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, A N_N A L Ë S
DE
FLANDRE
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P. D^OUDEGHERST, '^
I
Enrichies de notes grammaticales, hiftoriques ^
critiques , & de plufîeurs Chartres & diplômes ,
qui n'ont jamais été imprimés,
/ivec un difcours préUmiHaire firyant ifintroduâipi)
à ces annales ,
PAR
M. LiESBROUSSAktj
frofejeùr de poefie au collège de Bruxelles^ ^
correfpondant du Mufée de Bordeaux.
TOME PREMIER,
À ci A NDi
Ckti F. i*. de Goejîn^ imprîttieùr-libraîte , ini
Haute-porte, No. 229.
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ASTOn, LKN'OX A^r^,
TILDtN FOLNDAS .nS
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Noms^ qualités gf âemeurti ék Mil* i^m ont honc-
ré cet ouvrage de leur foufcrtption.
• Apers ( p. J; ) à Gaod.
Baut de JIa6Mon ( Alp, ) de Tacadéttie royale
des fciciices , arts & bdkô-tettres d'Orléaos,
à Gand.
Beydens, avocat & bailli du pays de Ncvel.
BoucHETET, maïeur, à Valenciennes.
Boulanger > à la Vcntic,
Boulé, avocat, à Valencienncs.
Brasseur ( L. S. ) négociant , à Gand.
BuQuET DE Éracheux, membre de racad^roit
d'Amiens , de la fociété royale d'agriculture &
procureur honoraire du roî au prcfidial de
Beauvais, à Bcauvais.
Cattaert , profcfleut du collège , à Orchîes.
Cattaert ihuG.^ jouaîllier, à LiUe.
CoppENS C Le baron ) à Gand.
"^oppENS ( B. ) médecin , à Gîind.
CoppiETERS , religieux de l'abbaye de St. ?îerre,
lès Gand.
Creudal; lîeutenânt-prévôt i à Vàleticîennei.
CuiGNKT, maître de penfion > i Lille*
CuYPERS DE Rymenajm ( Lc Gomt^ Fr. ) à
firuxelles.
Daenes, avocat, à Gand.
De Bast (JfeAK) négociaitt^ à G«tid.
De Bast ( Mart. ) curé de St. Nicolas à Gand,
Debaitt, avocat, à Oand»
Debbaut , avocat , à Gand.
Yi2. Bradant , dofteur en médecine , profefleur
d'anatomîe à runîyerfité de Louvain , membre
QATALOÔUÉ
^e la fociété royale de médecine de Paris , à
Bruxelles.
pE Crrspin ( L'abbé ) à Valenciennes.
Pe Crumpipen , chevalier de Tordre royal dé
St. Etienne , confciller d'état , chancelier de
Brabant, & préfident de Tacadéraiede Bruxol-
les, à Bruxelles.
pE Frltz ( Le baron ) confeiller au coafcit
royal . nlembre de la coitimiflîon établie pour
les affaires ecclénaftiques , les études & la ceii*
fure , à Bruxelles.
Pe Grùyte^ ( PiERUÊ-^F. ) à Gaqd,
pE Hennac, à Gand.
pE Hesoin 5 rpi & hé^*aut: d'artpes de S. M, k
tître de la province de Namur , membre de
Tacadémie impériale & royale des fciences &
belles-lettrcs à Bruxelles.
pE HbyNE 5 à Lille.
pE LA Loge, à Valenciennes,
Dp Lambreciïts , dodteur en droit , profcfleur
à l^uliiverfité de Louvain.
pE LA Vielle UZE » confeiller au confçil royal
du gouverncnient-général des Pays-Bas , à
' Bru^ellefii4
pE Launay , Iccrctaîre de S. M., membre des
académies de Bruxelles & de Zélande.
pEL Haye ( G. J* ) muficien de la chapelle royale
1^ BruHellesj
Pe LichterveLdè (Le éonlte François) fiU«
pE MoERLOosE, avocat , à Gand.
pE MoNTREUiL , à Lille.
pEMuHRAY ( 5. Et le comte) copfcîjler d'(t^\
-r.rrrne ikt,
\^îencienius.
df Tordre im
cott , chfflcâ:
"acBdénûcdcÎB
r-Tifeiller an ot
rr^nlffion étabfe
, ks études ài2
^ i Gani
NaîDur,Bsif£'
ren droit, F^^
n.
■j:;er au confdr:^
-j 4es Paj-s-to
& de Zélandc
.endelachapelk^i
comte FMi^)'
à Gand*
omtç
) contins ^
DE SOUSCRlPtEURS,
intime & achiel , général d'artillerie , &c. &Ct
à Bruxelles.
De Murray ( Le comte Albert) fils ^ cnfcigne
au régiment de Murray.
De Myttenaère ( J. B. ) à Gand.
Denis, avocat, à Douay.
De Santander, à Bruxelles*
Descornaix 9 officier criminel , à ValencîcnneS4
De St. Sauve , ( L*abbé ) à Valenciennes.
De Thiennest de Rumbeke (Le comte ) cham-
bellan de S. M. Tempereut & roi , grand-baillî
de Bruges^ &c«
Devemy , à Lille.
De Vos , religieux & receveur de l'abbaye de
St. Pierre, lès Gaqd,
l)'liENNiN , libraire , à Valenciennes , pour fix
exemplatrei.
DoFFEGNiES, ancîcn éclicvîn , à Valenciennes^
Dubois de Schoondôrp , à Gand.
Du Ponchel , à la Gorgue.
Du Thoït , auditeur du bailliage, à Lille»
D'yve ( Mad. la comteffe) à Bruxelles.
Eeckellaer, avocat, à St. Gilles.
Eeckellaer , avocat , à St. Nicolas,
Evêque ( L' ) d'Aqvers,
Faubert , à Lille.
Flanderin , à Oftendc,
Gambar, fils , libraire, à KloMttnX^ pour douz$
exemplaires.
Genyn ( t. F. ) aVocat , à Gand.
Gérard , fecretaire de S. M. au confeil royal du
gouvernement dés Pays-Bas, membre des tic^-
démies des fcîences de Bruxelles, de Zélanda.
Jt de Bcfançon , à Bruxelles,
CATAtOGUE
GiiESQuieaB ( L'abbd ) hidoriograpbe de S» •, M
membre des académies des fciences de Binixd-
les &de Zélande, à Bruxelles.
HeLIAS b'HUDDEGHEM ( E. ) * Gaiîd.
HiTART 9 direAeur des études ^ à Bruxelles»
HuLiNO , médecin , à St. Nicolas.
Jacquez , libraire , à Lille ^f9ur 0,$* ixttiiplaku^
Kaerten , en Hollande.
Lammens, avocat. 9 à Gand.
Lammens ( Fr. ) pour deux exemplaires.
Lammens ( J. ) contrôleur des portes , à Gand.
Lammens ( M. N. ) à Tronchiennes , pour deux
exemplaires.
Le Jeune 9 avocat, à dand.
Le Maire 9 imprimeur-libraire , à Bruxelles j^wr
trois exemplaires.
Le Pan, principal du collège de la ville, à Lille.
LoMBAR 9 à Lille.
Mann ( L'abbé ) fecretaire perpituel de l'acadé-
mie de Bruxelles 9 membre de la fociété royale
de Londres Ace, à Bruxelles.
Marc , chanoine régulier à Cifoing.
Maximiuen de Ste. Marie (Le révérend père)
dit Pater-noftre, facriftain aéluel des Carmes
déchauflTés 9 à Malkcs.
Meffagcr (Le) d'Hulft.
MoERMAN (Jean-Bapt. ) à Gand.
MuNDEr^AERS ( L'abbé ) curé de N. D. de Fi-
nifterre , à Bruxelles.
Papeleu 9 avocat , & Gand.
Papeleu 9 tréforicr 9 à Gand.
Penneman CJ. B. ) avocat, à Çand.
P1ERSMAN9 avocat» greffier, & S. Paul.
DE SOUSCRIPTEURS.
Reiiatc^ (Le |ière) récoBet.
RiQUET ( M. ) médecin , à Lille.
RoMSAUT C /• ) ^ Bruxelles.
RoTTiER ( J. p. ) aroctt, à Gaad.
ScHCFs^s 9 avocat 9 à Gond.
ScHLiM, profefieurau collège royal de BmxcUtfs,
à Bruxelles.
ScRivE , arocat , i LiUe.
Selosse, caré de Bonsbeque.
SiMOx DE Ste. Cécile ( Le père } carm^Ute*
Sodété littéraire de Gaad.
Sta, avocat, à LiUe.
Stafpeks^ à Lille.
Steexwixkel ( J. ) J* U. D. , membre de Taca-
déiaîe de k Uttéracure beigique , de la ibdété
des mafophiles de Leide, & de la fociété pro*
TÎnctale des arts & fcknces d^Utrecht , à
Bruxelles.
Tercellin, à Mous ^ pour ffpt exemplaires.
Te3<jcois , fecretaire au confeil royal , à Bnueelles.
Thierexs , maïeur & (ladhouder , à Vracbene*
Thirion ( L'abbé ) à Broxelles.
Yxs Beesex, à S. Nicolas , pour daix exewH
pjjirâs.
Vas den Hecke ( J. B. ) à Gand.
Vander Beke ( j. L ) à Gand.
Vaxder Haeghen de Mussaix, à Gand.
Vaxder Stegen, baron de Putte, i Bruxelles.
Vaxder Stegen , major au fervîce de S. M. L
& R. , à Bruxelles.
Vande Vivere (E. C. j. ) greffier, i Gand.
Vax Doorxe(Mart.), médecin, à Gand.
Vax Dcyse, praticien, i Bevcren.
CATALOGUE DE SOUSCRIPTEURS,
Van HooftisNBEKit 9 licutcnant-civil^ à Gand»
Van Uultii£m , à Gand*
Van Landboiiem ( P. ) dchcvhi » t, Vrachcnc.
Van Ov£fti£Kft ( F. ) à (îand.
Van Phaet, libraire, à \)v\\gQ% ^ pour flx ixm*
plaires*
Van Tmentk (P. J. ) chirurgien, h Cand.
Van Thieouem (L.) avocat, à Gand,
Van Tokrs , avocat, à Gand.
Varknberome , à Gand.
VRttviER C J. D. ) mddecin , à Gond.
WALLAEftT, bailli, à Taralfe.
Walwevn ( La veuve ) à Ypres , pour douze
exemplaires.
WfivN, avocat , greffier de S. Nlcolai & Nlcuw-
kerke, à S. Nlcolai*
WouTERi Dx TER Webrdbn ( B. ) avocat , à
Gand*
TABLE
Des matières contenues daris le premier volume.
A
A Dolphe , reçoit en partage le comté de Bou-
logne, le territoire de Thérouanne, & Tab^
baye de St. Bertin ,/. 153. & 15^. Sar mort,/. 161.
Amand (St.) Effets heureux de fes travaux
àpoftoliques dans la Flandre, difc. prélim.p. xix.
id. p. 6. fi? fuiv. Vt confcille la fondation de Tab-
baye de Marchiennes, /. 15. ibid.n. 5. Il con-
vertît à la Foi k peuple de Gand, ibid.
Agrippa, préfet des Gaules fous la domination
romaine , fait conftfuîre dans la Belgique plufleurs
voles roilkaîrcs , difc. prélim. p, xii.
Antoine ( le foreftier ) , fils de Lyderic I. ^
fuccède à fon père,/. 77. Eoîbleffe de fon ad-
miniftration , ibid.
Amould I. ( dit le Vieux ou le Grand). Ori-
gine de ces fufnfoms,/. 15a. Le pape lui accorde
t4)utes les dîmes de la Flandre,/. 153. Ses dé-
mêlés avec Tempereur Othon L, p. 154. ^.fuiv^
Monumens de fa piété, 156. & fuiv. II attaque
& défait Sifroid, capitaine Normand, qui s'étoit
emparé de la ville de Guines , 159. n. 1. Il re-
nonce à l'abbaye de St< Bèrtin dont il avoit joui ^
apj-ès la mort de fon frère Adolphe, 162. Di?er-
fes opinions fut fes démêlés avec Guillaume ,
eue de Normandie, qu'il fait affaffiner^ 163. fij?
164. ». 2. Il abdique en faveur dç Baudoin le
Jeune, fon fils ^ 170. Il reprend le gouvernement^
après la mort de ce fils, 176. n. 2^ Sa mort, ibid.
Arnould IL, (dit le Jeune) 4^ Guerres en Flan-
ire pendant fa minorité, 180. & fuiv. Il fait la
paLx avec Lothaire, roi de France , 182. Ses dé-
bats avec les religieifx de St. Bertin, touchant
la ville de Calais, 185. Monumens de fa piété,
186. fîp fuiv. Son alliance avec Frédéric, duc do
la haute Lorraine, i88. Sa mort 5 196.
TABLE
Arnould' m. , (dit le Simple) fucccJe à Hail-
doin de Mons, fon père, dans le comtd île Flan-
dre, & fous la CMtèle de RicbiWe, fa mère,/>. 279.
,& fuiv. Il eft tué à la journdc de Callcl , en
combattant contre lou onde, Rohcrt le luifon ,'
Atrébatea ^ peuple indigène de la Belgique ^
dlfc. ptilim. p. I. \\% fléchilTent Jules-Cél'ar qui
leur donne un roi, iUd* vu. Leur commerce
avec les Romains ^ ikid*^ xiiz.
Baudoin L ( dit Bras-do^fer ). Origine M ce
fiirnom, 93* Soa portrait, ibid. ^ fuiv. \\ s*at.
tache à Lothaire dana la guerre contre ks rois
Louis & Charles le Cbauv* , <Sc eft bleOé à la
Journée de Fontenqi ^ 94» ^ fuiy. Il tjficwaphe
deux foia dej3 François, 107. âi 114. Obfervation
critique fur ces évônemens, 115. n. i. II devient .
j^pioureuï de Judith, fille de Charles le Chauve
& veuve de deux rois anglois, 95. ibid^^n. 3. Il
la conduit en Flandre où ii répuufe , 96* II fe
rend à Rome avec Judith, pour faire lever Fex-
communicatioD lancée contre leur niuriage, ii6ê
Il fe réconcilie «vec Charles le Chauve qui rati-
fie fon union avec Judith, 122. , & qui augmente
fes domaines, 125. ibid. n. 2» Il fait conftruire
quelques forterefle» , 130. & bûtit Téglife de
St. Oonas, 131. Ses enfans, 133. Sa mort, /^/V;
Baudoin IL ( dit le Chauve ). Origine de ce
furnom, 137. Il fuccède à Baudoin Bras-de-fer,
fon père,;/Wrf. 11 déclare la guerre à Herbert ^
comte de Vcrmandois , pour venger la mort de
Rodolphe, fon frère, comte de Cambrai, 139.
& 146* Il répare quelques forts & en eonftruit
de nouveaux, 140. Il jette Ief> fondemens de quel-
ques églifes^ 1421. Obtient de Charles le Simple
J'abbsiye de St. Bertin, 143. ibidi n. 8. ^ 147.
Sa querelle avec Foulques, archevêque de Rbeims,
ibid. n. 14 11 fait afiaflîner ce pontife , 148. -Ex-
D Ê $f M A T 4 e.R R Ë S*
Ôoflâert ou Burçhard {I. , ,jpère dii for«ftiçr Ly<i
aerîc II., 8ô.' ' •
Bracbâienjis (jogus^. Séi .Jubites ^ rgnétèn-^
4ue, i'5«^ , : . \ . '
Bucq(bois de). Pourquoi'^ppell^ y^W «i^m*,
«. J>ât qui il ^tait hmiérjm, ; : ^'.
Càraufius, oTlgînaîrc de la Ménapîe, difpyt^
l'empire à Dîoclétien , dlfc.préÏÏmin. xiv.
Cérat (Jules) défait lés Nerviens fur les bords
delaSambre^ diftx préiirt[iin.< vi?., Sa conduire à
regard du fénat de Vai\ne§i-./^^; vin. Il .i^tai»
que inthiâueufement les Méi^^eps & les l&fs^
Tins^Jiii^. :ix% ^ x« I II 9^eii;£p<^ia( te fondateur
de la ville) d^^G^^nd, ^.^ 6. ii^.,j6. . .
Charlebiagne^ • Son éloge 9. i^.n^ n* Il doqiqe
Je gouvernement deia.Çl^çdr^i^^^idçriçII.,.»^.
Réflexion fur cet objet , ikid'* fi^ q*^ Il Vient à
Gand & y vifite la flotte qu'il y fefoit équiper
contre les Normands, 8^., /Wrf. «. 5.
Charles ^^ion ou le, faint. II fucçède à Baudoin
i laHacAf^ssSf Ordonnance contre les blafpbé-
mateurs , 358". 11 ordonne qu'il foît permis de ffe
^i^l
confefler & de.rçcfvoîrla coiTuntmion aux p-ijôl-
liels condamnés à mort, 'j59- Il f(îil piitlîe^ la
Î\^Vi du lèigpeuç, -ibid. Ses démêlés avec Guît
aumè de L6b qui préteridôît àii comté de Flan-
dre, 3.6î.„^7wV. Ses guerres co'ntre le coptfe
Gautier d'Hefdin,* la lïôuàînèré Clémenée, fiau-
"doîn de Mons & Thomas de Coucby, ihid.^tX
-exemple de la Jibéralité, 364. drigîpe de (ts dé-
mêlés zv^ç'lèsi .^/inder Sfraeien^ ^6$. & fuh.
ibtd. «. '37 Û fp' forme une çonrpiratîon âtrode
,contre lui, 56g.,, Q? fuiv» Sa fin tragique, 371*
Suites, dexet ^^ftinfit^ jhid. & Jutv. Sa mort
vpngée car k roi de France, LouJsJe'GroS ,^77*
Cjiaî^lies ie Chauve, réclame/ contre Tetilèvet
rùèit 36 JfààA'l^ ' fifté ; ' par Bâuc^oîn ^Fâ^è-Pe^^
06. & fuivn Son armée, eft vainci^e'clcu**foià,pâr
Baudoin', ïby.'fîf 'îi4, Réflcxîont ftir cc$. défai-
tes^ 115. n. i^ Il pardonne.^ Baudoin,^' ratifié
fdh iii'arîage iW JaSith^ 122. &jHp.hbi qu'il
fait à cette princcnTé eli faveur de loh Kjfmèn avec
Baudoin, 124. fîf fuiv.^ibid. n. 2.
Cpurtrai. Cette ville fe révolte contre Baudoin
àta WUeBàrbéVadi. ■ '. ' '';;'.'■
^' Dia^obéft tleh>î)^ Il accueille ftvdrabîchient
IkVfeqlïûte de Éyderié 1. tontre PhlriaéW, 47. M
*DWt)yé'uît îlëliaaï'à»'i:ô dernier* jiottt^ Tinformet
'âè^^TéclamaltidriS' tiiie Lyderic I^'fefôlt à fechàr*-
ge, 48. Il affilie au- coîiibût entte Veîj ét\i± athlè^
teé;- 54.' Réfleîftiohs crhiques fiir -ces divieré évè-
«emeris j 6t.^'6i.\,ii.ii IlcortftitUe Lyderîc 1.
ïortRiferae.Tlàîidrey fia. ^ ^ ' ^ '" '.
'" felo! (St.) pyCche la foi d^ips la Flandre, 12.
t^^^^;^. îÈidJn.i. 6? 2. n fonde ^Yglife de St;
auycur à Bruges, ihtd* . ...'•,.'
"J M^orèdejjQrcftîc'r, fils de Êûrçliard & arrière-
^^tii-fiLsde i:ytWicL;èo. . • ;, " .
Enguerrand ou Ingliclram, foi-éflier, fili de Ly-
âcriç II.j 90. ' ....
^. ' î|rra^ngarde,ou Etnergaert. Soh origine, 17.
Part aycc . (on .épopx ' pour , TAngleltcf-re , tbid.
Elle ^ckappe aux meurtriers de foi^ '^i)6ux,' 2i^.
yifion qu'elle a 'pendant la nuîtJ'jatS. Elle ac-
couche dans^uft bois de Lydcric.î.'i 28. Elle eft
emmenée captive au château de Bucq, 31. Elle
recouvre fa liberté, 58. Samoft, 75.'Réflcxîôn's
fur les aventures romanefques de cette prînceflTe
& deYoh'fils Lyd'eric L, il. &' 62J n. i* Et
fur la conformité du nom & de l'origine de cet-
te pfin'ccflc aycc une autre 'Ermcngarde que quel-
t) E ST M^Atir l E Jt Ê S.
tfoes^nns dan'àeiit pour éptiUftl^hvdoïp^d^lfyx^
lebecque, 86. ,»*4, .< V .'/
fi. a. fzp. isllfî'/i/yi^Wîmis^aîrerfWfDr.Pécy*
p3ologiedetenom,2.^/»/V. mj. n. a. Eten*
Flaudre.-i^iyprfité ^»mw^^ fur J'étymologie
de rçe :n(?P|,;A.âf yî«fJt.;vîV4;:«*^ **. fô^ifiw
Foreftier. Diverfité d^qpiingp»^;^ l'0r«Wie^d|i
ce mot & fur les fonftipns de celui qui en étoît
revêtu, 63. ^ fuivk ibÙL n. i. ^ .,
Francs/ tetir établilîfefcêfl't âifii la'Betèî'flW.
G«h:dw'A <lalùeettcmUeidoiBfétT^i9ir%ÎMe ;:«;* »*:^.
Elle eft inutilement atta^^p»jl^empe«»enrHeq-
Gantois , convertis A la Foi par Su J^|nt3Dâ^ i§»
d^tIlMtiJèddn}>r^x* âs^^ fijtr.lecbm-
té^tk; Blaonlte^ 579.- :®f:j((ift^(Il.c^ l)affai i&ftit
ptïoMÉ«f^B« ^^ Wî^i»(3^¥UftttWie.^difc.aeNxMr-
fflani^e^^ 585*^^ w^QJV»^^r^:Ji«- l^i'ét^^njioBpr^^'ii
«Ntoté :^e ^imâx^i Jti4il&' fitm ^ PfiP^flfe d'A:»-
gtece^.ôç çBte«dr6* sSj» il fft.-iferc^ de- rtl^uf-
jBôttj;,- ff^rji'ifrij2wu:-.«:::Cî î-i /) .::.: I- . - ^^-j.^.^
'6uaiMnte\l<^t if»w^éDDGw3^^ de.J^-
Jft?n^îéâ Bopsorfientî^aû 0(ilDt4[de>Fiif»dfe:£ir|ja
faveur de Louis le Gros^ roi de.Fî'4uijQCi»;r3S4.
^r/i^^IDSBooltid qufj^idfbrat^ *i: fbE.;.^ne-
mtiïi^^tlt^ &'ifif{p^oll oftfltecdifau foibvQrmiîif^p
it^iiliartJiaB tôUps die kKhndie, #W. HiÊBrtîid
pdieux aux FIaman4]|5.:par:4a aaiaiftipos, *à37*>
♦ *
\SL
T A B L E
589., 390. Il cft bkflK à mort fou* les murs
d'Aloft, 393- , ^ ^ xT \t 1 r
Guillaume le bJtard, duc de Normandie , époufe
Méhaut, fille de Baudoin de Lille, 045- Sa poftérU
té , H6f li parvient àlî> couronne d'Angleterre. ibl4.
H
Hôtirl k Boiteux ( l'empereur) affiège le comte
de Flandre dans Valenclennes , aïo. & fuiv^ 11 eft
forcé de fcretirer , at6. «s'empare du château de
Oand, attaque inutilement cette ville dont 11 pille
les environs 5 217. Il cède au comte de Flandre
les lies de Zélande» fiiS. '
Jofaran, fils aîné de Lyderic L II eft condam-
né à perdre la tétepar fon père, 76. ihid. a.
Judith, fille de Cfhlarlcs le Chauve. Son apour
pour Baudoin bras-de-fet qu'elle ftiit en Flandre,
^o. Son voyage à Rome*, iiiJ. Dot 4u*eiU ap-
porte à fon époux, ift5«
Lyderic (l'Hermîte) fo préfente à 1^ princcfTe
Hermengarde âe la confole, ft4. gp/^/v. lUrou-
ve, recueille & élevé le Jeune Lyderic L.» 3^*
Sa mort, 74. L ' ,
Lyderic I. Sa naiflance, &8. Il eft. nourri par
une biche, 3a. Opinion fur ce prétendu prodt-
ge, 6a. n. 1. Son éducation par rHctmtoe Ly-
deric «^ fon départ pour TAngteterre, 34^-©* 35*
Son amour pour la belle Graclenne,^?. Son
combat en champ dois avec Phinaert, 56. &fUiv.
Il eft fait premier foreffier de Flandre, 60; Il
rencontre la fille du roi Dagobert & T^poufe, 6i.
fi? 71. Réflexion fur ce mariage, ibiid. n. 4. fîf 5»
Il fait trancher la ttce à Jofaran fon fils, 76.
£a mort, 77.
Lyderic II. Charlemagne lui confie Je. Gouver-
nement de la Flandre, pour prix de fes. longs
fervices, 85. ibld^ n.i.VL reçoit cet empereifr
à Gand, 90* Sa mort, n. 3. . . '
DE s M AT lE RE s.
M
Mempifcmspêgus. Origine de ce nom , & éten-
duc de ce pays, 13. n. 3.
Ménapîens, peuple de li Belgique « difc. pri^
Uwtm. I. Leur commerce fous le gouvernement
Tomwïyibid. nu Defcription de la forme de leurs
vaifleaux, ibid. viii. n. s. Us demandent la paix
à Céfar, iUd. xi. Leur commcree chez les Ro-
mains, ibid. xiii. Us enToyent une colonie en
Irlande, ibid. xiv.
Morins. Anecdote fingulîère fur la fobriété de
ce peuple, difc. priKmin. iv. Defcription de la
forme de leurs vaiffeaux, ibid. vni. n. s. Bs font
vamcus par Ctfar , ibid. x.
N
Negotiatores crgtariij elpèce de commerçans
chez les anciens Belges , dijb. priUmin. xm. In-
fcriptions relatives à ce genre de commerce, ibid.
XIV. ». a^
Utmetocenna ^ capitale du pays des Atr^bates»
difc.prilimin. iv.
Nerviens. Ds font vaincus par Céfar, ^fc.
priRm. VI. Çf vu.
Nièpe (bois de), refte des forêts ménapien-
nés , difc. prélimîn* in. & rv.
O
Odoacrc ou Audacer. II fuccède à Enguerrand
fon père dans la dignité de foreftier de Flandre,
^i. Réflexion fur ce nom^ 92. n. 3.
P
Pagui. Ce que fignîfie ce mot dans Jules-Cé-
far, difc. prélimin. u. n. a.
Philippe L , roi de France. H conduit de nom-^
breux fecours à Richilde contre Robert le Fri-
ipn, ^91. ibid. n. i. II eft vaincu à la journée
de Caffel, figg. &fuiv. Il revient en JFlandrc &.
pille Su Omcr,. 305. fif JUiv.
î^hilippe d'Alface , prèftd les rênes du Gouve^
taciDlîiit3c4o6»:,407i,Tfé/y. II. .8* Ses premiers ex-
ploits militaires fur tejire ^.for mer^ 498,^^409.
Il feit j\4rer dans fe^j éfgts! l'ol^fervapop 4c la
psAx publiquf:vi^'iïi^<>Çi5MB€^ férie^femeiïjt .4e la
légiflatipn, Ai6ii 417;,, lî déclare. te gtjen-e au
ço^tç de HolUndp.i^ le 4^faity4X9.» ifid.n.6.
Il fait.U paii^ à des çonditiops très-ayaiitageufes,
41^0. ;]\^pnumens divers ,4jui cqnftatcnt fon goût
pour la légiflation & le commerce i* 426» » /Ar^«
ti. 1.9 43^' 5 «• ^^^ 433* & M^' ^^. f^^^ ^^P"
portés divers diplô^^s. de ce prince^ Pivers pri-
yilègeS' açcQ.rdé3 par lui auî( yilles dp^^l^S^^ ^
d'Audenarde^ 433- > 434, _ ïl réunit le ipomté
d'Aloft à celui de Flandre, 437. Il prendla croix,
part pour la Paleftîne, 'où il fe trouve à dîver*
fes expédittons^ j^^' ^&iy/uiv. Il fecouit lé/ roi
de 'Etante, contre Henri IL, roi iilAïigUiterreî
438.. i?;.i*-Ses déthêlés avec.Jacqueè îd'AvôiïiBS,
439., /^/W. ». 2. Il inftitue fa fœur Marguerite,
pdrur Ix^ hériàèrefi 440. ^. 3: Il âfflfte & porte
répée royale au facre de Philîppe-Augufte, m
de F*rante5'447i%.'3;-li''tfiarie fa niè<îe, Ifebélle
de Hainaut, 447. Dot qu'il lui dbMnie, 448^ Il fait
la gaetre à h ¥hnce^ dont il ravage plufieurs
provinces, 451. & fm^.' ibîd. n.i; Il déclare
de nouveau la guerre à )Philippe-Augufte , 460.
^ fuiv^^ ^ au comte de Hainaiit,, /^/Vv Traité
de_pai^ entre ces,c}su}c princes & le comte de
Flandre, 461^- ^ -4(53. Philippe épp^fe:.Mathade
de Portugal, 464. ^ futv. Il eft déclaré gar-
dien de Téglife de Cambrai, 467. Droits qui
Itii fOtt't .accord*^ à ee fujdt^ i*w/; £f'^'4^^J'
équipe une flotte contre les Sarràfi»^, 469. ^
part lui-même pour la Pileftmè^ 470» ^'fum
tt -y meurt à St. Jean d'Acre,' 475. n, 7. R^"
iî6xft)fls fur radminiftration civile de ce prince^
474* ». 7% ' .''• . ■' ; *
Phinaert. Sou caradère , 18. Il affiaifineJSahacrt^.
. D E.S. M A T^;pR, ES.
HO) H fait enlever Ermengarde, 29. Son corn*
bat en champ clos avec Lycleric l^ , 56. Ça. dé-
faite, 57. ' ' * ^ '^^ ' '- . '
, « ^ ' . : • -
Richilde, comtefle de Hainaut, époufe Bau-
doin de Mons, 237. ibsd. »* i. EUe gouverne
pour fes enfansj 281. Sa ci^ûdujlre envers Ro*-
î)ert le Frifon, Jbid* EUe foulé ve fes Flamands
parfes 'exaftiôriSp 284. ^fuivl 'Elle fait nitu
trç i mbft des députés àé jk ville d'Ypres^, 2^
Elle êft vaîdcùe par Robert le Frillpn, 299. &
futv. 302. ,308. p*\* Sa pénitence &fatàort,326.
' Robert le Frifon, reçoit en partage le pays
'd'Aloft, les quatre métiers & les îles de Zéftm-
de, 248. Il veuf S'emparer dé la Flandre , apAs
la mort de Baudoin de Mons fon frère, 280*.
D foumet 11 province d*Ooft-Frife, 281. , eft bat-
tu par le duc de Brabant, 283. Il rentre en
Flandre, iW, n. 3. S? 2%i.^ihid. nJ 3. Ils^em-
pare de plufieurs villes de cette province, 11891
Êf fuiv\ n bat Richilde & le roi de France *
CaffeU 299. fif fuiv. Il eft reconnu comte dé
Flandre, 303.' ^ 309. Il triomphe encore dé
Richilde près de Mons, 308. «.'a. Il fonde phi*-
fieurs égÛTCs, 31^. Il entreprend le vbyagç^dè-Ia
Pakftine, 313. Sa mort, 316. \î
Robert le Jeune. Son avènement au* comté' de
Flandre, 317. H abroge Tufage oïlr étoîenrles (Com-
tes de Flandre de fuccéder aux biens meuWes des
cccléfiaftiques , 320. Il crée IcPrévbt de Sr. Do-
nas, chancelier perpétuel de Flandre, 321. Fon-
dations pieiHes^ Und. ^ futT^ B part |)0ur la
Paleftîne, 329. & fuiv. Ses exploits en Syrie;
330. ibidi n, 6* Jl fait la guerre à Temper^ur
Henri V. & prend la Ville.de Cambrai ^..3 34;,
ibid» n. 9. Il périt dans Teau près de Meaux en
Brie, $^5.j ibid, n. n. ^ $3,6, .
Rpthilde, fœur du roi Dagobert', eft rencontrée
dans le boîs de Bucq par Lyderic I. , 67. fif /w/v
TABLÉ Ê'Es Matières.
Salvacrt. Son origine, fen voyage eh Angle-
terre avec Ermengarde fon époufe, 17. 'Son affaf-
finat par Pbinaert dans îe bois deBuccj, i^o.
thiéti d'Jl/ace/l\ (om^ des ptétçhtîons fur
U tomié de Flandre, 3^- & fui v. &nr quels
titres elles ^toient fondées, /W/», 3. Il eft ap-
pelle par plufieiirs villes de la Flandre» fatiguées
du joug dur^omtc Guillaume, dit; çourf^ cuiffiy
390., 39X* Il ell excommunié comme ulurpateur,
ibid. Il eft battu près d'Aloft i^ar Ton compétiteur,
392. û? /«/y» ti ^^ reconnu comte dç Flandre 9
394., 395. ^a ppftérîté, 39e, ^ 397. fondations
pieufes qui lui font dues, ibiJ. ^ 398. Il pafle
en Syrie au fecours des croîfés,4QQ*,/W. ». 3é
Séditions fous fon règne, 401. & fuiv. l\ re*'
tourne en Paleftine, 40a. Guerre entre le Hai*
Haut & la Flandre, pendant fori abfence, 403* >
404. Thiéri cède à fon fils I^hilippe U Couver-:
nement de la Flandre, ^06. Il fait ijn troifième
voyage en jpaleftine, /W. Ses exploits, dans
cette troifième expédition^ 409, ^fuiv.ibid. n. a^
Son retour en Flandre, ibid. Puis en Paleftine
pour la quatrième fois, 4x5* Il repafleen Flan*
dre & fe retire au monaftère de Guaftîne, 418.
$a/mort, 423., fon éloge, tbid. & fuiv. n.a.
Tronchiennes (églife de). $a fou'^ation, 14.
Située fur les limites du paguf Gandenjis , ibid. n, 3,
V
Vandales. Leurs ravagea de la Flandre, 78.
ibid. ». I.
Voies militaires romaines. Quand •& par qui
conftruites dans la Belgique, difc. prélimin. xiu
W
Wîchmann. Il eft nommé par Othon I. d'une
fbrterefle%fituée à Gand fur la lys, 15a. »♦ i. &
ÏS$* n. 6.
AVIS AU LECTEUR.
Comme terépétîtîoti trop fréquçnte de plufieur$
ezp.rei&ons furannées qu^on rencontre dans cet ou-
vrage, pourroit fatiguer le lefteur, nous avons
trouvé boa de mettre à la tête de ces volumes
une taWc alphabétique de ces exprcffions, avee
ieurç explications grammaticales.
' AB . AP
A
^iMs 9 Havifis y Hsv0ift.
Abfcoiife, cacbe.
Accooftrer, habiller.
AEdmiqae , payen.
Afibndge C^roiâs d*) droits
^i fc lèvent fur les boif-
fons.
A^çe , pie , en Utin pid,
Agencer, arranger.
Agnel, agneau.
Agnerroyez, aguerri.
Ainçois, aup-tôt.
Ains, mais.
A rtdvcnaût , à proportion.
A ht mieime volonté que, /«^
Ion moi , fi.
A rcndroia,^ Pégard.
Alexe, Jlexis.
Alcyt-, Jlix^ AUydCy Mêle.
Aliiis, autrement.
Afler avant, réupr.
AUoes , alUuy en latin aie-
dnm , predrâm immime.
AMratioit, trouble.
Ambedeux, tous deux.
Affiplier, augmenter.
Anodle , Jhroante , femme
ferve^ efclave , du latin an*
cilla.
Andacer, Odoaere*.
Andrieu, André.
Aeprcfte» , préparatifs, : . .
AR-BR
Ardolphus, Amof^l.
Arfer, briller , dm latin ar»
dere.
Aruner , orner.
Afprc , rude , oplnidtre.
Aucunement, un peu^ en
quelque forte.
Aucuns, quelques.
Au menu, en abrégé ^ en
détail.
Ao prismes , pour ta premiè-
re fois.
Ave, ayeul. -
AvcugHifement, aveuglement*
B
Bachin, bagln^ptat.
Bague, bagage.
Bail, gonvernei^ 9 tuteur ^
gardien.
Balfaert , droit qui paroét -être
le même que le meilleur
catbetl.
BartMomieu , Bartbiléml.
Baftre mal , être contraire.
Bave, Bavon.
Bélin, bélier , machine d$
guerrei
Bénoift, bon.
Bertrude, Bertbe.
Boadmond, Bogmond.
Bochu , b(^.
Bourdes , fornettes , fadaifes.
Bnoidir^ s*agiter, >
/'•v, .^BfR?^^ GO - -
Brandon, tifon allumé.
Brièf, hicntdt,
Buvra^e ,^ hrçuva^e,
-'"'■'■ C
C$&(tvigtft quereller it di/pk-
W. - '.'^ :. • . :
C^^lrie ,- çfiduliemâ. ;- ) ^
Catheif, meuble.
Cautcle, rufe,
Cauteleu», rufé^.
Cauteleufeihent , finement ,
adroitemenjl*^ ' j
Cavimtioa , rufe ^fubtU'iH.,
Cavillcux , artificieux y.rt^é ,
</tf latin cavUlofus.' .^ •
Cervoift , hierre , en.latj,ij, ç^-
. revîfia.
Ces (le) , tintefàit eu la
cefation (fe l"* office divin^ ■
Qharobri^lf , ckambellf^n.^
Champ de bataille , dueL ,
Chanrois» Chartreux^, ,,
Chartrous , voj'^z Chartroi^i
Chaftoy , châtiment • /îj^W;
.Mon^ ' „ . , , .
Chaftoyer, châtier,
Chemiti^^i ç/>l«/iifr^. ' ;
Chcvance , HêHS , p^iffiffi&ns.. \
avarice, -
OAtt^ fiârvient. ., ^ • ;i
eu iprofi.')^ cilui, ,.
Cil d*œil, clin d'*aiU,
CQllQçquw ^^ovrner:^ fl0ctrA
CpinpagfiaWo , if^rf^î^' . /
Compofer, iw^r/r^ k'comj^r
-' fitf^n,
Comprinfe , étendue.
Concept , projet, • , < r
Concion, /i//2r(^t/fï. ' :\
Confércf.^ comparer. . • ''
Conjure , confpigatiot^ ^ \cani
jurath^n,^ ,. . .'
Conilablementt ebér^meatL:.^
Confier, coûter,
I Coc^^vointx 9 fr^famr ^fouil-
ler , corrompre , du ' latin
. contamiftarc.f . ^
' 'Contempnemçht,' mfpris.
Contempiiei', ' friép^^fèr;\'àu
ht in , contèmnére^ '
. Comtndre ^ dij^uêêr ^ prém-
dr^f dit /^iVi ^coaten4r9«
Coutcxcr, comfofir,
Cdjitrevenge , repréfaitles.
Converti^, tourner ^ adrej/er,
Convoyteux, defireUx,
Convoytife, deftr,
CoraJ,, p^fomc a^ac^^c t^
chœur d^uufi é^lifif .
Couard, Idckc ^^ poltron.
Couardie ,- poltronnerie, . ;
Cai^rdifc , voye:^ Couaidit;. .
Coulpc 9 faute ^du liititi çiUpa.
Coupler, joindre, ^
Coappetu ♦ haj4t, ,
Courcorifm, de Courfrii ^ en
latin CurtracenÛs.
Couft , frais , dépens* ..'
Couftrê \facrijîain \ officier at^
taché au fervicû de Péglifc*
prcme, orûp^ 9 accrue, .
Çrçy^t craie, ,erf ^f/«creta.
Cruciate, croifadey
Cunçt, Canut,
Cure , foin , du latin cura.
Qujdcx 9 Jtenfirj croire. . .
, J> \
D'abondant, éfe plus ,^ en la^
tin prapterçà^ inf^pcr*;. /
Damafco^ Damais,
Débattre, difputer.
De brief, hientCt, .^
Décheoir , troniper , .fflulrf,
Déduia (Juhfi.') ^[pj^jf^^^
'..p^^^^^si ., . ^ . . , •
Défaillir, manquer,
Dcffiance,V^)2., o , . .
Délayer, différera ,
Délinqocr, manfucr^ .
'DE VE'S • /B5 - FO
Demeurant Cfttbfi-') 9 ^^fi^* B£ctppct , icbappir^ J ;
Départir, T^r/i^^sr 9 difiri» IXczxs^ étroit.
huer. Efcheveff , ivit^r. -, '
Déporter, difp^nfen £fcltfl4re» inf0lt$^ OêùUiâêê
t)é{9Ênoy % difardro; fâcheux. . .- '.
Defcente , origine. J^^^i^mk * fims b^Hta . : j. i
Defconfaire , <ftS^#/r^. Eûargier» WM»^r,,«««of:^^r,
Defconfititre, défaite. du. ia$mtitxpx%.-^ - :
Defervir, mériter. EHnOY, ttûukl^.^ émûon. .
tDéshonefter, #r^</«^r, rfA- Efpoii, ^«.
^©«o'-^^. Eftoc , fff^t , eété ,%«« , tfi^^/
Defmouvoir ,. détkièrner , /<«/. </<? fov^iUe.
re changer ^ en iatin dimo- Eftrangcx ( s' ) , ^ f^^ék »
veroi s* éloigner.
Deftrier, cheval \ds batt^lU. EfvîOiomi:, d^jfforottn.. *
Deftrouffer , />ïV/dr. Efventé, léger, in^eudtnt.
Dextrenient^ adroitement. Evaginçr» tirer du fowrre^u^
Dextres , mains , du latin dex- E Veut , évknemeht , cir^onfian-
tra , <?w dextera. " . ce, cas.
D'heure.* d*ahoird,, de Bonne Excogiter, imaginer y'înveo^
beure^- ter,penfer.
Difert , éloquent. Exploifter, r/m/t/rr , ^xicutpr^
Diverdr', détourner , faire j&àEftioire , *^rfi j
change /Pêpinion. ^ . F
Douagière, douairière. Fûconé, éloquent i
Douloir, fe plaindre , du la- FaWâtj, manquer.
tin^hve. F^isCfuifi.), poids ^ fardeau^
Douter, prévoyer\, redoutera Fanon, pi^ d'étoffe^.
Duc de Venife , dege^ • Farfé , dérijhire. ^ ^
Du tout, entMremettt. Fafcer^ f ennuyer,, querellen
E ' Fafcerie, querelle.
Ediffement , féparation , di- Fauflelle , faucille,
vifion , partage. Féaulté ,Joi , fidélité.
F^MkT,fiparer,^ivr/<ripar' Féé , - merveilleux , enchan*
tager. / teur , favori fé ou foutenu
l.]£^te, Jlface. par Jes fées. j
Emergaert, Ermengarde. Félon, trattre, cruel ^ itnpi-
Embler , prendre d* emblée. toyable, trompeuth, perfide^
Enghel,bert, Liethert, Félonie,- crime, infidélité.
Engin, machine. Fiance, parole donnée, ou
Enhort , exhortation. croyance.
Enhortement , voye^: Enhort. Fiancer , jurer , engager.
En fomme, enfin , en un mot ^ Fincr, finir, venir à bçutt
Erres ,^ pas , ^her^in , 4ipnti\ trouver.
nuation, - Flores, Florent. ^
£6j>9Ue , amtifer.' , Foucault , IquI^uks,
FO -liA
HA- LE
Porciblement ^forcément fpar
force.
Fors , excepté , finoHf
tFoùir, creùfef^ du iaHu fo-
dcre.
Foulles , défaftres » vexations ,
exioffians , violences,
Fourcompter > tromper.
Fourfi&iie, malfaire, pécher ^
commettre un crime ^ per-
dre^ du latin forisfàcere.
Fourligner, dégénérer,
Frandi hofte, habitant du
franc,
Frumeat, froment^ hled.
Fulguration « éclair,
^Ftt(l«S) bdtonsy bois, ou tou-
tes Jbrtes de petits meubles,
O .
Oabelle, impét.
Galtnd, aventurier.
<«ars» garçon, enfant,
Gavène , Gavenne 4 ou Gave »
droit de prote^ion , qui fe
paye à quelque prince ou
feigneur , pour av^ir fa
d^enfe en tems de guerre.
Géhenne , torture.
défir, repofer.
Gheleede , charge de convoi.
Gifle, Gifïle.
Godevaert, Godefroi.
Goncelme , Gocelin.
Grand lieu , fang illu/lre,
Graveninghe , Gravelines.
Grevelinghes , voyez Grave-
ninghe.
Grever, charger.
Guerdon, récompenfe,
«Guefdonner , récompenfer,
Guerpcrer, abandonner,
H
Haquebute, arquebufes.
Hapieule , à la hache, \ .
Hapkin, hache,
HaroUus, Haraldt,^
Hamas, harnols,
Haftivement , promptement.
Havre , port,
Heaulme» cafque,
Heerlyçkç vx^éi^^pajj^du Sei-
gneur,
Hem , ^om d'une mefure^
Herencus» Harene.
Hermicifs, Ernicule.
Herold, Har^lde.
Heur, bonheur.
Hoir, héritier,
Hoftagiers,V^^«X.
Houzé, botté.
Hoye, Hui,
Hue, Hugues,
Hyberaer , paff^r Phiver,
I
Idoine, propre,
Ille(f, là, dans ce lieu.
Imbofcade , embûche,
Iniperfcruta1»le , impénétrable*
Imper^n^nt, hors de propos,
Inadvertiflemeht , inadver^
tance.
Incontinent que , dis que.
Incrédible , incroyable.
Induce, trlve,
Invafif , offenfif,
Jordan, Jourdain,
Jovencel , jeune homme.
Journée fignifie quelquefois
entrevue, conférence.
Ire, colère , du latin ira.
K
Keure, loix,
■ L ' '■
Lncq, filet, piège,
Lanchure , élancement.
La part , par-tout,
Larrechin, vol^
Las, hélas t
Uid, fidèle,
Légièrement ^ facilement , ai-
fément,
Lelyarts , Icf^gens attachés du
LET-ME ME-OV
parti det Us^ en latin Vi^ Vkl^t^M^zeUe.
liatL Mite, mpnnoic anciefuu; U
Lez , frès dt ^cbtz. fcmbU que la Mite fut un^
Lice j comkat. : ejjjrité Jing/e , la. tnoindf^
Linaige^ lipUe^. famille. . ejpice réelle ayant la va-
LiAceuXf àri^s^ linges. leur de trois Mites % qu'Hun
Linéatore, Itniament , trait . nomma maille^ obole.
de sHfage, . ' . Moult, beaueot^^ trèe.
Lia de parement, lit deparsde. .Moftimet y ménager ^ procn*
Lotrice , Lotèier, - rer^ mériter^
Louchet , ^/c<>fe , inftrument N
d* agriculture. ' • i NHUBert , // fa^t , ilccmsi^t.
Lundolph, Landoald. * Navrer» blejer,
Luyfeau, cercueil. Nays, nés. .••' ï :
Lyeflb, joie^ al^refe^ du Nef, vaifeau^ du iatln w
latin lietitia. vis. '
M Neveu , fêttt^ti \ '»âf9- laUn
Mahieu, Matthieu. - nèpôsf.
MaMt^ obole 9 monnoie an- Ninive, iV/«Mr^. ' ^*'^ '^
cienne.^ demi-denier ^ dont ' NonchaUoir, oubli 9- énéifé"
les 24. valotânt un fol. renée y 'mépris*
Main fouveraine, autorité, Nourir, élever.
Mvii^né 9 pufné. '^oyÇt, querelle.
MaMalent, dépit , indigna Nutriment, nourriture. -
tion 9 mauva/fe volonté ; il O '
• ftgmfle quelquefois faute Oblivion , oubli. ' î ' ^ î
gjvvA^ crime. Oh^nt ^ ff oppofant^^ii cai^
Mambour^^jU^/ear , gouver- 'f^'de. .. . \
neur, OiïénôiQ m attaquer. /^-^'-^
Manant y A4A/#4W»/. '' Ognie ^UCgine. ^ ?. un: ;'r
Mandetetc v,^^«^r. Olbert, -^«f*. .; -^ :;.«/f
Muclàon^ ifnar^uijkt. Omnipotent, tout'pûiffiiHt, '
Marez, marais. Oncqnts ^ /amais\. ^ MÏà
Mary ( adj'eSl.^ , agiigé^fdcJjé. umquadi.
Me^9cerke, Jb^riekerke ^ eh Opportunité, facilita , occff*
< latin M9xix fknum. yion. '
Méfiiire , nmlfairt. Ord , fale , honteux , infâme^
Mens, Mayence. du latin (ordidùs.- ''' '^
Mefdief, jnefdiicf , malheur ^ Ores^ y p$ré/èntement , ^>ùmt^.
accident, . :j 1 Ofe^.^uei-^d/^i^e ,' î^^ss^i
ftU£us« fauteycrimc'^ forfaits bien méme^ nmlgré^qwu ■
Mettre jus , mettre Âm^ ^uit» <}maxx,;^ort^lsi, . ^ : . /
ter. .-./,,. .». : Oft, armée ^ campyœrm&*
Mettre.\'ûur»v<^i?èiir» i^/ftf-» Overfcheldé, wïr^ èEfbaxf^
é¥im%.Àft'^m*^ ,',■■ '' Oultre^c^i^ttcç , pr^omp*
M^uxdxix 9 afal/inçr. fiçn.
lOxr-vPO
POf-ïlB:
Otiltrecuidé; ff^mptuéuàl
O«¥f0lt , amikt:^ ihû ^oà
p /. ;
Paour^ ptur, du.JMtùf.fÊaf30T.
Pimioii jprinu , U ptemiet^
U plus grand.
V^mgOTOitXi mcfurer^ corn-
partir, partagtr * du léUm
partir!.
Bâtent ♦;</^»i^r*r^: ,,...
Patron , modèle. . ,
Pinlinf#X 4ifli««die 4Pr>>»/^^
manche des RamêaMfs>:.n
Pecune, argent ^ duja^ittjpp*'
.'"ÇAnig.. •• , . .-. . . /
Pennage , afin $ façultd de
voler, ', , , ..
Perdure, iterneL, . , , v /
Péreraptoir, déçiftf., ]. .', >-
Perpétrer, commettre,
Pers , ^/î/rj. ,. >
P^vifacité, opimdtre^i^ oif^
jlination , </« la fin i?e^i-
cacitaa. . ; '»
Pharauld, PhAimUif,^ ^n ')
Pharetra, car^oUk^ , : >'
Pieur.,^^//^ , .,. M, .;
pipgçrw» échanS^K ^ ' ' y
Pippard, trompeur ^i,,, , ...
PJamout^nx, abon^^ff, ., .;,
Plasmateur, créateur ^^dtiia-
fin plasiwre. . * \ f j
Poindie , ^tfro0r4^^^A^/>;^' ^
Poîaiinghe , *Mdk/fompefixà^
Pompenx, nêmbriu», . v
Porter crédemSe, n^r/ikirjtfOK^
Bondrière, j&MfjJ^i. .:u/0
Ppnrchaffer, pouèfiiiwrti ' * "
pourjed , j^ro/V/. \
Pregnant , fort , put fauté
Premiers. <4àfc;«> 4 première
menti d^abord^^uparavamt^
Premier 911e , aoàut que*
Prendre iktà 4 m^r igard»
Prcfche, fermant . * ^
Procradination*, ^d^iài^ Un4
.'- ^/ttf. ,-.:,'■' j
ProuefTe , hravoûreé , . r ' •
. . iQ, - .
Quant & luy., avec lui.
Quant Qc quant , <M m/md
inflant. .
Que et foit,, ,qU0iqu^il €t$>
foit.
Quide, libre.
Quint , cinquième f
Quoye 9 tran/iuille » (p^mp^
■'•«'' ■.- '•
RabaQre,J>^£r. .. ,
Rache, race.
lUmentevoir , ^ rappellfr à
' Vefprit. ' > ^ ,
Rappeller, révoquer ^a^nulkr 4
Rate de tenips , contirigent , cft
latin ratum/..., , . ,
Raya , rayons. ^ .
l^MhOUtCT y\f4fpûf^jÈr., .{
RecordatioA, mémôitiL
Recorç (jitf*) dtre rèfouvê*
nant»
itecucil, épcuiiL^
iUd^igue , reprodse , Mdm^;
Redondcr^ ibumer^^ tsmbtr^
Réduire en.ihémoii^e', tap^
peller en mimvitiu.
Refondiv , \fm{brs\\ .ne/tktfififf
Refrainâe, réprimée;
Régiment; ' conduite « ' '>>gotih
Reliques, reftes. >rA
Remettre^ •fû»,^ rdrakif^r.in,:
Rencharge , fténr$n*di imU
heur» ''f'^^V i*- - .' ". C
R^P^; aûgmenrer. Soocfvtt, douea^^ fiioves.
Reflouppcr , fermer^ houçitr^ Souler , avoir àfûtamt ^ ^
. rew^. y i^ff//» folere.
Retounier ^ revenir^ ^ . S*oiirdir, mutircJ
KtnÛK^j-aircr. SfoUct^^ià'.
Kx^fta^^ ^tprifailla, . St. faeîir, St. DlzUf.
Rcravs (hantsj, ^^jfei^ St. Régnier, St, kùjuier.
RcvDcqacr, rappcUer. ; St. Vedaft, St. Vaafi.
Rcvobrer,/^ii;f«Air , fMrtf, Suhrcrtii ^ féd^ire. ' ^
Rcwagt, r/^^g/. Surie , .Syri*. .
Réyffir, devenir. Sus la hart , /ojw /^/»^ i/k
itouland, ^/?otf/. i;^ <^^ ^ fous ^iiurifrç
RonkTs, Rêufelaere. , pendu.
R^oolof, Rodolphe. Sufurre, petit bruit ^ du U^
Roowaeit, opcier qui a in- tin fufumis.
Jpeâion fur la police ou le Sy avant que, pourvu que ,
bitm public d'une ville. au cas que.
Rjïdc , peu aguerri , peu T
€xercé. TaiDcr, couper^ mélanger.
Ruer , porter , diriger , jet- Tancr , fatiguer.
^ Tantoft après , ouf -tôt.
Rao-jos, renvenfer^ défaire, Tédicux, ennuyeux y du la.
détruire y battre. tin ta^diof1ls.
S Tenrc , Dendre^
Ssçette , fiJcbe , du latin fa- Terminer , mourir.
S^ï^ Tertre , colline , bautettr.
Stra^inoUnte^fanglanle^du Thérowaeoe, Ibérouane.
îatin fanguinolentus. Tîercemeiit , /rw>E^ii^«^/.
Smlvcté , falut , confcrva- Tollenares , commis à la per-
^*^' ception des imp6ts.
SdOfie, Saxe. ToUu, enlevé ^ du latin tol-
Soffoo, époque. 1ère.
SchHine, étincelle y du latin Tombe y autltitude ^ du latin
firiftiîTIa. * turba.
Semlilaiit , air , vifage. Tranflater , transférer , trans-
Sénoiice , invitation , re- porter.
quête, demande. Tioviiîet , amener , faifir ^ or-
Sénoodre, inviter. réter.
Semdlre, gauche. Tuition, défenfe.
Séquelle, fuite. Tyrus , Tgr , ville de la Pa-
r, fermer. lefiine.
â, ainfi. V
H^Qaîn , garde des fceaux. Vauderoute , défordre.
âgnamment, fur-tout. Vefvcté, viduité , veuvage.
Sopir , affoupir. Ventiler , débattre , c^itêr.
iocde 3 folde. Vergoignc , hontf.
VB- WA , WA-Yd
VcrUU«Y Phara^tde, en htin «4 trtBA CPiuir
V^crfclittCf « f trlhunaL ' ' ttffb.
Vlfine ^ maMnê dâ gutrft^' WiTft, /^rf^i.
//// /tf//« vinca, Watcrlnfhe , cê qui eoncê^m,
VJrcff tourfiêr, ^ Ut eaux.
Vitupère ♦ Hdm^ , /atyre ,' i/<^ Weàdchoék , <)!^tf/<ff rA/ï'f/f / /i
lafltt VlrwperJum. ' ' falr$ tfùécuUr h$ fintenmt
VUupcriit)k, hldmabh, œ lAor^ «teentor rtl )«*
Volrci ; même, àïoêim,
' W WhtecipefoiM ^ iHpmm
WftWruyt (Hw.)» Stê,VaU^ blanct,
dru, ' ^onQeïin^ Vêneêflm,
W*ocnItt|he t ^(/î^ ^Vr/^^/ , Y '
. 7
A Très Haut, Très Puissant, zt
Très Victorieux Empereur
DES Romains, Maximilian IL^
toujours Augufte, Roy de Germanie,
Hongrie & Bohème , Archiduc d'Au-
ftrice, &c.
s.
JRÊ fe glorieux & admirable renom
que par tous les endroi&s de la terre s* ex*
tend & hrûii de vnjîre magnanimué , pru^
dence & humanité , me femble ne mériter
riens moings que la dévotion & fervice des
plus rares & eùccellents perfonnaiges ^ qui
pour le jourdhuy fe trouvent en toute la
Chrefiîenté : mefmes qull feroit impoffibh
trouver aucun homiite tant parfait & ac-^
compl^ , auquel ne ferve de tris grand luftre^
la feule faculté de fe povoit- , à vojlre ad^
yeu , reclamer très humble ferviteur de yojlre
Sacrée Majeflé. Ce que aujfy de tout temps
fay extrêmement defiré , non pour pré-
fumption que faye d'aucunes parties ou
qualitez en moy , qui puijfent eftre jugées'
dignes d'une gloire & félicité tant fouver aine;
mats au moyen ^ que à r imitation de voz
augufies Prédécejfeurs ^ vous ejles ejlimé le
A
que par celle 0ui lort me femblolt fe préfett*
ter. Qfii a eflé la caufè^ que laijjant vofirt
4i£le Court Impériale ^ me fUis mis en cht»
fnin pour retourner en mon Pays^ oit fuccef.
Jivement fay travaillé , & befoini^né de forte,
que je puis préjentement me trouver devant
vojlre Sacrée Ma} eflé avec ce fruiCl de mon
labeur f que je vous ojj're, SHitÙ , dédie &
préj'ente , enjemble nion tris humble fervice,
d'aujj'y bon cœur &-de telle fyncérité , que
Je Jiijiplie nojlre bon J>ieu, vouloir conjkrver
^ ejlablir voflre Impériale Majefté, en toute
projpérité , droiture & ju/lice, '
De voilro Sacr<^o Majcftd)
Trc'i-humblo &, perpétuel Serviteur,
Pierre d'Oude^herfi,
Aux ESTATS ET PEUPLE DE FLAN-
DRES, ET AUTRES LECTEURS
DIGNES DE CE NOM, Pierre d'Ou-
degheiil foahaite toute félicité.
M
Es bons Seigneurs, je ne fuis pré-
fentement délibéré vous propofer le firuiét
& utilité quy procède de la leéhire des
Hiftoires, & fignamment de celles, lesquel-
les comme propres & domefticques , peu-
vent fervir de guide très-certain à ceux quy
font commis à f adminiftration de la chofe
publicque : car outre ce que le travail ,
auquel pour ce refpeft je me meétroye (jf)^
feroit (T comme employé en recomman-
dation de chofe , au jugement de tous
bons & gentils efprits, luffifamment ap-
prouvée) impertinent & fuperflu , il pour-
roit fembler à aucuns que le defu- immodéré
de gloire & honneur m'auroit faiét tranfpor-
ter en trop exceffive louange d'un eftude,
auquel j'auroye arrefté de m'addonner &
applicquer. Chofe véritablement autant ef-
loignée de moy, comme ma confcience
me tesmoingne , que le véhément defîr y
(a) Mcttrois.
Epistre aux Estatz
auquel je fuis de prouffitcf à un chafcun,
joinft à la naturelle inclination que j'ay vers
ma Patrie, m'ont faîft entreprendre ce la-
beur duquel aulTy je me tiendray aflcz pour
recompenfé , lors que me fcray apperçeu
ccftuy mien Œuvre , avoir efté reçeu do
celle fyncérité , laquelle m'a donné har-
dicfle , ou pour mieux dire, conftrainft de
le publier & mettre en lumière. En laquelle
efpérance je me confirme & nourry d'autant
plus , que je fçay & me puis faire fort ,
qu'en la IcÂure de cette Iliftôire vous trou-
verez choies dignes d'cftre leuës , chofes
grandes & mémorables , divers changements
de formes de Républicques & aufurplus des
mcrveilleufes Viétoircs obtenues ; efquelles
toutes chofes on peut confidérer les juge-
ments efpoventables, la providence fingu-
liôre, & la fapicnce admirable de Dieu. Icy
pareillement fe démonftre , quel jugement
doivent attendre tous mocqueurs de la grâce
de Dieu , & ceux qui faifans de leurs vices
vertus , & de leurs ordures puantes , des
fentcurs fouofves (a)^ rcjeélent orguilleu-
fciTîeni; toutes faintçs admonitions. Vous y
DE Flandre-
voirez un miroir commun auquel toutes
fortes & qualitez de perfonnes fe trouve-
ront repréfentées. Et fy un Roy, ou grand
Seigneur veut avoir fon exemple à part,
à celle fin qu'il n*eftime que pour la gran-
deur, il doive eftre exempt de la main
tout puiflante de Dieu, ce tyran monftrueux
& abhominable parricide Phinaert y eft aufly
propofé : lequel a finable'ment expérimenté
que valloit foy bander (a) par inhumanité,
contre la bonté & juftice divine. Je laiffe
à parler du pénible événement & fin mal-
heureufe de plufieurs fédidons, & rebellions,
parcidevânt advenues en cefte Province de
Flandres, & en divers temps. Lesquelles
certainement je defîreroy, (avec tous gen^
de bien) ayoir efté mieux imprimées aux
cerveaux de plufieurs perfonnes de noftre
fiècle, las (F) par trop efventées (f) , &
mal confeillées. Car nous aurions une Répu-
blique moins défolée, & ne ferions forcez
d'entendre , à noftre très-grand regret , les
cjys, pleurs & gémiflements d'une infipîté
de Vefves & Orphelins. Lesquels joumel-
(tf) Ce qu'il en coûte à fc C^) Helas!
roidir. (0 Lfgèrâs , imprudentes.
Epistre aux Rstatz
Icmcnt iioui raif/^icilUînt la tédicufc Qi) mé-
moire de la t)laye au-jourdimy reçcue. Or
( lailfant ce propos) les gens vertueux trou-
veront feinblablemcnt en cefte noftre I liftoi-
re, des patrons (/»), pour cftre cnfuyvi», &
ICH-luél^ fe; viront de femonces (r) véhémen-
te» devant les yeux de ceux qui afpirent
à vertu , qu'efl le but auquel ( félon mon
advin ) doivent tendre & aCpirer tourt Au-
theurs & I liftoriographes pluftoft qu'eux ap-
plieq;ier à faire parade de leur éloquence,
& beau parler, pour acquérir bruit, envers
la podérité ; ou à coiitiiratuler aux Princea
& {grands Seif/neurH , delquelu il» ont cntrc-
prina d'efcripre les faicts & viétoires. Au
rclte , mon intendon ertoit de feulement
réciter les troubles & fc-litions eK(|Me!]es ma
pouvre & miférable i*atrie a e(l(^ puis na-
guerre^ enveloppée, enfemble la finale yffue
d'icelles ; mais le dueil & jufle dc-splaifir
conçou de la défo'ation tant récente, a ap-
pef.iiity & retardé le vol & portée de ma
plume : de forte que pour un premier effay
& commencement, m'a cfté néceffaire l'ap-
(</) l'.nmiyeuf» , du lalin XK- (h) Mulrht,
tli'»(u». (' j ^li:'.itiUi,ntfiicour,ii',rmefH.
DE Flandre.
pKcquer à chofe moins pefante & ennuyeufe,
fi comme au récit des aétes très-vertueux
& vfayement héroijques des Seigneurs &
Comtes de Flandre, des Loix par eux
prefcriptes, des Privilèges par eux donnez,
de la diverfité des polices dudicPays, avec
autres fingularités non moins plaifantes &
déledables à raifon de leur variété , que
prouffitables & exemplaires, pour les doétri-
nes & bons enfeignemens, que toutes qua-
litez de perfonnes en pourront fucer &
tirer. Ayant à ce de tant;' plus efté incité
par les raifons & moyens fubféquentz, pre-
mièrement , que veu la délibération en
laquelle j'eftoye d'efcripre des fufdicVs tu-
multes de Flandre , je devoye reprendre
les affaires dudiél Flandre dès le commen-
cement & en continuer le difcours jusques
au temps préfent , pour autant qu'il me
fembloit que touts nobles & bons efprits,
3 esjouyroyent davantage , trouvants en leur
povoir Tuniverfelle Hiftoire d'un Peuple
tant renommé , efcripte d'un mefme ftyl,
pourfuyvie & achevée. D'autrepart, je con-
fideroye l'indigence en laquelle nous fom-
mes d'Hiftoires à nous propres & particu-
lières, & que par faute de ce ,noftre Pais en
Epistre aux Estatz
povoit eftre moins eftimé. Lequel autrement
ne doit toutesfois céder à autre du monde,
foit en magnanimité de couraige , en nb-
blefle de lignages, en amour de vertus, en
inventions artificielles , en fiibtilité d'efpritz,
en gloire militaire , en inliitutions polytic-
ques, & toutes autres .particularitez , qui
peuvent fervir de luftre & ornement à
quelque Républicque ou Province. Et qu'ain-
fy foit, nous avons noz Alexandres , noz
Solons, noz Ariftides , noz Pompées , noz
Camilles en unLyderic, BaudouynBras de
Fer, Philippe le Hardy, Baudouyn le Dé-
bonnaire; Arnould le Bon, Charles le Quint,
& autres : nous avons noz Viftoires, autant
merveîUeufes & renommées que les plus
fameufes de celles dies Grecs ou Rommains.
Nous n'avons faute de bons Légiflateurs ,
de grands Jufticiers, de Princes aulmofniers
& libéraux, de Peuple loyal & obéiflant,
ny d'autres fmgularitez , esqUelles lesdiéls
Grecs & autres Nations , fleuriflent par la
diferte (a) & bien difante plume de leurs
Hiftoriographes plus que nous, mais non pas
par effe6b, félon que par le difcours de celle
Il ■■! -P ■ ' ; ^' '"
(tf) Eloquente.
DE Flandre-
préfente Hîftoire, j'efpère faire apparoît i
tous lefteurs difcretz & entendus. Qui fer-^
vira d'argument irréprochable pour defcou-'
vrir le tort d'une infinité de gens doctes &
éloquentz , lesquels jufques à préfent , onC
trop mieulx aymé eux contenir en une vile
& indigne taciturnité, que d'employer leur
bon fenS) & fuffifance au prouflSt public, &
à rîmmortalité de leur douce & bonne Pa-
trie. Car ores que (a) pour excufes ils
puiflTent propofer la malignité du (iècle mo-
derne j duquel ne povons efpérer en lieu
de louanges , fmon un millier de calump-
nieufes rifées , & ,en lieu de guerdon (Jf)
de noz travaulx une infâme ingratitude , &
que pour ce ne nous doit refter aucune oc-*
cafion de faire le prouffit de ceux , quy
rfont aucun foucy du noftre : fy eft-ce que
Taffeélion feule de la Patrie les devoit ef-
mouvoir à un œuvre tant recommandable,
outre ce qu'ils ne peuvent ignorer, que le
guerdon de la vertu , eft la vertu mefme*
Voylà pourquoy , je ne puis laiflîer de Icxier
grandement l'induftrie , travail & diligence
de Jacobus Meyms , lequel par les Annales
Epistre aux Estatz
que puis naguerres (nonobftant lesdiftes
raifons) il a mis en lumière, n'a dényé le
tribut, duquel il fe fentoit oblegé vers fa
Patrie, & le labeur duquel m'euft paraven-
ture peu excufer de cefte mienne entre-
prinfe , fy les incidens advenus , durant le
temps des Princes & Comtes de Flandre ,
tant en noftre Province qu'ailleurs, qu'avec
les geftes d'autres Princes eftrangiers , il a
inféré en fondiél volume , n'eulfent rendu
fon Hiftoire par trop meflée & difficile.
Quant à ceux quy ont efcript auparavant ,
je n'entendz m'y amufer, pour autant que
quand j'auray laiffé le jugement de leurs
labeurs aux bons Leéleurs & entendus, je
fçay, que tous d'une mefme voix pronun-
ceront que leurs efcriptz pour l'antiquité
du langaige, & mauvais ordre y obfervé,
mérite une bien longue interprétation &
commentaires. Lesquels néantmpins je ne
voudroye priver de leur gloire & honneur ;
car s'eftants employez félon leur capacité ,
& conformément au temps de lors, ils nous
ont laiffé le moyen de parachever le fur-
plus, & par conféquent ont très-bien mé-
rité de la chofe publicque, l'accroiffement,
félicité, renommée & bon gouvernement
DE Flandre^'
de laqaelle doit eftre en trop plus (ingu^
Kère recommandation vers touts gens ver-
tueux , que leurs négoces & afiàîres parti-
culiers. Vous afleurant Q Amy Leéteur) que
celle feule confidération, m'a fervy de bou-
clier très-ferme, & de merveilleux antidote
contre les venimeufes dentées (a) &
poignantes calumpnies des malvueillants ^
lesquels pour fin^e & réfolutive relponfe,
j'admonéfte de bon cœur, & en toute fyn-
cérité , que pour mieux fonder leurs repré-
henfions , ils meétent la main à la pafte , &
que par autre femblable Hiftoire ils tafcheht
fobfcurcir le bruit de la préfente. Et pour-
ront élire certains, que tant s'en fauldra ,
qu'en ce je me fente aucunement intéref-
fé (^), que mefines je les auray toute ma
vye en (îngulîer refpeét & révérence , me
contentant du feul plailîr que recevray, de
(pour le moins) les avoir par mon infuf-
fifince provoqués à fentreprînfe & accom-
pliffement d'un œuvre tant digne & prouf-
fitable. Vous avez(Meireigneurs) les raifons
qui m'ont meu à ce hault & noble exercice.
(«) Cûups de dent , eu figura (h^ Offcnfi,
>icr traiu mâdifans.
Epistbe aux Estatz
4uquel toutesfois je ne veulsnier, que pat
Xucceflion de temps je ne foye devenu
oyCif & nonchallant , & que confidérant la
(difficulté de l'œuvre, mon efprit ne fe foit
appefanty. Mais cependant , je n'ay eu faute
4e foliciteurs , qui bruflans de defir de bien
^entendre les chofes,^ m'ont exhorté a con-
tinuer. & me remettre à la befoingne , &
fnr toxxté autres , le très vertueux & illuftre
Seigneur Fabio Mafqui d'Urbino , Gentil-
homme de Sa M ijefté Catholicque , homme
certainement convoiteus de toutes fciences,
^ aufly de cognoiftre les faicls advenus ,
comme celuy qui s'eftant trouvé depuis
lesdidtes fédîtions & es Pays de Flandres
en des affaires de très grande importance
& terribles aventures, a monftré un bon&
excellent naturel en toutes chpfes , & a
tou<?jours gardé une aifeftion immuable de
vertu. Voulant donc obtempérer au defir
d'un tel perfonnaige , quy prend plaifir à
favorifer fans cefle ceux qui entreprennent
quelque chofe honnefte & utile ; & ayant
desia honte de moy-mcfmc , fi on euft cognu
cecy de moy, que j'euflfe voulu préférer la
fionchallance à un honnefte travail, j'ay rc-
prins force & couraige. Cefte confidération
DE Flandre.
aufly m^a fervy d'un aguillon fort & pîc-
quant, à fçavoir, que me trouvant en vo-
lonté de réfider en la Court de l'Empereur^
& qu'au moyen de ce , je n'auroye pour
Tadvenir la faculté de faire en mon Païs le
fervice que autrefois j'avoye defiré , il me
fembloit que le zèle naturel de ma bonne
Patrie ( lequel jour & nuid ne ceflbit d'exi-
ger quelque honnefte tribut de ma naiflance)
ne devoiét en mon endroiél rien moins po^
voir, que. me conftraindre à ceftemanifefte
déclaration du bon & ardent vouloir que
je luy porte, & duquel je defire grande-
ment que chafcun face fon proufRt. Au lur*
pks, j'ay divifé cette mienne Hiftoire en
deux parties ou volumes, desquels je vous
envoyé ce premier, pour avantcoureur , &
auquel vous trouverez tout ce que concerne
tant les faiéts & aétes des Princes & Com-
tes de Flandre, que la police & manière de
governement dudiél Païs , depuis le temps
de Lyderic premier de ce nom , jusques à
l'heureufe fayfon (a) que ceux de Flandre
fe font alliez à la très haute, très viélorieufe,
& vrayement augufte Maifon d'Auftrice, la^
{fi) Epoque,
Epistre aux Estatz de Pland.
•quelle par fes heureufes conqueftes &
magnanimes entreprinfes, femble proprement,
& fur toutes autres , eftre menée & con-
duite par la .main tout-puiflante de Dieu,
comme efFeftuellement démonftrent affezle
confeiTer toutes Nations & Seigneuries
eftranges , par ce que Tentants la félicité
fatale de ladiéle maiion, viennent de toutes
parts, requérir fon amitié & alliance, telle-
ment que foubs icelle ( laquelle comme àià
eft) Dieu a eflfeu ppur la combler de tout
honneur, intégrité, & prouëfle , branfle &
marche préfentement , tant par mer , que
par terre , prefque l'univerfelle puiflânce de
r Europe, comme plus au loing & manifefte-
ment apparoiftra, par le difcours de la fé-
conde & dernière partie de noftre àiàe
Hiftoire; laquelle j'efpère de brief faire
promulguer & vous envoyer foubs le bon
plaifir & grâce de Dieu. Lequel je fupplie
vouloir eftablir , & conferver noftre chofe
publicque en toute profpérité, droiéhire, &
juftice : & a. vous (Mefleigneurs) oélroyer
Taccompliffement de voz vertueux defirs.
De Bruxelles le premier de May 1571.
PROLOGUE
PROLOGUE
Sur lés ChromcquesL& Annales dé Flandres;
par ruiuftre Seigneur Fabio Mafqui d'Ur»
iino. Gentilhomme du Roy Catholicque,
noftife fouverain Seigneur, réfident pour
le jourdhuy au Païs-Bas.
jLjS Phénix & Parragon (a) de rÈlo*
quence Rommaine , Cicero , eft accouftumi
appelkf VHiftoife, Tefmoingne de temps ^
Vie ae mémoire^ Maijîrtjje de la vie , L«-
mière de vérité, & Mejfagière a" antiquité Qi):
te que conjîdérant , fi? diligemment à part
my ruminant^ ne me puis ajfez efmerVeiller
de la parejje ae plujieurs grands Seigneurs
& fameufes Képuhlicques d^aujou'rdhuy. Les-
pels non feulement ne femont (b) en touts
extrêmes debvoirs ^ poUr recouvrer aucuns
gens vertueux i faiges & éloquentz, dus quels
Uspuijjent commedtre totale & abfolute charge
âe rédiger pat èfcript leurs fai&s & entre-
prinfes , aveâ autres chofes mémorables ad'
ienues en leur temps ; mais aujfy ( & que
pis eft ]) ne font gderres^ d*eftime, foires (c)
— - - "■ ■ . . ^
(1) Prince, (c) M^mâ.
(b) Se mettent,
(0 Tefiîs temporum^ lux veritatis ^ vita memorU^ magijîra vitai
nuntia vetufiatisi De Orat. L. %*
B
Prologue^
Uen fouyent mefprifent ceux ^ qui d^un mut
généreux ^ s'offrent par leur efcript à les
fair'e revivre ènlèuf poftérité^ ou pouf mieux
dire , à les rendre quafy immortels. Qu'eft
la caufe du peu de fouc^ que plufieurs gens
d'efprit de noftre fiècle ont d^ embellir leurs
Hifioires des fai&s chevalereux de leurs Prin-
ces & Seigneurs : lesquels encoires qu'ils k
méritent pouf leur prouëjje ^ le defméritenP
pour leur chiceté (a) , & pour le mejpris
dont ils ufent\ en V honneur & entretènement
des do&es : toutesfois ne debvr oient ignorer ^
que les fciences veullent eftre honnorées à
tputs 5 & guef données • (b) par les Princes
grands Seigneurs & Républicques qui en re-
çoivent leur plus durable gloire & renommée^
ou autrement que elles ne les hohnoreronty
ains (c) fe tiendront en je^ ne fcay quelle
arrogance , avec laquelle elles ont accouftumé
déseftimer tous ceux ^ qui les ont contemp-
nées (d). Comme tris bien ont cognu & péfé
les Ancejlres^ tant Rjommains & Grecs ^ que
autres ; lesquels par propofitions de divers
^%)MefquinerU^Ufinc^j^aricc. (d) Méprifées ^ du latin co»*
(h) Récompenses^ lemnere.
(c) Mais.
P k O L O G u e:
falaireSj honneurs & guerdons^ fouloyent (a)
proyocquer & inciter les do&es & fçavants
à la promulgation des Hiftoires de leur temps.
Jujfy nont ils efié déceuz de leur attente &
expe&ation ; d'autant que çncores au-jourd-
huy nous a^ons une infinité de volumes^ em-
plis & ornez des aôfes chevalereux & gou-
vernements vertueux desdiâls jînceftres. Les
fai&s desquels feroyent préfentement enfepve-
lis au centre ténébreus de perpétuelle obli-
* yion Cb) 5 ne fut le frui6i de la diligence que
' (^commedi& efi^ ils ont mife à l'honneur & ^
entretènement de leurs éloquents & très re-
nommez Hifioriens , & duquel ils jouîjfent
maintenant y &- jouiront jujques à la con-
fummation du- monde. Quy debvroit efmou-
voir tout s Princes magnanimes & Républicques
bien ordonnées y à entretenir & grandement
eftimer ceux quy d'un cœur prompt & libé-
ral, fans crainte d'aucuns travaulx^ defpens^
calumpnies^ ny d'autres femblables incom-
moditez^ s'effbrchent , par efcripts , (Téterna-
îizer leur mémoire , 6? publier leurs fai&s
excellents: comme entre & fur tout s autres^
(a) Avottnt coûtumt , du la- (b) OuhîL
tin folere,
B 2
P R(OL O G V E,
tùn trouvera âigne d'immortelle louange ^
de recogmijfance non vulgaire^ Monfeigneur
pierre dVudegherft Do&eur es Loix, homme
certainement très excellent, & de do6irine &
expérience non médiocre. Lequel nonohftant |
plufteurs fiens particuliers & très importants
afaires,èsquels il fe trouvoit enveloppé,. n'a
peu démentir fon gentil naturel , & beaucoup
moins , le bon zèle & ^grande affe&ion qu'il
dvoit , & a vers fa Patrie , comme manifefie-
ment fe defcouvre par le labeur, & extrême
àebvoir, auquel, en la compofttion de cefte
■ préfente Hijloire , il s'eft mis de tympanifer
& publier les faiâls héroicques des Comtes de
Flandre fes naturels Seigneurs, enfemble la
bonne police, & autres chofes dignes de mê-
, moire & admiration, depuis plujieurs fiècîes,
audit Pays fuccédées, & advenues. La meil-
ieure partie desquelles chofes à efté jusques
à préfent du tout incognuë , non feulement
aux longtaines régions & terres eftrangèreS,
mais aufy à bon nombre de ceux qui re-
cognoijfent pour leur pays , ladiâfe contrée de
Flandre. Et combien que fur ce , phjîeurs
convoiteus (a) & amys de difputes, ou (^pottr
(a) Defireux.
"Prologue,
mieux dire ) de contradi&iom , pourroyent
oppofer aucunes autres telles quelles HifioireSy
far lesquelles fait à un chafcun loifible d'en-
Ufidre ce qu'il aura volonté de cognoijlre aux
paires dudi& Flandre ; fy eji-ce que ^com-
me fefpère") ils fe contenteront , quami ils
feront efié adyertis , que la plus part des-
diaes Hijloires ont efiéfy grofement conceuës
& lourdement digérées, que (Jusques à pré-
fenf) ri a efté pIJibU d'en digérer la moitié
de r excellence: & qu'au contraire, la pré-
fente fe trouvera remplie de concions tant,
facondes (a) & advertifemens fy notables,
pie par fa douceur elle pourra attirer tou-
US fortes & qualitez deperfonnes à fa levure.
Oui fera caufe que par mefme moyen fera
iorefenavant par tout cogneuë &■ manifejlée
la grandeur, excellence, proue jfe& magnant-
mité de ladi&e Province & Contrée de J'ian-
dre : laquelle indubitablement à Vadyenir
prendra, par le pennage QS) du parler élo-
quent de cefi Autheur , fon vol vers toutes
autres Nations, avec autant d'heur (c) 6?/^-
licité, comme joy eu fement, & en toute gra-
0) Difcoun tant i'cqiu»^. da O) MU, ou Jaculti d, *•-
mots latins t condo & &• '"■•
Prologi/e,
titude, elle doit recevoir , embraffèr, 6? eOr.
[^refer ce fruiêl gracieux & do&e volume^
^Mefmes d'autant ph»^. qu'en iceluy fe re-
préfente proprement & à Vœil , la yraye
image de police , 4'Keommie & inftru&ion
rmralle , informant l'homme de fort devoir ^
tant au faiSl univerfel que particulier dt
la vie. Outre ce qu'on y trouvera une élé-
gance copieufe^ non fardée, trop bien garnit
de toutes figures & ornements d'qraifon^
foubs un fond fuhjlantieux de prudence ci-
vile, fif telle qu'en toutes fes parties elk
peut fatîsfaire aux oreilles poêles & délicates.
L'on y voira l'expérience de l'art militaire,
& s'encouraiger aux armes par la louengt
de prbué'Jfe& vitupération de la couairdie (z).
On y pourra cqnjftdérer ( comme en, un thèâ.
tre de tout le monde') les divers changements
de la fortune, l'inconftance des^ chofes hu-
maines, les hazards de la guerre, les trophées
des princes vi&orieus, é? la vergoingne (\>)
des vaincus. Finablement Q & ce que plus
'contente & attire touts gentils efprits à la
lecture de quelque Hiftoire') vous y cognoi-
,ftrez par effe& , l'extrême diligence en la-
quelle tAutheur s'efi mis, pour rendre fon
(a) Méprit de la Idchtti. fb) Honu.
Prologue.
àifcours plaifant^ VHiftoire bien continuée y
& les propos bien fuyyis ; de manière que
par le bénéfice de ceft Hiftoriographe , la
Flandre d'icy en avant fe pourra comparer
aux plus heureujesy & renommées Provinces
de toute r Europe. Dont aujfy je n^ay peu ,
ny voulu laijfer , de par ce petit difcours ,
fhonftrer ce figne de congratulation , tant
pour Vimmortalité que ledi& Autheur ( le-
quel fay tous jours aymé & pour fes mérites
révéré^ s'aura (^par la compofition de ce
volume^ gaignéCy & acquife^ que pour le
prouffit & gloire que ceux de Flandre en
receveronty ausquels je de/ire tout heur^ con^
tetitementy & projpérité.
FIN.
NOTICE fflSTORIQUE ET CRITIQUE DE LA
VIE ÉTÇES OUVRAGES DE L'AUTEUR.
^ "lerre d'Oudegherft originaire de Poperîngue ,
^ mis ni à Lille ,- fe fit de fa réputation dans le
^ XFI. fiicle par f^n habileté dans rHifioire , dans
„ la jurisprudence j g? dan^ le maniement des af-
yyfaires. Il prit quelque part le bonnet de Doùeur
„ en Droite & fut Lieutenant-Bailli de Tournai ^
^ du Tournefis. // parott que ce fut pour quelque
D commijlon relative à cet emploi ^ qu^il fe rendit vers
„ ran 1569. en ^llemagne^ oit il fut quelque temps
n à la Cour de /^Empereur Maximilien IL Ni les
9, i^aires importantes qu'on lui confia , ni le temps
D qu'il donnoit aux exercices^ du Barreau ^ni de fâcheux
y, embarras domefiiques qu^il eut à ejfuyer , ne purent
9, V empêcher dé faire une étude approfondie des Afiti-^
I, quités de fon Pays^ Ayant fait le voyage d^Ëfpagne^
D apparemment pour quelque négociation y il finit fes
^ jours dans la Capitale de ce Royaume. Perfonne ne
^ marque r époque de fa mort : je crois qu'acné n^ arriva
Yipas longtem^ après fan 1571.., qui efl la date de
^ fon Hifloire ; car il promet toif alors d^èn donner
•, incejfamment le fec^tnd tome qui h^a point p^ru.
„ Oudeghérfl et oit lié d^ amitié avec VHiftorien Flo-
^ rent van der Haer ^ avec le Poète Maxîmîlîen de
,, Vriendç, oui lui fit cette épitaphe:
Yi Ne properes, quamvîs properes, morîture Viator;
y, Stâ, kge, difce brevis quem tegit urna vîrum,
^ Hiftorise & legum jacet hic fine lumîne lumen ,
^ Hic Sophias & Suadae muta meduUa jacet,
y^ Hic ufurarum maftîx îmmitîs, & idem
„ Miti3 amor charîtum "juftitiœque jacet.
„ Tantum lœta vîrum felici Belgîca partu
y^ Extulit, ereptum Uœtica terra capit.
3, Oudeghérfl: entreprit fon Ouvrage , qui eft écrit
« fut de bons Mémoire^ , à la follicitation du très-
N O t I C E.
H vettueUK & illuftre Seigneur FabioMasquid*Urbino,
5, Gentilhomme de S. M. Catholique , qui avoit ttne
ry grande pajffian four toutes les Sciences^ & qui avoit
y^ été employé à des négociations importantes en Flan-^
jj dre^ depuis les troublés arrivés dans le Pays. Oude-
^ gherft s^ejl appliqué fur-tout à mettre de r ordre
^ dans fon Hiftoire^^ il en a banni les aStions des
9, Princes étrangers qui jettent de la confufion dans
55 les Annales de Meyer^.
Mém. pour fervîr à THifl:. littér, des P. B.
par Paquot, in 8vo. t. 3, p. 069. & fuiv.
Nous ajouterons à cette notice les obfervations fui-
vantes que nous a fait nattre la ^leàure attentive &
réfléchie des Annales d'Oudegherff. Cet Auteur eft le
premier de fes compatriotes qui pour laijfer à la pofté*
rite une Hiftoire complette de fon Pays ^ ait ofé s^ écar-
ter de la route tracée par les Arinaliftes des Jîècles
antérieurs. Ceux-ci , fous le titre modefte d'* Annales
ou de Chroniques^ ont plutôt écrit des Hifloires géné-
rales^ que des Hifloires particulières. Leurs compi'
Jations^ quoiqu^eflimahles d^ailleurs^ ne font guère que
des fquélettes chronologiques fif des tableaux imparfaits^
oit la trop grande multiplicité des coflumes répand h
désordre & la confuflon. Oudegherft au contraire
n^ introduit les peuples étrangers fur la fcène^ qu'han-
tant que r exigent les évènemens quUl doit décrire^ &
rien d'* exotique ou d"* incohérent ne détruit chez lui
l^ uniformité. Les premiers énoncent les faits avefi un
laconifme fouvent défefpérant ^ fans en indiquer prefque
jamais les . caufes ni les eflits. Si Oudegherft ne renh
put pas toujours à cet égard r attente de fes LeSleurs^
fa narration du moins fe rejfent rarement de la fiche»
reffe de fes prédécejfeurs ; & fans épuifer les détails j
il en dit fouvent ajfez pour laifler dans PefpriP une
connoiffance fuflîfante des évènemens qu^il raconte^ Dans
un fiècle oit le goût Ç^ la méthode étoient encore atê
N O T I CE.
hrceau 9 // n^efi pas étonnant qu^il fe foH queîqueftnt
écarté du vrai ton de VHijhire* Il avoit appris à
V école det Anciens qu'ail parptt, avoir bien étudiés 9
que l^Hiftoire d'aune Nation ne doit pas être celle de
^Univers ; mais en voulétnt fe rapprocher de leur sna^
nière^ il n*a pas toujours fçu fe garantir des écueih.
Les difcours fnoraux ou politiques quUl met dans la
huche de fes perfonnages ^ peuvent^ à la rigueur^ étra
regardés comme des hors-d* œuvre qui ne méritent d^in'»
dulgence^^ qu^en faveur des maximes de fagejfe & da
vertu qu'ails contiennent. Tout ce qui n*a point una
Haifon ejfentielle avec la chaîne hifiorique^ tout ce qui
ne mène point dire&ement au dénouement , ne doit pat
trouver place dans un Ouvrage qui n'*a pour but que
dUnJlruire. On voit y»'Oudegherft avoit médité 1er
Htftoriens Latins dont 'il s'^npproprie quelquefois les
idées dans fes difcours ; mats r exemple de Tite^Livc
Ô? de Saîlufte qu^iî veut imiter , ne le jufiifie point»
En donnant à leurs écrits une manière dramatique »
en prêtant leur voix éloquente aux grands Hommes de
leur pays 9 Tite-Live & Sallufle les ohligeoient à fe
peindre eux-mêmes dans leurs harangues 9 & à y tracer
avec énergie les évènemens auxquels ils avoient eu part
^ dont ils avoient été fouvent les principaux aêteurs»
Ces harangues tiennent donc ^ plus qu'*on ne penfè^ait
corps entier de VHiftoire , parce que , fous la forme
9ratoire^elles remplacent ou des portraits ou des récits qui
plair oient moins à l ^ homme de goût^ fi l ^Auteur ne les eût
pré fentes qu*avec la marche fymétrique & monotone dm
genre narratif. Il n^en ejl pas de même chez Oude-
gherft , dont les harangues n^ont pas toujours une
îtaifon bien étroite avec les évènemens qui fuivent ost
gui précèdent. Dans les Hijl ariens Latins^ les perfon^
nages font toujours éloquens ^ parce quà Rome Véh^
quence pouvoit tout ^ conduifoit à tout. Ùans Oude*
ghcrft, les perfonnages font fouvent diffus ^ rarement
N O T I C E*
des môuvemem dUkqumce animent la raîfon qu$ leur
frète rHsflorien.
On regrette encore ^^'Oudejçhefft ait quelquefois
iiplaci les ivinement , & qu'il n^ait pas iti plus
exaSt à les rapporter aux années qui leur conviennent*
Au refte ces inexaStitudes deviennent plus rares ^ à me*
fure que Von avance vers le fiècle oU il écrivoit. Il a
recueilli plufîeurs Léix & plufîeur s Privilèges accordis
far les Souverains ; & ce font autant de monumens de
la ligiflation & de Pindu/lrie du moyen âge. Il a fou*
vent confulti les écrivains originaux fîf contemporains;
mais en le^r empruntant des faits marqués au coin de
la vérité^ on voudroit quUl n^ eût point défiguré fa
narration par le récit de plufîeurs prodiges. Ces pro^
iiges peignent ^ il efl vrai ^ Vefprit du fiècle qui fCt^
fu les voir arriver fans frémir ; mais rHifiorien qui
les place à côté d'une vérité hSflorique , & qui les
adopte aveuglément , afflige , par cet accouplement In*
zarre j Vame de fon LeEteur ^ fans rien ajouter à
t' intérêt de fon Ouvrage,
Au refîe^ ces défauts que V équité nous force à re*
lever ^n'empêchent pas Onàtghtvïid'étre placé parmi ceux
qui ont le mieux écrit jufqu' ici fur THifloire de fon pays.
Ses Annales ne renferment pas tout ce que cette Pro*
yince a fourni d^ événement intéreffans ; mais on y
trouve des chofes que ron cher cher oit peut -être inutile*
inent ailleurs , depuis fur^tout que le tems & les guer^
tes civiles ont ravi à la poflérité des mémoires prétieux
qu'il a pu confulter. Elles deviennent donc nécejfaires
à ceux qui voudront connoitre les révolutions qu'a
^uyé la Flandre ^ & la part qu^elle a eue à celles
qui ont agité les états voifîns^ depuis V origine de cette
Principauté ^ jufqu'' à la mort de Charles le Téméraire ^
le dernier des Ducs de Bourgogne qui ait régné fut
cette Province.
NOTICE.
Nbuî ajeuterotts à la notice hifimque de ta vie
d'Oud^erft , Vextraît fuivant de la préface d'un
ouvrage ejpagml imprimi^ petit in^^.^ Fan 160O9
à Madrid^ fous ce titre : Defempeoo &c. c^eft-â-dire
Dégagement du patrimoine de fa majefté & de fon
royaume, fans préjudice du roi ni de fes fujets, par
le moyen de "caifles publiques & de monts-de-piété ^
par D. LouisValledelaCerda, confeiller de S. M. &c«
y. Mais comme il efi jufte de faire connottre celui
jy qui le premier conçut le projet de cette utile entre^
Yi P^^fi^ ]^ ^'^ déclarer y avant d* entrer en matière^
^ que me trouvant aux pays^fas [où S. M. m*moit
^ envoyé auprès du Duc de Parme ^ peur des affaires
„ in^ortantes'l je fis connoîjfance avec ttn gentilhomme
^ flamand^ natif de Lille ^ nommé P. d'Oudegherd,
y%perfonnage doué d'une rare vertu & des plus belles
tf qualités. Comme il me voyoit dtfpofé ainji que lui à
^ chercher le renéde aux maux publics , il me dit un
f, jour qu^ après de longs voyages qu*il avoitfart dans
n r Europe , touché des maux qu'* enfantoit Pufure
fi cLins la chrétienté , // y avoit trouvé un remède
^ doux & facile , tant dans la théorie que dans la
fi pratique , par Vétabli^ement de caiffes publiques &
^ de monts^ae-piété qut , ùour te bien du prince q?
fi de fes fujets , p^rvien^eient à éteindre Pufure^
ji fims quUl fût befoi» d'avoir recours à laviolence^
jy ni à aucune loi. Il me dit qu'il avoit communiqué
n ce projet à S. 3f. lorfqu^il étoit en Efpagne & qu'il
„ étoit entré à ce fujet en conférences avec quelques
n minifires. Ceux^i le trouva/^ favonAlement dijpofé
^ à fervir les pays^as ^ fy envoyèrent pêur fe concer^
ti ter Çf pour délibéret fur cet objet avec le confeil du
^ P^y^ 9 A?^^/ décida aue c* étoit an établijfement ié^
^ portait ^ digne a être offert à la nation. Mais
„ la jaloujk fîf les contrariétés de ceux même, qui par
y» leur état auraient dû le favorifir , en empêchèrent
n r exécution , comme il arrive malheureufement au-^
f^ jourd*hui dans tout ce qui efi bon Çf utile. A f ayant
Yt injiruit lui-même d^ ce proj^j il me pria d'en par-
^lerà S^M. De retour enJS^agne Çf chargé d'autres
„ paires importantes ^ je le propofai &je f appuyai
„ avec tout le zèle dont j'érois capable^ 6? autant que
j, me le permettaient mes foibles lumières^ Je demanda
U à T î t t.
u àufi àvèà inflanee qu'on appetUt ledit d'Oudcgherd
Î5 en Efpagne. Il y mnt ^ ^trouvant cette afaire en
,, Hn train ^ il conçut tant de plaijlr du foint où je
^ Pavost conduite i qu^enfuite (l ne me quttta plus un
^ inftanr. Enfin S^ 4f.// affembler à ut efi'et quel-
^ que^ minifires dé conudération ^ ftr avecTaJJîjtance
,, éontinuelle dé nous aeux^ on traUa' ^ l'oint dîjeuta
f^ trit^fouvent r importance de cet objet ^pendant phs
f^ de fi» mois que dura cette alTemblèe. Il fUP réfolu
^, d^un confentement unanifne Ci affermir ce$ itablijfe-
^ ment fur une bafe folide^ ce, qui alloit être exécutif
\^ quand mourut P. d'Oudegh^rft en 1591 , me laijfant
)^ aujfi trifie que découragé ^ dépourvu des talens
' ^ nécefiaires pour Vitabliffemeni d'un projet fi impor-
3, tant.r, (*Ji
li résulte 4e çit Cîitraît i^. (Jué rarinaîirt^ P.d^OaJe^^herfi a fkit
4eux voyages en Efpagne , le premier probablement avant l'an
1571, Ôc le fécond, îorfqu'il y fut appelle poui* traiter avec k
miniftère efpaffnol de i^éubUflement des montt-de-pi^té & Ivi
comhittniqucr les réflexions qu'il avoit faitef Air cet important
pbjet; 2<>'. il eft confiant que c'eft pendaqt ce fécond voyage que
mourut P, étOtrdtgheffl en 1 59 ï , & non paÀ en i sj^ i , comme on Ta cm
iufqu'îci î s*', la gloire d'avoir le premier créé un i^rojct qui p4t
mettre un ftcin' à la rapacité des ufuriers dans les Pays-Bas , eft
tip fccret« que \% franchife de D. Louis Valle de la Cardà révèle k
ceux qui s'intércflent k la mémoire de cet hiftoricn de la Flandre.
La dat« de la première édition de ît^ annales eil de 1571, &
farce qdc ce ne fut pas à -P. d^udegherft lui<néme , mais ii Claire
(Clara) Wits, que fut accordé le privilège de les mettre au jour ^
l'on en a conclu qu'il devoit étr^ mort à-oeu-près k cette époque.
, pe qui rendoit cette opinion vraifemblabTe , c'eft^ qu'il avoit pro*
iiïîs une fuite k fcs annales, & que cette fuite n'a point part;
inai$ "ne pourrqît-on p}as coiljeâiirer que P, d'Oudegherft dîftrait
ï>Hf de longs voyages a^ra chargé cette Clara Wits, du foin
de foliiciter le privilège de livrer fou manufcric k rimpreflionf
Quant k la fuite qu'il promettoit 9 il en avoit déji^, fans doute^ ra^
maflr^' tes fnatériaux; mais fes voyages, fes embarras domefli'
auc5 de les négociations dont il fut chargé dufent le forcer
^'inter/Oifti^rtf fcs travaux. On pourroit donc ^i^uitier qu'ayant
emporta avec lui dans fpn fécond voyage d^fpagnef, les maté-
riaux de la fuite de fon hiftoire, dans l'cfpoir peut-être dV
incttve la uernièrê inain dans fes initàtis de loifir, ces matié-
riàlix fe liront égarés \ fa mort* k mbihs qu'une main fbi-
^ncufe ne le» ait recueillis « de àu^tln jour quelque hafaid
Acureux pe les tire de ta pouiOèra d'une bibliodiequ# eQ>agnol^.
"^iùn
(*) Cet extrait rtous a été communiqué par Âfrs.dè Santander^
„j/i moins connus par leur érudition bibliograpjjique ^ qu^ pfr
lô z^U obligeant avec lequel ils font part aux gens de lettrei
^ie tcuri richejtes littéraires,
pisçoui^S
DISCOURS PRÉLIMINAIRE^
POUR SBRVIR d'introduction AUX
ANNALES D'OUDEGHERST.
I ^Orsque Jules-Céfar, après ftvoîr triomphé
des Celtes , pénétra dans la Belgique, la partie
la plus occidentale de cette Province , renfermée
entre TEfcaut & TOcéan, étoît habitée partroîs
Nations puifTantes, les Morins, les Atrébates &
les Ménapiens. Les deux ' premières ont formé
longtems-une portion confidérable du domaine
des Comtes de Flandre, La politique & la guerre
leur ont depuis ravi ces Provinces que la politi-
que leur avoit accordées , & dont une longue
jouiffance fembloit devoir leur garantir la pofleflîott
pour toujours. Là Ménapie, pendant près de huit
fiècles , a été foumife à une fuite non interrompue
dcPrinces indépendans, tandis que les deux autres
oHt paffé fous les loîx d'une Monarchie étrangère*
Elle conffitue encore aujourd'hui, fous une autre
dénomination , une portion prétieufe de l'héritage
du Souverain qui règne fur elle, & dent toute
l'autorité fur cette province dérive du titre héré-
ditaire de Comte de Flandre, que le fang & la
nature lui ont donné. La Ménapie que le Com-
merce & lè premier des arts, l'Agriculture, ont
placée au premier rang des Provinces Belgiques^
étoit alors bien Jn&rifiuie 1 fes voifins, tant par
la population, que par les pi'ogrès de la civilifa-
tion. Epars dans une vafte contrée, fur les bords
d'une mer orageufe, occupés à repouflèr 4*uBe
main les vagues qui refluoient fur leurs champs ^
& de l'autre à détruire les bois qui dîfputoîent
aux eaux de l'Océan l'empire de la terre qu'ils
habitoient, les Ménapiens, malgré le vafte efpace
Qu'ils occupoîenty n'offrirent qu*«fl Gorp6 de
îj DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
pooo hommes , dans la ligue générak formée par
les Belges , pour arrêter les efforts des armes
tooiuj'a' '^^^^^^*- L^s Atrébates & les Morîns, quoique
reflerrés dans un efpace plus étroit , offrirent
ceux-oi 250P0, & ceux-là 15000 combattans. La
caufe de cette différence dans la population n'eft
pas feulement établie fur la cîvilifation & le
commerce qui avpient fait plus de progrès chez
les Morins & chez les Atrébates , que chez les
Ménapîens. Elle eft établie encore fut l'ancien-
iieté de ces différente;^ Nations, Les premiers,
peuples vraifeimbiablement indigènes", vîvoient
fous des Chefs , fournis i des Magiftrats & diftri-
bués en divers cantons (a). Cet ordre de ehofes
^e peut être que le fruit lent & tardif des années.
Les Ménapîens àU contl-aire , originaires delà
Germanie & transplantés récemment fur les côtes
de rOcéan occidental, ne préfentent pas i cette
époque le fpeftacle d''une adminiftration politique
.suffi bien organîfée. Toute leur induftrie dut fe
borner d'^abord à la culture des champs; mais
le voifinage de ta mer dut en faire bientôt un
peuple navigateur.
Au centre des Forêts Ménapîennes , ^toïent
des plaines nombreufes &. de gras pâturages,
autour (desquels le befoin avoit élevé des hameaux
. jnodeftes qui renfermoieilt à la fois des hommes
(^) Ces cantons font appelles pagi dans Céfar. Ced âc
là qu'eft veno le mot de pays , û connu , furtout âttns le
inoy«n âge , fous le nom de pagus. Cette eXpreffion ne
. peut fignifier , dans Céfai^ , un village. Il dit , eil parlant
des Helvétiens , que toute leur cité eft divifée en quatre
pays ou cantons : Omnis crvitas in quatuor fagos divifa eft»
Ce paflage prouve dans quel ffns il faut entendre le mot
pagus , toutes les fois 4tt*il U rencontre dam les Commen-
.tairei de^Céfar.
DISCOURS PRÉLimNAIRE. Hj
Vborieux & des troupeaux féconde (a). Les lai-
nes que fourniflbient ces troupeaux, & les riandes
falées de la Ménapic dont la fenfualité couvrit
les tables romaines après la conquête, accrurent
bientôt Taifance de cette Nation (*). Telle eft
Torigine auffi foible qu'antique du commerce qui,
dans les derniers fièdes , éleva la Belgique &
fuftout la Flandre au plus haut degré de gran«>
deur & d'opulence. C'eft en partie du fcin des
marais de la Ménapie qu'eft fortie cette fource
inépuifable qui croiflant d'âge en âge, a rendu
toutes les nations tributaires de fa fécondité-
Tandis que les Ménapiens occupés à multi-
plier leurs troupeaux & à transformer un fol in-
culte en guérêts utiles, couloient des jours ob-
fcurs au milieu de leurs hameaux , les Morins
que Virgile place aux extrémités du monde , Enéldc-Lt,
parce qu'ils occupoient l'extrémité du continent
occidental de l'Europe , agriculteurs comme les
Ménapiens^ mais un peu plus civilifés^ fe plai-
foient, comme eux, à l'ombre des forêts dont
leur pays n'étoit pas moins couveit que la Mé-
napie (c). Elles ont été, pour la plupart, con-
verties en plaines fertiles; mais les bois de Nièpe,
ceux de Boulogne , & <reiuc qu'on voit encore
(à) Jgros 9 adificta vicosque habçbant CMaenapii), dit
Céfar. Les forêts dés Ménapiens font également défignées
tos un autre paflage du même Auteur : Omncs fc in dcn-
ffmatfylvas abdidcrant,
(h) Tarn copiofi funt us pecudum & fiium gregts ut fago-
^m & falfamentorum copiam non Rowui tantûm fupptdiUnt^
fidÇf pkrisque Italia partibus. Strabon, t» i. p. 301.,
Edit Amft.
(c) Selon Dion Ctflh» , il ne parott pas que les Môrins
«iflent de Villes , du moins lors de la conquête des Gau*
les: Habitant bi populi ^ dit-il, non if$ urbibuSfftd in tu-
l^riis, L. 39,
h^ DISCOURS PRÊLIRÏTNAIRË/
tu3C environs d'Iprcs & de Poperînguc^ font des
redcA auguftes de ces anciennes forêts. De bel-
les plaines remplacent aujourd'hui les marais quî
s'étendoient depuis la mer jusqu'aux lieux où
fut bâtie la ville de St. Orner ; & fou» Philippe
d^AU'ace , TinduHrie flamande a transformé cH
champs labourables le terrein fangeux quî enw-
ronnoit les murs de la ville d'Aire* La (bbrîété
& le travail paroiflent furtout avoir été en hon-
neur parmi ce peuple. Chez lui, Ton n'engraif-
foit point impunértenti On craignôît que Tetn-
bonpoint que Ton regârdoit comme le fruit de
rintempérance, n'énervât les corps des jeuriti
gens ^ & de les rendit peu propres au métier des
armes, que les Belges regardoient comme l'un
des premiers devoirs du citoyen. C'efl: pourquoi
on les mefuroit de tems en tems avec une ceia*
ture dépofée dans uti lieu public , & celui dont
l'embonpoint excédoit Cette mefurc , étoît con-
damné à une amende prefcritc par les loix*
Ou remarque che^ les Atrébates le même amolir
pour le travail & pour la guerre t mais le cora-
' merce , la cîviUfation , & Tart de gouverner les
peuphis yavoient fait plus de progrés, quechc^
les deux autres nations* En effet , à l'époque
ar l 4 raûme de la conquête j)ar les Romains, on trouve
parmi eux tout te qui caraélérife une nation
policée, un Chef confidéré de tous fes voîfms,
un corps de citoyens réunis fous leà mêmes loîx,
& des liaîfons avec des peuples étrangers. Enfin
le Nemetocénna de Céfar (a) paroft avoir été la
capitale de cet état, & la Belgique avolt alors
peu
ôc 7
(a) Hh rehut confeBlt ^ ad îegiones In Betgîum A receplt^
hihernavitque Netnetoeenna. Ibi cognofcU Comlum Jifeba-
tm prallo cum c^uitatu fuQ contûndijff* Debd. gai. fc» ••
DISCOURS PRÉLIMINAIRE, v
|)çu de villes qui régalaflent. On n'exigera pa$
de nous que nous entrions dans de plus longg
détails relativement à l'origine , aux mœurs Se
tux arts des premiers habitants de la Flandre*
Les bornes d'une Introduftion ne nous permet*
tent que d'indiquer fommaireraent les traits dif«
tinôifs de ces peuples. Des recherches laboricu-
fes fur leur ancienne légiflation , fiir leur culte
religieux 9 fur leur vie publique & privée , feroienc
étrangères à notre objet. D'ailleurs , cette ma-
tière a été traitée avec tant de fuccès par d'ha*
biles écrivains , <iu'il feroit dangereux pour nous
d'ofer nous mefurer avec eux. Qu'aurions-nous
à dire fur ce fujet , après les favantes recherches
des Malbrancq , des Waftelaîn & de quelques
autres ? Leurs ouvrages font le vafte tableau où
l'œil curieux doit aller étudier le collume moral
& politique des anciens Belges/
Paifibks à l'ombre de leurs foyers ruftiques , &
éloignés du luxe qui énerve les courages , les
Belges fembloient n'avoir rien à redouter de la
cupidité romaine, pîïfce que pendant la guerre
qui venoit de donner des fers aux Celtes , ils
n'avoient rien fait qui pût irriter Rome. Ils
craignirent cependant que h foudre, qui venoit
d'écrafer leurs voifins , ne vint les frapper à
leur tour,* & l'amour de la liberté, qui agiffoît
puiflamment fur leurs âmes, s'échauffant au bruit
des conquêtes de Céfar, ils crurent devoir réunif
leurs forces , pour écarter ou du moins pour
prévenir l'orage qui les raenaçoit* Ils prévoyoient
qu'après aVoir pacifié la Gaule, Céfar les vien-
droît attaquer (//) j & en fe réuniffant pour la
— — '
(tf) C*eft Céfar lui-même qui nous rapprend : Conjurandi
has effc caufas ; primîim qubd vcrcrentur ne , ùtnni pacûtd
Callidj ad eos ex^rcitus nojler adduccrctur, L. 2. de bell. gaU*
c
VJ DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
ddfenfe <^e la liberté commune , ils fournirent
au Général Romain le prétexte de tourner centre
eux fes armes viftorîeufcs. La prudence (|irigeolt
les démarches des Belges, & Tambition de Rome
juftifioît la confédération qu'ils vcpoicnt de for-
mer. Etoit-il probable en effet que Céfar, dont
les obftaclcs ne fefoient qu'irriter le courage,
dont l'ardeur nMgnoroit que le repos, aux yeux
du quel toute guerre étoit jufte, quand elle pou-
voit ajouter k fa gloire & à' celle du nom romain,
qui rouloit déjà dans fa tCte le projet de fup-
planter fon illuftre rival, décommandera l'Uni-
vers en aflerviflant fa Patrie qui en étoit la
maîtrefle . & qui vouloit élever fur le débris des
nations fubjuguées le trône où il afpîroit de mon-
ter, étoit-il probable, dis-je, qu'après avoir pouffé
fes conquêtes jufqu'aux rives de la Marne & à
la Seine, il s'arrCtât aux frontières de la Belgique?
, Il avoit trouvé dans le pillage de la Gaule Cel-
tique une partie des chofes dont il avoît befoin
pour affiircr le fuccès de fes projets ambitieux,
l'or & l'argent de vingt peuples. Inftruit de la
bravoure des Belges , il crut qu'il trou veroit chez
eux Jes foldats qui ne rougiroîent point de tour-
ner leuni armes contre Rome & contre Pompée,
fi Rome <k Pompée ofoient travcrlcr fes def-
feins ; & dès lors la conquûte de la Belgique fut
réfolue.
Vainqueur des Belges méridionaux C^), Cdfar
•pénétra dans le pays des Ncrvicns qui s'étoient
raflcmblés fur les bords de la Sambre, au nombre
de foixante mille combattans. C'eft là, & dans
les mûmes lieux, où depuis fe font données deux
(a) Ces Belges méridionaux dtoicnt les Rhémois, ceux
de SoiObns, de Beauva^s & d'Amiens, dont Céfar s'étoit
rendu maitre en partie par les armes , en partie par oci
négociations infidiçufement conduite! par fe« émiflâirei.
î)ISCOUR*S PRÉLIMINAIRE. ^
tataîlles fanglantes (a)i que les Romains éprou-
vèrent pour la première fois le courage des Ner*
viens & des Atrébates qui feuls ^ avec ceux du
Vermandois, combattirent alors pour la défenfe
de là patrie. Jamais Céfar n'avoit eu à lutter
contré tant d'intrépidité ; mais fa fortune & la
difcipline romaine l'emportèrent fur le courage.
Cette journée meurtrière éteignit prefqu'entière- L, a. âé
ment la racé & le nom des Nerviens , puilque ^^* ^^
de 60000 combattans, il n'en échappa au fer de
l'ennemi que 500 en^ ét^t de porter les armes.
La clémence du vainqueur adoucît un peu les
malheurs des vaincus. Il leur laifla leurs loîx,
leur rendit leur pays & défendit à leurs voifins
de les infulter & de tirer avantage de leurs dis-
grâces* Les peuples du Vermandoîs fubirent le iwi
joug. Les Atrébates parvinrent à fléchir Céfar,
& reçurent de fa main , avec la confervation de la
forme de leur gouvernement, un roi leur conci*
toyen dont il eftimoit le courage & la prudence (i)#
La défaite des Nerviens répandit la conftema* ^
tien parmi leurs voifins. Les Adiiatiques & leurs
voifins fe virent prefqu'auflîtôt après attaqués
& vaincus. Ainfi à l'exception des Morins &
des Ménapiens , la pldpart des peuples de lâ
(fl) L*opinion la plus waiiemblablé elt que la bataille
entre Céfar & les Nerviens fe donna près du village de
Çrêle fur la Sambre. Céfar s'étoit campé à l'extrémité de
la plaine de Fleurus , célèbre furtout par deux batailles qui
s'y font données dans le dernier fiècle , Tune en 1^22 , où
les Efpagnols furent défaits, & l'autre en 1(^90, oii le Ma-
réchal de Luxembourg vainquit les aUiés» Céfar vit en un
in(bint les Nerviens & leurs alliés s'élancer au delà du
fleuve, culbuter fa cavalerie, mettre en déroute fçs archer»
& fes frondeurs , venir attaquer fes retranchemens 6c bra-
ver la mort.
(J) Comium quem îpfc , Jtrthatihus fuperatîs , Rtgem lii
confiitucratf cujui & virtutem & confilium probabat, L.4. c. î»ï' ^
c %
vîîj DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
Belgique devinrent en peu de tems les alliés ou
les fujets de Rome. Soit que la faifon fût trop
avancée pour tenter uuje expédition contre les
provinces maritimes, foit que l,e foin de fa gran-
deur future l'appellât en Italie, Céfar repaffa les
l" 3- de Alpes. Son abfence avoit réveillé le courage d'une
bell. gall. partie des Celtes auxquels s'étoient jointe les>
Morins & les M^napiens quî avoient raflemblé
à cet eflfet toutes leurs forces navales (^). Céfar
de retour dans les Gaules vengea cette înfur-
reftion, en livrant à la mort tout le Sénat de
Vannes 5 & en vendant à l'encan, comme de vils
cfclaves, le refte de la Nation.
Des dîverfes nations ^ui s'étoient liguées pour
régénérer leur indépendance', toutes étoîent cen-
trées fous le joug. Les Morins feuls & les Mé-
napiens fembloîent encore braver la puîflance
(/ï) La defcription que fait Céfar de la forme des vâifleaux de
la flotte gauloife , mérite de trouver place ici , parce que-fans
doute ceux des Morins & des Ménapiens reiTembloient à
ceux de leurs alliés. >, Ces vaifleaux , dit Céfar , avoient
^ le fond plus plat que les nôtres, & étoient par confé-
^ quent moins incommodés des bas-fonds & du reflux : la
^ proue en étoit fon haute, & la pouppe plus propre à
„ réfifter aux vagues & aux tempêtes. Tous étoient de bois
de chêne & aflez capables de foutenif le plus rude choc;
^ les poutres traverlantes , d'un pied d'épaifleur , étoient
V ^ attachées avec des clous de la grolTeur du pouc^e : leurs
ancres tenoient à des chaînes de fer au lieu de cordes;
^ & leurs voiles "étoient de peaux ^noUes & bien apprêtées,
„ foit faute de lin , foit parce qu'ils ignoroiçnt l'art de
„ faire de la toile , foit, ce qui eft plus vraifemblable ,
^ parce qu'ails ne croyoient pas que la toile pût réfifter aux
^ agitations &, aux vents impétueux de l'océan , & faire
^ mouvoir, des vaifleaux auflî pefans que les leurs. Dans
^ l'aaion contre ces vaifleaux, notre flotte ne les furpalfoit
^ qu'en agilité &' en vîtefle: qumt au refte, ils étoient
„ plus propres que les nôtres pour les vaftes mers & les
\ n tempêtes. De bcîl. gall. U 3, trad, far M. de fFailly.
DISCOURS PRÉLIMINAIRE. U
romaine. Ni Teffrayante févérité que le vainqueur
venoît de déployer contre une partie de la nation
celtique, ni les diflinâions dont il récompenfoit
ceux qui préfentoient lâchement leurs mains aux
chaînes de la fervitude ^ ni Timprobabilité de
voir aucuns de leurs voifins s'armer en leur
fiiveur, ne purent ébranler leurs courages. Dé-
terminés à vivre libres ou à mourir, ils atten«
dirent que l'ennemi vint, ou leur ravir la vie»
s'ils avoient le malheur de fuccomber dans la
défeofe-, ou qu*îl vint chercher dans leurs fo-
rêts un terme à fes conquêtes, fi la fortune
fecondoit leur intrépidité. Céfar en effet arriva
bientôt fur leurs frontières , perfuadé , comme
il le dit lui-même , , que , quoique la faifon fût
avancée, il parviendroit aîfément à Icsfoumettre
avant l'hiver ; mais il fut trompé dans fon at- - l. 3. de
tente. Inftruits par l'exemple des autres nations ^^*^^ ^^
qui n'avoient pu foutenir les efforts des Romains
en J^ataille rangée, les Ménapiens & les Morins
renoncèrent au périlleux honneur de fe mefurer
avec eux en rafe campagne, & profitant des
avantages que leur offroit la qature de leur pays ,
ils fe couvrirent de leurs marais & de leurs
bois , comme d'un rempart inacceflîble aux trou-
pes romaines (a). Céfar ayant divifé fes foldats»
pour travailler aux retranchemens , ces Belges
fondirent fur eux avec impétuofité , & les difper-
fcrent ; puis s*étant repliés vers Içurs fi)rêts , ils
les attirèrent dans des embufcades où ils en firent
périr un grand nombre. Piqué de la réfiftance
d'un ennemi dont U croyoit la défaite facile ,
Céfar fit porter la hache aux pieds de ces arbres
que le tems & les orages avoient refpectés
(tf ) Qubd intdUgehant maximas nattones , qua pralio con-
Umdifcnt , pulfas fuperatasque ejfc , contînent^squs fyîvas ac
$aludUs babcbant 9 cb fc fuaquc omnia contulcrunt. L. 3- c* s8.
^ DISCOURS PRÉLIMINAIRE*
Jusque» là. En peu de jours une vafte étendue
de bois fut convertie en folîtudô. Les troupeaux
& les bagages retranchés derrière ces bois , tom-
bèrent au pouvoir des Romains (a); maiii Céfar
voyant que l'ennemi fe rctiroit toujours vers
fes forêts & que les pluies abondantes rendoient
fes efforts infruftueux , il prit le parti de renoo*
cer à fon entreprife, content d'exercer fa fureur
fur les champs & les bourgades de cette nation
indomtée.
Cependant une partie de ces Morîns qui vc^
noient de défendre fi vaillamment leur liberté,
fe fournit, prefque fans réfiftance , Tannée ftii^
vante, lorfque Céfar, après fon excurfion au
delà du Rhin, ramena fes troupes dans la BeU
gique, pour les conduire dansTîle des Bretons*
Infatiable dans fa paffion pour la gloire, il croyoit
rendre fon nom plus fameux , en abordant le
premier des Romains fur ce rivage étranger
qu'un océan immenfe déroboit aux regards de
fes concitoyens. Les Morîns fcptentrionaux dé-
fendus par leurs forfits, & que l'intérêt commun
uniflbit aux Ménapiens , perfifterent à vouloir
fe défenidrc jufqu^à la dernière extrémité. Céfar
. en partant pour la Grande-Bretagne, avoit laiffé
le foin de réduire ces deux peuples à Sabinus
& à Cotta. Il parott, d'après les commentaires,
que les Morins furent forcés de mettre bas les
armes; mais les Ménapiens enfoncés dans les
forêts du nord de la Flandre , s'ils eurent la
(a) Itieredlbill cehritaU magno fpatio^ paucis dhbus^
çonfcHo^ cum jam peçus atquc extrema impedimenta ah
noftris tenereutur ipft denfiurcs fylvûi pctcr^nt ; ejusmodi
ttmpcfiaU$ funt conjUuta ^ uti vput nece]Parib IntcrmitUr^
tur , fif contlnuatione imhrium , diutiiit fub pcllibui milita
eontincri non po/fcnt. Itaquc , vafiati$ omnibus eorum fgriu
vieii adificii$quc inccnfi$^ Cafar cxercitum reduxif. t. j. c vùjl.
DISCOURS PRÉLIMINAIRE, xj
douleur de voir leurs champs ravagés & leurs
babhatioDs incendiées (^), goûtèrent au moins
la fatisniction de différer encore de (deux années
la perte entière de leur liberté. Mais enfin il
&Uut céder. Attaqués à la fois par trois corps
d'armée & furpris fans défenfe , ils feroient péris
étouffés dans les flammes de leurs maifons embra-
fées, s'ils ne s'étoient bâtés d'envoyer des dé-
putés au vainqueur pour en obtenir la paix (i).
Céfar, qui refpefta toujours l'axiome politique
adopté pv fa patrie (0 , reçut leurs otages &
^ grâce à la nation* ,
Ainfi furent domtés ces fiers Ménapîens qui l. 6. c. s-
Jufqaes U étoient les feuls , félon Céfar lui-môme,
qui n'avoient jamais député vers lui, pour lui
demander fon amitié. Depuis ce tems, ils porta-
gèrent la fortune des autres nations belgiques ,
tantôt paifibles , tantôt unis avec leurs voifms
pour fecouer le joug, mais toujours trompés dans
knrs efforts, toujours repouffés vers Tefclavagc
par ce deftîn impérieux qui avoit arrêté que Rome
tiendroit longtems encore l'Univers dans fes fers.
Aurefte, çn perdant leur indépendance , les Belges
devinrent peu à peu plus cîvilifés,» Ceux d'entre
eux qui fuivirent Céfar en Italie, qui vainquirent
avec lui dans les plaines de Pharfale , fous les
(fl) jg^ Titurius & L, Coita qui in Menapiorum fines U-
giêjus duxcrant , omnibus corum i^gris vafiatis , frumcrtîis
fuccifis étdificiisquc inccnfis , quhd Mcncpii omnes fe in dcn*
^ùnas fyl'vas ahdid^rant , ad Cafarem fc rccepcrunt.
L. 4. de beU. gaU. c. ult.
(*) O^ir .... ad Ht iripartith; étdifida vicosquc fV
tendit, Magno pccoris atquc hominum nnmero potitur. Qui-
ha rébus ccaSi Menaptil, legatos ad eum , pach petcndA
eanfd^ mittunt* Ibid. 1. 6. c. 6. •
(f ) Parcere fubjcSis & dcheîîare fuperhos, XTig. En. 1, 6.
Ccft en paide à cette maxime que Rome dut rempirç dtt
imdc.
xfj DISCOURS PRÉLIMINAIRE*
murs d'Alexandrie, en Afie & dans l'Efpagne, '
qui partagèrent avec ce conquérant l'honneur de
plufieurs triomphes & qui furent témoins di^ luxe
& des délices de la vie romaines, durent fe dé^
pouiller infenfiblement de leur rufliclté à Fécolc
de l'urbanité italienne. De retour dans leur pa*
trie, leurs mœurs moins groflîères y préparèrent
la révolution que favoriferent encore les change-
mens qui, fous le règne d'AUgufte, fe firenrdans
l'adminiftration civile & politique des Gaules.
DionCair, En leur donnant une nouvelle forme de gouver»
'• '• nement, en établiflant diverfes colonies dans la
Belgique, en y transplantant une partie de ces
guerriers vétérans qui l'avoîent aidé à vaincre
" les meurtriers de fon père adoptif,. il n'eft pas
probable qu'Augufte ait oublié les terres fituées
fur les bords de l'océan. Quelques, fondemens
Des Ro- ^^ villes dont on ignore les noms , quelques
ches,Rech. ùfl^enfiles à la romaine , des médailles frappées
Belg. *^n- ^^ ^^^^^ ^^s premiers Empereurs , découverts dan^
4*». p. 470. le Hainaut , la Flandre & le Brabant llmblent
annoncer que ces lieux détruits au troîfième &
quatrième fiècles durent leur exiftence à ces pre*
mières colopies romaines. Du moins , c'eft fous
Strab. 1:4. le règne, de cet Empereur qu'Agrippa Préfet des
, Gaules traça ces voies militaires dont l'une, en
traverfant le pays des Bellovaques & des Amîè-
nois , s'étendoit jufqu'à l'océan belgique. A pe^
Bucherii ^^^^ ^ ^^ même époque, il en fut conftruit plu-'
Belg. Rom, fleurs autres. Elles partoient de Bavai ; Tune
p- 3î. d'elles prenoit fa direftion vers lejs ports âe la
Morîniç, & unç autre vers le pays des Mena-»
piens.
Ces ouvrages deftînés à faciliter la marche des
troupes dans les parties les plus reculées des
yégions conquifes , établirent néceflairement une
çommuniçsition mbias lentç emw Jçs périples j
^
DISCOURS PRÉLIMINAIRE, xiîj
• & favorirerent Texploitation des denrées & te
tranfport des produftions refpeftîyes d'une pro-
lyince à Tautre. Ainfî des ouvrages créés pour
perpétuer le defpotîfme devinrent un^ des fources
^ de Topulence nationale. Le commerce appuie
f fur les richefles territoriales s*accrut infenfible*
ment, & Rome devint, quanta certains objets,
tributaire de la Flandre & de TArtois. Les Atré-
bâtes fournirent à l'Italie ces étoffes utiles que les
latins appelloient fitgd & bïrri {a). Le Platane
afiatique fut transplanté par les Morins des bords
du Tibre fur ceux de la Lis & de la Canche ^
& la transplantation de cet arbre célibataire (*)
n'étoit fans doute qu'un échange des productions,
& furtout des oies que les peuples conduifoient
à Rome , comme les Ménapiens y portoient
d'abondantes provifions de viandes falées (c).
L'agriculture avoit auffi produit chez ces peuples
une branche utile de commerce; c'étoit la craie,
terre graffe & calcaire dont les Belges & les Bre-
tons fefoient un grand ufage pour fertilifer
{a) Lorfqu*on vint annoncer à Uimbécille Gallien la dé-
feftion des Gaules, il dit: Non fine Atrchaticis fagîs tuta
rejpublica efi? Vopifcws parle des birri des Atrébates, 6c
Suidas des manteaux de ce même nom qu'il appeUe Chla*
mydcs Xerampelina Atrehatica,
C^) Horace appelle le Platane un arbre célibataire , pîa^
tanus caUbs , parce qu'il ne fe marioit pas avec la vigne.
(r) Pline d^t, en parlant des troupeaux d'oies que les
Morins conduifoient à Rome à travers les Gaules : Mirum
in bâc alite , à Morinls ufque Komam pedibus ventre. Fefi
proferuntur ad primas , ità cateri flipattone naturaîi prœ-
fcllunt eos. Hift. nat. 1. lo. c. 22^
Martial fait l'éloge des jambons, de la Ménapie , qu'il égale
ï ceux de la ville' de Gère en ladie :
„ Caretana mihi fiet , vcl mijfa HcebU
^ De Mçh^pis,
V
c.
3tiv DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
leurs champs (a). Nous avoirs déjà parlé de la
Àurelius fcience maritime de ces peuples. Sous l'empirç
cJ^. c. 3p! ^^ Dioclétien , on voit un habitant de la Mena-
pie , Caraufiu.s -, élevé par fon habileté dans la
navigation au dangereux honneur de difputer le
trône à ce defpote fuperbe , & un fiècle aupara-
vant, une colonie de ces mômes Ménapieijs avoit
traverfé Tocéan, & bravant Jjçs ,<!c^eils qui bor-
Pto.U.n. dent le rivage britannique , avoit été ^'établir
eu Irlande , fous les mur5 de Dublin.
Tels font^ len partie du moins , les traits les
plus connus qui appartiennent aux trois nations
dont il s*agit, pendant Tépoque de la domina-»
tîon romaine. Du refte leur hîftoire eft celle des
autres peuples de la Belgique j heureux & tran*
quilles , quand Tempire étoit poffédé par un
prince vertueux., mais malheureux & forcés de
courber la tête fous la verge du dcfpotifme ,
lorfque Tavarice & la cruauté étoîent aflîfes fur le
trône. ^Dépouillés de leur groffièreté antique par
le commerce habituel qu'ils avoîcnt avec la na-
tion la plus cîvilifée qui fut alors , & trouvant
dans la fertilité du fol national cette heureufe
médiocrité qui place l'homme à une diftance
égale des rigueurs de Tindigenee & des éoueils
de Populence , les Belges laborieux auroient peut-
être moins regretté la perte à^t leur première
indépendance , fi les gouverneurs que Rome en-
(tf ) /;; Gaîlid transaîpind ^ tntùs ad Rhenum , cum excr"
citum ducercm , aliquas regioncs acccjft ubi .... agros fier"
fiorarcnt candiddfojttidcretd. Varron de rc rufticâ , 1. 1. c. 7,
Pline dit aufli : ÀUa eft ratio quam Britannia & Gallia ir^^
vénère alendi eam ( terrant ) ipfd^ quodgenus vocant Margam.
Sftpor uhertas in ed intdligitur. Hift. nat. 1. 17. c. 6, C'eft
% ce commerce que fe rapportent ces diverfes infcriptions f
Negotiator artis crctaria : Jrtis cretaria defricator : I^egch
tiator cretarius Britannidanus. La dernière fut trouvée dans
rUe de Walcheren » Tune de celles qu*occupoienc les Mén%
jpicns. Des Rs^cbes^ Knch. fur Pane, Bcîg,
DISCOURS PRÉLIMINAIRE. XV
voyoît pour affurer le repos de ces provinces,
n'en avoient été fouvent les bourreaux à les
^évaftateurs.
La Religion chrétienne dont la lumière avoît
pénétré chez jeux, dès le troifième fiècle, auroit
achevé d'adoucir leurs mœurs, fi TÉVangile que
prêchoient les premiers apôtres n'eût pas été
la fatyre des vices & des crimes qui fouilloient
les tyrans fubalternes commis à la garde des
provinces de l'empire. La mort fut prefque tou-
jours le prix dé leurs faints travaux , & le gernie
de la Foi, à peine dépofé dans cette terre nou-
velle^ périt bientôt étouffé fous les pas des Goths,
des Suèves , des Huns , des Vandales & des
Saxons , lorfqu'ils fe répondirent en torrent dans
toutes les Gaules (a).
Cç moment étoit le terme marqué par la Pro»-
vidence pour la durée de l'empire romain en
Occident. Ce coloffe qui avpit mis la terre dans
le ftlence, tomba rapidement lui-miême & devint
la proie dçs barbares dpnt îj avoît été la terreur.
On eûf dit que Rome n'avoit élevé fi h^ut fà
" 1 ■ ' '. - util
(a) C'eft à i'époque de cette irruption qu'ii faut rappor-
ter la fubverfion de plufieurs lieux auparavant célèbres dans
la Belgique. Ces barbares détruifirent les églifes qui ne fe
relevèrent qu'après la converfion de Clovis. Il ne paroît
pas que les Huns , les Goths & les Vandales aient i^t un
long féjour dans ces provinces ; mais , félon l'auteur de la
vie de St. Eloi, il exiftoit encore des Suèves, au feptièmç
fiècle, dans la Flandre ôç dans les îles de Zélande. Les
Saxons formèrent, fur les côtes maritimes de la Flandre,
un établiflement qui 'fit donner k ce canton le nom de litr
tus faxonîcum,
A l'égard de la Foi , St. Piat , dit-on , l'annonça , dan^
le troifième fiècle ^ à une partie des babitans de la Flandre ,
ainfi que St. Fufcien & St. Viftoric. St. Viftrice , dans le
fiècle fuivant, porta plus loin la lumière de rÉvangili^.
Quant au3f progrès fucceffifs de la Religion dan? cette partie
de la Belgique, on trouvera dans la fuite de l'ouvrage plu^
fieurs obfervations ^ nous difpenfçnt 4'en dire ici 0%-
Tantage,
xyî DISCOURS PRÉLIMINAIRE-
puîflance, que pour la voir s'écrouler avec plus
d'éclat. Tandis que cette orgueilleufe cité , prife
& faccagée par les armes d'Alaric & des Vifigoths,
exploit par fes malheurs la tyrannie dont elle
aVoit accablé le monde, les Francs fe préparoient
à porter dans les Gaules les derniers coups à fa
domination. Attirés du nord vers le midi dans
refpoir d'y trouver des régions moins ingrates,
ces peuples étoient parvenus à fe fixer entre le
Rhin & la Meufe. A force de défaites , ils avoient
appris à égaler leurs vainqueurs dans Tart mili-
taire ; & bientôt encouragés t)ar la foiblefle de
Rome, & pur les pertes qu'elle efluyoît depuis
longtems, ils fe précipitèrent vers la Belgique
occidentale. Alors furent jettes , fur les bords de
TEfcaut , les fondemens d'une Monarchie , dont
aucune, depuis quatorze fiècles, n'a encore fur-
paffé l'éclat & la puiffance (/?).
L'expulfion des Romains par les ï^rancs dut
opérer une révolution dans les provinces dont
ils s'étoîent emparés (^). L'hiftoire ne nous dit
point que les Belges fe foient plaints d'avoir
thangé de maîtres , & il eft vraîfemblable qu'ils
(tf) Clodion furnommé le Chevelu , fuccefleur de Phara-
mond, ayant travcrfé le Brabant & le Hainaut & poufTé fes
conquêtes jufqu*à la Somme , revint fixer le fiège de ks
nouveaux états à Tournai. Ce qui donne à cette aflertion le
caradère de la vérité, c'eft le témoignage d'un écrivain du
feptième fièclc qui qualifie cette ville du titre de ville royale^
auquel il faut joindre la découverte du tombeau de Chil-
dcric I. dans la môme ville, au milieu du dernier fiècle.
Aînfi la ville de Tournai, l'une des plus anciennes & des
plus Célèbres de la Flandre , fut le berceau de b Monarchie
françoifc.
(b^ L'invafion âes Francs eft fans doute une grande
époque pour \e$ défrichcraens des terres , „ défrichcmens
^ que l'on voit faire des progrès rapides par la riaiflTance
„ d'une jurifprudcnce nouvelle, celle des fiefs. Cette inven-
,9 tion fit que les Rois cédèrent de vaftes terreins, & jufqu'à
M des provinces entières de leurs domaines , fous uae ûmple
DISCOURS PRÉLIMINAIRE. xvî|
auront regardé les Francs plutôt comme leurs
libérateurs, que comme des conquérans oppref-
feurs. Quelle que fut l'ambition cruelle de de-
vis qui, ^our régner feul, trempa fes mains dans
le fang de quatre rois Ça) , il fut encore plus
adroit politique que guerrier redoutable. Le parti
qu'il prit d'embrafler le Chjiftianifme acheva de
lui foumettre les peuples fatigués du defpotifme
romain , & chez lesquels la Foi avoit fait de
grands progrès. Il protégea ouvertement la Reli-
gion à laquelle il devoit en partie Taggrandifle*
ment de fon nouvel empire. La Belgique vit fes
premiers temples relevés, par le zèle & les tra-
vaux de St. Waaft que St. Rémi avoit envoyé
pour annoncer l'Évangile aux Atrébates. Dans
le même tems , St. Antimond opéroit de nom-
breufes converfions chez les Morins & St. Eleu-«
thère chez les habitans du Toumaifis. Les
progrès furent plus tardifs dans les parties fep-
tentrionales. L'afpérité des mœurs & rattache-
ment des peuples de la Ménapie--è leur ancien
«.obligation de v^affalité , en faveur de leurs fujets ou plutdc
»de leurs compagnons d'armes; tandis que ceuxrci les
« fousdivifoient enfuite , & les partageoient en arrière*
y, fiefs , qu'ils accordoient à d'auo'es û^baltemes , toujourf
» fous la même obligation de vaffalité. Au moyen de tout
» cela , les propriétés s'étendoient ; on ne gardoit , ep foit
}) de bien , que ce qu'on pouvoit cultiver , & ainfi to^
jjprofpéroit & frudifioit, & chacun tiroit le meUleur parti
» poffible de fes polfelfions ou domaines. Mém. dt VAcai.
iiBrux. t, a. p, 591,
{a) Ces quatre rois étoient Sîgebert roi de Cologne »
Ragnacaire prince du Cambrefis, Cararic roi des Morins
& Rignomer qui regnoit fur les Manceaux. Le premier fut
«flàffiné par fon propre fils que Clovis avoit féduit. Cari-
ric fie fon fils furent tués par fes ordtes . dans une prifom
où il les tenoit renfermés. Il tua de fa propre main Ragnt*
Caire que la perfidie lui avoit livré. Hi^om^r mounK à
peu près de la même maniàrç.
ïviij DISCOURS PRÉLlMINAIRÈv
cufce, rendît împuiffans les efforts des premier»
apôtres ; & ce ne fut guère que vers le feptième
fièclc, que la Foi gagnait de proche en proche ,
y jouit d'un hommage libi^e & paîfible,
Clovis étant mort, & fes états ayant été par-
tagés, la Flandre fit partie du domaine de Clo-
taire roi de Soiffons ou de Neuftrie. Sous les
fuccefleurs de ce premier roi chrétien , la haîne
mutuelle de Brunehaut & de Frédégonde enfan-
glanta ces contrées. Tout ce qui s'y pafla à
cette époque, n'eft qu'un tiffu d*horreurs. Sige-
bert roi d'Auftrafie y vint chercher la mort, après
un règne glorieux de quarante ans. Deux aflaflîns
fubornés par Frédégonde, le poignardent dans
l'Artois dont il venoit de faire la conquête. Plu-
fieurs princes & un pontife facré périffent égale-
ment par les artifices de cette femme , qu'on pour-
Toit appeller la meurtrière des rois. C'eft à peu
près à ce tems , que quelques* hiftoriens placent
l'exiftence de Lyderic de Bue qu'ils décorent du
tîtpe de premier foreftier de Flandre ; mais les
^aîons qu'ils lui prêtent , aînfi qu'à fes fuccef-
feurs , fouvent altérées par la fable , méritent
peu d'être placées au rang des vérités hiftoriques.
D'ailleurs l'exiftence des foreftiers fera toujours
ixn problême qui trouvera autant d'impr9bateurs
que de partilans- Quoiqu'il en foit , le moment
arriva bientôt où fécondés de la Religion, de
pieux Cénobites, vinrent tirer les peuples delà
Flandre de l'engourdiflement & de la corruption
où elle languifToit depuis longtems« Ils eurent à
lutter à la fois contre la dépravation des mœurs ,
contre les égaremens de l'efprit & contre l'infer-
tilité du terrein où ils établiffoîent leurs retrai-
tes ; mais leur courage triompha de tous les
obftacles. Encouragés par les libéralités des rois
& des grands, ils fertiliferent la tei*re , & l'on
vit de vaftès champs auparavant bériiTés de
DISCOURS PRÉLIMINAIRE. ^
h>is ou couverts d^eaux ftagnantes & fétides , te
couvrir de moiflbns & de fruits ,
Steriltsve palus dudum aptaque remis _^* ■*"
Vicinas urbes alit & graye fentit aratrum.
y, St. Amand , en établiflant les monaftères
5, d'Elnone, de Marchiennes & les deux mona-
^ ftères de St. Pierre à Gand , fit briller au mî-
^ lieu de nos fauvages des mœurs nouvelles &
^ des vertus inconnues. On ne vit que de la
„ douceur , de la bîenfaifance , de la fubordina-
^ tion , une application confiante aux cérémonies
jp d'une Religion pure, au foulagement des ma-
„ lades & des pauvres , un travail fans relâche,
„ & le continuel défrichement des champs in-
js cultes. La fécondité de la terre, une vie aifée, ,,^^'5* ^
^ quoique frugale, enfin un bonheur tranquille ^^^ '^ ^
^ naiflant de tout cela , frappa Tefprit des peu- p. 593*
5, pies & les dégoûta infenfiblement de leur vie
» indifcipUnée & de leurs farouches befoîns . . .
« On aima ce nouveau genre de vle.„ Autour
de ces monaftères , fojbles d'abord & modeftes
comme ceux qui les habitoîent , fe raflfemblerent
des agriculteurs animés par l'exemple, encoura-
gés par les bienfaits , éclairés par les lumières
de ces pieux folitaîrès. „ Ils cherchèrent, dans, Ibid.p.5^
^ le voifinage de ces communautés , un abri
ys contre les vexations des petits feigneurs que
^ le gouvernement féodal produifoit en foule,
„ & l'on vît la plupart. des monaftères entourés
„ d'habitations , donner naiflance à des villes & St. Orner,
«fouvent leur nom. ^ |^GU^
Il auroit fallu, pour achever une révolution fi &c.
hôureufement commencée, que le royaume des
Francs eût été gouverné par des princes aftîfs,
^gilans , éclairés ; mais les rois dormoient alors
au fein de la moUefle , & le fcèptre , dans les
inains des maires du palais, devenait fouvent un
fcèptre de fer qui s'appefantifToit fur les peuples.
XX DISCOURS PRÊLIMmAlRÊ*
Cependant à Tprient de la Belgique , & à Tombre |
du trône d^Auftrafie, s'élevoit par degrés la fa*
mille des Pépins , comme un grand arbre qui |
bientôt étendra au loin fes rameaux vigoureux* :
Cbilderic m. , fantôme obfcur fur le trô;ie , fit ;
place à Pépin que les vertus de fes aïeux , fes ;
talens perfonnels , fa politique & les ferviçes ren- j
dus à la nation dont il avoit été le vengeur &
Tappui, élevèrent fur les ruines de la Maifon
Mérovingienne. Ainfi la Belgique donna entore
aux François le chef de la féconde dynaftié de
leurs rois. Alors iiâquit Charlcin?.gne qui fur- |
pafla fes ancêtres & qu'aucun de fes defcendans '
n'égala. La Flandre éprouva, comme les autres
parties de fon empire , les fruits de fon génie i
fupérieur à fon fiècle. Il la mit à Tabri des in- '<
çurûons des peuples du nord dont il prévoyolt î
les ravages futurs. Il y transplanta une colonie
-de Saxons, & cette colonie , en augmentant la
.population, fournit à la terre- de nouveaux agri-
culteurs. Après avoir fournis tant de peuples
différens, il ne put, malgré In fagcfle de fes loix,
çhaflcr les ténèb/es ni extirper les erreurs fu-
perftitieufcs qui obféduient refprit de fes fujets* .
Il avoit appelle Ips lettres à fa cour , perfuadé
que l'ignorance efl: l'aliment de la plupart des
vices , tandis qu'au contraire le concours des
loix & des connoiflances eft le garant infaillible
de la félicité publique. Malheureufement fes fuc-,
cefleurs n'héritèrent point de fon génie, & TEu-
lope refta barbare.
On trouvera dans l'hiftoîre fuivaote une par-
tie des aétions de ce prince , félon qu'elles
feront plus ou nioins liées avec l'hiftoire de la
Flandre, la feule dont il s'agifle dans Touvrage
fuivant , & à laquelle nous avons dû rapporter
exclufivement Ja plupart des réflexions précé-
dentes,
PU
DU COMENCEMENÏ
ET AUTRES CHpSES MEMORABLES DE
F L AN D R K
CHAPITRE PREMIER.
Dii comenament & athimologîe comprinfe Çf aul" ^
très chofes mémorables de Flandrei ,
CE quartier de pais , que nous appelions vjj^fçfîpfioti
Flandre , e(l: ime partie de la Gaule que de Flandre.
Çaefar en fes commentaires nomme Belgique ,
laquelle je trouve avoir elle ancîenement fub-
jefte aulx roys des Belgues, lefquelz fouloyent (a)
tenir leur réfidence ordinaire à Bauvais en Hay*
nault, jufques au temps de Flamineus & Fland-
bertus, que Andromèdes roy des Belgues eftant
par Cayus légat de JuUus Csefar^ affîégé audift
Bauvais & ,grandement prelfé , conftraignît avec
grande multitude de femmes , enfaris & aultres
gens inutiles à la guerre, partir de ladide ville (i).
■>■-'' I -M - ■ Il -| ' I I. ,1
(tf) Avoient codiume.
( I ) L'amour de la patrie , autant que celui du merveîf-
Jeux , a égaré Oudegherft dès fon début. Ceft la réflexion que
feit Bttzeliii , après avoir expofé Topinion de cet hiftorien : r M VI
ita P. Oudêgherjlius partim Jac, Guifiafium fecutui , partim ^ j^ » p^
fatrki duktdinem^ qua multa etiam viris doSis perperàm ' **^***
fuadeté En effet , il eft invraifcmblable que le pays , dont
parle notre auteur , ait jamais été fournis à des rois qui te-
noient leur réfidence ordinaire k Bavai. Avant la conquête
de la Belgique par Céfar , cette partie des Gaules étoit ha^
î)itée par plufieurs nations dont chacune avoit fon roi 6%
fon chef particuUer. Céfar en nomme plufieurs , tels que
Ambionx 6c Cativulque chez les Eburons , Boduognat chez
les Nerviens, Comius chez les Atiébates &c. Les Belges ^
n'avoieot donc pas alors de monarque dont la puiflancck
lamenée'i» un centra commun $*étendit for toutes U^ autrea
n
Flamineos
8c Fland-
bertus édi-
fient Bail-
euL
^thimolo-
jie de Flan-
ire & des
^lamens.
DîverTité
.'opinions
3uchant
sethimolo*
ie de Flan-
^ FORESTIERS DE FLANDRE.
Et lefquelz fe retirèrent au païs des Ménapîens
foubz la jurifdiélion des Morîniens , où ilz feU
rent un nouveau Belgue , que nous difons au-
jourdhuy Belle ou BaUleul. Et habitèrent eulx
& leurs fucefleurs fbien longile efpacé de temps
audift paîs , lequel dé Flandbertus prînt nom
de Flandre , & les habitantsr d*iceluy de Flamî-
neus furent diftz & appeliez Flamens. Et oreç
que aulcuns hiftoriens ayent tafché de fouftenl^
& nous perfuadcr, que ledîft nom de Flandre fok
defcendu d'une certaine Flandrine , qu'îlz maîn-
tiengnent avoir efté femme au fécond Lyderic >
& que aultres eftiment les Flamens avoir prins
Torigine de leur appellation de la cruaulté & in-
humanité de Phînaert , prince de Bucq , lequel
à raifon de fes larrechins , meurtres 6c pilleries
âuroit efté (nmommé Flaminck ^ qu'eft une diftiort
compofée de f^an ende mincken ; Je ne puis tou-
tesfois que je n'adhère à ma fufdifte première
opinion entant mefmes, que ceulx lefquelz aul-
cunement feront verfez en la lefture des chro-
niques françoifes, trouveront que long temps,
avant que fut mémoire ny de Phinaert , ny de
Flandrine, eft plufieurs fois aufdifles hiftoîres
faifte mention des païs & nom de Flandre; com^
me notamment appert par le partage faift entre
m
parties de la Belgique. Après la conquête , la Belgique f^
foumife à des préfets que R.ome envoyoît.
Quant à Bavai , Ptolemée qui écrivoit près de deux fi^
des après Céfar, eft le premiet qui enparle, conunedelf
capitale du pays dés Nerviens. Lés reftes auguftes que
cette viUe a longtems confervés de fon ancienne fpkndeurt
Appartiennent au génie romain. Elle fut ruinée par Clodioo
le chevelu, au milieu du cinquième fiècle. Ainfi l'André
xnède roi des Belgues peut bien n'être qu'un pcrfonnage fa-
buleux. On en pourroit dire autant de Flamineus & (fc
Flandbertus. Celui-ci cependant eft regardé par quelque!
chroniqueurs ', comme neveu de Clodion , le premier dc«
tois ânmcs a^ prit ua éubUifement fix« dans ta Be]g^a^
fOMalg,
* oes inoi
Ttftromv
r«tJ:«'- Ce
ve:
tÔRESTÎËRS DE Fi;,ANDRÉ^ g
fcs quatre enfims de Clovîs premier roy chré*
tien dç France , auquel fe-voit que Flandre,
ibubz mefme nom, fuft applicquée au royaulmedé
SoifTon. Et partant ceulx, aufquelz la dérivatioa
dunom de Flandre, telle que deflus , n^aura donné
appaifement filffifant , fe pourront avec trop meQ-
kur fondement contenter de rœtblmologie pro«
pofée par le ehronicqueur d'Oudenbourch , le-
quel tdTmoîgne Flandriam à fiatu Çf flu&sius ha
nuncupatam (a)# Il y en a :^uflî, & entre aultres,
Sirabo Cappadocius de fitu orbis , libr^ quarto , qui
affirment Flandre avoir aupanrvant efté appellée
Manapia^ & le peuple d'jcelle, Ménapiens^ d'un
prince de'Theerenburch nommé Menapos (3} x
ou ( à raîfon du fîroid) de menas menat&x , qui
(félon Hugacîo) fignifie un double vertement;
ou bien des Meaades prebftres du dieu Bacchus,
(a) Malgré toutes les recherches des étyfeologittes , Tori-
pie des mots Flandre , ou Flammand fera longtems encore
■le énigme hiftorique. Le fyftémc le moins invraifemUt^
Ue eft celui dont parfe ici Oudegherft d'api^s «uiie très-uà*^
oeiuie chronique ^ monaftére ÔLOudeHboureh CAIdeoi*
koiç > Cette chronique dit que ce pays fut ainfi nommé ^
à caufe des eaux que la mer y verfoit dans plufieurs en-
^ts. Ces eaux fbrmoient ce qu*on appeUe en flammand
to vlàchc «c «t langage picard, /fo^irfjott jRffjpiî/« , petites
■ares ou amis d'eaux cioapiflantes. L'analogie eft foppan*
te ici entre le picaird & le flammand. En admetta^it ce fys-
têmc, avec Meytrus & Frcdius, la Flandre proprement dit»
«lois étoit donc le pays des Flaques. Obfervons auifi que
Fendant longtems on n-employa le nom latin qu'au pluriel
& qu'on difoit généralement Flandra^ Flandrarum^ Ban^
*w, Flaudras. Ce n'eftguères que vers le dixième ûèdA
^fCim commença à dire communément Flandria pour Ftandréu
(3) QueUe que foit l'étymologie du mot Ménapiens^ ces
l«»ples étoient originaires de la Germanie , comme la plû-
î«itde ceux de la Belgique. Etablis d'abord furies rives.
^ U Menfe, & vers le confluent de ce fleuve avec le
Vail, ils aflerent enfoite «'éiablir fur Us côtes maritimes
«ehnandte^
FIsndre aA«
cienement
s'appeUoic
Mcnapia.
Mxnadet
prebftres
du dieu
Bacchiit*
ScxiBboit
Diverfité
â*opJ nions
touchant la
grandeur &
«ftendue
«lePlandre.
;| FORESTIERS DE FLANDRE;
lequel en ce quartier plus qu'en tout aultre,'
eftoit en finguiière honneur , eftîme & recom-
mandation. Quant à la g;:andcur & eftendue du-
dift païsv& contrée de Flandre, tant en fon com-
mencement & durant le gouvernement des fo-
reftîers, qu'au temps de Tinféodation d'icduy
pais à la couronne de, France , je treuve de
divers autheurs dîverfes & contraires opinions.
Pour aultant que aulcuns & (îgnamment Lamber-
tus Onulphi (en fon volume qu'il intitule Flo'
ridus LamberH) dîft & affirme, que Flandre
anchienement eftoit aflemblée de dix Contez (4),
fi comme de Theerenburch , Arras, Boulongne,
Guifnes, SainftPaul, Hefdîn , Blandîmont , Bru-
ges, Harlebecque & Tournay. Auquel Tournay
toutesfoi3 ledicft autheur me femble s'avoir gran-
dement publié, par ce que toutz aultres bîfto*
riens maptienent , qu'elle n'a Jamais efté tenue
pour Flandre , trop bien le demeurant , qui pour
le moins a efté du refort dudidl Flandre , & pa-
reillement Arkes & Valkenberghe. D'aultr^ part,
il femble par le contenu aulx chronîcques de
France , que mefmes au temps de Tempereur
Charlemaigne ,' ladifte Flandre eftoit bien peu de
chofe, & que ccftuy, auquel le don premier
Aa. SS.
Belg. t. A.
p. 401.
Duchefne,
capicul. de
Charles le
chauve.
Id. t. I.
fol. 632.
Aa. ss.
Bclg. t. 3.
p. fiap. fie
A35.
(4) Ancicmiement la Flandre étoit toute renfermée dans
ce qu'on appeUe lefîranc de Bruges, Elle fortnoit un Mdét
individuel , pagus , qui n*avoit rien de commun avec ie»
didrias voifms. Cette diftindioneft clairement énoncée par
pluficurs aftcs des premiers Comtes de Flandre & ftirtouc
par un capitulâire de Charles le Chauve: MiJ/ih Noviomi-
fo^ Vermendifo^ Jdertifo ^ Curtricifo ^ Flandre^ & par un
paflTage de la vie de St. Eloi , où le Pagus Flandrenjis eft
clairement diftingué de ceux de Courtrai & de Gand. Ce
ne fut qu*après le mariage de la fille de Charles le Chauve
avec Baudoin bras de fer , que la dénomination de Flandre
s'étendit aux divers cantons renfermés dans les domaines
cédés à ce premier Comte de Flandre.
Oliver. Vredius , Flandr. EthnUa. C. «5'
FORESTIERS DE FLANDRE. $
en auroit efté faid, fe feroît à raîfon de ce
par forme de mocquerîe*& mefprîs faifl: appel*
1er foreftier dudiél quartier. A quoy néantmoings,
je ne puis aulcunement condefcendre , '& d'aul-
tant moings que clèrement & à veûe d'œil le
contraire fc manifefte par les raifons fubféquen-
te^. Premiers que ne convient doubter, que dès
le temps que ledifl; Cayus légat de Julius Céfar
vint pardeçà, ce quartier de pais ne fuftgran*
dément fréquenté, tant à raifon de la commo-
dité de la mer , que pour la multitude des ri-
vières qui y font. Oultre , que Julius Céfar ,
aulx commentaires qu'il a efcript, faiû en plu3
d'un paffage itérée n^ention de Tournay, Arras,
Therouenne, Boulongne & de plufieurs aultres
villes , encores que ce foit foubz aultres noms ,
& leCqujçU e\]^s n'ont de préfent. Joinél qu'eft
chofe certaine & notoire , que auparavant le
temps dudift Charles le Grand , y avoit fur la
^ère de l'Efcault entre Tournay & Gand ua
viel chafteau appelle Brachantum (5), & fi aviez
fur le Lys, Aire, Lifle & Harlebecque. D'avan-
taige en la ville de Gand y avoit deux chafteaul:^
merveilleufement anchiens , l'un fur ladidle ri-
vière du Lys , nommé Ganda , & l'aultre fur
l'Efcault, appelle Blandinium^ auquel ceubc du-
diél Gand ^doroyent Tydole du dieu Mercure,
& lefquelz deux chaftçaulx, ou du moings ledift
Ganda , furent Tau devant 1^ nativité de uoftre
Seigneur 47. édifiez par ledift Cayus (6) , tant
Opinioii
d*aulcttiis
touchant hk
déduétion
du mot dft
foreftier.
La Ibfdiao
opinion dé-
batue & re*
îedée.
Bracham»
tum»
Ganda 8c
Blandinium
chafteaulx.
Cayus édî*
fialçchaftel
de Ganda.
(5) L'auteur veut fans doute parler du château d'Etn*
ham , chef-lieu du comté de ce nom & fi'tué alors dans le
Brabant. Au refte, il eft très-douteux que ce château, ainû
que les viUes d'Jire , de Lille & à* Harlebecque , fulTenç
des lieux fort remarquables , avant le règne de Charlemagne,
(6) Oudegherft a évidemment emprunté ce paflage de la
chronique manufcrite de St. Bavon , qui débute ainû : Anna
t7M antc nativitatcm Domini noM J. C. inçliius Gam
f FbRESTlERS DE FLANDRE.
four y povoîr hyverner, que affin de plus com*
* ' niodieurement guerroyer & fubjuguer les royauU
> mes d'Angleterre & âultres circonvoifms^ En
$tj Amtïi oultre , monfieur Sainél Amand peu après Tan
corivertit le fl^ centz & quatre, avoit par fa prédication con»
Can^^ ^ verty à la fainfte foi catholique^ le peuple de
Gand, & aultres dudîék païs , après avoir de-
ftruit leurs temples, & ^boUy leurs ydolles (7),
yulius Cafar romanorunp çonftrfixk nçbih- cafîrum €f fam(h
fum fupôr flumina Scaîdis & Légi^ , uH idem amnis Scaldis
Legiam flumen accipit, tonflruxit ergo illic propter decen-
fiam ^ opfortunitatem locî , in hieme ad quicscendum (f
in aftate contra regcm CajIibeHavanum Britannii^ bellandum^
qucm regem & regnum dtvicit tçtalitcr^ impofuitquô «Or
tnen caftro à nomine fuo Gayo^ Ganda, Ce cafirum Ganàa^
très-connu dans Thiftoire du Pays, a fans doute donné njûf»
fance à la ville de Gand. Il a pu être l'ouvrage des Ro-
mains qui, déterminés par le conilueni: de deux rivières
navigables , y ont fait bâtir une fortçreffe , çoUr tenir en
ieQ>ed 9 d'un côté les Ménapiens & de l'autre q^clque^
uns de ceuic que Céfar appelle les Clieps des Nerviem;
mais rien n'efl: moins cenain que la fondation de ce châi
teau par le vainqueur des Gaules. On a trouvé jadis qucL
qucs médailles romaines aux environs de ce château ; mais
aucune , dit Sanderus , ne remonte au-delà de Néron. L'au-
^th Gan4. teur de la chronique de St. Bavon & ceux qui l'ont fuivi,
n'auro}ent point dû s'expofer à altérer la vérité , pour }e
plaifir de reculer de quelques années & d'anoblir l'origine
de la capitale de la Flandre , qui. a des titres mieux fondés
ft la célébrité , ^ue ceux qu'eUe pourroit tirer de fon ori^
gine Céfarienne.
(7) Longtems avant St. Amapd, St. Piat, St. Euchaire,
St. Valôre , St. Materne & furtout St. Viftrice avoient trai
vaille à la converfion des peuples de la Belgique occiden-
tfile. St. Paulin dit en parlant de ce dernier : San&ificatum
efi nomen Chrifti in rcmotijfmo Nervi ci littoris tra&u,,, ^
in terra Morinorum,,, fedebant gentium populi vi4 maris
^pift. 08. ^reno/d in regione umbra mortis.,^, veritm pradlcatione
' * beatiftmi Fiàricii à Domino lucem magnam acceperunt. Les
irruptions de plufieurs nations barbares détruifirent prefque
tous les fruits de ces travaux apoftoliques. Us ne fe ranime»
f çnt qu'a|>rès le bâtémc de aovis qui fit relever Içs tea^-
FORESTIERS DE FLANDRE, f
Ù avoît femblablement environ ce temps , fondé
en Téglife de Tronchienes plulieurs chanoines ,
& commencé Tédification du doiftre de fainâ
Bavon. Vous aviez aufli fur les codes de la
mer, deux grandes àpuiflantes villes & fort re-
nommées par le moyen de la marchandife , qui
s'y contradoît, Oudenbourch&Rodenbourch(8),
que nous, nommons maintenant Ardenbourch ,
& lefquelles, après avoir dès Tan quatre centz
cincquante deux par Attilla'roy des Hunes, efté
deftruiftes & ruinées, furent après par fuccef*
fion de temps refeiftes & magnîficquement refta*
blies. Thoroult eftoit lors pareillement bonne
ville (9) , de laquelle monfieur fainft Bavon eftant
en fon liél mortel envoya quérir un prebftre pour
luy recommander aulcunes chofes. Finablement
Sithîu, qu'on appelle maintenant fainft Omer,
n'eftoit ville poi^r mefprifer , en laquelle mon-
'Oaden-
bourch de
Roden-
bourch çtk
Flandre.
Thoronlc
St. Bavon.
Sithiu »
maintenant
St. Orner.
pks détruits^ & envoya, pour établir la Foi fur des fon-
démens plus folides « St. Vaaft chez les Artéfîens , St. An-
timond chez les Morins & St. Eleuthère chez h$ peuples
duTournaîfis. (V. difcours préliminaire^.
(8) La première s'appelloit anciennement Aldembourg.
Elle avoit été ruinée par les Vandales en 4S0. , félon la
chronique de St. Bavon , mais elle avoit été réparée en
partie. Vers la fin du feptième fiède. St. Vursmarc y pr^
chale S. Evangile, & y bâtit uneEglifç.
Ardembourg autrefois Rodembourg eft également une vil-
le ancienne qui appartient aujourdhui aux Hollandois. U y
avoit autrefois un chapitre fondé veirs la fin du treizième
Hècle , par un Abbé de St. Bavon. On peut confulter fur
l'éredion de ce chapitre, l'ouvrage de Mr. iic Caftillon*
intitulé Sacra Belgii Chronologia , au mot Ardembourg ou
Kodenibourg.
(9) Cette ville fut une des premières villes commerçan-
tes de Flandre au moyen âge. St. Médard y jetta les fonde-
mens d'un monaftère que fit achever St. Eloi & dont St. Ans-
gairc évoque de Hambourg fut abbé. Le religieux dont parle
ici Oudegherft, & que St. Bavon près de mourir appella au-
près de lui , étoitle St. prêtre Domlin , né à Thouroult même.
Chron.
Aldeburg*
apud Vred.
Flandria •
Ethnica p.
492.
Aet. ss.
Belg. t. 2.
p. 473. &
p. 510 an-
not. c^ e.
» FORESTIERS DE FLANDRE.
^t. 9ertifi*
Divifion de
Flandre.
Flandre
flameugant,.
Flandre
gaUicant.
fieur faînfl: Bertin , dès Tan fix centz quarante fix,
avoît fondé un bel & ample monaftère. Dont
fuffifanjent fe^defcouvre le tort de ceulx qui di-
fent que au temps dudift empereur Charlemaigne,
lediA quartier de Flandre efloit enhabité & de
petite valeur. Et combien que pour pallier leut
jibuz , îlz puiflent prétexer la ruyne , pillerie &
deftruftîon, que les Huiïes, Goths , Wandaloîs
& autres nations eftranges & barbares avoyent,
Jong temps • auparavant , & depuis continuelle-
ment jufques a^ temps dudift Charles le Grand,
moyenne audift pais, & que pour ce refpeft,
il eftoit inhabité : fi eft ce que les fufdîtes comr
moditez des mey & rivières , ceflant i'obftacle
defdiftes nations eftranges , ne povoyent eftre
oftées ny diminuées , & par tant cefte feule conr
fidératîon les debvoit empefcher d'^^vo^r par leurs
efcripts ledift païs de Flandre en tant petite efti*.
me & réputation. Au refte [pour retourner fur
nos erres (^) ] je treuve en mon advis impoffi-
ble , d'efcrire touchant Textendue anciene dudift
Flandre, chofe ftir laquelle on doibye, ou puiflç
afleoirarrefté jugement. Le tout obftant les anr
nexions & écliffementz (A) de plufieurs terres
& feigneuries que fouventesfois , & en divers
temps , ont efté faiftz audift païs , & ce confor-
mément à la différente qualité des occurrences.
Il fuffira doncq de fommièremeut déclarer que
Flandre quafi de tout temps a efté par le moyea
de la rivière du Lys en deux parties divifée, &
que tout ce qu'eft deçà la Lys , du cofté de
noort, fe nomme Flandre flamengant , à raifon
du langage qu'on parle illcc, & ce que depuis
Menin vers le açuut eft delà le Lys , s'appelle
Flandre gaUicant , pour ce qu'on y ufe de la laur
(^) Sur nos ^as , fur notrc^ (6) S^paratiam 9 4ivifiom^
FORESTIERS DE FLANDRE. ^
gue wailée ou françoife (lo). Toutesfois ne con-
vient obmeCtre que ledîft quartier reçoit enco-
res une aultre divifion , fi comme entre ce que
fouloit eftre (a) foubz la couronne de France,
appelle ordinairement Conté , & ce que gifoit
foubz Tempire , qu'on difoit ou nomraoit Segneu-
fie de Flandre, mefmes que la rivière de TEfcaute
fervoit de féparatîon aufdîftes deux parties , &
qae à raifon de chafcune dMcelles refpcftivement,
le chirf ou gouverneur dudift Flandre , en eftoit
appelle ou Conte ou Signeur. A guoy néant-
moins je n'entens beaucoup m'arrefter pour le
préfent, d'aultant que ay délibéré d'en faire un
difçours plus particulier en fon temps & lieu ,
enfemble des notables prééminences que a ledift
conte eq fon païs, de la qualité des eftatz d'ice-
)uy tant eç.ç}éfiafticquçs que féculiers , de la quan-
Aultre dJ»
viûon de
Flandre.
(tf) jivoit coutumcj '
(lo) Nous çroyoïjs pouvoir avancer qu^aa dixième fiècle 9
Il langue fla^uaude étoit en ufage bien au delà des provin-
ces fituées ^u midi de la Lis 9 c'efl-à-dire , au moins dans
toute la Picardie. Le moine Hariulphe qui écrivoit à peu
près à cette époque , rapporte qu'on chantoit partout dans
cette province les vers teutoniques compofés en l'honneur
de Louis fils de Louis le Bègue , lorfqu'en 881. il eut vain*
eu les Normailds: Patrienfiutn memorid quotidU recoUtur
& cantatur. Voici les deux premières ftrophçs de ce poè-
me, avec la yerflon latine du fav^nt Schilter:
linen kuning weiz ich , Regem novi ,
Hctifct herr Ludwigy Vocatur dominus Ludovicus,
htr gerne Gott dienet , ' Qui lubens Deo fervit ,
H^cil er ibms lohnet. Quippe qui cum prœmiis afficit.
Kind tuart er vatterïos 9 Minorennis orbabatur pâtre «
Deff warth ihmefehr bofs. Id quod ipfi erat vaîde noxiura.
Holoda'* nan truhtin , Sufccpit ipfum Dominus ,
Magaczogo warth her fin, Duftor fiebat ipfius.
Epinichion Rhythmo Teu- 'D,Mabill.t, 3, AnnaL Bened.
ton. &c. Argentojrati, 16^^ $. 684, fif D. £wf. r. ^.p, 99*
phroii.
CentuLLs*
c. ao.
Flamineus
^Flandber-
tus font al-
liance avec
Cayus C«-
far.
Flandre
foubz le
povoir des
Romains.
lo FORESTIERS DE FLANDRE^
tité & magnificence des villes , bourgades ^ vîl-
lettes 9 cbafteaulx & places plus grandes [félon
fa comprinfe (a)']^n ce quartier, que en touu
aultres de l'Europe univerfelle : pareillement de
la police dudiâ: pais , & des grandz traficques
qui fi font, avecquez aultres particularitèz non
moins admirables, que plaifantes & déleâables,
comme de faift pourra cognoiftre tout bon lefteur^
par la continuation de ceile hiftoire, & aulx cha^
pitres à ce deftinez. Cependant pour ofter toute
occafion de plainâe aulx plus curieus & gentilz
«fpritz , me femble que ne fera impertinent , ny
hors propos, de brief^rement ( avant paffer plus
oultre en noftre pourjefté difcours) réciter que
devindrent après leur renvoy & transmîgratioH
lefdid: Flamineus & Flandbertus, avecq le de-
meurant de leur populaire & fequelle (*) , & à
qui ilz furent fubjeâz. Auquel cndroift, com-
bien que je ne treuve, à raifon du laps de temps
depuis encouru, chofe certaine & alFeurée, fi eft
ce que fuys content de m'inclîner du tout à Topi-
nion de ceulx qui affirment lefdiéls Flamineus &
Flandbertus avoir peu après en çonfidératîon de
rheur & puiflance romaine (foubz le povoir de
laquelle eftoit pour lors réduifte la plus fiiinc
partie de la Gaule belgicque) faiél & contraire
amitié & alliance avec lediét Cayus , légat de Ju-
lîus Csefar, & que moyennant ce, à Tayde & par
Tauthorité dudift Cayus, iceluy Flandbertus au-
roit efté faiû, conflitué, & eftably prince dudift
Theerenburch , & gouve|-neur de la contrée de
Flandre. Laquelle depuis lediél temps auroit fuc-
ceflivement tousjours efté foubz Tempire & ju*
rifdfiftion des Romains, jufques en Tan quatre
(a') Etendue*
{h^ Suite.
FORESTIERS DE FLANDRE, it
ccntz quarante ou environ , que par la magnani-
mité & prouefle de Clodio roy de France, pre-
mier de ce nom , ledift Flandre fuft dîOtaift de
l'obéiflance defdiâz Romains , & rédulâ foubz cel-
le des François, foubz laqueUe elle a depuis quafi
de tout temps demeuré. Et quaut audiâ Fland^
bertus il gouverna bonne efpace par le moyen
que defus, ledift pais de Flandre (ii)» fi fut
celuy qui feit commencer la ville de Lifle, &
édifia le chafteau d'Harlebecque : toutesfois
l'on ne Tçait combien de temps il obtenu le^
dia gouvernement. Trop bien difent aulcuns
Irifloriens, que de luy vint un Philibertus, lequel
gouvemoit le fufdîft pais au temps que le roy
Clovis receut la ' Foy catholique : & que audift
Philibertus fuccéda Gondegorius, à luy Phili-
bertus le deuzième (foubz lequel Flandre fut
cwivertie à la fainfte Foy) , & que d'iceluy vînt
Phinaert (duquel cy après nous ferons plus am*
pk mention) toutz lefquelz furent fucceffive-
mcnt gouverneurs de Théerenburch , princes de
Bucq, & contes d*HarIebecque. Mais des enterre-
ment, aftes & manière de gouvernement d'iceûlx
jen'efldme avoir rien veu par efcript, ny pief-
mes de leurs femmes jufques au temps de Ly-
deric premier de ce nom , lequel occift en com-
bat fingulier ledift Phinaert, & puis après obtint
de Clotaire jroy de France avec la confifcation
des biens dudift Phinaert, l'eftat de foreîlier de
Flandre, comme plus àplain cognoîftrés par le
contenu aulx chapiftres fubféquent^:.
Flandre
foubz les
Commen-
cement de
Lille &:llar.
lebecque.
Dcfcentede
Flandbcr-
tus julquei
à Phinacru
(il) Tout ce que dit ici l'auteur, n'eft appuyé fur aucua
Bonoment certain. D'ailieurs le Ftandbertus^ X^Flamincas
^t il parle , appartiennent à l'époque de l'invafion des
fnncs, & non pas à celle des Romains, û toutefois il^
JÏÇ font pas des perfonnages fuppofés.
M FORESTIERS DE FLANDRE.
CHAPITRE IL
QjianJ ^&àla pridîeation de qui Flandre receu$
lafoy catholicque? & d^aulcunes iglifes qui au
commencetneHt furent ll/ec fondées*
E fouvei:am Monarche, tout puifTant Sei-
'gneur, & unicque Créateur de toutes chofes
noftre bon Dieu, & débonnaire rédempteur,
ayant pitié & compaflîon de fon peuple de Flan-
dre, lequel jufques alors égaré du droift chemin,
avoît tousjours vefcu en toute impiété & ydolâ^
trie, fufcita depuis Tan de la rellauration humai*'
ne fix centz , Jufques en Tan fix centz quarante
înclufivement, plufieurs fainftz , dévots & dignes
perfônnages, pour par îceulx convertir ledift
peuple à fa fainfte Foy, & le mettre au chemin
de falut. Entre lefquelz monfieur faind Eloy futle
premier (i) qui vint pour TefFeft que defus audift
fût"u ^M^ P^^^ ♦ ^ defcendeit en un lieu appelle Brugftoc , gi*
inicr qui îant entre Oudenbourch & Rodenbourch , où il
lïf drê U ^**PP^ÎC9^* ^ plufieurs & diverfes prédications , &
foinkrfoy! aultres debvoirs avec tel fuccôs ^& félicité, que
moyennant Tayde fingulière & picufe miféricorde
de Dieu, tout le peuple de ladifte contrée, fut
en bien briefve efpace converty. Lequel aufi peu
après à Tindance & perfuafion dudiva faiaft Eloy*
commença audift lieu (auquel la tant fameufe
ville de Bruges a efté depuis édifiée) Téglife
(0 L'on ne peut nier les fruits que produifît dinst»
Flandre le rèle apoftolique du St. Evéquc d^ Noyon,parc«
qu'ils font appuies ftir le témoignage de St. Ouen fon ami.
Multhm iH FlandrH lahoravH ^ (D. £ligius)jugi inftantU
Splcllcg. t. jndoverpif pugnavU muUosquû erroneos Suevos coH^^rtU,
aôo* LCâxi I^'*^"^» Apôures avoient précédé St. Éloi Foyez chd^f^
in-4to. »otê 7. eu cbap. fnmhr.
rORESTIEHS DE FLANDRE* ij
faînft Saulveur (2) , qu'on voit ^ncores aujour-
dhuy'audiâ Bruges en notable amplitude & ma-
gnificence. En figne de quoy mefmes pour re-
cognoiffance d*un bien tant excellent , receu par-
k moyen dudift fainft Eloy, lefdiftz de Bruges
l'ont tousjours depuis eu (cpmme encores ilz
font) en fingulier honneur, & révérence, le te-
nant au refte & vénérant comme leur intercef-
feur & apoftf e, D'aultre part monfieur fainft Urf-
maruè évefque de Noyon & fuccefleur de mon-
fieur fainft Achaîre vint quafi au mefme temps
audiél païs de Flandre, où il feit pareillement de
grands biens , induifant une infinité de peuple à
la réception du S. Sacrement de Baptefme, &
en leur donqûnt plufieura faintes & bonnes doc-
trines & inftitutions , pour félon icelles réformer
kurs aftipns précédentes prophanes & damna-
bles, & les appliquer à vertu & fidélité. Finable^
ment il feit édifier en la ville d'Oudenbourch une
églife de bois, laquelle il confacra & dédia au
nom & honneur de faînft Pierre. Monfieur fainft
Amand aufi adverti du louable fruiél & notable
avancement que le de fus nommez en peu de
temps ^voyent feîft audift païs de Flandre , vou-
lut dire delà partie, & de faîft, après fe eftre
mis pour femblable occafion en chemin , arriva
environ ce temps in pago tnempefco (3) , qu'efl:
i
ftinâ Saol»
vcur à Bru-
ges fut 1&
première
[u^on édi*
a en Flto*
•c.
SaioâEIoy
apoftre da
Bruges.
Saina Urfi
marusvienc
en Fiandro
publier U
fainae foy»
éc édifie
réglife St.
Pierre à Ou-
4enbourclk
St. Aman4
convertit
ceulx de
Thielt.
/
(a) Brugh & aîibt facras inchoavit adeu La fondation
iréglife de St. Sauveur par St. Eloi n'eft appuyée que fur
la tradition ; mais cette tradition eft conftante. Cet apôtre
^toitfoutenu dans f es travaux par le roiDagobert, à lapieufe
libéralité duquel, félon Meyerus, on doit cette fondation:
^^lumjiegU (DagoberW) Scrvatori Chrîfto Brugis pofitum
^t^uô ah Eligio,.,. dcdicatum..
(3) Le pagus mempifcus ou menapifcus , ainfi appelle des
Ménapiens qui confinoicnt aux Morins vers le fud, étoit
Ixaucoup plus étendu que le baiUage de Thielt. U compte*
Molan. Na*
tal.SS.Belg.
deSto.Blig.
Aâ. si
Belg. t. 3»
p. 3a8.
Meyer.Rer.
Fland. apud
Vred. Flan-
dr. Ethn.
p. 415.
S4 FORESTIERS DE FLANDRE.
pour le préfent le bailliage de Thieh, auquel
prerque toutz les habltantz^ furent par fon in^
duilrie& bonne diligence inftruiâz & convertis ^
& fonda audiâ lieu foubz la faveur & fupporc
VégUfe do ^" peuple d'illec, Téglife de Tronchîenes, en la^
Tronchien- quelle il conftitua quarante clerqs de Tordre &
p2 ^f^ ï^cgle de fainft Au^ftin, Puis tira vers le quar-*
Amand. tier, qu'on appelloit lors /iar^m /^MT^y^ (4) ,
Aub. Mîr.
ipl. Belg,
.i.p. I3i«
Cod* don.
iar. c. 14.
noît les quartiers de Bourboorg, de Beigaes St. Vinox* dé
Furaes, une partie de ceux de Bruges de de Gind, les quar-
tiers de CaiTel, d'Ipres , de LiUe de de Tournai jufqu*à l^ET^
cant qui le féparoit de Fanden Brabant. K mim, couronné
far VAeai. dt BruxelUs en 1770. L^abbaye de Tronchicn-
nes dont il eft parlé plus bas étoit dans le pagus mempifcus;
& c*eft là que commençoit le pagus Gandenfu» Cclai-d
avoit peu d*étendue vers Torient & le midi; mais au nordflc
au nord-eft^ il comprenoit Bocbolt^ Axel, Hnlft&toiitle
pays de Wacf .
(4) Le pagus tornacenjîs fefoît partie du pagus numfif-
eus. Il s^étendoit au fud jufqu'à Efpain, à Toueft jufqo^àli
Marque , au nord jufqu*à Helchin Cl à Torient jufqu^ l*Efant.
y. le mémoire cité plus haut. Au rcfte Oodegberft n'eft pis te
iêol qui place Tabbaye de St. Pierre de Gand dans le ^*
gus tornacenfis» La cbronique de St. Bavon(an.939.)'^
porte un paflàge d*un diplôme d^Amoul qui la place dans te
pagus tornaanfis ou lifiringagenfis ; ce qui peut fignificr,
dit M. J. Ghefquiere, qu'elle étoit du diocèfe de Tournai.
• Mais un dii^dme de Louis le Débonnaire la place dans te
pagus gandenfis: Noverit omnium folertia , quia virvctU'
rabilis ahba Ainhardus ex monafierio Blandiniê.^" 1^
eft fitum in pago gandenfi fuper fluvium Scaldim. L*abbiyc
de St. Bavon au contraire, dans un diplôme de Tan S19.»
eft placée 'dans le pagus hrachatenlis : ex monafteri9 quoi
dieitur ganda, quoi fitum eft in pago hracbhantenfi. Oxxt
abbaye fiit d'abord babitée par des clercs qui vivoient eS
commun , puis par des Bénédiâins qui furent trwisftinii^
en chanoines féculiers , en 15S7. , par Paul III. , à la deman-
de de Charles V. Ce prince ayant jugé à propos de bâtir
une citadelle dans le lieu qu'ils habitoient, les tranfpona
^ l'EgUfe de St. Jean , qui prit depuis le titre de St. Bavon,
& qui fut érigée en cathédrale par Philippe fecond en I55$^
FORESTIERS DE FLANDRE. IJ
au mont Blandin entre TEfcault & le Lys , & y
fonda des biens de Dagobert roy de France un
monaflère de moifhes noirs ^ nommé eœnobium
hlrttidimotjfen/e^ que nous difons aujourdhuy Tab*
baye faint Pierre. De là defcendeit in pago gan-^
denfî^ aultrement diél fainft Bavon , où il fe meît
pareillement à prefcher. Efqueb deux Ueux,
qu'cftoyent ancienement (comme appert par ce
que de fus) deux chafteaux, noz Anceflres fou-
loyent adorer Tydole du dieu Mercure. Et euft
lediA faînâ Amand plufieurs grandz & intoUé-
rables travaulx & fâcherie? avant povoîr réduire
foubz Tobéiflance de Téglife, & à la fainftefoy
ledift peuple de Gand. Lequel entre toutz aut-
trcsde Flandre, fut trouvé les plus obftîné &
cndurcy, & lequel avecques plus graiide perti-i
Hacité adhéraft aulx refverîes & illufions anchie-
nes. Toutesfoîs par la mîféricorde de Dieu, &
att moyen .des extrêmes diligence-, vigilance, &
dcbvoir dudiâ: fainft Amand, \\ fut enfin con-»
converti, &receut le fainft charaAère & Sacre*
ment de Baptefme. Ledîft fainft Amand fon-
da femblablement le cloiftre de Marchienes lez
Douay (5) fur la figneUrîe de fainfte Ridlrude,
femme du duc Adabaldus, Tun des frères du-
quel, nommé Ercembauldus , qui efloit maire du
de St. Pier-
re lez Gud
fondée par
lediafamâ
AmatuL
Lepeui^e
de Gand
plus dur \
convertir
que touts
aultres de
Flandre.
Le cIoifbnÉ
de Mar*»
chienne»
fondé pat
St.A]naB«&
(5) Ce fut à la (bllidtatîon de St. Amand , que Ste. RiCt*
^ fille d*Archembault maire du palais de Clovis II. ^
^e d'Adalbaud feigneur de. Douai fonda l'abbaye da
Marcl)iennes. Ce monaftère fitué à trois lieues de Douai Air
il Scwpe fut d*abord occupé par des religieufes. Elles fu-
ient remplacées par des moines de Tordre de St. Benoît Tan
îoa8., fous le règne de Baudoin à la beUe barbe. Hucbald ^
auteur de la vie de Ste. Riftrude , appelle fou père ErnoU
'w.(v. t. 4. Ad. SS. Belg. p. 490). U tft poflibk qu'il
^port^ indifféremment ces deux nomi.
* Fondauott
3u ch'afleau
dcDouay fit
de l'églife
Ste. Anne.
Sainft Lie-
vin marty-
tifé eh la
terre
d'AIoft.
Id FORESTIERS DE FLANDRE;
palais, du roy Clovis, filz de Dagobert, fonda
le chafteau de Douay, & en iceluy l'églife noftre
Dame, qu'on appelle préfentement de fainfte
Anile^ Au mefme temps & environ Tan fix centz
quarante, monfieur ïainft Lievîn archevefque
d'Efcûce convertit par fa prédication la terre
d'Aloft qui fe nommoit ,pagum brachbatenje ^ otk
aufi ^près plufieurs debvoirs & fainftes prédica-
tions, il receut la très-digne & précieufe couron-
ne de maj-tyre (6). Depuis lequel temps, ou peu
après ^ toute ladifté contrée de Flandre, à la
confufion. du diable & de fes adhérentz, & à
raccroiciflement & honneur de la fainfte églîfe
triumphante & militante, receut la vraie & falu-
taire Foy de noftre félgneur Jefus-Clirift, auquel
feul en* foit ^honneur & la gloire*
l^làbill-
ia. ss. t.
l u p. 404*
(6) Ce fut vers le milieu d^feptième fiècle que^ cet apô-
trc vint s'établir dans le territoire d'Aloft, au viUage de
liouthem i ou Haulthem , fylveftrc domicilium. Il eut beau*
t^oup à foufinr de la férocité des habitans 9 comme il nous
l'apprend lui-même dans une épitre à Florbert difciple d«
St. Amand.
Impia barharko geni exagitata tumuîtu
Hic Brabanta furit , tnequc cruenta petite
Le martyre iut le prix de fon zèle pour la Foi de J. C.
Quant au pagus hrachtbatenfis , il étoit borné au nord par
le pagus Rienfis , à Toueft par TEfcaut , à Torîent par la
Dyle & au midi par la Haine. Il renfermoit donc cette par«
tie du quartier de Dendermonde qui eft en deçà de TEfcauc,
tout le comté d^Aloft & une bonne partie du Hainaut.
Mim. cour, à VAcad, de
Brux. en 1770.
CHA-
iPOUESTIERS DE FLANDREi if
CHAPITRE II L,
He la venue du prince Sahaert au paît du Bucg^
de la defcwfiture d'iceluy ^ ^ de ta cruaultl
de Phinaerti
PÂr les chapitres précédentz nous avons fpm^
mierement déclaré , ce que avecque bon ibn>«
dément fe povoît efcrire du comencement de,
Flandre, de rsethymologîe de ce nom, des pre«
Hiiers gouverneurs d'iceluy pais ^ du temps en que
Ton y receut la Foy catholique, de la première
fondation d'aucunes églifes, & d'àultres fingu-
laritez, lefquelles nous ont fervi de préambule
& introduâion, à ce que pôvoît concerner le
difcours abfolut & plus particulier de cède pré-
fente hiftoire. Pour auquel parvenir^ eft nécef-
faîre que maintenant entendiez ^ que au tetiips dut
roy Clotaire de France deuxième de et nom 4 &
environ l'an lîx centz & vingt, à raifort dés fé- VU i»^
ditlcins, qui lots règhoyeht au jJaïs de Bour-
golngtîé^ glufiéurs princes, feîgîieurs & gentik-
hoinmés furent colifEraînâs abandonner' lediéï?
fais, & chercher aùltres demeures. Entre lef-
quelz fe trouva un noble, vertueuli, & grand
ferforinaîge, yflïi de la maifoh dudîâ; Bourgoîn-'
grie , appelle Salvaert prince de Dijon. Lequel
preffé de la fufdîéte néCeffité, & forché de s'en
fiiyt, délibéra foy retirer vers lé îoy d'Angle-»
terré: duquel (pour fefpeft dé te thutuellé €on*<
languitîîté qu'il aVoït avec Itiy) il efpéroit & fe
prômettôît tout boû coitfort, traiftément &fup^
port. Et fuyvàtit cette délIBération il fe meit peu
après en Chemin menant en fa compagnie avec léf
demeurant de fa fuyte, la prtnceOe Emergaert dé ^^^.^^
RcrfTiUon fille de Ghefard, fin femme. Laquefle ae Roiil.
pour ïors eftoit enceinfte^ & en bien maigre dii^ ïo»*
poûtion* Si diligent» tellement qu*en peu . dé
E
Le ptS$ dtt
Bttcq*
Des manl-
vaîfes con-
ditions du
-prince Phi^
fiaeru
ïcliB«1lre,
lel valçt*
ift FORESTIERS DE FLANDRlB^
journées il parvient au païaj de Bucq , guerre*
dillant de la vUle de Lille , en un bois, lequel
àptaifon des félonnîes , meurtres & inhumanités
qui s'y commetoyent, s'appeloit fans mercy.
Or aadifl: temps le'diél pais de Bucq, avec aul-
très lîmitrofes, eftoit foubz les roys de France,
gouverné &fignorié par un malheureuz prince,
ou (pour mieulx dire) tyran monftrueux, nom*
mé Phinaert (du quel nous avons cy defus parlé)
lequel en mefpris de Dieu, & au defpit de vertu,
fi'eftoît tellement adonné à toutes efpèces de
-wcés & K:ruautez , qu'il réputoit le jour eftre
perdu auquel il n'avoit donné à fes fubjefts quel-
que figne évident & manifefte indice de fon infa*
tiable avarice, & beftiale férocité. Aufi avoit il
des fubjeftz ferviteurs,.& officiers, lefquelz en
rien, ne démentoyent le gentil naturel de leur
barbare & brutal gouverneur, pour auquel fatîs*
faire & complaire, leur principal e(lude& con-
tinuel foing eftoit , de par divetfes imbofca-
des (a) , mettre des attrapes à toutz paflantz ,
lefquelz indifféremment ilz pilloyent, perfécu-
toyent, & meurtrifoyent avec telle promptitude
^ allégreffe, qu'il fembloit y avoir entre eulx
«ne ordinaire contention, à qui en ceft endroîft
fe monftroît plus vaillant , & commettroit plus
les larrechins (H) & pilleries. En fomme ilz
êftoîent tant conformes aulx beftiales conditions
de leur fufdiél tyran , que par celle des ferviteurs
vous euflîez légierement (0 cognu Tinclinacion
du maiftre, & par celle dudift maiftre l'on euft
fans aucune difficulté peu juger des meurs &
couftumes de fubjeétz tant malheureux. Dont tou-
tesfois la totale coulpe (^) fe doiél ( félon mon
advis) en femblables incidentz , attribuer aufeul
(i7) Embûches,
(^cy Facilement.
\d) Faute ^ du latin c«lp»^
tÔkEàtlÈRS tJË FLANDRE, i»
grince &feîgneùr, lequel aufî en eft de tantplui'
puniffable, d'aultarit qu'en convcitîfant Tauthorké
par la puiffânce diVîne à luy donéè pour r«x4
fa'rpatioti dfcS péchez & afteà énormes , au fdp^
port des inefchanti & inalGonditîonôz t il fe dé-f
date màhiférteinent aùthèur & atny de toute
malice, & rucèeffivement faîft par fon eiempld
desbôrdef Tes VàlTtiuix en toutes fortéè d*iniqni-'
tcz. Voylà pourquoy,; le fage Canton, non moinf
prudemment que fubtilement , (ouloît dire & af-
firmer! que les pririceè faîUent beaucoup plus par* Uspriééêè
exemple, clué^ par coulpe: Ce que Véritablement f«Ucniplii#
aebvroît deftoumer toutz monarches & gouver- Se qSwîi
neurS, & fignammeiït (j) chreftienà^ de faire cob1p#*
aftes déshonneftes , & les induire & Inciter à
i'âtnoui- de Vertui Aufereinent fe peuvent afleurer^
qu'ils n'efcapperont C^) le jufte chaftoy (c) &
tertaine vengeance 4e Dièû, noti plus que par le
àfcours de celle , cognoiftrez avoir faift ledift
Phinaerté iequel fuft aflez toft adverty de l'arrU
vée dudia Salvaert en fes pais. Et combien qutf
la confaiiguinité, qu'il y avoit entre eillx (car il*
cftoyent confins & aflez proches) le deûft avoir (J}
cmpefché, d'exercer contre ledîél Salvaett aul^
cune briganderîe ou cruaulté^ fi eft ce que l'efpoîï
du gaiflg préfent, qui loJ^ (à fon advis) ft
préfentoit , îoinft à fon invétérée couftume dtf
inal faire , reftneurent à s'armer , & avec borf
équipage d'aller rencontrer le fufdift Salvaert^
lequel il trouva audiél bois , qui (félon quediât
eft) fe difoît fans mercy: & auquel bois d'nnef
taerveilleufe furie, il fe jefta fur lediél SalvaerÉ
& i^ fiens : lesqùelz ne le doubtantz lôrs de rîed
(à) Surtout^partîeulUrcment. (c} Cbdtiment ^ punitiêMi
B â
^ FORESTIERS DE FLANDRE;
Mon dn
vaert.
Fuytedelar
princefle -
emergaeit»'
La prin*
eefle Emcr-
faert eft
Iioarfuivie.
moins que d'une telle entreprife, furent de primé
face grandement eftonnez, & toutesfoîs fvoyantz
que c*eftoit un faire lefault (a)} fe meifrent endef-^
fenfe, &fe maintii^drent tant vaillamment , qu'ilz
occirent plufieurs de leurs ennemis, de forte qu'il
euft efté du commencement difficil de juger de
quel codé la viéloire fe inclineroit, Néantmoins
à raifon que les geiis dudift Phinaert croiflbyént
i la file, & de plus en plus multiplioyent , lediâ:
Salvaert aVec les fiens fut enfin maffacré& defcon-
fit (i). Et ne demeura de tout le train dudiél Sal-
vaert, que la princefle Emergaert, laquelle du-
rant ce conflift s^eftoît avec une feule fervante
retirée à J'efcart dans ledift bois, plus pour la
confervation du fruîa qu'elle portoit, que pour
defir qu'elle euft de furvîvre aprèâ la mort du-
dift Salvaert fon mary. Cependant ïedift Phi-
naert ayfe au poflîble du grand butin que moyen-
nant les meurtres que defus il avoit fait, retour-
na avecq les fiens en fon chafteau du Bucq. Où
luy fut peu après rapporté , que en faîîant re-
veûe de ceulx, que avec ledift Salvaert avoyent'
efté occis, l'onn'avbit trouvé ladiéle princefle, &
que partant elle devoit fans fiiulte eftre efchap*
pée. Dont ledift Phinaert ne fut un feul brin
content: ains (r) craignant que par le moyen
d'îcelle princefle (qu'il fçavoit eftre grandement
apparantée) fa lafceté fufdifte ne fuft par fuccef-
fion de temps non feulement defcouverte, mais-
aufi punie & chaftoyée Çd) , feit commendement
à fes gens, d'en toute extrémité la chercher, &
faire tellement, que elle fut & trouvée & trouf-
fée Ce). Mais ceftuy noflre bon Dieuj à la pré-
fcience de qui rienn'eft cacé, & contre lapuiC-
(jï) Une nécejpté.
(0 ^^"'^
(^ Châtiée.
CO 4fncn4c^ emmenée*
FORESTIERS DE FLANDRE. %%
fiince & volunté duquel toutes aultresteraiflbnt^
avoit pour quelques temps voulu exempter la*
diôe princelft du povoir dudiâ tyran 9 par ce
qu'il n'ignoroit le bien , avancement & prouffic
que félon 0i préordonnance debvoit advenir àtou*
te la çhreftienté, par le moien de la lignée que
d'icelleprincefle yffiroît (a)^ Qui fut la caufe que
les fatellites & brigans dudiâ tyran, ne la luy
peurent amener fy toft & conformément à fon
plaifir & vouloir,
CHAPITRE IV.
Des regretz de la princeffe Etnergaerty pour I0
perte de Saïvaert fon mary^ du réconfort qu^
luy fuft donné ^^ des chofes à elle miraculeux
fement pridi&es fur le faiSt de V enfant quUlh
portott^
yOus avez cy defus povu (*) conCdérer &
veoir la princeffe Emergaert en merveîlleufe
peine &debvoirpour fe faulver, cependant que
le prince Salvaert fon mary, fe deffcndoit contre
Tinvafion de fes ennemis: refte préfentement à
difcourir, ce que depuis la defconfiture dudifl: Sal*
vaert advint àladifte princeffe. Laquelle , pour
la perte tant récentement foufferte, oultrée de
douleur nompareil 9 confidérant le miférable eftat
de fes affaires , & ne trouvant efdiéles fblitudes
lieu affeuré contre l'inhumanité defdiftz voleurs,
réfolut fe retirer dans refpeflfeur dudift bois , &
par les chemins plus efcarter , ccrcer moyen d'en
fortîr, & puis après reprendre les erres (c) de
fondifte pourjeélé voyage d'Angleterre. Et de
faiô, elle tranfverfa tant de hayes & buyffons,
& fe meit fi avant dans ledift bois qu'il eftoit
{à) Sorttroit^ CO l'^ c^fntinuationn
0) P».
M F0RE3TIERS DE. FLANDRE,
Jà prefquç grjmde nuîft, lors quç ne voyant en.
çorçs aulçui^e apparence d'en povoir fortîr, com*
mença perdre toutç efpérance & de fa vie, & de
fa fanté. Qui fut caufe que appercevant gu^rre^
|oing de fon chemin une fonteinç afTez plaifante,
elle arrefta de y'pîifler la puiâ;, enfemble d'eft
fayer, fi par quelque pçu de repo§, elle pour-
voit donner aulcune rclafche à Tsingoife qi4
itrop la travaîUoît. Mais la pauvre d^meignoroit
que Texercice & travail du corps, qu'elle avmt
tout ledi(S|; joUr enduré , ayoîç cependant olïé
t)onne partie de l'appréhçnfiQn de l'infortune â[
lîUe advenu, aulx plus faines parties de fon efpritj;
ipomme dç faift elle e^fpériipenta , lors que çftant
iefcéndue de fa monture , elle fe trouva tant
purement troublée & diverfement agitée, que ù
ieule craintç de perdre l'aîne luy garantit la
deftruâion volun^ire de fon -corps. Auquel ne
voulant faire force à raifon dç l'obftacle y mis
par le moyen des commandement^^ & deffepîes de
.pieu 2 ne luy fuft poflîble que pour le moing^
la larme à l'œil, & ayant la çriftefle au plusi
profond du ççeur. , elle ne difl; en fpufpif ant ;
Cc^mplalnc- ,^ tjélasi pauvre malheureufe que je fuis, que
princefle ^* ' ^ PP^^^^V']^ déformais devenif çftant deftituée
çmçrçaert. „ de tout confoçt & ayde? Où iray-je? A qui
„ me retireray-je ? O Dieu que fera-cc de ma
;„ vie? Las! l^s! n^on mary, qui m'avez prér
,^ fervé de tant de périls, & tenu fi bonne
/ .^ & Ipyalle compagnie, o^ eftes^vous mainte^
.„nant? O* mauldifte fortune, tu m'as tant
y, pourfuyvie que la defpouille de moy & de
p mes biens te fervira pour l'advenir de tro-r
^ phée , fortune ennemie & contraire à toute
^ perfcnne de vertu, fortune , çhymère ingrat^
^ & malheureufe , qui pour me décepvoîr &
^ abufer , me prometois en récompenfe de mes
4P a4yeffîtez paffées , ui? gracieux tçaiftçipent 4i<
FORESTIERS DE FLANDRE, sj
^ roi d'Angleterre mon coufin , & un aflfeur^
,, reftabliflement en mes biens & pofTefSbns ^
^ m'a vois ta gardée jufques^à celle heure, pour
^ me mettre entre les mains de ces mefebantz?
0 iàulfe lice C^) , penfes-tu me flefchii' à me
défefpérer pour quelque tourment <iue tu me fa-
ces ? ha , certes tu t'abufes bien , & comptes
lourdement fans ton hofte. Car j'ay mon Dieu,
^ en quy j'ay mis toute mon efpérance , & le-
^ quel ne rejeâra l'humble prière de fa défolée
^ fervante,^ Achevant ce mot, il luy fembla
ouir quelque bruit de çhevauk fus lé chemin. Par-
quoy craignant que ce fuflent ceulx qui avoyent
mis i mort le prince Salvaçrt fou mary, fc leva
en très-grand effroy pour plus attentivement
cfcouter que ce feroit. Mais comme elle fe fut
rafleurée, voyant qu'il n'y avoitp^rfonne, après
avoir un peu reprins fon haleine recommença
fes^ pleurs & lamentations plus douloureufes que
devant, ^Las! fortune (difoit elle) comme tu
^ es mal affeurée , fi; principallement à l'en-
„ droiéi (A) des plus grands : ne feras tu jamais
„ contente de faire cognoiftre ton povoîr , foit
„ aulx maulvais , ou aulx bons ? Las, mort de-
„ firée , maintenant plua agréable en mon en-
^ droîft que telle vie en vîeulfe, pourquoy tardes
„ tu tant à me furprendre ? ^ Ainfy pafJTa la
povre princeffe icellenuift , refvant , ravaflant &
foufpirant, comme perfonne quy n'efpère jamais
joye. ,Et ce que plus encoire rçngregeoit (c)
fon martyre, eftoyent les lanchures.(^/) du fruift,
qu'elle fentoit en fon ventre , lequel, ennuie &
compaflîoné de la miftre de ù. mère , fembloit
avant fon temps, vouloir demander paffage, pour *
la reconforter &; confôler. Cependant, labonnç
(«) Cûmbat^ défaite, (^e) augmentait,
ih 4 ^^^rdf ênv4riu Ç4) Eiancemenf,^ mouvement
Ditnfatntit
ne délaiiTç
}çs Oetif.
Lthermite
l^ydcric
treiivç It
princefle
Emcrgaert
dans le bois
& luy der
mande la
caufedcfoii
4er|>laiûr,
ÏU(iK>tifc
de ]z ^diae
princefTe
audiâ hér
rcwtct
f4 rORESTÎERS DTi FLANDRR
princefle fafchée de plus domcurçr en lîeu^
auquel elle avoît receu tant de defplairirs , ap-
pareilloit fon partement 9 quand par la difpo«
fition & iniféricorde de Dieu ( lequel jamais ne
délaiflfe çeulx quy de tout leur cœur , & fans
aulcune faintife le réclament) fe préfenta de-
vant elle un fainft & religieux héremite, ap-
pelle LyderÎQ 9 qui lors eftoit venu quérir 4e
Teauë en la fufdifte fonteine* Lequel efmer-'
veillai au poflible de veoir en lieu tant folitaûpe
& retiré upe dame ( laquelle en port & veftç-
fnentz repréfentoit toute grandeur & nobleffe) fi
déplorée & affligée , ne fe peult garder de luy de-
mander le plus gracîeufement que luy fut poflible
la caufe de fon ennuy, A quoy ladifte princefle
( qui pour les difgraces & malheurs furvenus
n'ayplt perdu un feul brin de fa naïfve courtoî-
fiç ) refpondît en peu de propos : „ Mon père,
^ il feroit iiqpoflrible, veu la diverfit^ de mes
^ malheurs , de particulièrement vous déclarer le
„ motif de n^on deuil & mefcontentement. Le-
„ quel néantmolns vous pourez aflez legîere-
„ ment (a) comprendre, fi feulement vous vous
^ perfuadez , que fortune a voulu me faire ces
p jours p^flea cognoiftre afleurément rentier ef-
p feft de fa mobilité. Mais fi elle efloît aultre,
^ le nom qu'elle porte 9 né luy feroit en rien
„ convenable , attendu qu'elle eflieve ores (^)
yj Tun jufqucs au fommet de fa roue , & fans
^ l'avoir mérité , & abbaifle tantoft l'aultre au
^ bas d^ fes pjedz , contre tout droîft & raifon.
j^ Ce qui s*efpreuve bien en moy, qu'elle avoît
y, coUocquée par longues années au throfne de
„ toute profpérité, & à vn cil d'œil (r) , n'^
f ^) j1ifimcn$f
^^ Tantôt , fréfcnt^tr^cnu
(c) Clin iT^il,
FOÏIESTIERS DE FLANDRE, aj
^ pas un mois , m'a tellement minée & abbar
„ tue, que quand je confidére Teftat où je fuis,
^ & voyant tant de malheur en moy , je penfe
^ fonger, ne povant comprendre pourquoy celît
^ m'eft advenu 5^ n'ayant oncques faiA chofe pour
3^ défervîr (a) le mal que j'endure.^ Et après ,
commenchant de la caufe de fon partement de
Bourgoigne, eontinuale plus briefvement qu'elle
peuft, à luy reciter ce que jufques lors luy eftoit
advenu; mefmes qu'elle doubtoit , que au pré-
judice & danger de l'enfant qu'elle pourtoît, elle
ne s'accouchaft avant temps en ces follitudes.
Si faifoit ce difcours avécq tant de pleurs &
foufpirs , qu'elle euft efmeu 4 pitié ^ compaf-
fioa le plus dur rocher de la mer , & à plus
forte ndfon le bon héremitç , Içquel après plu-
iieurs larmes que en compagnie de celles de la
princefTe luy decoulloyeqt , pour la reconforter
toy dift: „ Madamme, Dieu pour rendre ceux
„ qu'il ayme & qui font plus à luy , du tout
„ accomplis, permet fouvent leur venir maintes
„ adverfitez , qui leur eft fatîsfaéHon des péchez
„ qu'ilz comètent, leur donnant puis après au
^ Jîeu de cefte vie tranfitoire , la gloire perma-
yt nente & bien-heurée. Pourtant il eft néceflaire
^ que vous conformez voftre vouloir à fon bon
^ plaifir, luy rendant gloire & aftion de grâces
„ de tout ce qu'il vous envoyé. Vous fouvenant,
„ qu'il eft aultant puiflant qu'il fut oncques (^),
„ pour convertir cefte voftre grande triftefle ,
„ en plus de joye que voftre defplaifir n'eft c^-
^ trôme, & ce que vous tenez en mal, en plus
„ de contentement & de bien. Et au regard du
„ fruift, pour lequel vous eftes préfentement en
„ foucy, vous convient efpérer, que Dieu (père
^ univerfel de toutz humains ) en aura le foing.
Hareiiî:uo
confolatoi-
re de n«c-
remite à la-
dide prii;-
ceffe.
(a^ À(<;n(ci\
(b} Jamais.
tff FORESTIERS DE FLANDRE.
Apparition
miraculeufe
k la prin-
cefle Emer-
gaert , de la
vierge Ma-
rie en for-
me d'une
femme très-
grave. '
Prédiftion*
de la vierge
^farie à la
princefle
EmeÊgaert.
La feigneu-
rie de Flan-
dre promife
aulx fuccef-
feurs de la
princefle
Emergaert,
pour tous-
jours.
97
le
qu'il çognoîft luy élire falutaire & néceflaîre.
ResjouifTçz vou$ donqq, & tafchez le plus toft
que portez , de vous mettre en Heu, auquel
avec plus de ïeureté ôç commoditez , ayez
moyen de produire à mondç le fruîft que Dieu
vous ^, donné. „ Après ceftç remonftrançe ,
bon hérçmîte voulant retourner ài fa maifo*»
nette, print congé de ladite princeffe. Laquelle
^ulcunement confolée des fainâz propos dMceluy,
fe fentant aggravée de fommeil , à raifon du peu
de repos que la nuîft précédente elle a voit eu,
fe coucha auprès de la difte fonteine, en intcn-r
tion d'y repofer pour quelque temps le mkulx
qu'il luy feroit poffible. Mais elle n'avoit enccv»
res commencé à fommeiller , quand luy fembla
ouyr autour d'elle quelque bruit. Qui fut caufe,
que elle fe refveilla comme en furfault , & s'af"
feyant fus le bord de h fufdiéle fonteine , je(te
fa veûe de tout cofté 9 pour veoir que ce povoît
eftre, & àpperceut guerres^ioing d'elle, une eat
gée femme , laquelle ( ce luy fembloit ) avoit
en' elle une gravité &; magefté plus que humaine,
Dont elle 3'efmerveilla grandement , mefmes de
ce que s'approç^nt ladifte femme luy dift: „Emer^
„ gaert, pour aultant que de tout voftre coeur
yf avez alïïs toute voftre efpérançe fur la bonté
„ & miféricorde divine, je viens vous advçrtir
„ que voz ardantes or^ifons ont efté préfentées
^ devant le throfne^ & acceptées de Dieu fou*»
„ verain. Lequel vous mande par moy que Ten*
„ faut que portez viendra en aage d*hon||e
„ accomply , fera fage & vertueuk, vous oftera
„ de toute triftefle, délivrera ce païs de la ty-
y^ rannîe , foubz laquelle il eft préfentement ,
„ vengera la mort de voftre mary fon père , h
„ deviendra feîgneur de ce païs , duquel fes,
„ fucçeffeurs jouiront à tousjôursj^ ce 4iftl«'
FORESTIERS DE FLANDRE. \f
tffte femme s'efvanouît (a}» Plufieurs maîntifri
gnent que ce fut la vierge Marie, qui foubz 1^
iufdiâe repréfentatîon venit confoler la mîférablç
princefle : aultres , que ce feroit efté quelque
luige, à elle pour le mefme effeft envoyé. Ce
' que ce foit , ne fault doubter que par telle réi-
vélation , la divine bonté n'ayt voulu long temp&
;iuparavant monftrer & prédire la grandeur en
laquelle cefte maifon de Flandre deb voit par fuf
ceffion de temps non feulement continuer, mai3
^ffi croiftre & augmenter , félon que depuis on
a tousjours aftuelement cognu, & encoires au--
jourdhuy Ton peult cognoiftre plus que jamais,
Par où auffi manifeftement fe defcouvre , que la
flomînatîon des hommes n'eft un don foituit ou
fafuel , ains qu'elle eft baillée à un prince par
le vouloir & providence divine: & que partant
pifl ne peult juftement ny long temps comman-
der, linon celuy, auquel Diçu a permis le dom- Ç^^ÇJ.^:^
pâme 5ç empirç.
CHAPITRE V.
fie la natjfance^i baptefme^ & merveilleufe fachon
de nouriture du jeune Lyderic^ Q? de Tempri^
fonement de la prtncejfe Emergaert fa mère.
LA prînçefle Emergaert après la révélation
telle que cy deffus avez peu entendre, fc
fentant grandement confolée, remcrchia Dieu
bien humblement, & dévotement de ce qu'ayant
égard à fa mifère , luy avoit pieu la préadvcrtîr
des grands biens & honneurs que debvoycnt ad-
venir à fon enfiint & à fa poftérité: priant en
oultre que fon divin plaifir fût, régir & gouvcr-
^ ner toutes leurs aftions: de forte, que par aul-.
(f } ^JJparui^
fiS FORESTrERS DE FLANDRE.
cune impiété 'ûz ne fe feifient incapables de 1»
grandeur & profpérité promife. Et comme elle
fe difpofoit pour davantage continuer en fon oraî-
fon, & puis après fe remettre en chemin, le
mal d*enfant la commença travailler de fi près^
qu'elle fut conftraînfte d'entendre à ce qu^eftoît
requis pour Tadvancement de la naiflance dudiâ;
Naiflance enfant. Duquel après plufieurs travaulx, elle fut
**^^occ finablement par la miféricorde & grâce du tout-
^ ' puiflant, délivrée, a'ayant pour toute afiftence
humaine aVec elle, aultre compagnie que celle de
fadifte fervante. Laquelle comme nouvellièrc
& inexpérimentée en femblables afiàires, fe trou-
va lors bien eftonnée, & néantmoings (faifant
de néceffité vertu) envelopa lediél enfant dedans
le peu de linges & aultres draps, qu'entre ceubc
de la prineeffe & les fiens povoyent audiél cffeA
fervir, & mefmes en telle extrémité. Ce faift,
fe meit en debvoir d'aflifter la bonne princefle^
félon la force & poffibilité que noftre bon Dieu
luy donnoit. Si befongna tellement, qu'en bîea
petite efpace l'ons'euft légîèrement (^a) apperceu,
d'un meilleur eftre & difpofitîon en ladiéle prin-
eeffe. Laquelle tenant fon petit filz entre fes
bras, ne fe povoît faouller de l'embraffer, baîfer
f& regarder tant le trouvoit beau, bfen formé &
agréable. D'aultre part la fidèle fervante, qui
' voyoit la prineeffe oublier & fon mal, & quaft
foy mefme , au plaifir qu'elle recevoît par l'objeét
de ceftuy fon filz, duquel tant de chofes luy
avoyent efté prédiftes : confidérant que s'elle n'y
prévoyoyt on eftoit taillé (^) d'endurer affez de
faim, & demeurer illec (c) plus longuement que
la fanté de ladifte prineeffe ne requeroit, s'ad-
vifa de monter fur un petit tertre (d) , qui n'eP»
Ca') Aifémcnt. ' (e') Là , dans ce lieu.
Q) Rdduit à 9 condamnt à. (d) Colline , hémteur^
tORESTlÊRS DE FLANDRE, sf
toit guerres loing de là, pour tant mîeulxeQ)îef
par quel chemin Ton pouroh plus commodîeu-
fement fortir hors du bois auquel eHes eftoyent.
Et comme elle jeftoît fa veûe de tout cofté, pour
plus afleurément le tout recognoiftre, elle choi-
fit une trouppe de gens embaftonnez venantz ca
grande delîgence vers cUe. Et entre Iceulx elle
en recognut aulcuns que avoyent efté préfentz
au meurtre & defconfiture du prince Salvaert fon
bon maiftre, Aufî debvez vous fçavoîr que c'ef-
toyent eulx fans aultres, auxquelz le malheureux
Phînaert, avoit donné charge expreffe de pren-
dre & luy amener la prhicefle Emergaert. Et
ores Ça) que le jour précédent, ^ ceftuy mef-
mes ilz euflent plufieurs fois cafloyé le lieu au-
quel la pauvre princeffe s'eftoît retirée , fi eft ce
que jufques lors ne leur avoit efté poffible de la
trouver, obftant Çh) la volunté & difpofition di^
viije, laquelle, avant Temprifonnementde ladîc-*
te princeffe s^'avoît voulu réferver ledîft enfant,
pour par le moyen d'iceluy, exécuter les ex-
ploitz que cy après entendrez. Au refte la fuf-
difte fervante trîfte au poffible de cefte renchar-
ge {c) , fe retira le plus haftîvement qu'elle peult
vers la princeffe, laquelle advertîe de ceft aul^
tre & nouvel défaftre, fe^çonfiant en la promef-
fc; par laquelle luy avoit efté prédift que fondift
filz la debvoit, par fucceffion de temps, déUvrer
de toute trifteffe , ayma trop mîeulx Tabandon-»
ner à la difcrétion des beftes brutes , que de le
fubmetre à la mercy de ceulx , defquelz elle n'en
efpéroit aulcune. Et de faiél adfiftée de fa fer-
vante, meit & caça (d) fon fortuné enfant dans
une petite foffe, deffoubz une haye qu'eftoit af-
fcz large & umbrageufe. Et après l'avoir de tout
fenftiit
Lyderic
abandonné
<i(réfeta
dedans If
bois du
Bucq.
(fi) Qttoique.
(c) Surcroît di malbtur.
(O Cacba. '
Lés propos
de la prin-
ccflcEâTicr-
pracrt nulx
fatcllttcsdu
tyran Phi-
ûacru
Hfi i^ORESTIERâ DÉ FtA^tHSLÉi'
fon cçsur recommandé en la garde de Dieu 9 ttli
retourna, avec tel défplaîfir que châfcun peult
peiifcr vers la fontaine, dont cy defus à efté
parlé. Où quafi aufi toft furviendrent les fufdi<to
brigandz: aufquelzi^ d'une contenance aflfeurées
jy Si voftre cruaulté (dift elle) n*eft, par' la mort
n de tant de mes gens & mefmes de mon très^
„ cher feigneur & erpous , encoire râflaziéé , que
,, tardez vous à pareillement vous baigner en ce
,, mîeri farig, affin que avec ceftuy des aultrcs^
5, que avez puis n*aguerres efpandii, il demad-
jy de & impètre de Dieu la vengeance, que voz
jy inhumanitez ont desjà méritée? Mais fi (ce
^ que mal ayfément je pouroye croire) eft ref^
„ tée en* aulcuhs de voua/ quelque fcintille (a)
^ de vertu & pitié, permettez, quù je joniflc da
^ cefte liberté^ laquelle feule entre une infinité
„ de biens que fouloye (^) pofféder, m'efl: juf*
ij ques ores (c) pour tout confort, demeurée*
5, Et laquelle perdue, tant s'en fault, que j'aye
^ aulcune volunté de prolonguer ma pauvre &
,, miférable vie , qiïe mefmes en tout inftance Je
,, vous requiers me doniier une prompte inort^
^ plurtofl: que me mettre ehtre les mains de cef'
„ tuy, par le faidl & commandement duquel je
^ perdis hier tout mon fupport, &ma joye*^ Ceubs
que eftoycnt venu pour emmener h prihcefle,
confidérantz la magnanimité d'elle, & que fans
aultremént s'effrayer elle parloit à éulx d'une telle
eonftance, eufrent merveilleufement grande com-*
paflîon de fon adverfité ; & y en avoit qui Vplun-
ticrs l'euflent laiffé en la liberté, fi la crainte
d'eftre de ce vers Phinaett accufez ne les ent
cu0e deliourné i & partant après l'avoir afleurée
de tout bon traiétement de la part dudift Phi*
C^) EtincfUc f ^u latin fcin* (b') Avois coutumes
FORESTIERS DE FLANDRE. 3t
iiaert, (ce que toutesfoîs ilz faifoyent fe^iilement
pour la , reconforter 9 & fans aulcune charge)
trouflerent ladite princeflTe & fa fervante fur
deux de leurs chevaulx & diligenterent, de forte
que peu après ilz parviendrent au chafteau du
Bucq* Où nous la laiiTerons foubz povoir & en
la difcrétion du malheureux Phinaert, jufques à
ce que le bon Dieu en aura aultrement difpofé;
&~ retournerons à fon petit filz, qu'elle avoît
laiffé en la fufdifte foreft deftîtué de toute ayde
humaine, non pas de celle de Dieu, lequel pour«
veut à la nourriture dudiél enfant , comme vous
cognoiftrez préfentement. II vous doibt fouvenir
de la venue du bon héremite Lydcric vers la fon-
taine ^ près laquelle la princeffe Emergaert s'eftoit
retirée, lors qu'elle eftoit au plus fort de fes des*
plaifirs, enfemble des faîndles remonftrances
que lediél héremite luy feit. Lequel peu après
l'emprifonnement de ladicle princeffe, retourna
vers ledift lieu, pour y quérir de Teauë félon
qu'il avoit faiâ le jour précédent* Maïs en ap-
prochant ladifte fonteîne, fl fuft grandement
esbahy du cry & eftrange bruit que faifoyent
plufieurs corneilles, agaces (^j), & aultrcs oy-
feaulx.en très-grand nombre, fus & environ la
haye, au deffoubz de laquelle eftoit le foffé, au-
quel la princeffe Emergaert, avoit caché fon petit
filz , & de faift convoiteulx d'en fçavoîr l'occafion ,
venît vers ladîfte haye, & trouva dedans ledift
foffé le petit gars (^) qui par fes geftes fembloit
demander fecours & aOiftence audiA héremite.
Lequel affeuré que le cry defdidliz oyfeaubc n'avoît
- cfté fansmyftère, leva ledift enfant, & l'empor-
ta en fon héremitaige, s'efmerveillant au furplus
de la cruaulté de la mère d'iceluy, & que elle
povoit eftre. Toutesfois fe fouvenant des regrets
nement de
la princefli^
Emorgicr^
Vhértmlu
trouve TciH
fant Lyde->
riciumoyS
dubmiit d«
plufieurs
oyi'eaulx
qu*cftoyént
autour du-
dia enfant»
00 Ph$ pica, in lafh* Çh) GarfÇHp infunf^
Baptefmo
du jeune
Iryderic,
L'enfaïit
Lyderic cft
miraculcu-
lemcnt al-
laité par
«ne biche.
30 FÔfeEâTIÉRS Î)È Î^LANfifeÈ*
<}ue auparavant & au mefine lieu il avoit ou^f
faire à la princefle Emergaert , luy tomba en ref*
prit qu'elle fans aultre l'avoit engendré : ne po-^
vant en foy comprendre la raîfon qui Tavoit
iheûe d'aînfi abandonner defte innocente & tarft
belle créature 1 doht néantmoins il fut fuffiflam-
ment appaifé, & fatîsfaîft, lors qu'eftant adver-
ty de la captivité de ladide princeffe, il s'afleu-
ra que la feule crainéle (qu'elle avoit' eu) de
perdre fon petit filz, l'avoit conftrainâ^ de l'ex-
pôfer à tout aultrd péril, pluftoft que le laiflfer
îtu povoir de fes ennemis. Parquoy plus ayfe que
devant, eftimant (veu que fi miraculeufemént
Dieu l'avoit préfervé du fufdiél dangier) qu'il
pourroit quelque jour féiflîr veftueûlx & preud-*
homme (après l'avoir préallablement baptîzé,
& de fon nom appelle Lydericq) commença pen-
fer au moyen qu^il debvrôit tenir pour eflevef
kdift enfant^ & fuyvant ce, délibéra luy cer--
cher le lendemain quelque bontie lioiïrrîce, eftanc
cependant en «xtfênie peine, à faifon cjue plu»
promptement il ne poVoît fixbvenir à la néceflîté
dudift enfant. Et comme lîedifl: héremite eftoit
eti celle folicitude, voicy (par k graèe & pto-^
vidence divine) une cerve ou feiche qui fe vint
préfenter à luy, faifant toute la fefte & bonne
chère au petit enfant, Qu'elle euft peu faire à
fes propres petitz- Dont efmerveillé ledift hére-
mite , & mefmes qu'il fe^bloît aulz geftes de la-
difte biche, qu'elle vouloit aîlaifter ledifl: enfant^
il appUcquâ la bouche d'ideluy à une des ma*
melles de la biche. Laquelle cependant fef mon-
ftroit quoye Ça) , d'oulce & privée , jufques à ce
qu^eftant ledift enfant allaifté , elle ft retira dans
le bois ^ & continua . celle vifîtation deux fois
le
(a') TranquHUi
kÔkÈStlÊRS bi FLANDIlè. 33
lé jour, durant tout le temps, auquel le jeune
Lydericq avoit néceffité de telle nourriture , non
fan5 très-grand esbahiffement du bon héremîte,
. lequel par cefte nduvellité , du pour mieulx dire
affeuré miracle , confirnioit en foy dàVlntage Topi-»
nion^au commencement conceûe des futures gran-
deur & profiiérité dudîdf enfanta Et pour cefte
ôccafion, fe difpofoît tarit plus voluntiers à le
foingneufement nourrir, & bien endoftriner. Je
fçay qu'il en y aura pluliéurs, qui de prîme fi-
ce (0)9 i*ecevront cefte façon de nourriture du
Jïetît Lyderic eu méfmè lieu qu'on eft â'ccotxlfu-
mé faire les Chofeâ fabuleufes. Mais quand il2
viendront à confldéfet Theureufe, nobïe &magf-'
nanime poftérrtô , que ceft enfant a défailTé ;
mefmes que les règnes , empires & dctoinations ,
font fouvent par femblables lignés & mîrades
prédiftz de Dieu, j'eftime que pour le niôîng^,
'ûz adjoufterorit aultant de foy à ce que defué ,
4u'ilz font aulx autheurs , lefquelz tefmoîngnèîït
que Cyrus auroît efté Aourry' d'une chèvre , les
fondateurs de ïioftié, ïlomulus & Rem'ùs d'une
îouve, & Atyydps d'une biche. Laiflarit néant-
moins en l'aYbitre & difcrétion d'un chafcun^
de croite & admettre ce que plus luy feïnbkra
conforme à la raîfon & vérité.
CHAVïTJLE VI.
Des bonnes meurs & Conditions du prince Lyde^
rie 9 de fa venue en Angjetetre^ fi? des amours
d^iceluy avec la belle Gracienne*
LE fainft héremîte voyant par lignes tanC
myraculeux & évîdentz le foing qye Dieu:
monftroft avoir du jeune Lyderic, s'efforçoit à^
r
Rcgfaes wd*
racttleufe-
ment
diâz
Dieu.
Cyruf frft
nourfy
d*une chè-
vre, Romu-
lus ôc Re-
mos d*un,e
louve ♦ à
Abydus
é*un« bi*
(tf) ly abord, au frmUr afpe^*
-Tes
Les princes
font obligés
k bien gou-
verner leurs
fubjefts ,
lefquels ré-
ciprocaue-
ment iont
tenus d'ef-
tre loyaux
^obéiflants
k leurs prin-
ces.
Bonne con-
dition du
Jeune Ly dé-
lie
fiimiUtuâe.
34 FORESTIERS DE FLANDRE;
fon poflîble de Tcnfei^ner en tout ce que luy fcm-
bloit néceflaire, pour le rendre de toutz'poînftf
accomply, luy ramentevant (jo) continuellement,
& fur toute aultre chofe, qu'il y avôit un domî-
teur au ciel, donnant & départant (F) toutes
^s feigneuries de la terre, lequel toutz princes
doyvent recognoiftrc , & potir ce cftimer qu'ilz
font aultant nais (0 à fervir leurs fubjefts de
bons & juflcs gouvei'neurs, que iceulx font obli*
gez à 'leur bien & loyaulmcnt obéir. Et pour
de tant plus Tenflammer en Tamour de Dieu,
luy mettoît fouvent devant les yéulx , les grande
biens que dèz fa naiffancè Dieu luy avoit faiét^
le préfervant de tant de dangiers, & luy admî-
niftrant une nouriture fi eftrange & admirable^
Toùtx lefquelz advertiffemeniz le Jeune Lydcric
reccvoît d'une vivacité merveilleufe , & d*unc
capacité que excédoit le port de fon tendre aage*
Auffi avoit il une condition trop admirable, eftant
prefquei cncoire en enfance , de ne faire quafî
nul afte de puérilité, & nul compte de tout ce
que naturellement la pctiteflc prife (^) & ayme.
Quoy confidérant ledift héremite , & cognoiffant
que la dextérité & grandeur de refprit dudîft
Lyderîc requéroît un governeur plus excellent,
délibéra renvoyer en Angleterre vers un abbé
qu'il cogndiflbit de longue main, homme vèr-
tueulx , de bonne vie, d'expérience non vulgaire
en toutes manières de fciences & finablcment te!
qu'il fçavoit cftre néceffaire pour le gouverne-
ment d'un jeune prince. Se fcntant à ce de tant
plus incliné, pour aultant qu'il n'îgnbroit, que,
comme la nature d'une bonne terre fe déprave,.
& au lieu de prouffitables , produit des herbes
inutiles , fi elle n'eft bien & diligemment cultivée.
(a^ Rappelîant. (<r) Nés.
^V) famgtant , diftrihuant. Ç4) Ëflim$ , r$ehtrch^
FOiES^IERS DE Î^LÀNDRE. éj
ainfi le gentil efprit^ & débonnaire inclinttioii
d'un prince fe remplit de plufietirs vices ordz^i)
& vilains^ s'il n'eft aruné (*) & agencé (c) de
dqârine falutairèi Et cefte fuft la cauft ; qu'il
envoya en l'aage de dix ans , le jeune Lyderic
Vers le fufdiét abbé » ( duquel je h'ây enCores
trouvé le uoni par efcript ) mais ce fut après
iuy avoir faiél pkifîeurs belles & amples remoti-
firances , dont la fubftancé . tendoit à ce qu'il
fut induiél en la crainte de Dieu , laquelle (félon
le fage Salpmon) eft le Commencement de toute
fapience. Il Iuy recommaildoit auili & i>ien chaul*
demcHt la liberté de la pauvre princefle Emet-
gaert fa mère, qu'il fçavoit eftre détenue foubt
ÎSL tyrannie de Phînaert, Ce que lèdîft Lyderic
imprima tellement en (on cerveau, que inconti-
nent qu'il fe fentit affez roide de membres , &
fort pour la délivrer , enfemblé pour faire la
,vengeailce de la mort dû prince Salvaert fori
père 5 îî'' exécuta le tout , de la forte qu'eit
^pouffuyvaiit cefte hiftoire , cognoîftrçz. Apre*
les fufdiélz dcbVoirs le bon héremite fondant en
iarmës donna fa bénédiftion au jeune Lyderic ^
pryârit le fouvéfain Seigneur de toutes chofes ^
iuy vouloir eftre aultant pl'opîce à l'advenir ,
comme par le paffé , il s^eftoît monftré foigneuhc
pour le gafdeiè & eOevcr. Ce faîâfc le Jeune prince,
tnary (J) au poflîble de ce partement., print
congé dudî6b hérémîte i. & fe mift en chemin
accohipagrié feulement d'un homme de bien , qqî
èftoît d'îceUiy pais & parent audicHL héremitei Sî
dilîgénta tellement ^ qu'il parvient, en peu de
temps au logis dtt fufdiéï abbé , duquel il fut
bien graéieufement receii, & doulcement traifté,
& foubz lequel H profita , de forte que par tout
Le ion et
prit cTim
prince
aoibt tfkré
bien cala*
vé.
Inftniâioil
de ITiérc-
mite ta ^
S* iune Lf*
eric tvtnr
renvoyer
en Angle*
terre.
InitiuM fa*
picntiét ti^
mor Dov^i^
nU
Le jeurie
Lyderic
prend con*
|é de rhé-
remite, Ôc
fe trans-
pont v6ri
Anglctetre;
(tf ) Saies : fordidùs.
C*) Orné.
CO arrangé.
¥ É
les vertus
& propri^-
UsduJGuno
Lydenc.
Le dcbvoir
du jeune
Lyderic
vers Dipu,
Le debvoir
dudiâ Ly-
deric , en
robfervtn-
ce des loix.
Grande
honte à un
prlncccon-
trevenir
aulx ordon-
nance!.
Le prince
Lyderic au
icrvice du
xoy d'An-
gleterre.
Eloquence
-du prince
Lyderic.
36 FORESTIERS DE FLANDULË-
où îlfctrouvoit^ U gaignoit le ï)oinft de préémî-
ncnce par fa vertu & fçavoir* Se monftrant au
refte à l'cndroifl: d'un chafcun fi courtois ;,& af-
fable , qu'il attîroit à fon amour , & defroboit
le cœur de tous ceulx qui feulement avoyent le
bien de goufter la doulceur de fa converfatlon.
En fomme , il cfeut en vertu , beauté ^ difpofi-
tion de corps , exercice des armes , & toutes
aultres parferions ^ tellement qu'il euft été dîfii-
cil trouver lors aulcune pcrfonne ^ qui es fuf-
diftes propriétez Tcuft fécondé , & beaucoup
moings égalé. Car quant à fa force corporelle
elle fut admirable , & bien correfpondante à la
vertu de fon cœur : en fes meurs il fut débon-
naire , la langue il euft très-diferte , & fa fimplc
parolle valloit ferment. L*amour & révérence de
Dieu luy fut tousjours devant les yeulx, qui luy
réfrénoit fouvent fa fureur de peur de TofFcnfer:
comme au conttaire il entreprenoît fans crainte,
tout ce qui eftoit juftc & raifonnable. Depuis
qu'il fut conftitué en eftatz , fe monftra quaft
plus fubjeft que feigneur en Tobfervance des loix
(comme cy après voirez par l'exécution qu'il
feit faire fur fon propre filz) eftimant plus griefve
punition à un prince la honte de rompre les
ordonnances , qu'au peuple le chaftîment qu'il
peult encourir pour les ^voir enfrainftes. Or 9
pour retourner fur noz erres , voyant ledift abbé
la pcrfeélibn à laquelle le prince Lyderic ( lors
en aage de dix & huifl: ans) eftoit parvenu, trou-
va moyen de le mettre au fefvice du roy d'An-
gleterre, où en briefve efpace les vertus d'îceluy
Lyderic commencèrent à reluire entre celles des
aultres gcntîlzhommes de ladifte court , comme
le foleil eft accouftumé faire , entre toutes les
planètes & eftoiles. Et ce que plus le rcndoît
admirable, eftoit la fingulièrc- grâce de parler,
qu'il avoit attraiantc & perfuafive , laquelle ,
v
FORESTIERS DE FLANDRE. 37
jomfte à une infinité d*aultres bonnes conditions,
le rendit înconthi'cnt tant aymé du roy mefme ,
qu'en toutes feftes & pafletemps où le roy fe
daîgnoît trouver, cdnvenoit aufly toftpour con-
îentemènt du roy y femondre Qa) ledift Lyderic.
La vertii, dextérité, bonne grâce & beauté du-*
quel ne tardèrent guerres à parvenir jufques aulx
oreilles d'udè fîllê que le roy avoit belle en toute'
^TÏtô^ùfi y appêllée Gracienne. Laquelle convoi-
teufe de mieulx cognoiftrc & à l'œil fi les excel-
lences du princp Lyderic correTpondpient au bruit
qui en volloit, fe trouya un jour entre aultres
pour ce fi^ul refpefl: en un ftftiu , auquel elle
eftoit advertie qu^ ledidl Ljderic eftoit appelle:*
& de faiél l'ayant apperceu , elte Jugea que tout
ce qu'elle avoit entendu des grâces d'iceluy
n'eftoiç nens,.au prix de ce que lors- fe préfen-
toit devant fon efprit & fes yeulx. Imprimant au
refte tout cç qu'il y avoit de boif eu luy en fa*
fentafie , tellement que long temps depuis luy
fut impoffible divertir de luy le grand ampur,
duquel au njefme înftant elle fe fentît navrée.
Lequel nâantmoins. elle diflîhjula pour quelque ^
efpace , & jufques à ce que forcée d'aune puif-
fimce plus gKinde que la fîennç , elle fut con-
trainte fe defcouyrîr & fa nouvelle pafïïon à une
fille de chambre qu'elle avoit de tout temps
cognu loyale, & 'à'-faquelle elle fe fioit de fes
plus fecretz & particuliers affaires; Par le moyen
de laquelle elle çuft enfin jouiflance dudift Ly-
deric. Lequel ayfe au pofiîble d'une tant bonne
fortune, continua (le plus fecrètement qu'il peult)
foubz le fervîce du roy, les amour3 nouvellement
contraftées avçç la belle Gracienne , jufques à
l'aage de vingt ans ou environ , que fe fouvenant
des angoifles dé la princefle Emergaert fa mère ,
La princef-
fe Gracien-
HQ devient
amoureufc
du prince
Lyderic.
(-) InvU4r^
Dcfdaitt
^ue le prin-
ce Lyàeric
conçoit
contre foy-
mcfme à
raifon du
lonç délay
qu*il a mis
avant pour
chaflçr la
liberté de la
princcfle fa
^èrq.
j« yORESTIEJlS DE FLANDRE.
ne fe peult garder de blafiner & fôy mefinc , ^
fa grande nonchallance , djfant comme pa^- defpit:
„ Ah pouvre ijialheureulx qui te chatouilles de
^ je ne fçay quel biuit vain & menteur , de
^ telles quelles vertus qu'on t^attribue^ comme
^ oferas tu déforn^ais. te trouver en bpnnes comr
iy pagnîes, fentant ta coniçiençe , qui continuel-
„ Cément te irçdarguc' (a) de la lafcheté & trahi-
„ fon, que tu commets contre ta propre mère?
Ah couard (Ib) que tii es j cbramè veulx tu
qu'à Tadvenir Jas pppreffé^ & affligez conçois
vent aulcune efpdrance^de ton fiippbxt & ayde
fi tu defFault^ dp garrarid (c) à Tincpmparable
miftre de éelle qui t'a engendré f A quoy te
fervent tes forces & ta prâiraiée magnanimité,
fi toy vivant, & en faculté de porter armes,
demeure en toute afleurance le paillard qu'après
le meurtre commis en la perfonne de ton père ,
détient foulez fon pbvoir ta miférable mère?
Ah ingrat Lyderic , indigne que la terre fous-
tienne , éft il poflîble que tu ayes fi long temps
différé l'exécution d'une vengeance tant jufi:c,
& defirée? Mais, 6 mon Dieu, ô bonté fou-
vcraine, de quel œil me convertîray^je d'ici
en avant (^) vers toy ? Vers toy, dis- je, que
par cefte mienne parefle j'ay de trop offenfé?
Vers toy, du quel fi miraculeufement, & dès
le berfeau, j'ay eflé préfervé de dangîers tant
évidents ? Vers toy , qui de ta grâce m"'a^
eflevé d'une façon fi eflrange, & depuis orné
de plufieurs dons & admirables. Et néantmoins
faifant femblant de mefcbgnoiftre que tu foÎ5
l'autheur de mon eflre , & de tout mon bien ,
je me fuis veautré (comme un pourceau en la
„ fange,), dedans l'ordure de charnalité , & en
„ icelle me fuis tellement enfepvely , que ptfftr
f/ï) Reproche^ blàme^
^ (0 -^^^^ % paUron^
(c') Si tu refufesun appuh
(</) Me totfrneraj-jf âéj\trm^hm
FORESTIERS DE FLANDRE.
39
„ pofant la tienne très-bonne ,^ je ne tens qu'à
^ la fatîsfeaîon de ma perverfc volonté.,, Et în-
xcontînent voires (a) au raefme înftant changeant
Se propos comme un homme transporté , fe con-
vertîfoît (F) au viel Lyderîc fon père rioufrîfier,
difant : ^ Ah bon & fainft Lyderîc , fi tu yôyçisF
», ccftuy , auquel avec telle folîdtude & felofr
9, ton povoir , tu as par cy devant âdmînîftrS
y^ toutes chofes néceflaîres & au corps & à rame,
fi préfentement empefché au feul entretien de les
y^ folles amours : Combien jufte occafioh auroiâ
,, tu de te repentir de tes bénéfices paffez ?
,, Quelles figures d'oraîfon, quelles exclamations
„ trouveroîs tu aflez aigres , pour fuffiflament
I, me reprocher, &le,mefpris dont jtife vers le
t, dlmler commandement que tu m*avois donné ,
» de n'oublier la liberté de ma pouvre mère , &
9, la pufiUanîmité , de laquelle par la prolonga-
„ tiott d'un œuvre tant recommandable , Je me
„ mon^ire de toutz poinéis entaché. Mais il ert
„ yrat aultremèht . Car dès maintenant je faifts vœu
^ à mon Dieu, de jamais repofer, ny vivre con-
^ tent, que préallablement je n'aye avec fa teflé
i, ofté à rinfame meurdrier tout moyen d'exer-
„ çer pour Tadvenir aulcune cruaulté ou pille-
^ rie. „ Ge dift, arrefta en foy mefme de trouver
opportunité (r) pour defcouvrir celle fienne dé-
libération à .la belle Gracîenne, l'amour de la-
quelle le preflbit de fy près, qu'il eftoit plu-
ficurs fois vacillant & fufpens de ce qu'il devroit
faire. Mais enfin in raifon euft fur fon defir char^
nçl tel povoir, que le bon chevaucheur dolbt
jvoir fur un cheval pçnnadant (^) & trop déli-
béré. Quy fut' la caufe qu'eftant (un jour après)
Réfolutlon
du prince
Lyderic
touchant It
libené de
fa mère*
(a) Prefque^ même,
(h) Se tournait, s^adreffçit.
lÔ Moment favorabU.
(4/) Remuant , v//, qui kM
du fU4^
, io FOUESTIERS DE FILANDRE,
entré en devîfes avec la princefle GracienHc,
après un grand foufpîr (tefmoîng de TaUératio^
Le fwrtece de fou ajne) il commencha luy djrç; „ ^adamç
d "à^ ^ rheur (jj) & contentemept quç j> reçoy pax
prlnceffe n l'objçfl: de voftre beauté npmparçille, jointe
Gracienpe ^ à celle yertu que chafçun GOgnoit en vous,
Èlutiom^' 3^ pourroîît (encojrès qpe'je me taife) affez you3
^' - '• ^ déçl^fer Iç malrayff , fafcherk & regret que
„ yoftre ' abfencç me caufera. Laquelle néant-
p moîngs avec tous aultres trayaul?;, j'ay déli-
„ béré foubz yoftre congé, & bpn plaifir d'en-^
^ durer pUiftoft,: que de davantage fouffrir que
p la prînçeiTe Emeygaert ma mère, au préjudice
p dç mon honneur (auquel to\it2 grandz perfo-
p riàgçs, & gens d^ vertu foïit obligez. de facri?
^ fier, yqires leuf propre yie) &. continuels re-
< „ mors de ma conrcicincf^, demeure plus lorig
p temps foubz la captivité ^ mii^re, en laquel-
„ le depuis vingt ans elle a tou§joulrs çfté „,
' ^t lors luy difcourut le faift de fa naiflance,. Isf
' pianière de laquelle il avoit efté: çflevé , TemprÎT
fonnemçnf de la princefle Emergaert, ?iveç le de-
meurant de fes affoires ôç^ultres adventures,J
dont aultrefois Ù luy avoit faifl: fommi^re ou-
verture Çb) ; la requérant atj fyrplus ^ & conju-
rant fur cefte perpétuelle & inviolable fervitude ,
de laquelle il luy feroit toute ta vie obligé,
qu'elle voulfift Çé)^ noq feulement trouve^ bon
fon parten^ent , maiç aufly luy permettre que fa
première entreprinfi^, à laquelle il fe préparoii.,
fût & commenchée & parachevée , foubz fon
nom, 4 fon adveu, & par foi^ commandement^
La bejle, Gracîenne quy nç mefuroit fpn contenu
tement que par ceftuy de ion Lyderic, confidé-j
rant Téquité de fa requefte, luy refpondit : „Seh
' — r- '. « /.T,
(^a) Bonheur, tc^ VdulûU
(y) Kécit ahrfgi. .-''''
FORESTIERS DE FLANDRE. 41
„ gneur Lyderîc , je vous ay plufieurs fbis *dé*
„ daré , que h feule renommée dé vôfet Vertu
„ m'a attirée à Tadmiration d'icdle & fucceffive»
„ ment m'a donûé volunté dêî >ous rendre au-!-
„ tint mien» comme, je me fiens â:itipnf(pfl&e(be
^ voftre. Qr, fi ^en la préfente occâfidn, je me
yy monftrois contraire à voftre délibération, oul-
M tre la faulte que. je commettrais contre ma
„ propre grandeur, en contrevtMnt à un œuvre
^ tant excellent, je vous donneroîs matière de
„ m'eftimer plus âlflolfle que ma qualité ne rt^
ff quiert , & plus inconftante que n*eft convena-»
„ ble à une princefle de tel lieu que je fuis. Ce
^ que ne devés ellim^ de moy, & beaucoup
„ moins vous perfuader, que je ne ddîre pré-»
„ fentenoent en voub la continuation des» vertus ,
n lefquelles avant noftre mutuelle cognoifance
ff j'ay tant prifées & èftimées.' Non que pour-
^ tant j6 préteûdô nytr, ou aulcunemeiit vous
^ defguifer, le defplaîfir & mal-ayfe que dèsjà ^'e
„conçoy par la feule appréhenfion de voftre
^abfence. Mais voftre fatîsfk<ftion avfec Thon-
n neur que vous allés acquérir. Jointe à Tex*
n trême defir que j'ay de conformer ma volunté
^ à la voftre, me ferviront de fecours' fr confo-
f, lation contre ]^ violence que je prétendz foire
^ à mol jpefme, par Je congé que je vous donne
^ d'achever ce qu'avez entreprîns : ' voiîs priant
„ toutesfqis ne vouloir précipiter voftiîe p^rte-
ft ment, dç forlç, que je n'aye k commoiûté de
D vous mettre e^ l'équipage qu«; mérités. , affin
5, que là part (pour l'effet que deflus) aiirés ar-
ji refté vous tranfporter, puîflîez comparoiftre
„ en tel train à dtat , que requiert le lieu duquel
„ vous eftes yflu. Cependant vous me ferez plaî-
« fir de particulièrement Ae déclarer, quel chemin*
yy vous efpérez tenir, pour parvenir à la vengean-
D çe que prétendez ^. Sur ^uoy le prince Lyde*
de'h^eUc
Cnciçnoc
ku prince
Lydenc. *
4t FORESTIERS DE, FLANDRE.
Pifeottrsdtt ric, après avoir remerchié la gentille princeflTe
S^c for'ïc ^^ ^* refponfe tant courtoife & de fes oflFrts
fùà de fou fi libérales » Tafleura que le roy Dagobert de
Mtrcpriafe. France, eftoîf (felon qu'il avoit entendu) entre
touts les princes chreftien^, renommé pour un
, vjdes bons jufticîers dont on ouyt oncqnes Ça) par*
1er & que Phinaert fe partie adverfe, eftoit vat
fal dudiâ Dagobert, devant lequel partant Jl avoit
propofé Taccufer du meurtre, tmhifon & lafche-
té commife contre^ le feu prince Salvaert fon pè-
Te, enfemble d'aultres inhumanitee par luy pet"
pétrées, lefquelles fuyvant Tefpérance qu'il avoit
en la bonté & grâce divine , il fe faifoit fort de
vérifier par le combat qu'il préfenteroit de fa per.
fonne à celle dudift Phinaert, & que par mefmc
moyen il délivteroît la bonne princefle fa mère
de l'angoîfle & triftefle, quepaflfé longtemps elle
Evoit enduré* La. belle Cracienne fatisfaiéle du
gentil dîf cours du prince Lyderic , afle^ plus que
des préparatifs qui fe debvoycnt faire,, pour 1q
voyage d'iceluy , voyant que la nujft approchoit,
, le lîcentia. Lequel d'aultre cofté durant qucfoq
équipage s'appareilloit, eftoît en Continuelles
oraifons, affin qu'il pleuft à h magefté divine
luy o^ftroyer un bon & heureubç fuççèg , en fa
première & fi fainéte entreprinfe,
CHAPITRE VI i;
/>â la venue du prince Lyderic en la ville de
Soijfon^ 6? des accufations ^ qu'^à la charge de
Phinaert prince du jSf4Cf ^ il propofa devant
Dagobert roy de Ftance.
Après que le prince Lyderic fiit adverty que
toutes les chofes néceffaires.pour foii voyage
§ftoyent en ordre , ayant prins le fafcheux congé
de la belle Grncienne , que leur mutuelle & ar-»
^tf) Jmai$.
rORESTIBRS DE FLANDRE, 43
àtatç amour povoit permettre , il fe préfenu <te^
vpnt k ray, auq\)e|l d'une bien bon^e grâce ^ &
?c genôuil en terre ^ ^Sire (dift-il> j'ay reçeu
^ duni;^^ mop féjqur en voftre <ourt^ tant de
„ fay^rs & gracieux traiâenientz <ie voftrç ma-
^ ge&éj qu*orej5 que (<f) pour iceUe^ Kflufle plus
^ d'une foi» bazardé m^ propre Vie, jçjflifrpenfc '
^, fproys pourtant avoir {lolçunement attainél i
^ la moindre partie de l'obligation dçint je me
„ fens redebvable ; & tûutesfois voftre* humanité
^ aflez efprpuvécf, me faîû certain que ^ pouç
^ fatisfaftion de mon debvoir ^ non- fi^ulement
^ ferez content de rece^voif ^eftç m|^e volunté »
^ laquelle paflfé long temps a confacré le peu de
„ poyqir que j'^uray jamais, à yoftr^ fîprvice,
p mais auflfy, que me ferez l'hoiiriçur de ne
^ ro'efpargner ny les miens, en toutes voz ocr
„ currences. Soubz laquelle efpérançe , me fui^
„ préfentement adyancé de fuppliçr ^u'il plaifç
„ à voftre magefté ne trouver mauvais mon par-
jy tement^ duquel ( pour plufieurs raifons , trop.
jj longues à réciter) je ne puis ores (i) bon^
^ neftement m'excufer. „ Le roy , auquel cefte
ibttbdaine délibération du prince Lydçric n'eftoit
trop agréable, voyant que non obftant plufîeiirs
offres que lots U luy ffeit, n'eftoit en fan po^
voir dç plus Jpng temps Tarrefteç , l'affeura ne
luy avoir pncquçs fajft tant de çateffes & boa
recueil, qu'il ne s'esforchafl d'en fairerà l'adve-
uiridrez davantaige, s'il fe vouloit réfpuldrç d'en-
çores demeurer en fon fervîce ; & ^ue ^néantr
moings, veu que fes affaires l'appeUcyent aultre
part , il fe cpntentoit de fon partcment , mais 4
condition qu'il luy envoyai!: fouvent de fcs nou-
velles , & qu'à la première opportunité il n'ou-?
Hartogné
du prince
Lydcric, eQ
prendanc '
congé àa
roy d*An-
gletenç»
W Quoique, Il fignifie pour !*<»:-„
#aWp à^4fcntt mamunan{^
(Jf^ Maintcm^^
Panement
du prince
Vy&Tic du
royaulme
4*Anglctçr-
rç.
Venue du
prince Ly-
derici^Soif*
fOQ.
Harangue
du prince
Lyderic au
Toy Dago-
bert, con-
tenant Tac-
cufacion
qu'a pro-
pofe à la
charge du
tyran Phi-
naert.
44 FORESTIERS DE FLANDRE.
blîaft à le venir veoîr. Le prince LydcricJ aînfy
expédié du roy d'Angleterre , ^'embarqua le mef-
me jour dans la nef (a) , que moyennant là li-
béralité de la belle Grâcieftne ^ il' s*av6ît faiû
fréter & appareiller, & àufly toft feit leVer les
ancres, finglant en pleine mer, avec fy bon vent
qu'il arfivà au bout de deux jours en un port
guerres loing de Bôloingne , auquel il- defc^n-
deit de fon navire , & doniimxi fon chemîfi pa»
terre, jufques à la ville dé Soiflbn, où pour lors
eftolt le roy Dagobert de France , accompagné
de plufieurâ dUcqs , comtes , barons & grands
feigneurs de îbn royaulme, eri préfence defquelz,
le prince Lyderic, après la révérence deûe à fy
haulté compaignie , s'adreflTant au roy , parla de
telle Ibrtei ^Sire, le bruit de voftre vertu fin-
„ gulière, laquelle vous rend aflez plus eflîmé
„ que voz grandes pôfleffions & richefles , m'a
„ amené en voftre court , Ibubz e{\)oir de n'en
„ retourner moins fatisfaift, qiië jufques àpré-
„ fent ont faift ceubc , lefquelz pour demander
^ juftice & réparation des tortz fouffertz , fc
„ font de tout temps retirez vers voftre majefté,
„ de laquelle je me^prometz tout confort , affi-
„ ftence & aydè, voires d'aultant plus prompte,
j, comme mcm défaftre eft digne de grande com-
„ palfiDit; &.la requefte que ^maintenant je pré-
„ tens faire, pleine d'équité & raifon. Et affin
„ de ne trop détenir voftre majefté en fufpens ,
r, convient fçavoîr^ qu'tl y a vingt ans ou envi*
„ ron , que par le faift do Salvaert prince de
y, Dijon (qu'aulcuns de cefte nbble compaignie
„ auront, peult eftre, cognu) la princeffe Emer-
.„ gaert dé RoflîUon , m'engendra dans un bois ,
„ qu'au païs de Flandre , l'on appelle encores
„ aujourdhuy, ftns merchy, & auquel je fus par
Çif) Vaîjfcau , navis,
FORESTIERS DE FLANDRE. 4^
I, In gi^c^ & miférioorde divine ^ trcmyé d*uil
^ héretoîte ( qu'avoit fa demeure guerres loing
^..dmUék lieu) aultant mîraculeufement ^ ooomie
^ j'ay efté depuis eflxangemènt nourry Sceflevé.^
Lors commencha à difcourîr j ce qu'avez cydef-
fus peu entendre 9 de fts premières;a4vefitures ^
non fans très-grande admiration^ de tous Ips affi-
lons, & puis en continuant fon propos, dift:^
,, Or Sire, eftant parvenu en Taage de dix ans,
„ comme ledit héremite- déUbéroit me mettre en
„ mains de quelque aultre gouverneur, me récita,
„ avec abundante effu^onde larmes, oultre le
„ fait de ma naiffapçe ^ ce que desjà je vous ay
„ déclaré : mefmes que un ou deux jours avant
„ ma difte naiflance,ïe prince Salvaert mon père,
„ auroit par Phinaert prince du Bucq & les com-
„ plices , efté ( en paflant par ledit bois , pour
3, aller ^n Angleterre) fans aulcune occafion a&
„ failly, faccagé & meurdry, avec toute fa com-
„ paîgnie: que ledit Phinaert, de ce non content,
5, scellant appèrceu que, la princefle Ëmergaert
„ ma mère , duranp les CiiCdits meurtr€5 & lacca-
^ gement2 , s*eftoît faulvée 9 âuroît de tous col^
^ tez envoyé force gens , pour la trouver & ap-
„ préhender. Laquelle finablement il auroit faift
y, emprifpnner , la détenant encores pour le jour-*
„ d'huy foubz fa tyrannie & povoir , duquel le
„ bon héreraite me requilî , & adjura que je
„ feiffe tout debvoir de la délivrer , incontïnent
yy que Taagè & mes forces me le pourroyent per-
^ mettre. Suyvant quoy, eftant parvenu en l*aage
„ qu'on voit préfentement , & après avoir efté
„ adverty que ledit Phinaert, eft vaflal de vqflre
5, majefté, me fouveiîant des admonitions du bon
„ héremite, mon père nôuridîer, & aflez davan-
yf tage de ce qi^e je doîbz à la piété paternelle
„ & maternelle , m'a femblé qu'il ne m'euft efté
^ poJïible , trouver remède plus certain contre
^ rangolffô quy m'afflige siultre part , qu'en U
^ court de voftre dit majèfté , devant laquelle
. ^ panant , & en préfence de ccfte magnanhne
f^ compagnie 9 avec le refpeâiScIiuniilittf requifc,
;, je maintiens que l^diA Phinaert a i comme
^ traiftre , larron & meurdrier « mefcliamment
j, occis âi faccagé le prince Salvacrt mon père^
^ cnfefiiblé toutz ici fîenis^ & que coilime tyran »
^ il détient aujourd^my contre toute » railbnf la
^ princeil^ Emergacrt nia mère: fouftcnant qu^au
^ moyçn de ce il doibt cftré efcahelé , ou bien
^ mis à tei autre demiei^ fuppliée i que Ci lafchettf
^ ^ & trahifon méritent. Mais pour aultant que
^ Taccoudunlé de Tes fèmblables ; efl: de pallier j
4, nier , & excufer leurs mesfaiélz» ou pai^ le plat
9, de la langue , ou pai' leur ptdfumée force ;
^ affin que là juf^e Vengeance ne foit pour ce
^ refpcft différée, Je fuis pfefl, & m'offre véri-
4, fief 6ç maintenir ce que defluS i par le com^
j^ bat.de ma perfonne à la Tienne , & à celle dé
^ tout iultrc qui en fort tort le vouldra , deffen-
,, dré Si affiliera Suppliant au teflé , que voflrè
yy majefté, comme fouveraine fur ledift Phinaert,'
^ me pourVoyd de jurtiee & remède, en tel cas
„ convenable.^ Le toi nlel'veillcufcmenÉ eftonné
de la grave repi'éfentation , hiïmble maintien , hé-
toycque affeurance, & perfuâfive éloquefice du
prince Lyderic, mefmes de ce qu^eri aage tant
délicat, il s^expofoh d'utie telle magnanhnité à
une eiltreprinfe ft dangcreufe ^ ife fe povoit gar-
der de grandement, en fan courage , le louer $
Hêfbonfc ^P^^^ ^ P^^'^ filende ^ le j'emerchia ëh pre-
dtt rd Da^ «ïî^r lieu ^ de Topînion ^u*il difoit avoir de ft
fobcrt au bonté & juftice , Taflcurant quMl ne fe trouve-^
Swl" ''^' ^^^^ ^" ^^^ endroiél. déceu , non plus qu'ert
toutz aultres, àufquel2 bonnement il le pouroît
favorifer & afïïfter. Après Tadmonefta , & Juy
confellla de différer le combat , qu'il prétendoW
FORESTIERS DE PLAINDRE. 4?
contre le prince Phkaert : non pour doubte qu'il
euft de fon bon drolA ^ mais à Toccafion que le«
diâ Phinaett, eftoit eftimé l'un des plus adioiâz»
& rudes chevaliers de fon temps , & 'que Veue
la qualité de fon aage, il pouroit (par trop fe
hafter) faillir (i?) à ce que fa jultice par fuc-
ceflion de temps » & en aage plus meur ne luy
Içauroit dénier. Et oultre ce , pour du tout di-
vertir le prince Lyderic de fa fufdiôe délibéra*
tion, luy remonftra,que la magnanimité neconfifte
en l'entreprinfe des chofes notoirement impoffi*'
blés, mais en celles, Texécution defquelles fe peult
limiter & mefurer par la qualité de noftre force &
povoîr. Aultrement qu'au lieu de magnanimes ,
l'on fe met en dangicr d'eftre eftimez téméraires,
& pour vertueulx, ouître cuidez (*) & vitîeux.
Finablement, pour luy monftrcr que lesfufdiéte
idvertiffementz ne tendoyent qu'à fcin prouffit
& honneur , & qu'il n'avoit* intention de recu-
ler de la juftice que ledit Lyderic requéroit luy
eftre faîâ:e,,îl luy laîfla le chois de ce qu'il
trouveroît plus ejcpédlent pour fon affaire. Le
prince Lyderic, ayfe au polfible de veoir que
fon entreprinfe s'acheminoît conformément à foi|
fouhalt, affin de rejefteT de foy toute ^inioft
qu'on pourroit de luy avoir conceûe d'aucune
témérité, replîcqua: que l'équité de fa querelle
& toutes aultres chofes égailes^ il ne vouldroit
tomber en réputacîon d'homme tant préfutnp-
tueux, que de prétendre paragonner (c) fes inex-
périmentées & foîbles forches, à la manîfefte &
(<f) Manquer i rie pas riulpr.
{è) Bréfomptutux^ audacieux.
Outre cuidcr, s'en faire ac-
croire , préfumer trop de
foi. Ce mot vient J'oultre,
tf de ridée qu'on y atta-
choit anciet^nement 9 efi *oe*
nu le terme grofier do^t o»
fefert encore^ quand on veut
ififulur quelqu^un, Did. cbi
vieux langage par Lacombc*
(c) Mefurer i comparer.
DlfliUflM
du roy DiK
goben um*
chant le
combat^quf
le prince
Lyderic
vouloit en*
treprendret
En'^oy
confifte U
magn^ni'*
mité.
'RcpHqu€
du prince
Lyderic fuc
la (Ufdiâift
difluaûon.
•otà d'Un
Qmme
ruel com-
arée à cel-
; d'une
eftebhlte.
48 FORESTIERS DE FLANDRE^
thevalereufe proueffe du prince Phihaert. Con*
' ^ tre lequelinéantmoins, il efpéroit une glorîeufe
viftoîr^^ a^ moyen qu'il avoit tousjours enten-*
du, que là /force de ThoniHic accompagnée de
cruaulté > ne fuift' à eftimer. non plus que celle
d'une befte brute ^ de laquelle Thomme conduit
par ,raif<)n devient finablement & vaincqueur &
fupérieur^ oultre ce qu'il fe faifoit fort (veu
le bon courage. que Dieu luy infpiroit) que fon
briis guidé par la bonté divi|ie,,feroît çxécuteur
de la juftice^ que les inhumanitez dudit Pbinaert
ne povQyent plus long temps éviter. Et pour ce
requéroit en tout inftance , que le bon plaifirjde
fa Majefté fût pronoij cher , fans ultérieur délay,
fur fa requefte, Tarreft que félon droift & rai-
fon elle fijavoit convenir^ Suyvant quoy le roy,
après meure délibération de confeil, ordonna
quQ un hérauld fût envoyé vers ledift Phiilaert,
affin qu'après avoir entendu ce qu'il propoferolt
fur les accufations du prince Lyderic, l'on peuft
avec meilleur fondement donner fur leur débat,
une feure fentence & diffinitive^
^ ^
CHAPITRE
VIIÏ.
Comment le roy Dagohert envoya ^ vers Pftinaert
un hérauld^ pour Vadvertir des charges que k
prince Lyderk luy mettoit fus y & de la ref"
pmfe dudit Phinaett.
INcontînent qu^àla très-urgente pouriuyte du
prince Lyderic, ledift hérault fut diefpêché,
il fe tranfporta en toute diligence au chafteau du
Bucq, où il trouva le prince Phinaert: auquel
il déclara fuccînftement la caufe de fa venue,
mefmes que le roy Dagobert fon très-rcdoubté
feigfteur, luy mândoit qu'il euff à refpondreaùx
grcindes & excedïves charges que le prince L^-
deric luy lùettoit fiis^ fut par fatisfaftion ver-
balle
Forestiers de flandrïT. 49
balle ou* réçfle, & ce en dedans certain jour lors
Jlffigné. Quand Phiifaert euft. entendu le fufdift
çmbafladc , diffimulant le mieulx qu'il luy fut pof-
fible, & la dôukur que le remors de fa confcien-
ce luy câufoît, & la beftiale fureur quy lors le
maiftrifait^ dift audift hérauld:„Mon amy, tu
\y retourneras vers le roy mon feigneur, &.Faf^
^ feureras do ma part, que je ne commis onc-
yy ques ^ulcuflie trahyfon, ny félonnie. Et que,
i, quant à la mort du prince Salvaert, elle fut
„ en bonne guerre., & pour jufteoccafion e^-»
5, cutée, au.réfte, que fuis délibérjé de différer
^ le chaftoy de ceftuy quy tant injuftemcnt m'at
^ accufé, jufque3 au jour du combat qu'il m'a
„ préfipnté, que lors , aux defpens de fe tefte ,
5, ma jiiftice fera cogneûe , & fon oultre^uidan-
„ ce W defcouVertd'& mJ«lifeffée. Et pour aul-
^ tant que dé brave mignon faiét fembknt d'eftre
5, metveilletirément curieux de hi liberté de la*
5, princefle^ Emergaért , quMl rnaîntient eftre fa
), mère , fu'^e feras plaîfir de luy dire en môri
yy nom, que -fuis content que norfre difFéreilt fe
yy defmelle en defîe contré^,* affin qu'ayant le def-
^ fus dé môy, Viùe fy follement il fe promet, il
„.n'ayt la i^èinp , pour la délivrance' de ladifte
), princefle , ^e' fe trarlfportér pàrdeçà, Cepen-
« dant, îl fera très^bîen dé n^ouWier rien de Ci
5, proiiefle'(i&), laquelle redoùWéè luy vlcndroît
5, trop làiettk à propos , en noftré éonflit [ dii
j, mollis S^l continue en volunté & hardieffe
i, de s'atachér (c) à moy J que les paroUes efven-^
il tées (^)., qu'à mon défavant âge , & en fy hauK
„ cômpaignîe, il s'a laiffé cfchnçper. „ Ce didi;
Il commarida ^ùe l'hérâuld ftift bien trîtifté , &t
Maintien éi
contenance
de Phinaerç
entendant
les accufft^
tions du
prince Ly*
deric.
Ilerponfe
de Phinaerç
aux fufdic»
tes accufar
tions.
W Préfomptiom
(*) Bravoure,
(O S'* attaquer à moi ^ fe me^
furer contre mai.
^d) Indtfcrètes , imprudèntiu
So IfORÉSTlERS fiË Î^LANDRË.
peu après fe trouvant feul aVed trois ou quatrt
dé fes plus privez^ il s'enquift s'aulcun d'eux
avoitjauiaîs entendu parler de ce Lyderic, quy
le difoit filz de la princeÔe Emergaert, & duquel
ndantmoins jufques alors n'avoit efté aulcun bruit
pu mention, s'efmérveillant au furplus comment
eftant filz de ladiéle prîqceff^, il avoit pou efchap-
per de fes mains , lorsque le prî-nce Salvaert
fut deffaia, & mefmes que des getts d'iceluy Sal-
vaert il n'avoit oncques efté adveity que ledit
Salvaert auroit laîffé quelque enfant. D'autofe
part en conférant l'efpace qu'il détenoit ladite
princeife , avec l'aage dudift Lyderic , il trou-
voit impoffible, qu'il fut audiél temps efté fuffi-
fant pour fe faulver , fans l'affiftance de quelque
aultre perfonne. Comme aufly luyfembJôiteftran-
ge que ladifte princeffe , eftant depuis retrou-
vée, fut apperceue fans enfant , & qu'en telle
extrémité , n'eftoit vrayfemblabk qu'elle euft
voulu abandonner fon filz, s'elle en euft eu aul-
cun. Toutes ces chofts bien débatues ,. & avec
les fufdiélz diligemment examinées , ne luy eftoit
poflîble d'afleoir jugement certain fur chofe quy
fut, & partant il arrefta qu'on regarderoit d'en
içavoir la vérité de la princeffe ï^mergaert , fût
par menafes, doulceur, ou aultrement. Elle fut
doncques appellée, & après plufieurs rufes, dont
(pour luy tirer les vers du né) l'on ufa , elle
confeffa qu'au jour mefme qu'elle fut emprifon-
îiée. Dieu par fa bqnté l'avoit faiél mère d'ung
beau filz, que craindaçt la fureur de ceulx quy la
cherçoyent, elle laiffa en un petit foffé, guerre
loing du lieu auquel elle fut trouvée, & que du de-
meurant, elle n'en povoit fçavoir plus que ceftuy
iquy oncques n'en euft nouvelles ; fuppliantà
chauldes larmes & mains joinftes , que s'il ef-
toit en leur povoir, ilz voulfiffent avoir pitié de
luy, ou bien que fa mpyt fut accompagnée par
IfdRÈSTÎERS DE FLANDRE, si
Irdie cle fa miférable mère« Phinaert quy par ces
Nouvelles avoît martel en telle, & penfoit à aut^
tre chofe qiie aux larmes de la pouvre princefle, la
fit remener en fon lieu, & ordonna qu'on feît
tout diligence pour s'informer comment & par
quy lediéè enfant avoit efté eflevé^ Mais voyant'
que noifobftant tout debvoif , n'eftoit en luy d'en
rien entendre, il commença doubter de fon af-
faire: & d'aultant plus, qu'oultre le remors de
fa confcience (quy trop doulcement ne le cha-
ftouillôit) là nouvcllité de ceft enfant le faîfoît
traindre que Dieu, eriuyé de fes cruaultez,ric
l'euft réfervé pour en faite & exécuter la ven-
geànce.'^D'aultre cofté, fon cœurendurcy &ob-
ftiné àii inal^ appuyé fur l'afleurancè-^u'il avoit
tn fés préfumés forches-, lu^ oftoit toute crainte
du darigier , lequel peu après il expérimenta cer-
tain ^ à fâ grande confufion , déshonneuf & per*
te dé fa vîe^ donnant à entendre par fan exem-
ple à uii ehafcuç-^" de quelle mônnoye lé diable
tnfin paye fes âdhérentz , lefquelz par vaines pro-
méfies, il pourtrieine*^dîverfement, & jufques à
ce qu'il les tient esblpuîs , de forte qu'avant
S'en apperchevoif,' il les fiiîél tréfcufcet en la
foCTe & âuLx lacqs (a) , qu'il leur avoit préparé*
En quoy le mefmé diable, encores que forchc
iêrtde minirtre, ou (pour fnieuïx dire) d'inftru-
îhent à 4'exécutîon de la Volonté & juftîce du
feigneur Dieu immortel. Lequel a accouftumé dé
donner profpérîtez, & laifler longuement fans*
puniT ceUbc defquelz il veuft prendre Vengeance
pour leurs péchez : alfin que par la mutation des
<:hofès, ilz fe déuUent (b) plus griefvementi à
de la chetitté ioefperéé, iïz recffoîvent incompara-
bles tourmentz. Comme advint audift Phinaert,
Remors âé
coafcieDCe;
, JLentègra-
au ad vin-
dîBam fui
divitià pro-
cedit ira t
fed tardi-
tûtem gra'
vitaU fup-
plicii corn-
p^enfatXzi.
1.1. c. r.
(A) FiUt$ , fi'figês.
(^) S'affligent ^ fc repentent^
du latin dolere , douloir.-
G a '
\
52 FORESTIERS DE FLANDRE^
lequel occupé , en la conn4ération des chofes que
defTus 9 donna audiA hérault toutes defpûchcs
néceflaires, avec lefquclles il fe mcit aflez toft
en chemin, 62" parvint en peu de temps en la vil-
le de Soillbn , où il trouva encores avec le roy
Bagobcrt» & aultrcs grands feigncurs le gentil
Lyderic, en bien bonne dévotion de s'atacher^
& faire recognoiftre au prince Phinacrt fa lafchc*
.té &ç grande trahyfon« ^t comme par le rapport
djudift hérauld , il eud entendu le peu de cas
que ledifl: Phînaert monftroit faire & de fcs ac-
^ufations& du combat auquel' il T^Voit femons(^),
mefmes qu'il luy avoit mandé eftrc content que
leur conflift Te defmellaft en la préfence de la
princelpTe Ëmergaert , plus par fourme de mefpris
<iue pour aultre occafion j il print en Torgueil
de fon adveriaire matière de plus grand cou*
xagc, & par la préfumée . afleurance d'iceluy,
.efpoir de bonne yflue & certaine viftoirc. Les
aififtantz pareillement, & le rpy mefme, ballan-
chantz la magnanime patience du pr^1ce Lyde-
rie , lequel ne s*eftoît aulcunement effroyé , ny tant
peu foit altéré des menaflcs & mefpris de fon
ennemy, avec la beftialle oultrecuidance dudift
Phinaert, lequel dcî&ja faifoit eftat de fa contre*
partie, comme d'une perfonne réduifte foubz fon
povoir & difcrétion , fe promettoycnt du prince
Lyderic aflTez plus, qu'ilz n'avoyent faift aupa-
louanirede ^^^^"^* auquel cndrolét le Icéteur poura defcou-
limodeftic. vrir à part foy le fruifl: qu'apporte la préfump-
tion, & au contraire quelle pcrfeélion des aul*
très vertus eft la modeftie. Nul courage bien
ordonné, & nul corps bien difpofé peultdextrc-
ment mettre en exercice les biens de l'un ne de
Taultre, fy la tempérance, & modération ne les
conduîft, & bienque la vaillance & hardicflc foit
,(^) InvUé^ provoqué.
FORESTIEkS DE FLANDRE,
•55
grand don de Dîeu, fy fera elle pemîcîeufe à quy Vitupé-
Taura, s'il fe laifle tranfporter par paffion ou de ff W 4®
gloire, ou d'ambition , jufques à téménté ou or- dancc,
gueil. L'éloquence & faculté de bien dire eft un
beau & riche préfent de nature, augmenté &
cultivé par long ufage & eftude, pour donner
lumière & ornement aux belles conceptions de
refprit; maïs y a-t-il pefle plus liuyfante à une ré-
publicque, que un bien-dirant orateur, quand il
veult mal ufer de fon art & douceur de langage?
N'en a-t-on pas veu perfuader des peuples en-
tiers , jufques à entreprendre des chofes quy leur
ont apporté ruyne & fubverfion ? Je laifle la con-
fidence des biens & l'opinion de fa propre beau-
té, dont l'une a elle caufe à plufieurs de perdi-
tion de corps, & l'aultre à infinis de dcftruftion
d'honneur, & d'ame. Tant eft en toutes chofes
dommageable l'outrecuydée ufurpation de trop,
& rîmmodérée eftls^e de foy-mefme. Je ne veulx;
îcy comparer la prudence d'Ulyfl^es à l'arrogan-
ce dufurieus Ayax, ne la violence de Turnus
à la tempérance d'^Eneas , ne faire aultres remon-
ftrances par le fuccès des grandes chofes adve-
nues aux îlluftres perfonnes Grecques , Latines ,
& aultres; aîns me contenteray de mettre pour
exemple le feul accident de l'indifcret Phinaert,
affin que toutz lefteurs quy s'esbattront à lire
cefte hiftoire, fe propofent à détefter & fuyr
le vicieulx Phinaen, & à imiter le gentil & vcr-
tueulx Lyderic , lequel fuyvant l'offre faifte pour
fon ennemy, requift bien humblement au roy,
que fon plaîfir fût d'accorder que le fufdidl com-
bat fe fift au lieu, & félon les convenances que
le prince Phinaert avoît devifé. A quoy le roy
Dagobert non feulement s'accorda, mais aufTy
(«) Blifmc , fatyre , dn latin vituperium.
54 FORESTIERS ÛE FLANDRE.
pour la volunté qu'il avoît de vcoîr ryfluë de
cefte meflde, promit d!y aller en perfonne, avec
bon nombre des principaulx feigneurs de f^
court. Dont le prince Lyderic ayie au poflîblc
je rcmerchia de tout Ton cœur, & d'aultant plu8|
que par la préfence du roi , il s'afleuroît contre
la trahyfon du cruel Phînaert, laquelle jufques
alors il avoît trop plu? redoublée que fa prouçfr
fe, chevalerie & grand cœur.
Propos du
roy Dago-
tcrt k Phi-
tiacrt.
Rcfponfc
dudlA Phl-
cacrc au roi
CHAPITRE
IX,
C^mtnent le prince tyderic valnquyt ÇfoccU en camf
de bataille le tyran Phinaert ^ en prifence du
foy Dagobert & d* aultres princes d0 Ftance.
IEs chofj^s fufdiétes dirpofôes, félon qu'avez
^veu par le chapttre précédent, & s'appro^
chant le temps auquel le combat, des princes Ly«r
dcric & Phinaert fe debvoit exécuter; le roy
Dagobert, avec un équipage corrcfpondant -à fa
grandeur & puiflance, fc mit en chemin, & vint
peu après au chafteau du Bucq, où luy fut fait
tout rhonncur & bon traitement, dont un vafr
fal, pour acquérir la grâce de fon prince & fei*»
gncur, fc porroit advifer. Nonobftant quoy,
le roy Dagobert ayant faîft appeller Iç prince
Phinaert, après luy avoir déclaré, qu'il ne dcb*
voit ignorer la caufe de la venue, Iwy ordonna
qu'il cuft à fe tenir prcft le lendemain pour ref-
pondre & fatisfaire au combat qu'cftoit arrqflé en*
tre luy & le prince Lyderic , promettant & ju«
rant fur fa couronne, rie faire fans aulcune con*
fidération, ny rcfpcft, juftice conformément au
droift que réyènemcnt du futur combat don^
noroît à chafcune defdifts parties. Le prince Phît
naert après avoir rcfpondu que la fin du combat
loy fcroic plus agréable que le commencement,
trop esbahy des çarefles que le roi fiç fou^e i%
FORESTIERS DE FLANDRE- si
fuyte faifoyent au, gentil Lyderic, penfant par
le plat de fa langue les divertir de la bonne opi*
nîon qu'ilz monftroyent avoir de luy, propofa
plufieurs cavilleufes (a) excufations fur les char-
ges à luy iujpoftes, Lefquelles néantmoins il pal-
iioit d'une telle inconfhmce & indifcrétîon , que
par fa bouche propre Ton euft facilement def-
couvert & le venin & la trahyfon de fon cœur.
Et ce qui rendoît la caufe du prince Lyderic
affez meilleure , eftoit un chang^ent de couleur
qu'on voyoit continuellement au vîfage dudift
Phinaert, joinft à une contenance tant farouche,
qu'on cognoifFoit à veûe d'œil , qu'il avoit en fes
forces trop plus de confidence, qu'en aulcun
droiél: ou juftice. D'aultre cofté le prince Lyde-
ric, d'une bien bonne grâce, & en peu de pro-
pos, continuoit en fes accufatîons, & remettoit
la juftification d'icelles au jour de lendemain ,
lequel venu, & toutes chofes pour ce requifes
appareillées, il comparut, avec bon nombre \de
grandz feigneurs & gentilz hommes , au tieu pour
le fufdidl combat deftin^ (qu'eftoît un pont,
qu'encores aujourd'huy l'on voit en la ville de
Lille, appelle le pont de Fin) où paiteîUement
& quafi auOy toft fe trouva le prince Pbinaert
en repréfentation d'homme adroiél, puiflant, &
de grand cœur; & lequel fe tenoit tant bien à
cheval, qu'il fembloît eftre collé en la felle d'ice-
luy. Cependant faifoit beau veoir le gentil Lyde-
ric pour mener fon deftrier (i) au p^tit pas , &
le gouverner d'une dextérité non croyable, le-
quel par fon port & brave maintien, laiflbit au
cœur de toutz les regardantz une admiration noi>
vulgaire de foy, pour ce que chafcun d'eux jugeoît
& eftimoit que fy l'intérieur cqrrefpondoit à U,
Contenan-
ce de Pbi-
naert en
préfencc
du roy Da»
gobert fit
aulfres
princes.
Le pont de
Fin à Lille.
La venue
de Lyderic
& Phinaert
au lieu def-
tiné pour
leur cou*
flict ,
(tf) ^rtificteufesyrufées idula- Çb^ Cbcval de hafaiUc^
tin çavinoTui , trompeur*
Le cruel
& dange-
reux com-
bat de Lv-
dcric & de
phinaert.
Sf FORESTIERS DE FLANDRE,
ïnagnanimité qu'extérieurement fe démonftroit,
il ne pourroft faillir d'cftre l'un des meilleurs &
plus renommez chevaliers du monde. En ces
entrefaites furvint le roy Dagobert^ la venue
duquel caufa un mervçilleiix filence à toutz les
aflîftans, & un efFroy point petit à ceulx quy
félon leur paflîon portoyent faveur, ou à l'un ou
à l'autre defdiftz champions, Icfqud^ peu après ,
avecdgale diftribution du foleil, furent dans le camp
conftituez à l'oppofite l'un de l'autre , & au pre-
mier fon des trompettes, donantz des efperons
à leurs chevaulx, vîndrent à bride abbatue à
fe rencontrer d'une telle impétuofitd, que les
glaives brifez jufques dans les poignées, ils fu-
rent tous deux cônftrainftz abandonner leurs mon?
tures, non pas le combat, lequel à grandz coups
d'efpées , Hz pourfuy virent d'une vivacité fy ^^'
trange, qu'il eftoit impoffible d'aflcoir jugement
certain à quy l'honneur pn debvoit demeurer.
Dont le roy & toutz les aultres furent grande-?
ment eftonnez , mefmes de l'agilité moyennant
laquelle le prince Lyderic évitoît les coups lourds
& pefants de fon^ adverfaire, enfcmble de la
promptitude dont il ufoit à luy faire refentir les •
fiens; ce que toutesfois il ne povoit faire t^nt
dextrement, qu'il n'cuft bien fouvent bonne parc
au gafteau. Aufly eftoit le prince Phinaert vail*.
lant & rude chevalier, voîres aultant que mai
ayfémcnt l'on euft «ultre part trouvé fon fembla-
blc. Quy eftoit la caufc que bien fouvent, quand
iiz penflbyent avoir faiél, ilz fe trouvoyent à
rccommencher & que quand on les eftimoit hors
d'haleine, leur meflée fe monftroit plus cruell«
& leur conflift plus dangereux. Mais enfin le prin-
ce Lydpric , devant les yeulx duquel fe repréfen^
toit la piopt du prince Salvaert fon père, joinfte
^ l'injufte emprifonnement de fa pouvre mère,
yovfint la longue féfiftçncc que k prince Pl^Juaçrç
FORESTIERS DE FLANDRE. S7
luy faifolt , & qu'au moyen de ce il avoit à fon
femblant, pour une vîftoîre tantdéfirée, trop long
temps combatu, enflammé de defpît entremeflé
d'ire (a) & defdain , defploya toutes fes forces ,
& comme fy tout le jour il n'euft combatu , fe
ma d'une telle afpreté fur fon ennemy, qu'au
jûefme înftant il rçndçit un chafcun affeuré que
la chance tourneroît au péril du malheureux Phi-
naert, lequel eftoit desja fyafFoibly, tant à raifon
dufang qu'il avoit perdu, que poujrlç long temps
que ceftç bataille avoit duré , qu'il ne faifoit plus
que parer auLx coups que fur luy fulminoit le
vaillant Lydçric; quand il fefèntit d'iceluy char-
gé d'une eftocquade tant roide & bien aflîzé,
que chancelant deux ou trois pas en arrière, il De lamifij-
ftit iconftrainft tomber du hault de foy , & par fa rable mort
mort ignominieufe rendre la princeffe Emergaert phinaeru
certaine de fa liberté, & le gentil Lyderic d'une
viftoire aultant glorieufe, qu'aultre en tel aage
eoft jamais conquis & obtenu, non fans grand
esbahiffement d'un chafcun , & au fingulîer con-
tentement de touts les feigneurs & aultres gens
de bien illec aflîftans, mefmes du roy Dagobert
lequel defcendit incontinent de fon efchafFault,
pour fçavoîr comment il eftoit de la difpofition
du prince Lyderic, enfemble pour luy congra-
tuler de ce que deflus* Et comme il entendit que
de toutes les playes, qu'il avoit en grand nom-
bre, ne s'en trouvoit aulcune mortelle, efmer-
veillé & fatisfaiél plus que devant, commanda
qu'il fut bien doulcement mené vers le chafteau
de Bucq, auquel il difoit le vouloir attendre,
& où furent depuis traitées les chofes que co-
gnoiftrés préfentement.
(^) Colère y en latin ira.
L*tn 64Ù,
Les viftol-
res vien»
nent de la
bonté de
Dieu.
Le prince
Lyderic dé-
livre fa mè-
re des pri-
fons de Phi-
naert.
58 FORESTIERS DE FLANDRE.
CHAPITRE X.
Comment le roy Dagoben tranfporta U$ biens d$
JPhinaert au prince Lyderic , lequel aujfi il créa
y premier forefiier de Flandrcp
LE viftorîeux Lyderic , après l'yAue du com»
bat, tel que avez peu entendre (& lequel fut
exécuté, fur un matin environ fix heures, le
quinzième de Juing en Tan fix centz quarante)
fchafchant que les vidloîres ne procédoyent de
la vaillantife des hommes, ains de la providence
& omnipotente Qt) bonté de Dieu, luy rendeit
de la fienne telles grâces, que fa fanté & le
lieu auquel il eftoit povV)yent permettre, Et puis ,
fuyvant le commandement du roy, il fut en gran-e
de magnificence 6ç triumphe condnift vers le
chafteau de Bucq, auquelparvenu , il ne voulut
oncques foufFrir aulcun appareil eftre mis à fes
playes , que préallablement il n'euft & falué , ôç
délivré la bonne princefle fa mère, vers laquelle
partant il fut incontinent mené. Et fe trouvant
près elle , il feroit impoflible de particulièrement
réciter les baifers, carcfles & embraïTementz ré-
ciproques que ilz s'entre-donnerent; trop bien
les pouront alftz mieux comprendre ceulx, qui
après une longue milère, fe font retrouvez au
port defiré de repos & contentement, comme eftoit
la noble princefle , laquelle ne fe povoit faouler
de remercier Dieu de la bonne fouvenance que
luy avoit pleut avoir de fa mifôrc, laquelle elle
proteftoit tenir pour très-bien employée , confidé-
rant que le remède d'icelle, avoit efté moyenne
par la main de la perfonne , que plus elle defiroit
veoir , & qu'elle aymoit le mieulx en ce monde, '
D'aultrc cofté, le prince Lyderic, lequel (tranf-
(a) Toun-putjfantc.
FORESTIERS DE FLANDRE. S9
porté du plaifir, dont il s'avoit fenty fiufy par
b préfaice de fa mère) n*avoit quafi encoires
ouvert fa bouche, jugeant par le contrepoîs de
raUégrefle préfente, ce que fa mère en fi longue
cfpace povoît avoir fouffert & enduré : tant pour
la confoler de la mifère palfée, que affin de luy
manifefter le refentiment qu'il avoit de fa joye
récente, luy dift: ,, Madame, le Dieu fouverain,
„ architeâe de ce monde, nous y faiâ jouer les
a tragédies trilles & fafcheufes , quand il luy
„ plaift, puis les comédies & farfes joyeufes,
„ quand fou divin vouloir le porte, A quoy
„ nous fault renger nozvoluntez fobjeâes, fai^
„ (antz de néceflité vertu, fans regimber contre
„ Tefperon, en fe plaignant de fes ordonnances
„ divines : les grandes adverfitez il nous envoyé
„ pour nous faire cognoîftre fa grandeur & no-
^ flre imbécillité , & après la pluye leT)eau temps
,5 ai tefmoîgnage de fa bonté , qui ne nous veult
^ ab^^mer & deftruire félon fa puifl^ce & nojhre
„ defmérite. Ce que certainement devroit en
y, toutz cerveaux bien difpofez caufer ime crain-
,) te des jugementz de Dieu, & en toutz cœurs
„ deûement tempérez, un amour inextinguible
^ vers la doulceur & bonté d'iceluy. La gen*
tîBe princelTe voyant au maintien de fon filz,
qu'H eftoit pour entrer plus avant en propos,
s*elle le laiflbit continuer, Tadmonefta de diffé-
rer toutes ultérieures collocutions-, jufques à fa
convalefcence ou bien, qu'eftant fes playes ap-
pareillées , Ton fût affeuré de fa fanté. A quoy
k gentil Lyderic, tant à raifon de la néceflité
qu'il en avoit, que pour obtempérer au vouloir
de fa mère, condefcendeit promptement & vo-
lontiers. Et fuyvant ce, fut mis en un bon licl,
& incontinent après, \'ifité par aulcuns experts
■iédechis^& chyrurgiens, lefquelz affeurerent le-
diâ Lyderic de tout dangier» non pas de guer«
Propos da
prince Ly-
denct ma»
flka.eEmer-
gaercûimè-
Après
la pluye
le beau
temps.
6o FORESTIERS DE FLANDRE.
)Le roy Da.-
gobert
vient vifi-
ter le prin-
ce Lyderic
(en l'on lidt.
Le roy Da-
^bert don-
ne au prin-
ce Lyderic
les terres
de Phi-
naert.
Le roy Da-
gobert con-
lUtueledid
Lyderic
premier fo-^
xeftier de
îlandre.
Retour du
roy Dago-
bert vers
France.
Difcours &
admonition
de l'au-
tiaeur fur la
finmalheu-
reule du
cruel Phi-
libert.'
Tîfon fi fubîte qu'il euft bfcn defiré. Cependant
le roy Dagobert, qui ne fçavoit affez parler &
louer la prudence, magnanimité ,prouefle & vertu
du gentil Lyderic^ eftant adverty^, que la fanté
d'iceluy prendroit plus long train qu'il n'avoit
efpéré , vint le lendemain le trouver en fon lift,
où en préfence , & du confenfement des princes,
barrons & feigneurs qui l'accpmpagnoyent , luy
tr:infporta , & donna toutes les terres & feigneu-
ries que lediftPhinaert folio it polTéder^pourd'icel-
les 5 par ledîâ: Lyderic & fes fucceffeurs éternelle-
ment jouir &pofféder, félon & de la mefme manière
que faifoit lediél Phînaert & fes prédéceffeurs.
Et oultre ce , pour davantage décorer & honno-
rer la vertu dudiél Lyderic , & inciter touts aul-
tres àTimitation d'icelle, le fait & conftîtua pre-i
mîet foreftîer du païs & contrée de Flandre :
moyennant toutesfois la fouveraineté , que fur
toutes lefdiftes terres & païs , le roy Dagobert
fe réfervoît ,-^& à la couronne de France. Ce faîft,
& aprè$ avoir receu le ferment de fidélité & hom-
maige, que le prince Lyderic luy feit en pré-
fence defdiftz barons & feîgneur§ , ledift Dago-
bert retourna en France, laiflant le^ vaillant Ly-
deric en bonne délibération de le venir retrouver
& fervîr , incontinent que fes playes feroyent
confolîdées. Et voylà quelle fut la fin des ri-
chelTés & de la vie du prince Phînaert , fervant
auJQurd'huy d'exemple pour ceux qui font conftu-
mîers d'ufurper le bien d'aultruy , & exercer
toutes efpèces d'inhumanltez , lefquelz Dieu pa-
. tient & miférîcordieux permet triumphcr & pros-
pérer pour quelque temps ; mais à la fin , il
defcoche fa fagette (tf) contre eùlx, qui les faîft
tomber & entièrement ruyner, Pourt.ant chafcun
(<») Flécbt , traUs , du latin fagitta.
FORESTIERS DE FLANDRE, ^t
doibt avoir devant les yeubc que nul mal dçpeur^
împuny, & ^^ue à la fin toute chofe termine y
fors (^) la béatitude des âmes céleftes , & leç
peines des damnez mîférables. Car quant au pur^
^atoire , il n^eft pardurable , ains prend fembla-
blement fa fin, Aînfi vous voyez , quel prouffit
rapporta à Pliinaerit le larrechin & homicide qu'il
commeît en la perfonne du prince Salvaert , &
des liens. Certes nul aultre , finon mort & fin
miférable , que ( comme di<ft eft ) il rcceut par
les mains du prince Lyderic. Un tel fpeftacle
doncques eft générallement propofé , devant les
yeulx de toutz les hommes du monde ^ afiin que
toutz depuis le plus grand jusques au plus pe-
tit, tremblent & foyent pérfuadez , qu'il n'y a^
chofe li ferme & fi bien eftablie ici bas , que
Dieu ne fçache bien renverfer; qu'il n'y a profpé-
rite fi bien fondée qu'il ne convertifle en une
face trifte & hydeufe ; qu'il n'y a couronne fi.
feureiuent pofée, qu'il n'arraçe; qu'il n'y a ri-
chefles tant grandes, qu'il ne convertifle bien eil
grande pouvi'eté, &n'y a liberté qu'il ce change en
fervitude fort miférable &angoifleufe, quand l'heu-^
re de l'exécution de fes jugementz eft venue (i).
(a) ExcipU.
(i) Tout ^e que contiennent les chapitres précédens eft
évidemment marqué au coin de la fable & dumerveineux. '
n eft poffible cependant qu'au feptième fièclé , il fe folt
trouvé fur les bord* de la DeiJle & dans le bois fans mer-
cby un chef de brigands fameux par fes aflaflinats. La chro-
nique de St. Bavon parle en ces termes de l'alTaffin Phinart
qu'elle fait foreftier de Flandre : Hic homo gigantea forma
rapinis mercatorum cœpit ditari ; nec aufus fuît aliquis do* Ad an. SS'^.
minium hujus tyranni ingredi propter favitiam ejus , quia fi
iona rapienda fuinon invenifent , aliquod membrum intrari'
tlbus auferchant. Cette chronique place ces évèueraens prè5
rfi FORESTIERS DE FLANORÉi
d*un fiècle avant le tcms où les place Oudegherft ; fie cette
différence d'un ftécle rend la chofe fort douteafe. Outre
cela , un gremd Ceigneur qui part de la Bourgogne i emine-
nant avec lui , dan« un voyage au-delà des mers , fon époufé
près de devenir mère , la mort qu'il trouve dans un coupe-
gorge en arrivant en Flandre , fon époufe qui fuit dans un
bois où elle met au monde un fils qu'elle abandonne lâche-
ment fur la foi d'une vifion , dés qu'elle croit appercévoir
les meurtriers de fon mari^ la longue captivité de cette mère,
la biche qui allaite ce fils , comme la louve des bords dà
Tibre allaita les fondateurs de Rome , l'hermite qui recueille
cet infortuné , qui l'élève & qui l'envoyé achever fon édu-
cation dans l'Angleterre qui, à «ette éi^oque , n'étoit pas
{>lu8 civilifée que la Neudrie , les diiHnâions dont j<fuit ce
jeune avai^turier k la cour de l'hcpwrque Breton , fon intri-
gue amoureufe avec h belU Gracienne^ dont il obtient Icf
faveurs & qu'il délaifle , fon retour auprès de Dagobert ,
fon combat en champ clos avec Phinart , tout cela a pu four-
nir k M. le Comte de Treffan le fujet d'un rom*n plein de
grâces & d'intérêt, 6c k quelques bcàux^ efprits flamands le
cadre d'une tragi-comédie; mais un tilTu pareil d'avantures
moitié galantes , moitié fanguinaires , n'auroit i^as dû trou-
ver place dans une hifloire férieufe dont la vérité doit être
l'ame. ^
Ce que renferme le chapitre fuivant, porte également lé
caradèrc du roman , & c'eft un défaut 'dont n'a pu fc ga-
rantir Oudegherft au commencement de fonhiftoire. X)bfcr-
Vons encore que Dagobert qui , félon lui , fe trouva au duel
de Lyderic avec Phinart l'an 640, étoit mort l'an 638, laif-
fant l'Aùftrafte k Sigebert IL fon fils 6c le rcde de la Mo.
narchie k Clovis IL Quelques chroniques anciennes ^ mais
. peu dignes de foi , félon Meyerus , difent que ce fut Clotaire II
• .";„ ^«V' ^* étifblit Lyderidc da Bucq premier foreftier de Flandre]
Au milieu de tant d'opinions diverfes 6c lorsqu'il ne refte
aucuns monumens certains, commenf démêler li vérité?
Comment marcher d'un pas afluré dans ce labyrinthe téaé'
l)reux où l'on ne trouve fouvcnt aucun fil, où l'on ne voit bril-
ler aucun rayon de lumière qui puiffe guider la marche incer-
taine de l'écrivain ? * Nous laifferons donc k l'auteur les
erreurs dont il a femé les premiers chapitres de fea annales»
fans prétendre k la gloire de le redfeiTer ou de le coofilier
avec las autres biftoriens ^ \
ad an. 621*
FORESTIERS DE FI4ANDRÊ/ ^
CHAPITRE ici-
Cotment Lydcrtc eftant à la chaffe^ trouva laprin^
cejfe Rothilde ^feur du ,roy Dagùhert ^ Çf f«-
vûya vers lediâ Dagobert pour demander en ma^
riage fadi&e princefe & d'aultru fingularitez.
NOus avons cy deffus laîffé le prince Lyde-
ric, entre les mains d'aulcuns médecins &
chyrurgiens très-expertz , & foubz le gouverne-
ment de la princeffe Emergaert fa mère : mainte-
nant nous convient difcourir de ce, qu'après
avoir efté reftitué en fa bonne fanté , luy advînt.
Mais avant pafler plus oultre, ne me femble im-
pertinent de toucher, comme en paflant, ling pe-
tit mot du fufdîd: nom & eftat de foreftier, le-
quel plufieurs eftiment, avoir prins fon commen-
cement de ceftuy qui premier Taurolt porté,
lequel par esbat & en fe mocquant d'un don 0
petit, conime eftoit lors le pais de Flandre, s'en
(croit faîft appdUer foreftier, A quoy néantmoins
je ne puis aulcunement condefcendre, entant mef-
mes que par ce qu'avons au commencement de ,
celle hiftoîre affez amplement déduift, fe.def-
couvre que long temps auparavant, celle contrée -
de Flandre eftoît un bon & opulent pafe. Et
pourtant, mon o^nion feroit, que ledjft tiôm de
foreftier auroit prins fa ptfemière fource des
foreftz qu'il y avoit (comme eiicores pour le
jourdhuy a ) audift païs , en nombre compétent ,
ou bien que ledift nom de foreftier n'auroît
cftéufurpé ny par Lyderic, ny par aultre;aîns
qu'il anroit ainfi efté appelle , à raifon de fem-
Wable dignité , <în laquelle il auroit par le roy ,
Pagobert efté conftitué , & la quelle dignité feroit
en effeft efté telle, comme eft celle de cetjlx que
préfentement nous tijppellons grandz-veneurs»
Ce que -ce foit, Je m^appaifefay trop mieux dt
Diveriité
d*opiiiion»
touchant la
d^dioD di
foreftier.
Chtp. L.
Opinion de
Fauteur
touchant le
nom de fo-
reftier.
f 64 FORESTIERS DE FLANDRE.
toutes aultres opinions, que de la fufdîéle pre-
mière , & toutesfois je laifferay chafcuri en fa
liberté d'en jugef félon fa fantafîe, & difcré'^
tion (i). Or, pour reprendre noftre premier thè-
me , comme le prince Ly deric fut retourné en con-
valefcence , fon principal foing & eftude eftoît
ta àligen- de réduire foubz bonnes loix & ordonnances le
ce4eLyde- peuple de Flandre, duquel il avoit nouvellement
duire Flan- emprins le gouvernement. Lequel peuple en chan-
dreenbon- gëànt dief prinCe, fuft aulfi tcft apperdeu changer
fte poHce. ^^ complexion & condition réformant fa beftiale
férocité, en une doulce civilité, & fes brîgandef
ries accouftumées , en une traftable humanité*
A quoy luy proufita grandement, la diligence &
bonnes
' (O Quant au tître de foreftief donné par les rois Mère
vingiens & les premiers Carlovingiens aux gouverneurs de
la Flandre , il eft également difficile de fixer fur ce point
ll'opinîon publique. Les uns le" fcjetcnt & par confëquent
i^évoquent en doute l'exiftence de Lydéricfc & de fe§ fuc*
cefleurs. D'autres au contraire admettent ces foreftiers dans
Tordre où les place Meycrus , l'un de ceux qui ont le plus
judicicufement écrit fur Thiftoire de Flandre. Sams Vouloir
fronder l'opinio» des premiers , nî adopter aveuglément le
fentiment des autres , nous renwrquerons que la dignité de
foreftief n'étoit pas inconnue fous la dynaftia Cariovia-
gienne. Elle embraflbit à la fois la Surveillance des eaux &
ÛQS' forêts. Les unes & les autres étoient précieufes aux
rois par les avantages qu'ils en tiroiènt. La Flandre cou.
verte encore alors d'un grand nombre de bois, baignée par
l'océan , traverfée par plufieurs rivières navigables , avoit ,
comme les autres provinces de l'empire françois, fes gou.
verneurs particuliers. Rien n'empêche donc de peilfer , avec
Du Tillet auteur de recherches très-favantcs fur les digni-
tés de la monarchie françoife , que les gouverneurs delaFlan-
^ I dre fe nommaient foreftiers , non que leur charge fût feule.
• ment fur la terre ^ eft an t lors pleine de la foreft charhonniirc;
mais la garde de la mer leur efloît commife. Je ne doute pas
cependant que la dignité de gouverneur ou de foreftier de
la Flandre n'ait été fubordonnée à celle du Duc maritime
de la France , dont l'autorité s'étendoit le long des côtes ,
depuis l'embouchure de la Seine jufqu^à celle de TEicaiK^
FORESTIERS DE FLANDRE. 6$
tonnes admonitions de monfieur faind Am^nd,
que le prince Lyderic pour fa faînfte converfa-
tion i avôit ert finguli^ère révérence , & lequel de-
puis n'aguerres avoit converty à la fainfte Foy
bonne partie dudift peuple de Flandre. Par le
conreil de ce &înfl perfonnaigé, le bon Lyderic
feit édifier foubz fon dotnmeine plufieurs églifes
& chappelles , & entre aiil^res y il fonda en un
hameau nommé Brugftoc , où t)réfentement eft fi-
tuée la gentille & très-renommée cité de Bruges,
tiiie chappellé en Thonneur noftre Dame , au lieu
mefme auquel depuis a èfté faifte Téglîfe de ftinft
ponas CO- Au refte je trenvfc par anciens cartu-
îaires^^ue ce Lyderic poftôlt fes armes girôn-
nées d*or & d'azur, à un efcuiïbn de gueule par
defus (3), & dirent aulcuns qu'il les cïonquifl:
fur Phinaert. Les aultres eftiment qu*elles luy
vîndrent djp fes prédécefleurs : tant y a que fes
fuccefleurs contes de Harlebecque & forelîiers
de Flandre , & aufi depuis les contes dudiét
flandre ont toujours porté les mefmes armes,
jufques au conte Philippe, premier de ce nom ,
lequel les abandonna, pour la raifon qu'en pour-
fuy vint cefte hiftoire. pourez entendre. Je treuve
au(Iî,.que le fufdift Lyderic, entre toutz aultres
pafletemps , aymoit extrêmement le déduift Ça)
de la chaffe, comme de tout temps ont faifl: phi-
-- ■* ...>... ■■< ■ i ■■ , ■ - • - ■> •■
(à) La clironiquc ^e St. Éavbn tranfporte cette fondatio»
i Tan 8oi , & conféquemment fous le gouvernement de
Lyderic d'Harlebecque : Eccîefta Sti, Donatiani di&a , nunû
fundatur Brugx ad bonorcm B, Mariai '
(3) Il y a apparence, dit fc P. Hénauft , que Tufage de^
armoiries a commencé pendant les^rolfades , pour diftinguer
les perfonnes qui étant toutes couvertes de fer , n^étoiem
guères reconnoiflables , fans une marque extérieure. Avant
ce tenis-là , chaque nation & chaque famille un peu diftin-
guée avoît feulement un fymbole qui lui fervoit de marque
diftinétive. H
ScAmtflctî
Lyderfc .1
la requeHo
de faint
Amand «
fonde eâ
Flandre
plufieurs
éfflifes &
chappelld.
La chap-
pellé noftre
Dame ,' o^
préfeme^
ment eft
St. Donu
à Bruges.
Les armes
de Lyderic
& fucceffi-
Vementdes
contes de
Flandre*
Abr.cbfon.
del'hift.dc
France ,
Lachafle
dédiiiâ: de
princes.
La chafle a
fimilitûde
des armes.
Louange de
la chaue.
64 FORESTIERS DE FLANDRE.
fleurs grandz princes & feigneurs: de forte que
à cette occafion on a toUsjours eftimé ladîéte
.chafle eftre le propre exercice defdiftz princes,
& non fans caufe. Car elle porte une femblance
de fortitude , & avec elle, tient la fimilitude des
, armes. Elle eftablit en premier lieu fon capitaine,
au commandement duquel toutz veneurs obéiflïnt, ,
& obtempèrent; elle provocque fon ennemy par
excurfions, elle meft fes efpies aulx efchauguet-
tes (a) , elle cache fes rufes , elle faift femWant
d'ouvertement combatre, elle guette & prent gar-
de auÈc lieux , où fe peult divertir & retirer la
befte, elle faidl marcher fes piétons devant, par
les champs & taillis , elle met en une plaine &
& lieu patent (1?) fes aefles , elle fonne avec fes
trompes , l'entrée & ryflue de fa guerre , elle
donne les fignes de vîftoire, elle lignifie quand
la beftê vient ou s'enfuyt, elle donne à cognoiftre
quand il fault drefler le camp ailleurs ; bref, il
fault conclure que la chafle & la guerre font fem-
blables Tun à l'aultre. Les veneurs font accou-
ftumez au froid & au chauld : ilz endurent faim
pour le defir de la proye; ilz font faiéte plus
durs & rôbuflies en cevauchant, eourrant, fail-
lant^ grimpant contre les montaîgnes & plus
Pline fé-
cond, ami
delachalTe.
La chafle
idoine à la
contempla-
tion des
choies pe*
fantes.
MtSR
jtrdi
^m r
}i&t
'fren /
7a
àl
. qu'i
M en
'cbeut
Gdef
m ti
prend fi
*ant d
&dou
. qui l'a,
inhabité.
fe de fe
de
Perfo,
'oyùi
gran
fes la
prompts & courageus en faifant la guerre aulx £,|'oiftttr,
belles faulvages. Oultre ce, nous avons pour
tefmoing Pline fécond, que la chafle eft idoi-
ne (c) à la contemplation des chofes pefantesà
difficiles : lequel fe glorifiant , refcrivoit à Cerne-
Jius Tactf us, que fouvent il hantoit la chafle; di-
fànt que c'eftoit merveille , que l'efprit par le
plaifir de la chafle s'efmeut & excite à contein-
platioti , & mouvement de corps. A la mienne vo- .^
luhté, que toutz princes & feieneurs de «'fr' |?P'i)iiief.„ Il
■2>qu'e
rjvîe'
Ca^ Ses e/plons en fcntinelU. (c) Propre,
C*) Découvert.
%
Ptt
PÔRËSTtËR^ DÉ FLANDRE- éf
temps 9 y vacquaflent aultant, qii*îlzf6rit àpail<*
lardîfes, yvTongnerîes , jeuz de déz & aultres
iemblables beftialitez indignes, non feulement de
leur rang 5 maîa^ auflî de toute condition pour baC-
fe & fervile qu'elle foit* Or le prince Lydcric^
qui (félon que dîdlerf) prendoit un fmgulier plai-
fir en la chalîe, fe trouva un jour entre aultres
dans la foreft du Bucq, où il s'efthauffa telle-
ment à la pourfuyte d'un cerf grand à merveil-
les, qu'il fe nïeit bien avant dans ledift bois^
auquel en un lieu umbrageulx & fort retiré il ap-
percheut une dame belle en toute perfèftîon,
mais fi defconfortée, qu'il femWoit de fes deux
yeux un tuyau ou canal par lequel la fohtaîne vi*
tre prend fon cours; qui fut la caufe^ que s'ap-
prêchant d'elle , il luy demanda en toute huma-
nité & doulceur le motif de fon despfaîfîr, mef-
ties qui l'avoît amenée en ce Deu tant folîtaire
& inhabité, A quoy la pouvre damoifelle hon-
teufe de fe veoit en tel eftat , & en la préfence
d'une perfonnef , laquelle à fon advi? debvoît
eftre dé grand lieu, refpondît, qu'elle cftoît feut
du roy Dagobert de France , appellée Rothïlde :
aultres là norirmént Ydone, & que les feîgneurs
de Poiélîer^ & Pertenay aultarit traiftres &
inefchantz, qu'elle éfl:oitmaIheui*eufe& infortunée,
l'avoyent ravie du lieu , auquel ordinairement
elle fe tenoit , & illéc amenée contre fon gré &
volunté, & que néantmoins par la grâce, bonté
& miférîcorde divine" , îlz ne Iny aVoyent faift
aultre defplaîfir : fuppliànt qu'il pleuft au prince
Lyderic la ifetîr^i* de cefte foîitiïde*, enfetoble luy
ftire l'affifténce que fori port & repréfentation
luy promettoyentrf Lyderic 4 âyfe au poffible dé
i'occafion qui fe préfentoit pour faire cognoiftre
îiu roy Dagobert l'envie qu:'il avoit de luy faire
fervîce , & à toutz les fiens , après d'eftre
^•foeHdu; de fon cheval & mettant un ge*.
tydcric ei^
tant à ii
oonrfuyte
d'un cerf
treuve une
beUe dame
grande-
ment def-
confonée.
Propos de
ladite da-
me à Lyde-
ric & qui
elle ei^oit.
• Les fci-
gneur^tlo
Poiâters
& Pertenay
ont ravyli
princefle
Rothilde
de la mai"
fon du roy
Dagobert
fon frôïc.
Rcfponfe
de Lyderic
^ ladiae
^rincefle*
Lyderic
conduit la
princefle
Rothilde
vers fon
chafteau de
Jlirlebcc-
^ue.
y)
^8 FORESTIERS DE ^LANUREi
nouîl en terre: „ Madame (dîft-il) entre une
^, infinité de grâces que jnon bon Dieu, defpuis
^ ma naîflance^im'a faift, je réputeray.cefte qui
s'offre préfentement, au Jieu des plus prîntî-
pales & excejilentes., taqt à raifon que au
moyen d^celle, il m'a donné matière de po-
voir effeéluellement manifefter la fouvenance
que j'ay des grande bénéfices que le roy Da-
gobert mon fouyerain feigneur m'a faift, C^^e
conftituant chef & gouverneur fur toute la
contrée , en laquelle vous elles maintenant )
que, pour aultant que par celle rencontre j'au-
ray toute faculté & povoir de fecourîr une
prînceffe, laquelle dorénavant poura faire eftat
& de moy , & des miens , comme de chofe
fienne. Et en figne de ce, je vous fupplie bien
^, .affeftueufement vouloir avec moy venir vers
„ mon chafteaii de Harlebecque, auquel j'efpèrc
^ vous faire' tout l'honneur, & bon traitement
,„ dont je me pouray advifer „. La belle prin-
eeffe, grandement fatisfaifte de l'honneftetédu-
dift Lyderic, après l'avoir remercié de fes gra-
cieufes offres, fe meit en chemin ^vec luy, & ne
chemina guerres qu'elle rencontra les gens du
prince Lyderic , qui s'eftoyent mis en quelle
pour trouver leur feigneur* Lequel d'aultre collé
aultant joyeulx de laproye qu'il avoit conquife,
que d'aultre chofe que luy euft fceu advenir^
leur déclara & l'eftre & la qualité de la dame qu'il
xonduifoit, ordonnant au reftey que luy fuft por-
tée toute i'obéîffance & refpeél qu'il leur feroit
poflîble. Et peu après vint en fon chafteau de
Harlebecque , auquel il fe jtenoit trop plus volun-
tiers, qu'en ceftuy du Bucq, à'raifon du desplai-
fir que la princeffe fa mère y avoit fouffert & en*
duré. Eftant arrivé audiél chafleau, & après avoir
par aulcuns jours goufté la converfatîon de la
princeffe Rothilde (laquelle eftoit aultant biea
FORESTIERS DE FLANDRE- ap-
pariante, que aultre femme du monde, & avoit
tant bonne grâce accompagnée d'une beauté fi
excellente , que difficilement on euft trouvé fa pa-
reille) il fe fenteit tellement efprins de fon amour,'
qu'il en^perdeit & le dormir & toute contenan-
ce; de forte que pour mettre ordre à fon tour-
ment & martyre, il fe délibéra, non feulement
de luy manifefter fon afTcftîon, mais aulTi de fon-
der, s'ellc vouldroit entendre à leur mutuel ma-
riage, & de faiét la trouvant fur un certain jour
aflez plus gaye & délibérée, que à Taccouflu-
mé, la, retirant à part, luy commença dire: „Ma-
„ dame , puisque Texcellence de voftre beauté
5, (combien que defirée de toutz) ne doibt, par
„ raîfon, faire don de foy, fors que à un; vous*
^ avez â penfer plus toft que tard , ( tandis que
* ^ cefte tendre, & fouéfve C^) fleur de jeunefle
y, efl: verte, & vive en vous) à qui, entre les
„ mortelz , vous devez faire ce préfent précîeulx
„ & irrévocable. Ce que je votis fupplîe n'eftî-
,, mer avoir de mojr efté propofé , fans bien pre-
„ gnante Çf) raifon , & de grande conféqucnce.
^Et que aînfi foit, je vous alTeure (madame)'
^ que depuis le peu de temps que j'ay eu Theur
I -^ d'avoir cognoiflance de voftre beaulté & aul-
! „ très pcrfeftions , je me fuis trouvé tant hors
5, de moy, que tout mon plaifir, & contente*-
^ ment ne tend que au lyen îndrflbluble du mariage'
^ d'entre nous deux , que je vous prie trouver
„ b'on, & accorder, moyennant toutesfoisle con*
„ fentement du roy Dagobert mon fcigneur, fans
„ lequel je fcay que ne conçlurrcz rien en ceflr
}, affaire, comme auflî de mon coftéje commet-
'«, troys trop grande félonie Çv) à y feulement
Lydcricde»
vient amou-
reux de U
beUe Kg^
thUde,
Harangue
de Lydcric
àlaprinccf-
fe RothU-
de, la de-
mandant en
mariage*
(0 Suave , douce.
(*) Forte , puijfante. Mal
pregnant , mal violent.
(0 Crime gui commet le vaf^
fal^ lorfqu^il agit contrt
la foi Ç^ fidélité qu'il doit'
à [on feigneur.
Rcffonfe
^e la prin-
ceffe Ro-
thilde fur
1^ fufdiâe
propofi-
PQQ,
yo FORESTIERS DE FLANDRE,
^ penfer; n'eftant délibéré d'aultrement vou$
^ fpécifier & ma qualité & mes riçhefles, ^ttenr
çj'du que de l'un vous eftçs aflez advertie , &
^ que quant à Taultre , ne devez ignorer que
9, préfçnt^ment j'en jouyç par la feule libéralité
p de monfeigneur voftre frèrç , Iç bon & vçr-^
^ tueux roy Dagobert* Mais, le poindt fcul quç
5, j'entepds vous ramentevoir (a) ^ & lequel
^ (compie j'efpère) vous trouverez digne de plus
5, grande confidération , eft que je vous aym§
5, plus que moy-mefme» Et que pourtant ayant
yy faift lacrifiçe dévot de mon cçeur à voz per-^
5, fçftions, je pçnfe mériter pgr pitié la récom»
^ penfe de cç que, ^yec voftre honneur, povez
„ odroyer en vous, Voylà (Madame) la re^-
^ quefte , qpe j'avoi? envie dç vous faire , la-
3^ quelle je vous fupplie recevoir. & refpondre de
5, telle difçrétion que avez accouftumé d'ufer en
„ toutes chofes.„ Ce diiS, la princefle Rothilde
luy feit d'une fort lionne grâce telle refponfe:
^ Monfieur , les grâces & vertus que avec aflez
5, maigre fondement vous attribuez à ma per-
fonne , vous font fi propres & familières , que
par ce qu'avez déclaré de moy , femble que
ayez voulu fpécifier les perfeftions qui fonç
en vous , & lefquelles je mets en fi hault prix,
qu'elles ne reçoivent enchère, jusques ^vous
dire pour réfolutive refponfe conforme tant à
voz mérites qu'au guerdon (i)' dç l'afiTeaion
fi véhémente que diâes me porter, que fi ja-
mais la volunté du roy monfeigneur & frère
defcend à me moyenner l'alliance de quelque
homme que ce foit , je vous tiens en réputa-f
tiou de prince aultgnt vertueux & accomply
que la terre porte , & de qui je fouhaiterois
la familiarité plus que de nul aultre qui vive.
O) Rafpellcr à Vefj^rï^. (Ji) Pi4com^enfi^
FORESTIERS DE FLANDRE. 71
n Vous pourez doncques envoyer, quand fl vous
„ plaira vers le roy monfeigneur , & cependant
„ vivre en toute aOeurance, que ayant la fienne,
„ ne trouverez ma volunté contraire à ce que
^ m'avez préfentement requis & demandé..^ Le
prince Xyderic battant chaudement le fer dont
Il vouloit s*ayder , incontinent après celle ref-
ponte , envoya une notable &• honnorable ara-
baflade vers le roy Dagobert. Lequel adverty
par ladiâe ambaflade du fecours qu'en fi urgente
extrémité k gentil Lyderic avoif donné à la
princefle Rothilde , enfemble de Thonneur &
grand traiftement qu'il luy avoît faift eti fon païs,
mefmes qu'en telle inftance & avec tout refpedï
& humilité , il la demandoit en mariage ; fe per-
fuadant qu'il feroit impoflîble trouver party plus
convenable à la grandeur d'elle, & prince qui
mieux la méritaft, après avoir le tout commu-
Hicqué aux princes & feîgneurs de fa court, la
luy accorda- (4) , mefmes & félon qu'ay trouvé
en plufieurs anchiens regiftres & viels cartulai-
res , luy donna avec elle toute la terre d'Artois,
Vermandoîs, Picardie, Amiens, Nelle,Péronne,
Soiflbn & Noyon , réfervé feulement l'hommaîge
& ferment de fidélité que peu après par kdift
Lyderic luy en fut feifl: : ordonnant ai^ furplus
que l'accomplifleraent fit feftes dudid mariage
fe feroyent en la ville de Soiflbn , & ce endedans
le Noël de l'an fix centz quarante deux lors pro-
chamement venant (5). Les ambafladeurs ayantà
AmbafTsde
de Lyderic
vers le roy .
Dagobert ,
pour de-
mander en
mariage U
princeiTc
Rothilde*
Les terres
que le roy
Dagobert
donna avec
fa feur en
mariage ta
prince Ly-
deric.
L*an 642,
(4) S*il étoit vrai que Dagobert eut accordé fa fœor I
Lydcrick, il eût dérogé fbrmeUement à Tufage des rois francs
qui ne permettoient pas qu'aucune de leurs filles ou fœurs
égoofit d*autre perfonne qu'un prince fouverain.
(5) Nous avons remarqué plus haut que c'étoit Clovis IL
qui regnoit alors dans la Neuftrie. D'ailleurs cette donation
,n'eft appuiée fur aucune preuve authentique. £Ue edmcme
démentie par l'hiKloire des re^es fuivanj.
>?opces de
iyderic &
c la prin-
ce fle 1^0-
^iJiUdç.
Bonne af-
iieftion de
peuple vers
ton fei-
^neur.
7a FORESTIERS DE FLANDRE*
tant bien exploîfté , retournèrent en toute dili-
gence vers le prince Lyderic leur feigneur , Ic-^
quel fut aultant fatisfaifl: de ces nouvelles , que
b princeffe fe trouva contente & joyeufe pour
refpérance qu'elle avoît d'eftre de brîef Ça) fem-
me d'un prince tant vertueux & accomply. Le-
quel cependant faifoit fes appareilz pour au jouf
aflîgné comparoir/èn la ville de Soiflbn avec le
plus grand triumphe & magnificence que faire
fe ^ouroit*
CHAPITRE
XI}.
Comment Lyderic feit trencher la tefte à fin fih
aifné ^ ^ de la mort dudiEt Lyderic '^ de Vhire--
mite fon père nourijjîer ; de madatnei Rathllde
. fa femme 9 Çf d'aultres fingufaritez.
Approchant ladîfte fefte de Noël, le prince
Lyderic & la be;lle Rothilde fe meîfrent avec
grand train & équipage en chemin ,& peu après
arrivèrent en la ville de Soiflbn , où leur fut
faift du roy Dagobert & des aultres princes
& fcigfteurs un tel recueil & bon vifage, qu'il
feroît impoflible le repréfenter pari^efcript , &
beaucoup moins les feftîns , tournois & pafle-»
temps que journellement & durant lesdiftes nop-
ces fe faifoyent. Lefque!z achevées ; Hz retour^
nerent au païs de ï'iandre, où furent faiélz pour
leur venue plufieur^" fbuz de joye & aultres fignes
d'allégrefle, que un peuple bien afFeftiônné eft
accouftumé faire à la joyeufe entrée de fojt prince
ou princefle ; monftrant^ ^flez &. toutz en géné-
ral par fignes extérieurs la grande & non fimu-t
lée affeftlon qiî'ilz portoyent à leur bon prince,
auquel ilz fe rendoyent de tant plus humbles &
obéiflantz, que la fouvenance du rude & tîraiî*
(^) Biattét.
FORESTIERS DE FLANDRE. 73*
ïîicque traiftement du prince Phînacrt leur faifoît
trouver beaucoup meilleure la modeftîe , juftice
& bonnaîrp inclination du gentil Lyderît , lequel
d'aultre cofté fe povoît vanter de pofTdder tant
les cœurs que les biens ôcpolTelTions de fcsloyaubc
vaflaulx. Si grande eftoît la conformité & cor-
refpondence qu'il y avoit entre ce prince à bien
commander, & le peuple à deûement bbéyr &
obtempérer , qui caufoît un bonheur & félicité
réciproque tant à T^n comme à Taultre; affez
plus grande toutesfois au prince Lydcrîc , comme
pouront juger ceux qui fçavent, que comme un
tyran faift 4 eftimer lé plus malheureux de tous
les hommes, ainfi un bon prince & jufte gou-
verneur eft diâ: & appelle entre les vivantz le ,
plus heureux» Car ainfi qu'à un tyran tout luy
eft dangereuse & fufpcél^ pareillement à un prince
clément ôc jufte , toutes chofes luy font certai-
nes & feures, Voylà pourquoy ' Yfocrates fou-
loit , avec bonne raifon , dire que la très-feure
garde des roys & princes ne confifte en tours,
forterefles, murailles , fatellîtcs , ny en armes ,
înais au fecours de leur bonne confcience , au
renfort de leurB amis , en la bienveuillance de
leur peuifle & en leur propre vertu. Rien n'eft
^ui rende plus les princes odieulx & fufpeftz à
leurs fubjeftZ;, que le maltraidement , & quaild
ilz dominent par force & înjuftice. Oultre ce ,
que un bon prince ou feîgneur ne doibt ignorer
que fon affeétion & bénévolence à Tcndroiél de
fes vaflaulx & fuppoftz doibt eftre telle , que celle
d'un père de famille vers fes enfans , ferviteurs
& domefticques. Audi qu'eft<e que un royaulmë,
fmon une grande famille ? Que eft-ce que. un roy,
fmon un père de plufieurs? Il eft vrai qu'il eft
plus grand & plus digne, mais il eft de mefme
eftolFe que les aultres fes fubjeftz: c'eft un hom-
ne qui domine fur les liQmmcs , un perfoima^e
Bienheu*
reux le
prince ,
qu'cflsiytDé
de fes va£^
faulx.
Tout tyran
inalheu- '
reux.
Yfocrates.
confifte la
feure garde
des princes.
Un bon
prince doit
vers fes
vaflaulx «f-*
tretel,que
un père de
famille vers
fes cnfons
Ôc donief*
ticques.
Ariftotèle5.
Lyderic
éaande vers
foy & veult
jécompen-
fer ks bé-
néfices re-
ceusderhé-
Tcmite fon
père nour-
riffier.
Trefpas du-
diâ hère-
mite.
Epitaphe
de Vhéve-
mite Lyde-
74 FORESTIERS DE FLANDRE.
francq, qui a gouvernement des créatures de
franche condition, & non des ieftes, félon que
non moins prudemment que véritablement fou*
loît publier le prince des philofophes , Ariftotèles.
Retournantz donc à noftre propos, tel eftoit le
prince Lyderic vers fon peuple^ lequel pour celle
occafîon Dieu n'oublia ; ains eu toutes fes pré-
tenfion^ & opérations le faifoit profpérer , fufci*"
tant à ceft efFeét le roy Dagobert , par le moyen
duquel lediél Lyderic, de pouvre & petit com-
pagnon (encores que yflu de maifon Royale)
parvint à la grandeur & authorité que avez veu
cy delTus. Et en laquelle fe fouvenant de la nour-
riture & bénéfices receus de Théremite Lyderic
fon père nourriffier (duquel nous avons parlé aulx
chapiftres précédentz) luy feit plufieurs belles &
grandes offres , & à Toccafion qu'il ne voulut
laifler fon héremitage, il récompenfa lefdiftzbien-
faiftz à Tendroiâ: des parentz d'iceluy, de forte
que chafcun fe tint pour fatisfaiél & bien con-
tent. Peu après, luy yindrent nouvelles du très-
pas dudift héremite, dont il mena un dueilmer^
veilleux , ordonnant que le mefme fut faift par toutz
ceulx de fa maifon. Et au furplus il aflîfta en per^
fonne à l'enterrement du fufdiél héremite , lequel
avant mourir avoit efleu fa fépulture lez (^) fon
héremitage, où pourtant il fut enterré, & en
l'honneur de luy fut faift & laîffé fur fadiéle fé-*
pulture , Tépîtaphe qui s'enfuyt.
Décrépi fis baculus , cacis oculus , via claudis ,
Hic Lyderîcus erat , DeUî illi pramia reddat.
Lequel fe peult rendre en françois, de celle forte,
La guyde des hop eus , des anchiens le hafion , £?
des aveugles t*(Bil^
Icy gifi Lyderic^ auquel Dieu fait propice.
Les yeulx n'eftpyent quafi feichez au bon flç
iO Pris d§.
FORESTIERS.de FLANDRE- ri
vertueux Lyderic , 4u defplaiCr donc il avoit
eflé fayfy, au moyeu du décès du fufdiél hére-
mite, quand Dieu luy apprefta matière d^afles
plus grande triftefle , par la mort de la princeffe
Emergaert fa mère» qui fuyyit de bien près celle
dudiâ béremite , & laquelle , con&rmément au
commandement laiiTé par fa dernière volunté , fut
enterrée guerres loing dudîâ béremite foubz une
petite lame, fur laqudle fut efcript ceft épitaphe.
BmergarJip eram , qus vhens undiquè pafa
Mundana finis exui vilejugum:
Nuncferarad Super os , nam me Deus eyecat; ergê
Orbatus génitrke fua valeat Ljdericus.
Lequel en françois fignifie :
Emergaert faj efii j qui vivant en ce monde
Ay fiuffert des grands mauxj dont maintenant
n*ay cure:
Ores m^en vais aulx cieulx^ car Dieu ainfiP ordonne;
Sans mère Lyderic fiit heureux ju/çu" il meure.
Plulieurs effiment que lediâ Lyderic ne fiift
pas filz de celle Emergaert, mais d*unc dame
nommée Yolente, filie du prince des Ruthènes(i),
que nous difons au jourd'huy Auvergne, Kevers,
& tout le quartier cirçonvoifin: & que Emer-
gaert fut femme du fécond Lyderic, Il pourroit
eftre que Lyderic le fécond auroit eu une fem-
me de mefme nom : mais le contenu en Tépita.
phe que defus joinft à plufieurs raîfons qucchaf-
cun poura tirer des aventures advenues à Lyde*-
rie k premier, defcouvrent affez avec la vérité
denoftre précédent difcours, que ladîfte Emer-
gaert & nulle aultre, fuft mère du Lyderic , dont
à préfent eft queftion : lequel par fucceflîon de
DivcHité
d'opi irons
touchant U
mère dudiâ
Lyderic.
(i) Les Riidièiies étoieet de$ peuples du diocèfe deRbo>
dés & de Vabies en Rouergne , dans la Gaule aquitanique.
On trouve auffi des Ruthènes au nord, de la Folognç , d^Aft
la dand^T^r^tagiiç ^ àfm la fielgi^ue*
kifiK^.
75 FORESTIERS DE FLANDRE.
temps euft de la, princefle Rothîldc fa femme
quinze enfans maflcs dont le premier nommé Jo-
foran, cuft par l'ordonnance du prince Lyderic
ftîft'^^rcn^ fonpère la telle trenchée, pour autant qu'en la
cher la telle ville de Tournay, il avoît ofté par force à une
fc^Jon fiu pouvre femme, une mandelette (a) de pommes
fans la payer. Et combien que de prime faco
celle exécution femble avoir excédé les tôrmea
de raifon, & elle trop plus rigoreufe, que lemé*
fus (i) [en foy petit] ne requéroit; fi cft ce,
que prendant pied (c) à la qualité du temps
d'alors, & aux févères inftitutions & loiz que
le prince Lyderic avoit eftablyes, pour extirper
dudift païs & anéantir les félonnies, larcins &
violences que le prince Phinaerty avoit femées,
eftoit expédient, voîres néceflaire , que l'obfer*
vance dcfdiftz (latutz demouraft ftable & invio-
lable, mefmes îiux defpens delà telle du propre
filz de celluy qui avoit elle le légiflatcur afBn
que le peuple confidérant l'équité, & inflexible
juftîce de leur prince, nefepromift aulcune con-
nivence ou <Ufïïmulation en leurs mesfaiftz, &
beaucoup moins de celluy, lequel en faveur de
fon filz aifné, & futur héritier, o'avoît voulu'
tant foit peu violer fcfdiéles ordonnances. Il
fcit doncqucs très-bien, falnélement & jutlc'
ment, & mérite pour ce feul rcfpeél', qu'on l'ayt
* a tousjours en réputation de prince vertueux ^
fage & prudent (2). En quoy aufli touts roys &
(a') Panier* (c) jlyant égard,
l^b^ La faute.
(a) La Juflice cxîgeoit fan« doute que le Jeune Jofarafi
réparât le tort qu*il avoit fait ; roaU fa faute cxigcoit-cllo
qu'il perdît la tête par les ordre» mdmc de fonpère? ^rutu»
nous xiwoXiQ , lorfqu'on le voit facrlfier fon propre fils à la
liberté de fon paV*» H "c s'agit ici que d*unc étourdcrie
que TAge rendoit excufable. La Judice pouffée à Tcxcès dans
nn cas pareil, dégénère en une t>ftrbarlç auroce.
FORESTIERS DE FLANDRE. 7^
gouverneurs le deyroyent enfuyvir; non pas
permettre ;> leurs enfans (comme Ton voit au-
jourd'huy) une Ucence tant avantageufe & au-
dace fi ouUrecuydée , qu'il fembl« en plufieurs
lieux, que la principaulté & gouvernement fer-
vent de couverture aux homicides, extorfions,
violences, adultères, raptz de filles & aultres
ijsmblables desbordementz , que leurs enfans &
domefliques, fans aulcune crainte ny vergoîit.
gne (lï), commettent à tous propos, & quand
leur en vient volunté. Au refte, le fufdift Lyde-
rie, gouverna de la forte que avons ja déduift,
le pais & contrée de Flandre, Tefpace de dnc-
quante deux ans , & morufl: plein d'aage environ
- l'anfix çcntz quatre vingtz douze, laiflant à touts
fes fucefleurs & aultres princes qui vîendroyent
après luy un vertueulx exemple pour eqfuyvir,
& à fes fubjeétz un perpétuel regret xJe fon dé-
cès & trépas. Il fuft enterré en grande magnifi-
cence en la ville d'Ayre, Quant i madame Ro-
thilde fa femme, il .n'efl: mémoire du temps de
fon trefpas, & beaucoup moins du lieu de fa fé-
pultiirc. ;
Difconn iê,
Tautheur
fur Texécu*
tion de |uf^
tice faiâe
en la pct-
fonne du
filzaifnéd»
Lyderic.
Trefpas d^
Lyderic
premier de
ce nom.
D*aii 6^2.
Sépulture'
de Lyderic
en la viUo
d'Ayre.
CHAPITRE
X I IL
Comptent les Goths^ Wandales ^ mitres defcen-
dirent fif gafierent le fais de Flandre. Des fuç^
cejfeurs de Lyderic premier de ce nom , enfemhh
delà diverfité d^ opinion f^^ touchant le premier fo^
refiler dudï6t Flandre.
A Près la mort dudîâ: iTyderîc , Antoine fon
fécond filz hx^ fuccéda ; la connivence &
lafche gouvernement duquel ftift caufe de plu-
fieurs maulx, vices & grandz méfus en Flandre,
en laquelle rinîquïté y devînt floriflante , la juf-
Déprava*
tion de
mœurs ea
Flandre.
W Hontif.
' DefccTîte
des Goths
& aiiltres
nations en
Flandre.
D<fgaft8 au
l>at« de ^
Flandre.
Le foreftier
Antoine fe
retire vers
France &
abandonne
fon païs de
Filandre,
f» FORESTIERS DE FLANDRE.'
lice opprimée ^ Tarabition en vogue ^ l'avarice
dominante , . Thypocrifie hault eflevée : bref il
n'y nvoit efpèce de malice qui n'y euft fon lieu
& domination. Au moyen de quoy ilz expéri-
mentèrent affez tort l'ire & indignation du Dieu
tout-puiflant ^ par la volunté & jufte jugement
duquel les Goths, Wandalois, Hunes & aaltres
notions eftranges deCcendirent en merveiUwfe
puiffanoe & à l'impourveu audift Flandre (i)^
t)ont partie fe meit à courir & piller le plat païs,
fans rien oublier de la rigueur de guerre mortelle, à
brufler , faccagier-& tuer tout ce qui fe rencontra
hors des fortz. Lés aultres s'efforcherent de prendre
les portz , villes & forterefles , efquelles ilz trou-
voyent bien petite ou nulle réfîftenee ^ à raifon
que les habitantz par une furprfnfe fi foudaine
& inefpérée avoyent perdu tout leur courage :
y joindant îiue la cruaulté qu'ifs exercèrent eri
aulcunes places , efquelles on avoit voulu te-,
ner (a) contre eulx , oftaft toute hardïeffe aux
aultres de plus leur réfifter. En fomme^ ilz ex-
ploitèrent tellement ^ qu'en peu de temps ilz
eufrent gafté le païs , ruyné plufieurs villes , ab-
batu toutes les principales forterefles, & con-
ftraînél le prince Antoine foy retirer avec les
fiens en France, où il demeura enfemble fes fuc-
cefleurs, jufques au tepips de Charles le Grand,
lequel purgea tout ledift païs avec plufieurs aul-
tres desdiiftes nations barbares. Ne trouvant au
refte aulcunè chofe mémorable , que ayt cepen-
dant efté par ledift prince Antoine , pour le re-
(/?) Tenir j réfijîer, , ., ^' ^
CO Les Goths, m les Vandales , ni ies Huns ne fèfbient
alor? d'incurfions dam hi Belgique. CMtoit le tems où Ie«
maires du palais s'élçvoieot lentçnfcw, ftU tr<ine des Méso-
vingiens. Pépin d'Hériftal réprifnoit les Saxons , comme
bientôt *pr^s Cfearks Martel fon <Hr ^cndfit les Samïîns ÇU|
avoient inondé le midi de la France.
FORESTIERS DE FLANDRE^ 79
couvrement de fes païs , ou faîAe ou attentée.
Lequel Antoine laiffa un filz appelle Bbffaert ,
qui (felon aucuns) fut marié à madame Hel-
wide fille du prince de Louvain, Ce que toutes-
fois me femble aflfez eftrange , pour aultant qu'il
n'eft mémoire que audift temps y euft aulcun
particulier prince de Louvain (2) ; mais au con-
traire, toute la ducé de Lotrice (a) & de Bra-
l)ant eftoit en une main 9 comme tousjours elle
fut depuis , jufques ^n Tan neuf ctnxz quatre
vingtz treze , que Louvain fuft donnée par le
duc Charles de Brabant à Lambert , frère du
conte de Haynault, & ce en avancement' du ma-
riage de madame Gherberghe fa fille (j), & pour-
Des enfaïf^
& fticcef-
feurs do*
dift An-
toine.
Boflaert fo»-
reitier de
Flandre.
{à) Luthier.
(2) Oudegherft obferve avec raifon que Louvain n*avoîc
pas alors de prince dont il dépendît. Cette viUe ne com-
mence guères»à être connue dans l'hifloire qu'au neuvième
fiècle. Le premier comte de Louvain défigné dans les mé-
noires dignes de foi , eft Lambert dont û cft parlé dans un
diplôme de l'an 94a » recueilli par le favant A; Lemire. Selon
Meyerus^ Boflaert ou Burchard dont parle notre hidorien,
étoit fils & non pas petit-fils de Lyderick de Buck , & Hel-
wide qu'on lui donne pour époufe étoit parente du maire du
-palais , Pépin d'Hériftal. Selon le même annalifte , Burchard
ayant combattu pour Pépin à la journée de TcxtH contre
Thierri III. , celui-ci liiî ôta le gouvernement de la Flan-
dre , en lui laiflantiEependant la viUe d'Harlebecque avec le
titre de comte. Il fut le père d'Eilorède , qui^ dit-on , don-
i)a le jour à Lyderic d'Harlebecque. Meyctus n'admet ^u'un
Burchard & non pas deux comme Oudegherft.
(3) La partie de la Belgique , dont il eft ici queftion , fe-
foit partie du royaume d''Auftrafie , & depuis Pépin de Lan-
den , elle avoit prefque toujours été gouvernée par les del-
cendans de ce maire. Elle devint enfuite le partage de Lo-
thaire l'un des fils de Louis le Débonnaire. Quant i ce que
dit Oudegherft que Louvain fut donnée par le duc ÙjaHes
de Brabant à Lambert frère du comte de HaynauH , & ceen
avancement du mariage de madame Gherberghe fa filîe , c'eft
une erreur. Le duc Charles qui s'étoît retiré à Bruxelles où
il avoit fait bâtir v^ palais entre Içs deux brw formel' par
Regin. an.
886.
Sigeb. an.
885.
Cod. don.
piar.c. 32;
Ann. FI.
an. 621.
An. 691.
Eliloré, 61z
dcBoiTam.
Lyderic,
deuxième
de ce nom.
L'an 7^,
DlvcrCité
d'opinion»
touchafît le
premier fo-
reftier de
Flandre.
60 FORESTIERS DE FLANDRE,
.tant ne ra*at eflé poffible fçavoîr qui eftoit cette
dame Helwide^ que le» chroniques dirent avoir
eflé femme dudîft Boflacn, duquel vint Elftore,
& de luy Boflaert le dcuziefme ; toutz lefquclz
fuccefliveraent fufrent contes d'Harlebetque &
foreftiers de Flandre, Mais pour ce que d'iCdulx
ny mefmes de leurs femmes ne fe faift par les
hiftoires aultre rtiention, nous les paflcrons pa-
reillement^ & viendrons à Lyderic, deuxîefme de
ce nom , Riz dudift Boflaert , lequel commença
gouverner Flandre environ Tan fcpt centz quatre
vingtz douze. Toatosfois pour aultant que le
Japs de temps & la diverfité , ou ( pour mieulx
dire) négligence des hiftoriographes oaufent une
grande confufion toueh^vnt ce que concerne le
temps, qualité & païs du premier foreftier de
Flandre, affin (Jue chafcun puilFe librement &
avec fondement adhérer à ce qu'il trouvera plus
conforme à la raifon; nous avons bien voulu
(avant continuer noftre difcours) inférer en ce
paflîigc, l'opinion d'aulcuns hiftpriens, fur Ja
difficulté que deffus. Lefquelz & fignammcnt le
chroniqueur de faînft Bertin^ ne font mention
que d'un Lydcric, difantz, que environ l'an fept
centz trente, & durant le débat qu^eftoit enFran-*
ce entreCbarle3Martel,& Eude, ducq de Guyen-
ne, un jeune chevalier chreftîende raceroyalle,
vint du païs de Portugal (qui lors vivoit fourbi
la damnable & malheurcufe loy de Mahomet)
fc rendre au fervice dudift Charles Martel, qu'il
milita
la Senne , près de Téglife de St. Geri , ne poflTédoit pas k
ville de Louvain , qui appartcnoit aux comtes de Haynaut.
Lambert avoit époufé Gerberge en 97^. Il ne fiit paifible
pofl'elTcur de Louvain qu'en ici a. Il avoit <*té forcé de dé-
fendre cette portion de fon patrimoine contre Godefroy d'Ar-
dennes, ^ qui Henri le JDoitcux en avoit donna l'invcditure*
iPORÈSttÉRS t)Ë FLANDRE, èl
kiilita foubz iceluy tant qu'il vefcut , que rucceC-*
fivement il fervit en toute loyauté le roy i^epin
filz dudift Charles, & depuis l'empereur Char*
les, dift lé Grdnd, que foubz îceulx il exécuta
tant de beaux fajélz d'armes, que après avoir
acquis la grâce dés prîncîpaulx feigneurs de Fran-
ce, lédift Cbarles le Grand en Tan fept centz
quatre*, viiigtz douze luy donna, enfemble à fes
ruccefleui-s perpétuellement, le pais & foreftaige
de Flandre, que ayant iceluy don, il fe retira
vers Harlebecqiie fur ié Lys, que iGnablement il
fe maria à Emergaert fille de Gheraerd de Roflîl-
lon , & que d'icelle il euft un feul filz nommé
Inghelran. Je ne fcay 3*il s'en trouvera, qui con-
férant le narré defdiftz autheurs, avec ce que
jufques ores avons déduift en la préfente hiftoî-
re, adhère à l'opinion d'iceulx. Quant e(l de
moy, je la treuve fort extravagante & du tout
fabuleûfe. Et premiers Ça) pour auitant qu'il n'eft
vrayfemblable que un tel pais, comme eftoit
ceftuy de Flandre, fufl efté lors fans vrày & lé-^
gitime héretier. D'avantaîge fi voulons prendre
pied au temps qti'ilz difent ledift Lyderîc élire
venu en I^rance , fauldra néceflairemeiit conclur-
re, qu'il avoit quatre vîngtz ans, ou guerres
moins, lors qu'il fe niarîa & avant qu^îl euft pro-
créé aulcun enfant. Ce que toùtesfoîs lefdiélz
hifioriens paflenf aflez légiérement & comme s'il
fe fuft marié en aage & temps ordinaire. Fina-
blement, ilz difent que ce Lyderic, peu fatif*
faia du don qu'en récompenfe dé fes fervjces,
l'empereur Charlemaigne luyauroitfaift de la con-
trée de Flandre, s'en feroit eu forme de mefpriSj
&par moquerie faift appeller foreftierj à quoy
Difcourade
Taudieùr
for ladiâè
diverûté
d*opinioiiS4
(tf) Prmlhrfmcnt,
^a FORESTIERS DE FLANDRE.
aufll y a fi petite apparence, que ce ne me fem-
ble mériter aulcune refponce. Je me contenteray
doncq de feulement déclarer, qu'en regard à la
qualité dudîft païs de Flandre (telle qu'au com-
mqncement de celle hîftoîre avons fpécifié^ tout
Chap. I. prince pour grand qu'il fufl: efté, quelques fer-
yîces qu'il euft fceu faire à la couronne de France,
fe deuil, d'un femblable don, avoir tenu pour
très-content & bien récompenfé, & à plus forte
raifon, un pouvre prince & eftrangier, quel ilz
4ifent avoir efté lediél Lyderic. Au regard de ce
qu'ilz fouftiennent le Lyderic en queftion , avoir
efté le premier foreftier, le contraire fe manifeftc
par les épitaphes que deflus, par la fondation de
la chapelle de noftre Dame (où préfentement eft
l'églife fainél Donas à Bruges) faifte par le pre-
mier Lyderic, & au temps de monfieur fainft
Amand, par les parties de terres & feîgneuries
données avec la princefle Rothilde par le roy Da-
gobert, en avancement du mariage entre lediâ
Lyderic & la fufdîéle pritrcefle, & par plufieurs
aultres raifons trop longues à réfumer; oultre ce
qu*eft notoire que lediél premier Lyderic fiit en-
terré en la ville d'Ayre, & le fécond à Harlebec-
que. Parquoy, adhérantz &perfiftant2en noftre
première opinion , enfemble continuantz en la dé-
duftion de la defcente & poftérîté des foreftiers
de Flandre, félon noftre fufdiéle defcription , efti-
mons & foubz correftion , difons que ceftuy Ly-
deric, lequel en l'an fept centz quatre vingtz
douze, obtint par l'ayde & aflîftence de l'empe-
reur Charles le Grand le gouvernement de Flan-
Dcicente ^^^» ^^^^^ ^'^ ^^ Boflaert le deuxîefme, fîlzd'Ef-
de Lyderic tore, filz de Boflaert le premier, qui fut engen-
deuzkfme dré d'Antoine fécond filz du très-preux & très-vic-
torieux Lyderic, premier de ce nom.
FORESTIERS DE FLANDRE, «j
CHAPITRE XIV.
i^omment Lyderic deuxiefme de ce nomreprint Jegotê»
vernement de Flandre ; des femmes É? trefpas
d^iceluy , avec aultres chofes mémorables •
NOus avons cy-^deffus laiffé le pouvre pais de
Flandre en grande néceffité & extrême dé-
folatîon, foubz la domination & tyrannie des
Goths, Wandalois & aultres nations barbares (i):
entendez maintenant que le Dieu fouverain, le-
quel eft accouftumé ijous vifiter pour noz dé*
mérites & méfus, & puis après quand fon divin
plaifir le porte , nous foulager pour Ta îeule clé-
mence & miférîcorde , meû de pitié fur raffliftiott
de fon peuple, furcita le preux & magnanime
Charles, furnommé le Grand (2): lequel obtint
fur icelles nations barbares plufieurs belles & mé-
morables viftoires, au moyen defquelles il pur-
(i) Noiw avons déjà 6bfervé que le règne de ces peu-
ples barbares étoit palTé.
(2) Il fut proclamé empetèuf d'Occident, Tan 800; prin-
ce lau-deflus de fon frècle, légiflateur, conquérant, ref-
taurateur des lettrîes,' & Tun des plus grands monarques,
fi fa févérité envers les Saxons vingt fois rebelles, ion
injuftice envers fes neveux & fa faiblefle pour les fem-
ines , n'avoient un peu terni l'éclat de ies belles qualités
& de fes grands talens. „ Il ne port oit en hiver , dit Egiti'
•, bardj qu*un fimple pourpoint fait de peau de loutre fur
^ une tunique de laine bordée de foie ; ' // mettoit fur fei
ff épaules un fayon de couleur bleue ^ & pour chaujfurer^
nil fi fervoit 4t Mandes de dt'Oerfes couUurf , cfoifies les'
^ unes fur les autres. On le voyoi,t p^er rapidement ^
n ajoute le P. Hénaut, des Pyrénées en Allemagne ôt
^d'Allemagne en Italie: il rempUflpit le mondq de fon
n nom : c'étoît l'homme de la plus grande taiDe ,• & le
M plus fort de fon tems. ïout cela reffcmble affez aux hé-
M ros de la fable ; mais ce qui ne leur reflemble pas »
„ c'eft qu'il penfoit que la force ne fert qu'à Vaincre , ^
9 qu'il faut des loix jpour ^ouvemeir*
la
Muratori
Ann. Italie
t. 4; p. 3^«'
Âbr. chrotf •
an, ,8i3«
Charles le
Grand,pur-
ge le païs
de l^andre
des Goths
& aultres
nations. _
Harangue
de Lyderic
à Charles le
Grand pour
le recou-
vrement de
fon païs de
Flandre.
84 FORESTIERS DE f LANDRE,
gea toutz fes pîiïs, & çntre aultres ceftuy dé
Flandre des fufdiéles nations à fon perpétuel hon-
tieur & incompréhenfible fupport de fes vaflaulx
& fubjeélz. N'eftant ores délibéré de particularî-
fer le nombre, temps, & lieu defdifts exploiftz ^
& chevalereufes exécutions d'iceluy Charlemai-
gne, ^ant à raifon que ceftuy qui' en fera curieus
en pourra par la leÂure des chronicques françoi-
fes retourner les mains pleines , que pour aul-
tant que ceft hiftoire eft dédiée à aultre fainft,
il fuffira doçc vous advertir, qu^ entre ceulx
.lefquelz tîndrent bonne compagnie, & donnèrent
affiftence audifl: Charles le Grand , Lyderic deuxief-
me de ce nom ne fe trouva le dernier.- Lequel
partant, incontinent que lefdiftz barbares furent
expulfez du pâïs & contrée de Flandre & que
ledift Charles le Grand euft mis fin aube affai-
res qu'il avoit de plus grand pois & importance,
fe préfenta devant ledift Charlemaîgne, & luy
dift: „ Sire, encore que le peu de fervice que je
„ vous ay faift jufques icy , mérite non point
„ récompenfe, mais le moindre gré, du monde,
„ néantmoins confidérant la bonté de voftre Ma-
„ gefté, fa libéralité & gentil coçur, auflîqueje
„ croy que avez desjà quelque affeurance de coin- *
„ bien je fuis voftre, & le dangier où je vout-
■ „ droys mettre ma propre perfonnc pour chofe
„^ qui vous tournaft en fervice, je me fuis en-
„ hardy vous faire la requefte que préfentemenr
„ entendrez „. Et lors luy commença déduire fa
généalogie , la libéralité dont aultresfois le roy
Dagobert avoit ufé vers le très vertueux Lyde-
ric, duquel il eftoit defcendu en ligne direfte,
& par Conféquent néceffaire héritier, la venue
des Goths , Wandales & aultres nations îiu paR
de Flandre, Texpulfion du prince Antoine fon
, bifayeul hors d'iceluy païs & finablement qu'eff-
ilant ledift païs par la.prouëffe & chevalerie de
ce à
(on i
vme
j ^^oyei
M û prov
yhmnu
jli foulait
r^ nom,
/accorda t
j^Lyderi
mze en J
/•^Wed'ai
mJks il ^
Fjufticei
h dame d
91 Char/en
P<^Ot des nA
\7^ do-,!' Pfou
FORESTIERS DE FLANDRE. 85
fe Majeftë réduîfl: foubz la couronne & obéîflan-
ce de France, eftoît en elb d'en difpofer; félon
fon boji plaifir & volunté, & que néantmoins,
veûe la fidélité qu'il & fes prédéceffeurs luy
avoyent tousjours gardée, fupplioit que pleuft à '
fadia piagefté luy rendre & remettre entre maîhs
la provîncç .dp FUndre, moyennant toutesfois
rhommage, & foubz les conditions aufquelles
la fouloit pofféder le fufdift Lyderic, premier de
ce pom. Ce que Teroçereur Charlemaigne luy'
accorda afTez facillement, & fuyvant ce le prin-
ce Lyderîc vînt en Tan fept çentz quatre vingts L'an 79a.
douze en Flandre piour s'inyeftir dudid: pais, en-
femble d'autres fes terres & pofleffions (3). Lef-
quejks il gouverna en toute intégrité , prudence
& juftice l'efpace de feîze ans : il euft à femme
jine dame d'AUemaigne bien principalîis , ^ppejlée
(3) Charlemagne ne donna ^ pas plus la Fland/e à Lyde»
rick d'Harlebecque, que Dagobert ne Tavoit donnée avec
une partie de la Picardie à Lyderick de Bucq. Le gouver*
neraent des côtes maritimes dont cet empereur im^eftit,
en 792 , Lyderick d'Harlebecque pouvoit être en partie la
récompenfe des fervices qu'il en ayojt reçus ; m»is ce n'en
étoit pas moins un bénéfice amovible. Ces fortes de béné-
fices paflbient ordinairement du père aux enfans ; mais il
falloit le conftntemen; du fouverain. Au refte , il eftvrai*
ferablable qiie « indépendamment de fon gouvernement , Ly-
derick avoit des poflçffions propres &; des aUcuds Ubres ,
foit qu'il Ic^ tinï delà générofiti des rois, foit qu'il les eût
acquis m hérités 4e fes pères. , Telles étoient peut être
les feigneuries d'Harlebecque , de Bruges & quelques au*
très que Baudoin Bras de Fer paroit avoir poflfédées à tître
d'hérédité. L'exemple des Pépins & plufieurs autres-que
fournit l'hilloire , prouvent que les rois francs & leurs
fucceffeurs donnèrent fouvent le gouvernement des provin-
ces à ceux qui, dans ces mêmes provinces,- poflédoient
déjà de grands biens. Ce' fut quelques années après , & Mev^r an'
vers l'an 795., que Charlemaghe tranfplania dans la Flandre j^g3^i^ec".,
une colonie de Saxons: cum liberis uxoribufquc (^Saxoncs) desHift.de
traduxit in Galliam bdgicam , oceani orà ad incoUndum Fr. t. 5 p.
m dat4 y jujfoquc cam tutari Lydcrico maris prafc^o, 65.
86 FORESTIERS DE FLANDRE,
Flandrine , maïs Ton ne treuve db quelle maffori
De la fem. elle fuft 9 encores que aulcuns tiennent qu'ellfe
Lydçric/'' ^^^'^^ fi"^ ^^ ^"^ ^^ Brabant. S'il eft aînfi ,
je ne fcay pourquoy ilz la difent d'AUeniaigne $
ftultres efliment qu'il n'euftladiéte Flandrine; mais
bien une qui fe nommoit Emergaert (a) , fille de
Gherard de Roffillon duc ou conte de Bourgoi-
gne (4), qui fut ceftuy mefme, lequel environ ce
Qa") Ermengarde,
C4) C*e{l pour la féconde fois qu*0D voit paroltre for
la fcène les noms d*£rmengarde & de Gérard de Roullil*
Ion fon père. Au chapitre III. , Ermengarde eft mère de
Lyderick deBucq; ici la femme de Lyderick d'Harlebec»
que porte le même nom. Au chapitte III. , elle eft époufe
d'un prince de Dijon , ici elle eft la fiUe d'un duc de Bout-
gogne. Enfin au dhapître III. , comme ici , Ermengarde a
pour père Gérard de Roffillon. Ces perfonnages ne peuvent
pas cependant être les mêmes. Si l'exiftence des premier
paroit plus que douteufe« celle des derniers eft appuiée
fur des témoignages refpcdables. Nous pourrions cher
avec Oudegherft ^ Meyerus , plufieurs écrivains qui don«
nent pour époufe à Lyderick d'Harlebecque, Ermengarde
fiUe de Gérard de RouflUlont Celui-ci de voit donc exifter
vers le milieu du huitième fiède. H polfédoit de grands
biens dans le Haynaut: Jacques de Guife dit de lui dans
fes Annales dont la traduction manufcrite fe trouve dans
la bibliothèque de Bourgogne à Bruxelles : „ Chilz Ge*
Ann. de » f^rs , fumommé de RouiOllon , euft à femme la fille de
Hayn.l.il. ,, l'empereur de Conihmtinoble foer de le femme Charles
<• *8. ^ Martel. ... Et pour ce que le dit Gerars n'a voit nul cn-
,, fant procréé de fa char , il fit fonder plufieurs églifes
ip en la conté des Nervcs & de Brabant , comme l'abbaye
I, de Leufle. Item l'églife noftre Dame d'Antoing. . . . Item
„ l'églife noftre Dame de Condé. . . . Item l'églife de St. Her-
M re de Renais. Item Péglife de Roiaulcourt. Item l'églife
,» de Houltain & encoircs plufieurs aultres fift en la conté
M de Nerves êc de Brabant. ^ De Guife le fait également
fondateur de la viUe de Grtmmont, manfum Gerardi & dm
cafi^eJ de Henné <rtti fiet entre Engbien & Gcrarsmçnt.
Quant à la fondation de h ville de Grtmmont « Oude-
ghertl, au chap. 45, Marchantius & d'autres Tattribnent
avec plus de raifbn à Baudoin de Moos. De Goifb placs
FORESTIERS DE FLANDRE. %i
temps tranflata (a) le corps de faînfte Marie Mag-
daleîne de la cité d'Acqueufe (jbi) [que les Sarra-
fins avoyent deftruift] en un monaftère qui fe
diToît monàjierium Fîceliacum (c) , que ledift Ghe-
rard avoit mefnie fondé. Il pouroit eftre que les
uns & les aultres eùffent raîfon , & que le fecona
Lyderlc euft deux femmes fucceflîveraent, l'une
après Taultre, fçavoir la difte Flandrine, &
Emergaert. De l'une defquelles il euft un feul filz
nommé Inghelram , aliàs Engueran, qu'il feit foî-
gneufement eflever , & pourveut de bons maiftres ,
prudentz&diligentz.| Entre toutes les vertus dont
ce Lyderic eftoit doué , je treuve qu*il excelloit les
(jO Transféra. (c) Vézelai ^ 'otlh & ahhaU
ip) Aix en Provence. du diochfe d^Autun dans
le Nivernois.
les principales a^onsde ce Gérard vers le milieu du huitiè-
me fiècle & fous le règne , ajoute-t-il , de Louis le Déboîv
Dtire, ce qui eft une erreur chronologique très-palpable;
pmfque ce prince de monta fur le trône qu'en 814. Com*
ment Gérard , s*il vivoit fous Louis le Débonnaire , a-t-il
pu, comme il le dit encore, faire la guerre contre Char-
les Martel mort en 741 ?
D'un autre côté, l'auteur de la vie de St. Bodinon^ . ^ ^
M. l'abbé Ghefquière , prouve évidemment par le teftament ^^^ ^ ^
même de Gérard & par d'autres autorités également irré- p, j^q* ^
fragables que Gérard de Rouflillon , fondateur & bienfai- 351,
tcur de plufieurs églifes dans la belgique appanient au
milieu du neuvième fiècle & qu'il vivoit réellement fous
les règnes de Louis le Débonnaire & de Charles le Chauve,
Selon de Guife , il n'eut point d'enfans ; mais s'il eut une
fille, eft- il probable qu'elle ait été l'époufe de Lyderick dont
on fixe la mort en 812, dans un âge très-avancé. Con-
cluons donc, ou que l'époufe de Lyderick n'étoit point
la fille de Gérard de RoufliUon , ou que fi elle s'appelloit
Hermengarde , elle a pu être iflue d'un autre Gérard
que les chroniqueurs des fiècles fuivans auront con-
fondu avec le Gérard de Rouifdlon dont les pieufes
libéralités ont dû perpétuer le fouvenit longtems encore
après la mort.
Lyderic
f doit boa
|ufticler..
Juftice ,
fondement
4e8 citez ôc
de Ja com-
pagnie hu-
maine.
Offices de 1^
Jutticç.
L'homme
principale-
nient né il
juftice.
88 FORPSTIISRS DE FLANDRE.
aultres de fpn temps en celle de juftice , ne four-
lignant (d) en ceft endroift aulcunement de la
bonne indination de Lyderic le premier, fon pré-
déceffeur. Auflî n'ignoroît-il que le plus grand
bieji que peult advenir en un royaulme, provins
ce , ou cité , foit robfervation de bonne juftice ^
& que oultre ce qu'elle faid; les fondementz de
compagnie humaine, la congrégation civile ne
peult fans elle confifter. Voyià pourquoy le phî-
lofophe difoit : que tout ajnrt que l'homme entre
tous les aultres animaulx vit le plus p^rfaidle-
ment, aufll devient il le pire & plus defnaturé,
quand il fe départ de l'acçoinftance & compag-
nie de juftice; le premier lieu & commandement
de laquelle eft fe monftrer débonnaire envers
Dieu, de la vertu duqi^el, entre toutz les anii
maulx, le feul homme eft fai<t participant, \tj
quel côgnoift Dieu, l'honnore & révère, comme
autheur du monde & fafteur de toutçs chofes;
& par ce que il le voit fouverain çn juftice, eft
lîéceflaire qu'il fe monftre imitateur d'icçUe: du
moins s'il prétend tenir de la nature de l'hom?
me. Laquelle eftant trop plus fociale que celle
des aultres beftes, & confidéré que nullç cora*
paignie peut fai]s juftice fubfifter, convient infé-.
rer que l'homme eft principalement né à juftice,
& que pourtant il* d.ûbt eftre d'dcelleiur toute
aultre chofe foigneus & curieus , félon qu'eftoit
noftre bon Lyderiç, lequel n'efpargnoit travail,
temps, dangîer, ny dcfpcns, pour purger foir
pais des volleurs , larrons , & aultres gens defem-
blablequallbre, dont en avoit audift païs nombre
compétent & grande quantité, comme aflez ex-
périmenta le huidtiefme Abbé de fainél Pierre
(jO Ne 4ég4ndrant,
FORESTIERS DE FLAî^RE. 89
fiommé Hildebert (5), lequel en Tan fept centz
quatre vingtz treize fut en h ville de Gand mal-
heareufement & piteufement. meurdry. Mais ce
ne fuft fans chaftoy fubfécutif & exemplaire juf-
tice des coulpables & complices dadid mcurdre,
lefquelz le prince Lydcric feit chercher en toute
diligence, & après exécuter , d'une mort la plus
terrible & angoifleufc, dont lors on fe povoit
advil^r. Car ilz fufrent defchirez par quatre
chevaulx de la mefme forte que monfieur fainct
Ih'ppolite avoit auparavant efté martyrizé* Le
pape Eftienne qui lors préfidoit à Rome, adveriy
de la mort dudiâ Hildebert, fubrogua au lieu
tf'îceluy Egilfiridum lors évefque de Liège , lequel
tranOata de" Lotrice & apporta à Gand le corps
de madame faindle Pharahauld (a) avec pIuGeurs
;iultrcs belles reliques. Au mefme temps fi com-
me environ l'an fept centz quatre vingtz fcize
Pempereur Charlçmaigne fe tranfporta audict
Gand, tant en intention de vifiter la ville, & le
Uildebeit
abbé ôc
St. Pierre
léz Gand
meurdry.
PuniDqp
des meiir-
dricrs da-
did ?bbc.
EsiUridus
évefque de
Liège de-
vient abbc
de Sainâ.
Pierre.
L*an 795.
(r) Sic. Pbarstldc.
(5) Le huitième abbé de St. Pierre fat Sceramamonipûr
fibkment en 812. Uildeben fat abbé de St. Bavon & fat
tué en effet en 752. dans une émeute populaire , pour s'être
âevé contre des perfonnes qui vouloient bannir des églifes
les images des faints. La tnmflation du eofps de Ste. Pha-
nïlde dont il eft parlé un peu plus bas eut lieu en 754. ,
foos le pontificat d*£tienne fécond , le même dont le fuf-
fra^ confirma l'élévation de Pépin le Bref fur le trône des
François.
Le refte de ce chapitre n^eft pas conforme à la vérité
hifiorique. Ce fut vers Tan 75^5. que Charlemagne trans-
pbnca les Saxons dans la Belgique. Auflitôt après cette exécu-
tion, il tourna fcs armes contre les Abcrcs qui habitoi:nt
r Autriche & la Hongrie. Ce fut Tan 811. qu'il vint du pon
de Boulogne au port de Gand , pour y vifiter b floue qu'il
yfefcitéquipi)er contre les Normands: Ccrclus Mcgnt;s im-
ffTctor de Bonoatd ad Scaldîm fiuvium in hco qui vQcaîur
Caaddvum acccft.
Sandcri
Flandr. iî-
luft. t. ù L
4. Edit. de
la Haye.
Molan. Na-
tal. 4 Avril.
Annal. FL
an. 754.
Bouq. t. V.
p. 65. & le
P. llcnaut-
Chron. D.
Bav. an.
«12.
D. Bouq.
t. 5. p. 60.
ti6u
L'empe-
reur Char-
lemnigne
vient vifi-
ter la ville
^ reliques
fiflantz il
fainél Pier-
re k Gand.
L*aii 808.
Décès de
Lyderic ,
deuzigûne
de ce nom.
L^an 823.
La force du
foreftierln-
ghelram.
90 FORESTIERS DE FLANDRE.
monaftère de Saînft Pierre, que pour veoir les,
fainftes reliques que. nouvellement y âvoyent elle
apportées, aufquelles il feît plufieurs offrandes &
de grande valeur , & après avoir féjourné quatre
mois en ladifte ville de Gand , où le prince Ly-
deric luy feit le meilleur & plus honnorable
traitement qu'il luy fuft poffible, H retourna en
France , laiffant au pais de Flandre ledift Lyde-
ric, lequel gouverna paifiblement ladifte conté
de Flandre, jufques en Tan huift centz' & hui<îL
qu'il mourut en (avilie d'Harlebecque, en laquelle
auffi il ftjt enterré. Mais je ne fcay que devin*»
drent ny Tune ny l'autre defdiûes femmes.
CHAPITRE XV.
De Ingheiram fi? Andacer (a) forefiters de Flan^
dre; & comment lediâ Andacer au moyen de fa
hyauhé acquit de Fempereur Louys le Débon-
naire^ les contés d*Arras fif de Boulongne.
A Lyderic le deuxiefme fuccéda Ingheiram fon
filz, lequel* fut prince deBucq, conte d'Har-
lebecque & foreftîer de Flandre quinze ans con-
tinuelz. Il commença régner en l'aq huit centz
& huift , & mouruft l'an huidl centz vingt &
trois. Je ne treuve de luy aufcune chofe mémo-
rable par efcript (i), fors qu'il eftoit fi fort &
Meyer. An-
nal. Fland.
•n. 808.
(/z) Autrement ^ Odoacre.
0) n s'appliqua furtout à réprimer les brigandages ôc les
pirates qui infeftoient les mers , à défricher des bois 6c à
deffécher des marais. Il veiUoit à robfervation des loix fai-
tes par Charlemagne. Il bâtjt plufieurs églifes & répara plu-
fieurs forterefles que les Vandales & les Huns avoient dé-
truites quelques iiècles auparavant. Enfin il fecondoit , pour
la richefie future de la nation , les fatigues des moines qui
d^un c6té fertilifoient la terre par les travaux de ragrical-
ture » & de l'autre éclairoient les e(prits.
FORESTIERS DE FLANDRE, ^i
robufte de fa pcrfonne, qu'il n*y avoit en fon
temps homme qui ofaft lufter contre luy. Au
relie il laiflat un feul filz nommé Andacer , du-
quel Ton ne cognoit la mère.' Durant lé Gouver-
nement de ceft Inghelram en Flandre, & par toute
la France tomba fi grande quantité de grefle,
que les hommes & beftîaulx ne fçavoyent où eux
faulver: mefmes fe trouvèrent par rimpétuofitè
des ventz & violence de la foudre pluficurs niaî-
fons renverfées & bruflées , & la meilleure part
des fruiftz par tout gaftée : dont fourdit une
bien grande & généralle famine avec une infinité
d'autres malheurs, qui fervoyent de tefmoîgnaige
très-certain de Tire & indignation de Dieu con-
tre les habitantz desdiftz païs. Après le trefpas
dudiA Inghelram^ lequel fuft enterré en Téglife
defaînft Saulveur à Harlebecque , Andacer fon filz
Juy fuccéda, tant en la princîpaulté de Bucq &
conté d'Harlebecque qu'au foreftige de Flandre,
& commença gouverner l'an huiét centz vingt
& quatre. Ce fuft un prince fage , magnanime
& loyal & lequel fuyvant le ferment de fidélité
qu'il avoit à l'empereur Louys le Débonnaire,
fit audiél empereur es adverfitez & débatz qu'il
euft contre fes enfans & principaulx barons de
fon royaulme tout fecours & afllïlence à luy pof-
fible (2). Au moyen de quoy il fuft merveilleu-
fement aymé dudîél empereur & depuis par ice-
luy grandement récompenfé de fes fervices &
loyaulté. Car il luy donna avec la région dé
Tempcfte
enFlaôdif.
Famine en
Flandre*
Décès du
foreftier In-
ghelram.
Andacer
foreftier de
Flandre.
Andacer
fut tous-
jours loyal
k l'empe-
reur Louyi
le Débon-
naire.
La loyaulté
de Andacer
récompen*
fée.
(•2) Deux fois ce malheureux prince fut fait prifonnier
par fes enfans/ La féconde fois, il fut conduit à St. Mcdard
de Soiflbns, où Ton le revêtit du fac & du ciliçe; mais
il trouva , parmi les religieux de cette maifon , l'adoucif-
fement aux maux dont Taccabloient fes enfans. Il loiir dut
la confervation de fes jours & fon rétablilTcment fur le trône.
n trouva la mort en 840 , dans une expédition qu'il fit con*
Ue fon fils Louis ^u*il avoit créé roi de Bavière.
pt FORESTIERS DE FLANDRE.
/
t'fîérouanne les contez d'Arras & de Boulohgne (3)
à luy efcheûes par droift de confifcatîon^, poyr
Cs) Cette ampliation de gouvernement paroît plutôt avoir
» été faite k fon prédécefleur Inguelram , parce que dans un
: capitulaire de Charles le Chauve , les comtés de Noyon , de
Vermandois , de Courtrai , d'Artois & dç .Flandre , fonç
^^%' appelles les comtés d'ingueiram: In Noviomifo ^Fcrmendifo^
^7'V* * f Adcrtifo , Curîricifo ^ Flandrd^ comitattbus IngilramL Par
ce capitulaire donné à Servais, ^/«^ Salviacum , en 853, jl
eft évident que Inguelram avoit réuni plufieurs comtés fous
un feuj gouvernement. U n'eft pas moins certain qu'il vi-
voit encore en 855, puifqjife fon npm fe retrouve parmi
ceux des comtes qui» cejte anné^I^, prétérenç ferment dans
le fynode de Kierfy. Il n'étoit dope pas mort en 824. , com-
me le difent quelques annaliftes. Ori quelle place affigner
a cet Odoacre qu'on lui donne pour fuccefleur jufqu'en
837., qu'on place Bai^doinBras dç Fer à la tête du gouverr
nemei^t? J'avoue que je ne puis me dçfendre d'adopter ici
l'opinion de Vredius , qui fuppofe avec beaucoup de fonde-
•ment qvL*Judoacre ou jfudûcer n'eft qu'un fumoin donné à
Inguelram ou à Baudoin Bras de Fer , furnom fondé fi^r le
caradère a^if 6ç ferme que l'hiftoire prétç à l'un & U'autre,
& appuie fur une analogie très -probable avec Içs devoirs
qu'ils avoient à remplir pour la défenfe du pays. „ Çonjicio
„ confiétum effe nomen e cura cuftodiae maritimae , dum exhor-
Vred. FI. ^^ ^^ndo cuftodes, fepiùs proftuntiant : bond u ivacker; quod no-
tnn.p.599. ^ bisfignificat» vigiUm te tene, Inde natumOdo.icer ôcAudt^
„ cer, Jngelrami feu Balduini agnomen, nataque fabula dç
„ Audacro feu Odoacro Ingelrami filio Balduini patrCf,, In-
guelram , vers le tenjs où l'on place la mort d'Odoacre , aura
cédé une partie de fon gouvernement à Baudoin , c'eft-àdirc
la Flandre proprement dite alors , & qui comprenoit furtout
le territoire de^ruges. Aufli verrons nou? plus bas que»
dès l'an 840. , Baudoin jpuiflbit du titre de marquis , mt'
Mo ou cornes limitaneus. En retranchant Odoacre du nom-
bre des gouverneurs de la Flandre , tout ce que lui attri-
buent les annaliftes appartiendra à Inguelram ou à Baudoin.
Ce font avec plufieurs terrains incultes abandonnés à des
' cultivateurs , la conftruaion de quelques fortifications au-
tour des villes de Thorolt, de Calais, de Courtrai, d'Au-
denarde & de Gand. Ces travaux éti)ient l'effet de plufieurs
ordonnances rendues par Charles le Chauve , pour la fureté
des provinces maritimes qui fe trouvoicnt les premières cx»
pofées aux infultes des Normands.
PORESTIERS DE FLANDRE. Jj
autant que Froymont d*Arras , qui en eftoît le
vray héritier &poflfefieur, s'eftoît^ comme attaindl
-& convaincu; du crime léfée majefté , rendu fu-
gitif vers les Sarrafins qui eftîont les Hifpai-
gnes. Quant, à la femme de ceft Andacer , les
chronicques n*en font aucune mention. Toutes-
fois je treuve par un viel regiftre qu'il fut ma-
rié à la fille d'Anfelme conte de fainft Paul , &
que d'icelle il euft un feul filz nonnné Baudouyn,
depuis furnommé Bras de Fer , ou à raifon de
fa magnanimité & vaillantife , ou pour ce que
toujours il eftoit armé , & ordinairement il por-
toit fur fon haulbert («) des pièces de fer fort cle-
rcs & reluyfantes. Or ledift Andacer mouruft ea
Pan huîft centz trente fept , après avoir bien &
vertueufement gouverné Tefpace de treize ans la
province de Flandre, & fuft enterré à Harlebec-
que lez (A) fes prédécefleurs.
De II fem-
me du fo-
reftier An?
dtc^r.
Pourquoy
Baudouyn
futfumom''
mé Bnisde
Fer.
L'an 837.
Trefpas &
enterre-
ment dHfo-
reftier An-
dacer.
CHAPITRE
X Vxl.
Des vertus & bonnes conditions de Baudouyn Bras
de Fer^ foreflier de Flandre. Comment il «w-
mena ^ fe maria ^ fans le fceu du roy Charles
le Chaulve^ à madame Judith fa fille ^ & de la
guerre qu*à cefte occafion fourdit.
A Près ledift Andacer vînt Baudouyn fon filz ,
furnommé Bras de Fer, le gouvernement
duquel commença en Tan huift centz trente fept,
D eftoit de haute ftature & avoit le teint un peu
brunet , le corps membru & nerveus , & néant- *
moins merveilleufement difpoft & agile , & fur
tout eftoit bien à cheval : il avoit le parler amia-
ble & éloquent, penfant bien à ce qu'il debvoit
dire, devant que le pronuncer. Il n'aymoit pas
la vengeance , finon entant qu'il eftoit de befoing
DefcriptfOft
tant du
corps que
tles vertua
de Bau-
douyn Braa
de Fer.
{0i)E[^lce de cuirafc ou de cotte de mailles, (Jf^Prh,
%e ilapepr
dangereux
bnnemydes
jpciticei.
Un prince
doit crain-
dre la dés-
obéilTance
en un
camp.
Baudouyn
jBras de Fer
tient le par-
ly de l'em-
pereur Lo-
taire contre
tu frères.
5^4 BAtfDOIN PREMIER,
de Texécuter fur les mefchantz , pour fatisfeîr«
à la réputation de fa grandeur, ou (pour mieux
dire) au debvoir que fon eftat & dignité requeN
royent; ayant fur tout eu haync mortelle les flat-
teurs, parce que un prince ne peult avoir pire
enneray que un flatteur: de forte que quand H
cognoîflbit aulcun de {ts gens (pour grand &
favorit qu'il fuft) ufer de flatterie, il le chaflbit
Incontinent de fa maifon. En fa fréquentation fa*
milière il fe rendit fort cbmpagnable (a^ , fans
toutesfois fe faire tort de trop s'abaifler. Davan-
tage entre les vertus il avoît la libéralité en fin-
gulière recommandation, tellement qu'on povoit
dire, ijue fes biens luy appertenoyent en propriété»
mais la pofleffion & Tufage en eftoit commun à
tous ceux qui luy faifoycnt fervîce. Au nioyen
de quoy, il acquifl: bonne réputation vers un
chacun , & la bénévolence de fes vaflaux & fol-
datz 9 qui luy ferveît grandement aux guerres qu'il
euft contre les François (i) & aultres, félon que
vous entendrez cy-après* En temps de guerre
îl tenoit contenance un peu plus févère qu'en
temps de paix, & ce pour aultant qu'il fçavoit
que un prince doit fort craindre la désobéiffance
en un camp , laquelle fouventefoîs a faift perdre
plufieurs batailles; oultre ce que notoirement
les forches d'une armée s'augmentent de beau-
coup par l'obéiflance qu^on y porte au chef &
condufteui* : bref toutes les vertus requife* en
un prince eftoyent en luy. Au commencement
de fon gouvernement, es divifions qu'eftoyent
entre les enfans de feu l'empereur Louys le Dé-
bonnaire, il tint le party de l'empereur JLotaire
(tf) Jcceffikle , populaire,
CO II n*eft pas probable qu'il ait jamais eu particulière-
ment aucune guerre contre les François , comme nous le
prottverpns plus bas.
suRNtoMMé BRASDEPER. pS
contre Louys & Charles , difl: le Çhaulve , fea
frères, mefmes fe trouva en la fameufe rencon-
tre & bataille qui fe feit entre lefdicftz frères à
Fontenay , où il fe pourtoit fi vaillamment ,
qu'^rès y avoir exécuté plufieurs beaux & ex-
cellentz faiâz d'armes, il fuft tellement navré,
qu'on le laiffa pour mort entre ceux qui en la-
dîfte bataille furent tuez ; mais le lendemain , il
fuft recognu à fes armes, & par le moyen d'un
fien amy ( dont on né fçait le nom) tiré du 'camp ,
faulvé & renvoyé en fes païs (2). Àufquplz il fe
tint pour quelque temps fans faire ehofe digne
de mémoire , jufques à ce que adverty de l'in-
comparable beaulté de madame Judith , vefve de
feu Adulph roy d'Angleterre (3) , & fille de Char-
les de Chaulve Roy de France, il en devint ex-
trêmement amoureuz, que lors ayant entend^
Lt bfttâfllQ
de Fonte*
nay.
Bandouyn
Brai de Fer
laiffé pour
mort en la
J'ournée de
?*ontenay.
Baudouys
Bras de Fer
devient
fimoureux
de madame
ludith de
rnmce.
(a) Il faut s'^n rapporter pour ce fait à' la bonne foi de
l'auteur , qui écrivoit fans doute d'après des mémoires qui
font perdus pour nous. Au refte l'aventure de Baudoin dans
les champs de Fontenai ne répugne ni aux circonftances du
tems , ni à fon caradère guerrier , ni aux deyoirs qu'il avoit
\ remplir à l'égard de Lothairepour lequel il s'étoit déclaré,
après la mort de Louis le Débonnaire. Fontenai en Bour-
gogne eft célèbre par la vidoire que Louis de Bavière &
Charles fe Chauve remportèrent fur Lothaire , fie dans la-
queUe il périt , dit-on , près de looooo. hommes.
(3) Plufieurs hilloriens anglois 6ç les capitulaires de Char-
les le Chauve l'appellent iî^thelwulfe , Adelwulfc & Edelul-
phe. U fut le premier époux de Ju^th qui n'avoit que 10.
ans , quand elle l'époufa. Ce prince étant mort en 857. 6c
le mariage n'ayant pas été çonfommé , çUe époufa Ethelbalde
ou Adelbalde fon fils d'un premier mariagp & qui mourut
en 860. Judith étoit revende à la cour de fon père, fie eUe
vivoit à Senlis , lorfque Baudoin fayorifé par Louis le Bègue
frère de cette princefle la détermina à le' fuivre en Flandre
où eUe l'époiufa. Meyerus fait entendre que Judith fie Bau-
doin s'aimoient déjà avant le mariage de celle-ci avec Edilul-
phe. Judith n'avoit pas alors 10. ans, fie ce n'eft pas k cet
àgt qu^on reçoit fie qu'on infpire de Tapour.
Afler. p. 4.
Edit. Fran-
cof. 1603.
Florent.
Wigom.
chron. edit.
Lond. an.
855. P- 300.
Ann. Ber-
tin. fie chr.
Sith. an.
862.
An. 837-
-Batidouyii
tneine en
habits dif-
ûmulés »
madame Ju-
dith vers
Harlebec-
Lettres du
iroy Charles
le Chaulve
àBaudouyn
Bra^deFer^
96 fiAÙDOlfî PREMiEH,^
Qu'elle eftoît en chemin pour retourner en France 4
vers lediift Charles fon p^te, il trouva moyen
de parier à elle, & la fçcut tant bien perftradet
qu'elle fut contente de le fuyvre en habit diflî-
mule 5 & pourtant l'emmena en fon chaftel d'Har-
kbeccjue où peu après, craîndant rempefchemenc
que aultrement on luy euft voulu donner, il fe
maria avec elle , au defçeit , & contre la volonté
du roy Charles fon père , lequd indigné dé cefle
préfumption , envoya par Tadvîs des princes &
ïeîgneu'rs de fon confeil versî lediftBaudôtiyn uu
héràuld, avec lettres dont la teneur ou fubftan-
ce s'enîuyt: „ Je defire fort fçavoif, féîgneur
4, Baudouyn quelle excufé vous trouverez du
„ grand tort que vous m'avez faîéï, & à vous
^ mefme (ce que je puis dire) en violant mon
j, èftat royal & îe ferment duquel comme à
5^ voftre feigneur vous m'eftes obligé ; vous
^priant me la vouloir efcripre par le menu, af-«
„ fin que je y puîfle prendre confidération qui
„ foit fuffîflante pour îfccomplir la fatisfadîon de
„ voftre part en mon endroiéï. Car, où je ne
'„ la pourroîs recevoit* de vous de voftre bon gré ,
5, force ihe fera de la prendre au fil de l'efpée,
^ m'estahîflant grandement, comme voftre ver-
„ tu taift cognue' jufques icy s'eft tant oublié
„ par appétit défordoftné de jeuneffe effrénée,
„ que de fe dédarer tant efluemy de la raifon ,
„ mefmement de la foy & fidélité, que vous
„ debvîez à la couronne de France, & lafqucUe
„ voz pères & prédéceffeurs ont tousjours in-
„ violablemenr gardée. Vous afleurafit qu'à grand
„ peine vous lavera toute l'eau de la mer d'une
„ fi grande tafce & macule (a). Car voftre ef-
toffe
C^) Tache & fautât
SURNOMMA BkAâDBF^ÉïLjjF7
^ toffe eftoit tenue de nSfifter à fi vilain afte, né
^ faifant chofe à l'endroit de voftre feigneur
y, fottverain, que ne vouldrîez Vous eftre faîébe
^ par aulcun de toz fubjeftz & vaflaux; & de
7j quoy, je ne fçay comment vous pourrez vous
^ defcharger envers Dieu & les hommes. Et en*
^ coîre que j*eufle bon droîft de vous faire la.
yj guen'e, & chaftoyer Ça) comme violateur de
y, ma fille, & de voftre pfopre foy; fi eft-ce,
y^ que ayant Dieu devant les yeulx, & les afTai-
,^ res dé la répiiblicque Chreftienne en recom-*
yj mandàtion. Vous ay bien voulu femondre de
„ m*cn faire raîfon de vous-mefme , ' affin que
^ par ce moyen on 'efctieue (*) le ma^ , que aul-
^ tremettt je vois appareillé , lequel Dieu vueille
„ deftourner par fa grâce, au moyen de voftre •
5, jufte fttisfaftiôn. En cas que non 4 Je protefte
„ vous faire telle guerre, qu'à jamais eti fera
yy mémoîte „. Cefte lettre' bletl cachetée fuft dé*
livrée audiâ hérauld, Icfquel partit le jo\ir pro»
cfaain^ tenait le chemin d'Harlebecque, où û
trouva le prince Baudouyn auquel il délivra la
fufdîéle lettre. Laquelle leue, Baudouyn lentit
tm grand mouvement de cholère; non qu^il ne
confeflaft & cogneqft aulcuncment foft tort; mafe
la force d'amour (lui à ce l'aVoit induift, & nofi
aolcune pféméditée itialîce luy fembloit mérite* •
une repréhenfion quelque peu plus doulce; &
néantmoins diffimulant fon altération (c) au moins
mal qu'il peult, dîft âudîél hérauld , qu'il enten- ^^
doit refpondre particulièrement à ladîéle lettre^ BwSouyn
& par meure délibération de corifeil, & que J)af- Bras de Fer
tant il fit bonne chèi'e. Cependant qu'il donne- 5^^^^^
roit ordre de le defpefcher. Peu après il fitlévoc-
quér tomz les barons, coiifeillers & nobles de
(*) £vin*
Aifemblée
des nobles
de Flandre
au chflftel
d'Harle-
becque.
Propofidon
de Bau-
douyn Bras^
de Fer auf-
didz no-
bles.
DivcrTité
d*opinion8
touchant la
tefponfe
3ue Bau-
ouyn Bras
de Fer de-
voir faire
aulx Icttref
de l'empe-
reur Char-
les.
98 BAUDOIN PREMIER,
fon pais audift Harlebec<iue kfquelz affembler,
il parla à eulx de cefte forte: „.Très-chiers fei-
gneurs & bons amys, vous avez peu enten-
dre le moyen par lequel je fuis parvenu à la
jouiflance & mariage dç madame Judith ma
très-chière efpoufe, mefmes que la feule violen-
ce d'amour m'a réduift aux termes, aufquel^
depuis je me fuis trouvé de l'amener par deçà
& fans le fceu des parentz d'elle, contrafter
noftre mutuel mariage. Ce que véritablement
je n'ay attenté pour envye que j'aye eu de
provocquer contre moy l'indignation de l'em-
pereur Charles mon fouverain feigneur, ains
feulement à raifon de la doute en laquelle j'ef-
toye , que mon anchiene alliance avec le feu
empereur Lotaire, n'euft induiâ lediél Char-
les, à me la refufer. Lequel puis naguerres
m'a envoyé une lettre tant pleine de menafles
& outrageufe, que je ne fçay bonnement comr
ment je luy devray refpondre attendu prîncî-
pallcmcnt que je ne vois aulcun chemin pour
luy donner la fatisfaétion qu'il demande,
qu'eft la reftitution de itaadame Judith entre
fes mains. Vous priant pourtant que tous en
général me vueilliez confeîller comment à nof*
„ tre plus grand honneur, je pouray forthr &
5, me dcfvelopper de ce fafchcux labyrinthe „.
Ce dift, fe teut: & y euft fur cefte propofition
diverfes opinions; les uns difantz qu'il devoit
mener la guerre, & que le roy Charles eftoit fi
empefché contre les Normans & Dannois, qu'il
n'auroit moyen de beaucoup luy réfifter. Les
aultres n'en vouloyent point, cherchantz pluf-
toft paix & fatisfaélion aube deux coftez félon
qu'on eft accouftumé de faire en femblable cas.
Mais enfin fut conclu que le prince Baudouyn
refpondroit le plus humblement qu'il feroit pof*
fible à la lettre de l'empereur Charles: luy faî-
fant toutes les offres que fon honneur faulf>
w
n
î»i
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n
1?
31
51
51
51
51
51
51
Stjtlf^oHMé ÈilAS i)E FË&. ff^
fsLiTQ fé pouroyent^ & que fi il ne condefcendoîc
à quelques conditidliS raifonnables , Ton advife-
roit lors comment bti fe devroit conduire pour
l'advenir. Ce confeii fut comme le plus fain de
toute la compagnie tJ*euvé bon , & promptement
exécuté. Suyvânt lequel lé prince Batidouyn ef-
crivît au ;roy Charles^ fur fa précédente lettre
une refpônfe telle en fubftancea ^ Sîret pour
^ particulièrement refpondre aux articles de la
„ lettre que'voftre hérauld m'a préfentée, je
5, fuppliô bîen^ humblement vouloir croire que la
^ feule force d'amour, m'a induift à l'chtreprin*
„ fe dé laquelle vous me blafmez & laquelle,
^ (lorsque poftpoféô toute particulière paffion^
^ voftre raâgefté vouldra pefei* ceft affaire en la
^ jufte balance de raifon) nd fera (feut-eftre)
trouvée fi lourde que la baptifez^ ny fi exor-*
bitante qu'elle puîfle mériter lé dhafloy duquel
pat voftre lettre vous me menaflez ^ & beau-
coup moins l'opinion en laquelle vous eftes^
que par icelle j'aye tant foit peu dénigré mont
eftimâtion & honneur. Caf l'excellente beauté
y, de madame Judith, joinéle à fon încompara-
y, ble vertu & au grand lieu (^) dont elle efl
5, 3rfluë, m'ont obligé à fi nobles penfementz^
^ m'ayànt tousjoufs tiré hots de moy-mefme^
„ comme continudlement ententîf en l'honneftd
y, amour que je luy pourvois , foubz pure loy
„ de mariage, qui me doîbt fervir de déchargé
^ pour eiFacer la coulpé Çh) que me vpuïez inn
„ pofer, & dont ne me fens aulcuiïement repré-
„ henfible^ fi n'eftoit de la faulte que je puis
„ avoir faicte à voftre magefté de l'emmener &c
y, efpoufer fans Voftre cofifentement ; ehofe qui
„ me defplaift beaucoup. Mais , la doubte queJ
„ j'avois que plufieufs envyeulx que ordinaire*
de Bau-
douyn Bras
de Fer aux
lettres du^
diâ rot
Chtrleii
^<aj ^u fang illuftu^
Çk) Faute.
Ka
Les courts
des princes
ordinaire-
ment bien
'garnies
d'envyeux.
Diverfité
jd'opinions
fur la guer-
re que l'em-
pereur
Charles en-
tèndoit me-
ner au Bau-
douyn Bras
de Fer.
3»
loo B A U D 0 I N P R E M I E R,
„ ment fe treuvent, comme en celle des aultres
„ princes, pareillement en voftre court, n'euf-
„* fent deftourné le confentement que voftre ma-
„ gellé euft aultrement & de fon propre motif
„ peu donner à cefte alliance, m'a faift tomber
5, en cefte faulte. La réparation de laquelle je
. „ fuis content remettre en voftre difcrétion &
,„ celle de voftre confeil, promettant de ma part
■ 5, de (condefcendre à toute condition hpnnefte &
raîfonnable. Au regard du ferment de fidélité.,
du quel je vous fuis tenu , & lequel par voftre
lettre, femble que tacitement voulez inférer
„ avoir efté enfrainft par moy, je maintiens ne
„ ravoir en rien violé, ne faift ahofe par la-
„ quelle on puifle juger que j'aye contrevenu à
5, îceluy. Parquoy, & confidéré que madame Ju-
„ dith eft ma femme, qu'elle m'a fuyvy de fa
„ bpnne volunté, &que le faift eft jà irrévoca-
„ ble; je prie en toute inftance, qu'il vous plaî-
5, fe , fire , vous^ contenter de/ mes offres telles
„ que deffus , vous fouvenant de la fin doubteu-
,^ fe & incertaine des batailles , mefmes que toute
„ chofe venant à voftre £buhàit,/ce vous fera un
„ prouffit & pafle-temps bien maigre, d'avoir
„ ruiné un vaffal, lequel pour voftre fervice n'ef-
5, pargnera jamais tous fes biens, fon fang, ny
„ fa propre vie „. Le jour enfuyvant fuft don-
née cefte refpçnfe audift hérauld, avec laquelle
il fe partît, & exploifta tant par fes journées,
qu'il arriva à Paris, où il préfenta au roy Char-
les en préfence de tout fon confeil, la fufdifte
refponfe; laquelle leuë, caufa diverfes opérations
aux cœurs des aflîftantz, dont les uns eftoyent
plus enclins à la paix & tranquillité, les aultres
eftîmoyent qu'on ne debvoit laifler cefte préfump-
tîon dudift Baudouyn plus long-temps impunie,
n'ayantz peult-eftre tant d'efgard à ce^que le
bien & prouffit du Royaulme lors agité & mal
meaé par les Dannois, Normans & aultres, re-
\
SUSNOMMÉ BRAS DE F E R. loi
^uerroît, qu'à la volunté & fatîsfaftîon du roy
Charles, laquelle îlz voyoyent du tout s'incliner,
à une obftinée & effrénée cupidité de vengeance.
Et néantmoins la matière fiit mife en délibéra-
tion, & toutes opinions bieq, examinées & dili-
gemment ventilées (a)^ la meilleure & plus faine
partie du confeil remonftra au roy „ que félon
„ leur advis, le prince Baudo.uyn, avoit par fa
^ lettre, propofé tous les articles de defcharge
^ que un gentilhomme aymant fon honneur pou-
„ roit donner, & que confidérànt l'événement
„ périlleux des batailles & mefmes la quantité
,, des Dannois^, Normans & aultres^, qui lors
„ moleftoyent le Royaulme de France , Ton deb-
-„ voit en ceft endroiél laîffer la guerre , pour
y^ fuyvre la paix; attendu principallement que
„ ores (Ji) qu'on euftmené guerre dix ans. Ton
„ ne pourroit enfin venir à meilleur party qu'ef-
„ toit ceftuy quy s'offroit. Parquoy (fire) di-
„ foyent-ilz: Ayez l'œil fur l'inflabilité de for-
„ tune , & que l'honneur ne fuyt qui le veult ,
„ & entendez que les conditions qui s'achettcnt
„ au trenchant 'de l'efpée, coudent bien chier,
„ & fortiffent fouvent leur effeél tout au rebours
„ que les hommes projeélenN Oultre , puisque
„ le prince Baudouyn, fe repent d'avoir emme-
i, né madame Judith contre voftre vouloir, &
„ qu'il fe fubmeft à telle réparation que voftre
„ confeil trouvera hoi^nefte & raifonnable, nous
„ femble que 1q debvez accepter (attendu que
„ là chofe feide ne peult eftre aultrement) en
„ demeurant en la plus honncfte paix qu'il fera.
„ poffible. Laquelle fi vous refufez entièrement,
„ nous fommes preftz de vous fecourir jufqucs
„ à la mort, pour Taire cognoiftrc à ceulx.qui
^ penferoyent ceftuy noftre confeil pioçéder*
Difruafion
des princes
de France
tonchant la
fufdi<^ en-
treprinfe de
guerre.
(/?) DébaHucs^
W Qj*Otq¥&,
Le roy de
France ar-
refte de fai-
re guerre
kHaudouyn
^raadeFcr.
L'archevcf-
que de
Rains blaf-
mé pour ce
Î[u'il con-
eilioit la'
guerre.
Baudouyn
^ras de Fer
a'apprefle à
joa B A U D O I N PREMIER,
y, d-aulciine punUanimité, que ne craindons I4
^ guerre, en laquçUe nous avons prîns nourri-
yf ture ^f Cefte refponfe & advis encores que
très-prudent & difcret 9 ne ppult enfonfer la raifoa
dans Tentendement du roy Charles, auquel la
délibération de vengeance eftoit fi avant impri-
mée, qu'il ne peult oncques entendre à l'offre
qu'on luy fai(bit; aiqs afpîroit totallement, ou
^ ravoir fa fille qui contre fa volunté , & à fon
defceu s'eftojt piarîée, ou à la furie de guerre,
ne trouvant gouft en aulcune opinion contraire.
Qui fut la caufe (jue 1^ guerre fuft arreftée con-r
tre lediél Baudouyn, de laquelle Ton bailla la
principalle charge à f^ouys diél le Bègue, filz du-
dift roy Charles, auquel fuft adjoînft pour alfifr
tence de çonfeij Anfelme Archevefque de Rains,
lequel fur tous aultres avoit le plus incité le roy
Charles à Tentreprinfe de cefte guerre; faifant.
en ceft endrolft office de loup raviflTant, au lieu
de ceftuy d'un doulx & diligent pafteur; dont il
n'avoît rien que le nom, dignité & revenu, Le
prince Baudouyn adverty de ja délibération du
roy Charles , fit de toutz coftez afTpmbler le plus
de gens que luy fuft pofTible, bien délibéré de
foy gouverner, de forte que, comme l0 roy ayoit
cntreprins cefte guerre foubdainement, ainfi qu'il
s'en repcntiroit tout à loifir. Et après avoir,
comme vigilant gouverneur, poyrveu aux villes
& fortcrefles de fon païs, félon l'exigence &
bricfveté du temps , il fc mit avec fon 6ft (a) en
campaîgnc, marchant droift vers fon ennemy,
& en intention de luy empefcher Tcntréa de feft
diftz païs, mefmes de tenter toute anltre chofe,
pUitofî que de tomber au dangie^^ de venir &
puyr journellement la deftrudiîon & faccagement
de fes terres & pouvres vafliulxt D'aultre çofté ^
iif) ^rm^^^
SURNOMMÉ BRAS DE F E R. 103
les François cheminoyent fort & ferme, & en
merveilleufement grande puiflance, fulmînantz une
infinité de menafles, & contre toute la Flandre,
& contre Icdift Baudouyn. Lequel avoît desjà
affis fon camp lez (a) la ville d' Arras , en une
plaine, guerres loing du mont faincl Eloy. Et'
attendant illec fes ennemis, ne céfToit, comme
bon capitaine qu'il eftoit, de continuellement
Inciter fes jeunes foldats à touts nobles exerci-
ces, "vifiter le guet, affilier aux bledz que ven-
dent les vivandiers , chaftier les déliétz , ouir les
quéreUes des compaignons , & vifiter les ma-
lades. Oultre ce il fe monftroit aflez rigoureux
à Tendroia de ceulx qui feilloyent, lefquclz il re-
tiroit par la crainte des loix & ordonnances
comme coureurs qui font longuement hors du
camp, &'puis reviengnent; femblablcment ceulx
qui laiflent quelque efpace de teipps le camp , &
puis font ramenez : bref il n'obmettoit debvoir,
dont un bon & vigilant capitaine s'euft peu ad-
vîfer. Cependant Tannée des François appro-
choit tousjours laquelle venue à la veuë de celle
des Flamens, fe dreflerent d*une part & d'au-
tre dîverfes & bien dangereufes efcarmouces, &
lefquelles il faîfoit très-beau veoir; non pas tou-
tesfois à ceux qui s'y trouvèrent , pour aultant
que la pluspart d'eulx en rapportèrent plus de
lignes qu'ilz n'euflent défiré* Nonobftant quoy,
ne ceflerent de continuer leurs diftes efcarmou-
ces, en toutes lefquelles les Flamens, au moyen
du bon ordre & diUgence du prince Baudouyn leur
chef & condufteur, demourerent quafi tousjours
fupérîeurs. Finablement les François , qui ne ta-%
fchoyent qu'à s'attacher avec toute leur ajmde
à celle de leurs ennemis , faifantz eftat , s'îlz po-
voyent une fois à ce parvenir, de les ranger à
Baudoaya
tflit fon
camp près
le mont
fainâ Eloy
lez Arnis.
Office de
bon capi-
taine.
Efcarmou-
ces entre
les Flamens
QlFrançois.
(#) PrH.
1^4 B A U D 0 I N PREMIER,
f ejle raîfon qu'i^z défiroyent , s'approcheretit de
forte qu'ilz viendrent logée fur un foir bien tard
à la porfée à'un arc du^ carap d'iceulx leurs çn-
nemi^, en intention de le lendemain leur livrer
iinç très-rude & cruelle bataille, Qui fut caufpi
que les deux can^ps fuirent toute cette nuiél
très-bail guet, jufques au point du jour fubfé-
quent 4 que chaîcun d'eulx refpeftivement qrdon-.
na de fes bat^Ues ainfi qu'il Tentendoit, & félon
que r^ft militaire Içur didtoit & enfeignoit,
C fl A P l T R E XVII.
Comment Baudouyn Bras de Fer eut une mimora^
ble viStoire contre les François , & après icelle
fit pendre en haults gibetz fur le mont JaindtEloy
aulcuns des princtpaulx autheurs de la guerrt
que luy menoit ^empereur Charles^
LEs rays (/j) du foleil s^ftcndoyent fur la
fraçhe rofée d*une matinée, paignant les gout-
tes en fines jacintes ^ l'heure que 1^ très-ver-
tueu}^ tSç magnanime prince Bandouyn Bras de
Fer, çonfidéirant qu'il çonvçnoit, que Içs armée?
3'entreveiflfeiit de plus près , ordonna par l'advia
des chefz & capitaines de fon armée , que l'on
fift de fon oft feullement av^ntgarde & bataille,
desquelles il réferva foubz fa conduire la ba-
taille, Mî^is les François, pour e lire plus que les
Flïlmens , fe meifrent en troig ; affin qu'eftant
l'avantgardc & la bataille du prince Baudouyn
couplées (F) oultre les fjennes, fon arrièregarde
frefce leur donnî^ par les flancqs. Le? deux camps
ainfi ordonnez, & les deux armées preft^s à com-
battre marcerent l'un contre l'aultre. Et au
mefmç înftant les avantcoureurs & enfans perdus
dreflerent les efcarmoucçs , Q çhofe plus plaîfantc
^ veoir ou à ouyr racompter , qu'à expérimeq-»
suHNOMMÉ BRAS DE F E R. 105
ter) pendant lefquelles les Flamens voltigèrent
peu à peu , pour gaigner d'un plain fault une
petite nwntaîgne , affin d'encerrer les ennemys
entre eulx & la ville d'Arras. De quoy s'apper*
cevantz les autres, leur allèrent fermer le pas en
diligence. Lors le gentil Baudouyn , fe mettant
au front du grwid bataillon de fon armée , com-
meifça , pour encourager fes foldats , parler à
eux en telle forte: ^L'afleurance que j'ay en
voftre prouëfle & fidélité (preux & excellentz
chevaliers, & vous autres mes bons amis) m'ofte^
ou peu s'en faut, Toccafion de vous remon-
ftrer les caufes pour lesqtielles nous devons
aujourd*huy vaincre noz ennemis, ou bien mou-
rir en la bataille. Mais pour accomplir chafcun
noftre charge , moy en parlant , vous en m'ef-
coûtant comme Voftre capitaine , je vous veus
remettre en mémoire quelques poinfts que long
tems à aulcuns de vous peuvent avoir aprins
par continuel ufage de la guerre. Ne foyez
donc point eftonné pour la multitude des en-
nemis; car le défordre où desjà je le^ voy
m'affeure de la vîdtoire , laquelle advenant , je
vous prie mes b<ins amis & compagnons , per»
fifter en voz rangs , modérant l'ardeur de l'exé-
cution, de forte que la rapine & butiq (qui
après ne nous peult efçhapper) nd^tnette per-
fonne en défarroy (a) , par lequel on pourroit^
perdre le certain, & révolter fortune. Plus
vous advife de ne mefprifer & contçmner vof-
tre ennemy, ains, l'eftimer bien aultant que
vous-mefmes penfe^ valloîr, comme à la vé-
rité les François (à'qui aujourdhuy aurez af-
faire) font de la plus b'ellicqueufe nation du
monde, & qui a ordinairement defconfit tou-
tes celles, qu'elle a voulu aflaillir. Vous priant
au furplus faire mieuLx que ne vous pourrois
dire, & confidérer que cefte viftoire fur les
Hawngut
de Bsui"
douyn pour
encourager
fe s foldats.
On ne doibt
mefprifer
fon enne*
my.
I^ouange de
la nation
françoae.
(^) Défordu,
Harangne
de Louys
diâ le Bé-
gae 11 fes
ibldtts.
BatsiUe des
Flamens
contre les
François.
lo5 BAUDOIN PREMIER,
^ vaincqueurs des aultres peuples^ vous dreflTen
r, un trophée de gloire ineftimable, effachant âc
^ obfcurciiTant à un coup, les plus illuftres de
9, noz anceftres ^. Cefte remonftrance enflamma
merveilleufement les Flamens à bien faire , oui-*
tant que fit celle du prince Louys le Bègue à
fes gens, y, Seigneurs (dift-il) capitaines &fo^
^ dats , ou voit fouvent que Dieu monftre fa
^ puifTance au faiA des batailles, en ce que plu*
„ fleurs fois le grand nombre de gens fondé fur
^ injuftice, eft rompu par le moindre. Mais corn--
^ bien doibvent voz coujages eftre affeurez de
^ tel hazard, ou dangier, cognoiflantz pour cer-
^ tain que le bon droift eft de voftre cofté; roef-
y, mes i^ue avez icy des chefz très-expertz pour
^ exécuter la viéloire de laquelle perfonne ne
^ doibt faire aucune doubte, & principallement
voyant la qualité de noz forces, & multitude
de noz foldats. A.raifon de quoy me tairay,
^ eftant certain que eftes trop plus prompts àTç^
yt feft des œuvres, qu'à efcouter telz fermons. „
Les harangues finies toutes deux les avantgardes
fe meurent Tune contre Taultre, Et commencè-
rent les traiftsàfaire leur debvoir(/i), de forte
que plufieurs rangs en furent efclarcis & maints
bons foldats & chevaliers tombez par terre, tant
qu'ilz vindrent aux lances brifer, & aulx pic-
ques coucher , non fans grande tuerie d'un cofté
& d^aultre. Et les teftes baîfféjes , fe chocquerent
gens de pied & de cheval de tous coftez fy fu-
rieufement, qu'à moins de rien, l'un perdit la
vie, l'aultre le bras, l'un renveffé par terre,
l'autre fecouru, fy qu'on n'ouyt oncques par-*
1er de conflift fy cruel en peu de temps. Car
ceulx de l'avantgarde du prince Baudouyn feif-
rcnt tel effort en cefte première charge, & en-
w
(<?) LcsJUcbes à voler»
SURNOMMÉ BRAS DE F E R. 107
fonferent Ty brufquemeiit les annes, que les en-
nemîs eftoyent fus le poînâ de branfler & tour»
ner en fuyte, quand leur bataille & arrièregardç
Jes vindrent fecourîr. Mais fy fiifrent-eUes ar-
Teftées fus le cul par le prince Baudouyn, arec
îai^t de fang efpandu des deujc coftez, qu'il fe-
roît diflScîl à croyre» Là moururent maints preudV
hommes par les mains du vaillant Baudouyn , &
^ntre aultres ledift Anfçlme archevefque de Raîns ,
principal autheur de celle guerre; auquel Icdift
Baudouyn vouloît mal de mort, tant pour la
xaîfon fufdîfte , que pour celle qu'incontinent en-
tendrez. Brief (a) , jamais chevaliers ne fifrent
tant d'armes ny gens de pied fy grand devoir.
Et ores (JH) que le nombre des François fuft tant
exceflif, que deux Flamens avoyent tousjours
affaire à trois de leurs ennemis, fy eft ce*que
les Flamens tenoyent tousjours pied à bouUe (c) »
& fans reculer un feul pas combatoyent de mieulx
en mieulx, fc tenantz tousjours (félon Ja fufdifte
înllruftion de leur capîtaîne) tant bien rangez, &
pourfuyvantz leurs ennemys en fy bon ordre,
que les François commencèrent enfin à branfler,
& perdre terre. Dont s'apperchevant le prince
Baudouyn , après avoir de ce rendu en fon cœur
grâces à Dieu, pour davantage encourager fes
foldats, s'efcria tant qu'il peult: à eubc mes
îimys, àr eulx, la viftoire eft noftre. Auquel cry
Jes gens dudj Baudouyn s'efvertuerent plus que
devant, & comme fy tout le jour ilz n'euffent
combatu , rechargèrent leurs ennemis d'une telle
impétuofité , que le fort tomba fy malheureus fur
les François , que la terre demeura couverte des
morts & navrez, & tournèrent toutz le dos,
fuyantz à vauderoute (jf)^ Ce que ndantmoins
leur profita bien peu, car les Flamens les pour-
La mort do
rarchevcfr
que cko
Rtim.
Defikiae
des Franp
çois parlei
Flamens.
(jfy Bref^ en un mot.
(c) Ferme.
(/) En défordxc.
Les prifon-
niers font
amenés ,
après lat>ft-
tiAlle .de-
^vant Bau-
dooynBraa
deFer,quy
en fait pen-
dre aucuns
antheurs^e
cefte guer-
re, & ren-
voyé les au-
tres fans au-
cune ran-
çon.
io8 BAUDOIN PREMI.ER,
fuyvirent fy vivement, que fans la nuîft, quy fur-
vînt, il n'en fut efchappé un feUl. Aînfy furent
traiifté ces braves , quy peu auparavant avoyent
par imagination mis à feu & à fang te pais de
Flandre, auquel ils n''eurent loifu- de feulement
mettre le pied. Après cefte glorieufe viéloire.
Ton amena le lendemain devant le prince Bau-
douyn, aucuns des principaux de ceuxqu'avoyent
le jour précédent efté conflituez prifonnîers , en-
tre lefquelz fufrent recôgnus douze, que barons
que chevaliers de France, tous 4e la lignée de
Froymont & Ganelon & ennemys mortelz du-
difl: Baudouyn. Lefquelz incontinent il fit pen-
dre en haultz gibets fur le mont fainél Éloy &
au milieu d'eux l'oncle dudift Anfeltyie arche-
vefque de Raims, quy avoitefté confentant àl'ex-.
communication que ledift Anfelme puis naguer-
res avoît fulminé contre ledift Baudouyn > &
madame Judith fa femme , mefmes avoit induift
plufieurs autres évefques du royaume de Fran-
ce, (l'agréer ladidle excommunication, laquelle
lis fondoyent fur le paffage par lequel eft dift :
Si quis viduam in uxorem furatus fuerit , anathe*
ma fit. Ce que néantmoins ne fe povoit applic-
quer contre lediél Baudouyn, veu que par le
difcours que deffus, appert qu'il n'ufa d'aucune
force contre ladifte damme, ains qu'elle le fui-
vit de fa franche & pure volonté. Lefdides
exécutions faiftes, le prince Baudouyn fit com-
mandement que tous les autres prifonniers fuf-
fent délivrez fans payer aucune rançon , & qu'à
chafcun fuft loifible de retourner à fa chafcune ,
tant pour effedluellement démon ftrer le peu d'en-
vye qu'il avoyt de nuyre au roy Charles fon
beaujpère, & naturel Seigneur, qu'affin que chaf-
cun bognût qu'il n'eftoit mpins doulx & débon-
naire à l'endroia des vaincus, que magnanime
& vaillant contre fes ennemis. Ce faift, & le
butin recueilly & diftribué à un chafcun, félon
suHNOMMJÊ BRAS DEFER. lof
fbn port & quaÙtéyle prince Baudouyn retouTi'
na à Harlebecque où vîndrent de toutes fes vil-»
les, terres & feigneuries embafladeurs & délé-
guez, pour luy iongratuler d'une viftoirc fy
héroicque & glorieufe* Psurquoy nous le laifle-
rons pout quelque temps , & retournerons au
roy Charles le Chaulve. Lequel adverty de Iz
courtoifie dont Baudouyn Bras de Fer avok ufé
vers ceux de fon royaume, quy toutesfois s'ef-
toyent mis en armes en intention de le ruyner»
modéra quelque peu Textrême indignation qu*iï
avoit contre -luy conceuë. Non que pourtant û
fit révocquer ladîfte fentence d'excommunication,
ny mefmes celle par. laquelle il avoit déclaré tous
les biens dudid Baudouyn confifquez, mais laiC-
fant toute chofe en fon eftre, il fe contenta de
. ne plus perfécuter par guerre , ny molefter le
fufdîft Baudouym
CHAPITRE XVII I.
Comment un évefque de Ftance s^eftant fuppojl h
nom de Louys le Bègue ^ defcendit à grand puif^
fance contre Baudouyn Bras de Ftr , hquel U
vainquît^ print prtfonnier^ fit foittiTy^ pendre
Êf eftrangler.
LE bruit & renommée de "cefte mémorable
viftoire obtenue par le très-preus & vaillant
prince Baudouyn Bras de Fer, fuft auffy toft eP-
pandue par les pais circonvoifins , mefmes du
bon droift qu'il avoit eu de faire Contre les def-
fus nommez gentilzhommes la fufdite exécution.
Laquelle néantmoins irrita jmerveilleufement les
parents & amis des exécutez, quy eftoyent lors
en grand nombre & bien puiflants audiâ royau-
me. Lefquels confidérants le peu de devoir auquel
le roy Charles fe mettoit d'envoyer une aultre
armée contre ledift Baudouyn , arrefterent d'en
faire eux-mefmes la vengeance. Et de faiâ, après
Ses parents
îceuxqae
Baudouyn
Bras de Fer
avoit faiét
pendre , af-
femblenc
nouvelles
forces pour
retourner
contre le-
diâ Bau-
douyn, V
prendants
pour leur
chef un
évefque,
auquel ils
impofent le
nom de
Louys le
Bègue, fils
du . roy de
France.
Harangue
de Bau-
douyn Bras
deFeràfei
ivldats.
iiô BAUDOIN PREMIER^
avoir efleu pour chef un évefque qu'eftoît dd
leur faftion , & duquel Ton ne trouve le nom
par efcript, afBn de plus légièrement attirer gens
de tous coftez , moyenant lefquels ils peuflent
mettre fus une armée tant plus grande , advife-
rent que ledift évefque fe ufurperoit le nom de
Louys dift le Bègue , fils du roy Charles le '
Chaulve, & que foubz tel notn^ il les conduî-
roît vers le païs de Flandre, où fuyvant leur dift
projeft, ils arrivèrent peu après, avec une bien
grofle armée. Et corîibien qu'ils eftimaflent avoif
conduîft leur entreprinfe tant fecrètement, qu'ils
fe perfuadoyent que ledîft Baudouyn n'en auroit
efté adverty, efpérants pourtant le furprendre i
pied levé & au defpourveu : fy eft-ce que le
prince Baudouyn, éequel eftoît aultant foingneux
du bien & repos de fon peuple qu'aulcun aultrc
de fon temps , avoit aflez auparavant préveu leur
malicieufe menée , & par conféquent prévenu
aulx inconvénientz, defquelz à raifon d'icelle il
fe debvoit comme prudent gouverneur & capi-*
taine bien advjfé, doubter & garder. Quy fut la
caufe que contre toute leur attente & expeAa'-
tion,.il^ trouvèrent chauffeure à leurs piedz, &
réfiftence trop plus grande qu'ilz n'avoycnt ef-
péré^ comme efTeftuellement & à leur grande
confufion & déshonneur Hz expérimentferent peu
après par la venue du prince Baudouyn, Lequel
les vint en toute diligence trouver, guerres loing
du lieu mefme , où la fusdlAe bataille, avoit un
peu auparavant efté exécutée. Où arrivé & Voyant
fcs enhemys approcher, dîft telles paroHes à
ceulx de fa troupe : „ Certes (mes amys) vous
„ povez maintenant à Veûe d'oeil choifir ceulx
y, quy font caufe de nous avoir faift prendre les
„ armes, pour deffendre & l'honneur de Flan-
„ drc, & le païs quy eft noftre. Où toutesfois
„ Je ne fçay foubz quelle couleur ilz font en*
yi trez , & à quelle occafion ilz ont prins les
su&NOMMé BRAS DE F£R.iii
y, armes contre nous» fy ce n*cft i nufon de la
9, jullice qu'avons dernièrement & i bon droiA
^ faiâ exécuter fur aulcuns de leurs parentx ^
^ autant mefcbantz & dignes de telle mort, que
^ ceulx-cy fe monftrent traiftres & ^fi^irmî* de
^ vertu. En tant mefmes que pour mîeulx venir
^ i leur but, ilz ont emprunté le nom du boa
jy prince Louys le Bègue , filz du roy Charle»
^ monieigneur , penfantz , moyennant iceluy ,
jy couvrir leur lafcheté & couardife '(#) , & nous
yy inveftir de la cnunte quy raifonnablement doibt
^ eftre de leur codé. Mais il en yrat aultremait,
^ & ne permetra noftre Seigneur ( comme j'ef-
9 père) que la réputacîon, en laquelle nous avons
^ tousjours vefcu & depuis n'agueires avon^
„ grandement augmenté, foit par eux eftainâe»
yy OU aulcunement diminuée. M'afleurant qu'il
„ n*y a celuy de vous , quy ne veuille pluftoft
„ mourir en honneur, que vivre après avec honte»
j, £t pour telz vous cognois de îy longue nain ^
„ que j'ay grande occafion de vous aymer &
„ eftimen Et quand je n'auroys cefte cognoif*
^ lance, Ty fçay-je bien que je ne fus oncques
jy fy tort né,* que la raifon ne m'obligeaft i vous
„ tous , tant pour la fidélité , laquelle vous aveï»
„ tousjours gardée à voz princes, que pour le^
„ grandz fervices que vous m'avez fsàâz en
yy maints endroifts, & fignamment en la dernière
„ journée contre le prince Louys & fes adhé-
„ rents. Quy me faîft croire , que fans avoir
yy efgard à la grofle & néantmoins mal-ordonnée
yy armée de noz ennemis , vous fierez tel devoir,
„ fuyvant voftre anciene vertu & fidélité , que
yy nous leur donnerons à cognoiftre, que ce n'eft
„ pas i nous, qu'ilz fe doibvent addrefler. Ce
^ que povons aflez ayfément faire, veu que nous
(é) PoUrottno'u.
ira B A U D O I N t> 1 E M I É Ry
^ avons le droift devers nous. Or, marchonf
„ doncques hardîpient, car je les vois approcher.^
Tandis que Baudouyn Bras de Fer fifiifoit cède
remonftrance , le vigilant évefque d'aultre cofté
ne dormoic pas , aihs plus exercité en femblabies
affaires qu'en fes oraiîbns ou à quelque fainéte
prédication, eftoit au miliieu de fes bataillons y
allant de rang en rang perfuader. fes chevaliers
& aultres gens d'armes à combattre virilement»
A^vf^^ & leur difoît; „ Entendez, mes amis, que le
que à^^fês -n premier & plus fouverain bien quy puiflc cftre
foldats. ^' en une armée , eft d'un chef quy fçachc pru-
„ demment ordonner & confeiller ce qu'eft re-
,, quis de faîfe , puis avoir obéiflance pour exécu-
^ ter ce qu'il commande. Or avez-vous icy non
„ feuletnent un capitaine tel que je dy , mais
„ deux ou trois, voires plus de vingt , lefquelz
„^ font fy accordantz enfemble que ce n'eft que
,^ un vouloir, un cœur & ung advis. Puis donc
^ que ce premier bien ne nous eft dénié , ap*
:5, proprions noiïs ^u fécond, & pouflbns noftre
-„ fortune quy nous ayde contre un tyran k plus
„ cruel quy foit fur la terre. Lequel n'eft jamais
^ vaillant que lors qu'eft queftion d'inhumaine-
„ ment faire meurdrir ceulx quy fe font fubmîs
„ à fa mercy, & aufquete il ne trouve aulcune
^ réfiftence , fe monftrant aufly des premiers ,
„ quand la guerre fe doibt faire contre quelque
^ fille ^ & quand l'opportunité fe prélente de la
^, povoir ravir & defrober. Mais lorsqu'à reh-
„ contre des hommes quy luy monftrent vifage,
yj il n'at non plus de courage, qu'une glaîne(«)
„ mouillée, ou paillarde eshontée Çb) ^ comme
„ vous pourez préfentement expérimenter, fy
^ feule-
(a') Expreflon picarde qui Çb^ Sans pudeur ^ fans bonté,
fignific poule.
«URNOMM]^ B tl A $ DE F Ê It. lt|
ji .feulement , (dont néantmoîns voftre magnanl*
^ mité m'afleure») voulez-rous difpoftr & rendre
^ peine de fpuftenir leur premier choc &impétuofi-
^ té , laquelle à reûe d'œfl pouvez juger ne pouvoir
iy aucunement réflfter à la noftre , en prendant
^ pied au nombre de gens & ardeur de courage ^
j, dont nous les furmohtons , meftnes ( & que
^ plus faift à eftimei;) que nous avons Dieu &
», & là juftice de noftré cbfté.^ Tel propos tint
Tapoftat évefquè à fes gens , quy les anima en
forte que desjà leur' tàrdoît d*eftre au combat. '
Quy fut càufe qiîe aii mefmé luttant les batailles
marchèrent d'un cofté & d'aultre avec très-bon
ordre. A là fompture à froilfis des lances es
premiers rangs le bruit fut fy grand qu'il en fit
retentir les prochaine^ vallées; & à la preifaîère
meflée fe leva tejle o'bfcurité , qu'il leur fcmbloic.
combattre dé plaine nuift. Le nombre fut tel des
chevaulx qùy alloyént mourir ^lof-s là preffe , les
uns avet leurs maîftreS , les autres fans eux ,
qu'ils virent une droîéie Voirie tout à l'enrour
du camp; A la ptemîère rencontré des deux avant-
gardes ^ la prefîï fut fy grande qu'ils empe-
fchoyent qua(y l'un àr l'autre de tombattre. Fi-
nablemèni , le Eyince Baudouyn voyant branfler
la bataille que menoît ledift éVefqtîè , ifit pareille-
ment iribùvoît là fienné , au choc defqiielles tom-
bèrent d'un coffé & d'aultre^ une infinité de
foldats & hommes d'armes. Qùy euft Véu lorsf
le bras fanglailt dit prince Baudouyn brandir (/?).
par deflus les aUtfes & elclairer puis çà puis là,
ciomme il couroit par leS rangs pôût donner cœur
& ordre où befoing eftoît , l'euft â bon droîft
jugé l'un des plus vertueux capitaines du mondes
(Contre lequel temédioitf de fon cofté ledift évef-
què par grand valeur & prudence ; en forte qu'ite
Bataille i^
Flamens
contre îc-
diA évef-
què <Sc fe»
confédéré^
{a) S*agiun
Deffaiôc
dudiâévef-
Ue&àévtf-
que prifon-
nier.
LcdiAévef-
âuc par or-
onnance
de Bau-
douyn Bras
de Fer eft
battu de
verges» &
après pen-
du.
cpcrpenâi-
mus: deferi'
tent,cxcQm»
Êfunlc
114 BAUDOIN PREMIER,
s^entrcfouflindrent (ans aucun advâhtalge, jufques
environ le foir , que lors ledift (îvefque & les
Tiens ne peurent plus avant fouftenir la force &
impétuofité desdiÂs Flamens ; par lefqucls (pour
le faire brief ) ils furent mis en fuyte, & fy vî*
vement pouriliyvis , que la nuîft vînt merveilleu-
fement bien ^ propos pour ceux quy s'avoyent
pou exempter de la boucherîç commtfe en ladiéle
bataille. En laquelle le prince Baudouyn obtint
une belle viflioire 5 non toutesfois fans grand &
notable perte d'aucuns des plus gentils coin-
paîgnons de fa trouppe, à fon très-grand xe-
gret & defplaîfir, duquel néantmoins il fuftafle:i
foulage & reconforté par les nouvelles qu'on luy
apporta, que le fufdift évefqué chef & conduc*
teur àt la fufdifte armée, avoît efté par fes gens
arrcfté & conftitué prifonnicr. Lequel il fit le
Jour fubféquent amener devant foy, & après
l^^voir grandement blafmé, & du nom qu'il fe
ayoit fuppofé de Lpuys dift le Bègue, & de ce
que, contre fon eftat & profefflon, il avoit fuf-
cité les fufdîds troubles, le fit en préfence, &
à la veûe de toute fon armée battre de verges,
&; après pendre &; eftrangler en un gibet. Dont
fe peut veoir ample mention & fufiifant tefmoi*
gnage par la décrétale, in c. perpendinius : De
f^ntent» excpmmunic* Laquelle parle de ce Bau-
douyn, & dudia évefque en cefte forte: Perpen^
ditnus ex Hteris tuis , quod quidam facerdos , pre
eo quod fe filium régis falfb nominare prafump^
ferit^ & armis acceptis feditionem fecit & guer^
ram^ à Balduyno comité juJjTus efi fuftigari^ qui
pofteà ejus mandata traditus patibulo expiravit.
Ce qu'ainfy Te peut rendre en françoys: nous
confidérons par vos lettres que un certain preb-
ftrc, lequel avoit préfumé fc faire appeller fils
de roy , & oultre ce s'eftoit ingéré de lever gens
prendre les armes, & moyennant icelles exciter
^uRNOHMi B k. A S DÉ F ËR. 115
fédîtîons & mener guerre , Suroît pat le coinmaiH
dément du conte Baudouyn efté fohé^ & puis
ipendu ,& eftranglé (i). '
^i) Aucun des faits rapportés dans les à^MX chapitres
précédens n'eft appayé fur des monumens dignes de foi*
U n^eii eft pas dit un mot, foit dans Flodoard, foit dans
les lettres de Nicolas I. à Hincmar , foit dans celles d*Hinc-
mar à ce ppntife. Occupé contre les Normands «jui dé-
vaftoient tes bords de la Seine & de la Marne , Charles le
Chauve ft contenta d*inYoquer contre Baudoin les foudres
de régUfe. Les deux époux furent juridiquement excom*
tnuniés par les évéqties aflemblés à Soiflbns i en vertu d*ua
décret du pape St. Grégoire , qui frappoit d'anathôme le ra-
Vifleur d'une femme veuve & tous ceux qui favoriferoient
le r^pt: Si quis viâuam furatus fuerit in uxorem^ ipjï &
confent tentes d, anatbefha fini. D*un autre côté , Salomon
'duc de Bretagne avoir fait une invafion dans la Neulhie ,
(Se Louis le Bègue disgracié pour avoir favorifé rhymen
fecret de fa fœur , s*étoit retiré dans les états de Salomon
avec deux feigneurs, Gonfroi & Cozfroi. Enfin c'étoit le
célèbre tiincmar qui occùpoit Alors le fiège de Rheims , 6c
non pas Anfelme qui n'eft ici v qu'un perfonnage imaginaire.
Remarquons encore que la décrétale dont l'auteur appuyé
Tanecdote de la fuftig^ion, paroît plutôt devoir tomber fur
Baudoin le Chauve qui» au rapport de Flodoarà , étoit me-
nacé des cenfures cccléfltôiques « pour aVoîi' téeUenïenl
fait fuiUger im prêtre*
Colviner.
fchol. ad
Flodoard»
P-93.
CHAPITRÉ XIX.
Cotnment Baudouyn Bras de Fer ^ ^ madame Ju^
dîth fa femme fe tranfporterent vers Rome y
pour ejire ahfouh de P excommunication quePem-'
' pereur Charles avoit coptre eux faiâ fulminer }
Êf comment au moyen des légatz que le pape,
Nicolas envoya à Ces fins vers lediSf empereur"
Charles^ ils fufrent réconciliez audiù empereur*
Après que le vîftorîeux Baudouyn euft mis
telle fin aux fufdîéles batailles qu'avez peu
veoir, confidérant que le roy' Charles le Chaul-
Bras de Fer
éc madame
Judith fa
femme
vont veri
Romme
pour fe fai-
re abfoul-
arcdercx-
commutii-
cation que
le roy Char-
les avoit
fait fulmi-
ner contre
culx.
Le pape Ni-
colas en-
voyé deux
légats vers
France en
faveur de
Baudouyn
firasdefer.
îitf BAUDOIN PREMIER^
ve continuoît en fon mal talent (jî) , & que ob4
ftant îceJuy ne trouvoit moyen d'eftre abfoul*
de rexcommunîcatîon fulminée contre luy &
madame Judith fa femme , il réfolut ( pour ofter
le fcrupule & difficulté, dont à celle occafion il
Ijentoit fa coufcienc^ chargée) s'acheminer , avec
ladiftc prînccffe fa femme, ver» la cité de Ro-
me (0, où peu après il parvînt, & quant &
quant (^) , obthit du pape Nicolas quy lors pré*
fidoît, Tabfolution fy long-temps défirée. Mef^
mes fit tant par fes remonftrances & humbles
requeftes , que le pape Nicolas déléga deux évef-*
ques de fon fiège (2), fçavoir Tévefque Fîco-
denfis & Portueniîs, aufquelz il donna charge
d'admonefter de fa part le roy Charles le Chaul-
ve à une bonne paix, enfemblc pour moycnner
quelque gracieux appoînélement entre luy & lo
prince Baudouyn. Lequel ay^t ainfy befoîngné ^
retourna en fes pais où il fut reçeu avec mada-
me Judith fa femme en grand triumphe, & allé-»
greffe (3). D*aultre codé lefdifts évefques dili*
genterent tellement qu'ilz fe . trouvèrent peu de
Ëpit. du
SapeNlcol.
ans D.
Bouq. t. 7*
(tf) Dépita Mîgnathn, (b^ Au même injlant.
(0 II avoit auparavant été cherclier un afyle dam left
états de Lothaire , auquel Charles le Chauve avoit notifia
réxcommunication lancée par les évoques; & TaiVle quo
Lothaire donnoit attx époux fugitifs , le foumettoit lui-mém»
à la rigueur des peines portées par le décret pondfictl ^
par le fynode de Soiflbns.
(3) Ces légats étolent Rodoald évéque de Porto te Jea^
évéque de Ficode, aujourdliui Cervia dans la Romagne*
Ils fc rendirent à SoiflTons où Charles étoit, te non à Pa«
ris. Us lui remirent, ainfi qu*à la reine Ermentrude, dcâ
lettres où le fouvcrain pontife les conjuroit par les tnoti/^
les plus prcfTans de la religion , de la tendrefle paternelle
te même de la politique , de rendre leur eftime te leurs U*
veilrs k ces époux*
(3) Baudoin te Judith ne quittèrent la cour de Rome^
que quand ils curent un efpoir bien fondé d'obtculr InM
grâce te la raùficatioa de leur hymen.
iJutLiroMMÉ BR.AS DE FER. ny
tiemps après en la cîté de Paris , où le roy & les
Cens leur fifrent tout Tbonneur, bon recueil &.
traiftement, dont ilz fe poûrent advifer. Le len-
demain en préfence des princes, barons & feî-
gneurs du confeil, parlèrent fuyvant la charge
qu'iiz avoyent au roy, de cette forte: ^ Sire,
9, le bon zèle , & vertueufe inclination de noftre
^ faint père le pape Nicolas , au bien , repos &
^ tranquilité de la républicque chreftienne. Tout
^ meu & ineité de nous envoyer pardeçà, pour
5,. de fa part, & en fon nom vous admoneller,
^ & requérir, que remettant au prince Baudouyn
>, l'indignation qu'avez contre luy concheuë,
yj VOUS plaife le recevoir en voftre bonne grâce,
5, enfemble le 'traifter à l'advenir comme voftre
t, beau-filz, parent & humble vaflTal. Pour àquoy
^ VOUS induire & plus facîllement vous faire con-
,^ defcendre, il nous a commandé vous propo-
fer, & mettre devant les yeulx, les articles
& confidérations quy s'enfuyverit: première-
ment que comme bon & vertueux prince , elles
plus tenu à la clémence & bon traitement de
voz fubjeéls, qu'à l'exécurion de voftre vo-
lunté , & à garder leur fang , & ceftuy de leurs
femmes & enfans par tranquillité , qu'à Tef-
pandre pour vous venger d'une injure partî-
^ culière, quy ne redonde Qd) au dommaige ou
déshonneur, ny de vous, nyde voftre royau-
me. Qu'il eft mal poffible qu'obtenez la ven-
geance que' prétendez fur ceftuy que réputez
voftre ennemy, que préallablement ne vous
vengez fur voz propres fubjefts, & qu'ils ne.
foyent de vous traiftez rudement & inhumai-
nement, voires bien fouvent aflez plus fière-
ment, que voz mefmes ennemis. Que le propre
& naturel d'un prince magnanime eft de par-
^
^
Ibrangue
dcsdiâs lé-
gats pour
induire
Tempcrcur
Charles à
quelque ap-
pointeroent
avec Bau-
douvn Bras
deÉcr.
T\)ut prin-
ce cd tenu
de garder
le fang de
fes fubjeas
& au bon
trddement
dMceulx.
(/g) iV# tourne*
L*opihiofi
des Turcqs
£c Sarrafins
4es princes
ch -^ (liens à
raifon de
leurs difr
cordes 6c
^iflencions.
n« BAUDOIN PUE M 1ER,
^ donner toutes faultes pour lourdes, & inexcufi^*'
y, blés qu'elles foyent, à ceux quy les recognoiflen t,
^ & en demandent merçy, pourveu toutcsfois que
„ ce faire fepuîfle, fans le fcandale & détriment
y, public. Et quand tout ce ne vous efmouvcroit,
y, fouvienne^vous, fire , de l'honneur du nom chrefr
„ tien^ duquel vous vous vantez, & de ce quç
„ pourront dire les Turcqs & Sarrafins de nous^
^ prendantz regard aux difcordes quy joumelle-
„ ment nayflent en la çhreftienté. Ils voyent que
„ nous n'avons aulcune paix fiable, que jamais ne
„ mettons fin à l'effufion de fang mutuelle : qu'il
5, y at entre eux moins de tumultes & querçUes ,
„ qu'entre nous autres & nonobfl:ant ce, que
„ fuyvant la loy de Jefus-Chrifl:, nous prefchons
^ & publions de bouche fa f^înfte paix, con-p
y, corde & union , laquelle cependant & de faift
y, nous violons & contaminons (a) tant qu'eu
5, nous efl: , & de tout noftre povoir. Auxquelles
y, raifons voftre magefl:é pourra (fy bon luy
^ femble) adjoufter les cruaultez & violences
^ que les Normans & Danois commettent jour-
„ nellement & de plus Qp plus en ce noble royau-
^ me de France; pour lefquelles extirper, vaul-
5, droit trop mieux (parlant néantmqins en toute
„ révérence) joindre toutes voz forces, & en^
„ tretenîr voz fubjefts & vaflaulx en bonne
5, paix, amour, & obéiflance vers vous, que de
5, les deftruyre & perfécuter. Oultre ce que par
„ les devoirs, auxquelz voftre magefté s'eft mife,
^ pour parvenir à la fufdidle vengeance, & do
„ ce quy en cft enfuivy, l'on voit ouvertement
„ que Dieu favorife le prince Baudouyn , & tient
„ fon mariage pour jufte & agréable. Aufly tou-
„ tes pafiîons mifes jus (b) , nous ne doubtons
y, que vous-mefmes , Sire, n'ayez ledifl: Baut
^fi) Profanofts^
(^) Mettre jus, menrc k^s^
f uRNOMMi BUAS DE PË^ix^
9, doujrn çn réputacion de prince noble, vertueiuc
fy & vaillant, voires digne d'une tant faaulte al*
^ liance, qu'eft celle laquelle il s'at efleOe &
^ choyfic, & laquelle faifte du conrentement &
„ par Tadveu de voftre magefté, feroît de tous
yy points accomplie, heureufe pour ambedeux (à)
„ les parties, & dira par aventure quelqu'aultre,
„ aflez égalle & fortiffable. Pourquoy ne refte
„ qu'à fatisfàire à ht faulte, en ce feulement.
^ commife, qu'il n'a attendu voftre congé. Ce
„ que fe doîbt pluftoft imputer à une fimpli-
5, cité ou ignorance de jeuneffe, & impatience
p d'amour, qu'à aucun merprisou defdain qu'il
„ auroit par ce vo^lu procurer à voftre magcfté^
„ Et qu'ainfy foît, y a-t-il defcharge que ung
« prince puifle bonnement propofer, & devoir
„ auquel avec fon honneur un homme de cœur
M fe pififle mettre, duquel ledift Baudouyn ne
^ s'ayt pour voftre fatîsfaôion fervy & aydé?
5, Non certes. Il s'a en premier lieu par lettres
^ excufé vers voftre magefté; îl s'a foubmis à
^ telle faiisfaélion que voftre propre confeil trou*
„ veroit raifonnable. Meûnes après avoir efté per-
^ fécuté, & affally, il a en révérence de voftre
^ magefté, pardonné à fes ennemis. U s'eft en
5, perfonne, non fans grandz travaux & dangiers,
„ tranfporté vers noftre faînft père le pape, af-
9, fin de le fupplier, qu'il voulGft moyenner fa
„ paix vers voftre dift magellé, fe perfuadant
j, que du moins en l'honneur & à la requefte
„ du liège àpoftolicque vous luy pardonneriez
^ voftre courroux & mefcontentement. Il eft en
^ vous, fire , de monftrer par effcft, que ne
9, fourlîgnez (F) de la dévotion que voz prédd-
^ ceffeurs ont tousjours eue fainfte & inviola-
y, ble vers ledift Gège apoftolique. Il cft en vous
W Toutes deux» (b^ Désénénz.
iflp . B A tJ P Q I N' PREMIER^
! ,, de ne fruftrer Teftat ccdéfiaftîque , de Topî*
Crtûdgloi- ,, nîon qu'il a de voftre affeftion ve^rs foy. Mais
fby-refmc! r» ^Y Voftre paffion trop véhémente, ne peut en-
* y, cores par les fufdifts moyens à ce vous flef-
^ chir , que t^jnt à certes (a) vous requérons ^
^ la gloire ^ honneur, que vo^s fçra d'avoir
y^ vaincu voftre courage & refréné voftre ire.,
„ vous face prendre le party que voftre bon ju-
I, gement & la raifon vous difteront; ce faifant
,, mériterés d^eftre copipfiré ,- nop feulement aux
1, hommes p^rfaiâs, mais, (^ntant que les hu«
„ mains y peuvent attaindre) à la propre dîvi-
„ nîté. Finablement, pofé (ce que toutesfois ne
„ nous pouvons perfuader) que nonobftant ce
„ que deffus, & fans avoir efgar4 U$t bonne,
„ pyeufe & chreftienne remonfttance de norti^e
„ fainft père le pape , entendez continuer en vof-
„ tre courroux & défir de vengeance , fy fçavons-
' „ nous encores le ntoyen , pour parvenir à l'un
^ avec fatisfaftion de Tautre* Ce^ fera , fire , fy
„ vous remettez foubz certaine condition & U-
„ mitation, avec madame Judith voftre fille, le
„ prince Baudouyn en voftre bonne &race. C^
„ le pardon qu'en cefte forte exercerez, donnç-
.„ ra contentement à ceux quy vous en font rç-
„ quefte , & pour îccluy ont intercédé ; & d'aul-
• „ tre cofté Ifi limitation y inférée , tiendra lieu de
j, la peine & chaftoy, que, pour la faute en
5, queftion, pput avoir efté méritée, fervant fuç-
„ ceflivement d'amorce à l'ardeur & défir de ven-
5, geance dont voftre cœur eft enflammé. D'abon-
^ dant (^), vous povez par telle exécution de
5, vengeance en procurer une féconde contre lc;s
„ Danois & aultres voz ennemis leurs fauteurs
„ & adhérents, lefquelz la méritent trop plus
$0RNOMMÉ BRAS D E F E R. ^[ftî
^ que cefliuy^ lequel (foubs les réfervantîons auf-
y, quelles fon honneur Toblig©) fe fubmçt totaj-
„ lement à voftre grâce & merçy. Brief ^ & affip
^ que voftre magefté de tant mieux nous entcq-
n de la magnanimité, vaillantife,& vertu efprou-
5, vée dii prince Baudouyn , pçut eftre la miniftre
^ & exécutrice de la double vengeancç, dont
y, nous avons parlé préfentement , & que ainfy
, y, foit, fy pour fatisfaélion de la coulpe commife
y, voulez, 6 fire, vou^ çqntenter du comman-
y, dément qu.e pomrez faire audift Baudouyn
y, qu'il ayt à joindre toutes fes forches aux vof-
y, très, & les conjoînftcment employer, contre
y, la furie & cruauté des Danois voz mortelz en-
„ nemîs: la jeunefle dudift Baudouyn quy vou3
„ a irrité, demeurera par ce moyen ébaftoyéc,
„ & les rudefles de vos àiâz çnnemis pourront
y, ( moyennant la vaillan'tifç dMçeluy ) eftre ré-
„ primées & anéanties y,. Le roy après avoir bien
diligemment efcouté ce difcours, & les raifons
perfuafives y contenues, demeura quelque pe^
penfif & fans dire mot; mais enfin après plu-
fieurs confidératîons débatuës en foy-mefme, la
raifon fit tant qu'elle demeura maiftrefle. Quy fut
caufç qu'en peu de paroUes , il refpondit qu^fi en
cefte forte aufdiçts légats : „ Meffieurs encores ^^^^^
3, que le méfus commis par le prince Baudouyn reur Char.
„ contre mon eftat royal, foit alfez plus grand Jes >ufdi^
5, que plufieurs ne mefurent, & que pour divcr-
„ tir (/?) tous aultres d'attenter chofes fembla-
„ blés, mefmes contre leur fpîgneur naturel,
„ pluftpft que pour fatisfaire à aucune mienne
^ particulière paflîon, j'eufTe délibéré d'en mon-
„ ftrcr un autre refentîment; fy eft-ce que la ré-
„ vérence & refpedl que je doîbs au fainft fiègc
9^ apQflolicque me fera non feulement changer
C^) D^tourntr,
U% BAUDOIN PREMIER^
f, d'opinion , & condefcendre à rappointement
^ que préfentcmeut avez propofé, mais desjà
„ m*a réduift en volunté d^abfoluement , & fans
^ aucune limitation, recevoir & traifter pour l'ad-
^ venir lediâ Baudouyn & la prînce(R Judith fa
„ femme, comme mes enftns, parents & bons
., amis. En figne de quoy, j'ay ai^refté d'ordon*
^ ner du partage de la difte Judith ma fille de
„ la nïefme forte, comme fy elle fe fuft mariée
,, de mon gré, & confentement. Et affin que
„ puiflîez, de tout ce qu'entre nous fe fera, rap-
^ porter à fa fainfteté nouvelles plus certaines
g, & particulières , je vous prie vouloir féjour*
^ ner pardeçà jufques à la venue defdifts Bau-
,, douyn & madame Judith, lefquels j'envoyeray
„ quérir en la plus grande diligence que faire fe
„ poura (4) „. Ce difl: , le roy & tous les prîn^
ces & feigneurs fe partirent du conleîl, & peu
après par le commandement du roy, fut envoyé
en Flandre une notable & bien honorable am*
baflade, vers le pHnçç BaudoUyn & madame Ju*
dith fa femme.
(4) l/C fond du difcours que Tauteur met ici dans la
, bouche des légats eft puifé dans les lettres dont ils étoiedt
chargés pour le roi & la reine ; mais la réponfe qu*il préec
à Charles n'eft pas conforme à la vérité de l'hiftoire. Le
roi fe montra très-difficile, ^ ne céda qu*avec peine aux
follicitations de Nicolas. Outre les deux lettres que ce pon*
tife écrivit d'abord , il en écrivit une féconde plus pre(*
fante encore que les précédentes , & craignant fans doute
de ne pas réuifîr, il chargea Hincmar & les évéques du
fynode d'unir leurs prières aux fiennes ; & Charles n'auroit
peut-être pas pardonné fitôt , s'il ^l'avoit craint que Bau-
'^^ p*F.^' doin n'augmentât le nombre de fcs ennemis. Nicolas le con-'
Colven i^^^^^ ^^ ^^ P^* ulcérer , par une réfiftancc trop opiniâtre «
un guerrier intrépide qui pouvoit fe joindre aux Normands:
D. Bouq. ^^ propter tram indignationemque vejlram iffe Baîduinus
t. 7- in^piis Normannis fê conjungat^ difoit ce pape dans fa pre-
mière lettre. Cette raifon politique ébranla le roi qui coa»
lentit à pardonner.
noRNOMMé BRAS DE FER. 105
CHAPITRE XX,
Comment rtmpereur Charles le Chaulve eftant re*
concilié 4 Baudouyn Bras de Fer^ acreut lapro^
rince de Flandre ^^ laquelle il érlgeafi çn conté ^
Çf d^.auhres chofes înémorables.
LEs fufdîfts ambafladeurs déléguez pour Tef*
feâ: que par le chapitre précédent avez en-^
tendu, exploîélerent par Içurs journées , de forte
qu'en peu de teinps ils parvindrent en Flandre^
oji ils expoferjcnt bien, & au loîng au prince
Baudouyn & à madame Judith fa femme, la eau-
fe de leur venue, à mefmes la réconciliation du
îoy Charles leur feigneur avec ledjél Baudouyn.
Lequel ayfe au pofTible de telles nouvelles, &
de Tappoinélement que Icfdifts légats luy î^voyent
moyenne (/?), ordonnai que par tous fcs païs,
fuflent pour la fufdifte paix & réconciliation,
faiftes procédions généralles, & allions de grâ-
ces au Seigneur tout-puîflant , & fucceflîvement
feus d'allégrefle , & tous pafle-temps qu'on eft
acouftumé faire en quelque grande profpérité.
Cependant il fe prépara pour venir, avec mada-
me Juàith fa femme en bon ordre & bien accom-
pagné en la court de France, quy lors eftoit en
la v'ille d'Orléans (i). Où finablement ils arri-
vèrent en telle pompe & magnificence que de
tous poinéls ils repréfentoyent une grandeurprcf-
que royalle. Le roy d'aultre cofté, avoit com-
mandé aufdiéls d'Orléans, qu'ils euflent à rece-
voir ledift Baudouyn & la princeffc f^i femme de
Baudouyn
Bras de Fcp
ordonne
que pour
remercier
Dieu de \%
paix qu'il
luy , avoit
odroyée
avec le roy
de France».
Ton face ea
fonpaïs de
Flandre
proceîTions
g(inéralles.
Venue de
Baudouyn
Bras de Fer
& madamo
ludith en
fa court df
France*
(a) Ménagé^ procuré,
(i) Le roi tenoit fa cour à SoifTons. Le marir^c fut ra-
tifié à Auxerre en Bourgogne , après la révocation des ccu-
fures. Le roi refufa d'afflftcr à la célébration de cet liymen , d. Bouq^
felon Uincmar : liuic defponfationi intcrcjfc non voluH» t. 7«
n4 BAUDOIN PREMIER^.
Des caref-
fes & bon
recueil que
rerapcrcur
Charles fit
audid Btiu-
douyn Sç
fa femme.
Extendue
{a augmen-
tation de
Flandre ,
par le par-
tage que le
|roy Charles
$t à mada-
me Judith
la mefme folennîté, & avec le refpeft & hon»
lieur, quMls eftoyent accouftumez faire à fa pro-
pre perfonne. Ce que le lefteur ne doibt trouver
eftrange, pour autant que le roy Charles dépuis
qu'il éuft dcfpouillé fon cœur de la mortelle hay-
ïie & indignation qu'il portoit au prince Bau-
4ouyn, s'eftoit tellement affedlioné aux vertus
& perfeftions (fu'il enténdoit eftre çn luy, qu'il
ne penfoit povoir faire ny mefmes excogiter (a)
chofe^- pour fuffifament repréfenter aux yeulx
d'un chafcun la bonne opinion qu'H avoit de ce
prince. Quy fut la caufe qu'eftantz lediél Bau»
douyn & la princefle fa femme venuz devant U
ïoy, comme ils coipmencerent de propofer, ef-
tants à genouil , leurs excufçs & defcharges , les
fit proroptement relever; & après leur avoit dé-
claré qu'il ne vouloit qu'on tintiaulcun propos
des chofes paffécs les ac.coUa & embraffa d'unç
telle afFeélion que tous les affiliants s'en mcr-
veillerent grandement , s'esjouyflàntz néantmoins ,
de la bonne & honnorable fin que le niefcon-
tenteraent & couroux du roy Charles leur fel-
gneur, avoit prins. Lequel, fuyvant la promeffç
qu'il avoit faiél aufdiftz légats, de faire à 1^
princefle Judith fa fille le méfme traitement,
qu'il luy cufl: faift, fy jamais elle nç l'cufl: of-
fenfé, révocqua en premier lieu, par l'advis &
du confentement de3 princes de fon fang & fei-
gneurs du çonfeil, la fentcnce, par laquelle les
biens du prince Baudouyn avoyent elle confif-
quez^ le reftituant en iceulx purement & abfolu-
tement. Oultre ce pour alTîgnation du partage
qu'il entcndoît faire à madame Judith fa fille ,
il augmenta grandement les limites du païs do
Flandre, lefquels par ledift partage il voulut ef-
tre exjtendus au loing de la mer jufques à fainft
Ça) Ju^aglner , inventer,
^URKOMMé BRAS DE V Ëfi. ti§
Walery înclufivement , & dedans pals au loing
de l'Efcault jufques à Vermandoîs , ou comme
autres difent jufques à la rivière d'Oife^ où ef-
toyent comprîns les territoires de Couitray,
Gand, Thérouane, Arras & Tornefis, comme
j*ay trouvé par aucuns anciens efcripts, & fo
peut Vérifier par les efcliffements (tf), quy depuis
en divers itemps, par partages, mariages, traie*
tés de paix, & aultrraaent en ont efté faiftz (a).
Car quant à fainft Walery, la chronîCque de
(aind Bertin en fait plus d'une fois mention, &
fignamment au paffage, par lequel elle tefmoingne,,
que Ernould dift le Vieil, troiziefme conte de
Flandre, auroit dudift fainft Walery faiéè trans-
porter au monaftère de faint Bertin les corps de
fainâ Walery & de faiuû Régnier, (i&), & que
bonne efpace après Ernould, diâ le Jofne, cin-
quiefme conte dudiâ Flandre , auroit à la requefte
de Hughe Capet lors roy de France, fait reftî-
tuer & remettre iceux corps lainfts en leur pre-
mier lieu. Touchant Courtray , quy fe comprenc
en cinq bailliages & Gand, ny a aulcune diffi«
culte, & d'autant moins que encores pour le
jowd'huy Ton voit qu'ils font de la conté de
(tf) Dtvifions , fartages. . cette tranfliation à Baudoin
(^3 Riquicr. Meyerus attribue le Chauve.
(2} Oudegherft eft ici d'acfotd avec la plût>art des aima-
Hiles. Nous ne citerons que la chronique de St. Bavon corn-
ue la moins connue. Carolus Caîvus fecit eum ™ aii.8^»
{Balduinum^ comitem ut Flandriam in perpetuam haredU
totem ohtineret (f omîtes villas citrà Somonam flavium , ut
ptttà Atrehatum , Hefdînum , Bapalmas , Morinutn , Aream
H SanSum Audomarum, Selon Une lettre d'Hincmar au pon-
tife médiateui:, Charles accorda d^ honneurs à Baudoin.
Comme nous n'avons pas Taéte d'inféodation du comté de
Flandre 9 nous ignorons quels font cts honneurs , k moins
qu'il n'entende par là le titre de comte fouverain hérédJ^
uiit fobftiuié à c^lvl de f;ouvenieur amovible. '
tt6 BAUDOIN PRËMlÉft,
J'iandre. De Thérouane fe treuve par plufieurt
& dîverfcs hjiftoires, mefmes par celles de faînt
Bextin & du moifne des Dufnes, qu*en Tan neuf
centz dix & huid: par le partage faift entre les
deux filz de Baudouyn dift le Chaulve, deuxief-
inp eonte de Flandre, la région dudîcl Théroua-'
île fuft avec Boulongne affignée à Adolph fécond
filz dudift Baudouyn, quy gift à fainft Bertin.
D*Arras & de ce qu'eft maintenant de la conté
d'Artois eft évident ^^ pour ce que depuis il a
efté efclifl'é par le mariage que fit le roy Philip-
pe le conquérant à madame Yfabeau de Haynault,
nièce de Philippe , conte de Flandre & de Ver-
mandois. Comme aufly de Tornefis, eft affcz no-
toire & mânifefte, paf ce que tout le quartier
depuis Toumay au long de TEfcaut, jufques à
Gand où eft comprin» Audenaerde, & fembla-
blement tout ce qu'eft de la chaftelenîe de Tlfle^
fouloit ancienement eftre îiommé pagum torna-^
cenfe^ & difent ceux de fainft Pierfe à Gand,
que leur n^iïaftère eft aflis in pago tùrnacenfi*
En quoy je me fliis bien voulu quelque peu ar-
refter, affin que le leéleuf puifle avec meilleur
fondement jugier de la qualité & contenue de
Flandre^ au temps qu'elle fuft éifigée w conté;
cnfemble pour vérifier que lors ledift pais de
Flandre eftoit de la comprînfe qu'avons cy-def-
^ fus déclaré. Or, pour retourner flir noz ferîfées,
le roy Charles le.Chaulve non content de la fuf-
difte démonftration de fon bon vouloir vers le
prince Baudouyn & madame Judith fa fille, après
Le foreftaî- avoir augmenté la contrée de Flandre de la forte
5re érké " que deflus , érigea la dignité de foreftier en celle
«n contti. de conte, ordonnant que de là en avant ledift
Baudouyn & fes fucceffeurs éternellement s'ap-
pelleroyent non pas foreftiers, ains Ça) contes
' I !■ M ll> I ■! I I I III— —Hi— 1 I.» I I II ■
Çji) Mais»
atjRNOMHÉ BRAS DE r TS, %. isf
de Flandre (3) 9 y réfervant toutesfois à foy &
fes fucceffeurs roys de France, la fouveraineté »
& moyennant rhommage, que lors lediA Bau--
douyn luy fit en tel cas requis & accouftumé*
Ce faift, le roy Charles en corroboration des
chofes fufdiétes , & pour confirmation de la paix
& appoinftement irrévocable entre luy & lediiît
Baudouyn, donna à iceluy Baudouyn le corps
fainft de monfieur fainft Donas archevefque de La nîToft
Raims (4)- Lequel pour celle occafion eft encores Pî^^'iJJ,
aujourd'huy par ceux de Flandre appelle Fafer nw^cft^-
vel aùor pacis. Finablement & afiîn que rien ne v^Wépatc^
mancquaft à toutes fortes de plaifirs, & resjouif- J^^^^
fance, les nopces du conte Baudouyn & de ma- '^^
paciu
(3) Nous avons vu plus haut Cnote 3. du chap. 15. ) que
la Flandre étoit mife au rang des comtés de la Belgique.
Avant foH mariage «Baudoin, comme nous le dirons dan«
la note fuivantc , jouiflbit déjà du tttre de marquis. La dif-
férence confiftoit en ce que, par la conceffion de fon beau^
père^ ce comté qui venoit de recevoir de grands accroifle-
meus, dcvenoit une pofleflion héréditaire pour fa poftérité* ' >
(4) C^étoit un ufage de porter les reliques des faiiits dana
les camps de même dans let rangs des foldats , quand oa
marchoit contre des ennemis de la fol; 6c Ebon rentré en
pofleiHon de Tarchevéché de Rheims ,. avoit Mt préfeilt à
Baudoin , vers Tan 842 , du corps de St. Donas. La lettre
qu'U lui écriyit k ce fujet , commence ainfi : Ego Ebo , A.Mr.cody
tndignus Rhemorum archiepifcopus . . . . riW, gîoriofc mat' don. piar.
tbio Baîduinc , transmittç Donàtianum &c. Baudoin étoit ^* ^^*
déjà marquis , c'eft-à-dire , qu'il gouyemoit la marche , mar^ ^
tba ou marka , en un mot la frontière feptentrionale & ma-
ritime de la France. Charles le Chauve n'eut donc aucune
part à ce préfent religieux qui peut-être avoit été dépofé
d'abord à Torholt & qui fut transféré vers Tan 8^3 à Bru-
ges dans la chapelle que Baudoin y fit conftruire en Thon*
Bcur de ce faint , comme nous l'apprend un diplôme
d'Amoul le Vieil de Tan 961. C'eft dans cette môme églife ^y, Bouq,
^ue cet Amoul le Vieil établît, un fiècle après, douze cha- 1.9.^,725^!
noines & un prévôt qui étoit chanccllier héréditaire <1^ a ivr-
comté de Flandre , & dont les prérogatives avec les revenus '^oru'^pkrl
©nt été depuis annexés à l'évêché de Bruges , créé par Paul IV- ^^ ^
^ iSS9*^ ^ Id demande de Philippe IL
ïô» BAUDOÎN PRE MIE Ë.*^
dame Judkh fa fefnitie- fufrent, en la préfendé
defdifts légatz renouvellées avec les folemnitez^
tournois, & paffe-temps , que la grandeur d*ua
tel roy porôît permettre & tequéfir. Lèfqùelles
achevées, les fufdîéls légats retournèrent iner^
veilleufement fatisfaîfts vth Rome, où nous
les laiÔerons rendre, à bon loyfir, compte -dii
ù\&i de leur embaflade, pour vous déclarer qu^
it conte Baudouyn , après avoir remerchîé le roy
Charles fon beau-père, des bons traiftements^
grâces & honneurs qu'il luy îlvoît faift, prînt
conèé dé luy , & retourna avec madame Judith
fa femme vers fon païs de Flandre, duquel il
éftbit, au moyen qu'avez peu cognôiftre, de-
t'âii 862. ^^^^ premier conte, en Tan hiiiél: cent foixant«
deuxCs)* ' ■ ■
(5) Le maritge ne fot ratifié qu'en 863 ^ La Vfllc de Bru-
ges , félon la chronique de St. Bavon , devint alors le féjour
jftSbi 867. habituel de Baudoin : Éaîduinus Carolo rsgi homagium fa*
ciens , per temp$ra multa Flandriam ^ubernavit^ & in Bru^-i
Jiat frcqueiitiits exifians , burgum lapidem domumquc fcabU
norum nntiquam fundaviti
d tt A P' 1 t .ft Ei xicL
Comment Baudaujn Bras de Fer g? madame ^u^
dith fa femme retournèrent en Flandre; du dé"
gajl ^ue les Notmans fifheni audtâ paii^ de
r édification d^aulcuns chafleaux contre Vexcur-*
fion defdiàs Normans , de la fondation d^aulcu"
nés églifes ^ & du trespas dudiSt Baudouyn é
LE conte Baudouyn, & la contefle fa femme ^
que nous avons au chapitre précédent laiflK
çn cliemin , pour retourner en Flandre , exploic-
terent par leurs journées de forte qu'ils y arri-
Irerent peu après ^ au grand coutentement de tous
leurft
SûfcKOMMÊ BRAS DE ¥ E^. ià§
leurs vaflaulx & fubjefts. Lesquels pour lent
Venue fifrent mille manières d*esbats par tout 16
t)aïs, avec feus de joye & aultres figues d*allé-
gtefle , par lesqùelé Ils donnoyent aflez à enten-
dre la grande fidélité & artioûr quMÏS portoyent
à leur prince. Lequel d*aùltre (fofté tecevoit des
fufdifts debvoîrs un extrême pliiifir & indicible
fatisfaftio'n, & non fans caufe. Car la préfeuce
des citoyens eft accouftumée d*eftre très-agréa-
ble aux princes çn tempS dô profpérité, oultre
ce que la congratulation & fesjouîffaffcef, éft Tin-
dice & figne d'un peuple bién-veullaiït ; & eft
bne réconciliation des cœurs 4 & réintégration
d'amdur entant mefmes que par iceHe fe démon-
ftre une commune efpérance, quy remply de
joye lés dœufs des bien-veuUantz , pour U fé-
licité du prince, tellement que quiconque ne fe
resjouyt de la vîftôîre ou profpérité de fon roy
ou feigrieur, fe rend lufpeél & mal-veullant. Le
conte Baudoiiyri donc éftailt retourné en fes païs
& cognoiflant par les. fufdites & aultres démon-
ftrations, l'aniour & fidélité de fon peuple, affia
de pareillement fatisfaîre à fon devoir, applic*?!
tout foiî eftudé^ fçavoir &, dprit, pour advifer
comnï'ent il pouf oit confervef fon paîç, '& gôu-
Verhef" foiï peuple eh bonne paix , Concorde &
tranquillité; Cependant & comme le conte Bau-
douyn eftoit occupé au prôjeft tel que deflus »
ks Normans le furprindrent à Timpourveu, lef-
queli fôiibs K cônduiéïe de leur r6y Haftingea
defceridirent en merveilleux nombre St avec for-
ces incompâratles au pais de Flandre , où ils
ruinèrent l'églifè de Tronchienes lez Gand , bruf-
lereiit lé cloiftre de fainft Bertirt , Cafand , Ou.
denbourg ^ Rodembourch ( qu'on appelle au-
jourd^huy Ardembourcti) ^U'éftoyènt lors deux
villes très-puiflantes & (à raifbn de lamarchan-
dife qui s'y traiéloit) grandement renommées*,
& gafterent toute la coûtrée de Flandre, au grand
M
Lt vréttûi
c6 oes ci«*
toyens
agréable
auxprinae^
en temps d#
prOfpéiiUi-
Descente
Aes Nôf*
mansôdhi''
nois ^
gadent 1«
païs de
Flandrttf
"Bandouyti
faia édifier
des fortc-
reifcs con-
tre les cx-
curfions
des Nor-
mans.
Le Rourch
de Bruges.
igraveftée
àGand édi-
fié par Bau-
douyn Bras
de Fer.
130 B A U P 0 I N PREMIER^
tegrct & incroyable crève-cpeivr du conte Bau-»'
douyn , lequel obftant le petit nombre de fortes
j)laces, qu'il avoit lors en fon païs, & que pour
4ivoir efté lurprins à pied levé , n'avoit faîft pro-
vifion de foldats , & autres chofes en^telz affai-
res néceffaires , ne povoit aucunement réfifter
aux forces defdiftz Normans, qui peu après laif-
ferent Içdift Flandre , & tirèrent pour exercer
femblables pillèries en autres circomvoifmes pro-»
vinces (i). Et lors le conte Baudouyn confidé-
rant le dommaige & dedruftion qu'ilz avoyent
moyenne en fon païs, fit en iceluy ( contre les
excurfions qu'eux ou aultres pouroyent à l'ad-
' venir attenter) édifier aulcuns chafteaux & for-
terefles; & entre aultres un en la ville de Bru-
ges (laquelle bien peu auparavant il ^voit auflî
commencée) que pour le préfent l'on appelle 1&
Bourg ; & un autre fur le Lys à Gand au mefme
lieu où bonne efpace auparavant eftoyent leà
deux vicls chafteaux , fçavoir Ganda & Blandt^
nium^ depuis convertis en cloiftre^ , félon qu'af-
fez amplement avons déduiél au commencement de
cefte hiftoire , lequel chaftel ceux de Gand nomment
encorespour le jourd'huy'Sgravcftée(a). Ce faiél,
fçafchant que tous biens procèdent de la main
tout-puiffante de Dieu & que fans la fouveraine
(0 Les côtes de la Flandre furent rarenjcnt infultéesdan»
les années qui fuivirent le mariage de Baudoin qui étoit la
terreur de ces brigands. Ils y bazardèrent une defccntc «
Ann. Bert. mais ils en furent promptement rcpouffés. Ainfi Tinvafioa
«n 864 dans dont il eft ici queftion, appaaient au règne fulvant, fous-
Ducbefhe lequel les Normands commandés par Gormond leur chef
*• 3» ravagèrent la Belgique.
(3) C'eft le Sgravejieen , connu dans Tbiftoire de Gand
fous le nom de Petra comitis. Les comtes de Flandre y fi-
rent leur réfidence, jufqu'au tems où Louis deMalefitbfttir
le palais ofi depuis eft né Cbarles-Quint. Ce cbâtcau flan-
que de plufienrs tours ofTre encore quelque* reftes x^î^&x*
blés de vétufté.
feûki^oMMi BRAS DE F Ë H. tgt
t)rotea:ion & déBbrinaire ayde dMceluy, les puîC*
fances & rîchefles des royaumes , pour grandes
qu*elles foyent, tcmiffent & flettriflent , fe oc-
cupa en Tédification d*aulcunes églifes & fignam- '
ment de celle defainftDonas; qu'il fit conftruîre
en la ville de Bruges, au lieu tnefme où J^yderic,
premier de ce nom , avoit long-temps auparavant
fondé la chapelle de noftre Damé ^ & fit illec
apporter le corps de monfieui: fainél Donas, que
le roy Charles le Chaulve luy avoit depuis peu
d'efpace donné ; ordenant au refte, \uê de là en
avant ladifte églîfe feroît en honneur d*iceluy
fainft ( le corps du quel y repofe encoire pour
le préfent) appellée de fainft Donas (3); & après
avoir conftitué en icelle églife douze chanoines
réguliers (4), fe tranfporta en fa ville de Gandj
pourafl[îfter& eftre préfent, avec grand nombre
de nobles, & une infinité de peuple ( qui eftoît
là pour le mefmè effeél affemblé) à la tranflation
(qui fut feiéle par Remelin évefque de Noyon)
du corps de madame fainfte Amelbergue , de la
ville de Thamife ( où elle ^oit enterrée ) au
doiftre de, fainft Piètre audift Gànd (5) , où il
confirma tous les privilèges & droiftz , que fès
prédéceflfeurs foreftiers de Flandre & autres y
avoyent mis fus & eftablisi Brief , il n'oublia
chofe , dont un prince aymant & cràindant DieU
& jaloux Aé la tranquillité de fon peuple , doit
eftre curieus & avoir Ibîng; fe monftrant fur tout
Végm S.
Donts à
Bruges tu
mefme lieu
où tupan*
vint eftoic
U chapdle
de noflre
Dame , con*
ftruide par
Lyderic
premier d#
ce noffl«
, ftiinàé
Amelber-
gue trannà-»
tée à S.
Pierre Ici
Cand.
(3) Voyez ci-deflus note 2. dii chapitre il. jJâg, 6$.- éi
iiote 4. du chapitre 20. pag. 127.
(4) Voyez la fin de la note 4. du chapitre 20. pag. 127.
(5) Celui qu'Oudegherft appelle Remelin, eft appelle Rem-
helmus dans un diplôme de Charles le Chauve , Ràgenelmtn
par Flodoard , Ragelinus par Maffon & Raymelinus par Tan-
nalifte Meyerus. La confirmation des privilèges , dont il eft
tarlé dans les lignes fuivantes , avoit été faite par Charles
le Chauve en 864.
M a
Mif. cbA
don. piar*
c. ip.
Les myftè-
res divins
doivent
cftrc traic-
tez par gens
doâes&de
bonne vie.
Ï3ft . B A U D 0 I N PREMIER^"
diligent en la continuelle alïïftence qu'il donnoît
aux évefques & autres officiers eccléfiafticques ea
ce que concernoit la réformation des mœurs ea
reftat eccléfiafticque , comme tous princes cbref-
tiens devroyent à fon exemple femblablenlenc
faire pour obvier & remédier aux fcandales, qui
journellement au moyen de la vie desréglée des
gens fpirituelz peuvent fourdre & yflîr (a) , au
grand détriment de la chofe publicque de toute
la chreftienté. Outre ce , qu'eft biea requis de
néceffaire que la religion chreftienne, les imper-
fcrutables (i») myftères d'icelle , & tout l'hon-
neur & office divin ( par lefquelles chofes nous
appaifonsle Seigneur Dieu, & le rendons à nous
propice ) foyent traiftées par gens de bien , gens
de vertu, de bonne vie & exemplaire , & qui
foyent experts aux lettres divines & facrées, de
forte qu'ils puiOent neftoyer&repouflerles brouil* .
' lardz de difficulté & ignorance des yeux humain».
Or (affin de ne trop nous esgarer) le conte Bau-
douyji fuyvant le bon zèle & ardante affeftion
qu'il avoit à l'honneur & fervice divin , eftant
par Tévefque de Noyon ( qui lors eftoit métro-
politain de Flandre, d'autant qu'il n'y avoit
encoires en Tournay,ny Arras aucun évefque)
adverty de la vie diffblue & défordonnée que le»
religieux de l'ordre de fainél "Benoift (qui eftoyent
au cloiftre dudifl: fainél Pierre à Gand) avoyent
commencé mener & continuoyent , chaffa, à l'ad-
veu & du confeil dudift évefque , lefdifts reli-
gieux hors dudidl cloiftre. Ce que néantmoîns
ne devolt par ledift Baudouyn avoir efté faift ,
& beaucoup moins au moyen que félon droift
n'eft à perfonne permis d'enchafler les religieux
ayants faift profeflîon ; trop bien les p«ut an
réformer, ou, quand la néceflîté le requiert, ren-
CO NaUrc^Çf fortin
Q) IfnJ^inétrabUs*
SURNOMMÉ BRAS DE F E R. I3J
▼oyçr en aultres Keux pour eftre tenus plus es-
tjroiAement : lediA Baudouyn toutesfois les en*
chafla, collocquant au lieu d*iceux des chanoines
réguliers, gens de bien & vertueux , qu'il fit en
grande diligence choifir & cercher des villes de
Gand , Bruges & aultre part , lefquelz quelque
temps après Arnould, diA le Vieil,- depuis conte
de Flandre, ofta, y remettant des religieux du
mefine ordre de Tainft Bertin , pour la raifon &
félon que voyrez cy-après. Ce Baudouyn euft de
madame Judith fa femme trois fils , fçavoir Char-
les qui mourut jeune, Baudouyn fumommé le
Chaulve, qui luy fuccéda en la conté de Flandre,
& Rodolpb qui fut conte de Cambray, Et pour
autant que ledift Charles mourut par faulte de
fa nourice , la bonne contefle ne voulut croire (a)
ny commettre ledift Baudouyn fon fécond filz à
perfonne vivante; ains Tallaiôa eUe^mefme , lait
faut par ce un mémorable exemple que toutes
mères par raifon naturelle devroyent fuyvîr , ne
fut qu'elles foyent de ce faire empefchées pour
aucune très-griefve & importante occafion. Fi-
nablement, après que le conte Baudouyn , diA
Bras de Fer, euft prudemment & vaillamment
gouverné ^ province de Flandre vingt & cincq
ans en qualité de foreftier & quinze ans en celle
de conte , il treQ)afla en fe ville d'Arras ( qui
lors eftoit chei^viîle&capitallesde Flandre) en Tan
huift centz foixante dix & fept , ou félon autres
foixante dix & neuf, & fut fon cœur avec fes
entrailles mis au monaftère de faînft Pierre à
Gand , & fon corps en habit de moifne (6) ap-
Les tnhns
de Bau.
douynBwS
de Fer.
Les mèret
doibvent
allaitter
leurs en-
fans ft el-
les ne font
de ce fairt
empef-
chées.
Arrts capi-
tale ville de
Flandres.
L'an 877.
Décès &
enterre-
ment de
Baudouyn
Bras deFcr.
(if) Confier t du latin crcdere,
(6) C*étoit nn ufage aflez général alors de fe faire inhu-
mer en habit de moine. Les grands , comme le peuple , fe
fefoient un devoir religieux de s'y aflujetdr. U eut U«u
loog-tems encore aprè« Tépoque où mourut Jtoudoin^
Sithio,
maintenant
0. Orner.
L'épitaphe
de Bau-
4ouyn Bra^
4e Fer.
134 BAUDOIN PREMIER,
porté çn U ville de Sithiu , qu'eft maintenant
Saînft Orner , en Téglife dç fainft Berïin , où iî
eft enterré, & eft fon épitaphe tel i
Filius Andacri Baldulnu$ Ferreus otim
Forïis Sf invif^is viribus ijle fuit.
Audaces cujus animos edicere nullus
Suffictt^ ipfe forefterius ultimus eft.
Fhndrenjîs frimufque çomes , guem Carole Catn
Qb natam infeuaas , quam tulît ipfe , tuam.
Pluribus hic annis vivens , in pace quietus
Rexit fif erexit pacifici patriam^
TranftuUt hic faniti corpus quoqu^ Donatianiy
Rhemorum antiftes feptimus ifte fuii •
Jn Brugenfemque urbem dedtf^utn çolfoçaf^ ^tqm
Condidlt ipfi^s in nomine eccleftam.
Ferreus eft di£tus , quod femper ferre folebat
Loricam , armatum femper habebat equutn^
O^ingentefimus Domini dum déficit annus
Aft oSfogefimus incipiens moritur.
Cujus honorifici tumulatum corpus hqbet nunc^
SanSti in Berttni canobio requiem.
Lequel épitaphe fe peut en rime françoife tran-i
dater félon & de la manière que s*enfuyt :
Ceftuy fut filz d'^Andacrc Baudouyn Bras de Fer
J^ort , degrand^ entreprinfe ^prudent ^ magnanime ,
Duquelles f(iiùz hardis nul pourroit exprimer
Affez difertement : il fut de la fublime
Terr^ ^ pais de Flamens le dernier foreftier^
Et le conte premier: qu'acné crier t'' anime
O Charles^ di& le Chaulve^ enfembP à P inféoder
Le refpeÙ de ta fîlt* en beauté tant fuprime^
A quy s*avoit ofé Baudouyn marier
Contre ta volunté ^ à ton regret extrême. '
Il a par plufteurs ans regy fif augmenté
Les Flamens en doulceur , ^ en paix plant oureufe ((?)•
(jî) AhoH4ant9,
SURNOMMÉ BRAS DE F E R. 135
Il a pareillement le corps fainEt tranflati ,
De Donas le prélat en la ville joyeufe
Des Brugeois les courtois , lefquelz il a doté
Du nom dudiEt Donas d'une iglife fameufe.
Il a de Btas de Fer le nom brave porté
Pour ce que de tout temps fut en faifon fafcheujh
Ou en liet^x de dédui&z (a) , // efioit ufité
D^ avoir ^ fif fon cheval^ de Mars la face hydeufe.
S^àfeptante-^neuf ans vous adjuftez huiù cenSz
Vous trouverez qu'* alors fon ame bienheureufe
Print congé de fon corps , lequel au mefme temps
Fut mis en fainâ Bertin , oit encor* il repofe.
Quant à madame Judith, femme dudîâ: Bau-
douyn, il n*eft mémoire du temps de fon trefpas,
& encoires moins du lieu où elle fuft enterrée.
Toutesfoîs j*eftime que ce fait efté au monaflère
de fainél Pierre à Gand, près le cœur & entraîl-
Jes du feu conte Baudouyn fon mary; entant
mefmes que obftant les règles & inftitutions que
lors eftoyent au çloiftrç de fainét Bertin (fuy-
vant lefquelles n*eftoit loyfible d'y enterrer aul-
cune femme) ladifte Judith ne peut avoir efté
enfepvelye audlft faînd: Bertin, Nonobftant quôy
vous ay bien voulu propofer Tépitaphe que ay
trouvé de ladiéle dame tçl, dç mot à mot, que
voirez préfentement :
Régis Ftancorum CaroU fiimfilia Calvi,
Nobilis illa Judith ^ ^ fpeciofa nimis.
Uxoremfîbi quam me fumpfit Ferreus olim
Balduittus , duce quo FÏandria pacem habuit.
Gloria qui veterum mihi quondam magna meorum
Ëxtitft^ heus Carolum mors rapuit juvenem.
Alter fuccedens patri regnavit G? ipfe
Tempore fat longo , mors rapit hune ad eum.
Omnia deficiunt mortalia gaudîa mundi ^
Et fub foie nihil permattet hic.ftabile.
En faina
Bertin l'on
ne peut en-
terrer ,aul-
cunes fem-
mes»
L'épitaphc
de madame
Judith, pre-
mière con-
telFc de
FlandrQ^
(«) Pajfc'tems , plaifir^
tS« BAUDOIN PREMIER.
Princeps prima fui Ftandrenfîi^ inclità ^uondami
Nunc fed in angujio contrahor hoo tumulo.
^am mihi ntl profunt vir ^ proies ^ patria diva
EJl mta fed fœdis vermibus efca caro.
Ce qu'ai;iri fe peult rendre en rime françoife;.
Fille du roy je fuis ChûrJes le Chaulve
Celle Judith tant beW & tant pri fie ^
Que Baudouyn Bras de Fer a aymie
Sy fermement , qu\il n^a fa vie faulve
Peu cejfer^ qu'il ne mUu/i ^fpoufie.
Cil Baudouyn je diSls^ foubs qui paijlble
Flandre a ejlé. I)' autre part qui la gloire
De mes anciens m^eufl e/fé piremptoire^
La mort^ hélas! trop cruelP & pénible
Charr ofté m* a du monde tranfitoire.
Vautr^ à régné fuccédant h fon pire
Affez long temps ^ lequel en fin termine^
Cejl bien raifon ^ car il faut qfte tout fine (/r),
Soubs lefoleil rien n'*ejî tous jour s profpire.
4 quoy fert donc toute gloire mondaine?
Je fus jadis de Flandre la conteffe
Première j nobp ^ dç tous honnorée^
Maintenant fuis en ce cercueil pofée
JVe fentnnt plus de monde la lyeffe (Jj) ,
F^t néantmoins j^ attends la perduré e (c).
Peu me prouffît (d) ou rien préfentement ^
Mon ^oux mary , mes en fan s déleùàbles ,
Mon païs ricV , ains fert aux vers nuyfable$
Ma pouvre chair d'afeure nutriment (0
Foyià comment cy-bas rien n'eji durable.
(a) FhlJTe. (d^ Me fert.
O) Joie, re) Nourriture,
(0 LUtertiêlîi. ^
RAUDOIN SECOND. 13?
CHAPITRE XXU.
Comment Baudûuyn^ ieuxtefme de ce nom^ dict le
Chaulve^ vint au gouvernement de Flandre^ des
femmes gf enfans d*iceluy , des tilles & églifes
par luy édifiées ^ avec autres, fingularitez ; & com^
mentluy eftant layc^ devint abbé defaifiâ B^rtin.
BAudouyn , furnommé le Chaulve , non qu'il
fut tel, mais pour autant que fon grand-père
avoît aînfi efté appelle 9 & ut agnomen Cufcitafis
CVS , proprium nomen exaltaret^i)^ fucccda à Bau-
doujTi Bras de Fer fon père, & régna quarante
ans. Il çuft à femme madame Elftrude fille d'El-
&ède roy d*Anglçterre (a) , dont il euft deux
filz, Ernould, dift le Vieil, qui depuis fut conte
de Flandre , & Adolph feigneur de Thérouane
& conte de Boulongne , & deux filles , Egiffrède
& Elftrude (3), desquelles Je nç trouve aucune
autre mention par les hiftoire*. Ce Baudouyn euft
i fon advénement en la conté de Flandre plu-
Heurs fafcheries & rencontres contre les Danois
& Normans, qui derechief etloycnt defcqndus en
la province de Flandre , fur lefquclz il obtint
plufiçurs viftoires, & néantmoins il fut pareille-
ment aucune fois vaincu, parce que le nombre
Cl> Ce ptflage que l'auteur parott avoir emprunté de 1?
chronique de St. Bertin » doit être rétabli de la forte : BaU
duinus ..,./* Cfilvum cognominari fuît , non quod Cal.
vus ûBu fu0-it ^fed ut nçmen avi fui fufcitatis ^ fui ipfius
nomen ac generis hohilitatem cxaUaret.
(2) Les hiftorièns anglois TappeUent ^Ifthrythc , ÂcWrytb
& Elitrite,Zl\c étoit fiUe d'Elwife & cf Aîfired le Grand, roi
d'Angleterre. C'eft le nom que lui donnçnt Affer, Roger
4e Hoveden fie Ethelwerde.
(3) Vredius , d'après un hiftorien anglois , les appelle
EaUbwid & Earmentrutb , Eaïswida , Earmtntrutha , ^f^f$t
( r«x ) £lftbrytbe filiam fuam ad partes Germania Balduino
fn matrimonium , & genuit ex ed pli os duos , Jrthulphum
pidclicet & Earnulphum , duos filias quo^ue , Eals^i4 9
£^rmntntfbf
Pourqnoy
ce Biiu-
douyn fat
Aimommé
k Chaulv-c.
Madame
Elftrude
d'Angle ter*
re, femme
de Baa-
dou^Tî le
Chaulvc.
Le« enfans
de Bau-
douyn le
Chaulvc,
Danois 18c
Normans
en Flandf Cr
D. Bouq. c
9- p. ro.
Vrcd. j;é-
néal. Flan-
dr. p. 9 6w
10.
Ibid.
CcfliitiQn
4ç« pîllc-
/ ries des
«8 BAUDOIN SECOND,
d'îceulx Normans efloit fi grand , qu'il fembloU
que , nonobfliant Toccifion & boucherie qu'ea
plvtfieurs lieux s'en faifoît , ils multiplioyent tous-r
jours & augtnentoyent (4). Mais enfin leur rage
& excurfions ceflerent peu après , au moyen de
Tappoindlement que le roy Charles, diftleSimi
pie, fit avec eux, & dont par les chronicques
françoifcs le lefteur poura eftre plus amplement
informé (5). Environ ce mefme temps, Rodolph
Ann. Vc-
(lad. an 875;
& fuiv.
Chron.Bnv.
anl{8o.8ai.
Mcycr.
an.
Abr.'chron.
dcl'hiil. de
k'r, anpia.
(4) Nous fuppléerons par refquiiTe fuivante au filence
,d*Oudegherll fur les ravages des Normands. La mort de
Baudoin Bras de Fer fut pour la Flandre le figQal des plus
trides événemens. £n 881., le nord de ^Europe parut fe
précipiter en torrent fur ces provinces avec une fureur dont
ni les Huns, ni les Vandales, ni les francs, n'avoiçnt don-
né l'exemple dans ^ucun fiécle. Une flotte envoyée des porM
de Tocéan feptentrional vomit fur nos côtes une horde in,
nombrablc de brigands dévadatcurs. La ville de Térouanne
pillée & livrée aux flammes , le territoire des Ménapiens
ravagé , le Brabant dévadé ^ ne furent qiie le prélude dc|.
i^reurs qu'ils exercèrent l'année fuivante. Après avoir palfé
leur quartier d'hiver dans la ville dq Gand , ils remontèrent
l'Efcaut au printems de l'année fuivante. La vUIe de Tour-
nai , les bourgs , les villages , les monadéres qui s'étcn-
doient des bords de TEfcaut jufqu'à cfux de la Sambrc,
tout fut pillé , ravagé , incendié. Vaincus auprès de Thuin
par le roi des Saxons , ils n'en devinrent que plus furieux ,
& vengèrent cette défaite par le maflacre des Ménapiens &
des Suèves & revinrent pafler l'hiver k Courtrai. L*année
fuivante. Cambrai , Arras, toutes les villes & tous les
monadéres jufqu'à la Somme devinrent la proie de ces bri-
gands. Outre les villes de la Flandre que nous venons de
nommer, Audembourg, Ardembourg, Odbourg, Torholt^
Furncs , Boulogne , Audenaerde , Harlebccque &c. , les ab-
bayes de St. Riquier , de St. Waleri , de Marchicnncs &c,
furent en pjirtic détruites ou brûlées.
(5) Cela eut Heu en 912. Charles le Simple, fatigué de
lutte'r contre les Normands & touché des prières de {es peu-
ples qui vouloient la paix ii quelque prix que ce fût^ con-
clut avec Rollon leur chef un traité par lequel il lui donnolt
en mariage fa fille Gifèle , avec cette belle partie de la
Neudrie que depuis on appelU Normandie. Rollon demanda
encore la -Bretagne 6c l'obtint.
BIT LE CHAUVE.
139
ronte de Cambray, frère du conte Baudouyti ^
4ia le Chaulve, fit en faveur du roy Charles le
Simple, afpère(tf}& forte guerre au roy Eude,que
les François, àraifonde la piinorité dudicl Charles
Je Simple leur prince, avoyent par provifion çhojfi
pour roy : & eu une rencontre qu'il euft cmitre
Her:bert conte de Verniandois, qui tenoit le parti
dudift Eude, il fut defconfit & occis (6). Dont
îidverty le conte Baudouyn aflembla , pour venger
la mort dudi^ conte Rpdolph fou frère, mçrvciU
leufement grand oft, avec lequel il tira en toute
diUgence contre lediélEude, qui fut mis en fuyte,
demourant^ plufiçurs des fieus prifonniers. Mais
comme iceluy Eude mourut aflçz toft après , &
que la couronne de Frîipce fut mife es fliains
fdudiét Charles le Simple, qui en eftoit vrai héri-
tier, la fufdiçle guerre ccfla, & retourna le conte
Baiidouyn en Flandre, où il ne laifla çouller en
yain l'opportunité (^bj , que la paix faidc avec lef-
diélz Normans, luy donnoit dç reftaurer & ré-
parer les places, villes, monaftères , églifes &
forterefles,quiparles fusdîéles excurfions avoyent
efté deftruiéles , bruflées & démolyes. Il fit murer
Rodolph
conte de
Cambray
frcrc du
conte BaU'
douyn oc*
cis*
D(îfaide da
roy Eude
de France
par le con*
te Bau-
douyn.
Ix conte
Baudou^-n
reftaure les
places niy^
nées au
pais de
Flandres.
(tf) Rude , opiniâtre , de Pad- ' (è) Voccafiûn , la facilité,
jc&if latin , afper, a , um.
C6) Eudes , comte de Paris , ayant été proclamé roi au
préjudice de Charles le Simple en 888. , Cfc la France fe
trouvant divifée en deux partis, Baudoin le Chauve avoit
cmbraffé le parti de l'héritiçr légitime de la couronne : Odo
rex declaratur ^ reclamant ibus maxime Balduino Flandrise
comité & Fulcone Rbemorum archicpifcopa, Rodolphe frère
de Baudoin , qui , après la mort de Baudoin Bras de Fer ,
avoit eu en partage le comté de Cambrai , avoit également
embraffé le parti de Charles le Simple. Un jour qu'il pilloit
Tabbaye de St. Quentin en Vcrmandois, il fut tué par Her-
bert ou Héribert fils de Pépin, petit-fils de Bernard, roi
d'Italie & premierxomte de Verraandois , lequel s'étoit dé-
claré pour rufurpateux £udes.
Meyer ann.
890.
Bouq. ann.
Vedaft. ad
an. 896. .
Rcgin. I. a.
les édifica-
tions & for-
tifications
que le con-
te Bau-
douyn fit
en Flandre.
Edification
de Derghe
fainA Wi-
nociu
Office de
bon prince»
140 BAUDOIN SECOND,
la vîlle de Bruges & parfît Ça) le Bourch, qu'eif
îcelle Baudouyn Bras de Fer fon père avoit com-
mencé, & fit faire aulcunes portes audift Bruges.
Il mxinifl: & fortifia la ville d'Ypre & celle de
faînél Orner (7) , & fit fermer le cloiftre de faînft
Bertîn, comme au(Tî il fit édifier & murer la ville
de Berghe , à laquelle il ;mpofa le nom de fainft
Wînoch. De ce non content 5 il s'appliqua à ce
qu'il fçavoit néceflaîre pour Tinflitution d'une
bonne pollice en fes païs, aufquelz il eftablît plu-
fieurs bonnes ordonnances contre les mauvaîfcs
moeurs , & fit extrême devoir de purger les terres
de fon dommaine de plUcries , larrechins & autres
maléfices , cherchant au refte toutes oqcafions à '
luy pofiibles ^ pour nourrir fes fubjeftz en bonne
paix & concorde, enfemble pour leur moyenner
toute profpérité & repos; office vrayement digne
d'un prince chreftien & vertueux , qui ne doit
avoir aultre chofe plus chère que l'heur & féli-
cité de fon peuple , lequel il eft obligé d'égalle-
ment aymer & en avoir foing continuel, mefmc»
d'en ce feul coUocquer Çb) toutes fes penfées ,
applicquer tous fes effortz & mettre toutes fes
applications, aflTm qu'il adminiftrc & conduîfe la
charge à luy commife de telle forte, qu'il en foit
loué de Jefus-Chrift, quand en conviendra ren-
dire compte, & qu'il délaifte au monde bon bruit
& honneftc mémoire de luy. Dont aéantmoins
Ça) jicheva,
(*) Cefl'à'dire^ de tourner
toutes fes penfées vers cet ob»
jet. ColloqiiQt^ placer f du
latin collocarc.
D. Devien-
ne, hill.
d'Artois t.
*.p.i43.
(7) Jusque» là on l'avoir appelle Sithiu 6c ce n'dtoit qu*un
bourg. Ce bourg & le monaftère ayant été ravagé» par Mes
Normands, Tabbé Foulques, depuis archevêque de Rhcims , .
tvoit fait réparer en partie l'un & l'autre. Baudoin achcv»
Tentreprife Tan ^2., alors le boiurg prit le nom de Se Omor.
ftîï LE CHAUVE. 14<
plufieurs prîrtces chreftiens font femblant d'avoir
merveilleufement peu de cure Qî) & foucy , eux
perluadantz, (du moins félon que par leur vie
ils démonllrent) que les principautez , royaumes
& feigneuries leur font de Dieu oélroyés , pour
fatisfaire à leura plaifirs désordonnez , pour chaf*
fer d'eux toute mélancolie & foUicitude , & pour
vacqyer aux bancquetz , y vrogneçies , paillardife»
& autres voluptez mondaines. Nonôbftant quoy
& ellants telz, ils s'ofent dire& appdler chre^
tiens, & n'ont vergoigne d'eux 'glorifier du
nom de Chrift, duquel ils mefprlfent la vîgilan*
ce, charité , prudçnce & autres femblables per-
feâions. Lesquels pourtant je renvoyefoysvolun-
tiers à l'efcoUe des mefmes aethnïques (Ji) & infi-
dèles, affin que* avec leur plus grande honte &
confufion leur foyent les yeux ouverts , conduiélz
& menez par les aveugles au droîft chemin &
fentier de vérité. Ce que de faift leur peut ad-
venir , s'ils ve^Uenr efcouter & diligemment exa-
miner la dGarinè" & enfeignement qu'entre les
aultres Hdmére , paragon (c) des poStes grecs ,
a laifl'é par efcript en cefte forte: Nul prince
doibt dormir la nuiS entière. Par où fediél: Ho-
mère en bien peu de pai-oll'es nous enfeigne l'a
grande vigilance & continuelle fblïfcitude , esquel- .
les un bon prince doit eftre pour Ta tuitîon(^^
affeurance & confcrvation de fon peuple. Or ,
cour reprendre noftre premier thème >, le conte
Baudouyn après avoir reftauré & édifié les pla-'
ces & villes que deffîis , & fatisfaift aux autres
devoirs, aufquelz comme prince il^elïoit obligé
vers fon peuple , il ne jnit en nonchalloir (éy^
La négfi^
genced'aul*
cuns prin*
ces chref*
tiens re^
prinfe*
Les prince»
mal coftd^
tionez en*
voyez kref-
coUe do»
mefmes
ethnie-
ques.
Itiad Lsr;.
(fl) Soin , du latin cura.
(^) Paycns^du latin ethnicus.
(c) Le plus grand , U premier.
(0 M^nfe.
(^) En çubli, NonchalUir [t^
gnific ne fc fouçier pas ds
quelque cbofi.
tes dglifcs
de. S. Mar-
tin, &. de
S. Winoch
édt fiches par
le conte
Baudouvn
Cn la vUl^
de Berghcs.
ta cliàpelle
faindcPhâ-
taïlde k
i^and.
te corps de
8. Gherolf
en rdglifc
do Tron-
chicncs*
Le corne
Baudouyn
devient am-
bitieux &
avare.
Le conte
Baudouyn
prétend at-
tirer à fon
Î)rouffit
'abbaye de
ainfk Ber-
lin.
144 BAUDOIN SEC ON a 4
ceftuy, lequel par talfôn le devoit plu^ esguilloffjï
ner, qu'eftoit le refpeét & honneur vers Dieu ^
pour le ferviec duquel il fit édifier en la ville dé
Berghes lainét Winoch ( nouvellement par luy
conttruiéte) deux églifes^ l'une iiu'il coûfacra au
nom. de fainét Martin, & l'autre à ceftuy de fainék
Winoch , en l'honneur duquel il avoit ^infi faift
appellcr ladifte ville de Berghes , ordonnant au
furplus, que le corps du diét Tainfl: Winoch fut
transporté du monaftère de fainft Bertin ( où
jusques alors il avoit rcpofé) en ladifte égliie de
iainft Winoch, 11 fcit aufli commencer la chap-
pelle près le nouveau cartel à Gand , que nous
appelions fainde Pharjjïlde, & répara l'églife de
Tronchienes prèz ledid Gand^ qui avoit par les
(usdiàz Normans efté brUflée & totallement def-
truiéle, & y fit dcrechîçf aflcmbler les chanoine»
réguliers, lesquels avec Jehan leur prévoft avoyent
pluficurs' années efté dispérs (^a) par le païs. Fi-
nablement il fut préfent quand le corps de mon-
fieur fainft Ghérolf fut par Gherard, évefque de
Noyon , eflevé & tranflaté de Meerende en Téglife
de Tronchienes^ Lesdiéles chofes achevées , le
conte Baudouyn demoura bonne efpâce de temps
en heurqufe & ) continuelle paix , jusques à c6
que changeant de complexion , il changea fembla-
blement de fortune. Car il devint avare , convoi-»
teux & ambitieux^ félon e[tie aflez il defeouvrit,
lorsque confidérant les richefles & pofleflîons d6
Tabbaye de fainft Ber^ift , qui eftoyent grandes ,
prouflitables & honnorables , luy vint volonté d'ca
avoir la jouiflance, laquelle de faiét il pourchaC*
fa Çb) vers le roy Charles le Simple en toutcî
inftance , & par plufieurs prafticques, ne laiffarlt
audiét effeét diligence, fubtilité, ny autre devoir.
W Dijpcrps.
(*) Pourfuivit »
foUlcita,
rechercha i
DIT LE CHAUVE. Ui
desquelz pour parvenir à fon intention , il fe po^
voit ad^ifer : nonobftant quoy ne luy full du
commencement poflible d'obtenir en ce qu'il pré-
tendoit, à raifon que Tabbé Humbault, porte (tf)
de Fulco archevefque de Raims , luy contradifoit
& s'oppofoît tant qu'en luy eftoit à ladifte pour-
fuyte : au moyen de quoy yflît depuis entre le-
dift archevefque & le conte Baudouyn grande
noyfe (i) & débat, qui durèrent longue efpace
de temps. Lequel Baudouyn enfin meû de trop
grande ambition & aveuglée convoîtife , chafla
contre droit & raifon lediél abbé ( homme faige
& de bonne vie) en Angleterre, & trouva moyen
d'obtenir la fusdiéte abbaye par don du roy Char-
tes le Simple (8) , de laquelle luy eftant chevalier
Débat entrtf
rarchcvcf-
que de
Raims &)e
conte Baa>'
dovyn*
(a') Porn*croix , clerc qui
portoit autrefois la croix
devant les éviqucs , ou por-
te-croffc^ celui qui portoit
la crojfc d'un évéque^ lors-
qu'il officioittf aux fonc^
tions duquel il yavott des
revenus attachés.
W Q/ierelle,
C8) A cette époque , U n*eft pas rare de voir des prince»
6c des fouverains po(T2der des abbayes. Baudoin le Chaure
crat fans doute pouvoir fuivre cet exemple , & à la faveur
des troubles qui agitoient la France , il avoit tenté de s'em-
parer de l'abbaye de St. Vaaft. Il Tavoit demandée au roi
Eudes qui la lui avoit refufée. Cependant il étoit parvenu
à s'en rendre maître. Après la mort de Rodolphe, abbé de
St. Bertin , il avoit auffi convoité les biens de cette abbaye.
La cupidité de Baudoin avoit donné l'éveille au clergé , iç 9
dans un fynode tenu à Rheims en 893. , il avoit été réfola
de bncer contre lui les foudres de l'églife ; mais on fe
contenta de l'admonefter : Communi decreto epifcoporum ju-
dicatum fuerat eum authoritatis canonica anatbemate ferien*
dum ; fed quoniam in ecclejîa & publicis regrii utilitatibus
videbatur incommodus ^ cenfurd fufpendîtur adhuc animad-
verfionis ecclefiaflica, Baudoin parut céder pouruntems aux
avis du fynode & l'abbaye de St. Bertin fut donnée il Foul-
ques « archevêque de Rbeims, quil'avoit déjà polfédée avant
fon pontificat. Ce fut là le principe de la haine que Baudoin
avoit conçue contre ce prélat. Quant à ce Humlault dont
Flodoaird
dans D.
Bouq. t. 8.
p. l6l.
144 iiAUrjOlN SECONDE'
L'an 901. .& layc, il devint abbé en Tan neuf ctntt Se un 4
Le conte & la tint feize ou dix & fept ans, au grand fcaii-
Boudouyn dale de fon peuple , irréparable préjudice dMceUe
rabbé^* abbaye & notable retardement du fervice divin.
Hunibûult Et d'autant plus que ce dont ïl devoit ordonner
Bertfn^^^fic ^" qualité d'abbé , il difpofoît comme conte , &
luy citant au contfaire; dont fe peut defcouvrir le fruiét
layc de- q^J ordinairement procède d^urie befliale convoi-
Vicflt abbe Vr* . i . 1, , . t • •
du mcûne tife de dominer , d amour de vanie gloire &
iieu; d'avarice iufatiable; lesquelles tirent fouvent les
Le fruia hommes jusques à ce poînél qu'ilz ne fe conten-
de^df^con^ tent de toutes les poffeiïions & dommaincs , qu'ilz
voitife, ont en très-grande* abondance & ne prendeut
plaifir au bien de paix , de laquelle autrement ,
& mefmes de leuf propre naturel , ils eftoyent
auparavant extrêmement jaloux & curieus. Au-
quel endroiél, me fouvenant de ce queCurtius(4i)
en certain paflTage, raccompte par les Ambaflî^
^curs des Schytes avoir efté propofé ^ w roy
Alexandre, me femble que la fubtllité de leur re-
monftrancc joinéle à la vivacité , moyennant la-*
quelle ils dépeintént tant bien & au vif les qua-
litez & propriétez de convoitîfe & ambition ,
mérite eftre inférée en tons volumes ; qu*a efté
la caufe , que de mot à mot avons voulu la vous
repréfenter félon que s'enfuyt : „ Si les dieux
^a) iluint'Curcc.
parle Oudeghcrtl , c'ieft pfobablemén^ le môme que Clodoard
apptfUe Huâbalde , HUcbaldus, Il âvoit été moine de Tathaye
de St. Amiiid , à TarchcV^que Foulques Tavoit appeUé k
RJieims à caufe de fon favoir. Peut-être le confbrid-il âuffl
avAc Grimkald , prévôt de St* Bertin « homrne célèbre par
les vertus C^ fes talens « qui paiTa en effet en Angleterre ,
non pas chaifé par Baudoin , mais appelle ^par Alfrèdc qui
avoit demandé au roi de France quelques ikvans , pooc
fanimer dans fes éuts le goût dç$ ÏQtxxcSé
bit LE CHAUVE.
HS
^ (difoyentlesdîéb: ambafliâeurs) avoyent faift
^ la ftature de ton corps ( ô roy ) conforme à
y^ la convoitîfe de ton entendement, le monde ne
^ te fçauroît comprendre, D*une main tu tou-
^ cheroîs l'orient & de l'autre l'occident; ce que
„ deflus attainft, encoire vouldroisrtu fçavoirle
„ lieu auquel la clarté de la puiffance célefte
5, s'abfconfe (a). Aînfi convoites-tu ce qui ne
„ peut eftre comprins. De l'Europe tu quiers(^)
^ l'Afie, de cefte-cy tu viens en l'Affricque, &
^ de TAffrîcque tu repafles en l'Europe. Pufs
„ après fy tu avois furmonté tout le genre hu-
fy main , tu voudrois avoir la guerre aux foreftz ,
ft aux nues , aux fleuves , aux belles tant cruel'*
j, les que douces, qui font fur la terre. Ne fçays-
„ tu pas que les grands arbreç qui ont eu tant
„ longue efpace à croiftre , en une heure font
^ arrachez ? Ceftuy eft véritablement fol , qui
^ regarde les fruiftz d'un arbre & n'en mefure
^ la hauteur. Confidères & gardes-'toy bien , que
^ quand tu feras au couppeau (0 ^n tenant les
^ branches, tu ne chées Çd) avecîcelles,&c. (9)
(tf) Se caehô , en latin ab- (r) Ju haut.
fcondere. (O Tu ne tombes^ du verèê
(*) Tu cherches ^àuverhk qui' cbeoir,
rir 5 en latin quarere*
(9) Nous ajouterons ici , en hwtva des amàteUl^s de U
littérature latine, le texte latin, Tun des plus beaux mor*
ceaux de Thiftoire d* Alexandre : „ Si Dii habitum corpodt
^ tui aviditati animi parem efle voloiffent , orbis te non ca-
M peret. Altéra manu orientem , altéra occidentem condpge^
„ res; & lioc arfecutus , fcire velles ubitanti î^uminis fulgor
Il conderetur. Sic quoque concupifcis qu» non capis : ab
„ Europâ petis Afiam , ex Afiâ tranûs in Europam; deinde,
n fi humanum genus fupefaveris « cum filvls & nivibus 6c
,p fluminibus ferisque bcftiis gefturus es bellum. Quid? tu
^ ignoras arbores magnas diù crefccre, unâ horâ extirpari?
^ Smlttts eft qui fruâus earum fpedat , altitudinem noU me-
iititur. Vide, ne dum ad cacumen pervenire contcndii»
9 cum ipfis ramis , quos comprehoiid^ns $ décidas»
K
Propos dci
ambaflk-
deurs det
Schytes a«
royAlexan-
dre,parler-
qudz Tam*
bition dur
diâAlexan*
dreeftgran*
dément
blalmiée*
Fol eft cel^
tuy qui rc*
sarde les
nruiébd^un
arbre &
n*en mefu*
re la hiui*
leur*
146 BAUDOIN S E C O N D,
Ce que certaînement fe pouvoît & bien à propp^
adapter au conte Baudouyn , parce que àon con-
tent 'de la profpérité & tranquillité , que Dieu
par fa bonté luy avoit envoyé affez plus grande
que à fes pfédécefleurs , il s'advaiiça d'ufurper
ce \ quoy il ne devoit attaindre TeuUement de
rœil, qui êftoyent les biens d'autruy , & mes-
me^ ceux appertenantz à gens d'églife, & dépu-
tez pour le fervice divin.
BtudouVn
le Chtulve
prcntd'ejn-
iléeU ville
dePéronne.
Uéiat vU-
JedePéron-
Je reprinfe
jr Bau-
ouyn par
leroyChar*
\ts le Sim-
ple..
St. Orner âc
Arras prin-
fes par Ic-
dift roy
Charles.
CHAPITRE
X X I I L
De ta guerre que le conte Baudouyn euft contre
Herbert de Vermandois^ de 1% perte de S. Orner
gf Arras ^ du recouvrement defdîBes villes^ des
trefpas dudtSt conte & de madame fa femme ^
{^ d'' autres chofes mémorables.^
Après que le conte Baudouyn euft applic-
que à fon prouffit, moyennant l'authorité
& aggréation du roy Charles le Simple, Tàb-
baye de fainét Bertin (i), eftant encoire mém<?-
ratif de la mort du conte Rodolph fon frère (que
•le conte Herbert de Vermandois avoit desfait &
occis) affembla- grande puiflance , : pour courir
fus audidl Herbert, au païs duquel il entra, &
prinft d'emblée la ville de Péronne. Dont le roy
Charles le Simple (lequel ledift Herbert gouver-
noit paifiblement) grandement jfrité, defcendit
.en merveilleufe puiffance contre le conte Bau-
douyn, & après avoir reprins ladifte ville de Pé-
ronne (qu'il reftitua audiél Herbert) marcha
avant dans le païs dudift Baudouyn, fur lequel
il prinft la ville de fainél Omer, & puis celle
d'Arras, laquelle il donna à un gentilhomme de
(i) £Ue avoit été donnée à Foulques. Baudoin ne Tavoit
donc pas. appliquée à fon prouffit. U ne la polTéda qu*eB
901 , après ia mort de Foulques* ^
yt LE CilAÛVÈ. Ul
A maîu)n, pppellé Mtinârus (2). D'aultre cofté^
le conte Baudouyn, qui voyok fes forces n'eftre
fuffiffantes pour attendre ceUes du roy, fe repen-*
tant tout à loyAr. de la guerre que trop fondai-
uement & témiéraireroent il avoit fufcité, fe hu-
milia devaiit le roy , vers lequel il fe trouva fur .
la rivière d'Oifé, efpérant faire tellement que fes
'tilles d^Arras & fainéi: Orner luy feroyent par
Voye amiable rchdups & reftituées^ En quoy
néantmoins il fe trouva grandement abufé, pour
autant que ledift Herbert, & rarchevefque de
Raims (amy dudid abbé Humbault que le conte
Baudouyn avoit chaffé en Angleterre) lu^ furen^
du tout contraires; qui fut caufe que de la fuf-
difte guerre il ne rapporta autre prouflSt que la
perte de fes ' villes , & la vergoignè en laquelle
-il fe trouvoit pour la néceffité à laquelle il avoit
efté réduiA de >fe humilier devant fon en«*
iemy^ fervant par: ce d'exemple à tous princes
- - — i i ^ .. ■ , . , , ■■ ■ , , . ■ ■«
(a) Lesattnalès dé St. Vaaft & Flodoard rappellent Alt-
mar, JUmçr us corner. Lés premières* (an. ^) ne parlent
que du château de St. Vaafl, pris par Baudoin & repris
par Charles le Simple ; mais Flodoard. y joint l'abbaye du f^, ^
même nom: accidit a^tcpi ut abhatiam S, Vedafli quant
Balduinus cornes tenebat ^ cum atrebatenfî cajîro^ rex Caro*
lus pro infidelitaië Éaîduini ab eo auferret. Ce bénéfice
avoit depuis longtems excité la cupidité de Baudoin. Il
Tavoit demandée,^ comme nous TaVons dit phis haut, k
Eudes qui la )ui avoit rçfufée j fit ce refus Tavoit déterminé
à quitter fon parti pour prendre celui de Charles. Celui-
ci avoit rendu fes bonnes grâces \ Herbert , centre lequel
fiaudoin avoit pris le? armes pour venger la mort de fon
frère Rodolphe, & il étoit entré k main armée dans \à
Flandre. Baîidoîh fe vit obligé de céder aux armes du roi
qui donna encore l'abbaye de St. Vaaft à Foulques qui tWati
réchangea cour Tabbaye dé St. Médard de Soiflbns (^ue §jjj,^ j^J
poffédoit AltmarV Cette faveur du roi coûta la vie à Foui- poi.
. ques que Baudoin fit aflafliner eh 900. Cependant Bau- tlc ^j. *^
* doin recouvra bientôt ce que le roi lui avoit enlevé. Il g^jV * ^
pOiféda même, du confentement du roi, l'abba^^e deSt.S«r- *
âft dont U jouit pendant \^ ans^ >^ a
V*»
Toutt pfin-
ccf foycnt
tardifs k en-
treprendre
guerre.
Vitupère àc
Intereftz de
U guerre.
Moyen que
tout prince
dûibt tenir
en temps de
guerre.
Vtbbtyc
it rtinâ
Vitft d'Ar-
raf.
Le conte
Baudouyn
foiét tuer
rarchevef-
oue de
iLalini.
148 BAl][DOIN SECOND,
& royg de n'eftre fi chaulda^ en leur confeil, de
fignamment en matières de guerre, laquelle or*
dinairement engendre un naufFragc de toute*
bonnes chofes & produit une mer de tout mal-
heur* Et que ainfi fuit 9 y a-t-il mal au monde qui
foit de plus longue durée 9 & duquel on fe fente
fi longuement* D'une guerre, s'en fcme une au-
tre, d'une petite une très-grande, & d'une de
pailetemps une très-cruelle, & en laquelle 8*ef-
pand beaucoup de fang humain. Brief , la pttte
de guerre formée apporte tous maux au pals , au-
quel elle prcnt fa demeure, & fe dilate non feul-
lement aux lieux circonvoifins , mais aulfi aux
régions bien loingtalnes, & retirées. Un boa
prince donc vertueux & prudent n'entreprendra
la guerre, que préallablement 11 ne ayt eflayé
tous les moyens de quelque certain appointe-
ment, affcuré que s'il ufe de cette prudence,
diiiiciilement aura-t-il jamais la guerre , à laquelle
jie pouvant autrement obvyer, il fera foigneux
que elle fe face au .moins de dmnmage des fient
qu'il fera poffible, évitant à fon povoir l'effu-
fion du fang chrcftien , & y mettant une fin la
plus briefve, dont il fe pourra advîfer. Or (pour
retourner à noftre propos) le conte Baudouyn,
confidérant le peu d'apparence que encoires pour
lors il y avoit au recouvrement de fefdiftes
villes, retourna fans rien faire en fes pais. Où
peu après luy viendrent nouvelles, que Fulco
archevefque de Raims (duquel nous avons cy-
deflfus parlé) avoit puis naguerres impétré en
commande du roy Charles le Simple, l'abbaye
de fainft Vaaft d'Arras; qui irrita merveilleufe-
ment ledîft Baudouyn , outre ce qu'il eftoit desjà,
pour les raîfons que avez pcfi veoir, aflcz aîgry
contre le fufdiét archevefque; lequel à celle oc-
cafion il fit tuer par aucuns de fes gens, def-
quelz le conduâeur fe nommok Wiaemare. Ce
i)iT LE CHAUVE. 145
feîft, applîcqua de fon authorîté privée à fon' -Le cofttt
i^rouffit & dommaine ladifte abbaye 5 je ne fçayî ^^ ")
foubs qud prétext, ny foubs quel fondement, àfonprouf-î
Aucuns maintiennent, que le conte Baudouya; ^J?^^^
nt fit occkelediift arche vefque; ains que un fieni d'Ams.
fcrvîteur nommé Winemare auroit ce faîft.dei
fon propre mouvement, à raifon du defdain &. Ûotijou?*'
indignation quMl auroit concheûe contre le fuf- chant la .
dia archevefque, pour ce qu'il avoit efté con-; "^^?^^^
traire à larrequefte, que le conte Baudouynfon que.
feigneur avoit faift au roy Charles, touchant la
reftitution ddcliftes villes de fainél Orner & Ar-
ras (3). Lefquellesnéantmoins furent finableraent, l**»» pis-
fi comme en Tan neuf centz quinze, remifes è? a«^ ^^
j ^T>j jt . Arras « St.
mams du conte Baudouyn au moyen de la paix, orner font
& appoinftement qu'il fit avec le conte Herbert, reftimées
de Vermandois , par lequel fut entre autres cho- * jSudcm^
fes traifté & conclud le mariage de madame
Aley t (a) , fille dudift Herbert , avec Ar nould , dift . . .
<tf ) Jlix ou jiieyde , ^ JdèU fchn Vrtdius. .
Cs) Winemare & fe« complices furent excommuniés
par Hervé fuccefleur de Foulques, & Baudoin partagea'
ITiorreur qu'infpiroit un aâallinat dont il avoit ^té iteut-
4tre i*inftigateur. Nous citerons tes paflages fuivans de
rexcommunication , en faveur de ceux qui ne favent pas \
quelles malédidions étoient voués alors, ceux qui étoient
frappés des foudres de l'églife. Après, avoir rappelle les^
-ufurpations que Baudoin avoit faites des biens ecclé£afli-
ques & raifaffinat commis par Winemare , Everard & RAt* D.. Bou^
froid , les pères du concile ajoutent cnur>ui?*es : Ipfoi À^ 9^
fan&a matràt ucîtfut gremio fegregamus & perpétua malt-
diSionU ^nathematt eos condemnamus . , « . . -^nl maUdiêli
in civitatt , maUdiâi inagra : maUdiâum horreum eorum &
maîediSa reliquiàR eorum : malcdiàus fruSus vcntris eorum
& fruBus terra iflorum; armenta houm fuorum & grcges,
wvium fuarum .... maîedîBi fini ingrcdientes & egredien-
tes , fintquc in domo malediSi , in agro profugi : intejiina
in fecejfu fundant .... nuUui ergo eis chrifliamn vel,
^.ave dicat .... fcpulturd afini fcpcîiantur & in fierquili^,
i fuper faciem terra fini &c*
Mariatfe
^Araottld,
diâleVieil,
Itvec mada«
sneAleytde
Vcrman^
L*an 9x9. .
Trefpfls du
conte Bau*
douyn le
Chaulve.
Sépulture
ftouya»
Epitaphe
dé Bau-
douyn, did
I^Chaulve;
Chrofl.
(Kth. an.
150 BAUDOIN SECOND,
le Vieil, fil^aifilé du conte Baudouyn, & depuis-
cptîte dç Flandre, dont ferji parié au chapitre
fubféquent (4)» Le conte Baudouyn le Chaulve
après le recouvrement de fefdiftes Villes, acheva
le demeurant de fa vie en bonne paik & tranquil-r
lité. Et trefpaffa en l'an neuf ccntzdix&neufCs);
il avoit efleu fa fépultùre au monaftêre de faint
Bertin & néantmoins il fut enterré foubs une
baffe lame à fainft Pierre léz Gand, pour au*
tant que madame Elftrude fa- femme vouloit ef*
tre enterrée pi-ès fon' riiary , & que lors Ton ne*
rccevoît audiéb S, Bertin aucune fépulture de
femmes. L*épitaphe dudiél Baudouyn eft gravé
fur ladidle lame en très-ancîene lettre, duquel la
teneur s'enfuyt. '
Qui legis hdsc^tu fiofce guodhic tumulatushahetur^
Marchîo Balduinus iulmett honeftath*
Aegem traxlt^ avum , Carolum Cognoniine Calvum ,
Otnnla tnagnificam , moribus Qf merltis.
Bfftitfit quarto Nonas ^ cum fol ^antmrU^
Exuit hune Do mi nus corporis exuviis»
Ce qu'en rime françpife fe p^t interpréter en
cède fortp ;
Quiconcque fois qui câcy voultJrai lire ,
ffntendz que foubs ce/le petite lame^ ^
(4) Ij 8'étoît crt apparence réconcilid avec lui dès Tan
(fpp. , félon les annales de St. Vnafh Adèle fa fille .fut dès
lors fiancée avec Arnoul fon fils donc elle devint Tépoufc ;
mais jamais Bdudoin ne put lui pardonner la mort de fon
frère , ôc le fit aflTafflncr par un fcélérat nommé jllduin,
(5) La moft de Baudoin cil rapportée à Tan 915. par
D. Mabillon dans fes annales bénédidines ; mais Sigebert,
|a chronique de Tournai & pjuflcurs autres la placent,
comme Oudegbcrft, k Tan 919. Plufieurs villes de la Flan*
dre doivent k Baudoin le Chauve une partie de leurs ag*
grandiflcmcns. 11 fit fortifier la ville de St. Winoc qu'il en*
richit d*une églil'e avec un chapitre & entoura d'un mur le
château de Bruges que fon père avoit conftruit. Il fortifia
^^alemçnt la yiUç dUprei, '
DIT LE CHAUVE»
151
Giji Baudouyn^ lequel pour vray vous dire
Des vertueux fut le comble fans blafme.
Pour ave Ça) il eufi le roy Charles le Chauhe^
De bonnes meurs Q? de tris-grand mérite.
Or il eft mort ^ priez que Dieu le faulve^
Au froid Janvier^ dont Flandre fe dejpite.
* Près dudift Baudouyn gîfl; audîft faîndl Pierye
& foubs une petite lame, madame EHlrude fa
femme , laquelle mourut au taois de Juîng en
Tan neuf centz vingt & neuf. Elle fit en fon
temps des biens en grande quantité à plufieurs
églîîes, & entre autres à celle dudift fainft Pier-
re, à laquelle elle donna aucunes terres & pof-
felfions fituées in'Cancia en Angleterre, dont fe
voyent audîa fainfl: Pierre lettres en date de Tan
neuf centz dix •& huift. L'épitaphe de ladifte
dame , lequel fe treuvè audîft monaftère femblable-
ment gravé en lettre très-antîcque , eft le fubféquent ;
Elfredi fueram prafiantis filia régis 9
Eljîrudis proprio nomine di&a meo.
Qude^ dum prafentis vigui fpiramine lucis^ _
Balduini thalamis^ ufa fui Domini.
Septenis Junii dum fulfit in idibus aftrum
Me pius ad fuperos evocat hinc Dominus.
Ce qu*en françois fe peut aînfi tranflater:
Je fus jadis, du roy très-vertueux
Elfred!* ^ grande filP Elftrude nommée^
Qui tant que Pam^ au corps m*efl demeurée^
A Baudouyn Prince doux ^ heureux ,
ye fuis efté noblement mariée.
Le Dieu puijfant ^ & nofire bon fauli>eur .
Puis ofti m'a de la vie mortelle
Pour m'' envoyer à la ftenn'* éternelle:
Ce fut en Juing dont au feul rédempteur
Rendue foit gloire fempiternelle.
Tçefpts de,
irtadame
Eldrude
d'Angleter-
re, contefle
deFltndre.
L'an pap.
Epitaphf
de la conr*
teife El-
ftrude»
(ji) Jyeulf du lai in avui.
%S2 ARNOUL PREMIER^
Àrfiottld le
X^eil, aiiàî
Arnould le
Grand, dc
pourquoy
Il fut ainii
appelle.
Des enfans
du conte
Arnould.
Mardrolo-
|ue de St.
Pierre.
Mir. cod.
don. piar.
c. 35.
cairOB. Ba-
von. an«
•41*
CHAPITRE XXIV-
JOe Padvènement cPArnouïd^ dt& le Fiel ^ à la
• conté de Flandre , du débat qu^il euft contre
V empereur Othon , fif comment il fit réformer
& réparer plufîeurs cloiftres Q? églifes 9 avec
aultres particularisez.
ARnould le Vieil , ainfi nommé pour fon
grand âge , ou Arnould le Grand , pour
leg grands biens qu'il fit aux églifes , fuc'céda à
Baudouyn, dift le Chaulve, fon père , & com-
mença gouverner le païs de Flandre en Tan neuf
cents dix & neuf. 11 fut, comme dift eft, marié
à madame Aleyt, fille de Herbert, conte de Ver-
mandois , de laquelle il euft un filz ^ommé Bau-
douyn le Jeune , depuis conte de Flandre , &
deux filles, Lutgarde & Elftrude. Lutgarde fut
mariée à un , qui par le martirologue de fainft
Pierre eft attitulé en cefte forte : Wîchmannus in
Dei nomine^ gratid Dei^ non meis meritis cornes ,
maritus Lutgardis &c. Je ne fçay toutesfois le
nom de fa 1 conté (i). Et Elftrude fut décheûe (a)
Xa) Trompée ^ féduite.
(i) Il fut le premier comte ou gouverneur d*une nou-
velle fortercfle que l'empereur Othon I. avoh fait conftruire
en 949. fur le bord de la Lys , & auquel il avoit afligné
pour domaine les territoires d'Aflenède, de Bocholt, d'Axel
& de' Hulft avec tout le pays de Waes. C'eft le même dont
I il eft parlé plus bas . Les paroles latines que cite Oudeghcrft
font tirées d'un diplôme de l'an 9(^2. , par lequel ce Wichmann
donne à l'abbaye de St. Pierre la terre de Deflelberg , Tafla
n)iUa^ près de Gand. La chronique de St. Bavon rappelle
cornes Sti. Bayonts , comte de St. Bavon; peut-être parce
quelaforterèflc, dont il éloit le gouverneur , étoit bâtie fur
un terrain appartenant ï cette abbaye: Ante Ottonem , cap»
teîlum quod ad ripas Legia fitum eft , non reges Franc'nt »
non comités Flandria ^ fed imperatores in liberdSti.Bavonit
fojfelftone^ propter divifionehf regni & imperii ftatuerunt.
Huic caftelh , nonc^ftellani , fed comités prafuerunt.
DIT LE VIEUX.
«53
i'un Norman , nommé Fîfcord, feîgneur de Ghîf-
nes , duquel nous ferons cy-après plus ample
mention (2). Ledlâ: Arnould laîffa pour aflîgna-
tion de partage à Adolph fon frère , le ter-
ritoire de Therowaene (j), la conté de Bou-
longne & Tabbaye de fainft Bertin, Au temps
duquel Adolph fiit jefté par expurgation de mer,
jprès de Grevelinghes (*) le corps mort d'Ethe-
Jivoldus, frère du roy Edouaert d'Angleterre, le-
quel ledift Edouaert avoit faifl: mettre à la mercy
des undes *& à la miféricorde de Dieu , dans un
caducque & vieil vaifleau au milieu de la mer (3).
Mais le contç Adolph , qui de codé maternel
eftolt proche parent audîél Ethelivoldus , fît ap-
porter le corps d'iceluy & enterrer au monaftère
de faincft Bertin, où il gift encore pour le préfent.
D'autre cofté, le ,conte Àrnould , dift le Vieil ,
acquîft par oftroy & don du pape toutes les
difmés fur le pais & contrée de Flandre ; & ce
â raîfon de la diligence & vaillantife , dont etï
fou advènement à la conté il avoit ufé , pour
chafler dudift païs de Flandre les Huns, Wan-
dalois & Nprmans , reliques (r) de ceux qui
auparavant y avoyent faidi tant de dégaOz & ou-
trages. Depuis , lediél conte Arnould fe trouva en
plufieurs &bien ^rofles fâcheries, ati moyen que
r empereur Othon , premier de ce nom , avoit
prins d'emblée & fortifié le chafteau de Gand ,
AlSgoitios*
de ptrttgè
par le conte
Arnould à.
Adolph foa
frère.
£thelivoK
dos expott
5ar le roy'
*Angleter^
re , fon frè-
re , à la
merchy dei
vagues fur
la mer » ta
enterré ptr
Adolph d%
Flandre k
St. Bertin.
Afcqueftei
des dismet
deFlandre,
par don d«
pape, tu
prouffit da
conte At>
nould.
Le chafteau
de Gand
prins d^em»
blée par
rempereoî
Othon*
(i?) Thérouane,
(Jf^ Gravelincs.
(0 Rafles.
(a) Voyez cy-deflTous la note du chapitre Aiivant, pag. 159.
(3) Le malheureux prince dont le comte Adolphe recueille
le <:adavre fur les côtes de la Belgique , eft appeUé Eduin
dans les annales de St. Bertin. Il étoit fils & non pas frère
d'Edouard. Adelftan, fils naturel d'Edouard & plus âgé que.
les enfans légitimes, s'étoît emparé du trône au préjudice
de ceux-ci. Eduin venoit chercher un afyle dans le conti'
Bent , & la tempête Tavoit fait périr en traverfant le détroit.
Locrius
fol. 153.
Hift. dea
révolutions
d'Anglet. .
in-8<». t. u
P- 47.
Meyer. ti.
P32.
Débit entre
rempereur
Othon & le
conte de
Flandre ,
touchant
les limitei
de leura
pals.
Le revenu
êes quatre
jncdler»
«jjplicqué à
rentretè-
nement du
tliaftel de
l^d.
154 A R N O U L P R E M I EIR ,
qu'on appelloît caftrum novum^ ou nouveau chaftcl,
foubs prétext qu'il fouftenoit ledift cbafteau eftre
fitué fur la frontière de l'empire contre France (4);
auquel pour cefle occafion il avoit mis & col*
locqué bien grande garnifon , mefmes avoit pour
Tentretènement d'îcelle applicqué à iceluy chaf-
teau le revenu des quatre mcftiers , qu'il ^voît
féparé du pais & territoire de Waes. Et pour
autant que ladifte garnifon tenoît merveilleufe-
ment fubjeft le port de Gand ,^ qui eftoit
à l'autre cofté entre l'EfcauIt & le Lys , le conte
Artiould fit des grandes & diverfes pourfuytes
pour r'avoîr ledift chafteau. Mais voyant qu'il
n'y povoit parvenir, & que ledift empereur n'y
vouloit aulcuncment entendre , commanda eftre
faiftz audia port aucuns petits chafteaux &
maifons défenfables qu'on y voit encoires au-
jourd'huy (5). Desquelles les deux garnifons fai-
foyent des continuelles faillies, dont la retraiéle
D. Bbuq.
t. 8.p.î26o.
(4) La conquête de ce château étcdt une Aiite & non pas
la caufe de la guerre d'Othon contre Arnoul. Ces deux prin*
ces avoieht réuni leur^^ Ibrces pour défendre Louis d'Outre*v
mer contre Hugues le Blanc & Richard , duc de Normandie.
Ils afliégeoietit la ville de Rouen en 945. ; mais Othon voyant
que la viUe étoit imprenable & ayant appris la mort de fon
neveu, il avifa avec les fiens aux moyens de livrer le
comte Arnoul aux Normands. Guillaume Calcule, moine
de Jumiége , qui nous fournit ces détails , ajoute qu* Arnoul
informé de cette trahifon reprit fur le champ le chemin de
fes états. Othon voyant fa trame découverte , ne garda pluf
de mefure , 6c fe déclara hautement Tennemi du comte de
Flandre.
(5) La chronique de St. Bavon dit (an. 941.)^ Cornes 9
coaclo in unum ts^ercîtu , in loco quem Ilcrchcm novimus ,
ubi necdum habîtatio crat hominuniy erc&is lodiis fixisquê
Untoriis^ lûjigo temporc obfedit cajlellum. Elle ajoute qu*il
y avoit dans le voifinage un bois très-épais d'où les troupes
du comte fortoicnt fréquemment pour livrer des aifauts i la
forterefle d'Othon : qui crebrâ^per dcnftffmam fylvam caftcl'
lum cajfo laborc fatigabant. '
BIT LE VIEUX.
ISS
tiefe £ûfok fans notable & abundante effiifîon de
fang , tant d'un cofté que d'autre. Ledift empe-
reur eh fortifiant & réparant le fufdift chafteau,
fil feîr^ près d'iceluy une fofle, tirant depuis le
pont de faîn<a Jacques , jusques en la rivière de
la Honte : laquelle foffe il difoit faire b fépara-
tion entre l'empire & le royaume , & la fit de
ion 4M)m appeller Ottinghe (6). Peu après ', fr
comme en l'an neuf cents quarante-un le tonte
Amould obtint de l'empereur par appointement
ledift chafteau de -Gand , où il fliit incontînent ,
créa & conftitua le premier burchgrave , duquel
en l'hiftolre de Jîaudouyn de Lifle nou^ ferons,
plus ample récit. Ledift chafteau réduift foubs
fôn\,obéiffance, le conte Baudouyn (^) infif-
tant '(*) ^^^ traces de fes bons & vertueux pré-
décefleurs, s'applicqua du tout à la répiaration.
de rempir#
£c du royau-
me par la
foffe appcir
Uq Oithinr
ghc.
L*an 941. ^
Le preraici;
burchgrave
ou vicont^
de Cam* ^
(ay II faut lire Amould.
(^^ Marchant , du latin va.
fiftere veftigiis , marcher
fur les traces. .
(6) Il ne faut pas çojifbiidre ce canal crçufé par lesordrei
4'Othoo avec le Hont ou' le lit occidental de TEfcaut. But-
'^fis dit à propos de ce canal: „ L'empereur Othon l.ayjnt
„ fait l|âtir une fortèreflc près la ville de Gand , fur les
„ dernières limités dé Tempire , il y cobftitua comme gar-
„ dien le comteWichfnann , & lui donna tout le païs dVVloft,
^ la tékre de Waes & les quatre meftiers , à favoir Hulft,
„ A^èle, Bopchaut ^ Affenède; & afin de diftinguer mieux
^ îfes limites de Tempire vers ce quartier , il fit ouvrir un
^ foffé large depuis la porte de St. Jacques à Gand , jusques
^ dans le l>ras gauche de TEfcaut , vulgairement appelle la
„' Honte , & le fit nommer de fon nom la fojfe ottoniène.
l,a chronique de St. Bavon dit auffi : Otto imperator àè
Scaîdi foffato anù pontem Sti, Jacobi ufque in 'mare exten-
fum à nomine fuo omnem pagum Ottingum vacavit^ quo
regni Francorum & imper ii orientalium fines determinavit.
Ce canal doit être de là même date que'' la forterelR" dont
ikous avons parlé i plus haut. La chronique & Butkens les
fixent à la même époque. Si ces évènçmens font en partie
la fuite de la haine qui éclata en 946. entre Aimoul & Othon,;
U faut néçeflàircment les rpportcr ayec Meyerus vers l'an 949.
Troph. dç.
Bnb. 1. I.,
t.i. p. \U
& 12.
An.
941.
BftinÂGhe*
fard, abbé
de fain^
Pierre lez
Cand.
^Le corps de
laiiKa Ber-
diolf en
/ réglife SU
Saulveur
d'Harlebec-
que.
. La difme
jippellée
Ten Honts-
, ke^ donnée
par le con-
te Amould
aux chanoi-
nes de St.
Donas.
156 A R N 0 U L P R JE M J E R,
édification & réformatîon de plufieurs monaftèrc»
& églifes. Et premièrement il fit à la requefte dt
Transmarus , é vef(^ue de Noyon , réparer le cloiftre
de fainft Pierre lez Gand lequel avoit elle mis en
grande défolation par les guerres paflTées, & fit
remettre audift cloiftre des religieux de l'ordre
de Tainft Benoift, réformez conformément à Tpr-,
^ dre de fainft Clugny , par Oddo , premier abbé
dudift Clugny, oftant d'iceluy cloiftre les ch»-
noines réguliers, que Baudouyn Bras de Fer,
fon ave , y avoit faift aflembler. Et fut monfieur
fainél Gherard lors eftably & conftitué abbé du-
dift monaftère. Il fit femblablement édifier le
chœur de l'églife dudift fainft Pierre, delà mef-
me forte qu'on le voit encore pour le préfent(7),
y faifant apporter les corps des fainfts Wandcr-
gefilus, Hansbanus, & Wulfiannus, Et outre ce
donna aufditz de fainft Pierre plufieurs terres^
poffeffions & richefles. Au moyen de quoy plu-
fieurs eftiment , que lefdiftsde fainft Pierre l'ayent
par flatterie depuis appelle Amould le grand.
H fit aufly réparer l'églife de fainft Saulveur à
Harlebecque, & eftant depuis par les décès du
conte Adolph fon frèïe , devenu conte de Boulon-
gne,il fit tranfporter dudift Boulongne le corps
de monfieur fainft Bertbolf , en ladifte églife de
fain<^ Saulveur, & d'illec le fit porter audit mo-
naftère de fainft Pierre , où il a tousjours efté-
jufques à maintenant. Il fit réparer le chœur de
l'églife de fainft Donas à Bruges, félon qu'on le
voit ^ujourd'huy, & donna aux douze chanoi-
nes , que Baudouyn Bras de Fer, fon ave, y avoit
eftablys, la difme qu'on appelle Ten Hontske.
U fit faire & édifier l'églife de Thoroult, en la-
C?) C'eft vers Tan 945/ qu'Amoul fit édifier le chœur
de cette églife. U a été rebâti à la moderne £c avec beau-
coup de goût Tan 17^2.
BIT LB VIEUX.
tST
quelle il colloqua aucuns (^d) chanoines & chap*
pelins pour vacquer au fervice divin. Il fit édi-
' fier en Tan neuf cents quarante-un 9 en la ville
de Gand une chappelle entre la Lys & TËfcaut^
fur la place que lors on appelloit Hereghem, la-
quelle cbappeUe fut par Tranfuiarus, évefque de
Noyon, confacrée aux noms de monfieur fainâ
Jehan , fainâ Bave & fainA Vedaft (^). Environ
ce mefme temps , furent rapportez audiA Gand
de la ville de Laon , où pour la crainte des Nor*
mans ils avoyent longtemps efté, les corps de
fainft Bave & de fainéte Verhîlde (r) , lefquels
fufrentmisdansle nouveau chaftel en la chappelle,
qui fe difoit la chappelle du conte , & de là furent
dévotement & avec grande cérémonie portez au
cloiftre de fainA Bave , fauf toutesfois aucunes
reliques , qu'à la requefte dudiû» conte fufrent
laiffées , comme encores elles font en ladifte
chappelle. Finablement îl fit par le moyen dudîft
fainél Gherard, abbé de fainft Pierre à Gand,
réformer tous les cloiftres Bénédiftins de fon
pais, qui lors eftoyent dix & huift de nombre
faift, félon qu'attelle & tefmoingne Ja chronicque
de fainft Bertin ; auquel fainél Bertin il fit aufly
tranfporter les. corps de fainél Walery, fainél
Rignier (i) & de fainél Silvanus (8). Je trouve,
& eft confirmé par ladiéle chronicque , que en-
Les ooff»
de ScBtva
& de Sce.
Verhildeaa
doifbrede
fainâ B«*
vonàGtnA
Réfa
tion de»
cloiftret
BénédiaiB»
en, FlandM
par le
moyen de
fainâ Ohft^
raid.
C^) St. Bavon & Sf. Foofi.
(O fharaHit.
Cd) Riquier.
(8) La plupart de ces évènemens eurent lieu antérieure-
ment à la guerre que fe firent Othon & Amool. Meyerua
ks place depuis vers Tan 937. jusqu*à Tan SM4. Quant aux
dix-huit monaflères qui furent réformés à cette époque,
Meyerus en nomme X7. dans i*ordre fuivant : Blandinienfi ^
Gandenfc, Tornaccnfc^ Marti if nen fe ^ Hafnonienfe ^ RonHa-
ccnfc , Atrehattnft , Turholttnft , WorumhoUcnfe , divi Ri-
cbarîi^ divi Bertini , divi Audomari^ divi Syivini, divi
yklmari, div^ Amandi^ diva B$rtba ^ divi Amérti DuMCcnfis.
tucùtâ r«
repefit de
foti Ingfflii-
fude A par
d^rcfpoir
•Vcwlt foy-
ttffmf.
Vitupirt
Ko AIII40UL PREMIER^
peu de tempe aprèi ledidl Fifcord, merurant U
grandeur de (on ingratitude par la quantité deê
Utiéûccê & honneur» que Icdiél conte At'flould
luy avoit pourchaffd , conceut de fa fufdiftc dcf-
loyauté 9 & félonnic une repentance & defplai-
fir fy extrême , qu'il tomba au poinA par la loy
de nature deflcndu à toute créature vivante, &
beaucoup plu9 par Tordonnancc de Dieu 9 à ceux
qui font profôfllon du nom Chrefticn , qu'cftoit
celuy auquel le défefpoir contraint les miférablea
humain» de faire tort à leur» propre» pcrfonne»,
& 8'abréger la vie. Donnant par fon exemple à
cognoidre à un chafcun , la crainte que devon»
avoir de» Jugement» de Dieu^ & le devoir au-*
qqcl fomme» obligez nou» mettre pour fuyr ^
éviter Tabominable péché d'ingratitude* Lequel
efl; tant ord (a) & vilain , que ceftuy quy en eft
entaché 9 efl non feulement hay & abhorré dea
homme» 9 mai» aufly du mefme Dieu tout-puif-*
fant & immortel; félon que fe peut veoir par la
punition bien griefve que' plufieur» foi» a & ml-*
racu*
Gffi« coin*
flftndn p.
?.6î.
(4) Infamê.
Wlfrold, Oulffroid ott BlflVoldquI, «ytut été élevé 11» cour
de Bnudoin le Chauve i^t 1» comtciTe Rldrudefon époufe»
Ate fe faire altncr d*une de fe« fillci nommée Gulnèdilde*
qu'il époufa apréf en «voir eu un enfant, dont la i^allHinca
fut tenue cachée pendant quelque tcma, laquelle ftilvltfoa
époux en El^agne où 11 poiïédolt le comté de Barcelone.
Vrediu* appuie fon fyftémc fUr un extrait de llilftoire du
monaftèrc de ^i, Jean de la Penna, que lui avolt commO'
nlqué un favant Kfjpagnol. Cette alTertlon reçoit une non-
velte force de rhl(û>lre dea comtea de Barcelone «dont on
trouve un extrait dana Baluze ai, dana le neuvième tome du
recueil de D. Bouquet. Cet extrait tiré d*un vieux manufcrlc
du monaftèrc de Rlupoly, contient lea mémca détalla^ !«•
môme» faitti de lea mémet circonftattcea que celui rapporté
par Vreditti.
i>iT LE VÎEÛX.
I^t
kculeufement efté faifte fur ceux quy fe font laîf-
fez maîtrifer de femblable turpitude, & iniquité*
De laquelle pourtant chafcun fe doit garder,
mefmes de ne tîlnt s'oublier, que dé fe laifler
(comme fit lediét Fifcord) vaincre du défefpoir»
Lequel entre toutes les perturbations & paflîons
de Tame, je treuve eftre & la pire & la dernière.
Attendu principallement qu'elle contraint Thom-
me à fe deffaire , & violer natui'e , & à tompre
la cômpaignie de Tame & du cîorps, qiie Dieu
tîoftre plafmateur (») a de fa bonté infinie con-
Joînéle & à laquelle il a prefcript & limitd une
inviolable union , laquelle partant fans horrible &
tnonftrueus forfaift, ne peut par les mortels eftre
féparée, disjoinfte, fty defliée;
CHAPITRE
XXVI;
Défefpoîrv
la pire 6l
dernière
perturba-
tion de
rame%
Comment le conte A^nould de Flandre après U
trépas (PAdolph fon frère ^ remit V abbaye de ,
JhtnSt Bertln , gue fes prédécejfcurs avoyent m-
jti/lement ufùrpée^ es mains ecc/éfiafllcç'ues ^ ^
de la mort du duc Gultlaume de Normandie^ qui
lediêf conte Arnould fit occire.
ADolpti de Flandre, frère du conte Ariiolild ,
dift le Vieil, lequel (parce que defTus) avez
peu veoit conte de Boulongne , de Therouwaene
& abbé de faihft Bertin, mouruft en l'an neuf
centz quarante-quatre (i), & gift à fainft Bèrtiil.
Par' le trefpas duquel Adolph , les terres &' con-
tez de Boulongne & Theroiiwîtené, avec Tab-
L^àn 944.
Décèé
d' Adolph
de Flandre^
frère du
conte Ar-
nould.
(jà) Créateur , du tatin plafmare former.
(0 Adolphe étoit mort en 933. , cinq âûS après Tépo;
fjue où l'on place Tanccdote du Normand Sifroid. Ce nt
fut qu'environ 10. ans après qu'Arnoul îc Vieil abdiqua
l^abbaye de St. Bertin eu faveur de Gérard.
îiieyer. isit
P3i'^944'
L'abbaye
de fainft
Bertin rcf-
tituée es
mains ec-
cléfiaftic-
ques dont
eftfaift ab-
bé faîna
GherariL
La ville de
Calais re-
tenue par le
conte Ar-
liould fur,
ladide ab-
baye de
St. Bertin^
L'a» 945*
Le conte
Amould
faict occire
le duc
Guillaume
de Nor-
niadk.
162 A R N O U L PREMIER,
baye dudîJl faindt Bertin retournèrent audîft Ar-
nould, conte de Flandre. Lequel efguillonné du
remord qu'il fentoit en fa confcience, de ce que
luy & fes prédécefleurs avoyent tyranicquement
ufurpé, & contre tout droiÂ, ladifte abbaye de
fainél Bertin, manda vers foy monfieur fainét
Gherard, abbé de fainft Pierre lez Gand, lequel
il fit & conftitua abbé dudift faînél Bertin, & le-
quel au commencement de fon adminiftratîon en
ladifte abbaye, euft plufieurs & intolérables fâ-
cheries, tant pour y redreffer ce qu'auparavant
par le moyen de ladidle ufurpation y avoit efté
dépravé & corrompu, que pour remeftre & reftî-
tuer ledift monaftère en un bon ordre , ST digne
de gens de religion. Sy fuft iceluy monaftère
depuis ce temps, tousjours fucceffivement gou-
verné par perfonnes eccléfiafticques , félon qu'auC-
fy le droift & la raifon diftoyent & requerroyent.
Sur lequel néantmoîns le conte Arnould de Flan-
dre retint la ville de Calais, & outre ce aucuns au-
tres biens appartenants audift cloîftre, pour
d'iceux en jouyr fa viç , & celles de fes femme
& deux enfans feulement & point davantage , au
moyen de quoy ylfirent depuis entre les fuccef-
fciirs du conte Arnould , & ceux de fainft Bertin
les queftions & débatz qu'en pourfuyvant cefte
hiftoire cy-après entendrez. Environ ce mefme
temps , fi comme en l'an neuf centz quarante-
trois , ledift conte Arnould , lequel en toutes fes
autres affaires s'eftoit porté aflez prudemment >
vertucufement & vaillamment, fcindant fe vou-
loir appoinfter, touchant aucuns différents qu'il
avoit, avec le duc Guillaume de Normandie ,
commit une faute merveiHeufement lourde. Car
il trouva prafticque de faire foubs le fufdîft pré-
text, de couper & mettre à mort le fufdift duc
GuiHaume, qu'eftoit venu au lieu par luy aflîgné
en bonne foy, & avec bonne intention > faifant
DIT tiË ViÈUit;
tèi
j>erpétrer & commettre ledift homîdde par le^
gens mefmes d'iceluy duc Guillaume, dont lé
chief & condufteur eftoil un fien ferviteur do-
mefticque quy s'appelloît Balzon; Et pour autant
que le roy Louys de France, quatriefme de ce i
nom, advoua lediét faiét, plufieurs diflenfions
$'efmeurent depuis entre France & Normandie*
Lefquelles vous trouverez 6l au long defcriptes
& récitées, parles cbronicques ou annales de
France. Le premier motif, & Toccafion orîgînele
du fufdiél différent qui fut meû entre le conte
Arnould, & le duc Guillaume de Normandie, fe
narre par divers autheurs diverfement; Car au-
cuns d'eux, & fignamment les François maintien-
nent, que le conte Arnould , lequel (félon qu'ilz
difent) moleftoit grandement fes voyfins, auroit
ofté au conte Heloyn de Monftreul, le chaftel
dudift Monftreul; que le duc Guillaume feroit
avec grande puîflance defcendu, pouf en faveur
dudift Heloyn recouvrer lediéï chafteau, lequel
finablement il auroit remis es tnaitis dudiâ He-
loyn; que le conte Arnould de ce mal content,
fe feroit, pour plus commodieufement s'en ven-
ger, allyé avec aucuns baron^ de France; que
peu après feindant fe vouloir accorder avec le-
dift duc Guillaume, luy auroit mandé, que s'il
fe vouioit trouver en certain lieu pour parlamen-
ter , il pardonneroit voluntiers en fa faveur lé
maltalent qu'il avoit contre ledîft Heloyn; que
le duc Guillaume procédant de bonne foy, fe fe*
roit au fiifdîft effeft, trouvé en une petite yflo
fur la rivière de Somme, près le chaftel de Pî-
quegny (^), & qu'en icelle yfle, Icdift conté
Arnould l'auroit faifl maflacrer ^ meurdrir*
Autres difent que pour quelque temps y auroit
eu de grandes inimitic^s entre te conte de Flaa-'
L*origliiè
dadiflféreat
ec hayne
du conte
Araould
contre le«
diâ duc
Guillaume
divcrfc-
mcnt at^
rée.
C«) Péquigni,
0 %
nifcotifâdc
Vmthcttt
toiichntit
de riniml-
tlé entre le
conte de
Flandre , èc
le Jtic Û9
Normtin-
die«
164 ARNOUL PREMIER,
dre ficlcdiél duc de Normandie , à raîfon des
grmid» dégaftz, foulle» (a) & pillcrie», que le
duc Guillaume y elhnt dcfccndu & à Timpour-
vciic, auroit faift au paï» de Flandre, & que
leur conte ArnouUi de ce grandement irrité,
fcindant peu après vouloir parlamenter, Tauroit
en ladite yfle faiét occire & mettre en pièce» (a).
A laquelle opinion J'adhère d'autant plu« vo*
luntier», pour ce que, prendant pied au refte
des aéles & de la vie dudi(ft conte Arnould , ne
fc trouve qu'il ayt eu aucune tache d'Jiommc
pilleur, tyran, quereleux & lequel fan» y eftrc
trop plu» que fufHfammcnt provoqué , euft
voulu opprimer , ou faire tort au moindre de
touH fe» voifin». Attendu mefmes, que Tabbayc
de fainft Bertin qu'eftoit bien riche & opulente,
& laquelle il povoit, fans aucun contredi(Jl ou
reproche, retenir, fut par Juy mife en fon pre-
mier eftat, non pour autre occafion, que pour
Ça) Déiaflrci.
(a) C^c fut Pan 943^ que Guillaume fut tf^i^né par
kf ordre» d'Amoul « environ trois ans iivant le fîège de
Rouen qui vit naître la haine d'Othon contre Arnoul ; ce
qui prouve qu'Oudegherft ne claiTc pas toujour» le» (Jvànc-
mcn» félon Tordre de» tcm». Il ferolt fan» doute bien dif-
ficile de faifir la \Mi^ au mlllcit de la multiplicité de» opi-
nion» qui partagent le» hiftorlen» fur le» caufe» de Padkffinat
commis par le» ordre» d* Arnoul dan» la peffonne du doc
de Normandie. Arnoul avoit ii fe plaindre de quelques
irruption» que Guillaume avoit faite» fur fe» doroninc» 4c
de» fecour» qu^il itvoit donné» à llerhiin , comte de Mon«
treuil dan» une guerre quil avoit eue contre luL il ne pou*
volt pardonner aux Normand» I^ur alliance avec Herbert
Je mctirtrler de fon oncle. La puiiTancc de Guillaume lui
donnoit de vive» alarme», ôc cette puifBincc dcvcnolt de
Jour en jour f\m fc^rmldable. Tel» font du moJn» le» mo-
tif» i\rÛ9^ de» mnnumen» le» plu» certain» , qui fembleoc
avoir déterminé le comte de Flandre k fe déibonorer par
DIT LE VIEUX* 165
décharger le fardeau, que cefte injufte ufurpa-
tîon faifte & pratiquée par fes prédécefleurs,
caufoit en fa confcience. Laquelle euft indubita-
blement & par raifon etté trop plus empefchée,
par la violence que contre fes voyOns il euft fans
aucune occalion exercée , pour les defpouiUer de
leurs biens & pofleffions , que par la ddt<;ntion ou^
joùiflance dudid: roonaftère de fainft Bertin , que
îes prédécefleurs aflez auparavant luy avoyent
-acquife & moyen née. Davantage lefdifts Fran-
:çoîs récitent que lediél conte Heloyn feroit du
fufdia grief à luy par le .conte Arnould pour-
xrhaffé, premièrement venu plaintif, vers Hue(/?)
le Grand, conte de Paris, duquel ledift chaftel de
Monftreul feroit efté tenu en hommage, & que
luy ayant ledift Hu^ failly de garrant, obftant
-qu'il ne vouloît entreprendre guerre à fy légiere
ioccafion contre le conte Arnould de Flandre , qui
(ji) Hugues le Grande ou VJbhé^ ou le Blanc,
une trahifon odieufe. Pour exécuter plus fûrement fou
deflcin , dit un écrivain prefque contemporain , U fit invi-
ter Guillaume à une entrevue où ils dévoient terminer à
ramiable quelques différcijs & fe jurer une amitié éter-
nelle. On choifit à cet effet Péquigni fitué fur la rive gauche -
de la Somme à trois Ueues d'Amiens , lieu fameux par l'évé-
nement tragique dont nous parlons &; par l'entrevue que
Louis XI. & Edouard IV. y eurent depuis en 1475. Les deux
princes fe rendirent dans une petite île que (ormoit en cet
endroit le lit de la^omme, fe virent, s'cmbrafferent , fe Hift.Wîn.
promirent une amitié durable & fe féparerent vers le foir. Gemct. D.
Pendant que GuiUaume traverfoit la rivière pour retourner ^^^^•^^- ^-
à terre , quatre officiers du comte de Flandre le rappel-
lerent fous prétexte que leur maître avoit oublié de lui
faire part d'un fecret important. Il les crut, revint & fut
aflaffiné au moment qu'il fortoit de la nacelle qui l'avoît
porté. Meyerus raconte la chofe un peu autrement que le
chroniqueur de Jumièges. U femble même excufer l'adiou
4*Amoul qu'Oudegberft blàmç jtvcc raifon.
p. 262
L'authcur
gcfaidpro-
îflioad'ad-
vocat ou
dcflfenfeur
des viccf
d'aucun
prirtcc
Sans foy de
loyai^té ,
toutes au-
tres vertus
des princes
tcrniirent
oc n'ont au-
cune fplcn-
deur.
t65ARNOUL PREMIERt
eftoît riche prince & puiffant, fe feroit lediâ: He-r
loyn retiré pour refuge vers Louys roy de
France, quatriefme de ce nom; duquel n'ayant
femblablement obtcn^i aucun fupport ny aflîften*
ce, Tauroit finàblement împétrée du duc Guil-
laume de Normandie. Ce que me femble aultant
ridîculeux, comme je trouve impertinent, que le
conte Arnould de Flandre auroit promis au duc
de Normahdie pardonner en fa faveur le cour-
roux & mefcontentement qu'il avoit conceu con-
tre le conte Heloyn. Entant mefmes qu'il n'eft
vrayfcmblable , que Hue le Grand, duquel tou-
tes les hiftoires parlent tant magnifiquement &
honorablement, euft, pour crainte de la puiflance
du conte Arnould, refufé fon fecours, que par
raifon il devoit prefter, à un fien vaflal fouUé &
déshérité; comme auffy n'y avoit aucun fonde-
ment du cofté du conte Arnould, de promettre
au duc de Normandie de pardonner en fon nom
le courroux auquel il cftoit contre le conte He*
loyn , lequel luy-mcfme il avoit offenfé & def-
pouillé. Non que pourtant j'ei>tendé excufcr
ou defguifer la grande faute que par le fufdiâ
meurtre le conte Arnould auroit commife, veu
que pour le préfent je ne faijtz eftat, ny pfo-
fellîon d'advocat ou delFenfeur des vices des
contes & princes de Flandre ; mais aflîn de vous
repréfenter au plus près de la vérité que me fera
poflible , tant en ceft endroit comme en tous au-
tres, les chofes faiftes par lefdîfts contes, &
advenues au païs dudift Flandre* Le conte Ar-
nould donçques fit en ce que dcflus très-mal &
dégénéra grandement de fes propres vertus &
perfeélions, faifant pour ce refped d'aultant plus
à blafmer , que notoirement il devoit fçavoir que
la foy & loyauté font entre toutes les autres ver-
tus tant clères, fie refplendiflantes , que fans îcel:
lc$ toutes les grâces des princes, pojir grai^dp^
DIT LE VIEUX.
167
qu'elles foyent & en qualité, & en quantité, fe
terniflent & obfcurcîflent. Voires (& que plus
eft) que les autres vertus ne prendent de ceftes-
cy moindre clarté, que font la lune, les aftres
& les eftoyles , de la fplendeur de rUluftre foleil.
Et qu'ainfy foit : prudence fans foy , ne devient-
elle pas vaine, menfongière, & malicieufe cau-
tèle (tf) ? Tempérance fans foy n'eft-elle pas trifte,
honteufe, & umbrageufe? Force fans foy qu'eft-
ce que lafcheté & couardife (^) ? comme aufly la
juftice fans ladiéle foy, n'eft autre chofe que
vray meurdre, & cruauté. Quelle louange, quel
bruit, quel honneur peut avoir un prince, qui
£{t yaîn, menteur & trompeur? Quelle chofe fe
.treuve plus fale & laide, que de rompre fa foy,
.que ne tenir promefle ftable en faifts & en difts ,
& que de reculer d'un accord & appoinftement
fftiél? Voylà qui mouvojit ceux d'Egypte, de
faire (félon que tefmoigne Dtodorus Stculus^ cou-
per la telle fans aucune exception à tous trom-
peurs & parjures. Voylà aufly pourquoy les hiC-
ioriens eftïment & louent fy haultement Sextus
fils de Pompée le Grand. „ Lequel ayant invité
„ au fouper en un de fes navires près Puteo-
„ le (e) , Anthoine & Oftavien , fes compéti-
3, teurs & ennemis; mais pour lors reconciliez,
„ fur ce que Ménodore admirai diidift Sextus ,
„ luy fit par un meflagier interpofé fçavoir, qu'il
5, ^ftoit ores temps de fe venger de la mort de
„ fes père & frère, & que s'il y vouloit enten-
^, dre , il befoingneroit tellement , que nul de les
^, ennemis n'efçhapperoit des navires: va (ref-
Ça^ Rufc, quand il eft pris
en mauvaife part ^ comme
ici; précaution^ prudence
fag$ , quand on le prend en
%(mtie fartt
(*) Timidité,
(r) Pouzzol ou Pozzuoîo^
ancienne ville d"" Italie d0nh
la terre 4c Lahuf,
Diodorot
Siculus,
Les Eg»
tiens punif-
fent. de
mort tous
trompeurs
& parju-
res.
Louatîgcde
la loyauté
de Sextus
Pompeyus, ''
jflj ARNOUL PREMIER,
„ pondit Sextus audiél meflager) &.dî<fts de ma
„ part à ceftuy qiiy t*a vers moy envoyé , que
5, s'il veut faire ce dont tu m'as parlé, ille fera fans
„ moy,&quec'eft l'ôfliâe d'un parjure comme luy,
,,' de faire tels Qftes, non pas le mien quy n'ay
„ apprîns ny accoutumé tromper,ny faufer ma foy.
Refponfe vyayement digne î'un fils du grand
. Pompée, Or, pour retourner à mon propos, le conte
Arnould le Vieil, après le fufdift meurdre commis
en la perfonne du duc de Normandie , fit au roy
Louys de France toute rafïïftence pofiîble es
guerres, que pour avoir advoûé ledift méfus(/?),
il euft contre les Nornians. Lefquels néantmoins
portés par le roy de Dannemarque, quy eftoit
parent bien proche au jeune duc Richard de Nor-
mandie , jfîrent tellement qu'ils conferverent la-
difte duché, & en invertirent finablement lediél
Richard, comme plus à plain fe pçut veoir par^
les hiftoires à ce deftinées.
CHAPITRE XXVII.
Comment le conte Arnould^ diSt le Fieil^ fit ivoc-
guer les eflatz de. Flandre en fa ville de Gand^
^ du confentement dUceulx tranfporta la conté
de Flandre à fan fils Baudouyn , di£t le Jeune.
Li
E contç Arnould le Vieil, après avoir bon
' efpa'ce de temps gouverné en feure paix ^
tranquillisé fon païs dq Flandre, confidérant le
peu de capacité, queobftantfon î^nchien aage luy
reftoit pour délbrmais vacquer aux grands tra-
vaux & folicîtudes en telle adminiftration rcqui-
l^tj^ri 964. fes & néceffaircs', fit en Tan neuf centz foîxantc-
quatre (i) évocquer en fa maifon qu'il avoit à
^ r— : — ^ -^. -: t
(ji) Crime.
(0 Le tranfport que fit Araoul le vieil du fçouvcrnc-
inent à fon fils, eut lieu Tan 958. & non pas Tan 964, qui
eft Tannée de la mort d'Arnoul. Or ce prince , aprè^
DIT LE VIEUX.
169
Gand J)rès le monaftère de faînaTierre, tous
les prélatz , nobles & autres des eftatz du pais &
contrée de Flandre. En la préfence defquels, &
d*une grande multitude de peuple lors illec af-
femblée, ledifl: conte Arnould, (lequel s'eftoit
ce jour veftu de fes plus riches h;ibits) ayant
à fafençftre G?) fon fils Baudouyn, appelle le
Jeufne, (après avoir commandé Çlence) parla
d'une merveilleufe confiance, de cède forte: „ Mes
„ bons vaflaux & amys, premier (^) que vous
„ faire entendre pourquoy je vous ay mandé af-
„ fembler, je vous veux ramentçvoir partie des
„ fortunes & dangiers, où je n^e fujs trouvé
^ depuis la mort de feu de très-heure mémoire,
„ le» conte Baudouyn mon feigneur & bon père
„ (que Dieu ayt) & qu'il pleuft à noftre fe}-
y, gneur în'appeller au gouvernement de vous
,, & de celle province. „ Et lors commença dif-
çouvrir partie de ce que depuis le temps qu'il
avoit emprins le gouvernement de Flandre luy
eftoit advenu ; fi comme l'expulfion du reli-
quaire des Huns , Wandalois & Normans, les
débats qu'il avoit eu contre Tempçreur Otho,
& autres particularitez qu'aurez cy-deffus peu
entendre^ Et puis continuant : „t)r , me voyez-
^ vous (dift-il) vieil, & tout blanc, ayant des-
^ jà attainél l'an oétante huiftiefme de mon i^age ,
^ qui me fait penfer eftre déformais fayfon , que
^ j'oublie les chofes du monde, pour retournor
^ à Dieu, qui m'a tant obligé (c) à luy. Et pour
„ cède caufe, ay délibéré vous laifler dès main-
^ tenant, & à l'advenir pour voftre conte &
Evocation
des eilitz
de Flandre
à Gand.
Harangue
du conte
Arndold de
Flandre
aux eilacs
de fes pais,
en tranf-
portant lef-
diâz pals à
fon fils
Baudouyn ,
diaicjcuf'
ne.
(^) Gauche*
(Jb^ Avant,
(<:) Attaché à force de bien-
faits.
la mort de BaudoînJe Jeune qui ne régna que trois ans ,
comme nous le verrons plus bas , reprit malgré fott grand
âge les rênes du gouvernement pendant les trois premiô-
ces années de }a minorité d'ArnoiU le Jeune fon petU-fil^..
Baudouyn,
diftlejeuf-
nc, du vi-
vant de fon
père pro-
clamé conte
de Flandre.
170 B AUD 0 IN* TROISIEME,
„ feigaeur Baudouyn mon fils ,' auquel dès à pré*
^ fent je cède tout le droift que j'ay en cette
y, conté de Flandre; vous priant tous autant
5, qu'il m'eft poffible, que d'icy en avant luy
„ foyez fidèles & obéiflants, comme vous m'avez
^ tousjours cfté. Et combîen^qu'il foit mon fils,
„ fy je le cognoiflbye indigne de vous, croyez
„ (mes amys) que plutoft je eufle efleu pour
„ me fuccéder un, quy m'euft efté moins que
„ luy. Je le vous laide donc fans retenir pour
„ moy. que cette maifon , & le peu que me con-
„ viendra pour l'entretien de cette pouvre vieil-
„ lefle „. Lors fit approcher ledift Baudouyn fon
fils , & luy baillant fon manteau de conte , vou-
lut qu'il le veftitt à l'heure. Cependant le filence
ettoit fy grand, qu'on n'oyoit par la place au-
tre chofe, que pleurs & foufpîrs'du peuple,
efmeu de pitié & compaflion, pour veoîr telle
délibération à leur bon prince, lequel habillé
d'un finiple accouttrement de drap noir, prînt
fon dift fils, & après l'avoir faift afleoîr en fa
chaire, le fit par fes hérauds proclamer conte
de Flandre. Ce faiél, chafcun fe retira, les uns
pleurants & les autres plus ayfes, pour l'amen-
dement & faveur qu'ils efpéroyent de ce nouveau
conte, qui de là en avant commença gouverner
fes païstant prudemment, qu'il laifla très-bonne
mémoire de foy à (i pottérité , & à fes fubjeôs
un defir continuel d'ettre tousjours gouverné$
par un prince tant difcret & vertueux.
CHAPITRE
XXVIII.
Comment le conte Baudouyn^ di£tle yeufne^enfeigna^
ceux de Flandre contra&er par forme de per*
mutacion ^^ du décès dudicï conte Baudouyn.
A Près ladiéle réfignation faié^e par le conte
/jLÀrnould, dift le Vieil, es mains de Bau^
douyn le Jeufne , ledifl: Baudouyn emprint Iç
DIT LE JEUNE, 171
i
gouveraement de Flandre , auquel il fe porta le
peu de temps quMl vefquit moult vertueufement.
Il fut marié à madame Machtilde, aliàs (a) Mé-
haut, fille d'Hermain, duc de Saxone QÎ) (i),
de laquelle il euft un feul fils , nommé Arnould
lejeufne, lequel fut depuis conte de Flandre.
Ce Baudouyn fit durant fon gouvernement aucu-
nes ordonnances fur le fiaift de la marchandife ,
laquelle à raîfon du peu d'argent que lors fe trou-
voit au païs de Flandre , il vouloit eftre faiûe
& contraîâée par forme & manière de permu-
tation (^). Ne trouvant au refte autre chofe mé-
morable qu'ayt par ledifl: conte Baudouyn elle
faifte ; & combien que par fon épitaphe tel que
Mariage du
conte Bau*
douyn,dift
le Jeufne,
avec mada-
me Méhaut
ëe Saxe.
Marchandi-
fe contraic-
téépar iiu«^
nière de
j>ennata-
tion.
(itf) autrement.
(Jt^ Saxe.
(i) C'eft égalemftiit Topimon de Fauteur de Pabregé intitulé
ftandria gencrofa , & de beaucoup d*autres , panni Icfqueb U
faat placer la chronique de St. Bavon. Cet Herman ûimom-
mé Billfngius du nom. de fon père BiUingùs fut le pre-
mier qui reçut de l'empereur Othon le Duché de Saxe à
dtre de pofleifion héréditaire pour fes defcendans 6c qui
jdeWnt encore en 965. bujprave de Magdebourg. Vre-
dios & quelques autres prétendent que cette Mathilde étoit
fille de Conrad le Pacifique roi d'Arles qui , après un règne
d'environ 57. ans, mourut en 993., père d'une nombreufe
poftériié,
(2) On doit à ce prince Tencouragcment du commerce
& de quelques manufaâures dans la Flandre. U établit
des marchés publics à Bruges, à Courtrai, à Turcoing, à
Torholt & à Cabiis. Il introduiiît des Tiflèrands & des
FouUons dans la ville de Gand déjà très-peuplée alors. Quant
aa commerce qui Ib fefoit par échange, on donnoit une
oie pour deux poules, deux oies pour un jeune porc ou
on agneau déjà fort, trois petits agneaux j)otur un roomon,
trois veaux pour un bœuf. Cette manière de commercer
prouve combien l'argent étoit rare alors dans la Flandre,
tes voies publiques ou n'exiftoient pas, ou étojcnt peu
fiires. I>odilon , évêque de Cambrai , avoit refufé en 893*
de fe rendre au fynode de Rheims, fous prétexte que les
f hem|ns n'étcûent pas fûrs.
Buzel.
an. Gallq
Flandr. p.
143.
L'an p57.
Mort du
jconte Bau-
douyn, diét
le Jeufne.
L'épitaphe
dudît Bau-
àouyiu
«72 BAUDOIN TROISIEME,
voirez cy-deflbubs , femble qu'il ayt muré la vilk
de Bruges, &au furplus édifié aucunes autres vil-
les , fy eft-ce que je n'ay mémoire d'avoir tou-
chant ce leu quelque chofe aux hiftoires de Flan^
dre (3). Il mourut après avoir gouverné trois
ans, .en Tan neuf centz foixante-fept, des petites
vérolles, en fa ville de Berghes Sainft Winoeh,
& gift à fain<fi: Bertin , où fur une petite lame
fe voit fou épitaphe, tel que s'enfuyt ;
Tempore qui fperant hoc fado vivere longo
Afptciant , quis fit condttus hoc tumulo.
Heu mors! cur juvenem Balduinum fnsva necaflï^
Quart um Flandrenfem , magntfieum comitem ?
Ecce Arnulphe , tuus magne hic efl gnatU5^h(jere$^
Qui te dante^ tuum fufcipit imperium. .
Ifie , fuperflite pâtre fuo Arnulpho , tribus annis
Flandrinam rexit egregiè patriam.
Mu/tas pratereà villas quas firuxit , hic unus ,
Mûris Brugenfes muniit ipfe etiam.
Jnflituitque fuos mercarier hic fine numrnis ,
I^lutans pro rehus res alias aliis.
Duxit in uxorem Machtildem Saxonienfem^
Junior Arnulphus quâ génitrice oritur. ^
Hicque fui poftquam genitoris fit vice princeps y
Haud multb regnans tempore : mors in eum
Saviit , ^ Jani hâc privavit luce calendis ^
JDivi Bertini conditus ecclefid eft^
Rec. des
hift. de Fr.
t. 7.
D. Devien-
ne hill.
d'Art, t. |.
p. i6d.
(3) Selon Meyerus , ji répara les fortifications des vil-
les d'Ipres , de Furnes , de Bergues St. Winoch 9 de Bour-
bourg , de Dixmude &c. Il donna le territoire de Calais
à l'abbaye de St. Bertin , par un diplôme de Tan ^59. Il fe
préparoit à marcher au Tecours de Lothaire, roi de France,
lorfque la mort l'enleva en 961. „ Ce prince donnoit de
„ grandes efpérances. On admiroit fa valeur , fon exaâi-
^ tude k tenir fa parole & l'amour qu'il portoit à f<ça
n Sujets,
\
Dit L E J É Ù N È. irj
Ct qu'en rime françoife fignîfie :
Ceftuy lequel penjf^ icy long temps vivre ^
Foye qui gift cy bas en ce tombeau ;
Las ! mort plus dure , fi? cruelle qu^ung tygre y
Pourquoy as -tu Baudouyn jeune & beau
Sy tofl occis ? lequel efloit quatriesme
Conte Flameng magnificqu* fif puijfant.
Foicy ton fils fi? héritier fupréme ,
Auquel toy vif ^ 6 conte Arnould le Grande "
As réfîgné de Flandre tout P empire '^
Foicy lequel trois ans continuelz
A gouverné Flandre^ pour rray vous dire,
Fsvant fon per^ Adolph , di& Grand & rteil^
Il a aujfy plufîeurs villes conftruittes ,
Et a muny Bruges d^ excellent z murs.
Il a aux fiens fans pattars fi? fans mites Ça) .
Monftré comment ils pouront gros fif dru
Exercer fi? traiùer leur marchandifs ;
Ceft par moyen de permutation.
Pour fa femme a dame Machtilde prinfe, ^
FiUe- d'* Heirmain le noble duc Saxon,
De laquelle efl le conte Arnould le Jeune
Puis defcendu ; mais après que lediâ
Baudouyn euft eft^ au lieu fi? throfne
Conflîtué de fon père fusdiù , ,
Régnant bien peu fi? trop petit efpace.
Mort contre luy a fa flefche tiré ,
Et privé Va de cefte vie lafche ,
Duquel le iorps fainSt Bertin a terre*
Quant à madame Machtilde , femme dudîdt
conte Baudouyn le Jeufne , elle fe remaria peu
après à Godefroy, conte d'Ardennes , feigneur
d*Eenham & du territoire d'Aloft ; duquel elle
çuft par fucçeffion de temps trois fils , fçavoiir,
(«) Monnoit ancienne.
^74 B A U D Ô I N TROISIEME/
Godevaert (a) » Gocelon & Efelon (4) , dont
nous entendons , par la continuation de celle
hîftoire, faire en fon temps & lieu plus particu-
lier récit & mention.
Afltiq.de la
G. Belg.
f. 19.
Chron.
d'Alber.
tn. 1005.
Butkens»
Troph/
Brab. t, i.
p. 84*
(</) Godefrol.
(4) „ Mathilde mourut en roop, dit Waflebourg, & fut
n inhumée au monailère de St. Vanne audift Verdun, où
^ de préfent on voit fa fépulture, combien que Meyerns
„ efcript qu*elle fe fit inhumer au monailère de Blandina*
,» ce ( St. Pierre de Gand ). en Flandre avec fon mary Go-
„ defroi.^ Son fécond époux fut Godefroi le Captif» fils de
Godefroi d'Ardcnncs & comte d'Ardennca, de Verdun «t
d*£inham. U eut 6 enfans de Mathilde, Godefroi qui fut
duc de la baffe Lorraine , mort eri 1023. ^, Gotheloh fumom-
mé le Grand , qui fuccéda à fon frère dans le duché de la
baffe Lorraine , auquel il réunit dans la fuite celui de la
haute de qui moiurut en 1044. , Adelberon. , évéque de Ver-
dun, Frédéric, comte, puis moine de St. Vanne, Herman,
dit Hezelon , comte d'Eihham & de Dasbourg par fa fem^
me , mort en 1028 moine à Verdun. Le fixième enfant
étoit une princeffe nommée Ermcngarde.
CHAPITRE XXIX-
Comment Arnould^ diSi le Vieil ^ ayant falEt ajferh*
hier les eflatz de Flandre en la ville de Gand ,
praEticquoit de forte queArnould^ diSt le ^eufne^
fut par lesdiâz eflatz , nonobftant fa minorité
receu à conte de Flandre.
Evocation
des eflatz
de Flandre
k Gand.
A Près la mort du conte Baudouyn , dift le
Jeufne , le conte Amould le Vieil , lequel
eftoit à' Gand malade & extrêmement débile, au
moyen de fa grande vieillefle fit raflembler & dére-
chiefévocquer versfoy enladifte ville de Gand tous
les haults hommes & ceux des cftatz de Flandre.
Lesquels comparus 9 leur requift bien inftament
que, fans prendre regard à la minorité & peu
DIT LE JEUNE.
175
d'aage d*Arnould le Jeufne , fils de Baudouyn,
fon neveu (a)^ ( lequel lors n'avôit cncores at-
taîna Taage de dix ans) ils le - voulfiflent rece-
voir pour leur conte & feîgneur , aftendu mef-
mes qu'il eftoit vray héritier de ladifte conté,
& quMl vivoit en la perfonne de fon père, joînft
que le païs eftoit tenu à luy par raifon civile &
obligation naturelle, veu que couftume eft équi-
parée à nature , & que par couftume , Flandre fuc-
cède de père au fils ; leur remonftrant en outre,
que le païs feroit avec trop plus grande tranquil-
lité gouverné foubs ledidl Amould fon nepveû,
que foubs un régent ou Jieutenant, & le tout ,
pour aultant que ordinairement tout peuple fe
voit plus enclin & affeélionné à fon prince natu-
rel , qu'à quelque eftranger. Adjouftant à ce que
defllis , que ne convenoit douter ny craindre
aucun inconvénient à raifon de la minorité de
leur dift prince , entant mefmes , que par le
moyen de fes- confeillers , il auroit la vertu de
prudence àfagefle, par ceftuy deifes chevaliers,
celle de forche & magnanimité , & par cîl (^) de
fes officiers, la vertu de juftice & équité. Davan-
tage que ne feroit chofç nouvelle , recevoir un
prince en fy bas aage , veu que Jofias n'excédoit
les huîft ans , lorsque par providence divine il
fut receu pour roy d'Ifraël , que non pbftant
icelle minorité ledift Jofias avoit efté le plus vail-
lant & vertueux roy de ceux qui vindrent après
David , & principallement , moyennant la bonne
& fainâe doArine que les fages de fa loy luy
baillèrent & adminiftrerent. Que Jofephus autheur
bien grave attefte par fes hiftoires , que Salomon
n'avoit que onze ans quand il commença gou-
Réffloo'
ftrances
d'Aniould
le Vieil aux
ellatz de
Flandre
pourjes îiH
duire à re-
cevoir pour
leur feî-
gneur Ar-
nould fon
neveu.
Fit couftu-
me Flandre
fuccède de
père à fils.
Ordinaire-
ment tout
peuple plus
afieâionné
à fon pria-'
ce naturel
qu*à un eT*
tranger.
Jofias en
l'aage de
dix ans re-
ceu pour
royd'lfragl.
Salomon
félon Jofe-
phus ,
n'avoit que
onze ans
au com-
mencement
de fon gou-
vernement*
(O JP^ii-fiis.
CO Celui.
Arnould le
Jeune eft
receu par
les cftàtz
pour conte
de Flandre.
L'an ^7'
X7tî BAUDOIN TROISIÈME^
verner, & mcfmes que Joathas eftoît aflez jeune
lorsqu'au nom d'Azareas , *fon père , ( lequel
eftoit devenu malade de la lèpre ) il emprint le
gouvernement des Ifraélites. Que Ton a fouvent
veu & par expérience cognu le Dieu fouverain
envoyer plus d'heur & profpérité es "royaumes
ou provinces, parole moyen de jeunes princes
& fans malice , que par autres , lesquels avec plus
d'aage ont moins de fincérité & plus d'orgueil
. & ambition , confiddré mefmcment que tels in-
nocentz font voluntiers gardez des anges quy les
confcfvent, guident & adreflcnt tous leurs affai-
res, de forte qu'ils ne peuvent trébufcher (i).
Joindant au refte aux fufdiftcs raîfons plufieurs
autres tant perfuafives & attrayantes, que ledift
Arnould le Jeune fut incontinent & par l'adveu
dcsdiélz cftatz receu & accepté pour conte de
Flandre. Lequel fuyvant ce commença régner en
l'an neuf centz foixante-fept (i) , & un an après ,
qui
(i) En fefant ainfi parler Arnoul, Oudeghcrft auroit
dû fonger que la minorité d'Arnoul le Jeune avoit été ora-
geufe, à caufe des entreprifcs du roi de France. Quand
un écrivain met fes perfonnages en aftion, & qu'il leur
prête des difcours que le leétcur a peine à Je perfuadcr
qu'ils ont faits , il doit au moins les faire pcnfer & parler
d'après les faits confignés dans l'hiftoire. C'eft ainfi qu'en
ont agi les hifto riens de l'antiquité. Le goût ne guide pas
toujours Oudegherft dans les réflexions morales ou po-
litiqucs.
(1) Ce fut en 9^1. , vieux (lyle. Son ayeul gouverna
pour lui pendant trois ans & mourut le 27. Mars 964.»
après un règne de 47. ans. Il fe donnoit à lui-même le
nom de Grand , qu'il paroît n'avoir dû qu'à la réforme
qu'il introduifit dans un grand nombre de monaftèrcs,
L'hiftoire ne lui a laifTé que le furnom de VUU^ pout: le
dirtinguer de fon petit-fils. Plus politique que vertueux »
// fut , dU Mézcrai , habile & rufi , mais fanguinair^, L'aT»
faflinat du duc de Normandie efl une flétrifTure éternelle ^
fa mémoire. On lui reproche encore d'avoir confeill^ à
DIT L E. J E UvN E.
177
qui fat Tan neuf centz foixante-huiél , ledlA
Âmould le Vieil , après avoir vefcu nonântc-deux
ans 9 trefpafla en fa raaifon de Gand, & gifl au
monaftère de fainft Pierre lez ledîft Gand , foubs
une petite lame 9 fur laquelle- eft efcript Tépita-
phe quy s*enfuyt :
y us fubiem mortis Amulphm marthïù fôrtisi
Legerat hïc requiem Judith ufque diem^
Hic pâtre Balduino gêner at us principe divo 9
Balduinum genuit quem cita mors rapuit.
Laudis in exemplum ftatuens ht)c nobile tempïum ,
Hue JVandregefilum transtutit ifie pium.
Ergo diii fospes patriam régit , Ç^ prentît hoftes ^
Cui prece folamen leBor adoptet. Amen.
Ce qu'en rithme françoife fe peut en cefté
forte tranflater :
Le conte Amould Prinij^ fort â? vaillant 9
Voyant qu'^à mort luy convenoit céder ,
Ckojfit icy fon repos , attendant
Du juge grand ', te temps & jour dernier:
De Baudouyn prince de gr^nd renom ,
Jleftant fils^ Baudouyn engendra^
i^quel la mort de fon cruel brandon (a)
Trop tofl frappa y dont Flandre affez pleurai
Après qu*il euft ce temple moùlt fameut
Faià redrejfer^ dont tous jour s ejiimi
Grand en fera^ tranflater cy r heur eus
Il fit auffy corps faint , ^ renommé
L'an i>68.
Trcfpàs
d'Amouid;
diâ le vieil»
en rage dé
nonante-
deux ans.
Epiapho
do conte
Arnould
diâlevicili
(tf) Tifon allumé.
Louis dk)ûtrenier de faire nîourir Richard , fils de Guil-
laume , duc de Normandie , qui étoiten fa puiffance; ou de
le mutiler, pôùi: le rendre inhabile àgouvêmef fés états.
L*intéréf perfonnel le détermifia prefque toujours dans U
conduite qu'il tint avec Hugues & Louis cyOutremef. Il
ne fut pas toujours heureux dans fes expéditions militaires
& ne put garantir la Flandre des incurîions dés Hongrois
qui , vers Tan 954. , ravagèrent le Cambrcfis flc les pays
circonvoiûns<
D. fionq.
ind. chron.
t. S.ati.yif.
' Décès de
madame
Akyt de
Verman-
dois , fem-
me du conte
Arnould.
L'épitaphe
de madame
Aleyt de
Vcrmatt-
dois.
J78 BAUDOIN TROISIEME,
De Wandregeplm , fi? prudemment
Depuis il a la Flandre gouverné ,
Bien bonn* efpac* ^ vigareufement
Ses ennemis à la rai fan mené.
Voylk pourquoy doibt tout beping leâeur ,
Lequel voudra contempler ceft efcript^
Prier que Dieu noftre bon rédempteur^
D"* Arnould le Grand rechoive toft Fefprit,
Près ledift' Arnould efl: foubs une aultre petite
, lame enterrée madame Akyt fa femme , laquelle
mourut au mois d'Oftobre en Tan neuf centx
foixante : de laquelle fe treuve tel épitaphe.
Conjuncx Arnulphi [decus hïc fortita fepulchri^
Non moritur meritis 9 corpore faSta cinis ;
Perfonas or bas namfovit ut altéra D or chas y
Cui piè confenuit gratia , quam habuit*
Sole fenas décimas prafert Oâobris ydaas ,
Hora notant obitum , quo petit hac Dominum^
Exequiis adulé proférantes qui que vacate^
Ut prêt io meriti^ culpaqueat redimi.
Dont la fîgnification fe repréfentc en langue
françoife quafi au vif, par la rime fubféquente.
Celle qui cy^dej/oubs a volu fon tombeau
Choyfîr , par cy-devant fut la femme honnorée
Du conte Arnould le Grande duquel la renommée
Bruit depuis occident jufqu^aux orientaux^
Il ne faut eftimer^ ores que fan corps beau
En cendres foit réduift^ qu^elle doive fruftrée
Demeurer de V honneur^ que fa vertu féée (a)
A cy-bas mérité. Car eW a fes joaux
Aux pouvres eflargy de bon cueur ^ fans feinte
Ayant continué tousjours en vie fainSle ^
Jufqu^au dlxiefme mois de Van , que le Seigneur j
Hors cefle miférable & vie tranfitoire
(/;) McrviiîlcHfc , cnchantcrcjfc. '
bit LE JEUNE.
i7#
Appelîer Pa voulu , pr'tez en grand* ardeur
Que Dieu par fa bonté la reçoiv* en fa gloire, y
Et guerres loîng defdifts conte & contefle gîft
madame Lutgarde leur fille , qui mouruft en Tan
neuf centz foîxante-deux , & pour laquelle fut*
faidl^ ceft épitaphe;
Morî minhs optatai^ fatis omnibus extat amara^
Quâ yeniente vacat ^ quod fibi mundus amati
jirnulphi proies tegit hic quam faxea molei 4
Lutgardis diSta fuit , nupta puella ruit.
Qua priiés oàobrem pete^et quam fcorpio folem\
Terna luce cadit ^ débita mortis agit. '
Die precor ifla îegens^ Domino fit fpirttus harens^
Fulfit ut unde fides , fplendeat ^ requies.
Qui fignîfie en françois :
Celle que chafcunfuyt ^ mort tant peu deftrie
SembVaux humains amere , ^ laide en général»
Tout ce que le mond* ayme y eft à fon arrivée
Et mis has , ^ réduiSt en fon terme final.
Quifoubs ce tombeau gifi^fufid'Jrnould le grandfilie •
Lutgarde que jadis Ton nommoii ^ ^ e fiant
^emme jeunette affez^payaft de la mort pa fie
Les droi&s^ qu'*efi obligé depayet tout vivante
Que cefiuy qui vouldra s'* occuper à ùelire^
Recommande Pefprit au Seigneur tout-puijfani i
Afiîn que le repos putffe la part reluire ,
Dont le rayon defoy e(l yfu fplendijfani . '
C H. A P I T R E
XXX.
Comment îe roy Lotai^e de France^ ^.uirant la mino-
rité du conte Arnouîd^ di£t le Jeune ^ print &
réduiSt fôubz fon obéijfance^ Arras^ Douay ^
autres villes de Flandre GalUcantCi
"ÉTNcontînent apl'ès le trefpas du conte Arnould,
I- appelle le Vieil , Lotaire roy de France , con-
fidérant le peu d'aage du conte Arnould , dicl le
P a
Epitaphè
idei madame
Lutgarde
de Flandre»
fiUcducon-)
te Arnould,
diâ le vieil.
Le roy Lo-
tairc prend
occafion de
molcllcr la
Flandre à
raifon de la
minorinidu
conte.
Arran prin*
ie par le
yoyLotairc.
D(îgaftz
faltz au
pays de
Flandres
par le«
François.
Inconvé-
nients ordi-
naires en
païs gou-
verné F*r
enfant.
ï8o A n N 0 U L SECOND,
Jeune, print occafion d^cnvahir la conté & pro-
vince de Flandre quMl réputoît à railbn de la
minorité dudift Arnould, privée de chef, ne fai-
fant conipte des Flamens qui fe mcttroyent en
deffcnfe, fuflcnt-ils lyons, foubs la conduire
d'une chèvre. Il entra doncques avec grande
armée, & à Timpourveuë en ladiéle province,
où Ton ne fe doutoit aucunement de fa venue.
Et ne fuft plullofl; arrivé, qu'il cuft vaincu &
prins Arras avec plufieurs autres places: tant
les habitantz perdirent courage en fi foudaine
furprinfe. Les nouvelles en furent incontinent
portées en la ville de Gand (où le conte foubs
la conduîéle de ceux qui avoycnt charge île fa
perfonne, fetenoit), qui toutesfois n'arrivèrent
guerres avant l'embaflade françoife, fignifiantz
cnfemble^au jeune conte le dégât & deilruiîlion
de fes terres, & la volunté du roy, lequel outre
la ville d'Arras dont il s'eftoit dcsjà faify, pré-
tendoît callengier (a) & s'invertir de la ville de
Douay enfemble des autres villes, terres & fei-
gnories fituécs au païs circumvoifin jufques à la
rivière du Lys, foubs prétcxt qu'il maintenoit
îccluy païs avoir eftc contre tout droiél & équi-
té, par les- contes de Flandre auparavant ofté à
la couronne de France. Et de faiél, nonobftant
ladifte cmbafladc, & fans attendre la refponfe
que fur iccllc luy fcroit faîfte , mardia tousjours
à bannière defployéc dedans païs, ne fe trou-
vant ville ny forterefle qui luy ofafl: réfifter^ pour
l'exemple de cruauté qu'il donnoît es lieux où.
on s'avoit mis en deffenfe. Qui fut la caufe que
tous les autres chafteaux & bourgs fe rendirent
de peur de plus grand dommage, les capitaines
des uns ouvrants les portes voluntairemcnt par
faute de cœur, les autres par corruption d'ar-
(tf) QiterdUr,
DIX LE JEUNE-
i8i
gent, aulcuns vaillants hommes par la foîblefle
des lieux mal fortifiez & munis au cœur du païs,
foubs la feureté qu'on avoit des frontières. Qui
font Inconv^nientz ordinaires avenants en région
mal gouvernée, en néceflité non préveuë , foubs
capitaines ayants Tavarice plus que leur devoir
en recommandacion , & finablement foubs le gou-
vernement d'un enfant ou jeune prince. Brief ,
le roy pafla avec la croye (j) quafi marquant fon
logis, jufques à la veuë de la ville de Douay.
Les habitantz de laquelle efpovantez de fi eftran-
ge infortune , avSyent faiéi faire le plus grand &
foudain amas de gens, que I^urgence du cas re-
quéroit; mais ce ne peut eftre fi toft que le Fran-
çois n'euft le loifir d'afliéger la ville, & foy
camper à degiîe lieuë d'icelle, faifant fes adve-
nues pour approcher fes bclins (^) ouipoutons,
vignes & autres engins de batterie , dont on ufoit
de ce temps là : car en recognoiiïant la ville , il
s'eftoit apperceu que la piuraille eftoit hors
d'efchelle, & que befoing luy feroît de faire bre-
fche. D'autre cofté, ceux de dedans donnèrent
ordre à r'emparer aux endroifts les plus foibles
& plus fufpefts. En quoy ils n'efpargnerent la
peine de la tourbe (c) des païfants* & mainou-
vriers d'illec. Le lendemain, le roy fomma la ville
par un hérauld de le rendre à luy comme à roy,
& feîgneur droièlurier , leur offrant fort humain
^raiftement, & defcharge de plufieurs tributz,
àont ils eftoyent vexés & rençonnez: ce qu'il
ne faifoit fans prétext de quelque droift , & mo-
tif coulouré de cette guerre. Ceux de dedans
refpondirent pour leur conte, que le François
callengeoit terre non fienne, & qu'en ce ils ef-
peroyent Dieu favorable' à la juftice de leur que-
Le roy Lo- ^
taire devant
Douay.
Devoir flc
diligence
de ceux de
Douay eulx
defièndants
contre lés
François»
(a^ Craie , en latin creta. (r) Multitude , turba.
(*) Béliers , machine de guerre.
Douay ren-
due au roy
Lotaire.
Tout le
pays de
Flandre
gallicante
réduift
foûbzlepo-
voir du roy
]P/Otaire.
|8a ARNOUL SECOND,
^elle; & que s'ilz avoyetit emporté quelque fort
fur leurs gens j eftonnez de leur arrivée non at-
tendue, ils ne guerpîroyent (a) pourtant icelle
vHle, fuffiflante pour les acculer & arrefter. De
quoy le roy irrité fit afuter tous fes engins vers
la partie de la muraille, qu'il entendit de quel-
ques prifonniers , eftre la plus foible , qui eftoyent
telz & en fi grand nombre , que la multitude de
la ville nourrie en longue paix, en .fut grande-
ment eflionnée; laquelle eftant aucuns jours après
tidvertie du peu d'apparence qu'il y avoit d'aur
cun fecours, & qu'il- feroit impoffible de tenir
ladifte ville, jufques à ce qu'on euft afiemblé
une force pour réfifter à celle des François, fe
fubmit, les biens & vies faulves, à la volunté
& difcrétion du roy Lotaire. Lequel peu de
temps après réduift, fans trouver aucune ou bien
petite réfifl:ence, tout le païs de Flandre que ef-
toit jufques à la Lyfe foubs fon povoir & obéif-
fançe (i). Et euft pafl'é plus avant, fi au nom
du jeune conte ne fuffent venus vers luy aucuns
ambaffadeurs , lefquels befoingnerent tellement
que, moyennant l'intelligence qu'ilz praftique-
rent avec aulcuns des principaux de l'armée Fran-
çoife, le roy fe contenta de fes fufdifts exploiftz,
& laîflant le demeurant de Flandre au jeune con^
te Arnould, fe retira avec fes gens, en fon pars
& royaume de France.
(/?) Abandonner oient,
(i) Flodoard, la chronique de St. Martin de Tournai
& celle de Balderic fixent ces événemens à l'an 965- Le
P. Hénaut dit que le refus de rhoramage de la part d'Ar-
noul, fuf le motif de Tagreffion de Lothaire. Cette afler-
tion paroît fort doutcufe. Amoul n'étoit qu'un enfant, &
ceux qui gouvemoient en fon nom, euflent été bien im-
prudens d» provoquer par un refus impolitique le reflen-
timent d'un monarque qui , quoique foible lui-même , pou-
voit cependant ébranler I» puiiïance d'un prince mineur-
DIT LE JEUNE.
Ï83
L'ambition eut fans doute h plus grande part à cette inva-
fion. On fut contraint de céder aux circonftances & d'at-
tendre que rage permît à Amoul de reconquérir Ids villes
que la guerre lui avoit enlevées. Aux villes dont parle Ou-
, degherft &. que prit Lodiaire , il ûmc joindre les abbayes
de St..Amand & de St. Vaaft av^c la fonerefle, ^c tout
cequis'étendoit dans ce canton jufqu'ii la Lis: Irrucns Lo-
îharîus rix , pûjfelpones illius ( Arnulphi ) , ahbâtias fcilicct
Sti. 4mandl , fan&iqut Fedafti eum caftetlo , Dwaicum quo-
quty fU &omma ufque ad fiuvium Lis cum omni occupa-
tione invafit, U paroît que le j^une comte fut mal fervi
par les feigneurs de la province , dont la pli^parc fe laiflc-
rent gagner par Tévêque de Laon Roricon.
Chron.
Balder. an.
965. dans
D. Bouq. t.
8. p. 283.
Ibid. index
çhronol.
CHAPITRE XXX I.
pu débat que le conte Arnofild euft contre ceux de
fainÙ Bet tin ^ pour le faiQ de Calais ^ & des
biens que lediù conte fit aux églifes de Flandre.
Quelque temps après la fufdîfte guerre, le
conte Arnould le Jeune, à laperfuafîon de
ies hauts hommes & barons de Flandre , prînt
à femme madame Rofalê, ou (félon autres)
madame Lutgarde (i) , fille du roy de Lombardîe
Berengier, fils de la fille d'iceluy Berengîer qui
Mariage du
conte Ar-
nould avec
madame
Lutgarde
de Lombar-
die.
(i) L'auteur de l'abrégé intitulé, Flandria gcnerofa ^ l'ap-
pelle Sufanne. C'eft le nom que lui donne la clironique de
St. Bertin: Jrnulphus IL . . u:forem duxit Sufannam fi-
Uam Berengarîi. Le moine Brando & iEgidius de Roya
ne lui donnent pas d'autre, nom. Un diplôme de l'an 988.
confirme les autorités précédentes : Ego Balduinus ( Bar-
batus ) cum matrt med Sufannd , pojï excefum patris met
Arnulphi efc. Un extrait de la généalogie des comtes de
Flandre rapporté au 16. vol. p. 203. , dû recueil deD. Bou-
quet , lui donne le môme nom & la fait aufli fille de Bé-
renger, roi d'Italie. On peut cependant oppofer k ces auto-
rités , celles de l'auteur de la vie de St. Bertolph , & de
Bollandus , qui lui donnent le nom de Rofelle. V. Aâ. SS.
.Belg. t. y. p. 4^3- & f«iv.
An.' 965,
Vred. gen.
Flandr. p.
14,
f^Q$ onfants
iduiTonteAr-
nould.
Oi)inion 4e
J'auteur
contraire
fliix feutres
l^idoriei^s.
Ï84 TA R N 0 V L SE COTS! D,
-^
fit en Italie, contre Tempereur Conratd les pre-
mières nouvellitez, Et eufl: de ladifte dame (com-
me tefmoignent qtiafi tous les hifliorîçns]) up feul
fils nommé^ Baudouin le tiers, diél: ^ la bellp
Barbe, depuis conte de Flandre, & une fille ap-r
pellée Méhault. Toutesfoîs prendapt pied au con-
tenu en certaine, confirmation des privilèges de
faînft Pierre à. Gaqd, datée en Tan neuf cent^
quatre-vingtsrhuift, je trouve qu'il euft pour le
moins trois fils, fçavoir Baudouyn, Adelbertfic
Thiéry; mefmes que contre le maintenu de plu-
fieu^rs chroniqueurs*, il ne mouruft en Tan neuf
ccntz quatrervingts-quatre, ains en Tan quatre
vingtsnhiiift , dpnt allez mànifeftoment peut appar
roir, & par la date de ladiéle confirmation^ &
par les termes çompriiis en icelle, que j'ay tiré
de mot à autre, félon que s^enfuyt: Arnulpkui
in Dei nomme cornes , cum conjuge fua Lutgarda
^ fillo ^d^lbcrto &ç. & pour tefmoins lors pré-
fents , y a , Jîgnum Arnulphl cçmitis pradidti: fig-
num Balduini ^unions marchifii : pgnum Adel-
perti comitis filii Arnulphi : fignum Theodorici
çomitisi filii Arnulphi. Je ne fçay toutesfois ,
que deyie^drent lefdi^3 Adelbert & Thiéry (a),
Ledift Arnould le Jeune euft en fon temps plu-
fleurs gros débats & différents contre ceux de
A><- 977?
(a) Les autorités citées dans la note précédente font trop
irefpedables, pour ne pas rendre fufpeft l'extrait que ci^c
ici rhiftoricn & où Tépoufe d'Arnoul eft appellée Lut-
garde. On ne donne à Arnoul qu'un fils qui lui^fuccéda.
Ceux qui donnent à fqn époufe le nom de RofelU ou Ro-.
/aU^ÏA confondent pcutrôtre avec Rofelle , fille d'un comte
de St. Pol & époufe de Rodolphe , comte de Guines. Peut-:
être aufli Oudegherft attribue-t-il par inadvcrtence à Arnoul
une donation %ite par un comte Thierri & Hildegarde fcn
époufe k la même abbaye de St. Pierre , & dpnt Meyerus
parle en ces ^rmes : Boâcm anno , Theodoricus cornes cum
conjuge Hildcgarde dédit monaflerio Blandinienfi .... fup»
fcribentihus 4rnulpho Marchifo & Arnuîpho Theodorici fili$.
DIT LE JEUNE. 185
faînft Bertîn, lefquels fuyvant rappoinftement Débats ca-
que le conte Arnould le Vieil avoit faift avec "^^il^S
eux, prétendoyent r'avoir la ville de Calais. Du- & ceux de
quel appoinélement néantmoins le conte Arnould . ^- ^^
; T , . . • , . touchant It
le Jeune ne voulut rien tenir, & beaucoup moins vUlçdeC»-'
fçavoir aucune chofe des claufes & conditions ^^*
y inférées, je difts quant à la reftitution dudift
Calais ; qui fut la caufe que lediél conte Arnould
comme le plus fort, retînt finablement ladide
villehde Calais, qui lors s'appelloit Petiefle. Non
que pourtant ledîft Arnould dégénérait des ver-
Xueufes traces & bonnes inclinations de fe^ iUuf-
tres prédécefleurs , vers les églifes & monaftères ;
mais pour ce que fon confeil trouvoit fort dan-
gereux, que cefte Ville limiftrophe & frontière
de Flandre, fût entre mains de gens d*égllfe,
mefmes foubs perfonnes fi foibles, peu , enten-
dues au faift de la guerre, & tant infuffifantes
pour ce que concernoit la confervatiori de la
frontière d'un tel pais. Et ores que je n'aye
fouvenance ^voir veu aucune mention par les
jiiftoires de quelquç réçompenfe (/?) qu'au lieu
dudift Calais , il ayt donné aufdiél? de fainft Ber-
lin (3), fi faift il à préfumer, qu'il s'en foît
defchargé comme prince de bonne confcience,
& bien fentant de noftre falnéle Foy & religion
chreftienne; voyres d'autant plus, que par plu-
fieurs fondations^ & autres Semblables œuvres
pieufes, il a manifeftement déclaré, qu'il ne, dé-
(«) Dédommagement.
(3) Petrefum^ feu Scalas^ nunc Caîefium vnà- marktdy
reclamantihus Bertintanis ctcnobitis , bellanti fibi contra
Datios retinuit , dit Meyerus ; & loin d'accorder licn en An.Flandr*
échange à ces religieux , il leur enleva encore le comté de an. 964.
Gaines qu'ils prétcndoient leur appartenir comme fefant par-
tie du comté d'Arqués & le donna à Adolphe premier com-
|ç de Guinée.
ïS6 ARNOUL SE
Le conte
Arnould
«lonneCam-
phin&Har-
nés à ceux
de S. Pierre
lez Gand.
O N D,
mentoit en rien la noble & bonne tige de fes fa-
meux & religieux prédécefleurs. Car en premier
lieu , il 6t des grands biens au monaftère de faincl
Pierre lez Gand, auquel entre autres poffeflîons
& feignories , il donna celles de Camphin & Har-
nes, fltuées in pago Atrebatenfi ÇjÇ) ^ que nous
Defcript.de
la G. Belg.
C4) Selon le père Waftelain, c^fagus^ connu dans plu-
fieurs diplômes fous le nom de comitatus adertifus y ne
comprenoit guères que les bailliages d^Arras , de Bapaume,
de L<^ns ôc de Béthune ; mais Tauteur ,d'<ui mémoire cou-
lonné par l'académie de Bruxelles en 1770. , Mr. des
Roches , prétend qu'outre l'étendue que lui donne le P. Was-
telain, il avoit à Toccident la même étendue que TAr-
tois moderne , & qu'il comprenoit encore le comté de St.
Fol '& les baillages d'Aubigni & d'Hefdin. Le père Waftc-
lain a depuis juflifié Texaâitude de fon aflertion par dei
obfervations qu'on me permettra de rapporter ici:
„ Les monumens du moyen âge placent évidemment le
^ comté de St. Pol & le bailliage d'Hefdin dans le p/igui
y, taroennenfis. On peut voir là deflus Malbrancq de Mort-
f9 nis 9 t. I. p. 15. & 16. ôc une Wftoire aflez récente du
» comté de St. Pol par le P. Turpin dominicain. Selon
9, ces deux auteurs , le comté de St. Pol n'eft autre chofe
„ que le pagus ternenfis , partie du tarvtnnenftu Hadrien
„ Valois V. tarvenna ^morinorum ^ ^\^ ah cd urht tarvtn-
ff nenfis pagus nomen hahct, . . . Ejus pagi pars efl pagus
^ Urnenfis , le Ternois , à Terne fluvio cognominatus. Ces
^ auteurs font fondés fur l'ancienne vie deSte. Berthe,fon-
^ datrice de Blangi fur la Ternois , en 685. In Blangiaco ,
^ beatiffima Bertha monajlerium adipcare cœpit in pago
» tarvanorum. ( Hift. Franc, t. 3. p. 622. ) : or , Blangi eft
^ dans Le comté de St. Pol.
n Pour le bailliage d'Hefdin, il faut auffi le placer dans
,» le pagus tarvennenfts, Ste. Auftreberthe , félon l'auteur
;, de fa vie, dans. les BoUandiftes,' au 10. Février & dans
n les hiftoriens de France , t. 3. p. 549. , eft née in tarva-
„ nenfi territorio. C'eft, dit Malbrancq (t. i. p. 343., )
„^ Marconne. Or, ce lien eft contre les murs d'Hefdin.
M On voit encore à peu de diftance de la même ville, im
» village nommé Ste. Auftreberthe.
„ Alciacum , Auchi les moines , fur la Ternois , ^ une
^ lieue au nord d'Hefdin , eft auffi dans le pagus tarven-
„ nenfis. On le voit dans la vie de St. Silvin , mon dans
DIT L E JE U N E. 187
difons maintenant. Artois. Il fit parfaire en la-
dite églife, le* chœur que fon grand -père avoît
^ncommencé , & fut avec très-grande nobleffe
préfent à la dédication d'iceluy chœur , qui fe fit
par Albert , archevefque de Raîms , en Tan neuf L'an 975,
çentz fcptante-cincq. Il fit pareillemçnt tranfpor-
ter audiél monaftère les corps fainfts. de Lun-
dolph (a) , Adrien & Aman (5) , lefquelz firent
illec conduiftz & accompagnez en merveîîleufc-
ment grande dévotion & magnificence, par le
conte mefme , les prélatz , barons & hauts hom-
mes du païs & contrée de Flandre. Aucunes an-
nées depuis (F) il reftituà à la requefte & inftan-
ce de Hue Capet , les corps de fainél Walery &
fainét Régnier (0» <îui furent remis au lieu
duquel par le dîfcours que defftis avez peu en»
tendre , qu'ils avoyent efté bonne efpace aupa-
ravant, pour la crainte des Huns & Norman»,
tirez & oftezt
{a) Lanâoaîd. (c) RequUr.
\i) En 981.
„ ce monaftère. Sanâfum SHvinum mhilis ToUJana terra
^genuit^ fed tervannenftum continent fines, . . . Centuld
^ ^ententes monacbi feptîierunt fan&um antiftîtem in ^Iciaca
„ cœnoblo. ( Bolland. t. 3. febr. p. 24. Hiftor. de France t. 3.
p. 540. ) L'auteur conclud de tous ces témoignages que le
bailliage d'Hefdin & le comté de St. Pol font compris dans
le pagus tarvennenfis & non dans Vadertifus , auquelil veut
bien ajouter feulement le „ bailliage d'Aubigni , en confidé-
M ration du mot guïres , dont il s'eft fervi dans fon af-
I, fertion.
Ces obfervations du P. Waftelain m'ont été très-obligeam-
ment communiquées par M. Gérard, membre des acadé-
mies de Bruxelles , de Zélandp , de Befapçon &c.
Cs) Il faut ajouter à ces reliques celles de Ste. Vinciane ,
de Ste. Landrade & de Ste. Adeltrude. Landoald , Adrien Meyer. an.
& Amant, ( Amantius) avoient aidé St. Amand dans fes 980.
^ayaux apoftoliques.
L*an 9;a.
AllUncc ôc
tion du con-
te Arnould
ivcc le duc
FrtMc^ric de
Br«banc*-
iM ARNOUL SECOND,
CHAPITRE XXXII.
Comment le conte Arnould de Flandre s^eflant allyi
au duc de Brabant ^entra à la requefiedudiStduc
au paît de llainault , }^ des exploi&s qu^lly fit.
E
N Tan neuf centz feptaute-dcux, le duc Fré-
déric de Brabant (j) envoya vers le conte
Aruould de Flandre aucun» ambalTadeurs^ pour
praétiquer Ion amitit^ k alliance; & alRu de plu*
facilement à ce rattiier, ledia duc de Brabant
promit & donna en mariage madame Ognic ia)
fa leur àiiaudouyn, àxtt à la belle Barbe, filz
dudict conte de Flandre, & toutesfoi» pour lors
encore bien jeune. Au moyen de quoy & mef*
mes à rinllaute perfuafion de Godefroy, conte
d'Ardenne, qui s'elloit (comme dift cft) marié
à madame M(ihault, mère dudift conte Arnould,
iceluy conte nflembla groflTe r\rmée pour venir
contre Régnier & Lambei*t frères, enfans de Ré-
gnier au long Col, Jadis conte de Mons & do
llainault, lefqucls moyennant Taydc du roy Lo-
taire de France, <ivoyent un peu auparavant,
reconquis la terre de llainault, fur Garnier &
Renault , qui lors par le moyen & faveur de Tcm-
riodoard.
ikn Roche»
cpitomc
htil. bcig.
M. p. 149.
& 2.; a.
Biitkens «
Troph.
Brab. t. i.
p. U3.
(a) Qtglno.
(0 II étoie comte de Bar de duc de 1» htute Lorrilne.
Il partageoit Tadminillration du royaume de Lotharingie
tvec rarchcvôque Bmnon, frère de l'empereur Othon, qui
portolt le titre d'archiduc. Brunon a'dtolt rcfervé pour lu*
la balfe Loriaînc qu'U cdda quelque tem» apréa h Code*
frol, comte d'Ardenne», fécond époux de MathUdc, mère
d'AmouI. Frdd(<ric & Godefrol étoient pareni fie tous deux
de la famille dca comtes d'Ardcnnes, Mr. L. de Bye ( «A#
SS. t. V. oaobre ) a fait , Air rarchev^quc Brunon ♦ un
commentaire fRvant, où l'on trouve, b l'égard de ce prince
beaucoup de chofci que Ici bornci d'une note ne pcf-
mcttcnc pai de rapporter ici*
DIT LE JEUNE.
185^
pereur occupoyent ladîfte tprre (a)- Pour en la-
quelle remettre lefdîfts Garnier & Renault (qui
s'eftoyent alUez audift effeft avec le fufdift duc
de Brabant) le conte de Flandre entra avec fon
atmée audift Hainault, bruflale.chafteau de Bof-
fut que lefiiélz Régnier ^ Lambert avoyent nou-
vellement fortifié , & prefla tellement lefdîftz deux
frères, que iceux peu fuffiflants pour réfifter aux
forces du .conte de Flandre, fe retirèrent dere-
chef en France, où ils s'allièrent par mariage,
fi comme ledift Régnier à madame Halwide, fille
de Hue Capet, & Lambert à Ghcrberghe, fille de
Charles depuis duc de Brabant, & frère du fuf-
dift roy Lotaire , avec laquelle ledifl: Lambert,
euft par fucceflîon de temps la ville de Louvain
qui lors fut érigée en conté. Et euftd'îcelle dame
un filz nommé Henry de Bruxelles , qui euft une fille
appellée Méhault, laq^uelle fut mariée au conte de
Boulongne , dont vint Euftace conte dudiâ Boulon-
gne, qui euft de Yde, fille de Godefroy de Brabant,
Godefroyducde Boullon , Baudouyn & Euftace fes
frères. Defquels j'ay bien voulu déduire en ce
paflage la généalogie, pour Texcellence de leurs
vertus, & grandeur de leur cdurage, dont nous
entendons faire cy-après plus particulière men-
tion. Or, pour retourner à noftre propos „ lefdifts
Régnier & Lambert moyennant Tayde de leurs
beaus-pères , mirent fus une bien grande armée ,
avec laquelle ils vindrent en grande diligence
vers la ville de Mons , laquelle le conte Arnould
Le conte de
Flandre en-
tre en gran-
de puiifan-
ce en Hâ-
naulc , fie
brufle le
callcl dt
Boâut.
Lonvaia
érigée CD
conté.
Dédnâiom
de la def-
cente de
Godefroy
de BooUon*
La ville de
Mons affié-
gée par le
conte Ar-
nould.
(a) Le duché de Bouillon enclave aujourd'hui prefquc
de toutes parts dans la province de Luxembourg , eft uu
refte du fameux comté d'Ardennes , démembré du royau-
me d'Auilrafie , fous les petits-fils de Charlemagne , & pof-
fédé fans interruption par une fuite de princes illuûres
jnfqu'à la fin du onzième fiècle. De la maifon de Boulo-
gne fondue dans ceUe de li Tour d'Auvergne, defcendent
lei ducs de BoulUon d'aujourd'hui.
Diaion.
Rom. Wal.
au mot^»/-
lion.
ipa A R N 0 U L S E C O N ï),
«voit dcpuî« leur rctraîftc fort cftroiftemcnt aflîé-
géc,nonobftant quoy les habitants d'icclle s'ef*
toycnt tant virilement defTendus, que jufqucf
lors ledifl; conte Arnould n'y avoit peu mordre,
& beaucoup moins la réduire à la raifon qu'il
I cfpéroitj dont néantmoins il perdit toute cipé-
tance, par la venue defdifts deux frères, Icfqueli
conftraîndirent ledîft conte Arnould de lever fon
camp, & peu après recouvrèrent toute la terre
de Ilainault & conté de Mons , efqucllcs ils furent
par tout voluntaircment & pailiblement rcccus
Vm 973. en Tan neuf centz feptante-trois (3). Où nom
(3) On nom pardonnera de fuppk'Cr par les âéaûs foi-
van» au filcncc d'Chidcgbcrft fur la ctufc & fur Ici divcr-
fcs circonftancci de la guerre dont il ne fait, pour aiiifl
dire, qu'indiquer le réfultat. Cette note dont la longoetir
trouvera fon cxcufc dan# l'importance dci évènemcm Uéê i
rbiiloire nationale , fcrvira en même tcmi à rckvcr quel-
qucf erreurs hîftoriqucs ôc chronologiques , échappées k
l'auteur.
L'ambition de Régnier Ilf., ermite de Mon» flc de llaînant^
fut la caufc de la guerre dont il • «'agit ici- Ocrberge , fille
de Henri l'Oifclcur, en époufant Oiflebert,duc de Lorraine
«voit reçu de ce prince pluficurs domaines k tîtrc de dot.
Giflebcrt n'avoit laifTé qu'un fil» qui mourut jeune, de forte
qu'aprC'S fa mort {en ponTciïïom» furent dévolue» k Régnier lU,
fon neveu. Celui-ci fc voyant ii regret ^rtvé d'une partie
de la fucccflion de fon oncle , par la ccffion faite à Gcrber -
ge, »'en dtoit emparé par Ja force dcn arme». Gcrbcrgcs'étoit
depuis remariée en 939. à Loui» d'C>utremcr, qilî lui-même
étoit mort en 954.; & fa mort avoit rendu Régnier plu»
audacieux encore. Gcrbcrgc avoit porté fcs plainte» uni
à fon ûh L<nhairequi rcgnoit alors , qu'à Tarcbcvéquc fini-
tion fon frère, qui gouvcrnoit la l^tharingie au nom d'f-«bon
l'empereur , frère de l'Une & de l'autre. Lotbairc a voit priJ
les arme^ pour défendre les droits de fa mCrc & avoit fait
prifonnicr» le» enfans de Régnier. Il avoit été arr^ daw
une entjrevue entre Ccrbcrge 6c Brunon, que Rcgnîcr re-
nonceroit k fcs ufurpations, ôc que la liberté de fc» en-
fan» feroit le prix de cette renonciation. I^» article» de ce
traité lurent exécuté» fidèlement de h part de Lcrciiairc«
DIT LÉ J E U N Éf^ ï9t
les laîflerons en kur gouvernement, pouf vous
déclarer que le conte Arnould le Jeune eftant
depuis ladifte guerre ( de laquell^ il ne rapporta
Régnier au contraire s*obftlna à|;arder ce qu'il avoit ufur-
pé. Gerberge & Lothaire réclamèrent de nouveau Tappui
de Brunon, & l'on réfolut d'arracher de Régnier par la
force des armes ce qu'il refufoit de rendre de bon gré- Ré-
gnier ne fe voyant pas ep état de faire tête à une confédé-
ration fi formidable , crut pouvoir conjurer l'orage en fe
tranfportant. à Valcnciennes où s'étoienf rendus Gerberge»
Lothaire & Brunon. S'étant refufé aux conditions qu'on
hii propofa , & n'ayant jamais voulu çonfentir à donner
ks otages qu'on lui demàildoit, Brunon le fit arrêter fie
tranfporter dans l'AUemagne feptentrionale , où fans doute
il mourut peu de tems après. Ses terres furent appliquées
au fifque impérial^ dit Butkens. Le gouvernement delà
province fut donné d'abord à un feigneur nommé Richaire,
qui fut bientôt après remplacé par deux autres , Gamier &
Renauld. Les deux fils de Régnier III., Lambert & Ré-
gnier, s'étoient retirés à la cour de Lothaire qui , dans l'ef-
poir de réunir un iour la Lotharingie à la monarchie Fran-
çoife, fayorifa fecrètement d'abord, puis ouvertement les
démarches de ces deux jeunes princes qui profitèrent de
la mort de Brunon & de celle de l'empereur Othon, pour
rentrer dans les domaines de leurs ancêtres. Ayant fait une
invafion dans le Haynaut à la tête d'une armée groffie en-
core par les troupes de quelques feigneurs delà baffe Lor-
raine, ils attaquèrent, près de Binche, Gamier & Renauld
qui furent tués dans le combat. Ils fortifièrent enfuite le
château de Boffut ( Bouffoi ) , d'où ils ravageoient impuné-
ment les pays voifins. Othon IL qui avoit fuccédé à fon
père, étant venu l'année fuivante dans la Belgique , s'empara
de la fortereffe de Bouflbi, força Lambert & Régnier à ren-
trer en France , & partagea le Hainaut entre Godefroi d'Ar-
dennes qui eut le comté de Mons & Amoul qui eut celui
de Valcnciennes. Cette expédition 4'Othon rendit pour un
moment le calme au pays; mais l'empereur étant retourné
en Allemagne, les deux frères conçurent de nouveau le
deffein de tenter une féconde fois la fortune. Forts des fe-
cours que leur prêtèrent Charles , frère de Lothaire , Hu-
gues Capet 6c Othon , fils du comte de Vermandois , ils vin-
rent affiéger Mons , où Godefroi & Arnoul s'étoient retirés.
Ceux-ci fortirent^ de la ville avec toutes leurs troupes ôc
Frod. iff.
95^- > 957-
Chron,Sax^
an. 958.
Troph.
Brab.p. 52.
53.
Balder,
chron. 1. 1.
C.94.
Sîgeb. aïK
973. & 974-
Chron.
Bald. C.94»
Ghifnes
érigée en
conté , dont
Ardulphus
eft premier
conte.
19a A R N O U L SECOND,
que grofles defpenfes, & le bruit d'avoir rujmé
beaucoup de pouvres gens) retourné en fa ville
de Gand, confirma à fon coufin baftard appelle
Ardulphus Ça) , fils de madame Elftrudè fa tante ,
la feigneurie de Ghifnes, de laquelle il le fit &
conftitua premier conte, luy faifant outre ce
avoir en mariage madame Machtilde j fille d'Her-
' micles (F) , conte de Boulongne , dé laquelle il
euft Roulof (c) deuxîefme conte dudift Ghifnes ,
lequel fe maria à Rofale, fille du conte de fainél
Pol, & euft d'icelle Euftace troîziefme conte de
Ghifnes , qui fut un prince merveilleuftinent ver-
tueux, encores que Roulof fon père euft éfté fu-
perbe & orgueilleus. Mais je ne treuve comment
ladifte conté de Boulongne ayt efté écliflTée (d)
du
(<ï) Ou Arnuïphus.
(b) Ernicuh.
CO Rodolphe.
Qd) Séparée,
Chron.
Bav. an.
^6.
L.1.C.114.
Gerbert.
t'^iù. 60.
vinrent attaquer Lamfcert & Régnier. Le combat fut fan-
glant & la viftoire long-teras douteufe. JH paroît qu'eUc
refta aux comtes Arnoul & Godefroi, puifque le fiège fut
levé & que les aWés fe retirèrent dans le Cambrefis.
L'empereur Othon étant revenu en 977. dans laBelgique^
parvint à la calmer en donnant la Lotharingie à Charies ,
frère de Lothaire , & il confentit à ce que Lambert & Ré-
gnier rentraflent en pofleflîon des domaines de 4euï père.
Ce qui n'eut lieu cependant que quelques années après,
puisque , félon Balderic , il eft cenain qu'Amoul garda en-
core quelque tems le château de Valenciennes , & que Go-
defroi ne rendit la partie du Haynaut qu'i). avoit occupée
que fept ans après , lorsqu'il fut arrêté à Verdun par les
ordres de Lothaire.
Pour mieux reflerrer les nœuds de la paix qu'Othon vc-
noit d'accorder aux deux frères , on fit époufcr à Régnier,
Adwige, fille de Hugues Capet qui devint enfuite roi de
France , & à Lambert , Gerberge , fille de Charles « duc de
Lorraine , qui lui porta le comté de Bruxelles , mais non
pas celui de Louvain qu'U tenoit diredement de fes ancé-
trej. Voyez la noU 3. du chap. 13. , p. 7j.
DIT LE Je\jNE.
^93
da dommaine de Flandre, ny mefmes qui eftoît
ledift Hennicles, & comment il parvint à ladiâe
conté de Boulongne, n*eft qu'elle fuft donnée en
mariage avec madame Lutgarde , fiHe d'Arnould
le Vieil, de laquelle nous avons cy-deflus parlé (4}.
C4) f^oyez la note i. du chapitre i?; ., p, 152. Le comté
de Boulogne étoit rentré entre lek mains d'Amoul U
Kuil^ tprès 11 mort de fon frère Rodolphe. Aucun des
biftoriens que j'ti lus , ne dit que Wichmann , époux de
I-mgarde , ni aucun de fes defcendans ait poffédé le comté
de Boulogne.
CHAPITRE XXXIII.
Vautheur reje&e V opinion de nutiftre Nicolle Gil-
les j chronicqueur françois , touchant la defcente
de Hue Capet en Flandre , ^ ce par les moyens
que trouverez en ce difcours*
LA chronîcque de France récite que le conte
Arnould de Flandre , après rufurpation du
royaume de France faicle par Hue Capet (i),
n'auroît voulu obéir, ny foire hommage audid
Hue , lequel à raifon de ce feroit entré avec
grande puiiTance au pais de Flandre , & auroit
(i) Le furnom de Capet lui fut donné , félon quelques-
uns , à caufe du chaperon qu'il portoit toujours fur fa
tête, au-lieu de la couronne & de la coëffure royale. Ca-
pet ûgnifie auffi bontte tête & entêté. Après la mort de p o^- v-
Louis le Fainéant , Charles , duc de Lorraine , fon oncle , chron. an7
avoit feni droit à la couronne de France. Mais les defcen- ^7.
dans de Robert le Fort s'éiQîent ouverts le chemin au
trône des Carlo\ingiens à-peu-près comme les ancctrcs
de Pépin fe Pctoient frayé au trône des ftféro\iDgiens;
Louis V- étant mort en 987. , la nation fe réunit en '
faveur de Hugues Capet , duc des François & arrièi»-
petit-fils de Rjobert.
Malftre Ni-
collc Gil-
les, chro-
nict]ueur
de France ,
tioxé de
tropdcpaf-
fion , &
melnies
des contra-
diaions en
fesefcripu.
îÇ4 ARNOUL SECOND,
prins fur Icdift conte Arnould toutes les villes ,
chaftcaux & fortereffes quMl tenoit le long de la
Hyière du Lys , & que le conte Arnould voyant
fes forces n'eftre correfpondantes à celles dudift
Hue Capct , fe feroit retiré vers le duc Richard
de Normandie , le requérant qu'il luy voulift
moyenner fa paix & auc^n bon appoin élément
avec ledift Hue Cîipet, &' faire de forte que tou-
tes fes terres , qui par ledift Hue luy avoyent
elle tollues (a) , luy fuflcnt rendues & reflituées;
ce que ledift Richard auroit finableracnt impé-
tré. Auquel. endroift je ne puis que grandement
ne m'ôfmerveille de la façon de faire dudift chro-
nîcqueur, appelle M. NicoUe Gilles, lequel en
déprimant & mefprifant le cr>nte Arnould de
Flandre ^ loue tant hautement la bonté dudift
duc Richard. Et cependant ne confidère , qu'il
avoit un peu auparavant & en fa mefme chro*
nicque déclaré que le conte Arnould de Flandre,
par le faift duquel le duc Guillaume de Norman-
die avoit elle occis, mourut en Tan neuf centz
foîxantc-quatre , lequel il introduift ores comme
refufcité des morts, menant guerre en l'an neuf
centz quatre-vingtz-huift , & implorant l'inter-
ceflîon du duc Richard vers Hue Capet, lors roy
de France ; y adjouftant, que ledift duc Richard,
fans avoir regard à la desloyauté d'iceluy Ar-
nould , par la trahifon du qtiel le duc Guillaume,
fon père, avoit ( félon que dift ce bon hiftorîo-
graphe) efté occis, auroit bcfoingné, de forte que
le roy Hue Capet luy reftitua toutes fes terres
& feigneuries. Ce font extrémîtez, èsquelJes tous
autheurs , qui fç laiflent mener & guider par
leurs affeftions & paflîons particulières , font
àccouftumez tomber. Dont auflî j'ay bien voulu
(«) Enlevées f du latin toUerer
tir LÉ JEUNE-
tÇÉ
foiicher ce petit mot , afBn qu'à Tadvenir les
partiaux foyent du moins mieux advifez, & quMlz
ne s'aveugliflent de forte en la louange ou mef-
pris de ceux dont ils feront mention par leur
efcript , que les propofitions contraires , voîres
contradiaoires inférées en kurs volumes , ne
donnent occafion aux leéleurs de defcouvrir avec
leur grande honte , la véhémence de leur paflîon.
Continuant donc noftre propos , fçafchiez n'y
avoir la moindre apparence du monde d'aucun
débat qu'euft efté ny mefrties entre ceft Arnould
le Jeune & Hue Capet , & d'autant moins que
ledift Hue occupa au prifmes (e?) le royaume de
France en l'an. neuf centz quatre- vingts-huift (2),
aq commenceftiônt du quel an le conte Arnould
(a) Pour la première fois,
Ca) Louis V., improprement nommé le Fainéant, puis-
qu'il mourut jeune , avoit ceffé de vivre au mois de Juin
987. , & Hugues Capet fut couronné à Noyon la môme an-
née. „ Franci primates .... Hugonem ..-.?» I^viomo
civitate folio fiihlimant, llparoît que 16 chroniqueur A/ro/^
Gilles^ dont Oudegberft relève l'incottféquence , a confon-
du Amoul le ViàU mort en 9^4. , avec fon petit-fils Ar-
aoul le Jeune. Du refte , on ne peut guères fe défendre
d^adopter l'opinion de plufieure écrivains dignes de foi,
qui difent qu'Arnoul le Jeune rcfuft de fe trouVeV au cou-
ronnement de Hugues Capet, & que celui-ci s'étaiit avancé
ters M Flandre , s'empara d'Arras * de tout le pays fitué
fur la Lys. Amoul «ut recours à Richard , dUc de Nor-
mandie , quî employa fes bons offices auprès dtt nouveau
roi , qui. lui rendit ce qu'il lui avoft enlevé , & Amoul fe
réunit atix grands feigncurs françois qui , l'année fnivante ,
prêtèrent ferment à Robert , que fon père lit couronner
toi èkr fon vivant : Hic iHugo^ aâi)erpim Tlandrenfcm
Arnulphfùfn fibi militate fenueiitem , arma motfins , cum va-
lidd manu hofftvd Atrelfatum illî ahfluÙt âf cun^a fnunici'
fia qna citrà flumen quôd voeatur Lis , teriitaf
AhiHlphus pttiit^ Kicharéum ducem fupphx ^ devotus ut
Pacificaret eum cum rege, Itaque .... dux non mode eum
pacificavit , fed cunSa illi et la ta fuis prccihus reflituit,
Q 2
La paflîoif
ou partiali-
té reprinfts
es hillo-
riens.
Chroh. Df.
Benig. an.
987.
Recueil de»
hift. de Fr.
Chron. de
St. Denis
t. io.p.302.
Dudon. ib.
p. 141. 142.
Gmll. Cal-
cul, an .987.
Recueil dc^.
hift. de Fr.
t. io.p.i84«
196 A R N O U L SECOND,
le Jeune termina ; par où je defcouvre n'eftre
aucunement vrayfemblable , qu'en fi brîefve efpa-
ce lediél Hue Çapet euft eu moyen de mettre
tel & fi bon ordre aux affaires plus importants
V de la couronne de France, par luy nouvellement
occupée, qu'il luy fufl:, fans très-grand dangîer
de perdre lediâ royaulme, eflié loyfible de s'amu-
fer autre-part , fans aflez pins grande & urgente
occafion que eftoit la dénégation des foy & hom-
mage , que ledia Arnould le Jeune hiy auroit
faiél. Oultre ce , que obfl:ant ladifte briefveté
de temps , peut femWer qu'il n'avoit pour lors
encores eu le loyfir de fommer ledift conte Ar-
nould à la prefliation dudift hommage ; laîflant
^ néantmoins le jugement de ce & du refte contenu
en cefte hîftoire, à la difcrétion de tout prudent
& difcret lefteur. Au demeurant , Ton ne trouve
autre chofe mémorable qui ayt efté faifte durant
le gouvernement de ce conte Arnould , dîél le
Jeûne , lequel mourut aflez foudainement d'une
fièvre chaude en fa maîfon à Gand, le treziefme
L'an 988. de' Mars en l'an neuf centz quatre-vingts &
Trefpas du huift (3) , t& eft enterré à fainél Pierre audift
conte Ar- » Gand , & eft fon épitaphe tel :
nould , dift
fon épfta- Inclytus Arnulphus cornes hïc eft carne fepultus^
phc. Arnulphus Magnus âujus hahetur avus.
Hic nos ditavit , ab avo nec degeneravtt ;
Nam Champhin^ Harnes & bona plura dédite
Martis tredenâ lux ibat foUs habenâ ,
Cum plus hic héros tranfîit ad Superos.
(3) Il mourut le 30. Mars , comme Tindique fon épi-
taphe , tredenâ ou terdenâ îuct , l'an 989. , la 24. de fon
règne , phhi juxtà ac nohilUati gratus ob peculiares animl
dotes y dit Meyerus. Iperius ne fait pas de lu; un aufli bel
^loge : Jrnuiphus IL , dit-il, molîitcr ac débiliter rexit an-
nis, 24.
DIT LE JEUNE. 197
Hujus SufaHtta conjuncx fuerat veneranda^
Balduînum generans pignus , avum imitons^
Hune rex jufiorum focium fac ejffe tuorum^
Atque bonis cun&is gaudeat in Superis^
Tredena luce cum Mïtrtias ejfet in axe
Corpus humo tradit , cum morîendo tadit.
Ce qu'en ftançoîs fe peut tranflater encefte forte:
Villuftre conte Arnould gifl defoubs cefle pierre^
Duquel Arnould le Grand fut ave & lequel at
JEnricky ceji^ égUfe & ctoiftre de fainct Pierre \
En quoy de fon diâ ave iJ ne dégénérât: -
Car il nous a donné fans aucune prière
Harnes , Camphi ^ qui font fituez pris d'*Arras*
Le treziefme de Mars ce prince magnificque^
Débonnair* Qf^ clément de ce monde paffa
Pour aller aux hauts cLeux^ oùia troup'' angèlique
De louer le grand Dieu jamais ne fe laffa^
Sufann" il euft M femm* & pour efpous'* unicque
Qui du nom de fon ay* un enfant luy laijfa ,
Appelle Baudouyn. Permettez^ roy fupréme^
Que ce bon prince foit au royaume des deux
Avec les tiens content , ^ qu'en ton jour extrême
Il fuit au nombre mis de tes amis heureux.
Il fut au mois de Mars contraint par la mort blefme
Rendre fon corps à ierre^ ■& mourut fort fameux*
Après le décès dudift Arnould le Jeune , ma-
dame Lutgarde^Ta femme, con voilant en fécon-
des noces, fe lemaria à Robert Capet , roy de
France. Et au jour de fon couronnement voulut
çanger de nom., prendant nu-lieu de Lutgarde
celuy de Sufanne, du quel elle fe fit appellcr ,
comme plus au long fe peut veoîr par le difcours
contenu en I*hiftoîr^ ou légende de monfieur
faînft Bertholf. Elle termina en l'an mil & trois
& choifift fa fépulture près fon premier mary le
€Onxt Arnould , diâ le Jeune , au nionaftère de
Madame
Lutgude,
vcfve du-
did Ar-
noiiîd , ro-'
mariée au
roy RobcEt
de France ,
dict Capet,
La douav-
gièk'c de
Flandre
çr.iîge de
19» ARNOUL SECOND,
Décès de fainél Pierre à Gand , où elle gifl foubs un^
^^^.. petite lame, fur laquelle eft efcrîpt ce que s'en»
dcFhndre. fuyt :,
Epitaphc fjoc conditorio Sufanna regina quiefclt ^
danuf^ JSx/^â^/?»j rc'ditum judicis atherei.
Occidit ante dîes feptem menfis Februarti ,
Dam antmam SuperU ^ o jaque ^ terra ^ fibh
Quy fignifîc ;
Soubs ce tombeau gift la royne Sufanne ,
Du juge grand attendant Je retour.
JLaqueW un peu devant Febvrier ^ fon ame
/i Dieu rendit ^ à la terre fe^ os.
En la mefme chapelle cft pareillement enterré
Go(Jefroy, conte d'Ardennés & feigneur d*Een»
ham, lequel fina fes jours en Tan mil vingt &
trois (4). Et auquel madame Méhault, Ta vefVe,
mère du feu conte Arnoul'd, dift le Jeune , fit
faire une fépufturç , & fur icelle mettre ccft
iJpitaphe :
Hic tua Machtildis , Chrifti genitricis in a/is ,
Dux Godefrede^ tuas condidit exuvias ^
Nunc cineri mixtas , quondam fed milite feptas
Coram princi^jbus , regibus Q? ducibus.
Quas natura fulit quart à cum luce refuljtt
September menfis , maufoleoque dédit,
fias tibi reftituat redivivo corpore vivas ,
Qui te plasmavit 9 nec ne cruore layitf
Ce qu'en françois fe peut ainfi interpréter:
Méhault^ ta femm'* c? ton efpoufe chère ^
Fit icy mettr* , 6 Godefroy va/liant !
Décès , fé-
pulture &
iépitaphe de
Oodcfroy
4*Ardcnne.
/
(4) Si Godcfroi mourut en 10J3. , comment MéhnuH
fa vefve, morte Tan ipop., lui fit-elle fajrc une féjmlturç»
DIT LE JEUNE- ip9
Ton corps , lequel fouloit de gens de guerre
Eflre tousjours gardé par cy-devant
De roys ou ducs^ fufl en préjence fière j
Ou bien devant autre prince puijfant.
Mais ce tien corps efl maintenant par ordre
Du Créateur avec cendres meflé^
Lequel laijfé tu avois en Septembre ^
Eflant vers DieU^ qui t'^avoit faiSt^ allé^
Que te le rend* ^ fans tafcV ^ opprobre^
Qui lavé t'*a du fan g de luy cou lié.
Auprès dudifl: Godefroy. gift auffi madame Mé-
tault, fa femme (5), & foubs une petite lame,
fur laquelle efl: efcrîpt cefl: épitaphe :
JndoJis emerita , Machtildis filia clari
Hic jacet Hermanni^ magnificique^virî.
Lumine deciduo caruit , qua , nono kalendas
Augufli^ Domino folvens jura fuo.
C'efl:-à-dire t
JJ excellente Méhault , fille du renommé
Et noblç duc Herman des Saxons^ icy gifi.
Qui mourufl peu devant le mois Aougft nommé ,
Payant au gr and Seigneur fon droiftfans contredit •
Outre lequel épitaphe, en y a un autre de la
mefine dame, tel que s'enfuyt :
Si quis fcire cupit hoc cujus membra fepulchro
Claudantur ^ claro colligat hoc titulo.
Machtildis quart a flandrina h<£C efi comitijfa ,
Hermannique ducis filia Saxonia. /
Conjunx Balduini Juvenis , fed poft Godefreâi
Ârdenna comitis ^ afque d'*Eenham domini.
Legittmo fociata thoro fuit , ^ generavit ,
Très un gnatos pernitidos juvenes.
Goffridum ^ Gocelonem^ Eceloneque jun&o^
Fortes , magnifia quique fuére viri.
Du décès
de madame
Méhaulc,
roére du
conte Ar-
nould , did
le Jeune.
Cs) Voyez la note 4. du chapitre ^8. 9 P» I74-
Paurquoy
il fut appel-
le il la belle
Barbe
200 BAUDOIN QUATRIEME,
Et en François :
Si quelcun veut entendr'* ^ au menu (a) cognoiftre
JLes membres de qui font enclos foubs ce tombeau^
Poura le tout fçavoir , lifant ce title beau ,
Lequel vous repréfeni* icy Méhault Vylluftre^
Quat rie fine des Flamens conte fi\ ^ femme unicque
Du jeune Baudouyn ; mais aprhs au feigneur
D ^Èenham gf d ^Ârdenots conte de très-grandcœur
jippellé Godefroy , vaillant & magnifique ,
Mariée elle fuft: auquel trois filz mode fl es
Excellents en vertus & doux elV engendra
Godefroy , Gocelon , ausquels pour tiers fera
E félon joinEt : tous trois barons de grands mérites»
Lesquels épitaphes , avec aucuns autres fubfé-
quents, j'inftre en ce volume d'autant plus vo-
luntiers, à hifon de leur antiquité, & que les
iouangcs attribuées aux princes , ausquels ils
font deftinez me femblent povoîr fervîr de grand
& poignant efguillon à leurs fuccefleurs & autres
princes à venir, non-feulement pour les de bien
près fuyvre ou égaller ; mais (i poflible eftoit ,
pour les dcvancher & furmonter,
CHAPITRE XXXIV.
Comment à Padvènement de ^audouyn à la belle
Barbe ceux de Courtray gf autres de Flandre
rebellèrent contre luy , lefjuelz néantmoins il
réduiSt par fuccejpon de temps foubs fon obéi fi
fiance^ Û? de la tente qu*il fit dreffer en la ville
d^Arras , pour divertir le peuple de Flandre de
r opinion conçeue de la fier Hit é de madame Ognie^
fa femme*
BAudouyn à la belle Barbe ( ainfi appelle pour
autant qu'il avoit une brune & large barbe ^
merveillcufemcnt belle & bien-féante) fu<:céda au
(rt) En ahrégé.
DIT A LA BELLE BARBE, aoi
gouvernement de Flandre, au conte Arnould le
Jeune ^ fon père , en l!an neuf centz quatre-
vinstz-huift, & euft( comme desjà avons déclaré)
à femme madame Ognie , fille de Ghiflebprt , duc
Je Lotrice, conte de Luxembourg (i), & fœur
de Frédéric , duc dé Brabant , de laquelle vint
Baudouyn de Lille , allàî le Débonnaire , qui fut
depuis conte de Flandre^ Au temps que ladiéle,
dame Ognie fe devoit accoucher dudiél Baudouyn
de Lille, le conte de Flandre, Baudouyn à la
belle Barbe , fon mary , fit tendre en fa ville
d'Arra^ (laquelle avec les autres fituées fur la
rivière du Lys avoit auparavant efté •par le roy
Lotaire reftituée audiâ: conte Arnould le Jeune)
fur le marché une ample, fumptueufe & magni-
ficque tente, en laquelle il voulut que madame
Ognie , fa femme , s'accouchaft , confentant &
permettant que fuft loyfible à toutes les femmes
de bien , qui en auroyent volunté , d'aflTifter &
eftre préfentes au travail de ladifte dame fil
femme (2); le tout affin d'ofter à un chafcun la
L'an pW.
Le conte
Baudouyn
faiadreflcr
une tente
fur le mar-
ché d'Ar-
ras, où tou-
tes femmes
de bien
peu vent ve-
nir pour ad-
fifteràrçn-
fantemcnt
de ro^ame
Ognie,pour
ce qu'on
avoit opi-
nion qu'el-
le eftoit
trop aagée
pour avoir
enfant.
(i) La chronique de St. Bavon appelle aufli Giflebert le
père d'Otgiue: Balduinus cugnomento puîchra Barba uxorem
duxit Oîginam fororem Frederlci ducis Brabantix fiîiant
Gifleberti. Cependant Butken^ & quelques aunes -la font
fille d'un Frédéric , comte de Luxembourg.
(2) L'auteur élégant mais hardi d'une hiftoire de la ville
de Lille, imprimée en I7<^4. , blâme pluûeurs écrivains,
& entr'autres Mcyerus d'ayoir rapporté cette anecdote.
Je l'ai cherchée dans les annales de cet écrivain & ne l'y
ai point trouvée, du moins dans l'édition de 1561., qu'on
Tcgarde comme la meilleure. Au rcfte , l'anecdote de la
tente , érigée dans la Nille d'Arras , n'cft point vraifembla-
blc & elle le paroîtra bien moins cncprc , fi l'on admet
avec M. de Hefdin , membre de l'académie de Bruxelles ,
que Baudoin belle Barbe eut deux filles de fon époufe O/-
gine ou Oigive ^ „ confidérablement plus âgées, dit-il, que
« leur frère, qui prit naiflance en 1014.^ L'une d'elles
nommée Gifélc épouû , félon cet académicien , Raoul de
An. 974,
Le conte
Saudouyn
loué au
moyen de
foucy qu'il
avoir pour
le repos de
(on peuple.
Le propre
d'un prince
doit eftre
pourvcoir
aux affai-
xcs de (on
peuple.
Prudence
du conte
Baudouyn.
Un bon
Î>rince eft
*imagc
iiaitVe de
Dieu.
ftoc BAUDOIN QUATRIEME,
doute & opinion qui cftoit de«jà enrachinée an
cœur de pluûeurs, de la ftérilité de ladiéte Ognie,
laquelle pour lors avoit attainft Taage de 'cin-
quante ans; Qui fut iin aéte merveilleufeincnt
louable & digne de perpétuelle mémoire ; entant
roefmes, que par ceftuy, il monftroit évidemment
le foucy, auquel il eftoit pour 'le repos & tran-
.quillité de fon peuple. A. quoy tout prince doit
' eftre vigilant & foingneus , voires d'autant plus
que comme le propre & naturel de l'œil eft de
veoir , des ouyes d'entendre , & des narines
d'odorer, ainfi doit eftre le propre d'un prince
de pourvebîr aux affaires de fon peuple, aufquelz
il ne peut autrement entendre que par prudence,
de laquelle s'il eft privé , ne poura fervir à la,
république non plus qu'un œil aveugle peut ay-
der & prouffiter pour veoir. De cefte prudence
donc monftfa bien kdiil Baudouyn eftre grande-
ment participant par la fusdifte fubtilité & in-
vention , enfemble par plufieurs autres fe« aftes ,
que déduirons incontinent , lesquels vous fervi-
ront de tefmoingnage de la grande bonté, vaillan-
tifc & puiflance de ce bon prince. Lequel fut
véritablement doué de toutes les perfections qu*on
fçauroit dcfirer en un grand perfonnagc. Qui eft
la ca^fe que, félon Plutarche, il fe povoit dire
& nommer un naïf image & vifvc pourtraîfture
de Dieu,, lequel enfemble eft très-bon & très-
puifla'nt; eftant îcelle bonté donnée aux princes,
afRn .qu'ils veuillent ayder & prouffiter à tous ,
& la puiflance , pour povoir ayder à ceux qu'ils
vouldront. A l'advèncment de ce prince en foa
Gand, dit d*JloJl^ & l'autre, Ludolphe, comte de Sate &
de Brunswic , mort en 1038. On peut conlulter les raifosi
qu'il raflcmble, pour prouver cette affertion, dana un mé-
moire imprimé au 5- vol. des mém. de Tacdd. de Bruxellca,
p. 130. & fuiv. de la partie biftoriqoe.
DIT A LA BELLE BARBE. 203
gouvernement de Flandre, aucuns barons dudift
pais fc rebellèrent contre luy , à raîfon de fa
minorité & peu d'aage. Et foubs prétext de pré-
tendre au gouvernement dMceluy pais , chafcuH
desdiftz barons tira de fon codé la pièce de
terre , à laquelle il povoit parvenir. Et entre
autres , Elbode ufurpa la ville de Courtray , de
laquelle il s'attittila conte (3). Et comme aprè*
le décès d'îccluy Elbode, le conte Baudouyn efpé-
roit recouvrer fa ville de Courtray & la remet-
tre [comme premiers Ça} JToubs fon dommaine,
les habitants dudift Courtray s'y oppofcrent ,
mefmes fe levèrent contre luy; & après avoir
aflemblé un bon nombre de gens de guerre ,
^-flîrent à bannières déployées de ladifte ville ,
& gafterent tout le pais d'environ Harlebecque,
lequel ils bruflerent , enfemble le chafteau d*icelle
ville & régjife fainél Saulveur qui y eftoît. Mais
enfin la fureur desdifts de Courtray s*efvanouyt
comme une fumée , & moyennant le bon confeil
que le conte Baudouyn avoit avec luy, les rcn-
gea à telle raîfon que bon luy fembla ; & après
avoir faiél le chaftoy des auteurs de ladifte. ré-
bellion, que pour terreur des autres la gravité
du cas rcquerroit, fe foucyant peu du chafteau
dudicl Harlebecque , en fit édifier un autre en
Elbode
uTurpe du-
rant la mi<
norité du
conte la
ville de
Courtray ♦
dont il. fe
faia appel-
kr coate.
Ceux de
Courtray
bruflcnt
Harlebec-
que.
Le chaflcl
deCounray
édifié aux
dclpcns àts
habitancz.
(/?) auparavant.
(3) Il étoit gouverneur du diftrift de Courtrai & d'une
naillance diftioguée, in Curtraccnfihus prafeHus fpîendido
or tus hco. Les comtes de Boulogne, de St. Pol , de Té-
rouane avoient profité de la minorité d*AmonU fon père,
}>onr aggrandir leur autorité. Le gouverneur de Courtrai
crut pouvoir tenter la même chofe. Il avoit fous les yeux
l*exemple des grand* vaffaux des royaumes de France &
de Lotharingie qui , k cène époque , afpiroicnt tous à
Tindépendance & dont plufieurs marchoient déjà les ég^ux
de leur fuzerain^
Meycr. an.
Vie de St.
Bcrtou dtns
Duchcfue
t. 4. p. 144-
Cicero.
DyoQ.
Confeil des
fages prou-
iitable aux
princes.
Homère.
Ceftuy doit
eftre eftimé
le plus fa-
ge, lequel
ignore peu
de chofes.
Chafcun
e(l mieulx
advifé en
Taffaire
d'autruy ,
qu'au fien
propre.
^4 BAUDOIN QUATRIEME,
ladiéte ville de Courtray, & aux defpens des habî«
tantz d'illec. Et eftant puis après parvenu en
aage plus meur , vint au-dellus de tous fes re-
belles par le confeil des fages & prudents , des*
quels il fe fervoit. Qui me faiâ: avec Cicero
croire, que les lettres ne doivent en rien céder
aux armes, & d'autant plus que je trouve celle
opinion confortée par celle de Dyon , lequel en
fes livres qu'il a compofés de la manière de
régner , difoît qu'on parvenoit gflez plus legiè-
rement aux grands affaires par le confeil & pru-
dence de peu de gens fages , que par la force de
grand nombre de jeunes gens* Voylà aufli pour-
quoy le coriphée des poëtes grecqs , î^omère,
affirme en fes Ylîades foubs la perfonne du roy
Agamemnon, que plus légièrement l'on euft ré-
duit foubs fon obéiflance* la région troyenne ,
ayant dh Neftors en fon confeil , que s'il euft
eu le double d'Achilles, Ayaces &. autres guer-
royants. Le confeil des perfonnés prudentes &
difcrètes ayde beaucoup l'entendement des prin-
ces & roys ; lesquels pourtant ne devroyent ja-
mais eftre rétifs de demander confeil & princi-
pallement en chofes hautes & de grande confé-
quence. Voires combien que lefdiéts princes mefmes
foyent très-prudents & difcrets. Car nous voyons
que de tous les philofophes ou fages qui furent,
jamais ne fuft oncques trouvé qui préfumaft ou
confeflaft tout fçavoir. Au moyen de quoy cef-
tuy doit eftre eftimé le jilus fage, lequel ignore
peu de chofes. Auquel endroiû nature mère
commune de tous,fe mon ftre plutoft eftre noftre
marraftre que vraye mère, pour ce que chafcun
en fon propre affaire fe trouve ordinairement
aflez moins a^dvîfé , qu'en ceftuy d'un autre,
Qu'eft la raifon laquelle meut les médecins , &
mefmes les plus experts , d'envoyer quérir des
autres médecins , pour ordonner de leur maladie*
DIT A LA BELLE BARBE, âo^ .
Le conte Baudouyn donc, (affin de ne trop nous
efgarer) par la prudçnce de fon confeil & loyauté
des autres fes bons vaflaux , réprima l'orgueil &
lafceté de ceux, lesquels au temps de fa mino-
rité & en mefpris d'icelle , s*avoyent levé les
cornes (/?) , & s'eftoyent contre luy rebellez. Ce .
faijét,.il délibéra édifier un fort cartel en fa ville
de Berghes fainét Winoch. Mais il çangea toft
après de propos , fondant au-lieu dudiâ caftel
un excellent & magnificque monaftère à Thonneur
de raonfieur fainél Winoch. Le mefme Baudouyn,
pour donner à un chafcun à cognoiftre , ^qu'il
ne dégénéroit aucunement de la pieufe dévotion
de fes pieux prédéçefleurs , donna plufieurs belles
terres^ revenus & fcigneuries au monaftère de
faindt Pierre lez Gand , dont font encores lettres
de l'an neuf centz quatre-vingtz-quinze. Comme
auffi il fit des grands biens à Téglife de fainft
Bavon audiél Gand. A laquelle il rendit à la
requefte de madame Ognîe, fa femme , toutes les
terres , que par les guerres précédentes luy
avoyent efté oftéçs, tant celles qui eftoyent fi-
tuées foubs l'empire , que autres qui gifoyent
deflbubs la couronne (4). Il fut préfent avec
grande noblefle à la tranflation qu'en l'an mil
huiél fe fit du corps de monfieur faind Liévin tn, '
l'églife de fainft Pierre audid: Gand , laquelle fe
'■ ■■■IW». .■■II». Il «lll.ll» I !•
Ca") Ef oient devenus audacieux,
(4) Il entend par-là les biens fîmes fur les terres qui re-
levoicnt de la couronne de France. Ces biens & ceux de
plufieurs autres njonallères avoient été ufurpés par des gens
de guerre. Amoul le Fieil en avoit donné à plufieurs capitai-
nes- Magnus Arnulphus maximas indè abftrabens partes fa* Mir. cod.
tellitibus fuis ^ fecundhm quod unicuique eorum erat conti- donat.piar,
gmm , dijlribuit. L'auteur de la vie de Ste. Riarudc , • i. c. 19,
abbefle de Marchiennes , rapporte que ce même comte avoit Bolland^
enlevé à cette abbaye la terre de Haines que Lothaire lui Ad ss.12.
fit rendre. Mau.|i.92.
te corpi
de fjiinA.
Macharifl k
falna Picr-
telezGand.
Le concc
BairJouyn
déchaHa de
Bcrghes lc«
chanoine»
pour leur
mauvaife
vie.
Il décha/fï
aufD les
rcligicufe»
de Mar-
chienne» h
mefme oc-
caflon.
ao<; BAUDOIN QUATRIÈME^
fit à la trèft-inflante requefte de Tabbé àudi£t
fainfl: Pierre , appelle Herenbaldus. Il fit pareil*
leroent apporter audift motiaftère de fainâ Pierre
le corps de monfietir faitiél Macbarii, archevef"
que on patriarche d'Antioche (5) , lesquels rc-
pofent cncores pour le préfent en ladlfte églifc,
& fc montrent Journellement ayec très-grande
folennité. II donna à Téglife de Tronchicnes une
belle relique d^une dent de monfieur fainA Jehan
Baptiftc, en Tan mil dix & fcpt. Il chafla hors
réglîfe de fainft Martin à Berghes Sainél Winoch
les chanoines quMl y avoît , & ce à raifon dt
leur mauvaife & fcandaleufe vie & peu de dévo-
tion, & mit au cloiflre, qu^il avok faift faire,
des religieux de fainft Bertin , aufquels il donna
les biens desdiéls chanoines. Il chafla pareille-
ment hors le cloiflre de Marchicncs les rclîgieu-
h% qui menoyent une vie merveillcufement dîf-
foluc, & mit en leur lieu des religieux de Tordre
de fainft Dcnoifl: , prendant aufdiftes; fins pour
aydc & confeil Tabbé du monaftèrc de fainft •
Vaaft en Arras(6). En quoy néantmoins il faillît
grandement, & ce pour la raifon deffus plus
amplement rcprînfc*
^ Baldcr.
1. I. c. \6.
(5) St, Machairc étolt 'tnôrt en ioir.< fn cctnohh gan-
•âtnji^ dit Mcyerus» où il avoit été favorablement accueilir
par Fvrcmbold, abbé de ce monadère.
(6) Ce» réforme! eurent lieu Tan loaS. Le môhaftèrt
de Marchienncs avoit été piné plufieurs fois par U« Nor-
mands ^ il ne 9*étoit jamais relevé de Tel malheurs. L'état
de défolttion où il fe trouvoit autant peut-être que riocoii'
duite des reUglonfcs 9 détermina Baudoin ii les remplacer
par do moines de Tordre de St. Benoit.
BIT A LA BELLE ÉARBE. ab/
CHAPITRE XXXV.
Comment le conte Êaudouyn couquift fur Vempe*'
reur Henry la ville de Valent ienes , en laquelle
il fut depuis aj/iégé par ledi£t empereur^ Robert
Cap et ^ roy de France^ ^ Richard^ duc de
Norfnandte f & Je P admirable magnanimité dont
ledià Baudouyn ufa en la défenfe de ladi&e ville*
L]i preus & magnanime conte Bandouyn à la
belle Barbe , peu après le trèfpas de Tempe-
reur Otho le tkrs , aflcmbla une bien grofle ar-
mée, avec laquelle il marça en toute diligence
(dont néantmoins je n'ay encores peu fçavoîr
Toccafion) contre la ville die Valenchienes (i).
(i) Les réflexions firivantes ferviîont à expliquer It
caufe de cette invtûon fuhite , Tun des évènemens les plus
importans du règne de ce comte qui par-là provoqua con-
tre hii une guerre pénible qui manqua de lui être fatale.
Le duc Othori, qui avoit fuccédé à Charles de France,
fon père , dnns le gouvemeraeiu de la Lotharingie , étoit Chron, Si-
mon Tan 1005. , & rempcrenr Henri le Saint ou le Boi- geb.
teux avoit tranfponé ce gouvernement à Godefroi d'Ein-
hain , fils de ce Godefroi qui , pendant l'exil des frères
Régnier & Lambert, avoit poiTedé une partie du Haynaut,
Cette faveur éveillt l'animofité de plufieurs fdgneurs
puliTans, qui refuferent de reconnoître ce nouveau duc.
Les plus animés étoient Lamben qui avok époufé Ger-
berge, fœur d'Othon & iOue du faog de Charlemagne , Ro-
bert, comte de Namur, neveu de Gerberge paf fa mère»
Régnier, comte de Ha^'naut, Thiert-i, comte des Frifons, '
fit Baudoin, comte de Flandre , qui crut devoir époufcr
la querelle des feigneurs Lotharingiens , parce qu'il poflTé-
doit quelques domaines dans les pays fitués à l'orient de
TEfcaut ou plutôt de la fofle Othonienne. Le motif de leur
infurreâion étoit qu'ils ne vouloient p;is fouflrir qu'on ra-
vît au fang de Chârlcniigne des donàaioes qui hii appirte-
noient,' ^ à ce tîtrc ih crufeiw pouvoir en réclamer la
poflefllon. Mais ce n'étok éviderorafemt qu'un prétexte dont
ils couvroieut leur ambition & l'impstience où ils étoicst»
de s'affranchir d'jme val&lité gomme , pour ie rendre e»
fièrement indépcndans. lis- ne priscaH f as tous le« anoctt ^
La ville de
Valenchie-
lies alTiégée
& plainte .
parle conte
Baudouyn*
L'an ioo5.
208 BAUDOIN QUATRIEME,.
Laquelle il afliégea & prefla de fi près, que après
plufieurs durs & ci'uelz affauts , qu'il livrât à
ladifte ville, il en devint finablement maiftre &
entra par force. en icelle ville en Tan mil & fix,
le tout nonobftant robftinée defFenfe & merveîl-
leufe réfiftence, que Arnould leur feigneur, &
ceux de dedans luy firent pour quelque erpace.
Et comme peu après il fut adverty, que Tcmpe-
reur Henry le deuziefme faifoit grand amas de
gens pour le recouvrement de ladifte ville , mef-
mes que le roy Robert de France & Richard, duc
de Normandie , aflembloyent le plus de gens qui
leur . efl:oit poflîble , pour fecourir ledift empe-
reur ; il fit femblablement de fon cofté munir la*
difte ville de gens de guerre , lesquels il cognoif-
foit de longue-main Vaillants & loyaux : pour-
voyant ( au refte ) icelle ville de tout ce qu'il
fçavoît eftre nécelfaire pour fouftenir le travail
d'un fiège tant violent, qu'il fe voyoît préparé
& appareillé , mettant femblablement ( ce pen-
dant qu'il avoit lôyfir ) ordre à ce que fes autres
villes & foTtereffes , mais principallement celles
qui eftoyent fituées fur les frbntières de fes pais,
fuflent bien garnies ; confliituânt , en chafcune
d'elles , des bons & hardis capitaines , la vail-
lantife & loyauté desquels il avoit autrefois ex-
périmenté. Et fç'achant que le principal fais (jî)
de la préfente guerre efl:oit apparent tomber fur
ladifte ville de Valenchienes , il en eiitreprint
luy-
Balder. an.
1006.
Sigeb. an-
loo5.
Chron. de
ftère An-
dré. Rec.
des hift. de
Fr. t. 10.
p. 290-
Çjo) Poids , fardeau,
en même tems. Baudoin fut le premier qui démafquât
fes projets en s'emparant de Valenciennes. L'empereur
vint lui-même en perfonne affiéger cette viUe , & malgré
fies troupes auxiliaires de Robert , roi de France , & de
Richard , duc de Normandie , la vigoureufe 4éfenfe de
Baudoin robligea 4 lever le ûége.
DÎT A LA BELLE BARBE. 209
luy-mefme la garde & tuition , fe nu^chint en per^
Tonne, (afBn de donner meilleur courage aux ibU
dats & habitants d'aillée) dedans ladicle ville, aux
portes de laquelle il conllitua des bonnes gardes ,
ordonnant que les clefs dMccJles luy fulVent jour*
nellement rapportées en Ton logis, & ditpola de
la refte du guet, lelon qu^appartenoit à lui bon &
prudent capitaine, ne commettant la charge d'ice-
luy (comme ordinaù-ement Ton faict en plufieurs
places) à un tas de manou\Tiers, porte-iaix &
autres femblables pouvres gens , ains aux riches
citoyens & gens de bien^ Car il n'ignoroit que
la diligence de ceux-cy feroit d'autant plus gran-
de & vigilante, que la cniinte de perdre leurs
biens & pofletlîons , devoit en eux eftre plus vé-
hémente que celle defdicls pouvres gens, Iclquels,
à railbn de leur pouvreté , ne délirent bien fou-
vent autre chofe, que changement de gouverne-
ment & mutacion de rcflat & forme de la choie
publicque , dont ilè efpèrent une condition meil-
leure, & plus aggréable. En fomme(if) il pour-
veut à tout d'une dextérité nonpareille, & pro-
vidence admirable, monftrant par Ion exemple le
Ibing que tous princes, capitaines ou gouverneurs
doivent, en temps de guerre, avoir du guet, des
villes, chafieaux & fortercires à eux commifes.
Auffy devez vous entendre, qu'il eft impoffible
que le guet fe face plus feurement ou diligemment ,
que quand les chefs ou capitaines font en préfen-
ce, foit en un camp, ou à Tenclos des murailles.
Autrement un guet peut de nuîd profondément
dormir, quand il cognoit que les chefs de guerre
ont les yeux clos, &font lalches& pàreiTeus. Voy-
là pourquoy le roy de Macedone, Alexandre,
fumommé le Grand, de crainte qu'il avoir d'cilre
trompé du dormir, failbit ordinairement en tempst
A queïkt
Sens Von
oîbt com<«
mettre le
guet d^ine
ville en
teniî>s do
nccelfité.
Le guet fe
ftict feure-
ment en k
pnJfcncc
des chefs«.
\jj £«jff.f , CM ua miit.
R
210
BAUDOIN QUATRIEME,
Pr.âia«e de guerre mettre près fon lift un baffin, & ayant
J'S" fon bras eftendu hors du lift, tenoit en fa mam
tionduroy ^^g ^^^n^ d'argent, affin que quand le repos
fffin^Tenc lafcheroitla vigueur de fes nerfs, le fon de celle
fe laiffer -^ouUe qui toipboit dedans ledift baffin , luy rom-
5'T.rmfr pît fon fomne. Et croy que ceroy ufoitdetel-
du dormir. pU jo ^^.^^^^^j^ ^^^ ^^^^^^ ^^^re Icfquelles y
en a qui veillent tousjours la nuift, & de crainte
que le dormir ne les déchoive, ont tousjours un
^ûTlom' pied levé, duquel elles fouftienent uAe pierre,
miles au affin que fi elles venoyent à eftre opprimées du
-S"*^- fommeil, ladifte pierre chée fur le pied quy eft
-eftendu , & fe refveillent , ou du fon de la pierre ,
ou du coup d'icelle, quy les blefle en tombant.
Or (pour retourner fur noz erres) le conte Bau-
douyn après avoir difpofé de tout ce qui eftoit
requis en une ville apparente d'attendre un long _
fiège , & plufieurs rudes & cruelz affaults, em-
ploya le demeurant du temps, à encourager les
foldatz qu'il avoit mis dedans icelle ville, &
mefmes les habitantz d'iUec; lêfquels tous d'une
voix promettoyent Jvudift conte toute afliftence à
eux poffibte, l'afleurant que jufques au mourir,
ils ne l'abandonneroyent jamais. Mais peu après
ilz fe trouvèrent bien eftonnez , lorsqu'ils fe vif-
' ' rent, & appercheurent eftre environnez de trois
B^douyT princes fy puiffants, quels eftoyent l'empereur
fouftienten Henry, le roy Robert, & le duc Richard, ac-
Vaknchi? cômpaignés.d'un nombre de gens de guerre in-
nés îè fiège numérable & prefque infiny. Lêfquels venus à la
de l'empe- . ^^^^ ^^ i^^iae ville de Valenchienes , s'eftoyent
5Tdu roy desjà campez autour d'icelle, appareillantz en
de France - grande diligence toutes chofes néceflaires , pour
deNorihan^' ^ approcher leurs belins ou moutons, vignes (a),
die.
*■- ■ "
la^ En latin, \iaex, man- dejïînées à couvrir les foMats
Ulets , machines de guerre dans un fiige.
t)iT A LA BELLE BARBE, ait
& autres engrns (a) de batterie qui eftoyent lors
en ufage. En quoy ils n'efpargnoyent aucuu
temps, ny travail, à raîfon mefmes quMls fça-^
voyent que la place eftoit hors d'efchelle, &que
befoing lenrferoit de foire brefche, n'ayants au-
cune efpérànce d'autrement parvenir à quelque
iappoinftement, ny au but qu'ils efpétoyent; car
ils s'afleuroyent que^ la meilleure gent de guerre
de Flandre Te feroit retirée près leur conte' Bau-
douyn , & que felort la preuve qu'autres fois ils
àvoyertt faift de leur hardîefle, ils eftoyent pour
Touftenir jufques à la mort, comme aufly vérita-
blement, & de faiél eftoit l'intentioti du magna-
nime conte, enremble d'un bon nombre de fol-
dats aguerris, defquels il s'eftoit auparavant &
de bonne heure pourveu, & lefquels enhardirent
& éiicouragerent le refte du peuple craintif. A
raifon de quoy, peu a^rès que leurs tentes &
pavillons furent dreflez , ' lefdifts Allemans , Fran-
çois & Normans commencèrent faire les tran-
ehées, gabions, mantelet« , & autros chofes pro-
pres pour rompre la muraille & fqrcher la place *
laquelle petit à petit ils approchèrent de forte,
qu'avant la fin du mois, (durant lequel s 'avoyent
d'un cofté & d'auWe dreffé plufieurs belles ef-
tarmouches) (Commencèrent leur .batterie , laquel-
le ils continuèrent fy impétueufement, & fans
àucuhe relafche, que qtielques jours après, il y
èuft aiicUris (^) patis de mur abbatus* Lefquçls
ïiéantmoins le vaillant Baudouyn réparoit fans
cefle^ ordorlnânt lieux & eantoiis à fes gens,
tant- de pied que de cheval , les ungS pour deffen-
dre, les autres pour fecourir; les ungs à jeâet
cercles 5 pots à feu., lances, grenades, & autres
artifices ;4es autres à faire tranchées, jeélerfau-
tréparatift
pour doti'^
tier TafTaut
à la ville d«
Valenchie*
ncs.
(tf) Machineù
CO Qlfc^^qttfS'
R ft
Merveil-
leux aâaut
contre le-
dit Valen-
cbiencs.
I/hommc
propofe &
Dieu difpo-
fe.
aia BAUDOIN QUATRIEME,
fe-trappes, & repoufler efchelles; & néantmoîns
la multitude deà ennemis qui viiidrent à l'aflaut ,
fufl: fy grofle & exhorbitantc , qu'en celle pre-
piière charge ceux de la ville eufrent beaucoup
â*affaires. Car le duc Richard y eftoit en perfon-
ne, animant fes foldats à bien & virilement com-
'batre, leur remonftrant le gain certain & viftoîre
afleurée , veu le grand nombre qu'ils ^ftoient au
fefpeft de leurs ennemis. Qui fut la' caufe que le
plus timide d'entre eux print cœur, & délibéra
ou mourir , ou gaigner. Et pour ce faire , dref-
fent efchelles doubles , les uns vont la telle baif-
féeà la brefche , les autres montent les efchellons ,
le fécond pouffe le prfcmier, le tiers le fécond,
Tuil tombe, l'autre fe relève, Tun s'avance juf-
ques à combatre mai» à main , il eft repouffé , &
font tant d'autres mis à mort , qu'ils furent con-
traints abandonner pour celle fois l'affaut de la
ville, non fans incomparable perte de leurs gens,
& eux retirer dans leurs tranchées: ce que toutes-
fois ils ne firent fans élire accompaîgnez d'une
infinité de flefches qui continuellement des murs
de ladidle ville pleuvoyent fur leurs efpaulles.
Pont l'empereur & fes confédérez cuyderent (a)
défefpérer, jurants qu'ils donneroyent à l'adve-
ïiir tels & tant d'autres affauts , qu'ils demeure-
royent^ feignéurs du lieu, voulfill fortune ou
lion (J?). Mais fouvent ( comme l'on fçait)
J'homme propofe & Dieu difpofe, félon que par
jafin de celle entreprinfe, lediél empereur & les
fiens, à leur grande honte & confufion, aucun
temps après, expérimentèrent. Lefquels cepen-
liant firent continuer pat plufieurs jours l'affault
'At ladiéle ville; mais a bien affailly, mieux def-
X^ayPenferent.
(h") En dépit de la fortune
bonne ou mauvaife.
DIT A LA BELLE
BARBE. 4X3
%ndu; fy eft-ce que le conte Baudouyn & les
fiens commencèrent enfin à douter de Tévènement
de celle guerre, & d'autant plus, que plufieurs
des habitants de ladifte ville de Valenchienes fe
rendoyent par leurs fufurres (^) & murmurations
meryeillcufement fufpefts; qui contraindoit ledift
conte Baudouyn de faire affembler le confeîl des
capitaines & autres d'icellc ville, non toutesfois
à autre intentîoli, que pour advifer de Tordre
qu'on pourroit tenir pour faire cefler lefdifts tu-
multes , enfemble pour confujter comment pour
Tadvenir on fe pouroit plus feurement, & avec
moindre dangier de leurs gens , deffendre & gar-
der contre un tel nombre^ d'ennemis , & tant ré-
folus à leur ruyne & deftruélion. Les capitaines
& gens de guerre , mis en ladifte ville par le conte
Baudouyn, s'offrirent volontairement à continuer
en leurs premiers devoirs, & à tenir bon,
moyennant qu'on fufl afleuré de quelque troup-
pe docilité de bourgeois pour les féconder, & rcf-
frefchir au fouftien des afl^uits. Les principaux
des jufticicrs & marchands, comme moins expé-
rimentés au faift de guerre, & pourtant plus
iutîmitlcz, ufcrcnt d'autre langage, remonftrants
par la vive repréfentation du dangier, qu'il ef-
toit meilleur d'entendre d'heure (hi) à quelque ac-
cord , que de s'obftiner en vain contre une telle
& fy puiffante forche; veu mefmes le peu de gens
de deffenfetiu'ils avoycnt (dont partie eftoyent desjà
blelfez & travaillez ) & que s'ils difFéroyent da-
vantage, la refte de la muraille iroit par terre, à
la première batterie, & y viendroyent les enne-
mis la lance fur la cuiflTe, dont à la fin (quel-
que vertu que fufl: en eux) ils ne pourroyent
Aflemblée
des capitai-
nes & prin-
cipaux de
Valenchie-
nes,' pour
advifer à U
conferva- ;
tion de ik
viUe.
Diverfité
d'opinions
touchant la
conferva- -
tion- de la
ville de Va-
lenchienes.
(/j) Petit bruit y en latin (*) D'abord ^ de bonneifeare,
fulurrus.
Propoûtion
êc advisdtt
conte Bau*
douyn fur
ladiéte di*
verfité d'o-
pinions.
Propos du
conte Bau-
douyn pour
encourager
ceux de la
ville , de les
induire i
bien fe def<
fendre con-
tre leurs en-
nemis.
tes inexp^*
rimcntez
aux armes
aatureller
ment timi-
des.
ai4 BAUDOIN QUATRIEME,
durer fy peu contre tant, & feroyent tous mis
à feu & à fang, par Tire du cruel ennemy, £n
cefte dîverfité d^opînions, le conte Baudouyn^
loua premièrement & remerchia tous Tes fubjeAs
du devoir que jufques lors ils avoyent faiét à
fa deffenfe, en laquelle confiftoît celle d'eux^mef»
mes, de leurs femmes &enfans.Les afleufant que,
s'ils perfévéroyent encores quelque peu de temps,
ils feroyent perdre tout courage & efpérance à
leurs ennemis, lefquels ils voîroyent fe retraî-
re (a) bien toft, à leur honte &i:onfufion* D'aul-
tant mefmes que r.hyver eftoît desj^ fur mains,
& qu*obftjint (i) le bon ordrç qu*il avoit par-
tout mis es villes & lieux circonvoifins , fes en-
nemis n'auroyent lors moyen de recouvrer vi--
vres, pour Taliment^tion du nombre de gens,
qu'ils avoyent fy gros, &c quafi infini. Et que
s'ils rompoyent ou desjoingnoyent leurs for^
ches, iltrouveroît opportunité, moyennant Taf»
fiftence des garnifôns, qu'il avoit laiffées en- la
pluspart de fes villes , de leur faire quelque no-
table & grand dommage, mefmes de les con-
ftraindre çnfin à eux retirer. Nonobstant quoy
que ceux qui parloyent d'fippointement luy fera-
bloyent aflez çxcufables , à raifon de la timidité
naturellement cngravée aux cœurs dç ceux qui
ne font expérimentez aux armes , & néantmoins
s'il en y avoit de fy lafches , que rien ne Jes peut
afleurer, que mieux fçroit (ce qu'auffi de bon
cœur il teur accordoit) qu'ils fortifient d'heure
pour aller prendre le party, qu'ils 'confeilloyent
aux autres, fans infefter la refte des gens de bien
par leur couardie. Autrement, s'ils renouvelloyent
tels propos, qu'il feroit informer fy diligemment
des autheurs, que l'avarice feroit defcouverte
de ceux quy font porter la paroUe aux înno-
(tf) Se retirer.
(b^ Moyennant
DIT A LA BELLE, BARBE. ai5
cents, dont ils attendent le pjroufRt, par les
praéliques & intelligences qu'ils ont^j es terres
prochaines. Les Flamens & autres habitants du-
dift Valcnchienes, furent grandement réconfortez
par la magnanime remonftrance du vaillant Bau-
douyn, & crièrent tous d'une voix: vive le con-
té, pour la défenfe de luy, nous n'efpargnerons
iiaz vyes. Au moyen de quoy ceflerent les fuf-
diftes murmurations & tumultes, &femitchaf-
cun mieux que devant en devoir d'exécuter ce
que par le conte Baudouyn & les autres cai>i-
taines leur feroit ordonné. Si comme à faire for-
ce maffifs de terre avec poultres de pièces de
bois à boufcher labrefche, à porter huyles, eaux
bouillantes, pierres, foulfres, &femblables ma-'
tières pour cndommagier l'ennemy , lorsqu'il re-
tourneroit à l'aflaut. Ce qu'il, fit le lendemain,
& plulîeurs jours ènfuyvants, non toutesfois
d'une telle vivacité qu'il avoit faiél au commen-
cement; pour autant que lefdiéls ennemis, ayîuît»
cognu & à leur grand dommage expérimenté la
vaillantife & prouefle dés aflaillis, venoyent aux
aflaults plus par conftrainfte, (quy^ leur.procé-
doit d'une vergongne du peu quMls fçavoyent
gaigner fur lc5 tenants) que par aucune efpérance
qu'ils eufferit d'y pouvoir acquérir aucun honneur.
Ce que cognoiffants les chefs de ladifte armée,
fifrent furcheoir les fufdifts afiaults, tafchants de
taner(/7)€eux de dedans (par leur long fiège & tant
eflroit) de forte, que finablement ils fuflent con-
traints de venir à aucun appoinftement. Mais ils
fe trouvèrent non-feulement déceus en celle leur
attente, aîns auffy grandement eftonnez, lors-
que ( confidérants l'hyver eftre desjà à leurs por-
tes, & qu'à raifon de ce, leur convenoit avec fy
petit fruidl & honneur lever leur fiège) ils réfo-
■ ■ I ' I ■ IIIM.».!! ■ I ■ ■ I III ■ I I I f I I ■ IJ I I I
Ca) Fatiguer, ^
L'ompc-
reurHenry,
Je roy de
France &
le duc de
Normandie
lèvent leur
fiège& par-
tent de Va-
lenchicnes
àleur grand
(lésbonneur
2i6 BAUDOIN QUATRIEME,
lurent remettre la conquefle d'icelle ville de Va*
lenchienes en uneaultre plus commodieufe fayfon.
Et fuyvant ce, partirent peu après de ladiftc
ville avec grande honte & déshonneur. Dont le
conte Baudouyn 5 fgs capitaines & autres citoyens
dudîdl Valenchieues remercièrent bien dévotement;
le tout-puîdiint JSeigncUr, maiftre & gouverneur
des.ljatailles, menants au furplus la plus grande
fcfte & joye dont ils le povoyent advifer.
CHAPITRE
X X X V L
Comment r empereur Henry retourna avec grande
putffance en Flandre^ print le chaftel de. Gand^
^ puis fe retira en fes pais ^ où le conte Bau-
douin luy envoya amhajfadeurs pour paix , luy
reftituaht la ville de Valenchlenes , £? comment
ladlùe ville fut Pemtfc es mains dudlct Baudouyn^
lequel devînt homme féodal' de V empire , à eau fi
des y fies de Zéhnde , que lediSt empereur luy
dçnna^ avec autres fingularités^
]E conte Baudouyn ,^ ap^ès le fufdiél tant hé-
-^ roïcque & magnanime çxploîc't, & que fcs-
diéls ennemis fufrent retirez de la ville de Va-
lenchicnes, doutnnt (^) le retour de remperQur(i),
Bald. an.
Ioo5.
(</) Prévoyant,
(i) Il eft fort douteux cju'après de fl pénibles & fi Inutiles
efforts faits par une armée noinbrcufc au fi<ige de Valen-
ciennes , l'empereur fc fût déterminé ii rentrer en cam-
pagne , s'il • n'avoit été vivcmcrit preffé pnr rév(Jque dç
Cambrai Erluin. Baudoin qui rcjçnrdoit cet évcquc comme
le premier auteur du fi^'gç qu'il avoit eu à foutcnir, fe
préparoit à Tcn punir. Mais le pontife eut encore aiTez de
crédit pour ranimer dans rame de Henri le defir de venger
Taffront qu'il avoit reçu. Ce prince fondit k l'improvifte
fur la ville de Gand 6c fc rendit maître de la fortcreflv
d'Othon ( arx Othotùana ). C Voyez la note i . du chap. 24.
p. 151.) Il tenta inutilement" de s'emparer de la viilc , &
fon reflcntiment fe tourna fur Its villes & les bourgs voifins.
DÎT A LA BELLE BARBE. 217
fcqiiel il attcndoit au printemps prochain , fit
réparer le« murs de ladifte ville, laquelle il for-
tifia de forte , qu'il efpdroit la pouvoir gar-
der, non que (^) contre kdict empereur , mais
contre toute autre force & puiflancc. Dont
adverty le fufdîft empereur (lequel eftoit en-
core grandement îndigné du déshonneur receu
Tannée paffiée) après avoir raflemblé une mer-
veilleufement grofle armée, retourna vers Flandre,
& feindant venir vers Valenchienes , couppa- che-
min. & tira droift vers Gand, où il reçonquift
le chaftel que l'empereur Ottho avoit auparavant
faift fortifier & depuis remis es mains du conte
Arnould, dift le Vieil, félon que plus au long
avez peu veoir en l'hiftoire dudiél Arnould , au-
quel chaftel ledift empereur logea pour quelque
temps , faifant cependant brufler tout le païs
circonvoifin , & y exercer toutes les cruaultez
& hoftilitez à luy poflibles. Peu après il retourna
vers fes païs , menant quant & luy (F) un bien
riche butiif , & avecq grand nombre des plus
nobles & principaux du païs de Flandre , qu'il
avoit puis naguerres prins prifonniers. Ce que
venu à la cognoiflance du conte Baudouyn ( le-
quel aymoit extrêmement fes vaflTaux & ne fe
laiflbit aucunement maiftrifer par fes paflîons,)
confidérant le mal & dommage , qu'au moyen
de la rétention dudift Valenchienes luy pourrok
& aux fiens, par fuccefiîon de temps, advenir;
mefmes qu'il avoit à faire à partie bien rude ,
délibéra en foy-mçfmc de fonder la volonté du-
dicl empereur, & fy moyennant la reftitutîon dp-r
did: Valenchienes , il ne voudroit entendre à quel-
que bon appoindement & à une paix inviolable,
A quoy il s'inclinoit d'autant plus volontiers ,
que celle reftitution faicte en temps , auquel n'y
L'empe-
reur Ilcnry
prend le
chafteî de
Gand, &^ re-
tourna fit en
Allemnignc
cpnduid
avec luy
prifonniers
pluficurs
nobles de
Flandi'c.
Amour <hi
conte Bau-
douyn A'CTS
fesvalTaux.
(a^ Non-feuUmcnt»
(b^ Avec Itii^
très raifons
mouvantes
le conte
Baudouyn
de volontai-
rement ref-
tituer Va-
lenchienes
h l'empe-
reur.
La ville de
Valenchic-
nes rendue
au conte
Baudouyn ,
par l'empe-
reur, lequel
conftitueîc-
diâ Bau- '
douyn Ton
homme féo-
dal & luy
donne les
yfles de Zé-
lande.
2i8 BAUDOIN QUATRIEME,
avoît aucune apparence d'y pouvoir eftre. forché,
& mefmcs après avoir efTcftuellenient mpnftré ,
que toute la puiflance de fon ennemy, confortée
par celles des François & Normands, ne Tavoyent
à ce peu forcer ny conftraindre , cauferoit une
grande obligation d'amour de fes fubjefts vers
luy , & une immortelle renommée de fon hu-
maine magnanimité vers toute la poftérité. Il en-
voya doncques aucuns des principaux de fes
païs vers lediél empereur (2) , avec charge de
requérir fon alliance , confédération & amitié ,
luy offrant, ipoyennant ce la reftîtution dudift
Valenchîenes. Dont ledift empereur fe trouva tant
content & fatisfaîél , que non-feulement il luy
accorda la paix & amitié qu'il demandoit , mais
auffy après avoir ordonné que tous les fufdiéls
prifonnicrs fuflent relaxez, fit & conftitua ledift
Baudouyn, à TadVcu & par advis des princés'de
l'empire, fon homme féodal, luy rendant ladîfte
ville de Valenchicnes, & outre ce, luy donnant
les yfles de IValchere ^ Noort-Beverlapd^ Borflele
& autres de Zélande (3). Dont fe defcouvrent
le bien & honneur , qui fouventefois procèdent
de la réfiftence qu'on faift à fes propres paffions.
Hift. crit.
de HoH. &
dcZ(51.Cod.
diplom. p.
94. & fuiv.
(2.) Il Talla lui-même trouver 3i Aix-la-ChapeUe ♦ félon
les chroniques de St. Bertin & de frère Andrc* , félon Meye-
xus, Buzclin ôcc.
(3) Il ne paroît pas que cette conceflion ait eu lieu
aufli-ÉÔt après que h viUe de Valenciennes eut été remife
entre les mains de Tempereur. L'auteur de Tabrégé latin
d» rhiftoire Belgique la recule jufqu*à Tannée loii., épo-
que à laquelle plufieurs feigneurs Lotharingiens fe prépa-
rèrent à fe foule ver contre l'empereur. Comme l'appui de
Baudoin dont il avoit éprouvé (a bravoure, lui devenoit
néccflairc , il crut devoir fe l'attacher à force de bienfaits.
Le favant Huidecoper a voulu répandre des doutes fur
la réalité de cette donation ; mais il a été viàorieufc-
mcnt réfuté par M. Adr. Kluit.
ïjiT A LA BELLE BARBE, aij
En quoy auffy ne convient fy légièrement pafler
la royalle & vrayement augufte libéralité de Tem-
pereur & desdlâs princes de l'empire ^ lesquels
trop plus contants de.laconquefte qu'ils avoyent
faift du cœur & amitié du très-viftorieux conte
Baudouyn à la belle Barbe , . que s'ils eufleitt
gaigné toutes les pofleOions qu'il avoit , ne luy
remirent feulement es mains ladifte ville de Va^
lenchienes, (pour laquelle ils eftoyent entrez en
fy grofFes & oultrageufes defpenfes & travaux)
mais aufly l'enrichirent desdiftes yfles , le fai-
faut au-furplus leur homme féodal & feîgneur de
l'empire, fe perfuadants (comme le faift eft vé-
ritable) que quiconque poffède le cœur des prin-
ces ,*fe peut effeftuellement dire & nommer,
feigneur de leurs terres & poireffions. D'autre
cofté, faut pareillement & grandement annoter
l'admirable prudence , dont tant en la tuition
qu'en la reftitution dudift Valenchienes ledift
Baudouyn ufa , lequel après avoir monftré la
magnanimité de foh courage, moyennant laquelle
il avoit faift telle à trois princes tant puiflants,
X fit offre de In fufdifte reftitution tant bien à pro^
pos., que (a grande libéralité provocqua ledifl:
empereur à en ufer vers luy d'une aultre trop
plus grande. Qui me contraint de fommièrement
& en deux paroles toucher en ce paflage de la
vertu & propriété de cefte prudence, de laquelle
viennent journellement tant de commoditez ,
proffits & honneurs à ceux lesquels défirent fa
compaignîe. C'eft elle fans aultre , laquelle les
poètes 5 foubs le nom emprunté de la déefle Mi-
nerve, non fans, pregnante raîfon , atteftent par
leurs fables eftre née du cerveau dé Jupiter ; déno-
tants par ce, qu'elle prend fa fource de la penfée
, qui eft en nous divine, par laquelle nous devons
confidérer toutes chofes & avoir les yeux inten-
Libéralité
de Tempc-
reur 6c des
princes de
l'empire.
Quiconque
poflede les
cœurs des
princes ,
poifede auf-
fy leurs
biens & ri-
cheifes.
Prudence
du conte
Baudouyn.
Louange de
la vertu de
prudence.
Mincnre
née du cer-
veau de
Jupiter.
La penfée
en Thom-
mQ divine..
L'office
d'un hom-
me prudent
Guerre de
"Baudouynà
la belle Bar-
be contre-
le conte de
Hollande"
pour les '
yfles de Zé-
laude.
1^120 BAUDOIN QUÀ-TRIEME,
tifs & ouverts par-tout. Ce que voulants démon-
ftrer les anciens peintres-, tiroyent l'image de
cefte déefle encerte forte: fç avoir, que fon regard
îs'extendoit fur toutes chofes , méfmes qu'elle
jeftoit fa veûe fur tous ceux qui la contemployent.
L'office d^m homme prudent «ft àe mefurer par
raîfon droite tout ce qu'il penfe & fait; de rien
fiaire ny délirer en forte que ce foit , fors ce
qui eft jufte & honncfte ; de s'afleurer que tous
faifts humains doivent eftre guidez & conduits
à l'arbitre de Dieu , voires régis & gouvernez par
le çonfeil & providence d'îcéluy. Rien ne doit
lounier en horreur , ny élire redoutable à un
homme prudent, le natureLdu quel eft de difcu-
ter en fon courage les chofes à venir,- tellement
que chofe ne luy puilTe advenir quy luy foit
imporveùe & laquelle -il n'ayt préméditée. Le
conte Baudouyn donc ( affin de continuer noftre
pourjeélé difcours) ayant rapporté de fa fufdide
prudence & magnanimité , le fruift & honneur
qu'avez cy-dellus peu veoir , retourna en fa
ville de Gand , où ne ,luy fud loyfible de vivre
trop long-temps en paix, pour autant qu'il fuft
^dvcrty , que le conte de Hollande eftoit defcendu
avec allez notable nombre de gens de guerre es
yfles. de Zélande , que le fufdift empereur avo^t
puis naguerfes données au conte Baudouyn , &
'èsquelles lediél Hollandois prétendoit droift pri-
mitif, par le don qui auparavant en avoit à fes
prédéceficurs contes de Hollande efté faift par
Louys , lors roy d'Allemaigne & fils de Louys
le Débonnaire. AU moyen de quoy lediél Bau-
douyn aflembla pareillement une bonne trouppe
"de gcn$, & après plufieurs rencontres & cfcar-
mouches , qu'cfdîcT:es yfles il euft contre le conte
de Hollande, il le chafla finablcment hors d'icel-
les yfles, desquelles de lors en aviiut il demeura
Dit A LA BELLE BARBE; 22t.
paifibte feîgneur & poflefleur tout le demeurant
de fa vie (4).
(4) Cette conceffion donna lieu, il cft vrai, k quelques
guerres entre les comtes de Flandre & ceux de Hollande ;
mais le filence des hiftoriens fur l'irruption dont parle Ou-
degherft, permet, de douter que les hoftilités entre ces
deux fouverains aient commencé fous Baudoin belle Barbe»
Thierri, comte de Hollande , avoit , à-peu-près à cette épo-
que , une gueiTc férieufe à foutcnir contre Godefroi , duc
de Lotharingie.
CHAPITRE XXX VIL
Comment Baudouyn à la belle Barbe pratiqua le
mariage de madame Adèle de France avec BaU'
douyn de Lille , fon fils , lequel depuis fut ré-
gent de France^ ^ du trefpas dudiSt Baudouyn
à la belle Barbe.
EN l'an mil vingt & fept, le copte Baudouyn,
affin de mettre fes pais en plus grande feu-
reté 5 pratiqua ralliancc de Robert Capet ^ roy
de France , lequel audift an vingt & fept donna
en, mariage madame Adèle , fa filJe (i), à Bau-
douyn, dîft le Débonnaire, fils dudiéi: Baudouyn
à la belle Barbe , & depuis conte de Flandre, des-
L'an 1027.
Mariage de
Baudouyn
le Débon-
naire, aliàs
de LiUe, k
madame
Adèle de
France.
(r) D. Luc d'Acheri, d'après un ade de 1026* , prétend
qu'Adèle époufa d'abord Richard IIL , duc de Normandie.
Il eft fuivi par le P. Daniel. Mais un paflage de Hugues de
Fleuri prouve irréfragablement qu'Adèle n'eut point d'autre
époux que Baudoin de Lille. Le P. Siraplicicn fcrable" con-
cilier ces diverfes opinions, en difant qu'Adèle fut promife
il Richard, mais que le mariage ne fe conclut point. D'ail-
leurs,' félon le moine de Jumiège & Ilériman, abbè dp
St. Martin de Tournai , elle dtoit très-jçunc encore , quand
elle époufa Baudoin : Robertus , dit le dernier , fUiam Adc
lam adhucpucllulamfilio ejui ( Balt/yhti Barbati) defponfavit.
Rec- àti
hill. de Ff .
t.lOvp^S^.
L'an 1030.
Baudouyn
le Débon-
naire , tu-
teur d'Hen-
ry , roy de
France*
Les Fran-
çois font
hommage à
Baudouyn
le Débon-
naire , ^
caufe de
madame
Adèle., fa
femme. '
Refpeft de
ligne fémi-
nine en la
couronne
de France.
Atfemblée
des cftats
de Flandre
en la viUe
d'Aude-
narde.
^3'
I
»aa BAUDOIN QÙÀTIilEMËi
quels les nopces furent tenues en aditiirable magni-
ficence en la ville d'Amiens. Et^peu après, fi com-
me en Tan mil trente, ledifl: roy Robert avant mou-
rir déclara par fon teftament& nomma pour tuteur
de Henry, fon fils , ( qui luy fuccédâ en la cou-
ronne de France & lequel eftpit pour lors encore
fort jeune) ledift IJaudouyn le Débonnaire, foii
beâu-fils. Auquel après le décès d'iceluy roy Robert
les Françoys (félon qu'appert par aucuns chroni-
ques) firent tel hommage & en la mefme forte,
qu'on efl: accouftumé faire aux roys de France;
de manière que fy le petit Henry moùroit fans
hoir (^) de foh corps , ils le tiendroyent pour
leur roy, fans autre folennité faire; & ce à caufe
de madame Adèle, fa femme, laquelle ils jugeoyent
la plus proche à la couronne, le tout direftement
contre la loy Salîque, de laquelle ils fe font tou-
tesfoîs & de tout temps vantez (2). Environ ce
mefme temps fe fit au pais de Flaildte en la ville
d'Audenarde une merveilleufement grande àflem-
blée de tous les princes ^ prélats & autres dei
eftats dudift. païs [dont néantmoins je n'aytné-
moire d'avoir encores. entendu l*occa(îort (3) ]
- • - •
(^a) Héritier.
(2) n y a ici une erreui- très-palpable. Selon Topinioii
générale, Baudoin de Lille naquit en ici 4. & fut marié en
1027. Il n'avoit donc alors que 13. ans. Robert mourut
4. ans après, c*eft-à-dire , l'an 103 1. Henri L, fon fils, qui
lui fuccéd;^ , avoic 27. ans lorsqu'il monta fur le trône.
Baudoin q'ch avoir alors que 17. Ce fut Henri I. , qui en
1059. àonTi^ pour tuteur à fon fils âgé de 7. ans Baudoin,
onde maternel de ce jeune roi. Baudoin fut préféré , dit
Te P. Hénault , à la reine Anne , parce qu'elle étoit étran-
gère & peu conOdérée , & au duc de Bourgogne , parce
qu'il avait trop de crédit en France.
(3) Sdon Hugues de Fleuri & Balderic, le jeune Bau-
doin fier de Falliance qu'il vcnoit de contraâer & impatient
de régner, s'iîtoit fait un parti puiflTant , dans le deflein
de s'emparer de toute l'autorité : Balduinus Balduini filiui
cttpiefts fi etqfwrc patri , ab eo dijpdiutn facit.^ Son père fe
vgyani Uch^mcnt abandonné ^ar la plupart de /es vaifituit
DIT A LA BELLE BARBE. 013
& affin que ce qu^ils avoyent entre raaîns , for-
tift meilleur effeft, tous les corps fainfts repo-
fants au païs de Flandre furent par commande-
ment du conte Baudouyn apportez en ladifte
ville. Et comme la proceffion fe 'devoit com-
mencer fur le débat qui fe meut touchant la pré-
férence desdifts corps laînfts, fuft par le conte,
fuyvant Tadvis des prélats illec ettants , dift &
ordonné que ceftuy de monfieur fainft Gherolf
de Tronchiènes , comme Flameng naturel ^ pré-
cëderoit & feroit en ladiéle proceflîon porté le
premier. Or, ledift conte peu après, ayant bien
vertueufement gouverné le païs de Flandre envi-
ron quarançe-fix ans, trefpafla en Tan mil trente- L*an 1034.
quatre (4). Dieu par fa grâce en veuille avoir Trefpas de
Tame , car ce fut un bon , difcret & vaillant Baudouyn
prince, louable & honnefle, qui traifta bien &
doulcement fes fubjeéts. Il aima la faînfte paLx,
autant qu'autre prince du monde, au moyen de
quoy s'édifièrent en Flandre durant fon gouver-
nement plufieurs chafteaux , cloiftres & églifes.
à la belle
Barbe.
eut recours à Robert , duc de Normandie. Les fecoufs
qu'il reçut d^un allié fi puiflaiit forcèrent le fils à rentrer
dans le devoir. Robert fe rendit médiateur entre le père &
le fils. Pour mettre le fceau à cette réconciliation , on fit
tranfporter à Audenarde les reliques des faints les plus ho-
norés dans la Belgique , «Se Baudoin fit jurer fur ces reU-
ques k fon fils & i fes partifans de ne plus troubler la
paix publique. Cornes Fîandria Baîduinus Barbatus , congre-
gath marchifiajuitfandtarum corporikus .... congregatis
totius regni fui primatibus apud Aldtnardam , paccm ab
omni populo conjuratam firmari fccit,
C4) n mourut Tan IÔ35. , le 28. Mai, multo Flandrorum
dolore , dit Buzelin , quos ejus vîrtutes pîurimùm afficiebant*
Sur la fin de fon rçgne , il tira la ville de LiUe de l-obfcu-
rité où eHe étoit reftée jusques-là , en y fefant conftruire
quelques murailles propres ai la défendre. Aulfl n'eft-ce
qu'à cette époque qu'elle commence à figurer parmi les
villes de la- Flandre.
Guill. Cale,
ibid.p. 192.
Meyer. an.
1030.
Buzel. an-
nal. Gai.
Flandr. p.
I5<S.
Chron. div.
Bav. ad an.
1030.
Hift.de La-
ie par de
Tir. p. 35-
Ôbfervat. 1
furVhift.de
Lille p. 54.
Buz^el. Gai.
Fl. p. 460.
Epitapïic
dudiâ Bau'
douyn.
Autre épi-
taphe du-
dia Bau-
douyn.
fta4 .BAUDOIN QUATRIEME^
Les terres fe.mifrent à labeur ^ & vîvoyeut fe«
fubjeéts. en grand repos & tranquillité. Il fufl:
enterré en Téglife de fainél Pierre lez Gand ,
foubs une bafle lame, fur laquelle eft efcript c^e
que s'eafuyt ;
Hoc tumulo tegttur ÉaJâuinus , maxinia inagni
Arnulphi proies ^ hoc tumulo tegttur m
Quem Sufanna fibi^ genuit regina fuperbum^
Edidît ^ puberem quem Sufanna fîhi.
Maximus heroum regalt fcemate prodit ,
Vir virtute potens ^ maximus heroum ,y
Defenfor fuerat vel amator hic monachorum ,
Ecclefîaque Ùet defenfor fuerat.
DeceJJit médius frinas yunii ante calendai
He he cito nïmium^ deçefjtt médius'*
Dicito pratertens , Jefu miferere mifelli
Daque piusveniam^ dicito prateriens^
Qui lignifie en françois :
Sôubs cefte lame gifl Baudowjn magnanime
DireStement venu de grand Arnould fublime^
Qui de Sufanne fufl engendré royne fage^
YJfu de fan g royale lequel^ en brief langage^
Fufl puiffant en vertus^ Ç^ d* un port héroicque
Des gens d^églis* aujfy fufl amy magnificque
Des cloiflres proteùeur; la mort par trop cruelle
Le ravit ajfez tofl de la vie mortelle
Trois jours devant le ^uing* Or que tout paffant prie
Que noflre bon Saulveur aye de luy pitié.
Oultre lequel épîtaphe s'en treuve encore un
autre du mcftne Baudouyn, efcript contre le
mur, quy eft à Toppolîte de laàifte lame , dont
la teneur s'enfuyt ; *
^unius antefuas triduo cecidijfe calendas^
Balduinum deflet , ^uo pâtre mundus eget.
Jpfe fuit princeps Flandrorum^ five monarcha
Inditus ^ fortis ^ regibus ortusavis.
Fmà
èif A LA BELLE BARBE. Û25
Famâ preclarus\ nullt pietate fecundm ^
Cujm opum nullus aut mo^m^aut numerus^
Nutrivit cives ^ inimicos terruît omneSj
Prâtvaluit gladîô^ nec minus ingéniai v
Cultor juftitia 5 côrreSôr legis iniqua ,
Defènfor patria , filius ecclefîa.
Savui Ç^ immanîs^ raptoribus atque fïtperbtS :
Sed pius aç mitis^ mitibùs atçueplis.
Pulchrè barbafus ^ Bculis vagms , cre venu/fus j
Po/iens confiiio ^ blandus &- eloquio.
Ptorantes igitur nos te ^ bone Chrifte ^ prec^mur ^
Defun&o famulo propitiare tûo.
Lequel àînfi fe peut interpréter;
^uing lamente la mort de Baudouyn venue ^
Trois jours devant fon règne; Ç^ (Poutre part le ^ondé
Regret avoir p&du fon phre ^ auquel abonde
Toufe perfeStion , â? duquel feeourue
Toute perfonne eftoit touijours en fa mifère.
Cont^ & monarch* il fut de Flandre P excellente.
Jlluftre^ courageuse^ ê? '/^' ^^ defcente
Du fang despuijfants roys^ & très-nobP &fyncère4
Du grand renom duquel ^ plein* eft toute la terre\
Lequel foit en bonté ^ douceur ^ ou autre grâce î
A perfonne ne ceâ* ^ Çf quant à fa richeffe
Elle fut &fans nombr\ &fansjfn^ & fans ordres
Il a long temps nourry fes vajfaux en heureufc
Et abondante paix ; fes ennemis farouches
n a femblablement défaià^ domme des mouches ^
Le tout par fon ejprit^ &" main fiàorieufe.
Il a tàusjours efié zélateur de Jti^icej
Diligent corredleùr de toute loy inique.
PtoteBeur de p tefr* ^ défenfiut unicqùe^
Humble fils de Péglife & dévot & propice. c^^^%tl
Contre les fiers ^ cruelz^ & les abbominables aouyn à la
il s^a monflré félon (a) & fans mifériçordè , * belle Ba^bc#
ia^ Ttaîtrt , mais ici il doit figniûer crml où impiioyabU^
S
Trefpas de
madame
Ognie de
Brabant ,
feinme du
conte Bau-
douyn.
Bpitaphe
de ladiâe
dame*
Epîtaphe
de madame
Gifle, fœur
de ladiae
Ognie de
Brabant.
n26 BAUDOIN QUATRIEME^
Mais aux doux Ç^bénings ennêtnis de chos^ orde (a) ,
Gracieux il eftoit ^.clément ^ humbV ^affable.
Une barV il avait longu\& très-bienféantCy
Une proportion de corps de bonne grâce ^
Avec les yeux riants , ^ une belle face ,
Un efprit fort fubtil^ & la langu" éloquente.
Parquoy nous te prions^ 6 ^ifus débonnaire ^
Que ce ferviteur tien ^ pré ferver il te plaife
Be la mort éternelle^ ^ ardante fournaife^
Le collocqùant Qi) près toy enta célefte gloire^
Auprès dudicft Baudouyn gift madame Ognie fa
compaigne, laquelle fina fesjours^au mois de Feb-
vrier en Tan mil trente, & eft fon épitaphe tel:
Praferiens^ mi fer ère meij qui vis mifeteri^
Atque mihi requiem tuque depofce piam.
Nona dies Martis me tranftulit ante calendas^
Odgana jun£ta fm Bàlduino Domino*
Ce que tranflaté en françoîs, fîgnifie:
Quiconque pafs^ icy prendant pitié de moy
Prie que repofer je puijfe fans efmoy (r).
Neuf jours devant le Mars de ce monde paffa^
Odgne^ queBaudouyri en fon temps efpoufd.
En la mefme chapelle, guerres loîng defdidla
conte & contefle, eft pareillement ^enterrée ma-
dame Gifle (^, fœurde ladiéle Odgnie, laquelle
fit en fon temps plufieurs grands biens audîdl:
monaftère de fainft Pierre , où elle gift foubs une
petite lame, fur laquelle eft efcript ceft épitaphe î
Fœmina vtrtutis jacet ijlo Gifla fepulchro ^
Qua, fub Apojlolicis rite patroclnlis ^
Ça) Honteufe.
i¥) Plaçant.
(c) Trouble , émotion»
Cd) Ou Gîjaic,
fiif À LÀ BELLE BÀRBÈ. à2#
Ùecejfit , yunti duodenas antè calendas ,
niuc tune redfens , venerat unde priusi
Ce qu'ainfi fe peut ipterpréter en rime Françoife :
GiJJe cy-deJPoubs gifl de vertus bien pourveu^e ,
Quy mourut fainùement fouhs la Foy catholique 9
Douze jours aeyant Juing ^retournant fans répliqué
■Au lieu duquel premières (a) , eir efîoit defcendue.
CHAPITRE XXXIX.
Comment & pourquoy le conte Baudouyn fit guer-
re à V empereur Hpnry , fur lequel il prend la
conté d Alofi ^ ^ de la paix qu'*h fon granà
avantage ledit Baudouyn fit avec le fusdi£t em*
pereur.
BAudouyn lë Dél>onnaire (i), ^liàs de Lille ^
emprint ,, après le déqez de fou père Bau-
douyn à la belle Barbe-^ le gouvernement de
Flandre, en Tan mil trente & quatre (2). Il ne
fufl: que le feptiefnie conte de Flandre , encore
qu^il foît fur fa tombe nombre pour unzième.
Car Lyderic , Inghelraii , iiy les autres ne furent
contés 5 ains forefiiers dudîft Flandre 9 comme
pourrez avoir cognu par noftre précédent dif-
cours. Il fuft appelle de Lille pour les fonda-
tions qu'il fit îllec, & quMl fuft enterré en la-
dite ville ; mais le furnom de Débonnaire luy
L'an iÔ34i
Baudouyn
de Lille ,
al/àsle Dé*
bonnaire ,
|)ourquoy
ainfi ap-
peUé.
Ca^ D" abord,
CO En parlant de Temperelir Louis le Détonnaîré ,
Pafquier dit que ce mojt impliquoit fous fol je ne fais quoi
du fot. Ce n'eft pas dans le même fens qu'il faut entendre
ce furnom donné à Baudoin de LiDe. Il fi^ifie ici le Bon
ou le Bienfefant , Benignus.
(2) Nous avons dit dans la note dernière du chapîtrô
î>récédent , qu'il étoit moft en 103^.
S a
les enfans
de Bau-
douyn de
LiUe*
La reine
Emme ,
douaigière
d'Apgleter-
re, vient en
refuge vers
le conte
Baudouyn ,
qui la re-
çoit & en-
tretient hu-
mainement.
«a« BAUDOIN CINQUIEME,
fuft acquis au pioyen de fes grandes & excelletr^
te^ vertus. Il fuft marié , félon que cy-deffus
avons déduiét, à madame Adèle de France, fille
du roy Robprt, dift Capet , de laquelle il euft
deux fils, lesquels fucceflîvement ont depuis efté
contes de Flandre , fçavoii- Baiidouyn de Mons
& Robert le Frifon , & une fille nommée Mé-
hault, qui fuft mariée à Guillaume, dnc de Nor-
mandie & depuis roy d'Angleterre (3). Il fut à
xraufe de madame Adèle fa femme ^ tuteur &
bail Qa) premièrement du roy Henry de France ,
& après de Philippe, fon fils, dîft le Premier (4) ,
& en cefte qualité fut faift & créé régent de la
couronne de France, à raifon de quoy ne con-
vient douter, qu'il n'ayt en fon temps eu plu-
fleurs grandes aflaires audift royaume de France,
encore que les hiftoires dudift France n'en faf-
fent guerres de mention. Au commencement du
règne de ce Baudouyn, la royne Emme , vefve
de Cuilet (h)^ roy d'Angleterre, ^& fille du duc
de Normandie , efguîllonnée du bruîft qui par-
tout voloît de rhumanîté & courtoifie dudid
Baudouyn, fe retira en refuge vers luy , lequel
la receut moult bénignement, luy fajfant toutes
les carefles ^ honneur & bon traiftement , dont
il fe pouvoit advifcr, & Tentretîht en cefte forte
Hift. des
rév.d'Angl.
t^ I. p. 9S'
V. 95.
(jo) Gouverneur*
C*) Canut le Grand.
(3) Le premier éditeur de râ^)régé , intitulé Flandria
generofa^ tiré des manufcrits de l'abbaye de St. Ghifl^in,
dit qu'outre Ces trois enfans , on en donne d'autres i, Bau-
doin, Judith, Ide, Udon, Henri & Arnold. Judith époufx
Thofton, frère d'Haralde , roi d'Angleterre.
^ Les frères de Ste. ^iarthe difent qu'Ide fut mariée à Lu-
dolphe de Saxe , qu'Udon ou Odon fut fait archevêque de
Trêves. On ne fait rien d'Arnold. Quant à Henri , il pa*
roît être mort jeune.
C4) Voyez la notp ^ du chapitre précédent, p» toz.
ou D E L I L L £•
A19
^ trois ans continuels en fa ville de Gand & juf-
ques à ce qu'eftant advertie du trefpas dû royHa-
ToUus (a) d'Angleterre, fon beau- fils (5) , lequel
l'avoit enchaffée avec fcs deux enfans hors du-
dîft Angleterre , elle retourna audiâ royaume ,
où fes enfans régnèrent depuis bien bonne efpace.
Aucun temps après, fi comme en Tan mil qua-
rante-fix fe meut une merveîUeufement grande
guerre entre l'empereur Henry , dift le Tiers , trc Biu-
& Baudouyn le Débonnaire, conte de Flandre, douya &
qui dura longuement & caufa plufieurs maux
audift pais de Flandre , encore que je n'aye fou-
venance d'avoir trouvé le motif & occafion
d'icdle guerre , fy ce n'eft le parentage & al-
liance mutuelle qui eftoit entre ledit Baudouyu
-& Godefiroy, duc de Brabant, fumommé k Har-
L*aii lojfi.
l^emperejic
Ueary.
t^iz) Haraîdc.
Cs) Haralde étoit fils de piout & d'Aluinc. Après k
mort d*AIuine , Canat avoit épouTé Emma , veave en pre^
mières noces d^telrède du qnel eUe avoit eu Alfrède et
Edouard furnommé le Simple ou le Saint. Emma avoit été
obligée de fuir d*An£(leterK pendant le xegne d*Haralde.
Succedit (^Canuto^ Harotdus filius ejus. . • • Ihc Emman
reginam novercam fuam de Jnglid efugtpoit in Ftandriam.
Emma étolt fiOe de Richard premier , duc de Normandie.
Malheureufe pendant une partie de la vie de fon premier
époux , eUe le fut davantage encore pendant le règne de
fon fils Edouard. Le comte Oodwin , miniflre de ce prince
fit qui vottloit régner defpotiquement fous le nom de foa
maître, accufa cette princeflc de lilufieurs crimes, entre
autres d'avoir confpiré contre fes propres enfans flc d'avoir
im commerce illicite avec un évéque. Edouard* eut la foi-
blefle de le croire & de permettre que ià mère ié foumk
i l'épreuve du feu, manière de judification fort ufitée
alors, y^ La prîncefle fut tirée de prifon pour marcher fur
y, éts fers ardens , it H ^e d'une multitude innombrable
„ de peuple , qui admira fa fermeté & reconnut ia Tenu ^
^ «n la voyant marcher nuds pieds fur ces fers tout rou-
« S^s de feu , fans en recevoir aucun dommage ^ .
Oifon. ^tt
Guill. Go-
deU. Rec.
des hift. de
Fr. t. io. p.
Ibid. p.
iC!7. n. ^
LeP.d'Or-
lépns, hilL
des rcvol.
d'Angkt.
c. 1. p. ^
Brflchati
tum,maln
wnamEcn
^30 .BAUDOIN CINQUIEME,
dyl m» de Gocelon, fiU de Godcfroy d'Ardctr
ne», qui fuft marié Ji madame Méhault , grand'-,
mère de Haudouyu à la belle liarbe , & lequel
' Godefroy audiét temps eftoit en mortelle guerre
contre ledit empereur Henry, à railbn quMl luy
Tefufoit la duché fur Me^cellc W , que Goçclon,
fon père, avoit tenue avec ladite duché de Bra^
bant (6). Laquelle duehé néantmoinn il réduift
aflez tort foubft Ton obéiffancc, & occift le duc
Olbcrt ib), qui occupoit Icdiét paÏH, Comme aulFy
d^autre cofté le conte Baudf>uyn molcrtoit gran-
dement ledi^l empereur es tcrr^*» qu^il avoit guer-
re» loing de la ville d*Audent\rde,& fignamment
en éellc« qui eftoycnt (ituée» entre le» rivière»
de rKfcauU & la Tenre (^ , qui pour lors fc
nommoyent Brabant , & font le» mcfme» que
maintenant nou» appellon» la conté d Alotl, le»-
quelle» toute»roi» n'eftoycnt de» appertenanccs
de Brabant, ain» de cclk» de Lotrlcc. Auqud
paï» lediék Baudouyn exploita tellement qu i!
print & ruyna le chattel dUCcnham appelle Bra-
(/?) Moselle,
(h) Mcrt d'ÂtttrlcÎH , fclon
leium, (i d'Mfaccfdon
Ut autr6$,
00 La Dctidre, Tcncra, ri'
v/èra qui prend j'u /hurcc
prh d6 CQtîdd en ifayttauf
i^ va f(i jct$r dam t'iifcau$
à Ucndirmonde*
PUndr,y,P'
(6) LVmpcrcur llcnri III. ftvolt promU h (îoOtfroi fur*
nommé le Ihrdl ou le liarhu le duclu* Uc la baif'c Ix^rrainc
qiuî podiidoU (iothclon premier l'on pcre. Apre» la mort de
ccUil'Cl urrWéc en 1043,, llenrl aulieu de remplir fa |»ro-
mcllls dimna le diiclu^ à (ioilielon, IVêre puîné de (k>dc.
rroi. Celui-ci étant morr ^ an* apr^rt, Frédéric de ï.uxctn-
bourK, l'rerc de Henri, dm- de IVavlèrc , obtint ee jluché.
GodeiVol piqtié de fc voir uinii trompé par l'empereur , leva
rétendard de la révolte, 6c entraîna dan« l'on parti licrman»
tfomta de Uaynaut, Thlerri, due de Frifc, 6c Baudoin qui
fttiiit cette occafion d'étendre fc# domaliwa fur le» terre»
impérlale«i *
ou DE LILLE.
ftSï
chantum, en la riiyne (a) du quel chaftel il fit
depuis édifier un monaftère de moines noirs , &
pour tenir ladîdle terre en fubjeftion , fit foire
un autre chaftel en la ville d'Audenarde. Brief^
il befoigna de forte qu'il s'inveftit de tout le
fusdit pais , lequel annexé à fon domaine , mar-
cha en grande diligence contre le chaftel de Gand,
qui avoit au temps de Baudbuyn à la belle Barbe,
efté prins par Tempereur Henry le fécond , &
lequel tenoit encore pour lors le party dudit
Henry le Tiers. A la garde du quel fe commet-
toyent ordinairement des grands perfonnages ,
qu'on appelloit contes fans queue , comme
;|voyent efté les contes Wycmannus , Lambertus
& autres , & s'applicquoyent à Tentretenement
dudia chaftel les quatre villes fubféquentes ; fçï\-
voir, Axelles, Hulft, Bochout & Affenède. Le
conte Baudouyn venu devant ledift chaf-
teau, fit affeoir foti camp entre Lys & TEfcault
en la mefme place, où la ville de Gand.eft pré-
fentement fituée , & en laquelle n'y avoit lors
autre chofe que une bien petite chapelle confa-
crée au nom de fainét Jean. Et aprèsNavoir tenu
quelque efpace de temps fon fiège devant lediél
chafteau, il le rengea finablement à fon vouloir,
eftant à ce aydé par la fubtilité d'un gentilhom-
me nommé Lambert , lequel en récompenfe du
fufdkt bon fervice , le conte Baudouyn fit ^
créa premier vifconte chaftelain perpétuel d'ice-
luy chaftel (7). Sy commonça dès-lor$ la ville
Chaftel en
Audentrde
Conte
d'Aloft à
Flandre.
Contes fans
qiieuc.
Le chaftel
de Gand
afliégé par
le conte
Baudouyn.
Lambert,
premier
vifconte 6c
chaftelain
perpétuel
du chaftel
de Gtnd«
(/«) Sut Us ruines.
(7) La chronique de St. Bavon raconte de la manière
fuivante radrefle dont ufa Lambert pour s'emparer de ce
château: In fan^o autem fabbatbo Pafcbit ^ pennU exercitu
difcejfttm & ad fuà rcdUum , monuit cornes ut prfàs contra
^ppidanos^ n$n fe^nm facerent impctum. Jijta faâo > oppi*
I Le conte
Baudouyn
faid Gaad
fiennei
Cïand des
plus gran-
ités & ma-
gnifiques
villes de
13» BAUDOIN CINQUIEME,
de Gand à fe multiplier , & croiftre en édifices ^
à raifon mefmes que le conte Baudouyn oftafl:
dudiét Gand plufieurt fervitudes, la. foulageant
de beaucoup d'autres charges que le conte Ar«-
nould y avoit piifes , & fit ladifte place fienne^
Laquelle par fucceffîon de temps eft tellement
augmentéjè, que Ton peut pour le jourdhuy la
mettre au rang des plus amples & magnifiques
villes de toute rJSurppç. D'autre codé, l'cmpCf
4ani\ concifo in particuîas dtmldh hacone ( quem folum
nec quidquam ampUùs IH ciho habchant ) fcbdabant fcntc^
pignantîum, Qïia res cxanimavH cotmtem;cb qubd eos ahun-
dure cibarîh , ncc capi poffi nifi per famefn , estifimaret.
itaquc incenfis lodlis difctjftrunt , Q^ujdam LumhùHui , aliit
fcflinantibus , fe fubtrahem fapihsquc fej^icieMS vidit dt
J'uburhh cajlelfi muUcrculam cum vafc haurltorh ad Legiam
defccndcre , concitatoquc equo rcvcrti volent cm praripuii ,
'dîligentef qvid agerttur in opptdo fcifcitatm, Cumqut ptr-
territa diù hareret , promtfo et tandem pretio , oonfejfa,
ell HCC unius diei cîbum eis fupcrfuiffe, Muncratd Snox mu-r
lier 6^ comîtem fubfequUur , adjunciisque fibi fautoribus ^
poflulat comitem auod ncc hqluit ^ nec forth habtturus erat.
tDncîamantihus ali/s , id facile &'fme damno pojfc darl
^uod nec^ haberetur, nec haberi pojfet ; ajfcnfim prabtùt co-
pies. Igitur Lamhertus caflellum Hondum captum fibi &
pofteris harçditnrio jure , fub Uc condUlone pofiulavit r
quateniis c^ftelli fuo Ipibore acquifiti cornes effet cornes ^
dominus ; ipfe verb procnrator (^ cajiellanui. Ordtnutd igi-
tut lege ^ cP qua deinceps inter eoi tcnenda Jufiitid , caflel»^
lùm necdum habittm vomes tribuît , Lambertus fufccpit.
lUc tujlellnnia per totam Flandriam folà tum erat harcdit
tari^, Lambertus^ petit is ô? acc^ptis quibusdam milttibus^
tubisque qtifdfi ad pugna)n intcrclfo fonitn clângentibui s >*«•
vertitur^ lodiis inflaurat^ armât ptilites in pugnam^ infuU
tationeî magnificat ; fuis geftibus comitem rcdiijfe ^ adejfc
fnfimulatk Oppidani auttm famé capti , me ullum fperante%
fubfidium ; mûximh timoré comttis quem rcvcrfmn arbitra^
bantur, pertcrriti ^ ncceptd paèe Ôf lîbertnîe egtcdiendi^
ànfiellum reddJdernnt, Ce fait cH: attribué dnns la chronique
ail règne d'Arnoul le ridl\ mais il appartient évidctm
itient à celui de Baudoin de Lille. CVll l'opinion dtt
Mc.jierus » de Marchantius , de Lindanus ôc du favam Kluyt»
^cr JbE LÎLLE.
^33
ireûT Henry advertî du domage que le conte Bau-
douyn luy avoît faift, & de« places que fur Tem-
pire il avoit eonquifes, fit aflembler le' plus de
gens que luy ftlft poflîble, avec lefquds marcha
en grande diligence vers le païs de Flandre,
prendant fon chemin par Arkes près de faînft
Omer, en intention de defcendre d'illec 2MtVeft-
quartier de Flandre ; mais le conte , qui cepen-
dant ne dormoit, aîns avoit continuellement les
aureîUes dreffées pour toutes advenues, fe dou-
tant de la délibération de l'empereur, y prévint
& remédia par tranchées & fofles , que d'une
' dextérité merveilleufe & diligence incroyable il
fit faire en moins de trois journées, lefquelles
fe peuvent encores aujôurd'huy veoir de la lon-
gueur & extendue de trois lieues ou environ,
tellement qu'obftant le brîef & bon ordre que
ledift Baudouyn mit à foffoyer comme deflus,
la defcente dudift einpereur au Weft quartier ^ ne
fuft feulement empefchée, mais (<lue plus eft.)
fuft lédiél empereur contraint foy retirer dudiâ
païs âflez plus haftivement, qu'il n'y eftoit def-
çendu (8). Auquel auffi lediâ Baudouyn, fécondé
Defcente
de Tempe»
reur Henry
en Flandre.
L^ conte
Baudouyn;
pour em-
pefcher la
venue de
l'empereur
au Wefi'
quartier ,
faid en
trois jours
faire une
foflederex»
tendue de
tipis lieue$»
(8) Iperius donne neuf lieues d'étendue à ce fofTé ,• ce
fîtii rend la chofe plus étonnante encore , puisque , felou
lui , l'ouvrage fut achevé dans l'efpace de trois jours & de
trois nuits : Henficus III. exeréhum ftr Tornacufn
diicens^ bàc acccjftt ut per bas partes Flunâriam intraref,
Balduinm cornes hoc prafentiens , populum fuum undique
eoUe^it & foj/ato Flnndriam cktudi ftcit ah iîîd parte ^ quod
fojfatum fer novem kucas in longum dacçns , td eft à ct.flro
de Urhoult ufquz^ ad Bafeiam in folis tribus diehus âf noBi^
bus confummavit fif ibidem imperatori rtftitit, Admirans
^mperator fortatitium & multîtudinem armatorum , t'iâ
quâ yenerat recejftt. Ce long retranchement fépare encore
anjourd*hui la Flandre de TArtois. ^ Ces fortes de défen-
^ fes étoient k-pen-près les feules que l'on connût alors &
„ peut-être les feules dont on eût befoin , "parce qu'il n'ctoit
I, quedion ^ue d'arrêter les courfiçs de fes YOifius.>,
C. 34*
Hiiloire de
Lille par
L.M.p.50.
f.a ville do
Verdun
hruiUi: par
hh Fia-'
mcn».
IvCiprinccii
chrcdlen»
reprin» b
raifon (ks
guerrei
qu*iU n'en-
treront &
IcMiuelle»
llff de-
vroycnt
convertir
contre le
Turc.
•34 BAUDOIN CINQUIEME,
4u fufdiAduc de Brabant (lefqucU pour femblabla
accident avoyent leurs gcnts pre(l8& appareiller:^
chauflcrcnt les cfperons de (i près, que ladiéte
recraidc rerembloit trop mieux une vile & hon*
teufe fuite, que tout autre chofe. Et qu*ainG
fuit, ils entrèrent en pourfuyvant ledift Erope*
reur dans la ville de Nymweghe, où ils brudc^
rent fans aucun contrediéi: ou réfidence le palai»
dMceluy empereur. Et de ce non contents , cntre^
rent peu après en fa ville de Verdun , en laquel-
le ilfi mirent femblablement le feu, lequel full
tant véh(Jmcnt, quMl ne fufl: polTible d'cxemter de
la violence d'içcluy la grande églife de noftre Da^
me ctlant audiék Verdun, laquelle pourtant avec
ladlétc ville fuit arfdc (a) & confummée (9). Ce
font les livr^îes (b) 6c fruifts des guerres que les
princes chreftiens s*entrefont, lefquelles néant-
moins ^& avec aflez meilleur raifon ils devroycnt
convertir contre les Turcqs, à Tabolitlon de leur
malhcurcufe loy & créance , & exaltation de nof-
tre fainfte & vraye religion. Dieu quand fon bon
plaifir le portera, les infpirera autrement, & leur
mettra devant les yeux , fie le blâme & le chaftoy
qiiMls méritent, en confumant leurs forces & les
appliquant à reflufion du fang chrerticn, lefquel-
les ils font oblige;? d'employer à la ruyne des
mefcréants pour rafleurancc & confervation des
fidels. Pour retourner donc à noftre propos, le
conte Baudouyn & le duc de Brabant, après le
(a) BriUéc , (i^ latin ardcre. (/*) lUcompcnfa , fuHct,
Cp) ^>^x^ Invafion de Baudoin éc de fon allié dan» la
LotlwrlnKic eut lieu Tan 1047. , tandlu que rinvaflon de
Henri fur le» tcrren du comte de Flandre • dont U cil parlé
daUN la note prdc(Jdente, appartient tiTanni^e 1053. (*cn'c(l
pou la première loi» qu'Oudcgherft a rcnvcrft Vwrdre chro-
nologique àfi% événemeni.,
ou
DE LILLE,
^3*
fufdicJ: expioîél exécuté de la rigueur qu'avez en-
tendu, retournèrent chafcun en leur quartier,
bien délibérez de mettre pour Tadvenir une telle
& fi puiflante armée fus ciu'ile auroyent moyen
de faire tefte audift empereur , & à fes adhérents ;
de forte que veu les termes & le chemin que la
fufdifte guerre fembloit prendre, on ne pouvoit
attendre , qu'/une afleurée défolatîon , & ruyne
manifefte de tout le païs, fi Dieu par famiféri-
corde n'y eufl: remédié: lequel à ceft efFeft, fuf-
cîta le pape Léon Iç neufième , qui lors préfidoit
au fainft fiège Apoftolicque, & auquel ces fédi-
tions & tumultes entre les princes chreftiens,
revenoyent merveilleufement mal, & non fans
caufe; car il confidéroyt que par le moyen d'icel-
les , les forces des adverfaires de noftre foy fe
nourriflbyent, avec grande diminution & affoi-
Wiflement des noftres. Qui fiifl: la caufe que pour
tant mieux , & plus commodieufemeut y obvier ,
le bon fainél père & vigilant pafteur, defcendit
vers l'empereur. Et après avoir difpofé le cœur
& volonté d'iceluy à toute bonne paix, accord
& tranquillité, il s'addreffa audift Godefroy, duc
de Brabant, lequel il perfuada tellement, que
s'efl:ant accordé avec ledift empereur Henry, il
renonça à toute l'amitié , confédération & al-
liance, qu'il avoit jufques lors eue & gardée' au-
dift Baudouyn , au cerveau duquel ne fuft onc-
ques poflîble audift fainél: père, d'enfoncer aucune
volonté de paix ou appoinftement. Tant eftoit
grand le mal talent qu'il avoit conceu contre le
fufdift empc^reur, lequel adverty & grandement
Indigné de l'obftinée inimitié que le conte Bau-
douyn luy portoît, envoya peu après unegrant
de armée vers le païs de Flandre, moyennant
laquelle il prinfl: beaucoup de nobles & autres
gens de bien de Flandre prifonniers. Tputesfois
par l'entre-parler & interceflîon de plufieurs prin*
Voyage du
pape Léon
IX. vers
Tempei^eut
Henry.
fkïx entre
reropercur
-Henry, &
le conte
Baudouyn.
L*tn 1049*
Tcrrcfdon-
nécs par
Tcmpcrcur
Henry au
conte Bau-
djouyn pour
les tenir de
Tempire.
wSigeb.
1049.
an.
£36 BAUDOIN CINQUIEME,
CCS & grands varons, (//) tnnt d*un codé que
d'autre, Ton conceut finablcincnt une certaine
forme de paix entre ledift empereur & le conte
Baudouyn, laquelle peu après fuft confirmée &
ratifiée par iceluy empereur, en fa ville d*Aix en
Allemagne, en Tan mil quarante-neuf ,' & fuyvant
le traiélé d'icelle paix Jos prifonniers que delfus ,
furent rendus fans aucune i*ançon au conte Bau-
douyn , lequel Tempereur à Thcure mcfme fit fou
homme de fief, luy accordant & donnant toute
la terre qui fe diél maintenant la conté d'Alofl:,
enfemble les quatre meftiers , les yfles de Wal-
chère, Noortbcverlandt , Zuutbeverlandt, Borf-
fèle, & tout ce qui eft entre Iledinzife, & TEf-
cault, dcfquelles le conte luy fit aufli hommaige,
promettant les tenip pour luy, & fcs fucceflTeur»
perpétuellement, en fief & hommage de Tcm-
pire (10).
(10) Baudoin fc fournit en effet , & la paix fut f^ét
k Aix-la-Chapdlc l'an io\<)/ Balduinus ^ conâi&o die nquis
imperatori fatisf'eclt. Mais ce ne fut que 8. ans après , que
la ceOion importante dont il cft pttrl(i ici eut lieu , la pre-
mière année du règne de Jicnrl IV.
e H A P I T R E
X U
De la cùnquefiâ de Uainault faiSie par le conte de
Flandre ^enfemble des guerres qu'ail euft contre
ceux de Brabant ^ fîf contre V empereur Henry ^
^ de la fin defdiùes guerres.
BAudouyn ]e Débonnaire, après la paix, telle
que defiTus, fuicTte & contniiéléc avec Tcmpe-
reiir Henry le Tiers, fi grandement à fon avan-
tage, fc retira en fon païs ofi il demeura pour
jCtf) Barons ^ fcï^neun.
oo DE L ÏL t E^
^T
quelque tems paiHble & fans aucun tumulte ds
guerre ; ce que néantmoins dura bien peu, pour
autant que ayant entendu le trefp.as de Herman ,
conte de Hainault ^ lequel advînt en Tan mU.
cincquante & un , il entreprînt la conqueftc du-
dia pais de Hainault, je ne fçay toutesfois foubs
quel prétext & à quelle occafion (0* Tant y a
qu'il euft incontinent mis fus une bien belle
armée , avec laquelle il entra audiâ pais , lequel
il réduift facilement & en petite efpace foubs fon
povoir & obéiflance. Ce foiû pour donner meil-
leur couleur à Tufurpation par luy faide de la-
dite conté de Hainault , il prafticqua le mariage
de mWdame Richilde ( à laquelle ladiéte conté
appertenoit en propriété (2) , & qui pour lors
eftoît vefve dudift Herman) avec BaudoujTi ,
fon fils aifné , lequel dès-lors il fit appeller Bau-
douyn de Mons. Auquel mariage néantmoins
Enghclbert (//), évefque de Cambray, s'oppofa.
L*Aii losr.
Le conte de
Flandre en-
ttqirend la
conquefte
de Hai-
na«lu
Mariage à9
Baadouya
de Mons à
madameRi-
childe de
Hainaulu
(a) Lietbert*
(i) Le prétexte de cette in\'afion n'étoit fans doute autre
chofe que roccafion que la mort d*Henuaii offroit à Bau-
doin de faire époijifer à fon fils une riche héritière dont
les états étoient voifms des fiens* Quelques auteurs pré-
tendent même que Baudoin avoit fait fonder Richilde fur
fes projets , & que Tinvafion inopinée qu'il fit dans le
Haynaut . étoit concertée avec eUe. En feignant de céder
à h force, Richilde fe ménageoit une juftification auprès
de rempereur , qui n'eût pas manqué de condamner un
hymen contraâé fans fon aveu. „ EUe ne fe fit pas beau-
9» coup prier ni menacer, dit d'Outreman, mais s'accommodant
» à la volonté des vainqueurs , „ ... elle époufa Baudoin,
fils du comte &c. Herman , premier époux de Richilde*,
étoit fils de Ludolphe, comte de Saxe & de Brunfwic, &
de Gertrude de Flandres, félon l'auteur du mémoire cité
plus haut note 2. du cha|>. 34. pag. 201.
(a) ..... . Nullo difcrimîne fdcûi
Fert dominos Hanoîa fuos, . EUe étoit fille uni-
que de Régnier V., comte de Haynaut , & de ^fathildc,*
fiUe d'Uerman d^Ardennes , comte d'Einham.
Vincltant»
Gilben,de
Guife, Bu-
zel. ài(u
HiftdeVa-
lenc. 1. 9m
c. I.
^3» BAUDOIN ClUqVtïÉUÉ4
h rjilfori de h proxlmitd de llnage qu*Il roalnté-
nolt ellrc entre eux, & pour autant, que uon-
obftftut fa dlétc oppoiitlon , ils ne voulurent
confentir au divorce qu'il avoit ordonnd eJtrc
falét ^udiél mariage , il le» excommunia C3); Mali
te impi le pape Ldon , qui elloit oncle de madame III-
téw»* , chlldc 9 le» dil^ienlH , leur donnant abfolution de
ladlfte excommunication, comme plu» au long
rdcltent Alberlc & autre» chronique». Toutei-
foU Je ne l'çay qui fuft ec Ltfon , njr mefme»
comment 11 pouvolt cdre oncle de ladléle Rl-
chlldc, vcu prlncipallement qu'il eftolt Allemand,
& auparavant eftre parvenu A fa (\ipr6me dIgnUd/,
appelle Bruno, dvcfque tullend» C^/). homme <lm-
ple & de bonne vie, & lequel, par le moyen de
Tempcrcur Henry, fuft pourvett de la fu»dlftd
dignité , contre fon grd & volonté , & ndantmohm
fit depul» beaucoup deblen»àrdgllfe de Rome C4)*
(/i) De TQttl $n i^orralnûi
C3) lU dtoient parens na trolfième àegri, Adèlû* mér«
de CftuOoin , dUo do Robert , àuM pctjtefille de Huiçw»
Cftpet, Sf, RicIUlde «volt ])our ftyeule Hftdwldfif \\\k du
tî)éme Uugut?» C^xmu D*»prô« raffenlon de M. de Hefdl«#
C Voyez note a. du chap. 34. p, aof , ) ttiwdûin de Rlchflde
furent excômmunidu ^ „ non parce <|u'IU étoient parcnf
^ entre eux du chef du rpi Robert de Fisnce 4^ de Ta forur
„ Hftdwiije; mflb ptffte Que le jeune eomte JNiudoln evoie
„ ^pouft , pftr m incefte plu» punlfliible Que r»dulUr« «
^ la vmvedtf funçugNut le eamis Jhnfmth^f M4m, 4ir IVid.
de nrux. t. 5» part» l»lft/ p» i4ï' * Aiiv»
(4) Uon IX. ♦ le prenUer des croU fouverjiinç pontjfe*
que h lidj^iQue donnd k Pégllfe , éwit de h nuiifon ds
Hambourg» établie dtins rAK^ee* qui iioïi Rlori» anne^^^e k
Ift Lotharingie. L'«uteur de Ift IHamlrla geHnofft , Alberlc #
d'Outreman fie beaucoup d'autre» le font auHl onde A»
Richilde. On lie dan« Wasboufg le }^f^^9 fuivanc tiré da
l'ancien hiftorien de Toul s m ll^unkv (V.) • . . . Aurcéd*
^ (t fon p^re eu c/)mt4 de liaynaut en l'an tooa. A prl0C
91 peur femme um nobU dame d'Alfaee tuHumie Atlldt .
ou DE L I L L £•
^i9
Or, ledîft mariage accomply, le* conte iBàudofijii
ne fuft pluftoft retourné en Flandre, que luy
vindrent lettres, par ambafladeurs que luy en-
Voyoit le duc Godefroy de Brabant, avec lequel
en contraftant la fufdîfte paix , il avqît renouvel-
lé fou ancienne confédération & alliance, &fuy-
vant laquelle il fut requis de la part dudifl: Go-
defroy, de luy prefter fecours contre Ferry, fils
de Frédéric (5), jadis duc de Brabant, lequel
occupoit en Lotrice & Brabant, plufieurs villes^
â luy par l'empereur données. Pour à quoy fa-
tîsfaire , le conte Baudouyn drefla derecinef une
aflez bonne armée, avec laquelle joinfte à celle
dudift' Godefroy, ils fe campèrent devant la ville
d'Anvers , en laquelle ils aflîégerent ledift Ferry.
Mais comme ils furent advertis , que les Braban-
çons faifoyent une merveilleufement grofle àflem-
Mée, pour en faveur dudift Ferry, faire lever le-
dîft fiège, ils fe partirent d^illec, & retourna chaf-
Cun d'eux refpeftivement & fans rien faire, enfon
quartier» Toutesfois aflez toft après, moyen-
nant le trefpas dudift Ferry, le duc Godefroy
devînt feigneur & maiftre de tout ce qu'il avoit
Le conte
Baudouyn
mit fon fiè«
ge devant
la viUe
d*Aiivers.
„ L'hiftorîen de Toul dift qu'on appeUoit lé père de cette
f, Aflide , Hugo qui étoit parent & confobrin de Tempereur
„ Conrad & fa mèrcHervide : lesquels Hugo & Hervide
„ curent un fils nommé Bruno » qui fut évéque de Toul
f, & étoit frère de ladide femme d'iceluy Régnier.^ H
ajoute enfuite en parlant du même Bruno : ,, Eftant pape,
ff veint en Germanie & en Gaule , où il vifiu fa niepce
„ Rigilde , fille de fa dide fœur & du dift Régnier.
(5) C'étoit le duc Frédéric lui-même qui défendoit An-
vers , & non fon fils qui ne fut point duc de la baffe Lor-
raine. Au refte , Oudegherft renverfe ici Tordre des tenrs;
Les hoftilités dont il parle Ôc le ûège d* Anvers n'eurcnjt
lieu qu*en 1055. , un an k-peu-prês avant la fin de
cette guerre.
L'cmpc-
fcur Henry
cftmàlccm-
tcnt du ma-
riage de
Baudouyn
de Mons
avec la con-
toifedeHai-
naiilc ôc
pour ce re-
commence
la guerre
contreFhn-
Ëntrdc du
conte de
Flandre au
païsdeLiài-
ge & la
prinfe
4'Hoye.
»4a BAUDOIN CINQUIÈME,
TfoSéAéiéOf Cependant le fufdift empereur Henry,^
dift le Tiers ^eftoitempefché en J^ombardîe, le-,
quel de retour en Alîemaîgne, grandement in-
digné, du mariage de Baudouyn de Mons^ & de
la conteflc Richilde, faiél & cotitraidlé en fonab-
fence, fans fon fceû & adveu, aflembla grand oft
& vint en grofle puilRince vers Hairtault. Au
moyen de quoy Jie conte Baudouyn eftonné d'une
fifoudaine, & non préméditéCyfurprinfc , envoya
en toute diligence vers le duo Godefroy pour
affiftence, lequel y entendit d'autant plus volon-
tiers que lediét empereur par la détention d'au-'
eunes places, que puis naguerres il avoit prins
en Lombardie, appartenantes audift duc Gode-
froy.(7),* luy avoit donné nouvelle matière de
defdain & mcfcontentçment. Qui fut k\ caiijfe ,. que
de tout fon povoir il affilia & favorifa contre le-»
dift empereur , le fufdiél Baudouyn. Lequel en
intention de tirer l'empereur hors du pais de Hai-
nault,.& de chafler la guerre hors fes païs, en»
tra avec bonne partie de fes fprces au pais de
Liège , auquel il print la ville d'ÏIoye (^) » la-
quelle il defmolit & brufl», dont (^empereur aflez
plus irrité qu'auparavant , laiflant te païs de
Hainault , auquel il eltoît entré , vint contre l'opi-
nion du conte Baudouyn en celtuy de Ffandre,
& pafla la rivière de l'Efcault, gafta tout le païs
efrcum-»
Sigeb. an.
Lamb.
Schafti. an.
105 1.
Hcrm.
Contr. ôc
Sigeb. tm.
losh
(a) HuL
(tf) Cela n'arriva qu>n 1065., année où les tnmiliftcs
placent la mort de Frédéric : Friâerico duce mortuo , Go*
dcfridus dttcatum recepit.
(7) Godefroi avoit époufé Béatrik , veuve de Boniface »
duc de Tofcane. Cette alliance avoit fouverdnement déplu
k Tempereur ; qui redoutoit le caradère ambitieux de Go^
defroi. Il le contraignit de fortir de la Lombardie. Le duc
revint dans la Lotiharingie , le cœur plein de fiel & déter;
minéiine plul uf«r d*aucuns ménagemens envers Tempereur;
fab D Ë L IL L E. m
tlrcUlhVoîfiii i & s'eftànt rencontré avec Lam-
bert, que le côhte Baudouyn avoit( connue diél
eft) conllitué |trdnilci' vifconte de Galid, & au-
quel il aVolt Idiflîé pàftlc de fon arinée, occlft le-
dift Lanibert, & hi^ jiis (/?) la meilleure paît des
Flamens qui eftoyèrit foubs i\ charge , pourfuy-
vant.Ie demeurant jufcïues à la ville dcToutnay,
qu'il aiîîdgeàft, prînt & faccagea, & après y âVoîr
lailTé bôhnc & luffiflatite garniforî, fc retifa en
Allemaignc, grandement enrîchy du butîn çju'il
' avoit fiiiâ cil Flandre & ,|n(*naïit avec luy bon
nombre de nobles , bourgeois , mai'chrfns , & au-
tres gens de bien dudift païs (8). Où arrivé, il
trefpafla toft après eu Tan nïil cînquailte-fix; &
en (on lieu full elleu , faîft , & créé empereur •
Henry le quart fon fils (9) i d^aiit le couronne-
rcur Henry
dcffaid Ué
Flamens
quieftoient
foubs la
cotidulâe
âe Lam-
bert, vif*
concc de
Gaad.
L*aii to5tf«
(a") Bas 9 à terre. Ruer jus, rênvérferi défaire.
(8^ Ces évènemens appartiennent \ Tannée 1053. & fciit
antérieurs de deux ans au fiège d* Anvers. Baudoin venoit
de provoquer la vengeance de l'empereur, en brûlant & eii
faccagelant la viHe de Thuin , tandis que fon fils àiné Bau*
doin traitoit àVcc la môme cruauté la ville d'Hui , ôc qutf
Robert, fon fécond fils* étoit aUé chaflcr de Tifle deWal*
chel-en les troupes que Tcrapereur y tvoit pincées.
(9) Le nouvel empereur n'avoit que fix ans , lorsqu'il
fuccéda à fon père. Agnès fa mère , qui gouvemoit l'em-
pire en fon nom, aidée par le pape Viétor II. 6c par Henri I. »
roi de France , iut concilier les efprits , & la paix fut rati-
fiée, non pas l'an 1049. , comme le dit notre hiflorien,
mais l'art 1657. Poflmodum .... fax fàSia eft inter eos ,
ficque cothitî Fîù^drta remanercnt pérpetub Çf haireditarll
pan illa Br/ihantia , quam ipfe Èalduintis conquifterat , ultra
Tcmram flwvitim , ^ comitatui Aïoftenfts cum terrd quatuor
officiorum; infiîper in Z^landid quînquc Infulas impcratof
fi Jïtperaddidit ^ cum cb/iditione quod eas ah imperatore te-
neret. Baudoin de Mons fut compris dans ce traité, & fon
niariage avec Rlchilde fut tatifié. Baîduinus junior marchi-
fus Ner'Ciorum comitatum imper iali munîficcntid fif autoritatt
»pofloIic4 fufçcpit. Ainfi finit une f uwrç qui , fi l'on en
T
Ipcr. c.
p. 570.
i^
Meyer./an.
1057.
Addit. ad
Sigeb. an.
Vïïa 1057.
Concile gé-
néral k Cou-
longncpou'r
appaifcr les
différents
. des princes
de l'em-
pire.
L'empe-
reur Henry
cède fon
droiét qu'il
a en la ville
de conté de
Toumay à
Baudouyn
de Mons.
Paix entre
l'empereur
Henry le
quart 9 ôc
k conte
Baudouyn.
Le conte
de Flandre
faid hom-
maige à
l'empereur
des terres^
Su'il tient
îubs rém-
oise.
242 BAUDOIN CINQUIEME,
ment duquel fuft en Tan mil cinquante-fept , tc-
Hiu en la ville de Coulongne un concile général ,
pour appaifer les différents des princes de l'em-
pire, auquel affifta en préfence.noftre faînft père
le pape Viélor, par rinterceflîon duquel lefdifts
Baudouin 5 conte de Flandre^ &Godefroy,duc de
Brabaiîtjîurentreçeusen grâce du nouvel empe-
reur» Au moyen de quoy ceflerent toutes guer-
res & hoftiGtez, & fe fit une bonne & defirée
paix, par laquelk lediét empereur donna, céda,
& tranfporta tout le droiéb qu'il povoft préten*
dre en la ville & conté de Tournay à Baudouyn
de Mons, fils du conte Baudouyn de Flandre, &
laquelle auparavant luy avoît efté donnée par le
pape Eftienne huiéliefme ou neufiefme de ce nom*
Et outre ce, te conte Baudouyn le Débonnaire
retint par îcelle paix, toute la terre qui eft fituée
entre TEfcault & la Tenre, ehfemble le chaftel
de Gand avec tout le païs qui gift entre TEf-
cault & le Honte , depuis la fofle appellée Ottin-
ghe jufques devant Anvers, y joindant les yfles
de Zélande que l'empereur Henry le fécond avoit
donné à Baudouyn à la belle Barbe: dont le
conte Baudouyn 1^ Débonnaire fit audiâ: empe-
reur Henry le quart au jour de fon couronne-
ment, hommage en fa vilte de Coulongne, audift
an mil cincquante-fept.
Epit. hift.
Belg. t. 2.
excepte quelques intervalles de repos , dura près de 10. an-
nées avec une alternative finguUère de fuccès de de pertes.
C'eft à-peu-près à cette époque qu'on voit difparoître de
rhiftoire les comtes d'Einham que remplacèrent les comtes
d'Àloft. Après la deftruftion du château d'Einham , Aloft
devint la capitale de . tout le comté , & les comtes d' Aloft
le polTéderent à titre de fief bénéficiaire (^beneficiario jure)
jusqu'à Tannée 1165. que Philippe d'AUace la réunit ^ la-
Flandre* ^
ov DE LILLE.
CHAPITRE XLI.
43
Cemmeni le conte de Flandre fe tr.àn [porta à ToJtr^
^aypour t liée faire recevoir Baudouyn de Mon s
fon fils pour conte & feigneur ^ ^ comment le-
, di£f conte -de Flandre fut itérativement-^ à câujj^ de
^ madame Adèle fa femme , créé tuteur Ç^ régent
de France.
LEs chofes fuCdiftes aînfi exécutées , le conte
Baudouyn de Flandre retourna en fonpaïs,
& en Tan mil clncquanterheuf fe mit en bel équi-
page & tira vers Tournay , où le conte Baudouya ^ ^^ ^^^^
,de Mons fut reçeii en grande magnificence pour
conte & feîgncur, au gi'and contentement de
ceux de ladîfte ville, & mefmes des fuppoftz for-
tifiants foubs îcellè, le tout fuyvant la fufdifte ^
donnation , que luy en avoit faiél le pape Eftien-
ne, & moyennant l'aggréation dudiâ empereur
Henry le quart. Les folennitez fuCJiftes ache-
vées , & accomplies toirtes les cérémonies qu'à
lajoyeufe entrée de quelque prince. Ton efl: ac-
coufturaé faire , le conte BaUdouyn le Débonnai-
re, avec Baudoiij'h de Mous fon fils, tirèrent
Vers Cambray en grand triumphe, où ils féjour-
ncrent pour quelque temps & aflîfterent aux nop-
ces que illec furent folennifées en merveilleufe
pompe d'entre Euftace , conte de Boulongne & ma-
dame Yde, fille de Godefroy, duc de Brabant, &
mère de Godefroy, de BuiUon, duquel cy-après
fera parlé (i). Aflez toft après, fi comme en l'an
^ mil fobcante mourut Henty, roy de France, lequel ^'^° ^^^'
(x) Voyez la note 2, du chap. 32. p. 189.
T a
U c(m4
tUUSUf (M
ftff àê
réfLtni à^
4iafrftfic««
k rftttftf âê
flifldftfnf
AâèUf (k
fliiM «n te
M4 BAUDOIN CINQUIËME,
«voit efté foubi la tutbU & gouverneintffit 4ê et
conte Baudouyn le Débonnaire (a); & lequel p»
ordonnance k dernière volonté âuàiù foy He»*
ry, fttft It^ratlvcflient [comme le plu» proche 1
te couronne 9 à ralfon de madame Adèle (% fem^
tne(3)] commU, & conftitu^ bail, tuteur, &
mainbour de la perfonne k blena de Philippe ,
fila dMceluy Henry ^ (k depula roy de France-
Et en te fufdUle qualité, Ica prince* & barons
de France ûrent hommage audlét fiaudouyn le
Débonnaire, confcntant» & promettantâ, que fl
ledlél Phil^ fflourolt fana hoir de fon corp»,
Ite tlendroyent ledlét Baudouyn pour roy de
France, fan» aucune ultérieure folennlté (4). Au
moyen de quoy , 6c en figne de ce, le conte Bau«
douyn te Débonnaire a'aultute députe toyajoor»
en featettre» en cefte manière} Baldulnui cùmi
Flandfia Marchhf& PhItIppI Francorim nghf
êjufyuê regni procuratêr & haju/ut»
An. ioi6é
(i) AâéU fl*«vdt itttofl dMtk te ccrerMiMf k mprm^
Yoif eàfttéqùêmmênt «ti Afmmr $ncnu » fm épùtta. cm
cmmeff ftiftj^ k cet éptfà te cMiAlfeiiôfl à$ te m^mftkê
(4) C«fie «fr«er déceete de te précéâÊmê. tri4(teef»
Vhiilf^ ftvdt itfl pniAêf duc di Boiirg^Tf^ êc Ma ^ fol
liùUfté n étùk puiSknt k têéouU i êc d U trém fut iê-
vuffli Vfifam« U mu fu )eifidr« eu drote du fuig cefel à$
te /€f te d«i «rinet. ttmt ^ qu$ âH ki Oitdfgfterfl dM
frétânàui itàiu de fhmdohi k te couronm de f reflet 4
de llKyfflfiMge que tel firem te» tarfini « Il Te mdirii Ue^
f^«tefnifftt dlfy«r1ti9 ^«1 « ^aoi^a'dllmftbte k bteii i(R(
é|«id#« i^ffi étidfmOMffl ITMAfé ror Cê pitet*
ou DE LILLE.
HS
CHAPITRE XLIL
Comment le epnte de JPJandre àmne en mariage
madame Mihault fa fille ^ au duc de Norman*
die^ lequel il aj^fie à conquerre le rayaulme
d'jfngleterre^ & d'autres chofes fingulières*
EN Tan mil cînquante-trois (i) Guillaume le
Baftard^ duc de Normandie, vînt en très-bel
ordre & équipage au paîs de Flandre, pour en
perfonne demander en mariage du conte Baudouyn
de Lille , madame Méhault fa fille , laquelle luy
fuft accordée, & furent les nopces célébrées avec
toute la magnificence , pompe & triumphe que la
grandeur de leur eftat pouvoit permettre, & re-
quérir; & euft ledift Guillaume de Normandie
de ladiAe dnme Méhault, trois fils & quatre fil*
les, dont l'aîfné appelle Robert fut après luy
duc de Normandie, & alla avec Godefroy de
Bouillon e^ la conquefte de Hiérufalem; le fé-
cond fut Guillaume, dift le Roux, depuis roy
d'Angleterre, & le tiers Henry, qui après la
t*tii losh
Mariage lie
madame
Méhault «ie
FUn4re
aveclc duc
GuiUaume
de Nor-
mandie.
Des enfans
oui vin-
orent du-
diâ mt-
riage.
• (i^^Sdon Albeiic • cet fiymen fe conclut en 1056. GuU
laume étoit fils de Roben le Diable, mort en 1035. , en ro
venant de It terre famte, & d*Alette, fiUe d*un bourgeois
de Falaife <n Normandie. H fut enfuite fumommé le Con-
quérant, pour avoir conquis TAngletene. Dans un concile
tenu il RJbeims en 1049. par Léon IX. « il /ut défendu à
Baudoin de donner fa fiUe à Guillaume & è Guillaume
de la recevoir. InterdixU (^papa ) ^ Balduino eomlti fiûn-
Àrenfi ne filîam fuam WlUdmo nuptui daret & ci ne eéim
accipera. Le mariage fe célébra dans la ville d*£u. Guil-
Itume fût excommunié par Mauget, archevêque de Rouet,
fon oncie; maii rejtcommnnication fut levée quelque tems
tprès par le pape » qui enjoignit aux deux époux de con*
ftruire chacun nu monaftére. L*interdiadon faite à Guil-
Iturae dVpoufef la fille de Baudoin , & l'excommunication
Itite par rtrch^éque Mauger , venoient de ce que les deut
^pottx étoieçt païens^
Labbe,c<Mi-
cil. génér.
t. 9- CoL
1036.
Guill. de
Jumiège.
Chron. de
Verdun.
Chron«Sitli.
Chron. m|C
1/^ noblcfle
de la tnat-
fondcFlan-
246 BAUDOIN CINQUIEME,
mort (îudiA Cuillautnc le Roi^x, fut pntoilleiiient
roy d'Angleterre. La première fille fut abbefle
de Caen , la dcuxiefme fut mariée au duc de Bre-
taignc, la tierce fuft promife à Harald, qui de-,
puis ufurpa le royaume d'Angleterre, mats il ne
Tefpoufa pas, pourquoyeUe fut mariée à Eftien-:
ne, conte de Chartres; la quatriefme filleLftit ma-
riée au conte de Bloys, de laquelle entre autres
enfans yflît Thibault qui fut conte de Charapaîgne
& Eftîcnnc, conte de Mortaignc & deBoulongne,
& depuis roy d'Angleterre; lefquelles généalor
gîcs je déduiéls voluntîers, affin de mettre dcr
vaut les yeux d'un chafcun la grande noblefle de
la maifon de Flandre^ & les çaiKTants princes,
qui d'icelle font dcfcçndus. Peu après le maria-
ge dudiâ; Guillaume de Normandie avec mada-
me MéhaUlt de Flandre, le roy Edouard d'An-
gleterre trefpafla; mais auparavant, cftant en
fon lift mortel, il nomma pour fo;i yray , légitime
& plus apparent héritier, lediél Baftard de Nor-?
mandie, lequel eftoit fon coulin germain (2)»
Nonobftant laquelle déclaration dudift Edouard,
^ mcfmés fans prendre regard à ce que par fon
teftament il avoît laîflTé ledick royaume d'Angle-;
terre audiftGuil/ailmédeNprtiiandi^, Haraldbeau^
frère dû la royne douagiere d'Angleterre, (le-
quel auparavant avoit par ferment promis au duc
Guillaume de Normandie, qu'après la mort du'
rpy Edouard, il l'afîfifteroit à çonquerre la cou-*
duc.Nurm,
flu recueil
de» hiil. de
France ,
t.io»p.ipa,
(a) Edouard furnomm^ le Saint ôc mort en 1066, étoit
parent de Guillauwc par Emma fa mère , fille de Richard
premier, bi«ayeuldc Guillaume; Rjohertusgenuit miUfmum^
Nuthum qui^ pop, fnortcmMduardiimmfretavit in ÀngUam^.
anno Dombti MLXH. , ugnumquâ ^hHnuU jure haredàttu
rlç^/iula ejtff atavus Richardus fçnex fucrât ^ cujus Emma
fiiia Eduardum regem gcnucrat* - .
ou DE L IL L E.
247
ronue d'Angleterre) faiilfiint" fa promcfTe & fi\
foy,_ufurpa* ledift royaume (j). Dont le duc
Guillaume advetty, envoya pour fecours & al-
Jiftence vers''Baudouyn le Dcboimaire foji beau-
çère, faîlant.âu furplus le plus gros amas de
gens en toutes fes terres & ftîgnories dont îl
fe pouvoît advîfer. Le conte Baudouyn d'autre
xroftd, réfolut fe trouver en çerlonne à Isfdifté
conquefte, & fit à ceft efFeft,'en qualité .de' ré^
gent de France, alTembler auroj^'aum^-toutes'ïès
forces à luy poflîbles, n^ôubliairt cependant dté
faire le femblable, en Flandre, Hainlaut, &fcs
autres pais de par-deçà, de forte qu'en peu de
temps , il leva une Infinité dcî gens , la plufp^rt
defqùeîs eftoyent aguerris' & e.tercitêz au faiifi
4es armes.. Mais .avant partir (4) , fçaftîiant
' Le conte
Baudouyn
va en per-
fônne à la
conquede
da royau-
me d'An-
glctetTO' en
faveur du
4m: ^e
NormaSi-
die, fon
beta^fils* .
(5) Haralde étoit fiis an comte Gc)dwin, ce miniftre im-
périeux d^Edounrd dont nous avo\is parlé plus haut. Il ôtoît
le propre frère d*£dithe que Godwin avoit fa^t époUfer Ji
fon roi. ^ Haralde , dit le P. d'Orléans , étoit .un ^feigneur
yy bienfait, d'un abord agréable & majelbieux, vigoureux,
p bkve, montant bien à cheval, & extrêmement adroit «à
„' toutes fortes d'exercices . ^ . . Il avoit été éltvé à 4a cour
„ d'Edouard qui Teftimoit & qui en avoit reju de graiids
„ fcTvices ; ce qui , joint à. fes bonnes qualités , lui< avoH
„ attaché le peuple,- de forte qu'il n'eut pas de, peine à
„fe faire déclarer roi. „ ' ,. ^
(4) Oudegherft renverfe ici Tordre chronologique 5c
rapproche , . fans raifon , deux évènemcnè fépués Jlun jie
l'autre par un intervalle de trois années. L'aflemblée d'Au-
denarde & le partage que Baudoin y fit de fes domaines }
font de l'année 1063 , félon la chronique de St. Çayoïi : Bai-
fiuitms plus ^'Robertum filium fltùm ad JanSa Det Ekfah^e!î(i
jttrare fedt , nunquam ad coniitatùm Fîartària manum ap*
pofiturum , & fie dédit ci eomhatum HoltandU , Zdànàià
& partem Fripa cum uxore Flbrentii comitis^ , fahd' "hffi^
ditate filiorum ejusdem Florenîii, D'ailleurs la defccjite à^
Guillaume en Angleterre n'eut lieu qu'aprè.^ la mort d^Edouartl
qui, comme nous l'avons dit, ne terftlna fes joùbqii'cÀ
Révol.
à^Àniîlçt.
t.' i.p. 93.
& 94.
A(kmhUe
des eftats
de Flandre
à Aude- .
«arde*
Le eontè
Batsdouy» ,
Rvant fi>ti
, paitement
pour An-
jgleterre ,
UiÀ parttr
|ge entre
fes cnfffns,
& faia ju-
rer à Ro.-
bert le Pri-
fon de ne
Jamais rien
attenter en
la conté de
Flandre
tçontrft fon
, frère nyfc5
^4$. BAUDOIN CINQUIEME,
qu'il eftoit mortel, voulut pourveoîr aux queC»
tîons qu'autrement il doutoit devoir yflîr après
Tz mort, entre Baudouyn de Mons, & Robert
fes fils. Mefmes d'c^utant plus qu'il cognoiflbît
Je naturel de Baudou'yn dç >^ons , fon fils aifné ,
çftre doux, paçificque & débonnaire; & qu'aïf
contraire ledift Robert, fon fils maifnd, çftoît
çufé, ingénieux, 6c de grande entreprinfe. Au
mpyen de quoy il fit aflembler en fa ville d'Aiv
denarde tous les prélats, barons & }iaut3 hom-*
mes de Fl^ndre^.çn préfence defquels, après avoir
aflîgné audicft Robert pour fa portion & droîft
^e partage, Ifi conté d'^Alûft, les. quatre meftiers
k les yQes de Zélandç ^ & que ;^uparavant il avoit
pra^Hqifé le mariage d'entre iceluy R.obert, &
madame Ghertrude,, vefye de Flores (a)^ conte
de Hollande , il fit promettre audift Robert & ju-
rer que jamais, pour quelque occafion que ce
fuft, i^ n'attenteroit rien au préjudice de fon frè-
re, ny de fes fuccefleurs, fur le pais & conté
de Flandre. Ce que ledift' Robert promît, & par
ferment folénnel accorda & confirma, çncores
que depuis il ne tint aucune chofe de fondift fer-
ment, félon que voire:ç en pourfuyvant ceftç Wf-
toîre. Or le conte Baudouyn, après avoir mis
tel ordre en fes affaires particuliers , fe mît en
chemin, & s'e'ftant depuis jbînft avçc le duc
Cuiljaun^e, fon beau-fils, pafferent énfemble au
Mlr, cod.
Aniat. piar,
c 56/
Ça) Flomt, ;
;o(^5/ Baudoin qui touchoit déjà au terme de fa vie fie qui
^toij rçtenu par la furvcillance qu'il deyoiç au jeune roî
^ont il étoit le tuteur , ne pouvoit ^ccpmpagner Guil-
J^me. IJ fe borna k l'aider de fecour^. puiifans. L'annéç
de rinvaHon du bâtard fon gendre , Baudoin, étoit à Lillç
pvec fon pupUle royal, comme le prouve le diplôme 4?
U dotation du cliajJitre dp Su Picrrf çte i:ei|:e yttlc,
ou DE LILLE. 249
royaume d'Angleterre, où ils eurent plufieurs
âures & dangereufes rencontres» Et néantmoins
hàiâ Guillaume occift finablement en camp de „ •.
bataille ledift Herold (/i), ufurpateur dUceluy nfuVjSur*
royaume, mettant en diîfaroy & defconfiture Çii) àa ro^u-
tous re3 confédérez & adhérents. Exploitant au Jcww?"
furplus moyennant Tayde & fiipport du conte ocds.
de Flandre, tellement qu'il demeura paifible du-
dîft royaume, dont il fut couronné roy en l'an mil L*« î^r-
foLxante-fept. Depuis le<{uel temps la coiu'onne
d'Angleterre a tous jours jufqu^s i préfent demeuré
en la lignée de 4:e duc Guillmime de Normandie (5) ;
lequel en recognoiOance du grand bien , que par
le moyen, du conte de Flandre & des Flamens,
C^) NafaUc (*> Défaite.
(5) La ligne mafculine de GuiUaume s^éteignit dans la
l>erfonnc de Henri I.., le quatrième de fes fils & le troi-
fième roi de fa famille, Tan 1135* » foixame-neuf ans après
la conquête. Robert, fils aîné da conquérant» n*eut qu'un
fils qui fut tué ^rès d^Aloft. lUchard» le Cecond fils, fut
toé- à la chaife faa« Uifler d'çnfans. GuiUaumç , le troifiè-
ipe fils, fuçcçfleur immédiat de fon père , mourut auiO
fans enfans. Henri I. eut un fils ; mais il périt fur mer.
Etienne, quatrième roi de la race normande, monta fur
le trône du droit de fa mère Adèle, époufe d*£tienne de
Blois & quatrième fille du conquérant. Henri IL, dn-
goième roi, parvint k la couronne du droit de rin^>éra-
trice JVJathilde , fiUe de Hepri I. , qui avoit époufé , en
fécondes ndces, GeoflTroi de Plantagenct , duc d'Anjou. Il
n'eft plus queftion dans l*hiftoire d'une branche mafculine
de Guilhume premier. ^ Voyez SmoUeit & tous lès hifto»
riens aagloîs à l'année 1135. ) Mais la ligne féminine a
confervé le trdne dans la famille de GuiUaume 4 & ce n'eft
qu'en vert^ de fa ^efçen^ance de ce conquérant que la
niaifon de Brpnfwich règne aujourd'hui en Angleterre.
(Voyez les commentaires de Blachftone, chap. 3. du pre-
TOtet KvTC, où l'auteur préfente un tableau de la fucçef»
iïpa à la, couronne d'Agleierrc, depuis l'an Zoo. jnfqu'l
J» f^mjJJe replante ^.-
Le roy
4*Anglctcr-
rc donne
tfoi» cents
marcs d'ar^t
gent de
pcoHoq pâc
an.auxcon-'
tes de Flan-,
dre , fur le
royaume
dtidia ASki
glctcrrc.
pedc en la
ville de
Gand.
Sainte Ma-
chairc a
Gand.
Prodige en
Flandi'e.'
a50\BAUD0m CINQUIEME,
qui Taccompagnerenr en ladîfte conquefte, il
avoit rèç€u, donna au fufdîa Baudouyn & à fe$
fucéeffeurs tontes de Flandre, & éternellement,
& par forme de penfion , trois centz marcs d'ar-
gent par an, pour le faift de laquelle yllîrent
depuis plufieurs débats entre les contes dp Flan-
dre, comme vous fera déclaré cy-après.
C k A P ï T R E XL I II.
De la grande pefte quUu temps du conte Baudouyn
régna en la ville de Gand^ d'ahfuns monafièret
& églifes'par luy édifiées^ & d* autres particu-
■ tarifez , enfemble du trépas dudiô conte Baudouyn^
JE treuve par aucunes vieilles & authentiques
chroniques de Flandre qu'au temps du .conte
Kaudouyn le Débonnaire, régna en la ville de
Gand une peftilepce tant înfeâée 6^ mervéilleufe ,
q^([{;.iWQun;pyenttous les joi^rs plu^ de fix cents
penfonnes , de forte qu'on n'avoît jamais- aupar
ravant veu ny ouy parler d'une telle -mortalité
audift païs de Flandre; laquelle néantrtoîns,' par
la volunté & grâce divine, & moyennant; la fainc-
te prière & humble intercçjflîon' de ' monfieur
fain^ Machaire, qui lors refloit «udiA Gand,
ceffa-& s^efvanouit aflez tofti Au temps du met
me conte, fî comme en l'an milcincquante-fept,
advint une autre chpfe bien _4idmirable, en un
Village, guerres diftant de là ville de Tournay:^
près lequel s'affembla une ^njiultitud^ de coulcu»
vrcs en nombre quafi innumérable, lefqUelles fe
féparereut en deux- parties, en forme tlè deux
batailles, lés unes deçà, les autres de là.. Puis fc
coururent fus 'les unes aux autres,, & fe combat
tirent & entretuerent» de forte que l'une des par-
ties fe voyoit à veuc d'œil îÉfoiblir, & lors cel-
les qui reftoyent, s'allèrent cachçr au çreus*d'up
f , ^
ou
DE LIL,LË.
^Sf
arbre dedans terre, demeurant l'autre partie ail
camp ; laquelle en figne de vîftôîre, fiffloit &
flïenoit tant grand bririt que merveilles, conti-
nuants telles finfarres, jufques à ce'qu^on ap-
porta force bois & paille , ausquels on mit le feu ,
& par td moyen ieiiôs furent > toutes bruflées;
Dont un chafcun fut affez eftoàné^ interprétant
ceanyftèrediverfement, &felon qu*en chofefetn*
t>laWe un populaire ^eft accouftumé de faire (i)i
Cependant le conte Baudouyii , lequel en riens ne
cédoit à la Tertueufe -înclhiation & dévotion de
fes très-renommée prédécefféurs ,' fift eflever -par-
tie des muraiHes de là ville de Lille, laquelle il
munit de portes & foffés , & fit faire audift Lil-
le une plfltte màifon , qui "pour le jourd'huy fe
nomme la falk(2): il yfondafemblabfementréglîfe
colléjgiale de'fainft Pierre qu'il enrichit de plu-
fîeurs grands bîeps, & dpua de divers beaus
CO Crevât ,Jud(CU3, /fpilla,, Att icftç,. Pudcgherft n'eft
pas le feul qiii raconte ,^e bomie foi cette finguHèro
Ç>jjhéomachre.
(ji) Les foîns que donna Çaudoin à Faggrandiflement de
Lille , l'afltaion -fingulière qu'il femble avoir portée S
cette «ville & qui lui en mérita le fu^otn ', doivent le*
faire regorder comme le premier aute^ de ^Ifi . grandcuft
à laquelle elle eft parvenue dans la fuitQj. L-'hiCfcorien mon
derne de cette capitale de Ia Flandre françôife , M. Tabbé
M. ***, réduit cependant à bien peu de chofes & le^
fort!ificatio(is & le palais que Baudoin y fit bâtir. Maiy
félon l'auteur des obfervations critiques fur l'ouvrage de
M. Lr. M. * * * „' Ce palais ne fe bomoit point à l'efpacc
^de terrein qui fe trouve aékuellement eptre le cimetière
„ de St^ Pierre & l'hôpital Comtefle , comme le prétend
^.M. L. M. ***. Cct.efpqce de terrein ne contenoit que
^ la . faTle de Juftice ,^ connue depuis fouç le nom de la fallc
„ de Lille Rien rt'cmpéché donc que Baudoin de
„ Lille n'eût d'ailleurs aflfcz de bàtimcns , pour s'y loger
„ avec fon pupille Philippe L , roi* de France , & les
„ principaux Officiers de fa touronne. „
La ville d9
Lille mu-
rée & .for-
tifiée par
le conte
Baudou^TX.
La falle de
«Mlle.
L'églife
S. Pierre à
Lille fon-
dée par le
conte Bau-
douyn.
Hiftoire de
Lille, p.51.
Hère de
^.Stulveor
à Eenbam.
1/e cotte
de Flandre
«rdiea
a*£enbiiii«
Le mofuu
Oèrc de
Meflinei
fondé p9X
mAd«me
Adèle 4e
France,
femme du
conte Bau-
douyn.
•5ft BAUDOIN CINQUIEME,
droits & privilèges dont font lettres en date de
Tan mil foixante fix* Il fonda parelUenient avec
madame Adelis de France fa femme , Téglife &
monaftère de &inâ Saulveur à Eenbam près d* Au*
denarde^ & leur donna le vieil chaftel félon qu*ett
foulôit jouir le conte Hertmn avec les eauës,
tolzt & ^Mites les autres apperjtenancfes 9 corn*
me de tout peut plus à plain apparoir par fea
lettres datées en Tan mil foixante-trois : dont
néantmoins par autres fes lettres de Tan foixante-»
quatre , il rdferve à foy & fes fucctflfeurs contes
de Flandre , la garde , proteAion & deffenfe.
D'autre codé, madame Adèle de France fa fem-
me y fonda rdgUfe & monaftère deMclïïnes, au*
quel elle coUocqua des nobles femmes 9 religieu-
fes de Tordre de fainifl Benoift^ & dota grande-
ment lediA monaftère. Outre lequel^ elle fonda
aufll iiucunes prébendes de chanoines < en TégUle
d'Harlcbecquc. Hz firent fcmbiablcmcnt plufieurs
grands biens à Téglife & monaftère de fainâ
Pierre à Gand par leurs lettres de Van trente-
fept. Et fuft ledift conte préfent en ladifte ville
de Gand 9 avec grand nombre de princes & fci-
gneurs, à la dédication de Vé^UCc de faioA Ba-
von 9 qui fut faiéte parBaudouyn, évefque de
Noyon (5) : enfemble à la tranflation que fit le
mefme évefque dt| glorieux corps de monlieur
fainft Machalre, Il fe trouva pareillement en per-
fonne, accompagné de plufieurs nobles & pré*
Mcyer. an.
1067.
rhron. D.
Bav. an*
(3) ^^ feptimum Idut Mail , dâdtça^um Caudavi fiovum
templum D, Bavonîs ab Batdnhto Novhmagcnp fif Uetf
hcrto Cameracenp epifcoph. La vîllc de Gand «•accrotflbft
rapidement, pulfqnc cinq an* aprôn, on y dédia uncau»e
églift parollflalc ; EecUfla farochialh fn raflro gandenfi qwt
vulgariter nomlnatur Eccïefia fanSIl Chrifll , Jîve ChriJIi
Xerka» écdtcata h honçn fan^a CrucU/anUl BavonJu
év DB LtLLE^
•5f
lats^» à Télévaticm qui Te fit, du premier abbé de
fainA Pierre & fainél Bavon, nommé Floèerfiês:
ce que a<lvint en Tan mil quarante-neuf, feloa
que difent ceux dudiA fainâ Pierre : lefquels en
célèbrent la fefte le douziefme de May, comme
d'un confeflèur, encores que ceux dudiâ fain&
Bavon maintiennent que Flobert leur premier
abbé foit enterré en leur monaftère, & qu'il ne
fuft jamais canonizé , mefmes qu'en figne de ce
ils chantent pour luy le merme jour la mefle de
requiem. Or , le conte Baudouyn après avoir
héroicquement & vertueufement gouverné le pals
de Flandre, trépafla en l'an mil foixante-fept(4),
& fuyvant l'ordonnance laiffée par fon teftament,
fuft enterré en la ville de Lille, en l'églife de
fainA Pierre, au milieu du chœur, foubs une
lame, & eft (on épitaphe tel:
Humano genert parea non parcith unquam
Mortis ad interitum fed trahitss mi/hrum^
Non vir non muUer^ non ullus denique fexut^
Fèftris è manibus , liber abire poteft.
Floberr^
premier tb-
bédeftinâ
Pierre kz
GtatL
L*in lo^.
Décès dff
Baudoayn,
didle Dé-
bonnaice*
EpittplM
dtt conte
Bâttdouya»
did leDd-
boBuaiie.
(4) Le I. Septembre. Philippus .... tutorem aeeepU
Baîiuinum probum fana virum ^ Jufii tenacem qui ufquê
gd intiiUgibiîem atafim eum bénigne fovif » rcgnum gnsvitir
Mdminifiravit , rebelies 9 inquictos virgd direSionis cor^
TêKit. L'abbé Velly fait de ce prince un éloge d'autant plus
beau qu'il parolt mérité, „ Baudoin , dit-il , prince fage
9 ôc en grande réputation de valeur & de fermeté , fut
^ régent du royanme fous le nom de marquis de France.
„ L'événement juftifia la fageflë de ce choix. Baudoin rem-
M pUt cette place avec didinâion , n'oublia rien pourTéduk
^ cation de fon pupille , & gouverna fon royaume avec
^ beaucoup de prudence .... C*étoit un prince d'une
M rare probité & d%ine équité inflexible.», On lit encore
fur fon tombeau l'épitaphe Aiivante: CM gift très baus.
irès noblefy fiT trèi puifanf princes B(iu4cwins li Dcbonnat*
U% t i(tdii contes de Flandre H onzimes « qui fondu ceJU
égiizc âr tre/paja in r$n de grajfes mil LÔ^U^
Ftagin. de
l*hiik.deFr.
dans Du-
chefne»
t. 4* P* ^*
Hill.deFr.
cn-p 385-
âC40i.édit*.
de 176a*
^S4 BAUDOIN CINQUIEME i
ros mJlrMtn comitem rapuijih nçmine clarum ,
Et génère y & vita^ tnoribus eximiumi
Noflis quem queruîâ ^ parc<z ^ tam voce quereler^
Âut qualem plango vos rapuijfe virumé
i^^mpe pium comitem Flandrenfem Bafduduinum ,
Infulanm & hic^ efi vocitatus homo.
Dux tuus ille fuit^ ô Flandria ^ feptimu$ oUm^
Barhate ac gnatm Balduduine tuus.
Vir fortis , prudens fuper omnes , atque modeftus y
A£tibus in cunStis exfiitit ifte fuis.
Infulenfe opidum cum caftris fundat ibidem ,
Ecclefiam adificans 9 6 Petre fan^e^ tuam.
Quam magnis etiam prabendis conftabilivit ^
Hic ipfumque d*Eenham cœnobium ftatuit.
Hujus Adela fuit conjunx ea nobîHs 9 atque
Roberti régis fi/ia Francigenûm.
Qua Balduinum Montenfemyfrifonemque Robert umi
Pofteà Flandrenfes hinc peperit comités.
MachtiUem quoque quam dux Normanus Guilelmut
Rexque AngJus cepit conjugio fociam.
tiiCidemism nofier Balduinus Francigenarum
Régis direStor , tempora multa fuit.
Philippi fua quem vetuit regnare juventus ,
Hic pater , ergo tibi^ Francia , fidus erat.
Poflquam terdpnos , ^ très regnajfet in annos ,
Extuïerat patriam^ qui probitate fua^
Circà annos Domini mil fexagintaque feptem
Corpus deferuit fpiritus egrediens.
infulana iftum comitem gens confepelivit.
In Pétri ipfâ quam ftruxerat ecclefiâ.
Ce qu'en rimç franc orse fe peut ^ranflater cri
celle forte:
Fatales fœurs qui jamais ne ceffez^
De virer (a) lefufeau mortel de vie humaine^
Çt qui fans ejpagner .créature mondaine 9
Foz cruautez fur chafcun exercez;
^(a) Tourner. '
ou DE L I L L eV asi
Noflre bon conte ofté vous nous avez^
Lequel fut en fon temps de grande renommée
De très-noble mat fon , de vie bien réglée »
De bonnes mœurs. Au refte vous fçavez
Qui je regret f g? pf^^^ '9^i d'une voix
Tant plantîfv^ (a) Çf dolent'* ores je me tourmente*
Vous n* ignorez combien cejluy que je lamente j,
Homme excellent .eftoit preus Êf courtois.
(Tejl Baudouyn de qui j^entendz parler ^
Des Flamens le grand conV ^ auquel fon exemplaire
Vie^ toji moyenna (F) le nom de Débonnaire^
Autrement di& de Lille: déclarer
Duquel les faiBs je veus préfentement.
n fut des tris-vaillants Flamens conte feptiefmcj
De Baudouyn Barbu cher fils & légitime ^
En tous fes faiâs & diâs modeftement
Gouverné s^ a tous jours ^ & fut vaillant^
Prudent^ fage^ difcret ^ fîf de grand" entreprinfe^
En la ville de Lille il a la pierre mife^
Première des murailles; & ardant
Au fervice divin , au mefme lieu
Un* églife fonda fuperV Q manifique^
Qu*àfainà Pierre voua, de Pordr* apofloftque
Chef excellent. Et pour r honneur de Dieu.
Doua ladiS* ig^if^ àe plujieurs ■
Prébendes , & depuis fit ériger Q^ faire
Le très-dévot dEenham ^ riche monajière.
Au lieu du viel chaftel, qu*ilfit tout leur Çc)^
Une dame bien nobt & de grand nom ,
H print pour fon efpous* & chère compaignie,
La fille de Robert roy de France jolye.
Ce fut madam* Adle dont le renom
Bruit encor* aujourd^huy , comme fon voit
Laquelle peu après au grand conte de Fiante
(a^ Plaint hc (c) Qu*il leur , à^nnà tcaS
(yi MérUa. iniUr.
LidotMltt*
tlOA pomf
kUamê,
Ltdottifié-
dra |^«nd
Vidttittf dêê
mainf du
tandrt*
h56 BAnDOIi^ CI>lQUtEMÉ;,
/)^«a; bMUifils engendra^ qulfunntfam efclandH(ji)
Corttet dcpult 9 dut filament l$$ cortolt :
Dont le premier t^appelMt Baudouyn
Peu apris fUrnommi le Montoh: le deuziefme
Fuji Robert le Frifon de cceur j^rand^ 6? extrême
En valllantls' , & d'un efprlt divin.
Eir euftauffl pour fille la Mihault^
Qulfuft excellement par mariage unie
A Guillaume gentil ^^ duc de la Normandie^
Depuhrôy des Angl'olt puljfant & hault.
Or noftre Baudouin J ut fort long temps
De Phlllppes (^ Henry gouverneur roys de France.
, Et fuperlntendent de toute la chevance Qi)
Dupais des François triS' opulent s.
Lesquels II gouverna càmme loyal
Prince^ & tris-vertueux jufques à ce que Paage
Plus grand leur eufl acquis Un cerveau ftabr ^ fage.
Mais peu après le cruel foNf fatal ^
Environ r an mil Qf folxantC'fept ^
A ravy d'entre nous le prudent Qf fisbllme
E/prlt de Baudouyn pleut & magnanime f
Hors du corps dUceluy tris-chafi* ^ net.
Qjte deux de LUI' en mémoire de l'heur
Repeu par ce bon prlnc\ ont enterré falns falnte ^
Dansl'égllfedudlltfalnEtPlérr'^ampr&fainete,
Qu'il avolt faietfondet^ d'un dévot coeUr.
Peu V9tk% U trdpa* dudift conte Baudouyii
appel W le Débonnaire, au de Lille, madame Adè-
le fa &mme^ laquelle avoie comme ey-^eiFuii avon;i
déclaré, fondé le monaftère de Mdllnc»^ fc fit
par grande déwtlon porter dan» Une lléliàrc en
la ville de Rome , où elle reçcut en trèf-grande
révérence la bénédiékion du pape Alexandre, qui
Ion préfidoit, & prlnt de» maini dudiél Alexandre
en
U) Infuitê eu accident f^shtux, Q) Biens , f^lfellofts»
ou DE L I L L £♦
^Sf
en merveilleufe humilité Thabit de viduité, & re-
tourna en Flandre, fe retirant audift cloiftre de
Meflines, où elle acheva le demeurant de fa vie
en grande auftérité & pénitence (5) : Ceftc prin-»
cefle fuft autant veriueufe & bien conditionée
qu'autre dont on ouyt oncques parler. Et pour
autant qu'eu fon épitaphe.ed aflex amplement;
parlé de fes vertus & bonnes conditioos, je me
déporteray (à) de m*eflargir davantage en ce pro*.
pos: feulement vous advertiray que finablement
elle trépaflfa en Tan mil feptante-un (6) audiâ
monaftère de MeflineSy où elle fuft ent^rr^e, Se
eft fon épitaphe tel:
ffic jacet m tumbJ Ftancorum régis AJela
J**ilia Robersi ^ nobi/ita/is hovos.
Ifla pu comitis BalJuini erat mclïta conjunx:
Septima Flandrenfis qu^ comittjfa fuit*
Hdtc quoque normafutt virtutum ^ régula rit a:
yuftitiam docuit moribus ifia fuis.
Omnibus exhibuit fe mitem^paàs arnica^
Candida vita ejus omnibus efi f^ecular^
Porrb fuis mujts nec pojfet do&us Homerus
Dictte quant fuerit rtligiofa Dco.
Trépas d^
mtdame
Adèle de
France,
douagière
4e Flandre,
Epitspb^
de UdiâQ
dame.
Louanges
de hdiéte
princeflet
Ctf) DilpinfcraL
(5) jffbâlm^ tûfttù marito fed non divitlh difoîata. . , .
apuil Meffinas fitnSimonalwm ficminarum conftruxit cûtno^
bium & in UStcd duobus equis-portahili ^ proptcr ventos 9
fruvi4fs dêcenter c^ncamtratd^ usque Romam^ apojhhrum
& aliorum fanBorum patrocinia rtquljhfit: 9f à d»wuno
pttpd (^Alcxandro II. ) ^sfU viduitatiê^ h^Htdi&i^equé per*
ceptà^ Fiandrias repctiit & apud Mepmai^ novifimd tubd
cxcitanda , in pace Cbrifti ohdcrmivit.
(6^ NouveUe çrreur chronologique. Adèle mourut l'an
mil foixante de dix-neitf. (Voyez an ReeueU des hi(i. de
Fr. t. II. p. 460, note h, Moytr. Bu^LFlandr. gâner.p. i$i
rotp d. ficc. ^
V
Flandr. ge-
ncf . ç. rj,
^ Louange
de la doua*
gière de
Flandre.
asS BAUDOIN ^ClNQUIEMÏf^
Muhumjejunans , Chrifium que fréquenter adorant ^
Inftitit ^ prectbus ^ hac tua fer va , Deui^
Cœnobium Mefina conflruxit virginis aima 9.
Sacris vîrginîbus canonicisque vtris.
Hac viduata viro façra liminaVtfitat urbis y ,
Feftit ubi fummus vefiibus hanc vidua ,
Preful Romanus , à quo benedi&a recèdem
Ad Mefinas rediit diâa Des famulaz
Egit ubi reliqua préfentis tempora viti ,
Oppertens Chrifium gui vocitaret eam.
Si feptuagefimo primo anno millia junges ,
Invenies tempus^ quo redit ad Dominum.
Hac vejies Mefînas fed corpus ditat humandumr
Quodjacet in templo ^ Virgo Maria ^ tuo.
Ce qu'en françoîs fignifie:-
La fille cy-deffoubs gijl du grand roy françois^
Mad^m* Adèle qui fut d'honnefieté la perle ^
Laqueir en fon temps fut de^ Baudouyn courtois
Et Débonnaire ^ femrn* ^ vertueufe & belle.
Conte fs'* eW a régné feptiefme des Flamens,
Bonn* efpac" ^ ^ donné par fa vie exemplaire
A celles de fon temps des beaux enfeignements ,
Pour en faiâs ^ en diSts au Dieu fouverain plaire.
Elle fut dejufîic^ amye^ ^ en fes mœurs ,
Douf:e , traiStabV , honneft* , ^ grav" Çf amiable:
Se portant de vertu , comme un miroir très-feur
Se monfiroit vers chafcun gracieus^ & a fable.
Au refte nefçauroit le do6t* Homer\ ^ grand, ,
Par fafubtile mufe^ ^ plume bien difante,
Affez vous exprimer le defîr très-ardent ,
Duquel tousjours brufloit cefle dame plaifante ,
Fers r amour Q^ honneur & fervice divin.
Elle continuoit enjeufn* ^ abfiinence^
Adoroit le Seigneur^ ne povant mettre fin
Aux humbles oraifons qu'elle fondoit fans çejfe.
du DE LILLE: 1259
i>ë MeJlînes le cîotflre & dévot\ (^ très-famSt ^
Elle fit confacrer à la fTterge très-pure ^^
Et mît dans iceltiy des pucelles , ajfin
Qj4e Dieu y fût fervy , de fincérité pure.
Bjlant vefve depuis , eW alla vijiter
De Rome, le fain6t lieu , (^ la cité notable , , ^
Oli le père très-fainSt la veflït fans tarder
Des facrez veflèments de yefveté (a) louable; ' : '
Dupap^ ayant receu la bénédi&ion^
Fers BîeJJînes retint en toute diligence^
Où jufques au mourir en grande dévotion
Elle vefcut ^ ^ en falutair'* abjlinençe» .
Attendant prudemment le temps auquel plairoîi
Au fouverain Seigneur r appel 1er en fa gloire^
Sifeptant'* ^ un ans 4 nùlP on adjouftoit ^
On trouverait le (emps , auquel ce péremptoire (jb^
exemple de vertu ^ ae ce monde paffa . .,
Vame rendant au Dieu^ qui Pavoit racheptée * ^.
A MeJJtnes le corps , que lors illec laijfa
En réglife enterré de la Fierge facrée*
CHAPITRE X t I V.
Comment la contejje Richildefit en faveur de Bau-^
douyn de Mons renoncer fes enfans du premier
liSt à la conté deHainault ,• laquelle depuis a tous^
jours jufques à ce temps fuccé dé aux enfans dç
Flandre <^ ^ des vertus Êf bonnes conditions du^
di& iBaudouyn de Monté
Tl Audouyn de Mons , autretnent appelle lé Bon , Baudouya
1j fuccéda au gouvernement de Flandre à Baù- 4e Mons ,
douyn le Débonnaire fon père en Tap mil foixan- appeUé là
te-fept. Il acqùift le furnom de Mons, pour au- ^^*
tant qu'avalif eftre conte de Flandjje il fut feK
gneur jje Mons ,en Haînault. Il euft à femme
( félon que cy-.'deflus avons déclaré) madame Ri-
i^a) Fîduité^ veuvage. Çb) Décifif, auquel il faut c44it%
Des enfai^s
dudiâ Bau-
douyn.
La contcfle
Richilde
faia en fa-
veur du
conte Bau-
douyn, fou
mary, re-
noncer les
cnfans de
fon pre-
mier ma-
riage k la
coaté de
ll^inault.
260 B A U D O I N SIXIEME,
childe, fille de Renier, dift le troizîefme conte
de Hainault (i), & vefve de Herrnnn , cônte d'Ar-
denne, de laquelle vindrent Ernould le Simple,
qui luy fuccéda, & Baiidouyn depuis conte de
Hainault, Je treuve par les chronicques que la
contefle Richilde ayma tellement le conte Bau-
douyn de Mohs fon mary, qu'en fa faveur, &
pour advancer , lefdifts deux enfans qu'elle avoit
eu de luy, elle fit afUk deux autres enfans qu'el-
le avoit eu de fon premier mary, renoncer à la-
dite conté de Hainault, enfemble à toutes autres
fucceflîons que leur pourroyent efcheoîr, tant
paternèles que maternèles , le tout au proufiit des-
ài&z deux enfans du conte Baudouyn & d'elle,
& affin que ladifte renonciation ne réyflît (tf) par
fuccelTion de temps frivole , & que pour le faift
d'icelle ne fourdîflent (i) à l'advenîr aucuns dé-
bats, elle trouva pratique de faire fon fils,
qu'elle avoit de fondift premier mary, dvefque
de Châlons , & pour le tant mieux contenter luy
mit es mains une bien notable fomme de deniers,
faifant d'autre codé, une fienne fille qu'elle avoit
du fufdift premier mary, relîgieufe (a) : je ne fçay
Flandr. gê-
ner.. De
Guife, Gil-
bert, Mi-
yaeus » &c.
Butkent 9
1. a. c. n.
(/?) Ne devint. (b") Ne naquirent.
(1) Le père de Richilde eft le cinquième des comtes de
Haynaut qui ait porté ce nom. Quant ^ fon premier époux
qu'Oudeghcrft dit être de la famlUe d'Ardennes , fon origine
paroît fort incertaine. La plftpart deihiftoricns lui donnent
une origine Tiiaringienne ou Saxone.
C2) Richilde n*aimoit pas Hermin fon premier époux, &
fon indifférence s'étoit étendue jusques fur les enfans qu*el.
le en avoit eus. Selon de Guife , elle leur avoit infplré
dès l'enfance le goût de la vie religkufc. Il paroît que
Rogîcr fon fils étoit disgracia de la nature., tam à Tégard
des facultés do corps qu'à Tégard dc celles de l'efprit.
^ Rogier eftoit boiteux , & didon que fa mère le fit re-
„ noncer au droit de fuccefllon qu'il avoit à la comté de
„ Hainault en faveur des enfans de fon fécond m«riagc. Il
H fut d^églifc & devint évéque de Chllon*^ ( fur Marne)
^ félon d*antrei de Laon.
eu DE MONS.
df(t
toutesfoîs en quel monaftère elle fiift colloqu^e
& par ce moyen ladiAe conté de Hainault vint de-
puis furies enfans de Flandre, qui la poifôdent
- encore pour le jourd*huy* Ledift conte Baudouyn
ne vefquit guerres de temps après fon advène-
ment en la conté de Flandre. Et néantmoins gou-
verna ledift pais, avec ceftuy de Hainault, en
paix, union, police & juftice fy grande, que du-
rant fon goux^mement, n'eiloit à perfbnne, pour
crainte des larrons, néceflaire de fermer leurs
portes ou maifons & beaucoup moins de porter
aucunes armures défenfives ny invafives (a) , ny
mefmes de faire le guet, ny autres cbofes fem-
blables, qu'auparavant pour bonne (*) & fiable
paix qu'il y euft au païs , Ton avoit accouftumé
faire- Au moyen de quoy il mérita d'efbre appel-
lé Baudouyn le Bon: Voîres d'autant plus que
fur toutes chofes il avoit tousjours la crainte de
pieu devant fes yeux , qu'efloit la caufe que ja-
mais il ne commençoît rien que préalljiblement il
31 'euft invoqué fon nom très-fainft. Il hantoit
merveilleufement volontiers les églifes, &nepaP-
foit jour qu'il ne fréquentaft avec tout refpeft
& diligence le fervicc divin , fy ax-ant toutesfois
que (c) les affaires plus urgents de fon dommaine
le luy permettoyent. Car il fçavoit que mefmes
en l'expédition d'îceux , il faifoit œuvre méritoî*
re & très-agréaWe à Dieu. Il s'accouftuma dès
fa jeuneffe d'eftre traictable, courtois & affable
vers un chafcun , & néantmoins il fe rendoît fo-
in Hier à peu de gens, encores qu'à l'endroit de
tous en général il fe monftraft juftc, droiélurier,
& raîfonnable: il eftoit fobre au menger & au '
boire, fuiant le vin comme venin. Car il confi-
déroit qu'il n'y avoit chofc plus déteftable &
La coQti
deHainaok
fur les ea>
fans de
Flandre,
Quilapotfé-
dcot enco-
res pooT le
jourd'huy.
Grande
tranquillité
au piiS de
Flandre du-
rant le gon-
vernemenc
de Bau-
douyn de
Mousn.
Pourquoi
ce Bau-
douyn fut
appelle le
Bon.
Le de\T>ir
vers Dieu
du conte
Baudouya.
Les vert»
& bonnes
conditions
du cvnte
Baudou^-a.
(ff) Ofenfxvts.
(r) Pourvu touufm qus^
L^ivrôgne-
He indigne
de tout
^rincci
Libéralité
|k injuftice
he peuvent
pnfemble
fubfifter.
^(52 B A U D O I N SIXIEME^
mal fénnte à un prince , que la beftiale ivrongn©^
rie. Il s'accouftroit (a) tousjours fort honneftç-
pient, & d'une gravité convenable à un prince,
& non comme un jongheleur ou joueur de farces.
Il eftoit de peu de propos, mais ce qu'il difoit,
avoit lieu. Il eftoit exercité aux langues -fran-
çoife, flamenghe, «Se latine, & parloit tousjours
luy-mefme donnant bonne audience à fes vaflaux,
fans qu'à ces fins il ^'aydaft d'aucun interprète:
il ufoit tousjours de confcil, ne commençant
jamais chofc d^aucune importance de fa feule tef-
te. Il défeftimoit grandement tous follaftres,
truants (^), flatteurs & telles forte$ de gens,
pour a\itant que (félon que luy-mefmp -difoit &
avec très-juftc occafion) il ne trouvoit en eux
qu'abus & tromperie, ïl eftoit véritable en fes
' paroUeç, fe perfuadant qu'un homme fans foyfai-
foit à comparer à une befte brute. Il né promet-
toit jamais 4 perConne quelque chofe, fans gran-
de confidération ou raifon; mais il fourniflbit
tousjours à fa promeffe, & mefrae rexcédoit;il
.eftoit large & libéral; mais c'cftoi; avec telle dis-
crétion & modération que fa libéralité ne tour-
noit au dommage de perfonne, parce qu'il n'igno*
roit que libéralité & injuftice ne pouvoyent en-
femble confifter. Il eftoit lent & fort tardif à
entreprendre ou commencer quelque guerre, te-
nant continuellement bonne alliance & amitié
avecque fes voifms. Et s'il furvenoit aucun difr
férent,'il tafchoit de le pacifier par ambafladeurs ,
& cédoit trop plus volontiers de fon droiél, aur
tant que fon honneur pouvoir porter, que d'en-
treprendre une lourde & dangereufe guerre pour
petite occafion. Son principal paffertemps eftoit
le déduid de la chafle > & ceftuy de la fauconne-r
(«e) S'habtlhit,
0) J2ut mendie^ qui f (illicite^
ou DE MONS.
$63
fie. H eftoit afTez réfolu en fes exploits de juftî-
ce, fçafchant certainement que cil eftoit le fou-
verain moyen , pour maintenir & conferver fes
vaflaux & lubjefts en . paix , union , & tranquilli-
té. Non obftant quoy, il fçavoît pareillement
tien ufer de grâce, lorsque le cas luy fembloit
le pouvoir permettre, & félon Texîgence & qua-
lité des délifts. Il fit plufieurs belles ordonnan-
<!es fur lefaifl: de juftice, & entre autres voulut
& ordonna, que de là en avant les baillifs en
Plandre portaflent uile blanche , longue & droifte
verge, dénotant par ce, que la juftîce doit eftre
nette^ droiéle & aucunefois méfiée demlférîcor-
de (3). Brîef il gouverna de forte qu'il n'eft mé-
moire que le païs de Flandre fuft oncques fy
payfible, qu'il avoit eTfté en fon temps.
Pourquoy
les baillifs
en Flandre
portent une
blanche &
droictç
verge.
Cs) D n*eft pas certain que Baudoin de Mons foit l'in-
ilituteur de cette marque diiUnftive des grands baUlis de
Flandre. Meyerus fe conteste de dire que c'eft une opinion :
pcrtur auàor fuijfc alba virga ^uam Flandrià ttiamnum
gejlant pratorcs,
CHAPITREE XLV.
Comment le conte Baudouyn édifia fi? privilégia
la ville de Grantmont , fif d'aucuns monafières ,
en fon temps confirmas en Flandre^ avec au^
très fingularitezm
Durant le règne dudîô Baudouyn de Mons ,
appelle le Bon , fut fondée près la ville tle
Douay, l'iibbaye d'Anchin par un chevalier
nommé melîîre Arnould de Rubemont (i). Et
Ci) L'abbaye d'Anchin fituée à deux Ueiies de Douay,
dans une île formée par la Scarpe , fut fondée en 1079. &
par conféquent 9.. ans après la mon de Baudoin de Mons»
par Vautier & Sicher , deux riches feigneurs , qui y prirent
eux-mêmes l'habit religieux. Le terrein fur lequel ils con-
ftruifirent ce monaftère , appartenoit à un riche gcntUhomme
nommé Anfclme^de Ribemont qui , pour féconder leur picule
^ntreprife y le leur abandonna gratuitement.
Annal. FI.
an. 1067.
L*abb«ye
d'Anchin
fondée par
médire Ar-
nould de
Rubemont.
Mir. dipL
Bclg. c. 40.
L I.
Buzel. ann.
Flandriaî ,
p. ï86.
Lt mona-
ftère de
Haftïon
é^yriii par
yaudouyn
de Moni «
& la caufe
d'icclle
#dif)çatioo«
Les ()alaU
& parc de
Hefdinédi^
iftoz par
fiaudouyn
de Mons.
baudôuyil
JTondc la
ville de
Grantmoiw
qu*ll appil-
oue à foi)
domaine de
l'iandrc.
ft«4 BAUDOIN SIXIEME,
lediA Daudouya avec madame Ricbilde fa fem^
me, fifrent édifier le monaftère de Hafnon, au«
quel ils mifrent premièrement des Chanoinea
réguliers , & depuis au lieu 4'iceux y foubrogue*
rcnt des religieus de Tordre de faint Benoift (a),
La fondation duquel cloiftre, ou moins l'occafion
d'icelle, procéda (félon les anciens chronic-
queurs) d'une certaine révélation & advcrtiflc*
ment de monficur fainft Marcelin & fainfl: Pierre
martyres. Lcfqucis apparurent au conte Baudouyn
eftant lors grielvcment malade, qui fuyvant la-
dii^e admonition, requid le conte Baudouyn le
Débonnaire fon père, lequel n'eftoit lors encore
terminé, quMl luy pleuft luy donner le cbaftcau
de Haûion, pour y édifier (conformément à la
Volonté dcfdiéts fainflis) un monaftère; laquelle
requelle impétrée, ilfuft incontinent rcftitué en
fa première fanté. Au moyen de quoy il hafta
d'autant plus ledici: ouvrage. Il fiil fcmblable*
ment édifier en la ville de Hefdin un bien fump-
tueux & magnifique palais, avec un parc mer«
vcilleufement ample, oà il Confomma en peu de
temps une incroyable chevauche. Le mefme Bau^
douyn fonda pareillement la ville deGrantmortt,
qu'il appliqua à fon dommaine de Flandre, &
acheta bonne partie de la terre , fur laquelle le*
àiâ Gràntmont eft fitué d'un homme de grande
autborité, nommé Gherard, luy citant le furplus
(i) Baudoin & Richilde ne furent pa« jei fondtteura da
>nona(lérc d'Hafnon. Ce monaftére» fitu^ fur la Scarpcdani
k diotére d^Afraf , fut fondé vers le milieu du feptiéme
liècle par un gentilhomme nommé Jean fie par Eulalic ft
tœut. Le premier y condruiOc une retraite pour des reU*
^ieux âc la féconde une retraite pour des religieufes. Ces
deux monaddrcs ayant été quelque tems après détfuiu pH
tes Normands « on y mit des ctianoints réguliers « auxquels
BaudoiA de Mons fubflitua des religieux Bénédiâint Ha pour
lesquels il fit coniirnifc june )iouveUe églife»
ou DE M ON S.
a65
vendu par le feigneur de Bouliers» fi comme
Buflemont, Corteleke, enfemble les paftures, de-
puis le pont de BouUers jufques à Huneghem»
& depuis la rivière de Tenre jufques à la terre
Hahabale , & fit munir lediâ Grantmont de bons
murs, portes & foflTés, Sy appcUa ladifte ville
du nom du fufdift Gherard , Gherardmont, que
nous 4ifons maintenant en langage corrumpu,
Grantmont» Laquelle ville achevée, ledift Bau-
douyn fe tranfporta en Tan mil foixante-huift,
en un lieu ( duquel je ne treuve le nom) fur les
frontières de Flandre, Brabant, & Hainiiult,où
îl fit appcller aucuns des principaux barons, &
' feigneurs defdifts pais, par Tacivis & confeil def-
quels il donna aux habitants dudiâ: Grantmont
ordre , & manière de vivre , avec plufieurs privi-
lèges, lefquels iceux barons (comme voifins)
proraifrent & jurèrent entretenir, félon que du
tout manifeftement peut apparoir, par lettres
<iu*en forme de privilège le conte Baudouyn leur
en bailla, datées dudiét an mil foixante-huicl,
efquelles font contenus plufieurs eftranges arti-
cles, & entre autres le^ fubféqiients. Si cuis
tffiiim ticciderit^ vei meml?rum truncaverit ^ caput
pr$ tafiiej membrum pre membre ^ cmputetur;
nifi Jidefetidendo hoc fecerit. Item: Nemo cogatur
inire dueilum m fi fpontaneus , vel jmdicium fubhrt
ignrs veiaqua. Par où fe defeouvre, que lors Ton
contraindoit les gens à combat mortel, ou bien
d'eux purger, vuigari purgatione ^ qui eftoit celle
de Teauë ou du feu (3): ce que toutesfois eft pour
ûtn 1068»
Le conte
Baudouyn
prefcnpt à
ceux de
Gnmtnjont
ordre &
manière de
vivre &
leur donne
leurs pre-
miers pri-
vilèges*
D*aucun$
articles in-
fér<*s auf- ^
dits privi-
lèges.
(3) Cette Jurisprudence étoit depuis bien des fiècles & fdt
long-tems encore après celle de là plupart des nacions Euro^
prennes. L^épreuve du feu fur-tout remonte à la plus haute
antiquité. £Ue étoit en ufage chez les Grecs , & elle eft
-clairement énoncée dans VJntigoue de Sophocje , poète grec
l^ui vivoit près de 500. ans avant Tére chrétienne : Houi
3B0. t. i.
Edit. de
Capcronn,
%(iÇ, BAUDOIN SIXIEME,
Je préfent deffendu tant par droits humains que
divins. Et non fans caufe, car c'efl un juge-
ment incertain , & une manière de tempter Dieu,
Il y a en outre aufdicles lettres ceft article. Ldi^
eus pro querela clertci non débet citari coram decauB
yel eptfcopo de débit o^ vel paSto^-vel h<ereditate^
quam diu voluerit ftafejudicîo fcahinorum^ fed de
ht s qua pertinent ad jus ecclefîajlicum ficut de fide^
matrimanio^ vel ejuftnodi^ refpondere débet ecckfia.
ÎjrEfquelles lettres & en toutes autres je treuve
que ce Baudauyn s'a tousjours âttitulé : Balduh
étions prêts à hver avec les mains le fer ardent , à marr
^her à travers les feux , & à pren/re les dieux à témoins
de notre innocence ^c, Ceft ici roccafiou d'entrer dans
quelques détails fur les divers genres d'épreuves, parce
xiu'elles tiennent aux mœurs & 4 la légiflation xie ces liè-
ges encore un peu barbares.
1®. Il y a voit deux manières de fubir l'épreuve dû fer
chaud. La première étoit de faire marcher l'accufé fur des
focs de charrue rougis au feu. Ces focs étoient ordinaire-
ment au itombre de douze , & il falloit pofer les pieds
fur chacun d'eux. La fécondé manière étoit de porter un
fer rougi au feu plus ou moins, félon que les préfomp-
lions étoient plus ou moins fondées. Ce fer étoit ou un
gantelet dans lequel on inféroit les doigts, ou une barre
qu'il falloit foulever plufîcurs fois & porter à la longueur
de neuf pieds. On enveloppoit auffi-tôt la main de l'accufé.
Le juge & la partie, y appofoient leurs fceaux , & le troi-
fième jour , on e^aminoit les traces que le . feu y avoit
laiflees. Si la .main étoit intade , l'on étoit réputé inno-
cent ; fi elle ne l'étoit point , le crime paflbit pour con-
fiant , & l'accufé fubiflbit la peine ' qu'il méritoit. Cette
épreuve a pu donner lieu au proverbe : „ J'en mettrois la
„ iiiain au feu „ pour attefter une chofe dont on fc croit fur.
2^. L'épreuve de la communion étoit particulièrement
réfervce aux évéques &; aux prétresi accuf<îs de quelque
crime. On leur ordonnoît de célébrer la meife & dei dire
tout haut avant la communion : „ Que le corps du Seigneur
^ ipe ferve aujourd'hui d'épreuve. „
3"*. L'épreuve de la croix confiftoit à fe tenir debout de»
vant une croix , ou à tenir les bras étendus en fbrmç
X
ou DE M 6 N S.
sl6^
pUsper Dei clemehtïam princeps FlanJrîa. Et pour
autant que les François nous ont fouvent argué
& tafché reprendVe de ce mot , par la grâce de
Dieu^ fouftenants que nul n'en doit ufer au royau-
me que le roy feul, nous monftrerons au cha-
pitre fubféquent, que les contes de Flandre ont
quafi de tout temps tousjours ufé de ce tiltre , &
mefmes la raifon pourquoy, a\*ec autres préémî-^
îiences defdifts contes de Flandre , que les autres
pairs de France n'ont jamais eu ny ufé.
Que !e$
contes de
Flandre
ufent de
ce terinc.
Par la gra^
ce de Dieu»
de croix, & celui qui reftoit le plus long-tems immobile»
étoït jugé innocent. Toutes ces épreuves font fouvent ap-
pelfées là jugement de Dieu, Voyez Muratori dijfert, de ju-
diciis Dei. Antiq, ItaL vol. 3. p. 6 lû,
4**. L'épreuve de Teau froide confiftoit à lier les pieds &
les mains de ceux qui dévoient la fubir. On les jettoit
enfuite dans une cuve pleine d'eau , & ceux qui fuma-
geoient fans enfoncer , étoient réputés coupables , parce
jqu'on croyoit que l'eau purifiée par des exorcifmes & ne
pouvant fouffrir rien d'impur , reftdbit de les recevoir dans
fon fein, (On réputoit innocens ceiix qui alloient au fond
fie la cuve.
5^. L'épreuve de l'eau chaude étoit d'un ufage plus corn*
tnun que celle de l'eau froide. Quand l'eau bouiUoit, on
l'ôtoit du feu ; & celui qui préfidoit à ce jugement , fus-
pe^doit dans la chaudière une pierre à une profondeur
plus ou moins grande , félon la gravité du crime , & l'ac-
cufé la retiroit avec la main, qu'on lui enveloppoit auffi-
tôt. Le juge & la partie y appofoient leurs fceaux &c.
comme il eft dit ci-deflus.
6<>. ^'épreuve du ferment confiftoit à jurer fur l'évan-
gile, fur la croix ou fur les reliques des faints.
70. Le combat étoit d'un ufage fort commun. Les prêtres
& les femmes même y étoient foumjs , en foumiffant un
homme qui fe battît pour eux. Il étoit même permis aux
accufés de confier le foin de leur juftification à des braves
appelles champiom^ & qui fefoient profeflîon de fe battre
envers & conue tous. Le vaincu étoit ccnfé lé coupable.
Anecdotes
franc. Pa-
ris 1767.
Le conte
4e Flandre
• qnttre
fouveniiDf
officier* en
f« innifon
comme le
loy de
Fmnce.
I^g oflicei
de cbsnce-
lier, con*
neihble,
chambrier
& pinceme
«nFliiDdre.
{i68 BAUDOIN SIXIEME, '
CHAPITRE XLVI.
Comment les confes de Flandre ont p/u/feurs autko'
ritdz ô? prééminences en Flandrç , que les aU'
très pairs de France n*ont en leurs pair ries , &
de la raifon defdiStes prééminences ^ enfemble du
trefpas de Baudouyn de M on s,
POur fournir à ce qu*au chapftre précédent
avoni promis, touchant la fpécification d^au-
cuncô authoritez , & prééminences que les conte»
de Flandre ont plus grande ep leur pairrie , que
les autres pairs de France en leurs terres & fei-
gneurieSt devez entendre en premier Heu, que
le conte de Flandre a, ^ dès le coramenceinent
a eu en fa roaifon, tels quatre officiers fouve-
rains, appeliez minifteriales demùs^ qu'anclene-
ment le roy par e;ccellence avoit, & a mainte-
nant en la ftcnne, fi comme un chancelje/,
conneftablc, chambrier (^), & pincerna(*)! com-
me fe peut vcolr par plufieurs anciencs lettres,
& fignamment par ce que deptis, lefdifts quatre
officiers, ont efté par luy inféodez: fçavoir Tof-
fice de chancelier à la prévofté, de fainft Donas,
ceftuy de conneftablc au chaftclaln de Lille , ou
félon autres, au feigneur de Wlngles, cil de
chambrjer au feigneur d'Oudenbourg, que le
conte Louys diél de CrefTy racheta, & Toflicc
de pinceme (i) aux barons de Gavere, Davantage
(/z) Chambellan,
(^b) Echanfon,
(i) ÏI feroit peut-(ître difUclle » pour remplir la Ucuot
que laifle en cm endroit Oudeglicrft , de dire pofuivcmenc
8 quelle famille ou à quelle rei^neurie fut d*abord attacbée
la diî{nit(i dVchanfon des comtes de FJandre. Ce que nou»
pouvons dire de plus farisfaifant il cet é^ard , c'eft qu'elle
8 été anciennement pofll^dée par la famille des barons de
Gavre, comme le prouve un diplôme de Tan ii86. , dani
Icqlicl un dee fcigneurs de cette famille fait préfenc il«
ou DE M Ô N S.
â6j^
le conte de Flandre ^5 & dès le commencement
a eu la flngularité que la conté de Flandre n'eft
fubjeAe à aucun empenage (a); mais fuccède
auflfy bien fur filles que fur fils , & qu'ainfi foit ,
vous voirez par le difcours de cefte hiftoire,
que Flandre par cinc diverfes fois a fuccédé fur
filles. Le conte de Flandre a aufly , & dès le
commencement a eu la prééminence & autho-
rîté de faire & ftatuer toutes ordonnances & con-
ftitutions, fervants au bien&prouffit de fa conté,
& mefmès donner à icelles force & vigueur de
loy efcripte. Dont aflfez appert , par ce que tou-
tes les villes & chaftelenies de Flandre, ont de
tout temps efté, comme encore font, régies &
gouvernées par les kueres (Z^), (htuts & ordon-
nances des contes de Flandre , & non du roy ny
d'autre. Oultre ce le mefme conte a , & dès le
commencement a eu la jurifdiftion & puiflancc
de remettre & pardonner tous crimes, enfemble
de convertir le criminel en civil,, & de donner
& faire expédier par fa chancelerie toutes provi-
fions & de jufticp & de grâce , qu'un feigneii"
fouverain peut & eft accouftumé faire & donner^
voires de la mefme forte que le roy de France
fait en fon royaume. Le mefme conte de Flandre
Fkadre
n*cft folK
|eae à w^
cua empe-
nage.
Le conte
deFltndre
pcaccnfon
p«îs ftatuer
«mtes mft-
nâéresd*or«
Romances
&. leur don*
ner force
4e loy
efcriptf*
Le conte
peat en
foo pais
pardonner
tooi cri-
atts0Lconr
venir le
cfteiiiielea
dfiL
(tf) U/age eu loi qui excita les (^) LoiJc.
filles de iafuccêghn au trône.
la forêt de Sibinshomdt à Tabbaye de Niflove : Razo île Ga-
verd, divind ordinente providentid ^ comitts Flandria pin-
cerna &c. Un autre dipleme de Tan io6d. nft également
ligné par on Razon de Gavre\ ce qui prouve rancicnaeté
de cette maifon. Gavre Tune des cin^ anciennes baronnies
du comté d'Ak>{l> fut 'jadis polfédée par la maifon de La-
val , enfuite par celle de Luxembourg , puis par celle d'Eg-
mont. Aox quatre dignité^ héréditaires , dont parte ici notre
auteur , U faut joindre ceile de maître d'hètel pôffifdéc an-
ciennement par les feigneurs de Wavrin , qui étoicm au»
fîénéchaux de Flandre
Bfirldonflt.
Bel|. L a.
c 61. ^
diplom.
Bdg. L U
c. ^«
Le corne
jeUt en
îes pai>
4ojaner pri-
vilèges &
affranchir-
femens»
Le conte
6e Flandre
peut en fon
païs forger
monnoye
d'or & d'ar-
gent de tel
alloy qu'il
veut.
' Le conte
de Flandre
a tousjours
jugé par
arreft &
fans reflbrt
cntfes
chambres,
légale &des
fenengs.
cf7c/ B A U D O 1 N S t X I E M E ,'
a piareîUement , & dès le éommencement d etf
prééminetice & authorité dé donner privilèges y
afFranchiflements ,& liberrez,* tant aiix églîfes,
qu'aux villes & chaftelenîes (2) , félon que ma-
nifeftement fe treuve par les privilèges ctonnez
par les contes de Flandre de bien grande an-
chienneté , aux églîfes , villes , & chaftelenies du-
diél Flandre , dont les tréforyes de faint Amand ,•
faint Bertin , faint Pierre , faint Bavon & autres ,
femblablement les villes & chaftelenies d'Arras v
dé faint Orner, de Gand, Bruges, Yf)re, &^ au-
tres font, toutes* pleuies/ Sy a lediél conte, & de
tout temps a eu authorité & prééminence fingu-
Hère de forger en Flandre monnoye d '01^ & d'ar-i
gent de tel aloy & valeur, Qualité & quantité
que bon luy femblé, niefmeS de réduîré'& éva-
luer U ùionnoye du roy à'ia fichne: il a aufly
comme tousjours a eu la prééminence de jugef
en fes chambres, légale (a) & de renengs par ar-
reft & fans reflbit , enfémble d'avoir & lever ay-
des & fubfides par fes propres oftroys & qui-
tances. Le conte femblablement a de tout temps
eu, & a encores pour lepréfent, fa prééminence
de liberté & exemption , obftant laquelle le roy
ii^a jamais ufé en Flandrfe defa pkîfte fouverai*-^
neté, comme il a faiél es autres paîrrics. Car
fes ordonnances n*y ont lieu ny fes lettres de gra^
' ce Quelles qu'elles foyent , fes juges royaux n'y
ont jurifdiélion par prévention, ny autrement.
Les généraux impofts qui fe mettent fus au royau-
me, fi comme du dixiefme, vingtiefme, cinquan-
(/z) Foyezla fin duchap, 124.^ cette chanîbre. Voyez enoh
oUr auteur explique ce qu'^étott re te chap, 170.
(2) Les premiers comtes de Flandre ,ont joui fins doute'
du privilège que leur accorde ici Thiftorien , mais i titre'
defuzerains, les rois de France l'ont également exercé*
long-tcms encore après l'éreAion delà Flandre en comt^
héréditaire.
ou DE M O N S.
271
tiefme, à eeûtiefnïe ou autres ne sîextendent
point en Flandre , comme auffy ne font les réga-
les du roy. Finablement (pour venir à ce quy
nous a faift entret en ce propos), le conte de
Flandre a Tauthorité & prééminence d'ufer en
fon tiltre du mo^ : Par la grâce de Dieu , ce que
ne faift ny peut faire aucun autre en -France
(félon que les François mefmes tefmoingnent)^
Et pour monftrer que les contes de Flandre ont
povoir & aiithorîté d*en ufer, nous avons^desji
déclaré que le conte Baudouyn de Mons s*atti-
tuloit de telle forte (j). Robert le jeune fe nom-
moit par fes lettres , en cefte manière : Dei mife^
ricordtâ Flandrenfis Marchio. Philippe le premiers
Philippus , Dei gratid , cornes Flandrice Çf Firoman^
diée cornes. Semblablement Thiery d'EIfate fon
père. Theodoricus^ Dei gratid^ cornes Flandriée.
Baudouyn empereur de Conftantinople , Baldui-
nus 5 Dei gratid^ Flandrice & Hannonia cornes. Tho-
mas de Savoye. Thomat , Dei gratid^ Flandria &
Hannonia cornes. Louys de Maie en fes mon-
noyés (/?). Ludovicus^ Dei gratid ^cornes Ç^dominus
Flandria. Toutesfois affin de ne rien obmettre^
je treuve auffy que plufieurs contes & conteffes
de Flandre ont laiffé en leur tiltre , ledift terme
Dei gratid , pour la révérence peut-eftre qu'ils
avoyent aux roys de France de leur temps. Car
les conteffes Jehenne & Marguerite n'en uferent
point, tomme pareillement ne firent les contes
Guy, ny Robert fon fils,ny Louys de Creffy,
Lesregileff
de France
ne s'cxtcn-
dent en
Flandre.
Le conto^
peutufér
en fon tiltre
de ce terme
Par la gra"
ce de Dieu.
Ça^ Voyez le traité fur Thiftoi-
re monétaire des Pays-Bas
par le [avant ahhi Ghef*^
quiere, p. 13(^-139. .
(3) Long-tems avant Baudoin de Mons , Amoul le Vieil
prenoit un tître à-peu-prè« femblable. C'étoit , Arnulpbus p
adminiôuîante fuprcmi régis clemântid » marcbifus , & Bau^
doin de Lille employoic indifiéremment II formule , Per
J^ei clementiam ou Bel cîem*ntid*.
tes contes
de Flandre
excédent
. en nobleife
tous les au-
tres pairs
de France.
Les contes
de Flandre
n'ont ja-
mais vuidé
l'eftoc de
Charles le
Maignc.
4?a B A U D O I*N SIXIEME^
uy Louys de Maie, ne fuft en fes monnoyes^
Saulf qu'après la paix de Br.'ibant, il s*attitula
aucune foys, Louys conte de Flandre, par la gfa-
ce de Dieu, duc de Brabant. Philippe le Hardy
femblablemcnt n'en ufa poinft, ny le duc Jean
fou fils, ny le duc Philippe en fon commence-
ment. Mais en Tan quatre cents trente, quand
ks duchés de Lotrice, de Brabant & de Lem-
bourch^ luy fufrent fuccédées, il commença d'en
ufer, & continua tant qu'il vefcut. Auffy fit le
duc Charles fon fils^ & après luy madame Ma-»
rie, puis le toy Philippe, l'empereur Charles, &
maintenant en ufe le roy Philippe noftre fouve-
rain feigneur, que Dieu maintiene & conferve
long*temps en toute profpérîté. Toutes lefquel-
les prééminences cy-deflfus déclarées procèdent de
la grande noblefle des contes & antiquité dudiét
Flandre. Car quant à la noblefle, c'eft chofe fau-
te qu'en icelle ils excèdent tous les autres pair»
de France (4). Et qu'Jiînfi foit les contes de Flan-
dre jufques à préfent font venus & defcendua
en ligne dircfte , de la race & eftoc (a) de Char-
les le Maîgne, fçavoîr de Charles le Chaulve,
81s de Louys le Débonnaire, fils du roy Char-
les, ce que ne font les autres pairs, & ne vuî-
derent lefdiéls contes jamais îceluy eftoc , comme
bien ont faîft les roys dé France , par l'ufurpa-
tion de Hue Capet, & s'ils difent qu'ils y font
' ttntttz par le mariage que fit Philippe \t Con-
quérant
(<i) Chrf de familU.
C4) Le comte de Flandre étoit le premier des trois cein-
tes & pairs laïcs de France, telui qui le rcpréfentc , porte
Tépée royale au facre des rois ; mais les ducs & pairs ont
la prééminence fur lui. Cela n*cmpéche pas que le comté
de Flandre ne foit peut-être la pairie la plus andeancmeoc
inféodée , comme le dit enfuite notre iroteur.
ou DE M O N S.
^73
quérant à madame Yfabeau de Hainault, ils ont
raifon. Sa toutesfois ils doivent recognoiftre ce
bien de la maiibn de Flandre, dont icelle Yfa-
beau eftoit defcendue, & par père & par mère,
d'autant que fon père Baudouyn , conte de Hai-
nault, eftoit en directe ligne yflu de fon cofté
paternel de Baudouyn de Mons, (duquel nous
avons parlé préfentement) d'autre part madame
Marguerite, mère de la fufdiôe Yfabeau, eftoit
venue directement de Robert le Frifon, fécond
£ls de Baudouyn le Débonnaire. Mais s'ils main-
tiennent qu'ils font rentrez en l'eftoc dudicl
Charles le Maigne, par la fille de Charles, duc
de Lotrice, frère du roy Louys le Oxiefme, que
Hue Capet déchafl'a, laquelle fut mariée à un
conte de Namur , dont defcendit ladiele Yfa-
beau ide Hainault, ils ne font du tout hors de
propos , encores que ce luy advint par le moyen
dudift Baudouyn fon père, lequel du cofté pa-
ternel venoit directement de Flandre, & du ma-
ternel dudict Charles, dac de Lotrice. Touchant
l'antiquité dudit Flandre, il eft notoire, que
cefte conté fuft la première pairrîe inféodée, pré-
cédant pounant en ancienneté toutes les autres.
Comme peut apparoir par les dates de leurs in-
fëodations, & fe trouvera que Flandre fut in-
féodée par le roy Charles, di<ft le Chaulve, en
l'an huici cents foixante-deux , & Normandie
Tan neuf cents neuf, par Charles le Simple (5) :
Dourgomgnc Tan mil titnte-cînc par Robert Ca-
pet (6), & les autres fucceffivement en autres
Que les
roys de
Fninccfonc
reficrcz à
re{h>c du*
diâChirles
le Maigne
pir béné-
fice de la
mtifon da
Flandre.
La conté de
Flandre
précède en
antiquité
les autres
pairries do
France.
(5) Ce fut ^ pi 2. que fe conclut à St. Clair fur Ept|^
le traité par lequel Charles le Simple donna fa fille Œfék
& la Neu^e, aujourd'hui la Normandie, à RoUon» chef
des Normands.
C6) Robeft mourut en 1031. Ce fut Henri fon fucccf»
ftur ôw fon fils qui donn^le duché de Bourgogne à R^^cfl
X-
Flandre ♦
partage de
France.
Lefdiftes
prééminen-
ces acqui-
fes à Flan-
dre par
prefcrip-
tiOD.
^74 BAUDOIN SIXIEME,
temps, bonne efpace après Tinféodation dudîét
Flandre. Les autres eftiment les fufdiftes préé-
minences procéder, de ce qu'ils maintiennent
Flandre eftre partage du royaume de France,
faiftpar k roy Charles , dift le Chaulve , à madame
Judkh fa fille, & par luy donné en mariage à Bau-
douyn Bras de Fer , dernier foreftier , & premier
conte de Flandre, p^our le tenir par luy & fes
fuccefleurs mafles & femelles en telle prééminence
que partagiers du royaunle ont droift de tenir
leurs partages, & à ce dire les meut, la très-gran-
de extenfion faiéte dudift Flandre par ledift ma-
riage, que par noftre difcours à ce deftiné aurez
peu entendre. Plufieurs fouftiennetat? que lefdiéles
prééminences ont par les contes de Flandre efté
acquifes, par longue & invétérée ufance, & couf-
tume prefcripte par tant de temps, qu'il n'eft
mémoire du contraire: de forte que comme le
•toy de France , par longue & invétérée ufance ,
& couftume prefcripte, & non débatue {a) par
le pape ny par l'empereur, s'eft exempté de l'em-
pire , ne cognoiffànt aucun fouverain ; de mefme
forte , par longue ufance & couftume , non dé-
batue par les roys de France, le conte de FIan<
dre a obtenu lefdiéles prééminences & authoritez.
En quoy je me fuis d'autant plus voluntîers eP-
largy, que Je m'afleure la cognoiffance de ces
lîngularitez devoir reyffir agréable & plaifante,
à tout curieux & diligent ledleur, & toutesfois
(aflSn de ne trop nous efgarer), fçafchiez que le^
<^) Dtfputie.
fon frère qui , comme nous l'avons dit plus haut , fut le
chef de la première maifoil de Bourgogne , qui dura près
de 360. ans. Au refte , il n'exifte point , comme le fuppofe
Oudegherft , de lettres de création de pairies des anciens
pairs , par la raifon qu'ils fe l'écoient faits eux-mêmes , dit
le P. Hénault.
ou DE M O N S.
^75
dlft Baudouyn de Mons, autrement appelle le
Bon , ponte de Flandre , après avoir tant vcrtueu-
fement gouverné la province de Flandre refpace
de trois ans feulement, trefpafla bien haftive-
ment. Ton ne fçait de quelle maladie, en Tan
milfeptante (7). Dieu par fa grâce veuille avoir
pitié & miféricorde de luy , car c*eftoit un prîn*
ce mervcilleufcment vertueux, lequel à raifon de
fa modefte façon de faire, avoir en fon temps efté
grandement honnoré de tous. Qui fut la caufe,
qu'aprè? fa mort, il fut rcgrcté, plaint & lamen*
té d'un chafcun, tant petit que grand, non point
par honneur feint, mais par vrayes larmes, for-
tants tant ^u cœur, que des yeux, de la mefme
forte- & manière, comme fy chafcun euft faift
quelque grande perte particulière. Tant avoit
efté grande fa modeftie, & gracicus fon gouver-
nement, comme de celuy quy n'avoit offenfé
perfonnd. Il fut enterré au monaftère de Ilaf*
non, que luy-mefme avoit faîd: conftruire & édi-
fier, auquel fe voit fon épitaphe tel que s'enfuyt:
Omne gcnus hominum morspejjîma cogit obire^
Evadtt nuîlus^ fîtve vir ^ aut muîler.
Cfptt Sf tftum mors , hoc cujus membra fepulchro
Sunt fit a , ceu poterts hoc titulo légère.
Mont en fis Balduinus hic efl ^homo pach amicusj
O&avum comitetn Flandria quem tenuit.
Vttk 1070.
Décès do
Baudouyn
de Mi>ns »
autremenc
diâ le Bon»
Epitaphd
de Bau-
douyn de
MOQS.
(7) Le ai. ou le 17. Juinct, dans Ifi ville d'Audcnarde;
Avant fa mort,it av*oit fait alTembler les grands 6c les pré-
lats .de la Flandre & du Haynaut & leur avoit ftit jurer de
reconnoître fes deux fils pour leurs fouvcrains refpeAifs,
n avoit laiffé à Amou! . l'aîné le comté de Flandre fous la
tutèle de Robert le Frifon fon frère» & le Haynaut à Bau»
doin fous la tutèle de Richilde fa mère. Marchantius fait
de ce prince un bel éloge en peu de mots : Paci & tranquil*
Utatt omninb aàdt&us ^ hcllo ahfliimii ^.quam'uis ncqtte in ré-
bus artîuis fufcipi<ndi5 am'musy neque in gercndis conftUum
ilU dceput.
Chron. do
Baudoin
d'Avefnes,
Meyer.
Buzcl.
Flandr*
defcripl,
1. u.
376 B A U D O I I^ S I X I E M ÏT^
Obquefuam diBus Bonus efî i magnam bonhaterfk
Quatre xtjfe fuam dicitur hic patriam»
Arma fuo jîqutdem non belUca tempore qutfquam^
Auî gtadium^ aut fuftem ^ ferre necejjl habuit.
Oftta non fures aufî vhlare domorum ;
* Rapt or es nullos tune poputus timuît.
Rujiicus arva colent -, Unquebat aratra^ Kgone^
Et capulos camp ï s , perdidtt ac nihilum.
Richildem duxitque hic Hannonia comitijfam y
Hinc etiam comes Hannonienfîs erat.
Hâc uxore duos gnatos fibi progeneravity
Quipojl Flandrenfes ambo fuére duces ^
BallivQS ftatuit virgas quoque ferre nitentesy
Longas & reùtas^ jujlitiae titulo.
Hic nift très annos regnans , e[i mortuus anno -
Millefimo Domini ^ feptuaquegefimo :
Atque apud Hafnonium tumulatus cœnobio ijlo j,
Quodpriùs infandos , nunc monachos retinet.
Ce qu'en rime fr^mçoife fignifîe, comme s'enfuît ^
Toute forte de gens la mort contraint mourir y
Sans queperfonn' efchapp'oufoithomm'* oufoitfemmey
Comme peut apparoir par cefiuy quy gefir (/?)
Soubs ce tombeau voulut , que la mort trifi"" & bkfmt
Ravy nous a trop tojl. Duquel pourrez au plain
Lir^ & ff^voir le nom , contemplant cefte tablez
Ce fut le vertueux diEt de Mon s BaudouyH , '
JPrince clément » courtois , &^ modefi' ^ afable.
Lequel en fon temps fut hui£tiefme des Flament
Conte , nommé le Bon ^pour fa douceur fameufe ,
De laqueir a régyfes pays peu de temps ^
Les maintenant tousjours en union heuxeufle^
Car ce pendant qu'il fut en fon gouvernement y
N'eftoit à fes vafaux ^ fubjeSts nécejfaire^
Porter glaive , bajton , ou autre ferrement ,
Ou fut pour agreffer , ou réfiftence faire
r '■'
ou DE MON S. ftTf
' ^ux larrons , ^ meurdrten , fip mauvais garnie
mentSj
Pour la crainte defquels ne convenait les portes
Des demeures fermer'^ des bonn'* ^ riches gents;
Les labouriers aujfy leurs charrues très fortes 9
Leur hoyau , leurlouchet (d) , leurfaujfelt Qi) , ^
leur faux ^
Lai£oyentparmy les champs ifans quejamais ilsfujfent
Ou prins^ ou defrohez: dont n^ eshahir fe faut
"Car il convenoit lors que les malfaiSts cejfajjent ,
Tant hîen avoit à tout ce Baudouyn pourveu ,
Qui la conte (fe print Richilde pour fa femme ^
Au moyen de laqueW eft depuis parvenu
A la conté d'^Hainault , en richejfes extrême.
De ceft'' dam"* il euft deux fils ma fies ^ de cœurs
Magnanim* ^ vaillants^ quy furent depuis princes
DesFlamens , mais illec ils n^ekfrent pas trop d^beur
Car ils furent desfaiSls , fif Vun d'eux mis en pièces*
Au reft'' il ordonna que de lors en avant ^
En Flandre les bailli f s port ajfent une blanche
Verge ^ longu'' ^ bien droiSle^ fig^ifier veuillant
La juftice devoir égaW eflre en baîlance.
Il ne régna non plus ^ que trois ans^ & mourut
En Van feptant^ ^ un ^ mil\ ^ en ce cloiftre
Religieux d^Hafnon gifl ^ ou enterré fut:
Les moines qu" il f mit prient Dieu pour fa gloire.
Auprès dudîdl Baudouyn de Mons, aliàs \t
Bon, gift audidl monaftère de Hafnon madame
Richilde fa femme, laquelle mourut en Tan qua-
tre-vingts-quatre à Meflines, où elle avoit long
temps pleuré fes péchez & faift hîen dure péni-
tence, & combien que cy-après entendons ftiirc
de cède dame plus particulière mention, fy eft-ce
qu'avons bien voulu inférer en ce paflage fon
•épitaphe, affin que comme elle fut enterrée au-
(O ^^^ C^) ^aucUlu
Epitaphe
de madame
Kichildcdc
Ifainaulc ,
dDuagiére
de Flandre.
*78 BAUDOIN SIXIEME,
di6t Hafnon près fondiél niary, il puifle d'un
mefme context fuivrc Tépitaphe d'iceluyfonmary:
Continet ingenua brevis urna hac ojffa RJchildis ,
Flandrina oStava qu<z comittjfa fuit.
Conjunx Balduini Montenfis nobilts olim ,
Flandria ^ Ilannonta magnifici comitts.
Poft mortemque viri Hcht tpfa tyranna fuijfet ,
Po/i tamen ejfecia efl mUî$ ^ innocua.
Pojleà nam fefe folita eft affltgere dur h
yejunans , orans , fancta patram opéra.
Jfla miniflravit mendicis ^ ifta leprofis
S<£pe fûts propriîs fervitt ^ mantbus.
Hune fihi poftremh mundum totum crucifixit ,
Et mundo part ter hac crucifîxafuit.
llafnonienfe folum fepelivit corporït art us y
Condens hocce loco , cernis ubt hune titulum.
Annomillepmo eenteno , bis minus o6to.
Sufîulit hanc Idus Mairtis & eripuit.
Ce qu'en françoîs fignifie:
Souhs ee petit tombeau gifl le corps magnifique ,
De Riehiîde , quy fuft huictiefme des Flamens
Contejfe de grand eœur , ^ d'efprit hiroieque ,
Femme de Daudouyn , eonte très-exeellent
Et de Flandre ^d'IIainault^ ^combien que cruelle
Elle fut ^ tyrann\ apris que fon efpous
De ce fîècle paffa , néant moins de rebelle 9
Inhumain^ ^ très-dur'* elle devint tout doux ^
De grand'* dévotion , pitoyabr ^ Clémente ,
Et changea tellement de couflume ^ de mœurs ^
Que de pervcrfe vint une femme très-fain^e ^
Chafloyant le pajfé par jeufnes i^ par pleurs.
Diligent'* eW efioit au fervice des pouvres
Auquel elle vaquoit , ^ fujfent-ils lépreux ,
Ords ^ rongneus^mal'fentants^tousjoursdefes mains
propres
Leur minijlroit de coeur , fif d'efprit fart foigneus.
ou I> E M O N S.
a79
Brief^ eW à tout ce monde en peu de temps de farte
En foy crucifié , cruc'^ant aujfy
Audtà monde fon corps , comme une femme forte
Que Dieù^ comme efpérons ^ aura d* elle mercy.
D'^HafnonAe cloiftre grand & ample monafière
Son corps a enterré cy-bas au mefme Heu ,
Où ceft efcript eft mis fur une dure pierre ,
Quy pourra d'un chafcun veu eftre^ fîf entendu.
De Van mil ^ un cent fy vous en ojiezfeize^
Le temps vous trouverez qu^ elle fina fes jours ^
Priez Dieu tout-puijfant qù*illa mqintienn* en ayfe
Et lafacejouyr de fa gloir* à tousjours.
CHAPITRE XLVII.
Des troubles que Robert le Frifon fufcita en Flan^
dre^ Êf comment finablement ayant efté deffaiEt
par le duc de Brabant , il fe retira en Saxe.
ARnould le tiers , appelle le Simple , fuccéda
au conte Baudouyn de Mons fon père en
Tan mil feptante, & gouverna le pais de Flandre,
avec madame Richilde fa mère, environ deux ans,
& affignaà Baudouyn fon frère, pour fon parta-
ge de Flandre & portion héréditaire la ville &
chaftellenie de Douay. Toutesfois ledîtS Bau-
douyn cuft puis après fcmtlablement la conté
de Hainault, félon que voirez incontinent. Au
commencement du gouvernement de ceft Ar-
nould, la province & contrée de Flandre, fuft
grandement troublée, & merveilleufement agi-
tée de plufieurs nouvellitez & divifions, quy y
furvîndrent. Et premièrement par le faid & moyen
de Robert le Frifon foû oncle. Lequel peu après
le trefpas dudit Baudouyn de Mons fon frère,
requift aufdîéls de Flandre d'cftre reçeu pour leur
conte & feigneur, foy fondant (& néantmoink
contre droiû & raifon) fur certain prétendu
partage qu'il maintenoit Baudouyn de Lille avoir
L'an 1070.
Amouîd le
Simple af-
figna à Ion
frère pour
partage la
viUe &
chaftelenie
de Douay»
Robert
Frifon
trouble le
paîs de
Flandre.
le
Journde
d*Aude-
tiardei
Rnfcert le
trifon de-
mande la
gardcnoble
6c tutelle
de fcs ne-
veux rai*
ïicun
d*ans. ,
Robert le
Frifon fe
déclare
enncmy de
Flandre*
fi8o ARNOUL TROISIEME,
faiél, en la journée d'Audcnardc entre fes en-
fans , & que par iceluy il avoit ordonné que le-
dift Robert le Frifon, fuccéderoit en ladifte
conté de Flandre à Baudouyn de Mons fon frère ,
voircs combien (^a) qii'il eufl: de» cnfans. Ce que
ledift Robert ne propofoit pour opinion qu'il
euft d'eftre bien fondé, (vcu qu'il nMgnoroit
que luy-mefme en ladite journée d^Audenarde
avoit par fennent promis de ne rien attenter
contre Icdidldc Mons, ny fes fucceffcurs) mais
en intention de troubler ledift païs, efpérant de
plus commodîcufement y pouvoir lors pcfcher
& tirer q^iclquc chofe de bon. AuflTy avoit-il
desjà gaîgné plufieurs de ceux dudift païs , qui
prétendoient en ce raflîfter & favorifer (i). Et
ndantmoins, confidérant que la pluspart des no-
bles & communes luy efloyent en ce contrai-
res, il fc déporta de la fufdifte demande, au lieu
de laquelle il afpira feulement à la tutelle de fes
neveiix mineurs d'ans, qui femblablôment luy fut
refufée , au moyen que ceux du païs, à raifon
de fa première pourfuite & prétenfion avoyent
pour fufpeétc la magnanimité &bon cfpritd'ice-
luy Robert. Lequel mal fatisfaiél defdidls de
Flandre, fe déclara pour ocçafion dudift refus,
leur advcrfaire &ennemy, & retourna en toute
diligence vers Hollande, où il avoit laiflTé la con-
tefle Ghertrude fa femme, contre laquelle les
Frifons s'ertoycnt en fon abfence rebellez & efle-
vez. Pour^àquoy remédier^ il affcmbla gens de
C^) Quoique » quanâ hUn mSmi,
CO Oudeglîcrft prête ici h Robert des vues ambiticufcs
tJùMl ne développa point d'abord: Il demandoit feulement
la tutèîc d'Arnoul fon neveu & le gouvernement de U
^Inndrc pendant fa nûnorité, en exécution des demiérei
volootcs de fon fïèrt\
; ou LE s I M P L E.
a8r
toute part, & befoîngna de forte qu'en peu de
temps il réduit foubs fon obéiflance tout le païs
d'Ooftfryfev, fe-faifant à raîfon de ce lappeller le
Frifon. D'autre cofté, la contefle Richilde, (qui
pour la minorité du conte Arnould fon fils avoît
cmprins le gouvernement de Flandre, ou du moins
gouvernoit avec luy) après le parlement dudiél
Robert, fit fayfir, & mettre en fes mains, com-
ine confifquez, tous les biens qu'avoit ledift Ro-
bert en Flandre ,-fr comme la conté d'Aloft, les
quatre meftiers & les yfles de Zélande , le tout
fotis prétext de ladifte inimitié par la bouche
dudiél Robert déclarée. Dont néantmoins elle fe
r«pentit depuis ' tout à loîfir : car le conte Ro-
bert deceadverty, envoya vers Flandre aucuns*
nmbafladeurs , par lefciuels il fit fommer la con-
tefle Richilde à la reftitution, & main-levée des
terres à luy par droift de partage aflignées: &
pour ce qu'elle n'y voulut entendre, ny condef-
cendre, il fe tira plaintif vers Philippe, roy de
France fon coufin germain, luy remonftranf la
rudeffe & grand tort que luy faîfoit ladifte con-
tefle, s'aydant au refte de plufieurs propofitions
tant perfbafivcs, que le roy Philippe luy promit
fus le camp (a) toute faveur, fuppart & aflîften-
ce. Non' obftant laquelle promeffe, ledidl Phi-
lippe change^ toft après d'opinion. Car la prin-
cefle Richilde, ayant entendu le fecours que
îceluy roy avoit promis audift Robert, envoya
fans tarder certains ambafladeurs vers France ,
pour attirer de fon cofté lediél roy Philippe, ou
du moins, affin de pratiquer la diflblution de
la fufdide alliance , faifant au fufdicl eff^ed , pro-
mettre & ofirir audift roy Philippe de France
quatre mille livres d'or. Au moyen defquelles
Pourquoy
ledid Ro-
bert fut ap-
peUé le
Frifon.
Les biens
de Robert
le Frifon
en tlandre
confifquez.
te roy Pbî*
lippe de
France
promet à
Robert le
Frifon tou-
te afliftence
contre la -
contefle
Richilde.
Le roy de
France, au'
mqyen de'
quatre mil-
le livres
d'or, fe dt^-
part de
rafliftence
qu'il avpit
promis à
Robert le
Frifoa.
^a") Sur le champ.
Î282 ARNOUL TROISIEME
La foy doit
eftrc gar-
Pourquoy
Ictt anciens
paindoyfnt
ja fov vef-
cuc ci'un
(cul linge
bhac.
lailTaiit le party tt'iceluy Robert, il print ceftuy..
de la contc^Te Richildc , faulfant par mefme moyeu
fa parolle & protnefle, auparavant autre part fian-
céc (^) & obligée. Dont un chafcun & fignam-
ment tout prince fc devroît bien garder, ef-
tant alFeurée que la corde ny le clou, ne peuvent
tant étraindre ny ferrer la chofe contre laquelle
on les veut approprier, pour tenir ferme, com-
me la foy ceint eflroitcment un gentil efprit de
fon indiflToIuble lyen. Et voylà i^ourquoy (fé-
lon mon opinion) les peintres anciens la pain-
doycnt (Z^) vcfluc d'un feul linge blanc, déinon-
ftrans par ce, la pureté d'elle, quy ne peut ny
doit eftrc fouillée par aucune tafche, pour quel-
que péril, prouffit, ou dommage, tant foit il ef-
trange, grand, ou dangereux. Or ledid Robert
le Frifon, fe voyant fruftré de Texpeélation &
attente, qu'il avoit eue dufecours du roy Philippe,
fe retira, avec tel mefcontentement que chafcun
peut penfer, vers Hollande* Où il fut rechargé
d'une aultre infortune aflcz plus grande, que la
précédente. Car ayant entendu que Godefroy le
liochu (O9 duc de Brabant, cfloit entré en armes
au pais de Weftfrife, il affembla force gens &fe
mit en équipage pour l'aller rencontrer (a) 9 &
de faiél luy livra peu après une bien dure & af-
pre bataille, en laquelle la fortune luy baftit
Magn.
chron.
Ik;lg.p.l2l.
(a) E:i^afrde,
C^) Pcignoicjit.
(O Bo/fu.
(a) ^nno Dom, MLXXL 9 Godcfridus dux Lotharingia
(^Gibhofus') cum inihelmo pontifice TrajeH, armât 4 manu^
iiotlandîam int ravit ; cui è coutrà Robert ui cornes, armatd
mauti , occurrit : uhi commiffo f^ravi pralio , Robert us cornes
terga vertem , à belle profugatus & iloUandia populus ex
pjûgnd parte occifus efl. Intereà Godcfridus dux , ditiotiem
fuam tutrligtns , orient alcm feu ulteriorcm Prifiam helficA
manu fubef^it.
ou LE SIMPLE.
2«3
D très-mal (d) , qu'ayant perdu audi^ conflift la
meilleure part de fes gens, il fut conftrainft s'en-
fuir, & abandonnant fon païs de Hollande (dont
peu après ledift Godefroy s'attitula conte) &
tout ce qu'il avoit conquis en Frife, fe retira
avec fa femme, & fes enfans vers le païs de
Saxonne lez le duc Bernard fou beau-père, où
nous le laiflerons pour quelque temps, affin de
vous déclarer , comment les affaires de Flandre ,
ce pendant fe portoyent (3).
Robert îc
Frifon dcf-
fai(ft par le
duc de lira*
banc.
Robert le
Frilbn fe
retire avec
fes femme
& enfans
yers ton
beau-père
le duc de
Saxe.
(3) Après fa» défaite, Robcn prit le parti que la politi-
que lui confeiUoit. L'humeur altière & le gouvernement
tyrannique de Richiide avoient aliéné les efprits des Fla-
mands ; & Roben fe ^détermina à venir défendre les droits
^ue fon frère mourant lui avoit donnés au gouvernement
de la Flandre. Au lieu d'aller chez Bernard, fon beau-père,
il vint à Gand où une partie de la nation fe rangea bien-
tôt fous fes étendards : Robertus cognitd .... Ri-
chiîdis tyrannide , Fïandrias repetiit , 6^ usqjie Gaudavum
pervffiit .... Quà ad eu m rapt i m omnis convenir nohiittas
Flandriit Tctttûnica^ durum Richildh imperium , avaritiam
fHperbiamquc muVtehrem cxofa.
Flandr.
gen. c. 21.
Meyer.
an. lofo.
CHAPITRE X L V I I I.
Comment la contejfe Richiide emprint le gouverne^
fnent de Flandre^ & des grandes tyrannies ^ que
par le confcil des feigneurs de Couchy Çf de Maih
ly^ elle exercea audià pats.
LA conteîTe Richiide, fe voyant délivrée de la
doubte & crainte efquelfcs Robert le Frifon
Tavoît mife, 5: d'autant plus au moyen de la
perte que ledifl: Robert avoit puis nnguerres
faifte du demeurant de fes païs, elle commença
de s'appliquer du tout au gouvernement de Flan-
La contcfTc
Richiide
emprcnt le
go\''.'rne-
ment Je
Flandre.
(a') Lut fut fi contraire^
2S4 ARNOUL TROISIEME,
Les fd-
gneurs de
Jvlaiily &
de Coachy
corrum-
peut du
tout la cou-
tcirc Ri-
childc.
La coritcfTe
Kichiidé
'devient ty-
fanoe.
Grand vice
gader le
bon naturel
■d'un prin-
ce.
drc, prendant pour tout confeil & allîftence, les
feîgneurs de Mailly & de Goochy, par Tadvis
defquels elle fe gouvernoit en tous'fes affaires,
& lefquels plus affèdlionés à leur prouffit partî-
euller, qu'à ceftuy du païs (le faift (a^ duquel
repofoit quafi totalement fur leurs efpaules) gaf-
tcrent & corrompirent du tout le gentil naturel
de ladifte cohteffe: laquelle de courtoife & libé-
rale, ils rendirent en peîx de temps, fuperbe &
très-avare, & de clémente, & débonnaire, très-
cruelle & tyranne, luy. mettant en la tefte une
infinité de tromperies & abus, lefquelles enfin
furent caufe qu'elle perdit pour fes enfans, la pro-
vince & conté -.de Flandre: ne ceffants au relie
de luy adminiftrer une infinité de moyens pour
exaftioner & appouvrir fes pouvres fubjeéls & *
vaflaux, lefquels journellement elle traiéloït plus,
durement & cruellement (i). Par où fe defcou-
vre manifeftement, la peine que méritent ceux
qui gaftent & corrumpent le bon efprit & doux
naturel d'un prince. Lefquels. à mon advis^ font
dignes d'aulïï griefve punition, que ceftny qui
empoifonne une fontaine publique, dont tout le
monde boit. Et fi celuy lequel a difforme & adul-
téré (^) la monnoye d'un prince, eft puny (&
à bon droîft) de fupplice extrême; que dirons-
nous de ceux qui gaftent & infeaionent la nature
d'un prince? veu mefraès que, félon la difpofition
Hift. des
comtes
d'Ardfcsau
xec.deshift.
xieFr. t. II.
-p. 298.
Mever.
Buzel.
(tf) La conduite, h gouverngfnent, (i) Corrompu,
CO Richilde avolt doimé fa confiance aux feîgneurs dfc
Mailly & de Couchy, deux gentilshommes François, dont
les confcils acheV^erent de la perdre dans l'efprit de la ni-
tion. Rîchitdis inconfueîa & inaudita & itidebita à
Flandrerrfihus Qprafumchat ) exigera tribut a. A quolibet errim
oflio & tcBo nichiîominùs fine culcitrd quatuor denarios fer
univerfas Flandria partes turpitcr 6? protervè & irrcvaiM-
ter exigebat^
ou LE SIMPLE.
285
d'icelle, un païs entier, voires bien fouvent
plulieuts royaumes font taillez (a) de recevoir
ou extrême mifère, ou prolpérité bien-heureufc.
Pleuft inoftre bon Dieu, que cncores aujourd'huy
Ton ne trouvait de tek feigneurs de Couchy &
Mailly , qui pendants aux aureilles de leurs roys
ou princes, ne font mje leur confeillcr, & met-
tre dans le cerveau Dne infinité de moyens^
pour travailleriez) le peuple, les aygriflant à tou-
tes opportunitez contre iceluy. Et néantmoins^
veuillent cependant, fembler & apparoiftre bons
& loyaux ferviteurs. Defquels toutêsfoîs tous
princes fe doivent garder, s*affeurants que telles
manières de pippards (r) par femblables menées,
ne cherchent rien moins que la feureté & ftable
domination de leur prince, trop bien tafchent &
s'efforcent d'eftablir & augmenter leur propre
ricbefle àpuiffance particulière, comme faîfoyent
lefdifts de Mailly & de Couchy, lefquels avoycnt
par leurs flatteries & adulations tellement endor-
my le bon naturel de la contefle Richilde , autre-
ment aflez enclin à repos & tranquillité, qu'elle
avoît toute ^utre chofe trop plus en fa fantafie,
que le prouffit & utilité du peuple de Flandre,
lequel elle commença de lors en avant gouver-
ner plus par fa volonté que par raifon, s'avan-
çant, de fa propre authorité, & en fon nom,
de faire expédier toutes provifions, lansenîcelT
les faire aucune mention du conte Arnould fon
fils, deftkuant tous officiers, & en y commet-
tant en leur place des autres , du tout à fa pof-
te (^, de la mefme forte & manière, comme û
elle fufl: efté contelTe propriétaire: mettaut au
Les princes
fe doivent
f^arder de
flitteurs.
La contefle
Richilde
gouverne
Flandre
plus par
voluntéque
par raifon»
(#) Expofis à.
ib) Vcxct.
Çc) Tromptun,
Tyrannîe
de la con-
teflfô Ri-
childc.
La contefle
Richilde
faid trcn-
cher la telle
aux dépu-
tez d'Ypre.
MefTireJean '
de Gavere
exécuté par
Tépée.
Mcflire
Gherard de
Bue, chaf-
telain de
Lille, fauve
des mains
de la con-
tefle Ri-
childe les
députez de
Gand & de
Bruges.
^86 ARNOtJL TROISIEME,
refte une infinité de tailles, impoftz, & autres
femblables charges fus le peuple* Et fi quclcun
s'y opi^ofoit & contredifoit , elle le faifoit mettre
en pièces, comme par expérience, & aux def-
pens de leurs vies cognurent plufieurs nobles dé-
putez de la ville d'Ypre, qu'elle avoit mandé
vers elle en la ville de' Meflines , aufquelz & à
leurs ferviteurs en nombre de .foixante elle fit
trencher la telle, & puis brufla la ville & mo-
naftère dudift MeflTmes. Elle fit femblablement
exécuter un grand baron de Flandre, nommé
mefîîre Jean de Gavere , eftant en volonté de fai-
re le mefme à Tendroidl des députez des villes
de Gand & de Bruges ( qui eftoyent vers elle
envoyez en la ville de Lille , affin de la fupplier
que luy pleufl: foy déporter du gouvernement
de Flandre , & qu'elle en voulfit laifler conve-
nir à ceux dudift païs ) , n'euft efté mefllre
Gherard de Bue , chaftelain de Lille , qui les fau-
va en fon chaftel. Brief, elle n'obmettoit chofe,
par laquelle elle penfaft grever (^a) le peuple de
Flandre s & irriter les eftats du païs. Elle fe re-
maria tiercement (J?) à un gentilhomme de la
maifon du roy Guillaume d'Angleterre, nommé
Guillaume Osbcrne , (2) lequel pour faire plus
(ji^ Charger.
(h') Troifihmemtnt , en troî^
filmes noces.
(2) n était parent de GuiUaume le Conquérant, comte
d'Hersfort & d'Eflcx en Angleterre & feigneur de Lire &
de 'Cormélie en Normandie. Les hiftoriens ont reproché à
Richilde ce troifième hymen qui déplut à fes fujets; mais
cft-il croyable qu'elle le foit oubliée au point de le faire
notnmer conte dudidt pays? Excepté Oudegherft, aucun des
hiftoriens que j'ai fous les yeux ne fait ce reproche à
Richilde. L'auteur de la Flandria gêner of a , l'un de ceux
qui s'expriment avec le plus de franchife & de force fur
les exadions de Richilde , fe borne à dire en parlant de
ou
LE SIMPLE.
i87
grand defpit aufdîfts de Flandre , elle fit nom-
mer conte dudid païs , faifant fur le nom d*ice-
luy conduire les affaires du païs & principale-
ment es petites villes, où Ton n'ofoît luy contre-
dire. Defqueb griefs & noi^vellitez les prélats,
barons & nobles de Flandre , enfemble lefdiftes
deux villes Gand & Bruges, grandement émeus,
envoyèrent fccrètement vers Robert le Frifon ,
qui ( comme deOus avons déclaré ) s'eftoit reti-
ré en Saxonne , lèz fon beau-père le duc Ber-
nard ) le faifant de leur part affeurer , que
s'il vouloir defcendre en Flandre , ils luy prefte-
royent fecours & affiftence , non feulement pour
recouvrer fa terre , d*Aloft & portion héréditai-
re, mais auflî que déchaflants mère, & enfans,
fls rinveftiroyent de la conté & dommaine de
Flandre, ou du moins qu'ils luy en donneroyent
le gouvernement & adminiftratîon , adjoutants,
qu'il n'eftoit en eux de fouffrir davantage &
plus longuement, le rude gouvernement de la
conteffe Richîlde, ny mefmes les nouvellitez , que
journellement & au grand préjudice des droicls
du païs, elle mettoit fus (iz) (3). Lediél Ro-
La conteié
Ricbilde fe
remarie à
tm tùnsk-
gier & le
faid atdtu*
1er conte
de^andie.
Les nobles
& eftatzde
Flandre ap-
pellent Ro-
bert le Fri-
fon, pomr
eux venger
des cnuo-
tez de la
conteflê Ri-
cbilde, &
luy promet-
lent Tin-
veftir de la
conté de
Flandre.
(tf) Etabîiffbit^ introduifoit ,
ce mariage : Nu erubefcens trigamiam , conatur nuhcré eut-
dam Guiîlclmo fuhcomiti fupcrho de Ncrmanuid y in hoc
etiam commovtns ampîiùs contra fc quosdam Fîaniriarum
principes & popuîum,
(3) Nonnulîi fatraparum nimid crudelitate mulieris , qud
in cUrum & populum favichat , graviter ofenfi .... Uga-
tos ad Frifonem deftinant , fuamque voluntatem ergà eum
éipicibus Çlitteris^ infinuant. Tous les vœux n*étoient pas
pour Robert. La Flandre étoit divifée en deux partis. Pres-
que toute la Flandre françoife, le Cambréfis , le Toumai-
fis, TArtois & la ville d'Audenarde avoient embralfé le
parti de Ric^de. Les principales villes de la Flandre
fiamingante s'étoient déclarées pour Robert, avec les villes
de Douai, de Bergucs & de Calais.
Chap. fio.
Flandr. gê-
ner, c. 22.
Id. ibid.
ft88 ARNOUL TROISIEME ,
bçrt ayfe au poflîble de ces nouvelles , après avoït
prins de ceux qui eftoyent envoyez vers luy tel-
le afleurance de leurs prome(fl|p &à oiFres, que le
temps & lieu requerroyent, promit de fe trouver
de hrkfÇa) au païs de Flandre, avec bonne troup-
pe de gens, & après leur avoir enchatgé d'afleu-
rer ceux de Flandre de fa part de tout bon &
gracieux traitement, les laifla partir, & cepen-
dant befoingna de forte, que moyennant Tayde &
afliftence du duc Bernard de Saxonne fon beau-
père, il mit fus une belle armée, avec laquelle
il fe mit en chemin , pour venir vers Flandre (4),
(4) L'auteur que nous venons de citer & qui donne
une longue nomenclature des alliés de Robert & de Ri-
childc , ne dit rien des fecours que ce dernier » félon notre
auteur, reçut de fon beau-père.
Robert le
Frifon def^^
cend avec
puiflance
en Flandre.
f
CHAPITRE X L I X.
Comment Robert le Frifon à la requefle des eflats
du pays vint à grande puijjance en Flandre ^ où
il fut enplufieurs lieux bien reçeu^ ^ comment
la conteffe RJchilde alla pour fecours vers France^
avec autres particularitez:
E conte Robert le Frifoh avec l'équipage
f qu'il menoit avec luy, exploita par fes jour-
nées tellement, que peu après il fe trouva au
païs de Flandre, prendant fon chemin droiél
vers Leflînes , où pour lors il efpéroit trouver la
conteffe Richilde, laquelle nèantmoins fe eftoit
un peu auparavant retirée de ce lieu, foy tranf-
portant en la ville de Lille, où elle avoit kiffé
fes cnfans. Dont adverty le conte Robert, tira
vers la ville de Gand, en intention de, moyen-
nant
(a^ Bientôt, " . \
ou Le simple*
tS^
tiant la faveur des habitants d'illec, renforchef
fon armée d'une bonne trouppe de gens , comme .
suffi il fit, trouvant en ladifte ville de Gand plu-
fleurs prélats , barons , nobles , & députez d'au-
cunes villes de Flatidre , qui s'eftoyent là aflem-
blez pour rafrefchîr & tenouveller la promeffe,
que. auparavant par maitt interpofée , îls avoyent
faîéle^ audîft conte Robert. Auquel fut audîft
Gand feift tout rhonneuf & bon recueil dont
on fe povoit advifer. Et lequel aprè^ avoir reçeu
le ferment de fidélité de ceux illec venus auf-
diftes fins, marcha contre la ville d'Ypre, h^
quelle en bien petite efpace il réduiâ fdubs fon
ôbéîflance. De là s'achemina vers LîHe , où par
le moyen & faveur dû fufiKiS mcffire Gherard du
Bue, chaftelain,îl fut reçeu dans le chaftel, &
toft après fe fit femblablement malftre de la ville ,
où fut Qccis & mis en pièces k feigneur de Mail*
ly, en payement du bavrage («) , qu'iPavoh par
fes rufes & pernicieux confeils braffé au pouvre
pais de Flandre, Mais madame Richîlde incon-
tinent qu'elle fçeut que iceluy Robert s*eftoit în-
vefty du chaftel, pourveut diligemment à* /a re*
traifte, & s'enfuyt vers la ville d'Amiens^ en
délibération d'y attendre le fecours & aïïîftence
qu'elle efpéroit du roy ^i). Cependant le conte
Robert, ayant laiffé aucuns de fes gens en gar-
nifon audifl: chaftel de Lille , Vint vers la ville de
Du recueil,
que ceux dd
Flandre fU
rent à Ro*
bert le Fri-
fon.
Robert Ul
Frifott
prendYpre^
Mort du
feigneur de
MaiUypriii^
cipal au-
theur des
cruautezdô
la contefle
Richilde.
La contefle
Richilde fe
retire pour
fecours
vers le roy
de France*
Ça) Breuvage,
.^ (i) Au Heu de fe bor»er vax foïiôioîls de médiateur^
Philippe , roi de France , Jeune elncore & fans beaucoup»
d'expérience, s'étoit laifTé entraîner dans cette querelle à
là fomcitatiiÇ de Godefroi , évêque de Paris , & d'Euft'a-
die, comte de Boulogne , fon frère. Gothofredûs Parifio-
fvm epifi^pUff ejusque f rater Euflachiits cornes BononU . . .
régi per ataUm imprtréimi autotes fêére fiminda inJFÎon^
àriam expeditionis.
Meyer.
1071.
an.
Les villcf
du Wcft-
auartier fe
ioub met-
tent à Ro-
bert le Fri-
fon.
Première
révolte de
Flandre
contre fou
feigncur
naturel.
apo ARNOUL TROISIEME,
CafTcU qui fans aucune difficulté parle capîtaîné
Boniface luy fut auflî-toft mife entre les' mains,
& fuccclîîvement le demeurant des petites villes
du Wcftquartier fc fubmirent au povoir & olxîif-
fance du conte Robert. Et celle fut la première
commotion & rébellion, qui par les hiftoires fe
trouvent avoir efté faiéle par les Flamens contre
leurs contes & feigneurs. Aufqucls ils fe font
depuis quafi tousjours monftrez très-obéMlalits &
loyaux, comme auflî de leur co^é les contes ôc
feigneurs de Flandre ont ordinairement efté 'prin-
ces, autant modeftes , difcrets , vaillants & dé-
bonnaires qu'on' ayt jamais fçeu trouver au de-
meurant de la clircftienté. En cefte guerre (dont
la fource fut telle qu'avez veu) tindrent le partjT
du conte Robert les villes de Gand , Bruges ,
Furnes, Bcrjî;Ii6, Bourbourg , Caflcl , Roulers,
Courtray, Ilarlebecque, Oudenbourg & Ardcn-
bourg, & depuis les villes d'Ypre & de Lille,
mais pour la conteife Richilde & fes enfans te-
noycnt les villes d'Arras , Douay , Tournay ^
Saindt Orner, Boulongne, Ardre, SainA Pol &
Béthune.
C II A P I T R E L.
Comment le roy Philippe de France defcenâit avec
merveilkufe puijfance au pah de Flandre , au
fecours de la contejfe Richilde & de l'ettcoura^
gement que Robert le Frifon donne aux Flamens.
NOus avons lailTé, au chapître précédent, la
conteffc Richilde avec fes enfans en la ville
d'Amiens, où elle s'eftoit retirée, cfpérant d'eftrc
fecourue & favorifée du roy Philippe de Fran-
ce. Or , entendez maintenant , que ladiéle Ri-
childe, cftant arrivée nudiét Amiens, envoya en
toute diligence vers lediél roy Philippe pour fon
6u L E s IMP L E.
&9t
ttyfle & afïïftence, lequel advcrty de tout ce que
s'eftoit pîitré au païs de Flandre , aflembla une
mcrveilleulcment grofle armde , . avec laquelle il
vint trouver la contelFe audirt Amiens, & print
fon chemin vers Flandre , où il ne^fuft pluftoft
entré , que pliificurs nobles & autres de la Flan-
dre gallicante fe vindrent prcfenter à ladiéte con-
tefle, & au cbnte Amould le Simple Jon ISls leur
vray & naturel feigneur, foubs léqu'el ils fv^ join-
dîrent aux forces dudift roy Philippe, Iciqucl ce-
pendant gaignoit tousjours chemin, & marchoit
en grande diligence , avec ddlibér;|tion de livrer
bataille, le pluftoft que luy feroit poflîble au con-
te Robert^& aux Flamens flamengants, qui ?te-
noyent le pany'dMcelliy, lefquels d'autre cofté
s'eftoyent aflemblez en la ville de'Caflel, où pour
lors eftoit ledift conte Robert. Lequel, ç'appcr-
cevant de l'cftonTiement & frayeur dont les cœurs
de fes gens eftoyent fayfis, au moyen de l'incom-
parable puiffance , que le roy Philippe menoit
avec luy (t) , s'advifa de les confoler & animeij
Les nobles
de Flandr»
gallicriiîte
viennent au
recours du
conte Ar*
nould leur
feigneur
naturel*
Les Fla-
mens inti-
midez h rai-
fon du
grand nom-
bre de fol-
dats du roy
de France.
(Ô Voici Ténumération des troupes qui compofoient
l'armée françoiCe : ^dvenit ct'tam rex Phiùppus & cum eo
validas armatoruni cuneus": Gofridus epifcopus pari fien fis ^
frater Eufiachïi corhith botonicnfis : epifcopus lugdunevfîs :
epifcopus ambianenfis: Franc i ^ Normannt\ RùfcinenfesÇ^ctn^
de Rouffî en Champagne ) Novromcnfes , Campanienfes »
Senîenfes^ Tolofènfcs ^ Rcmenfes ^ Catalauninfes ^ Carnotenfes^
Jurcîianenfes , Stampenfcs , Cocimcnfcs <( ceux de Couci
''près de Soiflbns) Qtiintinienfes y.Corbeknfe$ ^ Pcrotienfes^
'èfigeîUnfes ( ceilx de Nèfle tn Picardie) Month-Acutcnfts^
Robidomontenfcs ^ Suejtonenfes ^ Andegavenfn^ Pi&avierjes^
Barroîunenfes ( ceux du Barrois en Lorraine) NadavcrT
fienfes ( ceux du Nivemois ) Burgundiones & cateri innu-
merabtles. Ht omnes ad debellandum Frtfonem in campo fuh
monte Cafleto rïftdcrunt. Les circonftances de la- bataille ,
telles que les rapporte Oudegherft dan* le chapitre fuivant»
font conformes à celles que rapportant ks chronologiftes
les plus dignes de fo4«
Flandr.
gêner. €.23,
Harangue
de Robert
le Frifon
aux Fia-
nças.
Exag^ra-
ticm de la
truaiité de
h conteilb
Ricfailde.
Remon-
(hance de
l'injudice
de Tes en-
nemis.
tç2 ARNOUL TkOISIEMÉ^
par les raîfons, qu'il déduîA&propofa, en unehaf-r
rauguè qu'il leyr fit, telle en fubftance: „ Ohom*
'^ mes vaillants mes bons amis& compagnons, je
,, fçay que plulîeurs d'entre vous, fe treuvent
,, affez eftoimez de l'incomparable puifiance que
„ le roy Philippe de France meine avec luy,
-„ pour fecours de celle que jufques à préfent
„ vous a traiAez comme ferfs & efclaves , & mef-
5, mes que perfonne rie fe doit esbahir de voftre
^, crainte & cftonnement. Mais pour ce que la
^ guerre , & la batrlille font à noiz portes ; & que
„ les chofcs qu'ea ma faveur, (principalement
^ tôutesfoîs pour le maintien de voftre liberté)
^ vous avez jufques îcy faiftes, contre la con-
,, tefle Richilde, font telles, qtie v^ë la cruauté
„ d'icelle, ne pourriez en défiftant de voftre
„ entreprinfe, attendre que une mîférablé mort,
^ ou bien une autre fervitudc , trop plus intoUé-
^, rable que tous «utres tourments du monde;
^ il m'a fcmblé bon de vous exhorter & admonef-
^ ter , comment vous pourrez recouvrer la pre-
„ mièi-e force de voz courageç. Premièrement je
„ feray mention de la guerre, & vous monftre-
57 ray, que nous avons bonne & jufte caufe de
„ la faire & que îes injures & outrages de nos
y^ ennemis nous y contramdentj ce qui doit prin-
^ cipalement aguifer voftre magnanimité. Puis
^ après", jt vous feray cognoiftre que les chofes
^ mefines qui nous çontriftent, ne font pas fi
5, dangereùfes qu'il femble, & que encore il y a
p bon efpoir à h viftoire. Pour trai«H:er donc
5^ de ce que j'ay ç ropofé en premier lieu, je V€ux
^ devant toute chofe faire vows-mefmes tefmoings
,, de mon dire. Car vous fçavez quelle eft Tin-
„ juftice de cefte conteffe & de fes adhérents,
^ comme de faidl ce font gens fans religion &
^ du tout barbares, & qui fur tous autres vous
,, ont grandement travaillé. Vous ne devez au©
ou
LE SIMPLE.
WJ
^ Ignorer le peu de foy, & avarice ektrétne de
^ ce roy françoîs, lequel eft préfentement def-
y^ ccndu pardeçà pour nbftre commune ruyiie.
^ Et toutesfois (encore que je ne reproche point
^ les autres béndfices, que autrefois not: prédé*
yj cefleurs ont faîa à cefte nation) qui elt-ce qui
^ durant la minorité d'iceluy roy, luy a confér-r
„ vé entier , & fans aucun domroaige fou royftu-
^ me, que feu Baudouyn de Lille mon très-hon-
y, noré fcigneur & père. Nonobftant quoy, après
„ m*avoir premièrement fiancé (/?) & promis fon
w aflîftence, n'a eu vergongne de fe allier à la
n contefle Richilde, meu feulement d'une ordu-
9, re de deniers, qu'on luy a offert & préfcntét
99 Et fi ainfi eft, que la foy doive eftre gardée,
r» mefmes à Tennemy, combien pluftoft la devoit-
rt il avoir entretenue en mon endroift quiluieftoye
9, amis? Mais cela ne fe trouve entre telles gens,
„ comme ils font , lesquels ne penfent fe trou-
5^ ver aucune honnefteté ^ à laquelle le gaîng n^
^ foit conjoinft, eux perfuadants auffi, que les
y, tons & oultrages doivent demeurer impunis,
„ quand ils font faîfts foubs efpérance de gaing.
„ Douterons-nous donc , que ce ne foit noftrô
„ devoir de pourfuyvre ces hommes înjuftfls,
y, par jufte guerre, laquelle Dieu veut que nou*
„ facions , & la raifon nous commande de nous
„ venger tousjours des oppreffions & violences
qui nous font faiftes, voîres par guerre qui
„ non feulement eft jufte, mais auffi néceffaîre.
„ Car cefte conteffe, & (par conféquent) tous
„ ceux qui luy adhèrent, en tuant les députes
„ vers elle autrefois par vous envoyez pour les
„ affaires de ce païs , & lefquels indubitablenaent
„ font à nombrer au, lieu d'embalTadeurs (i»).
n
L'avariée
defdidts en*
nemis.
La foy doit
eftre entre-
tenue au
mefine en*
iiemy.
Ça") Engagé.
(b^ Doivent être mis au nom*
brcdcs ambajfadôurs.
Lnmulritu»
d'^ des ' en-
r.cmis, ma-
tière de
p'us grande
/gloire.
L'efpéran*
ce d'' i a vic-
toire ne
peut crtre
bien ap-
puyée ,
qmnd on
combat
cont»'e' la
iT.ifon &
réiiuitd.
094 ARNOUL TROISIEME/
y, melRigiers, bu héraulds, a perpétré la plus
j, grande cruauté de toutes tes autres, félon la
5, confeflîon mefme tant des Grecqs, que de tou-
„ tes autres nations. Auffi y a-t-il chofe plus me-
5, fchante, que dû tuer un meflagier , t)u député,
„ traiftant de droiâ & raifon? Quelle profpé-
5, rite en guerre, ou quelle félicité au relie de
5, fa vie peut attendre une telle meurtrire (^7)?
5, On pôurroit dire que le droiâ; & la raifon eft
5, pardevers nous , mais que les forces & le plus
„ grand nombre font de leur codé. Et ores que
5, ainfi fut r^O 9 c^l^ mefme nous devroit inciter
„ à pins grande vertu: car ce n'eft le faift d'un
), homme preux & hardy, ny fon honneur , d'af-
5, faillir ou deffier le prcmier foible qu'il pourra
„ rencontrer, ains fe dcit attacher aux plus forts
„ & les vaincre : Outre ce que tel propos n'eft
„ bienfc'ant, ny convient à un homme chreftien:
„ lequel fe doit afleurer, que toutes les forces
„ de quelque grande armée que ce foit, doibvent
„ néccflairement eftre réduiftes à néant, quand
^ on prend les armes témérairement pour com-
„ batre contre l'équité , mefmes que l'efpérance
>, de la viétoire ne peut eftre bien appuyée fi
^ préallablement , la crainte de Dieu & la juftice
„ ne luy fervent de fondement. Or, nous avons
„ la juftice pour nous. Parquoy ne refte que de
„ prendre une vertueufe & magnanime réfolution
5, ou de mourir tous ou de vaincre, mettans au
5, refte toute noftre fiance en la bonté & jufte
„ providence de Dieu. Et affin de le nous rendre
„ plus propice, mon opinion feroit, comme auffi
„ je vous confeille à tous en général, que chaf-
j, cun particulièrement fe mette en dévotes priè-
Cfi) Perfidie»
t C^) Quand bien piéme ceU
[croit.
ou L E^* s IM P L E.
^95
i, res & en eftat de grâce „. Ces paroUes en-
couragèrent mérveilleufement les Flaniens, lef-
quels fuyvant le confeil & ordonnance du conte
Robert, fe mirent en eftat de grâce, colloquants/
"toute leur efpérance en Dieu & en la juftice de
leur querelle, caufée'des exaélionç & cruautez
înfupportables , dont ladifte conteîTe par l'àdvis
& confeil defdidls feigneurs de Mailly & de Cou-
chy, les avoyt chargez & traiétez,
CHAPITRE LL
De la cruelle bataille, des Flamens foubs la con*
duJ&e de Robert le Frîfon , contre la mervetl:-
leufe puijjance des François ^près la ville de Cap-
fels ^ de la glorieufe viêtoîre que lediêt Robert
le Frifon obtint fur îefdiêfs François.
GE.pendantqueles .chofes fusdi^Sles fefaifoyent
en la ville de Caffel , le roy Philippe de
France, le conte ArnouM de Flandre , la contefle
Richilde, fa mère, & le refte deleurs gens mar-
choyent à grandes journées, faifants eftat de ré-
duire de brief leurs ennemis à telle raifon qu'ils
defiroyent ; veu principallement le grand nombre
-de gens qu'ils eftoyent , & quaU touts expéri-
mentez en la guerre , & contre lesquels ils efpé-
royent que le conte Robert & fes adhérents
n'auroyent pas plus de durée qu'un peu de paille
feîche dans une ardante fournaife, & néautmoins
ils fe trouvèrent peu après par trop deceuz &
fourcomptez (/). Pour autant que le conte Ro-
bert, eftant adverty du grand devoir que le roy
Philippe faifoit de marcher pour le venir trouver,
& mefmes qu'il n'eftoit guerres loîng d'eux, mit
fes gens en bon ordre, avec lesquels il attendit
de pied quoy (^), jguerres loîng de^la ville de
Les Fia-'
mens fe
mettent en
eftat de gra*
ce avant
combatrc
ceux qui
vcnoyent à
laflifte-
ment de la
contefleRi-,
chUde.
^a') Tromtés.
Çb) De pîcd ferme.
«96 ARNOUL TROISIEME,
Autre ha-
rangue de
Robert le
Frifonàfes
gens avant
çoiobatrc*
Caflel, la Venue defes ennemia. Lesquels ayant
d*aflcz l^rès apperceu, pour davantage encoura^
ger ceux de (on party, parla ^érecbief à eux de
celle forte : „Encorea que TqlTeurance que j*ay de
„ voftre prouefle & magnanimilé ( ô preux &
^ excellents chevaliers , & vous autres mes bona
amys & compagnons ) m'ofte toute occafion
d'itérativement vous remonftrer les caufes,pour
lesquelles nous devons aujôurd*huy vaincre
noz ennemis ou bien mourir en la bataille.
Si e(l<-ce que pour autant que celle tant haftée
venue de noz ennemis m*a mis en la mémoire
„ aucuns poinfts^ desquels auparavant ne m*ef*
„ toys fouvenu, ay bien voulu les vous commu-
^.niquer, avant que nous entrions en la future
meflde. Ne foyez donc poindl cftonnez pour
la multitude des ennemis ; car le défordre au-
quelje voy marcher, m*afleure de la viftoîre,
& quand bien leà bonnes raifons ne nous pour*
royent entièrement rendre certains de la fortu-
ne à venir , fi e(l-cc c^à la fortune n'eft à
craindre, quand on s'abandonne àfeshazarda
„ avec bonne occafion. Je le dy (mes amis) par-
^ ce que la dispofitlon du temps prdfcnt ( que
D noz adverfaires font dcsjà las & travaillez (a)
^ du grand chemin que continuellement ils ont
,, faift), nous donne plus grand advantage fur
„ eux, que flous n'aurons par aventure jamais,
%j fi nous les laifl^bns guerres en repos, & puis-
y, que la raifon bien ordonnée en un petit nom-
j, bre efi: fuffifante pouf vaincre une désor-
„ donnée multitude/ il ne faut craindre la for-
„ tune, où la raifon laifle la hardiefle fans aucunç
9, témérité. Croyez que ce qui advient en un
^ combat particulier de deux chevaliers, advient
Ca) fatigués.
ou LE SIMPLE.
*97
^ tttfli en une bataille généralle de plufieurs,
^ réduiéle foubs la charge & volonté de deux
„ capitaines. Car tout ainfi qu'entre deux com-
5, b^ttans chaftun tafche par tous moyens à
„ ruer Ça) bien fes coups, affin qu'ils ne paiTent
^ en vain , & à bien rabatre (A) ceux de fou
I, ennemy , affin qu'ils demeurent fans efteft ,
j, cherçant au refte îQUt Tadvantage à luy pof-
^ fible; ainfi entre les capitaines »' il convient
I, par prudence chercher le moyen de trouver
„ fes ennemis en défordre , foit en gaignant
D Tavant/age du lieu ou en leur donnant le fo-
y, leil , le vent, la pluyè ou la poudre au vifage,
y, affin qu'ayants la veûe empefchée, les bras ne
t, puiffent faire leur office fi dextremont (je). Or^
99 puisque ces advantages fe doivent chercher avec
99 l'opportunité, & que aujourd'huy nous les
^ avons en noftre puiffance , efliahts nos ennemis
„ en défordre & las du chemin , prendons, pour
^ gage de noftre prochaine viéloire , l'occafion
j^ i\\xt la fortune nous préfente , & l'employons
„ fi courageufement , qu'à l'advenîr elle ne f©
^ puiflTe plaindre de nous , ny nous de nous-
,, mefmes par la repentance , en laquelle nous
y, pourrions tomber , pour avoir mal ufé d'un
„ temps tant appareillé (d) en noftre faveur. Vous
„ pryant au refte, d'avoir (en combattant) con-
5, tinuellement ces deux ' poinftz devant voz
„ yeux, fi comme que de la vertu de voz bras,
„ appuyée fur la jufticc de voftre querelle , dé-
,j pend la liberté de voz femmes , cnfans & pa-
„ trie, & que fol eft le foldat ^ lequel par con-
„ voitife de vivre (/) s'enfuyt , veu que ordi-
Les advan-
tages qu*il
faut chcr^
cher fur fon
ennemy ta
une bataiU
le.
Le foldat
eft fol quy^
par convoi-
tifc de vi-'
vrc s'enfuyt
en la ba-
taille.
C<?) Porter 9 diriger.
C^) Parer,
CO adroitement.
(d) Si Ificn difpofl,
\e) Par amour pour la vie.
ftpS ARNOUL TROISIEME,
^ naîrement Ton voit plus de couards raourîf
yt en fuyant la bataille, que de gens belliqueux
„ & de vertueux courage, qui s'expofent à tous
„ hazards.y, Ce diél, fit renger fes gens en ba-
taille & mit les gens de cheval aux deux aîles,
d'un codé & d'autre, & fur le front, ceux qui
eftoyentv légièrement armez & les archiers , &
après ceux-cy la force de la bande des Allemands
*& Frifons qu'il avoit mené de Saxonne , & de-
puis aflemblé devant entrer (a) en Flandre , &
voulut eftre luy-mefme en l'aile droite de la
bataille. Après avoir ainfi ordonné fes gens , il
fit marcher tout fon oft contre fôn ennemy ; le-
quel d'autre codé, eftonné au poffible de la har-
diefle de ceux qu'il, ne penfoyt devoir feulement
attendre leur venue , &' que néantmoîns d'une
telle afl'curance & magnanimité vcnoyent eux-
mefmes les aflaillir , difpofa de fa groffc armée,
félon que le temps & le lieu pouvoyent requé-
rir , admoneftant en peu de parolles fes gens
d'armes, qu'ils euflent à bien faire leur devoir,
attendu mefme la grande honte & perpétuel dés-
honneur que luy feroit de fuccumber & fe laifler
vaincre par une fi petite trouppe de gens , eux
efliants en fi gros nombre & combattans pour la
refl:itution d'un jeune prince déshérité par fes
propres vaflaux & fubjcfts autant trayftres &
malheureux, que la punition qui de brief s'en
La cruelle feroii, rdyflîroit grande, jufte & exemplaire. En
Caffd^ ^^ ^^^ entrefaites, l'on fonna d'un cofl:é & d'autre
l'alarme, fuyvant laquelle fe leva un cry par les
deux camps, fi vchcmeilt qu'on n'eufl: quafi ouï
tonner, & ainfi commencèrent à s'entrechoquer,
auquel endroift y eufl: d'un codé & d'autre de
grands coups ruez, continuant la bataille quafi
(a) Avant i* entrer.
ov LE SIMPLE.
Ô9P
fusques à foleil couché. Lors le conte Robert
6'apperchevant que la bataille fe renfôrçoit du
cofté feneftre, print les plus hardis de fes gens
avec foy & fe jcfta de ce cofté-là, & ayant mis
en route (a) les premiers qui fe préfenterent ,
^ntra jusques en la bataille, & mit en fuyté les
adverfaires , en la pourfuyte desquels il fuft tant
chauld, afpre & violent, qu'ayant de beaucoup
devancé fes gens, il fuft bien esbahy de veoir,
toft après aucuns de fes ennemis tourner vifage,
lesquels Tenvironnerent de tout cofté & le prcf-
ferent de forte qu'il fut finablement conftrîiint
demeurer- entre les mains du conte Euftacd de
Boulongne, qyi le mena prifonnier vers le chaftel
de SainâOmer, lequel tenoit lors pour la con-
tefle Richilde. D'autre part les gens du conte
Robert , qui eftoyeht demeurez en Taîle droidte ,
voyants que Tautre partie de leurs ennemis eftoit
mife en fuyte , s'esvertuercnt de forte , qu'ils
mifrent femblablement en branfle (i») Taîle droifte
de leurs ennemis, qui jusques alors leur avoyent
tenu contrecarre (0 5 & en laquelle eftoit le conte
Arnould avec aucyns Flamcns gallicîins , qui fe
portèrent moult vigoureufement , & fignammcnt
lediél conte Arnould, lequel euft en icelle jour-
née deux chevaux tuez deflbubs luy; lequel aufl*
cognoiflant qu'il eftoit de tout cofté environné,
que le roy Philippe & fes gens cftoyeni;^ fuys ,
& qu'il n'avoit, aucune ouverture pour efchappcr,
s'arrefta fur le lieu mefme avec aucuns qui luy
eftoyent demeurez de fes gens , & après avoir
occis plufieurs de fes ennemis , il mourut fina-
blement • l'efpée. au poing , & en vertueux &
vaillant prince. Qui fuft véritablement un grand
dommage, à raifon du grand bien & honneur,
Le Frifon
met en fuit*
raUle fe-
neftre des
François.
Robert It
Frifon
pourchaf-
fant trop .
chautîe-
mentfesen-
nemys , eft
luy - mefme
arrefté pri-
fonnier par
le conte
Euftace de
Boulongne
& mené
vers {àm£t
Orner.
Le conte
Arnould de
Flandre a
deux che-
vaux tués
foubs luy
en cefte ba-
taille.
Le conte
Arnrjld
mciîrt Tef-
péc nu
poinj?, &
com bâtant
vaiilamcnt.
(<f) Déroute. Çc) Tête,
(*) Mettre en branle 9 ébranler.
L^lrmée
Aê$ France
iflc Fltmeni
gtllicanadu
tout def-
fiiiae.
Robert U
VrKonàéli'
vré dc8
mains du
conte Eu-
(lacc , le-
quel efl
luy-mcfmc
•rrciW prl-
fonnicr.
La vidtofre
tie confifte
en la multi-
tude « mail
en la mag-
nanimité
des com-
battant.
Le roy
de France
e'cnfuyt
vers Mon-
ttictiL
Soo ARNOUL TROISIEME.
que promettoit pour Tadvenir la magnanimité de
fon courage » en aage tant jeune & délicat. Sei
gens le voyants mort , & le Tentants de plut
en plus preiTcz , fe mirent tous à tuyr , s'es^
cartants çà & là. Et comme les Flamens flamen*
gants entcndoyent (a) à les pourfuyvre, ils furent
advcrtis de la prinfe du conte Robert le Frifon ,
& mcfmes que le conte Euftace de Boulongne
le mçnoit en toute diligence vers SainA Orner.
Qui fut la caufc que laiflants ladifte pourfuytc,
Hz fe joindircnt avec le rcfte des gens qui avoyent
auparavant fuivy le fufdift Robert, & diligente-
rent de forte, quMIs rencontrèrent ceux qui le
conduifoyent guerres loihg dudiA Sain A Omer,
& lefqucls ils pourfuyvirent d'une telle vivacité ,
qu'il ne fut oncqucs en leur povoir, (nonob*
fiant Textrûme diligence qu'ils y mirent) d'en-
trer audiét Sainél Orner, avant qu'eftants Icfdifts
Flamens dcsjà fur leurs talions, ils euflcnt pa-
reillement moyen d'eux Iburrer pcfle-mefle de-
dans ladldlc ville: où ils délivrèrent ledift conte
Robert des mains dudift Euftace, lequel mefme
fuft prins & Méï leur prifonnier. Telle fut l'if-
fuS de la fufdiélc bataille, par laquelle fe mon-
ftre que la viftoire ne conlifte point en la mul-
titude des gens d'armes ; mais en la promptitude
& allégrcfle (b) des combatans, & qu'il n'y a fi
grand nombre duquel la vertu ne vienne au def-
fus, comme il appert par le conte Robert, le-
quel n*ayant un tiers des forces que avoit le roy
de France, defconfit & mit en défarroy une fi
puiflante armée. Le roy Philippe & ceux qai fc
fauverent avec luy, fe retira à grande perte & dés-
honneur vers Monftreul, où nous le laiflerons,
pour vous déclarer ce que advint au païs de Flan-
dre, depuis une viftoke fi gloricufc.
Ca) Se àlfpofûiôni.
(*) ^^/////.
ROBERT LE F R ï g 0 f^. 391
CHAPITRE LU.
Comment Robert le Frifon fut reçeu aprht la fuf^
diSte victoire pour conte de Flandre^ & de la
fépulture qu^sl fit faire au conte Amould U
Simple.
LE conte Robert & les fiens, aifes au poflî-
ble d*une victoire fi excellente, & meftnes
quafi inefpérée, firent le lendemain reveuë de
leurs gens, par laquelle ils cognurent la pêne
qu'ils avoyent faiéle de plufieurs gentils com-
pagnons de leur cofté, entre lefquels néantmoins
n'y avoit aucun perfonnage de nom. Si avoit
bien Ça) de ceux que avoyent tenu le party de la
contefl'e Richilde. Car le fufdift feîgneur de Cou-
chy y deraoura, avec plufieurs nobles hommes,
& grands barons, tant de France que du païsde
Hainault, & de la Flandre gallîcante, & mef-
mes Guillaume Osl^erne , mary de ladifte Richilde ,
outre le conte Arnould de Flandre, di(ft le Sim-
ple , dont nous avoijs cy-deflus defcrit la noble
& vertueufe mort, lequel auffi fut pleuré & mer-
veilleufement regretté du conte Robert fon on-
cle; lequel en mémoire de fa vaillantife, fit ré-
préfenter au vif fur fon fépulchre l'image d'ice-
luy conte Arnould en efcarmouçant, & ^yant
une efpée en fa main. Il fut enterré au monaftè-
re de faint Bertîn , & motmift au mois de Mars
en l'an feptante-deux , qui fut le temps mefme
auquel la ftifdifte bataille fe fit ft>r le territoire
de Caffel, fuT un jour de fainft' Pierre (i). Il
(^dy Mais il y en avcU hsaucoup.
(i) Cette bataille eut Ueu le dimanche de la Septuagéfi me,
ao. Févritr 1071. (ftyle moderne)» jou* de la fétc de la
chaire de St. Pierre , fur le territoire de Caflel , non Isin
dcîl» montagne de Wcinche, vulgairement appellée Vom-
l^rg, qui touclie au bont Descottffl«» prè»êi Bavincho^c,
Mort 4a
rcîgneur de
Couchy.
Robert le
Frifon re-
grette la
mort du
conte Ar-
nould , fon
neveu.
Sépulture
du conte
Arnould.
L'an 107a.
Rec. ét$
hift. de Fr.
t. II. Ind.
cbronol. ^n
107 1. Hift.
des comtei
d'Ardrcs »
ibidr
104
n 0 B E a f
Prifoii en-
voyé fnf
deufi Ter«
lUnry l«
quint, pour
lecouri
contre le
foytkPrM-
DcU mer*
vellleufe
tdventuft
que ad V rut
tufdlAs
|imbaini-
deurSfpràf
Coulong"
ne.
la grande force & pulflance d'iceluy roy» Ilcfi^
voya awcun» ambafladeur* devcr» rcropcrem^
Henry le quint (4), tant alun de luy faire horo*
mage de la conté d'Aloft* & autrei terrei qu'il
tenoit deTempirey que pour pratiquer fon alUan-
ce 9 & luy demander fccoura, contre le roy de
France & fus adh<2renti. AufqueU ambafladcurs
advint auprès de Coulongne une bien eftrange
aventure 9 ft^lon que plufieura fois depuis & par
grande admiration » récita Tun defdii^s ambaflTa*
dcurs appelle Baudouyn^ lequel elloit en foti
temp^advoué de Tournay. Si fufl; le cas teU corn*
me lefditits anobaiTadeurs approchoyent ladiéte
ville de Coulongne où poui; lors eftolt Tempe-
rcur» ils rencontrèrent une dame de repréfenta-
tion fort grave & honnen:e» laquelle les interro-
gea de leur eftre, d'où ils venoyent, & vers quel
lieu ils s'acheminoyentf & pour autant que ils
tardèrent un peu à luy refpondre. ^ Je fçay bien
y, (did«clle) qui ycm» eiles» où vous allez» ëc
^ d'où vous vm^z» Vous elles meflagiers de
^ 1lol>ert le Frllbn , lequel contrevenant au fer-
^ ment 9 qu'en l'nflemblée d' Andenarde il fit es
y, mains de Baudouyn de Lille fon père 9 tQU^
„ chant le faift du gouvernement de Flandre, a
I, inhumainerwat faift mourir le conte Arnoukl
„ fou neveu « & déshérité contre tout droiâ
^ Baudouyn frère dudift Arnotildde facorité,&
I, fucceflion de Flandre. Il vous envoyé préfen*
„ tement vers Tempcreur Henry,' pour contrac»
^ ter alliance avec luy, & avoir fa grâce. Sço^
^ fchiez que l'empereur vous fei^a gracieuJC
^ recueil (A), & vous donnera bonne refponfej
^ mefmes que Robert le Frifon viendra au deflus
Ca) C/nfufèmc ét$ mm. (If) jkewiK
L Ê
FRISON.
S05
i, de tous fes affaires , & deviendra enfemble fes
„ enfons paifibie conte de Flandre. Et néant-
„ moins à raifon de fes inhumanités , injuftice &
„ perjure fiifdiftz, fa lignée défaudra tantoft (a)^
y, & ne paflera le troiziefme degré. Siviendra la
5, conté de Flandre fur un beati joVcncel Çb) , le-
^ quel meura (c*) fans lignée. Mais après ceftuy,
^, deux autres feront en merveilleufement grand
^ débat pour la fucceflîon de Flandre ; Tun def-
„ quels fera vainqueur , & tiendront fes hoirs
3, & fticceffeurs ladifte conté de Flandre jufques
„ à la venue d'Antechrift. „ Ce dift, ladifte da-
me s'efvanouyt de forte , qu^elle ne fut ôncques
depuis defdiÂs ambafladeurs Veue , ny apper-
ceue (îi). Lesquels aufli , fuyvant le préadvertifle*
ment de ladifte dame, eurent dudiél empereur telle
refponfe qu'ils defiroyent , avec laquelle ils re-
tournèrent peu après vers le conte Robert leur
feigneur , lequel ils trouvèrent desjà en armes ,
& preft pour marcher contre le roy de France ,
lequel efguillonné du defdaîng, qu'il avoit con-
ceu de fa honteufe fuyte & grande perte , avoit
âffemblé à Vitry une incomparable puiffance, avec
laquelle pluftoft que n'eflîmoit le conte Robert ,
il eftoit defcendu vers S. Otner , qui par la fac-
tion de Wulneric le chaftelaîn eftoit mife en fon
povoîr , & en laquelle ville il fit des exploits
de guerre fi déteftables, que ma plume ne porte
de. les vous réciter; car il n'efpargna fexe, ^age,
fiy religion , mettant au, refte toute la ville en
EUe parla
duboncofi*
te Charles.
Ce font
Guillaume
dcNorman-
die&ThiéA
ryd'EIfate.
Prédidiott
touchant la
fucceflîon
en la conté
de Flandre*
Le chade*
lain de
SaindOmei?
livre la vil-
le au roy
de France.
La cruauté
dont le roy
de Franco
en ladiéte
ville uft.
(^a^ S'éteindra.
(b^ Jeune homme.
(0 Mourra.
(ji) Cette apparition pour avoir ^té recueillie par plu-
lîeurs chronologiftes , n*en eft pas pour cela plus croyabltf.
fhiftoire eft le Tableau fidèle des évènemens pa(fés. Ott
l^avilit, quand ou la défi^^ure par le mélange de la fiable.
z
3o6
ROBERT
MirahîUa
opéra Do-
mini.
Le roy de
France
meu d'une
frayeur mi-
raculeufe-
tnent à luy
envoyée ,
retourne
vers Fran-
ce, aban-
donnant
partie de
les bagages
& charroy.
Autre occa-
fion de ce
fubit parle-
ment du
roy, félon
tttcuns.
une lamentable confufion , comme auflî avoîtdl^^
libéré de faire par toute la W^ftflandre. Maiiî
noftre bon Dieu , lequel comme un père foig-
neux, n'oublie jamais fon peuple, du moins s'il
■'n'eft préalablement mefprifé & oublié, invertit
le cœur de ce prince d'une frayeur & crainte tant
eftrange , que fubitement & fans attendre le
demain , il retourna en France , & pour la gran-
de hafte qu'il euft de partir , abandonna partie
de fon charroy & bagages ; il laifla néantmoins
aucunes gens en compagnie , & pour affiftence
de Bàudouyn de Hainault. Aulcuns eftiment que
ce fubit partement du roy Philippe hors du pais
de Flandre , ayt efté pratiqué par Godefroy,
évefque de Paris ,. frère du conte Euftace de
Boulongne , lequel portoit faveur au conte Ro-
bert , à raif(îh que auparavant , il avoît à fa re-
quefte délivré ledid: conte Euftace defes prifons
fans luy faire payer aucune rançon , outre ce
qu'il avoit les venus dudifl: Robert en admira-
tion fi fingulière , que pour obvier à ce qu'il ne
fuft du tout deftruift , réfolut en foy-mefme de
Taflifter , & que fuyvant ce après avoir long-
temps penfé au moyen qu'il devroit tenir pour
parvenir à fdri intention , enfemble pour divertir
le roy de fon cruel propos , luy refcrivit fccrè-
tement , qu'il avifaft bien à fon affaire , pour
autant que (a) s'il marchoit plus avant , & ne
mettoit peine d'haftivement fe retirer, il fe trou-
veroit trahy & livré es mains de fon énnemy^
Et que le roy adjouftant foy à ceft advertiflement,
abandonnant Tes bagues (F) 9 artillerie , charroy y
tentes & pavillons , feroit en toute diligence re-
tourné en fou royaume de France. Ceux qui
. font de cefte opinion adjouftent en outre , que
(tf) Para que*
Çh') Bagage»,
LE F il I S 0 N. 30? -
le conte Robert auroît depuis en recognoîflTance Liforeftde
de ce grand bénéfice , donné audid conte Euftace^ Bcthloo
la foreft de Bethloo , que les contes de Boulong- de Bou-
ne tiennent encores poqr le jourd'huy (3). Quant à loûgne*
moy , je lâifle à la difcrétion du lefteur d'ad-
hérer à ce qu'il trouvera plus à fon gouft , &^
fetourneray au conte Robert , que j'avoye laif-
fé en équipage pour venir trouver ledift roy
Philippe , lequel Robert adverty du partement
d'iceUiy & que néantmoins Baudouyn de Haînault
fon neveu , aflifté d'aucune troupe de gens que
le fufdiél roy François luy avoît laiffé , aflem-
bloit encores de toutes parts tant de gens qu'il
luy ettoit poflîble , tira contre ledid Baudouyn ,
lequel il rencontra près ledid Saînft Orner ,
que lé roy de France aVoît ( comme dift eft )
puis naguerres mis foubs fon obéiflance, & après
(3) Euftache , comte de Boulogne , avoit été fait prifoa-
tiier à la journée de Bavinchove , & Robert lui avoit géné-
reuferaent rendu la liberté. Godcfrof fenûble à ce procédé i
réfolut de fervir Robert. Le crédit qu'il avoit fur refprlt
du roi lui en facilitoit les moyens. La caufe de la retraite
du roi de France , telle que la rapporte Oudegherft , pa-
roit empruntée de rhiftoire généalogique des comtes de
Flandre, inférée, avec un éloge bien mérité , dans le on-,
zième volume du recueil des hiftoriens de France. C'eft
tinû que cet événement y eft développé : Gufridus epifce- P. 391. éL
pus, in 'Oiltd qua SptrUca dicitur ^ rlfidens ^ qualitcr Fri- 39*<
fonj fuhvtnirU mente ptrtraBam^ mij^i ad eum litteris /pon-
de t , quhd fi domhth ejus fjlvqm qu(t Bethlo dicitur -conce*
â€rct , paterno illum regno refiitueret, Co ite verhannuente,
epifcopus céleri nuntio régi mandat , quatenùs faluti fuét
confuleret & quantecyùs abiret ; adjungens etiam ducem
Flandriée & comitem Bolonia cum magno exercitu propl
adcffè^ ac nt fugam accderarct ^ capiendum fe fore. Quo
ilU nuncio territus^ reliais farcinis ^ noSte urbem reliquii
& 'verfîii Galliàm properavit Epifcopus igitur fratrem
fïtum comitî reconciliaus , pradi&am fylvam ei conceffit ^qU<t
tali caufd ufque hodie à eomitibUs Bolonia jure hareditario
poffidetur*
3*8
ROBERT
Robert le
trifon mcft
en fuite le
conte Biu*
douyn de
Hainault,
pré» Saind
Orner.
Robert le
Frifon galle
Je païi de
llainauU.
Baudouyn
de liflinault
envoyé fcs
9mba (fa-
deurs vert
révefque
de Liège
pour fe-
couri con-
tre Robert
le Frilbn.
Hainault
relevée de
régUfe de
un dur & afprc conflîô qu*îl eut contre fayr^
le mît en défarroy , & en fuite. Et s'aydant dr
fa fortune quy lors luy difoit bien , affin de ne
laîfler couUer celle bonne occafion de mettre une
fin à fa guerre , entra pourfuyvant ledict Bau-
douyn , & madame Rîchilde fa mère , au païs
de Hainault , où il fit pluficurs grands dégafts ,
& dommages 9 & prefTa de forte lefdiâs Baudouyn
& Rîchilde ^ qu'iceux fe voyants réduiébs en ter-
mes de perdre avec la conté de Flandre celle du-
dift Hainault, & n'ayant plus aucune efpérance
de fecours du cofté de France, envoyèrent leurs
ambafladeurs vers le païs de Liège , affin de
pratiquer Talliance , confédération , & amitié de
Thiéry, évefque dudifl: lieu , enfemble pourim-
pétrer fon fecours & affiftence contre la violence
dudift Robert le Frifon. Et affin de tant plus
légîèrcment l'attirer de leur cofté , & le faire
condefcendre à leur requefte, relevèrent par leurs
difts ambafladeurs , la conté de Hainault deTéglife
de Liège (4). Au moyen de quoy, ledift évefque
(4) Il eft néceflaire de rétablir ici Tordre des faits un
peu altéré dans notre hidoricn. La retraite précipitée de
Philippe entraîna néceflairement celle de Richtlde qui fc
hâta de rentrer dans le Haynaut. Abandonnée de fes alliés,
dénuée de troupes & d'argent, elle fe détermina à aliéner,
en faveur de Téglife de Liège , la fouveraineté d'un domai-
ne qu'eUe ne fe croyoit plus en état de défendre par fes
D'Outre- P^optc» forces. Elle fournit donc le conté de Hainault à
man, 1. a. Théoduin, évdque de Liège , pour le tenir à fief lige de
c. i« St. Lambert, L'empereur Henri IV. ratifia ce traité k Aix-
la-Chapelle, où il étoit alors. Théoduin compta à Richildc
une forame confidérablc , qui l'aida i lever une féconde
armée , dont fon fils Baudoin prit le commandement. Gode-
^ frol , duc de Lorraine , les comtes de Louvain & de Namur
lui fournirent des fecours ; mais la fortune lui fut encore
défavorable. Robert s'étant avancé jusqu'à Brôqueroie près
de Mons, lu| livra bataille & la défit entièrement. La perte
fut û grande , principalement du côté de» Hcnnuycrs, que
L E
FRISON.
309
leur prefta toute raffiftence à luy poffible , & be-
foingna de forte , qu'il moyeîna une bonne &
feure paix entre le fufdit Robert Conte de Flandre^
& lefdifts de Hainault. Par laquelle entre autres
cliofes fut traifté , conclu , & appointé , que le
conte Rotert le Frifon auroît pour foy & fes
hdritiers toute la conté & païs de Flandre , ré-
fervé feulement la ville de Douay , avec fes ap-
j)trtenences , quy demoureroit au pouvoir du
«onte Baudouyn de Hainault & de fes héritiers,
moyennant aufly certaine fomme de deniers, que
Icdid R^obert le Frifon promit payer à madame
Richilde & Baudouyii de Hainault , aux temps
& payements lors affignez^ Lequel fiaudouyn de
fon^ codé, renonça lors. pour luy & fes fuccefleurs
à la conté & feigneurie de Flandre , enfemble au
droift que jamais il y pourroit prétendre. Par
lediél appoinftement fuft femblablement pourparlé
& accordé , qu'iceluy Baudouyn feroit tenu &
obligé de prendre en mariage une des nièces du
fufdiét Robert 5 ' foubs condition & à peine que
Paix de
Flandre &
dctlainault.
Baudouym
renonce
pour luy &
les ûieccf-
feurs à la
conté do
Flandrer
le champ debataUlefut depuis appeHé Mortes Haycs ^ Dumus
mortîs, Robert ayailt enfuite traverfé laHaigne, ravagea une
partie du Haynaut & rentra dans fes nouveaux états. Ri-
childe ni fon fils n'oferent plus rien entreprendre de grand
contre un rival heureux , qui avoit fu fixer la viAoire ; &
quelques excurfions faites par le jeune comte de Mons fur
Jes frontières de la Flandre , ne purent ramener la fortune,
ni réparer les pertes qu'il avoit efluyées , fur-tout à la jour-
née de Broqueroie. „ Voilà comment la princefle Richilde ,
„ pour s'eftre trop opiniaftrée au confeU d'eftrangers , fc
yy trouva avec fon fils dépoffédée d'un pays important qui
yy lui eftoit deu de droit & nature , fe trouvant avec ce
yj chargée de debtes & engagée à Textrémité. „ Ce ne fut
guèrcs que vers Tan 1085. , que Robert fe vit paifible pof-
fefleur de la Flandre , par le traité de paix qu'U fit avec fon
neveu. Jusqu'^ cette époque , fi l'on en excepte quelques
ii^ervalles , Robert & Baudoin ne ccfl*erent de commettre
seipeâivement des ho(tiUtés«
Butkens ,
t. !• p. 66.
gio
ROBERT
s'il nelefaifoit , il fourferoit(^) & perdroît la dic-
te ville de Douay , quy de toute fa fucceffion de
Flandre luy efloit feulement demeurée.
Baudmiyrr
de Hainault
trouve la
nièce de
Robert le
Fritbn fy
Itiidc qu'il
ïiymc
nîcuxfnur-
f^irc la ville
de J>iiuay
que Tcf-
CHAPITRE
L IV.
Comment Robert le Frïfon eflant devenu patpbh
conte de Flandre , fit paix avec le roy de Ftan^
ce^ & du voyage qu'ail fit vers Hiirufalem^
avec autres chofes admirables.
IA fusdJfte paix & appointement faîft & ac-
^ cordé comme deffus- , la nièce de Robert le
Frifon fut à bonne compaignie conduire vers
Hainault , pour , fuyvant ledift appointement ,
la marier avec Baudouyn , conte dudift Hainault»
lequel trouva ladiéle dame fy extrêmement laide ,
qu*il ayma trop mieux fourfaire & perdre fa ville
de Douay que de Tefpoufer ^ quy fut la caufe
qu'il la renvoya, & que par mefme moyen ledift
Douay rLiourna ùs ni:iins des contes de FUuulrc,
6ç peu après Icdict Bnudouyn fc maria à madame
Ydc, fille de rempLTenr Ht.'iiry qutirnefme de ce
nom (]), de laquelle il cuti un fils, nommé Bau*
douyn, quy luy fuccéda audii^t Ilaînault, par k
maycu dtFciael plufieur$ gLierrc^ s'csmeurent de*
A"
trc isn crtmé.
n\*wît point fiISt de IVm-
I IU| t'^ïmte tic Lnuvim,
Al h û fie : Comcx ^wnféffjit
■ • ' t um iif n rti i hvan hr^u
I KcTîiî» cotifirin^c Vép\^
' Vtêûimi cy gifl ùtiviiivim
■ r %/ BavUvîn M^nnomh
Jt Jrrtt/hkm * etfi^
y
L E
FRISON.
Siï
puis entre Flandre &; Haînault, à raîfon du droift
qu*il prétendoit audîél Flandre; ce quicaufaune
grande ruyne & dcftruélîon aufdiéls païs de Flan-
dre & de Haînault refpedtivemfent. D'autre codé,
le conte Robert de Flandre eftant , par le moyen
qu'avez peu veoi;- , devenu feîgneur paîfiblc
<î'icelle contrée y trouva moyen de faire paLx &
pareillement s'accorder avec Philippe , roy de
France, lequel fînablement à Tindinél & perfua-
fion de Godefroy , éveîque de Paris , prinfl: en
mariage madame Bertrudç (//) , que la coutefle
de Flandre, femme de Robert le Frifon, avoit
eu de Florcns , jadis conte de Hollande , fon
premier mary, & de laquelle ledit roy Philippe
euft par fucceflîon de temps Louys, dift le Gros,
depuis roy de France (2). Environ ce mefmc
temps, Philippe, fécond fils de Robert le Fri-
fon , tomba d'un grenier & fe blcfla de forte ,
qu'il en mourut toft après , & fut cntcrrd à Ber-
glies Saint Winoch. Il laifla d'une fienne concu-
bine, ou félon autres de fa femme, qui cftoit
fille de Guillaume, feigneur de Loo & vicoute
d'Ypre, un fils , nommé Guillaume de Loo , &
autrefois Guillaume d'Ypre , dont cy-après fe
fera plus particulière mention. Je trouve par une
anciene chronique, que ledift Philippe, le quin-
zième jour après fa mort, apparuft fur fa fépul-
ture à un religieux, nommé Editius (quy s'elloît
levé de bonne heure pour Ibnner la cloche des
Robert le
Frifon faid
paix avec
le roy de
France.
Philippe df
Flandre
tombant
d'un gre-
nier,fc bief-
fe & meurt,
laiflant un
fils, appcHé
GulUaume
4e Loo.
(/») Berthe,
(î2) Outre Louis le Gros qui lui fuccéda , Philippe eut
de Berthe deux princes & une fille , nommée Confiance ,
)nari(ie d'abord à Hugues, comte de Troyes , âc enfuite à
Bohémond premier , prince d'Antiochc/ Philippe la répudia,
dit Guillaume de Malesbury, pertafut connuhii qubd iîla
praphtgu^ corpuUntia cfct , uxorcmque andegavcnfii CQmi*
lis ÇfuIcQnh) contra f as & jus fibi conjunxif.
Rcc. det
hift. deFr.,
(.2. p. l8d.
3ii^
ROBERT
Ledia Phi-
lippe de
Flandre ,
quinze
jours après
fe monftre
à un reli-
gieux, quy
peu après
meure de
frayeur.
Le cloiftre
de Watene
fondé par
Robert le
Frifon.
L'églifedè
S. Pierre à
Caflcl fon-
dée par
Robert le
Frifon.
matines) & qu'il requift dudifl: Editîus , qu'il
voulfift prier pour fpn ame , rafleurant que les
oraifons des d<îvotes perfonnes font grandement
prouffitables aux trefpaflez, comme le jour mefme
ledidl Editius récita à tous ceux du convint ^ &
au moyen de la frayeur, dont à raifon de ladiélp
apparition il avoit efté fayfi, il mourut huift jours
après. Ledift Robert le Frifon fut , fuivant la
bonne inclination de fes prédécefleurs , pareille-
ment fort enclin au fervice divin & au fupport
des églifes. Il fonda le cloiftre de Watene de
chanoines réguliers au lieu mefme où avoit efté
la chapelle de faindt Régnier , confefleur (3). Il
euft toute fa vie merveilleufe & particulière dé-
votion à monfieur fainfl: Pierre , & principalle-
ment à raifon de la belle viftoire que au jour
dudift fainft Pierre ( qu*on diél Cathed)ra Petri^
il euft contre le roy Philippe de France, Arnould
fôh neveu & leurs adhérents. Il fonda Téglife
de fainft Pierre à Caflel de vingt prébendes , &
fortifia le chaftel dudift Caflel , aymant grande-
ment tant qu'il vefcut ladifte ville, en récorda-
Hiftoircdcs
comtes
d'Ardres
flu rcc. des
hift. de Fr.
t. 2. p.
(3) Le monaftère de Guaftine , autrement appcUé Waftc
ou Watten^ ne fubfifte plus depuis qu'il fut réuni à Tévé-
ché de St. Orner, lors de fon ére^on. Dans la fuite les
revenus ont été diftraits de l'évêclié & donnés aux Jéfuites
anglois. Otfrlde, premier abb^ ou prieur de ce monaftère,
y établit la règle des chanoines réguliers, établis depuis
peu en France, mais dont il n'y avoit point ^encore de
communauté en Flandre. Ce pieux établiflcment étoit
un tribut de reconnoiffance que Robert payoit à TEtre
fupréme pour la faveur fignaléc qu'il en avoit reçue à la
journée de Btvinchove : Ob cujus faSti mentoriam ff mémo-
riam , cornes Robtrtus^ adepio tôt tus Fîandria princtfatu ,
in honorem- beatiiftma femper virginis Maria vuatinicnfem
fahtefecit ecclefiam , & triginta régulariser viventium cano-
nicorum^ deferviri tnflituit obfequio, La reconnoiflancc fut
également le principe des autres établiffcraçns ^ donations
dont il e/l parlé plus bas»
LE F R *I S O N.
313
tîon (d) de fa fusdifte viftoire , que près icelle
il avoit obtenu. Il fit réparer grand nombre
d'cglifes fondées à Thonneur & confacrées au
nom dudîét fainft Pierre. Il fonda aufly en Téglife
de Thorouît dix prébendes , & fit faire la maifon
de Winendale, avec un bel & excellent parcq.
Ces chofes aînfy exécutées , ledîcl Robert fit fes
appreftes (A) pour aller vers la fainfte cité de
Hiérufalem , où de faift il s'achemina à très-
grande dévotion en Tan mil feptante-cincq (4),
& vîndrent avecq luy de compaignie plufieurs
nobles barons de Flandre & d'autres païs , entre
lesquels fe trouva le conte de Jullers , qui pafle-
rent tous enfemble jusques au mont de Sinay , &
vifiterent les glorieufes reliques de madame fainfte
Catharine. La chronique de Dunes attefte,que,
comme Robert le Frifon penfoit entrer au temple
de Hiérufalem , la porte de Téglife fe ferma con-
tre luy. Dont ledîél Robert eftonné au poffible,
fe confefla à un faint hermite ( qu'il trouva en
ladite cité) d'un pefché que jusques lors il avoit
tousjours tenu merveilleufement fecret. Et après
retourna à piedz nudz & la tefte defcouverte vers
ledift temple , où la porte lors s'ouvrit d'elle-
ipcfme & entra ledift Robert fans aucune diffi-
culté, où enfaifantfes dévotions , luy apparurent
des admirables & effranges vifions , félon que de-
puis il auroît, plufieurs fois raconté , .& après
avoir illec vaqué quarante-deux jours continuels
Les maifon
& parc de
Wincndalc
édifiez par
Robert le
Frifon.
L'an 1075.
Robert le
Frifon avec
plufieurs
grands fei»
gncurs fe
transporte '
vers Hiéru-
falem.
Le temple
de Hiérufa-
lem fe fet-
me contre
Robert le
Ffifon.
-(a^ Mémoire^
(^) Préparatifs,
(4) Ce fut en 1085. qwe Robert partit poux la Paleftine ,
après avoir aflbcié au gouvernement de fes états Robert,
fon fils aîné. Il fut accompagné dans ce voyage par plu-
fieurs grands feigneurs flamands , dont les principaux étoient
Baudoin de Gand, Bouchard de Comincs, Gérard de Lille,
Valnier d'Oudembourg , Valnicr de Courtrai , Gratien
4'EclpQ &c,
t
I
Meyer.
BuzeL
314 ROBERT
en prières & oraîfons , il fe mit en chemin pour
retourner en fon païs de Flandre (5).
(5) Parti en 1085. , Robert ne revint de Jérufalem qu'en
1091., & vacqua par conféquent ptus de 42. jours en prié*
rts & oraifons. Ce fièclc étoit celui des pélcrinigcs. On aU
loit furtout à Jérufalem , pcrfuadd que ce voyage étoft le
plus fur moyen d'expier les plus grands crimes. Le roi Ro'
bert avoit également fait un voyage à Rome, ôc Louis le
Jeune , vers le milieu du fiécle fuivant , en fit trois , Tun
èi St. Jacques en Gallice, le fécond au mont S. Michel ôc
le troifièmc au tombeau de St. Thomas de Cantorberi. Le
comte de Flandre étoit déjà vieux , lorsqu'il entreprit ce
rruiîlaumc long & pieux voyage , Jam eanis fparfus caput , Jerofoly-
Malcbb. matn contendlt pro ptccatorum alle^iamento. S'il eft vrai
que l'expiation de fes fautes fut l'objet de ce pèlerinage»
ne pouvoi^il pas les expier au fein même de ics états , au
lieu de les abandonner dans un tems où la paix étoit peut-
^tre encore mal-aflefmie , ôc où le plus léger prétexte pou- ,
voit rallumet le flambeau de la guerre ? Ce qui eft cxcufa*
ble dans un particulier , devient fouvent une imprudence
coupable dans un fouverain » dont l'abfcnce ou la préfcncc
peut alfermir ou éHranler, aiTurer ou rompre le repos do
la nation.
CHAPITRE L V.
Comment après la mort du duc de Brabant , Robert
le Frifon reftitua Thtery , fon beau-fils , en la
conté de Hollande^ ^ comment lediR Robert ,
s* appareillant pour mener guerre dontre AngU^
terre ^ pour ce qu'ion tuy refufoît la penfîon des
trois cents marcs par an , mourut en fa mai fon
de Winendale.
LE conte Robert le Frtfon , après avoir
fiûdt fes dévotions en la faincte cité de
Iliérufalcm retourna vers «Flandre & exploita
tellement par fes journées , que finablemcnt il
y parvint au grand contentement de tous fes
vaflaux & fuppofts, & fignamment de la contcflTc
L E
FRISON.
315
fa femme , & de Robert le jeune Frifon , fon
fils , auquel avant fon partement , il avoit
commis le gouvernement de Flandre, lequel luy
fut remis es mains à fon retour (i). Et eftant
peu iiprès adverty du décès de Godefroy, duc de
Brabant , lequel s'eftoit par force faîft conte de
Hollande ( comme avez veu cy-deffus ) & lequel
fut par un fien ferviteur nommé Ghîflebert meur-
dry (a) en fa chambre dans la ville d'Utrecht
^ (2) , penfant aller au retraiél (F) , il befongna
tellement que moyennant fon ayde & aflîftence ,
Tbiéry fils de Florens le Gros , jadis conte de
Hollande , & premier mary de la contefle'Gher-
trude fa femme , fuflr reftitué en ladîfte conté
de Hollande , à luy par droift de patrimoine ef-
jcheu , & appertenante. Et l'empereur Henry le
cinquicfme , mit la main for la duch^ de Lotrice
& de Brabant , pour autant que le fufdift Gode-
froy eftoit terminé fans hoir de fon corps. En*
Le duc (k
Brabant
meurdry
par un iica
valet.
Thiéry, fils
de Florens
le Gros,
reftitué en
la conté do
Hollande ^
par le
moyen de
Robert le
Frifon , fon
beau-père. .
(tf) JjfcMné, (*) LUu âTaifance.
(i j U paroît qu'à fon retour, Robert préféra le repos aux
embarras du gouvernement. Regrejfus^ mundanh involucris
renunciavit ^ fittcm vi ta qui et us à negotiis chrijliand follici-
tudinc opcriens^
(2) (Voyez la note a. du chap. 47. p. 282. J L'aflàflînat
de Godefroi le Boifu eft de Tannée 1076. & antérieur de
près de 10. ans au départ de Robert pour la Paleftine. Le
plus grand nomb^ des annaliftes difent que ce fut à Anvers
que Godefroi fut aflaffiné, & Robert fut foupçonné d'avoir
été rinftigateur de ce crime. Godefridus Gibbofus
jfntverpia à ficariâ per infidias grqviter Ufus , moritur,
Lambert d'Afchaflfemberg , moins laconique que Sigebert ,
raconte le fait de la manière fuivante : Gozilo ( Godefridus
Gibbofus ) dux LotJmringorum , cum effet in confinio Lotba-
ringia & Flandria^ in 'civitate qua dicitur Antwerpba <t
occifus ejî per infidias ^ ut putabatur ^ Ruberti flandrenfis co-
fniiis. Cum enim quddam noBe , quiefcentibus _ omnibus , ad
ntc:ritatem naiura fccc^iffet , appofitus extra domum fpicU'
lator confodit eum per fecreta natium , reliâoQUC in vuhicr^
f^rro^ concitui aufu^if^
Guillaume
Malesb.
Marchant,
Meyer.
Beka.
Sigcber:.
an. io;6.
An. ipr6.
L'an 1077.
Roben le
Frifon en-
voyé en An-
gleterre
pour la
penfion des
trois cents
marcs, au
chapiti 42.
Trefpas de
5<.obcrt le
Frifon.
. La barbe
de Kobert
le Frifon
crue après
fontrefpas.
316 ROBERT LEFRISO^T.
viron ce mcfnie temps , fi comme en l'an feptaotc-
fept , le conte Robert le Frifon , envoya vers
Angleterre pour recevoir du roy Guillaume , la
penfion de trois cents marcs , qu'il eftoit accou-
ftumé délivrer aux contes de Flandre , pour la
raifon qu'en l'hiftoire de Baudouyn le Débon-
naire aurez cy-defl*us peu icntendre , & félon
que depuis il avoit tousjours payé , tant audîél
Baudouyn le Débonnaire , qu'à Baudouyn de
Mons, fon fils , & mefmc au conte Amould le
Simple puis naguerres occis en la fufdiftc jour-
née de Caflel (^d). Et pour autant quelediftroy
Guillaume refufa prtyer icclle penfion , foubs pré-
text que lediét Robert n'efl:oît vray & légitime
héritier de ladifte conté , ains qu'il s'y eftoit four-
ra finifl:rement , & par violente ufurpation , Ro-
bert le Frifon fij: appareil de grand nombre de
navires , & de bonne trouppe de foldats en in-
tention de pafler en Angleterre , & contraindre
ledift roy Guillaume à la prefl:ation & payement
de la fufdicle penfion. En laquelle entreprinfe
néantmoîns il fut empefché par la mort quy le
furprint en fa maifon d^ Winendale , audift an
mil feptante-fept , & fut fon corps tranfporté
en la ville de Caflel , & enterré dans l'Eglife de
famft Pierre qu'il avoit fondé (3). Aucunes Chro-
niques maintiennent , que certain temps après
fou trefpas, l'on trouva que fa barbe eftoit creu-
tc (J?) en bien grande cognoifiance. Quant à
madame Ghertrude fa femme l'on ne trouve eu au-
cunes hiftoircs ny le temps de fon trefpas , ny
le lieu auquel elle fut enterrée. Tant eftoit gran-
de la négligence des hiftoriehs du temps paAié.
Iperius ,
Mcyer.
Fland. gen.
Marchant,
fiuzel.
(/z) Ou dt Bavincho'ùc, (h) Crue , accrue,
(3) Robert mourut, félon les uns le 4. Oaobrc, & félon
d'autres le 12. du mjôme mois 1093. , deux ans après fon retour
de la terre fainte & 21. ans après la bataille de Broqueroie,
qui lui affura la poflcffion du comté de Flandre.
ROBERT S E C 0 N^ D\ 31?
CHAPITRE LVÎ.
Comment Rohert le Jcuîts ccjfa pour luy ^ fes
fuccejfcurs la couflume , par Uiqueîle les contes
de Flandre fuccédoyent aux biens meubles des
' gens d''cglîfe ^ & de phifteurs fondations qu*ïl
fit ^ i^ comment il crée le prévoji de fahiSt Don-
nas à Bruges , chancelier perpétuel de Flandre.
Robert , didl le jeune Frifon , fuccéda à Ro-
bert k premier fon père , & emprint le
gouvernement de Flandre en Tan naîi feptante-
fept. Il euft à femme madame Clémence , fille
de Guillaume, conte de Bourgoingne, furnom-
mé Telle hardye (1) , quy fut fils d*Otho pre-
mier duc de Bourgoingne, fécond fils de Robert,
roy de France , dit Capet (2) , dont il euft trois
fils , fi comme Baudoùyn appelle Hapkin , qui
depuis fut conte de Flandre, Guillaume qui mou-
rut en l'aage de dix & huift ans , & gift à S«
Bertin , & Philippe lequel femblablement trefpaf.
fa bien jeune. Je trouve que cefte dame Clémence
euft lefdifts trois fils en moins de deux ans , &
que pourtant , pour la crainte qu'elle avoit , d'a-
voir trop d'enfans , elle fit par je ne fçay quel
Mar^gede
Robert le
Jeune avec
madame
CWmcncc
de Bout*
goignc.
Des enfàns
de ce Ro-
bert.
(i) Elle étoit également fœiir âe Calixte II., comme le
prouvent des lettres rapponées par Vrcdius , dans lesquelles
ce pontife parle ainfi : Caîixtus IL epifcopus . . . Nos Jorq-
ris tnea CltmentU Flanàrorum cotkitifa .... petitionibits
annucntcs . . Datum apud S. Petrum •^. Februariî MCXXXL
(2) Le premier duc de Bourgogne , fécond fils du roi Ro-
bert, fut Robert chef, comme nous l'avons dit , ("n. 4. du
chap. 41. p. 244.) de la première maifon de Bourgogne. Le
père de Guillaume Tejîc hardye fut Guillaume furnommé le
Grand, comte & non pas duc de Bourgogne. Sa mère fut
Stéphanie , comteffe de Viane. II eut pour femme Gertrude
de Limbourg, dont il eut, outre deux fils & Clémence,
un autre fils nommé Gui qui , d'archevcque de Vienne, dç-
vint pape , fous le nom de Calixte II.
Pr. généal,
des comtes
de Flandre,
P- 145.
Butkens ,
1.4. p. 107,
Hiil. de
PoUgni ptr
Cîîivalier»
t. i. p. 95.
byiH Mm-
♦ UMt la
îjjfl fl 0 « li H T S IC (2 O N D,
m • d^ Unn^ ^jMV'lltf uVii pori» |[»lMt> , (i-'l'/ii iju^
umt h UMU ♦ Ift ftiMt^ ^u'miinmvmn k trop foN
J'riMt'ff , i)m^\mt & )mr4y « çnmim m\m% vou#
liitM'jj r^/j, A (uM ^i\\/LH}LHimH m k t^tand d^ l'i^'U»
4rti , lit cU»giiti (\m\\tt imU Ut iMmUm nmsfnh
m\mmvmt pvoit <i(M jiudto I^Jfifidr^, par t#ujM4*
|(ti lus) (i;i{{M^Mi> & cum^^ de l^iftndre (Mc^t-t^il/^yeHit
ftM¥ hUm uwMti^ de fou*) )efc> prertre*» tierces (i^*
c'Mller«> , ivim h qnny obvie»' le p^pe IhU^in ref*
trfvlt ftu ^tnm linhm m. Vm\ ndl iummm k
un Mh^ itu'e donr k mmur s'e«ft*ln 99 Urhmm
„ tiplirii/uti t fpr^hf ïi^rywf4fH Ji§in 4lh^o fllh lU-^
„ />^r/^^ , //?//>/! i^hnflrl0 ftrmm mlliii faimm ^
„ onulhllam barmli^'mm, Mmimto t efhififflm
99 y/// 9 f/i^^tnhm QmnlfiQ^mH litm (l0hfii 9 /f^/ /^
99 mogumn 9 </^ pmp^r^ AlvUm 9 ^/^ /^^^^/// ^/^^y^-
„ /;/w }irim''fppm fh'h 9 ^ ( ^a^^*^/ rmvlmmn ^fi ^
C^) i uHtJ immt^fihf (^imti nmv Am^é fto?^ ttnhm i^ 0^
DIT DE JÉRUSALEM. 31^
^ inter faculi principes rarum ) dote literarum
„ fcientia atque religioni donavit. Ejus igitur me^
„ mar efto qui te talem fecit ^ & omnibus modis
5, élabora j ut tantis beneficiisnon inveniaris in-
„ gratus. Honora igitur eum in ecclefiis fuis ^ &
y, ulterius presbyteros aut clericos qualefcunque fint
^ fub aliqua occafione vexare minime pre fumas 9
„ nec eorum predia in tuos ufuspoft eorum exitum
^ redigas^ nec pecuniam feu quodcumque de patri"
^ monio fuo , //// dimittunt violenter au feras , fed
„ libéra fit eis facultaSy & Deo ferviendi^ ^ res
^ fui patrimonii cuicumque voluerint impendendi.
n Qj^àd fipr(eftfhdis hoc ex antiquo ufu in terra
^ tuâ procejfiffe , fcire debes Creatorem tuum di-
y, xijfez ego fum veritas non autem ufus vel con-
^ fuetudo. Qua igitur dixinius , chariffime fili ,
^ volumus ^ per beati Pétri Apoftolorum princi^
^ pis claves pracipim^s , ut obferves , & fuper
^ liber tate clericorum te^Chriftum honorant em hono^
y, rifices , ipfe verb atteftatione fui ipfius honorifi^
„ cantem Je , honorificabit . Fale. Datum apud
^ fan£tum Petrum anno millefimo nonagefimo pri^
^ moyy. Aufquellcs lettres envoyées du fainft
îiege , le conte Robert ne voulut obtempérer ny
obéir, foy fondant fur Tufage & couftume in-
vétérée de Flandre , & que ufan: de fon droift,
il ne faifoit tort à perfonne. Au moyen de quoy
ceux de la clergie firent une aflemblée pardevant
Renauld , archevefque de Rains & lors métropo-
litain de Flandre ^ où fut finablement conclu &
réfolu de procéder contre le conte Robert ^ &
ceux qui le portoyent en fadifte opinion & erreur
par interdiâ & excommunication. Pour laquelle
luy dénoncer , furent envoyez devers luy Emould
prévoft de Sainft Omer , Jean abbé de Sainét
Bertin , Gherard abbé de Ham,& Bernard prévoft
de Watenes , lefquels vindrent trouver le conte
Robert au cloiftre dudid Sainét Bertin , où il
Demejivê-
ritas mtm
autem tfta
vel confmer-
tudo.
Le conte
Robeit Bc
veuûobéyr
aux ktnw
du S. fi<^.
Le conte
Robert
craindanc
dire ex-
communié
enfla la
couftumc
par laquel-
le les con-
tes de Flan-
. dfe fdccé-
doyent aux
biens meu-
bles des
gens d*dgli-
fe.
Advertifle-
ment au
ledeur tou-
chant la
doubte que
peut four-
dre, iy la-
dite lettre
fut envoyée
k Robert en
qucftion ,
ou à fon
père Ro-
bert le Fri-
, Ibn
Aucuns ef-
timent que
Robert le
Frifon vef-
cut jufques
à Tan qua-
tre-vingts-
douze.
â2o ROBERT SECOMO^
faifoît fcs dévotions à raifon du fdnft temps de
quarefme , & lequel récent lefdiftz prélats moult
bénignement , & doubtant les fulminatîons de
la fainfte églife , caffa pour luy & fes fuccefleurs
éternellement la damnablc couftume , dont aupa-
ravant ils avoyent ufé , au préjudice dès libertez
de Téglife , ordonnant que de lors en avant, les
preftres & gens d'égljfe , peuflent franchement
teller de tous leurs biens meubles qu'ils délaif*
feroyent après leur décès & trespas , dont auffy
il leur donna lettres efcriptes à Sainét, Bertin ,
audiél an mil nouante & un. Auquel endroiél
ay bien voulu préadvertir tout lefteur , que la
fufdifte lettre du pape Urbain peut fembler avoir
efté envoyée , non pas à ce conte Robert , mais à
Robert le Frifon fon père, mefmes d'autant plus
que celle claufe inférée en la fufdîfte lettre : Qui
te contra voluntatem parentum tuorum deparvo ma^
gnum , de paupere divitem , ^c. s'addrefle di-
reftement audiél Robert le Frifon , lequel de
pouvre fugitif, cftoit devenu riche & puiflant
conte de Flandre. Quy me faiél eftimer , que
l'opinion de ceux quy affirment, que lediél Ro-
bert le Frifon vefcut jufques en l'an quatre vingts
douze , & qu'en l'an fcptante-fept il réfigna fa
conté de Flandre à ce Robert fon fils , pour-
roit eftre véritable. Et principallcment attendu ,
que autrement ladiéle lettre datée de l'an quatre-
vingts-unze , ne pourroit ^avoit efté à luy addref-
fée. Mais d'autre cofté , fe pourroit femblable-
ment interpréter ladiéle claufe, de parvo magnum y
de paupere divitem , fifc. (4). qu'eftant le père
d'ice-
(4) Il eft certain que Robert le Frifon ne mourut qu'au
mois d'Oôobre 1093. Il Teft également que c'eft à lui que
s'adreffe la lettre d'Urbain II. Voici ce qui y donna lieu.
A fon recour de la Paleltine en 1091.^ il avoit iait revivre
i)ir DE JÈRUSALÉNf. §îi
d^iccluy Robert chaffé de fes pnïs, & defppuiil<?
d'iceux, ce mefme Robert petit au moyen de la
pouvreté de fon père, feroit depuis, par la meiP
leure fortune d'iccluy , devenu pareillement riche
& puiflTant. Laquelle diverfité d*opinious avec
leurs raifons je Couche volontiers en ce mien
volume , affin que tout bening lecteur puifle com-
tnodieufement adhérer à la plus vrayferablable.
Or, pour retourner à noftre Robert le Jeune Fri-
fon , conte de Flandre, fçachez qu'il rie dégénéra
en riens des vertjïcufes traces de fes très-illuftres
prédc^cefTcurs , ny mefmes en ce que concemoit
le fervice & honneur divin. Car il fonda TEglife
& monaflère de faindl Andrieu (a) lez Bruges
de religieux Rénédiftins , & dchia de moult (h)
grands privilèges les prdVoft , & thatioines de
Saînél Donas à Bruges , par lefquels il fit &
conftitua ledi<a Prévoft ^ chancelier perpétuel de
Flandre , & maiftré des ^deniers de la maifon du
conte , permettant & accordant que les chanoines
dudift Sainft Donas feroyent à Tadvènir chape-
lains domeftîqucs de ladifte maifon de Flandre ^
comme du tout appert par fes lettres de l'an mil
quatre-vingts-neuf, efquelles font inférées lea
claufes qui fenfuyvertt : Prapofitum fané ejufdem
Ecclefia , quicumque fit , caftceflarium noflrum , ârl
omnium fuccejforum noflrorum ^ fufceptorem etian;t ^
Le môna*
(1ère de
faint An-
drieu lez
Bruges fon*
dé par le
conte Ro-
tcrt.
Le prévoft
de S. Donas
à Bruges,
chancelier
perpétuel
de Flandre
& maiftre
des deniers
delamaifoa
du conte.
Le^ chanoi-
nes deS Jeû-
nas chape-
Ifûi^ -do4.
mciliques.
dû conte
de Flatidrei
(ij) AndrL
(*) Beaucoup s très.
dans fes états un ufage qui défendoit aux cccléfiafiiques de
faire aucun teftaraent , & qui conftituoit les comtes eux-
mêmes héritiers de tons les biens des prêtres , après leur
mort. Roben, par ce procédé, fouJeva contre lui tout lé
clergé de fes états. On adrcfla des plaintes à Urbain II. , qui
expédia la lettre que rapporte Oudegherft. * Robert fut me-
tiacé de l'excommunication dans un fynodc aflcmblé à Rhcims
Tannée fuivante par Tarchevéque Renauld, & fe vit par-là
contraint de renoncer à fes prétentions.
A a
Meyef.
Buzel.
Sainft Ar-
nould fon-
de à Ouden-
bourch un
cloidrc de
Bénédic-
tins.
Anon
chambrier
perpétuel
de Flandre.
Xe cloiftre
des Dunes.
Madame
Clémence
de Flandre
fonde deux
cloiftres de
femmes ,
tin à Bour-
bourch de
l'autre k
Mercken.
fA\T. donat.
Belg. t. I.
J?. 359-
Belg.
1. a. c
& 4^.
t. I.
45.
ya» ROBERT SECOND^
g? exaSorem de omnibus reditibus princlpatûs Flan^
dria perpétua conftituimus ; eique magifterium mço^
rum notariorum , & eapellanorum , fi? omnium
c/ericorum in curid comitis fervientium ^ poteftativè
concedimus. Canonici verb quandocunque ad curiam
meam venerint , jus eapellanorum obtineant (5). Il
fit femblablement grande aflîftcnee à monfieur
Çainft* Arnould , évefque de Soiflbn en la fon-
dation du cloiftre d'Oudenbourch de Bénédiftins ,
& confirma le don que peu auparavant Anon
chambrier peijpétuel de Flandre , & Ilafacca fa
femme avoyent faift audiél évefque, pour com-
mencer le fufdiél; cloiftre. Il donna congé & oc-
troy à aucuns religieux de Tordre de Cifteaux »
pour commencer & fonder le cloiftre des Dunes,
fur la rive de la mer au Weftquartier dont font
lettres de Tan mil centfept (6). Madame Clémence
de Bourgoîgne fa femme , fonda deux cloiftres
de femmes de Tordre de monfieur Sainft Benoîft,
Tun à Bourbourch , &. Tautre à Mercken , ou
félon Topinion d'aucuns à Avefnes.
Diplom.
' (5) Ce paflagc qui contient une partie des prérogatives
attachées à la dignité de prévôt de St. Donas , eft fidellement
extrait du diplôme, par lequel Robert de Jérufalcm créa ce
prévôt chancelier perpétuel des comtes de Flandre. H eft
de Taiï 1089. 9 & prouve ce qui a été dit plus haut , qu*avant
fon voyage en .Afie , fon p^re l'avoit aflbcié il la fouvcrai-
neté , & lui avoit remis les rênes du gouvernement. On
trouve également dans Mirttus le diplôme de la fondation
du monaftère de St. André de Ëruges. Ce dernier eft de Tan
nos. Le monaftère de St. André de l'ordre de St. Benoit
ne fut d'abord qu'une prévôté dépendante de l'abbaye d'Af-
fleghem; mais en u88. , fous Philippe d'Alface, cette pré-
vôté fut érigée en abbaye.
(6) Cette abbaye avoit été bâtie d'abord au fond des du-
nes, dont elle tira fon nom; mais en 1627. , les religieux
Vinrent s'éublir dans la ville de Brugçi.
DIT DE J É RU s A L E M. 323
CHAPITRE LVIL
De rinflltution d^aucuns ordres au tems du conte
Robert , e? des chofes miraculeufes ^ prodigieux
fes qui au me fuie temps advindrent au pays de
Flandre.
AU temps du conte Robert k Jeune Frifon,
fi comme en Tan mil feptante-neuf fur la
veille de* Noël , advint à Oudenbourch en Flandre
un cas -merveilleux & admirable* Car la tour de
Téglife de noftre Dame , que monfieur fainft Urf-
marus avoit au temps du roy Dagobert fondé,
ploya par force de vent de forte, que çhafcun
eftimoit, qu'elle devoit tomber par terre, & de*
moura en tel eftat, quatre ou cinc jours, au bout
defquels par la volonté & permiffion divine, la-
dide tour fe redrçfla d'elle-mefme, & fut audift
jour veûeen îcelle églife une merveilleufç clarté,
dont plufieurs aveugles , fourds & autres malades
y reçeurent incontinent guarifon. En Tan mil
cent en Zélande, y euft une fontaine, qui dur
rant quinze jours continuels, couloit une grande
abondance de fang, de forte qu'elle infefta & ren-
dit fanguineufe les autres eaues qui eftoyent là
autour. D'autre cofté environ ce mefme temps
en la ville d'Arras la vierge Marie apparuft en
accouftrement blanc à deux jouvenceaux, lefquels
ordinairement eftoyent accouftumez de jouer
d'aucuns inllruments de mufique , dont ils fe fça-
voyent ayder, devant l'image de noftre Dame,
& leur préfenta une chandelle de cire , qu'elle te^
noit en fa main , laquelle a tousjours depuis efté
& encores eft confervée en grand honneur &
folennité. Et ores qu'elle foit fouvent allumée
l'on maintient qu'elle ne fe diminue aucunement.
Et celle eft la chandelle qu'on appelle la Chan-
delle d'Arras, qui eft annuellement par deux jou*
A a !î
L*an 107^
Cbofe mi*
nculeufe
de régîife
de QoUre
DtmeiOa-
denboorclb
Fontiioedc
fang en Zé-
lande,
Lachaodfl.
le d'AiTW,
324 ROBERT SECOND^
venoeaux portée fur un autel de noftre Dame, le
jour du S. Sacrement. Sy maintient-on que plu-
fieurs y vont par dévotion pour avoir guarifon
de leurs maladies, & fignamment ceux qui ont
aucun membre efpris de feu, lefquels fe levants
de Teauë dans laquelle eft diftilée & fondue la
cire de.cefte chaqdelle, reçoivent amendement
& fan té (i)* D^ cefte chandelle font defcenducs
plufieurs autres, ii comme cefles de Berghe,
Valkenberghe, Melun , Saugin , Arkes , & autres*
Je treuve qu'au temps de ce mefme Robert,
' fçavoir en Tan mil quatre-vingts-dix. & huit com-
Commen- mença premièrement l'ordre de Cifteaux , au
Swdl* moyen d'un religieux de l'ordre de S. Benoift
Cifteaux^' de MoUins, au diocèfe de Langres, nommé Ro-
bert (jf) , lequel (fefirant vivre du tout conformé-
ment au vray ordre de monfieur S. Benoift, par-
, tît de fon monaftère de Mollîns , accompaigné de
. cinc ou fix religieux de fon ordre , & fe retira
dans une forefl: guerres lôing de Dijon (2), où
moyennant l'ayde du duc Eude de Bourgoingne,
& à l'adveu du pape Urbain, il commença fonder
un petit monaftère, où il tint ladifte règle moult
cftroiften\ent. Et dépuis revint à Mollins, où il
réforma les religieux, & procura que Cifteaux
(tf)5/. Robert de Moîame ^réformateur dcV ordre de St. Benoît.
(i) Ces divers prodiges , pour avoir été racontés par la
plupart des hiftoriens nationaux, n'en paroîtrom pas fans
doute plus dignes de foi. Quant à la chandelle i'Arras , les
pratiques fuperfUtieufes , auxquelles elle a donné lieu pen-
dant tant de fiècles , ont été fagcmcnt abolies , il y a plu-
fleurs années.
(a) L'auteur veut parler de Cîteaux, célèbre & très-
riche abbaye de France en Bourgogne , fondée en 1098. par
St. Robert. EUe eft dans le territoire de Dijon , au diocèfe
de Châlons fur Saône , entre des marais. L'églife & le mo-
naftère en font rnsgoifiques.
DIT DE J É R U s A L E M. 315
fiift érigée en abbaye. Et peu après, fi comme
en Tan mil cent fept, fuft érigé un femblable
cloiftre au Wcftquartier de Flandre du confente-
ment du conte Robert, félon qu'aurez peuveoir
cy-deflus. Environ ce^ mefme temps commença
femblablememt Tordre des Chartrous (a) par un
dofteur en théologie appelle Bruno , lequel eftoit
chanoine de Téglife de Reims, & s'appliquoit à
publiquement enfeîgner en la ville de Paris les
efcritures faintes. Ledîcfè dofteur s'afFroya mer-
veilleufement d'un cas admirable & efpoventable ,
qui lors advînt audit Paris à rendroift (*) d'un
notable dofteur, puis naguerres terminé. Car
ainfi qu'on le penfoit enterrer, il fe leva debout
en fon luyfeau CO» & criaft à fiante voix: Par
jufte jugement de j9/Vw, je fûts damné (3). Ce
qu'entendant ledift Bruno , lequel s'eftoit trouvé
audift enterrement , & avoit tousjours eu le fuf-
dit dofteur en réputacion d'homme de bien &
vertueux, fe retira des tumultes & ambitions du
inonde, foy tranfportant à Cartrufe (4)9 où il
inftitua l'ordre des Chartrous en l'an mil quatre-
vingts & cinc. Et ores que cecy ne touche en
jien les affaires de Flandre, fy eft-ce que j'en
ay bien voulu toucher comme en paflant, affin
que ceux qui s'esbattront (J) à lire celle préfente
hiftoire, confidérent la malideufe calumnie des
ennemis de noftre religion, lefquels s'efforcent
tant qu'en eux eft, de^perfuader au pouvre &
limple peuple , que l'invention , & inftitution des
Commcn-
cc*ment de
Tordre des
Chartrous.
Pdurquoy
l'autheur
infère en
ce volume
rinOitu-
tion & pre-
mier com-
mencement
d*aucuns
ordres &
religions.
(/x) Chartreux,
C*3 ^ regard.
(t) Cercueil.
(t/) S'amuferont,
(3) On rapporte cette anecdote à Tan 1080. „ Ce faiét,
^ dit Lenglet du Fresnoy, a fi fort l'air d*une fable, qu'U
^ ne mérite pas môme qu'on y ajoute foi.
(4) n s'agit ici de la grande Chartrcufe» chef-d'ordre
4c5 Chwtreux , près de Grenoble eo Dau^hiné.
Tabl. chro-
nol. t.' 2.
an. 1080»
L*an 1084.
Le conte
Robert faid
devant h
cité de KO-
meh<'flima-
/5e à Tem-
père ur
Henry des
terres qu'il
tient (oubs
l'empire.
La contefle
Richilde ♦
douagiérc
de Flandre,
fe tranfpor-
te vers Ro-
me âc faiét
pénitence
de fcs
cruaultez
paflTées.
Trefpas de
la contefle
RichlIdc.
Chr. Baud.
d'Avefn.
Fîandt. ge^
ncr. c. £7.
306 R O B E R T S E C O N D,
cloiftrcs , abbayes & monaftères , eft un abus nou-
vellement introduit au monde* Pour donc re-
tourner à ce que concerne noftre pourjefté dif-*
cours, fçafchîez que en l'an rail quatre-vingts-
quatre, le conte Robert fe tranfporta versTem-
pcrcur Henry, quy lors tenoît fon liège devant
la cité de Rome, où ledift Robert luy fit hom-
mage des terres qu'il tenoit de luy foubs Tempi-
re, & fe trouva préfent à la pompeufe (^) &
magnifique entrée que le fufdicl: Empereur fit en
ladidle cité de" Rome ^ enfcmble au couronne-
ment d'iceluy (5). Et peu de temps après, re- '
tourna en fon païs de Flandre, où luy furent
apportées les nouvelles du trefpas de madame
Richilde fa tante, dont cy-deflus avons fouffif-
fammcnt parlé. Laquelle après les chofcs fufdiftes
par elle faiftcs, meuë du remord de confcience
quy la poiiidoit C^), s'eftoit en grande dévotion
retirée vers la cité de Rome, où elle fit pour
quelque temps une bien auftère pénitence, & de-
puis retourna à MelTines, qu'elle fit réparer en
merveilleufe fumptuofité , & peu après mourut au-
àid lieu en Tan mil quatre-vingts- quatre (6) , &
(^) Nomhreufe. bc français poindre, tn la-
ly) Perçoit^ dichir oit ^ du Dcf' tin pungerc.
C5) L'empereur Henfi IV. fut en effet couronné empcreuî
à Rome , Pan 1084. , après avoir fournis les Normands ; mais
en IC84. , Robert n'étoit pas encore aflcjcié àlafouveraineté,
& ne devoit conféquemmcnt aucun hommage à l'empereur.
(6) IpfaqmqueRichtîdh . . . mortua cjl anm MLXXXVl^
le 20. Mars. Il n'eft point prouvé qu'elle ait été à Rome ,
comme le dit Oudcj^hcrft. Elle s'étoit retirée au monaftère
de Meflines ^ où elle expia iQ% fautes pulTées par une vie
auftère & pénitente. Vcnerabilh Richildh , aliquamàtU jam
vfdua ^ tandem tnirabili pccnitentid affligitur, Jefuniis nam-
que & orationibas infiftcns^ pauperibus quotidU & Uprofis
ptr fe ipfam feroiem ^ forum etiam fante Uniebatur^ & bal-
nefs eos lavans^ eisdem pofi eos utebatur^ ut 'oel fîc infir*
mata fimiîher,^ ut filia régis intùs reformaretur» Sic itaqus^
mundo fibi crucifyco , terrx corpus apud Hasnoniam^ anim^
jf, C. mîfcricordia commiftt.
DÎT D E J É R U s A L E M. 8t7
fut fon corps enterré à Hafnon lez le cdnte Bau-
douyn de Mons fon premier mary, félon que
aurez peu veoir en la vie dudift Baudouyn. En-
viron ce mefme temps , le conte Robert le Frifon
envoya en Deneraarque à grande pompe & nïag-
lîificence, madame Adèle fa fœur devers Canut
roy dudit Denemarquc, & ce pour eflcftuer le
«mariage commencé, praftiqué & affez auparavant
conclu par le conte Robert fon père, avec les
ambafladeurs dudift roy Canut, & deux ans après,
fi comme en Tan mil quatre-vingts-fix , le fuf-
dic't roy Canut fut piteufement meurdry & mar-
tyrifé pour noftre fainfte Foy, par fes propres
fubjcfts & vaflaux, lefquels luy firent finer fes
jours du mefme genre de martyre, qu'avoit au-
paravant foufFert monfieur fainft Hypolite, le-
quel fut dcfchiré & tiré en pièces par quatre
chevaux. Au moyen de quoy, la royne Adèlefa
vefvc merveilleufement efFroyée d'une telle nou-
vcllité & cruaulté, fe retira le plus fecretcnient
& haftivement qu'il luy fut poflîble , vers le païs
de Flandre près le conte Robert fon frère , por-
tant avec elle un jeune enfant nommé Charles
qu'elle avoit eu dudift Canut, lors aagé feule-
ment d'un an, lequel par fucceflîon de temps
devint comme voirez cy- après conte de Flandre,
•& ladiâe ilame fe remaria à Régnier (/?) duc de
Fouille quy fut fils du très-vaillant prince Robert
Guiftard (^) , duc de Fouille, lequel fit une in-
finité de vaillantifcs contre les Turcs, combatît
l'empereur de Conllantinoplc Alcxe (r) , & dcf-
fendit le fainA fiège apolloliquc^ contre l'em-
pereur Henry. Duquel Régnier ladifte dame euft
vn fils appelle Guifelin.
Madtn»
Adèle de
Flandre ma-'
fiée au roy
Canut de
Denemar-
que.
L*an io8d.
Le roy Ca-
nut niany-
rifé pour la
fainÂe Foy
par fes pro*
Îires fub-
eâs.
La royne
Adèle fe
retire aprèa
la mort du
diét roy Ca-
nut vers le
conte *Ro»
bert« fon
Wre.
Madame
Adèle e(l
remariée Ml
duc de
Fouille.
(fl) Roger.
C>) -Cuifcari,
(i) Alexis.
IP'an 1095.
92« ROBERT SECOND,
C II A P I T R E L V I I I.
De la première cfutiate contre les Turcs & infidè-
les , qui fut publiée au concile de Clermont , cf
comment le conte Robert de Flandre alla avec
plufieurs autres princes , à la conquefte de la terre
fainte; de la prinfe de la cité de Iliérufalem; du
trefpas duâiSt contç Robert , ^ d'autres cho/es
mémorables.
}a premiè-
re cruciatc
contre les
Turts &
infidèles
I^ublide au
Concile de
Çlcrmont.
E
N Tan mîl quatre-vingts-quinze , le pape
Urbain vint vers Clermont, où il tint un
concile, auquel entre autres diofes fuft publiée
une cruciatc Qt) contre les Turcs (0^ Icfquels
avoyent lors' nouvellement prins fur les Sarra-
fins, toute la Syrie & Arménie, enfemble la vil-
le de Iliérufalem, où ils avoyept ddslionneflé (Ji)
le fainft fcpulchre, & fiiift aux chreftiens dudid
quartier des merveilleufes dirrifions & infuppor-
tables outraçcs. Et fut cefte la pr'etnicre cruci?,-
te quy jamais fut faiclc par décret de pape ou
de concile, & dont fut caufe, félon que les hîf-
toircs maintiennent, yn preftrç d'Amiens, nom-
md Pierre (2), lequel retourné de Iliérufalem ep
(<7) Croifadc,
(*) Profané^ déshonoré.
(0 „ Ce fut dans ce concile, que pour la première fols,
Prtffid. fi le nom de pape fut donné au chef de Téglife, à Tcxclq-
Wcn. ,, fjon des dvéqucs qui le prcnoient auparavant. „ A cette
époque, les évéques préccd('icnt encore les cardinaux.
(2) Ce Pierre, furnommé l'Hcrmite h caufe de la vie fo-
litairc qu'il avoît cmbraflTée , dtoit du diocèfc d'Amiens.
C''ctoit , dit (lUillaumc de Tyr , qui Tappclle l'homme de
p. i.c. II. j)îgy ^ <j,;^ D^^^ c'étoit un homme d'pnc petite uilleôc d'un
extérieur peu impofant. Mais il avoit une amc forte , un
«fprit vif & l'œil perçant. Du rcfte il favoit s'exprimer avec
aflcz de chaleur & d'énerpjie. 11 devint l'apôtre de cette
ligue fainte & foutenoit fes exportations pathétiques du
récit d'une vifion oodlurnc , dont il difoit que le ckl l'avolt
favorifé.
DIT DE JE RUS AL E M. 32f
h cité de Rome, récita au pape partye de»
grands maux que les Turcs faifoyent eu la fainfte
cité. Qui efmeut le pape, & mefmes Tindiga-
tion de Boadmond (a) prince de Tarente , de pro-
pofer ladifte cruciat^ aa fufdifl: concile , & de^
puis de la faire publier (3). Suyvant laquelle
publication s'aOembla en peu de temps une
merveilleufç multitude de peuple, de Flandre,
Angleterre ,^ France , Brabant , Allemaignc , & de
toutes les parties d'occident , quy tous enfemblc
prindrent la fainifte Croix, & fe mifrent en or-
dre pour pafler la mer & faire ledift voyage (4) ,
& de laquelle compaignie furent faiéls conduc-
teurs, Godefroy duc de Buillon, Baudouyn &
Euftace fes frères, Hugue le Grand, frère du roy
de France, Robert duc de Normandie, Robert
conte de Flandre, Baudou>Ti conte de Ilainault
& plufieurs autres. Lefquels tirèrent par divers
chemins vers Turquie en Tan mil quatre-vingts-
feize. Mais avant partir, le conte Robert de
Flandre , comme prince vertueux & prudent qu'il
Le conte
Robert de
Flandre
prend la
îain te croix
& pane
avec autre*
princes
chrcfticns
contre les
Turcs.
(ij) Boëmond^
Cs) Urbain II. peignit avec tant de force les mnux qu'éprou-
voient les chrétiens d'orient de la part des infidèles , que
l'aflcmblée s'écria d'une voix unanime : Diex cl volt , Dieu
le- veut. Chacun voulut s'enrôler pour cette expédition
d'aiUeurs fort analogue au goût du fiècle pour les pèlerina-
ges. On prit pour marque de l'engagement une croix d'étoffe
rouge attachée fur Tcpaulc droite ; & c*eft delà que font
venus les noms des croiféi 6c de croifadc,
(4) Cette armée , félon quelques-uns , montoit à fix mil-
lions d'ames. Hommes , femmes & enfans voulurent s'aflb-
cier à cette expédition.; mais à fon arrivée dans l'Afie mi-
neure , cette incroyable multitude fe trouva réduite i
5CX3000. hommes de pied & j 30000. cavaliers. U ne rcftoit
plus qu'environ 21500. hommes effedifs, quand on voulut
former le fiège de Jérufalem, qui étoit la première cxp^«
ftition importante que l'on fc propofoit.
\
Madame
iihcrmidc
de Flaodre
mariée à
Thi(fry,doc
ouUots^a-
vcd*EUiitc.
Le conte
de Flandre
prend Ro-
tnula fur
les Sarra-
iîns«&puis
fc joint aux
chreftiens
tenants
leur fiège
devant 11x6-
ruiâlenv
330 ROBÉkT SECOt^D,
cftoît, pourveut aux afFaires de Flandre, com-
mettant le gouvernement d'icelle à madame Clé-
mence fa femme,. & à Baudouyn fon fils appelle
Hapkin (a) , aufquels il donna pour adjoînft &
collatéral le prévoft de faint Donas de Bruges:
ce faift, fe mit en chemin, menant avec liiy mar
dame Ghcfrtnide fa fœur, lors vefve de Henry
conte de Louvain, laquelle il maria en chemin
à Thiéry duc d'EUate (A), dont vint Thiéry d'El-
fate depuis conte de Flandre (5). Et continua ledift
conte Robert fon chemin avec fes gens, jufques
à ce qu'il parvint à Tripoli, que lors adveny
de la délibération prinfc entre les princes chref-
tiens de mettre leur fiège devant la fainfte cité
de Iliérufalem, il s'y tranfporta pareillement,
& en paiïant print Romula qui eftoit une bien
forte place, & encores que fes gens fuflent gran-
dement travaillez de faini 6ç pcftilence, fy eft-ce
qu'ils parvindrent à temps devant ladiéle cité,
où le fufdift Robert acquift merveilleufement bon
bruit & réputation , an moyen de fa magnanimi-
té & vaillantife (6), Et pour autant que l'ex-
ploicT: lors fiiicT: par les chreftiens devant ladiclc
cité, & la prinfe d'icelle eft aflcz au loing re-
Guillaume
de Tyr.
Meye'r. &c.
(a) A la bdcb&.
(b) Jîface.
(5) Thiéri d'Alface , époux de Gertnide , étoit fils âc
•Ocrard d*Alface , duc de la Lorraine raofellanique & le
chef de la maifon de Lorraine aflife aujourd'hui fur le trône
impénal d'occident. Sa mère étoit Hadwide , fille d'Albert,
-comte de Namur.
(6) Robert avoit pris la route de l'Italie , où H sVtoit
embarqué pour palTer en Grèce avec fon armée. Il fe fignala
d'abord au fiège de Nicée , ville capitale de la Bythinie. Il y
défit Solyman , qui s'avançoit au fecours de cette ville avec
une armée formidable. Solyman ayant ralTemblé de nouvel-
les troupes , Robert eut encore le bonheur de le vaincre.
Il fe^^diflingua fiirtout au fiège d*Artéfie , viUe diftante d'An-
tioche d'environ 15. milles. Il eut k y lutter tout à la fois con-
tre le nombre & contre la rufe , & il fut triompher de l'un *
de l'autre. Pendant le fiège d^Antiochc , comme la difette fc
BIT DE JÉRUSALEM. 331
prinfè & récitée par les chroniques de France,
& naefiries par l'hiftoire particulière dudift Gode*
ftoy de Buillon , je ne fuis délibéré trop m*ar-
refter en ce paflage (7), Seulement vous veus
faifoit vivement fentir tlans le camp des croifés , Robert
midé de Bohémond , duc de Tarente , trouva le moyen de
tamener Tabondance panni les aflîégeans , en aUant cher-
cher dans quelques provinces vôifines les vivres & lespro-
viûons néceiTaires à une fi grande armée. Il contribua beau-
-coup à la prife de cette ville, & il fe vit plus d'une fois
cxpofe au danger de perdre la vie , pendant ce fiège meur-
trier. Sa valeur n'éclata pas moins fous les murs de Jérufa-
lem , dont les croifés fe rendirent maîtres le vendredi 5.
Juillet 1099. hord^nonàx circonilance qui fait dire il Guil-
laume de Tyr : Vidctur procuratum divinitùs , wf qud du L. 8. C. it.
■€? qud bord pro mundi falutc in cddcm urhc pajfus ejl Do-
minus , eddem , & pro Salvatoris glorid fidclis dcccrtans po-
pulus , deftdcriii fuis felicem impetravit confummaîioncm,
(7) Nous imiterons ici le filence de Thiftorien , parce
que le récit des évèneraens de cette croifade feroit un hors-
d'œuvre déplacé dans une hiftoire particulière. Nous ajou-
terons feulement relativement au grand nombre des princes ^
qui livrèrent à des mains foibles ou étrangères les rênes de
leurs -états, pour voler au fecours de la terre fainte , les
réflexions que fait, fur ce^e pieufe épidémie , le favant
auteur de l'abrégé chronologique de l'hiftoire de France.
^ Hugues , frère de Philippe I. , devoit chercher à fe figna-
^ 1er ôc à s^éloigner d'un païs où il partageoit l'ignominie
^ d'un roi l'efclave de toutes fes pallions , & moins aviU
^ encore aux yeux de fon peuple par l'es vices , que par
„ fa foiblefle à s'en lailTer punir. Mais pour Robert , duc
„ tîe Normandie , chaffé de l'Angleterre par fon cadet Guil-
„ laume le Roux , avoit-il rien de plus preflTé que de faire
„ tous fes eflbrts pour fe reflaifir d'un fi bel héritage ? . . .
„ Qu'alloit, chercher en Palcftinc à la tête de 100000. hom-
„ mes le vieux Raimond , comte de Touloufe , maître de
„ prefque tout le Languedoc & d'une partie de la Provence?
„ Il ne prévoyoit pas fans doute que l'exemple , qu'il don-
„ noit , retoumeroit contre lui-même « & que bientôt fa
„ propre maifon alloit être la viétime d'une fercblable croi-
„ fade ?.„ Robert de même donna à fes fuccefleurs un
exemple qui , comme nous le verrons , devint plus ti'une
. Wi^s fi'.ncfte à fes peuples*
Hidrnfalem
^îgnécpar
les chrûf-
dens.
Godefhiy
deBoîllon,
royde Hjk^-
nifaleiii.
L^an lo^.
Epitaphe
'-^ de Gode-
froy de
BuilIon,roy
de Hiémfa-
1cm. '
/
ir. 10. C. 23.
332 ROBERT SECOND,
déclarer, que ladîfte cité fuft finablement ( après
avoir efté aflîégée trente-qeuf jours continuels)
réduifte par. l'effort & magnanimité des princes
cjireftiens, foubs leur povoir & obéiffance. Dont
peu après enfemble de toute la Syrie, lediél Go-
defroy de Buillon fuft d'un commun accord des
princes chreftîens, illec affemblez, faidl & efleu
pour roy en la ciré d'Afcalon , en l'an mil qua-
tre-vingts-dix & neuf, lequel mouruftun an après ;
& fiit enterré à Golgotha au portai du temple
du S. fépulchre (8). Les aéles & vertus duquel
méritent bien qu'on adjoufte en tous volumes
& efcrive par tout fon epitaphe. Entant mef-
mes 4^1 'il pourra par aventure fervir à tous au-
tres princes chreftiens d'efguillon pour en en-
fuyvant le ,bon zèle & la magnanimité vrayement
chreftienne de ce très-viélprieux prince, entre-
prendre pareillement quelque fois la conquefte
des terres fainéles, que noz ennemis communs
ont fylong temps occupé, & détiennent encore
pour le préfent, à noftre très-grande honte &
confufion. L'épitaphe donc d'iceluy Godefroy,
qu'encores pour le jour4'huy fe peut veoir fur
f^ fépulture, eft tel:
Francorum gentes Sion pîa loca petentes
Mtrtficum fydus , dux htc rexît Godofrtdus ,
Egyptt terror^ Arabum fuga ^ perfidh horrar ^
Rex licet eîeSius , Rex noluït atfitulari;
(8) Godefroi de Bouillon mourut le 18. Juiltct , félon
Guillaume de Tyr. Sepùltiis ejî verb in ecclcftâ domînici fe-
pulchri , fub loco Caîvaria ubi pafus eftbomifius, Godefroi ,
l'un des plus grands hommes qui aient honoré la Belgique ,
tant par fes talens que par fes vertus , s'étoit avancé com-
me par dçgrés au trône , où l'avoit conduit l'éclat de fes bclr
les actions pciidant cette croifade. Toutes les nations qui
ont eu part à cette entreprife ont chanté fa piété égale à
fa bravoure, & fon éloge fe trouve k cet égard dans l'blf-
îoire générale de TEuropç.
DIT DE JÉRUSALEM. 333
Nec diadema tulit ^ voluit Chrifio famulari;
Ejus erat cura Syonfua reddere jura^
Catholicèque fequi pia dogmata j'uns & aqui^
Totum fcifma teri^pietatem jufque foverL
Quy fignifie:
Cy gifl ce Godefroy très-vaillant capitaine
Eftoille Jplendijfante ^ prudent gouverneur ^
Des braves champions français^ lef quels il meîne
Devers Hiérufalem la fain&e^ d*un grand cœur.
D^ Egypte le fléau ^ des Arabes la fuyte^ '
Des per jures mefchants la craint^ fîf la terreur %
Lequel efleu pour roy des princes & leur fuyte^
Eflre oncques ne voulut roy nommé , pour P ardeur
Qu*il avoit de fuyvir en humilité fainSte
Les marches de fon Chrift ^ bening rédempteur i
Eflre aujfy ne voulut couronné , mais fans feinte
Au prouffit' de fon peupF entendoit & bonheur.
Son premier foing efloit d*adminiflrer juflice
Aux flens , fi? d'adhérer aux enfetgnementz bons
De la foy fif mettoit par tout bonne police j
Les fcifmes deflruifant pleins d* erreur ^félons, (a)
Or'Cpouï^ retournera noftre propos) le conte
Robert y après que la faînte cité fut réduite fbubs
le povoir des chreftiens, retourna en Tan mil
cent en fon païs de Flandre. Où l'on fit par tout
une infinité de,feus de joye, pour tefmoingner le
contentement que chafcun avoit conçeu, par le
retour de leur bon prince & feigneur. Il rappor-
ta avec luy d'oultre mer le bras de monfiefur
fainft George qu'il donna à l'églife d'Auchin^
où il l'envoya par l'abbé Aymeric. Et affez toft
après fit conduire en merveilleufement bon ordre
& équipage madame Ghertrude fa fœur, vers le
païs d'ElCate pour confommer le mariage qu'en
Retour du
conte Ro-
bert en
Flandre.
L*tn iioo.
Madame
Ghertrude
de Flandre
envoyée
vers le païs
d'Elfaie,
pour con-
forojner le
mariage
d'cUc&du-
diâ duc
Thiéry.
Ça^ Trompeurs.
L'an II02.
Le conte
Robert af-
ùé^c la vil-
le (Je (>am*
bray 6c la
Tti(;oit en
fon obiiif-
fapce par
ippoinétc-
incnt»
L'an 1103.
Le conte
Robert ré-
concilie k
Tempcreur
Henry,
moyennant
la reftltu-
tlon ^u'il
luy faia de
ladiftc ville
de (^am-
bray.
Mcyer.
Fland. gen.
Chron.Wa-
tin.
Chron.Tu-
ron.
334 ROniîRT SECOND,
paflTant par Tes Aliemagnes il avoit auparavant
conclud & ârreftd, d'entre ladiétc damc,& Thûf-
ry duc dudict Klfatc. Ledkt Robert euft, en Vzn
mil cent & deux groffe guerre contre l'empereur
Henry le quint, & afliégca la ville de Canibray,
au fecours de laquelle Tempcreur dcfccndît ver«
Flandre en grande puiflancc, mais il fufltott après
contraint de retourner fans rien faire, obftant
Textrûmc & dur y ver que lors lurvint. Au moyen
de quoy le conte Robert reçeut ladiékc ville par
appoinétcment. Et en Tan fuyvant quy fut mil
cent & trois, en une grande fedc & afl'embl<Jc que
Tcmpcreur tint avec merveillcufe pompe & fo*
Icmnité, en la cité de Men» (/?) (9), le cont«
fuft réconcilié audift empereur, moyennant la rçf-
titution qu'il luy fit de Iadi(ite cité de Carabray:
(tf) Mayencc.
f9) Voici , félon pluficurs biftoricni cH^nci de fof , l*
caufc de cette guerre. Au moment où Robert fc dispofoir
à partir pour la croilude, Tcmpercur^lul demanda a rentrer
en pofl'cnion du comté d'AlolU'des quatre mcîtlcr* , du chi-
teau do Cand ôc dch lie» de X(f lande. Roben arrêta lea
cflforti de l'empereur en fêlant l'ortifier le» places cxpofécf
aux infultes de l'ennemi. Ce qui fer vit encore mieux le
comte de Flandre, ce fut rindilciplinc dei troupes aUc-
mandes qui fc débandèrent fie allèrent fc nmiçer foui le»
étendarti de diveri princci croiféa. Henri fc vit obU-
gé d'abandonner fon projet. Pour fc venger, Robert,
aprèi fon retour , alla %M'^cv la ville de Cambrai. L'em-
pereur accourut pour la diMcudrc , ûc »'empnra de» fort»
de liulzalôc de PEcIufe entre Douai & Cambrai, La rigueur
de rhlvcr le força k fc retirer , 6c la paix fe fit entre loi
6c Robert, Tan 1103. , dan» Ja ville de Liège. Troi» an»
aprài*, la guerre recommenva. Henri avoit pour a Uit^ s Bau-
doin, comte de Hainaut, qui vouloic rentrer en p^jlfeUion
de la ville de Douai , 6c leki Hollandois qui redemandoicnt
la Zélandc. Robert fut encore déconcerter fe» ennemi» 6c
le» forcer à la paix qui fut fi;(née Tan 1 1 10. Par cette paljt,
Robert obtint la vUle de Cambrai 6c le Cateau Cambrcfi».
DIT DE J É R U s A L E M- 335
je n'ay mémoire d'avoir jamais trouvé l'occaGon
de celle guerre. U fuffira pourtant vous déclarer,
que dudipl liège de Cambray eft yflu que l'égli-
fe d'Airas, euft un évefque particulier & fut
exemptée de celle de Cambray, moyennant la
pourfuite que le conte Robert fit à ces fins vers
le pape de Rome, & fuft lors conftitué évef-
que Lambert archidiacre de Tournay (lo). Le-
àict conte Robert fe tranfpofta en Tan mil cent
& unze vers France pour afiifter au couronne-
ment du roy Louys (ii). Et comme à la re-
quefte dudift roy Louys , il s'eftoit mis en
armes en intention d'aller trouver le conte de
Dampmartin , & le combatre, paflant par' un pont
appelle Fons Meldeufis ^ fon cheval broufcha, &
tomba deifoubs* Dont il fe blefcha de fone, que
(lo) L*églifc d'Airas ivok été , dès Torigmc , unie à
Févéché de Cambrai ; mais en 1093. , le ^ape Urbain U.
lui donna un évéque particuUer. Ce fut Lambert de Guines»
archidiacre de Té^ife de Térouanne & chantre de &. Pierre
de LiUe , qui fut élevé à cette dignité. Le ûége de Cambrai»
poftérieur de plus de dix ans à la réparation de ces deux
é^ifes, ne peut en avoir été la caufe. On Tattribue en gé-
néral à une djvifion qui s*étoit élevée parmi les chanoines
de Cambrai, pour Féledion d*un évéque.
(11} Louis le Gros avoit été aiTodé à la royauté , Tan
1 103. A-peu-près à cette époque , Robert avoit potté du
fecours au roi de France, qui vouloit réfréner Tindocilité
de Bochart de Montmorenci; mais ce ne fut point alors que
Robert perdit la vie. L'an 11 11., le roi de France lui avoit
encore demandé du fecours contre plufieurs grands ii&igoeurs
de fes états , & Robert le fervit en bon & fidèle vaflâL
Afrès avoir battu les Anglois il Gifors fur les frontières
de la Normandie , U s'étoit avancé avec le roi vers la
Champagne pour y punir le comte Thibaut ; mais il trouva
la mort fous les murs de la viUe de Meaux , dans une
fortie que firent Its habitans de cette ville. Suger rapporte
que lorfque Louis le Gros pourfuivoit les fuyards fur le
pont même de Meaux, le pont fc rompit éc fit périr àta»
i*eaa le comte de Flandre.
L'^nCr
d*Arra$
exemptée
deceUe de
Cambrai à
un évefque
particulier^
L*te iiii.
Le conte
Robert par-
lant par un
pont, ap-
peUé Pous
Jéeldcnfis^
tomba par
faute defon
cheval, &
trois jours
rprès en
mourut.
Mir. cod.
donat.piar.
c. 65.
DipL Belg.
1. 2. c 3SK
Oïder. Viiw
L II.
Sugerp.35^
au rec. de»
hift. de Fr.
t. la.
Madame
t:it*nience,
douaKiérc
deFUndre,
(c remarie
au duc dâ
Jirabanc.
L'abbaye
d'Afllc-
fl[bem fon-
dc<e par le
duc de lira-
baiu
Ô3(î ROBERT SE CO fi tij '
le troifième joiir cnfuyvnnt, qu'eftoit la veille cîd
fainte IJarbe, il termina audiél: au mil ccnt& unze.
Et fufl: fon corps enterré au cloirtrc de faînt
Vaaft d'Arras, que Jors il avoit nouvellement
réforme, & téAniél foubs la règle de Clugny.
Madame Clémence fa vcfve fe remaria aucun temps
après à Godcfroy duc de Lotrice & de Brabant,
fils, du conte Henry de Louvain, & de ladiftc
dame Ghertrude, qui fut depuis remariée au duc
d*Elfate. Et auquel Godcfroy Tempereur Henry
le quint, avoit un peu auparavant donné lef-
didts ducltez de Lotrjce & de Brabant, aufquelles
il incorpora Louvain & Bruxelles, Ce môrme Go-
dcfroy fufl: le premier & principal fondateur du
doiftrc d*Afflc*g1iem, & eufl: de ladiéle dame Clé-
mence de Bourgoingne, deux fils & deux filles y
fçavoir, Godcfroy, qui fut duc après luy, Hen-
ry lequel devint moine audift Afllcgliem, Aleyt
quyfut mariée au roy Henry d'Angleterre, &
Yde que le conte de Clevcs print à femme (la).
Ladiéle Clémence de Bourgoingne vefvc 'dudiéi:
conte Robert trcfpaffa en l'an mil cent vingt &
huift, mais je ne fçay oi*i elle fufl eiitettée C^3)>
elle eufl; à frères le pape Calixte deuxicfme, Otlio
duc de IVïurgoingne, & Henry duc du Bavière^
Butkens ,
1. 4. p. 3a..
Itid. p. 33.
Mflrcbnnc.
Fland. dc-
fcript. 1. a.
(12) Oudcgbcrft a âh au comfncnccmcni du chat?. $6,^
<luc Clémence avoit ddtrult en clic le germe de la ma-
ternité. V. num la note 3. du même chapitre, pag. 318.
Les enfans que cet hiftorien nomme ici, Godefroi les avoit
eus de fa première époiife Idc » fille d'Albert , comfc de
Namur.
(13) Elle fut enterrée k llourbourg dans le monaftôrc
qu'elle avoit fondé. Elle ne mourut qu'en 11 ji., fcloir
Butkens , qui lui donne pour frères , ati lieu d'Othon fie
de Henri, EJlicmu & Renaud^ comtes en Bourgoignc.
CH A-
BAUDOIN S E ^ T I Ë M Ê; 33?
CHAPITRE
L I X.
Comment Baudouyn Hapkin prtnt à femme mada^
me Agnès de Bretaigne^ laquelle àraîfin de leur
fro^imiti de fang luy convint délaijfer^ avec
autres chofes mémorables.
BAudouyn Hapkin , fils 4e ]R.Qbei*t le Jeune ^
emprintle gouvernement de flatidre en il^an
mil cent & onxe; il fuft appelle Hapkin oii I;Içt-
pieule (a)^ à raifon de fa grande juftice: c^r çn
fon temps & ;pluiie.ui:s i^ns Après, les e)^éc^tion8
de jul^ce qui de .préfei>t fe font dje Te^pée , :fe
faifoyent de douloirqs pu .h^j^^ins (b). Autres
maintiennent qu'il fujt mnC :ttot»mé , ppuri^utafit
qu'il eftoit accouftunié de fe fervir de tel baftqn
plus que de nul^u^e, &que tousJQurs.en ayoit
im avec luy, mefmes qu'ordinairement il por-
toît pour enfeigne ed fa bannière un femWable
bafton. il print à femme madame Agnès , fille
d'AUain , conte de Nantes oude Bretaigne;.mws
pour ^la confanguinité qui fi^t trouvée entre eux ,
ils furent divorcez» Et fut icelle proximité réci-
tée au confiftoîre du pape, par Conon, évefqUe
franeJienfîsÇX)^ ^n cefte manière. Confiance , fein-
me de Robert, diftGapet,royde'France, &:Emer-
gaert, contefle d'Auvergne furent fœurs Ca),fil-
(^) C'eft-à-dire, à la hache. (*) Haches.
Cï)^rénefte, autrement Paleftrine, eft une ville ancienne
d'Italie dans la campagne de Rome ^ à 8. lieues de cette ville.
EUe étoit célèbre par ce magnifique temple de la fonune
que Sylla y avoitfait bâtir. Son évêque eft i;n des fix anciens car-
dinaux. L'extrait généalogique <iue rapporte l'hiftoricn ,parqît
fideUemçnt traduit du Utin de la Flandre généreufe , çhap. a8.
Ca) C'eÇ aufli Topinion d'Antoine de Ri^ffi dans fpn hif-
toire de U Gatde Narbonnqiie. Il .dit qu^Eripenjgarde étoit
fille de Guillaume I. , comte d'Arles , & fçeur .de Conftance^
mariée au roi Robert. Mais les auçeûrs de Vart de vérifier
les dates , donnent ^pqur père à Confiance Guillaume
T^îlUfer^ copite de Toqlpufe , ft ^ils prétejïdexit 5ii*ejk
BaudouyA
Hapkin ,
pourquof
ainfi ap-
pelle.
Baudouyil
Hapkin
prend à
lemme ,ma-
dame
4gnè5 d^
BrQtaigne,
de laquelle
il eft depuis
divorce à
raifon de
leur mu-
tuelle pro*
ximité.
P. ;i4'
Bnudouyn
Ilaplcin
donne à
ceux de
fainA B6r-
tin la ville
dcPoperin-
Chcs.
338 BAUDOIN SEPTIEME,
les de Guilhumc, conte d'Arle, De Confiance
vint Adèle, conteflc de Flandre, mère de Robeit
le Frifon: d'iccluy Robert, Robert le Jeune, qui
l'ut père de Baudouyn , dont à préfcnt entendons
parler. D'autre cofté de fadifte Emcrgacrt vint
une autre Emergaert (3), qui cuft à fille Berthe
' la contefle (4) dont vint AbilTis (a) , contelTc de
Nantes (5) , & d'elle le conte Allain (6) , père
de ladifte Agnès. Par où appert que le refpeft
de confanguinité aux faifts de mai:iage, efloît lors
en trop plus grande confidération que mainte-
nant. Après ledift divorce le conte Baudouyn ne
fe remaria jamais, & mourut fans hoir de fon
corps, félon qu'entendrez incontinent. Il fit ré-
former avec madame Clémence fa mère, le cloif*
. tre de fainft Pierre à Gand , & ceftuy de fainft
Bavon, le tout moyennant l'affiftence qu'à ce luy
firent Arnould, abbé dudift fainét Pierre, & Lam-
bert, abbé de fainft Bertin. Auqycl fainft Bertin
il fit plufieurs grands biens, & entre autres luy
donna la ville de Poperinglics. Il eftoit aflcz jeu-
ne quand il vint au gouvernement dndiél pais,
car il n'excédoit l'aage de dix & huiél ans, &
néantmoins il eftoit fiige, prudent & de grande
entreprinfe; & qu'ainfi foit, ce fut le premier,
félon le tefmoignage de tous les hiftoricns de
Hid. de
htçx, par le
P. Lobi-
neauy I. 3.
(<ï) Havlfis^ en François Havoijï*
D'cut point de fœur. Il y eut une autre Ernicngardc , fille
de Robert I., comte d'Auvergne , & c^poufe d*Eude II.,
comte de Blois de de Champagne, tué à Bar-lc-duccn 1037.
(j) C'eft celle dont nous venons de parler & qui étoit
époufc d*£udc II., comte de Champagne.
t^4) EUe fc fit enlever par Alain III. , duc de Bretagne,
qui Tépoufa , de qui mourut empoifonnd Tan 1040. EUe
époufa, en fécondes noces, Hugues, comte du Mans.
(5) Havoife dpoufa Hocli cinquième du nom, duc de
Bretagne, iport en 1084.
(6) U e(l furnommé Sergent. Il étoit duc de Bretagne
'& le quatrième de fon nom. Son époufc fut Brtncngardc ,
j&Ue de Fcnil^es IV., comte d*Aojou.
Bit A LA HACHE.
33P
Flandre , qui s'avança de chaftoyer & faire juf-
tice des nobles, faifants outrage aux pouvres
gens du païs, & r^ouvella la couftume, que
jong-temps auparavant avoit elle audiâ païs, par
laquelle n'eftoit loiiible 4 perfonne de quelque
condition ou qualité qu'il fut , de prendre aucu-
ne chofe fans payer , ou defpouiller quelque pau
fan ou autre, ny mefmes en temps de guerre,
& ce foubs peine de fourfaire la vie (^) , fans
aucun refpit ny miféricorde , laquelle couftume
néantmoîns encore que très-bonne & raifonnable
avoit par les contes fes prédécefleurs efté mife
en nonchalloir QÏ) & hors d'ufancc, obftantz (c)
(comme je croy) les continuelles guerres, ef-
quelles ils s'avoyent quafi tousjours trouvez enve-
loppez. Pour lareftitutîon de laquelle couftume en
fon premier eftat, enfemble affin d'advifer le moyen
qu'on pourroit tenir pour gouverner & régir fés
fubjefts en bonne paix & afleurance, le conte Bau-
douyn fit , au commencement de fon règne , appel-
1er les principaux barons & nobles de fon dommaî-
îie en fa ville d'Ypre, où fe traitèrent les chofes
que pourrez cognoiftre parle chapitre fubféquent,
CHAPITRE LX.
Comment Baudouyn Hapkin au commencement de
fon gouvernement fit ajfemhler les efiats de Flan-r
dre^ pour advifer au moyen qt^e convtendrott
tenir pour gouverner le pats en union fif tran--
quillité ^ ^ de la paix publique qu*ilfit publier ,
enfemble de la rigouréufe exicution fai£te fur
aucuns feigneurs contrevenants à ladiSte paix.
LEs barons, nobles & autres .^du paî5 de
Flandre, aflemblez en la ville d'Ypfe, au^
jour par le conte Baudouyn à eux afïïgné, fç
0?) Deîotis Î2iCtK^expoferfa (O Obftants les guerres, t
vie , s*expofer à la mort, caufc des guares.
C^} Af(fpris^ indifércnec. » fr A
Bonne cou.
flume en
Flandre, H
eUe fut
bien ob-
fervé«
Affemblée
des cïlats
de Flandrd
en la villa
d'Yprc.
Harangue
de Bflu-
•douynHap-
kin aux
eftftts de
Flandre
pour advi-
feràce qui
eftoit né-
ccflaire *
pour le
bien & re-
]>os dupais.
340 BAUDOIN SEPTIEi^E,
trouvèrent vers ledift conte^, pour entendre le
motif de fondift commandement, & l'occafion qui
l'avoit meu, de les faire illec évoquer. Aufqnels
pour tant le conte , après le filence par fon hé-
rauld commandé , parla d'une bieïi bonne grâce
de cefte forte: y, Mes amys Sç bons vaflaux, je
yj croy que nul de vous foit ignorant des gra-
^ ces, qu'a pleut à noftre Seigneur me faire, me
„ conftituant conte &. feîgncur fur uti païs tant
„ riche & opulent, qu'eft ceftuy que je poflïde.
„ A raîfon de quoy , me femblc. raifonnable, que
„ tout ainfi que fommes en ce païs les premiers,
„ pareillement nous ne foyons féconds à nul au-
„ tre prince , pour luy en rendre grâces imraor-
„ telles, par bonnes & vertueufes œuvres, auf-
„ quelles fommes obligez de nous occuper, &
„ appliquer; Qui eft Toccafion , qui me meut de
^ bien inftamment vous prier , &nëantmoins (fuy-
„ vaut Tauthorité par le Tout-puîffant àmoy don-
„ née) vous commander, que tous enfembk
„ vueillez me confeiller comment en voz confcien-
„ ces vous femble, que je me doive à l'advenir
„ gouverner pour le foulagement de mesifubjeds,
„ & pour l'entretenement & augmentation de
„ noftre eflat. Vous affeurant (mes amis) que
„ fuis délibéré non feulement croire, mais auffi
„ d'exécuter le bon confeil, qu'au fufdift effeft
5, j'attends devons, comme de mes loyaux & fi-
„ dèles fubjefts, & affin d'y pouvoir plus meu-
„ rement penfer, vous pourrez communiquer
„ par enfemble tout à loifir, & retourner (a)
5^ avec voftre refponfe, en dedans un mois en
„ ma maifon de Wînendale, où je feray vous
, „ attendant. „ Ce dift, après que l'aflemblée euft
prins congé de luy , chafcun repurna en fon quar-
(tf) fUvenir.
BIT A LA HACHE.
34l
tîer; & un mois après ayants bien ^enféà la pro-
pofltion du conte Baudouyn , revindrent audidl
Winendale, où par charge, & au nom^^de toute
la compagnie^ meffire Guillaume de Praet, ref-
pondit à la fufdiAe propofition du conte Bau-
douyn, eu cefte forte: „ Mon très-redouté fei-
„ gneur, les prélats, barons, nobles & autres de
y, cette compagnie icy aflemble*, vos très.-obéif-
t, (ants vaûaux, m'ont d'un commun accord
„ commis -{encore qu'infuffiflant) pour de leur
„ part vous déclarer, qu'ayantz bien diligèn-
^ tement confidéré & meurement examiné le faift
„ de voftre^propofition , [dont nous vous tenons^
„ monfeîgneur, pour recors 0»)] ils ne trouvent;
„ autre plus fouverain & péremptoire moyen pour
„ parvenir à ce que délirez , que par une réfor-
„ mation générale de la juftice qui ell afle^ mal
„ obfervée en voz païs , laquelle convient ré-
fj duire foubs une balance tant égale , que la
„ débilité & impuiflance des petits ne foit opr
y, primée par l'arrogance & tyrannie des grands.
^ Auquel effeél: nous femble très-expédient, d'or-
„ donner que l'on conçoive aucunes loîx , les-
^ quelles puis après, par ordonnance de vollre
y, feigneurie , foyent publiées par tous vos païs ,
„ & conformément aufquelles chafcun à l'adve-
„ nk ayt de foy conduire & gouverner. Nous
„ offrants au refte, foit en ceft elidroid ou en
y, tel autre que trouverez bon de nous, employer,
„ de vous prefter toute raflîftence & obéiflance,
yf que très-humbles & loyaux fubjeftz doivent
„ à leur priflce & feigneur naturel. „ Le conte
aife au poflîble de la bonne affeâion qu'il con--
fidéroit aufdifts fes fubjfeéts vers ^on fervice ,* &
mefmcs que par leur refpolife |1 voyoit ie chemii^^
Refponfe
desdiàs ef-
tatsdeFlan-
tire à la
fusdiôe
propofition
du conte
BaudouyQv
La juftice
doit eftre
égale. -
(tf ) Rejfouvenant , c'eft-à-dire ^ dont vous vous refouvtnêz^
341 BAUDOIN SEPTIEME,
ouvert pour parvenir au but qu-il prétcndoît, les
remercia en premier lieu de leur bonne aiFeftion ,
à laquelle il efpéroit fatisfaire par un doux &
bening traitement quMls devoyent tousjours
tittcndre de luy. Et qu'au regard de la refponfe
qu'ils 'avoyent donnée, fur ce qu'auparavant il
leur avoit pfopofë , il l'avoit trouvée conforme
& à la loyauté qu'il s'eftoit tousjours promife
d'eux & k l'intention qu'il avoit de mettre ordre
au peu de jufticc qu'il fçavoit s'obferver en fes
païs, nlefmes qu'il fe trouvoit d'autant plus réfo-
lu en code fienne première délibération qu'il
voyoit leur confeil & advis, du tout foy confor-
mer à icelle. Outre ce, que les excès ,^ foulles (a^ ,
rapines, firextorfions qui journellement fe com-
mettoyent contre les gens d'églife, pouvres la-
bourîers , & autres gens de fcs pais , eftoyent fi
exorbitantes, que la feule fouvenance d'icelles
luy faîfoit rougir le vifage, & de vcrgongne qu'il
avoit d'avoir tant tardé à y mettre ordre, & de
Tindignatfon conçeuë contre ceux qui en eftoyent
la caufe. Laquelle néantmoins, & toutes les cho*
fcs jufques à lor^ paflTées, il leur pardonneroit
volontiers ,' pourveu qu'à Tadvçnir non feulement
ils s'en gardaffent, mais auflî qu'ils luy fuflent
aydants & alTiftants , pour punir ceux qui con-
tinueroyent en femblables fpulles. A quoy auffi
ils devoyent eux njonftrer d'autant plus volon-
taires & réfoluô , qu'ils n'ignoroyent de quelle im-
portance fouloît eftre en un royaume ou provin*
ce, l'obfervatîon & exécution d'une police &
Juftice bien réglée. Adjouftant'au r^fte plufieurs
autres raîfons à celles que deflus ; de forte qu'il
les fît lors toiis jurer, & promettre, que de là
In avant, îlz tiendroyent. bonne & ftable paix
QyVexuiiOiKL
DÎT A LA HACHE.
3i3
arec tous gens d*églife, labouriers, & autres,
& mermes en temps de guerre. Ce qu'entendu
j>ar ledîft Baudouyn, foy levant de fon Oège,
évagîna (a) l'efpée qu'il avoit ceinde , & la tenant
contremont (i), d'un courage vrayement hé-
roîcque joînft à une magnanimité qui de beau-
coup excédoît le port de fon aage, fit ferment
folennel & jura par le Dieu tout-puiffant , que
celle paix feroit entretenue & obfervée, & que
luy-mefme de fa propre main puniroit corporel-
lement & de mort, celuy qui la vîoleroît. Et
puis mettant fon e5>ée qu'il tenoît nue, bas fur
un quarreau de veloux(r), fit à fa femonce(//),
& par fentence du prévoit de fainft Donas fon
chancelier, confortée par fes autres hommes &
confeil, advouer & publier ladiâe paix, mettant
au mefme temps l'églife, vefx^es, orphelins &
tous fes autres vaflaulx, foubs fa proteftion &
fauve-garde. Et affin que ladifte paix fuft mieux
entretenue , il fit& décréta (c) plufieurs rigoureu-
fes ordonnances, fi comme, que perfonne de
quelque qualité ou condition qji'îl fuft, s'avan-
çaft de porter armes, fauf les oflSciers, & ceux
qui eftoyent députez pour la garde du prince ,
tuition du paîs, & defienfe des villes. Que fi
quelcun contrevenant i la fufdifte paix fe trou-
voît, lequel euft occîs ou bléfl"é quelque perfon-
ne, il feroit puny pœnd tatiùnh^ fçavoir telle
pour tefte, & membre pour membre, «e fiift qu'il
apparuft ce avoir efté feid par néceflîté, & en
corps deffendant, & dont la preuve fe devoit
Crire par le coulpable ou aocufé , moyennant com-
bat mortel, X)u par purgation de feu & d'eaue.
Les noble»
de FUndre
jurent &
promeccnc
d*cntictc>
nir la piix
pablîqae
du pais.
Grand zèle
de Ban-
donynHip-
kin au
faid de U
joftice.
La paix pu-
blique pu-
bliée en
Flandre par
fentence da
|H^\*oft de
fainft Do-
nas, chan-
celier du-
did Flan-
dre.
Stamts&or-
donnances
de Bau-
douyn Hap-
kin pour
afièurance
.& Confer-
vation de
ladiâe
paix.
Pœna Ut-
Ctf) Tira du fourrecn.
(y) En bavi j en F air.
<iO Invitation, r§:!i'ciîa:i«M.'
de fcti Ô(
r ften vol-
Kur».
Irtrtlniflofi
J.« ttcllcl»
de 51 offl-
cj(?f.< puni»
»U duubl««
344 BAUDOIN SEPTIEME,
qui cfloU lofi beaucoup en uftncc (i), an moyen
que le peuple eftoît encore» enveloppé en celte
erreur, qu lllcof fcrhbloît que la juflice divine
pu permeffrôir que k» Innoccrtf^f fufTcnt piinlii,
Toutcsfoift le cofttfîJlre advenoft bien fouvcnt;
& par autant que c^efToit une cfp6cc de tenter
J/ieu, cède couflumc a depuis c(\6 aboHc par
le (Iroi^l canon (2). II ordonna fcmblablcmcnt
que totiH rt)anîferteu volleur», fuirent pendu» «ix
haut* arbre», fnr le coing de» boî*, ou bien fur
\cê clicminft, aiifqueU k délift avoît cfté com^
n^U, & le* larroni^ aux gibet». Davant;(gc pour
et que fouvcnt y avoit pluficur» difTt/rcnt» entre
leu noble» A roccaflrm de la vdncrîc, H réfcrva
pour foy & ft'apph'qua la prééminence de la chaf-
fc, confUtuant pour le fniit d^icclle, un grand
véncur, dclTcudant i, ton» antrcji de cbafTer ou
tendre aux oylcaux, tle fut en la compagnie du
grand vtltiùut, ou de Ion confenlemcnt. Il fit
femblablcmcnt nlulicur» ftatut» 6c édlét», c<FrtCer-
nant/< le» cbolc» civile», & lefquel» fcrr/tt trop
long partlcularifcrj H fufllra donc de feulement
Vou» advenir, que de t(;ufc» le» amende» qu'il
impora pour kA fourfaii^t» civil», il voulut que
le» ddlidl» ikti officier» fuffént chaftoye/. au don«
blc, & non fan» caufe; car te» fautes de ceu<
(1) Voy«ifi]t nnt/i )« du chup* 4^'* p* 96$. f ok pcm»
«votif rapporta Ici dlvcr/i g«tir«» d*<^preuyc9«
(u) Lt rairoti t bien peu d^cmpjro fur 4«i( ufigc» ttipîv
flitieux coafflcrëfl par le Ai/ÎVâi^e de top(e<i ki« natlmi* U
etitrctemi» par une lè^iflatlon «u/TI »nc)cmi« qu'eUe cft «b'
(un\G. Aufn fflUut-il vaincre une infinité d*obit«c]ffi ôt vr^if
n'écouler un« longue fuite de fléclei , «Vint de ponvoh'
déterminer lei peupici à renoncer k la pratique ridicule dci
épreuve». Un décret porté par Innocent 111^ en 12% §. au
Quatrième cmicDe de Lau'an « parut leur porter le dernier
foup. C^ependatit oft en trouve encore dei tracci dan*
Phiftoire, longtema apréa ceUc époqu« 9 dc mime ^ufi^uef
vers le couimeiiccment du i;« nOcle«
\
DIT A LA HACHE.
345
qui font commis pour la correftion des autres ,
font beaucoup pins à pefcr, & méritent une piv*
nition extraordinaire. Or , ledift Baudouyu ne fe
trouva moins rigoureux en l'exécution de fes or*
donnances, qu'au décrètement dMccUes. Et que
ainfi foit, les anciennes chroniques tefmoignent,
que le fufdift Baudouyn , eftant un jour entre
autres adverty, d'un outrage qu'un de fes che-
valiers nommé Pierre, feigneur d'OoffcaAp , avoit
faiftà une pouvre femme des champs, luy defro-
bant deux vaches, fit mener ledift chevalier de-
vers luy en fa ville de Bruges, & après qu'il
cuft confeffé ledift méfus , le fit jeéter tout vef-
tu, houzé (<î), efperonné,& l'efpée encore ceinc-
te, dans une chauldière d'eauë bouillante, mef-
mcs en plaih marché, & en préfence de tout le
peuple de Bruges (3)/ Qui caufaft une telle ter-
reur & frayeur aux autres, que déjà en avant
perfonrie n'ofoit toucher aux pouvres gens du
paîsv Et beaucoup moins à raifon d'une autrô
exécution qu'il fit faire en fa maifon de Winen*
dale, & en fa préfence, de dix chevaliers de
grand nom , entre lefquels eftoit meffire Henry de
Carloo, qu'il fit pendre & eftrangler, pour au*
tant que contrevenants à la fufdiâe paix jurée,
ils avoyent deftrouflTé (*) aucuns marchands en»
tre Bruges & Thoroult. U rua femblablement
jus (c) & fit defmoUir plufieurs chafteaux & fbr-
terefles , defquelles aulcun^ gentils-liommes foul-
loyent faire leurs fallies (</), & furprendre les
pouvres gens. Au moyen de quoy Gaultier , con-
te d'Hefdin, fe rebella contre ledift Baudouyu,
?ieiTc,
feigneur
d^Ooftcimp
jeaé par
commande-
ment du
conte Bni*
douyn,
ve(hi,h<nir
zé& efpé.
roiiné,daiis
une cfaau*
dièrebouilr
Itnte au
plain mar^
ché en la
vUle de
Bruges.
RigouTeuiè
juftice da
conte Bau-
douyn con-
tre dix cbe-
valiefs
ayantz coo-
trevenus à
la fttfdiâe
paix.
^ Gaultier,
conte
d*Hefdin«
fe rebelle
contre le
conte Bau»
dottyn«
</i) Botté.
(*) PiïlL
(c) Ruer jus, détruire.
Cd) Sorties.
<3) Meyems dit que deux faux-momioyeurs furent punis y^j, Fland.
dtf même fupplice au m^me initant. an. 1 1 1 1.
Wariagc de
Charles de
Beneraarc-
que avec
madame
Marguerite
ia Clcr-
mom. <
La ville de
fiatnô.pol
«flidgée par
le contçde
Flandre.
S46 BAUDOIN SEPTIEME,
ayant attiré à fon afliftence Hughe Champda*
vaine, conte de fainft PoL Qui fut la caufe que
le conte Baudouyn fe mit en armes, & que peu
après il print le caftel d'Encre, lequel il donna
à Charles , fils du roy de Denemarcque fon cou-
fin germain (4)9 duquel il pratiqua peu après
le mariage, avec madame Marguerite, fille de.
Renault , conte de Clermont , avec, laquelle ledidl
Charles euft la conté d'Amiens & le chaftel de
Jereufe. Ce faiél,^ confidérant que lediâ: Hughe
Charapdavaine ne ceflbit de piller & molefter la
Flandre où il avoit bouté le feu en plufieurs
lieux, le conte de Flandre, avec une bonne troup-
pe de gens, que à ces fins & à la légière il amaf-
fa, vint affiéger la ville de Sainél Pol: mais à la
pourfuyte & par l'entreparjer d^Euftace, conte de
Boulongne, il s'accorda & fit finablement paix
avec ledjél Champdavaine (5). Duquel pour la
raifon que cy-après entendrez, j'ay délibéré dé-
duire la defcente & fucceÛcurs par le chapitre
fubféqueut.
(4) H étoit fils de St, Canut, roi de Danemarck, aflàffiné
ch 1086. dan^ la ville d'Odenfée , dans Tile de Fionie , &
d'Adèle, fille de Robert le Frlfon. Orderic Vital l'appelle
Charles de Anthorâ^ à caufe de la fonerefle ^'Encre que
lui donna Baudoin.
(5) Les hoflilipés durèrent à- peu-près deux ans entre Ba;i-
doin & Champd'ayaine. La paix fe -fit l'an 1 1 1^7 , la ûxièmc
année du règne de Baudoin.
CHAPITRE. L X I.
Déduction de la maifon ^ généalogie des coniei,
de St. Pol ^ de Luxembourch.
DE ce Hughe Champdavaine , qui fut fils du
conte Anfelme de la lignée de Melafines ,
fille du roy d'Albanie , & de laquelle fe trouvent
DÎT A L'A HACHE.
347
efcriptes plufieurs chofes. fabuleufes , font def-
cendus en dîrefte ligne ceux de la maifon d^
Saînft Pol& deLuxembourch. Et pour autant que
cefte maifon a de noftre temps efté très-grande &
fort renommée , comme encores elle eft , mefmes
4îue cy-après nous en conviendra fouvent parler ,
m'a femblé n'eftre du tout impertinent (^) de
préfentement toucher ^ comme en paflant, un mot
de la fucceffion dudicl Hughe , enfemble de la
lignée dMceluy. Ccft Hughe Champdavaine donc,
conte de Sainft Pol , qui gift 4n Curicampo (i)
£n un monaftère de Tordre de Cifteaux, que luy-
jnefme avoit fondé , euftun feulfils, nommé En-^
èueran , duquel vint une fille depuis mariée À
Hugue de Chaftillon , laquelle euft un fils nommé
Gui (jb^ & eftoit à la bataille de Bovines avec le
roy de France contre le conte Ferrand , & cer-
tain tjemps aprè§ trépafla au fiège devant Avignon,
délaiffant de.ux fils, Hugue & Gaultier. Hugue
fut conte de Sain Pol & trépafla fans hoir de
fon corps au fainft voyage qu'il fit avec mon-
fieur fainél Louys en Egypte, & fuccéda ladifte
conté à Gaultier fon frère ^ lequel délaifla un
fils , nommé Guyon de Chaftillon , lequel euft à
femme Méhault de Bruges, vefve de Robert prcr
mier conte d'Artois. De laquelle luy vîndrent
deux fils, Guyon & Jacques, & une fille qui fut
mariée à Guyon de Luxembourch , premier conte
de Lîgny. Et depTîis Guyon de Chaftillon fe
Les mai*
fons de
Luxem-
bourch &
de Sainâ
Pol ont
tousjours
efté en
Flandre es
grande efti^'
matioiL
Guyon de
Luxem-
bourch^
premier
conte de'
Ligny.
(*) Hors de propos.
C^) Gui , fthn Mineus , Notât,
«cdef. Belg. ,c i66.
(i) H s'agit ici de Cercamp ( Clervi-campus ou Carus»-
campus^ monaftère de Tordre de Citeaux dans le diocèfe
d'Amiens. 11 fut en effet fondé par ce Hugues de Champs
d'avaine. Le pape Innocent II. l'avoit condamné à expier,
par ce pieux établiiïement, les profanations ôc les déprédo--
Ùom qu'il avoit comoûfes enve^ plufieurs églifes*
34^ BAUDOIN' SEPTIEME,
femnrifl ftMdhault deChaftillon, de laquelle nëant-
moitï» H n'cuft aucun enfant. Et Iceluy trépaffé,
Jccllc Méhrtult fe maria à Charlei, conte de Va-
Mn. Et fut'Iédift Gnyon h la bofaille, que It
dnc de ftrabnnt eui contre Bldndengne« de Lu3ceit)^
boiirch fc fefi frèren^ & ttufn contre le conte de
• Oheldrcâ&rarchcvefqne dêCoulongncCs^Guyon
de Jrtcqucâ , cnfanft dudift Guyon de Chaftillon »
trdpflflcrcnt ft»n» hoir» do leurs corps & fuccéda
lîtdlfte conté audlft Gtiynn de I.uxembourch dé
pâi* fit femme ; 6c k(\iit\ Gtiyon fut fit» de Jean
Atl«?ti8 †de Lnxembourcîh fi d^dcli'î^ de Flandre, chatte*
Soudaine '^'"^ ^^ ''"^* ^ ^'^^^ ^^ Phalempin » Afmcntlé-
*îLUlc. fca, Arl^lnghcm 5 RickéHbourch , Iîaultl>ourdirt
k 8rtlf{ny. Et etrft ledift Guyort pluficura ônfans,
fi comme Walrand, Pierre, Jean, Anckieu & Ici
contcflcs de Rcthcl, de Vaudcmont, de Ghcbe*
nier , de Morlana & de Lerhk , lequel Guyort
flufîl mounit en une batAlllo contre le duc de
Ohcldrc Edouard , Tan mil trois cents fcptante
& un. Auquel fuccdda en la conté de Sainft Pol,
Walrand , fon fils nifné , lequel cufl h femme
la 1111c d'Edouard, roy d'Anghtcrre , dont vint
une feule fille qui fut marldc à Antoine, duc de
Lotrlcc, de Brabant & de Lcmbourch, frère au
duc Jean de Bourgoîgue, conte de Flandre. Dont
Vindrent deux 111s, Jean & Philippe, qui fuceef-
fivemcut furent tous deux contes de 8ain<îl Pol,
& moururent fan» hoirs de leurs corps; de forte
(ft) L'«utéi\r vfeHt pftflcf Ici de k WAoiro éclatante , que
JcHrt premier, diic de nrabatit, remporta au tnoïs de Juin
laflfl., prôs de Woerltigcn , fur les armëcê» combinée* de
M**rtrl, duc dft Luxcrtib(nir^{, de Reanuld, comte de Goel-
drc^, Ce de l*archevéqite de ('oloi^nc. Le duc de Luxem-
fyoufg et fts troin ftéren pdrlrent dam cette Journée meur-
tfiéffc, qui coûta la vi« k p\m de onec cents gentilshommes
et h liberté I» rarcbevOquo de CoKigne, alnfi qu*au duc d«
Oueldrc»! 11 an Itera paru plus lu long au chapitro la^.
DIT A LA HACHE;
'349
que ladîifte conté de Sainft PoU, enfemWe celles,
de Briame , Commerflant & plufieurs autres fuc-
céderent à Pierre de Luxerobourch & à Jelian ,
conte de Ligny , frères audiâ: conte Walrand, &
laiffa Pierre 4e fa femme .Marguerite de Beaux,
fille de François, duc d'Andrie, Louys , Pierre,
Jean , Catherine & Jehenne de Luxemboyrch»
Louys fut premièrement évefque de Thérouene,
après archevefque de Rouen , & puis cardinal &
chancelier du roy. Jean , qui fut conte de Ligny,
euft à femme la dame de Béthune ; mais il n'en
euft aucuns enfans , comme auflï Catherine &
Jehenne moururent fans hoir de leurs corps. Et
ainfi toutie la fucceffion vint à Piei:re deXrUxem-
bonrch, lequel euft Louys, Thibault & Jacques.
Louys fut conte de Sainél Pol , de Marie , de
Briaine &c. & euft de niâdame Jehenne de Bari
dame de Ghiftelles, fa preipière femme, quatre
fils, fçavoîr: Jean, conte de Marie, qui mourut
à Granfôn (3) fans hoir de fon corps , ,Pierre ^
cénte de Briane, Antoine, conte de ,Roufi , 4c
Charles, évefque de Laon. ^près le trépas de
Louys , la conté de Sainéè Pol fuccéda à Pierre,
lequel euft d'une" fille de Savoye , deux filles ^^
Jehenne & ;Françoîfe. Jehenne fut mariée' à Jac-
ques de Savoye, conte de Romont, fon onde,
& elle fuccéda à fon père es contés de Sainft
Pol, de Marie, de Briane & fig^euries de Ghif-
Madtmtt
Jeheniie de
Bar, dame
de Gbiftel-.
(les*
(3) Granfon eft-une petite ville de Suifle au pays de
Vaud, remarquable par la^vidoire que les Suifles ,y rcn^pw-
terent en 1476. fur Charles le Hardi ou le Téméraire , duc
de Bourgogne, qui perdit dans cette ocoaâon fon artillerie»
fes équipages, fa vaiâêUe ^ fon-tcëier. On rapporte à ce
fu}et qu*un Suifle ayant trouvé fur le champ de4>ttaiUele gios
diamant du4)ic^ le donna à unprétve pour un florin. Ce prê-
tre qui Jie îe cûnnoifiôit guèresùeux en diamans , le Devenait »
diton, trois itivres. Gediasiaac eûimé iSooooo. {ivres eft
iuiourd'kui le fécond dionant. de k coutomne.dfi franciu
Hift.deFr.
par M; Gar-
nier,in-8®.
t.i8.p.so8*
Baudouyn
Hapkin en-
voyé vers
Angleterre
pour avoir
la penfion
de trois
cents marcf
d*argent.
350 BAUDpiN SEPTIEME,
telles, Dunkerkc 5 Bourbourch, Gravcninghes (/^
& autres , comme plus amplement vous voirei&
en la féconde partie de noftre hiftoire.
CHAPITRE
L XII.
Comment le conte Baudouyn entra avec puijfance
en la Normandie , dont il réduit bonne partie
foubs Vobiijfance du duc Guillaume^ comment
ayant efti blejjli par les /inglois en une efcar^
mouce , // mourut encores jeun^ à Rouler s Çb)\
NOus avons au chapitre précédent quelque
peu difcontinué noftre dîfcours, pour vous
déduire ce qu'avez entendu de la maifon de
SaînélPol& de Luxembourch. Or, pour repren-
dre noftte premier thème , fçafchiez maintenant,
que le conte Baudouyn ayant mis tel ordre que
deflus, au faift de la police & jufticc de^ pais
fubjefts' à fa jurifdiftion , envoya fes ambafla-
deurs vers Henry, roy d'Angleterre, tant pour
lever & recevoir de luy la pcnfiôn annuelle de
trois cents marcs, que fes prédécefleurs contes
de Flandre avoyent reçcu & cftoyent ei> poflef-
fion d'avoir des rôys d'Angleterre , que pour
fommer Icdift roy Henry à la reftitution de la
duché de Normandie, es main de Guillaume,
fils de Robert, dift Courtehofe, duc de Norman-
die, & par conféquent vray & légitime héritier
d'icellc duché (i). Et pour autant que ledifl: roy
(^) Gravelines.
(If) Roufelaen.
(i) Après la mort de GuiUaume le Roux« Tan iioo,,
Henri I. , qui étoit monté fur le trône , 8*étoit emparé du
duché de Normandie, auquel cependant U n'avoit d'autre
droit que celui qu'il tiroit de rengagement que luicnavoic
fait fon frère Robert fumommé courte Heuft ou courte
Cuifâ^ pour la fomrae de dix miUe livres, cti partant pour
une aoifiidc.pç rçCQUi d$to M»çfHJlA(«| j^Obcft r^Quri»
DIT A LA HACHE.
3Si
Henry ne voulut entendre ny à l'un ny à Tau-
tre, le conte Baudouyn fe prépara à luy faire
guerre, & de feîft entra à grande puiflance au
paîs de Normandie, où il gafta & fit defmollir
plufieuçs places fie chafteaux (2), tirant puis
après versiavilkde Rouen, accompagné de cincq
cents., chevaux , & bon nombre de gens de pied.
Et à raifon qu'il fçavoit que le fufdift roy Hen-
ry s'eftoit enfermé dans icelle ville, frappantz
aux portes, fit demander s*il ne vouloit fortir.
A quoy le roy Henry fit relpondre qu'il n'en-
tendoit avoir affaire à un tel efventé & fot jou-
venceau (3) , au moyen de quoy Baudouyn gran-
it Nonnandie par un accommodement qu^il fit avec Henn;
mais les deux frèies ne tardèrent pas à fe brouiUer. Robert
fat défait à la batame de Tinchcbrai en 1 106. , & Henri
réunit la Normandie à la coiironne d'Angleterre. Robert
pris à la journée de Tincbebrai & renfermé par les ordres
de fon frère , trouva moyen de rompre fes fers ; mais
ayant été repris » on le renferma de nouveau , z^is lui
avoir fait crever les yeux. U vécut encore 28. ans dans
cette afireufe captivité & ne mourut que de défefjpoir.
Robert avoit laiflé un fils , GuiUaume Çliton , dit cûttru
Cuife. Louis le Gros , roi de France , fQoux de ia pmf-
fance de Henri , roi d'Angleterre , & voulant réparer le
tort que fon père avoit fait à la France , en ne s'oppofant
pas d*abord à la conquête qu'il avoit faiie de la Normandie
fur Robert, avoit pris le jeune Guillaume fous fa protec-
tion, n entreprit donc de le rétablir dans le duché de
Kormandie, qui avoit appartenu à fon père, & déclara la
guerre à. Henri. Baudoin , dont Guillaume avoit d'ailleurs
réclamé les bons offices , marcha au fecours du roi de
France, à la tête d'un corps de troupes auxiliaires.
(2) Balàuinus cum Mortnorum muhîtudine in Norman-
ntam usque ad Jrcbas venit & villas in Tallogig ( le Tallcu)
rfg£ cum Normatmis fa- ma$ infpeSantô, combujjit»
(3) Aucun des annaliftes que j"*ai parcouru , ne parle de
ce défi fait par Baudoin à Henri. Je fais qu'il tie répugne
point aux mœurs de ce tcms; mais Oudegherft ne cite aucun
garant.' Il fe pourroit qu'il confondît les tems, & qu^il
attribuât ici à Baudoin à' ia Hcdn ce qui arriva en c^
Baudonyii
faid guerre
au roy
d'An^kter-
re , & entre
au pa\^ de
Nonnan-
die.
Order.Vît.
Bonne pat-
rie de la
Normandie
rëdui(^
foubf
Tobéi (Tance
du duc
Guillaume
par rcffbrt
du conte
Baudouyn.
Les An-
floUenem-
ufchc»
pour fur-
prendre le
conte Bau-
douyn.
35a BAUDOIN SEPTIÈME,
dément irrité gafta tout le païa 4*alentour9 fc
dura cède guerre environ trois ans continuels,
qu'ayant Icdift Baudouyn moyennant fa magna-
nimité, & grand courage, réduit foubs Tobéif-
fance Audtà Guillaume, bonne partie de la Nor-
mandie, comme finablcmept il partoit de fainA
Omcr,versPoidlou(tf) en intention de tirer d*îllec
vers la Normandie, il tomba de grand tlialheur
guerres loing d'Arkes (4) es mains des Angloii
fcs ennemis, qui s*eftoyent mis en embufchc»
dans un petit bois attendantz la venue dudidl
Baudouyn, lequel ndantmoins, & nonobflant
ladifte furprinfe fc porta fi vcrtucufement, &
fucceflivemcnt ceux de fa fuyte à fon exemple ,
qu'après un dur & trôs-afprc confllft , fes adver-
falrcs eftoycnt en branflc (A) de tourner le dos,
& fe mettre en fuytig^ lors qu'au moyen d'une
très-'
Edlt. de
1770. p. '
635.
(tf) Ponthlêu,
(t) Sur U point.
|t Rohert de )4ruraletn qui» félon Auger de la chronique de
fit. Dcnii, aUa dëfl^ le mâme Itcnri, au nom du roi de
France, préa de-Neaufle, ancienne fortercfle fur les fron-
tières de nie de France de de la Beauce.
("4) Arques eft une ville de France au paya de Caux,
Il une lieue de demie de Dieppe. £lle cft cdlibrc par
la vi^oire qu'y rempotai Henri IV. » en 1589. , fur le
duc de ^Iayenne. C*eft prés de la ville d*£u , dUbme de
(Ix lieues au moins de la ville d*Arques , que Baudoin fut
bleiïé. Les auteurs de Vart de vérifier in datât 9 dlfent d'après
Oudegherft: f^Vv^n iii8.« bataille d* Arques en Norman"
^ die , donndo au mois de Septembre de la même annëe.
^ Baudoin y reçoit au front une bleflbre que fon {ntemp^-
,, rance cnvenime«M Quelque refpeétable que foit cette au»
torité « nous ofons lui oppofcr celles de Suger 9 d'Ordcric
Vital , de Mcycrus , de Thomas de Walflngham de Air-tout
de Guillaume de Jumlègcs , écrivain contemporain , qui
tous placent le Heu du combat fous les murs de la vûle
d'£u. Baudoin vécut neuf mois après fa bleiHire , de os
mourut qu'au mois de Juin 1119.
UïT A LA HACHÉ.
353
tfès-griefve blefchure, que le conte Baudcmyil,
en efcarmouçant receut xîn fa teftc , Teftonne-
pient de ceux de fon party fit reprendre courage
à fes ennemis, , de forte que la chance tourna
au détriment des Flamens , qui auparavant eftoient
comme afleurez de la yiftoire. Qui doit fervir
d*exempje à tout coudufteur & capitaine géné-
ral ^ de quelque armée que ce foit ^ de ne s'ex-
pofer tant légièrement à tous hazards, veu mef-
naes qu'il doit eftre certain, que le hbn fuccè^
& la vie d'un capitaine, caufe fouvent un heu-^
reux évent («) de la bataille , qui parla mort de
Ion chief plufieurs fois eft perdue , ou bien ré-
duifte en piteux termes^ comme advint aufdîfts
plamens , lefquels au taieux que leur fuft poffi-'
bie ie retirèrent vers la ville d'Arras, condui-
fants avec eux le vaillant Baudouyn, lequel vour
lut eftrç mené en famaifon de Winendale; mais
èftant parvenu jufques ^ Roulers, ne fuft poffi-
ble de le conduire plus .avant, obftant (F) Tur*»
gente & extrême douleur de fa playe,' qui s'cftoit
apôftiiméc (r) 5 & empifoit de jour, à aultre* A
raifori de quoy^ & prévoyant fa mort desjà pro-
chaine , confidérant qu'après fon décès fe pour*-
royènt efmouvoir plufieurs débats pour la fuc-*
cefllon de Flandre , & qu'au moyen d'iceux lé
pouvre païs pourroit à l'advenir avoir trop à
fouffrir , délibéra d'y mettre ordre , faifant à ce$
fins convoquer vers foy les eftats de Flandre^
lefquels toft après fc. trouvèrent audiék Roulers
vers leur bon conte, qui d'uije bien bonne grâce
leur remonftra , que le feuî fouçy auquel il eftoit
pour ofter les différents & diffenfions j qu'après
fa mort pourroyent entr'çux fouldre , pour le
faiél de la fuccefiion de Flandre, l'avoit meu de
Le COIK4
Baudouyn
en efcar-
mouchanc
griefve-
mem blô-
fclié des
AQglois»
Ung-chief
fe doit gar-
der en tou-'
tes bauii'
les.
dorivoeâ-
tion des ef-
tats deFIan-
dre à Rou-
lers.
^^) Evénement , du latin (b) A cauft de*
eveotus. (0 Formée enpus , envenîméi^
Ç ç
Propos du
conte Bau-
douynpour
induire les
cftats de
Flandre à
recevoir
Charles de
Denemar-
que pour
kur conte.
Charles de
Denemar-
que receu
pour conte
deFiandre.
L*an II 19.
Trefpas de
Baudouyn
Hapkin.
354 BAUDOÏN SEPTIEME^
les faire appellcr, enfemblc de leur déclarer &
afleurer qu'il ne cognoîflbît prince au monde
plus digne d'eux, & duquel il efpéroit fi doux^
prudent-, & gracieux traitement , que fon coufin
Charles , fils du roy de Denemarquc (5) » qu'eux-
mefmes cognoîflbyent de longue-main , requé-
rant pourtant qu'ils vouluflent, & mefmes dès
lors pour Tadvenlr recevoir ledift Charles pour
leur conte & feîgneur, & à quoy ils devoyent
d'autant plus volontiers coftdefcendre , qu'outre
ce quMl feroit effeftucllement trouvé autant pro-
che héritier de ladiftc conté , qu'aucun autre,
ils fermeroyent, par ce moyen , le paflage à ceux,
qui foubs prétext du droîâ qu'ils prétendroyent
à icelle conté, vouldroycnt fufciter aucunes guer-
res ou tumultes audiA pais, & à quoy ils de-
voyent bien & diligemment penfer. Ce dift, &
après le confentement & adveu qu'à ces fins
luy donnèrent lefdifts eftats de Flandre, il décla-
ra & conftitua pour fon fuccefleur, & héritier
lediét Char^s, qui au mefme inftantfut defdidts
eftatz receu , admis & recognu pour lenr conte
& feîgneur. Peu après le conte Baudouyh print
l'habit de moine noir (6) , & trépaffa paralytique
le quinzlefme de Juing l'an mil cent dix & neuf,
ou félon autres en l'an vingt, & fut men4 à
Salnft Bertîn, où il fut enterré avec ledift ac-
couftrement en très-grande pompe & magnificen-
ce. Dieu veuille avoir pitié de fôn ame, car ce
ftit un prince très-vertueux, vaillant & excel-
lent, & lequel fur tous fes prédécefleurs eftoît
(5) Voyez note 4. du chapitre 60. , p. 34^.
(6) Selon le favant Mabillon., cette coutume a fa foorce
dans le I2me canon du sme concile de Tolède & dans le
54me du I4me concile de la même ville. Le même écri-
vain obferve que ceux qui prenoient ainfi l^abit monafii-
4jue f ne pouvoient plu« le qiUtter > s*il$ recouvcoient la famé.
DtT A LA HACHE.
35âl
kmy & grand obfcrvateur de juftice. Au r€gard de
inadame Agnèa de &retaigiie fa ftiQme divorcée,
je ne fçay ce qu'elle devint, fi elle fe remaria de-»
puis, quand eik trépafla, ny où die fut enten-ée^
CHAPITRE LXIII.
De raâvinement de Charles de Denemarque à là
conté de Flandre^ Çf du commencement des
chevaliers de faintt yehan , des Templiers , G?
des Prémonftrez.
CHarles, fils de Cànut , roy de Denemarque &
de madan»e Adelis, feconde fille de Roherc
k Frifon, fuccéda en la conté de Flandre au fuf»
diâ Baudouyn furnommé Hapkin, & commença
régner th Tan mil cent dix & neuf, aliàs xx.
Il euft (félon qu'avons cy-deffus dédaré)pour
femme madaaie Marguerite allas Zwaonahilde^
fille de Renault , conte de Clermont & d'Auver-
gne (i), & avec elle la conté d'Amiens & le
çhafteau de Jereufe. Il mérita & acquîff'ie nom
de Bon , au moyen de fes vertus & fàiqjpe vie.
Il fonda en l'églife dé çoftre Dame de Brugéjs^ oà
il fit iaire le chœur, un prévoit & huiék chawi-
nes. Au commencement du règne de ce bon con-
te Charles, fi comme eh l'an tnîl cent & Vingt J
l'ordre que nous appelions de Pfémonftrez fuit
inftit'ué foubs le bon père Norbert de Lorraine.
Lequel à l'adveu^ & du confenteroent du pape
Calixte^ & deBarthôlomieu Ça) , évefque de Laon ,
Pourquoi
Charles fut
appelle le
Bon,
L^an II20,
Comraen-
cement de
Toodre dc$
Prémoub
ftrez.
(«) Bartbékmi, *
(i) Sa mère étolt Adèle de Vcnaandois : Jiainaîdfn cù^
mes ... . €X 4d<îadd v^romandsnfi ^oaHiJfd génnU Marga*
retam conjugtm iliius praeiari CaroU Flandrfjtfmm comUis.
Selon les fràres de Ste. Marthe, il étok coDUe de Clenaont
en 3Mttvaifis ^ non de CUrmom m Anveicgae. Nptk% la
mon de Charles , Adèle époufa Hugues de Champd'awpe.
C ç S
tiermaft
Laudun.
Vréd.,gdn.
des comtes
de Flandre.
Mir. donat,
piar.
35f«
C H A H L E S5
Règle de
falnt Aù-
guftin.
L*an 1121.
Commen-
cement de
Tordre des
Templiers,
& pour-
quoy il fut .
iniUtué.
dcfccndit à Prémonftré, où il vefcut une trê**
fainftevie, eft compagnie âe treize religieux de
Tordre de fainft Auguftin, qui le fuyvirent^
tenant la règle dudiâ falnft Auguftin, félon les
conftitutions que luy-mefme avoit mis fus Ça)
& aufquellesledift Norbert adjouila plufieurs bons
articles (2). L*an enfuyvant qui fut mil cent vingt
& un , commença femblablement Tordre des Ti m-
pliers en Hiérufalem , foubs Hugues de Paj^ans
& Galfaert de Sainfl: Orner,, qui en furent les
inventeurs, lefquels avec fept autres chevaliers,
firent vœu de fervir Dieu, foubs la règle de faincft
Auguftin, réfervé qu'au lieu de lire leurs heu*
res, ils réciteroyent chafcun jour certain nom-
bre de Pater nofter^ pour autant qu'ils eftoyent
du tout lays, & ne s'entendoyent à la lefture
defdiftes heures. Si fuft le fufdiâ ordre premiô*
rement inftitué, pour tenir les chemins ouverts
Bolland.
6. Juin.'
Herm. Lau-
dun& chro-
nol. Ro-
bert, au
rec. des
hift. de Fr.
t. 13.
(tf) Etablies.
(2) St. Norbert né de parens nobles vers Tan 1080. I
Santen dans le duché de Cléves» sVtoit attaché d*abord
i Tempereur Henri V.» en qualité de chapehiin. Déterminé k
embrafler un autre genre de vie, il aUa trouver, en 11 18. ,
le pape Gélafe II. qui étoit alors dans le Languedoc , fie
obtint de lui la pcrmiflion d'aller prêcher l'Evangile pat-tout
où il voudroit. L'année fuivante, il fe tranfporta à Rheims
où il obtint de Calixte IL la permiflion d'iniUtuer un nou-
vel ordre religieux dont il approuva la règle. L'évéque de
Laon , Barthélcmi , féconda Ton zèle apoftolique » & comme
St. Norbert vouloit s'établir loin des villes, in locis dcfertis
fir incuit iSf il le conduifit dans le bols de Voy, au territoire
deCoucy, où il jetta en 11 20. les fondemens defon ordre»
en un lieu appeUé Prémontré , Pratum monjlratum ou Pra-
monfiratus, La Flandre & le Brabant furtout, furent, pour
un moment , le théâtre des travaux de St. Norbert. Il y
combattit & terraflk l'héréfiarque Tanchelin dont le fàfte
extravagant égalolt l'audace & l'impiété. Peu de tems après*
l'on vit s'éublir dans la Belgique pluûeurs abbayes de Tor-
dre de St. Norbert. ^
- DIT LB BON ou LE SAINT. 357
ixmtre les larrons, qui deftrouflbyent les pèle-
rins venants vers ' la fainôe Cité , & lequel or-
dre fut depuis confirmé par le pape Honorius,
& Éftienne, patriarche de Hiérufalem. Lefdifts
Templiers militoyent au fouverain Dieu en obéif-
fance, chaftçté & pouvreté, & portoyent à leur
commencement des manteaux blancs fans croix;
mais par fucceOion de temps, ils attachèrent à
l«urs manteaux 'blancs dçs croix rouges, & fu-
rent nommés Templiers, pour ce qu'ils fe tenoyent
au portail du temple de Hiérufalem. Aufquels le
Roy Baudoâyn & autres firent depuis tant d'au-
mofnes , qu'ils devindrent les plus riches de tous
les autres ordres. Environ ce mefme temps , com-
mença femblablement en Hiérufalem, un aultre
ordre de ceux qui adminiftroyent (^) auxpou-
vres pèlerins , & autres mal;jdes en un hofpîtal,
qui s*appelloît Thofpital de fainft Jehan , & fu-
rent veftus de manteaux noirs à une ^roix blaa-
che, lefquels auflï en peu de temps acquirent
des aumofnes que les princes & pèlerins leur fai-
foyent , fi grande cevance , qu'ilz en açate-
rent (A) plufieurs rentes & revenus, enfemble
des terres & pofleflîons fans nombre, par tous
les endroits de la chreftienté, & font ceux mef-
mes qu'aujourd'huy bous appelions chevaliers
de fainft Jehan (3). Defquels & du commence-
Commen-
cement de
Tordre des
Chevaliers
de ftinâ
Jean.
(tf) Servoient.
Ch) Achetèrent.
(3) L'ordre des Chevaliers Teutoniques eft à-peu-près da
même tems , & doit également fon origine à la défenfe des
lieux faints & des chrétiens qui les alloient vifiter. „ Les
„ fondateurs de Tordre des Templiers & de celui des Che-
„ valiers Teutoniques auroient eu peine dans la fuite k
^ reconnoltte leurs fucce^urs , dit le P. Hénault, 11 n'y a
^ eu que les Hofpitaliers qui , confervant Tefprit de leur
„ première inlUtuiion , ont toujours continué depuis k dé-
^ fendre la religion cooirç les enoreprifes des Turcs. ^
358 CHARLES,
nient de tous antres, que cy-apfès feront inftî*
tuez , je fois Se feray mention pouf la raHbn
cy-^efios reprtefe, fans que }e me poifle per*
fuadef que mon hiftoire doive pour ce fenibler
au leftenr extravagante , & fans continuation j
pour à laquçîle retourner, je veux préfentemcnt
Vous mettre devant les yeux, les bonnes condt*
tions, înftitntîons & ordonnances de nôftre bon
Charles, conté de Flandre, duquel nous avons
desjà commencé 1^ difcôurs»
CHAPITIVE LXîV.
pes vertueufes ordonnances du bon conte Charles |
^ comment au moyen de la douagsère de Flan-^
dre^ gui vouloit avancer Guillaume de Loo^ 4
la conté dudi& Ffandre , // euft plufieurs fafce^,
ries (a) avant ejire patfible dt^diÔ paUs.
E bon çoîite Ch^rie« avoit dès lé commen*
'cernent de fon gouverhetoent ^ & mefmcs
avoit eu auparavant, continueHeUflent en fa com-
pagnie trois notables religieux, dofteurs pn théo-
logie, kfqiiels journellement après fouper luy
prapofoyent & expllquôyent un chapitre ou deujt
du Bible ou d^autres Kvrès de la ftimfte efcrip*
tiire , en quoy il prendoit un fingulie? plaifir* Il
Le devoir ^^ deffenfe à chafcun fiir peine à& perdre un mem*
4uboncon. bre^ de jurer p^vr te Rom d« Pieu^ ny par cho-
versïnom ^^ V^^ tpuchaft à Dieu ou à fes fainfts^ Et quand
4e Dieu. aucun de fa maifon cftoit trouvé en celle faute,
H le faifoit outre ce, jeufner quarante jours au
pain & à Tenue. A la ipfcnne volonté que (A)
tous roys, princes & feigneufs de noftre temps
gardiflent cefte honnefteté , 6ç bojiné couftume
en leurs cours & maifons. Ton Jie trouvcroU
T
C") SbtertllH. (*> 8*Um '«W , }i.
dît le bon ou le SAINT- 359
tant de blafphémateurs du nom de Dieu, qu'U y
a préfentement. U ordonna que tous ceux qui
font condempnez au dernier, fupplice, fufient
confeflez, & qu'un jour devant l'exécution,
on leur adminiiîrafl: le fainâ Sacrement, ce que
paravant on n'eftoit accouflumé d'obferver. U
eftoit merveiUeufement févère & rigoreux con-
tre les forchières , enchanteurs , négromanciens
& autres qui s'aydoyent de femblables & in-
deues arts (a). Il tafchoit de tout fon povoir,
de conferver fon, peuple en amour, tranquillité
& union- Il eftoit grand aumofnier, & faifoit luy-
mefme* volontiers fes aumofnes. Il avoît ordi-
nairement au difner en fa falle ou chambre treize
pouvres , lesquels il faifoit fervir du mefme que
fes chevaliers & feigneurs* Il fit publiet ep, la
ville de Saîrifl: Orner , par ceux de fon confeil ,
la fufdîfte paix [ que les Flamens appellent h€er^
lycJte vreâe ÇF) ] & que Baudouyn , fon prédécef-
feur, avoit introduift (i), ou faift renouveller,
adjouftant à îcelle paix plufieurs autres bons ar-
ticles; fi comme, que perfonne n'affaîllit de nuift
la maifon d'autruy fur peine de la vie. Que per-
LeboacoB'
te Charles
ordonna ,
que ceux
qu*on de-
voit exé-
cuter par le
dernier
fupplice ,
f uilent con-
feOez.
Le bon con-
te Charles
faifoit vo-
lontiers luy
roefhie fes
aumofnes.
Publica-
tion de la
paixpublic-
quc appel-
lée en fla-
nveng, heer-
ïyckcvredc»
(tf) Artifices SUigUimes,
(*) Lfi paix du Seigneur,
(i) Cette paix q^e Baudoin à la Hache fit jurer à fes
vaflaux & que Charles le Bon renouvelle ici, prouve quelle
^toit alors la barbarie des mœurs , 6c il quels excès fe por-
toient les brigandages des feigaeors. Les comtes de Flandre,
pour remédier à ces défordres., fe virent contraints d'imi-
ter les rois de France , qui venoient de recourir à l'auto-
rité eccléfiaftique pour réûréner cette licence. On tint de»
conciles dans diverfcs provinces , Ôc l'on y fit des régie-
mens particuliers , pour maintenir la paix entre les particu-
liers. L'an 1041. , on porta une loi qui défendoit les xrora-
bats particuliers depuis le mercredi au foir jufqu'au lundi P. Hénault.
matin y pour le refpeft que l'on doit à ces jours que J. C.
a confacrés par les derniers myllères de ft vie. Cette trêve
«'appella la trive du Seigneur.
^60
Charles,
Aulcuncà
ptdonnan-
ccs du bon
conte Char-
les pour It
tranquillité
du païs.
tc« Juyfi
bannis de
('Jandre.
Rude» ffcns
fiu Well-
quarticr de
^landrp,
fonilc ne boutafl: le feu, ny menachaft de ce ùihû '
en la maifon , eftable ou grange d'autruy , lur
peine que dcffits. Que perfonne ne logeaft garr
ions ou vagabonds , fur peine de reftaurer les
dommages & intdrefts quMls auroyent fSaiA à
autruy. Que perfonne , de quoique qualité ou
condition qu'il fût, s'advanchaft d'emmener ou
faire emmener les enfans fans le confcntemenc
de père , mère , tuteurs & autres parents , avec
plufieurs articles qui feroyent trop longs à rér
péter , & lesquels tendoyent pour tenir le peuple
en bonne paix & concorde» 11 chafla & bannit
de FLindre tous Juyfs&ufuriers, lesquels avoyent
auparavant illec vefcu foubs tribut ; difant qu'il
ne les vouloit fouflVir, jufques à ce qu'ils euflcnt
fatisfaiA & amendé le meurdre, par eux commis
en la perfonne du fils de leur Seigneur, lleftoit
mervejlleufcmcnt bon juftiçier , de forte qu'il
condraingnit ceux qui ayoyent accouftumé d'opref-
fcr les pouvrcs gens , d'eux en défifter ; contre
lesquels il ufoit d'une telle rigueur, que les pou-
vres gens vivoyent en bonne paix & tranquillité.
Et pour autant que plufiçurs rudes gens, de-
mourants au Wcftquartîer de Flandre fur left
marches' & limites de la mer, commettoyent plu-
fieurs homicides, & efpandoyent beaucoup de
fs^ng humain par arcs & par flèches , le bon
conte défendit par-tout, que nul fus la-hart (jf)
s'advançaft de porter arcs , fagettes ny flè-
ches , faifant au rcfte continuellement entre par-
ties bonne & brtefve expédition de juftice. Afon
ïidvèncment en la conté, & gouvernement de
Flandre il eufl plufieurs fficheries & travaux avant
povoir payfiblcment jouyr d'iccluy païs. AuqueF
madame Clémence, mère du fbfdiifl Baudouyn
Xa) Sous peint de la corJe^
6IT LE BON ou LE SAINT. 361
Hapkin prétendoit avancer & entfairoiiifer Guil»
laume de Loo fon neveu, Jls dé feiu Philippe
de Flandre, & de la fille de Guillaume , feigneur
jde Loo (a)* Et pour plus facilement parvenir à
fon intention, & afBn d*à ce eftre fecourue par
aftrangiers, elle fe remaria à Godeiroy à la Barbe,
duc de Brabant (dont cy-deflus a efté parlé) &
praéliqua Talliance des contes de Hainault,
de faina Pol & d'Hefdin, enfemble d'Euftace,
avoué (3) de Thérouane, avec plufieurs autres,
qui d^autant plus volontiers adhéroyent à ladiéle
Clémence, pour ce que le bon conte Charles,
infiftant aux traces dudlél feu Baudouyn fon préi-
décefleur, avoit faiû publier la fufdifte paix, aur
trement appellée heirlycke vrede^ & à laquelle
ils ne vouloyent aucunement obéir. Au moyen
de quoy, le conjre de Flandre aflembla bonne
trouppe de gens, & aflaillit le chaftel de fainét
Pol, qu*il fit defmollir, print prifonnier le conte
Gaultier d*Hefdin , lequel il déshérita perpé-
tuellement de fa jconté qu^l applicqua au domf»
main,e, & à fon païs de Flandre. Peu après il
conftraingnît venir à fon obéiflance le conte Bau-
douyn de Mons & Thomas de Couchy ( filz de
ce feigneu): de Cojuchy , du quel nous avons par-
lé en rhiftoire d*Arnould le Simple) Icfquels cou-
ftumièrenvent molcftoyenf Ja Flandre par leurs
excurfions & pilleries. Il oftaft auflî à la contefle
Clémence les yîUes de Dîxmude, Aire, Calfel,
Sainél Venant & autres que pour affiguation de
Madame
Clémence ,
douagière
de Flandre,
prétend ad»
vancer à U
conté de
Flandre
Guillaume
de Loo.
Madamç
Clémence
fait plu-
fieurs al-
liances
çoure^put-
1er le ooa
conte Char«
les du
de Flan<
idrc.
Leboncon*
te Charles
prend &
îaid des-
mollir le
chaftel de
Sainâ Pol.
Leboncon<»
te Charles
ofte à la
douaffière
de Flandre
plufieurs
villes à ellQ
allignées^
audlaFIah^
dre pour
fon oouairc
(à) Voyei n* i. du chap. 53., p. 303,
(3) Ce mot fignifie patron ou proteAcur d'une églife,
Ainfi ce comte Euftache étoît protcAeur de IV^glife de Thd-
touanne , comme les feigneurs de Béthune Tétoicnt de
^t. Waaft d*Arras, comme les comtes de Louvain IMtoient
4e régUfe de Nivelle , ^ les Beithauts de Téglife de Ma^"
fines &c.
Gomicourt«
363
C II A R L £ 8,
ï)'*fwt vcr-
htl entre
de t^no &
le bon con-
te Clttrlc»
vfmr h
hcctfùon
âcFfindrc.
L'an iiî5.
AmbafTa-
bon cottto
Charle» ii
rctn|>crcur
Lotairc.
ibn douaire hty avoyent efté laifTéea & accordée!»
Ce faiA, il s^achemina vcra Thérouane, laquelle
il prittt aflc£ Ugièretnent, & fit defmoUIr le chaC»
tel qu'£u/lace , avoué de Thérouane , y avoit faiâ
cxfliruire Ça) fur le chemitière (i) de noftre Da-
me* £t au regard de ce que le fufdiA Guillaume
de Loo maititcnuit debvoir eftre préféré à luy
en ladiéle conté de Flandre, fouba prétext qu'il
fe difoit eftre dcfceudu de telle mafcuUoe, te
quMccluy Charlca renoit de ligne féminiqe, le
fufdiél Charles luy fit refpondre, qu'il eftoit phu
aagé >quc lediA Guillaume, & que par la couftu«
me de la couronne, (de laquelle Flandre eftolt
tenue) le plus anchien parent en un meitne de«
gré ffllfoit 1 préférer en fucceiHon de fiefii à tous
autres. Finablement ce différent fut appaift,
moyennant quelque fomme d'argent , & certaine
partie de felgneurie au Weftquartier , qui par
forme de partage, fut aflignée audiél GuiUauroe,
Et de ceftc forte lediél bon Charles demeura
paiflble fcigneur, & conte du païs de Flandre*
CHAPITRE LXV.
De ta grande famine qui au tempi du bon conte
Charles fufl en Flandre , 6* aux ptût drcuni'
voi/lns , & des grands devoirs ausquelf kdlH
conte pour obvier à ladlUte famine fe mit , en-
femble des caufes de la confpiratlon de ceux de
Vande Straten contre Iceluy bon conte.
LE bon conte Charles devenu payfiblc au
gouvernement de Flandre, envoya, environ
Tan mil cent vingt & flx, l'abbé de fainél Pierre
& le chnftclain de Gand , fes ambaflTndeurs , vers
Lotaire, lors nouvellement eflcu il empereur au
lieu de Henry le clnquiefme ( qui eftoit un peu
W Bdtlr,
(0 Cimtliru
PIT LE BOM ou LE SAINT. 3^3
auparavant terminé ) & lequel Lotaîre faifoît au^
dift temps fes Palques en la ville de Coulongne;
#n la prérence duquel eftants leWifts ambaffa-
deurs venus , déclarèrent la charge de leur am-
baflade, laquelle en effeft confiftoit en Tadver-
tence qu'ils fifrent audidl empereur , que le conte
Charles leur fouverain feigneur eftoit preft , pour
venir vers luy, tant aflSn de luy faire la révéren-
ce, que pour luy prefter Thommage, & ferment
de fidélité, d^u à raifon de ce qu'il tenoit de
l'empire. Et fut ladifte légation receue 6ioult bé-
nignement dudit empereur, lequel pour reffeft
que deflus affigna jour au conte Charles pour la
fainft Jehan lors prochaine, & en la ville d'An-
vers. A laquelle néantmoins Iç fufdift empereur
ne vint au jour aflîgné, obflantz les empefche-
ments que depuis luy furvindrent , au moyen des
féditîons & difRrentz que les princes de Lotarin-
ge avoyent contre luy meues & fufçitées (i).
Peu après, fçavoir audift an vingt & fix, fuf-,
rent veues en plufieurs lieux des chofes bien ad-
mh^bles, & fignamment au pais de Brabant, où
une femme enfanta d'une portée quatre enfaûs
Prodiges e9
Fhmdre ^
firabapc,
(i) L'emperçur Henri V. étant mon à Utrechten lias.,
fans laiffer d*ei|fant, les princes & les grands de T empire
lui avoient donné pour fuccelTeur Lothaire , duc de Saxe,
Cette éleâion ayoit déplu fouveralnement à plufieurs fei-
gneurs Lotharingiens > mais furtout à Godefroi le Barbu qui
turoit voulu qu*on préférât à Lothaire , Conrad , neveu de
Henri. Il refuTa de reconnottre pour empereur Lothaire qui
le dépouilla du duché de Lotharingie , pour le donner à
Walletan, duc de Limbourg. Nous ajouterons ici que dans
la diète où Ton délibéra fur le choix du fuccefleur de Henri,
quelques princes de Tempire jettercnt les yeux fur Charles
le Bon , comte de Flandre , qui content de fon fort & dé-
daignant la couronne impériale , préfera le plaifir de régner
fur les Flamands qu*il 'chériflbit comme fes enlans , à la
gfoire d'être aifis fur le trône de Tempire d'occident*
Gr. chroUf
Belg. an.
1IÛ9.
Anfeln^ ,
II 27.
Butkens,
Aa. ss-
t. i.Mars,
p. 180.
-3«4
CHARLES,
Vaminc gé-
nérale en
Flandre ,
Brabanc ôc
ancres païs.
Les cervoi-
fcs delFen-
dues & les
chiens &
veaux tuez
en Flandre
pour ob-
vier à la
chicreté.
Libéralité
du bon con-
te Charles
vers les
pouvres att
temps de
ladite fa-
ilûue.
Impiété de
ceux de
Vande-Stra-
ten durant
la fufdicte
chiereté.
laafleSç&enHafprugC^), une autre pou vre femme
engenàraun enfant monftrueux, ayant deux corps,
dont la partie antérieure eftoit figurée d'homme
f& celle de derrière avoit la façon d'un chien,
ayant, au relie deux telles. Et toft après fuyvit
une famine générale par les païs de Flandre,
Brabant, Hainault, & autres circonvoifins , fy
très-grande & extrême, que Ton trouvoit parles
rues & chemins leS gens morts dç faim en nom-
bre incomparable. Pour à laquelle famine obvier,
.& affin qui^ les vivres fuflent de tant meilleur
prix, le bon conte Charles fit par tout le païs
de Flandre deffcndre les cervoifes (Ji) & tuer les
chiens & veaux, ordonnant que tous les greniers
des marchands de bled fuflent ouverts , & que
lefdiéts bleds fuflent vendus & difl:ribués à prix
^ raifonnable j faifant aufurplus entous les lieux auf-
quels il fç trouvoit, une infinité d'aumofnes, &
trop longues à réciter. Parquoy mç contenteray
de vous déclarer la libéralité^ dont il ufa en la
ville dTpre, affin que par ceue-cy vous puiflîez
mefurer le .bien qu'il povoit avoir faiA es autres
villes, & lieux de fon dommaine, Eftant doncle»
dît bon conte audifl; Ypre, & ayant merveilleu-
fement grande compaflîon des crys & lamenta-
tions de fon pouvre peuple preflié de l'intolérable
mal dé faim , ordonna un jour entr'autres que
de fon frument (c) on difliribuafl: aux pouvres ,
jufques à fept mille & huiél cents pains d'un marc
la pieche, qu'eftoit une grande libéralité, fy nous
voulons confidérer l'extrémité & néceflîté du
temps d'alors. Lé mefme conte fe trouvant , du-
rant icelle famine , en fa ville de Bruges , fut ad-
verty que meflîre Bertholf Vande Straten , prévoft
de fainél Donas & chancelier de Flandre , JLam-
Ça^ EnHashaU, .
CO Bicrn^ en latin cercviûa.
(c) Froment , bled*
t^îT LE BON otj LE SAINT* 563
bert & BoulRert Vande Straten , fes frères , & au-
tres de leurs parentz, avoyent de longue-main
amalTé quafi tout le bled du quartier, mefmes
qu'ils avoyent par enfcmble faîft monopole , re-
tenantz lefdifts bleds en leurs greniers, lefquels
fls ne vouloyent vendre à raifonnable prix, &
qu'à raifon de ce , la foulle du menu peuple mou-
roît de pouvreté , à laquelle néantmoins par le
moyen defdîfts bleds, on pourroit légièremeût
pourveoir. Qui fut la caufe que le bon conte
fans foy foucyer ny de la graudeur, ny de la
puiflance defdîfts de Vande Straten (quieftoyent
des plus apparentes de tout le paîs de Flandre >
envoya fon aumofnîer appelle Thammaert (a),
chaftelain de Bourbourch , pour par main fouve-
raîne (ai) lever de leurs greniers les deffus-difts
bleds , lesquels il fit diftribuer & vendre à raifon-
nable prix , quy fut configné es mains defdifts de
Vande Straten, ausquels néantmoins il avoit laiffé
une provifion fouffiflante pour eux & leur^ fa-
milles ^ mefmes pour le chapitre dudift fainft Do-
nas. Non obftant quoy , ledift prévoft & fes frè*
res , conceurent une merveilleufe indignation
contre lèdiû Thammaert, à rinftîgation duquel
ils eftimoyent ladidle diftribution avoir efté faifte.
Et fuyvant ce, luy fifrent plufieurs rudefles &
dommages, en fes jardins, maifons & poffef-
fions (3) 9 eux aydantz à ces ' fins de Bouifaert
(tf ) Par autorité»
TliflMM^ftP
chiftelaîii
boiiTch^ai»^
mofiiier da
bon conte
Charies.
Leboncoo^
te Charles
Met lever
les bleds
des gre- .
niers de
ceux de
Vande Stn-
ten , & les
faiâ diftri-
buer à ni-
fonnable
prix.
Caufes de
la confpira-
tien de
ceux de
Vande Stra-
ten contre
le bon con-
te Charies.
Ca) Meyems rappelle Tagmare (Tagmams) & lé fiic
anmônier du comte de Flandre.
(3) Le comte avoit ré<iffi à réconcilier d^abord les Fan-
der Stratun^ leurs complices avec fon aumônier Tagmare;
mais ayant été obligé de quitter la^ Flandre en II2<Ç., pour
aller porter du feconrs à Louis le Gros contre le comte
d* Auvergne & le duc d* Aquitaine , qui avoient provoqué ^t.
colère % les Vander Stratttn renouvellerent leurs malverfa*
Suger, vie
de Louis le
Gros, &
chron. St.
Den. an.
$66
C M A 11 L E Si
tour ce que
fioufTaert
VandeStra-
ten n'oWyt
k l'adjouf-
nemcnt à
foy- faiâ ,
ics maifons
/ font bruf-'
\
Adioûrite*
ment fur
matière de
trefves en-
f^inaes.
Vande Straten , neveu dudia prévofl: & fils de Lam-
bert Vande Straten* Lequel Bouflaert fut finable-
ment adjouroé, pour comparoir en perfonne en
la court du conte Charles , & Ulec rendre raifon
des excès & outrages commis contre lediA Tham-
maert, & à railbn que ledift Bouflaert ne com-
parut au jour aflîgné , il fuft condemné de ren-
dre à partie adverfe tous intérefts & domroaige^
foufferts, mefmes que' pour la non comparition,
les maifons d^iceluy Bouflaert feroyent abbatues&
bruflées. Qui aygrit merveilleuftment lediA pré-
voft & fes adhérents^ lefquels toutefois furent
aflez davaotage irritez ^ par une fentence que le
bon conte Charles prononçafur l'incident quy s'cn-
fiiyt. L^ fufdîft prévoft avoit un beau-fils ma-
rié à a fille 9 homme fort hautain & eflrange-
laent orgueilleuse, lequel peu après les chofcs que
deflus, fit adjoumer^un autre ehevalier en la
court du conte, fur matière de trefves enfrainc^
tes. Et après demande faifte , le chevalier def-
fcndeur déclara n'eftre tenu dé refpondfe, pour
eç que le cheValier demandeur eflioit de fcrfve
condition, entant qu'il avoît efpoufé la fille du
prévoft qu'il maîntenoît eftre ferfve* Au moyen
de laquelle refponfe , fourdireiit grandes & fu«
perbes paroUes , entre lefdiéts deux chevaliers en
la préfence du, conte, lequel à çeflie occafion re-'
mit lediét affaire à une aultre journée, que peu
tions contre Tagmare , ravagèrent fes poiSêflions , décrmiF
rent un château qui lui appartenoit , tuèrent ceux qui ofe-
xent leur réfifter & emportèrent tout ce qu*il8 purent ëe«
biens de leur ennemi. A fon retour de France, ChArlet mit
Du frein à ces excès puniiTablcs, fit adTembler une grande
partie de la noblefle de fes éuts « ^ il fut r^olu que Bur*
chard ou Bouchaert , Tun des plus audacieux , feroit traîné
en )uftice. Cette jufte févérité & plus encore le procès dont
il eft parlé plus bai, portèrent à fon combk la huine do
Vandcr StracttA contre leur fouveraip^
DIT LE hOU ôo' LE SAINT. s^7
après fe tiendroit à CaflTeï^ & 6n laquelle Je che-
valier demandeur féroit tenu foy purger du fer-
rage à luy împofé, que lors on procéderoit au
principal de la matière pn queftion^ comme Ton
trouveroit de droift & de raiforts Lejou^fervant
venu, le fufdit priévoft comparut audiél Caflel
avec le chevalier demandeur fon beau-fils » ac-
compaigné de cinc centz compaignons bien ea
ordre, de forte qu'il fembloit vouloir venger
le cas de fait , & non par voye de juftice. Par-
quoy & pour éviter plus grand inconvénient,
le bon conte remift la caufe à Sainft Omet à au-
tre jour , deffendan^ aux parties tout œuvre de
faî^. Auquel jour, parties ouyes, lediék conte
déclara que la dame du chevalier demandeur, pur-
geroît fon fcrvage pat le ferment & attcftation
de douze hommes nobles , demeurant cependant
la querelle du conte en fon entier, pour foa
droifl: & intéreft. Dont ledift prévoft & fcs ad-
hérents conccurent un defpit fy véhément, que
pour eux venger des torts qu'en ce que deflus,
ils fe perfuadoyent leur avenir efté faifts, s^aflem-
blerent peu après en la ville d*Ypre ou félon
aucuns au territoire de Fumes, & après avoir
mandé vers eux leurs principaux parents, du
moins ceux aufquels ils penfoyent fe povoir fyer
en toute afleurance , conclurent audift Ypre Tab-
hominable trahyfon , & conjuration , que "voirez
par le chapitre fubféquent.
CHAPITRE LXVL
J)e rabhominable trahifon que ceux de Vande Stra^
ten commifrent contre le hon conte Charles^ quUh
meurdrirent en VégUfe de St. Donas , ^ d'au-
très chofes mémorables»
A Près que les parents , confédérée & alliez
de meflîre Bertholf Vande Straten , prévoft
de fainét Donas , chancelier & archichapelain du
Le prévorf
de (ainâ
Donas com-
pare en ju-
gement
avec fon
beau-fils ,
accompai-
gné de plu-
iieors gens
d*armes.
Ceux de
Vande Stra-
ten font af-
fembler
leurs pa-
rcntsàYpre
pour eux
venger du
bon conte
Charles.
2^8.
C II A R L JE S ^
Harangue
du prévoft
de S. Douas
à fe» pa-
rents de
Ji
Conte Charles de Flandre , furent tous aflemblé^
cti la fufdifte ville d'Ypre ^ kdia; prévoft pari»
à eux de cefte forte : ^ Mefficurs , mes bons
„ ainis & alliez , vous avez veu , entendu &
^ fceu le grarid. tort que tant de fois le conte
„ Charles, noftre prince, a pourchalTé nonfeu-
^ lement à moy ^ ains à voui tous , t?mt en par-
„ ticuiier qu^en générd,: en forte que non ayant
^ efgard à nous , quy fbmmea fy grands Sf, puîf-
fants que chafcun fçait^ a foççiblement (tf)
faid lever de noz maifons. & greniers les
bled?:, que fans tort de perfonne nous avion»
achapté & payé ^ & aufqueîs fans grande
injuftice n'eftoit loyfibleny à hiy » ny à per^
fonne vivante, démettre les mains, fans noftre
gré & volonté. De ce non content , a auffy
puis naguerreç , foubs prétext de la faveur
qu'à noftre déshoinieur il porte à ce paillard
de Th^mmaert , faia brufler & dçftruire les
maifons appartenantes à mon nepveuBouflaertj
vçftre parent & allié j nous pourchaflant au
reftc par toutes les voyes àrluy poflibles , tani
de déshonneur ôï'vergpfngne, qu'au lieu do
l'authorité & prééminence ^ aufquelles nous
foUions eftre , il nous a mis à la rifée & mef-
pris de tout le peuple & d'un chafcun. Dont
^ j'ay -certainement telle douleur, que j'^en meurs
cent fois le jour. Et quant à vous, mes bons
parents & amis , je croy fermement , que vof-
tre honneur & réputation vous efguillonnent
tellement que le cueUr Vous pleufe , & fehtî-
tîrez la playe de ce mefpris , tant que. vous ou
lès voftrfes aurez nom de gentilshommes.. Tou*
tesfois , fy vous voulez fuyvïe mon advîs ,
nous n'en différerons fy long-temps la ven-
^ geance i
(a) fùMment , far force»
i)iT LE BON bu LR SAINT. 369
5, geance ; mais vous donneray moyen de mcou-
*,^ vrer noilre honneur tant abbaiffé ^St quy vous
^ tournera à gloire. & grand prouffit. „ Lors
chafcun s'efcria^ qu'ils y empWyeroyent & leurs
vies & leurs biens. „ Mes amis , diél-il , eftes-
^ vous donc délibérez de fuyvre mon confeil ?
^ Monfieur^ (refpond^t le plus advoué de tous)
^ nous vous jurons fur la foy que devons â
^ Dieu , que nous vous obéyrons quant à ce
„ poinâ. „ Bien affeftueufement les remerchia le
prévoft, & voyant leur bonne volonté , com-
mença à defmefler fon entrcprinfe, ainfi que vous
entendrez. „ Meflîeurs & parents, dift-il, je
^ feroye d'advis, que pour parvenir à mon en»
,, tente, la plufpart de nous , ou bien tous en-
,, ferable ( mais en divers temps ) fe trouvaflent
^ pour le commencement du quareimé prochain
,, en la ville de Bruges , où mon neveu Bouflaert
y^ (comme ceftuy quy a cfté le plus întéreffé)
yi affilié de ceux qu'il voudra prendre en fa com-
„ paignicj fe tiendra aux efcoutes, & efpiera le
^ jour, auquel le conte Charles, félon fa couf-
i, tume, viendra de bon matin & le moins ac-
yi compagne à Téglife de fainft Donas , quç lors
„ entrant en fon oratoire, il pourra faire dudîél
„ conte ce qu'on eft accouftumé d'exécuter con-
„ tre fon raoftel ennemy, & après fe tranfpor-
„• tera en la maifon dudiél: conte , où il trouvera
,^ ce malheureux Thanraiaert & fes adhérents ,
y^ lesquels (comme n'attendants telle entreprinfe,
5^ & n'eftant fur leurs gardes ) luy fera facile
„ d'occire & mettre en pieches. Ce pendant nous
„ ferons tous enfemble fur nos gardes , & re-
„ garderons de nons^ invertir du Bourch , jufques
„ à ce qu^ayons autrement pourveu à nos affai-
5, res , & par tel moyen nous recouvrerons nof-
„• tre anchiene authorité , demeurant de monr
,^ codé fatisfaift de la jufïe vengeance qui wr*
Là ûamUi-
ble çoQfpî*
ration de
ceux de
VandeStra^-
ten contre
le bon con^'
te Charles;
S!o^
CHARLES,
Les confpi-
rateurs cf-
pèrent im-
J>unité de
eur trahy-
fon au
moyen du
peu de pa-
rents que
Je bon con-
te Charles
avoit en -
flandre.
"Les nom
des princi-
paux conf-
phrateurs.
JU*an 1127.
,^ elle exécutée fur mes ennemis ; & vous autres^y
„ mes bons amys^ deviendrez riches & opulents
„ du notable & très-grand butin que ferez des
„ bagues , joyaux & richefles du conte Charles
„ & de fes domcftîques , & en quoy vous devez
„ tant plus voluntairement réfoudre , pour ce
„ qu'eft^nt lediél conte eftrangier & pouvre de
^ parents & amis , n*avez matière de craindre
,,-qu'à Tadvenir l'on pourchaffe fur nous aucune
^ vengeance pour la mort d'iceluy. ^ Certes ,
ce confeil & advis danmâble euft tant de forche,
que nul des affiliants y contredift, mais Tapprou-
verent & louèrent ; arreftants fur Thcure d*eux
trouver au temps préfix en la ville de Bruges ,
& exploiter le diabolique confeil de ce malheu-
reux prévoft. Les principaux de ceux quy fe trou-
vèrent en cefte confpiratîon , furent les fubfé-
quents, fçavoir: le prévoft mefme, Lambert &
Bouflaert Vande Straten , fes frères , Yfaac Van-
de Straten , leur neveu , Bouflaert Vande Straten
qui eftoit commis pour exécuter ce meurdre ,
meffire Guy de Steenvoorde, chaftelain de Caf-
fel, Engueram van Effene & plufieurs autres,
quy tous enfemble fe trouvèrent au jour aflîgné
audîft Bruges. Où ils n'eurent guerres tardé ,
q[ue l'opportunité s'offrit de mettre à exécution
leur difte trahyfon , pour autant que ledift Bouf-
faert, qui eftoit tousjours aux efcoutes , fut fur
le jour des cendres de l'an mil cent vingt & fept,
ou ( félon autres ) fur un premier vendredy de
quarefme dudiét an (i) , advcrty que le bon conte
Chronu
(i) Le 2. Mars iia/r II avoît été averti de fe tenir fur
fes gardes par des perfonnes qui avoient des fbupçons fur
le complot atroce à^s Fonder Straeten, Bouchard qui lui
p6rta le premier coup , s^étoit ^ félon quelques-uns , déguifé
ea pauvre. ^ Avant le toucha un petit d*ane efpée traiv-
y^ chant 6c acérée . . . . & ft comme U cuens dréça It tête,
ff li traitres li fit au premier cop le cbicf voler , âc inû
biT Le bon ou le saint. 371
tharles eftoit allé aux matines en ladi<fte églîfè
de faint Donas ; parquoy accompagné d'aucuns
autres , autant traiftres & mefchants que luy j
fe tranfporta incontinent en ladiéle églife , & vint
trouver ( menant le moins de bruit que luy fut
poflîble) ledift conte en la çhappelle de la Tri-
nité en hault, faifant fes dévotions , & auquel
ledit Bouffaért donna le premier coup , duquel
il couppa fa main dextre, que le bon prince avoir
fextendue^ pour donner Taumofiié à une pouvre
femme , laquelle de ce s'apperchtvant , «'eftoit
cfcryée de grand effroy que le conte fe gardaft,
^uy peu après d'un autre coup que ledift Bouf-
faért luy rechargea fur h tefte , euft la cervelle
efpandue par la terre , & incontinent fut le corps
d'iccluy jedé du haut en bas dans le chœur du-
difl: faint Donas ^ où il deinoura troys jours
tontinuels fans fépulture , au moyen qu'obftant
la crainfte que chafcuo ayoit desdi^s traiftres
& confpirateurs , perfonne n'y ofoit mettre la
main pour l'enterrer. Ce mtilheujreux œuvre ache-
vé , ledift Bouffaért courut eti grande diligence
vers le logis du fufdift TJiammaert ^ lequel il
mit à mort , avec (es fils Gaultier & Guîllebert ,
& après avoir pillé toute la maifon , ils fe trans-
portèrent au logis du conte ^ où entre fes do^
ïnefticques fut pareillement meurdri G^utiet d.^
Locre , efcuyet trençhant d'icehiy conte , & avec
luy plufieurs Danois & Allemans , dêfquels le
bon conte Charles fe fouloit fervir , butinants au
9, occit U murtrier fon fegûor, comme il parloit à Dieu en
i^ oraifoti.
C*eft une chofe digne de remarque que Guillaume , comte
de Bourgogne , fut aflafliné le môme jour & la même année
que le comte de Flandre, & comme lui dans une églife;
icomme s'il y avoit des jours qui fuflent réellement dcftinés
au3c noirs attentits.
Bouflaeril
couppe la
main dex-
tre que
le bon con-
te Charles
avoit cx-
tendue
pour don*
ner Vm-
môfne.
Le boa
conte Char-
les piteufe-
ment meur-
dr>^ & le
corps d'ice-
luy jeAé
au chœur
de Téglife
de St. Do-
nas.
Thammaert
& autres
occis par
Icsdiéts
confpira-
teurs.
La maifori
dudid con*
te butinée
par ]cf(Mt9
confpiraN
leurs.
- Anfelmo
de GembU
37^
CHARLES,
Lesdiâs
confpira-
teurs fe
fortifient au
Dourch de
Bruges.
Meyeir.
an. 1126.
relie toutes les bagues & joyaux , qu'ils troû>
verent illec , & en retournant vers le Bourch
dudîft Bruges , occirent femblablçment plufieur^
autres nobles du pais & bourgeois d'icelle ville,
lesquels ils fçavoyent avoir efté favorables audîft
conte, & partiaux contre eux & leurs adhérents.
Ce faîft , ils fe retirèrent audiél: Boureh (2) , 6ù
ils fe fortifièrent, en intention d'eux y tenir tant
que leur faift feroit plus affeuré. :
Ca) Burgum^ hoc efli eûfirum atque étdcM divi Dona^
tiani , ingefto in hngam diem commcatu .... fortittr mw
niverunt fefcque ibi incluferùnt , rati paucos fore êx nobilitaU
qui parricidium tam ahominandum ejfcnt vtndicaturi, La
chronique (ïe St. Denis dit la même chofe : ^ Ils garnirent
99 riéglife ôc la maifon le conte qui au mofters ( mona(lèrc>
M tenoit âc adtrairent & amenèrent tant de gamifon de def
n victle , comme ils plus porent , por exgamir & défendre.^
Eesdîas
coHfpira-
teurs parla-
mentent au
peuple
pour excu-
Kr leur
trahyfbn.
CHAPITRE L XVII.
Comment Sefvas de Praet fi? autres vindrent en
diligence vers Bruges , pour venger la mort du^
diù bon conte Charles ; de Pemprifonnement des,
complices d^iceluy meurtre ; des miracles que
Dieu manifefta en faveur dudiSt bon conte ^ fif
d* autres ehofes mémorables^
LEs fufdîts traîftres & coi;fpirateurs s'^eftants
(après avoir perpétré les abhomînables meur-'
dres que deflus ) retirés au Bourch de Bruges ,
commencèrent à parlamenter au peuple^ & excu-
fer leur trahyfon par plufieurs paroUes farfées Ça)^
pleines de malheureux & damnables menfongeS;
de forte que le peuple ( ordinairement nonchal-
fcmt des bénéfices receus- (Ji) & tronvoiteux de
ehofes nouvelles ) fembloit aucunement (r) ap*
ia) Dirifoires, (c) Un peu , en quelque
(JO PeufcnfibU au^ bienfaits. forte.
DIT LE BON ou LE SAINT. 373
prouver leur fourfaift , quand en grande dili-
gence furvint en ladifte ville un noble & vertueux
chevalier d'iceluy quartier , nommé Servas de
Praet, lequel ayant entendu la piteufe mort de
fon bon prince , avoit amaffé le peu de fes fub-
jecfts, dont il avoit peu finer («), & eftoit venu
vers ledift Bruges , en intention de faire la ven-
geance dudia meurdre. Or , ledift Servas ( ^^*
quel s'eftoyent auffy joinfts Tabbéde fainft Pierre
à Gand , meflîre Helin de Bouchoute , meflîre
Baudouyn de Gand , meflîre Thiéry de Dix-
mude & meflîre Richard van Biefl: , fon frère )
après avoir remonftré au peuple Thorreur & ab-
tiomination du meurdre commis en la perfonne
de leur bon prince , & le grand blafme qu'ils
encourçroyent vers tputes nations , fy paflbyent
par connivence ou difllmulation une tant grande
trahyfon, & de laquelle s'ils ne faifoyent bien
afpre vengeance , eux-mefmes fe rendroyent cou-
pables ; les encouragea de forte, que tous d'un
commun accord & de main joinfte afl^îégerent le-
dit Bourch , duquel néantmoins la nuift enfuy-
vant , lediâ prévofl: & fes adhérents ( voyants
que la fortune baflioit mal pour eux) trouvèrent
moyen d'eux retirer , & fe fauvercnt en divers
lieux. Toutesfois aucuns d'eux furent prins &
queftionez. Et fut depuis le prévofl: mefme trouvé
à Watenes, ou félon autres en la maifon d'Alard
de Wamefl:on, & prins par Guillaume de Loo,
quy lors fe difoit le plus proche à la conté de
Flandre. Yfaac quy s'en eflioit fay en l'abbaye de
fainft Jean , près ledift Warnefl:on , & avec luy
Guyon d'Eflianfort, furent prins par la juftice
de Sainft Orner , & le fufdift Bouflaert qui avoit
meurdry le bon conte, fizft confl:itué prifonnier
Servas de
Praet vient
en diligen-
ce à Bruges
pour ven-
ger U mort
du bon con-
te Chartes.
Servas de
Praet ex-
horte ceux
de Bruges
à la ven-
geance du
fufdii
meurdre.
Le Bourch
de Bruges
aOiégé.
Le prévofl
de faiod
Donas s'en-
fijyt de
nuiâ du
Bourch de
Bruges.
Guillauhie
de Loo
prend pri-
fonnier le-
did pr<5-
vofl.
Lesdiâs
confpira-
teurs prins
en divers
lieux.
(tf) ycHir à bouff c'eft-àdire , qull avoit fu âétcrmmr.
sr4
CHARLES,
Le corps
in bon
conte Char-
les' enterré
en Téglife
de faind
Chrifloffle
à Bruges*
touys le
Gros, roy
de France,
vient à
Bruges &
faiô trans-
porter le
corps du-
didt bon
Charles à
faina Do-
nas.
Miracles
advenus
après la
mort du
bon conte
Charles. '
en la maifon de Bernard de RoubaLx, fon oncle,
ic aînfy fucceflîvement des autres, quy furent
conftituez prîfonnîers , les uns çà , les autres là.
Après que les fufdifts traîftres fe furent retirés
dudift Bourch, Tabbé de fainft Pierre deGand,
ledift Servas, & les autres de la fuyte, enter-r
rerent non fans une infinité de larmes, le corps
du bon conte Charles à Téglife de faint Chriftof-
fle, fur le marchié dudiél Bruges, pour autant
qu'il ne povoit cftre enterré en celle de fainft
Donas , au moyen , que par le fufdift meurtre ,
elle avoit elle violée. Peu après , le roy de Fran-
ce Louys, dift le Gros, vint en ladifte ville de
Bruges, tant pour faire juftice des fufdifts meur-r
driers , qu*affin d'induire * les eftats de Flandre
à recevoir pour leiir conte Guillaume , fils de Ro-
bert Courtehofe, duc de Normandie (i), duquel
nous parlerons cy-après. Et eftant ledifl: roy
Louys audift Bruges , il fit au bout de foîxante
jours, durant laquelle efpace le corps dudidl bon
conte Charles avoit repofé en Téglife de faint
Chrifloffle, le rapporter audi^îl fainft Donas, où
il fuft enterré en mçrveilleufe magnificence. Au-
quel endroift ne voulons pafler en fllence les
mirades'& chofes merveilleufes que les chroni-
qjues tefmoignent eftre advenues ^près la mort
' de ce vertueux & vrayement fainft conte. Le
corps duquel eftant repofant au chœur de faînét
Donas fans aucune fépulture , un boîteus Ro-
bert le Tollenare , lequel avoit vefcu plus de
huift ans fur les aumofnes au cloiftre de faînét
Andrieu lez Bruges , vint, foy traînant le mieux
qu'il luy fuft poffible, toucher avec révérence le-
dift corps , & incontinent fe leva , rechevant
toute fanfté & guarrifon. Comme aufly fut au-
dift lieu guarrié une notable multitude de roala-
(0 Voyez note i, du chap. 6i,t pag. 35a
DIT LE BON ou LE SAINT.
375
des 5 les ungs de fiebvres, autres de mal de telle,,
& fucceflîvement d'autres maladies. En outre,
Bouffaert Vande Straten , qui avoit commis lé-
dicft meurtre, s'eftant fuy gvec un ferviteur vers
Anvers , & venant fur Teaue , la barque demoura
quoye (/?), fans vouloir aller avant, de forte que
tous ceux qui eftoient dans icelle barque , voires
& luy-mefme , difoyent que c'eftoit un chaftoy
divin , priants tous Dieu pour fa miféricorde ,
& non obftant ce , ne leuf fuft poflîble pafTer
ladifte eaue, au moyen de quoy ils furent con-
ftraindls de retourner en Flandre. Qui fut caufe
que ledîft Bouffaert fe mit en chariot pour venir
vers Lille „ où il fut peu après prins en la mai-
fon de Bernard de Roubaix , fon oncle , félon
que vous avez desjà entendu. D'autre part, quand
on tira le corps dudiél conte Charles Aors le
fépulchre , auquel il avoit efté en Téglife de fainft
Chriftoffle foixante-trois jours continuels , toute
ladiéle églife fuft remplie d'une clarté admirable ,
& de tant de bonnes odeurs qu'il feroit impof-
fible le vous déclarer; mefmes,^ que plus eftjle
fufdift corps fut trouvé autant entier , & les
playes fi fraifçhes, comme s'il ne fuft efté mort
d'une heure , dont auffy le roy Louys , quy eftoit
lors illec préfent ^ fut grandement efmerveillé &
d'autant plus efchauffé au defir qu'il avoit d'en
faire une très-rigoreufe , exemplaire & mémorable
vengeance. Auquel paffage je veux inférer en cefte
hiftoire un bon advertiffement , quy non-feule-
ment pourra, prouffiter au commun populaire,
mais principallement inciter à vertu les grands &
excellents^ perfonnages. Il n'y a quela vertu quy
puiffe mettre en perpétuelle mémoire ceux quy
l'ont aymée & fuyvie. Puisque ainfy eft , elle
doit fervîr d'un poig;nant (Jt) aguillon, tant aux
Advertiflc-
ment de
l'autheur
pour inci-
ter un ehaf-
cunaiidclir
de verw.
(jo) Immobile,
(à) Puijfant , perçant.
«76
CHARLES,
touange
flu bon
fonte Char-
Le bon
f 6nte Char-
les a editné
çhofe hon-
îiefte s'cx-
pofcr à
tous périls
pour le
bien fit re-
pos de Tes
fubjc^s.
rois & ceux quy ont le gouvernement des peu-
ples, qu'aux magîftrats quy ont la fuper-în ten-
dance fur les villes , à ce qu'ils tafclient à faire
chofes honneftes, ôcmermcs, que mefprifants les
dangiers ou bien la mort, quand elle fy préfen-
tera, ils ne reculent & fâchent difficulté d'endu-
rer & fouftenir toutes chofes pour le bien public,
tant dures foyent-elles. Il y a icy un exemple
notable en noftrc bon conte Charles ; car conv
bien qu'il vit le dgngier é^iinent , ou d'cftre
chaffé du païs, ou de fa mort alTurée, à raifon
de l'égalité de juftice qu'il faifoit obfcrver, voi-
res à TcndroiA des plus grands du païs , & an
ihoyen de la fufdiftc diftrihution de bled , qu'il
voulut eftre faifte , tant y d, qu'il ne voulut
Tcculer de fpn bon & fainft propos , & beau-
coup mpin^ , pu pour la convoitife de dominer,
ou pour defir de conferver fa vie en plus grande
affeurance, laiffer fon peuple endurer une faim
tant extrême , ou demeurer par faute de juftice
opprcffé des plus grands , ne povant aucunement
endurer, que fon authorité & réputacion fut dé$-
honnorée par une diflimulation tant lafche & fy
très-grande. Mais pjuftoft, s'çxpofant à tous dan-
giers , il a réputé , que ce luy feroit une chofc
honnefte d'eftrç chaffé de fon dommaine, voîres&
de mourir pour le bien & tranquillité de fes fub-.
jefts. Parquoy me femble, que ce perfonnage a
efté un homme vrayement prudent & magnanime,
& que ç^eft bien raifon que tous luy rendent
tefmoingnage de vertu. C'efl: çy Ja louange de
noftre bon conte , quy donne exemple à tous
amateurs de vraye gloire, que s'ils ont foing 4e
laiffer après eux une honnefte renommée , ils fe
propofent le fcmblablc , fy cela vient quelquç-
foîs à propos, & fur tous autres, les roys, prin-
ces, gouverneurs & magiftrats des villes y doi-
vent advifer, tant s'en faut qu'ils doivent cftye
DÎT LE BON ou LE SAINT. 377
oyfifs, lafches & craintifs, que mefme ce I^ur
eft déshonneur , quand il y a feulement une pru-
dence , juftice ou magnanimité commune en eux.
Je pourroye bien à ce propos alléguer d'autres
arguments, pojir monftrer la vertu & confiance
de noftre bon conte ; mais affin que je ne foye.
long outre mefure, je rçtouraeray au propos
que j'ay laiffé.
CHAPITRE
L X V 1 1 L
Comment le roj de France fit exécuter par divers
fupplîces les fufdi&s conjpirateurs ^ defquels tou^
tes les familles & allyés furent bannis , qui fe
retirèrent en une y fie d^Hy hernie , nommée Gher^
ma, avec autres fingularitez*
LE roy Louys donc eftant pour les raifons
que deffus grandement efchauffé au defir de
faire la vengeance du meurdre inhumain, com«
mis en la perfonne du bon cpnte Charles , en-
voya par-tout fes officiers , pour appréhender les
meurdriers & leurs complices, lesquels il fit di-
verfement & par une infinité de fupplices exécu-
ter en divers lieux, ordonnant que toutes leurs
maifons, en quelque lieu qu'elles fuflent fituées
foubs les limites de fa jurisdiftion , fuflent abba-
tues, & leurs autres biens confifquez, mefmes
fut publié, & par édift perpétuel & irrévocable
deffendu , que lefdiftes maifons démoUîes ne fufy
fent, fus grandes peines à ce împofées, jamais
redreflïes ou réédifiées, & ce en mémoire de
rénormité du mefl^iél perpétré (tf)en la perfonne de
leur prince & feigncur naturel, efbnt ledift décret
encore pour lejourd'huy en la ville de Bruges bien
eftroîélement obfervé , où Ton peut encores main-
tenant Veoir plufieurs héritaiges defdifts de Vande
C'cft dés-
lioniiettr
à un prince
d'eftre feu-
lement
doué d^une
prudenœ ,
juftice on
magnani-
mité comr .
mune.
Punition
defdias
conTpin-
teurs.
Les mai*
fons des
fufdids
confpira-
teurs font
pour Tabo-
minàtion
de leur tra-
hyfon dé-
mollies
avec défefi-
fe de ja-
mais les pp-
voir réédi-
fier.
Ça^ Commis,
378
C H A ,R L E S,
Advertiffe-
ment &
difcours de
Tautheur
fur la fin
•mjftérable
dcfciias
tniftres.
Naturel
des ambi-
tieux, en-
vieux &
fvares.
Lesfiifdias
confpira-
teurs ban-
nis font ab-
horrés de
tons eftran-
tiiers, àrai-
fon de
Tcnormité
de leur
trahyfon.
Straten, déferts, vagues, ^ fans aucun édifice.
Telle fut la malheureufe fin dudit prévoft & de
fes complices, fervant aujourd'huy d'exemple
pour tous traiftres & meurdriers , lefquels Dieu
permeél aucuncfois triumpher & profpérer , pour
quelque temps , mais à h fin il defcoche fa faget-
te contre eux , quy les faiâ topber & entière-
ment ruiner. Par lequel exemple auffy. Ton peut
manîfeftement veoir, que les hommes quy font
addônnés à ambition, avarice, & envye, ne laîf-
fent rien qu'ils n'attentent, & ne veullent quit-
ter la place à autrjuy, tant grand foit-il. Et de
faift, quand telles gens veullent venir au bout
de leurs defirs, ils ne font confçîence de perpé-
trer tout horrible cas, pour abhominable & inhu-
main qu'on puîfle fonger. Et de peur qu'ils ont de
perdre ce qu'ils ont une fois recouvré, ne crain-
dent de -foire encore de plus grandes mefchance-
tez. Et voicy quelle opinion ils ont: c^ue c'eft
une plus légière perte &. plus facile à porter de
ne point parvenir à quelque degré, & haute dig-
nité, que de décheoir des biens & honneurs, lef-
quels desjà on a accouftumez, Parquoy cecy
leur demeure de refte , qu'ils ont une plus grande
audaccj, quand ils craignent d'eftre fru.ftrés de
leur première félicité ; nmis ce m'cft affez d'avoir
izxdL cefte remonftrance comme en paflant. Or
(pour retourner à noftre propos) après que lef-
difts confpirateurs furent exécutifs, les autres
qui s'e(\oycnt faulvés , & mefmes le demeurant
de tout leur linaige (a) , coulpables & non coul-
pables, furent déchaffés du païs de Flandre, &
de tous autres fubjefts à la couronne de Fran-
ce, & bannis à perpétuité, Lefquels furent long-
temps vagabonds & fans afleurée demeure, pour
autant que, au moyen de l'énormité du fufdict
(^) Lignét ^famille.
DIT LE BON 00 LE SAINT. 379
cas, perfdnne ne les vouloit recevoir; miiseiH
fin ils fe retirèrent en Hybemie, où le roy d'An-
gleterre leur accorda demeure en une petite yfle
nommée Gherma, où ils multiplièrent par fuc-
ceffion de temps, en fy grand nombre, qu'en
Tan mil deux cents quatre-vingt^fept ik oferent
£dre guerre au roy d'Angleterre Edouard ; mais
néantmoins, ils furent tous deSaicts & déchaflez
dudiâ lieu, & ceux quy efcbapperent, devin-
drcnt pyrates de mer (i). Quy doîbt (ervir de
préadvertiflement i tous roys, princes, ou répu-
bliques de "ne recevoir, ny carefler aucuns. traiT-
tres , ny mefmes ceuj^ quy feulemertt font par
leurs fautes précédentes, tombez en réputaçion
de telles gens.
(O H «ft poflible que Henri I. , qui rcgnoit alors en
Angleterre , y ait donné un afyle aux meurtriers de Charles
le Bon , parce que Louis le Gros, fon enneni, pourfuivoit
Ja vengeance de cet aflaffinat. Mais il n'eu pas également
certain qu'il leur ait abandonné une petite île en Uibemie
(rirlandc). A cette époque, l'Iriande étoit poiTédée par
plufieurs petits defpotes , & cette Ue ne fut réunie au
royaume d'Angleterre qu'en 1171., fous le règne de Henri II-
Tous pli»-
ce* & répu-
bliques fe
doivent
garder de
recevoir en
leur pats
aucun trtif*
trc.
CHAPITRE LXIX,
Comment pïuficîirs princes caîUn gèrent (^a) la conté
de Flandre^ laquelle finablement , contre droilt^
rai fon , fut par le rov de France adjugée à Guil-
laume de Normandie.
TAndîs que les chofes fufdiftes fe faîfoyent ,
Guillaume d'Ypre , fils de Philippe de Flan-
dre, fécond fils de Robert le Frifon, callengea
par l'enhort (*) & à Tadveu de la contefle Clé-
mence, la conté de Flandre, comme le plus pro-
Gnillanme
dTpre eu
de Lco ca-
IcDge com-
me le plus
prochain
héritier k
coT\ié de
Flandre.
(tf) Se i'îf^uteraa*
(5) ExboTtaticn,
jSo
CUILJvAUMB
itts pUi
i^i^^rf* prln-
chftfn k f^pp^um hérltli^ff & ptïntt m Uâiât
qualité' le« vHIei d^Alrc^ Caflcl^ Ypr^, Fttftwc^,
incftani: fowb» Ta (uhjeétUm toute h h^lYe PtoK
ilre, (te laquelle lUfe fitapp^Ucr comc (f). I>*iittt«
part le toÇ Ihnry d*An^,kttrr& ptétand^pit dfri^
l«y-me('mif le plw» pr^HlmlOt dlimi qum t&^ï
\mii de madame Méhaulr, ftllc de IJ»«4/>yy»
de Lille 9 k qw luy^ ny fe^ ptédé^ffmn
«*avoye«t renonce à lewr drol^t ^ comme hkn
avoyeMt fai<St ceux de Ihïnmkf k de fiaîit, e»*
vo^ya une h\m grofle armde e» Cafaut^ Wp^;»m
arolr la laveur de ceux de Bruges & (k ptafi«^r^
|çt*i)lllt>homme« de Flandre , k(<}uel# il dv-^>îr ff/^
Ikïté par plulleuri dou*»& KraïUlei»profflefle«^î>
Parelliemeut y eontendolt (/?) k alpiroU^ 'Hiî^
farder. V.t.
(a) Difimtt,it^ 4u la fin conunA^r^,
0) ïl pifofi ^tt*ll «>ViEoie X^trnà 1 prcmJre te rttf# 4« r^-
gÉ^ntf 6t ÎJ <^*e (lM«r, U »vol(t (l'Cïé un (k^ pr$mm(> b v##(g*f
U mon lU iMrle$, VMmr^ vUfes ^^étffknt âéjk fm$mf(èi>
I lui i r»i»i<» il «fMç k m»\Hmr d*HH Mt prHVwnùr pn Um
flv«f , fjMi hftfot/^r %pm ImI r«ïfl4if I» lit>«f(^ fmt fri% MU
fmmi^hmn <^w*U fit »m fow(i4 4^ FI«B4r« ; lUx §um mi
hi tf mnït9 Iprai nhvlttm adif < tumqHê ( Ipr^nfâm) ^ap$(um
vimélh &' £^^fârf për »ii quant tim tmporU mant^^ifiavit ^
f(^4 poflfià il , , , , fëcmfiilifihiê hhm ff^ilUlmui mmiii f^r
arnmmtum fidêtttafh fmi, L» mWH 4*Y^#« (hc ^*ffé% ««w
flammée, Le» vUttf«i d'S\u , «k ^&x%m^ ft te^i »iiif*« ^«v
ik âa ti^vmii'tif Uu ^ompàtiu^m^ du 4M4i (k N^wa»4i#, i^
\',tknm ^ (^'0mut 4« I*m4/^pp, i\U d^^^U^nm ^ mmut nk
Ulm^ ^m i^tiftmU d^a f^éusmU^m m çomî4 4# FUmâf^^dÊt
çUi^i d*MiU^ f» tii^m^ ii\k du MhMU« 9 épQuk â4f ihâl-
Uutm k Mmd' U pmn'k n^v^^tf df^m h Vis^ndf»^ m»h
milk^m^i »'«fl v(;d|$9 bmUHf e» n\^t»%ui k mtmé m
LÉ N 0 R M À N ET.
S^i
d'ÉlfateCs), fils de Ghmrude, fille de Robert
Je Frifon , comme femblablement fit Arnoiild , ne-
veu du bon conte Charles, & fils aifné de fa
fœur, lequel print Suinél Orner ^ coftvertiflant le
mônaftère d'illec en une forterefle (4) ; de 'forte
que le pouvre païs de Flandre à raifon de ce y
eftoît apparant tomber en merveilleufement eftran-
ge 4éfolatk)n, fy le roy Louys le Gros, n'y euft
remédié. Lequel eftant en la vlllô'd'Arras, man-
da vers luy tous ceux qui prétendbyent droift
àudîft païs, affin de toutes matières débattues,
H puft, comme fouverain, adjuger ladifte conté
félon qu*il trouveroît de raifon, vers lequel pour-
tant fe trouvèrent les fufdifts princes & avec eux
Baudouyn, conte de Hainault, qui fe dîfoit fils
de Baudouyn, frère d*Arnould le Simple, conte
de Flandre , occis par Robert k Frifon en la ba-
taille de Caffel. Mais le roy Henry d'Angleterre
H'y vint en pérfonne , aîns y envoya Eftienne,
conte de Bloys , pour remonftrei^ fon droift &
proximité, telle que deffus. Fînablement, le roy
Q plus par faveur que felon droicl ) adjugea ht^
Amonld ,
ntveu du
bon conte
Charles , ^
prend
St. Orner.
Le roy dfr
France
manda vers
foyenAms
tous ceux
qui prtiten-
doyem en
la fuccef-
fion de
Flandrew
J^
(3) Thiéri d'Alface avoit des droits bien plus légitimes
que fes compétiteurs à la fucceflion au comté de Flandre.
Il ^toit fils de Thiéri d'Alface , duc de Lotharingie , & de
Gertrude , fille de Robert le Frifon , & tante de Baudoin, à
la Hache, auquel avoit immédiatemlent fuccédé Charles le
Bou. 11 avoit pour hii la plus grande partie de la noblefle ;
mais le' crédit & la puiflànce de Louis le Gros en impo-
ferent aux peupIcs^, qui reconnurent Guillaume le Nor-
mand pour fouverain.
(4) Guillaume avoit été aiÇéger Amottld dans le lieu
où il s'^étoit fortifié. Gelui^i fut obligé de céder aux for-
ces d'uni rival plus puiflant que lui & de renoncer à fes
prétentions. Cornes If^lUlmus cum fuis caprum obfidet , non-
fiullis nitentibus igmm apponere ; fed comité , ne quis hoc »
frétfumtrct , comminantt , drnçîdum exirc cocgit 9 Jus tç^
tius Flandria abjurarc.
Gualter.
Brug.
Flandr. ge-
neit c. 3»,
3^2
GUILLAUME
té roy de
trauce plus
pat faveur
que lelori
aroi(5t adju-
ge la conté
de Flandre
d Guillau-
me de Nor-
mandie.
La nation
de Flandre
tie cède à
aucune au-
tre de toute
l'Europe.
Le bon con-
te Charles
aux Fla-
mens ce
que faind
Louys aux
François.
diéle conté de Flandre à Guillaume, fils de Ro-
bert, diél Courtehole, duc de Normandie, non
pour ce qu'il fut U plus prochain, (veu que le
Contraire eftoît véritable) mais à raifon de Taf-
feélion qu'il portoit audit Guillaume, pour ce
qu'il eftoit fiancé avec madame Sybille, coufine
de W femme d'iceluy roy Louys le Gros Ç5).
Or voylà ce que je trouve des affaires & aftes
du fufdiél: bon conte Charles, & de débats quy
s'efmeurent pour la fucceffion de Flandre , après
la mort d'iceluy , voulant bien icy noter , ( pour
ce que par le contenu au prologue qu'avons faîÔ
fur cefte hîftoire^ avons déclaré que noftre na-
tion ne doit en rien céder à aucune autre de tou-
te l'Europe) que par le moyen de ce bon, fainA^
& vertueux conte, ceux de Flandre ont eu un
prince & gouverneur, lequel ne décore ipoinsle
païs de Flandre, que monfieur faint Louys a de-
puis honoré le royaume de France, comme aflez
peut apparoir par les miracles que noftre Sel-*
gneur, depuis fa mort a monftré à l'endroit de
fon corps bien-heureux , lequel eft pour le pré-
fent eflevé en la facriftie de fainft Donas, où cri
le voit journellement en grande dévotion & révé-
rence. Qdant à niadame' Marguerite fa femme^
dont toutesfois il n'eut aucun enfant ^ elle fe re-
Cuill. de
umièges.^
Order. Vit.
(5) L'époufe de Guilhitmie fut Jeanne de ]^ontfefrat v
fille d'Humbert IL , duc de Maurienne & de Savoie , ôt
fœur d'Adélaïde , époufe de Louis le Gros. Dès qoe ceUc-
ci eut appris la mort de Charles le Bon » elle employa toot
fon crédit fur fon époux , pour faire placer fon beau-frère
fur le trône de la Flandre , au préjudièe de ceux qui y
avoicnt des droits plus légitimes. Il eft vrai qu'il aivoit
époufé d'abord SyMllé, fille de Foulques, comte d'Aftjou;
mais le mariage avoit été annullé , parce qu'ils étoient pa-
rcns. Cette Sybille fut la féconde époufe de Thiéri d'AI-
face , qui fuccéda à Guillaume le Noimand au coa»ié de
Flandre.
LE NORMAND. 363^
maria depuis à Thiéry d'Elfate (6) , quy devint-
finablemcni conte de Flandre, félon que pourrez
veoir par la continuation de celle hiftoire.
(6^ Nous venons de dire que la féconde époufe de Thié-
ri d'Alface fut S^i)ille , fille de Foulques , comte d'Anjou.
La première ell appellée Suanecliilde dans un grand nom- ,. ^ ^^
bre de diplômes; mais pluficurs hiiloriens la confondent, Flandr.
comme Oudegherft , avec Mirguerite, fille du comte de p. iSéi^ "*
Clennonc
CHAPITRE LXX-
Comment Guillaume de Normandie fe fit au moyen
de raffifiençe du rey de France , recevoir en plu--
fleurs lieux par force ^ pour conte de Flandre
dont finaUement il devint payfiUe après la bat ai l^
le qu'ail euft devant Tpre contre Guillaume de Loo*
Guillaume de Normandie, fils de Robert, \
wluc de Normandie ,. furnommé Courtcbofe,
quy fut fils de madame Méhault, fille de Bau-
douyn de Lille, fuccéda audift bon conte Char-
les , en la conté de Flandre ( au moyen de raflîf-
tence & faveur du roy Louys de France) en Tan
vingt & huiA. Il ne fut jamais marié, trop bien L'an 1128.
eftoit fiancé à madame Sybille, fille de Fon-
cault (i/) , conte d'Anjou , & après roy de Hié-
rufalem (i). Mais le mariage n'alUt avant (Ji) ,
(ji) Foulques. CO ^^ riuffit point,
(i) Voyez la n. 5. du chap. précédent, pag. 382. Nous
ajouterons, contre Oudegherft, que Guillaume fut plus que
fiancé avec Sybille. Leur uaioii fut réelle & duta phiûewf»
années. A la foUieitation du roi d'Angleterre, Calixte 11. là
déclara nulle, comme le prouvent le» lettres de ce pontife Spicfl. îtp
aux évoques de Chartres , d'Oiléans & de Paris. Guiltaxime fol. t. 3.
& fon beau-père rcfufcrent de fe foumetwe k ce décret & P- 4f^-
384
GUILLAUME
Le conte
Guillaume
au com-
mencement
bien-condi-
tionné, &
eftant par-
venu à k
conté de
Flandre ,
devient ty-
ran.
SainftOmer
prinfe par
f Guillaume
deNorman-
die.
au moyen de rpbftacle, qu'y mit Henry ^ roy
d'Angleterre, lequel tôusjours luy avoit efté
grand ennemy. Ledift Guillaume devant fon ad-
vènement à ladifte conté de Flandre s'avoit tous-
jours porté modeftement & vertueufement , mais
incontinent qu'il penfoit eftre afleûré de fa gran-
deur &' puiffailce, il changea de conditions, &
devint cruel & tyran, dont aufly mal luy en
prînt, félon que voirez préfentcment. A-vant que
lediél Guillaume peuft eftre par tout reçeu pour
conte & feigneur, il endura beaucoup de fafche-
ries, qui fut caufe, que le roy Louys de FraHce,
pour le mettre par-tout en pofleffion, vînt 6n per-
fônne avec luy, au mois de May dudiél an mil
cent vifigt & hiiïA en la ville de Lille, où il fut
receu pour coûte & fit k ferment eu tel cas re-
quis & accouftumé. De ta le roy le mena en la
ville de Bruges, où il fut femblablenrent receu;
mais pour autant que ceux de Gand mettoyent
difficulté à le recevoir, obftant la faveur qu'ils^
portoyent au roy Henry" d'Angleterre, le roy
Louys & le conte Guillaume retôufderent audift
J^ille, & de là tirèrent à Sainâ: Orner par Béthu-
ne, devant lequel Sainét Orner ilè mifrent lefiè-
^ge, pour autant qu'un adolefcent du royaume
de Napies appelle Arnoiïld, s'eftolt en quaUté
de neveu du feu conte Charles, mis dedans ladifte
ville, & avoit fortifié le cloiftre d'illec, lequel
faft aflailly & prins , par lefdits roy Louys & le
conte Guillaume, quy conftraindirent iceluy Ar-
nould à la renonciation dû droift qu'il préten-
doit
Ibid.
Chrott. de
Tours
an II 19.
maltraitèrent ceux ^ui vinrent le leur fignifier. C'eft ce
que prouvent également les lettres d'Honorius II. au clergé
de Tours. Mais enfin, Guillaume, qui avoit épouféSybiUe
en 11512., la répudia vers l'an 1126., & époufa, Tannéar
fttivanté , Jeanne de Mpnxîemu
LE NORMAND. 38^
Soit iiudift Flandre (2), moyennant toutesfois
qufelque fomme d'argent, que luy fut délivrée
J>our retourner en fes pais, & laquelle lefdids
de Saîhft Orner furent contrainfts luy payer &
furnir. Dudîft Sainft Omer, ils tirèrent à gran-
fle puiflance contre la ville d*Ypre, laquelle te-
hoît pour Guillaume de Loo , dont nous avons
parlé cy-deflus, & devant laquelle y euft une
dure & très-afpre bataille. Et tandis que l'on fe
combatoit, le feignèur de Roubaix ciitra dedans
ledift Ypre; par la feftîon du guet de la porte dé
MefliNes , dont s'appèrchevant le fufdift Guillau-
me dé Loo & les fiens, perdîreiit tout Courage,
& s'enfuyrèiît à Vâuderbutê, maïs ledid Guil-
laume fuft poutfuyvy, & rattainft pat un che-
valier appelle meflire Daniel dà Tenrèmonde,
quy l'amena prîfonnier avec pluficurs autres che-
valiers. Et fut ladifte ville d'Ypre par les gens
du roy arfée & pjllée. Dont eftonnécs les ^uçres
villes de la baffe Flandre, îcfquellés avoyenttenu
^e party dudici Guillaume de Loo, fe mifrent
fans aucune réfiftence, foubs robéiflance du roy
Louys , recevants ledit Guillaume pour leur con-
te & feignèur (3)* Comme aufly finablement ceux
de Gand, moyennant aucunes conditions lors
çoncheués, recogniirent le fufdit Guillaume de
Normandie pour conte de Flandre, encores que
ce fut à leur très-grand regret & déplaifir. Ce
feift, ledift roy Louys retourna en France. Et
affez toft après G.uiUaujne de Loo) à la requefte
des barons & nobles de Flandre^ fut relaxé Se
mis en fa liberté, mcJyerinant toutèsfbîs la pro^
mefle qu'il fit de faire hommage audîft Guillau-
me de Normandie, comme conte de Flandre, de
les vifconté d'Ypre & feigûeurie de Loo , enfcm-
Ypré dent
le p^rty de
GiuiJaume
de Loo.
Du confliâ:
que devanc
Ypre Guil^
laume de
Loo euft
contre le
roy der ran-
ce de Guil-
laume de
Norman-
die.
Guillaume
de Loo prio
fonnier.
Ypre bruf.
lée.
Guillaume
deNorman-
die partout
receu pour
conte de
Flandre*
(2) Voyez la n. 4. du chtp. 69. , p .381.
O) Voyez la n. I. du chap. 65). , p. 380.
£ û
-38^
ÔUILLAUMÉ
OuilUume
dcLo^) re-
nonce au
droict citt'il
prctcnuoit
cil Flandre.
Baudouyn,
cotuo de
llainaulc ,
infeftc le
viiê de
Flandre*
ble de renoncer à tout tel drolA que jamaU À
pourroit prétendre en la conté de Flandre. Ce
que néantmoins lediét Guillaume n'obfcrva guer-
res bien* Cependant Baudouyn ^ conte de liai- •
nault, qoy femblablement avoit prétendu droiA
en la fufdiéte conté de Flandre , faifoit ptufieuri
courfcs audidl païs, bruflant villages ^ maifons
de plaifance & tout ce qu'il pouvoic rencontrer
fur le plat-pals 9 & fignamment es terroirs &
challelenies d'Alofl; & Audenarde^ Contre lequel
le conte Guillaume envoya en grande diligence
meflire Bertratl marirchal de Flandre; malsavant
fa venue audi^ païs, le conte de Hainault s'ef*
toit retiré. Au moyen de quoy il fetouma ver»
le conte Guillaume, lequel eftoit par le moyen
que delTus demeuré paifible conte de Flandre.
CHAPITRE
L X XI.
Des exaltions fif cruautés du conte Guillaume ^
apris qu'ail fût devenu feigneur ^aifîbU de
Flandre 9 & comment ceux de lAlle rebeller eni
contre luy^
ASfez , tod après que ledi(f); Guillaume fat
par-tout receu & obéy comme conte de
Flandre, il commença grever (a) le païs (i) ,
(,a) Charger d*lmpâit*
(1) Guillaume avoit hérita de Taudace ft de Tambiciofl
de fei pèrci. 11 voulolt rentrer dtni le duché de Konnafi-
die qu'il n*avoit pu encore reconquérir. U ne pcrdcrk poiac
de vue le tr6ne d* Angleterre qui avoit appartenu Ji fo»
père. l( avoit plufleurt compétiteur! au comté de Flandre
foutcnu» par de» voiiini inquiet* et jaloux , Henri foo
oncle ec le duc de Urabant. 11 lui falloit de nombrent
tréfori pour fournir aux gucrrci qu'il méditoit ou qu'il
étoit obligé de faire. Délit viennent lei vexadon» qu*ii
exerça contre Cm nouveaux ftjeti dont U provoqua la btioo
di la rebeiUofi*
Le normand.
387
faifant pluiîèurs nouvellitez contre les ioix & an-
cienes couftumcs des villes de Flandre; car il
faifoît marchandife des offices, comme fi ce fuf-
fënt efté chevaux ou autres fortes de denrées:
il controuvoît & impofoit riouvelles exaftions, '
amenoît gens de guerre au pais , lefquels il met-
toit en garnifon es petites .villes , travaillant par
ce grandement le peuple & contrevenant à la paix
& tranquillité du pais jurée, promife, & adju-
gée par tes prédécefleurs, traînant au relie fes
fijbjefts avec toute la cruauté & rudeffe, dont
il fe pouvoir advifer. Par ïefquelles tyrannies il
a bien évidemment mbnftré combien le nature]
des hommes eft pervers: Car Ce pendant qu'ils
feront d'une condition afcjefte^ ils auront quel-
que femblant de preudhommes & gens de bien,
& apparence de zèle & affeftîon de juftîcc , pour
autant qu'ils n^ofcroyent obtempérer à leur na-
turel, &auffi ne leur perinettroit-on pas. Et qui
plus eft, durant ce temps là; il. femble qn'îl y
kyt quelque crainte de Dîeii en L*urs moeurs , &
eux mefmes ont teftç opinibn en eux que Dieu
àflîfte & eft préfent à toutes lès opérations dès
hoipmes, & regarde toutes leurs |)enfées. Mais
auffi-toft qu'ils fe vôyent eÛcvcz à quelque puîf-
iance , & haulte dignité , ils mettent bas & Quit-
tent leurs premières façons de faire; & comme
s'ils avoyent changé d'habit & orneinent fur un
èfchaflFault, pour jouer un nouveau perfonriage,
ils fe desboMent à toute audace & infolence^
& viennent à orgueilteufement mefprifer toutes
' chofes & divmes & humaines. Et combien que
pour furmoflter l'cnvyè, ils ayent befoing fur
toute chofe de la crainte de Dieu , & d'une vraye
bonté & juftice. Combien aufli que non-feule-
inent toutes leurs opérations, mais auflî leurs
volontez foyent en évidence devant les yeux de
tous ; néantmoiâs c'eft lors principallement qu'ili
£ e a
Le cohU
Guillaume
vend les
offices.
Tyhmnié
du conte
Guillaume^
Naturel
pervers des
hommes.
Honores
mutant tmh'
res.
. Condiéioq
de gens in-
cfpérémenc
edevez à
quelque
grande di*
GUILLAUME
s'efcarmouchent d'une façon furieufe contre ïeùrf
fubjefts , & fe baillent licence de toutes chofes ,
comme fi Dieu fermoit les yeux , ou comme s'il
redoutoît leur puiflance. Et ont opinion que tout
ce qu'ils ont décrété , ou par avarice , ou par hai-
ne, ou par defir immodéré de vengeance injufte,
ou par faveur desraifonnable , doibt éftre ratifié
tout incontinent par les hommes , & que Dieu y
doit foubfigner pour l'approuver, n'ayants au de-
meurant aucun regard à ce qui en peut avenir. Car
s'îlfautparlerde ceux qui aurontprinsde grande^
peines & fe feront expofez à beaucoup de diffi-
cultez pour l'amour de ceux-cy , premièrement
on les voyra eflever par eux à quelque dignité,
& après qu'ils les auront eflevez , conçoivent
telle cnvye contre eux , que non-feulement ils les
privent de leurs dignitez, mais auflîbien fouvent
îes oppriment par calomnies, ne confidérants
point quelle raifon ils ont de ce faire , & n'ad-
jouftants point foy, finon aux ftux rapports qui
font faifts , fans aucune probation légitime , &
traiftent rudement , non pas ceux qu'il falloit
àinfi traiéler , mais ceux envers lesquels il leur
eft bien facile d'ufer de cruautés -Et quant au
ferment par eux faift de bien & légitimement
gouverner fon peuple, ils en font autant d'eftime,
(pxQ font accouftumez ceux qui fe perfuadent
n'y avoir aucune puiflance fouveraîne & éternelle
fur eux, ou bien que Dieu le Créateur n'a au-
cune follicitude des chofes qui fe commettent
îcy bas. Nous avons un exemple bien manîfefte
de cecy, prôpofé en Guillaume de Normandie,
lequel ( encore que contre tout droiA, veu qu'en
y avoit des plus prochains que hiy ) eflevé à la
dignité , en laquelle il fe trouvoit depuis avoir
efl:é fourré en la conté de Flandre , fe gouverna,
félon que cy-deflus vous avons déclaré^ & dont
•Héantmoins il porta toft »près la Julie pénitence-
LE NORMAND.
389
Car le peuple .de Flandre , grandement indigné
à raifon de fes fiifdiftes rudefles & cruautez ,
conceut une extrême hayne contre luy, & com-
mença petît-à-petit de fe rebeller, & fignamment
les habitants de la ville'de Lille, lesquels, comme
ledift / Guillaume penfoît un jour entr'autres
venir en ladîéle ville , luy fermèrent leurs portes
à fon nez, dîfants qu'ils n^entendoyent^'-eltre ré-
gis ny gouvernez de la façon, dont il les avoit
commencé traiéler. Lesquels de Lille furent aflez
toft fuyvis par ceux de Gaud & aucuns autres.
Dpnt adverty Guillaume de Loo , qui s'eftoit
retiré vers le roy Henry d'Angleterre, fon cou-
fin , retourna avec grand nombre de navires bien
garnis de gens de guerre , que ledift roy Henry luy
avoit baillé , vers le païs de Flandre. Pour auquel
réfifter , le conte Guillaume fe tranfporta en toute
diligence vers le Dam & fit de forte ; que non-
feulement la defcente dudift Guillaume de Loo
au païs de Flandre fut empefchée , mais auflî le
força de retourner en Angleterre avec grande
perte & déshonneur (2).
(2) GuilUlmus Hyprenfis . , . . cum ampld Anglorum ma*
nu , mari reverfus Sclufam cepit in agrofque circumjeàos po-
pulabundus incurrit; iticertum patria ^ an Normarino gravior
koftis,
CHAPITRE LXXIL
Comment ceux (fe Flandre mandèrent à leur fecoun
Thiéry d^Elfate contre leur conte Guillaume ,
Êf du divers événement de la guerre desdiSts
Thiéry & Guillaume , enfemble de la mort du^
di£t Guillaume.
A Prés que ledîél Guillaume de Looyfe fût
avec fa courte honte retiré au royaume
d'Angleterre , le conte Guillaume continua fcs
Ceulx de
LUle rebel-
lent contre
le conte
GuiUaume
à raifon de.
fes cruau-
tez.
Guillaume
de Loo re-
tourne avec
puiflance
vers Flan-
dre,fefyant
aulx rebel-
lions que
ceux du
païs
avoyent
commencé
contre le
conte Guil-
laume , le-
quel néant-
moiàs faid
retourner
lediâ de
Loo vers
Angleterre
avec fa per-
te & déS'
honneur,
Meyer.
an. II 27*
i9^
0 IJ I L I. A U M E
Hume an
fume iiuïl-
}omnéç
Uume,
ry. f!e faift, kdUt roy rerounia «n France Cj>t
Nonol)(hnt Qwoy Ift guerre coiuinuft tou^jimri
crure k conte (JullUump & Tliléry, lefquelii é>*rnr
tre-doiinoyeiit bit-Mï ioiivent (Wti très-U^wrde^ r^»:
(:oiii;r(i«< tHtj^t?lle« ji4vet)olt plwOdurs jfols, ^mi*
ceftwy ijwl gvolt obrenu ylétolre fur fou eiuier
my, fuft U Jour ftibféqu^nt valupu, de manière
que l^ur quertlle eftoU boune *î(p»c«î ck it6ni{>«
eu bnuîflti (//)♦ ave(i uiijrvellltiufipmeut graiulii t^)^*
pcdjulou du peuple de VéveiU de c^ débats <5f
de quel cofliî la vltHoire eufin ^'ini^lln^rolt,
eut-'oie que 1^ uielUeure part defiraft que U?di4
Tlïldry rtîiflit (Z^) victorieux» Lequel finabkr
lueut, eflnut un Jour m\tfmtnfi forty de Uvil^
le de Lille, pour cbercer le conte Gulllauin*? fo»
eniïemy, tr^^uv» le fulUl^ît GuUluume 4 M^k (4)
avei' fçraud oft, que nouvellement il av^^U ra»
waH'é de» paï^ de Normandie, Picardie, & dç
France, De nianiére qu'il y eull Jllec uu trt^
dur A; aïi^kix cimiMétg auquel ledi(tt Tlil^ry,
aprèî> avoir longuement loullenu Teflort de fc§
(/?) Inarffiiin»*
Cb) ^mn.,
f3) ^« r.oMis le Hfos, 4it le P. d'OrMflfls , nfi reriâiçUIk
M <^re , tjMtt riwnnû«r 4'uvojr àtnmà lu loi , c« ^mct iyant
^ 4t^ tMé peu de tvme »j)rttj 4»n« wm <jMfirr§ « où /'«<«» Tiijm
^ fèvuU<*;> conue lui ftvoitfpt utiir^ Thierrl d'Ans^e*
„ fucceireur, „
litiu qU Te i\i$t)m h hmilltî 4ont il ^i\ qi^iUm» M^^kr%m^^
fc liMa^tlù) lui d^Dmnt U mmu mm. i)»m 1$ /'/^ft^r< ^4-
Ijeu 4a combftt 4iit étru pr^^ 4e Uvnie 4*Al«fti lkA%èU^
ville dft U *f'|jin4fe hoUafwlMire, ew eft Vfo^ tUAnm^» Op«ii-
dttiu <m m uuMva l'Mf |ti9 cftfttfis 4e Flandre iiWîMn 11^ h*^
b'Hppdle 4ixpi,\d ou Hdhflmlt Na ferolt ctf pa«, fi^lo» l'opi
rïion de M, Pflbb^ Ohcl^Mit-rc, Mffpel^er » dit fttttfdoû
LE NORMAND.
393
panemîs, &faift tout ce qu'un vaillant Capitainp
jçn rencontre ti^nt inégalle euft peu faire, fuft
mis. en défarroy, & fe faulva en la ville d'Aloft;
où néantmoins il fut pourfuyvy en toute dili-
gence par le conte Guillaume & les fiens, lef-
quels livrèrent au mefme inftant plufieurs & di-
vers affauts à ladiéie ville, efpérants par ce
ïnoyen eftonner les manants &, habitants d'illec,
jde forte, qu'ils feroyent du moins contents de
livrer es mains du conte Guillaume ledift ïhié-
ry, en la perfonne duquel ils fçavoyent confifter
la fin ou continuation de celle guerre. Pour à
fluoy parvenir, le conte Guillaumç fe trouva fi-
riablement en perfonne devant la porte , çryant ^
& faifant commandement à ceux de dedans qu'ils
euQent à luy faire ouverture , comme à leur vray
& naturel fcigneur, les affeurant au refte de tout
bon traiélement & qu'il ne cherchoit autre que
la perfonne du fufdift Thiéry. A quoy toutes-
fois ne luy fut donnée aucune' refponfc, mais
iin arcbaleftrier de dedans nommé Nicayfe, def-
coça après luy & le toucha d'un virton ou fa-
gette foubs le pous (/i) , ou^ (félon autres)
en l'efpaule droiôe, dont le bras s'alluma &ap-
poftuma, d^ forte que cinc jours après il en
xuourut, & fut fon corps par fes ♦chevaliers
tranfporté au monaftère de fainft Bertiu, où ils
l'enterrèrent .en habi; de moifnç, fur la fin
d'Aougft en l'an mil cent vingt & neuf. Je trou-
ve par Içs hiftoireç qu'avant le trefpas de ce
Guillaume, advindrent deux chofes prodigicufes ,
lefquelles (félon que depuis on a veu par expé-
rience^ annonchoyent & défignoyent îa mort
d'ic'eluy. Si comme que la nuiél: précédente le-
jour, auquel ledift conte fut bleffé, fut veuë
^ans les tentes dudift coûte , grande quantité de
Thiéry
d'Elfajte
s'enfuyt
vers Aloft.
Aloft affié-
gée par le
conte GuU*
laame.
Le conte
Guillaume
cftant de-
vant la por-
te d' Aloft,
cft bleffé
d'un virton
tircfpnule,
dont il
meurt peu
après.
L'an 1129t.
Prodiges
advenus au
camp du
conte Guil-
laume
avant le
trefpas
d'icelui.
Ça) Poucô. Ipiçr poUicem & palmum , dit un ckronçfosfflc.
Le fiège
d'Aloft le-
vé après le
trefpas du-
did conte.
Thléry
^•Elfate re-
ceu pour
conte de
. Flandre.
I^hofespro-
digieufcs
cfi Flandre.
894 GUILLAUME LE NORMAN,
gens de guerre à cheval. A raifon de (Juoy s^eft.
meut grand bruîft par tout le carap, de forte
qu'on fonna l*alarme. Maïs . quand on appro-
chaft. Ton ne vit autre chofe que la fiixiiHtudc
de quelque homme, lequel fembloit blefler d'ufl
arcbaleftre ledid conte à Tefpaule, de forte
qu'on maintient que ce fiiflent aucuns efprits,
qui venoyent fîgnifier au conte fa prochaîne mortf
I^'on vit auflî fur la mefme nuift, deux chats
huants , qui combatoyent au deffiis , & à Tentour
de la tente du mefme conte ; defquels l'un fut le
lendemain au matin .trouvé à terre griefvement
^Ijleffé, voires jufques au movrîi;, & mouruft au
' inefme temps, 'jour, & beure que ledift conte
trépafla (5). Les gens duquel, voyantz la difi
grâce ^ mativaife fortune qui !uy eftoît adve-
nue, levèrent fans faire bruit, le fiège de devant
Aloft , & abandonnants bagues & charroys , chaf-
cun fe fauva le mieux qlie luy fut poffible: fuy-
vant quoy, ledidl Thiéry ayfe au poflîble d'une
adventure tant bonne , & inefpérée , partit incon-
tinent vers Gand, où il fut receu à conte de
Flandre, çonyme pareillement il fut à Bruges,
Ypre, & ^ refte de villes & paï$ diidift Flan-
dre, en toutes lefquelles il fit & receut le fer^
ment en tel cas accouftumé. Durant le gouver-
nement/dudiâ: conte Guillaume , fi comme en my-
Sèptembre de l'an mil cent vingt & huift fit
par tout le Haïs fi très-froid, qu'il n'eftoit mé-
' moire du femblàble-, & ftirent au païs de Flan-
dre plufieurs eauës es fofles ^ rouges comme fang;
& toil après fayvit une grande peftilençe , dont
Dieu nous veuille tous garder, *
<5) Da^s tous les tems la fuperftition aveugle a fait
regarder le hibou comme un oifeau finiftre. Ovide dit eA
Môtam. 1.5. piirlant de It métamorphofe d'Afcalaphe :
^^Fœdaquc fit volucris ^ venturi nuncia lu Sus t
„ J^avus hubo , àirum^ mfirtaUbus mcn^
T H I E R R I D^ A L S A G E. 39JJ
CHAPITRE LXXIII^
Comment le conte Thtéry fut receu f&ur feigneur
de Flandre j & du fainâ Sang qu^il rapporta
d* outre mer^ Q^ donna à la vilfe de Bruges;
enfemble de la fondation d^ aucuns m/maftires^
4ivec autres chofes mémorables»
THîéry d'Elfate, fils de Thîéry, duc d'El-
fate, & de madame Ghertrude de Flandre,
fille de Robert le Frifon, fut par les prélats,
nobles & peuples de Flandre, receu & admis à
conte de Flandre, en l'an mil cent vingt & neuf.
Il fut deux fois marié; la première fois à mada-
me Marguerite , fille de Renault, conte de Cler-
piont , laquelle eftoit vefVe- de feu Charles le Bon ,
de laquelle II euft une fille, nommée Laurette, la-
quelle fut depuis mariée au duc de Lembourg(i);
mais pour la proximité du lignage, çUe en fut
féparée, & remariée à Ywain de Gand, conte
d'Aloft (2) qui gifl: à Tronçhienes & duquel vint
Thîéry depuis conte d'Aloft. IJlle fe remaf ia de^
purs à Raoul, conte de Péronne (3), & pour la
quatriefme fois au contç de Namur (4). Aucune
lîiftoriens maintiennent, que pour ce que ladifte
Marguerite avoit efté mariée au conte Charles. 1q
Le coQto
Thiéryprcr
miéremfent ,
marié à ma-r
dame Mar-
guerite de
Clermont ^
aliàs Z\ya:
nahilde.
(i) Henri m. du nom. L'auteur de la Flandre génirtuft
lui donne pour premier époux Henri , comte de Louvain ;
mais c'eft évidemment une erreur.
(2) Il étoit , félon Miraus ( chron. beJgic, ) le cinquième
des comtes di'Aloft. Ce fut lui qui, en 1136. , établit des
religieux Prémontrés dans l'abbaye de Tronchiennes près
de G and. Aucun des feigneurs de la Flandre n'ayoit mieux
îervi ^hierri d'AMace contre Guillaume d'Ypresi
(3) Il s'agit ici de Raoul de Vermandois , furnommd
l'Adif & le Borgne, Strenuus $f Codes & mort en 1151.
(4) Ce comte eft Henri l'Aveugle , qui mourut prefque
centenaire dans le comté de Luxembourg en 1196. Cette
Laurette n'eut d'enfajis que du comte d'Aloft & mourut
jreligieul^ à l'abbaye de Foreïl, près de Bruxelles.
Mir. notit.
eccicf. ç.
234.
S9«
T H I E R R I
Mariage du
conte Thié-
ry avec ma-
dame Sy-,
bille deHid-
rufalera.
Des cnfans
4e TWty,
Bon , le pape Honorius voulut féparer.ledift Thîé-
ry d'avec elle, & pour ce que le conte Thîéry
ne la voulut laifler , H les excommunia, & mit le
ces (a) en Flandre , au moyen de quoy y euft de
grands brouillis audlél païs , lefquels néantmolns
ne durèrent guerres, pour autant que la bonne
dame trefpafla toff' après, fçavoir en Tan mil
cent trente-quatre. Je ne fçay où elle fut enteir
rde, Il fe remaria depuis à madame Sybille, fille
de Foucault, conte d*Anjou, & roy de Hidrufa*-
lem, laquelle auparavant avoit elle fiancée au
fufdift Guillaume de Normandie , conte de Flan-
dre (5) ; mais le roy d'Angleterre avoit einpefché
le mariage , (comme efl: déclaré cy-devant) de
laquellç ledidl conte Thiéry cufl: cinc fils & deux
filles (6) , fi comme Philippe qui luy fuccéda
en la conté de Flandre, Mahieu (i), conte de
iioulongne de par fa femme , Gherard , prévoft
de fainft Donas (7), Baudouyn, évefquede Thé-r
rouane (8) , qui termina Jeune, & Pierre, efleu
évefque de Cambray, lequel depuis retionça ï
Téleétion , & fe maria à la vefve du conte de Ne-
vers, fiUç di^ conte de Vçrmandois. L'une des
Vred. gen.
Fbnd. i$>9.
Ann.Fland.
an. U3i'
(/î) Interdit ou cejfatîon dt (h') Matthieu^
V office divin,
(5) Vpyez ci-dcffUs la note i. du chap. 70., p« 383.
(6) Thierri d'Alface eut de Sybille, fa féconde époufc,
trois filles. Celle que ne nomme pas Oudegherft , cft Ma-
thilde qui fut abbeflTe de Fontevrault , célèbre abbaye , chef*
d'ordre, fondée par Robert d'Arbriflfet, à 3. lieues de Sau-
mur en Anjou.
(7) Gérard étolt un fils naturel. Il réuniflbit à la pré-
vôté de St. Donas celles de St. Orner, de Furnes&de Lille.
(8) Baudoin , qu'Oudegherft faiç ici évéque de Thé'
rouanne, n'eft pas défigné fous ce titre par Vredius , ni
par le nouvel éditeur de la Flandre ginireufe. Selon Meyc-
rus , il s'étoit mis fur les rangs pour obtenir cette dignité ; mais
oû lui avoit pré((r^r(^ JMilon , abbé de Duiumartin en Artoi^'
DT A L s A G E.
S97
Elles fut nommée Marguerite^ qui fut première-f
ment mariée à Roulof (a) , filz de Roulof , con-
te de Vermandois , qui mourut ladre , & après à
Baudouyn, conte de Hainault & de Namur, difl
le quart, laquelle auffi fut depuis contefle de Flan-»
dre. L'autre s'appelloit Ghertrude, femme de
Lambert, conte de Montaguou deMortaigoe (9),
& en après de Thomas d'Oili, & finablement
religieufe; mais je ne fçay en quel lieu. Ladiéie
Ghertrude donna à l'abbaye des Dunes en Weft-
Flandre cent marcs tous les ans, & fut iceluy
don confirmé par Gherard , prévoft de fainft Do-
nas fon frère. Ledift Thiéry eftoit un prince
inerveîlleufément difcret, prudent, fubtil,& vail-
lant, il s'accouftroit voluntiers à la manière des
princes chreftiens, eftants en la terre fainfte, où
il avoitefté nourry, & lopg-tems milité foubs le
prince Rogîer de Sicille fon oncle. Il fonda avec
madame Sybille fo femme, & à la requelle de
monfieurfaint Bernard, abbé de Clervaux , le cloif-
tre de Clermarez près de Saindt Omer, de Tor-
dre de Cifteaux; il dota auffi grandement le
cloiftre de faînél Gilles à Watene , lequel il avoit
fondé, & y mit des chanoines réguliers; il con-
firma à Téglife de Tronchienes les dons que fi-
rent à icelle églife Ywain de Gand, conte d'Aloft,
& madame Laurette fa femme , convertiflant les
prévoft & chanoines réguliers qu'il y avoit it-
lec, en abbé & religieux de Tordre de Prémon-
ftrez. Il apporta d'outre tner & donna à la cha-
pelle de fainft Bafile à Bruges le faincl Sang,
.que chafcun vendredy on monftre encores pour
Aceoullre^
ment dont
le conte
Thiéry
ufoit vo-
lontiers.
Le cloiftre
de Clenna-
rez fondé
par le conte
Thiéry.
St. GUles k
Watene
fonde par
le conte
Thiéry.
Le faina
Sang rap-
poné d*oa-
ire mer fit
donné à la
diapellc de
St. fiiûle k
firuges par
le conte
Thiéry.
(tf) Raoul,'
' (9) n faut ici fubftituer à Lambert , Humben III. , comte
de Savoye & de Maurienne. Après la mon de fon fécond
époux', Genrude fe fit religieufe à MeÛines.
Vrcd. gen,
FI. p. i^.
ôrevenin-
être.
iip8
T H I E R
il i
U Jourd*huy, en grande dévotion & révérence.
Et donna à Téglife defafnA WàlbruggedeFurne5,
une grande pièce de la vraye croix que feœbla-
blement il avoir apporté de ta terre fainéle. Le
mefmc conte Thiéry.avec Philippe fon fil« firent*
de la paroiflTe de fainél Wlllebrode (lo)^ une
nouvelle ville & havre (^) que maintenant noui
/ appelloni Greveninge (b) , y appliquant plufieun
terres 9 que feu Robert le Frifon avoit donn^
à Péglife de fainc'l Bertin , félon que tcfmoîngne
rhiftoire dudiét faindt Bertin.
Order. Vit.
4M'rec. des
fiift, de Fr.
(lo) L'an ii47't Thicrrl.fit environner de murt la pi
roKTe de St. Willebrorde , 6i y fit creufcr un canal dMU
I former un port. Ce fut ce canal qui donna à la vilk k
Som qu'elle porte aujourd'lmi» pnitqu^çn ûàmMnà grav<a
fnifie crfiufâr.
C H A
i^ i T
R B L X X I v;
tomment U conté Thiiry chajfa du païs de Flandre
Guillaume de Loo , qui priiendolt drolù audict
Flandre , & fit fon premier voyage pour la citt'
quefle de la terre falnEle , enfemble du corn"
mencement des Jngreklni Çf Blaumoflni au
Weftquartler de Flandre:
LE conte Thiéry euft à fon advènerocnt en
la conté de Flandre plufieura travaux & f^
chéries (i) , que luy firent aucuns prince«, pré-
(^) Port, (^) Gravâllftis,'
CO Dèf que Tblerri fe vit poifefleur du comté de FUa-
dre par la mort de Guillaume le Normand • il crue qu'il
étoit d'une politique fage 6l prudente de vivre en boeac
intelligence avec lei roij de France âc d'Angleterre. U
dernier qui voyoiten lui le vainqueur heureux d'un ncna
éc d*un rival qu'il haï/Toit 9 pouiTa la compUifancc k t»
égard Jufqu'ii forcer le comte do Boulogne 6c d'autrca fc^
gneuri Normandi ; qui avoieot dcf biens en Flandre» I toi
prêter ferment de &dûlii4, '
D' A L s A C É.
i9^
tendants droift en icelle conté, & fignamment
Guillaume de Lôo, vkonte d*Ypre (duquel cy-
deflus avons faift plufieurs fois mention) & le-
quel eftant defcendu avec bon nombre de navires ^
s'eftoit mis dedans la ville du Dam, près Bru-
ges qu'il avoit feiél fortifier. Toutesfois ladifte
ville fut enfin prinfe, au moyen de quoy kdicl
Guillaume prévoyant qu'il ne gaigneroit riens
fur le conte Thiéry , retourna avec peu de prouf-
fit en Angleterre , vers le nouveau roy Eftienne ,
lequel le receut très-humainement, & luy donna
depuis des grands gouvernements (ol). Environ
ce méfiée temps , fi comme en Tan mil cent tren*
te-huicl, le conte Thiéry accompaigné de trois
centz hommes en bon équipage , print avec plu-
fieurs princes chreftiens de la couronne de Fran-
ce, la cruciate, & paflerent outre mer au fainft
Voyage , pour recouvrer aucunes places , cjue les
(a) Après la mon de Henri I. «11135., Etieïme de Blois ,
4oi lui fuccéda , accueillit honorablement dans fcs états
GuiUaume d*Ypres, qui lui rendit dans la i'uitedes fcryices
fignalés. Car Robert , fils naturel de Henri & comte de
Giocefter , s^étant révolté toatre le nouveau roi & l'ayant
fait prifonnier à la bataille de Lincoln , Guillaume à la tête
d'une troupe de braves qu'il avoit rafiuiâilés , alla attaquer
Robert , le vainquit & le fit prifonnier. Les deux princes
furent échangés peu de tems après, de le trône refta à
Etienne qui , pour récompenfer Cofflamné , lui donna la
province de Kencshire. Rtx .... l&cratori fua totam -pro-
wnciam qu^ dicitur Cantia pofidstu&im. concej^^ & iater
primas rtgni , ium visit , bonwénit. Après la moit d*£tienne,
ifenri U. , fon fuccefleur, qui haïflbit GuiBaume , le força
de fortir de rAogletecre. Ce prince , qui depuis long-tems
étoit privé de la vue, fepaflaen Flandre» fcrécottdlia avec
Thierri, & mourut;, dix ans après,, dans fon château de
Loo , au temtoire de ForHes , près du fort de Knok.Meye*
rus fui donne un fils , qui fut livré » dès Tenfance , po^is
^tage à Thierri , & auquel ceux, qui étoienc chargés de 1«
garder, crevereat ks yeux » fuppUce ck>Bt mourut est ia*
fortuné»
Guîllaniiitf
de Loo
prend &
fortifie b
ville da
Dam , &
faidgnene
au conte
Thiéry.
L*an 1138.
Le cume
thiéry
prend k
cnidate,At
des beaux
exploîâs
d'iceluy
contre kîf
infidèles.
Contîn- de
Flor. Vî-
gom. édlL
de hooià.
1592.» p.
539-
Flandr. gê-
ner, c. 34.
4oy , T n î K a R f
ftn\p(,tié^ê fur le.<» vhfttnkm^ mif]u^i v^/yjigçMii*
*tU\éry fit (kft tt<Cfvc)lk»(k<> pfMWëlTV^^ îmt c^
Syfk, ^M*êrt fWhflffc^ Egypte, &oyfre k fl^o*
fr pnfmn m rplh ti varnu uf^mmi ^ kmr/^mtiU
m^m^m ^m^ VowmU , f^y d^ llj^rMfttett»^ l<i/
flt^t'onlft flç 4o»fitt ^n fttîirU^^ fflflrf»ffl^ Hyitiik H
Mk^ *luMl avoJt eMÔ ik fft pf^rmlére ftiflm^^ qyl
fy q«l d^p«l# ftit foy 4*Ait^eff€ (^), Kf gj^t*
k«i flrtt'c?^ MH^n^ k etmu 7h\éfy nummsi^ »¥4f4
ttjrt<fttme HyhUle fa fVmwe m prfï«5 ^iif Fl;*«dfr,
V r^>««« tid il fHt W4^t <*« 1« pUi^ ^rméé mnp^nHi^^u^
uimï %i ^ *^^^'^' ^^"*^^ *^^ '^'^"^ ^ t'^yatt» vâ<ri*ittf fep'^'
fm^vtm voyettt avlfer, Kf vint vr/^ Iwy ftiottJki^r («l^^f^
^*ilr^ Btïfttflfd , kipid f^iloïî m pm ûupunvnni dd-
CftJ ^rUff/lfUn.
H m pmt ^*m Mt*^ i'tmmp \*hHhffkn k â4mm u «rw^
4f iét^ihUm, imiikum^ A^ iit m mmnw pi4m mm pité^
npme H me ifttape 4^i hmtmiifir II HiûUiwt kukm^m U
tku tHi f-Hë éu^ii iUuée, i/^um m4ëh dw jhurâi^n* fm
l^# ^ttntim 4m ft^y** <k«î AmfhmHë^^ ptét^ 4i4 mm^ (i0t$*4,
0/ l' ^ Wëffffolimm ^^fiff i ^ujm tifi'vpmm re.if ^ ptfpuiué uni
mnnUm tifitftuti ffiffîttff0 f>r,i</i^mm titium mftfU ff^hni^M
D* A L s A C E.
40X
bîines C4)» qui fiit receu dudiél TMéiy d'une
humaDÎté & bémgnité digne i deux tels peribn-
liages , au nom duquel âuffi lé conte Thiéry doua
de plufièurs beaux prévilège^ lediA cloiftre des
Dunes , auquel le fufdiâ fainâ Bernatd avoît
confUtûé ^ eftably 16 premier âbbîé , a3raiii tu
mefine temps apporté au pals de Fhndre Tan-
tbenne du Salve Regins , laquelle il reqmft eftre
chantée tous les fabmedys en honneur de la vier-
ge Marie« Et aroit lors iceUe anthenne efté noit^
Tellement compofée par réveTque podienfis (à):
Si affirma ledift fainâ Bernard « qu'on l'avoit
ouy chanter par les anges 9 en Cgne qu'elle plai-
(bit & eftoit agréable à Dieu & à fa bénoifie (g)
mère , Ut vieiçe très-pore. Je treuve qu'en l'ab-
fence de ce conte Thiéry , commença au paîs de
Fumambocht (5) une partialité de deux bandes ,
dont les uns fe diibyent Blaumotïn^ & lés autres
Ingrekins, lesquels s'afletnblerent fouvent les tins
i^ontre les autres à grande puKRmce, & s*entre-
tuoyent fans aucune miféricorde, fans qu'il fuft
lu povoîr du conte ny d'autre d'y mettre ordre ^
jufques i ce que d'eux-mefines ils fe laflerent ,
& que lors s'efvanouyt ladiâe partialité 9 comme
SalnâBec-
ntrd pics
le corne
LV
Regima
panée en
Flandre par
£dnâ Ber-
nard.
cernent det
Blanmocnu
d& Ingre-
Idtts êa
Flandte.
(If) Du Put en FiUj:
(^) Ami9«.
(4) Voyez vu 6. àa chip. 56., p. 322. Se Bernard donna
anx lelipeax des Dones la r^e de Ctteanx , de nomma
abbé Robert , Bragcois de aaiâânce , lequel fe rendit fi
câèbie par û( piété, qa*9ris h mort de St. Bemahl, Il
liit chaifipoor lui fuccjsder dans la digoiflé d*abbé de Clair-
vanz. Ce fnt suffi St. Bernard, qoi engagi» Thicrri , ^>rès
fon retour de la tare (ainte , i fonder }*^l^Wc de Clair-
Cs) Fomer-ambaclit. On appelle ainfi la diltellenie de
Pornes, qoi comprend 4A. viUafes avec la pedte ville de
l/x>» câ^reparnne abbaye de cbanoines r^uliers, fondée
vers Tan 1093. par Phi%pe » comte de Loo , dont noas
Plirlé pins haoL
Ff
. Aoâar.
Oembl. «
Affligent
4àA.
T H î Ê R R t
Amonlàf
tdvoué de
Théroua-
ne , caufe
de ladiâe
ptrtiiiité.
Vtu ti4&
Crociate^
deipriocei
chreftietu
contre lea
Turcqi,à
la prédica-
tdon de
ThWry
d^EUâte
laiflele
gooverne-
nent de
Tlandre k
madameSy^
bUle , fa
femme ft
va pour la
demxiefme
fois à la
conqueftc
delà teM
fainde.
le vent , laquelle néantmoins dura long temps clé*
puis 9 comme vous voirez cy-après. Et pour au*
tant qu*Arnould, advoué de Thérouane, avoit
en partie efté caufe de celle partialité , & efmeu
le pals de Flandre, durant Tabfence du conte
Tbiéry: ledift Thiéry fit defmollir un chaftcao
appertetiant au fufdiA Amould.
CHAPITRE
L XXV,
Cdmment le Conte Thiéry entreprend fes ieuxiefme
& troifiime voyages vers la terre fain&e; de U
vi&oire quUl obtient contre les Hennuyersy Lii^
geois^ Çf Namurois^ enfemble du mariage de
madame TfabeaU de Vermandois avec Philippe
de Flandre^ auquel lediSt Thiéry réfignela con^
té dudi& Flandre.
EN l'an mil cent quarante^fix, Teniperear
Conrard, Louys, roy de France, TTiiéry,
conte de Flandre, avec pluiieurs prélats, prin*
ces, barons & grand peuple chreftien des par*
ties d'occident, prindrent la croix à la prédicat
tion & enhortement (a) de ^lonfieur faioâ
Bernard, & d'un commun aecord paflferent la
pier, pour à force d'armes recouvrer la ville
d'Ediffe, que les Turcs avoyent conquifc Tan-
née précédente, par la faute & négligence des
chreftiens; & s'accompagna lediA Thiéry, conte
de Flandre, de plufieurs nobles de fon pais, fi
comme d'Arnould fon neveu, de Lambert, conte
de Montagu, de Thiéry, chaftelata de Dixmude,
de Henry de Wulfiregcm, & de plufieurs au-
tres, laiflant le Gouvernement de Flandre à Sy*
bille fa femme, afliftée de Rogier,prévofl; de fainâ
Donas & chancelier de Flandre* Et en Tan mil
cent quarante*neuf , les princes chreftiens retour^
Ça) Exhortation,
B* A L s A C E-
403
lièrent dudift faînfl: voyage fans rien faire, à rai-
Ton des peftes, famines & autres inconvénients
qui leur furvindrent (i). Nonobftant quoy le
conte Thiéry de Flandre ne retourna avec eux,
^ins demoura là encore un an pour affilier con-
tre les ennemis de noftré fainfte Foy , le royBau-
douyq le tiers, fils de Foucault & frère de
madame Sybille fa femme. Cependant le conte
Baudouyn de Hainault le quart, prendant oppor-
tunité (a) par Tabfence du ccfnte Thiéry, de
tnolefter la Flandre , aflembla une boriîie troUppé
de gens , avec lefquels il entra au quartier d' Ar-
ras, bruflant & deftruifànt tout ce qu'il trouvoit
en fon chemlh. Dont madame Sybille grande-
içent eftonnée fe mit femblablement en armes.
Bahdoùyn
de Hai-
nault 9 en
l'abfence
du conte
Thiéry^
faid guerre
à Flandre;
(a) Saififant Voccafion.
Çv) Cette féconde troifade avoit été préchée par St. Ber-
nard. ,,< Cet homme extraordinaire , dit le P. Hénault , k
^ qui il avoit été donné de dominer lès efprits, qu*onvoyoit
^ d*un moment V Tautre pafler du fond de fes déferts au
„ milieu des cours , jamais déplacé , fans titre , fans ca*
^ raâère ; ^ jouiûant de cette confidération perfonneUe
,9 qui ed au-defifUs de Tautorité. „ L*occafion de cette croi-
fade étolt la prift d'Edefle par Noradin & les efforts qu'il
fefoit pour ravir aux chrétiens les conquêtes qu'ils avoienc
faites. Loiiis le Jeune , rçi de France , partit avec Eléonore
fon époufe k la tête d'une armée de 80000. hommes.
L'empereur Conrad av(^ été défait, l'année précédente»
))ar la trah^fbn des Grecs. Le roi de France le fut aufli par
les Sarrafins^ On mit le fiège devant Damas nu mois de
Mai 1147.; & il s'agifloit de donner à Thierri la princi-
pauté de cette ville. La difcorde alors fe mit parmi les
troifés. On fût trahi par les chrétiens de Syrie , & l'on fut
6bligé de levfcr le fiège. Ce n*étoit point aflcz que Thierti
dépeuplât fes états pour aUer faire la guerre en Afie. A
l'époque de cette féconde irroifade , un corps de Flamands
fe joignit \ une armée d'Anglois & de Lotharingiens , pour
aller aider Alphonfe , premier roi de Portugal , à chafTer les
jSarrafms de Lisbonne.
F f a
. GUiU,
ïyr.
d£
Auftar.
Gembl.
Meyer.
an. 1147;
404
T H I E R A t
Armée des
Flamens en
llainault.
Trefve de
Flandre ft
de Hti.
nault.
Le contt
Tbiéry dé-
fait en ba^
caille ren-
gée Bau-
douyn de
Hainault,
affifté ât€
Liégeois ft
Kamurois.
Paix entre
Flandre X
Hainaulr^
Mariage de
madame
Marguerite
de Flandre
avec le con-
te de Hai-
nault.
& envoya , par forme de contrevenge , & i&tt
de retiter Tennemy hors ledift quartier d'Ar-
ras , une armée pour piller & gafter tout le pais
de Hainault; mais par Tintercellion de Sampfon,
archevefque de Raîns (a), cïefte guerre fuft ap-
paîfée pour quelque temps, & s'entre-don rie rent
trefves d'on demy an : lefquelles expirées , & le
conte Thiéry retourné de Hiérufalera, ledift Thié-
ry pour foy venger de Toutrage qu'en fon ab-
fence le conte Bâudbuyn luy avoit fkiA & i
madame Sybille fa femme, affembla une groffe
trouppe de foldats, & tira à grande puiffance au
païs de Hainault, lequel il gafta entièrement.
Mais enfin Baudouyn de Hfainault, afïïfté de Hen-
ry, évefque de Liège, & de Henry, conte deNa-»
mur fon oncle , vint rencontrer audift païs de Hai-
hault iceluy Thiéry, auquel iljivra une bien
rude bataille, & en laquelle y euft tant d'un cofté
que d'autre beaucoup de fang efpandu* Lt vic-
toire néantmoins demoura au conte Thiéry, le-
quel depuis fit paix avec le conte Baudouyn,
par laquelle entr'autres chofes fut dift & accor-
dé , que lediél conte Baudouyn prendroit en ma-
riage madame Marguerite , fille dudidl conte Thié-
& vefve de Raoul, fils de Raoul de Verman^
dois (3), & laquelle dame eftoit extrèm;eraent
(à) n avoit été tflodé à Raoul, comte de Vemumdois,
& au célèbre Suger, abbé de St. Denis» pour UadminKlra-
don du royaume de France pendant Tabience de Loiii#^ '
le Jeune. Samfon , qui de concert avec fes coHéguet von.
loit maintenir la paix dans le royautne èc parmi les grands^
employa fes bons offices auprès de Sybille & du comte
de Haynaut « ^ parvint à leur faire mettre bas les armes.
Cette invafion fi^bite d*ttn prince voiûn de jaloux ne pot
guérir Thierri de la palDon dont il parott avoir été poflS*
dé pour les expéditions lointaines.
(s) La vet^;eance , que Tbierri voulut cirer d^ cornes
de Haynaut, eu rapportée par les hiftoriens à Tannée 1150.
A l'époquç de la paiX| dont parle Oudegheril > ac qui fi»
D* A L s A C E. 40s
belle & de bonne grâce. Au moyçn duquel ma*
riage, lediél Baudouyn devint depuis conte dç
Flandre , & çefla la guerre d'entre Içdift Flan-
dre & Hainault , qui avoit par intervalles duré
plus de fix vingts ans (4). Un peu auparavant ,
fi comme en Tan mil cçnt quarante-fiîc , le
pape Eugenius (5) fit & confacra Tabbé de
fainft Vincent àLaon, appelle Anfelme, pour Evefqae v
^vefque & pafteur de Téglife de Tournay , laqueU <^">«y-
le avoit efté fans propre évefque plus de quatre
cents ans continuels , fçavoir depuis le temps de
monfieur fainâ Médart jufques lors. Durant la-
quelle efpace, celle partie de Flandre, qui eft
maiutenant foubs la diocèfe ou évefché de Tour*
nay, eftoit fubjefte à révefché de Noyon. Peu
après Içdia conte Thiéry, fi comme en Tan mil
cent cincquante-fix, praîliqua le mariage de ma- ^'^ '*5<fc
dame Yfabeau, fille de Raoul, conte de Verman-
fit b mêmis anB^e » Baudoin 9l Marguerite n*avolent pas
encore atteint Page de Tadolefcence. Le mariage ne fut
ratifié que plufieqrs années après. &farguerite n*étoit donc
pas veuve du fils de Raoul , qui mourut lui-môme avant
l'âge de puberté 6c laifTa le comté de Vermandois à fa
Doeur IfabeUe , qui époufa Philippe d^Alikce » fils ^ fuc-
celTeur de Tierri.
(4) Baudoin de Lille eft le premier qui arma les mains
des Flamands contre les Hennuyers , leurs voifins , lors*
qu'en 1051. il fit époufer à Baudoin, fon fils » BichUde,
veuve d'Herman.
„ Hoc' font ô derivata cïadcs
^ In patriam popuîumquc fiuxit. Horat.
Ces longues inimitiés durèrent un fi^cle entier , pjiàS'^ue »
comme sous venons de le dire, la paix fe fit en 1150. en»
tre les comtes de Flandre 6c de If aynaut; Peut-être rbifto#
rien comprend-U dans cette période de fix vingts ans les
démêlés qui s*éleverent dans la fuite entre Pjiillppe d*Al*
6ce 6c ion beau^rère le comte de Haynaut.
(5) U étoit le troifième du nom. Il fe détermina à cett^
fiéparation principalement à ls( prière de St Bemud 4901
iJ avoit été le dûciple«
4o(î
T H I E R R I
ilii«
le» ti6ce«
âc Philippe
^ Klfltûlre
ÔLàcVMâA'
mcYfabcau
folemni-
féen à
Bciuvaii*
Le coflce
Thléry
faia rece-
voir Philip
f c, fon fl;
pour conte
de Flandre.
Troinème
• Voya<(c du
conte Thié-
ry vert U
terre
fainâe.
DiCcourfide
Tiutheiir
pour en-
flammer le«
fn-inccfi
chredlcnil
Tentrcprin-
fe de con-
oueftede
la terre
Uïnàe*
dois (6), & père de ccftuy Raoul, avec lequel
madame Marguerite avoît premièrement efté ma-
rine, & de Philippe de Flandre fon fib. Si fu-
rent Icfdiftc» noces tenuei en merveîllcufe fump-
tuofitiJ, 6c magnificence en la ville de Beauvaî*,
au mois de Septembre dudî^t an cincquante^&u
Lcfquellc» accomplies & confommées, le conte
Thiéry laiffa le gouvernement de Flandre audiét
Philippe fon fils, non en qualité de lieutenant,
mais comme gouverneur & conte, k failint pour
tel recevoir par toutes les villes de la province
de Flandre. Et peu après il entrcprint pour la
trf>izicfme fois le voyage de la terre fainâe, tant
eftoit ardente & véhémente rafeftion que ce
bon prince avoît au fervice de Dieu & de nof-
tre fainftc Foy* A la mienne volunté, que les
princes modernes de noftrc pouvre républîcque
chrcfticnne , unanimement prinfent une femblable
réiblution , & que mettants foubs pied* toutes
hayncs & qucftions particulières, ils convertie
fcdt une fois le moulle de leurs forces contre
ce malheureux ydulâtre, lequel fe riant & fle nous
& de noz guerres inteAines, marche tousjours
^vant fur no^ limites, gaignantpaïs tant qu^ea
luycft, à Taiigmentatlon de fon ydolâtre & très-
mcfchante, & au grand détriment & déshonneur
de noftre pure & iaînftc Foy, mcfmes â Textré-
me confufion de touts princes cbrcftiens , la plus*
part defqucls comme fi Taffaire ne leur toucbott,
s'en lavent les mains* Qu'ils regardent (zuncm
de Dieu) & contemplent la vertu, & magnant*
mité de leurs prédécefleurs , Joinéle au zek ar*
dent qu'ils monftroyent avoir à la défenfe, fc
(6) Klle éfolt nièce du roi de France ptr f» mère qià
étf^U f^ur d*FJ<*Oiiore do Guleniic, que Lool» le Jeune ré-
jnidlfl dt qui ^)yyvi» cnfuire llenri « comte 4'Anjoa » devemi
quelque tamt* ijfrc^ roi d'Awglcterre*
D^A L s A C E.
407
accroiciflement des limites cfareftiens, {c que
commençanu à prendre vergoingne du long <)é«
lay qu*ils ont mU à raccompliflement d'un œuvîe
tant louable, ils employent une fois leurs for-
ces pour la ruine de ceftuy noftre commun en-
nemy, fe povoir duquel ne peut croiftre fans la
diminution du noftre, & qu*ils enfuyvent en ce
ie fufdiâ Thiéry, lequel fe mettant pour la troi-
ziefme fois audiâ voyage (7), mena avec luy
inadame SybiUe fa femme, laquelle avoit grand
deGr de veoir Baudouyn , roy de Hiérufalem fon
frère, ênfemble fes autres parentz & amys de
par-delà, & laifla au gouvernement de Flandre
lediâ conte Philippe fon fils, lequel depuis ce
temps fe porta tousjours , tant en Tabfence qu'en
la préfence du conte Thiéry fon père , pour con-
te & feigneur de Flandre (8).
Madame
SybiUe ac-
compaigne
le conte
Thiéry,fon
mary , m
voyage
d*outTe
(7) H y «voit à peine fis ans que Thierri éttwt de re-
tour de fon fécond voyage, loifqn^ repartit en ii57.poiir
là troiiîème fois. Il débarqua en Afie au port de B^yte.
Son arrivée caufa d*autant plus de plaifir au^ duétienf
de la Paleftine , que Noradin ne ceflbit de les harceler •
A: que la plupart des feigneurt croifés avoient été faits
prifonniers. CaptivMtis nofiris ex magnd parte frincipihus »
accidit , dhfind nçs re/pidemu cUmsntid , epmitem lUm-
irenpmm D. Tbeodorieum , incljtum & wtMgnificum vinm
• . . • eum uxore, JSyhiUd . . . , in pcrtu Berjtemfium ap^
plicuife. Cujus adventum tanid mentis exultatione univerfus
fàfcepit populus , ut jam quafi prafagire videretur regni
frefurus importabiies ^u$ ^ fuorum introitu ex parte plu-»
rimd relevandas fore.
(8) FInfieurs diplômes recueillis par Mineus & dont la
date eft antérieure à la mort de TUerri , prouvent «pie
Philippe, fon fils, prit le titre de comte de Flandre, & qu'à
la ftveur de ce titre, fl ufa de tous les droits de la fou*
veraineté, pluûeurs années avant que fon père cefllt
d*eiiftcr.
Ouim ^
c. i^«
1.4 ^tii(l«l
prini k
hruM ffff
purg# U
pyrftCf*
Wftn uni I
^% T H I E H K 1
CHAPITRE LXXVL
Çpmmâffi Philippe A i%^«<fr# /^'',?«^ '-? ^^^ ^
fyraui hollandoli^ fif appllcfua h t$rf^lr de
iVafl à la CQfiti é Flandre ^ & da la bêUa vU'
iolr$^ qutlt eonês Thliry Qf Baudouyn da llii'
fufalm 0urm coftfrê ht InfldUsu d0 raplf0'
mm de Marie de Bouhngns falil par Makli$
dû Flandre ^ & de phfltuft çhofii prodlglâufii
advenuêi êff Flandre.
I' E comti Philippe, Uml pdoU un y»nt$m%
^kvnWlm prfned, n^es^ tf^d Apre» l§ p^im*
fficftt du conte ThWry veri la terre faln^, ût
guerre i Simon d'ôyty t |e m fçfty toui^^fM^ 4
quelle oecflfio» à prl»t le t'haftel diuWH (>yfyf
qw*ll brwflfl C0> ^ P?** *P*'^^ 'W**^ ^^^ Ca)nm
grodfe flrm4e & grand flomtere de navlf*?»^ jiiff
de purger Ift mer den pyrate» k ^kummr» ^m
l^f) IMhuAol» y renoyent au préjudlça k ^rmd
détriment de» marchand» paffantj; lcell« m^^ &
trafiquant» en filandre t en quoy auffî lediâ cm'
te Philippe fe porta fl vaillamment, qu'il ndtoya
la mer defdift» efcnmenr» , fc en ntournm
print le terroir de Wft(t(/'), lequel par t^ntenu
de fe» baron» il conflfqua , en rappliquant A (m
dommalnc, enfemble le» autre» umfk & p^ff^
flpn», que le ^onte de Hollande tenolt çnfkfdê
la maifon de Flandre, & hru/la le chaftel d$Uê>
vere, qui pottr lor» appertenolt mdlA eonu
(a) têvês
ik) Wêêh
(0 ^fmrni, r4(|[n4erd*OiA * rhAeeUin de eiimltr»^ proi^
»«»«( h VMm^^ dtt ^'omw de rtondfi* «j»** vtrmHt de p#rtt«
f«Mr }» l^ftl«^aifl#, ivwif frtif tuie Jrrwptt^» ft#r te Mfi$mê
de I» ville d«t n^MH. VU\n\yp§ 1$ fwfç» fe r«ffltref d#»f !#
(Jt'voif , ^ff jiviiHt »«* Ai^mi»)«« le tWw»u d'itu^^i qui toi
D' A L s A C E.
409
4<e Hollande, au moyen de quoy s'efmeurent de-
puis plufiçurs* guerres entre Flandre & Hollande,
& mefmes pour autant, que le conte Florens
de Hollande , foubs prétext de tonlieu de Oheer-
Vliet (qu'il avoit puis naguerres obtenu de rem*
pereur Frédéric le premier, à, le tenir en fief du
iainâ: empire) moleftoit & travailloit grandement
les marchands de Flandre, paflants par fes def-
trpiifts. Cependant le conte Thiéry, lequel nous
avons laiffé au chemin de la terre fainéle , eftant
arrivé en Hiérufalem, fe joindit avec le roy Bau-
douyn, fon beau-frère, pour faire lever le liège
que Noradin avoit mis devant un chafteau ap-
pelle la Spélunque (2) , & comme ils trouvèrent
à leur venue devant ledift chafteau que ledift No-
Tohlieii de
Gbeervliet
àHoUtnde.
Le conte
Thiéry ar-
):ivé en Hié-
rufalem ,
déUvre le
chaftel ap-
peWé la
Spélunque f
du fiège
des in ûdé-^
les.
Ci) 'Thierri s'étoit fignalé auparavant au fiège de Céfa-
rée , qui avoit été pris , malgré la réfiftance des affiégés.
'Baudoin, roi de Jérufalem , fon beau-frère, lui deilinoit
la principauté de cette ville & Thierri confentoit k lui en
faire hommage. Mais quelques feigneurs , jaloux de Téclat
4ju*aUoit donner au comte de Flandre rinvcftiturc de cette
principauté, prétendirent qu'elle relevoit de la princi-
t>auté d'Antioche, îSc que par conféquent l'hommage en
étoit dû à Renaud 9 prince de cette viUe. Thierri répondit
qu'il n'avoit jamais prêté ferment de fidélité qu'à des rois ;
& il aUna mieux renoncer à la principauté de Céfarée que
à'être le yaffal d'un autre que d'un roi. Il i^e fe diftingua
pas moins qu'à Céfarée dans la prife d^un fort , que Guil-
laume de Tyr appeUe Harcnc. Il fit également des prodiges
de valeur dans le combat qui fuivit le fiège de la grotte,
ou'occùpoient les chrétiens fie d'où Noradin vouloit les
déloger , parce qu'U en connoiflbit l'importance. Erat . . .
Jpclunca in îaterc cujusdam montis arduo fi? admodhm devexa
fita , ad auam non erat vtl à fnperhribus vel ab infenort-
ius pàrtfbus accelfus. Le rpl de Jérufalçm apprenant que
Noradin vouloit s'emparer de ce lieu, partit fur le champ
avec ïe comte de Flandre , pour en faire lever le fiège à
Noradin. Celui-ci inftruit de la marche des chrétiens , in-
terrompit le ^ég^ , alla à leur rencontre , les attaqua & fut
mis en déroute: Hoflibus^ non fine magnd fuorum flragc in
fitgam convcrfis^ rcx cum fuis viâor campnm ohtinuit.
GuiU. de
Tyr, L 18.
c. iS.
Ibid. C. 21.
Ibid«
4IO
T H I E R R I
ViAoire
Aes chref-
tiçDs con-
tre les infi-
dèles, par
le moyen
du conte
Thiéry.
Madamç
Sybille,
femme du
comte
Thiéry, de-
vient du
cônfente-
roent de Ton
inary , reli-
gieufe au
monaftère
de fainâ
Lazarus en
Hiérufa-
lem.
Trépas de
Guillaume
de Loo,
radin s'eftoît retiré, le pourfuyvirent fi chaude*
ment, que finablement Us le rattindrent Qi) p^
après: de forte qu'ils eurent contre lay une
très-afpre &dangereufe bataille, en laquelle néant-
moins , par la prudence & magnanimité du conte
Thiéry, Ton fe gouverna de forte que la vic-
toire demoura du codé des chrefliens, non fans
notable dommage & perte des ennemis. Ce faiA
& confîdérant que les affaires du roy Baudouyn
dç Hiérufa^em eftoyent mis en plus grande af-
feurance, le vaillant conte retourna en fes paîs
de Flandre , laiflant madame Sybille fa femme au-
diA Hiérufalem , où du confentement du conte
Thiéry, fon mary, elle fe fit religieufe au monaf-
tère de fainift Lazarus , & adminiftra aux pouvres
moult foigneufement, par plufieurs annéc^s, &
jufques en Tan mil cent foixante-cincq , qu'elle
trépaffa. Et trois ans auparavant , mourut Guil-
laume , viconte d'Ypre, dift de Loo, lequel après
le ttépas du roy Eflienne d'Angleterre , ( foubs
lequel il avoît eu illec des grands gouvernements)
s'eftoit retiré en Flandre, & après avoir obtenu
fon appoinélement du conte Thiéry, s'avoît mis
dans fon chaftel à Loo , ne s'entre-meflant d'aul-
tre chofe, que de fervir Dieu au monaftère
& avec les religieux , qu'il avoît fondé audift
lieu (3). Au mefme temps ou environ. Ma-
Al)n*Fland.
an. 1162.
{a) Uatttignirent.
(3) Voyez n. 2. du chap. 74, , p. 399. Guillaume de Loo
mourut au mois de Février 1163. , après avoir légué par
fon teftament deux croix d'or. Tune à l'abbaye de Loo &
l'autre à celle de St. Bertin. Le monaftère où il mourut
n'avoit été d'abord qu'un oratoire fondé en 1050. par lu
prêtre qui y établit quelques chanoines, f^hilippe , père de
Guillaume, le dota en 1093. , & Grégoire XV. Térigea a
abbaye, l'an 1621. Guillaume , dit Meyerus, étoit d'une
t^iUe extraordinaire ; quod nuper hoc nojlro avo , apcrtù
ejus fepulchro , intelUgerc licuît , uhi pedcs cruraquc jacuérê
adhUc intégra^ viuUb quam cujus^iam bodii vivçntis^ longiors.
D* A L s A C E-
411
îîîeu de Flandre, fils du conte Thiéry, ra-
vit & prînft par force madame Marie , fille unique
& héritière de Guillaume, conte de Bpulongne (4) ,
hors du monaftère de Monftreul, duquel elle
eftoit abbefle: mefmes fe maria & coucha avec
elle, foy portant au moyen de ladifte Marie,
pour conte & feigneur de Boulongne, Duquel
raviflement le conte Thiéry & Philippe fon fils
furent grandement indignez, & le privèrent pour
cefte occafion de tout? fa fucceflîon, luy oftant
entr'autres terres, le chafteau de Lens, qu*on
luy avoit aflîgné par forme de partage. Et outre
ce fut ledift Mahieu excommunié par Sampfon,
archevefque de Rains. Don^ néantmoins lediél
Mahieu ne tint aucun compte, ains demoura avec
ladifte Marie, vivant en incefte fix ou fept ans
continuels, de forte quMl en euft fille nommée
Yde, laquelle par fucceflîon de temps devint
royne de France (5). Environ le mefme temps ^
fe virent en Flandre & aux lieux circumvoifins
Mahieu do
Flandre ra-
vit hors du
monadère
de Monf-
treul Mario
de Boulon-
gne,abbeirc
dudiô lieu,
& fe marie
avec cUc.
Mahieu de
Flandre
déshérité
par le conte
Thiéry, &
excommu-
nié par Tar-
chevefque
de Rains, à
raifon du-
diAravilTiq-
meni,
(4) Marie étoit fille d'Etienne de Blois , roi d'Angletefre,
Çc non pas de Guillaume , comte de Boulogne , qui étoit
fon frère. Après la mort de fon père , Henri II. , qui lui
fuccéda , engagea Matthieu à la ravir du monaftère fitué en
Angleterre, où çlle avoit embraffé la vie Jrelîgieufe , & la
lui fit époufer. La mort de Guillaume , fon frère , qui
n'avoit point laiffé d'I^éritiçr , fefoit paflçr fur fa tète le
comté de Boulogne.
(5) Ces derniers mots renferment quelques erreurs qu'il
cft important de relever, i.** Matthieu eut de Marie, com-
tcflc de Boulogne, deux filles, Ide & Mathilde. 2.° Ide ne
fut point reine de France, comme le dit Oudegherft. Elle
époufa en premières nôces Gérard , comte de Gueldre , qui
mourut pei^ de tems après fon mariage , & en fécondes
nôces Renaud , comte de Dammartin , dont clic eut une
fille qui fut donnée en mariage à Philippe, comte deCler-
mont fit fils de Philippe-Augufte , & qui époufa enfuite
Alphonfe, roi de Portugal. '
Mathilde , féconde fille de Matthieu & de Marie de Boulo-
gne, époufa Henri I. , duc deBrabat^t.
Audar.
Affligem.
an. 1160.
Chron.
Fifcan. #
ai\. 1160.
Générât, de
Guill.leBA-
tard,aurcc.
des hiil. de
France ,
t. 12.P.670.
Auétar.
Aquicind.
an. 1181.
Vred. gen.
Flandrisc.
Ibid.
Butk.n 1. 4-
INlir. dunac.
Bclg. 1. u
c. 80.
4U T H I E R R I
plufieurs chores mondrueqres* Et premièrement |
Prodigts Gand nafquit en Tan mil cent foixante^troU on
m Flandre, ^^fant jy^nt trois telles, & derrière une queaë,
comme celle d'un mouton « lequel mourut au bout
de deux joqrs. Et au village de fainA Pierre lez
Gand, une femme qui avoitefté grofle unze mois,
enfanta un mondre, ayant deflfoubs la f^çoo
d'un coffre à mettre fagettes, que Ton diâ en
latin pharetra (a) , & deflus la façon d'un heauF
me (^) avec deux corqçs fur iceluy. En l'an mil
foixante-cincq , à Mous , fufl: né un enfant fans
tefte, ayant fix doigts, & fix ortaux (c) en chaf*
cun pied,'& ne vefquit qu'un jour. A Toumay,
en l'an mil cent foixante-deux , fut jeâé un ag«
neau avec deux teftes & huiâ pieds, & au mef*
me temps guerres loing de là, fut né un enfant
fans tefte, ayant deux yeux aux deux cfpaolles.
Et autour de Louvain tomba audiét temps do
eiel en manière de pluye, du vray mie], comme
apparuft par expérience & au gouft* A Sainâ
Orner, en la paroifTe de fain'âe Marguerite, fut
né audiA an foixante-deux un enfant à deux
teftes , avec quatre bras & quatre pieds , ayant
double nature d'homme & de femme; mais il ne
vefquit que trois jours, En l'an mil cent foixan«
te-quatre , apparuft en la lune nu mois d'Aougll
une croix & une image à icelle de verde & jaal-
ne couleur, la tefte tirant vers l'orient, & les
pieds vers l'occident. Et quand ce difparuft, on
perdît petit*à-petit premièrement le bras droiâ ,
après la tefte, après le bras gauche, & ainfi fuc-
ceflîvemcnt du demeurant (d). Et peu après fuft
né en la ville d'Hefdin un enfant ayant deux tef-
tes, quatre mains, quatre bras, & quatre pieds;
mais il n'avoit qu'un corps, & ne vefquit que
(tf) Carquois. (<:) Orteiis.
(0 Ca/guc, Çd) Rcjlc.
D' A L S A C E. 413
t
éemy jour^ Toutes lefquelles chofes furent fuy-
vies d'une hmiiit & chièreté générale, & telle
que plufieurs perfonnes moururent de faim, &
dura ladifte famine Tefpace d'environ fept ans
continuels, lignes très-évidents de l'ire & cou-
toux de Dieu contre fon peuple , lequel doit eftre
bien redouté de tous, veu que par néceflîté, faut
que les calamités empoignent ceux quy provoc-
quent l'ire de Dieu contre eux, & mefmes que
la rerre, l'air, & toutes les autres créatures leurs
foyent ennemyes, voires qu'ils procréent une
génération malheureufe, de forte que les éléments
mefmes foyent fufcités contre eux ^ pour en faire
la vengeance (6),
Famine ie
fept ans
continuels
en Flandre
& aux pai»
circumvoi-
fins.
IredeDieif^
C<^) Tant de prodiges épats çk & Il dans les cbroiTôlo.
giftes contemporains & raifemblés ici avec foin dans le
même cadre, ne font pas toujours des effets de la ven.
geance célefte. Us font bien fouvent une bizarrerie ou des '
jeux de la nature, qui aime quelquefois à s'égarer dans
fes produâions. La faine philofophie ôt une phyfique éclai-
r^e nous ont appris à ne voir fouvent que des eflbts natr.
t<els daqs des irrégularités que les fiècles précédens re^ar-
doient comme autant de prodiges. Sans doute Thiltoire offre
des évènemens où Ton ne peut méconnoîtrè la main d'une
Providence attentive à punir comme à récompenfer ; mais
le refpeft qu'on doit à la véracité de l'hiftoire , exige-t-il
qu*on admette aveuglément tout ce que la crédulité antique
place au rang des prodiges? Oudegherft à cet égard n'a
pu fe garantir d'une finfplicité qui lui eft commune avee
fes prédécefleurs, & dont quelques-uns de fes fuccefleurs
n'ont pas toujours fu s'affiranctiir. U eut bien mieux mérité
de fes leâeurs , fi , au catalogue inutile de tant de prodiges ,
il eue fubltitué quelques détails fur les mœurs du tems
dont il décrit l'hiftoire. L'époque où nous en fommes auroit
pu lui fournir quelques traits, dont fon goftt pour les mo*
raUtés auroit tiré quelqiies réflc;xions utiles pour la poftérité.
Nous avons déjà tracé une efquiife de la légiflation de
ces ûêcles encoite barbares, en pariant des épreuves. Nous
avons vu également les moyens violens , que dévoient em-
ployer les fouverains pour réprimer les défordres du gou-
vernement féodal, où les petits vaffaux armés contre les
4i4 T II I E R R U
grands , flc ceux-ci contre le prince , écrafoicnt , fcm «
joDg de fer 9 le peuple toujours viâime de leurs piems
interminables. La religion créée pour adoucir Vhonm^ *
réclairer, ôc pour lui faire aimer la blenfaiûuiccî qa*dk
lui prêche, la religion voyoic ce qu'elle a de plas augsrlt
défiguré par les ufages les plus abfurdes. On célébrait daci
la plupart des églifcs la fête des fous âc celle dea âoe^
Rome condaranoit à la vérité ces jeux indécen* qui dé*-
bonoroient le culte divin ; mais la licence frzncïnSoH w»
les obftacles qu*on lui oppoibit. Les danfes dans Vé^îkf
' les feilins fur Taute^ , les combats que Tivreilé des affiâaiss
ne manquoit pas d*eiifanter ; les diifolutions êc lea farces
les plus obfcènes étoient Ics^ cérémonies de cc§ fétr» ei-
travagantes , qui durèrent encore pendant plufieura fièckt^
" Nous ne pouvons - alTurer s'il y avoit alors dans les iat%
de réglife belgique moins d'indécence de de défordres que
dans les églifes de France; mais qu'on |age par le pa^
fuivant de Philippe de bonne Efpérance^ (j , à cette époq«e,
les monilrs de la Flandre étoient moins groffiéres que dan
le refte de reuropc: Pro iitilitate ecçlcjU miffl (^ NorbertmO
in quasdam partes Plànâria , aflatis temporc . . . • -w/r-
runt plerosque viros » non folàm faminaUbut , fcd omsi
génère veftium^ refrigerii gratid^ denudatos ^ per vices p4'
sim if piateas incedere^ propriis operibus nudos infifttri^nu
ullos occur/entium afpe&us revereri .... Qjios cum frotta
noftri arguèrent , cur Incederent tam beftialiter dcnstdad '•
non efl veftrum , refponderunt , noftra Uges imp^tuu #J-
tuntatià
CltAPITBLELXXVIL
Du quatriefme voyage du conte Thiiry vers la ter'
re fain&e^ é? comment à Jhn retour il fe retiré
pour le demeurant de fa vie au monafilre à
Watenes\ de la viSloire des Flamens contre les
Hollandois^ & du mémorable traiâé de paix f
faia entre lefdi&i de Plandre ^ de HolUmde^
en la ville de Bruges.
LE très-noble & magnanime Thiéry d'Elfatr ,
conte de Flandre, cftant adverty que les en-
nemis de la foy^ avoyent puis naguerrea coa«
t)* A L s A C Erf
4té
qiiis la cité de Damafco (a)j & autres places ap*
pertenantes aux Chreftiens, entreprint, à la
très-urgente requefte de madame Sybille fa fem«
me, & mefmes du nouveau roydeHiérufalem, Al*
ineric, fon neveu (i), fon quatriefme voyage
d'oultre mer, & fe tranfporta en Tan mil cent
|bixante-trois vers la fainéte cité de Hiérufalem ,
laiflant Philippe fon fils au pais de Flandre pour
gouverner les terres , defquelles aflez auparavant
il Ta voit invelly* Et lequel conte Philippe incon-
L*an 11^3.
Quatriefme
voyage
d^outremet
du conte
Thiéry.
C^^ Damas*
Ci) Amauri, comte de Joppé ôc d*ArcaloQ , fils de Foui*
^ues , roi de Jérufalem , foccéda à Baudoin III. , fon frère.
n étoit par conféquent beau-ftère de Thierri. C'étoit un
prince qui joignuit à beaucoup de prudence & de circon-
ipeâion, une économie qui approchoit beaucoup de Tava-
Hce. 11 juftlfioit cette extrême économie en difanc , que
Topulence d'un fouverain garantit toujours celle des fujets,
& que les tréfors qu'il a eu foin d'amaffer , deviennent ,
dans le befoin, une reflburce aflurée pour Tétat. Auili-tôt
^rès fon avènement au trdue, il avoit fût contre les
Sarrafins d'Egypte une expédition très-glorieufe. Mais No-
radin avoit profité de fon abfence , pour réparer fes pertes
antérieures. Il s'étoit emparé de pluûeurs fortereflcs & avoit
fait prifonnier le prince d'Antioche , le comte de Tripoli ,
k gouverneur de la Cilicie & un grand nombre d'autres
feigneurs chrétiens. Thierri arriva fur ces entrefaites en
Paleftine. Cujus tantd Uetitid fufctpit aivtntum omnis po-
fulus 9 ut quafi poli immoderatum folis ardorcm , auram gra-
iij/imam & prafens remedium viderentuf fufcepijfc. Malgré
les fecours que Thierri amenoit avec lui ♦ les chrétiens
eurent encore la douleur de fe voir enlever ^a ville de
Punéade fituée tu pied du mont Liban. Amauri étant re-
venu d'Egypte dans fes éttts, prit av^c Thierri la route
d'Aûtioche , répara un peu le défordre que caufoit dans'
cette principauté la captivité de fon fouverain, & parvirit
enfin à obtenir fa liberté du foudan Noradin. GuUlaumc
de Tyr qui vivoit alors à la cour d' Amauri , ne parle
d'aucune aétion éclatante faite par Thierri dans ce qua-
trième voyage.
GuUl. 6a
Tyr,l. 19-
c. 2. *
Ibid.
4tS
f il I E R R f
^ubllcfition
ic innova-
tion de la
paix pu-
Dlicque.
AtTembl^e
dei clUti
df Flandre;
La juftice
relevée 6c
remifc Aia
en Flandre.
Prévllèpci
k ceux de
Nieupoorc.
Aucuns ar-
ticlca con-
tenus ef-
aiaa prévl-
Ugca quy
femblcnt .
mervcilieu-
fement ef-
cranges*
tincnt aprts le parlement du conte Thîéry fofî
père, innftant aux traces de fes prédécefleur5 9
& mcfmcs de Baudouyn Hapkin , & du bon con-
te Charles, renouvella, confirma, & aggrcfa la
paix pubFlquc, aurrefoi» par eux publiée, ordon-
nant aufdiAeft fins que les nobles & edats de
Flandre s'affemblaflent en fa ville d*Audenafde,
où il les fit jurer robfervation de ladifte paîx^
défendant au refle le port de toutes armes tant
invafives que défenfives, à toutes perfonncs de
quelque condition ou qualité quUls fuflcnt, ré-
fervant néantmoins celles qu'avoyent par Tor-
donnance dudiél Baudouyn Hapkin efté exclu?s
& rdfcrvécs. Et par ce inoyen ^a juftice, laquel-
le par les guerres & féditions paitées, avoit e(lé
comme fopye (^a) & amortye, fuft révoquée k
relevée. Lediét Philippe oélroya à ceux de Nîeu-
poort en ce mefme temps, plufieurs beaux pré-
vilègcH, aufqucls if appelle Icfdlfts de Nieupoort:
Oppidano$ fuos habitatoreti In novo oppido , & Icf-
quels contiennent les loix & côuftumes de leur
vUrfchare (b) , entre Icfquellcs y en a dé bienf
eftrangcs. Si comme: Si cuis vulneratus in noôe
vulnus accepPum aïii impùtaverlt , Jl fcabinit dig"
num videbitur^ ferro candenti ft excufabit accufa'*
tus ; fi au fus non fuerit , manumperdet. Si fur vo»
catus accu fat us fuerit^ candenti ferro fe excufabit;
fîculpahilispermanferlt^ fufpendetur: fed fi accu fans
in judlcio jurare noluerit^ accu fat us liber erit de hoc
accu fat ione (a)# Laftinga manus judiciarii efiy fi?
qui
(a) jlffoupiâ.
(If) Tribunal.
(2) Ceê loix prouvent évidemment que Téprèuve do (et
ardent étoit encore fort en ufage à la fin du douxième
iïèck dam le comté de Flandre. C*c(l la^ réflexion de Meye»
rui qui préfente un peu différemment quelquei-una dca
textes de ce décret légidatif. C*eil ainA (ju*ili font conçui
dana J*éditipn de fea annalef imprimée en 1551* à An*
D* A L s A C E- 4i# • *
'/ ■
fUi eTim habuerit , fures fufpendet , manus abfein^ . /
det 9 oculos eruet. Ledift privilège fut donné aux
fufdifts de Nieupoort en Tan mil cent foixante-
frois, préfents^ Mahieu de Flandre , conte de
Bouloingne, Robert, advoué de Béthune, Con-
rard (^) de Tournay, Henry, chaftelain de Bour-*-
bourch & Tes enfans, Guillaume, chaftelain de
Saînft Omer, Guido, chaftelain de Berghes^
Guillaume Broon ^ Gaultier deLocre, Baudouyn
Paldinc, Gherard de Somerghem (^) & Bernard
fon frère, Baudouyn d'Hontfcote, Gaultier de
Bevere, Gaultier d'Ypre^ & Gaultier de Formi-
zelle. Audift an foixante-trois , le conte Philippe
fiit requis du roy Louys de France, de fe tranp
porter à Compienne pour tenir fur fans un fica
iîls, duquel \i royne Adèle fa femme s'eftoit
puis naguerres accouchée , lequel du nom d'ice-
luy conte fut appelle Philippe (3), Et l'an en- *^'^° "^^
k • • — . ,
(^a^Everard^fclotiMeyerus. (h')Zomcringhcm,dan5Meyefu5.
vers. Si quis vulnus in noBe aeceptum alii imputaverit^ fi
jcabinis dignum videtur ^ ^ferro candenti fe excufahit ac- ^.
icufàtus; fi aufugtrit manum perdet. Si fur vocatui accufa- ' ^
tus fuerit ^ ferro candenti fc excufabit ; fi cuipahiîii perman-
ferit , fufpendet ur , & fi accufam in ante juramento âefecerii^
kiccufatus liber erit.
On vit s*élever fk même année , dafts la ville de Gand ,
iine fédidon de la part des tiflerands, des foulons , des
^cheurs fit des bouchers. Elle fut appàifée fur le champ
par la prudence 6c la fermeté de Phib'ppè ; mais nous
verrons c(>mt)ien cet exemple devint funefte pour les règnes
fuivans.
(3) Oudegherft veut parler ici de la naitiance de Phi-
lippe-Augufte , tié le 21. AoûtiKSf? , fie non en 1163. Sa
mère étoit Alix ou Alife, fille de Thibaut, comte de Cham-
pagne , que Louis le Jeune ayoit époufée en 1 160, Philipf)e
iie fut point tenu fur les fonds de bâtéme par Philippe
d'Alface , mai» par Hugues , abbé de St. Germain-des-Prés ^
par Hervée, abbé de St. Viftor fit par Eudes, ancien abié
as Ste. Geneviève. Ses manaines furent Confiance , fœur ifii
4lS
T H I E R R I
Le conte
Philippe
faiâ hom-
mage à
Teiopcreur
des terres
au'il Xieat
loubs Tem-
pire & ira-
pétre du-
did crape-
icur au-
cuns privi-
lôges pour
ks mar-
chands de
Flandre.
Le conte
Thiéry fe
f étire pour
k demeu^
rant de f»
vie au mo*
naftère.de
Waienes.
Suger, hift.
de Louis
VILaurec.
des hift.de
Vt. U 12.
Andarium
aquicinct,
aQ. 1164.
Meycr.
Marcbant,
Wir. chron.
beîg.p-2^3,
fuyvant, le mefmc conte Philippe fe tranfpolta
vers Aix en AUemaigne , pour faire hommage à
l'empereur des villes qu'il tenoit du fainft empi-
re;' duquel il impétra plufieurs beaux privilèges,
pour les marchands de Flandre, affin de povoîr
librement contrafter en AUemaigne, & autres
païs de Tempire, mefmes au loîng de ta rivière
du Ryn (4). Et tandis que le conte Philippe ef-
toit en ladite ville d*Aix, luy vindrent nouvel-
les dû retour du conte Thiéry fon père, au
moyeiT de quoy il print incontinent congé dudiâ
empereur, & retourna en toute diligence vers
Flandre, où il trouva le pouvre conte Thiéry
merveilleufement travaillé, tant à raîfon de ce
dernier voyage, que par fa grande vieillefle, &
pour les travaux qu'en fa jeunefle il avoit fup^
porté; qui fut caufe qu'îceluy Thiéry, laHTant
tout le foing du gouvernement de Flandre fur
les efpauUes de Philippe fon fils, fe retira an
monaftère de Watenes, qu'il avoit (félon que
cy-deflus avez veu) auparavant fondé (5). Et
Louis VII. , éc deux veuves de Paris. Mauricius parifUnpt
epifcopus .... regiam foMem in ccclefid StL Micballis
de plaud foUmniter baptismate rcgcneravU. Hugo etiam air
bas S, Gcrmani parificnfis patrinus puerum fupcr fonUm
ba^ttsmath in ulnis fuis tenuit. Herveius quoque abbat
5. Vi^oris fif Odo quondam abbas S. Genovefa , patrini ex*
titerunt. Conflantia foror régis Ludçvici , . . .& dua vidux
parifienfes matrina^extiterunt.
(4) Philippe obtint alors de rempereur Frédéric L la
pofleflion de la ville de Cambrai. Ibi ( Jquisgrans) Pbiiip-
pus cornes Flandria cum magno militum exercitu adfuit &
ab fmperatore Cameracum jufcipiens , homo ejus effeSus cf
& tnagnam pacem Flandrenfibus per terram impcratoris cundi
ac redeundi obtinuit,
(5/) Thicrri fut feulement le bienfaiteur du monaftére à»
Guaftine. Ce fut Robert le Frifon qui le fonda vers Tan
1072. & qui y établit des chanoines réguliers , comme le dît
lui-même plus haut Oudegberft. Voyez la n. 3. du chap. s^,
I>ag. %12*
t)^ A L s À C É;
41^
peu après, fi comme en Tan mil cent foîxantc-
Cinc, le conte Philippe de Flandre, affifté de
Mahieu, conte de coulongne fon frère, & du
duc Godcfroy de Brabant, mit fuà une gtoiTe
armée , & tira vers fon païs d'Elzate , auquel le
conte Florens de Hollande eftoit entré avec gran-
de puiflçince, & avoit mis fon iîège devant la
ville d'Armeftaîn, dont néantmoins Ton ne fçait
Toccafion (6) , né foit (\a) le defdain & crève-
Cœur que ledift Florens avoit conceu à raifon du
mariage contracfté entre ledift Philippe & mada-
me Marguerite de Vermandoîs , laquelle luy-mef-
me avoît penfé avoirs tant y a que pour mo-
lefter & faire guerre audiflr Philippe^ il s'eftoît
allyé aux contes de Gheldré & de Mons, avec
lefquels îl aVoit alfiégé ladifte ville, & pour le-
ver ce fiège, le conte Philippe accompagné de
ceux que deflus , fe tranfporta vers icelle ville , de*
vaut laquelle ils s'entre-donnerent une bien truelle
& fanguidolente (^) bataille, dont néantmoins
la viftoîre demoura du cofté du conte Philippe,
lequel print prifonnîer lediél Florens, conte
L'an II 55.
Guerre en-
tre Fîrndré
& Hollan-
de , c>c l'oc*
cafion
d'icelle.
Les contei
de Gheldrtf
flc de Mons
alliés du
conte de
Hollande.
Viftoire
des Fla-
ijfïeiràfurle^
HoUandôis/
Ça") A moins que ce Ht foit. (Jb^ Sanglante , dit latin fan-
^ guinolentus.
(6) Lé comte de HoUande n'àvoit poiilt fait d'invafion
dans TAlface & encore moins âfllégé la viUe dont park
Oudegherft. Nous oppoferons au récit défeâueux de notre
smteur celui de Meyerus beaucoup plus vraifemblàble &
plus cxaa, & conforme d'âiUeurs à ce que rappone fur
fcet avènement Tauteur contemporain de VauBarîum ziqul-
cinSinum. Pbilipfus comei cum Matthao fratrt é? Godofridb
càmitô -lovanienfi ^ inflruBâ multarum navium clajfe, mova
in Florent îum comitemHollandiaquiperid tempus ttrrd man-
que Flandris incommodabaî, CeJ/it jjac expeditio FJandris per-
quàm profperh. Enimvèrb Florentins qui tantam fibi vim
militum piratarumque conflanterat , ut totius maris imperium
ohttnere videretur, circumventus undique à noflris^ defpe^
ratd fpe refiflendi , fine ullo propl certamine , fe fuosqitc
thilippQ printipi dedlàiti
O 1%
Ann.FIanc^;
an. ir(75.'
4ii<?
T ïî I Ë R R t
Le conte de
Hollande
prifonnier
des Fla-
xnens. '
Le colite
Philippe
traiae hu-
mainement
le conte de
Hollande ,
fon prifon-
nier.
Traidé de
paix enûre
Flandre &
Hollande.
de Hollande, & avec luy plus de trois ctftft*
chevïiliers , qui furent tous menez en Flandre au
grand honneur & triumphe du fufdift conte Phi-
lippe, par l'ordonnance duquel lefdiéls prifon-
niers furent mis & diftribués en diverfes prîfons,
faifant mettre ledift conte Florens en la prévofté
de fainft Donas à Bruges, où luy furent faifts
tous les honneurs & bons traitements, dont le
conte Philippe fe povoit advifer. Au moyen de
quoy fe moyenna toft après un bon appomfte-
ment entr'eux, & une paix afleurée, quy fut
conceuë &' accordée aux conditions quy s'enfuy-
vent: „ Premiers que les hoftagiers (a)^ que le
conte àvoit prins pour les yfles de Zélande
entre l'Efcaut & Hedinzee, demoureroyent à
Bruges, & ne feroyent rendus au conte de Hol-
lande, par fidéjuffion ny autrement, ne fuft(A)
le confentement & vouloir du conte de Flan-
dre. Que nul camp de bataille (0 fe feroit en-
tre les hoftagiers defdiftes yfles, ailleurs qu'en
la ville de Bruges. Que tout le prouffit que
!| viendra defdiftes yfles, fera party entre les
„ deux contes. Que toutes confifcations adve-
^ nues efdiûes yfles feront communes à eux deux.
^ Sy aucun de Flandre eft fpolié (J) & defrobé
l en la terre de Hollande, les inhabitants du lieu
^, où le cas fera advenu, en feront la reftitutioa
' & defchargeront le defrobeur, & s'ils ne le
" vuelknt faire , le conte de Hollande le fera luy-
^ mefme à l'arbitrage de fix hommes. Que les
„ gheleedes (0 q^^^ tient le conte de Hollande
„ fur «les marches de Flandre, feront abolyes,
„ & ne fouffrira le conte qu'elles foyent plus
„ levées. Comme aufly feront révocqués &
„ abolis tous autres impofts, comment on le*
(a") étagci.
(JT) Sam.
(0 Du^l.
Cd) Pillé.
(0 Charge de c$nv$f.
D* A L s A C E.
421
puîfle ou veuîlle nommer, & fy aucuns tels
împofts fe payoyent ou exîgeoyent par igno-
rance , le conte de Hollande feroit tenu à la
reftitution.Que nuls defdifts deux contes pour-
ront faire forterefles efdiftes yfles, que fi au-
j, cun marchand de Fkndre paflant par Hollande
fut arrefté pour debtes, îceluy marchand s'en
pourra purger. par ferment, affin que fon voya^
ge ne luy foit retardé, & fy Tarreftant ne s'en
veut contenter, que faudra qu'il pourfuyve
lediél marchand devant fon juge ordinaire,
& fy par-deflus ledift ferment faift, le marchand
„ eft détenu ou empefçhé , le conte de Hollande
„ luy payera tous fes defpens, dommages, &
„ întérefts. Lequel contrevenant à celle paix
^ fourferî^ (a) toute la terre, qu'il tient en fief
„ de la conté de Flandre, fans autre folemnité
„ de loy, & n^en jouira jufques à ce qu'il auroit
„ le tout réparé. „ Ce fut faift à Bruges , en la
prévoftéde faint Donas/^r/i ilj.pofi Remini fcere^
en l'an mil cent foixante-fept. Et pour ce
que depuis le conte Florens n'entretint ladifte
paix, le conte Philippe luy ofta derechief tout
ce qu'il avoit éfdiftes yfles, & avec ce confif-
qua la terre de Wafl: , qu'auparavant il luy avoit
reftituée. Audift an le conte Philippe & Mahieu
de Flandre prafticquertnt que Pierre leur frère
tnaifné, fuft efleu pour évefque de Cambray, à
qûoy néantmoins il renonça peu après, comme
voirez aux chapitres fubféquents (7).
Vtn 1167.
(^) Perdra , fera privé àc.
(7) Pierre, fils de Thierri d'Alface, avoit été choifi en
1167., pour fuccéder à Nicolas dans Tévêché de Cambrai;
mais Matthieu , comte de Boulogne , étant mort fans enfans
mâles , & Philippe fe voyant luirméme fans héritier , il
engagea fon frère , élu évêque de Cambrai, à renoncer à fon
éleôion , m foboîem e^citaret , difenç les hiftoriens natio-
naux. Ce qu'il fit en 11 74. L'année fuivante, il époufa U
comtefle de Nevers , & mourut empoifonné peu de tems après.
Audar. aq«
Meyer.
Marcb' *•
Buzc^
f^'an 1168.
Remon*
ftrancc du
conte Thié^
ry il cn-
fantA avant
inpqrir«
iïufticevers
€8 fub-
jeéts.
Rcivdreiice
vcr« pieu-
(^1% T H I E R R I
CHAPITRE LXXVIII,
Comment le conte Thiirj fit appeller avant mou^
Ttr [es enfans au monajière de Watenes ^ & det
fainùes remonflrancet qu'il leur fit ^^ du tref-
pas dudiù Thiiry.
EN Tan mil cent foixantc-buift , le conte
f hiéry d'Elfate fe fcntant griefvement ma^
lai.e, & prévoyant fa, mort certaine, fit venir
vers foy au monaftère de fain<a Gilles à Wate-
nes (i), le conte Philippe, Mahieu, & Pierre
fes enfans: aufquel» il fit (après avoir néantmoins
grandement blafmé audiél Mahieu fon déteftable
mariage, & le facrilège quMl avoit commis, en
raviflant hors fon monaftère madame Marie de
Boulongne) telles remonftrances : „ Mes enfans,
je m'en voy {a) à mes pères, comme tel cÛ
le bon vouloir de Dieu , & j'entre en^ la voye
commune, tant à ceux quy font aujourd'huy
vivants, qu'à ceux qui paiftront cy-apfès; de
laquelle je ne pourray retourner, ne venir
veoir ce que les hommes font en ce monde*
Parquoy cependant que je fuis encore fur la
„ terre, & prochain de ma mort, je vous vemç
„ admonefter derechief des çhofes , dpfquellei
„ je vous ay tenu propos par cyrdevantj fça-
„ voir, que vous exercez juftîce envers voz fub-
„ jefts, que vous portez révérence à Dieu, quy
„ vous at appelle es dignités aufquelles vous ef-
„ tes, & que gardez bien fes commandements
„ & faînéles ordpnnances, fans les, mefprifer,
(ji) Je m'en vais»
Ci) Lorfqu'il mourût, Thierri étolt à Oravelinet, qx^
•voit fait bâtir environ 30. ans auparavant, âc dont quel-
ques annaliftes lui reprochent d^avoir enlevé la poflelBoo
aux religieux de St. Bénin. Son corps fut enfuite tranTpanl
ï Tabbaye de Guafline.
D*^A L s A C E,
415
»
foît par flatterye ou faveur, ou par quelque
autre affeftion dépravée. Carîl n'eîlpoflîblevou^
maintenir en la grâce de Dieu^fy préallablement
^ vous n'obfervez fes loix & ordonnances; &
„ fy en ce venez à vous oublyer , il deftournera
^ femblable;ment de vous fa foUicitudc & faveur
^ paternelle. Sy vous démon ftrez tels envers fa
^ mageîlé divine que debvez , & tels que je de*
fy lire, vous ferez que cette conté, avec ce qu'en
^ dépend, demeurera ferme en noftre famille,
fj & qu'il n'y aura jamais autre maifon quy ol>
fj tienne domination fur les Tlamens que k nof^
H tre. Je vous recommande , mes jenfans, les égli^
H fes , monaftères , & villes du païs de Flandre ,
^ & veus que vous pourchaflez leur bien &
^ prouffit, & que les traiéliez en toute douceur
^ & humanité» Car en ce faifants, vous ne fe*
p, rez que voftre devoir , & recognoiftrez les bé*
néfices que j'ay receu d'eux, ayants ufé de
grande libéralité & bénignité envers moy, du-
^ rant les débats que j'ay eu pour la fucceflîou
„ de Flandre^ nous rendants par mefme moyen
^ grandement obligez à eux. „ Après qu'il euft
donné telles chargçs , & fiaift les fufdiftes admo-
nitions à fes enfans , il rendit l'efprit , ayant vef.
eu foixante-neuf ans, & doit avec bonne raîfon
eftre mis au nombre de« gens de bien, comme
de faia il eftoît remply de toutes vertus, qu'il
falloit qu'un tel perfonnage euft, ayant domi-
nation , & jeftaiit fes yeux fur une telle provin-
ce pour la maintenir en paix & tranquillité. S'il
y eut jamais homme conftaqt & magnanime,
le conte Thiéry l'at efté; & s'il y avoit quel-
que bataille à donner, il fe jettoit le premier de»
dans le fort de fes ennemis, & s'expofoit aux
danglers, ayant en fingulière recommandation le
falut de fon peuple. Et incîtoit les gens de guer-^
ye p;ir fon exemple, à foire a4tçs çhevalercux^.
5^
Trefpa.« da
conte Thié-
ry.
Louangt
du contç
Thkry»
4«4 T H I E R R I D* A L S A C E,
les conftraindant àfaire leur devoir par tel moyen ^
& non comme fcîgneur ufant d'authorîtd. Il ef-
toît aufly fort prudent en confeils, & fçavoit
bien ce qu^eftoit expédient, tant pour le pr6r
pflnclpil. fent, que pour Tadveniri il eftoit fobre, doux,
des roy?& & fort benlng envers les mifdrables, exerceant
grands fci- juftice & ufant grande humanité, quy font les
jnçur», principales vertus des roys , & grands fcigneurs.
Et combien qu'il fut contre toute fon attente
& expeftation eflevé en une puitTance fy haute,
toutesfois il ne fe deftourna jamais de la droic-
ture, où équité. Au demeurant Ton peut dire
cela,^qu*il n*y euft jamais conte de Flandre, quy
ayt faiét tant de voyages pour le fervice de la
terre fainéle que ceftuy-cy, lequel fes cnfansen.
terrèrent magnifiquement à Watenes au mo*
naftère de fainil Gilles ^ qu'il avoit luy-mefme
édifié (2).
(2) Voyez la n. 5. du chap. précèdent, p. 418. & l|
n. 3. du chap. 54., p. 312. Thierri étoit Agé de 68. «ns^
lorfqu'il mourut, & il en avoit régné 40., depuis la mort
de Gui 11; unie le Normand. La Flandre n*avoit pas encord
pu de fouvcrain qui eut autant de vertus & de talens que
lui ; 6l Ton ne peut guère lui reprocher que fei voyages
en Afie. Encore faut-il les imputer en partie à rcfprit di^
fièclc où il vivoit. 11 fut» dit Meycrus, omni vitd ^ pic
tau infignh^ religione ilîufîris , munijiccnUâ clarui ^ bcUi
pa ci s que artibus nobilh ^fortitudine , jupitià ac rerum gcpa-
rum magnitude ns inclitus. A fa mon , on grava fur foa
tombeau Tépitaphe fuivaute : H)c J(icçt fepultus D. Thc^
4oricus de Elfatid cornes Flandria , qui quatuor vicibm
tcrram fanQam vifitavit , 9 indè rcdiens fanguinem /). noflr\
y. C. detulity y vilU brugenfi tradidit ^ fiT pùfiquam
flandriam mnnU 40. jirenuè rexerat , apud GravcUfigm
êbiit^ anno JDomini iidS. ( 116^. fiylc moderne)^
PHILIPPE D'ALSAfcE. 4^5
CHAPITRE LXXIX.
Comment le conte Philippe parla trc/is jours après
i fa naijfance & d'' aucuns privilèges qu'ail
donna aux villes de Flandre.
PHilîppe d'Elfate, fils aifiié de Thiéry, conte
de Flandre & de madame Sybille , gouverna
depuis la mort dudiél Thiéry Terpace de vingt
& trois ans; il fe porta ailfly pour conte de Ver-
mandois, à caufe de madame Yfabeau fa femme,
depuis le trefpas de Raoul conte de Verman-
dois, frère de ladifte Yfabeau, & lequel mourut
ladre, en Tan mil cent foixante-guatre. Les
çhronicques affirment une chofe merveilleufe de
ce conte Philippe , fçavoir , que le troiziefme jour
après fa naiflance, il cria tout haut d'une voix
troublée: Evacuate mihi domum^ qui eft-à-dire,
neftoyez ou purgez -moy la maifon; mais Ton
Jie trouve par efcript quelle chofe ce povoit flg-
jiifier, trop bien qu'il a efté un des plus ver-
tueux & vaillants princes de fon temps, Sy ne
convient, s'efmerveiller de ladifte voix, car la
chronicque de France tefmoingne^ comme aufTy
faift la légende de monfieur fainft Amand, que
quand ledift fainft Amand baptjfa Sigebert, fils
4u roy P^igob^rt le premier de ce nom , le fuf-
dift enfant, quy n'avoit que unze jours, rçf-
pondittout haut & préfent une grande n\ultîtude
dépeuple, AtHen^ Ledift Philippe fut deux fois
inarié , fi comme à madame yfabeau de Vçrman-
dois , laquelle trefpafla fans hoir de fon corps ,
environ Tan mil cent quatre-^vingts & deux &
gîft à noftre Dame d-Arras. Et pour fa féconde
femme, il print madame Méhault, fille d'Alfons,
roy de Portugal, quy femblablement mourut fans
hoir de fon corps. Le fufdiiîl Philippe fuft un
prince merveilleufemept 'prudent , & lequel mit
Chofe ad»
mirable du
conte Phi'
lippe.
Mariage de
Philippe
première-
ment avec
madame
Yfabeau de
Verman-
dois , & de-
puis avec
madame
Méhault de
Portugal.
4^6
PHILIPPE
Loix &
privilèges
donnés à
ceux de
Gindparle
conte Phi-
lippe.
'& entretint le pais de Flandre en bonne paix &
juflice, voiras davantage, qu'aucun autre de
tous fes prédécefleurs. Il fit grandement réparer
le cbafteau de Oand , où par fon commandement
la porte devant fut édifiée, mais je ne trouve,
qu*il ayt fondé aucun cloiflre ou monaftère. H
donna à ceux de Gand leurs premières loix, ie§0*
res9 ou privilèges, lefquels de Gand, il appelle
ofpidanos meos caflri gandenfîs ^ par unes Itt*
très qui commencent: /fer ^^ lex^confuetudo^i)^
(0 Aucun des prédécelfeurs de Philippe d'Alface nef*ap'
pliqi^ avec autant de foin que lui à donner de bonnes
loix à fes fujets. Nous regrettons de ne pouvoir les faire
connoltre toutes en leur entier. Ce feroit le tableau le pks
cxaâ que Ton pourroit faire de fon adminifbation & des
mœurs de fon temps ; mais un manufcrit précieux qu^abiea
' voulu me confier M. Van Hulthem , mon ancien élève A
mon ami, me met à portée d'en faire connoltre plufienrs»
ainfi que quelques traités que la proteâion , qu^il accor*
doit au commerce de fes fujets , lui fit folliciter auprès de
quelques princes voifins. Nous rapporterons d^abord en
entier le décret légiflatif donné aux Gantois» 6ç dont On*
degheril ne cite que quelques articles :
Manufc. de m Haec eil lex ^ confuemdo quam Philipptu Ùloûris
Mr. van ^^ Flandri» & Viromanduas comes Gandenfibus obfennuk
Hulthem. ^ dam inftituit :
^ Si aliquis vulnus fecit alicui infrà milhre ab oppido ,
^ éc illud id véritate fcabinorum agnofcatur de quâcumque
^ re fadum fit ad . domum in quâ ille manet qui vukins
^ impofuit per fcabinos ôc per juftitiam cemitis fummo»
„ neatur. Qui fummonitus , fi fcabinis fe prsfentct, veri»
y, tate inquifitâ de illo qui vulnus impofuerit, per LX.llbru
^ forcfadum illud emcndet ; & ^\ fcabini fciunt quod vxlV
„ nus non fecit , liber flc in pace permanebit. Si autem
„ die quâ fummovebitur , fe non praîfentaverii , remanebit
,9 in forisfado LX. librarum. Et fi fcabini noluerinc do»
^ mum ejus proderncrc & in refpeâum ponere , fed ex
^ ^ toto condonare non poflunt , ni fi voluntate comitis.
^ Si ver6 quif aliqucm in domo fuâ a(filuerit , unde
„ clamor fadus fit , fcabini & juditia domum ibunt profpi*
„ cere , & îi fcabini potcrunt vidcre aflultum efle apparentera ,
n ille de quo clamor fadus efl » fummoneri débet. Qui ft
D* A L s A C E, 4?r
éfquelles on peut veoîr plufieurs beaux articles
concernants la punition de tous crimes. Et enV
I» fcabinis fe depraefentavit de illum intellçxerunt aflulciun
ff fecifle , LX. libras amittet. Si ver6 cognoverint illum
'ff non fccifle , liber âç in pace recédât. Si autcm ad dicni
9, Aimmonitionis venirc noluit , domo ejus proUratâ , LX,
f» librarum reus erit ; quod fi alii aflulcui iDcerifuerint do
a» quibus clatnor faâus fit , A cornes fuper veritate inqui-
ff fient , fcabini veritatera inquirere debcnt & quotquot
„ veritate fcabinorum de aflultu tenebuntur , unufquifquc
„ LX. liSrarum reus erit, ac fi de eo clamor efict fac-
^ tus. Siverô fcabini nullum aflultum cognofcere poterunt,
I, ab ipfis fuper hoc veritas eft inquirenda,
9f Oiii cum arniis molutis infrà pr^finitum terminum alî-
1^ quem fugavit, fi veritate fcabinorum convincatur« foris-
f, faâo LX. librarum tenebitur.
ff Si qois- Ipfiliatur » quicquid ipfe faciat in dcfcndendo
f, corpus fuum , nuUo tenebitur forisfado.
^ Si quisi occidit aliquem bannitum, in hoc nullum fa-
„ cit forefaftum*
„ Quicumque teftimonio fcabinorum convidus fuit dç
^ rapin^ , LX. Hbras de fopsfa^o ^^bit , 6c ^n^num ra-
^ pinx reftituet.
^ Qualemcumque concordiam bannitus faciat comiti, rcr
^ manebit tamen bannitus , donec juris gandcnOs ad opus
„ caflri LX. folidos dcdcrit.
„ Item , qui bannitum de forisfado LX. librarum in hof-
„ pitio fufteperit , veritate fcabinorum convidus LX. li-
„ bras amittet.
^ Qui aliquem fufte vel baoïlo percuflbrit , convîdus a
^ fcabinis in forisfadum X. librarum incidit , de qnibns
^ Comes V. libras habçbit , cailellanus ^ XX. folidos , ille
„ qui pcrcuflus eft LX. , ad opus caftri XX. ^
„ Item, qui pugno vel palmâ aliquem p^uflcrit, feu
^ pcr capillos acccperit, Inde pcr fcabinos convîdus, LX.
,, folidos dabit ; inde XXX. folidi comitis crunt , pcrciiOi
^ XV. folidi, caftcllani X. folidi, ad opus caftri V. folidi.
y, Qui aliquem capillis ad tcrram traxcrit, feu pcr 1u-
„ tum trahendo pcdibus conculcavit,.X. libras comiti da*
„ bit & fie tradato XV. folidos , cafteïlano X. , ad opus
p caftri V.
„ Item, quialicui convicia dixerit , fi teftimonio duorum
p fcabinorum convincatur , illi cui convicia dixit , V. foli-
I, dos dabit, juftitix vcrô XIL dcnarios.
4XS PHILIPPE
tr*autres y font les Tubféquents articles. Qui en
, que h fcabinis in judicio vel teftïmonio affirmata
M Qaicumqae duobus fcabinis aut phuibos indocias pa-
^ cis qu£ vulg6 treugae verden dicuntur , de quâlibet dif>
^ cordiâ dare noiuit , illud emendct per LX. libras.
„ Si diflcnfiones, aut difcordi» , aut gueme, aut aliquod
^ aliud malum ijiter probos viros oppidi exoriatur , iudè
^ ad aures fcabinoram clamor perveniat , falvo jure comi-
^tis, fcabiîii illud componere & pacificare poterunt. Qui
„ veto compofitionera & pacem quam fuper hoc fcabini cou-
^ folidaverunt lequi noiuit , forisfadum LX, librarum incunet.
„ Item 9 qui.ea quae à fcabinis in judicio vçl teftimonio af-
„ firmata fuerant,dedixerit, LX. libras amittet&unicuique
^ fcabinoram qui ab eo dediâus fuerit , X. libras dabit.
^ Item, quicumque per malum manus in fcabinos mî-
^ ferit, û fcabini Ûlud deteflentur, LX. libras dabit.*
„ Quicumque fœminam per vim violavit, fi de eo ve-
^ ritate fcabinoram convincatur , eâdçm pœnâ condemna-
^ bitur quâ k prpedeceflbribus comitis hujustaodi maie-
^ fadores condemnari folent in Flandriâ.
,, Prstereà fciant omnes quod vir qui fit de Gandavo ,
f^ cujuscumque forisfadi rem fçcit , non ampliùs quam LX.
,, libras amittet, niû légitimé per fcabinos convidus fuit
^ de raptu, ut diâumeft, vel de latrocinio, vçl de ùl"
f, ûtate 9 vel de homicidio«
9, Quod fi quis hominem occldit, caput pro capite da-
^ bit, & omnia fua, abfque contradiâionc , comitis erunt,
„ fi de homiçidio , veritate fçabinorum teneatur.
^ Nemo infrà prsfînitum terminum manens , infrà mu-
^ ros cafiri gladium f erat , nifi fit mercator vel alius qui
„ gratis negotii per çaftrum tri^nfea;. Si verô caftram in-
ff travit caufâ ibi morandi » gladium e^trà in fuburbio di«
^ mîttat; quod fi non fecit LX. folidos & gladium amittet.
„ Juftitiis verô comitis & miniftris cum qui pacem caftri
^ obfcrvare debent , nofte ac die , infrà caftram arma fer-
„ re licebit. Oppi^anis etiam gandenfibus gladium portare
„ & reportare l|cçbit , dum à caftro exeant feftinanter. Si
„ quis verô eorum motas ficiendo , vel per caftram va-
^ gaiido gladium porta vit , LX. folidos & gladium araittet,
„ Si fcabini gratiâ emendationis villaç , afienfu juftitis
^ comitis , bannum in pane aut in vino aut in cgeteris ralerçi'
„ bus conftituerant, medietas quœex banno illo provenict,
^ comitis erit , altéra medietas oppidi gandenfis.
,) Si mercator , five ^lius bomo extraneus 9Qte fcabinos, julUr
D* A L s A C e1 429
fuerint tontempferit ^ fexaginta librts mutêtetur^
& unscutque Scabino qui ab eo dedi&us fuersty
^ ti» cauH , venit , Q illi de quîbus conquericur prxfentes fint ,
„ vel inveniri ik)iDnt infrà tertium diem vel faltem infrii
„ odavum, plenariam ci fcabini juftidam faciant, juxtà k-
^ gem caftri,
^ Nemini in foro comitis ftallos locare liccbit, quod û
„ locaWt & veritate fuper hoc conviaus fuit, LX. folîdos
^ comfti dabit.
„Si-aliquis de infraduris caftri coram fcabinis falfum
' „ tcftimonium portavit & fcabini illud cognoverant, LX.
^ libras amittet.
„ Cum aliquis de fcabinis decedet , alius ei fubftituemr
^ nec aliter.
y^ Item fi fcabinus per teftimoninm fcabinorum parinm
^fuorom de felfitate conviaus fuerit, ipfe & omnia fua
„ in poteftate comitis erunt.
^ Item fi fcabini à comité, five à miniftro comitis fummo-
^ niti falfum fuper aliquâ re judicium fecerint, veritate fca-
^ binorum atrebatenfium , five alionim qui eamdem legem
^ tenent, comes eos convincere poterit, & fi conviai fue-
' ^ rint, ipû & pmnia fua in poteftate comitis enmt.
„ Item , quotiescumque verô fuper hujusmodi falfitate
^ fummoniti fuerint, nullatenùs poterunt contradicere
^ quin diem à comité fuo pnefixum teneant,ubicumque co^
,^ mes voluit in Flandriâ.
,9 Item de omnibus aliis caufis ad comitem pertinente
M bus , placita tenebunc in praefentiâ comitis vel illius quem
,, loco fuo ad juftitiam tenendam inftituit. Inftituti etiam
„ ad ejus fummonitionem de omnibus tanquam comiti ref-
^ pondebunt, quamdiù in hoc fervitio comitis erit. Ad
„ hsec nec fcabini , nec burgenfes aliquid addere , mut&re
„ nec corrigere poterunt , nifi per confenfum comitis vel
^ illius quem loco fuo ad juftitiam tenendam inftitucrit.
Le manufcrit d'où j'ai tiré ce décret , n'en fixe point la
date. Meyerus dit qu'il fut porté après que Philippe fût re-
venu pour la première fois de la terre fainte. Il feroit donc
de la même date que le fuivant-C V. annal. Fland. an. 1 178. ).
Au refte ce manofcrit qui me fournira encore plufieurs piè-
ces originales , parolt être écrit vers le milieu du quinziè-
me fiècle, 6c renferme un très-grand nombre de décrets,
de privilèges & d'ordonnances, toutes intéreflantes pour
l'hiftoire des principales, villes de la Flandre & recueillies
^*après les originaux mêmes.
430 ViliLlVVÉ
decem libris. Par où fe defcouvre qu'où ne pd^
voit de faiô blaTmer la fctitence ou jugement des
efchevins. Item Pratereà fctant omnet , qubd vit
qui fuerit de Gandavo , tujufcumque f&risfaài rem
fecit , non ampltus quàm fexaginta libras amittet\
ni fi légitima per fcabinos convi&us fuerit , de raptu ,
, latrûcinio , falfitate^ vet homicidiù. Item fi fcabi-
ni à comité five à miniftro comitis fubmoniti fuper
itliqud re judicium fecerint ^ veritate fcabinorum
Atrebatenfium , five aliorum qui eamdem legem te^
nent ^ cornes eos convincere paterit; fi? fi convi&i
fuerint ^ ipfi fif omnia fua^ in poteftate comitis
erunt. Item : Quotiefcumque vetb fuper hujufmodi
falfitate conviSti fuerint^ nullatenùs poterunt coà*
tradicere qu'm diem fibi à comité prafixam teneant^
ubicumque cornes valuerit in Flandrîa. Item , de om^^
nibus a/ils caufis ad comttem pertinent ibus , plactta
tenebunt in prafentia comitis , vel illius quem loco
fuo adjufiitiam tenendam inftitUerH , inftitutis etîam
ad ejus fubmonitionem de omnibus tanquam co*
miti refpondebunt'^ quamdiu in hoc fervicio comitis
etunt. Il donna aufdifts de Gand . une autre or-'
donnance à fon retour dé Hiérufalem, eommen-
çantî Hac funt pracepta ^ ftatuta Domini comitis
in Gandavo (ji). Laquelle ne traiéle que de la
(û) Voici en entiei^ cette ordonnance dont Thldorieii ne
rapporte que le titre:
f^IIcec funt prccepta quse datait dominus in Gandavo^
„ co tcmpore quo rediit Hierofolymis.
H Si quis de LX' libris convictas fuie & infrt triduuof
fi comiti non fatisfecit, exeat terram comitis infrk triduum;
^ quod n non fecit ôc de csetero in terri comitis vifds fiitc »-
„ onwibus diebus vitae fu« fme lege permanebit.
„ Si quis e)^ parte comitis vice cornes conftituttts fuît
^ in Gandavo 6c idem ab aliquo obiidem exegit, reddat ei
n imYh triduum; fin autera , in foriifado LX. libnurum cric
->, Si quis cecidit in forisfodum comitis & per fcabiaos
9 convidtus fuit , ad domum ejus ettor & tanatm de fo^
D* A L s A C E.
43Î
manière d'exécutions, & levées des amendes, chaftelenie
de foixante livres & autres , efquelles les délîn- ^® . ^r^g^»
^ . ^, \ . Ti 1 .« maintenant
quants viennent à eftre condamnés. II bailla pa- jg Fnncq.
reillement à ceux de la chaftelenie de Bruges que
,, acdpiatur^ unde forefadam comiti teddatur. Quod fr
,, non habuit» accipiamr ad propriam ipfius perfonam.
^ Si verô fidejuflbrem pro fe coniUtuit, & fidejuflbr red-
^ dere dlfiêrat , donec jultidam conûds inde fnper eum pla«
^ dtavit , fidejuflbr in duplo puniatur , û licet in aliis negotiis.
^ Quicumque fidejuflbr conftitums fuit ÔC donec fupei
^ eum pladtetur, fadsfacere diftulit, puniatur in duplo.
« ,, Si quis fedt forefaâum LX< iibrarum « fummoneatuT
,, ad domum fuun; quod û non babuit, fummoneatur ia
,, pladto.
M Et fi infilk triduum non venit , conviâus fiiit. Nul-
^lus bominem habeat in Gandavo niû de faidâ vel de
«y feodo: qui verô habuit 6c convidus fiiit, eritinmife-^
„ ricordiâ comitis de LX. libris.
Manufc, d^ Mr, van Hulthem.
L*ordonnance fuivânte, dont ne parle point Oudegberft«
concemoit toute la Flandre, & c*e(l pour cette raifon que
nous nous déterminons à la donner aufli en entier.
V ^ Hsc funt punâa quae per univerfam terram fuam co«
,, mes obfervari pnecepit:
^ Primo , qui bominem occidit , caput pro capite dabit.
^ Item ballivus comitis poterit arreftare bominem qui fo-^
,, refecit, fine fcabinis, donec ante ,fcabinos veniat & pet
^ confiHuni eorum plegium accipiat de forisfado. '
M Item fi ballivus volens bominem arreftare, non poterit
,, & auxilium vocavit, qui primus fuit & ballivUm non ad-
I, juverit, in forefaâo erit, ficutfcabini confiderabunt , niû
^ forte oflendere poterit quis per fcabinos , quod itle qui
^ trrefhuidus erat , inimicus ejus iit de mortall faidâ, &
^ tune -fine forefado erit, licet ballivum non adjuverit
^ td capiendum inimicum fuum. . -^
ff Item ballivus comitis erit eum fcabinis qui eligent pro^
jy bos viros vill» ad faciendas tallias & aflifas. Sed eum tal-
^ liabunt fcabini vel judicia fadent , vel inquifitiones veri-
^ utis , vel protraâiones , non intererit ballivus. Aliis
^ autem confiliis qus ad utilitatem villse pertinent, balli-
^ vus intererit eum fcabinis. Scriptum autem talliae & affifas
I, reddent fcabini ballivo, fi poftulavit.^
lyltcm ballivus accipiet forefadum tdjudicatum comiti
43t PHILIPPE
Ton dît le Francq , ordre & règle pour teûir H
vier/ckarcy Se faire raifbn aux parties, dont il
leur bailla lettres qu'ils appellent la heure ^ lef*
quelles
^ per fcabinos , ubicumque illud invenit extra ecdefiam
1, 6c ubicumque accipi débet per fcabinos.
^ Item qui bannicum de pecuniâ receptavic , eâdenr lege
^ pecunis tenebitur quâ banuitus , niû fuit capice banni-
^ tus qui receptatus eil» & tune eum receptans tenebicoc
^ forefado LX. librarum. Quod fi vir domi non fuit & uxor
„ ejus bannitum receptavit , redienfque vir tertiâ die mana
^ proborum virorum jurare poterit quèd bannitum in do-
^ mum fuam receptum eue nefcierit , fine forefaâo rema-
n nebit. Si autem in abfentiâ mariti , uxori prohibitum fiiic
^ à ballivo per fcabinos ne bannituin receptet , de cetero
^ non poterit eum fine forefaâo receptare.
,9 Item , domus dimenda judicio fcabinorum poil quinde-
y nam à fcabinis indultam , quandocumque cornes perceperit
^ aut bailivus ejus , dirùetur h communi villas , campani
M pulfatà per fcabinos- £t qui ad diruendam domum illam
^ non venit, in forefado crit, ficut fcabini conftderafount;
M nifi talem excufationem habuit quae fcabinis fufficiens
„ videatur^
^ Item , pater non poterit fprisfacere domum vel rem fi-
^ liorum quœ eis ex parte matris defunâae. contingit ; ne.
^ que filii poterunt forisfacere tem vcl domum patris que
„ ex parte patris venit%
„ Item , fi homo per fcabinos domum fuam fine fcampo
„ invadiavit, eam forefacere non poterit, niû falvo catxelio
99 ejus qui domum illam habct in vadio..
n Item , de quindenâ in quindenam habet cornes & bal-
,, livus ex parte ejus veritatem fi voluit, de his qui ban-
„ nitos reccptaverunt.
„ Item , fugitivus de aliquâ villa pro debito , Q in aliâ
,9 vilIâ inventus fuit, arrefiabitur & ad viliam de quâ fU-
„ gerat reducetur , 6c judicium fcabinorum iilius ville fù-
„ bire cogetur.
„ Item fi quis vulneratus fuit & videatur fcabinis quod
„ non fit vulneratus ad mor^em & pofteà de vulnere illo
„ mortuus fuit, fcabini nonerunt in forisfado contra co-
9, mitem, quia minorem plegiaturam acceperunt de eo qui
^ illum vulneravit , qijàm i\ mortaliter fuiflet vulneratus.
Manujç. d^ Mr. van Ùultbtm^
b^ A L ^ A d ï!.
4sâ
(quelles contiennent plufieurs articles , & entr'au-
tres que nul du Francq ne fera baftard de par
txL mère , /ub hh verbis : Quidqutd muiteri contins
^ere poteft ex parentibus , hoc fiiio fud cont ingère
potefi , Êf fequitur. Quidquid homo filio fuô for^
nicatio dat fine conditioner hoc poft fnortem ejuP
tlemfi/ii devenire poteft in parentes matris pueri;
fi autem à pâtre conditib aliqha fuper donations
illâfaEta fuerit , conditiii ohfervanda erit poft mor^
ùm prœdi^l pH^ri ^ par ou appert qu'un Francq,
hofte (a) peut laifler à fon enfant bàftard tout cb
qu'il veut , foit foiibs condition , ou autrc'ment.
Itemi quicu^nque fcurram hofpitaverit ^ plufqiiàm
und no£feiyfi ih craftino ahfceâère noluerit\ pot erit
€um Dominus ifi aqiiam projicere , abfqke forefaSfd.
liem , de furto qui protraètus fuerit , dabit iUi qui
fuum abftuîit ^ aftimationem rerum fuarum ablatd-
rum 5 ^ comiti & caftellano très Vibras , fif duos
j)ïegios ftaiuet cbgnitos ^ quod deinceps defiftet ^
quemlibet eorum pro tribus iibris^ Si ille poftmo-
dum ceciderit , ^ eum plegii adduèere nonpoffimt ,
tune jurabunt eum adducere non pojje. Quod fi
poftmodum de furto ifyipetitu's venerit ^ purgabit fé
judicio frigida aqu<e in fuo corpore tantum. Le-
quel article femble donner aux franc hottes liber-
té de defrober. Ladiéte chaftekni^ de Bruges , que
noiis appelions. le Franc, appartenoit anchiene-
ment à un feigneur particulier qui s'attituloit ,
chaftelain de Bruges , lequel ^mpétrà les fufdift
ordre & prévilègei^ dudift côîîté Philippe; qui
paflant par Audenarde avant fon partement vers
la terre fainfte, donna à icelle ville prévilège de
pouvoir jouir perpétuellement des couftumés &
loîx dont ufoyent ceux de Gand , afFranciffant
eutre ce lefdifts d'Audenàrde du meilleur ca-
N'ui ià
Francq bai-
tard de ps(^
fa mère.
Privilèges &
ceux d' Au-
denarde ^ac-
cordés pàl
le conté
Philippe^
^) Habitant du Franc.
Hh
Morte-
tnain.
Mcillcurca-
theîL
Donkerke*
Tctiremofi-
de à Guil-
lanme de
434 PHILIPPE
theilCs), de la inorte-maîn , & de toutes aotrc*
fervitudes, faulf qu'en fes néceffitez ils le fervi-
royent, comme leur prince & feigncur naturel,
comme appert par fes lettres fellécs & fîgnécs
de Gérard, prévoit de Lille, Jean , chaftelain de
Bruges, & Michiel, coneftable de Flandre, en
.date de Tan mil cent quatre-vingts & huiâ. D
affranchit auffi ceux de Dunkerke, qu'il appelle
Burgenfes de novo oppido de Dunkerke^ quos m
condu&u meo & pro$eâione fufceperam , de tous
tonlieux, faulf ceux de Sainft Omer. Je treuvc
qu'au temps de ce conte Philippe, la ville de
Tenremonde appartenoit à un nommé Guillaume
de Béthune & Machtilde fa femme. Et Audenar-
de appertenoit à une dame Richilde, vefve de
GuiUebert d'Audenarde^ laquelle avoit du fils,
appelle Arnulphus. ^
Oadegherd
au chap*
1X2.
^3) Le meUleiir cathtiU cathet on eathcu étott le neuble
le pios précieux, que Tufage fondé fur U fervioide accor*
doit au fouverain , après la mort de chacun de fes vaj&nx.
Selon Meyems , Philippe aflâ-anchit de la même fexvîouk
les halHtans de la viUe d*Aloft.
CHAPITRE LXXX.
Comment V empereur Fridirîc vînt en la ville de
Quefnoy aux noces du conte de Hainault & de
madame Marguerite de Flandre^ & cowmeut
Mahieu de Flandre renvoya madame Marina fi»
abbaye^ dont il Pavoit ravie •
PEu après le décès du conte Thiéry de Flan-
dre , la fefte & folemnité des noces de Baudouyi
de Hainault, & de madame Marguerite de Flsm-
D' A L s A C E* 435
*éré(i),fœur du conte Philippe , fut tenue en la
ville de Quefnoy, où fc trouva mervcilleufement
grande noblefle, & entr'autres Tempereur Fré-
déric en équipage & compagnie digne d^une ma-
gefié impériale* Lequel empereur en pleine table,
6c en préfence de plufieurs grands princes, &
barons^ lors illec aniilants,i}lafma bien bl'ufque-
ment à Mahieu de Flandre, Toutrage par luy
commis ^ au iraviflement de madame Marie de Bou-
longhe, quMl avoit ptins à femme, & laquelle il
avoit prins par force du mohaftère de Mdnftreul
^ù elle eftoit abbeflTe, luy reprochant entr'autres
propos , qu'à raifon de ce il n'eftoit digne &
ne méritoît d'eftre receu en compagnie de gens
de bien; au moyen de quoy, & mcfnies, revo-
tant tn mémoire ce que fon père touchant le
inefme affaire luy avoit dift eftant en fon lift
inortel, ledift Mahieu fe repentit grandement de
ia fufdifte faute , & après en avoir demandé par-
don à madame Marie fa femme, la renvoya de
ion confcntcmcnt en fon cloiftre, & depuis le-
Marîi^l
au conte de
Hainault,^
de madame
Marguerite^
^Jesiump^
tueufes no-
ces qui fc
tindrcnt à
Quefnoy.
L*eBii>ereur
Frédiiric
bîafmc&rc-
proche etf .
pleine table
à Mahieu de
Flandre le
raviflement
qu'il avoit
faiâde ma-
dame Marie
de Bouloft-'
gnc«
(t) Une j^aiticularité remarquable dans cette UBioa^c'eft
que Philippe donna pour dot à fa fœur Marguerite cinq
cents livres de revenu annuel à prendre fur la ville de Ba-
paume. Cène doc étott bien différente de celle que ce môme
prioce accorda enfuite à fa nièce Ifabelk i lorfqu^U la don-
na pour épbufe I Philippe- Augufté , roi de France, pnifqu^U
acheta cette union brillante au prix d*une partie de fes do-
Inaines , c^eft-à-dire « par la conceifion des villes d'Arras ,
de Bapaiime , d'Hefdin « de St. Omer ; de Lens, â*Aire À des
autres villes (ituées ea-deçà de la Lis. C'étoit prouver que
la j^oire de fe voir allié à un monarque puifiaat tfvoit plus
â*empire fur fon cœur que les mouvemens de Tamidé fîa-
temeUe. Heureux encore » fi cette conceffioa imprudente
H^avoit pas été pour la Flandre le germe d'une longue
Alite de malheurs t Au refte , le premier fruit de l%imoa
de Marguerite d'Alface avec le jeune Baudoin , fut de rap-
furocher deux maifoas depoif leng-iems jaloufes A enne«
mks Tune de l'autre.
H h 2
Meyer.att
1169.
Vie de
Louis le
Jeune au
rec,des hi(l#
deFr. 1. 12«
Chrott
Toul.
Xbid.
de
irfeyer. HtL
1169.
Lolx «c
privilègef
donndi k
ceux do
(findpsrle
ronce Phi-
Uppc*
4^6
PHILIPPE
& entretint le païs de Flandre en bonne palx&
Judicc, volrci davantage, qu*aucun autre de
tout fei prédéccflcurs. Il fit grandement réparer
le chadeau de Gnnd , où par Ton commandenleflc
la porte devant fut édifiée, mais Je ne trouve,
qu*il ayt fondé aucun cloiilre ou monaftère. D
donna à ceux de Gand leurs premiArea loix, kHh
reSf ou privilèges, IcOiucU de Gand, il appelle
oppldanos meos caftri gandenfii ^ par unes leu
très quiçommenccnt : /Afcr^y? lex^cottfuefudo{i)^
(0 Aucun dci ]ii'dd^<'e(rcur« de Philippe d*Air«ce fict*ap»
pllqi^ avec tucnnt de ioin que lui à donner de boimei
loix h ie» fuJcCH. Noun rcgrcttonf de ne pouvoir Icf /airi
connottrc tnutcH en leur entier. Ce ferolc le ubleiu le phu
cxad que Pon pourroïc faire de Ton adminiitrotion & de«
mœurn de fon tcmpu ; mai* un roft^nilcrlt précieux qu'abica
voulu me conflcr M. Van Hulthem, mon ancien ^UveA
mon ami, me mec à portée d*en faire connotrre plofleurt*
ftinfi que quclqucn traitée que la proteâion « qu*U aecof*
doit au commerce de fei fujcta « lui fit fotliciter «uprèf U
quclqucN princei voiHnf. Noua rapporterona d*abord ea
entier le décret légiHatlf donné aux Gamoia, âç dom Ou*
deghcrd ne cite que quelque» article! :
Manufc. do m H«c cil Icx 6c confuctudo quam Philippui Itlttûrif
Mr. van ^ Ftandrin ^ Viromanduas comei Gandeniibui obrervafti
HuUhem. ^ dam inaituit :
„ Si aliquifi vulnua fecit alicui infrà miliarc ab oppido,
^ 6c illud ifi verltflt'e fcuhinorum agnofcatur de quicumqui
99 re faétum flt ad domum in qiià llle manet qui vulirai
„ impofùit per fcabinoa 6c per juditlam c#micia fumno»
M neatur. Qui fummonicua* il fcabinia fe prarfentct, veri*
H tatc inquifhâ de illo qui vulnua impoAierity per LX. librai
„ forcfa^um illud emcndct ; 6c il fcabini fclunt quod vu^
M nuM non fccir « liber 6c in pace permanebit. tfi autem
^ die quA Aimmovchltur« fe non praîfcncaveric , remanebfe
„ in forUi'aAo LX. llhrarum' Kc il fcabini noluerinc do*
I, mum ejua proilcrncrc 6c in ref^eékum ponere , fed ea
^ p, toto condonare non podunt, nifl voluntate comitij.
H Si vcr6 quif uliqucm in dnmo AtA «illluerit , undt
M clamor fnÂuM Ht , fcabini 6c juilitia domum ibunt prfifpl«
,9 ccre«6c H fcubinlpoterunt videra afAiltumedb apparentem,
f, iile (le quo clamur fadua eit , Aimmoneri 4/Bbec. fjui il
D* A L s A C E; 43?
cliand, ordonna que leur compte fe feroit par de-
niers & mailles, & fit forger à Ausbourch les
deniers , & à Aix les mailles. Environ ce mefme
temps, fi comme en Tan mil centfeptante-quatre, ^^° ^^^^
Thîéry, conte d'Aloft, feigneur de Bévere, & Union
cTiaftelaîn de Dîxmudç, trépafla, & fuccéda la ^,^^^ •
conté d'AIoft à Philippe , conte de Flandre. Et
n'a depuis ladîfte conté d'Aloft jamais elle fé-
parée de celle dudift Flandre. Mais Bevere &
Dixmude vindrent à un fien coufin, nommé fem-
blablement Thiéry,- je ne fcay , fi ce fut par fuc-
ceilion ou par don que !uy en pourroit avoir eu
faiél le conte Philippe, lequel confirma les pri-
vilèges que le fufdift Thiéry avoit donné à la Morte-
ville d'AIoft, touchant la morte-main & la half "'^^"•
hâve (4), comme appert par fes lettres données Half havc.
audift an en fa ville d'Aire , & fignées de fa pro-
pre main , enfemble des figues de Pierre , fon frè-
re, de Robert, chancelier de Flandre, de Gherard
de Menin & de fes enfans , de Raefle de Gavre ,
de Gautier & Gherard de Sottcghem, de Ghe-
rard de Plaflel, de Jordain de Raflingheni, de
Zegher, chadclain d'AIoft, d'Albert de Crombo-
deghem, de Guillaume & Ywete de Liedekerke,
de Baudouyn de Windeke & d'autres. Au temps .
de ce mefme conte , un coral (j) defrobit en l'an
mil cent feptante-cinc fur un autel en la ville L*an 1175,
d'Arras deux hofties confacrées , & les porta au
(//} Perfonne attachée au chœur d'aune égîife,
(4) C'étoit, comme nous l'apprend Oudegherftiui-méme,
au chapitre 112, de ces annales, un droit de fervitude qui
accordoit au comte de Flandre , à la mort de chaque elclave
du fexe mafculin, trois deniers & la moitié de tous fes
biens meubles. Pour une femme efclave, ce droit n'dtoit
que d'un denier avec la moitié des meul)les. Les nobles
même & les hommes libres étoient alfujcttis à ce droit:
à leur mort, on payoit deux marcs de Flandre au comte, *
qui en outre «'attribuoic la moitié de tous les meubles.
4î8
PHILIPPE
Cbofc mi-
iraculeufc ,
touchant le
faind facre-
mc de
Autc},
^A
Le conte
Philippe
«rend la
iainde
Croix pour
faire Ion
premier
voyage vcri
la terre
fainde.
logis dont Tune partie (a) en trois , donna fan<r
té à trois perfonnes malades, l'autre tirée'^d'un
linge, auquel elle'feftoit enveloppée, fembloiteftrc
dçmy-chair, demy-pain. ^
chapitre; lxxxl
Comment te conte Philippe entreprend pour la pre-
milrefois la conquefte de fa terre fain6te^ fif de%
armes que chevalereufement il gaigna fur le roy
d^Albenie^ dont les contes de Flandre laifant les
anchiènes ufent encoires pour lefréfent^ avec aw
très chofes mémorables.
AUdift an mil cent Tept^nte-cinc Philippe,
conte de Flandre, meu de bon rèle (auquel
comme par fucceflîon, ont tousjours hérité les
contes de Flandre) quMl avolt au fervice divin,*
à la propagation de la Foy catholique , affln auffl d'eu
rien ne démentir la vertueure tyge, dont il eftoit
yffu, priât en Téglife de fainft Pierre à Gand,
la fainfte Croix en grande magnificence, pour
faire Ton premier voyage yers la terre faînfte,
comme femblablement firent avec luy & à fon
exemple plufieurs nobles, barons, & feîgneurs
de Flandre (i). Nonobftant quoy, & que toutes
çhofes néceflaircs pour fon voyage eftoyent ap-
Auétaç.
t^uicin<^.
OO Avant de former le projet de paflcr en Afie au fc-
conrs des chrétiens , Philippe avoit fait la guerre en Nor-
mandie, en qualité d'allié de Louis le Jeune, contre Hco»
ri II. , roi d'Angleterre , ôc il s'étoit fignalé dans cette
guerre , ainfi que Matthieu, fon frère , qui y perdit la vir
PhiUppus cmn fuis Flandrenfibus trts munitionts fUrnmdcun
fellinatione ccpiu Matthaas verb .... fagittd vulntraW
Uthaliter^ ibi non multb poft ohUt. La mort de Matthieu af-
fligea Philippe, qui perdoit par-là refpoir qu'il avoit conçu
que Matthieu , plus hcui'cux que lu^ dans foii nouvel bf*
D' A L s A C E.
439
jyareillées : ledift conte Philippe , ayant entendu ,
que Jacques d'Avefnes s*eftoit rebellé contre le
conte Baudouyn de Haînault fon feigneur natu-
rel, & beau-frère dudift conte Philippe, il vou-
lut avant partir affifter fon dift frère, & de faift
antra avec fes gens au païs de Hainault, où il
defmollift aucuns chafteaux & fbrterefles appar-
tenantes audift Jacques : & puis tira en fon païs
de Vermandois, où il print-& confifqua à fon
prouffit, aucunes places que ledi<ft Jacques avoit
tenu audift païs. Et cependant le conte Bau-
douyn , d'autre collé aflîégea & prinfl la ville de
Côndé , dont il fit mettre bas les portes & mu-
tailles; au moyen de quoy la rébellion & orgueil
dudiél Jacques d'Avefnes , defquelles il avoit ufé
contre fon prince & feigneur lige , furent punies &
chaftoyées (2). Et Vm enfuyvânt , environ le
Le conte
Philippe
faiâ guerre
àjacques
(T Avcfnes ,
qui s'elloit
rebellé con-
tre le conte
deHainault»
La ^lle de
Cond<i prin:
fe par le
conte de
Hainault.
Vtn 11.75.
mcn,, lui donneroit un héritier au comté de Flandre. Ce
fut alors qu'il engagea Pierre , fon firère , à renoncer à fon
éledion à l'dvéché de Cambrai, comme nous l'avons ait
ci-deflus , note 7. du chapitre 77. , p. 421 .
(2) La caufe de cette guerre entre les comtes de Flan»
dre & de Haynaut d'une part & Jacques d'Avefnes dé
l'autre eft altérée par Oudegherft. Jacques d'Avefnes , fei*
gneur puKfant dans le Haynaut de le Vermandois , n'avoit
point déclaré la guerre à Baudoin; mais il avoit fait aflaf*
finer Robert , prévôt d'Aire , chancelier de Flandre , &
nommé depuis peu à l'évéché de Cambrai par la favcut
de Philippe. Robert, que le comte de Flandre avoit élevé
du rang le plus bas aux premières dignités de l'é^lifc ,
s'étoit rendu odieux par le crédit qu'il avoit ufurpé fulF
l'efprit de fon maître qui ftxivoit aveuglément toutes fes
impreffions. Il avoit accompagné Philippe au fiège dfe
Rouen , & il y avoit eu une vive altercation avec Jacques
d'Avefnes. Robert ayant abandonné l'armée pour rcvenit
en Flandre , Jacques d'Avefnes le fit aflalTmer prés de la
ville de Condé. Ce fut pour Venger la mort de cet évé-
que^, que Philippe & Baudoin prirent les armes. IInnc
cornes exbaredavît quo ufque Flandrtnft cum 15. comttibus
4C 2. ducibm jusjurandum darc vclUt , fccleris hujus con-
CHiron.
Gaufrcd.
Vofiens. au
rec.dcshill.
dePr.t. 12 f
P.44S.
'4c*o
PHILIPPE
pc Flandre
qù\ accom-
jwiîjncrcnt
Je cnntt Phi-
lippe au
d*outre
mer.
Le conte
Philippe
allant au
fa in et voya-
gea; pa (Tant
pnr îtilïc
appiifc le
diHcicnt
que long-
temps avoit
duré, entre
rcmjicrcur
Ffc'ÎOrJç de
le p^ipc.
Quafimodo (3) , ledift conte Philippe accompa^n^
ae Robert, advoiic de Céthune,Gherard de Tour-
nay, Henry, chaflclaîn de Bourbourch, Rogîcr,
cliaflelain dcCourtfray, Henry de Morfellc, Rafie
de (îavre^ & de plulicur5 autres barons & noble*
de Flandre, fc mit en chctnin pour faire fon pre-
mier voyage outre tncr, & expïoicta tellement par
fc» journées , qu*il parvînt aflcx tofl: apri» aux
Italien, oti il fit l^omraage à l'empereur Frédéric
de fa conté d'Alofl, qui puis nagucrrc» lui efloît
efchcue , & ce en la cité de Ravcnnc , où il fé-
journa pour quelques jours 9 af{in d'ayder à ap-
paifcr le dilR-rent , que plus de vingt ans avoit
duré, entre le pape & ledict empereur Frédéric,
au grand détriment de Téglife, & indicible fcan-
dalc de la république chrcftienne. Lequel diffé-
rent nénntmr)ins fut finablcment par la diligence,
bon efprit , & prudence du comte Pliîlippe de
An<*tan
iqulc. an*
IMd. ati.
IWd. an.
V7H' fit
1177.
fcium fc non fulffe, D'Avcfnei fc réconcilia enfuitc avec fe^
vainqueurs 9 qui lui rendirent Tes poflcilionf , par la médian
ti(in de Henri « archevêque de Rheima. Ce qui avoit
fur tout engagé le comte de Haynaut ii féconder Philippe
dati» la vengeance que celui-ci voiiloit tirer de J, d*Avef«
ne» , c*eft que Robert étoit en quelque forte fou» fa fauve-
garde, lorC^u'il fut aiïaflitié , ce prince lui ayant donné
^n gentilhomme de fa co^ir pour Tefcorter jufqu*ii Cam-
brai , oii il alloit prendre polTefflon de fofl évéché. Deux
an» npràn, Jncquc» d*Avefnc» fc révolta contre Je comte
de llainîtut. Celui-ci aidé de Philippe porta le fer de la
flamme d^ini le» poffcflion» de ce vaffal inquiet & turbu-
lent. II9 détruifircnt quclquesuoc» de fe» forterefléf âç
gardèrent le» autres.
(3) Philippe, qui avoit pria la croix en 1175., oc partit
qu'au printem» de Tannée 1177* pour la terre fainte, où il
arriva au commencement d'Août de \t, même année. Avant
fon départ', fe voyant fan^ héritier ôc ayant eu la douleur
de voir mourir dcpui» peu Pierre, fon frère. Il avoit io-
nitiic ^]{lrguc;rite , fa fceur, pour lui fuccéder au comté de
Flandre.
D' A L s A C E.
44X
Flandre , eflaînft & aflbupy (4). Au moyen de
quoy , le conte Philippe fe remit en chemin &
continua de forte , que peu de temps après il
parvint en la terre fainâe , où il fut reçeu avec
grand plaiCr du roi ^ & de tous autres princes
chreftiens. (5), Lç diable toutesfois qui conti-
Le diable «
père du dif-
corde.
(4) n s*agit ici da fchiTme terminé à Venife tti mois
^*Août 1177. & qui avoir commencé en 1159. à Tocca-
iion de deux ptfpes Alexandre 111. & Viâor IV. , and-pape.
Viftor avoir eu pour fucccfleurs dans fon obédience Paf-
cal III. & Calixte II. Enfin Alexandre III. fut reconnu
pour le véritable pape. L'empereur Frédéric L , qui avoir
été battu k la journée de Lignano & qui jufques-lii ayoit
entretenu ce fchifme fcandaleux, fe prêta volontiers à la
paix , à laquelle d'aiUeurs il étoit puiiïamment excité par
les exhortations de l'archevêque de Cologne. Louis le Jeu-
ne contribua beaucoup auifi à cène réconciliation , comme
l'avoue Alexandre III. lui-même dans la lettre qu'U écrivit
à ce fujet à l'archevêque de Rheims.
Cs) Le tr^ne de Jérufalem étoit alors occupé par Bau-
doin ly., fils d'Amauri, mon depuis 4. ans. La jeunefle
de ce prince, qui n'avoit alors que dix-fept ans, étoit peu
capable de réfifter aux armes de Saladin , foudan d'Egypte,
le plus mortel ennemi des chrétiens, qui reprirent courage
à l'arrivée de Philippe. Il avoir abordé à St. Jean d'Acre,
où il fut reçu avec les diflinâions les plus flattcufes par
les prélats & les princes croifés. Le roi , du confcnteraent
des grands de fon royaume , lui en offrit l'adminiitotion
avec l'autorité la plus illimitée. Philippe la rofufa , s'excu-
fant fur ce qu'il n'étoit venu que pour rendre hommage
apx lieux faints, pour obéir & non pour commander. Il
alléguoit encore que le foin de fes états l'obligeroit bien-
tôt à retourner dans fa patrie. Il s^agilToit de faire une
expédition en Egypte. Philippe refufa de s'y aflbcier, & ce
refus indii^fa contre lui les princes chrétiens. Guillaume
de Tyr, témoin de tout ce qui fe paflbit alors en Palcf-
tine , femble imputer rirréuCite du f:è^^e de Harenc à Phi-
lippe * qui ne diffimuloit point que c'étoit à regret qu'il
avoir pris part à cette expédition , propos indifcrets qui ,
félon le même hiftorien , découragcoient les afliêgeans &
relevoicnt rcfpoir des alliéj^cs intoiits de tout ce ^ul fc
pîFoit dan; le camp des chrétiens.
Chron. de
Tours.
Chron. de
Rob. moine
d'Aux. de
St. Béni-
gne &c. ao
rec.des hift.
de Fr.t. 12,
Auôar,
aquicinâ.
an. 1177.
GuHl. de
Tyr. 1. 21-,
c. 14.
C. id.
C 8|t
♦4«
PHILIPPE
Le conte
PbiliDpc af-
fiégelechaf-
tel de Ik'
rtiicus.
Dcf&ite dei
Turcs par
les chref-
tiens'
L'ai) 1177.
L'aa 1178.
nuâlletnent veille pour troubler la/épublique chré*
tietitie, & empefciier les bonne» réfolution» d'iceU
k, fufcita tofl après aucuns difTérentz & débats
entre le conte Philippe & les Templiers qui
éfloyent illec i qui fut U caufe que ledift conte
laiflant la ville de IUdrufalem & le païs de Pa-
leftinc , fe joindit avec Boadmond, prince d'An-.^
tioche 9 & mit le fiège devant le chaflel de He^
rencus (a). Dont advcrty Salhadin ^ prince de
Surie (b) , de Damas , d'Egypte , roy des Turcs
& fouldati de Babylôrte, fe perfuadant que toute
la puiflance des chrefliens fe fut tranfpottée au
fiëge du diél HerencuA^^ & que Hiérufalem feroit
partant fans garde , il tira celle part avec vingt
& fiX mille combatants , & efpéroit emporter la
ville fans coup férir. Mais il fe trouva bien de*
ceu de fon opinion 9 pour autant que moyennant
la providence & volonté divine, il fut rencon*
tré à rimpourveu d'une petite troupe de chref*
tiens 9 qui le mirent en ddfarroy 9 le conftraîn*
dant fuyr 9 & fe faulver en la ville de Damafco,
Ce qui , advint environ la fainft Andrieu de
Tan mil cent feptante-fept ^ & cependant qu'avec
le prince d'Antioche 9 le conte Philippe de Flan-
dre tenoic fon fiège devant lediél chaftel de He«
4'encus9 auquel ils n'avoyent encores rien prouffi-
té ; ce que confidérant le conte Philippe , & mefmes
le peu d'apparence qu'il y avoît'd'y faire quel*
que chofc, print congé dudîft prince d^Antiochc,
 retourna avec fes gens vers la cité de Hléru^
falem, tant pour vifiter le roy Baudouyn fon
coufin germain, que pour veoir la fépulture de
madame Sybille fa mère, qu'il n'avoit encores
veue: & de faîft, Icdift Philippe fit 4es pafques
de l'an mil cent feptante-huiél en la fainâe cité.
(j) llaune.
W Syrlh
D* A L s A C E,
44S
puis paffa outre , & fit fon pèlerinage vers feînfte
Catharine au mont de Sinay; & à fon retour il
fut affailly d'un bon nombre de Turcs, contre
Jefquels néantmoîns il fe deffèndit, vigoureufe-
Itient^ mefmes combatit corps à corps un prince
Turc qui eftoit àt ftarure de beaucoup exçédente
)a commune des autres hommes , & au refte bien
^droiét& vaillant, qui néantmoiûs fiitdeSaift pat*
}e conte Philippe, lequel luy ofta fes armes,
qu'il porta tousjours depuis, & font celles fans
autres, que les contes de Flandre portent en-
core le prêtent, fçavoir un lyon de fable à un
phamp d'or, laiflant au refte fes précédentes;
que les autres contes fes prédécefleurs avoyent
porté , qui eftoyent telles que vous avons dé-
peint au commencement de cefte hiftoire, &
s'appelloit (félon que par, aucunes hiftoires fe
trouve par efcript) le prince Turc, que le con-
te Philippe defpouilla & de fa vie, & de fes ar-
mes, Nobilion, roy d'Albenie (6), Et peu après
le conte Philippe fe mit en cheminpour retout-
per en Flandre (7),
Le contf
Philippe
faiâfespa(«
ques en U
cité de Uié-
rufalem.
Le conte
PhiUppe
defiâiâ le
roy d'Albe-
nie , fur le-
quel U gai-
gne les ar-
mes que les
contes de
FlaBdre
portent en-
cores pouf
le préCeot.
(6) Guilliume de Tyr ne parle ni du VoySge de Philippe
tu mont_Sinaï, ni de fon combat contre Nobilion. U dit
feulement 9 qu^après ayoir levé le fiège de Harenc » U re-
vint à Jérufalem , où il paiTa les fêtes de Pâques & fe di^
pofa fur le champ à retourner dans fes états. Cette snee-
dote paroit donc être fort hafardée. Il eft plus probable
d'ailleurs , félon Meyerus , que les comtes de ^Flandre n'ont
adopté le lion que pour fe diftinguer dés autres princes
croifés; car, comme nous l'avons déjà dit, c'cft au ten»
des croifades que paroit remonter l'origine des armoiries.
(7) Guillaume de Tyr , en parlant du départ de Phi-
lippe , fait clairement entendre , que fa conduite dans k
Paleftice n*avoit pas été généralement approuvée. Cornes
, FUzndrîa . . , , ad reditum fe parât , aptatisque galets 9
-navihus ad onera devthenda necefariis , navigathnis fués
itr arripuit , in nulh relin^uens poft fc in btnediSionc me-
mtriam.
Ibid,
Ibid.
PHILIPPE
Débats en-
tre les mar-
Flandre &
de Coulon-
gnc.
CHAPITRE LXXXIL
Comment le conte Philippe^ à fon retour de la ter^
re fatncte^ praStiqua P appoinêtement d^ entre les
marchands dé Flandre^ ^ de Coulongne^ & du:
mariage de madame J'fabeau de Hainault 9 niepce
' dudiêt conte Philippe , avec le roy de France ; en*
femble des terres qu'yen avancement dudi& ma'
riage^ le4i£l conte Philippe donna avec fadiStc
niepce.
PEndant rabfence du conte Philippe de Flan-
dre, plufieurs ddbats & queftions fe meu-
rent entre les marchands de Flandre, & fignara-
ment de la ville de Gand d*une part , & ceux de
Coulongne d'autre , à raifon que lefdiéls dç
Coulongne vouloyent fouftcnir que le marchand
de Flandre ne devoît fréquenter le Ryh, n'acha-
tcr les vins es Allemaignes; mais qu*îl eftoit
obligé d'attendre que le marchand de Coulongne
les lûy menaft en Flandre. Au Contraire ceux de
Flandre fe fondoyent fur les privilèges qu'ils
avoyent de l'empereur, maintenants qu'il leur
eftoit loyfible & permis de hanter & traffiquer
fur le Ryn, & de tranfporter toutes fortes de
marchandifes audiél pais de Flandre. Néant»
moins, non-obftant toutes leurs bonnes raifons,
lesdifts Flamens ne profitèrent guerres; lefquels
toutesfois advertîs du retour de leur conte Phi-
lippe, & mefmes qu'il pafleroît par la ville de
Coulongne, conceurcnt une meilleure efpérance
fur Tévènemcnt (j) de leur débat, au moyen de
quoy, & princîpallcment pour^fatîsfaire à leur
devoir, allèrent en bonne compagnie vers ledift
Philippe , qu'ils rencontrèrent guerres loîng du-
dîft Coulongne, & auquel, après les deiies con-
gratulations faites à caufe de fon heureux re-
ifi') Ijfue.
D* A L s A C É-
44^
tour 5 ils expoferent la fafcherîe que les marchands
de Coulongne leur fîti'byent , pryant qu'il y vou-
lift pourveoir, attendu mefmes que Tîntérefl de
leur querelle & différent eftoit conjuinct avjc
ceftuy de Tes païs de Flandre. En quoy auffi le
conte Philippe s'employa de forte que les deux
parties furent contentes fe fubraettrp au dire &
à la fente^ce arbitraire de Tévefque de Coulpn-
-gne , lequel , parties ouyes , appoinâa & pro-
nunça que le marchand de Flandre pourroit de là
en avant fréquenter le Ryn , & vendre & acha-
ter, charger & dcfcharger toutes fortes de m^-
chandifes à fon bon plaifir & volonté , dont il
leur donna lettres foubs fon fcel , en date de l'an
mil cent feptante-huift (i) ; lequel archevefque
CeÉx d»
Flandre 6c
de Cou 'on-
gnc fe fub-
meuent de
leurs diff<^
renrs à Tafr-
bitrage de
révcfque
de 6>>ulo]K
gner
L*an 1178.
^i) Les marchands gantois commerçaient depuis Iong-tem#^
librement fur le Rhin. Ceux de Cologne , jaloux fans doute des
progrès du commerce des Gantois , voulurent y mettre des
entraves & prétendirent que les marchands flamands n'avoientr
pas le droit de remonter le Rhin au-delà de Cologne. L'ar-
chevêque de Cologne, à la foUicitation de Philippe , leva
tous les obftacles par le décret fuivant qui fervira à re*
dreffer, en quelques points, la manière dont Oudegherft
préfente ce fait : „ Philippus , divinâ ' favente clementiâ i,
„ fanftae colonienfîs ecclefiae archiepifcopus , omnibus
^ Chrîfti fidelibus tam prscfcntibus quàm futuris in pcr-
^ petuum .... Notum efle volumus univerfis in ChrÛlo
^ renatis , quèd antè tempora praefulatûs noftrr, qua^ftio
^ qusedam inter cives colonienfes & inter cives de Ghent
„ moveri cœpit & ufque ad tempora noûra duravit ....
^ Quaeftionis autem hujus fomes & materia fuit qu6d ci'
^ ves de Ghent per alveum Rheni ad placitum fuum na«
t9 vigio afcendere fibi ]icitum efle jure mercationis dice-
^ bant ; cives verô Coloniœ afcenfum eis fuprà Coloniam
^ jure fuo negabant. Confiderantes igltur mala pîurima ex
^ hâc cohtroverûâ uûicuique parti obvenientia , partes
^ iioftras , ob gratiam domini noftri fereniflimi Romano-
^ rum Imperatoris Frederici , & ob petitionem dile Ai cognati
^ noftri PhiUppi illuftris Flandri» comitis , ôc propter fer-
,p.vitium pwediftorum civium de Ghent, cum confenfu ci-
y vium noftroruiQ interpofuimus pacique ipforum ftudentç3
Manttfc. ^e
Mr. van
Hulthem,^
440
Philippe
ketoiur dtt
tonte Phi-
lippe en foo
pays 4e
Flandrq.
Ceux dé
Bruses font
préicnt au
conte Phi-
lippe d'un
poifTon
monf-
privilégea pareillement, à la reqiieAe & iiiflante
pourfuyte du conte Philippe, le marchand de
Flandre dé champ de bataille (a) , fauf un cas
feulement, gui eftoit ceftuy d'homicide, accor-
dant en outre que de toutes dettes, il fe pourroit
purger par ferment réferiré celles dont par fuffif-
fante preuve pourï;oit fur le champ apparoir. Les
chofes fufdiftes . ainfi obtenues, & appoinftées
lecontç Philippe reprintfon premier chemin & arri-
va toftaprès en fonpaïsde Flandre, oùilfutreceu
d'un cbafcuii avecque un plaifir & contentemeni:
incroyable. Auffi eftoit-il aymé dé fes raflaux, at
fez plus que vous pourroye déclarer, lefquelslc
conduifoyent de ville à autre avec feus de joyc,
inftruments de mufique, & toutes autres maniè-
tes de pafle-temps , qu'eft accQiîftumé d'exercer
tin peuple bien affeftionné à l'entrée de leur bîen-^
îàymé prince, qui a efté long-temps hors du païs,
comme avôît efîé lé conte Philippe, auquel ceui
de Bruges firent lors préfent d'un grand poiflbn
merveilleufement monftfueux , lequel avoît éfté
priris à Oftende, & avoît ledicîl monftre la bou-
ché en façon d'un fcec d'aigle, & fur la cfefte
un bec en forme d'efpée, & avoit qiiarante-deui
Il e6 uf^ue rem perduximus quèd puis utrtqué unimmf
iy confenfU totum negotium noftro arbitrio ^ conftlio pn-
I, cifè fuppofuit. Commiïnicato itaque fidelium noftronm
„ co^ûlio , nos cum unanfmi totiu» colonienfis civitadtf
^ Confenfu conceffimus univérfîs mercatoiibus de Gheot
0 tam modérais ^àm pofteris , ut àfcenfus per alveattf
y Rheni eis ità pateàt^ quemadmodum ipiîs & eomm aute-
ls ceiToritms » ante motam litem t patebat , adliçieptes m
f, boc in perpetuum obtineant ; base , inquam , ft^tuentes t
y utriufque civitads jus falvum & iuteineratum t(fs volu-
n mus Ada funt b«c 9&no domiaicae i|ieanUiio«
^ w MCfcjwvm.
h' A t s A C ts
447
pieds de longueur (a)* En ces entrefaî^s, le
conte Philippe fut mandé par Louys, roy de
France, pour aflifter au couronnement de Phi*
lippe, fils dudift Louys , quMceluy Louys avoit
jordonné elîre faiél de fon vivant , encore que
Philippe , fon fils , fuft aflez jeune , lequel fuft
couronné roy de France par Guillaume , arche*
vefque de Rains, audift R,ains en Tan mil cent
feptante-neuf, préfentz Henry, roy d'Angleterre,
& plufieurs ducs 9 princes , cpntes , barons & autres
grands feîgneurs& peuples du royaume. En laquelle
journée le conte Philippe » qui y eftoit comparu
en très-bel équipage , porta l'efpée devant le
nouveau roy , comme prçmîer pair entre les con-
tes de la couronne (3). Et pou après » fi comme
-^n Tan ihil cent quatre-vingts , lediél conte Phi-
lippe de Flandre pxaftiqua le mariage d'entre le
fufdicl roy Philippe de France & madame Yfa-
beau de Hainault, fa nièce, fille de Paudouyn,
conte dudiéb Hainault, & de madame Marguerite
L^an 1^791
Mam^e de
madame
Yfabeao d&
foyPhiitppe
(2) Philippus cernes , Oàobri menfe , nverfus à fûts Flanf
irenfihus favorabiUtcr eft fiifccptus. Inter quos brugcnfcs
oppidani pifcem tnonftrofum , jam pridctn à pifcatorihus.
eaptum & fale cofiditum et obtulerunt, Habebat enim ad
fimilitudinem avis roftrum permaximum , & fuper caput
cartilaginem gladio fimillimam.
Cs) PhiKppe étoit fingulièrement eltimé de Louis le
Jeune , qui l'avoit engagé à l'accompagner dans un pèleri-
nage qu*il fit en Angleterre au tombeau de St. Thomas de
Cantorberi. Ce fut au retour de ce pèlerinage que le roi de
France fongea à foire facrer Philippe-Augufte , fon fils »
alors âgé de quatorze ans. Pour rendre cette cérémonie
plus augufte y il y convoqua les douze pairs , parmi le»«
âucls fc trouvoit Henri II. , roi d'Angleterre , comme duc
e Normandie. Philippe d'Alface y porta Tépée royale.
Lou{s Iç Jeune attribua alors à l'églife de Kheims la préroga-
tive jufques-là indécife de facrer les rois de France , parce
que Guillaume » cardinal de Sabine , légat du faint ûè^
& fon beau-frère , en^ étoit arçtievè^ue. Ce fiQre fe fit ie
premier Novembre if^.
aquicinéL
an. 117&
448
PHILIP P li
te conte
Philippe
donne en
ov»nt'cmcnt
du tuarïa^Q
de niKcl'tmc
t)ht c tout
ce (pilHl
fnyinicnont
de Ia cunt4
d'ArioU.
1a Couron-
ne de Fran-
ce retourne
k Tefloc de
Charlema-
gne « pur le
moyen de U
tnailon de
J^Undre.
de Flfttidrc, fœur il Iccliiy conte Phll/ppc, I^quéô
en a(Vnnccmcnt du fuCtliiSt maringe, dcMum^toinct
les Ville», terre», & fignorie» , qui font mainte-
natit de la cont<? d'Artois, (i comme Arrw C(\iA
efloit lor» chief-ville de Flnndre) Béthime, llcf-
din, Salnét Orner, Lcn«, Aire, Bapalmc» & au-
trc», qui font de- là le nœuf folTd, pour le» avoir,
jouyr * appréhender par ladlfte Yfabcau, oU
fe» hoir» d'elle aprè» le trépa» dudiék conte I*hî-
lippc & non alnçoll (a), lit furent Ic'fdltc» nd-
ce» c<îldbr(Jc» par Rogit-r, dvefque de Laon, en U
ville de Ihipalme», en toute la grandeur, trîum-
phe & magnificence dont on fe pourrolt advifer,
prdfentzA allKlant» le» conte» de Flandre, de Hali-
nault, de Namur , de (!lermont, de Ponthîcu,
de Sainél Pol , & autre» en très-grand nombre,
cftant lor» le roy Louy» gricfvement malade de
paralyfie , lequel mourut audi^l; an cent quatre-
vingt» C/\). Mai» avant paflerpUi» outife, convient
fiotcr, que par le moyen du fufdkt mariage, &
fuccelTivement par radiflence de la maifun de
Flandre , la couronne de France retourna en
Teftoc (b) & lignée de Charle» le Magne, pour
autant que le conte deUainault, & par cmifc-
quent.
rhron. de
1V)uri m.
1180.
Chron» dei
r«l» de Fr#
•u rcf. dc«
hirt. de Fr.
(a) Miii-m.
(^) Rae$^ eôU^llfinti
C4) Apréii It cdébr«tioo dci nôcci , Ifahcllc fut coo^
duluî flu monadére de JH. Denii pré# de ParU , ciû elle fat
couronnée reine de France par Uui t archevâ(|ue de Jkm» ,
didinâion qui ddplut beaucoup k lu reine mère 6c b Ta/'
chcvCque de Rhelmi 9 Ton frère* Il arriva pendant cette
Qétémmï^ un événement que refprit crédule de ce dtdt
regarda comme un préfagc certain de la gloire future àeê
deux éptiw%> Vn dei oAlcicri , chargé de maintenir le b<«
ordre pendant la cérémonie 4 caifa d'un feul coup de bt*
guette troifi lampei» « qui fe trouvoient au-deflUa du jeun«
prince âi de Ton époufe , ^ Thuile tomba for eux en
abondance* Toute IWcmblée applaudit à ce^ accident* le
regardant comne le ligne dei plui aboodoiitelb^flédiétloflé
du cieL
D' A L s A C E.
445»
quént, madame Yfabeau, fa fille, eftoîent defcen-
dus en direde ligne de madame Emergaert , fille de
Charles, duc de Lotrîce &de Brabant (5), lequel
(5) Hugues Capet monta "cn eflfet fur le trône des Car-
lovingiens en 987.; mais cette année n^eft pas certainemenc
celle de la mort du diic Charles. Ce prince difputa encore»
pendant près de quatre ans, un trône auquel les droits dtl
ûmg & la loi de l'état rappelloient. Fait prifonnier danar
la ville de Laon an mois d'Avril 991. ,' par la trahifon de
révéque de ce lieu , il fut enfermé avec fon époufe dans
la ville d^Orléans , & cette époufe y accoucha de deux fils,
Ea plupart des écrivains le font mourir en prifon. Tannée
même de fa détention. Ce qui rend cette opinion douteufe,
c^eil un tombeau trouvé , le Qècle dernier, dans Téglife de
St. Servais de Maëftricht 6c dont le favant Fapebroch t
donné une defcription. On y lit Tinfcription fuivante, dont
Quelques lettrçs ont été détruites par le tem^ :
En rétabliiTant les lettres qui paroiflent manquer i ceh^
infcriptioD, elle fera conçue en ces termes: Karoli copù*
II
450 PHILIPPE
eftoîc oncle, & deut avoir fuccédé au roy Loui^^
cinquiefme de ce nom , qui mouruft en Tan neuf
centz quatre-vîngt-fept, quand Hue Capet ufur-
pa la couronne de France , félon qu'on peut
plus à plein veoir par la légende de monfieur
faînft Renier , & comme le déduift Vincent im
fuo Jpecuh htftortalu
CHAPITRE LXXXIIL
Comment deux dherfes fois le conte Philippe entra
avec puijjance au royaume de France ^ & de la
paix qui fe fit par le moyen du légat de Rome
entre Flandre Qf lediâ France.
AUdift an mil cent quatre-vingts, & peu après
le décès du roy Louys de France , s'ourdi-
rent & s'efmeurent plufieûrs grands débats &
diflehfions, pour le goùverncmeut du jeune roy
Hs gencro/a ftirpis filii Lothvtci , fratrîs Lotharii Franco*
rum regum , anno Domini M, L Cette infcripdon prouve
que le duc Charles mourut l'an looi. & non pas Tan
991., non pas k Orléans, mais à Maëftricht dans la Lo-
tharingie, foit qu'il foit parvenu à rompre fes fers, foii,
comme le conjeAure le P. Papebroch , que cédant ii fa
malheureufe deftinée, il ait renoncé folemnellemeac ^ la
couronne par tendreffe pour les ileux fils qu'il avoit eus
pendant, fa captivité , & que leur féjour en France
pouvoit expofer aux plus grands malheurs. Chirrles aura
donc facrifié le titre de roi à fa liberté ôc à k fureté de
fes enfans. Quant au titre de comte que lui donne lin*
fcription, on fait qu'il eft fouvent employé pour cehii
de duc par les écrivains du moyen âge. L'infcription pré*
. cédente, que nous reproduifons ici fous fa forme antique,
a été gravée d'après une planche qu'a bien voulu nous
communiquer M. l'abbé Ghefquiere , qui l'avqit fait gra-.
ver pour l'inférer dans uo dqs volumes de fès aSaSS.
SclglL
î)' À L S- À C È. 4ét
j^hîlippe de France (i), entre Philippe, conte de
Flandre & de Vemiamiois, alfifté d'Eudes, duc de
Bourgongna, deThiéry. conte de Cnampagne,
de Baudouyn , conte de llainault & de Namur fon
beau-frère , de Hugues , conte de faînélPol , de Jac-
ques d'Avefnes, de Hugues d'Oyly, chaftelainde
Canibrày , &'d'^autres , d'une part; &de Richard ,
duc d'Aquitaine, porté du roy Henry d'Angle-
terire, fon frère, du conte de Cletniont, de Rou-
lant (jî) de Couchy & de leurs adhérents, d'au-
pourlegûui
vcrnement
de France <
entre Phi-
liipe, con**
te de Flan-
dre ûc les
confons,
contre te
ducd'Aqui-»
taine & au<(
ttcs*
C^) Raoul.
(i) Il eft à propos dé remonter à rorigîtie des évène^
inens que décrit d'Oudegherft dans ce chapitre. Louis le
Jeune , avant de mourir , avoit donné pour tuteur à fon fils
jeune encore Philippe d'Alfaçe, oncle de la jeune reine.
Cette faveur & le mariage de fon fils avec Ifabelle de
Haynaut avoiem déplu à la reine mère , qui avoit employé
tout fon crédit pour faire déférer cette tutelle au comte
de Champagne , fon fîère , par qui elle avoit compté
gouverner. Déchue de l'efpoir qu'elle avoit conçu & pi-
quée du mauvais fuccès de les intrigues , elle s'étoit re-
tirée en Champagne , & avoit entraîné dans fes intérêts
^le roi d' Angleterre , qui prit alors les armes tontre la
France. Quoique fouteftuC d'un allié (î puiflant & de toute
la maifon de Champagne, elle fut forcée à fe foumettre.
Elle fe réconcilia avec fon fils , revint à la cour & les ,
droits dé Philippe d'Alface à la tutelle du jeune roi furent
confirmés. La reiiie mère intrigua de nouveau; Son parti
enfin triompha, & le comte de Flandre fe vit obligé de
retourner dans fes états. En donnant fa nièce Ifabelle à
Philippe Atigufte , le comte de Flandre avoit ôhtenu de
Louis lé Jeune la JQuiifance de quelques domaines voi-
fms du Vermandois & Philippe- Augufle avoit Confirmé
cette ceffion. Mais dans la fuite ^ cédant aux impreflions
de quelques courtifans que la reine mère avoit mis dana
fes intéi'êtè, Philippc-Augtifte voulut révoquer cette con-
tefllon. Le comte de Flandre provoqué par cette perfidie^
révoqua aufli la ceilion qu'il avoit faite du comté d'Af*
fois. Tels furent les prétextes qui armèrent l'un contre
Tautre le nouveau roi de France & le comte de Flandre*
bu refte , la narration de d'Oudegherft eft prefque toute
traduite de Vûùâarium aquictn&inum , d«nt l'auteur étojl
tentemporain des évènemcns qu'il décrivoit.
• Afer^gi
chron. de
l'hift.deFri
U80(
an.
Chrot!. (lé
.Tours ,
an. iiZOé
amiiebi^
1 1»
4^1
PHILIPPE
Le conté
Philippe
entre avec
puiilunce &
guàle le païs
de France.
TrelVe en-
tre Flandre
& France.
L'an 1182.
Décès de
Mahieu de
Flandre.
Pierre de
Flandre ,
eOeu eyef-
que de
Carobray »
fe marie
avec lavef-
ve de Ma-
hieu de
Flandre,
fon frère.
tre. Et le roy, nonobftant fa jeunefle, fouftinff
le party d'Aquitaine , & de Clermont, lefquellesr
parcialitez s'augmentèrent de forte, que peu de
païs y avoit deçà des Monts qui ne fe reffentiC-
fent, & principallement le royaume de France,
dans lequel le conte Philippe de Flandre entra
à grande puiffance, & gafta tout le plat-païs juf-
ques à Senlis, & de là tira vers Louvcrs (^d)
près Paris, furprint en fon lift le conte Albéric
de Dampmartin, & mit tout le royaume en mer-
veilleux trouble & défarroy , eftant apparent de
fair^ aflcz pire , n'euft efté rinterceflîon de Guil-
laume, archevefque de Rains, & Thibault, conte
de Blois , oncles dudift roy Philippe , par le
moyen desquels fut entre lesdiftes parties prinfe
une trcfve jusques à TEpiphanie de Tan mil
cent quatre-vingts-deux. Pendant laquelle le con-
te Philippe de Flandre ne voyant aucune appa-
rence d'avoir génération de madame Yfabcau,
fa femme , pour autant qu'elle eftoît ordinaire-
ment & quafi tousjours malade, & confidérant
que Mahieu , fon frère, (lequel un peu aupara-
vant eftoit trépaffé (2) d'un jeét de fiefche, qu'au
fiège de Neufchaftel il ^voit receu en la telle),
n'avoit laiffé aucuu hoir mafle de fon corps, fit
renoncher fon frère Pierre à l'éleftion qui de
luy avoit efté faiàe en l'évefché de Cambray (3),
& pratiqua le mariage d'entre madame Aliéner,
contefle de Nevers, & vefve dudi<a feu Mahieu
%a') Louvre en Parifis.
(a) Ù étoît mort d'une bleflbre qu^ avoit reçue, low-
qu'il accompagna fon frère Philippe en Normandie dans
la guerre de Louis le Jeune contre Henri IL en 1173*
(Voyez note i. du chap. 8i., pag. 438.)
Cs) Cette renonciation fe fit eo 117^*9 peu de teffis
tprè» U mort de Matthieu.
D^ A L s A C E.
45$
de Flandre (4), & le fufdift Pierre, fon frère,
lequel néantmoins termina toft après de venip,
délaiflant de fadlde femme une feule fille, comme
aiifli mouruft, pendant ladifte trefve ladifte dame
Yfabeau, fei^me du conte Philippe de Flandre,
& fut enterrée à noftre Dame d'Arras. Au moyen
de quoy, & qu'elle eftoit terminée fans délaifler
hoir de fon corps, la conté de Vcrmandoîs fuc-^
céda à ladide AliéQor, fa fœur, qui s'eftoit re-
ijiariée pour la troîziefme fois au conte de Beau-
nîont. Non-obftant qu(fy, le contç "^Philippe , au
moyen & foubs prétext du différent, auquel il
çftoic contre le roy de France &.fes adhérents,
ne';fe voulut deiffaire d*icelle conté de Verman-
dojs. Qui fut caufe que ledift roy de France, fe
perfuadant d'avoir à çeftç occafion plus jufte
prétext pour mener guerre audiél conte Philippe ,
fit grandes appreftes , afRn de povoir, ladidle
trefve finye , recommencer mieux que de-
vant (5). Dont adverty le conte de Flandre, &
Pierre de
Flandre
empoifon-
né.
Trépas de
madame
Yfabeau de
Verman-
dois, con-
teire de
Flandre.
Le conte
ï*hilippe ne
fc veutdcf»
faire de la
conté 'de
Verraan-
dois, qui
par le décès
de madame
Yfabeau, fa
femme , ef-
toit fuccé-
dée à ma- '
dame Alié-
ner, f;^ '
fœur.
(4) Eléonore, féconde fille du comte de Vermandois,
avoit été la féconde époufe de Matthieu; mais après la
mort de fon époux, elle s'étoit remariée au comte de
Beaumont fur Oife, L'époufe de Pierre fut Mathilde , com-
tefle de Nevers & veuve d'IEudcs , feigneur d'Iflbudun.
Ç Voyez fur ce fujçt deux diplômes cités par Vredius dans
(es preuves généalogiques des comtes de Flandre. )
(5) Après la mort de la comtetfe de Flandre ^ Eléonore
réclama le comté de Vermandois dont Philippe d'Alface
refufa de fc deflaifir , alléguant qu'il lui avoit été apporté
en doç par fon époufe , pour en jouir pendant toute fa
vie. Il ajoutoit encore que le feu roi lui en avoit folem»
nellement confirmé la poflTeflion. Mais Eléonore avoit fait
avec le roi de France un traité , par lequel elle lui aban-»
donnoit la moitié du Vermandpis , en cas qu'elle mourut
ftns enfans. Ce traité fut un motif qui aqtorifa Philippe-
Augufte à reprendre les armes contre le comte de Flandre.
Deux conférences que ce dernier eut , tant avec Phllippe-
Augufle, qu'avec le roi d'Angleterre qui avoit offert fa
médiation, ne purent arrêter l'effiifion du f;^ng,.& U
gviçrrc recommença avec acharnement de part ^ d'autre^
Roger, de
Hoved. fol.
553.
Chron. de
Robert \
d'Auxerrc.
Meyer. a»,
1183.
«54
PHILIPPE
its ducs de
ourgon-
gnc oc d\i-
çheflTe tle
Champa-
gne vien-
nent au ft-
cours du
ceinte de
Flandre»
contre les
François ôc
Angjlois.
Le conte
Philippe
çlialTolt or-^
4inaire-
ment & mci
noie los
{çuerres
lors fon
|îays.
mefmcs que le roy Henry d'Angleterre fc nicttob
pareillement en équipage, pour afîifter & favoru
fer fes advcrfaires , doutant la puiHancc do
"deux tels princes unys & confddérez, fe tranf-
porta au païs de Liège, en intention d'y prao
tiquer Tamititî & fccours du roy llcnry de«
ïlomains , fils de l'empereur Frédéric , duquel
néantmojns il ne fut en fon povoir de tirer au-
tre chofe qu*une infinité de promcfles , par
lefquellcs il aficuroît le conte Philippe d'envoyer
nu nom de l'empereur fon p6re & fien, aucuns
tmbaffiideurs vers le roy de France, & que fi
Jediéi. roy & les fiens ne vouloyent condefcendrç
à quelque appointement raiibnnablc & conforme
à cefluy quMl luy feroit par fefdifts ambaflîadcurs
{»ropofer, il viendroit avec toutçs fes forces
àvorifer & affilier Icdift Philippe. Lequel n'en
povant tirer autre chofe, retourna en Flandre
où il fit fommer fes gentils-hommes &vaflaulx,
& aflcmbla toutes les forces à luy pofllbles , lef-
quellcs s'égallerent , ou à-peu-près, à celles de
France & Angleterre par Tinefpérée venue d'Eu-r
des ,/duc de Bourgongne & de la duchcfle de
Chîimpagne , accompagnez d'une belle armée,
Icfquels marchèrent par enfemble au royaume
de France, incontinent que (j) Icfdiéles trefves
furent expirées , d'autant que l'ordinaire & la
couftume du conte Philippe eftoit de chafler tou-
tes les guerres que luy furvenoyent, hors les
limites de fes païs,fçafchant certainement qu'ores
que la viétoire luy demouraft en toutes guerres,
que ce ne luy povoit avenir fans grand détri-
ment & défolation de fes païs, fi elles fe comi
mettoyent dans fes limites. Eftants donc entrez
oudiél royaume de France , recommença la guerre
f /v) I)^s que.
D' A L s A C E.
♦55
plus forte & cruelle que jamais, de manière que
les affaires fe diTpofoyent & s'acheminoyent à la
totale deftrudion dMceluy royaume, fi Dieu par
fa miféricorde n'y euft pourveu. Par la volonté
duquel, & moyennant Tentre-parler de Henry,
évefque albanenfis («), légat envoyé à ces .fins
du fainâ fiège apoftolique , fut foudainement
concheue & arreftée une bonne & defirée paix;
je. ne fcay toutesfois foubs quelles conditions,
autrement qu'il femble par les anchiènes chroni-
ques & de France & de Flandre, que le conte
Philippe de Flandre rendit & mit entre les mains
du roy Philippe la conté de Crefpy , avec^aucuns
autres chafteaux & places, quMl avoit jufques
lors tenus de par madame Yfabeau, fa femme,
moyennant toutesfois que le réfîdu avec le tiltre
de conte de Vermandois demoureroit au conte
Philippe, fa vie durant tant feulement. Et par ce
moyen cefla la fufdiâe gueh-e , laquelle , veu
Taigreur d'ambedeux les parties & le grand ap-
pareil faift pour la defmefler par bataille , fut
aflbupie autant doucement qu'on ouyt oncques
parler de femblable guerre,
CHAPITRE LXXXIV.
Comment le conte Philippe vint à grande magnifia
cence en la ville de Mayence vers P empereur
Frédéric; d* aucuns hérétiques qui furent punis
en la ville d'Arras , G? comment le trou du Dam
fut , par Je moyen d'un chien qu^on y jeâa ,
miraculeufement reftouppé (Jbi).
PEu après ladifte paix, le conte Philippe eftant
adverty que l'empereur Frédéric eftoit déli^
béré de tenir fa fefte de Pentccofte dudift an
Henry évcf-
que alba-
nenfis^ légtt
du ffiind
fiège apos-
tolique.
. Paix entre
Flandre Çl
France*
Appareils
de grande
guerre dou-
cement af-
foupis.
(tf ) B'AUfc^ ville épifcopale d'Ita-
lie dans U Montferrat.
(*) Fermé , boucbi * rem-
- 45* PHILIPPE
quatre-vingts-deux (i), ci> la ville de Maycncd^
& que plufieurs princes de l^empire, pour hotir
lîorcr ladiftc fcftc, s*y ^f^^veroycnt , fc voulant
entretenir en la gracç dMccluy empereur , &
mcfmes d'autant plus, quMl ne fe fioit que bien
à point à la dernière paix d'entre France &
Phuî ^^^^ Flandre, délibdm fc tranfportcr pareillement vers
vint oi^ ledia Mayencc. Et de faiét fe mit. en chemin ac-
grundc nw- compagne de Gherj^rd , prévofl; de Bruges &
fn'u'viîiç chancelier de Flandre, Racirc de Oavre, Thicry
de MaycQ- de Bcvere , çhadelaln de Dixmudç , & de Bau-
rcmjcr"ur ^ouyn, fon frère, Gaultier de Nevelc, Ghcrard
pi£itiQ. de ilaflclt, Thicry de Deina^e, Gaultier Buzet,
grand-veneur de Flandre , ôuillaumc de War-
ncdon , & de plufieurs autres avec fix cent;;
chevaulx de nombre faiét, qui tous eftoyent eu
ordre & équipage fi magniiique , qu'il falfoit
très-beau les vcoir, 6c dont rempcrcur Frédéric
fe tint pour grandement fatisfaiéfc, remcrcyantfic
recueillant le conte Philippe d'un tel vifage,
qu'il eftoit ayfé à cognoiftre le bon vouloir qu'au
moyen de ce il monllroit porter nudiél contç
Philippe ; lequel après avoir féjourné quelque
temps en la court dudift empereur & renouvel-
lé l'amitié autrefois avec luy contraélée, retour-
na en fou païs de Flandre, & s'achemina en l'an
fan U83. ï^îl cent quatre-vingts octrois vers layiHc d'Arras,
pour mettre ordre & faire punition de plufieurs
(0 L'hiftoricn Mcycnln pîace h Pan 1184. cette entrevue
de Philippe avec Frdddric 9 entrevue dani laquelle Philippe
d*Alface développa toute la pompe ôc toute In magnifi-
cence d'un grand prince. L*autcur de VtiUitarlum aquh
çlfiâhtkm^Un\$ le» yeux duquel fc pafTolcnt cea évèncmcni,
la rapporte 1^ Pannéo Ji8a. M banc impcratorls euriam^
atnnn p(tnï primates tcutonlci ufitti adfttcrunt ,• Philippat
qunquc coma Ftatidrla eum fuh hufoûihui adfult , qui ft
UixruUlJlmum fltper omnct rcgni principes , fita 4and<( 9 ngtp
Jim admlratlônc ^tuUortim exhlbuU»
D' A L s A C E.
♦57
hérétiques 5 tant nobles qu'ignobles, d^ tout
fexe & qualité , qui s'eftoyent defcouverts audift
Arras. Où peu après vint au mefme effeft Guil-
laume 5 archevefque de Rains , lequel après
deues- informations fur ce tenues, déclara par
fenteiïce, préfent le conte Philippe, &Fremault,
évefque d'Arras , que les convaincus feroyent
fubmis au jugement du fer, d*eaue, ou de feu,
& leurs fubftances & biens confifquez au prouf-
fit defdifts archevefque & conte de Flandre , fi
avant toutesfois qu'ils ne fe vouldroyent retraire
& abjurer leur erreur (2). Et lors apparuft ma-
nifeftement la farce & vertu du fainft & très-
digne facrement de confeffion, pour autant que
plufieurs coulpables de ladifte hérélîe , par la
miféricorde de Dieu , & moyennant la bonne
doétrine des confefleurs , changèrent de leur-
damnable opinion , efchappants par mefme moyen
la punkion de la fufdiéte fentence. Defquels héi?
rétiques les uns fe nommoyent Manichai^ & les
autres Arrtatii (3): tant y a, que c'cftoyent des
Punidcm
d'héréti-
ques en la
vme d'Ar-
Vertu du
faint facre-
ment de -
confeifion.
(a) L'année précédente, Frumauld, évéque d' Arras,
avoit déjà fait arrêter quatre hérétiques , dqnt l'un s'appel-
loit Raoul & l'autre Adam le Lettré , Aàam Littenttus.
Le mal ne fefant que s'accroître , GuiUanme , archevêque
de Rheims, fe tranfpona Tannée fuivante - dans cette viUe
pour prendre connoiflance de cette affaire , & étouffer une
impiété qui aVoit déjà jette de profondes racines , & qui
comptoit parmi fes feôateurs des |)erfonnes de tout fexe,
de tout âge 6ç de toutç condition. Us furent condamnés,
d'après l'aveu qu'ils firent de leurs crimes, à être brûlés,
& leurs i)iens iiurent congfqucs aii profit de l'églife & di|
prince.
^3) Le genre de cette héréfie n'eft caradérifé par aucun
écrivain , parce qu'ils ne fuivoient exdufivement la doArine
d'aucun héréfiarque. Ifli baretici nuîlius harefiarcba mu^
niuntur praficiio. Quidam dicunt iîlos Mant chaos , ,^/7 Ca-
taphrygas , nofinulli, verh Artanos , Aîexander autem papa
MQcat rw>i'/7/^rwj. Ces* hérétiques , au relie , paroilfent
Aud. aqui»
cind. an.
1183.
45*
PHILIPPE
lldr^tiquet
à yprc.
Lcf dic-
qucii du
mm rom-
pucf.
Le trou de
Dain mira-
culcufc-
nicnt cf-
toii ppé iiu
moyen
d'un chien
qu'offVjcc-
ta dcdani.
très-dangereufes ^ héréfies ^ & mervcillcufetnent
difficiles à extirper , entant mefmes qu'elles cftoyent
dcsjà enrachinées, & furent femées en plufieurs
lieux de Flandre, & cntr'autres en la ville d*Y-
pre, où y cufl: plufieurs exécutez par le dernier
fupplice 9 & les autres par la vertu & force
dudiA fainA Sacrement de Confedion furent
convertis. Environ ce incfmc temps ou quelque
peu auparavant , les dicques (a) du Dam près
Bruges (4) furent rompues par les inundations
& forces de la mer, de forte que toute la ville
de Bruges efl:oit en eaue. Pour à quoy obvyer le
conte Philippe envoya enl toute diligence vers
Hollande, d*où. il fit venir des maiftres qui s*en-
tendoycnt à ce meftier , Icfquelz befongncrcnt
par plufieurs jours, mais avec bien peu de prouf-
fit , au moyen de la profondeur que la mer y
avoit faldte. Finablcment l*un defdifts ouvriers
s'avifa de jcvJlcr au principal trou un grand
chien qui d'aventure le trouvoit près eux , &
lequel leur cflioit grandement molefl;é. Et toft
après la terre print fond & pied, de forte que
par la bonne diligence dcfdiftz ouvriers, Icdîft
trou s'cftouppa , & fut la dicque par tel moyen
refaire. Et ccfte eft la caufe (mefmes qu'on
tcnolt ccfle aventure comme pour chofe raîracu"
(tf )^ Digues*
n'avoir été que de prétendu» forcicri, fit pcut-ôtrc dci
VaudoJH ou des Albigeois qui* du midi de U FraNce*
f'dtoient répandus Jufqiies dans les provinces du Nord.
(4) La ville dç Damme, autrefois appclléc J fond/s Dam-
fne , Digue de Chien , cfl fltuéc à une lieue de Bruges &
à deux de rKdufc. Elle tire, dit-on, fon nom de« digues
que Philippe d'Alface y fit conrtrulre en 1180., pour ar-
rêter rimpétuofitd de la mer, ôc Ton croit que le nom
do chien lui a été donnd , il caufe d'un cWcn qu'elle a
dans fcs armes, ('ette ville fort petite, mais qui a été
)ong-tem» trùfortifidc , cil la patrie d^ favaot Jacques
Pcrlzonins. '
D* A L s A C E.
4S9
Premier
privilège de
ceux de
Dam dona4
par le conte
Philippe.
î«ure)'quc lefdîfts de Dam prîndent depuis lors,
& portent encores aujourd'huy , pour leurs armes
un chien. Et de lors en avant Von commença
édifier plufieurs maifons fur & au deflbubz de
ladiéte dicque , par telle manière que la ville du
Dam creufl: & s'augmenta grandement. A laquelle
le conte Philippe donna le premier privilège,
par lequel il affranchift les babitantz de tous
tonlieux par toute la contrée de Flandre, enfem-
ble d'une couftume ou fervitude , qu'on appelloit
la Hanze (5). dont auflî il leur bailla fes lettres ,
efcriptes à Malle (6) en Tan mil cent quatre»
vingts , foubs les lignes de Gherard de Melins,
qu'il appelle fpn notaire & figîllain (a) ,^ Ëufta*
ce; fon chambrier, Rogier, chaftelain de Cour-
tray, Henry de Morfelle & plufieurs autres.
(5) Ce mot fignifie tinion , focUté, C'eft delà que vient
^e nom de villes anféadques ou villes confédérées pour
la protedion du commerce. La coutume, dont parle Tauteur ,
étoit un impôt que le prince tiroir de toutes les marcban*
difes. Hanfc , redit us ex qudcumquc re , , , , apud Latinos
inftriorcs , llanfa vc&igal , fenfitath px mcrcibus , tcftc
Cangio. Gloflar. German. LîpGx 1737.
(6) Maie fitué près de la ville de Bruges , eft un palais
qui fut long-tems habité par les comtes de Flandre , de don|
}*un d'eux , Louis 4q Nfale » a tiré fon fumom.
CHAPITRE LXXXV.
De la guerre que le cente de Flandre renouvella
contre France^ à rat fon que le Roy avoît repu-*
dîé fa femme |> qui eftait nièce dudi& conte de
Flandre , & comment le mefme conte de Flan-'
dre fit guerre au conte de Hainault ^ ^ de la
paix qui fe fit entr^eux^
EN Tan mil cent quatre-vingts-quatre, le con* L'an ii84,
te Philippe de Flandre , adverty que le Roi de
France ayoit cont^ tout droiél & raifon , & par
(/z) Carde des fccaux.
460
PHILIPPE
Cocm en*
trc Flandre
& Fnncei
nii'on que
le n»y «Voit
rrpuJic
centre toot
dn»kt ma-
dauic V:"i-
bcau,iu.tc
<l«Jiict Phi-
lippe.
Trefve en-
ne Flandre
êi Fiaacc«
k mauvais confeil d*aucuiis de fes barons, en»
nemis dudîA conte Philippe , répudié niadamc
\Tabcau, fa nièce (1), troublant la paix deruii*
rement faite entre ledid roy & luy » fit fcmondre
fes hommes , & aflembla merreilleufement granda
puiflance, avec laquelle il marcha contre le roy
de France, fur lequel ilprint la ville d'Amiens,
& pluGeurs places & fortercflcs du païs de Ver-
mandois. Néantmoins par Tintercefllon & Tentre-
parler de Henry, roy d'Angleterre, furent entre
lefdicles parties prînfes & accordées trefves d'un
an (a); & pour autant que Baudouyn, contç de
Meycr. an.
1184.
Audar'.
aquic.
(1) Philippe- Aufufte ne répudia point Ifibellc; mai* la
cbaîvur avec laquelle elle défendoic la caufe de Ton oncle,
^ plu& encore peui-ètre les fug^ftions de quelques courti.
fans enneoiis du corate de Flandre , avoient fonement in-
difpofc fun époux k fon égard. Forcée d'abandonner I4
cour , elle s'ctoit retirée à Senlis , orfi elle édifia toute la
Baiion par la régularité de fti conduite , par rinréprocha-
bilité de fes mœurs , par les aâes de bienfailance qu*eUe
exerça envers les pauvres , éc par la religion dans le fein
de laquelle elle cherchoit un foulageroent k fes chagrins,
Son époux qui fongeoit en effet à fa répudier , forcé de
rendre jufHce aux vertus de cette princeffe, & condamnant
la conduite qu'il avoit tenue envers elle , la rappella I h
cour ; mais le comte de Flandre n'en continua pas moins
la guerre contre fon neveii^
(a) On avoit cho û à cd eflbt la ville de Rouen , oh
a'étoient rendus Henri , roi d'Angleterre ôc Baudoin, comtç
4e Haynaut. ï^ premier avoit été choifl par Philippe-AO'
guftc , pour agir & traiter en fon nom ; fie le comte de
Haynauf^ étoit chargé des intérêts de Philippe d'Alface. Oo
ne put rien conclurre dans cette entrevuç , parce quç le
comte de Flandre fe refufoli aux facrifices qu'on cxigçoit
de lui , & qu'il ne vpuloit pas céder le comté de Vcrman'
dois. De Rouen, le comte de Haynaut étoit aUé voir la
reine , fa fille , qui l'engagea k faire caufe commune avec
fon époux. Baudoin fe prêta k ce qu'on exigea de lui , &
s'attira rinimirlé de Philippe d'Alface, qui ne tarda point
k pénétrer les liaifona que fon btau-frére venoit de con*
trader avec le roi de Frauée. Baudoin ^ui (ç fit çoia»
Ù* A L s A C É.
461
Hfilnault, & beau-frère dudift conte PhîKppç, fe
fit.efdiftes trefves comprendre entre les alliez'
du roy, le conte de' Flandre convertit fes forces
& pdiffhnces contre fondift beau-frère, auquel il
fît durant les ftifdiftes trefves une bien dure &
afpre guerre , laquelle toutesfois au moyen de
l'hyver qui lors approchoit, fuft convertie en une
trefve qu'ils s'entre-donnerent jufques à la fainél
Jean : pendant laquelle lefdifts contes Philippe
& Baudoùyn fe trouvèrent çniemble en un lieu,
nommé le Mont-fainft-Remy, où ils parlamen-
tfirent & tindrent longs propos enfemble fur le
faidl de leurs différents. Nourobftant quoy, ils
partirent mal contents & fatisfaiâs Tun de Tau-'
tré , dont on împutoit la principalle charge. &
xoulpeàJacquesd'Avefnes, contre lequel pourtant.
le conte Baudoùyn de Hainault fe mit l'an enfuy-
yant en armes & gafta toutes les terres d'iceluy Jac-
ques d'Avefncs. D'autre cofté la trefve que deffus
prinfe entre le roy de France & le conte Philip-
pe de Flandre expirée, chafcun d'eux refpeûivc-
ment fe remit aux champs, avec la plus grande
puiflance & armée qu'ils peurent alfembier, &
portoit le conte Philippe en cefte expédition,
pour manifeftér fa magnanimité & grand cou- ^
'lage , un eftendart mis fur un haut chariot à
quati"^ roues, faift en manière d'une tour, au-
quel eftoît peint un grand dragon & horrible,
jettant bonne q^uantité de feu par les yqux, les
Oreilles & la bouche; défignant par c6 que fon
intention eftoit de mettre tout le Royaume en
feu & à flamme; dont le r6y & les fiens con-
Guerre en-*
tre Flandre
deHainaulu*
Les contes^
de Flandre
& de Haii»
nault parla-"
mentent en-
fenibk au
Mont-St.-
Rcmy, &
panent mal
contents
rundeFatt-
trc.
Guerre co-
tre France
«cFlandre*
&dcFéteii-
dart que le
conte Phi-
lippe poru
en cefte
guerre.
prendre dans la trêve 'conclue peu de tems après, entre.
Philippe-Auguftc & Philippe d'Alface , eut tout lieu de
fe repentir d'avoir abandonné ua allié voifm , dont le ref»
fentiment aUuma bientôt la guerre entre les Flamands ^
les Hennuyers,
4^3
P H t L t 1» ÏJ «
Le roy de
France par-
lemente
avec le con-
te de Flan-
dre, & fc
fûid la paix
fans aflîf-
tence d'au-
tre que du
conte de
Bloys.
Le roy de
France re-
prend ma-
dame Yfa-
beau fil
femme
qu il avoic
répudiée.
cheut un tel creve-cœur & dcfd^ing , qitc k^
affaires menachoycnt une.merveilleiife effufion de
rang , tant (l'un codé que d'autre (3). TouteA-»
fois après qu'ambedeux les puiffances eurent
long-temps & par plufieurs jours efcarmouché,
le roy de France euft volonté de parler de bou-
che au conte Philippe, lequel, fuyvant ce, fe
trouva vers luy en fes tentes , où il» firent
entr'eux leur appoiiiflcmcnt, farts rafliftcncc ou
interceflîon d'autre pcrfonne du monde , faulf
du conte de Bloys , qui fut illec appelle pour
les accorder, lorfqu'en faifant ledîét appointe-
ment , s'ofFrolt entr'eux aucune difficulté. Par
lequel appoinftement fuft entr'autrcs chofef
dîft & accordé , que le roy en premier Iku rc-
prendroit madame Yfabcau,fa femme, veu mefme^
qu'il n'avoit aucune légitime occafion- pour la
pouvoir répudier ^ & que fuyvant ce ,' le conte
Philippe luy reftitueroit les ville* d'Amiens &
autres places , qu'il avoît prins fur le rr/y au
pais ^e Verraandois, durant cefle dernière guerre^
retenant néantmoins Sainft Quintîn , Véronné
& lien (/?), cnfemble le tiltre de conte de Vtt^
th Gaffe,
^myliiis.
Abré^
cliTonoL de
inûft. de
Fr.
C^) I/am en Picardie*
(3) Le terme de la trêve éxttx eicphé ♦ les trmét% 6é
Flandre d( de France fe mirent cm marche^ EUe» ft nm-
contrèrent fur Jet horân de la Hffmme i%m le» ewwiujta
d'Amiens ^ êc réitèrent pendar/t pr<:$ de tr4j fcasaraes es
préfence Tune de Taotrc. Pendant cette ttnctkm , GuiUaumc,
archevêque de Rbeims, Tévéque d*AJbe, lé;:jn âa fism
fiègc ÔL Thibaut ♦ comte de Blmt , paivi^rem ï npfrrk-
cher Toncle 6i le neveu. Le VtrrmnâfA» qm zvok été tm
partie la caufe de cette guerre^ fat rétaâ a la coenne
de France. Ainfi ûnft une gnent qui éart twm^n <fmmr€
anf , éc dom Vv*tat2%t refti m roi àc Fnmx ^ p^qm%
fnt forcer fon rival k M rendre le* vîlk« ifu^H rv^jk p«
crmqaénr^ ai k loi céder sflc provtece ^ sr^ir 6m
t)*A L s A C E.
46i
tnaùdois , pour en jouyr fa vie durant tant feu-
lement. La paix fut femblablement illcc. conclue
& appoinftée entre ledift Philippe, conte de Flan-
dre & Baudouyn de Hainault fon beau-frère, de
forte que par tel moyen tous les fufdidls diffé-
rents furent aflbupis & appayfez. En ladifte
aflemblde fut pareillement faift & pratiqué le
mariage de madame Machtil4e , fille de feu
Mahîeu de Flandre, qu'il avoit eue de madame
Eléonore de Nevers, fa dernière femme, & Hen-
ry ,duc deBrabant, dont vindrent Henry, depuis
duc de Brabant , Marie , femme de Tempereur
Otho , Méhault , contefle Pallatine , & après
contefle de ^Hollande, la contefle de Gheldre,
& la' contefle d'Auvergne. Environ ce mefme
temps fut commencé le monaftère de Thofan
près Bruges, lequel autrement fe nomme Doeft,
de Tordre de fainft Bernard; & ce par Eve^rard,
évefque de Tournay , lequel achapta Ja place,
fur laquelle ledift monaftère eft fondé, de Tabbé
de fainft Régnier en Ponthieu,
Pnix entré
Flandre ôc
Hainault.
de tiadâme
Méhault de
Flandre au T
duc de Bn- '
bant & des
enfans qm
vindrent de
ce mariage.
Commen-
cenaent d:
fondation
du monaT* '
tère de
Doeft prè»
Bruges.
CHAPITRE LXXXVr.
Comment le conte de Flandre envoya fes ambajfa^
deurs vers Portugal demander en mariage Vin-^
fante dudlâ Portugal ^ laquelle en fon chemin
pour Flandre fut deftrouffée fur la mer^ Q^ de
r exécution que le conte fit faire defdiàs deftrouf
feurs , enfemble comment lediSt conte fut créé
gardien de Véglife de Çambraj.
PHîlippe , conte de Flandre, après avoir mis
bonne paix en fes pais &praaiqué les allian-
ces que deflus , envoya fes ambafladeurs vers
Alfonfus, roy de Portugal , pour en fon nom luy
demander en mariage, madame Méhault, fa fille:
laquelle fuft accordée & délivrée' aufdiAs ambaf-
Le conte ie
Flandre cur
voyc fes
ambafla-
deurs vers
le roy Al-
fbnfe , pour
demander
en mariage
madame
Méhault do
Portugal fa
ûllc.
4^4
P H I L I P P Ë
t^aQ 1185.
Madame
Méhauk de
Ponu/al
deftnmiîée
fur la mer
en venant
vers Flan-
dre.
Quatre-
vingts py-
ratcs quy
avoyent
dcftrouffé
ladiéte da-
x^ pendus.
fadeurs en Tan mil cent quatre-vingts-cînc (i);
& paflant la mer pour venir paNdcçà, fut
rencontrée & dieftrouffde de toutes fes bagues &
joyaux par aucuns pyrates , qui la furprindrent
fur la code de la Normandie, & lefquels n^nt-
moins ne mdfirent Ça) ny touchèrent à ladifte
princefle. Non-obftant quoy le conte Philippe,
grandement indigné de la facherye, que lefdifts
pyrates avoyent donné à fadifte efpoufée, en-
voya en toute diligence aucuns navires bien fréter
& équipez, pour pourfuyvre & lui amener lefdids
pyrates , lefquels' furent finablement a^tainftà ,
prias & depuis menez vers lediél cOnte Philippe
en nombre de quatre-vingts , lefquels il fit tous
pendre 5 comme pyrates en hauts gibets, qu'il
avoit à ces tins faift eflever au long de la rive
delà mer, fans prendre aucun d'iceux à mcrchy
ou miféricorde. Entre lefquels les principaux
s'nppelioyent , . Galyen , baftard de rarchevefquc
de Rouen, Willebord,, bailard dé Montfort,
Gilles de Laval, Alval, baftard de Haricôurt, &
plufieurs autres , & fuft ladiéle exécution ^ encore
que très-jufte, bien mal prinfe du roy de Fran*
ce , & de ceux de fa court : je ne fçai toutesfois
foiibs quel fondement. Or (pour retourner iù
noftre propos) ladifte dame Méhault fut par les
filfdifts ambafladeurs conduire en la ville de
Bruges, accompagnée- de plufieurs dames & da-
moifelles,
koder. de
Tolède an.
1146. au
rec.deshift»
deî'r.t.12.
p. 382.
(a) Ne firent aucun mal,
(i) Uauêtarlum aquîcin^inum place ce mariage au mois
d'Août .de, Tannée 1184. , & la paix ne fe fit, félon \€
même, qu'un an dprès. Meyerus qui le place en 1185. ^
le fait néanmoins antérieur à la paix. Le père de Mathilde,
appellée aufli Thérèfe , étoit Alphonfe L , proclamé roi de
Portugal en 1139. l\ étoit fils de Henri de Bourgogne, pc-
tit-fils de Robert de France, qu' Alphonfe VI., roi d'Ef-
pagne i fit comte de Portugal.
D* A L s A C E. 465
fnoîrdles , qu'elle avojt mcnd avecq elle de foi;
païs de Portugal ; & fut reccue en grand triuniphc
par le conte de Flahdre, alîidd de pîufiêurs ba-
rons, nobles, feîgneurs, daines & dainoifelles
dudîifl païs de t^'landre, avçc Thoniieur & bon
hccueil que fes vertus. & çrandçur méritoycnt.
Et furent peu /après, les nopcçs dudjél conte Nopcea. dii
Philippe , avec la princefle M(ihaUlt c^l(ibrées , çn p^aûdre^
toute la magnificence & folemnitd poflible, en la avccrin-
villc de Bruges V où fe thjuverent plufieurs con- Poi^g^^
tes, princes & feîgneurs, tant du païs de Flan- ?élôbr<ies i(
dre, que des circumvoifins , & entr'autres îedift Bruges,
conte Baudouyh de Haînault, beau-frère d'iceluy
conte Philippe. Lequel, en Tari mil cent quatre» L'an iiW.
vingts-(îx , fe tranfpofta en la ville de Pavie,
pouf aflîfter & eftre profent aux nopces qui illec
fe C(51ébroyent & folemnifoycnt entre Henry, roy
des Romains, fil3 de Tempereur Fréddricq, ôç
la fille deRogier, roy de Sicille, où fe trouva >
merveilleufement bonne troupe de princes & fe^
gneiirs, & print ' ledicT: Philippe en allarit vcr^
ladifte ville de Pavie, fon chemin par les AUc-i
maignes, pour aiîîant qu'il ne fe fyoit encore du
tout à plufieurs de la court de France. Mais il
retourna par France, craindant , qu'autrement le
roy Philippe ne conceut quelque finiftre ou mau-
vaife opinion de luy, & que, par ce moyen. Ici
guerre fe renouvellafl entr'eux (2). Lequel roy
Philippe tint lors plufieurs devifôs & propos
(2) Philippc-AUgufte , ihfbntié dù retour du comte âç
Flandre par fes états ,, envoya au devant de lui des dépu;
tés , & lui indiqua un lieu où ils pourroient avoir unf
entrevue. ReXf àdvcntu ejus audito ^nuutioffidetei adcum
dirigit ^ mandans et & deftgnans hcum ubi ad fecretmn Ajl<ftar^
conveninnf coUoquium. Le roi le reçut très-Fionorablement, **^^?*^*
& cette entrevue acheva de reflerrer les nœuds de rami; ^' ***^*
fié qu'ils s*étoient jurée Tannée précédente.
Kk
4(56
PHILIPPE
la couron-
ne du Por-
tugal ef-
cheue fur
Méhault,
femme du
conte de
Flandre.
particuliers avec le conte de Flandre,- de foitc^
que depuis ce temps ils s'entr'aymefent , & fu-
rent tousjours mieux d'accord, qu'auparavant;
Peu après vindrent nouvelles au conte Philippe
de Flandre des trefpas quy s'eftoyent d'aflez
près entre-fuyvis , d'AIfans, roy de Portugal,
& de fon fils , père & frère de madame Méhault
fa femme , & qu'au moyen de ce la couronne
de Portugal eftoit efcheue fur ladîfte Méhault,
laquelle pourtant il envoya relever au nom de
fadifte femme , quy depuis ce teipps s'a tousjours
porté comme royne dudift Portugal (3), noa
pas toutesfois le conte Philippe, fon mary, &
eftoit lors ledîd royaume bien peu de chofe»
En l'an mil cent quatre-vingts-neuf, lediift Phî-
Au rec. des
bift. de Fr.
t. 12.
GiIIe8d*0r-
val. ,
Riedrd
^ans Vred.
|ea.Flaiul
(3) Le fucceflTcur d'Alphonfe fut Sanche I. , qui mourut
l*an 121 2. Alphonfus proprid morte decefflt .... Cui fuc-
iceffit filius ejus Sancius vtr magna prudentia & firenuui i»
' agendh, Rodrigue de Tolède , qui nous fournit ce paflâr
^e & dont Tautoiité eft d'autant plus refpedable qu*il
étoit contemporain, ne donne à Alpbonfe que trois enfans,
Sanche qui lui fuccéda , Urraque qui époufa Fcrrand , roi
de Léon, & Mathilde mariée à Philippe d'Alface. Il n'cft
donc pas vrai que le frère de Mathilde mourut à la même
époque que fou père , ni que Mathilde ait jamais été leiae
de Portugal. Si elle fe donna dans divers diplômes k ùat
de reine, c'eft qu'il étoit d'ufage aux filles de roi de le
prendre , quoiqu'elles ne le fuflTent pas en effet. Rfgina è
Ijuilfusdam dicebatur , quia filia régis erat, EUe étoit tante
de Ferrand de Portugal ii qui cUe fit époufer daas la fui»
Jeanne de Conftantinople , comteffe de Flandre. Mathilde,
dans fa vieiUeffe, avoit une croyance aveugle aux fonflè-
ges Ôc à la divination. Elle fut curieufe d'apprendre qud
feroit le fort de Ferrand dans une guerre qu'il entreprenoir
contre la France. Celui qu'elle confulta répondit : ^ugna-
hitur 6P in ipfd pugnd , rex proftern^eîur in terram & equo»
rum pédihus conculcahitur ^ carehit fepulturd, Fcrranduit
pofl vi8oriam , cum maxîmd pompd 4 Parifiis rccipietur.
La fuite nous a^pre^to ce qu'il f^Uoit, pcnfcr de ccttt
réponfe fingulière.
5' À L s À C
E.
40
lippe fat en, qualité de conte d'Aloll feîdt & re-
ceu par révefque, prévoft, doyen & chapitre
de Cambray, pour gardien, proteftèur, & dé-
fcnfcur perpétuel de Téglife de Cambray, leF-
quels à cefte occaCon luy donnèrent, & à fes
uicceflcurs , contes d*Aloft,àperpiétUité, leGaVê-
ne Ça) de Cambrefis, qui conlîlte en un droîift
de certaine quantité de grains, qiiê le gardien
liève fur les charrues & tnanouvriers de Càmbrè-
ifis : fi comme de chafcutte charrue, deux faïuys
de frument , & demy-mlly d'iivoîné, & de chaf-
cun manouvrier quy n*a point dé terre à Tabou-
rer , un mencault de fhinieitt , & iih mencàiiît
d'avoine, le tout mefute de Cambray (4). Suy-
vant quoy, le conte Philippe fît ferment fur les
Evangiles de Dieu, & les fïlinftés reliques illec
préfentes , d'obferver ce que s'enfuyt. PremîerSj
î-e corne
Philippe,
en qualité
de conte
d'Aloft, re-
ceu pour
gardien dé'
Tégllfe dé
Cambray.
La Gavent
de Cambre*
fis , 6i en
quoy eUc
Coùflflè:
(<j) Cavenne , ou Gavé , âroU
de proUBim , qui fc paye à
quelque prince ou fcigneur ,
pour avoir ïeur-âéfehfi en
*ttms de guerre.
(4) Voici une énumération plus exa<fte des droits attachés
\ la protedion que les comtes de Flandre âccôrdôîeîit k
Téglife de Cambrai. Elle eft tirée d'une diartrê dé Mar-
guerite d*Airacfc & de Baudoin, fod épbiix , coneeniâiit
le même droit de Gtvemie à Tégird de Is même églife de
Cambrai : Hac eft autem coîîi^endi Gavalli fucnfitra &
or do. Car rue a débet darc dîmidîum modium frument i ^
àimtdium avefut» Mànil opetatàir qui Èérfam cuî'tivam non
hahet , dehet ttnum menedldutii frkmenti 9 nhuk antlûie ad
menfaram cameracenfem , Cameràciqué Jhum ienïntvr trem-
fortare Oavalium ad loctm eis pioduêuri pof Vi^lfte cêi-
leSas, Nofiri fervientes fUhmoneèint mioifiYoi ecdffiarém' 9i
înfrà quindecim dits pofi fîtèmonitionem eortim paratêm fit
Gavaîlum ; quod fi poft quindecim dits non fuerit folutum^
à dâbitoribus ecclefiarum , auSoritate cogetur folvi cum pa- •
nd deiiSi coopérante iicfird' potefiate. La chartre dont cet
extrait eft tiré eft de Tannée Iip2.
Manufc. dé
Mr. Ge*
rard*
4^8
Philippe
Sermenviu
conte Phi-
lippe ♦ ef-
ttnt rcccu
Sour guar-
ien oc
l'égUfc de
Cambray.
Uan I189.
que de tout fon povoîr it garderoit & comrf
tous les perfonnes ^& ferviteurs des églifes de
Cambray & de Cambrefis, citants foubs fa gar-
de, enfemble leurs biens & poflellions, fy avant
toutesfois , qu'ils fuflent moleftez ou fouliez în-
juftement. Qu'il ne tranfporteroit le bdnéâce du
Gavene à autre qu'à l'hoir légitime de Flandre,
Qu'es terres de l'évefque de Cambray & celles
du dommaine des églifes, ny es fiefs d'iceluy, H
ny fes fuccefleurs , ne prendront ny lèveront
point de Gavene, faulf que fy aucunes terres,
qui auparavant devoyent Gavene , alloyeat de
main à autre , ou par achapt ou autrement , que
lors elles feroyent tenues au payement dudid
Gavene , comme devant. Qu'il ne donneroit à
aucun feigneur la rècepte du Gavene , ny à autre
perfonne , en fief, laquelle n'exerceroit jullice
ny feigneuric es villes des églifes, s'il n'en eftoit
requis. Que s'il faifoit aucune exécution ou ju-
ftice 'fur aucuns malfaîfteurs , il referveroit en-
tièrement aux feigneurs , aufquels les V^ilIes
appartiendroycnt , les peines & amendes deus à
raifon du malfaid, foy contentant pour tout
droift du Gavene tant feulement. Qu'il ne don-
neroit confort, ayde ny faveur à aucuns malfaic-
teurs fubjefts des églifes , s'ils retournoyent i
luy à refuge contre lefdiéles églifes. Qu'U feroit
eueillir le Gavene en la manière accouftuméc, &
comme cy-deflus cft reprins, chafcun an incon-
tinent après rAougft. Dont furent defpêchées
lettres en date de l'an mil cent quatre-vingt-neuf,
fcellées des féaux de l'égKfe de noftre Dame de
Cambray, dudiA Philippe, conte de Flandre &
de Vermandois , & de madame Méhault, roync
de Portugal, fa femme.
D' A L s A C E. 46p
CHAPITRE LXXXVIL
Comment le conte Philippe envoya vingt & fept
navires de Flandre à la conquefte de la terte
fatnSte^ Q^des exploi&s que lef^&s navires fifrent
en Hijpaigne contre les Sarrafins ; enfemble com^
ment le conte Philippe alla par terre avec grande
puijfance ^ ladiSfe conquejie^ fif dutrefpas du"
di£t conte Philippe^ qui mourut devant Afcalon.
EN l'an mil cent quatre-vîngts-dîx , le conte L'an 1190,
Philippe de Flandre mit en très-bel équipa-
ge vingt & fept navires , pour envoyer à la con-
quefte de la fainfte cité de Hiérufalcm , qu'en Tan
mil cent quatre-vingts-fept Salhadin , roy des
Turcs & des Sarrafins, avoit prinfe & forti-
fiée (i), ^u grand fcandale & opprobre des prin-
ces de la chreftienté , & conftitua fur lefdifts
navireâ, pour chef & capitaine-général, Jacques
d'Avefnes, duquel nous avons parlé cy-deflus,
& lequel s'cftoit réconcilié & remis en grâce du
contç Baudonyn de Hainault ^ fon prince & fei-
gneur* naturel. Lefquelles navires de Flandre,
joinftes à cincquante autres, qu'au fufdifl: elfeft
ceux de Frife & de Hollande avoyent tnis fus»
arrivèrent peu après en Hifpaigne, où ils prin-
4rent la cité de Silvie, avec plufieurs autres que
Le conte
envoyé 27,
navkes de*
Flandre ^
la conquef
te de la ter-
re fainfte.
(i) Lufignan, roi de Jérufolem , avoit été défait, en
1187., il la journée de Tibériade par Saladin, & cette dé-
faite avoit entraîné la perte de Jérufalem. Ces malheurs
Ct les revers multipliés, qu'éprouvoient les chrétiens dans
l'Afie, déterminèrent les princes de l'Europe à repaflerdans
la Paleftine. Ce fut l'empereur Frédéric qui leur donna
'exemple. 11 y mena une armée de 150. mille hommes^*
Mais ce prince , ayant voulu , comme Alexandre le Grand ,
fe baigner dans le Cydnus , la fraîcheur des eaux de ce
fleuve produifit fur lui le même effet que fur le héros
Kacédonien ; mais il n'eut pas , comme lui , le bonheur
^^^chappçr à la mort,
w
PHILIPPE
EîcploiAs
dcfdidsFla-
incns coi^-
tre les Sar-
Mns en
^fS^aigne.
te conte
flippe
mcine au-
tre, pviiflàn-
cc de Siens
par terre*
X la coi^-
queftc de
Hît*rufa- '
lors nppertenoyent aux Sarrafins (i>),^ & eîcdai-t
terent les plus cruels exploiôs de guerre, dont
on ouyt oncquçs parler, fa^s efpargner femmes ^i
çnfans. ny à. créature vivante, de q^uelqu.e qua-
lité ou cqnditipn qu'elles fnflent, le tout en
vengei^nçe de fenib)able crua^gté, qup ledidl Sal-
Ijadin avoit aup.î{ravant exercée fur Içs chrelliens,
quMl trouva aa facq^ de ladiél^ faînfte cité de
Hiérufalcip. Vers laquelle (après avoir party &
diflribué .entr'eux les biens & riclieflcs qu'ils
avoyentî trouv,é aji^liiiftiQS plftc^s ,. lefqiielles- i\$
lailîfireqt qu. ppgyojr du yiceroy de Portujala
commjs par la royne Méh^uU, coAtelTe de Flan-
dre) ils s'acheminèrent, où: nous* les laifTeronSy
pour vpus (Jécl^rer ,. que cependant , le cont^
Philippe. faifoit fenib}^blcn>ent fes. appreftes pour
fia tiPouvet qu p^rfoniie fi. ljiç|i(5te conqjuefte, afr
Cemblant le plus 4© g^s qu'il luyeftoit.poflible,
en intention de le^. con4uir£ par terre vers la
terre fiiînftej & de fiiifl, après^yoir IMflfô le
gouvernenoent do Fljindre à U royne Méhaqlt,
fe fenime , (quielloit un^ tr^^-fa^i^ & vertueuft
princefle.) fiç à Ghepard ,. pr4voft 4^ fainft Donas
& chancelier de Flandre., ilife retira vers Paris,
pu s'elloyent aflembl^ ayx njcfnies.fiqs les roy^
de France &d? Angleterre, Eudps,.dMc de Bour-
jkù. im.
(2") Meyerus, qui dît que la Flandre avoit fourni 37*
navires pqur cette cxp<îdition., la pbico en 1188. & con>
féquemment deux ans avant le départ de Philippe d*Alf»ce^
Selon le même hiftorien , ce fut en Afrique qu*abord|
cette flotte , oCi elle s*empara de la ville de Sylvii>e qui
fervoit de retraite aux Sarrafins qui delà, infefteient lés
terres d*£fpagne. Interno navigant a mari in Africam^
Sylvinam regiam Si^racenorum urbcm^ ceperifnt , propurtà
pihà quotidianii iîli tncurfiîfus Hifpanias in/kfiarent. U
parolt cependant qu*il s*agit ici de Silves^ Ssiva ^ petite
ville de Portugal , da^is TAlgarve , autrefois épiûropale ,
mais dont Tévéch^^ a (ft^^transfér^à Fflio. Elle eil fitute
pr<is de la mer.
D^ a; L s A C E.
47*
f;ongne, Henry, conte de Champagne, Thibault,
conte de Bloys , Florens, conte de Hollande,
rarchevefque de Rouen , les évefques de BloyS
& de Chartres , les contes de Nevers , Beaumont ,
Clermont & plufieurs autres princes de France,
Angleterre & autreplart. Tous lefquels avoyent
prins la croix à la perfuafion de Parchevelque
de Tyrus (^), envoyé vers eux en ambaflade de
Ja part du roy de Hîérufalenu A ta perfuafion
duquel s'eftoit à Paris tenu un concile , où
s*avoît conclu & confenty, que tous ceux quy
n*entfeprendroyent ladiâe croix , payeroyent le
dîxîcfnre de tout leur revenu , tant eccléfiaftiqucs
que féculîers , réfervé feulement les Chartreux,
les Bernardins , & les malades (s)» & ^^^ ce
dixiefme appelle la Saladine, dont vous trouvères
plus ample mention par les chroniques françoi^
îes. Comme auflî d'autre codé, Tempereur Frd-
déricq prînt femblablemcnt la croix , & mena
quant & luy grande quantité de prélats , princes
& nobles de fon empire. Tous kfquels tirèrent
les uns par mer , les autres par terré , en fy
grofle multitude, qu'il feroit îrapoffible le vous
réciter. Il fuffira donc vous déclarer que le cont^
Philippe partit par terre, & parvint finablement
aux Ytalies , aufquelles il hyberna (A), & puis
chemina de forte, qu'il arriva en Toft que les
tfhreftiens tenoyent devant la cité d'Afcalon , où
n'eftoyent encores venues les forces de France,
Cruciâte
des princet
chrertiens
pour la COQ»
quelle de
Hiénifa-
km.
Du dbdtC'
me qui fut
levé en
France, ap-
pelle la Sa.
ladinc.
Le conte
Philippe
vient en
Toil des
chreftiens
quy elloit
devant AP-
calon.
C*») 7>^» viffe de la VaUfint. Q") Pcjfa r hiver.
(3) L'auteur entend fans doute par-U les hôpitaux des
lépreux qui, comme quelques autres » ftirent jugés trop
pauvres pour ne pas mériter cette exemption. Quant à la
dénomination de dîme Saladine , elle vient de ce que Sa*
todin ^toit Iç principal cimcmi que Ton alloit combattre.
^71 PHILIPPE
ny d*Anglctcrrc (4). Toutcsfoî* elle» zrrivaatt
afTez fort après. Q"^ '^^* P*^ Tadvî* de tous k(
priricch chrcflîens, on ordonna que le Icndeniaïc
on livrcroit TalTaut â lacfiétc cité, lequel néaot-
nioîns fut diffcré à un autre jour, au moyen
deft d(?bat.s & difFérents qui eftoycnt entre ks
royn de France & d*Angletcrre (5), & dont on
donnoit grand tort audiét roy d'Angleurrre,
lequel furt fufpecfé d*avoir jntelli;;encç avec Sal-
halin, & que Iciict Salhatlin Tavoît gaîgné,
nioy'/nnant une bonne fomme d^argcnt qu*il luy
avoit promife Ç^Cj. Non-obllant quoy fut peu de
(4; Philippe <Hi>'\i parti au moi» d^Août 115)0. Il avoi^
tr;ivc;rC' rAllc}na;;nc , où il avok pris en pa/Tint lé nouvel
cmptrcur Henri qui aHoit fc faire couronner a VfAnt.
Vtxmûc dei croiié» n^^ic pai devant la ville d^ATeakm*
maifi devant ceUe 4*Acon • autrement appelle Ptokisaidé
ou St, Jv:<n d*Ai'te.
(/i> Voji i tjucllc fut Poriginc de cette divirian. n Om-
Cbr'lnol de ** ^""^ ' Miahjuiii de M'/ntferrat , jouuit un principal r(Ac
rhill.dcVr. >♦ d''"< r^rnidc de» clirdtiena d*<>rient : rabattement dea
tn* ii5;i. M troupe-» âprctf là défaite de Tibériade n'avoit rien éimi'
^ n ic de fon courage , (k regardant Çtû de Lufigoau coop
f9 me d^i:hu de la royauté 9 il ^^étoït fait déclarer rat dt
^ Jirufalem ; le roi de France avait pris (on pattî« ât
"^ fflKichurd par conf^quent celui de Liifignan; le duc oa
H marquis d'Autriche ♦ re(h* feul k la t^ie dci troupei
„ allemande», «'étoit j'>int i Philippe- Augufte , fur qud-
^ qu'infulte qu*il prétendrait avoir reçu de Richard, tou*
ff te» cc^ dividon» Ârent perdre de vue Pobjet principal de la
ff croifadc fie df^truifirent le (ruk qu'on en devoir tirer,
C6j C:*e(l h ion que d'OudcghcrIl fcmble inculper ici h
mémoire de Richard (Cccur de Lion). Il ne trahit point
ta caufe dea chrétiena , de fe conduifit avec auunt de
franchife que de bravoure dana cette guerre. Refté feut
^^ en Afie , apràn la retraite du roi de France , il y fit des
prodige» de valeur. II cft vràl qu'il» rie furent titile» qu'à
fa gloire , fie qu'il ne pur rétablir lea aOàlrea dci chrétiesst
malK fa loyauté refta fan» tâche. Il paya inéme Ton féjour
en Afic de la perte d'une partie de la Normandie , fit eo
revçniiit dan» ft» état», il fut arrêté en trtverfant l'Alle-
Ti/i;;/vjsrle mar^tji» d'Autriche, qui ne pouvoit lui pardoiv
>
to* A L s A C E*
473
jours après libvré Taflaut à ladifte cité, & pourr
luyvy tant vivement, que finablement, moyennant
l^esfort du roy Philippe & du conte de Flandre
bfliftez des autres princes chreftiens, ladifte cité
fut réduifte foubs leur obéiflance, fans TaniftenT
ce du roy d'Angleterre, lequel cependant, cQmme
traiftre & enneray fde Dieu, fe tenoit quoy les
bras croyfçz ,^ fans fe mpfler dudiét aflaut, com-
me fy Taffaire ne luy euft aucunement touché.
Auquel aflaut mourut le conte Florens de Hol-
lande, & Guillaume, fon fils malfné, quy eftoit
audift (iège, le fit enterrçr en Antioche. Comme
pareillement trefpafla un peu après la prinfe de
ladifte cité, Philippe (7), conte de Flandre & de
Vermandois, d'une maladie qui luy print , à
ATcûloQ
réduiâe
foubs ^
robéiflknce
des chref*-
tiens.
Trefpas du
conte Phi-
lippe en la
conqueftc
de la terre
fainâe.
ner d'avoir arraché un étendard qu'il avoit arboré au
Cège d'Acre fur le haut d'une tour , pour y planter le
lien. Il fut vendu à l'empereur Henri VI. , qui le retint
prifonnier pendant 15. mois. Le refte de fa vie ne fut plus
marquée que par des disgrâces , jufqii'à Ce qu'il vint cherche^
la mon fous les murs de Chalus, petit château près de Limoges.
(7) Philippe mourut à St. Jean d'Acre le i. Juin 1191.»
id'une maladie peftilentielle qui avoit infecté l'armée des
cliréticns. EUe fit perdre au roi de France les ongles flc
les cheveux , & dévora en peu ' de tems un très-grand
nombre de victimes. Une autre panicularité du fiège d'Acre
êft l'aventure tragique de la dame du Fayel auquel il donna
îieu. „ Le firc de Couci , l'un des chevaliers croifés, ayant
^ été blcifé à mort à ce fiège , fe reflTouvint de h dame
^ du Faycl ,' pour laquelle il brùlolt d'une flamme auflS
^ pure que vive & confiante. Il chargea fon écuyer de
^ poner fon cœur à cette dame. Le mari jaloux rencontre
^ l'écuyer , le fait fouiller & fe faifit du préfent. U fait
^ aflaifonner ce cœur comme un mets , & ordonne qu'on
^ le ferve à i^ femme. Après qu'elle en a mangé avec
^ appétit , il lui révèle cruellement le fccret. La malheu-
^ reufe dame jura qu'elle ne prcndroit jamais d'autre ali-
„ ment, & mourut quelques jours après d'inanition &
„ de douleur. „ Ce trait , qui caraftèrife les mœurs de ce
tems , pi-ouve que les chevaliers croifés favoient allier U
jalant^;!^ k la dévotion.
Etém. de
l'hift.deFr.
t. I.
474 P H I li I P t> E
raifoH des travaux & pouvrctés qu'il avoît cndo»-
rées audi(fl fiàge, & fut eilterré en Vm. mil cent
En finiflant ce qui regarde le règne de Plillippe d'AI-
face, qn'ij nous foit permis d'obferver que c'eft à lui ÔC
I Ton prédécefl^ar qu*on doit la création des corps muni-
cipaux , daiti k plupart 'dev viHes de la Flandre. Ce font
fur-tout ces deux princes qui appvouverent leur» ceuttf-
mes ou qui leur en prcfcrivirent de nouvelles. ^ ^ow eux;
Mém. de **^ l'attrait tou^pui(ïant de la JUberié , les vilk» regor-
l'Kad. de » gèrent d'habitans. Une foule d'étrangers y reflua de toa-
Brux. ta, ' „ tes part*. Ils y apportèrent leur induftrie & leur conf-
f* 665* n merce. Tout déploya foff aûivlté ;^ & Ik Flandre devint
9t dès^ors un des états les i^Uis florifltins de TEurope, ^
C'eft à la même époque qju'il faut rapporter It s privili-
ges accordés à ces miinicipalités . & dont les peuples abu^
ferent quelquefois depuis, au préjudice du repos public.
Nous avons parlé dans rintroduétiOn des ccrreins mxre'*
cageux qui , fous Philippe d'Alface , avoient été converti»,
miprès de k ville d'Aire , en guérêts feniles. Cette viUe
dut encore à ce prince un bienfait non moins précieux^
l'éreétion d'une commune & le règlement connu fous le
Iç titre de Lex AmicitU , règlement où refpire prefque par-
tout l'amour de la bienfaifance & de l'humanité. Quoi de
plus fage que le premier article de ce règlement? In Jm!-
citid ( c'eft le nom que l'on donnoit k la commune ) fi*nt
duodecim fcleSii judicep qui fide ^ juramtnto firmavcrunt ^
quoniam in judiciç non accipient ptrfpnam pauptrii vel
divitis , nobilis vel ignobilis , proximl vel cxtranei. Omne$
autem ad Amîcitiam pertinentes vida , per fidem & facra-
tnentum firéaverunt ^ qttbd unus fubveniet altcri tamquam
fratri fuo , in utili & honefto. Par l'article d. , s'il arri-
voit qu'un membre .de la communauté eût perdu quelque
effet , le prévôt de V Amitié Qprafedius Amicitia ) de voit
en faire la recherche pendant un jour entier , itinerc unius
'diei in etfndo &' redeunda. Nous ne pouvons nous refufcr
au plaifir de rapponcr encore l'article 14. Si alicui domus
fua combufla fuerit ; vel aliqu/s captus , fe redimendo at-
tenuatuifuerit ^ unusquisque paiipcrato amicf) nummumunum
in auxilium dablt. Un règlement qui tend à unir ainfi tous
les citoyens par les liens de la bienfaifance fufRt pour im-
mortalifer un prince. „ Si ce n'eft pas ici k république
.,., ^ „ de Platon rèalifèe, c'eft bien plus, c'eft le pur Evan-
& Vuivf » Sile mis en pratique „ , ajoute avec raifon Tauieur dà
jnèracirc hiftorique qui nous a fotiml ces exUlOts,
D» A L » A C E.
.4»
fil^uatce-vingtsrdoi]^ en une cbappelle dcr fiiînft
Nicolas, près des murs de ladiftè cijé dtAfcalon j '
taiais depuis madame Méhault, fil femme, fit tranf-
later fon corps à Ciervaùx. Dieu veuille avoir
pitié de fon an^e; car c'eftoit un prince. merveiU
leufement fage , & lequel conduifoit tous fos
tiffaires par une admirable prudence & hardieife^
Incontinent que les nouvelles du trefpas^ du conte
Philippe furent rapportées en Flandre, Guillaume,
archevefque de Rains, lequel en abfence du roy
de France goùvernoit Iç royaume , mit en fes
mains & fayfit au prouffit de Louys^ fils aifné
du roy Philippe, les villes, que ledift feu conte
avoit donné en mariage à la royne Yfabeau fa
nîepce, fi, comme Béthune , Arras, Bapaumes,
Aire, Sainft Omer, Hefdin, Lens, &généraUe-
ment tout ce qui efl maintenant de la conté
4* Artois , pour en jouyr par lediét Louys , fes
Jioîrs & fuccefleurs à perpétuité, félon la con-
vention dudift traiâé de mariage j^. doqt nou$
^yops çy-deflus parlé.
L*tii iif^
Lepaîsque
maintenant
nous appel-
ions Artois,
efcUffé de
Flandre, &
foubslepo-
voirduroy
de France*
fitt du tome premier y
Taçle dès ar&umentz
» Des chapitres du tome premier de la
CHRONIQUE DE FLANDRES.
Cllapftrt I. Db commencement & àethimologie comprin-
fe êc ftultres chofes mémorables d« Flandre. Pag. i
Chap. 2. Quand, ^ à la prédication de qui Fiafidre ré-
cent la Foy ca^olique ? 6c d*aulcuacs églifes qui ao com-
mencement furent illec fondées. i*
,Çhap, 3. De la venue du prince Salvaert au païs du Bucq,
de la 4efconfiiure d'iceluy, & de la cruaulté de Phi-
naert. - '^ 1 17
Chap. 4. De« regretz de la prlnCefle Emergaert, pour Ii
perte dç Salvaflrt fon mary, du reconfort que luy fuft
donné , & â,cs chofes à elle miraculcufement prédis fur
le faiA dc^ l'enfant qu'elle portoit. 21
Chap» 5. Dé la naiJTance, baptefmc , & merveillenfe facfaon
de nourkure 4u jeune Lyderic , & de Temprifonnement
de la pHnçoflfe Emergaert fa mère. 27
Chap. 6, Dei bonnes meurs & condiçions du prince Lyde-
ric « dl fa venue pn Angleterre « & 4^s amours d'iceluy
avec la belle Gracienne. 33
Chap, f. De la venue du prince Lyderic en la ville de Soif-
fon , & des accufations , qu'à 1» charge de Phinaert, prince
du Bucq , il propofa devant Dagoben , roy de France. 4a
Chap, 8. Comment le roy Dagobcrt envoya vers Phinacrt un
hérauld, pour l'advenir des charges que le prince Lyderic
luy mcttoic fus , ^ de la refponfe dudit Phlnaert. 49
Chap, 9. Comment le prince Lyderic vainquyt & occit en
camp de bataille le tyran Phinaert, en préfence du roy
Dagobert & d'aultres princes de France. - 54
Chap, 10. Comment le roy Dagobert tranfporta les biens de
Phinaert au prince Lyderic , lequel auffl il crée premier
forcftier de Flandre. ^
Chap, II. Comment Lyderic eftant à la chaffe, trouva la
princefle Rothildè , feur du roy Dagobert , & envoya vers
lediâ Dagobert pour demander en mariage ladiâe prin-
cefle & d'aultres fingularitez. 63
Chap, 12. Comment Lyderic fcit trencher la tefte k foo
filz aifné, & de la mort dudid Lyderic ; de l'héremitc
fon père nouriffier; de madame Rothildè fa femme, &
d'aultres fingularitez. 72
Chap, 13. Comment lesGoths, Wandales & aultres defcen-
dirent & gaftcrent le paï; de Flandre. Des fucccfleur*
^e Lyderic premier de ce nom » enfemble de la dive|w
L' I N D I C É.
fité d^opinioDs-, touchant le premier forefticr dudîrf
Flandre. -^-^
Chap, 14. Comment Lyderic deuxiefme de ce nom leprint
le gouvernement de Flandre ; des femmes & trefpas d'ice-
luy, avec aultres chofes mémorables. 83
Cbap, 15. De Ingheiram & Andacer foreUiers de Flandre;
& comment ledid Andacer au moyen, de fa loyaulté
acquit de l'empereur Louys le D<U3onaaire, les contés
d'Arras & de Boulongne. 90
Chap, 15.^ Des vertus & bonnes conditions de Baudouyn
Bras de Fer, foreftier de Flandre. Comment il emme-
na & fe maria , fans le fceu du roy Charles le Cîmul-
ve , à madame Judith fa fille , «Je de la guene qu'à ceC-
te occaûon fourdit. pj
Cbap. 17. Comment Baudouyn Bras de Fer eut une mé-
morable viâoire contre les François, & après icello
fit pendre ea haults gibetz fur le mont faind £loy aul-
cuns àcs principaulx autheurs de la- guerre que luy me«
noit l'empereur Charles. ^ 104
Chap. 18. Comment un évcfque de France s'eftant fuppofé
le nom de Louys le Bègue , defcendit à gf aftde puiflance
contre Baudouyn Bras de Fer, lequeLle vainquit, print
prifonnier , fit foitter , pendre & eftranglef . 10^
Chap. 19. Comment Baudouyn Bras de Fet, & madame
Judith fa femme fe tranfponerent vers Rome , pour
eftre abfouls de l'excommunicatitin^que l'empereur Char-
les avoit contre eux faid fulminer, & comment au
moyen des l^atz que la pape Nicolas envoya à ces
fins vers ledid empereur Charles , ils fufrent réconci-
liez-audid empeteur. ii.î
Chap, 20. Comment l'empereur Charles le Chaulve eftant
réconcilié à Baudouyn Bras de Fer, acreut la province,
de Flandre, laquelle il érigeaft en conté, & d'aultrcs
chofes mémorables. 123
Chap. ai. Comment Baudouyn Bras de Fer & madame Ju-
dith fa femme retournèrent en Flandre; du dégaft que
les Normands fifrent audid païs, de Tédification d'aul^
cuns chafteaux contre Pexcurfion defdifts Normands, de
la fondation d'aulcunes églifes, & du trefpas dudid
Baudouyn. 128
Chap. 22. Comment Baudouyn, deuxiefme de ce nom,
did le Chaulve , vint au gouvernement de Flandre , des
femme & enfans d'iceluy, des villes fit églifes par luy
édifiées, avec autres fingularitez; & comment luy cf.
. ta« layc, devint abbé de faind Bénin. 137
Cbap. 23. De la guerre que le conte Baudouyn euft contre
Vi N b i c Éi
tierben àt Vcrtnandois, de la perte de S. Omet de Àî-
ru, da recouvrement defdiâef villes « des trefpas dacbâ
conte ÔL de madame fa femme, & d^autres chofes mé-
morables. 146
Cbàp. 24. Deradvéiiemeiitd*Aniould, dia le VieiUl^ la con-
té de Flandre, da débat qu*H euft contre rempccenr
Ocbon , & comment il fît réformer & réparer plafieors
cloiftresÀ églifesi avec aultres pardcularkez. 15a
Cbap, 25. Comment Fifcord après avoir receu plufienrs bé-
néàces du conte Amould , déceut la fille maifnée dodiâ
conte , dont vint le premier conte de Ghifnes , & dudéfef-
poir auquel ledid Fifcord tomba à raifon de ce mesÊiîd. 158
Çhap. a6. Comment le conte Afnould de Flandre après le
trépas d'Adolph fon frère , remit l'abbaye de faint Bénin ,
que fes prédéceiîeurs avoyem injûflement ufurpée, et
mains eccléliafUques , & de la mort du duc GuiUaome de
Normandie, que ledid conte Amould fit occire. i6t
Chap, 27, Comment le conte Amould, dia le VkU, 6t
évocquer les eftatz de Flandre en fa ville de Gand,& du
confentemeat d'iceulx, tranfporta la conté de Flandre, à
fon fils Baudouyn , did le Jeune. i60
Cbap, a8. Comment le conte Baudouyn , dia le Jeufnc ,
enfeigna ceux de Flandre contrader par forme de pcr-
mumcion, & du décès dudia conte Baudouyn. 170
Chap. 29. Comment Amould , did le Vieil , ayant hiâ
aifembler les eftatz de Flandre en la ville de Gand,
prtâiquoit de forte qu*Arnould , dia le Jeuinc , fut par
lesdiaz eftatz^ non-obftant fa minorité receu à conte de
Flandre. ^ 174
Cbûp, 30* Comment le roy Lofeire de France , durant Ur
minorité du conte Amould , dia le Jeune , prist & ré-
duia foubz fon obéiflance , Arras , Douay & autres vu-
les de Flandre galUcante. . 179
Cbap. 31. Du débat que le conte Arnoold cn(l contre
ceux de faina Bertin, pour le faia de Calais 9 6l des
biens que ledia conte fit aux églifes de Flandre. iZj
Cbap. 32. Comment le corne Amould de Flandre s'efiant
aÛyé au duc de Brabant, entra à la requefte dodiâ èic
au païs de Hainault, & des exploias qp'il y fit. i8S
Cbap. 33. L'autheur rejeae l'opinion de maiftre NicoDc
Gilles , cbronicqueur françois , touchant la deA;ènte de
Hue Capet en Flandre , & ce par les moyen» que mra-
verez en ce difcours. 193
Cbap. 34. Comment à Tadvènement de Baudouyn à la
belle Barbe ceux de Courtray 6c autres de Flandre re-
belleront contre luy^ lesquels néantmoina H rédoiél pt#
LM N D i C È.
fuccellion de temp^ foubs fon obéiflance , & de la terne
qu'il fit drefler en la ville d'Arras , pour divertir lo
peuple de Flandre de l'opinion conceue de la (Urilité -
de madame Ognie, fa femme. aoo
Cbap, 35. Comment le conte Baudouyn conquift fur l'em-
pereur Henry la ville de Valenchienes , en l?iquelle il
ftit' depuis affiégé par lediA empereur, Robert Capet,
roy de France, & Richard, duc de Normandie, de de
l'admirable magnanimité dont lediâ Baudouyn ùia en It
défenfe de ladiâe ville. 207
Chap» 36. Comment l'empereur Henry retourna avec gran-
de puiflance en Flandre , print le chaftel de Gand , &
puis fe retira en fes païs , où le conte Baudouyn luy
envoya ambafladeurs pour paix , luy reftituant la ville
de Valencienes, & comment ladiôe ville fut rcmife èf
mainifit dudid Baudouyn, lequel devint homme féodal de
l'empire , à caufe des yfles de Zélande , que lediâ em-
pereur luy donna , avec autres (îngularitez. 2216
Cbap. .37. Comment Baudouyn à la belle Barbe pradiqoa
le mariage de madame Adèle de France avec Baudouya
de Lille, fon fils, lequel depuis fut rdgent de France,
& du trefpas dudiét Baudouyn à la belle' Barbe, 221
(^En ce lieu d'Oudcgherft a aUéri Vordre des chapitres en
comptant le chap, 39, immédiatement après le chap. 37. )
Chap, 39. Comment & pourquoy le conte Baudouyn Ih
guerre à l'empereur Henry, fur lequel il prend la conté
d'Aloft , & de la paix qu'à fon grand avantage ledit
Baudouyn fit avec le fufdid empereur. -si?
Chap, 40. De la cjonquefte de Hainault faiiîle par le conte
de Flandre , enfemble des guerres qu'il euft contre ceux
de Brabant , & contre l'empereur Henry , & de la fin
desdides guerres, 23S
Chap, 41 Comment le conte de Flandre fe traufporta ii
Toumay pour illec faire recevoir Baudoyyn de Mons»
fon fils , pour conte & feigneur, Ôc comment ledift conte
de Flandre fut itérativcment , à caufe de madame Adèle,
fa femme, créé tuteur & régent de France, 243
Chap. 42. Comment le conte de Flandre donne en mariage
madame Méhault, fa fille, au duc de Normandie, le-
quel il affifte à conquerrer le royaulpie d'Angleterre, 5c
d'autres chofes fingulières.' 245
Chap, 43. De h grande pefte qui au temps du conte Bau-
douyn régna en la ville de Gand; d'aucuns monaftèrcs
& églifes par luy édifiées, & d'autres parti cularitez,
enfemble du trefpas dudiA conte Baudouyn. 250
Chap, 44. Comnïe^t la contefle Richildc fit ci) faveur de
LW N D I c e;
BauàouyiT de Moni' renoncer fes enfans du premier lîâ
k la conté de Hainauli, laquelle depuis a tousjours ju«-
ques à ce temps fuccédé aux enfans de Flandre , âc de»
vertui 6c bonnes conditions dudiét Baudouyn de Mons. as^
Chap» 45. Comment le conte BaUdouyn édifia 6t privilé-
gia la Ville de Grantmont, St d'aucuns mônaftèrc» » en
{oit temps con(lrui(fks en Fldncirc , avec autres finga-
laritez. 263
Cfutp. 46. Comment les contes de Flandre ont plufieurs
futhoritez & prééminences en Flandre, que les auirej
pairs de France n'ont en leurs pairries , & de la raifon
dcsdiftes prééminences , enfemble du trefpas de Bau-
. douyn de Mons. . ' 263
Cbap, 47.^ Des troubles que Robert le Frifon fufcita en
Flandre ♦ & comment finabieniçnt ayant efté dcflaid par
le duc de brabfit, il fc retira en Çaxe. 2;^)
Chap, 48. Comment la conteHc Ricliildc emprini le gou-
vernement de Flandre , & des grandes tyrannies qu<
par le confcil des feigrtcurs de Couchy & de Mailly,
elle excrcea audi<ïl païs. 283
Chah. 49. Comment Robert le Frifon h la requefte des
edafs du païs vint à gr mde puilTance en Flandre , où il
fut en pluficurs lieux bien receu , & comment la con-
teHc Rjchllde alla pour fccours vers France , avec autres
particularitez. aas
Chap, 50» Comment le roy Philippe de France defccndit
avec mervellleufe puiffanCe au païs de Flandre , au fc-
cours de la conteffe Richilde 6c de rencouragcment qua
Robert le Frifon donne aux Flamens. %^
Chap* .^i. De fa cruelle bataille des Flamens foubs U
conduiae de Robert le Frifon ,* contre la merveilleufc
puiflance des François, près la ville de Cartel , & U
Ja glorieufe viftoire que Xaàïà Rotert le Frifon obtint
fur lesdids François. ay^ç
thap, f)2. Comment Robert le Frifon fut réceu après û
fusdiae viaoire pour conte de Flandre, & de la fépul-
ture qu'il rit faire au conte Arnould le Simple. 301
Chap, 53» De l'eftrange adventure .qui advint près Coo^
longue aux ambaifadeurs de Robert le Frifon ; de la
dèfcente du roy de France au païs de Flandre , fie com-
ment Robert le Frifon conftraindit Baudouyn de Hai*
nault renoncer h la conté de Flandre. y>z
Chap, 54. Comment Robert le Frifon eftant devenu paifi.
ble conte de Flandre., fit paix avec le roy de France,
éc du voyage qu'il fit vers Hlérufalem, avec autres choe
ftri adtpirables. 310
Chap,
VI N D I C E.
CBap* 55. C<Mniiiettc après It mon du dvc de Bcabflvtj
Robert le Frifon relUtua Tliiéry, fou bea«-filt , en li|
conté de HoUftnâe, flc comment lediâ Robert , s*app««
reillant pour mener guerre contre Angleterre , pour ce
quVm Itoy reAifolt b praôpn des ttt>is cens marcs pac
an , monrut en fa naiû^ de Winendale. 3ii|
Cbap. 56. Comment Robert le Jeune cafla pour Iny d(
fes fi^cefleurs la coulhune , par laquelle les contes d^
Flandre (Uccédbyent aux biens meubles des gens d*églife»
de de plufieurs fondations qu*il fit, 6c comment i) cr^
le prévoft de fainâ Dônas à Bruges » chancelier perp^-»
tuel de Flandre. 317
CbMp. 57. De l^îtaditution d^aucnns ordres au temps di|
conie Robert , & des chofes miraculeufes 6c prodigieu*
les qui au mefme temps adrindrent fiu paî^ de Flandre. 323
Chap. 58. De la première cructilte contré les TUtcs 6ç
infidèles, qui fut publiée au concile de Clermont, dç
comment le conte Robert de Flabdri» alla avec pluûeurs
autres princes à là eon^uefte de Ta tert« ffdnae; de \%
pYinfe de la cité de ifiérUfalem ; éh trefpas dudiâ^
conte Robert, dt d^autres cbol^ mémorables. 329
Cbap. 59. Comment Baudouyn Hapkin print fc femme ma^
' dame Agnès de Bretaigne , laquelle à raifbn de leur
proximité de ftng luy connut dékiflbir » avec autres
choies itiétoorabléB. 337
i^Hip. 60. Comment Baudouyn Hapkin au commencement
de fott gouvernement fie aflëmbler les eftats de Flandre»
pour advifer an moyen que convicndroit tenir pour gon*
vemer le pfâs en union 6c traàquillité , 6c de la paix
publique, quMl it publiée; enfemble de la rigoureufo
. exécution faiâe fut aucuns feigneurs contrevenants à
ladiae paix. 339
Cb)gp, 61. Déduâion de la aaatfba âc généalogie des conte^
de St. Foi 6c de Luxembourch. 34<$
Cbap* 6t. Compent le tpnte Baudouyn entra avec puif*
fancc en la Normandie » dont il téi^t bonne partie
ibubs robéliimce du duc Cuâlaume ; comment ayan^
efté bleifé par les Anglois en une eibarmonce , il mon*
rut encores jeune à RoulerSr ^i^ 350
Chap. 6s. De Tadvènement de Charles de Denjcmarque k
li coi^ de Flandre , 6c du commencement des chev^
lie» de fsio* jciian » des Templiers 6c deç Prépjon»
(trez. p$
Chap. ^4. Dos vertueufes ordonnances du bon conte Cnar-
les t ^ comment au moyen de la douagière iH^Flan*
dre f qui vouloit avance Guillaume de t^ | la $^i^xà
X' I N D I C B.
àviâîêi Flandre , U eud plufienn hùxtitÊ avant eflr»
paifiblç dudia pnïs. 35^
Ci&<i[^. 65. De la glande famine qui an temps du bon cok
Ghatles fùft en Flandre ^ ^ aux païs drcumvoifins, d
dea grands dcvKfite ausquela lediô conte pour obvier à
Hdiâe fkmine fe mit ; enfemble dea canfes de la coa^-
ration de ceux de . Vande Straten contre iceloy boo
conte. ^ 36*
Cbap. 66. De Tabhominable trabifon que ceux de Vaade
Straten commifrcnt co^itre le bon conte Cbarlea 9 qulb
meurdrirent en Téglife de St. Donas , de d^ausrea cbolèi
mémorables. • 367
Cbap. 67. Comment, Servas de Praet es, autres Vindrent e«
diligence vers Bruges 9 pour venger la mort dudiâ bon
conte Charles ; de remprifonnement des complices d*ice-
luy meurtre ; d^s miracles que Dieu numifefta en ûtvcar
dudiâ bon conte , $ d*autres chofes ménM>rablec. 372
Chap. 68. Comment l4|-roy de France fit exécuter par di-
vers lUpplic^ les ftifdiâs Qonfpiraceurs, desquels toutes
les famillfs A ally^ ^rcQl bannis , qui fe retirèrent
en une yflç d*Hyberg|e « nmmé Gherma » avec autres
iingularitez. . 377
Cbap. 69. Comment plufi^urs princes caUengereot k conté
. de Flandre , JaquéUe épaUement, contre droid flc rai-
fon , fot par le roy de France adjugée k Guillaume de
Normandie^ 37^
Cbap. 70. Commçnt Guillaume de Normandie fe fit au
moyen de Taffiftence du roy de France, recevoir en
pluûeurs lieux par force , pour conte deiPlandre, donc
iinablément il devint payfible après la bataille qu*il euft
devant Ypre contre Gùiltawne de LA, 385
Cbap. 71. Des exaâions ôc cruautés du conte Gnfflaume,
après qu'il fut devenu fdgneur paifible. de Flandre, et
comment ceux de Lille rebellèrent contre luy« 386
Cbap. 7^ Comment ceux de Flandre manderait à leK
fecours Thièry d'Elikte contre leur conte Gtdnaume, &
du divers événement de la guerre dejftUéks Tbièry de Qiil-
laume , enfemble de' la mort dudid Guillaume. 389
' Cbap. 73. Comment le conte Thiéry fîlt receu pour fci-
gneur de Flandre, & du Mn€t Sang qàli nppom
d^ontif mer, & donna à la ville de Bruge»; ei^hnble de
la fondation d^ucuns monaftèiea avec -autres ebofes mé»
iporables* 395
Cbap. 74. Comment le conte Thiéry chàflTa du pals de Flan-
dre Gilillaume de Loo , quiprétendoit droiâ audiâ Flandre,
le fit fon premier voyage pott^ la conqueft« de la teirt
VI N D l C t.
fidnâe» M^emble d« commeÉcemeiic dea î"gHinf ft
Blaumotins aa Weftquanier de Flandre. 398
Cèap. 75. Commtiit le conte Tfaiéryentiepientfesde«xkfint
ai troifièBie voyages vers la terre fainde ; de la vidoire
qa*il obtient contre ks Hennuyers, Li^;ois, & Nadia*
rois» enfemble du mariage de madame YTabea» de* Ver«
mandois avec Philif^ de Flandre» ao^el le4ift Thiéry
réûgne la conté dndîd Flandre. 402
Ché^. 76. Comment Phili]^ de Flandre purgea la mer jdet
pyrates hollandois, ôc a^cqua le terroir de Waft ji la
conté de Flandre, ôc de la belle viâoire,qiie le conte
Thiéry & Baudouyn de Hiénifalem eoient contre lea infi-
dèles; du raviflemtut de Marie de Boulongne âû^pai
Mahieu de Flandre, Ce de pluûeqrs cbofes prodiglotfrcs
advenues en Flandre. . 408
Cba^ 77. Du quatricfme voyage du conte Thiéry vers U
^ terre fainéte, & comment àfon retour il feif lira pour
le demeurant de fa vie au monaftèrede Watenes^ de la
viétoire des FUmens contre les Hollandois, & du qiémo^
rable traiâé de paix , faia entre kfdiâs dç Flandce ^ de
Holhmde , en la ville de Bruges. 414
Cbap* 78. Comment le conte Thiéry fit appeller avant mou.
rir Tes enfans au moiial^ère de Watenes, ôc des fainâes
temonftraiices qu*il leur fit , ôc du trefpas dudid Thîéiy. 4fta
Cbap. 79* Gomment le conte Philippe parla trois jouis après
ia ntiflaQcefitd^aucuns privilèges quil donna aux villes de
Flandre. 4&5
Cbap. 80. Comment t*emporcar frédéric vint en la ville de
Quefnoy aux noces du conte de Hainault ôc de madame
Marguerite de Flandre, & comment Mahieu de Flandre
renvoya madame Marie à fon abbaye» dont il Tavoie
ravie. 434
Cbap. 81. Comment le conte Philippe entreprend pour la
première fois la conquefte de laterrefainae,& des armes
que chevalcrcufement il gaigna Air le roy d*Albenie, dont
les contes de Flandre laiflant les anchiènes ufent encoures
pour le préfent, avec autres chofes mémorables. 438
Cbap. 8a. Comment le conte Philippe , I fon^retour de la
terre fainâe , pratiqua rappoinâementd^entre les marchanda
de Flandre, fie de Coulongne, & du mariage de madame
YTabeau de Hainault niepfe dudiâ conte Philippe avec le
roy de France; enfemble des terres qu*en avancement
dudiâ mariage , lediâ conte Philippe donna avec fadiâe
niepfe. V 444
Chap. 83* Comment deux diverfes fois le conte Philippe en-
tra avec puilTance au royaume de Frapce 9 C( de la paix
L' I N D I C E.
4ai Ce fit par te lAoffB âa Ugit d« KoÊoe entre FUnâtek
ledia France. 45»
*ehap. S4. Commenc le oonte Philippe viit k granck magu-
licence en ]$ ville de Mayenct vers Temperetir Frédéric;
d'ancuni héréditues qui forent piurie ei) la vifle d*Ams,
tE, comment le trou du Dam f«c,par le moyen d'uncyco
qu*en y jeébi* miracuieitfemeab reftoappé. 455
Cbap' 85. De la guerre que If «eonte de Flandre renompeOa
contre France, à raifon que^» Roy anrolt répudié fa ta-
' me , qui efti^t nièce dod^cMie^ Flandre , ôc comment
le mefme conte de Flandre fit fnerre «n conte de Haioatilt,
^ de la paix qui fé fit ennr*eux. 459
Çbffp. dô. Comment le eohte deFhmdre envoya fes amlMT-
flideura vers Portugal demander en mariage rinfantedndiâ
Portugal , laquelle en fon chemin pour Flandre fiit defiroof-
féf fur la mer , & de l'exécution que le conte fit fidre
dtfdiéts defthïufl^rs; enftmble comment lediâ conte fiic
éréé gai>dien de Téglife ût Cambny. 4^3
Ch^. S7. Comment le conte Philippe envoya vingt St» fcpt
- navires de Flandre à la tonquefte de la terre rainâe,éc des
exploias que lefdifts navires filVent en Hifpaigne comrc
les Bârréfms ; enfcmble comment le conte Philippe alla par
terre avec grande puiiHincé à ladifte conquefte , de dQ
iré^pfts'dudia conte Philippe,' qui mourut devant AT-
i:alott. 46}
Fin de h fablô du p^me fremkr^
SS
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AUG 2 9 1945