau, puis simultanément
sur le sol un crépitement très -caractéristique, rappelant le
son de grenaille projetée à terre.
Le jet, au lieu de rester continu, comme cela se passait
avec l'oxygène, devint intermittent 5 il ne s'échappait plus
que par saccades hors du long tube.
Chaque projection était accompagnée du crépitement
dont nous venons de parler.
Après quelques secondes, je fermai le robinet de réglage:
la pression était encore à 870 atmosphères.
Cette pression baissa progressivement jusqu'à 820 at-
mosphères, puis remonta lentement et durant plusieurs
minutes jusqu'à 33o atmosphères.
A 9^ 18"*, je rouvris le robinet de fermeture.
Un jet extrêmement court sortit avec une violente pro-
jection de corpuscules solides, puis l'orifice, quoique ou-
vert, ne laissa plus rien échapper.
Le manomètre marquait 3i5 atmosphères.
Voyant cet arrêt complet dans rémission de l'hydrogène.
220 R. PrCTET.
nous conclûmes de suite que sa solidification s^était pro-
duite dans Tintérieur du tube.
Pour nous en rendre compte, je fis arrêter les pompes
qui aspiraient les vapeurs de protoxyde d'azote et j'ou-
vris le robinet de réglage, de manière à amener une con-
densation de vapeurs de protoxyde d'azote dans le tube D.
Cette manœuvre contribua à faire remonter la tempé-
rature : aussi, à chaque instant, les décharges d'hydrogène
devinrent-elles plus fréquentes; elles se suivaient toutes
les demi-minutes et conservaient les apparences que nous
avons signalées. Environ un quart d'heure après l'ouver-
ture du robinet de réglage, la dernière décharge eut lieu
et la pression revint à zéro.
Nous pouvions, vers la fin de l'expérience, allumer le
gaz qui sortait par l'extrémité de la lance entre les déchar-
ges; mais, dès qu'une projection violente se produisait, la
flamme s'éteignait.
Cette première recherche ne permet d'avoir aucune no-
tion sur la densité de Thydrogène, liquide ou solide, car
^ les observations ne nous ont pas permis d'enregistrer des
chiffres précis sur la quantité d'hydrogène conservé à
chaque instant dans le tube. L'intermittence des décharges,
la congélation partielle ou totale de l'hydrogène liquide, les
variations du manomètre, toutes ces brusques modifica-
tions imprévues ont mis du désarroi dans nos observations
et nous devons les reprendre avec beaucoup de soin pour
obtenir quelques chiffres définitifs.
Cette expérience permet cependant de considérer comme
acquise la possibilité de liquéfier l'hydrogène sous une pres-
sion de 65o atmosphères et — i4o^. Cette pression est
dans tous les cas supérieure à la tension maximum des
vapeurs d'hydrogène correspondant à — i4o®.
Quant à la solidification de t hydrogène, on pouvait
non-seulement la prévoir, mais même la prédire d'avance
à cause du faible poids atomique de ce corps.
J
LIQUÉFACTION DE L^OXYGÈME. 221
On sait que les chaleurs latentes des liquides sont sensi-
blement en raison inverse du poids atomique des vapeurs
qu'ils développent,
La formule exacte qui donne la chaleur latente, ainsi
que nous l'avons démontré, est
^ io333 (274 -4- r) X o,o4i
1,293^X431 '
dans laquelle à correspond à la densité limite, c'est-à-dire
au poids atomique.
t est la température du point d'ébullition.
Or, si l'on applique cette formule à l'oxygène liquide et
à l'hydrogène, on voit que les valeurs de X pour chacun de
ces liquides doivent être à peu de chose près dans le rap-
port des poids atomiques.
En effet, ces deux liquides ont été obtenus à la même
température de — i4^°î sous des pressions qui ne dif-
fèrent pas considérablement l'une de l'autre. Les tempé-
ratures d'ébullition pour chacun de ces deux corps ne
doivent pas être distantes de plus de 20 à 25 degrés au
maximum.
Ainsi, en appelant 1 la chaleur latente de l'oxygène et
7! celle de l'hydrogène, on doit avoir le rapport
V _ (274_-f-_o_« ^
274 "^ ^'correspond à la température absolue du point
d'ébullition de l'hydrogène et 274 + ' est la température
absolue du point d'ébullition de l'oxygène.
Le rapport des poids atomiques est
1= 16;
a
donc il est tj^ès^probable^qne le rapport des chaleurs la-
tentes est
X - (274 H- 0 «' ^
222 R. PICTET.
c'est-à-dire que la chaleur latente de Thydrogène est au
moins lo fois supérieure à celle de Toxygène.
Si cette hypothèse est vraie, dès que le liquide con-
densé peut s'évaporer de nouveau, la quantité de chaleur
absorbée par ce changement d'état est tellement considé-
rable que le liquide restant est forcé de se congeler en se
solidifiant.
En se basant sur le rapport des poids atomiques, i kilo-
gramme d'hydrogène condensé absorberait plus de 2000 ca-
lories !
Il n'y a rien d'étonnant que l'expérience ait confirmé
ce que les équations thermiques annonçaient comme très-
probable, et celle vérification est une preuve de plus à
l'appui des bases sur lesquelles est fondée la Théorie méca-
nique de la chaleur.
D'ici à quelques jours nous reprendrons de nouvelles
expériences sur la liquéfaction de l'hydrogène et nous tâ-
cherons de recueillir les produits de la condensation, afin
de mieux les étudier. Il sera effectivement très-utile de
constater l'apparence physique de ce corps, que toutes les
analogies font considérer comme un métal et qui semble
bien en avoir revêtu le caractère dans l'expérience que
nous venons de rapporter.
VI. — Conclusions.
Il nous est impossible de terminer ce Mémoire sans énu-
mérer en quelques mots les conclusions que l'on peut tirer
de ces expériences sur la liquéfaction des gaz, et sans rap-
peler les résultats très-semblables obtenus tout dernière-
ment par M. L. Cailletet, de Paris.
INous avons cherché à concilier les phénomènes princi-
paux qui concernent les gaz, appelés permanents, avec la
loi de Mariotle, la théorie de M. Clausius et les expé-
riences de MM. Regnault et Natterer.
LIQUÉFACTION DE L OXYGÈNE. 223
L'antagonisme apparent qu'un raisonnement précipité
faisait naître entre la loi de la cohésion et les principes de
la Théorie mécanique de la chaleur disparait entièrement
en faisant intervenir un facteur nouveau, qui est la Ion-
gueur d'oscillation calorifique.
Dans les expériences de M. Natterer, que nous avons
relatées au tableau du premier Chapitre, on voit les pres-
sions augmenter bien plus rapidement que ne l'indique la
loi de Mariotte 5 est-ce l'effet simplement de la dimension
des atomes ou des molécules des gaz, ainsi que le dit
M. Clausius?
Non certainement, car, si cette cause était la seule en
jeu, l'écart devrait être très-peu sensible jusqu'à une
pression assez élevée, suffisante pour mettre les molécules
presque au contact, puis passerait brusquement à une
valeur considérable, que motiverait l'impénétrabilité de la
matière.
Au lieu de cela, nous voyons les écarts de la loi de
compressibilité des gaz augmenter progressivement, mais
sans secousse, et passer d'une valeur nulle à une valeur
élevée pour les fortes pressions.
Cela nous indique clairement que la loi de Mariotte est
rigoureuse pour les gaz, tant que r écart moyen des molé-
cules est encore plus grand que la longueur d' oscillation
calorijique correspondant à la température de ce gaz.
Dès que cet écart devient égal à cette longueur d'oscil-
lation, la pression croît plus vite que ne l'indique la loi de
Mariette, puisque la force du calorique s'ajoute à la près
sion des gaz. Si, à ce moment, on comprime encore le vo-
lume gazeux, on rencontre un obstacle de plus en plus
puissant, car les vibrations calorifiques s'effectuent avec
une intensité qu'aucune force ne peut maîtriser.
Les expériences faites sur la dilatation des solides et
des liquides prouvent que ces dilatations se produisent
avec une énergie supérieure à la cohésion moléculaire.
224 ^* PICTET.
On arrive ainsi, dans la compression des gaz, à rencon-
trer des résistances aussi puissantes que celles qu'opposent
les liquides et les solides.
Nous avons dit que les forces moléculaires de la cohé-
sion devaient passer par une valeur particulière k pour
que Tétat liquide pût prendre naissance.
Cette valeur de k est une fonction de la température
égale pour tous les liquides.
Il est facile de se rendre compte physiquement de la
nécessité d'une semblable condition.
Supposons un volume gazeux, à une pression quel-
conque, et admettons que la condensation liquide ait com-
mencé.
Quels sont les caractères physiques particuliers de l'état
de cette vapeur et de son liquide ? Evidemment, le liquide
doit présenter une densité supérieure à celle des va-
peurs et Ton doit distinguer la surface de contact qui les
réunit.
L'augmentation de densité des vapeurs, au moment de
la condensation, est une preuve du plus grand rapproche-
ment des molécules \ mais, avant la condensation, ces mo-
lécules ne s'attiraient-elles pas du tout?
Elles s'attiraient certainement 5 à chaque choc, deux
molécules se saisissaient par leur force d'attraction, mais
la température et les vibrations calorifiques correspondant
à ce travail élémentaire de condensation les désagrégeaient
de suite et empêchaient l'état liquide d'être stable.
En fait, la cohésion moléculaire agissant d'une manière
égale dans toutes les parties de cette masse gazeuse et
nulle part avec assez d"" énergie pour rendre la condensa-
tion stable, le gaz garde sa forme gazeuse.
Vient-on maintenant à augmenter le nombre des molé-
cules gazeuses et à abaisser la température, la séparation
va de suite s'opérer dans le milieu gazeux et le liquide se
précipitera vers le fond du réservoir.
LIQUÉFACTION DK l' OXYGÈNE. 225
En effet, la puissance d'attraction ayant augmenté par
le rapprochement plus grand des molécules et par là dimi-
nution de Tamplitude des oscillations calorifiques, lorsque
a molécules se seront soudées ensemble par la cohésion,
elles ne trouveront plus les éléments dynamiques néces-
saires pour se soustraire à cette influence, qui deviendra
définitive.
Dès cet instant, la condensation s^opère sans arrêt et le
liquide s'accumule dans le fond du condenseur.
Il y a donc nécessairement une limite nettement tran^
chée dans tout milieu gazeux qui se condense. Cette limite
correspond au point critique, tel qu'on l'appelle aujour-»
d'hui.
Au point critique, l'attraction moléculaire est égale à A,
constante pour tous les liquides à la même température.
Les expériences que nous avons signalées tendent aussi
à donner ulie preuve certaine du fait que tous les liquides
passent forcément par l'état gazeux à une certaine tempér
rature, quels que soient la pression et le ^volume sous les-
quels on les maintient.
Par une très-heureuse coïncidence, la plupart des phé-
nomènes observés, relatifs à la condensation des gaz per-
manents, ont été dévoilés presque au même moment à
Paris et à Genève.
Cette coïncidence a un double avantage^ d'abord de
donner un degré de certitude absolue aux phénomènes eux-
mêmes, puis de démontrer que toutes les déductions logi-
quement enchaînées à la Théorie mécanique de la chaleur
trouvent une sanction complète quand on les transporte
du doinaine purement spéculatif dans le domaine de la
Physique expérimentale.
M. Cailletet, au moyen d'une disposition des plus élé-
gantes et d'une simplicité parfaite, a donné une preuve
irrécusable delà liquéfaction des gaz permanents.
Ses expériences, antérieures aux miennes, sont basées
Ann, de Chim. et de Phys., 5« série, t. XUI. (Février 1878.) l5
/
asti n* PiCTET.
uniquement sur rinfluence thermique due à la détente des
gaz. Elles peuvent se reproduire facilement et en présence
d'un nombreux public.
En 1828, c'est-à-dire il y a juste cinquante ans,
M. D. CoUadon, Membre correspondant de TAcadémie
des Sciences, fit à Genève de nombreuses tentatives pour
arriver à liquéfier les gaz incoercibles et notamment Fair
atmosphérique. Son appareil (^), représenté dans la PI. /,
fig, 3, était assez semblable à celui de M. Gailletet. Voici
en deux mots le dispositif:
La pression était produite par une pompe hydraulique ;
elle se transmettait par une tubulure à vis Ce à rintérienr
et dans le haut d'un très-fort cylindre creux d'acier B,
rempli partiellement de mercure.
Dans le cylindre 6 plongeait un tube en verre T, ouvert
par le bas et soudé à sa partie supérieure à un second tube
1!, en verre épais, dont le diamètre intérieur n'avait que
!"*■*, 5 à 2 millimètres.
Le second tube sortait du cylindre B en traversant leçon*
vercle allongé A, auquel il était soudé à la gomme laque;
on le pliait ensuite à la lampe d'émailleur, et son extrémité
recourbée l! pouvait être refroidie et rendre la liquéfaction
visible, si l'on parvenait à la produire.
Les gaz expérimentés remplissaient tout le tube T au
commencement de l'expérience.
M. Colladon a opéré avec des températures de — 3o*^
et des pressions qui ont atteint 4^0 atmosphères sans
obtenir de résultat.
Malheureusement, la Théorie dynamique de la chaleur
n'était pas encore connue; car, sans cela, en ouvrantbrus»
quement le robinet de l'échappement de l'eau, la liqué-
( ^ ) Les pièces principales de cet ancien appareil existent encore, et sont
conservées depuis plusieurs années dans les bureaux de la Société gencH
Toise pour la construction des instruments de Physique.
LIQUÉFACTION DE l'oXYGÈNE. 23^
faction des gaz permanents aurait eu lieu depuis cinquante
ans.
M. D. CoUadon nous a facilité notre travail par ses pré-
cieux conseils et nous lui en témoignons ici notre profonde
gratitude.
L^étude que nous avons commencée dans ce Mémoire
demande à être complétée par de nombreuses expériences.
Il faut encore accumuler une foule de renseignements de
toute nature pour donner aux résultats numériques une
parfaite exactitude.
Ce que nous espérons surtout, c'est que ce genre de re-
cherches fera considérer l'emploi du froid dans les labora-
toires de Physique comme an moyen essentiel pour T étude
des forces moléculaires.
Qui sait si les cristallisations et certaines réactions chi-
miques ne trouveront pas dans ces procédés des conditions
particulièrement favorables ?
Une des causes principales qui ont arrêté la plupart
des expérimentateurs, c'est le manque de moyens méca-
niques, trop dispendieux pour pouvoir être à la portée de
tous.
Grâce à la Société genevoise pour la construction d'in-
struments de Physique, j'ai eu à ma disposition un maté-
riel mécanique d'une grande valeur, que Ton peut estimer
au moins à 5o ooo francs.
C'est uniquement par le fait de cette bonne fortune que
j*ai pu réussir dans ces recherches.
. Il serait à désirer que les grands laboratoires eussent à
leur service des moyens analogues : ils faciliteraient mille
travaux d'un intérêt incontestable et auxquels il faut re-
noncer faute d'instruments suffisants.
Nous compléterons ce Mémoire dès que nos expériences
nous auront fourni de nouveaux matériaux.
i5.
L. MOUTON. BÉFLEXlOlî MÉTALLIQUE,- ETC. Sap
SUR L4 RÉFLEXION MÊTALipE
DES RAYONS CALORIFIQUES ORSGIIRS POLARISES-,
Par m. L. MOUTON.
Les expériences qui ont été exécutées sur la réflexion de
la lumière polarisée, et en particulier celles de M. Jamin (^) ,
mettent nettement en évidence un certain nombre de lois
s'appliquant à tous les corps réflécliissants et que je vais
résumer.
D'abord, si Ton fait réfléchir un nombre quelconque
de fois» sur un miroir quelconque un rayon polarisé dans
les azimuts déterminés par le plan d^incidence et le plan
perpendiculaire (azimuts principaux), il reste toujours
polarisé dans le même plan après la réflexion.
Ce principe, qui découle naturellement de l'idée qu'avec
Fresilel nous nous faisons d'un rayon polarisé, a été du
reste établi expérimentalement pour le verre et les mé-
taux, par Brewster ( * ) .
Combiné avec celui de la coexistence des petits mouve-
raents, il entraîne une importante conséquence pratique :
pour étudier l'action de la réflexion sur un rayon primiti-
vement polarisé dans un azimut quelconque, on n'a qu'à
le*décomposer en deux polarisés dans les azimuts princi-
paux ] la direction de leurs vibrations n'ayant pas été
cHangée par la réflexion, ils n'ont pu éprouver que des
changements de phase et des variations d'amplitude.
Les variations d'amplitude peuvent s'exprimer par la
multiplication des amplitudes incidentes par deux nombres
I (vibration parallèle*au plan d'incidence) et J (vibration
(*") Voir Annales de Chimie et de Physique y 3* série, t." XIX, XXII et
XXIX.
(') Annales de Chimie et de Physique ^ 3f série, t. XIX, p. 29G,
a3o L. MOUTON, RÉFLEXION MÉTALLIQUE
perpendiculaire à ce plan), ces deux nombres éianl sup-
posés toujours positifs et évidemment au plus égaux à
Tunité.
La définition des modifications apportées aux phases
demande quelques explications.
Un changement quelconque produit dans la phase d'un
mouvement vibratoire peut toujours être considéré comme
résultant d'un certain chemin parcouru dans l'air ^ Je phé-
nomène de la réflexion peut ainsi s'assimiler à la traversée
d'une lame cristalline, traversée qui, convertie en air,
donne un chemin d pour la vibration parallèle au plan
d'incidence et un chemin (f pour l'autre.
Mais il se produit ici, à l'observation, un fait pasticulier
que n'offrent pas les plaques minces. Par suite du retour-
nement, de l'observateur qui naturellement se place de
façon à recevoir dans l'œil le rayon réfléchi comme il y
recevait le rayon incident, la vibration située dans le plan
d'incidence parait frappée d'un changement de signe, ou,
si Ton aime mieux, d'un retard d'une demi-onde qui n'est
qu'apparent. Ainsi il est bien évident qu'à l'incidence
normale les deux rayons ont été identiquement modiflés,
et pourtant le plan de vibration primitif parait avoir subi
une rotation de 90 degrés^ c'est que l'observateur s'est re-
tourné, et qu'il n'en continue pas moins à définir par sa
droite ou sa gauche la direction positive de l'axe de coor-
données situé dans le plan d'incidence.
Je crois qu'il est naturel de ne pas faire entrer cette
demi-longueur d'onde dans l'expression physique du phé-
nomène -, les résultats d'observation ainsi modifiés se
trouvent alors immédiatement comparables à ceux que four-
nissent les théories mécaniques, où Naturellement on cou*
ierve toujours le même système d'axes de coordonnées-
J'appellerai donc différence de phase produite par la j'é-
/Zexzbn l'expression — : — » qui sera par conséquent nulle
DES ILAYOnS CALORIFIQUES OB8CU11S POLÀHISÉS. 2i3i
pour l'incidence normale; la courbe obtenue en prenant
pour abscisses des longueurs proportionnelles aux angles
d'incidence de zéro à 90 degrés et pour ordonnées les va-
leurs correspondantes de — r — sera la courbe des diffé-
rences de phase ; on aura une courbe correspondante des
I
rapports -•
«I
Cela posé, outre le principe de Brewster cité plus haut,
les résultats acquis pour la réflexion delà lumière peuvent
s'énoncer ainsi (^) :
La courbe des différences de phase, partant de l'origine
à Ijncidence normale, atteint pour tous les corps la va-
leur ~ à l'incidence rasante ou 90 degrés \ cette valeur est
positive pour les métaux et les substances transparentes
d'indice supérieur à 1,46 environ.
La forme de cette courbe diffère avec les substances ré-
fléchissantes. Ainsi, pour les métaux, elle semble s'élever
d'une façon continue de zéro à 90 degrés; pour le verre,
elle reste sensiblement confondue avec l'axe des abscisses
jusqu'à l'incidence brewsterienne; puis, s'élevant brusque-
ment, elle atteint une valeur sensiblement égale à sa limite
supérieure j.
Enfin, pour une substance donnée, la forme de la courbe
se modifie d'une façon continue quand la longueur d'onde
de la lumière réfléchie se modifie elle-même d'une façon
continue.
Quant aux valeurs du rapport -9 elles partent de l'unité
pour l'incidence normale et paraissent y revenir pour Vin-
cidence rasante \ la courbe qui les représente est également
propre à chaque substance et à chaque longueur d^onde,
mais elle présente avec la précédente cette relation re-
j, _ ■ ■ ■ ^_.-^^_-^— —
(') Annales de Chimie et de Fhjrsique^ 3* série, t. XXIX, p. 28:1.
23a L. MOUTON. RÉFLEXION MÉTALLIQUE
marquable que toujours la valeur - est minimum à Vinci-
dence pour laquelle la différence des retards est 7 (*)•
Je me suis proposé, dans ce Mémoire, de rechercher
comment se modifient les lois précédentes, quand, sortant
du spectre lumineux, on fait réfléchir sur des miroirs mé-
talliques des radiations purement calorifiques occupant
dans le spectre général des positions bien déterminées de
plus en plus distantes du rouge.
Je décrirai successivement la disposition expérimentale,
le mode d^opération et de calcul, et je donnerai en troisième
lieu les résultats que j^ai déjà obtenus. •
Ce travail a été fait au laboratoire d^enseignement delà
Physique qu'a organisé M« Desains à la Sorbonne. On y
retrouvera donc le dispositif expérimental qui lui appar-
tient (').
I. — Disposition experimentalf..
La source de chaleur est la lampe de MM, Bourbouze et
Wiesnegg, dans laquelle, comme on le sait, un capuchon
de toile de platine est maintenu au rouge blanc par la com-
bustion du gaz d'éclairage et d'un courant d^air amené par
une trombe à eau à une pression constante d'environ
20 centimètres de mercure. Dans ces conditions, cette source
est d'une remarquable constance, et elle présente de plus
(^) On Toitsans peine que cette manière d'enyisager les faits traduit fi-
dèlement les résultats classiques de Fresnel relatifs au verre; derant tou-
-, , , .. , no . sin(* — r) tang({ — r)
jours prendre la valeur positive des coefficients - — 7-. '- et j-. ( ,
"* ^ ^ SIn(^^-^) tang(«-Hr)'
on remplace le changement de signe de ce dernier à l'incidence brewate--
rienne par une différence de marche brusque de - entre les deux compo-
santes.
(*) yoiry entre autres, Comptes rendus des séances de Vyicadémie des.
Sciences du i4 mai 1877, p. io56.
DES RAYONS CALORIFIQUES OBSCURS POLARISÉS. a33
Favantage d'un grand développement du spectre calorifique
obscur.
La lampe est placée dans une première pièce, à 3o cen*
timètres environ de la cloison qui sépare cette pièce de la
voisine ^ cette cloison est tapissée de feuilles de cuivre et
percée d'un trou où est encastrée à hauteur de la lampe une
lentille de verre ordinaire de 1 5 centimètres de foyer. Dans
la seconde pièce, sur un solide banc d'optique articulé se
trouvent : i^ un énorme prisme biréfringent avec alidade
et cercle divisé, à image extraordinaire redressée et acbro-
matisée : c^est le polariseur ; 2^ une plaque de verre à in-
clinaison variable et mesurée autour d'un axe horizontal,
destinée à compenser les effets de polarisation produits par
le prisme disperseur qu'on va voir (*) 5 3® un écran percé
d'une fente sur laquelle se forme l'image extraordinaire de
la lampe ; l'image ordinaire, en tournant, est, dans toutes les
orientations du polariseur, interceptée par l'écran ; pliisloin
se trouve une lentille achromatique, puis, au centre o^ne
articulation du banc, le miroir sur un cercle gradué me-
surant l'incidence. Le faisceau réfléchi est reçu sur un
prisme de verre ordinaire, puis traverse un nouveau prisme
biréfringent analyseur, semblable au polariseur, et se résout
finalement en deux spectres dont l'extraordinaire demeure
fixe et pur pendant la rotation de l'analyseur, l'ordinaire
tournant autour sans jamais empiéter sur lui. Le spectre
extraordinaire tombe sur une pile thermo-électrique li-*
néaire, dont l'ouverture est, comme celle de la fente, de
I millimètre environ, communiquant avec un excellent
galvanomètre de M. Ruhmkorff {'}. Cette pile était munie
(') J'ai emprunté l'idée de cette lame compensatrice au trayail de
MM. Fizeau et Foucault {Annales de Chimie et de Physique, 3* série,
t. XXX, p. i47>
( *) On arriye facilement à apprécier le 70 ^^ degré, ce qui suffit; le
gaWanomètre n'étant jamais dans un repos asbolu, les méthodes d'am-
a34 L* MOUTON. HÉFLEXION MÉTALLIQUE
d'une vis permettant de la déplacer parallèlement aux
bandes du spectre.
Tous les systèmes optiques analogues au précédent pré-
sentent un réglage délicat : c'est celui des sections princi-
pales des polariseur et analyseur par rapport à un azimut
bien déterminé. L'emploi des prismes biréfringents permet
de simplifier ce travail. Prenant pour ligne de repère la
direction du fil à plomb, on amène d'abord la ligne 0-180
du limbe du polariseur ou analyseur à coïncider avec cette
direction ; puis, plaçant ce fil à plomb à la place de la
lampe et l'éclairant par derrière, l'alidade du prisme étant
fixée au zéro, on amène, par le mouvement à frottement dur
indépendant de cette alidade, les deux images négatives du
fil qui se projettent sur l'écran fente à coïncider. L'alidade
se trouve ainsi accompagner la section principale du
prisme, et donne par conséquent, si, comme c'était le cas,
on en utilise l'image extraordinaire, la direction même des
vibrations qu'on étudie.
II . — Mode d*opi£ration et de calcul.
J'ai opéré sur trois longueurs d'onde que je désigne par
^19 ^8) ^39 réparties dans la partie obscure du spectre, et
sensiblement symétriques par rapport au rouge extrême,
Xj du jaune, X, du vert-Weu et X3 du bleu-indigo. Trois
traits verticaux étaient à cet effet tracés sur un écran ac-
compagnant la pile, et l'extrémité rouge du spectre lumi-
neux étant amenée à coïncider, par exemple avec le trait
marqué i, la fente de la pile se trouvait frappée par les
radiations obscures dont je désigne par li la valeur
moyenne, etc.
plification des angles ne présentent ici, le plus souyent, que des avantages
illusoires.
DES BAYOUS CALORIFIQUES OBSCURS POLARISÉS. ^35
Ayant été témoin d'une partie des expériences par les-
quelles M. Desains a étudié la rotation imprimée par une
plaque de quartz perpendiculaire aux plans de polarisation
des rayons calorifiques obscurs (*), j'ai pu. parle même pro-
cédé, fixer cette rotation pour les trois longueurs d*onde
que j'ai employées. Avec une plaque de quartz droit qui
donnait à la lumière du sodium une rotation exacte de
loo degrés, les rotations correspondant aux radiations X,,
Xs9 ^8 ont été respectivement 32, i6 et lo degrés. En
prenant la loi de Biot, au moins comme première approxi-
mation, on obtiendrait
>, z=o"",ooio, >2 = 0,0014 et >3=: 0,0018.
Ces chiffres, dont le dernier est supérieur au triple de
la longueur d'onde des raies D, donnent une idée du secours
qu'on est en droit d'attendre de l'étude des phénomènes ca-
lorifiques au point de vue de l'établissement ou de la véri*
fîcation des théories optiques.
Je n'avais pas à démontrer les principes de Brewster
relativement aux rayons calorifiques obscurs. Dès 18499
MM. delà Provostaye et P. Desains (') étudiaient ce que
devenaient après leur réflexion des rayons calorifiques pri-
mitivement polarisés dans l'un ou l'autre dès azimuts
principaux, constataient que la réflexion ne modifiait pas
le plan de polarisation et établissaient les lois de la varia-
tion de leur intensité avec l'incidence. Aussi, dans toutes
les séries d'expériences, la vérification de ces principes
était mon critérium du bon réglage des divers appareils et
de l'état du galvanomètre, les déviations de celui-ci de-
(*) Comptes rendus des séances de VAc€uiémie des Sciences^ i4 mai 1877^
p. io56.
(*) Annales de Chimie et de Physique^ 3« série, t. XXVII, p. 109 et sui-
vantes.
a36 L. MOUToir. — réflexion métallique
vant, dans les différents azimuts, indiquer des intensités
conformes à la loi de Malus.
Voici un exemple entre autres :
Métal des miroirs; incidence 65 degrés; polariscur à
90 degrés, c^est-à-dire chaleur incidente polarisée dans le
plan d'incidence 5 longueur d'onde Xj.
I.
II.
m.
IV.
Intensités
Azimuts
Déviations
d'après
de Tanalyscur.
(jalvanométriques.
Intensités.
la loi de Malus
0
0
90
l3,I
1
î
0
0
0
0
45
6,6
o,5o
o,5o
3o
3,3
0,-25
0,^5
60
9>8
0,75
0,75
Même disposition ; polariseur à zéro, c'est-à-dire cha-
leur incidente polarisée perpendiculairement au plan d'in-
cidence.
Azimuts Déviations .
de l'analyseur, galvanométriques.
o
3o
60
o
10
o
5,1
7,4
2,5
Intensités
d'après .
Intensités.
la loi de Malus.
I
I
0
0
o,5i
0,50
Oi74
0,75
0,25
0,25
Les nombres de la colonne III, intitulée Intensités, ont
été calculés en supposant la proportionnalité aux intensités
des impulsions galvanométriques ; leur conformité avec
ceux de la colonne IV peut être considérée, ainsi que je
le faisais, comme une preuve du bon réglage des appareils,
en même temps qu'elle pourrait être invoquée, s'il en était
besoin y comme une justification de toute la méthode.
Quand le rayon incident est polarisé dans un azimut autre
DES HAYOKS CALORIFIQUES OBSCURS POLARISÉS. 2^^
que zéro ou 90 degrés, la réflexion le rend en général ellip-
tique. C'est donc aux propriétés d'un tel rayon qu'on doit
demander les procédés expérimentaux destinés à fournir le
rapport -et la différence de phase — - — définis plus haut.
•I A
Je ne ferai qu'énoncer ici celles de ces propriétés sur
lesquelles je me suis appuyé, renvoyant pour leur démon-
stration aux Études de réflexion métallique de la lumière
de M. Jamin (*).
Le plan d'incidence est horizontal ; l'observateur rece-
vant le rayon réfléchi en jpleine poitrine, je prends l'axe
des X dans le plan d'incidence, et la partie positive de cet
axe toujours dirigée vers la droite de l'observateur, sup-
posé inconscient du demi-tour qu'il a opéré 5 l'axe des Y est
perpendiculaire au précédent et se dirige de bas en haut :
les angles seront comptés comme d'habitude de OX vers OY,
1° Mesure de r(*)» — Si la vibration incidente fait un
angle a avec l'axe des X, ses deux composantes ont pour
amplitudes cosa et sina^ et après la réflexion Icosa et
Jsina. L'analyseur placé successivement dans les azimuts
zéro et 90 degrés, on aura dçux lectures galvanométriques
proportionnelles à l'cos'a et J*sîn'a, Bien que les vérifi-
cations de la loi de Malus, rapportées plus haut, montrent
la proportionnalité des déviations galvanométriques aux
intensités calorifiques dans les limites où j'opérais, j'ai pré-
féré toujours disposer de l'angle a^ dans celte première
mesure, de façon à rendre à peu près égales les deux lec-
tures. Si a et (3 sont ces deux déviations, on a
i=tong«y/|
(^) Annales 4,e Chimie et de Phjrsique, 3« série, t. XIX, p. Sai et sui-
vantes.
(•) Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences^ 2 avril 1877.
a38 L. MOUTON* RÉFLEXION MÉTALLIQUE
2® Mesure de — - — • — Après avoir traversé un prisme
de spalh, dont on n'utilise que Timage extraordinaire, un
rayon elliptique présente, quand la section principale du
prisme coïncide avec le grand axe de l'ellipse, un maxi-
mum d'intensité; avec le petit axe un minimum; et si
l'on étudie ces intensités dans des couples d'azimuts a et
a + 90^, en allant du grand axe au petit, la première
l'emportera sur la seconde tant que l'azimut a sera com-
pris entre le grand axe et 45 degrés de cet axe, pour lui
devenir inférieure dès que a aura dépasse cette bissec-
trice des axes.
On peut donc par ce moyen fixer l'azimut des bissec-
trices des axes de l'ellipse, et on le peut d'autant mieux
que c'est autour de ces bissectrices qu'une même varia-
tion Aa produit dans les deux lectiu'es rectangulaires une
plus grande différence. J'ai pu, dans les bonnes séries, le
fixer à \ degré près.
A ces avantages, déjà utilisés par de Senarmont pour la
lumière, s'en joignent de spéciaux aux études calorifiques :
d'abord il n'est demandé à la source de chaleur que d'être
constante pendant la durée de chaque couple d'observa-
tions, et j'ai pu rendre cette durée très-courte par un mou-
vement spécial avec buttage permettant de faire tourner
rapidement et sans approcher de la pile l'analyseur de
90 degrés ; en second lieu, les mesures se terminent par
deux valeurs égales des déviations galvanométriques : c'est
un avantage qu'apprécieront ceux qui ont eu occasion de
se servir de galvanomètres très-sensibles.
L'azimut des bissectrices des axes de l'ellipse étant
ainsi déterminé, on en tire l'azimut w des axes eux-mêmes
en ajoutant ou retranchant 45 degrés.
Il est bon de faire plusieurs mesures avec différents azi-
muts de la vibration incidente, et d'avoir soin, on eu
verra tout à l'heure la raison, de disposer de cet azimut
DES RAYONS GALOBIFIQUES OBSCURS POLARISÉS. a3g
de façon que Tangle o) soit toujours moindre qu'une ving-
taine de degrés.
Cela posé, soient
t
X z=r. COSa COS 27r— »
T
t
Y = sinacos2îT-
T
les composantes de la vibration incidente.
On observera après la réflexion, d'après ce qui a été dit
plus haut,
X z=.i COSÛ COS27r 1- |ï
\T 1 A J
( t d'^
X = J sina cos27r I — r-
que l'on peut écrire, par un simple changement de Tori-
gine des temps,
X'=' à ces a ces 2 TT — 5
(t 1 d-d!\
j = Jsm« C0S2 7rl — H — u
et en posant
/ 1 d — d!\ - I cos a
27r )=d et ■-—. =:COta
\2 ^ / J sm a
t
xz=z COSaCOS27r -i
j = sin a C05( 27r-; H- <y j •
Ce sont les formules d'où part M. Jamin (^) et que je
reproduis pour n'avoir pas à répéter ses calculs.
Il résulte de la nature même de la fonction cosinus, qui
définit le mouvement lumineux, que la quantité d ne peut
(*) Annales de Chimie et de Physique, 3« série, t. XIX, p. Saa.
a4o L. MOUTON. KÉFLE^XION MÉTALLIQUE
être connae qu'à un multiple près de 27r, Nous devons
donc la considérer comme comprise entre zéro et 27r.
L'équation de Tellipse, trajectoire du mouvement dont
X Ql y sont les composantes, est
.T
2
J* 51 .ry
ces* a sin^a sina cosa
cos^ = sin'^1
et rinspectîon de cette équation, où J n'entre que par son
cosinus et le carré de son sinus, nous montre que toute
étude de ce mouvement, basée uniquement sur les pro-
priétés de Tellipse, sera impuissante à indiquer si ^ est
compris entre zéro et tz ou entre tt et 2 7r.
Voyons quelles seront les conséquences de cette ambi-
guïté pour ce qui concerne le nombre — - — que nous
A
cherchons à déterminer.
Il est évidemment nul à l'incidence normale et l'on a
par suite, pour ce cas, 5 = tt. Si donc — : — se déve-
loppe en valeurs positives, cî va de tt à zéro ; s'il se déve-
loppe, avec l'incidence, en valeurs négatives, 5 va de 7rà aTr..
Ainsi les procédés simplement basés sur les propriétés
de la lumière elliptique ne sauraient indiquer laquelle des
deux composantes est en avance sur l'autre. Telle était la
méthode du quart d'onde de M. de Senarmont, qui dit lui-
même que, pour combler cette lacune, il faut avoir recours
à un autre mode d'expériences (*).
Le même doute sur Je signe de — r — existe dans le pro-
cédé que j'ai employé et pour les mêmes raisons. Je n'ai pas
cherché à le lever, et voici pourquoi : la méthode du com-
pensateur dç M. Jamin ne présente pas cette lacune, et
(*) Annales de Chimie et de Phjrsique^ a* séri*», t. LXXIU, p. 36o.
DES RAYOINS CALORIFIQUES OBSGDBS POLARISÉS. 24 1
el lé établi t netlemen l que, pour les métaux, le nombre
A
est positif, quelle que soit la lumière^ or j'ai constaté, à
mesure que je m'éloignais du spectre lumineux dans les
radiations calorifiques, une telle continuité dans l'en-
semble des phénomènes, que je ne crois pas que Taccrois-
sement de certitude sur ce signe, qui résulterait d'expé-
riences directement faîtes dans ce but, compenserait les
difficultés que ces expériences paraissent présenter.
La quantité cî, considérée ainsi comme comprise entre
zéro et 71, se trouve alors déterminée sans ambiguïté, par la
formule
COS(î= ^ — ,
tang 2a
dans laquelle o) désigne l'azimut de l'un des axes de Tel-
lipse et a l'angle défini plus haut.
La grande influence que produirait une erreur faite
dans la détermination de o), si cet angle était dans les en-
virons de 45 degrés, explique pourquoi il est bon de disposer
toujours de la polarisation incidente pour faire tomber co d(ï
façon que tang 20) ne s'éloigne pas trop de l'unité en va-
leur absolue.
L'exemple suivant, tiré de mon livre d'expériences, et
que je ferai suivre des calculs qui s'y rapportent, fera du
reste bien comprendre la méthode, en même temps qu'il
donnera une idée du degré de confiance qu'on peut accor-
der aux résultats.
Il se rapporte au miroir de verre platiné, sous l'inci-
dence de 70 degrés, la pile recevant les radiations de lon-
gueur d'onde Xj.
Ann,deChim,etde /*Arx.,5«8érie, t. XUI. (Février 1878 ); 16
a4^
L. MOUTON. — RÉFLEXION MÉTALLIQUE
Azimut
!<> Détermination de —*
Azimut
delà vibration incidente. de l'analyseur.
xX^ • • • • • • •
3o
o
9«
o
90
Déviations
galvanométriques.
o
2,2
8,2
3,3
3,8
2° Détermination de S,
Vibration incidente à /|5^.
Déviations
Analyseur. (^alvanométriques.
Vibration incidente à 5j**.
0
2,2
90
8,3
6S
4,B
68-^90
5,8
69
5,2
69 rn 90
5,2
70
5,4
701^:90
5,1
Valeurs
aux axes.
0
24
0.7
24_i.90
9.7
I
déviations
Analyseur.
(ralvanométriquos
0
0
1.4
90
II
60
6
60 J-l 90
6,3
61
6,2
61 90
6,2
62
6,4
62 . 90
6
Valeurs
aux axes.
0
16
0
0,4
iô-»-9o
12
Calcul de- — J'ai pour cela deux expériences : la prc-
«I
mièrc, où la vibralion incidente est à 45 degrés, donnerait
I /2T2
immédiatement -= i/ — ^ = o,52. La seconde, dont le
J V ^^2; . '
résultat est plus digne de confiance, à cause de la presque
identité des deux déviations, donne
j = tang3ooy/— :=o,54
DES RAY019S CALORIFIQUES OBSCURS POLARISÉS. Q^i
Calcul de $. — On a là aussî deux séries d'expériences :
dans la première, où la vibration incidente est à 4^ degrés,
on trouve le petit axe de Tellipse à 24 degrés 5 l'angle a>
est ainsi égal à 24 degrés, d'où 20) = 48° ^ on a du reste
oota -~ - ; on en déduit a = 6i°43', d'où 2a = 123^26'.
•I
La formule qui donne $ est cos S = » dont le numéra-
^ taDg2a
teur est positif et le dénominateur négatif; comme d'ail-
leurs l'arc d est compris entre zéro et 7:, il suit que son
extrémité tombe dans le deuxième quadrant, et j^ai par
suite, en ne prenant que des angles compris dans les Tables
de logarithmes,
C0S(7r — 3)
tang '1 80 — 1 23** 26' )
d'où (tt — J) en degrés = 42^48'.
Dans la seconde série, la vibration incidente est à 55 de-
grés, d'où cota = -col 55** : on trouve a = 69^21'^, d'où
2a = i38°43'- On a d'ailleurs w = 16°, d'où 20) = 32°.
En opérant comme plus haut, il vient pour tt — â en de-
grés la valeur 44^23^
Détermination [de — : — Nous avons posé
I d— d \
27r| : ) = o
I \
*
2 ^ /
relation dans laquelle 5 est exprimé en unités de rayons.
1VT • '^ — d' \ S . - , .
Nous en tirons — :^ — = 5 et, si nous désignons par
X 2 27r or
$1 la valeur de d en degrés, on a
277.Î,
^ = ■36^'
d'où
A 2 3bo
l6.
^44 I" MOUTOK. — RÉFLEXION MÉTALLIQUE
et par suite les deux séries d'expériences que nous venons
de calculer nous fournissent : la première
d—d' 49.«48'
et la seconde
j'adopte o, 1^2.
Je n'ai pas besoin de faire remarquer avec quelle netteté
se détermine l'azimut des bissectrices des axes de l'ellipse ;
elle est d'ailleurs confirmée par la concordance des résul-
tats.
On peut aussi noter la constance de la source qui est
indiquée par Tinvariabilité presque complète de la somme
des deux nombres mesurant les intensités dans deux azi-
muts rectangulaires.
Résultats obtenus.
J'ai opéré jusqu'à présent sur trois miroirs : d'acier, de
métal des miroirs et de verre platiné.
Les tableaux suivants résument les résultats que j'ai
obtenus :
jicier.
Différences
, , fi fi'
I
idenees
. de phase •
Rapport -
Longueur d'onde >l,.
45
insensible
0,86
5o
0,02
0,84
55
o,o3
0,82
6o
o,o5
0,80
65
0,09
0,76
70
o,i5
0,70
75
0,19
0,62
79
0,25
0,53
80
0,26
0,55
82
o,3i
0,5
DES RATOMS CALORIFIQUES OBSCURS POLARISÉS. ^45
Différences de
Incidences.
phase •
y.
Longueur d'onde >!,.
Rapport - •
U
5o
M
0,88
55
0,01
o,85
60
o,o3
0,78
65
0,06
0,75
70
0,10
0,64
75
o,i5
0,62
80
0,20
0,55
81
0,22
o,5i
8a
0,25
o,5i
83
0,29
Longueur d'onde Ji,.
0,55
0
5o
»
0,90
60
0,01
0,80
75
0,12
0,60
80
0,18
0,55
82
0,22
o,5i
83 J-
0,25
Métal des miroirs.
Différences de
0,49
Incidences.
, d-d'
phase — : — •
Longueur d'onde îl,.
Rapport -•
0
60
0,08
0,88
65
0, 1 1
0,80
70
o,i5
0,70
75
0,20
0,61
80
o,3o
Longueur d'onde >,.
o,65
65
0,06
0,84
70
0, 10
0,78
75
0, 16
0,70
80
0,26
0,62
^4^ I. MOUTON. — RÉFLEXION MÉTALLIQUE
Verre platiné.
Différences de
Incidences.
, d-d'
phase — — •
Longueur d^onde X^.
Rapport - •
65
0,07
0,72
70
0,12
0,54
75
0,19
0,48
80
0,27
0,46
Si Ton examine chacun des tableaux précédents, on y
voit d'abord se reproduire les résultats généraux que j'ai
rappelés plus haut, relatifs à la lumière, à savoir :
1** Les différences de phases parlant de zéro s'élèvent
progressivement à mesure que s'accroît l'angle d'inci-
dence ;
7? La valeur de -? partant de i à l'incidence normale,
•I
va en diminuant, passe par un minimum, puis tend de
nouveau vers l'unité ;
I '
3^ La valeur minimum du rapport -- correspond tou-
jours à Tîncidence pour laquelle la différence de marche
est -7 j c'est-à-dire — ^ — =o,25.
4 ^
Si, maintenant, pour un même miroir, on compare les
séries de différences de phases correspondant aux diverses
longueurs d'onde, il s'en dégage un enseignement qui a
peut-être quelque importance.
Je vais mettre en regard, dans le tableau suivant, pour
l'acier, les valeurs successives des différences de phases re-
latives à la longueur d'onde du thallium ( o'"*", ooo534 ) 1 du
sodium (o™"*,ooo5888) (*), et celles qui correspondent
(*) Les résultats relatifs au sodium résultent d'eipériences nombreuses
et concordantes faites journellement par les élèves du laboratoire aa
DES RÀTOnS CALORIFIQUES OBSCURS POLARISÉS. a/^J
aux longueurs d'onde plus grandes encore X^, X^, >.3, dont
on a vu plus haut les valeurs approchées :
Thallium
Sodium
K
^.
•'•
Incidences.
0,000534.
0, 000588.
0,0010.
o,ooi4î
0,0018.
0
4o
o,o4o
o,o3o
0
0
0
45
0,060
0,045
0
0
0
5o
0.080
o,o65
0,02
0
0
55
0, 100
o,o85
o,o3
0,01
0
6o
0,1 15
0,1 o5
o,o5
o,o3
0,01
65
0, i55
0, 145
0,09
0,06
i>
70
0,200
o,i85
0, i5
0,10
a
75
o,25o
0,240
0,19
o,i5
0,12
76
m
o,25o
»
)»
»
79
M
»
0,25
»
»
80
0,320
o,3io
0,26
0,20
0,18
82
»
u
o,3i
0,25
0,22
83}
»
•
u
n
0,25
Ce tableau dessine nettement la marche du phénomène,
au moins en ce qui concerne Tacier. Ainsi la différence
de phase — : — est, à une incidence de 4^ degrés, o,o4o
pour la lumière du thallium, o,o3o seulement pour le so-
dium, et insensible pour les radiations obscures. A 5o de-
grés, tandis qu'on a déjà 0,080 pour le vert, o,o65 pour
le jaune^ on commence à avoir 0,02 pour Xj et rien encore
pour les deux autres. La différence de phase ne commence
à être appréciable qu'à 55 degrés pour Xj, à 60 degrés
moyen de l'appareil et du compensateur de M. Jamin, construit par
M- Duboscq. Ceux qui se rapportent au thallium ont été déterminés avec
soin par Tun d'eux, M. Curie, aujourd'hui préparateur. La source lumi-
nense était un brûleur Laurent, dans la capsule duquel on plaçait des
grains d'alun de thallium. Une cuve remplie d'une dissolution de chlorure
de cuivre arrêtait la raie jaun&tredu thallium et surtout les raies du sodium
qu'on trouve toujours en spcctroscopie. On peut, du reste, rapprocher ces
résultats des tableaux de M. Jamin.
^4^ A. ROSEUSTIEHL. RECHERCHES
pour Xj. Aussi, tout en se tenant inférieures, les diffé-
rences de phases relatives aux plus grandes longueurs
d'onde croissent-elles avec rincidence d'une façon d'autant
plus rapide que ces longueurs d'onde sont plus grandes.
Si Ton considère en particulier le point où la différence
de phase est o,25, ou, autrement dit, où la différence de
marche est y? incidence de polarisation rétablie après deux
4
réflexions, comme le désigne M. Jamin, on le trouve à
^5 degrés pour le vert, à ^6 degrés pour le jaune, à y g de-
grés pour X,, 82 degrés pour a,, 83-^ degrés pour X,.
Des faits analogues se constatent dans les deux autres
miroirs que j'ai étudiés.
Ainsi, pour ces corps, la courbe représentative des dif-
férences de phases reste d'autant plus longtemps confondue
avec l'axe des incidences que la longueur d'onde est plus
grande 5 par suite, l'intervalle est d'autant plus long pen-
dant lequel la réflexion produira simplement une rotation
du plan de polarisation incidente, tandis que d'autant plus
court se trouve celui dans lequel la lumière ou la chaleur
réfléchie sera polarisée elliptiquement.
UECDERCIIES SUR LES MATIÈRES COLORANTES
DE LA GARANCE ( 3« Mémoire ) ;
Par m. a. ROSENSTIEHL.
La pseudopiu^nirine.
Mes dernières recherches sur les matières colorantes de
la garance ont eu pour résultat, non de modifier les con-
clusions générales de mes Mémoires précédents, mais les
idées reçues sur la constitution de la pseudopurpurine et
sur la relation qui existe entre elle et les autres matières
SUR LES MATIERES COLORANTES DE LA GARAINXE. ^49
colorantes de la garance qui en dérivent. Il m^a donc
paru utile de résumer les faits actuellement connus, aûn
(le bien fixer letat de nos connaissances sur les principes
immédiats colorants de cette intéressante rubiacée.
La pseudopurpurine est celle des matières colorantes
rouges de la garance qui a, été découverte la dernière,
cjuoiqu'elle soit en réalité la plus abondante.
Il faut attribuer cette circonslauce à sa grande insta-
bilité •, les nombreux observa leurs qui ont fait de la garance
Tobjet de leurs recherches ont tous employé des moyens
trop énergiques pour opérer l'extraction des principes
colorants : ils ont détruit la matière primordiale et n^en
ont recueilli que les débris. Il était réservé à M. E. Kopp de
donner à l'industrie un extrait qui, étant fait à froid et
avec un végétal n'ayant subi aucune opération chimique
préalable, représentât à peu de chose près la matière colo-
rante telle qu'elle est contenue dans la garance.
C'est en prenant pour point. de départ ce produit, connu
sous le nom de purpurine commerciale, que MM. Schût-
zcnberger et Scliiffert ont découvert la pseudopurpu-
rine [Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse,
t. XXXIV, p. jo, 1864 ). Ce produit en constitue la plus
grande partie.
L'analyse élémentaire a donné comme moyenne de six
combustions concordantes des chiffres que MM. Schiitzen-
herger et Scliiffert ont traduit par la formule
d'après laquelle sa molécule aurait contenu 2 atomes
d'oxygène de plus que la purpurine et 3 do plus que l'ali-
zarine. Cette relation simple semblait confirmée par le
fait observé par les auteurs, que la pseudopurpurine se
transforme en purpurine par la sublimation ou par l'action
de l'alcool à 4- 200 degrés C.
MM. Graebe et Lieberman, après avoir fixé la consti-
à5o A. ROSENSTIEHL. — BECHERGHES
tution de Talizarine, ont proposé pour la pseudopurpii -
rîne la formule C**H®0*, d'après laquelle elle aurait élé
une télraoxyanthraquinone. Ces auteurs ont fait remarquer,
du reste, que les analyses de MM. Schûlzenberger et Schif-
ferl s'accordaient aussi bien avec C"®H*'0* qu'avec la
formule qu'ils proposaient.
On a en effet :
C"H''0^ C«*H'0°. Trouvé.
C 60,60 61,76 61
H 3,o3 ^«94 ^
Cette constitution a été généralement admise, car elle
établit entre les matières colorantes de la garance un lien
fort naturel, ainsi que cela ressort de la comparaison des
formules:
Alizarine et purpuroxanthine . . . . C'^H"0^
Purpurine C'*H»0^
Pseudopurpurine C* H*0"
Plus tard, j'ai démontré que la pseudopurpurine est
une matière très-instable ( Comptes rendus des séances de
V Académie des Sciences^ t. LXXIX, p. 680^ 1874). Sa
conversion en purpurine se fait plus facilement qu'on ne
l'avait cru jusqu'alors. J'ai fait voir qu'il n'est pas néces-
saire de la faire chauffer à -h 200 degrés avec l'alcool,
mais que la seule ébullition à la pression ordinaire est
suffisante.
D'après les idées qui étaient admises, j'ai envisagé cette
transformation comme une réduction, dans laquelle l'al-
cool lui-même avait pu intervenir comme désoxydant.
Mais, ayant poussé plus loin mes expériences, je vis qu'une
solution aqueuse d'alun et même Teau pure étaient aussi
aptes que l'alcool bouillant à opérer cette transformation.
Le dissolvant ne pouvait plus dès lors être considéré
comme intervenant chimiquement, et je dus admettre
que cette réduction, si réduction il y avait, devait avoir eu
SUR LES MATikRES COLORANTES DE LA GARANCE. aSi
lieu au détriment d'une partie de la substance même de la
pseudopurpurî ne.
Divers produits secondaires, acides et cristallisables
qui se forment simultanément et en petite quantité, me
paraissaient justifier cette interprétation.
Toutefois, même expliqué de cette façon, le phénomène
n'en restait pas moins remarquable, presque sans ana-
logue. La pseudopurpurine apparaissait comme un oxy-
dant énergique, capable de brûler une partie de sa propre
substance, à une température peu élevée. Elle rappelait
par Li, jusqu'à un certain point, l'eau oxygénée, dont elle
paraissait partager le mode de décomposition et même
l'instabilité.
Mais, si les rapports entre la purpurine et la pseudo-
purpurine avaient été en réalité tels qu'on les admettait,
on aurait du pouvoir passer de la première à la seconde
par une oxydation ménagée: c'est ce que j'ai tenlé de
faire (*). Tenant compte de l'instabilité de la pseudopur-
purine à une température voisine de loo degrés, j'ai opéré
au-dessous de ce degré et dans divers milieux. J'ai em-
ployé comme tels l'eau et les dissolutions alcalines, l'acide
acétique cristallisable, l'acide sulfurique 5 comme oxydants^
l'eau oxygénée, divers peroxydes, les acides manganique
et cliromique, l'oxygène du pôle positif de la pile. Ei»
opérant méthodiquement avec ces divers réactifs, j'ai
constaté qu'aucun d'entre eux n'était apte à transformer
la purpurine en pseudopurpurine.
Voyant alors que l'oxydation simple ne conduisait pas
au but, j'ai choisi une méthode détournée.
J'ai essayé de substituer le groupe (OH) au groupe SO'H
d'un dérivé sulfurique de la purpurine. Ce dérivé n'avait
pas encore été préparé. L'acide sulfurique ne se prêtant
(* ) Comptes rendus des séances de V Académie des Scitnccs, t. LXXXIV,
p. 559 et 1092.
33 J A. BOSEfiSTlEHL. RECUERCHES
pas à cette substitution, j^ai opéré avec Tanhydride : les
■vapeurs de ce corps furent condensées sur de la purpurine
pure et sèche ^ celle-ci se dissout dans Tanhydride fondu,
sans s'altérer ; une goutte de cette dissolution, projetée dans
Teau, produit un précipité de purpurine : on a dû chauffer
le mélange pendant trente minutes environ au point
d^cbullitiouderanhydride, pour obtenir un produit entiè-
rement soluble dans Teau à froid, avec une couleur
orangée intense. .«
Ce dérivé sulfurique n'a été ni isolé ni analysé \ voici
cependant ses caractères :
Les sels alcalins sont solubles dans Tcau avec une riche
couleur violette, les sels de chaux et de bai vie sont insolu-
blés. Il déplace aisément Tacide carbonique des carbonates,
ce qui oblige, quand on veut éloigner l'acide sulfurique libre
du produit brut, en saturant par le carbonate de baryte,
d opérer avec précaution, sans quoi toute 1& matière colo-
rante passe dans le résidu insoluble. Il teint les mordants
d'alumine (sur coton) en violet rouge, comme l'alizarine
fila pseudopurpurine, mais d'une couleur plus vive; les
mordants de fer se colorent en violet plus bleu que celui
de l'alizarine: ces couleurs résistent à l'eau de savon bouil-
lante, mieux que ne le font celles de la pseudopurpurine,
moins bien que celles de l'alizarine.
Pour obtenir ces teintures avec un produit aussi acide,
il faut neutraliser partiellement l'acide sulfoconjugué par
un carbonate ou un acétate alcalin et opérer à une tempé-
rature peu élevée, autrement les oxydes d'aluminium et de
fer sont dissous sur place et enlevés du tissu par la ma-
tière colorante.
Chauffée avec la soude ou la baryte caustiques, la ma-
tière s'altère ; il se forme des sulfites et une matière colo-
rante qui teint comme la purpurine. Cette transformation
ne se fait qu'à une température supérieure à celle qui dé-
truit la pseudopurpurine, de sorte que, «au point de vue de
SUR LES MATIERES COLORANTES DE LA GARAIfCB. 253
la synthèse de celle-cî, rexpérîence a été négative; maïs
elle a montré que l'introduction de SO' H dans la molé-
cule de la purpurine produit un corps qui ressemble plus
qu'aucun autre à la pseudopurpurîne : ce qui est un indice
et dénote une analogie de constitution. Conduit ainsi à
douter de la valeur des idées admises, je n'ai pas tardé à
observer une réaction de nature à me metire sur la voie.
Ayant chauffé la pseudopurpurine sèche, dans un bal-
lon muni d'un tube de dégagement, afin de la convertir
en purpurine par l'action de la chaleur seule, j'aî constaté
un dégagement régulier d'acide carbonique à i8o degrés C.
Il est resté dans le ballon de la purpurine pure.
Un fait analogue venait du reste d'être signalé par
MM. Schunck et Rœmer; une matière colorante jaune,
qu'ils venaient de séparer de la purpurine commerciale et
qu'ils représentent par la formule C^'H'O®, se dédouble,
au moment de sa fusion, en CO*H- C^*H®0* ; ce dernirr
corps est la purpuroxanthîne de M. Schûtzenberger [Be-
richte der chemischen Gesellschafty t. X, p. 172).
Dans une première expérience, j'ai déterminé par diffé-
rence la quantité d'acide carbonique dégagée par la pseu-
dopurpurine séchée dans le vide à 100 degrés C. J'ai
trouvé i4î4 pour 100; le calcul demande i4)6 si l'on re-
présente la réaction par
Maîsla formule C**H®0'',quiseuleaurail pu rendre compte
de ce dédoublement, ne s'accorde pas avec les analyses
faites par MM. Schûtzenberger et Schiffer t, ainsi que cela
ressort de la comparaison des chiffres suivants :
(^isjjsQT Moyenne de six analyses
(calcul). concordantes (' ).
C 60 61
H 2,66 3
(^) ScHUTZEKBEAGER, Matièrts colorantes, t. II, p. i3o.
254 A. nOSEMSTIEHL. RECHERCHES
La différence de i pour loo sur la richesse en carbone
me semblait devoir être due à la présence de purpurine
dans le produit analysé.
La purpurine contient en effet :
C 65,62
H 3,12
Cela était d'autant plus probable que la séparation de
ces deux corps, par l'analyse immédiate, ne s'effectue qu'a-
vec la plus grande difficulté. On sait que MM. Scliùtzen-
berger et Schiffer t ont employé dans ce but l'alcool absolu
bouillant, qui ne dissout que la purpurine. Mais, en réa-
lité, quelque nombreux que soient les traitements alcoo-
liques, l'alcool se colore toujours et Ton n'arrive jamais à un
épuisement complet. Le résidu, formé par la pseudopurpu-
rine, est alors recristallisé dans la benzine ; mais cette opéra-
tion n'est pas dénature à éliminer la purpurine restante : son
effet principal consiste à séparer la pseudopurpurine des
produits insolubles qui l'accompagnent. Mon but devait
être dès lors de démontrer la présence de la purpurine dans
le produîtpréparé d'après les indications de MM. Schûtzen-
berger et Schiffert, et ensuite de rechercher une méthode
qui permît de préparer la pseudopurpurine à l'état de pu-
reté et de l'analyser.
La recherche de la purpurine dans ce produit est uni^
opération délicate, à cause de l'instabilité de la pseudo-
purpurine*, car, dès qu'on lui fait subir le contact d'un li-
quide chaud ou seulement tiède, on ne peut plus affirmer
que la purpurine que l'on en retire ainsi y ait été préexis-
tante^ elle peut être le résultat d'une altération. Pour dé-
cider la question, je me suis servi de l'essai de teinture.
J'ai démontré (Compter rendus des séances de V Académie
des Sciences, t. LXXX, p. laSy) que la pseudopurpurine
teint les mordants seulement dans l'eau distillée. En pré-
sence de I équivalent de carbonate de calcium dissous dans
l'eau» elle se précipite totalement, tandis que dans les mêmes
SUR LES MATIERES COLORANTES DE LA GARANCE. 355
conditions la purpurine atteint en teinture son rendement
maximum. Cette différence de propriétés a été utilisée pour
précipiter partiellement la pseudopurpurine des bains de
teinture. Par une série d'essais méthodiques faits à basse
température, j'ai obtenu des couleurs permettant de con-
clure à la présence de purpurine dans le produit. Ce
point établi, restait à trouver une méthode de séparation.
M. SchûlZenberger a utilisé l'insolubilité de la pseudo-
purpurine dans r alcool bouillant.
J'ai démontré dans le temps que dans ces conditions il
y a toujours transformation partielle en purpurine, et que,
si Ton prolonge suffisamment Taction de Talcool bouillant,
la transformation de la pseudopurpurine est totale.
Pour éviter cette décomposition, j'ai traité de la pseudo-
purpurine irès-divisée, par l'alcool absolu à 5o degrés C,
çn renouvelant le liquide dès qu'il s'était coloré 5 l'essai de
teinture permettait de constater que la partie dissoute était
bien de la purpurine; en continuant ces traitements, j'ai
du reconnaître que l'alcool se colorait toujours, et qu'il
arriverait un moment où tout mon produit serait trans-
formé en purpurine.
J'ai analysé la portion non dissoute dans l'alcool tiède,
après que la moitié du produit environ eut été enlevée par
le dissolvant, et voici le résultat de cette combustion :
C
H
Analyse de MM. Schûtzen
I.
II.
Calcul.
berger et Schiflert.
60,4
60,5
60,00
61
2'79
2,85
2,66
3
Il montre que la portion insoluble présente une composi-
tion qui se rapproche plus de celle demandée par la for-
mule C^^H^O', que les chiffres obtenus par MM. Schût-
zenberger et Schiffert, et sur lesquels on s'était appuyé
pour établir la formule C**H^O^. Mais le résultat n'est
pas encore satisfaisant: les proportions de carbone et d'hy-
256 À. IlOSEIfSTIEHL. RECHERCHES '
drogène dénotent la présence de purpurine dans le produit,
résultat confirmé par les essais de teinture.
J'ai opéré alors sur une nouvelle portion de pseudopur-
purine, que j'ai dissoute dans de l'eau chargée de carbonate
de soude, en opérant à froid et rapidement. La dissolution
limpide a été saturée par un acide et le précipité de pseu-
dopurpurine très-divisé mis en suspension à froid dans un
grand volume d'alcool, qui s'est coloré en brun, par la dis-
solution de purpurine hydratée. En renouvelant ralcool
4 ou 5 fois, il arrive un moment où il se colore en rouge
faible, et l'essai de teinture montre que ce qui est en dissolu-
tion n'est plus de la purpurine, mais de la pseudopurpurine
pure. Pour loo grammes de matière première, on a em-
ployé environ 20 litres d'alcool.
Le produit, séché à 100 degrés dans le vide, a donné à
la combustion les nombres suivants :
I. os^,8i25 de matière ont donné :
Cendres. . . o,oo45, CO^ . . i ,7885, H'O. . . o,2o55.
n. o^^SS^S de matière ont donné :
Cendres... o,oo3, CO^. . . 1*179» H'O... 0,1 35.
D'après ces données, on calcule la composition suivante :
1. II. C'H'O'.
C 60,35 60,1 5 60,00
H 2,82 2,80 2,66
Ces résultats, eu égard à la diflGculté que présente la
purification de ce corps, ne s'éloignent pas assez de la for-
mule C**H"0'' pour que cette dernière ne soit pas admis-
sible^ elle est confirmée d'ailleurs par le dédoublement
que j'ai observé.
Pour démontrer que ce dernier est net et se fait bien
réellement d'après l'équation
C'»H»0' = C02+C'<H«0%
SUR LES MATIÈRES COLORANTES DE LA GARANCE. ^5^
j'ai fait une nouvelle combustion, divisée en deux phases,
la première ayant pour but de doser directement l'acide
carbonique résultant du dédoublement, la seconde d'éta-
blir la composition centésimale du résidu. A cet effet,
la portion du tube à combustion, contenant la matière
(placée dans une nacelle), a été chauffée au bain d'air à
180 degrés C. pendant deux heures, dans un courant d'air
pur, traversant très-lentement l'appareil. Celui-ci était
d'ailleurs disposé comme pour une analyse élémentaire.
Quand le dégagement d'acide carbonique eut cessé, les
appareils à brûler ont été pesés, puis remis en place j après
avoir engagé alors le tube dans le fourneau à combustion,
on a achevé l'analyse en brûlant le résidu dans un courant
d'oxygène. Les résultats de l'expérience sont les suivants :
Matière ok%644S» dont à déduire, pour cendres, o,oo35.
Acide carbonique dans la première phase 0,095
Acide carbonique dans la seconde phase i , 2^3
Eau dans la première phase o ,006
Eau dans la seconde phase o, i53
D'après ces chiffres, la quantité d'acide carbonique for-
mée est de i4>9 *• le calcul demande 1496.
La composition du résidu serait la suivante :
Calcul pour €" H* o».
C 65, 3i 65,62
H 3,16 3,12
Les expériences sont donc parfaitement d'accord avec la
formule C^'lt^O'', d'après laquelle la pseudopurpurine
serait un acide, tel que l'acide salicylique, que la chaleur
dédouble en acide carbonique et en phénol, ou l'acide an-
thranylique, qui à la température de sa fusion se scinde
très-nettement en acide carbonique et en aniline.
Elle contiendrait
C"H*(C'0^)(HO)^(COHO).
Ann, de Chim,et de Phys., 5« série, t. XIII. (Février 1878.} 1 7
258 A. ROSENSTIEHL. RECUERCHES
Sa nature d'acide est confirmée par la manière dont elle se
comporte vis-à-vis des bases, manière qui la distingue de
toutes les autres matières colorantes de la garance.
Elle ne peut plus être considérée comme dérivant de
Tanthracène lui-même, mais bien d'un composé méthylé
de cet hydrocarbure.
Propriétés de la pseudopurpurine.
A Tétat cristallisé, elle se présente sous forme de pail-
lettes d'un assez beau rouge. A Tétat de siccité, elle peut
être cliauflee à i6o degrés sans se décomposer ; mais, à partir
de cette température, elle commence à se dédoubler, et à
i8o degrés le dégagement de gaz carbonique est régulier.
Le chloroforme et la benzine la dissolvent à TébuUition,
en petite quantité, sans Taltérer. Elle cristallise en se sépa-
rant de ces milieux.
L'eau et Talcool la dissolvent à peine à froid, sans l'ai*
térer-, en présence de l'eau, elle peut être chauffée jusque
vers loo degrés pendant le temps nécessaire à la teinture;
le dédoublement se fait, il est vrai, d'une manière con-
stante, mais sur une si petite échelle, que l'ensemble de la
nuance obtenue en teinture n'en est pas sensiblement
modifié. En solution alcoolique, la décomposition est plus
rapide; la couleur rouge de cette solution vire à Torangé
par une légère élévation de température, et Ton constate
facilement que ce qui est alors en dissolution n'est plus
que de la purpurine. Elle se dissout à frqjd dans les les-
sives alcalines caustiques; dans ce milieu elle se trans-
forme rapidement en purpurine hydratée.
Les carbonates alcalins, en dissolution dans Teau, la
dissolvent en se colorant en rouge et sans l'altérer aussitôt;
l'alcool en précipite un sel que l'eau décompose facilement
en pseudopurpurine qui devient libre, et en un sel plus
alcalin.
SUR LES MÀTlkHES CÔLORAIITES DE LA GARANCE. Qjp
Cette propriété m^a permis de préparer la pseudopur-
purine bien cristallisée *, on abandonne la dissolution alca*
line additionnée d'alcool, à l'air, dans des vases couverts. '
Bientôt la matière colorante se dépose sous forme de la*
melles brillantes d'un rouge foncé. On la débarrasse du
liquide mère par un lavage prolongé à Teau froide.
Elle se dissout à froid dans une solution aqueuse de
bicarbonate de soude, avec une couleur d'un rouge orangé.
Les carbonates alcalino-terreux sont décomposés par elle;
Tacide carbonique est déplacé, et il se forme des sels inso-
lubles que cet acide dissous dans l'eau ne décompose plus:
cette propriété, qui atteste sa nature d'acide, la distingue
des autres matières colorantes de la garance. II en résulte
qu'elle ne teint pas les mordants d'alumine et de fer en
présence d*eau calcaire; elle ne les teint que dans l'eau
distillée [Comptes rendus des séances de ï Académie des
Sciences y t. LXXX, p. laS^). Les nuances obtenues sont
caractéristiques. Les mordants d'alumine se colorent en
violet rouge et en rose violacé, ressemblant aux couleurs
de l'alizarine pure: elles sont seulement plus vives; les
mordants de fer se colorent en un gris violacé que j*estime
être le cinquième violet bleu, -^ ou Yôde rabat. Cette cou-
leur est si différente du violet de l'alizarine, que la con-
fusion n'est pas possible; du reste, toutes les couleurs
obtenues à l'aide de la pseudopurpurine se distinguent
par leur peu de stabilité ; les passages en bains de savon,
loin de les aviver, les dégradent rapidement*
La facilité avec laquelle elle est précipitée par les sels
calcaires, ainsi que son instabilité, fait que son rôle en
teinture est nul.
Elle se dissout partiellement dans l'eau d'alun: cette so-
lution est rose et fluorescente comme celle de la purpurine;
si l'on élève la température au delà de 5o à 60 degrés, la
transformation en purpurine s'effectue peu à peu. Les
alcalis précipitent de celte solution alunée une laque rose,
26o À. ROSEKSTIEHL. -^ RECHERCHES
employée en peinture à l'iiuile et en impression sur
tissus*
L'usage de cette laque doit être fort ancien. Robiquet et
Colin en parlent dans leur Mémoire sur la garance, lu k
l'Académie, le 6 novembre 1826 [annales de Cliimie et
de Physique, t. XXXIV, p. 225). Ils citent un procédé de
préparation de M.. Mérimée, qui est encore à peu de chose
près celui suivi aujourd'hui dans les fabriques d'indiennes:
la garance lavée à l'eau alcaline est mise en digestion avec
une dissolution d'alun tiède, qu'on additionne ensuite
d'alcalis, qui précipitent la matière colorante mélangée de
plus ou de moins d'alumine en excès.
Ainsi qu'il a été dit plus haut, la pseudopurpurine ne
se dissout pas totalement dans l'eau d'alun ; une portion
forme une combinaison aluminique insoluble, difficilement
attaquée par les acides étendus, mais que l'acide sulfurjque
concentré dissout en régénérant la pseudopurpurine, si
l'on a eu soin de ne pas élever la température.
L'eau d'alun peut servir à extraire la pseudopurpurine
directement de la garance, d'après ce qui précède, mais le
procédé ne permet pas de l'en extraire en totalité, à cause
de la formation de cette combinaison insoluble, et il ne
la donne pas à l'état de pureté, parce qu'il y a toujours
transformation partielle en purpurine, pendant les mani-
pulations.
J'ai étudié avec une attention particulière les produits
de Faction de l'eau bouillante sur la pseudopurpurine ; je
rappelle que, quand on opère par voie sèche, Tacide carbo-
nique et la purpurine sont les produits uniques du dédou-
blement; mais, en présence de l'eau, le phénomène se
complique.
Outre qu'une partie de la purpurine s'hydrate pour for-
mer ce que M. Schûtzenberger appelle matière orange
ou purpurine hydratée, une petite quantité de pseudo-
purpurine échappe au dédoublement et parait subir une
SUR LES MÀTIEUES COLORANTES DE LA GARAKCE. Qi6l
réduction particulière. Il se forme environ i pour loo
d'une matière colorante jaune {*), que je décrirai dans un
autre Mémoire et dont la composition, d'après les analyses
effectuées par MM. Schunck et Rœmer ('), serait C*'H*0^;
elle diffère de la pseudopurpurine, d'après cela, par un
atome d'oxygène en moins.
Jusqu'à présent il me manque toutes les données pour
expliquer cette réduction, qui reste un phénomène tout
aussi singulier que l'était la formation de purpurine
aux dépens de la pseudopurpurine, avant les présentes
recherches.
J'ai donc dû examiner la question de savoir si cette ma^
tière colorante jaune ne préexistait pas dans la pseudo-
purpurine elle-même ; car jusque-là je n'avais opéré que
sur le produit préparé d'après les indications de
MM. Schûtzenberger et Schiffert; celui-ci, retenant en-
core avec opiniâtreté une certaine quantité de purpurine,
pouvait aussi avoir retenu de la matière colorante jaune.
Pour lever mes doutes à cet égard, j'ai fait avec soin
une expérience comparative, dans laquelle j'ai employé
4o grammes de pseudopurpurine préparée par le procédé
de MM. Schûtzenberger et Schiffer t, et lo grammes du
produit pur de l'opération même dont l'analyse m'avait
conduit à la formule C^'H'O''.
Aucun de ces deux produits n'abandonnait aux dissol-
vants la moindre quantité de matière colorante jaune ;
mais, quand on les eut fait bouillir avec de l'eau pendant
trois heures et que la décomposition eut été achevée, on
trouva la matière colorante jaune dans les deux cas et en
quantité proportionnelle. Les 4o grammes en ont donné
o^', 4 et les I o grammes o^*", i .
(*) Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences ^ t. LXXXUI,
p. 827, et t. LXXXIV, p. 559.
(') Berichte der deutschen chemischen Gesellschaft, t. X, p. 172.
a6a À. nosEKSTiEHL. — recherches
Ce n'est pas ici le lieu de détailler ces expériences. Je ne
les cite que pour appuyer sur ce point, que la matière colo-
rante jaune se trouve toujours pai-mi les produits de la
destruction de la pseudopurpurine même la plus pure,
tandis qu'on ne la trouve pas dans la pseudopurpurine
avant sa destruction.
On serait donc autorisé à conclure qu'elle est réellement
un produit de cette destruction même.
Mais il manque encore une preuve à l'appui qni per-
mette de contrôler cette conclusion^ c'est un procédé
permettant de transformer régulièrement la pseudopurpo-
rine en ce dérivé jaune.
Cette partie de mon programme n'est pas encore ache-
vée. Néanmoins les essais de réduction qui vont suivre
présentent de l'intérêt à un autre point de vue.
Quand on attaque par l'amalgame de sodium une dis-
solution de pseudopurpurine dans une solution aqueuse
de bicarbonate de soude, la coloration rouge orangé de la
liqueur fait place à un jaune brun ; le contact de Pair ra-
mène la coloration primitive, et les acides séparent du
liquide un précipité qui n'est autre que la pseudopurpn-
rine non altérée. 11 s'est donc formé, sous l'influence de
l'amalgame de sodium, un produit d'addition d'une grande
instabilité.
De la poudre de zinc a été introduite dans la solution
sulfurique froide de pseudopurpurine. La masse rouge se
colore peu à peu en jaune vert^ cette coloration se main-
tient quand on verse le mélange dans l'eau et qu'il reste
un peu de zinc en excès. Le produit de la réduction se
précipite 5 mais, à mesure qu'on le lave, il se colore.
Il est passablement soluble dans l'eau pure et teint les
mocdants d'alumine en jaune orangé; il s'altère rapide-
ment à l'air et se transforme en pseudopurpurine : cette
transformation est plus rapide en solution alcaline. Son
instabilité ne m'a pas permis de l'analyser : mais, d*après ses
SUR LES MATIEKES COLORAUTES DE LA GARANCE. 263
caractères, il doit être évidemment considéré comme un
produit d'addition, analogue à l'indigo blanc, tel qu'on en
obtient avec la plupart des oxyantbraquinones.
Il présente de Tintérèt au point de vue suivant.
On sait que la garance contient la matière colorante
sous forme d'une combinaison incolore et soluble dans
l'eau; ce n'est qu'au contact de l'air, et peu à peu, que la
matière colorante se développe.
Ces combinaisons incolores et solubles sont considérées
comme des glucosides, et, pour la garance en particulier,
M. Schunck décrit sous le nom de rubian un corps qui
se dédouble, d'après lui,en glucose et en alizarine.II parait
rationnel d'admettre que ceé substances incolores ne sont
pas les glucosides des matières colorantes elles-mêmes,
mais ceux des produits hydrogénés, analogues au composé
que je viens de décrire.
Arrivé à ce point, il me parait intéressant de résumer
l'état actuel de nos connaissances sur les matières colo-
rantes de la garance.
On en connaît cinq :
La pseudopurpurine C'*H*0'
L'orange de garance C'*H*0*
La purpurine C'*H*0*
La purpuroxanthine et l'alizarine C'*H*0*
N'oublions pas que la purpurine peut encore se pré-
senter sous forme d'hydrate, dont la solubilité dans l'alcool
est plus grande que celle de la purpurine.
De ces cinq matières, quatre se produisent aux dépens de
la pseudopurpurine, dans les circonstances les plus fré-
quemment réalisées pendant le travail industriel, puisque
le contact seul de l'eau chaude suffit. Le produit prin-
cipal est la purpurine et son hydrate. La purpuroxanthine
et l'orange de garance ne se produisent qu'en petite quan-
tité.
a64 TRUCHOT.
L'alizarine n'a pas encore été obtenue en partant des
autres matières colorantes de la garance.
Les choses se passent comme si la garance contenait
deux glucosides, celui qui correspond à l^alizarine et celui
qui correspond à la pseudopurpurîne. Au point de vue
industriel, il est bon de faire observer que Tinstabilité
remarquable de cette dernière est une circonstance heu-
reuse; car ni elle ni Talizarine n^ auraient donné à un
végétal Timportance extraordinaire qu'a su conquérir la
garance : la pseudopurpurine est une matière colorante
trop peu solide, et l'alizarine donne des couleurs trop peu
brillantes. La production de purpurine dans les conditions
du travail industriel a corrigé à la fois ces deux défauts.
La pseudopurpurine est remplacée par une matière pro-
duisant des couleurs bon teint, et dont la nuance, se mêlant
à celle de Talizarine, leur donne l'éclat qui a tant fait re-
chercher le rouge garance.
DE LA FERTILITÉ DES TERRES YOLCANIQIIES -,
Par m. TRUCHOT,
Professeur de Chimie à la Faculté des Sciences de Glermont,
Directeur de la station a{prononiique du Centre.
C^est un fait bien connu que les terres volcaniques sont
en général douées d'une fertilité exceptionnelle. Il suffi-
rait d'ailleurs, pour s'en convaincre, de parcourir TAu»
vergne en observant l'état des cultures ou seulement l'as-
pect du sol et en se rendant ensuite compte de sa nature*
Telle montagne est couverte d'une herbe qui nourrit de
beaux troupeaux, telle autre est aride, brûlée, stérile : or
il n'y a pas à s'y tromper, la première est volcanique, la
seconde granitique.
Il arrive souvent, dans le département du Puy-de-Dôme^
FERTILITÉ DES TERRES VOLCANIQUES. ^65
qu'autour d'un même village on rencontre des sols volca-
niques et des sols granitiques contigus qui ne diffèrent ni
d'exposition, ni d'altitude, mais seulement par leur compo-
sition chimique, et là encore la fertilité est très-difierente :
les cultivateurs expriment ordinairement la bonne qualité
d'une terre en disant qu'elle est volcanisée.
II était dès lors bien naturel de rechercher, dans la com-
position des terres et des roches qui les ont produites par
leur désagrégation, lés éléments qui contribuent à la ferti-
lité de ces terres et de plus l'ordre d'importance de ces
mêmes éléments. C'est ce qui a été souvent fait et discuté.
Tout récemment (*) M. le D^ Pietro Gavazzi, dans un tra-
vail institulé : Analyse chimique et poui^oir fertilisant
des laides et autres substances rejetées par les volcans ,
fournit de nombreuses analyses de roches volcaniques et
arrive à cette conclusion: « que la composition chimique
des laves et autres produits volcaniques permet d'expliquer
scientifiquement la raison pour laquelle les matières vomies
par les volcans fécondent les terres d'une manière si pro-
digieuse )) .
Mais les analyses consignées dans ce travail ne signalent
point la présence de l'acide phosphorique, les analystes
auxquels elles sont dues n'ayant point dosé cet élément. Or,
comme il me semble établi que l'acide phosphorique entre
pour une grande part, sinon pour la plus grande, dans
l'appréciation qui peut être faite de la fertilité d'une terre
eu égard à sa composition, j*ai pensé que la conclusion du
savant D"* Gavazzi, si vraie qu'elle soit d'une manière .
absolue, n'était pas en rapport avec les prémisses, et je de-
manderai la permission de revenir une fois de plus sur
ce sujet intéressant.
Lorsqu'on étudie le développement des végétaux, on ar-
(*) Annales de Chimie et de Phjrsique, 5® série, t. XI, p. 244; 1877.
266 TRUCHOT.
rive à reconnaître qu'ils doivent de toute nécessité trouver
dans le sol de l'humus et de l'acide phosphorique ; et comme,
d'autre part, les cendres de ces végétaux renferment de la
potasse et de la chaux, on a pu en conclure que ces deux
derniers éléments sont pour le moins très-utiles.
Quant à la silice, k l'alumine, au fer, au manga-
nèse, etc., les sols les plus pauvres en général en étant
surabondamment pourvus, il n'y a pas h s'en occuper 5 de
sorte qu'au point de vue de la fertilité résultant de la com-
position du sol il suffit de considérer les quatre éléments
suivants: l'humus, l'acide phosphorique, la potasse et la
chaux.
L'humus, matière carbonée et azotée dont la combustion
dans la terre fournit l'acide carbonique destiné à solubi-
liser le phosphate de chaux, est entretenu dans le sol par
la culture.
La potasse existe naturellement et en proportion ordi*
nai rement suffisante dans tous les sols; elle provient snr^
tout de la désagrégation des feldspaths qui ont fourni Far-^
gile, et les terres granitiques, pourtant si peu fertiles,
contiennent une grande quantité de cet alcali. Aussi, lors-
que, après des fumures ordinaires, on veut amender une
terre au moyen des engrais industriels, s'adresse-t-on de
préférence aux phosphates.
La chaux qui constitue la majeure partie des terrains
calcaires, qui existe en proportion suffisante dans les ter-
rains volcaniques, manque dans les terres siliceuses. Les
chaulages sont indispensables pour obtenir de ces derniers
des produits abondants, mais chacun sait que la chaux
ajoutée ne suffit pas pour entretenir la fertilité : bien plus
des chaulages exclusifs amènent la stérilité, parce que cet
élément met en oeuvre, s'il est permis de s'exprimer ainsi,
les engrais azotés et phosphatés, et partant épuise la ré-
serve du sol.
Il n'en est plus de même de Tacide phosphorique : beau-
FEKTILITÉ DES TBRRES VOLCANIQUES. 2167
coup de terres sont eicposées à en manquer. L^ addition des
phosphates réussit toujours 5 la pratique a trouvé la solu-
tion de la question, à savoir l'importance capitale de l'a-
cide phosphorique, et l'a résolue en demandant à Tîn-
dustrie des quantités de plus en plus considérables de
superphosphates.
Aussi M. de Gasparin, à qui TAgronomie est redevable
de nombreuses analyses de terres et d'observations de la
plus haute importance qui en ont été déduites, n'hésite
pas à affirmer qu'une classification divitiale des terres doit
être ordonnée d'après le dosage de l'acide phosphorique.
Il appelle :
1° Terrain très-riche, celui qui contient plus de 2 mil-
lièmes d'acide phosphorique \
7? Terrain riche, celui qui en contient de 1 à 2 mil-
lièmes ;
3° Terrain moyennement riche, celui qui en contient
de I demi-millième à i millième ;
4° Terrain pau^^re, celui qui en contient moins de
I demi-millième.
Cela posé, qu'il me soit permis de reproduire ici des
analyses qui montreront bien cette importance de l'acide
phosphorique.
Je mettrai en regard, dans le tableau suivant, les quan-
tités de chaux, de potasse et d'acide phosphorique ex-
traites de roches granitiques et de roches volcaniques, sub-
divisées en laves et en trachytes.
On a dosé dans 100 parties :
TRUGHOT.
^■■'
<>
^
9
©WIUSATION DBS ROCHES.
CHACX.
POTASSE.
Roches granitiques.
3
i;rttuit» de Bourgnon (Truchot)
i;rdiiite de Trézioux (Truchot) .
OMuite de Theix (Truchot) . . . .
Moyennes. .
9,
,I04
3
,100
2.
,4oo
2,
201
Boches ^volcaniques (trachytes).
I>^oinitedu Puy de-Dôme (Truchot)
» » »
lYnchyte du Mont-Dore (Truchot).
Moyennes
Roches volcaniques (laves).
Lave de Gravenoire (de Losaulx).. .
Lave de Gravenoire partiellement
décomposée (Truchot)
Lave du Puy-de-Dôme (Kosmann,..
Moyennes
3,712
3,5o4
4,110
3,775
10,
700
1,380
9j
870
i,o5o
3,
58o
1,960
S,
120
1,427
ACIDE
ph08phO>
rique.
0,040
0,099
traces
0,160
0,332
0,371
o,oi5
0,048
0,037
0,046
0,28s
o,o33
0,096
0,109
0,217
o,i3i
0,860
1,100
0,680
0,880
J*«ttrais pu étendre ce tableau, mais les moyennes n'au-
rtient pas été sensiblement modifiées et les chiffres obte-
^^ sont suffisamment significatifs.
Je ferai remarquer d'abord que les trois classes de ro-
'lies analysées correspondent à des sols de fertilité bien
différente. Les terres formées par les granités de Bour-
«QOD j de Trézioux et de Theix sont relativement très-
médiocres; et ce n'est qu'après des chaulages et l'addition
^'engrais phosphatés que des agriculteurs habiles en ont
lire un bon profit.
Les terres formées par les trachytes sont naturellement
plus fertiles, mais beaucoup moins cependant que celles de
la troisième catégorie, c'est-à-dire formées par les laves.
Sans doute la proportion de chaux croît dans ces terres
FERTILITÉ DES TERRES VOLCANIQUES. ^69
CD raison de la fertilité \ cependant on ne songera pas à
attribuer à cet élément le rôle prépondérant, car, comme
cela a été observé précédemment, les cbaulages seuls, sans
addition d^engrais phosphatés, ne procureraient qu'une
amélioration apparente et momentanée, et en réalité amè-
neraient plus ou moins vite la stérilité.
11 est impossible, en second lieu, d'attribuer à la po-
tasse un effet prédominant, puisque les roches de la se-
conde classe qui contiennent la chaux et Tacide phospho-
rique, en bonne proportion, sont très-riches en alcali et
en particulier le sont plus que les laves, tout en formant
des sols de moindre valeur.
Reste Tacide phosphorique : les dosages correspondants
pour les trois catégories, qui sont entre eux comme les
nombres 1,4? ^6) ^<^^^ significatifs et montrent bien que
l'acide phosphorique donne, plutôt que la potasse, la me-
sure de la fertilité d'une terre arable.
Si, au lieu de considérer la composition des roches, on
compare les éléments trouvés par l'analyse dans les terres
elles-mêmes, on arrive à la même conclusion.
Le tableau qui suit, disposé comme le précédent, c'est-
à-dire présentant trois catégories de terres, par ordre de
fertilité croissante, contient également les quantités trou-
vées de chaux, de potasse et d'acide phosphorique dans
loo parties de terre. On y a ajouté de plus les proportions
d'azote et de carbone des matières organiques qui consti-
tuent le quatrième facteur important de la fertilité.
Les échantillons ont été choisis de manière à représenter
encore la moyenne générale.
a^o tru<:hot. — febtilité des terres volcaniques.
os
d'ordre.
l
2
3
4
5
6
7
8
9
DÉSIGNATION DES TERRES.
CHAUX.
POTASSE.
GiLBBOIlB
ACIDE
dM
phospbo-
AZOTE.
matières
rique.
orga-
niques.
Terres granitiques.
Terre de Bourgnon (Truchot). .
Terre de Theix (Truchot)
Terre du Chéry (Truchot)
Moyennes
o,3oo
trace»
traces
0,129
0,345
o,4o5
0,290
0,089
0,086
0,074
0,066
o,i85
o,o53
0,066
Terres volcaniques (laviques).
Terre de Beaumont (Truchot).. i,6ûo
Terre d'Aubièrc (Truchot) a ,600
Terre de Saint-Jacques , près
de Clermont (Truchot) > 2,800
Moyennes. . . .
2,333
0,226
0,160
0,269
0,2i8
o,/|o3
o,3o4
0,208
o,3o5
0, fOI
o,io5
0,218
0.247
3,640
o,4i5
0,030
1,358
0,930
i,Sio
3,685
0,197 i,8o5
Terres d'alluvion.
Terre de Pont-du-Château (P. de
Gasparin )
Terre de Montdésir, près do
Clermont (Truchot)
Terre de Sarlière (Truchot) ....
Moyennes
3,853
0,280
0,416
■
9» 970
0,548
0,296
o,3io
8,340
0, i35
o,3o4
0,210
7,387
0,417
0,339
0,260
1,145
1,464
i,3o4
Les remarques précédentes, relatives à la chaux et à la
potasse, s'appliquent de même au cas des terres. Si, d'une
part, les terres d^alluvion, les meilleures sans contredit,
contiennent plus de potasse que les terres volcaniques, de
l'autre, celles-ci en renferment moins que les terres gra-
nitiques, qui leur sont inférieures de beaucoup.
La quantité de carbone constituant les matières orga*
niques est sensiblement la même dans les trois cas. Quant
à l'azote, il faut reconnaître que la proportion croît avec la
fertilité et il n'y a pas bien longtemps qu'on s'accordait à
trouver dans cet élément seul la mesure de la valeur d'un
E. PELIGOT. — !• DU VERRE ET DU CRISTAL, ETC. 2^1
sol. Toutefois, les chiffres du tableau précédent montrent
que les termes de la progression ne s'accroissent pas aussi
rapidement que ceux que fournit Tacide phosphorique.
Il me semble donc permis de conclure que le D*^ Ga-
vazzi, en attribuant la fertilité des matières vomies par les
volcans aux doses de silice, d'alumine, d'oxyde de fer, de
chaux, de magnésie et de potasse que l'analyse y a con-
statées, a négligé de considérer l'élément le plus impor-
tant de tous, l'acide phosphorique, que les auteurs des
analyses n'auraient point déterminé.
Kl je prendrai la liberté, en terminant, de reproduire
Tune des conclusions auxquelles m'a conduit un premier
travail sur les terres d'Auvergne ( *).
L'acide phosphorique est l'élément principal de la fer-
tilité des terres d'Auvergne et les sols volcaniques doivent,
en grande partie, leur supériorité à une proportion notable
de cet acide phosphorique, rendu d'ailleurs plus facilement
soluble et assimilable par la présence de la chaux.
\%«*\«\»\%\»*\*^»\^ %%■%»»
SUR LA COMPOSITION
DU VERRE ET Dll CRISTAL CHEZ LES ANCIENS;
Par m. EuGiNK PELIGOT.
Occupé dans ces derniers temps d'un travail d'ensemble
sur l'industrie du verre, j'ai été conduit à rechercher quelle
était la composition des verres chez les anciens. Cette étude
n'a pas encore été tentée ; les auteurs qui ont écrit sur la
verrerie antique ont admis, en eifet, sans discussion, que
les matières premières mises en œuvre avec une incompa-
rable habileté par les anciens verriers ne différaient en
rien de celles dont on fait usage aujourd'hui.
( *) Annales agronomiques y 1. 1; 187 5.
aya e. peligot.
Telle n'est pas mon opinion : le verre ordinaire et le
cristal plombeux avaient autrefois une composition qui
différait notablement de celle des produits similaires mo-
dernes. C'est ce que je me propose d'établir, en m'appuyant
tout à la fois sur les textes des anciens auteurs et sur l'ana-
lyse chimique des verres antiques.
Ferre ordinaire, — On sait que la matière vitreuse qui
sert à fabriquer les objets si divers qui composent la gobe-
leterie est de nature différente, en raison de son prix et
des habitudes des pays dans lesquels elle est mise en œuvre ;
chez nous, elle est composée de silice, de soude et de chaux ;
en Bohème, la potasse remplace la soude*, pour les verres
à glace et à vitre, les matières employées sont le sable, la
soude et la chaux; ainsi trois substances entrent toujours
dans la composition de la verrerie moderne. Je ne parle,
bien entendu, que des verres incolores.
Les verriers de l'antiquité procédaient autrement; ils
n'employaient que du sable et un fondant alcalin (^).
(*) Tout le monde connaît le récit de Pline sur l'origine du verre : des
marchands phéniciens étant descendus à terre, près de l'embouchure du
fleuve Bélus, tirèrent de leur navire des blocs de natron {giebas nitri è
nave subdidisse) pour supporter le vase qui devait servir à cuire leurs ali-
ments; Faction du feu ayant fondu ces blocs avec le sable sur lequel ils
étaient posés, il en résulta un liquide transparent qui était du verre.
Le texte de Pline peut donner lieu à des interprétations fort différentes,
en raison du sens qu'il convient d'attribuer au mot nitrum. Est-ce du ni-
tre, c'est-à-dire du salpêtre, de l'azotate de potasse que vendaient ces mai^
chands, ou bien est-ce du natron, c'est-à-dire du carbonate de soude? Le
lieu de la scène rend cette dernière hypothèse assez vraisemblable. Mais,
d'un autre côté, on comprend mieux la fusion de blocs de nitre sous Tin-
fluence d'une température assez peu élevée (fusion donnant un liquide, ie
cristal minéral^ qui n'est pas du verre, mais simplement du nitre fondu)
que la vitrification du sable par la soude en plein air, dans les conditions
indiquées par l'historien latin. Aucun traducteur, il est vrai, n'hésite à tra*
duire nitrum par nitre. Mais les verriers et les chimistes admettront plus
volontiers que ce mot signifie soude, d'autant mieux que celui de natrum,
la soude^ que connaissaient certainement les anciens, ne se trouve dans
aucun dictionnaire latin. L'auteur de la préface du Traité de Vart de la
ou TERRE ET DU CRISTAL CHEZ LES ANCIEITS. 3^3
Ainsi Plîne, qui donne dans le XXXVP Chapitre de son
Histoire naturelle de précieux renseignements sur la fabri-
cation du verre, la décrit dans les termes suivants :
« Aujourd'hui, à l'embouchure du fleuve Vultume, en
Italie, sur la côte, dans un espace de 6000 pas, entre
Cnmes et Liternum, on recueille un sable blanc très-
tendre, et on le broie au mortier ou à la meule ^ ensuite,
on y mêle 3 parties de nitre, soit au poids, «oit à la me-
sure; le mélange étant en fusion, on le fait passer dans
d'autres fourneaux : là, il se prend en une masse à laquelle
on donne le nom d^ammonitre. Cette masse est mise en
fusion et elle donne du verre pur et des pains de verre
blanc. Cet art a passé même en Gaule et en Espagne, où
1 on traite le sable de la même manière. »
Ce mode de travail diOère peu de celui qu^on suit aujour-
d'hui : les matières premières, avant d'être fondues, étaient
chauffées dans un four; elles éisàenl Jittrées, ainsi qu'on
le fait encore pour diverses espèces de verres, mais ces
matières étaient du sable et de l'alcali, de la soude et non
pas du nitre, ainsi que le disent tous les traducteurs de
Pline. J'ajoute que la recelte donnée par Pline est certai-
nement erronée quant aux proportions; car, en fondant
I partie de sable avec 3 de soude, on obtient un produit
soluble dans l'eauj qui n'est pas du verre (*).
Néanmoins, l'exclusion de l'élément calcaire, qui assure
à la verrerie moderne son inaltérabilité relative, n'était
Ferrerie, d'Antoine Neri, le baron d'Holbach, adopte une version ampli-
fiée; il suppose qu'à l'endroit où s'arrêtèrent ces marchands « il se trouva
une grande quantité de l'herbe communément appelée kali, dont les cen-
dres donnent la soude et la rochette; il s'en forma' du verre, la violence
du feu ayant uni le sel et les cendres de la plante avec du sable et des
pierres propres à se vitrifier ». Il n'est nullement question de cendres dans
le récit de Pline.
(') Voici le texte latin : Deln miscetur {arena) tribus pewtibus nitri pon*
dere vel mensura, ac Uquata in alias fornaccs transfuntUtur,
Jnn. de Chîm. et de Phys., 5' série, t. XIII. (Février 1878.) 18
tky4 PELIGOT.
pas absolue \ car le sable propre a fabriquer le verre con-
tient souvent du carbonate de chaux et, dans un autre
passage, Pline parle de Temploi de la chaux comme d^un
progrès réalisé de son temps :
« Depuis, dit-il, tant Tesprit de l'homme est inventif (ut
est astuta et ingeniosa solertia)^ on ne se contenta pas de
mêler de la soude à la matière du verre, on y joignit aussi
de la pierre magnétique Pareillement on commença à
y ajouter de petites pierres luisantes de toutes les espèces,
ensuite des coquilles et des sables fossiles. »
Il ne parait pas que cette indication ait été mise a profit
par les verriers de son temps et même de temps beaucoup
plus rapprochés de nous \ car presque aucune des recettes
qui nous ont élé transmises ne fait mention de la chaux qui
se rencontrait *, néanmoins, dans le mélange vitrifiabled'ane
façon accidentelle, et pour ainsi dire inconsciente, apportée
soit par le sable, soit par le fondant alcalin dont on faisait
usage. Alphonse Barbara, dans son Traité de métallurgie^
recommande de mêler a parties de sable transparent ou
de farine de pierres fondues au feu et i partie de soude.
D'autres, selon lui, prennent ^ parties de cendres et
I partie de sable : Perez de Vegos indique les mêmes pro-
portions. Au XVI® siècle, Agricola, dans son Traité De re
metallica, donne comme il suit la manière de faire le verre :
« Pour faire le mélange des matières fusibles pulvé-
risées, on observe de mettre 2 parties contre i de nitre, de
sel fossile ou de sel tiré des plantes \ on y joint un peu
d^aimant. On pense de nos jours, aussi bien qu'ancienne-
ment, qu'il a la propriété d'attirer la liqueur du verre de
la même manière qu'il a celle d'attirer le fer, de le nettoyer
et de le rendre blanc, de vert ou nébuleux qu'il était ; le
feu consume ensuite Taimant. d
Dans les notes ajoutées au Traité de l'art de la verrerie,
publié à Florence par Neri en i6ia,Kunckelditque, « pour
fabriquer le verre, il convient d'employer 200 livres de
DU TEKRB ET DV CRISTAL CHBZ LES ÂSCIElfS. 3^5
silice de la pierre à fusil et i4o à i5o livres de sel... ; on
ajoute de la magnésie, ainsi nommëef dit-il, parce qu'elle
ressemble par son poids et sa couleur à Taimant, qui, en
latin, s^ appelle magnes )>. On sait que Toxyde de manga-
nèse, que les verriers de tous les temps ont employé comme
i substance décolorante, est désigné par les anciens auteurs
tantôt comme de la pierre d'aimant, tantôt sous le nom de
magnésie.
D serait facile de multiplier ces citations. En présence
de ces textes, il m'a semblé qu'il était intéressant de déter-
miner, par l'analyse chimique, la composition d'un certain
nombre de verres antiques^ mais le choix des échantillons
n'est pas facile. J'ai du donner la préférence à ceux qui
n'offrent pas une irisation trop prononcée, cet aspect étant
du à la séparation des éléments terreux qui se sont réunis,
pour ainsi dire, à la surface, par suite de la disparition de
l'élément alcalin sous l'influence des agents atmosphé-
riques ; d'un autre côté, les verres formés avec le sable pur
et les sels fournis par le lessivage des cendres ont du
disparaître depuis bien longtemps : ils appartenaient à la
catégorie des verres solubles que Fuchs a découverts de nos
jours', de sorte que, en réalité, parmi les verres antiques
que j'avais à ma disposition, ce sont peut-être les yerres
< les mieux fabriqués, c'est-à-dire ceux qui contenaient le
plus de chaux, que j'ai soumis à l'analyse.
Voici la composition de ces verres :
Silice 66,7 66,0 67,4 70,9 69,4 69,4
Chaux 5,8 7,2 2,7 7,9 6,4 7,1
Alumine, oxydes de fer
et de manganèse ... • 2,8 3,o 5,7 4r^ ^99 2,8
Soudeet potasse. .... . 24»7 28,8 24*2 16,7 21,3 20,7
100,0 100,0 100,0 100, o 100,0 100,0
Tai constaté dans la plupart de ces verres, dont plusieurs
viennent d'Âutun et dont la fabrication remonte proba-
blement au II* siècle, la présence simultanée de la potasse
2y6 PELIGOT.
et de la soude ; elle témoigne de la nature des cendres de
végétaux marins qui avaient servi de fondant.
On voit que dans tous ces verres la proportion de chaux
est minime ; elle est la moitié ou le tiers de celle qu'on
rencontre aujourd'hui dans les verres de récente fabri-
cation.
Il n'y a pas bien longtemps, d'ailleurs, que le rôle de la
chaux dans la vitrification est . apprécié à sa juste valeur.
Ainsi ce n'est qu'en Tannée 1756 que Pierre Deslandes,
directeur de Saint-Gobain, substituant le salin aux soudes
brutes d'Âlicante, ajoutait de la chaux à la composition
pour remplacer les matières terreuses que le lessivage avait
écartées : le verre à glace que M. Dumas analysait il y a
trente-cinq ans ne contenait que 3,8 pour 100 de chaux ;
relui qu'on fabriquait en Angleterre en i85i n'en renfer-
mait pas beaucoup plus, d'après les analyses de M. Salve-
ta t. J'ai analysé récemment un verre de vitrage tellement
altérable, qu'on a dû le remplacer par un autre ; il ne
contenait que 3,6 pour 100 de chaux.
L'altération profonde que les verres subissaient autrefois
sous l'influence de l'eau et des agents chimiques est établie
par de nombreux témoignages : je me bornerai à invo-
quer oelui de Bernard Palissy qui, dans un livre publié
eu i563, s'exprime ainsi :
(( Et quant à ce que je t'ai dit, qu'aucunes pierres ne se
consomment à l'humidité de l'air, je te dis à présent, non-
seulement les pierres, mais aussi le verre auquel il y a une
grande quantité de sels ; et qu'ainsi ne soit, tu trouveras
es temples de Poitou et de Bretagne un nombre infini de
vitres, qui sont incisées par le dehors, par l'iniure du
temps \ et les vitriers disent que la Lune a ce fait; mais
ils me pardonneront : car c'est l'humidité des pluies qui
a fait dissoudre quelque partie dudit verre (^) ».
(*) Recepte véritable par laquelle tous les hommes de la France pourront
DU VERRE ET DU CRISTAL CHEZ LES ANCIENS. 277
Aujourd'hui que rinfluence de la chaux sur la qualité
du verre est réconnue, tous les verres bien fabriqués en
contiennent 12 à i5 pour 100 de leur poids \ cette pro-
portion, à laquelle on est arrivé lentement et par tâton-
nement, représente à très-peu près équivalents égaux de
chaux et d* alcali ; elle établit entre la verrerie ancienne et
la verrerie contemporaine une ligne de démarcation qu'il
m'a paru utile de mettre en lumière.
Kerre plombeux. Cristal, — A quelle époque remonte
la découverte du cristal composé de silice, d'oxyde de
plomb et de potasse ? Cette question a donné lieu à de
nombreuses controverses : elle a généralement reçu de la
part des archéologues et des chimistes une solution qui,
à mon humble avis, n^est pas fondée.
Il est établi, par des documents irrécusables, que les
anciens introduisaient du plomb dans un certain nombre
de leurs compositions vitreuses. On rencontre ce métal
dans le verre hématin ; il parait certain que les imitations
de pierres précieuses qu'on faisait du temps de Pline et
aussi au moyen âge étaient fabriquées avec des matières
riches en plomb.
Plusieurs chimistes ont, d'ailleurs, constaté la présence
du plomb dans des verres dont la fabrication remonte à
des temps très-anciens : parmi eux je citerai en première
ligne Fougeroux de Bondaroy, membre de TAcadémie
royale des Sciences, qui a publié dans les Mémoires de
cette Compagnie, en 1787, un travail concernant Texamen
d'un verre désigné sous le nom de miroir de f^irgile,
a Entre les raretés et les richesses de différentes espèces
qui font partie du trésor de Saint-Denys, en France, on
conservait une substance transparente, de forme ovale,
apprendre à multiplier et à augmenter leurs thrésors, etc., par maistre Ber-
nard Palissy, ouurier en terre et inuenteur des rustiques figulines du
Roy. (Édition de Cap).
378 PBLIGOT.
longue de i4 pouces dans son plus grand diamètre, de
12 pouces dans son petit, et épaisse d*un bon pouce, à
laquelle on a laissé le nom vulgaire de miroir de f^irgile :
le poids total de ce morceau était d'environ 3o livres ;
sans prétendre fixer à ce verre une antiquité aussi reculée,
on assure quMl est depuis les premiers temps que ce trésor
a été établi dans cette maison
)) Le verre est bomogène, d'un vert mêlé avec du jaune;
il est poli sur les deux surfaces ; mais les bords semblent
n'avoir pas été usés et conservent l'empreinte du moule
qui lui a donné la forme, i pouce cube pèse 1600 grains ;
le pouce cube du verre des volcans pèse 800 grains ».
Pour déterminer quel est le métal qui entre dans la com-
position de ce verre, l'auteur a mélangé cette matière,
préalablement réduite en poudre très-fine, avec du flux
noir; à l'aide d'un feu très-violent, il a obtenu un culot
de plomb malléable, dont la densité était égale à ii,24-
Il estime que ce verre contient environ la moitié de son
poids de terre vitrifiable, c'est-à-dire d'oxyde de plomb.
Il ajoute :
a Je crois qu'il n'y a pas un siècle qu'on a commencé à
se servir de cbaux de plomb pour donner de la pesanteur
aux cristaux, et, certainement, depuis ce temps, ce moyen
est réservé comme secret dans les verreries. Les Anglais
l'ont employé dans l'espèce de verre pesant qu'ils nomment
flint'glass, qui, s'il était de bonne qualité, remplirait les
désirs des astronomes et de tous ceux qui font usage des
lunettes achromatiques; et à Paris, pour les verres appelés
strasSy du nom de leur inventeur. Si ce verre, dit de Vir-
gile^ est ancien, s'il est factice, on connaissait donc, il y a
longtemps, le moyen de faire du verre lourd, en ajoutant
de la cbaux de plomb aux verres de sable. »
Cette opinion serait parfaitement fondée si l'auteur,
connaissant mieux la nature du cristal anglais, avait
recbercbé et constaté dans le miroir de Virgile la présence
DU VERRE ET Dl} CRISTAL CHEZ LES ANCIENS. ^yQ
de la potasse. La même observation s'applique à d'autres
travaux qui, tout en mettant hors de doute l'existence du
plomb dans divers échantillons de verres antiques, n'ont
pas établi que la potasse ou la soude entrait aussi dans leur
composition. Ainsi M. Girardin a examiné un petit vase
à parois fort épaisses, d'une pâte fine et blanche, trouvé
en 1843 aux environs de Rouen, dans un cercueil en pierre
d'origine gallo-romaine^ ce cercueil renfermait d'autres
verres plus grossiers, des médailles à l'effigie de Constantin
le Grand, etc. M. Girardin a trouvé du plomb en propor-
tion notable (qu'il n'a pas déterminée) avec trace de
cuivre. « Maintenant, dit-il, il ne peut rester douteux que
les anciens n'aient connu la fabrication du cristal. » Plus
tard, en 18499 le même chimiste a trouvé également du
plomb dans un fragment de verre blanc, provenant d'un
cercueil d'enfant trouvé dans un vaste cimetière gallo-
romain, que M. l'abbé Cochet avait découvert dans la
propriété de MM. Souday frères, à Canyj un autre frag-
ment blanc, transparent, de forme irrégulière et de la
grosseur d'une aveline, trouvé dans le même cimetière, le
confirme dans l'opinion qu'il avait émise antérieurement
sur la fabrication du cristal chez les Romains (^).
La même observation doit être faite en ce qui concerne
l'examen fait par M. Chevreul, à la demande de M. Fillon,
de divers objets d'archéologie trouvés dans le département
de la Vendée : ce Parmi les diilérentes substances vitreuses
que renfermait le tombeau de saint Médard-des-Prés, il y
avait un échantillon fort différent des verres de bouteilles
par sa transparence et sa propriété incolore. Cet échan-
tillon contenait de l'oxyde de plomb*, il appartenait donc
an verre plombeux appelé cristal et se distinguait par plus
de densité et moins de dureté d'un ustensile de forme cylin-
( * ) Girardin, Mémoires de V Académie des Inscriptions et Belles^Lettres
[Savants étrangers, t. VI 5 1860).
a8o PELIOOT.
drique façonné, dont une portion était creusée en canal :
cet ustensile était du véritable cristal de roche (^) »•
En s'appuyant sur ces témoignages, tous les archéo-
logues admettent que les anciens connaissaient le cristal.
Un passage du Traité d*Eraclius, ayant pour titre : De
coloribus et artibus Bomanorum^ semble venir aussi à
Tappui de la thèse qu^ils soutiennent. (On ne connaît pas
la date précise de cet écrit, mais le moine Théophile, dont
l'ouvrage est du x*ou duxi* siècle, parle d'Eraclius ; ce der-
nier cite Isidore de Séville qui vivait au vu® siècle ; il faut,
par conséquent, placer entre ces deux époques le Traité
d'Eraclius.)
Voici le passage en question, d'après la traduction de
M. Bon temps :
a Du verre fait auec le plomb. — Prenez du plomb
neuf le plus pur^ mettez-le dans un vase de terre neuf et
calcinez-le jusqu'à ce qu'il soit réduit en poudre, et lais-
sez-le refroidir. Prenez ensuite du sable et mélez-le avec
la poudre de plomb, dans la proportion de 2 de plomb
pour I de sable, et mettez le mélange dans un creuset
éprouvé, que vous placerez dans le four et ferez fondre,
comme nous l'avons indiqué précédemment, et vous bras-
serez souvent le verre jusqu'à ce qu^il soit bien fondu.
» Si vous voulez du verre vert, prenez de la limaille de
bronze [limaturam auricalci) et ajoutez-la au plomb dans
la proportion convenable. Si vous voulez en faire des vases,
vous opérerez avec la canne, comme nous l'avons indiqué,
et vous ferez refroidir, avec les précautions prescrites, toutes
les pièces fabriquées dans le four de recuisson, où vous
mettrez le creuset avec ce qui restait de verre vert. »
Ce produit n'est pas du cristal, assurément : c'est un
silicate simple de plomb qui peut d'ailleurs être moulé ou
(* ) Cbevrecl, Mémoires de V Académie des Sciences f t. XXII.
k
DU VERRE ET DU CRISTAL CHEZ LES AMCIENS. sSl
soufflé, en donnant des produits très-lourds, mais très fra-
giles, contenant la moitié ou les deux tiers de leur poids
d'oxyde de plomb; le miroir de Virgile, les imitations de
pierres précieuses faites par les anciens, du temps de Pline,
et par les Juifs, au moyen âge, probablement aussi les
produits vitreux de l'époque gallo-romaine étudiés par plu-
sieurs chimistes, les flacons en verre très-dense conservés
dans divers musées semblent avoir été faits avec cette ma-
tière. On avait cru que dans les verres trouvés dans les
catacombes, verres dont le fond est garni d'une feuille d'or
découpée et gravée que recouvre une lame de verre, celui-ci
était du cristal; mais M. Darcel n'a pas trouvé de plomb
dans la couverte transparente qui protège la feuille d'or.
Ce qui établit bien nettement que le vrai cristal n'est
pas connu depuis bien longtemps, c'est ce passage de
M. Âlliot, extrait de V Encyclopédie méthodique :
« La chaux de plomb se vitrifie seule et sans mélange;
mais le verre qu'elle produit corrode les creusets et passe
au travers de leurs pores... Pour s'opposer à cet effet, on
fond 2 parties de chaux de plomb avec i partie de sable
blanc ou caillou pulvérisé; ce mélange produit un verre
très-fluide, jaune et très-dense, qu'on désigne assez com-
munément par l'expression de verre de plomb, »
Comme ce verre « s'échappe encore quelquefois des creu-
sets, » l'auteur ajoute : « qu'il a éprouvé que le verre de
plomb était mieux contenu dans des creusets qui avaient
servi à fondre du verre ordinaire et qui avaient été bien
exactement vidés que dans des pots neufs. Au reste on a
pris le paiti, pour obvier plus efficacement à ce danger,
de ne pas fondre le sable uniquement avec la chaux de
plomb et d'employer en outre un fondant alcalin. »
C'est probablement aussi de ce même verre, sans po-
(•) Encyclopédie méthodique, t. VIII, p. 5o3; 1791. {Art du ferre.)
28 a PELIGOT.
lasse, que parle Merret, médecin anglais, dans les notes
ajoutées par lui à V^rt de la verrerie, de Néri ; « Le verre
de plomb n^est pas en usage dans nos verreries d'Angle-
terre à cause de sa trop grande fragilité. »
Ce produit, en même temps qu'il était fragile, devait
être très-altérable ; c'est encore de lui qu'il est probable-
ment question dans cette autre Note de Merret : « Quer-
cetanus assure avoir vu un anneau fait de verre de plomb,
qui, trempé pendant une nuit dans du vin, lui donnait
une qualité purgative sans jamais perdre celte propriété. »
[jirt de la verrerie, de Néri, p. i53.)
J'ajouterai que si, conformément aux indications d'Era-
clius, le verre plombeux était fait avec du sable et de
l'oxyde de plomb, il ne pouvait renfermer que ces deux
corps : les formules des anciens, pour le verre ordinaire,
ne mentionnent que deux substances servant à le fabri-
quer, le sable et Talcalî, bien qu'il en contienne toujours
nne troisième, la chaux, celle-ci étant apportée par les
deux premières \ il ne peut en être de même pour le verre
de plomlr, attendu que ni le sable ni Toxyde de plomb ne
peuvent y introduire une substance auxiliaire, la potasse
ou la soude, en notable proportion.
Ainsi, dans mon opinion, aucun texte, aucune analyse
n'établit que le véritable cristal, le/Iint-glass des Anglais,
ait été connu des anciens. Je ne prétends pas, d'ailleurs,
que son existence fût absolument ignorée lorsque les
Anglais ont commencé à développer sa fabrication pour les
objets usuels; on lit, en effet, dans Vjirt de la verrerie, de
Néri, au Chap. LXIII, la recette suivante pour faire le
verre de plomb avec le plomb calciné et la fritte de cristal,
c'est-à-dire avec du verre blanc:
<( Manière défaire le verre de plomb. — Plomb calciné
i5 livres, fritte de cristal 12 livres. Après dix heures, la
matière est fondue. On la jette dans l'eau : on trouve son-
vent au fond du creuset du plomb réduit; on le remet au
BBRTIN. STRUCTURE OPTIQUE DE LÀ GLACE. 283
feu et on le travaille au bout de dix heures. Il convient de
mouiller le marbre et de n'en prendre que peu a la fois. »
Mais cette indication est donnée au milieu d'une multi-
tude de recettes et de procédés qui n*ont pas la moindre
valeur; l'auteur ne lui attache aucune importance. Ce
verre serait, d'ailleurs, plutôt du strass que du cristal;
car il contiendrait au moins 60 pour 100 d'oxyde de
plomb.
Il résulte de cette discussion que, bien qu'on trouve
dans les temps passés des indications sur les verres plom-
beux, c'est bien aux Anglais qu'on doit attribuer l'hon-
neur d'avoir créé dans leur flint-glass, qui est pour nous
le cristal ordinaire, un produit nouveau qui, par les pro-
grès apportés à la qualité et au choix des matières pre-
mières servant à les fabriquer, est devenu sans conteste,
entre les mains des verriers modernes, la plus belle matière
vitreuse qu'il soit possible de produire. »
«\\\'%%\%%\\V\%%%VV\%V-l\\'%V%%V
SUR U STRUCTURE OPTIQUE DE LA GUCE ;
Par m. BERTIN.
La glace est une des premières substances dans lesquelles
on ait observé les anneaux de la lumière polarisée. Elle
figure en effet sur la première liste des corps tant cristal-
lisés qu'amorphes, chez lesquels sir David Brewsler décou-
vrit ce curieux phénomène. Le Mémoire de ce grand phy-
sicien est daté du 28 décembre 18 13. On le trouvera dans
les Transactions philosophiques de i8i4>P«i8jà2i8;
il est accompagné de figures représentant les nouveaux
anneaux, mais on remarquera qu'ils sont notablement
différents de ceux que nous connaissons. Les premiers
anneaux traversés par une croix noire ont été observés
284 BERTI^.
presque simultanément et d^une manière indépendante dans
le spath d'Islande par WoUaston (juillet 1814)9 Biot (3 dé-
cembre i8i5) et Seebeck (i8i5) [Transactions philosO"
phiques de 1818, p. 2i3, note). Le D** Brewster les a
figurés dans son Mémoire du i^^juin 1817, inséré dans les
Transactions philosophiques de 1818, Mémoire où la glace
est classée parmi les cristaux positifs. Les journaux alle-
mands, qui passent pour si bien informés, ne contiennent
aucune trace de la découverte de Brewster \ mais elle a été
signalée dans une publication française, le Journal de
Physique de Ducrotay de Blainville, en octobre 1817
(t. LXXXV, p. 398). Je copie textuellement :
Sur la structure optique de la glace.
1 Nous apprenons que le D** Brewster a trouvé que des masses
de glace, même assez grandes, de 2 à 3 pouces d'épaisseur,
formées sur la surface d'une eau tranquille, étaient aussi parfai-
tement cristallisées que du cristal de roche ou du spath calcaire,
tous les axes des cristaux élémentaires^ correspondant à ceux
d*un prisme hexaèdre, étant exactement parallèles les uns aux
autres et perpendiculaires à l'horizon. Ce résultat inattendu a été
obtenu en transmettant la lumière polarisée à travers un morceau
de glace dans une direction perpendiculaire à sa surface. Une
série de bandes concentriques supérieurement colorées, avec une
croix rectangulaire obscure passant par le centre, se dévelop-
pèrent et furent d'une nature opposée à celle que le D' Brevrster
a découverte, il y a quelques années, dans le béryl, le rubis
et d'autres minéraux ». [Journal de V Institution royale^ octo-
bre 1817 ) .
Brewster a rappelé tous ces faits en 1834) dans un
article du Philosophical Magazine traduit dans les Anna-'
les de Poggendorff sous le titre de Forme cristalline de
la glace. Comment se fait-il que cette découverte soit restée
ignorée si longtemps, au point que M. Kobbell,dans son
Histoire de la Minéralogie, parue en 1864, Tattribuait
STRI3CTURE OPTIQUE DE LÀ GLACE. 285
encore à Manc, qui l'a publiée dans le Journal de
SchweiggeVy en 1828. Il n'est pas étonnant que d^autres
aient pu Toublier.
Quoi qu^il en soit, la lumière polarisée nous offre des res-
sources précieuses pour étudier la constitution de la glace. Il
suflStd'en observer une lamed^épaisseur moyenne, i centi-
mètre par exemple, souslemicroscopepolarisant. Si Ton voit
des anneaux, c'est que la lame est perpendiculaire à Taxe : si
l'on ne voit pas d'anneaux, il faut éclairer le microscope à
la lumière de la lampe monochromalique, que nous devons
également au D^ Brewster \ nous apercevrons alors soit les
franges régulières des cristaux obliques ou parallèles,
soit les franges irrégulières des cristaux maclés. Dans le
premier cas, une taille convenable nous ramènera à la
direction perpendiculaire à l'axe ; dans le second cas, on
observera la lame amincie dans l'appareil de Norremberg,
à lumière parallèle \ elle apparaîtra comme une mosaïque
colorée indiquant une cristallisation confuse.
J'ai étudié par cette méthode la structure de la glace
dans des conditions variées (*)•
Dans les stalactites de glace qui pendent en hiver aux
déversoirs des pompes, la cristallisation est confuse. Elle
Test également dans le givre qui se dépose contre les vitres
de nos appartements et qui, d'abord opaque, devient trans-
parent par le dégel.
Quand l'eau gèle dans un vase en verre exposé à l'air
froid, la glace se forme d'abord contre les parois, en aiguilles
ou en lames, qui tantôt pénètrent obliquement dans le
liquide, tantôt s'étendent à la surface de l'eau. La première
couche de glace qui se forme ainsi à la surface est sans con-
sistance, et sa cristallisation est confuse: on s'en doute d'ail-
leurs quand on observe attentivement les canaux et les
bassins qui commencent à se prendre. Mais, dès que cette
(') Mémoires de la Société des Sciences de Strasbourg^ t. VI; 186 ).
286 BERTIH.
couche est devenue solide, dès que son épaisseur a atteint
quelques millimètres, elle donne de beaux anneaux, ce qui
indique que le glaçon est un cristal unique dont Taxe est
perpendiculaire à la surface de Teau, comme Va, observé le
D' Brewsier.
On peut empêcher la formation de la glace contre les
parois en les garantissant contre le refroidissement, par
exemple eu mettant le vase dans un vase plus grand et
remplissant l'intervalle avec du sable. La glace se forme
alors uniquement à la surface de l'eau et son axe est verti-
cal. Il est doDC perpendiculaire à la surface de refroidisse-
ment; mais en sera-t-il toujours ainsi? Pour le savoir, j'ai
fait geler Teau dans deux cuves rectangulaires en bois dont
Tune des parois latérales était remplacée par une vitre.
Dans Tune des cuves la vitre était verticale; dans la
seconde, elle était inclinée de 4^ degrés, c'est-à-dire que la
normale extérieure à cette face était inclinée de 4S d^rés
au-dessus deThorizon. Les vases étant remplis d'eau et fer-
més par des couvercles en bois furent placés sur une fenêtre
au nord, par une journée très-froide, les deux faces vitrées
exposées au rayonnement de l'espace. L'eau intérieure ne
tarda pas à geler contre les vitres, et au bout de quelques
heures je pus détacher du verre des lames de glace assez
épaisses, parfaitement régulières dans la partie centrale
et donnant de très-beaux anneaux. La glace avait donc son
axe horizontal dans le premier vase, tandis que dans le
second il faisait un angle de 4^ degrés avec l'horizon. Dans
aucun des deux il n'était vertical, mais il était dans tous
deux normal à la vitre, c'est-à-dire normal à la surface de
refroidissement.
U n'est pas besoin du reste d'appareils spéciaux pour
constater ce fait. Qu'on fasse geler l'eau dans une terrine,
par une belle nuit d'hiver; le plus souvent on trouvera la
terrine recouverte d'une couche de glace, au fond, sur les
parois et à la surface de l'eau. La glace du fond est, comme
STRtJCTURE OPTIQUE DE LÀ GLACE. 287
celle de la surface, à axe vertical \ mais la glace des parois
aura sou axe perpendiculaire aux parois.
Ainsi voilà la loi générale : Vaxe de la glace est per-
pendiculaire à la surface de refroidissement.
J'ai cherché si cette loi était encore vraie pour la glace
artificielle. Celle-ci se forme dans des moules prismatiques
rectangulaires placés debout dans une solution de chlorure
de potassium refroidie à plusieurs degrés au-dessous de
zéro. Quand la température du liquide est comprise entre
zéro et — 1^9 5, la glace est transparente : à des tempéra-
tures plus basses, qui sont celles de la marche indus-
trielle, la glace devient opaque, par suite de l'empri-
sonnement des bulles d'air que l'eau abandonne en se
solidifiant. Mais on peut l'avoir transparente par des pro-
cédés particuliers qui ont le plus souvent pour effet de
troubler la crists^llisation. J'ai essayé la glace de M* Tellier
et tout récemment celle de M. Pictet. Ces glaces, quoique
très-belles, présentent une cristallisation confuse; mais on
n'en peut tirer aucune conséquence contre la loi, parce que
nous avons affaire à une cristallisation qui est à la fois
brusque et troublée.
C'est un phénomène analogue à celui que j'ai observé
dans la glace glaciaire ('). Au sommet des glaciers on
trouve d'abord le Tîép'é^qui n'est que de la neige agglutinée,
puis au-dessous la glace de néwé; l'un et l'autre sont
formés de cristaux maclés sans aucune orientation. Vient
ensuite la glace glaciaire qui, d'abord hétérogène, se trans-
forme petit à petit par des fontes et des regels successifs en
une glace orientée semblable à la glace d'eau. Si le glacier
est jeune, s'il n'a qu'un faible parcours, l'orientation est
à peine sensible*, mais, si la glace est vieille, si le glacier a
un très-long parcours, la masse d'eau congelée dans son
(*) Comptes rendus des séances de V Académie des Sciences , t. LXIII,
p. 346, 1866.
a88 BERTIN. STRUGTORE OPTIQUE DE LÀ GLACE.
intérieur devient prépondërante et Torientation verticale
des cristaux presque parfaite. Ces observations ont été con-
firmées depuis par celles que M VI. Charles Grad el Dupré
ont faites sur des glaciers différents de ceux que j'avais
visités (*).
Il est remarquable que la différence de structure de la
glace naturelle et de la glace artificielle se manifeste non-
seul emen t dans les phénomènes de pol arisation , mais encore
dans la belle expérience de M. Tyndall, connue sous le nom
Ae fleurs de la glace. Cette expérience se fait, comme on sait,
en faisant passer un faisceau lumineux très-intense à tra-
vers une lame de glace ordinaire dont on projette Tirnage
sur un écran à Taide d'une lentille. On voit apparaître sur
le tableau des figures à six rayons, semblables à des Qeurs,
qui indiquent la fusion des cristaux de la glace par la cha-
leur du faisceau lumineux qui la traverse. Avec la lampe
oxjhydrique, la glace naturelle perpendiculaire à Taxe m'a
donné ces fleurs très-facilement ^ la même glace taillée
parallèlement à Taxe n'a donné que des traces semblables
à celles des fleurs vues par leur tranche. La glace artifi-
cielle de M. Pictet a montré quelques plages dans lesquelles
apparaissaient des fleurs de petites dimensions, tandis que
le reste du champ n'en produisait pas. Me défiant de mou
habileté, j'ai eu recours à M. Duboscq, qui est très-habitué
à ce genre d'expériences; nous avons obtenu les mêmes
résultats.
(*) Bulletin de la Société des Sciences naturelles de Strasbourg; 1869.
«%%«%«*%««%%«%«««»% \\««\««««v«
J. BOUSSINGAULT^ -— FOVCTIOHS PHYSIQUES, ETC. S189
tStmt SUR LES FANGTiONS PHYSIQUES DES FEUILLES :
TRANSPIRATION, ABSORPTION DE LA VAPEUR AQUEUSE,
DE l^AU, DES nATIÈRES SALINES;
Pae m. Joseph BOUSSINGAULT.
I. L'eau puisée dans le sol par les plantes, quand elle ne
se fixe pas dans l'organisme, est déversée dans Fatmosphère,
par suite de l'évaporation accomplie à leur surface, et d'au*
tant plus rapidement que la température est plus élevée,
l'air plus sec, plus agité. Aussi la transpiration des parties
vertes des végétaux est-elle, sinon interrompue, du moins
grandement atténuée durant la nuit, pendant la pluie ou
le brouillard ; Haies a cherché à l'évaluer dans ses mémo-
rables expériences sur la quantité de liqueur que les arbres
tirent et transpirent.
Une plante venue dans un pot, et dont on connaissait la
suHace des feuilles, était pesée matin et soir. Le sol étant
maintenu humide, dans une série d'observations exé-
cutées en juillet sur un grand Soleil, Haies trouva que la
plante perdait par la transpiration, en douze heures de jour :
En moyenne 56^ , 6 d'eau
Au maximum 8do,5
La surfaoe des feuilles étant de i^^^€a^ il en résulte
qu'en douze heures de jour l'eau sortie de i mètre carré
pesait:
En moyenne ...... 156^8
Par décimètre carré et par heure o, i3
Au maximum o, 196
Haies ne dit pas s'il entendait par surface les deux côtés
du limbe. Comme il est évident que la ti-anspiration a
Jnn. dû Chim, et de Phys,, 5« série, t. XIU. (Mars 1878.) I9
2QO J. BOUSSIHGAULT.
lieu par les deux faces, dans le cours de mes recherches,
on a pris pour la superficie de la feuille la somme des deux
surfaces.
Yoici, diaprés Haies, pour quelques plantes, la quantité
d'eau transpirée en une heure pendant le jour par i déci-
mètre carré de feuilles :
Choux : moyenne o, a55
maximum 0,336
Feigne : moyenne o, 1 1
Pommier : moyenne 0,2a
maximum o, 25
Citronnier: moyenne . . 0.09
maximum 0,12
Les expériences faites sur la menthe, le poirier nain, le
houblon ne sont pas discutables au point de vue qui nous
occupe, parce que Haies n'a pas indiqué la surface des
feuilles ; il s'est borné à constater que la menthe n'a pas
transpiré la nuit, que les feuilles du poirier ont perdu plus
d^eau par la transpiration qu'il n'en est entré dans l'ar-
buste par les racines ; que les plants de houblon ont tran-
spiré davantage sur les bords que dans Tintérieur de la
houblonnière
Dans les expériences que j'ai exécutées, j'ai tenu d'abord
à procéder exactement comme Haies. Toutefois, on n'a pas
seulement mesuré la transpiration d'une plante pendant
douze heures de jour, par la raison que l'état de l'atmo*
sphère varie pendant cet intervalle. On a déterminé l'eau
dissipée par l'évaporation, les feuilles étant exposées au
soleil, à l'ombre et pendant la nuit. Pour chaque observa-
tion, on a noté la température de l'air^ son état hygromé*
trique indiqué par le psychromètre.
Le sujet de la première observation fut un topinambour
[Helianthus tuberosus) développé dans un pot vernissé i
i PHYSIQUES DKS FEUILLES. 3QI
Vexténenr, Comme dans respérience fondameatale de
Haies, tontes les dispositions avaient été prises pour que
l'humidité ne se dégageât pas directement de la terre T^é-
tale ; un couvercle en caoutchouc était ajusté à la base de
la tige et suri es pourtours du vase. Deux tubes de verre a, a',
d'une assez grande section, traversaient le couvercle pour
introduire l'eau d'arrosage et laisser pénétrer l'air {_fig. i).
Fig. i.
Tout le système pesait 6 kilogrammes. La balance chargée
de et t>ôid& était setisible à o^*^)!. Les expériences ter-
minées, on â pris la surface des parties certes :
Surface d'un côté des feuilles 3762*^
Stirface double, les deux côtés du limbe. . . . 75a4
Surface des pétioles 85,5
Surface de la tige 1 1 1 ,6
Surface totale 77^^ > i (*)•
Première observation^ 29 août 1866.
h m
La plante exposée au soleil de. . . 8.20 du matin,
à 4 • 3o de l'après-midi.
Temps écoulé 8.10
f r
Eau évaporée indiquée par la balance 102,0
Par heure . . i a , 49
Par heure et par décimètre carré o, 16
o
A midi, température à Fombre M»5
Psychromètre ^^ ( * )
Ciel nuageux.
UHelianthus tuberosus est resté exposé en plein soleil,
par un vent d'est assez fort^ aussi les feuilles sont-elles de-
venues légèrement flasques, comme il arriva du reste pour
les plants d'un champ de topinambour. On voit que dans
la grande culture, comme pour le sujet de l'observation,
(*) On a mesuré la surface des feuilles de deux manières : i<* en dé-
coupant un morceau de papier ayant la même superficie que la feuille, le
pesant après avoir pris le poids d'un décimètre carré du même papier;
3<* en collant sur un marbre toutes les feuilles de la plante ajustées et dis-
posées en un parallélogranmiey ce qui convient iurtout quand les fenUlat
sont nombreuses ou quand elles sont de ^ndes dimensions.
(') Le degré psychrométrique indiquant Tétat hygrométrique oq Ilia-
midité relative, déduite de la différence observée entre le thermomètre
sec et le thermomètre mouillé.
FONCTIONS P9YSIQVEa P99 FEUILLES. 2^5
Févaporation à la surface des feuilles devait avoir été plus
rapide que Tasceasion de Teau introduite par les racines.
A 4^30"^ du soir, à l'ombre, toutes les feuilles étaient re-
dressées*
Deuxième observation, 2g et 3o août i866.
he ap, YHelianthus tuberosus fut pesé à 4^30*^ dtt Wtt
et placé dans une situation où il ne pouvait pas recevoir
le soleil. Le matin du jour suivant, le 3o août, on le pesa
à io^3o™; il avait perdu :
Eau a3*^,o
•
Au lever du soleil, température. i8
Etat hygrométrique 71
Tant à Tombre qu^à l'obscurité, la plante, en dix-buit
heures, avait perdu 23 grammes d'eau ;
gr
P>r heure ï , »8
Par heure et par décimètre carré o,o32
Troisième observation^ 5 septembre i866.
La plante fut exposée au soleil à 9*35 matin
» retirée à 5.35 soir
il I ■ ■
Temps écoulé 8.00
FoLU. perdue ^ SoiS^o
Par tieure 44 > 3^
Par heure et par décimètre carré i> i^i
•
Température à l'ombre f^J%Q
Psychromètre 32, o
Vent d'est assez fort.
On voit combien une température élevée, le vent, la
sécheresse influent sur la transpiration.
^94 '• boussiugàxjlt.
Quatrième observation^ 5 et 6 septembre,
La plante fut mise à l'ombre dans un lieu où elle ne
pouvait pas recevoir les rayons du soleil levant.
b m
Exposée le 5 septembre à 5 .45 soir.
Pesée le 6 septembre à 6.45 matin.
Temps écoulé 1 3 . oo
Eau évaporée 48 , o
Par heure 3 ,64
Par heure et par décimètre carré 0,091
A 8 heures du matin, le 6 septembre :
o
Température 20,9
Psychromètre 60,0
Cinquième observation^ 6 et '] septembre.
h m
Exposition du 6 septembre à 6.45 matin.
)) au 7 septembre à 8. i5
Temps écoulé 25 . 3o
i5 heures de jour au soleil : io^3o™denuit.
Eau évaporée aa8,o
Par heure 8,94
Par heure et par décimètre carré 0,116
6 septembre, 8 heures du matin.
Température aS/o
Psychromètre 5o>o
FOnCTlOfTS PHTSIQUB8 DES FEUILLES. 2g5
Sixième observation^ 6 septembre.
8^ 1 5"* du matin jusqu'au i o septembre, 8^ 1 5" du matin :
Il m
Heures du jour 36. o
Heures de nuit 36. o
Temps écoulé 96-0
Eau évaporée 777 >oo
Par heure 8,09
Par décimètre carré en une heure O9I1
7 septembre, 9 heures du matin :
o
Température 20, 5
Psychromètre 60,0
9 septembre, à 5 heures du soir :
o
Température 22,6
Psychromètre 63 , 5
Septième observation^ 10 septembre,
La plante est restée dans l'obscurité du 10 septembre, à
8^3o™ du matin, au 12 septembre, à 8^3o"* du matin :
h
Temps écoulé 4^.00
Eau évaporée 8a ,00
Par heure i ,71
Par heure et par décimètre carré o,o43
1 2 septembre, à 5 heures du matin :
o
Température 23 , 2
Psychromètre 74»o
296 J. BOUSSUTGAULT.
Huitième observationy 12 septembre.
La plante dans Tobscurité du 12 septembre, 8**3o" du
matin, au i4 septembre, 8^3o" du matin :
h
Temps écoulé 48yOo
Eau évaporée 48» 00.
Par heure i , 00
Par décimètre carré et par heure o,oa5
i4 septembre, à 8^3o™ du matin :
Température i4>Ô
Psychromètre 95,S
Neuvième observation^ i4 septembre.
h m
La plante exposée au soleil à 8 . 3o du matin.
Retirée à J^.oo du soir.
Temps écoulé 7 . 3o
Eau évaporée 2o5 , o5
Par heure 27» 33
Par décimètre carré et par heure 0,69
o
A midi, température de l'air 24» 00
Psychromètre 3oyOo
Temps calme.
Dixième observation ^ il^et i5 septembre,
La plante exposée à l'abri du soleil du i4 septembre,
5 heures du soir, jusqu'au 1 5 septembre, 7 heures du matin :
h m
Soit à Tombre pendant a. 56
Pendant la nuit 11 ..^4
Temps écoulé i4 «oo
Elau évaporée 27,06
Par heure i ,96
Par décimètre carré et par heure o,o5
FOIfCTIOlia PHYSIQUES DES FEUILLES. 397
Le i5 septembre, à 7 heures du matin :
Température i4»^3
Psychromètre 70, 00
Onzième observation, i5 septembre,
La plante au soleil dans un champ :
Exposée à , 7. 20 du matin.
Pesée à 5 . 00 soir.
Temps écoulé 9-4o
Eau évaporée aoo^S
Par heure ^o^pS
Par heure et par décimètre carré o^SaS
A 4 heures du soir :
Température 22,6
Psychromètre 3 1 , 5
Les feuilles sont devenues pendantes vers 2 heures de
l'après-midi. Les feuilles de topinambours et de bette-
raves de la grande culture se trouvaient dans le même
Aat; elles étaient flétries dès 10 heures du matin. Dans
les plantes des champs, comme dans la plante en expé-
rience, l'eau du sol n'arrivait donc pas assez vite pour
remplacer Teau évaporée à la surface des parties vertes.
Vers le soir les feuilles commençaient à se redresser.
Douzième observation ^ iS et 16 septembre,
La plante est restée à l'ombre et à l'obscurité depub
le i5, à 5 heures du soir, jusqu'au 16 septembre, à 7^80"^
du matin :
h ai
Temps écoulé , 14. 3o
Eau évaporée 44> 7
Par heure » . . . . 3 ,908
Par décimètre carré et par heure 0,078
apS J. BOUSSIRGAULT.
i6 septembre, à 7 heures du matin :
Température i4>2
Psychromètre 89,0
Treizième observation ^ 16 septembre.
La plante à l'ombre :
Exposée à 7 . 3o du matin.
Retiré à 5 . 3o du soir.
Temps écoulé i o . 00
Eau évaporée 65 , o
Par heure 6^5
Par heure et par décimètre carré 0,084
A I heure du soir :
o
Température 20,0
Psychromètre 36, 5
Quatorzième observation, 19 septembre,
La plante au soleil fut exposée pendant une demi-heure
à un vent très-fort, occasionné par le jeu d'un tarare em-
ployé au nettoyage du blé :
Eau évaporée 36, 00
Par heure 72 ,00
Par décimètre carré en une heure o , 96
Ayant fait cesser la ventilation, l'air étant calme, la
plante est restée au soleil \ on l'a pesée une heure après :
rr
Eau évaporée 29 » 00
Par décimètre carré en une heure 0,74
Le thermomètre à l'ombre marquait 22 degrés.
Si la ventilation eût été plus forte, la plante n'aurait
pas résisté. Je me propose, dans un travail spécial, d'exa-
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. 299
miner l'effet d'un vent intense et prolongé sur la végétation.
Les résultats fournis par le topinambour dans la pre-
mière quinzaine de septembre de l'année 1866 se résument
ainsi :
État
Température hygrométrique Eau transpirée par les
La plante exposée : à de l'air feuilles par heure et par
> « Tombre. indiqué par le décimètre carré.
psychromètre.
o o gr '
Au soleil (1) ^4,5 62,0 o, 16 ciel très-naageux.
Au soleil (3). .... . 27,6 82,0 1,12 ciel découvert.
Au soleil (9) 24,0 20,0 0,69
Au soleil (il; 22,6 0,53
Au soleil (i4] 22,0 0,74
Au soleilet obscurité (5).. 22,8 5o,o 0,116
Ausoleiletobscurité(6). . 21, 5 61,7 0,110
A l'ombre (2) 18,0 71,0 o,o32
Arombre[i3) 20,8 36,5 0,084
Ombre et obscurité (4).. 20,9 60,0 0,091
Ombre et obscurité (10) . i4f2 76,0 o,o5
Nuit (7). 23,2 74,0 0,043
Nuit (12) 149^ 59,0 0,028
Nuit (8) i4,6 96,0 0,025
L'élévation de la température, la sécheresse, le vent ont
favorisé la transpiration, tandis qu'une atmosphère re-
froidie, calme, humide l'a fortement atténuée.
Ainsi, par heure et par mètre carré de parties vertes, le
plant de topinambour a perdu en moyenne :
Au soleil 65 grammes d'eau
A l'ombre 8 »
Pendant la nuit. 3 »
Haies, ayant plongé dans l'eau la racine d'un pommier
, nain, trouva qu'en dix heures de jour l'arbre avait absorbé
6^,So4 de liquide, tandis que par les feuilles il en avait
perdu y!^^y o3 1 . L'absorption par les racines avait doue été
300 J. BOU68IKGAUI.T«
.moindre que Févaporation par lès parties vertea. Des
branches de pommier, de poirier, de cerisier^ d'abricotier
portant toutes leurs feuilles et ayant leur extrémité plon-
gée dans Peau, en aspirèrent en douze heures de jour 4^
à 848 grammes, et néanmoins elles étaient plus légères le
soir que le matin, tandis que des branches semblables ef-
feuillées n'en aspiraient plus que 28 grammes et pesaient
plus le soir que dans la matinée. La quantité de liquide
aspirée par les branches feuillues diminuait d'ailleurs rapi-
dement, à ce point que les feuilles se flétrissaient en quatre
ou cinq jours, effet que Haies attribuait à un resserremeiU
des vaisseaux séveux opéré à la section transversale d«ft
branches.
De ces faits, il semble déjà résulter que Taspiratioii àe
Teau dans l'organisme végétal est déterminée par la trans*
piration, par Tévaporation accomplie à la surface de»
feuilles. Il en résulte aussi qu'une branche isolée ne parait
plus posséder la même force d'aspiration que quand elle
fait partie de l'arbre, puisque, bien que son extrémité
plonge dans un réservoir, l'eau qu'elle en tire ne suffit plas
pour remplacer celle qui est éliminée par l'évaporation.
Existe-t-il donc une force qui s'ajonte à la transpiration
des parties vertes pour faire monter l'eau du sol dans la
plante? Cette force réside-t-elle dans les racines? C^esC ee
que Haies pensait avoir prouvé dans une expérience capi-
tale faite le i3 août ly^d. « Ayant creusé le sol au pied
d'un poirier, il choisit une racine d'un demi-pouce de dia-
mètre, dont il coupa l'extrémité. Le chicot fut introduit et
fixé dans un tube de verre de i pouce de diamètre et de
8 pouces de longueur qu'il remplit d'eau et auquel il
ajouta encore un autre tube ayant 18 pouces de longueur et
j de pouce de diamètre, dont l'extrémité plongeait dans un
vase contenant du mercure. » Le chicot de racine aspira
Feau qu'il touchait avec une telle vigueur qu'en six mi-
nutes le mercure s'éleva à la hauteur de 8 pouces. La force
FOlfCTlOnS PHYSIQUES DES FEUILLES. 3oi
de succion, tout au commencemeat de Tobservation, équi-
valait à une colonne d'eau de 2™™, 76. Cette succion était*
elle opérée par la racine ou plutôt par la tige souterraine
de la racine? Les expériences de Haies prouvent, en effet,
que cette force n'est pas particulière aux racines, puisque
les branches garnies de feuilles l'exercent aussi. Le mer-
Ctit^ de la jauge dans laquelle plongeait la section d'une
branche de pommier, d'un rejeton de vigne, s'éleva de
plusieurs pouces. L'ascension du mercure s'arrêtait dès
que la branche était dépouillée de ses feuilles. Dans ce cas^
l'ascension de l'eau serait donc déterminée uniquement par
la transpiration des feuilles. Toutefois, la force ascendante
diminue rapidement, les feuilles se dessèchent, ce qui n'ar-
rive pas pour une plante pourvue de racines en contact
avec un sol humide.
En prenant pour point de départ les expériences du phy-
siologiste anglais, on a cru devoir mesurer cette transpira-*
tion, c'est-à-dire déterminer la quantité d'eau que les
feuilles laissent échapper à l'état de vapeur, soit au soleil,
soit & l'ombre, quand la plante est pourvue ou privée de
racines.
Première observation (21-22 mai 1867), Pohnia
Une branche coupée à midi 27^ a été plongée par sa
base dans un vase jaugé contenant de l'eau et exposée au
soleil. La surface simple des feuilles était de o'^^, 201 (^),
soit, pour les deux côtés du limbe, 0^*^,402 :
Eau Poids
de la jauge, de la branche,
m ce gr
Branche mise k-. . . midi 3o 4^ 65 «6
Retirée à 5** .00 4* 6i ,3
Temps écoulé. . 4**«3o — 5 — 4,3
( * ) L'orifice de la jauge était fermé par un tampon de coton pour em-
pêcher révapoKftli^ii de la surlkct de l'eatt.
3oa J* BOUSSINGAULT.
ffr
La branche avait aspiré dans la j auge : eau. • 5,0
Elle en avaitperdu 4>3
Eau disparue 9,3 en4** 3o"
Par décimètre carré en une heure o8'^,o5i
On remarquera que près de la moitié de l'eau évaporée
avait été fournie par les feuilles, l'aspiration ayant été bien
loin de suffire à Tévaporation.
Deuxième observation»
La branche a été replacée dans la jauge, exposée à
l'ombre \ on Ta retirée le jour suivant à 9 heures du matin.
Eau Poids
de la jauge, de la branche.
n ^ ce fr
Le ^i mai. ... 5 soir ^i 61 ,3
Le 22 mai.... 9 matin 37 61,0
Temps écoulé. 16 — 4 — o,3
Eau évaporée en vingt et une heures 4>3
Par décimètre carré en une heure o^^ , oo5
La transpiration a été très-faible à Tombre et pendant
la nuit. L'eau évaporée représente à très-peu près celle que
la plante avait soutirée à la jauge. L'aspiration avait été
suffisante, parce que la transpiration fut, pour ainsi dire,
nulle.
Troisième observation ( 3 Juillet). — Menthe avec racines.
La surface totale des feuilles, au nombre de treize, était
de a décimètres carrés y compris celle des tiges:
*» " ce
Exposée au soleil à. 8.45 Eau dans la jauge. aia,o
Retirée à i . 5 „ ao5,a
Temps écoulé 4.^10 Eau évaporée. . yTï
/ .
FONCTIONS. PHYSIQUES DES FEUILLES. 3o3
Par décimètre carré, en une heure o^'^,8!24
A 9** du matin, tempér . aa** , o Psychromètre. 38° , o
A5*>3o"^ » 24^,0 » 28*», 5
La plante a été placée à Tombre.
h m ce
Mise après midi à. 1 . 5 Eau dans la jauge. 2o5 , 2
Retirée à 4 • 3o » 202 , 8
Temps écoulé. ... 3 • 25 Eau évaporée 2,4
Par décimètre carré en une heure 08*^,360
A 4^3o"^.
Température ^3*^, 4
Psychromètre 33°, o
Quatrième observation [^juillet), — Menthe sans racines.
Un plant portant quinze feuilles d'une surface totale
de 2^°^^ 9 2 a été plongé dans la jauge aussitôt qu'on eut
séparé les racines.
L'exposition eut lieu au soleil :
h m ce
Misa 8. o Eau dans la jauge. 17994
Retirée i.io » i77>5
Temps écoulé. ... 5 . 10 Eau évaporée 1,9
Par décimètre carré en une heure oS'^, 16
A 9 heures du matin :
Température 22°, o
Psychromètre 39°, o
L'appareil étant à l'ombre :
h m ce
Exposé à i.io Eau dans la jauge. i77>5
Retiré à 4-35 » 176,3
Temps écoulé ... . 3.25 Eau évaporée. .. . 1,2
Par décimètre carré en une heure o^', 1^9
3o4 '• BOU88IHGAULT.
La menthe avec racines, soit ao soleil, soit h Fombre,
a perdu plas d'eau que la menthe sans racines.
Cinquième observation ( 7 Juillet), — Jpoine,
On a opéré sur une graminée.
On a enlevé d'un champ une toufie d'avoine que l'oii a
plantée dans du sable humide contenu dans un vase en
verre. Un couvercle en caoutchouc était ajusté de manière
que Tévaporation ne pût avoir lieu que par les parties
vertes.
Le vase fut enfoncé dans le sol pour le protéger contre
l'ardeur du soleil; c^est par la balance qu'on a déterminé
l'eau transpirée : '
oq
La surface des feuilles était i45!i,o
Surface des tiges aSi , o
Superficie des parties vertes 1708 ,0
h m gr
Exposée au soleil à . 9*27 Poids de la jauge . 8 1 5 , o
Retirée à i • 4o » 80 1 , 5
Temps écoulé ..... 4 • 1 3 Eau évaporée. ... 1 3 > 5
Par décimètre carré en une heure o^^, 189
 10 heures du matin :
Température a5*',9
Psychromètre 5i°,o
Avoine :
Les plants ayant une surface de 17 décimètres carrés»
placés dans du sable humide, ont été exposés pendant la
nuit :
h m gr
Le soir à 10. 3o Poids de la jauge. 797>o
Retiré le 8 juillet à 3.55 mat. » 793yO
Temps écoulé. .... 5 . a5 Eau évaporée . . 4,0
Par heure et par décimètre carré o^,o44
FOHCTIOIfS PHYSIQUES DBS FEUILLES. 3o5
Sixième observation (7 aoât 1867). — Maïs avec racines.
cq
La surface des feuilles a été trouvée de 5a38
Surface de la tige oaaa
Surface totale des parties vertes du plant 546o
I. Exposition au soleil :
h m ^ gr
A 10.40 Poids de la jauge. 2023,0
Retiré à 3.3o » 1960,0
Temps écoulé. . . 4 • ^o Eau évaporée .... 62,5
Par décimètre carré et en une heure o*"", a36
Ail heures du matin :
o
Température ^7^7
Psychromèlre 61, 5
II. Le même appareil placé à l'ombre :
b m gr
Mis, aprèsmidi,à. 3.3o Poids de la jauge. 1960,5
Betiré à 6.25 » 1949^0
Temps écoulé. ... 2.55 Eau évaporée. ... 11,0
Par décimètre carré et en une heure ©^'^,069
A 7 heures du soir :
Température 18°, 4
Psychromètre 60°, 5
Septième observation [10 août) : Oignon,
I. Exposition au soleil :
Surface totale des parties vertes 6^^yoZQ
h « , gr
Exposé à 9 . 40 matin Poids de la jauge. . 257 , 7
Retiré à 3.5 » a47 , 7
Temps écoulé . 5 . 25 Eau évaporée. ... 10,0
Ânn.eU Cliim. etde Pkjrs,, S^ série, t. Xm. (Mars 1878.) 20#
3o6 j. boussiugault.
Par décimètre carré en une heure 08*^,475
Température. . . ai ,5
Psychromètre 7^ t o
n. L'appareil placé à l'ombre :
h m ^ ^ g r
Exposé à 3.5 Poids de la jauge . 247,7
Retiré à 7-4û m M7»3
Temps écoulé. 3.45 Eau évaporée. . . o,S
Par décimètre carré en une heure o^,o34
III. Un plant auquel on avait enlevé la bulbe a été
introduit dans la jauge. La surface totale des feuilles
était o°',0266
Exposition au soleil :
h m ^ ^ ff
Exposé à 9-4^ Poids de la jauge. 196,0
Retiré à 3.4o » ^93,^
Temps écoulé. 6.00 Eau évaporée. . . a, 8
Par décimètre carré en une heure o*', 18
A 10 heures, température ai^,6
IV. Appareil placé à Tombre :
h m gr
Exposé à 3.40 soir. Poids delà jauge 193, ti
Retiréà 7.40 soir. » i93»o
Temps écoulé . 4*^0 ^^ti évaporée ... 0,2
Par décimètre carré en une heure 0^,019
Psychromètre 65^, o
Après Tablation de la bulbe, la plante n'a plus transpiré
à beaucoup près autant.
Ces observations viennent à Tappui du fait énoncé pré-
cédemment, que l'aspiration de l'eau du sol par le végétal
FoncTions physiques des feuilles. 3oy
est surtout dé ter mi née parla transpiration des feuilles, puis-
qu'elle a lieu, du moins pendant un certain temps, sans le
concours des racines, mais alors elle n^estpas continue; les
racines paraissent donc douées d'une puissance d'injection,
comme d'ailleurs Haies l'a reconnu dans l'expérience sur la
force de la sève à l'époque des pleurs de la vigne, alors
qu'il n'y a pas encore de feuilles. Au reste, Péjaculation des
liquides accumulés dans les organes souterrains n'est pas
particulière à la vigne et ne se manifeste pas seulement au
printemps, ainsi que Haies le pensait ; elle est constante
pour l'agave américain, les lianes, les palmiers. Il suffit
d^en couper la tige un peu au-dessus du niveau du sol pour
en voir sortir, quelquefois en abondance, de la sève dont
on extrait des matières sucrées produisant des boissons
alcooliques* Hoffmeister a d'ailleurs montré que les arbustes,
les plantes herbacées émettent plus ou moins de sève en
tottte saison, quand on en coupe la tige près des racines ;
il a pu, à Taide d'un appareil manométrique, en mesurer la
force ascensionnelle, souvent considérable. Toutefois il j
aurait lieu de rechercher si des gaz comprimés ou formés
par la fermentation de matières sucrées dont la sève n'est
jamais exempte ne contribuent pas, en s'échappant, à ré-
mission du liquide.
Une pression exercée sur la section d'une branche feuillée
supplée momentanément à Taction des racines. Haies croyait
que si l'effet n'était pas permanent, c'était parce que des
parties ligneuses des branches finissaient par être oblitérées.
On ne conçoit plus cette oblitération quand on injecte de
Teau distillée; et il est probable que, si la pression exercée
par la colonne liquide n'agit pas comme la force d'injec-
tion attribuée aux organes souterrains, c'est que, dans le
premier cas, il n'arrive que de Peau dans la tige, tandis
que, dans le deuxième cas, il vient de Teau et de l'air dont
le rôle ne saurait être contesté, depuis les intéressantes expé*
riencesdc M. Jamin.
20.
3o8 J. BOVSSIirGÀULT.
Dans Topinion de Haies, la pression exercée sur la sec-
tion d'une branche plongée dans l'eau remplacerait donc la
force d'injeclîon attribuée aux racines.
Le 17 août, il cimenta un tube de verre long de 9 pieds
et de Y pouce de diamètre à une branche de pommier
de 5 pieds de long et de | de pouce de diamètre; ayant
versé de Teau dans le tube, il constata que cette eau baissa
de 3 pieds en une heure. La branche ayant été coupée ensuite
à i3 pouces au-dessus du point d'attache, il la plaça dans
un vase contenant de l'eau : elle absorba 18 onces de liquide
en dix-huit heures de jour et douze heures de la nuit, où
Tévaporation a dû être insignifiante. Voyons de combien la
pression d'une colonne d'eau de 9 pieds a favorisé la trans-
piration. En réduisant les mesures anglaises, on trouve que,
sous une pression équivalant à 20 centimètres de mercure,
en une heure, pour une même surface de feuilles, le volume
de l'eau disparue a été de a3a centimètres cubes, tandis
que par la seule force d'absorption le volume éliminé de
la jauge n'a plus été que de 28*^^, 3.
Pour se former une idée exacte de la faculté de trans-
piration exercée dans ces deux conditions, il eût fallu
connaître l'étendue de la superficie des parties vertes. Les
expériences que je vais rapporter ont été faites pour com-
bler cette lacune en cherchant a évaluer Tévaporation
opérée à la superficie des feuilles, soit par la simple force
d'absorption, soit en favorisant cette absorption au moyen
d'une pression exercée sur la section de la tige.
2 mai 1867. — F igné,
I. Un jet dont la surface des feuilles (les deux côtés du
limbe) avait o^^yii6% a été plongé dans l'eau par sa
base.
FOMCTIOnS PHYSIQUES DES FEUILLES. '6og
Eau Poids
dans la jauge, du rameau,
h ^ co gr
Au Soleil à 8 du matin 70,0 96,0
Retiré à i deTaprés-midi. 68,0 89,6
Temps écoulé. ... 5 Eau disparue. 2^0 6,5
a,o
Eau évaporée 8,5
Par décimètre carré de feuilles en une heure. . . 0,075
L'aspiration n'était pas assez énei^ique pour remplacer
l'eau que les feuilles transpiraient; aussi ont-elles été visi-
blement flétries. En cinq heures l'eau disparue tant de la
jauge que des feuilles pesait 8^'y5. La branche, en per-
dant 6^^, 6 d'eau, n'en avait donc pris que 2 grammes à
la jauge.
II. On a fait alors intervenir la pression. Un jet de
vigne, dont les feuilles présentaient une surface de o"*^, 18
a été liée à un tube dans lequel on versa de Teau, de
manière que la section du rameau supportât une colonne
de i^jaS.
Poids
du rameau.
h ID gm
Au Soleil a 8 . 10 du matin 7^9^
Retiré à i .04 de l'après-midi. 68,5
Temps écoulé 4* ^4 3,7
Diminution de l'eau dans le tube 8,0
Eau totale évaporée ii«
Par décimètre carré en une heure o, 182
A 9 heures du matin :
Thermomètre à l'ombre 20,7
Psychromètre » 72,0
La transpiration a été doublée par l'influence de la
pression, mais, même dans cette condition, l'eau n'est pas
entrée en quantité suffisante pour remplacer celle qui était
3lO J. BOUSSIJNGAULT.
sortie par Tëvaporation et, dans les deux cas, elle a été
anormale et de peu d'importance. Aussi les feuilles sont-
elles devenues flasques, ce qui n'arriva pas aux feuilles
d'une vigne en pleine terre; et même en supposant, ce
qui est probable, qu'il entrait moins d'eau venant du sol
qu'il n'en sortait, la différence n'était pas assez forte pour
affecter le port des feuilles, comme il est arrivé pour les
rameaux détachés de la vigne. Les racines favoriseraient
donc l'introduction de l'eau du sol dans la plante bien
autrement que la pression exercée sur la section d'une
branche.
Deuxième observation (8 septembre 1867). — Wtgne.
I. La surface des feuilles portées par le rameau exposé
au soleil était o"ï,3862.
h m
Au soleil à. . 8.40 du matin 5ao,6
Retiré à . . . . 5.2a de l'après-midi.
Temps écoulé 8.4^ Eau disparue. .
Poids
Poids
de la jaug«.
du rameau.
520,6
98*,'5
5o4»o
78,5
16, 6
ao,o
20,0
36,6
06%II
Eau évaporée. .
Par décimètre carré en une heure . . .
II. Dans une expérience exécutée parallèlement, on a
fait intervenir la pression d'une colonne d'eau de a", 7,
la surface des feuilles étant de o"^,79.
Poids
du rameau.
h m ^ gr
Au soleil à 8 . 40 du matin aoa , 5
Retiré à 5.22 deTaprès midi. . . i83,8
Temps écoulé 8.42 18,7
Eau injectée par pression 78, i
Eau évaporée. 96,8
Par décimètre carré en une heure o«', i4i
Le 8 septembre, le temps fut très-beau, l'air calme.
FOIÏGTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. 3ll
 3 heures : température de Tair a6^, a
» psychromètre 36°, 5
Les feuilles n'ont pas transpiré plus sensiblement sous
Finâuence de la pression ; l'eau injectée n'a pas suffi pour
subvenir à leur transpiration, puisqu'elles ont perdu près
de 19 grammes.
Troisième observation (3o août 1867). — Mûrier blanc.
I. L'extrémité d'une branche dont les feuilles présen-
taient une surface de 93^"^*>,84 a été disposée dans une
jauge.
Poids Poids
de la jauge, de la branche,
h m ^ gr fr
A 10.00 du matin. 616,95 i^Jf^
Retirée à 4*^o 607,50 i36,a
Temps écoulé. . . 6.20 — 9>45 — 11,0
11,00
20,4s
L'eau aspirée a été à peu près la moitié de l'eau trans-
pirée par la branche.
Par décimètre carré en une heure o*',o35
A 1 heure : température de l'air 24®, 5
» psychromètre 62**,©
On fit parallèlement une autre expérience sous la pres-
sion d'une colonne d'eau de 2™,4o.
La surface des feuilles était de 84 décimètres carrés.
h m gr
Au soleil , à . . . 10.00 Poids de la branche . . 147,10
Retirée à 4*^o » i43,i5
Temps écoulé. . 6.20 » — 3,95
L'eau injectée dans la branche 49>70
Elau évaporée. 53 ,65
Par décimètre carré, en une heure 0,10
3ia J. BOUSSIIIGAULT.
La transpiration des feuilles a été fort différente dans
les deux cas. La pression a fait pénétrer beaucoup plus
d'eau dans la branche que la simple aspiration n'en avait
introduite; néanmoins cette pression n'en a pas encore
fourni assez pour remplacer celle qui sortait par Févapo-
ration ; les feuilles en ont encore perdu environ 4 grammes.
Quatrième observation (3 septembre 1867). — Marronnier
dinde.
I. Une branche, ayant une surface de feuilles de i ao dé-
cimètres carrés, a été disposée pour l'aspiration.
Poids Poids
de la jauge, de la branche.
h m gr gr
Exposition au soleil , à . 8.55 54I9I i63yi
)) à. 4*35 498^3 i46»3
Temps écoulé 7-4^ — A^y^ — 16,8
16,8
Eau évaporée. . . 59,6
Par décimètre carré en une heure o^^'jOÔj
Les feuilles étaient légèrement flétries.
II. On a fait intervenir la pression d'une colonne d'eau
de 2°", 40.
Surface des feuilles i83''"'',76
Poids
de la branche.
h m %t
Exposition au soleil, à 8.3o 186,8
» à ^.0.0 166,3
Temps écoulé 7.5o — 20, 5
Il était entré dans la branche, eau 86, 5
Eau évaporée 107 ,0
Par décimètre carré en une heure o^'jOjS
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. 3l3
Malgré la pression, Teau introduite n'a pas pénétré
assez promptement pour subvenir à la transpiration.
Sur 107 grammes d'eau évaporée, les feuilles en avaient
fourni ao^"^, 5. Ainsi, sous Tinfluence d'une assez forte
pression, elles n'ont pas transpiré beaucoup plus que
quand l'eau était puisée dans la jauge par la simple aspi-
ration. La différence n'a pas dépassé 7. On a pu, d'ail-
leurs, se convaincre que la quantité d'eau injectée dans la
branche, par l'effet de la pression, diminuait assez rapi-
dement.
h m b m ce
De 8.3o à 9.80 Eau injectée 35^8
9 . ao à II . 45 » a6y6
II .4S à 2.20 » lifS
2.20 à 4*^o '^ 9^6
sêTî
II avait fait très-beau ; l'humidité de l'air était assez forte.
Température de l'air. Psychromètre.
o
8 heures 18,6 77
Midi . 22,7 ^9
2 heures après-midi 24^9 47>S
Cinquième observation^ 4 septembre 1867 : Châtaignier.
I. La branche ayant une surface de feuilles de 40^^918 a
été exposée en plein soleil.
Poids do la jauge. Poids de la branche,
h m ^ rr
A 11.54 529,15 i58,6
A 4«4o 499>5o 157,0
Temps écoulé ..t 4*46 — ^9>65 — 1,6
1 ,60
Eau évaporée 3i , 25
Par décimètre carré en une heure o^', 164.
3l4 BOUSSINGAULT.
II. En faisant intervenir la pression d^une colonne d'eau
de 2",4o-
Surface des feuilles 9^^^^ ^4
Poids de la branche.
h gr
A II .54 170,0
A . 4«4<> 174» 3
Temps écoulé .. . 4*46 +4*3
Eau injectée dans la4>ranche 242,8
En retranchant Teau restée dans la branche, on a ;
Rf
Eau évaporée a38 , 5
Par décimètre carré en une heure o,555
L'évaporation sousTinfluencede lapression a été troisfois
aussi forte que sans son intervention, et T eau injectée a suffi
et audelà pour remplacer l'eau évaporée, puisque labranche
enaacquis plus de 4 grammes. Le ciel, pendant Texpérience,
est resté d'une grande pureté. Le vent soufflait de Test
avec assez de force, l'air était sec; aussi, dans nos cultures
de betteraves , les feuilles étaient flétries. Celles de la
branche du châtaignier avaient conservé leur rigidité.
o
A II** 3o™ température 25,8
» psychromètre 45,5
Sixième observation du j septembre 1867. — Sapin.
Suivant Haies, les arbres toujours verts transpirent
bien moins que les autres; c'est à cette circonstance qu'il
attribuait la résistance de certaines plantes au froid de
l'hiver, parce qu' a elles n'ont besoin de*ne conserver
que très-peu de nourriture, à peu près comme les ani-
maux à sang froid, qui ne transpirent pas beaucoup, peu-
vent passer l'hiver sans prendre d'aliments. » Aujourd'hui
FONCTIONS PDYSIQDBS DES FEUILLES. 3l5
cette analogie ne saurait être admise, mais il est de faii
(jue les feuilles toujours vertes consomment moins d'eau
que les autres pour maintenir leur fraîcheur^ c^est très-
probablement pour cette raison que les arbres verts résis-
tent à de grandes sécheresses, soit parce que réellement les
feuilles transpirent peu, soit que, comme les plantes grasses,
elles accumulent dans leurs vaisseaux trachéens une réserve
d*eau pendant la saison des pluies, soit simplement enfin
parce que la rigidité des aiguilles dissimule la perte en eau.
La mesure de la surface des aiguilles d'une branche de
sapin ne se fit pas sans difficulté. On y parvint en collant
ces aiguilles sur une plaque de verre, dont on connaissait
la superficie.
I. Exposition au soleil :
L'extrémité d'une branche de pin maritime fut mise
dans une jauge.
dq
La superficie des feuilles était ^^tSj
La surface double 8i,i4
Poids Poids
de la jauge. de la branche,
h m ^ gr gr
A p.iomatin 676,6 a53y5
A 4 soir 664,7 249,4
Tempsécoulé. 6.5o — 11,9 -^4>i
Eau sortie des aiguilles 4 » ^
Eau évaporée i5,o
Par décimètre carré, en une heure 06^,027
L'eau aspirée n'a pas suffi pour remplacer Teau éli-
minée par la transpiration. Les aiguilles en avaient perdu
4*%ifle tiers à peu près de la quantité évaporée en 6*^50™.
U. On a fait intervenir la pression d'une colonne
d'eau de 2^,4^. La surface des aiguilles de la branche
éuit 100^^48.
3i6 j. boussiugault.
Au soleil à. . . 9. lo Poids de la branche. 327,0
» à* .. 4*00 ^^ 3 19,2
Temps écoulé. 6.5o » — 8,3
Eau entrée dans la branche 23 ,7
Eau évaporée 32, o
Par décimèire carré d'aiguilles en une heure. . . 0^*^,044
Sous pression, la transpiration a presque doublé. Néan-
moins Teau injectée n'a pas été suffisante pour compenser
celle qui était sortie.
7 septembre, — Ciel découvert durant les observations \
air calme et chaud :
o
A 3 heures, température à l'ombre 27,6
» psychromètre 32, o
On voit combien les aiguilles de sapin ont peu trans-
piré nonobstant une forte chaleur et une grande séche-
resse.
Septième observation j g septembre i866. — Maïs»
I. Un plant a été coupé au-dessus du collet delà racine
et mis dans une jauge. On a trouvé pour la surface des
parties vertes :
dq
Feuilles 19» 00
Tige 4> 70
Surface totale 23,70
Exposition au soleil :
Poids de la jauge. Poids du plant.
h m ' ^ sr
A 8.5o 698,60 128,0
A 5.10 638,85 ii3,8
Temps écoulé. 8.20 — 59,65 — i4>a
Eau évaporée 73 ,85
Par décimètre carré, en une heure o«',374
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. ilj
L'observation a été continuée en maintenant la plante dans
l'obscurité.
II. Placée dans un cellier le 9 septembre :
Poids de la jauge. Poids du plant.
A
Retirée le 10 à.
h m
5 soir
8.12
638785
638. 80
ii378
107,5
Temps écoulé.
i5. 12
— o,o5
6,3o
6,3
Eau évaporée 6,35
Par décimètre carré, en une heure o8'^,o2
0
A 7 heures du soir, température de Tair 24^0
Psychromètre 83 ,0
ni. La section d'un plant de maïs a été soumise à la
pression d'une colonne d'eau de 2", 70.
Surface des feuilles a5 ,34
Surface de la tige 6,66
Surface totale 32^oo
Exposition au soleil :
h m gr
A 8.5o matin. Poids du plant. i4o,5
A 5.26 » i32,8
Temps écoulé. 8.36 « — 7,7
Eau injectée dans le plan 221 ,0
Eau évaporée * . . . 228,7
Par décimètre carré, en une heure 0*^,83
o
A 10 heures du matin, température ... 22,6
» psychromètre 64,0
Au soleil la transpiration a été près de trois fois aussi
forte sous l'influence de la pression qu'elle l'avait été lorsque
la base de la tige plongeait dans l'eau. Cependant l'eau
ipjectée n'a pas encore suffi pour compenser la perte occa-
3l8 J. BOUSSIIIGAVLT.
sionnée par l'ëvaporatioii ; ces feuilles en ont perdu près de
8 grammes.
De Tensemble de ces expériences il ressort que, si Ton
plonge dans Teau une section fraîchement pratiquée à Fex-
trémité d'une branche ligneuse ou d'une tige herbacée, ce
liquide monte dans les feuilles où il s'évapore plus ou moins
promptement suivant la nature du périsperme et les cir-
constances atmosphériques. L'ascension est accélérée par
la pression, mais dans les deux cas, c'est-à-dire par l'aspi-
ration déterminée uniquement par les feuilles ou par la
même aspiration aidée de la pression, Teau introduite dant
la tige serait encore insuffisante pour remplacer celle que
les feuilles laissent passer à l'état de vapeur au soleil et
même à l'ombre^ les organes verts perdant plus d'eau qu'ils
n'en reçoivent. Aussi voit-on bientôt les feuilles se flétrir,
se faner. Il faut le reconnaître, le phénomène de l'aspira-
tion, par suite de la transpiration des feuilles, n'est per-
manent que sur une plante entière établie dans une terre
suffisamment humide. Si par l'effet d'un soleil ardent,
d'un vent impétueux, d'une grande sécheresse, les feuilles
se flétrissent, s'inclinent vers la tige, comme cela arrive
fréquemment dans les cultures pendant les fortes insola-
tions, durant les vents chauds, cet état est passager et dis-
parait avec les causes qui l'ont provoqué. Ainsi, par un
abaissement de température, par rhumidité de l'air am-
biant, les feuilles accumulent alors dans leur paren-
chyme l'eau qu'elles reçoivent du sol, elles ne la dissipent
plus; le matin, après une nuit fraîche succédant à une
chaude journée, on les trouve généralement redressées, si
le sol n'a pas subi la dessiccation; rien de semblable n'ar-
rive aux feuilles d'une branche détachée de l'arbre, aux
feuilles d'une tige herbacée : elles ne récupèrent pas la
nuit l'eau perdue pendant la chaleur et la sécheresse du
jour, bien que leur extrémité soit maintenue dans le li-
quide, d'où il faut conclure avec Haies que les racines in-
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. 3l9
tervienneDt évidemment dans rintroduction de Peau du sol
dans la lige. Esl-ceréellement une force d'injection? C'est
ce qui n'est peut-être pas suffisamment établi? Est-ce par
Timbibition de Teau venant de la terre humide, imbibition
qui se continue ensuite, de proche en proche, de la racine
à la tige, de la tige aux pétioles et aux feuilles ? Il en ré-
sulte néanmoins que, pour apprécierlaquantitéd'eau qu'une
plante laisse échapper par la transpiration, il faut l'ob-
server quand elle est dans une situation normale où tous
ses organes fonctionnent : c'est ce que Haies a fait^ pour
Y Helianthus , le choux, la vigne, en faisant usage de la ba-
lance.
Toutefois cette méthode des pesées n'est pas applicable
aux végétaux de grande dimension. On a vu que Haies a
cherché à tourner la difficulté, en observant sur les bran-
ches détachées^ mais alors on sort des conditions ordi'^
naires, et en réalité ce que l'on constate^ c'est surtout
le progrès de la dessiccation des feuilles adhérentes à la
branche, par la raison qu'elles ne reçoivent plus l'eau que
leur amèneraient, par injection ou par imbibition, les ra-
cines et la tige. Aussi, quand Haies opéra sur une des
branches isolées pour démontrer le fait de l'aspiration at-
tribuable à la transpiration, il ne donne plus la surface
des feuilles, il ne cherche plus à établir le rapport existant
entre cette surface et le volume d'eau transpirée.
L'injection favorise certainement l'introduction de Peau
âans la tige et par suite dans les feuilles, suppléant ainsi,
dans une certaine mesure, aux fonctions des racines. Mais
on a vu aussi que laquantité d'eau introduite par ce moyen
a constamment diminué, malgré la persistance de la pres-
sion, diminution que, dans les expériences décrites plus
haut, on ne saurait attribuer à l'oblitération des tissus
causée par des matières terreuses, puisque l'on a toujours
injecté de l'eau distillée, de l'eau pure.
Les racines, la tige, les feuilles, bien que remplissant
3aO 1* BOUSSIIfGÀULT.
des fonctions distinctes et en quelque sorte indépendantes,
concourent simultanément à Tintroduction et à la circula-
lion de l'eau dans la plante, cela est incontestable. Les ra-
cines agissent surtout par endosmose; leur épiderme,
n'ayant pas d'ouverture, de stomates, transmet l'eau aux
cellules qui la font refluer vers la tige. Le tissu ligneux, par
l'effet de la capillarité, par l'imbibition, dirige le liquide
dans les cellules des feuilles, d'où il sort en partie par
l'évaporation. C'est ainsi que l'eau du sol introduite et
transformée en sève ascendante, en traversant Toi^ane
souterrain, arrive dans le parenchyme chargée de prin-
cipes fertilisants. Dans les feuilles, par le fait de leur
transpiration, la sève est concentrée; les matériaux qu'elle
a empruntés à la terre sont acquis à l'organisme, où, après
avoir été modifiés par la lumière, ils sont répartis, distri-
bués par la sève descendante.
Si l'eau que transpirent les feuilles était immédiatement
remplacée par l'eau qu'apporteraient les racines, le phé-
nomène de la circulation serait très-simple; mais générale-
ment, ainsi que je crois l'avoir prouvé, pour des temps
égaux il n'y a pas égalité entre la quantité de liquide in-
troduite par les organes souterrains et les liquides dissipés
par les organes aériens. Au soleil, par exemple, les feuilles
perdent une fraction de leur eau de constitution, et sans
aucun doute la perte serait encore plus prononcée sans
l'humidité qu'elles tirent de la tige. Le tissu ligneux se
comporte alors comme un réservoir, comme un régulateur
ayant pour effet d'atténuer l'inégalité d'action des deux
organes exerçant des fonctions opposées. La plupart des
v^élaux, durant les périodes de longue sécheresse, suc-
comberaient sans cet intermédiaire; leur existence dans
cette condition défavorable est d'autant plus assurée que
la masse humide interposée entre les racines et les feuilles
est plus grande ; c'est pourquoi les arbres supportent mieux
la sécheresse que les herbacées, à moins que, comme les
FO^GTIOMS PHYSIQUES DES FEUILLES. 3^1
cactées, ces plantes ne renferment dans leur parenchyme
une très-forte reserve d'eau, protégée par une cuticule
peu perméable. Pour les feuilles des plantes en pleine
terre, il parait difficile de déterminer la perte en eau
qu'elles subissent durant leur transpiration. Il n'y a d'in-
dice de cette déperdition que leur changement d'aspect^
elles deviennent flasques, pendantes, si elles ne sont pas
suffisamment rigides .
C'est ici qu'il convient de faire remarquer que, si les
feuilles d'un végétal, planté dans une terre humide, per-
dent pendant le jour, surtout au soleil, plus d'eau qu'il
n'en vient par les racines, il en résulte qu'en évaluant la
vitesse de l'ascension de la sève d'après des pesées, ainsi
que l'a fait Haies dans son expérience « sur la quantité de
liquide que les arbres et les plantes tirent et transpirent n,
on est exposé à commettre une erreur, puisque l'on sup-
pose, ce qui n'est peut-être jamais le cas, que l'eau trans-
pirée est immédiatement remplacée par celle de la sève
ascendante. Or il est de la dernière évidence qu'une partie
de cette eau transpirée , accusée par la balance, ne vient pas
de traverser actuellement la tige, puisqu'elle a été fournie
par les feuilles en voie de dessiccation. La perte que Ton
constate provient donc à la fois des feuilles et des tiges.
Elle n'exprime pas la faculté de transpiration attribuée à
la feuille considérée isolément et qui dépend nécessaire-
ment de l'organisation, du nombre des stomates, de l'é-
paisseur du parenchyme, du plus ou moins de perméabilité
de l'épiderme. On est alors conduit, pour estimer la faculté
de transpiration, à observer sur des feuilles détachées de
la plante^ mais alors, on le conçoit, l'observation ne doit
pas être prolongée, parce que la feuille abandonnera son
eau de constitution d'autant plus lentement à mesure
qu'elle en contiendra moins par l'effet de l'évaporation.
Jnn, de Chim.ec de Phys.t 5^ série, t. XIII. ( Mars 1878.} 21
332 J. BOUSSIKOAULT.
S n.
TRANSPIRATION DES FEUILLES AU SOLEIL ET A L OMBRE.
Si l'oQ touche une feuille suffisamment rigide attenant
à une plante, par exemple à la vigne, on éprouve une
sensation de fraîcheur-, alors même qu'elle est en plein
soleil, sa température est inférieure à celle de la main^
maintenant, qu'on en brise le pétiole, de manière qu'elle
ne soit plus suspendue que par quelques filaments, son épi-
derme deviendra chaud au toucher.
Il est facile d'expliquer celte différence de température.
SI une feuille ne s'échauffe pas sensiblement au soleil, lanl
qu'elle est en communication avec la plante, c'est qu'elle
reçoit incessamment de la sève aqueuse venant du soL hu-
mide : Tévaporation accomplie à sa surface contribue d'ail-
leurs à en maintenir la fraîcheur-, mais, aussitôt la rupture
du pétiole, la feuille s'échauffe immédiatement et cela par
deux raisons : la sévene parvient plus dans ce parenchyme^
et l'évaporatîon devient moindre à la surface du limbe :
aussi la feuille commence- t-elle à se faner ^ toutefois l'effet
n'est pas instantané. La feuille ne meurt pas aussitôt qu'elle
cesse d'être en communication avec le végétal : l'eau dont
elle est pénétrée continue à s'évaporer, et il y a tout lieu
de croire que pendant un temps limité, il est vrai, elle
transpire comme si elle était fixée à la tige; si donc on
pesait une feuille, aussitôt après l'avoir détachée, et qu'en-
suite on la fixât sur la branche à la place qu'elle occupait,
elle continuerait à transpirer, et si, après une courte
exposition, on la pesait de nouveau, la différence de poids
indiquerait Teau perdue dans l'intervalle des deux pesées.
L'exactituJe reposerait sur la rapidité des opérations.
Quelle que soit l'habileté de l'observateur, une pesée faite
à une balance de précision exige du temps, surtout quand
il s'agit d'accuser des différences de quelques milligrammes.
F0MCTI0I9S PHYSIQUES DES FEUILLES. 3^3
Il y a plus, une feuille qui aura été placée au soleil éprou-
vera, pendant le transport sur le plateau de la balance,
une perte qui, pour des temps égaux, ne sera pas ce qu'elle
avaU été durant son exposition, par la raison qu'elle con-
tinue à transpirer. L'observation deviendrai t alors impos-
sible, parce que les corrections, si Ton voulait en intro-
duire, approcheraient et dépasseraient même quelque-
fois la différence de poids qu'il s'agirait de constater.
Heureusement qu'une feuille, quand on vient de la cueil-
lir, garde pendant quelques instants un poids à peu près
invariable, lorsqu'elle est immédiatement enfermée dans
une atmosphère très-limitée. Dans cette condition, la feuille
plaeée sur la balance a, par conséquent, le poids qu'elle
avait sur la tige. C'est ainsi que l'on a procédé. Aussitôt
détachée, on enfermait la feuille dans une boite plate en
étain, très-légère, fermant en tabatière; une fois pesée,
on la remettait dans la boîte pour la reporter sur la plante
oà on la fixait, par son pétiole, au moyen d'une pince à
ressort à la même place où on l'avait prise. On notait
l'heure au commencement et à la fin de l'exposition.
Ensuite, après la deuxième pesée, on mesurait la surface
de la feuille.
Cette méthode des pesées rapides n'a sans doute rien
de neuf, on a dû l'employer en Physiologie : elle donne, je
C|rois, des résultats d'une exactitude suffisante.
Après avoir consulté le chronomètre, le thermomètre,
le psychromètre, on connaissait :
I® La durée de l'exposition de la feuille;
a** La température et l'état hygrométrique de l'air;
3^ La superficie de la feuille.
Les feuilles, aussitôt détachées du plant, n'étaient restées
exposées au soleil ou à l'ombre que durant peu de temps,
si ce n'est pendant la nuit, alors que l'évaporation est ex-
trêmement faible; c'est seulement en procédant de la sorte
qu'il est permis d' admettre qu'une feuille libre, exposée à
2T.
324 J* BOUSSINGADLT.
Tair^ émet à très-peu près la quantité de sapeur qu'elle
eût émise dans le même espace de temps, si elle était
restée sur la brandie.
Je rapporterai maintenant, comme exemple, une série
d^observations faites sur des feuilles de vigne, prélevées sur
le même cep.
I. i8 mai 1866, 3 feuilles :
Poids des feuiUes. Surface.
rr cq
Au soleil, à.. . i2'*32" ii>76 579>2
» à... i2**5o 10,75
Temps écoulé. o'^iB Eau évaporée. 1,01
Par décimètre carré en une heure o^'SS
Température 20**, 3, psychromètre 45^)5, vent d'ouest.
II. Observations pendant la nuit :
Poids des feuiUes. Surface.
23 mai à y'^oo"' soir 4>44 444*9
24 mai à fî*"3o malin 4»3i
Temps écoulé. 10** 3o Eau évaporée. o,i3
Par décimètre carré en une heure o8',oo3
Température i5°, psychromètre 80**, ciel couvert, vent
d'ouest.
III. 3i mai
Poids de la feuille. Surface.
A 5*»45°' matin 3%2o 56878
6^i5 2,945
Temps écoulé. o''3o Eau évaporée. 0,275
Par décimètre carré, en une heure o^'^ ao5
Température I7®j4j psychromètre 66^, ciel nuageux, air
calme.
FOlîiCTIOlfS
PHYSIQUES DES FEUILLES.
325
IV. 3i mai :
Poids de la feuille.
Surface.
Au soleil 9**io
4^320
cq
243,8
« g^^h
49IOO
Temps écoulé.. 0^*27 Eau évaporte. 0,220
Par décimètre carré en une heure o«', 200
Température 20^,6, psychromèlre 53®, air calme.
V. 3i mai :
h
Au soleil 11.42
» 12.7 soir.
Temps écoulé o . 25
Poids de la feuille 4 9 35o Surface. . 333^,8
V 3,730
Eau évaporé*' o, 220
Par décimètre carré en une heure o",445
Température 22°, 4 > psychromètre 56 degrés, ciel pur,
vent d^ouest très-fort.
VI. 3i mai :
h m
A l'ombre 3 . 00
» 3.20
Temps écoulé o . 20
gr
Poids de la feuille 4>56o Surface. . ^^g^^S
» 4>33o
Eau évaporée o,23o
Par décimètre carré en une heure o*', i53
Température, 25°, o, psychomètre 56 degrés, ciel cou-
vert, calme.
VIL 3i mai :
h m
A 5.54
» 6.10
Temps écoulé 0.16
'\ll6 J. BOUSSINGAULT.
Poids de la feuille 4>5ao Surface.. 33o*^,4
» 4» 420
Eau évaporée o, 100
Par décimètre carré eu une heure o,ii3
Température 19°,!, psychromèlre 69", ciel nuageux,
rai me.
Observation faite pendant la nuit :
h m
i*** juin, soir 6.00
'2 juin, matin 6.00
Temps écoulé 1 2 . 00
gr
Poids de la feuille 4>42o Surface. • 33o'^.
» 4>^oo
r.au évaporée o , 220
Par décimètre carré en une heure. . , 0,006
Température i3®,45 psychomètre 84 degrés.
1 juin, à Tombre :
h m
A 7 . 3o matin
» 9 20
Temps écoulé i .5o
gr
[^oîds delà feuille 5,490 Surface.. 435*^,8
* » 4.950
?"iau évaporé*? ô,54o
Par décimètre carré en une heure 0,067
Température 14*^*5 psychromètre 89 degrés, vent nord-
ouest.
Observations faites pendant la nuit :
h m
J) juin 7.00 soir.
10 juin 5.45 matin.
Temps écoulé 10 .45
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. 327
Poids de la feuille 3,93o Surface. . 3 12*^
» 3 y 610
Eau évaporée o,3ao
Par décimètre carré en une heure, ... 0,010
Température i4°>8, psychromèlre j6 degrés.
h m
ao juin, au soleil 8.45
» 9 • I îi
Temps écoulé o 27
gr
Poids de la feuille 5,o5o Surface. . 33i"^,9
)) 49^50
Eau évaporée o , 5oo
Par décimètre carré en une heure 0,328
Température 18®, 6, psychromètre 56 degrés, ciel pur,
"vent d'est faible.
20 juin, au soleil :
b m
» A Il .3o
);
II .'45
Temps écoulé o . 1 5
gr
Poids de la feuille 5,75o Surface. . 263"^^
» 5,3oo
Eau évaporée o,45o
Par décimètre carré en une heure 0,684
Température 20", 2, psychromètre 47® j ciel pur, vent
d'est très-fort.
h m
ao juin, au soleil 4« i5
» 5.o5
Temps écoulé. o . 5o
gr
Poids de la feuille 4>9oo Surface. . 240*^.
» 4^520
Eau évaporée o,38o
3a8 J. BOU8SIVGÀULT.
Par décimètre carre en une heure o, 190
Température a2°,8, psychromèlre 63", venl N,-E. assez
fort.
20 juin à l'ombre 9*iS
» P*3o
Temps écoulé o • 1 5
gr
Poîds de la feuille 5, 270 Surface. . 33a*^,4
» 5 y Sac
Eau évaporée o , 200
Par décimètre carré en une heure 0,240
Température 18**, 6, psychromètre 80 degrés.
h B
21 juin, au soleil 1 1 .33
» 1 1 , 5o
Temps écoulé 0,17
Poids de la feuille ^,990 Surface. . 332*^,5
» 5 , 690
Eau évaporée o, 3oo
Par décimètre carré en une heure o6',3i8
21 iuin, au lever du soleil :
J ' h m
» A 5.52
» A 6.08
Temps écoulé 0.16
gr
Poids de la feuille 5, 5 20 Surface. . 276*^,8
» 5 , 23o
Eau évaporée o , 290
Par décimètre carré en une heure 0,393
22 juin h l'ombre, pendant la pluie, le cep étant sous
un abri :
h m
Matin 7 . 3o
Midi 1 2 . 48 soîr.
5.18
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. 3^9
gr
Poids de la feuille 5,4io Surface . . 292*^*^, i
» 5,33o
Eau évaporée 0,080
Par décimètre carré en une heure o,oo5
Température i3°,75 psychromètre 100, vent d*ouest
très-fort.
Observation faite pendant la nuit:
h m
22 juin 8.45 soir.
23 juin 5.55 matin.
Temps écoulé 9«io
gr
Poids de la feuille 5 , 54o Surface. . 298'^'ï,8
» 5,45o
Eau évaporée 0,090
Par décimètre carré en une heure o,oo3
Température i4"jO> psychromètre 80 degrés, vent sud-
ouest très-fort.
A partir du 2!ï juin i866, le vent souffla du sud-ouest; sa
force augmenta graduellement-, le 26, c'était un ouragan,
des arbres furent déracinés, brisés. Les feuilles desséchées
pendaient sur la branche 5 les plantes herbacées souffrirent
encore davantage. Les feuilles des topinambours, de bet-
teraves, étaient flétries. Seule, la vigne avait résisté. Cette
circonstance d'une sécheresse aussi intense donna lieu à
une observation intéressante : plusieurs feuilles séparées
du cep furent fixées sur la tige au moyen d'une pince. En
moins d'une heure, elles devinrent tellement sèches que
l'on pouvait les pulvériser en les froissant dans la main,
tandis que les feuilles attachées au cep conservèrent leur
souplesse, leur Jraîcheur,- on peut dès lors juger de la
quantité d'eau qu'elles recevaient du sol, pour être main-
tenues en cet état.
33o J. BOUSSIUGAULT.
Le 26 juin, à a heures :
o
Température à l*ombre pendant Touragan.. . 20,4
Psychromètre Sg , o
L'air était très-sec sans doute, mais c'est surtout à la
rapidité de son renouvellement, à la force du vent, quMI
faut attribuer la grande dessiccation éprouvée par les
feuilles, lorsque la sève n'arrivait pas assez rapidement
dans la plante pour remplacer l'eau évaporée.
Résumé des observations faites sur la transpiration des feuilles
de la vigne.
Ean transpi
rée par déci-
mètre carré
Tempé-
Psychro-
Dates et heures.
en 1 heare.
ratare.
mètre.
RemtitpiM.
Au soleil :
18 mai i865,
midi. .. ,
.. o,5So
0
30,3
0
45,5
•
Vent d'ouest.
3i »
6'' matin
... O,305
i7>4
66,0
Calme.
3i »
g** matin
... 0,300
30,6
53,0
Calme.
3i »
midi . . .
... 0,446
32,4
56
Vent d'O. très-fort.
30 juin,
b^ matin
... 0,180
14,8
76
Calme.
QO »
9^* matin
... 0,328
18,6
56
Vent d'est faible.
90 B
midi. . . .
.. 0,684
30,2
47
Vent d'est t.-fort.
20 »
4** soir..,
.. 0,190
33,8
63
Vent N.-E.
31 »
midi.. . .
.. 0,383
30,2
5o
Vent N.-E. fort.
33 »
6^ matin
. .. 0,393
33,8
46
Vent N.-E. fort.
A Tombre :
3i mai
3^ soir..
o,i53
30, I
56
Calme.
3i »
6^ soir. . .
o,ii3
19»!
69
Ciel nuageux, calme.
2 juin
8^ matin
0,007
14, l
89
Vent N.-O.
20 »
9^ matin.
0,340
18,6
80
Tent E. faible.
23 »
10^ matin
o,oo5
i3,7
100
Vent d'O., pluie.
Pendant la nuit :
33 mai,
*»
o,oo3
i5,o
80
Ciel couv., V. d'O.
3i »
»
0,006
i3,4
84
Vent N.-O.
9 j«>n»
»
0,009
18,4
7^
Vent N.-O. fort.
32 »
»
o,oo3
14,0
80
Vent S.-O. fort.
Je mets à la suite de ce tableau quelques observa-
tions faites sur des feuilles cueillies sur la même vigne,
l'année 1868.
FOfîGTIOKS PHYSIQUES DES fEUILLES. 33 1
* Eau transpl-
rée par déci-
mètre carré
desfeailles Tompé- Psyohro-
Dates et henrds des observations.
en I beare.
ratare.
mètre.
Remarqaes
ai juillet, 2^ à l'ombre....
0,i4
0
18,3
0
57
3"* à Tombre. . . .
0,37
30,0
45
•^7 juillet, lo*' à Tombre.. .
0,11
i5,6
66
Ciel couTert.
3o » ï^ k Tombre....
0,09
i5,7
73
»
3i » 7''mat. àTombre.
o,o6
i3,o
81
»
3 août, 6^ mat. à l'ombre.
0,01
11,0
96
»
» midi au soleil
0,34
13,0
90
5 août, 7^ mat. au soleil. .
0,31
i3,4
89
Vent d'O., ciel
» 7^* mat. à Tombre. •
0,09
i3,1
89
»
» 8^ soir au soleil . . .
0,57
14,3
75
» 3*» soir à l'ombre..
o,i3
i4,3
75
» 5^ soir à l'ombre. .
0,08
13,0
90
4 sept., To^mat. àTombre.
0,13
. 18,6
79
» lo** mat. à l'ombre.
0,13
18,6
79
Comme moyenne on a pour Teau transpîrée par i dé-
cimètre carré de feuilles de vigne du même cep :
Par i5 observations au soleil o,3554
Par i5 observations à l'ombre » 0,1119
Par 4 observations pendant la nuit.. o,oo52
Transpiration des feuilles de houblon,
I. Sur la limite d'une lioublonnière établie au bord de la
Saûer, au pied du Liebfrauenberg, on a coupé, à la base,
deux liges enroulées sur la même perche. Leurs extrémités
furent introduites dans Teau d'une jauge, le 3o juin 1869.
h m ce
Exposé à 9* 10 matin. Eau dnns la jauge, aooo
Retiré à. . . . . 3,58 soir. » 161 5
Tempsécoulé. 6.48 Eau disparue. .. . 385
o
Température aS
Psychroraèire 60
Air calme.
33a J. B0US8IVGAULT.
La surface des feuilles (les deux côtés du limbe) étant
de 2™*^, 92, on trouve pour l'eau transpîrée par décimètre
carré, en une heure, o^', 194.
Le ciel était sans nuages, mais on remarquera que, sur un
pied touffu de houblon, la plus grande partie des feuilles,
ne recevant pas directement la lumière du soleil, fonc-
tionnent, en réalité, à l'ombre.
IL Dans Tintérieur de la houblonnière , on a coupé
deux tiges enroulées à la même perche. Les sections des
tiges ont été placées dans une jauge le 1" juillet 1869.
Surfaces des feuilles 3"',a
Exposé à 9* 17 nia tin. Eau dans la jauge, aooo
Retiré à 5 . i4 soir. » 1S90
Temps écoulé. 6.48 Eau disparue. ... 4^0
Eau iranspirée par décimètre carré en une heure, o*', 189
o
Température ao,5
Psychromèlre. .... 6a, o
Air calme.
UI. Les observations ont été reprises lors de la cueillette
des cônes, en septembre.
Les extrémités inférieures de deux tiges ont été plon-
gées dans la jauge :
h m co
Le 19 à 1*44 Eau dans la jauge. 1000
)) à 5.i4 » 389
Temps écoulé. 3.3o Eau disparue. ... 6ii
o
Température i4»3
Psychromètrc 60,0
Calme.
Poids des feuilles 84o
)) des cônes 770
') des tiges 787
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. 333
La surface des feuilles et des tiges était de 9°^^, 5a. Il n a
pas été possible d'évaluer celle des cônes.
On trouve pour l'eau transpirée par décimètre carré,
en une heure o^*", i83
Ces observations donnent bien le poids de Teau ayant
pénétré dans la tige, mais elles n'indiquent pas celui
que les feuilles ont perdu; il est vraisemblable qu elles en
ont réellement laissé échapper plus qu'elles n'en ont reçu
de la jauge. Quant à l'eau évaporée à la surface, seule la
balance pouvait permettre d'en fixer la quantité éliminée
au soleil, puisque dans une houblonnière les plants sont
généralement à l'ombre.
h m
IV. 27 septembre, au soleil : à 1 1 .06
» à 1 1 . 36
Temps écoulé o . 3o
»r eq
Poids de la feuille i ,81 Surface. 170
« 1,47
Eau évaporée o,34
Par décimètre carré, en une heure 0^*^,382
h m
27 septembre, à l'ombre, à 1 1 . 10
» » a 1 1 .40
Temps écoulé o . 3o
gr CQ
Poids de la feuille i .5o Surface. 122,5
» • 1.35
E^u évaporée o.i5
Par décimètre carré, en une heuro 0^24
0
An heures, température 20, 8
psychromètre 68^ o
Les feuilles détachées des tiges dépensent donc par la
transpiration beaucoup plus d'eau qu'il n'en monte par
l'aspiration. Il est vrai que dans la houblonnière elles ne
sont pas dans des conditions aussi favorables à Tévapora-
334 J* BOOSSIRGÀULT.
don. Néanmoins la perte pourrait être assez forte pour af-
fecter leur fraîcheur, si durant robscurité, alors que la
transpiration est à peu près nulle, la plante n'accumulait
pas reauque.les feuilles émettent pendant le jour.
Cherchons maintenant à évaluer ce qae transpirait une
vigne du Liebfrauenberg, durant les mois de juin, juillet
et août, alors que les ceps étaient en pleine vigueur. Les
feuilles sur lesquelles ont porté les expériences dont les
résultats ont été consignés avaient été recueillies sur une
treille en plein vent, dirigée de Test à Touest, d'une lon-
gueur de 38 mètres sur une hauteur de i mètre, présentant
par conséquent au midi une surface de 33 mètres carrés.
Par des mesures prises sur plusieurs points, on a trouvé
que les feuilles garnissant un espace de i mètre carré of-
fraient une surface simple de i^%y6y soit pour les deux
faces du limbe 3'°'*, 52. La surface évaporatoire de la treille
était par conséquent de i34 mètres carrés.
A l'époque des observations :
La durée du jour était de i5 heures.
La durée de la nuit de i4 »
Les feuilles d'une vigne, même par un ciel découvert,
ne sont jamais, toutes à la fois, exposées au soleil. Il en
est une notable partie placée à Tombre. On peut, je crois,
supposer que, dans le cas le plus général, la moitié au moins
n'est pas éclairée par la lumière directe, d'où il résulterait
que la transpiration de i mètre carré de feuilles en une
heure, dans la journée, irait au plus à 23^% 4 d'eau.
A l'obscurité, Teau transpirée en une heure par mètre
carré n'a pas dépassé o^", 5. Les surfaces totales des feuilles
de la treille étaut de i34 mètres carrés, on aurait pour la
quantité d'eau évaporée en vingt-quatre heures :
En i5 de jour 47, o3
En i4 de nuit o>97
Ea a4 48, oo
FONCTlOfîS PHYSIQUES DES FEUILLES. 335
La treille en plein vent laisserait donc sortir 48 kilo-
grammes en vingt-quatre heures, un jour de soleil. Par
un temps couvert la transpiration n'irait pas au delà :
kg
Pendant le jour, dv 22,61
Pendant la nuit, de ^>97
23,58
Transpiration des fouilles de betterave dite
• Globe jaune.
Je résumerai les observations faites le 18 juillet 1866 :
Poids de la feuille. Surface,
h m gr eq
I. Au Soleil à 10.45 8,00 188, S
» 11.00 7*78
IL A l'ombre.... 5.22 10,27 386,5
» 5.53 9» 9^
m. La nuit 7.30 7f^7 238,4
19 juillet 5.55 6,00
Eau transpirée
Eau évaporée par décimètre
déduite carré en Psychro-
des pesées. une heure. Thermomôtre. mètre,
fr gr 00
I. Au Soleil... 0.22 0,466 3 1,8 33
II. ATombre.. 0.37 0,174 3 1,0 43
m. Nuit 1.17 o,o5o 18,2 86
Il peut être curieux de rechercher Teau renfermée dans
l'organisme des plants de betteraves occupant un hectare
& l'époque de Tarrachage.
Dans le globe jaune on a dosé :
Dans 100 de racines. Dans loo de feuilles.
Matière sèche.. . 12.2 11. 2
Eau 87.8 88.8
100.0 lOO.O
336 J. BOUSSIMGAULT.
Le i5 septembre, sur i hectare emblavé, on a compté
18224 plants.
Par diverses pesées, on a trouvé dans un plant :
Racines. . . . iSooS'
Feuilles... 6'4o Surface... i"**,q3
La totalité des plants sur i bectare pesaient. . . 39000
Ayant : racines. . 27300*^6 renfermant eau. . . 23969
» feuilles... 11700 » )> 10389
Eau engagée dans les plants d'un bectare 34958
La surface double de feuilles d'un plant moyen serait,
d'après le poids, 2 mètres carrés.
Surface rapportée à Thectare, 36 000 mètres carrés en-
viron.
En adoptant pour Teau transpirée par mètre carré
de feuilles en i beure la moyenne des observations,
23 grammes, soit par24beures552 grammes, on aurait pour
l'eau que pourront transpirer en un jour les 36ooo mètres
carrés de feuilles à l'époque de leur plus grand développe-
ment, 20000 kilogrammes^ Ce cbifiTre est sans doute beau-
coup trop élevé, par la raison que les jours pluvieux, par
un temps couvert, la transpiration est certainement infé-
rieure à celle déduite de quelques expériences, mais il
établit, et c'est là le point intéressant, que la masse de
l'organisme contiendrait, et bien au delà, Teati que la tran-
spiration pourrait dissiper en vingt-quatre heures.
L'eau entrant dans la constitution des plants de bette-
raves a évidemment pour origine le sol d'où elle a été
amenée surtout par la transpiration des feuilles. On ne se
fait pas généralement une idée de l'énorme volume de li-
quide séquestré par certaines cultures. Pour fournir l'eau
indispensable à la végétation, la terre doit donc en ren-
fermer des quantités considérables. Haies a posé et résolu la
question par des moyens bien simples 5 je le citerai textuelle-
ment « afin de voir combien la terre contient d'humidité,
FONCTIONS PQTSIQUSft DES FEUILLES. iSS^
et pour jauger les réservoirs de la nature contre la séch^
resse de Tété et les provisions qu'elle a mises dans le sein
delà terre pour fournir à la grande dépense qu'elle est
obligée de faire pour la production et l'entretien des viégé-
taux» (*).
Le 3i juillet, Haies fit enlever successivement) à partir
delà surface, dans le sens vertical, 3 pieds cubiques dé
terre, qu'il exposa à Tair jusqu'à ce que cette terre devînt
poudii^use et assez sèche pour être impropre à la végétation.
Ht onces !!▼ onces
I ^^. pied cubique a pesé ... i o4 • 4 i perdit en séchant ... 6 . ii
2* » » ... 106.6 -j » » ... 10.0
3* » » ... iii.j » » ...8.8
D'après ces pesées on aurait, à partir de la superficie du
terrain^ jusqu'à la profondeur :
De o™, 3 pour l'eau d'un mètre cube de terre ... 1 o3
Deo'",3ào"»,6 » » ... i6ar
Deo",6ào™,9 » » * ... i36
Admettant pour l'hectare 9000 mètres cubes de terre
attaquable par la charme, en y comprenant le sous-sol, il se
«trouverait dans le sol, en juillet, I2i5mètrescubesd'eau, et,
en prenant pour le mètre cube de terre i3oo kilogrammes,
on arriverait à une teneur en eau libre de 8à i3 pour 100.
Des plesées faites en Alsace ont donné au printeinps
12 pour 100 d'eau, dans la terre légère et fertile du Lieb-
frauenberg. Il s'agit ici d'une terre ameublie et fort
éloignée du maximum d'imbibition, cas danslequel les terres
arables se chaînent de très-fortes quantités d'eau^ surtout
quand elles sont riches en humus; il eu est, par exemple, qui
en retiennent jusqu'à 5o pour 100. Cette eau libre, évaluée
^) HjtLBB, Stati^ae; traduction, p. 4o.
(') Le pied cube ang^ûs éi^le aS^^S 36.
Ann. de Chim. et de Ph/s., 5« série, t. XIII. (Mars 1878.) 22
338 3. BOU88I1IGÂVLT.
par Haies, concourt à la végétation, parce quWle n*est pas
engagée dans une combinaison minérale : c'est pour les
plantes une réserve d'autant plus assurée que le terrain
a plus de profondeur. C'est ainsi que Thumidité du sous-
sol, et des zones mêmes qui lui sont inférieures, s'élevant
par imbibition, par capillarité, abreuve la superficie de la
terre et préserve les cultures des extrêmes sépberesses. H
y a plus, dans un sol ameubli, par Tefiet du refroidisse-
ment nocturne, la vapeur émise par les couches sous-ja-
centes se condense sur les racines dans des limites très-
restreintes sans doute, et les mouille à la manière de la
rosée.
Transpiration des fouilles de châtaignier.
Surface 207 centimètres carrés.
Poids
de la
feaîlle.
h m ff
I. 3i août 1867, soleil à . . . 9*34 matin i ,6S
)> à. .. 10.34 lySâ
Temps écoulé i .0 Eau évaporée 0,16
n. A Tombre à 9«3o i»73
}) à 10. 3o 1,65
I • 00 G , 08
Eau transpirée par décimètre carré en une heure.
I. o , 08 ( Température 20 degrés, psychromètre 60 degrés,
n. 0,04 ( ciel très-nuageux, air calme.
«
Deux observations faites au commencement d'aoâit, sur
des feuilles attenant à une branche^ donnèrent pour Teau
transpirée par décimètre carré en une heure :
I. Au Soleil... 0,55 ( Température a6 degrés, psychro-
U.Al'ombre.. o,i6 "»*'« 45 degré», Yent d'est
l assez fort. •*
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. SSp
A la fin d'août ou abattit un châtaignier âgé de 35 ans.
On profita de cette circonstance pour mesurer la surface
des feuilles, qu'on trouva de i3o mètres carrés sur un
côté du limbe, soit 260 mètres carrés pour la superficie
totale (*).
Le châtaignier avait commencé à verdir le i" avril, il fut
abattu le 3i août. Les feuilles que Ton avait comptées et
mesurées s^étaient développées en cinq mois ou i5a jours;
leur développement en surface simple avait donc été en
1 3o°^*i
moyenne par vingt-quatre heures de = o^^jSSS.
La majeure partie des feuilles sur un arbre aussi touffu
sont presque toutes à l'ombre; dans celte condition, Téva-
poration étant de 10 grammes d'eau par mètre carré en une
heure, on aurait pour la transpiration de l'arbre en 10^ 45"^
('} Pour mesurer les feuilles on les divisa en huit catégories ayant h
peu près la même surface.
Le nombre était igaS^, pesant ensemble 33836 grammes.
Les surfaces du limbe étaient :
me
Première catégorie ^,']2
Deuxième catégorie 24 y 01
Troisième catégorie 4yi^
Quatrième catégorie 4i6^
Cinquième catégorie 38, sS
Sixième catégorie 20,74
Septième catégorie 24 iqS
Huitième catégorie 1 8 ,93
Surface totale i3oy37
33835
Pour le poids moyen de chaque feuille, on a :— = i^f 1337.
Poor le poids des feuilles développées en vingt-Kiuatre heures,
338'i5 . --
= iSoïf, IDD.
102
33833
Pour le poids du mètre carré de feuilles, — 5 — = 174*^,81.
Poids à très-peu près égal à celui des feuilles isolées sur lesquelles on fait
les expériences sur la transpiration. Les feuilles pesaient, en effet, de
iB'.GS à IV, 73 par décimètre carré.
22.
34o J* BOUSSINGÀULT.
de jour, 5 octobre, 107^% 5 par mètre carre, et en prenant
pour surface les deux côtés du limbe, 260 mètres,
28 litres d'eau. Ce serait là un minimum, puisqu'il est des
feuilles qui ne sont pas k Tombre.
On a réuni en un tableau l'ensemble des observations
sur la déperdition d'eau éprouvée par les feuilles exposées
à l'air. La transpiration est rapportée à ce qu'elle aurait
été pendant une heure pour une surface de i décimètre
carré au soleil, à l'ombre, à l'obscurité \ on s'est borné â
en présenter un résumé dans lequel on n'a pas cru devoir
introduire les résultats fournis par les branches feuillues,
ces observations, dans ce cas, ayant été trop prolongées.
Pour faire ressortir l'importance des expériences exécutées
à la lumière diffuse, je répéterai qu'à un instant quel-
conque de la journée, même par un ciel sans nuage, les
feuilles d'une plante herbacée, et à plus forte raison les
feuilles d'un arbre, ne sont jamais toutes à la fois éclairées
directement par les rayons solaires. Aussi, comme mon
père l'a dit dans un de ses Mémoires, partout, dans les
forêts, c'est surtout à l'ombre que s'accomplissent les phé-
nomènes de la vie végétale ; sous l'équateur, par exemple,
il n'y a réellement que les feuilles rigides et redressées
qui, à certains moments de la journée, reçoivent le soleil
sur toute leur surface.
Transpiration des feuilles, par heure y pour une surface
de I décimètre carré. (Moyennes.)
Noms
des plantes.
Exposition.
Eau
transpirée.
Thermomètre
à Tombre.
Psyehro-
mètre.
Topinambour
»
Soleil.
Ombre.
gr
0,70
0,16
0
25
20
0
58
it 4
Jour et nuit.
0,32
22
60
*> <
Nuit.
o,o5
17
7»
Vigne ....
19 • • • • • *
Soleil.
Nuit.
o,36
o,oo5
«9
i5
60
"37
\
FOUrCTIOIïS PHTSIQT}ES DBS FEUILLES. 34l
Noms Eau Thermomètre Psychro-
des plantes. Exposition. transpirée. à Fombre. mètre.
gr o o
Houblon Soleil. o,38 21 68
» Ombre. 0,22 17 71
Châtaignier... Soleil. o,3i 26 4^
» ... Ombre. 0,10 22 60
Marronnier. . . Soleil. o,54 26 4^
» ... Ombre. 0,08 22 67
Polonia Soleil. 0,22 23 84
» Ombre. 0,08 23 84
Catalpa Soleil. 0,21 24 4?
» Ombre. 0,09 18 68
Mûrier blanc. . Soleil. o,52 ig 78
» Ombre. 0,08 19 78
Platane .Ombre. o, 10 18 59
Chêne Ombre. 0,10 23 64
Noyer Ombre. o,o5 21 80
Poirier . ..... Soleil. 0,29 26 79
Pommier Ombre. 0,09 24 75
Pécher Ombre. o,i3 23 77
Sapin Ombre. o,i4 25 4^
Oranger Soleil. 0,1 5 22 5g
>» Ombre. 0,08 24 76
Laurier-cerise. Soleil. 0,24 26 65
» . Nuit. 0,01 20 78
Laurier- rose . . Soleil. o,3o 22 60
» . . Ombre. 0,12 22 60
Laurier-sauce. Soleil. 0,06 22 4^
» . Ombre. 0,02 18 85
Lilas Soleil. o,34 20 65
> Ombre. o , 1 3 20 65
Houx (jeune). Soleil. o,3o 17 56
Houx Ombre. 0,08 i3 57
Framboisier.. Ombre. 0,1 3 19 80
Lierre Soleil. 0,05 8 78
>» Ombre. o,o25 i5 84
» Nuit. 0,00 12 90
34^ 7* BOVSSIKGÀULT.
Noms Eau Thermomètre Psychro-
des plantes. Exposition, transpirée. à Tombre. mètre.
gr o o
Hortensia.... Ombre. o,io 26 76
Âsclepiada . . . Ombre. o,25 21 5g
Cactus op. . . . Soleil. 0,49 22 4^
» .... Ombre. o,o5 17 94
Agave Soleil. 0,20 21 49
» Ombre. 0,07 21 49
Betterave Ombre. 0,19 3i 43
» Nuit. o,o5 18 86
Menthe Ombre, o , 25 22 33
» Nuit. 0,04 i3 78
Boussingaultîa. Soleil. 0,70 27 35
» . Ombre. 0,20 25 5o
Oignon Soleil. 0,48 21 72
» Ombre. o,o4 21 72
Pervenche . . . Soleil. o > 39 26 56
» Ombre. 0,29 23 84
Tabac Ombre. 0,17 20 75
Convolvulus . . Ombre. 0,22 22 58
Haricot nain . . Ombre. 0,1 4 22 63
Maïs Soleil. Oy3i 21 Sg
» Ombre. 0,09 i5 60
» Nuit. 0,02 8 61
Avoine Soleil. 0,26 27 4^
» Ombre. 0,12 27 4^
» Nuit. o , 06 21 54
Concombre... Soleil. 0,74 26 4^
» ... Ombre. 0,4^ 26 4^
» ... Nuit. 0,01 20 88
Choux Ombre. o,25 24 81
Colrave Ombre. 0,27 24 81
L'intensité de la transpiration varie naturellement sui-
vant la proportion d'eau contenue dans les feuilles, pro-
portion qui est loin d'être la même dans le courant de la
journée^ elle change d'après la température, l'état hygro-
FONCTIONS FHT8IQCES DBS FEUILLES. 343
métrique, le calme ou l'agitation de l'atmosphère. Voici
les différences qu'on a constatées lorsque les observations
ont été assez nombreuses.
La variation dans le poids de Feau transpirée en une
heure, pour une surface de feuille de i décimètre carré,
a été :
Noms des plantes.
Topinambour ....
' • • • •
Vigne
Platane
Laurier-cerise. . .
Exposition.
Au soleil.
A r ombre.
Au soleil.
» A Tombre (*).
Marronnier Au soleil*
» A Tombre.
Au soleil.
Au soleil.
A Tombre.
Au soleil.
Au soleil.
A Tombre.
A Tombre.
A Tonibre.
A l'ombre.
A Tombre.
A l'ombre.
A Tombre.
A Tombre.
A l'ombre.
A Pombre.
Menthe
Mais* ^ .
Châtaignier
Lilas.
Mûrier blapc
■ «
Chêne
Oranger
Catalpa
Boussingaultia. . . .
Pervenche.. . . . . .
Concombre
Eau transpirée.
De 1,12 à o,23
De o,i6 à o,o4
De 0,68 à o,i8
De 0,27 à 0,06
De 0,64 à 0,33
De o,3o à 0,11
De o, i4 à 0,07
De o,3o à 0,20
De 0,10 à o,o5
De 0,82 à 0,33
De o,4o à 0,24
De 0,11 à 0,07
De 0,10 k 0,09
De 0,16 à 0,10
De 0,08 à o,o5
De 0,06 à o,i3
De 0,09 à o, i5
De o,o4 à 0,10
De Q,i2 à 0,09
De 0,29 à o,3q
De 0,37 à 0,52
Je placerai ici des observations de M. Risler, sur quel*
ques^unes des feuilles figurant dans le tableau ci-dessus. Les
différences sont quelquefois assez prononcées, ce quitient
(') En^.ne faisant. pas entrer dans la moyenne deux observation^ faite*
le ai juin et le 2 août, la première pendant qu'il pleuvait, l'appareil
étant à l'abri de la pluie ; la seconde par un temps très-humide , le psy-
chroraètre marquait 100 degrés.
344 ^* BOUSSIHGAULT.
vraisemblablement à ce que les résahats ont été obtenus
par un autre procédé et dans d'autres conditions météoro-
logiques (*).
Eau transpirée par heure et par décimètre carré
de surface foliaire*
gr »r
Choux o,25 A 0,90
Pommier. . o , 28
Maïs 0,16
Avoine. o,i4 A o,5o
Vigne o,r2
Chêne 0,06
Sapin o,o5
Les feuilles exposées à Fair, par cela même qu'elles ne
reçoivent plus de sève ascendante en quantité suffisante,
perdent plus ou moins de leur consistance \ Feffet prodnit
est d'ailleurs différent, suivant les espèces végétales* Ainsi
les feuilles de la vigne, du platane dont l'eau de constitu-
tion est de 66 pour 100, en perdant 7— de leur poids, ne
changent pas visiblement d'apparence. Il n'en est plus de
même pour des feuilles moins rigides \ une perte de —^ de-
vient manifeste par un commencement de flétrissure, elles
se fanent. C'est ce qu'on observe non-seulement sur les
herbacées, mais sur les feuilles des arbres, tels que le ca-
talpa, le polonia; la flétrissure cesse aussitôt que la sève
vient à affluer.
La transpiration à Tombre est, comme on l'a vu, bien
moins prononcée qu'au soleil. J'ajouterai que pendant les
premiers moments elle paraît être proportionnelle* à la
durée de l'exposition: c'est du moins ce que semblent
établir des expériences faites le 16 septembre 1867 sur
une feuille de Polonia; détachée de l'arbre à 9 heures du
* ■ - I 1 -- ■ ^ — . —
(') RiSLVR, Sur Vévaporation du sol et iht plmntes, 1871*
F01ICT10I9S PHYSIQUES DES FEUIIXES. 345
matin, elle pesait a»'', 29. Après l'observation, par une
dessiccation opérée à Tétuve chauâiée à 100 degrés, elle a
laissé o^*^, 695 de matières fixes et renfermait par conséquent,
au moment de la cueillette, 18^^,595 d'eau, soit 69,27 pour
100.
Une feuille d'une dimension égale, prise sur la même
branche, au même instant, à 9 heures, fut suspendue â
l'ombre et pesée à plusieurs reprises* Voici les poids enre-
gistrés :
Ean Eau Eaa Eaaperdad
contenue perdue perdue Ean rapportée
dans depuis le exprimée perdue à une £tal
Durée Poids la feuille commencenit en centièmes pendant exposition hygro-
de de au moment de de l'eau chaque de 30* Tempéra- métri-
rezposlHon. la feuille, de la pesée, l'expérience. initiale, exposition, de dorée. tore.. qoa.
h fT gr o o
0,0 3,29 1,59:) gr gr gr gr l4)7 1^
o,3o Q,25 1,555 3,04 o,5i o,o4 o»o4 i4»^ 7^
o,3o 3,32 1,525 0,07 4i39 0|03 9*^^ '^>^ 7'
1,0 3,12 1,425 0,17 10,66 0,10 o,o5 17,6 84
1,0 3,06 1,365 0,23 14,42 0,06 o,o3 17,8 66
1,0 1,96 1,365 0,33 30,69 ^f^^ ^>^^ '7>7 ^^
1,0 1,91 i,3t5 0,38 23,82 o,o5 0,025 16,8 63
1,0 1,87 i>i75 0,4a 36,33 0,04 0,320 i5,8 64
1,0 1,83 1,135 0,47 39/17 ^»^^ 0,035 9,3 86
17,0 1,33 0,635 0,97 60,81 o,5o o,oi5 II. 8 86
Pendant les premières heures, de 9 heures du matin à
2 heures de l'après-midi, les quantités d'eau transpirées
ont été sensiblement les mêmes pour des temps égaux,
jusqu'à ce que les 24 centièmes de l'eau constitutionnelle
aien^t été dissipés. A partir de la sixième heure la transpi-
ration a diminué., La feuille retenait l'eau avec plus de
force. Il en résulte que la transpiration déterminée sur Une
feuille isolée par deux pesées exécutées à de courts in-
tervalles doit représenter à fort peu près ce qu'elle aurail
été si cette feuille fût restée sur la plante.
Il peut paraître surprenant qu'une feuille où il entre 46
70 à 80 pour 100 d'eau, et dont quelquefois l'épaisseur ne
dépasse pas 7^ de millimètre, retienne ce liquide avec ass^
346 J. BOUSSINGÀULT.
de force pour n^en laisser s'échapper à Tombre que 4 À
5 centigrammes dans une heure pour une surface d'un
décimètre carré, bien que la température atteigne et dé-
passe même 26 degrés, et que l'état hygrométrique de
l'atmosphère soit fort éloigné du point de saturation.
Dans de semblables conditions un décimètre carré de
papier mouillé suspendu à Tair serait sec en quelques
instants. Si les feuilles ne se dessèchent qu'avec lenteur,
c'est qu'elles sont enveloppées d'un tissu épidermique qui
modère singulièrement l'évaporation. Aussi est-ce à l'ab*
sence de ce tissu qu'il faut attribuer la prompte dessic-
cation des plantes aquatiques quand on les sort de l'eau.
Il m'a semblé intéressant de mesurer ce pouvoir modéra-
teur deTépiderme.
Le 22 septembre 1867, on a choisi sur un eâc//i5 opuntia
deux articles de même surface j à l'un on a enlevé l'épî-
derme.
Exposition à l'ombre :
Poids du cactus.
Avec Tépiderme. Sans Tépiderme.
h m gr. fr.
A II. 38 matin 11, 33 79I4
A 4*^8 soir 11,18 4>97
En 5.00 Eau évaporée. o,i5 29I7
Eau évaporée par heure. , . o,o3 0,4^4
Ainsi, à surface égale, le cactus sans épiderme a perdu
quatorze fois et demie autant d*eau que le cactus qui n'en
était pas dépouillé. La surface simple des cactus était de
23 centimètres carrés ( surface des deux côtés : 46 centi-
mètres carrés). La transpirationducactusavec son épidémie
a eu lieu à raison de oS',o65 par heure et par décimèlW
carré. Quant à la transpiration du cactus privé d'épiderme,
il fut impossible de la ramener à ce qu'elle aurait é\é par
décimètre carré et par heure, par la raison que le volume
FONCTIONS ^JËTSIQrSS DES FEUILLES. 347
de Tarticle avait considérablement diminué ; de 23 cekiti^
mètres carrés, la surface simple était réduite à i5 centi-
mètres carrés.
Temp. de l'air. Psychromètre.
o o
A 3 teures i7>4 94
A 4 heures 17,8 5g
Le cactus est resté exposé jusqu'au 25 septembre.
Avec épiderme. Sans épiderme.
gr. gr.
Le 22 septembre, à 4^* 38"* . . 11,18 4 , 97
Lé 25 septembre, à 4^ 38° . . 10,78 1,71
En 72 heures, eau perdue. . . 0,40 3, 26.
Par heure o,oo55 o,o45
Parheureetpardécim. carré. 0,012 »
On voit quel obstacle Fépiderme apporte à la transpi-
ration. C'est ce qui explique pourquoi un fragment de
plante grasse conserve si longtemps sa vitalité. Ainsi, le
2 octobre, le cactus portant son épiderme pesait encore
9S%95^en sept jours il avait diminué de i^^23,il possédait
toujours la faculté de décomposer F acide carbonique. Le
cactus sans épiderme, à la même date, ne pesait plus que
o5%5; et, bien qu'ayant conservé une teinte légèrement
verte, il ne fonctionnait plus. C'est parce qu'ils sont pro-
tégés par un tissu épidermique peu perméable que les
fruits échappent à une dessiccation rapide, l'évaporation
accomplie à leur superficie étant extrêmement faible. On en
jugera par les expériences que je vais faire connaître.
I. Prune Quetsch, 17 août 1869. Surface : 57 centimètres
carrés.
Poids.
gr
Exposée à Tombre, à midi .... « 6o,i5 ) Température : i5®.
»» à6''3o™,soir. 59)95 ) Psychromètre : 70®.
En ô'^So™, perte 0,20 Par heure et pardécî^»
mètre carré: o«',o54»
348 J* BOUSSIlfGÀULT.
IL Prune de reine-Claude ayant son épiderme; surface: 38%5*
Exposée à l'ombre.
Poids.
Le 27 août, à 2^ 87°*, soir .... 23 , 29 ) Température : 1 4**»
Le 28 août, à 8*^25"*, matin. . . 22,70 ) Psychromètre : 78®.
En 17*^40™, perte 0,69 Par heure et par déci-
mètre carré : o«',o86.
Le 26 août, à 6^ 3o™ soir 22 , 3o
En 9^5o*'', perte o,4o Parheureet par déci-
mètre carré : o«% 1 06.
Le 29 août, à 8^29", matin 21 ,92
En 13*^53", perte o,38 Par heure et par déci-
mètre carré : o»', 07 1 .
Prune de reine-Claude dépouillée d'épîderme. Surface : 35%55.
Exposée à Tombre :
Poids.
gr
Le 27 août, à 2^20™, soir 2o,3i ) Température: 14**.
Le 28 août, à 8^ 20™, matin ... i6,49 i Psychromètre: 71*,
En 18 heures, perte 3,82 Par heure et par déci-
mètre carré : o*'',63.
Le 28 août, à 6*» 35™, soir i4,52
En 10^ i5™, perte i ,97 Par heure et par déci-
mètre carré : o«' 58.
Le 29 août, à 8'»23™ matin i3,i75 Par heure et pardé-
cimètre carré : o'*',29.
La perte éprouvée par la prune de reine-Claude k l'ëtat
normal a été, pendant 4i**3i™,de o8',o87 par heure et par
décimètre carré de surface.
La perte éprouvée par la reine-Claude dépouillée d'épi-
derme a été en moyenne, en quarante-deux heures, de 0^*^,50
par heure et décimètre carré. La perte a naturellement
diminué à n^esure que l'exposition se prolongeait et Ton
remarquera qu'elle fut, à la même température et au même
FONCTIOKS PHYSIQUES DES FEUILLES. 349
état hygrométrique, environ six fois plus forte pour la
prune sans épiderme.
I. Pomme exposée à l'ombre :
Température i5°,o Psycliromètre . . . . 74^ >o
A l'état normal, surface io3*^^,2
Poids.
ET
10 octobre 1869, à 10^ mat. 70,75
1 1 octobre 1 869^ à^ i o mal . 70 ,635
En 24 heures, perte o, ii5 Par heure et par déci-
mètre carré: o^fOoS
i3 octobre à 10^ mat 70,600
En 48 heures, perte o,o35 Par heure et par déci*
mètre carré : o*',ooo7
2 novembre, à 10^ mat 68,17
En 480 heures, pertes .... 2,43 Par heure et par déci-
mètre carré : o*',oo5
o
A la fin des observations : température i4>o
)) psychromètre 75, b
IL Pomme dépouillée de son épiderme, exposée à l'ombre.
Surface 97*^^>3
Poids,
gr
10 octobre, 10 heures matin. 66,75
II octobre, 10 heures matin. 60,275
En 24 heures, pertes 6,475 Par heure et par déci-
mètre carré : o*'',277
1 3 octobre, i o heures matin* Sg , 37
En 48 heures, perte 0,905 Par heure et par déci-
mètre carré : o'%020
Durant les premières vingt-quatre heures l'eau perdue
par la pomme pelée a été 55 fois plus forte qu'avec la
pomme ayant sa pelure.
36o 3. BOUSSINGÀULT.
Pendant quatre cent quatre vingts heures d'exposition
la perte par la pomme ayant sou épiderme a été assez
régulière, à peu près oS',o4 à o6'^,o5 par heure et par déci-
mètre carré. La pomme pelée, au contraire, a d'abord subi
une perte considérable qui a diminué rapidement.
C'est un fait établi d*ailleurs par mes recherches sor
Tosmose et Tendosmose des feuilles, des fruits et des racines
que le tissu épidermique ne laisse passer, par la transpi-
ration, que de la vapeur aqueuse émanant cependant des solu-
tions plus ou moins sucrées renfermées dans le parenchyme.
En effet, après une transpiration assez prolongée pour que
Teaude constitution soit réduite aux deux tiers de son poids
initial, on n'aperçoit pas à la surface de la feuille, du fruit,
de la racine, aucune trace de matières concrètes, à moins
qu'il n'y ait eu déchirure ou altération ( * ). J'ai eu récent-
ment l'occasion de constater l'absence des principes sucrés
à la superficie de grains de raisin suspendus à l'air depuis
trois mois, quoique le jus remplissant les cellules en contint
plus de 0,07 au commencement delà dessiccation. Les
grains de raisin étaient ridés ^ en les lavant avec soin à
l'aide d'un pinceau de blaireau, l'eau de lavage ne déter-
mina aucune réduction en la chauffant avec la liqueur
cuivrique. La perte qu'une feuille subit en transpirant
amoindrit l'énergie de ses fonctions ^ en effet, il résulte
d'observations faites par mon père que l'aptitude à décom-
poser l'acide carbonique sous l'influence de la lumière baisse
au fur et à mesure que les feuilles abandonnent de leur e4iu
de constitution. Voici quelques-uns des résultats obtenus
avec des feuilles de laurier-rose, introduit dans de l'air
atmosphérique contenant de l'acide carbonique :
I. Feuille renfermant : eau 0,60
Gaz acide carbonique décomposé 16^^,00
(*) J. BoQSSiNGAULT, Annales de Chimie et de Physique, 4« série, t. XXI3L»
p. 36o.
FOircTioirs physiques des feuilles. 35 i
II. Feuille ne renfermant plus que : eau .... o,36
Gaz acide carbonique décomposé ii^^,oo
III. Feuille ne renfermant plus que: eau .... o, 29
Gaz acide carbonique décomposé o^°,oo
La feuille II avait perdu les o,4o de Peau initiale et la
feuille m les o, 52.
Les feuilles, quand elles ne reçoivent pas une quantité
de sève ascendante capable de remplacer Teau éliminée
durant la transpiration, perdent de leur consistance;
Taspect qu'elles prennent alors est fort différent selon les
espèces végétales. Si chez les unes il suffit d^une perte de
o^*^, 16 de Teau constitutionnelle pour commencer à se flé-
trir, il en est d'autres qui restent rigides en éprouvant
une perte beaucoup plus forte. L'état que prend une
feuille exposée à l'atmosphère dépend, d'un côté, de la
facilité av^c laquelle elle laisse échapper l'eau et, de
l'autre» du plus ou moins de rapidité dans l'ascension de la
sève. Mais il n'y a pas ordinairement simultanéité d'in-
tensité dans les deux fonctions, et cela est concevable si
l'on considère que la température, l'état hygromé-
trique de Pair, le vent agissent d'une manière très-pro-
tioncée sur l'évaporation sans influencer notablement le
mouvement ascensionnel de la sève. Aussi la proportion
d'eau dans les feuilles doit-elle varier et varie-t-elle en effet
dans le cours de la journée, ainsi qu'on a pu le reconnaître
dans une série d'expériences faites en août 1869, consistant
à marquer, sur un même rameau, trois feuilles aussi sem-
blables que possible. On en pesait une à 7 heures du matin,
1^9 deux autres à 3 heures et à 8 heures du soir ; après les
pesées, chaque feuille était séchée à l'étuve chauffée à
100 degrés. Yoici les résultats, les feuilles étant ramenées
& une surface de i décimètre carré : .
35a J. boussiugavlt.
Feuilles ramenées à une sarfaee Dans loo yruiBiM
, de I décimètre carré. de feuilles.
Heares Poids Matières Matières
Plantes. des pesées, desfeallles. fixes. Eau. fixes. Eau.
h gr gr gr
Boussingaultia. . 7 matin 5,32 o,'i8 5, 04 5,26 94*74
» ..3 soir 5,53 o,4o 5,i3 7,23 9a>77
» ..8 soir 5,91 0,38 5,53 6,43 93»57
Tignc 7 matin 1,28 o,43 0^85 33,59 ^^ti^
» 3 soir 1,56 o,55 1,01 35,95 64*75
']> 8 soir 1,75 0,57 1,18 32^57 67,4^
Concombre. ... 7 matin 2,47 o,52 1,95 21, o5 78,95
o ... 3 soir 2;65 o,63 2,02 33, 78 76, a3
n .... 8 soir 2,43 0,53 1,90 31,81 78,19
Cerise 7 matin 3,82 1,62 2,i5 i^ti^ ^7»^
» 3 soir 3,63 1,60 1,97 4^;73 54>38
» 8 soir 3,81 1,48 a, 33 38,84 61,16
Les feuilles désignées pour les pesées avaient des dimen-
sions à très-peu près égales, cependant on ne saurait affir-
mer qu'elles aient eu une identité absolue de composition^
on peut voir que le matin elles renfermaient plus d'eaUi
qu'au milieu du jour la proportion diminuait ensuite pour
revenir le soir a ce qu'elle était au lever du soleil.
Dans les conditions où l'expérience a été faite, la terre
et l'atmosphère étaient assez humides; il faisait peu de
vent. Lorsque le sol est desséché, ce qui coïncide presque
toujours avec la sécheresse et l'agitation de l'air, il arrive
que les feuilles ne récupèrent pas, pendant la nuit, l'ean
qu'elles ont perdue dans le jour. Elles restent penchées vers
la tige; leur vitalité est comme suspendue jusqu'à l'arrivée
de la pluie. C'est là, du reste, une étude que j'aborderai,
lorsque j'aurai terminé d'exposer ce qui est relatif à la
transpiration.
§ in. — Transpiration des feuilles par Vun et Vautre
côté du limbe.
Dans ce qui précède, on a considéré comme surface
évaporatoire la surface totale d'une feuille, c'est-à-dire la
somme des deux surfaces opposées. On a bien ainsi la
FOlïCTIOJVS PHYSIQUES DES FEUILLES. 353
quantité de «vapeur aqueuse émanée d'une feuille, mais on
ne distingue pas celle émise par chaque côté du limbe. Chez
la plupart des feuilles, la surface supérieure, celle tournée
vers le ciel, est plus lisse, d'un vert plus foncé, porte
moins de stomates que la face dirigée vers la terre. Les
feuilles ainsi constituées ont une position à peu près hori-
zontale, tandis que, lorsqu'elles sont pourvues de stomates
en nombre à peu près égal sur les deux faces, comme cela
a lieu pour les graminées, leur port est presque vertical.
On est tout naturellement porté à croire que la transpi*
ration devait être plus forte par le côté pourvu de perfo-
rations, établissant une communication plus directe de
Tair extérieur avec le parenchyme*
La question a été abordée, d'abord indirectement, par
Charles Bonnet, après qu'il eut reconnu, avec Calendrini,
« que les feuilles des arbres, comme celles des herbes, sont
toujours dirigées de façon que leur surface supérieure
regarde le ciel ou l'air libre \ l'inférieure, la terre ou l'inté-
rieur de la plante \ que la surface supérieure est ordinai-
rement lisse et lustrée, sans nervures saillantes; que la
surface inférieure est, au contraire, pleine de petites aspé<-
rîtes, ou garnie de poils courts ; que ses nervures ontdn
relief; que sa couleur est toujours plus pâle que celle de la
surface supérieure, qui n'a que peu ou point de lustre ( ^ )• »
Charles Bonnet pensait que ce des différences aussi frap-
pantes avaient une fin », et, d'après les idées assez confuses
de l'époque sur la nutrition des végétaux, il considérait la
surface inférieure des feuilles comme « destinée à pomper
la rosée qui s'élève de la terre » ; aussi Bonnet ne se préoc-
cupe-t-il pas de la transpiration, il cherche uniquement à
établir qu'une feuille en contact avec l'eau en absorbe plus
par sa face inférieure que par sa face supérieure.
(*) Charles Bon:<et, Recherches sur V usage des feuilles,
Ann. de Chim, et de Phjrs,, 5* série, t. XIII. (Mars 1 878.) 23
354 ^' BOUSSIIfGAVLT.
Il posait (c sur de l'eau plusieurs feuilles d*une même
espèce, de façon que les unes fussent humectées par leur
surface supérieure, les autres par leur surface opposée. »
L'absorption était mesurée par la diminution du volume
du liquide. Des dispositions adoptées par Ch. Bonnet, il
ressort clairement qu'il mesurait à la fois les effets de
deux phénomènes distincts, puisque l'absorption de Peau
par la surface d'une feuille répondait naturellement à
Tévaporation accomplie à la face opposée. Les résultats, du
reste, n'eurent rien de bien saillant. Pour les herbacées,
les feuilles vécurent à peu près aussi longtemps en absor-
bant l'eau par Tune ou l'autre face.
Les feuilles des arbres, si l'on en excepte les lilas et les
trembles, absorbèrent par leur face inférieure plus d'eau
que par leur face supérieure ( * ) .
Ch. Bonnet déduit de ces observations que a les plantes
tirent l'humidité par leurs feuilles ^ qu'il y a une étroite
communication entre ces feuilles; que cette communica-
tion s'étend à tout le corps de la plante-, que Ton peut dire
que les végétaux sont plantés dans l'air, à peu près comme
ils le sont dans la terre; que les feuilles sont aux branches
ce que le chevelu est aux racines : que c'est surtout à l'aide
de leurs feuilles que les plantes nées dans un territoire
ingrat ne laissent pas d'y faire de grands progrès, les rosées,
les brouillards et les pluies leur fournissant d'abondantes
nourritures, et dont elles perdent d'autant moins qu'elles
ont plus de bouches préparées pour la recueillir. De li
vient encore que, dans certaines contrées, les rosées suf-
fisent presque seules pour l'entretien des plantes (*)• »
Une fois admis que la rosée était absorbée par la surface
inférieure des feuilles, Ch. Bonnet fut conduit à supposer
que le phénomène opposé à l'absorption, la transpiration.
(•) Gn ARLES Bonnet, Usage des feuilles.
(») IbiJ,
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. 355
avait lieu, priiicipalementpar la surface supérieure, « irès-
propre à la faciliter par son extrême poli, par l'absence
de poils, d'aspérités ».
Ainsi chaque côté du limbe de la feuille d'une plante
ligneuse aurait une fonction spéciale : Tun, d'absorber
l'eau météorique 5 l'autre, de la laisser échapper après avoir
retenu les matériaux fertilisants qu'elle pouvait contenir.
Il est curieux de voir un observateur aussi sagace faire
une large part à l'intervention de la rosée dans la nutrition
végétale, et cela pour justifier la fonction importante qu'il
attribuait à la face inférieure des feuilles. Pour vérifier si
les surfaces se comportaient réellement ainsi, Ch. Bonnet
plongeait, dans des tubes remplis d'eau, le pétiole des feuilles
de même espèce, de même dimension {fig* 2) \ il enduisait
Fig. a.
les feuilles d'huile d'olive, les unes sur leur surface supé*
rieure, les autres sur leur surface inférieure; d'autres
feuilles n'étaient pas enduites. On mesurait Tévaporation
par l'abaissement du niveau du liquide dansle tube. Puisque
la face supérieure était principalement destinée à la transpi-
ration, les feuilles enduites d'huile sur cette face devaient
moins transpirer que celles enduites d'huile sur la face
opposée; or il arriva précisément le contraire : sur vingt
et une espèces, le marronnier d'Inde fut la seule dont les
feuilles huilées sur la face supérieure aspirèrent moins
d'eau, ou, si Ton veut, transpirèrent moins que lorsqu'elles
étaient huilées sur la face inférieure.
23.
356 J. BOUSSISGAULT.
Les feuilles du rosier, de la vigne du Canada en aspirè-
rent à peu près la même quanti té, quels que fussent les côtés
huilés. Les feuilles des autres espèces aspirèrent toutes
davantage, lorsque c'était la face supérieure qui avait été
enduite d'huile.
Les feuilles des plantes herbacées se comportèrent de la
même manière. Ch. Bonnet en conclut, contrairement à
sa prévision, que n la surface inférieure des feuilles n'est
pas moins destinée à la transpiration qu'à la nutrition ». Il
aurait dû conclure, car ses expériences semblaient le prou-
ver, que cette face inférieure est surtout destinée à la tran-
spiration.
Au point de vue de Tétude de la transpiration, les expé-
riences deCh. Bonnet furent faites dans des conditions peu
favorables, dans un appartement clos, dont l'air était pro-
bablement peu éloigné du point de saturation, et à une
température à peu près constante. La durée de l'observation
était d'ailleurs trop prolongée pour supposer que l'eau dis-:
parue dans les tubes eut toujours pénétré par le pétiole en
quantité suffisante pour remplacer l'eau évaporée. En effet,
les expériences rapportées dans la première partie de ce
travail montrent que, si l'on eût observé non pas dans une
chambre fermée, mais en plein air, par conséquent dans des
conditions de température et d'état hygrométrique fort va-
riables, l'eau n'aurait certainement pas monté assez vite
du tube dans la feuille pour remplacer l'eau dissipée. Sans
doute la lenteur avec laquelle l'eau parcourt le pétiole im-
mergé n'est pas manifeste sur des feuilles rigides telles que
celles du noyer, du cerisier, du pommier, du laurier, du
lierre, etc., mais elle le devient sur des feuilles molles,
flexibles, à mince épiderme. L'insuffisance du pétiole pour
amener l'eau dans le parenchyme est promptement accusée.
Une feuille de concombre, à^Helianthus, de mauve, placée
dans de telles conditions, ne tarde pas à être fanée, même
à l'ombre, surtout si l'air est sec et agité. Alors le Yolume
FOWCTIOKS PHYSIQUES DES FEUILLES. 3Sj
d^eau disparue dans la jauge ne représente plus, à beaucoup
près, le volume de Teau que la plante a transpirée. Oo a
insisté ailleurs sur ce que dans maintes conditions météo-
rologiques, alors même que le sol est très-humide, l'eau,
tout en parvenant dans les racines, dans les tiges, dans les
pétioles, n'y pénètre pas en quanti té suffisante pour four-
nir à Tévapo ration des feuilles : je reviendrai, d^ ailleurs,
sur cette question intéressante.
Il y avait donc lieu, selon moi, de reprendre les expé-
riences deCh. Bonnet. On a déterminé comparativement
la transpiration à la surface inférieure et à la surface supé-
rieure d une înème feuille, en faisant usage de la balance.
Le côté du limbe que l'on voulait empêcher de transpirer
était recouvert de suif préalablement maintenu en fusion
à i3o degrés, pour en expulser l'eau ou les matières vola-
tiles. On l'appliquait sur la feuille quand la température
ne dépassait plus celle de Tair.
La fedille ayant un côté recouvert, on la pesait après
l'avoir mise dans une boite en métal. On fit d'abord quel-
ques essais pour savoir si le suif s'opposerait à la transpi-
ration, et l'on reconnut, non sans surprise, que l'enduit
gras n'était pas un obstacle absolument infranchissable à
la vapeur aqueuse; au moins on put se convaincre qu'une
feuille recouverte de suif sur toute sa superficie éprouve
néanmoins une légère perte quand elle reste exposée à l'air
libre. Voici quelques pesées :
Feuilles enduites de suif sur les deux côtés.
Dorée
de
rexposition. Poids.
Lauriei^cerise i heure au soleil. 3,i8
» I heure au soleil. 3,io5
» I heure au soleil. 5,4^
Lilas I heure au soleil, i ,7!<
Laurier «cerise i heure à l'ombre. 5, 07
Marronnier i heureàTombre. i ,47
Châtaignier i heureàTombre: 3, 61
irfaoe.
Perte.
Perte par
décimètre
carré.
co
100
o,oi5
o,oi5
101
0,020
0,020
195
0,010
o.ooS
loH
0,020
0,019
137
0,010
0,007
212
217
o,oao
o,o3o
0,007
0,014
338 J. BOUSSIJNGAULT.
Ainsi, les feuilles enduites de suif ont perdu de leur
poids. La perte est réelle ; on ne saurait l'attribuer à quel-
ques prfncipes volatils ou à une combustion du corps
gras, car le poids d'une lame de laiton d'un décimètre carré
recouvert de suif^ suspendue au soleil pendant une heure,
n'a pas varié. Néanmoins, dans les pesées exécutées sur
des feuilles dont une partie de la surface était séquestrée,
on n'a pas cru devoir introduire de correction. On opé-
rait sur deux feuilles semblables, cueillies au même mo-
ment, l'une, par exemple, ayant Vern^ers sous le suif : la
transpiration alors n'avait lieu que par l'endroit. L'autre
feuille était enduite sur l'endroit pour que la 'transpiration
se fit par T envers. Dans quelques cas, pendant qu'on me-
surait l'évaporation sur chacun des côtés, on la mesurait
aussi simultanément sur une feuille entière ne portant pas
d'enduit gras, pour voir si la somme des quantités d'eau
transpirées par l'envers et par l'endroit difiererait de la
quantité d'eau transpirée par la totalité d'une feuille dont
les deux côtés resteraient libres. Enfin, pour atténuer une
cause d'erreur provenant de ce que deux feuilles de même
dimension, de même âge, pourraient renfermer des pro-
portions distinctes d'eau, on a quelquefois comparé sur une
feuille unique la transpiration de chacun des côtés du
limbe, en la divisant en deux parties symétriques, suivant
le sens de la nervure principale.
Voici les observations faites pendant le mois d'août :
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES.
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A •
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. 36 1
Les diflérences entre la transpiration accomplie sur
chaque côté des feuilles ont été plus fortes au soleil qu'à
l'ombre. En éliminant le laurier-rose et le maïs, dont les
observations ont quelque chose d^anormal, on trouve, pour
le lilas, la vigne, le poirier, l'oranger, le topinambour, le
houx, le catalpa, la boussingaultîa, le convolvulus, Tas-
clépiade, le pêcher, que Teau transpirée par l'endroit des
feuilles est à la transpiration par l'envers :: i : 4>3.
En prenant une moyenne des observations à Tombre,
l'eau transpirée par l'endroit et l'envers des feuilles aurait
été dans le rapport de i : a,4* L^ transpiration a été à peu
près la même sur les deux côtés du limbe, pour :
Au soleil. A Tombre.
Le marronnier 5,2 4>8
Le maïs 0,8 0,8
La pervenche 5,5 4>3
Dans quelques expériences on a comparé la somme des
quantités d'eau évaporée sur chacun des côtés de la feuille
pris isolément à l'évaporation accomplie, sur une feuille
entière de même dimension. Voici les résultats :
Somme de Tcau Eau transpirée
transpirée par la
par chaque côté. feuille entière. Différences.
Laurier-rose o,2o5 o,2o5 0,000
Laurier-cerise. ... 0,1 52 0,112 o, o4o
Laurier-ceiise. . 0,1 85 0,128 0,057
Lilas 0,229 0,170 0,095
Marronnier o,2o5 o,i85 0,020
Châtaignier 0,1 o5 0,080 o,o25
Vigne 1 , 160 I ,o85 0,076
Framboisier o,i85 o,i65 0,020
Si là transpiration d'une même feuille dans un espace
de temps égal est trouvée plus forte quand on la déduit
d'observations faites sur un seul côté du limbe, cela peut
36a J* BOUSSIMGAULT.
tenir à ce que ]a vapeur émise n'a qu^une issue : quoi qu'il
en soit, il résulte de cette série d'expériences que, dans les
mêmes circonstances de température et d'état hygromé-
trique de Tair, la transpiration est généralement plus forte
par l'envers que par l'endroit d'une feuille.
§ IV. — Rapport de la surface évaporatoire des feuilles
à la surface absorbante des racines.
Dans les conditions normales, l'eau que les feuilles trans-
pirent est remplacée par celle que les racines puisent dans
le sol. Pendant la journée la transpiration est souvent
assez énergique pour que la sève ascendante n'arrive pas
assez rapidement dans le parenchyme. Les feuilles aban-
donnent alors une partie de leur eau de constitution : c'est
ce qui a lieu par les effets combinés de la chaleur, de la
sécheresse et du vent. Lorsqu'il survient un ralentissement
dans Tévaporation par suitedu refroidissement ou du calme
de l'atmosphère, dans la nuit, ou par un ciel couvert, par
un brouillard, les feuilles récupèrent bientôt l'eau qu'elles
ont perdue, parce que les racines ne cessent de fonctionner
que lorsque tout l'organisme est en quelque sorte saturé
d'humidité, état qui ne peut se maintenir que si la terre
fournit autant d'eau qu'il en sort par la transpiration.
Lorsqu'une branche détachée de l'arbre, ou une tige
portant des rameaux, mais dont on a coupé les racines, est
mise dans l'eau, dans de la terre humectée, la transpira-
tion feuillue a lieu d'abord comme sur un végétal entier ;
toutefois la restitution de l'eau transpirée se fait avec une
telle lenteur que bientôt les feuilles se dessèchent et
meurent, la durée de leur vitalité dépendant de l'eau
approvisionnée dans la tige.
En effet, une branche, une tige isolée offre une grande
différence avec une plante complète dans leur contact avec
la terre humide. L'eau, pour arriver dans l'organisme, pë-
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. 363
nètre, dans le premier cas, par une section de peu d^éten-
due superficielle, tandis que. dans le second cas, alors que
les racines interviennent, la surface absorbante est con-
sidérable et diffère infiniment moins de la surface des
feuilles. Ainsi Haies a trouvé qu'un Helianthus ayant,
hors de terre, une surface feuillue de 39 pieds carrés, avait
des racines présentant une surface de i5 à 16 pieds car-
rés. Le rapport de ces surfaces était donc :: i C s>4- Un
cbou ayant une surface de feuilles de 19 pieds carrés
présentait une surface de racines de i à 2 pieds. L'aire de
la section des tiges était :
Pour V Helianthus 1 pouce carré.
Pour le choux 7 de pouce.
Le rapport existant entre l'étendue superficielle des or-
ganes souterrains et celle des organes aériens d'une plante,
c'est-à-dire la relation entre la surface absorbante enfouie
dans la terre et la surface évapora toi re, doit donc être pris
en considération.
Les racines, quel que soit leur mode de fonctionner,
doivent puiser d'autant plus d'eau dans le sol qu'elles
sont plus développées, et l'inaptitude de la section d*une
tige à une absorption, même momentanée, pourrait bien
dépendre en partie du peu de surface qu'elle présente a
l'eau ou à la terre humectée. Une expérience que Perrault
fit à l'occasion d'une vive discussion sur l'analogie du mou-
vement de la sève dans les arbres avec la circulation du
sang chez les animaux montra que, dans certaines limites,
un organe sufiEisamment développé remplit en quelque sorte
une des fonctions des racines. Haies soutenait qu'il n'y
avait pas de circulation dans les plantes et qt^e les expé-
riences entreprises pour la prouver établissaient simplement
l'existence d'un mouvement rétrograde d'une partie de la
sève parvenue au sommet du végétal; il répéta toutefois
l'expérience de Perrault sur des branches de cerisier, de
groseillier, de pommier, portant chacun deux rameaux
364 J* BOUSSINGAULT.
feuillus, dont Tun plongeait dans un vase plein d'eau,
tandis que l'autre restait en dehors.
Les branches suspendues dans Tair furent promptement
fanées; celles, au contraire, ayant un rameau submergé
conservèrent leur vigueur : le groseillier pendant onze jours,
la vigne, le pommier durant plusieurs semaines, « d^oùil
est clair, dit Haies, que, soit par la quantité d'eau que la
transpiration doit dissiper en onze jours et que les feuilles
doivent tirer pour conserver leur verdeur, soit par la con-
sommation de l'eau dans les vaisseaux, les rameaux
avaient tiré toute cette quantité à travers les feuilles du
rameau plongé dans l'eau » .
La seule conséquence que Haies déduisit fut « combien
il est probable que les végétaux tirent la pluie et la rosée
surtout dans la saison sèche ( ^ ) . »
Sans doute, il en résultait la preuve de la perméabilité
des feuilles, mais il paraîtra singulier que Haies ne fut pas
frappé du fait principal, à savoir que les feuilles du ra-
meau submergé, eu égard à la forte proportion d'eau
qu'elles avaient introduite dans le rameau qui ne Pétait
pas, s'étaient comportées comme des racines .
Charles Bonnet aussi avait reconnu qu'une ou plusieurs
feuilles maintenues dans Peau pommaient nourrir, ce sontses
expressions, une ou plusieurs autres feuilles appartenant
à la même brachiole. Or on a vu maintes fois, dan« le
cours de ce travail, qu'en se bornant à plonger dans l'eau
la section d'une branche ou un pétiole, les feuilles exposées
à l'air se fanaient rapidement. U est donc permis d'attri-
buer la plus longue durée de leur existence, dans les con*
ditions de l'expérience de Perrault, à la faculté d'absorption
des feuilles submergées. Les feuilles tenues à l'air, même
dans ces conditions, ne restent vertes, il est vrai, que pen-
dant un temps limité, mais on ne doit pas oublier que, si
(^) Halbs, Statique des végétaux^ Gh. IV, t. I, p. lor.
FOKCTIOUS PHYSIQUES DES FEUILLES. 365
elles eussent appartenu à une plante entière dont les racines
plongeaient dans de l'eau pure, elles ne se seraient pas mieux
conservées, par la raison que ce liquide, amené soit par le
concours des racines, soit par le concours des feuilles, ne
renfermerait pas les principes fertilisants répandus dans
la terre et que, par conséquent, malgré le carbone qu'elles
tireraient de l'atmosphère, une plante placée dans une telle
situation finirait par succomber.
L'expérience de Perrault est capitale lorsqu'on l'envisage
à ce point de vue que des feuilles submergées déterminent
l'ascension de l'eau dans une branche quand leur surface
approche de la surface des feuilles exposées à l'air et faisant
partie de la même branche. Cette expérience a semblé assez
intéressante pour être répétée en faisant intervenir la ba-
lance, et cela d'autant mieux qu'elle jette de la lumière sur
cette question encore controversée : l'absorption de l'eau
liquide par les parties vertes des végétaux.
Observation faite sur le platane et sur le lilas,
I. On a choisi une jeune branche formée de deux ra-
meaux A et B (fig. 3),
On rapportera les observations sur le platane.
La surface des feuilles de A maintenues dans l'eau était
de 2024 centimètres carrés.
La surface des feuilles de 6 exposées à l'air était de
1933 centimètres carrés.
Le ilacon contenant l'eau était bouché par un liège ayant
une entaille sur le bord pour laisser passer la tige.
Le 27 septembre, à 7 heures du soir, l'appareil
établi dans le jardin pesait 4^ygo^'^
Le 2*8 septembre, à 7 heures du matin 4^85
Eau évaporée en douze heures, la nuit 5
Par décimètre carré de feuille, en une heure*. 0^^,021
L* »6 «n n>«''n = température i5°,8
1 psychromètre gi"
Air calme.
hf 38 septembre, à 7 heures du matiu, appareil . . 4°85
a à 5''3o'" dusoir 4°a8
Eau évaporée eu 10'' So"' au soleil 57
Pardécimètre carré de feuille en une heure o8',3o
Le aS septembre à 3 heures, température 16% 00
11 psychromètre 87
Air calme, ciel pur.
Le 38 septembre, à 5''3o'° soir, appareil j . 4o38
Le 29 septembre, à 7'' o'" matin 4026
Eau évaporée en i3'' 3o" pendant la nuit a
Par décimètre carré de feuille eu une heure o , 008
«
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. 36^
Le 2g k y heures du matin : température.. i5°,'0
)) psychromètre go°
Aircal me.
Le 29 septembre, à 7 heures du matin, appareil. . 4026
Le 2 octobre, à i heure après midi 386o
Eau évaporée en cinquante-quatre heures, le jour
et la nuit 166
Par décimètre carré en une heure o^^, 16
Température 12a 1-5**
Psychromètre ^4 à 91**
Le 9 octobre à 9 heures du matin, appareîL . . . 3694,5
Eau évaporée en 1 48 heures, jour et nuit idi ,5
Par décimètre carré en une heure o,o4
Depuis le 29 septembre, le thermo-
mètre vers le lever du soleil a
O 0
indiqué 5 à y
Le psychromètre de 80 à 90
A 2 heures, thermomètre i3 à i4
Psychromètre 70 à 73
Vent d'est.
Si l'on considère l'eau évaporée pendant la nuit comme
nulle, on trouve pour la transpiration des feuilles de pla-
tane pendant la journée par décimètre carré en une heure :
Le 28 septembre o , 3o
Du 29 septembre au 2 octobre o, 20
Du 2 au 9 octobre o , 07
Les feuilles en contact avec Tair avaient conservé toute
leur fraîcheur; la diminution constatée dans leur transpi-
ration à partir du 29 septembre est expliquée, d'un côté,
par l'abaissement de la température et l'accroissement de
rhumidité de l'air.
L'eaii de la jauge dans laquelle plongeaient les feuilles
fonctionnant comme racines, puisqu'elles fournissaient
, BOUSSISOADLX.
l'eau ëvaporée, avait gardé sa limpidité. Cepeadant, bien
que les feuilles submergées présentassent une belle teinte
verte et l'apparence qu'elles avaient avant leur submersion,
elles étaient enduites d'une légère coucbe d'une matière
visqueuse qu'on en détacKait aisément par le frottement,
II. Dans une expérience faite sur des feuilles de betteraves
attenant à la racine et dont une partie plongeait dans l'eau,
tandis que l'autre éuit dans l'air (^^. 4)t le résultat fat
bien différent ; on avait coupé, en C, le corps de labetterave.
En un jour les feuilles placées k l'air furent toutes flétries;
lecolletdela racine n'établissait pas une communication anf-
fîsaute entre lesfeuilles submergées etcelles qui nel'étaient
pas.
III. Afin de bien établir que dans l'expérience sur le
platane la transpiration avait diminué par le fait du re-
FONCTIOHS PHYSIQUES DBS FEUILLES. 369
froidîsGemeni de l'atmosplièi'e; on rapportera une série
d'observations sur la vigne pendant laquelle on a siiÎTi avec
beaucoup d'attention les variations du thermomètre et du
psychromètre.
Le 8 septembre 1868, un rameau fut plongé dans l'eau
parsa base. La surface des feuilles submergées F était i5 dé-
cimètres carrés (^^.5); celle de 16 feuilles maintenues hors
Fig. 5.
de l'eau ^3 décimètres carrés. Un rameau semblable fut en
même temps plongé dans l'eau par sa base, la section de la
tige ayant 1 centimètre carré.
On plaça les appareils au soleil :
Le 8 septembre à ii^'Ôo" du matin, l'appareil k
feuilles immergées pesait. ., 4443
Le 9 septembre, à 5''3o°' du malin , 44^0
Eau évaporée 2'S
AmuOti dt Chim. et de Phjn., S* lérie, t. Xlll. (Mm 1878.) 34
ijO J. BOUSSIirGÀDLT.
La transpiration nocturoe est si faible en septembre
qtt>'<^B peut la négliger et admettre pour la durée de l'expo-
sition au jour 5^ 4o°*^ P^i* conséquent, on aurait pour Teau
transpiréepar décimètre carré de feuille en unebeure. o*% 17
Le 8 septembre la température monta à 27^,4
Le psychromètre indiquait 60®
Le 10 septembre à 5^ 3o" du matin, le poids de
l'appareil était iSpS
Eau évaporée le jour et la nuit depuis le 9 à la
même heure 22
Adoptant 12 heures pour la transpiration dans la
journée, on a par décimètre carré en une heure . ©^""joS
Les feuilles se trouvaient en très-bon état. Tout au con-
traire, celles dont la section de la tige seule plongeait dans
Teau étaient flétries et pendantes ^ par leur section d'un cen-
timètre carré, il n^avait pas pénétré assez d'eau pour*
subvenir à la transpiration.
Voici les pesées faites à différentes époques. La perte de
poids eicprime l'eau évaporée par les feuilles en contact avec
l'air, dont la surface totale (les deux côtés du limbe) était
de 23 décimètre carrés au début de l'expérience. Cette eau
ayant été absorbée par les feuilles submergées ayant une
surface de i5 décimètres carrés, on a joint au tableau la
température de l'air mesurée à l'ombre, et les indications
psy chromé triques .
Eaa
éyaporée.
Par déci- j^„ ,gy^ £nj„
Depuis mètre carré du «olell. a«kSkMres.
Poids la de feuilles m, ^, ■ ■
ide précédente en Tempe- Psychro- Tampé* Piydvo-
Dates. Heures. Tappareil. pesée. une heure. rature. mètre rakar«. mèirs.
h m «r
Sept. 8 11.4^ 444^ gr gr o 000
9 5.2a 44^0 23 0,170 24,0 4» 27,4 39
10 5.3o 43g8 22 0,080 i4,4 63 28,8 ' 3i
11 5.3o 4375 23 o,o83 i3,5 82 38»a 34
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. 37 1
Eaa
éyaporée.
PardécI- Auleror Entre
Depuii mètre carré daaolell. a et 8 heurei.
Poids la defeallles ,, .n . — — , - ^
de précédente en Tempe* Psyohro- Tempe- Psychro-
Dates. Heares. l'appareil, pesée. uneheare. rature, mètre. rature, mètre,
h m gr gr gr 6 o o o
12 (*) 5.3o 4355 20 0,076 i5,2 78 19,4 66
i3 6.3o 4334»^ 30,5 0,072 12,2 79 19,9 5o
14 6.3o 4^19)^ i^»o o,o65 10,8 65 27,2 87
18 6.3o l\'x\% 101,5 0,097 9»7 72 22,3 36(')
19 3.3o (') ap. midi. 417^ 4^}^ 0,098 i5,o 68 26,4 ^9
24 6.0 matin. t\\o^ 65, 0 0,079 ^^y^ 7^ 21,0 57
NoY. 2 6.0 ('*) matin. 4^^^ 108,0 0,020 11,0 96 i4}6 72
Jusqu'au 24 septembre, la transpiration des feuilles, si
l'on en excepte la première observation, fut assez régu-
lière; à partir du 9, les températures minima et maxima,
l'étal hygrométrique de l'air ne présentèrent pas de grands
écarts. Après cette date le vent d'ouest domina, le temps de-
vint pluvieux. Il y eut de forts brouillards, des gelées
blanches; la température baissa notablement; Fhumidité
se maintint assez près du maximum. La transpiration
devait diminuer : c'est ce qui arriva. La pesée, faite le a no-
vembre, ne donna plus qu'une évaporation de o^'^joa par
décimètre carré en une heure. Les feuilles du rameau se
comportèrent comme celle d'une vigne voisine en pleine
terre ; elless supportèrent sans souiSrir la forte chaleur et
la sécheresse amenées par le vent d'est qui régna jusqu'au
19 septembre; elles restèrent fermes, alors que les feuilles
des betteraves de la grande cultj^re étaient flétries. Même
en plein soleil, les feuilles de l'appareil, exposées à l'air.
(*) Une feuille d'une surface de 11 5^, i est détachée par accident. La sur-
face exposée à Tair devient 2i'=4,85.
(') Moyenne des observations : vent d'est très-fort le i5 septembre.
(') Un vent violent soufQant de l'ouest oblige à rentrer l'appareil.
(^ ) Une gelée matinale, survenue le 28 septembre, a fait tomber cinq feuilles
ayant ensemble une surface de 9^^,65. La surface évaporatoire a été ainsi
réduite de 12^^,22.
Sja J. BOUSSIirGÀliLT.
procuraient une sensation de fraiclieur à la main; le
20 septembre quelques-unes portaient des points jaunes
que l'on voyait aussi sur les feuilles de la vigne en pleine
terre. Le a6 septembre, il y eut un fort brouillard, elles
prirent une teinte jaune, puis Taspect automnal.
On était à l'époque de la chute des feuilles, le rameau
en perdit plusieurs. Le 2a octobre, on mesura une jeune
pousse et un bourgeon survenus depuis le commencement
des observations. Geltefeuille tardive avait une nervure de
55 centimètres. Quand on démonta l'appareil, deux jeunes
feuilles, provenant du bourgeon, offraient une superficie
de 5o centimètres carrés. Les feuilles submergées depuis
deux mois étaient vertes et enduites d'une substance
gluante, ainsi qu'on l'avait observé sur les feuilles immer*
gées du platane. L'eau du flacon, devenue trouble, s'ë-
claircit bientôt en laissant déposer un sédiment.
En résumé, dans ces observations, les feuilles de l'ap-
pareil A en contact avec l'air ont transpiré à peu près
comme elles l'eussent fait si le rameau qui les portait eût
appartenu à une plante en pleine terre. Les feuilles sub-
mergées ont fonctionné comme surface absorbante k la
manière des racines*, elles présentaient, d'ailleurs, avec ces
organes, cette analogie, que l'étendue de leur superficie
différait peu de celle des feuilles exposées à l'atmosphère.
Dans deux autres expériences, en 1 871, on se borna â
constater la durée de la vitalité des feuilles sans mesurer
leur transpiration. •
L Une pousse de laurier-cerise fut disposée de manière
que les feuilles submergées eussent une surface égale à
celles qui ne l'étaient pas. Les feuilles exposées à l'air se
maintinrent en parfait état pendant quatre mois, de juin k
octobre.
IL Un plant de topinambour, mis à ce régime, ne ré-
sista qu'alors que les feuilles plongées dans l'eau eurent une
surface quatre fois aussi étendue que celles qui fonction-
FOIÏCTlOnS PHYSIQUES DES FEUILLES. 373
aaient à Tair libre. Lorsque Tinsolation était forte, les
feuilles placées à Pair se fanaient, maïs elles se redres-
saient pendant la nuit. Quelques feuilles se développèrent
au sommet de la tige. L'exposition dura trois mois, de juillet
à septembre.
Comment les feuilles submergées introduisent-elles
Teau dans les feuilles du même rameau qui ne le sont pas?
Est-ce par endosmose, est-ce par imbibition, par capilla-
rité?
Ce qui semble évident, c'est que, pour que l'introduction
se réalise, il faut qu'il n'y ait pas de solution de conti-
nuité entre Tépiderme de la surface absorbante et Tépi-
derme de la surface évaporatoire, ainsi qu'il arrive dans
les conditions normales de la végétation où Tépiderme en-
veloppe la plante, depuis les feuilles jusqu'aux racines.
L'eau pénètre donc le tissu épidermique des feuilles
submergées, de mèmequ'elle pénètre celui des racines, et,
quoiqu'on ait dit, ce tissu possède à la fois la faculté ab-
sorbante et la faculté évaporatoire. Dans une feuille, le
côté interne del'épiderme en contact avec le parenchyme
absorbe des liquides, et si la cuticule qui la recouvre ne les
laisse pas suinter, si elle n'est pas mouillée k l'extérieur,
elle offre néanmoins un libre passage à Teau qui en émane
à l'état de vapeur ^ en un mot, la cuticule prélève de l'eau
en touchant un corps humide, et la cède à Tair ambiant
quand il est à un état hygrométrique inférieur à loo de-
grés du psychromètre.
§ V. — Absorption de Veau parla surface des feuilles.
•
Dans la saison chaude, par un temps sec persistant, la
végétation est en quelque sorte suspendue, les feuilles
tombent comme en automne^ naturellement les herbacées
sont toujoursplus atteintes que les arbres. Il n'est pas rare
de voir, après de fortes insolations, les feuilles des bette-
374 '• BOUSSI1V6ÀULT.
raves, des topinambours, des cueurbîtacées, des grandes
cultures, devenir molles, fanées à la fin du jour; puis, si,
après le coucher du Soleil, l'atmosphère est calme, on les
retrouve vivaces le lendemain matin. C'est que, la nuit,
rhumidité de Pair est un obstacle à la transpiration; Teau
arrivant du sol s'accumule dans l'organisme ; ensuite, si
l'air n'est pas agité, si le ciel est pur, la rosée déposée sur
les feuilles les pénètre. L'eau réparatrice vient alors de la
terre et de l'atmosphère. Ce qui tend à faire croire au con-
cours de la rosée dans le redressement des feuilles fanées
dans les circonstances que je viens de signaler, c'est ce
qu'on voit maintes fois dans un champ de betteraves. Les
feuilles flétries des plants placés sous les arbres ne se re-
lèvent pas le matin quand la terre est bien desséchée à la
surface: c'est qu'alors, étant abritées, elles ne reçoiventpas
de rosée, parce qu'elles ne se refroidissent pas en rayon-
nant vers l'espace; dans tous les cas, la flétrissure des
feuilles est due à ce que la sève ne monte pas assez vite
pour remplacer l'eau transpirée. C'est, au reste, ce qu'éta-
blissent surabondamment les expériences que j'ai décrites
et qui montrent que les plantes conservent leur état de
langueur occasionnée par la chaleur et la séchieresse, jus-
qu'à ce que la pluie imbibe leurs feuilles, avant même
qu'elle soit entrée assez profondément dans la terre pour
atteindre leurs racines.
Cette action efficace de la pluie, de la rosée, du brouil-
lard, en un mot celte absorption directe de l'eau par les
parties vertes des végétaux ayant été niée par les uns,
admise par les autres, il en est résulté une confusion que
je vais essayer de faire disparaître. On a vu que Calandrini
et Ch. Bonnet accordaient aux feuilles l'aptitude d'as-
pirer, de condenser les météores aqueux qu'ils envisa-
geaient comme étant une nourriture essentielle aux plantes.
On a beaucoup écrit sur ce sujet ; je me limiterai à résumer
ici les observations de M. Duchartre.
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. 3^5
I. Des branches feuiilées, dont la section avait été soi-
gneusement mastiquée, ont été plongées pendant quelque
temps dans Teau, elles ont augmenté de poids en propor-
tions variables suivant les espèces. M. Duchartre croit
pouvoir en conclure que si les feuilles sont dépourvues de
la faculté d'absorber la vapeur aqueuse répandue dans Tair,
par compensation elles possèdent celle d'absorber Teau
liquide qui les mouille, telle que la pluie, le brouillard, la
rosée (*).
II. Des recherches entreprises dans le courant de Tété
et de l'automne i856 « établissent le principe que, con-
trairement aux idées reçues, les plantes n'absorbent pas
l'eau de la rosée qui les mouille, quelque abondante qu'elle
puisse être, du moins dans nos climats et dans les con-
ditions ordinaires de la végétation, et que le seul effet
qu'elle produise est d'arrêter, par sa présence, la transpi-
ration qui eût eu lieu sans elle ('). »
m. Revenant sur ce sujet, M. Duchartre dit, en 1860 :
« On a pensé de tout temps, et l'on pense encore au-
jourd'hui, que l'eau de la pluie qui mouille les parties
extérieures des plantes pendant un temps plus ou moins
long est absorbée par elles et vient ainsi concourir à la
nutrition. » C'est là une opinion qui n'est pas appuyée sur
des expériences directes. J'ai cru qu'il y avait intérêt à
reconnaître si elle est l'expression exacte des faits. Des
pieds jeunes cl vigoureux de Fuchsia globosa, de Veronica
tindlefana, de Flox decussata ont offert ce fait remar-
quable que, après être restés exposés à la pluie même pen-
dant dix-huit heures, ils n'ont pas subi une augmentation
de poids appréciable^ ils ont plutôt éprouvé une légère
(*) Comptes rendus des séances de V Académie des Sciences y t. XLII,
p. 790.
(■) Comptes rendus des séances de V Académie des Sciences, t. XL VI,
p. 204.
376 J. BOUSSIIfGÀDLT.
diminution. Il semble logique de conclure de là que leurs
parties extérieures, liges, rameaux herbacés, feuilles tant
jeunes qu'adultes, se sont montrées dépourvues de la faculté
d'absorber Teau qui mouillait et lavait longuement leur
surface (*)•
Les divergences dans des résultats obtenus à Taide de
méthodes irréprochables tiennent, je crois, à une circon-
stance que je formulerai plus bas. La vérité est que les
parties vertes des végétaux peuvent absorber ou ne pas
absorber l'eau liquide, la rosée et même la vapeur aqueuse,
suivant les conditions dans lesquelles elles se trouvent.
Avant de les signaler, je rapporterai ici ce que j'ai ottsenré
au Liebfrauenberg.
On était au 25 juillet, depuis vingt jours il n'avait
pas plu ] à l'ombre le thermomètre marquait de ai à 3o de-
grés, le psychromètre 36 à 4o degrés ; le vent soufflait de
l'est presque sans interruption. De petites pervenches,
placées en bordures dans le jardin, présentaient des feuilles
tellement penchées qu'elles touchaient les tiges. La terre
était sèche, poudreuse jusqu'à une profondeur de 10 i
i5 centimètres. Les arbres commençaient à se dépouiller,
de jeunes pommiers plantés en automne périrent, les
plants de betteraves, de topinambours étaient flétris;
seuls, la vigne, le tabac ne paraissaient pas soufirir; plu-
sieurs fois, au reste, j'avais eu l'occasion de reconnaître
combien ces plantes résistent à la sécheresse.
I. J'ai voulu voir si les pervenches, après une séche-
resse aussi intense, absorberaient la vapeur aqueuse.
A 8 heures du matin on en détacha un rameau pesant
4 grammes, sur lequel il se trouvait vingt feuilles ayant
une surface de 33 1^^^, 2, soit pour les deux côtés du limbe
662^^,4. Le rameau fut introduit sous une cloche dont les
N
(') Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences, t. L, p. SSg.
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. 877
parois mouillées reposaient sur de Teau exempte d'acide
carbonique.
gr
A 8 heures du matin, poids du rameau 4»^^
Après vingt-cinq heures passées dans une atmo-
sphère saturée de vapeur d'eau 4>i5
Augmentation de poids o, i5
Je ferai remarquer que le rameau de pervenche était
resté :
A la lumière difïuse pendant seize heures.
A l'obscurité (la nuit) pendant neuf heures.
Cette circonstance est à noter, parce que l'air, ne ren-
fermant pas de gaz acide carbonique, les feuilles n'avaient
pu fixer du carbone durant la journée, tandis que la nuit
elles en avaient perdu par la combustion respiratoire, de
sorte que l'accroissement de poids a dû être un peu supé-
rieur à celui indiqué par la balance.
Pendant leur séjour dans l'atmosphère saturée de va-
peur, les feuilles auraient absorbé ^-V-7 = o«',0!i3 d'eau
par décimètre carré de surface.
Immédiatement après la pesée, le rameau fut replacé sous
la cloche où il est resté douze heures à la lumière diffuse.
Au commencement il pesait 49^^
A la fin 4»^^
Augmentation en douze heures o,o5
L'absorption de la vapeur aqueuse fut moins prononcée.
Il est donc évident que les pervenches, dans l'état ou
elles étaient après avoir éprouvé une longue sécheresse,
ont enlevé de l'eau à l'atmosphère dans laquelle elles
étaient confinées. L'absorption de la vapeur eut lieu avec
une grande lenteur ^ on ne pouvait prolonger l'expérience:
le plant durait pu en souffrir.
378 J. BOUSSINGAULT.
n. En sortant de Fair humide, le même rameau de per*
venche a été plongé pendant douze heures dans de l'eau ne
contenant pas d'acide carbonique ; après immersion, égoutté
et essuyé avec un papier buvard :
Le rameau a pesé 9» 38
Avant l'immersion, il pesait 4 9^0
Eau absorbée . . 5 , 1 8
Toutes les feuilles étaient redressées, fermes, d'une belle
teinte verte. Elles avaient fixé o^'^, 778 d'eau par surface
d'un décimètre carré. Durant l'immersion, la température
s'était maintenue à 21 degrés.
III. Le même rameau a été suspendu à Tair :
"P"!"'' ; 9'^M Différence. .. . o^MS
Une heure après 9,20 )
Deux heures après 8,85 j Différence . . . o8'',35
Le thermomètre marquait 20, le psychro mètre 85 degrés.
La perte de poids provenait de la transpiration des feuilles.
Durant la première heure, cette perte a été de oS'^oayj
dans les deux heures qui ont suivi par décimètre carré et
par heure 0,026.
Le 27 juillet, avec un vent d'ouest, il survint une plaie
qui tomba presque sans interruption pendant quarante-
huit heures.
Le 29, les pervenches du jardin étaient relevées ; cepen-
dant la pluie n'avait pas encore pénétré le sol à plus
de 2 ou 3 centimètres de profondeur, au-dessous la
terre était encore sèche. Les feuilles des plants disposés en
bordure avaient donc absorbé l'eau pluviale, de même
qu'alors qu'elles étaient submergées.
IV. Le 3o juillet, après la pluie, un rameau très-vîvace
de petite pervenche resta plongé dans l'eau pendant doaze
FOIiCTiONS PHYSIQUES DES FEUILLES. '^79
heures, ainsi qu'on avait fai t prëeédemment pour un ra-
meau portant des feuilles flétries :
gr
Avant rimmersion, le rameau pesait 5,oo
Après 5 , o3
il n'y avait eu qu'une absorption d'eau insignifiante.
V. Dans le mois d'août, après une nouvelle période de
forte sécheresse, les feuilles d'un asclépiade penchaient sur
la tige^ à 6 heures du soir on en cueillit une, elle pesait
S^'jSa, sa surface double (dés deux côtés du limbe) était
262 centimètres carrés; on la mit dans l'eau^ où elle resta
plongée jusqu'à 8 heures du matin.
Poids de la feuille avant l'immersion 5,82
Après 8 , 20
Eau absorbée en quatorze heures 2,38
Par décimètre carré de surface 0,07
Après l'immersion, la feuille est devenue rigide et d'une
belle teinte.
VI. A la fin d'août, après une pluie continuelle, les
feuilles de l'asclépiade du jardin reprirent leur aspect nor-
mal, tout était reverdi, suivant l'expression des jardiniers.
On détacha d'un pied d' asclépiade deux feuilles pesant
ensemble 9^^,00, ayant une surface double de 287 centi-
mètres carrés ] les feuilles, après immersion, ne changèrent
pas de poids, elles n'absorbèrent pas d'eau.
YII. A la même époque, la terre étant humide, on
cueillit à 9 heures du matin :
1® Deux feuilles de pla-
* gr ^ cq
tane pesant ensemble. . 12,8 Surface double 844
2^ Deux feuilles de vigne. 8,2 )> 4^0
3*^ Deux feuilles de Bous-
singaultia 7,8 » /32
38o J. BOUSSIIIGÀULT.
Les feuilles de platane et de vigne furent cueillies an
soleil, les feuilles de BoussingauUia à Tombre. Toutes,
après la cueillette, restèrent dans l'eau durant sept heures :
Platane. Yî|^e. Booflûnganltia.
fT cr gr
Poids avant rimmersion. . . . 12,8 8,2 7,0
Après i3,i 8,3 7,8
Différence o,3 0,1 0,0
Si l'on considère l'ëtendue des surfaces des feuilles, l'ab-
sorption a été très-faible.
Par décimètre carré : platane o,o35
» vigne o,oa5
Ces feuilles, lorsqu'on les arracha de la plante, à 9 heures
du matin, étaient déjà en transpiration, transpiration qui
devait être plus prononcée que pour les feuilles de Boussîn-
gaultia que les rayons du Soleil n'avaient pas frappées.
YIII. Au commencement de septembre, il n'avait pas
plu depuis deux jours; la terre était bien imbibée. On
cueillit le matin à 8 heures :
Snrfooe
doaUe.
ir rq
!• Deux feuilles de vigne pesant ensemble. 8,5o 77a
2® Deux feuilles de Boussingaultîa 5,3o 212
3" Une feuille de laurier-cerise 3,27 m
Les feuilles ont été submergées pendant quatre heures :
Vigne. BoussingauUia. Laurier-ceiiae.
... ^' ^' *■■
Poids avant ]*immersion. 8,5o 5, 20 3, 27
Après 8,90 5,3o 3,29
Différence 0,40 0,10 0,02
Eau absorbée par déci-
mè^tre carré o,o52 0,047 0,01
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. 38 1
Sur les mêmes plants, recevant le soleil depuis le matin,
on cueillit à 6 heures du soir :
Surface
double.
gr cq
i^ Sur la vi{>nedeux feuilles pesant ensemble. 13,9 700
2^ Sur la Boussiogaultia 5,9 200
Les feuilles furent placées sous Teau pendant quatre
heures :
Vigne. Boussingaultia.
«r gr
Poids avant Timmersion i3,9 5,o
Après i4,5 5,5
0,6 0,5
Eau absorbée par décimètre carré. o , 086 o , 25
Ainsi les feuilles cueillies le matin ont absorbé moins
d^eau que celles qui l'ont été à la fin de la journée. Ce fait
suffit pour montrer nettement les conditions dans lesquelles
les parties vertes absorbent ou n^absorbent pas d'eau. La
feuille d'une plante végétant dans un sol humide ren-
ferme, au lever du soleil, un maximum d'e^u de constitu-
tion; aussitôt qu'elle commence à transpirer, si, comme il
arrive ordinairement, l'eau qu'elle émet n'est pas com-
pensée par celle qu'amène la sève ascendante, il 7 a com*
mencement de dessiccation et par suite aptitude à l'ab-
sorption.
Par une sécheresse persistante les feuilles finissent
par ne plus remplir qu'imparfaitement leurs fonctions
aériennes; arrivées à un certain d^ré de siccité, elles
peuvent même condenser la vapeur aqueuse de l'air; il en
est tout autrement quand la feuille est pourvue de son ean
constitutionnelle : son poids n'augmente plus ni par la sub-
mersion, ni dans une atmosphère saturée d'humidité.
On doit donc reconnaître, avec les cultivateurs et les
jardiniers, qu'après de longues sécheresses la pluie, la
38a J* BOUSSUfGAULT.
rosée, en pénétrant directement les feuilles, contribuent à
ranimer la vitalité du végétal.
Exposées à une pluie persistante, les feuilles se compor-
tent autrement que les fruits; lorsqu'elles ont toute Teau
de constitution, elles cessent d'en absorber. Aussi leur
épiderme n^est-îl pas déchiré par suite d'un accroissement
de volume, comme il arrive pour les prunes, les cerises,
les raisins, etc., et, à moins qu'elles ne soient a cet état
morbide qui détermine l'apparition de la miellée, leur
surface ne présente aucune substance concrète^ cependant
elles contiennent dans leurs cellules des matières solubles,
du saccharose, des sucres réducteurs, des sels alcalins,
d'où il faut bien conclure que la cuticule n'enlève que de
l'eau pure au parenchyme qu'elle enveloppe pour l'émettre
en vapeur pendant la transpiration. Cette émission, on Ta
démontré, diminue avec la perte de l'eau constitutionnelle ;
parvenue à un état avancé de dessiccation, la feuille se dé-
tache de la branché et, par la submersion, ne reprend
plus, à beaucoup près, l'eau qu'elle a perdue. C'est une
feuille morte.
Les expériei;ices sur la transpiration et l'absorption de
l'eau par les feuilles, en tenant compte des circonstances
météorologiques, de la température, de l'état hygromé-
trique, de l'agitation de l'air, tendent donc à établir que,
dans les conditions normales, l'ascension de la sève est en
retard sur l'évaporation accomplie à la surface des feuilles.
En effet, elles montrent qu'une plante ne transpire, on
pourrait dire ne fonctionne, que dans une atmosphère non
saturée. Aussi toujours, par un temps humide, souvent
pendant la nuit, les organes aériens n'émettant plus de va-^
peurs, l'assimilation cesse ou diminue. L'eau aspirée par
le fait de la transpiration est le véhicule des principes fer-
tilisants répartis dans le sol, tels que les composés azotés,
' les sels alcalins et terreux. Une feuille ne fonctionne donc
complètement qu'autant qu'il y a évaporation à sa surface;
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. 383
et qu'on ne croie pas cependant qu^alors qu'elle est confi-
née momentanément dans une atmosphère saturée, il n'y
a pas exhalation de vapeur. La preuve qu'il n'en est pas
ainsi, c'est que, dans cette situation anormale, on voit ap-
paraître des gouttelettes sur les parois de la cloche qui l'a-
brite, c'est qu'alors la température de la feuille séquestrée
est notablement supérieure à celle de l'air ambiant; il est
aisé de s'en assurer, et c'est pour avoir méconnu cette dif-
férence de température que des observateurs ont attribué
à la lumière le pouvoir de provoquer, comme la chaleur,
la transpiration des organes verts des végétaux.
C'est pendant une sécheresse prolongée, par des vents
persistants amenant la dessiccation du sol, que le retard de
l'ascension de la sève ascendante sur la transpiration est
plus prononcée, à ce point que les plantes succomberaient
rigoureusement si la pluie, la rosée, le brouillard n'inter-
venaient pas; si, en un mot, l'eau liquide ne possédait pas
la propriété de pénétrer dans l'intérieur des feuilles en
leur restituant l'eau de constitution qu'elles avaient laissé
échapper, remplaçant ainsi celle que les racines ne sau-
raient fournir en quantité suffisante tant que la terre est
sèche.
Dans les contrées arides, où la pluie est si rare qu'elle
devient un événement, les fortes rosées, les brouillards
fréquents sont les sources principales, sinon uniques, qui
entretiennent la végétation. Dans des régions chaudes in-
tertropicales, éloignées des fleuves, mon père a vu, par un
temps calme et une nuit sereine, la rosée déposée en telle
abondance sur les plantes refroidies par le rayonnement
nocturne qu'elle ruisselait sur le sol en ^l'abreuvant pro-
fondément. C'est ainsi que des météores apportent aux
feuilles d'abord, à la terre ensuite, et, par conséquent,
aux racines, Teau nécessaire à la végétation.
384 J- BOUSSINGAULT.
§YI. — Absorption y par les feuilles, des sels en dissolution»
Dans ce qui précède, il a été établi que, dans certaines
conditions, les feuilles absorbent Peau où elles sont 8ul>-
mergées. J'ai dû rechercher si les substances salines péné-
treraient dans leur parenchyme en même temps que les di»-
solutionsdont elles font partie. La question est intéressante»
car dans le cas d'une pénétration le rôle des feuilles ne
serait plus borné à l'introduction de Feau dans l'orga-
nisme.
Les expériences pour constater cette absorption des sels
ne sont pas exemptes de difficultés. En raisonnant d'après
ce qui se passe avec les organes souterrains, on ne devait
mettre en contact avec les feuilles que des dissolutions extrê-
mement diluées. Ainsi, selon de Saussure, tel sel favorisant
la végétation par sa nature devient nuisible par sa quan*
tité. En général, une dissolution présentée à une racine ne
doit pas dépasser une teneur de 0,002 à o,oo3 de matière
saline^ au delà de ces limites, Téminent physiologiste a
vu que tt les sels dissous sont absorbés par les spongioles
en moins grande raison que l'eau dans laquelle ils sont
dissous ».
Dans les observations portant sur des racines, la solution
que l'on fait intervenir peut être maintenue à un degré
constant de concentration. Il n'en est plus ainsi en agis-
sant sur des feuilles dans les conditions où elles fonction-
nent, par la raison que la dissolution, restant exposée a
l'air, tend à se concentrer en un liquide qui cesse d'être
absorbable. On a obvié à cet inconvénient en faisant usage
d'un sel fort peu soluble et n'exerçant, même à l'état con-
cret, aucune action nuisible sur les plantes, le sulfate de
chaux. L'eau n'en dissout environ que 0,002 à la tempéra-
ture de i5 à 20 degrés. Il arrive alors qu'en plaçant à Pair
la dissolution, l'eau, en se desséchant, laisse bien déposer
FONCTIONS PHYSIQUES DES FEUILLES. 3So
des cristaux, mais le liquide qui les recouvre ne contient
toujours que o,oor2 de sulfate.
Cette propriété du sulfate de chaux fournît un indice
précieux pour reconnaître si une feuille absorbe ou n'ab-
sorbe pas, ou, enfin, n'absorbe qu'une fraction du sel en-
trant dans la dissolution touchant sa surface. Ainsi, en
exposant à l'air, sur une lame de verre, ou dans un verre
de montre, une goutte de cette dissolution saline, ayant un
volume de ~ de centimètre cube, voici ce qu'on observe :
après quelque temps la goutte a disparu, et l'on trouve à sa
place une tache très-visible à l'œil nu, offrant sous la loupe
une zone d'aiguilles de sulfate de chaux. Maintenant, en
posant la même dissolution sur une feuille, trois cas peu-
vent se présenter : i" la goutte laisera un résidu ayant un
volume égal à celui qu'elle laisserait sur la lame de verre ;
2° le résidu sera moins volumineux quelquefois, même à
peine perceptible; 3° la goutte disparaîtra sans laisser
aucune trace. La feuille, dans le premier cas, n'aura pas
absorbé de sulfate; dans le second cas, il y en aura une
partie d'absorbée, 'et dans le d^^rnier cas la totalité du sel
aura pénétré dans le tissu végétal. Quand la goutte laisse
sur la feuille une faible tache, une fraction du sel qu'elle
renfermait, c'est qu'alors l'évaporation a eu lieu plus rapi-
dement que l'absorption, et cela est si vrai qu'il suffit de
poser sur celte tache une goutte d'eau pure pour la faire
disparaître. Si la tache persistait tout en ayant diminué
de volume, il suffirait d'une nouvelle addition d'eau pour
l'éliminer. Il n'y aurait que sur une surface de feuille Im-
perméable que ce résidu de sulfate de chaux résisterait.
Pour obvier à une trop prompte évapora tion, on a,^dans
plusieurs expériences, recouvert les gouttes de dissolution
avec un petit verre de montre dont on graissait légèrement
le&bord& pour déterminer l'adhérence, dâ manière à inter-
cepter là communication avec Tair ambiant; on suivait
ainsi, sous >€e verre, la disparition graduelle du liquide.
Annales de Chim, et de Phys., 5« série, t. XIIl. (Mars i8;8.) 25
386
j. boussiugault.
Cette disposition, indiquée dans la Jig. 6, convenait sur-
tout lorsque la feuille n'était pas douée d'un pouvoir
absorbant énergique.
Fig. 6.
H, Terre de montre. — I, {;outte de dissolutioii.
Je rapporterai maintenant quelques observations, me
réservant d'en présenter un plus grand nombre lorsque
j'aurai terminé les recherches que j'ai commencées sur
l'absorption des sels par les organes verts des végétaux.
I. Le 1®' juillet, dans l'après-midi, on a pris dans un
champ de luzerne quatre feuilles exposées au soleil depuis
le matin, une partie de leur eau de constitution ayant été
FOMCTIOKS PUYSIQIJBS DES FEUILLES. 38^
dissipée: leur faculté absorbante devait être alors plus
active.
A 5 heures du soir, on déposa deux gouttes de solution
de sulfate de chaux sur Tendroit, et deux autres gouttes
sur Tenvers de deux feuilles :
o
Température 19
Psychromètre 62 (*).
Le lendemain, 2 juillet, au matin, les gouttes avaient
disparu sans laisser de résidu; ainsi,. par Tendroit comme
par Tenvers, le sulfate de chaux était entré dans les
feuilles.
II. Le 2 juillet, à 4 heures du soir, on cueillit deux
feuilles de vigne ; sur Tendroit de Tune et sur Tenvers de
l'autre, on posa trois gouttes de dissolution :
• o
Température 20
Psychromètre 60
Le 3 juillet, à 8 heures du matin, toutes les gouttes
avaient disparu sans laisser de taches. On plaça deux au-
tres gouttes de solution sur Tendroit et sur l'envers des
mêmes feuilles. A 3 heures de Taprès-midi , c'est-à-dire
sept heures après*, la surface des feuilles était très-nette.
A la même date, on posa des gouttes de solution sur Ten-
droit et l'envers de feuilles de haricot, de trèfle, de châ-
taignier^ de choux-raves cueillis l'aprcs-midi, au soleil.
Les feuilles furent portées à Tombre dans une grande salle
où la température varia de 19 à 22 degrés, le psychro-
mètre de 59 à 63 degrés.
Vingt-quatre heures après, toutes les gouttes posées sur
les deux faces des feuilles de trèfle et de châtaignier avaient
disparu sans laisser aucune trace. Les gouttes persis-
(•) Thermomètre sec, 19 degrés; thermomètre mouiUé, i5 degrés; ten-
sion, i3%89; humidité relative, 63 degrés.
25.
388 J. BOUSSIHGAULT.
taieut sur les autres feuilles. Ce n'est qu'après une expo*
silion de irenle-sîx heures qu'elles disparurent sur l'en-
droit et Tenvers des haricots et sur l'envers des choux -
raves : sur Tendroit du choux, on voyait à la loupe une
zone de petites aiguilles de sulfate , que l'addition d'une
goutte d'eau élimina.
III. Le 5 juillet, sur des feuilles de mûrier blauc,
cueillies le matin, on déposa deux gouttes de solution sur
l'endroit et sur Tenvers. Une des gouttes fut recouverte
d'un verre de montre.
 9 heures, les feuilles ont été placées à l'ombre^ la
température se maintint entre i8 et 19 degrés, le psy-
chromèire entre yS et 77 degrés ; à midi, sur l'endroit, la
goutte non recouverte avait disparu, le sulfate de chaux
était entré dans les feuilles.
Le 6 juillet, au matin, la goutte posée sur l'endroit et
recouverte était encore visible : elle persista jusque vers
2 heures.
IV. Le 10 juillet, on mit en observation, k 8 heures du
matin, des feuilles de laurier-cerise, de laurier-rose, d'as-
clépiade.
L'endroit et l'envers reçurent deux gouttes de solution :
l'une des gouttes abritée, le thermomètre se tint entre ao
et 22 degrés. Le psychromètre marqua de 74 à 85 degrés.
A 5 heures du soir:
Laurier-cerise, — Sur l'endroit, la goutte libre avaitlaissé
une trace de isulfate.
Sur l'envers il n'y eut pas de résidu.
Laurier-rose, — Sur l'envers comme sur l'endroit» les
gouttes disparurent sans laisser de sulfate.
Asclépiade» — La goutte libre a laissé un résidu. La
goutte abritée sous le verre de montre est restée entière.
Les goût les abritées ont persisté jusqu'au 11 juillet. En
FO:%CTIO»S PHYSIQUES UES FEUILLF.S. iSif
fait, sur l'asclépîade, l'absorption du sulfate a été très*
iente, incomplète.
V. Le II juîllei, sur deux feuilles de topinambour, et
sur deux feuilles de betteraves, cueillies à 7 heures du
matin, on posa sur l'endroit et sur l'envers trois gouttes
de solution : Tune d'elles était abritée. On a exposé à
l'ombre :
o
Température à4
Paychromètre 67
A 10 heures :
Topinambour, — Sur l'envers, toutes les gouttes étaient
dissipées sans avoir laissé de sulfate.
Sur l'endroit, les gouttes restèrent trois ou quatre
heures de plus.
Betteray^es, — A u) heures, sur l'endroit et sur l'envers,
Ics^outtes persistaient : leur disparition n'eut lieu qu'après
vingt-quatre heures. L'absorption avait été fort lente, mais
complète. Il n'est resté sur l'endroit qu'un indice de sel.
Le 11 juillet, sur des feuilles de marronnier d'Inde
prififes à 9 heures du matin, on posa trois gouttes de solu-
tion. A midi toutes avaient disparu en laissant une tache
sur laquelle on mit une goutte d'eau pure. Le soir l'eau
ajoutée et les taches n'étaient plus visibles.
Des expériences semblables, et qu'il serait inutile de rap-
porter en détail, ont été faites sur des feuilles détachées de
i:oncombre, de platane, de grande pervenche, de lierre, de
i'iris, de pécher et, constamment, la dissolution de jsulfate
(le chaux a été absorbée en tout ou en partie par l'endroit
et par l'envers. Lorsque, après, il restait une zone de sul-
fate, il suffisait de faire intervenir un peu d'eau pure pour
déterminer l'absorption totale du sel.
Il parut singulier que ia dissolution déposée sur une
feuille sans être recouverte se dissipât souvent, sans prOf
SpO J. BOUSSINGÀULT.
duire un résida, ce qui impliquait une absorption plus
rapide que révaporation du dissolvant. Cela tient à ce qoe
la feuille se dessèche d^autant plus vite, durant rexposition,
qu'elle est à une température un peu supérieure à celle de
l'air; qu'on n'oublie pas d'ailleurs que sa surface est fré-
quemment de plus de i décimètre carré, par conséquent
beaucoup plus étendue que celle du liquide avec lequel
elle est en relation. S'il arrive qu'elle transpire peu^ Teau
de dissolution, n'étant plus absorbée qu'avec lenteur, s'éra-
porera en abandonnant la plus grande partie du sel qu'elle
contenait : c'est alors qu'on aura un résidu, une tache de
sulfate.
Dans une autre série d'expériences, on déposait sur les
feuilles des gouttes de dissolution renfermant o,oo3 desul*
fa te dépotasse, de nitrate de potasse, de chlorure de sodium,
de nitrate d'ammoniaque. On a pu reconnaître facilement
Tabsorption du sulfate et du nitrate de potasse, dans les
conditions où le sulfate de chaux était absorbé. Il n'en* a
plus été ainsi pour le chlorure de sodium, pour le nitrate
d'ammoniaque. Il se formait, par suite de l'évaporation,
une solution concentrée que les feuilles ne prenaient plus,
surtout quand on observait à l'air libre : aussi les résultats
obtenus avec ces agents manquaient-ils de netteté. Pour
que les solutions très-diluées de sulfate et de nitrate de
potasse fussent directement absorbées en totalité, il fallait
des conditions météorologiques exceptionnellement favora-
bles ; presque toujours elles laissaient une tache de sel qu^on
ne faisait disparaître que par des additions d'eau réitérées.
Jusqu'ici on avait observé sur des feuilles détachées; on
a répété les expériences en agissant sur des feuilles atte-
nant à la plante
I. Le 1 1 juillet le ciel était sans nuages, l'air calme, k
3 heures le thermomètre marquait 26 degrés, le psychro-
mètre 5 r .
FOMCTlOlfS PHYSIQUES DES FEUILLES. Spi
 7 heures du soir on mît des gouttes d*une dissolution
de sulfate de chaux sur des feuilles de rose trémière, de vigne,
de géranium, d'asclépiade, de laurier-cerise. Les gouttes
furent déposées sur l'endroit; on comprend, en effet,
qu'il était impossible de les faire tenir sur Tenvers des
feuilles.
Le lendemain à 7 heures du matin, sur les feuilles de la
rose trémière, il restait un cercle de cristaux de sulfate,
l'absorption du sel n'ayant été que partielle.
Sur les feuilles de concombres, de haricots, de laurier-
cerise, l'absorption avait été entière. Sur quatre feuilles de
vigne touchées avec la dissolution, trois avaient absorbé
la totalité du sulfate dissous; la quatrième retenait quel-
ques cristaux. Sur Fasclépiade, trois feuilles sur quatre
avaient absorbé le sulfate. Sur toutes les feuilles de géra-
nium, il resta une zone de cristaux : l'absorption n'avait
été complète sur aucune. Il fallut ajouter de Teau à plu-
sieurs reprises pour faire disparaître le résidu salin.
IL Le 2!2 juillet, à 7 heures du matin, dans un champ
de topinambours, on marqua sur un plant vigoureux trente*
six feuilles; sur chacune d'elles on déposa une goutte de
solution de sulfate de chaux.
A 10 heures, trente- trois gouttes avaient disparu sans
laisser la moindre trace : sur trois feuilles on apercevait
une zone de sulfate.
La température était de a3 degrés, le psychromètre
marquait 6q.
On mit une goutte d'eau pure sur les taches de sulfate
restées sur les trois feuilles : en moins d'une heui^e ces
taches n'étaient plus visibles.
Si l'absorption du sulfate de chaux a été aussi prompte,
c'est que les feuilles, sous l'influence de l'insolation, trans-
piraient énergiquement; déjà, par l'efTetde la dessiccation,
elles devenaient pendantes. C'est à cette propriété du sul-
Zg2 J. BOOSSIJIGAULT.
fate de chaux de ne jamais présenter à U feuille qn'one
solution à 0,002, à OyOo3 de sel, que les résultats doivent
d'avoir été aussi précis.
On essaya de faire absorber du sulfate et du nitrate de
potasse par des feuilles attenant aux plantes. L'absorption
fut plus lente que Tévaporation du dissolvant; aussi il en
résultait des taches qu'on ne faisait disparaître qne par
une addition d'eau.
La pénétration du sulfate de chaux en dissolution con-
duit à modiCer les opinions émises sur le mode le plus
avantageux de plâtrer un champ. Bien qu'on obtienne de
bons effets du plâtre en l'incorporant au sol pendant les
labours, il faut que l'usage d'en saupoudrer les feuilles
soit justifié, puisqu'il a prévalu. Il est vrai qu'on en entre-
voit la raison dans cette règle que tout engrais pulvérulent
doit être distribué aussi également que possible. Or rien
ne peut contribuer autant à une bonne répartition du gypse
que de le répandre au printemps sur des plantes ayant Jic-
quis un certain développement. On opère par un temps
calme, le matin, de façon à faire adhérer aux feuilles en-
core couvertes de rosée le plâtre qui ne s'en détache ensuite
qu'à mesure que le vent les agite : il est ainsi projeté dans
tous les sens (*).
Maintenant, en se fondant sur les expériences qu'on vient
de faire connaître, il est peut-être permis d'admettre qne le
plâtre n'est pas simplement retenu mécaniquement par la
rosée; qu'une partie se dissout et entre directement dans
les feuilles, de même qu'il y pénètre en passant par les
racines quand il a été introduit dans le sol : il y a cette
seule différence que par le saupoudrage il parvient plus
promptement dans l'organisme.
On a pu remarquer que l'envers des feuilles absorbe le
(*) Économie rurale, t. U, p. 29, a* édition.
FOSCTIOffS PHYSIQUES DES FEUILLES. Sp.^
plus vite les dissolutions salines : c^cst aussi ce qui a lieu
pour l'eau pure.
Voici, comme exemple, un résultat enregistré le 3 1 août
sur une branche de mûrier blanc : on cueillit deux feuilles
semblables. Sur l'envers de l'une et sur l'endroit de l'autre
on déposa à midi une goutte d'eau d'un volume de ~ de
centimètre cube qu'on couvrit d'un verre de montre.
Le i" septembre, à 7 heures du matin, l'eau placée sur
Tendroit conservait son volume initial, tandis que l'eau
mise sur l'envers avait été absorbée. La dîflerénce entre
les facultés absorbantes de chaque côté du limbe est d'au-
tant plus marquée que la structure, l'aspect de l'envers et
de l'endroit sont plus distincts^ elle est presque nulle chez
les feuilles de graminées, dont les deux côtés ont une con-
stitution physique à peu près uniforme.
Ainsi le côté de la feuille qui absorbe le plus facilement
l'eau serait le côté par oùla transpiration est la plus active.
Comme les feuilles, les pétales ont absorbé le sulfate de
chaux en dissolution. Les fleurs sur lesquelles on a agi
sont le lys, le pétunia, la capucine, le zinia, le glaïeul,
l'œillet de Chine, l'escholtia, la pensée, la rose, l'altaea,
la gueule-dc-loup.
En absorbant l'eau liquide dans les conditions qu'on a
indiquées, à savoir quand elles perdent par la transpira-
tion une partie de leur eau de constitution amenée par la
sève, les feuilles peuvent introduire dans l'organisme d'une
plante, ainsi que le font les racines, des principes fertili-
sants : des sels ammoniacaux, des composés ni très même,
des sels alcalins et terreux tenus en suspension clans l'air et
que la rosée arrête, retient, dissout. L'absorption de l'eau
liquide par les feuilles, bien qu'amoindrie dans une atmo-
sphère humide, ne cesse pas absolument, alors même que
l'humidité atteint son maximum, par cette raison déjà men-
tionnée que les feuilles, à la lumière, ont une température
supérieure à celle de l'atmosphère ambiante. C'est ainsi
394 PELLET. ACTlOlf DE DIVEaSES SVB5TAVCES
que dans les terrains marécageux, sur les tourbières, les
plantes rampant à la surface transpirent néanmoins pen-
dant la journée, faiblement sans doute, mais assez pour
donner accès à l'eau des météores et, avec cette eau, à des
principes fertilisants, puisque les feuilles sont aptes à les
prendre dans l'atmosphère comme les racines les prennent
dans la terre.
ACTIOS DE DIVERSES SIBSTANCES SDR LE SIICRE
CRISTALLISABLE;
Par m. h. PELLET.
Divers chimistes se sont occupés de Taction de diverses
substances sur le sucre cristallisable. On connaît les tra-
vaux de MM. Dubrunfaut, Kulmann, Soubeiran, Man-
mené, Malagutti et A. Girard.
M. Girard spécialement a déterminé la quantité de
glucose formée pendant les opérations du raffinage, et les
expériences de ce savant tendent à démontrer que « c'est
très-probablement à une altération du glucose préexistant
et à Tinfluencc exercée par les produits de cet(e altération
sur le saccharose qu'est duc la transformation de ce-
lui-ci » ('). Mais, pour les essais faits par M. A. Girard, la
mélasse avait été seule employée. Or ce produit est très-
complexe, et chacune des matières entrant dans sa compo-
sition pouvant avoir une action spéciale sur le sucre, nous
avons divisé nos expériences, et nous avons étudié :
I® L'action du temps;
2^ L'action de la température;
3" L'action de la concentration des liqueurs;
(*) A. Girard, Comptes rendus des séances de V Académie des Sciences;
17 juillet 1876.
SUR LE SUCRE CRISTALLISABLE. igS
4^ L'action du glucose;
5*^ L'action des sels minéraux;
6*^ L'action des sels organiques.
i** jiction du temps,
a. Solution sucrëe à 3o grammes de sucre pour loo cen-
timètres cubes, conservée 90 heures à la température de
aS à a8 degrés :
Glucose.
Avant l'essai, les 3o grammes de sucre renfermaient. 0,0067
Après la conservation o , 54oo
Glucose formé o,5343
ce qui correspond à 1,78 de glucose pour 100 de sucre.
b. Solution sucrée à 60 grammes de sucre pour 100 cen-
timètres cubes, conservée comme ci-dessus dans des vases
de même forme :
Glucose.
Avant Tessai, les 60 grammes de sucre contenaient. 0,01 14
Après la conservation . . . . .^ o , 1 1 70
Glucose formé o, io56
d'où pour 100 de sucre, o, 176.
On déduit donc que, à froid, le glucose se forme d'autant
plus vite que la solution est plus concentrée»
a** jiction dp la chaleur.
c. Solution sucrée à 3o grammes de sucre pour 100 cen-
timètres cubes, chaufTéc a 60 degrés 4^ heures.
gr
Glucose contenu avant l'essai 0,0067
Glucose formé après l'essai i ,568o
Glucose formé. ... i ,5623
d'où glucose formé pour 100 de sucre, 5,2.
d. La solution sucrée à 60 grammes de sucre pour
3q6 PELLET. ACTION DE DIVE1.SES SUBSTANCES
loo ceniî mètres cubes, chauffée dans les même condi lions,
contenait :
Glucose.
Avant Pessai o,oi 14
Apres Tessai o,33oo
Glucose formé. . . o,3i86
ou 0,53 1 de glucose pour 100 de sucre.
La chaleur augmente donc considérablement la pro-
portion de glucose, mais les solutions sucrées concentrées
s'altèrent moins rapidement que les solutions faibles.
On remarquera que les rapports de glucose dans les
essais i^ et 2^ sont sensiblement les mêmes,
3° Influence du glucose.
c, 100 centimètres cubes solution sucrée à 3o pour 100
H- 1*^,595 glucose, après 3o heures de chauffage "^^î^®-
à 5o-6o degrés 2 , 244
/• 100 centimètres .^cubes sohition sucrée à 3o pour 100
+ 3*^,190 glucose, dans les mêmes conditions ren-
fermaient 4>"0
g. Solution normale à 3o pour lod, chauffée 3o heures. 0,398
Dans Texpérience e, on a :
Glucose total 2,244
A déduire glucose de la solution normale. . . . 0,898
Différence i ,85i
A déduire glucose ajouté i «595
Glucose formé 0,266
ou o,8S pour 100 de sucre.
Dans rexpérîence^, on a :
Glucose total 4> ^ ^^
A déduire glucose de la solution normale. . . . 0,893
Différence 3, 717
A déduire glucose ajouté 3, 190
Glucose formé 0,527
on 1 ,75 pour 100 de sucre.
SUR LE SVGRB'CmSTALLISABLE. 3gy
Le glueose a donc aidé la transformation du sncre cris-
tallisable eu matière incristallisable, et cela proportionnel-
lement h la quantité ajoutée.
M. J.-W. Gunning, dans un Mémoire sur le même
sujet, conclut de ses essais que « ni les mélanges syn-
thétiques de saccharose et de sucre inverti, ni la mélasse de
sucrerie centrale ne subissent un changement de composi-
tion appréciable lorsqu'on les chauffe à l'état neutre dans
des conditions de temps et de température qui ne sortent
pas trop des limites ordinaires du rafGnage ».
Or, pour une mélasse, M. J.-W. Gunning a trouvé que :
Glucose.
A rétat normal, elle contenait .\ . i8,6
Après 60 heures de chauffe à «jo degrés, elle contenait. 19,3
En supposant 5o pour 100 de sucre cristallisable, on voit
cpa'il y a eu i^**, 4 de glucose formé pour 100 de sucre,
chiffre xentrant daus ceux que nous venons d'exposer.
Il est vrai de dire que M. J.-W. Gunning, en prenantdu
glucose à I pour 100 et à 3,7 pour 100, le tout saturé de
sucre, chaufTé 60 heures à 70 degrés, n'a pas vu le glucose
augmenter sensiblement.
Cela tient très-probablement à ce que ce savant a expé-
rimenté sur des liquides saturés de sucre, pouvant contenir
66 kilogrammes de sucre pour 100 kilogrammes de solu-
tion, et que Faction du glucose a été nulle.
En se reportant à nos essais, on voit quVine solution de
sucre à 60 pour 100 centimètres cubes a fourni dix fois
moins de glucose qu^une solution faite à 3o grammes pour
100 centimètres cubes,
■ ■ ■ . •
4° action des sels minéraux.
100 centimètres cubes d'une solution sucrée à 3o pour
100, additionnée de iS',5 d'un mélange formé de :
Azotate de potasse . . . ^. . . . a , 5
Chlorure de potassium i ,5
3g8 PBLLET. ACTION DE DIVEISES SUBSTAMCES
rapport dans lequel on trouve généralement ces sels dans
les mélasses, ont donné :
Après 45 heures de chauffe à 55®, 60.
Glucose total 3,98
La solution normale après le même temps
de chauffe contenait glucose i «35
»
D*où glucose formé par la présence des
sels a ,58
ou 8,6 pour 100 de sucre.
Il est à supposer que cette action énergique du mélange
salin aurait été bien moindre sur une solution à 60 centi-
mètres cubes pour 100.
L'étude séparée de Faction du nitrate de potasse et de
chlorure de potassium a donné les chiffres suivants :
i3o centimètres cubes solution sucrée à 10 pour ioo-i-5''
.de sel, ébullition 4^ minutes, volume réduit à 70 centi*
mètres cubes.
Glucose formé pour 100 centimètres cubes
dans la solution normale 0,087 0|083
Glucose formé pour 100 centimètres cubes
dans la solution normale +K Cl 0|iii 0,1 3i
» » -i-KO,AzO*.. 0,100 0,125
Le chlorure de potassium parait un peu plus énei^Ique
que r azotate de potasse.
L'azotate d'ammoniaque exerce une action très-rapide
sur le sucre.
En chauffant 100 centimètres cubes d'eau, 10 grammes
de sucre, 5 grammes du sel ammoniacal, ébullition 3o mi-
nutes, tout le sucre est transformé en glucose (')•
(*) Voir aussi les travaux de Maumené (Journal des fabricants de suere;
187/,).
SUR LE SUCRE CRISTALLISABLE. 899
On a fait en outre les essais suivants :
GlncoM formé en excès sar e^ul
de la solution sucrée normale.
Glucose pour Glucoee pour 100 do
Bain-marte. AzO'^AzH>,HO. Chauffée. 100 de sucre, sel ammoniacaL
«r gr gr
/ loo*" solution sucrée. +o,oo5 3o"* 0,00077 o,oi4 i5,4
fn » +0,010 3o" 0,0020 0,04 30
n » -f-o,o5o 3o" 0,0067 0,1 14 11,4
o m -4-0,10 3o" 0,0076 o,i5a 7,6
p » normale. 3o" 0,0026 0,062 »
q » normale 6^ o,oo6d 0,11 »
r -4-o,oo5 3o™ 0,0086 0,06 1200
s • +0,010 30™ o,o3i3 0,61 5ioo
c * +0,030 3o" 0,0623 0,93 18600
5** jiction des sels organiques.
De la mélasse de betteraves on a extrait une partie des
sels organiques par le sous-acétate de plomb.
Le précipité plombîque lavé, décomposé par Thydrogène
sulfuré, fournit un liquide acide : cette liqueur a été saturée
par de la potasse sodée ( 4 parties de potasse, i partie de
soude, rapport de la potasse à la soude dans un grand
nombre de mélasse) .
On a mis 3 grammes de ces sels avec loo centimètres
cubes d'une solution sucrée à 3o pour loo. Après 4S heures
de chauffe à 5 5 -60 degrés, on a eu:
Glucose dans la solution normale i ,35
Glucose dans la solution normale plus les
substances organiques i ,4^
Glucose formé o,o5
soit Oy i5 pour 100 de sucre.
De tous ces essais on déduit :
i^ Que sous l'action du temps, de la chaleur, les solu-
tions sucrées faibles s'altèrent plus rapidement que les so*-
lutîons concentrées ;
2° Que le glucose aide la transformation du sucre en
glucose, et cela proportionnellement à la quantité exi»«
400 E. BOURGOIM.
tante, mais que raciîon du glucose devient nulle sur le
saccharose lorsque les liqueurs sont saturées de sucre
(Jéduit des expériences de M. Gunning);
3^ Que les sels minéraux agissent fortement sur le sucre
à une certaine température;
4** Que les sels organiques ont une très-faible action;
5^ Que, dans les mélasses de raffinerie, la quantité de
glucose qu^on y rencontre provient de Taction multiple du
temps, de la chaleur, du glucose, des sels minéraux, en
outre, bien entendu, de la quantité de glucose normal exis-
tant dans les sucres raffinés et relégué dans les mélasses.
Enfin un point qui n'a peut-èlre pas été suffisamment
étudié, c'est Faction du noir sur la transformation du sucre
en glucose, point que nous comptons étudier prochai-
nement.
IV»A««
SUR LA SOLUBILITÉ DE QUELQUES ACIDES ORGANIOUBS
DANS L ALCOOL ET DAKS L'ÉTDER;
Par m. E. BOURGOIN.
On enseigne que Tacide tartrique est insoluble dans
Téther, tandis que les acides organiques qui s'en rappro-
chent le plus sont notablement solublcs dans ce véhicule.
Ayant reconnu que cette exception n'existe pas, j'ai été
amené à comparer entre elles les solubilités d'un certain
nombre d'acides organiques dans l'éther et dans racool.
Mes expériences ont porté sur les acides suivants : oxa-
lique, succinique, tartrique, citrique, gallique, benzoïqae,
salicylique et phtalique.
Toutes les déterminations ont été faites sur des solutions
saturées à la température de i5 degrés, par la métho46
volumétrique, à Taide d'une dissolution titrée d'eau de
baryte. Cette méthode est très-exacte, à la condition toute-
SOLUBILITÉ. ACIDES ORGANIQUES. 4^1
fois d*effectuer les pesées dans un petit flacon bouché à
l'émeri, afin de se mettre en garde contre toute évapo-
ration.
Je me suis servi d'éther pur, d'alcool à 90 degrés et d'al-
cool absolu.
L'éther, privé d'alcool, a été déshydraté sur un grand
excès de chlorure de calcium fondu. L'alcool absolu du
commerce, renfermant toujours une petite quantité d'eau,
a été traité d'abord par de la chaux vive, ensuite par du
sodium, jusqu'à ce que ce métal restât sans action à froid,
puis distillé lentement.
Cela posé, voici maintenant le résultat de mes dosages:
I. — Acide oxalique.
1° Éther.
Solution saturée 7,323
Exigé pour la saturation . 85 div. d'eau de baryte ( ' ).
On a donc, pour la quantité d'acide dissoute,
85 X qo ^^
.-g3g--=: 0,09.589.
100 parties de la dissolution saturée renferment par
conséquent 1,25 d'acide oxalique, et 100 parties d'éther
en dissolvent i ,266 à la température de i5 degrés.
2® Alcool à go degrésm
Solution saturée 5,078
Divisions d*eau de baryte. . . 6o4
Acide dissous o,65o82
100 parties contiennent 12,816
(') 1,003 (S* H* 0') exigeant pour la saturation 854 divi&ions d'eau de
baryte, i molécule (2 équivalents) exige
25i^<»? = 835,5.
1,003
Ann, de Chim, et de Phys., 5* série, t. XHI. (Mars 1878.) 26
402 E. BOURGOIN.
3° Alcool absolu.
Solution saturée 5,887
Divisions d'eau de baryte. . . 969
Acide dissous i ,o333
Dans 100 parties. • '9»^^
n. — Acide succiniQUK.
i« Éther.
Solution saturée 4)^^^
Divisions d*eau de baryte. . 37
Acide dissous o,o52^6
Dans 100 parties i ,249
2° Alcool à go degrés.
Solution saturée 5,o58
Divisions d'eau de baryte . . 894
Acide dissous . o,5566
Dans 100 parties. • . 11 ,oo4
3** Alcool absolu.
Solution saturée 6, 3 18
Divisions d'eau de baryte. . . 3i2,5
Acide dissous 0,44'
Dans 100 parties 6,98
III. — Acide ta&triqus.
i« Éther,
Solution saturée 10,16
Divisions d'eau de baryte . . 22
Acide dissous 0,0895
Dans 1 00 parties o , 889
I
SOLUBILITÉ. ACIDES ORGÀITIQUES. 4^Z
Daus une autre série d'essais, j'ai obtenu un résultat qui
se confond avec le précédent :
Solutions saturées ^9781 ^9^44
Divisions d'eau de baryte. . . 19,5 11
Acide dissous o,o35 0,01976
Dans 100 parties 0,398 0,891
2° Mcool à 90 degrés.
Solution saturée 5,3o5
Divisions d'eau de baryte. . . 861
Acide dissous i ,5462
Dans 100 parties 29, 146
3° Alcool absolu.
Solution saturée 4>537
Divisions d'eau de baryte. . . 5i5
Acide dissous 0,92487
Dans 100 parties 20,385
IV. — Acide citrique*
i« Éther»
Solution saturée io,4o2
Divisions d'eau de baryte. . . i5o
Acide dissous o , 2298
Dans 100 parties 29^09
2° Alcool à 90 degrés.
Solution saturée . 5,362
Divisions d'eau de baryte. . . i2JO
Acide dissous i ,854
Dans 100 parties 34*576
3® Alcool absolu»
Solution saturée ^fSgS
Divisions d'eau de baryte. ... 781
Acide dissous 1,1 2028
Dans 100 parties 4^* ^^^
a6.
4o4 C- B0UBG013Ï.
V. — Acide gallique.
i« Êther.
Solution saturée 4»64^
Divisions d'eau de baryte. . . s>8.5
Acide dissous o, 1 16
Dans loo parties 2 ,5o
2° Alcool à go degrés.
Solution saturée 3l, 121
Divisions d'eau de baryte. ... i45
Acide dissous ^ ^ ^9
Dans 100 parties 18990
3" Alcool absolu.
Solution saturée 4^485
Divisions d'eau de baryte. . . 3o8
Acide dissous i , aSSy
Dans 100 parties 27 ,9^
VI. — Acide benzoique.
!«> Éther.
Solution saturée 3 ,843
Divisions d'eau de baryte . . 3i4
Acide dissous 0,9172
Dans 100 parties 23,86
2® Alcool à 90 degrés.
Solution saturée 4)^^^
Divisions d'eau de baryte. . . 4^4
Acide dissous i ,326
Dans 100 parties ^9^^
3" Alcool absolu.
Solution saturée 5,670
Divisions d*eau de baryte. . . 618
Acide dissous i ,8o53
Dans 100 parties 3i ,84
SOLUBILITÉ. — ACIDES ORGASIQUES. J^oS
VII. — Acide salictlique.
Ce corps est très-soluble dans Talcool et dans l'éther. Je
me suîs servi d'un acide de synthèse très*pur, comme le
prouve le dosage suivant :
Matière o , 254
Exigé pour la saturation 76,5 div. d'eau de baryte.
d'où l'on déduit pour l'équivalent
41762,5x0,254 .
^ -i38,4.
La théorie exige i38.
«> Éthi
i" Ht/ier.
Solution saturée. 5,298
Divisions d'eau de baryte. . . 538
Acide dissous i ,7777
Dans 100 parties 33,55
2° Alcool à 90 degrés.
Solution saturée 5, 187
Divisions d*eau de baryte. . 4^5
Acide dissous i ,5365
Dans 100 parties 29,622
3° Alcool absolu.
Solution saturée 11,715
Divisions d'eau de baryte. ... i , 176
Acide dissous 3,886
Dans 100 parties 33, 17
VIII. — Acide phtalique.
i*> Éther.
Solution saturée 7 >3og
Divisions d'eau de baryte ... 25
Acide dissous 0,04968
Dans 100 parties 0*679
4o6
E. BOURGOUr. — SOLrBlLlTÉ, ETC.
2® Alcool à go degrés»
Solution saturée
Divisions d^eau de baryte.
Acide dissous
Dans loo parties
6,791
358
0,7115
10,478
3° Alcool absolu.
Solution saturée
Divisions d'eau de banrle .
m
Acide dissous
Dans 100 parties
6,575
3o3
0,602
9,i56
Ces déterminations permettent de calculer les quantités
d'acide dissoutes par 100 parties, en poids, d'éther, d'al-
cool à 90 degrés et d'alcool absolu à la température de
i5 degrés. On obtient alors le tableau suivant :
Acides.
Éther.
Alcool absolu. A
coolàgodegr
Acide oxalique . .
I , 266
23,73
14.70
»» succinique.
1 , 265
7,5i
12,59
» tartrique. .
0,400
25,6o4
4I9I35
» citrique. . .
2,26
75,90
52,85
» gallique . .
2,56
38,79
23, 3i
» benzoïque.
3 1,35
46,68
4i»62
» salicylique .
. . 5o,47
49,63
42,09
» phtalique (<
). 0,684
10,08
11,70
(*) Obtenu par oxydation de la naphtaline, d'après le procédé de
MM. Depouilly.
L. TKOOST» HYDRATB DE CHLORAL. 407
SOIIVELLB METHODE POUR ETABLIR L ÉQUIYALENT EN VOLUHE
DES SUBSTANCES TAPORISABLES. ÉQUIVALENT DE LA VAPEUR
D'HYDRATE DE GHLORAL -,
Par m. L. TROOST,
La détermination de Téquivalent en volume des sub-
stances vaporisables joue un rôle important dans les dis-
cussions qui ont Heu depuis un certain nombre d'années
relativement à la théorie atomique.
D'après cette théorie, tous les composés, amenés à l'état^
gazeux, et pris sous leur poids moléculaire, devraient oc-
cuper le même volume. Cependant l'expérience a fait con-
naître des exceptions assez nombreuses à une relation aussi
absolue.
Dans le cas où la densité expérimentale surpasse la den-
sité théorique et où par suite le gaz occupe un volume
moins grand que le volume prévu, les partisans de la théo-
rie atonïique admettent que la vapeur est formée de molé-
cules complexes résultant de la condensation de molécules ^
simples, qui seules suivent la loi générale.
Dans le cas où le gaz occupe au contraire un volume
plus considérable que celui qui lui serait assigné par la
théorie, ils supposent que le corps soumis à l'expérience
est décomposé en des substances plus simples, susceptibles
de se recombiner pendant le refroidissement.
Telle est la conclusion à laquelle ils sont arrivés pour
l'hydrate de chloral. En effet, ce corps représenté par son
poids équivalent C*HCI^O% H*0* occupe 8 volumes,
c'est-à-dire un volume double de celui qui est occupé par
un très-grand nombre de composés organiques. On en a
conclu que l'hydrate de chloral gazeux était un mélange de
vapeur d'eau et de chloral anhydre. Cette conclusion ne
m'a pas paru appuyée par les preuves rigoureuses que l'on
4o8 X.. TROOST.
est en droit d^exiger dans des questions de cette impor-
tance. Je me suis décidé à reprendre la question et à cher-
cher une méthode nouvelle qui permit de constater par des
expériences directes si une vapeur est un simple mélange,
ou si elle est formée par un composé défini.
ÉTUDE DE LA VAPEUR d'hYDRATE DE GHLORAL.
M. Dumas, après avoir, il y a plus de quarante ans, par
la détermination de la densité de vapeur du chloral an-
hydre, montré le premier comment on doit fixer la formule
dés composés neutres volatils, a pris la densité de vapeur
de l'hydrate de chloral et obtenu le nombre 2,76 ^ il en a
conclu que ce composé est formé de 4 volumes de vapeur
de chloral et de 4 volumes de vapeur d'eau sans conden-
sation (*). L'équivalent de Thydrate de chloral
C*HCPO*-4-H«0*
correspondrait donc à 8 volumes de vapeur (densité théo-
rique 2 y 86).
bans ces derniers temps, M. Naumann ayant repris la
* détermination de cette densité de vapeur à 78 degrés et
à 100 degrés, et ayant obtenu à ces températures les nom-
bres 2,81 et 2,83 très-voisins de celui de M. Dumas, n'a
pas hésité à en conclure que T hydrate de chloral ne peut à
ces températures, et même aux températures ordinaires,
passer de l'état liquide à Tétat gazeux sans se décomposer
complètement en 4 volumes de vapeur de chloral et 4 vo-
lumes de vapeur d'eau ('). En d'autres termes, la vapeur
d'hydrate de chloral n'existerait pas. Ce qui se dégage, à
toute température, de l'hydrate de chloral liquide serait un
mélange de vapeur de chloral anhydre et de vapeur d'eau.
Nous nous trouvons ainsi en présence d'un fait incon-
(*) Dumas, jé finales de Chimie et de Physique ^ t. LVI, p. i32 et i36.
(*) NAoKAim, Deutsche Chemische Gesellschaft, t. IX, p. 8aa.
•
HYDRATE DE CHLORÀL. 4<^9
testable et de deux interprétations contradictoires. Pour
résoudre la question , il faut une méthode qui permette
d'établir rigoureusement, par des expériences directes, si
la vapeur fournie par l'hydrate de chloral est réellement un
mélange de 4 volumes de vapeur de chloral anhydre avec
4 volumes de vapeur d'eau, ou si, au contraire, cette vapeur
existe à l'état de composé défini représentant 8 volumes.
Dans l'hypothèse de M. Naumann, la vapeur d'hydrate
de chloral, dont la force élastique est F, doit se conduire
comme un mélange de volumes égaux de gaz sec et de va-
peur d'eau ayant chacun une force élastique -•
Dans l'hypothèse de M. Dumas, la vapeur se conduira
d'une manière très-différente, mais qui pourra varier avec
les conditions des expériences, si le composé déGni gazeux
possède une certaine tension de dissociation.
Ainsi, si l'on opère aux températures où la tension de
dissociation du composé est nulle ou insensible, la vapeur
se comportera comme un gaz complètement sec ayant une
tension F.
Mais, si l'on opère à une température plus élevée, où le
composé a déjà une tension notable de dissociation, la
vapeur se comportera comme un mélange d'un gaz sec
F
ayant une tension toujours supérieure à - et de vapeur d'eau
F
ayant une tension toujours inférieure à -) et d'autant plus
inférieure à cette valeur que l'on opère à une température
moins élevée.
En résumé, le problème revient à déterminer l'état
hygrométrique d'un gaz, question qui peut se résoudre par
l'observation d'un simple phénomène physique.
Les phénomènes de dissociation qui ont déjà conduit à
tant de conséquences importantes peuvent fournir la so-
lution de ce problème d'hygrométrie et des problèmes
4lO L. TROOST.
analogues. Je montrerai, en effet, que la dissociation de
composés convenablement choisis et introduits dans les
vapeurs soumises à Texpérience conduit à une méthode
générale pour reconnaître si ces vapeurs sont des composés
définis ou des mélanges de composés plus simples. L'étude
de la vapeur donnée par ITiydrate de chloral fournît un
premier exemple de l'application de cette méthode, qui
sera ensuite appliquée aux alcoolates de chloral, et aux sels
ammoniacaux susceptibles de se vaporiser à une température
peu élevée.
Le corps employé, tout en étant avide d'eau, devra déga-
ger moins de chaleur que le chloral en se combinant avec
l'eau. Le corps qui remplira celte condition sera nécessaire-
ment peu stable, et jouira par cela même de la propriété
de se dissocier à la température de Texpérience.
Le sel qui satisfait le mieux jusqu ici à cette condition
est l'oxalate neutre de potasse 2KOC*0*+2HO. Il était
naturellement désigné, grâce aux expériences calorimé-
triques de M. Berthelot. En effet, ce sel anhydre ne dégage
que peu de chaleur (i"^,6) en s'unissant à a équivalents
d'eau (solide). Il a déjà à 78 degrés, température la plus
favorable aux expériences sur l'hydrate de chloral, une
tension de dissociation qui est notable tout en restant
très'éloignée de la tension maximum de la vapeur d'eau
à la même température, condition que j'ai reconnue indis-
pensable pour que la loi des mélanges des gaz et des
vapeurs puisse s'appliquer.
Description de V appareil. — Malgré la nécessité d'ex-
périmenter sous très-basse pression, il n'en fallait pas
moins opérer sur des poids notables de matière, pour ob-
tenir des résultats suffisamment précis. J'ai été ainsi con-
duit à modifier le tube de M. Hofmann de manière à dis-
poser d'une capacité de 3 00 à 400 centimètres cubes au
lieu d'une chambre barométrique de ^o à 5o centimètres
cubes seulement. L'appareil employé dans toutes les expé-
HYDR1.TE DB CHLORAL. 4"
rieuces se compose d'une chambre cylindrique en verre Â
de 4%^ environ de diamètre et de 3o centimètres de hau-
teur; elle est terminée à une de ses extrémités par un tube
capillaire i; de a5 à 3o centimètres de long ; à son autre ex-
irémité, elle est soudée à un tube barométrique B de 3 cen-
timètres de diamètre et de i mèire de hauteur. Ce tube est
dÎTisé en millimètres et en parties d'égale capacité. On
connaît de même la capacité de la grande chambre et celle
du tube capillaire.
4l^ L. TaOOST.
Pour se servir de cet appareil, on commence par le des-
sécher en le faisant traverser pendant vingt-quatre heures
par un courant de gaz sec, puis on le place verticalement,
de manière que Textrémité libre du tube barométrique
plonge dans une cuve à mercure E ^ on recourbe à angle
droit l'extrémité du tube capillaire supérieur et on la met en
communication, par des tubes desséchants à potasse mono-
hydratée, avec une trompe Sprengel et une machine pneu-
matique ordinaire. On fait d^abord le vide à 2 ou 3 milli-
mètres dans l'appareil et dans la trompe à l'aide de la
machine pneumatique, puis on fait marcher la trompe;
on obtient ainsi un vide plus parfait que par toute autre
méthode. On maintient le vide sec pendant au moins douze
heures, puis on ferme au chalumeau la partie supérieure
du tube capillaire.
On entoure alors l'appareil d'un manchon de verre D de
6 centimètres environ de diamètre et de plus de i mètre
de hauteur. L'extrémité inférieure du manchon est fermée
par un bouchon de liége, fixé au tube barométrique qui
le traverse suivant son axe.
Son extrémité supérieure est fermée par un bouchon
traversé par un large tube I communiquant avec un serpen-
tin refroidi. Pour porter l'appareil à une température
constante, de 78 degrés par exemple, on porte l'alcool k
Tébullition dans une petite chaudière en cuivre F: la va-
peur se rend dans le manchon par un tube de verre h qui
traverse le bouchon fermant la partie inférieure de ce man-
chon ; la vapeur, après avoir échauffé l'appareil dans toute
sa hauteur, va se condenser dans le serpentin K, s'écoule
dans le vase L, et retourne à la chaudière par un tube
mp qui descend jusque près du fond de celle-ci. La va-
peur qui s'est condensée dans le manchon retourne elle-
même à la chaudière par un tube n qui, partant du bouchon
inférieur, se réunit à celui mp qui ramène le liquide con-
densé. On a ainsi un courant continu de vapeur qui
HYDRATE DB CHLORÀL 4 > '^
permet de maintenir constante la température de l'ap^
pareil pendant autant de temps que Ton voudra. Un ther-
momètre, suspendu dans le manchon à la hauteur de la
chambre cylindrique, donne la température de la \apeur. '
Pour éviter autant que possible tout refroidissement,
on enveloppe le manchon avec un feutre de i centimètre
d^épaisseur, dont on écarte les bords pendant quelques
instants lorsque l'on veut observer le niveau du mer-
cure.
Cet appareil sert i** pour déterminer la tension de disso-
ciation du sel à employer 5 2? pour prendre la densité de
vapeur de l'hydrate de chloral ; et 3** pour faire agir sur
cette vapeur le sel hydraté qui satisfait aux conditions
préalablement énumérées.
Nous avons vu que le sel utilisé est l'oxalate neutre de
potasse. Avant de l'employer, on le pulvérise et l'on main-
tient la poudre pendant trois à quatre jours sous une
cloche en présence de l'acide sulfurîque concentré. On se
débarrasse ainsi de toute eau hygrométrique ou mécani-
quement interposée, ce dont on s'assure «par l'analyse du
sel desséché (*)•
Pour débarrasser la poudre ainsi obtenue de l'air qu'elle
peut condenser, on la met dans un petit cylindre en toile
fine de platine, fixée à l'extrémité d'un fil de même métal
et l'on introduit le cylindre ainsi rempli, sous le mercure,
dans la partie supérieure d'un très-large et très-long tube
barométrique dont la chambre a un volume de 200 centi-
mètres cubes. Le sel est maintenu vingt-quatre heures
dans le vide. On le retire ensuite à l'aide du fil de platine,
et en le maintenant sous le mercure, on le fait passer dans
l'appareil où on le pousse jusqu'à ce qu'il arrive dans la
(*) Une plus longue exposition en présence de Tacide sulfurique fait
perdre au sel un peu d'eau de cristallisation, ce qui n'a pas d'inconvénient
pour les expériences.
4l4 ^' TROOST.
grande chambre vide. On peut, grâce au fil de platine, lé
maintenir à une distance déterminée du niveau du mer-
cure, ou faire varier cette distance h volonté, de manière à
faciliter la diffusion de la vapeur d^eau émise parce sel.
Pour déterminer, dans cet appareil, la tension de disso-
ciation de Toxalate neutre de potasse hydraté, on introduit,
avec les précautions que je viens d'indiquer, un poids d*oxa-
late à peu près égal à celui qui, dans les expériences ulté-
rieures, doit être mis en contact avec l'hydrate de chloraL
On maintient la température constante, soit à 78 d^rés
environ, par un courant de vapeur d'alcool, soit à 100 de-
grés, par un courant de vapeur d'eau, jusqu^à ce que la
force élastique de la vapeur d'eau émise par le sel reste
sensiblement constante.
La tension, qui pendant les premières heures augmente
rapidement, ne varie plus ensuite qu'avec une extrême
lenteur. Au bout de douze heures elle a été trouvée de
53 millimètres à 78 degrés et de 182 millimètres à 99^,3.
Ces nombres ne représentent pas rigoureusement la tension
-limite de dissociation. Celle-ci a, par des expériences plus
prolongées, pu être fixée à 60 millimètres pour la tempé->
rature de 78^96 et à 200 millimètres pour la température
de 100 degrés.
La méthode que j^ai employée comporte, dans son appli-
cation au problème proposé, trois modes opératoires dif-
férents qui se contrôlent mutuellement. Je les décrirai
successivement en indiquant leur valeur relative et les ré-
sultats auxquels ils conduisent.
L — Premier procédé.
Dans le premier procédé, qui se présente le plus natu-
rellement à Tesprit, on commence par faire vaporiser dans
HYDRATE DE CHLORAL. 4^^
l'espace vide un poids connu et convenable (*) d'hydrate
de chloral^ puis, après avoir noté la température et la
pression, on introduit Toxalate neutre de potasse cristallisé
et, suivant que la tension augmentera ou non dans l'appareil
après un séjour prolongé du sel, on en pourra conclure
•
que l'hydrate de chloral existe ou est complètement dé-
composé (*). Pour cela, introduisons l'oxalate hydrata,
dont la tension de dissociation eslfy dans la vapeur fournie
par l'hydrate de chloral, et ayant une force élastique F plus
grande que le double de/*.
Si rhydrate de chloral est complètement décomposé,, le
sel se trouvera en présence d'une proportion de vapeur
d'eau plus grande que celle qu'il peut émettre à la même
température^ il ne se dissociera donc pas, de sorte qu'a-
près l'introduction du sel hydraté, la tension totale de la
vapeur contenue dans l'appareil ne devra pas changer,
quelque prolongé que soit son contact avec le sel hydraté :
la tension restera égale à F.
Si l'hydrate de chloral existe tout entier à l'état de va-
peur non décomposée, le sel devra se dissocier comme dans .
un gaz sec \ la tension totale devra, par suite, augmenter
et tendre vers la somme de la force élastique de l'hydrate
de chloral et de la tension de dissociation du sel, c*est-
à-dire vers F H-/. Elle l'atteindrait même si la loi des
mélanges des gaz et des vapeurs était rigoureusement ap-
plîcable et si Thydrate de chloral n'avait pas de tension
sensible de dissociation à la température à laquelle on
opère.
Si, à la température de l'expérience, la vapeur d'hydrate
(*) C'est-à-dire tel qu'en passant à Tétat gazeux il ait une tension très-
inférieure à sa tension maximum à la température à laquelle on opère.
( ') L'hydrate de chloral était parfaitement pur et bien cristallisé ; je le
dois à l'obligeance de M. Personne; il fondait à 46 degrés et distillait à la
température constante de 97°» 5.
4lÔ' L, TROOST.
de chloral a une certaine tension de dissociation, la ten-
sion finale devra dépasser F, tout en restant inférieure à
F-H/.
Ce premier mode opératoire est celui qui parait le plus
simple : c'est celui que j'ai employé d'abord, mais je n'ai
pas tardé à constater dans son application des difficultés
spéciales ; je n'y insisterais même pas si M. Wurtz, qui l'a
employé depuis, n'avait cru pouvoir tirer de ses expériences
nue conclusion contraire à celle à laquelle j'étais arrivé.
Ces difficultés tiennent à la lenteur avec laquelle se fait
l'eflBorescence de l'oxalate neutre de potasse cristallisé.
Nous avons vu plus haut que, même dans le vide, elle
ne se produit rapidement que dans les premières heures. Si,
au lieu d'opérer dans le vide, on opère dans Pair sec, la
dissociation se fera plus lentement; elle se fera beaucoup
plus lentement encore au contact d'une vapeur dense,
comme celle de l'hydrate de chloral.
Dans la vapeur d'hydrate de chloral, sous faible pres-
sion, la dissociation se fait, pendant les premières heures,
avec une rapidité comparable à celle que l'on observe dans
l'air sec ou dans toute autre vapeur inerte (^) ; mais elle
devient ensuite de plus en plus lente au fur et à mesure
que la tension augmente.
Dans la vapeur d'hydrate de chloral prise sous forte
pression, ce n'est qu'avec une extrême lenteur que se fait
Tefflorescence du sel, même dans les premières heures;
mais, dans ce dernier cas comme dans le premier, on
(*) En effet, si dans la Tapeur d'hydrate de chloral à loo degrés et sous
la pression de aoi"^, 5 on introduit environ it^,b d'oxalate neutre de po«
tasse (sec et ayant séjourné douze heures dans le Tide), on constate qu'au
bout d'une heure dix minutes la force élastique de la Tapeur d'eau émise
par le sel était de 83 millimètres.
La dissociation du sel s'était donc faite dans l'hydrate de chloral, avec
une rapidité comparable à celle avec laquelle elle s'est produite, dans les
expériences de M. Wurtz, au milieu de la vapeur d'éthylate de chloral.
HYDRATE DE CHLORAL. 4^7
constate que l'oxalate neutre de potasse se dissocie dans
rhydraie dechloral.Si, par exemple, on introduit l'oxalate
dans la vapeur d'hydrate de cliloral ayant une pression F
F
telle que la tension — de la vapeur d'eau qui se trouverait
libre, sMl était entièrement décomposé, serait notablement
supérieure à la tension/ de dissociation du sel, on constate
que la pression augmente peu à peu^ quoique très-lente-
ment. L'hydrate de chlorai n était donc pas entièrement
.F
décomposé; car, si cela était, la tension -de la vapeur d'eau
libre dans le mélange eût été notablement supérieure à la
tensiouy^de dissociation du sel introduit et, par suite, ce-
lui-ci n'aurait pu se dissocier.
Mes expériences préliminaires m'avaient prouvé que
l'hydrate existait à l'état de vapeur j mais elles m'avaient
eu même temps montré l'utilité de modiEer les conditions
de l'expérience à cause de la lenteur extrême avec laquelle
se fait la dissociation du sel dans ces circonstances.
M. Wurtz, croyant répéter les expériences que j'avais pu-
bliées (sans indiquer, faute de place, la marche suivie),
a employé ce premier mode opératoire (*) et est arrivé à des
résultats semblables à ceux que j'avais obtenus après le
même nombre d'heures de chauffe.
Dans l'une des expériences qu'il donne comme ayant été
faite dans les meilleures conditions, à la température de
78 degrés, dans un tube d'Hofmann ordinaire, on voit que
l'introduction de Toxalate neutre de potasse dans la vapeur
d'hydrate de chlorai fait peu à peu baisser le niveau du mer-
cure de 8 millimètres, de sorte que si l'on calcule la pres-
sion F que possède l'hydrate de chlorai dans le volume
final, en tenant compte du volume de l'oxalate introduit,
(*) Comptes rendus de V ^académie des Sciences, t. LXXXIV, p. 977 et 1262.
Jnn, de Chim, etdePhys., 5« série, t. XIIÎ. (Mars 1878.) 27
4l8 L. TROOST.
on reconnaît que cette pression a augmenté d'environ
10 millimètres au bout de cinq heures. On en doit con-
clure que le sel se dissocie dans la vapeur d'hydrate de
chloral ayant une tension de i34™™9 5. Cet hydrate de
chloral n^était donc pas entièrement décomposé, puisque,
si cela était, la tension — - — ^ = 67™", 25 de la vapeur
d'euu libre dans le mélange eut été supérieure à la tension
de dissociation du sel, et^ par suite, celui-ci n'aurait pu se
dissocier. On ne peut donc pas conclure de cette expé-
rience que riiydrate de chloral est entièrement décomposé
à y8 degrés en vapeur d'eau et en vapeur de chloral an-
hydre. La conclusion forcée est qu'il existe, dans Tappareil,
de l'hydrate de chloral à l'état de gaz composé, distinct
d'un mélange de chloral anhydre et de vapeur d'eau.
Ce premier procédé indique donc nettement le sens du
phénomène à observer, surtout quand on opère dans les
conditions que nous venons de rappeler ^ nous allons voir
comment, par un second procédé, on peut arriver facile-
ment à obtenir la tension limite du mélange et, par suite,
à résoudre plus complètement le problème.
IL — Second procédé.
Le second procédé, inverse du premier, consiste à faire
vaporiser l'hydrate de chloral dans un espace renfermant
déjà une certaine dose de vapeur d'eau émise par le sel
hydraté : suivant que la tension de cette vapeur d'eau s'a-
joute ou non à celle de l'hydrate de chloral, on en conclut
que celui-ci existe ou est décomposé. A cet effet, on n^in-
troduit l'hydrate de chloral dans la chambre barométrique
qu'après que l'oxalate neutre de potasse hydraté y a été
maintenu assez longtemps pour acquérir sa tension de dis-
sociation*
HYDRATE DE GHLORÀL. ^ 4^9
Expériences à la température de y 8 degrés, —7 Un vo-
lume exactement mesuré (i centimètre cube environ, soit
i^'^jSoo) d'oxalale neutre de potasse pulvérisé, pur, sec et
privé d'air par son séjour dans le vide, est introduit dans
l'appareil, dont la partie supérieure forme une chambre
barométrique de 280 à 3oo centimètres cubes. On main-
tient la température à 78 degrés environ, au moyen d'un
courant de vapeur d'alcool, aussi longtemps qu'il est néces-
saire pour que la force élastique de la vapeur d'eau, émise
par le sel, y acquière à très-peu près la tension de disso-
ciation pour celte température.
Le sel ainsi effleuri est dans de bonnes conditions pour
absorber rapidement de la vapeur d'eau. C'est alors qu'on
introduit un poids déterminé d'hydrate de chloral. Au bout
d'un quart d'heure environ, on note la pression et on la
trouve égale à la somme des pressions calculées pour l'hy-
drate de chloral et la vapeur précédemment émise par
l'oxalate de potasse. 11 n'y a donc pas eu absorption de
vapeur d'eau dans cette première partie de l'opération.
L'expérience continuant, ou reconnaît que la pression
ainsi observée n'est pas absolument stable : elle diminue
lentement d'une petite fraction de sa valeur. C'est ce que
l'on peut constater dans le tableau suivant, qui résume les
expériences que j'ai faites , en suivant cette marche à une
température qui est restée comprise entre 78^,4 ^t 78*^» 6;
le volume final occupé par le mélange était compris entre
289 et 290,5.
l. II. III. IV.
gr gr gr gr
Poids de l'hydrate de chloral employé... 0,1295 o,i3o o,i34 0,124
Pression observée après rintroduction de ^^^ ^^ ^^ „„
l'hydrate de chloral 176,0 172,0 188,0 162,8
Pression observée trente minutes après la
première mesure >74>5 171 »5 187,0 iC2,8
Pression observée deux heures après la pre-
mière mesure 171 iO I70>* 182,0 162,8
27.
»
»
4^0 L« TROOST.
I. II. m. IV.
Pression observée cinq heures après la pre- mm mm mm mm
mière mesure 169 » 176,0 »
Pression observée neuf heures après la pre-
mière mesure 167 » 173,0
Pression observée douze heures après la
première mesure 166,9 » 173,0
Pression que Ton aurait observée dans
l'hypothèse où il n'y aurait aucune ten-
sion de dissociation de l'hydrate de
chloral , ni action réciproque des va-
peurs i79>7 *8o,5 184,0 175,1
Pression que Ton aurait observée dans
l'hypothèse d'une décomposition totale. ii9>7 i30 134 ii5
Ainsi la vapeur d'hydrate de chloral, loin de se con-
duire, en présence du sel effleuri, comme une vapeur
entièrement décomposée en volumes égaux de chloral
anhydre et d'eau, ayant chacun une tension d'environ
60 millimètres, se comporte au contraire comme un com-
posé défini ayant à peine une tension sensible de disso-
ciation (*). On pourrait se demander si la présence du
chloral dans le mélange n^empêchait pas l'absorption par
le sel effleuri de la vapeur d'eau, qui s'y trouvait à l'état
libre. Il n'en est rien : en effet, après avoir vaporisé l'hy-
drate de chloral dans l'espace où se trouve le sel effleuri,
et avoir constaté la lenteur extrême avec laquelle varie la
pression, j'introduis une ampoule contenant une quan-
tité d'eau inférieure à celle qu'aurait fournie l'hydrate de
chloral s'il s'était décomposé en eau et en chloral anhydre
au moment de la vaporisation.
Dans ces circonstances, on voit, et l'expérience a été
répétée plusieurs fois, qu'au bout d'un quart d'heure les
7~ environ, et au bout d'une demi-heure les -^ de la va-
( * ) La différence entre la tension théorique et la tension observée peut
être attribuée, au moins en partie, à Tinexactitude de la loi des mélanges
des gaz et des vapeurs.
HTDBÀTB DE CHLORAL. 4^^
peur d'eau introduite ont été absorbés (*); le reste finit
par disparaître, mais plus lentement. Il en aurait été de
même pour la vapeur d'eau provenant de l'hydrate de
chloral, si cet hydrate s'était réellement décomposé en se
vaporisant. Le tableau qui précède montre qu'il ne s'est
rien produit de semblable.
L'hydrate de chloral existe donc à l'état de composé
défini gazeux, à la température de 78 degrés.
Expériences à la température de 100 degrés. — D'après
les faits qui précèdent, la vapeur d'hydrate de chloral pa-
raît avoir une tension de dissociation sensible, quoique
très-faible à 78 degrés \ il est dès lors évident que si l'on
opère à une température plus élevée, à 100 degrés par
exemple, la tension de dissociation de la vapeur d'hydrate
de chloral sera plus forte qu'à 78 degrés.
A la nouvelle température, comme à la première, il est
indispensable de se placer dans des conditions telles que
la loi des mélanges des gaz et des vapeurs soit applicable,
c'est-à-dire qu'il faut opérer sous de faibles pressions. En
effet, M. V. Regnault a démontré que, dans les mélanges de
deux vapeurs fournies par des corps susceptibles de disso-
lution réciproque, la tension totale observée est toujours,
pour les fortes pressions, très-inférieure à la somme des
pressions partielles; elle peut même, dans le voisinage du
point de saturation, ne pas dépasser la tension de l'une des
vapeurs isolées. Les expériences faites sous des pressions
un peu fortes ne sauraient donc conduire à aucune con-
clusion ('). Il faut opérer sous une pression aussi faible
que possible.
(*) Le sel était maintenu à une distance verticale de 35 centimètres au-
dessus de la surface du mercure, sur laquelle se produisait la vaporisation
de Teau. La vapeur d'eau devait donc se diffuser dans le mélange gazeux
pour arriver au contact du sel effleuri.
(') J'ai constaté, par des expériences directes faites dans le même appa-
4^2 L. TROOST.
On y parvient en introduisant dans la chambre baromé-
trique où se trouve le sel effleuri un poids d'hydrate de
chloral qui ne doit guère dépasser ^5o milligrammes pour
l'appareil que j'ai employé. La force élastique de la vapeur
d'eau que fournirait ce poids d'hydrate de chloral dans
l'hypothèse d'une décomposition totale serait alors inférieure
à la tension de dissociation du sel. Dans ces conditions,
pour un volume gazeux supérieur à 3oo centimètres cubes,
et la température étant maintenue entre 99 degrés et gg^^S^
voici ce que j'ai observé :
I.
II.
m. IV.
gr gr gr gr
Poids de l'hydrate de chloral employé. . .. o,a56 0,289 o,3i4 ^y^91
Pression observée quelques minutes après mm mm mm mm
l'introduction de Thydrate de chloral .. . 896,5 386,0 366, o 364)5
Pression observée trente minutes après la
première mesure 895,5 384,5 364*0 364)0
Pression observée deux heures après la pre-
mière mesure 398,0 882,0 36o,o 362,6
Pression observée cinq heures après la pre-
mière mesure 889,0 876,0 355,5 36i,4
Pression observée neuf heures après la pre-
mière mesure 885,5 374;7 354,8 359, a
Pression observée douze heures après la pre-
mière mesure 882,5 374,7 354,8 358,3
Pression observée vingt-quatre heures après
la première mesure 882,0 » 354,8 358,9
reil, qu'un mélange d'hydrate de chloral et de vapeur d'eau, ayant des ten-
sions séparées de 443 millimètres et de 227 millimètres, acquérait seule-
ment une tension de 612 millimètres au lieu de la tension de 670 milli-
mètres qu'indique la loi des mélanges et des vapeurs. J'ai constaté de
même, par des observations qui seront publiées ultérieurement, que si,
dans l'appareil contenant de l'alcool méthylique sous une pression de 45o
à 5oo millimètres, on introduisait un poids de méthylate de chloral ca-
pable d'acquérir dans le même espace une tension de 80 millimètpes, la
tension totale ne dépassait pas la tension de l'alcool méthylique seul. J'ai
reconnu qu'au contraire la loi de Dalton s'appliquait aux mélanges d'hy-
drate de chloral et d'eau comme aux mélanges d'alcool méthylique et de
méthylate de chloral quand on opérait sous basse pression.
HYDRATE DB CHLORAL. 4^3
I. II. III. IV.
Pression que l'on aurait observée dans Thy-
po thèse où il n*y aurait aucune tension
de dissociation, ni action réciproque des
vapeurs 429*0 4>4>o 38i,6 38o,o
Pression que Ton aurait observée dans Vhy-
pothèse d'une décomposition totale 3i4,5 807,0 290,8 290,0
Les pressions observées : 382 millimètres, 374"% 7?
354"*™, 8 et 358""", 2 démontrent que, loin de se conduire
à loo degrés, en présence du sel effleurî, comme une vapeut*
entièrement résolue en volumes égaux de chloral anhydre
et d'eau, ayant chacun une tension d'environ i5o milli-
mètres, l'hydrate de chloral gazeux se comporte au con-
traire comme un composé défini ayant une faible tension
de dissociation, et encore la différence entre la tension
totale théorique et la tension observée pourrait-elle être
attribuée, au moins en partie, à quelque action réciproque
des vapeurs. L'hydrate de chloral existe donc à l'étal de
composé déEni gazeux à la température de 99 degrés
comme à celle de 78 degrés.
IIL — Troisième procédé.
Le troisième procédé est d'une application plus simple
que les précédents \ il exige comme eux la connaissance de
la tension de dissociation du seL
On déterinine d'abord la vaporisation d'un poids connu
d'hydrate de chloral dans l'appareil \ on note le volume et
la pression, puis on introduit dans cette vapeur un corps
qui soit capable d'absorber une partie de la vapeur d'eau
libre que l'hydrate de chloral pourrait contenir.
Au premier abord, l'emploi de corps desséchants, comme
le chlorure de calcium, semble devoir résoudre le problème
et par suite permettre de reconnaître si un gaz est un
composé défini ou un mélange d'un gaz et de vapeur d'eau.
4M ' L. TROOST.
Maïs on rencontre une difficulté qui limite le nombre des
substances susceptibles d'être utilisées.
Le chlorure de calcium dégage beaucoup plus de chaleur
que la vapeur de chloral anhydre en se combinant avec la
vapeur d'eau; il s'emparerait en conséquence de l'eau, que
celle-ci soit libre ou combinée au chloral , et ce phéno-
mène chimique empocherait toute conclusion relative à la
constitution physique de la vapeur. Le chlorure de cal-
cium devra donc être rejeté, ainsi que tous les composés
qui dégagent beaucoup de chaleur en s'hydratant.
Le corps employé, tout en étant avide d'eau, doit dé-
gager moins de chaleur que le chloral en se combinant
avec l'eau. Ce n'est que s'il remplit cette condition qu'il
ne décomposera pas l'hydrate de chloral. Ce corps est encore
l'oxalate neutre de potasse pur 5 mais, pour cette expérience,
il doit avoir été complètement déshydraté par son séjour k
Fétuve à 100 degrés.
Le poids d'hydrate de chloral employé doit être tel que
la vapeur d'eau qu'il contiendrait, à l'état libre, dans l'hy-
pothèse d'une décomposition complète, ail une tension
supérieure à la tension de dissociation du sel.
C'est ce qui a été réalisé dans les expériences suivantes :
I. II. lîî. IV.
gr gr gr gr
Poids de l'hydrate de chloral employé. 0,191 0,196 0,4975 OjSigS
Température de la vapeur. 78°, 2 à 78"», 4 99"» 2 à 99'*,3
Pression observée avant l'introduction ^^ ^^ mm mm
du sel déshydrate 181, 3 i85,6 44^»^ 4^3,0
Pression observée deux heures après l'in-
troduction du sel hydraté 181,5 i85,o 44o»o 4^2,0
Pression observée cinq heures après l'in-
troduction du sel hydraté 181,5 i83,o 440)0 45a>0
Pression observée neuf heures après l'in-
troduction du sel hydraté 181,5 i85,o 44o»o 452 jO
Pression observée vingt heures après l'in-
troduction du sel hydraté 181,5 » 440,0 4^2,0
L'introduction de l'oxalate neutre de potasse pur, com-
HYDRATE DB CBLORAL. 4^^
plétement déshydraté, n'a donc pas fait varier la pression
de la vapeur d'hydrate de chloral. Or, si cet hydrate de
chloral était un simple mélange de chloral anhydre et de
vapeur d'eau, la force élastique de cette vapeur d'eau
== 92"*™, 5 dans une expérience faite à 78 degrés, et
- — = 226"™ dans une expérience faite à 99 degrés, étant
très-supérieure h la tension de dissociation du sel pour
la température correspondante, le sel déshydraté se serait
emparé de toute la quantité de cette vapeur qui correspond
à l'excès de sa force élastique primitive sur la tension de
dissociation du sel, et, par suite, la pression du mélange
aurait notablement diminué.
Le tableau qui précède montre qu'il ne s'est rien produit
de semblable, quoique le contact de la vapeur avec le sel
ait été maintenu pendant vingt heures.
J'ai complété l'une des expériences faites à 78 degrés
par une vérification qui la rend encore plus, démonstrative.
Après avoir constaté que le volume restait constant, j'ai
introduit dans la vapeur d'hydrate de chloral une ampoule
contenant un peu moins d'eau que n'en aurait fourni l'hy-
drate de chloral s'il avait été entièrement décomposé 5 j'ai
alors observé que cette eau est absorbée d'abord rapide-
ment par le sel, puis plus lentement, jusqu'à ce qu'il n'en
reste plus que la quantité qui correspond sensiblement à
la tension de dissociation de l'oxalate de potasse.
On est donc amené, par ce dernier procédé, à la même
conclusion que par le précédent, à savoir que l'hydrate de
chloral existe à l'état gazeux.
En résumé, la méthode nouvelle que j'ai appliquée dans
ce Mémoire prouve :
1*^ Que la vapeur d'hydrate de chloral n'a, à 78 de-
4^6 « DAUBRÂB.
grés, qu'une tension de dissociation à peine sensible.
2^ Que, si à loo degrés la tension de dissociation est
sensible, la plus grande partie de la vapeur d'hydrate de
chloral n'en existe pas moins, à cette température, comme
à 78 degrés, à Vétat de composé défini gazeux^ distinct
d'un mélange de deux vapeurs^
3° Que son équivalent en volumes correspond à 8 vo-
lumes^ comme M. Dumas l'a annoncé le premier.
Cette- conclusion est celle à laquelle M. Berthelot a été
conduit également, par l'étude calorimétrique de Thydrate
de chloral, sous ses trois états solide, li({uide et gazeux.
RAPPORT
SUR l'intérêt que présente Li. CONSERVATION DE CER-
TAINS BLOCS ERRATIQUES SITUÉS SUR LE TERRITOIRE FRAN-
ÇAIS, ET SUR l'ouvrage DE MM. FALSAN ET CHANTRE,
RELATIF AUX ANCIENS GLACIERS ET AU TERRAIN ERRA-
TIQUE DE LA PARTIE MOYENNE DU BASSIN DU RHÔNB^
Par m. DAUBRÉE.
Les vestiges imposants que la période glaciaire a laisses
à la surface de l'Europe, antérieurement à la période ao-
tuelle, sont des témoins irrécusables d'un phénomène d'un
haut intérêt. Non- seulement ce phénomène représente un
régime climatérique bien différent de celui dans lequel
nous vivons, mais encore il a exercé une influence des plus
considérables sur le relief d'une partie des continents,
ainsi que sur la nature et la disposition des alluvions qui
en recouvrent de vastes étendues.
Des surfaces polies et striées, caractéristiques du frotte-
COnSERYATION DES BLOCS ERRATIQUES. 4^7
ment des glaciers, se reconnaissent çà et là sur les roches,
lorsqu'elles ne se sont pas désagrégées ultérieurement et
qu'elles n'ont pas été recouvertes par la terre végétale;
mais ce sont des circonstances comparativement rares. Les
vestiges glaciaires les plus fréquents consistent dans les
blocs erratiques , qui sont disséminés de toutes parts;
quelquefois ils sont encore accumulés les uns sur les autres
à l'état de moraines.
Le fait fondamental que ces blocs servent à constater a
paru si surprenant qu'on n'y aurait pas ajouté foi, sans les
preuves les plus démonstratives. Aujourd'hui, ce fait n'est
plus douteux; aussi les blocs erratiques, que des caractères
certains distinguent des blocs épars ordinaires, sont-ils à
considérer comme d'importants monuments de l'histoire
du globe, de véritables monuments historiques.
Mais, en beaucoup de lieux, ces blocs sont évidemment
recherchés comme matériaux de construction ; ce sont sou-
vent des roches cristallines, très-résiilantes, qui sont d'au-
tant plus appréciées que, transportées par d'anciens gla-
ciers, des régions élevées où elles s'étaient formées, elles
ont été apportées au milieu de plaines dépourvues de cette
sorte de matériaux. Aussi ces blocs erratiques sont-ils, de
toutes parts, exploités de la manière la plus active, et
chaque jour leur nombre diminue considérablement. Si
cette destruction continue, nos descendants, privés de
la vue de ces témoins du passé, pourront à peine croire
au phénomène imposant qu'ils caractérisent avec certi-
tude. I
Bien des personnes, même en dehors des géologues, se
sont émues de cette destruction que l'on pourrait qualifier
d'acte de vandalisme, et des moyens ont été proposés pour
y porter remède, au moins dans une certaine mesure.
En Suisse, des mesures conservatrices ont été prises, à
la suite d'un Rapport fait en 1867, par la Commission géo-
4^8 DAUBRÉB.
logique suisse, présidée par M, Sluder, et sur l'initiative
de deux savants très-distingués, MM. Alphonse Favre et
Soret. Les résultats auxquels ont abouti les efforts persé-
vérants de ces savants sont consignés, chaque année, dans
des rapports spéciaux. Dans le canton d'Argovie par
exemple, sous Tactive direction du conseiller d'Etat
chargé du département de Tlnstruction publique, plu-
sieurs circulaires contenant des instructions ont été pu-
bliées ; des conférences à ce sujet ont été faites par un
professeur aux régents des diverses écoles cantonales, qui
ont été invités à indiquer, sur des sections d'une carte à
grande échelle, les principaux blocs erratiques de leur
district.
Dans la partie de la France qui appartient au dé-
partement de la Haute-Savoie , les blocs erratiques ont
également bénéficié des efforts des deux naturalistes
suisses.
Mais les dépôts glaciaires ne sont pas restreints h ces
régions de hautes montagnes ^ ils s'étendent sur une partie
du sud-est de la France, et ils y présentent des caractères
qui les rendent particulièrement intéressants, ainsi qu'il
résulte d'un travail que deux géologues de Lyon viennent
de terminer.
Déjà, au retour de son voyage en Provence, de Saussure
avait signalé les blocs d'Auberîve. En 1837 > ^^' Itîer
décrivit les blocs alpins, dispersés au sommet des monta-
gnes du Buget, près de la Charireuse-de-Portes. En même
temps, MM. Fournel, Leymerie, Thiollîère poursuivaient
les mêmes études dans toute la région ; mais ces observa-
teurs distingués n'avaient pu se dégager de l'hypothèse
d'un transport par de grands cours d'eau.
Quelques années plus tard, en i858, M. E. Benoit, imi-
tant MM. Edouard Colomb et Blanchet, attribua ces phé-
nomènes à rinfluence plus ou moins directe d'anciens
COirSERVATION DBS BLOCS ERBATIQUES. 4^g
glaciers, qui auraient envahi la vallée du Rhône jus(}u'à
Lyon, Bourg et Vienne. Il reconnut alors des moraines
calcaires provenant de petits glaciers jurassiens. Dans le
Dauphiné, M. Scipion Gras et surtout M. Lory ont fait
sur la même question des études bien connues.
Sur l'invitation de M. Alphonse Favre, qui avait étudié
de la manière la plus précise ces phénomènes, tant en
Suisse que dans la Haute-Savoie, MM. Faisan et Chantre
poursuivirent avec activité les études qui avaient été faites
antérieurement sur le bassin du Rhône.
Après dix années d'exploration, ils ont tracé les ré-
sultats de leurs recherches sur six cartes du Dépôt de la
Guerre au 75177. Le terrain glaciaire, au lieu d'y être re-
présenté par des teintes plates, y est figuré par des sys-
tèmes de lignes, analogues à celles qui sont adoptées pour
indiquer les courants. Ces lignes, qui ne sont en quelque
sorte que la reproduction complète des stries gravées par
les glaciers sur les rochers du bassin du Rhône, ont été
relevées avec beaucoup de soin par les auteurs de la carte:
elles expriment donc le sens des mouvements des anciens
glaciers.
C'est ainsi qu'on reconnaît que ces anciens glaciers
avaient des proportions colossales. A Culoz, à Chambéry,
à Grenoble, l'épaisseur de la glace approchait de looo mè-
tres. Cette masse de glace était rencontrée par une
autre branche du glacier du Rhône, qui d'une part, par
un rebroussement sous un angle d'environ 4^ degrés, re-
montait au nord, au lieu de descendre vers le midi, et,
d'autre part, envahissait la grande vallée de la Suisse pour
descendre dans celle du Rhin, à partir des montagnes du
Buget et de la Chartreuse, au milieu desquelles le grand
glacier poussait des rameaux, rencontrant de petits glaciers
locaux. Le niveau supérieur de la glace s'abaissait con-
stamment vers l'ouest, et cet abaissement était propor-
43o DlUBRÉE.
tionncl à répanouissement horizontal du glacier, au mi*
lieu des plaines du Dauphiné, du Lyonnais et dans celles
des Dombes. Dans le Bas-Dauphiné, une espèce de seuil
formé par de la molasse s'opposait à l'écoulement de
la glace vers le midi, et la forçait à se diriger vers la
Bresse.
Depuis Bourg jusqu'à Vienne, Thodure et au delà, en
passant par Lyon, on peut suivre, sans interruption, les
moraines terminales de cet immense glacier épanoui en
éventail : son vaste périmètre était compris entre les Alpes
de la Savoie et du Dauphiné, d'un côté \ et, de Fautre,
entre les montagnes du Beaujolais et du Lyonnais. Le pas-
sage de la glace est attesté, soit par des stries gravées sur
les rochers, soit par des amas de cailloux striés^ soit enfin
par des blocs erratiques.
Un texte explicatif accompagnera la carte, pour servir à
la monographie géologique des anciens glaciers et du ter-
rain erratique de la partie mo^^enne du bassin du Rhône.
Le travail est complété par des coupes longitudinales et
transversales de l'ancien glacier du Rhône, ainsi que par
une série de figures des principaux blocs, assez habilement
représentés pour en donner une idée exacte, de moraines
et de surfaces moutonnées et striées, caractéristiques du
frottement des glaciers.
Quelque intéressants que soient ces monuments de notre
ancienne histoire, ils disparaissent chaque jour, comme il
a été dit plus haut. Les blocs du mont de Si on, ceux du
Vuache sont exploités sans relâche, le bloc de la Commau-
derie, près de Beiley, vieutd'être détruit, de même que celui
de la Chartreuse de Cortez, qui était célèbre pour avoir
été signalé le premier sur le sommet des montagnes da
Buget; un bloc gigantesque, situé à Saint-Genis*Laval,
près de Lyon, au milieu dVn pays granitique, vient d'être
brisé pour servir à la construction d'une maison, et Je
CONSSavATlON DES BLOCS EIVRATIQUBS. 4^1
beau bloc de granité porphyroïde, la belle pierre Vieil leile,
qui dominait le marais des £checs-en-Dombes, a subi le
même sort. En Beaujolais on ne brise pas les blocs, mais
on les enfouit dans des fosses profondes; puis on les couvre
de terre et de plants de vignes : c'est ainsi qu'à Nuelle, à
Durette et ailleurs, la physionomie des anciennes moraines
se modifie chaque année.
Il est donc temps d'agir activement, afin d'épargner à
notre pays la perte irréparable d'objets scientifiques ; il ne
s^agit d'ailleurs que de la protection d'un nombre très-
restreint de ces blocs, c'est-à-dire de ceux qui méritent
d'être conservés à cause de leur volume considérable, de
leur position étrange ou caractéristique, ou bien enfin des
légendes qui s'y rattachent.
Des contrées de la France, autres que les Alpes, pré-
sentent également d'imposants monuments, des phéno-
mènes erratiques : telles sont particulièrement les Vosges
et les Pyrénées.
Dans un Rapport étendu et intéressant, qu'il a bien
voulu nous adresser, M. Alphonse Favre nous a fait con-
naître :
i^ Ce qui a été déjà fait pour la conservation des blocs
erratiques sur le territoire français, dans le département
de la Haute-Savoie, à la suite de demandes que, pendant
dix ans, il a adressées en commun, avec M. le professeur
Soret, à MM. les Préfets de la Haute-Savoie, aux Prési-
dents de la Société géologique de France, etc., et de né-
gociations fort longues, quoique ces deux savants aient
rencontré, toujours et partout, la plus parfaite obli-
geance.
2** Ce qui a été fait sur le territoire suisse pour la con-
servation des blocs erratiques, à la suite des propositions
faites en 1866; presque tous les gouvernements de can-
tons se sont empressés de faire rechercher les masses erra»
43 2 DAUBRÉE. GONSEiiyi.TION DES BLOCS ERRATIQUES. .
tiques, non-seulement par suite de la recommandation du
département fédéral de Tlntérieur, mais parce qu'ils y
étaient poussés par les Sociétés cantonales d'Histoire natu-
relle. C'est ainsi que la recherche des blocs erratiques est
devenue partout populaire parmi les naturalistes de toutes
sortes : botanistes, pharmaciens, entomologistes, géologues
et autres.
3° Les mesures qui seraient à prendre pour conserver
quelques-uns des blocs erratiques situés sur le territoire
français.
Ce Rapport de M. Alphonse Favre, auquel sont joints
de nombreux documents imprimés, sera du plus grand se-
cours dans la question qui nous occupe.
Dans un récent Comité secret, l'Académie a manifesté
l'intérêt qu'elle porte à ces blocs erratiques, à titre de véri-
tables monuments, en nommant dans son sein une Com-
mission spéciale chargée de veiller à la conservation de
ceux de ces blocs qui sont les plus intéressants, Commis-
sion qui, dans les principales régions, aura des délégués
pour atteindre ce but.
».
'«%«'«««««%«««*^««v«««««««%v«««
WAHHEN DE LA RUE ET HUGO W. MULLER. 4^3
EXPÉRIENCES SUR LA DÉCHARGE DiSRUPTiVE,
FAITES AVEC LA PILE A CHLORURE d' ARGENT (*);
Par mm. WARREN DE LA RUE et Hugo W. MULLER.
(Extrait par M. Mascart.)
I. — Description et usage de la pile.
Il y a quelques années ('), nous avons eu l'honneur de
soumettre k l'Académie les résultats des expériences faites
avec la pile constante à chlorure d'argent. La pile dont
nous nous sommes servis en 1875 était de 324o éléments^
dans ce moment, nous avons 8o4o éléments en action et
2960 nouveaux prêts à être chargés, ce qui fera un total de
1 1000 éléments. Tout d'abord la pile était composée d'élé- .
ments en forme de tubes ouverts par le haut, et le zinc ■
était amalgamé. Plus tard, les tubes furent fermés avec des
bouchons de caoutchouc vulcanisé percés d'un trou pour
laisser passer la baguette de zinc, un fil d'argent commu-
niquant avec le chlorure d'argent en poudre passait entre le
bouchon et la paroi du tube et était couvert de plusieurs
feuilles minces de gutta-percha pour le protéger contre
l'action du soufre renfermé dans le caoutchouc vulcanisé
et pour empêcher le contact avec la baguette de zinc. '
L'amalgamation du zinc a l'avantage d'empêcher l'éner-
gique adhérence du chloroxyde de zinc qui se forme dans
la pile, mais elle présente l'inconvénient grave d'amalgamer
peu à peu et finalement de couper le fil d'argent ( ') ^ nous
(*) Phil. Trans.y Part I, vol. 169, p. 55-12 f.
(') Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences, t. LXVll,
p. 794-798 (1868); t. LXXXI, p. G86-7/16 (1875).
(') On peut remplacer l'argent par le platine, mais cette substitution
serait très-dispendieuse.
iinn. deChim,etde P/i/f,,5» série, t. XIH. (Avril 1878.) 28
I
4^4 WARBEN DE Li HUE ET HUGO \T7 1
avons piéféié ne pas amalgamer le zinc quand la pile doit
être en action pendant une ou pltisieiirs années. Enfin on
a employé, comme en 1868, le cliloriire d'argent fondu,
ce qui diminue la résistance, comme on le verra plus loin,
et l'on a substitué aux bouchons de caoutc^houc vulcanisé,
qui faisaient souvent fendre les tubes, des bouchons de
paraffine.
La iig. I représente une pile de ao éléments, sous la
dernièie l'orTiie que nOus .ivoiis adoptée. On a dessiné à pan
les parties dont elle se compose, savoir la lige de zinc Z, le
cylindre de chlorure d'argent Ag Cl, fondu sur le fil d'ar-
gent aplati SW, le cylîndi'e de parchemin végétal Vp ou-
vert auxdeiix bouts, ce même cylindre de parchemin en
place au tour du cylindre de chlorure d'argent, enfin le bou-
chon en paraffine C, percé de deux trous par l'un desquels
passe la lige de zinc et dont l'autre sert à l'inlroducliou du
liquide; ce dernier est ensuite fermé par une petite tige
de paraffine pp. Le parchemin a pour but d'empêcher le
contact du zinc et du chlorure; il est enroulé plusieurs
fois sur un moule pour en former un cylindre, puis collé
I
DÉCHARGES DISRUPTIYES. 4^5
sur le bord par un vernis h la gomme laque et serré par
un fil pour empêcher qu'il se déroule.
Les vases sont des tubes de verre à fond plat de i4 cen-
timètres de hauteur et 28 millimètres de diamètre ; les fils
d'argent sont des lames de 20*^, 3^ de longueur, de i™™, 27
de largeur et de o"", aS d'épaisseur, pesant chacune o^^. 88.
Les baguettes de chlorure d'argent ont 54 millimètres de
long, 7"*", 6 de diamètre et pèsent i a^', 97. Les tiges de zinc
ont 1 5*^5 24 de longueur, 5°*™, 6 de diamètre et sont percées
à la partie supérieure d'un trou de a""*, 5 de diamètre,
dans lequel le fil d'argent de l'élément voisin est introduit
et serré par une goupille (* ).
Le liquide employé est une dissolution de chlorhydrate
d'ammoniaque, renfermant 23 grammes de sel par liire
d'eau. Les vases peuvent être clos d'une manière absolue
sans craindre un dégagement d'hydrogène, en fondant le
bouchon de paraffine, à l'aide d'un fer chaud, le long de la
paroi du verre et aulour de la tige de zinc. Généralement
on casse beaucoup de tubes, soit au moment de la ferme-
ture, soit sans cause apparente, et le plus souvent par le
fond après que le liquide a élé introduit; la perte peut
atteindre 33 pour 100.
Les vases d'une série de 20 éléments sont placés sur une
monture en acajou SS' portée par quatre pieds d'ébonite/,
de 1*^,2 de hauteur. Des fils N et P couverts de gutta-
percha, le second supporté par une vis de pression 5c, isolée
sur de l'éboniie, permettent de relier chaque série de
20 éléments avec les suivants.
Ces séries sont rangées dans des armoires renfermant
les unes 1080 éléments, les autres 1200.
Lajig, 2 représente une pile de 1200 éléments dans une
armoire, posée sur des pieds en ébonite E, dont les dimen-
(') Le prix du chlorure d'ar£;enl et de Targent, y compris le travail, est
d'environ a'', 5o par élément.
a8.
r
436
sions ititGni
it i"',4o9 (le liauleui-, i°',<j(in de lai
ei o", 43 17 de profondeur.
I
Dans li
laque art
■ la d,t
Qne sorie de clef (/Ig. 3 et 4) qui permet de meltre les
pôles en comnmnicaiion avec deux conducteurs Ag' et Z',
lermlnéa au dehors {Jig. 5) par des cavités dans lesquelles
ou peut introduire des chevilles de coulact A et h'. Des fils
conducteurs de l'^'-.jSde diamètre, recouverts de gulta-
J
DÉCHIRSES DISHCPTIVES, 4^7
perclia, sonl instat'res le long du mur, el l'un d'eux est
Fi|>. 3.
'^J'aïiiifc.
interrompu en C dans le voisinage do chaque armoire par
Fie- j.
deux pièces méiallïques A etZ, distantes de i',6; on peut
[
438 WARREN DE Li RUE ET BtGO W. MlîLLEIl. ^^
introduire dans le circuit la pile conespotidanie à l'aide
des chevilles h tt h', ou bieu isolt:r ces deux dernières dans
Fb 5
1^ ■wii'ijiiÉiiiLiiiaiiiii^^
des cavités en ébonile disposées n cei efl'ut ci luiiiiii li.;, toii-
ducteurs A el Z par une cheville niétalliijue.
La plie fonctionne d'autanl mieux qu'on l'emploie plus
fréquemment; quand elle reste longlemps en repos, il se
forme une coiiciie très-adhérenle d'oxyclilorure de zinc
qui iatroduit une énorme résistance dans chaque élém
J
DÉGHABGE8 DISRUPTIVE8, 439
et réduit beaucoup rintensitë du courant que Ion peut
obtenir dans un circuit de faible résistance^ cet inconvé-
nient est négligeable quand il s'agit d'étudier les distances
explosives ou de faire des expériences avec les tubes à gaz
raréfiés.
L'intensiié du courant est remaixjuablement constante :
si Ton ferme la pile par un circuit peu résistant muni d'un
galvanomètre, Taiguille reste immobile pendant plusieurs
heures ; nous avons eu l'occasion de le vérifier bien des fois.
Ainsi une pile de lo éléments fut réunie par deux galva-
nomètres avec un vase renfermant une dissolution de
1 partie d'azotate d'argent dans 5 parties d'eau. Les deux
électrodes étaient en argent et furent pesées au commence-
ment et à la fin de l'expérience. Le courant fut continué
pendant une heure, les deux galvanomètres indiquant des
déviations absolument constantes :
L'électrode positive avait perdu 0,617
L'électrode négative avait gagné 0,616
Moyenne o,6i65
. /» . . o,6i65 „.. o 1
qui laisai t -—7 = o^*^, 000 1713 par seconde.
ce
36oo
La résistance de la pile était de 55 ohms, celle de l'élec-
Irolyte de 3 ohms et celle des galvanomètres de 5,a4i ^^^'
mant un total de 63***"™, 24. La réduction d'argent par chaque
élément pour une résistance de i ohm est donc, pendant
une seconde, de
0,0001718X63,24 „ Q~5
— -— î nr o«^ 00 1 oo33 .
10
Une expérience semblable, faite avec un voltamètre dont
la résistance était de 20 obms, a donné en 36o secondes
7*^*^, 21 33 de gaz mélangés, ramenés aux conditions nor-
males de température et de pression, ce qui correspond à
0^% ooio35 d'argent réduit par seconde et par élément pour
une résistance de i ohm. Si Ton admet que les résistances
4io WARREUf DE LA HUE ET HUGO W- MCU.E«.
oni été bien mesurées, il en résulterait que dans ce dernier
cas environ 5 pour loo du courant auraient passé sans
produire une décomposition correspondante de Teau.
Pour éliminer les petites erreurs dues à l'éTalnatiou de
la résistance intérieure, on a groupé lo éléments en surface,
de façon à en constituer un seul dont la résistance était
de o***™,297^ ^° ^'* réuni à un électrolyte à nitrate d'ar-
gent avec des résistances totales qui ont varié de I9672 â
jQgohm^ 1^5. La déviation du galvanomètre est restée con-
stante pendant trente heures et la moyenne de quatre expé-
riences a donné i™^*',o945 d'argent réduit par seconde
pour une résistance de i ohm. Comme la force électro-
motrice de la pile est égale à i^°**,o3, il en résulte pour
I volt et I ohm i"8',o626, au lieu de i^^*", i363, nombre
donné par M. Kohirausch.
La force électromotrice de la pile à chlorure d'argent a
été déterminée plusieurs fois par comparaison avec Tétalon
à sulfate de mercure de Lati mer -Clark, lequel est de
i^^^S4S79 ^^ mesurant l'intensité du courant obtenu dans
un circuit de très-grande résistance. On a obtenu ainsi
les nombres
1 ,059
1 ,002
I ,o3i
dont la moyenne est i, o3.
La résistance intérieure de la pile dépend de la distance
du zinc au chlorure d'argent, et surtout de l'état du chlo-
rure, suivant qu'il est en poudre ou en baguettes fondues.
La résistance des éléments à chlorure en poudre est d'en-
viron i5 ohms^ elle est seulement de 5 ohms quand le
chlorure est fondu. Toutefois celte résistance augmente
graduellement et d'une manière continue, à cause du dé-
pôt adhérent d'oxychlorure qui se forme sur la tige de
zinc.
Nous avons déterminé aussi la force électromotrice des
DÉCHARGES DI8RVPTIVES. 44 ^
éléments dans lesquels on remplace le chlorure d'argent
par un autre sel lialoïde et nous avons trouvé :
volt
Pour îe chlorure d'argent i ,o3
» bromure » 0,908
iochire »» Oj'^SS
Ces éléments peuvent être combinés avec les éléments
à chlorure, de manière à constituer un nombre exact de
volts. Ainsi :
TOltS
3 éléments au chlorure valent 3 X i ,o3. . . 3,og
I élément au bromure 0*908
Total pour 4 éléments 3»99^
Moyenne pour i élément 0,9996
ou sensiblement i volt.
Quand le dépôt d'oxyclilorure a donné lieu à une grande
diminution de Tintensilédu courant dans un court circuit,
il convient de remettre la pile en état en grattant les tiges
de zinc, ce qui se fait sans difficulté. Ainsi 2400 éléments
chargés le i5 décembre iSjS, après avoir fermé la pile par
un court circuit pendant une demi-heure pour bien la
mettre en marche, donnaient dans un voltamètre 2 centi-
mètres cubes de mélange gazeux par minute ; le 9 avril 1 877
la pile ne donnait plus que o*^*^, 45 par minute. Alors 20 élé-
ments furent démontés, les zincs grattés, et cette pile de
20 éléments donna 2", 85 par minute. Toutes les piles
furent alors remises en état : les piles n°* 6 et 7 contenant
chacune 1200 éléments donnèrent chacune, après dix
mois, 5i4 grammes d'oxyclilorure de zinc ; la pile n** 5 de
1200 éléments fournit 894 grammes, et la pile n" 4 de
1200 éléments 809 grammes, seize tnois après avoir été
chargée (*).
(') On a reconnu depuis qu'un moyen très-cxpéditif de remettre ]a
pile en état consiste à introduire dans chaque élément, qui renferme
44^ WÀRRElf DE LA RUE ET HUGO W. MULLEE.
Le dépôl d'oxychlorure est en plaques hexagonales et
correspond à la formule 1 5 Zn 0, 3 ZnCl* -f- ao H*0, comme
rindiquent les analyses suivantes :
Trouvé. Calculé.
Zn 58,33 58,33 « 59,07
O H W U 12,08
Cl 11,82 11,82 1 1 ,4o 10,72
H'O "7>4o 16,20 V 18, i3
Cette formation d'oxychlorure de zinc n'est pas particu-
lière à la pile au chlorure d'argent *, elle a lieu aussi dans
toutes les piles où le zinc plonge dans une dissolution d'un
chlorure neutre (chlorure de zinc, chlorure de sodium,
chlorhydrate d'ammoniaque).
II. — Disposition des appareils.
Pour mesurer la longueur de Tétincelle, nous employons
le micromètre à décharges représenté par la jig. 6. La
monture est en ébonite. Le pas de la vis est de -^ de pouce
et le bouton d'ébonite A permet d'évaluer yttt^ ^® pouce
sans difficulté. On peut adapter à la partie inférieure de la
vis des extrémités polaires de différentes formes, et me-
surer des distances entre elles et le plateau inférieur D
jusqu'à 29™°*, 5. Les bornes C et C communiquent sépa-
rément avec la vis et le plateau et servent à attacher les
fils de communication.
Le même instrument peut être placé sous la cloche d'une
pompe pneumatique, quand on désire faire des expériences
dans l'air atmosphérique ou dans d'autres gaz à différentes
pressions (Jig» 17).
Le commutateur est représenté par les Jig. 7 et 8. Les
55 centimètres cubes de liquide, i centimètre cube d'une dissolution'
d'acide cblorhydrique de densité égale à 1,16.
DÉCBIEOES DIBIDPTIVBS. 44^
pâles de la pile communiquent avec deux lames méialli'
ques S et S' que l'on peut, i l'aide d'un levîerea ébonile H,
amener en conlact à droite ou à gauche avec les conduc-
teurs B et B'. Ces conducteurs communicjuenl en croix, de
sorte que, si les deux bornes P et N sont reliées avec la vis
Fig. 6,
et le plateau du micromètre à décharges, la vis sera posi-
tive icgàand le levier aura la position indiquée par la^^. 7
et négative aà contraire si le levier est abattu de l'autre
côté. De mftnQëj les communications sont supprimées
quand le levier est dans la position verticale (^g-. 8). Iln'y
a pas à craindre que la rupture du circuit par ce commu-
tateur produise d'arc électrique, parce que la double dis-
tance de ^ à S et de S à B atteint 6', 33, et l'on a reconnu
444 WAKBEK DE 1.* RUE ET HUGO W. MULLXS.
que l'arc électrique s'éleînl si les pôles sont séparés de 3', 8,
même quand la pile renferme 8o4o éléments.
Pour d'aunes expériences il a ete nécessaire d'emploi
Fis S
DÉCHARGES DtSKlIPTlVBS. 44^
grand nombre de fois par seconde. La ^g. g représente
celui (jiii nous a paru le plus commode. Deux lames ÂC
et BD sont situées de part et d'autre d'un disque en ébonite
auquel on peut imprimer une rotation rapide. Des ressorts
k angle droit appuient alternativement sur les deux lames
Fig. 9.
qui communiquent séparément avec les deux pôles Ag
et Z de la pile; les ressorts communiquant avec les fîts
Ag* etZ' y envoient des courants alternativement de sens
contraires. Cet appareil renverse le courant 35a fois par
Seconde pendant que la manivelle fait 4 tours, vitesse qu'il
est facile de réaliser à la main; d'autres disques ont
même permis de produire jusqu'à aiia interruptions par
seconde.
Nous pouvons introduire dans le circuit des résistances
métalliques isolées avec le plus grand soin et allant de
I ohm à [ mégohm. Pour des résistances plus grandes,
nous avons employé des colonnes liquides formées d'un
mélange à parties égales d'eau et de glycérine ou simple-
ment d'eau pure. Quatre tubes ainsi préparés avaient des
44^ WARREN DE "LA ItUB ET HUGO W. MULLER.
résistances égales respectivemeDt à
2,69, 4> 6,i5, 3o,5
, T
mégohms,cequi faisaii une résislance totale de 43, 34 niég-
ohms.'Ces résistances diminuent graduellement, par suite
de la dissolution des sels ammoniacaux qui existent dans
l'air, et il est nécessaire quelquefois de renouveler entière-
ment les liquides.
EuGn nous avions installé sur le trajet du courant^ pour
en déterminer Tintensité, une boussole des tangentes isolée
avec des soins particuliers et aussi différentes bobines d'in-
duction, sur le fil secondaire desquelles on interposait un
galvanomètre de Thomson très-sensible, .aGn de manifester
les c^scillations du courant, comme on le verra plus
loin.
Tous ces appareils pouvaient être introduits dans le cir-
cuit et supprimés en quelques secondes à Taide de che-
\illes, comme celle que nous avons décrite plus haut pour
les différentes piles.
III. — Dis lances ej plosi\^es aux pressions atmosphériques
ordinaires.
La décharge de la pile avec un ou deux pôles en forme
de pointe présente plusieurs phénomènes intéressants, qui
précèdent le passage véritable de rélincellc et qui n'ont
pas lieu avec d'autres formes d'extrémités polaires, par
exemple des sphères ou des disques.
Dans ce dernier cas, la nature des métaux n'a pas d'in-
fluence sur la distance explosive. Les expériences répétées
avec des conducteurs de même forme et le même nombre
d'éléments ont toujours donné des résultats d'une constance
remarquable, quel que fût Tintervalle des expériences,
c'est-à-dire quel que fut l'accroissement de résistance in-
troduit dans la pile par la formation d'oxychlorure de zinc.
DÉCHARGES DISBDPTI\ES. 447
La longueur de V étincelle dépend donc essentiellement
du nombre des éléments et de leur force électromotrice.
Par exemple, un grand nombre d'expériences ont été
faîtes à cinq époques très-différentes, le 24 février, les 9 et
10 juin et le 20 octobre 1876, et le 5 juin 1877, avec
des conducteurs terminés par des surfaces spliériques de
S*', 81 de diamètre, dont le rayon de courbure était de 7*^, 62 5
dans deux autres séries d'expériences, faites le 12 février et
le 1 3 juin 1876, les surfaces sphériques avaient 1*^,97 de
rayon de courbure et des diamètres égaux respectivement
k i*^,o5 et i*'9 79-
Tous les résultats des expériences ont été portés sur
papier quadrillé, puis traduits en courbes, et Ton a déter-
miné ainsi, pour chaque série, la distance explosive cor-
respondant à un nombre d'éléments variant d'une manière
régulière, comme l'indique le tableau suivant :
Nombre d'éléments.
« /
u
3
O
o
o
t.
•s.
s
s
I
II
m
IV
v
vil
Moyenne
Vlll ....
fSO
mm
O , o3 1 7
o,o3i7
0,0.317
0,0354
o,o3i7
0,0354
0,0396
o,o3i7
«
5
o
o
a
s
Nombre d'éléments. SOOO
mm
1 0>^779
Il 0,5918
III 0,6045
IV 0,5664
V 0,5715
Vil 0,5079
Moyenne... 0,5700
Vlll o,584i
600
mm
0,0640
o,o63o
o,o635
o,o5o8
o,o635
o,o5o8
0,0593
0,0571
4000
mm
0,8443
0,8808
0,8788
0,8636
0,8533
0,7874
o,85i3
o,85o7
1000
mm
0,1 334
0,1219
0,1219
0,1016
o,i3oi
0,0978
o, 1 178
0, 1270
6000
mm
,126
,172
,lH2
,143
,139
,060
,i34
,i4G
1500
mm
0,2337
0 , 2 1 59
0,2223
0,2095
o,3i59
0,1968
0,3157
0,3l49
6000
mm
//
1,481
1,461
1,442
1 ,4o3
//
Ij447
1,448
tooo
mm
0,3333
0,3366
0,3493
0,3238
0,3238
0,2839
o,325i
0,3238
7000
mm
1/
1,784
»»797
1,752
1,702
rr
ï>7J9
1,760
1600
mm
0,4509
0,4573
0,4826
0,4509
0,4317
o,4o63
0,4466
0,4449
8000
mm
it
2,095
2,095
2,070
3,019
/f
3,070
2,078
On a ensuite tracé une nouvelle courbe \III, qui repré-
sente aussi exactement que possible la moyenne des
observations individuelles. Cette courbe se distingue très-
nettement d'une droite et montre que, au moins jusqu'à
8000 éléments, la distance explosive n'est pas absolument
44^ WARREM DE LA RUE ET HUGO W. MULLBR.
proporiionnelle 9a nombre des éléments. On peut déduire
de celte courbe le tableau suivant, qui donne, pour une dif-
férence de potentiel exprimée en volts, la distance explosive
dans Tair à la pression ordinaire, entre deux surfaces
sphérîques de 7*^, 62 de rayon et de 3^, 8 de diamètre :
Augmentation
de la longueur
de rétincelle
pour
1000 volts
en plus.
Volts.
25o
5oo
^fjo
1000
i5oo
2000
25oo
3ooo
35oo
4ooo
45oo
5ooo
55oo
Gooo
65oo
7000
7600
8(»()o
Distance
explosive.
mm
o,o?.54
0,0572
0,0889
o , 1 224
0,208 3
o,3i3i
0,4317
o,5ô88
i^ , (;<S58
<),8i()3
o,f)588
I ,o()8o
T ,.>.45o
I ,0070
I , 5420
I ,G8()o
I ,8410
1 ,9()5o
DilTé-
rences.
Entre
volts.
O
3i8
3.7
335
859
1048
it86
127 1
1270
i335
1395
1392
I Î70
1420
i55o
1470
i:")20
i54<)
et
1000
et
2000
et
3ooo
et
4000
vi
5ooo
<'t
6000
et
7000
et
8000
mm
0 , 1 22.4
0,1907
0 , 2.457
O , 2605
0^2787
o , 2890
o , 3020
o,3o6o ■
DÉCHARGES DISaUPTIVES. 449
On voit qu'à partir de 2000 volts chaque addition de
1000 volts donne sensiblement le même accroissement de
distance explosive, mais que cependant cet excès continue
de croître très-lentement, au moins jusqu'à 8000 volts.
Ces résultats sont d'accord avec la conclusion de sir
W. Thomson (^), qu'une pile de 55 10 éléments Daniell
est capable de produire une étincelle dans Tair ordinaire
entre deux surfaces légèrement convexes à la distance de
mm
Afin de rendre la comparaison plus facile, nous avons
traduit en volts les nombres publiés par sir W. Thomson
en prenant la valeur 3 X 10*° pour le rapport de l'unité
électromagnétique à l'unité électrostatique.
Force
Différence
Force
Différence
électrostatique
de potentiel
électromo-
de potentiel
Centi-
par
des surfaces
trice
en volts
mètres.
centimètre.
opposées. .
en volts.
par ccntimèt.
0 , 0086
267,1
2,3o
690
8o23o
0,0127
267,0
3,26
978
77000
0,0162
262,0
3,33
999
78660
0,0190
224,0
4,^6
1278
67260
0,0281
200,6
5,64
1692
60220
0 , o4o8
161 ,5
6,18
1864
45450
0 , o663
144, 1
8,11
2433
43210
0,0684
139,6
8,16
2446
41870
0,0688
i4o,8
9^69
2907
42260
0 , 0904
134,9
12,20
366o
40490
0 , I o56
l32, I
13,96
4i85
39630
0, i326
i3i ,0
17,36
6208
39310
Les moyennes des résultats obtenus avec la pile à clilo-
rure d'argent, les 24 février, 9 el 10 juin, 19 et 20 oc-
tobre 1876, sont : ^
(*) Proc, Roy. Soc, vol. X, p. 338.
Afin, de Chim, et de Phys., 5* série, t. XUI. (Avril 1878.)
2(
4^0 WlRRElf DE LA RUE ET HIGO W. MCLLER.
Différence de po-
EMF en élé-
tentiel en Tolts
CentimètreB.
ments AgCI.
EMF en Tolts.
par centimètre.
0,01263
1080
IT l3
88060
0,01461
I900
1236
84590
0,03642
2160
2225
61090
o,o44i4
2400
2472
56oio
0,06410
3240
3336
57o5o
0,07619
3600
3708
48660
0,09404
4320
4449
47320
0, I i44o
4800
4943
432 TO
0 , 1 s».5 1 0
5400
5562
44460
0, i435o
588o
6o56
42210
0,15970
6440
6674
41780
0,17840
6960
7168
40180
0,19170
7560
7785
40160
0,21010
8040
8281
39420
Nos expériences indiquent, en général, une différence de
potentiel plus grande pour une étincelle donnée que celles
de sir W. Thomson, mais la marche des phénomènes est
absolument la même dans les deux cas.
On doit remarquer que, malgré Taccord des distances
mesurées entre les extrémités les plus rapprochées des sur-
faces pour la production des étincelles dans des expé-
riences fréquemment répétées, il arrivait rarement que
réiincelle éclatât exactement aux points les pi us rapprochés
de deux conducteurs.
L'accroissement de distance explosive, pour des accrois-
sements successifs du nombre des éléments, est beaucoup
moins rapide dans le cas de deux surfaces sphériques que
si l'explosion a lieu entre une pointe et un disque. Il s'en
faut donc de beaucoup que la distance explosive soit pro-
portionnelle au carré du nombre des éléments, comme
dans le cas d'une pointe et un disque ou de deux pointes
que Ton verra plus tard.
La différence des résultais que nous avons oblenuspour
DiCHAltOES BISKUPTITE*. 4^1
des surfaces sphëriques de 7", 6a de rayon avec ceux de sir
W. Thomson, relatifs à d«s surfaces légèrement convexes,
nous a détermines à opérer avec des disques de ■°<77a de
rayon dont la distance aux bords était de o""*,i i5 quand
les centres étaient en contact. Trois séries d'expériences
réalisées dans ces conditions ont été réduites en courbes-,
on en a déduit ensuite une courbe moyenne dont la table
suivante (p. 4^^) donne les principales valeurs.
Les courbes qui représentent ces expériences et celles de
sir W. Thomson sont presque identiques; les différences ei
les irrégularités qu'elles présentent paraissent dues à des
erreurs accidentelles.
Nous avons déterminé aussi la distance explosive entre
deux cylindres concentriques, à l'aide de l'appareil repré-
senté par la fig. 10. Le cylindre A, de 6S3.Ï de lon-
gueur ei 1^,243 de diamètre intérieur, et le cylindre B,
tous deux en laiton, sont placés dans une monture en ébo-
nite parfaitement centrée; en montant sur un tour le
cylindre intérieur, on diminue peu à peu son diamètre
dans le cours des expériences pour faire varier la distance
des suifares. La quantité de matière enlevée à chaque opé-
ration ne représentait pas une couihe de plus de o™°',oa d'é-
paisseur, de sorte que la distance explosive était déter-
minée avec une approximation de o'"™,oi. Ces résultats
ont servi à construire une courbe, dont on a déduit la
table de la page 4^3.
^9*
45a wirreu ob la rue et hugo w. mulleb.
Deiix surface» plane».
Volts.
25o
5oo
760
1000
i5oo
2000
25oo
3ooo
35oo
4000
45oo
5ooo
55oo
6000
65oo
7000
7500
8000
Distance
explosive.
mm
0,0592
G, iao6
0,1841
0,2477
0,3555
0,4317
o,5i44
o,64i3
o , 7695
0,9206
I , 0920
r ,2520
I ,8720
1 , 4620
I ,6190
1,7780
I , 9380
2, 1020
Entre
Différences. volts.
614
635
636
1078
762
827
1269
1282
i5i 1
1714
1600
1200
900
1570
1590
1600
1640
o
et
1000
et
2000
et
3ooo
et
4000
et
5ooo
et
6000
et
7000
et
8000
Augmentation
de la longueur
de l'étincelle
pour
1000 TOltS
en plus.
\
mm
0,2477
o,i84o
0,2096
0,2793
> o,33i4
o , 2 I 00
\ o , 3 I 60
o , 3240
d4gb^«)Ges DiSftUPTnrB6«
4^Z
Deux cylindres concentriques,
Volts.
25o
5oo
750
1000
i5oo
2000
25oo
3ooo
35oo
4000
4500
5ooo
55oo
6000
65oo
7000
7500
8000
Distance
explosive.
mm
o , 0432
o,o838
o, 1270
o , I 752
0,3073
0,4826
0,6806
0,9143
i,i43o
I ,3410
1,4980
I ,663o
1,7680
I , 885o
2,0110
2,i33o
2,2860
2,4430
Entre
Différences. volts.
406
432
482
l32I
1753
1980
2348
2276
1980
1670
i65o
io5o
1 170
1260
1220
i53o
1570
et
1000
et
2000
et
3ooo
et
4000
et
5ooo
et
6000
et
7000
et
8000
Augmentation
de la longueur
derétincelle
pour
1000 volts
en plus.
mm
0,1762
0,3074
0,3328
o,3256
o , 3220
0,2220
0,2480
o,3ioo
454 WARREN DIS Ui RUE ET HUGO W* MULLBR.
M. Gaugain (^) a étudié la distance explosive autre des
cylindriques concentriques avec des potentiels beaucoup
plus élevés ; il a constaté que, si le cylindre intérieur reste
constant, la densité électrique sur ce cylindre, au moment
de fexplosion, est indépendante de la distance explosive,
et que cette densité croît quand le rayon du cylindre inté-
rieur diminue. Dans ces expériences , la densité élec-
trique Il sur le cylindre intérieur est représentée, à un fac-
teur près, par la formule
N
1 ^
rlog-
dans laquelle N désigne le nombre des éléments, R et r les
rayons des deux surfaces entre lesquelles se produit l'étin-
celle.
On obtient ainsi :
Nombre
Distance
Densité
d'éléments
explosive
électrique
N.
R — r.
mm
fi..
I200
0,226
1245
2400
0,671
874
36oo
1 ,25o
:44
4800
1 ,641
789
588o
1,895
863
6960
2,182
918
8o4o
2,535
961
Il résulte delà que, pour les petites étincelles, la densité
explosive est variable aussi bien qu'entre des surfaces
sphériques et des surfaces planes. La densité diminue
même d'abord, puis^ugmente à mesure que le nombre des
éléments va croissant.
(*) Annales de Chimie et de Physique, 4« série, t. VIII, p. ii5-ii8.
DÉGHAROES DlSADPTiTES. 4^3
Quand rélincelle éclate entre une pointe et un disque,
la disianee explosive présente aussi une constance remar-
quable pour un même nombre d'éléments, mais la forme
de la pointe a une grande influence.
Ainsi, entre un cône de 20 degrés et un disque, la
distance explosive était de 4""»674 ^ivec 564o éléments,
et de 6"*"*, 782 avec 8o4o éléments, tandis qu'avec une
pointe [fig* II) (X quatre fois plus grande et Y gran-
Fîg. II.
dcur vériiable) dont la forme se rapproche de celle
d'un paraboloïJe de même longueur et de même base
que le cône, IVtincelle était de 6°*", 02 pour 564o élé-
ments, et de 8™™,7i2 pour 8o4o éléments. Les rapports
4>674 ^, 6,78?. 0/ •! •
^-^ = 0,7764 et g-'— = 0,7784, presque identiques,
représentent la proportion qui existe entre la longueur de
l'étincelle relative à une pointe conique, et celle de l'étin-
celle oblenue avec une pointe parabolique.
La longueur de Tétincelle dépend aussi du signe de la
pointe. Pour de grandes tensions, de 5ooo à 8000 élé-
ments, la décharge disruptive est plus longue quand la
pointe est positive*, mais, avec un nombre moindre d'élé-
ments, c'est-à-dire de 1000 à 3ooo, elle est plus longue
quand la pointe est négative.
456 WARREM DE LA RUE ET BOGO W* MVLLER.
LoDgaear de Tétine^e. Rapport.
Pointe -4-
éments.
Pointe -
nm
8o4o
8,71a
564o
5,779
3240
1 ,524
2160
0,724
1080
0,086
4,826
Pointe—.
1,8
3,25i
'»7
1 ,524
1,0
1 ,016
0,71
0,127
0,67
Pour déterminer la forme de pointe la plus avanta-
geuse, on a fait un grand nombre d'expériences avec
des pointes très-variées, dont on dessinait ensuite le profil
au microscope, quand elles paraissaient produire un effet
bien marqué. La forme la plus favorable parait corres-
pondre à une courbe méridienne dont les ordonnées équi-
(listantes varient comme les racines carrées des nombres
impairs i,3,5,...5 les sections correspondantes varient,
par suite, dans le rapport des nombres impairs. La plus
grande partie de la courbe s'écarte peu d'une parabole^ et,
en construisant une pointe en forme de paraboloïde dont
le sommet est alors émoussé, on a obtenu sensiblement les
mêmes résultats.
Un très-grand nombre d'expériences ont été réalisées à
diverses époques avec des pointes paraboliques et des disques,
en faisant la pointe tantôt positive et tantôt négative. Tous
les résultats ont été réduits en courbes, et l'on a déterminé
ainsi une courbe moyenne représentant l'ensemble des
observations pour le cas où la pointe est positive et placée
au-dessus du disque. Les nombres suivants montrent que
la dislance explosive est très-sensiblement proportion-
nelle au carré du nombre des éléments.
Distance explosive entre une pointe -f- et un disque — .
Nombre d'élômonts. 1000 2000 3000 4000 5000 COOO 7000 WMH)
lum mm mm mm mm mm mm mm
Distanco obs.... 0,1:195 o,56i3 1,407 2,616 l\yOZ% 0,689 7>^^4 ^i9^î
» cale... o,i385 o,5588 1,237 2,236 3,^93 5,029 6,845 8,93(
\
. DÉCHARGES DlSRUPTiVE5. 4^7
La même méthode a été employée pour déterminer la
distance explosive entre deux pointes paraboliques. La
distance explosive est encore proportionnelle au carré du
nombre des éléments.
Distance explosive entre deux pointes paraboliques.
ombre d'ôlémonts. 1000
mm
2000
mm
8000
mm
4000
mm
SOOO
mm
6000
mm
7000
mm
Distance obs. 0,127 o,533 i,3/|6 2,794 ^,^'ii 6,32Ô 8,280
» cale. 0,107 0,687 1,4^2 2,545 3,977 5,728 7^798
8000
mm
10,18
10,18
Les courbes de la fig, \i donnent le résumé de toutes
ces expériences.
Fig. 12.
;
la
/
/
.9
/ /
3
/
^ /
8
/
/
//
/
7
A/
,^/
/
CO
6
■y
h-
W
5
-j
/
[/
1
4
//
//
3
4.
\
V
/
:SCC«^SÎÎÎ^
^--""^^
"2
/
""^^^
y^
'^^'
" ^^.^^
ts^^^*"
1
.^^â==--
1
^-.«««^
ÉLÉM
ENT5
1000
2000
^00
4000
5000
6000
7000
eooo
Quand on met la pile en communication avec un con-
458. WA.RREff DE Là RUE ET HUGO W. MULLER.
densateur, les étincelles sont plus épaisses el donnent une
explosion d'autant plus violente que la capacité du con-
densateur est plus grande. La distance explosive entre
des surfaces sphériques reste la même, mais entre une
pointe et un disque elle est considérablement diminuée.
Ainsi, avec un condensateur de o^iSS microfarad et une
pile de 8o4o éléments, on a obtenu :
Distance explosiTe
sans av^c
Extrémités polaires. condensateur, condensateur.
mn nm
Deux surfaces sphériques 2,08 2,08
Pointe positive et disque négatif. 8,64 6,81
Avec un condensateur de l'i microfarads, les 8o4o élé-
ments ont donné entre un disque plan et une pointe posi-
tive mousse (il est impossible de conserver des pointes ai-
guës avec de pareilles décharges) une distance explosive
de 6*"™, 73.
L'élincelle véritable entre une pointe et un disque est
précédée par une décharge lumineuse, une sorte d'effluve.
La quantité d'électricité qui passe alors est très-faible
par rapport à celle que donnent l'étincelle et la formation
de Tare, mais elle est suffisante pour produire une vive lu-
mière dans un tube à gaz raréâé. Ainsi, avec la pile de
8o4o éléments, dont 4800 au chlorure fondu avaient une
résistance de 5 ohms, et 3^40 au chlorure en poudre
avaient une résistance de 1 5 ohms, ce qui faisait une ré-
sistance totale de 72 600 ohms, on a obtenu pour Tin tensi té
du courant :
weber
Dans un court circuit 0,1 i4o
Après une étincelle à 8"**",64 et la formation de
Tare, la résistance totale du circuit extérieur
étant trouvée (le 58 000 ohms o,o634
A 9™"*, 4, la résistance exlérieiire étant trouvée de
327 mégohms, avec la pointe positive 0,000024?
DÉCHàEGES DISRUPTiVES. 4^9
weber
A la distance de 9'^"^,4> résistance de 274 niég-
ohms et pointe négative o, 0000802
A 7"*™, 63, résistance de 181 mégohms et pointe
négative o,oooo458
Distance de 29"^, 4^» résistance Je S890 még-
ohms» pointe positive ou négative o,oooooi4
Si l'on prend pour unité le courant qui a lieu avec une
résistance extérieure nulle, on voit que Tintensité a été
réduite à o^Si par la formation de Tare, puis k 0,000217
et 0,0000123 aux distances de9™",i4 et de 29"", 46. Il
résulte de là que la formation de TefBuve entre une pointe
parabolique et un disque, à la distance de 9°^, 14) ne di-
minue la différence des potentiels d^une pile de 8o4o élé-
ments que de v^. ? c'est-â-dire moins de 2 éléments.
IV. — Propriétés rie Vétincelle.
La lumière qui jaillit entre les pôles est très-visible,
même à la distance de 29™",5. Quand on rapproche les
pôles, la pointe étant positive, il se produit un sifflement
très-fort, et même un brait de crécelle. Le disque, surtout
quand il est positif, se couvre d'une couche métallique
mince qui prend Tapparence des anneaux de Newton.
Il y a encore une décharge lumineuse très-apparente bien
au delà de la distance mesurable par notre micromètre, qui
est de 29'*", 5. Ainsi on peut mettre en évidence le pas-
sage (l*uii courant entre des pôles séparés de i3 à i5 cen-
timètres, en interposant un tube de Geissler entre la pile et
un des pôles, car ce tube devient lumineux, quand même
le courant est trop faible pour donner une lueur appré-
ciable entre les extrémités polaires de l'excitateur.
A Toeil nu, la décharge ressemble à un fllet lumineux
entouré d'une auréole phosphorescente. Qu^nd on Tob-
r
4S0 VrlRBEM DE LA BVE ET HCGO W. MDLLBB. ^^
ser»e avec un microscope, la poinle éiaal positive, la
décharge paraît formée d« plusieurs rayons de lumière vi-
agiiés, comme on le \oil fig. i3. La fig. i4 repré-
le partie de la déchargi; quand la pointe est négaiîve.
I
Pour étudier ces décharges, nous avons employé uu mi-
I
DÉCHARGES Di-SRIifTIVes.
croscope coudé {fig. i5), muni dans l'angle du tube d'un
miroir lournaut auquel on pouvait donner, à l'aide d'ti
poulie W, une rotation de i j tours par seconde. Toute la
monturedel
contre les accidents. Le miroir tournant montre que la dé-
charge eu effluves est in termine nte. Quand la pointe esl po-
sitive, une vitesse modérée sépare la décharge en
distinctes, comme rijidiqucnt ]e;i dessins de gauche de la
J(^. 16. La déchaîne parait plus coulîuue avec la pointe né-
gative, de sorte que l'image (^/ig-. 16 à droite) se montre ha-
bituellement au microscope comme une nappe lumineuse
462 WARREll DE L4 AVE ET HUGO W. MULLER.
plus brillante au voisinage de la pointe. La différence des
sons produits dans les deux cas concourt à indiquer que la
pointe positive donne une décharge moins continue.
Quand on introduit dans le circuit une résistance con-
sidérable, par exemple de 4 mégohms, le caractère de la
décharge est complètement modifié. On obtient alors, à
une distance un peu moindre que dans le cas ordinaire,
une série plus ou moins rapide d^étincelles brillantes,
tout à fait analogues à celles d'une petite bouteille de Leyde
et qui percent le papier de trous très-petits.
Si Ton place sur le disque du micromètre à étincelles une
bande de papier à lettre bien desséchée, d'une épaisseur
de o™™, 1079 et de la même largeur que le disque, qui pré-
sente une surface de 11^^,401, il y a une adhérence très-
forte entre le papier et le disque aussitôt que les branches
de Fexcitateur sont réunies à la pile. L'adhérence est plus
forte quand la pointe qui est au-dessus du disque est néga-
tive. Avec une distance de 9™™, 14^ il faut exercer une
traction de 1944 grammes si la pointe est négative, et de
1166 grammes si la pointe est positive, pour faire glisser
le papier sur le disque.
Afin de mesurer Tadhérence du papier dans ces condi-
tions, on a placé une bande de papier sur le disque et on l'a
chargée de poids jusqu'à ce qu'elle résistât aux mêmes trac-
tions; les charges correspondantes ont été respectivement
de 84o36',8 et de 34686', 6.
Or, si deux surfaces parallèles présentant une super-
ficie de I i«^,4oi et séparées de 0™°*, <079 (l'épaisseur du
papier) sont éiectrisées, et si l'attraction qui s'exerce entre
elles est égale respectivement à 84o36',8 et à 34686'^, 6,
on peut calculer la différence de potentiel de ces deux sur-
faces; on trouve ainsi i38o6, i5 volts pour le premier cas
qui correspond à la pointe négative, et 8869,89 volts pour
le cas de la pointe positive. Ce dernier résultat n'excède
pas beaucoup le nombre de volts correspondant à l'expé-
DÉCHARGES DISKVFTI VE6, 4^3
liénce, 8281 pour 8040 éléments, mais le premier dépasse
le nombre des élémenis employés dans le rapport de 1,67
à I . Cet e\cè6 est dû sans doute à la formation de zones
électrisées dans l'épaisseur du papier, et la différence rela-
tive aux signes électriques parait liée à la facilité inégale
avec laquelle une pointe laisse échapper l'élecrricilé posi-
tive ou l'électrîcilé négative.
Quand on remplace la pointe par une surface sphérique,
on observe à peine de phénomènes lumineux avant la
décharge disruplive, et il ne se manifeste qu'une adhérence
presque înappréciabFe entre les pôles et la bande de papier.
Le seul effet que l'on remarque est que la bande prend ha-
bituellement une position diagonale entre les pôles et laisse
passer un courant très-faible, même s'ils sont séparés par
une grande distance.
Lorsque le pôle supérieur est terminé par un iil de pla-
tine de o™"*,o5 de diamètre et d'environ i5 millimètres de
longueur, maintenu à une distance convenable du disque
inférieur, ce Gl prend une oscillation rectiligne, circulaire
ou elliptique 5 l'extrémité devient lumineuse et rend la
trajectoire parfaitement visible. L'amplitude du mouve-
ment est plus faible si le fil est positif; avec 8o4o éléments,
elle atteint 10 millimètres pour une distance de 8™™, 5,
tandis que, si le fil est négatif, la pointe est beaucoup
plus brillante et l'amplitude atteint environ 21 millimètres.
Si l'on interpose une résistance de 4 mégohms dans le cir-
cuit^ il se produit de temps en temps des décharges statiques^
dont l'entrelacement avec la ligne lumineuse continue tra-
cée par la pointe produit 1rs apparences les plus variées.
Dans ce qui précède on n'a pas tenu compte des varia-
tions de la pression, de la température et de l'état hygro-
métrique de l'air. On n'a pas trouvé que ces variations
eussent une influence appréciable, surtout dans un labora-
toire qui était chauffé pendant l'hiver. Il n'est pas douteux
cependant qu'une grande élévation de température n'aug-
464 WAKIBR DB LA BDB ET HUGO W. MOLLKB.
mente beaucoup )a distsDCc explosive, comme od peal s'en
assurer eu mettant les pôles dans la flamme d'une lampe à
alcool isolée; avec 8040 éléments, on obtient ainsi des
Fie. i;.
étincelles (le 23"""., 4 entre une puinte et une boule et de
3o millimètres entre deux pointes.
Quand les pôles sont placés auprès de deux tlammes Je
gaz provenant d'un même tube en communication avec le
sol, la (lamine voisine du pôle négatif est attirée, et celle
qui est près du pôle positif est repoussée; ce phénomène a
été observé par M. Neyreiicuf.
DÉCHARGES DISRUPTIVES. 4^5
Dans Ja plupart des cas, la nature du métal n'influe pas
surlalongueur de l'étincelle; c'est ce qui a lieu pour le
laiton, le cuivre, l'argent, Tacier, le platine, le magnésium
et le zinc. Cependant Taluminium présente une exception
frappante quand on l'emploie sous forme de pointe, et
donne une étincelle beaucoup plus longue. Avec une
pointe positive d'aluminium, l'étincelle est plus longue que
pour les autres métaux, dans le rapport de 1,242 à i.
Pour étudier les décharges dans les différents gaz à la
pression atmosphérique ordinaire, il a suffi de mettre le
micromètre à étincelles dans une cloche en verre, avec des
dispositions convenables pour établir les communications
électriques et faire varier la distance explosive [fig* 17).
On a ainsi obtenu avec 8o4o éléments :
Distance explosive entre deux surfaces sphériques,
m
Rapport des distances
explosives comparées
Nature du gaz. Distance explosive. à Tair. à l'hydrogène.
mm
Air atmosphérique. .. . 2,08 1,000 ^1^47
Hydrogène 3, 81 1 9829 i ,000
Oxygène 2,08 1,000 t)»547
Acide carbonique i ,96 0,989 o,5i3
Entre une pointe positive et un disque négatif.
Air atmosphérique. .. . J '^^ 1,000 0,5783
Hydrocène \ / ^ i ,808 1 ,0000
Azote (air o,3oo) ... . 10,21 ï»34o o,7i53
i 5,38 ^ ,
Oxygène ^^ 0,674 0,8718
Acide carbonique | .' ^ 0,44" 0,2409
L'influence de la nature du gaz sur la longueur des
Ànn.dcChim.et </« r/trf.,5« série, t. XIII. (Avril 1878.) 3o
nez ET HUGO W- M11U.EH.
étincelles aux pressions ordinaires est un pliénomène spé-
cial, qui ne parait lié ni à la densité du gaz ni à sa visco-
sité mécanique. On peut désigner celte propriété particu-
lière aous le nom de viscosité électrique, le rapport des
distances explosives obtenues pour deux gaz mesurant le
rapport de leurs viscosités électriques.
L'apparence del'arc n'est pas la même dans les différents
gaz, ainsi qu'où peut le voir par les dessins de \z fig. ift
Le dessin n" \ représente l'arc dans l'air-, cet i
examiné au microscope, présente une apparence de stra-
tification évidente, spécialement dans l'espèce de boule qui
entoure le fuseau brillant du centre; les stries sont ex-
trêmement rapprocbées et on ne les distingue qu'avec
difficulté, même à l'aide du miroir tournant.
Dans l'hydrogène (n" 2}, avec la pointe positive, le fuseau
central de l'arc est entouré d'une magnifique auréole bleue
semblable à une cloche en verre éclairée par une lumière
fluorescente et très-brillante sur le disque. Quand la pointe
est négative (n° \), l'arc se meut très-rapidement et forme
A
DÉGHAfiGES DISRCTPTIYES. 4^7
une espèce d'étoile sur le disque positif. Dans ce cas, avant
que la décharge disruptive ait lieu, une auréole trës-pàle,
en forme de cloche et ayant une teinte olive-foncé, s'étend
de la pointe jusqu'à la périphérie du disque.
L'arc dans Tazote est d'un violet rougeâtre. Dans Toxj-
gène, il présente une apparence analogue à celui qu'il a
dans Tair. Le dessin n^ 3 montre sa forme dans l'acide
carbonique.
Il résulte de là que dans les tubes à gaz raréfiés l'emploi
de l'hydrogène et d'électrodes en aluminium présente les
conditions les plus favorables pour le passage des courants
électriques.
L'étincelle jaillit à la distance de 12"*"% 7 entre deux
pointes placées dans un tube qui renferme de l'alcool ab-
solu et qui est muni d'un orifice permettant aux vapeurs
de s'échapper. M, Bleckrode a communiqué à la Société
royale un Mémoire Sur la conductibilité électiique et
Vélectroljse des composés chimiques (*), où il a décrit
des expériences exécutées dans notre laboratoire. Je rap-
pellerai seulement ici que certains liquides, tels que le
sulfure de carbone, la benzine, le bichlorure d'étain,
l'acide chlorhydrique, le cyanogène, le zinc-éthyle, sont
violemment agités pendant le passage des courants, quand
même la source de l'électricité est un condensateur qui
se décharge lentement à travers le liquide, mais sans
éprouver de décomposition électrolytique : le liquide est
repoussé par le pôle négatif et attiré par le pôle positif.
Il est à remarquer, par exemple, que le chlorure de lithium
est facilement décomposé par 4 éléments Bunsen, tandis
que l'acide chlorhydrique résiste à la force électromotrice
de 564o éléments.
(») Proc. Roy, Soc, n» 175; 1876.
468 WimREll DE L4 BUE ET HUGO W* MULLEK.
V. — Emploi des condensateurs.
Nous avons fait à ce sujet un grand nombre d'expé-
riences, dont nous uMndîquerons ici que les principaux
résultats.
Un condensateur de 47?^ microfarads , cbai^é par
1080 éléments, volatilise 26^,67 à^^n fil de platine de
o"™, 127 de diamètre 5 avec un condensateur de 4^î8 mi-
crofarads chargé par 8240 éléments, on volatilise la même
longueur d'un fil de o"™,3i7 de diamètre. Les sections, et
par suite les poids des deux fils, sont dans le rapport de
6,25 à I, tandis que le rapport des deux valeurs de Ténei^ie
électrique est égal à 8,5.
Nous avons constaté qu'il n^y a ni allongement ni rac-
courcissement dans un fil métallique soumis à une forte
décharge électrique, comme celle d'un condensateur d'une
capacité de 4^)8 microfarads chargé par 8240 éléments,
laquelle, comme on vient de le voir, est capable de volati-
liser un fil de platine de 27 centimètres de longueur et
de o"™,3i7 de diamètre.
Ainsi un fil de fer de 20*^, 3 de longueur et de o"*™, 76 de
diamètre a éprouvé un allongement de 0^^,952 el a repris,
après le refroidissement, sensiblement sa longueur primi-
tive; cette dilatation correspondrait à un échauflement
d'environ 3oo degrés, bien inférieur à celui qui pouvait
avoir lieu, de sorte que l'allongement du fil doit être at-
tribué uniquement à la chaleur.
Nous avons déterminé le nombre d'équivalents chimiques
qui correspond à la charge d'un condensateur de 4^,8 mi-
crofarads en mettant un voltamètre sur le trajet de la pile
au condensateur. La communication était main tenue chaque
fois pendant deux minutes, quoique le dégagement de gaz
cessât environ après 3o secondes 5 les gaz continuent en-
core à se produire, mais en quantité minime, même au bout
DECHARGES niSHUPTiVES. 4^9,
d'un temps très- long, ce qui correspond aux pertes élec-
triques. L'opération était répétée quatre ou cinq fois pour
que le volume du gaz fût mesurable. On a ainsi obtenu
avec une pile de 3a4o éléments, en réduisant le volume des
gaz mélangés à la température de zéro et la pression de
760 millimètres:
ce
I. 0,022.76
II. ^ 0,02256
III o,o2i56
IV . . ... . 0,02487
Moyenne. . 0,02294
ce qui correspond à o^^^'jOiàîo^ d'eau décomposée ou à un
dépôt d'argentde o^^»^, i66i45. D'après M. Kohlrauscli(^),
I weber pendant une seconde, c'est-à-dire la quantité
d'électricité que possède un farad chargé au potentiel de i
volt, produit i^^^^iiôi d'argent, ce qui ferait pour notre
condensateur un dépôt de
I ,i363 X 4^,8 X 32^0 X T ,o3 ^
=r:0"'8%l623,
lOOOOOO
nombre plus faible de 2,3 pour loo que celui que nous
avons obtenu.
La quantité d'eau décomposée, c'est-à-dire la quantité
d'électricité qui correspond à la charge totale d'un conden-
sateur, est proportionnelle au nombre des éléments. On a
obtenu, par exemple :
Nombre
Rapports
d'eau
décomposée.
d'éléments.
Rapports.
1.
il.
Moyenne
1080
I
I
î
I
2160
2
2
1,5
1,75
3240
3
3,33
a,5
2,9'
(*) P^SS^' ^'"'•» ^^^' CXLIX, p. 175; 1873.
e d'éléments.
Longueur du Û1.
1080
mm
25,4
2160
101 ,6
>»
8240
127
266
u
et
279
33o
470 WAURBir DE LA RUE ET HUGO W. XULLER.
L'énergie électrique du condensateur étant alors propor-
tionnelle au carré du nombre des éléments, les effets de
volatilisation doivent être dans les rapports de 1,4 ^^ 9*
Avec un fil de platine de \ de millimètre de diamètre et un
condensateur de 4^98 microfarads, on a ainsi obtenu :
Chauffé à la lemp. de fusion.
Volatilisé.
Au point de fusion.
Volatilisé.
Réduit en globules.
Au point de fusion.
Les décharges de ces condensateurs produisent des se-
cousses très-pénibles à recevoir, et nous avons cherché à
quel point elles peuvent être dangereuses. On a fait passer
la décharge du condensateur de 4^,8 microfarads chargé
par 2160 éléments sur un lapin, à Taide de deux conduc-
teurs qui étaient placés Tun dans Foreille et Tautre dans
la gorge 5 elle n'eut d'autre effet que de paralyser pendant
une heure les pattes antérieures. Nous avons même reçu
celte décharge accidentellement à diverses reprises : la se-
cousse est violente et le malaise dure pendant plusieurs
heures ^ dans ce cas la peau est percée de nombreux petits
trous et cautérisée au point où passe l'étincelle. Toutefois
la décharge par Je moyen d'un organe vivant est très-
incomplète, et, quand on réunit de nouveau les armatures,
on obtient une détonation presque aussi grande que sMl
n'y avait pas eu de perte électrique. Un de nous a reçu la
décharge de 8o4o éléments sans condensateur.
De même, la volatilisation d'un fil métallique n'utilise
qu'une partie de la charge. Le condensateur de 4^98 mi-
crofarads, chargé avec 2160 éléments^ a été graduellement
déchargé par la volatilisation d'un fil de platine de 3o*^,4 de
longueur et de 0°*?, o5i de diamètre, et le potentiel était
DÉCHARGES DISRUPTIYES. 47^
évalué chaque fois à l'aide d'un électromèlre à cadrans.
On a ainsi obtenu :
Déviation de Pélectroinètre. le condensateur
' D
ëtant à pleine charge 200 1 ^ ^ ^ ^^
Déviation de rélectromètre après 6 décharges i5o ) *
ï> II » IIO J-^=:8,i8
i5 u 80 Vr = 8,oo
18 » 55 Vr=8,i25
Movenne. ... 8,16
La volatilisation du fil dépensait donc chaque fois y—-,
c'est-à-dire environ 4 pour 100 de la charge primitive.
VI. — Effets d'induction.
Le diagramme {fig* 19) montre la disposition des expé-
riences. La pile AZ est en communication permanente avec
F>8f- 19-
S ^^WLsam
Vi
COIL
le condensateur C ] le circuit formé par la pile et le fil pri-
maire de la bobine peut être ouvert ou fermé à l'aide d'une
clef K, et Ton fait mouvoir à la main l'interrupteur à ro-
tation B.
47^ WARREN DE LÀ BITS ET HUGO W. MULLE&.
Voici, par exemple, des expériences faites avec une bo-
bine de Apps construite pour donner dans l'air des étin-
celles de i5 centimètres et dont les dimensions étaient :
Nombre de
Longueur. Diamètre. Résistance. tours.
mm ohiDf.
Fil primaire .. . 60™, 34 i,65i 0,22 aSo
Fil secondaire. . 8^",447 0*1727 4900,00 24^00
Avec un condensateur de o, 1807 microfarad, cette bo-
bine fournit une succession rapide d'étincelles de i5 centi-
mètres quand la pile est formée de 6 grands éléments au
bichromate de potasse. La pile produisait par minute
i52 centimètres cubes de mélange gazeux dans un volta-
mètre de 17 ohms de résistance. La pile à chlorure d'argent
produisait seulement dans les mêmes circonstances o*^*^, 5
de gaz, c'est-à-dire 3oo fois moins 5 cependant elle fournit
avec la bobine des effets aussi grands et même supérieurs
à ceux que donnait la pile au bichromate.
Avec 1080 éléments et un condensateur de 0,4^18 diî-
crofarad, on obtenait une étincelle de 9 centimètres en
déchargeant le condensateur par la clef K, mais il ne se
produisait qu'une étincelle très -faible au moment de
l'ouverture du circuit.
Avec 2280 éléments et le même condensateur, on obte-
nait Tétincelle complète de i5 centimètres et, en tournant
a la main le commutateur à roue, on en pouvait produire
44 pareilles par seconde.
Avec 3480 éléments dans les mêmes conditions, on ob-
tenait 62 décharges de i5 centimètres par seconde.
Avec 3480 éléments et deux condensateurs formant une
capacité de 0,9222 microfarad, non-seulement on avait
les mêmes étincelles épaisses entre les extrémités du fil
secondaire, mais d'autres étincelles plus longues que
i5 centimètres éclataient de toutes parts quand le commu-
tateur produisait 212 contacts par seconde.
Les décharges étaient encore plus puissantes avec le
OéCHARGBS DISHUPTIVE8. 47^
même nombre d'éléments et 4 condensateurs formant une
capacité de 1,4887 microfarad.
Il parait, diaprés cela, que les piles à potentiel très-élevé,
associées avec des condensateurs, sont très-avantageuses
pour produire des effets dMnduction. LdL ch^LVge accumulée
dans le condensateur passe dans le fil primaire à chaque
fermeture du circuit et les effets sont dus, en partie au po-
tentiel, en partie à la charge électrique.
Vn. — Décharges dans l'air à des pressions inférieures
à la pression atmosphérique.
Nous n'avons fait encore à ce sujet qu'un petit nombre
d'expériences, parce que le micromètre à étincelles n'avait
pas une course assez étendue. Avec une pile de 8o4o élé-
ments, on a obtenu entre une pointe et un disque :
Produit
de la distance
Fraction Distance explosive
Pression. d'une atmosphère, explosive. Rapports, par la pression.
mm mm
760 I 8,64 I I»
326,82 âTTTT I7>28 l 0,8598
229,17 ârfr? 25,92 3 0,9046
ï97>29 nrn 3o,23 3,5 0,9086
Dans ces conditions, la distance explosive n'est donc pas
tout à fait en raison inverse de la pression.
Avec la même pile et deux surfaces sphériques de 76""*, 2
de rayon et 38"", 1 de diamètre, on a obtenu :
Produit
de la distance
Fraction Distance explosive
Pression, d'une atmosphère, explosive. Rapport, par la pression.
mm mm
760 I 2,01 I I
602 -r^ 2,54 1,26 0,999
4^4*7 TTâl 5,08 2,52 1,375
299^5 TThr io>i6 5,o4 1,986
i4i>5 T^'i 20,32 10,08 i>876
474 WARREM DE LA RUE BT HUGO W. MVLLER.
Avec des surfaces sphériques, la distance explosive croit
plus rapidement que l'inverse de la pression. Ces résultats
semblent indiquer qu^à une pression convenable la distance
explosive serait la même entre deux surfaces sphérîques
qu'entre une pointe et un disque.
Post'Scriptum, — Nous avons répété plus récemment
les expériences relatives à la distance explosive dans Pair
avec la nouvelle pila qui venait d'être mise en état et qui,
ajoutée à Tancienne, formait un total de ii ooo éléments.
Les résultats obtenus pour différentes formes d'extrémités
polaires ont servi à tracer des courbes dont on a déduit les
nombres suivants :
Distance explosÎTe entre
Cylindres
Nombre
Deux
Pointe H-
concen-
Surfaces
Surfaces
['éléments .
points.
disque —
triques.
planes.
sphérîques.
mm
mm
mm
mm
8000. .
10, 16
8,636
2,5l4
2,241
2,078
9000. .
12,09
9,665
2,900
2,590
2,382
lOOOO. .
i4,oi
iOj79
3,328
2*939
2,667
II 000. .
15,75
12,01
3,800
3,25i
2,97^
IIOOO. .
16,29
12,42
3,926
3,36o
3,078
La dernière ligne indique les distances qui eussent été
probablement atteintes si la pile entière avait été dans le
même état que les éléments nouvellement montés.
On peut remarquer que les résultats relatifs à deux
pointes se placent sensiblement dans le prolongement de la
courbe représentée fig. 12, tandis que pour une pointe et
un disque la distance explosive est sensiblement plus petite
que celle qui résulterait de la loi du carré du nombre des
éléments.
Lorsque la pile de 11 000 éléments est disposée en ten-
sion, Tisolement doit être surveillé avec grand soin^ il y
a alors des pertes sensibles qui peuvent avoir quelque in-
fluence sur la longueur des étincelles.
DÉCHAUGES DISBLIPTIVES. 4?^
La pile de iiooo éléments donnejlieu à im phénomène
emarquable qui précède la production d'une étincelle et
la formation de l'arc, confirmant encore ce qui a été dit
plus liaut sur la plus grande conLinuIté de la décharge a
pôle négatif qu'au pôle positif. Avec deux pointes et la pile
4^6 A. BBRTIN.
entière, il se produit une aigrette continue au pôle né-
gatif, tandis que le pôle positif donne des décharges en
jets lumineux intermittents qui enveloppent Taigrette né-
gative sans troubler sa forme. Ce phénomène est représenté
fig. 20 avec un grandissement dans le rapport de 4 à i.
«%««%««« %%%«4 %«««%«%« %%«%% V
THÉORIE ÉLÉMENTAIRE DES LEOTILLES SPDÉRIQUES
HIKCES OU ÉPAISSES s
Pae m. a. BERTIN.
INTHODUCTIOir.
1. Un rayon lumineux qui traverse une lentille sphé-
rique est dans le même cas que s'il traversait un prisme
formé par les plans tangents au point d^ncidence et au
point d'émergence. Les prismes déviant toujours les rayons
vers leurs bases, on voit de suite que, si tous les prismes
élémentaires ont leurs bases tournées vers l'axe de la len-
tille, les rayons émergents convergeront vers cet axe, c'est-
«à-dire que, si la lentille est à bords tranchants, elle sera
convergente. Si, au contraire, les prismes élémentaires
ont leurs bases tournées vers les bords de la lentille, les
rayons sortiront en s'écartant de l'axe, c'est-à-dire que, si
la lentille est à bords élargis, elle sera divergente.
Les prismes élémentaires ont des angles variables et
d'autant plus grands qu'ils touchent la lentille en des
points plus éloignés de l'axe \ la déviation qu'ils produisent
est donc plus grande pour les rayons périphériques que
pour les rayons centraux; les premiers convergent plus
près de la lentille que les seconds. Il en résulte une disper-
sion des foyers sur l'axe qu'on appelle l'aberration. Celte
aberration est toujours petite, et on la traite comme une
correction à faire au foyer des rayons centraux. C'est par
les rayons centraux qu'il faut donc commencer l'étude du
THÉORIE DES LENTILLES SPHÉRIQUES. 477
phénomène; c'est cette étude qui constitue la Théorie élé-
mentaire des lentilles.
2. Il importe de bien définir les rayons centraux. Ce
sont ceux qui traversent la lentille sous de petits angles,
c'est-à-dîre sous des angles .assez petits pour qu'on puisse
les confondre avec leur sinus ou leur tangente. Ainsi tout
angle x, que nous considérerons dans la lentille, sera assez
petit pour qu'on puisse écrire
arnr sinx = tangx et cosjr--i.
Analytîquemeni, cela veut dire que l'angle x est assez
petit pour qu'on puisse négliger sa deuxième puissance.
Géométriquement, cela veut dire que dans un triangle rec-
tangle, dont un angle aigu est très-petit, on peut prendre
pour mesure de cet angle le rapport du côté opposé à
l'autre côté de l'angle droit (tangente) ou à son hypoté-
nuse (sinus). Dans les figures dont nous aurons besoin
pour nous faire comprendre, ces conditions seront tou-
jours censées remplies; mais nous ferons les angles grands
pour rendre les figures intelligibles.
Dans ces conditions, la loi de la réfraction, sini =72 sin r
(loi de Descartes), pourra être remplacée par celle-ci, qui
est plus simple, z = nr (loi de Kepler). Mais, pour éviter
toute ambiguïté, nous prendrons l'habitude de l'écrire sous
la forme suivante :
/?r=:r const.,
c'est-à-dire que, quand un rayon traverse une surface, le
produit de l'indice du milieu par l'angle que le rayon fait
avec la normale est constant des deux côtés de la surface.
I. — Théorie des lentilles minces.
3. Définitions, — On ne s'est pas contenté de se borner
à l'étude des rayons centraux, on a encore éliminé de cette
élude l'épaisseur de la lentille, c'est-à-dire qu'on a sup-
posé la lentille assez mince pour qu'il n'y eût pas de dif-
478 ^ BBRTIK.
férence appréciable entre le point d^încidence et le point
d'émergence du rayon lumineux. Dans ces conditions, la
lentille doit être figurée par un plan ^ mais son axe est tou-
jours reconnaissable, puisque c'est la ligne des centres des
deux surfaces.
On a été encore plus loin dans la simplification du pro-
blème : on a supposé que les milieux étaient les mêmes de
chaque côté de la lentille, et c'est ainsi qu^on expose
habituellement la théorie élémentaire. Mais cette suppo-
sition est inutile, elle enlève au problème sa généralité,
sans le simplifier notablement.
Nous supposerons donc que les rayons lumineux se meu-
vent d'abord dans un premier milieu d'indice n^ , puis
traversent la lentille mince d'indice n^ et enfin sortent
dans un troisième milieu d'indice /«s» C'est ce qui arrive-
rait, par exemple, dans le cas d'une cuve à eau fermée
par une lentille qui recevrait les rayons solaires dans l'air
dans ce cas m, nr: i, n^ = -<> Wj = ^ ) • Nous admettrons,
2 6J
pour faire la figure, que la lentille est convergente, qu'elle
reçoit de la lumière divergente et que le faisceau qui en
sort est convergent. Les résultats que nous obtiendrons se
généraliseront facilement par un emploi judicieux des
signes des quantités qui entreront dans nos équations.
Fig. I.
(
4. Points conjugués. — Soit donc 01 {fig. 1) une len-
tille infiniment mince dont les centres de courbure sont
THÉOAIE DES LEJTTILLES SPHÉRIQT7ES. 479
C et Cj supposons qu'un point lumineux P placé sur Taxe
envoie sur la lentille un rayon PI, et cherchons ce qu'il
devient après avoir traversé la lentille suivant les lois de
la réfraction : admettons que la première surface le ré-
fracte en IP'^ et la seconde en ÏP, Si nous menons les nor-
males CK et CK' au point I, nous devrons avoir
/l,(PIK)=:.-/î,(P"IC),
/i,(P"IK')=r=/Î3(P'IK').
Mais, en se reportant à la figure, ces équations donnent
/îi(tt> H- a) = /?2(« — a'''),
w,(û>' -ha") — 7Î3(«' -H a' I,
ou bien
7î,a -+- n-iO." =r («a — W|)«,
/îja' — /z,a"=: («a — - Ws)w';
d'où en ajoutant, pour éliminer a",
7i,a -4- Waa' = («2 — /?,)« -f- (/?a — /ig) w'.
Mais tous ces angles étant petits peuvent se mesurer
par leurs tangentes, par exemple « = —9 ..»; si donc
nous posons p = OP, p' = OP', R = CO, R' = C'O, et si
nous supprimons le facteur commun 01, notre équation
deviendra
/z, /?3 n^ — rty n^ — n^
p p' K R'
Cette équation donne, pour toute valeur de p, une va-
leur de p' indépendante de la direction du rayon incident 5
donc tous les rayons partis de P concourent en F, et réci-
proquement \ ces deux points s'appellent, pour cette raison,
des points conjugués. La lentille transforme donc le cône
de lumière incidente en un second cône de lumière ré-
fractée. Le sommet du premier cône est le point lumi-
neux, le sommet du second est V image.
48o A. BEETIV.
5. Fojers principaux. — Si dans cette équation on fait
p ={ QO y on trouve pour p^ une certaine valeur f donnée
par la formule
De même, pour/?' = oo , /? prend une autre valeury*lelle cpie
/2i _ I «a — /2i , n^ — ni]
Quand le point lumineux est à l'infini, le faisceau lumi-
neux que reçoit la lentille est un faisceau parallèle. Nous
voyons donc que tous les rayons parallèles à l'axe con-
courent en deux points F ou F', suivant le côté par lequel
ils frappent la lentille. Ces deux points F et F' s'appellent
les foyers principaux ou simplement les foyers. Ils sont
situés sur Taxe de la lentille à des distances de celle-ci
f^^f qu'on appelle les distances ou les longueurs focales.
Ces distances ne sont pas égales \ leur rapport est,
d'après les formules précédentes,
J ni
c'est-à-dire que les longueurs focales sont proportionnelles
aux indices des milieux extrêmes*
Si les milieux extrêmes sont les mêmes, comme on le
suppose ordinairement, ou si n^ = m, , on a
Dans ce cas, il y a encore deux foyers placés de part et
d'autre de la lentille, mais à la même distance.
L'expression àa f se simplifie alors beaucoup^ car, en
désignant par n l'indice de la lentille par rapport au milieu
extérieur, c'est-à-dire — ou — » les formules précédentes
deviennent
>=(«-i)(i + ^)'
THÉORIE DES LENTILLES SPHÉR1QUES. 4^^
ce qui est Tcxpression ordinaire de la longueur focale en
fonction des rayons de courbure.
6. Equation des points conjugués, — Si dans l'équa-
tion (a) on divise tous les termes par le second membre,
on y introduit les valeurs àefelf\ et elle devient
(0
f f
-4- --=3 1:
P P
c'est la première équation fondamentale de la théorie
des lentilles. Si Ton suppose les indices extrêmes égaux,
on vient de voir que/' =/*, et l'on a
I I r
P P f
c'est l'équation ordinaire. Elle n'est pas plus simple que
la précédente, mais elle est moins générale.
7. Image d'un point hors de l'axe. Plans conjugués.
— Soient F et F' {fig. 2) les foyers d'une lentille OK
Fig. 2.
et Y un point hors de l'axe; cherchons son image. Un
rayon YI, parallèle à l'axe, se réfractera dans la direction
IF'^ passant par le second foyer. Un rayon YFJ passant
par le premier foyer se réfractera en JY' parallèlement à
l'axe. Les deux rayons réfractés se rencontreront en Y', qui
sera déjà le point de concours de deux rayons partis du
point Y; mais, pour prouver que les points Y et Y' sont
conjugués, il faut plus que cela, il faut prouver que tous les
Ann, de Chim. eu de Phys„b^ série, i.Wll, (Ami 1878.) 3l
4*83 A. BERTIH.
rayons partis de Y concourent en Y', et c*est ce qae nous
allons faire.
Remarquons d'abord que les projections sur l*axe X, X'
des deux points Y, Y' sont conjuguées. En effet, en posant
OF=/,OF=/,OX = p,OX' = ;>',XY = y,X'Y' = /,
on a, par les triangles semblables FOJ et YIJ,
^ ^ x-^f P
et, par les triangles semblables F'OI et Y'IJ,
X ^f
x-^y p'
On en conclut
et par conséquent les points X et X' sont conjugués.
Pour prouver que Y et Y' le sont pareillement, il suffit de
montrer qu'un rayon quelconque passant par le point Y,
tel que ZYK, a pour conjugué le rayon KY'. Il faut donc
démontrer qu'en joignant le point K avec le point Y' on a
un rayon qui coupe Taxe en un point Z! qui est le conju-
gué de Z, soiiOZ :::^ 2 et 071 = z*\ en élevant des perpendi-
culaires à l'axe par les deux foyers, on voit de suite par
les triangles semblables que
^à)
(
1 ^
KD
ko'
KD'
ko'
D'autre
part,
on a
pour
e point X
/
KD
OJ
d'où
Kl
IJ
/ KD-f-OJ
ô"" KJ
= 1,
TnÉORIE DES LEKTILLES SPHÉRIQUES. ^^3
on a aussi pour le point ;X'
/)' "" KJ *
Les points X et X' étant conjugués, il faut que
ce qui exige que
KD-f-KD' -f-OJ=:KJ;
d'où
KD -^ KD' — KO.
Mais celte relation, transportée dans les équations (J),
nous donne
z z
c'est-à-dire que les points z et z' sont conjugués.
Ainsi il est démontré que les points Y et Y' pris hors
de Taxe sont conjugués quand ils sont obtenus par la con-
struction précédente. Mais ces points appartiennent à. deux
plans menés perpendiculairement à l'axe par deux points
conjugués X et X' : ces deux plans sont donc des plans
conjugués, c'est-à-dire que tous les points de ces plans sont
conjugués deux à deux. Les distances de ces plans conju-
gués à la lentille sont toujours donnés par l'équation i.
Il y a de même des plans focaux qui sont les plans per-
pendiculaires à l'axe menés par les deux foyers. Mais ceux-
ci ne sont plus conjugués, chacun d'eux Tétant pour un
plan situé à l'infini de l'autre côté de la lentille.
8. Grandeur des images, — Dans les plans conjugués,
les lignes conjuguées ont deux dimensions j^ eiy entre les-
quelles nous venons de trouver les équations (i) et (c).
En divisant ces équations membre à membre, nous obtien-
drons la suivante :
L=-rp
y jp'
A.
BERTIN.
fy
p
fy'
p'
484
ou
Telle est la seconde équation fondamentale de la théorie
des lentilles. La première donnait la position des images,
la seconde donne leur grandeur.
Toutes les deux s'appliquent au cas ordinaire où les
deux milieux extrêmes sont les mêmes : on a vu, en effet,
que si 7?3 = 72,, y =/ ; on a donc -alors
équation qui n'est pas beaucoup plus simple, mais qui est
moins générale que la précédente.
9. Centre de similitude ou nœud, — Tout point du
premier plan conjugué ayant son image dans le second,
y
et le rapport — de deux dimensions de l'image et de
l'objet étant constant, l'objet et l'image sont semblables.
En joignant deux points conjugués tels que Y et Y', la
ligne YY' coupera l'axe en un point N qu'on appelle le
nœud et qui sera le centre de similitude.
Ce point est à une distance ON de la lentille du côté du
foyer le plus long, et cette distance doit satisfaire aux con-
ditions suivantes :
Similitude des triangles XNY et X'NT. . . . ^ = ~ —^
XFY et OFJ.
r
r
y'
p' ON
P-f
f '
f
X'F'Y'etOF'T..,. ^ = , „
y p — /
Les deux dernières équations donnent la suivante :
r' p'-i/'-f)
9
THÉORIE DES JLEilTILLES SPHÉaiQUES. 4^5
et, en la comparant avec la première, on en conclut
ON =f -/.
Ainsi le nœud ou le centre de similitude est un point
fixe du système. Il est sur Taxe, du côté du foyer le plus
long, à une distance de la lentille égale à la différences^ — j.
C'est par ce point que passent tous les rayons tels que YY'
qui traversent la lentille sans déviation •
Dans le cas ordinaire où /ij =«5, on sait ^}^^f=f\
on voit donc que ON = o, c'est-à-dire que le nœud se con-
fond avec le milieu de la lentille : on Tappelle alors
centre optique.
10. Equation de Newton, — Newton, dans son Optique,
compte les distances des points conjugués non pas à partir
de la lentille, mais à partir des foyers ( ^). Soient q et ^'ces
distances XF et X'P [fig* ^) > les triangles semblables
donnent immédiatement
y 1 f .
on en conclut
qq' =ff'
Dans le cas ordinaire où ?ij = /«a, on sait que f=J\ et
alors
Cest Téquation de Newton. Au premier abord elle parait
plus simple que Téquation (i); mais, comme elle se prèle
moins bien à la discussion, on y a renoncé, et Ton s'en
tient à la première.
Telles sont les propriétés générales des lentilles minces.
Elles se résument en deux équations et une construction
(*) Optique, Livre I, !'• Partie» axiome VI, 4* «as.
486 A. BBBTIK.
géométrique. Ces équations sont
Cas général. Cas particulier w, = w,.
/ /' I I T
P P P P /
^ ^ p" p' ' r'^p'
Les premières sont plus générales et presque aussi simples
que les secondes.
Quant à la construction des images, on ne peut rien
trouver de plus simple que le trapèze YIY'J [fig* îi). Dans
le cas ordinaire (hi = «s) le point N se confond avec O, et
Ton peut construire les images avec le triangle YIY', mais
sans aucun avantage.
II. — TuiORlE DKS LENTILLES EPAISSES OU THEOBIE DE GaUSS.
H. L'épaisseur des lentilles n'est jamais nulle et elle
n'est pas toujours négligeable : il faut donc en tenir compte.
Si on l'introduit dans les calculs, les équations deviennent
irès-compliquées ; mais on peut leur rendre leur simplicité
primitive en changeant l'origine des distances à mesurer.
Tel est le but que s'est proposé Gauss dans ses Recherches
diop triques, publiées en i84o (*) et traduites en i85i par
M. Bravais (*). Par son importance, la théorie de Gauss
méritait une place dans l'enseignement, mais la forme ana-
lytique que l'auteur lui avait donnée lui en a longtemps
interdît l'entrée 5 aussi les professeurs se sont-ils efforcés
de lui donner une forme géométrique plus élémentaire (*).
Parmi ces tentatives, la plus heureuse me paraît être celle
qu'a publiée, en 1866, M. Neumann, professeur de Mathé-
matiques à l'Université de Tubingue (*). J'ai eu connaîs-
(^ ) Mémoires de Gcettingue,
(') Annales de Chimie et de Physique^ 3* série, t. XXX lU, p. 209 à 294.
(") Voir la thèse de M. Martin dans ces Annales^ 4* série, t. X, p. 385-
455; 1867.
(*) Die Haupt und Brennpunckte einer Linsensjrstemes ; Leipzig, 1866.
THÉORIE DES LENTILLES SPBÉRIQUES.
487
sance de sa brochure lorsque j^étais encore à Strasbourg \
mon collègue el ami M. Bach en a fait une traduction libre
qu'il m'a communiquée. C'est en m'aidant de ces deux
opuscules que j'ai commencé mon enseignement à TEcole
Normale : c'est en le perfectionnant chaque année que je
Tai amené à la forme simple que je vais exposer.
J'examinerai successivement le passage de la lumière à
travers une surface, deux surfaces et un nombre quelconque
de surfaces.
1^ Réfraction à irax^ers une surface.
12. Points conjugués. — Soit A {fig* 3) le point milieu
d'une calotte sphérique dont le centre est en C et qui sé-
pare deux milieux réfringents d'indice /i et n'( nous sup-
poserons n'^n)\ nous appellerons la ligne CA l'axe de la
surface. Un point X placé sur l'axe enverra des rayons
dans tous les sens; un rayon quelconque XI se réfractera
en X'I en suivant les lois de la réfraction. Menons d'abord
la normale CK au point I; en nous reportant à la 6gure,
nous écrirons :
D'après la loi de Kepler «XIK — /z'X'IC,
Ou d'après la Géométrie. ... « (w -h a) = /z' (« — a')
Ou bien n ot, -\- n' a! = [n' — /z) w.
Pour mesurer les trois angles o), a, et od au moyen des trois
10
10 10
R' **
/? -f- AO p^
n
P
p' R
488 A. BEKTI».
longueurs AC = R, AX =zp et AX' =;/, remarquons que,
si nous abaissons la perpeitdiculaire 10 sur Taxe, nous
aurons
AO = R(i — cosw),
et comme, d'après la définition des rayons centraux,
cosw = I, nous en conclurons que AO = o. Nous pour-
rons alors écrire, en mesurant les angles par leurs tan-
gentes,
_ 10 10 _ 10 10 ,_ 10 lO
^'"'R — AO~"r' ""/^-f-AO^y *~p' — AO~~y
d'où
Cette équation donne pour p' une valeur indépendante du
rayon incident. On en conclut que tous les rayons partis
du point X concourent en X' et réciproquement; X et X'
sont les points conjugués ou les images Fun de Tautre.
13. Plans conjugués. — Un point Y, pris en dehors de
l'axe AC, est dans les mêmes conditions que le point X;
car la ligne CY est la direction d*un rayon de la sphère,
tout comme CX. Le point conjugué de Y sera donc en Y'
sur le nouvel axe CA', et, si CY = CX, on aura de même
CY'= CX'. Donc tous les points d'une petite calotte sphé-
rique, ayant pour rayon CX, ont pour conjugués les
points d'une seconde calotte sphérique ayant pour rayon
CX'. Cesdeux calottes ont le même axeCA,et, comme elles
sont petites, elles se confondent avec leurs plans tan-
gents, qui sont perpendiculaires à l'axe aux points X et X^.
Donc les plans menés perpendiculairement à l'axe par
les points conjugués sont des plans conjugués. Tout point
de l'un d'eux a son conjugué ou son image dans le second,
sur une ligne qui passe par le centre de courbure de la
surface. Les images sont semblables et le centre de simili-
tude est en C.
THÉORIE DES leutilles sphériques. 4^9
14. Foyers principaux. — Si, dans l'équation (a), on
faîiy*= 00 , on trouve pour p* une certaine valeur /',
n — il
si Ion faity = oo , on trouve pour p une valeur y,
f=ZJ
n — n
Il y a donc deux foyers, de chaque côlé de la surface, à
des dislances inégales /* et /^', qn'on appelle les longueurs
focales. De même qu'il y a des plans conjugués, il y a des
plans focaux.
Le rapport de ces longueurs focales est le même que
celui des indices
et leur différence est égale au rayon de courbure de la
surface
f -f^ R.
15. Equation des points conjugués. — Si dans l'équa-
tion [a) on divise tous les termes par le second membre,
on y introduit naturellement les longueurs focales, et elle
devient
p p
équation que nous avons déjà trouvée au n^ 6.
16. ConstJULCtion des images. — Notons, nuQ^fois pour
toutes, que, puisque nous remplaçons les surfaces sphéri-
ques par leurs plans tangents, il est inutile de les figurer
courbes, et nous allons dorénavant les représenter par
une simple droite.
Soit donc AI une surface réfringente, dont les foyers F
et P déterminent Taxe, et soit T un point hors de Taxe.
490 A. BEBTUI.
Pour coDstmire son image, tirons d'abord TI : ce rajon
parall^e a Taxe se réfracte suivant IF; tirons ensuite TFJ,
rayon qui passe par le foyer : il se réfracte parallèlement
Fig. h.
F'
X'
ii
\ '
'I
à Taxe. Les deux rayons réfractés se coupent en T', et nous
savonsqu*ils s'y coupent tous (n° 13); Y' est donc l'image ou
le point conjugué de Y, et, en abaissant des perpendicu-
laires sur Taxe, X'Y' sera Timage de XY.
17. Grandeur de V image. — Soient toujours AX ^^ />,
AX'==;/, AF =/, AF=/, et posons XY= y et X'T ==/.
Les triangles semblables donnent :
A gauche
à droite
d'où
y
p'
f
p
/'y
Telle la seconde équation fondamentale. Nous l'avons
déjà trouvée au n° 8.
18. Equation de Newton. — Si l'on mesure les dis-
tances des points conjugués à partir des foyers, en posant
FX := ^ et PX' = (ff la même figure nous montre par les
triangles semblables que
THÉORIE DES LEmriLLES SPBÉRIQUES. 49^
d'où
comme nous l'avons déjà trouve au n° 10.
2** Réfraction à travers deux surfaces. — Lentilles,
Les deux surfaces étant sphériques forment une lentille
ordinaire. Nous admettons que ces surfaces servent de sé-
paration à trois milieux différents d'indices /ii, n^y n^. Ces
indices sont quelconques, de même que la lentille; mais
nous construirons les figures dans l'hypothèse où la len-
tille est convergente, et d'un indice /ij plus grand que les
deux autres : ce sera, par exemple, une lentille biconvexe
placée entre l'air et l'eau. Son axe est la ligne des centres
des deux surfaces.
19. Points conjugués, — Foyers principaux, — Un
point Xi placé sur l'axe de la lentille, dans le premier mi-
lieu, a dans le second un point conjugué Xa, et celui-ci a
un point conjugué Xj dans le troisième milieu; Xi etX^
sont donc conjugués. Si le point Xi s'éloigne k l'infini, le
point Xs tend vers un point limite F', qui est le foyer delà
lentille dans le troisième milieu ; de même, si le point X»
s'éloigne à l'infini, son conjugué Xi tend vers un point
limite F, qui est le foyer de la lentille dans le premier
milieu.
Il y a donc, dans ce cas comme dans le précédent, des
points conjugués XiXs et des fojers principaux F et P.
Il y a de même des plans conjugués et des plans focaux.
20. Plans principaux. — Soient A et B (fg. 5) les
deux snrfaces réfringentes ; F et F' les deux foyers du sys-
tème. Nous savons déjà que tout rayon Sa parallèle a l'axé
dans le premier milieu converge dans le second vers un
point As) qui est le foyer de la surface A dans le seçogid
milieu;, il converge ensuite dans le troisième milieu i^arA
493 *■ KBTia.
le point F'. Le» directions des deux rayon» à l'entrée et à
la sortie se rencontrent en on point 1'; abaissons de ce
Fig. 5.
X
point une perpendiculaire l'P sur l'axe, et che relions à
déterminer la position du point P'.
Les triangles semblables PI'F'etBSF' donnent
FF' = Br ~;
les triangles semblables Âa Âi etBSÂi donnent
Les points A,B, Â,etF étant fixes, le second membre de
cette équation est constant ; le point P* est donc toujours à
la même distance du foyer, quel que soit le point où le
rayon incident a rencontré la surface. On savait déjik que
tout faisceau cylindrique parallèle à l'axe donne en sor-
tant un faisceau conique passant par le foyer F': on voit
maintenant que le cane et le cylindre se coupent snÏTan ton
plan fixe l'F'. Ce plan s'appelle un plan principal; il
coupe l'axe en un point P' qui est un point principal. Il y
a de même, du càté de la première surface, un autre plan
principal IP et un autre point principal P.
La considération des points principaux est l'idée fonda-
mentale de la théorie de Gauss. C'est en prenant ces points
TBÉOUIB DES LENTILLES SPHÉRIQUES. 49^
pour origines des distances à mesurer qu'il est arrivé à
donner à la théorie des lentilles épaisses la même sim-
plicité qu'à celle des lentilles minces.
21 . Construction des images, — Soient PI, PT ( fig. 6)
les plans principaux de la lentille, F et F' ses foyers. Cher-
chons l'image d'un point Y placé dans le premier milieu.
Menons le rayon YI' parallèle à l'axe, jusqu'à la ren-
contre du deuxième plan principal en F, et tirons son con-
jugué \'W dans la direction passant par le second foyer F'«
Menons également le rayon YFJ passant par le premier
foyer 5 le rayon réfracté correspondant sera JY' parallèle à
^
r
Fîg. 6.
I
r
\k'
^\F
P
X'
2
\
j
\
j'
\'
l'axe. Les deux rayons réfractés se coupent en Y', qui sera
le point conjugué de Y. Les plans perpendiculaires à l'axe,
XY et X' Y', seront les plans conjugués, et X' Y' sera l'image
deXY.
Ne pas confondre les lignes de construction avec les
rayons lumineux : YII'F', par exemple, n'est pas un rayon
lumineux, au moins sur tout son parcours*, si le rayon in-
cident rencontre la première surface au point a (fig» 5),
et si le rayon réfracté en sort au point |3, le rayon lumi-
neux sera réellement YajSF^.
En appliquant la construction précédente au point I, on
trouve le point F. Les plans principaux sont donc conju-
gués, et leurs points conjugués sont sur une parallèle à
l'axe. On pourrait le voir directement en remarquant que
les points I et I' sont les points de rencontre de . deux
494 A. BERTI5.
rayoiis conjugués, savoir : SI et FF' d'uae part, et d'autre
partFIetSl'(/^.5).
22. Construction des rayons conjugués, — La constraction
précédente ne nous apprend à tracer que deux rayons con-
jugués et cela dans des conditions toutes spéciales. Il faut
aussi pouvoir tracer le conjugué d'un rayon quelconque.
Soit XR {fig* 7) un rayon donné dans le premier milieu;
il coupe le premier plan focal en L et le premier plan
principal en R. Le point L étant dans le plan focal, tous
les rayons qui en émanent sortent de la lentille parallèles
entre eux. Oril y en a un, W, qui, étant parallèle à Taxe,
se réfracte en FF' passant par le foyer 5 donc le rayon LR
Fig. 7.
O^J"^
R
R'(
IH^.
\y
y^^\
I
v\^
.^
K
1
1
1
X
F
AI
1»
P'iB
1
1
1
1
1
1
L'
X'
se réfractera parallèlement a FF'. Le point R ayant pour
conjugué le point R', le rayon conjugué de LR s'obtiendra
en menant par R' une parallèle R'L' à FF'. Cette parallèle
coupe le second plan focal en L', tel que L'F' = IR; on la
tracera donc en prenant LT' = IR et joignant le point R'
au point L'.
Nous n'avons encore là que des lignes de construction.
Si elles rencontrent les faces A et B de la lentille aux
points a et P, la marche réelle du rayon sera X«pX'.
23 . Équation des points conjugués . — Reportons-nous à la
fig. 6. Corapiant les distances à partir des points princi-
paux, désignons par /et y les longueurs focales PF et PF'
et par ;; et p' les distances des points conjugués PX et PX' ;
puis représentons par y et y les dimensions respectives
THÉORIE DES LENTILLES SPHÉRIQUES. 49^
XY ei X' Y' de l'objet ei de son image. La fig. 6 nous don-
nera immédiatement les relations suivantes :
Par les triangles semblables JFP et JYI,
— >
jr -^f P
par les triangles semblables IF' F et l'Y'J',
jr-\-y p' '
d'où, en ajoutant,
PP
équation identique à celle des n*'* 6 et 15.
En comparant les triangles qui ont leur sommet en F et
ceux qui ont leur sommet en F', on aura (en posant
FX :^ q, FX -. q')
y~y~~ q"
d'où
qq' ^-ff,
seconde forme de l'équation des points conjugués déjà
trouvés aux n°' 10 et 18.
23. Grandeur des images. — Au lieu d'ajouter les deux
équations posées au commencement du numéro précédent,
si nous les divisons, nous aurons
• / 5
y P P
d'où
.. fy /y
2) — =: —y}
P P
équation identique à celle des n^* 8 et 17.
Nous retrouvons donc et la construction des images et
les équations fondamentales (i) et (2) que nous avons déjà
obtenues, soit dans le cas d'une lentille infiniment mince
496 ^* BBaXIH.
(n^' 6 et 8) soit dans le cas d*une seule surface (n^ 15 et 17).
Seulement il ne faut pas oublier que dans ces deux cas les
lettres p^ p'tf^J' désignaient des distances aux surfaces
réfringentes, tandis que maintenant elles représentent des
distances aux plans principaux.
24. Points nodaux. — Outre les relations précédentes,
qui constituent la théorie de Gauss, un de ses collègues de
Gôttingen, M. Listing, a encore trouvé dans les lentilUes
deux points singuliers auxquels il a donné le nom de pox/1/5
nodaux [Knotenpunchte) (*).-
Les rayons partis d^un même point étant déviés par la
lentille dans des sens différents, il faut nécessairement
Fig. 8.
X;
^
\
i ^
1
^^^C
1»
-\N
P"
N'
V
^
4
\.'
X
\
\
^x
\
1
m
qu'il y en ait un qui ne soit dévié ni d'un côté ni de
Taulre, et qui sorte dans la même direction qu'il est
entré. Soit YN {fig' 8) un de ces rayons tombant sur
une lentille dont les plans principaux sont P et P et les
foyers F et F'. Puisqu'il doit sortir parallèlement à sa di-
rection primitive, il faut que le point d'Incidence et le
point d'émergence ne soient pas du même côté de Taxe; il
faut donc que le rayon incident soit convergent ou qu'il
rencontre l'axe à droite du point P, en N par exemple. Le
(*) Gôttinger Studierif V Partie, p. 52; i845. Quelques auteurs attri-
buent ces points à Môbius, mais le Mémoire que Môbius a publié sur les
lentilles, en 1829, ne contient rien de semblable. On le trouve dans le
Journal de Crelle,t, V, p. ii3; il est analysé dans les Nouvelles annales
de Mathématiques de Terquem etGerono, t. IV, p. 667; i845.
THÉORIE DES LENTILLES SPHÉRIQUES. 497
conjugué du poinl N sera un certain point N' donné par
l'équation
_ /. _/___
PN "^ P'N' ~" *'
ce qui nous montre que le point N' sera à droite du point
V. Les deux rayons conjugués parallèles sont YN et Y'N' :
ils coupent l'axe aux deux points conjugués N et N' qui
sont les points nodauXj et ils coupent deux plans conju-
gués en des points Y et Y' déterminés par la construction
ordinaire. En conservant les notations employées précé-
demment, les triangles semblables de la figure nous donne-
ront successivement
L _ NX _ )p-t-PN
r' "" w'X' ~/?' — p'w'
y ~ FP / '
y ~ F'x' ~^ p' —f'
Des deux dernières on conclut
y~p'-{f-/y
Ainsi les points N et N' doivent satisfaire aux deux équa-
tions
et
PN P'JS'~
On voit immédiatement que ces deux équations sont satis-
faites par la solution
PN = P' N' =/' — /.
Lespoints nodaux se trouveront donc en portant, à partir
Annales de Chim. et de Phys., S* série, t. XIII. (Avril 1878.) 32
498 A- BERTIK.
des points principaux, du côté du foyer le plus long F', des
longueurs égales entre elles et à la différence des foyers, ou
encore en portant de F vers F une longueur égale kf et
de F' vers F une longueur égale à/*.
25. Centre optique. — Soient maintenant A et B {fig»9)
les deux faces de la lentille, N et N' ses points nodaux.
Tout rayon incident qui passe par le point N sort dans
une direction parallèle passant par le point M^ Un cône de
lumière qui convergerait en N donnerait un second cône
qui divergerait de N'^ N' est Timage du point N. Mais on
ne peut passer d^un cône à Tautre qu'à Taide des deux
Fig. 9.
autres cônes intermédiaires formés par les rayons inté-
rieurs à la lentille.
Si nous considérons, en effet, deux rayons conjugués TN
et Y'N' qui percent la lentille aux points a et S, nous re-
marquerons qu^ils donnent un rayon intérieur aS qui coupe
Taxe de la lentille au point O. Les triangles semblables
ONa et ON'S d'une part et AOa et B06 d'autre part
donnent
ON Oa OA
ON' 06
OB
Ainsi le point O partage Tépaisseur de la lentille et la
distance des noeuds en parties proportionnelles. C'est donc
un point fixe dans la lentille 5 on peut l'appeler le centre
optique.
Un faisceau de lumière incidente qui converge en N se
THÉORIE DES LEIITILLE8 SPHÉRIQUES. 499
transforme dans la lentille en un faisceau de rayons qui
convergent en O ^ leurs prolongements forment un second
cône intérieur qui diverge du point O et qui sort de la len-
tille en divergeant du poîntN.Les trois points N, 0,N' sont
conjugués : de même que les deux points nodaux sont les
images Tun de Tautre à travers la lentille tout entière, ils
sont aussi les images du centre optique à travers chaque
face de la lentille, et réciproquement le centre optique est
l'image des deux points nodaux à travers les faces de la
lentille.
Dans tout ce qui précède nous nous sommes servis des
foyers et des points principaux comme s'ils étaient connus ;
mais nous n'avons pas appris à les déterminer : c'est ce
qu'il nous reste à faire.
26. Calcul de la distance des foyers à la lentille. —
La lentille est limitée par deux faces A et B. La première,
la face A, de rayon R, a deux foyers, l'un dans le premier
milieu et Tautre dans le second ; nous les désignerons par
les lettres Ai et As et nous appellerons a^ et a, leurs dis-
tances à la face A. Nous savons déjà par le n° 14 que
/it R /îjR
n-t — iit n* — fit
De même la face B de rayon R' a deux foyers Bg et Bs
dans le deuxième et le troisième milieu, et leurs distances à
la face B, que nous appellerons b^ et b^^ sont données par les
deux équations
, /I2R' , /I3R'
«2 — /^, /h — fh
Enfin nous désignerons par e la distance A B ou l'épaisseur
de la lentille, et par (f et c^' les distances des deux foyers F
et F' aux faces de la lentille.
En nous reportant à \3. fig, 5, nous voyons que le rayon
parallèle à l'axe Sa irait concourir en Ag dans le second
milieu, mais que la seconde face de la lentille le recevant
32.
5oO A. BEETIN.
en 6 le fait conyerger en F' dans le troisième milieu. Le
point F' est donc le conjugué du point A, par rapport à la
seconde surface et^ en appliquant à ces points la formule
générale du n° 6, nous aurons
d'où
h
BP = BA,
b, -^ BA. '
ou bien
Û2 -f- 6, — e
Op trouverait de même
a» -h 6j — e
Les distances f et ((/ des foyers à la lentille sont donc
connues.
27. Calcul des deux longueurs focales J^f. — Ces
deux longueurs focales sont PF et PF' {fig* 5). Nous avons
trouvé au n° 20
P'r=BF^' ou /'=-'-^i-.
BA, «,— <?'
d'où, en remplaçant o^ par sa valeur,
a^ -h bi — e
On trouverait de même
ai -h bi — e
28. Rapport des longueurs focales. — On voit, d'après
ce qui précède, que
f «I bi
THÉORIE DES LBHTILLES SPHÉRIQUES. 5oi
Mais, d'après les valeurs des longueurs focales]élémentaîres,
on a (26)
donc
et
0^ »3
ni
7l'
n
en appelant vl et n les indices des milieux extrêmes.
Les longueurs focales sont donc proportionnelles aux
indices des milieux extrêmes, et, quand ces milieux sont les
mêmes, les longueurs focales sont égales,
29. Distance des plans principaux aux surfaces réfrin-
gentes. — Soient X etxf ces distances AP et BP {fig» 5),
elles sont égales kf — <^ Gif — ç' 5 on a donc
X rrr ; ^ x
On en conclut
R'
xr bx rio — n
3
at R
«a — «I
SI 713= flj,
f! — ^
a: "" R
30, Cas où les milieux extrêmes sont les mêmes, — Si
n, = fZj, toutes les relations précédentes se simplifient. Pour
les mettre sous la forme la plus simple, nous désignerons
pamPindicede la lentille par rapport au milieu extérieur,
c'est-à-dîre que nous poserons 71 = — = — •
1° Les deux longueurs focales sont les mêmes,/*' =f
car nous avons vu (n°28) qu'elles sont proportionnelles aux
indices extrêmes.
2^ Les points nodaux se confondent avec les points prin-
cipaux (n^ 24).
5o2
A. BBBTIV.
3^ Les distances des plans principaux aax faces de la
lentille sont proportionnelles aux rayons de ces faces, car
nous avons vu (n°29) que — = — - •
4^ La valeur de la longueur focale devient (n® 27)
d'où
^applications. — Appliquons ces formules à quelques
cas simples.
A. Cas d\ine boule, — Ici R' =: R et c = aR.
i^ Il n'y a qu'un plan principal \ c'est le plan diamétral
perpendiculaire à Taxe^ car x!= a: = R.
^ J =f= )
3° Distances des foyers à la lentille, ç= — •
Par exemple, dans une boule d'eau et une boule de verre,
on aurait :
Boule d^eau " == t> /=2R, y= R,
Boule de verre '^ = ^% /= | R, y = j-R.
B. Lentille plan convexe. — IciR'= oo . On trouve
alors
Longueur focale f= *
e
Distances des plans principaux j? = o, x' = —^
Distances des foyers cp =/y <f'=/ •
3
Si la lentille est en verre d'indice - ?
2
THÉORIE DES LEJNTILLES SPHÉRIQUES. 5o3
C. Demi-boule, '• — Il faut faire dans ce qui précède
€f = R, ce qui donne
- R , ïv ^ , R.
/= 5 x:=:o et a:=— , ç ==/ et 9=^—, ij
n — I n ^ ^ n{n — i)
pour une demî-boule en verre
31. Cas des lentilles infiniment minces. — Si l'on fait
e = o dans les formules précédentes, elles deviennent:
1° x = a/=o; les plans principaux se confondent
avec le plan réfringent de la lentille : il n*y a plus qu'un
point nodal, qui est à une dis tance y*' — y de la lentille
(n°9).
2° Les distances/,/*', /?, p' se comptent alors à partir de
ce plan réfringent et l'on retrouve les équations (i) et (a)
des n<>» 6 et 8.
4^ Ces formules elles-mêmes se réduisent aux formules
ordinaires des lentilles quand on suppose à la fois les
lentilles infiniment minces et les deux milieux extérieurs
identiques : le point nodal ou le centre optique est alors
sur la lentille.
En résumé, on voit que la théorie ordinaire des lentilles
n'est qu'un cas particulier d'une théorie plus générale qui
peut être présentée assez simplement pour être substituée à
la première dans l'enseignement.
3^ Réfraction à travers plus de deux surfaces.
32. Plans conjugués, foyers principaux, — Quel que
soit le nombre des surfaces, pourvu qu'elles soient centrées
sur le même axc,un point lumineux placé sur Taxe devant
la première donnera un point conjugué à travers cette sur-
face^ celui-ci en donnera un second à travers la seconde et
ainsi de suite. Si le premier point s'éloigne a Tinfini, le
5oj &. BEItTin.
dernier tend vers un point limite qui est un foyer pnn<
cipat. Si le deraier point conjugué tend vers l'infîni, le
premier tend vers ttn autre point limite, qui est un autre
foyer principal. Ce système aura donc, comme celui d'une
et de deux surfaces, des points et des plans conjurés, des
foyers et des plans focaux. On va voir qu'il a de même des
plans principaux.
33. Cas de trois surfaces. — Soient ni, Oi, /ii, »» les
indices des quatre milieux, séparés par trois surfaces sphé-
riques A, B, C (fig. 10} centrées sur le même axe. Les
deux premières A et B forment une lentille dont les points
principaux sont P et P' et les foyers principaux F et F'.
,1
rig.i
/
Ji r. 1
^^^.^^-^
s-
r^
V
«■
Supposons que derrière cette lentille se trouve une troi-
sième surface C, quï sépare le troisième milieu d'indice «j,
du quatrième milieu d'indice n^ ; et soient c% et c* les lon-
gueurs focales de cette surface dans ces deux milieux.
Nous admettons, pour construire la figure, que la nou-
velle surface est convergente comme la précédente.
Un rayon parallèle à l'axe SI' convergerait en F' si la
troisième surface n'existait pas ; mais il la rencontre en f,
et cette surface le fait converger en G' qui est dans le
dernier milieu le foyer du système des trois surfaces. Le
rayon G'/ rencontre le rayon incident en J', qui se pro-
jette sur l'axe en Q' et je vais prouver que Q' est le m£me
pour tous les rayons incidents parallèles à l'axe.
THÉORIE DES LENTILLES SPHÉaiQUES. 5o5
En effet, si l'on désigne sa distance au foyer G' "ç^t f\ ,
on aura par les triangles semblables
/; _ J^Q^ ou Pl^ __ FF ou f
CG' ■" Cv ■" CF' '
d'où
„CG'
/; =f
CF
On en conclut que le point Q' est fixe ; c'est donc le nou-
veau point principal.
Mais les points G' et F' sont conjugues par rapport à la
surface C; on aura donc d'après l'équation (i), n° IS,
^3 . ^^ I-
CF ' CG'
d'où
CG' c,
CF' c, -h CF' '
et par conséquent
•^ 1 ^ . r«i7/
Il y a également vers la gaucbe un autre point principal.
Pour le trouver, considérons un rayon S'K tombant pa-
rallèlement à l'axe sur la surface G : cette surface le ferait
converger en Cj 5 qui est son foyer dans le milieu d'indice n^.
Ce rayon vient rencontrer le plan principal P'I' de la
première lentille en un point R', et il s'agit de trouver
pour cette lentille le rayon conjugué du rayon KR'. Il
suffit pour cela d'appliquer la construction indiquée au
nO 22. Ce rayon se mouvant dans le milieu d'indice tis,
il faut le prolonger jusqu'à la rencontre du plan focal
de la lentille dans ce milieu, c'est-à-dire jusqu'en U, puis
porter son attention sur les points \1 et R^ Menons par
L' un rayon parallèle à l'axe jusqu'à la rencontre du pre-
mier plan principal en I : il donnera un rayon réfracté,
IF passant par le foyer de la lentille dans le milieu i. Le
5o6 A. BBRTUr.
rayon L'R' qui part du plan focal sortira parallèlement à
celui-ci ^ mais le point R' a pour conjugué le point R, situé
à la même hauteur sur le premier plan principal. Le rayon
émergent aura donc la direction RG parallèle à IF, et le
point G sera le foyer du système triple dans le premier
milieu.
Ce rayon émergent RG rencontre le rayon incident S'K
en J, qui se projette sur Taxe en un point Q qui sera le
preipier point principal du système des trois surfaces. En
effet, en désignant par/^i sa distance QG au foyer G, les
triangles semblables nous donnent
y^ _ QJ _ CK^ __ CC^our,
PF ~" i?I ~ FL' "" c, -f- CF''
d'où
/.-
cr
Nous voyons donc d'abord que^i est constant et par
conséquent que le point Q est fixe : c'est donc le premier
point principal.
Nous remarquons ensuite, en comparant les valeurs de
/i et de/', , que
oUf en tenant compte des relations des n^' 14 et SS,
■ ;2nr ~~' — . ^-^*
Ainsi le système de trois surfaces se comporte comme
une lentille : il a deux points principaux Q et Q', deux
foyers principaux G et G', et les longueurs focales comptées
à partir des plans principaux sont proportionnelles aux
indices extrêmes.
33. Réfraction à trai^ers un nombre quelconque de sur^
faces. — En généralisant la démonstration précédente, nous
THÉORIE DBS LENTILLES SPHÉ1UQUE8. &Oy
pouvons dire que si un système a deux plans principaux et
deux foyers principaux, dont les distances aux plans princi-
pauxsont proportionnelles aux indicesdesmilieuxextrèmes,
il en sera de même si nous ajoutons à ce système une nou-
velle surface centrée sur le même axe que les précédentes,
et nous arrivons ainsi au théorème général suivant :
Un système quelconque de surfaces centrées sur le
même axe a toujours deux plans principaux P et P'^
deux foyers principaux F et F', et le rapport des deux
longueursfocalesfet f est toujours égal au rapport des
indices des milieux extrêmes.
En d^autres termes, ce système se comporte comme une
lentille. Tout ce que nous avons dit des lentilles lui est
applicable, et nous devons regarder comme générales no-
tamment les équations fondamentales (i) et (2) et la con-
struction des images [fig* 6).
On voit donc qu'on pourrait sans grandes difficultés gé-
néraliser dans renseignement élémentaire la théorie des
lentilles épaisses. Les difficultés ne commenceraient que
si Ton voulait calculer la position des foyers et des plans
principaux^ mais alors on n^aurait rien de mieux à faire
qu'à se reporter au Mémoire original de Gauss. Ces calculs,
du reste, ne sont pas absolument nécessaires^ car ce n'est
jamais par le calcul, mais par Texpérience, que l'on déter-
mine les quatre points fondamentaux d'un système optique,
et les méthodes expérimentales imaginées dans ce but sont
d'une grande simplicité.
5o8 RICBB. — DOSAGE DU MAJrGAJIESB,
itlOUI SDR LE M8A6E DU lARGASÈSI» M PLID, M
emu, m zinc et m nickel, et sur ^analyse iee
ALUA6ES DE CES HfiTADL-,
Par m. Alveed RICHE,
Professeur de Chimie à l'École supérievre de Pharmacie de Paris.
Les nombreuses analyses que j'ai exécutées dans les re-
cherches que je poursuis depuis plusieurs années sur les
alliages, recherches que j'ai publiées dans ce Recueil ('),
m'ont conduit à modifier et à simplifier le mode de dosage
de plusieurs métaux, et c'est l'ensemble de ces perfection-
nements qui Tait l'objet du présent Mémoire.
La méthode dont je fais usage repose sur l'emploi du
courant électrique. Elle est simple, rapide et très-pratique,
car les opérations s'exécutent en quelques heures, sans
qu'on ait pour ainsi dire besoin de s'en occuper, si ce n'est
pour les mettre en marche et pour les arrêter. Elle est
économique, parce qu'elle n'exige qu'un ou deux éléments
de pile de petites dimensions. Elle est d'une grande exac-
titude, souvent d'une rigueur absolue, comme l'établissent
les nombreuses synthèses détaillées dans ce Mémoire.
Cette méthode s'applique au manganèse, au plomb, au
cuivre, au nickel et au zinc. Le cuivre elle nickel se dosent
déjà par la pile dans quelques laboratoires, mais j'ai' mo-
difié la manière d'opérer.
Les piles dont je fais ordinairement usage sont la pile
Bunsen et la pile Leclauché. On peut remplacer avec avan-
tage la première par la pile Marié-Davy, dont l'emploi est
plus pratique : à deux éléments Bunsen on substitue trois
éléments Marié-Davy.
(*) Annales de Chimie et de Physique^ 4" sériei t. XXX, p. 35 1.
DO PLOMB, DU COtTIlB, DC ZIRC ET DU ZIICKKL. 5og
L'appareil où se passe l'action décomposante sur la
solution saline se compose d'un creuset de platine, de la
dimension uauelleinent employée dans les laboratoires, et
d'une iame de platine dans le cas du plomb, da cuivre, du
zinc et du nickel. Cette lame est taillée en tronc de cône
ouvert aux deux extrémités, reproduisant sensiblement la
forme du creuset clans lequel elle doit être suspendue sans
le toucher (/tg. i); elle constitue le p61e n^atif, et le
creuset est le pôle positif. Ce cône porte deux ou trois
ouvertures longitudinales de petites dimensions; par ce
moyen, le liquide reste homogène et le courant passe ré-
gulièrement. L'écarteraent entre le cône et le creuset est
de a à 4 millimètres.
Dans le cas du manganèse, le cône est remplacé par un
fil de platine contourné en spirale.
Le cône ou le fil de platine est suspendu, sans le toncher,
dans le creuset, au moyen d'un support {Jîg- a) qui se com-
pose d'une tige de verre plein, verticale, A, assujettie dans
une planche en bois ou dans une plaque de métal B. Sur
ce montant isolant s'adaptent, par te moyen de vis : i<* un
anneau en laiton C {fig. 3), dans lequel se place le creuset,
- D09AGB DO HiUGAIlfeSB,
qui s'y trouve légèrement pressé par le moyen d'une vis d
qnï sert également à fixer le fil de cuivre qui est lié au
pôlecbarbon ; a" une tige en laiton E (fig. 4), portant deux
ouvertures dans lesquelles pénétre une vis : l'une i permet
de suspendre le c6ne de platine dans le creuset, l'autre / ■
reçoit le fil de cuivre qui communique au pôle zinc. Afin
de maintenir toujours les contacts aussi parfaits que pos-
sible, le laiton est platiné ou doré. Pour empêcher les
DU PLOMB, DU CDITRE, DU ZIBC ET DS NICKEL. 5ll
projections de liquide, od recouvre le creuset de deux demi-
disques provenant d'un verre de montre coupé en deux
parties. Quand on opère à chaud, ]e creuset est placé dans
une capsule pleine d'eau, disposée sur un fourneau ou sur
un bec de gaz. L.&Jïg. a représente l'appareil monté.
Tout autre appareil en verre ou en porcelaine, dans le-
quel seraient deux lames de platine communiquant avec
les pâles de la pile, pourrait remplacer celui-là. Je me sers
très-avantageusement, pour les essais de nickel , d'un vase
à précipité, en verre de Bohème, qui contient comme élec-
Fiff. 5.
trode négative un cylindre plein de platine, et comme
électrode positive un réseau cylindrique de toile de platine.
Ces deux électrodes appuient sur le fond du vase, qui, étant
profond, coulient beaucoup de liquide.
Dans certains cas oii j'avais hesoin d'une action rapide,
le pôle positif se composait, outre ce treillage en platîae
5l3 niCBB. — DOSAGE DU UÀDGIMËSB,
qui en k l'ext^riear du p61e négatif, d'une spirale de pla-
tine intérieure au pâte négatif.
Dans les essais de laiton, où j'avais une quantité de li-
quide assez forte, je faisais usage d'un vase {^g- 5) et d'un
cylindre en platine ouvert aux deux extrémités {fig. 6).
I. — Masgi.ii^b.
A. Manganèse seul. — Si l'on expose à l'action de un
ou de deux éléments Bunsen une solution de sulfate, de ni-
trate ou de chlorure de manganèse, il se forme au p6le
positif du bioxyde de ce méul, qui se détache et flotte ou
qui se dépose. De temps à antre on soulève les verres pen-
dant les premiers temps de passage du courant, et l'on in-
jecte de l'eau avec une pissette pour détacher les goutte-
lettes liquides entraînées sur le verre par les bulles de gaz.
Si l'on avait un appareil un peu profond ou qu'on voul&t
simplement préparer du bioxyde de manganèse, on em-
ploierait trois éléments pour avoir une séparation ra-
pide.
DU PLOMB, DU CUIVRE, DU ZIIÏC ET DU HICKEL. 5l3
Lorsque la liqueur ne renferme qu'une petite quantité
de manganèse, on ne fera usage que d'un seul élément.
Quand on a constaté, par l'essai de quelques gouttes de
liqueur, au moyen du sulfhydrate d'ammoniaque, qu'elle
ne contient plus de manganèse, on laisse passer le courant
pendant une demi-heure encore pour être bien certain que
tout l'oxyde est précipité, on décante la liqueur sur un
filtre, sans chercher à y faire tomber l'oxyde, et on lave
avec soin le creuset, la spirale et le filtre. On place le filtre
et la spirale dans le creuset, que l'on sèche et que l'on porte
ensuite au rouge vif pour changer le bioxyde en oxyde sa-
lin. Il est nécessaire de recommencer la calcina tion jusqu'à
ce que deux pesées consécutives accusent le même poids. Si
Ton a pris la tare du creuset et de la spirale ensemble, et
qu'on y ajoute le poids de la cendre du filtre, on a les élé-
ments pour calculer le poids du manganèse.
Lorsqu'on opère en liqueur sulfurique, la spirale néga-
tive reste intacte, et l'on n'a pas à la calciner dans le creu-
set. C'est seulement dans une solution nitrique que du
bioxyde se fixe sur la spirale. Ce fait est lié à la décompo-
sition de l'acide nitrique sous l'influence du courant :
l'acide azotique est attaqué par l'hydrogène provenant de
la décomposition de l'eau, et se décompose en oxydes in-
férieurs, puis en ammoniaque. Cette action est rapide,
car, après huit heures, une solution d'azotate de manga-
nèse, additionnée de 7 centimètres cubes d'acide azotique,
est devenue alcaline. Le dépôt adhérent sur le fil négatif
se produit lorsque la liqueur s'affaiblit en acide et devient
ammoniacale.
Celte précipitation sur le pôle négatif n'a pas d'incon-
vénient lorsqu'il s'agit de doser ce métal dans un de ses
sels ou dans tout autre produit qui ne contient plus que
du manganèse, comme dans un bronze au manganèse où
Ton a déterminé le cuivre 5 il n'en est plus de même si l'on
dose le manganèse en présence d'un sel de magnésie ou
Jnn,de Chim.etdePhxs.,:}^ séne,%.\lU, (Avril 1878.) 33
5l4 AICHB. DOSAGE DU MÀKGAnÈSE,
d'alumine, parce qu'il arriverait un instant où il n'exis-
terait plus assez diacide pour tenir ces bases en dissolution,
et alors on aurait une surcharge de manganèse.
Dans ces cas, il convient donc d'agir en liqueur sulfu-
rique pour des recherches rigoureuses.
Voici quelques résultats obtenus avec une solution sul-
furique de manganèse, dont lo centimètres cubes repré-
sentaient 06% 596 Mn'O*.
I. Avec I élément, en six heures :
1^^ contenant 0*^,1 ig ont donné 0*^,119;
II. Avec 2 cléments, en cinq heures :
5*^* contenant o**',?.98 ont donné 0^^,2985;
III. Avec 2 éléments, en sept heures :
10*^^ contenant o*'',596 ont donné 0^,596.
La température de Feau avait oscillé entre 65 et
90 degrés. La solution saline avait été additionnée de
2 à 6 gouttes d'acide sulfurique.
IV. 5 centimètres cubes d'une solution d'azotate de manga-
nèse, fournissant à la calcination o^,o45 d'oxyde salin, ont été
soumis au courant d'un élément. Après trois heures, la liqueur
ne contenait plus de manganèse. La calcination a fourni o*'',o45
d'oxyde Mn^'O*.
V. 10 centimètres cubes de la même solution ont fourni, en
quatre heures, o*'',090 Mn'O*.
J'ai fait quelques expériences avec une pile Marié-Davy
dont le zinc avait i4 centimètres de' hauteur et 8 centi-
mètres de diamètre.
VI. Liqueur nitrique fournissant à la calcination 0^^,080 de
Mn'O*. On a obtenu, après quatre heures, 0^^,080.
VII. 10 centimètres cubes d'une liqueur sulfurique ont donné,
en sept heures, 0^^,600 d'oxyde salin, et il ne restait pas dans
le liquide filtré, comme d'ailleurs dans les essais précédents, une
quantité de manganèse égale à o^^^S.
DU PLOMB, DU CUIYRB, DU ZINC ET DU NICKEL^ 5l5
Nous verrons plus loin le moyen par lequel on s'en est
assuré dans la liqueur soumise au courant, et dans laquelle .
on n'avait plus de précipité par le suif hydrate d'ammo-
niaque.
On opère généralement à chaud pour diminuer la durée
de l'opération , mais elle est tout aussi exacte à la tempé-
rature ordinaire.
VIII. On a exposé le soir, à raction de deux éléments Bunsen,
une solution devant fournir 0*^,344 Mn^O*. La pesée a donné ce
nombre.
IX. Dans les mêmes conditions, on a déposé 0*^,702 d^oxyde
à o*'',ooo5 près.
On arrive, par cette méthode, à doser des proportions
extrêmement minimes de manganèse. La meilleure ma-
nière d'opérer consiste à réduire la liqueur à un faible
volume, et à la soumettre à chaud, dans un petit creuset,
à l'action de i élément Bunsen, Marié-Davy ou Leclanclié,
après l'avoir acidulée avec i à 4 gouttes d'acide sulfu-
rique. Si la solution contient oS',ooo5 Mn'O*, le dépôt
est très-net, et il apparaît encore avec o^^oooa, ou même
0^*^,0001.
On décèle des quantités plus faibles en soumettant le
liquide à 2 éléments Bunsen ^ à la température ordinaire,
dans un verre ou dans une capsule de porcelaine où ar-
rivent deux fils de platine formant les pôles de la pile.
On a préparé une liqueur dont chaque centimètre cube
fournit par la calcination
08*^,000013 Mn^O*.
I centimètre cube de celte solution, acidulée par 2 gouttes
d'acide sulfurique étendu de quelques centimètres cubes
d'eau, prend une teinte rose très-nette. La coloration est
encore manifeste avec
o»"", 0000026 Mn'0%
33.
5l6 KICHE. • — DOSAGE DD MAHaASkSE,
el elle est perceptible avec
qui représente moins de un millionième de gramme du
métal.
Ces dernières proportions, fondues avec du carbonate
de soude, ne donnent pas une teinte appréciable à la masse
refroidie.
C'est par remploi comparé de pareilles liqueurs titrées,
contenant des quantités très-faibles de manganèse, qu'il
m'est possible d'affirmer, dans les essais relatés ci-dessus,
qu'ils étaient exacts à oS'^,ooo5 d'oxyde Mn*0*.
B. Manganèse en présence de divers métaux. — Ce
métal se dose aussi exactement par la pile en présence
du cuivre, du zinc et du nickel. On trouvera des détails sur
ces points dans les chapitres où l'on traite de ces métaux.
La précipitation se fait sans difficulté lorsque la liqueur
contient des sels alcalins, alcali no- terreux et terreux.
X. On a pris 0^^,200 de sulfate d'alumine et une solution
de sulfate de manganèse, produisant 08^,247 Mn'0% acidulée par
quelques gouttes d'acide sulfurique. On a obtenu, par l'action
de deux éléments, o8*",246 d'oxyde Mn'O*, et la liqueur n'en
renfermait pas 1 milligramme.
XI. Même résultat avec o**",2oo de sulfate de magnésie.
XII. o*',oo6 d*alumine, à l'état d*azotate, ont été mélangés
avec 5 centimètres cubes d'une solution d'azotate de manganèse
donnant à la calcination o^',ooo5 d'oxvde. Le creuset était re-
couvert, après l'action d'un élément, d'un enduit irisé d'oxyde
Mn^O% et le liquide décanté ne s'est pas coloré, par fusion, avec
le carbonate de soude.
XIIL On a obtenu des résultats aussi concluants avec les
mémos doses de manganèse en présence des sels de potasse, d'am-
moniaque, de zinc et de nickel.
XIV. On a ajouté à une solution titrée, représentant o**",oooo5
Mn^O% quelques gouttes de sels de soude, d'ammoniaque, de
chaux, de magnésie, et 3 ou 4 gouttes d'acide sulfurique : la
DU PLOMB, DU CUIVRE, DU ZIMC ET DU NICKEL. 5l7
coloration rose s*est montrée comme si le sel de manganèse était
pur.
Si dans Tessai du manganèse, en présence d'alumine, de
magnésie, etc., on avait, par défaut d'acidité, entraîné
une petite quantité de ces bases dans le dépôt d'oxyde de
manganèse, on n'aurait qu'à redissoudre celui-ci par quel-
ques gouttes diacide sulfurîque en excès, et à soumettre à
la pile de nouveau. Comme cette deuxième liqueur ne ren-
ferme qu'une très-faible quantité du sel étranger, Toxyde
de manganèse se précipite à l'état de pureté.
Lorsque la proportion d'oxyde de manganèse précipité
est faible, cet oxyde se dépose adhérent sur le creuset,
sous forme d'un enduit brun ou irisé.
C. Manganèse et fer. — Le manganèse ne se sépare
pas par la pile en présence du fer en excès. J'ai fait, dans
cette voie, un très-grand nombre de tentatives qui sont
restées infructueuses. Je poursuis cette étude en ajoutant
à la liqueur divers sels, des acétates notamment, car la
séparation facile du manganèse dans les fontes, les aciers
et les fers serait très-importante à réaliser.
Soit une liqueur contenant
o«%5oo Fe et o8%354 Mn^O* :
on observe au pôle positif un dépôt brun vers la surface du
liquide, et au pôle négatif une matière noire cristalline;
l'un et l'autre sont en très-petite quantité. Dès que le cou-
rant cesse, les deux dépôts se redissolvent avec une extrême
rapidité.
Voici la théorie de ce phénomène : la matière brune qui
se forme sur le creuset à la surface du bain est du bioxyde
de manganèse. La substance cristalline du pôle négatif est
du fer. Dès que le courant cesse, le fer se dissout dans
l'acide, et il en résulte du sulfate de protoxyde de fer qui,
réduisant le bioxyde de manganèse, le ramène à l'état de
sel de protoxyde. Il se passe donc, dans ces circonstances.
5l8 miCHE. DOSAGE DU MAHGAaÈSE, '
une action identique à celle qui se produit dans FaiBoage
du verre lorsqu'on y ajoute du bioxyde de manganèse pour
peroxyder le silicate de protoxyde de fer.
Ce phénomène n'a lieu d'une manière complète que si,
coiùme dans Texemple précédent, le fer est prédominant
sur le manganèse. Lorsque ces deux métaux sont environ
à poids égaux, ou, à plus forte raison, si le manganèse est
en excès, le bioxyde se dépose, et le dosage peut être voi-
sin de Texactitude par suite d'une compensation : il reste
un peu de manganèse dans la liqueur, et le bioxyde préci-
pité entraîne un peu de fer. Je ne citerai qu'un exemple,
qui montre qu'on arrive, par ce moyen, à déceler de très-
petites quantités de manganèse.
XYI. On a soumis à la pile ;
i*^*^ d'une liqueur contenant o«'',ooo4 Mn*0*;
i'^*^ )) « o«',ooo5 Fe.
Le bioxyde s'est précipité, et il pesait environ o™^', 5.
Dans le cas où le fer et le manganèse sont associés dans
une matière, le mieux est de précipiter le fer après sa
peroxydation par le carbonate de baryte.
XVII. On a pris :
o**", 200 de fer en solution azotique,
o«%ooo4 Mn'O^ à Tétat d'azotate dans une liqueur titrée.
On a précipité le fer par le carbonate de baryte, filtré,
débarrassé la liqueur de baryte par l'acide sulfurique,
filtré de nouveau, évaporé la solution presque à sec, et
repris par de l'eau faiblement acidulée d'acide sulfurique^
puis on a soumis le liquide au courant de deux éléments :
la liqueur a pris une coloration rose très-nette.
Un grand nombre d'essais exécutés en vue de rechercher
et de doser le manganèse dans le sang, dans le lait et dans
l'urine, par la méthode combinée du carbonate de. baryte
et de la pile, m'ont donné d'excellents résultats qui sont
DU PLOMB9 DU CUIVRB9 DU ZINC ET DU JNICKEL. Sip
publiés dans les bulletins de TAcadémie de Médecine et
dans le Journal de Pharmacie et de Chimie (juin 1878).
II. — Plomb.
Les travaux classiques de Becquerel ont montré que les
sels de plomb se décomposent par la pile, à la température
ordinaire, en plomb métallique, qui se rend au pôle néga-
tif, et en bioxyde de plomb, qui recouvre le pôle positif.
J'ai observé, d'une part, que si l'on opère à chaud en
solution nitrique, le plomb métallique disparait en peu
d'insiants, et même que le plus souvent il ne se forme pas,
tout ce métal étant transporté au pôle positif sous forme de
bioxyde^ et d'autre part, que si la solution est fortement
acide, il ne se précipite pas de plomb, même à froid, sur le
pôle négatif : tout le métal est transformé en bioxyde. Ce
sont ces dernières conditions que je cherche à réaliser; dès
lors, il est à peu près indifférent d'agir soit à froid, soit à
chaud. Je préfère cependant placer l'appareil au bain-
marie, vers 60 à 90 degrés, pour être certain d'éviter la
formation du plomb métallique au début et pour accélérer
la réaction.
On n'emploie qu'un élément Bunsen ou Marié-Davy.
Pour de petites quantités à déposer, un élément Leclanché
suffit, et même est préférable. Lorsque la proportion: de
plomb n'atteint pas 3o milligrammes, le dépôt étant très-
adhérent au platine, on met en communication le pôle
positif avec le cône. Si la quantité de plomb est plus con-
sidérable, on fait communiquer le creuset avec le pôle
positif. On siphonne la liqueur lorsque l'analyse est ter-
minée, sans arrêter le courant, parce que le bioxyde de
plomb se dissout sensiblement dans l'acide nitrique de la
solution électrolysée. Cette opération se fait très-aisément
au moyen d'un siphon fixé dans un flacon et portant un
autre tube par lequel on aspire. Le liquide du creuset est
5aO RICHE. DOSAGE DU MAKGAlltSE,
recueilli dans le flacon, et Ton remplît trois ou quatre fois
le creuset avec de Teau, qu'on siphonne dans le flacon par
le même système. De cette façon, il ne se dissout pas trace
d'oxyde de plomb, et toute la liqueur étant recueillie sans
perle peut être utilisée à des dosages ultérieurs.
Le creuset est ensuite séché vers io5 à 120 degrés et
pesé. On le reporte dans Téiuve, et on le pèse de nouveau;
il est rare que les deux pesées ne soient pas concordantes.
D. Plomb seul, — On a, dans ces temps derniers,
émis des doutes sur la nature de cet oxyde ainsi préci-
pité, et Ton a contesté que ce fût du bioxyde à l'état de
pureté.
Pour m'en assurer, j'ai pesé des quantités très-diverses
de plomb, que j'ai données, sans les lui faire connaître, à
M. Yver, jeune chimiste à qui revient une grande part
dans l'exécution de ce travail. Après avoir obtenu l'oxyde,
il l'a envisagé comme du bioxyde, et il l'a ramené, par le
calcul, à Fétat de plomb métallique. Le poids, déduit du
calcul, se confond avec le poids du plomb pesé et soumis
a 1 essai.
Plomb
État
Force
Temps
Plomb
donné.
de la liqueur.
électrique.
de Texpérience.
<»lcul(
s. * • •
0,190
peu acide.
1 clém.àchaud
5 heures.
0,189
IL..
0,190
•»
1 élém. à froid
»
0,190
m..
o,2o3
\^^ acide azot.
1 élérii. n chaud
V
o,ao3
IV..
o,3o8
>i
»
)}
0,807!
V...
0,801
a
M
6 heures.
0,801
VI..
?. , ooo5
6*^*= acide azot.
I éléiD. à froid
nuit enf*
ï'999'
vu.
0,011
0*^*, 5 ac. azot.
I élém. à froid
3 heures.
0,012
VIIL
0,002
très-acide.
1 élém. à chaud
»
0,002
IX. o***, 000025 de plomb dissous dans 20 centimètres cubes
laissent apercevoir, par l'action de la pile, un enduit nuageux de
bioxyde de plomb sur la paroi du creuset, tandis que cette même
liqueur ne fournît rien de sensible avec l'iodure de potassium,
et se teinte très-faiblement avec Thydrogène sulfuré.
DU PLOMB, DU CUIVRE, DU ZINC ET DU IfICKEL. 521
Dans ces divers essais, la liqueur ne précipite plus par
Facide sulfhydrique après l'action électroly tique,
E. Plomb uni à d'autres substances, — Dans le cha-
pitre où l'on traitera du cuivre, on apprendra à séparer le
plomb de ce métal.
Les essais suivants montrent que Ton peut déterminer
de petites quantités de plomb en présence des métaux
étrangers. L'action était de 2 heures et obtenue avec un
élément Bunsen :
Sels étrangers
Plomb
Plomb pesé.
0^,200.
État de la liqueur.
calculé .
X
o,oro
Azotate de nickel
q.q. gouttes ac. azot.
0,0Ï0
XI
0,010
» d'alumine
■ »
0,0095
XII
o,o5o
M de zinc . .
A-
0 , 0495
XIII . . .
0,010
» de chaux
tt
0,0095
XIV. . . .
0,010
de bar V te
m
u
0,0095
À.V . « • .
0,01 i5
» de strontiane
2°*'ac. azotique.
0,011
XVI. . . .
0,010
» de magnésie
i«5
0,010
XVII. . .
o,oio5
» de soude
a V
o,oio5
XVIII . .
0,010
» de potasse
*> t>
0,010
xVlJv* < . *
0,010
Sel de chrome en excès
»• »
o,oio5
JvJV. • . • •
o,oio5
o«%24o KO, AsO*
i> u
o,oio5
XXI . . .
o,oii5
o'^Sôo azot. d'urane
i> »
o,oii3
xxn...
o,oi3
o«',475 azotate de cadra.
2^^^ ac. azot.
o,oi3
XXIII . .
0,010
o^^oioFe
i«<^ »
0,0098
XXIV.. .
0 , oo55
o«',oi2 Fe
2**^ «
o,oo58
XXV...
0,0195
o«',oi5Fe (un élém. Leclanché] 2*^*= »
0,01943
Si la liqueur n'est pas très-acide dans le cas du plomb
mélangé au fer, il se sépare au pôle positif du bioxyde
de plomb contenant un peu d'oxyde de |fer. U en est de
même pour le plomb en présence du cadmium, du stron-
tium et du cobalt.
XXV ^/x. 0,010 o*', 200 azotate de cobalt 2*^^ ac. azot. o,oio3
F. Plomb et argent. — La séparation s'opère sans diffi-
culté, parce que l'argent se dépose au pôle négatif.
52a
RICHE. DOSAGE DU MIHGÀIIESB,
Argent dans'
nitrate d'ar-
Acide
Plomb
Argent
'
Plomb pesé.
gent titré.
azotique.
calculé.
pesé.
XXVI...
0,200
0, 00882
2*^<=
0,199
0 , oo385
XXVII . .
0,02l5
0,019
,CC
0,021 3
0,019
XXVIII..
o,oio5
0,0241
,cc
0,0108
0 , 0245
XXIX...
0,0022
0,894
»
0,0020
Le premier essai a duré quatre heures et les autres deux
heures. On opérait à chaud.
Ou a fait quelques essais sur des sels organiques de
plomb; je les résume brièvement.
XXX. De l'acétate de plomb additionné d'acide acé-
tique concentré donne, avec un élément à chaud ou à froid,
du bioxyde de plomb au pôle positif et du plomb métallique
au pôle négatif. C'est l'expérience primitive de Becquerel.
XXXI. Du formiate de plomb en dissolution dans
l'eau chaude donne des traces de bioxyde au pôle positif et
du plomb non adhérent au pôle négatif. Il se dégage de
nombreuses bulles de gaz contenant de Thydrogène et de
l'acide carbonique.
XXXII. Si l'on ajoute de Tacide oxalique dans une so-
lution d'azotate de plomb et qu'on la soumette au courant,
il ne se dépose pas de bioxyde de plomb. 06^^,01 1 de plomb
ont été dissous dans quelques gouttes d'acide azotique; on
ajoute un excès d'acide oxalique et l'on expose la liqueur au
courant d'un élément pendant quarante minutes. Le pôle
négatif porte un dépôt adhérent et très-beau de plomb mé-
tallique pesant 0^*^,0105. Les bulles nombreuses qui se
dégagent sans cesse rendent difficile une détermination
quantitative.
Deux éléments Marié-Davy sont très-convenables pour
le dosage du plomb.
; Acide Durée
Plomb pesé, azotique. de l'expérience.
XXXm.. o8',ioo 2" 4^vers8o\
XXXIV.. 2«^O025 5" :nuit cm" à fpoid.
Plomb calculé.
entre o , 0995 et o , 10
2,0025
DU PLOMB, DU CUIVRE, DU ZIWC ET DU IflCKEL. 6a3
Avec deux éléments Bunsen on obtient de mauvais ré-
sultats, parce qu'il se porte du plomb non adhérent au pôle
négatif.
De même qu'on verra plus loin que j'ai appliqué cette
méthode si simple de l'électrolyse à la recherche directe
du cuivre* dans le vinaigre et dans diverses substances
prises à Tinlérieur du corps comme aliments ou comme
médicaments, j'ai trouvé à son aide du plomb dans deux
vins, dans deux échantillons de sous-nitrate de bis-
muth, dans de l'oxyde d'antimoine et dans de l'oxyde de
fer.
On m'apprend qu'hier M. Carnot, ingénieur des mines,
a observé la présence du plomb dans un grand nombre
d'échantillons de sous-nitrate de bismuth des pharmacies.
Je désire, par ces mots me laisser le droit de continuer mes
recherches dans cette voie.
Je m'occupe également de la précipitation du mercure
par la pile. Ce métal se dépose sous l'influence d'un élé-
ment Leclanché au pôle négatif, et le cuivre, le zinc, le
nickel, les sels alcalins et al cal ino- terreux restent dans la
liqueur. Quant au plomb et au manganèse, ils se séparent
au pôle positif.
J'ai enfin commencé des recherches sur le dosage de
l'arsenic dont on trouve ordinairement de faibles propor-
tions dans les laitons et dans le sous-nitrate de bismuth.
Il se précipite sous l'influence d'un élément Leclanché,
tandis que le cuivre, le nickel, le zinc et les autres métaux
qui se portent comme lui au pôle négatif ne se déposent
pas dans ces conditions. Le bismuth se précipite au pôle
négatif avec un élément Bunsen.
III. — Cuivre.
Le cuivré n'est déterminé par l'électrolyse que dans un
petit nombre de circonstances, malgré les publicatioBS
5a4 RICHE. DOSAGE DU MÀNGAlfESE,
très-intéressantes faites sur ce sujet par M. Soret('),
M. Lecoq de Boisbaudran ('), M. le Directeur des tra-
vaux chimiques des usines du Mansfeld(') et M. Herpin,
qui démontrent que ce mode de dosage est susceptible
d'une très-grande exactitude.
La principale cause de cette résistance est la nécessité
reconnue par MM. Lecoq de Boisbaudran et Herpin d'o-
pérer en liqueur sulfurique. En effet, dans la majeure
partie des recherches métallurgiques ou légales, la matière
est en solution nitrique, et il faut Tévaporer, calciner le
résidu avec de Tacidc sulfurique : ce qui constitue une
opération longue, délicate, parce qu elle expose à des
pertes par projection de matière, et désagréables par les
vapeurs acres qu'elle dégage.
Dans les usines du Mansfeld on opère en liqueur ni-
trique, mais avec un courant électrique fort qui exige
l'emploi de batteries de grandes dimensions, et alors le
métal est peu adhérent. Si cette installation est réalisable
dans une usine où Ton fait de nombreux essais, elle est
trop coûteuse, trop embarrassante pour l'introduire dans
un laboratoire ordinaire. L'opération a Finconvénient, en
outre, d'exiger douze heures.
L'emploi de la liqueur sulfurique est beaucoup plus
simple. M. Lecoq de Boisbaudran se sert de trois éléments
Bunsen faiblement chargés. M. Herpin fait usage d'un
seul élément Bunsen chargé dans les conditions ordinaires.
Cette manière d'opérer offre Tinconvénient d'une grande
lenteur lorsqu'on se propose de faire un dosage rigoureux,
parce que les dernières traces se séparent difficilement.
Le procédé que j'emploie diffère des précédents en pe
qu'on opère avec autant d'avantages en liqueur nitrique
(*) SoBET, jinnales de Chimie et de Physique, t. XXXH.
(') Lecoq de Boisbaudran, Bulletin de la Société chimique, t. VU» p. 4^>
(') Usines du Mansfeld et Herpin. — Bulletin de la Société d^Encoura^
gement, novembre 1874.
DU PLOMB, DU CUITRE, DU ZINC ET DU NICKEL. 5a5
qu'en liqueur sulfurique, et quW fait intervenir une tem-
pérature de 60 k 90 degrés qui permet d'activer la préci-
pitation et d'enlever les dernières traces de cuivre dans la
liqueur.
On trouvera aussi la description de quelques essais qui
ont été réalisés avec succès dans une liqueur ammoniacale.
L'élecirolyse peut être appliquée à une solution étendue
renfermant de l'acide chlorliydrîque et des chlorures,
mais il faut employer un courant faible qu'on obtient en
éloignant les deux pôles d'un petit élément Bunsen. Le
dépôt est mat, peu adhérent, et ce moyen n'est pas à re-
commander. Lorsque la liqueur est chlorhydrique ou con-
tient de l'eau régale, il faut, soit la ramener à être
sulfurîque ou nitrique, soit la rendre ammoniacale.
G. Cuwre seul. — On évapore presque à sec la solution
nitrique ou sulfurique, on la reprend par l'eau et on la
soumet à l'action d'un élément Bunsen vers 60 à 90 degrés.
Le cuivre se sépare très-rapidement sous forme d'un enduit
très-adhérent, d'un beau rouge, que l'expert peut pro-
duire dans les débats judiciaires. On obtient rigoureuse-
ment le cuivre dissous si l'on a. soin (la précaution est
nécessaire) de retirer le cône sans arrêter préalablement le
courant et de le plonger aussitôt dans l'eau distillée 5 puis
on le sèche vers 5o à 60 degrés et on le pèse. En opérant
ainsi, la liqueur ne se colore pas lorsqu'on y verse du
ferrocyanure de potassium.
Voici quelques résultats synthétiques:
Cuivre
Cuivre
introduit.
Détails de rexpérience.
Temps.
trouvé.
er
h
^'"
I
o,oo5
(jq. goût. ac. azot.
I
0,000
II. ..
o,o5o
M l>
o,o5o
III. .
o,25o
i",5ac. azot.
i.3o ™
o,25o
IV...
o,5oo
2^<= »
2
0,4997
V....
0,700
y
2.3o
0,700
VI...
1 ,000
4''''
3.3o
o»9995
Rion par lo ferro>
cyanure dans la
liqueur.
5a6 RIGHB. DOSAGE DU màhgànese.
En opérant à la température ordinaire, o8',a5o de cuivre
n^étaient pas précipités entièrement après neuf heures.
VIL On a préparé une liqueur titrée dont 26 centimètres
cubes contenaient oS'',oooi de cuivre et on les a soumis à
la pile : il s'est déposé sur le cône un voile de cuivre très-
nef, o^"^, 00002 de cuivre s'aperçoivent sans hésitation à la
formation d'une légère auréole rouge.
H. CuiWe en présence de corps étrangers. — Les
synthèses dont l'énumération détaillée suit permettent
d'affirmer que la précipitation totale du cuivre réussit en
présence de la plupart des corps avec lesquels il peut être
mélangé, alors même que le cuivre est en très-petite quan-
tité, et ces substances en forte proportion :
Cuivre
introduit.
VIII....
o,oo5
IX
o,oo5
Jv • • • . .
0,002
XT
0,020
XII....
0,020
XIII . . .
0,020
XIV. . .
0,020
XV
0,021 .
XVI . . .
( o,oi3
( 0,020
XVII. . .
0,002
XVIII . .
o,2oo5
XIX . . .
O,O0l5
XX
o,oi3
XX bis.
0, io4
Détails de rexpérience.
gr
0 , 200 Fe un excès d'ac. azot.
o , 5oo Zn 2*^'' acide azotique, i heure
1 ,5oo CaAzO*' » » »
o,5oo BaAzO* qq. goût. d*ac.
o,5oo IVIgAzO^* »
o,5oo AP3(AzO«.) «
o,5ooNaAzO' *>
o,5oo KAzO®
0,600 Azot. d'urane
o,5oo NiAzO*
PbAzO'en gr. excès
o6%oio5Pb
28^,Pb la nuîtent. à froid
0,600 CdAzO« I heure à chaud
o,4oo borate de soude 2 heures à chaud
0*^*^,5 acide
2** 3o"*
Cuivre
trouvé.
0,0045
o,oo5
0,002
0,020
0,0205
0,020
0,0205
0,021
o,oi3
0,020
0,002
0,201
o,ooi5
o,oi3
o, io35
On peut également doser une forte proportion de cuivre
en présence d'une petite quantité de corps étrangers.
DU PLOMB9 DV CVIVaE, DU zinc ET su ZflCKEL. 5^7
XXI...
0 , 2005
o,oio5 Pb
0,201
XXII..
o,aoo
0,010 azot. d'iirane
0,200
XXIII .
cr,3oo5
traces de cadmium
o,3oo
I. Cuistre et plomb. — On met en communication le
cône avec le pôle négatif; le cuivre seul s'y porte. Quant
au plomb, il se dépose sur le creuset et on le sépare de la
liqueur comme il a été dît [voir ^p. 5 19, Analyse des
bronzes et laitons) .
Plomb
Cuivre
Plomb
• Cuivre
iatroduit.
introduit.
Acidité.
Temps.
trouvé.
trouvé.
0,200
0,100
i"AzO«H
h m
4.3o à chaud
0,19925
0,100
0,002
i ,000
excès
4*3o à chaud
0 , 002 I
0^9995
2 , ooo5
o,ooi5
5cc
toute la nuit
'»9998
0,001 5
J. Cuivre et manganèse, — On soumet d'abord la
liqueur à Faction d'un élément \ le cuivre se dépose sur le
cône négatif et des flocons de bioxyde de manganèse flot-
tent dans la liqueur et se déposent sur le creuset. Lorsque
le cuivre est entièrement précipité, on injecte sur le cône
de l'eau distillée qui enlève sans difficulté la totalité des
flocons de bioxyde, ainsi que la liqueur contenant du man-
ganèse, puis on continue le courant avec deux éléments.
Le dosage du cuivre est rigoureux. Pour celui du manga-
nèse, on se reportera aux précautions indiquées (p. 5i3).
Matières employées.
Matières obtenues.
«r
YYTi7 ( o>5oo Cu o,43oMn*0* o,4995Cu 0,4295 Mn*0*
0,200 Cu 0,700 Mn'O* 0,1995 à o*', 200 0,7492
K. CuiVre en présence du fer, — Le dosage du cuivre
présente une difficulté dont il faut être averti, surtout
quand on opère en liqueur nitrique. Si l'on maintient très-
longtemps au voisinage de 100 degrés la température du
bain-marie, la liqueur brunit et dépose sur le cône avec le
528 mCHB. DOSAGE DU MAUGÀNÈSE,
cuivre des hydrates ou des sous-seis de fer qui se déta-
chent diflBcilement ou même imparfaitement, et le cuivre
présente une surcharge dont on est averti par la teinte
brune du dépôt, ou par des plaques foncées qu on aperçoit
de côté et d'autre sur le cuivre.
On évitera ce danger en ne chauffant pas le bain au-
dessus de 70 degrés.
Matières <
employées.
Détails de l'expérience.
Matière
obtenue.
A.Jx.J'k. t . ,
gr
o,ioo5 Cu
0,020 Fe
ce
I AzO«H
h
2
gr
0, 100:
XXVI . .
0,100 Cu
0, 100 Fe
2 •
2
0,100
XXVII. .
0, I025 Cu
o,5oo Fe
4 •
2
0,102
Cet accident est beaucoup moins à redouter en liqueur
sulfurique.
XXVII o8'-,268 Cu 26',5oo Fe S0« 4- 7UO 2«» o«%268
On a encore résolu cette difficulté en ajoutant à la
liqueur un grand excès d'ammoniaque et en soumettant à
Faction de la pile la solution bleue tenant l'oxyde de fer en
suspension.
XXIX. On a pesé o^'^jogS Cu et oS'',5ooFe , on les a
dissous dans Facide azotique, on a sursaturé la liqueur par
Fammoniaque, et on Fa abondonnée toute une nuit à Fac-
tion d'un élément. Le lendemain le cuivre était rigoureu-
sement précipité et pesait oS',095.
XXX. oS'',946 de cuivre seul ont été précipités exacte-
ment dans les mêmes circonstances.
02*^,500 de cuivre ont été précipités exactement en six
ou sept heures.
Pn réaliserait la séparation du cuivre en liqueur ammo-
niacale beaucoup plus rapidement avec deux éléments Bun-
sen : o^'^jSoo ont été précipités en quarante minutes, et
t gramme en une heure. Seulement le dépôt est brun, au
lieu de présenter la belle teinte rouge du cuivre, et il se
DU PLOMB, DU CUIVRE, DU ZINC ET DU ZflCKBL. 5^9
trouve des points où Tadhérence est faible, de sorte qu^il
e&t à craindre que pendant la dessiccation il ne se détache
de la poudre métallique.
La présence d'un grand excès de sels ammoniacaux ne
paraît pas retarder Faction •
Le cuivre peut être également précipité avec exactitude
dans une liqueur ammoniacale avec un élément en présence
du zinc.
XXXL oS',g5o Cu ont été précipités sans qu'il en restât
dans la liqueur.
L. Cuivre et argent. — Si l'argent est en proportion
notable, on commence parle précipiter à l'état de chlorure
en suivant la méthode ordinaire, puis on sursature la
liqueur par l'ammoniaque, et on la soumet en cet état au
courant d'un élément Bunsen, comme il vient d'être dit
dans le paragraphe précédent.
Si l'argent se trouve en faible proportion dans la liqueur,
— s'il ne dépasse pas 0^^^,0105 — on peut le précipiter par
la pile sans toucher au cuivre en employant un seul
élément Lechanché petit modèle. L'argent déposé sur le
cône négatif est pesé ; le cône est passé à l'acide nitrique
et reporté dans le bain électrolysé cette fois par un élé-
ment Bunsen qui précipitera le cuivre. Cette méthode peut
être employée avec succès pour l'essai des cuivres argenti-
fères.
M. On peut déterminer le cuivre dans des liqueurs
autres que nitriques, sulfuriques, chlorhydriques ou am-
moniacales.
1® Acide acétique. — oS',494 d'acétate de cuivre addi-
tionnés de quelques gouttes d'acide acétique ont été soumis
au courant de un élément à chaud pendant trois heures. Le
cuivre s'est déposé très-beau, très-adhérent.
XXXII i , Résultat pratique ... o'' , 1 58 Pas de cuivre dans la
» théorique o«'',i575 liqueur théorique •
Ann. de Chim, et de Phys., 5« série, t. XIII. (Avril 1878.) 34
530 mCHB. — DOSAGB DO MiLNGA»tSB,
Recherche du cidi^re dans les vinaigres commerciaux.
— L'attention a été récemment appelée par M, Pasteur
sur la présence du cuivre dans les conserves de légumes
remarquables pakriniensité de leur teinte verte.
Ayant eu roccasî>h^ de faire dans ces temps derniers des -
observations du même tordre sur un produit alimentaire de
consommation journalière, le vinaigre, j'ai appliqué à la
recherche du cuivre le procédé électrolyiique dont nous
venons de parler. "-^tî»
Le premier vinaigre sur lequel Oi!^^ porte mes
m'avait été envoyé de l'est de la France/ ^^^ ^,^^
l'analyse complète, parce que l'on supposai ^ î^ *
maît des substances toxiques. Après m'ètre asc**" . ^
plomb ne s'y rencontrait pas, je recherchai lecîl - ' '
• I • •. j j ' sur sa
comme un premier examen ne laissait pas de doute
présence, je m'attachai à le doser avec soin, et je consc /
que ce vinaigre en contenait de 27 à 3o milligrammes p.
litre, soit environ 90 milligrammes d'acétate de ce métal .^^
Comme, à ma connaissance du moins, on n'a pas signalé
la présence du cuivre dans les vinaigres d'alcool ou de vin,
et que l'on conseille même, pour reconnaître si du vinaigre
ne renferme pas de l'acide acétique obtenu par distillation
des acétates de cuivre, de rechercher dans le liquide la
présence de ce métal, parce qu'il est le plus souvent entraîné
de petites quantités d'acétate de cuivre dans la distillation
de ces sels, je (is prendre du vinaigre chez douze débitants
de Paris, habitant des quartiers différents, et j'obtins les
résultats suivants :
Dans trois d'eux, il n'existait pas de cuivre.
Dans deux, il n'y en avait que des traces.
Dans les sept autres, il s'en trouvait une proportion
variant de 5 milligrammes à i5 milligrammes par litre.
Tous ces vinaigres étaient vendus sous la désignation de
vinaigres de vin ou d*alcool ; l'analyse m'a montré qu'un
des échantillons cuivreux était du vinaigre de vin et le nom
DU PLOMB, DO CUIVRE, DU ZINC ET DU KICKEL. 53 1
du fournisseur m'a prouvé pour deux autres qu'ils étaient
formés de vinaigre d'alcool.
Je m'adressai directement au fabricant de vinaigre d'al-
cool, de la maison duquel sortait un des vinaigres cuivreux,
et je pris moi-même des échantillons au sortir des foudres
dans lesquels il est soutiré pour la livraison au détail :
l'analyse n'y décela pas traces de cuivre.
Des renseignements que j'ai pris chez divers marchands
en détail il résulte que le cuivre qui se trouve dans cer-
tains vinaigres provient de la mauvaise volonté ou de la
négligence des débitants, qui contreviennent aux règle-
ments de police en substituant des robinets de cuivre aux
cannelles en bois, et des entonnoirs en étain, munis de
douille en cuivre, aux entonnoirs en bois ou en gutta-
percha.
L'essai suivant démontre la rapidité avec laquelle le
vinaigre attaque le cuivre. On a introduit 4 litres de ce
liquide dans un flacon en verre muni d'un très-petit robi-
net en laiton; puis, après avoir mouillé l'intérieur du
robinet en faisant couler quelques gouttes de vinaigre, on
a soutiré le liquide après deux jours : les premières por-
tions écoulées renfermaient 20 milligrammes de cuivre par
litre, et le reste en contenait i5 milligrammes. La liqueur
a été versée plusieurs fois dans le flacon et soutirée : après
douze jours, on y a constaté 60 milligrammes de cuivre
par litre.
Ce métal a été signalé depuis longtemps dans certains
condiments préparés au vinaigre, et Ton attribue exclusi-
vement sa présence aux vases dans lesquels on les fabrique.
L'origine doit en être souvent le vinaigre où ils sont con-
servés dans des bocaux en verre. Ainsi des cornichons ne
contenant pas de cuivre ont été tenus immergés pendant
huit jours dans du vinaigre cuivreux : au bout de ce temps,
les cornichons renfermaient 10 centigrammes de cuivre
par kilogramme, tandis que le vinaigre n'en contenait que
34.
53a miCHK. — dosagb du mahgabèsb,
4 centigrammes; par conséquent, le cuivre s'est sëparé
du liquide où il était en dissolution pour se fixer à Tétat
insoluble sur certains principes organiques. Le cuivre
provenait donc, non pas de la préparation, mais du mode
de conservation des cornicbons, et le fabricant peut, dans
certains cas, ne pas être répréhensible lorsqu'on trouve du
cuivre dans ses produits.
Pour doser le cuivre dans le vinaigre ou dans un liquide
analogue, il est inutile de Tévaporer à sec et d'incinérer le
résidu pour le reprendre ensuite par de l'eau acide. Au
début de ces essais^, je soumettais directement le vinaigre
à la pile, et si, ce qui est fréquent, le dépôt était noirâtre,
je le dissolvais sur la lame de platine avec quelques gouttes
d'acide nitrique, puis, après avoir évaporé cette liqueur,
je redissolvais le résidu dans l'eau, et j^exposais la solution
nouvelle au courant qui précipite le cuivre à l'état de pu-
reté. J'ai reconnu ensuite que ce double traitement était
inutile, si Ton a soin d'ajouter au vinaigre quelques gouttes
d'acide nitrique avant de le soumettre à la pile. Le cuivre
se dépose adhérent, avec sa couleur caractéristique, et
l'opération complète exige une demi-heure au plus en opé-
rant sur 75 à 100 centimètres cubes de vinaigre. L'opéra-
tion réussit tout aussi bien avec le vin, la bière, le cidre,
l'eau-de-vîe, l'eau sucrée, etc.
2° Acide phosphorique. — Du phosphate de cuivre a
été dissous par l'acide azotique, puis soumis au courant
d^un élément à chaud pendant une heure. Le cuivre pesait
08^,024.
Du phosphate de cuivre a été dissous dans l'acide pbos-
phorique étendu. Le cuivre pesait 0^^,026.
Le métal était très-beau et très-adhérent, et les liqueurs
ne se coloraient pas en présence du ferrocyanure. L^acide
phosphorique est ensuite dosé dans les liqueurs sans diffi-
culté.
3° Acide tartrique. — Du tartrate de cuivre a été dis-
DU PLOMB, DU GUITRE, DU ZllfC ET DU HICKEL. 533
SOUS dans quelques gouttes d'acide azotique et soumis au
courant d'un élément pendant une heure environ. Le cuivre
très-net pesait 08*^,020, et la liqueur ne donnait rien par
le ferrocyanure.
N. Le dosage du cuivre est très-exact avec deux éléments
Marié-Davy :
Cuivre
Cuivre
employé.
Temps.
Détails de \\
îxpépience.
trouvé.
XXXII . .
fr
0,004
h m
0.20
2 élém.
de
70
à 85»
0,004
XXXIII .
0, io33
i.3o
»
o,io3
XXXIV.
o,^5i
H
0
0 , 2607
XXXV . .
o,5o2
2.1 5
M
0 , 5o I 5
XXXVI .
0,761
3.3o
»
0,7607
Un seul dosage a été fait avec la pile au bicliromate de
potasse : le résultat a été bon, la liqueur était ammonia-
cale.
Cuivre employé. Cuivre trouvé.
i«*',oo2 i«',ooi5 A froid toute la nuit.
IV. — Zinc
P. Zinc seul. — Lorsqu'on soumet au courant de deux
éléments Bunsen une liqueur tenant du zinc en dissolu-
tion dans l'acide azotique, puis rendue ammoniacale, il
se forme au pôle négatif un dépôt de zinc métallique qui
se détache en fragments lorsqu'il est un peu abondant. Ce
n'est qu'avec une proportion très-faible de zinc qu'on
peut espérer faire un bon dosage.
I. o"%oio de zinc ont été dissous comme je viens de le dire
et soumis à la pile. On a obtenu sur le cône négatif o"%oio de
zinc, et la liqueur ne précipitait pas par le sulfhydrate d'ammo-
niaque.
Si l'on soumet à l'action des deux éléments la liqueur ni-
534 EICHB. — D08A6B DG MAHGAJlàSB,
trique sans la sursaturer par Fainmoniaque, il ne se forme
pas de dépôt dans le cas où la liqueur est très-acide, et
on l'obtient au bout d'un certain temps, qui est variable,
lorsque la solution est peu acide. On arrive aussi, dans ces
conditions, à des déterminations exactes si la proportion
de zinc est faible.
Zinc Conditions Zinc
employé. Acidité. de l'expérience. trouTé.
gr gr
IT. 0,020 4 ^ ^ go"^'^ ^2^*^^ 2 élém. à froid 0,021
III. 0,0225 » » 0,023
lY. 0,020 » 2 élém. à chaud 0,020
Le dosage du zinc, dans ces conditions, n^est donc pos-
sible que sur des poids très-faibles, et il n'est pas pratique,
par suîtederirrégularilé et de la lenteur du dépôt. J'ai été
fort longtemps avant de me rendre compte de leur cause,
qui est cependant fort simple. L'hydrogène produit dans
la solution nitrique soumise à l'électrolyse commence par
réduire Tacide azotique libre ou combiné, et le zinc n'est
mis en liberté que quand tout Tacide azotique est décom-
posé; de telle sorte que Ton retombe sur le dosage en li-
queur ammoniacale, qui fournit du métal à Tétat de
mousse non adhérente.
Il faut donc nécessairement renoncer, pour le dosage du
zinc, à l'emploi de liqueur ammoniacale ou nitrique.
On obtient, au contraire, des résultats d'une grande ri-
gueur et un métal très-adhérent lorsqu'on électrolyse des
solutions sulfuriques, et voici la manière dont il convient
d'opérer :
On dissout le zinc dans l'acide azotique, on évapore la
liqueur avec un excès d'acide sulfurique, de façon à chasser
l'acide azotique; on sature par l'ammoniaque, et, après
avoir ajouté au liquide environ 5 grammes de sulfate
d'ammoniaque, on l'acidulé par 3 à 5 ou 6 gouttes d'acide
sulfurique.
DU PLOMB, DU CUIYKB, DU ZIJVG ET DU KIGKEL. 535
Cette solution est soumise à Télectrolyse avec deux élë-*
ments Bunsen. Le zinc se dépose aussitôt très-adhérent)
d'un blanc bleuâtre. Pour que l'opération réussisse parfai-
tement, il faut ajouter encore vers le milieu de l'éleclro-
lyse 4^5 grammes de sulfate d^ammoniaque.
On peut agir à la température ordinaire en entourant le
creuset d'eau froide, ou laisser la température s'élever na-
turellement par Faction du courant*, mais il ne faut pas
échauffer la liqueur comme pour la détermination du man-
ganèse, du plomb et du cuivre.
Il est nécessaire, lorsque la quantité dé zinc à déposer
est un peu forte ou lorsqu'on fait des dosages rigoureux,
de saturer par Tammoniaque la liqueur qui a fourni le
zinc, del'aciduler par a à 3 gouttes d'acide sulfurique et de
la soumettre au courant une seconde fois pendant une
demi-heure à une heure.
.Voici quelques résultats synthétiques pris parmi un fort
grand nombre, car nous avons eu la plus grande peine à
déterminer les conditions de réussite certaine du dosage
du zinc.
Électrolyse dans un vase refroidi.
Zinc déposé État
Zinc Durée Zinc dans la 2^ élec- de la liqueur
introduit, de la i'* expérience. trouvé. trolyse. après,
jr gr
V o,o55 5 heures. o,o55 rien / Rien par le
VI 0,101 I» o,ioi5 » \ sulfhy-
VII.... p,î20 »> o,i9.o5 » ] (Irate d'am-
VIII... 0,161 » 0,161 » ( moniaque*
IX.... 0,1 i5 4 heures. 0,1 i35 o,oqi »
X o,ii3 » o,iii5 0,001 »
XI.... 0,1 5o5 » 0,1445 o,oo55 »
Quand on abandonne l'opération à elle-même pendan
la nuit, il arrive quelquefois, le sulfate d'ammoniaque
manquant et Tacide sulfurique étant en trop grande
536 ftICBE. DOSAGE DU M1KGÂBÈ8B,
aboudance dans la liqueur, que le dépôt s'opère mal et
disparait par places. On peut obtenir cependant de bons
résultats.
Temps
Zinc déposé
État
Zinc
de la i'* élec-
Zinc
pendant la
de la liqueu
introduit.
trolyse.
trouvé.
a» électrolyse.
après.
XII...
o , I 095
la nuit.
fr
0,109
»
( Rien par h
XIII..
0,1725
i»
0,1725
»
( sulfhydratc
XIV. . .
0,164
»
o,i635
o,oo5
■
JikV . . • •
0, i63
»
0,162
0,001
1»
Électrolyse dans un vase non
refroidi.
XVI. . .
0,007
2 heures .
0,007
rien.
»
xvu..
0,107
3 à 4 heures.
0,1073
■
a
XVIII .
0,1117
3 heures.
0,109
0,002
M
XIX...
o,i3i
»
0 , I 3o5
o,ooo5
k
^LA. • • •
0,262
»
0,260
o,ooi5
U
XXI...
o,4i85
5 heures.
0,4187
o,ooo5
è
M
XXII..
o,7385
»
0,7365
0,002
U
XXÎII..
I ,2275
4 heures.
1,223
0,004
1>
Dans la Communication que j'ai faitesur ce sujet à TA-
cadémie des Sciences (séance du 23 juillet 1877, t. VIU,
p. 226), j'ai annoncé que ce dosage du zinc pouvait s'o-
pérer en solution sulfatée, acidulée par l'acide acétique.
J'ai reçu, depuis cette époque, un travail de MM. Parodi
et Mascazzîni qui recommandent cette méthode sans
donner de détails sur la manière d'opérer. J'y ai renoncé,
parce qu elle est plus lente et qu'elle est d'une exécution
plus difficile.
L'acide acétique se décomposant, ainsi que Tacétate
d'ammoniaque qui s'est formé par la saturation de l'am-
moniaque, la liqueur s'enrichit en ammoniaque qui, ne
rencontrant pas une quantité d'acide sulfurique suffisante
pour la saturer , rend la liqueur alcaline, et le dépôt
cesse d'être adhérent. Si, pour une raison quelconque,
DU PLOMB, DS CtriTRBy DU tUHC ET DU SICKEL. 53^
On se trouve agir en liquide acétique, ou évitera cet incon-
vénient grave en saturant la liqueur presque complète-
ment par l'acide sulfurique, avant de Taciduler par
Tacide acétique, et en y ajoutant du sulfate d'ammo-
niaque. Mais on comprendra qu'il est plus simple et plus
rationnel d'opérer en solution sulfurique. Néanmoins;
voici quelques résultats obtenus dans des liqueurs où, le
zinc étant à Tétat de sulfate, on a acidulé par l'acide acé- ,
tique :
Zinc Temps
employé, de Topération. Acidité. i* dépôt. 3* dépôt,
gr ^ fr
XXIV. . o , 006 2 heures . 2** acide acétique . o , oo55 rien.
XXV. .. 0,02-0 > acide acétique en excès. 0,020
XXVI.. 0,076 • » • 0,074 o,ooi5
Q. Séparation du zinc des antres métaux. Zinc et ar^
gent. — Si, comme dans certains produits de métallurgie
et d'affinage de l'argent, on avait du zinc contenant moins
de 0^^,010 d'argent dans la prise d'essai, on pourrait le
séparer en soumettant la liqueur à l'action d'un élément
Leclanché. L'argent se dépose seul sur le cône négatif.
Zinc et cuivre. — On fait passer le courant d'un élément
Bunsen dans la solution sulfurique, nitrique ou même
ammoniacale. Le cuivre se dépose seul sur le pôle négatif.
On rend alors la liqueur sulfurique, si elle ne Test pas, en
opérant comme il a été dit plus haut, et Ton dose le zinc
avec deux éléments.
Zinc et plomb» — Dans la solution nitrique on sépare
le plomb comme on Ta recommandé ci-dessus, avec un élé-
ment Leclanché ou Bunsen, et l'on dose le zinc dans la li-^
queur rendue sulfurique (p. 535).
Zinc et fer. -~* Il est indispensable de commencer par
enlever le fer de la liqueur en le précipitant par l'ammo-
.. niaque \ on dose ensuite le zinc par la pile.
Zinc et manganèse. — On fait passer le courant de deux
i
s
D
le
i-
le
te
538 miCBB. BOSIGB DU MABGAB^B,
éléments Bunsen dans la liqueur sulfurique des deux mé-
taux préparés dans les conditions nécessaires pour y opé-
rer le dosage du zinc (p. 535).
Le zinc se dépose seul au pôle n^atif, il est très-adhé-
rent. Le bioxyde de manganèse se sépare à l'autre pôle
sous forme de flocons non adhérents, à moins que la dose
de manganèse ne soit très-faible. Quand l'opération est
terminée, on retire le cône comme on doit toujours le faire,
sans arrêter préalablement le courant, on le lave bien et
on le pèse après dessiccation. (Pour la détermination du
manganèse i;oir p. 5 12)
XXYII. On a pris o^*^, io53 de zinc associé à du manganèse
en excès, on a obtenu o*', io5 Zn.
XXVIII. 0*^,0935 ont fourni o^'ïOgS.
Zinc et magnésie. — Le dosage du zinc réussit bien en
ajoutant quelques gouttes d'acide de plus dans la liqueur.
XXIX. 0*^,125 Zn, mélangés à o*"^, 200 Mg SO*, ont fourni
o«',i255 Zn.
XXX. o«'',o4^, Zn mélangés à o^',2oo Mg SO* ont donné
os',045 Zn, et il ne reste pas de zinc dans la liqueur.
Si le dépôt de zinc contenait un peu de magnésie, on le
dissoudrait dans quelques gouttes d'acide sulfurique et Pou
recommencerait la précipitation du zinc en présence du
sulfate d'ammoniaque.
Zinc et sels alcalins. — Les sels alcalins ne gênent pas
la précipitation du zinc.
XXXI. o<'',o6i5 Zn, additionnés de 5 grammes de sulfate al-
calin, ont donné o>'',o62Zn^
En appliquant les données précédentes, on arrive sans
difficulté à déterminer la composition des laitons et des
bronzes par cette méthode.
DU PLOMB9 DU CUIVKE, DU ZIMC ET DU SfICKEL. 53g
V. — Laitons.
R. L'alliage est dissous dans Tacide nitrique; on chasse
la majeure partie de l'acide par la chaleur et Ton expose
la liqueur étendue au courant d'un élément Bunsen vers
70 degrés (p. SaS).
Le cuivre se sépare seul au pôle négatif, et le plomb se
dépose au pôle positif. Lorsque le cuivre est entièrement
précipité, on retire le cône, on le lave, on le sèche et on le
pèse.
On intervertit les pôles, de manière que le pôle positif
soit le cône sur lequel s'était porté précédemment le cuivre
qu'on en a enlevé par l'acide nitrique(p. 5ig). (Si l'on était
pressé, on ferait usage de deux cônes, et l'on pourrait ainsi
avoir le plomb peu d'instants après le cuivre). On ajoute i à
2 centimètres cubes d'acide azotique et Ton fait passer le
courant d'un élément Bunsen ou mieux d'un élément Le-
clanché. Le plomb, qui s'était déposé sur le creuset, est
transporté sur le cône. On lave, on relire celui-ci et du
poids debioxyde de plomb on déduit le poids du plomb en
le multipliant par 0,8661.
Le fer ne s'est pas déposé, parce que l'on avait eu soin
d'aciduler fortement le liquide. On précipite le peroxyde
de fer par l'ammoniaque .et on le dose par les méthodes
ordinaires. Le poids d'oxyde de fer multiplié par 0,70
donne le fer métallique.
La liqueur est évaporée à sec ; le résidu est arrosé d'acide
sulfurique, chauffé pour chasser l'acide et changer l'azo-
tate en sulfate. On sursature par l'ammoniaque et| après
avoir ajouté à la solutiQn 5 grammes environ de sulfate
d'ammoniaque, et 3 à 5 gouttes d'acide sulfurique en excès,
on la soumet au courant de deux éJéments Bunsen. Au
bout de deux heures on met encore 5 grammes de cristaux de
sel ammoniacal dans la liqueur et l'on arrête l'opération
après quatre ou cinq heures. Je fais cette opération dans le
54o RICHE. DOSAGE DU XlJRGÂHÈSB,
gobelet décrit [p. 5ii. {ûg. 5)]. Un grand creuset servirait
aussi bien. On refait passer le courant dans la liqueur
pendant une demi-heure pour s'assurer que tout le zinc est
précipité ou pour en recueillir les dernières traces.
Voici quelques résultats :
Ces dosages , préparés par moi, ont tous été faits pa»
M. Tver qui ignorait la quantité des métaux introduits :
Poids des
Poids des métaux trouTé
métaux donné i** analyse. a* analyse.
gr ffr KT
XXXI. Gu 0 , 320 0 , 220 0 , 22o3
Fe o,oo5 o,oo5 0,0048
Zd 0,111 o,iio5 0,1117
XXXn. Cu o [3585 o'^BSg
Fe o , oo5 o , 007
Pb 0,0295 0,0298
Zn • 0,1 60 0,1 595
gr gr
XXXni. Gu o,3oi5 0,3617
Fe o,oi35 0,0145
Pb 0,0255 0,0255
Zd o,i52 o,i5i5
gr gr
XXXIV. Cu o,5o6 o,5o6
Fe o,o2i5 * 0,022
Pb o,o335 0,034
Zn o,4i25 0,412
On avait, pour ce dernier dosage de zinc, formé avec la
liqueur 200 centimètres cubes dont on avait pris seulement
5o centimètres cubes \ on a obtenu o^', io3. Aujourd^ui
nous opérons sur la moitié ou même sur la totalité.
VI. — Bronzes.
S. L'essai s'exécute comme celui des laitons. On en prend
4^8 grammes suivant leur composition. On les attaque
DU PLOMB, DU CUIYRE, DU ZINC ET DU KICKEL. 54l
par Tacide azotique et l'on dose Tacide métastannique avec
les précautions ordinaires.
La liqueur filtrée est recueillie dans une fiole de 200 cen-
timètres cubes et Ton y dose les autres métaux, en opérant
sur 40 ou 5o centimètres cubes, comme on Ta dit plus haut
pour le laiton.
Poids Poids
des métaux donné. des métaux trouvé.
XXXV. Sn 0,1695 Sn 0,1703
Cu 3,863 Cu 3,8625
Zq 0,0595 Zn 0,060
Pb o , Il o Pb 0,111
XXXVI.
I.
Sn.
Cu
Pb
Zn
II.
0, 160
3,780
o,oi5
o,i6o5
3,780
0,Ol52
o,i6o5
3,780
o,i5i5
o,o4o
o,o4o
o,o4o
xxxvn.
Analyse du bronze de la Monnaie :
Sn 3,726
Cu 94, 280 argent (traces)
Pb.,... o,3i8
Fe traces
Zn 1 , 780
100, 104
VII. — Nickel.
T. Nous avons eu Toccasion de faire un grand nombre
d'analyses du minerai de nickel de la Nouvelle-Calédonie,
soit pour MM. Cbristofie etO*^, soit pour la Banque ou la
Compagnie foncière de la Nouvelle-Calédonie.
Nous avons d'abord fait usage de la méthode électroly-
tique, telle qu'elle est employée aux usines de Mansfeld et
54^ EfCBE. DOSAGE DD MAHGAlfÈSE, ETC.
de la maison Christofle, mais noas avons reconnu qu'elle
présente un inconvénient lorsque (et c'est le cas pour
les minerais de la Nouvelle-Calédonie) le nickel est as-
socié au magnésium et au manganèse.
Au lieu d'opérer en liqueur ammoniacale, on fait Télec-
trolyse, avec deux éléments Bunsen, en solution légèrement
acidulée par l'acide suif uri que et vers 60 à 80 degrés de
température.
I. On a pns une liqueur renfermant o>'',io48 de nickel.
On a obtenu par la pile o'^, io5 après deux heures de courant.
n ne reste pas de nickel dans la liqueur. Néanmoins, il
est toujours prudent, comme dans le cas du zinc, de sou-
mettre une seconde fois le liquide à Faction du courant.
Nickel et cuivre. — La matière soumise à l'action d'un
seul élément Bunsen ne donne qu'un dépôt de cuivre, soit
en liqueur nitrique, soit en liqueur sulfurique (p.5a5).Le
liquide éleclrolysé renferme tout le nickel qu'on précipite
soit en solution ammoniacale, soit en solution faiblement
acide.
Nickel et plomb. — On détermine le plomb dans la li-
queur azotique [voir p. 5 19) au moyen d'un élément Le-
clanché, puis on dose le nickel.
Nickel et manganèse, — Il faut opérer en liqueur sul-
furique et faire agir deux éléments. Le nickel se porte seul
au pôle négatif et, lorsqu'il est complètement précipité, on
enlève le cône et on le pèse après lavage au-dessus du
creuset. On continue l'action pour terminer le dépôt du
manganèse s'il était en proportion assez forte, ce qui
n'est pas le cas dans les minerais de nickel, pour qu'il
ne fût pas entièrement formé.
IL Dans un essai on a employé o*', io4 Ni et une quantité de
manganèse correspondant à o*'',247Mn*0^
Après trois heures, on a trouvé Ni = 0,104 et ^P^ès six heu-
res o«',246 Mn»0*.
A. MUNTZ. — FERMENTATION ALCOOLIQUE. $43
Nickel et magnésie. — La séparation se fait exactement
en liqueur sulfurique.
III. On a opéré sur o**^, i54 nickel et o>'',20o sulfate de ma-
gnésie. La liqueur a été acidulée par 4^6 gouttes d'acide sulfu-
rique et soumise pendant deux heures au courant de deux élé-
ments vers 70 à 80 degrés.
On a obtenu o>', i54 nickel, et la liqueur ne se colorait pas
parle sulfhydrate d^ammoniaque.
Ces recherches ont exigé un travail extrêmemem considé-
rable, que mes occupations m'empècliaient d'exécuter seul,
et, si elles ont été menées à bonne fin, c'est grâce au labeur
et à la sagacité de M. Yver, jeune chimiste attaché au la-
boratoire du Ministère de TAgriculture et du Commerce,
où elles ont été poursuivies depuis deux ans.
/«%%«%« •«««^V%«,«%%%««««««r
RECHERCHES
SUR LA FERMENTATION ALCOOLIQUE INTRACELLULAIRE
DES VÉGÉTAUX;
Par m. a. MUNTZ.
Dans une série de Notes intéressantes (*), MM. Le-
cbartier et Bellamy ont montré que des fruits, des racines
et des feuilles, soustraits à l'action de l'oxygène, deve-
naient le siège d'une fermentation alcoolique caractérisée
par un dégagement diacide carbonique accompagné de
production d'alcool, sans que l'on pût constater dans leurs
tissus l'apparition de levure alcoolique.
On pouvait voir dans ces résultats curieux la conflrma-
(^) Comptes rendus des séances de V Académie des Sciences f t. LXIX,
p. 336.
544 * ^- MUIITZ.
tion des prévisions exprimées par M. Pasteur, dès 1861,
4ans le Bulletin de la Société chimique (^).
M. Pasteur avait déduit de certaines vues sur les causes
de la fermentation que, si des plantes pouvaient continuer
à vivre à l'abri de Pair, dans une atmosplière de gaz acide
carbonique, elles deviendraient alors des ferments pour
les matières sucrées , c'est-à-dire qu'elles se comporte-
raient comme la levure de bière. MM. Lechartier et Bel-
lamy, à la suite de nouvelles recherches , admettent au-
jourd'hui' cette manière de voir que M. Pasteur avait, du
reste, appuyée en répétant, sur des grappes de raisin, les
expériences de ces savants, avec cette difierence qu'il leur
donnait une durée très-courte (*). Des expériences, faites
sur des champignons soustraits à l'action de l'oxygène,
me conduisirent à un résultat analc^ue (').
Toutefois, cette interprétation donnée aux expériences
dont il vient d'être parlé souleva des contradictions, et
M. Fremy (*) crut devoir attribuer le phénomène observé
à de la levure de bière formée dans les tissus, faisant ren-
trer ainsi ce phénomène dans le cas d'une fermentation
alcoolique normale.
Pour lever tous les doutes et pour déterminer certaines
conditions de cette fermentation alcoolique, de nouvelles
recherches m'ont paru nécessaires : elles forment l'objet
de ce travail. Je n'ai pas eu seulement pour but de con-
stater s'il y avait production d'alcool dans les tissus végé-
taux soustraits à l'influence de l'oxygène, mais surtout si
cette action pouvait se produire dans la cellule a)ivante.
Pour cette dernière question, M. Gayon(') était déjà ar^
(*) Études sur la bière , p. 255.
(*) Ibid.^ p. 260.
( ") Annales de Chimie et de Physique, 5* série, t. VIII, p. 56.
(*) Comptes rendus des séances de (^Académie des Sciences j t. LXXXIII
p. 180.
(•) Ibid.
FERMEriTÀTIOIf ALCOOLIQUE inTIlACELLULAlBE. 545
rivé à un résultat affirmatif. Ce savant, répétant les expé-
riences de MM. Lecharlier et Bellaniy, avait vu la fermen-
tation alcoolique s'arrêter lorsqu'on mettait les fruits en
présence de substances antiseptiques, qui, comme on sait,
entravent ou même annihilent les manifestations vitales.
Mais je me suis attaché à opérer dans des conditions dif-
férentes de celles où s'étaient placés les expérimentateurs
qui m'avaient précédé.
En m'appuyant sur certaines expériences de de Saus-
sure (*) et de M. Boussingault (*) sur les effets nuisibles
de l'acide carbonique peu dilué dans la végétation, j'ai cru
devoir rejeter l'emploi de ce gaz et lui préférer l'azote,
comme plus inerte. Mais la principale innovation de mes
essais consiste à ne pas opérer, comme on l'avait fait avant
moi, sur des parties détachées d'une plante : fruit, racine,
feuilles. Ces organes n'étaient pas dans les conditions nor-
males de la vie. J'ai opéré sur le végétal entier, en pleine
végétation, non arraché du sol dans lequel il s'était déve-
loppé et encore apte, l'expérience étant terminée, à re-
prendre ses fonctions ordinaires au contact de l'oxy-
gène atmosphérique. Je me suis appliqué, en outre, à
restreindre la durée de mes expériences, afin de donner
plus de netteté aux phénomènes observés et aussi afin
d'éviter l'asphyxie des plantes, c'est-à-dire la cessation de
vie par l'absence trop prolongée de l'oxygène (').
Le gaz dans lequel on a fait végéter les plantes est l'azote,
gaz inerte par excellence; il a été préparé en absorbant
l'oxygène et l'acide carbonique de l'air au moyen de l'a-
cide pyrogallique et de la potasse. Le végétal soumis à
l'expérience, développé dans la terre contenue dans un pot
de fleurs, était placé sous une grande cloche renversée sur
(*■) Recherches chimiques sur la végétation^ p. 3i.
(') agronomie y t. IV, p. Sag.
(■) Ibid,, p. 3i.
Annales de Chim. et de Phjs,, 5« série, t. XIII. (Avril 1878.) 35
546 A. HUHTZ.
un cl'istallisoir d'un diamètre plus grand, daos lequel on
versait une quantité plus que suffisante d'une dissolution
d'acide pyrogallique additionnée de potasse. On avait soin
qu'aucune partie du végétal ne touchât les parois de la
cloclie {{ig. 1). L'acide pyrogallique qu'on a employé pro-
venait de résidus de fabrication de l'acide sublimé, résidus
qu'on a pu se procurer en grande quantité, et qui absor-
bent environ moiiié autant d'oxygène que l'acide pur.
Par suite de l'absorption de l'oxygène, le liquide noir
montait dans la clocbe; il rentrait alors de l'air qui rem-
plaçait l'oxygène absorbé jusqu'à ce que la cloche fût en-
tièrement pleine d'azote. On versait alors du mercure dans
le crisiallisoir pour isoler complètement l'atmosphère de
la cloche.
Au bout de vingt-quatre heures, on s'en est assuré par
des expériences dîrecies, l'oxygène était intégralement ab-
sorbé dans les conditions dans lesquelles on s'était placé,
en employant des cloches d'une capacité de 36 à 3o litres.
FERMEWTÀTION ALCOOLIQrE I W TRACE LLUL AIRE. 547
L.^azote ainsi obtenu n'élait cependant pas absolument
pur. On sait, d'après les expériences de M. Boussin-
gault {*) et celles de M, Calvert ('), que Tabsorption de
Toxygène par le pyrogallate de potasse donne naissance à
de petites quantités d'oxyde de carbone. Ce cas s'est pré-
senté dans ces expériences. Cependant ce gaz n'a pas sur
les végétaux, suivant de Saussure ('), "une action compa-
rable à celle qu'il exerce sur les animaux, et se comporte
vis-à-vis des premiers comme un gaz inerte, même lorsqu'il
existe à haute dose dans une atmosphère. On a donc pu ne
tenir aucun compte de sa présence à l'état de iraces. On a
cependant voulu avoir une idée de la proportion dans la-
quelle il existe dans l'azote préparé. L'analyse eudiomé-
trique a été impuissante à en déceler la présence avec cer-
titude ^ on a dû faire passer une grande quantité du gaz
préparé sur une colonne d'oxyde de cuivre chauffé au
rouge, et recueillir dans un tube à potasse l'acide carbo-
nique formé.
1° 4^^*, 800 d'azote provenant de 6^^*,076 d'air ont donné:
gr
Acide carbonique dosant l'oxyde de carbone. . 0,029
Équivalant à oxyde de carbone 0,018
soit, en poids,
I d*oxyde de carbone pour 336,8 d'azote obtenu,
ou
I d'oxyde de carbone pour 100,6 d'oxygène absorbé.
0? 9***,5oo d'azote, provenant de 12**^020 d'air, ont
donné :
gr
Acide carbonique dosant l'oxyde de carbone.. o,o55
Équivalant à oxyde de carbone o,o322
— ■ ■ ■ ■-■■■. ■ ■■ W ■ .. ^ ■ ■ ■ Il !■! ■ ■ ■ ■ — - ■■.,._■,■_■,-,- , ..^. 1^
(*) Comptes rendus, t. LVII, p 889.
C«) /Wrf., p. 873.
(*) Recherches chimiques sur la 'végétation^ p. 208.
35.
548 A. MuriTz.
soit, en poids,
I d'oxyde de carbone pour 872 d'azole obtenu,
ou
I d^oxyde de carbone pour 110,2 d*oxygène absorbé.
On voit que ces proportions d'oxyde de carbone sont ex-
trêmement faibles; elles n'ont pu avoir aucune influence
sur la marche des expériences, comme les résultats qui sui-
vent le feront voir, puisque les végétaux qui avaient vécu
dans ce milieu n'en ont nullement souffert. Pour constater
l'effet produit, c'est-à-dire pour voir s'il y avait eu fermen-
tation alcoolique, on s'est borné à constater la présence de
l'alcool. Les essais faits pour doser exactement ce corps
n'ont pas donné des résultats satisfaisants : on s'est donc
contenté d'un essai qualitatif qui permit en même temps
d'évaluer d'une manière approximative la quantité d'al-
cool produite. Mais la constatation certaine de l'alcool était
suffisante pour résoudre le problème qu'on s'était posé ; il
ne s'agissait, en effet, que de savoir s'il y avait eu ou non
formation d'alcool.
La réaction, qu'en raison de sa netteté on a préférée à
toutes les autres, est la production d'iodoforme déjà em-
ployée par M. Lieben (*) et par M. Berthelot, comme four-
nissant une méthode sensible pour reconnaître la présence
de l'alcool. On a cherché à donner à cette réaction un de-
gré de sensibilité et de certitude qui ne laissât rien à dési-
rer. On a, du reste, à diverses reprises, isolé l'alcool par
une distillation fractionnée et Temploi du carbonate de
potasse cristallisé, et l'on a pu constater son identité.
La plante sur laquelle on opérait était placée dans un
ballon de 2 litres avec 100 centimètres cubes d'eau. Ce bal-
Ion communiquait avec le serpentin renversé qu'emploie
(') Annalen der Chemie und Pharmacie, t. VI; 1870.
FERMENTATION ALCOOLIQUE INTRACELLULAIRE* 549
M. Schloesing pour le dosage de Tammoniaque , et qui
constitue un appareil à fractionnement d^une grande per-
fection.
On amène à rébullition et Ton recueille dans un tube à
essai les lo premiers centimètres cubes qui passent à la
distillation. On ajoute à la liqueur distillée 2 grammes de
carbonate de soude pur cristallisé et 08*^,1 d'iode réduit en
poudre. Un excès d'alcali rend la réaction moins sensible.
On chauffe, en agitant , à une température voisine de
60 degrés, jusqu'à ce que l'iode ait disparu. Par le refroi-
dissement, il se forme un dépôt jaune de paillettes cba-
toyantes douées d'une odeur caractéristique. Lorsque ce
dépôt est peu abondant ou peu accentué, on peut être fixé
sur sa nature en ayant recours au microscope {*). En effet,
l'iodoforme ainsi obtenu se présente, sous un fort grossisse-
ment, sous la forme de tables hexagonales très-régulières,
souvent isolées, souvent aussi groupées de manière à for-
mer des étoiles d'une structure très-élégante, qui permet-
tent de reconnaître ce corps avec facilité.
Ainsi aidée de la distillation fractionnée et de l'emploi
du microscope, cette méthode de recherche de l'alcool de-
vient d'une sensibilité comparable à celle des réactions les
plus délicates de la Chimie minérale. On a voulu voir jus-
qu'où pourrait aller cette sensibilité, et, dans ce but, on a
fait les expériences suivantes :
I. Un litre d'eau a été additionné de i centimètre cube
de vin contenant 10 pour 100 d'alcool. C'était donc -^ de
centimètre cube, c'est-à-dire 77^-^ d'alcool qu'on avait
ajouté à l'eau. On a distillé, à l'appareil à fractionnement,
et fait une première prise de 12 centimètres cubes qui a
donné un abondant dépôt d'iodoforme. La deuxième prise,
de 12 centimètres cubes également, a donné la réaction
avec une grande netteté. En examinant le dépôt au mi-
(^) M. LielM^n (Mémoire cité) a déjà conseillé remploi du microscope.
55o A. MVlfTZ.
croscope, avec un grossissement de 600 diamètres, on a vu
en grande quantité des lames hexagonales accompagnées
d'étoiles à six branches. La Jig. 2 montre ces cristaux vus
au microscope.
L'expérience à blanc, faîte avec un litre de la même
eau, traitée de la même manière, en employant les mêmes
réactifs, n'a pas donné les paillettes d'iodoforme, et le
microscope n'en a pas décelé la présence.
II. On a cherché à reculer la limite de sensibilité de la
réaction, et dans ce but on a distillé à Talambic ordinaire
10 litres de la même eau. On a recueilli le premier litre
qui a passé à la distillation et on Ta fractionné dans le ser-
Fig. 2.
O
pentin de M. Schlœsing. Le liquide passé en premier lieu,
d'un volume de 10 centimètres cubes, n'a pas montré au
microscope les cristaux caractéristiques. On a conclu à
l'absence, dans celte eau, de l'alcool ou de toute autre
substance pouvant donner de Tiodoforme.
On a pris, en second lieu, 10 litres de la même eau*, on
y a ajouté i centimètre cube de vin contenant -pj- de cen-
timètre cube d'alcool. Ce mélange contenait donc, en vo-
lume, ^^Q\Qo d'alcool. On a opéré comme il vient d'être
dit, et l'on a obtenu, dans les 10 centimètres cubes recueillis
en premier lieu dans le fractionnement par l'appareil de
M. Schlœsing, im dépôt de paillettes jaunes encore vi-
sibles à l'œil nu, et qui, examiné au microscope, a montré
de nombreuses tables hexagonales accompagnées d'étoiles
FERMENT ATI OK ALCOOLIQUE IliTBAGELLULAlIlE. 55 l
de formes très-élégantes. On a donc pu constater, avec
une grande facilité, la présence de niTTô d'alcool dans
l'eau.
III. Une expérience semblable a été faîte avec le même
succès, en introduisant o^"^, 06 d'alcool dans 1 8 litres d'eau.
Dans ce dernier essai, on a donc retrouvé 3 ^ J ^ ^ ^^ d'alcool
dans l'eau. Les cristaux d'iodoforme observés au micro-
scope sont représentés dans la fig, 3.
On a pu évaluer approximativement , d'après l'abon-
dance de Tiodoforme obtenu, la quantité d'alcool produite
par les végétaux soustraits à l'action de l'oxygène. Des es-
Fîg. 3.
o
sais préalables ont montré que la quantité d'iodoforme
produite est sensiblement proportionnelle, dans certaines
limites, à la quantité d'alcool existante, lorsqu'on opère
dans les mêmes conditions. On a eu des types en em-
ployant des proportions d'alcool connues, et l'on a pu
classer de la manière suivante, d'après l'examen du dé-
pôt, les quantités d'alcool obtenues dans les expériences :
quantités inférieures à o6'^,02', quantités comprises entre
o8'^,o2 et oS'^,o5 5 quantités comprises entre o8'^,o5 et
0*5"^, 10, entre o8'',io et oS'^,20, etc.
On voit , par ce qui précède , qu'on peut constater
l'existence de quantités extrêmement petites d'alcool et
qu'on peut conclure à l'absence de ce corps toutes les
fois qu'on obtient une réaction négative, malgré la re-
332 A. MUIfTZ*
cherche au microscope; qu'on peut, au contraire, con-
clure à la présence de l'alcool dans les conditions de ces
expériences, lorsque Ton obtient les cristaux nettement
caractérisés d'iodoforme. En appliquant cette méthode de
recherche aux expériences mentionnées plus bas, on a pu
conclure avec certitude à la présence ou à Tabsence de
r alcool dans les végétaux examinés. Dans toutes les expé-
riences dont le résultat a été positif^ la production d'al-
cool a été, du reste, assez notable pour que la réaction fût
d'une grande netteté et que l'observation n'exigeât pas de
la méthode toute la sensibilité qu'elle comporte.
On a donc eu pour apprécier l'effet produit, d'un côté,
une réaction nettement affirmative; de l'autre, une réac-
tion absolument négative. C'est au moyen de celte mé-
thode de recherche qu'on a abordé le problème qu'on
s'était proposé de résoudre. Je puis ajouter que des ex-
périences faites à blanc n'ont laissé aucun doute sur la va-
leur de la méthode.
Septembre 1876. — Un rameau de vigne, garni de
feuilles bien saines, a été placé sous une cloche qu'on a
remplie d'acide carbonique. La cloche était soustraite à
l'action de la lumière. Au bout de vingt-quatre heures, on
a distillé, avec i5o centimètres cubes d'eau, la moitié du
rameau, pesant avec les feuilles 46 grammes. On a obtenu
un abondant dépôt de paillettes d'iodoforme. L'autre moi-
tié du rameau, la section plongeant dans l'eau, a été re-
placée à Tair libre; les feuilles, déjà malades par suite de
leur séjour dans l'acide carbonique , n'ont pas tardé à se
faner.
C'est à la suite de cet essai qu'on s*est décidé à placer les
plantes dans un gaz inerte.
ig juillet 1877. — Deux plants de betteraves, bien vi-
goureux, vivant dans la terre contenue dans un pot de
fleurs, ont été placés sous la cloche avec l'acide pyrogal-
liquc et la potasse. L'expérience a été faite à l'obscurité.
FERMENTÀTIOlf ALCOOLIQUE INTRACELLULAIRE. 553
Le séjour dans Tazole a été de vingt-quatre heures (*) ; les
plantes ne paraissaient nullement avoir souffert de la pri-
vation d'oxygène. L'un des plants a été replacé à Tair et
a continué à vivre et à se développer normalement.
Les feuilles de l'autre plant, pesant 35 grammes, ont
été distillées avec i5o centimètres cubes d'eau. Les lo cen-
timètres cubes qui ont passé en premier lieu ont donné un
dépôt caractérisé d'iodoforme, qu'on a estimé correspondre
à oS'^joS à 0^*^,10 d'alcool.
Un plant semblable, placé dans Tair ordinaire confiné
et traité de la même manière, n'a donnée polir un même
poids de feuilles, aucune trace d'alcool.
10 juillet 1877. — Deux plants de betteraves, bien vigou-
reux et plus développés que les précédents, ont été placés
dans Pazote pendant quarante-huit heures. Au bout de ce
temps, les feuilles de l'un de ces plants, pesant 53 grammes,
ont été distillées avec i5o centimètres cubes d'eau. On a
obtenu, dans les 10 centimètres cubes de liquide passé en
premier lieu, une quantité d'iodoforme peu diflerente de
celle qui correspondrait à 10 à i5 centigrammes d'alcool,
soit environ -j-~^ du poids des feuilles.
L'autre planl, après son séjour dans l'azote, a continué
à vivre et à s'accroître normalement.
Les feuilles d'un plant semblable, d'un poids sensible-
ment égal à celles dans lesquelles on a constaté la présence
de l'alcool et ayant vécu à l'air, n'ont donné aucune trace
d'iodo forme.
28 septembre. — Deux plants de betteraves, dont les
racines étaient fixées dans la terre contenue dans un vase
en verre, ont été placés dans l'azote pendant quarante-
six heures. Au bout de ce temps, on a distillé avec iSocen-
(*) L'absorption de l'oxygène exigeant environ vingt-quatre heures, on
n'a compté comme séjour dans Tazote que le temps total diminué de
vingt-quatre heures.
S54 J^' MUHTZ.
timètres cubes d^eau 87 grammes de feuilles de Tun des
plants. On a obtenu une quantité dModoforme qu'on es-
time correspondre it ^l k 10 centigrammes d'alcool, soit
près de -^—î ^" poids des feuilles.
On a distillé également, avec i5o centimètres cubes
d'eau, 4s grammes de la racine du même plant coupée en
petits morceaux. On a obtenu encore une notable formation
d'iodoforme, correspondant, à l'estimation, à celle qu'au-
raient donnée 5 à 10 centigrammes d'alcool, soit environ
•—jj ^^ poids de la racine.
L'autre plant, après son séjour dans Tazote, a continué
à prospérer, et n'est mort, au bout de vingt jours, que par
la dessiccation accidentelle du sol dans lequel il vivait.
Un plant semblable, ayant vécu à l'air, a été également
examiné : 56 grammes de feuilles distillées avec i5o cen-
timètres cubes d'eau n'ont donné aucune trace d'iodo-
forme. i65 grammes de racines distillés avec i5o centi-
mètres cubes d'eau n'ont donné aucune trace d'iodoforme.
D'autres expériences faites sur des plants de betteraves
à divers états de développement ont donné invariablement
les mêmes résultats, c'est-à-dire présence d'alcool dans les
organes du plant ayant séjourné dans l'azote, absence d'al-
cool dans le plant placé dans l'air comme terme de com-
paraison, et, enfin, continuation de la vie dans le plant
replacé à l'air après un séjour de vingt-quatre h quarante-
huit heures dans l'azote.
Les racines de betteraves acquièrent quelquefois des di-
mensions considérables. On s'est demandé si l'intérieur
d'une pareille racine n'était pas un milieu soustrait à l'ac-
tion de l'oxygène atmosphérique, et si, par conséquent, les
cellules placées au centre ne fonctionnaient pas comme des
cellules privées de l'action de l'air. On a distillé, avec
i5o centimètres cubes d'eau, i5o grammes de la partie in-
térieure d'une racine représentant approximativement une
sphère de 20 à 22 centimètres de diamètre et, dans le li-
FERMEA'TATIOIV ALCOOLIQUE INTRACELLULAIRE. 555
qui Je recueilli, on a cherché l'alcool ; on n'a pu en découvrir
aucune trace. Il est donc à présumer que l'oxygène pénètre
dans les cellules les plus centrales de la racine de la bette-
rave.
21 juillet, — On a semé du maïs dans la terre de jar-
din contenue dans des pots à fleurs. Les plants venus à la
lumière diffuse étaient d'un beau vert. Quand ils eurent
atteint aS à 3o centimètres de hauteur, on plaça l'un des
pots contenant treize plants sous une cloche dans laquelle
on introduisit l'acide pyrogallique et la potasse. Au bout
de trente-six heures, on mit fin à Texpérience. Le séjour
dans l'azote avait donc été d'environ douze heures. Dix
plants pesant 39 grammes furent distillés avec i5o centi-
mètres cubes d'eau. Dans les 8 centimètres cubes distillés,
on put constater la présence, par la production d'io-
doforme, d'une quantité d'alcool estimée entre 5 et
lo centigrammes.
Les trois autres plants non arrachés restèrent à l'air
après le séjour dans l'azote et continuèrent à se déve-
lopper.
Huit autres plants semblables, pesant 34 grammes, et
qui n'avaient pas été privés du contact de l'air, n'ont donné
aucune trace d'alcool.
26 septembre. — Plants de géranium, Durée de l'ex-
périence : cinquante-deux heures.
Le séjour dans l'azote a élé, par suite, de vingt-huit
heures environ.
Une branche d'un plant resté dans l'air , pesant
49 grammes, n'a pas donné la réaction de l'alcool.
Une branche du plant placé dans l'azote, pesant
38 grammes 9 a donné de l'alcool estimé correspondre
à o«%o2.
Ce plant mutilé, après le séjour dans l'azote, a continué
à vivre.
ag septembre. — Plants de jeunes choux. Durée de
556
A. MUlfTZ.
Texpérieiice : soixante et onze heures. Le séjour dans Ta-
zole a donc été de quarante-sept heures environ.
Deux plants placés dans Tazote et pesant 28 grammes
n'ont pas donné la réaction de l'alcool.
Deux plants placés dans Tazote et pesant 25 grammes
ont donné très-nettement la réaction de l'alcool.
Le plant témoin replacé à l'air, après son séjour dans
1 azote, a continué à vivre.
3o octobre. — Plants de choux plus développés que les
précédents : résultat identique.
29 septembre. — Plants de Lamium album non en flo-
raison. Durée de l'expérience : soixante et onze heures;
séjour dans l'azote : environ quarante-sept heures.
Huit plants restés à l'air et pesant 26 grammes n^ont
pas donné d'alcool.
Six plants placés dans Tazote et pesant 21 grammes ont
donné la réaction de l'alcool très-nettemenl.i
Deux plants, après leur séjour dans l'azote, ont continué
à vivre.
29 septembre, — Plants de Portulacca non fleuris» Du-
rée de Texpérience : soixante et onze heures ] séjour dans
l'azote : environ quarante-sept heures.
Neuf plants restés à l'air et pesant 40^"^* 5 n'ont pas
donné d'iodoforme.
Neuf plants placés dans l'azote et pesant 4^ grammes
ont donné notablement d'iodoforme.
Quatre plants, après leur séjour dans l'azote, ont con-
tinué à se développer.
Un grand nombre d'expériences semblables aux précé-
dentes ont été instituées en employant diverses plantes
herbacées, dans les conditions normales de la vie, ou des
branches coupées de végétaux arborescents garnies de
feuilles. On a opéré tantôt à l'obscurité, tantôt à la lu-
mière. Les résultats obtenus ont été les mêmes.
Je citerai cependant deux expériences dont le résultat
FERMENTATION ALCOOLIQUE INTRACELLULAIKE. 55y
dijfTère des précédents, eu ce sens que les plantes u^ont pas
survécu au séjour dans l'azote. Ces deux exceptions méri-
tent d'être notées et expliquées : elles n'infirment en rien
les conclusions auxquelles conduisent toutes les autres
expériences.
3 octobre, — Plants de chicorée. Durée de l'expé-
rience : quarante-neuf heures; séjour dans l'azote : environ
vingt-cinq heures.
Trois plants restés à l'air et pesant 25 grammes n'ont
pas donné d'iodoforme.
Trois plants placés dans l'azote et pesant 22 grammes
ont donné la réaction de l'alcool.
Les plants, en sortant de l'azote, n'étaient pas bien
portants; on a pu constater Texistence de mucor en plu-
sieurs endroits des feuilles; aussi les témoins replacés dans
l'air n'ont pas tardé à mourir. Ce cas ne s'est présenté que
cette seule fois dans les nombreux essais qu'on a faits, et
rend celte expérience instructive en montrant que l'enva-
hissement par un organisme microscopique étranger a été
rapidement mortel pour ces végétaux.
Juillet 1877. — ^^* plants de maïs étiolés, venus à
l'obscurité et ayant une tigelle haute de 25 à 3o centi-
mètres, ont été placés sous la cloche avec l'acide pyro-
gallique et la potasse. L'expérience a été faite à l'obscu-
rité.
Les plants témoins restés à l'air ne contenaient pas
d'alcool.
Les plants restés dans l'azote pendant vingt-six heures
ont donné de l'alcool en quantité très-appréciable.
Mais les plants témoins, après leur séjour dans l'azote,
sont morts au bout de deux jours. Il est probable que les
tissus délicats du végétal étiolé ont été asphyxiés rapide-
ment dans le gaz inerte. Peut-être aussi, et c'est une ques-
tion qui mérite d'être examinée, les traces d'oxyde de
carbone existant dans l'azote ont-elles eu , sur le végétal
558 A. MUUTZ. FERMEHTATIOW ALCOOLIQUE.
étiolé, une action nuisible qu elles n'ont pas sur le végé-
tal vert (*).
En résumant toutes ces expériences et n'éliminant que
les deux dernières, dont le résultat anormal s'explique
aisément, on voit que les faits observés ont été les mêmes
dans tous les essais.
I® Les plants témoins conservés dans Taîr ne conte-
naient pas d'alcool dans leurs tissus.
a** Les plants placés dans l'azote renfermaient des
quantités d'alcool très-notables , atteignant souvent 7;^
du poids de la plante.
3° Les plants témoins qui avaient été placés dans l'a-
zote ont continué à vivre et à se développer normale-
ment.
Ces recherches -apportent donc une nouvelle confirma-
tion aux idées qui ont été émises par M. Pasteur: elles
montrent de plus, avec une grande netteté, que, chez les
végétaux supérieurs, la cellule vwante est apte, en l'ab-
sence de loxygène , à fonctionner comme les cellules
des champignons, en produisant une véritable fermenta-
tion alcoolique.
Ce travail a été fait à l'Institut agronomique.
(*) Des expériences faites depuis la rédaction de ce travail me font
croire que l'oxyde. de carbone n'exerce pas une action plus délétère sur
les végétaux étiolés et même sur les végétaux cryptogamiques que sur les
plantes vertes.
L'analogie des fonctions des plantes dépourvues de chlorophylle avec
les fonctions des animaux |et l'action énergique de l'oxyde de carbone
sur les derniers m'avaient porté à rechercher si ce gaz délétère exerçait
sur CCS deux ordres d'êtres, comparables à bien des points de vue, une
action identique. Ces prévisions n'ont pas été confirmées par l'expérience.
I%«^'\««%«^ \%*VM\'%««««%«
H. LANDOLT. — POUVOIR ROTATOIRE. 559
RECDERCUES SUR LE POUVOIR R0T4T0IRE ;
Par m. LANDOLT (*).
Extrait par M. Bertim.
Les corps doués du pouvoir rolatoîre se divisent en trois
classes : i^ ceux qui ne le possèdent qu'à Tétat cristallisé ;
2^ ceux qui , au contrai re, ne le possèden t qu'à l'état amorphe
ou en dissolution ; 3° enfin ceux qui gardent celte propriété
dans tous les cas, aussi bien quand ils sont cristallisés que
lorsqu'ils sont dissous.
On connaît déjà seize corps de la première classe, ce
sont :
1" Le quartz. q*» L'hyposulfate de plomb.
2<* Le cinabre. io<* Le sulfo-antimoiiiate de soude.
3** Le chlorate de soude. ii° L'acétate d'urane et de soude.
4*^ Le bromate de soude. 12*^ Le maticocamphre.
5" Le periodate de soude. i3** Le benzyL
6° L'hyposulfate de potasse. 1 4" Le sulfate d'éthylandiamine.
«7'* n de chaux. iS** Le carbonate de guanidine.
8° " de strontiane. lô" La diacétyl phénol phtaléine.
La seconde classe ne contient que des substances car-
bonées qui se produisent dans les corps organisés ou qui en
dérivent par une décomposition chimique simple. Quelques-
unes jouissent du pouvoir rotatoire dans les deux sens.
M. Landolt a réuni dans le tableau suivant les substances
actives naturelles connues jusqu'ici et leurs principaux
dérivés :
(*) Annales de Liebig^ t. CLXXXIX, p. 2 '| 1-837; 1877.
56o
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Hydrate liquide de terpine.
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RECHERCHES SUR LE POUVOIR ROTÀTOIRE.
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RECHERCHES SUR LE POUVOIR ROTATOIRE. §65
On connaît ainsi 120 substances actives naturelles, dont
environ 60 tournent à gauche, 5o à droite et 10 des deux
côtés : leurs dérivés actifs sont également très -nom-
breux.
Ces corps cristallisent le plus souvent dans un système
biaxe, et dans ce cas il n'y a plus à se demander s'ils pos-
sèdent le pouvoir rotatoire cristallin. Quelques-uns ce-
pendant sont uniaxes, et parmi ceux-ci il y en a deux qui
possèdent le pouvoir rotatoire aussi bien à l'état cristallisé
qu'en dissolution et forment la troisième classe des sub-
stances actives. Ce sont ; le sulfate de strychnine, qui cri-
stallise dans le système quadratique (Des Cloizeaux), et
l'alun d'amylamine, qui cristallise dans le système régulier,
(Lebel).
Dans les corps de la première classe à pouvoir rotatoire
cristallin, ce pouvoir doit être attribué à un certain groupe-
ment des molécules qui se manifeste aussi par l'hémiédrie.
Mais, dans les corps de la seconde classe, le pouvoir rotatoire
est atomique, c'est-à-dire qu'il lient à la constitution de la
molécule elle-même, puisqu'il se manifeste même dans le
corps en vapeur.
Pour expliquer la rotation, il faut alors admettre une
condensation irrégulière de l'éther autour des molécules du
corps, et cette irrégularité doit tenir à la construction des
molécules elles-mêmes. Suivant M. Pasteur, on doit les di-
viser en deux classes : 1** celles qui peuvent se superposer
à leur image dans un miroir, telles que les molécules cu-
biques, et 1^ celles dont les images ne leur sont pas super-
posables, et alors elles peuvent se présenter sous deux
formes opposées. C'est parmi ces dernières que se rencontre
le pouvoir rotatoire; leurs molécules sont constituées d'une
manière dissymétrique.
Il en résulte alors des propriétés optiques analogues à
celles des substances suivantes:
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RECHERCHES SUR LE POUVOIR ROTÀTOIRE. 56y
Tous les corps actifs ea dissolution ou à l'ëtat liquide
dévient le plan de polarisation de la lumière qui les tra-
verse d'un angle a, qui est proportionnel à F épaisseur /sous
laquelle on les observe, à la densité d de la dissolution et
enfin à sa concentration, c'est-à-dire au poids p de sub-
stance active contenue dans un poids i oo de la dissolution ,
de sorte qu'en appelant p un coefficient constant, on a
Idp
^ lOO
Le coefficient p s'appelle le poiwoir rotatoire spécifique.
C'est celui que présenterait le corps pur (pourp = loo)
s'il avait pour densité i et pour épaisseur l'unité
lOOa
^ "" Idp'
Cette formule, que l'on doit à Biot, suppose que le pou-
voir rotatoire est constant. Biot avait lui-même constaté
que dans certains cas cela n'avait pas lieu. Les recherclies
nouvelles de M. Landolt prouvent que ces cas sont extrê-
mement nombreux, et alors il y a lieu de se demander ce
que c'est que le pouvoir rotatoire d'un corps.
Quand on cherche à le déterminer à l'aide de dissolu-
tions de plus en plus concentrées, la formule précédente
donne pour p des nombres différents. En appelant q le
tant pour loo delà substance inactive (c'est-à-dire loo — p),
les expériences peuvent être représentées par l'équation
empirique suivante :
p r= A. -4- B ^ -i- C^%
dans laquelle le plus souvent C est nul.
Le coefficient vrai de la substance est jOq = A, correspon-
dant à ^= o, c'est-à-dire au cas où la substance est pure.
Il a une autre limite pioo» correspondant k q = lOo, c'est-à-
dire au cas où la dissolution du corps est infiniment éten-
568 h. LANDOLT.
due. La différence est plus ou moins grande et tantôt posi-
tive, tantôt négative, suivant le corps; dans tous les cas,
elle varie d'une manière continue avec g.
Ainsi, le pouvoir rotatoire spécifique p augmente à me-
sure que la dissolution devient plus étendue pour le tar-
trate d'élhyle et pour Tessence de térébenthine. Il diminue
dans les mêmes circonstances pour le camphre et pour la
nicotine. Si Ton prend pour abscisses le tant pour loo
de la substance inactive et pour ordonnée le pouvoir rota-
toire spécifique p calculé par la formule de Biot, les varia-
lions de p sont représentées en général par des droites ou
par des lignes à courbures très-peu prononcées , excepté
pour la dissolution de nicotine dans Teau, qui donne une
courbe très-accentuée, dont la convexité est tournée vers
l'axe des a:, les valeurs de p étant successivement :
Pour q
P
Nous ne pouvons reproduire la figure de ces courbes,
mais nous allons donner le tableau des résultats que
M. Landolt a obtenus sur différents liquides observés, soit
avec l'appareil de Mitscherlich, soit avec le polaristrobo-
mètre de Wild.
On n'en peut plus douter, après avoir lu ce tableau, le
pouvoir rotatoire spécifique d'un corps en dissolution n'est
pas une constante, il varie avec le degré de concentration,
tantôt dans un sens, tantôt dans un autre. Pour le con-
naître, il faut faire plusieurs observations sur des dissolu-
tions de plus en plus étendues, et déterminer au moyen de
ces observations la courbe ou la formule empirique des
pouvoirs rotatoires. Alors, on s'apercevra que, pour toutes
les dissolutions du même corps, les courbes partent d'un
même point ou que toutes les formules empiriques ont
sensiblement le même terme A, indépendant de la va-
riable : c'est ce terme constant qui représente le pouvoir
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RECHERCHES SUR LE POUVOIR ROTÀTOIRE. 56g
rotatoire spécifique du corps pur, quels que soient les dis-
solvants qu'on ait employés pour l'observer en disso-
lution •
SUBSTANCES.
Essence
de térébenthine
Essence
de térébenthine
Acétate
d'éthyle.
Camphre.
Nicotine.
SENS
delà
rotation.
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Acide acétique
Éther acétique
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8III LE HIGROPHOHB M H. HDGIIS;
Pae m. a. BERTIN.
Après avoir admire les effets merveilleux du téléphone
de Bell, oa songea à en augmenter la puissance. Comme
les mouvements de la membrane du téléphone sont pro-
duits par les passages alternatifs de faibles courants induits
dans sou électro-aimant, la première idée qui vient à l'esprit
est de lancer dans cet électro-aimant le courant d'une pile,
que Ton interrompra ensuite d'une manière convenable.
Le passage du courant produira une attraction de la mem-
brane sans la faire vibrer et le téléphone restera muet;
mais la suppression du courant permettra à la membrane
de revenir à sa position première, et il en résultera une
vibration d'une amplitude relativement grande, qui se tra-
duira par un bruit d'une grande intensité. Si, par exemple,
on produit ces interruptions à l'aide d'une râpe, intro-
duite dans le circuit, et sur laquelle on frotte l'un des
pôles de la pile, ce frottement, quoique faible, produit
dans le téléphone un bruit intense qui peut être entendu
de loin.
Mais ce genre d'interruption est grossier, il ne peut faire
rendre au téléphone que des bruits confus. Pour faire par-
ler l'instrument, il faut que l'interrupteur soit suscep-
tible de vibrer à l'unisson de tous les sons qu'il reçoit avec
les modifications de timbre et d'articulation que comporte
la parole : c'est là toute la difficulté. La complication
extrême des phénomènes de la voix et de l'ouïe, tels que
nous les connaissons, nous aurait fait autrefois regarder
cette difficulté comme insurmontable. Mais le téléphone
d'abord, le phonographe ensuite, nous avaient montré de-
puis que ces mouvements si compliqués trouvaient leur
SI]R LE MIGROPHOnE DE M. H06BES. Sjl
résultante dans les mouvements simples d^une membrane
ou d'une pointe. On pouvait donc espérer que Tinterrup-
leur synchrone de la voix s'obtiendrait aussi d'une manière
simple.
Dans une première tentative déjà bien réussie, M. Edison
avait obtenu cet interrupteur par les vibrations d'une
membrane qui ^pressant contre une tige de plombagine
intercalée dans le circuit, établissait par cette tige un
contact plus ou moins parfait, et produisait par consé-
quent des variations dans l'intensité du courant.
M. Hughes, l'heureux inventeur du télégraphe impri-
mant, vient de donner de ce même problème une solu-
tion encore plus simple. Son interrupteur, auquel il adonné
le nom de microphone ^ a été présenté à l'Académie des
Sciences par M. du Moncel dans la séance du i3 mai.
IVl . du Moncel ayant eu la complaisance de l'expérimenter
devant moi, je l'ai fait reproduire immédiatement : l'appa-
reil est tellement simple que les personnes les moins expé-
rimentées peuvent en monter un en quelques instants.
Il se compose d'une petite tige de charbon de cornue ou
de plombagine, tenue verticale entre deux dés de charbon
de cornue collés contre une planchette. Les deux charbons
sont creusés de deux petits trous ronds ou deux crapau-
dines entre lesquelles se place la tige, dont les deux bouts
sont taillés en pointe mousse. La pointe inférieure repose
dans la crapaudine inférieure, tandis que la pointe supé-
rieure flotte librement sur les bords du trou pratiqué dans
le charbon d'en haut. La tige est donc très-mobile, et elle
établit entre les deux charbons un contact variable, quand
elle est en mouvement. Ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est
que ce mouvement de la tige soit toujours synchrone de
la vibration sonore qu'elle entend et qui lui est transmise
soit par l'air, soit par la planchette. Si donc on fait passer
dans un téléphone le courant d'une petite pile de un à
quatre éléments Leclanché, et qu'on intercale dans le cir-
Sj2 A. BBRTIN.
cuit le microphone, la tige de Tinterrupteur se mettra à
vibrer quand on parlera devant la planchette (à un déci-
mètre par exemple), et il en résultera des variations de
contact qui seront absolument synchrones de 1 émission de
la voix et qui se traduiront dans le téléphone par la trans-
mission de la parole avec une netteté absolue et une in-
tensité plus grande que par les procédés ordinaires. La
lecture à haute voix peut être entendue, même quand le pa-
villon du téléphone n'est pas appliqué tout contre l'oreille.
La planchette qui porte les charbons ne peut pas se tenir
verticale sans être fixée sur une planchette horizontale qui
lui sert de support. Le courant transmet distinctement au
téléphone tous les bruits qui se produisent sur cette plan-
chette, le tic-tac d'une montre, les mouvements d'une
mouche renfermée dans une boite, etc., etc. En passant le
doigt sur la planchette, qui est brute et par conséquent
rugueuse, le téléphone rend un bruit strident. Il est bon,
pour amortir les oscillations étrangères, que la table sur
laquelle repose le microphone soit recouverte d'un tapis,
et alors le simple frottement des genoux de l'opérateur
contre les pans de ce tapis occasionne dans le téléphone des
bruissements qui se mêlent aux autres sons. En un mot, le
microphone rend sensibles les sons les plus faibles, et il
n'est pas étonnant, comme l'annonce M. Hughes, que les
médecins songent à l'employer pour l'ausculta lion.
On peut employer, pour faire la tige tremblante, un corps
conducteur quelconque. Ce qui convient le mieux, c'est une
baguette de graphite (charbon de cornue) ou un crayon de
plombagine, surtout, dit M. Hughes, si, après l'avoir chauffé
à blanc, on le refroidit en le plongeant dans du mercure.
Mais ces crayons sont très-compactes, et je n'ai pas trouvé
que leur immersion dans le mercure modifiât sensiblement
leur propriété (*).
(*) C'est un de ces crayons que j'emploie : il a 0^,002 de diamètre et
SCJR LE MIGROPHOUE de m. HUGHES. 678
La tîge n'étant pas serrée entre les charbons établit un
contactîmparfaît que ses vibrations changent d'une certaine
manière. C'est comme si Tou introduisait dans le circuit
une résistance variable ; les changements de cette résistance
seront sensibles si la résistance de la ligne est petite ; mais
on comprend qu'ils ne le seraient plus si cette résistance
était grande, et le microphone cesserait alors de fonc-
tionner; j'ai trouvé, en effet, que le téléphone ne transmet
plus le son de la montre, quand on introduit dans le circuit
une résistance de 2000 unités Siemens ou de 200 kilomè-
tres defil télégraphique. Suivant M. Hughes, dont l'appa-
reil est sans doute plus parfait, la sensibilité du micro-
phone serait cinq fois plus grande 5 mais il doit y avoir
une limite, quelle qu'elle soit.
Dans une nouvelle lettre communiquée à l'Académie
par M. du Moncel dans la séance du 20 mai, M. Hughes
annonce que le microphone parle avec une intensité plus
grande que celle du phonographe, quand on intercale dans
le circuit une petite bobine d'induction et qu'alors il pro-
page le son à toute distance. Il annonce également qu'eu
substituant au téléphone un galvanomètre, le microphone
devient un thermoscope très-sensible 5 mais il n'indique
pas comment il faut disposer l'appareil dans ces deux cas.
o^jOS de hauteur. Les deux dés en charbon ont o™,oi5 de côté. Les deux
planchettes proviennent d'une petite caisse d'emballage ; elles ont o™, 1 0 de
long, o™,o5 de large, o™,oo5 d'épaisseur et ne sont pas rabotées.
5^6 TABLE DES MÀTlàAES.
«« ' • 11 1 Pagei.
Mémoire sur le dosage du maDganèse, du plomb, du
cuivre, du zinc et du nickel, et sur l'analyse des alliages
de ces métaux ; par M. Alfeid Riche 5o8
Recherches sur la fermentation intracellulaire des végé-
taux; par M. A. Muntz 543
Sur le microphone de M* Hughes; par M. A. Beetin. . . . 670
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES DU TOME XII (5^ SÉRIE).
I ERRATUM,
Page 88, ligne 31, rétablir ainsi la phrase commencée:
A la température d'ébullition correspond un état particulier de la sur-
face qui s'annonce longtemps à Tayance par une variation plus rapide de
la tension et qui peut même, comme on sait, se traduire par une ten-
sion superficielle nulle.
PARIS. - IMPRIMERIE DE GAUTHIER-VILLARS,
Quai des Augustins, 55.
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