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Full text of "Annales de Flandre de P. d'Oudegherst, enrichies de notes grammaticales, historiques & critiques, & de plusieurs chartres & diplomes, qui n'ont jamais été imprimés, avec un discours préliminaire servant d'introduction à ces Annales"

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,    A  N_N  A  L  Ë  S 

DE 

FLANDRE 

D  E 

P.   D^OUDEGHERST,  '^ 

I 

Enrichies  de  notes  grammaticales,  hiftoriques  ^ 

critiques ,  &  de  plufîeurs  Chartres  &  diplômes , 

qui  n'ont  jamais  été  imprimés, 

/ivec  un  difcours  préUmiHaire  firyant  ifintroduâipi) 
à  ces  annales  , 

PAR 

M.      LiESBROUSSAktj 

frofejeùr  de  poefie  au  collège  de  Bruxelles^  ^ 
correfpondant  du  Mufée  de  Bordeaux. 

TOME       PREMIER, 


À     ci  A  NDi 


Ckti  F.  i*.  de  Goejîn^  imprîttieùr-libraîte ,  ini 
Haute-porte,  No.  229. 

—* y  ,        , ,  4 

MDGCLXXXIX; 


TO  NEW  Y0?'< 
PUBLIC  L\'"^''.nY 

mTSQtrs 

ASTOn,  LKN'OX  A^r^, 
TILDtN    FOLNDAS   .nS 


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Noms^  qualités  gf  âemeurti  ék  Mil*  i^m  ont  honc- 
ré  cet  ouvrage  de  leur  foufcrtption. 

•  Apers  (  p.  J;  )  à  Gaod. 

Baut  de  JIa6Mon  (  Alp,  )  de  Tacadéttie  royale 

des  fciciices ,  arts  &  bdkô-tettres  d'Orléaos, 
à  Gand. 

Beydens,  avocat  &  bailli  du  pays  de  Ncvel. 

BoucHETET,  maïeur,  à  Valenciennes. 

Boulanger  >  à  la  Vcntic, 

Boulé,  avocat,  à  Valencienncs. 

Brasseur  (  L.  S.  )  négociant ,  à  Gand. 

BuQuET  DE  Éracheux,  membre  de  racad^roit 

d'Amiens ,  de  la  fociété  royale  d'agriculture  & 

procureur    honoraire  du   roî   au  prcfidial   de 

Beauvais,  à  Bcauvais. 

Cattaert  ,  profcfleut  du  collège  ,  à  Orchîes. 

Cattaert  ihuG.^  jouaîllier,  à  LiUe. 

CoppENS  C  Le  baron  )  à  Gand. 

"^oppENS  (  B.  )  médecin ,  à  Gîind. 

CoppiETERS ,  religieux  de  l'abbaye  de  St.  ?îerre, 

lès  Gand. 

Creudal;  lîeutenânt-prévôt  i  à  Vàleticîennei. 

CuiGNKT,  maître  de  penfion  >  i  Lille* 

CuYPERS  DE   Rymenajm    (  Lc  Gomt^  Fr.  )    à 

firuxelles. 

Daenes,  avocat,  à  Gand. 

De  Bast  (JfeAK)  négociaitt^  à  G«tid. 

De  Bast  (  Mart.  )  curé  de  St.  Nicolas  à  Gand, 

Debaitt,  avocat,  à  Oand» 

Debbaut  ,  avocat ,  à  Gand. 

Yi2.  Bradant  ,  dofteur  en  médecine ,  profefleur 

d'anatomîe  à  runîyerfité  de  Louvain ,  membre 


QATALOÔUÉ 

^e  la  fociété  royale  de  médecine  de  Paris ,  à 

Bruxelles. 
pE  Crrspin  (  L'abbé  )  à  Valenciennes. 
Pe  Crumpipen  ,  chevalier  de  Tordre  royal  dé 

St.  Etienne ,  confciller  d'état ,  chancelier  de 

Brabant,  &  préfident  de  Tacadéraiede  Bruxol- 

les,  à  Bruxelles. 
pE  Frltz  (  Le  baron  )    confeiller    au    coafcit 

royal .  nlembre  de  la  coitimiflîon  établie  pour 

les  affaires  ecclénaftiques  ,  les  études  &  la  ceii* 

fure ,  à  Bruxelles. 
Pe  Grùyte^  (  PiERUÊ-^F.  )  à  Gaqd, 
pE  Hennac,  à  Gand. 
pE  Hesoin  5  rpi  &  hé^*aut:  d'artpes  de  S.  M,  k 

tître  de  la  province  de  Namur ,  membre  de 

Tacadémie  impériale  &  royale  des  fciences  & 

belles-lettrcs  à  Bruxelles. 
pE  HbyNE  5  à  Lille. 
pE  LA  Loge,  à  Valenciennes, 
Dp  Lambreciïts  ,  dodteur  en  droit ,  profcfleur 

à  l^uliiverfité  de  Louvain. 

pE  LA  Vielle  UZE  »  confeiller  au  confçil  royal 

du   gouverncnient-général    des   Pays-Bas  ,    à 

'  Bru^ellefii4 
pE  Launay  ,  Iccrctaîre  de  S.  M.,  membre  des 

académies  de  Bruxelles  &  de  Zélande. 
pEL  Haye  (  G.  J*  )  muficien  de  la  chapelle  royale 

1^  BruHellesj 
Pe  LichterveLdè  (Le  éonlte  François)  fiU« 
pE  MoERLOosE,  avocat ,  à  Gand. 
pE  MoNTREUiL  ,  à  Lille. 
pEMuHRAY  (  5.  Et  le  comte)  copfcîjler  d'(t^\ 


-r.rrrne  ikt, 

\^îencienius. 

df  Tordre  im 

cott ,  chfflcâ: 

"acBdénûcdcÎB 

r-Tifeiller   an  ot 
rr^nlffion  étabfe 
,  ks  études  ài2 

^  i  Gani 
NaîDur,Bsif£' 


ren  droit,  F^^ 

n. 

■j:;er  au  confdr:^ 

-j   4es  Paj-s-to 


&  de  Zélandc 
.endelachapelk^i 

comte  FMi^)' 
à  Gand* 


omtç 


)  contins  ^ 


DE      SOUSCRlPtEURS, 

intime  &  achiel ,  général  d'artillerie ,  &c.  &Ct 
à  Bruxelles. 

De  Murray  (  Le  comte  Albert)  fils ^  cnfcigne 
au  régiment  de  Murray. 

De  Myttenaère  (  J.  B.  )  à  Gand. 

Denis,  avocat,  à  Douay. 

De  Santander,  à  Bruxelles* 

Descornaix  9  officier  criminel ,  à  ValencîcnneS4 

De  St.  Sauve  ,  (  L*abbé  )  à  Valenciennes. 

De  Thiennest  de  Rumbeke  (Le  comte  )  cham- 
bellan de  S.  M.  Tempereut  &  roi ,  grand-baillî 
de  Bruges^  &c« 

Devemy  ,  à  Lille. 

De  Vos  ,  religieux  &  receveur  de  l'abbaye  de 
St.  Pierre,  lès  Gaqd, 

l)'liENNiN ,  libraire  ,  à  Valenciennes  ,  pour  fix 
exemplatrei. 

DoFFEGNiES,  ancîcn  éclicvîn ,  à  Valenciennes^ 

Dubois  de  Schoondôrp  ,  à  Gand. 

Du  Ponchel  ,  à  la  Gorgue. 

Du  Thoït  ,  auditeur  du  bailliage,  à  Lille» 

D'yve  (  Mad.  la  comteffe)  à  Bruxelles. 

Eeckellaer,  avocat,  à  St.  Gilles. 

Eeckellaer  ,  avocat ,  à  St.  Nicolas, 

Evêque  (  L'  )  d'Aqvers, 

Faubert  ,  à  Lille. 

Flanderin  ,  à  Oftendc, 

Gambar,  fils  ,  libraire,  à  KloMttnX^  pour  douz$ 
exemplaires. 

Genyn  (  t.  F.  )  aVocat ,  à  Gand. 
Gérard  ,  fecretaire  de  S.  M.  au  confeil  royal  du 
gouvernement  dés  Pays-Bas,  membre  des  tic^- 
démies  des  fcîences  de  Bruxelles,  de  Zélanda. 
Jt  de  Bcfançon  ,  à  Bruxelles, 


CATAtOGUE 

GiiESQuieaB  (  L'abbd )  hidoriograpbe  de  S»  •,  M 
membre  des  académies  des  fciences  de  Binixd- 
les  &de  Zélande,  à  Bruxelles. 

HeLIAS   b'HUDDEGHEM  (  E.  )  *  Gaiîd. 

HiTART  9  direAeur  des  études  ^  à  Bruxelles» 

HuLiNO ,  médecin ,  à  St.  Nicolas. 

Jacquez  ,  libraire ,  à  Lille  ^f9ur  0,$*  ixttiiplaku^ 

Kaerten  ,  en  Hollande. 

Lammens,  avocat. 9  à  Gand. 

Lammens  (  Fr.  )  pour  deux  exemplaires. 

Lammens  (  J.  )  contrôleur  des  portes ,  à  Gand. 

Lammens  (  M.  N.  )  à  Tronchiennes ,  pour  deux 
exemplaires. 

Le  Jeune 9  avocat,  à  dand. 

Le  Maire  9  imprimeur-libraire ,  à  Bruxelles  j^wr 
trois  exemplaires. 

Le  Pan,  principal  du  collège  de  la  ville,  à  Lille. 

LoMBAR  9  à  Lille. 

Mann  (  L'abbé  )  fecretaire  perpituel  de  l'acadé- 
mie de  Bruxelles  9  membre  de  la  fociété  royale 
de  Londres  Ace,  à  Bruxelles. 

Marc  ,  chanoine  régulier  à  Cifoing. 

Maximiuen  de  Ste.  Marie  (Le révérend  père) 
dit  Pater-noftre,  facriftain  aéluel  des  Carmes 
déchauflTés  9  à  Malkcs. 

Meffagcr  (Le)  d'Hulft. 

MoERMAN  (Jean-Bapt.  )  à  Gand. 

MuNDEr^AERS  (  L'abbé  )  curé  de  N.  D.  de  Fi- 
nifterre ,  à  Bruxelles. 

Papeleu  9  avocat ,  &  Gand. 

Papeleu  9  tréforicr  9  à  Gand. 

Penneman  CJ.  B.  )  avocat,  à  Çand. 

P1ERSMAN9  avocat»  greffier,  &  S.  Paul. 


DE      SOUSCRIPTEURS. 

Reiiatc^  (Le  |ière)  récoBet. 

RiQUET  (  M.  )  médecin  ,  à  Lille. 

RoMSAUT  C  /•  )  ^  Bruxelles. 

RoTTiER  (  J.  p.  )  aroctt,  à  Gaad. 

ScHCFs^s  9  avocat  9  à  Gond. 

ScHLiM,  profefieurau  collège  royal  de  BmxcUtfs, 

à  Bruxelles. 
ScRivE  ,  arocat ,  i  LiUe. 
Selosse,  caré  de  Bonsbeque. 
SiMOx  DE  Ste.  Cécile  (  Le  père  }  carm^Ute* 
Sodété  littéraire  de  Gaad. 
Sta,  avocat,  à  LiUe. 
Stafpeks^  à  Lille. 
Steexwixkel  (  J.  )  J*  U.  D.  ,  membre  de  Taca- 

déiaîe  de  k  Uttéracure  beigique ,  de  la  ibdété 

des  mafophiles  de  Leide,  &  de  la  fociété  pro* 

TÎnctale   des    arts    &   fcknces   d^Utrecht ,  à 

Bruxelles. 
Tercellin,  à  Mous  ^  pour  ffpt  exemplaires. 
Te3<jcois  ,  fecretaire  au  confeil  royal ,  à  Bnueelles. 
Thierexs  ,  maïeur  &  (ladhouder ,  à  Vracbene* 
Thirion  (  L'abbé  )  à  Broxelles. 
Yxs  Beesex,  à  S.  Nicolas  ,  pour  daix  exewH 

pjjirâs. 
Vas  den  Hecke  (  J.  B.  )  à  Gand. 
Vander  Beke  (  j.  L  )  à  Gand. 
Vaxder  Haeghen  de  Mussaix,  à  Gand. 
Vaxder  Stegen,  baron  de  Putte,  i  Bruxelles. 
Vaxder  Stegen  ,  major  au  fervîce  de  S.  M.  L 

&  R. ,  à  Bruxelles. 
Vande  Vivere  (E.  C.  j.  )  greffier,  i  Gand. 
Vax  Doorxe(Mart.),  médecin,  à  Gand. 
Vax  Dcyse,  praticien,  i  Bevcren. 


CATALOGUE  DE   SOUSCRIPTEURS, 

Van  HooftisNBEKit  9  licutcnant-civil^  à  Gand» 

Van  Uultii£m  ,  à  Gand* 

Van  Landboiiem  (  P.  )  dchcvhi  »  t,  Vrachcnc. 

Van  Ov£fti£Kft  (  F.  )  à  (îand. 

Van  Phaet,  libraire,  à  \)v\\gQ% ^  pour  flx  ixm* 

plaires* 
Van  Tmentk  (P.  J.  )  chirurgien,  h  Cand. 
Van  Thieouem  (L.)  avocat,  à  Gand, 
Van  Tokrs  ,  avocat,  à  Gand. 
Varknberome  ,  à  Gand. 
VRttviER  C  J.  D.  )  mddecin  ,  à  Gond. 
WALLAEftT,  bailli,  à  Taralfe. 
Walwevn  (  La  veuve  )  à  Ypres ,  pour  douze 

exemplaires. 
WfivN,  avocat ,  greffier  de  S.  Nlcolai  &  Nlcuw- 

kerke,  à  S.  Nlcolai* 
WouTERi  Dx  TER  Webrdbn  (  B.  )  avocat ,  à 

Gand* 


TABLE 

Des  matières  contenues  daris  le  premier  volume. 
A 

A  Dolphe ,  reçoit  en  partage  le  comté  de  Bou- 
logne, le  territoire  de  Thérouanne,  &  Tab^ 
baye  de  St.  Bertin ,/.  153.  &  15^.  Sar  mort,/.  161. 

Amand  (St.)  Effets  heureux  de  fes  travaux 
àpoftoliques  dans  la  Flandre,  difc.  prélim.p.  xix. 
id.  p.  6.  fi?  fuiv.  Vt  confcille  la  fondation  de  Tab- 
baye  de  Marchiennes, /.  15.  ibid.n.  5.  Il  con- 
vertît à  la  Foi  k  peuple  de  Gand,  ibid. 

Agrippa,  préfet  des  Gaules  fous  la  domination 
romaine ,  fait  conftfuîre  dans  la  Belgique  plufleurs 
voles  roilkaîrcs ,  difc.  prélim.  p,  xii. 

Antoine  (  le  foreftier  )  ,  fils  de  Lyderic  I.  ^ 
fuccède  à  fon  père,/.  77.  Eoîbleffe  de  fon  ad- 
miniftration ,  ibid. 

Amould  I.  (  dit  le  Vieux  ou  le  Grand).  Ori- 
gine de  ces  fufnfoms,/.  15a.  Le  pape  lui  accorde 
t4)utes  les  dîmes  de  la  Flandre,/.  153.  Ses  dé- 
mêlés avec  Tempereur  Othon  L,  p.  154.  ^.fuiv^ 
Monumens  de  fa  piété,  156.  &  fuiv.  II  attaque 
&  défait  Sifroid,  capitaine  Normand,  qui  s'étoit 
emparé  de  la  ville  de  Guines ,  159.  n.  1.  Il  re- 
nonce à  l'abbaye  de  St<  Bèrtin  dont  il  avoit  joui  ^ 
apj-ès  la  mort  de  fon  frère  Adolphe,  162.  Di?er- 
fes  opinions  fut  fes  démêlés  avec  Guillaume  , 
eue  de  Normandie,  qu'il  fait  affaffiner^  163.  fij? 
164.  ».  2.  Il  abdique  en  faveur  dç  Baudoin  le 
Jeune,  fon  fils ^  170.  Il  reprend  le  gouvernement^ 
après  la  mort  de  ce  fils,  176.  n.  2^  Sa  mort,  ibid. 

Arnould  IL,  (dit  le  Jeune) 4^ Guerres  en  Flan- 
ire  pendant  fa  minorité,  180.  &  fuiv.  Il  fait  la 
paLx  avec  Lothaire,  roi  de  France  ,  182.  Ses  dé- 
bats avec  les  religieifx  de  St.  Bertin,  touchant 
la  ville  de  Calais,  185.  Monumens  de  fa  piété, 
186.  fîp  fuiv.  Son  alliance  avec  Frédéric,  duc  do 
la  haute  Lorraine,  i88.  Sa  mort 5  196. 


TABLE 

Arnould' m. ,  (dit  le  Simple)  fucccJe  à  Hail- 
doin  de  Mons,  fon  père,  dans  le  comtd  île  Flan- 
dre, &  fous  la  CMtèle  de  RicbiWe,  fa  mère,/>.  279. 
,&  fuiv.  Il  eft  tué  à  la  journdc  de  Callcl  ,  en 
combattant  contre  lou  onde,  Rohcrt  le  luifon  ,' 

Atrébatea  ^  peuple  indigène  de  la  Belgique  ^ 
dlfc.  ptilim.  p.  I.  \\%  fléchilTent  Jules-Cél'ar  qui 
leur  donne  un  roi,  iUd*  vu.  Leur  commerce 
avec  les  Romains  ^  ikid*^  xiiz. 

Baudoin  L  (  dit  Bras-do^fer  ).  Origine  M  ce 
fiirnom,  93*  Soa  portrait,  ibid.  ^  fuiv.  \\  s*at. 
tache  à  Lothaire  dana  la  guerre  contre  ks  rois 
Louis  &  Charles  le  Cbauv* ,  <Sc  eft  bleOé  à  la 
Journée  de  Fontenqi  ^  94»  ^  fuiy.  Il  tjficwaphe 
deux  foia  dej3  François,  107.  âi  114.  Obfervation 
critique  fur  ces  évônemens,  115.  n.  i.  II  devient . 
j^pioureuï  de  Judith,  fille  de  Charles  le  Chauve 
&  veuve  de  deux  rois  anglois,  95.  ibid^^n.  3.  Il 
la  conduit  en  Flandre  où  ii  répuufe  ,  96*  II  fe 
rend  à  Rome  avec  Judith,  pour  faire  lever  Fex- 
communicatioD  lancée  contre  leur  niuriage,  ii6ê 
Il  fe  réconcilie  «vec  Charles  le  Chauve  qui  rati- 
fie fon  union  avec  Judith,  122. ,  &  qui  augmente 
fes  domaines,  125.  ibid.  n.  2»  Il  fait  conftruire 
quelques  forterefle» ,   130.  &  bûtit    Téglife   de 
St.  Oonas,  131.  Ses  enfans,  133.  Sa  mort, /^/V; 
Baudoin  IL  (  dit  le  Chauve  ).  Origine  de  ce 
furnom,  137.  Il  fuccède  à  Baudoin  Bras-de-fer, 
fon  père,;/Wrf.  11  déclare  la  guerre  à  Herbert  ^ 
comte  de  Vcrmandois  ,  pour  venger  la  mort  de 
Rodolphe,  fon  frère,  comte  de  Cambrai,  139. 
&  146*  Il  répare  quelques  forts  &  en  eonftruit 
de  nouveaux,  140.  Il  jette  Ief>  fondemens  de  quel- 
ques églifes^  1421.  Obtient  de  Charles  le  Simple 
J'abbsiye  de  St.  Bertin,  143.  ibidi  n.  8.  ^  147. 
Sa  querelle  avec  Foulques,  archevêque  de  Rbeims, 
ibid.  n.  14  11  fait  afiaflîner  ce  pontife  ,  148. -Ex- 


D  Ê  $f   M  A  T 4  e.R  R  Ë  S* 

Ôoflâert  ou  Burçhard  {I. ,  ,jpère  dii  for«ftiçr  Ly<i 
aerîc  II.,  8ô.'  '  • 

Bracbâienjis  (jogus^.  Séi  .Jubites  ^  rgnétèn-^ 
4ue,  i'5«^ ,  :      .  \    .      ' 

Bucq(bois  de).  Pourquoi'^ppell^  y^W  «i^m*, 
«.  J>ât  qui  il  ^tait  hmiérjm,  ;  :  ^'. 

Càraufius,  oTlgînaîrc  de  la  Ménapîe,  difpyt^ 
l'empire  à  Dîoclétien ,  dlfc.préÏÏmin.  xiv. 

Cérat  (Jules)  défait  lés  Nerviens  fur  les  bords 
delaSambre^  diftx  préiirt[iin.<  vi?.,  Sa  conduire  à 
regard  du  fénat  de  Vai\ne§i-./^^;  vin.  Il  .i^tai» 
que  inthiâueufement  les  Méi^^eps  &  les  l&fs^ 
Tins^Jiii^.  :ix%  ^  x«  I  II  9^eii;£p<^ia(  te  fondateur 
de  la  ville)  d^^G^^nd,  ^.^  6.  ii^.,j6. .  . 

Charlebiagne^  •  Son  éloge  9.  i^.n^  n*  Il  doqiqe 
Je  gouvernement  deia.Çl^çdr^i^^^idçriçII.,.»^. 
Réflexion  fur  cet  objet ,  ikid'*  fi^  q*^  Il  Vient  à 
Gand  &  y  vifite  la  flotte  qu'il  y  fefoit  équiper 
contre  les  Normands,  8^.,  /Wrf.  «.  5. 

Charles  ^^ion  ou  le,  faint.  II  fucçède  à  Baudoin 
i  laHacAf^ssSf  Ordonnance  contre  les  blafpbé- 
mateurs ,  358".  11  ordonne  qu'il  foît  permis  de  ffe 


^i^l 


confefler  &  de.rçcfvoîrla  coiTuntmion  aux  p-ijôl- 
liels  condamnés  à  mort,  'j59-  Il  f(îil  piitlîe^  la 

Î\^Vi  du  lèigpeuç,  -ibid.  Ses  démêlés  avec  Guît 
aumè  de  L6b  qui  préteridôît  àii  comté  de  Flan- 
dre, 3.6î.„^7wV.  Ses  guerres  co'ntre  le  coptfe 
Gautier  d'Hefdin,*  la  lïôuàînèré  Clémenée,  fiau- 
"doîn  de  Mons  &  Thomas  de  Coucby,  ihid.^tX 
-exemple  de  la  Jibéralité,  364.  drigîpe  de  (ts  dé- 
mêlés zv^ç'lèsi  .^/inder  Sfraeien^  ^6$.  &  fuh. 
ibtd.  «. '37  Û  fp'  forme  une  çonrpiratîon  âtrode 
,contre  lui,  56g.,,  Q?  fuiv»  Sa  fin  tragique,  371* 
Suites,  dexet  ^^ftinfit^  jhid.  &  Jutv.  Sa  mort 
vpngée  car  k  roi  de  France,  LouJsJe'GroS  ,^77* 

Cjiaî^lies  ie  Chauve,  réclame/ contre  Tetilèvet 


rùèit  36  JfààA'l^  '  fifté  ;  '  par  Bâuc^oîn  ^Fâ^è-Pe^^ 
06.  &  fuivn  Son  armée,  eft  vainci^e'clcu**foià,pâr 
Baudoin',  ïby.'fîf 'îi4,  Réflcxîont  ftir  cc$.  défai- 
tes^ 115.  n.  i^  Il  pardonne.^  Baudoin,^'  ratifié 
fdh  iii'arîage  iW  JaSith^  122.  &jHp.hbi  qu'il 
fait  à  cette  princcnTé  eli  faveur  de  loh  Kjfmèn  avec 
Baudoin,  124.  fîf  fuiv.^ibid.  n.  2. 

Cpurtrai.  Cette  ville  fe  révolte  contre  Baudoin 
àta  WUeBàrbéVadi.   ■   '.   '     '';;'.'■ 

^'  Dia^obéft  tleh>î)^  Il  accueille  ftvdrabîchient 
IkVfeqlïûte  de  Éyderié  1.  tontre  PhlriaéW,  47.  M 
*DWt)yé'uît  îlëliaaï'à»'i:ô  dernier*  jiottt^  Tinformet 
'âè^^TéclamaltidriS'  tiiie  Lyderic  I^'fefôlt  à  fechàr*- 
ge,  48.  Il  affilie  au- coîiibût  entte  Veîj  ét\i±  athlè^ 
teé;-  54.'  Réfleîftiohs  crhiques  fiir  -ces  divieré  évè- 
«emeris  j  6t.^'6i.\,ii.ii  IlcortftitUe  Lyderîc  1. 
ïortRiferae.Tlàîidrey  fia.    ^        ^       '   ^        '"    '. 

'"  felo!  (St.)  pyCche  la  foi  d^ips  la  Flandre,  12. 

t^^^^;^.  îÈidJn.i.  6?  2.  n  fonde  ^Yglife  de  St; 
auycur  à  Bruges,  ihtd*    .       ...'•,.' 
"J  M^orèdejjQrcftîc'r,  fils  de  Êûrçliard  &  arrière- 

^^tii-fiLsde  i:ytWicL;èo.  .  •  ;,  "  . 

Enguerrand  ou  Ingliclram,  foi-éflier,  fili  de  Ly- 
âcriç  II.j  90.       ' .... 

^.  '  î|rra^ngarde,ou  Etnergaert.  Soh  origine,  17. 
Part  aycc  .  (on  .épopx  '  pour ,  TAngleltcf-re ,  tbid. 
Elle  ^ckappe  aux  meurtriers  de  foi^  '^i)6ux,'  2i^. 
yifion  qu'elle  a 'pendant  la  nuîtJ'jatS.  Elle  ac- 
couche dans^uft  bois  de  Lydcric.î.'i  28.  Elle  eft 
emmenée  captive  au  château  de  Bucq,  31.  Elle 
recouvre  fa  liberté,  58.  Samoft,  75.'Réflcxîôn's 
fur  les  aventures  romanefques  de  cette  prînceflTe 
&  deYoh'fils  Lyd'eric  L,  il.  &'  62J  n.  i*  Et 
fur  la  conformité  du  nom  &  de  l'origine  de  cet- 
te pfin'ccflc  aycc  une  autre 'Ermcngarde  que  quel- 


t)  E  ST  M^Atir  l  E  Jt  Ê  S. 

tfoes^nns  dan'àeiit  pour  éptiUftl^hvdoïp^d^lfyx^ 
lebecque,  86.  ,»*4,  .<        V  .'/ 

fi.  a.  fzp.  isllfî'/i/yi^Wîmis^aîrerfWfDr.Pécy* 
p3ologiedetenom,2.^/»/V.  mj.  n.  a.  Eten* 

Flaudre.-i^iyprfité  ^»mw^^  fur  J'étymologie 
de  rçe  :n(?P|,;A.âf  yî«fJt.;vîV4;:«*^  **.  fô^ifiw 

Foreftier.  Diverfité  d^qpiingp»^;^  l'0r«Wie^d|i 
ce  mot  &  fur  les  fonftipns  de  celui  qui  en  étoît 
revêtu,  63.  ^  fuivk  ibÙL  n.  i.  ^      ., 

Francs/ tetir  établilîfefcêfl't  âifii  la'Betèî'flW. 

G«h:dw'A  <lalùeettcmUeidoiBfétT^i9ir%ÎMe  ;:«;*  »*:^. 
Elle  eft  inutilement  atta^^p»jl^empe«»enrHeq- 

Gantois ,  convertis  A  la  Foi  par  Su  J^|nt3Dâ^  i§» 
d^tIlMtiJèddn}>r^x*  âs^^  fijtr.lecbm- 

té^tk;  Blaonlte^  579.- :®f:j((ift^(Il.c^  l)affai i&ftit 
ptïoMÉ«f^B«  ^^  Wî^i»(3^¥UftttWie.^difc.aeNxMr- 
fflani^e^^  585*^^  w^QJV»^^r^:Ji«- l^i'ét^^njioBpr^^'ii 
«Ntoté  :^e  ^imâx^i  Jti4il&'  fitm  ^  PfiP^flfe  d'A:»- 
gtece^.ôç  çBte«dr6*  sSj»  il  fft.-iferc^  de-  rtl^uf- 

jBôttj;,-  ff^rji'ifrij2wu:-.«:::Cî  î-i  /) .::.:  I- .  -  ^^-j.^.^ 
'6uaiMnte\l<^t  if»w^éDDGw3^^  de.J^- 
Jft?n^îéâ  Bopsorfientî^aû  0(ilDt4[de>Fiif»dfe:£ir|ja 
faveur  de  Louis  le  Gros^  roi  de.Fî'4uijQCi»;r3S4. 
^r/i^^IDSBooltid  qufj^idfbrat^  *i:  fbE.;.^ne- 
mtiïi^^tlt^  &'ifif{p^oll  oftfltecdifau  foibvQrmiîif^p 
it^iiliartJiaB  tôUps  die  kKhndie,  #W.  HiÊBrtîid 
pdieux  aux  FIaman4]|5.:par:4a  aaiaiftipos,  *à37*> 


♦  * 


\SL 


T   A   B    L   E 

589.,  390.  Il  cft  bkflK  à  mort  fou*  les   murs 

d'Aloft,  393-  ,  ^     ^  xT       \t     1      r 

Guillaume  le  bJtard,  duc  de  Normandie ,  époufe 
Méhaut,  fille  de  Baudoin  de  Lille,  045-  Sa  poftérU 
té ,  H6f  li  parvient àlî>  couronne  d'Angleterre.  ibl4. 
H 
Hôtirl  k  Boiteux  ( l'empereur)  affiège  le  comte 
de  Flandre  dans  Valenclennes ,  aïo.  &  fuiv^  11  eft 
forcé  de  fcretirer ,  at6.  «s'empare  du  château  de 
Oand,  attaque  inutilement  cette  ville  dont  11  pille 
les  environs  5  217.  Il  cède  au  comte  de  Flandre 
les  lies  de  Zélande»  fiiS.         ' 

Jofaran,  fils  aîné  de  Lyderic  L  II  eft  condam- 
né  à  perdre  la  tétepar  fon  père,  76.  ihid.  a. 

Judith,  fille  de  Cfhlarlcs  le  Chauve.  Son  apour 
pour  Baudoin  bras-de-fet  qu'elle  ftiit  en  Flandre, 
^o.  Son  voyage  à  Rome*,  iiiJ.  Dot  4u*eiU  ap- 
porte à  fon  époux,  ift5« 

Lyderic  (l'Hermîte)  fo  préfente  à  1^  princcfTe 
Hermengarde  âe  la  confole,  ft4.  gp/^/v.  lUrou- 
ve,  recueille  &  élevé  le  Jeune  Lyderic  L.»  3^* 
Sa  mort,  74.  L         '     , 

Lyderic  I.  Sa  naiflance,  &8.  Il  eft.  nourri  par 
une  biche,  3a.  Opinion  fur  ce  prétendu  prodt- 
ge,  6a.  n.  1.  Son  éducation  par  rHctmtoe  Ly- 
deric «^  fon  départ  pour  TAngteterre,  34^-©*  35* 
Son  amour  pour  la  belle  Graclenne,^?.  Son 
combat  en  champ  dois  avec  Phinaert,  56.  &fUiv. 
Il  eft  fait  premier  foreffier  de  Flandre,  60;  Il 
rencontre  la  fille  du  roi  Dagobert  &  T^poufe,  6i. 
fi?  71.  Réflexion  fur  ce  mariage,  ibiid.  n.  4.  fîf  5» 
Il  fait  trancher  la  ttce  à  Jofaran  fon  fils,  76. 
£a  mort,  77. 

Lyderic  II.  Charlemagne  lui  confie  Je.  Gouver- 
nement de  la  Flandre,  pour  prix  de  fes.  longs 
fervices,  85.  ibld^  n.i.VL  reçoit  cet  empereifr 
à  Gand,  90*  Sa  mort,  n.  3.  .    .      ' 


DE  s    M  AT  lE  RE  s. 

M 

Mempifcmspêgus.  Origine  de  ce  nom  ,  &  éten- 
duc  de  ce  pays,  13.  n.  3. 

Ménapîens,  peuple  de  li  Belgique  «  difc.  pri^ 
Uwtm.  I.  Leur  commerce  fous  le  gouvernement 
Tomwïyibid.  nu  Defcription  de  la  forme  de  leurs 
vaifleaux,  ibid.  viii.  n.  s.  Us  demandent  la  paix 
à  Céfar,  iUd.  xi.  Leur  commcree  chez  les  Ro- 
mains, ibid.  xiii.  Us  enToyent  une  colonie  en 
Irlande,  ibid.  xiv. 

Morins.  Anecdote  fingulîère  fur  la  fobriété  de 
ce  peuple,  difc.  priKmin.  iv.  Defcription  de  la 
forme  de  leurs  vaiffeaux,  ibid.  vni.  n.  s.  Bs  font 
vamcus  par  Ctfar  ,  ibid.  x. 

N 

Negotiatores  crgtariij  elpèce  de  commerçans 
chez  les  anciens  Belges ,  dijb.  priUmin.  xm.  In- 
fcriptions  relatives  à  ce  genre  de  commerce,  ibid. 
XIV.  ».  a^ 

Utmetocenna  ^  capitale  du  pays  des  Atr^bates» 
difc.prilimin.  iv. 

Nerviens.  Ds  font  vaincus  par  Céfar,  ^fc. 
priRm.  VI.  Çf  vu. 

Nièpe  (bois  de),  refte  des  forêts  ménapien- 
nés ,  difc.  prélimîn*  in.  &  rv. 
O 

Odoacrc  ou  Audacer.  II  fuccède  à  Enguerrand 
fon  père  dans  la  dignité  de  foreftier  de  Flandre, 
^i.  Réflexion  fur  ce  nom^  92.  n.  3. 

P 

Pagui.  Ce  que  fignîfie  ce  mot  dans  Jules-Cé- 
far,  difc.  prélimin.  u.  n.  a. 

Philippe  L ,  roi  de  France.  H  conduit  de  nom-^ 
breux  fecours  à  Richilde  contre  Robert  le  Fri- 
ipn,  ^91.  ibid.  n.  i.  II  eft  vaincu  à  la  journée 
de  Caffel,  figg.  &fuiv.  Il  revient  en  JFlandrc  &. 
pille  Su  Omcr,.  305.  fif  JUiv. 


î^hilippe  d'Alface ,  prèftd  les  rênes  du  Gouve^ 
taciDlîiit3c4o6»:,407i,Tfé/y.  II.  .8*  Ses  premiers  ex- 
ploits militaires  fur  tejire  ^.for  mer^  498,^^409. 
Il  feit  j\4rer  dans  fe^j  éfgts!  l'ol^fervapop  4c  la 
psAx  publiquf:vi^'iïi^<>Çi5MB€^  férie^femeiïjt  .4e  la 
légiflatipn,  Ai6ii  417;,, lî  déclare. te  gtjen-e  au 
ço^tç  de  HolUndp.i^  le  4^faity4X9.»  ifid.n.6. 
Il  fait.U  paii^  à  des  çonditiops  très-ayaiitageufes, 
41^0.  ;]\^pnumens  divers  ,4jui  cqnftatcnt  fon  goût 
pour  la  légiflation  &  le  commerce  i*  426»  » /Ar^« 

ti.  1.9  43^' 5  «•  ^^^  433*  &  M^'  ^^.  f^^^  ^^P" 
portés  divers  diplô^^s.  de  ce  prince^  Pivers  pri- 
yilègeS' açcQ.rdé3  par  lui  auî(  yilles  dp^^l^S^^  ^ 
d'Audenarde^   433- >   434, _  ïl  réunit   le  ipomté 
d'Aloft  à  celui  de  Flandre,  437.  Il  prendla  croix, 
part  pour  la  Paleftîne,  'où  il  fe  trouve  à  dîver* 
fes  expédittons^  j^^' ^&iy/uiv.  Il  fecouit  lé/ roi 
de  'Etante,  contre  Henri  IL,  roi  iilAïigUiterreî 
438..  i?;.i*-Ses  déthêlés  avec.Jacqueè  îd'AvôiïiBS, 
439., /^/W.  ».  2.  Il  inftitue  fa  fœur  Marguerite, 
pdrur  Ix^  hériàèrefi  440.  ^.  3:  Il  âfflfte  &  porte 
répée  royale  au  facre  de  Philîppe-Augufte,  m 
de  F*rante5'447i%.'3;-li''tfiarie  fa  niè<îe,  Ifebélle 
de  Hainaut,  447.  Dot  qu'il  lui  dbMnie,  448^  Il  fait 
la  gaetre  à  h  ¥hnce^  dont  il  ravage  plufieurs 
provinces,  451.  &  fm^.'  ibîd.  n.i;  Il  déclare 
de  nouveau  la  guerre  à  )Philippe-Augufte ,  460. 
^  fuiv^^  ^  au  comte  de  Hainaiit,,  /^/Vv  Traité 
de_pai^  entre  ces,c}su}c  princes  &  le  comte  de 
Flandre,   461^- ^ -4(53.  Philippe  épp^fe:.Mathade 
de  Portugal,  464.  ^  futv.  Il  eft  déclaré  gar- 
dien  de  Téglife  de  Cambrai,  467.  Droits   qui 
Itii  fOtt't  .accord*^  à  ee  fujdt^  i*w/;  £f'^'4^^J' 
équipe  une  flotte  contre  les  Sarràfi»^,  469.  ^ 
part  lui-même  pour  la  Pileftmè^  470»  ^'fum 
tt -y  meurt  à  St.  Jean  d'Acre,'  475.  n,  7.  R^" 
iî6xft)fls   fur  radminiftration  civile  de  ce  prince^ 
474*  ».  7%  '   .''•     .  ■'   ;  * 

Phinaert.  Sou  caradère ,  18.  Il  affiaifineJSahacrt^. 


.  D  E.S.  M  A  T^;pR,  ES. 

HO)  H  fait  enlever  Ermengarde,  29.  Son  corn* 
bat  en  champ  clos  avec  Lycleric  l^ ,  56.  Ça.  dé- 
faite, 57.  '  '       *  ^    '^^  '       '-    .    ' 

,   «     ^  '  .  :  •       - 

Richilde,  comtefle  de  Hainaut,  époufe  Bau- 
doin de  Mons,  237.  ibsd.  »*  i.  EUe  gouverne 
pour  fes  enfansj  281.  Sa  ci^ûdujlre  envers  Ro*- 
î)ert  le  Frifon,  Jbid*  EUe  foulé ve  fes  Flamands 
parfes 'exaftiôriSp  284.  ^fuivl  'Elle  fait  nitu 
trç  i  mbft  des  députés  àé  jk  ville  d'Ypres^,  2^ 
Elle  êft  vaîdcùe  par  Robert  le  Frillpn,  299.  & 
futv.  302.  ,308.  p*\*  Sa  pénitence  &fatàort,326. 
'  Robert  le  Frifon,  reçoit  en  partage  le  pays 
'd'Aloft,  les  quatre  métiers  &  les  îles  de  Zéftm- 
de,  248.  Il  veuf  S'emparer  dé  la  Flandre ,  apAs 
la  mort  de  Baudoin  de  Mons  fon  frère,  280*. 
D  foumet  11  province  d*Ooft-Frife,  281. ,  eft  bat- 
tu par  le  duc  de  Brabant,  283.  Il  rentre  en 
Flandre,  iW,  n.  3.  S?  2%i.^ihid.  nJ  3.  Ils^em- 
pare  de  plufieurs  villes  de  cette  province,  11891 
Êf  fuiv\  n  bat  Richilde  &  le  roi  de  France  * 
CaffeU  299.  fif  fuiv.  Il  eft  reconnu  comte  dé 
Flandre,  303.'  ^  309.  Il  triomphe  encore  dé 
Richilde  près  de  Mons,  308.  «.'a.  Il  fonde  phi*- 
fieurs  égÛTCs,  31^.  Il  entreprend  le  vbyagç^dè-Ia 
Pakftine,  313.  Sa  mort,  316.  \î 

Robert  le  Jeune.  Son  avènement  au*  comté'  de 
Flandre,  317.  H  abroge  Tufage  oïlr  étoîenrles (Com- 
tes de  Flandre  de  fuccéder  aux  biens  meuWes  des 
cccléfiaftiques ,  320.  Il  crée  IcPrévbt  de  Sr.  Do- 
nas,  chancelier  perpétuel  de  Flandre,  321.  Fon- 
dations pieiHes^  Und.  ^  futT^  B  part  |)0ur  la 
Paleftîne,  329.  &  fuiv.  Ses  exploits  en  Syrie; 
330.  ibidi  n,  6*  Jl  fait  la  guerre  à  Temper^ur 
Henri  V.  &  prend  la  Ville.de  Cambrai ^..3 34;, 
ibid»  n.  9.  Il  périt  dans  Teau  près  de  Meaux  en 
Brie,  $^5.j  ibid,  n.  n.  ^  $3,6,      . 

Rpthilde,  fœur  du  roi  Dagobert',  eft  rencontrée 
dans  le  boîs  de  Bucq  par  Lyderic  I. ,  67.  fif /w/v 


TABLÉ  Ê'Es  Matières. 

Salvacrt.  Son  origine,  fen  voyage  eh  Angle- 
terre avec  Ermengarde  fon  époufe,  17.  'Son  affaf- 
finat  par  Pbinaert  dans  îe  bois  deBuccj,  i^o. 

thiéti  d'Jl/ace/l\  (om^  des  ptétçhtîons  fur 
U  tomié  de  Flandre,  3^-  &  fui v.  &nr  quels 
titres  elles  ^toient  fondées, /W/»,  3.  Il  eft  ap- 
pelle par  plufieiirs  villes  de  la  Flandre»  fatiguées 
du  joug  dur^omtc  Guillaume,  dit;  çourf^  cuiffiy 
390.,  39X*  Il  ell  excommunié  comme  ulurpateur, 
ibid.  Il eft battu  près  d'Aloft  i^ar  Ton  compétiteur, 
392.  û?  /«/y»  ti  ^^  reconnu  comte  dç  Flandre  9 
394.,  395.  ^a  ppftérîté,  39e,  ^  397.  fondations 
pieufes  qui  lui  font  dues,  ibiJ.  ^  398.  Il  pafle 
en  Syrie  au  fecours  des  croîfés,4QQ*,/W.  ».  3é 
Séditions  fous  fon  règne,  401.  &  fuiv.  l\  re*' 
tourne  en  Paleftine,  40a.  Guerre  entre  le  Hai* 
Haut  &  la  Flandre,  pendant  fori  abfence,  403*  > 
404.  Thiéri  cède  à  fon  fils  I^hilippe  U  Couver-: 
nement  de  la  Flandre,  ^06.  Il  fait  ijn  troifième 
voyage  en  jpaleftine,  /W.  Ses  exploits,  dans 
cette  troifième  expédition^  409,  ^fuiv.ibid.  n.  a^ 
Son  retour  en  Flandre,  ibid.  Puis  en  Paleftine 
pour  la  quatrième  fois,  4x5*  Il  repafleen  Flan* 
dre  &  fe  retire  au  monaftère  de  Guaftîne,  418. 
$a/mort,  423.,  fon  éloge,  tbid.  &  fuiv.  n.a. 

Tronchiennes  (églife  de).  $a  fou'^ation,  14. 
Située  fur  les  limites  du paguf  Gandenjis ,  ibid.  n,  3, 
V 

Vandales.  Leurs  ravagea  de  la  Flandre,  78. 
ibid.  ».  I. 

Voies  militaires  romaines.  Quand  •&  par  qui 
conftruites  dans  la  Belgique,  difc.  prélimin.  xiu 

W 

Wîchmann.  Il  eft  nommé  par  Othon  I.  d'une 
fbrterefle%fituée  à  Gand  fur  la  lys,  15a.  »♦  i.  & 
ÏS$*  n.  6. 


AVIS     AU     LECTEUR. 

Comme  terépétîtîoti  trop  fréquçnte  de  plufieur$ 
ezp.rei&ons  furannées  qu^on  rencontre  dans  cet  ou- 
vrage, pourroit  fatiguer  le  lefteur,  nous  avons 
trouvé  boa  de  mettre  à  la  tête  de  ces  volumes 
une  taWc  alphabétique  de  ces  exprcffions,  avee 
ieurç  explications  grammaticales. 


'  AB  .  AP 

A 
^iMs  9  Havifis  y  Hsv0ift. 
Abfcoiife,  cacbe. 
Accooftrer,  habiller. 
AEdmiqae ,  payen. 
Afibndge  C^roiâs  d*)  droits 

^i  fc  lèvent  fur  les  boif- 

fons. 
A^çe  ,  pie ,  en  Utin  pid, 
Agencer,  arranger. 
Agnel,  agneau. 
Agnerroyez,  aguerri. 
Ainçois,  aup-tôt. 
Ains,  mais. 

A  rtdvcnaût ,  à  proportion. 
A  ht  mieime  volonté  que, /«^ 

Ion  moi ,  fi. 
A  rcndroia,^  Pégard. 
Alexe,  Jlexis. 
Alcyt-,  Jlix^  AUydCy  Mêle. 
Aliiis,  autrement. 
Afler  avant,  réupr. 
AUoes ,  alUuy  en  latin  aie- 

dnm  ,  predrâm  immime. 
AMratioit,  trouble. 
Ambedeux,  tous  deux. 
Affiplier,  augmenter. 
Anodle  ,  Jhroante  ,    femme 

ferve^  efclave ,  du  latin  an* 

cilla. 
Andacer,  Odoaere*. 
Andrieu,  André. 
Aeprcfte» ,  préparatifs,   :  .  . 


AR-BR 

Ardolphus,  Amof^l. 
Arfer,  briller ,   dm  latin  ar» 

dere. 
Aruner ,  orner. 
Afprc ,  rude ,  oplnidtre. 
Aucunement,   un  peu^    en 

quelque  forte. 
Aucuns,  quelques. 
Au  menu,    en    abrégé ^    en 

détail. 
Ao  prismes ,  pour  ta  premiè- 
re fois. 
Ave,  ayeul.  - 

AvcugHifement,  aveuglement* 

B 
Bachin,  bagln^ptat. 
Bague,  bagage. 
Bail,  gonvernei^  9    tuteur ^ 

gardien. 
Balfaert ,  droit  qui paroét -être 

le  même    que    le  meilleur 

catbetl. 
BartMomieu ,  Bartbiléml. 
Baftre  mal ,  être  contraire. 
Bave,  Bavon. 
Bélin,    bélier  ,   machine  d$ 

guerrei 
Bénoift,  bon. 
Bertrude,  Bertbe. 
Boadmond,  Bogmond. 
Bochu ,  b(^. 

Bourdes ,  fornettes  ,  fadaifes. 
Bnoidir^  s*agiter,  > 


/'•v,  .^BfR?^^  GO  -  - 

Brandon,  tifon  allumé. 
Brièf,  hicntdt, 
Buvra^e  ,^  hrçuva^e, 

-'"'■'■  C 

C$&(tvigtft  quereller  it  di/pk- 

W.  -    '.'^  :.    •  .  : 

C^^lrie ,-  çfiduliemâ.  ;-    )    ^ 
Catheif,  meuble. 
Cautcle,  rufe, 
Cauteleu»,  rufé^. 
Cauteleufeihent  ,    finement , 

adroitemenjl*^  '  j 

Cavimtioa  ,  rufe  ^fubtU'iH., 
Cavillcux ,  artificieux  y.rt^é , 

</tf  latin  cavUlofus.'     .^  • 
Cervoift ,  hierre ,  en.latj,ij, ç^- 
.  revîfia. 
Ces  (le)  ,    tintefàit  eu   la 

cefation  (fe  l"* office  divin^  ■ 
Qharobri^lf ,  ckambellf^n.^ 
Champ  de  bataille ,  dueL , 
Chanrois»  Chartreux^,      ,, 
Chartrous ,  voj'^z  Chartroi^i 
Chaftoy ,   châtiment  •  /îj^W; 
.Mon^      '  „     .  ,  ,       . 

Chaftoyer,  châtier, 
Chemiti^^i  ç/>l«/iifr^.    '    ; 
Chcvance ,  HêHS  ,  p^iffiffi&ns..  \ 

avarice,  - 

OAtt^  fiârvient.  .,  ^  •  ;i 
eu  iprofi.')^  cilui,  ,. 
Cil  d*œil,  clin  d'*aiU, 
CQllQçquw  ^^ovrner:^  fl0ctrA 
CpinpagfiaWo ,  if^rf^î^'  .  / 
Compofer,  iw^r/r^  k'comj^r 
-' fitf^n, 

Comprinfe ,  étendue. 
Concept ,  projet,  •  ,  <  r 

Concion,  /i//2r(^t/fï.      '  :\ 

Confércf.^  comparer.    .     •    '' 
Conjure ,  confpigatiot^  ^  \cani 
jurath^n,^  ,.    .  .' 

Conilablementt  ebér^meatL:.^ 


Confier,  coûter, 
I    Coc^^vointx  9  fr^famr  ^fouil- 
ler ,  corrompre ,    du  '  latin 
.   contamiftarc.f  .  ^ 

'  'Contempnemçht,'  mfpris. 
Contempiiei',  '  friép^^fèr;\'àu 
ht  in ,  contèmnére^  ' 

.  Comtndre  ^  dij^uêêr  ^  prém- 
dr^f  dit  /^iVi  ^coaten4r9« 
Coutcxcr,  comfofir, 
Cdjitrevenge ,  repréfaitles. 
Converti^,  tourner ^  adrej/er, 
Convoyteux,  defireUx, 
Convoytife,  deftr, 
CoraJ,,  p^fomc  a^ac^^c  t^ 

chœur  d^uufi  é^lifif  . 
Couard,  Idckc ^^ poltron. 
Couardie ,-  poltronnerie,    .  ; 
Cai^rdifc ,  voye:^  Couaidit;. . 
Coulpc  9  faute  ^du  liititi  çiUpa. 
Coupler,  joindre,  ^ 

Coappetu  ♦  haj4t,        , 
Courcorifm,  de  Courfrii  ^  en 

latin  CurtracenÛs. 
Couft ,  frais ,  dépens*  ..' 
Couftrê  \facrijîain  \  officier  at^ 
taché  au  fervicû  de  Péglifc* 
prcme,  orûp^  9  accrue,      . 
Çrçy^t  craie, ,erf  ^f/«creta. 
Cruciate,  croifadey 
Cunçt,  Canut, 
Cure ,  foin ,  du  latin  cura. 
Qujdcx  9  Jtenfirj  croire.  .    . 

,  J>  \ 

D'abondant,  éfe  plus ,^  en  la^ 
tin  prapterçà^  inf^pcr*;.    / 
Damafco^  Damais, 
Débattre,  difputer. 
De  brief,  hientCt,  .^ 
Décheoir ,  troniper ,  .fflulrf, 
Déduia    (Juhfi.')  ^[pj^jf^^^ 
'..p^^^^^si    ., .     ^  .  .    ,  • 
Défaillir,  manquer, 
Dcffiance,V^)2.,  o  ,  .  . 
Délayer,  différera      , 
Délinqocr,  manfucr^    . 


'DE  VE'S  •  /B5  -  FO 

Demeurant  Cfttbfi-')  9  ^^fi^*  B£ctppct ,  icbappir^  J ; 

Départir, T^r/i^^sr  9    difiri»  IXczxs^  étroit. 

huer.  Efcheveff ,  ivit^r.     -,       ' 

Déporter,  difp^nfen  £fcltfl4re»  inf0lt$^  OêùUiâêê 

t)é{9Ênoy %  difardro;  fâcheux.                . .-  '. 

Defcente ,  origine.  J^^^i^mk  *  fims  b^Hta  .  :  j.  i 

Defconfaire ,  <ftS^#/r^.  Eûargier»  WM»^r,,«««of:^^r, 

Defconfititre,  défaite.  du.  ia$mtitxpx%.-^  -  : 

Defervir,  mériter.  EHnOY,  ttûukl^.^  émûon.  . 

tDéshonefter,  #r^</«^r,  rfA-  Efpoii,  ^«. 

^©«o'-^^.  Eftoc ,  fff^t ,  eété ,%««  , tfi^^/ 

Defmouvoir ,.  détkièrner ,  /<«/.  </<?  fov^iUe. 

re  changer  ^  en  iatin  dimo-  Eftrangcx  (  s'  ) ,  ^  f^^ék  » 

veroi  s*  éloigner. 

Deftrier,  cheval  \ds  batt^lU.  EfvîOiomi:,  d^jfforottn..       * 

Deftrouffer , />ïV/dr.  Efventé,  léger,  in^eudtnt. 

Dextrenient^  adroitement.  Evaginçr»  tirer  du  fowrre^u^ 

Dextres ,  mains ,  du  latin  dex-  E Veut ,  évknemeht ,  cir^onfian- 

tra ,  <?w  dextera.  "       .  ce,  cas. 

D'heure.*  d*ahoird,,  de  Bonne  Excogiter,  imaginer y'înveo^ 

beure^-  ter,penfer. 

Difert ,  éloquent.  Exploifter,  r/m/t/rr ,  ^xicutpr^ 

Diverdr',    détourner  ,   faire  j&àEftioire ,  *^rfi                   j 

change  /Pêpinion.  ^       .           F 

Douagière,  douairière.  Fûconé,  éloquent i 

Douloir,  fe  plaindre ,  du  la-  FaWâtj,  manquer. 

tin^hve.  F^isCfuifi.),  poids  ^ fardeau^ 

Douter,  prévoyer\,  redoutera  Fanon,  pi^  d'étoffe^. 

Duc  de  Venife ,  dege^           •  Farfé  ,  dérijhire.      ^  ^ 

Du  tout,  entMremettt.  Fafcer^  f ennuyer,,  querellen 

E                  '  Fafcerie,  querelle. 

Ediffement ,  féparation ,   di-  Fauflelle ,  faucille, 

vifion ,  partage.  Féaulté  ,Joi  ,  fidélité. 

F^MkT,fiparer,^ivr/<ripar'  Féé ,  -  merveilleux ,    enchan* 

tager.          /  teur ,  favori fé  ou  foutenu 

l.]£^te,  Jlface.  par  Jes  fées.                       j 

Emergaert,  Ermengarde.  Félon,  trattre,  cruel ^  itnpi- 

Embler ,  prendre  d* emblée.  toyable,  trompeuth,  perfide^ 

Enghel,bert,  Liethert,  Félonie,-  crime,  infidélité. 

Engin,  machine.  Fiance,    parole    donnée,    ou 

Enhort ,  exhortation.  croyance. 

Enhortement ,  voye^:  Enhort.  Fiancer ,  jurer ,  engager. 

En  fomme,  enfin ,  en  un  mot ^  Fincr,  finir,   venir  à  bçutt 

Erres  ,^  pas ,  ^her^in ,  4ipnti\  trouver. 

nuation,                          -  Flores,  Florent.                    ^ 

£6j>9Ue  ,  amtifer.'  ,  Foucault ,  IquI^uks, 


FO  -liA 


HA- LE 


Porciblement  ^forcément  fpar 
force. 

Fors ,  excepté ,  finoHf 

tFoùir,  creùfef^  du  iaHu  fo- 
dcre. 

Foulles ,  défaftres  »  vexations , 
exioffians ,  violences, 

Fourcompter  >  tromper. 

Fourfi&iie,  malfaire,  pécher  ^ 
commettre  un  crime  ^  per- 
dre^ du  latin  forisfàcere. 

Fourligner,  dégénérer, 

Frandi  hofte,  habitant  du 
franc, 

Frumeat,  froment^  hled. 

Fulguration  «  éclair, 

^Ftt(l«S)  bdtonsy  bois,  ou  tou- 
tes Jbrtes  de  petits  meubles, 
O     . 

Oabelle,  impét. 

Galtnd,  aventurier. 

<«ars»  garçon,  enfant, 

Gavène ,  Gavenne  4  ou  Gave  » 
droit  de  prote^ion ,  qui  fe 
paye  à  quelque  prince  ou 
feigneur ,  pour  av^ir  fa 
d^enfe  en  tems  de  guerre. 

Géhenne ,  torture. 

défir,  repofer. 

Gheleede ,  charge  de  convoi. 

Gifle,  Gifïle. 

Godevaert,  Godefroi. 

Goncelme ,  Gocelin. 

Grand  lieu ,  fang  illu/lre, 

Graveninghe ,  Gravelines. 

Grevelinghes ,  voyez  Grave- 
ninghe. 

Grever,  charger. 

Guerdon,  récompenfe, 

«Guefdonner ,  récompenfer, 

Guerpcrer,  abandonner, 
H 

Haquebute,  arquebufes. 

Hapieule ,  à  la  hache,    \    . 

Hapkin,  hache, 

HaroUus,  Haraldt,^ 


Hamas,  harnols, 

Haftivement ,  promptement. 

Havre  ,  port, 

Heaulme»  cafque, 

Heerlyçkç  vx^éi^^pajj^du  Sei- 
gneur, 

Hem ,  ^om  d'une  mefure^ 

Herencus»  Harene. 

Hermicifs,  Ernicule. 

Herold,  Har^lde. 

Heur,  bonheur. 

Hoir,  héritier, 

Hoftagiers,V^^«X. 

Houzé,  botté. 

Hoye,  Hui, 

Hue,  Hugues, 

Hyberaer ,  paff^r  Phiver, 
I 

Idoine,  propre, 

Ille(f,  là,  dans  ce  lieu. 

Imbofcade ,  embûche, 

Iniperfcruta1»le ,  impénétrable* 

Imper^n^nt,  hors  de  propos, 

Inadvertiflemeht ,     inadver^ 
tance. 

Incontinent  que ,  dis  que. 

Incrédible ,  incroyable. 

Induce,  trlve, 

Invafif ,  offenfif, 

Jordan,  Jourdain, 

Jovencel ,  jeune  homme. 

Journée  fignifie    quelquefois 
entrevue,  conférence. 

Ire,  colère ,  du  latin  ira. 
K 

Keure,  loix, 

■      L  '  '■ 

Lncq,  filet,  piège, 

Lanchure ,  élancement. 

La  part ,  par-tout, 

Larrechin,  vol^ 

Las,  hélas t 

Uid,  fidèle, 

Légièrement  ^  facilement ,  ai- 

fément, 
Lelyarts ,  Icf^gens  attachés  du 


LET-ME  ME-OV 

parti  det  Us^  en  latin  Vi^  Vkl^t^M^zeUe. 

liatL  Mite,  mpnnoic  anciefuu;  U 

Lez ,  frès  dt  ^cbtz.  fcmbU  que  la  Mite  fut  un^ 

Lice  j  comkat.  :  ejjjrité  Jing/e  ,  la.  tnoindf^ 

Linaige^  lipUe^.  famille. .  ejpice  réelle  ayant  la  va- 

LiAceuXf  àri^s^  linges.  leur  de  trois  Mites  %  qu'Hun 

Linéatore,  Itniament ,  trait  .  nomma  maille^  obole. 

de  sHfage, .  '    .  Moult,  beaueot^^  trèe. 

Lia  de  parement,  lit  deparsde.  .Moftimet  y  ménager  ^  procn* 

Lotrice ,  Lotèier,    -  rer^  mériter^ 

Louchet ,  ^/c<>fe  ,  inftrument  N 

d* agriculture.  '  •  i  NHUBert ,  //  fa^t ,  ilccmsi^t. 

Lundolph,  Landoald.          *  Navrer»  blejer, 

Luyfeau,  cercueil.  Nays,  nés.               .••'   ï  : 

Lyeflb,  joie^  al^refe^   du  Nef,  vaifeau^  du  iatln  w 

latin  lietitia.  vis.                          ' 

M  Neveu ,  fêttt^ti  \  '»âf9-  laUn 

Mahieu,  Matthieu.  -  nèpôsf. 

MaMt^  obole  9  monnoie  an-  Ninive,  iV/«Mr^.      '  ^*'^    '^ 

cienne.^  demi-denier  ^  dont  '  NonchaUoir,  oubli  9- énéifé" 

les  24.  valotânt  un  fol.  renée  y  'mépris* 

Main  fouveraine,  autorité,  Nourir,  élever. 

Mvii^né  9  pufné.  '^oyÇt,  querelle. 

MaMalent,   dépit  ,  indigna  Nutriment,  nourriture.  - 

tion  9  mauva/fe  volonté  ;  il  O      ' 

•  ftgmfle    quelquefois    faute  Oblivion ,  oubli.          '  î  '  ^  î 

gjvvA^  crime.  Oh^nt  ^  ff  oppofant^^ii  cai^ 

Mambour^^jU^/ear  ,  gouver-  'f^'de.                     ..  .    \ 

neur,  OiïénôiQ m  attaquer.  /^-^'-^ 

Manant  y  A4A/#4W»/.              ''  Ognie  ^UCgine.  ^     ?.  un:    ;'r 

Mandetetc v,^^«^r.  Olbert, -^«f*.       .; -^ :;.«/f 

Muclàon^ ifnar^uijkt.  Omnipotent,  tout'pûiffiiHt,  ' 

Marez,  marais.  Oncqnts  ^  /amais\.  ^   MÏà 

Mary  (  adj'eSl.^ ,  agiigé^fdcJjé.  umquadi. 

Me^9cerke,  Jb^riekerke ^  eh  Opportunité,  facilita ,  occff* 

<  latin  M9xix  fknum.  yion.    ' 

Méfiiire ,  nmlfairt.  Ord ,  fale ,  honteux ,  infâme^ 

Mens,  Mayence.  du  latin  (ordidùs.-  '''  '^ 

Mefdief,  jnefdiicf , malheur  ^  Ores^ y  p$ré/èntement ,  ^>ùmt^. 

accident,           .  :j       1  Ofe^.^uei-^d/^i^e  ,' î^^ss^i 

ftU£us«  fauteycrimc'^  forfaits  bien  méme^  nmlgré^qwu  ■ 

Mettre  jus ,  mettre Âm^  ^uit»  <}maxx,;^ort^lsi,      .  ^     : .    / 

ter.            .-./,,.  .».          :  Oft,  armée ^  campyœrm&* 

Mettre.\'ûur»v<^i?èiir»  i^/ftf-»  Overfcheldé,  wïr^  èEfbaxf^ 

é¥im%.Àft'^m*^  ,',■■            ''  Oultre^c^i^ttcç  ,    pr^omp* 

M^uxdxix  9  afal/inçr.  fiçn. 


lOxr-vPO 


POf-ïlB: 


Otiltrecuidé;  ff^mptuéuàl 
O«¥f0lt ,    amikt:^  ihû  ^oà 

p  /.  ; 

Paour^  ptur,  du.JMtùf.fÊaf30T. 

Pimioii  jprinu  ,  U  ptemiet^ 

U  plus  grand. 
V^mgOTOitXi  mcfurer^  corn- 

partir,  partagtr  *  du  léUm 

partir!. 
Bâtent ♦;</^»i^r*r^:  ,,... 
Patron ,  modèle.  .    , 

Pinlinf#X  4ifli««die  4Pr>>»/^^ 

manche  des  RamêaMfs>:.n 
Pecune,  argent  ^  duja^ittjpp*' 
.'"ÇAnig..  ••     ,  . .-. .      .    / 
Pennage ,  afin  $  façultd  de 

voler,  ',  ,     ,  .. 

Perdure,  iterneL,   .  , ,  v  / 
Péreraptoir,  déçiftf.,  ].   .',  >- 
Perpétrer,  commettre, 
Pers ,  ^/î/rj.  ,.  > 

P^vifacité,  opimdtre^i^  oif^ 

jlination ,   </«  la  fin  i?e^i- 

cacitaa.  .  ;       '» 

Pharauld,  PhAimUif,^  ^n  ') 
Pharetra,  car^oUk^  ,  :  >' 
Pieur.,^^//^  ,  .,.  M,  .; 
pipgçrw»  échanS^K  ^  '  '  y 
Pippard,  trompeur ^i,,, , ... 
PJamout^nx,  abon^^ff, ., .;, 
Plasmateur,  créateur  ^^dtiia- 

fin  plasiwre.  .     *  \    f    j 

Poindie ,  ^tfro0r4^^^A^/>;^'   ^ 
Poîaiinghe ,  *Mdk/fompefixà^ 
Pompenx,  nêmbriu»,  .     v 
Porter  crédemSe,  n^r/ikirjtfOK^ 

Bondrière,  j&MfjJ^i.  .:u/0 
Ppnrchaffer,  pouèfiiiwrti  '  *  " 
pourjed ,  j^ro/V/.  \ 


Pregnant ,  fort ,  put  fauté 
Premiers. <4àfc;«> 4  première 

menti  d^abord^^uparavamt^ 
Premier  911e ,  aoàut  que* 
Prendre  iktà  4  m^r  igard» 
Prcfche,  fermant  .  *  ^ 
Procradination*,  ^d^iài^  Un4 

.'-  ^/ttf. ,-.:,'■'  j 

ProuefTe ,  hravoûreé  , .  r   '  • 

.  .  iQ,  -  . 
Quant  &  luy.,  avec  lui. 
Quant  Qc  quant  ,  <M   m/md 

inflant.  . 
Que  et   foit,,  ,qU0iqu^il  €t$> 

foit. 
Quide,  libre. 
Quint ,  cinquième f 
Quoye  9  tran/iuille  »    (p^mp^ 

■'•«''       ■.-  '• 
RabaQre,J>^£r.         ..  , 

Rache,  race. 

lUmentevoir  ,  ^  rappellfr    à 

'    Vefprit.  '  >  ^  , 

Rappeller,  révoquer  ^a^nulkr  4 

Rate  de  tenips ,  contirigent ,  cft 

latin  ratum/...,  ,    .     , 

Raya ,  rayons.  ^ . 

l^MhOUtCT  y\f4fpûf^jÈr., .{ 

RecordatioA,  mémôitiL 
Recorç  (jitf*) dtre  rèfouvê* 

nant» 
itecucil,  épcuiiL^ 
iUd^igue  ,  reprodse  ,  Mdm^; 
Redondcr^  ibumer^^  tsmbtr^ 
Réduire   en.ihémoii^e',  tap^ 

peller  en  mimvitiu. 
Refondiv  ,  \fm{brs\\  .ne/tktfififf 
Refrainâe,  réprimée; 
Régiment;  '  conduite  «  '  '>>gotih 

Reliques,  reftes.  >rA 

Remettre^  •fû»,^  rdrakif^r.in,: 
Rencharge ,  fténr$n*di  imU 
heur»     ''f'^^V  i*-     -  .'  ".     C 


R^P^;  aûgmenrer.  Soocfvtt,  douea^^  fiioves. 
Reflouppcr ,  fermer^  houçitr^    Souler  ,  avoir  àfûtamt  ^  ^ 

.  rew^.                    y  i^ff//»  folere. 

Retounier  ^  revenir^  ^     .  S*oiirdir,  mutircJ 

KtnÛK^j-aircr.  SfoUct^^ià'. 

Kx^fta^^  ^tprifailla,      .  St.  faeîir,  St.  DlzUf. 

Rcravs  (hantsj,  ^^jfei^  St.  Régnier,  St,  kùjuier. 

RcvDcqacr,  rappcUer.  ;  St.  Vedaft,  St.  Vaafi. 

Rcvobrer,/^ii;f«Air  ,  fMrtf,  Suhrcrtii ^  féd^ire.     '   ^ 

Rcwagt,  r/^^g/.  Surie ,  .Syri*.    . 

Réyffir,  devenir.  Sus   la  hart  ,  /ojw  /^/»^  i/k 

itouland,  ^/?otf/.  i;^  <^^  ^  fous  ^iiurifrç 

RonkTs,  Rêufelaere.           ,  pendu. 

R^oolof,  Rodolphe.  Sufurre,  petit  bruit ^  du  U^ 

Roowaeit,  opcier  qui  a  in-  tin  fufumis. 

Jpeâion  fur  la  police  ou  le  Sy  avant  que,  pourvu  que  , 

bitm  public  d'une  ville.  au  cas  que. 

Rjïdc  ,   peu    aguerri  ,    peu  T 

€xercé.  TaiDcr,  couper^  mélanger. 

Ruer  ,  porter ,  diriger ,  jet-  Tancr ,  fatiguer. 

^  Tantoft  après ,  ouf -tôt. 

Rao-jos,  renvenfer^  défaire,  Tédicux,  ennuyeux  y  du  la. 

détruire  y  battre.  tin  ta^diof1ls. 

S  Tenrc  ,  Dendre^ 

Ssçette  ,  fiJcbe ,  du  latin  fa-  Terminer ,  mourir. 

S^ï^  Tertre ,  colline  ,  bautettr. 

Stra^inoUnte^fanglanle^du  Thérowaeoe,  Ibérouane. 

îatin  fanguinolentus.  Tîercemeiit , /rw>E^ii^«^/. 

Smlvcté  ,  falut  ,     confcrva-  Tollenares  ,  commis  à  la  per- 

^*^'  ception  des  imp6ts. 

SdOfie,  Saxe.  ToUu,  enlevé  ^  du  latin  tol- 

Soffoo,  époque.  1ère. 

SchHine,  étincelle  y  du  latin  Tombe  y  autltitude  ^  du  latin 

firiftiîTIa.                                *  turba. 

Semlilaiit ,  air ,  vifage.  Tranflater  ,  transférer  ,  trans- 

Sénoiice  ,    invitation  ,    re-  porter. 

quête,  demande.  Tioviiîet ,  amener  ,  faifir  ^ or- 

Sénoodre,  inviter.  réter. 

Semdlre,  gauche.  Tuition,  défenfe. 

Séquelle,  fuite.  Tyrus  ,  Tgr ,  ville  de  la  Pa- 


r,  fermer.  lefiine. 

â,  ainfi.  V 

H^Qaîn  ,  garde  des  fceaux.  Vauderoute ,  défordre. 

âgnamment,  fur-tout.  Vefvcté,  viduité ,  veuvage. 

Sopir ,  affoupir.  Ventiler  ,   débattre ,   c^itêr. 

iocde  3  folde.  Vergoignc ,  hontf. 


VB-  WA  ,  WA-Yd 

VcrUU«Y  Phara^tde,  en  htin  «4  trtBA  CPiuir 

V^crfclittCf «  f  trlhunaL       '  '  ttffb. 

Vlfine  ^  maMnê  dâ  gutrft^'  WiTft,  /^rf^i. 

////  /tf//«  vinca,  Watcrlnfhe ,  cê  qui  eoncê^m, 

VJrcff  tourfiêr,              ^  Ut  eaux. 

Vitupère  ♦  Hdm^ ,  /atyre ,'  i/<^  Weàdchoék ,  <)!^tf/<ff  rA/ï'f/f /  /i 

lafltt  VlrwperJum.  '   '  falr$  tfùécuUr  h$  fintenmt 

VUupcriit)k,  hldmabh,  œ  lAor^  «teentor  rtl  )«* 

Volrci  ;  même,  àïoêim, 

'    W  WhtecipefoiM  ^     iHpmm 

WftWruyt  (Hw.)»  Stê,VaU^  blanct, 

dru,                               '  ^onQeïin^  Vêneêflm, 

W*ocnItt|he  t  ^(/î^  ^Vr/^^/ ,  Y        ' 


.  7 


A  Très  Haut,  Très  Puissant,  zt 
Très  Victorieux  Empereur 
DES  Romains,  Maximilian  IL^ 

toujours  Augufte,  Roy  de  Germanie, 
Hongrie  &  Bohème ,  Archiduc  d'Au- 
ftrice,  &c. 


s. 


JRÊ  fe  glorieux  &  admirable  renom 
que  par  tous  les  endroi&s  de  la  terre  s* ex* 
tend  &  hrûii  de  vnjîre  magnanimué ,  pru^ 
dence  &  humanité ,  me  femble  ne  mériter 
riens  moings  que  la  dévotion  &  fervice  des 
plus  rares  &  eùccellents  perfonnaiges  ^  qui 
pour  le  jourdhuy  fe  trouvent  en  toute  la 
Chrefiîenté  :  mefmes  qull  feroit  impoffibh 
trouver  aucun  homiite  tant  parfait  &  ac-^ 
compl^ ,  auquel  ne  ferve  de  tris  grand  luftre^ 
la  feule  faculté  de  fe  povoit- ,  à  vojlre  ad^ 
yeu  ,  reclamer  très  humble  ferviteur  de  yojlre 
Sacrée  Majeflé.  Ce  que  aujfy  de  tout  temps 
fay  extrêmement  defiré ,  non  pour  pré- 
fumption  que  faye  d'aucunes  parties  ou 
qualitez  en  moy  ,  qui  puijfent  eftre  jugées' 
dignes  d'une  gloire  &  félicité  tant  fouver aine; 
mats  au  moyen  ^   que  à  r imitation   de  voz 

augufies  Prédécejfeurs  ^  vous  ejles  ejlimé  le 

A 


que  par  celle  0ui  lort  me  femblolt  fe  préfett* 

ter.  Qfii  a  eflé  la  caufè^  que  laijjant  vofirt 

4i£le  Court  Impériale  ^  me  fUis  mis  en  cht» 

fnin  pour  retourner  en  mon  Pays^  oit  fuccef. 

Jivement  fay  travaillé ,  &  befoini^né  de  forte, 

que  je  puis  préjentement  me  trouver  devant 

vojlre  Sacrée  Ma} eflé  avec  ce  fruiCl  de  mon 

labeur  f  que  je  vous  ojj're,  SHitÙ ,  dédie  & 

préj'ente ,  enjemble  nion  tris  humble  fervice, 

d'aujj'y  bon  cœur  &-de  telle  fyncérité ,  que 

Je  Jiijiplie  nojlre  bon  J>ieu,  vouloir  conjkrver 

^  ejlablir  voflre  Impériale  Majefté,  en  toute 

projpérité ,  droiture  &  ju/lice,  ' 


De  voilro  Sacr<^o  Majcftd) 


Trc'i-humblo  &,  perpétuel  Serviteur, 
Pierre  d'Oude^herfi, 


Aux    ESTATS    ET   PEUPLE    DE    FLAN- 
DRES,     ET      AUTRES      LECTEURS 

DIGNES  DE  CE  NOM,  Pierre  d'Ou- 
degheiil  foahaite  toute  félicité. 


M 


Es  bons  Seigneurs,  je    ne  fuis  pré- 
fentement  délibéré  vous  propofer  le  firuiét 
&  utilité  quy  procède  de    la   leéhire    des 
Hiftoires,  &  fignamment  de  celles,  lesquel- 
les comme  propres  &  domefticques ,  peu- 
vent fervir  de  guide  très-certain  à  ceux  quy 
font  commis  à  f  adminiftration   de  la  chofe 
publicque  :   car    outre   ce   que   le  travail , 
auquel  pour  ce  refpeft  je  me  meétroye  (jf)^ 
feroit    (T  comme    employé    en    recomman- 
dation   de    chofe ,    au  jugement  de    tous 
bons    &    gentils   efprits,   luffifamment   ap- 
prouvée) impertinent  &  fuperflu ,  il  pour- 
roit  fembler  à  aucuns  que  le  defu-  immodéré 
de  gloire  &  honneur  m'auroit  faiét  tranfpor- 
ter  en  trop  exceffive  louange  d'un  eftude, 
auquel  j'auroye   arrefté  de  m'addonner  & 
applicquer.  Chofe  véritablement  autant  ef- 
loignée   de    moy,    comme  ma  confcience 
me  tesmoingne ,  que  le  véhément  defîr  y 

(a)  Mcttrois. 


Epistre  aux  Estatz 

auquel  je  fuis  de  prouffitcf  à  un  chafcun, 
joinft  à  la  naturelle  inclination  que  j'ay  vers 
ma  Patrie,  m'ont  faîft  entreprendre  ce  la- 
beur duquel  aulTy  je  me  tiendray  aflcz  pour 
recompenfé ,  lors  que  me  fcray  apperçeu 
ccftuy  mien  Œuvre ,  avoir  efté  reçeu  do 
celle    fyncérité ,   laquelle   m'a  donné  har- 
dicfle ,  ou  pour  mieux  dire,  conftrainft  de 
le  publier  &  mettre  en  lumière.  En  laquelle 
efpérance  je  me  confirme  &  nourry  d'autant 
plus ,  que  je  fçay  &  me  puis  faire  fort , 
qu'en  la  IcÂure  de  cette  Iliftôire  vous  trou- 
verez  choies  dignes  d'cftre  leuës ,  chofes 
grandes  &  mémorables ,  divers  changements 
de  formes  de  Républicques  &  aufurplus  des 
mcrveilleufes  Viétoircs  obtenues  ;  efquelles 
toutes  chofes  on  peut  confidérer  les  juge- 
ments efpoventables,   la  providence  fingu- 
liôre,  &  la  fapicnce  admirable  de  Dieu.  Icy 
pareillement  fe  démonftre ,  quel  jugement 
doivent  attendre  tous  mocqueurs  de  la  grâce 
de  Dieu ,  &  ceux  qui  faifans  de  leurs  vices 
vertus ,  &  de  leurs  ordures  puantes ,  des 
fentcurs  fouofves  (a)^  rcjeélent  orguilleu- 
fciTîeni;  toutes  faintçs  admonitions.  Vous  y 


DE  Flandre- 

voirez  un  miroir  commun  auquel  toutes 
fortes  &  qualitez  de  perfonnes  fe  trouve- 
ront repréfentées.  Et  fy  un  Roy,  ou  grand 
Seigneur  veut  avoir  fon  exemple  à  part, 
à  celle  fin  qu'il  n*eftime  que  pour  la  gran- 
deur, il  doive  eftre  exempt  de  la  main 
tout  puiflante  de  Dieu,  ce  tyran  monftrueux 
&  abhominable  parricide  Phinaert  y  eft  aufly 
propofé  :  lequel  a  finable'ment  expérimenté 
que  valloit  foy  bander  (a)  par  inhumanité, 
contre  la  bonté  &  juftice  divine.  Je  laiffe 
à  parler  du  pénible  événement  &  fin  mal- 
heureufe  de  plufieurs  fédidons,  &  rebellions, 
parcidevânt  advenues  en  cefte  Province  de 
Flandres,  &  en  divers  temps.  Lesquelles 
certainement  je  defîreroy,  (avec  tous  gen^ 
de  bien)  ayoir  efté  mieux  imprimées  aux 
cerveaux  de  plufieurs  perfonnes  de  noftre 
fiècle,  las  (F)  par  trop  efventées  (f) ,  & 
mal  confeillées.  Car  nous  aurions  une  Répu- 
blique moins  défolée,  &  ne  ferions  forcez 
d'entendre ,  à  noftre  très-grand  regret ,  les 
cjys,  pleurs  &  gémiflements  d'une  infipîté 
de  Vefves  &  Orphelins.  Lesquels  joumel- 

(tf)  Ce  qu'il  en  coûte    à  fc       C^)  Helas! 
roidir.  (0  Lfgèrâs ,  imprudentes. 


Epistre  aux  Rstatz 

Icmcnt  iioui  raif/^icilUînt  la  tédicufc  Qi)  mé- 
moire de  la  t)laye  au-jourdimy  reçcue.  Or 
(  lailfant  ce  propos)  les  gens  vertueux  trou- 
veront feinblablemcnt  en  cefte  noftre  I  liftoi- 
re,  des  patrons  (/»),  pour  cftre  cnfuyvi»,  & 
ICH-luél^  fe;  viront  de  femonces  (r)  véhémen- 
te» devant  les  yeux   de  ceux  qui  afpirent 
à  vertu ,  qu'efl  le  but  auquel   (  félon  mon 
advin  )  doivent  tendre  &  aCpirer  tourt  Au- 
theurs  &  I  liftoriographes  pluftoft  qu'eux  ap- 
plieq;ier  à  faire  parade  de  leur  éloquence, 
&  beau  parler,  pour  acquérir  bruit,  envers 
la  podérité  ;  ou  à  coiitiiratuler  aux  Princea 
&  {grands  Seif/neurH ,  delquelu  il»  ont  cntrc- 
prina  d'efcripre  les  faicts    &  viétoires.    Au 
rclte ,  mon  intendon  ertoit   de   feulement 
réciter  les  troubles  &  fc-litions  eK(|Me!]es  ma 
pouvre  &  miférable  i*atrie  a  e(l(^  puis  na- 
guerre^  enveloppée,  enfemble  la  finale  yffue 
d'icelles  ;  mais  le   dueil  &  jufle  dc-splaifir 
conçou  de  la  défo'ation  tant  récente,  a  ap- 
pef.iiity  &  retardé  le  vol  &  portée  de  ma 
plume  :  de  forte  que  pour  un  premier  effay 
&  commencement,  m'a  cfté  néceffaire  l'ap- 


(</)  l'.nmiyeuf» ,  du    lalin   XK-        (h)  Mulrht, 
tli'»(u».  (' j  ^li:'.itiUi,ntfiicour,ii',rmefH. 


DE  Flandre. 

pKcquer  à  chofe  moins  pefante  &  ennuyeufe, 
fi  comme  au  récit  des  aétes  très-vertueux 
&  vfayement  héroijques  des  Seigneurs  & 
Comtes   de    Flandre,   des   Loix    par    eux 
prefcriptes,  des  Privilèges  par  eux  donnez, 
de  la  diverfité  des  polices  dudicPays,  avec 
autres  fingularités  non  moins   plaifantes  & 
déledables  à  raifon  de   leur  variété  ,   que 
prouffitables  &  exemplaires,  pour  les  doétri- 
nes  &  bons  enfeignemens,  que  toutes  qua- 
litez   de   perfonnes   en  pourront   fucer  & 
tirer.    Ayant  à  ce  de  tant;' plus  efté  incité 
par  les  raifons  &  moyens  fubféquentz,  pre- 
mièrement ,    que   veu   la    délibération   en 
laquelle  j'eftoye  d'efcripre  des   fufdicVs  tu- 
multes de   Flandre ,   je   devoye  reprendre 
les  affaires  dudiél  Flandre  dès  le  commen- 
cement &  en  continuer  le  difcours  jusques 
au    temps  préfent ,   pour    autant   qu'il  me 
fembloit  que  touts  nobles  &  bons  efprits, 
3  esjouyroyent  davantage ,  trouvants  en  leur 
povoir    Tuniverfelle    Hiftoire   d'un   Peuple 
tant  renommé ,    efcripte   d'un  mefme  ftyl, 
pourfuyvie  &  achevée.  D'autrepart,  je  con- 
fideroye  l'indigence  en  laquelle  nous  fom- 
mes  d'Hiftoires  à  nous  propres  &  particu- 
lières, &  que  par  faute  de  ce  ,noftre  Pais  en 


Epistre  aux  Estatz 

povoit  eftre  moins  eftimé.  Lequel  autrement 
ne  doit  toutesfois  céder  à  autre  du  monde, 
foit  en  magnanimité  de  couraige ,  en  nb- 
blefle  de  lignages,  en  amour  de  vertus,  en 
inventions  artificielles ,  en  fiibtilité  d'efpritz, 
en  gloire  militaire ,  en  inliitutions  polytic- 
ques,  &  toutes  autres  .particularitez ,  qui 
peuvent  fervir  de  luftre  &  ornement  à 
quelque  Républicque  ou  Province.  Et  qu'ain- 
fy  foit,  nous  avons  noz  Alexandres ,  noz 
Solons,  noz  Ariftides ,  noz  Pompées ,  noz 
Camilles  en  unLyderic,  BaudouynBras  de 
Fer,  Philippe  le  Hardy,  Baudouyn  le  Dé- 
bonnaire; Arnould  le  Bon,  Charles  le  Quint, 
&  autres  :  nous  avons  noz  Viftoires,  autant 
merveîUeufes  &  renommées  que  les  plus 
fameufes  de  celles  dies  Grecs  ou  Rommains. 
Nous  n'avons  faute  de  bons  Légiflateurs , 
de  grands  Jufticiers,  de  Princes  aulmofniers 
&  libéraux,  de  Peuple  loyal  &  obéiflant, 
ny  d'autres  fmgularitez ,  esqUelles  lesdiéls 
Grecs  &  autres  Nations ,  fleuriflent  par  la 
diferte  (a)  &  bien  difante  plume  de  leurs 
Hiftoriographes  plus  que  nous,  mais  non  pas 
par  effe6b,  félon  que  par  le  difcours  de  celle 

Il ■■!  -P  ■        '  ; ^'    '" 

(tf)  Eloquente. 


DE  Flandre- 

préfente  Hîftoire,  j'efpère  faire  apparoît  i 
tous  lefteurs  difcretz  &  entendus.  Qui  fer-^ 
vira  d'argument  irréprochable  pour  defcou-' 
vrir  le  tort  d'une  infinité  de  gens  doctes  & 
éloquentz  ,  lesquels  jufques  à  préfent ,  onC 
trop  mieulx  aymé  eux  contenir  en  une  vile 
&  indigne  taciturnité,  que  d'employer  leur 
bon  fenS)  &  fuffifance  au  prouflSt  public,  & 
à  rîmmortalité  de  leur  douce  &  bonne  Pa- 
trie. Car  ores  que    (a)  pour  excufes   ils 
puiflTent  propofer  la  malignité  du  (iècle  mo- 
derne j   duquel  ne  povons  efpérer  en  lieu 
de  louanges ,  fmon  un  millier  de  calump- 
nieufes  rifées ,  &  ,en  lieu  de  guerdon  (Jf) 
de  noz  travaulx  une  infâme  ingratitude ,  & 
que  pour  ce  ne  nous  doit  refter  aucune  oc-* 
cafion  de  faire  le  prouffit  de   ceux ,  quy 
rfont  aucun  foucy  du  noftre  :  fy  eft-ce  que 
Taffeélion  feule  de  la  Patrie  les  devoit  ef- 
mouvoir  à  un  œuvre  tant  recommandable, 
outre  ce  qu'ils  ne  peuvent  ignorer,  que  le 
guerdon  de  la  vertu ,  eft  la  vertu  mefme* 
Voylà  pourquoy ,  je  ne  puis  laiflîer  de  Icxier 
grandement  l'induftrie ,   travail  &  diligence 
de  Jacobus  Meyms ,  lequel  par  les  Annales 


Epistre  aux  Estatz 

que  puis  naguerres  (nonobftant  lesdiftes 
raifons)  il  a  mis  en  lumière,  n'a  dényé  le 
tribut,  duquel  il  fe  fentoit  oblegé  vers  fa 
Patrie,  &  le  labeur  duquel  m'euft  paraven- 
ture  peu  excufer  de  cefte  mienne  entre- 
prinfe ,  fy  les  incidens  advenus ,  durant  le 
temps  des  Princes  &  Comtes  de  Flandre , 
tant  en  noftre  Province  qu'ailleurs,  qu'avec 
les  geftes  d'autres  Princes  eftrangiers ,  il  a 
inféré  en  fondiél  volume ,  n'eulfent  rendu 
fon  Hiftoire  par  trop  meflée  &  difficile. 
Quant  à  ceux  quy  ont  efcript  auparavant , 
je  n'entendz  m'y  amufer,  pour  autant  que 
quand  j'auray  laiffé  le  jugement  de  leurs 
labeurs  aux  bons  Leéleurs  &  entendus,  je 
fçay,  que  tous  d'une  mefme  voix  pronun- 
ceront  que  leurs  efcriptz  pour  l'antiquité 
du  langaige,  &  mauvais  ordre  y  obfervé, 
mérite  une  bien  longue  interprétation  & 
commentaires.  Lesquels  néantmpins  je  ne 
voudroye  priver  de  leur  gloire  &  honneur  ; 
car  s'eftants  employez  félon  leur  capacité , 
&  conformément  au  temps  de  lors,  ils  nous 
ont  laiffé  le  moyen  de  parachever  le  fur- 
plus,  &  par  conféquent  ont  très-bien  mé- 
rité de  la  chofe  publicque,  l'accroiffement, 
félicité,  renommée  &  bon  gouvernement 


DE  Flandre^' 

de  laqaelle  doit  eftre  en  trop  plus  (ingu^ 
Kère  recommandation  vers   touts  gens  ver- 
tueux ,  que  leurs  négoces  &  afiàîres  parti- 
culiers. Vous  afleurant  Q  Amy  Leéteur)  que 
celle  feule  confidération,  m'a  fervy  de  bou- 
clier très-ferme,  &  de  merveilleux  antidote 
contre    les    venimeufes    dentées    (a)     & 
poignantes   calumpnies    des    malvueillants  ^ 
lesquels  pour  fin^e  &  réfolutive  relponfe, 
j'admonéfte  de  bon  cœur,  &  en  toute  fyn- 
cérité ,  que  pour  mieux  fonder  leurs  repré- 
henfions ,  ils  meétent  la  main  à  la  pafte  ,  & 
que  par  autre  femblable  Hiftoire  ils  tafcheht 
fobfcurcir  le  bruit  de  la  préfente.  Et  pour- 
ront élire  certains,  que  tant  s'en  fauldra , 
qu'en  ce  je  me  fente  aucunement  intéref- 
fé  (^),  que  mefines  je  les  auray  toute  ma 
vye  en  (îngulîer  refpeét  &  révérence ,  me 
contentant  du  feul  plailîr  que  recevray,  de 
(pour  le  moins)  les  avoir  par  mon  infuf- 
fifince  provoqués  à  fentreprînfe  &  accom- 
pliffement  d'un  œuvre  tant  digne  &  prouf- 
fitable.  Vous  avez(Meireigneurs)  les  raifons 
qui  m'ont  meu  à  ce  hault  &  noble  exercice. 


(«)  Cûups  de  dent ,   eu  figura        (h^  Offcnfi, 
>icr  traiu  mâdifans. 


Epistbe  aux  Estatz 

4uquel  toutesfois  je  ne  veulsnier,  que  pat 
Xucceflion  de  temps  je  ne  foye  devenu 
oyCif  &  nonchallant ,  &  que  confidérant  la 
(difficulté  de  l'œuvre,  mon  efprit  ne  fe  foit 
appefanty.  Mais  cependant ,  je  n'ay  eu  faute 
4e  foliciteurs  ,  qui  bruflans  de  defir  de  bien 
^entendre  les  chofes,^  m'ont  exhorté  a  con- 
tinuer. &  me  remettre  à  la  befoingne ,  & 
fnr  toxxté  autres ,  le  très  vertueux  &  illuftre 
Seigneur  Fabio  Mafqui  d'Urbino ,  Gentil- 
homme de  Sa  M  ijefté  Catholicque ,  homme 
certainement  convoiteus  de  toutes  fciences, 
^  aufly  de  cognoiftre  les  faicls  advenus , 
comme  celuy  qui  s'eftant  trouvé  depuis 
lesdidtes  fédîtions  &  es  Pays  de  Flandres 
en  des  affaires  de  très  grande  importance 
&  terribles  aventures,  a  monftré  un  bon& 
excellent  naturel  en  toutes  chpfes ,  &  a 
tou<?jours  gardé  une  aifeftion  immuable  de 
vertu.  Voulant  donc  obtempérer  au  defir 
d'un  tel  perfonnaige ,  quy  prend  plaifir  à 
favorifer  fans  cefle  ceux  qui  entreprennent 
quelque  chofe  honnefte  &  utile  ;  &  ayant 
desia  honte  de  moy-mcfmc ,  fi  on  euft  cognu 
cecy  de  moy,  que  j'euflfe  voulu  préférer  la 
fionchallance  à  un  honnefte  travail,  j'ay  rc- 
prins  force  &  couraige.  Cefte  confidération 


DE  Flandre. 
aufly  m^a  fervy  d'un  aguillon  fort  &  pîc- 
quant,  à  fçavoir,  que  me  trouvant  en  vo- 
lonté de  réfider  en  la  Court  de  l'Empereur^ 
&  qu'au  moyen  de  ce ,  je  n'auroye  pour 
Tadvenir  la  faculté  de  faire  en  mon  Païs  le 
fervice  que  autrefois  j'avoye  defiré ,  il  me 
fembloit  que  le  zèle  naturel  de  ma  bonne 
Patrie  (  lequel  jour  &  nuid  ne  ceflbit  d'exi- 
ger quelque  honnefte  tribut  de  ma  naiflance) 
ne  devoiét  en  mon  endroiél  rien  moins  po^ 
voir,  que.  me  conftraindre  à  ceftemanifefte 
déclaration  du  bon  &  ardent  vouloir  que 
je  luy  porte,  &  duquel  je  defire  grande- 
ment que  chafcun  face  fon  proufRt.  Au  lur* 
pks,  j'ay  divifé  cette  mienne  Hiftoire  en 
deux  parties  ou  volumes,  desquels  je  vous 
envoyé  ce  premier,  pour  avantcoureur ,  & 
auquel  vous  trouverez  tout  ce  que  concerne 
tant  les  faiéts  &  aétes  des  Princes  &  Com- 
tes de  Flandre,  que  la  police  &  manière  de 
governement  dudiél  Païs ,  depuis  le  temps 
de  Lyderic  premier  de  ce  nom ,  jusques  à 
l'heureufe  fayfon  (a)  que  ceux  de  Flandre 
fe font  alliez  à  la  très  haute,  très  viélorieufe, 
&  vrayement  augufte  Maifon  d'Auftrice,  la^ 

{fi)  Epoque, 


Epistre  aux  Estatz  de  Pland. 

•quelle    par    fes    heureufes    conqueftes    & 
magnanimes  entreprinfes,  femble  proprement, 
&  fur  toutes  autres ,  eftre  menée  &  con- 
duite par  la  .main  tout-puiflante  de    Dieu, 
comme  efFeftuellement  démonftrent  affezle 
confeiTer    toutes    Nations    &    Seigneuries 
eftranges ,  par  ce  que   Tentants  la  félicité 
fatale  de  ladiéle  maiion,  viennent  de  toutes 
parts,  requérir  fon  amitié  &  alliance,  telle- 
ment que  foubs  icelle  (  laquelle  comme  àià 
eft)  Dieu  a  eflfeu  ppur  la  combler  de  tout 
honneur,  intégrité,  &  prouëfle  ,  branfle  & 
marche  préfentement ,  tant  par  mer ,  que 
par  terre ,  prefque  l'univerfelle  puiflânce  de 
r Europe,  comme  plus  au  loing  &  manifefte- 
ment  apparoiftra,  par  le  difcours  de  la  fé- 
conde  &   dernière   partie   de   noftre  àiàe 
Hiftoire;   laquelle  j'efpère   de    brief  faire 
promulguer  &  vous  envoyer  foubs  le  bon 
plaifir  &  grâce  de  Dieu.  Lequel  je  fupplie 
vouloir  eftablir  ,  &  conferver  noftre  chofe 
publicque  en  toute  profpérité,  droiéhire,  & 
juftice  :  &  a. vous  (Mefleigneurs)  oélroyer 
Taccompliffement  de  voz   vertueux  defirs. 
De  Bruxelles  le  premier  de  May  1571. 


PROLOGUE 


PROLOGUE 

Sur  lés  ChromcquesL&  Annales  dé  Flandres; 
par  ruiuftre  Seigneur  Fabio  Mafqui  d'Ur» 
iino.  Gentilhomme  du  Roy  Catholicque, 
noftife  fouverain  Seigneur,  réfident  pour 
le  jourdhuy  au  Païs-Bas. 

jLjS  Phénix  &  Parragon  (a)  de  rÈlo* 
quence  Rommaine ,  Cicero  ,  eft  accouftumi 
appelkf  VHiftoife,  Tefmoingne  de  temps  ^ 
Vie  ae  mémoire^  Maijîrtjje  de  la  vie ,  L«- 
mière  de  vérité, &  Mejfagière  a"  antiquité  Qi): 
te  que  conjîdérant ,  fi?  diligemment  à  part 
my  ruminant^  ne  me  puis  ajfez  efmerVeiller 
de  la  parejje  ae  plujieurs  grands  Seigneurs 
&  fameufes  Képuhlicques  d^aujou'rdhuy.  Les- 
pels  non  feulement  ne  femont  (b)  en  touts 
extrêmes  debvoirs  ^  poUr  recouvrer  aucuns 
gens  vertueux  i  faiges  &  éloquentz,  dus  quels 
Uspuijjent  commedtre  totale  &  abfolute  charge 
âe  rédiger  pat  èfcript  leurs  fai&s  &  entre- 
prinfes ,  aveâ  autres  chofes  mémorables  ad' 
ienues  en  leur  temps  ;  mais  aujfy  (  &  que 
pis  eft  ])  ne  font  gderres^  d*eftime,  foires  (c) 

—  -         -    "■ ■  .  .  ^ 

(1)  Prince,  (c)  M^mâ. 

(b)  Se  mettent, 

(0  Tefiîs  temporum^  lux  veritatis  ^  vita  memorU^  magijîra  vitai 
nuntia  vetufiatisi  De  Orat.  L.  %* 

B 


Prologue^ 

Uen  fouyent  mefprifent  ceux  ^  qui  d^un  mut 
généreux  ^   s'offrent  par  leur   efcript  à  les 
fair'e  revivre  ènlèuf  poftérité^  ou  pouf  mieux 
dire  ,  à  les  rendre  quafy  immortels.  Qu'eft 
la  caufe  du  peu  de  fouc^  que  plufieurs  gens 
d'efprit  de  noftre  fiècle  ont  d^ embellir  leurs 
Hifioires  des  fai&s  chevalereux  de  leurs  Prin- 
ces &  Seigneurs  :  lesquels  encoires  qu'ils  k 
méritent  pouf  leur  prouëjje  ^  le  defméritenP 
pour  leur  chiceté  (a)  ,   &  pour  le  mejpris 
dont  ils  ufent\  en  V honneur  &  entretènement 
des  do&es  :  toutesfois  ne  debvr oient  ignorer  ^ 
que  les  fciences   veullent  eftre  honnorées  à 
tputs  5  &  guef  données  •  (b)  par  les  Princes 
grands  Seigneurs  &  Républicques  qui  en  re- 
çoivent leur  plus  durable  gloire  &  renommée^ 
ou  autrement  que  elles  ne  les  hohnoreronty 
ains  (c)  fe  tiendront  en  je^  ne  fcay  quelle 
arrogance  ,  avec  laquelle  elles  ont  accouftumé 
déseftimer  tous  ceux  ^  qui  les  ont  contemp- 
nées  (d).  Comme  tris  bien  ont  cognu  &  péfé 
les  Ancejlres^  tant  Rjommains  &  Grecs  ^  que 
autres  ;  lesquels  par  propofitions  de  divers 


^%)MefquinerU^Ufinc^j^aricc.        (d)  Méprifées  ^  du   latin  co»* 
(h)  Récompenses^  lemnere. 

(c)  Mais. 


P  k  O  L  O  G  u  e: 

falaireSj  honneurs  &  guerdons^  fouloyent  (a) 
proyocquer  &  inciter  les  do&es  &  fçavants 
à  la  promulgation  des  Hiftoires  de  leur  temps. 
Jujfy  nont  ils  efié  déceuz  de  leur  attente  & 
expe&ation  ;  d'autant  que  çncores  au-jourd- 
huy  nous  a^ons  une  infinité  de  volumes^  em- 
plis &  ornez  des  aôfes  chevalereux  &  gou- 
vernements vertueux  desdiâls  jînceftres.  Les 
fai&s  desquels  feroyent  préfentement  enfepve- 
lis  au  centre  ténébreus  de  perpétuelle  obli- 
*  yion  Cb)  5  ne  fut  le  frui6i  de  la  diligence  que 
'  (^commedi&  efi^  ils  ont  mife  à  l'honneur  &  ^ 
entretènement  de  leurs  éloquents  &  très  re- 
nommez Hifioriens ,  &  duquel  ils  jouîjfent 
maintenant  y  &- jouiront  jujques  à  la  con- 
fummation  du- monde.  Quy  debvroit  efmou- 
voir  tout  s  Princes  magnanimes  &  Républicques 
bien  ordonnées  y  à  entretenir  &  grandement 
eftimer  ceux  quy  d'un  cœur  prompt  &  libé- 
ral, fans  crainte  d'aucuns  travaulx^  defpens^ 
calumpnies^  ny  d'autres  femblables  incom- 
moditez^  s'effbrchent ,  par  efcripts ,  (Téterna- 
îizer  leur  mémoire ,  6?  publier  leurs  fai&s 
excellents:  comme  entre  &  fur  tout  s  autres^ 


(a)  Avottnt  coûtumt ,  du  la-        (b)  OuhîL 
tin  folere, 

B  2 


P  R(OL  O  G  V  E, 

tùn  trouvera  âigne  d'immortelle  louange  ^ 

de  recogmijfance  non  vulgaire^  Monfeigneur 

pierre  dVudegherft  Do&eur  es  Loix,  homme 

certainement  très  excellent,  &  de  do6irine  & 

expérience  non  médiocre.   Lequel  nonohftant   | 

plufteurs  fiens  particuliers  &  très  importants 

afaires,èsquels  il  fe  trouvoit  enveloppé,. n'a 

peu  démentir  fon  gentil  naturel ,  &  beaucoup 

moins ,  le  bon  zèle  &  ^grande  affe&ion  qu'il 

dvoit ,  &  a  vers  fa  Patrie ,  comme  manifefie- 

ment  fe  defcouvre  par  le  labeur,  &  extrême 

àebvoir,  auquel,  en  la  compofttion  de  cefte 

■  préfente  Hijloire ,  il  s'eft  mis  de  tympanifer 

&  publier  les  faiâls  héroicques  des  Comtes  de 

Flandre  fes  naturels  Seigneurs,  enfemble  la 

bonne  police,  &  autres  chofes  dignes  de  mê- 

,  moire  &  admiration,  depuis  plujieurs  fiècîes, 

audit  Pays  fuccédées,  &  advenues.  La  meil- 

ieure  partie  desquelles  chofes  à  efté  jusques 

à  préfent  du  tout  incognuë ,  non  feulement 

aux  longtaines  régions  &  terres  eftrangèreS, 

mais  aufy  à  bon  nombre  de  ceux  qui  re- 

cognoijfent  pour  leur  pays ,  ladiâfe  contrée  de 

Flandre.  Et  combien  que  fur  ce ,  phjîeurs 

convoiteus  (a)  &  amys  de  difputes,  ou  (^pottr 


(a)  Defireux. 


"Prologue, 

mieux  dire  )  de  contradi&iom ,  pourroyent 
oppofer  aucunes  autres  telles  quelles  HifioireSy 
far  lesquelles  fait  à  un  chafcun  loifible  d'en- 
Ufidre  ce  qu'il  aura  volonté  de  cognoijlre  aux 
paires  dudi&  Flandre  ;  fy  eji-ce  que  ^com- 
me  fefpère")  ils  fe  contenteront ,  quami  ils 
feront  efié  adyertis ,  que  la  plus  part  des- 
diaes  Hijloires  ont  efiéfy  grofement  conceuës 
&  lourdement  digérées,  que  (Jusques  à  pré- 
fenf)  ri  a  efté  pIJibU  d'en  digérer  la  moitié 
de  r excellence:  &  qu'au  contraire,  la  pré- 
fente  fe  trouvera  remplie  de  concions  tant, 
facondes  (a)  &  advertifemens  fy  notables, 
pie  par  fa  douceur  elle  pourra  attirer  tou- 
US  fortes  &  qualitez  deperfonnes  à  fa  levure. 
Oui  fera  caufe  que  par  mefme  moyen  fera 
iorefenavant  par  tout  cogneuë  &■  manifejlée 
la  grandeur,  excellence, proue jfe&  magnant- 
mité  de  ladi&e  Province  &  Contrée  de  J'ian- 
dre  :  laquelle    indubitablement  à  Vadyenir 
prendra,  par  le  pennage  QS)  du  parler  élo- 
quent de  cefi  Autheur ,  fon  vol  vers  toutes 
autres  Nations,  avec  autant  d'heur  (c)  6?/^- 
licité,  comme  joy eu fement,  &  en  toute  gra- 

0)  Difcoun  tant  i'cqiu»^.  da       O)  MU,  ou  Jaculti  d,  *•- 
mots  latins  t  condo  &  &•  '"■• 


Prologi/e, 

titude,  elle  doit  recevoir ,  embraffèr,  6?  eOr. 
[^refer  ce  fruiêl  gracieux  &  do&e  volume^ 
^Mefmes  d'autant  ph»^.  qu'en  iceluy  fe  re- 
préfente  proprement  &  à  Vœil ,  la  yraye 
image  de  police  ,  4'Keommie  &  inftru&ion 
rmralle  ,  informant  l'homme  de  fort  devoir ^ 
tant  au  faiSl  univerfel  que  particulier  dt 
la  vie.  Outre  ce  qu'on  y  trouvera  une  élé- 
gance copieufe^  non  fardée,  trop  bien  garnit 
de  toutes  figures  &  ornements  d'qraifon^ 
foubs  un  fond  fuhjlantieux  de  prudence  ci- 
vile,  fif  telle  qu'en  toutes  fes  parties  elk 
peut  fatîsfaire  aux  oreilles  poêles  &  délicates. 
L'on  y  voira  l'expérience  de  l'art  militaire, 
&  s'encouraiger  aux  armes  par  la  louengt 
de  prbué'Jfe&  vitupération  de  la  couairdie  (z). 
On  y  pourra  cqnjftdérer  (  comme  en, un  thèâ. 
tre  de  tout  le  monde')  les  divers  changements 
de  la  fortune,  l'inconftance  des^  chofes  hu- 
maines, les  hazards  de  la  guerre,  les  trophées 
des  princes  vi&orieus,  é?  la  vergoingne  (\>) 
des  vaincus.  Finablement  Q  &  ce  que  plus 
'contente  &  attire  touts  gentils  efprits  à  la 
lecture  de  quelque  Hiftoire')  vous  y  cognoi- 
,ftrez  par  effe& ,  l'extrême  diligence  en  la- 
quelle tAutheur  s'efi  mis,  pour  rendre  fon 

(a)  Méprit  de  la  Idchtti.  fb)  Honu. 


Prologue. 

àifcours  plaifant^  VHiftoire  bien  continuée  y 
&  les  propos  bien  fuyyis  ;  de  manière  que 
par  le  bénéfice  de  ceft  Hiftoriographe ,  la 
Flandre  d'icy  en  avant  fe  pourra  comparer 
aux  plus  heureujesy  &  renommées  Provinces 
de  toute  r Europe.  Dont  aujfy  je  n^ay  peu , 
ny  voulu  laijfer ,  de  par  ce  petit  difcours , 
fhonftrer  ce  figne  de  congratulation  ,  tant 
pour  Vimmortalité  que  ledi&  Autheur  (  le- 
quel  fay  tous  jours  aymé  &  pour  fes  mérites 
révéré^  s'aura  (^par  la  compofition  de  ce 
volume^  gaignéCy  &  acquife^  que  pour  le 
prouffit  &  gloire  que  ceux  de  Flandre  en 
receveronty  ausquels  je  de/ire  tout  heur^  con^ 
tetitementy  &  projpérité. 

FIN. 


NOTICE  fflSTORIQUE  ET  CRITIQUE  DE  LA 
VIE  ÉTÇES  OUVRAGES  DE  L'AUTEUR. 

^  "lerre  d'Oudegherft  originaire  de  Poperîngue , 
^  mis  ni  à  Lille  ,-  fe  fit   de  fa   réputation  dans  le 
^  XFI.  fiicle  par  f^n  habileté  dans  rHifioire ,  dans 
„  la  jurisprudence  j   g?  dan^  le   maniement   des  af- 
yyfaires.    Il  prit  quelque  part  le  bonnet  de  Doùeur 
„  en  Droite  &  fut  Lieutenant-Bailli  de  Tournai  ^ 
^  du  Tournefis.    //  parott  que  ce  fut  pour  quelque 
D  commijlon  relative  à  cet  emploi ^  qu^il  fe  rendit  vers 
„  ran   1569.  en  ^llemagne^  oit  il  fut  quelque  temps 
n  à  la  Cour  de  /^Empereur   Maximilien  IL    Ni  les 
9,  i^aires  importantes  qu'on   lui  confia  ,    ni  le  temps 
D  qu'il  donnoit  aux  exercices^ du  Barreau ^ni  de  fâcheux 
y,  embarras  domefiiques  qu^il  eut  à  ejfuyer ,   ne  purent 
9,  V empêcher  dé  faire  une  étude  approfondie  des  Afiti-^ 
I,  quités  de  fon  Pays^  Ayant  fait  le  voyage  d^Ëfpagne^ 
D  apparemment  pour  quelque  négociation  y  il  finit  fes 
^  jours  dans  la  Capitale  de  ce  Royaume.  Perfonne  ne 
^  marque  r époque  de  fa  mort  :  je  crois  qu'acné  n^ arriva 
Yipas  longtem^  après  fan  1571..,  qui  efl  la  date  de 
^  fon  Hifloire  ;    car  il  promet toif  alors  d^èn  donner 
•,  incejfamment  le  fec^tnd  tome  qui   h^a   point  p^ru. 
„  Oudeghérfl  et  oit  lié  d^  amitié  avec  VHiftorien  Flo- 
^  rent  van  der  Haer  ^  avec  le  Poète  Maxîmîlîen  de 
,,  Vriendç,  oui  lui  fit  cette  épitaphe: 

Yi  Ne  properes,  quamvîs  properes,  morîture  Viator; 

y,  Stâ,  kge,  difce  brevis  quem  tegit  urna  vîrum, 
^  Hiftorise  &  legum  jacet  hic  fine  lumîne  lumen , 

^  Hic  Sophias  &  Suadae  muta  meduUa  jacet, 
y^  Hic  ufurarum  maftîx  îmmitîs,  &  idem 

„  Miti3  amor  charîtum  "juftitiœque  jacet. 
„  Tantum  lœta  vîrum  felici  Belgîca  partu 

y^  Extulit,  ereptum  Uœtica  terra  capit. 

3,  Oudeghérfl:  entreprit  fon  Ouvrage ,  qui  eft  écrit 
«  fut  de  bons  Mémoire^  ,  à  la  follicitation  du  très- 


N    O    t   I   C   E. 

H  vettueUK  &  illuftre  Seigneur  FabioMasquid*Urbino, 
5,  Gentilhomme  de  S.  M.  Catholique ,  qui  avoit  ttne 
ry  grande  pajffian  four  toutes  les  Sciences^  &  qui  avoit 
y^  été  employé  à  des  négociations  importantes  en  Flan-^ 
jj  dre^  depuis  les  troublés  arrivés  dans  le  Pays.  Oude- 
^  gherft  s^ejl  appliqué  fur-tout  à  mettre  de  r ordre 
^  dans  fon  Hiftoire^^  il  en  a  banni  les  aStions  des 
9,  Princes  étrangers  qui  jettent  de  la  confufion  dans 
55  les  Annales  de  Meyer^. 

Mém.  pour  fervîr  à  THifl:.  littér,  des  P.  B. 
par  Paquot,  in  8vo.  t.  3,  p.  069.  &  fuiv. 

Nous  ajouterons  à  cette  notice  les  obfervations  fui- 
vantes  que  nous  a  fait  nattre  la  ^leàure  attentive  & 
réfléchie  des  Annales  d'Oudegherff.  Cet  Auteur  eft  le 
premier  de  fes  compatriotes  qui  pour  laijfer  à  la  pofté* 
rite  une  Hiftoire  complette  de  fon  Pays  ^  ait  ofé  s^ écar- 
ter de  la  route  tracée  par  les  Arinaliftes  des  Jîècles 
antérieurs.  Ceux-ci ,  fous  le  titre  modefte  d'* Annales 
ou  de  Chroniques^  ont  plutôt  écrit  des  Hifloires  géné- 
rales^ que  des  Hifloires  particulières.  Leurs  compi' 
Jations^  quoiqu^eflimahles  d^ailleurs^  ne  font  guère  que 
des  fquélettes  chronologiques  fif  des  tableaux  imparfaits^ 
oit  la  trop  grande  multiplicité  des  coflumes  répand  h 
désordre  &  la  confuflon.  Oudegherft  au  contraire 
n^ introduit  les  peuples  étrangers  fur  la  fcène^  qu'han- 
tant que  r  exigent  les  évènemens  quUl  doit  décrire^  & 
rien  d'* exotique  ou  d"* incohérent  ne  détruit  chez  lui 
l^ uniformité.  Les  premiers  énoncent  les  faits  avefi  un 
laconifme  fouvent  défefpérant  ^  fans  en  indiquer  prefque 
jamais  les .  caufes  ni  les  eflits.  Si  Oudegherft  ne  renh 
put  pas  toujours  à  cet  égard  r  attente  de  fes  LeSleurs^ 
fa  narration  du  moins  fe  rejfent  rarement  de  la  fiche» 
reffe  de  fes  prédécejfeurs  ;  &  fans  épuifer  les  détails  j 
il  en  dit  fouvent  ajfez  pour  laifler  dans  PefpriP  une 
connoiffance  fuflîfante  des  évènemens  qu^il  raconte^  Dans 
un  fiècle  oit  le  goût  Ç^  la  méthode  étoient  encore  atê 


N    O    T    I    CE. 

hrceau  9  //  n^efi  pas  étonnant  qu^il  fe  foH  queîqueftnt 
écarté  du  vrai  ton  de  VHijhire*  Il  avoit  appris  à 
V école  det  Anciens  qu'ail  parptt,  avoir  bien  étudiés  9 
que  l^Hiftoire  d'aune  Nation  ne  doit  pas  être  celle  de 
^Univers  ;  mais  en  voulétnt  fe  rapprocher  de  leur  sna^ 
nière^  il  n*a  pas  toujours  fçu  fe  garantir  des  écueih. 

Les  difcours  fnoraux  ou  politiques  quUl  met  dans  la 
huche  de  fes  perfonnages ^  peuvent^  à  la  rigueur^  étra 
regardés  comme  des  hors-d* œuvre  qui  ne  méritent  d^in'» 
dulgence^^  qu^en  faveur  des  maximes  de  fagejfe  &  da 
vertu  qu'ails  contiennent.  Tout  ce  qui  n*a  point  una 
Haifon  ejfentielle  avec  la  chaîne  hifiorique^  tout  ce  qui 
ne  mène  point  dire&ement  au  dénouement ,  ne  doit  pat 
trouver  place  dans  un  Ouvrage  qui  n'*a  pour  but  que 
dUnJlruire.  On  voit  y»'Oudegherft  avoit  médité  1er 
Htftoriens  Latins  dont  'il  s'^npproprie  quelquefois  les 
idées  dans  fes  difcours  ;  mats  r exemple  de  Tite^Livc 
Ô?  de  Saîlufte  qu^iî  veut  imiter  ,  ne  le  jufiifie  point» 
En  donnant  à  leurs  écrits  une  manière  dramatique  » 
en  prêtant  leur  voix  éloquente  aux  grands  Hommes  de 
leur  pays  9  Tite-Live  &  Sallufle  les  ohligeoient  à  fe 
peindre  eux-mêmes  dans  leurs  harangues  9  &  à  y  tracer 
avec  énergie  les  évènemens  auxquels  ils  avoient  eu  part 
^  dont  ils  avoient  été  fouvent  les  principaux  aêteurs» 
Ces  harangues  tiennent  donc  ^  plus  qu'*on  ne  penfè^ait 
corps  entier  de  VHiftoire ,  parce  que  ,  fous  la  forme 
9ratoire^elles  remplacent  ou  des  portraits  ou  des  récits  qui 
plair oient  moins  à  l  ^ homme  de  goût^  fi  l  ^Auteur  ne  les  eût 
pré  fentes  qu*avec  la  marche  fymétrique  &  monotone  dm 
genre  narratif.  Il  n^en  ejl  pas  de  même  chez  Oude- 
gherft  ,  dont  les  harangues  n^ont  pas  toujours  une 
îtaifon  bien  étroite  avec  les  évènemens  qui  fuivent  ost 
gui  précèdent.  Dans  les  Hijl ariens  Latins^  les  perfon^ 
nages  font  toujours  éloquens  ^  parce  quà  Rome  Véh^ 
quence  pouvoit  tout  ^  conduifoit  à  tout.  Ùans  Oude* 
ghcrft,  les  perfonnages  font  fouvent  diffus  ^  rarement 


N    O    T    I    C    E* 

des  môuvemem  dUkqumce  animent  la  raîfon  qu$  leur 
frète  rHsflorien. 

On  regrette  encore  ^^'Oudejçhefft  ait  quelquefois 
iiplaci  les  ivinement ,  &  qu'il  n^ait  pas  iti  plus 
exaSt  à  les  rapporter  aux  années  qui  leur  conviennent* 
Au  refte  ces  inexaStitudes  deviennent  plus  rares  ^  à  me* 
fure  que  Von  avance  vers  le  fiècle  oU  il  écrivoit.  Il  a 
recueilli  plufîeurs  Léix  &  plufîeur s  Privilèges  accordis 
far  les  Souverains  ;  &  ce  font  autant  de  monumens  de 
la  ligiflation  &  de  Pindu/lrie  du  moyen  âge.  Il  a  fou* 
vent  confulti  les  écrivains  originaux  fîf  contemporains; 
mais  en  le^r  empruntant  des  faits  marqués  au  coin  de 
la  vérité^  on  voudroit  quUl  n^ eût  point  défiguré  fa 
narration  par  le  récit  de  plufîeurs  prodiges.  Ces  pro^ 
iiges  peignent  ^  il  efl  vrai  ^  Vefprit  du  fiècle  qui  fCt^ 
fu  les  voir  arriver  fans  frémir  ;  mais  rHifiorien  qui 
les  place  à  côté  d'une  vérité  hSflorique ,  &  qui  les 
adopte  aveuglément ,  afflige ,  par  cet  accouplement  In* 
zarre  j  Vame  de  fon  LeEteur  ^  fans  rien  ajouter  à 
t' intérêt  de  fon  Ouvrage, 

Au  refîe^  ces  défauts  que  V équité  nous  force  à  re* 
lever  ^n'empêchent pas  Onàtghtvïid'étre  placé  parmi  ceux 
qui  ont  le  mieux  écrit  jufqu' ici  fur  THifloire  de  fon  pays. 
Ses  Annales  ne  renferment  pas  tout  ce  que  cette  Pro* 
yince  a  fourni  d^ événement  intéreffans  ;  mais  on  y 
trouve  des  chofes  que  ron  cher  cher  oit  peut -être  inutile* 
inent  ailleurs ,  depuis  fur^tout  que  le  tems  &  les  guer^ 
tes  civiles  ont  ravi  à  la  poflérité  des  mémoires  prétieux 
qu'il  a  pu  confulter.  Elles  deviennent  donc  nécejfaires 
à  ceux  qui  voudront  connoitre  les  révolutions  qu'a 
^uyé  la  Flandre  ^  &  la  part  qu^elle  a  eue  à  celles 
qui  ont  agité  les  états  voifîns^  depuis  V origine  de  cette 
Principauté  ^  jufqu'' à  la  mort  de  Charles  le  Téméraire  ^ 
le  dernier  des  Ducs  de  Bourgogne  qui  ait  régné  fut 
cette  Province. 


NOTICE. 

Nbuî  ajeuterotts  à  la  notice  hifimque  de  ta  vie 
d'Oud^erft ,  Vextraît  fuivant  de  la  préface  d'un 
ouvrage  ejpagml  imprimi^  petit  in^^.^  Fan  160O9 
à  Madrid^  fous  ce  titre  :  Defempeoo  &c.  c^eft-â-dire 
Dégagement  du  patrimoine  de  fa  majefté  &  de  fon 
royaume,  fans  préjudice  du  roi  ni  de  fes  fujets,  par 
le  moyen  de  "caifles  publiques  &  de  monts-de-piété  ^ 
par  D.  LouisValledelaCerda,  confeiller  de  S.  M.  &c« 

y.  Mais  comme  il  efi  jufte  de  faire  connottre  celui 

jy  qui  le  premier  conçut  le  projet  de  cette  utile  entre^ 

Yi  P^^fi^  ]^  ^'^  déclarer  y  avant  d* entrer  en  matière^ 

^  que  me  trouvant  aux  pays^fas  [où  S.  M.  m*moit 

^  envoyé  auprès  du  Duc  de  Parme  ^  peur  des  affaires 

„  in^ortantes'l  je  fis  connoîjfance  avec  ttn  gentilhomme 

^  flamand^  natif  de  Lille ^  nommé  P.  d'Oudegherd, 

y%perfonnage  doué  d'une  rare  vertu  &  des  plus  belles 

tf  qualités.  Comme  il  me  voyoit  dtfpofé  ainji  que  lui  à 

^  chercher  le  renéde  aux  maux  publics ,  il  me  dit  un 

f,  jour  qu^ après  de  longs  voyages  qu*il  avoitfart  dans 

n  r Europe  ,    touché   des  maux   qu'* enfantoit   Pufure 

fi  cLins    la   chrétienté ,    //  y  avoit  trouvé  un  remède 

^  doux    &  facile  ,  tant  dans  la  théorie  que  dans  la 

fi  pratique  ,  par  Vétabli^ement  de  caiffes  publiques  & 

^  de  monts^ae-piété  qut ,    ùour  te  bien  du  prince  q? 

fi  de  fes  fujets  ,  p^rvien^eient  à  éteindre  Pufure^ 

ji  fims  quUl  fût  befoi»  d'avoir  recours  à  laviolence^ 

jy  ni  à  aucune  loi.  Il  me  dit  qu'il  avoit  communiqué 

n  ce  projet  à  S.  3f.  lorfqu^il  étoit  en  Efpagne  &  qu'il 

„  étoit  entré  à  ce  fujet  en  conférences  avec  quelques 

n  minifires.  Ceux^i  le  trouva/^  favonAlement  dijpofé 

^  à  fervir  les  pays^as  ^  fy  envoyèrent  pêur  fe  concer^ 

ti  ter  Çf  pour  délibéret  fur  cet  objet  avec  le  confeil  du 

^  P^y^  9  A?^^/  décida  aue  c* étoit  an  établijfement  ié^ 

^  portait   ^  digne  a  être  offert  à  la  nation.  Mais 

„  la  jaloujk  fîf  les  contrariétés  de  ceux  même,  qui  par 

y»  leur  état  auraient  dû  le  favorifir ,  en  empêchèrent 

n  r  exécution  ,   comme  il  arrive  malheureufement  au-^ 

f^  jourd*hui  dans  tout  ce  qui  efi  bon  Çf  utile.  A  f  ayant 

Yt  injiruit  lui-même  d^  ce  proj^j  il  me  pria  d'en  par- 

^lerà  S^M.  De  retour  enJS^agne  Çf  chargé  d'autres 

„  paires  importantes  ^  je  le  propofai  &je  f  appuyai 

„  avec  tout  le  zèle  dont  j'érois  capable^  6?  autant  que 

j,  me  le  permettaient  mes  foibles  lumières^  Je  demanda 


U  à  T  î  t  t. 

u  àufi  àvèà  inflanee  qu'on  appetUt  ledit  d'Oudcgherd 
Î5  en  Efpagne.  Il  y  mnt ^  ^trouvant  cette  afaire  en 
,,  Hn  train  ^  il  conçut  tant  de  plaijlr  du  foint  où  je 
^  Pavost  conduite  i  qu^enfuite  (l  ne  me  quttta  plus  un 
^  inftanr.  Enfin  S^  4f.//  affembler  à  ut  efi'et  quel- 
^  que^  minifires  dé  conudération  ^  ftr  avecTaJJîjtance 
,,  éontinuelle  dé  nous  aeux^  on  traUa' ^  l'oint  dîjeuta 
f^  trit^fouvent  r importance  de  cet  objet  ^pendant  phs 
f^  de  fi»  mois  que  dura  cette  alTemblèe.  Il  fUP  réfolu 
^,  d^un  confentement  unanifne  Ci  affermir  ce$  itablijfe- 
^  ment  fur  une  bafe  folide^  ce,  qui  alloit  être  exécutif 
\^  quand  mourut  P.  d'Oudegh^rft  en  1591 ,  me  laijfant 
)^  aujfi  trifie  que  découragé  ^  dépourvu  des  talens 
'  ^  nécefiaires  pour  Vitabliffemeni  d'un  projet  fi  impor- 
3,  tant.r,   (*Ji 

li  résulte  4e  çit  Cîitraît  i^.  (Jué  rarinaîirt^  P.d^OaJe^^herfi  a  fkit 
4eux  voyages  en  Efpagne ,  le  premier  probablement  avant  l'an 
1571,  Ôc  le  fécond,  îorfqu'il  y  fut  appelle  poui*  traiter  avec  k 
miniftère  efpaffnol  de  i^éubUflement  des  montt-de-pi^té  &  Ivi 
comhittniqucr  les  réflexions  qu'il  avoit  faitef  Air  cet  important 
pbjet;  2<>'.  il  eft  confiant  que  c'eft  pendaqt  ce  fécond  voyage  que 
mourut  P,  étOtrdtgheffl  en  1 59  ï ,  &  non  paÀ  en  i  sj^  i ,  comme  on  Ta  cm 
iufqu'îci  î  s*',  la  gloire  d'avoir  le  premier  créé  un  i^rojct  qui  p4t 
mettre  un  ftcin'  à  la  rapacité  des  ufuriers  dans  les  Pays-Bas ,  eft 
tip  fccret«  que  \%  franchife  de  D.  Louis  Valle  de  la  Cardà  révèle  k 
ceux  qui  s'intércflent  k  la  mémoire  de  cet  hiftoricn  de  la  Flandre. 
La  dat«  de  la  première  édition  de  ît^  annales  eil  de  1571,  & 
farce  qdc  ce  ne  fut  pas  à  -P.  d^udegherft  lui<néme ,  mais  ii  Claire 
(Clara)  Wits,  que  fut  accordé  le  privilège  de  les  mettre  au  jour  ^ 
l'on  en  a  conclu  qu'il  devoit  étr^  mort  à-oeu-près  k  cette  époque. 
,  pe  qui  rendoit  cette  opinion  vraifemblabTe ,  c'eft^  qu'il  avoit  pro* 
iiïîs  une  fuite  k  fcs  annales,  &  que  cette  fuite  n'a  point  part; 
inai$  "ne  pourrqît-on  p}as  coiljeâiirer  que  P,  d'Oudegherft  dîftrait 
ï>Hf  de  longs  voyages  a^ra  chargé  cette  Clara  Wits,  du  foin 
de  foliiciter  le  privilège  de  livrer  fou  manufcric  k  rimpreflionf 
Quant  k  la  fuite  qu'il  promettoit  9  il  en  avoit  déji^,  fans  doute^  ra^ 
maflr^'  tes  fnatériaux;  mais  fes  voyages,  fes  embarras  domefli' 
auc5  de  les  négociations  dont  il  fut  chargé  dufent  le  forcer 
^'inter/Oifti^rtf  fcs  travaux.  On  pourroit  donc  ^i^uitier  qu'ayant 
emporta  avec  lui  dans  fpn  fécond  voyage  d^fpagnef,  les  maté- 
riaux de  la  fuite  de  fon  hiftoire,  dans  l'cfpoir  peut-être  dV 
incttve  la  uernièrê  inain  dans  fes  initàtis  de  loifir,  ces  matié- 
riàlix  fe  liront  égarés  \  fa  mort*  k  mbihs  qu'une  main  fbi- 
^ncufe  ne  le»  ait  recueillis  «  de  àu^tln  jour  quelque  hafaid 
Acureux  pe  les  tire  de  ta  pouiOèra  d'une  bibliodiequ#  eQ>agnol^. 


"^iùn 


(*)  Cet  extrait  rtous  a  été  communiqué  par  Âfrs.dè  Santander^ 
„j/i  moins  connus  par  leur  érudition  bibliograpjjique  ^  qu^  pfr 
lô  z^U  obligeant  avec  lequel  ils  font  part  aux  gens  de  lettrei 
^ie  tcuri  richejtes  littéraires, 

pisçoui^S 


DISCOURS    PRÉLIMINAIRE^ 

POUR    SBRVIR    d'introduction    AUX 

ANNALES     D'OUDEGHERST. 

I  ^Orsque  Jules-Céfar,  après  ftvoîr  triomphé 
des  Celtes ,  pénétra  dans  la  Belgique,  la  partie 
la  plus  occidentale  de  cette  Province ,  renfermée 
entre  TEfcaut  &  TOcéan,  étoît  habitée  partroîs 
Nations  puifTantes,  les  Morins,  les  Atrébates  & 
les  Ménapiens.   Les  deux  '  premières  ont  formé 
longtems-une  portion  confidérable    du  domaine 
des  Comtes  de  Flandre,  La  politique  &  la  guerre 
leur  ont  depuis  ravi  ces  Provinces  que  la  politi- 
que leur  avoit  accordées  ,    &  dont  une  longue 
jouiffance  fembloit  devoir  leur  garantir  la  pofleflîott 
pour  toujours.  Là  Ménapie,  pendant  près  de  huit 
fiècles ,  a  été  foumife  à  une  fuite  non  interrompue 
dcPrinces  indépendans,  tandis  que  les  deux  autres 
oHt  paffé  fous  les  loîx  d'une  Monarchie  étrangère* 
Elle  conffitue  encore  aujourd'hui,  fous  une  autre 
dénomination ,  une  portion  prétieufe  de  l'héritage 
du  Souverain  qui  règne  fur  elle,  &  dent  toute 
l'autorité  fur  cette  province  dérive  du  titre  héré- 
ditaire de  Comte  de  Flandre,  que  le  fang  &  la 
nature  lui  ont  donné.  La  Ménapie  que  le  Com- 
merce &  lè  premier  des  arts,  l'Agriculture,  ont 
placée  au  premier  rang  des  Provinces  Belgiques^ 
étoit  alors  bien  Jn&rifiuie  1  fes  voifins,  tant  par 
la  population,  que  par  les  pi'ogrès  de  la  civilifa- 
tion.  Epars  dans  une  vafte  contrée,  fur  les  bords 
d'une  mer  orageufe,  occupés  à  repouflèr  4*uBe 
main  les  vagues  qui  refluoient  fur  leurs  champs  ^ 
&  de  l'autre  à  détruire  les  bois  qui  dîfputoîent 
aux  eaux  de  l'Océan  l'empire  de  la  terre  qu'ils 
habitoient,  les  Ménapiens,  malgré  le  vafte  efpace 
Qu'ils  occupoîenty  n'offrirent  qu*«fl  Gorp6  de 


îj     DISCOURS   PRÉLIMINAIRE. 

pooo  hommes ,  dans  la  ligue  générak  formée  par 
les  Belges  ,  pour  arrêter  les  efforts  des  armes 
tooiuj'a'  '^^^^^^*-  L^s  Atrébates  &  les  Morîns,  quoique 
reflerrés  dans  un  efpace  plus  étroit ,  offrirent 
ceux-oi  250P0,  &  ceux-là  15000  combattans.  La 
caufe  de  cette  différence  dans  la  population  n'eft 
pas  feulement  établie  fur  la  cîvilifation  &  le 
commerce  qui  avpient  fait  plus  de  progrès  chez 
les  Morins  &  chez  les  Atrébates  ,  que  chez  les 
Ménapîens.  Elle  eft  établie  encore  fut  l'ancien- 
iieté  de  ces  différente;^  Nations,  Les  premiers, 
peuples  vraifeimbiablement  indigènes",  vîvoient 
fous  des  Chefs ,  fournis  i  des  Magiftrats  &  diftri- 
bués  en  divers  cantons  (a).  Cet  ordre  de  ehofes 
^e  peut  être  que  le  fruit  lent  &  tardif  des  années. 
Les  Ménapîens  àU  contl-aire  ,  originaires  delà 
Germanie  &  transplantés  récemment  fur  les  côtes 
de  rOcéan  occidental,  ne  préfentent  pas  i  cette 
époque  le  fpeftacle  d''une  adminiftration  politique 
.suffi  bien  organîfée.  Toute  leur  induftrie  dut  fe 
borner  d'^abord  à  la  culture  des  champs;  mais 
le  voifinage  de  ta  mer  dut  en  faire  bientôt  un 
peuple  navigateur. 

Au  centre  des  Forêts  Ménapîennes ,  ^toïent 

des  plaines  nombreufes  &.  de  gras   pâturages, 

autour  (desquels  le  befoin  avoit  élevé  des  hameaux 

.  jnodeftes  qui  renfermoieilt  à  la  fois  des  hommes 


(^)  Ces  cantons  font  appelles  pagi  dans  Céfar.  Ced  âc 
là  qu'eft  veno  le  mot  de  pays ,  û  connu ,  furtout  âttns  le 
inoy«n  âge ,  fous  le  nom  de  pagus.    Cette  eXpreffion  ne 

.  peut  fignifier ,  dans  Céfai^ ,  un  village.  Il  dit ,  eil  parlant 
des  Helvétiens ,  que  toute  leur  cité  eft  divifée  en  quatre 
pays  ou  cantons  :  Omnis  crvitas  in  quatuor  fagos  divifa  eft» 
Ce  paflage  prouve  dans  quel  ffns  il  faut  entendre  le  mot 
pagus ,  toutes  les  fois  4tt*il  U  rencontre  dam  les  Commen- 

.tairei  de^Céfar. 


DISCOURS   PRÉLimNAIRE.     Hj 

Vborieux  &  des  troupeaux  féconde  (a).  Les  lai- 
nes que  fourniflbient  ces  troupeaux,  &  les  riandes 
falées  de  la  Ménapic  dont  la  fenfualité  couvrit 
les  tables  romaines  après  la  conquête,  accrurent 
bientôt  Taifance  de  cette  Nation  (*).  Telle  eft 
Torigine  auffi  foible  qu'antique  du  commerce  qui, 
dans  les  derniers  fièdes ,  éleva  la  Belgique  & 
fuftout  la  Flandre  au  plus  haut  degré  de  gran«> 
deur  &  d'opulence.  C'eft  en  partie  du  fcin  des 
marais  de  la  Ménapie  qu'eft  fortie  cette  fource 
inépuifable  qui  croiflant  d'âge  en  âge,  a  rendu 
toutes  les  nations  tributaires  de  fa  fécondité- 
Tandis  que  les  Ménapiens  occupés  à  multi- 
plier leurs  troupeaux  &  à  transformer  un  fol  in- 
culte en  guérêts  utiles,  couloient  des  jours  ob- 
fcurs  au  milieu  de  leurs  hameaux  ,  les  Morins 
que  Virgile  place  aux  extrémités  du  monde ,  Enéldc-Lt, 
parce  qu'ils  occupoient  l'extrémité  du  continent 
occidental  de  l'Europe  ,  agriculteurs  comme  les 
Ménapiens^  mais  un  peu  plus  civilifés^  fe  plai- 
foient,  comme  eux,  à  l'ombre  des  forêts  dont 
leur  pays  n'étoit  pas  moins  couveit  que  la  Mé- 
napie (c).  Elles  ont  été,  pour  la  plupart,  con- 
verties en  plaines  fertiles;  mais  les  bois  de  Nièpe, 
ceux  de  Boulogne  ,  &  <reiuc  qu'on  voit  encore 


(à)  Jgros  9  adificta  vicosque  habçbant  CMaenapii),  dit 
Céfar.  Les  forêts  dés  Ménapiens  font  également  défignées 
tos  un  autre  paflage  du  même  Auteur  :  Omncs  fc  in  dcn- 
ffmatfylvas  abdidcrant, 

(h)  Tarn  copiofi  funt  us  pecudum  &  fiium  gregts  ut  fago- 
^m  &  falfamentorum  copiam  non  Rowui  tantûm  fupptdiUnt^ 
fidÇf  pkrisque  Italia  partibus.  Strabon,  t»  i.  p.  301., 
Edit  Amft. 

(c)  Selon  Dion  Ctflh» ,  il  ne  parott  pas  que  les  Môrins 
«iflent  de  Villes ,  du  moins  lors  de  la  conquête  des  Gau* 
les:  Habitant  bi  populi ^  dit-il,  non  if$  urbibuSfftd  in  tu- 
l^riis,  L.  39, 


h^    DISCOURS  PRÊLIRÏTNAIRË/ 

tu3C  environs  d'Iprcs  &  de  Poperînguc^  font  des 
redcA  auguftes  de  ces  anciennes  forêts.  De  bel- 
les plaines  remplacent  aujourd'hui  les  marais  quî 
s'étendoient  depuis  la  mer  jusqu'aux  lieux  où 
fut  bâtie  la  ville  de  St.  Orner  ;  &  fou»  Philippe 
d^AU'ace ,  TinduHrie  flamande  a  transformé  cH 
champs  labourables  le  terrein  fangeux  quî  enw- 
ronnoit  les  murs  de  la  ville  d'Aire*  La  (bbrîété 
&  le  travail  paroiflent  furtout  avoir  été  en  hon- 
neur parmi  ce  peuple.  Chez  lui,  Ton  n'engraif- 
foit  point  impunértenti  On  craignôît  que  Tetn- 
bonpoint  que  Ton  regârdoit  comme  le  fruit  de 
rintempérance,  n'énervât  les  corps  des  jeuriti 
gens  ^  &  de  les  rendit  peu  propres  au  métier  des 
armes,  que  les  Belges  regardoient  comme  l'un 
des  premiers  devoirs  du  citoyen.  C'efl:  pourquoi 
on  les  mefuroit  de  tems  en  tems  avec  une  ceia* 
ture  dépofée  dans  uti  lieu  public ,  &  celui  dont 
l'embonpoint  excédoit  Cette  mefurc ,  étoît  con- 
damné à  une  amende  prefcritc  par  les  loix* 

Ou  remarque  che^  les  Atrébates  le  même  amolir 
pour  le  travail  &  pour  la  guerre  t  mais  le  cora- 
'  merce ,  la  cîviUfation ,  &  Tart  de  gouverner  les 
peuphis  yavoient  fait  plus  de  progrés,  quechc^ 
les  deux  autres  nations*  En  effet ,  à  l'époque 
ar  l  4  raûme  de  la  conquête j)ar  les  Romains,  on  trouve 
parmi  eux  tout  te  qui  caraélérife  une  nation 
policée,  un  Chef  confidéré  de  tous  fes  voîfms, 
un  corps  de  citoyens  réunis  fous  leà  mêmes  loîx, 
&  des  liaîfons  avec  des  peuples  étrangers.  Enfin 
le  Nemetocénna  de  Céfar  (a)  paroft  avoir  été  la 
capitale  de  cet  état,  &  la  Belgique  avolt  alors 

peu 


ôc  7 


(a)  Hh  rehut  confeBlt  ^  ad  îegiones  In  Betgîum  A  receplt^ 
hihernavitque  Netnetoeenna.  Ibi  cognofcU  Comlum  Jifeba- 
tm  prallo  cum  c^uitatu  fuQ  contûndijff*  Debd.  gai.  fc»  •• 


DISCOURS    PRÉLIMINAIRE,      v 

|)çu  de  villes  qui  régalaflent.  On  n'exigera  pa$ 
de  nous  que  nous  entrions  dans  de  plus  longg 
détails  relativement  à  l'origine  ,  aux  mœurs  Se 
tux  arts  des  premiers  habitants  de  la  Flandre* 
Les  bornes  d'une  Introduftion  ne  nous  permet* 
tent  que  d'indiquer  fommaireraent  les  traits  dif« 
tinôifs  de  ces  peuples.  Des  recherches  laboricu- 
fes  fur  leur  ancienne  légiflation  ,  fiir  leur  culte 
religieux  9  fur  leur  vie  publique  &  privée ,  feroienc 
étrangères  à  notre  objet.  D'ailleurs  ,  cette  ma- 
tière a  été  traitée  avec  tant  de  fuccès  par  d'ha* 
biles  écrivains ,  <iu'il  feroit  dangereux  pour  nous 
d'ofer  nous  mefurer  avec  eux.  Qu'aurions-nous 
à  dire  fur  ce  fujet ,  après  les  favantes  recherches 
des  Malbrancq  ,  des  Waftelaîn  &  de  quelques 
autres  ?  Leurs  ouvrages  font  le  vafte  tableau  où 
l'œil  curieux  doit  aller  étudier  le  collume  moral 
&  politique  des  anciens  Belges/ 

Paifibks  à  l'ombre  de  leurs  foyers  ruftiques ,  & 
éloignés  du  luxe  qui  énerve  les  courages  ,  les 
Belges  fembloient  n'avoir  rien  à  redouter  de  la 
cupidité  romaine,  pîïfce  que  pendant  la  guerre 
qui  venoit  de  donner  des  fers  aux  Celtes  ,  ils 
n'avoient  rien  fait  qui  pût  irriter  Rome.  Ils 
craignirent  cependant  que  h  foudre,  qui  venoit 
d'écrafer  leurs  voifins  ,  ne  vint  les  frapper  à 
leur  tour,*  &  l'amour  de  la  liberté,  qui  agiffoît 
puiflamment  fur  leurs  âmes,  s'échauffant  au  bruit 
des  conquêtes  de  Céfar,  ils  crurent  devoir  réunif 
leurs  forces ,  pour  écarter  ou  du  moins  pour 
prévenir  l'orage  qui  les  raenaçoit*  Ils  prévoyoient 
qu'après  aVoir  pacifié  la  Gaule,  Céfar  les  vien- 
droît  attaquer  (//)  j  &  en  fe  réuniffant  pour  la 
— —  ' 

(tf)  C*eft  Céfar  lui-même  qui  nous  rapprend  :  Conjurandi 
has  effc  caufas  ;  primîim  qubd  vcrcrentur  ne  ,  ùtnni  pacûtd 
Callidj  ad  eos  ex^rcitus  nojler  adduccrctur,  L.  2.  de  bell.  gaU* 

c 


VJ     DISCOURS    PRÉLIMINAIRE. 

ddfenfe  <^e  la  liberté  commune ,  ils  fournirent 
au  Général  Romain  le  prétexte  de  tourner  centre 
eux  fes  armes  viftorîeufcs.  La  prudence  (|irigeolt 
les  démarches  des  Belges,  &  Tambition  de  Rome 
juftifioît  la  confédération  qu'ils  vcpoicnt  de  for- 
mer. Etoit-il  probable  en  effet  que  Céfar,  dont 
les  obftaclcs  ne  fefoient  qu'irriter  le  courage, 
dont  l'ardeur  nMgnoroit  que  le  repos,  aux  yeux 
du  quel  toute  guerre  étoit  jufte,  quand  elle  pou- 
voit  ajouter  k  fa  gloire  &  à'  celle  du  nom  romain, 
qui  rouloit  déjà  dans  fa  tCte  le  projet  de  fup- 
planter  fon  illuftre  rival,  décommandera  l'Uni- 
vers en  aflerviflant  fa  Patrie  qui  en  étoit  la 
maîtrefle .  &  qui  vouloit  élever  fur  le  débris  des 
nations  fubjuguées  le  trône  où  il  afpîroit  de  mon- 
ter, étoit-il  probable,  dis-je,  qu'après  avoir  pouffé 
fes  conquêtes  jufqu'aux  rives  de  la  Marne  &  à 
la  Seine,  il  s'arrCtât  aux  frontières  de  la  Belgique? 
,  Il  avoit  trouvé  dans  le  pillage  de  la  Gaule  Cel- 
tique une  partie  des  chofes  dont  il  avoît  befoin 
pour  affiircr  le  fuccès  de  fes  projets  ambitieux, 
l'or  &  l'argent  de  vingt  peuples.  Inftruit  de  la 
bravoure  des  Belges ,  il  crut  qu'il  trou veroit  chez 
eux  Jes  foldats  qui  ne  rougiroîent  point  de  tour- 
ner leuni  armes  contre  Rome  &  contre  Pompée, 
fi  Rome  <k  Pompée  ofoient  travcrlcr  fes  def- 
feins  ;  &  dès  lors  la  conquûte  de  la  Belgique  fut 
réfolue. 

Vainqueur  des  Belges  méridionaux  C^),  Cdfar 
•pénétra  dans  le  pays  des  Ncrvicns  qui  s'étoient 
raflcmblés  fur  les  bords  de  la  Sambre,  au  nombre 
de  foixante  mille  combattans.  C'eft  là,  &  dans 
les  mûmes  lieux,  où  depuis  fe  font  données  deux 

(a)  Ces  Belges  méridionaux  dtoicnt  les  Rhémois,  ceux 
de  SoiObns,  de  Beauva^s  &  d'Amiens,  dont  Céfar  s'étoit 
rendu  maitre  en  partie  par  les  armes  ,  en  partie  par  oci 
négociations  infidiçufement  conduite!  par  fe«  émiflâirei. 


î)ISCOUR*S    PRÉLIMINAIRE.    ^ 

tataîlles  fanglantes  (a)i  que  les  Romains  éprou- 
vèrent pour  la  première  fois  le  courage  des  Ner* 
viens  &  des  Atrébates  qui  feuls  ^  avec  ceux  du 
Vermandois,  combattirent  alors  pour  la  défenfe 
de  là  patrie.  Jamais  Céfar  n'avoit  eu  à  lutter 
contré  tant  d'intrépidité  ;  mais  fa  fortune  &  la 
difcipline  romaine  l'emportèrent  fur  le  courage. 
Cette  journée  meurtrière  éteignit  prefqu'entière-  L,  a.  âé 
ment  la  racé  &  le  nom  des  Nerviens  ,  puilque  ^^*  ^^ 
de  60000  combattans,  il  n'en  échappa  au  fer  de 
l'ennemi  que  500  en^  ét^t  de  porter  les  armes. 
La  clémence  du  vainqueur  adoucît  un  peu  les 
malheurs  des  vaincus.  Il  leur  laifla  leurs  loîx, 
leur  rendit  leur  pays  &  défendit  à  leurs  voifins 
de  les  infulter  &  de  tirer  avantage  de  leurs  dis- 
grâces* Les  peuples  du  Vermandoîs  fubirent  le  iwi 
joug.  Les  Atrébates  parvinrent  à  fléchir  Céfar, 
&  reçurent  de  fa  main  ,  avec  la  confervation  de  la 
forme  de  leur  gouvernement,  un  roi  leur  conci* 
toyen  dont  il  eftimoit  le  courage  &  la  prudence  (i)# 

La  défaite  des  Nerviens  répandit  la  conftema*    ^ 
tien  parmi  leurs  voifins.  Les  Adiiatiques  &  leurs 
voifins    fe  virent  prefqu'auflîtôt   après  attaqués 
&  vaincus.    Ainfi  à   l'exception  des  Morins  & 
des  Ménapiens  ,   la  pldpart  des  peuples   de  lâ 

(fl)  L*opinion  la  plus  waiiemblablé  elt  que  la  bataille 
entre  Céfar  &  les  Nerviens  fe  donna  près  du  village  de 
Çrêle  fur  la  Sambre.  Céfar  s'étoit  campé  à  l'extrémité  de 
la  plaine  de  Fleurus ,  célèbre  furtout  par  deux  batailles  qui 
s'y  font  données  dans  le  dernier  fiècle ,  Tune  en  1^22 ,  où 
les  Efpagnols  furent  défaits,  &  l'autre  en  1(^90,  oii  le  Ma- 
réchal de  Luxembourg  vainquit  les  aUiés»  Céfar  vit  en  un 
in(bint  les  Nerviens  &  leurs  alliés  s'élancer  au  delà  du 
fleuve,  culbuter  fa  cavalerie,  mettre  en  déroute  fçs  archer» 
&  fes  frondeurs ,  venir  attaquer  fes  retranchemens  6c  bra- 
ver la  mort. 

(J)  Comium  quem  îpfc ,  Jtrthatihus  fuperatîs ,  Rtgem  lii 
confiitucratf  cujui  &  virtutem  &  confilium  probabat,  L.4.  c. î»ï'  ^ 

c  % 


vîîj     DISCOURS    PRÉLIMINAIRE. 

Belgique  devinrent  en  peu  de  tems  les  alliés  ou 
les  fujets  de  Rome.  Soit  que  la  faifon  fût  trop 
avancée  pour  tenter  uuje  expédition  contre  les 
provinces  maritimes,  foit  que  l,e  foin  de  fa  gran- 
deur future  l'appellât  en  Italie,  Céfar  repaffa  les 
l"  3-  de  Alpes.  Son  abfence  avoit  réveillé  le  courage  d'une 
bell.  gall.  partie  des  Celtes  auxquels  s'étoient  jointe  les> 
Morins  &  les  M^napiens  quî  avoient  raflemblé 
à  cet  eflfet  toutes  leurs  forces  navales  (^).  Céfar 
de  retour  dans  les  Gaules  vengea  cette  înfur- 
reftion,  en  livrant  à  la  mort  tout  le  Sénat  de 
Vannes 5  &  en  vendant  à  l'encan,  comme  de  vils 
cfclaves,  le  refte  de  la  Nation. 

Des  dîverfes  nations  ^ui  s'étoient  liguées  pour 
régénérer  leur  indépendance',  toutes  étoîent  cen- 
trées fous  le  joug.  Les  Morins  feuls  &  les  Mé- 
napiens   fembloîent    encore    braver  la  puîflance 

(/ï)  La  defcription  que  fait  Céfar  de  la  forme  des  vâifleaux  de 

la  flotte  gauloife ,  mérite  de  trouver  place  ici ,  parce  que-fans 

doute  ceux  des  Morins  &  des  Ménapiens   reiTembloient  à 

ceux  de  leurs  alliés.    >,  Ces  vaifleaux ,   dit  Céfar ,   avoient 

^  le  fond  plus  plat  que  les  nôtres,   &   étoient  par  confé- 

^  quent  moins  incommodés  des  bas-fonds   &  du  reflux  :  la 

^  proue  en  étoit  fon  haute,   &  la  pouppe  plus  propre  à 

„  réfifter  aux  vagues  &  aux  tempêtes.  Tous  étoient  de  bois 

de  chêne  &  aflez  capables  de  foutenif  le  plus  rude  choc; 

^  les  poutres  traverlantes ,   d'un  pied  d'épaifleur ,  étoient 

V  ^  attachées  avec  des  clous  de  la  grolTeur  du   pouc^e  :  leurs 

ancres  tenoient  à  des  chaînes  de  fer  au  lieu   de   cordes; 

^  &  leurs  voiles  "étoient  de  peaux  ^noUes  &  bien  apprêtées, 

„  foit  faute  de  lin ,   foit  parce  qu'ils   ignoroiçnt  l'art  de 

„  faire  de  la  toile ,   foit,   ce   qui  eft  plus   vraifemblable , 

^  parce  qu'ails  ne  croyoient  pas  que  la  toile  pût  réfifter  aux 

^  agitations  &,  aux  vents   impétueux  de   l'océan ,   &  faire 

^  mouvoir, des  vaifleaux  auflî  pefans  que  les  leurs.  Dans 

^  l'aaion  contre  ces  vaifleaux,  notre  flotte  ne  les  furpalfoit 

^  qu'en  agilité  &' en  vîtefle:  qumt  au   refte,  ils  étoient 

„  plus  propres  que  les  nôtres  pour  les  vaftes  mers  &  les 

\  n  tempêtes.  De  bcîl.  gall.  U  3,  trad,  far  M.  de  fFailly. 


DISCOURS    PRÉLIMINAIRE.     U 

romaine.  Ni  Teffrayante  févérité  que  le  vainqueur 
venoît  de  déployer  contre  une  partie  de  la  nation 
celtique,  ni  les  diflinâions  dont  il  récompenfoit 
ceux  qui  préfentoient  lâchement  leurs  mains  aux 
chaînes  de  la  fervitude  ^  ni  Timprobabilité  de 
voir  aucuns  de  leurs  voifins  s'armer  en  leur 
fiiveur,  ne  purent  ébranler  leurs  courages.  Dé- 
terminés à  vivre  libres  ou  à  mourir,  ils  atten« 
dirent  que  l'ennemi  vint,  ou  leur  ravir  la  vie» 
s'ils  avoient  le  malheur  de  fuccomber  dans  la 
défeofe-,  ou  qu*îl  vint  chercher  dans  leurs  fo- 
rêts un  terme  à  fes  conquêtes,  fi  la  fortune 
fecondoit  leur  intrépidité.  Céfar  en  effet  arriva 
bientôt  fur  leurs  frontières  ,  perfuadé ,  comme 
il  le  dit  lui-même , ,  que  ,  quoique  la  faifon  fût 
avancée,  il  parviendroit  aîfément  à  Icsfoumettre 
avant  l'hiver  ;  mais  il  fut  trompé  dans  fon  at-  -  l.  3.  de 
tente.  Inftruits  par  l'exemple  des  autres  nations  ^^*^^  ^^ 
qui  n'avoient  pu  foutenir  les  efforts  des  Romains 
en  J^ataille  rangée,  les  Ménapiens  &  les  Morins 
renoncèrent  au  périlleux  honneur  de  fe  mefurer 
avec  eux  en  rafe  campagne,  &  profitant  des 
avantages  que  leur  offroit  la  qature  de  leur  pays , 
ils  fe  couvrirent  de  leurs  marais  &  de  leurs 
bois  ,  comme  d'un  rempart  inacceflîble  aux  trou- 
pes romaines  (a).  Céfar  ayant  divifé  fes  foldats» 
pour  travailler  aux  retranchemens  ,  ces  Belges 
fondirent  fur  eux  avec  impétuofité ,  &  les  difper- 
fcrent  ;  puis  s*étant  repliés  vers  Içurs  fi)rêts ,  ils 
les  attirèrent  dans  des  embufcades  où  ils  en  firent 
périr  un  grand  nombre.  Piqué  de  la  réfiftance 
d'un  ennemi  dont  U  croyoit  la  défaite  facile , 
Céfar  fit  porter  la  hache  aux  pieds  de  ces  arbres 
que  le   tems    &    les    orages    avoient  refpectés 


(tf )  Qubd  intdUgehant  maximas  nattones ,  qua  pralio  con- 
Umdifcnt ,  pulfas  fuperatasque  ejfc ,  contînent^squs  fyîvas  ac 
$aludUs  babcbant  9  cb  fc  fuaquc  omnia  contulcrunt.  L.  3-  c*  s8. 


^     DISCOURS    PRÉLIMINAIRE* 

Jusque»  là.  En  peu  de  jours  une  vafte  étendue 
de  bois  fut  convertie  en  folîtudô.  Les  troupeaux 
&  les  bagages  retranchés  derrière  ces  bois ,  tom- 
bèrent au  pouvoir  des  Romains  (a);  maiii  Céfar 
voyant  que  l'ennemi  fe  rctiroit  toujours  vers 
fes  forêts  &  que  les  pluies  abondantes  rendoient 
fes  efforts  infruftueux ,  il  prit  le  parti  de  renoo* 
cer  à  fon  entreprife,  content  d'exercer  fa  fureur 
fur  les  champs  &  les  bourgades  de  cette  nation 
indomtée. 

Cependant  une  partie  de  ces  Morîns  qui  vc^ 
noient  de  défendre  fi  vaillamment  leur  liberté, 
fe  fournit,  prefque  fans  réfiftance ,  Tannée  ftii^ 
vante,  lorfque  Céfar,  après  fon  excurfion  au 
delà  du  Rhin,  ramena  fes  troupes  dans  la  BeU 
gique,  pour  les  conduire  dansTîle  des  Bretons* 
Infatiable  dans  fa  paffion  pour  la  gloire,  il  croyoit 
rendre  fon  nom  plus  fameux ,  en  abordant  le 
premier  des  Romains  fur  ce  rivage  étranger 
qu'un  océan  immenfe  déroboit  aux  regards  de 
fes  concitoyens.  Les  Morîns  fcptentrionaux  dé- 
fendus par  leurs  forfits,  &  que  l'intérêt  commun 
uniflbit  aux  Ménapiens  ,  perfifterent  à  vouloir 
fe  défenidrc  jufqu^à  la  dernière  extrémité.  Céfar 
.  en  partant  pour  la  Grande-Bretagne,  avoit  laiffé 
le  foin  de  réduire  ces  deux  peuples  à  Sabinus 
&  à  Cotta.  Il  parott,  d'après  les  commentaires, 
que  les  Morins  furent  forcés  de  mettre  bas  les 
armes;  mais  les  Ménapiens  enfoncés  dans  les 
forêts  du  nord  de  la   Flandre ,   s'ils  eurent  la 


(a)  Itieredlbill  cehritaU  magno  fpatio^  paucis  dhbus^ 
çonfcHo^  cum  jam  peçus  atquc  extrema  impedimenta  ah 
noftris  tenereutur  ipft  denfiurcs  fylvûi  pctcr^nt  ;  ejusmodi 
ttmpcfiaU$  funt  conjUuta  ^  uti  vput  nece]Parib  IntcrmitUr^ 
tur ,  fif  contlnuatione  imhrium ,  diutiiit  fub  pcllibui  milita 
eontincri  non  po/fcnt.  Itaquc ,  vafiati$  omnibus  eorum  fgriu 
vieii  adificii$quc  inccnfi$^  Cafar  cxercitum  reduxif.  t.  j.  c  vùjl. 


DISCOURS    PRÉLIMINAIRE,     xj 

douleur  de  voir  leurs  champs  ravagés  &  leurs 
babhatioDs  incendiées  (^),  goûtèrent  au  moins 
la  fatisniction  de  différer  encore  de  (deux  années 
la  perte  entière  de  leur  liberté.  Mais  enfin  il 
&Uut  céder.  Attaqués  à  la  fois  par  trois  corps 
d'armée  &  furpris  fans  défenfe ,  ils  feroient  péris 
étouffés  dans  les  flammes  de  leurs  maifons  embra- 
fées,  s'ils  ne  s'étoient  bâtés  d'envoyer  des  dé- 
putés au  vainqueur  pour  en  obtenir  la  paix  (i). 
Céfar,  qui  refpefta  toujours  l'axiome  politique 
adopté  pv  fa  patrie  (0 ,  reçut  leurs  otages  & 
^  grâce  à  la  nation*  , 

Ainfi  furent  domtés  ces  fiers  Ménapîens  qui  l.  6.  c.  s- 
Jufqaes  U  étoient  les  feuls ,  félon  Céfar  lui-môme, 
qui  n'avoient  jamais  député  vers  lui,  pour  lui 
demander  fon  amitié.  Depuis  ce  tems,  ils  porta- 
gèrent  la  fortune  des  autres  nations  belgiques , 
tantôt  paifibles  ,  tantôt  unis  avec  leurs  voifms 
pour  fecouer  le  joug,  mais  toujours  trompés  dans 
knrs  efforts,  toujours  repouffés  vers  Tefclavagc 
par  ce  deftîn  impérieux  qui  avoit  arrêté  que  Rome 
tiendroit  longtems  encore  l'Univers  dans  fes  fers. 
Aurefte,  çn  perdant  leur  indépendance ,  les  Belges 
devinrent  peu  à  peu  plus  cîvilifés,»  Ceux  d'entre 
eux  qui  fuivirent  Céfar  en  Italie,  qui  vainquirent 
avec  lui  dans  les  plaines  de  Pharfale ,  fous  les 


(fl)  jg^  Titurius  &  L,  Coita  qui  in  Menapiorum  fines  U- 
giêjus  duxcrant ,  omnibus  corum  i^gris  vafiatis ,  frumcrtîis 
fuccifis  étdificiisquc  inccnfis ,  quhd  Mcncpii  omnes  fe  in  dcn* 
^ùnas  fyl'vas  ahdid^rant  ,  ad  Cafarem  fc  rccepcrunt. 
L.  4.  de  beU.  gaU.  c.  ult. 

(*)  O^ir  ....  ad  Ht  iripartith;  étdifida  vicosquc  fV 
tendit,  Magno  pccoris  atquc  hominum  nnmero  potitur.  Qui- 
ha  rébus  ccaSi  Menaptil,  legatos  ad  eum  ,  pach  petcndA 
eanfd^  mittunt*   Ibid.  1.  6.  c.  6.      • 

(f  )  Parcere  fubjcSis  &  dcheîîare  fuperhos,  XTig.  En.  1,  6. 
Ccft  en  paide  à  cette  maxime  que  Rome  dut  rempirç  dtt 
imdc. 


xfj     DISCOURS    PRÉLIMINAIRE* 

murs  d'Alexandrie,  en  Afie  &  dans  l'Efpagne,  ' 

qui  partagèrent  avec  ce  conquérant  l'honneur  de 

plufieurs  triomphes  &  qui  furent  témoins  di^  luxe 

&  des  délices  de  la  vie  romaines,  durent  fe  dé^ 

pouiller  infenfiblement  de  leur  rufliclté  à  Fécolc 

de  l'urbanité  italienne.  De  retour  dans  leur  pa* 

trie,  leurs  mœurs  moins  groflîères  y  préparèrent 

la  révolution  que  favoriferent  encore  les  change- 

mens  qui,  fous  le  règne  d'AUgufte,  fe  firenrdans 

l'adminiftration  civile    &   politique  des  Gaules. 

DionCair,    En  leur  donnant  une  nouvelle  forme  de  gouver» 

'•  '•  nement,  en  établiflant  diverfes  colonies  dans  la 

Belgique,  en  y  transplantant  une  partie  de  ces 

guerriers  vétérans  qui  l'avoîent  aidé  à  vaincre 

"       les   meurtriers  de  fon  père  adoptif,.  il  n'eft  pas 

probable  qu'Augufte  ait  oublié  les  terres  fituées 

fur  les  bords   de  l'océan.    Quelques,  fondemens 

Des  Ro-    ^^   villes    dont  on   ignore  les  noms  ,  quelques 

ches,Rech.    ùfl^enfiles  à  la  romaine  ,  des  médailles  frappées 

Belg.  *^n-    ^^  ^^^^^  ^^s  premiers  Empereurs ,  découverts  dan^ 

4*».  p.  470.    le  Hainaut ,  la  Flandre  &  le  Brabant  llmblent 

annoncer  que  ces  lieux  détruits  au  troîfième  & 

quatrième  fiècles  durent  leur  exiftence  à  ces  pre* 

mières  colopies  romaines.  Du  moins ,  c'eft  fous 

Strab.  1:4.    le  règne,  de  cet  Empereur  qu'Agrippa  Préfet  des 

,      Gaules  traça  ces  voies  militaires  dont  l'une,  en 

traverfant  le  pays  des  Bellovaques  &  des  Amîè- 

nois ,  s'étendoit  jufqu'à  l'océan  belgique.  A  pe^ 

Bucherii    ^^^^  ^  ^^  même  époque,  il  en  fut  conftruit  plu-' 

Belg.  Rom,    fleurs  autres.    Elles  partoient   de  Bavai  ;  Tune 

p-  3î.  d'elles  prenoit  fa  direftion  vers  lejs  ports  âe  la 

Morîniç,  &  unç  autre  vers  le  pays  des  Mena-» 

piens. 

Ces  ouvrages  deftînés  à  faciliter  la  marche  des 
troupes  dans  les  parties  les  plus  reculées  des 
yégions  conquifes ,  établirent  néceflairement  une 
çommuniçsition  mbias  lentç  emw  Jçs  périples  j 


^ 


DISCOURS    PRÉLIMINAIRE,    xiîj 

•  &  favorirerent  Texploitation  des  denrées  &  te 
tranfport  des  produftions  refpeftîyes  d'une  pro- 
lyince  à  Tautre.  Ainfî  des  ouvrages  créés  pour 
perpétuer  le  defpotîfme  devinrent  un^  des  fources 
^  de  Topulence  nationale.  Le  commerce  appuie 
f  fur  les  richefles  territoriales  s*accrut  infenfible* 
ment,  &  Rome  devint,  quanta  certains  objets, 
tributaire  de  la  Flandre  &  de  TArtois.  Les  Atré- 
bâtes  fournirent  à  l'Italie  ces  étoffes  utiles  que  les 
latins  appelloient  fitgd  &  bïrri  {a).  Le  Platane 
afiatique  fut  transplanté  par  les  Morins  des  bords 
du  Tibre  fur  ceux  de  la  Lis  &  de  la  Canche  ^ 
&  la  transplantation  de  cet  arbre  célibataire  (*) 
n'étoit  fans  doute  qu'un  échange  des  productions, 
&  furtout  des  oies  que  les  peuples  conduifoient 
à  Rome ,  comme  les  Ménapiens  y  portoient 
d'abondantes  provifions  de  viandes  falées  (c). 
L'agriculture  avoit  auffi  produit  chez  ces  peuples 
une  branche  utile  de  commerce;  c'étoit  la  craie, 
terre  graffe  &  calcaire  dont  les  Belges  &  les  Bre- 
tons   fefoient   un    grand    ufage   pour  fertilifer 


{a)  Lorfqu*on  vint  annoncer  à  Uimbécille  Gallien  la  dé- 
feftion  des  Gaules,  il  dit:  Non  fine  Atrchaticis  fagîs  tuta 
rejpublica  efi?  Vopifcws  parle  des  birri  des  Atrébates,  6c 
Suidas  des  manteaux  de  ce  même  nom  qu'il  appeUe  Chla* 
mydcs  Xerampelina  Atrehatica, 

C^)  Horace  appelle  le  Platane  un  arbre  célibataire ,  pîa^ 
tanus  caUbs ,  parce  qu'il  ne  fe  marioit  pas  avec  la  vigne. 

(r)  Pline  d^t,  en  parlant  des  troupeaux  d'oies  que  les 
Morins  conduifoient  à  Rome  à  travers  les  Gaules  :  Mirum 
in  bâc  alite ,  à  Morinls  ufque  Komam  pedibus  ventre.  Fefi 
proferuntur  ad  primas ,  ità  cateri  flipattone  naturaîi  prœ- 
fcllunt  eos.  Hift.  nat.  1.  lo.  c.  22^ 

Martial  fait  l'éloge  des  jambons,  de  la  Ménapie ,  qu'il  égale 
ï  ceux  de  la  ville'  de  Gère  en  ladie  : 

„  Caretana  mihi  fiet ,  vcl  mijfa  HcebU 
^  De  Mçh^pis, 


V 


c. 


3tiv     DISCOURS    PRÉLIMINAIRE. 

leurs  champs  (a).  Nous  avoirs  déjà  parlé  de  la 
Àurelius    fcience  maritime  de  ces  peuples.  Sous  l'empirç 

cJ^.  c.  3p!  ^^  Dioclétien ,  on  voit  un  habitant  de  la  Mena- 
pie ,  Caraufiu.s  -,  élevé  par  fon  habileté  dans  la 
navigation  au  dangereux  honneur  de  difputer  le 
trône  à  ce  defpote  fuperbe ,  &  un  fiècle  aupara- 
vant, une  colonie  de  ces  mômes  Ménapieijs  avoit 
traverfé  Tocéan,  &  bravant  Jjçs  ,<!c^eils  qui  bor- 

Pto.U.n.    dent  le  rivage  britannique ,   avoit  été   ^'établir 
eu  Irlande ,  fous  les  mur5  de  Dublin. 

Tels  font^  len  partie  du  moins  ,  les  traits  les 
plus  connus  qui  appartiennent  aux  trois  nations 
dont  il  s*agit,  pendant  Tépoque  de  la  domina-» 
tîon  romaine.  Du  refte  leur  hîftoire  eft  celle  des 
autres  peuples  de  la  Belgique  j  heureux  &  tran* 
quilles ,  quand  Tempire  étoit  poffédé  par  un 
prince  vertueux.,  mais  malheureux  &  forcés  de 
courber  la  tête  fous  la  verge  du  dcfpotifme , 
lorfque  Tavarice  &  la  cruauté  étoîent  aflîfes  fur  le 
trône.  ^Dépouillés  de  leur  groffièreté  antique  par 
le  commerce  habituel  qu'ils  avoîcnt  avec  la  na- 
tion la  plus  cîvilifée  qui  fut  alors  ,  &  trouvant 
dans  la  fertilité  du  fol  national  cette  heureufe 
médiocrité  qui  place  l'homme  à  une  diftance 
égale  des  rigueurs  de  Tindigenee  &  des  éoueils 
de  Populence ,  les  Belges  laborieux  auroient  peut- 
être  moins  regretté  la  perte  à^t  leur  première 
indépendance  ,  fi  les  gouverneurs  que  Rome  en- 


(tf )  /;;  Gaîlid  transaîpind  ^  tntùs  ad  Rhenum ,  cum  excr" 
citum  ducercm  ,  aliquas  regioncs  acccjft  ubi  ....  agros  fier" 
fiorarcnt  candiddfojttidcretd.  Varron  de  rc  rufticâ ,  1. 1.  c.  7, 
Pline  dit  aufli  :  ÀUa  eft  ratio  quam  Britannia  &  Gallia  ir^^ 
vénère  alendi  eam  (  terrant  )  ipfd^  quodgenus  vocant  Margam. 
Sftpor  uhertas  in  ed  intdligitur.  Hift.  nat.  1. 17.  c.  6,  C'eft 
%  ce  commerce  que  fe  rapportent  ces  diverfes  infcriptions  f 
Negotiator  artis  crctaria  :  Jrtis  cretaria  defricator  :  I^egch 
tiator  cretarius  Britannidanus.  La  dernière  fut  trouvée  dans 
rUe  de  Walcheren  »  Tune  de  celles  qu*occupoienc  les  Mén% 
jpicns.  Des  Rs^cbes^  Knch.  fur  Pane,  Bcîg, 


DISCOURS    PRÉLIMINAIRE.     XV 

voyoît  pour  affurer  le  repos  de  ces  provinces, 
n'en  avoient  été  fouvent  les  bourreaux  à  les 
^évaftateurs. 

La  Religion  chrétienne  dont  la  lumière  avoît 
pénétré  chez  jeux,  dès  le  troifième  fiècle,  auroit 
achevé  d'adoucir  leurs  mœurs,  fi  TÉVangile  que 
prêchoient  les  premiers  apôtres  n'eût  pas  été 
la  fatyre  des  vices  &  des  crimes  qui  fouilloient 
les  tyrans  fubalternes  commis  à  la  garde  des 
provinces  de  l'empire.  La  mort  fut  prefque  tou- 
jours le  prix  dé  leurs  faints  travaux ,  &  le  gernie 
de  la  Foi,  à  peine  dépofé  dans  cette  terre  nou- 
velle^ périt  bientôt  étouffé  fous  les  pas  des  Goths, 
des  Suèves  ,  des  Huns  ,  des  Vandales  &  des 
Saxons ,  lorfqu'ils  fe  répondirent  en  torrent  dans 
toutes  les  Gaules  (a). 

Cç  moment  étoit  le  terme  marqué  par  la  Pro»- 
vidence  pour  la  durée  de  l'empire  romain  en 
Occident.  Ce  coloffe  qui  avpit  mis  la  terre  dans 
le  ftlence,  tomba  rapidement  lui-miême  &  devint 
la  proie  dçs  barbares  dpnt  îj  avoît  été  la  terreur. 
On  eûf  dit  que  Rome  n'avoit  élevé  fi  h^ut  fà 

" 1  ■  '  '.  -  util 

(a)  C'eft  à  i'époque  de  cette  irruption  qu'ii  faut  rappor- 
ter la  fubverfion  de  plufieurs  lieux  auparavant  célèbres  dans 
la  Belgique.  Ces  barbares  détruifirent  les  églifes  qui  ne  fe 
relevèrent  qu'après  la  converfion  de  Clovis.  Il  ne  paroît 
pas  que  les  Huns ,  les  Goths  &  les  Vandales  aient  i^t  un 
long  féjour  dans  ces  provinces  ;  mais ,  félon  l'auteur  de  la 
vie  de  St.  Eloi,  il  exiftoit  encore  des  Suèves,  au  feptièmç 
fiècle,  dans  la  Flandre  ôç  dans  les  îles  de  Zélande.  Les 
Saxons  formèrent,  fur  les  côtes  maritimes  de  la  Flandre, 
un  établiflement  qui  'fit  donner  k  ce  canton  le  nom  de  litr 
tus  faxonîcum, 

A  l'égard  de  la  Foi ,  St.  Piat ,  dit-on  ,  l'annonça ,  dan^ 
le  troifième  fiècle  ^  à  une  partie  des  babitans  de  la  Flandre  , 
ainfi  que  St.  Fufcien  &  St.  Viftoric.  St.  Viftrice ,  dans  le 
fiècle  fuivant,  porta  plus  loin  la  lumière  de  rÉvangili^. 
Quant  au3f  progrès  fucceffifs  de  la  Religion  dan?  cette  partie 
de  la  Belgique,  on  trouvera  dans  la  fuite  de  l'ouvrage  plu^ 
fieurs  obfervations  ^  nous  difpenfçnt  4'en  dire  ici  0%- 
Tantage, 


xyî     DISCOURS    PRÉLIMINAIRE- 

puîflance,  que  pour  la  voir  s'écrouler  avec  plus 
d'éclat.  Tandis  que  cette  orgueilleufe  cité ,  prife 
&  faccagée  par  les  armes  d'Alaric  &  des  Vifigoths, 
exploit  par  fes  malheurs  la  tyrannie  dont  elle 
aVoit  accablé  le  monde,  les  Francs  fe  préparoient 
à  porter  dans  les  Gaules  les  derniers  coups  à  fa 
domination.  Attirés  du  nord  vers  le  midi  dans 
refpoir  d'y  trouver  des  régions  moins  ingrates, 
ces  peuples  étoient  parvenus  à  fe  fixer  entre  le 
Rhin  &  la  Meufe.  A  force  de  défaites ,  ils  avoient 
appris  à  égaler  leurs  vainqueurs  dans  Tart  mili- 
taire ;  &  bientôt  encouragés  t)ar  la  foiblefle  de 
Rome,  &  pur  les  pertes  qu'elle  efluyoît  depuis 
longtems,  ils  fe  précipitèrent  vers  la  Belgique 
occidentale.  Alors  furent  jettes ,  fur  les  bords  de 
TEfcaut ,  les  fondemens  d'une  Monarchie ,  dont 
aucune,  depuis  quatorze  fiècles,  n'a  encore  fur- 
paffé  l'éclat  &  la  puiffance  (/?). 

L'expulfion  des  Romains  par  les  ï^rancs  dut 
opérer  une  révolution  dans  les  provinces  dont 
ils  s'étoîent  emparés  (^).  L'hiftoire  ne  nous  dit 
point  que  les  Belges  fe  foient  plaints  d'avoir 
thangé  de  maîtres ,  &  il  eft  vraîfemblable   qu'ils 


(tf)  Clodion  furnommé  le  Chevelu ,  fuccefleur  de  Phara- 
mond,  ayant  travcrfé  le  Brabant  &  le  Hainaut  &  poufTé  fes 
conquêtes  jufqu*à  la  Somme ,  revint  fixer  le  fiège  de  ks 
nouveaux  états  à  Tournai.  Ce  qui  donne  à  cette  aflertion  le 
caradère  de  la  vérité,  c'eft  le  témoignage  d'un  écrivain  du 
feptième  fièclc  qui  qualifie  cette  ville  du  titre  de  ville  royale^ 
auquel  il  faut  joindre  la  découverte  du  tombeau  de  Chil- 
dcric  I.  dans  la  môme  ville,  au  milieu  du  dernier  fiècle. 
Aînfi  la  ville  de  Tournai,  l'une  des  plus  anciennes  &  des 
plus  Célèbres  de  la  Flandre ,  fut  le  berceau  de  b  Monarchie 
françoifc. 

(b^  L'invafion  âes  Francs  eft  fans  doute  une  grande 
époque  pour  \e$  défrichcraens  des  terres ,  „  défrichcmens 
^  que  l'on  voit  faire  des  progrès  rapides  par  la  riaiflTance 
„  d'une  jurifprudcnce  nouvelle,  celle  des  fiefs.  Cette  inven- 
,9  tion  fit  que  les  Rois  cédèrent  de  vaftes  terreins,  &  jufqu'à 
M  des  provinces  entières  de  leurs  domaines ,  fous  uae  ûmple 


DISCOURS    PRÉLIMINAIRE.    xvî| 

auront  regardé  les  Francs  plutôt  comme  leurs 
libérateurs,  que  comme  des  conquérans  oppref- 
feurs.  Quelle  que  fut  l'ambition  cruelle  de  de- 
vis qui,  ^our  régner  feul,  trempa  fes  mains  dans 
le  fang  de  quatre  rois  Ça) ,  il  fut  encore  plus 
adroit  politique  que  guerrier  redoutable.  Le  parti 
qu'il  prit  d'embrafler  le  Chjiftianifme  acheva  de 
lui  foumettre  les  peuples  fatigués  du  defpotifme 
romain ,  &  chez  lesquels  la  Foi  avoit  fait  de 
grands  progrès.  Il  protégea  ouvertement  la  Reli- 
gion à  laquelle  il  devoit  en  partie  Taggrandifle* 
ment  de  fon  nouvel  empire.  La  Belgique  vit  fes 
premiers  temples  relevés,  par  le  zèle  &  les  tra- 
vaux de  St.  Waaft  que  St.  Rémi  avoit  envoyé 
pour  annoncer  l'Évangile  aux  Atrébates.  Dans 
le  même  tems ,  St.  Antimond  opéroit  de  nom- 
breufes  converfions  chez  les  Morins  &  St.  Eleu-« 
thère  chez  les  habitans  du  Toumaifis.  Les 
progrès  furent  plus  tardifs  dans  les  parties  fep- 
tentrionales.  L'afpérité  des  mœurs  &  rattache- 
ment des  peuples  de  la  Ménapie--è  leur  ancien 


«.obligation  de  v^affalité ,  en  faveur  de  leurs  fujets  ou  plutdc 
»de  leurs  compagnons  d'armes;  tandis  que  ceuxrci  les 
«  fousdivifoient  enfuite  ,  &  les  partageoient  en  arrière* 
y,  fiefs ,  qu'ils  accordoient  à  d'auo'es  û^baltemes ,  toujourf 
»  fous  la  même  obligation  de  vaffalité.  Au  moyen  de  tout 
»  cela ,  les  propriétés  s'étendoient  ;  on  ne  gardoit ,  ep  foit 
})  de  bien ,  que  ce  qu'on  pouvoit  cultiver ,  &  ainfi  to^ 
jjprofpéroit  &  frudifioit,  &  chacun  tiroit  le  meUleur  parti 
»  poffible  de  fes  polfelfions  ou  domaines.  Mém.  dt  VAcai. 
iiBrux.  t,  a.  p,  591, 

{a)  Ces  quatre  rois  étoient  Sîgebert  roi  de  Cologne  » 
Ragnacaire  prince  du  Cambrefis,  Cararic  roi  des  Morins 
&  Rignomer  qui  regnoit  fur  les  Manceaux.  Le  premier  fut 
«flàffiné  par  fon  propre  fils  que  Clovis  avoit  féduit.  Cari- 
ric  fie  fon  fils  furent  tués  par  fes  ordtes .  dans  une  prifom 
où  il  les  tenoit  renfermés.  Il  tua  de  fa  propre  main  Ragnt* 
Caire  que  la  perfidie  lui  avoit  livré.  Hi^om^r  mounK  à 
peu  près  de  la  même  maniàrç. 


ïviij    DISCOURS    PRÉLlMINAIRÈv 

cufce,  rendît  împuiffans  les  efforts  des  premier» 
apôtres  ;  &  ce  ne  fut  guère  que  vers  le  feptième 
fièclc,  que  la  Foi  gagnait  de  proche  en  proche , 
y  jouit  d'un  hommage  libi^e  &  paîfible, 

Clovis  étant  mort,  &  fes  états  ayant  été  par- 
tagés, la  Flandre  fit  partie  du  domaine  de  Clo- 
taire  roi  de  Soiffons  ou  de  Neuftrie.  Sous  les 
fuccefleurs  de  ce  premier  roi  chrétien ,  la  haîne 
mutuelle  de  Brunehaut  &  de  Frédégonde  enfan- 
glanta  ces  contrées.  Tout  ce  qui  s'y  pafla  à 
cette  époque,  n'eft  qu'un  tiffu  d*horreurs.  Sige- 
bert  roi  d'Auftrafie  y  vint  chercher  la  mort,  après 
un  règne  glorieux  de  quarante  ans.  Deux  aflaflîns 
fubornés  par  Frédégonde,  le  poignardent  dans 
l'Artois  dont  il  venoit  de  faire  la  conquête.  Plu- 
fieurs  princes  &  un  pontife  facré  périffent  égale- 
ment par  les  artifices  de  cette  femme ,  qu'on  pour- 
Toit  appeller  la  meurtrière  des  rois.  C'eft  à  peu 
près  à  ce  tems ,  que  quelques*  hiftoriens  placent 
l'exiftence  de  Lyderic  de  Bue  qu'ils  décorent  du 
tîtpe  de  premier  foreftier  de  Flandre  ;  mais  les 
^aîons  qu'ils  lui  prêtent ,  aînfi  qu'à  fes  fuccef- 
feurs  ,  fouvent  altérées  par  la  fable  ,  méritent 
peu  d'être  placées  au  rang  des  vérités  hiftoriques. 
D'ailleurs  l'exiftence  des  foreftiers  fera  toujours 
ixn  problême  qui  trouvera  autant  d'impr9bateurs 
que  de  partilans-  Quoiqu'il  en  foit ,  le  moment 
arriva  bientôt  où  fécondés  de  la  Religion,  de 
pieux  Cénobites, vinrent  tirer  les  peuples  delà 
Flandre  de  l'engourdiflement  &  de  la  corruption 
où  elle  languifToit  depuis  longtems«  Ils  eurent  à 
lutter  à  la  fois  contre  la  dépravation  des  mœurs , 
contre  les  égaremens  de  l'efprit  &  contre  l'infer- 
tilité du  terrein  où  ils  établiffoîent  leurs  retrai- 
tes ;  mais  leur  courage  triompha  de  tous  les 
obftacles.  Encouragés  par  les  libéralités  des  rois 
&  des  grands,  ils  fertiliferent  la  tei*re ,  &  l'on 
vit  de   vaftès    champs  auparavant  bériiTés  de 


DISCOURS   PRÉLIMINAIRE.     ^ 

h>is  ou  couverts  d^eaux  ftagnantes  &  fétides ,  te 
couvrir  de  moiflbns  &  de  fruits , 

Steriltsve  palus  dudum  aptaque  remis      _^*  ■*" 

Vicinas  urbes  alit  &  graye  fentit  aratrum. 

y,  St.  Amand ,  en  établiflant  les  monaftères 
5,  d'Elnone,  de  Marchiennes  &  les  deux  mona- 
^  ftères  de  St.  Pierre  à  Gand ,  fit  briller  au  mî- 
^  lieu  de  nos  fauvages  des  mœurs  nouvelles  & 
^  des  vertus  inconnues.  On  ne  vit  que  de  la 
„  douceur  ,  de  la  bîenfaifance ,  de  la  fubordina- 
^  tion ,  une  application  confiante  aux  cérémonies 
jp  d'une  Religion  pure,  au  foulagement  des  ma- 
„  lades  &  des  pauvres  ,  un  travail  fans  relâche, 
„  &  le  continuel  défrichement  des  champs  in- 
js  cultes.  La  fécondité  de  la  terre,  une  vie  aifée,  ,,^^'5*  ^ 
^  quoique  frugale,  enfin  un  bonheur  tranquille  ^^^  '^  ^ 
^  naiflant  de  tout  cela  ,  frappa  Tefprit  des  peu-  p.  593* 
5,  pies  &  les  dégoûta  infenfiblement  de  leur  vie 
»  indifcipUnée  &  de  leurs  farouches  befoîns  .  .  . 
«  On  aima  ce  nouveau  genre  de  vle.„  Autour 
de  ces  monaftères  ,  fojbles  d'abord  &  modeftes 
comme  ceux  qui  les  habitoîent ,  fe  raflfemblerent 
des  agriculteurs  animés  par  l'exemple,  encoura- 
gés par  les  bienfaits  ,  éclairés  par  les  lumières 
de  ces  pieux  folitaîrès.  „  Ils  cherchèrent,  dans,  Ibid.p.5^ 
^  le  voifinage  de  ces  communautés ,  un  abri 
ys  contre  les  vexations  des  petits  feigneurs  que 
^  le  gouvernement  féodal  produifoit  en  foule, 
„  &  l'on  vît  la  plupart. des  monaftères  entourés 
„  d'habitations ,  donner  naiflance  à  des  villes  &  St.  Orner, 
«fouvent  leur  nom.  ^  |^GU^ 

Il  auroit  fallu,  pour  achever  une  révolution  fi  &c. 
hôureufement  commencée,  que  le  royaume  des 
Francs  eût  été  gouverné  par  des  princes  aftîfs, 
^gilans ,  éclairés  ;  mais  les  rois  dormoient  alors 
au  fein  de  la  moUefle  ,  &  le  fcèptre  ,  dans  les 
inains  des  maires  du  palais,  devenait  fouvent  un 
fcèptre  de  fer  qui  s'appefantifToit  fur  les  peuples. 


XX    DISCOURS    PRÊLIMmAlRÊ* 

Cependant  à  Tprient  de  la  Belgique ,  &  à  Tombre     | 
du  trône  d^Auftrafie,  s'élevoit  par  degrés  la  fa* 
mille  des  Pépins ,  comme  un  grand  arbre  qui     | 
bientôt  étendra  au  loin  fes  rameaux  vigoureux*     : 
Cbilderic  m. ,  fantôme  obfcur  fur  le  trô;ie  ,  fit     ; 
place  à  Pépin  que  les  vertus  de  fes  aïeux ,  fes     ; 
talens  perfonnels ,  fa  politique  &  les  ferviçes  ren-     j 
dus  à  la  nation  dont  il  avoit  été  le  vengeur  & 
Tappui,  élevèrent  fur  les  ruines  de  la  Maifon 
Mérovingienne.  Ainfi  la  Belgique  donna  entore 
aux  François  le  chef  de  la  féconde  dynaftié  de 
leurs  rois.   Alors  iiâquit   Charlcin?.gne  qui  fur-    | 
pafla  fes  ancêtres  &  qu'aucun  de  fes  defcendans    ' 
n'égala.  La  Flandre  éprouva,  comme  les  autres 
parties  de  fon   empire  ,   les  fruits  de  fon  génie  i 
fupérieur  à  fon  fiècle.    Il  la  mit  à  Tabri  des  in-  '< 
çurûons  des  peuples  du  nord  dont  il  prévoyolt    î 
les  ravages  futurs.  Il  y  transplanta  une  colonie 
-de  Saxons,  &  cette  colonie  ,  en  augmentant  la 
.population,  fournit  à  la  terre-  de  nouveaux  agri- 
culteurs.   Après    avoir  fournis  tant   de  peuples 
différens,  il  ne  put,  malgré  In  fagcfle  de  fes  loix, 
çhaflcr  les  ténèb/es    ni  extirper  les  erreurs  fu- 
perftitieufcs  qui  obféduient  refprit  de  fes  fujets*     . 
Il  avoit  appelle  Ips  lettres  à  fa  cour  ,   perfuadé 
que  l'ignorance  efl:  l'aliment  de    la  plupart  des 
vices ,  tandis   qu'au   contraire  le  concours  des 
loix  &  des  connoiflances  eft  le  garant  infaillible 
de  la  félicité  publique.  Malheureufement  fes  fuc-, 
cefleurs  n'héritèrent  point  de  fon  génie,  &  TEu- 
lope  refta  barbare. 

On  trouvera  dans  l'hiftoîre  fuivaote  une  par- 
tie des  aétions  de  ce  prince ,  félon  qu'elles 
feront  plus  ou  nioins  liées  avec  l'hiftoire  de  la 
Flandre,  la  feule  dont  il  s'agifle  dans  Touvrage 
fuivant ,  &  à  laquelle  nous  avons  dû  rapporter 
exclufivement  Ja  plupart  des  réflexions  précé- 
dentes, 

PU 


DU  COMENCEMENÏ 

ET  AUTRES  CHpSES  MEMORABLES  DE 

F  L  AN  D  R  K 

CHAPITRE     PREMIER. 

Dii  comenament  &  athimologîe  comprinfe  Çf  aul"  ^ 
très  chofes  mémorables  de  Flandrei   , 

CE  quartier  de  pais ,  que  nous  appelions  vjj^fçfîpfioti 
Flandre  ,  e(l:  ime  partie  de  la  Gaule  que  de  Flandre. 
Çaefar  en  fes  commentaires  nomme  Belgique , 
laquelle  je  trouve  avoir  elle  ancîenement  fub- 
jefte  aulx  roys  des  Belgues,  lefquelz  fouloyent  (a) 
tenir  leur  réfidence  ordinaire  à  Bauvais  en  Hay* 
nault,  jufques  au  temps  de  Flamineus  &  Fland- 
bertus,  que  Andromèdes  roy  des  Belgues  eftant 
par  Cayus  légat  de  JuUus  Csefar^  affîégé  audift 
Bauvais  &  ,grandement  prelfé  ,  conftraignît  avec 
grande  multitude  de  femmes  ,  enfaris  &  aultres 
gens  inutiles  à  la  guerre, partir  de  ladide  ville  (i). 

■>■-''  I        -M     -    ■         Il  -|  '  I  I.  ,1 

(tf)  Avoient  codiume. 

(  I  )  L'amour  de  la  patrie ,  autant  que  celui  du  merveîf- 
Jeux ,  a  égaré  Oudegherft  dès  fon  début.  Ceft  la  réflexion  que 
feit  Bttzeliii ,   après  avoir  expofé  Topinion  de  cet  hiftorien  :       r  M  VI 
ita  P.  Oudêgherjlius  partim  Jac,  Guifiafium  fecutui ,  partim     ^  j^  »  p^ 
fatrki  duktdinem^  qua  multa  etiam  viris  doSis  perperàm        '      **^*** 
fuadeté   En  effet ,  il  eft  invraifcmblable  que  le  pays ,  dont 
parle  notre  auteur ,  ait  jamais  été  fournis  à  des  rois  qui  te- 
noient  leur  réfidence  ordinaire  k  Bavai.  Avant  la  conquête 
de  la  Belgique  par  Céfar ,  cette  partie  des  Gaules  étoit  ha^ 
î)itée  par  plufieurs  nations  dont  chacune  avoit  fon  roi  6% 
fon  chef  particuUer.  Céfar  en  nomme  plufieurs ,  tels  que 
Ambionx  6c  Cativulque  chez  les  Eburons ,  Boduognat  chez 
les  Nerviens,   Comius  chez  les  Atiébates  &c.  Les  Belges  ^ 

n'avoieot  donc  pas  alors  de  monarque  dont  la  puiflancck 
lamenée'i»  un  centra  commun  $*étendit  for  toutes  U^  autrea 

n 


Flamineos 
8c  Fland- 
bertus  édi- 
fient Bail- 
euL 


^thimolo- 
jie  de  Flan- 
ire  &  des 
^lamens. 


DîverTité 
.'opinions 
3uchant 
sethimolo* 
ie  de  Flan- 


^     FORESTIERS  DE  FLANDRE. 

Et  lefquelz  fe  retirèrent  au  païs  des  Ménapîens 
foubz  la  jurifdiélion  des  Morîniens ,  où  ilz  feU 
rent  un  nouveau  Belgue ,  que  nous  difons   au- 
jourdhuy  Belle  ou  BaUleul.    Et  habitèrent  eulx 
&  leurs  fucefleurs  fbien  longile  efpacé  de  temps 
audift  paîs  ,  lequel    dé  Flandbertus  prînt  nom 
de  Flandre ,  &  les  habitantsr  d*iceluy  de  Flamî- 
neus  furent  diftz  &  appeliez  Flamens.  Et  oreç 
que  aulcuns  hiftoriens  ayent  tafché  de  fouftenl^ 
&  nous  perfuadcr,  que  ledîft  nom  de  Flandre  fok 
defcendu  d'une  certaine  Flandrine ,  qu'îlz  maîn- 
tiengnent  avoir  efté  femme  au  fécond  Lyderic  > 
&  que  aultres  eftiment  les  Flamens  avoir  prins 
Torigine  de  leur  appellation  de  la  cruaulté  &  in- 
humanité de  Phînaert ,  prince  de  Bucq  ,  lequel 
à  raifon  de  fes  larrechins  ,  meurtres  6c  pilleries 
âuroit  efté  (nmommé  Flaminck  ^  qu'eft  une  diftiort 
compofée  de  f^an  ende  mincken  ;  Je  ne  puis  tou- 
tesfois  que  je  n'adhère  à  ma  fufdifte  première 
opinion  entant  mefmes,  que  ceulx  lefquelz  aul- 
cunement  feront  verfez  en  la  lefture  des  chro- 
niques françoifes,  trouveront  que  long  temps, 
avant  que  fut  mémoire  ny  de  Phinaert ,  ny  de 
Flandrine,   eft  plufieurs  fois  aufdifles  hiftoîres 
faifte  mention  des  païs  &  nom  de  Flandre;  com^ 
me  notamment  appert  par  le  partage  faift  entre 


m 


parties  de  la  Belgique.  Après  la  conquête ,  la  Belgique  f^ 
foumife  à  des  préfets  que  R.ome  envoyoît. 

Quant  à  Bavai ,  Ptolemée  qui  écrivoit  près  de  deux  fi^ 
des  après  Céfar,  eft  le  premiet  qui  enparle,  conunedelf 
capitale  du  pays  dés  Nerviens.  Lés  reftes  auguftes  que 
cette  viUe  a  longtems  confervés  de  fon  ancienne  fpkndeurt 
Appartiennent  au  génie  romain.  Elle  fut  ruinée  par  Clodioo 
le  chevelu,  au  milieu  du  cinquième  fiècle.  Ainfi  l'André 
xnède  roi  des  Belgues  peut  bien  n'être  qu'un  pcrfonnage  fa- 
buleux. On  en  pourroit  dire  autant  de  Flamineus  &  (fc 
Flandbertus.  Celui-ci  cependant  eft  regardé  par  quelque! 
chroniqueurs  ',  comme  neveu  de  Clodion ,  le  premier  dc« 
tois  ânmcs  a^  prit  ua  éubUifement  fix«  dans  ta  Be]g^a^ 


fOMalg, 
*  oes  inoi 

Ttftromv 

r«tJ:«'-  Ce 


ve: 


tÔRESTÎËRS  DE  Fi;,ANDRÉ^     g 

fcs  quatre  enfims  de  Clovîs  premier  roy  chré* 
tien  dç  France  ,  auquel  fe-voit  que  Flandre, 
ibubz  mefme  nom,  fuft  applicquée  au  royaulmedé 
SoifTon.  Et  partant  ceulx,  aufquelz  la  dérivatioa 
dunom  de  Flandre,  telle  que  deflus ,  n^aura  donné 
appaifement  filffifant ,  fe  pourront  avec  trop  meQ- 
kur  fondement  contenter  de  rœtblmologie  pro« 
pofée  par  le  ehronicqueur  d'Oudenbourch  ,  le- 
quel tdTmoîgne  Flandriam  à  fiatu  Çf  flu&sius  ha 
nuncupatam  (a)#  Il  y  en  a  :^uflî,  &  entre  aultres, 
Sirabo  Cappadocius  de  fitu  orbis  ,  libr^  quarto ,  qui 
affirment  Flandre  avoir  aupanrvant  efté  appellée 
Manapia^  &  le  peuple  d'jcelle,  Ménapiens^  d'un 
prince  de'Theerenburch  nommé  Menapos  (3}  x 
ou  (  à  raîfon  du  fîroid)  de  menas  menat&x  ,  qui 
(félon  Hugacîo)  fignifie  un  double  vertement; 
ou  bien  des  Meaades  prebftres  du  dieu  Bacchus, 


(a)  Malgré  toutes  les  recherches  des  étyfeologittes ,  Tori- 
pie  des  mots  Flandre  ,  ou  Flammand  fera  longtems  encore 
■le  énigme  hiftorique.  Le  fyftémc  le  moins  invraifemUt^ 
Ue  eft  celui  dont  parfe  ici  Oudegherft  d'api^s  «uiie  très-uà*^ 
oeiuie  chronique  ^  monaftére  ÔLOudeHboureh  CAIdeoi* 
koiç  >  Cette  chronique  dit  que  ce  pays  fut  ainfi  nommé  ^ 
à  caufe  des  eaux  que  la  mer  y  verfoit  dans  plufieurs  en- 
^ts.  Ces  eaux  fbrmoient  ce  qu*on  appeUe  en  flammand 
to  vlàchc  «c  «t  langage  picard,  /fo^irfjott  jRffjpiî/« , petites 
■ares  ou  amis  d'eaux  cioapiflantes.  L'analogie  eft  foppan* 
te  ici  entre  le  picaird  &  le  flammand.  En  admetta^it  ce  fys- 
têmc,  avec  Meytrus  &  Frcdius,  la  Flandre  proprement  dit» 
«lois  étoit  donc  le  pays  des  Flaques.  Obfervons  auifi  que 
Fendant  longtems  on  n-employa  le  nom  latin  qu'au  pluriel 
&  qu'on  difoit  généralement  Flandra^  Flandrarum^  Ban^ 
*w,  Flaudras.  Ce  n'eftguères  que  vers  le  dixième  ûèdA 
^fCim  commença  à  dire  communément  Flandria  pour  Ftandréu 

(3)  QueUe  que  foit  l'étymologie  du  mot  Ménapiens^  ces 
l«»ples  étoient  originaires  de  la  Germanie  ,  comme  la  plû- 
î«itde  ceux  de  la  Belgique.  Etablis  d'abord  furies  rives. 
^  U  Menfe,  &  vers  le  confluent  de  ce  fleuve  avec  le 
Vail,  ils  aflerent  enfoite  «'éiablir  fur  Us  côtes  maritimes 
«ehnandte^ 


FIsndre  aA« 
cienement 
s'appeUoic 
Mcnapia. 


Mxnadet 
prebftres 
du    dieu 
Bacchiit* 


ScxiBboit 


Diverfité 
â*opJ  nions 
touchant  la 
grandeur & 
«ftendue 
«lePlandre. 


;|     FORESTIERS  DE  FLANDRE; 

lequel  en  ce  quartier  plus  qu'en   tout  aultre,' 
eftoit  en  finguiière  honneur ,  eftîme  &  recom- 
mandation.   Quant  à  la  g;:andcur  &  eftendue  du- 
dift  païsv&  contrée  de  Flandre,  tant  en  fon  com- 
mencement &  durant  le  gouvernement  des  fo- 
reftîers,  qu'au  temps  de  Tinféodation  d'icduy 
pais  à  la  couronne   de,  France  ,  je  treuve  de 
divers  autheurs  dîverfes  &  contraires  opinions. 
Pour  aultant  que  aulcuns  &  (îgnamment  Lamber- 
tus  Onulphi  (en  fon  volume  qu'il  intitule  Flo' 
ridus  LamberH)  dîft   &   affirme,    que   Flandre 
anchienement  eftoit  aflemblée  de  dix  Contez  (4), 
fi  comme  de  Theerenburch ,  Arras,  Boulongne, 
Guifnes,  SainftPaul,  Hefdîn ,  Blandîmont ,  Bru- 
ges, Harlebecque  &  Tournay.  Auquel  Tournay 
toutesfoi3  ledicft  autheur  me  femble  s'avoir  gran- 
dement publié,  par  ce  que  toutz  aultres  bîfto* 
riens  maptienent ,  qu'elle  n'a  Jamais  efté  tenue 
pour  Flandre ,  trop  bien  le  demeurant ,  qui  pour 
le  moins  a  efté  du  refort  dudidl  Flandre ,  &  pa- 
reillement Arkes  &  Valkenberghe.  D'aultr^  part, 
il  femble  par  le  contenu  aulx   chronîcques  de 
France ,    que  mefmes  au  temps  de   Tempereur 
Charlemaigne ,'  ladifte  Flandre  eftoit  bien  peu  de 
chofe,  &  que  ccftuy,   auquel  le  don  premier 


Aa.  SS. 
Belg.  t.  A. 
p.  401. 

Duchefne, 
capicul.  de 
Charles  le 
chauve. 

Id.  t.  I. 
fol.  632. 

Aa.  ss. 

Bclg.  t.  3. 
p.  fiap.  fie 
A35. 


(4)  Ancicmiement  la  Flandre  étoit  toute  renfermée  dans 
ce  qu'on  appeUe  lefîranc  de  Bruges,  Elle  fortnoit  un  Mdét 
individuel ,  pagus ,  qui  n*avoit  rien  de  commun  avec  ie» 
didrias  voifms.  Cette  diftindioneft  clairement  énoncée  par 
pluficurs  aftcs  des  premiers  Comtes  de  Flandre  &  ftirtouc 
par  un  capitulâire  de  Charles  le  Chauve:  MiJ/ih  Noviomi- 
fo^  Vermendifo^  Jdertifo  ^  Curtricifo  ^  Flandre^  &  par  un 
paflTage  de  la  vie  de  St.  Eloi ,  où  le  Pagus  Flandrenjis  eft 
clairement  diftingué  de  ceux  de  Courtrai  &  de  Gand.  Ce 
ne  fut  qu*après  le  mariage  de  la  fille  de  Charles  le  Chauve 
avec  Baudoin  bras  de  fer ,  que  la  dénomination  de  Flandre 
s'étendit  aux  divers  cantons  renfermés  dans  les  domaines 
cédés  à  ce  premier  Comte  de  Flandre. 

Oliver.  Vredius ,  Flandr.  EthnUa.  C.  «5' 


FORESTIERS  DE  FLANDRE.     $ 

en  auroit  efté  faid,  fe  feroît  à  raîfon  de  ce 
par  forme  de  mocquerîe*&  mefprîs  faifl:  appel* 
1er  foreftier  dudiél  quartier.  A  quoy  néantmoings, 
je  ne  puis  aulcunement  condefcendre  ,  '&  d'aul- 
tant  moings  que  clèrement  &  à  veûe  d'œil  le 
contraire  fc  manifefte  par  les  raifons  fubféquen- 
te^.  Premiers  que  ne  convient  doubter,  que  dès 
le  temps  que  ledifl;  Cayus  légat  de  Julius  Céfar 
vint  pardeçà,  ce  quartier  de  pais  ne  fuftgran* 
dément  fréquenté,  tant  à  raifon  de  la  commo- 
dité de  la  mer ,  que  pour  la  multitude  des  ri- 
vières qui  y  font.  Oultre  ,  que  Julius  Céfar  , 
aulx  commentaires  qu'il  a  efcript,  faiû  en  plu3 
d'un  paffage  itérée  n^ention  de  Tournay,  Arras, 
Therouenne,  Boulongne  &  de  plufieurs  aultres 
villes ,  encores  que  ce  foit  foubz  aultres  noms , 
&  leCqujçU  e\]^s  n'ont  de  préfent.  Joinél  qu'eft 
chofe  certaine  &  notoire ,  que  auparavant  le 
temps  dudift  Charles  le  Grand  ,  y  avoit  fur  la 
^ère  de  l'Efcault  entre  Tournay  &  Gand  ua 
viel  chafteau  appelle  Brachantum  (5),  &  fi  aviez 
fur  le  Lys,  Aire,  Lifle  &  Harlebecque.  D'avan- 
taige  en  la  ville  de  Gand  y  avoit  deux  chafteaul:^ 
merveilleufement  anchiens ,  l'un  fur  ladidle  ri- 
vière du  Lys ,  nommé  Ganda ,  &  l'aultre  fur 
l'Efcault,  appelle  Blandinium^  auquel  ceubc  du- 
diél Gand  ^doroyent  Tydole  du  dieu  Mercure, 
&  lefquelz  deux  chaftçaulx,  ou  du  moings  ledift 
Ganda ,  furent  Tau  devant  1^  nativité  de  uoftre 
Seigneur  47.  édifiez  par  ledift  Cayus  (6) ,  tant 


Opinioii 
d*aulcttiis 
touchant  hk 
déduétion 
du  mot  dft 
foreftier. 


La  Ibfdiao 
opinion  dé- 
batue  &  re* 
îedée. 


Bracham» 
tum» 


Ganda  8c 
Blandinium 
chafteaulx. 


Cayus  édî* 
fialçchaftel 
de  Ganda. 


(5)  L'auteur  veut  fans  doute  parler  du  château  d'Etn* 
ham ,  chef-lieu  du  comté  de  ce  nom  &  fi'tué  alors  dans  le 
Brabant.  Au  refte,  il eft très-douteux  que  ce  château,  ainû 
que  les  viUes  d'Jire ,  de  Lille  &  à* Harlebecque ,  fulTenç 
des  lieux  fort  remarquables ,  avant  le  règne  de  Charlemagne, 

(6)  Oudegherft  a  évidemment  emprunté  ce  paflage  de  la 
chronique  manufcrite  de  St.  Bavon ,  qui  débute  ainû  :  Anna 
t7M  antc  nativitatcm  Domini  noM  J.  C.  inçliius  Gam 


f     FbRESTlERS  DE   FLANDRE. 

four  y  povoîr  hyverner,  que  affin  de  plus  com* 

*    '    niodieurement  guerroyer  &  fubjuguer  les  royauU 

>    mes  d'Angleterre   &  âultres   circonvoifms^    En 

$tj  Amtïi    oultre ,  monfieur  Sainél  Amand  peu  après  Tan 

corivertit  le    fl^  centz  &  quatre,  avoit  par  fa  prédication  con» 

Can^^     ^    verty  à  la  fainfte  foi  catholique^  le  peuple  de 

Gand,  &  aultres  dudîék  païs ,    après  avoir  de- 

ftruit  leurs  temples,  &  ^boUy  leurs  ydolles  (7), 


yulius  Cafar  romanorunp  çonftrfixk  nçbih-  cafîrum  €f  fam(h 
fum  fupôr  flumina  Scaîdis  &  Légi^ ,  uH  idem  amnis  Scaldis 
Legiam  flumen  accipit,  tonflruxit  ergo  illic  propter  decen- 
fiam  ^  opfortunitatem  locî ,  in  hieme  ad  quicscendum  (f 
in  aftate  contra  regcm  CajIibeHavanum  Britannii^  bellandum^ 
qucm  regem  &  regnum  dtvicit  tçtalitcr^  impofuitquô  «Or 
tnen  caftro  à  nomine  fuo  Gayo^  Ganda,  Ce  cafirum  Ganàa^ 
très-connu  dans  Thiftoire  du  Pays,  a  fans  doute  donné  njûf» 
fance  à  la  ville  de  Gand.  Il  a  pu  être  l'ouvrage  des  Ro- 
mains qui,  déterminés  par  le  conilueni:  de  deux  rivières 
navigables ,  y  ont  fait  bâtir  une  fortçreffe ,  çoUr  tenir  en 
ieQ>ed  9  d'un  côté  les  Ménapiens  &  de  l'autre  q^clque^ 
uns  de  ceuic  que  Céfar  appelle  les  Clieps  des  Nerviem; 
mais  rien  n'efl:  moins  cenain  que  la  fondation  de  ce  châi 
teau  par  le  vainqueur  des  Gaules.  On  a  trouvé  jadis  qucL 
qucs  médailles  romaines  aux  environs  de  ce  château  ;  mais 
aucune ,  dit  Sanderus ,  ne  remonte  au-delà  de  Néron.  L'au- 

^th  Gan4.  teur  de  la  chronique  de  St.  Bavon  &  ceux  qui  l'ont  fuivi, 
n'auro}ent  point  dû  s'expofer  à  altérer  la  vérité ,  pour  }e 
plaifir  de  reculer  de  quelques  années  &  d'anoblir  l'origine 
de  la  capitale  de  la  Flandre ,  qui.  a  des  titres  mieux  fondés 
ft  la  célébrité ,  ^ue  ceux  qu'eUe  pourroit  tirer  de  fon  ori^ 
gine  Céfarienne. 

(7)  Longtems  avant  St.  Amapd,  St.  Piat,  St.  Euchaire, 
St.  Valôre ,  St.  Materne  &  furtout  St.  Viftrice  avoient  trai 
vaille  à  la  converfion  des  peuples  de  la  Belgique  occiden- 
tfile.  St.  Paulin  dit  en  parlant  de  ce  dernier  :  San&ificatum 
efi  nomen  Chrifti  in  rcmotijfmo  Nervi  ci  littoris  tra&u,,,  ^ 
in  terra  Morinorum,,,    fedebant  gentium  populi  vi4  maris 

^pift.  08.       ^reno/d  in  regione    umbra  mortis.,^,   veritm  pradlcatione 

'     *  beatiftmi  Fiàricii  à  Domino  lucem  magnam  acceperunt.  Les 

irruptions  de  plufieurs  nations  barbares  détruifirent  prefque 

tous  les  fruits  de  ces  travaux  apoftoliques.  Us  ne  fe  ranime» 

f  çnt  qu'a|>rès  le  bâtémc  de  aovis  qui  fit  relever  Içs  tea^- 


FORESTIERS  DE  FLANDRE,     f 

Ù  avoît  femblablement  environ  ce  temps ,  fondé 
en  Téglife  de  Tronchienes  plulieurs  chanoines , 
&  commencé  Tédification  du  doiftre  de  fainâ 
Bavon.  Vous  aviez  aufli  fur  les  codes  de  la 
mer,  deux  grandes  àpuiflantes  villes  &  fort  re- 
nommées par  le  moyen  de  la  marchandife ,  qui 
s'y  contradoît,  Oudenbourch&Rodenbourch(8), 
que  nous,  nommons  maintenant  Ardenbourch , 
&  lefquelles,  après  avoir  dès  Tan  quatre  centz 
cincquante  deux  par  Attilla'roy  des  Hunes,  efté 
deftruiftes  &  ruinées,  furent  après  par  fuccef* 
fion  de  temps  refeiftes  &  magnîficquement  refta* 
blies.  Thoroult  eftoit  lors  pareillement  bonne 
ville  (9) ,  de  laquelle  monfieur  fainft  Bavon  eftant 
en  fon  liél  mortel  envoya  quérir  un  prebftre  pour 
luy  recommander  aulcunes  chofes.  Finablement 
Sithîu,  qu'on  appelle  maintenant  fainft  Omer, 
n'eftoit  ville  poi^r  mefprifer ,  en  laquelle  mon- 


'Oaden- 
bourch    de 
Roden- 
bourch    çtk 
Flandre. 


Thoronlc 
St.  Bavon. 


Sithiu  » 
maintenant 
St.  Orner. 


pks  détruits^  &  envoya,  pour  établir  la  Foi  fur  des  fon- 
démens  plus  folides  «  St.  Vaaft  chez  les  Artéfîens  ,  St.  An- 
timond  chez  les  Morins  &  St.  Eleuthère  chez  h$  peuples 
duTournaîfis.  (V.  difcours  préliminaire^. 

(8)  La  première  s'appelloit  anciennement  Aldembourg. 
Elle  avoit  été  ruinée  par  les  Vandales  en  4S0. ,  félon  la 
chronique  de  St.  Bavon ,  mais  elle  avoit  été  réparée  en 
partie.  Vers  la  fin  du  feptième  fiède.  St.  Vursmarc  y  pr^ 
chale  S.  Evangile,  &  y  bâtit  uneEglifç. 

Ardembourg  autrefois  Rodembourg  eft  également  une  vil- 
le ancienne  qui  appartient  aujourdhui  aux  Hollandois.  U  y 
avoit  autrefois  un  chapitre  fondé  veirs  la  fin  du  treizième 
Hècle ,  par  un  Abbé  de  St.  Bavon.  On  peut  confulter  fur 
l'éredion  de  ce  chapitre,  l'ouvrage  de  Mr.  iic  Caftillon* 
intitulé  Sacra  Belgii  Chronologia ,  au  mot  Ardembourg  ou 
Kodenibourg. 

(9)  Cette  ville  fut  une  des  premières  villes  commerçan- 
tes de  Flandre  au  moyen  âge.  St.  Médard  y  jetta  les  fonde- 
mens  d'un  monaftère  que  fit  achever  St.  Eloi  &  dont  St.  Ans- 
gairc  évoque  de  Hambourg  fut  abbé.  Le  religieux  dont  parle 
ici  Oudegherft,  &  que  St.  Bavon  près  de  mourir  appella  au- 
près de  lui ,  étoitle  St.  prêtre  Domlin ,  né  à  Thouroult  même. 


Chron. 
Aldeburg* 
apud  Vred. 
Flandria  • 
Ethnica  p. 
492. 


Aet.  ss. 

Belg.  t.  2. 
p.  473.  & 
p.  510  an- 
not.  c^  e. 


»     FORESTIERS  DE   FLANDRE. 


^t.  9ertifi* 


Divifion  de 
Flandre. 


Flandre 
flameugant,. 

Flandre 
gaUicant. 


fieur  faînfl:  Bertin ,  dès  Tan  fix  centz  quarante  fix, 
avoît  fondé  un  bel  &  ample  monaftère.  Dont 
fuffifanjent  fe^defcouvre  le  tort  de  ceulx  qui  di- 
fent  que  au  temps  dudift  empereur  Charlemaigne, 
lediA  quartier  de  Flandre  efloit  enhabité  &  de 
petite  valeur.  Et  combien  que  pour  pallier  leut 
jibuz  ,  îlz  puiflent  prétexer  la  ruyne ,  pillerie  & 
deftruftîon,  que  les  Huiïes,  Goths ,  Wandaloîs 
&  autres  nations  eftranges  &  barbares  avoyent, 
Jong  temps  •  auparavant ,  &  depuis  continuelle- 
ment jufques  a^  temps  dudift  Charles  le  Grand, 
moyenne  audift  pais,  &  que  pour  ce  refpeft, 
il  eftoit  inhabité  :  fi  eft  ce  que  les  fufdîtes  comr 
moditez  des  mey  &  rivières  ,  ceflant  i'obftacle 
defdiftes  nations  eftranges  ,  ne  povoyent  eftre 
oftées  ny  diminuées ,  &  par  tant  cefte  feule  conr 
fidératîon  les  debvoit  empefcher  d'^^vo^r  par  leurs 
efcripts  ledift  païs  de  Flandre  en  tant  petite  efti*. 
me  &  réputation.  Au  refte  [pour  retourner  fur 
nos  erres  (^)  ]  je  treuve  en  mon  advis  impoffi- 
ble ,  d'efcrire  touchant  Textendue  anciene  dudift 
Flandre,  chofe  ftir  laquelle  on  doibye,  ou  puiflç 
afleoirarrefté  jugement.  Le  tout  obftant  les  anr 
nexions  &  écliffementz  (A)  de  plufieurs  terres 
&  feigneuries  que  fouventesfois ,  &  en  divers 
temps ,  ont  efté  faiftz  audift  païs ,  &  ce  confor- 
mément à  la  différente  qualité  des  occurrences. 
Il  fuffira  doncq  de  fommièremeut  déclarer  que 
Flandre  quafi  de  tout  temps  a  efté  par  le  moyea 
de  la  rivière  du  Lys  en  deux  parties  divifée,  & 
que  tout  ce  qu'eft  deçà  la  Lys  ,  du  cofté  de 
noort,  fe  nomme  Flandre  flamengant ,  à  raifon 
du  langage  qu'on  parle  illcc,  &  ce  que  depuis 
Menin  vers  le  açuut  eft  delà  le  Lys  ,  s'appelle 
Flandre  gaUicant ,  pour  ce  qu'on  y  ufe  de  la  laur 


(^)  Sur  nos  ^as  ,  fur  notrc^    (6)  S^paratiam  9  4ivifiom^ 


FORESTIERS   DE   FLANDRE.     ^ 

gue  wailée  ou  françoife  (lo).  Toutesfois  ne  con- 
vient obmeCtre  que  ledîft  quartier  reçoit  enco- 
res  une  aultre  divifion  ,  fi  comme  entre  ce  que 
fouloit  eftre  (a)  foubz  la  couronne  de  France, 
appelle  ordinairement  Conté  ,  &  ce  que  gifoit 
foubz  Tempire ,  qu'on  difoit  ou  nomraoit  Segneu- 
fie  de  Flandre,  mefmes  que  la  rivière  de  TEfcaute 
fervoit  de  féparatîon  aufdîftes  deux  parties ,  & 
qae  à  raifon  de  chafcune  dMcelles  refpcftivement, 
le  chirf  ou  gouverneur  dudift  Flandre ,  en  eftoit 
appelle  ou  Conte  ou  Signeur.  A  guoy  néant- 
moins  je  n'entens  beaucoup  m'arrefter  pour  le 
préfent,  d'aultant  que  ay  délibéré  d'en  faire  un 
difçours  plus  particulier  en  fon  temps  &  lieu  , 
enfemble  des  notables  prééminences  que  a  ledift 
conte  eq  fon  païs,  de  la  qualité  des  eftatz  d'ice- 
)uy  tant  eç.ç}éfiafticquçs  que  féculiers ,  de  la  quan- 


Aultre  dJ» 
viûon  de 
Flandre. 


(tf)  jivoit  coutumcj    ' 

(lo)  Nous  çroyoïjs  pouvoir  avancer  qu^aa  dixième  fiècle  9 
Il  langue  fla^uaude  étoit  en  ufage  bien  au  delà  des  provin- 
ces fituées  ^u  midi  de  la  Lis  9  c'efl-à-dire ,  au  moins  dans 
toute  la  Picardie.  Le  moine  Hariulphe  qui  écrivoit  à  peu 
près  à  cette  époque ,  rapporte  qu'on  chantoit  partout  dans 
cette  province  les  vers  teutoniques  compofés  en  l'honneur 
de  Louis  fils  de  Louis  le  Bègue ,  lorfqu'en  881.  il  eut  vain* 
eu  les  Normailds:  Patrienfiutn  memorid  quotidU  recoUtur 
&  cantatur.  Voici  les  deux  premières  ftrophçs  de  ce  poè- 
me, avec  la  yerflon  latine  du  fav^nt  Schilter: 
linen  kuning  weiz  ich  ,  Regem  novi , 

Hctifct  herr  Ludwigy         Vocatur  dominus  Ludovicus, 
htr  gerne  Gott  dienet ,        '    Qui  lubens  Deo  fervit , 

H^cil  er  ibms  lohnet.  Quippe  qui  cum  prœmiis  afficit. 

Kind  tuart  er  vatterïos  9        Minorennis  orbabatur  pâtre  « 
Deff  warth  ihmefehr  bofs.      Id  quod  ipfi  erat  vaîde  noxiura. 

Holoda'*  nan  truhtin ,  Sufccpit  ipfum  Dominus  , 

Magaczogo  warth  her  fin,      Duftor  fiebat  ipfius. 

Epinichion  Rhythmo    Teu-  'D,Mabill.t,  3,  AnnaL  Bened. 
ton.  &c.  Argentojrati,  16^^      $.  684,  fif  D.  £wf.  r.  ^.p,  99* 


phroii. 
CentuLLs* 
c.  ao. 


Flamineus 
^Flandber- 
tus  font  al- 
liance avec 
Cayus  C«- 
far. 

Flandre 
foubz  le 
povoir  des 
Romains. 


lo    FORESTIERS  DE  FLANDRE^ 

tité  &  magnificence  des  villes  ,  bourgades  ^  vîl- 
lettes  9  cbafteaulx  &  places  plus  grandes  [félon 
fa  comprinfe  (a)']^n  ce  quartier,  que  en  touu 
aultres  de  l'Europe  univerfelle  :  pareillement  de 
la  police  dudiâ:  pais ,  &  des  grandz  traficques 
qui  fi  font,  avecquez  aultres  particularitèz  non 
moins  admirables,  que  plaifantes  &  déleâables, 
comme  de  faift  pourra  cognoiftre  tout  bon  lefteur^ 
par  la  continuation  de  ceile  hiftoire,  &  aulx  cha^ 
pitres  à  ce  deftinez.  Cependant  pour  ofter  toute 
occafion  de  plainâe  aulx  plus  curieus  &  gentilz 
«fpritz ,  me  femble  que  ne  fera  impertinent ,  ny 
hors  propos,  de  brief^rement  (  avant  paffer  plus 
oultre  en  noftre  pourjefté  difcours)  réciter  que 
devindrent  après  leur  renvoy  &  transmîgratioH 
lefdid:  Flamineus  &  Flandbertus,  avecq  le  de- 
meurant de  leur  populaire  &  fequelle  (*) ,  &  à 
qui  ilz  furent  fubjeâz.  Auquel  cndroift,  com- 
bien  que  je  ne  treuve,  à  raifon  du  laps  de  temps 
depuis  encouru,  chofe  certaine  &  alFeurée,  fi  eft 
ce  que  fuys  content  de  m'inclîner  du  tout  à  Topi- 
nion  de  ceulx  qui  affirment  lefdiéls  Flamineus  & 
Flandbertus  avoir  peu  après  en  çonfidératîon  de 
rheur  &  puiflance  romaine  (foubz  le  povoir  de 
laquelle  eftoit  pour  lors  réduifte  la  plus  fiiinc 
partie  de  la  Gaule  belgicque)  faiél  &  contraire 
amitié  &  alliance  avec  lediét  Cayus ,  légat  de  Ju- 
lîus  Csefar,  &  que  moyennant  ce,  à  Tayde  &  par 
Tauthorité  dudift  Cayus,  iceluy  Flandbertus  au- 
roit  efté  faiû,  conflitué,  &  eftably  prince  dudift 
Theerenburch ,  &  gouve|-neur  de  la  contrée  de 
Flandre.  Laquelle  depuis  lediél  temps  auroit  fuc- 
ceflivement  tousjours  efté  foubz  Tempire  &  ju* 
rifdfiftion  des  Romains,  jufques  en  Tan  quatre 


(a')  Etendue* 


{h^  Suite. 


FORESTIERS  DE  FLANDRE,    it 


ccntz  quarante  ou  environ ,  que  par  la  magnani- 
mité &  prouefle  de  Clodio  roy  de  France,  pre- 
mier de  ce  nom ,  ledift  Flandre  fuft  dîOtaift  de 
l'obéiflance  defdiâz  Romains ,  &  rédulâ  foubz  cel- 
le des  François,  foubz  laqueUe  elle  a  depuis quafi 
de  tout  temps  demeuré.  Et  quaut  audiâ  Fland^ 
bertus  il  gouverna  bonne  efpace  par  le  moyen 
que  defus,  ledift  pais  de  Flandre  (ii)»  fi  fut 
celuy  qui  feit  commencer  la  ville  de  Lifle,  & 
édifia  le  chafteau  d'Harlebecque  :  toutesfois 
l'on  ne  Tçait  combien  de  temps  il  obtenu  le^ 
dia  gouvernement.  Trop  bien  difent  aulcuns 
Irifloriens,  que  de  luy  vint  un  Philibertus,  lequel 
gouvemoit  le  fufdîft  pais  au  temps  que  le  roy 
Clovis  receut  la  '  Foy  catholique  :  &  que  audift 
Philibertus  fuccéda  Gondegorius,  à  luy  Phili- 
bertus le  deuzième  (foubz  lequel  Flandre  fut 
cwivertie  à  la  fainfte  Foy) ,  &  que  d'iceluy  vînt 
Phinaert  (duquel  cy  après  nous  ferons  plus  am* 
pk  mention)  toutz  lefquelz  furent  fucceffive- 
mcnt  gouverneurs  de  Théerenburch ,  princes  de 
Bucq,  &  contes  d*HarIebecque.  Mais  des  enterre- 
ment,  aftes  &  manière  de  gouvernement  d'iceûlx 
jen'efldme  avoir  rien  veu  par  efcript,  ny  pief- 
mes  de  leurs  femmes  jufques  au  temps  de  Ly- 
deric  premier  de  ce  nom ,  lequel  occift  en  com- 
bat fingulier  ledift  Phinaert,  &  puis  après  obtint 
de  Clotaire  jroy  de  France  avec  la  confifcation 
des  biens  dudift  Phinaert,  l'eftat  de  foreîlier  de 
Flandre,  comme  plus  àplain  cognoîftrés  par  le 
contenu  aulx  chapiftres  fubféquent^:. 


Flandre 
foubz     les 


Commen- 
cement de 
Lille  &:llar. 
lebecque. 


Dcfcentede 
Flandbcr- 
tus  julquei 

à  Phinacru 


(il)  Tout  ce  que  dit  ici  l'auteur,  n'eft  appuyé  fur  aucua 
Bonoment  certain.  D'ailieurs  le  Ftandbertus^  X^Flamincas 
^t  il  parle ,  appartiennent  à  l'époque  de  l'invafion  des 
fnncs,  &  non  pas  à  celle  des  Romains,  û  toutefois  il^ 
JÏÇ  font  pas  des  perfonnages  fuppofés. 


M    FORESTIERS  DE  FLANDRE. 

CHAPITRE        IL 

QjianJ ^&àla pridîeation de  qui  Flandre  receu$ 

lafoy  catholicque?  &  d^aulcunes  iglifes  qui  au 

commencetneHt  furent  ll/ec  fondées* 


E  fouvei:am  Monarche,  tout  puifTant  Sei- 
'gneur,  &  unicque  Créateur  de  toutes  chofes 
noftre  bon  Dieu,  &  débonnaire  rédempteur, 
ayant  pitié  &  compaflîon  de  fon  peuple  de  Flan- 
dre,  lequel  jufques  alors  égaré  du  droift  chemin, 
avoît  tousjours  vefcu  en  toute  impiété  &  ydolâ^ 
trie,  fufcita  depuis  Tan  de  la  rellauration  humai*' 
ne  fix  centz ,  Jufques  en  Tan  fix  centz  quarante 
înclufivement,  plufieurs  fainftz ,  dévots  &  dignes 
perfônnages,  pour  par  îceulx  convertir  ledift 
peuple  à  fa  fainfte  Foy,  &  le  mettre  au  chemin 
de  falut.  Entre  lefquelz  monfieur  faind  Eloy  futle 
premier  (i)  qui  vint  pour  TefFeft  que  defus  audift 
fût"u  ^M^  P^^^  ♦  ^  defcendeit  en  un  lieu  appelle  Brugftoc ,  gi* 
inicr  qui  îant  entre  Oudenbourch  &  Rodenbourch ,  où  il 
lïf  drê  U  ^**PP^ÎC9^*  ^  plufieurs  &  diverfes  prédications ,  & 
foinkrfoy!  aultres  debvoirs  avec  tel  fuccôs  ^&  félicité,  que 
moyennant  Tayde  fingulière  &  picufe  miféricorde 
de  Dieu,  tout  le  peuple  de  ladifte  contrée,  fut 
en  bien  briefve  efpace  converty.  Lequel  aufi  peu 
après  à  Tindance  &  perfuafion  dudiva  faiaft  Eloy* 
commença  audift  lieu  (auquel  la  tant  fameufe 
ville  de  Bruges  a  efté  depuis   édifiée)   Téglife 


(0  L'on  ne  peut  nier  les  fruits  que  produifît  dinst» 

Flandre  le  rèle  apoftolique  du  St.  Evéquc  d^  Noyon,parc« 

qu'ils  font  appuies  ftir  le  témoignage  de  St.  Ouen  fon  ami. 

Multhm  iH  FlandrH  lahoravH  ^  (D.  £ligius)jugi  inftantU 

Splcllcg.  t.     jndoverpif  pugnavU  muUosquû   erroneos  Suevos   coH^^rtU, 

aôo*    LCâxi    I^'*^"^»  Apôures  avoient  précédé  St.  Éloi  Foyez  chd^f^ 

in-4to.  »otê  7.  eu  cbap.  fnmhr. 


rORESTIEHS  DE  FLANDRE*     ij 

faînft  Saulveur  (2) ,  qu'on  voit  ^ncores  aujour- 
dhuy'audiâ  Bruges  en  notable  amplitude  &  ma- 
gnificence. En  figne  de  quoy  mefmes  pour  re- 
cognoiffance  d*un  bien  tant  excellent ,  receu  par- 
k  moyen  dudift  fainft  Eloy,  lefdiftz  de  Bruges 
l'ont  tousjours  depuis  eu  (cpmme  encores  ilz 
font)  en  fingulier  honneur,  &  révérence,  le  te- 
nant au  refte  &  vénérant  comme  leur  intercef- 
feur  &  apoftf e,  D'aultre  part  monfieur  fainft  Urf- 
maruè  évefque  de  Noyon  &  fuccefleur  de  mon- 
fieur fainft  Achaîre  vint  quafi  au  mefme  temps 
audiél  païs  de  Flandre,  où  il  feit  pareillement  de 
grands  biens  ,  induifant  une  infinité  de  peuple  à 
la  réception  du  S.  Sacrement  de  Baptefme,  & 
en  leur  donqûnt  plufieura  faintes  &  bonnes  doc- 
trines &  inftitutions ,  pour  félon  icelles  réformer 
kurs  aftipns  précédentes  prophanes  &  damna- 
bles,  &  les  appliquer  à  vertu  &  fidélité.  Finable^ 
ment  il  feit  édifier  en  la  ville  d'Oudenbourch  une 
églife  de  bois,  laquelle  il  confacra  &  dédia  au 
nom  &  honneur  de  faînft  Pierre.  Monfieur  fainft 
Amand  aufi  adverti  du  louable  fruiél  &  notable 
avancement  que  le  de  fus  nommez  en  peu  de 
temps  ^voyent  feîft  audift  païs  de  Flandre ,  vou- 
lut dire  delà  partie,  &  de  faîft,  après  fe  eftre 
mis  pour  femblable  occafion  en  chemin ,  arriva 
environ  ce  temps  in  pago  tnempefco   (3) ,  qu'efl: 


i 


ftinâ  Saol» 
vcur  à  Bru- 
ges fut  1& 
première 
[u^on  édi* 
a  en  Flto* 
•c. 

SaioâEIoy 
apoftre  da 
Bruges. 

Saina  Urfi 
marusvienc 
en  Fiandro 
publier  U 
fainae  foy» 
éc  édifie 
réglife  St. 
Pierre  à  Ou- 
4enbourclk 


St.  Aman4 
convertit 
ceulx    de 
Thielt. 


/ 


(a)  Brugh  &  aîibt  facras  inchoavit  adeu  La  fondation 
iréglife  de  St.  Sauveur  par  St.  Eloi  n'eft  appuyée  que  fur 
la  tradition  ;  mais  cette  tradition  eft  conftante.  Cet  apôtre 
^toitfoutenu  dans  f es  travaux  par  le  roiDagobert,  à  lapieufe 
libéralité  duquel,  félon  Meyerus,  on  doit  cette  fondation: 
^^lumjiegU  (DagoberW)  Scrvatori  Chrîfto  Brugis  pofitum 
^t^uô  ah  Eligio,.,.  dcdicatum.. 

(3)  Le  pagus  mempifcus  ou  menapifcus ,  ainfi  appelle  des 
Ménapiens  qui  confinoicnt  aux  Morins  vers  le  fud,  étoit 
Ixaucoup  plus  étendu  que  le  baiUage  de  Thielt.  U  compte* 


Molan.  Na* 
tal.SS.Belg. 
deSto.Blig. 
Aâ.  si 
Belg.  t.  3» 
p.  3a8. 
Meyer.Rer. 
Fland.  apud 
Vred.  Flan- 
dr.  Ethn. 
p.  415. 


S4    FORESTIERS  DE  FLANDRE. 

pour  le  préfent  le  bailliage  de   Thieh,  auquel 

prerque  toutz  les  habltantz^  furent  par  fon  in^ 

duilrie&  bonne  diligence  inftruiâz  &  convertis  ^ 

&  fonda  audiâ  lieu  foubz  la  faveur  &  fupporc 

VégUfe  do    ^"  peuple  d'illec,  Téglife  de  Tronchîenes,  en  la^ 

Tronchien-    quelle  il  conftitua  quarante  clerqs  de  Tordre  & 

p2  ^f^    ï^cgle  de  fainft  Au^ftin,  Puis  tira  vers  le  quar-* 

Amand.        tier,  qu'on  appelloit  lors /iar^m /^MT^y^  (4) , 


Aub.  Mîr. 
ipl.  Belg, 
.i.p.  I3i« 

Cod*  don. 
iar.  c.  14. 


noît  les  quartiers  de  Bourboorg,  de  Beigaes  St.  Vinox*  dé 
Furaes,  une  partie  de  ceux  de  Bruges  de  de  Gind,  les  quar- 
tiers de  CaiTel,  d'Ipres ,  de  LiUe  de  de  Tournai  jufqu*à  l^ET^ 
cant  qui  le  féparoit  de  Fanden  Brabant.  K  mim,  couronné 
far  VAeai.  dt  BruxelUs  en  1770.  L^abbaye  de  Tronchicn- 
nes  dont  il  eft  parlé  plus  bas  étoit  dans  le  pagus  mempifcus; 
&  c*eft  là  que  commençoit  le  pagus  Gandenfu»  Cclai-d 
avoit  peu  d*étendue  vers  Torient  &  le  midi;  mais  au  nordflc 
au  nord-eft^  il  comprenoit  Bocbolt^  Axel,  Hnlft&toiitle 
pays  de  Wacf . 

(4)  Le  pagus  tornacenjîs  fefoît  partie  du  pagus  numfif- 
eus.  Il  s^étendoit  au  fud  jufqu'à  Efpain,  à  Toueft  jufqo^àli 
Marque  ,  au  nord  jufqu*à  Helchin  Cl  à  Torient  jufqu^  l*Efant. 
y.  le  mémoire  cité  plus  haut.  Au  rcfte  Oodegberft  n'eft  pis  te 
iêol  qui  place  Tabbaye  de  St.  Pierre  de  Gand  dans  le  ^* 
gus  tornacenfis»  La  cbronique  de  St.  Bavon(an.939.)'^ 
porte  un  paflàge  d*un  diplôme  d^Amoul  qui  la  place  dans  te 
pagus  tornaanfis  ou  lifiringagenfis  ;  ce  qui  peut  fignificr, 
dit  M.  J.  Ghefquiere,  qu'elle  étoit  du  diocèfe  de  Tournai. 
•  Mais  un  dii^dme  de  Louis  le  Débonnaire  la  place  dans  te 
pagus  gandenfis:  Noverit  omnium  folertia ,  quia  virvctU' 
rabilis  ahba  Ainhardus  ex  monafierio  Blandiniê.^"  1^ 
eft  fitum  in  pago  gandenfi  fuper  fluvium  Scaldim.  L*abbiyc 
de  St.  Bavon  au  contraire,  dans  un  diplôme  de  Tan  S19.» 
eft  placée  'dans  le  pagus  hrachatenlis  :  ex  monafteri9  quoi 
dieitur  ganda,  quoi  fitum  eft  in  pago  hracbhantenfi.  Oxxt 
abbaye  fiit  d'abord  babitée  par  des  clercs  qui  vivoient  eS 
commun ,  puis  par  des  Bénédiâins  qui  furent  trwisftinii^ 
en  chanoines  féculiers ,  en  15S7. ,  par  Paul  III. ,  à  la  deman- 
de de  Charles  V.  Ce  prince  ayant  jugé  à  propos  de  bâtir 
une  citadelle  dans  le  lieu  qu'ils  habitoient,  les  tranfpona 
^  l'EgUfe  de  St.  Jean ,  qui  prit  depuis  le  titre  de  St.  Bavon, 
&  qui  fut  érigée  en  cathédrale  par  Philippe  fecond  en  I55$^ 


FORESTIERS  DE  FLANDRE.    IJ 

au  mont  Blandin  entre  TEfcault  &  le  Lys ,  &  y 
fonda  des  biens  de  Dagobert  roy  de  France  un 
monaflère  de  moifhes  noirs  ^  nommé  eœnobium 
hlrttidimotjfen/e^  que  nous  difons  aujourdhuy  Tab* 
baye  faint  Pierre.  De  là  defcendeit  in  pago  gan-^ 
denfî^  aultrement  diél  fainft  Bavon  ,  où  il  fe  meît 
pareillement  à  prefcher.  Efqueb  deux  Ueux, 
qu'cftoyent  ancienement  (comme  appert  par  ce 
que  de  fus)  deux  chafteaux,  noz  Anceflres  fou- 
loyent  adorer  Tydole  du  dieu  Mercure.  Et  euft 
lediA  faînâ  Amand  plufieurs  grandz  &  intoUé- 
rables  travaulx  &  fâcherie?  avant  povoîr  réduire 
foubz  Tobéiflance  de  Téglife,  &  à  la  fainftefoy 
ledift  peuple  de  Gand.  Lequel  entre  toutz  aut- 
trcsde  Flandre,  fut  trouvé  les  plus  obftîné  & 
cndurcy,  &  lequel  avecques  plus  graiide  perti-i 
Hacité  adhéraft  aulx  refverîes  &  illufions  anchie- 
nes.  Toutesfoîs  par  la  mîféricorde  de  Dieu,  & 
att moyen  .des  extrêmes  diligence-,  vigilance,  & 
dcbvoir  dudiâ:  fainft  Amand,  \\  fut  enfin  con-» 
converti,  &receut  le  fainft  charaAère  &  Sacre* 
ment  de  Baptefme.  Ledîft  fainft  Amand  fon- 
da femblablement  le  cloiftre  de  Marchienes  lez 
Douay  (5)  fur  la  figneUrîe  de  fainfte  Ridlrude, 
femme  du  duc  Adabaldus,  Tun  des  frères  du- 
quel, nommé  Ercembauldus ,  qui  efloit  maire  du 


de  St.  Pier- 
re lez  Gud 
fondée  par 
lediafamâ 
AmatuL 


Lepeui^e 
de  Gand 
plus  dur  \ 
convertir 
que  touts 
aultres  de 
Flandre. 


Le  cIoifbnÉ 
de      Mar*» 
chienne» 
fondé    pat 
St.A]naB«& 


(5)  Ce  fut  à  la  (bllidtatîon  de  St.  Amand ,  que  Ste.  RiCt* 
^  fille  d*Archembault  maire  du  palais  de  Clovis  II.  ^ 
^e  d'Adalbaud  feigneur  de.  Douai  fonda  l'abbaye  da 
Marcl)iennes.  Ce  monaftère  fitué  à  trois  lieues  de  Douai  Air 
il  Scwpe  fut  d*abord  occupé  par  des  religieufes.  Elles  fu- 
ient remplacées  par  des  moines  de  Tordre  de  St.  Benoît  Tan 
îoa8.,  fous  le  règne  de  Baudoin  à  la  beUe  barbe.  Hucbald  ^ 
auteur  de  la  vie  de  Ste.  Riftrude ,  appelle  fou  père  ErnoU 
'w.(v.  t.  4.  Ad.  SS.  Belg.  p.  490).  U  tft  poflibk  qu'il 
^port^  indifféremment  ces  deux  nomi. 


*  Fondauott 
3u  ch'afleau 
dcDouay  fit 
de  l'églife 
Ste.  Anne. 

Sainft  Lie- 
vin  marty- 
tifé   eh  la 
terre 
d'AIoft. 


Id    FORESTIERS  DE  FLANDRE; 

palais,  du  roy  Clovis,  filz  de  Dagobert,  fonda 
le  chafteau  de  Douay,  &  en  iceluy  l'églife  noftre 
Dame,  qu'on  appelle  préfentement  de  fainfte 
Anile^  Au  mefme  temps  &  environ  Tan  fix  centz 
quarante,  monfieur  ïainft  Lievîn  archevefque 
d'Efcûce  convertit  par  fa  prédication  la  terre 
d'Aloft  qui  fe  nommoit  ,pagum  brachbatenje  ^  otk 
aufi  ^près  plufieurs  debvoirs  &  fainftes  prédica- 
tions, il  receut  la  très-digne  &  précieufe  couron- 
ne de  maj-tyre  (6).  Depuis  lequel  temps,  ou  peu 
après  ^  toute  ladifté  contrée  de  Flandre,  à  la 
confufion.  du  diable  &  de  fes  adhérentz,  &  à 
raccroiciflement  &  honneur  de  la  fainfte  églîfe 
triumphante  &  militante,  receut  la  vraie  &  falu- 
taire  Foy  de  noftre  félgneur  Jefus-Clirift,  auquel 
feul  en*  foit  ^honneur  &  la  gloire* 


l^làbill- 
ia.  ss.  t. 

l  u  p.  404* 


(6)  Ce  fut  vers  le  milieu  d^feptième  fiècle  que^  cet  apô- 
trc  vint  s'établir  dans  le  territoire  d'Aloft,  au  viUage  de 
liouthem  i  ou  Haulthem ,  fylveftrc  domicilium.  Il  eut  beau* 
t^oup  à  foufinr  de  la  férocité  des  habitans  9  comme  il  nous 
l'apprend  lui-même  dans  une  épitre  à  Florbert  difciple  d« 
St.  Amand. 

Impia  barharko  geni  exagitata  tumuîtu 
Hic  Brabanta  furit ,  tnequc  cruenta  petite 

Le  martyre  iut  le  prix  de  fon  zèle  pour  la  Foi  de  J.  C. 
Quant  au  pagus  hrachtbatenfis ,  il  étoit  borné  au  nord  par 
le  pagus  Rienfis ,  à  Toueft  par  TEfcaut ,  à  Torîent  par  la 
Dyle  &  au  midi  par  la  Haine.  Il  renfermoit  donc  cette  par« 
tie  du  quartier  de  Dendermonde  qui  eft  en  deçà  de  TEfcauc, 
tout  le  comté  d^Aloft  &  une  bonne  partie  du  Hainaut. 

Mim.  cour,  à  VAcad,  de 
Brux.  en  1770. 


CHA- 


iPOUESTIERS  DE  FLANDREi    if 

CHAPITRE        II L, 

He  la  venue  du  prince  Sahaert  au  paît  du  Bucg^ 

de  la  defcwfiture  d'iceluy  ^  ^  de  ta  cruaultl 

de  Phinaerti 

PÂr  les  chapitres  précédentz  nous  avons  fpm^ 
mierement  déclaré ,  ce  que  avecque  bon  ibn>« 
dément  fe  povoît  efcrire  du  comencement  de, 
Flandre,  de  rsethymologîe  de  ce  nom,  des  pre« 
Hiiers  gouverneurs  d'iceluy  pais  ^  du  temps  en  que 
Ton  y  receut  la  Foy  catholique,  de  la  première 
fondation  d'aucunes  églifes,  &  d'àultres  fingu- 
laritez,  lefquelles  nous  ont  fervi  de  préambule 
&  introduâion,  à  ce  que  pôvoît  concerner  le 
difcours  abfolut  &  plus  particulier  de  cède  pré- 
fente  hiftoire.  Pour  auquel  parvenir^  eft  nécef- 
faîre  que  maintenant  entendiez  ^  que  au  tetiips  dut 
roy  Clotaire  de  France  deuxième  de  et  nom  4  & 
environ  l'an  lîx  centz  &  vingt,  à  raifort  dés  fé-  VU  i»^ 
ditlcins,  qui  lots  règhoyeht  au  jJaïs  de  Bour- 
golngtîé^  glufiéurs  princes,  feîgîieurs  &  gentik- 
hoinmés  furent  colifEraînâs  abandonner'  lediéï? 
fais,  &  chercher  aùltres  demeures.  Entre  lef- 
quelz  fe  trouva  un  noble,  vertueuli,  &  grand 
ferforinaîge,  yflïi  de  la  maifoh  dudîâ;  Bourgoîn-' 
grie ,  appelle  Salvaert  prince  de  Dijon.  Lequel 
preffé  de  la  fufdîéte  néCeffité,  &  forché  de  s'en 
fiiyt,  délibéra  foy  retirer  vers  lé  îoy  d'Angle-» 
terré:  duquel  (pour  fefpeft  dé  te  thutuellé  €on*< 
languitîîté  qu'il  aVoït  avec  Itiy)  il  efpéroit  &  fe 
prômettôît  tout  boû  coitfort,  traiftément  &fup^ 
port.  Et  fuyvàtit  cette  délIBération  il  fe  meit  peu 
après  en  Chemin  menant  en  fa  compagnie  avec  léf 
demeurant  de  fa  fuyte,  la  prtnceOe  Emergaert  dé  ^^^.^^ 
RcrfTiUon  fille  de  Ghefard,  fin  femme.  Laquefle  ae  Roiil. 
pour  ïors  eftoit  enceinfte^  &  en  bien  maigre  dii^  ïo»* 
poûtion*   Si  diligent»  tellement  qu*en  peu .  dé 

E 


Le  ptS$  dtt 
Bttcq* 


Des  manl- 
vaîfes  con- 
ditions du 
-prince  Phi^ 
fiaeru 


ïcliB«1lre, 
lel  valçt* 


ift    FORESTIERS  DE  FLANDRlB^ 

journées  il  parvient  au  païaj  de  Bucq ,  guerre* 
dillant  de  la  vUle  de  Lille ,  en  un  bois,  lequel 
àptaifon  des  félonnîes ,  meurtres  &  inhumanités 
qui  s'y  commetoyent,   s'appeloit  fans  mercy. 
Or  aadifl:  temps  le'diél  pais  de  Bucq,  avec  aul- 
très  lîmitrofes,  eftoit  foubz  les  roys  de  France, 
gouverné  &fignorié  par  un  malheureuz  prince, 
ou  (pour  mieulx  dire)  tyran  monftrueux,  nom* 
mé  Phinaert  (du  quel  nous  avons  cy  defus  parlé) 
lequel  en  mefpris  de  Dieu,  &  au  defpit  de  vertu, 
fi'eftoît  tellement  adonné   à   toutes  efpèces  de 
-wcés  &  K:ruautez ,  qu'il  réputoit  le  jour  eftre 
perdu  auquel  il  n'avoit  donné  à  fes  fubjefts  quel- 
que figne  évident  &  manifefte  indice  de  fon  infa* 
tiable  avarice,  &  beftiale  férocité.  Aufi  avoit  il 
des  fubjeftz  ferviteurs,.&  officiers,  lefquelz  en 
rien,  ne   démentoyent  le  gentil  naturel  de  leur 
barbare  &  brutal  gouverneur,  pour  auquel  fatîs* 
faire  &  complaire,  leur  principal  e(lude&  con- 
tinuel  foing  eftoit ,    de  par  divetfes   imbofca- 
des  (a) ,  mettre  des  attrapes  à  toutz  paflantz  , 
lefquelz   indifféremment   ilz  pilloyent,  perfécu- 
toyent,  &  meurtrifoyent  avec  telle  promptitude 
^  allégreffe,  qu'il  fembloit  y  avoir  entre  eulx 
«ne  ordinaire  contention,  à  qui  en  ceft  endroîft 
fe  monftroît  plus  vaillant ,  &  commettroit  plus 
les  larrechins   (H)   &  pilleries.   En  fomme  ilz 
êftoîent  tant  conformes  aulx  beftiales  conditions 
de  leur  fufdiél  tyran ,  que  par  celle  des  ferviteurs 
vous  euflîez  légierement  (0  cognu  Tinclinacion 
du  maiftre,  &  par  celle  dudift  maiftre  l'on  euft 
fans  aucune  difficulté  peu  juger  des  meurs  & 
couftumes  de  fubjeétz  tant  malheureux.  Dont  tou- 
tesfois  la  totale  coulpe  (^)  fe  doiél  (  félon  mon 
advis)  en  femblables  incidentz ,  attribuer  aufeul 


(i7)  Embûches, 


(^cy  Facilement. 

\d)  Faute  ^  du  latin  c«lp»^ 


tÔkEàtlÈRS  tJË  FLANDRE,     i» 

grince  &feîgneùr,  lequel  aufî  en  eft  de  tantplui' 
puniffable,  d'aultarit  qu'en  convcitîfant  Tauthorké 
par  la  puiffânce  diVîne  à  luy  donéè  pour  r«x4 
fa'rpatioti  dfcS  péchez  &  afteà  énormes ,  au  fdp^ 
port  des  inefchanti  &  inalGonditîonôz  t  il  fe  dé-f 
date  màhiférteinent  aùthèur  &  atny  de  toute 
malice,  &  rucèeffivement  faîft  par  fon  eiempld 
desbôrdef  Tes  VàlTtiuix  en  toutes  fortéè  d*iniqni-' 
tcz.  Voylà  pourquoy,;  le  fage  Canton,  non  moinf 
prudemment  que  fubtilement ,  (ouloît  dire  &  af- 
firmer! que  les  pririceè  faîUent  beaucoup  plus  par*  Uspriééêè 
exemple,  clué^  par  coulpe:  Ce  que  Véritablement  f«Ucniplii# 
aebvroît  deftoumer  toutz  monarches  &  gouver-  Se  qSwîi 
neurS,  &  fignammeiït  (j)  chreftienà^  de  faire  cob1p#* 
aftes  déshonneftes ,  &  les  induire  &  Inciter  à 
i'âtnoui-  de  Vertui  Aufereinent  fe  peuvent  afleurer^ 
qu'ils  n'efcapperont  C^)  le  jufte  chaftoy  (c)  & 
tertaine  vengeance  4e  Dièû,  noti  plus  que  par  le 
àfcours  de  celle ,  cognoiftrez  avoir  faift  ledift 
Phinaerté  iequel  fuft  aflez  toft  adverty  de  l'arrU 
vée  dudia  Salvaert  en  fes  pais.  Et  combien  qutf 
la  confaiiguinité,  qu'il  y  avoit  entre  eillx  (car  il* 
cftoyent  confins  &  aflez  proches)  le  deûft  avoir  (J} 
cmpefché,  d'exercer  contre  ledîél  Salvaett  aul^ 
cune  briganderîe  ou  cruaulté^  fi  eft  ce  que  l'efpoîï 
du  gaiflg  préfent,  qui  loJ^  (à  fon  advis)  ft 
préfentoit ,  îoinft  à  fon  invétérée  couftume  dtf 
inal  faire  ,  reftneurent  à  s'armer ,  &  avec  borf 
équipage  d'aller  rencontrer  le  fufdift  Salvaert^ 
lequel  il  trouva  audiél  bois  ,  qui  (félon  quediât 
eft)  fe  difoît  fans  mercy:  &  auquel  bois  d'nnef 
taerveilleufe  furie,  il  fe  jefta  fur  lediél  SalvaerÉ 
&  i^  fiens  :  lesqùelz  ne  le  doubtantz  lôrs  de  rîed 

(à)  Surtout^partîeulUrcment.    (c}  Cbdtiment  ^  punitiêMi 

B  â 


^    FORESTIERS  DE  FLANDRE; 


Mon  dn 
vaert. 

Fuytedelar 
princefle  - 
emergaeit»' 


La  prin* 
eefle  Emcr- 
faert    eft 
Iioarfuivie. 


moins  que  d'une  telle  entreprife,  furent  de  primé 
face  grandement  eftonnez,  &  toutesfoîs  fvoyantz 
que  c*eftoit un  faire  lefault  (a)}  fe  meifrent  endef-^ 
fenfe,  &fe  maintii^drent  tant  vaillamment ,  qu'ilz 
occirent  plufieurs  de  leurs  ennemis,  de  forte  qu'il 
euft  efté  du  commencement  difficil  de  juger  de 
quel  codé  la  viéloire  fe  inclineroit,  Néantmoins 
à  raifon  que  les  geiis  dudift  Phinaert  croiflbyént 
i  la  file,  &  de  plus  en  plus  multiplioyent ,  lediâ: 
Salvaert  aVec  les  fiens  fut  enfin  maffacré&  defcon- 
fit  (i).  Et  ne  demeura  de  tout  le  train  dudiél  Sal- 
vaert, que  la  princefle  Emergaert,  laquelle  du- 
rant ce  conflift  s^eftoît  avec  une  feule  fervante 
retirée  à  J'efcart  dans  ledift  bois,  plus  pour  la 
confervation  du  fruîa  qu'elle  portoit,  que  pour 
defir  qu'elle  euft  de  furvîvre  aprèâ  la  mort  du- 
dift Salvaert  fon  mary.  Cependant  ïedift  Phi- 
naert ayfe  au  poflîble  du  grand  butin  que  moyen- 
nant les  meurtres  que  defus  il  avoit  fait,  retour- 
na avecq  les  fiens  en  fon  chafteau  du  Bucq.  Où 
luy  fut  peu  après  rapporté ,  que  en  faîîant  re- 
veûe  de  ceulx,  que  avec  ledift  Salvaert  avoyent' 
efté  occis,  l'onn'avbit  trouvé  ladiéle princefle,  & 
que  partant  elle  devoit  fans  fiiulte  eftre  efchap* 
pée.  Dont  ledift  Phinaert  ne  fut  un  feul  brin 
content:  ains  (r)  craignant  que  par  le  moyen 
d'îcelle  princefle  (qu'il  fçavoit  eftre  grandement 
apparantée)  fa  lafceté  fufdifte  ne  fuft  par  fuccef- 
fion  de  temps  non  feulement  defcouverte,  mais- 
aufi  punie  &  chaftoyée  Çd) ,  feit  commendement 
à  fes  gens,  d'en  toute  extrémité  la  chercher, & 
faire  tellement,  que  elle  fut  &  trouvée  &  trouf- 
fée  Ce).  Mais  ceftuy  noflre  bon  Dieuj  à  la  pré- 
fcience  de  qui  rienn'eft  cacé,  &  contre  lapuiC- 


(jï)  Une  nécejpté. 
(0  ^^"'^ 


(^  Châtiée. 

CO  4fncn4c^  emmenée* 


FORESTIERS  DE  FLANDRE.    %% 

fiince  &  volunté  duquel  toutes  aultresteraiflbnt^ 
avoit  pour  quelques  temps  voulu  exempter  la* 
diôe  princelft  du  povoir  dudiâ  tyran  9  par  ce 
qu'il  n'ignoroit  le  bien ,  avancement  &  prouffic 
que  félon  0i  préordonnance  debvoit  advenir  àtou* 
te  la  çhreftienté,  par  le  moien  de  la  lignée  que 
d'icelleprincefle  yffiroît  (a)^  Qui  fut  la  caufe  que 
les  fatellites  &  brigans  dudiâ  tyran,  ne  la  luy 
peurent  amener  fy  toft  &  conformément  à  fon 
plaifir  &  vouloir, 

CHAPITRE         IV. 

Des  regretz  de  la  princeffe  Etnergaerty  pour  I0 
perte  de  Saïvaert  fon  mary^  du  réconfort  qu^ 
luy  fuft  donné  ^^  des  chofes  à  elle  miraculeux 
fement  pridi&es  fur  le  faiSt  de  V enfant  quUlh 
portott^ 

yOus  avez  cy  defus  povu  (*)  conCdérer  & 
veoir  la  princeffe  Emergaert  en  merveîlleufe 
peine  &debvoirpour  fe  faulver,  cependant  que 
le  prince  Salvaert  fon  mary,  fe  deffcndoit  contre 
Tinvafion  de  fes  ennemis:  refte  préfentement  à 
difcourir,  ce  que  depuis  la  defconfiture  dudifl:  Sal* 
vaert  advint  àladifte  princeffe.  Laquelle ,  pour 
la  perte  tant  récentement  foufferte,  oultrée  de 
douleur  nompareil  9  confidérant  le  miférable  eftat 
de  fes  affaires ,  &  ne  trouvant  efdiéles  fblitudes 
lieu  affeuré  contre  l'inhumanité  defdiftz  voleurs, 
réfolut  fe  retirer  dans  refpeflfeur  dudift  bois ,  & 
par  les  chemins  plus  efcarter ,  ccrcer  moyen  d'en 
fortîr,  &  puis  après  reprendre  les  erres  (c)  de 
fondifte  pourjeélé  voyage  d'Angleterre.  Et  de 
faiô,  elle  tranfverfa  tant  de  hayes  &  buyffons, 
&  fe  meit  fi  avant  dans  ledift  bois  qu'il  eftoit 


{à)  Sorttroit^  CO  l'^  c^fntinuationn 

0)  P». 


M    F0RE3TIERS  DE. FLANDRE, 

Jà  prefquç  grjmde  nuîft,  lors  quç  ne  voyant  en. 
çorçs  aulçui^e  apparence  d'en  povoir  fortîr,  com* 
mença  perdre  toutç  efpérance  &  de  fa  vie,  &  de 
fa  fanté.  Qui  fut  caufe  que  appercevant  gu^rre^ 
|oing  de  fon  chemin  une  fonteinç  afTez  plaifante, 
elle  arrefta  de  y'pîifler  la  puiâ;,  enfemble  d'eft 
fayer,  fi  par  quelque  pçu  de  repo§,  elle  pour- 
voit   donner    aulcune  rclafche   à  Tsingoife    qi4 
itrop  la  travaîUoît.  Mais  la  pauvre  d^meignoroit 
que  Texercice  &  travail  du  corps,  qu'elle  avmt 
tout  ledi(S|;  joUr  enduré ,  ayoîç    cependant  olïé 
t)onne  partie  de  l'appréhçnfiQn  de  l'infortune  â[ 
lîUe  advenu,  aulx  plus  faines  parties  de  fon  efpritj; 
ipomme  dç  faift  elle  e^fpériipenta  ,  lors  que  çftant 
iefcéndue  de  fa  monture  ,   elle  fe  trouva  tant 
purement  troublée  &  diverfement  agitée,  que  ù 
ieule  craintç  de   perdre  l'aîne    luy   garantit  la 
deftruâion  volun^ire  de  fon  -corps.  Auquel  ne 
voulant  faire  force  à  raifon  dç  l'obftacle  y  mis 
par  le  moyen  des  commandement^^  &  deffepîes  de 
.pieu  2  ne  luy  fuft  poflîble  que  pour  le  moing^ 
la  larme  à  l'œil,  &  ayant  la  çriftefle  au  plusi 
profond  du  ççeur. ,  elle  ne  difl;  en  fpufpif  ant  ; 
Cc^mplalnc-  ,^  tjélasi  pauvre  malheureufe  que  je  fuis,  que 
princefle  ^*  '  ^  PP^^^^V']^  déformais  devenif  çftant  deftituée 
çmçrçaert.    „  de  tout  confoçt  &  ayde?  Où  iray-je?  A  qui 
„  me  retireray-je  ?  O  Dieu  que  fera-cc  de  ma 
;„  vie?  Las!  l^s!  n^on  mary,  qui  m'avez  prér 
,^  fervé  de  tant  de  périls,   &   tenu    fi  bonne 
/  .^  &  Ipyalle  compagnie,  o^  eftes^vous  mainte^ 
.„nant?  O*  mauldifte  fortune,    tu    m'as  tant 
y,  pourfuyvie  que  la  defpouille  de    moy  &  de 
p  mes  biens  te  fervira  pour  l'advenir  de  tro-r 
^  phée  ,  fortune  ennemie  &  contraire  à   toute 
^  perfcnne  de  vertu,  fortune ,  çhymère  ingrat^ 
^  &  malheureufe ,   qui  pour  me   décepvoîr  & 
^  abufer ,  me  prometois  en  récompenfe  de  mes 
4P  a4yeffîtez  paffées ,  ui?  gracieux  tçaiftçipent  4i< 


FORESTIERS  DE  FLANDRE,    sj 

^  roi  d'Angleterre  mon  coufin ,  &  un  aflfeur^ 
,,  reftabliflement  en  mes  biens  &  pofTefSbns  ^ 
^  m'a  vois  ta  gardée  jufques^à  celle  heure,  pour 
^  me  mettre  entre  les  mains  de  ces  mefebantz? 
0  iàulfe  lice  C^) ,  penfes-tu  me  flefchii'  à  me 
défefpérer  pour  quelque  tourment  <iue  tu  me  fa- 
ces  ?  ha ,  certes  tu  t'abufes  bien ,  &  comptes 
lourdement  fans  ton  hofte.  Car  j'ay  mon  Dieu, 
^  en  quy  j'ay  mis  toute  mon  efpérance ,  &  le- 
^  quel  ne  rejeâra  l'humble  prière  de  fa  défolée 
^  fervante,^  Achevant  ce  mot,  il  luy  fembla 
ouir  quelque  bruit  de  çhevauk  fus  lé  chemin.  Par- 
quoy  craignant  que  ce  fuflent  ceulx  qui  avoyent 
mis  i  mort  le  prince  Salvaçrt  fou  mary,  fc  leva 
en  très-grand  effroy  pour  plus  attentivement 
cfcouter  que  ce  feroit.  Mais  comme  elle  fe  fut 
rafleurée,  voyant  qu'il  n'y  avoitp^rfonne,  après 
avoir  un  peu  reprins  fon  haleine  recommença 
fes^  pleurs  &  lamentations  plus  douloureufes  que 
devant,  ^Las!  fortune  (difoit  elle)  comme  tu 
^  es  mal  affeurée ,  fi;  principallement  à  l'en- 
„  droiéi  (A)  des  plus  grands  :  ne  feras  tu  jamais 
„  contente  de  faire  cognoiftre  ton  povoîr ,  foit 
„  aulx  maulvais ,  ou  aulx  bons  ?  Las,  mort  de- 
„  firée ,  maintenant  plua  agréable  en  mon  en- 
^  droîft  que  telle  vie  en vîeulfe,  pourquoy  tardes 
„  tu  tant  à  me  furprendre  ?  ^  Ainfy  pafJTa  la 
povre  princeffe  icellenuift ,  refvant ,  ravaflant  & 
foufpirant,  comme  perfonne  quy  n'efpère  jamais 
joye.  ,Et  ce  que  plus  encoire  rçngregeoit  (c) 
fon  martyre,  eftoyent  les  lanchures.(^/)  du  fruift, 
qu'elle  fentoit  en  fon  ventre ,  lequel,  ennuie  & 
compaflîoné  de  la  miftre  de  ù.  mère ,  fembloit 
avant  fon  temps,  vouloir  demander  paffage,  pour  * 
la  reconforter  &;  confôler.  Cependant,  labonnç 


(«)  Cûmbat^  défaite,  (^e)  augmentait, 

ih  4  ^^^rdf  ênv4riu  Ç4)  Eiancemenf,^  mouvement 


Ditnfatntit 
ne  délaiiTç 
}çs  Oetif. 

Lthermite 
l^ydcric 
treiivç    It 
princefle 
Emcrgaert 
dans  le  bois 
&  luy  der 
mande    la 
caufedcfoii 
4er|>laiûr, 


ÏU(iK>tifc 
de  ]z  ^diae 
princefTe 
audiâ    hér 
rcwtct 


f4    rORESTÎERS  DTi  FLANDRR 

princefle  fafchée  de  plus  domcurçr  en  lîeu^ 
auquel  elle  avoît  receu  tant  de  defplairirs  ,  ap- 
pareilloit  fon  partement  9  quand  par  la  difpo« 
fition  &  iniféricorde  de  Dieu  (  lequel  jamais  ne 
délaiflfe  çeulx  quy  de  tout  leur  cœur ,  &  fans 
aulcune  faintife  le  réclament)  fe  préfenta  de- 
vant elle  un  fainft  &  religieux  héremite,  ap- 
pelle LyderÎQ  9  qui  lors  eftoit  venu  quérir  4e 
Teauë  en  la  fufdifte  fonteine*  Lequel  efmer-' 
veillai  au  poflible  de  veoir  en  lieu  tant  folitaûpe 
&  retiré  upe  dame  (  laquelle  en  port  &  veftç- 
fnentz  repréfentoit  toute  grandeur  &  nobleffe)  fi 
déplorée  &  affligée ,  ne  fe  peult  garder  de  luy  de- 
mander le  plus  gracîeufement  que  luy  fut  poflible 
la  caufe  de  fon  ennuy,  A  quoy  ladifte  princefle 
(  qui  pour  les  difgraces  &  malheurs  furvenus 
n'ayplt  perdu  un  feul  brin  de  fa  naïfve  courtoî- 
fiç  )  refpondît  en  peu  de  propos  :  „  Mon  père, 
^  il  feroit  iiqpoflrible,  veu  la  diverfit^  de  mes 
^  malheurs ,  de  particulièrement  vous  déclarer  le 
„  motif  de  n^on  deuil  &  mefcontentement.  Le- 
„  quel  néantmolns  vous  pourez  aflez  legîere- 
„  ment  (a)  comprendre,  fi  feulement  vous  vous 
^  perfuadez ,  que  fortune  a  voulu  me  faire  ces 
p  jours  p^flea  cognoiftre  afleurément  rentier  ef- 
p  feft  de  fa  mobilité.  Mais  fi  elle  efloît  aultre, 
^  le  nom  qu'elle  porte  9  né  luy  feroit  en  rien 
„  convenable ,  attendu  qu'elle  eflieve  ores  (^) 
yj  Tun  jufqucs  au  fommet  de  fa  roue ,  &  fans 
^  l'avoir  mérité  ,  &  abbaifle  tantoft  l'aultre  au 
^  bas  d^  fes  pjedz ,  contre  tout  droîft  &  raifon. 
j^  Ce  qui  s*efpreuve  bien  en  moy,  qu'elle  avoît 
y,  coUocquée  par  longues  années  au  throfne  de 
„  toute  profpérité,  &  à  vn  cil  d'œil  (r) ,    n'^ 


f ^)  j1ifimcn$f 

^^  Tantôt ,  fréfcnt^tr^cnu 


(c)  Clin  iT^il, 


FOÏIESTIERS   DE    FLANDRE,    aj 


^  pas  un  mois ,  m'a  tellement  minée  &  abbar 
„  tue,  que  quand  je  confidére  Teftat  où  je  fuis, 
^  &  voyant  tant  de  malheur  en  moy ,  je  penfe 
^  fonger,  ne  povant  comprendre  pourquoy  celît 
^  m'eft  advenu  5^  n'ayant  oncques  faiA  chofe  pour 
3^  défervîr  (a)  le  mal  que  j'endure.^  Et  après , 
commenchant  de  la  caufe  de  fon  partement  de 
Bourgoigne,  eontinuale  plus  briefvement  qu'elle 
peuft,  à  luy  reciter  ce  que  jufques  lors  luy  eftoit 
advenu;  mefmes  qu'elle  doubtoit ,  que  au  pré- 
judice &  danger  de  l'enfant  qu'elle  pourtoît,  elle 
ne  s'accouchaft  avant  temps  en  ces  follitudes. 
Si  faifoit  ce  difcours  avécq  tant  de  pleurs  & 
foufpirs ,  qu'elle  euft  efmeu  4  pitié  ^  compaf- 
fioa  le  plus  dur  rocher  de  la  mer ,  &  à  plus 
forte  ndfon  le  bon  héremitç  ,  Içquel  après  plu- 
iieurs  larmes  que  en  compagnie  de  celles  de  la 
princefTe  luy  decoulloyeqt  ,  pour  la  reconforter 
toy  dift:  „  Madamme,  Dieu  pour  rendre  ceux 
„  qu'il  ayme  &  qui  font  plus  à  luy  ,  du  tout 
„  accomplis,  permet  fouvent  leur  venir  maintes 
„  adverfitez ,  qui  leur  eft  fatîsfaéHon  des  péchez 
„  qu'ilz  comètent,  leur  donnant  puis  après  au 
^  Jîeu  de  cefte  vie  tranfitoire ,  la  gloire  perma- 
yt  nente  &  bien-heurée.  Pourtant  il  eft  néceflaire 
^  que  vous  conformez  voftre  vouloir  à  fon  bon 
^  plaifir,  luy  rendant  gloire  &  aftion  de  grâces 
„  de  tout  ce  qu'il  vous  envoyé.  Vous  fouvenant, 
„  qu'il  eft  aultant  puiflant  qu'il  fut  oncques  (^), 
„  pour  convertir  cefte  voftre  grande  triftefle  , 
„  en  plus  de  joye  que  voftre  defplaifir  n'eft  c^- 
^  trôme,  &  ce  que  vous  tenez  en  mal,  en  plus 
„  de  contentement  &  de  bien.  Et  au  regard  du 
„  fruift,  pour  lequel  vous  eftes  préfentement  en 
„  foucy,  vous  convient  efpérer,  que  Dieu  (père 
^  univerfel  de  toutz  humains  )  en  aura  le  foing. 


Hareiiî:uo 

confolatoi- 
re  de  n«c- 
remite  à  la- 
dide   prii;- 
ceffe. 


(a^  À(<;n(ci\ 


(b}  Jamais. 


tff    FORESTIERS  DE  FLANDRE. 


Apparition 
miraculeufe 
k  la  prin- 
cefle  Emer- 
gaert ,  de  la 
vierge  Ma- 
rie en  for- 
me d'une 
femme  très- 
grave.  ' 

Prédiftion* 
de  la  vierge 
^farie  à  la 
princefle 
EmeÊgaert. 

La  feigneu- 
rie  de  Flan- 
dre promife 
aulx  fuccef- 
feurs  de  la 
princefle 
Emergaert, 
pour  tous- 
jours. 


97 

le 


qu'il  çognoîft  luy  élire  falutaire  &  néceflaîre. 
ResjouifTçz  vou$  donqq,  &  tafchez  le  plus  toft 
que  portez ,  de  vous  mettre  en  Heu,  auquel 
avec  plus   de  ïeureté   ôç   commoditez ,  ayez 
moyen  de  produire  à  mondç  le  fruîft  que  Dieu 
vous  ^,  donné.  „   Après  ceftç  remonftrançe , 
bon  hérçmîte   voulant  retourner  ài  fa  maifo*» 
nette,  print  congé  de  ladite  princeffe.  Laquelle 
^ulcunement  confolée  des  fainâz  propos  dMceluy, 
fe  fentant  aggravée  de  fommeil ,  à  raifon  du  peu 
de  repos  que  la  nuîft  précédente  elle  a  voit  eu, 
fe  coucha  auprès  de  la  difte  fonteine,  en  intcn-r 
tion  d'y  repofer  pour  quelque  temps  le  mkulx 
qu'il  luy  feroit  poffible.  Mais  elle  n'avoit  enccv» 
res  commencé  à  fommeiller ,  quand  luy  fembla 
ouyr  autour  d'elle  quelque  bruit.  Qui  fut  caufe, 
que  elle  fe  refveilla  comme  en  furfault ,  &  s'af" 
feyant  fus  le  bord  de  h  fufdiéle  fonteine ,  je(te 
fa  veûe  de  tout  cofté  9  pour  veoir  que  ce  povoît 
eftre,  &  àpperceut  guerres^ioing  d'elle,  une eat 
gée  femme  ,   laquelle  (  ce  luy  fembloit  )  avoit 
en'  elle  une  gravité  &;  magefté  plus  que  humaine, 
Dont  elle  3'efmerveilla  grandement ,  mefmes  de 
ce  que  s'approç^nt  ladifte  femme  luy  dift:  „Emer^ 
„  gaert,  pour  aultant  que  de  tout  voftre  coeur 
yf  avez  alïïs  toute  voftre  efpérançe  fur  la  bonté 
„  &  miféricorde  divine,  je  viens  vous  advçrtir 
„  que  voz  ardantes  or^ifons  ont  efté  préfentées 
^  devant  le  throfne^  &  acceptées  de  Dieu  fou*» 
„  verain.  Lequel  vous  mande  par  moy  que  Ten* 
„  faut    que  portez   viendra    en   aage  d*hon||e 
„  accomply ,  fera  fage  &  vertueuk,  vous  oftera 
„  de  toute  triftefle,  délivrera  ce  païs  de  la  ty- 
y^  rannîe  ,  foubz  laquelle   il    eft   préfentement , 
„  vengera  la  mort  de  voftre  mary  fon  père ,  h 
„  deviendra  feîgneur   de   ce  païs  ,    duquel  fes, 
„  fucçeffeurs  jouiront  à  tousjôursj^  ce  4iftl«' 


FORESTIERS   DE   FLANDRE.    \f 

tffte  femme  s'efvanouît  (a}»  Plufieurs  maîntifri 
gnent  que  ce  fut  la  vierge  Marie,  qui  foubz  1^ 
iufdiâe  repréfentatîon  venit  confoler  la  mîférablç 
princefle  :  aultres ,  que  ce  feroit  efté  quelque 
luige,  à  elle  pour  le  mefme  effeft  envoyé.  Ce 
'  que  ce  foit ,  ne  fault  doubter  que  par  telle  réi- 
vélation ,  la  divine  bonté  n'ayt  voulu  long  temp& 
;iuparavant  monftrer  &  prédire  la  grandeur  en 
laquelle  cefte  maifon  de  Flandre  deb voit  par  fuf 
ceffion  de  temps  non  feulement  continuer,  mai3 
^ffi  croiftre  &  augmenter ,  félon  que  depuis  on 
a  tousjours  aftuelement  cognu,  &  encoires  au-- 
jourdhuy  Ton  peult  cognoiftre  plus  que  jamais, 
Par  où  auffi  manifeftement  fe  defcouvre ,  que  la 
flomînatîon  des  hommes  n'eft  un  don  foituit  ou 
fafuel ,  ains  qu'elle  eft  baillée  à  un  prince  par 
le  vouloir  &  providence  divine:  &  que  partant 
pifl  ne  peult  juftement  ny  long  temps  comman- 
der, linon  celuy,  auquel  Diçu  a  permis  le  dom-  Ç^^ÇJ.^:^ 
pâme  5ç  empirç. 

CHAPITRE         V. 

fie  la  natjfance^i  baptefme^  &  merveilleufe  fachon 

de  nouriture  du  jeune  Lyderic^  Q?  de  Tempri^ 

fonement  de  la  prtncejfe  Emergaert  fa  mère. 

LA  prînçefle  Emergaert  après  la  révélation 
telle  que  cy  deffus  avez  peu  entendre,  fc 
fentant  grandement  confolée,  remcrchia  Dieu 
bien  humblement,  &  dévotement  de  ce  qu'ayant 
égard  à  fa  mifère ,  luy  avoit  pieu  la  préadvcrtîr 
des  grands  biens  &  honneurs  que  debvoycnt  ad- 
venir à  fon  enfiint  &  à  fa  poftérité:  priant  en 
oultre  que  fon  divin  plaifir  fût,  régir  &  gouvcr- 
^  ner  toutes  leurs  aftions:  de  forte,  que  par  aul-. 


(f }  ^JJparui^ 


fiS    FORESTrERS  DE  FLANDRE. 

cune  impiété  'ûz  ne  fe  feifient  incapables  de  1» 
grandeur  &  profpérité  promife.  Et  comme  elle 
fe  difpofoit  pour  davantage  continuer  en  fon  oraî- 
fon,  &  puis  après  fe  remettre  en  chemin,  le 
mal  d*enfant  la  commença  travailler  de  fi  près^ 
qu'elle  fut  conftraînfte  d'entendre  à  ce  qu^eftoît 
requis  pour  Tadvancement  de  la  naiflance  dudiâ; 
Naiflance  enfant.  Duquel  après  plufieurs  travaulx,  elle  fut 
**^^occ  finablement  par  la  miféricorde  &  grâce  du  tout- 
^  '  puiflant,  délivrée,  a'ayant  pour  toute  afiftence 
humaine  aVec  elle,  aultre  compagnie  que  celle  de 
fadifte  fervante.  Laquelle  comme  nouvellièrc 
&  inexpérimentée  en  femblables  afiàires,  fe  trou- 
va lors  bien  eftonnée,  &  néantmoings  (faifant 
de  néceffité  vertu)  envelopa  lediél  enfant  dedans 
le  peu  de  linges  &  aultres  draps,  qu'entre  ceubc 
de  la  prineeffe  &  les  fiens  povoyent  audiél  cffeA 
fervir,  &  mefmes  en  telle  extrémité.  Ce  faift, 
fe  meit  en  debvoir  d'aflifter  la  bonne  princefle^ 
félon  la  force  &  poffibilité  que  noftre  bon  Dieu 
luy  donnoit.  Si  befongna  tellement,  qu'en  bîea 
petite  efpace  l'ons'euft  légîèrement  (^a)  apperceu, 
d'un  meilleur  eftre  &  difpofitîon  en  ladiéle  prin- 
eeffe. Laquelle  tenant  fon  petit  filz  entre  fes 
bras,  ne  fe  povoît  faouller  de  l'embraffer,  baîfer 
f&  regarder  tant  le  trouvoit  beau,  bfen  formé  & 
agréable.  D'aultre  part  la  fidèle  fervante,  qui 
'  voyoit  la  prineeffe  oublier  &  fon  mal,  &  quaft 

foy  mefme ,  au  plaifir  qu'elle  recevoît  par  l'objeét 
de  ceftuy  fon  filz,  duquel  tant  de  chofes  luy 
avoyent  efté  prédiftes  :  confidérant  que  s'elle  n'y 
prévoyoyt  on  eftoit  taillé  (^)  d'endurer  affez  de 
faim,  &  demeurer  illec  (c)  plus  longuement  que 
la  fanté  de  ladifte  prineeffe  ne  requeroit,  s'ad- 
vifa  de  monter  fur  un  petit  tertre  (d) ,  qui  n'eP» 

Ca')  Aifémcnt.  '  (e')  Là ,  dans  ce  lieu. 

Q)  Rdduit  à  9  condamnt  à.      (d)  Colline ,  hémteur^ 


tORESTlÊRS  DE  FLANDRE,    sf 

toit  guerres  loing  de  là,  pour  tant  mîeulxeQ)îef 
par  quel  chemin  Ton  pouroh  plus  commodîeu- 
fement  fortir  hors  du  bois  auquel  eHes  eftoyent. 
Et  comme  elle  jeftoît  fa  veûe  de  tout  cofté,  pour 
plus  afleurément  le  tout  recognoiftre,  elle  choi- 
fit  une  trouppe  de  gens  embaftonnez  venantz  ca 
grande  delîgence  vers  cUe.  Et  entre  Iceulx  elle 
en  recognut  aulcuns   que  avoyent  efté  préfentz 
au  meurtre  &  defconfiture  du  prince  Salvaert  fon 
bon  maiftre,  Aufî  debvez  vous  fçavoîr  que  c'ef- 
toyent  eulx  fans  aultres,  auxquelz  le  malheureux 
Phînaert,  avoit  donné  charge  expreffe  de  pren- 
dre &  luy  amener  la  prhicefle  Emergaert.  Et 
ores  Ça)  que  le  jour  précédent,  ^  ceftuy  mef- 
mes  ilz  euflent  plufieurs  fois  cafloyé  le  lieu  au- 
quel la  pauvre  princeffe  s'eftoît  retirée ,  fi  eft  ce 
que  jufques  lors  ne  leur  avoit  efté  poffible  de  la 
trouver,  obftant  Çh)  la  volunté  &  difpofition  di^ 
viije,  laquelle,  avant  Temprifonnementde  ladîc-* 
te  princeffe  s^'avoît  voulu  réferver  ledîft  enfant, 
pour  par  le  moyen  d'iceluy,  exécuter  les  ex- 
ploitz  que  cy  après  entendrez.  Au  refte  la  fuf- 
difte  fervante  trîfte  au  poffible  de  cefte  renchar- 
ge  {c) ,  fe  retira  le  plus  haftîvement  qu'elle  peult 
vers  la  princeffe,  laquelle  advertîe  de  ceft  aul^ 
tre  &  nouvel  défaftre,  fe^çonfiant  en  la  promef- 
fc;  par  laquelle  luy  avoit  efté  prédift  que  fondift 
filz  la  debvoit,  par  fucceffion  de  temps,  déUvrer 
de  toute  trifteffe ,  ayma  trop  mîeulx  Tabandon-» 
ner  à  la  difcrétion  des  beftes  brutes ,  que  de  le 
fubmetre  à  la  mercy  de  ceulx ,  defquelz  elle  n'en 
efpéroit  aulcune.  Et  de  faiél  adfiftée  de  fa  fer- 
vante, meit  &  caça  (d)  fon  fortuné  enfant  dans 
une  petite  foffe,  deffoubz  une  haye  qu'eftoit  af- 
fcz  large  &  umbrageufe.  Et  après  l'avoir  de  tout 


fenftiit 
Lyderic 
abandonné 
&lti(réfeta 
dedans  If 
bois  du 
Bucq. 


(fi)  Qttoique. 


(c)  Surcroît  di  malbtur. 
(O  Cacba.  ' 


Lés  propos 
de  la  prin- 
ccflcEâTicr- 
pracrt  nulx 
fatcllttcsdu 
tyran  Phi- 
ûacru 


Hfi    i^ORESTIERâ  DÉ  FtA^tHSLÉi' 

fon  cçsur  recommandé  en  la  garde  de  Dieu  9  ttli 
retourna,  avec  tel  défplaîfir  que  châfcun  peult 
peiifcr  vers  la  fontaine,  dont  cy  defus  à  efté 
parlé.  Où  quafi  aufi  toft  furviendrent  les  fufdi<to 
brigandz:  aufquelzi^  d'une  contenance  aflfeurées 
jy  Si  voftre  cruaulté  (dift  elle)  n*eft,  par'  la  mort 
n  de  tant  de  mes  gens  &  mefmes  de  mon  très^ 
„  cher  feigneur  &  erpous ,  encoire  râflaziéé ,  que 
,,  tardez  vous  à  pareillement  vous  baigner  en  ce 
,,  mîeri  farig,  affin  que  avec  ceftuy  des  aultrcs^ 
5,  que  avez  puis  n*aguerres  efpandii,  il  demad- 
jy  de  &  impètre  de  Dieu  la  vengeance,  que  voz 
jy  inhumanitez  ont  desjà  méritée?  Mais  fi  (ce 
^  que  mal  ayfément  je  pouroye  croire)  eft  ref^ 
„  tée  en*  aulcuhs  de  voua/  quelque  fcintille  (a) 
^  de  vertu  &  pitié,  permettez,  quù  je  joniflc  da 
^  cefte  liberté^  laquelle  feule  entre  une  infinité 
„  de  biens  que  fouloye  (^)  pofféder,  m'efl:  juf* 
ij  ques  ores  (c)  pour  tout  confort,  demeurée* 
5,  Et  laquelle  perdue,  tant  s'en  fault,  que  j'aye 
^  aulcune  volunté  de  prolonguer  ma  pauvre  & 
,,  miférable  vie ,  qiïe  mefmes  en  tout  inftance  Je 
,,  vous  requiers  me  doniier  une  prompte  inort^ 
^  plurtofl:  que  me  mettre  ehtre  les  mains  de  cef' 
„  tuy,  par  le  faidl  &  commandement  duquel  je 
^  perdis  hier  tout  mon  fupport,  &ma  joye*^  Ceubs 
que  eftoycnt  venu  pour  emmener  h  prihcefle, 
confidérantz  la  magnanimité  d'elle,  &  que  fans 
aultremént  s'effrayer  elle  parloit  à  éulx  d'une  telle 
eonftance,  eufrent  merveilleufement  grande  com-* 
paflîon  de  fon  adverfité  ;  &  y  en  avoit  qui  Vplun- 
ticrs  l'euflent  laiffé  en  la  liberté,  fi  la  crainte 
d'eftre  de  ce  vers  Phinaett  accufez  ne  les  ent 
cu0e  deliourné  i  &  partant  après  l'avoir  afleurée 
de  tout  bon  traiétement  de  la  part  dudift  Phi* 


C^)  EtincfUc  f  ^u  latin  fcin*    (b')  Avois  coutumes 


FORESTIERS  DE  FLANDRE.    3t 

iiaert,  (ce  que  toutesfoîs  ilz  faifoyent  fe^iilement 
pour  la ,  reconforter  9  &  fans  aulcune  charge) 
trouflerent  ladite  princeflTe  &  fa  fervante  fur 
deux  de  leurs  chevaulx  &  diligenterent,  de  forte 
que  peu  après  ilz  parviendrent  au  chafteau  du 
Bucq*  Où  nous  la  laiiTerons  foubz  povoir  &  en 
la  difcrétion  du  malheureux  Phinaert,  jufques  à 
ce  que  le  bon  Dieu  en  aura  aultrement  difpofé; 
&~  retournerons  à  fon  petit  filz,  qu'elle  avoît 
laiffé  en  la  fufdifte  foreft  deftîtué  de  toute  ayde 
humaine,  non  pas  de  celle  de  Dieu,  lequel  pour« 
veut  à  la  nourriture  dudiél  enfant ,  comme  vous 
cognoiftrez  préfentement.  II  vous  doibt  fouvenir 
de  la  venue  du  bon  héremite  Lydcric  vers  la  fon- 
taine ^  près  laquelle  la  princeffe  Emergaert  s'eftoit 
retirée,  lors  qu'elle  eftoit  au  plus  fort  de  fes  des* 
plaifirs,  enfemble  des  faîndles  remonftrances 
que  lediél  héremite  luy  feit.  Lequel  peu  après 
l'emprifonnement  de  ladicle  princeffe,  retourna 
vers  ledift  lieu,  pour  y  quérir  de  Teauë  félon 
qu'il  avoit  faiâ  le  jour  précédent*  Maïs  en  ap- 
prochant ladifte  fonteîne,  fl  fuft  grandement 
esbahy  du  cry  &  eftrange  bruit  que  faifoyent 
plufieurs  corneilles,  agaces  (^j),  &  aultrcs  oy- 
feaulx.en  très-grand  nombre,  fus  &  environ  la 
haye,  au  deffoubz  de  laquelle  eftoit  le  foffé,  au- 
quel la  princeffe  Emergaert, avoit  caché  fon  petit 
filz  ,  &  de  faift  convoiteulx  d'en  fçavoîr  l'occafion  , 
venît  vers  ladîfte  haye,  &  trouva  dedans  ledift 
foffé  le  petit  gars  (^)  qui  par  fes  geftes  fembloit 
demander  fecours  &  aOiftence  audiA  héremite. 
Lequel  affeuré  que  le  cry  defdidliz  oyfeaubc  n'avoît 
-  cfté  fansmyftère,  leva  ledift  enfant,  &  l'empor- 
ta en  fon  héremitaige,  s'efmerveillant  au  furplus 
de  la  cruaulté  de  la  mère  d'iceluy,  &  que  elle 
povoit  eftre.  Toutesfois  fe  fouvenant  des  regrets 


nement  de 
la  princefli^ 
Emorgicr^ 


Vhértmlu 
trouve  TciH 
fant  Lyde-> 
riciumoyS 
dubmiit  d« 
plufieurs 
oyi'eaulx 
qu*cftoyént 
autour  du- 
dia  enfant» 


00  Ph$  pica,  in  lafh*         Çh)  GarfÇHp  infunf^ 


Baptefmo 
du    jeune 
Iryderic, 


L'enfaïit 
Lyderic  cft 
miraculcu- 
lemcnt  al- 
laité par 
«ne  biche. 


30    FÔfeEâTIÉRS  Î)È   Î^LANfifeÈ* 

<}ue  auparavant  &  au  mefine  lieu  il  avoit  ou^f 
faire  à  la  princefle  Emergaert ,  luy  tomba  en  ref* 
prit  qu'elle  fans  aultre  l'avoit  engendré  :  ne  po-^ 
vant  en  foy  comprendre  la  raîfon  qui  Tavoit 
iheûe  d'aînfi  abandonner  defte  innocente  &  tarft 
belle  créature  1  doht  néantmoins  il  fut  fuffiflam- 
ment  appaifé,  &  fatîsfaîft,  lors  qu'eftant  adver- 
ty  de  la  captivité  de  ladide  princeffe,  il  s'afleu- 
ra  que  la  feule  crainéle  (qu'elle  avoit'  eu)  de 
perdre  fon  petit  filz,  l'avoit  conftrainâ^  de  l'ex- 
pôfer  à  tout  aultrd  péril,  pluftoft  que  le  laiflfer 
îtu  povoir  de  fes  ennemis.  Parquoy  plus  ayfe  que 
devant,  eftimant  (veu  que  fi  miraculeufemént 
Dieu  l'avoit  préfervé  du  fufdiél  dangier)  qu'il 
pourroit  quelque  jour  féiflîr  veftueûlx  &  preud-* 
homme  (après  l'avoir  préallablement  baptîzé, 
&  de  fon  nom  appelle  Lydericq)  commença  pen- 
fer  au  moyen  qu^il  debvrôit  tenir  pour  eflevef 
kdift  enfant^  &  fuyvant  ce,  délibéra  luy  cer-- 
cher  le  lendemain  quelque  bontie  lioiïrrîce,  eftanc 
cependant  en  «xtfênie  peine,  à  faifon  cjue  plu» 
promptement  il  ne  poVoît  fixbvenir  à  la  néceflîté 
dudift  enfant.  Et  comme  lîedifl:  héremite  eftoit 
eti  celle  folicitude,  voicy  (par  k  graèe  &  pto-^ 
vidence  divine)  une  cerve  ou  feiche  qui  fe  vint 
préfenter  à  luy,  faifant  toute  la  fefte  &  bonne 
chère  au  petit  enfant,  Qu'elle  euft  peu  faire  à 
fes  propres  petitz-  Dont  efmerveillé  ledift  hére- 
mite ,  &  mefmes  qu'il  fe^bloît  aulz  geftes  de  la- 
difte  biche,  qu'elle  vouloit  aîlaifter  ledifl:  enfant^ 
il  appUcquâ  la  bouche  d'ideluy  à  une  des  ma* 
melles  de  la  biche.  Laquelle  cependant  fef  mon- 
ftroit  quoye  Ça) ,  d'oulce  &  privée ,  jufques  à  ce 
qu^eftant  ledift  enfant  allaifté ,  elle  ft  retira  dans 
le  bois  ^  &  continua  .  celle  vifîtation   deux  fois 

le 


(a')  TranquHUi 


kÔkÈStlÊRS  bi  FLANDIlè.      33 

lé  jour,  durant  tout  le  temps,  auquel  le  jeune 
Lydericq  avoit  néceffité  de  telle  nourriture ,  non 
fan5  très-grand  esbahiffement  du  bon  héremîte, 
.  lequel  par  cefte  nduvellité ,  du  pour  mieulx  dire 
affeuré  miracle ,  confirnioit  en  foy  dàVlntage  Topi-» 
nion^au  commencement  conceûe  des  futures  gran- 
deur &  profiiérité  dudîdf  enfanta  Et  pour  cefte 
ôccafion,  fe  difpofoît  tarit  plus  voluntiers  à  le 
foingneufement  nourrir,  &  bien  endoftriner.  Je 
fçay  qu'il  en  y  aura  pluliéurs,  qui  de  prîme  fi- 
ce  (0)9  i*ecevront  cefte  façon  de  nourriture  du 
Jïetît  Lyderic  eu  méfmè  lieu  qu'on  eft  â'ccotxlfu- 
mé  faire  les  Chofeâ  fabuleufes.  Mais  quand  il2 
viendront  à  confldéfet  Theureufe,  nobïe  &magf-' 
nanime  poftérrtô ,  que  ceft  enfant  a  défailTé  ; 
mefmes  que  les  règnes ,  empires  &  dctoinations , 
font  fouvent  par  femblables  lignés  &  mîrades 
prédiftz  de  Dieu,  j'eftime  que  pour  le  niôîng^, 
'ûz  adjoufterorit  aultant  de  foy  à  ce  que  defué , 
4u'ilz  font  aulx  autheurs  ,  lefquelz  tefmoîngnèîït 
que  Cyrus  auroît  efté  Aourry'  d'une  chèvre ,  les 
fondateurs  de  ïioftié,  ïlomulus  &  Rem'ùs  d'une 
îouve,  &  Atyydps  d'une  biche.  Laiflarit  néant- 
moins  en  l'aYbitre  &  difcrétion  d'un  chafcun^ 
de  croite  &  admettre  ce  que  plus  luy  feïnbkra 
conforme  à  la  raîfon  &  vérité. 

CHAVïTJLE        VI. 

Des  bonnes  meurs  &  Conditions  du  prince  Lyde^ 

rie  9  de  fa  venue  en  Angjetetre^  fi?  des  amours 

d^iceluy  avec  la  belle  Gracienne* 

LE  fainft   héremîte    voyant  par  lignes  tanC 
myraculeux  &  évîdentz  le  foing  qye  Dieu: 
monftroft  avoir  du  jeune  Lyderic,  s'efforçoit  à^ 


r 


Rcgfaes  wd* 

racttleufe- 

ment 

diâz 

Dieu. 

Cyruf  frft 
nourfy 
d*une  chè- 
vre, Romu- 
lus  ôc  Re- 
mos  d*un,e 
louve  ♦  à 
Abydus 
é*un«  bi* 


(tf)  ly abord,  au  frmUr  afpe^* 


-Tes 


Les  princes 
font  obligés 
k  bien  gou- 
verner leurs 
fubjefts , 
lefquels  ré- 
ciprocaue- 
ment  iont 
tenus  d'ef- 
tre    loyaux 
^obéiflants 
k  leurs  prin- 
ces. 


Bonne  con- 
dition  du 
Jeune  Ly  dé- 
lie 


fiimiUtuâe. 


34    FORESTIERS  DE  FLANDRE; 

fon  poflîble  de  Tcnfei^ner  en  tout  ce  que  luy  fcm- 
bloit  néceflaire,  pour  le  rendre  de  toutz'poînftf 
accomply,  luy  ramentevant  (jo)  continuellement, 
&  fur  toute  aultre  chofe,  qu'il  y  avôit  un  domî- 
teur  au  ciel,  donnant  &  départant  (F)  toutes 
^s  feigneuries  de  la  terre,  lequel  toutz  princes 
doyvent  recognoiftrc ,  &  potir  ce  cftimer  qu'ilz 
font  aultant  nais  (0  à  fervir  leurs  fubjefts  de 
bons  &  juflcs  gouvei'neurs,  que  iceulx  font  obli* 
gez  à  'leur  bien  &  loyaulmcnt  obéir.  Et  pour 
de  tant  plus  Tenflammer  en  Tamour  de  Dieu, 
luy  mettoît  fouvent  devant  les  yéulx ,  les  grande 
biens  que  dèz  fa  naiffancè  Dieu  luy  avoit  faiét^ 
le  préfervant  de  tant  de  dangiers,  &  luy  admî- 
niftrant  une  nouriture  fi  eftrange  &  admirable^ 
Toùtx  lefquelz  advertiffemeniz  le  Jeune  Lydcric 
reccvoît  d'une  vivacité  merveilleufe ,  &  d*unc 
capacité  que  excédoit  le  port  de  fon  tendre  aage* 
Auffi  avoit  il  une  condition  trop  admirable,  eftant 
prefquei  cncoire  en  enfance ,  de  ne  faire  quafî 
nul  afte  de  puérilité,  &  nul  compte  de  tout  ce 
que  naturellement  la  pctiteflc  prife  (^)  &  ayme. 
Quoy  confidérant  ledift  héremite ,  &  cognoiffant 
que  la  dextérité  &  grandeur  de  refprit  dudîft 
Lyderîc  requéroît  un  governeur  plus  excellent, 
délibéra  renvoyer  en  Angleterre  vers  un  abbé 
qu'il  cogndiflbit  de  longue  main,  homme  vèr- 
tueulx ,  de  bonne  vie,  d'expérience  non  vulgaire 
en  toutes  manières  de  fciences  &  finablcment  te! 
qu'il  fçavoit  cftre  néceffaire  pour  le  gouverne- 
ment d'un  jeune  prince.  Se  fcntant  à  ce  de  tant 
plus  incliné,  pour  aultant  qu'il  n'îgnbroit,  que, 
comme  la  nature  d'une  bonne  terre  fe  déprave,. 
&  au  lieu  de  prouffitables ,  produit  des  herbes 
inutiles ,  fi  elle  n'eft  bien  &  diligemment  cultivée. 


(a^  Rappelîant.  (<r)  Nés. 

^V)  famgtant ,  diftrihuant.    Ç4)  Ëflim$ ,  r$ehtrch^ 


FOiES^IERS  DE  Î^LÀNDRE.    éj 

ainfi  le  gentil  efprit^  &  débonnaire  inclinttioii 
d'un  prince  fe  remplit  de  plufietirs  vices  ordz^i) 
&  vilains^  s'il  n'eft  aruné  (*)  &  agencé  (c)  de 
dqârine  falutairèi  Et  cefte  fuft  la  cauft  ;  qu'il 
envoya  en  l'aage  de  dix  ans ,  le  jeune  Lyderic 
Vers  le  fufdiét  abbé  »  (  duquel  je  h'ây  enCores 
trouvé  le  uoni  par  efcript  )  mais  ce  fut  après 
iuy  avoir  faiél  pkifîeurs  belles  &  amples  remoti- 
firances ,  dont  la  fubftancé  .  tendoit  à  ce  qu'il 
fut  induiél  en  la  crainte  de  Dieu ,  laquelle  (félon 
le  fage  Salpmon)  eft  le  Commencement  de  toute 
fapience.  Il  Iuy  recommaildoit  auili  &  i>ien  chaul* 
demcHt  la  liberté  de  la  pauvre  princefle  Emet- 
gaert  fa  mère,  qu'il  fçavoit  eftre  détenue  foubt 
ÎSL  tyrannie  de  Phînaert,  Ce  que  lèdîft  Lyderic 
imprima  tellement  en  (on  cerveau,  que  inconti- 
nent qu'il  fe  fentit  affez  roide  de  membres ,  & 
fort  pour  la  délivrer ,  enfemblé  pour  faire  la 
,vengeailce  de  la  mort  dû  prince  Salvaert  fori 
père  5  îî''  exécuta  le  tout ,  de  la  forte  qu'eit 
^pouffuyvaiit  cefte  hiftoire ,  cognoîftrçz.  Apre* 
les  fufdiélz  dcbVoirs  le  bon  héremite  fondant  en 
iarmës  donna  fa  bénédiftion  au  jeune  Lyderic  ^ 
pryârit  le  fouvéfain  Seigneur  de  toutes  chofes  ^ 
iuy  vouloir  eftre  aultant  pl'opîce  à  l'advenir  , 
comme  par  le  paffé ,  il  s^eftoît  monftré  foigneuhc 
pour  le  gafdeiè  &  eOevcr.  Ce  faîâfc  le  Jeune  prince, 
tnary  (J)  au  poflîble  de  ce  partement.,  print 
congé  dudî6b  hérémîte  i.  &  fe  mift  en  chemin 
accohipagrié  feulement  d'un  homme  de  bien ,  qqî 
èftoît  d'îceUiy  pais  &  parent  audicHL  héremitei  Sî 
dilîgénta  tellement  ^  qu'il  parvient,  en  peu  de 
temps  au  logis  dtt  fufdiéï  abbé  ,  duquel  il  fut 
bien  graéieufement  receii,  &  doulcement  traifté, 
&  foubz  lequel  H  profita  ,  de  forte  que  par  tout 


Le  ion  et 
prit  cTim 
prince 
aoibt  tfkré 
bien   cala* 
vé. 

Inftniâioil 
de  ITiérc- 
mite  ta  ^ 

S*  iune    Lf* 
eric  tvtnr 
renvoyer 
en  Angle* 
terre. 

InitiuM  fa* 
picntiét  ti^ 
mor  Dov^i^ 
nU 


Le  jeurie 
Lyderic 
prend  con* 
|é  de  rhé- 
remite,  Ôc 
fe  trans- 
pont  v6ri 
Anglctetre; 


(tf  )  Saies  :  fordidùs. 
C*)  Orné. 


CO  arrangé. 


¥  É 


les  vertus 
&  propri^- 
UsduJGuno 
Lydenc. 


Le  dcbvoir 
du  jeune 
Lyderic 
vers  Dipu, 

Le  debvoir 
dudiâ  Ly- 
deric ,  en 
robfervtn- 
ce  des  loix. 

Grande 
honte  à  un 
prlncccon- 
trevenir 
aulx  ordon- 
nance!. 


Le  prince 
Lyderic  au 
icrvice  du 
xoy  d'An- 
gleterre. 


Eloquence 
-du  prince 
Lyderic. 


36    FORESTIERS  DE  FLANDULË- 

où  îlfctrouvoit^  U  gaignoit  le  ï)oinft  de  préémî- 
ncnce  par  fa  vertu  &  fçavoir*  Se  monftrant  au 
refte  à  l'cndroifl:  d'un  chafcun  fi  courtois  ;,&  af- 
fable ,  qu'il  attîroit  à  fon  amour ,  &  defroboit 
le  cœur  de  tous  ceulx  qui  feulement  avoyent  le 
bien  de  goufter  la  doulceur  de  fa  converfatlon. 
En  fomme  ,  il  cfeut  en  vertu ,  beauté  ^  difpofi- 
tion  de  corps ,  exercice  des  armes ,  &  toutes 
aultres  parferions  ^  tellement  qu'il  euft  été  dîfii- 
cil  trouver  lors  aulcune  pcrfonne  ^  qui  es  fuf- 
diftes  propriétez  Tcuft  fécondé  ,  &  beaucoup 
moings  égalé.  Car  quant  à  fa  force  corporelle 
elle  fut  admirable ,  &  bien  correfpondante  à  la 
vertu  de  fon  cœur  :  en  fes  meurs  il  fut  débon- 
naire ,  la  langue  il  euft  très-diferte ,  &  fa  fimplc 
parolle  valloit  ferment.  L*amour  &  révérence  de 
Dieu  luy  fut  tousjours  devant  les  yeulx,  qui  luy 
réfrénoit  fouvent  fa  fureur  de  peur  de  TofFcnfer: 
comme  au  conttaire  il  entreprenoît  fans  crainte, 
tout  ce  qui  eftoit  juftc  &  raifonnable.  Depuis 
qu'il  fut  conftitué  en  eftatz  ,  fe  monftra  quaft 
plus  fubjeft  que  feigneur  en  Tobfervance  des  loix 
(comme  cy  après  voirez  par  l'exécution  qu'il 
feit  faire  fur  fon  propre  filz)  eftimant  plus  griefve 
punition  à  un  prince  la  honte  de  rompre  les 
ordonnances ,  qu'au  peuple  le  chaftîment  qu'il 
peult  encourir  pour  les  ^voir  enfrainftes.  Or  9 
pour  retourner  fur  noz  erres ,  voyant  ledift  abbé 
la  pcrfeélibn  à  laquelle  le  prince  Lyderic  (  lors 
en  aage  de  dix  &  huifl:  ans)  eftoit  parvenu,  trou- 
va moyen  de  le  mettre  au  fefvice  du  roy  d'An- 
gleterre, où  en  briefve  efpace  les  vertus  d'îceluy 
Lyderic  commencèrent  à  reluire  entre  celles  des 
aultres  gcntîlzhommes  de  ladifte  court ,  comme 
le  foleil  eft  accouftumé  faire ,  entre  toutes  les 
planètes  &  eftoiles.  Et  ce  que  plus  le  rcndoît 
admirable,  eftoit  la  fingulièrc- grâce  de  parler, 
qu'il  avoit   attraiantc  &  perfuafive  ,  laquelle , 


v 


FORESTIERS  DE   FLANDRE.     37 

jomfte  à  une  infinité  d*aultres  bonnes  conditions, 
le  rendit  înconthi'cnt  tant  aymé  du  roy  mefme  , 
qu'en   toutes  feftes  &  pafletemps  où  le  roy  fe 
daîgnoît  trouver,  cdnvenoit  aufly  toftpour  con- 
îentemènt  du  roy  y  femondre  Qa)  ledift  Lyderic. 
La  vertii,  dextérité,  bonne  grâce  &  beauté  du-* 
quel  ne  tardèrent  guerres  à  parvenir  jufques  aulx 
oreilles  d'udè  fîllê  que  le  roy  avoit  belle  en  toute' 
^TÏtô^ùfi  y  appêllée  Gracienne.  Laquelle  convoi- 
teufe  de  mieulx  cognoiftrc  &  à  l'œil  fi  les  excel- 
lences du  princp  Lyderic  correTpondpient  au  bruit 
qui  en  volloit,  fe  trouya  un  jour  entre  aultres 
pour  ce  fi^ul  refpefl:  en  un  ftftiu  ,   auquel  elle 
eftoit  advertie  qu^  ledidl  Ljderic  eftoit  appelle:* 
&  de  faiél  l'ayant  apperceu  ,  elte  Jugea  que  tout 
ce  qu'elle  avoit    entendu    des    grâces   d'iceluy 
n'eftoiç  nens,.au  prix  de  ce  que  lors-  fe  préfen- 
toit  devant  fon  efprit  &  fes  yeulx.  Imprimant  au 
refte  tout  cç  qu'il  y  avoit  de  boif  eu  luy  en  fa* 
fentafie ,  tellement  que  long  temps  depuis  luy 
fut  impoffible  divertir  de  luy  le  grand  ampur, 
duquel  au  njefme  înftant   elle  fe  fentît  navrée. 
Lequel  nâantmoins.  elle  diflîhjula  pour  quelque   ^ 
efpace  ,  &  jufques  à  ce  que  forcée  d'aune  puif- 
fimce  plus  gKinde  que  la  fîennç  ,  elle  fut  con- 
trainte fe  defcouyrîr  &  fa  nouvelle  pafïïon  à  une 
fille   de  chambre    qu'elle   avoit  de  tout  temps 
cognu  loyale,  & 'à'-faquelle  elle  fe  fioit  de  fes 
plus  fecretz  &  particuliers  affaires;  Par  le  moyen 
de  laquelle  elle  çuft  enfin  jouiflance  dudift  Ly- 
deric. Lequel  ayfe  au  pofiîble  d'une  tant  bonne 
fortune,  continua  (le  plus  fecrètement  qu'il  peult) 
foubz  le  fervîce  du  roy,  les  amour3  nouvellement 
contraftées  avçç  la  belle  Gracienne  ,  jufques  à 
l'aage  de  vingt  ans  ou  environ ,  que  fe  fouvenant 
des  angoifles  dé  la  princefle  Emergaert  fa  mère , 


La  princef- 
fe  Gracien- 
HQ  devient 
amoureufc 
du  prince 
Lyderic. 


(-)  InvU4r^ 


Dcfdaitt 
^ue  le  prin- 
ce Lyàeric 
conçoit 
contre  foy- 
mcfme  à 
raifon  du 
lonç  délay 
qu*il  a  mis 
avant  pour 
chaflçr  la 
liberté  de  la 
princcfle  fa 
^èrq. 


j«   yORESTIEJlS  DE  FLANDRE. 

ne  fe  peult  garder  de  blafiner  &  fôy  mefinc ,  ^ 
fa  grande  nonchallance ,  djfant  comme  pa^-  defpit: 
„  Ah  pouvre  ijialheureulx  qui  te  chatouilles  de 
^  je  ne  fçay  quel  biuit  vain   &   menteur ,  de 
^  telles  quelles  vertus  qu'on  t^attribue^  comme 
^  oferas  tu  déforn^ais.  te  trouver  en  bpnnes  comr 
iy  pagnîes,  fentant  ta  coniçiençe ,  qui  continuel- 
„  Cément  te  irçdarguc'  (a)  de  la  lafcheté  &  trahi- 
„  fon,  que  tu  commets  contre  ta  propre  mère? 
Ah  couard  (Ib)  que  tii  es  j  cbramè  veulx  tu 
qu'à  Tadvenir  Jas  pppreffé^  &  affligez  conçois 
vent  aulcune  efpdrance^de  ton  fiippbxt  &  ayde 
fi  tu  defFault^  dp  garrarid  (c)  à  Tincpmparable 
miftre  de  éelle  qui  t'a  engendré  f  A  quoy  te 
fervent  tes  forces  &  ta  prâiraiée  magnanimité, 
fi  toy  vivant,  &  en  faculté  de  porter  armes, 
demeure  en  toute  afleurance  le  paillard  qu'après 
le  meurtre  commis  en  la  perfonne  de  ton  père , 
détient  foulez  fon  pbvoir  ta  miférable  mère? 
Ah  ingrat  Lyderic ,  indigne  que  la  terre  fous- 
tienne  ,  éft  il  poflîble  que  tu  ayes  fi  long  temps 
différé  l'exécution  d'une  vengeance  tant  jufi:c, 
&  defirée?  Mais,  6  mon  Dieu,  ô  bonté  fou- 
vcraine,  de  quel  œil  me  convertîray^je  d'ici 
en  avant  (^)  vers  toy  ?  Vers  toy,  dis- je,  que 
par  cefte  mienne  parefle  j'ay  de  trop  offenfé? 
Vers  toy,  du  quel  fi  miraculeufement,  &  dès 
le  berfeau,  j'ay  eflé  préfervé  de  dangîers  tant 
évidents  ?   Vers  toy ,  qui  de  ta  grâce   m"'a^ 
eflevé  d'une  façon  fi  eflrange,  &  depuis  orné 
de  plufieurs  dons  &  admirables.  Et  néantmoins 
faifant  femblant  de  mefcbgnoiftre  que  tu  foÎ5 
l'autheur  de  mon  eflre ,  &  de  tout  mon  bien  , 
je  me  fuis  veautré  (comme  un  pourceau  en  la 
„  fange,),  dedans  l'ordure  de  charnalité  ,  &  en 
„  icelle  me  fuis  tellement  enfepvely ,  que  ptfftr 


f/ï)  Reproche^  blàme^ 
^  (0  -^^^^  %  paUron^ 


(c')  Si  tu  refufesun  appuh 
(</)  Me  totfrneraj-jf  âéj\trm^hm 


FORESTIERS  DE   FLANDRE. 


39 


„  pofant  la  tienne  très-bonne  ,^  je  ne  tens  qu'à 
^  la  fatîsfeaîon  de  ma  perverfc  volonté.,,  Et  în- 
xcontînent  voires  (a)  au  raefme  înftant  changeant 
Se  propos  comme  un  homme  transporté ,  fe  con- 
vertîfoît  (F)  au  viel  Lyderîc  fon  père  rioufrîfier, 
difant  :  ^  Ah  bon  &  fainft  Lyderîc ,  fi  tu  yôyçisF 
»,  ccftuy ,  auquel  avec  telle  folîdtude  &  felofr 
9,  ton  povoir ,  tu  as  par  cy  devant  âdmînîftrS 
y^  toutes  chofes  néceflaîres  &  au  corps  &  à  rame, 
fi  préfentement  empefché  au  feul  entretien  de  les 
y^  folles  amours  :  Combien  jufte  occafioh  auroiâ 
,,  tu  de  te  repentir  de  tes  bénéfices  paffez  ? 
,,  Quelles  figures  d'oraîfon,  quelles  exclamations 
„  trouveroîs  tu  aflez  aigres  ,  pour  fuffiflament 
I,  me  reprocher,  &le,mefpris  dont  jtife  vers  le 
t,  dlmler  commandement  que  tu  m*avois  donné , 
»  de  n'oublier  la  liberté  de  ma  pouvre  mère ,  & 
9,  la  pufiUanîmité ,  de  laquelle  par  la  prolonga- 
„  tiott  d'un  œuvre  tant  recommandable ,  Je  me 
„  mon^ire  de  toutz  poinéis  entaché.  Mais  il  ert 
„  yrat  aultremèht .  Car  dès  maintenant  je  faifts  vœu 
^  à  mon  Dieu,  de  jamais  repofer,  ny  vivre  con- 
^  tent,  que  préallablement  je  n'aye  avec  fa  teflé 
i,  ofté  à  rinfame  meurdrier  tout  moyen  d'exer- 
„  çer  pour  Tadvenir  aulcune  cruaulté  ou  pille- 
^  rie.  „  Ge  dift,  arrefta  en  foy  mefme  de  trouver 
opportunité  (r)  pour  defcouvrir  celle  fienne  dé- 
libération à  .la  belle  Gracîenne,  l'amour  de  la- 
quelle le  preflbit  de  fy  près,  qu'il  eftoit  plu- 
ficurs  fois  vacillant  &  fufpens  de  ce  qu'il  devroit 
faire.  Mais  enfin  in  raifon  euft  fur  fon  defir  char^ 
nçl  tel  povoir,  que  le  bon  chevaucheur  dolbt 
jvoir  fur  un  cheval  pçnnadant  (^)  &  trop  déli- 
béré. Quy  fut'  la  caufe  qu'eftant  (un  jour  après) 


Réfolutlon 
du  prince 
Lyderic 
touchant  It 
libené  de 
fa  mère* 


(a)  Prefque^  même, 

(h)  Se  tournait,  s^adreffçit. 

lÔ  Moment  favorabU. 


(4/)  Remuant ,  v//,  qui  kM 
du  fU4^ 


,  io    FOUESTIERS  DE  FILANDRE, 

entré  en  devîfes  avec  la  princefle   GracienHc, 
après  un  grand  foufpîr  (tefmoîng  de  TaUératio^ 
Le  fwrtece    de  fou  ajne)  il  commencha  luy  djrç;  „  ^adamç 
d     "à^    ^  rheur  (jj)  &  contentemept  quç  j>  reçoy  pax 
prlnceffe       n  l'objçfl:  de  voftre  beauté  npmparçille,  jointe 
Gracienpe     ^  à  celle  yertu  que  chafçun  GOgnoit  en  vous, 
Èlutiom^'    3^  pourroîît  (encojrès  qpe'je  me  taife)  affez  you3 
^' -     '•       ^  déçl^fer  Iç  malrayff ,  fafcherk   &  regret   que 
„  yoftre  '  abfencç   me  caufera.   Laquelle   néant- 
p  moîngs  avec  tous  aultres  trayaul?;,  j'ay  déli- 
„  béré  foubz  yoftre  congé,  &  bpn  plaifir  d'en-^ 
^  durer  pUiftoft,:  que  de  davantage  fouffrir  que 
p  la  prînçeiTe  Emeygaert  ma  mère,  au  préjudice 
p  dç  mon  honneur  (auquel  to\it2  grandz  perfo- 
p  riàgçs,  &  gens  d^  vertu  foïit  obligez. de  facri? 
^  fier,  yqires  leuf  propre  yie)  &.  continuels  re- 
<    „  mors  de  ma  conrcicincf^,  demeure  plus  lorig 
p  temps  foubz  la  captivité  ^  mii^re,  en  laquel- 
„  le  depuis  vingt  ans  elle  a  tou§joulrs  çfté  „, 
'  ^t  lors  luy  difcourut  le  faift  de  fa  naiflance,.  Isf 

'  pianière  de  laquelle  il  avoit  efté:  çflevé ,  TemprÎT 
fonnemçnf  de  la  princefle  Emergaert,  ?iveç  le  de- 
meurant de  fes  affoires  ôç^ultres  adventures,J 
dont  aultrefois  Ù  luy  avoit  faifl:  fommi^re  ou- 
verture Çb)  ;  la  requérant  atj  fyrplus  ^  &  conju- 
rant fur  cefte  perpétuelle  &  inviolable  fervitude , 
de  laquelle  il  luy  feroit  toute  ta  vie  obligé, 
qu'elle  voulfift  Çé)^  noq  feulement  trouve^  bon 
fon  parten^ent ,  maiç  aufly  luy  permettre  que  fa 
première  entreprinfi^,  à  laquelle  il  fe  préparoii., 
fût  &  commenchée  &  parachevée ,  foubz  fon 
nom,  4  fon  adveu,  &  par  foi^  commandement^ 
La  bejle,  Gracîenne  quy  nç  mefuroit  fpn  contenu 
tement  que  par  ceftuy  de  ion  Lyderic,  confidé-j 
rant  Téquité  de  fa  requefte,  luy  refpondit  :  „Seh 

'  — r- '. «  /.T, 

(^a)  Bonheur,  tc^  VdulûU 

(y)  Kécit  ahrfgi.  .-'''' 


FORESTIERS  DE   FLANDRE.    41 


„  gneur  Lyderîc ,  je  vous  ay  plufieurs  fbis  *dé* 
„  daré ,  que  h  feule  renommée  dé  vôfet  Vertu 
„  m'a  attirée  à  Tadmiration  d'icdle  &  fucceffive» 
„  ment  m'a  donûé  volunté  dêî  >ous  rendre  au-!- 
„  tint  mien»  comme, je  me  fiens  â:itipnf(pfl&e(be 
^  voftre.  Qr,  fi  ^en  la  préfente  occâfidn,  je  me 
yy  monftrois  contraire  à  voftre  délibération, oul- 
M  tre  la  faulte  que.  je  commettrais  contre  ma 
„  propre  grandeur,  en  contrevtMnt  à  un  œuvre 
^  tant  excellent,  je  vous  donneroîs  matière  de 
„  m'eftimer  plus  âlflolfle  que  ma  qualité  ne  rt^ 
ff  quiert ,  &  plus  inconftante  que  n*eft  convena-» 
„  ble  à  une  princefle  de  tel  lieu  que  je  fuis.  Ce 
^  que  ne  devés  ellim^  de  moy,  &  beaucoup 
„  moins  vous  perfuader,  que  je  ne  ddîre  pré-» 
„  fentenoent  en  voub  la  continuation  des»  vertus , 
n  lefquelles  avant  noftre  mutuelle  cognoifance 
ff  j'ay  tant  prifées  &  èftimées.'  Non  que  pour- 
^  tant  j6  préteûdô  nytr,  ou  aulcunemeiit  vous 
^  defguifer,  le  defplaîfir  &  mal-ayfe  que  dèsjà  ^'e 
„conçoy  par  la  feule  appréhenfion  de  voftre 
^abfence.  Mais  voftre  fatîsfk<ftion  avfec  Thon- 
n  neur  que  vous  allés  acquérir.  Jointe  à  Tex* 
n  trême  defir  que  j'ay  de  conformer  ma  volunté 
^  à  la  voftre,  me  ferviront  de  fecours'  fr  confo- 
f,  lation  contre  ]^  violence  que  je  prétendz  foire 
^  à  mol  jpefme,  par  Je  congé  que  je  vous  donne 
^  d'achever  ce  qu'avez  entreprîns  :  '  voiîs  priant 
„  toutesfqis  ne  vouloir  précipiter  voftiîe  p^rte- 
ft  ment,  dç  forlç,  que  je  n'aye  k  commoiûté  de 
D  vous  mettre  e^  l'équipage  qu«;  mérités. ,  affin 
5,  que  là  part  (pour  l'effet  que  deflus)  aiirés  ar- 
ji  refté  vous  tranfporter,  puîflîez  comparoiftre 
„  en  tel  train  à  dtat ,  que  requiert  le  lieu  duquel 
„  vous  eftes  yflu.  Cependant  vous  me  ferez  plaî- 
«  fir  de  particulièrement  Ae  déclarer,  quel  chemin* 
yy  vous  efpérez  tenir,  pour  parvenir  à  la  vengean- 
D  çe  que  prétendez  ^.  Sur  ^uoy  le  prince  Lyde* 


de'h^eUc 
Cnciçnoc 
ku     prince 
Lydenc.    * 


4t    FORESTIERS  DE,  FLANDRE. 

Pifeottrsdtt  ric,  après  avoir  remerchié  la  gentille  princeflTe 
S^c  for'ïc  ^^  ^*  refponfe  tant  courtoife  &  de  fes  oflFrts 
fùà  de  fou  fi  libérales  »  Tafleura  que  le  roy  Dagobert  de 
Mtrcpriafe.  France,  eftoîf  (felon  qu'il  avoit  entendu)  entre 
touts  les  princes  chreftien^,  renommé  pour  un 
,  vjdes  bons  jufticîers  dont  on  ouyt  oncqnes  Ça)  par* 
1er  &  que  Phinaert  fe  partie  adverfe,  eftoit  vat 
fal  dudiâ  Dagobert,  devant  lequel  partant Jl avoit 
propofé  Taccufer  du  meurtre,  tmhifon  &  lafche- 
té  commife  contre^  le  feu  prince  Salvaert  fon  pè- 
Te,  enfemble  d'aultres  inhumanitee  par  luy  pet" 
pétrées,  lefquelles  fuyvant  Tefpérance  qu'il  avoit 
en  la  bonté  &  grâce  divine  ,  il  fe  faifoit  fort  de 
vérifier  par  le  combat  qu'il  préfenteroit  de  fa  per. 
fonne  à  celle  dudift  Phinaert,  &  que  par  mefmc 
moyen  il  délivteroît  la  bonne  princefle  fa  mère 
de  l'angoîfle  &  triftefle,  quepaflfé  longtemps  elle 
Evoit  enduré*  La.  belle  Cracienne  fatisfaiéle  du 
gentil  dîf cours  du  prince  Lyderic ,  afle^  plus  que 
des  préparatifs  qui  fe  debvoycnt  faire,,  pour  1q 
voyage  d'iceluy ,  voyant  que  la  nujft  approchoit, 
,  le  lîcentia.  Lequel  d'aultre  cofté  durant  qucfoq 
équipage  s'appareilloit,  eftoît  en  Continuelles 
oraifons,  affin  qu'il  pleuft  à  h  magefté  divine 
luy  o^ftroyer  un  bon  &  heureubç  fuççèg ,  en  fa 
première  &  fi  fainéte  entreprinfe, 

CHAPITRE       VI  i; 

/>â  la  venue  du  prince  Lyderic  en  la  ville  de 
Soijfon^  6?  des  accufations  ^  qu'^à  la  charge  de 
Phinaert  prince  du  jSf4Cf  ^  il  propofa  devant 
Dagobert  roy  de  Ftance. 

Après  que  le  prince  Lyderic  fiit  adverty  que 
toutes  les  chofes  néceffaires.pour  foii  voyage 
§ftoyent  en  ordre ,  ayant  prins  le  fafcheux  congé 
de  la  belle  Grncienne ,  que  leur  mutuelle  &  ar-» 

^tf)  Jmai$. 


rORESTIBRS  DE   FLANDRE,    43 

àtatç  amour  povoit  permettre ,  il  fe  préfenu  <te^ 
vpnt  k  ray,  auq\)e|l  d'une  bien  bon^e  grâce  ^  & 
?c  genôuil  en  terre ^  ^Sire  (dift-il>  j'ay  reçeu 
^  duni;^^  mop  féjqur  en  voftre  <ourt^  tant  de 
„  fay^rs  &  gracieux  traiâenientz  <ie  voftrç  ma- 
^  ge&éj  qu*orej5  que  (<f)  pour  iceUe^  Kflufle  plus 
^  d'une  foi»  bazardé  m^  propre  Vie,  jçjflifrpenfc  ' 
^,  fproys  pourtant  avoir  {lolçunement  attainél  i 
^  la  moindre  partie  de  l'obligation  dçint  je  me 
„  fens  redebvable  ;  &  tûutesfois  voftre* humanité 
^  aflez  efprpuvécf,  me  faîû  certain  que  ^  pouç 
^  fatisfaftion  de  mon  debvoir  ^  non-  fi^ulement 
^  ferez  content  de  rece^voif  ^eftç  m|^e  volunté  » 
^  laquelle  paflfé  long  temps  a  confacré  le  peu  de 
„  poyqir  que  j'^uray  jamais,  à  yoftr^  fîprvice, 
p  mais  auflfy,  que  me  ferez   l'hoiiriçur  de  ne 
^  ro'efpargner  ny  les  miens,  en  toutes  voz  ocr 
„  currences.  Soubz  laquelle  efpérançe  ,  me  fui^ 
„  préfentement  adyancé  de  fuppliçr  ^u'il  plaifç 
„  à  voftre  magefté  ne  trouver  mauvais  mon  par- 
jy  tement^  duquel  (  pour  plufieurs  raifons ,  trop. 
jj  longues  à  réciter)  je  ne  puis  ores  (i)  bon^ 
^  neftement  m'excufer.  „  Le  roy ,  auquel  cefte 
ibttbdaine  délibération  du  prince  Lydçric  n'eftoit 
trop  agréable,  voyant  que  non  obftant  plufîeiirs 
offres  que  lots  U  luy  ffeit,  n'eftoit  en  fan  po^ 
voir  dç  plus  Jpng  temps  Tarrefteç  ,  l'affeura  ne 
luy  avoir  pncquçs  fajft  tant  de  çateffes  &  boa 
recueil,  qu'il  ne  s'esforchafl  d'en  fairerà  l'adve- 
uiridrez  davantaige,  s'il  fe  vouloit  réfpuldrç  d'en- 
çores  demeurer  en  fon  fervîce  ;  &  ^ue  ^néantr 
moings,  veu  que  fes  affaires  l'appeUcyent  aultre 
part ,  il  fe  cpntentoit  de  fon  partcment ,  mais  4 
condition  qu'il  luy  envoyai!:  fouvent  de  fcs  nou- 
velles ,  &  qu'à  la  première  opportunité  il  n'ou-? 


Hartogné 
du  prince 
Lydcric,  eQ 
prendanc    ' 
congé  àa 
roy  d*An- 
gletenç» 


W  Quoique,  Il  fignifie  pour  !*<»:-„ 
#aWp  à^4fcntt  mamunan{^ 


(Jf^  Maintcm^^ 


Panement 
du  prince 
Vy&Tic  du 
royaulme 
4*Anglctçr- 


rç. 


Venue  du 
prince  Ly- 
derici^Soif* 

fOQ. 


Harangue 
du  prince 
Lyderic  au 
Toy  Dago- 
bert,   con- 
tenant Tac- 
cufacion 
qu'a  pro- 
pofe  à  la 
charge  du 
tyran    Phi- 
naert. 


44    FORESTIERS   DE   FLANDRE. 

blîaft  à  le  venir  veoîr.  Le  prince  LydcricJ  aînfy 
expédié  du  roy  d'Angleterre ,  ^'embarqua  le  mef- 
me  jour  dans  la  nef  (a)  ,  que  moyennant  là  li- 
béralité de  la  belle  Grâcieftne  ^  il'  s*av6ît  faiû 
fréter  &  appareiller,  &  àufly  toft  feit  leVer  les 
ancres,  finglant  en  pleine  mer,  avec  fy  bon  vent 
qu'il  arfivà  au  bout  de  deux  jours  en   un  port 
guerres  loing  de  Bôloingne  ,   auquel  il- defc^n- 
deit  de  fon  navire ,  &  doniimxi  fon  chemîfi  pa» 
terre,  jufques  à  la  ville  dé  Soiflbn,  où  pour  lors 
eftolt  le  roy  Dagobert  de  France ,  accompagné 
de  plufieurâ  dUcqs ,  comtes  ,  barons  &  grands 
feigneurs  de  îbn  royaulme,  eri  préfence  defquelz, 
le  prince  Lyderic,  après  la  révérence  deûe  à  fy 
haulté  compaignie  ,  s'adreflTant  au  roy ,  parla  de 
telle  Ibrtei  ^Sire,  le  bruit  de  voftre  vertu  fin- 
„  gulière,  laquelle  vous  rend   aflez  plus  eflîmé 
„  que  voz  grandes  pôfleffions  &  richefles ,  m'a 
„  amené  en  voftre  court ,  Ibubz  e{\)oir  de  n'en 
„  retourner  moins  fatisfaift,  qiië  jufques  àpré- 
„  fent  ont  faift  ceubc ,  lefquelz  pour  demander 
^  juftice  &   réparation    des  tortz  fouffertz  ,  fc 
„  font  de  tout  temps  retirez  vers  voftre  majefté, 
„  de  laquelle  je  me^prometz  tout  confort ,  affi- 
„  ftence  &  aydè,  voires  d'aultant  plus  prompte, 
j,  comme  mcm  défaftre  eft  digne  de  grande  com- 
„  palfiDit;  &.la  requefte  que  ^maintenant  je  pré- 
„  tens  faire,  pleine  d'équité  &  raifon.    Et  affin 
„  de  ne  trop  détenir  voftre  majefté  en  fufpens  , 
r,  convient  fçavoîr^  qu'tl  y  a  vingt  ans  ou  envi* 
„  ron ,  que  par  le  faift  do  Salvaert  prince  de 
y,  Dijon  (qu'aulcuns  de  cefte  nbble  compaignie 
„  auront,  peult  eftre,  cognu)  la  princeffe  Emer- 
.„  gaert  dé  RoflîUon ,  m'engendra  dans  un  bois , 
„  qu'au  païs  de  Flandre ,  l'on  appelle  encores 
„  aujourdhuy,  ftns  merchy,  &  auquel  je  fus  par 


Çif)  Vaîjfcau ,  navis, 


FORESTIERS  DE  FLANDRE.    4^ 

I,  In  gi^c^  &  miférioorde  divine  ^  trcmyé  d*uil 
^  héretoîte  (  qu'avoit  fa  demeure  guerres  loing 
^..dmUék  lieu)  aultant  mîraculeufement  ^  ooomie 
^  j'ay  efté  depuis  eflxangemènt  nourry  Sceflevé.^ 
Lors  commencha  à  difcourîr  j  ce  qu'avez  cydef- 
fus  peu  entendre  9  de  fts  premières;a4vefitures  ^ 
non  fans  très-grande  admiration^  de  tous  Ips  affi- 
lons, &  puis  en  continuant  fon  propos,  dift:^ 
,,  Or  Sire,  eftant  parvenu  en  Taage  de  dix  ans, 
„  comme  ledit  héremite-  déUbéroit  me  mettre  en 
„  mains  de  quelque  aultre  gouverneur,  me  récita, 
„  avec  abundante  effu^onde  larmes,  oultre  le 
„  fait  de  ma  naiffapçe  ^  ce  que  desjà  je  vous  ay 
„  déclaré  :  mefmes  que  un  ou  deux  jours  avant 
„  ma  difte  naiflance,ïe  prince  Salvaert  mon  père, 
„  auroit  par  Phinaert  prince  du  Bucq  &  les  com- 
„  plices ,  efté  (  en  paflant  par  ledit  bois  ,  pour 
3,  aller  ^n  Angleterre)  fans  aulcune  occafion  a& 
„  failly,  faccagé  &  meurdry,  avec  toute  fa  com- 
„  paîgnie:  que  ledit  Phinaert,  de  ce  non  content, 
5,  scellant  appèrceu  que,  la  princefle  Ëmergaert 
„  ma  mère ,  duranp  les  CiiCdits  meurtr€5  &  lacca- 
^  gement2  ,  s*eftoît  faulvée  9  âuroît  de  tous  col^ 
^  tez  envoyé  force  gens  ,  pour  la  trouver  &  ap- 
„  préhender.  Laquelle  finablement  il  auroit  faift 
y,  emprifpnner  ,  la  détenant  encores  pour  le  jour-* 
„  d'huy  foubz  fa  tyrannie  &  povoir  ,  duquel  le 
„  bon  héreraite  me  requilî ,  &  adjura  que  je 
„  feiffe  tout  debvoir  de  la  délivrer ,  incontïnent 
yy  que  Taagè  &  mes  forces  me  le  pourroyent  per- 
^  mettre.  Suyvant  quoy,  eftant  parvenu  en  l*aage 
„  qu'on  voit  préfentement ,  &  après  avoir  efté 
„  adverty  que  ledit  Phinaert, eft  vaflal  de  vqflre 
5,  majefté,  me  fouveiîant  des  admonitions  du  bon 
„  héremite,  mon  père  nôuridîer,  &  aflez  davan- 
yf  tage  de  ce  qi^e  je  doîbz  à  la  piété  paternelle 
„  &  maternelle ,  m'a  femblé  qu'il  ne  m'euft  efté 
^  poJïible  ,  trouver  remède  plus  certain  contre 


^  rangolffô  quy  m'afflige  siultre  part ,  qu'en  U 
^  court  de  voftre  dit  majèfté ,  devant  laquelle 
.  ^  panant ,  &  en  préfence  de  ccfte  magnanhne 
f^  compagnie  9  avec  le  refpeâiScIiuniilittf  requifc, 
;,  je  maintiens  que  l^diA  Phinaert  a  i  comme 
^  traiftre ,  larron  &  meurdrier  «  mefcliamment 
j,  occis  âi  faccagé  le  prince  Salvacrt  mon  père^ 
^  cnfefiiblé  toutz  ici  fîenis^  &  que  coilime  tyran  » 
^  il  détient  aujourd^my  contre  toute  »  railbnf  la 
^  princeil^  Emergacrt  nia  mère:  fouftcnant  qu^au 
^  moyçn  de  ce  il  doibt  cftré  efcahelé  ,  ou  bien 
^  mis  à  tei  autre  demiei^  fuppliée  i  que  Ci  lafchettf 
^  ^  &  trahifon  méritent.   Mais  pour  aultant  que 

^  Taccoudunlé  de  Tes  fèmblables  ;  efl:  de  pallier  j 
4,  nier  ,  &  excufer  leurs  mesfaiélz»  ou  pai^  le  plat 
9,  de  la  langue ,  ou  pai'  leur  ptdfumée  force  ; 
^  affin  que  là  juf^e  Vengeance  ne  foit  pour  ce 
^  refpcft  différée,  Je  fuis  pfefl,  &  m'offre  véri- 
4,  fief  6ç  maintenir  ce  que  defluS  i  par  le  com^ 
j^  bat.de  ma  perfonne  à  la  Tienne ,  &  à  celle  dé 
^  tout  iultrc  qui  en  fort  tort  le  vouldra ,  deffen- 
,,  dré  Si  affiliera  Suppliant  au  teflé ,  que  voflrè 
yy  majefté,  comme  fouveraine  fur  ledift  Phinaert,' 
^  me  pourVoyd  de  jurtiee  &  remède,  en  tel  cas 
„  convenable.^  Le  toi  nlel'veillcufcmenÉ  eftonné 
de  la  grave  repi'éfentation ,  hiïmble  maintien ,  hé- 
toycque  affeurance,  &  perfuâfive  éloquefice  du 
prince  Lyderic,  mefmes  de  ce  qu^eri  aage  tant 
délicat,  il  s^expofoh  d'utie  telle  magnanhnité  à 
une  eiltreprinfe  ft  dangcreufe  ^  ife  fe  povoit  gar- 
der de  grandement,  en  fan  courage  ,  le  louer  $ 
Hêfbonfc  ^P^^^  ^  P^^'^  filende  ^  le  j'emerchia  ëh  pre- 
dtt  rd  Da^  «ïî^r  lieu  ^  de  Topînion  ^u*il  difoit  avoir  de  ft 
fobcrt  au  bonté  &  juftice ,  Taflcurant  quMl  ne  fe  trouve-^ 
Swl"  ''^'  ^^^^  ^"  ^^^  endroiél.  déceu ,  non  plus  qu'ert 
toutz  aultres,  àufquel2  bonnement  il  le  pouroît 
favorifer  &  afïïfter.  Après  Tadmonefta  ,  &  Juy 
confellla  de  différer  le  combat ,  qu'il  prétendoW 


FORESTIERS  DE  PLAINDRE.   4? 

contre  le  prince  Phkaert  :  non  pour  doubte  qu'il 
euft  de  fon  bon  drolA  ^  mais  à  Toccafion  que  le« 
diâ  Phinaett,  eftoit  eftimé  l'un  des  plus  adioiâz» 
&  rudes  chevaliers  de  fon  temps  ,  &  'que  Veue 
la  qualité  de  fon  aage,  il  pouroit  (par  trop  fe 
hafter)  faillir  (i?)  à  ce  que  fa  jultice  par  fuc- 
ceflion  de  temps  »  &  en  aage  plus  meur  ne  luy 
Içauroit  dénier.  Et  oultre  ce ,  pour  du  tout  di- 
vertir le  prince  Lyderic  de  fa  fufdiôe  délibéra* 
tion,  luy  remonftra,que  la  magnanimité  neconfifte 
en  l'entreprinfe  des  chofes  notoirement  impoffi*' 
blés, mais  en  celles,  Texécution  defquelles  fe  peult 
limiter  &  mefurer  par  la  qualité  de  noftre  force  & 
povoîr.  Aultrement  qu'au  lieu  de  magnanimes , 
l'on  fe  met  en  dangicr  d'eftre  eftimez  téméraires, 
&  pour  vertueulx,  ouître  cuidez  (*)  &  vitîeux. 
Finablement,  pour  luy  monftrcr  que  lesfufdiéte 
idvertiffementz  ne  tendoyent  qu'à  fcin  prouffit 
&  honneur ,  &  qu'il  n'avoit*  intention  de  recu- 
ler de  la  juftice  que  ledit  Lyderic  requéroit  luy 
eftre  faîâ:e,,îl  luy  laîfla  le  chois  de  ce  qu'il 
trouveroît  plus  ejcpédlent  pour  fon  affaire.  Le 
prince  Lyderic,  ayfe  au  polfible  de  veoir  que 
fon  entreprinfe  s'acheminoît  conformément  à  foi| 
fouhalt,  affin  de  rejefteT  de  foy  toute  ^inioft 
qu'on  pourroit  de  luy  avoir  conceûe  d'aucune 
témérité,  replîcqua:  que  l'équité  de  fa  querelle 
&  toutes  aultres  chofes  égailes^  il  ne  vouldroit 
tomber  en  réputacîon  d'homme  tant  préfutnp- 
tueux,  que  de  prétendre  paragonner  (c)  fes  inex- 
périmentées &  foîbles  forches,  à  la  manîfefte  & 


(<f)  Manquer  i  rie  pas  riulpr. 

{è)  Bréfomptutux^  audacieux. 
Outre  cuidcr,  s'en  faire  ac- 
croire ,  préfumer  trop  de 
foi.  Ce  mot  vient  J'oultre, 
tf  de  ridée  qu'on  y  atta- 


choit  anciet^nement  9  efi  *oe* 
nu  le  terme  grofier  do^t  o» 
fefert  encore^  quand  on  veut 
ififulur  quelqu^un,  Did.  cbi 
vieux  langage  par  Lacombc* 
(c)  Mefurer  i  comparer. 


DlfliUflM 
du  roy  DiK 
goben  um* 
chant  le 
combat^quf 
le  prince 
Lyderic 
vouloit  en* 
treprendret 


En'^oy 
confifte  U 
magn^ni'* 
mité. 


'RcpHqu€ 
du  prince 
Lyderic  fuc 
la  (Ufdiâift 
difluaûon. 


•otà  d'Un 
Qmme 
ruel  com- 
arée  à  cel- 
;  d'une 
eftebhlte. 


48    FORESTIERS  DE  FLANDRE^ 

thevalereufe  proueffe  du  prince  Phihaert.  Con* 
'  ^    tre  lequelinéantmoins,  il  efpéroit  une  glorîeufe 
viftoîr^^  a^  moyen  qu'il  avoit  tousjours  enten-* 
du,  que  là /force  de  ThoniHic  accompagnée  de 
cruaulté >  ne  fuift'  à  eftimer.  non  plus  que  celle 
d'une  befte  brute  ^  de  laquelle  Thomme  conduit 
par  ,raif<)n  devient  finablement  &  vaincqueur  & 
fupérieur^  oultre    ce   qu'il  fe  faifoit  fort  (veu 
le  bon  courage. que  Dieu  luy  infpiroit)  que  fon 
briis  guidé  par  la  bonté  divi|ie,,feroît  çxécuteur 
de  la  juftice^  que  les  inhumanitez  dudit  Pbinaert 
ne  povQyent  plus  long  temps  éviter.  Et  pour  ce 
requéroit  en  tout  inftance ,  que  le  bon  plaifirjde 
fa  Majefté  fût  pronoij cher ,  fans  ultérieur  délay, 
fur  fa  requefte,  Tarreft  que  félon  droift  &  rai- 
fon  elle  fijavoit  convenir^  Suyvant  quoy  le  roy, 
après  meure   délibération   de   confeil,   ordonna 
quQ  un  hérauld  fût  envoyé  vers  ledift  Phiilaert, 
affin  qu'après  avoir  entendu  ce  qu'il  propoferolt 
fur  les  accufations  du  prince  Lyderic,  l'on  peuft 
avec  meilleur  fondement  donner  fur  leur  débat, 
une  feure  fentence  &  diffinitive^ 


^       ^ 


CHAPITRE 


VIIÏ. 


Comment  le  roy  Dagohert  envoya  ^  vers  Pftinaert 
un  hérauld^  pour  Vadvertir  des  charges  que  k 
prince  Lyderk  luy  mettoit  fus  y  &  de  la  ref" 
pmfe  dudit  Phinaett. 

INcontînent  qu^àla  très-urgente  pouriuyte  du 
prince  Lyderic,  ledift  hérault  fut  diefpêché, 
il  fe  tranfporta  en  toute  diligence  au  chafteau  du 
Bucq,  où  il  trouva  le  prince  Phinaert:  auquel 
il  déclara  fuccînftement  la  caufe  de  fa  venue, 
mefmes  que  le  roy  Dagobert  fon  très-rcdoubté 
feigfteur,  luy  mândoit  qu'il  euff  à  refpondreaùx 
grcindes  &  excedïves  charges  que  le  prince  L^- 
deric  luy  lùettoit  fiis^  fut  par  fatisfaftion  ver- 
balle 


Forestiers  de  flandrïT.  49 

balle  ou*  réçfle,  &  ce  en  dedans  certain  jour  lors 
Jlffigné.  Quand  Phiifaert  euft.  entendu  le  fufdift 
çmbafladc ,  diffimulant  le  mieulx  qu'il  luy  fut  pof- 
fible,  &  la  dôukur  que  le  remors  de  fa  confcien- 
ce  luy  câufoît,  &  la  beftiale  fureur  quy  lors  le 
maiftrifait^  dift  audift  hérauld:„Mon  amy,  tu 
\y  retourneras  vers  le  roy  mon  feigneur,  &.Faf^ 
^  feureras  do  ma  part,  que  je  ne  commis  onc- 
yy  ques  ^ulcuflie  trahyfon,  ny  félonnie.  Et  que, 
i,  quant  à  la  mort  du  prince  Salvaert,  elle  fut 
„  en  bonne  guerre.,  &  pour  jufteoccafion  e^-» 
5,  cutée,  au.réfte,  que  fuis  délibérjé  de  différer 
^  le  chaftoy  de  ceftuy  quy  tant  injuftemcnt  m'at 
^  accufé,  jufque3  au  jour  du  combat  qu'il  m'a 
„  préfipnté,  que  lors  ,  aux  defpens  de  fe  tefte  , 
5,  ma  jiiftice  fera  cogneûe ,  &  fon  oultre^uidan- 
„  ce  W  defcouVertd'&  mJ«lifeffée.  Et  pour  aul- 
^  tant  que  dé  brave  mignon  faiét  fembknt  d'eftre 
5,  metveilletirément  curieux  de  hi  liberté  de  la* 
5,  princefle^  Emergaért ,  quMl  rnaîntient  eftre  fa 
),  mère  ,  fu'^e  feras  plaîfir  de  luy  dire  en  môri 
yy  nom,  que -fuis  content  que  norfre  difFéreilt  fe 
yy  defmelle  en  defîe  contré^,*  affin  qu'ayant  le  def- 
^  fus  dé  môy,  Viùe  fy  follement  il  fe  promet,  il 
„.n'ayt  la  i^èinp ,  pour  la  délivrance'  de  ladifte 
),  princefle  ,  ^e'  fe  trarlfportér  pàrdeçà,  Cepen- 
«  dant,  îl  fera  très^bîen  dé  n^ouWier  rien  de  Ci 
5,  proiiefle'(i&),  laquelle  redoùWéè  luy  vlcndroît 
5,  trop  làiettk  à  propos  ,  en  noftré  éonflit  [  dii 
j,  mollis  S^l  continue  en  volunté  &  hardieffe 
i,  de  s'atachér  (c)  à  moy  J  que  les  paroUes  efven-^ 
il  tées  (^).,  qu'à  mon  défavant âge ,  &  en  fy  hauK 
„  cômpaignîe,  il  s'a  laiffé  cfchnçper.  „  Ce  didi; 
Il  commarida  ^ùe  l'hérâuld  ftift  bien  trîtifté ,  &t 


Maintien  éi 
contenance 
de  Phinaerç 
entendant 
les  accufft^ 
tions  du 
prince  Ly* 
deric. 

Ilerponfe 
de  Phinaerç 
aux  fufdic» 
tes  accufar 
tions. 


W  Préfomptiom 
(*)  Bravoure, 


(O  S'* attaquer  à  moi  ^  fe  me^ 

furer  contre  mai. 
^d)  Indtfcrètes ,  imprudèntiu 


So  IfORÉSTlERS    fiË    Î^LANDRË. 

peu  après  fe  trouvant  feul  aVed  trois  ou  quatrt 
dé  fes  plus  privez^  il  s'enquift  s'aulcun  d'eux 
avoitjauiaîs  entendu  parler  de  ce  Lyderic,  quy 
le  difoit  filz  de  la  princeÔe  Emergaert,  &  duquel 
ndantmoins  jufques  alors  n'avoit  efté  aulcun  bruit 
pu  mention,  s'efmérveillant  au  furplus  comment 
eftant  filz  de  ladiéle  prîqceff^,  il  avoit  pou  efchap- 
per  de  fes  mains ,  lorsque  le  prî-nce  Salvaert 
fut  deffaia,  &  mefmes  que  des  getts  d'iceluy  Sal- 
vaert il  n'avoit  oncques  efté  adveity  que  ledit 
Salvaert  auroit  laîffé  quelque  enfant.  D'autofe 
part  en  conférant  l'efpace  qu'il  détenoit  ladite 
princeife ,  avec  l'aage  dudift  Lyderic  ,  il  trou- 
voit  impoffible,  qu'il  fut  audiél  temps  efté  fuffi- 
fant  pour  fe  faulver ,  fans  l'affiftance  de  quelque 
aultre  perfonne.  Comme  aufly  luyfembJôiteftran- 
ge  que  ladifte  princeffe ,  eftant  depuis  retrou- 
vée,  fut  apperceue  fans  enfant ,  &  qu'en  telle 
extrémité  ,  n'eftoit  vrayfemblabk  qu'elle  euft 
voulu  abandonner  fon  filz,  s'elle  en  euft  eu  aul- 
cun. Toutes  ces  chofts  bien  débatues ,.  &  avec 
les  fufdiélz  diligemment  examinées ,  ne  luy  eftoit 
poflîble  d'afleoir  jugement  certain  fur  chofe  quy 
fut,  &  partant  il  arrefta  qu'on  regarderoit  d'en 
içavoir  la  vérité  de  la  princeffe  ï^mergaert ,  fût 
par  menafes,  doulceur,  ou  aultrement.  Elle  fut 
doncques  appellée,  &  après  plufieurs  rufes,  dont 
(pour  luy  tirer  les  vers  du  né)  l'on  ufa ,  elle 
confeffa  qu'au  jour  mefme  qu'elle  fut  emprifon- 
îiée.  Dieu  par  fa  bqnté  l'avoit  faiél  mère  d'ung 
beau  filz,  que  craindaçt  la  fureur  de  ceulx  quy  la 
cherçoyent,  elle  laiffa  en  un  petit  foffé,  guerre 
loing  du  lieu  auquel  elle  fut  trouvée,  &  que  du  de- 
meurant, elle  n'en  povoit  fçavoir  plus  que  ceftuy 
iquy  oncques  n'en  euft  nouvelles  ;  fuppliantà 
chauldes  larmes  &  mains  joinftes  ,  que  s'il  ef- 
toit en  leur  povoir,  ilz  voulfiffent  avoir  pitié  de 
luy,  ou  bien  que  fa  mpyt  fut  accompagnée  par 


IfdRÈSTÎERS  DE  FLANDRE,    si 

Irdie  cle  fa  miférable  mère«  Phinaert  quy  par  ces 
Nouvelles  avoît  martel  en  telle,  &  penfoit  à  aut^ 
tre  chofe  qiie  aux  larmes  de  la  pouvre  princefle,  la 
fit  remener  en  fon  lieu,  &  ordonna  qu'on  feît 
tout  diligence  pour  s'informer  comment  &  par 
quy  lediéè  enfant  avoit  efté  eflevé^  Mais  voyant' 
que  noifobftant  tout  debvoif ,  n'eftoit  en  luy  d'en 
rien  entendre,  il  commença  doubter  de  fon  af- 
faire: &  d'aultant  plus,  qu'oultre  le  remors  de 
fa  confcience  (quy  trop  doulcement  ne  le  cha- 
ftouillôit)  là  nouvcllité  de  ceft  enfant  le  faîfoît 
traindre  que  Dieu,  eriuyé  de  fes  cruaultez,ric 
l'euft  réfervé  pour  en  faite  &  exécuter  la  ven- 
geànce.'^D'aultre  cofté,  fon  cœurendurcy  &ob- 
ftiné  àii  inal^  appuyé  fur  l'afleurancè-^u'il  avoit 
tn  fés  préfumés  forches-,  lu^  oftoit  toute  crainte 
du  darigier ,  lequel  peu  après  il  expérimenta  cer- 
tain ^  à  fâ  grande  confufion  ,  déshonneuf  &  per* 
te  dé  fa  vîe^  donnant  à  entendre  par  fan  exem- 
ple à  uii  ehafcuç-^"  de  quelle  mônnoye  lé  diable 
tnfin  paye  fes  âdhérentz ,  lefquelz  par  vaines  pro- 
méfies,  il  pourtrieine*^dîverfement,  &  jufques  à 
ce  qu'il  les  tient  esblpuîs  ,  de  forte  qu'avant 
S'en  apperchevoif,'  il  les  fiiîél  tréfcufcet  en  la 
foCTe  &  âuLx  lacqs  (a) ,  qu'il  leur  avoit  préparé* 
En  quoy  le  mefmé  diable,  encores  que  forchc 
iêrtde  minirtre,  ou  (pour  fnieuïx  dire)  d'inftru- 
îhent  à  4'exécutîon  de  la  Volonté  &  juftîce  du 
feigneur  Dieu  immortel.  Lequel  a  accouftumé  dé 
donner  profpérîtez,  &  laifler  longuement  fans* 
puniT  ceUbc  defquelz  il  veuft  prendre  Vengeance 
pour  leurs  péchez  :  alfin  que  par  la  mutation  des 
<:hofès,  ilz  fe  déuUent  (b)  plus  griefvementi  à 
de  la  chetitté  ioefperéé,  iïz  recffoîvent  incompara- 
bles tourmentz.   Comme  advint  audift  Phinaert, 


Remors  âé 
coafcieDCe; 


,  JLentègra- 
au  ad  vin- 
dîBam  fui 
divitià  pro- 
cedit  ira  t 
fed  tardi- 
tûtem  gra' 
vitaU  fup- 
plicii  corn- 
p^enfatXzi. 
1.1.  c.  r. 


(A)  FiUt$ ,  fi'figês. 


(^)  S'affligent  ^  fc  repentent^ 
du  latin  dolere ,  douloir.- 

G  a  ' 


\ 


52    FORESTIERS  DE  FLANDRE^ 

lequel  occupé ,  en  la  conn4ération  des  chofes  que 
defTus  9  donna  audiA  hérault  toutes  defpûchcs 
néceflaires,  avec  lefquclles  il  fe  mcit  aflez  toft 
en  chemin,  62"  parvint  en  peu  de  temps  en  la  vil- 
le de  Soillbn ,  où  il  trouva  encores  avec  le  roy 
Bagobcrt»  &  aultrcs  grands  feigncurs  le  gentil 
Lyderic,  en  bien  bonne  dévotion  de  s'atacher^ 
&  faire  recognoiftre  au  prince  Phinacrt  fa  lafchc* 
.té  &ç  grande  trahyfon«  ^t  comme  par  le  rapport 
djudift  hérauld ,  il  eud  entendu  le  peu  de  cas 
que  ledifl:  Phînaert  monftroit  faire  &  de  fcs  ac- 
^ufations&  du  combat  auquel' il  T^Voit  femons(^), 
mefmes  qu'il  luy  avoit  mandé  eftrc  content  que 
leur  conflift  Te  defmellaft  en  la  préfence  de  la 
princelpTe  Ëmergaert ,  plus  par  fourme  de  mefpris 
<iue  pour  aultre  occafion  j  il  print  en  Torgueil 
de  fon  adveriaire  matière  de  plus  grand  cou* 
xagc,  &  par  la  préfumée  .  afleurance  d'iceluy, 
.efpoir  de  bonne  yflue  &  certaine  viftoirc.  Les 
aififtantz  pareillement,  &  le  rpy  mefme,  ballan- 
chantz  la  magnanime  patience  du  pr^1ce  Lyde- 
rie ,  lequel  ne  s*eftoît  aulcunement  effroyé ,  ny  tant 
peu  foit  altéré  des  menaflcs  &  mefpris  de  fon 
ennemy,  avec  la  beftialle  oultrecuidance  dudift 
Phinaert,  lequel  dcî&ja  faifoit  eftat  de  fa  contre* 
partie,  comme  d'une  perfonne  réduifte  foubz  fon 
povoir  &  difcrétion ,  fe  promettoycnt  du  prince 
Lyderic  aflTez  plus,  qu'ilz  n'avoyent  faift  aupa- 
louanirede  ^^^^"^*  auquel  cndrolét  le  Icéteur  poura  defcou- 
limodeftic.  vrir  à  part  foy  le  fruifl:  qu'apporte  la  préfump- 
tion,  &  au  contraire  quelle  pcrfeélion  des  aul* 
très  vertus  eft  la  modeftie.  Nul  courage  bien 
ordonné,  &  nul  corps  bien  difpofé  peultdextrc- 
ment  mettre  en  exercice  les  biens  de  l'un  ne  de 
Taultre,  fy  la  tempérance,  &  modération  ne  les 
conduîft,  &  bienque  la  vaillance  &  hardicflc  foit 


,(^)  InvUé^  provoqué. 


FORESTIEkS   DE   FLANDRE, 


•55 


grand  don  de  Dîeu,  fy  fera  elle  pemîcîeufe  à  quy  Vitupé- 
Taura,  s'il  fe  laifle  tranfporter  par  paffion  ou  de  ff  W  4® 
gloire,  ou  d'ambition  ,  jufques  à  téménté  ou  or-  dancc, 
gueil.  L'éloquence  &  faculté  de  bien  dire  eft  un 
beau  &  riche  préfent  de  nature,  augmenté  & 
cultivé  par  long  ufage  &  eftude,  pour  donner 
lumière  &  ornement  aux  belles  conceptions  de 
refprit;  maïs  y  a-t-il  pefle  plus  liuyfante  à  une  ré- 
publicque,  que  un  bien-dirant  orateur,  quand  il 
veult  mal  ufer  de  fon  art  &  douceur  de  langage? 
N'en  a-t-on  pas  veu  perfuader  des  peuples  en- 
tiers ,  jufques  à  entreprendre  des  chofes  quy  leur 
ont  apporté  ruyne  &  fubverfion  ?  Je  laifle  la  con- 
fidence des  biens  &  l'opinion  de  fa  propre  beau- 
té, dont  l'une  a  elle  caufe  à  plufieurs  de  perdi- 
tion de  corps,  &  l'aultre  à  infinis  de  dcftruftion 
d'honneur,  &  d'ame.  Tant  eft  en  toutes  chofes 
dommageable  l'outrecuydée  ufurpation  de  trop, 
&  rîmmodérée  eftls^e  de  foy-mefme.  Je  ne  veulx; 
îcy  comparer  la  prudence  d'Ulyfl^es  à  l'arrogan- 
ce dufurieus  Ayax,  ne  la  violence  de  Turnus 
à  la  tempérance  d'^Eneas ,  ne  faire  aultres  remon- 
ftrances  par  le  fuccès  des  grandes  chofes  adve- 
nues aux  îlluftres  perfonnes  Grecques ,  Latines , 
&  aultres;  aîns  me  contenteray  de  mettre  pour 
exemple  le  feul  accident  de  l'indifcret  Phinaert, 
affin  que  toutz  lefteurs  quy  s'esbattront  à  lire 
cefte  hiftoire,  fe  propofent  à  détefter  &  fuyr 
le  vicieulx  Phinaen,  &  à  imiter  le  gentil  &  vcr- 
tueulx  Lyderic ,  lequel  fuyvant  l'offre  faifte  pour 
fon  ennemy,  requift  bien  humblement  au  roy, 
que  fon  plaîfir  fût  d'accorder  que  le  fufdidl  com- 
bat fe  fift  au  lieu,  &  félon  les  convenances  que 
le  prince  Phinaert  avoît  devifé.  A  quoy  le  roy 
Dagobert  non  feulement  s'accorda,   mais  aufTy 


(«)  Blifmc ,  fatyre ,  dn  latin  vituperium. 


54    FORESTIERS  ÛE  FLANDRE. 

pour  la  volunté  qu'il  avoît  de  vcoîr  ryfluë  de 
cefte  meflde,  promit  d!y  aller  en  perfonne,  avec 
bon  nombre  des  principaulx  feigneurs  de  f^ 
court.  Dont  le  prince  Lyderic  ayie  au  poflîblc 
je  rcmerchia  de  tout  Ton  cœur,  &  d'aultant  plu8| 
que  par  la  préfence  du  roi ,  il  s'afleuroît  contre 
la  trahyfon  du  cruel  Phînaert,  laquelle  jufques 
alors  il  avoît  trop  plu?  redoublée  que  fa  prouçfr 
fe,  chevalerie  &  grand  cœur. 


Propos  du 
roy  Dago- 
tcrt  k  Phi- 
tiacrt. 


Rcfponfc 
dudlA  Phl- 
cacrc  au  roi 


CHAPITRE 


IX, 


C^mtnent  le  prince  tyderic  valnquyt  ÇfoccU  en  camf 

de  bataille  le  tyran  Phinaert  ^  en  prifence  du 

foy  Dagobert  &  d* aultres princes  d0  Ftance. 

IEs  chofj^s  fufdiétes  dirpofôes,  félon  qu'avez 
^veu  par  le  chapttre   précédent,  &  s'appro^ 
chant  le  temps  auquel  le  combat, des  princes  Ly«r 
dcric    &  Phinaert    fe  debvoit  exécuter;  le  roy 
Dagobert,  avec  un  équipage  corrcfpondant -à  fa 
grandeur  &  puiflance,  fc  mit  en  chemin,  &  vint 
peu  après  au  chafteau  du  Bucq,  où  luy  fut  fait 
tout  rhonncur  &  bon  traitement,  dont  un  vafr 
fal,  pour  acquérir  la  grâce  de  fon  prince  &  fei*» 
gncur,  fc  porroit   advifer.     Nonobftant  quoy, 
le  roy  Dagobert  ayant  faîft  appeller  Iç  prince 
Phinaert,  après  luy  avoir  déclaré,  qu'il  ne  dcb* 
voit  ignorer  la  caufe  de  la  venue,  Iwy  ordonna 
qu'il  cuft  à  fe  tenir  prcft  le  lendemain  pour  ref- 
pondre  &  fatisfaire  au  combat  qu'cftoit  arrqflé  en* 
tre  luy  &  le  prince  Lyderic ,  promettant  &  ju« 
rant  fur  fa  couronne,  rie  faire  fans  aulcune  con* 
fidération,  ny  rcfpcft,  juftice  conformément  au 
droift  que  réyènemcnt  du   futur  combat   don^ 
noroît  à  chafcune  defdifts  parties.  Le  prince  Phît 
naert  après  avoir  rcfpondu  que  la  fin  du  combat 
loy  fcroic  plus  agréable  que  le  commencement, 
trop  esbahy  des  çarefles  que  le  roi  fiç  fou^e  i% 


FORESTIERS   DE  FLANDRE-    si 

fuyte  faifoyent  au,  gentil  Lyderic,  penfant  par 
le  plat  de  fa  langue  les  divertir  de  la  bonne  opi* 
nîon  qu'ilz  monftroyent  avoir  de  luy,  propofa 
plufieurs  cavilleufes  (a)  excufations  fur  les  char- 
ges à  luy  iujpoftes,  Lefquelles  néantmoins  il  pal- 
iioit  d'une  telle  inconfhmce  &  indifcrétîon ,  que 
par  fa  bouche  propre  Ton  euft  facilement  def- 
couvert  &  le  venin  &  la  trahyfon  de  fon  cœur. 
Et  ce  qui  rendoît  la  caufe  du  prince  Lyderic 
affez  meilleure ,  eftoit  un  chang^ent  de  couleur 
qu'on  voyoit  continuellement  au  vîfage  dudift 
Phinaert,  joinft  à  une  contenance  tant  farouche, 
qu'on  cognoifFoit  à  veûe  d'œil ,  qu'il  avoit  en  fes 
forces  trop  plus  de  confidence,  qu'en  aulcun 
droiél:  ou  juftice.  D'aultre  cofté  le  prince  Lyde- 
ric, d'une  bien  bonne  grâce,  &  en  peu  de  pro- 
pos, continuoit  en  fes  accufatîons,  &  remettoit 
la  juftification  d'icelles  au  jour  de  lendemain , 
lequel  venu,  &  toutes  chofes  pour  ce  requifes 
appareillées,  il  comparut,  avec  bon  nombre \de 
grandz  feigneurs  &  gentilz  hommes ,  au  tieu  pour 
le  fufdidl  combat  deftin^  (qu'eftoît  un  pont, 
qu'encores  aujourd'huy  l'on  voit  en  la  ville  de 
Lille,  appelle  le  pont  de  Fin)  où  paiteîUement 
&  quafi  auOy  toft  fe  trouva  le  prince  Pbinaert 
en  repréfentation  d'homme  adroiél,  puiflant,  & 
de  grand  cœur;  &  lequel  fe  tenoit  tant  bien  à 
cheval,  qu'il  fembloît  eftre  collé  en  la  felle  d'ice- 
luy.  Cependant  faifoit  beau  veoir  le  gentil  Lyde- 
ric pour  mener  fon  deftrier  (i)  au  p^tit  pas ,  & 
le  gouverner  d'une  dextérité  non  croyable,  le- 
quel par  fon  port  &  brave  maintien,  laiflbit  au 
cœur  de  toutz  les  regardantz  une  admiration  noi> 
vulgaire  de  foy,  pour  ce  que  chafcun  d'eux  jugeoît 
&  eftimoit  que  fy  l'intérieur  cqrrefpondoit  à  U, 


Contenan- 
ce de  Pbi- 
naert   en 
préfencc 
du  roy  Da» 
gobert  fit 
aulfres 
princes. 


Le  pont  de 
Fin  à  Lille. 


La  venue 
de  Lyderic 
&  Phinaert 
au  lieu  def- 
tiné  pour 
leur  cou* 
flict       , 


(tf)  ^rtificteufesyrufées  idula-  Çb^  Cbcval  de  hafaiUc^ 
tin  çavinoTui ,  trompeur* 


Le  cruel 
&  dange- 
reux com- 
bat de  Lv- 
dcric  &  de 
phinaert. 


Sf    FORESTIERS   DE   FLANDRE, 

ïnagnanimité  qu'extérieurement  fe  démonftroit, 
il  ne  pourroft  faillir  d'cftre  l'un  des  meilleurs  & 
plus  renommez  chevaliers  du  monde.  En  ces 
entrefaites  furvint  le  roy  Dagobert^  la  venue 
duquel  caufa  un  mervçilleiix  filence  à  toutz  les 
aflîftans,  &  un  efFroy  point  petit  à  ceulx  quy 
félon  leur  paflîon  portoyent  faveur,  ou  à  l'un  ou 
à  l'autre  defdiftz  champions,  Icfqud^  peu  après , 
avecdgale  diftribution  du  foleil,  furent  dans  le  camp 
conftituez  à  l'oppofite  l'un  de  l'autre ,  &  au  pre- 
mier fon  des  trompettes,  donantz  des  efperons 
à  leurs  chevaulx,  vîndrent  à  bride  abbatue  à 
fe  rencontrer  d'une  telle  impétuofitd,  que  les 
glaives  brifez  jufques  dans  les  poignées,  ils  fu- 
rent tous  deux  cônftrainftz  abandonner  leurs  mon? 
tures,  non  pas  le  combat,  lequel  à  grandz  coups 
d'efpées ,  Hz  pourfuy virent  d'une  vivacité  fy  ^^' 
trange,  qu'il  eftoit  impoffible  d'aflcoir  jugement 
certain  à  quy  l'honneur  pn  debvoit  demeurer. 
Dont  le  roy  &  toutz  les  aultres  furent  grande-? 
ment  eftonnez  ,  mefmes  de  l'agilité  moyennant 
laquelle  le  prince  Lyderic  évitoît  les  coups  lourds 
&  pefants  de  fon^  adverfaire,  enfcmble  de  la 
promptitude  dont  il  ufoit  à  luy  faire  refentir  les  • 
fiens;  ce  que  toutesfois  il  ne  povoit  faire  t^nt 
dextrement,  qu'il  n'cuft  bien  fouvent  bonne  parc 
au  gafteau.  Aufly  eftoit  le  prince  Phinaert  vail*. 
lant  &  rude  chevalier,  voîres  aultant  que  mai 
ayfémcnt  l'on  euft  «ultre  part  trouvé  fon  fembla- 
blc.  Quy  eftoit  la  caufc  que  bien  fouvent,  quand 
iiz  penflbyent  avoir  faiél,  ilz  fe  trouvoyent  à 
rccommencher  &  que  quand  on  les  eftimoit  hors 
d'haleine,  leur  meflée  fe  monftroit  plus  cruell« 
&  leur  conflift  plus  dangereux.  Mais  enfin  le  prin- 
ce Lydpric ,  devant  les  yeulx  duquel  fe  repréfen^ 
toit  la  piopt  du  prince  Salvaert  fon  père,  joinfte 
^  l'injufte  emprifonnement  de  fa  pouvre  mère, 
yovfint  la  longue  féfiftçncc  que  k  prince  Pl^Juaçrç 


FORESTIERS   DE   FLANDRE.     S7 

luy  faifolt ,  &  qu'au  moyen  de  ce  il  avoit  à  fon 
femblant,  pour  une  vîftoîre  tantdéfirée,  trop  long 
temps  combatu,  enflammé  de  defpît  entremeflé 
d'ire  (a)  &  defdain ,  defploya  toutes  fes  forces , 
&  comme  fy  tout  le  jour  il  n'euft  combatu ,  fe 
ma  d'une  telle  afpreté  fur  fon  ennemy,  qu'au 
jûefme  înftant  il  rçndçit  un  chafcun  affeuré  que 
la  chance  tourneroît  au  péril  du  malheureux  Phi- 
naert,  lequel  eftoit  desja  fyafFoibly,  tant  à  raifon 
dufang  qu'il  avoit  perdu,  que  poujrlç  long  temps 
que  ceftç  bataille  avoit  duré ,  qu'il  ne  faifoit  plus 
que  parer  auLx  coups  que  fur  luy  fulminoit  le 
vaillant  Lydçric;  quand  il  fefèntit  d'iceluy  char- 
gé d'une  eftocquade  tant  roide  &  bien  aflîzé, 
que  chancelant  deux  ou  trois  pas  en  arrière,  il  De  lamifij- 
ftit  iconftrainft  tomber  du  hault  de  foy ,  &  par  fa  rable  mort 
mort  ignominieufe  rendre  la  princeffe  Emergaert  phinaeru 
certaine  de  fa  liberté,  &  le  gentil  Lyderic  d'une 
viftoire  aultant  glorieufe,  qu'aultre  en  tel  aage 
eoft  jamais  conquis  &  obtenu,  non  fans  grand 
esbahiffement  d'un  chafcun ,  &  au  fingulîer  con- 
tentement de  touts  les  feigneurs  &  aultres  gens 
de  bien  illec  aflîftans,  mefmes  du  roy  Dagobert 
lequel  defcendit  incontinent  de  fon  efchafFault, 
pour  fçavoîr  comment  il  eftoit  de  la  difpofition 
du  prince  Lyderic,  enfemble  pour  luy  congra- 
tuler de  ce  que  deflus*  Et  comme  il  entendit  que 
de  toutes  les  playes,  qu'il  avoit  en  grand  nom- 
bre, ne  s'en  trouvoit  aulcune  mortelle,  efmer- 
veillé  &  fatisfaiél  plus  que  devant,  commanda 
qu'il  fut  bien  doulcement  mené  vers  le  chafteau 
de  Bucq,  auquel  il  difoit  le  vouloir  attendre, 
&  où  furent  depuis  traitées  les  chofes  que  co- 
gnoiftrés  préfentement. 


(^)  Colère  y  en  latin  ira. 


L*tn  64Ù, 


Les  viftol- 
res    vien» 
nent  de  la 
bonté    de 
Dieu. 


Le  prince 
Lyderic  dé- 
livre fa  mè- 
re des  pri- 
fons  de  Phi- 
naert. 


58    FORESTIERS   DE   FLANDRE. 
CHAPITRE       X. 

Comment  le  roy  Dagoben    tranfporta  U$  biens  d$ 

JPhinaert  au  prince  Lyderic ,  lequel  aujfi  il  créa 
y  premier  forefiier  de  Flandrcp 

LE  viftorîeux  Lyderic ,  après  l'yAue  du  com» 
bat,  tel  que  avez  peu  entendre  (&  lequel  fut 
exécuté,  fur  un  matin  environ  fix  heures,  le 
quinzième  de  Juing  en  Tan  fix  centz  quarante) 
fchafchant  que  les  vidloîres  ne  procédoyent  de 
la  vaillantife  des  hommes,  ains  de  la  providence 
&  omnipotente  Qt)  bonté  de  Dieu,  luy  rendeit 
de  la  fienne  telles  grâces,  que  fa  fanté  &  le 
lieu  auquel  il  eftoit  povV)yent  permettre,  Et  puis , 
fuyvant  le  commandement  du  roy,  il  fut  en  gran-e 
de  magnificence  6ç  triumphe  condnift  vers  le 
chafteau  de  Bucq,  auquelparvenu ,  il  ne  voulut 
oncques  foufFrir  aulcun  appareil  eftre  mis  à  fes 
playes ,  que  préallablement  il  n'euft  &  falué ,  ôç 
délivré  la  bonne  princefle  fa  mère,  vers  laquelle 
partant  il  fut  incontinent  mené.  Et  fe  trouvant 
près  elle ,  il  feroit  impoflible  de  particulièrement 
réciter  les  baifers,  carcfles  &  embraïTementz  ré- 
ciproques que  ilz  s'entre-donnerent;  trop  bien 
les  pouront  alftz  mieux  comprendre  ceulx,  qui 
après  une  longue  milère,  fe  font  retrouvez  au 
port  defiré  de  repos  &  contentement,  comme  eftoit 
la  noble  princefle ,  laquelle  ne  fe  povoit  faouler 
de  remercier  Dieu  de  la  bonne  fouvenance  que 
luy  avoit  pleut  avoir  de  fa  mifôrc,  laquelle  elle 
proteftoit  tenir  pour  très-bien  employée ,  confidé- 
rant  que  le  remède  d'icelle,  avoit  efté  moyenne 
par  la  main  de  la  perfonne ,  que  plus  elle  defiroit 
veoir ,  &  qu'elle  aymoit  le  mieulx  en  ce  monde,  ' 
D'aultrc  cofté,  le  prince  Lyderic,  lequel  (tranf- 


(a)  Toun-putjfantc. 


FORESTIERS   DE   FLANDRE.     S9 

porté  du  plaifir,  dont  il  s'avoit  fenty  fiufy  par 
b  préfaice  de  fa  mère)  n*avoit  quafi  encoires 
ouvert  fa  bouche,  jugeant  par  le  contrepoîs  de 
raUégrefle  préfente,  ce  que  fa  mère  en  fi  longue 
cfpace  povoît  avoir  fouffert  &  enduré  :  tant  pour 
la  confoler  de  la  mifère  palfée,  que  affin  de  luy 
manifefter  le  refentiment  qu'il  avoit  de  fa  joye 
récente,  luy  dift: ,,  Madame,  le  Dieu  fouverain, 
„  architeâe  de  ce  monde,  nous  y  faiâ  jouer  les 
a  tragédies  trilles    &   fafcheufes  ,    quand  il  luy 
„  plaift,  puis  les  comédies  &  farfes  joyeufes, 
„  quand  fou  divin   vouloir  le   porte,  A   quoy 
„  nous  fault  renger  nozvoluntez  fobjeâes,  fai^ 
„  (antz  de  néceflité  vertu,  fans  regimber  contre 
„  Tefperon,  en  fe  plaignant  de  fes  ordonnances 
„  divines  :  les  grandes  adverfitez  il  nous  envoyé 
„  pour  nous  faire  cognoîftre  fa  grandeur  &  no- 
^  flre  imbécillité  ,  &  après  la  pluye  leT)eau  temps 
,5  ai  tefmoîgnage  de  fa  bonté  ,  qui  ne  nous  veult 
^  ab^^mer  &  deftruire  félon  fa  puifl^ce  &  nojhre 
„  defmérite.     Ce   que  certainement   devroit  en 
y,  toutz  cerveaux  bien  difpofez  caufer  ime  crain- 
,)  te  des  jugementz  de  Dieu,  &  en  toutz  cœurs 
„  deûement  tempérez,   un  amour  inextinguible 
^  vers  la  doulceur  &  bonté  d'iceluy.    La  gen* 
tîBe  princelTe   voyant  au  maintien  de  fon  filz, 
qu'H  eftoit  pour  entrer  plus  avant  en  propos, 
s*elle  le  laiflbit  continuer,  Tadmonefta  de  diffé- 
rer toutes  ultérieures  collocutions-,  jufques  à  fa 
convalefcence  ou  bien,  qu'eftant  fes  playes  ap- 
pareillées ,  Ton  fût  affeuré  de  fa  fanté.  A  quoy 
k  gentil  Lyderic,  tant  à  raifon  de  la  néceflité 
qu'il  en  avoit,  que  pour  obtempérer  au  vouloir 
de  fa  mère,  condefcendeit  promptement  &  vo- 
lontiers. Et  fuyvant  ce,  fut  mis  en  un  bon  licl, 
&  incontinent  après,  \'ifité  par  aulcuns  experts 
■iédechis^&  chyrurgiens,  lefquelz  affeurerent  le- 
diâ  Lyderic  de  tout  dangier»  non  pas  de  guer« 


Propos  da 
prince  Ly- 
denct  ma» 
flka.eEmer- 
gaercûimè- 


Après 
la  pluye 
le  beau 
temps. 


6o    FORESTIERS   DE   FLANDRE. 


)Le  roy  Da.- 
gobert 
vient   vifi- 
ter  le  prin- 
ce Lyderic 
(en  l'on  lidt. 
Le  roy  Da- 
^bert  don- 
ne au  prin- 
ce Lyderic 
les  terres 
de  Phi- 
naert. 

Le  roy  Da- 

gobert  con- 
lUtueledid 
Lyderic 
premier  fo-^ 
xeftier  de 
îlandre. 


Retour  du 
roy  Dago- 
bert  vers 
France. 

Difcours  & 
admonition 
de  l'au- 
tiaeur  fur  la 
finmalheu- 
reule  du 
cruel  Phi- 
libert.' 


Tîfon  fi  fubîte  qu'il  euft  bfcn  defiré.  Cependant 
le  roy  Dagobert,  qui  ne  fçavoit  affez  parler  & 
louer  la  prudence,  magnanimité  ,prouefle  &  vertu 
du  gentil  Lyderic^  eftant  adverty^,  que  la  fanté 
d'iceluy  prendroit  plus  long  train  qu'il  n'avoit 
efpéré  ,  vint  le  lendemain  le  trouver  en  fon  lift, 
où  en  préfence ,  &  du  confenfement  des  princes, 
barrons  &  feigneurs  qui  l'accpmpagnoyent ,  luy 
tr:infporta ,  &  donna  toutes  les  terres  &  feigneu- 
ries  que lediftPhinaert folio it  polTéder^pourd'icel- 
les  5  par  ledîâ:  Lyderic  &  fes  fucceffeurs  éternelle- 
ment jouir  &pofféder,  félon  &  de  la  mefme  manière 
que  faifoit  lediél  Phînaert  &  fes  prédéceffeurs. 
Et  oultre  ce ,  pour  davantage  décorer  &  honno- 
rer  la  vertu  dudiél  Lyderic ,  &  inciter  touts  aul- 
tres  àTimitation  d'icelle,  le  fait  &  conftîtua  pre-i 
mîet  foreftîer  du  païs  &  contrée  de  Flandre  : 
moyennant  toutesfois  la  fouveraineté  ,  que  fur 
toutes  lefdiftes  terres  &  païs  ,  le  roy  Dagobert 
fe  réfervoît  ,-^&  à  la  couronne  de  France.  Ce  faîft, 
&  aprè$  avoir  receu  le  ferment  de  fidélité  &  hom- 
maige,  que  le  prince  Lyderic  luy  feit  en  pré- 
fence defdiftz  barons  &  feîgneur§  ,  ledift  Dago- 
bert  retourna  en  France,  laiflant  le^  vaillant  Ly- 
deric en  bonne  délibération  de  le  venir  retrouver 
&  fervîr ,  incontinent  que  fes  playes  feroyent 
confolîdées.  Et  voylà  quelle  fut  la  fin  des  ri- 
chelTés  &  de  la  vie  du  prince  Phînaert ,  fervant 
auJQurd'huy  d'exemple  pour  ceux  qui  font  conftu- 
mîers  d'ufurper  le  bien  d'aultruy ,  &  exercer 
toutes  efpèces  d'inhumanltez  ,  lefquelz  Dieu  pa- 
.  tient  &  miférîcordieux  permet  triumphcr  &  pros- 
pérer pour  quelque  temps  ;  mais  à  la  fin  ,  il 
defcoche  fa  fagette  (tf)  contre  eùlx,  qui  les  faîft 
tomber  &  entièrement  ruyner,  Pourt.ant  chafcun 


(<»)  Flécbt ,  traUs ,  du  latin  fagitta. 


FORESTIERS  DE  FLANDRE,    ^t 

doibt  avoir  devant  les  yeubc  que  nul  mal  dçpeur^ 
împuny,  &  ^^ue  à  la  fin  toute  chofe  termine  y 
fors  (^)  la  béatitude  des  âmes  céleftes ,  &  leç 
peines  des  damnez  mîférables.  Car  quant  au  pur^ 
^atoire  ,  il  n^eft  pardurable  ,  ains  prend  fembla- 
blement  fa  fin,  Aînfi  vous  voyez  ,  quel  prouffit 
rapporta  à  Pliinaerit  le  larrechin  &  homicide  qu'il 
commeît  en  la  perfonne  du  prince  Salvaert  ,  & 
des  liens.  Certes  nul  aultre  ,  finon  mort  &  fin 
miférable ,  que  (  comme  di<ft  eft  )  il  rcceut  par 
les  mains  du  prince  Lyderic.  Un  tel  fpeftacle 
doncques  eft  générallement  propofé  ,  devant  les 
yeulx  de  toutz  les  hommes  du  monde  ^  afiin  que 
toutz  depuis  le  plus  grand  jusques  au  plus  pe- 
tit, tremblent  &  foyent  pérfuadez  ,  qu'il  n'y  a^ 
chofe  li  ferme  &  fi  bien  eftablie  ici  bas  ,  que 
Dieu  ne  fçache  bien  renverfer;  qu'il  n'y  a  profpé- 
rite  fi  bien  fondée  qu'il  ne  convertifle  en  une 
face  trifte  &  hydeufe  ;  qu'il  n'y  a  couronne  fi. 
feureiuent  pofée,  qu'il  n'arraçe;  qu'il  n'y  a  ri- 
chefles  tant  grandes,  qu'il  ne  convertifle  bien  eil 
grande  pouvi'eté,  &n'y  a  liberté  qu'il  ce  change  en 
fervitude  fort  miférable  &angoifleufe,  quand  l'heu-^ 
re  de  l'exécution  de  fes  jugementz  eft  venue  (i). 

(a)  ExcipU. 


(i)  Tout  ^e  que  contiennent  les  chapitres  précédens  eft 
évidemment  marqué  au  coin  de  la  fable  &  dumerveineux.  ' 
n  eft  poffible  cependant  qu'au  feptième  fièclé ,  il  fe  folt 
trouvé  fur  les  bord*  de  la  DeiJle  &  dans  le  bois  fans  mer- 
cby  un  chef  de  brigands  fameux  par  fes  aflaflinats.  La  chro- 
nique de  St.  Bavon  parle  en  ces  termes  de  l'alTaffin  Phinart 
qu'elle  fait  foreftier  de  Flandre  :  Hic  homo  gigantea  forma 
rapinis  mercatorum  cœpit  ditari  ;  nec  aufus  fuît  aliquis  do*  Ad  an.  SS'^. 
minium  hujus  tyranni  ingredi  propter  favitiam  ejus ,  quia  fi 
iona  rapienda  fuinon  invenifent ,  aliquod  membrum  intrari' 
tlbus  auferchant.  Cette  chronique  place  ces  évèueraens  prè5 


rfi    FORESTIERS  DE  FLANORÉi 


d*un  fiècle  avant  le  tcms  où  les  place  Oudegherft  ;  fie  cette 
différence  d'un  ftécle  rend  la  chofe  fort  douteafe.  Outre 
cela ,  un  gremd  Ceigneur  qui  part  de  la  Bourgogne  i  emine- 
nant  avec  lui ,  dan«  un  voyage  au-delà  des  mers ,  fon  époufé 
près  de  devenir  mère ,  la  mort  qu'il  trouve  dans  un  coupe- 
gorge  en  arrivant  en  Flandre ,  fon  époufe  qui  fuit  dans  un 
bois  où  elle  met  au  monde  un  fils  qu'elle  abandonne  lâche- 
ment fur  la  foi  d'une  vifion ,  dés  qu'elle  croit  appercévoir 
les  meurtriers  de  fon  mari^  la  longue  captivité  de  cette  mère, 
la  biche  qui  allaite  ce  fils ,  comme  la  louve  des  bords  dà 
Tibre  allaita  les  fondateurs  de  Rome ,  l'hermite  qui  recueille 
cet  infortuné ,  qui  l'élève  &  qui  l'envoyé  achever  fon  édu- 
cation dans  l'Angleterre  qui,  à  «ette  éi^oque  ,  n'étoit  pas 
{>lu8  civilifée  que  la  Neudrie ,  les  diiHnâions  dont  j<fuit  ce 
jeune  avai^turier  k  la  cour  de  l'hcpwrque  Breton ,  fon  intri- 
gue  amoureufe  avec  h  belU  Gracienne^  dont  il  obtient  Icf 
faveurs  &  qu'il  délaifle ,  fon  retour  auprès  de  Dagobert , 
fon  combat  en  champ  clos  avec  Phinart ,  tout  cela  a  pu  four- 
nir k  M.  le  Comte  de  Treffan  le  fujet  d'un  rom*n  plein  de 
grâces  &  d'intérêt,  6c  k  quelques  bcàux^  efprits  flamands  le 
cadre  d'une  tragi-comédie;  mais  un  tilTu  pareil  d'avantures 
moitié  galantes ,  moitié  fanguinaires ,  n'auroit  i^as  dû  trou- 
ver place  dans  une  hifloire  férieufe  dont  la  vérité  doit  être 
l'ame.  ^ 

Ce  que  renferme  le  chapitre  fuivant,  porte  également  lé 
caradèrc  du  roman ,  &  c'eft  un  défaut  'dont  n'a  pu  fc  ga- 
rantir Oudegherft  au  commencement  de  fonhiftoire.  X)bfcr- 
Vons  encore  que  Dagobert  qui ,  félon  lui ,  fe  trouva  au  duel 
de  Lyderic  avec  Phinart  l'an  640,  étoit  mort  l'an  638,  laif- 
fant  l'Aùftrafte  k  Sigebert  IL  fon  fils  6c  le  rcde  de  la  Mo. 
narchie  k  Clovis  IL  Quelques  chroniques  anciennes  ^  mais 
.  peu  dignes  de  foi ,  félon  Meyerus ,  difent  que  ce  fut  Clotaire  II 
•  .";„  ^«V'  ^*  étifblit  Lyderidc  da  Bucq  premier  foreftier  de  Flandre] 
Au  milieu  de  tant  d'opinions  diverfes  6c  lorsqu'il  ne  refte 
aucuns  monumens  certains,  commenf  démêler  li  vérité? 
Comment  marcher  d'un  pas  afluré  dans  ce  labyrinthe  téaé' 
l)reux  où  l'on  ne  trouve  fouvcnt  aucun  fil,  où  l'on  ne  voit  bril- 
ler aucun  rayon  de  lumière  qui  puiffe  guider  la  marche  incer- 
taine de  l'écrivain  ?  *  Nous  laifferons  donc  k  l'auteur  les 
erreurs  dont  il  a  femé  les  premiers  chapitres  de  fea  annales» 
fans  prétendre  k  la  gloire  de  le  redfeiTer  ou  de  le  coofilier 
avec  las  autres  biftoriens ^  \ 


ad  an.  621* 


FORESTIERS  DE   FI4ANDRÊ/ ^ 

CHAPITRE         ici- 

Cotment  Lydcrtc  eftant  à  la  chaffe^  trouva  laprin^ 
cejfe  Rothilde  ^feur  du  ,roy  Dagùhert  ^  Çf  f«- 
vûya  vers  lediâ  Dagobert  pour  demander  en  ma^ 
riage  fadi&e  princefe  &  d'aultru  fingularitez. 

NOus  avons  cy  deffus  laîffé  le  prince  Lyde- 
ric,  entre  les  mains  d'aulcuns  médecins  & 
chyrurgiens  très-expertz ,  &  foubz  le  gouverne- 
ment de  la  princeffe  Emergaert  fa  mère  :  mainte- 
nant nous  convient  difcourir  de  ce,  qu'après 
avoir  efté  reftitué  en  fa  bonne  fanté ,  luy  advînt. 
Mais  avant  pafler  plus  oultre,  ne  me  femble  im- 
pertinent de  toucher,  comme  en  paflant,  ling  pe- 
tit mot  du  fufdîd:  nom  &  eftat  de  foreftier,  le- 
quel plufieurs  eftiment,  avoir  prins  fon  commen- 
cement de  ceftuy  qui  premier  Taurolt  porté, 
lequel  par  esbat  &  en  fe  mocquant  d'un  don  0 
petit,  conime  eftoit  lors  le  pais  de  Flandre,  s'en 
(croit  faîft  appdUer  foreftier,  A  quoy  néantmoins 
je  ne  puis  aulcunement  condefcendre,  entant  mef- 
mes  que  par  ce  qu'avons  au  commencement  de  , 
celle  hiftoîre  affez  amplement  déduift,  fe.def- 
couvre  que  long  temps  auparavant,  celle  contrée  - 
de  Flandre  eftoît  un  bon  &  opulent  pafe.  Et 
pourtant,  mon  o^nion  feroit,  que  ledjft  tiôm  de 
foreftier  auroit  prins  fa  ptfemière  fource  des 
foreftz  qu'il  y  avoit  (comme  eiicores  pour  le 
jourdhuy  a  )  audift  païs ,  en  nombre  compétent , 
ou  bien  que  ledift  nom  de  foreftier  n'auroît 
cftéufurpé  ny  par  Lyderic,  ny  par  aultre;aîns 
qu'il  anroit  ainfi  efté  appelle ,  à  raifon  de  fem- 
Wable  dignité ,  <în  laquelle  il  auroit  par  le  roy  , 
Pagobert  efté  conftitué ,  &  la  quelle  dignité  feroit 
en  effeft  efté  telle,  comme  eft  celle  de  cetjlx  que 
préfentement  nous  tijppellons  grandz-veneurs» 
Ce  que  -ce  foit,  Je  m^appaifefay  trop  mieux  dt 


Diveriité 
d*opiiiion» 
touchant  la 
d^dioD  di 
foreftier. 


Chtp.  L. 


Opinion  de 
Fauteur 
touchant  le 
nom  de  fo- 
reftier. 


f  64    FORESTIERS  DE   FLANDRE. 

toutes  aultres  opinions,  que  de  la  fufdîéle  pre- 
mière ,  &  toutesfois  je  laifferay  chafcuri    en  fa 
liberté    d'en   jugef  félon  fa  fantafîe,  &  difcré'^ 
tion  (i).  Or,  pour  reprendre  noftre  premier  thè- 
me ,  comme  le  prince  Ly  deric  fut  retourné  en  con- 
valefcence ,   fon  principal  foing  &  eftude  eftoît 
ta  àligen-    de  réduire  foubz  bonnes  loix   &  ordonnances  le 
ce4eLyde-    peuple  de  Flandre,  duquel  il  avoit  nouvellement 
duire  Flan-    emprins  le  gouvernement.  Lequel  peuple  en  chan- 
dreenbon-    gëànt  dief  prinCe,  fuft  aulfi  tcft  apperdeu  changer 
fte  poHce.      ^^  complexion  &  condition  réformant  fa  beftiale 
férocité,  en  une  doulce  civilité,  &  fes  brîgandef 
ries  accouftumées ,  en  une  traftable    humanité* 
A  quoy  luy  proufita  grandement,  la  diligence  & 

bonnes 


'  (O  Quant  au  tître  de  foreftief  donné  par  les  rois  Mère 

vingiens  &  les  premiers  Carlovingiens  aux  gouverneurs  de 
la  Flandre ,  il  eft  également  difficile  de  fixer  fur  ce  point 
ll'opinîon  publique.  Les  uns  le"  fcjetcnt  &  par  confëquent 
i^évoquent  en  doute  l'exiftence  de  Lydéricfc  &  de  fe§  fuc* 
cefleurs.  D'autres  au  contraire  admettent  ces  foreftiers  dans 
Tordre  où  les  place  Meycrus ,  l'un  de  ceux  qui  ont  le  plus 
judicicufement  écrit  fur  Thiftoire  de  Flandre.  Sams  Vouloir 
fronder  l'opinio»  des  premiers ,  nî  adopter  aveuglément  le 
fentiment  des  autres ,  nous  renwrquerons  que  la  dignité  de 
foreftief  n'étoit  pas  inconnue  fous  la  dynaftia  Cariovia- 
gienne.  Elle  embraflbit  à  la  fois  la  Surveillance  des  eaux  & 
ÛQS'  forêts.  Les  unes  &  les  autres  étoient  précieufes  aux 
rois  par  les  avantages  qu'ils  en  tiroiènt.  La  Flandre  cou. 
verte  encore  alors  d'un  grand  nombre  de  bois,  baignée  par 
l'océan ,  traverfée  par  plufieurs  rivières  navigables ,  avoit , 
comme  les  autres  provinces  de  l'empire  françois,  fes  gou. 
verneurs  particuliers.  Rien  n'empêche  donc  de  peilfer ,  avec 
Du  Tillet  auteur  de  recherches  très-favantcs  fur  les  digni- 
tés de  la  monarchie  françoife ,  que  les  gouverneurs  delaFlan- 
^  I  dre  fe  nommaient  foreftiers ,  non  que  leur  charge  fût  feule. 

•  ment  fur  la  terre  ^  eft  an  t  lors  pleine  de  la  foreft  charhonniirc; 

mais  la  garde  de  la  mer  leur  efloît  commife.  Je  ne  doute  pas 
cependant  que  la  dignité  de  gouverneur  ou  de  foreftier  de 
la  Flandre  n'ait  été  fubordonnée  à  celle  du  Duc  maritime 
de  la  France ,  dont  l'autorité  s'étendoit  le  long  des  côtes  , 
depuis  l'embouchure  de  la  Seine  jufqu^à  celle  de  TEicaiK^ 


FORESTIERS  DE  FLANDRE.    6$ 

tonnes  admonitions  de  monfieur  faind  Am^nd, 
que  le  prince  Lyderic  pour  fa  faînfte  converfa- 
tion  i  avôit  ert  finguli^ère  révérence ,  &  lequel  de- 
puis n'aguerres  avoit  converty  à  la  fainfte  Foy 
bonne  partie  dudift  peuple  de  Flandre.  Par  le 
conreil  de  ce  &înfl  perfonnaigé,  le  bon  Lyderic 
feit  édifier  foubz  fon  dotnmeine  plufieurs  églifes 
&  chappelles ,  &  entre  aiil^res  y  il  fonda  en  un 
hameau  nommé  Brugftoc ,  où  t)réfentement  eft  fi- 
tuée  la  gentille  &  très-renommée  cité  de  Bruges, 
tiiie  chappellé  en  Thonneur  noftre  Dame ,  au  lieu 
mefme  auquel  depuis  a  èfté  faifte  Téglîfe  de  ftinft 
ponas  CO-  Au  refte  je  trenvfc  par  anciens  cartu- 
îaires^^ue  ce  Lyderic  poftôlt  fes  armes  girôn- 
nées  d*or  &  d'azur,  à  un  efcuiïbn  de  gueule  par 
defus  (3),  &  dirent  aulcuns  qu'il  les  cïonquifl: 
fur  Phinaert.  Les  aultres  eftiment  qu*elles  luy 
vîndrent  djp  fes  prédécefleurs  :  tant  y  a  que  fes 
fuccefleurs  contes  de  Harlebecque  &  forelîiers 
de  Flandre  ,  &  aufi  depuis  les  contes  dudiét 
flandre  ont  toujours  porté  les  mefmes  armes, 
jufques  au  conte  Philippe,  premier  de  ce  nom  , 
lequel  les  abandonna,  pour  la  raifon  qu'en  pour- 
fuy vint  cefte  hiftoire.  pourez  entendre.  Je  treuve 
au(Iî,.que  le  fufdift  Lyderic,  entre  toutz  aultres 
pafletemps  ,  aymoit  extrêmement  le  déduift  Ça) 
de  la  chaffe,  comme  de  tout  temps  ont  faifl:  phi- 
--  ■*     ...>...     ■■<  ■  i  ■■    ,  ■  -     •  -         ■>    •■ 

(à)  La  clironiquc  ^e  St.  Éavbn  tranfporte  cette  fondatio» 
i  Tan  8oi  ,  &  conféquemment  fous  le  gouvernement  de 
Lyderic  d'Harlebecque  :  Eccîefta  Sti,  Donatiani  di&a ,  nunû 
fundatur  Brugx  ad  bonorcm  B,  Mariai  ' 

(3)  Il  y  a  apparence,  dit  fc P.  Hénauft  ,  que  Tufage  de^ 
armoiries  a  commencé  pendant  les^rolfades ,  pour  diftinguer 
les  perfonnes  qui  étant  toutes  couvertes  de  fer ,  n^étoiem 
guères  reconnoiflables ,  fans  une  marque  extérieure.  Avant 
ce  tenis-là ,  chaque  nation  &  chaque  famille  un  peu  diftin- 
guée  avoît  feulement  un  fymbole  qui  lui  fervoit  de  marque 
diftinétive.  H 


ScAmtflctî 


Lyderfc  .1 
la  requeHo 
de  faint 
Amand  « 
fonde  eâ 
Flandre 
plufieurs 
éfflifes  & 
chappelld. 
La  chap- 
pellé noftre 
Dame  ,'  o^ 
préfeme^ 
ment  eft 
St.  Donu 
à  Bruges. 

Les  armes 
de  Lyderic 
&  fucceffi- 
Vementdes 
contes  de 
Flandre* 


Abr.cbfon. 
del'hift.dc 
France , 


Lachafle 
dédiiiâ:  de 
princes. 

La  chafle  a 
fimilitûde 
des  armes. 


Louange  de 
la  chaue. 


64    FORESTIERS  DE   FLANDRE. 

fleurs  grandz  princes  &  feigneurs:  de  forte  que 
à  cette  occafion  on   a  toUsjours  eftimé   ladîéte 
.chafle  eftre  le  propre  exercice  defdiftz  princes, 
&  non  fans  caufe.  Car  elle  porte  une  femblance 
de  fortitude  ,  &  avec  elle,  tient  la  fimilitude  des 
,  armes.  Elle  eftablit  en  premier  lieu  fon  capitaine, 
au  commandement  duquel  toutz  veneurs  obéiflïnt,  , 
&  obtempèrent;  elle  provocque  fon  ennemy  par 
excurfions,  elle  meft  fes  efpies  aulx  efchauguet- 
tes  (a) ,  elle  cache  fes  rufes ,  elle  faift  femWant 
d'ouvertement  combatre,  elle  guette  &  prent  gar- 
de auÈc  lieux ,  où  fe  peult  divertir  &  retirer  la 
befte,  elle  faidl  marcher  fes  piétons  devant,  par 
les  champs  &  taillis  ,  elle  met  en  une  plaine  & 
&  lieu  patent  (1?)  fes  aefles ,  elle  fonne  avec  fes 
trompes ,  l'entrée  &  ryflue  de  fa  guerre ,  elle 
donne  les  fignes  de  vîftoire,  elle  lignifie  quand 
la  beftê  vient  ou  s'enfuyt,  elle  donne  à  cognoiftre 
quand  il  fault  drefler  le  camp  ailleurs  ;  bref,  il 
fault  conclure  que  la  chafle  &  la  guerre  font  fem- 
blables  Tun  à  l'aultre.  Les  veneurs  font  accou- 
ftumez  au  froid  &  au  chauld  :  ilz  endurent  faim 
pour  le  defir  de  la  proye;  ilz  font  faiéte  plus 
durs  &  rôbuflies  en  cevauchant,  eourrant,  fail- 
lant^    grimpant   contre  les   montaîgnes  &  plus 


Pline  fé- 
cond, ami 
delachalTe. 
La  chafle 
idoine  à  la 
contempla- 
tion des 
choies  pe* 
fantes. 


MtSR 
jtrdi 

^m  r 
}i&t 

'fren  / 

7a 

àl 

.  qu'i 

M  en 

'cbeut 

Gdef 

m  ti 

prend  fi 

*ant  d 

&dou 

.  qui  l'a, 

inhabité. 

fe  de  fe 


de 


Perfo, 


'oyùi 


gran 


fes  la 


prompts  &  courageus  en  faifant  la  guerre  aulx  £,|'oiftttr, 
belles  faulvages.  Oultre  ce,  nous  avons  pour 
tefmoing  Pline  fécond,  que  la  chafle  eft  idoi- 
ne (c)  à  la  contemplation  des  chofes  pefantesà 
difficiles  :  lequel  fe  glorifiant ,  refcrivoit  à  Cerne- 
Jius  Tactf us,  que  fouvent  il  hantoit  la  chafle; di- 
fànt  que  c'eftoit  merveille ,  que  l'efprit  par  le 
plaifir  de  la  chafle  s'efmeut  &  excite  à  contein- 
platioti ,  &  mouvement  de  corps.  A  la  mienne vo-  .^ 
luhté,  que  toutz  princes  &  feieneurs  de  «'fr' |?P'i)iiief.„      Il 


■2>qu'e 
rjvîe' 


Ca^  Ses  e/plons  en  fcntinelU.     (c)  Propre, 
C*)  Découvert. 


% 


Ptt 


PÔRËSTtËR^  DÉ  FLANDRE-     éf 

temps  9  y  vacquaflent  aultant,  qii*îlzf6rit  àpail<* 
lardîfes,  yvTongnerîes ,   jeuz  de  déz   &  aultres 
iemblables  beftialitez  indignes,  non  feulement  de 
leur  rang  5  maîa^  auflî  de  toute  condition  pour  baC- 
fe  &  fervile  qu'elle  foit*  Or  le  prince  Lydcric^ 
qui  (félon  que dîdlerf)  prendoit  un  fmgulier  plai- 
fir  en  la  chalîe,  fe  trouva  un  jour  entre  aultres 
dans  la  foreft  du  Bucq,  où  il  s'efthauffa  telle- 
ment à  la  pourfuyte  d'un  cerf  grand  à  merveil- 
les, qu'il  fe  nïeit  bien  avant  dans  ledift  bois^ 
auquel  en  un  lieu  umbrageulx  &  fort  retiré  il  ap- 
percheut   une    dame  belle  en  toute   perfèftîon, 
mais  fi  defconfortée,  qu'il  femWoit  de  fes  deux 
yeux  un  tuyau  ou  canal  par  lequel  la  fohtaîne  vi* 
tre  prend  fon  cours;  qui  fut  la  caufe^  que  s'ap- 
prêchant  d'elle ,  il  luy  demanda  en  toute  huma- 
nité &  doulceur  le  motif  de  fon  despfaîfîr,  mef- 
ties  qui  l'avoît  amenée  en  ce  Deu  tant  folîtaire 
&  inhabité,    A  quoy  la  pouvre  damoifelle  hon- 
teufe  de  fe  veoit  en  tel  eftat ,  &  en  la  préfence 
d'une  perfonnef ,    laquelle   à  fon    advi?  debvoît 
eftre  dé  grand  lieu,  refpondît,  qu'elle  cftoît  feut 
du  roy  Dagobert  de  France ,  appellée  Rothïlde  : 
aultres  là  norirmént  Ydone,  &  que  les  feîgneurs 
de    Poiélîer^    &   Pertenay   aultarit    traiftres    & 
inefchantz,  qu'elle  éfl:oitmaIheui*eufe&  infortunée, 
l'avoyent  ravie  du  lieu ,  auquel   ordinairement 
elle  fe  tenoit ,  &  illéc  amenée  contre  fon  gré  & 
volunté,  &  que  néantmoins  par  la  grâce,  bonté 
&  miférîcorde  divine" ,  îlz  ne  Iny  aVoyent  faift 
aultre  defplaîfir  :  fuppliànt  qu'il  pleuft  au  prince 
Lyderic  la  ifetîr^i*  de  cefte  foîitiïde*,  enfetoble  luy 
ftire  l'affifténce  que  fori  port  &  repréfentation 
luy  promettoyentrf  Lyderic  4  âyfe  au  poffible  dé 
i'occafion  qui  fe  préfentoit  pour  faire  cognoiftre 
îiu  roy  Dagobert  l'envie  qu:'il  avoit  de  luy  faire 
fervîce  ,  &  à   toutz  les  fiens  ,    après   d'eftre 
^•foeHdu;    de  fon    cheval    &    mettant  un   ge*. 


tydcric  ei^ 
tant    à    ii 
oonrfuyte 
d'un  cerf 
treuve  une 
beUe  dame 
grande- 
ment def- 
confonée. 


Propos  de 
ladite  da- 
me à  Lyde- 
ric &  qui 
elle  ei^oit. 


•  Les  fci- 
gneur^tlo 
Poiâters 
&  Pertenay 
ont  ravyli 
princefle 
Rothilde 
de  la  mai" 
fon  du  roy 
Dagobert 
fon  frôïc. 


Rcfponfe 
de  Lyderic 
^    ladiae 
^rincefle* 


Lyderic 
conduit    la 
princefle 
Rothilde 
vers     fon 
chafteau  de 
Jlirlebcc- 
^ue. 


y) 


^8     FORESTIERS  DE  ^LANUREi 

nouîl  en  terre:  „  Madame  (dîft-il)  entre  une 
^,  infinité  de  grâces  que  jnon  bon  Dieu,  defpuis 
^  ma  naîflance^im'a  faift,  je  réputeray.cefte  qui 
s'offre  préfentement,  au  Jieu  des  plus  prîntî- 
pales  &  excejilentes.,  taqt  à  raifon  que  au 
moyen  d^celle,  il  m'a  donné  matière  de  po- 
voir  effeéluellement  manifefter  la  fouvenance 
que  j'ay  des  grande  bénéfices  que  le  roy  Da- 
gobert  mon  fouyerain  feigneur  m'a  faift,  C^^e 
conftituant  chef  &  gouverneur  fur  toute  la 
contrée ,  en  laquelle  vous  elles  maintenant  ) 
que,  pour  aultant  que  par  celle  rencontre  j'au- 
ray  toute  faculté  &  povoir  de  fecourîr  une 
prînceffe,  laquelle  dorénavant  poura  faire  eftat 
&  de  moy ,  &  des  miens ,  comme  de  chofe 
fienne.  Et  en  figne  de  ce,  je  vous  fupplie  bien 
^,  .affeftueufement  vouloir  avec  moy  venir  vers 
„  mon  chafteaii  de  Harlebecque,  auquel  j'efpèrc 
^  vous  faire' tout  l'honneur,  &  bon  traitement 
,„  dont  je  me  pouray  advifer  „.  La  belle  prin- 
eeffe,  grandement  fatisfaifte  de  l'honneftetédu- 
dift  Lyderic,  après  l'avoir  remercié  de  fes  gra- 
cieufes  offres,  fe  meit  en  chemin  ^vec  luy,  &  ne 
chemina  guerres  qu'elle  rencontra  les  gens  du 
prince  Lyderic ,  qui  s'eftoyent  mis  en  quelle 
pour  trouver  leur  feigneur*  Lequel  d'aultre  collé 
aultant  joyeulx  de  laproye  qu'il  avoit  conquife, 
que  d'aultre  chofe  que  luy  euft  fceu  advenir^ 
leur  déclara  &  l'eftre  &  la  qualité  de  la  dame  qu'il 
xonduifoit,  ordonnant  au  reftey  que  luy  fuft  por- 
tée toute  i'obéîffance  &  refpeél  qu'il  leur  feroit 
poflîble.  Et  peu  après  vint  en  fon  chafteau  de 
Harlebecque ,  auquel  il  fe  jtenoit  trop  plus  volun- 
tiers,  qu'en  ceftuy  du  Bucq,  à'raifon  du  desplai- 
fir  que  la  princeffe  fa  mère  y  avoit  fouffert  &  en* 
duré.  Eftant  arrivé  audiél  chafleau,  &  après  avoir 
par  aulcuns  jours  goufté  la  converfatîon  de  la 
princeffe  Rothilde  (laquelle  eftoit  aultant  biea 


FORESTIERS  DE   FLANDRE-    ap- 
pariante, que  aultre  femme  du  monde,  &  avoit 
tant  bonne  grâce  accompagnée  d'une  beauté  fi 
excellente ,  que  difficilement  on  euft  trouvé  fa  pa- 
reille) il  fe  fenteit  tellement  efprins  de  fon  amour,' 
qu'il  en^perdeit   &  le  dormir  &  toute  contenan- 
ce; de  forte  que  pour  mettre  ordre  à  fon  tour- 
ment &  martyre,  il  fe  délibéra,  non  feulement 
de  luy  manifefter  fon  afTcftîon,  mais  aulTi  de  fon- 
der, s'ellc  vouldroit  entendre  à  leur  mutuel  ma- 
riage, &  de  faiét  la  trouvant  fur  un  certain  jour 
aflez  plus  gaye   &  délibérée,  que  à  Taccouflu- 
mé,  la, retirant  à  part,  luy  commença  dire:  „Ma- 
„  dame ,    puisque  Texcellence  de  voftre  beauté 
5,  (combien  que  defirée  de  toutz)  ne  doibt,  par 
„  raîfon,  faire  don  de  foy,  fors  que  à  un;  vous* 
^  avez  â  penfer  plus  toft  que  tard ,  (  tandis  que 
*  ^  cefte  tendre,  &  fouéfve  C^)  fleur  de  jeunefle 
y,  efl:  verte,  &  vive  en  vous)  à  qui,  entre  les 
„  mortelz ,  vous  devez  faire  ce  préfent  précîeulx 
„  &  irrévocable.  Ce  que  je  votis  fupplîe  n'eftî- 
,,  mer  avoir  de  mojr  efté  propofé ,  fans  bien  pre- 
„  gnante  Çf)  raifon ,  &  de  grande  conféqucnce. 
^Et  que  aînfi  foit,  je  vous  alTeure  (madame)' 
^  que  depuis  le  peu  de  temps  que  j'ay  eu  Theur 
I    -^  d'avoir  cognoiflance  de  voftre  beaulté  &  aul- 
!    „  très  pcrfeftions ,  je  me  fuis  trouvé  tant  hors 
5,  de  moy,  que  tout  mon  plaifir,   &  contente*- 
^  ment  ne  tend  que  au  lyen  îndrflbluble  du  mariage' 
^  d'entre  nous  deux ,  que  je  vous  prie  trouver 
„  b'on,  &  accorder,  moyennant  toutesfoisle  con* 
„  fentement  du  roy  Dagobert  mon  fcigneur,  fans 
„  lequel  je  fcay   que  ne  conçlurrcz  rien  en  ceflr 
},  affaire,  comme  auflî  de  mon  coftéje  commet- 
'«,  troys  trop   grande   félonie  Çv)  à  y  feulement 


Lydcricde» 
vient  amou- 
reux de  U 
beUe  Kg^ 
thUde, 


Harangue 
de  Lydcric 
àlaprinccf- 
fe  RothU- 
de,  la  de- 
mandant en 
mariage* 


(0  Suave ,  douce. 

(*)  Forte  ,  puijfante.  Mal 

pregnant ,  mal  violent. 
(0  Crime  gui  commet  le  vaf^ 


fal^  lorfqu^il  agit  contrt 
la  foi  Ç^  fidélité  qu'il  doit' 
à  [on  feigneur. 


Rcffonfe 
^e  la  prin- 
ceffe  Ro- 
thilde  fur 
1^  fufdiâe 
propofi- 
PQQ, 


yo    FORESTIERS  DE  FLANDRE, 

^  penfer;  n'eftant  délibéré  d'aultrement  vou$ 
^  fpécifier  &  ma  qualité  &  mes  riçhefles,  ^ttenr 
çj'du  que  de  l'un  vous  eftçs  aflez  advertie  ,  & 
^  que  quant  à  Taultre  ,  ne  devez  ignorer  que 
9,  préfçnt^ment  j'en  jouyç  par  la  feule  libéralité 
p  de  monfeigneur  voftre  frèrç  ,  Iç  bon  &  vçr-^ 
^  tueux  roy  Dagobert*  Mais,  le  poindt  fcul  quç 
5,  j'entepds  vous  ramentevoir  (a)  ^  &  lequel 
^  (compie  j'efpère)  vous  trouverez  digne  de  plus 
5,  grande  confidération ,  eft  que  je  vous  aym§ 
5,  plus  que  moy-mefme»  Et  que  pourtant  ayant 
yy  faift  lacrifiçe  dévot  de  mon  cçeur  à  voz  per-^ 
5,  fçftions,  je  pçnfe  mériter  pgr  pitié  la  récom» 
^  penfe  de  cç  que,  ^yec  voftre  honneur,  povez 
„  odroyer  en  vous,  Voylà  (Madame)  la  re^- 
^  quefte  ,  qpe  j'avoi?  envie  dç  vous  faire ,  la- 
3^  quelle  je  vous  fupplie  recevoir.  &  refpondre  de 
5,  telle  difçrétion  que  avez  accouftumé  d'ufer  en 
„  toutes  chofes.„  Ce  diiS,  la  princefle  Rothilde 
luy  feit  d'une  fort  lionne  grâce  telle  refponfe: 
^  Monfieur ,  les  grâces  &  vertus  que  avec  aflez 
5,  maigre  fondement  vous  attribuez  à  ma  per- 
fonne ,  vous  font  fi  propres  &  familières ,  que 
par  ce  qu'avez  déclaré  de  moy  ,  femble  que 
ayez  voulu  fpécifier  les  perfeftions  qui  fonç 
en  vous ,  &  lefquelles  je  mets  en  fi  hault  prix, 
qu'elles  ne  reçoivent  enchère,  jusques  ^vous 
dire  pour  réfolutive  refponfe  conforme  tant  à 
voz  mérites  qu'au  guerdon  (i)'  dç  l'afiTeaion 
fi  véhémente  que  diâes  me  porter,  que  fi  ja- 
mais la  volunté  du  roy  monfeigneur  &  frère 
defcend  à  me  moyenner  l'alliance  de  quelque 
homme  que  ce  foit ,  je  vous  tiens  en  réputa-f 
tiou  de  prince  aultgnt  vertueux  &  accomply 
que  la  terre  porte  ,  &  de  qui  je  fouhaiterois 
la  familiarité  plus  que  de  nul  aultre  qui  vive. 


O)  Rafpellcr  à  Vefj^rï^.  (Ji)  Pi4com^enfi^ 


FORESTIERS  DE   FLANDRE.    71 

n  Vous  pourez  doncques  envoyer,  quand  fl  vous 
„  plaira  vers  le  roy  monfeigneur ,  &  cependant 
„  vivre  en  toute  aOeurance,  que  ayant  la  fienne, 
„  ne  trouverez  ma  volunté  contraire  à  ce  que 
^  m'avez  préfentement  requis  &  demandé..^  Le 
prince Xyderic  battant  chaudement  le  fer  dont 
Il  vouloit  s*ayder ,  incontinent  après  celle  ref- 
ponte  ,  envoya  une  notable  &•  honnorable  ara- 
baflade  vers  le  roy  Dagobert.  Lequel  adverty 
par  ladiâe  ambaflade  du  fecours  qu'en  fi  urgente 
extrémité  k  gentil  Lyderic  avoif  donné  à  la 
princefle  Rothilde ,  enfemble  de  Thonneur  & 
grand  traiftement  qu'il  luy  avoît  faift  eti  fon  païs, 
mefmes  qu'en  telle  inftance  &  avec  tout  refpedï 
&  humilité ,  il  la  demandoit  en  mariage  ;  fe  per- 
fuadant  qu'il  feroit  impoflîble  trouver  party  plus 
convenable  à  la  grandeur  d'elle,  &  prince  qui 
mieux  la  méritaft,  après  avoir  le  tout  commu- 
Hicqué  aux  princes  &  feîgneurs  de  fa  court,  la 
luy  accorda-  (4) ,  mefmes  &  félon  qu'ay  trouvé 
en  plufieurs  anchiens  regiftres  &  viels  cartulai- 
res  ,  luy  donna  avec  elle  toute  la  terre  d'Artois, 
Vermandoîs,  Picardie,  Amiens,  Nelle,Péronne, 
Soiflbn  &  Noyon ,  réfervé  feulement  l'hommaîge 
&  ferment  de  fidélité  que  peu  après  par  kdift 
Lyderic  luy  en  fut  feifl:  :  ordonnant  ai^  furplus 
que  l'accomplifleraent  fit  feftes  dudid  mariage 
fe  feroyent  en  la  ville  de  Soiflbn ,  &  ce  endedans 
le  Noël  de  l'an  fix  centz  quarante  deux  lors  pro- 
chamement  venant  (5).  Les  ambafladeurs  ayantà 


AmbafTsde 
de  Lyderic 
vers  le  roy . 
Dagobert , 
pour  de- 
mander en 
mariage   U 
princeiTc 
Rothilde* 


Les  terres 
que  le  roy 
Dagobert 
donna  avec 
fa  feur  en 
mariage  ta 
prince  Ly- 
deric. 


L*an  642, 


(4)  S*il  étoit  vrai  que  Dagobert  eut  accordé  fa  fœor  I 
Lydcrick,  il  eût  dérogé  fbrmeUement  à  Tufage  des  rois  francs 
qui  ne  permettoient  pas  qu'aucune  de  leurs  filles  ou  fœurs 
égoofit  d*autre  perfonne  qu'un  prince  fouverain. 

(5)  Nous  avons  remarqué  plus  haut  que  c'étoit  Clovis  IL 
qui  regnoit  alors  dans  la  Neuftrie.  D'ailleurs  cette  donation 

,n'eft  appuiée  fur  aucune  preuve  authentique.  £Ue  edmcme 
démentie  par  l'hiKloire  des  re^es  fuivanj. 


>?opces  de 

iyderic   & 
c  la  prin- 
ce fle    1^0- 
^iJiUdç. 


Bonne  af- 
iieftion    de 
peuple  vers 
ton    fei- 
^neur. 


7a    FORESTIERS   DE   FLANDRE* 

tant  bien  exploîfté  ,  retournèrent  en  toute  dili- 
gence vers  le  prince  Lyderic  leur  feigneur ,  Ic-^ 
quel  fut  aultant  fatisfaifl:  de  ces  nouvelles  ,  que 
b  princeffe  fe  trouva  contente  &  joyeufe  pour 
refpérance  qu'elle  avoît  d'eftre  de  brîef  Ça)  fem- 
me d'un  prince  tant  vertueux  &  accomply.  Le- 
quel cependant  faifoit  fes  appareilz  pour  au  jouf 
aflîgné  comparoir/èn  la  ville  de  Soiflbn  avec  le 
plus  grand  triumphe  &  magnificence  que  faire 
fe  ^ouroit* 


CHAPITRE 


XI}. 


Comment  Lyderic  feit  trencher  la  tefte  à  fin  fih 
aifné  ^  ^  de  la  mort  dudiEt  Lyderic '^  de  Vhire-- 
mite  fon  père  nourijjîer  ;  de  madatnei  Rathllde 

.  fa  femme  9  Çf  d'aultres  fingufaritez. 

Approchant  ladîfte  fefte  de  Noël,  le  prince 
Lyderic  &  la  be;lle  Rothilde  fe  meîfrent  avec 
grand  train  &  équipage  en  chemin  ,&  peu  après 
arrivèrent  en  la  ville  de  Soiflbn ,  où  leur  fut 
faift  du  roy  Dagobert  &  des  aultres  princes 
&  fcigfteurs  un  tel  recueil  &  bon  vifage,  qu'il 
feroît  impoflible  le  repréfenter  pari^efcript  ,  & 
beaucoup  moins  les  feftîns  ,  tournois  &  pafle-» 
temps  que  journellement  &  durant  lesdiftes  nop- 
ces  fe  faifoyent.  Lefque!z  achevées  ;  Hz  retour^ 
nerent  au  païs  de  ï'iandre,  où  furent  faiélz  pour 
leur  venue  plufieur^"  fbuz  de  joye  &  aultres  fignes 
d'allégrefle,  que  un  peuple  bien  afFeftiônné  eft 
accouftumé  faire  à  la  joyeufe  entrée  de  fojt  prince 
ou  princefle  ;  monftrant^  ^flez  &.  toutz  en  géné- 
ral par  fignes  extérieurs  la  grande  &  non  fimu-t 
lée  affeftlon  qiî'ilz  portoyent  à  leur  bon  prince, 
auquel  ilz  fe  rendoyent  de  tant  plus  humbles  & 
obéiflantz,  que  la  fouvenance  du  rude  &  tîraiî* 


(^)  Biattét. 


FORESTIERS   DE   FLANDRE.     73* 

ïîicque  traiftement  du  prince  Phînacrt  leur  faifoît 
trouver  beaucoup  meilleure  la  modeftîe  ,  juftice 
&  bonnaîrp  inclination  du  gentil  Lyderît ,  lequel 
d'aultre  cofté  fe  povoît  vanter  de  pofTdder  tant 
les  cœurs  que  les  biens  ôcpolTelTions  de  fcsloyaubc 
vaflaulx.  Si  grande  eftoît  la  conformité  &  cor- 
refpondence  qu'il  y  avoit  entre  ce  prince  à  bien 
commander,  &  le  peuple  à  deûement  bbéyr  & 
obtempérer ,  qui  caufoît  un  bonheur  &  félicité 
réciproque  tant  à  T^n  comme  à  Taultre;  affez 
plus  grande  toutesfois  au  prince  Lydcrîc ,  comme 
pouront  juger  ceux  qui  fçavent,  que  comme  un 
tyran  faift  4  eftimer  lé  plus  malheureux  de  tous 
les  hommes,  ainfi  un  bon  prince  &  jufte  gou- 
verneur eft  diâ:  &  appelle  entre  les  vivantz  le , 
plus  heureux»  Car  ainfi  qu'à  un  tyran  tout  luy 
eft  dangereuse  &  fufpcél^  pareillement  à  un  prince 
clément  ôc  jufte ,  toutes  chofes  luy  font  certai- 
nes &  feures,  Voylà  pourquoy  '  Yfocrates  fou- 
loit ,  avec  bonne  raifon  ,  dire  que  la  très-feure 
garde  des  roys  &  princes  ne  confifte  en  tours, 
forterefles,  murailles  ,  fatellîtcs  ,  ny  en  armes  , 
înais  au  fecours  de  leur  bonne  confcience ,  au 
renfort  de  leurB  amis ,  en  la  bienveuillance  de 
leur  peuifle  &  en  leur  propre  vertu.  Rien  n'eft 
^ui  rende  plus  les  princes  odieulx  &  fufpeftz  à 
leurs  fubjeftZ;,  que  le  maltraidement  ,  &  quaild 
ilz  dominent  par  force  &  înjuftice.  Oultre  ce  , 
que  un  bon  prince  ou  feîgneur  ne  doibt  ignorer 
que  fon  affeétion  &  bénévolence  à  Tcndroiél  de 
fes  vaflaulx  &  fuppoftz  doibt  eftre  telle ,  que  celle 
d'un  père  de  famille  vers  fes  enfans ,  ferviteurs 
&  domefticques.  Audi  qu'eft<e  que  un  royaulmë, 
fmon  une  grande  famille  ?  Que  eft-ce  que.  un  roy, 
fmon  un  père  de  plufieurs?  Il  eft  vrai  qu'il  eft 
plus  grand  &  plus  digne,  mais  il  eft  de  mefme 
eftolFe  que  les  aultres  fes  fubjeftz:  c'eft  un  hom- 
ne  qui  domine  fur  les  liQmmcs ,  un  perfoima^e 


Bienheu* 
reux  le 
prince  , 
qu'cflsiytDé 
de  fes  va£^ 
faulx. 

Tout  tyran 
inalheu-  ' 
reux. 

Yfocrates. 

confifte  la 
feure  garde 
des  princes. 


Un  bon 
prince  doit 
vers  fes 
vaflaulx  «f-* 
tretel,que 
un  père  de 
famille  vers 
fes  cnfons 
Ôc  donief* 
ticques. 


Ariftotèle5. 


Lyderic 
éaande  vers 
foy  &  veult 
jécompen- 
fer  ks  bé- 
néfices re- 
ceusderhé- 
Tcmite  fon 
père  nour- 
riffier. 

Trefpas  du- 
diâ  hère- 
mite. 


Epitaphe 
de  Vhéve- 
mite  Lyde- 


74   FORESTIERS   DE   FLANDRE. 

francq,  qui  a  gouvernement  des  créatures  de 
franche  condition,  &  non  des  ieftes,  félon  que 
non  moins  prudemment  que  véritablement  fou* 
loît  publier  le  prince  des  philofophes ,  Ariftotèles. 
Retournantz  donc  à  noftre  propos,  tel  eftoit  le 
prince  Lyderic  vers  fon  peuple^  lequel  pour  celle 
occafîon  Dieu  n'oublia  ;  ains  eu  toutes  fes  pré- 
tenfion^  &  opérations  le  faifoit  profpérer ,  fufci*" 
tant  à  ceft  efFeét  le  roy  Dagobert ,  par  le  moyen 
duquel  lediél  Lyderic,  de  pouvre  &  petit  com- 
pagnon (encores  que  yflu  de  maifon  Royale) 
parvint  à  la  grandeur  &  authorité  que  avez  veu 
cy  delTus.  Et  en  laquelle  fe  fouvenant  de  la  nour- 
riture &  bénéfices  receus  de  Théremite  Lyderic 
fon  père  nourriffier  (duquel  nous  avons  parlé  aulx 
chapiftres  précédentz)  luy  feit  plufieurs  belles  & 
grandes  offres ,  &  à  Toccafion  qu'il  ne  voulut 
laifler  fon  héremitage,  il  récompenfa  lefdiftzbien- 
faiftz  à  Tendroiâ:  des  parentz  d'iceluy,  de  forte 
que  chafcun  fe  tint  pour  fatisfaiél  &  bien  con- 
tent. Peu  après,  luy yindrent nouvelles  du  très- 
pas  dudift  héremite,  dont  il  mena  un  dueilmer^ 
veilleux ,  ordonnant  que  le  mefme  fut  faift  par  toutz 
ceulx  de  fa  maifon.  Et  au  furplus  il  aflîfta  en  per^ 
fonne  à  l'enterrement  du  fufdiél  héremite ,  lequel 
avant  mourir  avoit  efleu  fa  fépulture  lez  (^)  fon 
héremitage,  où  pourtant  il  fut  enterré,  &  en 
l'honneur  de  luy  fut  faift  &  laîffé  fur  fadiéle  fé-* 
pulture ,  Tépîtaphe  qui  s'enfuyt. 

Décrépi  fis  baculus ,  cacis  oculus ,  via  claudis  , 

Hic  Lyderîcus  erat ,  DeUî  illi  pramia  reddat. 
Lequel  fe  peult  rendre  en  françois,  de  celle  forte, 

La  guyde  des  hop  eus ,  des  anchiens  le  hafion ,  £? 
des  aveugles  t*(Bil^ 

Icy  gifi  Lyderic^  auquel  Dieu  fait  propice. 
Les  yeulx  n'eftpyent  quafi  feichez    au   bon  flç 


iO  Pris  d§. 


FORESTIERS.de  FLANDRE-    ri 

vertueux  Lyderic  ,  4u  defplaiCr  donc  il  avoit 
eflé  fayfy,  au  moyeu  du  décès  du  fufdiél  hére- 
mite,  quand  Dieu  luy  apprefta  matière  d^afles 
plus  grande  triftefle ,  par  la  mort  de  la  princeffe 
Emergaert  fa  mère»  qui  fuyyit  de  bien  près  celle 
dudiâ  béremite ,  &  laquelle  ,  con&rmément  au 
commandement  laiiTé  par  fa  dernière  volunté ,  fut 
enterrée  guerres  loing  dudîâ  béremite  foubz  une 
petite  lame,  fur  laqudle  fut  efcript  ceft  épitaphe. 
BmergarJip  eram ,  qus  vhens  undiquè  pafa 

Mundana  finis  exui  vilejugum: 
Nuncferarad  Super  os ,  nam  me  Deus  eyecat;  ergê 

Orbatus  génitrke  fua  valeat  Ljdericus. 
Lequel  en  françois  fignifie  : 
Emergaert  faj  efii  j  qui  vivant  en  ce  monde 
Ay  fiuffert  des  grands  mauxj  dont  maintenant 

n*ay  cure: 
Ores  m^en  vais  aulx  cieulx^  car  Dieu  ainfiP ordonne; 
Sans  mère  Lyderic  fiit  heureux  ju/çu" il  meure. 
Plulieurs  effiment  que  lediâ  Lyderic  ne  fiift 
pas  filz  de  celle  Emergaert,  mais  d*unc  dame 
nommée  Yolente,  filie  du  prince  des  Ruthènes(i), 
que  nous  difons  au jourd'huy  Auvergne,  Kevers, 
&  tout  le  quartier  cirçonvoifin:  &  que  Emer- 
gaert fut  femme  du  fécond  Lyderic,  Il  pourroit 
eftre  que  Lyderic  le  fécond  auroit  eu  une  fem- 
me de  mefme  nom  :  mais  le  contenu  en  Tépita. 
phe  que  defus  joinft  à  plufieurs  raîfons  qucchaf- 
cun  poura  tirer  des  aventures  advenues  à  Lyde*- 
rie  k  premier,  defcouvrent  affez  avec  la  vérité 
denoftre  précédent  difcours,  que  ladîfte  Emer- 
gaert &  nulle  aultre,  fuft  mère  du  Lyderic  ,  dont 
à  préfent  eft  queftion  :  lequel  par  fucceflîon  de 


DivcHité 
d'opi  irons 
touchant  U 
mère  dudiâ 
Lyderic. 


(i)  Les  Riidièiies  étoieet  de$  peuples  du  diocèfe  deRbo> 
dés  &  de  Vabies  en  Rouergne ,  dans  la  Gaule  aquitanique. 
On  trouve  auffi  des  Ruthènes  au  nord,  de  la  Folognç ,  d^Aft 
la  dand^T^r^tagiiç  ^  àfm  la  fielgi^ue* 


kifiK^. 


75    FORESTIERS   DE   FLANDRE. 

temps  euft  de  la,  princefle  Rothîldc  fa  femme 
quinze  enfans  maflcs  dont  le  premier  nommé  Jo- 
foran,  cuft  par  l'ordonnance  du  prince  Lyderic 
ftîft'^^rcn^  fonpère  la  telle  trenchée,  pour  autant  qu'en  la 
cher  la  telle  ville  de  Tournay,  il  avoît  ofté  par  force  à  une 
fc^Jon  fiu  pouvre  femme,  une  mandelette  (a)  de  pommes 
fans  la  payer.  Et  combien  que  de  prime  faco 
celle  exécution  femble  avoir  excédé  les  tôrmea 
de  raifon,  &  elle  trop  plus  rigoreufe,  que  lemé* 
fus  (i)  [en  foy  petit]  ne  requéroit;  fi  cft  ce, 
que  prendant  pied  (c)  à  la  qualité  du  temps 
d'alors,  &  aux  févères  inftitutions  &  loiz  que 
le  prince  Lyderic  avoit  eftablyes,  pour  extirper 
dudift  païs  &  anéantir  les  félonnies,  larcins  & 
violences  que  le  prince  Phinaerty  avoit  femées, 
eftoit  expédient,  voîres  néceflaire ,  que  l'obfer* 
vance  dcfdiftz  (latutz  demouraft  ftable  &  invio- 
lable, mefmes  îiux  defpens  delà  telle  du  propre 
filz  de  celluy  qui  avoit  elle  le  légiflatcur  afBn 
que  le  peuple  confidérant  l'équité,  &  inflexible 
juftîce  de  leur  prince,  nefepromift  aulcune  con- 
nivence ou  <Ufïïmulation  en  leurs  mesfaiftz,  & 
beaucoup  moins  de  celluy,  lequel  en  faveur  de 
fon  filz  aifné,  &  futur  héritier,  o'avoît  voulu' 
tant  foit  peu  violer  fcfdiéles  ordonnances.  Il 
fcit  doncqucs  très-bien,  falnélement  &  jutlc' 
ment,  &  mérite  pour  ce  feul  rcfpeél',  qu'on  l'ayt 
*  a  tousjours  en  réputation  de  prince  vertueux  ^ 
fage  &  prudent  (2).  En  quoy  aufli  touts  roys  & 


(a')  Panier*  (c)  jlyant  égard, 

l^b^  La  faute. 

(a)  La  Juflice  cxîgeoit  fan«  doute  que  le  Jeune  Jofarafi 
réparât  le  tort  qu*il  avoit  fait  ;  roaU  fa  faute  cxigcoit-cllo 
qu'il  perdît  la  tête  par  les  ordre»  mdmc  de  fonpère?  ^rutu» 
nous  xiwoXiQ ,  lorfqu'on  le  voit  facrlfier  fon  propre  fils  à  la 
liberté  de  fon  paV*»  H  "c  s'agit  ici  que  d*unc  étourdcrie 
que  TAge  rendoit  excufable.  La  Judice  pouffée  à  Tcxcès  dans 
nn  cas  pareil,  dégénère  en  une  t>ftrbarlç  auroce. 


FORESTIERS  DE  FLANDRE.    7^ 

gouverneurs  le  deyroyent  enfuyvir;  non  pas 
permettre  ;>  leurs  enfans  (comme  Ton  voit  au- 
jourd'huy)  une  Ucence  tant  avantageufe  &  au- 
dace fi  ouUrecuydée ,  qu'il  fembl«  en  plufieurs 
lieux,  que  la  principaulté  &  gouvernement  fer- 
vent de  couverture  aux  homicides,  extorfions, 
violences,  adultères,  raptz  de  filles  &  aultres 
ijsmblables  desbordementz ,  que  leurs  enfans  & 
domefliques,  fans  aulcune  crainte  ny  vergoîit. 
gne  (lï),  commettent  à  tous  propos,  &  quand 
leur  en  vient  volunté.  Au  refte,  le  fufdift  Lyde- 
rie,  gouverna  de  la  forte  que  avons  ja  déduift, 
le  pais  &  contrée  de  Flandre,  Tefpace  de  dnc- 
quante  deux  ans ,  &  morufl:  plein  d'aage  environ 
-  l'anfix  çcntz  quatre  vingtz  douze,  laiflant  à  touts 
fes  fucefleurs  &  aultres  princes  qui  vîendroyent 
après  luy  un  vertueulx  exemple  pour  eqfuyvir, 
&  à  fes  fubjeétz  un  perpétuel  regret  xJe  fon  dé- 
cès &  trépas.  Il  fuft  enterré  en  grande  magnifi- 
cence en  la  ville  d'Ayre,  Quant  i  madame  Ro- 
thilde  fa  femme,  il  .n'efl:  mémoire  du  temps  de 
fon  trefpas,  &  beaucoup  moins  du  lieu  de  fa  fé- 
pultiirc.  ; 


Difconn  iê, 
Tautheur 
fur  Texécu* 
tion  de  |uf^ 
tice  faiâe 
en  la  pct- 
fonne  du 
filzaifnéd» 
Lyderic. 


Trefpas  d^ 
Lyderic 
premier  de 
ce  nom. 


D*aii  6^2. 


Sépulture' 
de  Lyderic 
en  la  viUo 
d'Ayre. 


CHAPITRE 


X  I  IL 


Comptent  les  Goths^  Wandales  ^  mitres  defcen- 
dirent  fif  gafierent  le  fais  de  Flandre.  Des  fuç^ 
cejfeurs  de  Lyderic  premier  de  ce  nom ,  enfemhh 
delà  diverfité  d^ opinion f^^  touchant  le  premier  fo^ 
refiler  dudï6t  Flandre. 

A  Près  la  mort  dudîâ:  iTyderîc  ,  Antoine  fon 
fécond  filz  hx^  fuccéda  ;  la  connivence  & 
lafche  gouvernement  duquel  ftift  caufe  de  plu- 
fieurs  maulx,  vices  &  grandz  méfus  en  Flandre, 
en  laquelle  rinîquïté  y  devînt  floriflante  ,  la  juf- 


Déprava* 
tion     de 
mœurs  ea 
Flandre. 


W  Hontif. 


'  DefccTîte 
des  Goths 
&  aiiltres 
nations  en 
Flandre. 


D<fgaft8  au 
l>at«  de  ^ 
Flandre. 


Le  foreftier 
Antoine  fe 
retire  vers 
France  & 
abandonne 
fon  païs  de 
Filandre, 


f»    FORESTIERS  DE  FLANDRE.' 

lice  opprimée  ^  Tarabition  en  vogue  ^  l'avarice 
dominante  , .  Thypocrifie  hault  eflevée  :  bref  il 
n'y  nvoit  efpèce  de  malice  qui  n'y  euft  fon  lieu 
&  domination.  Au  moyen  de  quoy  ilz  expéri- 
mentèrent affez  tort  l'ire  &  indignation  du  Dieu 
tout-puiflant  ^  par  la  volunté  &  jufte  jugement 
duquel  les  Goths,  Wandalois,  Hunes  &  aaltres 
notions  eftranges  deCcendirent  en  merveiUwfe 
puiffanoe  &  à  l'impourveu  audift  Flandre  (i)^ 
t)ont  partie  fe  meit  à  courir  &  piller  le  plat  païs, 
fans  rien  oublier  de  la  rigueur  de  guerre  mortelle,  à 
brufler  ,  faccagier-&  tuer  tout  ce  qui  fe  rencontra 
hors  des  fortz.  Lés  aultres  s'efforcherent  de  prendre 
les  portz ,  villes  &  forterefles ,  efquelles  ilz  trou- 
voyent  bien  petite  ou  nulle  réfîftenee  ^  à  raifon 
que  les  habitantz  par  une  furprfnfe  fi  foudaine 
&  inefpérée  avoyent  perdu  tout  leur  courage  : 
y  joindant  îiue  la  cruaulté  qu'ifs  exercèrent  eri 
aulcunes  places  ,  efquelles  on  avoit  voulu  te-, 
ner  (a)  contre  eulx ,  oftaft  toute  hardïeffe  aux 
aultres  de  plus  leur  réfifter.  En  fomme^  ilz  ex- 
ploitèrent tellement  ^  qu'en  peu  de  temps  ilz 
eufrent  gafté  le  païs ,  ruyné  plufieurs  villes ,  ab- 
batu  toutes  les  principales  forterefles,  &  con- 
ftraînél  le  prince  Antoine  foy  retirer  avec  les 
fiens  en  France,  où  il  demeura  enfemble  fes  fuc- 
cefleurs,  jufques  au  tepips  de  Charles  le  Grand, 
lequel  purgea  tout  ledift  païs  avec  plufieurs  aul- 
tres desdiiftes  nations  barbares.  Ne  trouvant  au 
refte  aulcunè  chofe  mémorable ,  que  ayt  cepen- 
dant efté  par  ledift  prince  Antoine ,  pour  le  re- 


(/?)  Tenir j  réfijîer,  ,    .,  ^'    ^ 

CO  Les  Goths,  m  les  Vandales ,  ni  ies  Huns  ne  fèfbient 
alor?  d'incurfions  dam  hi  Belgique.  CMtoit  le  tems  où  Ie« 
maires  du  palais  s'élçvoieot  lentçnfcw,  ftU  tr<ine  des  Méso- 
vingiens.  Pépin  d'Hériftal  réprifnoit  les  Saxons  ,  comme 
bientôt  *pr^s  Cfearks  Martel  fon  <Hr  ^cndfit  les  Samïîns  ÇU| 
avoient  inondé  le  midi  de  la  France. 


FORESTIERS  DE  FLANDRE^    79 

couvrement  de  fes  païs ,  ou  faîAe  ou  attentée. 
Lequel  Antoine  laiffa  un  filz  appelle  Bbffaert , 
qui  (felon  aucuns)  fut  marié  à  madame  Hel- 
wide  fille  du  prince  de  Louvain,  Ce  que  toutes- 
fois  me  femble  aflfez  eftrange  ,  pour  aultant  qu'il 
n'eft  mémoire  que  audift  temps  y  euft  aulcun 
particulier  prince  de  Louvain  (2)  ;  mais  au  con- 
traire, toute  la  ducé  de  Lotrice  (a)  &  de  Bra- 
l)ant  eftoit  en  une  main  9  comme  tousjours  elle 
fut  depuis  ,  jufques  ^n  Tan  neuf  ctnxz  quatre 
vingtz  treze  ,  que  Louvain  fuft  donnée  par  le 
duc  Charles  de  Brabant  à  Lambert ,  frère  du 
conte  de  Haynault,  &  ce  en  avancement'  du  ma- 
riage de  madame  Gherberghe  fa  fille  (j),  &  pour- 


Des  enfaïf^ 
&  fticcef- 
feurs  do* 
dift  An- 
toine. 

Boflaert  fo»- 
reitier  de 
Flandre. 


{à)  Luthier. 

(2)  Oudegherft  obferve  avec  raifon  que  Louvain  n*avoîc 
pas  alors  de  prince  dont  il  dépendît.  Cette  viUe  ne  com- 
mence guères»à  être  connue  dans  l'hifloire  qu'au  neuvième 
fiècle.  Le  premier  comte  de  Louvain  défigné  dans  les  mé- 
noires  dignes  de  foi ,  eft  Lambert  dont  û  cft  parlé  dans  un 
diplôme  de  l'an  94a  »  recueilli  par  le  favant  A;  Lemire.  Selon 
Meyerus^  Boflaert  ou  Burchard  dont  parle  notre  hidorien, 
étoit  fils  &  non  pas  petit-fils  de  Lyderick  de  Buck ,  &  Hel- 
wide  qu'on  lui  donne  pour  époufe  étoit  parente  du  maire  du 
-palais ,  Pépin  d'Hériftal.  Selon  le  même  annalifte ,  Burchard 
ayant  combattu  pour  Pépin  à  la  journée  de  TcxtH  contre 
Thierri  III. ,  celui-ci  liiî  ôta  le  gouvernement  de  la  Flan- 
dre ,  en  lui  laiflantiEependant  la  viUe  d'Harlebecque  avec  le 
titre  de  comte.  Il  fut  le  père  d'Eilorède ,  qui^  dit-on ,  don- 
i)a  le  jour  à  Lyderic  d'Harlebecque.  Meyctus  n'admet  ^u'un 
Burchard  &  non  pas  deux  comme  Oudegherft. 

(3)  La  partie  de  la  Belgique ,  dont  il  eft  ici  queftion ,  fe- 
foit  partie  du  royaume  d''Auftrafie ,  &  depuis  Pépin  de  Lan- 
den ,  elle  avoit  prefque  toujours  été  gouvernée  par  les  del- 
cendans  de  ce  maire.  Elle  devint  enfuite  le  partage  de  Lo- 
thaire  l'un  des  fils  de  Louis  le  Débonnaire.  Quant  i  ce  que 
dit  Oudegherft  que  Louvain  fut  donnée  par  le  duc  ÙjaHes 
de  Brabant  à  Lambert  frère  du  comte  de  HaynauH ,  &  ceen 
avancement  du  mariage  de  madame  Gherberghe  fa  filîe ,  c'eft 
une  erreur.  Le  duc  Charles  qui  s'étoît  retiré  à  Bruxelles  où 
il  avoit  fait  bâtir  v^  palais  entre  Içs  deux  brw  formel'  par 


Regin.  an. 
886. 

Sigeb.    an. 
885. 

Cod.  don. 
piar.c.  32; 

Ann.    FI. 
an.  621. 

An.  691. 


Eliloré,  61z 
dcBoiTam. 


Lyderic, 
deuxième 
de  ce  nom. 

L'an  7^, 


DlvcrCité 
d'opinion» 
touchafît  le 
premier  fo- 
reftier  de 
Flandre. 


60     FORESTIERS  DE  FLANDRE, 

.tant  ne  ra*at  eflé  poffible  fçavoîr  qui  eftoit  cette 
dame  Helwide^  que  le»  chroniques  dirent  avoir 
eflé  femme  dudîft  Boflacn,  duquel  vint  Elftore, 
&  de  luy  Boflaert  le  dcuziefme  ;  toutz  lefquclz 
fuccefliveraent  fufrent  contes  d'Harlebetque  & 
foreftiers  de  Flandre,  Mais  pour  ce  que  d'iCdulx 
ny  mefmes  de  leurs  femmes  ne  fe  faift  par  les 
hiftoires  aultre  rtiention,  nous  les  paflcrons  pa- 
reillement^ &  viendrons  à  Lyderic,  deuxîefme  de 
ce  nom ,  Riz  dudift  Boflaert ,  lequel  commença 
gouverner  Flandre  environ  Tan  fcpt  centz  quatre 
vingtz  douze.  Toatosfois  pour  aultant  que  le 
Japs  de  temps  &  la  diverfité  ,  ou  (  pour  mieulx 
dire)  négligence  des  hiftoriographes  oaufent  une 
grande  confufion  toueh^vnt  ce  que  concerne  le 
temps,  qualité  &  païs  du  premier  foreftier  de 
Flandre,  affin  (Jue  chafcun  puilFe  librement  & 
avec  fondement  adhérer  à  ce  qu'il  trouvera  plus 
conforme  à  la  raifon;  nous  avons  bien  voulu 
(avant  continuer  noftre  difcours)  inférer  en  ce 
paflîigc,  l'opinion  d'aulcuns  hiftpriens,  fur  Ja 
difficulté  que  deffus.  Lefquelz  &  fignammcnt  le 
chroniqueur  de  faînft  Bertin^  ne  font  mention 
que  d'un  Lydcric,  difantz,  que  environ  l'an  fept 
centz  trente,  &  durant  le  débat  qu^eftoit  enFran-* 
ce  entreCbarle3Martel,&  Eude,  ducq  de  Guyen- 
ne, un  jeune  chevalier  chreftîende  raceroyalle, 
vint  du  païs  de  Portugal  (qui  lors  vivoit  fourbi 
la  damnable  &  malheurcufe  loy  de  Mahomet) 
fc  rendre  au  fervice  dudift  Charles  Martel,  qu'il 

milita 


la  Senne ,  près  de  Téglife  de  St.  Geri ,  ne  poflTédoit  pas  k 
ville  de  Louvain ,  qui  appartcnoit  aux  comtes  de  Haynaut. 
Lambert  avoit  époufé  Gerberge  en  97^.  Il  ne  fiit  paifible 
pofl'elTcur  de  Louvain  qu'en  ici  a.  Il  avoit  <*té  forcé  de  dé- 
fendre  cette  portion  de  fon  patrimoine  contre  Godefroy  d'Ar- 
dennes,  ^  qui  Henri  le  JDoitcux  en  avoit  donna  l'invcditure* 


iPORÈSttÉRS   t)Ë   FLANDRE,     èl 

kiilita  foubz  iceluy  tant  qu'il  vefcut ,  que  rucceC-* 
fivement  il  fervit  en  toute  loyauté  le  roy  i^epin 
filz  dudift  Charles,  &  depuis  l'empereur  Char* 
les,  dift  lé  Grdnd,  que  foubz  îceulx  il  exécuta 
tant  de  beaux  fajélz  d'armes,  que  après  avoir 
acquis  la  grâce  dés  prîncîpaulx  feigneurs  de  Fran- 
ce, lédift  Cbarles  le  Grand  en  Tan  fept  centz 
quatre*,  viiigtz  douze  luy  donna,  enfemble  à  fes 
ruccefleui-s  perpétuellement,  le  pais  &  foreftaige 
de  Flandre,  que  ayant  iceluy  don,  il  fe  retira 
vers  Harlebecqiie  fur  ié  Lys,  que  iGnablement  il 
fe  maria  à  Emergaert  fille  de  Gheraerd  de  Roflîl- 
lon ,  &  que  d'icelle  il  euft  un  feul  filz  nommé 
Inghelran.  Je  ne  fcay  3*il  s'en  trouvera,  qui  con- 
férant le  narré  defdiftz  autheurs,  avec  ce  que 
jufques  ores  avons  déduift  en  la  préfente  hiftoî- 
re,  adhère  à  l'opinion  d'iceulx.  Quant  e(l  de 
moy,  je  la  treuve  fort  extravagante  &  du  tout 
fabuleûfe.  Et  premiers  Ça)  pour  auitant  qu'il  n'eft 
vrayfemblable  que  un  tel  pais,  comme  eftoit 
ceftuy  de  Flandre,  fufl  efté  lors  fans  vrày  &  lé-^ 
gitime  héretier.  D'avantaîge  fi  voulons  prendre 
pied  au  temps  qti'ilz  difent  ledift  Lyderîc  élire 
venu  en  I^rance ,  fauldra  néceflairemeiit  conclur- 
re,  qu'il  avoit  quatre  vîngtz  ans,  ou  guerres 
moins,  lors  qu'il  fe  niarîa  &  avant  qu^îl  euft  pro- 
créé aulcun  enfant.  Ce  que  toùtesfoîs  lefdiélz 
hifioriens  paflenf  aflez  légiérement  &  comme  s'il 
fe  fuft  marié  en  aage  &  temps  ordinaire.  Fina- 
blement,  ilz  difent  que  ce  Lyderic,  peu  fatif* 
faia  du  don  qu'en  récompenfe  dé  fes  fervjces, 
l'empereur  Charlemaigne  luyauroitfaift  de  la  con- 
trée de  Flandre,  s'en  feroit  eu  forme  de  mefpriSj 
&par  moquerie  faift  appeller  foreftierj  à  quoy 


Difcourade 
Taudieùr 
for   ladiâè 
diverûté 
d*opinioiiS4 


(tf)  Prmlhrfmcnt, 


^a    FORESTIERS  DE  FLANDRE. 

aufll  y  a  fi  petite  apparence,  que  ce  ne  me  fem- 
ble  mériter  aulcune  refponce.  Je  me  contenteray 
doncq  de  feulement  déclarer,  qu'en  regard  à  la 
qualité  dudîft  païs  de  Flandre  (telle  qu'au  com- 
mqncement  de  celle  hîftoîre  avons  fpécifié^  tout 
Chap.  I.  prince  pour  grand  qu'il  fufl:  efté,  quelques  fer- 
yîces  qu'il  euft  fceu  faire  à  la  couronne  de  France, 
fe  deuil,  d'un  femblable  don,  avoir  tenu  pour 
très-content  &  bien  récompenfé,  &  à  plus  forte 
raifon,  un  pouvre  prince  &  eftrangier,  quel  ilz 
4ifent  avoir  efté  lediél  Lyderic.  Au  regard  de  ce 
qu'ilz  fouftiennent  le  Lyderic  en  queftion ,  avoir 
efté  le  premier  foreftier,  le  contraire  fe  manifeftc 
par  les  épitaphes  que  deflus,  par  la  fondation  de 
la  chapelle  de  noftre  Dame  (où  préfentement  eft 
l'églife  fainél  Donas  à  Bruges)  faifte  par  le  pre- 
mier Lyderic,  &  au  temps  de  monfieur  fainft 
Amand,  par  les  parties  de  terres  &  feîgneuries 
données  avec  la  princefle  Rothilde  par  le  roy  Da- 
gobert,  en  avancement  du  mariage  entre  lediâ 
Lyderic  &  la  fufdîéle  pritrcefle,  &  par  plufieurs 
aultres  raifons  trop  longues  à  réfumer;  oultre  ce 
qu*eft  notoire  que  lediél  premier  Lyderic  fiit  en- 
terré en  la  ville  d'Ayre,  &  le  fécond  à  Harlebec- 
que.  Parquoy,  adhérantz  &perfiftant2en  noftre 
première  opinion ,  enfemble  continuantz  en  la  dé- 
duftion  de  la  defcente  &  poftérîté  des  foreftiers 
de  Flandre,  félon  noftre  fufdiéle  defcription , efti- 
mons  &  foubz  correftion ,  difons  que  ceftuy  Ly- 
deric, lequel  en  l'an  fept  centz  quatre  vingtz 
douze,  obtint  par  l'ayde  &  aflîftence  de  l'empe- 
reur Charles  le  Grand  le  gouvernement  de  Flan- 
Dcicente  ^^^»  ^^^^^  ^'^  ^^  Boflaert  le  deuxîefme,  fîlzd'Ef- 
de  Lyderic  tore,  filz  de  Boflaert  le  premier,  qui  fut  engen- 
deuzkfme  dré  d'Antoine  fécond  filz  du  très-preux  &  très-vic- 
torieux Lyderic,  premier  de  ce  nom. 


FORESTIERS  DE  FLANDRE,    «j 

CHAPITRE        XIV. 

i^omment  Lyderic deuxiefme  de  ce  nomreprint  Jegotê» 

vernement  de  Flandre  ;  des  femmes  É?  trefpas 

d^iceluy ,  avec  aultres  chofes  mémorables  • 

NOus  avons  cy-^deffus  laiffé  le  pouvre  pais  de 
Flandre  en  grande  néceffité  &  extrême  dé- 
folatîon,  foubz  la  domination  &  tyrannie  des 
Goths,  Wandalois  &  aultres  nations  barbares  (i): 
entendez  maintenant  que  le  Dieu  fouverain,  le- 
quel eft  accouftumé  ijous  vifiter  pour  noz  dé* 
mérites  &  méfus,  &  puis  après  quand  fon  divin 
plaifir  le  porte ,  nous  foulager  pour  Ta  îeule  clé- 
mence &  miférîcorde ,  meû  de  pitié  fur  raffliftiott 
de  fon  peuple,  furcita  le  preux  &  magnanime 
Charles,  furnommé  le  Grand  (2):  lequel  obtint 
fur  icelles  nations  barbares  plufieurs  belles  &  mé- 
morables viftoires,  au  moyen  defquelles  il  pur- 


(i)  Noiw  avons  déjà  6bfervé  que  le  règne  de  ces  peu- 
ples barbares  étoit  palTé. 

(2)  Il  fut  proclamé  empetèuf d'Occident,  Tan  800;  prin- 
ce lau-deflus  de  fon  frècle,  légiflateur,  conquérant,  ref- 
taurateur  des  lettrîes,'  &  Tun  des  plus  grands  monarques, 
fi  fa  févérité  envers  les  Saxons  vingt  fois  rebelles,  ion 
injuftice  envers  fes  neveux  &  fa  faiblefle  pour  les  fem- 
ines ,  n'avoient  un  peu  terni  l'éclat  de  ies  belles  qualités 
&  de  fes  grands  talens.  „  Il  ne  port  oit  en  hiver ,  dit  Egiti' 
•,  bardj  qu*un  fimple  pourpoint  fait  de  peau  de  loutre  fur 
^  une  tunique  de  laine  bordée  de  foie  ;  '  //  mettoit  fur  fei 
ff  épaules  un  fayon  de  couleur  bleue  ^  &  pour  chaujfurer^ 
nil  fi  fervoit  4t  Mandes  de  dt'Oerfes  couUurf ,  cfoifies  les' 
^  unes  fur  les  autres.  On  le  voyoi,t  p^er  rapidement  ^ 
n  ajoute  le  P.  Hénaut,  des  Pyrénées  en  Allemagne  ôt 
^d'Allemagne  en  Italie:  il  rempUflpit  le  mondq  de  fon 
n  nom  :  c'étoît  l'homme  de  la  plus  grande  taiDe  ,•  &  le 
M  plus  fort  de  fon  tems.  ïout  cela  reffcmble  affez  aux  hé- 
M  ros  de  la  fable  ;  mais  ce  qui  ne  leur  reflemble  pas  » 
„  c'eft  qu'il  penfoit  que  la  force  ne  fert  qu'à  Vaincre ,  ^ 
9  qu'il  faut  des  loix  jpour  ^ouvemeir* 

la 


Muratori 
Ann.  Italie 
t.  4;  p.  3^«' 


Âbr.  chrotf  • 
an,  ,8i3« 


Charles  le 
Grand,pur- 
ge  le  païs 
de  l^andre 
des  Goths 
&  aultres 
nations.  _ 


Harangue 
de  Lyderic 
à  Charles  le 
Grand  pour 
le  recou- 
vrement de 
fon  païs  de 
Flandre. 


84     FORESTIERS   DE  f LANDRE, 

gea  toutz  fes  pîiïs,  &  çntre  aultres  ceftuy  dé 
Flandre  des  fufdiéles  nations  à  fon  perpétuel  hon- 
tieur  &  incompréhenfible  fupport  de  fes  vaflaulx 
&  fubjeélz.  N'eftant  ores  délibéré  de  particularî- 
fer  le  nombre,  temps,  &  lieu  defdifts  exploiftz  ^ 
&  chevalereufes  exécutions  d'iceluy  Charlemai- 
gne,  ^ant  à  raifon  que  ceftuy  qui' en  fera  curieus 
en  pourra  par  la  leÂure  des  chronicques  françoi- 
fes  retourner  les  mains  pleines ,  que  pour  aul- 
tant  que  ceft  hiftoire  eft  dédiée  à  aultre  fainft, 
il  fuffira  doçc  vous    advertir,  qu^  entre  ceulx 
.lefquelz  tîndrent  bonne  compagnie,  &  donnèrent 
affiftence  audifl:  Charles  le  Grand ,  Lyderic  deuxief- 
me  de  ce  nom  ne  fe  trouva  le  dernier.-  Lequel 
partant,  incontinent  que  lefdiftz  barbares  furent 
expulfez  du  pâïs  &  contrée  de  Flandre  &  que 
ledift  Charles  le  Grand  euft  mis  fin   aube  affai- 
res qu'il  avoit  de  plus  grand  pois  &  importance, 
fe  préfenta  devant  ledift  Charlemaîgne,  &  luy 
dift:  „  Sire,  encore  que  le  peu  de  fervice  que  je 
„  vous  ay  faift  jufques  icy ,  mérite  non  point 
„  récompenfe,  mais  le  moindre  gré, du  monde, 
„  néantmoins  confidérant  la  bonté  de  voftre  Ma- 
„  gefté,  fa  libéralité  &  gentil  coçur,  auflîqueje 
„  croy  que  avez  desjà  quelque  affeurance  de  coin-  * 
„  bien  je  fuis  voftre,  &  le  dangier  où  je  vout- 

■  „  droys  mettre  ma  propre  perfonnc  pour  chofe 
„^  qui  vous  tournaft  en  fervice,  je  me  fuis  en- 
„  hardy  vous  faire  la  requefte  que  préfentemenr 
„  entendrez  „.  Et  lors  luy  commença  déduire  fa 
généalogie ,  la  libéralité  dont  aultresfois  le  roy 
Dagobert  avoit  ufé  vers  le  très  vertueux  Lyde- 
ric, duquel  il  eftoit  defcendu  en  ligne  direfte, 
&  par  Conféquent  néceffaire  héritier,  la  venue 
des  Goths ,  Wandales  &  aultres  nations  îiu  paR 
de  Flandre,  Texpulfion  du  prince  Antoine  fon 

,  bifayeul  hors  d'iceluy  païs  &  finablement  qu'eff- 
ilant ledift  païs  par  la.prouëffe  &  chevalerie  de 


ce  à 
(on  i 
vme 
j  ^^oyei 

M  û  prov 
yhmnu 
jli  foulait 
r^  nom, 

/accorda  t 
j^Lyderi 
mze  en  J 
/•^Wed'ai 

mJks  il  ^ 

Fjufticei 
h  dame  d 


91  Char/en 

P<^Ot    des    nA 

\7^  do-,!'  Pfou 


FORESTIERS   DE  FLANDRE.    85 

fe  Majeftë  réduîfl:  foubz  la  couronne  &  obéîflan- 
ce  de  France,  eftoît  en  elb  d'en  difpofer; félon 
fon  boji  plaifir  &  volunté,  &  que  néantmoins, 
veûe  la  fidélité  qu'il  &  fes  prédéceffeurs  luy 
avoyent  tousjours  gardée,  fupplioit  que  pleuft  à  ' 

fadia  piagefté  luy  rendre  &  remettre  entre  maîhs 
la  provîncç  .dp  FUndre,  moyennant  toutesfois 
rhommage,  &  foubz  les  conditions  aufquelles 
la  fouloit  pofféder  le  fufdift  Lyderic,  premier  de 
ce  pom.  Ce  que  Teroçereur  Charlemaigne  luy' 
accorda  afTez  facillement,  &  fuyvant  ce  le  prin- 
ce Lyderîc  vînt  en  Tan  fept  çentz  quatre  vingts  L'an  79a. 
douze  en  Flandre  piour  s'inyeftir  dudid:  pais, en- 
femble  d'autres  fes  terres  &  pofleffions  (3).  Lef- 
quejks  il  gouverna  en  toute  intégrité ,  prudence 
&  juftice  l'efpace  de  feîze  ans  :  il  euft  à  femme 
jine  dame  d'AUemaigne  bien  principalîis ,  ^ppejlée 


(3)  Charlemagne  ne  donna  ^  pas  plus  la  Fland/e  à  Lyde» 
rick  d'Harlebecque,  que  Dagobert  ne  Tavoit  donnée  avec 
une  partie  de  la  Picardie  à  Lyderick  de  Bucq.  Le  gouver* 
neraent  des  côtes  maritimes  dont  cet  empereur  im^eftit, 
en  792 ,  Lyderick  d'Harlebecque  pouvoit  être  en  partie  la 
récompenfe  des  fervices  qu'il  en  ayojt  reçus  ;  m»is  ce  n'en 
étoit  pas  moins  un  bénéfice  amovible.  Ces  fortes  de  béné- 
fices paflbient  ordinairement  du  père  aux  enfans  ;  mais  il 
falloit  le  conftntemen;  du  fouverain.  Au  refte ,  il  eftvrai* 
ferablable  qiie  «  indépendamment  de  fon  gouvernement ,  Ly- 
derick avoit  des  poflçffions  propres  &;  des  aUcuds  Ubres , 
foit qu'il  Ic^  tinï  delà  générofiti  des  rois,  foit  qu'il  les  eût 
acquis  m  hérités  4e  fes  pères. ,  Telles  étoient  peut  être 
les  feigneuries  d'Harlebecque ,  de  Bruges  &  quelques  au* 
très  que  Baudoin  Bras  de  Fer  paroit  avoir  poflfédées  à  tître 
d'hérédité.  L'exemple  des  Pépins  &  plufieurs  autres-que 
fournit  l'hilloire ,  prouvent  que  les  rois  francs  &  leurs 
fucceffeurs  donnèrent  fouvent  le  gouvernement  des  provin- 
ces à  ceux  qui,  dans  ces  mêmes  provinces,-  poflédoient 
déjà  de  grands  biens.  Ce'  fut  quelques  années  après ,  &  Mev^r  an' 
vers  l'an  795.,  que  Charlemaghe  tranfplania  dans  la  Flandre  j^g3^i^ec"., 
une  colonie  de  Saxons:  cum  liberis  uxoribufquc  (^Saxoncs)  desHift.de 
traduxit  in  Galliam  bdgicam ,  oceani  orà  ad  incoUndum  Fr.  t.  5  p. 
m  dat4  y  jujfoquc  cam  tutari  Lydcrico  maris  prafc^o,  65. 


86  FORESTIERS    DE    FLANDRE, 

Flandrine ,  maïs  Ton  ne  treuve  db  quelle  maffori 
De  la  fem.    elle  fuft  9  encores  que  aulcuns  tiennent  qu'ellfe 

Lydçric/''  ^^^'^^  fi"^  ^^  ^"^  ^^  Brabant.  S'il  eft  aînfi , 
je  ne  fcay  pourquoy  ilz  la  difent  d'AUeniaigne  $ 
ftultres  efliment qu'il n'euftladiéte Flandrine;  mais 
bien  une  qui  fe  nommoit  Emergaert  (a) ,  fille  de 
Gherard  de  Roffillon  duc  ou  conte  de  Bourgoi- 
gne  (4),  qui  fut  ceftuy  mefme,  lequel  environ  ce 

Qa")  Ermengarde, 

C4)  C*e{l  pour  la  féconde  fois  qu*0D  voit  paroltre  for 
la  fcène  les  noms  d*£rmengarde  &  de  Gérard  de  Roullil* 
Ion  fon  père.  Au  chapitre  III. ,  Ermengarde  eft  mère  de 
Lyderick  deBucq;  ici  la  femme  de  Lyderick  d'Harlebec» 
que  porte  le  même  nom.  Au  chapitte  III. ,  elle  eft  époufe 
d'un  prince  de  Dijon ,  ici  elle  eft  la  fiUe  d'un  duc  de  Bout- 
gogne.  Enfin  au  dhapître  III. ,  comme  ici ,  Ermengarde  a 
pour  père  Gérard  de  Roffillon.  Ces  perfonnages  ne  peuvent 
pas  cependant  être  les  mêmes.  Si  l'exiftence  des  premier 
paroit  plus  que  douteufe«  celle  des  derniers  eft  appuiée 
fur  des  témoignages  refpcdables.  Nous  pourrions  cher 
avec  Oudegherft  ^  Meyerus ,  plufieurs  écrivains  qui  don« 
nent  pour  époufe  à  Lyderick  d'Harlebecque,  Ermengarde 
fiUe  de  Gérard  de  RouflUlont  Celui-ci  de  voit  donc  exifter 
vers  le  milieu  du  huitième  fiède.  H  polfédoit  de  grands 
biens  dans  le  Haynaut:  Jacques  de  Guife  dit  de  lui  dans 
fes  Annales  dont  la  traduction  manufcrite  fe  trouve  dans 
la  bibliothèque  de  Bourgogne  à  Bruxelles  :  „  Chilz  Ge* 
Ann.  de  »  f^rs ,  fumommé  de  RouiOllon ,  euft  à  femme  la  fille  de 
Hayn.l.il.  ,,  l'empereur  de  Conihmtinoble  foer  de  le  femme  Charles 
<•  *8.  ^  Martel. ...  Et  pour  ce  que  le  dit  Gerars  n'a  voit  nul  cn- 

,,  fant  procréé  de  fa  char ,  il  fit  fonder  plufieurs  églifes 
ip  en  la  conté  des  Nervcs  &  de  Brabant ,  comme  l'abbaye 
I,  de  Leufle.  Item  l'églife  noftre  Dame  d'Antoing. . . .  Item 
„  l'églife  noftre  Dame  de  Condé. . . .  Item  l'églife  de  St.  Her- 
M  re  de  Renais.  Item  Péglife  de  Roiaulcourt.  Item  l'églife 
,»  de  Houltain  &  encoircs  plufieurs  aultres  fift  en  la  conté 
M  de  Nerves  êc  de  Brabant.  ^  De  Guife  le  fait  également 
fondateur  de  la  viUe  de  Grtmmont,  manfum  Gerardi  &  dm 
cafi^eJ  de  Henné  <rtti  fiet  entre  Engbien  &  Gcrarsmçnt. 
Quant  à  la  fondation  de  h  ville  de  Grtmmont  «  Oude- 
ghertl,  au  chap.  45,  Marchantius  &  d'autres  Tattribnent 
avec  plus  de  raifbn  à  Baudoin  de  Moos.  De  Goifb  placs 


FORESTIERS  DE   FLANDRE.    %i 

temps  tranflata  (a)  le  corps  de  faînfte  Marie  Mag- 
daleîne  de  la  cité  d'Acqueufe  (jbi)  [que  les  Sarra- 
fins  avoyent  deftruift]  en  un  monaftère  qui  fe 
diToît  monàjierium  Fîceliacum  (c)  ,  que  ledift  Ghe- 
rard  avoit  mefnie  fondé.  Il  pouroit  eftre  que  les 
uns  &  les  aultres  eùffent  raîfon ,  &  que  le  fecona 
Lyderlc  euft  deux  femmes  fucceflîveraent,  l'une 
après  Taultre,  fçavoir  la  difte  Flandrine,  & 
Emergaert.  De  l'une  defquelles  il  euft  un  feul  filz 
nommé  Inghelram ,  aliàs  Engueran,  qu'il  feit  foî- 
gneufement  eflever ,  &  pourveut  de  bons  maiftres , 
prudentz&diligentz.| Entre  toutes  les  vertus  dont 
ce  Lyderic  eftoit  doué ,  je  treuve  qu*il  excelloit  les 


(jO  Transféra.  (c)  Vézelai  ^  'otlh  &  ahhaU 

ip)  Aix  en  Provence.  du  diochfe    d^Autun  dans 

le  Nivernois. 

les  principales  a^onsde  ce  Gérard  vers  le  milieu  du  huitiè- 
me fiècle  &  fous  le  règne ,  ajoute-t-il ,  de  Louis  le  Déboîv 
Dtire,  ce  qui  eft  une  erreur  chronologique  très-palpable; 
pmfque  ce  prince  de  monta  fur  le  trône  qu'en  814.  Com* 
ment  Gérard ,  s*il  vivoit  fous  Louis  le  Débonnaire ,  a-t-il 
pu,  comme  il  le  dit  encore,  faire  la  guerre  contre  Char- 
les Martel  mort  en  741  ? 

D'un  autre    côté,    l'auteur  de  la  vie  de  St.  Bodinon^      .         ^  ^ 
M.  l'abbé  Ghefquière ,  prouve  évidemment  par  le  teftament     ^^^  ^   ^ 
même  de  Gérard  &  par  d'autres  autorités  également  irré-     p,   j^q*  ^ 
fragables  que  Gérard  de  Rouflillon ,  fondateur  &  bienfai-     351, 
tcur  de    plufieurs   églifes  dans  la  belgique   appanient  au 
milieu  du  neuvième  fiècle  &  qu'il   vivoit   réellement  fous 
les  règnes  de  Louis  le  Débonnaire  &  de  Charles  le  Chauve, 
Selon  de  Guife ,  il  n'eut  point  d'enfans  ;   mais  s'il  eut  une 
fille,  eft- il  probable  qu'elle  ait  été  l'époufe  de  Lyderick  dont 
on  fixe  la  mort  en  812,  dans  un  âge    très-avancé.    Con- 
cluons donc,  ou  que  l'époufe  de   Lyderick  n'étoit  point 
la  fille  de  Gérard  de  RoufliUon ,  ou  que  fi  elle  s'appelloit 
Hermengarde  ,   elle    a    pu    être    iflue  d'un  autre    Gérard 
que  les    chroniqueurs    des    fiècles    fuivans     auront  con- 
fondu  avec    le    Gérard    de  Rouifdlon    dont  les    pieufes 
libéralités  ont  dû  perpétuer  le  fouvenit    longtems  encore 
après  la  mort. 


Lyderic 
f doit  boa 
|ufticler.. 


Juftice , 
fondement 
4e8  citez  ôc 
de  Ja  com- 
pagnie hu- 
maine. 


Offices  de  1^ 
Jutticç. 


L'homme 
principale- 
nient  né  il 
juftice. 


88    FORPSTIISRS   DE   FLANDRE. 

aultres  de  fpn  temps  en  celle  de  juftice ,  ne  four- 
lignant  (d)  en  ceft  endroift  aulcunement  de  la 
bonne  indination  de  Lyderic  le  premier,  fon  pré- 
déceffeur.  Auflî  n'ignoroît-il  que  le  plus  grand 
bieji  que  peult  advenir  en  un  royaulme,  provins 
ce ,  ou  cité ,  foit  robfervation  de  bonne  juftice  ^ 
&  que  oultre  ce  qu'elle  faid;  les  fondementz  de 
compagnie  humaine,  la  congrégation  civile  ne 
peult  fans  elle  confifter.  Voyià  pourquoy  le  phî- 
lofophe  difoit  :  que  tout  ajnrt  que  l'homme  entre 
tous  les  aultres  animaulx  vit  le  plus  p^rfaidle- 
ment,  aufll  devient  il  le  pire  &  plus  defnaturé, 
quand  il  fe  départ  de  l'acçoinftance  &  compag- 
nie de  juftice;  le  premier  lieu  &  commandement 
de  laquelle  eft  fe  monftrer  débonnaire  envers 
Dieu,  de  la  vertu  duqi^el,  entre  toutz  les  anii 
maulx,  le  feul  homme  eft  fai<t  participant,  \tj 
quel  côgnoift  Dieu,  l'honnore  &  révère,  comme 
autheur  du  monde  &  fafteur  de  toutçs  chofes; 
&  par  ce  que  il  le  voit  fouverain  çn  juftice,  eft 
lîéceflaire  qu'il  fe  monftre  imitateur  d'icçUe:  du 
moins  s'il  prétend  tenir  de  la  nature  de  l'hom? 
me.  Laquelle  eftant  trop  plus  fociale  que  celle 
des  aultres  beftes,  &  confidéré  que  nullç  cora* 
paignie  peut  fai]s  juftice  fubfifter,  convient  infé-. 
rer  que  l'homme  eft  principalement  né  à  juftice, 
&  que  pourtant  il*  d.ûbt  eftre  d'dcelleiur  toute 
aultre  chofe  foigneus  &  curieus ,  félon  qu'eftoit 
noftre  bon  Lyderiç,  lequel  n'efpargnoit  travail, 
temps,  dangîer,  ny  dcfpcns,  pour  purger  foir 
pais  des  volleurs ,  larrons ,  &  aultres  gens  defem- 
blablequallbre,  dont  en  avoit  audift  païs  nombre 
compétent  &  grande  quantité,  comme  aflez  ex- 
périmenta le  huidtiefme  Abbé  de  fainél  Pierre 


(jO  Ne  4ég4ndrant, 


FORESTIERS   DE   FLAî^RE.     89 

fiommé  Hildebert  (5),  lequel  en  Tan  fept  centz 
quatre  vingtz  treize  fut  en  h  ville  de  Gand  mal- 
heareufement  &  piteufement.  meurdry.  Mais  ce 
ne  fuft  fans  chaftoy  fubfécutif  &  exemplaire  juf- 
tice  des  coulpables  &  complices  dadid  mcurdre, 
lefquelz  le  prince  Lydcric  feit  chercher  en  toute 
diligence,  &  après  exécuter ,  d'une  mort  la  plus 
terrible  &  angoifleufc,  dont  lors  on  fe  povoit 
advil^r.  Car  ilz  fufrent  defchirez  par  quatre 
chevaulx  de  la  mefme  forte  que  monfieur  fainct 
Ih'ppolite  avoit  auparavant  efté  martyrizé*  Le 
pape  Eftienne  qui  lors  préfidoit  à  Rome,  adveriy 
de  la  mort  dudiâ  Hildebert,  fubrogua  au  lieu 
tf'îceluy  Egilfiridum  lors  évefque  de  Liège ,  lequel 
tranOata  de"  Lotrice  &  apporta  à  Gand  le  corps 
de  madame  faindle  Pharahauld  (a)  avec  pIuGeurs 
;iultrcs  belles  reliques.  Au  mefme  temps  fi  com- 
me environ  l'an  fept  centz  quatre  vingtz  fcize 
Pempereur  Charlçmaigne  fe  tranfporta  audict 
Gand,  tant  en  intention  de  vifiter  la  ville,  &  le 


Uildebeit 
abbé  ôc 
St.  Pierre 
léz  Gand 
meurdry. 


PuniDqp 
des  meiir- 
dricrs  da- 
did  ?bbc. 


EsiUridus 
évefque  de 
Liège  de- 
vient abbc 
de  Sainâ. 
Pierre. 

L*an  795. 


(r)  Sic.  Pbarstldc. 

(5)  Le  huitième  abbé  de  St.  Pierre  fat  Sceramamonipûr 
fibkment  en  812.  Uildeben  fat  abbé  de  St.  Bavon  &  fat 
tué  en  effet  en  752.  dans  une  émeute  populaire  ,  pour  s'être 
âevé  contre  des  perfonnes  qui  vouloient  bannir  des  églifes 
les  images  des  faints.  La  tnmflation  du  eofps  de  Ste.  Pha- 
nïlde  dont  il  eft  parlé  un  peu  plus  bas  eut  lieu  en  754. , 
foos  le  pontificat  d*£tienne  fécond  ,  le  même  dont  le  fuf- 
fra^  confirma  l'élévation  de  Pépin  le  Bref  fur  le  trône  des 
François. 

Le  refte  de  ce  chapitre  n^eft  pas  conforme  à  la  vérité 
hifiorique.  Ce  fut  vers  Tan  75^5.  que  Charlemagne  trans- 
pbnca  les  Saxons  dans  la  Belgique.  Auflitôt  après  cette  exécu- 
tion, il  tourna  fcs  armes  contre  les  Abcrcs  qui  habitoi:nt 
r Autriche  &  la  Hongrie.  Ce  fut  Tan  811.  qu'il  vint  du  pon 
de  Boulogne  au  port  de  Gand ,  pour  y  vifiter  b  floue  qu'il 
yfefcitéquipi)er  contre  les  Normands:  Ccrclus  Mcgnt;s  im- 
ffTctor  de  Bonoatd  ad  Scaldîm  fiuvium  in  hco  qui  vQcaîur 
Caaddvum  acccft. 


Sandcri 
Flandr.  iî- 
luft.  t.  ù  L 
4.  Edit.  de 
la  Haye. 

Molan.  Na- 
tal. 4  Avril. 

Annal.   FL 

an.  754. 

Bouq.  t.  V. 
p.  65.  &  le 
P.  llcnaut- 

Chron.  D. 
Bav.  an. 
«12. 

D.  Bouq. 
t.  5.  p.  60. 
ti6u 


L'empe- 
reur Char- 
lemnigne 
vient  vifi- 
ter  la  ville 
^  reliques 
fiflantz  il 
fainél  Pier- 
re k  Gand. 


L*aii  808. 

Décès  de 
Lyderic , 
deuzigûne 
de  ce  nom. 


L^an  823. 

La  force  du 
foreftierln- 
ghelram. 


90    FORESTIERS  DE   FLANDRE. 

monaftère  de  Saînft  Pierre,  que  pour  veoir  les, 
fainftes  reliques  que. nouvellement  y  âvoyent  elle 
apportées,  aufquelles  il  feît  plufieurs  offrandes  & 
de  grande  valeur ,  &  après  avoir  féjourné  quatre 
mois  en  ladifte  ville  de  Gand ,  où  le  prince  Ly- 
deric luy  feit  le  meilleur  &  plus  honnorable 
traitement  qu'il  luy  fuft  poffible,  H  retourna  en 
France ,  laiffant  au  pais  de  Flandre  ledift  Lyde- 
ric, lequel  gouverna  paifiblement  ladifte  conté 
de  Flandre,  jufques  en  Tan  huift  centz'  &  hui<îL 
qu'il  mourut  en  (avilie  d'Harlebecque,  en  laquelle 
auffi  il  ftjt  enterré.  Mais  je  ne  fcay  que  devin*» 
drent  ny  Tune  ny  l'autre  defdiûes  femmes. 

CHAPITRE       XV. 

De  Ingheiram  fi?  Andacer  (a)  forefiters  de  Flan^ 
dre;  &  comment  lediâ  Andacer  au  moyen  de  fa 
hyauhé  acquit  de  Fempereur  Louys  le  Débon- 
naire^ les  contés  d*Arras  fif  de  Boulongne. 

A  Lyderic  le  deuxiefme  fuccéda  Ingheiram  fon 
filz,  lequel*  fut  prince  deBucq,  conte  d'Har- 
lebecque  &  foreftîer  de  Flandre  quinze  ans  con- 
tinuelz.  Il  commença  régner  en  l'aq  huit  centz 
&  huift ,  &  mouruft  l'an  huidl  centz  vingt  & 
trois.  Je  ne  treuve  de  luy  aufcune  chofe  mémo- 
rable par  efcript  (i),  fors  qu'il  eftoit  fi  fort  & 


Meyer.  An- 
nal. Fland. 
•n.  808. 


(/z)  Autrement  ^  Odoacre. 

0)  n  s'appliqua  furtout  à  réprimer  les  brigandages  ôc  les 
pirates  qui  infeftoient  les  mers ,  à  défricher  des  bois  6c  à 
deffécher  des  marais.  Il  veiUoit  à  robfervation  des  loix  fai- 
tes par  Charlemagne.  Il  bâtjt  plufieurs  églifes  &  répara  plu- 
fieurs forterefles  que  les  Vandales  &  les  Huns  avoient  dé- 
truites quelques  iiècles  auparavant.  Enfin  il  fecondoit ,  pour 
la  richefie  future  de  la  nation ,  les  fatigues  des  moines  qui 
d^un  c6té  fertilifoient  la  terre  par  les  travaux  de  ragrical- 
ture  »  &  de  l'autre  éclairoient  les  e(prits. 


FORESTIERS  DE   FLANDRE,  ^i 

robufte  de  fa  pcrfonne,  qu'il  n*y  avoit  en  fon 
temps  homme  qui  ofaft  lufter  contre  luy.  Au 
relie  il  laiflat  un  feul  filz  nommé  Andacer ,  du- 
quel Ton  ne  cognoit  la  mère.'  Durant  lé  Gouver- 
nement de  ceft  Inghelram  en  Flandre,  &  par  toute 
la  France  tomba  fi  grande  quantité  de  grefle, 
que  les  hommes  &  beftîaulx  ne  fçavoyent  où  eux 
faulver:  mefmes  fe  trouvèrent  par  rimpétuofitè 
des  ventz  &  violence  de  la  foudre  pluficurs  niaî- 
fons  renverfées  &  bruflées ,  &  la  meilleure  part 
des  fruiftz  par  tout  gaftée  :  dont  fourdit  une 
bien  grande  &  généralle  famine  avec  une  infinité 
d'autres  malheurs,  qui  fervoyent  de  tefmoîgnaige 
très-certain  de  Tire  &  indignation  de  Dieu  con- 
tre les  habitantz  desdiftz  païs.  Après  le  trefpas 
dudiA  Inghelram^  lequel  fuft  enterré  en  Téglife 
defaînft  Saulveur  à  Harlebecque ,  Andacer  fon  filz 
Juy  fuccéda,  tant  en  la  princîpaulté  de  Bucq  & 
conté  d'Harlebecque  qu'au  foreftige  de  Flandre, 
&  commença  gouverner  l'an  huiét  centz  vingt 
&  quatre.  Ce  fuft  un  prince  fage ,  magnanime 
&  loyal  &  lequel  fuyvant  le  ferment  de  fidélité 
qu'il  avoit  à  l'empereur  Louys  le  Débonnaire, 
fit  audiél  empereur  es  adverfitez  &  débatz  qu'il 
euft  contre  fes  enfans  &  principaulx  barons  de 
fon  royaulme  tout  fecours  &  afllïlence  à  luy  pof- 
fible  (2).  Au  moyen  de  quoy  il  fuft  merveilleu- 
fement  aymé  dudîél  empereur  &  depuis  par  ice- 
luy  grandement  récompenfé  de  fes  fervices  & 
loyaulté.  Car   il  luy  donna   avec   la  région  dé 


Tempcfte 
enFlaôdif. 


Famine  en 
Flandre* 


Décès  du 
foreftier  In- 
ghelram. 

Andacer 
foreftier  de 
Flandre. 


Andacer 
fut  tous- 
jours  loyal 
k  l'empe- 
reur Louyi 
le  Débon- 
naire. 

La  loyaulté 
de  Andacer 
récompen* 
fée. 


(•2)  Deux  fois  ce  malheureux  prince  fut  fait  prifonnier 
par  fes  enfans/ La  féconde  fois,  il  fut  conduit  à  St.  Mcdard 
de  Soiflbns,  où  Ton  le  revêtit  du  fac  &  du  ciliçe;  mais 
il  trouva ,  parmi  les  religieux  de  cette  maifon  ,  l'adoucif- 
fement  aux  maux  dont  Taccabloient  fes  enfans.  Il  loiir  dut 
la  confervation  de  fes  jours  &  fon  rétablilTcment  fur  le  trône. 
n  trouva  la  mort  en  840 ,  dans  une  expédition  qu'il  fit  con* 
Ue  fon  fils  Louis  ^u*il  avoit  créé  roi  de  Bavière. 


pt    FORESTIERS  DE   FLANDRE. 

/ 

t'fîérouanne  les  contez  d'Arras  &  de  Boulohgne  (3) 
à  luy  efcheûes  par  droift  de  confifcatîon^,  poyr 


Cs)  Cette  ampliation  de  gouvernement  paroît  plutôt  avoir 
»  été  faite  k  fon  prédécefleur  Inguelram ,  parce  que  dans  un 

:  capitulaire  de  Charles  le  Chauve ,  les  comtés  de  Noyon ,  de 
Vermandois ,  de  Courtrai ,  d'Artois  &  dç  .Flandre ,  fonç 
^^%'  appelles  les  comtés  d'ingueiram:  In  Noviomifo  ^Fcrmendifo^ 
^7'V*  *  f  Adcrtifo  ,  Curîricifo  ^  Flandrd^  comitattbus  IngilramL  Par 
ce  capitulaire  donné  à  Servais,  ^/«^  Salviacum  ,  en  853,  jl 
eft  évident  que  Inguelram  avoit  réuni  plufieurs  comtés  fous 
un  feuj  gouvernement.  U  n'eft  pas  moins  certain  qu'il  vi- 
voit  encore  en  855,  puifqjife  fon  npm  fe  retrouve  parmi 
ceux  des  comtes  qui»  cejte  anné^I^,  prétérenç  ferment  dans 
le  fynode  de  Kierfy.  Il  n'étoit  dope  pas  mort  en  824. ,  com- 
me le  difent  quelques  annaliftes.  Ori  quelle  place  affigner 
a  cet  Odoacre  qu'on  lui  donne  pour  fuccefleur  jufqu'en 
837.,  qu'on  place  Bai^doinBras  dç  Fer  à  la  tête  du  gouverr 
nemei^t?  J'avoue  que  je  ne  puis  me  dçfendre  d'adopter  ici 
l'opinion  de  Vredius ,  qui  fuppofe  avec  beaucoup  de  fonde- 
•ment  qvL*Judoacre  ou  jfudûcer  n'eft  qu'un  fumoin  donné  à 
Inguelram  ou  à  Baudoin  Bras  de  Fer ,  furnom  fondé  fi^r  le 
caradère  a^if  6ç  ferme  que  l'hiftoire  prétç  à  l'un  &  U'autre, 
&  appuie  fur  une  analogie  très -probable  avec  Içs  devoirs 
qu'ils  avoient  à  remplir  pour  la  défenfe  du  pays.  „  Çonjicio 
„  confiétum  effe  nomen  e  cura  cuftodiae  maritimae ,  dum  exhor- 
Vred.  FI.  ^^  ^^ndo  cuftodes,  fepiùs  proftuntiant  :  bond  u  ivacker;  quod  no- 
tnn.p.599.  ^  bisfignificat»  vigiUm  te  tene,  Inde  natumOdo.icer  ôcAudt^ 
„  cer,  Jngelrami  feu  Balduini  agnomen,  nataque  fabula  dç 
„  Audacro  feu  Odoacro  Ingelrami  filio  Balduini  patrCf,,  In- 
guelram ,  vers  le  tenjs  où  l'on  place  la  mort  d'Odoacre ,  aura 
cédé  une  partie  de  fon  gouvernement  à  Baudoin ,  c'eft-àdirc 
la  Flandre  proprement  dite  alors ,  &  qui  comprenoit  furtout 
le  territoire  de^ruges.  Aufli  verrons  nou?  plus  bas  que» 
dès  l'an  840. ,  Baudoin  jpuiflbit  du  titre  de  marquis ,  mt' 
Mo  ou  cornes  limitaneus.  En  retranchant  Odoacre  du  nom- 
bre des  gouverneurs  de  la  Flandre  ,  tout  ce  que  lui  attri- 
buent les  annaliftes  appartiendra  à  Inguelram  ou  à  Baudoin. 
Ce  font  avec  plufieurs  terrains  incultes  abandonnés  à  des 
'  cultivateurs ,  la  conftruaion  de  quelques  fortifications  au- 
tour des  villes  de  Thorolt,  de  Calais,  de  Courtrai,  d'Au- 
denarde  &  de  Gand.  Ces  travaux  éti)ient  l'effet  de  plufieurs 
ordonnances  rendues  par  Charles  le  Chauve ,  pour  la  fureté 
des  provinces  maritimes  qui  fe  trouvoicnt  les  premières  cx» 
pofées  aux  infultes  des  Normands. 


PORESTIERS  DE  FLANDRE.    Jj 

autant  que  Froymont  d*Arras ,  qui  en  eftoît  le 
vray  héritier  &poflfefieur,  s'eftoît^  comme  attaindl 
-&  convaincu;  du  crime  léfée  majefté ,  rendu  fu- 
gitif vers  les  Sarrafins  qui  eftîont  les  Hifpai- 
gnes.  Quant,  à  la  femme  de  ceft  Andacer ,  les 
chronicques  n*en  font  aucune  mention.  Toutes- 
fois  je  treuve  par  un  viel  regiftre  qu'il  fut  ma- 
rié à  la  fille  d'Anfelme  conte  de  fainft  Paul ,  & 
que  d'icelle  il  euft  un  feul  filz  nonnné  Baudouyn, 
depuis  furnommé  Bras  de  Fer  ,  ou  à  raifon  de 
fa  magnanimité  &  vaillantife ,  ou  pour  ce  que 
toujours  il  eftoit  armé ,  &  ordinairement  il  por- 
toit  fur  fon  haulbert  («)  des  pièces  de  fer  fort  cle- 
rcs &  reluyfantes.  Or  ledift  Andacer  mouruft  ea 
Pan  huîft  centz  trente  fept ,  après  avoir  bien  & 
vertueufement  gouverné  Tefpace  de  treize  ans  la 
province  de  Flandre,  &  fuft  enterré  à  Harlebec- 
que  lez  (A)  fes  prédécefleurs. 


De  II  fem- 
me du  fo- 
reftier  An? 
dtc^r. 


Pourquoy 
Baudouyn 
futfumom'' 
mé  Bnisde 
Fer. 

L'an  837. 

Trefpas  & 
enterre- 
ment dHfo- 
reftier  An- 
dacer. 


CHAPITRE 


X  Vxl. 


Des  vertus  &  bonnes  conditions  de  Baudouyn  Bras 
de  Fer^  foreflier  de  Flandre.  Comment  il  «w- 
mena  ^  fe  maria  ^  fans  le  fceu  du  roy  Charles 
le  Chaulve^  à  madame  Judith  fa  fille  ^  &  de  la 
guerre  qu*à  cefte  occafion  fourdit. 

A  Près  ledift  Andacer  vînt  Baudouyn  fon  filz , 
furnommé  Bras  de  Fer,  le  gouvernement 
duquel  commença  en  Tan  huift  centz  trente  fept, 
D  eftoit  de  haute  ftature  &  avoit  le  teint  un  peu 
brunet ,  le  corps  membru  &  nerveus  ,  &  néant-  * 
moins  merveilleufement  difpoft  &  agile  ,  &  fur 
tout  eftoit  bien  à  cheval  :  il  avoit  le  parler  amia- 
ble &  éloquent,  penfant  bien  à  ce  qu'il  debvoit 
dire,  devant  que  le  pronuncer.  Il  n'aymoit  pas 
la  vengeance ,  finon  entant  qu'il  eftoit  de  befoing 


DefcriptfOft 
tant  du 
corps  que 
tles  vertua 
de  Bau- 
douyn Braa 
de  Fer. 


{0i)E[^lce  de  cuirafc  ou  de  cotte  de  mailles,  (Jf^Prh, 


%e  ilapepr 
dangereux 
bnnemydes 
jpciticei. 


Un  prince 
doit  crain- 
dre la  dés- 
obéilTance 
en  un 
camp. 

Baudouyn 
jBras  de  Fer 
tient  le  par- 
ly  de  l'em- 
pereur Lo- 
taire  contre 
tu  frères. 


5^4     BAtfDOIN    PREMIER, 

de  Texécuter  fur  les  mefchantz  ,  pour  fatisfeîr« 
à  la  réputation  de  fa  grandeur,  ou  (pour  mieux 
dire)  au  debvoir  que  fon  eftat  &  dignité  requeN 
royent;  ayant  fur  tout  eu  haync  mortelle  les  flat- 
teurs, parce  que  un  prince  ne  peult  avoir  pire 
enneray  que  un  flatteur:  de  forte  que  quand  H 
cognoîflbit  aulcun  de  {ts  gens  (pour  grand  & 
favorit  qu'il  fuft)  ufer  de  flatterie,  il  le  chaflbit 
Incontinent  de  fa  maifon.  En  fa  fréquentation  fa* 
milière  il  fe  rendit  fort  cbmpagnable  (a^  ,  fans 
toutesfois  fe  faire  tort  de  trop  s'abaifler.  Davan- 
tage entre  les  vertus  il  avoît  la  libéralité  en  fin- 
gulière  recommandation,  tellement  qu'on  povoit 
dire,  ijue  fes  biens  luy  appertenoyent  en  propriété» 
mais  la  pofleffion  &  Tufage  en  eftoit  commun  à 
tous  ceux  qui  luy  faifoycnt  fervîce.  Au  nioyen 
de  quoy,  il  acquifl:  bonne  réputation  vers  un 
chacun ,  &  la  bénévolence  de  fes  vaflaux  &  fol- 
datz  9  qui  luy  ferveît  grandement  aux  guerres  qu'il 
euft  contre  les  François  (i)  &  aultres,  félon  que 
vous  entendrez  cy-après*  En  temps  de  guerre 
îl  tenoit  contenance  un  peu  plus  févère  qu'en 
temps  de  paix,  &  ce  pour  aultant  qu'il  fçavoit 
que  un  prince  doit  fort  craindre  la  désobéiffance 
en  un  camp ,  laquelle  fouventefoîs  a  faift  perdre 
plufieurs  batailles;  oultre  ce  que  notoirement 
les  forches  d'une  armée  s'augmentent  de  beau- 
coup  par  l'obéiflance  qu^on  y  porte  au  chef  & 
condufteui*  :  bref  toutes  les  vertus  requife*  en 
un  prince  eftoyent  en  luy.  Au  commencement 
de  fon  gouvernement,  es  divifions  qu'eftoyent 
entre  les  enfans  de  feu  l'empereur  Louys  le  Dé- 
bonnaire, il  tint  le  party  de  l'empereur  JLotaire 


(tf)  Jcceffikle ,  populaire, 

CO  II  n*eft  pas  probable  qu'il  ait  jamais  eu  particulière- 
ment aucune  guerre  contre  les  François ,  comme  nous  le 
prottverpns  plus  bas. 


suRNtoMMé  BRASDEPER.    pS 

contre  Louys  &  Charles ,  difl:  le  Çhaulve ,  fea 
frères,  mefmes  fe  trouva  en  la  fameufe  rencon- 
tre &  bataille  qui  fe  feit  entre  lefdicftz  frères  à 
Fontenay ,  où  il  fe  pourtoit  fi  vaillamment , 
qu'^rès  y  avoir  exécuté  plufieurs  beaux  &  ex- 
cellentz  faiâz  d'armes,  il  fuft  tellement  navré, 
qu'on  le  laiffa  pour  mort  entre  ceux  qui  en  la- 
dîfte  bataille  furent  tuez  ;  mais  le  lendemain  ,  il 
fuft  recognu  à  fes  armes,  &  par  le  moyen  d'un 
fien  amy  (  dont  on  né  fçait  le  nom)  tiré  du 'camp , 
faulvé  &  renvoyé  en  fes  païs  (2).  Àufquplz  il  fe 
tint  pour  quelque  temps  fans  faire  ehofe  digne 
de  mémoire ,  jufques  à  ce  que  adverty  de  l'in- 
comparable beaulté  de  madame  Judith ,  vefve  de 
feu  Adulph  roy  d'Angleterre  (3) ,  &  fille  de  Char- 
les de  Chaulve  Roy  de  France,  il  en  devint  ex- 
trêmement amoureuz,   que   lors  ayant  entend^ 


Lt  bfttâfllQ 
de  Fonte* 
nay. 


Bandouyn 
Brai  de  Fer 
laiffé  pour 
mort  en  la 

J'ournée  de 
?*ontenay. 


Baudouys 
Bras  de  Fer 
devient 
fimoureux 
de  madame 
ludith   de 
rnmce. 


(a)  Il  faut  s'^n  rapporter  pour  ce  fait  à'  la  bonne  foi  de 
l'auteur ,  qui  écrivoit  fans  doute  d'après  des  mémoires  qui 
font  perdus  pour  nous.  Au  refte  l'aventure  de  Baudoin  dans 
les  champs  de  Fontenai  ne  répugne  ni  aux  circonftances  du 
tems ,  ni  à  fon  caradère  guerrier ,  ni  aux  deyoirs  qu'il  avoit 
\  remplir  à  l'égard  de  Lothairepour  lequel  il  s'étoit  déclaré, 
après  la  mort  de  Louis  le  Débonnaire.  Fontenai  en  Bour- 
gogne eft  célèbre  par  la  vidoire  que  Louis  de  Bavière  & 
Charles  fe  Chauve  remportèrent  fur  Lothaire  ,  fie  dans  la- 
queUe  il  périt ,  dit-on  ,  près  de  looooo.  hommes. 

(3)  Plufieurs  hilloriens  anglois  6ç  les  capitulaires  de  Char- 
les le  Chauve  l'appellent  iî^thelwulfe ,  Adelwulfc  &  Edelul- 
phe.  U  fut  le  premier  époux  de  Ju^th  qui  n'avoit  que  10. 
ans ,  quand  elle  l'époufa.  Ce  prince  étant  mort  en  857.  6c 
le  mariage  n'ayant  pas  été  çonfommé ,  çUe  époufa  Ethelbalde 
ou  Adelbalde  fon  fils  d'un  premier  mariagp  &  qui  mourut 
en  860.  Judith  étoit  revende  à  la  cour  de  fon  père,  fie  eUe 
vivoit  à  Senlis ,  lorfque  Baudoin  fayorifé  par  Louis  le  Bègue 
frère  de  cette  princefle  la  détermina  à  le'  fuivre  en  Flandre 
où  eUe  l'époiufa.  Meyerus  fait  entendre  que  Judith  fie  Bau- 
doin s'aimoient  déjà  avant  le  mariage  de  celle-ci  avec  Edilul- 
phe.  Judith  n'avoit  pas  alors  10.  ans,  fie  ce  n'eft  pas  k  cet 
àgt  qu^on  reçoit  fie  qu'on  infpire  de  Tapour. 


Afler.  p.  4. 
Edit.  Fran- 
cof.  1603. 
Florent. 
Wigom. 
chron.  edit. 
Lond.  an. 
855.  P- 300. 

Ann.  Ber- 
tin.  fie  chr. 
Sith.  an. 
862. 

An.  837- 


-Batidouyii 
tneine  en 
habits  dif- 
ûmulés  » 
madame  Ju- 
dith vers 
Harlebec- 


Lettres  du 
iroy  Charles 
le  Chaulve 
àBaudouyn 
Bra^deFer^ 


96     fiAÙDOlfî     PREMiEH,^ 

Qu'elle  eftoît  en  chemin  pour  retourner  en  France  4 
vers  lediift  Charles  fon  p^te,  il  trouva  moyen 
de  parier  à  elle,  &  la  fçcut  tant  bien  perftradet 
qu'elle  fut  contente  de  le  fuyvre  en  habit  diflî- 
mule  5  &  pourtant  l'emmena  en  fon  chaftel  d'Har- 
kbeccjue  où  peu  après,  craîndant  rempefchemenc 
que  aultrement  on  luy  euft  voulu  donner,  il  fe 
maria  avec  elle ,  au  defçeit ,  &  contre  la  volonté 
du  roy  Charles  fon  père ,  lequd  indigné  dé  cefle 
préfumption ,  envoya  par  Tadvîs  des  princes  & 
ïeîgneu'rs  de  fon  confeil  versî  lediftBaudôtiyn  uu 
héràuld,  avec  lettres  dont  la  teneur  ou  fubftan- 
ce  s'enîuyt:  „  Je  defire   fort  fçavoif,  féîgneur 

4,  Baudouyn  quelle  excufé  vous  trouverez  du 
„  grand  tort  que  vous  m'avez  faîéï,  &  à  vous 
^  mefme  (ce  que  je  puis  dire)  en  violant  mon 
j,  èftat  royal  &  îe  ferment  duquel  comme  à 
5^  voftre  feigneur  vous  m'eftes  obligé  ;  vous 
^priant  me  la  vouloir  efcripre  par  le  menu,  af-« 
„  fin  que  je  y  puîfle  prendre  confidération  qui 
„  foit  fuffîflante  pour  îfccomplir  la  fatisfadîon  de 
„  voftre  part  en  mon  endroiéï.  Car,  où  je  ne 
'„  la  pourroîs  recevoit*  de  vous  de  voftre  bon  gré  , 

5,  force  ihe  fera  de  la  prendre  au  fil  de  l'efpée, 
^  m'estahîflant  grandement,  comme  voftre  ver- 
„  tu  taift  cognue'  jufques  icy  s'eft  tant  oublié 
„  par  appétit  défordoftné  de  jeuneffe  effrénée, 
„  que  de  fe  dédarer  tant  efluemy  de  la  raifon , 
„  mefmement  de  la  foy  &  fidélité,  que  vous 
„  debvîez  à  la  couronne  de  France,  &  lafqucUe 
„  voz  pères  &  prédéceffeurs  ont  tousjours  in- 
„  violablemenr  gardée.  Vous  afleurafit  qu'à  grand 
„  peine  vous  lavera  toute  l'eau  de  la  mer  d'une 
„  fi  grande  tafce  &  macule  (a).  Car  voftre  ef- 

toffe 


C^)  Tache  &  fautât 


SURNOMMA    BkAâDBF^ÉïLjjF7 

^  toffe  eftoit  tenue  de  nSfifter  à  fi  vilain  afte,  né 

^  faifant  chofe  à  l'endroit  de    voftre   feigneur 

y,  fottverain,  que  ne  vouldrîez  Vous  eftre  faîébe 

^  par  aulcun  de  toz  fubjeftz  &  vaflaux;  &  de 

7j  quoy,  je  ne  fçay  comment  vous  pourrez  vous 

^  defcharger  envers  Dieu  &  les  hommes.  Et  en* 

^  coîre  que  j*eufle  bon  droîft  de  vous  faire  la. 

yj  guen'e,  &  chaftoyer  Ça)  comme  violateur  de 

y,  ma  fille,  &  de  voftre  pfopre  foy;  fi  eft-ce, 

y^  que  ayant  Dieu  devant  les  yeulx,  &  les  afTai- 

,^  res  dé  la  répiiblicque  Chreftienne  en  recom-* 

yj  mandàtion.  Vous  ay  bien  voulu  femondre  de 

„  m*cn  faire  raîfon   de  vous-mefme ,  '  affin    que 

^  par  ce  moyen  on  'efctieue  (*)  le  ma^ ,  que  aul- 

^  tremettt  je  vois  appareillé ,  lequel  Dieu  vueille 

„  deftourner  par  fa  grâce,  au  moyen  de  voftre  • 

5,  jufte  fttisfaftiôn.  En  cas  que  non  4  Je  protefte 

„  vous  faire  telle  guerre,  qu'à  jamais  eti  fera 

yy  mémoîte  „.  Cefte  lettre'  bletl  cachetée  fuft  dé* 

livrée  audiâ  hérauld,  Icfquel  partit  le  jo\ir  pro» 

cfaain^  tenait  le  chemin  d'Harlebecque,  où  û 

trouva  le  prince  Baudouyn  auquel  il  délivra  la 

fufdîéle  lettre.   Laquelle  leue,   Baudouyn  lentit 

tm  grand  mouvement  de  cholère;  non  qu^il  ne 

confeflaft  &  cogneqft  aulcuncment  foft  tort;  mafe 

la  force  d'amour  (lui  à  ce  l'aVoit  induift,  &  nofi 

aolcune  pféméditée  itialîce  luy  fembloit  mérite*    • 

une  repréhenfion  quelque   peu  plus  doulce;  & 

néantmoins  diffimulant  fon  altération  (c)  au  moins 

mal  qu'il  peult,  dîft  âudîél  hérauld ,  qu'il  enten-     ^^ 

doit  refpondre  particulièrement  à  ladîéle  lettre^    BwSouyn 

&  par  meure  délibération  de  corifeil,  &  que  J)af-    Bras  de  Fer 

tant  il  fit  bonne  chèi'e.  Cependant  qu'il  donne-    5^^^^^ 

roit  ordre  de  le  defpefcher.  Peu  après  il  fitlévoc- 

quér  tomz  les  barons,  coiifeillers  &  nobles  de 


(*)  £vin* 


Aifemblée 
des  nobles 
de  Flandre 
au  chflftel 
d'Harle- 
becque. 

Propofidon 
de  Bau- 
douyn  Bras^ 
de  Fer  auf- 
didz  no- 
bles. 


DivcrTité 
d*opinion8 
touchant  la 
tefponfe 

3ue  Bau- 
ouyn  Bras 
de  Fer  de- 
voir faire 
aulx  Icttref 
de  l'empe- 
reur Char- 
les. 


98     BAUDOIN    PREMIER, 

fon  pais  audift  Harlebec<iue  kfquelz  affembler, 
il  parla  à  eulx  de  cefte  forte:  „.Très-chiers  fei- 
gneurs  &  bons  amys,  vous  avez  peu  enten- 
dre le  moyen  par  lequel  je  fuis  parvenu  à  la 
jouiflance   &  mariage  dç  madame  Judith  ma 
très-chière  efpoufe,  mefmes  que  la  feule  violen- 
ce d'amour  m'a  réduift  aux  termes,  aufquel^ 
depuis  je  me  fuis  trouvé  de  l'amener  par  deçà 
&  fans  le  fceu  des  parentz  d'elle,  contrafter 
noftre  mutuel  mariage.  Ce  que  véritablement 
je  n'ay  attenté  pour  envye  que  j'aye  eu  de 
provocquer  contre  moy  l'indignation  de  l'em- 
pereur Charles  mon  fouverain  feigneur,  ains 
feulement  à  raifon  de  la  doute  en  laquelle  j'ef- 
toye ,  que  mon  anchiene  alliance  avec  le  feu 
empereur  Lotaire,  n'euft  induiâ  lediél  Char- 
les, à  me  la  refufer.    Lequel    puis  naguerres 
m'a  envoyé  une  lettre  tant  pleine  de  menafles 
&  outrageufe,  que  je  ne  fçay  bonnement  comr 
ment  je  luy  devray  refpondre  attendu  prîncî- 
pallcmcnt  que  je  ne  vois  aulcun  chemin  pour 
luy   donner  la   fatisfaétion    qu'il    demande, 
qu'eft  la  reftitution  de  itaadame  Judith   entre 
fes  mains.  Vous  priant  pourtant  que  tous  en 
général  me  vueilliez  confeîller  comment  à  nof* 
„  tre  plus  grand  honneur,  je  pouray  forthr  & 
5,  me  dcfvelopper  de  ce  fafchcux  labyrinthe  „. 
Ce  dift,  fe  teut:  &  y  euft  fur  cefte  propofition 
diverfes  opinions;  les  uns  difantz  qu'il   devoit 
mener  la  guerre,  &  que  le  roy  Charles  eftoit  fi 
empefché  contre  les  Normans  &  Dannois,  qu'il 
n'auroit    moyen    de  beaucoup  luy  réfifter.  Les 
aultres  n'en  vouloyent  point,  cherchantz  pluf- 
toft  paix  &  fatisfaélion  aube  deux  coftez  félon 
qu'on  eft  accouftumé  de  faire  en  femblable  cas. 
Mais  enfin  fut  conclu  que  le  prince  Baudouyn 
refpondroit  le  plus   humblement  qu'il  feroit  pof* 
fible  à  la  lettre  de  l'empereur  Charles:  luy  faî- 
fant  toutes  les  offres  que  fon  honneur  faulf> 


w 
n 
î»i 
n 
w 
n 
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1? 

31 
51 
51 
51 
51 
51 
51 


Stjtlf^oHMé    ÈilAS    i)E    FË&.    ff^ 

fsLiTQ  fé  pouroyent^  &  que  fi  il  ne  condefcendoîc 
à  quelques  conditidliS  raifonnables ,  Ton  advife- 
roit  lors  comment  bti  fe  devroit  conduire  pour 
l'advenir.  Ce  confeii  fut  comme  le  plus  fain  de 
toute  la  compagnie  tJ*euvé  bon ,  &  promptement 
exécuté.  Suyvânt  lequel  lé  prince  Batidouyn  ef- 
crivît  au  ;roy  Charles^  fur  fa  précédente  lettre 
une  refpônfe  telle  en  fubftancea  ^  Sîret  pour 
^  particulièrement  refpondre  aux  articles  de  la 
„  lettre  que'voftre  hérauld  m'a  préfentée,  je 
5,  fuppliô  bîen^  humblement  vouloir  croire  que  la 
^  feule  force  d'amour,  m'a  induift  à  l'chtreprin* 
„  fe  dé  laquelle  vous  me  blafmez  &  laquelle, 
^  (lorsque  poftpoféô  toute  particulière  paffion^ 
^  voftre  raâgefté  vouldra  pefei*  ceft  affaire  en  la 
^  jufte  balance  de  raifon)  nd  fera  (feut-eftre) 
trouvée  fi  lourde  que  la  baptifez^  ny  fi  exor-* 
bitante  qu'elle  puîfle  mériter  lé  dhafloy  duquel 
pat  voftre  lettre  vous  me  menaflez  ^  &  beau- 
coup moins  l'opinion  en  laquelle  vous  eftes^ 
que  par  icelle  j'aye  tant  foit  peu  dénigré  mont 
eftimâtion  &  honneur.  Caf  l'excellente  beauté 
y,  de  madame  Judith,  joinéle  à  fon  încompara- 
y,  ble  vertu  &  au  grand  lieu  (^)  dont  elle  efl 
5,  3rfluë,  m'ont  obligé  à  fi  nobles  penfementz^ 
^  m'ayànt  tousjoufs  tiré  hots  de  moy-mefme^ 
„  comme  continudlement  ententîf  en  l'honneftd 
y,  amour  que  je  luy  pourvois ,  foubz  pure  loy 
„  de  mariage,  qui  me  doîbt  fervir  de  déchargé 
^  pour  eiFacer  la  coulpé  Çh)  que  me  vpuïez  inn 
„  pofer,  &  dont  ne  me  fens  aulcuiïement  repré- 
„  henfible^  fi  n'eftoit  de  la  faulte  que  je  puis 
„  avoir  faicte  à  voftre  magefté  de  l'emmener  &c 
y,  efpoufer  fans  Voftre  cofifentement  ;  ehofe  qui 
„  me  defplaift  beaucoup.  Mais ,  la  doubte  queJ 
„  j'avois  que  plufieufs  envyeulx  que  ordinaire* 


de    Bau- 
douyn  Bras 
de  Fer  aux 
lettres   du^ 
diâ    rot 
Chtrleii 


^<aj  ^u  fang  illuftu^ 


Çk)  Faute. 


Ka 


Les  courts 
des  princes 
ordinaire- 
ment  bien 
'garnies 
d'envyeux. 


Diverfité 
jd'opinions 
fur  la  guer- 
re que  l'em- 
pereur 
Charles  en- 
tèndoit  me- 
ner au  Bau- 
douyn  Bras 
de  Fer. 


3» 


loo    B  A  U  D  0  I  N    P  R  E  M  I  E  R, 

„  ment  fe  treuvent,  comme  en  celle  des  aultres 
„  princes,  pareillement  en  voftre  court,  n'euf- 
„*  fent  deftourné  le  confentement  que  voftre  ma- 
„  gellé  euft  aultrement  &  de  fon  propre  motif 
„  peu  donner  à  cefte  alliance,  m'a  faift  tomber 
5,  en  cefte  faulte.  La  réparation  de  laquelle  je 
.  „  fuis  content  remettre  en  voftre  difcrétion  & 
,„  celle  de  voftre  confeil,  promettant  de  ma  part 
■  5,  de  (condefcendre  à  toute  condition  hpnnefte  & 
raîfonnable.  Au  regard  du  ferment  de  fidélité., 
du  quel  je  vous  fuis  tenu ,  &  lequel  par  voftre 
lettre,  femble  que  tacitement  voulez  inférer 
„  avoir  efté  enfrainft  par  moy,  je  maintiens  ne 
„  ravoir  en  rien  violé,  ne  faift  ahofe  par  la- 
„  quelle  on  puifle  juger  que  j'aye  contrevenu  à 
5,  îceluy.  Parquoy,  &  confidéré  que  madame  Ju- 
„  dith  eft  ma  femme,  qu'elle  m'a  fuyvy  de  fa 
„  bpnne  volunté,  &que  le  faift  eft  jà  irrévoca- 
„  ble;  je  prie  en  toute  inftance,  qu'il  vous  plaî- 
5,  fe ,  fire ,  vous^  contenter  de/  mes  offres  telles 
„  que  deffus ,  vous  fouvenant  de  la  fin  doubteu- 
,^  fe  &  incertaine  des  batailles ,  mefmes  que  toute 
„  chofe  venant  à  voftre  £buhàit,/ce  vous  fera  un 
„  prouffit  &  pafle-temps  bien  maigre,  d'avoir 
„  ruiné  un  vaffal,  lequel  pour  voftre  fervice  n'ef- 
5,  pargnera  jamais  tous  fes  biens,  fon  fang,  ny 
„  fa  propre  vie  „.  Le  jour  enfuyvant  fuft  don- 
née cefte  refpçnfe  audift  hérauld,  avec  laquelle 
il  fe  partît,  &  exploifta  tant  par  fes  journées, 
qu'il  arriva  à  Paris,  où  il  préfenta  au  roy Char- 
les en  préfence  de  tout  fon  confeil,  la  fufdifte 
refponfe;  laquelle  leuë,  caufa  diverfes  opérations 
aux  cœurs  des  aflîftantz,  dont  les  uns  eftoyent 
plus  enclins  à  la  paix  &  tranquillité,  les  aultres 
eftîmoyent  qu'on  ne  debvoit  laifler  cefte  préfump- 
tîon  dudift  Baudouyn  plus  long-temps  impunie, 
n'ayantz  peult-eftre  tant  d'efgard  à  ce^que  le 
bien  &  prouffit  du  Royaulme  lors  agité  &  mal 
meaé  par  les  Dannois,  Normans  &  aultres,  re- 


\ 


SUSNOMMÉ    BRAS    DE    F  E  R.  loi 


^uerroît,  qu'à  la  volunté  &  fatîsfaftîon  du  roy 
Charles,  laquelle  îlz  voyoyent  du  tout  s'incliner, 
à  une  obftinée  &  effrénée  cupidité  de  vengeance. 
Et  néantmoins  la  matière  fiit  mife  en  délibéra- 
tion, &  toutes  opinions  bieq,  examinées  &  dili- 
gemment ventilées  (a)^  la  meilleure  &  plus  faine 
partie  du  confeil  remonftra  au  roy  „  que  félon 
„  leur  advis,  le  prince  Baudo.uyn,  avoit  par  fa 
^  lettre,  propofé  tous  les  articles  de  defcharge 
^  que  un  gentilhomme  aymant  fon  honneur  pou- 
„  roit  donner,  &  que  confidérànt  l'événement 
„  périlleux  des  batailles  &  mefmes  la  quantité 
,,  des  Dannois^,  Normans  &  aultres^,  qui  lors 
„  moleftoyent  le  Royaulme  de  France ,  Ton  deb- 
-„  voit  en  ceft  endroiél  laîffer  la  guerre ,  pour 
y^  fuyvre  la  paix;  attendu  principallement  que 
„  ores  (Ji)  qu'on  euftmené  guerre  dix  ans.  Ton 
„  ne  pourroit  enfin  venir  à  meilleur  party  qu'ef- 
„  toit  ceftuy  quy  s'offroit.  Parquoy  (fire)  di- 
„  foyent-ilz:  Ayez  l'œil  fur  l'inflabilité  de  for- 
„  tune ,  &  que  l'honneur  ne  fuyt  qui  le  veult , 
„  &  entendez  que  les  conditions  qui  s'achettcnt 
„  au  trenchant  'de  l'efpée,  coudent  bien  chier, 
„  &  fortiffent  fouvent  leur  effeél  tout  au  rebours 
„  que  les  hommes  projeélenN  Oultre  ,  puisque 
„  le  prince  Baudouyn,  fe  repent  d'avoir  emme- 
i,  né  madame  Judith  contre  voftre  vouloir,  & 
„  qu'il  fe  fubmeft  à  telle  réparation  que  voftre 
„  confeil  trouvera  hoi^nefte  &  raifonnable,  nous 
„  femble  que  1q  debvez  accepter  (attendu  que 
„  là  chofe  feide  ne  peult  eftre  aultrement)  en 
„  demeurant  en  la  plus  honncfte  paix  qu'il  fera. 
„  poffible.  Laquelle  fi  vous  refufez  entièrement, 
„  nous  fommes  preftz  de  vous  fecourir  jufqucs 
„  à  la  mort,  pour  Taire  cognoiftrc  à  ceulx.qui 
^  penferoyent    ceftuy  noftre    confeil    pioçéder* 


Difruafion 
des  princes 
de  France 
tonchant  la 
fufdi<^  en- 
treprinfe  de 
guerre. 


(/?)  DébaHucs^ 


W  Qj*Otq¥&, 


Le  roy  de 

France   ar- 
refte  de  fai- 
re  guerre 
kHaudouyn 
^raadeFcr. 

L'archevcf- 
que    de 
Rains  blaf- 
mé  pour  ce 

Î[u'il  con- 
eilioit  la' 
guerre. 

Baudouyn 
^ras  de  Fer 
a'apprefle  à 


joa    B  A  U  D  O  I  N   PREMIER, 

y,  d-aulciine  punUanimité,  que  ne  craindons  I4 
^  guerre,  en  laquçUe  nous  avons  prîns  nourri- 
yf  ture  ^f  Cefte  refponfe  &  advis  encores  que 
très-prudent  &  difcret  9  ne  ppult  enfonfer  la  raifoa 
dans  Tentendement  du  roy  Charles,  auquel  la 
délibération  de  vengeance  eftoit  fi  avant  impri- 
mée, qu'il  ne  peult  oncques  entendre  à  l'offre 
qu'on  luy  fai(bit;  aiqs  afpîroit  totallement,  ou 
^  ravoir  fa  fille  qui  contre  fa  volunté ,  &  à  fon 
defceu  s'eftojt  piarîée,  ou  à  la  furie  de  guerre, 
ne  trouvant  gouft  en  aulcune  opinion  contraire. 
Qui  fut  la  caufe  (jue  1^  guerre  fuft  arreftée  con-r 
tre  lediél  Baudouyn,  de  laquelle  Ton  bailla  la 
principalle  charge  à  f^ouys  diél  le  Bègue, filz  du- 
dift  roy  Charles,  auquel  fuft  adjoînft  pour  alfifr 
tence  de  çonfeij  Anfelme  Archevefque  de  Rains, 
lequel  fur  tous  aultres  avoit  le  plus  incité  le  roy 
Charles  à  Tentreprinfe  de  cefte  guerre;  faifant. 
en  ceft  endrolft  office  de  loup  raviflTant,  au  lieu 
de  ceftuy  d'un  doulx  &  diligent  pafteur;  dont  il 
n'avoît  rien  que  le  nom,  dignité  &  revenu,  Le 
prince  Baudouyn  adverty  de  ja  délibération  du 
roy  Charles ,  fit  de  toutz  coftez  afTpmbler  le  plus 
de  gens  que  luy  fuft  pofTible,  bien  délibéré  de 
foy  gouverner,  de  forte  que,  comme  l0  roy  ayoit 
cntreprins  cefte  guerre  foubdainement,  ainfi  qu'il 
s'en  repcntiroit  tout  à  loifir.  Et  après  avoir, 
comme  vigilant  gouverneur,  poyrveu  aux  villes 
&  fortcrefles  de  fon  païs,  félon  l'exigence  & 
bricfveté  du  temps ,  il  fc  mit  avec  fon  6ft  (a)  en 
campaîgnc,  marchant  droift  vers  fon  ennemy, 
&  en  intention  de  luy  empefcher  Tcntréa  de  feft 
diftz  païs,  mefmes  de  tenter  toute  anltre  chofe, 
pUitofî  que  de  tomber  au  dangie^^  de  venir  & 
puyr  journellement  la  deftrudiîon  &  faccagement 
de  fes  terres  &  pouvres  vafliulxt  D'aultre  çofté  ^ 


iif)  ^rm^^^ 


SURNOMMÉ    BRAS    DE    F  E  R.  103 

les  François  cheminoyent  fort  &  ferme,  &  en 
merveilleufement  grande  puiflance,  fulmînantz  une 
infinité  de  menafles,  &  contre  toute  la  Flandre, 
&  contre  Icdift  Baudouyn.  Lequel  avoît  desjà 
affis  fon  camp  lez  (a)  la  ville  d' Arras ,  en  une 
plaine,  guerres  loing  du  mont  faincl  Eloy.  Et' 
attendant  illec  fes  ennemis,  ne  céfToit,  comme 
bon  capitaine  qu'il  eftoit,  de  continuellement 
Inciter  fes  jeunes  foldats  à  touts  nobles  exerci- 
ces, "vifiter  le  guet,  affilier  aux  bledz  que  ven- 
dent les  vivandiers ,  chaftier  les  déliétz ,  ouir  les 
quéreUes  des  compaignons  ,  &  vifiter  les  ma- 
lades. Oultre  ce  il  fe  monftroit  aflez  rigoureux 
à  Tendroia  de  ceulx  qui  feilloyent,  lefquclz  il  re- 
tiroit  par  la  crainte  des  loix  &  ordonnances 
comme  coureurs  qui  font  longuement  hors  du 
camp,  &'puis  reviengnent;  femblablcment  ceulx 
qui  laiflent  quelque  efpace  de  teipps  le  camp ,  & 
puis  font  ramenez  :  bref  il  n'obmettoit  debvoir, 
dont  un  bon  &  vigilant  capitaine  s'euft  peu  ad- 
vîfer.  Cependant  Tannée  des  François  appro- 
choit  tousjours  laquelle  venue  à  la  veuë  de  celle 
des  Flamens,  fe  dreflerent  d*une  part  &  d'au- 
tre dîverfes  &  bien  dangereufes  efcarmouces,  & 
lefquelles  il  faîfoit  très-beau  veoir;  non  pas  tou- 
tesfois  à  ceux  qui  s'y  trouvèrent ,  pour  aultant 
que  la  pluspart  d'eulx  en  rapportèrent  plus  de 
lignes  qu'ilz  n'euflent  défiré*  Nonobftant  quoy, 
ne  ceflerent  de  continuer  leurs  diftes  efcarmou- 
ces, en  toutes  lefquelles  les  Flamens,  au  moyen 
du  bon  ordre  &  diUgence  du  prince  Baudouyn  leur 
chef  &  condufteur,  demourerent  quafi  tousjours 
fupérîeurs.  Finablement  les  François ,  qui  ne  ta-% 
fchoyent  qu'à  s'attacher  avec  toute  leur  ajmde 
à  celle  de  leurs  ennemis ,  faifantz  eftat ,  s'îlz  po- 
voyent  une  fois  à  ce  parvenir,  de  les  ranger  à 


Baudoaya 
tflit    fon 
camp   près 
le    mont 
fainâ  Eloy 
lez  Arnis. 

Office  de 
bon  capi- 
taine. 


Efcarmou- 
ces entre 
les  Flamens 
QlFrançois. 


(#)  PrH. 


1^4    B  A  U  D  0  I  N    PREMIER, 

f ejle  raîfon  qu'i^z  défiroyent ,  s'approcheretit  de 
forte  qu'ilz  viendrent  logée  fur  un  foir  bien  tard 
à  la  porfée  à'un  arc  du^  carap  d'iceulx  leurs  çn- 
nemi^,  en  intention  de  le  lendemain  leur  livrer 
iinç  très-rude  &  cruelle  bataille,  Qui  fut  caufpi 
que  les  deux  can^ps  fuirent  toute  cette  nuiél 
très-bail  guet,  jufques  au  point  du  jour  fubfé- 
quent  4  que  chaîcun  d'eulx  refpeftivement  qrdon-. 
na  de  fes  bat^Ues  ainfi  qu'il  Tentendoit,  &  félon 
que  r^ft  militaire  Içur  didtoit  &  enfeignoit, 

C    fl    A    P    l    T    R    E         XVII. 

Comment  Baudouyn  Bras  de  Fer  eut  une  mimora^ 
ble  viStoire  contre  les  François ,  &  après  icelle 
fit  pendre  en  haults  gibetz  fur  le  mont  JaindtEloy 
aulcuns  des  princtpaulx  autheurs  de  la  guerrt 
que  luy  menoit  ^empereur  Charles^ 

LEs  rays  (/j)  du  foleil  s^ftcndoyent  fur  la 
fraçhe  rofée  d*une  matinée,  paignant  les  gout- 
tes en  fines  jacintes  ^  l'heure  que  1^  très-ver- 
tueu}^  tSç  magnanime  prince  Bandouyn  Bras  de 
Fer,  çonfidéirant  qu'il  çonvçnoit,  que  Içs  armée? 
3'entreveiflfeiit  de  plus  près ,  ordonna  par  l'advia 
des  chefz  &  capitaines  de  fon  armée  ,  que  l'on 
fift  de  fon  oft  feullement  av^ntgarde  &  bataille, 
desquelles  il  réferva  foubz  fa  conduire  la  ba- 
taille, Mî^is  les  François,  pour  e lire  plus  que  les 
Flïlmens  ,  fe  meifrent  en  troig  ;  affin  qu'eftant 
l'avantgardc  &  la  bataille  du  prince  Baudouyn 
couplées  (F)  oultre  les  fjennes,  fon  arrièregarde 
frefce  leur  donnî^  par  les  flancqs.  Le?  deux  camps 
ainfi  ordonnez,  &  les  deux  armées  preft^s  à  com- 
battre marcerent  l'un  contre  l'aultre.  Et  au 
mefmç  înftant  les  avantcoureurs  &  enfans  perdus 
dreflerent  les  efcarmoucçs ,  Q  çhofe  plus  plaîfantc 
^  veoir  ou  à  ouyr  racompter ,  qu'à  expérimeq-» 


suHNOMMÉ  BRAS    DE    F  E  R.  105 

ter)  pendant  lefquelles  les  Flamens  voltigèrent 
peu  à  peu  ,  pour  gaigner  d'un  plain  fault  une 
petite  nwntaîgne  ,  affin  d'encerrer  les  ennemys 
entre  eulx  &  la  ville  d'Arras.  De  quoy  s'apper* 
cevantz  les  autres,  leur  allèrent  fermer  le  pas  en 
diligence.  Lors  le  gentil  Baudouyn  ,  fe  mettant 
au  front  du  grwid  bataillon  de  fon  armée ,  com- 
meifça ,  pour  encourager  fes  foldats  ,  parler  à 
eux  en  telle  forte:  ^L'afleurance  que  j'ay  en 
voftre  prouëfle  &  fidélité  (preux  &  excellentz 
chevaliers,  &  vous  autres  mes  bons  amis)  m'ofte^ 
ou  peu  s'en  faut,  Toccafion  de  vous  remon- 
ftrer  les  caufes  pour  lesqtielles  nous  devons 
aujourd*huy  vaincre  noz  ennemis,  ou  bien  mou- 
rir en  la  bataille.  Mais  pour  accomplir  chafcun 
noftre  charge ,  moy  en  parlant ,  vous  en  m'ef- 
coûtant  comme  Voftre  capitaine ,  je  vous  veus 
remettre  en  mémoire  quelques  poinfts  que  long 
tems  à  aulcuns  de  vous  peuvent  avoir  aprins 
par  continuel  ufage  de  la  guerre.  Ne  foyez 
donc  point  eftonné  pour  la  multitude  des  en- 
nemis; car  le  défordre  où  desjà  je  le^  voy 
m'affeure  de  la  vîdtoire ,  laquelle  advenant ,  je 
vous  prie  mes  b<ins  amis  &  compagnons ,  per» 
fifter  en  voz  rangs ,  modérant  l'ardeur  de  l'exé- 
cution, de  forte  que  la  rapine  &  butiq  (qui 
après  ne  nous  peult  efçhapper)  nd^tnette  per- 
fonne  en  défarroy  (a) ,  par  lequel  on  pourroit^ 
perdre  le  certain,  &  révolter  fortune.  Plus 
vous  advife  de  ne  mefprifer  &  contçmner  vof- 
tre ennemy,  ains,  l'eftimer  bien  aultant  que 
vous-mefmes  penfe^  valloîr,  comme  à  la  vé- 
rité les  François  (à'qui  aujourdhuy  aurez  af- 
faire) font  de  la  plus  b'ellicqueufe  nation  du 
monde,  &  qui  a  ordinairement  defconfit  tou- 
tes celles,  qu'elle  a  voulu  aflaillir.  Vous  priant 
au  furplus  faire  mieuLx  que  ne  vous  pourrois 
dire,  &  confidérer  que  cefte  viftoire  fur  les 


Hawngut 
de    Bsui" 
douyn  pour 
encourager 
fe  s  foldats. 


On  ne  doibt 
mefprifer 
fon  enne* 
my. 

I^ouange  de 
la  nation 
françoae. 


(^)  Défordu, 


Harangne 
de  Louys 
diâ  le  Bé- 
gae  11  fes 
ibldtts. 


BatsiUe  des 
Flamens 
contre    les 
François. 


lo5    BAUDOIN    PREMIER, 

^  vaincqueurs  des  aultres  peuples^  vous  dreflTen 
r,  un  trophée  de  gloire  ineftimable,  effachant  âc 
^  obfcurciiTant  à  un  coup,  les  plus  illuftres  de 
9,  noz  anceftres  ^.  Cefte  remonftrance  enflamma 
merveilleufement  les  Flamens  à  bien  faire ,  oui-* 
tant  que  fit  celle  du  prince  Louys  le  Bègue  à 
fes  gens,  y,  Seigneurs  (dift-il)  capitaines  &fo^ 
^  dats ,  ou  voit  fouvent  que  Dieu  monftre  fa 
^  puifTance  au  faiA  des  batailles,  en  ce  que  plu* 
„  fleurs  fois  le  grand  nombre  de  gens  fondé  fur 
^  injuftice,  eft  rompu  par  le  moindre.  Mais  corn-- 
^  bien  doibvent  voz  coujages  eftre  affeurez  de 
^  tel  hazard,  ou  dangier,  cognoiflantz  pour  cer- 
^  tain  que  le  bon  droift  eft  de  voftre  cofté;  roef- 
y,  mes  i^ue  avez  icy  des  chefz  très-expertz  pour 
^  exécuter  la  viéloire  de  laquelle  perfonne  ne 
^  doibt  faire  aucune  doubte,  &  principallement 
voyant  la  qualité  de  noz  forces,  &  multitude 
de  noz  foldats.  A.raifon  de  quoy  me  tairay, 
^  eftant  certain  que  eftes  trop  plus  prompts  àTç^ 
yt  feft  des  œuvres,  qu'à  efcouter  telz  fermons.  „ 
Les  harangues  finies  toutes  deux  les  avantgardes 
fe  meurent  Tune  contre  Taultre,  Et  commencè- 
rent les  traiftsàfaire  leur  debvoir(/i),  de  forte 
que  plufieurs  rangs  en  furent  efclarcis  &  maints 
bons  foldats  &  chevaliers  tombez  par  terre,  tant 
qu'ilz  vindrent  aux  lances  brifer,  &  aulx  pic- 
ques  coucher ,  non  fans  grande  tuerie  d'un  cofté 
&  d^aultre.  Et  les  teftes  baîfféjes ,  fe  chocquerent 
gens  de  pied  &  de  cheval  de  tous  coftez  fy  fu- 
rieufement,  qu'à  moins  de  rien,  l'un  perdit  la 
vie,  l'aultre  le  bras,  l'un  renveffé  par  terre, 
l'autre  fecouru,  fy  qu'on  n'ouyt  oncques  par-* 
1er  de  conflift  fy  cruel  en  peu  de  temps.  Car 
ceulx  de  l'avantgarde  du  prince  Baudouyn  feif- 
rcnt  tel  effort  en  cefte  première  charge,   &  en- 


w 


(<?)  LcsJUcbes  à  voler» 


SURNOMMÉ    BRAS    DE    F  E  R.  107 

fonferent  Ty  brufquemeiit  les  annes,  que  les  en- 
nemîs  eftoyent  fus  le  poînâ  de  branfler  &  tour» 
ner  en  fuyte,  quand  leur  bataille  &  arrièregardç 
Jes  vindrent  fecourîr.  Mais  fy  fiifrent-eUes  ar- 
Teftées  fus  le  cul  par  le  prince  Baudouyn,  arec 
îai^t  de  fang  efpandu  des  deujc  coftez,  qu'il  fe- 
roît  diflScîl  à  croyre»  Là  moururent  maints  preudV 
hommes  par  les  mains  du  vaillant  Baudouyn ,  & 
^ntre  aultres  ledift  Anfçlme  archevefque  de  Raîns , 
principal  autheur  de  celle  guerre;  auquel  Icdift 
Baudouyn  vouloît  mal   de  mort,  tant  pour  la 
xaîfon  fufdîfte ,  que  pour  celle  qu'incontinent  en- 
tendrez. Brief  (a) ,  jamais  chevaliers  ne   fifrent 
tant  d'armes  ny  gens  de  pied  fy  grand  devoir. 
Et  ores  (JH)  que  le  nombre  des  François  fuft  tant 
exceflif,   que  deux   Flamens  avoyent  tousjours 
affaire  à  trois  de  leurs  ennemis,  fy  eft  ce*que 
les  Flamens  tenoyent  tousjours  pied  à  bouUe  (c)  » 
&  fans  reculer  un  feul  pas  combatoyent  de  mieulx 
en  mieulx,  fc  tenantz  tousjours  (félon Ja  fufdifte 
înllruftion  de  leur  capîtaîne)  tant  bien  rangez,  & 
pourfuyvantz  leurs  ennemys  en  fy  bon  ordre, 
que  les  François  commencèrent  enfin  à  branfler, 
&  perdre  terre.  Dont  s'apperchevant  le  prince 
Baudouyn ,  après  avoir  de  ce  rendu  en  fon  cœur 
grâces  à  Dieu,  pour   davantage  encourager  fes 
foldats,   s'efcria    tant  qu'il  peult:  à  eubc  mes 
îimys,  àr  eulx,  la  viftoire  eft  noftre.  Auquel  cry 
Jes  gens  dudj  Baudouyn  s'efvertuerent  plus  que 
devant,  &  comme  fy  tout  le  jour  ilz  n'euffent 
combatu ,  rechargèrent  leurs  ennemis  d'une  telle 
impétuofité ,  que  le  fort  tomba  fy  malheureus  fur 
les  François ,  que  la  terre  demeura  couverte  des 
morts  &  navrez,  &  tournèrent   toutz  le  dos, 
fuyantz  à  vauderoute  (jf)^  Ce  que  ndantmoins 
leur  profita  bien  peu,  car  les  Flamens  les  pour- 


La  mort  do 
rarchevcfr 
que    cko 
Rtim. 


Defikiae 
des  Franp 
çois  parlei 
Flamens. 


(jfy  Bref^  en  un  mot. 


(c)  Ferme. 

(/)  En  défordxc. 


Les  prifon- 
niers  font 
amenés , 
après  lat>ft- 
tiAlle  .de- 
^vant  Bau- 
dooynBraa 
deFer,quy 
en  fait  pen- 
dre aucuns 
antheurs^e 
cefte  guer- 
re, &  ren- 
voyé les  au- 
tres fans  au- 
cune ran- 
çon. 


io8    BAUDOIN    PREMI.ER, 

fuyvirent  fy  vivement,  que  fans  la  nuîft,  quy  fur- 
vînt,  il  n'en  fut  efchappé  un  feUl.  Aînfy  furent 
traiifté  ces  braves ,  quy  peu  auparavant  avoyent 
par  imagination  mis  à  feu  &  à  fang  te  pais  de 
Flandre,  auquel  ils  n''eurent  loifu-  de  feulement 
mettre  le  pied.  Après  cefte  glorieufe  viéloire. 
Ton  amena  le  lendemain  devant  le  prince  Bau- 
douyn,  aucuns  des  principaux  de  ceuxqu'avoyent 
le  jour  précédent  efté  conflituez  prifonnîers ,  en- 
tre lefquelz  fufrent  recôgnus  douze,  que  barons 
que  chevaliers  de  France,  tous  4e  la  lignée  de 
Froymont  &  Ganelon  &  ennemys  mortelz  du- 
difl:  Baudouyn.  Lefquelz  incontinent  il  fit  pen- 
dre en  haultz  gibets  fur  le  mont  fainél  Éloy  & 
au  milieu  d'eux  l'oncle  dudift  Anfeltyie  arche- 
vefque  de  Raims,  quy  avoitefté  confentant  àl'ex-. 
communication  que  ledift  Anfelme  puis  naguer- 
res  avoît  fulminé  contre  ledift  Baudouyn  >  & 
madame  Judith  fa  femme ,  mefmes  avoit  induift 
plufieurs  autres  évefques  du  royaume  de  Fran- 
ce, (l'agréer  ladidle  excommunication,  laquelle 
lis  fondoyent  fur  le  paffage  par  lequel  eft  dift  : 
Si  quis  viduam  in  uxorem  furatus  fuerit ,  anathe* 
ma  fit.  Ce  que  néantmoins  ne  fe  povoit  applic- 
quer  contre  lediél  Baudouyn,  veu  que  par  le 
difcours  que  deffus,  appert  qu'il  n'ufa  d'aucune 
force  contre  ladifte  damme,  ains  qu'elle  le  fui- 
vit  de  fa  franche  &  pure  volonté.  Lefdides 
exécutions  faiftes,  le  prince  Baudouyn  fit  com- 
mandement que  tous  les  autres  prifonniers  fuf- 
fent  délivrez  fans  payer  aucune  rançon ,  &  qu'à 
chafcun  fuft  loifible  de  retourner  à  fa  chafcune , 
tant  pour  effedluellement  démon ftrer  le  peu  d'en- 
vye  qu'il  avoyt  de  nuyre  au  roy  Charles  fon 
beaujpère,  &  naturel  Seigneur,  qu'affin  que  chaf- 
cun bognût  qu'il  n'eftoit  mpins  doulx  &  débon- 
naire à  l'endroia  des  vaincus,  que  magnanime 
&  vaillant  contre  fes  ennemis.  Ce  faift,  &  le 
butin  recueilly  &  diftribué  à  un  chafcun,  félon 


suHNOMMJÊ    BRAS    DEFER.  lof 

fbn  port  &  quaÙtéyle  prince  Baudouyn  retouTi' 
na  à  Harlebecque  où  vîndrent  de  toutes  fes  vil-» 
les,  terres  &  feigneuries  embafladeurs  &  délé- 
guez, pour  luy  iongratuler  d'une  viftoirc  fy 
héroicque  &  glorieufe*  Psurquoy  nous  le  laifle- 
rons  pout  quelque  temps  ,  &  retournerons  au 
roy  Charles  le  Chaulve.  Lequel  adverty  de  Iz 
courtoifie  dont  Baudouyn  Bras  de  Fer  avok  ufé 
vers  ceux  de  fon  royaume,  quy  toutesfois  s'ef- 
toyent  mis  en  armes  en  intention  de  le  ruyner» 
modéra  quelque  peu  Textrême  indignation  qu*iï 
avoit  contre  -luy  conceuë.  Non  que  pourtant  û 
fit  révocquer  ladîfte  fentence  d'excommunication, 
ny  mefmes  celle  par. laquelle  il  avoit  déclaré  tous 
les  biens  dudid  Baudouyn  confifquez,  mais  laiC- 
fant  toute  chofe  en  fon  eftre,  il  fe  contenta  de 
.  ne  plus  perfécuter  par  guerre ,  ny  molefter  le 
fufdîft  Baudouym 

CHAPITRE         XVII  I. 

Comment  un  évefque  de  Ftance  s^eftant  fuppojl  h 
nom  de  Louys  le  Bègue  ^  defcendit  à  grand puif^ 
fance  contre  Baudouyn  Bras  de  Ftr ,  hquel  U 
vainquît^  print  prtfonnier^  fit  foittiTy^ pendre 
Êf  eftrangler. 

LE  bruit  &  renommée  de  "cefte  mémorable 
viftoire  obtenue  par  le  très-preus  &  vaillant 
prince  Baudouyn  Bras  de  Fer,  fuft  auffy  toft  eP- 
pandue  par  les  pais  circonvoifins  ,  mefmes  du 
bon  droift  qu'il  avoit  eu  de  faire  Contre  les  def- 
fus  nommez  gentilzhommes  la  fufdite  exécution. 
Laquelle  néantmoins  irrita  jmerveilleufement  les 
parents  &  amis  des  exécutez,  quy  eftoyent  lors 
en  grand  nombre  &  bien  puiflants  audiâ  royau- 
me. Lefquels  confidérants  le  peu  de  devoir  auquel 
le  roy  Charles  fe  mettoit  d'envoyer  une  aultre 
armée  contre  ledift  Baudouyn ,  arrefterent  d'en 
faire  eux-mefmes  la  vengeance.  Et  de  faiâ,  après 


Ses  parents 
îceuxqae 
Baudouyn 
Bras  de  Fer 
avoit    faiét 
pendre ,  af- 
femblenc 
nouvelles 
forces  pour 
retourner 
contre    le- 
diâ   Bau- 
douyn,      V 
prendants 
pour    leur 
chef   un 
évefque, 
auquel    ils 
impofent  le 
nom    de 
Louys  le 
Bègue,  fils 
du . roy  de 
France. 


Harangue 
de    Bau- 
douyn Bras 
deFeràfei 
ivldats. 


iiô   BAUDOIN    PREMIER^ 

avoir   efleu  pour   chef  un  évefque  qu'eftoît  dd 
leur  faftion ,  &  duquel  Ton  ne   trouve  le  nom 
par  efcript,  afBn  de  plus  légièrement  attirer  gens 
de  tous  coftez ,  moyenant   lefquels  ils  peuflent 
mettre  fus  une  armée  tant  plus  grande  ,  advife- 
rent  que  ledift  évefque  fe  ufurperoit  le  nom  de 
Louys  dift  le  Bègue  ,   fils   du   roy  Charles  le  ' 
Chaulve,  &  que  foubz  tel  notn^  il  les  conduî- 
roît  vers  le  païs  de  Flandre,  où  fuyvant  leur  dift 
projeft,  ils  arrivèrent  peu  après,  avec  une  bien 
grofle  armée.  Et  corîibien  qu'ils  eftimaflent  avoif 
conduîft  leur  entreprinfe  tant  fecrètement,  qu'ils 
fe  perfuadoyent  que  ledîft  Baudouyn  n'en  auroit 
efté  adverty,  efpérants  pourtant  le  furprendre  i 
pied  levé  &   au  defpourveu  :    fy  eft-ce   que  le 
prince  Baudouyn,  éequel  eftoît  aultant  foingneux 
du  bien  &  repos  de  fon  peuple  qu'aulcun  aultrc 
de  fon  temps ,  avoit  aflez  auparavant  préveu  leur 
malicieufe  menée ,    &  par  conféquent  prévenu 
aulx  inconvénientz,  defquelz  à  raifon  d'icelle  il 
fe  debvoit  comme  prudent  gouverneur  &  capi-* 
taine  bien  advjfé,  doubter  &  garder.  Quy  fut  la 
caufe  que  contre  toute  leur  attente  &   expeAa'- 
tion,.il^  trouvèrent  chauffeure  à  leurs  piedz,  & 
réfiftence  trop  plus  grande  qu'ilz  n'avoycnt  ef- 
péré^  comme  efTeftuellement  &  à   leur   grande 
confufion  &  déshonneur  Hz  expérimentferent  peu 
après  par  la  venue  du  prince  Baudouyn,  Lequel 
les  vint  en  toute  diligence  trouver,  guerres  loing 
du  lieu  mefme  ,  où  la  fusdlAe  bataille,  avoit  un 
peu  auparavant  efté  exécutée.  Où  arrivé  &  Voyant 
fcs  enhemys  approcher,   dîft  telles   paroHes   à 
ceulx  de  fa  troupe  :  „  Certes  (mes  amys)  vous 
„  povez  maintenant  à  Veûe  d'oeil  choifir  ceulx 
y,  quy  font  caufe  de  nous  avoir  faift  prendre  les 
„  armes,  pour  deffendre  &  l'honneur  de  Flan- 
„  drc,  &  le  païs  quy  eft  noftre.  Où  toutesfois 
„  Je  ne  fçay  foubz  quelle  couleur  ilz  font  en* 
yi  trez ,  &  à  quelle  occafion  ilz  ont  prins  les 


su&NOMMé    BRAS   DE    F£R.iii 

y,  armes  contre  nous»  fy  ce  n*cft  i  nufon  de  la 

9,  jullice  qu'avons  dernièrement  &  i  bon  droiA 

^  faiâ  exécuter  fur  aulcuns  de  leurs  parentx  ^ 

^  autant  mefcbantz  &  dignes  de  telle  mort,  que 

^  ceulx-cy  fe  monftrent  traiftres  &  ^fi^irmî*  de 

^  vertu.  En  tant  mefmes  que  pour  mîeulx  venir 

^  i  leur  but,  ilz  ont  emprunté  le  nom  du  boa 

jy  prince  Louys  le  Bègue  ,  filz  du  roy  Charle» 

^  monieigneur  ,   penfantz  ,  moyennant  iceluy  , 

jy  couvrir  leur  lafcheté  &  couardife  '(#)  ,  &  nous 

yy  inveftir  de  la  cnunte  quy  raifonnablement  doibt 

^  eftre  de  leur  codé.  Mais  il  en  yrat  aultremait, 

^  &  ne  permetra  noftre  Seigneur  (  comme  j'ef- 

9  père)  que  la  réputacîon,  en  laquelle  nous  avons 

^  tousjours   vefcu  &   depuis   n'agueires  avon^ 

„  grandement  augmenté,  foit  par  eux  eftainâe» 

yy  OU  aulcunement  diminuée.    M'afleurant  qu'il 

„  n*y  a  celuy  de  vous  ,  quy  ne  veuille  pluftoft 

„  mourir  en  honneur,  que  vivre  après  avec  honte» 

j,  £t  pour  telz  vous  cognois  de  îy  longue  nain  ^ 

„  que  j'ay  grande  occafion  de  vous   aymer  & 

„  eftimen   Et  quand  je  n'auroys  cefte  cognoif* 

^  lance,  Ty  fçay-je  bien  que  je  ne  fus  oncques 

jy  fy  tort  né,* que  la  raifon  ne  m'obligeaft  i  vous 

„  tous ,  tant  pour  la  fidélité ,  laquelle  vous  aveï» 

„  tousjours  gardée  à  voz  princes,  que  pour  le^ 

„  grandz  fervices    que  vous   m'avez  fsàâz  en 

yy  maints  endroifts,  &  fignamment  en  la  dernière 

„  journée  contre  le  prince  Louys  &  fes  adhé- 

„  rents.    Quy  me  faîft  croire ,  que  fans  avoir 

yy  efgard  à  la  grofle  &  néantmoins  mal-ordonnée 

yy  armée  de  noz  ennemis ,  vous  fierez  tel  devoir, 

„  fuyvant  voftre  anciene  vertu  &  fidélité  ,  que 

yy  nous  leur  donnerons  à  cognoiftre,  que  ce  n'eft 

„  pas  i  nous,  qu'ilz  fe  doibvent  addrefler.  Ce 

^  que  povons  aflez  ayfément  faire,  veu  que  nous 

(é)  PoUrottno'u. 


ira    B  A  U  D  O  I  N   t>  1  E  M  I  É  Ry 

^  avons  le  droift  devers  nous.  Or,  marchonf 
„  doncques  hardîpient,  car  je  les  vois  approcher.^ 
Tandis  que  Baudouyn  Bras  de  Fer  fifiifoit  cède 
remonftrance  ,  le  vigilant  évefque  d'aultre  cofté 
ne  dormoic  pas ,  aihs  plus  exercité  en  femblabies 
affaires  qu'en  fes  oraiîbns  ou  à  quelque  fainéte 
prédication,  eftoit  au  miliieu  de  fes  bataillons  y 
allant  de  rang  en  rang  perfuader.  fes  chevaliers 
&  aultres  gens  d'armes  à  combattre  virilement» 
A^vf^^    &  leur  difoît;    „ Entendez,  mes  amis,  que  le 
que  à^^fês    -n  premier  &  plus  fouverain  bien  quy  puiflc  cftre 
foldats.  ^'  en  une  armée  ,  eft  d'un  chef  quy  fçachc  pru- 

„  demment  ordonner  &  confeiller  ce  qu'eft  re- 
,,  quis  de  faîfe ,  puis  avoir  obéiflance  pour  exécu- 
^  ter  ce  qu'il  commande.  Or  avez-vous  icy  non 
„  feuletnent  un  capitaine  tel  que  je  dy  ,  mais 
„  deux  ou  trois,  voires  plus  de  vingt ,  lefquelz 
„^  font  fy  accordantz  enfemble  que  ce  n'eft  que 
,^  un  vouloir,  un  cœur  &  ung  advis.  Puis  donc 
^  que  ce  premier  bien  ne  nous  eft  dénié ,  ap* 
:5,  proprions  noiïs  ^u  fécond,  &  pouflbns  noftre 
-„  fortune  quy  nous  ayde  contre  un  tyran  k  plus 
„  cruel  quy  foit  fur  la  terre.  Lequel  n'eft  jamais 
^  vaillant  que  lors  qu'eft  queftion  d'inhumaine- 
„  ment  faire  meurdrir  ceulx  quy  fe  font  fubmîs 
„  à  fa  mercy,  &  aufquete  il  ne  trouve  aulcune 
^  réfiftence  ,  fe  monftrant  aufly  des  premiers  , 
„  quand  la  guerre  fe  doibt  faire  contre  quelque 
^  fille  ^  &  quand  l'opportunité  fe  prélente  de  la 
^,  povoir  ravir  &  defrober.  Mais  lorsqu'à  reh- 
„  contre  des  hommes  quy  luy  monftrent  vifage, 
yj  il  n'at  non  plus  de  courage,  qu'une  glaîne(«) 
„  mouillée,  ou  paillarde  eshontée  Çb)  ^  comme 
„  vous  pourez  préfentement   expérimenter,  fy 

^  feule- 


(a')  Expreflon  picarde    qui   Çb^  Sans  pudeur  ^  fans  bonté, 
fignific  poule. 


«URNOMM]^   B  tl  A  $   DE    F  Ê  It.  lt| 

ji  .feulement ,  (dont  néantmoîns  voftre  magnanl* 
^  mité  m'afleure»)  voulez-rous  difpoftr  &  rendre 
^  peine  de  fpuftenir  leur  premier  choc  &impétuofi- 
^  té ,  laquelle  à  reûe  d'œfl  pouvez  juger  ne  pouvoir 
iy  aucunement  réflfter  à  la  noftre  ,  en  prendant 
^  pied  au  nombre  de  gens  &  ardeur  de  courage  ^ 
j,  dont  nous  les  furmohtons  ,  meftnes  (  &  que 
^  plus  faift  à  eftimei;)  que  nous  avons  Dieu  & 
»,  &  là  juftice  de  noftré  cbfté.^  Tel  propos  tint 
Tapoftat  évefquè  à  fes  gens ,  quy  les  anima  en 
forte  que  desjà  leur'  tàrdoît  d*eftre  au  combat.  ' 
Quy  fut  càufe  qiîe  aii  mefmé  luttant  les  batailles 
marchèrent  d'un  cofté  &  d'aultre  avec  très-bon 
ordre.  A  là  fompture  à  froilfis  des  lances  es 
premiers  rangs  le  bruit  fut  fy  grand  qu'il  en  fit 
retentir  les  prochaine^  vallées;  &  à  la  preifaîère 
meflée  fe  leva  tejle  o'bfcurité  ,  qu'il  leur  fcmbloic. 
combattre  dé  plaine  nuift.  Le  nombre  fut  tel  des 
chevaulx  qùy  alloyént  mourir  ^lof-s  là  preffe ,  les 
uns  avet  leurs  maîftreS  ,  les  autres  fans  eux  , 
qu'ils  virent  une  droîéie  Voirie  tout  à  l'enrour 
du  camp;  A  la  ptemîère  rencontré  des  deux  avant- 
gardes  ^  la  prefîï  fut  fy  grande  qu'ils  empe- 
fchoyent  qua(y  l'un  àr  l'autre  de  tombattre.  Fi- 
nablemèni ,  le  Eyince  Baudouyn  voyant  branfler 
la  bataille  que  menoît  ledift  éVefqtîè ,  ifit  pareille- 
ment iribùvoît  là  fienné ,  au  choc  defqiielles  tom- 
bèrent d'un  coffé  &  d'aultre^  une  infinité  de 
foldats  &  hommes  d'armes.  Qùy  euft  Véu  lorsf 
le  bras  fanglailt  dit  prince  Baudouyn  brandir  (/?). 
par  deflus  les  aUtfes  &  elclairer  puis  çà  puis  là, 
ciomme  il  couroit  par  leS  rangs  pôût  donner  cœur 
&  ordre  où  befoing  eftoît ,  l'euft  â  bon  droîft 
jugé  l'un  des  plus  vertueux  capitaines  du  mondes 
(Contre  lequel  temédioitf  de  fon  cofté  ledift  évef- 
què par  grand  valeur  &  prudence  ;  en  forte  qu'ite 


Bataille  i^ 
Flamens 
contre  îc- 
diA  évef- 
què <Sc  fe» 
confédéré^ 


{a)  S*agiun 


Deffaiôc 
dudiâévef- 


Ue&àévtf- 
que  prifon- 
nier. 


LcdiAévef- 

âuc  par  or- 
onnance 
de    Bau- 
douyn  Bras 
de  Fer  eft 
battu  de 
verges»   & 
après  pen- 
du. 

cpcrpenâi- 
mus:  deferi' 
tent,cxcQm» 
Êfunlc 


114    BAUDOIN    PREMIER, 

s^entrcfouflindrent  (ans  aucun advâhtalge,  jufques 
environ  le  foir ,  que  lors  ledift  (îvefque  &  les 
Tiens  ne  peurent  plus  avant  fouftenir  la  force  & 
impétuofité  desdiÂs  Flamens  ;  par  lefqucls  (pour 
le  faire  brief  )  ils  furent  mis  en  fuyte,  &  fy  vî* 
vement  pouriliyvis  ,  que  la  nuîft  vînt  merveilleu- 
fement  bien  ^  propos  pour  ceux  quy  s'avoyent 
pou  exempter  de  la  boucherîç  commtfe  en  ladiéle 
bataille.  En  laquelle  le  prince  Baudouyn  obtint 
une  belle  viflioire  5  non  toutesfois  fans  grand  & 
notable  perte  d'aucuns  des  plus  gentils  coin- 
paîgnons  de  fa  trouppe,  à  fon  très-grand  xe- 
gret  &  defplaîfir,  duquel  néantmoins  il  fuftafle:i 
foulage  &  reconforté  par  les  nouvelles  qu'on  luy 
apporta,  que  le  fufdift  évefqué  chef  &  conduc* 
teur  àt  la  fufdifte  armée,  avoît  efté  par  fes  gens 
arrcfté  &  conftitué  prifonnicr.  Lequel  il  fit  le 
Jour  fubféquent  amener  devant  foy,  &  après 
l^^voir  grandement  blafmé,  &  du  nom  qu'il  fe 
ayoit  fuppofé  de  Lpuys  dift  le  Bègue,  &  de  ce 
que,  contre  fon  eftat  &  profefflon,  il  avoit  fuf- 
cité  les  fufdîds  troubles,  le  fit  en  préfence,  & 
à  la  veûe  de  toute  fon  armée  battre  de  verges, 
&;  après  pendre  &;  eftrangler  en  un  gibet.  Dont 
fe  peut  veoir  ample  mention  &  fufiifant  tefmoi* 
gnage  par  la  décrétale,  in  c.  perpendinius  :  De 
f^ntent»  excpmmunic*  Laquelle  parle  de  ce  Bau- 
douyn, &  dudia  évefque  en  cefte  forte:  Perpen^ 
ditnus  ex  Hteris  tuis ,  quod  quidam  facerdos ,  pre 
eo  quod  fe  filium  régis  falfb  nominare  prafump^ 
ferit^  &  armis  acceptis  feditionem  fecit  &  guer^ 
ram^  à  Balduyno  comité  juJjTus  efi  fuftigari^  qui 
pofteà  ejus  mandata  traditus  patibulo  expiravit. 
Ce  qu'ainfy  Te  peut  rendre  en  françoys:  nous 
confidérons  par  vos  lettres  que  un  certain  preb- 
ftrc,  lequel  avoit  préfumé  fc  faire  appeller  fils 
de  roy ,  &  oultre  ce  s'eftoit  ingéré  de  lever  gens 
prendre  les  armes,  &  moyennant  icelles  exciter 


^uRNOHMi    B  k.  A  S    DÉ    F  ËR.  115 

fédîtîons  &  mener  guerre ,  Suroît  pat  le  coinmaiH 
dément  du  conte  Baudouyn  efté  fohé^  &  puis 
ipendu  ,&  eftranglé  (i).    ' 


^i)  Aucun  des  faits  rapportés  dans  les  à^MX  chapitres 
précédens  n'eft  appayé  fur  des  monumens  dignes  de  foi* 
U  n^eii  eft  pas  dit  un  mot,  foit  dans  Flodoard,  foit  dans 
les  lettres  de  Nicolas  I.  à  Hincmar ,  foit  dans  celles  d*Hinc- 
mar  à  ce  ppntife.  Occupé  contre  les  Normands  «jui  dé- 
vaftoient  tes  bords  de  la  Seine  &  de  la  Marne  ,  Charles  le 
Chauve  ft  contenta  d*inYoquer  contre  Baudoin  les  foudres 
de  régUfe.  Les  deux  époux  furent  juridiquement  excom* 
tnuniés  par  les  évéqties  aflemblés  à  Soiflbns  i  en  vertu  d*ua 
décret  du  pape  St.  Grégoire ,  qui  frappoit  d'anathôme  le  ra- 
Vifleur  d'une  femme  veuve  &  tous  ceux  qui  favoriferoient 
le  r^pt:  Si  quis  viâuam  furatus  fuerit  in  uxorem^  ipjï  & 
confent tentes  d,  anatbefha  fini.  D*un  autre  côté  ,  Salomon 
'duc  de  Bretagne  avoir  fait  une  invafion  dans  la  Neulhie , 
(Se  Louis  le  Bègue  disgracié  pour  avoir  favorifé  rhymen 
fecret  de  fa  fœur ,  s*étoit  retiré  dans  les  états  de  Salomon 
avec  deux  feigneurs,  Gonfroi  &  Cozfroi.  Enfin  c'étoit  le 
célèbre  tiincmar  qui  occùpoit  Alors  le  fiège  de  Rheims ,  6c 
non  pas  Anfelme  qui  n'eft  ici  v  qu'un  perfonnage  imaginaire. 
Remarquons  encore  que  la  décrétale  dont  l'auteur  appuyé 
Tanecdote  de  la  fuftig^ion,  paroît  plutôt  devoir  tomber  fur 
Baudoin  le  Chauve  qui»  au  rapport  de  Flodoarà ,  étoit  me- 
nacé des  cenfures  cccléfltôiques  «  pour  aVoîi'  téeUenïenl 
fait  fuiUger  im  prêtre* 


Colviner. 
fchol.    ad 
Flodoard» 
P-93. 


CHAPITRÉ       XIX. 

Cotnment  Baudouyn  Bras  de  Fer  ^  ^  madame  Ju^ 
dîth  fa  femme  fe  tranfporterent  vers  Rome  y 
pour  ejire  ahfouh  de  P excommunication  quePem-' 

'  pereur  Charles  avoit  coptre  eux  faiâ  fulminer } 
Êf  comment  au  moyen  des  légatz  que  le  pape, 
Nicolas  envoya  à  Ces  fins  vers  lediSf  empereur" 
Charles^  ils  fufrent  réconciliez  audiù  empereur* 

Après  que  le  vîftorîeux  Baudouyn   euft  mis 
telle  fin  aux  fufdîéles  batailles  qu'avez  peu 
veoir,  confidérant  que  le  roy' Charles  le  Chaul- 


Bras  de  Fer 
éc  madame 
Judith  fa 
femme 
vont  veri 
Romme 
pour  fe  fai- 
re   abfoul- 
arcdercx- 
commutii- 
cation  que 
le  roy  Char- 
les avoit 
fait  fulmi- 
ner contre 
culx. 

Le  pape  Ni- 
colas en- 
voyé deux 
légats  vers 
France    en 
faveur  de 
Baudouyn 
firasdefer. 


îitf   BAUDOIN    PREMIER^ 

ve  continuoît  en  fon  mal  talent  (jî) ,  &  que  ob4 
ftant  îceJuy  ne  trouvoit  moyen  d'eftre  abfoul* 
de  rexcommunîcatîon  fulminée  contre  luy  & 
madame  Judith  fa  femme ,  il  réfolut  (  pour  ofter 
le  fcrupule  &  difficulté,  dont  à  celle  occafion  il 
Ijentoit  fa  coufcienc^  chargée)  s'acheminer ,  avec 
ladiftc  prînccffe  fa  femme,  ver»  la  cité  de  Ro- 
me (0,  où  peu  après  il  parvînt,  &  quant  & 
quant  (^) ,  obthit  du  pape  Nicolas  quy  lors  pré* 
fidoît,  Tabfolution  fy  long-temps  défirée.  Mef^ 
mes  fit  tant  par  fes  remonftrances  &  humbles 
requeftes ,  que  le  pape  Nicolas  déléga  deux  évef-* 
ques  de  fon  fiège  (2),  fçavoir  Tévefque  Fîco- 
denfis  &  Portueniîs,  aufquelz  il  donna  charge 
d'admonefter  de  fa  part  le  roy  Charles  le  Chaul- 
ve  à  une  bonne  paix,  enfemblc  pour  moycnner 
quelque  gracieux  appoînélement  entre  luy  &  lo 
prince  Baudouyn.  Lequel  ay^t  ainfy  befoîngné  ^ 
retourna  en  fes  pais  où  il  fut  reçeu  avec  mada- 
me Judith  fa  femme  en  grand  triumphe,  &  allé-» 
greffe  (3).  D*aultre  codé  lefdifts  évefques  dili* 
genterent  tellement  qu'ilz  fe .  trouvèrent  peu  de 


Ëpit.  du 

SapeNlcol. 
ans  D. 
Bouq.  t.  7* 


(tf)  Dépita  Mîgnathn,  (b^  Au  même  injlant. 

(0  II  avoit  auparavant  été  cherclier  un  afyle  dam  left 
états  de  Lothaire ,  auquel  Charles  le  Chauve  avoit  notifia 
réxcommunication  lancée  par  les  évoques;  &  TaiVle  quo 
Lothaire  donnoit  attx  époux  fugitifs ,  le  foumettoit  lui-mém» 
à  la  rigueur  des  peines  portées  par  le  décret  pondfictl  ^ 
par  le  fynode  de  Soiflbns. 

(3)  Ces  légats  étolent  Rodoald  évéque  de  Porto  te  Jea^ 
évéque  de  Ficode,  aujourdliui  Cervia  dans  la  Romagne* 
Ils  fc  rendirent  à  SoiflTons  où  Charles  étoit,  te  non  à  Pa« 
ris.  Us  lui  remirent,  ainfi  qu*à  la  reine  Ermentrude,  dcâ 
lettres  où  le  fouvcrain  pontife  les  conjuroit  par  les  tnoti/^ 
les  plus  prcfTans  de  la  religion  ,  de  la  tendrefle  paternelle 
te  même  de  la  politique ,  de  rendre  leur  eftime  te  leurs  U* 
veilrs  k  ces  époux* 

(3)  Baudoin  te  Judith  ne  quittèrent  la  cour  de  Rome^ 
que  quand  ils  curent  un  efpoir  bien  fondé  d'obtculr  InM 
grâce  te  la  raùficatioa  de  leur  hymen. 


iJutLiroMMÉ    BR.AS   DE   FER.  ny 

tiemps  après  en  la  cîté  de  Paris ,  où  le  roy  &  les 
Cens  leur  fifrent  tout  Tbonneur,  bon  recueil  &. 
traiftement,  dont  ilz  fe  poûrent  advifer.  Le  len- 
demain en  préfence  des  princes,  barons  &  feî- 
gneurs  du  confeil,  parlèrent  fuyvant  la  charge 
qu'iiz  avoyent  au  roy,  de  cette  forte:  ^  Sire, 
9,  le  bon  zèle ,  &  vertueufe  inclination  de  noftre 
^  faint  père  le  pape  Nicolas ,  au  bien ,  repos  & 
^  tranquilité  de  la  républicque  chreftienne.  Tout 
^  meu  &  ineité  de  nous  envoyer  pardeçà,  pour 
5,. de  fa  part,  &  en  fon  nom  vous  admoneller, 
^  &  requérir,  que  remettant  au  prince  Baudouyn 
>,  l'indignation  qu'avez  contre  luy  concheuë, 
yj  VOUS  plaife  le  recevoir  en  voftre  bonne  grâce, 
5,  enfemble  le  'traifter  à  l'advenir  comme  voftre 
t,  beau-filz,  parent  &  humble  vaflTal.  Pour  àquoy 
^  VOUS  induire  &  plus  facîllement  vous  faire  con- 
,^  defcendre,  il  nous  a  commandé  vous  propo- 
fer,  &  mettre  devant  les  yeulx,  les  articles 
&  confidérations  quy  s'enfuyverit:  première- 
ment que  comme  bon  &  vertueux  prince ,  elles 
plus  tenu  à  la  clémence  &  bon  traitement  de 
voz  fubjeéls,  qu'à  l'exécurion  de  voftre  vo- 
lunté  ,  &  à  garder  leur  fang ,  &  ceftuy  de  leurs 
femmes  &  enfans  par  tranquillité ,  qu'à  Tef- 
pandre  pour  vous  venger  d'une  injure  partî- 
^  culière,  quy  ne  redonde  Qd)  au  dommaige  ou 
déshonneur,  ny  de  vous,  nyde  voftre  royau- 
me. Qu'il  eft  mal  poffible  qu'obtenez  la  ven- 
geance que'  prétendez  fur  ceftuy  que  réputez 
voftre  ennemy,  que  préallablement  ne  vous 
vengez  fur  voz  propres  fubjefts,  &  qu'ils  ne. 
foyent  de  vous  traiftez  rudement  &  inhumai- 
nement, voires  bien  fouvent  aflez  plus  fière- 
ment, que  voz  mefmes  ennemis.  Que  le  propre 
&  naturel  d'un  prince  magnanime  eft  de  par- 


^ 


^ 


Ibrangue 
dcsdiâs  lé- 
gats pour 
induire 
Tempcrcur 
Charles  à 
quelque  ap- 
pointeroent 
avec  Bau- 
douvn  Bras 
deÉcr. 


T\)ut  prin- 
ce cd  tenu 
de  garder 
le  fang  de 
fes  fubjeas 
&  au  bon 
trddement 
dMceulx. 


(/g)  iV#  tourne* 


L*opihiofi 
des  Turcqs 

£c  Sarrafins 
4es  princes 
ch  -^  (liens  à 
raifon    de 
leurs    difr 
cordes   6c 
^iflencions. 


n«    BAUDOIN    PUE  M  1ER, 

^  donner  toutes  faultes  pour  lourdes,  &  inexcufi^*' 
y,  blés  qu'elles  foyent,  à  ceux  quy  les  recognoiflen t, 
^  &  en  demandent  merçy,  pourveu  toutcsfois  que 
„  ce  faire  fepuîfle,  fans  le  fcandale  &  détriment 
y,  public.  Et  quand  tout  ce  ne  vous  efmouvcroit, 
y,  fouvienne^vous,  fire ,  de  l'honneur  du  nom  chrefr 
„  tien^  duquel  vous  vous  vantez,  &  de  ce  quç 
„  pourront  dire  les  Turcqs  &  Sarrafins  de  nous^ 
^  prendantz  regard  aux  difcordes  quy  joumelle- 
„  ment  nayflent  en  la  çhreftienté.  Ils  voyent  que 
„  nous  n'avons  aulcune  paix  fiable,  que  jamais  ne 
„  mettons  fin  à  l'effufion  de  fang  mutuelle  :  qu'il 
5,  y  at  entre  eux  moins  de  tumultes  &  querçUes  , 
„  qu'entre  nous  autres  &  nonobfl:ant  ce,  que 
„  fuyvant  la  loy  de  Jefus-Chrifl:,  nous  prefchons 
^  &  publions  de  bouche  fa  f^înfte  paix,  con-p 
y,  corde  &  union ,  laquelle  cependant  &  de  faift 
y,  nous  violons  &  contaminons  (a)  tant  qu'eu 
5,  nous  efl: ,  &  de  tout  noftre  povoir.  Auxquelles 
y,  raifons  voftre  magefl:é  pourra  (fy  bon  luy 
^  femble)  adjoufter  les  cruaultez  &  violences 
^  que  les  Normans  &  Danois  commettent  jour- 
„  nellement  &  de  plus  Qp  plus  en  ce  noble  royau- 
^  me  de  France;  pour  lefquelles  extirper,  vaul- 
5,  droit  trop  mieux  (parlant  néantmqins  en  toute 
„  révérence)  joindre  toutes  voz  forces,  &  en^ 
„  tretenîr  voz  fubjefts  &  vaflaulx  en  bonne 
5,  paix,  amour,  &  obéiflance  vers  vous,  que  de 
5,  les  deftruyre  &  perfécuter.  Oultre  ce  que  par 
„  les  devoirs,  auxquelz  voftre  magefté  s'eft  mife, 
^  pour  parvenir  à  la  fufdidle  vengeance,  &  do 
„  ce  quy  en  cft  enfuivy,  l'on  voit  ouvertement 
„  que  Dieu  favorife  le  prince  Baudouyn ,  &  tient 
„  fon  mariage  pour  jufte  &  agréable.  Aufly  tou- 
„  tes  pafiîons  mifes  jus  (b)  ,  nous  ne  doubtons 
y,  que  vous-mefmes  ,  Sire,    n'ayez   ledifl:  Baut 


^fi)  Profanofts^ 


(^)  Mettre  jus,  menrc  k^s^ 


f uRNOMMi    BUAS   DE   PË^ix^ 

9,  doujrn  çn  réputacion  de  prince  noble,  vertueiuc 
fy  &  vaillant,  voires  digne  d'une  tant  faaulte  al* 
^  liance,  qu'eft  celle  laquelle  il  s'at  efleOe  & 
^  choyfic,  &  laquelle  faifte  du  conrentement  & 
„  par  Tadveu  de  voftre  magefté,  feroît  de  tous 
yy  points  accomplie,  heureufe  pour  ambedeux  (à) 
„  les  parties,  &  dira  par  aventure  quelqu'aultre, 
„  aflez  égalle  &  fortiffable.  Pourquoy  ne  refte 
„  qu'à  fatisfàire  à  ht  faulte,  en  ce  feulement. 
^  commife,  qu'il  n'a  attendu  voftre  congé.  Ce 
„  que  fe  doîbt  pluftoft  imputer  à  une  fimpli- 
5,  cité  ou  ignorance  de  jeuneffe,  &  impatience 
p  d'amour,  qu'à  aucun  merprisou  defdain  qu'il 
„  auroit  par  ce  vo^lu  procurer  à  voftre  magcfté^ 
„  Et  qu'ainfy  foît,  y  a-t-il  defcharge  que  ung 
«  prince  puifle  bonnement  propofer,  &  devoir 
„  auquel  avec  fon  honneur  un  homme  de  cœur 
M  fe  pififle  mettre,  duquel  ledift  Baudouyn  ne 
^  s'ayt  pour  voftre  fatîsfaôion  fervy  &  aydé? 
5,  Non  certes.  Il  s'a  en  premier  lieu  par  lettres 
^  excufé  vers  voftre  magefté;  îl  s'a  foubmis  à 
^  telle  faiisfaélion  que  voftre  propre  confeil  trou* 
„  veroit  raifonnable.  Meûnes  après  avoir  efté  per- 
^  fécuté,  &  affally,  il  a  en  révérence  de  voftre 
^  magefté,  pardonné  à  fes  ennemis.  U  s'eft  en 
5,  perfonne,  non  fans  grandz  travaux  &  dangiers, 
„  tranfporté  vers  noftre  faînft  père  le  pape,  af- 
9,  fin  de  le  fupplier,  qu'il  voulGft  moyenner  fa 
„  paix  vers  voftre  dift  magellé,  fe  perfuadant 
j,  que  du  moins  en  l'honneur  &  à  la  requefte 
„  du  liège  àpoftolicque  vous  luy  pardonneriez 
^  voftre  courroux  &  mefcontentement.  Il  eft  en 
^  vous,  fire ,  de  monftrer  par  effcft,  que  ne 
9,  fourlîgnez  (F)  de  la  dévotion  que  voz  prédd- 
^  ceffeurs  ont  tousjours  eue  fainfte  &  inviola- 
y,  ble  vers  ledift  Gège  apoftolique.  Il  cft  en  vous 


W  Toutes  deux»  (b^  Désénénz. 


iflp  .  B  A  tJ  P  Q  I  N'   PREMIER^ 

!  ,,  de  ne  fruftrer  Teftat  ccdéfiaftîque ,  de  Topî* 

Crtûdgloi-    ,,  nîon  qu'il  a  de  voftre  affeftion  ve^rs  foy.  Mais 

fby-refmc!    r»  ^Y  Voftre  paffion  trop  véhémente,  ne  peut  en- 

*     y,  cores  par  les  fufdifts  moyens  à  ce  vous  flef- 

^  chir ,  que  t^jnt  à  certes  (a)  vous  requérons  ^ 

^  la  gloire  ^  honneur,   que  vo^s  fçra  d'avoir 

y^  vaincu  voftre  courage  &  refréné  voftre  ire., 

„  vous  face  prendre  le  party  que  voftre  bon  ju- 

I,  gement  &  la  raifon  vous  difteront;  ce  faifant 

,,  mériterés  d^eftre  copipfiré ,-  nop  feulement  aux 

1,  hommes  p^rfaiâs,  mais,  (^ntant  que  les  hu« 

„  mains  y  peuvent  attaindre)  à  la  propre  dîvi- 

„  nîté.  Finablement,  pofé  (ce  que  toutesfois  ne 

„  nous  pouvons  perfuader)  que  nonobftant  ce 

„  que  deffus,  &  fans  avoir  efgar4  U$t  bonne, 

„  pyeufe  &  chreftienne  remonfttance  de  norti^e 

„  fainft  père  le  pape ,  entendez  continuer  en  vof- 

„  tre  courroux  &  défir  de  vengeance ,  fy  fçavons- 

'  „  nous  encores  le  ntoyen ,  pour  parvenir  à  l'un 

^  avec  fatisfaftion  de  Tautre*  Ce^  fera  ,  fire ,  fy 

„  vous  remettez  foubz  certaine  condition  &  U- 

„  mitation,  avec  madame  Judith  voftre  fille,  le 

„  prince  Baudouyn  en  voftre  bonne  &race.  C^ 

„  le  pardon  qu'en  cefte  forte  exercerez,  donnç- 

.„  ra  contentement  à  ceux  quy  vous  en  font  rç- 

„  quefte ,  &  pour  îccluy  ont  intercédé  ;  &  d'aul- 

•  „  tre  cofté  Ifi  limitation  y  inférée ,  tiendra  lieu  de 

j,  la  peine  &  chaftoy,   que,  pour  la  faute  en 

5,  queftion,  pput  avoir  efté  méritée,  fervant  fuç- 

„  ceflivement  d'amorce  à  l'ardeur  &  défir  de  ven- 

5,  geance  dont  voftre  cœur  eft  enflammé.  D'abon- 

^  dant  (^),  vous  povez  par  telle  exécution  de 

5,  vengeance  en  procurer  une  féconde  contre  lc;s 

„  Danois  &  aultres  voz  ennemis  leurs  fauteurs 

„  &  adhérents,  lefquelz  la  méritent  trop  plus 


$0RNOMMÉ    BRAS    D  E    F  E  R.  ^[ftî 

^  que  cefliuy^  lequel  (foubs  les  réfervantîons  auf- 
y,  quelles  fon  honneur  Toblig©)  fe  fubmçt  totaj- 
„  lement  à  voftre  grâce  &  merçy.  Brief ^  &  affip 
^  que  voftre  magefté  de  tant  mieux  nous  entcq- 
n  de  la  magnanimité,  vaillantife,&  vertu efprou- 
5,  vée  dii  prince  Baudouyn ,  pçut  eftre  la  miniftre 
^  &  exécutrice  de  la  double  vengeancç,  dont 
y,  nous  avons  parlé  préfentement ,  &  que  ainfy 
,  y,  foit,  fy  pour  fatisfaélion  de  la  coulpe  commife 
y,  voulez,  6  fire,  vou^  çqntenter  du  comman- 
y,  dément  qu.e  pomrez  faire  audift  Baudouyn 
y,  qu'il  ayt  à  joindre  toutes  fes  forches  aux  vof- 
y,  très,  &  les  conjoînftcment  employer,  contre 
y,  la  furie  &  cruauté  des  Danois  voz  mortelz  en- 
„  nemîs:  la  jeunefle  dudift  Baudouyn  quy  vou3 
„  a  irrité,  demeurera  par  ce  moyen  ébaftoyéc, 
„  &  les  rudefles  de  vos  àiâz  çnnemis  pourront 
y,  (  moyennant  la  vaillan'tifç  dMçeluy  )  eftre  ré- 
„  primées  &  anéanties  y,.  Le  roy  après  avoir  bien 
diligemment  efcouté  ce  difcours,  &  les  raifons 
perfuafives  y  contenues,  demeura  quelque  pe^ 
penfif  &  fans  dire  mot;  mais  enfin  après  plu- 
fieurs  confidératîons  débatuës  en  foy-mefme,  la 
raifon  fit  tant  qu'elle  demeura  maiftrefle.  Quy  fut 
caufç  qu'en  peu  de  paroUes ,  il  refpondit  qu^fi  en 
cefte  forte  aufdiçts  légats  :  „  Meffieurs  encores  ^^^^^ 
3,  que  le  méfus  commis  par  le  prince  Baudouyn  reur  Char. 
„  contre  mon  eftat  royal,  foit  alfez  plus  grand  Jes  >ufdi^ 
5,  que  plufieurs  ne  mefurent,  &  que  pour  divcr- 
„  tir  (/?)  tous  aultres  d'attenter  chofes  fembla- 
„  blés,  mefmes  contre  leur  fpîgneur  naturel, 
„  pluftpft  que  pour  fatisfaire  à  aucune  mienne 
^  particulière  paflîon,  j'eufTe  délibéré  d'en  mon- 
„  ftrcr  un  autre  refentîment;  fy  eft-ce  que  la  ré- 
„  vérence  &  refpedl  que  je  doîbs  au  fainft  fiègc 
9^  apQflolicque  me  fera  non  feulement    changer 


C^)  D^tourntr, 


U%   BAUDOIN    PREMIER^ 

f,  d'opinion ,  &  condefcendre  à  rappointement 
^  que  préfentcmeut  avez  propofé,  mais  desjà 
„  m*a  réduift  en  volunté  d^abfoluement ,  &  fans 
^  aucune  limitation,  recevoir  &  traifter  pour  l'ad- 
^  venir  lediâ  Baudouyn  &  la  prînce(R  Judith  fa 
„  femme,  comme  mes  enftns,  parents  &  bons 
.,  amis.  En  figne  de  quoy,  j'ay  ai^refté  d'ordon* 
^  ner  du  partage  de  la  difte  Judith  ma  fille  de 
„  la  nïefme  forte,  comme  fy  elle  fe  fuft  mariée 
,,  de  mon  gré,  &  confentement.  Et  affin  que 
„  puiflîez,  de  tout  ce  qu'entre  nous  fe  fera,  rap- 
^  porter  à  fa  fainfteté  nouvelles  plus  certaines 

g,  &  particulières ,  je  vous  prie  vouloir  féjour* 
^  ner  pardeçà  jufques  à  la  venue  defdifts  Bau- 
,,  douyn  &  madame  Judith,  lefquels  j'envoyeray 
„  quérir  en  la  plus  grande  diligence  que  faire  fe 
„  poura  (4)  „.  Ce  difl: ,  le  roy  &  tous  les  prîn^ 
ces  &  feigneurs  fe  partirent  du  conleîl,  &  peu 
après  par  le  commandement  du  roy,  fut  envoyé 
en  Flandre  une  notable  &  bien  honorable  am* 
baflade,  vers  le  pHnçç  BaudoUyn  &  madame  Ju* 
dith  fa  femme. 


(4)  l/C  fond  du  difcours  que  Tauteur  met  ici  dans  la 
,  bouche  des  légats  eft  puifé  dans  les  lettres  dont  ils  étoiedt 
chargés  pour  le  roi  &  la  reine  ;  mais  la  réponfe  qu*il  préec 
à  Charles  n'eft  pas  conforme  à  la  vérité  de  l'hiftoire.  Le 
roi  fe  montra  très-difficile,  ^  ne  céda  qu*avec  peine  aux 
follicitations  de  Nicolas.  Outre  les  deux  lettres  que  ce  pon* 
tife  écrivit  d'abord ,  il  en  écrivit  une  féconde  plus  pre(* 
fante  encore  que  les  précédentes ,  &  craignant  fans  doute 
de  ne  pas  réuifîr,  il  chargea  Hincmar  &  les  évéques  du 
fynode  d'unir  leurs  prières  aux  fiennes  ;  &  Charles  n'auroit 
peut-être  pas  pardonné  fitôt ,  s'il  ^l'avoit  craint  que  Bau- 
'^^  p*F.^'     doin  n'augmentât  le  nombre  de  fcs  ennemis.  Nicolas  le  con-' 
Colven  i^^^^^  ^^  ^^  P^*  ulcérer ,  par  une  réfiftancc  trop  opiniâtre  « 

un  guerrier  intrépide  qui pouvoit  fe  joindre  aux  Normands: 
D.  Bouq.     ^^  propter  tram  indignationemque  vejlram  iffe  Baîduinus 
t.  7-  in^piis  Normannis  fê  conjungat^  difoit  ce  pape  dans  fa  pre- 

mière lettre.  Cette  raifon  politique  ébranla  le  roi  qui  coa» 
lentit  à  pardonner. 


noRNOMMé    BRAS    DE    FER.  105 

CHAPITRE       XX, 

Comment  rtmpereur  Charles  le  Chaulve  eftant  re* 
concilié  4  Baudouyn  Bras  de  Fer^  acreut  lapro^ 
rince  de  Flandre  ^^  laquelle  il  érlgeafi  çn  conté  ^ 
Çf  d^.auhres  chofes  înémorables. 

LEs  fufdîfts  ambafladeurs  déléguez  pour  Tef* 
feâ:  que  par  le  chapitre  précédent  avez  en-^ 
tendu,  exploîélerent  par  Içurs  journées ,  de  forte 
qu'en  peu  de  teinps  ils  parvindrent  en  Flandre^ 
oji  ils  expoferjcnt  bien,  &  au  loîng  au  prince 
Baudouyn  &  à  madame  Judith  fa  femme,  la  eau- 
fe  de  leur  venue,  à  mefmes  la  réconciliation  du 
îoy  Charles  leur  feigneur  avec  ledjél  Baudouyn. 
Lequel  ayfe  au  pofTible  de  telles  nouvelles,  & 
de  Tappoinélement  que  Icfdifts  légats  luy  î^voyent 
moyenne  (/?),  ordonnai  que  par  tous  fcs  païs, 
fuflent  pour  la  fufdifte  paix  &  réconciliation, 
faiftes  procédions  généralles,  &  allions  de  grâ- 
ces au  Seigneur  tout-puîflant ,  &  fucceflîvement 
feus  d'allégrefle ,  &  tous  pafle-temps  qu'on  eft 
acouftumé  faire  en  quelque  grande  profpérité. 
Cependant  il  fe  prépara  pour  venir,  avec  mada- 
me Juàith  fa  femme  en  bon  ordre  &  bien  accom- 
pagné en  la  court  de  France,  quy  lors  eftoit  en 
la  v'ille  d'Orléans  (i).  Où  finablement  ils  arri- 
vèrent en  telle  pompe  &  magnificence  que  de 
tous  poinéls  ils  repréfentoyent  une  grandeurprcf- 
que  royalle.  Le  roy  d'aultre  cofté,  avoit  com- 
mandé aufdiéls  d'Orléans,  qu'ils  euflent  à  rece- 
voir ledift  Baudouyn  &  la  princeffc  f^i  femme  de 


Baudouyn 
Bras  de  Fcp 
ordonne 
que  pour 
remercier 
Dieu  de  \% 
paix  qu'il 
luy ,  avoit 
odroyée 
avec  le  roy 
de  France». 
Ton  face  ea 
fonpaïs  de 
Flandre 
proceîTions 
g(inéralles. 

Venue  de 
Baudouyn 
Bras  de  Fer 
&  madamo 
ludith  en 
fa  court  df 
France* 


(a)  Ménagé^  procuré, 

(i)  Le  roi  tenoit  fa  cour  à  SoifTons.  Le  marir^c  fut  ra- 
tifié à  Auxerre  en  Bourgogne ,  après  la  révocation  des  ccu- 
fures.  Le  roi  refufa  d'afflftcr  à  la  célébration  de  cet  liymen  ,        d.  Bouq^ 
felon  Uincmar  :  liuic  defponfationi  intcrcjfc  non  voluH»  t.  7« 


n4    BAUDOIN    PREMIER^. 


Des  caref- 
fes  &  bon 
recueil  que 
rerapcrcur 
Charles  fit 
audid  Btiu- 
douyn  Sç 
fa  femme. 


Extendue 
{a  augmen- 
tation de 
Flandre , 
par  le  par- 
tage que  le 
|roy  Charles 
$t  à  mada- 
me   Judith 


la  mefme  folennîté,  &  avec  le  refpeft  &  hon» 
lieur,  quMls  eftoyent  accouftumez  faire  à  fa  pro- 
pre perfonne.  Ce  que  le  lefteur  ne  doibt  trouver 
eftrange,  pour  autant  que  le  roy  Charles  dépuis 
qu'il  éuft  dcfpouillé  fon  cœur  de  la  mortelle  hay- 
ïie  &  indignation  qu'il  portoit  au  prince  Bau- 
4ouyn,  s'eftoit  tellement  affedlioné  aux  vertus 
&  perfeftions  (fu'il  enténdoit  eftre  çn  luy,  qu'il 
ne  penfoit  povoir  faire  ny  mefmes  excogiter  (a) 
chofe^-  pour  fuffifament  repréfenter  aux  yeulx 
d'un  chafcun  la  bonne  opinion  qu'H  avoit  de  ce 
prince.  Quy  fut  la  caufe  qu'eftantz  lediél  Bau» 
douyn  &  la  princefle  fa  femme  venuz  devant  U 
ïoy,  comme  ils  coipmencerent  de  propofer,  ef- 
tants  à  genouil ,  leurs  excufçs  &  defcharges ,  les 
fit  proroptement  relever;  &  après  leur  avoit  dé- 
claré qu'il  ne  vouloit  qu'on  tintiaulcun  propos 
des  chofes  paffécs  les  ac.coUa  &  embraffa  d'unç 
telle  afFeélion  que  tous  les  affiliants  s'en  mcr- 
veillerent  grandement ,  s'esjouyflàntz  néantmoins , 
de  la  bonne  &  honnorable  fin  que  le  niefcon- 
tenteraent  &  couroux  du  roy  Charles  leur  fel- 
gneur,  avoit  prins.  Lequel,  fuyvant  la  promeffç 
qu'il  avoit  faiél  aufdiftz  légats,  de  faire  à  1^ 
princefle  Judith  fa  fille  le  méfme  traitement, 
qu'il  luy  cufl:  faift,  fy  jamais  elle  nç  l'cufl:  of- 
fenfé,  révocqua  en  premier  lieu,  par  l'advis  & 
du  confentement  de3  princes  de  fon  fang  &  fei- 
gneurs  du  çonfeil,  la  fentcnce,  par  laquelle  les 
biens  du  prince  Baudouyn  avoyent  elle  confif- 
quez^  le  reftituant  en  iceulx  purement  &  abfolu- 
tement.  Oultre  ce  pour  alTîgnation  du  partage 
qu'il  entcndoît  faire  à  madame  Judith  fa  fille , 
il  augmenta  grandement  les  limites  du  païs  do 
Flandre,  lefquels  par  ledift  partage  il  voulut  ef- 
tre exjtendus  au  loing  de  la  mer  jufques  à  fainft 


Ça)  Ju^aglner ,  inventer, 


^URKOMMé    BRAS    DE    V  Ëfi.  ti§ 

Walery  înclufivement ,  &  dedans  pals  au  loing 
de  l'Efcault  jufques  à  Vermandoîs ,  ou  comme 
autres  difent  jufques  à  la  rivière  d'Oife^  où  ef- 
toyent  comprîns  les  territoires  de  Couitray, 
Gand,  Thérouane,  Arras  &  Tornefis,  comme 
j*ay  trouvé  par  aucuns  anciens  efcripts,  &  fo 
peut  Vérifier  par  les  efcliffements  (tf),  quy  depuis 
en  divers  itemps,  par  partages,  mariages,  traie* 
tés  de  paix,  &  aultrraaent  en  ont  efté  faiftz  (a). 
Car  quant  à  fainft  Walery,  la  chronîCque  de 
(aind  Bertin  en  fait  plus  d'une  fois  mention,  & 
fignamment  au  paffage,  par  lequel  elle  tefmoingne,, 
que  Ernould  dift  le  Vieil,  troiziefme  conte  de 
Flandre,  auroit  dudift  fainft  Walery  faiéè  trans- 
porter au  monaftère  de  faint  Bertin  les  corps  de 
fainâ  Walery  &  de  faiuû  Régnier,  (i&),  &  que 
bonne  efpace  après  Ernould,  diâ  le  Jofne,  cin- 
quiefme  conte  dudiâ  Flandre ,  auroit  à  la  requefte 
de  Hughe  Capet  lors  roy  de  France,  fait  reftî- 
tuer  &  remettre  iceux  corps  lainfts  en  leur  pre- 
mier lieu.  Touchant  Courtray ,  quy  fe  comprenc 
en  cinq  bailliages  &  Gand,  ny  a  aulcune  diffi« 
culte,  &  d'autant  moins  que  encores  pour  le 
jowd'huy  Ton  voit  qu'ils  font  de  la  conté  de 


(tf)  Dtvifions ,  fartages.     .  cette  tranfliation  à  Baudoin 

(^3  Riquicr.  Meyerus  attribue       le  Chauve. 

(2}  Oudegherft  eft  ici  d'acfotd  avec  la  plût>art  des  aima- 
Hiles.  Nous  ne  citerons  que  la  chronique  de  St.  Bavon  corn- 
ue la  moins  connue.    Carolus  Caîvus fecit  eum     ™  aii.8^» 

{Balduinum^  comitem  ut  Flandriam  in  perpetuam  haredU 
totem  ohtineret  (f  omîtes  villas  citrà  Somonam  flavium ,  ut 
ptttà  Atrehatum ,  Hefdînum ,  Bapalmas ,  Morinutn ,  Aream 
H  SanSum  Audomarum,  Selon  Une  lettre  d'Hincmar  au  pon- 
tife médiateui:,  Charles  accorda  d^  honneurs  à  Baudoin. 
Comme  nous  n'avons  pas  Taéte  d'inféodation  du  comté  de 
Flandre  9  nous  ignorons  quels  font  cts  honneurs ,  k  moins 
qu'il  n'entende  par  là  le  titre  de  comte  fouverain  hérédJ^ 
uiit  fobftiuié  à  c^lvl  de  f;ouvenieur  amovible.     ' 


tt6    BAUDOIN    PRËMlÉft, 

J'iandre.  De  Thérouane  fe  treuve  par  plufieurt 
&  dîverfcs  hjiftoires,  mefmes  par  celles  de  faînt 
Bextin  &  du  moifne  des  Dufnes,  qu*en  Tan  neuf 
centz  dix  &  huid:  par  le  partage  faift  entre  les 
deux  filz  de  Baudouyn  dift  le  Chaulve,  deuxief- 
inp  eonte  de  Flandre,  la  région  dudîcl  Théroua-' 
île  fuft  avec  Boulongne  affignée  à  Adolph  fécond 
filz  dudift  Baudouyn,  quy  gift  à  fainft  Bertin. 
D*Arras  &  de  ce  qu'eft  maintenant  de  la  conté 
d'Artois  eft  évident  ^^  pour  ce  que  depuis  il  a 
efté  efclifl'é  par  le  mariage  que  fit  le  roy  Philip- 
pe le  conquérant  à  madame  Yfabeau  de  Haynault, 
nièce  de  Philippe ,  conte  de  Flandre  &  de  Ver- 
mandois.  Comme  aufly  de  Tornefis,  eft  affcz  no- 
toire &  mânifefte,  paf  ce  que  tout  le  quartier 
depuis  Toumay  au  long  de  TEfcaut,  jufques  à 
Gand  où  eft  comprin»  Audenaerde,  &  fembla- 
blement  tout  ce  qu'eft  de  la  chaftelenîe  de  Tlfle^ 
fouloit  ancienement  eftre  îiommé  pagum  torna-^ 
cenfe^  &  difent  ceux  de  fainft  Pierfe  à  Gand, 
que  leur  n^iïaftère  eft  aflis  in  pago  tùrnacenfi* 
En  quoy  je  me  fliis  bien  voulu  quelque  peu  ar- 
refter,  affin  que  le  leéleuf  puifle  avec  meilleur 
fondement  jugier  de  la  qualité  &  contenue  de 
Flandre^  au  temps  qu'elle  fuft  éifigée  w  conté; 
cnfemble  pour  vérifier  que  lors  ledift  pais  de 
Flandre  eftoit  de  la  comprînfe  qu'avons  cy-def- 
^  fus  déclaré.  Or,  pour  retourner  flir  noz  ferîfées, 
le  roy  Charles  le.Chaulve  non  content  de  la  fuf- 
difte  démonftration  de  fon  bon  vouloir  vers  le 
prince  Baudouyn  &  madame  Judith  fa  fille,  après 
Le  foreftaî-  avoir  augmenté  la  contrée  de  Flandre  de  la  forte 
5re  érké  "  que  deflus  ,  érigea  la  dignité  de  foreftier  en  celle 
«n  contti.  de  conte,  ordonnant  que  de  là  en  avant  ledift 
Baudouyn  &  fes  fucceffeurs  éternellement  s'ap- 
pelleroyent  non  pas  foreftiers,  ains  Ça)  contes 

'  I        !■    M      ll>         I  ■!     I      I  I       III— —Hi—     1  I.»         I     I       II  ■ 

Çji)  Mais» 


atjRNOMHÉ    BRAS    DE    r  TS,  %.  isf 

de  Flandre  (3)  9  y  réfervant  toutesfois  à  foy  & 

fes  fucceffeurs  roys  de  France,  la  fouveraineté » 

&  moyennant  rhommage,  que  lors  lediA  Bau-- 

douyn  luy  fit  en  tel  cas  requis  &  accouftumé* 

Ce  faift,  le  roy  Charles  en  corroboration   des 

chofes  fufdiétes ,  &  pour  confirmation  de  la  paix 

&  appoinftement  irrévocable  entre  luy  &  lediiît 

Baudouyn,  donna  à  iceluy  Baudouyn  le  corps 

fainft  de  monfieur  fainft  Donas  archevefque  de      La  nîToft 

Raims  (4)-  Lequel  pour  celle  occafion  eft  encores    Pî^^'iJJ, 

aujourd'huy  par  ceux  de  Flandre  appelle  Fafer    nw^cft^- 

vel  aùor  pacis.   Finablement  &  afiîn  que  rien  ne    v^Wépatc^ 

mancquaft  à  toutes  fortes  de  plaifirs,  &  resjouif-    J^^^^ 

fance,  les  nopces  du  conte  Baudouyn  &  de  ma-       '^^ 


paciu 


(3)  Nous  avons  vu  plus  haut  Cnote  3.  du  chap.  15.  )  que 
la  Flandre  étoit  mife  au  rang  des  comtés  de  la  Belgique. 
Avant  foH  mariage  «Baudoin,  comme  nous  le  dirons  dan« 
la  note  fuivantc ,  jouiflbit  déjà  du  tttre  de  marquis.  La  dif- 
férence confiftoit  en  ce  que,  par  la  conceffion  de  fon  beau^ 
père^  ce  comté  qui  venoit  de  recevoir  de  grands  accroifle- 

meus,  dcvenoit  une  pofleflion  héréditaire  pour  fa  poftérité*  '  > 

(4)  C^étoit  un  ufage  de  porter  les  reliques  des  faiiits  dana 
les  camps  de  même  dans  let  rangs  des  foldats  ,  quand  oa 
marchoit  contre  des  ennemis  de  la  fol;  6c  Ebon  rentré  en 
pofleiHon  de  Tarchevéché  de  Rheims ,.  avoit  Mt  préfeilt  à 
Baudoin ,  vers  Tan  842 ,  du  corps  de  St.  Donas.  La  lettre 

qu'U  lui   écriyit  k  ce  fujet ,  commence  ainfi  :  Ego  Ebo ,     A.Mr.cody 
tndignus  Rhemorum  archiepifcopus .  .  .  .  riW,  gîoriofc  mat'     don.  piar. 
tbio  Baîduinc ,  transmittç  Donàtianum  &c.  Baudoin  étoit    ^*  ^^* 
déjà  marquis ,  c'eft-à-dire ,  qu'il  gouyemoit  la  marche  ,  mar^  ^ 

tba  ou  marka ,  en  un  mot  la  frontière  feptentrionale  &  ma- 
ritime de  la  France.  Charles  le  Chauve  n'eut  donc  aucune 
part  à  ce  préfent  religieux  qui  peut-être  avoit  été  dépofé 
d'abord  à  Torholt  &  qui  fut  transféré  vers  Tan  8^3  à  Bru- 
ges dans  la  chapelle  que  Baudoin  y  fit  conftruire  en  Thon* 
Bcur   de  ce  faint ,    comme   nous    l'apprend   un  diplôme 
d'Amoul  le  Vieil  de  Tan  961.  C'eft  dans  cette  môme  églife       ^y,  Bouq, 
^ue  cet  Amoul  le  Vieil  établît,  un  fiècle après,  douze  cha-     1.9.^,725^! 
noines  &    un  prévôt  qui  étoit   chanccllier  héréditaire  <1^      a  ivr- 
comté  de  Flandre ,  &  dont  les  prérogatives  avec  les  revenus     '^oru'^pkrl 
©nt  été  depuis  annexés  à  l'évêché  de  Bruges ,  créé  par  Paul  IV-     ^^  ^ 
^  iSS9*^  ^  Id  demande  de  Philippe  IL 


ïô»   BAUDOÎN   PRE  MIE  Ë.*^ 

dame  Judkh  fa  fefnitie-  fufrent,  en  la  préfendé 
defdifts  légatz  renouvellées  avec  les  folemnitez^ 
tournois,  &  paffe-temps ,  que  la  grandeur  d*ua 
tel  roy  porôît  permettre  &  tequéfir.  Lèfqùelles 
achevées,  les  fufdîéls  légats  retournèrent  iner^ 
veilleufement  fatisfaîfts  vth  Rome,  où  nous 
les  laiÔerons  rendre,  à  bon  loyfir,  compte -dii 
ù\&i  de  leur  embaflade,  pour  vous  déclarer  qu^ 
it  conte  Baudouyn ,  après  avoir  remerchîé  le  roy 
Charles  fon  beau-père,  des  bons  traiftements^ 
grâces  &  honneurs  qu'il  luy  îlvoît  faift,  prînt 
conèé  dé  luy ,  &  retourna  avec  madame  Judith 
fa  femme  vers  fon  païs  de  Flandre,  duquel  il 
éftbit,  au  moyen  qu'avez  peu  cognôiftre,  de- 
t'âii  862.  ^^^^  premier  conte,  en  Tan  hiiiél:  cent  foixant« 
deuxCs)*  '        ■  ■ 


(5)  Le  maritge  ne  fot  ratifié  qu'en  863  ^  La  Vfllc  de  Bru- 
ges ,  félon  la  chronique  de  St.  Bavon ,  devint  alors  le  féjour 
jftSbi  867.  habituel  de  Baudoin  :  Éaîduinus  Carolo  rsgi  homagium  fa* 
ciens ,  per  temp$ra  multa  Flandriam  ^ubernavit^  &  in  Bru^-i 
Jiat  frcqueiitiits  exifians ,  burgum  lapidem  domumquc  fcabU 
norum  nntiquam  fundaviti 

d    tt   A   P'   1   t  .ft   Ei        xicL 

Comment  Baudaujn  Bras  de  Fer  g?  madame  ^u^ 
dith  fa  femme  retournèrent  en  Flandre;  du  dé" 
gajl  ^ue  les  Notmans  fifheni  audtâ  paii^  de 
r édification  d^aulcuns  chafleaux  contre  Vexcur-* 
fion  defdiàs  Normans ,  de  la  fondation  d^aulcu" 
nés  églifes  ^  &  du  trespas  dudiSt  Baudouyn  é 

LE  conte  Baudouyn,  &  la  contefle  fa  femme ^ 
que  nous  avons  au  chapitre  précédent  laiflK 
çn  cliemin ,  pour  retourner  en  Flandre ,  exploic- 
terent  par  leurs  journées  de  forte  qu'ils  y  arri- 
Irerent  peu  après  ^  au  grand  coutentement  de  tous 

leurft 


SûfcKOMMÊ    BRAS    DE    ¥  E^.  iৠ

leurs  vaflaulx  &  fubjefts.  Lesquels  pour  lent 
Venue  fifrent  mille  manières  d*esbats  par  tout  16 
t)aïs,  avec  feus  de  joye  &  aultres  figues  d*allé- 
gtefle ,  par  lesqùelé  Ils  donnoyent  aflez  à  enten- 
dre la  grande  fidélité  &  artioûr  quMÏS  portoyent 
à  leur  prince.  Lequel  d*aùltre  (fofté  tecevoit  des 
fufdifts  debvoîrs  un  extrême  pliiifir  &  indicible 
fatisfaftio'n,  &  non  fans  caufe.  Car  la  préfeuce 
des  citoyens  eft  accouftumée  d*eftre  très-agréa- 
ble aux  princes  çn  tempS  dô  profpérité,  oultre 
ce  que  la  congratulation  &  fesjouîffaffcef,  éft  Tin- 
dice  &  figne  d'un  peuple  bién-veullaiït  ;  &  eft 
bne  réconciliation  des  cœurs  4  &  réintégration 
d'amdur  entant  mefmes  que  par  iceHe  fe  démon- 
ftre  une  commune  efpérance,  quy  remply  de 
joye  lés  dœufs  des  bien-veuUantz  ,  pour  U  fé- 
licité du  prince,  tellement  que  quiconque  ne  fe 
resjouyt  de  la  vîftôîre  ou  profpérité  de  fon  roy 
ou  feigrieur,  fe  rend  lufpeél  &  mal-veullant.  Le 
conte  Baudoiiyri  donc  éftailt  retourné  en  fes  païs 
&  cognoiflant  par  les.  fufdites  &  aultres  démon- 
ftrations,  l'aniour  &  fidélité  de  fon  peuple,  affia 
de  pareillement  fatisfaîre  à  fon  devoir,  applic*?! 
tout  foiî  eftudé^  fçavoir  &,  dprit,  pour  advifer 
comnï'ent  il  pouf  oit  confervef  fon  paîç,  '&  gôu- 
Verhef"  foiï  peuple  eh  bonne  paix  ,  Concorde  & 
tranquillité;  Cependant  &  comme  le  conte  Bau- 
douyn  eftoit  occupé  au  prôjeft  tel  que  deflus  » 
ks  Normans  le  furprindrent  à  Timpourveu,  lef- 
queli  fôiibs  K  cônduiéïe  de  leur  r6y  Haftingea 
defceridirent  en  merveilleux  nombre  St  avec  for- 
ces incompâratles  au  pais  de  Flandre ,  où  ils 
ruinèrent  l'églifè  de  Tronchienes  lez  Gand ,  bruf- 
lereiit  lé  cloiftre  de  fainft  Bertirt ,  Cafand  ,  Ou. 
denbourg  ^  Rodembourch  (  qu'on  appelle  au- 
jourd^huy  Ardembourcti)  ^U'éftoyènt  lors  deux 
villes  très-puiflantes  &  (à  raifbn  de  lamarchan- 
dife  qui  s'y  traiéloit)  grandement  renommées*, 
&  gafterent  toute  la  coûtrée  de  Flandre,  au  grand 

M 


Lt  vréttûi 

c6  oes   ci«* 

toyens 

agréable 

auxprinae^ 

en  temps  d# 

prOfpéiiUi- 


Descente 
Aes    Nôf* 
mansôdhi'' 
nois  ^ 
gadent  1« 
païs  de 
Flandrttf 


"Bandouyti 
faia  édifier 
des  fortc- 
reifcs  con- 
tre les  cx- 
curfions 
des  Nor- 
mans. 

Le  Rourch 
de  Bruges. 


igraveftée 
àGand  édi- 
fié par  Bau- 
douyn  Bras 
de  Fer. 


130    B  A  U  P  0  I  N    PREMIER^ 

tegrct  &  incroyable  crève-cpeivr  du  conte  Bau-»' 
douyn ,  lequel  obftant  le  petit  nombre  de  fortes 
j)laces,  qu'il  avoit  lors  en  fon  païs,  &  que  pour 
4ivoir  efté  lurprins  à  pied  levé ,  n'avoit  faîft  pro- 
vifion  de  foldats  ,  &  autres  chofes  en^telz  affai- 
res néceffaires ,  ne  povoit  aucunement  réfifter 
aux  forces  defdiftz  Normans,  qui  peu  après  laif- 
ferent  Içdift  Flandre ,  &   tirèrent  pour  exercer 
femblables  pillèries  en  autres  circomvoifmes  pro-» 
vinces  (i).  Et  lors  le  conte  Baudouyn  confidé- 
rant  le  dommaige  &  dedruftion  qu'ilz  avoyent 
moyenne  en  fon  païs,  fit  en  iceluy  (  contre  les 
excurfions  qu'eux  ou  aultres  pouroyent  à  l'ad- 
'  venir  attenter)  édifier  aulcuns  chafteaux  &  for- 
terefles;  &  entre  aultres  un  en  la  ville  de  Bru- 
ges (laquelle  bien  peu  auparavant  il  ^voit  auflî 
commencée)  que  pour  le  préfent  l'on  appelle  1& 
Bourg  ;  &  un  autre  fur  le  Lys  à  Gand  au  mefme 
lieu  où    bonne   efpace  auparavant  eftoyent   leà 
deux  vicls  chafteaux ,  fçavoir  Ganda  &  Blandt^ 
nium^  depuis  convertis  en  cloiftre^ ,  félon  qu'af- 
fez  amplement  avons  déduiél  au  commencement  de 
cefte  hiftoire ,  lequel  chaftel  ceux  de  Gand  nomment 
encorespour  le  jourd'huy'Sgravcftée(a).  Ce  faiél, 
fçafchant  que  tous  biens  procèdent  de  la  main 
tout-puiffante  de  Dieu  &  que  fans  la  fouveraine 


(0  Les  côtes  de  la  Flandre  furent  rarenjcnt  infultéesdan» 
les  années  qui  fuivirent  le  mariage  de  Baudoin  qui  étoit  la 
terreur  de  ces  brigands.  Ils  y  bazardèrent  une  defccntc  « 
Ann.  Bert.  mais  ils  en  furent  promptement  rcpouffés.  Ainfi  Tinvafioa 
«n  864  dans  dont  il  eft  ici  queftion,  appaaient  au  règne  fulvant,  fous- 
Ducbefhe  lequel  les  Normands  commandés  par  Gormond  leur  chef 
*•  3»  ravagèrent  la  Belgique. 

(3)  C'eft  le  Sgravejieen ,  connu  dans  Tbiftoire  de  Gand 
fous  le  nom  de  Petra  comitis.  Les  comtes  de  Flandre  y  fi- 
rent leur  réfidence,  jufqu'au  tems  où  Louis  deMalefitbfttir 
le  palais  ofi  depuis  eft  né  Cbarles-Quint.  Ce  cbâtcau  flan- 
que  de  plufienrs  tours  ofTre  encore  quelque*  reftes  x^î^&x* 
blés  de  vétufté. 


feûki^oMMi    BRAS    DE    F  Ë  H.  tgt 

t)rotea:ion  &  déBbrinaire  ayde  dMceluy,  les  puîC* 
fances  &  rîchefles  des  royaumes  ,  pour  grandes 
qu*elles  foyent,  tcmiffent  &  flettriflent ,  fe  oc- 
cupa en  Tédification  d*aulcunes  églifes  &  fignam-  ' 
ment  de  celle  defainftDonas;  qu'il  fit  conftruîre 
en  la  ville  de  Bruges,  au  lieu  tnefme  où  J^yderic, 
premier  de  ce  nom ,  avoit  long-temps  auparavant 
fondé  la  chapelle  de  noftre  Damé  ^  &  fit  illec 
apporter  le  corps  de  monfieui:  fainél  Donas,  que 
le  roy  Charles  le  Chaulve  luy  avoit  depuis  peu 
d'efpace  donné  ;  ordenant  au  refte,  \uê  de  là  en 
avant  ladifte  églîfe  feroît  en  honneur  d*iceluy 
fainft  (  le  corps  du  quel  y  repofe  encoire  pour 
le  préfent)  appellée  de  fainft  Donas  (3);  &  après 
avoir  conftitué  en  icelle  églife  douze  chanoines 
réguliers  (4),  fe  tranfporta  en  fa  ville  de  Gandj 
pourafl[îfter&  eftre  préfent,  avec  grand  nombre 
de  nobles,  &  une  infinité  de  peuple  (  qui  eftoît 
là  pour  le  mefmè  effeél  affemblé)  à  la  tranflation 
(qui  fut  feiéle  par  Remelin  évefque  de  Noyon) 
du  corps  de  madame  fainfte  Amelbergue ,  de  la 
ville  de  Thamife  (  où  elle  ^oit  enterrée  )  au 
doiftre  de,  fainft  Piètre  audift  Gànd  (5)  ,  où  il 
confirma  tous  les  privilèges  &  droiftz  ,  que  fès 
prédéceflfeurs  foreftiers  de  Flandre  &  autres  y 
avoyent  mis  fus  &  eftablisi  Brief ,  il  n'oublia 
chofe  ,  dont  un  prince  aymant  &  cràindant  DieU 
&  jaloux  Aé  la  tranquillité  de  fon  peuple  ,  doit 
eftre  curieus  &  avoir  Ibîng;  fe  monftrant  fur  tout 


Végm  S. 
Donts  à 
Bruges    tu 
mefme  lieu 
où  tupan* 
vint  eftoic 
U  chapdle 
de   noflre 
Dame ,  con* 
ftruide  par 
Lyderic 
premier  d# 
ce  noffl« 


,     ftiinàé 
Amelber- 
gue trannà-» 
tée  à    S. 
Pierre    Ici 
Cand. 


(3)  Voyez  ci-deflus  note  2.  dii  chapitre  il.  jJâg,  6$.-  éi 
iiote  4.  du  chapitre  20.  pag.  127. 

(4)  Voyez  la  fin  de  la  note  4.  du  chapitre  20.  pag.  127. 

(5)  Celui  qu'Oudegherft  appelle  Remelin,  eft  appelle  Rem- 
helmus  dans  un  diplôme  de  Charles  le  Chauve ,  Ràgenelmtn 
par  Flodoard ,  Ragelinus  par  Maffon  &  Raymelinus  par  Tan- 
nalifte  Meyerus.  La  confirmation  des  privilèges ,  dont  il  eft 
tarlé  dans  les  lignes  fuivantes ,  avoit  été  faite  par  Charles 
le  Chauve  en  864. 

M  a 


Mif.  cbA 
don.  piar* 
c.  ip. 


Les  myftè- 
res  divins 
doivent 
cftrc  traic- 
tez  par  gens 
doâes&de 
bonne  vie. 


Ï3ft  .  B  A  U  D  0  I  N    PREMIER^" 

diligent  en  la  continuelle  alïïftence  qu'il  donnoît 
aux  évefques  &  autres  officiers  eccléfiafticques  ea 
ce  que  concernoit  la  réformation  des  mœurs  ea 
reftat  eccléfiafticque ,  comme  tous  princes  cbref- 
tiens  devroyent  à  fon  exemple  femblablenlenc 
faire  pour  obvier  &  remédier  aux  fcandales,  qui 
journellement  au  moyen  de  la  vie  desréglée  des 
gens  fpirituelz  peuvent  fourdre  &  yflîr  (a)  ,  au 
grand  détriment  de  la  chofe  publicque  de  toute 
la  chreftienté.  Outre  ce  ,  qu'eft  biea  requis  de 
néceffaire  que  la  religion  chreftienne,  les  imper- 
fcrutables  (i»)  myftères  d'icelle ,  &  tout  l'hon- 
neur &  office  divin  (  par  lefquelles  chofes  nous 
appaifonsle  Seigneur  Dieu,  &  le  rendons  à  nous 
propice  )  foyent  traiftées  par  gens  de  bien ,  gens 
de  vertu,  de  bonne  vie  &  exemplaire ,  &  qui 
foyent  experts  aux  lettres  divines  &  facrées,  de 
forte  qu'ils  puiOent  neftoyer&repouflerles  brouil*  . 
'  lardz  de  difficulté  &  ignorance  des  yeux  humain». 
Or  (affin  de  ne  trop  nous  esgarer)  le  conte  Bau- 
douyji  fuyvant  le  bon  zèle  &  ardante  affeftion 
qu'il  avoit  à  l'honneur  &  fervice  divin  ,  eftant 
par  Tévefque  de  Noyon  (  qui  lors  eftoit  métro- 
politain de  Flandre,  d'autant  qu'il  n'y  avoit 
encoires  en  Tournay,ny  Arras  aucun  évefque) 
adverty  de  la  vie  diffblue  &  défordonnée  que  le» 
religieux  de  l'ordre  de  fainél  "Benoift  (qui  eftoyent 
au  cloiftre  dudifl:  fainél  Pierre  à  Gand)  avoyent 
commencé  mener  &  continuoyent ,  chaffa,  à  l'ad- 
veu  &  du  confeil  dudift  évefque ,  lefdifts  reli- 
gieux hors  dudidl  cloiftre.  Ce  que  néantmoîns 
ne  devolt  par  ledift  Baudouyn  avoir  efté  faift  , 
&  beaucoup  moins  au  moyen  que  félon  droift 
n'eft  à  perfonne  permis  d'enchafler  les  religieux 
ayants  faift  profeflîon  ;  trop  bien  les  p«ut  an 
réformer,  ou,  quand  la  néceflîté  le  requiert,  ren- 


CO  NaUrc^Çf  fortin 


Q)  IfnJ^inétrabUs* 


SURNOMMÉ    BRAS    DE    F  E  R.  I3J 

▼oyçr  en  aultres  Keux  pour  eftre  tenus  plus  es- 
tjroiAement  :  lediA  Baudouyn  toutesfois  les  en* 
chafla,  collocquant  au  lieu  d*iceux  des  chanoines 
réguliers,  gens  de  bien  &  vertueux ,  qu'il  fit  en 
grande  diligence  choifir  &  cercher  des  villes  de 
Gand ,  Bruges  &  aultre  part ,  lefquelz  quelque 
temps  après  Arnould,  diA  le  Vieil,-  depuis  conte 
de  Flandre,  ofta,  y  remettant  des  religieux  du 
mefine  ordre  de  Tainft  Bertin ,  pour  la  raifon  & 
félon  que  voyrez  cy-après.  Ce  Baudouyn  euft  de 
madame  Judith  fa  femme  trois  fils ,  fçavoir  Char- 
les qui  mourut  jeune,  Baudouyn  fumommé  le 
Chaulve,  qui  luy  fuccéda  en  la  conté  de  Flandre, 
&  Rodolpb  qui  fut  conte  de  Cambray,  Et  pour 
autant  que  ledift  Charles  mourut  par  faulte  de 
fa  nourice ,  la  bonne  contefle  ne  voulut  croire  (a) 
ny  commettre  ledift  Baudouyn  fon  fécond  filz  à 
perfonne  vivante;  ains  Tallaiôa  eUe^mefme ,  lait 
faut  par  ce  un  mémorable  exemple  que  toutes 
mères  par  raifon  naturelle  devroyent  fuyvîr ,  ne 
fut  qu'elles  foyent  de  ce  faire  empefchées  pour 
aucune  très-griefve  &  importante  occafion.  Fi- 
nablement,  après  que  le  conte  Baudouyn  ,  diA 
Bras  de  Fer,  euft  prudemment  &  vaillamment 
gouverné  ^  province  de  Flandre  vingt  &  cincq 
ans  en  qualité  de  foreftier  &  quinze  ans  en  celle 
de  conte  ,  il  treQ)afla  en  fe  ville  d'Arras  (  qui 
lors  eftoit  chei^viîle&capitallesde  Flandre)  en  Tan 
huift  centz  foixante  dix  &  fept ,  ou  félon  autres 
foixante  dix  &  neuf,  &  fut  fon  cœur  avec  fes 
entrailles  mis  au  monaftère  de  faînft  Pierre  à 
Gand ,  &  fon  corps  en  habit  de  moifne  (6)  ap- 


Les  tnhns 
de  Bau. 

douynBwS 
de  Fer. 


Les   mèret 
doibvent 
allaitter 
leurs    en- 
fans  ft   el- 
les ne  font 
de  ce  fairt 
empef- 
chées. 


Arrts  capi- 
tale ville  de 
Flandres. 

L'an  877. 

Décès    & 
enterre- 
ment de 
Baudouyn 
Bras  deFcr. 


(if)  Confier  t  du  latin  crcdere, 

(6)  C*étoit  nn  ufage  aflez  général  alors  de  fe  faire  inhu- 
mer en  habit  de  moine.  Les  grands  ,  comme  le  peuple ,  fe 
fefoient  un  devoir  religieux  de  s'y  aflujetdr.  U  eut  U«u 
loog-tems  encore  aprè«  Tépoque  où  mourut  Jtoudoin^ 


Sithio, 
maintenant 
0.  Orner. 


L'épitaphe 
de    Bau- 
4ouyn  Bra^ 
4e  Fer. 


134    BAUDOIN    PREMIER, 

porté  çn  U  ville  de  Sithiu ,  qu'eft  maintenant 
Saînft  Orner ,  en  Téglife  dç  fainft  Berïin  ,  où  iî 
eft  enterré,  &  eft  fon  épitaphe  tel  i 

Filius  Andacri  Baldulnu$  Ferreus  otim 

Forïis  Sf  invif^is  viribus  ijle  fuit. 
Audaces  cujus  animos  edicere  nullus 

Suffictt^  ipfe  forefterius  ultimus  eft. 
Fhndrenjîs  frimufque  çomes ,  guem  Carole  Catn 

Qb  natam  infeuaas ,  quam  tulît  ipfe ,  tuam. 
Pluribus  hic  annis  vivens ,  in  pace  quietus 

Rexit  fif  erexit  pacifici  patriam^ 
TranftuUt  hic  faniti  corpus  quoqu^  Donatianiy 

Rhemorum  antiftes  feptimus  ifte  fuii  • 
Jn  Brugenfemque  urbem  dedtf^utn  çolfoçaf^  ^tqm 

Condidlt  ipfi^s  in  nomine  eccleftam. 
Ferreus  eft  di£tus ,  quod  femper  ferre  folebat 

Loricam ,  armatum  femper  habebat  equutn^ 
O^ingentefimus  Domini  dum  déficit  annus 

Aft  oSfogefimus  incipiens  moritur. 
Cujus  honorifici  tumulatum  corpus  hqbet  nunc^ 

SanSti  in  Berttni  canobio  requiem. 

Lequel  épitaphe  fe  peut  en  rime  françoife  tran-i 
dater  félon  &  de  la  manière  que  s*enfuyt  : 

Ceftuy  fut  filz  d'^Andacrc  Baudouyn  Bras  de  Fer 
J^ort ,  degrand^  entreprinfe  ^prudent  ^  magnanime , 
Duquelles  f(iiùz  hardis  nul  pourroit  exprimer 
Affez  difertement  :  il  fut  de  la  fublime 
Terr^  ^  pais  de  Flamens  le  dernier  foreftier^ 
Et  le  conte  premier:  qu'acné  crier  t'' anime 
O  Charles^  di&  le  Chaulve^  enfembP  à  P inféoder 
Le  refpeÙ  de  ta  fîlt*  en  beauté  tant  fuprime^ 
A  quy  s*avoit  ofé  Baudouyn  marier 
Contre  ta  volunté  ^  à  ton  regret  extrême.  ' 
Il  a  par  plufteurs  ans  regy  fif  augmenté 
Les  Flamens  en  doulceur ,  ^  en  paix  plant  oureufe  ((?)• 


(jî)  AhoH4ant9, 


SURNOMMÉ    BRAS    DE    F  E  R.  135 

Il  a  pareillement  le  corps  fainEt  tranflati  , 

De  Donas  le  prélat  en  la  ville  joyeufe 

Des  Brugeois  les  courtois ,  lefquelz  il  a  doté 

Du  nom  dudiEt  Donas  d'une  iglife  fameufe. 

Il  a  de  Btas  de  Fer  le  nom  brave  porté 

Pour  ce  que  de  tout  temps  fut  en  faifon  fafcheujh 

Ou  en  liet^x  de  dédui&z  (a) ,  //  efioit  ufité 

D^ avoir  ^  fif  fon  cheval^  de  Mars  la  face  hydeufe. 

S^àfeptante-^neuf  ans  vous  adjuftez  huiù  cenSz 
Vous  trouverez  qu'* alors  fon  ame  bienheureufe 
Print  congé  de  fon  corps ,  lequel  au  mefme  temps 
Fut  mis  en  fainâ  Bertin ,  oit  encor*  il  repofe. 

Quant  à  madame  Judith,  femme  dudîâ:  Bau- 
douyn,  il  n*eft  mémoire  du  temps  de  fon  trefpas, 
&  encoires  moins  du  lieu  où  elle  fuft  enterrée. 
Toutesfoîs  j*eftime  que  ce  fait  efté  au  monaflère 
de  fainél  Pierre  à  Gand,  près  le  cœur  &  entraîl- 
Jes  du  feu  conte  Baudouyn  fon  mary;  entant 
mefmes  que  obftant  les  règles  &  inftitutions  que 
lors  eftoyent  au  çloiftrç  de  fainét  Bertin  (fuy- 
vant  lefquelles  n*eftoit  loyfible  d'y  enterrer  aul- 
cune  femme)  ladifte  Judith  ne  peut  avoir  efté 
enfepvelye  audlft  faînd:  Bertin,  Nonobftant  quôy 
vous  ay  bien  voulu  propofer  Tépitaphe  que  ay 
trouvé  de  ladiéle  dame  tçl,  dç  mot  à  mot,  que 
voirez  préfentement  : 

Régis  Ftancorum  CaroU  fiimfilia  Calvi, 

Nobilis  illa  Judith  ^  ^  fpeciofa  nimis. 
Uxoremfîbi  quam  me  fumpfit  Ferreus  olim 

Balduittus ,  duce  quo  FÏandria  pacem  habuit. 
Gloria  qui  veterum  mihi  quondam  magna  meorum 

Ëxtitft^  heus  Carolum  mors  rapuit  juvenem. 
Alter  fuccedens  patri  regnavit  G?  ipfe 

Tempore  fat  longo ,  mors  rapit  hune  ad  eum. 
Omnia  deficiunt  mortalia  gaudîa  mundi  ^ 

Et  fub  foie  nihil  permattet  hic.ftabile. 


En  faina 
Bertin  l'on 
ne  peut  en- 
terrer ,aul- 
cunes  fem- 
mes» 


L'épitaphc 
de  madame 
Judith,  pre- 
mière con- 
telFc  de 
FlandrQ^ 


(«)  Pajfc'tems ,  plaifir^ 


tS«   BAUDOIN   PREMIER. 

Princeps  prima  fui  Ftandrenfîi^  inclità  ^uondami 
Nunc  fed  in  angujio  contrahor  hoo  tumulo. 

^am  mihi  ntl  profunt  vir  ^  proies  ^  patria  diva 
EJl  mta  fed  fœdis  vermibus  efca  caro. 

Ce  qu'ai;iri  fe  peult  rendre  en  rime  françoife;. 

Fille  du  roy  je  fuis  ChûrJes  le  Chaulve 
Celle  Judith  tant  beW  &  tant  pri fie  ^ 
Que  Baudouyn  Bras  de  Fer  a  aymie 
Sy  fermement ,  qu\il  n^a  fa  vie  faulve 
Peu  cejfer^  qu'il  ne  mUu/i  ^fpoufie. 

Cil  Baudouyn  je  diSls^  foubs  qui  paijlble 
Flandre  a  ejlé.  I)' autre  part  qui  la  gloire 
De  mes  anciens  m^eufl  e/fé  piremptoire^ 
La  mort^  hélas!  trop  cruelP  &  pénible 
Charr  ofté  m* a  du  monde  tranfitoire. 

Vautr^  à  régné  fuccédant  h  fon  pire 
Affez  long  temps ^  lequel  en  fin  termine^ 
Cejl  bien  raifon  ^  car  il  faut  qfte  tout  fine  (/r), 
Soubs  lefoleil  rien  n'*ejî  tous  jour  s  profpire. 
4  quoy  fert  donc  toute  gloire  mondaine? 

Je  fus  jadis  de  Flandre  la  conteffe 
Première  j  nobp  ^  dç  tous  honnorée^ 
Maintenant  fuis  en  ce  cercueil  pofée 
JVe  fentnnt  plus  de  monde  la  lyeffe  (Jj)  , 
F^t  néantmoins  j^ attends  la  perduré e  (c). 

Peu  me  prouffît  (d)  ou  rien  préfentement  ^ 
Mon  ^oux  mary ,  mes  en  fan  s  déleùàbles , 
Mon  païs  ricV ,  ains  fert  aux  vers  nuyfable$ 
Ma  pouvre  chair  d'afeure  nutriment  (0 
Foyià  comment  cy-bas  rien  n'eji  durable. 


(a)  FhlJTe.  (d^  Me  fert. 

O)  Joie,  re)  Nourriture, 

(0  LUtertiêlîi.  ^ 


RAUDOIN     SECOND.      13? 

CHAPITRE         XXU. 

Comment  Baudûuyn^  ieuxtefme  de  ce  nom^  dict  le 
Chaulve^  vint  au  gouvernement  de  Flandre^  des 
femmes  gf  enfans  d*iceluy ,  des  tilles  &  églifes 
par  luy  édifiées ^  avec  autres,  fingularitez  ;  &  com^ 
mentluy  eftant  layc^  devint  abbé  defaifiâ  B^rtin. 

BAudouyn ,  furnommé  le  Chaulve ,  non  qu'il 
fut  tel,  mais  pour  autant  que  fon  grand-père 
avoît  aînfi  efté  appelle  9  &  ut  agnomen  Cufcitafis 
CVS ,  proprium  nomen  exaltaret^i)^  fucccda  à  Bau- 
doujTi  Bras  de  Fer  fon  père,  &  régna  quarante 
ans.  Il  çuft  à  femme  madame  Elftrude  fille  d'El- 
&ède  roy  d*Anglçterre  (a)  ,  dont  il  euft  deux 
filz,  Ernould,  dift  le  Vieil,  qui  depuis  fut  conte 
de  Flandre ,  &  Adolph  feigneur  de  Thérouane 
&  conte  de  Boulongne  ,  &  deux  filles ,  Egiffrède 
&  Elftrude  (3),  desquelles  Je  nç  trouve  aucune 
autre  mention  par  les  hiftoire*.  Ce  Baudouyn  euft 
i  fon  advénement  en  la  conté  de  Flandre  plu- 
Heurs  fafcheries  &  rencontres  contre  les  Danois 
&  Normans,  qui  derechief  etloycnt  defcqndus  en 
la  province  de  Flandre  ,  fur  lefquclz  il  obtint 
plufiçurs  viftoires,  &  néantmoins  il  fut  pareille- 
ment aucune  fois  vaincu,  parce  que  le  nombre 


Cl>  Ce  ptflage  que  l'auteur  parott  avoir  emprunté  de  1? 
chronique  de  St.  Bertin  »  doit  être  rétabli  de  la  forte  :  BaU 
duinus  ..,./*  Cfilvum  cognominari  fuît ,  non  quod  Cal. 
vus  ûBu  fu0-it  ^fed  ut  nçmen  avi  fui  fufcitatis  ^  fui  ipfius 
nomen  ac  generis  hohilitatem  cxaUaret. 

(2)  Les  hiftorièns  anglois  TappeUent  ^Ifthrythc ,  ÂcWrytb 
&  Elitrite,Zl\c  étoit  fiUe d'Elwife & cf  Aîfired  le  Grand,  roi 
d'Angleterre.  C'eft  le  nom  que  lui  donnçnt  Affer,  Roger 
4e  Hoveden  fie  Ethelwerde. 

(3)  Vredius  ,  d'après  un  hiftorien  anglois ,  les  appelle 
EaUbwid  &  Earmentrutb  ,  Eaïswida ,  Earmtntrutha ,  ^f^f$t 
(  r«x  )  £lftbrytbe  filiam  fuam  ad  partes  Germania  Balduino 
fn  matrimonium ,  &  genuit  ex  ed  pli  os  duos  ,  Jrthulphum 
pidclicet  &  Earnulphum  ,  duos  filias  quo^ue ,  Eals^i4  9 
£^rmntntfbf 


Pourqnoy 
ce     Biiu- 
douyn    fat 
Aimommé 
k  Chaulv-c. 


Madame 
Elftrude 
d'Angle  ter* 
re,  femme 
de    Baa- 
dou^Tî    le 
Chaulvc. 

Le«  enfans 
de    Bau- 
douyn   le 
Chaulvc, 

Danois    18c 
Normans 
en  Flandf  Cr 


D.  Bouq. c 

9-  p.  ro. 


Vrcd.  j;é- 
néal.  Flan- 
dr.  p.  9  6w 
10. 


Ibid. 


CcfliitiQn 
4ç«   pîllc- 
/        ries    des 


«8     BAUDOIN     SECOND, 

d'îceulx  Normans  efloit  fi  grand  ,  qu'il  fembloU 
que ,  nonobfliant  Toccifion  &  boucherie  qu'ea 
plvtfieurs  lieux  s'en  faifoît ,  ils  multiplioyent  tous-r 
jours  &  augtnentoyent  (4).  Mais  enfin  leur  rage 
&  excurfions  ceflerent  peu  après ,  au  moyen  de 
Tappoindlement  que  le  roy  Charles,  diftleSimi 
pie,  fit  avec  eux,  &  dont  par  les  chronicques 
françoifcs  le  lefteur  poura  eftre  plus  amplement 
informé  (5).  Environ  ce  mefme  temps,  Rodolph 


Ann.  Vc- 
(lad.  an  875; 
&  fuiv. 

Chron.Bnv. 
anl{8o.8ai. 


Mcycr. 


an. 


Abr.'chron. 
dcl'hiil.  de 
k'r,  anpia. 


(4)  Nous  fuppléerons  par  refquiiTe  fuivante  au  filence 
,d*Oudegherll  fur  les  ravages  des  Normands.  La  mort  de 

Baudoin  Bras  de  Fer  fut  pour  la  Flandre  le  figQal  des  plus 
trides  événemens.  £n  881.,  le  nord  de  ^Europe  parut  fe 
précipiter  en  torrent  fur  ces  provinces  avec  une  fureur  dont 
ni  les  Huns,  ni  les  Vandales,  ni  les  francs,  n'avoiçnt don- 
né l'exemple  dans  ^ucun  fiécle.  Une  flotte  envoyée  des  porM 
de  Tocéan  feptentrional  vomit  fur  nos  côtes  une  horde  in, 
nombrablc  de  brigands  dévadatcurs.  La  ville  de  Térouanne 
pillée  &  livrée  aux  flammes ,  le  territoire  des  Ménapiens 
ravagé ,  le  Brabant  dévadé  ^  ne  furent  qiie  le  prélude  dc|. 
i^reurs  qu'ils  exercèrent  l'année  fuivante.  Après  avoir  palfé 
leur  quartier  d'hiver  dans  la  ville  dq  Gand ,  ils  remontèrent 
l'Efcaut  au  printems  de  l'année  fuivante.  La  vUIe  de  Tour- 
nai ,  les  bourgs ,  les  villages ,  les  monadéres  qui  s'étcn- 
doient  des  bords  de  TEfcaut  jufqu'à  cfux  de  la  Sambrc, 
tout  fut  pillé ,  ravagé ,  incendié.  Vaincus  auprès  de  Thuin 
par  le  roi  des  Saxons ,  ils  n'en  devinrent  que  plus  furieux , 
&  vengèrent  cette  défaite  par  le  maflacre  des  Ménapiens  & 
des  Suèves  &  revinrent  pafler  l'hiver  k  Courtrai.  L*année 
fuivante.  Cambrai  ,  Arras,  toutes  les  villes  &  tous  les 
monadéres  jufqu'à  la  Somme  devinrent  la  proie  de  ces  bri- 
gands. Outre  les  villes  de  la  Flandre  que  nous  venons  de 
nommer,  Audembourg,  Ardembourg,  Odbourg,  Torholt^ 
Furncs ,  Boulogne ,  Audenaerde ,  Harlebccque  &c. ,  les  ab- 
bayes de  St.  Riquier ,  de  St.  Waleri  ,  de  Marchicnncs  &c, 
furent  en  pjirtic  détruites  ou  brûlées. 

(5)  Cela  eut  Heu  en  912.  Charles  le  Simple,  fatigué  de 
lutte'r  contre  les  Normands  &  touché  des  prières  de  {es  peu- 
ples qui  vouloient  la  paix  ii  quelque  prix  que  ce  fût^  con- 
clut avec  Rollon  leur  chef  un  traité  par  lequel  il  lui  donnolt 
en  mariage  fa  fille  Gifèle  ,  avec  cette  belle  partie  de  la 
Neudrie  que  depuis  on  appelU  Normandie.  Rollon  demanda 
encore  la  -Bretagne  6c  l'obtint. 


BIT      LE      CHAUVE. 


139 


ronte  de  Cambray,  frère  du  conte  Baudouyti  ^ 
4ia  le  Chaulve,  fit  en  faveur  du  roy  Charles  le 
Simple,  afpère(tf}& forte  guerre  au  roy  Eude,que 
les  François,  àraifonde  la  piinorité  dudicl  Charles 
Je  Simple  leur  prince,  avoyent  par  provifion  çhojfi 
pour  roy  :  &  eu  une  rencontre  qu'il  euft  cmitre 
Her:bert  conte  de  Verniandois,  qui  tenoit  le  parti 
dudift  Eude,  il  fut  defconfit  &  occis  (6).  Dont 
îidverty  le  conte  Baudouyn  aflembla ,  pour  venger 
la  mort  dudi^  conte  Rpdolph  fou  frère,  mçrvciU 
leufement  grand  oft,  avec  lequel  il  tira  en  toute 
diUgence  contre  lediélEude,  qui  fut  mis  en  fuyte, 
demourant^  plufiçurs  des  fieus  prifonniers.  Mais 
comme  iceluy  Eude  mourut  aflçz  toft  après  ,  & 
que  la  couronne  de  Frîipce  fut  mife  es  fliains 
fdudiét  Charles  le  Simple,  qui  en  eftoit  vrai  héri- 
tier, la  fufdiçle  guerre  ccfla,  &  retourna  le  conte 
Baiidouyn  en  Flandre,  où  il  ne  laifla  çouller  en 
yain  l'opportunité  (^bj ,  que  la  paix  faidc  avec  lef- 
diélz  Normans,  luy  donnoit  dç  reftaurer  &  ré- 
parer les  places,  villes,  monaftères ,  églifes  & 
forterefles,quiparles  fusdîéles  excurfions  avoyent 
efté  deftruiéles ,  bruflées  &  démolyes.  Il  fit  murer 


Rodolph 
conte     de 

Cambray 
frcrc  du 
conte  BaU' 
douyn   oc* 
cis* 


D(îfaide  da 
roy   Eude 
de  France 
par  le  con* 
te     Bau- 
douyn. 


Ix    conte 
Baudou^-n 
reftaure  les 
places  niy^ 
nées    au 
pais    de 
Flandres. 


(tf)  Rude  ,  opiniâtre ,  de  Pad-  '  (è)  Voccafiûn ,  la  facilité, 
jc&if  latin ,  afper,  a ,  um. 

C6)  Eudes ,  comte  de  Paris  ,  ayant  été  proclamé  roi  au 
préjudice  de  Charles  le  Simple  en  888.  ,  Cfc  la  France  fe 
trouvant  divifée  en  deux  partis,  Baudoin  le  Chauve  avoit 
cmbraffé  le  parti  de  l'héritiçr  légitime  de  la  couronne  :  Odo 
rex  declaratur  ^  reclamant ibus  maxime  Balduino  Flandrise 
comité  &  Fulcone  Rbemorum  archicpifcopa,  Rodolphe  frère 
de  Baudoin ,  qui ,  après  la  mort  de  Baudoin  Bras  de  Fer , 
avoit  eu  en  partage  le  comté  de  Cambrai  ,  avoit  également 
embraffé  le  parti  de  Charles  le  Simple.  Un  jour  qu'il  pilloit 
Tabbaye  de  St.  Quentin  en  Vcrmandois,  il  fut  tué  par  Her- 
bert ou  Héribert  fils  de  Pépin,  petit-fils  de  Bernard,  roi 
d'Italie  &  premierxomte  de  Verraandois ,  lequel  s'étoit  dé- 
claré pour  rufurpateux  £udes. 


Meyer  ann. 
890. 


Bouq.  ann. 
Vedaft.  ad 
an.  896.    . 

Rcgin.  I.  a. 


les  édifica- 
tions &  for- 
tifications 
que  le  con- 
te   Bau- 
douyn  fit 
en  Flandre. 

Edification 
de  Derghe 
fainA  Wi- 
nociu 


Office  de 
bon  prince» 


140     BAUDOIN     SECOND, 

la  vîlle  de  Bruges  &  parfît  Ça)  le  Bourch,  qu'eif 
îcelle  Baudouyn  Bras  de  Fer  fon  père  avoit  com- 
mencé, &  fit  faire  aulcunes  portes  audift  Bruges. 
Il  mxinifl:  &  fortifia  la  ville  d'Ypre  &  celle  de 
faînél  Orner  (7) ,  &  fit  fermer  le  cloiftre  de  faînft 
Bertîn,  comme  au(Tî  il  fit  édifier  &  murer  la  ville 
de  Berghe ,  à  laquelle  il  ;mpofa  le  nom  de  fainft 
Wînoch.  De  ce  non  content  5  il  s'appliqua  à  ce 
qu'il  fçavoit  néceflaîre  pour  Tinflitution  d'une 
bonne  pollice  en  fes  païs,  aufquelz  il  eftablît  plu- 
fieurs  bonnes  ordonnances  contre  les  mauvaîfcs 
moeurs ,  &  fit  extrême  devoir  de  purger  les  terres 
de  fon  dommaine  de  plUcries ,  larrechins  &  autres 
maléfices ,  cherchant  au  refte  toutes  oqcafions  à  ' 
luy  pofiibles  ^  pour  nourrir  fes  fubjeftz  en  bonne 
paix  &  concorde,  enfemble  pour  leur  moyenner 
toute  profpérité  &  repos;  office  vrayement  digne 
d'un  prince  chreftien  &  vertueux ,  qui  ne  doit 
avoir  aultre  chofe  plus  chère  que  l'heur  &  féli- 
cité de  fon  peuple ,  lequel  il  eft  obligé  d'égalle- 
ment  aymer  &  en  avoir  foing  continuel,  mefmc» 
d'en  ce  feul  coUocquer  Çb)  toutes  fes  penfées , 
applicquer  tous  fes  effortz  &  mettre  toutes  fes 
applications,  aflTm  qu'il  adminiftrc  &  conduîfe  la 
charge  à  luy  commife  de  telle  forte,  qu'il  en  foit 
loué  de  Jefus-Chrift,  quand  en  conviendra  ren- 
dire  compte,  &  qu'il  délaifte  au  monde  bon  bruit 
&  honneftc  mémoire  de  luy.   Dont  aéantmoins 


Ça)  jicheva, 

(*)  Cefl'à'dire^    de    tourner 
toutes  fes  penfées  vers  cet  ob» 


jet.   ColloqiiQt^  placer  f  du 
latin  collocarc. 


D.  Devien- 
ne,   hill. 
d'Artois  t. 
*.p.i43. 


(7)  Jusque»  là  on  l'avoir  appelle  Sithiu  6c  ce  n'dtoit  qu*un 
bourg.  Ce  bourg  &  le  monaftère  ayant  été  ravagé»  par  Mes 
Normands,  Tabbé  Foulques,  depuis  archevêque  de  Rhcims , . 
tvoit  fait  réparer  en  partie  l'un  &  l'autre.  Baudoin  achcv» 
Tentreprife  Tan  ^2.,  alors  le  boiurg  prit  le  nom  de  Se  Omor. 


ftîï     LE     CHAUVE.         14< 

plufieurs  prîrtces  chreftiens  font  femblant  d'avoir 
merveilleufement  peu  de  cure  Qî)  &  foucy ,  eux 
perluadantz,  (du  moins  félon  que  par  leur  vie 
ils  démonllrent)  que  les  principautez ,  royaumes 
&  feigneuries  leur  font  de  Dieu  oélroyés ,  pour 
fatisfaire  à  leura  plaifirs  désordonnez ,  pour  chaf* 
fer  d'eux  toute  mélancolie  &  foUicitude ,  &  pour 
vacqyer  aux  bancquetz ,  y vrogneçies ,  paillardife» 
&  autres  voluptez  mondaines.  Nonôbftant  quoy 
&  ellants  telz,  ils  s'ofent  dire&  appdler  chre^ 
tiens,  &  n'ont  vergoigne  d'eux  'glorifier  du 
nom  de  Chrift,  duquel  ils  mefprlfent  la  vîgilan* 
ce,  charité  ,  prudçnce  &  autres  femblables  per- 
feâions.  Lesquels  pourtant  je  renvoyefoysvolun- 
tiers  à  l'efcoUe  des  mefmes  aethnïques  (Ji)  &  infi- 
dèles, affin  que*  avec  leur  plus  grande  honte  & 
confufion  leur  foyent  les  yeux  ouverts ,  conduiélz 
&  menez  par  les  aveugles  au  droîft  chemin  & 
fentier  de  vérité.  Ce  que  de  faift  leur  peut  ad- 
venir ,  s'ils  ve^Uenr  efcouter  &  diligemment  exa- 
miner la  dGarinè"  &  enfeignement  qu'entre  les 
aultres  Hdmére ,  paragon  (c)  des  poStes  grecs , 
a  laifl'é  par  efcript  en  cefte  forte:  Nul  prince 
doibt  dormir  la  nuiS  entière.  Par  où  fediél:  Ho- 
mère en  bien  peu  de  pai-oll'es  nous  enfeigne  l'a 
grande  vigilance  &  continuelle  fblïfcitude  ,  esquel-  . 
les  un  bon  prince  doit  eftre  pour  Ta  tuitîon(^^ 
affeurance  &  confcrvation  de  fon  peuple.  Or  , 
cour  reprendre  noftre  premier  thème  >,  le  conte 
Baudouyn  après  avoir  reftauré  &  édifié  les  pla-' 
ces  &  villes  que  deffîis  ,  &  fatisfaift  aux  autres 
devoirs,  aufquelz  comme  prince  il^elïoit  obligé 
vers  fon  peuple  ,  il  ne  jnit  en  nonchalloir  (éy^ 


La  négfi^ 
genced'aul* 
cuns  prin* 
ces  chref* 
tiens  re^ 
prinfe* 


Les  prince» 
mal  coftd^ 
tionez   en* 
voyez  kref- 
coUe    do» 
mefmes 
ethnie- 
ques. 


Itiad  Lsr;. 


(fl)  Soin ,  du  latin  cura. 
(^)  Paycns^du  latin  ethnicus. 
(c)  Le  plus  grand  ,  U  premier. 
(0  M^nfe. 


(^)  En  çubli,  NonchalUir  [t^ 
gnific  ne  fc  fouçier  pas  ds 
quelque  cbofi. 


tes  dglifcs 
de. S.  Mar- 
tin, &.  de 
S.  Winoch 
édt fiches  par 
le  conte 
Baudouvn 
Cn  la  vUl^ 
de  Berghcs. 


ta  cliàpelle 
faindcPhâ- 
taïlde    k 
i^and. 


te  corps  de 
8.    Gherolf 
en    rdglifc 
do    Tron- 
chicncs* 


Le  corne 
Baudouyn 
devient  am- 
bitieux   & 
avare. 

Le  conte 
Baudouyn 
prétend  at- 
tirer à  fon 
Î)rouffit 
'abbaye  de 
ainfk  Ber- 
lin. 


144     BAUDOIN      SEC  ON  a  4 

ceftuy,  lequel  par  talfôn  le  devoit  plu^  esguilloffjï 
ner,  qu'eftoit  le  refpeét  &  honneur  vers  Dieu  ^ 
pour  le  ferviec  duquel  il  fit  édifier  en  la  ville  dé 
Berghes  lainét  Winoch  (  nouvellement  par  luy 
conttruiéte)  deux  églifes^  l'une  iiu'il  coûfacra  au 
nom.  de  fainét  Martin,  &  l'autre  à  ceftuy  de  fainék 
Winoch ,  en  l'honneur  duquel  il  avoit  ^infi  faift 
appellcr  ladifte  ville  de  Berghes  ,  ordonnant  au 
furplus,  que  le  corps  du  diét  Tainfl:  Winoch  fut 
transporté  du  monaftère  de  fainft  Bertin  (  où 
jusques  alors  il  avoit  rcpofé)  en  ladifte  égliie  de 
iainft  Winoch,  11  fcit  aufli  commencer  la  chap- 
pelle  près  le  nouveau  cartel  à  Gand  ,  que  nous 
appelions  fainde  Pharjjïlde,  &  répara  l'églife  de 
Tronchienes  prèz  ledid  Gand^  qui  avoit  par  les 
(usdiàz  Normans  efté  brUflée  &  totallement  def- 
truiéle,  &  y  fit  dcrechîçf  aflcmbler  les  chanoine» 
réguliers,  lesquels  avec  Jehan  leur  prévoft  avoyent 
pluficurs'  années  efté  dispérs  (^a)  par  le  païs.  Fi- 
nablement  il  fut  préfent  quand  le  corps  de  mon- 
fieur  fainft  Ghérolf  fut  par  Gherard,  évefque  de 
Noyon ,  eflevé  &  tranflaté  de  Meerende  en  Téglife 
de  Tronchienes^  Lesdiéles  chofes  achevées  ,  le 
conte  Baudouyn  demoura  bonne  efpâce  de  temps 
en  heurqufe  &  )  continuelle  paix  ,  jusques  à  c6 
que  changeant  de  complexion ,  il  changea  fembla- 
blement  de  fortune.  Car  il  devint  avare ,  convoi-» 
teux  &  ambitieux^  félon  e[tie  aflez  il  defeouvrit, 
lorsque  confidérant  les  richefles  &  pofleflîons  d6 
Tabbaye  de  fainft  Ber^ift  ,  qui  eftoyent  grandes  , 
prouflitables  &  honnorables ,  luy  vint  volonté  d'ca 
avoir  la  jouiflance,  laquelle  de  faiét  il  pourchaC* 
fa  Çb)  vers  le  roy  Charles  le  Simple  en  toutcî 
inftance  ,  &  par  plufieurs  prafticques,  ne  laiffarlt 
audiét  effeét  diligence,  fubtilité,  ny  autre  devoir. 


W  Dijpcrps. 


(*)  Pourfuivit  » 
foUlcita, 


rechercha  i 


DIT     LE     CHAUVE.         Ui 

desquelz  pour  parvenir  à  fon  intention ,  il  fe  po^ 
voit  ad^ifer  :  nonobftant  quoy  ne  luy  full  du 
commencement  poflible  d'obtenir  en  ce  qu'il  pré- 
tendoit,  à  raifon  que  Tabbé  Humbault,  porte  (tf) 
de  Fulco  archevefque  de  Raims ,  luy  contradifoit 
&  s'oppofoît  tant  qu'en  luy  eftoit  à  ladifte  pour- 
fuyte  :  au  moyen  de  quoy  yflît  depuis  entre  le- 
dift  archevefque  &  le  conte  Baudouyn  grande 
noyfe  (i)  &  débat,  qui  durèrent  longue  efpace 
de  temps.  Lequel  Baudouyn  enfin  meû  de  trop 
grande  ambition  &  aveuglée  convoîtife ,  chafla 
contre  droit  &  raifon  lediél  abbé  (  homme  faige 
&  de  bonne  vie)  en  Angleterre,  &  trouva  moyen 
d'obtenir  la  fusdiéte  abbaye  par  don  du  roy  Char- 
tes le  Simple  (8) ,  de  laquelle  luy  eftant  chevalier 


Débat  entrtf 
rarchcvcf- 
que    de 
Raims  &)e 
conte  Baa>' 
dovyn* 


(a')  Porn*croix  ,  clerc  qui 
portoit  autrefois  la  croix 
devant  les  éviqucs  ,  ou  por- 
te-croffc^  celui  qui  portoit 
la  crojfc  d'un  évéque^  lors- 


qu'il  officioittf  aux  fonc^ 
tions  duquel  il  yavott  des 
revenus  attachés. 
W  Q/ierelle, 


C8)  A  cette  époque ,  U  n*eft  pas  rare  de  voir  des  prince» 
6c  des  fouverains  po(T2der  des  abbayes.  Baudoin  le  Chaure 
crat  fans  doute  pouvoir  fuivre  cet  exemple ,  &  à  la  faveur 
des  troubles  qui  agitoient  la  France ,  il  avoit  tenté  de  s'em- 
parer de  l'abbaye  de  St.  Vaaft.  Il  Tavoit  demandée  au  roi 
Eudes  qui  la  lui  avoit  refufée.  Cependant  il  étoit  parvenu 
à  s'en  rendre  maître.  Après  la  mort  de  Rodolphe,  abbé  de 
St.  Bertin ,  il  avoit  auffi  convoité  les  biens  de  cette  abbaye. 
La  cupidité  de  Baudoin  avoit  donné  l'éveille  au  clergé ,  iç  9 
dans  un  fynode  tenu  à  Rheims  en  893. ,  il  avoit  été  réfola 
de  bncer  contre  lui  les  foudres  de  l'églife  ;  mais  on  fe 
contenta  de  l'admonefter  :  Communi  decreto  epifcoporum  ju- 
dicatum  fuerat  eum  authoritatis  canonica  anatbemate  ferien* 
dum  ;  fed  quoniam  in  ecclejîa  &  publicis  regrii  utilitatibus 
videbatur  incommodus  ^  cenfurd  fufpendîtur  adhuc  animad- 
verfionis  ecclefiaflica,  Baudoin  parut  céder  pouruntems  aux 
avis  du  fynode  &  l'abbaye  de  St.  Bertin  fut  donnée  il  Foul- 
ques «  archevêque  de  Rbeims,  quil'avoit  déjà  polfédée  avant 
fon  pontificat.  Ce  fut  là  le  principe  de  la  haine  que  Baudoin 
avoit  conçue  contre  ce  prélat.  Quant  à  ce  Humlault  dont 


Flodoaird 
dans    D. 
Bouq.  t.  8. 
p.  l6l. 


144     iiAUrjOlN     SECONDE' 

L'an  901.  .&  layc,  il  devint  abbé  en  Tan  neuf  ctntt  Se  un  4 

Le  conte  &  la  tint  feize  ou  dix  &  fept  ans,  au  grand  fcaii- 

Boudouyn  dale  de  fon  peuple ,  irréparable  préjudice  dMceUe 

rabbé^*  abbaye  &  notable  retardement  du  fervice  divin. 

Hunibûult  Et  d'autant  plus  que  ce  dont  ïl  devoit  ordonner 

Bertfn^^^fic  ^"  qualité  d'abbé ,  il  difpofoît  comme  conte  ,  & 

luy    citant  au  contfaire;  dont  fe  peut  defcouvrir  le  fruiét 

layc  de-       q^J  ordinairement  procède  d^urie  befliale  convoi- 
Vicflt  abbe       Vr*      .      i      .  1,  ,  .  t   •        • 

du   mcûne    tife  de  dominer  ,    d  amour    de  vanie   gloire  & 

iieu;  d'avarice  iufatiable;  lesquelles  tirent  fouvent  les 

Le  fruia  hommes  jusques  à  ce  poînél  qu'ilz  ne  fe  conten- 
de^df^con^  tent  de  toutes  les  poffeiïions  &  dommaincs ,  qu'ilz 
voitife,  ont  en  très-grande*  abondance  &  ne  prendeut 
plaifir  au  bien  de  paix ,  de  laquelle  autrement , 
&  mefmes  de  leuf  propre  naturel ,  ils  eftoyent 
auparavant  extrêmement  jaloux  &  curieus.  Au- 
quel endroiél,  me  fouvenant  de  ce  queCurtius(4i) 
en  certain  paflTage,  raccompte  par  les  Ambaflî^ 
^curs  des  Schytes  avoir  efté  propofé  ^  w  roy 
Alexandre,  me  femble  que  la  fubtllité  de  leur  re- 
monftrancc  joinéle  à  la  vivacité ,  moyennant  la-* 
quelle  ils  dépeintént  tant  bien  &  au  vif  les  qua- 
litez  &  propriétez  de  convoitîfe  &  ambition  , 
mérite  eftre  inférée  en  tons  volumes  ;  qu*a  efté 
la  caufe ,  que  de  mot  à  mot  avons  voulu  la  vous 
repréfenter  félon    que  s'enfuyt  :  „  Si  les  dieux 


^a)  iluint'Curcc. 

parle  Oudeghcrtl ,  c'ieft  pfobablemén^  le  môme  que  Clodoard 
apptfUe  Huâbalde ,  HUcbaldus,  Il  âvoit  été  moine  de  Tathaye 
de  St.  Amiiid ,  à  TarchcV^que  Foulques  Tavoit  appeUé  k 
RJieims  à  caufe  de  fon  favoir.  Peut-être  le  confbrid-il  âuffl 
avAc  Grimkald ,  prévôt  de  St*  Bertin  «  homrne  célèbre  par 
les  vertus  C^  fes  talens  «  qui  paiTa  en  effet  en  Angleterre , 
non  pas  chaifé  par  Baudoin ,  mais  appelle  ^par  Alfrèdc  qui 
avoit  demandé  au  roi  de  France  quelques  ikvans  ,  pooc 
fanimer  dans  fes  éuts  le  goût  dç$  ÏQtxxcSé 


bit     LE     CHAUVE. 


HS 


^  (difoyentlesdîéb:  ambafliâeurs)  avoyent  faift 
^  la  ftature  de  ton  corps  (  ô  roy  )  conforme  à 
y^  la  convoitîfe  de  ton  entendement,  le  monde  ne 
^  te  fçauroît  comprendre,  D*une  main  tu  tou- 
^  cheroîs  l'orient  &  de  l'autre  l'occident;  ce  que 
„  deflus  attainft,  encoire  vouldroisrtu  fçavoirle 
„  lieu  auquel  la  clarté  de  la  puiffance  célefte 
5,  s'abfconfe  (a).  Aînfi  convoites-tu  ce  qui  ne 
„  peut  eftre  comprins.  De  l'Europe  tu  quiers(^) 
^  l'Afie,  de  cefte-cy  tu  viens  en  l'Affricque,  & 
^  de  TAffrîcque  tu  repafles  en  l'Europe.  Pufs 
„  après  fy  tu  avois  furmonté  tout  le  genre  hu- 
fy  main ,  tu  voudrois  avoir  la  guerre  aux  foreftz  , 
ft  aux  nues ,  aux  fleuves ,  aux  belles  tant  cruel'* 
j,  les  que  douces,  qui  font  fur  la  terre.  Ne  fçays- 
„  tu  pas  que  les  grands  arbreç  qui  ont  eu  tant 
„  longue  efpace  à  croiftre ,  en  une  heure  font 
^  arrachez  ?  Ceftuy  eft  véritablement  fol ,  qui 
^  regarde  les  fruiftz  d'un  arbre  &  n'en  mefure 
^  la  hauteur.  Confidères  &  gardes-'toy  bien ,  que 
^  quand  tu  feras  au  couppeau  (0  ^n  tenant  les 
^  branches,  tu  ne  chées  Çd)  avecîcelles,&c.  (9) 

(tf)  Se   caehô ,  en  latin  ab-  (r)  Ju  haut. 

fcondere.  (O  Tu  ne  tombes^  du  verèê 

(*)  Tu  cherches  ^àuverhk  qui'  cbeoir, 

rir  5  en  latin  quarere* 

(9)  Nous  ajouterons  ici ,  en  hwtva  des  amàteUl^s  de  U 
littérature  latine,  le  texte  latin,  Tun  des  plus  beaux  mor* 
ceaux  de  Thiftoire  d* Alexandre  :  „  Si  Dii  habitum  corpodt 
^  tui  aviditati  animi  parem  efle  voloiffent ,  orbis  te  non  ca- 
M  peret.  Altéra  manu  orientem ,  altéra  occidentem  condpge^ 
„  res;  &  lioc  arfecutus ,  fcire  velles  ubitanti  î^uminis  fulgor 
Il  conderetur.  Sic  quoque  concupifcis  qu»  non  capis  :  ab 
„  Europâ  petis  Afiam ,  ex  Afiâ  tranûs  in  Europam;  deinde, 
n  fi  humanum  genus  fupefaveris  «  cum  filvls  &  nivibus  6c 
,p  fluminibus  ferisque  bcftiis  gefturus  es  bellum.  Quid?  tu 
^  ignoras  arbores  magnas  diù  crefccre,  unâ  horâ  extirpari? 
^  Smlttts  eft  qui  fruâus  earum  fpedat ,  altitudinem  noU  me- 
iititur.  Vide,  ne  dum  ad  cacumen  pervenire  contcndii» 
9  cum  ipfis  ramis ,  quos  comprehoiid^ns  $  décidas» 

K 


Propos  dci 
ambaflk- 
deurs  det 
Schytes  a« 
royAlexan- 
dre,parler- 
qudz  Tam* 
bition    dur 
diâAlexan* 
dreeftgran* 
dément 
blalmiée* 


Fol  eft  cel^ 
tuy  qui  rc* 
sarde  les 
nruiébd^un 
arbre  & 
n*en  mefu* 
re  la  hiui* 
leur* 


146     BAUDOIN      S  E  C  O  N  D, 

Ce  que  certaînement  fe  pouvoît  &  bien  à  propp^ 
adapter  au  conte  Baudouyn ,  parce  que  àon  con- 
tent 'de  la  profpérité  &  tranquillité ,  que  Dieu 
par  fa  bonté  luy  avoit  envoyé  affez  plus  grande 
que  à  fes  pfédécefleurs ,  il  s'advaiiça  d'ufurper 
ce  \  quoy  il  ne  devoit  attaindre  TeuUement  de 
rœil,  qui  êftoyent  les  biens  d'autruy ,  &  mes- 
me^  ceux  appertenantz  à  gens  d'églife,  &  dépu- 
tez pour  le  fervice  divin. 


BtudouVn 
le  Chtulve 
prcntd'ejn- 
iléeU  ville 
dePéronne. 

Uéiat  vU- 
JedePéron- 

Je  reprinfe 
jr  Bau- 
ouyn  par 
leroyChar* 
\ts  le  Sim- 
ple.. 

St.  Orner  âc 
Arras  prin- 
fes  par  Ic- 
dift   roy 
Charles. 


CHAPITRE 


X  X  I  I  L 


De  ta  guerre  que  le  conte  Baudouyn  euft  contre 
Herbert  de  Vermandois^  de  1%  perte  de  S.  Orner 
gf  Arras ^  du  recouvrement  defdîBes  villes^  des 
trefpas  dudtSt  conte  &  de  madame  fa  femme  ^ 
{^  d'' autres  chofes  mémorables.^ 

Après    que  le  conte  Baudouyn  euft  applic- 
que  à  fon  prouffit,  moyennant  l'authorité 
&  aggréation  du  roy  Charles    le  Simple,  Tàb- 
baye  de  fainét  Bertin  (i),  eftant  encoire  mém<?- 
ratif  de  la  mort  du  conte  Rodolph  fon  frère  (que 
•le  conte  Herbert  de  Vermandois  avoit  desfait  & 
occis)    affembla- grande  puiflance ,  :  pour  courir 
fus  audidl  Herbert,  au  païs  duquel  il  entra,  & 
prinft  d'emblée  la  ville  de  Péronne.  Dont  le  roy 
Charles  le  Simple  (lequel  ledift  Herbert  gouver- 
noit  paifiblement)  grandement  jfrité,  defcendit 
.en  merveilleufe  puiffance  contre  le  conte  Bau- 
douyn, &  après  avoir  reprins  ladifte  ville  de  Pé- 
ronne (qu'il    reftitua   audiél   Herbert)  marcha 
avant  dans  le  païs  dudift  Baudouyn,  fur  lequel 
il  prinft  la  ville  de  fainél  Omer,  &  puis  celle 
d'Arras,  laquelle  il  donna  à  un  gentilhomme  de 


(i)  £Ue  avoit  été  donnée  à  Foulques.  Baudoin  ne  Tavoit 
donc  pas.  appliquée  à  fon  prouffit.  U  ne  la  polTéda  qu*eB 
901 ,  après  ia  mort  de  Foulques*  ^ 


yt     LE     CilAÛVÈ.         Ul 

A  maîu)n,  pppellé  Mtinârus  (2).  D'aultre  cofté^ 
le  conte  Baudouyn,  qui  voyok  fes  forces  n'eftre 
fuffiffantes  pour  attendre  ceUes  du  roy,  fe  repen-* 
tant  tout  à  loyAr.  de  la  guerre  que  trop  fondai- 
uement  &  témiéraireroent  il  avoit  fufcité,  fe  hu- 
milia devaiit  le  roy  ,  vers  lequel  il  fe  trouva  fur  . 
la  rivière  d'Oifé,  efpérant  faire  tellement  que  fes 
'tilles  d^Arras  &  fainéi:  Orner  luy  feroyent  par 
Voye  amiable  rchdups  &  reftituées^  En  quoy 
néantmoins  il  fe  trouva  grandement  abufé,  pour 
autant  que  ledift  Herbert,  &  rarchevefque  de 
Raims  (amy  dudid  abbé  Humbault  que  le  conte 
Baudouyn  avoit  chaffé  en  Angleterre)  lu^  furen^ 
du  tout  contraires;  qui  fut  caufe  que  de  la  fuf- 
difte  guerre  il  ne  rapporta  autre  prouflSt  que  la 
perte  de  fes  '  villes ,  &  la  vergoignè  en  laquelle 
-il  fe  trouvoit  pour  la  néceffité  à  laquelle  il  avoit 
efté  réduiA  de  >fe  humilier  devant  fon  en«* 
iemy^  fervant  par:  ce  d'exemple  à  tous  princes 
-  -  —  i  i  ^  ..    ■ ,       .         ,  ,  ■■   ■  ,   , .        ■  ■« 

(a)  Lesattnalès  dé  St.  Vaaft  &  Flodoard  rappellent  Alt- 
mar,  JUmçr us  corner.  Lés  premières*  (an.  ^)  ne  parlent 
que  du  château  de  St.  Vaafl,  pris  par  Baudoin  &  repris 
par  Charles  le  Simple  ;  mais  Flodoard.  y  joint  l'abbaye  du     f^,  ^ 
même   nom:  accidit  a^tcpi    ut  abhatiam   S,  Vedafli  quant 
Balduinus  cornes  tenebat  ^  cum  atrebatenfî  cajîro^  rex  Caro* 
lus  pro  infidelitaië  Éaîduini   ab  eo  auferret.    Ce  bénéfice 
avoit   depuis  longtems   excité  la  cupidité  de  Baudoin.   Il 
Tavoit  demandée,^  comme   nous  TaVons  dit  phis  haut,  k 
Eudes  qui  la  )ui  avoit  rçfufée  j  fit  ce  refus  Tavoit  déterminé 
à  quitter  fon  parti  pour  prendre  celui  de  Charles.    Celui- 
ci  avoit  rendu  fes  bonnes  grâces  \  Herbert ,  centre  lequel 
fiaudoin  avoit  pris  le?  armes   pour  venger  la  mort  de  fon 
frère    Rodolphe,    &  il   étoit  entré  k  main  armée  dans  \à 
Flandre.  Baîidoîh  fe  vit  obligé  de  céder  aux  armes  du  roi 
qui   donna    encore   l'abbaye   de  St.  Vaaft  à  Foulques  qui        tWati 
réchangea  cour  Tabbaye  dé  St.  Médard  de  Soiflbns  (^ue     §jjj,^  j^J 
poffédoit  AltmarV  Cette  faveur  du  roi  coûta  la  vie  à  Foui-     poi. 
.  ques   que  Baudoin  fit  aflafliner  eh  900.   Cependant    Bau-     tlc    ^j.    *^ 
*  doin  recouvra    bientôt   ce  que  le  roi  lui  avoit  enlevé.  Il     g^jV    *    ^ 
pOiféda  même,  du  confentement  du  roi,  l'abba^^e  deSt.S«r-  * 

âft  dont  U  jouit  pendant  \^  ans^  >^  a 


V*» 


Toutt  pfin- 
ccf   foycnt 
tardifs  k  en- 
treprendre 
guerre. 

Vitupère  àc 
Intereftz  de 
U  guerre. 


Moyen  que 
tout  prince 
dûibt  tenir 
en  temps  de 
guerre. 


Vtbbtyc 

it  rtinâ 
Vitft  d'Ar- 
raf. 

Le  conte 

Baudouyn 
foiét  tuer 
rarchevef- 
oue  de 
iLalini. 


148     BAl][DOIN     SECOND, 

&  royg  de  n'eftre  fi  chaulda^  en  leur  confeil,  de 
fignamment  en  matières  de  guerre,  laquelle  or* 
dinairement  engendre  un   naufFragc    de  toute* 
bonnes  chofes  &  produit  une  mer  de  tout  mal- 
heur* Et  que  ainfi  fuit  9  y  a-t-il  mal  au  monde  qui 
foit  de  plus  longue  durée  9  &  duquel  on  fe  fente 
fi  longuement*  D'une  guerre,  s'en  fcme  une  au- 
tre, d'une  petite  une  très-grande,  &  d'une  de 
pailetemps  une  très-cruelle,  &  en  laquelle  8*ef- 
pand  beaucoup  de  fang  humain.  Brief ,  la  pttte 
de  guerre  formée  apporte  tous  maux  au  pals ,  au- 
quel elle  prcnt  fa  demeure,  &  fe  dilate  non  feul- 
lement  aux  lieux  circonvoifins ,  mais  aulfi  aux 
régions  bien  loingtalnes,   &  retirées.   Un  boa 
prince  donc  vertueux  &  prudent  n'entreprendra 
la  guerre,  que  préallablement  11  ne  ayt  eflayé 
tous  les  moyens  de  quelque  certain  appointe- 
ment,  affcuré  que  s'il  ufe   de  cette  prudence, 
diiiiciilement  aura-t-il  jamais  la  guerre ,  à  laquelle 
jie  pouvant  autrement  obvyer,  il  fera  foigneux 
que  elle  fe  face  au  .moins  de  dmnmage  des  fient 
qu'il  fera  poffible,  évitant  à  fon  povoir  l'effu- 
fion  du  fang  chrcftien ,  &  y  mettant  une  fin  la 
plus  briefve,  dont  il  fe  pourra  advîfer.  Or  (pour 
retourner  à  noftre  propos)  le  conte  Baudouyn, 
confidérant  le  peu  d'apparence  que  encoires  pour 
lors  il  y  avoit  au    recouvrement   de   fefdiftes 
villes,  retourna  fans  rien  faire  en  fes  pais.  Où 
peu  après  luy  viendrent  nouvelles,  que  Fulco 
archevefque  de  Raims  (duquel  nous  avons  cy- 
deflfus  parlé)  avoit  puis  naguerres  impétré  en 
commande  du  roy  Charles  le  Simple,  l'abbaye 
de  fainft  Vaaft  d'Arras;  qui  irrita  merveilleufe- 
ment  ledîft  Baudouyn ,  outre  ce  qu'il  eftoit  desjà, 
pour  les  raîfons  que  avez  pcfi  veoir,  aflcz  aîgry 
contre  le  fufdiét  archevefque;  lequel  à  celle  oc- 
cafion  il  fit  tuer  par  aucuns  de  fes  gens,  def- 
quelz  le  conduâeur  fe  nommok  Wiaemare.  Ce 


i)iT     LE     CHAUVE.  145 

feîft,  applîcqua  de  fon  authorîté   privée  à  fon'  -Le  cofttt 

i^rouffit  &  dommaine  ladifte  abbaye  5  je  ne  fçayî  ^^  ") 

foubs  qud  prétext,  ny  foubs  quel  fondement,  àfonprouf-î 

Aucuns  maintiennent,  que  le  conte  Baudouya;  ^J?^^^ 

nt  fit  occkelediift  arche vefque;  ains  que  un  fieni  d'Ams. 

fcrvîteur  nommé   Winemare  auroit   ce  faîft.dei 

fon  propre  mouvement,  à  raifon  du  defdain  &.  Ûotijou?*' 

indignation  quMl  auroit  concheûe  contre  le  fuf-  chant  la     . 

dia  archevefque,  pour  ce  qu'il  avoit  efté  con-;  "^^?^^^ 

traire  à  larrequefte,  que  le  conte  Baudouynfon  que. 

feigneur  avoit  faift  au  roy  Charles,  touchant  la 

reftitution  ddcliftes  villes  de  fainél  Orner  &  Ar- 

ras  (3).  Lefquellesnéantmoins  furent finableraent,  l**»»  pis- 

fi  comme  en  Tan  neuf  centz  quinze,  remifes  è?     a«^  ^^ 

j  ^T>j  jt         .       Arras  «  St. 

mams  du  conte  Baudouyn  au  moyen  de  la  paix,  orner  font 

&  appoinftement  qu'il  fit  avec  le  conte  Herbert,  reftimées 

de  Vermandois ,  par  lequel  fut  entre  autres  cho-  *  jSudcm^ 

fes    traifté    &  conclud  le   mariage   de  madame 

Aley t  (a)  ,  fille  dudift  Herbert ,  avec  Ar nould ,  dift      . .   . 


<tf  )  Jlix  ou  jiieyde ,  ^  JdèU  fchn  Vrtdius.      . 

Cs)  Winemare  &  fe«  complices  furent  excommuniés 
par  Hervé  fuccefleur  de  Foulques,  &  Baudoin  partagea' 
ITiorreur  qu'infpiroit  un  aâallinat  dont  il  avoit  ^té  iteut- 
4tre  i*inftigateur.  Nous  citerons  tes  paflages  fuivans  de 
rexcommunication ,  en  faveur  de  ceux  qui  ne  favent  pas  \ 
quelles  malédidions  étoient  voués  alors,  ceux  qui  étoient 
frappés  des  foudres  de  l'églife.  Après,  avoir  rappelle  les^ 
-ufurpations  que  Baudoin  avoit  faites  des  biens  ecclé£afli- 
ques  &  raifaffinat  commis  par  Winemare ,  Everard  &  RAt*  D..  Bou^ 
froid ,  les  pères  du  concile  ajoutent  cnur>ui?*es  :  Ipfoi  À^  9^ 
fan&a  matràt  ucîtfut  gremio  fegregamus  &  perpétua  malt- 
diSionU  ^nathematt  eos  condemnamus  .  ,  «  .  .  -^nl  maUdiêli 
in  civitatt ,  maUdiâi  inagra  :  maUdiâum  horreum  eorum  & 
maîediSa  reliquiàR  eorum  :  malcdiàus  fruSus  vcntris  eorum 
&  fruBus  terra  iflorum;  armenta  houm  fuorum  &  grcges, 
wvium  fuarum  ....  maîedîBi  fini  ingrcdientes  &  egredien- 
tes  ,  fintquc  in  domo  malediSi ,  in  agro  profugi  :  intejiina 
in  fecejfu  fundant  ....  nuUui  ergo  eis  chrifliamn  vel, 
^.ave  dicat  ....  fcpulturd  afini  fcpcîiantur  &  in  fierquili^, 
i  fuper  faciem  terra  fini  &c* 


Mariatfe 
^Araottld, 
diâleVieil, 
Itvec  mada« 
sneAleytde 
Vcrman^ 

L*an  9x9.  . 

Trefpfls  du 
conte  Bau* 
douyn  le 
Chaulve. 

Sépulture 
ftouya» 


Epitaphe 
dé  Bau- 
douyn,  did 
I^Chaulve; 


Chrofl. 
(Kth.  an. 


150     BAUDOIN     SECOND, 

le  Vieil,  fil^aifilé  du  conte  Baudouyn,  &  depuis- 
cptîte  dç  Flandre,  dont  ferji  parié  au  chapitre 
fubféquent  (4)»  Le  conte  Baudouyn  le  Chaulve 
après  le  recouvrement  de  fefdiftes  Villes,  acheva 
le  demeurant  de  fa  vie  en  bonne  paik  &  tranquil-r 
lité.  Et  trefpaffa  en  l'an  neuf  ccntzdix&neufCs); 
il  avoit  efleu  fa  fépultùre  au  monaftêre  de  faint 
Bertin  &  néantmoins  il  fut  enterré  foubs  une 
baffe  lame  à  fainft  Pierre  léz  Gand,  pour  au* 
tant  que  madame  Elftrude  fa-  femme  vouloit  ef* 
tre  enterrée  pi-ès  fon'  riiary ,  &  que  lors  Ton  ne* 
rccevoît  audiéb  S,  Bertin  aucune  fépulture  de 
femmes.  L*épitaphe  dudiél  Baudouyn  eft  gravé 
fur  ladidle  lame  en  très-ancîene  lettre,  duquel  la 
teneur  s'enfuyt.  ' 

Qui  legis  hdsc^tu  fiofce  guodhic  tumulatushahetur^ 
Marchîo  Balduinus  iulmett  honeftath* 

Aegem  traxlt^  avum ,  Carolum  Cognoniine  Calvum  , 
Otnnla  tnagnificam ,  moribus  Qf  merltis. 

Bfftitfit  quarto  Nonas  ^  cum  fol  ^antmrU^ 
Exuit  hune  Do  mi  nus  corporis  exuviis» 
Ce  qu'en  rime  françpife  fe  p^t  interpréter  en 

cède  fortp  ; 

Quiconcque  fois  qui  câcy  voultJrai  lire , 
ffntendz  que  foubs  ce/le  petite  lame^    ^ 

(4)  Ij  8'étoît  crt  apparence  réconcilid  avec  lui  dès  Tan 
(fpp. ,  félon  les  annales  de  St.  Vnafh  Adèle  fa  fille  .fut  dès 
lors  fiancée  avec  Arnoul  fon  fils  donc  elle  devint  Tépoufc  ; 
mais  jamais  Bdudoin  ne  put  lui  pardonner  la  mort  de  fon 
frère ,  ôc  le  fit  aflTafflncr  par  un  fcélérat  nommé  jllduin, 

(5)  La  moft  de  Baudoin  cil  rapportée  à  Tan  915.  par 
D.  Mabillon  dans  fes  annales  bénédidines  ;  mais  Sigebert, 
|a  chronique  de  Tournai  &  pjuflcurs  autres  la  placent, 
comme  Oudegbcrft,  k  Tan  919.  Plufieurs  villes  de  la  Flan* 
dre  doivent  k  Baudoin  le  Chauve  une  partie  de  leurs  ag* 
grandiflcmcns.  11  fit  fortifier  la  ville  de  St.  Winoc  qu'il  en* 
richit  d*une  églil'e  avec  un  chapitre  &  entoura  d'un  mur  le 
château  de  Bruges  que  fon  père  avoit  conftruit.  Il  fortifia 
^^alemçnt  la  yiUç  dUprei,       ' 


DIT     LE     CHAUVE» 


151 


Giji  Baudouyn^  lequel  pour  vray  vous  dire 
Des  vertueux  fut  le  comble  fans  blafme. 

Pour  ave  Ça)  il  eufi  le  roy  Charles  le  Chauhe^ 
De  bonnes  meurs  Q?  de  tris-grand  mérite. 
Or  il  eft  mort  ^  priez  que  Dieu  le  faulve^ 
Au  froid  Janvier^  dont  Flandre  fe  dejpite. 

*  Près  dudift  Baudouyn  gîfl;  audîft  faîndl  Pierye 
&  foubs  une  petite  lame,  madame  EHlrude  fa 
femme ,  laquelle  mourut  au  taois  de  Juîng  en 
Tan  neuf  centz  vingt  &  neuf.  Elle  fit  en  fon 
temps  des  biens  en  grande  quantité  à  plufieurs 
églîîes,  &  entre  autres  à  celle  dudift  fainft  Pier- 
re,  à  laquelle  elle  donna  aucunes  terres  &  pof- 
felfions  fituées  in'Cancia  en  Angleterre,  dont  fe 
voyent  audîa  fainfl:  Pierre  lettres  en  date  de  Tan 
neuf  centz  dix  •&  huift.  L'épitaphe  de  ladifte 
dame ,  lequel  fe  treuvè  audîft  monaftère  femblable- 
ment  gravé  en  lettre  très-antîcque ,  eft  le  fubféquent  ; 

Elfredi  fueram  prafiantis  filia  régis  9 
Eljîrudis  proprio  nomine  di&a  meo. 

Qude^  dum  prafentis  vigui  fpiramine  lucis^  _ 
Balduini  thalamis^  ufa  fui  Domini. 

Septenis    Junii  dum  fulfit  in  idibus   aftrum 
Me  pius  ad  fuperos  evocat  hinc  Dominus. 

Ce  qu*en  françois  fe  peut  aînfi  tranflater: 

Je  fus  jadis,  du  roy  très-vertueux 
Elfred!*  ^  grande  filP  Elftrude  nommée^ 
Qui  tant  que  Pam^  au  corps  m*efl    demeurée^ 
A  Baudouyn  Prince  doux  ^  heureux , 
ye  fuis  efté  noblement  mariée. 

Le  Dieu  puijfant  ^    &   nofire   bon  fauli>eur    . 
Puis  ofti  m'a  de  la  vie  mortelle 
Pour  m'' envoyer  à  la  ftenn'*  éternelle: 
Ce  fut  en  Juing  dont  au  feul  rédempteur 
Rendue  foit  gloire  fempiternelle. 


Tçefpts  de, 
irtadame 
Eldrude 
d'Angleter- 
re, contefle 
deFltndre. 

L'an  pap. 


Epitaphf 
de  la  conr* 
teife  El- 
ftrude» 


(ji)  Jyeulf  du  lai  in  avui. 


%S2    ARNOUL     PREMIER^ 


Àrfiottld  le 
X^eil,  aiiàî 
Arnould  le 
Grand,  dc 
pourquoy 
Il  fut  ainii 
appelle. 


Des  enfans 
du  conte 
Arnould. 


Mardrolo- 
|ue  de  St. 
Pierre. 


Mir.  cod. 
don.  piar. 
c.  35. 


cairOB.  Ba- 
von.  an« 
•41* 


CHAPITRE       XXIV- 

JOe  Padvènement  cPArnouïd^  dt&  le  Fiel  ^   à  la 

•  conté  de  Flandre  ,   du  débat  qu^il  euft  contre 

V empereur  Othon  ,  fif  comment  il  fit  réformer 

&  réparer  plufîeurs  cloiftres  Q?  églifes  9  avec 

aultres  particularisez. 

ARnould  le  Vieil ,  ainfi  nommé  pour  fon 
grand  âge ,  ou  Arnould  le  Grand ,  pour 
leg  grands  biens  qu'il  fit  aux  églifes  ,  fuc'céda  à 
Baudouyn,  dift  le  Chaulve,  fon  père ,  &  com- 
mença gouverner  le  païs  de  Flandre  en  Tan  neuf 
cents  dix  &  neuf.  11  fut,  comme  dift  eft,  marié 
à  madame  Aleyt,  fille  de  Herbert,  conte  de  Ver- 
mandois ,  de  laquelle  il  euft  un  filz  ^ommé  Bau- 
douyn  le  Jeune  ,  depuis  conte  de  Flandre ,  & 
deux  filles,  Lutgarde  &  Elftrude.  Lutgarde  fut 
mariée  à  un  ,  qui  par  le  martirologue  de  fainft 
Pierre  eft  attitulé  en  cefte  forte  :  Wîchmannus  in 
Dei  nomine^  gratid  Dei^  non  meis  meritis  cornes  , 
maritus  Lutgardis  &c.  Je  ne  fçay  toutesfois  le 
nom  de  fa  1  conté  (i).  Et  Elftrude  fut  décheûe  (a) 

Xa)  Trompée  ^  féduite. 

(i)  Il  fut  le  premier  comte  ou  gouverneur  d*une  nou- 
velle  fortercfle  que  l'empereur  Othon  I.  avoh  fait  conftruire 
en  949.  fur  le  bord  de  la  Lys ,  &  auquel  il  avoit  afligné 
pour  domaine  les  territoires  d'Aflenède,  de Bocholt, d'Axel 
&  de'  Hulft  avec  tout  le  pays  de  Waes.  C'eft  le  même  dont 
I  il  eft  parlé  plus  bas .  Les  paroles  latines  que  cite  Oudeghcrft 
font  tirées  d'un  diplôme  de  l'an  9(^2. ,  par  lequel  ce  Wichmann 
donne  à  l'abbaye  de  St.  Pierre  la  terre  de  Deflelberg ,  Tafla 
n)iUa^  près  de  Gand.  La  chronique  de  St.  Bavon  rappelle 
cornes  Sti.  Bayonts  ,  comte  de  St.  Bavon;  peut-être  parce 
quelaforterèflc,  dont  il  éloit  le  gouverneur ,  étoit  bâtie  fur 
un  terrain  appartenant  ï  cette  abbaye:  Ante  Ottonem ,  cap» 
teîlum  quod  ad  ripas  Legia  fitum  eft ,  non  reges  Franc'nt  » 
non  comités  Flandria  ^  fed  imperatores  in  liberdSti.Bavonit 
fojfelftone^  propter  divifionehf  regni  &  imperii  ftatuerunt. 
Huic  caftelh ,  nonc^ftellani ,  fed  comités prafuerunt. 


DIT     LE     VIEUX. 


«53 


i'un  Norman ,  nommé  Fîfcord,  feîgneur  de  Ghîf- 
nes  ,  duquel  nous  ferons  cy-après  plus  ample 
mention  (2).  Ledlâ:  Arnould  laîffa  pour  aflîgna- 
tion  de  partage  à  Adolph  fon  frère  ,  le  ter- 
ritoire de  Therowaene  (j),  la  conté  de  Bou- 
longne  &  Tabbaye  de  fainft  Bertin,  Au  temps 
duquel  Adolph  fiit  jefté  par  expurgation  de  mer, 
jprès  de  Grevelinghes  (*)  le  corps  mort  d'Ethe- 
Jivoldus,  frère  du  roy  Edouaert  d'Angleterre,  le- 
quel ledift  Edouaert  avoit  faifl:  mettre  à  la  mercy 
des  undes  *&  à  la  miféricorde  de  Dieu  ,  dans  un 
caducque  &  vieil  vaifleau  au  milieu  de  la  mer  (3). 
Mais  le  contç  Adolph  ,  qui  de  codé  maternel 
eftolt  proche  parent  audîél  Ethelivoldus ,  fît  ap- 
porter  le  corps  d'iceluy  &  enterrer  au  monaftère 
de  faincft  Bertin,  où  il  gift  encore  pour  le  préfent. 
D'autre  cofté,  le  ,conte  Àrnould  ,  dift  le  Vieil  , 
acquîft  par  oftroy  &  don  du  pape  toutes  les 
difmés  fur  le  pais  &  contrée  de  Flandre  ;  &  ce 
â  raîfon  de  la  diligence  &  vaillantife  ,  dont  etï 
fou  advènement  à  la  conté  il  avoit  ufé  ,  pour 
chafler  dudift  païs  de  Flandre  les  Huns,  Wan- 
dalois  &  Nprmans  ,  reliques  (r)  de  ceux  qui 
auparavant  y  avoyent  faidi  tant  de  dégaOz  &  ou- 
trages. Depuis  ,  lediél  conte  Arnould  fe  trouva  en 
plufieurs  &bien  ^rofles  fâcheries,  ati  moyen  que 
r empereur  Othon ,  premier  de  ce  nom  ,  avoit 
prins  d'emblée  &  fortifié  le  chafteau  de  Gand , 


AlSgoitios* 
de  ptrttgè 
par  le  conte 
Arnould  à. 
Adolph  foa 
frère. 

£thelivoK 
dos  expott 

5ar  le  roy' 
*Angleter^ 
re ,  fon  frè- 
re ,  à  la 
merchy  dei 
vagues  fur 
la  mer  »  ta 
enterré  ptr 
Adolph  d% 
Flandre  k 
St.  Bertin. 

Afcqueftei 
des  dismet 
deFlandre, 
par  don  d« 
pape,  tu 
prouffit  da 
conte  At> 
nould. 

Le  chafteau 
de  Gand 
prins  d^em» 
blée  par 
rempereoî 
Othon* 


(i?)  Thérouane, 
(Jf^  Gravelincs. 


(0  Rafles. 


(a)  Voyez  cy-deflTous  la  note  du  chapitre  Aiivant,  pag.  159. 

(3)  Le  malheureux  prince  dont  le  comte  Adolphe  recueille 
le  <:adavre  fur  les  côtes  de  la  Belgique ,  eft  appeUé  Eduin 
dans  les  annales  de  St.  Bertin.  Il  étoit  fils  &  non  pas  frère 
d'Edouard.  Adelftan,  fils  naturel  d'Edouard  &  plus  âgé  que. 
les  enfans  légitimes,  s'étoît  emparé  du  trône  au  préjudice 
de  ceux-ci.  Eduin  venoit  chercher  un  afyle  dans  le  conti' 
Bent ,  &  la  tempête  Tavoit  fait  périr  en  traverfant  le  détroit. 


Locrius 
fol.  153. 

Hift.  dea 
révolutions 
d'Anglet.  . 
in-8<».  t.  u 
P-  47. 
Meyer.  ti. 
P32. 


Débit  entre 
rempereur 
Othon  &  le 
conte  de 
Flandre , 
touchant 
les  limitei 
de  leura 
pals. 

Le  revenu 
êes  quatre 
jncdler» 
«jjplicqué  à 
rentretè- 
nement  du 
tliaftel  de 
l^d. 


154    A  R  N  O  U  L     P  R  E  M  I  EIR , 

qu'on  appelloît  caftrum  novum^  ou  nouveau  chaftcl, 
foubs  prétext  qu'il  fouftenoit  ledift  cbafteau  eftre 
fitué  fur  la  frontière  de  l'empire  contre  France  (4); 
auquel  pour  cefle  occafion  il  avoit  mis  &  col* 
locqué  bien  grande  garnifon ,  mefmes  avoit  pour 
Tentretènement  d'îcelle  applicqué  à  iceluy  chaf- 
teau  le  revenu  des  quatre  mcftiers  ,  qu'il  ^voît 
féparé  du  pais  &  territoire  de  Waes.  Et  pour 
autant  que  ladifte  garnifon  tenoît  merveilleufe- 
ment  fubjeft  le  port  de  Gand  ,^  qui  eftoit 
à  l'autre  cofté  entre  l'EfcauIt  &  le  Lys ,  le  conte 
Artiould  fit  des  grandes  &  diverfes  pourfuytes 
pour  r'avoîr  ledift  chafteau.  Mais  voyant  qu'il 
n'y  povoit  parvenir,  &  que  ledift  empereur  n'y 
vouloit  aulcuncment  entendre ,  commanda  eftre 
faiftz  audia  port  aucuns  petits  chafteaux  & 
maifons  défenfables  qu'on  y  voit  encoires  au- 
jourd'huy  (5).  Desquelles  les  deux  garnifons  fai- 
foyent  des  continuelles  faillies,  dont  la  retraiéle 


D.  Bbuq. 
t.  8.p.î26o. 


(4)  La  conquête  de  ce  château  étcdt  une  Aiite  &  non  pas 
la  caufe  de  la  guerre  d'Othon  contre  Arnoul.  Ces  deux  prin* 
ces  avoieht  réuni  leur^^  Ibrces  pour  défendre  Louis  d'Outre*v 
mer  contre  Hugues  le  Blanc  &  Richard ,  duc  de  Normandie. 
Ils  afliégeoietit  la  ville  de  Rouen  en  945.  ;  mais  Othon  voyant 
que  la  viUe  étoit  imprenable  &  ayant  appris  la  mort  de  fon 
neveu,  il  avifa  avec  les  fiens  aux  moyens  de  livrer  le 
comte  Arnoul  aux  Normands.  Guillaume  Calcule,  moine 
de  Jumiége ,  qui  nous  fournit  ces  détails ,  ajoute  qu* Arnoul 
informé  de  cette  trahifon  reprit  fur  le  champ  le  chemin  de 
fes  états.  Othon  voyant  fa  trame  découverte ,  ne  garda  pluf 
de  mefure ,  6c  fe  déclara  hautement  Tennemi  du  comte  de 
Flandre. 

(5)  La  chronique  de  St.  Bavon  dit  (an.  941.)^  Cornes 9 
coaclo  in  unum  ts^ercîtu ,  in  loco  quem  Ilcrchcm  novimus , 
ubi  necdum  habîtatio  crat  hominuniy  erc&is  lodiis  fixisquê 
Untoriis^  lûjigo  temporc  obfedit  cajlellum.  Elle  ajoute  qu*il 
y  avoit  dans  le  voifinage  un  bois  très-épais  d'où  les  troupes 
du  comte  fortoicnt  fréquemment  pour  livrer  des  aifauts  i  la 
forterefle  d'Othon  :  qui  crebrâ^per  dcnftffmam  fylvam  caftcl' 
lum  cajfo  laborc  fatigabant.  ' 


BIT     LE     VIEUX. 


ISS 


tiefe  £ûfok  fans  notable  &  abundante  effiifîon  de 
fang ,  tant  d'un  cofté  que  d'autre.  Ledift  empe- 
reur eh  fortifiant  &  réparant  le  fufdift  chafteau, 
fil  feîr^  près  d'iceluy  une  fofle,  tirant  depuis  le 
pont  de  faîn<a  Jacques ,  jusques  en  la  rivière  de 
la  Honte  :  laquelle  foffe  il  difoit  faire  b  fépara- 
tion  entre  l'empire  &  le  royaume  ,  &  la  fit  de 
ion  4M)m  appeller  Ottinghe  (6).  Peu  après  ',  fr 
comme  en  l'an  neuf  cents  quarante-un  le  tonte 
Amould  obtint  de  l'empereur  par  appointement 
ledift  chafteau  de  -Gand ,  où  il  fliit  incontînent , 
créa  &  conftitua  le  premier  burchgrave ,  duquel 
en  l'hiftolre  de  Jîaudouyn  de  Lifle  nou^  ferons, 
plus  ample  récit.  Ledift  chafteau  réduift  foubs 
fôn\,obéiffance,  le  conte  Baudouyn  (^)  infif- 
tant  '(*)  ^^^  traces  de  fes  bons  &  vertueux  pré- 
décefleurs,  s'applicqua  du  tout  à  la  répiaration. 


de  rempir# 
£c  du  royau- 
me par  la 
foffe  appcir 
Uq  Oithinr 
ghc. 

L*an  941.  ^ 

Le  preraici; 
burchgrave 
ou  vicont^ 
de  Cam*  ^ 


(ay  II  faut  lire  Amould. 
(^^  Marchant ,  du  latin   va. 


fiftere   veftigiis  ,   marcher 
fur  les  traces.  . 


(6)  Il  ne  faut  pas  çojifbiidre  ce  canal  crçufé  par  lesordrei 
4'Othoo  avec  le  Hont  ou'  le  lit  occidental  de  TEfcaut.  But- 
'^fis  dit  à  propos  de  ce  canal:  „  L'empereur  Othon  l.ayjnt 
„  fait  l|âtir  une  fortèreflc  près  la  ville  de  Gand ,  fur  les 
„  dernières  limités  dé  Tempire  ,  il  y  cobftitua  comme  gar- 
„  dien  le  comteWichfnann ,  &  lui  donna  tout  le  païs  dVVloft, 
^  la  tékre  de  Waes  &  les  quatre  meftiers ,  à  favoir  Hulft, 
„  A^èle,  Bopchaut  ^  Affenède;  &  afin  de  diftinguer  mieux 
^  îfes  limites  de  Tempire  vers  ce  quartier ,  il  fit  ouvrir  un 
^  foffé  large  depuis  la  porte  de  St.  Jacques  à  Gand ,  jusques 
^  dans  le  l>ras  gauche  de  TEfcaut ,  vulgairement  appelle  la 
„'  Honte ,  &  le  fit  nommer  de  fon  nom  la  fojfe  ottoniène. 

l,a  chronique  de  St.  Bavon  dit  auffi  :  Otto  imperator  àè 
Scaîdi  foffato  anù  pontem  Sti,  Jacobi  ufque  in  'mare  exten- 
fum  à  nomine  fuo  omnem  pagum  Ottingum  vacavit^  quo 
regni  Francorum  &  imper ii  orientalium  fines  determinavit. 
Ce  canal  doit  être  de  là  même  date  que''  la  forterelR"  dont 
ikous  avons  parlé  i  plus  haut.  La  chronique  &  Butkens  les 
fixent  à  la  même  époque.  Si  ces  évènçmens  font  en  partie 
la  fuite  de  la  haine  qui  éclata  en  946.  entre  Aimoul  &  Othon,; 
U  faut  néçeflàircment  les  rpportcr  ayec  Meyerus  vers  l'an  949. 


Troph.  dç. 
Bnb.  1.  I., 
t.i.  p.  \U 
&  12. 


An. 


941. 


BftinÂGhe* 
fard,  abbé 
de  fain^ 
Pierre  lez 
Cand. 


^Le  corps  de 
laiiKa  Ber- 
diolf   en 

/  réglife  SU 
Saulveur 
d'Harlebec- 
que. 

.  La  difme 
jippellée 
Ten  Honts- 
,  ke^  donnée 
par  le  con- 
te Amould 
aux  chanoi- 
nes de  St. 
Donas. 


156     A  R  N  0  U  L     P  R  JE  M  J  E  R, 

édification  &  réformatîon  de  plufieurs  monaftèrc» 
&  églifes.  Et  premièrement  il  fit  à  la  requefte  dt 
Transmarus ,  é  vef(^ue  de  Noyon ,  réparer  le  cloiftre 
de  fainft  Pierre  lez  Gand  lequel  avoit  elle  mis  en 
grande  défolation  par  les  guerres  paflTées,  &  fit 
remettre  audift  cloiftre  des  religieux  de  l'ordre 
de  Tainft  Benoift,  réformez  conformément  à  Tpr-, 
^  dre  de  fainft  Clugny ,  par  Oddo ,  premier  abbé 
dudift  Clugny,  oftant  d'iceluy  cloiftre  les  ch»- 
noines  réguliers,  que  Baudouyn  Bras  de  Fer, 
fon  ave ,  y  avoit  faift  aflembler.  Et  fut  monfieur 
fainél  Gherard  lors  eftably  &  conftitué  abbé  du- 
dift monaftère.  Il  fit  femblablement  édifier  le 
chœur  de  l'églife  dudift  fainft  Pierre,  delà  mef- 
me  forte  qu'on  le  voit  encore  pour  le  préfent(7), 
y  faifant  apporter  les  corps  des  fainfts  Wandcr- 
gefilus,  Hansbanus,  &  Wulfiannus,  Et  outre  ce 
donna  aufditz  de  fainft  Pierre  plufieurs  terres^ 
poffeffions  &  richefles.  Au  moyen  de  quoy  plu- 
fieurs eftiment ,  que  lefdiftsde  fainft  Pierre  l'ayent 
par  flatterie  depuis  appelle  Amould  le  grand. 
H  fit  aufly  réparer  l'églife  de  fainft  Saulveur  à 
Harlebecque,  &  eftant  depuis  par  les  décès  du 
conte  Adolph  fon  frèïe ,  devenu  conte  de  Boulon- 
gne,il  fit  tranfporter  dudift  Boulongne  le  corps 
de  monfieur  fainft  Bertbolf ,  en  ladifte  églife  de 
fain<^  Saulveur,  &  d'illec  le  fit  porter  audit  mo- 
naftère de  fainft  Pierre  ,  où  il  a  tousjours  efté- 
jufques  à  maintenant.  Il  fit  réparer  le  chœur  de 
l'églife  de  fainft  Donas  à  Bruges,  félon  qu'on  le 
voit  ^ujourd'huy,  &  donna  aux  douze  chanoi- 
nes ,  que  Baudouyn  Bras  de  Fer,  fon  ave,  y  avoit 
eftablys,  la  difme  qu'on  appelle  Ten  Hontske. 
U  fit  faire  &  édifier  l'églife  de  Thoroult,  en  la- 


C?)  C'eft  vers  Tan  945/  qu'Amoul  fit  édifier  le  chœur 
de  cette  églife.  U  a  été  rebâti  à  la  moderne  £c  avec  beau- 
coup de  goût  Tan  17^2. 


BIT     LB     VIEUX. 


tST 


quelle  il  colloqua  aucuns  (^d)  chanoines  &  chap* 
pelins  pour  vacquer  au  fervice  divin.  Il  fit  édi- 
'  fier  en  Tan  neuf  cents  quarante-un  9  en  la  ville 
de  Gand  une  chappelle  entre  la  Lys  &  TËfcaut^ 
fur  la  place  que  lors  on  appelloit  Hereghem,  la- 
quelle cbappeUe  fut  par  Tranfuiarus,  évefque  de 
Noyon,  confacrée  aux  noms  de  monfieur  fainâ 
Jehan ,  fainâ  Bave  &  fainA  Vedaft  (^).  Environ 
ce  mefme  temps ,  furent  rapportez  audiA  Gand 
de  la  ville  de  Laon ,  où  pour  la  crainte  des  Nor* 
mans  ils  avoyent  longtemps  efté,  les  corps  de 
fainft  Bave  &  de  fainéte  Verhîlde  (r) ,  lefquels 
fufrentmisdansle  nouveau  chaftel  en  la  chappelle, 
qui  fe  difoit  la  chappelle  du  conte ,  &  de  là  furent 
dévotement  &  avec  grande  cérémonie  portez  au 
cloiftre  de  fainA  Bave  ,  fauf  toutesfois  aucunes 
reliques  ,  qu'à  la  requefte  dudiû»  conte  fufrent 
laiffées  ,  comme  encores  elles  font  en  ladifte 
chappelle.  Finablement  îl  fit  par  le  moyen  dudîft 
fainél  Gherard,  abbé  de  fainft  Pierre  à  Gand, 
réformer  tous  les  cloiftres  Bénédiftins  de  fon 
pais,  qui  lors  eftoyent  dix  &  huift  de  nombre 
faift,  félon  qu'attelle  &  tefmoingne  Ja  chronicque 
de  fainft  Bertin  ;  auquel  fainél  Bertin  il  fit  aufly 
tranfporter  les. corps  de  fainél  Walery,  fainél 
Rignier  (i)  &  de  fainél  Silvanus  (8).  Je  trouve, 
&  eft  confirmé  par  ladiéle  chronicque ,   que  en- 


Les  ooff» 
de  ScBtva 
&  de  Sce. 
Verhildeaa 
doifbrede 
fainâ  B«* 
vonàGtnA 


Réfa 
tion  de» 
cloiftret 
BénédiaiB» 
en,  FlandM 
par  le 
moyen  de 
fainâ  Ohft^ 
raid. 


C^)  St.  Bavon  &  Sf.  Foofi. 


(O  fharaHit. 
Cd)  Riquier. 


(8)  La  plupart  de  ces  évènemens  eurent  lieu  antérieure- 
ment à  la  guerre  que  fe  firent  Othon  &  Amool.  Meyerua 
ks  place  depuis  vers  Tan  937.  jusqu*à  Tan  SM4.  Quant  aux 
dix-huit  monaflères  qui  furent  réformés  à  cette  époque, 
Meyerus  en  nomme  X7.  dans  i*ordre  fuivant  :  Blandinienfi  ^ 
Gandenfc,  Tornaccnfc^  Marti  if  nen fe  ^  Hafnonienfe  ^  RonHa- 
ccnfc ,  Atrehattnft ,  Turholttnft  ,  WorumhoUcnfe  ,  divi  Ri- 
cbarîi^  divi  Bertini ,  divi  Audomari^  divi  Syivini,  divi 
yklmari,  div^  Amandi^  diva  B$rtba  ^  divi  Amérti  DuMCcnfis. 


tucùtâ  r« 

repefit  de 
foti  Ingfflii- 
fude  A  par 
d^rcfpoir 
•Vcwlt  foy- 
ttffmf. 


Vitupirt 


Ko     AIII40UL     PREMIER^ 

peu  de  tempe  aprèi  ledidl  Fifcord,  merurant  U 
grandeur  de  (on  ingratitude  par  la  quantité  deê 
Utiéûccê  &  honneur»  que  Icdiél  conte  At'flould 
luy  avoit  pourchaffd ,  conceut  de  fa  fufdiftc  dcf- 
loyauté  9  &  félonnic  une  repentance  &  defplai- 
fir  fy  extrême ,  qu'il  tomba  au  poinA  par  la  loy 
de  nature  deflcndu  à  toute  créature  vivante,  & 
beaucoup  plu9  par  Tordonnancc  de  Dieu  9  à  ceux 
qui  font  profôfllon  du  nom  Chrefticn ,  qu'cftoit 
celuy  auquel  le  défefpoir  contraint  les  miférablea 
humain»  de  faire  tort  à  leur»  propre»  pcrfonne», 
&  8'abréger  la  vie.  Donnant  par  fon  exemple  à 
cognoidre  à  un  chafcun ,  la  crainte  que  devon» 
avoir  de»  Jugement»  de  Dieu^  &  le  devoir  au-* 
qqcl  fomme»  obligez  nou»  mettre  pour  fuyr  ^ 
éviter  Tabominable  péché  d'ingratitude*  Lequel 
efl;  tant  ord  (a)  &  vilain ,  que  ceftuy  quy  en  eft 
entaché  9  efl  non  feulement  hay  &  abhorré  dea 
homme»  9  mai»  aufly  du  mefme  Dieu  tout-puif-* 
fant  &  immortel;  félon  que  fe  peut  veoir  par  la 
punition  bien  griefve  que'  plufieur»  foi»  a  &  ml-* 

racu* 


Gffi«  coin* 
flftndn   p. 


?.6î. 


(4)  Infamê. 

Wlfrold,  Oulffroid  ott  BlflVoldquI,  «ytut  été  élevé  11» cour 
de  Bnudoin  le  Chauve  i^t  1»  comtciTe  Rldrudefon  époufe» 
Ate  fe  faire  altncr  d*une  de  fe«  fillci  nommée  Gulnèdilde* 
qu'il  époufa  apréf  en  «voir  eu  un  enfant,  dont  la  i^allHinca 
fut  tenue  cachée  pendant  quelque  tcma,  laquelle  ftilvltfoa 
époux  en  El^agne  où  11  poiïédolt  le  comté  de  Barcelone. 
Vrediu*  appuie  fon  fyftémc  fUr  un  extrait  de  llilftoire  du 
monaftèrc  de  ^i,  Jean  de  la  Penna,  que  lui  avolt  commO' 
nlqué  un  favant  Kfjpagnol.  Cette  alTertlon  reçoit  une  non- 
velte  force  de  rhl(û>lre  dea  comtea  de  Barcelone  «dont  on 
trouve  un  extrait  dana  Baluze  ai,  dana  le  neuvième  tome  du 
recueil  de  D.  Bouquet.  Cet  extrait  tiré  d*un  vieux  manufcrlc 
du  monaftèrc  de  Rlupoly,  contient  lea  mémca  détalla^  !«• 
môme»  faitti  de  lea  mémet  circonftattcea  que  celui  rapporté 
par  Vreditti. 


i>iT     LE     VÎEÛX. 


I^t 


kculeufement  efté  faifte  fur  ceux  quy  fe  font  laîf- 
fez  maîtrifer  de  femblable  turpitude,  &  iniquité* 
De  laquelle  pourtant  chafcun  fe  doit  garder, 
mefmes  de  ne  tîlnt  s'oublier,  que  dé  fe  laifler 
(comme  fit  lediét  Fifcord)  vaincre  du  défefpoir» 
Lequel  entre  toutes  les  perturbations  &  paflîons 
de  Tame,  je  treuve  eftre  &  la  pire  &  la  dernière. 
Attendu  principallement  qu'elle  contraint  Thom- 
me  à  fe  deffaire ,  &  violer  natui'e ,  &  à  tompre 
la  cômpaignie  de  Tame  &  du  cîorps,  qiie  Dieu 
tîoftre  plafmateur  (»)  a  de  fa  bonté  infinie  con- 
Joînéle  &  à  laquelle  il  a  prefcript  &  limitd  une 
inviolable  union ,  laquelle  partant  fans  horrible  & 
tnonftrueus  forfaift,  ne  peut  par  les  mortels  eftre 
féparée,  disjoinfte,  fty  defliée; 


CHAPITRE 


XXVI; 


Défefpoîrv 
la  pire    6l 
dernière 
perturba- 
tion de 
rame% 


Comment  le  conte  A^nould  de  Flandre  après  U 
trépas  (PAdolph  fon  frère  ^  remit  V abbaye  de  , 
JhtnSt  Bertln ,  gue  fes  prédécejfcurs  avoyent  m- 
jti/lement  ufùrpée^  es  mains  ecc/éfiafllcç'ues ^  ^ 
de  la  mort  du  duc  Gultlaume  de  Normandie^  qui 
lediêf  conte  Arnould  fit  occire. 

ADolpti  de  Flandre,  frère  du  conte  Ariiolild , 
dift  le  Vieil,  lequel  (parce  que  defTus)  avez 
peu  veoit  conte  de  Boulongne ,  de  Therouwaene 
&  abbé  de  faihft  Bertin,  mouruft  en  l'an  neuf 
centz  quarante-quatre  (i),  &  gift  à  fainft  Bèrtiil. 
Par'  le  trefpas  duquel  Adolph ,  les  terres  &'  con- 
tez de  Boulongne  &  Theroiiwîtené,  avec  Tab- 


L^àn  944. 

Décèé 

d' Adolph 
de  Flandre^ 
frère    du 
conte    Ar- 
nould. 


(jà)  Créateur ,  du  tatin  plafmare  former. 

(0  Adolphe  étoit  mort  en  933. ,  cinq  âûS  après  Tépo; 
fjue  où  l'on  place  Tanccdote  du  Normand  Sifroid.  Ce  nt 
fut  qu'environ  10.  ans  après  qu'Arnoul  îc  Vieil  abdiqua 
l^abbaye  de  St.  Bertin  eu  faveur  de  Gérard. 


îiieyer.  isit 
P3i'^944' 


L'abbaye 
de  fainft 
Bertin  rcf- 
tituée  es 
mains  ec- 
cléfiaftic- 
ques  dont 
eftfaift  ab- 
bé faîna 
GherariL 


La  ville  de 
Calais  re- 
tenue par  le 
conte  Ar- 
liould  fur, 
ladide  ab- 
baye de 
St.  Bertin^ 


L'a»  945* 


Le  conte 
Amould 
faict  occire 
le  duc 
Guillaume 
de  Nor- 
niadk. 


162    A  R  N  O  U  L     PREMIER, 

baye  dudîJl  faindt  Bertin  retournèrent  audîft  Ar- 
nould,  conte  de  Flandre.  Lequel  efguillonné  du 
remord  qu'il  fentoit  en  fa  confcience,  de  ce  que 
luy  &  fes  prédécefleurs  avoyent  tyranicquement 
ufurpé,  &  contre  tout  droiÂ,  ladifte  abbaye  de 
fainél  Bertin,  manda  vers  foy  monfieur  fainét 
Gherard,  abbé  de  fainft  Pierre  lez  Gand,  lequel 
il  fit  &  conftitua  abbé  dudift  faînél  Bertin,  &  le- 
quel  au  commencement  de  fon  adminiftratîon  en 
ladifte  abbaye,  euft  plufieurs  &  intolérables  fâ- 
cheries, tant  pour  y  redreffer  ce  qu'auparavant 
par  le  moyen  de  ladidle  ufurpation  y  avoit  efté 
dépravé  &  corrompu,  que  pour  remeftre  &  reftî- 
tuer  ledift  monaftère  en  un  bon  ordre ,  ST  digne 
de  gens  de  religion.  Sy  fuft  iceluy  monaftère 
depuis  ce  temps,  tousjours  fucceffivement  gou- 
verné par  perfonnes  eccléfiafticques ,  félon  qu'auC- 
fy  le  droift  &  la  raifon  diftoyent  &  requerroyent. 
Sur  lequel  néantmoîns  le  conte  Arnould  de  Flan- 
dre retint  la  ville  de  Calais,  &  outre  ce  aucuns  au- 
tres biens  appartenants  audift  cloîftre,  pour 
d'iceux  en  jouyr  fa  viç ,  &  celles  de  fes  femme 
&  deux  enfans  feulement  &  point  davantage ,  au 
moyen  de  quoy  ylfirent  depuis  entre  les  fuccef- 
fciirs  du  conte  Arnould ,  &  ceux  de  fainft  Bertin 
les  queftions  &  débatz  qu'en  pourfuyvant  cefte 
hiftoire  cy-après  entendrez.  Environ  ce  mefme 
temps ,  fi  comme  en  l'an  neuf  centz  quarante- 
trois  ,  ledift  conte  Arnould ,  lequel  en  toutes  fes 
autres  affaires  s'eftoit  porté  aflez  prudemment  > 
vertucufement  &  vaillamment,  fcindant  fe  vou- 
loir appoinfter,  touchant  aucuns  différents  qu'il 
avoit,  avec  le  duc  Guillaume  de  Normandie , 
commit  une  faute  merveiHeufement  lourde.  Car 
il  trouva  prafticque  de  faire  foubs  le  fufdîft  pré- 
text,  de  couper  &  mettre  à  mort  le  fufdift  duc 
GuiHaume,  qu'eftoit  venu  au  lieu  par  luy  aflîgné 
en  bonne  foy,  &  avec  bonne  intention >  faifant 


DIT     tiË     ViÈUit; 


tèi 


j>erpétrer  &  commettre  ledift  homîdde  par  le^ 
gens  mefmes  d'iceluy  duc  Guillaume,  dont  lé 
chief  &  condufteur  eftoil  un  fien  ferviteur  do- 
mefticque  quy  s'appelloît  Balzon;  Et  pour  autant 
que  le  roy  Louys  de  France,  quatriefme  de  ce  i 
nom,  advoua  lediét  faiét,  plufieurs  diflenfions 
$'efmeurent  depuis  entre  France  &  Normandie* 
Lefquelles  vous  trouverez  6l  au  long  defcriptes 
&  récitées,  parles  cbronicques  ou  annales  de 
France.  Le  premier  motif,  &  Toccafion  orîgînele 
du  fufdiél  différent  qui  fut  meû  entre  le  conte 
Arnould,  &  le  duc  Guillaume  de  Normandie,  fe 
narre  par  divers  autheurs  diverfement;  Car  au- 
cuns d'eux,  &  fignamment  les  François  maintien- 
nent, que  le  conte  Arnould ,  lequel  (félon  qu'ilz 
difent)  moleftoit  grandement  fes  voyfins,  auroit 
ofté  au  conte  Heloyn  de  Monftreul,  le  chaftel 
dudift  Monftreul;  que  le  duc  Guillaume  feroit 
avec  grande  puîflance  defcendu,  pouf  en  faveur 
dudift  Heloyn  recouvrer  lediéï  chafteau,  lequel 
finablement  il  auroit  remis  es  tnaitis  dudiâ  He- 
loyn; que  le  conte  Arnould  de  ce  mal  content, 
fe  feroit,  pour  plus  commodieufement  s'en  ven- 
ger, allyé  avec  aucuns  baron^  de  France;  que 
peu  après  feindant  fe  vouloir  accorder  avec  le- 
dift  duc  Guillaume,  luy  auroit  mandé,  que  s'il 
fe  vouioit  trouver  en  certain  lieu  pour  parlamen- 
ter ,  il  pardonneroit  voluntiers  en  fa  faveur  lé 
maltalent  qu'il  avoit  contre  ledîft  Heloyn;  que 
le  duc  Guillaume  procédant  de  bonne  foy,  fe  fe* 
roit  au  fiifdîft  effeft,  trouvé  en  une  petite  yflo 
fur  la  rivière  de  Somme,  près  le  chaftel  de  Pî- 
quegny  (^),  &  qu'en  icelle  yfle,  Icdift  conté 
Arnould  l'auroit  faifl  maflacrer  ^  meurdrir* 
Autres  difent  que  pour  quelque  temps  y  auroit 
eu  de  grandes  inimitic^s   entre  te  conte  de  Flaa-' 


L*origliiè 
dadiflféreat 
ec  hayne 
du  conte 
Araould 
contre  le« 
diâ  duc 
Guillaume 
divcrfc- 
mcnt  at^ 
rée. 


C«)  Péquigni, 


0  % 


nifcotifâdc 

Vmthcttt 
toiichntit 

de  riniml- 
tlé  entre  le 
conte  de 
Flandre ,  èc 
le  Jtic  Û9 
Normtin- 
die« 


164    ARNOUL     PREMIER, 

dre  ficlcdiél  duc  de  Normandie ,  à  raîfon  des 
grmid»  dégaftz,  foulle»  (a)  &  pillcrie»,  que  le 
duc  Guillaume  y  elhnt  dcfccndu  &  à  Timpour- 
vciic,  auroit  faift  au  paï»  de  Flandre,  &  que 
leur  conte  ArnouUi  de  ce  grandement  irrité, 
fcindant  peu  après  vouloir  parlamenter,  Tauroit 
en  ladite  yfle  faiét  occire  &  mettre  en  pièce»  (a). 
A  laquelle  opinion  J'adhère  d'autant  plu«  vo* 
luntier»,  pour  ce  que,  prendant  pied  au  refte 
des  aéles  &  de  la  vie  dudi(ft  conte  Arnould ,  ne 
fc  trouve  qu'il  ayt  eu  aucune  tache  d'Jiommc 
pilleur,  tyran,  quereleux  &  lequel  fan»  y  eftrc 
trop  plu»  que  fufHfammcnt  provoqué  ,  euft 
voulu  opprimer ,  ou  faire  tort  au  moindre  de 
touH  fe»  voifin».  Attendu  mefmes,  que  Tabbayc 
de  fainft  Bertin  qu'eftoit  bien  riche  &  opulente, 
&  laquelle  il  povoit,  fans  aucun  contredi(Jl  ou 
reproche,  retenir,  fut  par  Juy  mife  en  fon  pre- 
mier eftat,  non  pour  autre  occafion,  que  pour 


Ça)  Déiaflrci. 

(a)  C^c  fut  Pan  943^  que  Guillaume  fut  tf^i^né  par 
kf  ordre»  d'Amoul  «  environ  trois  ans  iivant  le  fîège  de 
Rouen  qui  vit  naître  la  haine  d'Othon  contre  Arnoul  ;  ce 
qui  prouve  qu'Oudegherft  ne  claiTc  pas  toujour»  le»  (Jvànc- 
mcn»  félon  Tordre  de»  tcm».  Il  ferolt  fan»  doute  bien  dif- 
ficile de  faifir  la  \Mi^  au  mlllcit  de  la  multiplicité  de»  opi- 
nion» qui  partagent  le»  hiftorlen»  fur  le»  caufe»  de  Padkffinat 
commis  par  le»  ordre»  d* Arnoul  dan»  la  peffonne  du  doc 
de  Normandie.  Arnoul  avoit  ii  fe  plaindre  de  quelques 
irruption»  que  Guillaume  avoit  faite»  fur  fe»  doroninc»  4c 
de»  fecour»  qu^il  itvoit  donné»  à  llerhiin ,  comte  de  Mon« 
treuil  dan»  une  guerre  quil  avoit  eue  contre  luL  il  ne  pou* 
volt  pardonner  aux  Normand»  I^ur  alliance  avec  Herbert 
Je  mctirtrler  de  fon  oncle.  La  puiiTancc  de  Guillaume  lui 
donnoit  de  vive»  alarme»,  ôc  cette  puifBincc  dcvcnolt  de 
Jour  en  jour  f\m  fc^rmldable.  Tel»  font  du  moJn»  le»  mo- 
tif» i\rÛ9^  de»  mnnumen»  le»  plu»  certain» ,  qui  fembleoc 
avoir  déterminé  le  comte  de  Flandre  k  fe  déibonorer  par 


DIT     LE     VIEUX*  165 

décharger  le  fardeau,  que  cefte  injufte  ufurpa- 
tîon  faifte  &  pratiquée  par  fes  prédécefleurs, 
caufoit  en  fa  confcience.  Laquelle  euft  indubita- 
blement &  par  raifon  etté  trop  plus  empefchée, 
par  la  violence  que  contre  fes  voyOns  il  euft  fans 
aucune  occalion  exercée ,  pour  les  defpouiUer  de 
leurs  biens  &  pofleffions ,  que  par  la  ddt<;ntion  ou^ 
joùiflance  dudid:  roonaftère  de  fainft  Bertin ,  que 
îes  prédécefleurs  aflez  auparavant  luy  avoyent 
-acquife  &  moyen  née.  Davantage  lefdifts  Fran- 
:çoîs  récitent  que  lediél  conte  Heloyn  feroit  du 
fufdia  grief  à  luy  par  le  .conte  Arnould  pour- 
xrhaffé,  premièrement  venu  plaintif,  vers  Hue(/?) 
le  Grand,  conte  de  Paris,  duquel  ledift  chaftel  de 
Monftreul  feroit  efté  tenu  en  hommage,  &  que 
luy  ayant  ledift  Hu^  failly  de  garrant,  obftant 
-qu'il  ne  vouloît  entreprendre  guerre  à  fy  légiere 
ioccafion  contre  le  conte  Arnould  de  Flandre ,  qui 


(ji)  Hugues  le  Grande  ou  VJbhé^  ou  le  Blanc, 

une  trahifon  odieufe.  Pour   exécuter  plus    fûrement   fou 
deflcin ,  dit  un  écrivain  prefque  contemporain ,  U  fit  invi- 
ter Guillaume  à  une  entrevue  où  ils  dévoient  terminer  à 
ramiable  quelques  différcijs    &   fe  jurer  une   amitié  éter- 
nelle. On  choifit  à  cet  effet  Péquigni  fitué  fur  la  rive  gauche     - 
de  la  Somme  à  trois  Ueues  d'Amiens ,  lieu  fameux  par  l'évé- 
nement tragique  dont  nous  parlons  &;  par   l'entrevue  que 
Louis  XI.  &  Edouard  IV.  y  eurent  depuis  en  1475.  Les  deux 
princes  fe  rendirent  dans  une  petite  île  que  (ormoit  en  cet 
endroit  le  lit  de  la^omme,  fe  virent,    s'cmbrafferent ,  fe       Hift.Wîn. 
promirent  une  amitié  durable  &  fe  féparerent  vers  le  foir.     Gemct.   D. 
Pendant  que  GuiUaume  traverfoit  la  rivière  pour  retourner     ^^^^•^^-  ^- 
à  terre  ,  quatre  officiers  du   comte  de  Flandre  le   rappel- 
lerent  fous  prétexte  que  leur  maître  avoit  oublié  de   lui 
faire  part  d'un  fecret  important.  Il  les  crut,  revint  &  fut 
aflaffiné  au  moment  qu'il  fortoit  de  la  nacelle   qui  l'avoît 
porté.  Meyerus  raconte  la  chofe  un  peu  autrement  que  le 
chroniqueur  de  Jumièges.  U  femble  même  excufer  l'adiou 
4*Amoul  qu'Oudegberft  blàmç  jtvcc  raifon. 


p.  262 


L'authcur 

gcfaidpro- 
îflioad'ad- 
vocat    ou 
dcflfenfeur 
des  viccf 
d'aucun 
prirtcc 


Sans  foy  de 
loyai^té , 
toutes  au- 
tres vertus 
des  princes 
tcrniirent 
oc  n'ont  au- 
cune fplcn- 
deur. 


t65ARNOUL     PREMIERt 

eftoît  riche  prince  &  puiffant,  fe  feroit  lediâ:  He-r 
loyn  retiré  pour  refuge  vers  Louys  roy  de 
France,  quatriefme  de  ce  nom;  duquel  n'ayant 
femblablement  obtcn^i  aucun  fupport  ny  aflîften* 
ce,  Tauroit  finàblement  împétrée  du  duc  Guil- 
laume de  Normandie.  Ce  que  me  femble  aultant 
ridîculeux,  comme  je  trouve  impertinent,  que  le 
conte  Arnould  de  Flandre  auroit  promis  au  duc 
de  Normahdie  pardonner  en  fa  faveur  le  cour- 
roux &  mefcontentement  qu'il  avoit  conceu  con- 
tre le  conte  Heloyn.  Entant  mefmes  qu'il  n'eft 
vrayfcmblable ,  que  Hue  le  Grand,  duquel  tou- 
tes les  hiftoires  parlent  tant  magnifiquement  & 
honorablement,  euft,  pour  crainte  de  la  puiflance 
du  conte  Arnould,  refufé  fon  fecours,  que  par 
raifon  il  devoit  prefter,  à  un  fien  vaflal  fouUé  & 
déshérité;  comme  auffy  n'y  avoit  aucun  fonde- 
ment du  cofté  du  conte  Arnould,  de  promettre 
au  duc  de  Normandie  de  pardonner  en  fon  nom 
le  courroux  auquel  il  cftoit  contre  le  conte  He* 
loyn ,  lequel  luy-mcfme  il  avoit  offenfé  &  def- 
pouillé.  Non  que  pourtant  j'ei>tendé  excufcr 
ou  defguifer  la  grande  faute  que  par  le  fufdiâ 
meurtre  le  conte  Arnould  auroit  commife,  veu 
que  pour  le  préfent  je  ne  faijtz  eftat,  ny  pfo- 
fellîon  d'advocat  ou  delFenfeur  des  vices  des 
contes  &  princes  de  Flandre  ;  mais  aflîn  de  vous 
repréfenter  au  plus  près  de  la  vérité  que  me  fera 
poflible ,  tant  en  ceft  endroit  comme  en  tous  au- 
tres, les  chofes  faiftes  par  lefdîfts  contes,  & 
advenues  au  païs  dudift  Flandre*  Le  conte  Ar- 
nould donçques  fit  en  ce  que  dcflus  très-mal  & 
dégénéra  grandement  de  fes  propres  vertus  & 
perfeélions,  faifant  pour  ce  refped  d'aultant  plus 
à  blafmer ,  que  notoirement  il  devoit  fçavoir  que 
la  foy  &  loyauté  font  entre  toutes  les  autres  ver- 
tus tant  clères,  fie  refplendiflantes ,  que  fans  îcel: 
lc$  toutes  les  grâces  des  princes,  pojir  grai^dp^ 


DIT     LE     VIEUX. 


167 


qu'elles  foyent  &  en  qualité,  &  en  quantité,  fe 
terniflent  &  obfcurcîflent.  Voires  (&  que  plus 
eft)  que  les  autres  vertus  ne  prendent  de  ceftes- 
cy  moindre  clarté,  que  font  la  lune,  les  aftres 
&  les  eftoyles ,  de  la  fplendeur  de  rUluftre  foleil. 
Et  qu'ainfy  foit  :  prudence  fans  foy ,  ne  devient- 
elle  pas  vaine,  menfongière,  &  malicieufe  cau- 
tèle  (tf)  ?  Tempérance  fans  foy  n'eft-elle  pas  trifte, 
honteufe,  &  umbrageufe?  Force  fans  foy  qu'eft- 
ce  que  lafcheté  &  couardife  (^)  ?  comme  aufly  la 
juftice  fans  ladiéle  foy,  n'eft  autre  chofe  que 
vray  meurdre,  &  cruauté.  Quelle  louange,  quel 
bruit,  quel  honneur  peut  avoir  un  prince,  qui 
£{t  yaîn,  menteur  &  trompeur?  Quelle  chofe  fe 
.treuve  plus  fale  &  laide,  que  de  rompre  fa  foy, 
.que  ne  tenir  promefle  ftable  en  faifts  &  en  difts , 
&  que  de  reculer  d'un  accord  &  appoinftement 
fftiél?  Voylà  qui  mouvojit  ceux  d'Egypte,  de 
faire  (félon  que  tefmoigne  Dtodorus  Stculus^  cou- 
per la  telle  fans  aucune  exception  à  tous  trom- 
peurs &  parjures.  Voylà  aufly  pourquoy  les  hiC- 
ioriens  eftïment  &  louent  fy  haultement  Sextus 
fils  de  Pompée  le  Grand.  „  Lequel  ayant  invité 
„  au  fouper  en  un  de  fes  navires  près  Puteo- 
„  le  (e) ,  Anthoine  &  Oftavien  ,  fes  compéti- 
3,  teurs  &  ennemis;  mais  pour  lors  reconciliez, 
„  fur  ce  que  Ménodore  admirai  diidift  Sextus , 
„  luy  fit  par  un  meflagier  interpofé  fçavoir,  qu'il 
5,  ^ftoit  ores  temps  de  fe  venger  de  la  mort  de 
„  fes  père  &  frère,  &  que  s'il  y  vouloit  enten- 
^,  dre ,  il  befoingneroit  tellement ,  que  nul  de  les 
^,  ennemis  n'efçhapperoit  des  navires:  va  (ref- 


Ça^  Rufc,  quand  il  eft  pris 
en  mauvaife  part  ^  comme 
ici;  précaution^  prudence 
fag$ ,  quand  on  le  prend  en 
%(mtie  fartt 


(*)  Timidité, 

(r)  Pouzzol    ou    Pozzuoîo^ 

ancienne  ville  d"" Italie  d0nh 

la  terre  4c  Lahuf, 


Diodorot 
Siculus, 

Les   Eg» 
tiens  punif- 
fent.  de 
mort    tous 
trompeurs 
&  parju- 
res. 


Louatîgcde 
la    loyauté 
de  Sextus 
Pompeyus,      '' 


jflj     ARNOUL     PREMIER, 

„  pondit  Sextus  audiél  meflager)  &.dî<fts  de  ma 
„  part  à  ceftuy  qiiy  t*a  vers  moy  envoyé ,  que 
5,  s'il  veut  faire  ce  dont  tu  m'as  parlé,  ille  fera  fans 
„  moy,&quec'eft  l'ôfliâe  d'un  parjure  comme  luy, 
,,'  de  faire  tels  Qftes,  non  pas  le  mien  quy  n'ay 
„  apprîns  ny  accoutumé  tromper,ny  faufer  ma  foy. 
Refponfe  vyayement  digne  î'un  fils  du  grand 
.  Pompée,  Or,  pour  retourner  à  mon  propos,  le  conte 
Arnould  le  Vieil,  après  le  fufdift  meurdre  commis 
en  la  perfonne  du  duc  de  Normandie ,  fit  au  roy 
Louys  de  France  toute  rafïïftence  pofiîble  es 
guerres,  que  pour  avoir  advoûé  ledift  méfus(/?), 
il  euft  contre  les  Nornians.  Lefquels  néantmoins 
portés  par  le  roy  de  Dannemarque,  quy  eftoit 
parent  bien  proche  au  jeune  duc  Richard  de  Nor- 
mandie ,  jfîrent  tellement  qu'ils  conferverent  la- 
difte  duché,  &  en  invertirent  finablement  lediél 
Richard,  comme  plus  à  plain  fe  pçut  veoir  par^ 
les  hiftoires  à  ce  deftinées. 

CHAPITRE         XXVII. 

Comment  le  conte  Arnould^  diSt  le  Fieil^  fit  ivoc- 
guer  les  eflatz  de.  Flandre  en  fa  ville  de  Gand^ 
^  du  confentement  dUceulx  tranfporta  la  conté 
de  Flandre  à  fan  fils  Baudouyn ,  di£t  le  Jeune. 


Li 


E  contç  Arnould  le  Vieil,  après  avoir  bon 
'  efpa'ce  de  temps  gouverné  en  feure  paix  ^ 
tranquillisé  fon  païs  dq  Flandre,  confidérant  le 
peu  de  capacité,  queobftantfon  î^nchien  aage  luy 
reftoit  pour  délbrmais  vacquer  aux  grands  tra- 
vaux &  folicîtudes  en  telle  adminiftration  rcqui- 
l^tj^ri  964.  fes  &  néceffaircs',  fit  en  Tan  neuf  centz  foîxantc- 
quatre  (i)  évocquer  en  fa  maifon  qu'il  avoit  à 

^ r— : — ^ -^. -: t 

(ji)  Crime. 

(0  Le  tranfport  que  fit  Araoul  le  vieil  du  fçouvcrnc- 
inent  à  fon  fils, eut  lieu  Tan  958.  &  non  pas  Tan  964,  qui 
eft    Tannée    de  la  mort  d'Arnoul.    Or  ce   prince ,  aprè^ 


DIT      LE     VIEUX. 


169 


Gand  J)rès  le  monaftère  de  faînaTierre,  tous 
les  prélatz ,  nobles  &  autres  des  eftatz  du  pais  & 
contrée  de  Flandre.  En  la  préfence  defquels,  & 
d*une  grande  multitude  de  peuple  lors  illec  af- 
femblée,  ledifl:  conte  Arnould,  (lequel  s'eftoit 
ce  jour  veftu  de  fes  plus  riches  h;ibits)  ayant 
à  fafençftre  G?)  fon  fils  Baudouyn,  appelle  le 
Jeufne,  (après  avoir  commandé  Çlence)  parla 
d'une  merveilleufe  confiance,  de  cède  forte:  „  Mes 
„  bons  vaflaux  &  amys,  premier  (^)  que  vous 
„  faire  entendre  pourquoy  je  vous  ay  mandé  af- 
„  fembler,  je  vous  veux  ramentçvoir  partie  des 
„  fortunes  &  dangiers,  où  je  n^e  fujs  trouvé 
^  depuis  la  mort  de  feu  de  très-heure  mémoire, 
„  le»  conte  Baudouyn  mon  feigneur  &  bon  père 
„  (que  Dieu  ayt)  &  qu'il  pleuft  à  noftre  fe}- 
y,  gneur  în'appeller  au  gouvernement  de  vous 
,,  &  de  celle  province.  „  Et  lors  commença  dif- 
çouvrir  partie  de  ce  que  depuis  le  temps  qu'il 
avoit  emprins  le  gouvernement  de  Flandre  luy 
eftoit  advenu  ;  fi  comme  l'expulfion  du  reli- 
quaire des  Huns  ,  Wandalois  &  Normans,  les 
débats  qu'il  avoit  eu  contre  Tempçreur  Otho, 
&  autres  particularitez  qu'aurez  cy-deffus  peu 
entendre^  Et  puis  continuant  :  „t)r ,  me  voyez- 
^  vous  (dift-il)  vieil,  &  tout  blanc,  ayant  des- 
^  jà  attainél  l'an  oétante  huiftiefme  de  mon  i^age , 
^  qui  me  fait  penfer  eftre  déformais  fayfon ,  que 
^  j'oublie  les  chofes  du  monde,  pour  retournor 
^  à  Dieu,  qui  m'a  tant  obligé  (c)  à  luy.  Et  pour 
„  cède  caufe,  ay  délibéré  vous  laifler  dès  main- 
^  tenant,  &  à  l'advenir   pour  voftre   conte  & 


Evocation 
des  eilitz 
de  Flandre 
à  Gand. 


Harangue 
du  conte 
Arndold  de 
Flandre 
aux    eilacs 
de  fes  pais, 
en  tranf- 
portant  lef- 
diâz  pals  à 
fon     fils 
Baudouyn , 
diaicjcuf' 
ne. 


(^)  Gauche* 
(Jb^  Avant, 


(<:)  Attaché  à  force  de  bien- 
faits. 


la  mort  de  BaudoînJe  Jeune  qui  ne  régna  que  trois  ans , 
comme  nous  le  verrons  plus  bas ,  reprit  malgré  fott  grand 
âge  les  rênes  du  gouvernement  pendant  les  trois  premiô- 
ces  années  de  }a  minorité  d'ArnoiU  le  Jeune  fon  petU-fil^.. 


Baudouyn, 
diftlejeuf- 
nc,  du  vi- 
vant de  fon 
père  pro- 
clamé conte 
de  Flandre. 


170  B  AUD  0  IN*  TROISIEME, 

„  feigaeur  Baudouyn  mon  fils ,'  auquel  dès  à  pré* 
^  fent  je  cède  tout  le  droift  que  j'ay  en  cette 
y,  conté  de  Flandre;  vous  priant  tous  autant 
5,  qu'il  m'eft  poffible,  que  d'icy  en  avant  luy 
„  foyez  fidèles  &  obéiflants,  comme  vous  m'avez 
^  tousjours  cfté.  Et  combîen^qu'il  foit  mon  fils, 
„  fy  je  le  cognoiflbye  indigne  de  vous,  croyez 
„  (mes  amys)  que  plutoft  je  eufle  efleu  pour 
„  me  fuccéder  un,  quy  m'euft  efté  moins  que 
„  luy.  Je  le  vous  laide  donc  fans  retenir  pour 
„  moy.  que  cette  maifon ,  &  le  peu  que  me  con- 
„  viendra  pour  l'entretien  de  cette  pouvre  vieil- 
„  lefle  „.  Lors  fit  approcher  ledift  Baudouyn  fon 
fils ,  &  luy  baillant  fon  manteau  de  conte ,  vou- 
lut qu'il  le  veftitt  à  l'heure.  Cependant  le  filence 
ettoit  fy  grand,  qu'on  n'oyoit  par  la  place  au- 
tre chofe,  que  pleurs  &  foufpîrs'du  peuple, 
efmeu  de  pitié  &  compaflion,  pour  veoîr  telle 
délibération  à  leur  bon  prince,  lequel  habillé 
d'un  finiple  accouttrement  de  drap  noir,  prînt 
fon  dift  fils,  &  après  l'avoir  faift  afleoîr  en  fa 
chaire,  le  fit  par  fes  hérauds  proclamer  conte 
de  Flandre.  Ce  faiél,  chafcun  fe  retira,  les  uns 
pleurants  &  les  autres  plus  ayfes,  pour  l'amen- 
dement &  faveur  qu'ils  efpéroyent  de  ce  nouveau 
conte,  qui  de  là  en  avant  commença  gouverner 
fes  païstant  prudemment,  qu'il  laifla  très-bonne 
mémoire  de  foy  à  (i  pottérité ,  &  à  fes  fubjeôs 
un  defir  continuel  d'ettre  tousjours  gouverné$ 
par  un  prince  tant  difcret  &  vertueux. 


CHAPITRE 


XXVIII. 


Comment  le  conte  Baudouyn^  di£tle  yeufne^enfeigna^ 

ceux  de  Flandre  contra&er  par  forme  de  per* 

mutacion  ^^  du  décès  dudicï  conte  Baudouyn. 

A  Près  ladiéle  réfignation  faié^e  par  le  conte 
/jLÀrnould,  dift  le  Vieil,  es  mains  de  Bau^ 
douyn  le  Jeufne  ,   ledifl:  Baudouyn  emprint  Iç 


DIT     LE     JEUNE,  171 

i 

gouveraement  de  Flandre ,  auquel  il  fe  porta  le 
peu  de  temps  quMl  vefquit  moult  vertueufement. 
Il  fut  marié  à  madame  Machtilde,  aliàs  (a)  Mé- 
haut,  fille  d'Hermain,  duc  de  Saxone  QÎ)  (i), 
de  laquelle  il  euft  un  feul  fils  ,  nommé  Arnould 
lejeufne,  lequel  fut  depuis  conte  de  Flandre. 
Ce  Baudouyn  fit  durant  fon  gouvernement  aucu- 
nes ordonnances  fur  le  fiaift  de  la  marchandife  , 
laquelle  à  raîfon  du  peu  d'argent  que  lors  fe  trou- 
voit  au  païs  de  Flandre ,  il  vouloit  eftre  faiûe 
&  contraîâée  par  forme  &  manière  de  permu- 
tation (^).  Ne  trouvant  au  refte  autre  chofe  mé- 
morable qu'ayt  par  ledifl:  conte  Baudouyn  elle 
faifte  ;  &  combien  que  par  fon  épitaphe  tel  que 


Mariage  du 
conte  Bau* 
douyn,dift 
le  Jeufne, 
avec  mada- 
me Méhaut 
ëe  Saxe. 

Marchandi- 
fe contraic- 
téépar  iiu«^ 
nière  de 
j>ennata- 
tion. 


(itf)  autrement. 


(Jt^  Saxe. 


(i)  C'eft  égalemftiit  Topimon  de  Fauteur  de  Pabregé  intitulé 
ftandria  gencrofa ,  &  de  beaucoup  d*autres ,  panni  Icfqueb  U 
faat  placer  la  chronique  de  St.  Bavon.  Cet  Herman  ûimom- 
mé  Billfngius  du  nom.  de  fon  père  BiUingùs  fut  le  pre- 
mier qui  reçut  de  l'empereur  Othon  le  Duché  de  Saxe  à 
dtre  de  pofleifion  héréditaire  pour  fes  defcendans  6c  qui 
jdeWnt  encore  en  965.  bujprave  de  Magdebourg.  Vre- 
dios  &  quelques  autres  prétendent  que  cette  Mathilde  étoit 
fille  de  Conrad  le  Pacifique  roi  d'Arles  qui ,  après  un  règne 
d'environ  57.  ans,  mourut  en  993.,  père  d'une  nombreufe 
poftériié, 

(2)  On  doit  à  ce  prince  Tencouragcment  du  commerce 
&  de  quelques  manufaâures  dans  la  Flandre.  U  établit 
des  marchés  publics  à  Bruges,  à  Courtrai,  à  Turcoing,  à 
Torholt  &  à  Cabiis.  Il  introduiiît  des  Tiflèrands  &  des 
FouUons  dans  la  ville  de  Gand  déjà  très-peuplée  alors.  Quant 
aa  commerce  qui  Ib  fefoit  par  échange,  on  donnoit  une 
oie  pour  deux  poules,  deux  oies  pour  un  jeune  porc  ou 
on  agneau  déjà  fort,  trois  petits  agneaux  j)otur  un  roomon, 
trois  veaux  pour  un  bœuf.  Cette  manière  de  commercer 
prouve  combien  l'argent  étoit  rare  alors  dans  la  Flandre, 
tes  voies  publiques  ou  n'exiftoient  pas,  ou  étojcnt  peu 
fiires.  I>odilon ,  évêque  de  Cambrai ,  avoit  refufé  en  893* 
de  fe  rendre  au  fynode  de  Rheims,  fous  prétexte  que  les 
f hem|ns  n'étcûent  pas  fûrs. 


Buzel. 
an.  Gallq 
Flandr.  p. 
143. 


L'an  p57. 

Mort    du 
jconte  Bau- 
douyn,  diét 
le  Jeufne. 

L'épitaphe 
dudît  Bau- 
àouyiu 


«72  BAUDOIN    TROISIEME, 

voirez  cy-deflbubs ,  femble  qu'il  ayt  muré  la  vilk 
de  Bruges,  &au  furplus  édifié  aucunes  autres  vil- 
les ,  fy  eft-ce  que  je  n'ay  mémoire  d'avoir  tou- 
chant ce  leu  quelque  chofe  aux  hiftoires  de  Flan^ 
dre  (3).  Il  mourut  après  avoir  gouverné  trois 
ans,  .en  Tan  neuf  centz  foixante-fept,  des  petites 
vérolles,  en  fa  ville  de  Berghes  Sainft  Winoeh, 
&  gift  à  fain<fi:  Bertin  ,  où  fur  une  petite  lame 
fe  voit  fou  épitaphe,  tel  que  s'enfuyt  ; 

Tempore  qui  fperant  hoc  fado  vivere  longo 

Afptciant ,  quis  fit  condttus  hoc  tumulo. 
Heu  mors!  cur  juvenem  Balduinum  fnsva  necaflï^ 

Quart um  Flandrenfem ,  magntfieum  comitem  ? 
Ecce  Arnulphe ,  tuus  magne  hic  efl  gnatU5^h(jere$^ 

Qui  te  dante^  tuum  fufcipit  imperium.    . 
Ifie ,  fuperflite  pâtre  fuo  Arnulpho ,  tribus  annis 

Flandrinam  rexit  egregiè  patriam. 
Mu/tas  pratereà  villas  quas  firuxit ,  hic  unus  , 

Mûris  Brugenfes  muniit  ipfe  etiam. 
Jnflituitque  fuos  mercarier  hic  fine  numrnis  , 

I^lutans  pro  rehus  res  alias  aliis. 
Duxit  in  uxorem  Machtildem  Saxonienfem^ 

Junior  Arnulphus  quâ  génitrice  oritur.  ^ 

Hicque  fui  poftquam  genitoris  fit  vice  princeps  y 

Haud  multb  regnans  tempore  :  mors  in  eum 
Saviit ,  ^  Jani  hâc  privavit  luce  calendis  ^ 

JDivi  Bertini  conditus  ecclefid  eft^ 


Rec.  des 
hift.  de  Fr. 
t.  7. 

D.  Devien- 
ne   hill. 
d'Art,  t.  |. 
p.  i6d. 


(3)  Selon  Meyerus ,  ji  répara  les  fortifications  des  vil- 
les d'Ipres ,  de  Furnes ,  de  Bergues  St.  Winoch  9  de  Bour- 
bourg ,  de  Dixmude  &c.  Il  donna  le  territoire  de  Calais 
à  l'abbaye  de  St.  Bertin ,  par  un  diplôme  de  Tan  ^59.  Il  fe 
préparoit  à  marcher  au  Tecours  de  Lothaire,  roi  de  France, 
lorfque  la  mort  l'enleva  en  961.  „  Ce  prince  donnoit  de 
„  grandes  efpérances.  On  admiroit  fa  valeur ,  fon  exaâi- 
^  tude  k  tenir  fa  parole  &  l'amour  qu'il  portoit  à  f<ça 
n  Sujets, 


\ 

Dit     L  E     J  É  Ù  N  È.  irj 

Ct  qu'en  rime  françoife  fignîfie  : 

Ceftuy  lequel  penjf^  icy  long  temps  vivre  ^ 

Foye  qui  gift  cy  bas  en  ce  tombeau  ; 
Las  !  mort  plus  dure ,  fi?  cruelle  qu^ung  tygre  y 

Pourquoy  as -tu  Baudouyn  jeune  &  beau 
Sy  tofl  occis  ?  lequel  efloit  quatriesme 

Conte  Flameng  magnificqu*  fif  puijfant. 
Foicy  ton  fils  fi?  héritier  fupréme  , 

Auquel  toy  vif  ^  6  conte  Arnould  le  Grande  " 
As  réfîgné  de  Flandre  tout  P empire '^ 

Foicy  lequel  trois  ans  continuelz 
A  gouverné  Flandre^  pour  rray  vous  dire, 

Fsvant  fon  per^  Adolph  ,  di&  Grand  &  rteil^ 
Il  a  aujfy  plufîeurs  villes  conftruittes , 

Et  a  muny  Bruges  d^ excellent z  murs. 
Il  a  aux  fiens  fans  pattars  fi?  fans  mites  Ça) . 

Monftré  comment  ils  pouront  gros  fif  dru 
Exercer  fi?  traiùer  leur  marchandifs  ; 

Ceft  par  moyen  de  permutation. 
Pour  fa  femme  a  dame  Machtilde  prinfe,  ^ 

FiUe- d'* Heirmain  le  noble  duc  Saxon, 
De  laquelle  efl  le  conte  Arnould  le  Jeune 

Puis  defcendu  ;  mais  après  que  lediâ 
Baudouyn  euft  eft^  au  lieu  fi?  throfne 

Conflîtué  de  fon  père  fusdiù , , 
Régnant  bien  peu  fi?  trop  petit  efpace. 

Mort  contre  luy  a  fa  flefche  tiré  , 
Et  privé  Va  de  cefte  vie  lafche , 

Duquel  le  iorps  fainSt  Bertin  a  terre* 

Quant  à  madame  Machtilde ,  femme  dudîdt 
conte  Baudouyn  le  Jeufne  ,  elle  fe  remaria  peu 
après  à  Godefroy,  conte  d'Ardennes  ,  feigneur 
d*Eenham  &  du  territoire  d'Aloft  ;  duquel  elle 
çuft  par  fucçeffion  de  temps  trois  fils ,  fçavoiir, 



(«)  Monnoit  ancienne. 


^74  B  A  U  D  Ô  I  N    TROISIEME/ 

Godevaert  (a)  »  Gocelon  &  Efelon  (4)  ,  dont 
nous  entendons  ,  par  la  continuation  de  celle 
hîftoire,  faire  en  fon  temps  &  lieu  plus  particu- 
lier récit  &  mention. 


Afltiq.de  la 
G.  Belg. 
f.  19. 


Chron. 
d'Alber. 
tn.  1005. 

Butkens» 
Troph/ 
Brab.  t,  i. 
p.  84* 


(</)  Godefrol. 

(4)  „  Mathilde  mourut  en  roop,  dit  Waflebourg,  &  fut 
n  inhumée  au  monailère  de  St.  Vanne  audift  Verdun,  où 
^  de  préfent  on  voit  fa  fépulture,  combien  que  Meyerns 
„  efcript  qu*elle  fe  fit  inhumer  au  monailère  de  Blandina* 
,»  ce  (  St.  Pierre  de  Gand  ).  en  Flandre  avec  fon  mary  Go- 
„  defroi.^  Son  fécond  époux  fut  Godefroi  le  Captif»  fils  de 
Godefroi  d'Ardcnncs  &  comte  d'Ardennca,  de  Verdun  «t 
d*£inham.  U  eut  6  enfans  de  Mathilde,  Godefroi  qui  fut 
duc  de  la  baffe  Lorraine ,  mort  eri  1023.  ^,  Gotheloh  fumom- 
mé  le  Grand ,  qui  fuccéda  à  fon  frère  dans  le  duché  de  la 
baffe  Lorraine ,  auquel  il  réunit  dans  la  fuite  celui  de  la 
haute  de  qui  moiurut  en  1044. ,  Adelberon. ,  évéque  de  Ver- 
dun, Frédéric,  comte,  puis  moine  de  St.  Vanne,  Herman, 
dit  Hezelon ,  comte  d'Eihham  &  de  Dasbourg  par  fa  fem^ 
me ,  mort  en  1028  moine  à  Verdun.  Le  fixième  enfant 
étoit  une  princeffe  nommée  Ermcngarde. 


CHAPITRE       XXIX- 

Comment  Arnould^  diSi  le  Vieil  ^  ayant  falEt  ajferh* 
hier  les  eflatz  de  Flandre  en  la  ville  de  Gand , 
praEticquoit  de  forte  queArnould^  diSt  le  ^eufne^ 
fut  par  lesdiâz  eflatz  ,  nonobftant  fa  minorité 
receu  à  conte  de  Flandre. 


Evocation 
des  eflatz 
de  Flandre 
k  Gand. 


A  Près  la  mort  du  conte  Baudouyn  ,  dift  le 
Jeufne ,  le  conte  Amould  le  Vieil ,  lequel 
eftoit  à'  Gand  malade  &  extrêmement  débile,  au 
moyen  de  fa  grande  vieillefle  fit  raflembler  &  dére- 
chiefévocquer  versfoy  enladifte  ville  de  Gand  tous 
les  haults  hommes  &  ceux  des  cftatz  de  Flandre. 
Lesquels  comparus  9  leur  requift  bien  inftament 
que,  fans  prendre  regard  à  la  minorité  &  peu 


DIT     LE     JEUNE. 


175 


d'aage  d*Arnould  le  Jeufne  ,  fils  de  Baudouyn, 
fon  neveu  (a)^  (  lequel  lors  n'avôit  cncores  at- 
taîna  Taage  de  dix  ans)  ils  le  -  voulfiflent  rece- 
voir pour  leur  conte  &  feîgneur ,  aftendu  mef- 
mes  qu'il  eftoit  vray  héritier  de  ladifte  conté, 
&  quMl  vivoit  en  la  perfonne  de  fon  père,  joînft 
que  le  païs  eftoit  tenu  à  luy  par  raifon  civile  & 
obligation  naturelle,  veu  que  couftume  eft  équi- 
parée  à  nature ,  &  que  par  couftume ,  Flandre  fuc- 
cède  de  père  au  fils  ;  leur  remonftrant  en  outre, 
que  le  païs  feroit  avec  trop  plus  grande  tranquil- 
lité gouverné  foubs  ledidl  Amould  fon  nepveû, 
que  foubs  un  régent  ou  Jieutenant,  &  le  tout  , 
pour  aultant  que  ordinairement  tout   peuple  fe 
voit  plus  enclin  &  affeélionné  à  fon  prince  natu- 
rel ,  qu'à  quelque  eftranger.  Adjouftant  à  ce  que 
defllis  ,    que  ne   convenoit  douter    ny  craindre 
aucun  inconvénient  à  raifon  de  la  minorité  de 
leur  dift  prince ,    entant    mefmes  ,    que  par   le 
moyen  de  fes-  confeillers ,  il  auroit  la  vertu  de 
prudence  àfagefle,  par  ceftuy  deifes  chevaliers, 
celle  de  forche  &  magnanimité ,  &  par  cîl  (^)  de 
fes  officiers,  la  vertu  de  juftice  &  équité.  Davan- 
tage que  ne  feroit  chofç  nouvelle  ,  recevoir  un 
prince  en  fy  bas  aage ,  veu  que  Jofias  n'excédoit 
les  huîft  ans  ,  lorsque  par  providence  divine  il 
fut  receu  pour  roy  d'Ifraël ,  que  non  pbftant 
icelle  minorité  ledift  Jofias  avoit  efté  le  plus  vail- 
lant &  vertueux  roy  de  ceux  qui  vindrent  après 
David ,  &  principallement ,  moyennant  la  bonne 
&  fainâe  doArine  que  les  fages  de  fa  loy  luy 
baillèrent  &  adminiftrerent.  Que  Jofephus  autheur 
bien  grave  attefte  par  fes  hiftoires ,  que  Salomon 
n'avoit  que  onze  ans  quand  il  commença  gou- 


Réffloo' 
ftrances 
d'Aniould 
le  Vieil  aux 
ellatz  de 
Flandre 
pourjes  îiH 
duire  à  re- 
cevoir pour 
leur  feî- 
gneur Ar- 
nould  fon 
neveu. 

Fit  couftu- 
me Flandre 
fuccède  de 
père  à  fils. 

Ordinaire- 
ment tout 
peuple  plus 
afieâionné 
à  fon  pria-' 
ce  naturel 
qu*à  un  eT* 
tranger. 


Jofias  en 
l'aage  de 
dix  ans  re- 
ceu pour 
royd'lfragl. 

Salomon 
félon  Jofe- 
phus , 
n'avoit  que 
onze  ans 
au  com- 
mencement 
de  fon  gou- 
vernement* 


(O  JP^ii-fiis. 


CO  Celui. 


Arnould  le 
Jeune  eft 
receu  par 
les  cftàtz 
pour  conte 
de  Flandre. 

L'an  ^7' 


X7tî  BAUDOIN    TROISIÈME^ 

verner,  &  mcfmes  que  Joathas  eftoît  aflez  jeune 
lorsqu'au  nom  d'Azareas  ,  *fon  père  ,  (  lequel 
eftoit  devenu  malade  de  la  lèpre  )  il  emprint  le 
gouvernement  des  Ifraélites.  Que  Ton  a  fouvent 
veu  &  par  expérience  cognu  le  Dieu  fouverain 
envoyer  plus  d'heur  &  profpérité  es  "royaumes 
ou  provinces,  parole  moyen  de  jeunes  princes 
&  fans  malice ,  que  par  autres ,  lesquels  avec  plus 
d'aage  ont  moins  de  fincérité  &  plus  d'orgueil 
.  &  ambition  ,  confiddré  mefmcment  que  tels  in- 
nocentz  font  voluntiers  gardez  des  anges  quy  les 
confcfvent,  guident  &  adreflcnt  tous  leurs  affai- 
res, de  forte  qu'ils  ne  peuvent  trébufcher  (i). 
Joindant  au  refte  aux  fufdiftcs  raîfons  plufieurs 
autres  tant  perfuafives  &  attrayantes,  que  ledift 
Arnould  le  Jeune  fut  incontinent  &  par  l'adveu 
dcsdiélz  cftatz  receu  &  accepté  pour  conte  de 
Flandre.  Lequel  fuyvant  ce  commença  régner  en 
l'an  neuf  centz  foixante-fept  (i) ,  &  un  an  après , 

qui 


(i)  En  fefant  ainfi  parler  Arnoul,  Oudeghcrft  auroit 
dû  fonger  que  la  minorité  d'Arnoul  le  Jeune  avoit  été  ora- 
geufe,  à  caufe  des  entreprifcs  du  roi  de  France.  Quand 
un  écrivain  met  fes  perfonnages  en  aftion,  &  qu'il  leur 
prête  des  difcours  que  le  leétcur  a  peine  à  Je  perfuadcr 
qu'ils  ont  faits ,  il  doit  au  moins  les  faire  pcnfer  &  parler 
d'après  les  faits  confignés  dans  l'hiftoire.  C'eft  ainfi  qu'en 
ont  agi  les  hifto riens  de  l'antiquité.  Le  goût  ne  guide  pas 
toujours  Oudegherft  dans  les  réflexions  morales  ou  po- 
litiqucs. 

(1)  Ce  fut  en  9^1. ,  vieux  (lyle.  Son  ayeul  gouverna 
pour  lui  pendant  trois  ans  &  mourut  le  27.  Mars  964.» 
après  un  règne  de  47.  ans.  Il  fe  donnoit  à  lui-même  le 
nom  de  Grand ,  qu'il  paroît  n'avoir  dû  qu'à  la  réforme 
qu'il  introduifit  dans  un  grand  nombre  de  monaftèrcs, 
L'hiftoire  ne  lui  a  laifTé  que  le  furnom  de  VUU^  pout:  le 
dirtinguer  de  fon  petit-fils.  Plus  politique  que  vertueux  » 
//  fut ,  dU  Mézcrai ,  habile  &  rufi ,  mais  fanguinair^,  L'aT» 
faflinat  du  duc  de  Normandie  efl  une  flétrifTure  éternelle  ^ 
fa   mémoire.   On  lui  reproche  encore   d'avoir  confeill^  à 


DIT     L  E.    J  E  UvN  E. 


177 


qui  fat  Tan  neuf  centz  foixante-huiél ,  ledlA 
Âmould  le  Vieil ,  après  avoir  vefcu  nonântc-deux 
ans  9  trefpafla  en  fa  raaifon  de  Gand,  &  gifl  au 
monaftère  de  fainft  Pierre  lez  ledîft  Gand ,  foubs 
une  petite  lame  9  fur  laquelle- eft  efcript  Tépita- 
phe  quy  s*enfuyt  : 

y  us  fubiem  mortis  Amulphm  marthïù  fôrtisi 

Legerat  hïc  requiem  Judith  ufque  diem^ 
Hic  pâtre  Balduino  gêner at us  principe  divo  9 

Balduinum  genuit  quem  cita  mors  rapuit. 
Laudis  in  exemplum  ftatuens  ht)c  nobile  tempïum , 

Hue  JVandregefilum  transtutit  ifie  pium. 
Ergo  diii  fospes  patriam  régit ,  Ç^  prentît  hoftes  ^ 

Cui  prece  folamen  leBor  adoptet.  Amen. 

Ce  qu'en  rithme  françoife   fe  peut  en  cefté 
forte  tranflater  : 

Le  conte  Amould  Prinij^  fort  â?  vaillant  9 
Voyant  qu'^à  mort  luy  convenoit  céder , 
Ckojfit  icy  fon  repos ,  attendant 
Du  juge  grand  ',  te  temps  &  jour  dernier: 

De  Baudouyn  prince  de  gr^nd  renom  , 
Jleftant  fils^  Baudouyn  engendra^ 
i^quel  la  mort  de  fon  cruel  brandon  (a) 
Trop  tofl  frappa  y  dont  Flandre  affez  pleurai 

Après  qu*il  euft  ce  temple  moùlt  fameut 
Faià  redrejfer^  dont  tous  jour  s  ejiimi 
Grand  en  fera^  tranflater  cy  r  heur  eus 
Il  fit  auffy  corps  faint ,  ^  renommé 


L'an  i>68. 

Trcfpàs 
d'Amouid; 
diâ  le  vieil» 
en  rage  dé 
nonante- 
deux  ans. 


Epiapho 
do    conte 
Arnould 
diâlevicili 


(tf)  Tifon  allumé. 

Louis  dk)ûtrenier  de  faire  nîourir  Richard ,  fils  de  Guil- 
laume ,  duc  de  Normandie ,  qui  étoiten  fa  puiffance;  ou  de 
le  mutiler,  pôùi:  le  rendre  inhabile  àgouvêmef  fés  états. 
L*intéréf  perfonnel  le  détermifia  prefque  toujours  dans  U 
conduite  qu'il  tint  avec  Hugues  &  Louis  cyOutremef.  Il 
ne  fut  pas  toujours  heureux  dans  fes  expéditions  militaires 
&  ne  put  garantir  la  Flandre  des  incurîions  dés  Hongrois 
qui ,  vers  Tan  954. ,  ravagèrent  le  Cambrcfis  flc  les  pays 
circonvoiûns< 


D.  fionq. 
ind.  chron. 
t.  S.ati.yif. 


'  Décès  de 
madame 
Akyt   de 
Verman- 
dois ,  fem- 
me du  conte 
Arnould. 

L'épitaphe 
de  madame 
Aleyt  de 
Vcrmatt- 
dois. 


J78  BAUDOIN    TROISIEME, 

De  Wandregeplm ,  fi?  prudemment 
Depuis  il  a  la  Flandre  gouverné , 
Bien  bonn*  efpac*  ^  vigareufement 
Ses  ennemis  à  la  rai  fan  mené. 

Voylk  pourquoy  doibt  tout  beping  leâeur , 
Lequel  voudra  contempler  ceft  efcript^ 
Prier  que  Dieu  noftre  bon  rédempteur^ 
D"* Arnould  le  Grand  rechoive  toft  Fefprit, 

Près  ledift'  Arnould  efl:  foubs  une  aultre  petite 
,  lame  enterrée  madame  Akyt  fa  femme ,  laquelle 
mourut  au   mois  d'Oftobre  en  Tan  neuf  centx 
foixante  :  de  laquelle  fe  treuve  tel  épitaphe. 

Conjuncx  Arnulphi  [decus  hïc  fortita  fepulchri^ 

Non  moritur  meritis  9  corpore  faSta  cinis  ; 
Perfonas  or  bas  namfovit  ut  altéra  D  or  chas  y 

Cui  piè  confenuit  gratia ,  quam  habuit* 
Sole  fenas  décimas  prafert  Oâobris  ydaas , 

Hora  notant  obitum ,  quo  petit  hac  Dominum^ 
Exequiis  adulé  proférantes  qui  que  vacate^ 

Ut  prêt io  meriti^  culpaqueat  redimi. 

Dont  la  fîgnification  fe  repréfentc  en  langue 
françoife  quafi  au  vif,  par  la  rime  fubféquente. 

Celle  qui  cy^dej/oubs  a  volu  fon  tombeau 
Choyfîr ,  par  cy-devant  fut  la  femme  honnorée 
Du  conte  Arnould  le  Grande  duquel  la  renommée 

Bruit  depuis  occident  jufqu^aux  orientaux^ 

Il  ne  faut  eftimer^  ores  que  fan  corps  beau 
En  cendres  foit  réduift^  qu^elle  doive  fruftrée 
Demeurer  de  V honneur^  que  fa  vertu  féée  (a) 

A  cy-bas  mérité.  Car  eW  a  fes  joaux 
Aux  pouvres  eflargy  de  bon  cueur  ^  fans  feinte 
Ayant  continué  tousjours  en  vie  fainSle ^ 

Jufqu^au  dlxiefme  mois  de  Van ,  que  le  Seigneur  j 
Hors  cefle  miférable  &  vie  tranfitoire 


(/;)  McrviiîlcHfc ,  cnchantcrcjfc.  ' 


bit     LE     JEUNE. 


i7# 


Appelîer  Pa  voulu ,  pr'tez  en  grand*  ardeur 
Que  Dieu  par  fa  bonté  la  reçoiv*  en  fa  gloire,   y 

Et  guerres  loîng  defdifts  conte  &  contefle  gîft 
madame  Lutgarde  leur  fille ,  qui  mouruft  en  Tan 
neuf  centz  foîxante-deux ,  &  pour  laquelle  fut* 
faidl^  ceft  épitaphe; 

Morî  minhs  optatai^  fatis  omnibus  extat  amara^ 

Quâ  yeniente  vacat  ^  quod  fibi  mundus  amati 
jirnulphi  proies  tegit  hic  quam  faxea  molei  4 

Lutgardis  diSta  fuit ,  nupta  puella  ruit. 
Qua  priiés  oàobrem  pete^et  quam  fcorpio  folem\ 

Terna  luce  cadit  ^  débita  mortis  agit.    ' 
Die  precor  ifla  îegens^  Domino  fit  fpirttus  harens^ 

Fulfit  ut  unde  fides ,  fplendeat  ^  requies. 

Qui  fignîfie  en  françois  : 
Celle  que  chafcunfuyt  ^  mort  tant  peu  deftrie 

SembVaux  humains  amere  ,  ^  laide  en  général» 
Tout  ce  que  le  mond*  ayme  y  eft  à  fon  arrivée 

Et  mis  has ,  ^  réduiSt  en  fon  terme  final. 
Quifoubs  ce  tombeau gifi^fufid'Jrnould le grandfilie  • 

Lutgarde  que  jadis  Ton  nommoii  ^  ^  e fiant 
^emme  jeunette  affez^payaft  de  la  mort  pa  fie 

Les  droi&s^  qu'*efi  obligé  depayet  tout  vivante 
Que  cefiuy  qui  vouldra  s'* occuper  à  ùelire^ 

Recommande  Pefprit  au  Seigneur  tout-puijfani  i 
Afiîn  que  le  repos  putffe  la  part  reluire , 

Dont  le  rayon  defoy  e(l  yfu  fplendijfani .  ' 


C     H.  A    P    I    T    R    E 


XXX. 


Comment  îe  roy  Lotai^e  de  France^  ^.uirant  la  mino- 
rité du  conte  Arnouîd^  di£t  le  Jeune  ^  print  & 
réduiSt  fôubz  fon  obéijfance^  Arras^  Douay  ^ 
autres  villes  de  Flandre  GalUcantCi 

"ÉTNcontînent  apl'ès  le  trefpas  du  conte  Arnould, 
I-  appelle  le  Vieil ,  Lotaire  roy  de  France ,  con- 
fidérant  le  peu  d'aage  du  conte  Arnould ,  dicl  le 

P  a 


Epitaphè 
idei  madame 
Lutgarde 
de  Flandre» 
fiUcducon-) 
te  Arnould, 
diâ  le  vieil. 


Le  roy  Lo- 

tairc  prend 
occafion  de 
molcllcr  la 
Flandre  à 
raifon  de  la 
minorinidu 
conte. 


Arran  prin* 
ie  par  le 
yoyLotairc. 


D(îgaftz 
faltz  au 
pays   de 
Flandres 
par  le« 
François. 


Inconvé- 
nients ordi- 
naires  en 
païs   gou- 
verné F*r 
enfant. 


ï8o      A  n  N  0  U  L      SECOND, 

Jeune,  print  occafion  d^cnvahir  la  conté  &  pro- 
vince de  Flandre  quMl  réputoît  à  railbn  de  la 
minorité  dudift  Arnould,  privée  de  chef,  ne  fai- 
fant  conipte  des  Flamens  qui  fe  mcttroyent  en 
deffcnfe,    fuflcnt-ils  lyons,    foubs  la  conduire 
d'une  chèvre.    Il  entra  doncques   avec  grande 
armée,  &  à  Timpourveuë  en  ladiéle  province, 
où  Ton  ne  fe  doutoit  aucunement  de  fa  venue. 
Et  ne  fuft  plullofl;  arrivé,  qu'il  cuft  vaincu  & 
prins  Arras  avec  plufieurs  autres  places:  tant 
les   habitantz  perdirent  courage  en  fi  foudaine 
furprinfe.   Les  nouvelles  en  furent  incontinent 
portées  en  la  ville  de  Gand  (où  le  conte  foubs 
la  conduîéle  de  ceux  qui  avoycnt  charge  île  fa 
perfonne,  fetenoit),  qui  toutesfois  n'arrivèrent 
guerres   avant  l'embaflade  françoife,  fignifiantz 
cnfemble^au  jeune  conte  le  dégât  &  deilruiîlion 
de  fes  terres,  &  la  volunté  du  roy,  lequel  outre 
la  ville  d'Arras  dont  il  s'eftoit  dcsjà  faify,  pré- 
tendoît  callengier  (a)  &  s'invertir  de  la  ville  de 
Douay  enfemble  des  autres  villes,  terres  &  fei- 
gnories  fituécs  au  païs  circumvoifin  jufques  à  la 
rivière  du  Lys,  foubs  prétcxt  qu'il  maintenoit 
îccluy  païs  avoir  eftc  contre  tout  droiél  &  équi- 
té, par  les- contes  de  Flandre  auparavant  ofté  à 
la  couronne  de  France.  Et  de  faiél,  nonobftant 
ladifte  cmbafladc,  &  fans  attendre   la  refponfe 
que  fur  iccllc  luy  fcroit  faîfte ,  mardia  tousjours 
à  bannière  defployéc  dedans  païs,  ne  fe  trou- 
vant ville  ny  forterefle  qui  luy  ofafl:  réfifter^  pour 
l'exemple  de  cruauté  qu'il  donnoît  es  lieux  où. 
on  s'avoit  mis  en  deffenfe.  Qui  fut  la  caufe  que 
tous  les  autres  chafteaux  &  bourgs  fe  rendirent 
de  peur  de  plus  grand  dommage,  les  capitaines 
des  uns  ouvrants  les  portes  voluntairemcnt  par 
faute  de  cœur,  les  autres  par  corruption   d'ar- 


(tf)  QiterdUr, 


DIX     LE     JEUNE- 


i8i 


gent,  aulcuns  vaillants  hommes  par  la  foîblefle 
des  lieux  mal  fortifiez  &  munis  au  cœur  du  païs, 
foubs  la  feureté  qu'on  avoit  des  frontières.  Qui 
font  Inconv^nientz  ordinaires  avenants  en  région 
mal  gouvernée,  en  néceflité  non  préveuë , foubs 
capitaines  ayants  Tavarice  plus  que  leur  devoir 
en  recommandacion ,  &  finablement  foubs  le  gou- 
vernement d'un  enfant  ou  jeune  prince.  Brief , 
le  roy  pafla  avec  la  croye  (j)  quafi  marquant  fon 
logis,  jufques  à  la  veuë  de  la  ville  de  Douay. 
Les  habitantz  de  laquelle  efpovantez  de  fi  eftran- 
ge  infortune ,  avSyent  faiéi  faire  le  plus  grand  & 
foudain  amas  de  gens,  que  I^urgence  du  cas  re- 
quéroit;  mais  ce  ne  peut  eftre  fi  toft  que  le  Fran- 
çois n'euft  le  loifir  d'afliéger  la  ville,  &  foy 
camper  à  degiîe  lieuë  d'icelle,  faifant  fes  adve- 
nues pour  approcher  fes  bclins  (^)  ouipoutons, 
vignes  &  autres  engins  de  batterie ,  dont  on  ufoit 
de  ce  temps  là  :  car  en  recognoiiïant  la  ville ,  il 
s'eftoit  apperceu  que  la  piuraille  eftoit  hors 
d'efchelle,  &  que  befoing  luy  feroît  de  faire  bre- 
fche.  D'autre  cofté,  ceux  de  dedans  donnèrent 
ordre  à  r'emparer  aux  endroifts  les  plus  foibles 
&  plus  fufpefts.  En  quoy  ils  n'efpargnerent  la 
peine  de  la  tourbe  (c)  des  païfants*  &  mainou- 
vriers  d'illec.  Le  lendemain,  le  roy  fomma  la  ville 
par  un  hérauld  de  le  rendre  à  luy  comme  à  roy, 
&  feîgneur  droièlurier ,  leur  offrant  fort  humain 
^raiftement,  &  defcharge  de  plufieurs  tributz, 
àont  ils  eftoyent  vexés  &  rençonnez:  ce  qu'il 
ne  faifoit  fans  prétext  de  quelque  droift ,  &  mo- 
tif coulouré  de  cette  guerre.  Ceux  de  dedans 
refpondirent  pour  leur  conte,  que  le  François 
callengeoit  terre  non  fienne,  &  qu'en  ce  ils  ef- 
peroyent  Dieu  favorable'  à  la  juftice  de  leur  que- 


Le  roy  Lo-    ^ 

taire  devant 
Douay. 


Devoir  flc 
diligence 
de  ceux  de 
Douay  eulx 
defièndants 
contre  lés 
François» 


(a^  Craie ,  en  latin  creta.  (r)  Multitude  ,  turba. 

(*)  Béliers ,  machine  de  guerre. 


Douay  ren- 
due au  roy 
Lotaire. 


Tout    le 
pays    de 
Flandre 
gallicante 
réduift 
foûbzlepo- 
voir  du  roy 
]P/Otaire. 


|8a      ARNOUL      SECOND, 

^elle;  &  que  s'ilz  avoyetit  emporté  quelque  fort 
fur  leurs  gens  j  eftonnez  de  leur  arrivée  non  at- 
tendue,  ils  ne  guerpîroyent  (a)  pourtant  icelle 
vHle,  fuffiflante  pour  les  acculer  &  arrefter.   De 
quoy  le  roy  irrité  fit  afuter  tous  fes  engins  vers 
la  partie  de  la  muraille,  qu'il  entendit  de  quel- 
ques prifonniers ,  eftre  la  plus  foible ,  qui  eftoyent 
telz  &  en  fi  grand  nombre ,  que  la  multitude  de 
la  ville  nourrie  en  longue  paix,  en  .fut  grande- 
ment eflionnée;  laquelle  eftant  aucuns  jours  après 
tidvertie  du  peu  d'apparence  qu'il  y  avoit  d'aur 
cun  fecours,  &  qu'il- feroit  impoffible  de  tenir 
ladifte  ville,  jufques  à  ce  qu'on   euft  afiemblé 
une  force  pour  réfifter  à  celle  des  François,  fe 
fubmit,  les  biens  &  vies  faulves,  à  la  volunté 
&  difcrétion    du  roy   Lotaire.    Lequel   peu  de 
temps  après  réduift,  fans  trouver  aucune  ou  bien 
petite  réfifl:ence,  tout  le  païs  de  Flandre  que  ef- 
toit  jufques  à  la  Lyfe  foubs  fon  povoir  &  obéif- 
fançe  (i).  Et  euft  pafl'é  plus  avant,  fi  au  nom 
du  jeune  conte  ne  fuffent  venus  vers  luy  aucuns 
ambaffadeurs ,   lefquels    befoingnerent   tellement 
que,  moyennant  l'intelligence  qu'ilz  praftique- 
rent  avec  aulcuns  des  principaux  de  l'armée  Fran- 
çoife,  le  roy  fe  contenta  de  fes  fufdifts  exploiftz, 
&  laîflant  le  demeurant  de  Flandre  au  jeune  con^ 
te  Arnould,  fe  retira  avec  fes  gens,  en  fon  pars 
&  royaume  de  France. 


(/?)  Abandonner  oient, 

(i)  Flodoard,  la  chronique  de  St.  Martin  de  Tournai 
&  celle  de  Balderic  fixent  ces  événemens  à  l'an  965-  Le 
P.  Hénaut  dit  que  le  refus  de  rhoramage  de  la  part  d'Ar- 
noul,  fuf  le  motif  de  Tagreffion  de  Lothaire.  Cette  afler- 
tion  paroît  fort  doutcufe.  Amoul  n'étoit  qu'un  enfant,  & 
ceux  qui  gouvemoient  en  fon  nom,  euflent  été  bien  im- 
prudens  d»  provoquer  par  un  refus  impolitique  le  reflen- 
timent  d'un  monarque  qui ,  quoique  foible  lui-même ,  pou- 
voit   cependant  ébranler  I»  puiiïance  d'un  prince  mineur- 


DIT     LE     JEUNE. 


Ï83 


L'ambition  eut  fans  doute  h  plus  grande  part  à  cette  inva- 
fion.  On  fut  contraint  de  céder  aux  circonftances  &  d'at- 
tendre que  rage  permît  à  Amoul  de  reconquérir  Ids  villes 
que  la  guerre  lui  avoit  enlevées.  Aux  villes  dont  parle  Ou- 
,  degherft  &.  que  prit  Lodiaire ,  il  ûmc  joindre  les  abbayes 
de  St..Amand  &  de  St.  Vaaft  av^c  la  fonerefle,  ^c  tout 
cequis'étendoit  dans  ce  canton  jufqu'ii  la  Lis:  Irrucns  Lo- 
îharîus  rix ,  pûjfelpones  illius  (  Arnulphi  ) ,  ahbâtias  fcilicct 
Sti.  4mandl ,  fan&iqut  Fedafti  eum  caftetlo ,  Dwaicum  quo- 
quty  fU  &omma  ufque  ad  fiuvium  Lis  cum  omni  occupa- 
tione  invafit,  U  paroît  que  le  j^une  comte  fut  mal  fervi 
par  les  feigneurs  de  la  province ,  dont  la  pli^parc  fe  laiflc- 
rent  gagner  par  Tévêque  de  Laon  Roricon. 


Chron. 
Balder.  an. 
965.  dans 
D.  Bouq.  t. 
8.  p.  283. 

Ibid.  index 
çhronol. 


CHAPITRE       XXX  I. 

pu  débat  que  le  conte  Arnofild  euft  contre  ceux  de 

fainÙ  Bet  tin  ^  pour  le  faiQ  de  Calais  ^  &  des 

biens  que  lediù  conte  fit  aux  églifes  de  Flandre. 

Quelque  temps  après  la  fufdîfte  guerre,  le 
conte  Arnould  le  Jeune,  à  laperfuafîon  de 
ies  hauts  hommes  &  barons  de  Flandre ,  prînt 
à  femme  madame  Rofalê,  ou  (félon  autres) 
madame  Lutgarde  (i) ,  fille  du  roy  de  Lombardîe 
Berengier,  fils  de  la  fille  d'iceluy  Berengîer  qui 


Mariage  du 
conte  Ar- 
nould avec 
madame 
Lutgarde 
de  Lombar- 
die. 


(i)  L'auteur  de  l'abrégé  intitulé,  Flandria gcnerofa  ^  l'ap- 
pelle Sufanne.  C'eft  le  nom  que  lui  donne  la  clironique  de 
St.  Bertin:  Jrnulphus  IL  .  .  u:forem  duxit  Sufannam  fi- 
Uam  Berengarîi.  Le  moine  Brando  &  iEgidius  de  Roya 
ne  lui  donnent  pas  d'autre,  nom.  Un  diplôme  de  l'an  988. 
confirme  les  autorités  précédentes  :  Ego  Balduinus  (  Bar- 
batus  )  cum  matrt  med  Sufannd  ,  pojï  excefum  patris  met 
Arnulphi  efc.  Un  extrait  de  la  généalogie  des  comtes  de 
Flandre  rapporté  au  16.  vol.  p.  203. ,  dû  recueil  deD.  Bou- 
quet ,  lui  donne  le  môme  nom  &  la  fait  aufli  fille  de  Bé- 
renger,  roi  d'Italie.  On  peut  cependant  oppofer  k  ces  auto- 
rités ,  celles  de  l'auteur  de  la  vie  de  St.  Bertolph ,  &  de 
Bollandus ,  qui  lui  donnent  le  nom  de  Rofelle.  V.  Aâ.  SS. 
.Belg.  t.  y.  p.  4^3-  &  f«iv. 


An.'  965, 


Vred.  gen. 
Flandr.  p. 
14, 


f^Q$  onfants 
iduiTonteAr- 
nould. 

Oi)inion  4e 
J'auteur 
contraire 
fliix   feutres 
l^idoriei^s. 


Ï84  TA  R  N  0  V  L      SE  COTS!  D, 

-^ 

fit  en  Italie,  contre  Tempereur  Conratd  les  pre- 
mières nouvellitez,  Et  eufl:  de  ladifte  dame  (com- 
me tefmoignent  qtiafi  tous  les  hifliorîçns])  up  feul 
fils  nommé^  Baudouin  le  tiers,  diél:  ^  la  bellp 
Barbe,  depuis  conte  de  Flandre,  &  une  fille ap-r 
pellée  Méhault.  Toutesfoîs  prendapt  pied  au  con- 
tenu en  certaine,  confirmation  des  privilèges  de 
faînft  Pierre  à.  Gaqd,  datée  en  Tan  neuf  cent^ 
quatre-vingtsrhuift,  je  trouve  qu'il  euft  pour  le 
moins  trois  fils,  fçavoir  Baudouyn,  Adelbertfic 
Thiéry;  mefmes  que  contre  le  maintenu  de  plu- 
fieu^rs  chroniqueurs*,  il  ne  mouruft  en  Tan  neuf 
ccntz  quatrervingts-quatre,  ains  en  Tan  quatre 
vingtsnhiiift ,  dpnt  allez  mànifeftoment  peut  appar 
roir,  &  par  la  date  de  ladiéle  confirmation^  & 
par  les  termes  çompriiis  en  icelle,  que  j'ay  tiré 
de  mot  à  autre,  félon  que  s^enfuyt:  Arnulpkui 
in  Dei  nomme  cornes ,  cum  conjuge  fua  Lutgarda 
^  fillo  ^d^lbcrto  &ç.  &  pour  tefmoins  lors  pré- 
fents ,  y  a ,  Jîgnum  Arnulphl  cçmitis  pradidti:  fig- 
num  Balduini  ^unions  marchifii  :  pgnum  Adel- 
perti  comitis  filii  Arnulphi  :  fignum  Theodorici 
çomitisi  filii  Arnulphi.  Je  ne  fçay  toutesfois  , 
que  deyie^drent  lefdi^3  Adelbert  &  Thiéry  (a), 
Ledift  Arnould  le  Jeune  euft  en  fon  temps  plu- 
fleurs  gros  débats  &  différents  contre  ceux  de 


A><-  977? 


(a)  Les  autorités  citées  dans  la  note  précédente  font  trop 
irefpedables,  pour  ne  pas  rendre  fufpeft  l'extrait  que  ci^c 
ici  rhiftoricn  &  où  Tépoufe  d'Arnoul  eft  appellée  Lut- 
garde.  On  ne  donne  à  Arnoul  qu'un  fils  qui  lui^fuccéda. 
Ceux  qui  donnent  à  fqn  époufe  le  nom  de  RofelU  ou  Ro-. 
/aU^ÏA  confondent  pcutrôtre  avec  Rofelle ,  fille  d'un  comte 
de  St.  Pol  &  époufe  de  Rodolphe ,  comte  de  Guines.  Peut-: 
être  aufli  Oudegherft  attribue-t-il  par  inadvcrtence  à  Arnoul 
une  donation  %ite  par  un  comte  Thierri  &  Hildegarde  fcn 
époufe  k  la  même  abbaye  de  St.  Pierre ,  &  dpnt  Meyerus 
parle  en  ces  ^rmes  :  Boâcm  anno ,  Theodoricus  cornes  cum 
conjuge  Hildcgarde  dédit  monaflerio  Blandinienfi  ....  fup» 
fcribentihus  4rnulpho  Marchifo  &  Arnuîpho  Theodorici  fili$. 


DIT     LE     JEUNE.  185 

faînft  Bertîn,  lefquels  fuyvant  rappoinftement  Débats  ca- 
que le  conte  Arnould  le  Vieil  avoit  faift  avec  "^^il^S 
eux,  prétendoyent  r'avoir  la  ville  de  Calais.  Du-    &  ceux  de 

quel  appoinélement  néantmoins  le  conte  Arnould  .  ^-   ^^ 
;    T  ,         .  .       •   ,  .         touchant  It 

le  Jeune  ne  voulut  rien  tenir,  &  beaucoup  moins    vUlçdeC»-' 

fçavoir  aucune  chofe  des  claufes  &  conditions  ^^* 
y  inférées,  je  difts  quant  à  la  reftitution  dudift 
Calais  ;  qui  fut  la  caufe  que  lediél  conte  Arnould 
comme  le  plus  fort,  retînt  finablement  ladide 
villehde  Calais,  qui  lors  s'appelloit  Petiefle.  Non 
que  pourtant  ledîft  Arnould  dégénérait  des  ver- 
Xueufes  traces  &  bonnes  inclinations  de  fe^  iUuf- 
tres  prédécefleurs ,  vers  les  églifes  &  monaftères  ; 
mais  pour  ce  que  fon  confeil  trouvoit  fort  dan- 
gereux, que  cefte  Ville  limiftrophe  &  frontière 
de  Flandre,  fût  entre  mains  de  gens  d*égllfe, 
mefmes  foubs  perfonnes  fi  foibles,  peu  ,  enten- 
dues au  faift  de  la  guerre,  &  tant  infuffifantes 
pour  ce  que  concernoit  la  confervatiori  de  la 
frontière  d'un  tel  pais.  Et  ores  que  je  n'aye 
fouvenance  ^voir  veu  aucune  mention  par  les 
jiiftoires  de  quelquç  réçompenfe  (/?)  qu'au  lieu 
dudift  Calais ,  il  ayt  donné  aufdiél?  de  fainft  Ber- 
lin (3),  fi  faift  il  à  préfumer,  qu'il  s'en  foît 
defchargé  comme  prince  de  bonne  confcience, 
&  bien  fentant  de  noftre  falnéle  Foy  &  religion 
chreftienne;  voyres  d'autant  plus,  que  par  plu- 
fieurs  fondations^  &  autres  Semblables  œuvres 
pieufes,  il  a  manifeftement  déclaré,  qu'il  ne, dé- 


(«)  Dédommagement. 

(3)  Petrefum^  feu  Scalas^  nunc  Caîefium  vnà-  marktdy 
reclamantihus  Bertintanis  ctcnobitis  ,  bellanti  fibi  contra 
Datios  retinuit ,  dit  Meyerus  ;  &  loin  d'accorder  licn  en  An.Flandr* 
échange  à  ces  religieux ,  il  leur  enleva  encore  le  comté  de  an.  964. 
Gaines  qu'ils  prétcndoient  leur  appartenir  comme  fefant  par- 
tie du  comté  d'Arqués  &  le  donna  à  Adolphe  premier  com- 
|ç  de  Guinée. 


ïS6      ARNOUL      SE 


Le  conte 
Arnould 
«lonneCam- 
phin&Har- 
nés  à  ceux 
de  S.  Pierre 
lez  Gand. 


O  N  D, 

mentoit  en  rien  la  noble  &  bonne  tige  de  fes  fa- 
meux &  religieux  prédécefleurs.  Car  en  premier 
lieu ,  il  6t  des  grands  biens  au  monaftère  de  faincl 
Pierre  lez  Gand,  auquel  entre  autres  poffeflîons 
&  feignories ,  il  donna  celles  de  Camphin  &  Har- 
nes,  fltuées  in  pago  Atrebatenfi  ÇjÇ)  ^  que  nous 


Defcript.de 
la  G.  Belg. 


C4)  Selon  le  père  Waftelain,  c^fagus^  connu  dans  plu- 
fieurs  diplômes  fous  le  nom  de  comitatus  adertifus  y  ne 
comprenoit  guères  que  les  bailliages  d^Arras ,  de  Bapaume, 
de  L<^ns  ôc  de  Béthune  ;  mais  Tauteur  ,d'<ui  mémoire  cou- 
lonné  par  l'académie  de  Bruxelles  en  1770. ,  Mr.  des 
Roches ,  prétend  qu'outre  l'étendue  que  lui  donne  le  P.  Was- 
telain,  il  avoit  à  Toccident  la  même  étendue  que  TAr- 
tois  moderne ,  &  qu'il  comprenoit  encore  le  comté  de  St. 
Fol  '&  les  baillages  d'Aubigni  &  d'Hefdin.  Le  père  Waftc- 
lain  a  depuis  juflifié  Texaâitude  de  fon  aflertion  par  dei 
obfervations  qu'on  me  permettra  de  rapporter  ici: 

„  Les  monumens  du  moyen  âge  placent  évidemment  le 
^  comté  de  St.  Pol  &  le  bailliage  d'Hefdin  dans  le  p/igui 
y,  taroennenfis.  On  peut  voir  là  deflus  Malbrancq  de  Mort- 
f9  nis 9  t.  I.  p.  15.  &  16.  ôc  une  Wftoire  aflez  récente  du 
»  comté  de  St.  Pol  par  le  P.  Turpin  dominicain.  Selon 
9,  ces  deux  auteurs ,  le  comté  de  St.  Pol  n'eft  autre  chofe 
„  que  le  pagus  ternenfis ,  partie  du  tarvtnnenftu  Hadrien 
„  Valois  V.  tarvenna  ^morinorum  ^  ^\^  ah  cd  urht  tarvtn- 
ff  nenfis  pagus  nomen  hahct,  .  .  .  Ejus  pagi  pars  efl  pagus 
^  Urnenfis ,  le  Ternois ,  à  Terne  fluvio  cognominatus.  Ces 
^  auteurs  font  fondés  fur  l'ancienne  vie  deSte.  Berthe,fon- 
^  datrice  de  Blangi  fur  la  Ternois ,  en  685.  In  Blangiaco , 
^  beatiffima  Bertha  monajlerium  adipcare  cœpit  in  pago 
»  tarvanorum.  (  Hift.  Franc,  t.  3.  p.  622.  )  :  or  ,  Blangi  eft 
^  dans  Le  comté  de  St.  Pol. 

n  Pour  le  bailliage  d'Hefdin,  il  faut  auffi  le  placer  dans 
,»  le  pagus  tarvennenfts,  Ste.  Auftreberthe ,  félon  l'auteur 
;,  de  fa  vie,  dans. les  BoUandiftes,'  au  10.  Février  &  dans 
n  les  hiftoriens  de  France ,  t.  3.  p.  549. ,  eft  née  in  tarva- 
„  nenfi  territorio.  C'eft,  dit  Malbrancq  (t.  i.  p.  343.,  ) 
„^  Marconne.  Or,  ce  lien  eft  contre  les  murs  d'Hefdin. 
M  On  voit  encore  à  peu  de  diftance  de  la  même  ville,  im 
»  village  nommé  Ste.  Auftreberthe. 

„  Alciacum ,  Auchi  les  moines ,  fur  la  Ternois ,  ^  une 
^  lieue  au  nord  d'Hefdin ,  eft  auffi  dans  le  pagus  tarven- 
„  nenfis.  On  le  voit  dans  la  vie  de  St.  Silvin ,  mon  dans 


DIT     L  E     JE  U  N  E.  187 

difons  maintenant.  Artois.  Il  fit  parfaire  en  la- 
dite églife,  le*  chœur  que  fon  grand -père  avoît 
^ncommencé ,  &  fut  avec  très-grande  nobleffe 
préfent  à  la  dédication  d'iceluy  chœur ,  qui  fe  fit 
par  Albert ,  archevefque  de  Raîms ,  en  Tan  neuf  L'an  975, 
çentz  fcptante-cincq.  Il  fit  pareillemçnt  tranfpor- 
ter  audiél  monaftère  les  corps  fainfts.  de  Lun- 
dolph  (a) ,  Adrien  &  Aman  (5) ,  lefquelz  firent 
illec  conduiftz  &  accompagnez  en  merveîîleufc- 
ment  grande  dévotion  &  magnificence,  par  le 
conte  mefme ,  les  prélatz ,  barons  &  hauts  hom- 
mes du  païs  &  contrée  de  Flandre.  Aucunes  an- 
nées depuis  (F)  il  reftituà  à  la  requefte  &  inftan- 
ce  de  Hue  Capet ,  les  corps  de  fainél  Walery  & 
fainét  Régnier  (0»  <îui  furent  remis  au  lieu 
duquel  par  le  dîfcours  que  defftis  avez  peu  en» 
tendre ,  qu'ils  avoyent  efté  bonne  efpace  aupa- 
ravant, pour  la  crainte  des  Huns  &  Norman», 
tirez  &  oftezt 


{a)  Lanâoaîd.  (c)  RequUr. 

\i)  En  981. 

„  ce  monaftère.  Sanâfum  SHvinum  mhilis  ToUJana  terra 
^genuit^  fed  tervannenftum  continent  fines,  .  .  .  Centuld 
^  ^ententes  monacbi  feptîierunt  fan&um  antiftîtem  in  ^Iciaca 
„  cœnoblo.  (  Bolland.  t.  3.  febr.  p.  24.  Hiftor.  de  France  t.  3. 
p.  540.  )  L'auteur  conclud  de  tous  ces  témoignages  que  le 
bailliage  d'Hefdin  &  le  comté  de  St.  Pol  font  compris  dans 
le  pagus  tarvennenfis  &  non  dans  Vadertifus ,  auquelil  veut 
bien  ajouter  feulement  le  „  bailliage  d'Aubigni ,  en  confidé- 
M  ration  du  mot  guïres  ,  dont  il  s'eft  fervi  dans  fon  af- 
I,  fertion. 

Ces  obfervations  du  P.  Waftelain  m'ont  été  très-obligeam- 
ment communiquées  par  M.  Gérard,  membre  des  acadé- 
mies de  Bruxelles ,  de  Zélandp ,  de  Befapçon  &c. 

Cs)  Il  faut  ajouter  à  ces  reliques  celles  de  Ste.  Vinciane , 
de  Ste.  Landrade  &  de  Ste.  Adeltrude.  Landoald ,  Adrien     Meyer.  an. 
&  Amant,  (  Amantius)  avoient  aidé  St.  Amand  dans  fes     980. 
^ayaux  apoftoliques. 


L*an  9;a. 


AllUncc  ôc 

tion  du  con- 
te Arnould 
ivcc  le  duc 
FrtMc^ric  de 
Br«banc*- 


iM      ARNOUL      SECOND, 

CHAPITRE       XXXII. 

Comment  le  conte  Arnould  de  Flandre  s^eflant  allyi 

au  duc  de  Brabant  ^entra  à  la  requefiedudiStduc 

au  paît  de  llainault ,  }^  des  exploi&s  qu^lly  fit. 


E 


N  Tan  neuf  centz  feptaute-dcux,  le  duc  Fré- 
déric de  Brabant  (j)  envoya  vers  le  conte 
Aruould  de  Flandre  aucun»  ambalTadeurs^  pour 
praétiquer  Ion  amitit^  k  alliance;  &  alRu  de  plu* 
facilement  à  ce  rattiier,  ledia  duc  de  Brabant 
promit  &  donna  en  mariage  madame  Ognic  ia) 
fa  leur  àiiaudouyn,  àxtt  à  la  belle  Barbe,  filz 
dudict  conte  de  Flandre,  &  toutesfoi»  pour  lors 
encore  bien  jeune.  Au  moyen  de  quoy  &  mef* 
mes  à  rinllaute  perfuafion  de  Godefroy,  conte 
d'Ardenne,  qui  s'elloit  (comme  dift  cft)  marié 
à  madame  M(ihault,  mère  dudift  conte  Arnould, 
iceluy  conte  nflembla  groflTe  r\rmée  pour  venir 
contre  Régnier  &  Lambei*t  frères,  enfans  de  Ré- 
gnier au  long  Col,  Jadis  conte  de  Mons  &  do 
llainault,  lefqucls  moyennant  Taydc  du  roy  Lo- 
taire  de  France,  <ivoyent  un  peu  auparavant, 
reconquis  la  terre  de  llainault,  fur  Garnier  & 
Renault ,  qui  lors  par  le  moyen  &  faveur  de  Tcm- 


riodoard. 

ikn  Roche» 
cpitomc 
htil.    bcig. 
M.  p.  149. 
&  2.; a. 

Biitkens  « 
Troph. 
Brab.  t.    i. 
p.  U3. 


(a)  Qtglno. 

(0  II  étoie  comte  de  Bar  de  duc  de  1»  htute  Lorrilne. 
Il  partageoit  Tadminillration  du  royaume  de  Lotharingie 
tvec  rarchcvôque  Bmnon, frère  de  l'empereur  Othon,  qui 
portolt  le  titre  d'archiduc.  Brunon  a'dtolt  rcfervé  pour  lu* 
la  balfe  Loriaînc  qu'U  cdda  quelque  tem»  apréa  h  Code* 
frol,  comte  d'Ardenne»,  fécond  époux  de  MathUdc,  mère 
d'AmouI.  Frdd(<ric  &  Godefrol  étoient  pareni  fie  tous  deux 
de  la  famille  dca  comtes  d'Ardcnnes,  Mr.  L.  de  Bye  (  «A# 
SS.  t.  V.  oaobre  )  a  fait ,  Air  rarchev^quc  Brunon  ♦  un 
commentaire  fRvant,  où  l'on  trouve,  b  l'égard  de  ce  prince 
beaucoup  de  chofci  que  Ici  bornci  d'une  note  ne  pcf- 
mcttcnc  pai  de  rapporter  ici* 


DIT     LE     JEUNE. 


185^ 


pereur  occupoyent  ladîfte  tprre  (a)-  Pour  en  la- 
quelle remettre  lefdîfts  Garnier  &  Renault  (qui 
s'eftoyent  alUez  audift  effeft  avec  le  fufdift  duc 
de  Brabant)  le  conte  de  Flandre  entra  avec  fon 
atmée  audift  Hainault,  bruflale.chafteau  de  Bof- 
fut  que  lefiiélz  Régnier  ^  Lambert  avoyent  nou- 
vellement fortifié ,  &  prefla  tellement  lefdîftz  deux 
frères,  que  iceux  peu  fuffiflants  pour  réfifter  aux 
forces  du  .conte  de  Flandre,  fe  retirèrent  dere- 
chef en  France,  où  ils  s'allièrent  par  mariage, 
fi  comme  ledift  Régnier  à  madame  Halwide,  fille 
de  Hue  Capet,  &  Lambert  à  Ghcrberghe,  fille  de 
Charles  depuis  duc  de  Brabant,  &  frère  du  fuf- 
dift  roy  Lotaire ,  avec  laquelle  ledifl:  Lambert, 
euft  par  fucceflîon  de  temps  la  ville  de  Louvain 
qui  lors  fut  érigée  en  conté.  Et  euftd'îcelle  dame 
un  filz  nommé  Henry  de  Bruxelles ,  qui  euft  une  fille 
appellée  Méhault,  laq^uelle  fut  mariée  au  conte  de 
Boulongne ,  dont  vint  Euftace  conte  dudiâ  Boulon- 
gne,  qui  euft  de  Yde,  fille  de  Godefroy  de  Brabant, 
Godefroyducde  Boullon ,  Baudouyn  &  Euftace  fes 
frères.  Defquels  j'ay  bien  voulu  déduire  en  ce 
paflage  la  généalogie,  pour  Texcellence  de  leurs 
vertus,  &  grandeur  de  leur  cdurage,  dont  nous 
entendons  faire  cy-après  plus  particulière  men- 
tion. Or,  pour  retourner  à  noftre  propos „  lefdifts 
Régnier  &  Lambert  moyennant  Tayde  de  leurs 
beaus-pères ,  mirent  fus  une  bien  grande  armée , 
avec  laquelle  ils  vindrent  en  grande  diligence 
vers  la  ville  de  Mons ,  laquelle  le  conte  Arnould 


Le  conte  de 
Flandre  en- 
tre en  gran- 
de puiifan- 
ce  en  Hâ- 
naulc ,    fie 
brufle    le 
callcl    dt 
Boâut. 


Lonvaia 
érigée    CD 
conté. 


Dédnâiom 
de  la    def- 
cente    de 
Godefroy 
de  BooUon* 


La  ville  de 
Mons  affié- 
gée  par  le 
conte  Ar- 
nould. 


(a)  Le  duché  de  Bouillon  enclave  aujourd'hui  prefquc 
de  toutes  parts  dans  la  province  de  Luxembourg ,  eft  uu 
refte  du  fameux  comté  d'Ardennes ,  démembré  du  royau- 
me d'Auilrafie ,  fous  les  petits-fils  de  Charlemagne ,  &  pof- 
fédé  fans  interruption  par  une  fuite  de  princes  illuûres 
jnfqu'à  la  fin  du  onzième  fiècle.  De  la  maifon  de  Boulo- 
gne fondue  dans  ceUe  de  li  Tour  d'Auvergne,  defcendent 
lei  ducs  de  BoulUon  d'aujourd'hui. 


Diaion. 
Rom.  Wal. 
au  mot^»/- 
lion. 


ipa     A  R  N  0  U  L     S  E  C  O  N  ï), 

«voit  dcpuî«  leur  rctraîftc  fort  cftroiftemcnt  aflîé- 
géc,nonobftant  quoy  les  habitants  d'icclle  s'ef* 
toycnt  tant  virilement  defTendus,  que  jufqucf 
lors  ledifl;  conte  Arnould  n'y  avoit  peu  mordre, 
&  beaucoup  moins  la  réduire  à  la  raifon  qu'il 
I  cfpéroitj  dont  néantmoins  il  perdit  toute  cipé- 
tance,  par  la  venue  defdifts  deux  frères,  Icfqueli 
conftraîndirent  ledîft  conte  Arnould  de  lever  fon 
camp,  &  peu  après  recouvrèrent  toute  la  terre 
de  Ilainault  &  conté  de  Mons ,  efqucllcs  ils  furent 
par  tout  voluntaircment  &  pailiblement  rcccus 
Vm  973.     en  Tan  neuf  centz  feptante-trois  (3).   Où  nom 


(3)  On  nom  pardonnera  de  fuppk'Cr  par  les  âéaûs  foi- 
van»  au  filcncc  d'Chidcgbcrft  fur  la  ctufc  &  fur  Ici  divcr- 
fcs  circonftancci  de  la  guerre  dont  il  ne  fait,  pour  aiiifl 
dire,  qu'indiquer  le  réfultat.  Cette  note  dont  la  longoetir 
trouvera  fon  cxcufc  dan#  l'importance  dci  évènemcm  Uéê  i 
rbiiloire  nationale ,  fcrvira  en  même  tcmi  à  rckvcr  quel- 
qucf  erreurs  hîftoriqucs  ôc  chronologiques  ,  échappées  k 
l'auteur. 

L'ambition  de  Régnier  Ilf.,  ermite  de  Mon»  flc  de  llaînant^ 
fut  la  caufc  de  la  guerre  dont  il  •  «'agit  ici-  Ocrberge ,  fille 
de  Henri  l'Oifclcur,  en  époufant  Oiflebert,duc  de  Lorraine 
«voit  reçu  de  ce  prince  pluficurs  domaines  k  tîtrc  de  dot. 
Giflebcrt  n'avoit  laifTé  qu'un  fil»  qui  mourut  jeune,  de  forte 
qu'aprC'S  fa  mort  {en  ponTciïïom»  furent  dévolue»  k  Régnier  lU, 
fon  neveu.  Celui-ci  fc  voyant  ii  regret  ^rtvé  d'une  partie 
de  la  fucccflion  de  fon  oncle ,  par  la  ccffion  faite  à  Gcrber - 
ge,  »'en  dtoit  emparé  par  Ja  force  dcn  arme».  Gcrbcrgcs'étoit 
depuis  remariée  en  939.  à  Loui»  d'C>utremcr,  qilî  lui-même 
étoit  mort  en  954.;  &  fa  mort  avoit  rendu  Régnier  plu» 
audacieux  encore.  Gcrbcrgc  avoit  porté  fcs  plainte»  uni 
à  fon  ûh  L<nhairequi  rcgnoit  alors ,  qu'à  Tarcbcvéquc  fini- 
tion fon  frère, qui  gouvcrnoit  la  l^tharingie  au  nom  d'f-«bon 
l'empereur ,  frère  de  l'Une  &  de  l'autre.  Lotbairc  a  voit  priJ 
les  arme^  pour  défendre  les  droits  de  fa  mCrc  &  avoit  fait 
prifonnicr»  le»  enfans  de  Régnier.  Il  avoit  été  arr^  daw 
une  entjrevue  entre  Ccrbcrge  6c  Brunon,  que  Rcgnîcr  re- 
nonceroit  k  fcs  ufurpations,  ôc  que  la  liberté  de  fc»  en- 
fan»  feroit  le  prix  de  cette  renonciation.  I^»  article»  de  ce 
traité  lurent  exécuté»  fidèlement   de  h  part  de  Lcrciiairc« 


DIT     LÉ     J  E  U  N  Éf^  ï9t 

les  laîflerons  en  kur  gouvernement,  pouf  vous 
déclarer  que  le  conte  Arnould  le  Jeune  eftant 
depuis  ladifte  guerre  (  de  laquell^  il  ne  rapporta 


Régnier  au  contraire  s*obftlna  à|;arder  ce  qu'il  avoit  ufur- 
pé.  Gerberge  &  Lothaire  réclamèrent  de  nouveau  Tappui 
de  Brunon,  &  l'on  réfolut  d'arracher  de  Régnier  par  la 
force  des  armes  ce  qu'il  refufoit  de  rendre  de  bon  gré-  Ré- 
gnier ne  fe  voyant  pas  ep  état  de  faire  tête  à  une  confédé- 
ration fi  formidable ,  crut  pouvoir  conjurer  l'orage  en  fe 
tranfportant.  à  Valcnciennes  où  s'étoienf  rendus  Gerberge» 
Lothaire  &  Brunon.  S'étant  refufé  aux  conditions  qu'on 
hii  propofa ,  &  n'ayant  jamais  voulu  çonfentir  à  donner 
ks  otages  qu'on  lui  demàildoit,  Brunon  le  fit  arrêter  fie 
tranfporter  dans  l'AUemagne  feptentrionale  ,  où  fans  doute 
il  mourut  peu  de  tems  après.  Ses  terres  furent  appliquées 
au  fifque  impérial^  dit  Butkens.  Le  gouvernement  delà 
province  fut  donné  d'abord  à  un  feigneur  nommé  Richaire, 
qui  fut  bientôt  après  remplacé  par  deux  autres ,  Gamier  & 
Renauld.  Les  deux  fils  de  Régnier  III.,  Lambert  &  Ré- 
gnier, s'étoient  retirés  à  la  cour  de  Lothaire  qui ,  dans  l'ef- 
poir  de  réunir  un  iour  la  Lotharingie  à  la  monarchie  Fran- 
çoife,  fayorifa  fecrètement  d'abord,  puis  ouvertement  les 
démarches  de  ces  deux  jeunes  princes  qui  profitèrent  de 
la  mort  de  Brunon  &  de  celle  de  l'empereur  Othon,  pour 
rentrer  dans  les  domaines  de  leurs  ancêtres.  Ayant  fait  une 
invafion  dans  le  Haynaut  à  la  tête  d'une  armée  groffie  en- 
core par  les  troupes  de  quelques  feigneurs  delà  baffe  Lor- 
raine, ils  attaquèrent,  près  de  Binche,  Gamier  &  Renauld 
qui  furent  tués  dans  le  combat.  Ils  fortifièrent  enfuite  le 
château  de  Boffut  (  Bouffoi  ) ,  d'où  ils  ravageoient  impuné- 
ment les  pays  voifins.  Othon  IL  qui  avoit  fuccédé  à  fon 
père,  étant  venu  l'année  fuivante  dans  la  Belgique ,  s'empara 
de  la  fortereffe  de  Bouflbi,  força  Lambert  &  Régnier  à  ren- 
trer en  France ,  &  partagea  le  Hainaut  entre  Godefroi  d'Ar- 
dennes  qui  eut  le  comté  de  Mons  &  Amoul  qui  eut  celui 
de  Valcnciennes.  Cette  expédition  4'Othon  rendit  pour  un 
moment  le  calme  au  pays;  mais  l'empereur  étant  retourné 
en  Allemagne,  les  deux  frères  conçurent  de  nouveau  le 
deffein  de  tenter  une  féconde  fois  la  fortune.  Forts  des  fe- 
cours  que  leur  prêtèrent  Charles ,  frère  de  Lothaire ,  Hu- 
gues Capet  6c  Othon ,  fils  du  comte  de  Vermandois ,  ils  vin- 
rent affiéger  Mons ,  où  Godefroi  &  Arnoul  s'étoient  retirés. 
Ceux-ci  fortirent^  de  la  ville  avec  toutes  leurs  troupes  ôc 


Frod.  iff. 
95^- >  957- 

Chron,Sax^ 
an.  958. 

Troph. 
Brab.p.  52. 
53. 

Balder, 
chron.  1. 1. 
C.94. 


Sîgeb.  aïK 
973.  &  974- 


Chron. 
Bald.  C.94» 


Ghifnes 
érigée   en 
conté ,  dont 
Ardulphus 
eft  premier 
conte. 


19a     A  R  N  O  U  L      SECOND, 

que  grofles  defpenfes,  &  le  bruit  d'avoir  rujmé 
beaucoup  de  pouvres  gens)  retourné  en  fa  ville 
de  Gand,  confirma  à  fon  coufin  baftard  appelle 
Ardulphus  Ça) ,  fils  de  madame  Elftrudè  fa  tante , 
la  feigneurie  de  Ghifnes,  de  laquelle  il  le  fit  & 
conftitua  premier  conte,  luy  faifant  outre  ce 
avoir  en  mariage  madame  Machtilde  j  fille  d'Her- 
'  micles  (F) ,  conte  de  Boulongne ,  dé  laquelle  il 
euft  Roulof  (c)  deuxîefme  conte  dudift  Ghifnes  , 
lequel  fe  maria  à  Rofale,  fille  du  conte  de  fainél 
Pol,  &  euft  d'icelle  Euftace  troîziefme  conte  de 
Ghifnes ,  qui  fut  un  prince  merveilleuftinent  ver- 
tueux, encores  que  Roulof  fon  père  euft  éfté  fu- 
perbe  &  orgueilleus.  Mais  je  ne  treuve  comment 
ladifte  conté  de  Boulongne  ayt  efté  écliflTée  (d) 

du 


(<ï)  Ou  Arnuïphus. 
(b)  Ernicuh. 


CO  Rodolphe. 
Qd)  Séparée, 


Chron. 
Bav.    an. 
^6. 


L.1.C.114. 


Gerbert. 
t'^iù.  60. 


vinrent  attaquer  Lamfcert  &  Régnier.  Le  combat  fut  fan- 
glant  &  la  viftoire  long-teras  douteufe.  JH  paroît  qu'eUc 
refta  aux  comtes  Arnoul  &  Godefroi,  puifque  le  fiège  fut 
levé  &  que  les  aWés  fe  retirèrent  dans  le  Cambrefis. 

L'empereur  Othon  étant  revenu  en  977.  dans  laBelgique^ 
parvint  à  la  calmer  en  donnant  la  Lotharingie  à  Charies  , 
frère  de  Lothaire ,  &  il  confentit  à  ce  que  Lambert  &  Ré- 
gnier rentraflent  en  pofleflîon  des  domaines  de  4euï  père. 
Ce  qui  n'eut  lieu  cependant  que  quelques  années  après, 
puisque ,  félon  Balderic ,  il  eft  cenain  qu'Amoul  garda  en- 
core quelque  tems  le  château  de  Valenciennes ,  &  que  Go- 
defroi ne  rendit  la  partie  du  Haynaut  qu'i).  avoit  occupée 
que  fept  ans  après ,  lorsqu'il  fut  arrêté  à  Verdun  par  les 
ordres  de  Lothaire. 

Pour  mieux  reflerrer  les  nœuds  de  la  paix  qu'Othon  vc- 
noit  d'accorder  aux  deux  frères ,  on  fit  époufcr  à  Régnier, 
Adwige,  fille  de  Hugues  Capet  qui  devint  enfuite  roi  de 
France ,  &  à  Lambert ,  Gerberge ,  fille  de  Charles  «  duc  de 
Lorraine ,  qui  lui  porta  le  comté  de  Bruxelles  ,  mais  non 
pas  celui  de  Louvain  qu'U  tenoit  diredement  de  fes  ancé- 
trej.  Voyez  la  noU  3.  du  chap.  13. ,  p.  7j. 


DIT     LE     Je\jNE. 


^93 


da  dommaine  de  Flandre,  ny  mefmes  qui  eftoît 
ledift  Hennicles,  &  comment  il  parvint  à  ladiâe 
conté  de  Boulongne,  n*eft  qu'elle  fuft  donnée  en 
mariage  avec  madame  Lutgarde ,  fiHe  d'Arnould 
le  Vieil,  de  laquelle  nous  avons  cy-deflus  parlé  (4}. 


C4)  f^oyez  la  note  i.  du  chapitre  i?;  .,  p,  152.  Le  comté 
de  Boulogne  étoit  rentré  entre  lek  mains  d'Amoul  U 
Kuil^  tprès  11  mort  de  fon  frère  Rodolphe.  Aucun  des 
biftoriens  que  j'ti  lus ,  ne  dit  que  Wichmann ,  époux  de 
I-mgarde ,  ni  aucun  de  fes  defcendans  ait  poffédé  le  comté 
de  Boulogne. 

CHAPITRE       XXXIII. 

Vautheur  reje&e  V opinion  de  nutiftre  Nicolle  Gil- 
les j  chronicqueur  françois ,  touchant  la  defcente 
de  Hue  Capet  en  Flandre  ,  ^  ce  par  les  moyens 
que  trouverez  en  ce  difcours* 

LA  chronîcque  de  France  récite  que  le  conte 
Arnould  de  Flandre  ,  après  rufurpation  du 
royaume  de  France  faicle  par  Hue  Capet  (i), 
n'auroît  voulu  obéir,  ny  foire  hommage  audid 
Hue ,  lequel  à  raifon  de  ce  feroit  entré  avec 
grande  puiiTance  au  pais  de  Flandre  ,  &  auroit 


(i)  Le  furnom  de  Capet  lui  fut  donné ,  félon  quelques- 
uns  ,    à  caufe   du  chaperon    qu'il  portoit  toujours  fur  fa 
tête,  au-lieu  de  la  couronne  &  de  la  coëffure  royale.  Ca- 
pet  ûgnifie   auffi   bontte  tête  &  entêté.    Après  la  mort  de     p  o^-    v- 
Louis  le  Fainéant ,  Charles ,  duc  de  Lorraine ,  fon  oncle ,     chron.  an7 
avoit  feni  droit  à  la  couronne  de  France.  Mais  les  defcen-     ^7. 
dans  de  Robert  le   Fort  s'éiQîent   ouverts  le  chemin  au 
trône    des    Carlo\ingiens   à-peu-près  comme   les  ancctrcs 
de  Pépin  fe    Pctoient    frayé  au  trône  des  ftféro\iDgiens; 
Louis  V-  étant  mort  en  987.  ,  la   nation  fe    réunit  en    ' 
faveur  de  Hugues    Capet ,   duc  des  François    &  arrièi»- 
petit-fils  de  Rjobert. 


Malftre  Ni- 
collc  Gil- 
les, chro- 
nict]ueur 
de  France , 
tioxé  de 
tropdcpaf- 
fion ,  & 
melnies 
des  contra- 
diaions  en 
fesefcripu. 


îÇ4      ARNOUL     SECOND, 

prins  fur  Icdift  conte  Arnould  toutes  les  villes  , 
chaftcaux  &  fortereffes  quMl  tenoit  le  long  de  la 
Hyière  du  Lys ,  &  que  le  conte  Arnould  voyant 
fes  forces  n'eftre  correfpondantes  à  celles  dudift 
Hue  Capct ,  fe  feroit  retiré  vers  le  duc  Richard 
de  Normandie ,  le  requérant  qu'il  luy  voulift 
moyenner  fa  paix  &  auc^n  bon  appoin élément 
avec  ledift  Hue  Cîipet,  &' faire  de  forte  que  tou- 
tes fes  terres  ,  qui  par  ledift  Hue  luy  avoyent 
elle  tollues  (a) ,  luy  fuflcnt  rendues  &  reflituées; 
ce  que  ledift  Richard  auroit  finableracnt  impé- 
tré.  Auquel. endroift  je  ne  puis  que  grandement 
ne  m'ôfmerveille  de  la  façon  de  faire  dudift  chro- 
nîcqueur,  appelle  M.  NicoUe  Gilles,  lequel  en 
déprimant  &  mefprifant  le  cr>nte  Arnould  de 
Flandre  ^  loue  tant  hautement  la  bonté  dudift 
duc  Richard.  Et  cependant  ne  confidère ,  qu'il 
avoit  un  peu  auparavant  &  en  fa  mefme  chro* 
nicque  déclaré  que  le  conte  Arnould  de  Flandre, 
par  le  faift  duquel  le  duc  Guillaume  de  Norman- 
die avoit  elle  occis,  mourut  en  Tan  neuf  centz 
foîxantc-quatre ,  lequel  il  introduift  ores  comme 
refufcité  des  morts,  menant  guerre  en  l'an  neuf 
centz  quatre-vingtz-huift ,  &  implorant  l'inter- 
ceflîon  du  duc  Richard  vers  Hue  Capet,  lors  roy 
de  France  ;  y  adjouftant,  que  ledift  duc  Richard, 
fans  avoir  regard  à  la  desloyauté  d'iceluy  Ar- 
nould ,  par  la  trahifon  du  qtiel  le  duc  Guillaume, 
fon  père,  avoit  (  félon  que  dift  ce  bon  hiftorîo- 
graphe) efté occis,  auroit  bcfoingné,  de  forte  que 
le  roy  Hue  Capet  luy  reftitua  toutes  fes  terres 
&  feigneuries.  Ce  font  extrémîtez,  èsquelJes  tous 
autheurs  ,  qui  fç  laiflent  mener  &  guider  par 
leurs  affeftions  &  paflîons  particulières ,  font 
àccouftumez  tomber.  Dont  auflî  j'ay  bien  voulu 


(«)  Enlevées  f  du  latin  toUerer 


tir     LÉ     JEUNE- 


tÇÉ 


foiicher  ce  petit  mot ,  afBn  qu'à  Tadvenir  les 
partiaux  foyent  du  moins  mieux  advifez,  &  quMlz 
ne  s'aveugliflent  de  forte  en  la  louange  ou  mef- 
pris  de  ceux  dont  ils  feront  mention  par  leur 
efcript ,  que  les  propofitions  contraires  ,  voîres 
contradiaoires  inférées  en  kurs  volumes  ,  ne 
donnent  occafion  aux  leéleurs  de  defcouvrir  avec 
leur  grande  honte  ,  la  véhémence  de  leur  paflîon. 
Continuant  donc  noftre  propos ,  fçafchiez  n'y 
avoir  la  moindre  apparence  du  monde  d'aucun 
débat  qu'euft  efté  ny  mefrties  entre  ceft  Arnould 
le  Jeune  &  Hue  Capet ,  &  d'autant  moins  que 
ledift  Hue  occupa  au  prifmes  (e?)  le  royaume  de 
France  en  l'an. neuf  centz  quatre- vingts-huift (2), 
aq  commenceftiônt  du  quel  an  le  conte  Arnould 


(a)  Pour  la  première  fois, 

Ca)  Louis  V.,  improprement  nommé  le  Fainéant,  puis- 
qu'il mourut  jeune ,  avoit  ceffé  de  vivre  au  mois  de  Juin 
987. ,  &  Hugues  Capet  fut  couronné  à  Noyon  la  môme  an- 
née. „  Franci  primates  ....  Hugonem  ..-.?»  I^viomo 
civitate  folio  fiihlimant,  llparoît  que  16  chroniqueur  A/ro/^ 
Gilles^  dont  Oudegberft  relève  l'incottféquence ,  a  confon- 
du Amoul  le  ViàU  mort  en  9^4. ,  avec  fon  petit-fils  Ar- 
aoul  le  Jeune.  Du  refte ,  on  ne  peut  guères  fe  défendre 
d^adopter  l'opinion  de  plufieure  écrivains  dignes  de  foi, 
qui  difent  qu'Arnoul  le  Jeune  rcfuft  de  fe  trouVeV  au  cou- 
ronnement de  Hugues  Capet,  &  que  celui-ci  s'étaiit  avancé 
ters  M  Flandre ,  s'empara  d'Arras  *  de  tout  le  pays  fitué 
fur  la  Lys.  Amoul  «ut  recours  à  Richard ,  dUc  de  Nor- 
mandie ,  quî  employa  fes  bons  offices  auprès  dtt  nouveau 
roi ,  qui.  lui  rendit  ce  qu'il  lui  avoft  enlevé ,  &  Amoul  fe 
réunit  atix  grands  feigncurs  françois  qui ,  l'année  fnivante , 
prêtèrent  ferment  à  Robert ,  que  fon  père  lit  couronner 
toi  èkr  fon  vivant  :  Hic  iHugo^  aâi)erpim  Tlandrenfcm 
Arnulphfùfn  fibi  militate  fenueiitem  ,  arma  motfins ,  cum  va- 
lidd  manu  hofftvd  Atrelfatum  illî  ahfluÙt  âf  cun^a  fnunici' 

fia  qna  citrà  flumen  quôd  voeatur  Lis ,  teriitaf 

AhiHlphus  pttiit^  Kicharéum  ducem  fupphx  ^  devotus  ut 
Pacificaret  eum  cum  rege,  Itaque  ....  dux  non  mode  eum 
pacificavit ,  fed  cunSa  illi  et  la  ta  fuis  prccihus  reflituit, 

Q  2 


La  paflîoif 
ou  partiali- 
té reprinfts 
es  hillo- 
riens. 


Chroh.   Df. 
Benig.  an. 
987. 


Recueil  de» 
hift.  de  Fr. 
Chron.  de 
St.  Denis 
t.  io.p.302. 
Dudon.  ib. 
p.  141. 142. 


Gmll.  Cal- 
cul, an  .987. 

Recueil  dc^. 
hift.  de  Fr. 
t.  io.p.i84« 


196      A  R  N  O  U  L      SECOND, 

le  Jeune  termina  ;  par  où  je  defcouvre  n'eftre 
aucunement  vrayfemblable ,  qu'en  fi  brîefve  efpa- 
ce  lediél  Hue  Çapet  euft  eu  moyen  de  mettre 
tel  &  fi  bon  ordre  aux  affaires  plus  importants 
V  de  la  couronne  de  France,  par  luy  nouvellement 
occupée,  qu'il  luy  fufl:,  fans  très-grand  dangîer 
de  perdre  lediâ  royaulme,  eflié  loyfible  de  s'amu- 
fer  autre-part ,  fans  aflez  pins  grande  &  urgente 
occafion  que  eftoit  la  dénégation  des  foy  &  hom- 
mage ,  que  ledia  Arnould  le  Jeune  hiy  auroit 
faiél.  Oultre  ce  ,  que  obfl:ant  ladifte  briefveté 
de  temps ,  peut  femWer  qu'il  n'avoit  pour  lors 
encores  eu  le  loyfir  de  fommer  ledift  conte  Ar- 
nould à  la  prefliation  dudift  hommage  ;  laîflant 
^  néantmoins  le  jugement  de  ce  &  du  refte  contenu 
en  cefte  hîftoire,  à  la  difcrétion  de  tout  prudent 
&  difcret  lefteur.  Au  demeurant ,  Ton  ne  trouve 
autre  chofe  mémorable  qui  ayt  efté  faifte  durant 
le  gouvernement  de  ce  conte  Arnould  ,  dîél  le 
Jeûne  ,  lequel  mourut  aflez  foudainement  d'une 
fièvre  chaude  en  fa  maîfon  à  Gand,  le  treziefme 

L'an  988.      de' Mars  en  l'an  neuf  centz    quatre-vingts  & 

Trefpas  du    huift  (3) ,  t&  eft  enterré  à  fainél  Pierre  audift 

conte  Ar-  »  Gand  ,  &  eft  fon  épitaphe  tel  : 

nould ,  dift 

fon  épfta-      Inclytus  Arnulphus  cornes  hïc  eft  carne  fepultus^ 
phc.  Arnulphus  Magnus  âujus  hahetur  avus. 

Hic  nos  ditavit  ,  ab  avo  nec  degeneravtt  ; 

Nam  Champhin^  Harnes  &  bona  plura  dédite 
Martis  tredenâ  lux  ibat  foUs  habenâ , 
Cum  plus  hic  héros  tranfîit  ad  Superos. 


(3)  Il  mourut  le  30.  Mars  ,  comme  Tindique  fon  épi- 
taphe ,  tredenâ  ou  terdenâ  îuct ,  l'an  989.  ,  la  24.  de  fon 
règne ,  phhi  juxtà  ac  nohilUati  gratus  ob  peculiares  animl 
dotes  y  dit  Meyerus.  Iperius  ne  fait  pas  de  lu;  un  aufli  bel 
^loge  :  Jrnuiphus  IL ,  dit-il,  molîitcr  ac  débiliter  rexit  an- 
nis,  24. 


DIT     LE     JEUNE.  197 

Hujus  SufaHtta  conjuncx  fuerat  veneranda^ 
Balduînum  generans  pignus ,  avum  imitons^ 

Hune  rex  jufiorum  focium  fac  ejffe  tuorum^ 
Atque  bonis  cun&is  gaudeat  in  Superis^ 

Tredena  luce  cum  Mïtrtias  ejfet  in  axe 
Corpus  humo  tradit ,  cum  morîendo  tadit. 

Ce  qu'en  ftançoîs  fe  peut  tranflater  encefte  forte: 

Villuftre  conte  Arnould  gifl  defoubs  cefle  pierre^ 

Duquel  Arnould  le  Grand  fut  ave  &  lequel  at 
JEnricky  ceji^  égUfe  &  ctoiftre  de  fainct  Pierre  \ 

En  quoy  de  fon  diâ  ave  iJ  ne  dégénérât:   - 
Car  il  nous  a  donné  fans  aucune  prière 

Harnes ,  Camphi ^  qui  font  fituez  pris  d'*Arras* 
Le  treziefme  de  Mars  ce  prince  magnificque^ 

Débonnair*  Qf^  clément  de  ce  monde  paffa 
Pour  aller  aux  hauts  cLeux^  oùia  troup''  angèlique 

De  louer  le  grand  Dieu  jamais  ne  fe  laffa^ 
Sufann"  il  euft  M  femm*  &  pour  efpous'*  unicque 

Qui  du  nom  de  fon  ay*  un  enfant  luy  laijfa , 
Appelle  Baudouyn.  Permettez^  roy  fupréme^ 

Que  ce  bon  prince  foit  au  royaume  des  deux 
Avec  les  tiens  content ,  ^  qu'en  ton  jour  extrême 

Il  fuit  au  nombre  mis  de  tes  amis  heureux. 
Il  fut  au  mois  de  Mars  contraint  par  la  mort  blefme 

Rendre  fon  corps  à  ierre^  ■&  mourut  fort  fameux* 

Après  le  décès  dudift  Arnould  le  Jeune  ,  ma- 
dame Lutgarde^Ta  femme,  con voilant  en  fécon- 
des noces,  fe  lemaria  à  Robert  Capet ,  roy  de 
France.  Et  au  jour  de  fon  couronnement  voulut 
çanger  de  nom.,  prendant  nu-lieu  de  Lutgarde 
celuy  de  Sufanne,  du  quel  elle  fe  fit  appellcr  , 
comme  plus  au  long  fe  peut  veoîr  par  le  difcours 
contenu  en  I*hiftoîr^  ou  légende  de  monfieur 
faînft  Bertholf.  Elle  termina  en  l'an  mil  &  trois 
&  choifift  fa  fépulture  près  fon  premier  mary  le 
€Onxt  Arnould  ,  diâ  le  Jeune ,  au  nionaftère  de 


Madame 
Lutgude, 
vcfve  du- 
did  Ar- 
noiiîd  ,  ro-' 
mariée    au 
roy  RobcEt 
de  France , 
dict  Capet, 

La  douav- 

gièk'c  de 
Flandre 
çr.iîge  de 


19»      ARNOUL      SECOND, 

Décès  de  fainél  Pierre  à  Gand  ,  où  elle  gifl  foubs  un^ 
^^^..  petite  lame,  fur  laquelle  eft  efcrîpt  ce  que  s'en» 
dcFhndre.     fuyt  :, 

Epitaphc    fjoc  conditorio  Sufanna  regina  quiefclt  ^ 
danuf^  JSx/^â^/?»j  rc'ditum  judicis  atherei. 

Occidit  ante  dîes  feptem  menfis  Februarti , 
Dam  antmam  SuperU  ^  o jaque  ^  terra  ^  fibh 

Quy  fignifîc  ; 

Soubs  ce  tombeau  gift  la  royne  Sufanne , 
Du  juge  grand  attendant  Je  retour. 

JLaqueW  un  peu  devant  Febvrier  ^  fon  ame 
/i  Dieu  rendit  ^  à  la  terre  fe^  os. 

En  la  mefme  chapelle  cft  pareillement  enterré 
Go(Jefroy,  conte  d'Ardennés  &  feigneur  d*Een» 
ham,  lequel  fina  fes  jours  en  Tan  mil  vingt  & 
trois  (4).  Et  auquel  madame  Méhault,  Ta  vefVe, 
mère  du  feu  conte  Arnoul'd,  dift  le  Jeune  ,  fit 
faire  une  fépufturç  ,  &  fur  icelle  mettre  ccft 
iJpitaphe  : 

Hic  tua  Machtildis  ,  Chrifti  genitricis  in  a/is  , 

Dux  Godefrede^  tuas  condidit  exuvias  ^ 
Nunc  cineri  mixtas ,  quondam  fed  milite  feptas 

Coram  princi^jbus  ,  regibus  Q?  ducibus. 
Quas  natura  fulit  quart  à  cum  luce  refuljtt 

September  menfis  ,  maufoleoque  dédit, 
fias  tibi  reftituat  redivivo  corpore   vivas  , 

Qui  te  plasmavit  9  nec  ne  cruore  layitf 

Ce  qu'en  françois  fe  peut  ainfi  interpréter: 

Méhault^  ta  femm'*  c?  ton  efpoufe  chère ^ 
Fit  icy  mettr* ,  6  Godefroy  va/liant  ! 


Décès  ,  fé- 
pulture    & 
iépitaphe  de 
Oodcfroy 
4*Ardcnne. 


/ 


(4)  Si  Godcfroi   mourut  en   10J3.  ,   comment  MéhnuH 
fa  vefve,  morte  Tan  ipop.,  lui  fit-elle  fajrc  une  féjmlturç» 


DIT     LE     JEUNE-  ip9 

Ton  corps ,  lequel  fouloit  de  gens  de  guerre 

Eflre  tousjours  gardé  par  cy-devant 
De  roys  ou  ducs^  fufl  en  préjence  fière  j 

Ou  bien  devant  autre  prince  puijfant. 
Mais  ce  tien  corps  efl  maintenant  par  ordre 

Du  Créateur  avec  cendres  meflé^ 
Lequel  laijfé  tu  avois  en  Septembre  ^ 

Eflant  vers  DieU^  qui  t'^avoit  faiSt^  allé^ 
Que  te  le  rend*  ^  fans  tafcV  ^  opprobre^ 

Qui  lavé  t'*a  du  fan  g  de  luy  cou  lié. 

Auprès  dudifl:  Godefroy.  gift  auffi  madame  Mé- 
tault,  fa  femme  (5),  &  foubs  une  petite  lame, 
fur  laquelle  efl:  efcrîpt  cefl:  épitaphe  : 

JndoJis  emerita  ,  Machtildis  filia  clari 
Hic  jacet  Hermanni^  magnificique^virî. 

Lumine  deciduo  caruit ,  qua ,  nono  kalendas 
Augufli^  Domino  folvens  jura  fuo. 

C'efl:-à-dire  t 

JJ excellente  Méhault ,  fille  du  renommé 

Et  noblç  duc  Herman  des  Saxons^  icy  gifi. 

Qui  mourufl  peu  devant  le  mois  Aougft  nommé  , 
Payant  au  gr and  Seigneur  fon  droiftfans  contredit • 

Outre  lequel  épitaphe,  en  y  a  un  autre  de  la 
mefine  dame,  tel  que  s'enfuyt  : 

Si  quis  fcire  cupit  hoc  cujus  membra  fepulchro 

Claudantur  ^  claro  colligat  hoc  titulo. 
Machtildis  quart  a  flandrina  h<£C  efi  comitijfa , 

Hermannique  ducis  filia  Saxonia.  / 

Conjunx  Balduini  Juvenis  ,  fed  poft  Godefreâi 

Ârdenna  comitis  ^  afque  d'*Eenham  domini. 
Legittmo  fociata  thoro  fuit ,  ^  generavit , 

Très  un  gnatos  pernitidos  juvenes. 
Goffridum  ^  Gocelonem^  Eceloneque  jun&o^ 

Fortes ,  magnifia  quique  fuére  viri. 


Du  décès 
de  madame 
Méhaulc, 
roére  du 
conte  Ar- 
nould ,  did 
le  Jeune. 


Cs)  Voyez  la  note  4.  du  chapitre  ^8. 9  P»  I74- 


Paurquoy 
il  fut  appel- 
le il  la  belle 
Barbe 


200    BAUDOIN    QUATRIEME, 

Et  en  François  : 

Si  quelcun  veut  entendr'*  ^  au  menu  (a)  cognoiftre 
JLes  membres  de  qui  font  enclos  foubs  ce  tombeau^ 
Poura  le  tout  fçavoir  ,  lifant  ce  title  beau , 
Lequel  vous  repréfeni*  icy  Méhault  Vylluftre^ 
Quat  rie  fine  des  Flamens  conte fi\  ^  femme  unicque 
Du  jeune  Baudouyn  ;  mais  aprhs  au  feigneur 
D  ^Èenham  gf  d  ^Ârdenots  conte  de  très-grandcœur 
jippellé  Godefroy ,  vaillant  &  magnifique , 
Mariée  elle  fuft:  auquel  trois  filz  mode fl es 
Excellents  en  vertus  &  doux  elV  engendra 
Godefroy ,  Gocelon ,  ausquels  pour  tiers  fera 
E félon  joinEt  :  tous  trois  barons  de  grands  mérites» 

Lesquels  épitaphes ,  avec  aucuns  autres  fubfé- 
quents,  j'inftre  en  ce  volume  d'autant  plus  vo- 
luntiers,  à  hifon  de  leur  antiquité,  &  que  les 
iouangcs  attribuées  aux  princes ,  ausquels  ils 
font  deftinez  me  femblent  povoîr  fervîr  de  grand 
&  poignant  efguillon  à  leurs  fuccefleurs  &  autres 
princes  à  venir,  non-feulement  pour  les  de  bien 
près  fuyvre  ou  égaller  ;  mais  (i  poflible  eftoit , 
pour  les  dcvancher  &  furmonter, 

CHAPITRE       XXXIV. 

Comment  à  Padvènement  de  ^audouyn  à  la  belle 
Barbe  ceux  de  Courtray  gf  autres  de  Flandre 
rebellèrent  contre  luy  ,  lefjuelz  néantmoins  il 
réduiSt  par  fuccejpon  de  temps  foubs  fon  obéi  fi 
fiance^  Û?  de  la  tente  qu*il  fit  dreffer  en  la  ville 
d^Arras ,  pour  divertir  le  peuple  de  Flandre  de 
r  opinion  conçeue  de  la  fier  Hit é  de  madame  Ognie^ 
fa  femme* 

BAudouyn  à  la  belle  Barbe  (  ainfi  appelle  pour 
autant  qu'il  avoit  une  brune  &  large  barbe  ^ 
merveillcufemcnt  belle  &  bien-féante)  fu<:céda  au 


(rt)  En  ahrégé. 


DIT    A    LA    BELLE    BARBE,   aoi 


gouvernement  de  Flandre,  au  conte  Arnould  le 
Jeune  ^  fon  père  ,  en  l!an  neuf  centz  quatre- 
vinstz-huift,  &  euft(  comme  desjà  avons  déclaré) 
à  femme  madame  Ognie ,  fille  de  Ghiflebprt ,  duc 
Je  Lotrice,  conte  de  Luxembourg  (i),  &  fœur 
de  Frédéric ,  duc  dé  Brabant ,  de  laquelle  vint 
Baudouyn  de  Lille ,  allàî  le  Débonnaire ,  qui  fut 
depuis  conte  de  Flandre^  Au  temps  que  ladiéle, 
dame  Ognie  fe  devoit  accoucher  dudiél  Baudouyn 
de  Lille,  le  conte  de  Flandre,  Baudouyn  à  la 
belle  Barbe  ,  fon  mary ,  fit  tendre  en  fa  ville 
d'Arra^  (laquelle  avec  les  autres  fituées  fur  la 
rivière  du  Lys  avoit  auparavant  efté  •par  le  roy 
Lotaire  reftituée  audiâ:  conte  Arnould  le  Jeune) 
fur  le  marché  une  ample,  fumptueufe  &  magni- 
ficque  tente,  en  laquelle  il  voulut  que  madame 
Ognie  ,  fa  femme  ,  s'accouchaft  ,  confentant  & 
permettant  que  fuft  loyfible  à  toutes  les  femmes 
de  bien ,  qui  en  auroyent  volunté  ,  d'aflTifter  & 
eftre  préfentes  au  travail  de  ladifte  dame  fil 
femme  (2);  le  tout  affin  d'ofter  à  un  chafcun  la 


L'an  pW. 


Le  conte 
Baudouyn 
faiadreflcr 
une  tente 
fur  le  mar- 
ché d'Ar- 
ras,  où  tou- 
tes femmes 
de  bien 
peu vent ve- 
nir pour  ad- 
fifteràrçn- 
fantemcnt 
de  ro^ame 
Ognie,pour 
ce  qu'on 
avoit  opi- 
nion qu'el- 
le eftoit 
trop  aagée 
pour  avoir 
enfant. 


(i)  La  chronique  de  St.  Bavon  appelle  aufli  Giflebert  le 
père  d'Otgiue:  Balduinus  cugnomento  puîchra  Barba  uxorem 
duxit  Oîginam  fororem  Frederlci  ducis  Brabantix  fiîiant 
Gifleberti.  Cependant  Butken^  &  quelques  aunes -la  font 
fille  d'un  Frédéric ,  comte  de  Luxembourg. 

(2)  L'auteur  élégant  mais  hardi  d'une  hiftoire  de  la  ville 
de  Lille,  imprimée  en  I7<^4. ,  blâme  pluûeurs  écrivains, 
&  entr'autres  Mcyerus  d'ayoir  rapporté  cette  anecdote. 
Je  l'ai  cherchée  dans  les  annales  de  cet  écrivain  &  ne  l'y 
ai  point  trouvée,  du  moins  dans  l'édition  de  1561.,  qu'on 
Tcgarde  comme  la  meilleure.  Au  rcfte ,  l'anecdote  de  la 
tente ,  érigée  dans  la  Nille  d'Arras ,  n'cft  point  vraifembla- 
blc  &  elle  le  paroîtra  bien  moins  cncprc ,  fi  l'on  admet 
avec  M.  de  Hefdin ,  membre  de  l'académie  de  Bruxelles , 
que  Baudoin  belle  Barbe  eut  deux  filles  de  fon  époufe  O/- 
gine  ou  Oigive ^  „  confidérablement  plus  âgées,  dit-il, que 
«  leur  frère,  qui  prit  naiflance  en  1014.^  L'une  d'elles 
nommée  Gifélc  épouû ,  félon  cet  académicien  ,  Raoul  de 


An.  974, 


Le  conte 
Saudouyn 
loué  au 
moyen  de 
foucy  qu'il 
avoir  pour 
le  repos  de 
(on  peuple. 


Le    propre 
d'un  prince 
doit  eftre 
pourvcoir 
aux    affai- 
xcs  de  (on 
peuple. 

Prudence 
du  conte 
Baudouyn. 


Un  bon 

Î>rince  eft 
*imagc 
iiaitVe  de 
Dieu. 


ftoc    BAUDOIN     QUATRIEME, 

doute  &  opinion  qui  cftoit  de«jà  enrachinée  an 
cœur  de  pluûeurs,  de  la  ftérilité  de  ladiéte  Ognie, 
laquelle  pour  lors  avoit  attainft  Taage  de  'cin- 
quante ans;  Qui  fut  iin  aéte  merveilleufeincnt 
louable  &  digne  de  perpétuelle  mémoire  ;  entant 
roefmes,  que  par  ceftuy,  il  monftroit  évidemment 
le  foucy,  auquel  il  eftoit  pour 'le  repos  &  tran- 
.quillité  de  fon  peuple.  A.  quoy  tout  prince  doit 
'  eftre  vigilant  &  foingneus  ,  voires  d'autant  plus 
que  comme  le  propre  &  naturel  de  l'œil  eft  de 
veoir ,  des  ouyes  d'entendre  ,  &  des  narines 
d'odorer,  ainfi  doit  eftre  le  propre  d'un  prince 
de  pourvebîr  aux  affaires  de  fon  peuple,  aufquelz 
il  ne  peut  autrement  entendre  que  par  prudence, 
de  laquelle  s'il  eft  privé  ,  ne  poura  fervir  à  la, 
république  non  plus  qu'un  œil  aveugle  peut  ay- 
der  &  prouffiter  pour  veoir.  De  cefte  prudence 
donc  monftfa  bien  kdiil  Baudouyn  eftre  grande- 
ment participant  par  la  fusdifte  fubtilité  &  in- 
vention ,  enfemble  par  plufieurs  autres  fe«  aftes , 
que  déduirons  incontinent ,  lesquels  vous  fervi- 
ront  de  tefmoingnage  de  la  grande  bonté,  vaillan- 
tifc  &  puiflance  de  ce  bon  prince.  Lequel  fut 
véritablement  doué  de  toutes  les  perfections  qu*on 
fçauroit  dcfirer  en  un  grand  perfonnagc.  Qui  eft 
la  ca^fe  que,  félon  Plutarche,  il  fe  povoit  dire 
&  nommer  un  naïf  image  &  vifvc  pourtraîfture 
de  Dieu,,  lequel  enfemble  eft  très-bon  &  très- 
puifla'nt;  eftant  îcelle  bonté  donnée  aux  princes, 
afRn  .qu'ils  veuillent  ayder  &  prouffiter  à  tous  , 
&  la  puiflance  ,  pour  povoir  ayder  à  ceux  qu'ils 
vouldront.  A  l'advèncment  de  ce  prince  en  foa 


Gand,  dit  d*JloJl^  &  l'autre,  Ludolphe,  comte  de  Sate  & 
de  Brunswic ,  mort  en  1038.  On  peut  conlulter  les  raifosi 
qu'il  raflcmble,  pour  prouver  cette  affertion,  dana  un  mé- 
moire imprimé  au  5-  vol.  des  mém.  de  Tacdd.  de  Bruxellca, 
p.  130.  &  fuiv.  de  la  partie  biftoriqoe. 


DIT   A    LA    BELLE    BARBE.    203 

gouvernement  de  Flandre,  aucuns  barons  dudift 
pais  fc  rebellèrent  contre  luy ,  à  raîfon  de  fa 
minorité  &  peu  d'aage.  Et  foubs  prétext  de  pré- 
tendre au  gouvernement  dMceluy  pais  ,  chafcuH 
desdiftz  barons  tira  de  fon  codé  la  pièce  de 
terre ,  à  laquelle  il  povoit  parvenir.  Et  entre 
autres ,  Elbode  ufurpa  la  ville  de  Courtray  ,  de 
laquelle  il  s'attittila  conte  (3).  Et  comme  aprè* 
le  décès  d'îccluy  Elbode,  le  conte  Baudouyn  efpé- 
roit  recouvrer  fa  ville  de  Courtray  &  la  remet- 
tre [comme  premiers  Ça}  JToubs  fon  dommaine, 
les  habitants  dudift  Courtray  s'y  oppofcrent , 
mefmes  fe  levèrent  contre  luy;  &  après  avoir 
aflemblé  un  bon  nombre  de  gens  de  guerre , 
^-flîrent  à  bannières  déployées  de  ladifte  ville , 
&  gafterent  tout  le  pais  d'environ  Harlebecque, 
lequel  ils  bruflerent ,  enfemble  le  chafteau  d*icelle 
ville  &  régjife  fainél  Saulveur  qui  y  eftoît.  Mais 
enfin  la  fureur  desdifts  de  Courtray  s*efvanouyt 
comme  une  fumée  ,  &  moyennant  le  bon  confeil 
que  le  conte  Baudouyn  avoit  avec  luy,  les  rcn- 
gea  à  telle  raîfon  que  bon  luy  fembla  ;  &  après 
avoir  faiél  le  chaftoy  des  auteurs  de  ladifte.  ré- 
bellion, que  pour  terreur  des  autres  la  gravité 
du  cas  rcquerroit,  fe  foucyant  peu  du  chafteau 
dudicl  Harlebecque  ,  en  fit  édifier   un  autre  en 


Elbode 
uTurpe  du- 
rant la  mi< 
norité   du 
conte  la 
ville  de 
Courtray  ♦ 
dont  il. fe 
faia  appel- 
kr  coate. 

Ceux  de 

Courtray 
bruflcnt 
Harlebec- 
que. 


Le    chaflcl 
deCounray 
édifié  aux 
dclpcns  àts 
habitancz. 


(/?)  auparavant. 

(3)  Il  étoit  gouverneur  du  diftrift  de  Courtrai  &  d'une 
naillance  diftioguée,  in  Curtraccnfihus  prafeHus  fpîendido 
or  tus  hco.  Les  comtes  de  Boulogne,  de  St.  Pol  ,  de  Té- 
rouane  avoient  profité  de  la  minorité  d*AmonU  fon  père, 
}>onr  aggrandir  leur  autorité.  Le  gouverneur  de  Courtrai 
crut  pouvoir  tenter  la  même  chofe.  Il  avoit  fous  les  yeux 
l*exemple  des  grand*  vaffaux  des  royaumes  de  France  & 
de  Lotharingie  qui ,  k  cène  époque  ,  afpiroicnt  tous  à 
Tindépendance  &  dont  plufieurs  marchoient  déjà  les  ég^ux 
de  leur  fuzerain^ 


Meycr.  an. 


Vie  de   St. 
Bcrtou  dtns 
Duchcfue 
t.  4.  p.  144- 


Cicero. 


DyoQ. 


Confeil  des 
fages  prou- 
iitable  aux 
princes. 

Homère. 


Ceftuy  doit 
eftre  eftimé 
le  plus  fa- 
ge,  lequel 
ignore  peu 
de  chofes. 

Chafcun 
e(l  mieulx 
advifé  en 
Taffaire 
d'autruy , 
qu'au  fien 
propre. 


^4    BAUDOIN    QUATRIEME, 

ladiéte  ville  de  Courtray,  &  aux  defpens  des  habî« 
tantz  d'illec.  Et  eftant  puis  après  parvenu  en 
aage  plus  meur ,  vint  au-dellus  de  tous  fes  re- 
belles par  le  confeil  des  fages  &  prudents ,  des* 
quels  il  fe  fervoit.  Qui  me  faiâ:  avec  Cicero 
croire,  que  les  lettres  ne  doivent  en  rien  céder 
aux  armes,  &  d'autant  plus  que  je  trouve  celle 
opinion  confortée  par  celle  de  Dyon  ,  lequel  en 
fes  livres  qu'il  a  compofés  de  la  manière  de 
régner ,  difoît  qu'on  parvenoit  gflez  plus  legiè- 
rement  aux  grands  affaires  par  le  confeil  &  pru- 
dence de  peu  de  gens  fages ,  que  par  la  force  de 
grand  nombre  de  jeunes  gens*  Voylà  aufli  pour- 
quoy  le  coriphée  des  poëtes  grecqs  ,  î^omère, 
affirme  en  fes  Ylîades  foubs  la  perfonne  du  roy 
Agamemnon,  que  plus  légièrement  l'on  euft  ré- 
duit foubs  fon  obéiflance*  la  région  troyenne  , 
ayant  dh  Neftors  en  fon  confeil ,  que  s'il  euft 
eu  le  double  d'Achilles,  Ayaces  &.  autres  guer- 
royants. Le  confeil  des  perfonnés  prudentes  & 
difcrètes  ayde  beaucoup  l'entendement  des  prin- 
ces &  roys  ;  lesquels  pourtant  ne  devroyent  ja- 
mais eftre  rétifs  de  demander  confeil  &  princi- 
pallement  en  chofes  hautes  &  de  grande  confé- 
quence.  Voires  combien  que  lefdiéts princes  mefmes 
foyent  très-prudents  &  difcrets.  Car  nous  voyons 
que  de  tous  les  philofophes  ou  fages  qui  furent, 
jamais  ne  fuft  oncques  trouvé  qui  préfumaft  ou 
confeflaft  tout  fçavoir.  Au  moyen  de  quoy  cef- 
tuy doit  eftre  eftimé  le  jilus  fage,  lequel  ignore 
peu  de  chofes.  Auquel  endroiû  nature  mère 
commune  de  tous,fe  mon ftre  plutoft  eftre  noftre 
marraftre  que  vraye  mère,  pour  ce  que  chafcun 
en  fon  propre  affaire  fe  trouve  ordinairement 
aflez  moins  a^dvîfé  ,  qu'en  ceftuy  d'un  autre, 
Qu'eft  la  raifon  laquelle  meut  les  médecins  ,  & 
mefmes  les  plus  experts  ,  d'envoyer  quérir  des 
autres  médecins ,  pour  ordonner  de  leur  maladie* 


DIT    A    LA    BELLE    BARBE,  âo^  . 

Le  conte  Baudouyn  donc,  (affin  de  ne  trop  nous 
efgarer)  par  la  prudçnce  de  fon  confeil  &  loyauté 
des  autres  fes  bons  vaflaux  ,  réprima  l'orgueil  & 
lafceté  de  ceux,  lesquels  au  temps  de  fa  mino- 
rité &  en  mefpris  d'icelle ,  s*avoyent  levé  les 
cornes  (/?) ,  &  s'eftoyent  contre  luy  rebellez.  Ce  . 
faijét,.il  délibéra  édifier  un  fort  cartel  en  fa  ville 
de  Berghes  fainét  Winoch.  Mais  il  çangea  toft 
après  de  propos  ,  fondant  au-lieu  dudiâ  caftel 
un  excellent  &  magnificque  monaftère  à  Thonneur 
de  raonfieur  fainél  Winoch.  Le  mefme  Baudouyn, 
pour  donner  à  un  chafcun  à  cognoiftre ,  ^qu'il 
ne  dégénéroit  aucunement  de  la  pieufe  dévotion 
de  fes  pieux  prédéçefleurs ,  donna  plufieurs  belles 
terres^  revenus  &  fcigneuries  au  monaftère  de 
faindt  Pierre  lez  Gand ,  dont  font  encores  lettres 
de  l'an  neuf  centz  quatre-vingtz-quinze.  Comme 
auffi  il  fit  des  grands  biens  à  Téglife  de  fainft 
Bavon  audiél  Gand.  A  laquelle  il  rendit  à  la 
requefte  de  madame  Ognîe,  fa  femme  ,  toutes  les 
terres ,  que  par  les  guerres  précédentes  luy 
avoyent  efté  oftéçs,  tant  celles  qui  eftoyent  fi- 
tuées  foubs  l'empire  ,  que  autres  qui  gifoyent 
deflbubs  la  couronne  (4).  Il  fut  préfent  avec 
grande  noblefle  à  la  tranflation  qu'en  l'an  mil 
huiél  fe  fit  du  corps  de  monfieur  faind  Liévin  tn,  ' 
l'églife  de  fainft  Pierre  audid:  Gand ,  laquelle  fe 

'■  ■■■IW».  .■■II».  Il  «lll.ll»  I  !• 

Ca")  Ef oient  devenus  audacieux, 

(4)  Il  entend  par-là  les  biens  fîmes  fur  les  terres  qui  re- 
levoicnt  de  la  couronne  de  France.   Ces  biens  &  ceux  de 
plufieurs  autres  njonallères  avoient  été  ufurpés  par  des  gens 
de  guerre.  Amoul  le  Fieil  en  avoit  donné  à  plufieurs  capitai- 
nes- Magnus  Arnulphus  maximas  indè  abftrabens  partes  fa*       Mir.  cod. 
tellitibus  fuis  ^  fecundhm  quod  unicuique  eorum  erat  conti-     donat.piar, 
gmm  ,  dijlribuit.  L'auteur  de   la   vie   de  Ste.  Riarudc ,       •  i.  c.  19, 
abbefle  de  Marchiennes ,  rapporte  que  ce  même  comte  avoit         Bolland^ 
enlevé  à  cette  abbaye  la  terre  de  Haines  que  Lothaire  lui     Ad  ss.12. 
fit  rendre.  Mau.|i.92. 


te  corpi 
de  fjiinA. 
Macharifl  k 
falna  Picr- 
telezGand. 


Le  concc 
BairJouyn 
déchaHa  de 
Bcrghes  lc« 
chanoine» 
pour  leur 
mauvaife 
vie. 

Il  décha/fï 
aufD  les 
rcligicufe» 
de  Mar- 
chienne»  h 
mefme  oc- 
caflon. 


ao<;    BAUDOIN    QUATRIÈME^ 

fit  à  la  trèft-inflante  requefte  de  Tabbé  àudi£t 
fainfl:  Pierre ,  appelle  Herenbaldus.  Il  fit  pareil* 
leroent  apporter  audift  motiaftère  de  fainâ  Pierre 
le  corps  de  monfietir  faitiél  Macbarii,  archevef" 
que  on  patriarche  d'Antioche  (5) ,  lesquels  rc- 
pofent  cncores  pour  le  préfent  en  ladlfte  églifc, 
&  fc  montrent  Journellement  ayec  très-grande 
folennité.  II  donna  à  Téglife  de  Tronchicnes  une 
belle  relique  d^une  dent  de  monfieur  fainA  Jehan 
Baptiftc,  en  Tan  mil  dix  &  fcpt.  Il  chafla  hors 
réglîfe  de  fainft  Martin  à  Berghes  Sainél  Winoch 
les  chanoines  quMl  y  avoît ,   &  ce  à  raifon  dt 
leur  mauvaife  &  fcandaleufe  vie  &  peu  de  dévo- 
tion, &  mit  au  cloiflre,  qu^il  avok  faift  faire, 
des  religieux  de  fainft  Bertin ,  aufquels  il  donna 
les  biens  desdiéls  chanoines.  Il  chafla  pareille- 
ment hors  le  cloiflre  de  Marchicncs  les  rclîgieu- 
h%  qui  menoyent  une  vie  merveillcufement  dîf- 
foluc,  &  mit  en  leur  lieu  des  religieux  de  Tordre 
de  fainft  Dcnoifl: ,  prendant  aufdiftes;  fins  pour 
aydc  &  confeil   Tabbé   du  monaftèrc  de  fainft  • 
Vaaft  en  Arras(6).  En  quoy  néantmoins  il  faillît 
grandement,  &  ce  pour  la  raifon   deffus   plus 
amplement  rcprînfc* 


^  Baldcr. 
1.  I.  c.  \6. 


(5)  St,  Machairc  étolt 'tnôrt  en  ioir.<  fn  cctnohh  gan- 
•âtnji^  dit  Mcyerus»  où  il  avoit  été  favorablement  accueilir 
par  Fvrcmbold,  abbé  de  ce  monadère. 

(6)  Ce»  réforme!  eurent  lieu  Tan  loaS.  Le  môhaftèrt 
de  Marchienncs  avoit  été  piné  plufieurs  fois  par  U«  Nor- 
mands ^  il  ne  9*étoit  jamais  relevé  de  Tel  malheurs.  L'état 
de  défolttion  où  il  fe  trouvoit  autant  peut-être  que  riocoii' 
duite  des  reUglonfcs  9  détermina  Baudoin  ii  les  remplacer 
par  do  moines  de  Tordre  de  St.  Benoit. 


BIT    A    LA    BELLE    ÉARBE.  ab/ 

CHAPITRE       XXXV. 

Comment  le  conte  Êaudouyn  couquift  fur  Vempe*' 
reur  Henry  la  ville  de  Valent  ienes ,  en  laquelle 
il  fut  depuis  aj/iégé  par  ledi£t  empereur^  Robert 
Cap  et  ^  roy  de  France^  ^  Richard^  duc  de 
Norfnandte  f  &  Je  P admirable  magnanimité  dont 
ledià  Baudouyn  ufa  en  la  défenfe  de  ladi&e  ville* 

L]i  preus  &  magnanime  conte  Bandouyn  à  la 
belle  Barbe ,  peu  après  le  trèfpas  de  Tempe- 
reur  Otho  le  tkrs ,  aflcmbla  une  bien  grofle  ar- 
mée, avec  laquelle  il  marça  en  toute  diligence 
(dont  néantmoins  je  n'ay  encores  peu  fçavoîr 
Toccafion)  contre  la  ville  die  Valenchienes  (i). 


(i)  Les  réflexions  firivantes  ferviîont  à  expliquer  It 
caufe  de  cette  invtûon  fuhite ,  Tun  des  évènemens  les  plus 
importans  du  règne  de  ce  comte  qui  par-là  provoqua  con- 
tre hii  une  guerre  pénible  qui  manqua  de  lui  être  fatale. 

Le  duc  Othori,  qui  avoit  fuccédé  à  Charles  de  France, 
fon  père ,  dnns  le  gouvemeraeiu  de  la  Lotharingie  ,  étoit  Chron,  Si- 
mon Tan  1005. ,  &  rempcrenr  Henri  le  Saint  ou  le  Boi-  geb. 
teux  avoit  tranfponé  ce  gouvernement  à  Godefroi  d'Ein- 
hain ,  fils  de  ce  Godefroi  qui  ,  pendant  l'exil  des  frères 
Régnier  &  Lambert,  avoit  poiTedé  une  partie  du  Haynaut, 
Cette  faveur  éveillt  l'animofité  de  plufieurs  fdgneurs 
puliTans,  qui  refuferent  de  reconnoître  ce  nouveau  duc. 
Les  plus  animés  étoient  Lamben  qui  avok  époufé  Ger- 
berge,  fœur  d'Othon  &  iOue  du  faog  de  Charlemagne ,  Ro- 
bert, comte  de  Namur,  neveu  de  Gerberge  paf  fa  mère» 
Régnier,  comte  de  Ha^'naut,  Thiert-i,  comte  des  Frifons,  ' 
fit  Baudoin,  comte  de  Flandre  ,  qui  crut  devoir  époufcr 
la  querelle  des  feigneurs  Lotharingiens ,  parce  qu'il  poflTé- 
doit  quelques  domaines  dans  les  pays  fitués  à  l'orient  de 
TEfcaut  ou  plutôt  de  la  fofle  Othonienne.  Le  motif  de  leur 
infurreâion  étoit  qu'ils  ne  vouloient  p;is  fouflrir  qu'on  ra- 
vît au  fang  de  Chârlcniigne  des  donàaioes  qui  hii  appirte- 
noient,'  ^  à  ce  tîtrc  ih  crufeiw  pouvoir  en  réclamer  la 
poflefllon.  Mais  ce  n'étok  éviderorafemt  qu'un  prétexte  dont 
ils  couvroieut  leur  ambition  &  l'impstience  où  ils  étoicst» 
de  s'affranchir  d'jme  val&lité  gomme ,  pour  ie  rendre  e» 
fièrement  indépcndans.  lis-  ne  priscaH  f as  tous  le«  anoctt     ^ 


La  ville  de 
Valenchie- 
lies  alTiégée 
&  plainte  . 
parle  conte 
Baudouyn* 

L'an  ioo5. 


208    BAUDOIN    QUATRIEME,. 

Laquelle  il  afliégea  &  prefla  de  fi  près,  que  après 
plufieurs  durs  &  ci'uelz  affauts  ,  qu'il  livrât  à 
ladifte  ville,  il  en  devint  finablement  maiftre  & 
entra  par  force. en  icelle  ville  en  Tan  mil  &  fix, 
le  tout  nonobftant  robftinée  defFenfe  &  merveîl- 
leufe  réfiftence,  que  Arnould  leur  feigneur,  & 
ceux  de  dedans  luy  firent  pour  quelque  erpace. 
Et  comme  peu  après  il  fut  adverty,  que  Tcmpe- 
reur  Henry  le  deuziefme  faifoit  grand  amas  de 
gens  pour  le  recouvrement  de  ladifte  ville ,  mef- 
mes  que  le  roy  Robert  de  France  &  Richard,  duc 
de  Normandie ,  aflembloyent  le  plus  de  gens  qui 
leur .  efl:oit  poflîble  ,  pour  fecourir  ledift  empe- 
reur ;  il  fit  femblablement  de  fon  cofté  munir  la* 
difte  ville  de  gens  de  guerre ,  lesquels  il  cognoif- 
foit  de  longue-main  Vaillants  &  loyaux  :  pour- 
voyant (  au  refte  )  icelle  ville  de  tout  ce  qu'il 
fçavoît  eftre  nécelfaire  pour  fouftenir  le  travail 
d'un  fiège  tant  violent,  qu'il  fe  voyoît  préparé 
&  appareillé  ,  mettant  femblablement  (  ce  pen- 
dant qu'il  avoit  lôyfir  )  ordre  à  ce  que  fes  autres 
villes  &  foTtereffes  ,  mais  principallement  celles 
qui  eftoyent  fituées  fur  les  frbntières  de  fes  pais, 
fuflent  bien  garnies  ;  confliituânt ,  en  chafcune 
d'elles  ,  des  bons  &  hardis  capitaines  ,  la  vail- 
lantife  &  loyauté  desquels  il  avoit  autrefois  ex- 
périmenté. Et  fç'achant  que  le  principal  fais  (jî) 
de  la  préfente  guerre  efl:oit  apparent  tomber  fur 
ladifte  ville  de  Valenchienes ,   il  en   eiitreprint 

luy- 


Balder.  an. 
1006. 
Sigeb.  an- 
loo5. 

Chron.   de 
ftère  An- 
dré. Rec. 
des  hift.  de 
Fr.  t.  10. 
p.  290- 


Çjo)  Poids ,  fardeau, 

en  même  tems.  Baudoin  fut  le  premier  qui  démafquât 
fes  projets  en  s'emparant  de  Valenciennes.  L'empereur 
vint  lui-même  en  perfonne  affiéger  cette  viUe ,  &  malgré 
fies  troupes  auxiliaires  de  Robert ,  roi  de  France  ,  &  de 
Richard ,  duc  de  Normandie  ,  la  vigoureufe  4éfenfe  de 
Baudoin  robligea  4  lever  le  ûége. 


DÎT    A    LA    BELLE    BARBE.  209 

luy-mefme  la  garde  &  tuition ,  fe  nu^chint  en  per^ 
Tonne,  (afBn  de  donner  meilleur  courage  aux  ibU 
dats  &  habitants  d'aillée)  dedans  ladicle  ville,  aux 
portes  de  laquelle  il  conllitua  des  bonnes  gardes  , 
ordonnant  que  les  clefs  dMccJles  luy  fulVent  jour* 
nellement  rapportées  en  Ton  logis,  &  ditpola  de 
la  refte  du  guet,  lelon  qu^appartenoit  à  lui  bon  & 
prudent  capitaine,  ne  commettant  la  charge  d'ice- 
luy  (comme  ordinaù-ement  Ton  faict  en  plufieurs 
places)  à  un  tas  de  manou\Tiers,  porte-iaix  & 
autres  femblables  pouvres  gens ,  ains  aux  riches 
citoyens  &  gens  de  bien^  Car  il  n'ignoroit  que 
la  diligence  de  ceux-cy  feroit  d'autant  plus  gran- 
de &  vigilante,  que  la  cniinte  de  perdre  leurs 
biens  &  pofletlîons ,  devoit  en  eux  eftre  plus  vé- 
hémente que  celle  defdicls  pouvres  gens,  Iclquels, 
à  railbn  de  leur  pouvreté ,  ne  délirent  bien  fou- 
vent  autre  chofe,  que  changement  de  gouverne- 
ment &  mutacion  de  rcflat  &  forme  de  la  choie 
publicque ,  dont  ilè  efpèrent  une  condition  meil- 
leure, &  plus  aggréable.  En  fomme(if)  il  pour- 
veut  à  tout  d'une  dextérité  nonpareille,  &  pro- 
vidence admirable,  monftrant  par  Ion  exemple  le 
Ibing  que  tous  princes,  capitaines  ou  gouverneurs 
doivent,  en  temps  de  guerre,  avoir  du  guet,  des 
villes,  chafieaux  &  fortercires  à  eux  commifes. 
Auffy  devez  vous  entendre,  qu'il  eft  impoffible 
que  le  guet  fe  face  plus  feurement  ou  diligemment , 
que  quand  les  chefs  ou  capitaines  font  en  préfen- 
ce,  foit  en  un  camp,  ou  à  Tenclos  des  murailles. 
Autrement  un  guet  peut  de  nuîd  profondément 
dormir,  quand  il  cognoit  que  les  chefs  de  guerre 
ont  les  yeux  clos,  &font  lalches&  pàreiTeus.  Voy- 
là  pourquoy  le  roy  de  Macedone,  Alexandre, 
fumommé  le  Grand,  de  crainte  qu'il  avoir  d'cilre 
trompé  du  dormir,  failbit  ordinairement  en  tempst 


A  queïkt 

Sens   Von 
oîbt  com<« 
mettre    le 
guet  d^ine 
ville    en 
teniî>s    do 
nccelfité. 


Le  guet  fe 
ftict  feure- 
ment en  k 
pnJfcncc 
des  chefs«. 


\jj  £«jff.f ,  CM  ua  miit. 


R 


210 


BAUDOIN    QUATRIEME, 


Pr.âia«e  de  guerre  mettre  près  fon  lift  un  baffin,  &  ayant 

J'S"  fon  bras  eftendu  hors  du  lift,  tenoit  en  fa  mam 

tionduroy  ^^g  ^^^n^  d'argent,  affin  que  quand   le  repos 

fffin^Tenc  lafcheroitla  vigueur  de  fes  nerfs,  le  fon  de  celle 

fe    laiffer  -^ouUe  qui  toipboit  dedans  ledift  baffin ,  luy  rom- 

5'T.rmfr     pît  fon  fomne.  Et  croy  que  ceroy  ufoitdetel- 
du  dormir.    pU  jo  ^^.^^^^^j^  ^^^  ^^^^^^  ^^^re  Icfquelles  y 

en  a  qui  veillent  tousjours  la  nuift,  &  de  crainte 
que  le  dormir  ne  les  déchoive,  ont  tousjours  un 
^ûTlom'    pied  levé,  duquel  elles  fouftienent  uAe  pierre, 
miles  au       affin  que  fi  elles  venoyent  à  eftre  opprimées  du 
-S"*^-  fommeil,  ladifte  pierre  chée  fur  le  pied  quy  eft 

-eftendu ,  &  fe  refveillent ,  ou  du  fon  de  la  pierre , 
ou  du  coup  d'icelle,  quy  les  blefle  en  tombant. 
Or  (pour  retourner  fur  noz  erres)  le  conte  Bau- 
douyn  après  avoir  difpofé  de  tout  ce  qui  eftoit 
requis  en  une  ville  apparente  d'attendre  un  long  _ 
fiège ,  &  plufieurs  rudes  &  cruelz  affaults,  em- 
ploya le  demeurant  du  temps,  à  encourager  les 
foldatz  qu'il   avoit   mis   dedans  icelle  ville,  & 
mefmes  les  habitantz  d'iUec;  lêfquels  tous  d'une 
voix  promettoyent  Jvudift  conte  toute  afliftence  à 
eux  poffibte,  l'afleurant  que  jufques  au  mourir, 
ils  ne  l'abandonneroyent  jamais.  Mais  peu  après 
ilz  fe  trouvèrent  bien  eftonnez  ,  lorsqu'ils  fe  vif- 
'  '      rent,  &  appercheurent  eftre  environnez  de  trois 

B^douyT  princes  fy  puiffants,  quels  eftoyent  l'empereur 
fouftienten  Henry,  le  roy  Robert,  &  le  duc  Richard,  ac- 
Vaknchi?  cômpaignés.d'un  nombre  de  gens  de  guerre  in- 
nés îè  fiège  numérable  &  prefque  infiny.  Lêfquels  venus  à  la 
de  l'empe- .  ^^^^  ^^  i^^iae  ville  de  Valenchienes ,  s'eftoyent 
5Tdu  roy  desjà  campez  autour  d'icelle,  appareillantz  en 
de  France  -  grande  diligence  toutes  chofes  néceflaires ,  pour 
deNorihan^' ^  approcher  leurs  belins  ou  moutons,  vignes  (a), 
die. 

*■- ■ " 

la^  En  latin,  \iaex,  man-      dejïînées  à  couvrir  les  foMats 
Ulets ,  machines  de  guerre     dans  un  fiige. 


t)iT    A    LA    BELLE    BARBE,  ait 

&  autres  engrns  (a)  de  batterie  qui  eftoyent  lors 
en  ufage.  En  quoy  ils  n'efpargnoyent  aucuu 
temps,  ny  travail,  à  raîfon  mefmes  quMls  fça-^ 
voyent  que  la  place  eftoit  hors  d'efchelle,  &que 
befoing  lenrferoit  de  foire  brefche,  n'ayants  au- 
cune  efpérànce  d'autrement  parvenir  à  quelque 
iappoinftement,  ny  au  but  qu'ils  efpétoyent;  car 
ils  s'afleuroyent  que^  la  meilleure  gent  de  guerre 
de  Flandre  Te  feroit  retirée  près  leur  conte' Bau- 
douyn ,  &  que  felort  la  preuve  qu'autres  fois  ils 
àvoyertt  faift  de  leur  hardîefle,  ils  eftoyent  pour 
Touftenir  jufques  à  la  mort,  comme  aufly  vérita- 
blement, &  de  faiél  eftoit  l'intentioti  du  magna- 
nime conte,  enremble  d'un  bon  nombre  de  fol- 
dats  aguerris,  defquels  il  s'eftoit  auparavant  & 
de  bonne  heure  pourveu,  &  lefquels  enhardirent 
&  éiicouragerent  le  refte  du  peuple  craintif.  A 
raifon  de  quoy,  peu  a^rès  que  leurs  tentes  & 
pavillons  furent  dreflez ,  '  lefdifts  Allemans ,  Fran- 
çois &  Normans  commencèrent  faire  les  tran- 
ehées,  gabions,  mantelet« ,  &  autros  chofes  pro- 
pres pour  rompre  la  muraille  &  fqrcher  la  place  * 
laquelle  petit  à  petit  ils  approchèrent  de  forte, 
qu'avant  la  fin  du  mois,  (durant  lequel  s 'avoyent 
d'un  cofté  &  d'auWe  dreffé  plufieurs  belles  ef- 
tarmouches)  (Commencèrent  leur  .batterie ,  laquel- 
le ils  continuèrent  fy  impétueufement,  &  fans 
àucuhe  relafche,  que  qtielques  jours  après,  il  y 
èuft  aiicUris  (^)  patis  de  mur  abbatus*  Lefquçls 
ïiéantmoins  le  vaillant  Baudouyn  réparoit  fans 
cefle^  ordorlnânt  lieux  &  eantoiis  à  fes  gens, 
tant-  de  pied  que  de  cheval ,  les  ungS  pour  deffen- 
dre,  les  autres  pour  fecourir;  les  ungs  à  jeâet 
cercles 5  pots  à  feu.,  lances,  grenades,  &  autres 
artifices ;4es  autres  à  faire  tranchées,  jeélerfau- 


tréparatift 
pour  doti'^ 
tier  TafTaut 
à  la  ville  d« 
Valenchie* 
ncs. 


(tf)  Machineù 


CO  Qlfc^^qttfS' 


R  ft 


Merveil- 
leux aâaut 
contre  le- 
dit Valen- 
cbiencs. 


I/hommc 
propofe  & 
Dieu  difpo- 
fe. 


aia    BAUDOIN    QUATRIEME, 

fe-trappes,  &  repoufler  efchelles;  &  néantmoîns 
la  multitude  deà  ennemis  qui  viiidrent  à  l'aflaut , 
fufl:  fy  grofle  &  exhorbitantc ,  qu'en  celle  pre- 
piière  charge  ceux  de  la  ville  eufrent  beaucoup 
â*affaires.  Car  le  duc  Richard  y  eftoit  en  perfon- 
ne,  animant  fes  foldats  à  bien  &  virilement  com- 

'batre,  leur  remonftrant  le  gain  certain  &  viftoîre 
afleurée ,  veu  le  grand  nombre  qu'ils  ^ftoient  au 
fefpeft  de  leurs  ennemis.  Qui  fut  la'  caufe  que  le 
plus  timide  d'entre  eux  print  cœur,  &  délibéra 
ou  mourir ,  ou  gaigner.  Et  pour  ce  faire ,  dref- 
fent  efchelles  doubles ,  les  uns  vont  la  telle  baif- 
féeà  la  brefche ,  les  autres  montent  les  efchellons , 
le  fécond  pouffe  le  prfcmier,  le  tiers  le  fécond, 
Tuil  tombe,  l'autre  fe  relève,  Tun  s'avance  juf- 
ques  à  combatre  mai»  à  main ,  il  eft  repouffé ,  & 
font  tant  d'autres  mis  à  mort ,  qu'ils  furent  con- 
traints abandonner  pour  celle  fois  l'affaut  de  la 
ville,  non  fans  incomparable  perte  de  leurs  gens, 
&  eux  retirer  dans  leurs  tranchées:  ce  que  toutes- 
fois  ils  ne  firent  fans  élire  accompaîgnez  d'une 
infinité  de  flefches  qui  continuellement  des  murs 
de  ladidle  ville  pleuvoyent  fur  leurs  efpaulles. 
Pont  l'empereur  &  fes  confédérez  cuyderent  (a) 
défefpérer,  jurants  qu'ils  donneroyent  à  l'adve- 
ïiir  tels  &  tant  d'autres  affauts ,  qu'ils  demeure- 
royent^  feignéurs  du  lieu,  voulfill  fortune  ou 
lion  (J?).  Mais  fouvent  (  comme  l'on  fçait) 
J'homme  propofe  &  Dieu  difpofe,  félon  que  par 
jafin  de  celle  entreprinfe,  lediél  empereur  &  les 
fiens,  à  leur  grande  honte  &  confufion,  aucun 
temps  après,  expérimentèrent.  Lefquels  cepen- 
liant  firent  continuer  pat  plufieurs  jours  l'affault 

'At  ladiéle  ville;  mais  a  bien  affailly,  mieux  def- 


X^ayPenferent. 


(h")  En  dépit  de  la  fortune 
bonne  ou  mauvaife. 


DIT    A    LA    BELLE 


BARBE.    4X3 


%ndu;  fy  eft-ce  que  le  conte  Baudouyn  &  les 
fiens  commencèrent  enfin  à  douter  de  Tévènement 
de  celle  guerre,  &  d'autant  plus,  que  plufieurs 
des  habitants  de  ladifte  ville  de  Valenchienes  fe 
rendoyent  par  leurs  fufurres  (^)  &  murmurations 
meryeillcufement  fufpefts;  qui  contraindoit  ledift 
conte  Baudouyn  de  faire  affembler  le  confeîl  des 
capitaines  &  autres  d'icellc  ville,  non  toutesfois 
à  autre  intentîoli,  que  pour  advifer  de  Tordre 
qu'on  pourroit  tenir  pour  faire  cefler  lefdifts  tu- 
multes ,  enfemble  pour  confujter  comment  pour 
Tadvenir  on  fe  pouroit  plus  feurement,  &  avec 
moindre  dangier  de  leurs  gens ,  deffendre  &  gar- 
der contre  un  tel  nombre^  d'ennemis ,  &  tant  ré- 
folus  à  leur  ruyne  &  deftruélion.  Les  capitaines 
&  gens  de  guerre ,  mis  en  ladifte  ville  par  le  conte 
Baudouyn,  s'offrirent  volontairement  à  continuer 
en  leurs  premiers  devoirs,  &  à  tenir  bon, 
moyennant  qu'on  fufl  afleuré  de  quelque  troup- 
pe  docilité  de  bourgeois  pour  les  féconder,  &  rcf- 
frefchir  au  fouftien  des  afl^uits.  Les  principaux 
des  jufticicrs  &  marchands,  comme  moins  expé- 
rimentés au  faift  de  guerre,  &  pourtant  plus 
iutîmitlcz,  ufcrcnt  d'autre  langage,  remonftrants 
par  la  vive  repréfentation  du  dangier,  qu'il  ef- 
toit  meilleur  d'entendre  d'heure  (hi)  à  quelque  ac- 
cord ,  que  de  s'obftiner  en  vain  contre  une  telle 
&  fy  puiffante  forche;  veu  mefmes  le  peu  de  gens 
de  deffenfetiu'ils  avoycnt  (dont  partie  eftoyent  desjà 
blelfez  &  travaillez  )  &  que  s'ils  difFéroyent  da- 
vantage, la  refte  de  la  muraille  iroit  par  terre,  à 
la  première  batterie,  &  y  viendroyent  les  enne- 
mis la  lance  fur  la  cuiflTe,  dont  à  la  fin  (quel- 
que vertu  que  fufl:  en  eux)  ils  ne  pourroyent 


Aflemblée 
des  capitai- 
nes &  prin- 
cipaux de 

Valenchie- 
nes,' pour 
advifer  à  U 
conferva-  ; 
tion  de  ik 
viUe. 


Diverfité 
d'opinions 
touchant  la 
conferva-  - 
tion-  de  la 
ville  de  Va- 
lenchienes. 


(/j)  Petit    bruit  y    en    latin    (*)  D'abord  ^ de  bonneifeare, 
fulurrus. 


Propoûtion 
êc  advisdtt 
conte  Bau* 
douyn  fur 
ladiéte  di* 
verfité  d'o- 
pinions. 


Propos  du 
conte  Bau- 
douyn  pour 
encourager 
ceux  de  la 
ville ,  de  les 
induire  i 
bien  fe  def< 
fendre  con- 
tre leurs  en- 
nemis. 


tes  inexp^* 
rimcntez 
aux   armes 
aatureller 
ment  timi- 
des. 


ai4    BAUDOIN    QUATRIEME, 

durer  fy  peu  contre  tant,  &  feroyent  tous  mis 
à  feu  &  à  fang,  par  Tire  du  cruel  ennemy,  £n 
cefte  dîverfité  d^opînions,  le  conte  Baudouyn^ 
loua  premièrement  &  remerchia  tous  Tes  fubjeAs 
du  devoir  que  jufques  lors  ils  avoyent  faiét  à 
fa  deffenfe,  en  laquelle  confiftoît  celle  d'eux^mef» 
mes, de  leurs  femmes  &enfans.Les  afleufant  que, 
s'ils  perfévéroyent  encores  quelque  peu  de  temps, 
ils  feroyent  perdre  tout  courage  &  efpérance  à 
leurs  ennemis,  lefquels  ils  voîroyent  fe  retraî- 
re  (a)  bien  toft,  à  leur  honte  &i:onfufion*  D'aul- 
tant  mefmes  que  r.hyver  eftoît  desj^  fur  mains, 
&  qu*obftjint  (i)  le  bon  ordrç  qu*il  avoit  par- 
tout mis  es  villes  &  lieux  circonvoifins ,  fes  en- 
nemis n'auroyent  lors  moyen  de  recouvrer  vi-- 
vres,  pour  Taliment^tion  du  nombre  de  gens, 
qu'ils  avoyent  fy  gros,  &c  quafi  infini.  Et  que 
s'ils  rompoyent  ou  desjoingnoyent  leurs  for^ 
ches,  iltrouveroît  opportunité,  moyennant  Taf» 
fiftence  des  garnifôns,  qu'il  avoit  laiffées  en- la 
pluspart  de  fes  villes  ,  de  leur  faire  quelque  no- 
table &  grand  dommage,  mefmes  de  les  con- 
ftraindre  çnfin  à  eux  retirer.  Nonobstant  quoy 
que  ceux  qui  parloyent  d'fippointement  luy  fera- 
bloyent  aflez  çxcufables ,  à  raifon  de  la  timidité 
naturellement  cngravée  aux  cœurs  dç  ceux  qui 
ne  font  expérimentez  aux  armes ,  &  néantmoins 
s'il  en  y  avoit  de  fy  lafches ,  que  rien  ne  Jes  peut 
afleurer,  que  mieux  fçroit  (ce  qu'auffi  de  bon 
cœur  il  teur  accordoit)  qu'ils  fortifient  d'heure 
pour  aller  prendre  le  party,  qu'ils  'confeilloyent 
aux  autres,  fans  infefter  la  refte  des  gens  de  bien 
par  leur  couardie.  Autrement, s'ils renouvelloyent 
tels  propos,  qu'il  feroit  informer  fy  diligemment 
des  autheurs,  que  l'avarice  feroit  defcouverte 
de  ceux    quy  font  porter  la  paroUe  aux  înno- 


(tf)  Se  retirer. 


(b^  Moyennant 


DIT    A    LA    BELLE, BARBE.   ai5 

cents,  dont  ils  attendent  le  pjroufRt,  par  les 
praéliques  &  intelligences  qu'ils  ont^j  es  terres 
prochaines.  Les  Flamens  &  autres  habitants  du- 
dift  Valcnchienes,  furent  grandement  réconfortez 
par  la  magnanime  remonftrance  du  vaillant  Bau- 
douyn,  &  crièrent  tous  d'une  voix:  vive  le  con- 
té, pour  la  défenfe  de  luy,  nous  n'efpargnerons 
iiaz  vyes.  Au  moyen  de  quoy  ceflerent  les  fuf- 
diftes  murmurations  &  tumultes,  &femitchaf- 
cun  mieux  que  devant  en  devoir  d'exécuter  ce 
que  par  le  conte  Baudouyn  &  les  autres  cai>i- 
taines  leur  feroit  ordonné.  Si  comme  à  faire  for- 
ce maffifs  de  terre  avec  poultres  de  pièces  de 
bois  à  boufcher  labrefche,  à  porter  huyles,  eaux 
bouillantes,  pierres,  foulfres,  &femblables  ma-' 
tières  pour  cndommagier  l'ennemy ,  lorsqu'il  re- 
tourneroit  à  l'aflaut.  Ce  qu'il,  fit  le  lendemain, 
&  plulîeurs  jours  ènfuyvants,  non  toutesfois 
d'une  telle  vivacité  qu'il  avoit  faiél  au  commen- 
cement; pour  autant  que  lefdiéls  ennemis,  ayîuît» 
cognu  &  à  leur  grand  dommage  expérimenté  la 
vaillantife  &  prouefle  dés  aflaillis,  venoyent  aux 
aflaults  plus  par  conftrainfte,  (quy^  leur.procé- 
doit  d'une  vergongne  du  peu  quMls  fçavoyent 
gaigner  fur  lc5  tenants)  que  par  aucune  efpérance 
qu'ils  eufferit  d'y  pouvoir  acquérir  aucun  honneur. 
Ce  que  cognoiffants  les  chefs  de  ladifte  armée, 
fifrent  furcheoir  les  fufdifts  afiaults,  tafchants  de 
taner(/7)€eux  de  dedans  (par  leur  long  fiège  &  tant 
eflroit)  de  forte,  que  finablement  ils  fuflent  con- 
traints de  venir  à  aucun  appoinftement.  Mais  ils 
fe  trouvèrent  non-feulement  déceus  en  celle  leur 
attente,  aîns  auffy  grandement  eftonnez,  lors- 
que (  confidérants  l'hyver  eftre  desjà  à  leurs  por- 
tes, &  qu'à  raifon  de  ce,  leur  convenoit  avec  fy 
petit  fruidl  &  honneur  lever  leur  fiège)  ils  réfo- 

■    ■  I  '  I  ■      IIIM.».!!  ■     I     ■       ■       I  III ■      I         I       I     f      I  I     ■        IJ    I     I  I 

Ca)  Fatiguer,  ^ 


L'ompc- 
reurHenry, 
Je  roy  de 
France    & 
le  duc  de 
Normandie 
lèvent  leur 
fiège&  par- 
tent de  Va- 
lenchicnes 
àleur  grand 
(lésbonneur 


2i6    BAUDOIN    QUATRIEME, 

lurent  remettre  la  conquefle  d'icelle  ville  de  Va* 
lenchienes  en  uneaultre  plus  commodieufe  fayfon. 
Et  fuyvant  ce,  partirent  peu  après  de  ladiftc 
ville  avec  grande  honte  &  déshonneur.  Dont  le 
conte  Baudouyn  5  fgs  capitaines  &  autres  citoyens 
dudîdl  Valenchieues  remercièrent  bien  dévotement; 
le  tout-puîdiint  JSeigncUr,  maiftre  &  gouverneur 
des.ljatailles,  menants  au  furplus  la  plus  grande 
fcfte  &  joye  dont  ils  le  povoyent  advifer. 


CHAPITRE 


X  X  X  V  L 


Comment  r empereur  Henry  retourna  avec  grande 
putffance  en  Flandre^  print  le  chaftel  de.  Gand^ 
^  puis  fe  retira  en  fes  pais  ^  où  le  conte  Bau- 
douin luy  envoya  amhajfadeurs  pour  paix  ,  luy 
reftituaht  la  ville  de  Valenchlenes  ,  £?  comment 
ladlùe  ville  fut  Pemtfc  es  mains  dudlct  Baudouyn^ 
lequel  devînt  homme  féodal'  de  V  empire ,  à  eau  fi 
des  y  fies  de  Zéhnde  ,  que  lediSt  empereur  luy 
dçnna^  avec  autres  fingularités^ 

]E  conte  Baudouyn  ,^  ap^ès  le  fufdiél  tant  hé- 
-^  roïcque  &  magnanime  çxploîc't,  &  que  fcs- 
diéls  ennemis  fufrent  retirez  de  la  ville  de  Va- 
lenchicnes,  doutnnt  (^)  le  retour  de  remperQur(i), 


Bald.  an. 
Ioo5. 


(</)  Prévoyant, 

(i)  Il  eft  fort  douteux  cju'après  de  fl  pénibles  &  fi  Inutiles 
efforts  faits  par  une  armée  noinbrcufc  au  fi<ige  de  Valen- 
ciennes ,  l'empereur  fc  fût  déterminé  ii  rentrer  en  cam- 
pagne ,  s'il  •  n'avoit  été  vivcmcrit  preffé  pnr  rév(Jque  dç 
Cambrai  Erluin.  Baudoin  qui  rcjçnrdoit  cet  évcquc  comme 
le  premier  auteur  du  fi^'gç  qu'il  avoit  eu  à  foutcnir,  fe 
préparoit  à  Tcn  punir.  Mais  le  pontife  eut  encore  aiTez  de 
crédit  pour  ranimer  dans  rame  de  Henri  le  defir  de  venger 
Taffront  qu'il  avoit  reçu.  Ce  prince  fondit  k  l'improvifte 
fur  la  ville  de  Gand  6c  fc  rendit  maître  de  la  fortcreflv 
d'Othon  (  arx  Othotùana  ).  C  Voyez  la  note  i .  du  chap.  24. 
p.  151.)  Il  tenta  inutilement"  de  s'emparer  de  la  viilc ,  & 
fon  reflcntiment  fe  tourna  fur  Its  villes  &  les  bourgs  voifins. 


DÎT    A    LA    BELLE    BARBE.  217 


fcqiiel  il  attcndoit  au  printemps  prochain  ,  fit 
réparer  le«  murs  de  ladifte  ville,  laquelle  il  for- 
tifia de  forte  ,  qu'il  efpdroit  la  pouvoir  gar- 
der,  non  que  (^)  contre  kdict  empereur ,  mais 
contre  toute  autre  force  &  puiflancc.  Dont 
adverty  le  fufdîft  empereur  (lequel  eftoit  en- 
core grandement  îndigné  du  déshonneur  receu 
Tannée  paffiée)  après  avoir  raflemblé  une  mer- 
veilleufement  grofle  armée,  retourna  vers  Flandre, 
&  feindant  venir  vers  Valenchienes ,  couppa-  che- 
min. &  tira  droift  vers  Gand,  où  il  reçonquift 
le  chaftel  que  l'empereur  Ottho  avoit  auparavant 
faift  fortifier  &  depuis  remis  es  mains  du  conte 
Arnould,  dift  le  Vieil,  félon  que  plus  au  long 
avez  peu  veoir  en  l'hiftoire  dudiél  Arnould ,  au- 
quel chaftel  ledift  empereur  logea  pour  quelque 
temps  ,  faifant  cependant  brufler  tout  le  païs 
circonvoifin  ,  &  y  exercer  toutes  les  cruaultez 
&  hoftilitez  à  luy  poflibles.  Peu  après  il  retourna 
vers  fes  païs  ,  menant  quant  &  luy  (F)  un  bien 
riche  butiif ,  &  avecq  grand  nombre  des  plus 
nobles  &  principaux  du  païs  de  Flandre ,  qu'il 
avoit  puis  naguerres  prins  prifonniers.  Ce  que 
venu  à  la  cognoiflance  du  conte  Baudouyn  (  le- 
quel aymoit  extrêmement  fes  vaflTaux  &  ne  fe 
laiflbit  aucunement  maiftrifer  par  fes  paflîons,) 
confidérant  le  mal  &  dommage  ,  qu'au  moyen 
de  la  rétention  dudift  Valenchienes  luy  pourrok 
&  aux  fiens,  par  fuccefiîon  de  temps,  advenir; 
mefmes  qu'il  avoit  à  faire  à  partie  bien  rude  , 
délibéra  en  foy-mçfmc  de  fonder  la  volonté  du- 
dicl  empereur,  &  fy  moyennant  la  reftitutîon  dp-r 
did:  Valenchienes ,  il  ne  voudroit  entendre  à  quel- 
que bon  appoindement  &  à  une  paix  inviolable, 
A  quoy  il  s'inclinoit  d'autant  plus  volontiers  , 
que  celle  reftitution  faicte  en  temps ,  auquel  n'y 


L'empe- 
reur Ilcnry 
prend  le 
chafteî  de 
Gand,  &^  re- 
tourna fit  en 
Allemnignc 
cpnduid 
avec  luy 
prifonniers 
pluficurs 
nobles  de 
Flandi'c. 


Amour  <hi 
conte  Bau- 
douyn A'CTS 
fesvalTaux. 


(a^  Non-feuUmcnt» 


(b^  Avec  Itii^ 


très  raifons 
mouvantes 
le  conte 
Baudouyn 
de  volontai- 
rement ref- 
tituer  Va- 
lenchienes 
h  l'empe- 
reur. 


La  ville  de 
Valenchic- 
nes  rendue 
au  conte 
Baudouyn , 
par  l'empe- 
reur, lequel 
conftitueîc- 
diâ  Bau-  ' 
douyn  Ton 
homme  féo- 
dal &  luy 
donne  les 
yfles  de  Zé- 
lande. 


2i8    BAUDOIN    QUATRIEME, 

avoît  aucune  apparence  d'y  pouvoir  eftre.  forché, 
&  mefmcs  après  avoir  efTcftuellenient  mpnftré , 
que  toute  la  puiflance  de  fon  ennemy,  confortée 
par  celles  des  François  &  Normands,  ne  Tavoyent 
à  ce  peu  forcer  ny  conftraindre ,  cauferoit  une 
grande  obligation  d'amour  de  fes  fubjefts  vers 
luy  ,  &  une  immortelle  renommée  de  fon  hu- 
maine magnanimité  vers  toute  la  poftérité.  Il  en- 
voya doncques  aucuns  des  principaux  de  fes 
païs  vers  lediél  empereur  (2)  ,  avec  charge  de 
requérir  fon  alliance  ,  confédération  &  amitié  , 
luy  offrant,  ipoyennant  ce  la  reftîtution  dudift 
Valenchîenes.  Dont  ledift  empereur  fe  trouva  tant 
content  &  fatisfaîél ,  que  non-feulement  il  luy 
accorda  la  paix  &  amitié  qu'il  demandoit ,  mais 
auffy  après  avoir  ordonné  que  tous  les  fufdiéls 
prifonnicrs  fuflent  relaxez,  fit  &  conftitua  ledift 
Baudouyn,  à  TadVcu  &  par  advis  des  princés'de 
l'empire,  fon  homme  féodal,  luy  rendant ladîfte 
ville  de  Valenchicnes,  &  outre  ce,  luy  donnant 
les  yfles  de  IValchere  ^  Noort-Beverlapd^  Borflele 
&  autres  de  Zélande  (3).  Dont  fe  defcouvrent 
le  bien  &  honneur  ,  qui  fouventefois  procèdent 
de  la  réfiftence  qu'on  faift  à  fes  propres  paffions. 


Hift.  crit. 
de  HoH.  & 
dcZ(51.Cod. 
diplom.  p. 
94.  &  fuiv. 


(2.)  Il  Talla  lui-même  trouver  3i  Aix-la-ChapeUe  ♦  félon 
les  chroniques  de  St.  Bertin  &  de  frère  Andrc* ,  félon  Meye- 
xus,  Buzclin  ôcc. 

(3)  Il  ne  paroît  pas  que  cette  conceflion  ait  eu  lieu 
aufli-ÉÔt  après  que  h  viUe  de  Valenciennes  eut  été  remife 
entre  les  mains  de  Tempereur.  L'auteur  de  Tabrégé  latin 
d»  rhiftoire  Belgique  la  recule  jufqu*à  Tannée  loii.,  épo- 
que à  laquelle  plufieurs  feigneurs  Lotharingiens  fe  prépa- 
rèrent à  fe  foule  ver  contre  l'empereur.  Comme  l'appui  de 
Baudoin  dont  il  avoit  éprouvé  (a  bravoure,  lui  devenoit 
néccflairc ,  il  crut  devoir  fe  l'attacher  à  force  de  bienfaits. 
Le  favant  Huidecoper  a  voulu  répandre  des  doutes  fur 
la  réalité  de  cette  donation  ;  mais  il  a  été  viàorieufc- 
mcnt  réfuté  par  M.  Adr.  Kluit. 


ïjiT   A    LA    BELLE    BARBE,    aij 

En  quoy  auffy  ne  convient  fy  légièrement  pafler 
la  royalle  &  vrayement  augufte  libéralité  de  Tem- 
pereur  &  desdlâs  princes  de  l'empire  ^  lesquels 
trop  plus  contants  de.laconquefte  qu'ils  avoyent 
faift  du  cœur  &  amitié  du  très-viftorieux  conte 
Baudouyn  à  la  belle  Barbe  , .  que  s'ils  eufleitt 
gaigné  toutes  les  pofleOions  qu'il  avoit ,  ne  luy 
remirent  feulement  es  mains  ladifte  ville  de  Va^ 
lenchienes,  (pour  laquelle  ils  eftoyent  entrez  en 
fy  grofFes  &  oultrageufes  defpenfes  &  travaux) 
mais  aufly  l'enrichirent  desdiftes  yfles  ,  le  fai- 
faut  au-furplus  leur  homme  féodal  &  feîgneur  de 
l'empire,  fe  perfuadants  (comme  le  faift  eft  vé- 
ritable) que  quiconque  poffède  le  cœur  des  prin- 
ces ,*fe  peut  effeftuellement  dire  &  nommer, 
feigneur  de  leurs  terres  &  poireffions.  D'autre 
cofté,  faut  pareillement  &  grandement  annoter 
l'admirable  prudence  ,  dont  tant  en  la  tuition 
qu'en  la  reftitution  dudift  Valenchienes  ledift 
Baudouyn  ufa  ,  lequel  après  avoir  monftré  la 
magnanimité  de  foh  courage,  moyennant  laquelle 
il  avoit  faift  telle  à  trois  princes  tant  puiflants, 

X  fit  offre  de  In  fufdifte  reftitution  tant  bien  à  pro^ 
pos.,  que  (a  grande  libéralité  provocqua  ledifl: 
empereur  à  en  ufer  vers  luy  d'une  aultre  trop 
plus  grande.  Qui  me  contraint  de  fommièrement 
&  en  deux  paroles  toucher  en  ce  paflage  de  la 
vertu  &  propriété  de  cefte  prudence,  de  laquelle 
viennent  journellement  tant  de  commoditez , 
proffits  &  honneurs  à  ceux  lesquels  défirent  fa 
compaignîe.  C'eft  elle  fans  aultre  ,  laquelle  les 
poètes  5  foubs  le  nom  emprunté  de  la  déefle  Mi- 
nerve, non  fans,  pregnante  raîfon  ,  atteftent  par 
leurs  fables  eftre  née  du  cerveau  dé  Jupiter  ;  déno- 
tants par  ce,  qu'elle  prend  fa  fource  de  la  penfée 

,  qui  eft  en  nous  divine,  par  laquelle  nous  devons 
confidérer  toutes  chofes  &  avoir  les  yeux  inten- 


Libéralité 
de  Tempc- 
reur  6c  des 
princes  de 
l'empire. 

Quiconque 
poflede  les 
cœurs  des 
princes , 
poifede  auf- 
fy leurs 
biens  &  ri- 
cheifes. 

Prudence 
du  conte 
Baudouyn. 


Louange  de 
la  vertu  de 
prudence. 

Mincnre 
née  du  cer- 
veau de 
Jupiter. 

La  penfée 
en  Thom- 
mQ  divine.. 


L'office 
d'un  hom- 
me prudent 


Guerre  de 
"Baudouynà 
la  belle  Bar- 
be contre- 
le  conte  de 
Hollande" 
pour  les  ' 
yfles  de  Zé- 
laude. 


1^120    BAUDOIN     QUÀ-TRIEME, 

tifs  &  ouverts  par-tout.  Ce  que  voulants  démon- 
ftrer  les  anciens  peintres-,  tiroyent  l'image  de 
cefte  déefle  encerte  forte:  fç avoir,  que  fon  regard 
îs'extendoit  fur  toutes  chofes  ,  méfmes  qu'elle 
jeftoit  fa  veûe  fur  tous  ceux  qui  la  contemployent. 
L'office  d^m  homme  prudent  «ft  àe  mefurer  par 
raîfon  droite  tout  ce  qu'il  penfe  &  fait;  de  rien 
fiaire  ny  délirer  en  forte  que  ce  foit ,  fors  ce 
qui  eft  jufte  &  honncfte  ;  de  s'afleurer  que  tous 
faifts  humains  doivent  eftre  guidez  &  conduits 
à  l'arbitre  de  Dieu ,  voires  régis  &  gouvernez  par 
le  çonfeil  &  providence  d'îcéluy.  Rien  ne  doit 
lounier  en  horreur ,  ny  élire  redoutable  à  un 
homme  prudent,  le  natureLdu  quel  eft  de  difcu- 
ter  en  fon  courage  les  chofes  à  venir,-  tellement 
que  chofe  ne  luy  puilTe  advenir  quy  luy  foit 
imporveùe  &  laquelle  -il  n'ayt  préméditée.  Le 
conte  Baudouyn  donc  (  affin  de  continuer  noftre 
pourjeélé  difcours)  ayant  rapporté  de  fa  fufdide 
prudence  &  magnanimité ,  le  fruift  &  honneur 
qu'avez  cy-dellus  peu  veoir  ,  retourna  en  fa 
ville  de  Gand  ,  où  ne  ,luy  fud  loyfible  de  vivre 
trop  long-temps  en  paix,  pour  autant  qu'il  fuft 
^dvcrty ,  que  le  conte  de  Hollande  eftoit  defcendu 
avec  allez  notable  nombre  de  gens  de  guerre  es 
yfles.  de  Zélande ,  que  le  fufdift  empereur  avo^t 
puis  naguerfes  données  au  conte  Baudouyn  ,  & 
'èsquelles  lediél  Hollandois  prétendoit  droift  pri- 
mitif, par  le  don  qui  auparavant  en  avoit  à  fes 
prédéceficurs  contes  de  Hollande  efté  faift  par 
Louys ,  lors  roy  d'Allemaigne  &  fils  de  Louys 
le  Débonnaire.  AU  moyen  de  quoy  lediél  Bau- 
douyn aflembla  pareillement  une  bonne  trouppe 
"de  gcn$,  &  après  plufieurs  rencontres  &  cfcar- 
mouches ,  qu'cfdîcT:es  yfles  il  euft  contre  le  conte 
de  Hollande,  il  le  chafla  finablcment  hors  d'icel- 
les  yfles,  desquelles  de  lors  en  aviiut  il  demeura 


Dit    A    LA    BELLE    BARBE;  22t. 

paifibte  feîgneur  &  poflefleur  tout  le  demeurant 
de  fa  vie  (4). 


(4)  Cette  conceffion  donna  lieu,  il  cft  vrai,  k  quelques 
guerres  entre  les  comtes  de  Flandre  &  ceux  de  Hollande  ; 
mais  le  filence  des  hiftoriens  fur  l'irruption  dont  parle  Ou- 
degherft,  permet,  de  douter  que  les  hoftilités  entre  ces 
deux  fouverains  aient  commencé  fous  Baudoin  belle  Barbe» 
Thierri,  comte  de  Hollande ,  avoit ,  à-peu-près  à  cette  épo- 
que ,  une  gueiTc  férieufe  à  foutcnir  contre  Godefroi ,  duc 
de  Lotharingie. 


CHAPITRE       XXX  VIL 

Comment  Baudouyn  à  la  belle  Barbe  pratiqua  le 
mariage  de  madame  Adèle  de  France  avec  BaU' 
douyn  de  Lille ,  fon  fils  ,  lequel  depuis  fut  ré- 
gent de  France^  ^  du  trefpas  dudiSt  Baudouyn 
à  la  belle  Barbe. 

EN  l'an  mil  vingt  &  fept,  le  copte  Baudouyn, 
affin  de  mettre  fes  pais  en  plus  grande  feu- 
reté  5  pratiqua  ralliancc  de  Robert  Capet  ^  roy 
de  France ,  lequel  audift  an  vingt  &  fept  donna 
en, mariage  madame  Adèle  ,  fa  filJe  (i),  à  Bau- 
douyn, dîft  le  Débonnaire,  fils  dudiéi:  Baudouyn 
à  la  belle  Barbe  ,  &  depuis  conte  de  Flandre,  des- 


L'an  1027. 

Mariage  de 
Baudouyn 
le  Débon- 
naire, aliàs 
de  LiUe,  k 
madame 
Adèle  de 
France. 


(r)  D.  Luc  d'Acheri,  d'après  un  ade  de  1026* ,  prétend 
qu'Adèle  époufa  d'abord  Richard  IIL ,  duc  de  Normandie. 
Il  eft  fuivi  par  le  P.  Daniel.  Mais  un  paflage  de  Hugues  de 
Fleuri  prouve  irréfragablement  qu'Adèle  n'eut  point  d'autre 
époux  que  Baudoin  de  Lille.  Le  P.  Siraplicicn  fcrable"  con- 
cilier ces  diverfes  opinions,  en  difant  qu'Adèle  fut  promife 
il  Richard,  mais  que  le  mariage  ne  fe  conclut  point.  D'ail- 
leurs,' félon  le  moine  de  Jumiège  &  Ilériman,  abbè  dp 
St.  Martin  de  Tournai ,  elle  dtoit  très-jçunc  encore ,  quand 
elle  époufa  Baudoin  :  Robertus ,  dit  le  dernier ,  fUiam  Adc 
lam  adhucpucllulamfilio  ejui  (  Balt/yhti  Barbati)  defponfavit. 


Rec-  àti 
hill.  de  Ff . 
t.lOvp^S^. 


L'an  1030. 

Baudouyn 
le  Débon- 
naire ,  tu- 
teur d'Hen- 
ry ,  roy  de 
France* 

Les  Fran- 
çois font 
hommage  à 
Baudouyn 
le  Débon- 
naire ,  ^ 
caufe  de 
madame 
Adèle.,  fa 
femme.  ' 

Refpeft  de 
ligne  fémi- 
nine en  la 
couronne 
de  France. 

Atfemblée 
des  cftats 
de  Flandre 
en  la   viUe 
d'Aude- 
narde. 


^3' 


I 


»aa    BAUDOIN    QÙÀTIilEMËi 

quels  les  nopces  furent  tenues  en  aditiirable  magni- 
ficence en  la  ville  d'Amiens.  Et^peu  après,  fi  com- 
me en  Tan  mil  trente,  ledifl:  roy  Robert  avant  mou- 
rir  déclara  par  fon  teftament&  nomma  pour  tuteur 
de  Henry,  fon  fils  ,  (  qui  luy  fuccédâ  en  la  cou- 
ronne de  France  &  lequel  eftpit  pour  lors  encore 
fort  jeune)  ledift  IJaudouyn  le  Débonnaire,  foii 
beâu-fils.  Auquel  après  le  décès  d'iceluy  roy  Robert 
les  Françoys  (félon  qu'appert  par  aucuns  chroni- 
ques) firent  tel  hommage  &  en  la  mefme  forte, 
qu'on  efl:  accouftumé  faire  aux  roys  de  France; 
de  manière  que  fy  le  petit  Henry  moùroit  fans 
hoir  (^)  de  foh  corps  ,  ils  le  tiendroyent  pour 
leur  roy, fans  autre  folennité  faire;  &  ce  à  caufe 
de  madame  Adèle,  fa  femme,  laquelle  ils  jugeoyent 
la  plus  proche  à  la  couronne,  le  tout  direftement 
contre  la  loy  Salîque,  de  laquelle  ils  fe  font  tou- 
tesfoîs  &  de  tout  temps  vantez  (2).  Environ  ce 
mefme  temps  fe  fit  au  pais  de  Flaildte  en  la  ville 
d'Audenarde  une  merveilleufement  grande  àflem- 
blée  de  tous  les  princes  ^  prélats  &  autres  dei 
eftats  dudift.  païs  [dont  néantmoins  je  n'aytné- 
moire    d'avoir  encores.  entendu  l*occa(îort  (3)  ] 

-  •  -  • 

(^a)  Héritier. 

(2)  n  y  a  ici  une  erreui-  très-palpable.  Selon  Topinioii 
générale,  Baudoin  de  Lille  naquit  en  ici 4.  &  fut  marié  en 
1027.  Il  n'avoit  donc  alors  que  13.  ans.  Robert  mourut 
4.  ans  après,  c*eft-à-dire ,  l'an  103 1.  Henri  L,  fon  fils, qui 
lui  fuccéd;^  ,  avoic  27.  ans  lorsqu'il  monta  fur  le  trône. 
Baudoin  q'ch  avoir  alors  que  17.  Ce  fut  Henri  I. ,  qui  en 
1059.  àonTi^  pour  tuteur  à  fon  fils  âgé  de 7.  ans  Baudoin, 
onde  maternel  de  ce  jeune  roi.  Baudoin  fut  préféré ,  dit 
Te  P.  Hénault ,  à  la  reine  Anne ,  parce  qu'elle  étoit  étran- 
gère &  peu  conOdérée ,  &  au  duc  de  Bourgogne ,  parce 
qu'il  avait  trop  de  crédit  en  France. 

(3)  Sdon  Hugues  de  Fleuri  &  Balderic,  le  jeune  Bau- 
doin fier  de  Falliance  qu'il  vcnoit  de  contraâer  &  impatient 
de  régner,  s'iîtoit  fait  un  parti  puiflTant  ,  dans  le  deflein 
de  s'emparer  de  toute  l'autorité  :  Balduinus  Balduini  filiui 
cttpiefts  fi  etqfwrc  patri ,  ab  eo  dijpdiutn  facit.^  Son  père  fe 
vgyani  Uch^mcnt  abandonné  ^ar  la  plupart  de /es  vaifituit 


DIT    A    LA    BELLE    BARBE.  013 

&  affin  que  ce  qu^ils  avoyent  entre  raaîns ,  for- 
tift  meilleur  effeft,  tous  les  corps  fainfts  repo- 
fants  au  païs  de  Flandre  furent  par  commande- 
ment du  conte  Baudouyn  apportez  en  ladifte 
ville.  Et  comme  la  proceffion  fe  'devoit  com- 
mencer fur  le  débat  qui  fe  meut  touchant  la  pré- 
férence desdifts  corps  laînfts,  fuft  par  le  conte, 
fuyvant  Tadvis  des  prélats  illec  ettants  ,  dift  & 
ordonné  que  ceftuy  de  monfieur  fainft  Gherolf 
de  Tronchiènes ,  comme  Flameng  naturel  ^  pré- 
cëderoit  &  feroit  en  ladiéle  proceflîon  porté  le 
premier.  Or,  ledift  conte  peu  après,  ayant  bien 
vertueufement  gouverné  le  païs  de  Flandre  envi- 
ron quarançe-fix  ans,  trefpafla  en  Tan  mil  trente-  L*an  1034. 
quatre  (4).  Dieu  par  fa  grâce  en  veuille  avoir  Trefpas  de 
Tame ,  car  ce  fut  un  bon  ,  difcret  &  vaillant  Baudouyn 
prince,  louable  &  honnefle,  qui  traifta  bien  & 
doulcement  fes  fubjeéts.  Il  aima  la  faînfte  paLx, 
autant  qu'autre  prince  du  monde,  au  moyen  de 
quoy  s'édifièrent  en  Flandre  durant  fon  gouver- 
nement plufieurs  chafteaux  ,  cloiftres  &  églifes. 


à   la    belle 
Barbe. 


eut  recours  à  Robert  ,  duc  de  Normandie.  Les  fecoufs 
qu'il  reçut  d^un  allié  fi  puiflaiit  forcèrent  le  fils  à  rentrer 
dans  le  devoir.  Robert  fe  rendit  médiateur  entre  le  père  & 
le  fils.  Pour  mettre  le  fceau  à  cette  réconciliation ,  on  fit 
tranfporter  à  Audenarde  les  reliques  des  faints  les  plus  ho- 
norés dans  la  Belgique ,  «Se  Baudoin  fit  jurer  fur  ces  reU- 
ques  k  fon  fils  &  i  fes  partifans  de  ne  plus  troubler  la 
paix  publique.  Cornes  Fîandria  Baîduinus  Barbatus ,  congre- 
gath  marchifiajuitfandtarum  corporikus  ....  congregatis 
totius  regni  fui  primatibus  apud  Aldtnardam ,  paccm  ab 
omni  populo  conjuratam  firmari  fccit, 

C4)  n  mourut  Tan  IÔ35. ,  le  28.  Mai,  multo  Flandrorum 
dolore ,  dit  Buzelin ,  quos  ejus  vîrtutes  pîurimùm  afficiebant* 
Sur  la  fin  de  fon  rçgne ,  il  tira  la  ville  de  LiUe  de  l-obfcu- 
rité  où  eHe  étoit  reftée  jusques-là ,  en  y  fefant  conftruire 
quelques  murailles  propres  ai  la  défendre.  Aulfl  n'eft-ce 
qu'à  cette  époque  qu'elle  commence  à  figurer  parmi  les 
villes  de  la- Flandre. 


Guill.  Cale, 
ibid.p.  192. 

Meyer.  an. 
1030. 

Buzel.    an- 
nal.   Gai. 
Flandr.  p. 
I5<S. 

Chron.  div. 
Bav.  ad  an. 
1030. 

Hift.de  La- 
ie par  de 
Tir.  p.  35- 

Ôbfervat.     1 
furVhift.de 
Lille  p.  54. 
Buz^el.  Gai. 
Fl.  p.  460. 


Epitapïic 
dudiâ  Bau' 
douyn. 


Autre  épi- 
taphe  du- 
dia  Bau- 
douyn. 


fta4  .BAUDOIN    QUATRIEME^ 

Les  terres  fe.mifrent  à  labeur  ^  &  vîvoyeut  fe« 
fubjeéts.  en  grand  repos  &  tranquillité.  Il  fufl: 
enterré  en  Téglife  de  fainél  Pierre  lez  Gand  , 
foubs  une  bafle  lame,  fur  laquelle  eft  efcript  c^e 
que  s'eafuyt  ; 

Hoc  tumulo  tegttur  ÉaJâuinus ,  maxinia  inagni 

Arnulphi  proies  ^  hoc  tumulo  tegttur  m 
Quem  Sufanna  fibi^  genuit  regina  fuperbum^ 

Edidît  ^ puberem  quem  Sufanna  fîhi. 
Maximus  heroum  regalt  fcemate  prodit , 

Vir  virtute  potens  ^  maximus  heroum  ,y 
Defenfor  fuerat  vel  amator  hic  monachorum  , 

Ecclefîaque  Ùet  defenfor  fuerat. 
DeceJJit  médius  frinas  yunii  ante  calendai 

He  he  cito  nïmium^  deçefjtt  médius'* 
Dicito  pratertens ,  Jefu  miferere  mifelli 

Daque  piusveniam^  dicito  prateriens^ 

Qui  lignifie  en  françois  : 

Sôubs  cefte  lame  gifl  Baudowjn  magnanime 
DireStement  venu  de  grand  Arnould  fublime^ 
Qui  de  Sufanne  fufl  engendré  royne  fage^ 
YJfu  de  fan  g  royale  lequel^  en  brief  langage^ 
Fufl  puiffant  en  vertus^  Ç^  d*  un  port  héroicque 
Des  gens  d^églis*  aujfy  fufl  amy  magnificque 
Des  cloiflres  proteùeur;  la  mort  par  trop  cruelle 
Le  ravit  ajfez  tofl  de  la  vie  mortelle 
Trois  jours  devant  le  ^uing*  Or  que  tout  paffant prie 
Que  noflre  bon  Saulveur  aye  de  luy  pitié. 

Oultre  lequel  épîtaphe  s'en  treuve  encore  un 
autre  du  mcftne  Baudouyn,  efcript  contre  le 
mur,  quy  eft  à  Toppolîte  de  laàifte  lame ,  dont 
la  teneur  s'enfuyt  ;   * 

^unius  antefuas  triduo  cecidijfe  calendas^ 
Balduinum  deflet ,  ^uo  pâtre  mundus  eget. 

Jpfe  fuit  princeps  Flandrorum^  five  monarcha 
Inditus  ^  fortis  ^  regibus  ortusavis. 

Fmà 


èif    A    LA    BELLE   BARBE.   Û25 

Famâ  preclarus\  nullt pietate  fecundm  ^ 

Cujm  opum  nullus  aut  mo^m^aut  numerus^ 
Nutrivit  cives  ^  inimicos  terruît  omneSj 

Prâtvaluit  gladîô^  nec  minus  ingéniai  v 

Cultor  juftitia  5  côrreSôr  legis  iniqua  , 

Defènfor  patria  ,  filius  ecclefîa. 
Savui  Ç^  immanîs^  raptoribus  atque  fïtperbtS  : 

Sed  pius  aç  mitis^  mitibùs  atçueplis. 
Pulchrè  barbafus  ^  Bculis  vagms ,  cre  venu/fus  j 

Po/iens  confiiio  ^  blandus  &-  eloquio. 
Ptorantes  igitur  nos  te  ^  bone  Chrifte  ^  prec^mur  ^ 

Defun&o  famulo  propitiare  tûo. 

Lequel  àînfi  fe  peut  interpréter; 

^uing  lamente  la  mort  de  Baudouyn  venue  ^ 
Trois  jours  devant  fon  règne;  Ç^  (Poutre part  le  ^ondé 
Regret  avoir  p&du  fon  phre  ^  auquel  abonde 
Toufe  perfeStion ,  â?  duquel  feeourue 

Toute  perfonne  eftoit  touijours  en  fa  mifère. 
Cont^  &  monarch*  il  fut  de  Flandre  P  excellente. 
Jlluftre^  courageuse^  ê?  '/^'  ^^  defcente 
Du  fang  despuijfants  roys^  &  très-nobP  &fyncère4 

Du  grand  renom  duquel  ^ plein*  eft  toute  la  terre\ 
Lequel  foit  en  bonté  ^  douceur  ^  ou  autre  grâce  î 
A  perfonne  ne  ceâ*  ^  Çf  quant  à  fa  richeffe 
Elle  fut  &fans  nombr\  &fansjfn^  &  fans  ordres 

Il  a  long  temps  nourry  fes  vajfaux  en  heureufc 
Et  abondante  paix  ;  fes  ennemis  farouches 
n  a  femblablement  défaià^  domme  des  mouches  ^ 
Le  tout  par  fon  ejprit^  &"  main  fiàorieufe. 

Il  a  tàusjours  efié  zélateur  de  Jti^icej 
Diligent  corredleùr  de  toute  loy  inique. 
PtoteBeur  de  p  tefr*  ^  défenfiut  unicqùe^ 
Humble  fils  de  Péglife  &  dévot  &  propice.  c^^^%tl 

Contre  les  fiers  ^  cruelz^  &  les  abbominables  aouyn  à  la 

il  s^a  monflré  félon  (a)  &  fans  mifériçordè ,  *     belle  Ba^bc# 


ia^  Ttaîtrt ,  mais  ici  il  doit  figniûer  crml  où  impiioyabU^ 

S 


Trefpas  de 
madame 
Ognie  de 
Brabant , 
feinme  du 
conte  Bau- 
douyn. 

Bpitaphe 
de  ladiâe 
dame* 


Epîtaphe 
de  madame 
Gifle,  fœur 
de  ladiae 
Ognie  de 
Brabant. 


n26   BAUDOIN   QUATRIEME^ 

Mais  aux  doux  Ç^bénings  ennêtnis  de  chos^  orde  (a)  , 
Gracieux  il  eftoit ^.clément ^  humbV  ^affable. 

Une  barV  il  avait  longu\&  très-bienféantCy 
Une  proportion  de  corps  de  bonne  grâce  ^ 
Avec  les  yeux  riants ,  ^  une  belle  face , 
Un  efprit  fort  fubtil^  &  la  langu"  éloquente. 

Parquoy  nous  te  prions^  6  ^ifus  débonnaire ^ 
Que  ce  ferviteur  tien  ^  pré ferver  il  te  plaife 
Be  la  mort  éternelle^  ^  ardante  fournaife^ 
Le  collocqùant  Qi)  près  toy  enta  célefte  gloire^ 

Auprès  dudicft  Baudouyn  gift  madame  Ognie  fa 
compaigne,  laquelle  fina  fesjours^au  mois  de  Feb- 
vrier  en  Tan  mil  trente,  &  eft  fon  épitaphe  tel: 

Praferiens^  mi  fer  ère  meij  qui  vis  mifeteri^ 
Atque  mihi  requiem  tuque  depofce  piam. 

Nona  dies  Martis  me  tranftulit  ante  calendas^ 
Odgana  jun£ta  fm  Bàlduino  Domino* 

Ce  que  tranflaté  en  françoîs,  fîgnifie: 

Quiconque  pafs^  icy prendant  pitié  de  moy 
Prie  que  repofer  je  puijfe  fans  efmoy  (r). 
Neuf  jours  devant  le  Mars  de  ce  monde  paffa^ 
Odgne^  queBaudouyri  en  fon  temps  efpoufd. 

En  la  mefme  chapelle,  guerres  loîng  defdidla 
conte  &  contefle,  eft  pareillement  ^enterrée  ma- 
dame Gifle  (^,  fœurde  ladiéle  Odgnie,  laquelle 
fit  en  fon  temps  plufieurs  grands  biens  audîdl: 
monaftère  de  fainft  Pierre ,  où  elle  gift  foubs  une 
petite  lame,  fur  laquelle  eft  efcript  ceft  épitaphe î 

Fœmina  vtrtutis  jacet  ijlo  Gifla  fepulchro  ^ 
Qua,  fub  Apojlolicis  rite patroclnlis  ^ 


Ça)  Honteufe. 
i¥)  Plaçant. 


(c)  Trouble ,  émotion» 
Cd)  Ou  Gîjaic, 


fiif    À    LÀ    BELLE    BÀRBÈ.  à2# 

Ùecejfit ,  yunti  duodenas  antè  calendas , 
niuc  tune  redfens ,  venerat  unde  priusi 

Ce  qu'ainfi  fe  peut  ipterpréter  en  rime  Françoife  : 

GiJJe  cy-deJPoubs  gifl  de  vertus  bien  pourveu^e , 
Quy  mourut  fainùement  fouhs  la  Foy  catholique  9 
Douze  jours  aeyant  Juing  ^retournant  fans  répliqué 
■Au  lieu  duquel  premières  (a)  ,  eir  efîoit  defcendue. 

CHAPITRE       XXXIX. 

Comment  &  pourquoy  le  conte  Baudouyn  fit  guer- 
re  à  V empereur  Hpnry  ,  fur  lequel  il  prend  la 
conté  d  Alofi  ^  ^  de  la  paix  qu'*h  fon  granà 
avantage  ledit  Baudouyn  fit  avec  le  fusdi£t  em* 
pereur. 

BAudouyn  lë  Dél>onnaire  (i),  ^liàs  de  Lille  ^ 
emprint ,,  après  le  déqez  de  fou  père  Bau- 
douyn à  la  belle  Barbe-^  le  gouvernement  de 
Flandre,  en  Tan  mil  trente  &  quatre  (2).  Il  ne 
fufl:  que  le  feptiefnie  conte  de  Flandre  ,  encore 
qu^il  foît  fur  fa  tombe  nombre  pour  unzième. 
Car  Lyderic ,  Inghelraii ,  iiy  les  autres  ne  furent 
contés  5  ains  forefiiers  dudîft  Flandre  9  comme 
pourrez  avoir  cognu  par  noftre  précédent  dif- 
cours.  Il  fuft  appelle  de  Lille  pour  les  fonda- 
tions qu'il  fit  îllec,  &  quMl  fuft  enterré  en  la- 
dite ville  ;   mais  le  furnom  de   Débonnaire  luy 


L'an  iÔ34i 


Baudouyn 
de  Lille , 
al/àsle  Dé* 
bonnaire , 
|)ourquoy 
ainfi  ap- 
peUé. 


Ca^  D" abord, 

CO  En  parlant  de  Temperelir  Louis  le  Détonnaîré , 
Pafquier  dit  que  ce  mojt  impliquoit  fous  fol  je  ne  fais  quoi 
du  fot.  Ce  n'eft  pas  dans  le  même  fens  qu'il  faut  entendre 
ce  furnom  donné  à  Baudoin  de  LiDe.  Il  fi^ifie  ici  le  Bon 
ou   le  Bienfefant ,  Benignus. 

(2)  Nous  avons  dit  dans  la  note  dernière  du  chapîtrô 
î>récédent ,  qu'il  étoit  moft  en  103^. 

S  a 


les  enfans 
de  Bau- 
douyn  de 
LiUe* 


La  reine 
Emme  , 
douaigière 
d'Apgleter- 
re,  vient  en 
refuge  vers 
le  conte 
Baudouyn , 
qui  la  re- 
çoit &  en- 
tretient hu- 
mainement. 


«a«    BAUDOIN    CINQUIEME, 

fuft  acquis  au  pioyen  de  fes  grandes  &  excelletr^ 
te^  vertus.  Il  fuft  marié  ,  félon  que   cy-deffus 
avons  déduiét,  à  madame  Adèle  de  France,  fille 
du  roy  Robprt,  dift  Capet ,  de  laquelle  il  euft 
deux  fils,  lesquels  fucceflîvement  ont  depuis  efté 
contes  de  Flandre ,  fçavoii-  Baiidouyn  de  Mons 
&  Robert  le  Frifon  ,  &  une  fille   nommée  Mé- 
hault,  qui  fuft  mariée  à  Guillaume,  dnc  de  Nor- 
mandie &  depuis  roy  d'Angleterre  (3).  Il  fut  à 
xraufe   de  madame  Adèle  fa  femme  ^  tuteur  & 
bail  Qa)  premièrement  du  roy  Henry  de  France , 
&  après  de  Philippe,  fon  fils,  dîft  le  Premier (4)  , 
&  en  cefte  qualité  fut  faift  &  créé  régent  de  la 
couronne  de  France,  à  raifon  de  quoy  ne  con- 
vient douter,  qu'il  n'ayt  en  fon  temps  eu  plu- 
fleurs  grandes  aflaires  audift  royaume  de  France, 
encore  que  les  hiftoires  dudift  France  n'en  faf- 
fent  guerres  de  mention.  Au  commencement  du 
règne  de  ce  Baudouyn,  la  royne  Emme  ,  vefve 
de  Cuilet  (h)^  roy  d'Angleterre,  ^&  fille  du  duc 
de  Normandie  ,  efguîllonnée  du  bruîft  qui  par- 
tout voloît  de  rhumanîté   &   courtoifie   dudid 
Baudouyn,  fe  retira  en  refuge  vers  luy ,  lequel 
la  receut  moult  bénignement,  luy  fajfant  toutes 
les  carefles  ^  honneur  &  bon  traiftement ,  dont 
il  fe  pouvoit  advifcr,  &  Tentretîht  en  cefte  forte 


Hift.  des 
rév.d'Angl. 
t^  I.  p.  9S' 

V.  95. 


(jo)  Gouverneur* 


C*)  Canut  le  Grand. 


(3)  Le  premier  éditeur  de  râ^)régé  ,  intitulé   Flandria 
generofa^  tiré  des  manufcrits  de  l'abbaye  de  St.  Ghifl^in, 
dit  qu'outre  Ces  trois  enfans ,  on  en  donne  d'autres  i,  Bau- 
doin, Judith,  Ide,  Udon,  Henri  &  Arnold.  Judith  époufx 
Thofton,  frère  d'Haralde ,  roi  d'Angleterre. 
^  Les  frères  de  Ste.  ^iarthe  difent  qu'Ide  fut  mariée  à  Lu- 
dolphe  de  Saxe ,  qu'Udon  ou  Odon  fut  fait  archevêque  de 
Trêves.  On  ne  fait  rien  d'Arnold.  Quant  à  Henri ,  il  pa* 
roît  être  mort  jeune. 
C4)  Voyez  la  notp  ^  du  chapitre  précédent,  p»  toz. 


ou     D  E     L  I  L  L  £• 


A19 


^  trois  ans  continuels  en  fa  ville  de  Gand  &  juf- 
ques  à  ce  qu'eftant  advertie  du  trefpas  dû  royHa- 
ToUus  (a)  d'Angleterre,  fon  beau- fils  (5)  ,  lequel 
l'avoit  enchaffée  avec  fcs  deux  enfans  hors  du- 
dîft  Angleterre ,  elle  retourna  audiâ  royaume  , 
où  fes  enfans  régnèrent  depuis  bien  bonne  efpace. 
Aucun  temps  après,  fi  comme  en  Tan  mil  qua- 
rante-fix  fe  meut  une  merveîUeufement  grande 
guerre  entre  l'empereur  Henry  ,  dift  le  Tiers  ,  trc  Biu- 
&  Baudouyn  le  Débonnaire,  conte  de  Flandre,  douya  & 
qui  dura  longuement  &  caufa  plufieurs  maux 
audift  pais  de  Flandre ,  encore  que  je  n'aye  fou- 
venance  d'avoir  trouvé  le  motif  &  occafion 
d'icdle  guerre ,  fy  ce  n'eft  le  parentage  &  al- 
liance mutuelle  qui  eftoit  entre  ledit  Baudouyu 
-&  Godefiroy,  duc  de  Brabant,  fumommé  k  Har- 


L*aii  lojfi. 


l^emperejic 
Ueary. 


t^iz)  Haraîdc. 

Cs)  Haralde  étoit  fils  de  piout  &  d'Aluinc.  Après  k 
mort  d*AIuine ,  Canat  avoit  épouTé  Emma ,  veave  en  pre^ 
mières  noces  d^telrède  du  qnel  eUe  avoit  eu  Alfrède  et 
Edouard  furnommé  le  Simple  ou  le  Saint.  Emma  avoit  été 
obligée  de  fuir  d*An£(leterK  pendant  le  xegne  d*Haralde. 
Succedit  (^Canuto^  Harotdus  filius  ejus.  .  •  •  Ihc  Emman 
reginam  novercam  fuam  de  Jnglid  efugtpoit  in  Ftandriam. 
Emma  étolt  fiOe  de  Richard  premier ,  duc  de  Normandie. 
Malheureufe  pendant  une  partie  de  la  vie  de  fon  premier 
époux ,  eUe  le  fut  davantage  encore  pendant  le  règne  de 
fon  fils  Edouard.  Le  comte  Oodwin ,  miniflre  de  ce  prince 
fit  qui  vottloit  régner  defpotiquement  fous  le  nom  de  foa 
maître,  accufa  cette  princeflc  de  lilufieurs  crimes,  entre 
autres  d'avoir  confpiré  contre  fes  propres  enfans  flc  d'avoir 
im  commerce  illicite  avec  un  évéque.  Edouard*  eut  la  foi- 
blefle  de  le  croire  &  de  permettre  que  ià  mère  ié  foumk 
i  l'épreuve  du  feu,  manière  de  judification  fort  ufitée 
alors,  y^  La  prîncefle  fut  tirée  de  prifon  pour  marcher  fur 
y,  éts  fers  ardens ,  it  H  ^e  d'une  multitude  innombrable 
„  de  peuple ,  qui  admira  fa  fermeté  &  reconnut  ia  Tenu  ^ 
^  «n  la  voyant  marcher  nuds  pieds  fur  ces  fers  tout  rou- 
«  S^s  de  feu ,  fans  en  recevoir  aucun  dommage  ^ . 


Oifon.  ^tt 
Guill.  Go- 
deU.  Rec. 
des  hift.  de 
Fr.  t.  io.  p. 

Ibid.   p. 
iC!7.  n.  ^ 


LeP.d'Or- 

lépns,  hilL 
des  rcvol. 
d'Angkt. 
c.  1.  p.  ^ 


Brflchati 
tum,maln 
wnamEcn 


^30  .BAUDOIN    CINQUIEME, 

dyl  m»  de  Gocelon,  fiU  de  Godcfroy  d'Ardctr 
ne»,  qui  fuft  marié  Ji  madame  Méhault ,  grand'-, 
mère  de  Haudouyu  à  la  belle  liarbe ,  &  lequel 
'  Godefroy  audiét  temps  eftoit  en  mortelle  guerre 
contre  ledit  empereur  Henry,  à  railbn  quMl  luy 
Tefufoit  la  duché  fur  Me^cellc  W ,  que  Goçclon, 
fon  père,  avoit  tenue  avec  ladite  duché  de  Bra^ 
bant  (6).  Laquelle  duehé  néantmoinn   il  réduift 
aflez  tort  foubft  Ton  obéiffancc,  &  occift  le  duc 
Olbcrt  ib),  qui  occupoit  Icdiét  paÏH,  Comme  aulFy 
d^autre  cofté  le  conte  Baudf>uyn  molcrtoit  gran- 
dement ledi^l  empereur  es  tcrr^*»  qu^il  avoit  guer- 
re» loing  de  la  ville  d*Audent\rde,&  fignamment 
en  éellc«  qui  eftoycnt  (ituée»  entre  le»  rivière» 
de  rKfcauU  &  la  Tenre  (^  ,  qui  pour  lors  fc 
nommoyent  Brabant ,  &  font  le»  mcfme»    que 
maintenant  nou»  appellon»  la  conté  d  Alotl,  le»- 
quelle»  toute»roi»  n'eftoycnt  de»  appertenanccs 
de  Brabant,  ain»  de  cclk»  de  Lotrlcc.   Auqud 
paï»  lediék  Baudouyn    exploita   tellement   qu  i! 
print  &  ruyna  le  chattel  dUCcnham  appelle  Bra- 


(/?)  Moselle, 

(h)  Mcrt  d'ÂtttrlcÎH ,  fclon 

leium,  (i  d'Mfaccfdon 

Ut  autr6$, 


00  La  Dctidre,  Tcncra,  ri' 
v/èra  qui  prend  j'u  /hurcc 
prh  d6  CQtîdd  en  ifayttauf 
i^  va  f(i  jct$r  dam  t'iifcau$ 
à  Ucndirmonde* 


PUndr,y,P' 


(6)  LVmpcrcur  llcnri  III.  ftvolt  promU  h  (îoOtfroi  fur* 
nommé  le  Ihrdl  ou  le  liarhu  le  duclu*  Uc  la  baif'c  Ix^rrainc 
qiuî  podiidoU  (iothclon  premier  l'on  pcre.  Apre»  la  mort  de 
ccUil'Cl  urrWéc  en  1043,,  llenrl  aulieu  de  remplir  fa  |»ro- 
mcllls  dimna  le  diiclu^  à  (ioilielon,  IVêre  puîné  de  (k>dc. 
rroi.  Celui-ci  étant  morr  ^  an*  apr^rt,  Frédéric  de  ï.uxctn- 
bourK,  l'rerc  de  Henri,  dm-  de  IVavlèrc  ,   obtint  ee  jluché. 
GodeiVol  piqtié  de  fc  voir  uinii  trompé  par  l'empereur ,  leva 
rétendard  de  la  révolte,  6c  entraîna  dan«  l'on  parti  licrman» 
tfomta  de  Uaynaut,  Thlerri,  due  de  Frifc,  6c  Baudoin  qui 
fttiiit  cette  occafion  d'étendre  fc#  domaliwa  fur  le»  terre» 
impérlale«i  * 


ou     DE     LILLE. 


ftSï 


chantum,  en  la  riiyne  (a)  du  quel  chaftel  il  fit 
depuis  édifier  un  monaftère  de  moines  noirs  ,  & 
pour  tenir  ladîdle  terre  en  fubjeftion ,  fit  foire 
un  autre  chaftel  en  la  ville  d'Audenarde.  Brief^ 
il  befoigna  de  forte  qu'il  s'inveftit  de  tout  le 
fusdit  pais ,  lequel  annexé  à  fon  domaine ,  mar- 
cha en  grande  diligence  contre  le  chaftel  de  Gand, 
qui  avoit  au  temps  de  Baudbuyn  à  la  belle  Barbe, 
efté  prins  par  Tempereur  Henry  le  fécond ,  & 
lequel  tenoit  encore  pour  lors  le  party  dudit 
Henry  le  Tiers.  A  la  garde  du  quel  fe  commet- 
toyent  ordinairement  des  grands  perfonnages  , 
qu'on  appelloit  contes  fans  queue ,  comme 
;|voyent  efté  les  contes  Wycmannus ,  Lambertus 
&  autres ,  &  s'applicquoyent  à  Tentretenement 
dudia  chaftel  les  quatre  villes  fubféquentes  ;  fçï\- 
voir,  Axelles,  Hulft,  Bochout  &  Affenède.  Le 
conte  Baudouyn  venu  devant  ledift  chaf- 
teau,  fit  affeoir  foti  camp  entre  Lys  &  TEfcault 
en  la  mefme  place,  où  la  ville  de  Gand.eft  pré- 
fentement  fituée  ,  &  en  laquelle  n'y  avoit  lors 
autre  chofe  que  une  bien  petite  chapelle  confa- 
crée  au  nom  de  fainét  Jean.  Et  aprèsNavoir  tenu 
quelque  efpace  de  temps  fon  fiège  devant  lediél 
chafteau,  il  le  rengea  finablement  à  fon  vouloir, 
eftant  à  ce  aydé  par  la  fubtilité  d'un  gentilhom- 
me nommé  Lambert ,  lequel  en  récompenfe  du 
fufdkt  bon  fervice ,  le  conte  Baudouyn  fit  ^ 
créa  premier  vifconte  chaftelain  perpétuel  d'ice- 
luy  chaftel  (7).  Sy  commonça  dès-lor$  la  ville 


Chaftel  en 
Audentrde 

Conte 
d'Aloft  à 
Flandre. 


Contes  fans 
qiieuc. 


Le  chaftel 
de  Gand 
afliégé   par 
le  conte 
Baudouyn. 


Lambert, 
premier 
vifconte  6c 
chaftelain 
perpétuel 
du  chaftel 
de  Gtnd« 


(/«)  Sut  Us  ruines. 

(7)  La  chronique  de  St.  Bavon  raconte  de  la  manière 
fuivante  radrefle  dont  ufa  Lambert  pour  s'emparer  de  ce 
château:  In  fan^o  autem  fabbatbo  Pafcbit ^  pennU  exercitu 
difcejfttm  &  ad  fuà  rcdUum ,  monuit  cornes  ut  prfàs  contra 
^ppidanos^  n$n  fe^nm  facerent  impctum.  Jijta  faâo  >  oppi* 


I  Le  conte 
Baudouyn 
faid   Gaad 
fiennei 


Cïand  des 
plus   gran- 
ités &  ma- 
gnifiques 
villes  de 


13»     BAUDOIN    CINQUIEME, 

de  Gand  à  fe  multiplier ,  &  croiftre  en  édifices  ^ 
à  raifon  mefmes  que  le  conte  Baudouyn  oftafl: 
dudiét  Gand  plufieurt  fervitudes,  la.  foulageant 
de  beaucoup  d'autres  charges  que  le  conte  Ar«- 
nould  y  avoit  piifes ,  &  fit  ladifte  place  fienne^ 
Laquelle  par  fucceffîon  de  temps  eft  tellement 
augmentéjè,  que  Ton  peut  pour  le  jourdhuy  la 
mettre  au  rang  des  plus  amples  &  magnifiques 
villes  de  toute  rJSurppç.  D'autre  codé,  l'cmpCf 


4ani\  concifo  in  particuîas  dtmldh  hacone  (  quem  folum 
nec  quidquam  ampUùs  IH  ciho  habchant  )  fcbdabant  fcntc^ 
pignantîum,  Qïia  res  cxanimavH  cotmtem;cb  qubd  eos  ahun- 
dure  cibarîh ,  ncc  capi  poffi  nifi  per  famefn ,  estifimaret. 
itaquc  incenfis  lodlis  difctjftrunt ,  Q^ujdam  LumhùHui  ,  aliit 
fcflinantibus  ,  fe  fubtrahem  fapihsquc  fej^icieMS  vidit  dt 
J'uburhh  cajlelfi  muUcrculam  cum  vafc  haurltorh  ad  Legiam 
defccndcre ,  concitatoquc  equo  rcvcrti  volent  cm  praripuii  , 
'dîligentef  qvid  agerttur  in  opptdo  fcifcitatm,  Cumqut  ptr- 
territa  diù  hareret ,  promtfo  et  tandem  pretio  ,  oonfejfa, 
ell  HCC  unius  diei  cîbum  eis  fupcrfuiffe,  Muncratd  Snox  mu-r 
lier 6^  comîtem  fubfequUur  ,  adjunciisque  fibi  fautoribus  ^ 
poflulat  comitem  auod  ncc  hqluit  ^  nec  forth  habtturus  erat. 
tDncîamantihus  ali/s  ,  id  facile  &'fme  damno  pojfc  darl 
^uod  nec^  haberetur,  nec  haberi  pojfet  ;  ajfcnfim  prabtùt  co- 
pies. Igitur  Lamhertus  caflellum  Hondum  captum  fibi  & 
pofteris  harçditnrio  jure  ,  fub  Uc  condUlone  pofiulavit  r 
quateniis  c^ftelli  fuo  Ipibore  acquifiti  cornes  effet  cornes  ^ 
dominus  ;  ipfe  verb  procnrator  (^  cajiellanui.  Ordtnutd  igi- 
tut  lege  ^  cP  qua  deinceps  inter  eoi  tcnenda  Jufiitid  ,  caflel»^ 
lùm  necdum  habittm  vomes  tribuît ,  Lambertus  fufccpit. 
lUc  tujlellnnia  per  totam  Flandriam  folà  tum  erat  harcdit 
tari^,  Lambertus^  petit is  ô?  acc^ptis  quibusdam  milttibus^ 
tubisque  qtifdfi  ad  pugna)n  intcrclfo  fonitn  clângentibui  s  >*«• 
vertitur^  lodiis  inflaurat^  armât  ptilites  in  pugnam^  infuU 
tationeî  magnificat  ;  fuis  geftibus  comitem  rcdiijfe  ^  adejfc 
fnfimulatk  Oppidani  auttm  famé  capti ,  me  ullum  fperante% 
fubfidium  ;  mûximh  timoré  comttis  quem  rcvcrfmn  arbitra^ 
bantur,  pertcrriti  ^  ncceptd  paèe  Ôf  lîbertnîe  egtcdiendi^ 
ànfiellum  reddJdernnt,  Ce  fait  cH:  attribué  dnns  la  chronique 
ail  règne  d'Arnoul  le  ridl\  mais  il  appartient  évidctm 
itient  à  celui  de  Baudoin  de  Lille.  CVll  l'opinion  dtt 
Mc.jierus  »  de  Marchantius ,  de  Lindanus  ôc  du  favam  Kluyt» 


^cr     JbE     LÎLLE. 


^33 


ireûT  Henry  advertî  du  domage  que  le  conte  Bau- 
douyn  luy  avoît  faift,  &  de«  places  que  fur  Tem- 
pire  il  avoit  eonquifes,  fit  aflembler  le' plus  de 
gens  que  luy  ftlft  poflîble,  avec  lefquds  marcha 
en  grande  diligence  vers  le  païs  de  Flandre, 
prendant  fon  chemin  par  Arkes  près  de  faînft 
Omer,  en  intention  de  defcendre  d'illec  2MtVeft- 
quartier  de  Flandre  ;  mais  le  conte ,  qui  cepen- 
dant ne  dormoit,  aîns  avoit  continuellement  les 
aureîUes  dreffées  pour  toutes  advenues,  fe  dou- 
tant de  la  délibération  de  l'empereur,  y  prévint 
&  remédia  par  tranchées  &  fofles ,  que  d'une 
'  dextérité  merveilleufe  &  diligence  incroyable  il 
fit  faire  en  moins  de  trois  journées,  lefquelles 
fe  peuvent  encores  aujôurd'huy  veoir  de  la  lon- 
gueur &  extendue  de  trois  lieues  ou  environ, 
tellement  qu'obftant  le  brîef  &  bon  ordre  que 
ledift  Baudouyn  mit  à  foffoyer  comme  deflus, 
la  defcente  dudift  einpereur  au  Weft quartier  ^  ne 
fuft  feulement  empefchée,  mais  (<lue  plus  eft.) 
fuft  lédiél  empereur  contraint  foy  retirer  dudiâ 
païs  âflez  plus  haftivement,  qu'il  n'y  eftoit  def- 
çendu  (8).  Auquel  auffi  lediâ  Baudouyn,  fécondé 


Defcente 
de  Tempe» 
reur  Henry 
en  Flandre. 


L^  conte 
Baudouyn; 
pour   em- 
pefcher   la 
venue  de 
l'empereur 
au  Wefi' 
quartier  , 
faid  en 
trois  jours 
faire    une 
foflederex» 
tendue  de 
tipis  lieue$» 


(8)  Iperius  donne  neuf  lieues  d'étendue  à  ce  fofTé  ,•  ce 
fîtii  rend  la  chofe  plus  étonnante  encore  ,  puisque  ,  felou 
lui ,  l'ouvrage  fut  achevé  dans  l'efpace  de  trois  jours  &  de 

trois  nuits  :  Henficus  III. exeréhum  ftr  Tornacufn 

diicens^  bàc  acccjftt  ut  per  bas  partes  Flunâriam  intraref, 
Balduinm  cornes  hoc  prafentiens  ,  populum  fuum  undique 
eoUe^it  &  foj/ato  Flnndriam  cktudi  ftcit  ah  iîîd  parte  ^  quod 
fojfatum  fer  novem  kucas  in  longum  dacçns ,  td  eft  à  ct.flro 
de  Urhoult  ufquz^  ad  Bafeiam  in  folis  tribus  diehus  âf  noBi^ 
bus  confummavit  fif  ibidem  imperatori  rtftitit,  Admirans 
^mperator  fortatitium  &  multîtudinem  armatorum  ,  t'iâ 
quâ  yenerat  recejftt.  Ce  long  retranchement  fépare  encore 
anjourd*hui  la  Flandre  de  TArtois.  ^  Ces  fortes  de  défen- 
^  fes  étoient  k-pen-près  les  feules  que  l'on  connût  alors  & 
„  peut-être  les  feules  dont  on  eût  befoin  ,  "parce  qu'il  n'ctoit 
I,  quedion  ^ue  d'arrêter  les  courfiçs  de  fes  YOifius.>, 


C.  34* 


Hiiloire  de 
Lille  par 
L.M.p.50. 


f.a  ville  do 
Verdun 
hruiUi:  par 
hh  Fia-' 
mcn». 


IvCiprinccii 
chrcdlen» 
reprin»  b 
raifon  (ks 
guerrei 
qu*iU  n'en- 
treront & 
IcMiuelle» 
llff  de- 
vroycnt 
convertir 
contre  le 
Turc. 


•34    BAUDOIN    CINQUIEME, 

4u  fufdiAduc  de  Brabant  (lefqucU  pour  femblabla 
accident  avoyent  leurs  gcnts  pre(l8&  appareiller:^ 
chauflcrcnt  les  cfperons  de  (i  près,  que  ladiéte 
recraidc  rerembloit  trop  mieux  une  vile  &  hon* 
teufe  fuite,  que  tout  autre  chofe.  Et  qu*ainG 
fuit,  ils  entrèrent  en  pourfuyvant  ledift  Erope* 
reur  dans  la  ville  de  Nymweghe,  où  ils  brudc^ 
rent  fans  aucun  contrediéi:  ou  réfidence  le  palai» 
dMceluy  empereur.  Et  de  ce  non  contents ,  cntre^ 
rent  peu  après  en  fa  ville  de  Verdun ,  en  laquel- 
le ilfi  mirent  femblablement  le  feu,  lequel  full 
tant  véh(Jmcnt,  quMl  ne  fufl:  polTible  d'cxemter  de 
la  violence  d'içcluy  la  grande  églife  de  noftre  Da^ 
me  ctlant  audiék  Verdun,  laquelle  pourtant  avec 
ladlétc  ville  fuit  arfdc  (a)  &  confummée  (9).  Ce 
font  les  livr^îes  (b)  6c  fruifts  des  guerres  que  les 
princes  chreftiens  s*entrefont,  lefquelles  néant- 
moins  ^&  avec  aflez  meilleur  raifon  ils  devroycnt 
convertir  contre  les  Turcqs,  à  Tabolitlon  de  leur 
malhcurcufe  loy  &  créance ,  &  exaltation  de  nof- 
tre  fainfte  &  vraye  religion.  Dieu  quand  fon  bon 
plaifir  le  portera,  les  infpirera  autrement,  &  leur 
mettra  devant  les  yeux ,  fie  le  blâme  &  le  chaftoy 
qiiMls  méritent,  en  confumant  leurs  forces  &  les 
appliquant  à  reflufion  du  fang  chrerticn,  lefquel- 
les ils  font  oblige;?  d'employer  à  la  ruyne  des 
mefcréants  pour  rafleurancc  &  confervation  des 
fidels.  Pour  retourner  donc  à  noftre  propos,  le 
conte  Baudouyn  &  le  duc  de  Brabant,  après  le 


(a)  BriUéc ,  (i^  latin  ardcre.     (/*)  lUcompcnfa ,  fuHct, 

Cp)  ^>^x^  Invafion  de  Baudoin  éc  de  fon  allié  dan»  la 
LotlwrlnKic  eut  lieu  Tan  1047.  ,  tandlu  que  rinvaflon  de 
Henri  fur  le»  tcrren  du  comte  de  Flandre  •  dont  U  cil  parlé 
daUN  la  note  prdc(Jdente,  appartient  tiTanni^e  1053.  (*cn'c(l 
pou  la  première  loi»  qu'Oudcgherft  a  rcnvcrft  Vwrdre  chro- 
nologique àfi%  événemeni., 


ou 


DE      LILLE, 


^3* 


fufdicJ:  expioîél  exécuté  de  la  rigueur  qu'avez  en- 
tendu,  retournèrent  chafcun  en  leur  quartier, 
bien  délibérez  de  mettre  pour  Tadvenir  une  telle 
&  fi  puiflante  armée  fus  ciu'ile  auroyent  moyen 
de  faire  tefte  audift  empereur ,  &  à  fes  adhérents  ; 
de  forte  que  veu  les  termes  &  le  chemin  que  la 
fufdifte  guerre  fembloit  prendre,  on  ne  pouvoit 
attendre ,  qu'/une  afleurée  défolatîon ,  &  ruyne 
manifefte  de  tout  le  païs,  fi  Dieu  par  famiféri- 
corde  n'y  eufl:  remédié:  lequel  à  ceft  efFeft,  fuf- 
cîta  le  pape  Léon  Iç  neufième ,  qui  lors  préfidoit 
au  fainft  fiège  Apoftolicque,  &  auquel  ces  fédi- 
tions  &  tumultes  entre  les  princes  chreftiens, 
revenoyent  merveilleufement  mal,  &  non  fans 
caufe;  car  il  confidéroyt  que  par  le  moyen  d'icel- 
les ,  les  forces  des  adverfaires  de  noftre  foy  fe 
nourriflbyent,  avec  grande  diminution  &  affoi- 
Wiflement  des  noftres.  Qui  fiifl:  la  caufe  que  pour 
tant  mieux ,  &  plus  commodieufemeut  y  obvier , 
le  bon  fainél  père  &  vigilant  pafteur,  defcendit 
vers  l'empereur.  Et  après  avoir  difpofé  le  cœur 
&  volonté  d'iceluy  à  toute  bonne  paix,  accord 
&  tranquillité,  il  s'addreffa  audift  Godefroy,  duc 
de  Brabant,  lequel  il  perfuada  tellement,  que 
s'efl:ant  accordé  avec  ledift  empereur  Henry,  il 
renonça  à  toute  l'amitié  ,  confédération  &  al- 
liance, qu'il  avoit  jufques  lors  eue  &  gardée' au- 
dift  Baudouyn ,  au  cerveau  duquel  ne  fuft  onc- 
ques  poflîble  audift  fainél: père, d'enfoncer  aucune 
volonté  de  paix  ou  appoinftement.  Tant  eftoit 
grand  le  mal  talent  qu'il  avoit  conceu  contre  le 
fufdift  empc^reur,  lequel  adverty  &  grandement 
Indigné  de  l'obftinée  inimitié  que  le  conte  Bau- 
douyn luy  portoît,  envoya  peu  après  unegrant 
de  armée  vers  le  païs  de  Flandre,  moyennant 
laquelle  il  prinfl:  beaucoup  de  nobles  &  autres 
gens  de  bien  de  Flandre  prifonniers.  Tputesfois 
par  l'entre-parler  &  interceflîon  de  plufieurs  prin* 


Voyage  du 
pape  Léon 
IX.  vers 
Tempei^eut 
Henry. 


fkïx   entre 
reropercur 
-Henry,  & 
le  conte 
Baudouyn. 

L*tn  1049* 


Tcrrcfdon- 
nécs  par 
Tcmpcrcur 
Henry  au 
conte  Bau- 
djouyn  pour 
les  tenir  de 
Tempire. 


wSigeb. 
1049. 


an. 


£36    BAUDOIN    CINQUIEME, 

CCS  &  grands  varons,  (//)  tnnt  d*un  codé  que 
d'autre,  Ton  conceut  finablcincnt  une  certaine 
forme  de  paix  entre  ledift  empereur  &  le  conte 
Baudouyn,  laquelle  peu  après  fuft  confirmée  & 
ratifiée  par  iceluy  empereur,  en  fa  ville  d*Aix  en 
Allemagne,  en  Tan  mil  quarante-neuf ,' &  fuyvant 
le  traiélé  d'icelle  paix  Jos  prifonniers  que  delfus , 
furent  rendus  fans  aucune  i*ançon  au  conte  Bau- 
douyn ,  lequel  Tempereur  à  Thcure  mcfme  fit  fou 
homme  de  fief,  luy  accordant  &  donnant  toute 
la  terre  qui  fe  diél  maintenant  la  conté  d'Alofl:, 
enfemble  les  quatre  meftiers ,  les  yfles  de  Wal- 
chère,  Noortbcverlandt ,  Zuutbeverlandt,  Borf- 
fèle,  &  tout  ce  qui  eft  entre  Iledinzife,  &  TEf- 
cault,  dcfquelles  le  conte  luy  fit  aufli  hommaige, 
promettant  les  tenip  pour  luy,  &  fcs  fucceflTeur» 
perpétuellement,  en  fief  &  hommage  de  Tcm- 
pire  (10). 


(10)  Baudoin  fc  fournit  en  effet  ,  &  la  paix  fut  f^ét 
k  Aix-la-Chapdlc  l'an  io\<)/ Balduinus  ^  conâi&o  die  nquis 
imperatori  fatisf'eclt.  Mais  ce  ne  fut  que  8.  ans  après ,  que 
la  ceOion  importante  dont  il  cft  pttrl(i  ici  eut  lieu ,  la  pre- 
mière année  du  règne  de  Jicnrl  IV. 


e    H    A    P    I    T    R    E 


X  U 


De  la  cùnquefiâ  de  Uainault  faiSie  par  le  conte  de 
Flandre  ^enfemble  des  guerres  qu'ail  euft  contre 
ceux  de  Brabant  ^  fîf  contre  V empereur  Henry  ^ 

^  de  la  fin  defdiùes  guerres. 

BAudouyn  ]e  Débonnaire,  après  la  paix,  telle 
que  defiTus,  fuicTte  &  contniiéléc  avec  Tcmpe- 
reiir  Henry  le  Tiers,  fi  grandement  à  fon  avan- 
tage, fc  retira  en  fon  païs  ofi  il  demeura  pour 


jCtf)  Barons  ^  fcï^neun. 


oo     DE     L  ÏL  t  E^ 


^T 


quelque  tems  paiHble  &  fans  aucun  tumulte  ds 
guerre  ;  ce  que  néantmoins  dura  bien  peu,  pour 
autant  que  ayant  entendu  le  trefp.as  de  Herman , 
conte  de  Hainault  ^  lequel  advînt  en  Tan  mU. 
cincquante  &  un ,  il  entreprînt  la  conqueftc  du- 
dia  pais  de  Hainault,  je  ne  fçay  toutesfois  foubs 
quel  prétext  &  à  quelle  occafion  (0*  Tant  y  a 
qu'il  euft  incontinent  mis  fus  une  bien  belle 
armée ,  avec  laquelle  il  entra  audiâ  pais ,  lequel 
il  réduift  facilement  &  en  petite  efpace  foubs  fon 
povoir  &  obéiflance.  Ce  foiû  pour  donner  meil- 
leur couleur  à  Tufurpation  par  luy  faide  de  la- 
dite conté  de  Hainault ,  il  prafticqua  le  mariage 
de  mWdame  Richilde  (  à  laquelle  ladiéte  conté 
appertenoit  en  propriété  (2)  ,  &  qui  pour  lors 
eftoît  vefve  dudift  Herman)  avec  BaudoujTi  , 
fon  fils  aifné ,  lequel  dès-lors  il  fit  appeller  Bau- 
douyn  de  Mons.  Auquel  mariage  néantmoins 
Enghclbert  (//),  évefque  de  Cambray,  s'oppofa. 


L*Aii  losr. 

Le  conte  de 
Flandre  en- 
ttqirend  la 
conquefte 
de  Hai- 
na«lu 


Mariage  à9 

Baadouya 
de  Mons  à 
madameRi- 
childe   de 
Hainaulu 


(a)  Lietbert* 

(i)  Le  prétexte  de  cette  in\'afion  n'étoit  fans  doute  autre 
chofe  que  roccafion  que  la  mort  d*Henuaii  offroit  à  Bau- 
doin de  faire  époijifer  à  fon  fils  une  riche  héritière  dont 
les  états  étoient  voifms  des  fiens*  Quelques  auteurs  pré- 
tendent même  que  Baudoin  avoit  fait  fonder  Richilde  fur 
fes  projets ,  &  que  Tinvafion  inopinée  qu'il  fit  dans  le 
Haynaut .  étoit  concertée  avec  eUe.  En  feignant  de  céder 
à  h  force,  Richilde  fe  ménageoit  une  juftification  auprès 
de  rempereur  ,  qui  n'eût  pas  manqué  de  condamner  un 
hymen  contraâé  fans  fon  aveu.  „  EUe  ne  fe  fit  pas  beau- 
9»  coup  prier  ni  menacer,  dit  d'Outreman,  mais  s'accommodant 
»  à  la  volonté  des  vainqueurs ,  „  ...  elle  époufa Baudoin, 
fils  du  comte  &c.  Herman ,  premier  époux  de  Richilde*, 
étoit  fils  de  Ludolphe,  comte  de  Saxe  &  de  Brunfwic,  & 
de  Gertrude  de  Flandres,  félon  l'auteur  du  mémoire  cité 
plus  haut  note  2.  du  cha|>.  34.  pag.  201. 

(a)     .....    .    Nullo  difcrimîne  fdcûi 

Fert  dominos  Hanoîa  fuos,  .  EUe  étoit  fille  uni- 
que de  Régnier  V.,  comte  de  Haynaut ,  &  de  ^fathildc,* 
fiUe  d'Uerman  d^Ardennes ,  comte  d'Einham. 


Vincltant» 
Gilben,de 
Guife,  Bu- 
zel.  ài(u 


HiftdeVa- 
lenc.  1.  9m 
c.  I. 


^3»   BAUDOIN    ClUqVtïÉUÉ4 

h  rjilfori  de  h  proxlmitd  de  llnage  qu*Il  roalnté- 
nolt  ellrc  entre  eux,  &  pour  autant,  que  uon- 
obftftut  fa  dlétc  oppoiitlon  ,  ils  ne  voulurent 
confentir  au  divorce  qu'il  avoit  ordonnd  eJtrc 
falét  ^udiél  mariage ,  il  le»  excommunia  C3);  Mali 
te  impi  le  pape  Ldon ,  qui  elloit  oncle  de  madame  III- 
téw»*  ,  chlldc  9  le»  dil^ienlH  ,  leur  donnant  abfolution  de 
ladlfte  excommunication,  comme  plu»  au  long 
rdcltent  Alberlc  &  autre»  chronique».  Toutei- 
foU  Je  ne  l'çay  qui  fuft  ec  Ltfon  ,  njr  mefme» 
comment  11  pouvolt  cdre  oncle  de  ladléle  Rl- 
chlldc,  vcu  prlncipallement  qu'il  eftolt  Allemand, 
&  auparavant  eftre  parvenu  A  fa  (\ipr6me  dIgnUd/, 
appelle  Bruno,  dvcfque  tullend»  C^/).  homme  <lm- 
ple  &  de  bonne  vie,  &  lequel,  par  le  moyen  de 
Tempcrcur  Henry,  fuft  pourvett  de  la  fu»dlftd 
dignité ,  contre  fon  grd  &  volonté ,  &  ndantmohm 
fit  depul»  beaucoup  deblen»àrdgllfe  de  Rome  C4)* 


(/i)  De  TQttl  $n  i^orralnûi 

C3)  lU  dtoient  parens  na  trolfième  àegri,  Adèlû*  mér« 
de  CftuOoin ,  dUo  do  Robert ,  àuM  pctjtefille  de  Huiçw» 
Cftpet,  Sf,  RicIUlde  «volt  ])our  ftyeule  Hftdwldfif  \\\k  du 
tî)éme  Uugut?»  C^xmu  D*»prô«  raffenlon  de  M.  de  Hefdl«# 
C  Voyez  note  a.  du  chap.  34.  p,  aof ,  )  ttiwdûin  de  Rlchflde 
furent  excômmunidu  ^  „  non  parce  <|u'IU  étoient  parcnf 
^  entre  eux  du  chef  du  rpi  Robert  de  Fisnce  4^  de  Ta  forur 
„  Hftdwiije;  mflb  ptffte  Que  le  jeune  eomte  JNiudoln  evoie 
„  ^pouft ,  pftr  m  incefte  plu»  punlfliible  Que  r»dulUr«  « 
^  la  vmvedtf  funçugNut  le  eamis  Jhnfmth^f  M4m,  4ir  IVid. 
de  nrux.  t.  5»  part»  l»lft/  p»  i4ï'  *  Aiiv» 

(4)  Uon  IX.  ♦  le  prenUer  des  croU  fouverjiinç  pontjfe* 
que  h  lidj^iQue  donnd  k  Pégllfe ,  éwit  de  h  nuiifon  ds 
Hambourg»  établie  dtins  rAK^ee*  qui  iioïi  Rlori»  anne^^^e  k 
Ift  Lotharingie.  L'«uteur  de  Ift  IHamlrla  geHnofft ,  Alberlc  # 
d'Outreman  fie  beaucoup  d'autre»  le  font  auHl  onde  A» 
Richilde.  On  lie  dan«  Wasboufg  le  }^f^^9  fuivanc  tiré  da 
l'ancien  hiftorien  de  Toul  s  m  ll^unkv  (V.)  •  .  .  .  Aurcéd* 
^  (t  fon  p^re  eu  c/)mt4  de  liaynaut  en  l'an  tooa.  A  prl0C 
91  peur  femme  um  nobU  dame  d'Alfaee  tuHumie  Atlldt . 


ou   DE    L  I  L  L  £• 


^i9 


Or,  ledîft  mariage  accomply,  le*  conte iBàudofijii 
ne  fuft  pluftoft  retourné  en  Flandre,   que   luy 
vindrent  lettres,  par  ambafladeurs  que  luy  en- 
Voyoit  le  duc  Godefroy  de  Brabant,  avec  lequel 
en  contraftant  la  fufdîfte  paix ,  il  avqît  renouvel- 
lé  fou  ancienne  confédération  &  alliance,  &fuy- 
vant  laquelle  il  fut  requis  de  la  part  dudifl:  Go- 
defroy, de  luy  prefter  fecours  contre  Ferry,  fils 
de  Frédéric  (5),  jadis  duc  de  Brabant,  lequel 
occupoit  en  Lotrice  &  Brabant,  plufieurs  villes^ 
â  luy  par  l'empereur  données.  Pour  à  quoy  fa- 
tîsfaire ,  le  conte  Baudouyn  drefla  derecinef  une 
aflez  bonne  armée,  avec  laquelle  joinfte  à  celle 
dudift'  Godefroy,  ils  fe  campèrent  devant  la  ville 
d'Anvers ,  en  laquelle  ils  aflîégerent  ledift  Ferry. 
Mais  comme  ils  furent  advertis ,  que  les  Braban- 
çons faifoyent  une  merveilleufement  grofle  àflem- 
Mée,  pour  en  faveur  dudift  Ferry,  faire  lever  le- 
dîft  fiège,  ils  fe  partirent  d^illec,  &  retourna  chaf- 
Cun  d'eux  refpeftivement  &  fans  rien  faire,  enfon 
quartier»    Toutesfois  aflez  toft  après,    moyen- 
nant le  trefpas  dudift  Ferry,  le  duc  Godefroy 
devînt  feigneur  &  maiftre  de  tout  ce  qu'il  avoit 


Le  conte 
Baudouyn 
mit  fon  fiè« 
ge  devant 
la  viUe 
d*Aiivers. 


„  L'hiftorîen  de  Toul  dift  qu'on  appeUoit  lé  père  de  cette 
f,  Aflide ,  Hugo  qui  étoit  parent  &  confobrin  de  Tempereur 
„  Conrad  &  fa  mèrcHervide  :  lesquels  Hugo  &  Hervide 
„  curent  un  fils  nommé  Bruno  »  qui  fut  évéque  de  Toul 
f,  &  étoit  frère  de  ladide  femme  d'iceluy  Régnier.^  H 
ajoute  enfuite  en  parlant  du  même  Bruno  :  ,,  Eftant  pape, 
ff  veint  en  Germanie  &  en  Gaule  ,  où  il  vifiu  fa  niepce 
„  Rigilde  ,  fille  de  fa  dide  fœur  &  du  dift  Régnier. 

(5)  C'étoit  le  duc  Frédéric  lui-même  qui  défendoit  An- 
vers ,  &  non  fon  fils  qui  ne  fut  point  duc  de  la  baffe  Lor- 
raine. Au  refte ,  Oudegherft  renverfe  ici  Tordre  des  tenrs; 
Les  hoftilités  dont  il  parle  Ôc  le  ûège  d* Anvers  n'eurcnjt 
lieu  qu*en  1055.  ,  un  an  k-peu-prês  avant  la  fin  de 
cette  guerre. 


L'cmpc- 
fcur  Henry 
cftmàlccm- 
tcnt  du  ma- 
riage   de 
Baudouyn 
de    Mons 
avec  la  con- 
toifedeHai- 
naiilc  ôc 
pour  ce  re- 
commence 
la  guerre 
contreFhn- 


Ëntrdc  du 
conte    de 
Flandre  au 
païsdeLiài- 
ge  &    la 
prinfe 
4'Hoye. 


»4a   BAUDOIN    CINQUIÈME, 

TfoSéAéiéOf  Cependant  le  fufdift  empereur  Henry,^ 
dift  le  Tiers  ^eftoitempefché  en  J^ombardîe,  le-, 
quel  de  retour  en  Alîemaîgne,  grandement  in- 
digné, du  mariage  de  Baudouyn  de  Mons^  &  de 
la  conteflc  Richilde,  faiél  &  cotitraidlé  en  fonab- 
fence,  fans  fon  fceû  &  adveu,  aflembla  grand  oft 
&  vint  en  grofle  puilRince  vers  Hairtault.  Au 
moyen  de  quoy  Jie  conte  Baudouyn  eftonné  d'une 
fifoudaine,  &  non  préméditéCyfurprinfc ,  envoya 
en  toute  diligence  vers  le  duo  Godefroy  pour 
affiftence,  lequel  y  entendit  d'autant  plus  volon- 
tiers que  lediét  empereur  par  la  détention  d'au-' 
eunes  places,  que  puis  naguerres  il  avoit  prins 
en  Lombardie,  appartenantes  audift  duc  Gode- 
froy.(7),*  luy  avoit  donné  nouvelle  matière  de 
defdain  &  mcfcontentçment.  Qui  fut  k\  caiijfe ,.  que 
de  tout  fon  povoir  il  affilia  &  favorifa  contre  le-» 
dift  empereur ,  le  fufdiél  Baudouyn.  Lequel  en 
intention  de  tirer  l'empereur  hors  du  pais  de  Hai- 
nault,.&  de  chafler  la  guerre  hors  fes  païs,  en» 
tra  avec  bonne  partie  de  fes  fprces  au  pais  de 
Liège ,  auquel  il  print  la  ville  d'ÏIoye  (^)  »  la- 
quelle il  defmolit  &  brufl»,  dont  (^empereur  aflez 
plus  irrité  qu'auparavant ,  laiflant  te  païs  de 
Hainault ,  auquel  il  eltoît  entré ,  vint  contre  l'opi- 
nion du  conte  Baudouyn  en  celtuy  de  Ffandre, 
&  pafla  la  rivière  de  l'Efcault,  gafta  tout  le  païs 

efrcum-» 


Sigeb.  an. 

Lamb. 
Schafti.  an. 
105 1. 

Hcrm. 
Contr.  ôc 
Sigeb.  tm. 
losh 


(a)  HuL 

(tf)  Cela  n'arriva  qu>n  1065.,  année  où  les  tnmiliftcs 
placent  la  mort  de  Frédéric  :  Friâerico  duce  mortuo ,  Go* 
dcfridus  dttcatum  recepit. 

(7)  Godefroi  avoit  époufé  Béatrik ,  veuve  de  Boniface  » 
duc  de  Tofcane.  Cette  alliance  avoit  fouverdnement  déplu 
k  Tempereur  ;  qui  redoutoit  le  caradère  ambitieux  de  Go^ 
defroi.  Il  le  contraignit  de  fortir  de  la  Lombardie.  Le  duc 
revint  dans  la  Lotiharingie ,  le  cœur  plein  de  fiel  &  déter; 
minéiine  plul  uf«r  d*aucuns  ménagemens  envers  Tempereur; 


fab    D  Ë    L  IL  L  E.  m 

tlrcUlhVoîfiii  i  &  s'eftànt  rencontré  avec  Lam- 
bert, que  le  côhte  Baudouyn  avoit(  connue  diél 
eft)  conllitué  |trdnilci'  vifconte  de  Galid,  &  au- 
quel il  aVolt  Idiflîé  pàftlc  de  fon  arinée,  occlft  le- 
dift  Lanibert,  &  hi^  jiis  (/?)  la  meilleure  paît  des 
Flamens  qui  eftoyèrit  foubs  i\  charge ,  pourfuy- 
vant.Ie  demeurant  jufcïues  à  la  ville  dcToutnay, 
qu'il  aiîîdgeàft,  prînt  &  faccagea,  &  après  y  âVoîr 
lailTé  bôhnc  &  luffiflatite  garniforî,  fc  retifa  en 
Allemaignc,  grandement  enrîchy  du  butîn  çju'il 
'  avoit  fiiiâ  cil  Flandre  &  ,|n(*naïit  avec  luy  bon 
nombre  de  nobles ,  bourgeois ,  mai'chrfns ,  &  au- 
tres gens  de  bien  dudift  païs  (8).  Où  arrivé,  il 
trefpafla  toft  après  eu  Tan  nïil  cînquailte-fix;  & 
en  (on  lieu  full  elleu  ,  faîft ,  &  créé  empereur  • 
Henry  le  quart  fon  fils  (9)  i  d^aiit  le  couronne- 


rcur  Henry 
dcffaid  Ué 
Flamens 
quieftoient 
foubs  la 
cotidulâe 
âe  Lam- 
bert, vif* 
concc  de 
Gaad. 


L*aii  to5tf« 


(a")  Bas 9  à  terre.  Ruer  jus,  rênvérferi  défaire. 

(8^  Ces  évènemens  appartiennent  \  Tannée  1053.  &  fciit 
antérieurs  de  deux  ans  au  fiège  d* Anvers.  Baudoin  venoit 
de  provoquer  la  vengeance  de  l'empereur,  en  brûlant  &  eii 
faccagelant  la  viHe  de  Thuin ,  tandis  que  fon  fils  àiné  Bau* 
doin  traitoit  àVcc  la  môme  cruauté  la  ville  d'Hui ,  ôc  qutf 
Robert,  fon  fécond  fils*  étoit  aUé  chaflcr  de  Tifle  deWal* 
chel-en  les  troupes  que  Tcrapereur  y  tvoit  pincées. 

(9)  Le  nouvel  empereur  n'avoit  que  fix  ans  ,  lorsqu'il 
fuccéda  à  fon  père.  Agnès  fa  mère  ,  qui  gouvemoit  l'em- 
pire en  fon  nom,  aidée  par  le  pape  Viétor  II.  6c  par  Henri  I.  » 
roi  de  France ,  iut  concilier  les  efprits ,  &  la  paix  fut  rati- 
fiée, non  pas  l'an  1049.  ,  comme  le  dit  notre  hiflorien, 
mais  l'art  1657.  Poflmodum  ....  fax  fàSia  eft  inter  eos , 
ficque  cothitî  Fîù^drta  remanercnt  pérpetub  Çf  haireditarll 
pan  illa  Br/ihantia ,  quam  ipfe  Èalduintis  conquifterat ,  ultra 
Tcmram  flwvitim ,  ^  comitatui  Aïoftenfts  cum  terrd  quatuor 
officiorum;  infiîper  in  Z^landid  quînquc  Infulas  impcratof 
fi  Jïtperaddidit  ^  cum  cb/iditione  quod  eas  ah  imperatore  te- 
neret.  Baudoin  de  Mons  fut  compris  dans  ce  traité,  &  fon 
niariage  avec  Rlchilde  fut  tatifié.  Baîduinus  junior  marchi- 
fus  Ner'Ciorum  comitatum  imper iali  munîficcntid  fif  autoritatt 
»pofloIic4  fufçcpit.  Ainfi  finit  une  f  uwrç  qui  ,  fi  l'on  en 

T 


Ipcr.  c. 
p.  570. 


i^ 


Meyer./an. 

1057. 

Addit.  ad 
Sigeb.    an. 


Vïïa  1057. 

Concile  gé- 
néral k  Cou- 
longncpou'r 
appaifcr  les 
différents 
.  des  princes 
de  l'em- 
pire. 

L'empe- 
reur Henry 
cède  fon 
droiét  qu'il 
a  en  la  ville 
de  conté  de 
Toumay  à 
Baudouyn 
de  Mons. 

Paix  entre 
l'empereur 
Henry  le 
quart  9  ôc 
k  conte 
Baudouyn. 

Le  conte 
de  Flandre 
faid  hom- 
maige  à 
l'empereur 
des  terres^ 

Su'il  tient 
îubs  rém- 
oise. 


242    BAUDOIN    CINQUIEME, 

ment  duquel  fuft  en  Tan  mil  cinquante-fept ,  tc- 
Hiu  en  la  ville  de  Coulongne  un  concile  général , 
pour  appaifer  les  différents  des  princes  de  l'em- 
pire, auquel  affifta  en  préfence.noftre  faînft  père 
le  pape  Viélor,  par  rinterceflîon  duquel  lefdifts 
Baudouin 5 conte  de  Flandre^  &Godefroy,duc  de 
Brabaiîtjîurentreçeusen  grâce  du  nouvel  empe- 
reur» Au  moyen  de  quoy  ceflerent  toutes  guer- 
res &  hoftiGtez,  &  fe  fit  une  bonne  &  defirée 
paix,  par  laquelk  lediét  empereur  donna,  céda, 
&  tranfporta  tout  le  droiéb  qu'il  povoft  préten* 
dre  en  la  ville  &  conté  de  Tournay  à  Baudouyn 
de  Mons,  fils  du  conte  Baudouyn  de  Flandre, & 
laquelle  auparavant  luy  avoît  efté  donnée  par  le 
pape  Eftienne  huiéliefme  ou  neufiefme  de  ce  nom* 
Et  outre  ce,  te  conte  Baudouyn  le  Débonnaire 
retint  par  îcelle  paix,  toute  la  terre  qui  eft  fituée 
entre  TEfcault  &  la  Tenre,  ehfemble  le  chaftel 
de  Gand  avec  tout  le  païs  qui  gift  entre  TEf- 
cault  &  le  Honte ,  depuis  la  fofle  appellée  Ottin- 
ghe  jufques  devant  Anvers,  y  joindant  les  yfles 
de  Zélande  que  l'empereur  Henry  le  fécond  avoit 
donné  à  Baudouyn  à  la  belle  Barbe:  dont  le 
conte  Baudouyn  1^  Débonnaire  fit  audiâ:  empe- 
reur Henry  le  quart  au  jour  de  fon  couronne- 
ment, hommage  en  fa  vilte  de  Coulongne,  audift 
an  mil  cincquante-fept. 


Epit.  hift. 
Belg.  t.   2. 


excepte  quelques  intervalles  de  repos ,  dura  près  de  10.  an- 
nées avec  une  alternative  finguUère  de  fuccès  de  de  pertes. 
C'eft  à-peu-près  à  cette  époque  qu'on  voit  difparoître  de 
rhiftoire  les  comtes  d'Einham  que  remplacèrent  les  comtes 
d'Àloft.  Après  la  deftruftion  du  château  d'Einham ,  Aloft 
devint  la  capitale  de .  tout  le  comté ,  &  les  comtes  d' Aloft 
le  polTéderent  à  titre  de  fief  bénéficiaire  (^beneficiario  jure) 
jusqu'à  Tannée  1165.  que  Philippe  d'AUace  la  réunit  ^  la- 
Flandre*  ^ 


ov     DE      LILLE. 
CHAPITRE       XLI. 


43 


Cemmeni  le  conte  de  Flandre  fe  tr.àn [porta  à  ToJtr^ 
^aypour  t  liée  faire  recevoir  Baudouyn  de  Mon  s 
fon  fils  pour  conte  &  feigneur  ^  ^  comment  le- 

,  di£f  conte  -de  Flandre  fut  itérativement-^  à  câujj^  de 
^  madame  Adèle  fa  femme ,  créé  tuteur  Ç^  régent 
de  France. 

LEs  chofes  fuCdiftes  aînfi  exécutées ,  le  conte 
Baudouyn  de  Flandre  retourna  en  fonpaïs, 
&  en  Tan  mil  clncquanterheuf  fe  mit  en  bel  équi- 
page &  tira  vers  Tournay ,  où  le  conte  Baudouya    ^  ^^  ^^^^ 

,de  Mons  fut  reçeii  en  grande  magnificence  pour 
conte  &  feîgncur,  au  gi'and  contentement  de 
ceux  de  ladîfte  ville,  &  mefmes  des  fuppoftz  for- 
tifiants foubs  îcellè,  le  tout  fuyvant  la  fufdifte  ^ 
donnation ,  que  luy  en  avoit  faiél  le  pape  Eftien- 
ne,  &  moyennant  l'aggréation  dudiâ  empereur 
Henry  le  quart.  Les  folennitez  fuCJiftes  ache- 
vées ,  &  accomplies  toirtes  les  cérémonies  qu'à 
lajoyeufe  entrée  de  quelque  prince.  Ton  efl:  ac- 
coufturaé  faire ,  le  conte  BaUdouyn  le  Débonnai- 
re, avec  Baudoiij'h  de  Mous  fon  fils,  tirèrent 
Vers  Cambray  en  grand  triumphe,  où  ils  féjour- 
ncrent  pour  quelque  temps  &  aflîfterent  aux  nop- 
ces  que  illec  furent  folennifées  en  merveilleufe 
pompe  d'entre  Euftace ,  conte  de  Boulongne  &  ma- 
dame Yde,  fille  de  Godefroy,  duc  de  Brabant,  & 
mère  de  Godefroy,  de  BuiUon, duquel  cy-après 
fera  parlé (i).  Aflez  toft  après,  fi  comme  en  l'an 

^  mil  fobcante  mourut  Henty,  roy  de  France,  lequel    ^'^°  ^^^' 


(x)  Voyez  la  note  2,  du  chap.  32.  p.  189. 

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M4   BAUDOIN   CINQUIËME, 

«voit  efté  foubi  la  tutbU  &  gouverneintffit  4ê  et 
conte  Baudouyn  le  Débonnaire  (a);  &  lequel  p» 
ordonnance  k  dernière  volonté  âuàiù  foy  He»* 
ry,  fttft  It^ratlvcflient  [comme  le  plu»  proche  1 
te  couronne  9  à  ralfon  de  madame  Adèle  (%  fem^ 
tne(3)]  commU,  &  conftitu^  bail,  tuteur,  & 
mainbour  de  la  perfonne  k  blena  de  Philippe , 
fila  dMceluy  Henry  ^  (k  depula  roy  de  France- 
Et  en  te  fufdUle  qualité,  Ica  prince*  &  barons 
de  France  ûrent  hommage  audlét  fiaudouyn  le 
Débonnaire,  confcntant»  &  promettantâ,  que  fl 
ledlél  Phil^  fflourolt  fana  hoir  de  fon  corp», 
Ite  tlendroyent  ledlét  Baudouyn  pour  roy  de 
France,  fan»  aucune  ultérieure  folennlté  (4).  Au 
moyen  de  quoy ,  6c  en  figne  de  ce,  le  conte  Bau« 
douyn  te  Débonnaire  a'aultute  députe  toyajoor» 
en  featettre»  en  cefte  manière}  Baldulnui  cùmi 
Flandfia  Marchhf&  PhItIppI  Francorim  nghf 
êjufyuê  regni  procuratêr  &  haju/ut» 


An.  ioi6é 


(i)  AâéU  fl*«vdt  itttofl  dMtk  te  ccrerMiMf  k  mprm^ 
Yoif  eàfttéqùêmmênt  «ti  Afmmr  $ncnu  »  fm  épùtta.  cm 
cmmeff  ftiftj^  k  cet  éptfà  te  cMiAlfeiiôfl  à$  te  m^mftkê 

(4)  C«fie  «fr«er  déceete  de  te  précéâÊmê.  tri4(teef» 
Vhiilf^  ftvdt  itfl  pniAêf  duc  di  Boiirg^Tf^  êc  Ma  ^  fol 
liùUfté  n  étùk  puiSknt  k  têéouU  i  êc  d  U  trém  fut  iê- 
vuffli  Vfifam«  U  mu  fu  )eifidr«  eu  drote  du  fuig  cefel  à$ 
te  /€f te  d«i  «rinet.  ttmt  ^  qu$  âH  ki  Oitdfgfterfl  dM 
frétânàui  itàiu  de  fhmdohi  k  te  couronm  de  f reflet  4 
de  llKyfflfiMge  que  tel  firem  te»  tarfini  «  Il  Te  mdirii  Ue^ 
f^«tefnifftt  dlfy«r1ti9  ^«1  «  ^aoi^a'dllmftbte  k  bteii  i(R( 
é|«id#«  i^ffi  étidfmOMffl  ITMAfé  ror  Cê  pitet* 


ou     DE     LILLE. 


HS 


CHAPITRE       XLIL 

Comment  le  epnte  de  JPJandre  àmne  en  mariage 
madame  Mihault  fa  fille  ^  au  duc  de  Norman* 
die^  lequel  il  aj^fie  à  conquerre  le  rayaulme 
d'jfngleterre^  &  d'autres  chofes  fingulières* 

EN  Tan  mil  cînquante-trois  (i)  Guillaume  le 
Baftard^  duc  de  Normandie,  vînt  en  très-bel 
ordre  &  équipage  au  paîs  de  Flandre,  pour  en 
perfonne  demander  en  mariage  du  conte  Baudouyn 
de  Lille ,  madame  Méhault  fa  fille ,  laquelle  luy 
fuft  accordée,  &  furent  les  nopces  célébrées  avec 
toute  la  magnificence ,  pompe  &  triumphe  que  la 
grandeur  de  leur  eftat  pouvoit  permettre,  &  re- 
quérir; &  euft  ledift  Guillaume  de  Normandie 
de  ladiAe  dnme  Méhault,  trois  fils  &  quatre  fil* 
les,  dont  l'aîfné  appelle  Robert  fut  après  luy 
duc  de  Normandie,  &  alla  avec  Godefroy  de 
Bouillon  e^  la  conquefte  de  Hiérufalem;  le  fé- 
cond fut  Guillaume,  dift  le  Roux,  depuis  roy 
d'Angleterre,   &  le  tiers  Henry,  qui  après  la 


t*tii  losh 


Mariage  lie 
madame 
Méhault  «ie 
FUn4re 
aveclc  duc 
GuiUaume 
de  Nor- 
mandie. 

Des  enfans 
oui  vin- 
orent  du- 
diâ  mt- 
riage. 


•  (i^^Sdon  Albeiic  •  cet  fiymen  fe  conclut  en  1056.  GuU 
laume  étoit  fils  de  Roben  le  Diable,  mort  en  1035. ,  en  ro 
venant  de  It  terre  famte,  &  d*Alette,  fiUe  d*un  bourgeois 
de  Falaife  <n  Normandie.  H  fut  enfuite  fumommé  le  Con- 
quérant, pour  avoir  conquis  TAngletene.  Dans  un  concile 
tenu  il  RJbeims  en  1049.  par  Léon  IX.  «  il  /ut  défendu  à 
Baudoin  de  donner  fa  fiUe  à  Guillaume  &  è  Guillaume 
de  la  recevoir.  InterdixU  (^papa  )  ^  Balduino  eomlti  fiûn- 
Àrenfi  ne  filîam  fuam  WlUdmo  nuptui  daret  &  ci  ne  eéim 
accipera.  Le  mariage  fe  célébra  dans  la  ville  d*£u.  Guil- 
Itume  fût  excommunié  par  Mauget,  archevêque  de  Rouet, 
fon  oncie;  maii  rejtcommnnication  fut  levée  quelque  tems 
tprès  par  le  pape  »  qui  enjoignit  aux  deux  époux  de  con* 
ftruire  chacun  nu  monaftére.  L*interdiadon  faite  à  Guil- 
Iturae  dVpoufef  la  fille  de  Baudoin ,  &  l'excommunication 
Itite  par  rtrch^éque  Mauger ,  venoient  de  ce  que  les  deut 
^pottx  étoieçt  païens^ 


Labbe,c<Mi- 
cil.  génér. 
t.   9-   CoL 
1036. 

Guill.  de 
Jumiège. 
Chron.  de 
Verdun. 
Chron«Sitli. 
Chron.  m|C 


1/^  noblcfle 
de  la  tnat- 
fondcFlan- 


246    BAUDOIN    CINQUIEME, 

mort  (îudiA  Cuillautnc  le  Roi^x,  fut  pntoilleiiient 
roy  d'Angleterre.  La  première  fille  fut  abbefle 
de  Caen ,  la  dcuxiefme  fut  mariée  au  duc  de  Bre- 
taignc,  la  tierce  fuft  promife  à  Harald,  qui  de-, 
puis  ufurpa  le  royaume  d'Angleterre,  mats  il  ne 
Tefpoufa  pas,  pourquoyeUe  fut  mariée  à Eftien-: 
ne,  conte  de  Chartres;  la  quatriefme  filleLftit  ma- 
riée au  conte  de  Bloys,  de  laquelle  entre  autres 
enfans  yflît  Thibault  qui  fut  conte  de  Charapaîgne 
&  Eftîcnnc,  conte  de  Mortaignc  &  deBoulongne, 
&  depuis  roy  d'Angleterre;  lefquelles  généalor 
gîcs  je  déduiéls  voluntîers,  affin  de  mettre  dcr 
vaut  les  yeux  d'un  chafcun  la  grande  noblefle  de 
la  maifon  de  Flandre^  &  les  çaiKTants  princes, 
qui  d'icelle  font  dcfcçndus.  Peu  après  le  maria- 
ge dudiâ;  Guillaume  de  Normandie  avec  mada- 
me MéhaUlt  de  Flandre,  le  roy  Edouard  d'An- 
gleterre trefpafla;  mais  auparavant,  cftant  en 
fon  lift  mortel,  il  nomma  pour  fo;i  yray ,  légitime 
&  plus  apparent  héritier,  lediél  Baftard  de  Nor-? 
mandie,  lequel  eftoit  fon  coulin  germain  (2)» 
Nonobftant  laquelle  déclaration  dudift  Edouard, 
^  mcfmés  fans  prendre  regard  à  ce  que  par  fon 
teftament  il  avoît  laîflTé  ledick  royaume  d'Angle-; 
terre  audiftGuil/ailmédeNprtiiandi^,  Haraldbeau^ 
frère  dû  la  royne  douagiere  d'Angleterre,  (le- 
quel auparavant  avoit  par  ferment  promis  au  duc 
Guillaume  de  Normandie,  qu'après  la  mort  du' 
rpy Edouard,  il  l'afîfifteroit  à  çonquerre  la  cou-* 


duc.Nurm, 
flu   recueil 
de»  hiil.  de 
France , 
t.io»p.ipa, 


(a)  Edouard  furnomm^  le  Saint  ôc  mort  en  1066,  étoit 
parent  de  Guillauwc  par  Emma  fa  mère ,  fille  de  Richard 
premier,  bi«ayeuldc  Guillaume;  Rjohertusgenuit  miUfmum^ 
Nuthum  qui^  pop,  fnortcmMduardiimmfretavit  in  ÀngUam^. 
anno  Dombti  MLXH. ,  ugnumquâ  ^hHnuU  jure  haredàttu 
rlç^/iula  ejtff  atavus  Richardus  fçnex  fucrât  ^  cujus  Emma 
fiiia  Eduardum  regem  gcnucrat*  -    . 


ou     DE     L  IL  L  E. 


247 


ronue  d'Angleterre)  faiilfiint"  fa  promcfTe  &  fi\ 
foy,_ufurpa*  ledift  royaume  (j).  Dont  le  duc 
Guillaume  advetty,  envoya  pour  fecours  &  al- 
Jiftence  vers''Baudouyn  le  Dcboimaire  foji  beau- 
çère,  faîlant.âu  furplus  le  plus  gros  amas  de 
gens  en  toutes  fes  terres  &  ftîgnories  dont  îl 
fe  pouvoît  advîfer.  Le  conte  Baudouyn  d'autre 
xroftd,  réfolut  fe  trouver  en  çerlonne  à  Isfdifté 
conquefte,  &  fit  à  ceft  efFeft,'en  qualité  .de' ré^ 
gent  de  France,  alTembler  auroj^'aum^-toutes'ïès 
forces  à  luy  poflîbles,  n^ôubliairt  cependant  dté 
faire  le  femblable,  en  Flandre,  Hainlaut,  &fcs 
autres  pais  de  par-deçà,  de  forte  qu'en  peu  de 
temps ,  il  leva  une  Infinité  dcî  gens ,  la  plufp^rt 
defqùeîs  eftoyent  aguerris'  &  e.tercitêz  au  faiifi 
4es  armes..    Mais  .avant  partir   (4)  ,    fçaftîiant 


'    Le  conte 
Baudouyn 
va  en  per- 
fônne  à  la 
conquede 
da  royau- 
me d'An- 
glctetTO'  en 
faveur  du 
4m:  ^e 
NormaSi- 
die,  fon 
beta^fils*  . 


(5)  Haralde  étoit  fiis  an  comte  Gc)dwin,  ce  miniftre  im- 
périeux d^Edounrd  dont  nous  avo\is  parlé  plus  haut.  Il  ôtoît 
le  propre  frère  d*£dithe  que  Godwin  avoit  fa^t  époUfer  Ji 
fon  roi.  ^  Haralde ,  dit  le  P.  d'Orléans ,  étoit  .un  ^feigneur 
yy  bienfait,  d'un  abord  agréable  &  majelbieux,  vigoureux, 
p  bkve,  montant  bien  à  cheval,  &  extrêmement  adroit  «à 


„' toutes  fortes  d'exercices  .  ^  .  .  Il  avoit  été  éltvé  à  4a  cour 
„  d'Edouard  qui  Teftimoit  &  qui  en  avoit  reju  de  graiids 
„  fcTvices  ;  ce  qui ,  joint  à.  fes  bonnes  qualités  ,  lui<  avoH 
„  attaché  le  peuple,- de  forte  qu'il  n'eut  pas  de, peine  à 
„fe  faire  déclarer  roi.  „  '      ,.  ^ 

(4)  Oudegherft  renverfe  ici  Tordre  chronologique  5c 
rapproche , .  fans  raifon  ,  deux  évènemcnè  fépués  Jlun  jie 
l'autre  par  un  intervalle  de  trois  années.  L'aflemblée  d'Au- 
denarde  &  le  partage  que  Baudoin  y  fit  de  fes  domaines } 
font  de  l'année  1063  ,  félon  la  chronique  de  St.  Çayoïi  :  Bai- 
fiuitms  plus  ^'Robertum  filium  fltùm  ad  JanSa  Det  Ekfah^e!î(i 
jttrare  fedt ,  nunquam  ad  coniitatùm  Fîartària  manum  ap* 
pofiturum ,  &  fie  dédit  ci  eomhatum  HoltandU ,  Zdànàià 
&  partem  Fripa  cum  uxore  Flbrentii  comitis^ ,  fahd'  "hffi^ 
ditate  filiorum  ejusdem  Florenîii,  D'ailleurs  la  defccjite  à^ 
Guillaume  en  Angleterre  n'eut  lieu  qu'aprè.^  la  mort  d^Edouartl 
qui,  comme  nous  l'avons  dit,  ne  terftlna  fes  joùbqii'cÀ 


Révol. 

à^Àniîlçt. 
t.'  i.p.  93. 
&  94. 


A(kmhUe 
des  eftats 
de  Flandre 
à  Aude-  . 
«arde* 

Le  eontè 
Batsdouy» , 
Rvant  fi>ti 
,  paitement 
pour   An- 
jgleterre  , 
UiÀ  parttr 
|ge  entre 
fes  cnfffns, 
&  faia  ju- 
rer à  Ro.- 
bert  le  Pri- 
fon  de  ne 
Jamais  rien 
attenter  en 
la  conté  de 
Flandre 
tçontrft  fon 
,  frère  nyfc5 


^4$.  BAUDOIN    CINQUIEME, 

qu'il  eftoit  mortel,  voulut  pourveoîr  aux  queC» 
tîons  qu'autrement  il  doutoit  devoir  yflîr  après 
Tz  mort,  entre  Baudouyn  de  Mons,  &  Robert 
fes  fils.  Mefmes  d'c^utant  plus  qu'il  cognoiflbît 
Je  naturel  de  Baudou'yn  dç  >^ons ,  fon  fils  aifné , 
çftre  doux,  paçificque  &  débonnaire;  &  qu'aïf 
contraire  ledift  Robert,  fon  fils  maifnd,  çftoît 
çufé,  ingénieux,  6c  de  grande  entreprinfe.  Au 
mpyen  de  quoy  il  fit  aflembler  en  fa  ville  d'Aiv 
denarde  tous  les  prélats,  barons  &  }iaut3  hom-* 
mes  de  Fl^ndre^.çn  préfence  defquels,  après  avoir 
aflîgné  audicft  Robert  pour  fa  portion  &  droîft 
^e  partage,  Ifi  conté  d'^Alûft,  les. quatre  meftiers 
k  les  yQes  de  Zélandç  ^  &  que  ;^uparavant  il  avoit 
pra^Hqifé  le  mariage  d'entre  iceluy  R.obert,  & 
madame  Ghertrude,,  vefye  de  Flores  (a)^  conte 
de  Hollande ,  il  fit  promettre  audift  Robert  &  ju- 
rer que  jamais,  pour  quelque  occafion  que  ce 
fuft,  i^  n'attenteroit  rien  au  préjudice  de  fon  frè- 
re, ny  de  fes  fuccefleurs,  fur  le  pais  &  conté 
de  Flandre.  Ce  que  ledift' Robert  promît,  &  par 
ferment  folénnel  accorda  &  confirma,  çncores 
que  depuis  il  ne  tint  aucune  chofe  de  fondift  fer- 
ment, félon  que  voire:ç  en  pourfuyvant  ceftç  Wf- 
toîre.  Or  le  conte  Baudouyn,  après  avoir  mis 
tel  ordre  en  fes  affaires  particuliers ,  fe  mît  en 
chemin,  &  s'e'ftant  depuis  jbînft  avçc  le  duc 
Cuiljaun^e,  fon  beau-fils,  pafferent  énfemble  au 


Mlr,  cod. 
Aniat.  piar, 
c  56/ 


Ça)  Flomt,  ; 

;o(^5/ Baudoin  qui  touchoit  déjà  au  terme  de  fa  vie  fie  qui 
^toij  rçtenu  par  la  furvcillance  qu'il  deyoiç  au  jeune  roî 
^ont  il  étoit  le  tuteur  ,  ne  pouvoit  ^ccpmpagner  Guil- 
J^me.  IJ  fe  borna  k  l'aider  de  fecour^.  puiifans.  L'annéç 
de  rinvaHon  du  bâtard  fon  gendre ,  Baudoin,  étoit  à  Lillç 
pvec  fon  pupUle  royal,  comme  le  prouve  le  diplôme  4? 
U  dotation  du  cliajJitre  dp  Su  Picrrf  çte  i:ei|:e  yttlc, 


ou     DE     LILLE.  249 

royaume  d'Angleterre,  où  ils  eurent  plufieurs 

âures  &  dangereufes  rencontres»   Et  néantmoins 

hàiâ  Guillaume  occift  finablement  en  camp  de       „    •. 

bataille  ledift  Herold  (/i),  ufurpateur   dUceluy    nfuVjSur* 

royaume,  mettant  en  diîfaroy  &  defconfiture  Çii)    àa  ro^u- 

tous  re3  confédérez  &  adhérents.  Exploitant  au    Jcww?" 

furplus  moyennant  Tayde  &  fiipport  du  conte    ocds. 

de  Flandre,  tellement  qu'il  demeura  paifible  du- 

dîft  royaume,  dont  il  fut  couronné  roy  en  l'an  mil    L*«  î^r- 

foLxante-fept.  Depuis  le<{uel  temps  la  coiu'onne 

d'Angleterre  a  tous  jours  jufqu^s  i  préfent  demeuré 

en  la  lignée  de  4:e  duc  Guillmime  de  Normandie  (5)  ; 

lequel  en  recognoiOance  du  grand  bien ,  que  par 

le  moyen,  du  conte  de  Flandre  &  des  Flamens, 


C^)  NafaUc  (*>  Défaite. 

(5)  La  ligne  mafculine  de  GuiUaume  s^éteignit  dans  la 
l>erfonnc  de  Henri  I..,  le  quatrième  de  fes  fils  &  le  troi- 
fième  roi  de  fa  famille,  Tan  1135* »  foixame-neuf  ans  après 
la  conquête.  Robert,  fils  aîné  da  conquérant»  n*eut qu'un 
fils  qui  fut  tué  ^rès  d^Aloft.  lUchard»  le  Cecond  fils,  fut 
toé-  à  la  chaife  faa«  Uifler  d'çnfans.  GuiUaumç ,  le  troifiè- 
ipe  fils,  fuçcçfleur  immédiat  de  fon  père  ,  mourut  auiO 
fans  enfans.  Henri  I.  eut  un  fils  ;  mais  il  périt  fur  mer. 
Etienne,  quatrième  roi  de  la  race  normande,  monta  fur 
le  trône  du  droit  de  fa  mère  Adèle,  époufe  d*£tienne  de 
Blois  &  quatrième  fille  du  conquérant.  Henri  IL,  dn- 
goième  roi,  parvint  k  la  couronne  du  droit  de  rin^>éra- 
trice  JVJathilde ,  fiUe  de  Hepri  I.  ,  qui  avoit  époufé  ,  en 
fécondes  ndces,  GeoflTroi  de  Plantagenct ,  duc  d'Anjou.  Il 
n'eft  plus  queftion  dans  l*hiftoire  d'une  branche  mafculine 
de  Guilhume  premier.  ^  Voyez  SmoUeit  &  tous  lès  hifto» 
riens  aagloîs  à  l'année  1135.  )  Mais  la  ligne  féminine  a 
confervé  le  trdne  dans  la  famille  de  GuiUaume  4  &  ce  n'eft 
qu'en  vert^  de  fa  ^efçen^ance  de  ce  conquérant  que  la 
niaifon  de  Brpnfwich  règne  aujourd'hui  en  Angleterre. 
(Voyez  les  commentaires  de  Blachftone,  chap.  3.  du  pre- 
TOtet  KvTC,  où  l'auteur  préfente  un  tableau  de  la  fucçef» 
iïpa  à  la, couronne  d'Agleierrc,  depuis  l'an  Zoo.  jnfqu'l 
J»  f^mjJJe  replante  ^.- 


Le  roy 
4*Anglctcr- 
rc  donne 
tfoi»  cents 
marcs  d'ar^t 
gent  de 
pcoHoq  pâc 
an.auxcon-' 
tes  de  Flan-, 
dre ,  fur  le 
royaume 
dtidia  ASki 
glctcrrc. 


pedc  en  la 
ville  de 
Gand. 


Sainte  Ma- 
chairc  a 
Gand. 


Prodige  en 
Flandi'e.' 


a50\BAUD0m    CINQUIEME, 

qui  Taccompagnerenr  en  ladîfte  conquefte,  il 
avoit  rèç€u,  donna  au  fufdîa  Baudouyn  &  à  fe$ 
fucéeffeurs  tontes  de  Flandre,  &  éternellement, 
&  par  forme  de  penfion ,  trois  centz  marcs  d'ar- 
gent par  an,  pour  le  faift  de  laquelle  yllîrent 
depuis  plufieurs  débats  entre  les  contes  dp  Flan- 
dre, comme  vous  fera  déclaré  cy-après. 

C    k    A    P    ï    T    R    E       XL  I  II. 

De  la  grande  pefte  quUu  temps  du  conte  Baudouyn 
régna  en  la  ville  de  Gand^  d'ahfuns  monafièret 
&  églifes'par  luy  édifiées^  &  d* autres particu- 

■  tarifez  ,  enfemble  du  trépas  dudiô  conte  Baudouyn^ 

JE  treuve  par  aucunes  vieilles  &  authentiques 
chroniques  de  Flandre  qu'au  temps  du  .conte 
Kaudouyn  le  Débonnaire,  régna  en  la  ville  de 
Gand  une  peftilepce  tant  înfeâée  6^  mervéilleufe , 
q^([{;.iWQun;pyenttous  les  joi^rs  plu^  de  fix  cents 
penfonnes ,  de  forte  qu'on  n'avoît  jamais- aupar 
ravant  veu  ny  ouy  parler  d'une  telle  -mortalité 
audift  païs  de  Flandre;  laquelle  néantrtoîns,'  par 
la  volunté  &  grâce  divine,  &  moyennant; la fainc- 
te  prière  &  humble  intercçjflîon'  de  '  monfieur 
fain^  Machaire,  qui  lors  refloit  «udiA  Gand, 
ceffa-&  s^efvanouit  aflez  tofti  Au  temps  du  met 
me  conte,  fî  comme  en  l'an  milcincquante-fept, 
advint  une  autre  chpfe  bien  _4idmirable,  en  un 
Village,  guerres  diftant  de  là  ville  de  Tournay:^ 
près  lequel  s'affembla  une  ^njiultitud^  de  coulcu» 
vrcs  en  nombre  quafi  innumérable,  lefqUelles  fe 
féparereut  en  deux-  parties,  en  forme  tlè  deux 
batailles,  lés  unes  deçà,  les  autres  de  là..  Puis  fc 
coururent  fus 'les  unes  aux  autres,,  &  fe  combat 
tirent  &  entretuerent»  de  forte  que  l'une  des  par- 
ties fe  voyoit  à  veuc  d'œil  îÉfoiblir,  &  lors  cel- 
les qui  reftoyent,  s'allèrent  cachçr  au  çreus*d'up 


f    ,     ^ 


ou 


DE     LIL,LË. 


^Sf 


arbre  dedans  terre,  demeurant  l'autre  partie  ail 
camp  ;  laquelle  en  figne  de  vîftôîre,  fiffloit  & 
flïenoit  tant  grand  bririt  que  merveilles,  conti- 
nuants telles  finfarres,  jufques  à  ce'qu^on  ap- 
porta force  bois  &  paille ,  ausquels  on  mit  le  feu , 
&  par  td  moyen  ieiiôs  furent  > toutes  bruflées; 
Dont  un  chafcun  fut  affez  eftoàné^  interprétant 
ceanyftèrediverfement,  &felon  qu*en  chofefetn* 
t>laWe  un  populaire  ^eft  accouftumé  de  faire  (i)i 
Cependant  le  conte  Baudouyii ,  lequel  en  riens  ne 
cédoit  à  la  Tertueufe  -înclhiation  &  dévotion  de 
fes  très-renommée  prédécefféurs ,'  fift  eflever -par- 
tie des  muraiHes  de  là  ville  de  Lille,  laquelle  il 
munit  de  portes  &  foffés ,  &  fit  faire  audift  Lil- 
le une  plfltte  màifon ,  qui  "pour  le  jourd'huy  fe 
nomme  la  falk(2):  il  yfondafemblabfementréglîfe 
colléjgiale  de'fainft  Pierre  qu'il  enrichit  de  plu- 
fîeurs   grands   bîeps,  &  dpua  de  divers  beaus 


CO  Crevât  ,Jud(CU3,  /fpilla,,  Att  icftç,.  Pudcgherft  n'eft 
pas  le  feul  qiii  raconte  ,^e  bomie  foi  cette  finguHèro 
Ç>jjhéomachre. 

(ji)  Les  foîns  que  donna  Çaudoin  à  Faggrandiflement  de 
Lille  ,  l'afltaion  -fingulière  qu'il  femble  avoir  portée  S 
cette  «ville  &  qui  lui  en  mérita  le  fu^otn  ',  doivent  le* 
faire  regorder  comme  le  premier  aute^  de  ^Ifi .  grandcuft 
à  laquelle  elle  eft  parvenue  dans  la  fuitQj.  L-'hiCfcorien  mon 
derne  de  cette  capitale  de  Ia  Flandre  françôife ,  M.  Tabbé 
M.  ***,  réduit  cependant  à  bien  peu  de  chofes  &  le^ 
fort!ificatio(is  &  le  palais  que  Baudoin  y  fit  bâtir.  Maiy 
félon  l'auteur  des  obfervations  critiques  fur  l'ouvrage  de 
M.  Lr.  M.  *  *  *  „'  Ce  palais  ne  fe  bomoit  point  à  l'efpacc 
^de  terrein  qui  fe  trouve  aékuellement  eptre  le  cimetière 
„  de  St^  Pierre  &  l'hôpital  Comtefle  ,  comme  le  prétend 
^.M.  L.  M.  ***.  Cct.efpqce  de  terrein  ne  contenoit  que 
^  la .  faTle  de  Juftice  ,^  connue  depuis  fouç  le  nom  de  la  fallc 

„  de  Lille Rien  rt'cmpéché   donc  que  Baudoin  de 

„  Lille  n'eût  d'ailleurs  aflfcz  de  bàtimcns  ,  pour  s'y  loger 
„  avec  fon  pupille  Philippe  L  ,  roi*  de  France ,  &  les 
„  principaux  Officiers  de  fa  touronne.  „ 


La  ville  d9 
Lille  mu- 
rée &  .for- 
tifiée par 
le  conte 
Baudou^TX. 

La  falle  de 
«Mlle. 

L'églife 
S.  Pierre  à 
Lille  fon- 
dée par  le 
conte  Bau- 
douyn. 


Hiftoire  de 
Lille,  p.51. 


Hère  de 

^.Stulveor 
à  Eenbam. 


1/e  cotte 
de  Flandre 
«rdiea 
a*£enbiiii« 

Le  mofuu 
Oèrc  de 
Meflinei 
fondé  p9X 
mAd«me 

Adèle  4e 
France, 
femme  du 
conte  Bau- 
douyn. 


•5ft    BAUDOIN    CINQUIEME, 

droits  &  privilèges  dont  font  lettres  en  date  de 
Tan  mil  foixante  fix*  Il  fonda  parelUenient  avec 
madame  Adelis  de  France  fa  femme ,  Téglife  & 
monaftère  de  &inâ  Saulveur  à  Eenbam  près  d*  Au* 
denarde^  &  leur  donna  le  vieil  chaftel  félon  qu*ett 
foulôit  jouir  le  conte  Hertmn  avec  les  eauës, 
tolzt  &  ^Mites  les  autres  apperjtenancfes  9  corn* 
me  de  tout  peut  plus  à  plain  apparoir  par  fea 
lettres  datées  en  Tan  mil  foixante-trois  :  dont 
néantmoins  par  autres  fes  lettres  de  Tan  foixante-» 
quatre ,  il  rdferve  à  foy  &  fes  fucctflfeurs  contes 
de  Flandre ,  la  garde ,  proteAion  &  deffenfe. 
D'autre  codé,  madame  Adèle  de  France  fa  fem- 
me y  fonda  rdgUfe  &  monaftère  deMclïïnes,  au* 
quel  elle  coUocqua  des  nobles  femmes  9  religieu- 
fes  de  Tordre  de  fainifl  Benoift^  &  dota  grande- 
ment lediA  monaftère.  Outre  lequel^  elle  fonda 
aufll  iiucunes  prébendes  de  chanoines  <  en  TégUle 
d'Harlcbecquc.  Hz  firent  fcmbiablcmcnt  plufieurs 
grands  biens  à  Téglife  &  monaftère  de  fainâ 
Pierre  à  Gand  par  leurs  lettres  de  Van  trente- 
fept.  Et  fuft  ledift  conte  préfent  en  ladifte  ville 
de  Gand  9  avec  grand  nombre  de  princes  &  fci- 
gneurs,  à  la  dédication  de  Vé^UCc  de  faioA  Ba- 
von  9  qui  fut  faiéte  parBaudouyn,  évefque  de 
Noyon  (5)  :  enfemble  à  la  tranflation  que  fit  le 
mefme  évefque  dt|  glorieux  corps  de  monlieur 
fainft  Machalre,  Il  fe  trouva  pareillement  en  per- 
fonne,  accompagné  de  plufieurs  nobles  &  pré* 


Mcyer.  an. 

1067. 


rhron.  D. 
Bav.  an* 


(3)  ^^  feptimum  Idut  Mail ,  dâdtça^um  Caudavi  fiovum 
templum  D,  Bavonîs  ab  Batdnhto  Novhmagcnp  fif  Uetf 
hcrto  Cameracenp  epifcoph.  La  vîllc  de  Gand  «•accrotflbft 
rapidement,  pulfqnc  cinq  an*  aprôn,  on  y  dédia  uncau»e 
églift  parollflalc  ;  EecUfla  farochialh  fn  raflro  gandenfi  qwt 
vulgariter  nomlnatur  Eccïefia  fanSIl  Chrifll ,  Jîve  ChriJIi 
Xerka»  écdtcata  h  honçn  fan^a  CrucU/anUl  BavonJu 


év     DB     LtLLE^ 


•5f 


lats^»  à  Télévaticm  qui  Te  fit,  du  premier  abbé  de 
fainA  Pierre  &  fainél  Bavon,  nommé  Floèerfiês: 
ce  que  a<lvint  en  Tan  mil  quarante-neuf,  feloa 
que  difent  ceux  dudiA  fainâ  Pierre  :  lefquels  en 
célèbrent  la  fefte  le  douziefme  de  May,  comme 
d'un  confeflèur,  encores  que  ceux  dudiâ  fain& 
Bavon  maintiennent  que  Flobert  leur  premier 
abbé  foit  enterré  en  leur  monaftère,  &  qu'il  ne 
fuft  jamais  canonizé ,  mefmes  qu'en  figne  de  ce 
ils  chantent  pour  luy  le  merme  jour  la  mefle  de 
requiem.  Or  ,  le  conte  Baudouyn  après  avoir 
héroicquement  &  vertueufement  gouverné  le  pals 
de  Flandre,  trépafla  en  l'an  mil  foixante-fept(4), 
&  fuyvant  l'ordonnance  laiffée  par  fon  teftament, 
fuft  enterré  en  la  ville  de  Lille,  en  l'églife  de 
fainA  Pierre,  au  milieu  du  chœur,  foubs  une 
lame,  &  eft  (on  épitaphe  tel: 

Humano  genert  parea  non  parcith  unquam 
Mortis  ad  interitum  fed  trahitss  mi/hrum^ 

Non  vir  non  muUer^  non  ullus  denique  fexut^ 
Fèftris  è  manibus ,  liber  abire  poteft. 


Floberr^ 
premier  tb- 
bédeftinâ 
Pierre  kz 
GtatL 


L*in  lo^. 

Décès  dff 
Baudoayn, 
didle  Dé- 
bonnaice* 


EpittplM 
dtt  conte 
Bâttdouya» 
did  leDd- 
boBuaiie. 


(4)  Le  I.  Septembre.  Philippus  ....  tutorem  aeeepU 
Baîiuinum  probum  fana  virum  ^  Jufii  tenacem  qui  ufquê 
gd  intiiUgibiîem  atafim  eum  bénigne  fovif  »  rcgnum  gnsvitir 
Mdminifiravit ,  rebelies  9  inquictos  virgd  direSionis  cor^ 
TêKit.  L'abbé  Velly  fait  de  ce  prince  un  éloge  d'autant  plus 
beau  qu'il  parolt  mérité,  „  Baudoin ,  dit-il ,  prince  fage 
9  ôc  en  grande  réputation  de  valeur  &  de  fermeté ,  fut 
^  régent  du  royanme  fous  le  nom  de  marquis  de  France. 
„  L'événement  juftifia  la  fageflë  de  ce  choix.  Baudoin  rem- 
M  pUt  cette  place  avec  didinâion ,  n'oublia  rien  pourTéduk 
^  cation  de  fon  pupille ,  &  gouverna  fon  royaume  avec 
^  beaucoup  de  prudence  ....  C*étoit  un  prince  d'une 
M  rare  probité  &  d%ine  équité  inflexible.»,  On  lit  encore 
fur  fon  tombeau  l'épitaphe  Aiivante:  CM  gift  très  baus. 
irès  noblefy  fiT  trèi  puifanf  princes  B(iu4cwins  li  Dcbonnat* 
U%  t  i(tdii  contes  de  Flandre  H  onzimes  «  qui  fondu  ceJU 
égiizc  âr  tre/paja  in  r$n  de  grajfes  mil  LÔ^U^ 


Ftagin.  de 
l*hiik.deFr. 
dans  Du- 
chefne» 
t.  4*  P*  ^* 

Hill.deFr. 
cn-p  385- 
âC40i.édit*. 
de  176a* 


^S4    BAUDOIN    CINQUIEME  i 

ros  mJlrMtn  comitem  rapuijih  nçmine  clarum , 

Et  génère  y  &  vita^  tnoribus  eximiumi 
Noflis  quem  queruîâ  ^  parc<z  ^  tam  voce  quereler^ 

Âut  qualem  plango  vos  rapuijfe  virumé 
i^^mpe  pium  comitem  Flandrenfem  Bafduduinum , 

Infulanm  &  hic^  efi  vocitatus  homo. 
Dux  tuus  ille  fuit^  ô  Flandria  ^  feptimu$  oUm^ 

Barhate  ac  gnatm  Balduduine  tuus. 
Vir  fortis ,  prudens  fuper  omnes  ,  atque  modeftus  y 

A£tibus  in  cunStis  exfiitit  ifte  fuis. 
Infulenfe  opidum  cum  caftris  fundat  ibidem , 

Ecclefiam  adificans  9  6  Petre  fan^e^  tuam. 
Quam  magnis  etiam  prabendis  conftabilivit  ^ 

Hic  ipfumque  d*Eenham  cœnobium  ftatuit. 
Hujus  Adela  fuit  conjunx  ea  nobîHs  9  atque 

Roberti  régis  fi/ia  Francigenûm. 
Qua  Balduinum  Montenfemyfrifonemque  Robert  umi 

Pofteà  Flandrenfes  hinc peperit  comités. 
MachtiUem  quoque  quam  dux  Normanus  Guilelmut 

Rexque  AngJus  cepit  conjugio  fociam. 
tiiCidemism  nofier  Balduinus  Francigenarum 

Régis  direStor ,  tempora  multa  fuit. 
Philippi  fua  quem  vetuit  regnare  juventus , 

Hic  pater ,  ergo  tibi^  Francia ,  fidus  erat. 
Poflquam  terdpnos ,  ^  très  regnajfet  in  annos , 

Extuïerat  patriam^  qui  probitate  fua^ 
Circà  annos  Domini  mil  fexagintaque  feptem 

Corpus  deferuit  fpiritus  egrediens. 
infulana  iftum  comitem  gens  confepelivit. 

In  Pétri  ipfâ  quam  ftruxerat  ecclefiâ. 

Ce  qu'en  rimç  franc orse  fe  peut  ^ranflater  cri 
celle  forte: 

Fatales  fœurs  qui  jamais  ne  ceffez^ 
De  virer  (a)  lefufeau  mortel  de  vie  humaine^ 
Çt  qui  fans  ejpagner  .créature  mondaine  9 
Foz  cruautez  fur  chafcun  exercez; 

^(a)  Tourner.  ' 


ou     DE     L  I  L  L  eV  asi 

Noflre  bon  conte  ofté  vous  nous  avez^ 
Lequel  fut  en  fon  temps  de  grande  renommée 
De  très-noble  mat  fon ,  de  vie  bien  réglée  » 
De  bonnes  mœurs.  Au  refte  vous  fçavez 

Qui  je  regret f  g?  pf^^^  '9^i  d'une  voix 
Tant plantîfv^  (a)  Çf  dolent'*  ores  je  me  tourmente* 
Vous  n* ignorez  combien  cejluy  que  je  lamente j, 
Homme  excellent .eftoit  preus  Êf  courtois. 

(Tejl  Baudouyn  de  qui  j^entendz  parler  ^ 
Des  Flamens  le  grand  conV  ^  auquel  fon  exemplaire 
Vie^  toji  moyenna  (F)  le  nom  de  Débonnaire^ 
Autrement  di&  de  Lille:  déclarer 

Duquel  les  faiBs  je  veus  préfentement. 
n  fut  des  tris-vaillants  Flamens  conte  feptiefmcj 
De  Baudouyn  Barbu  cher  fils  &  légitime  ^ 
En  tous  fes  faiâs  &  diâs  modeftement 

Gouverné  s^  a  tous  jours  ^  &  fut  vaillant^ 
Prudent^  fage^  difcret  ^  fîf  de  grand"  entreprinfe^ 
En  la  ville  de  Lille  il  a  la  pierre  mife^ 
Première  des  murailles;  &  ardant 

Au  fervice  divin  ,  au  mefme  lieu 
Un*  églife  fonda  fuperV  Q  manifique^ 
Qu*àfainà  Pierre  voua,  de  Pordr*  apofloftque 
Chef  excellent.  Et  pour  r honneur  de  Dieu. 

Doua  ladiS*  ig^if^  àe  plujieurs       ■ 
Prébendes  ,  &  depuis  fit  ériger  Q^  faire 
Le  très-dévot  dEenham  ^  riche  monajière. 
Au  lieu  du  viel  chaftel,  qu*ilfit  tout  leur  Çc)^ 

Une  dame  bien  nobt  &  de  grand  nom , 
H  print  pour  fon  efpous*  &  chère  compaignie, 
La  fille  de  Robert  roy  de  France  jolye. 
Ce  fut  madam*  Adle  dont  le  renom 

Bruit  encor*  aujourd^huy ,  comme  fon  voit 
Laquelle  peu  après  au  grand  conte  de  Fiante 


(a^  Plaint hc  (c)  Qu*il   leur ,  à^nnà  tcaS 

(yi  MérUa.  iniUr. 


LidotMltt* 

tlOA  pomf 
kUamê, 

Ltdottifié- 
dra  |^«nd 

Vidttittf  dêê 

mainf  du 
tandrt* 


h56    BAnDOIi^   CI>lQUtEMÉ;, 

/)^«a;  bMUifils  engendra^  qulfunntfam  efclandH(ji) 
Corttet  dcpult  9  dut  filament  l$$  cortolt  : 

Dont  le  premier  t^appelMt  Baudouyn 
Peu  apris  fUrnommi  le  Montoh:  le  deuziefme 
Fuji  Robert  le  Frifon  de  cceur  j^rand^  6?  extrême 
En  valllantls' ,  &  d'un  efprlt  divin. 

Eir  euftauffl  pour  fille  la  Mihault^ 
Qulfuft  excellement  par  mariage  unie 
A  Guillaume  gentil ^^  duc  de  la  Normandie^ 
Depuhrôy  des  Angl'olt puljfant  & hault. 

Or  noftre  Baudouin  J ut  fort  long  temps 
De  Phlllppes  (^  Henry  gouverneur  roys  de  France. 
,  Et  fuperlntendent  de  toute  la  chevance  Qi) 
Dupais  des  François  triS' opulent  s. 

Lesquels  II  gouverna  càmme  loyal 
Prince^  &  tris-vertueux  jufques  à  ce  que  Paage 
Plus  grand  leur  eufl  acquis  Un  cerveau  ftabr  ^  fage. 
Mais  peu  après  le  cruel  foNf  fatal  ^ 

Environ  r an  mil  Qf  folxantC'fept  ^ 
A  ravy  d'entre  nous  le  prudent  Qf  fisbllme 
E/prlt  de  Baudouyn  pleut  &  magnanime  f 
Hors  du  corps  dUceluy  tris-chafi*  ^  net. 

Qjte  deux  de  LUI'  en  mémoire  de  l'heur 
Repeu  par  ce  bon  prlnc\  ont  enterré  falns  falnte  ^ 
Dansl'égllfedudlltfalnEtPlérr'^ampr&fainete, 
Qu'il  avolt  faietfondet^  d'un  dévot  coeUr. 

Peu  V9tk%  U  trdpa*  dudift  conte  Baudouyii 
appel W  le  Débonnaire,  au  de  Lille,  madame  Adè- 
le fa  &mme^  laquelle  avoie  comme  ey-^eiFuii  avon;i 
déclaré,  fondé  le  monaftère  de  Mdllnc»^  fc  fit 
par  grande  déwtlon  porter  dan»  Une  lléliàrc  en 
la  ville  de  Rome ,  où  elle  reçcut  en  trèf-grande 
révérence  la  bénédiékion  du  pape  Alexandre,  qui 
Ion  préfidoit,  &  prlnt  de»  maini  dudiél  Alexandre 


en 


U)  Infuitê  eu  accident  f^shtux,   Q)  Biens ,  f^lfellofts» 


ou     DE     L  I  L  L  £♦ 


^Sf 


en  merveilleufe  humilité  Thabit  de  viduité,  &  re- 
tourna en  Flandre,  fe  retirant  audift  cloiftre  de 
Meflines,  où  elle  acheva  le  demeurant  de  fa  vie 
en  grande  auftérité  &  pénitence  (5)  :  Ceftc  prin-» 
cefle  fuft  autant  veriueufe  &  bien  conditionée 
qu'autre  dont  on  ouyt  oncques  parler.  Et  pour 
autant  qu'eu  fon  épitaphe.ed  aflex  amplement; 
parlé  de  fes  vertus  &  bonnes  conditioos,  je  me 
déporteray  (à)  de  m*eflargir  davantage  en  ce  pro*. 
pos:  feulement  vous  advertiray  que  finablement 
elle  trépaflfa  en  Tan  mil  feptante-un  (6)  audiâ 
monaftère  de  MeflineSy  où  elle  fuft  ent^rr^e,  Se 
eft  fon  épitaphe  tel: 

ffic  jacet  m  tumbJ  Ftancorum  régis  AJela 

J**ilia  Robersi  ^  nobi/ita/is  hovos. 
Ifla  pu  comitis  BalJuini  erat  mclïta  conjunx: 

Septima  Flandrenfis  qu^  comittjfa  fuit* 
Hdtc  quoque  normafutt  virtutum  ^  régula  rit  a: 

yuftitiam  docuit  moribus  ifia  fuis. 
Omnibus  exhibuit  fe  mitem^paàs  arnica^ 

Candida  vita  ejus  omnibus  efi  f^ecular^ 
Porrb  fuis  mujts  nec  pojfet  do&us  Homerus 

Dictte  quant  fuerit  rtligiofa  Dco. 


Trépas  d^ 
mtdame 
Adèle  de 
France, 
douagière 
4e  Flandre, 


Epitspb^ 
de  UdiâQ 
dame. 


Louanges 
de  hdiéte 
princeflet 


Ctf)  DilpinfcraL 

(5)  jffbâlm^  tûfttù  marito  fed  non  divitlh  difoîata.  .  ,  . 
apuil  Meffinas  fitnSimonalwm  ficminarum  conftruxit  cûtno^ 
bium  &  in  UStcd  duobus  equis-portahili  ^  proptcr  ventos  9 
fruvi4fs  dêcenter  c^ncamtratd^  usque  Romam^  apojhhrum 
&  aliorum  fanBorum  patrocinia  rtquljhfit:  9f  à  d»wuno 
pttpd  (^Alcxandro  II.  )  ^sfU  viduitatiê^  h^Htdi&i^equé  per* 
ceptà^  Fiandrias  repctiit  &  apud  Mepmai^  novifimd  tubd 
cxcitanda ,  in  pace  Cbrifti  ohdcrmivit. 

(6^  NouveUe  çrreur  chronologique.  Adèle  mourut  l'an 
mil  foixante  de  dix-neitf.  (Voyez  an  ReeueU  des  hi(i.  de 
Fr.  t.  II.  p.  460,  note  h,  Moytr.  Bu^LFlandr.  gâner.p.  i$i 
rotp  d.  ficc.  ^ 

V 


Flandr.  ge- 
ncf .  ç.  rj, 


^  Louange 
de  la  doua* 
gière  de 
Flandre. 


asS    BAUDOIN   ^ClNQUIEMÏf^ 

Muhumjejunans ,  Chrifium  que  fréquenter  adorant  ^ 

Inftitit  ^  prectbus  ^  hac  tua  fer  va  ,  Deui^ 
Cœnobium  Mefina  conflruxit  virginis  aima  9. 

Sacris  vîrginîbus  canonicisque  vtris. 
Hac  viduata  viro  façra  liminaVtfitat  urbis  y , 

Feftit  ubi  fummus  vefiibus  hanc  vidua , 
Preful  Romanus ,  à  quo  benedi&a  recèdem 

Ad  Mefinas  rediit  diâa  Des  famulaz 
Egit  ubi  reliqua  préfentis  tempora  viti  , 

Oppertens  Chrifium  gui  vocitaret  eam. 
Si  feptuagefimo  primo  anno  millia  junges , 

Invenies  tempus^  quo  redit  ad  Dominum. 
Hac  vejies  Mefînas  fed  corpus  ditat  humandumr 

Quodjacet  in  templo  ^  Virgo  Maria  ^  tuo. 

Ce  qu'en  françoîs  fignifie:- 

La  fille  cy-deffoubs  gijl  du  grand  roy  françois^ 
Mad^m*  Adèle  qui  fut  d'honnefieté  la  perle  ^ 
Laqueir  en  fon  temps  fut  de^  Baudouyn  courtois 
Et  Débonnaire  ^  femrn*  ^  vertueufe  &  belle. 

Conte fs'*  eW  a  régné  feptiefme  des  Flamens, 
Bonn*  efpac"  ^  ^  donné  par  fa  vie  exemplaire 
A  celles  de  fon  temps  des  beaux  enfeignements  , 
Pour  en  faiâs  ^  en  diSts  au  Dieu  fouverain plaire. 

Elle  fut  dejufîic^  amye^  ^  en  fes  mœurs , 
Douf:e ,  traiStabV , honneft* ,  ^ grav"  Çf  amiable: 
Se  portant  de  vertu ,  comme  un  miroir  très-feur 
Se  monfiroit  vers  chafcun  gracieus^  &  a  fable. 

Au  refte  nefçauroit  le  do6t*  Homer\  ^  grand,      , 
Par  fafubtile  mufe^  ^  plume  bien  difante, 
Affez  vous  exprimer  le  defîr  très-ardent , 
Duquel  tousjours  brufloit  cefle  dame  plaifante  , 

Fers  r amour  Q^  honneur  &  fervice  divin. 
Elle  continuoit  enjeufn*  ^  abfiinence^ 
Adoroit  le  Seigneur^  ne  povant  mettre  fin 
Aux  humbles  oraifons  qu'elle  fondoit  fans  çejfe. 


du     DE     LILLE:  1259 

i>ë  MeJlînes  le  cîotflre  &  dévot\  (^  très-famSt  ^ 

Elle  fit  confacrer  à  la  fTterge  très-pure  ^^ 

Et  mît  dans  iceltiy  des  pucelles  ,  ajfin 

Qj4e  Dieu  y  fût  fervy ,  de  fincérité  pure. 
Bjlant  vefve  depuis ,  eW  alla  vijiter 

De  Rome,  le  fain6t  lieu ,  (^  la  cité  notable  ,  ,  ^ 

Oli  le  père  très-fainSt  la  veflït  fans  tarder 

Des  facrez  veflèments  de  yefveté  (a)  louable;         '      :        ' 
Dupap^  ayant  receu  la  bénédi&ion^ 

Fers  BîeJJînes  retint  en  toute  diligence^ 

Où  jufques  au  mourir  en  grande  dévotion 

Elle  vefcut  ^  ^  en  falutair'*  abjlinençe»     . 
Attendant  prudemment  le  temps  auquel plairoîi 

Au  fouverain  Seigneur  r appel  1er  en  fa  gloire^ 

Sifeptant'*  ^  un  ans  4  nùlP  on  adjouftoit  ^ 

On  trouverait  le  (emps ,  auquel  ce  péremptoire  (jb^ 
exemple  de  vertu  ^  ae  ce  monde  paffa  .     ., 

Vame  rendant  au  Dieu^  qui  Pavoit  racheptée  *       ^. 

A  MeJJtnes  le  corps ,  que  lors  illec  laijfa 

En  réglife  enterré  de  la  Fierge  facrée* 

CHAPITRE       X  t  I  V. 

Comment  la  contejje  Richildefit  en  faveur  de  Bau-^ 
douyn  de  Mons  renoncer  fes  enfans  du  premier 
liSt  à  la  conté  deHainault  ,•  laquelle  depuis  a  tous^ 
jours  jufques  à  ce  temps  fuccé dé  aux  enfans  dç 
Flandre  <^  ^  des  vertus  Êf  bonnes  conditions  du^ 
di&  iBaudouyn  de  Monté 

Tl  Audouyn  de  Mons ,  autretnent  appelle  lé  Bon ,      Baudouya 
1j  fuccéda  au  gouvernement  de  Flandre  à  Baù-    4e  Mons , 
douyn  le  Débonnaire  fon  père  en  Tap  mil  foixan-    appeUé  là 
te-fept.  Il  acqùift  le  furnom  de  Mons,  pour  au-    ^^* 
tant  qu'avalif  eftre  conte  de  Flandjje  il  fut  feK 
gneur  jje  Mons  ,en  Haînault.  Il  euft  à  femme 
(  félon  que  cy-.'deflus  avons  déclaré)  madame  Ri- 

i^a)  Fîduité^  veuvage.  Çb)  Décifif,  auquel  il  faut  c44it% 


Des  enfai^s 
dudiâ  Bau- 
douyn. 


La  contcfle 
Richilde 
faia  en  fa- 
veur du 
conte  Bau- 
douyn,  fou 
mary,  re- 
noncer les 
cnfans  de 
fon  pre- 
mier ma- 
riage k  la 
coaté  de 
ll^inault. 


260    B  A  U  D  O  I  N     SIXIEME, 

childe,  fille  de  Renier,  dift  le  troizîefme  conte 
de  Hainault  (i),  &  vefve  de  Herrnnn ,  cônte  d'Ar- 
denne,  de  laquelle  vindrent  Ernould  le  Simple, 
qui  luy  fuccéda,  &  Baiidouyn  depuis  conte  de 
Hainault,  Je  treuve  par  les  chronicques  que  la 
contefle  Richilde  ayma  tellement  le  conte  Bau- 
douyn  de  Mohs  fon  mary,  qu'en  fa  faveur,  & 
pour  advancer ,  lefdifts  deux  enfans  qu'elle  avoit 
eu  de  luy,  elle  fit  afUk  deux  autres  enfans  qu'el- 
le avoit  eu  de  fon  premier  mary,  renoncer  à  la- 
dite conté  de  Hainault,  enfemble  à  toutes  autres 
fucceflîons  que  leur  pourroyent   efcheoîr,   tant 
paternèles  que  maternèles ,  le  tout  au  proufiit  des- 
ài&z  deux  enfans  du  conte  Baudouyn  &  d'elle, 
&  affin  que  ladifte  renonciation  ne  réyflît  (tf)  par 
fuccelTion  de  temps  frivole ,  &  que  pour  le  faift 
d'icelle  ne  fourdîflent  (i)  à  l'advenîr  aucuns  dé- 
bats, elle  trouva    pratique  de  faire   fon   fils, 
qu'elle  avoit  de  fondift  premier  mary,  dvefque 
de  Châlons ,  &  pour  le  tant  mieux  contenter  luy 
mit  es  mains  une  bien  notable  fomme  de  deniers, 
faifant  d'autre  codé,  une  fienne  fille  qu'elle  avoit 
du  fufdift  premier  mary,  relîgieufe  (a)  :  je  ne  fçay 


Flandr.  gê- 
ner.. De 
Guife,  Gil- 
bert, Mi- 
yaeus  »  &c. 


Butkent  9 
1.  a.  c.  n. 


(/?)  Ne  devint.  (b")  Ne  naquirent. 

(1)  Le  père  de  Richilde  eft  le  cinquième  des  comtes  de 
Haynaut  qui  ait  porté  ce  nom.  Quant  ^  fon  premier  époux 
qu'Oudeghcrft  dit  être  de  la  famlUe  d'Ardennes ,  fon  origine 
paroît  fort  incertaine.  La  plftpart  deihiftoricns  lui  donnent 
une  origine  Tiiaringienne  ou  Saxone. 

C2)  Richilde  n*aimoit  pas  Hermin  fon  premier  époux,  & 
fon  indifférence  s'étoit  étendue  jusques  fur  les  enfans  qu*el. 
le  en  avoit  eus.  Selon  de  Guife  ,  elle  leur  avoit  infplré 
dès  l'enfance  le  goût  de  la  vie  religkufc.  Il  paroît  que 
Rogîcr  fon  fils  étoit  disgracia  de  la  nature.,  tam  à  Tégard 
des  facultés  do  corps  qu'à  Tégard  dc  celles  de  l'efprit. 
^  Rogier  eftoit  boiteux ,  &  didon  que  fa  mère  le  fit  re- 
„  noncer  au  droit  de  fuccefllon  qu'il  avoit  à  la  comté  de 
„  Hainault  en  faveur  des  enfans  de  fon  fécond  m«riagc.  Il 
H  fut  d^églifc  &  devint  évéque  de  Chllon*^  (  fur  Marne) 
^  félon  d*antrei  de  Laon. 


eu     DE     MONS. 


df(t 


toutesfoîs  en  quel  monaftère  elle  fiift  colloqu^e 
&  par  ce  moyen  ladiAe  conté  de  Hainault  vint  de- 
puis furies  enfans  de  Flandre,  qui  la  poifôdent 
-  encore  pour  le  jourd*huy*  Ledift  conte  Baudouyn 
ne  vefquit  guerres  de  temps  après  fon  advène- 
ment  en  la  conté  de  Flandre.  Et  néantmoins  gou- 
verna ledift  pais,   avec  ceftuy  de  Hainault,  en 
paix,  union,  police  &  juftice  fy  grande,  que  du- 
rant fon  goux^mement,  n'eiloit  à  perfbnne,  pour 
crainte  des  larrons,    néceflaire  de  fermer  leurs 
portes  ou  maifons  &  beaucoup  moins  de  porter 
aucunes  armures  défenfives  ny  invafives  (a) ,  ny 
mefmes  de  faire  le  guet,  ny  autres  cbofes  fem- 
blables,  qu'auparavant  pour  bonne  (*)  &  fiable 
paix  qu'il  y  euft  au  païs ,  Ton  avoit  accouftumé 
faire-  Au  moyen  de  quoy  il  mérita  d'efbre  appel- 
lé  Baudouyn  le  Bon:  Voîres  d'autant  plus  que 
fur  toutes  chofes  il  avoit  tousjours  la  crainte  de 
pieu  devant  fes  yeux ,  qu'efloit  la  caufe  que  ja- 
mais il  ne  commençoît  rien  que  préalljiblement  il 
31 'euft  invoqué    fon  nom  très-fainft.  Il  hantoit 
merveilleufement  volontiers  les  églifes,  &nepaP- 
foit  jour  qu'il  ne  fréquentaft  avec  tout  refpeft 
&  diligence  le  fervicc  divin ,  fy  ax-ant  toutesfois 
que  (c)  les  affaires  plus  urgents  de  fon  dommaine 
le  luy  permettoyent.  Car  il  fçavoit  que  mefmes 
en  l'expédition  d'îceux ,  il  faifoit  œuvre  méritoî* 
re  &  très-agréaWe  à  Dieu.  Il  s'accouftuma  dès 
fa  jeuneffe  d'eftre  traictable,  courtois  &  affable 
vers  un  chafcun ,  &  néantmoins  il  fe  rendoît  fo- 
in Hier  à  peu  de  gens,  encores  qu'à  l'endroit  de 
tous  en  général  il  fe  monftraft  juftc,  droiélurier, 
&  raîfonnable:  il  eftoit  fobre   au  menger  &  au  ' 
boire,  fuiant  le  vin  comme  venin.  Car  il  confi- 
déroit  qu'il  n'y  avoit  chofc  plus  déteftable  & 


La  coQti 
deHainaok 
fur  les  ea> 
fans  de 
Flandre, 
Quilapotfé- 
dcot  enco- 
res pooT  le 
jourd'huy. 

Grande 
tranquillité 
au  piiS  de 
Flandre  du- 
rant le  gon- 
vernemenc 
de  Bau- 
douyn de 
Mousn. 


Pourquoi 
ce  Bau- 
douyn fut 
appelle  le 
Bon. 

Le  de\T>ir 
vers  Dieu 
du  conte 
Baudouya. 


Les  vert» 
&  bonnes 
conditions 
du  cvnte 
Baudou^-a. 


(ff)  Ofenfxvts. 


(r)  Pourvu  touufm  qus^ 


L^ivrôgne- 
He  indigne 
de  tout 
^rincci 


Libéralité 
|k  injuftice 
he  peuvent 
pnfemble 
fubfifter. 


^(52    B  A  U  D  O  I  N      SIXIEME^ 

mal  fénnte  à  un  prince ,  que  la  beftiale  ivrongn©^ 
rie.  Il  s'accouftroit  (a)  tousjours  fort  honneftç- 
pient,  &  d'une  gravité  convenable  à  un  prince, 
&  non  comme  un  jongheleur  ou  joueur  de  farces. 
Il  eftoit  de  peu  de  propos,  mais  ce  qu'il  difoit, 
avoit  lieu.  Il  eftoit  exercité  aux   langues  -fran- 
çoife,  flamenghe,  «Se  latine,  &  parloit  tousjours 
luy-mefme  donnant  bonne  audience  à  fes  vaflaux, 
fans  qu'à  ces  fins  il  ^'aydaft  d'aucun  interprète: 
il  ufoit  tousjours    de  confcil,    ne   commençant 
jamais  chofc  d^aucune  importance  de  fa  feule  tef- 
te.    Il    défeftimoit   grandement    tous  follaftres, 
truants  (^),  flatteurs  &  telles  forte$  de  gens, 
pour  a\itant  que  (félon  que  luy-mefmp -difoit  & 
avec  très-juftc  occafion)  il  ne  trouvoit  en  eux 
qu'abus  &  tromperie,  ïl  eftoit  véritable  en  fes 
'  paroUeç,  fe  perfuadant  qu'un  homme  fans  foyfai- 
foit  à  comparer  à  une  befte  brute.  Il  né  promet- 
toit  jamais  4  perConne  quelque  chofe,  fans  gran- 
de confidération  ou  raifon;    mais  il  fourniflbit 
tousjours  à  fa  promeffe,  &  mefrae  rexcédoit;il 
.eftoit  large  &  libéral;  mais  c'cftoi;  avec  telle  dis- 
crétion &  modération  que  fa  libéralité  ne  tour- 
noit  au  dommage  de  perfonne,  parce  qu'il  n'igno* 
roit  que  libéralité  &  injuftice  ne  pouvoyent  en- 
femble  confifter.    Il  eftoit  lent  &  fort  tardif  à 
entreprendre  ou  commencer  quelque  guerre,  te- 
nant   continuellement  bonne  alliance    &   amitié 
avecque  fes  voifms.  Et  s'il  furvenoit  aucun  difr 
férent,'il  tafchoit  de  le  pacifier  par  ambafladeurs , 
&  cédoit  trop  plus  volontiers  de  fon  droiél,  aur 
tant  que  fon  honneur  pouvoir  porter,  que  d'en- 
treprendre une  lourde  &  dangereufe  guerre  pour 
petite  occafion.  Son  principal  paffertemps  eftoit 
le  déduid  de  la  chafle  >  &  ceftuy  de  la  fauconne-r 


(«e)  S'habtlhit, 


0)  J2ut  mendie^  qui  f (illicite^ 


ou     DE      MONS. 


$63 


fie.  H  eftoit  afTez  réfolu  en  fes  exploits  de  juftî- 
ce,  fçafchant  certainement  que  cil  eftoit  le  fou- 
verain  moyen ,  pour  maintenir  &  conferver  fes 
vaflaux  &  lubjefts  en .  paix ,  union ,  &  tranquilli- 
té. Non  obftant  quoy,  il  fçavoît  pareillement 
tien  ufer  de  grâce,  lorsque  le  cas  luy  fembloit 
le  pouvoir  permettre,  &  félon  Texîgence  &  qua- 
lité des  délifts.  Il  fit  plufieurs  belles  ordonnan- 
<!es  fur  lefaifl:  de  juftice,  &  entre  autres  voulut 
&  ordonna,  que  de  là  en  avant  les  baillifs  en 
Plandre  portaflent  uile  blanche ,  longue  &  droifte 
verge,  dénotant  par  ce,  que  la  juftîce  doit  eftre 
nette^  droiéle  &  aucunefois  méfiée  demlférîcor- 
de  (3).  Brîef  il  gouverna  de  forte  qu'il  n'eft  mé- 
moire que  le  païs  de  Flandre  fuft  oncques  fy 
payfible,  qu'il  avoit  eTfté  en  fon  temps. 


Pourquoy 
les  baillifs 
en  Flandre 
portent  une 
blanche  & 
droictç 
verge. 


Cs)  D  n*eft  pas  certain  que  Baudoin  de  Mons  foit  l'in- 
ilituteur  de  cette  marque  diiUnftive  des  grands  baUlis  de 
Flandre.  Meyerus  fe  conteste  de  dire  que  c'eft  une  opinion  : 
pcrtur  auàor  fuijfc  alba  virga  ^uam  Flandrià  ttiamnum 
gejlant  pratorcs, 

CHAPITREE         XLV. 

Comment  le  conte  Baudouyn  édifia  fi?  privilégia 
la  ville  de  Grantmont ,  fif  d'aucuns  monafières , 
en  fon  temps  confirmas  en  Flandre^  avec  au^ 
très  fingularitezm 

Durant  le  règne  dudîô  Baudouyn  de  Mons , 
appelle  le  Bon ,  fut  fondée  près  la  ville  tle 
Douay,  l'iibbaye  d'Anchin  par  un  chevalier 
nommé   melîîre  Arnould  de  Rubemont  (i).   Et 

Ci)  L'abbaye  d'Anchin  fituée  à  deux  Ueiies  de  Douay, 
dans  une  île  formée  par  la  Scarpe ,  fut  fondée  en  1079.  & 
par  conféquent  9.. ans  après  la  mon  de  Baudoin  de  Mons» 
par  Vautier  &  Sicher ,  deux  riches  feigneurs ,  qui  y  prirent 
eux-mêmes  l'habit  religieux.  Le  terrein  fur  lequel  ils  con- 
ftruifirent  ce  monaftère ,  appartenoit  à  un  riche  gcntUhomme 
nommé  Anfclme^de  Ribemont  qui ,  pour  féconder  leur  picule 
^ntreprife  y  le  leur  abandonna  gratuitement. 


Annal.   FI. 
an.  1067. 


L*abb«ye 
d'Anchin 
fondée  par 
médire  Ar- 
nould de 
Rubemont. 

Mir.  dipL 
Bclg.  c.  40. 
L  I. 

Buzel.  ann. 

Flandriaî , 
p.  ï86. 


Lt  mona- 
ftère  de 
Haftïon 
é^yriii  par 
yaudouyn 
de  Moni  « 
&  la  caufe 
d'icclle 
#dif)çatioo« 


Les  ()alaU 
&  parc  de 
Hefdinédi^ 
iftoz  par 
fiaudouyn 
de  Mons. 

baudôuyil 
JTondc  la 
ville  de 
Grantmoiw 
qu*ll  appil- 
oue  à  foi) 
domaine  de 
l'iandrc. 


ft«4   BAUDOIN     SIXIEME, 

lediA  Daudouya  avec  madame  Ricbilde  fa  fem^ 
me,  fifrent  édifier  le  monaftère  de  Hafnon,  au« 
quel  ils  mifrent  premièrement  des  Chanoinea 
réguliers ,  &  depuis  au  lieu  4'iceux  y  foubrogue* 
rcnt  des  religieus  de  Tordre  de  faint  Benoift  (a), 
La  fondation  duquel  cloiftre,  ou  moins  l'occafion 
d'icelle,  procéda  (félon  les  anciens  chronic- 
queurs)  d'une  certaine  révélation  &  advcrtiflc* 
ment  de  monficur  fainft  Marcelin  &  fainfl:  Pierre 
martyres.  Lcfqucis  apparurent  au  conte  Baudouyn 
eftant  lors  grielvcment  malade,  qui  fuyvant  la- 
dii^e  admonition,  requid  le  conte  Baudouyn  le 
Débonnaire  fon  père,  lequel  n'eftoit  lors  encore 
terminé,  quMl  luy  pleuft  luy  donner  le  cbaftcau 
de  Haûion,  pour  y  édifier  (conformément  à  la 
Volonté  dcfdiéts  fainflis)  un  monaftère;  laquelle 
requelle  impétrée,  ilfuft  incontinent  rcftitué  en 
fa  première  fanté.  Au  moyen  de  quoy  il  hafta 
d'autant  plus  ledici:  ouvrage.  Il  fiil  fcmblable* 
ment  édifier  en  la  ville  de  Hefdin  un  bien  fump- 
tueux  &  magnifique  palais,  avec  un  parc  mer« 
vcilleufement  ample,  oà  il  Confomma  en  peu  de 
temps  une  incroyable  chevauche.  Le  mefme  Bau^ 
douyn  fonda  pareillement  la  ville  deGrantmortt, 
qu'il  appliqua  à  fon  dommaine  de  Flandre,  & 
acheta  bonne  partie  de  la  terre ,  fur  laquelle  le* 
àiâ  Gràntmont  eft  fitué  d'un  homme  de  grande 
autborité,  nommé  Gherard,  luy  citant  le  furplus 


(i)  Baudoin  &  Richilde  ne  furent  pa«  jei  fondtteura  da 
>nona(lérc  d'Hafnon.  Ce  monaftére»  fitu^  fur  la  Scarpcdani 
k  diotére  d^Afraf  ,  fut  fondé  vers  le  milieu  du  feptiéme 
liècle  par  un  gentilhomme  nommé  Jean  fie  par  Eulalic  ft 
tœut.  Le  premier  y  condruiOc  une  retraite  pour  des  reU* 
^ieux  âc  la  féconde  une  retraite  pour  des  religieufes.  Ces 
deux  monaddrcs  ayant  été  quelque  tems  après  détfuiu  pH 
tes  Normands  «  on  y  mit  des  ctianoints  réguliers  «  auxquels 
BaudoiA  de  Mons  fubflitua  des  religieux  Bénédiâint  Ha  pour 
lesquels  il  fit  coniirnifc  june  )iouveUe  églife» 


ou     DE     M  ON  S. 


a65 


vendu  par  le  feigneur  de  Bouliers»  fi  comme 
Buflemont,  Corteleke,  enfemble  les  paftures,  de- 
puis le  pont  de  BouUers  jufques  à  Huneghem» 
&  depuis  la  rivière  de  Tenre  jufques  à  la  terre 
Hahabale ,  &  fit  munir  lediâ  Grantmont  de  bons 
murs,  portes  &  foflTés,  Sy  appcUa  ladifte  ville 
du  nom  du  fufdift  Gherard ,  Gherardmont,  que 
nous  4ifons  maintenant  en  langage  corrumpu, 
Grantmont»  Laquelle  ville  achevée,  ledift  Bau- 
douyn  fe  tranfporta  en  Tan  mil  foixante-huift, 
en  un  lieu  (  duquel  je  ne  treuve  le  nom)  fur  les 
frontières  de  Flandre,  Brabant,  &  Hainiiult,où 
îl  fit  appcller  aucuns  des  principaux  barons,  & 
'  feigneurs  defdifts  pais,  par  Tacivis  &  confeil  def- 
quels  il  donna  aux  habitants  dudiâ:  Grantmont 
ordre ,  &  manière  de  vivre ,  avec  plufieurs  privi- 
lèges, lefquels  iceux  barons  (comme  voifins) 
proraifrent  &  jurèrent  entretenir,  félon  que  du 
tout  manifeftement  peut  apparoir,  par  lettres 
<iu*en  forme  de  privilège  le  conte  Baudouyn  leur 
en  bailla,  datées  dudiét  an  mil  foixante-huicl, 
efquelles  font  contenus  plufieurs  eftranges  arti- 
cles, &  entre  autres  le^  fubféqiients.  Si  cuis 
tffiiim  ticciderit^  vei  meml?rum  truncaverit  ^  caput 
pr$  tafiiej  membrum  pre  membre  ^  cmputetur; 
nifi  Jidefetidendo  hoc  fecerit.  Item:  Nemo  cogatur 
inire  dueilum  m  fi  fpontaneus  ,  vel  jmdicium  fubhrt 
ignrs  veiaqua.  Par  où  fe  defeouvre,  que  lors  Ton 
contraindoit  les  gens  à  combat  mortel,  ou  bien 
d'eux  purger,  vuigari purgatione ^  qui  eftoit  celle 
de  Teauë  ou  du  feu  (3):  ce  que  toutesfois  eft  pour 


ûtn  1068» 


Le  conte 
Baudouyn 
prefcnpt  à 
ceux  de 
Gnmtnjont 
ordre  & 
manière  de 
vivre   & 
leur  donne 
leurs  pre- 
miers pri- 
vilèges* 

D*aucun$ 
articles  in- 
fér<*s  auf-  ^ 
dits  privi- 
lèges. 


(3)  Cette  Jurisprudence  étoit  depuis  bien  des  fiècles  &  fdt 
long-tems  encore  après  celle  de  là  plupart  des  nacions  Euro^ 
prennes.  L^épreuve  du  feu  fur-tout  remonte  à  la  plus  haute 
antiquité.  £Ue  étoit  en  ufage  chez  les  Grecs ,  &  elle  eft 
-clairement  énoncée  dans  VJntigoue  de  Sophocje ,  poète  grec 
l^ui  vivoit  près  de  500.  ans  avant  Tére  chrétienne  :  Houi 


3B0.  t.  i. 
Edit.  de 
Capcronn, 


%(iÇ,    BAUDOIN      SIXIEME, 

Je  préfent  deffendu  tant  par  droits  humains  que 
divins.  Et  non  fans  caufe,  car  c'efl  un  juge- 
ment incertain ,  &  une  manière  de  tempter  Dieu, 
Il  y  a  en  outre  aufdicles  lettres  ceft  article.  Ldi^ 
eus  pro  querela  clertci  non  débet  citari  coram  decauB 
yel  eptfcopo  de  débit o^  vel  paSto^-vel  h<ereditate^ 
quam  diu  voluerit  ftafejudicîo  fcahinorum^  fed  de 
ht  s  qua  pertinent  ad  jus  ecclefîajlicum  ficut  de  fide^ 
matrimanio^  vel  ejuftnodi^  refpondere  débet  ecckfia. 
ÎjrEfquelles  lettres  &  en  toutes  autres  je  treuve 
que  ce  Baudauyn  s'a  tousjours  âttitulé  :  Balduh 


étions  prêts  à  hver  avec  les  mains  le  fer  ardent  ,  à  marr 
^her  à  travers  les  feux  ,  &  à  pren/re  les  dieux  à  témoins 
de  notre  innocence  ^c,  Ceft  ici  roccafiou  d'entrer  dans 
quelques  détails  fur  les  divers  genres  d'épreuves,  parce 
xiu'elles  tiennent  aux  mœurs  &  4  la  légiflation  xie  ces  liè- 
ges encore  un  peu  barbares. 

1®.  Il  y  a  voit  deux  manières  de  fubir  l'épreuve  dû  fer 
chaud.  La  première  étoit  de  faire  marcher  l'accufé  fur  des 
focs  de  charrue  rougis  au  feu.  Ces  focs  étoient  ordinaire- 
ment au  itombre  de  douze  ,  &  il  falloit  pofer  les  pieds 
fur  chacun  d'eux.  La  fécondé  manière  étoit  de  porter  un 
fer  rougi  au  feu  plus  ou  moins,  félon  que  les  préfomp- 
lions  étoient  plus  ou  moins  fondées.  Ce  fer  étoit  ou  un 
gantelet  dans  lequel  on  inféroit  les  doigts,  ou  une  barre 
qu'il  falloit  foulever  plufîcurs  fois  &  porter  à  la  longueur 
de  neuf  pieds.  On  enveloppoit  auffi-tôt  la  main  de  l'accufé. 
Le  juge  &  la  partie,  y  appofoient  leurs  fceaux ,  &  le  troi- 
fième  jour ,  on  e^aminoit  les  traces  que  le  .  feu  y  avoit 
laiflees.  Si  la  .main  étoit  intade  ,  l'on  étoit  réputé  inno- 
cent ;  fi  elle  ne  l'étoit  point  ,  le  crime  paflbit  pour  con- 
fiant ,  &  l'accufé  fubiflbit  la  peine  '  qu'il  méritoit.  Cette 
épreuve  a  pu  donner  lieu  au  proverbe  :  „  J'en  mettrois  la 
„  iiiain  au  feu  „   pour  attefter  une  chofe  dont  on  fc  croit  fur. 

2^.  L'épreuve  de  la  communion  étoit  particulièrement 
réfervce  aux  évéques  &;  aux  prétresi  accuf<îs  de  quelque 
crime.  On  leur  ordonnoît  de  célébrer  la  meife  &  dei  dire 
tout  haut  avant  la  communion  :  „  Que  le  corps  du  Seigneur 
^  ipe  ferve  aujourd'hui  d'épreuve.  „ 

3"*.  L'épreuve  de  la  croix  confiftoit  à  fe  tenir  debout  de» 
vant  une  croix ,   ou   à  tenir  les  bras  étendus    en  fbrmç 


X 


ou     DE      M  6  N  S. 


sl6^ 


pUsper  Dei  clemehtïam  princeps  FlanJrîa.  Et  pour 
autant  que  les  François  nous  ont  fouvent  argué 
&  tafché  reprendVe  de  ce  mot ,  par  la  grâce  de 
Dieu^  fouftenants  que  nul  n'en  doit  ufer  au  royau- 
me que  le  roy  feul,  nous  monftrerons  au  cha- 
pitre fubféquent,  que  les  contes  de  Flandre  ont 
quafi  de  tout  temps  tousjours  ufé  de  ce  tiltre ,  & 
mefmes  la  raifon  pourquoy,  a\*ec  autres  préémî-^ 
îiences  defdifts  contes  de  Flandre ,  que  les  autres 
pairs  de  France  n'ont  jamais  eu  ny  ufé. 


Que  !e$ 

contes  de 
Flandre 
ufent  de 
ce  terinc. 
Par  la  gra^ 
ce  de  Dieu» 


de  croix,  &  celui  qui  reftoit  le  plus  long-tems  immobile» 
étoït  jugé  innocent.  Toutes  ces  épreuves  font  fouvent  ap- 
pelfées  là  jugement  de  Dieu,  Voyez  Muratori  dijfert,  de  ju- 
diciis  Dei.  Antiq,  ItaL  vol.  3.  p.  6 lû, 

4**.  L'épreuve  de  Teau  froide  confiftoit  à  lier  les  pieds  & 
les  mains  de  ceux  qui  dévoient  la  fubir.  On  les  jettoit 
enfuite  dans  une  cuve  pleine  d'eau  ,  &  ceux  qui  fuma- 
geoient  fans  enfoncer ,  étoient  réputés  coupables  ,  parce 
jqu'on  croyoit  que  l'eau  purifiée  par  des  exorcifmes  &  ne 
pouvant  fouffrir  rien  d'impur ,  reftdbit  de  les  recevoir  dans 
fon  fein,  (On  réputoit  innocens  ceiix  qui  alloient  au  fond 
fie  la  cuve. 

5^.  L'épreuve  de  l'eau  chaude  étoit  d'un  ufage  plus  corn* 
tnun  que  celle  de  l'eau  froide.  Quand  l'eau  bouiUoit,  on 
l'ôtoit  du  feu  ;  &  celui  qui  préfidoit  à  ce  jugement ,  fus- 
pe^doit  dans  la  chaudière  une  pierre  à  une  profondeur 
plus  ou  moins  grande ,  félon  la  gravité  du  crime ,  &  l'ac- 
cufé  la  retiroit  avec  la  main,  qu'on  lui  enveloppoit  auffi- 
tôt.  Le  juge  &  la  partie  y  appofoient  leurs  fceaux  &c. 
comme  il   eft  dit  ci-deflus. 

6<>.  ^'épreuve  du  ferment  confiftoit  à  jurer  fur  l'évan- 
gile, fur  la  croix  ou  fur  les  reliques  des  faints. 

70.  Le  combat  étoit  d'un  ufage  fort  commun.  Les  prêtres 
&  les  femmes  même  y  étoient  foumjs  ,  en  foumiffant  un 
homme  qui  fe  battît  pour  eux.  Il  étoit  même  permis  aux 
accufés  de  confier  le  foin  de  leur  juftification  à  des  braves 
appelles  champiom^  &  qui  fefoient  profeflîon  de  fe  battre 
envers  &  conue  tous.  Le  vaincu  étoit  ccnfé  lé  coupable. 


Anecdotes 
franc.  Pa- 
ris 1767. 


Le  conte 
4e  Flandre 
•  qnttre 
fouveniiDf 
officier*  en 
f«  innifon 
comme  le 
loy  de 
Fmnce. 

I^g  oflicei 
de  cbsnce- 
lier,  con* 
neihble, 
chambrier 
&  pinceme 
«nFliiDdre. 


{i68    BAUDOIN      SIXIEME,     ' 

CHAPITRE       XLVI. 

Comment  les  confes  de  Flandre  ont  p/u/feurs  autko' 
ritdz  ô?  prééminences  en  Flandrç ,  que  les  aU' 
très  pairs  de  France  n*ont  en  leurs  pair  ries  ,  & 
de  la  raifon  defdiStes  prééminences  ^  enfemble  du 
trefpas  de  Baudouyn  de  M  on  s, 

POur  fournir  à  ce  qu*au  chapftre  précédent 
avoni  promis,  touchant  la  fpécification  d^au- 
cuncô  authoritez ,  &  prééminences  que  les  conte» 
de  Flandre  ont  plus  grande  ep  leur  pairrie ,  que 
les  autres  pairs  de  France  en  leurs  terres  &  fei- 
gneurieSt  devez  entendre  en  premier  Heu,  que 
le  conte  de  Flandre  a,  ^  dès  le  coramenceinent 
a  eu  en  fa  roaifon,  tels  quatre  officiers  fouve- 
rains,  appeliez  minifteriales  demùs^  qu'anclene- 
ment  le  roy  par  e;ccellence  avoit,  &  a  mainte- 
nant en  la  ftcnne,  fi  comme  un  chancelje/, 
conneftablc,  chambrier  (^),  &  pincerna(*)!  com- 
me fe  peut  vcolr  par  plufieurs  anciencs  lettres, 
&  fignamment  par  ce  que  deptis,  lefdifts  quatre 
officiers,  ont  efté  par  luy  inféodez:  fçavoir  Tof- 
fice  de  chancelier  à  la  prévofté,  de  fainft  Donas, 
ceftuy  de  conneftablc  au  chaftclaln  de  Lille ,  ou 
félon  autres,  au  feigneur  de  Wlngles,  cil  de 
chambrjer  au  feigneur  d'Oudenbourg,  que  le 
conte  Louys  diél  de  CrefTy  racheta,  &  Toflicc 
de  pinceme  (i)  aux  barons  de  Gavere,  Davantage 


(/z)  Chambellan, 


(^b)  Echanfon, 


(i)  ÏI  feroit  peut-(ître  difUclle  »  pour  remplir  la  Ucuot 
que  laifle  en  cm  endroit  Oudeglicrft ,  de  dire  pofuivcmenc 
8  quelle  famille  ou  à  quelle  rei^neurie  fut  d*abord  attacbée 
la  diî{nit(i  dVchanfon  des  comtes  de  FJandre.  Ce  que  nou» 
pouvons  dire  de  plus  farisfaifant  il  cet  é^ard ,  c'eft  qu'elle 
8  été  anciennement  pofll^dée  par  la  famille  des  barons  de 
Gavre,  comme  le  prouve  un  diplôme  de  Tan  ii86. ,  dani 
Icqlicl  un  dee  fcigneurs  de   cette    famille  fait  préfenc  il« 


ou     DE     M  Ô  N  S. 


â6j^ 


le  conte  de  Flandre  ^5  &  dès  le  commencement 
a  eu  la  flngularité  que  la  conté  de  Flandre  n'eft 
fubjeAe  à  aucun  empenage  (a);  mais  fuccède 
auflfy  bien  fur  filles  que  fur  fils ,  &  qu'ainfi  foit , 
vous  voirez  par  le  difcours  de  cefte  hiftoire, 
que  Flandre  par  cinc  diverfes  fois  a  fuccédé  fur 
filles.  Le  conte  de  Flandre  a  aufly ,  &  dès  le 
commencement  a  eu  la  prééminence  &  autho- 
rîté  de  faire  &  ftatuer  toutes  ordonnances  &  con- 
ftitutions,  fervants  au  bien&prouffit  de  fa  conté, 
&  mefmès  donner  à  icelles  force  &  vigueur  de 
loy  efcripte.  Dont  aflfez  appert ,  par  ce  que  tou- 
tes les  villes  &  chaftelenies  de  Flandre,  ont  de 
tout  temps  efté,  comme  encore  font,  régies  & 
gouvernées  par  les  kueres  (Z^),  (htuts  &  ordon- 
nances des  contes  de  Flandre ,  &  non  du  roy  ny 
d'autre.  Oultre  ce  le  mefme  conte  a ,  &  dès  le 
commencement  a  eu  la  jurifdiftion  &  puiflancc 
de  remettre  &  pardonner  tous  crimes,  enfemble 
de  convertir  le  criminel  en  civil,,  &  de  donner 
&  faire  expédier  par  fa  chancelerie  toutes  provi- 
fions  &  de  jufticp  &  de  grâce  ,  qu'un  feigneii" 
fouverain  peut  &  eft  accouftumé  faire  &  donner^ 
voires  de  la  mefme  forte  que  le  roy  de  France 
fait  en  fon  royaume.  Le  mefme  conte  de  Flandre 


Fkadre 
n*cft  folK 
|eae  à  w^ 
cua  empe- 
nage. 


Le  conte 
deFltndre 
pcaccnfon 
p«îs  ftatuer 
«mtes  mft- 
nâéresd*or« 
Romances 
&.  leur  don* 
ner  force 
4e  loy 
efcriptf* 


Le  conte 
peat  en 
foo  pais 
pardonner 
tooi  cri- 
atts0Lconr 
venir  le 
cfteiiiielea 
dfiL 


(tf)  U/age  eu  loi  qui  excita  les    (^)  LoiJc. 
filles  de  iafuccêghn  au  trône. 

la  forêt  de  Sibinshomdt  à  Tabbaye  de  Niflove  :  Razo  île  Ga- 
verd,  divind  ordinente  providentid  ^  comitts  Flandria  pin- 
cerna  &c.  Un  autre  dipleme  de  Tan  io6d.  nft  également 
ligné  par  on  Razon  de  Gavre\  ce  qui  prouve  rancicnaeté 
de  cette  maifon.  Gavre  Tune  des  cin^  anciennes  baronnies 
du  comté  d'Ak>{l>  fut 'jadis  polfédée  par  la  maifon  de  La- 
val ,  enfuite  par  celle  de  Luxembourg ,  puis  par  celle  d'Eg- 
mont.  Aox  quatre  dignité^  héréditaires ,  dont  parte  ici  notre 
auteur ,  U  faut  joindre  ceile  de  maître  d'hètel  pôffifdéc  an- 
ciennement par  les  feigneurs  de  Wavrin ,  qui  étoicm  au» 
fîénéchaux  de  Flandre 


Bfirldonflt. 
Bel|.  L  a. 
c  61.  ^ 
diplom. 
Bdg.  L  U 
c.  ^« 


Le  corne 
jeUt  en 
îes  pai> 
4ojaner  pri- 
vilèges & 
affranchir- 
femens» 


Le  conte 
6e  Flandre 
peut  en  fon 
païs  forger 
monnoye 
d'or  &  d'ar- 
gent de  tel 
alloy  qu'il 
veut. 

'  Le  conte 
de  Flandre 
a  tousjours 
jugé  par 
arreft  & 
fans  reflbrt 
cntfes 
chambres, 
légale  &des 
fenengs. 


cf7c/    B  A  U  D  O  1  N      S  t  X  I  E  M  E  ,' 

a  piareîUement ,  &  dès  le  éommencement  d  etf 
prééminetice  &  authorité  dé  donner  privilèges  y 
afFranchiflements  ,&  liberrez,*  tant  aiix  églîfes, 
qu'aux  villes  &  chaftelenîes  (2)  ,  félon  que  ma- 
nifeftement  fe  treuve  par  les  privilèges  ctonnez 
par  les  contes  de  Flandre  de  bien  grande  an- 
chienneté ,  aux  églîfes ,  villes ,  &  chaftelenies  du- 
diél  Flandre ,  dont  les  tréforyes  de  faint  Amand  ,• 
faint  Bertin ,  faint  Pierre ,  faint  Bavon  &  autres  , 
femblablement  les  villes  &  chaftelenies  d'Arras  v 
dé  faint  Orner,  de  Gand,  Bruges,  Yf)re,  &^  au- 
tres font,  toutes*  pleuies/  Sy  a  lediél  conte,  &  de 
tout  temps  a  eu  authorité  &  prééminence  fingu- 
Hère  de  forger  en  Flandre  monnoye  d '01^  &  d'ar-i 
gent  de  tel  aloy  &  valeur,  Qualité  &  quantité 
que  bon  luy  femblé,  niefmeS  de  réduîré'&  éva- 
luer U  ùionnoye  du  roy  à'ia  fichne:  il  a  aufly 
comme  tousjours  a  eu  la  prééminence  de  jugef 
en  fes  chambres,  légale  (a)  &  de  renengs  par  ar- 
reft &  fans  reflbit ,  enfémble  d'avoir  &  lever  ay- 
des  &  fubfides  par  fes  propres  oftroys  &  qui- 
tances.  Le  conte  femblablement  a  de  tout  temps 
eu,  &  a  encores  pour  lepréfent,  fa  prééminence 
de  liberté  &  exemption ,  obftant  laquelle  le  roy 
ii^a  jamais  ufé  en  Flandrfe  defa  pkîfte  fouverai*-^ 
neté,  comme  il  a  faiél  es  autres  paîrrics.  Car 
fes  ordonnances  n*y  ont  lieu  ny  fes  lettres  de  gra^ 
'  ce  Quelles  qu'elles  foyent ,  fes  juges  royaux  n'y 
ont  jurifdiélion  par  prévention,  ny  autrement. 
Les  généraux  impofts  qui  fe  mettent  fus  au  royau- 
me, fi  comme  du  dixiefme,  vingtiefme,  cinquan- 


(/z)  Foyezla  fin  duchap,  124.^      cette  chanîbre.  Voyez  enoh 
oUr auteur  explique  ce  qu'^étott      re  te  chap,  170. 

(2)  Les  premiers  comtes  de  Flandre  ,ont  joui  fins  doute' 
du  privilège  que  leur  accorde  ici  Thiftorien ,  mais  i  titre' 
defuzerains,  les  rois  de  France  l'ont  également  exercé* 
long-tcms  encore  après  l'éreAion  delà  Flandre  en  comt^ 
héréditaire. 


ou     DE      M  O  N  S. 


271 


tiefme,  à  eeûtiefnïe  ou  autres   ne  sîextendent 
point  en  Flandre ,  comme  auffy  ne  font  les  réga- 
les du  roy.  Finablement  (pour  venir  à  ce  quy 
nous  a  faift  entret  en  ce  propos),  le  conte  de 
Flandre  a  Tauthorité  &  prééminence  d'ufer  en 
fon  tiltre  du  mo^  :  Par  la  grâce  de  Dieu  ,  ce  que 
ne  faift  ny  peut  faire   aucun   autre  en -France 
(félon  que  les  François  mefmes  tefmoingnent)^ 
Et  pour  monftrer  que  les  contes  de  Flandre  ont 
povoir  &  aiithorîté  d*en  ufer,  nous  avons^desji 
déclaré  que  le  conte  Baudouyn  de  Mons  s*atti- 
tuloit  de  telle  forte  (j).  Robert  le  jeune  fe  nom- 
moit  par  fes  lettres ,  en  cefte  manière  :  Dei  mife^ 
ricordtâ Flandrenfis  Marchio.  Philippe  le  premiers 
Philippus ,  Dei  gratid ,  cornes  Flandrice  Çf  Firoman^ 
diée  cornes.    Semblablement  Thiery    d'EIfate  fon 
père.   Theodoricus^  Dei  gratid^  cornes  Flandriée. 
Baudouyn  empereur  de  Conftantinople ,  Baldui- 
nus  5  Dei  gratid^  Flandrice  &  Hannonia  cornes.  Tho- 
mas de  Savoye.  Thomat ,  Dei  gratid^  Flandria  & 
Hannonia  cornes.  Louys  de  Maie    en  fes  mon- 
noyés  (/?).  Ludovicus^  Dei  gratid  ^cornes  Ç^dominus 
Flandria.  Toutesfois  affin  de  ne  rien  obmettre^ 
je  treuve  auffy  que  plufieurs  contes  &  conteffes 
de  Flandre  ont  laiffé  en  leur  tiltre ,  ledift  terme 
Dei  gratid ,  pour  la  révérence  peut-eftre  qu'ils 
avoyent  aux  roys  de  France  de  leur  temps.  Car 
les  conteffes  Jehenne  &  Marguerite  n'en  uferent 
point,  tomme  pareillement  ne  firent  les  contes 
Guy,  ny  Robert  fon  fils,ny  Louys  de  Creffy, 


Lesregileff 
de  France 
ne  s'cxtcn- 
dent  en 
Flandre. 

Le  conto^ 
peutufér 
en  fon  tiltre 
de  ce  terme 
Par  la  gra" 
ce  de  Dieu. 


Ça^  Voyez  le  traité  fur  Thiftoi- 
re  monétaire  des  Pays-Bas 


par  le  [avant    ahhi  Ghef*^ 
quiere,  p.  13(^-139.      . 


(3)  Long-tems  avant  Baudoin  de  Mons ,  Amoul  le  Vieil 
prenoit  un  tître  à-peu-prè«  femblable.  C'étoit ,  Arnulpbus  p 
adminiôuîante  fuprcmi  régis  clemântid  »  marcbifus ,  &  Bau^ 
doin  de  Lille  employoic  indifiéremment  II  formule ,  Per 
J^ei  clementiam  ou   Bel  cîem*ntid*. 


tes  contes 
de  Flandre 
excédent 
.  en  nobleife 
tous  les  au- 
tres pairs 
de  France. 

Les  contes 
de  Flandre 
n'ont  ja- 
mais vuidé 
l'eftoc  de 
Charles  le 
Maignc. 


4?a    B  A  U  D  O  I*N     SIXIEME^ 

uy  Louys  de  Maie,  ne  fuft  en  fes  monnoyes^ 
Saulf  qu'après  la  paix  de  Br.'ibant,  il  s*attitula 
aucune  foys,  Louys  conte  de  Flandre,  par  la  gfa- 
ce  de  Dieu,  duc  de  Brabant.  Philippe  le  Hardy 
femblablemcnt  n'en  ufa  poinft,  ny  le  duc  Jean 
fou  fils,  ny  le  duc  Philippe  en  fon  commence- 
ment.  Mais  en  Tan  quatre  cents  trente,  quand 
ks  duchés  de  Lotrice,  de  Brabant  &  de  Lem- 
bourch^  luy  fufrent  fuccédées,  il  commença  d'en 
ufer,  &  continua  tant  qu'il  vefcut.  Auffy  fit  le 
duc  Charles  fon  fils^  &  après  luy  madame  Ma-» 
rie,  puis  le  toy  Philippe,  l'empereur  Charles,  & 
maintenant  en  ufe  le  roy  Philippe  noftre  fouve- 
rain  feigneur,  que  Dieu  maintiene  &  conferve 
long*temps  en  toute  profpérîté.  Toutes  lefquel- 
les  prééminences  cy-deflfus  déclarées  procèdent  de 
la  grande  noblefle  des  contes  &  antiquité  dudiét 
Flandre.  Car  quant  à  la  noblefle,  c'eft  chofe  fau- 
te qu'en  icelle  ils  excèdent  tous  les  autres  pair» 
de  France  (4).  Et  qu'Jiînfi  foit  les  contes  de  Flan- 
dre jufques  à  préfent  font  venus  &  defcendua 
en  ligne  dircfte ,  de  la  race  &  eftoc  (a)  de  Char- 
les le  Maîgne,  fçavoîr  de  Charles  le  Chaulve, 
81s  de  Louys  le  Débonnaire,  fils  du  roy  Char- 
les, ce  que  ne  font  les  autres  pairs,  &  ne  vuî- 
derent  lefdiéls  contes  jamais  îceluy  eftoc ,  comme 
bien  ont  faîft  les  roys  dé  France ,  par  l'ufurpa- 
tion  de  Hue  Capet,  &  s'ils  difent  qu'ils  y  font 
'  ttntttz  par  le  mariage  que  fit  Philippe  \t  Con- 
quérant 


(<i)  Chrf  de  familU. 

C4)  Le  comte  de  Flandre  étoit  le  premier  des  trois  cein- 
tes &  pairs  laïcs  de  France,  telui  qui  le  rcpréfentc ,  porte 
Tépée  royale  au  facre  des  rois  ;  mais  les  ducs  &  pairs  ont 
la  prééminence  fur  lui.  Cela  n*cmpéche  pas  que  le  comté 
de  Flandre  ne  foit  peut-être  la  pairie  la  plus  andeancmeoc 
inféodée ,  comme  le  dit  enfuite  notre  iroteur. 


ou     DE      M  O  N  S. 


^73 


quérant  à  madame  Yfabeau  de  Hainault,  ils  ont 
raifon.  Sa  toutesfois  ils  doivent  recognoiftre  ce 
bien  de  la  maiibn  de  Flandre,  dont  icelle  Yfa- 
beau eftoit  defcendue,  &  par  père  &  par  mère, 
d'autant  que  fon  père  Baudouyn ,  conte  de  Hai- 
nault, eftoit  en  directe  ligne  yflu  de  fon  cofté 
paternel  de  Baudouyn  de  Mons,  (duquel  nous 
avons  parlé  préfentement)  d'autre  part  madame 
Marguerite,  mère  de  la  fufdiôe  Yfabeau,  eftoit 
venue  directement  de  Robert  le  Frifon,  fécond 
£ls  de  Baudouyn  le  Débonnaire.  Mais  s'ils  main- 
tiennent   qu'ils    font  rentrez    en    l'eftoc  dudicl 
Charles  le  Maigne,  par  la  fille  de  Charles,  duc 
de  Lotrice,  frère  du  roy  Louys  le  Oxiefme,  que 
Hue  Capet  déchafl'a,  laquelle  fut  mariée  à  un 
conte  de   Namur ,  dont   defcendit  ladiele   Yfa- 
beau ide  Hainault,  ils  ne  font  du  tout  hors  de 
propos ,  encores  que  ce  luy  advint  par  le  moyen 
dudift  Baudouyn  fon  père,   lequel  du  cofté  pa- 
ternel venoit  directement  de  Flandre,  &  du  ma- 
ternel dudict  Charles,  dac  de  Lotrice.  Touchant 
l'antiquité  dudit  Flandre,    il   eft    notoire,   que 
cefte  conté  fuft  la  première  pairrîe  inféodée, pré- 
cédant pounant  en  ancienneté  toutes  les  autres. 
Comme  peut  apparoir  par  les  dates  de  leurs  in- 
fëodations,  &  fe  trouvera  que  Flandre  fut  in- 
féodée par  le  roy  Charles,  di<ft  le  Chaulve,  en 
l'an   huici   cents   foixante-deux ,  &  Normandie 
Tan  neuf  cents  neuf,  par  Charles  le  Simple  (5)  : 
Dourgomgnc  Tan  mil  titnte-cînc  par  Robert  Ca- 
pet (6),  &  les  autres  fucceffivement  en  autres 


Que  les 
roys  de 
Fninccfonc 
reficrcz  à 
re{h>c  du* 
diâChirles 
le  Maigne 
pir  béné- 
fice de  la 
mtifon  da 
Flandre. 


La  conté  de 
Flandre 
précède  en 
antiquité 
les  autres 
pairries  do 
France. 


(5)  Ce  fut  ^  pi  2.  que  fe  conclut  à  St.  Clair  fur  Ept|^ 
le  traité  par  lequel  Charles  le  Simple  donna  fa  fille  Œfék 
&  la  Neu^e,  aujourd'hui  la  Normandie,  à  RoUon»  chef 
des  Normands. 

C6)  Robeft  mourut  en  1031.  Ce  fut  Henri  fon  fucccf» 
ftur  ôw  fon  fils  qui  donn^le  duché  de  Bourgogne  à  R^^cfl 

X- 


Flandre  ♦ 
partage  de 
France. 


Lefdiftes 
prééminen- 
ces acqui- 
fes  à  Flan- 
dre par 
prefcrip- 

tiOD. 


^74    BAUDOIN      SIXIEME, 

temps,  bonne  efpace  après  Tinféodation  dudîét 
Flandre.  Les  autres  eftiment  les  fufdiftes  préé- 
minences procéder,  de  ce  qu'ils  maintiennent 
Flandre  eftre  partage  du  royaume  de  France, 
faiftpar  k  roy  Charles ,  dift  le  Chaulve ,  à  madame 
Judkh  fa  fille,  &  par  luy  donné  en  mariage  à  Bau- 
douyn  Bras  de  Fer ,  dernier  foreftier ,  &  premier 
conte  de  Flandre,  p^our  le  tenir  par  luy  &  fes 
fuccefleurs  mafles  &  femelles  en  telle  prééminence 
que  partagiers  du  royaunle  ont  droift  de  tenir 
leurs  partages,  &  à  ce  dire  les  meut, la  très-gran- 
de extenfion  faiéte  dudift  Flandre  par  ledift  ma- 
riage, que  par  noftre  difcours  à  ce  deftiné  aurez 
peu  entendre.  Plufieurs  fouftiennetat?  que  lefdiéles 
prééminences  ont  par  les  contes  de  Flandre  efté 
acquifes,  par  longue  &  invétérée  ufance,  &  couf- 
tume  prefcripte  par  tant  de  temps,  qu'il  n'eft 
mémoire  du  contraire:  de  forte  que  comme  le 
•toy  de  France ,  par  longue  &  invétérée  ufance , 
&  couftume  prefcripte,  &  non  débatue  {a)  par 
le  pape  ny  par  l'empereur,  s'eft  exempté  de  l'em- 
pire ,  ne  cognoiffànt  aucun  fouverain  ;  de  mefme 
forte ,  par  longue  ufance  &  couftume ,  non  dé- 
batue par  les  roys  de  France,  le  conte  de  FIan< 
dre  a  obtenu  lefdiéles  prééminences  &  authoritez. 
En  quoy  je  me  fuis  d'autant  plus  voluntîers  eP- 
largy,  que  Je  m'afleure  la  cognoiffance  de  ces 
lîngularitez  devoir  reyffir  agréable  &  plaifante, 
à  tout  curieux  &  diligent  ledleur,  &  toutesfois 
(aflSn  de  ne  trop  nous  efgarer),  fçafchiez  que  le^ 


<^)  Dtfputie. 

fon  frère  qui ,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut ,  fut  le 
chef  de  la  première  maifoil  de  Bourgogne  ,  qui  dura  près 
de  360.  ans.  Au  refte ,  il  n'exifte  point ,  comme  le  fuppofe 
Oudegherft ,  de  lettres  de  création  de  pairies  des  anciens 
pairs ,  par  la  raifon  qu'ils  fe  l'écoient  faits  eux-mêmes ,  dit 
le  P.  Hénault. 


ou     DE     M  O  N  S. 


^75 


dlft  Baudouyn  de  Mons,  autrement  appelle  le 
Bon ,  ponte  de  Flandre ,  après  avoir  tant  vcrtueu- 
fement  gouverné  la  province  de  Flandre  refpace 
de  trois  ans  feulement,  trefpafla  bien  haftive- 
ment.  Ton  ne  fçait  de  quelle  maladie,  en  Tan 
milfeptante  (7).  Dieu  par  fa  grâce  veuille  avoir 
pitié  &  miféricorde  de  luy ,  car  c*eftoit  un  prîn* 
ce  mervcilleufcment  vertueux,  lequel  à  raifon  de 
fa  modefte façon  de  faire,  avoir  en  fon  temps  efté 
grandement  honnoré  de  tous.  Qui  fut  la  caufe, 
qu'aprè?  fa  mort,  il  fut  rcgrcté,  plaint  &  lamen* 
té  d'un  chafcun,  tant  petit  que  grand,  non  point 
par  honneur  feint,  mais  par  vrayes  larmes,  for- 
tants  tant  ^u  cœur,  que  des  yeux,  de  la  mefme 
forte-  &  manière,  comme  fy  chafcun  euft  faift 
quelque  grande  perte  particulière.  Tant  avoit 
efté  grande  fa  modeftie,  &  gracicus  fon  gouver- 
nement, comme  de  celuy  quy  n'avoit  offenfé 
perfonnd.  Il  fut  enterré  au  monaftère  de  Ilaf* 
non,  que  luy-mefme  avoit  faîd:  conftruire  &  édi- 
fier, auquel  fe  voit  fon  épitaphe  tel  que  s'enfuyt: 

Omne  gcnus  hominum  morspejjîma  cogit  obire^ 
Evadtt  nuîlus^  fîtve  vir  ^  aut  muîler. 

Cfptt  Sf  tftum  mors ,  hoc  cujus  membra  fepulchro 
Sunt  fit  a ,  ceu  poterts  hoc  titulo  légère. 

Mont  en  fis  Balduinus  hic  efl  ^homo  pach  amicusj 
O&avum  comitetn  Flandria  quem  tenuit. 


Vttk  1070. 

Décès  do 
Baudouyn 
de  Mi>ns  » 
autremenc 
diâ  le  Bon» 


Epitaphd 
de  Bau- 
douyn  de 

MOQS. 


(7)  Le  ai.  ou  le  17.  Juinct,  dans  Ifi  ville  d'Audcnarde; 
Avant  fa  mort,it  av*oit  fait  alTembler  les  grands  6c  les  pré- 
lats .de  la  Flandre  &  du  Haynaut  &  leur  avoit  ftit  jurer  de 
reconnoître  fes  deux  fils  pour  leurs  fouvcrains  refpeAifs, 
n  avoit  laiffé  à  Amou! .  l'aîné  le  comté  de  Flandre  fous  la 
tutèle  de  Robert  le  Frifon  fon  frère»  &  le  Haynaut  à  Bau» 
doin  fous  la  tutèle  de  Richilde  fa  mère.  Marchantius  fait 
de  ce  prince  un  bel  éloge  en  peu  de  mots  :  Paci  &  tranquil* 
Utatt  omninb  aàdt&us  ^  hcllo  ahfliimii  ^.quam'uis  ncqtte  in  ré- 
bus artîuis  fufcipi<ndi5  am'musy  neque  in  gercndis  conftUum 
ilU  dceput. 


Chron.  do 
Baudoin 
d'Avefnes, 
Meyer. 
Buzcl. 


Flandr* 
defcripl, 


1.  u. 


376    B  A  U  D  O  I  I^     S  I  X  I  E  M  ÏT^ 

Obquefuam  diBus  Bonus  efî i  magnam  bonhaterfk 

Quatre xtjfe  fuam  dicitur  hic  patriam» 
Arma  fuo  jîqutdem  non  belUca  tempore  qutfquam^ 

Auî  gtadium^  aut  fuftem  ^  ferre  necejjl  habuit. 
Oftta  non  fures  aufî  vhlare  domorum  ; 

*  Rapt  or  es  nullos  tune  poputus  timuît. 
Rujiicus  arva  colent -,  Unquebat  aratra^  Kgone^ 

Et  capulos  camp ï s ,  perdidtt  ac  nihilum. 
Richildem  duxitque  hic  Hannonia  comitijfam  y 

Hinc  etiam  comes  Hannonienfîs  erat. 
Hâc  uxore  duos  gnatos  fibi  progeneravity 

Quipojl  Flandrenfes  ambo  fuére  duces ^ 
BallivQS  ftatuit  virgas  quoque  ferre  nitentesy 

Longas  &  reùtas^  jujlitiae  titulo. 
Hic  nift  très  annos  regnans ,  e[i  mortuus  anno    - 

Millefimo  Domini  ^  feptuaquegefimo  : 
Atque  apud  Hafnonium  tumulatus  cœnobio  ijlo  j, 

Quodpriùs  infandos ,  nunc  monachos  retinet. 

Ce  qu'en  rime  fr^mçoife  fignifîe,  comme  s'enfuît  ^ 

Toute  forte  de  gens  la  mort  contraint  mourir  y 
Sans  queperfonn'  efchapp'oufoithomm'*  oufoitfemmey 
Comme  peut  apparoir  par  cefiuy  quy  gefir  (/?) 
Soubs  ce  tombeau  voulut ,  que  la  mort  trifi""  &  bkfmt 

Ravy  nous  a  trop  tojl.  Duquel  pourrez  au  plain 
Lir^  &  ff^voir  le  nom ,  contemplant  cefte  tablez 
Ce  fut  le  vertueux  diEt  de  Mon  s  BaudouyH ,  ' 
JPrince  clément  »  courtois ,  &^  modefi'  ^  afable. 

Lequel  en  fon  temps  fut  hui£tiefme  des  Flament 
Conte ,  nommé  le  Bon  ^pour  fa  douceur  fameufe  , 
De  laqueir  a  régyfes  pays  peu  de  temps  ^ 
Les  maintenant  tousjours  en  union  heuxeufle^ 

Car  ce  pendant  qu'il  fut  en  fon  gouvernement  y 
N'eftoit  à  fes  vafaux  ^  fubjeSts  nécejfaire^ 
Porter  glaive ,  bajton ,  ou  autre  ferrement , 
Ou  fut  pour  agreffer ,  ou  réfiftence  faire 
r '■' 


ou     DE     MON  S.  ftTf 

'  ^ux  larrons ,  ^  meurdrten  ,  fip  mauvais  garnie 

mentSj 
Pour  la  crainte  defquels  ne  convenait  les  portes 
Des  demeures  fermer'^  des  bonn'*  ^  riches  gents; 
Les  labouriers  aujfy  leurs  charrues  très  fortes  9 

Leur  hoyau ,  leurlouchet  (d) ,  leurfaujfelt  Qi)  ,  ^ 
leur  faux  ^ 
Lai£oyentparmy  les  champs  ifans  quejamais  ilsfujfent 
Ou  prins^  ou  defrohez:  dont  n^ eshahir  fe  faut 
"Car  il  convenoit  lors  que  les  malfaiSts  cejfajjent , 

Tant  hîen  avoit  à  tout  ce  Baudouyn  pourveu  , 
Qui  la  conte (fe  print  Richilde  pour  fa  femme  ^ 
Au  moyen  de  laqueW  eft  depuis  parvenu 
A  la  conté  d'^Hainault ,  en  richejfes  extrême. 

De  ceft''  dam"*  il  euft  deux  fils  ma  fies  ^  de  cœurs 
Magnanim*  ^  vaillants^  quy  furent  depuis  princes 
DesFlamens ,  mais  illec  ils  n^ekfrent  pas  trop  d^beur 
Car  ils  furent  desfaiSls ,  fif  Vun  d'eux  mis  en  pièces* 

Au  reft''  il  ordonna  que  de  lors  en  avant  ^ 
En  Flandre  les  bailli f s  port ajfent  une  blanche 
Verge  ^  longu''  ^  bien  droiSle^  fig^ifier  veuillant 
La  juftice  devoir  égaW  eflre  en  baîlance. 

Il  ne  régna  non  plus  ^  que  trois  ans^  &  mourut 
En  Van  feptant^  ^  un  ^  mil\  ^  en  ce  cloiftre 
Religieux  d^Hafnon  gifl  ^  ou  enterré  fut: 
Les  moines  qu"  il  f  mit  prient  Dieu  pour  fa  gloire. 

Auprès  dudîdl  Baudouyn  de  Mons,  aliàs  \t 
Bon,  gift  audidl  monaftère  de  Hafnon  madame 
Richilde  fa  femme,  laquelle  mourut  en  Tan  qua- 
tre-vingts-quatre à  Meflines,  où  elle  avoit  long 
temps  pleuré  fes  péchez  &  faift  hîen  dure  péni- 
tence, &  combien  que  cy-après  entendons  ftiirc 
de  cède  dame  plus  particulière  mention,  fy  eft-ce 
qu'avons  bien  voulu  inférer  en  ce  paflage  fon 
•épitaphe,  affin  que  comme  elle  fut  enterrée  au- 


(O  ^^^  C^)  ^aucUlu 


Epitaphe 
de  madame 
Kichildcdc 
Ifainaulc , 
dDuagiére 
de  Flandre. 


*78    BAUDOIN      SIXIEME, 

di6t  Hafnon  près  fondiél  niary,   il  puifle  d'un 
mefme  context  fuivrc  Tépitaphe  d'iceluyfonmary: 

Continet  ingenua  brevis  urna  hac  ojffa  RJchildis  , 

Flandrina  oStava  qu<z  comittjfa  fuit. 
Conjunx  Balduini  Montenfis  nobilts  olim , 

Flandria  ^  Ilannonta  magnifici  comitts. 
Poft  mortemque  viri  Hcht  tpfa  tyranna  fuijfet , 

Po/i  tamen  ejfecia  efl  mUî$  ^  innocua. 
Pojleà  nam  fefe  folita  eft  affltgere  dur  h 

yejunans ,  orans ,  fancta  patram  opéra. 
Jfla  miniflravit  mendicis  ^  ifta  leprofis 

S<£pe  fûts  propriîs  fervitt  ^  mantbus. 
Hune  fihi  poftremh  mundum  totum  crucifixit , 

Et  mundo  part  ter  hac  crucifîxafuit. 
llafnonienfe  folum  fepelivit  corporït  art  us  y 

Condens  hocce  loco ,  cernis  ubt  hune  titulum. 
Annomillepmo  eenteno ,  bis  minus  o6to. 

Sufîulit  hanc  Idus  Mairtis  &  eripuit. 

Ce  qu'en  françoîs  fignifie: 

Souhs  ee  petit  tombeau  gifl  le  corps  magnifique , 
De  Riehiîde ,  quy  fuft  huictiefme  des  Flamens 
Contejfe  de  grand  eœur ,  ^  d'efprit  hiroieque  , 
Femme  de  Daudouyn ,  eonte  très-exeellent 

Et  de  Flandre  ^d'IIainault^  ^combien  que  cruelle 
Elle  fut  ^  tyrann\ apris  que  fon  efpous 
De  ce  fîècle  paffa ,  néant  moins  de  rebelle  9 
Inhumain^  ^  très-dur'*  elle  devint  tout  doux  ^ 

De  grand'*  dévotion ,  pitoyabr  ^  Clémente , 
Et  changea  tellement  de  couflume  ^  de  mœurs  ^ 
Que  de  pervcrfe  vint  une  femme  très-fain^e  ^ 
Chafloyant  le  pajfé  par  jeufnes  i^  par  pleurs. 

Diligent'*  eW  efioit  au  fervice  des  pouvres 
Auquel  elle  vaquoit ,  ^  fujfent-ils  lépreux  , 
Ords ^  rongneus^mal'fentants^tousjoursdefes  mains 

propres 
Leur  minijlroit  de  coeur  ,  fif  d'efprit  fart  foigneus. 


ou     I>  E      M  O  N  S. 


a79 


Brief^  eW  à  tout  ce  monde  en  peu  de  temps  de  farte 
En  foy  crucifié ,  cruc'^ant  aujfy 
Audtà  monde  fon  corps ,  comme  une  femme  forte 
Que  Dieù^  comme  efpérons  ^  aura  d* elle  mercy. 

D'^HafnonAe  cloiftre  grand  &  ample  monafière 
Son  corps  a  enterré  cy-bas  au  mefme  Heu  , 
Où  ceft  efcript  eft  mis  fur  une  dure  pierre , 
Quy  pourra  d'un  chafcun  veu  eftre^  fîf  entendu. 

De  Van  mil  ^  un  cent  fy  vous  en  ojiezfeize^ 
Le  temps  vous  trouverez  qu^ elle  fina  fes  jours  ^ 
Priez  Dieu  tout-puijfant  qù*illa  mqintienn*  en  ayfe 
Et  lafacejouyr  de  fa  gloir*  à  tousjours. 

CHAPITRE       XLVII. 

Des  troubles  que  Robert  le  Frifon  fufcita  en  Flan^ 

dre^  Êf  comment  finablement  ayant  efté  deffaiEt 

par  le  duc  de  Brabant ,  il  fe  retira  en  Saxe. 

ARnould  le  tiers ,  appelle  le  Simple ,  fuccéda 
au  conte  Baudouyn  de  Mons  fon  père  en 
Tan  mil  feptante,  &  gouverna  le  pais  de  Flandre, 
avec  madame  Richilde  fa  mère,  environ  deux  ans, 
&  affignaà  Baudouyn  fon  frère,  pour  fon  parta- 
ge de  Flandre  &  portion  héréditaire  la  ville  & 
chaftellenie  de  Douay.  Toutesfois  ledîtS  Bau- 
douyn cuft  puis  après  fcmtlablement  la  conté 
de  Hainault,  félon  que  voirez  incontinent.  Au 
commencement  du  gouvernement  de  ceft  Ar- 
nould,  la  province  &  contrée  de  Flandre,  fuft 
grandement  troublée,  &  merveilleufement  agi- 
tée de  plufieurs  nouvellitez  &  divifions,  quy  y 
furvîndrent.  Et  premièrement  par  le  faid  &  moyen 
de  Robert  le  Frifon  foû  oncle.  Lequel  peu  après 
le  trefpas  dudit  Baudouyn  de  Mons  fon  frère, 
requift  aufdîéls  de  Flandre  d'cftre  reçeu  pour  leur 
conte  &  feigneur,  foy  fondant  (&  néantmoink 
contre  droiû  &  raifon)  fur  certain  prétendu 
partage  qu'il  maintenoit  Baudouyn  de  Lille  avoir 


L'an  1070. 

Amouîd  le 
Simple  af- 
figna  à  Ion 
frère  pour 
partage  la 
viUe  & 
chaftelenie 

de  Douay» 


Robert 
Frifon 
trouble  le 
paîs  de 
Flandre. 


le 


Journde 
d*Aude- 
tiardei 


Rnfcert  le 
trifon  de- 
mande la 
gardcnoble 
6c  tutelle 
de  fcs  ne- 
veux rai* 
ïicun 
d*ans.   , 

Robert  le 
Frifon  fe 
déclare 
enncmy  de 
Flandre* 


fi8o    ARNOUL      TROISIEME, 

faiél,  en  la  journée  d'Audcnardc  entre  fes  en- 
fans ,  &  que  par  iceluy  il  avoit  ordonné  que  le- 
dift  Robert  le  Frifon,  fuccéderoit  en  ladifte 
conté  de  Flandre  à  Baudouyn  de  Mons  fon  frère , 
voircs  combien  (^a)  qii'il  eufl:  de»  cnfans.  Ce  que 
ledift  Robert  ne  propofoit  pour  opinion  qu'il 
euft  d'eftre  bien  fondé,  (vcu  qu'il  nMgnoroit 
que  luy-mefme  en  ladite  journée  d^Audenarde 
avoit  par  fennent  promis  de  ne  rien  attenter 
contre  Icdidldc  Mons,  ny  fes  fucceffcurs)  mais 
en  intention  de  troubler  ledift  païs,  efpérant  de 
plus  commodîcufement  y  pouvoir  lors  pcfcher 
&  tirer  q^iclquc  chofe  de  bon.  AuflTy  avoit-il 
desjà  gaîgné  plufieurs  de  ceux  dudift  païs ,  qui 
prétendoient  en  ce  raflîfter  &  favorifer  (i).  Et 
ndantmoins,  confidérant  que  la  pluspart  des  no- 
bles &  communes  luy  efloyent  en  ce  contrai- 
res, il  fc  déporta  de  la  fufdifte  demande,  au  lieu 
de  laquelle  il  afpira  feulement  à  la  tutelle  de  fes 
neveiix  mineurs  d'ans,  qui  femblablôment  luy  fut 
refufée  ,  au  moyen  que  ceux  du  païs,  à  raifon 
de  fa  première  pourfuite  &  prétenfion  avoyent 
pour  fufpeétc  la  magnanimité  &bon  cfpritd'ice- 
luy  Robert.  Lequel  mal  fatisfaiél  defdidls  de 
Flandre,  fe  déclara  pour  ocçafion  dudift  refus, 
leur  advcrfaire  &ennemy,  &  retourna  en  toute 
diligence  vers  Hollande,  où  il  avoit  laiflTé  la  con- 
tefle  Ghertrude  fa  femme,  contre  laquelle  les 
Frifons  s'ertoycnt  en  fon  abfence  rebellez  &  efle- 
vez.  Pour^àquoy  remédier^  il  affcmbla  gens  de 


C^)  Quoique  »  quanâ  hUn  mSmi, 

CO  Oudeglîcrft  prête  ici  h  Robert  des  vues  ambiticufcs 
tJùMl  ne  développa  point  d'abord:  Il  demandoit  feulement 
la  tutèîc  d'Arnoul  fon  neveu  &  le  gouvernement  de  U 
^Inndrc  pendant  fa  nûnorité,  en  exécution  des  demiérei 
volootcs  de  fon  fïèrt\ 


;     ou     LE      s  I  M  P  L  E. 


a8r 


toute  part,  &  befoîngna  de  forte  qu'en  peu  de 
temps  il  réduit  foubs  fon  obéiflance  tout  le  païs 
d'Ooftfryfev,  fe-faifant  à  raîfon  de  ce  lappeller  le 
Frifon.  D'autre  cofté,  la  contefle  Richilde,  (qui 
pour  la  minorité  du  conte  Arnould  fon  fils  avoît 
cmprins  le  gouvernement  de  Flandre,  ou  du  moins 
gouvernoit  avec  luy)  après  le  parlement  dudiél 
Robert,  fit  fayfir,  &  mettre  en  fes  mains, com- 
ine  confifquez,  tous  les  biens  qu'avoit  ledift  Ro- 
bert en  Flandre  ,-fr  comme  la  conté  d'Aloft,  les 
quatre  meftiers  &  les  yfles  de  Zélande ,  le  tout 
fotis  prétext  de  ladifte  inimitié  par  la  bouche 
dudiél  Robert  déclarée.  Dont  néantmoins  elle  fe 
r«pentit  depuis  '  tout  à  loîfir  :  car  le  conte  Ro- 
bert deceadverty,  envoya  vers  Flandre  aucuns* 
nmbafladeurs ,  par  lefciuels  il  fit  fommer  la  con- 
tefle Richilde  à  la  reftitution,  &  main-levée  des 
terres  à  luy  par  droift  de  partage  aflignées:  & 
pour  ce  qu'elle  n'y  voulut  entendre,  ny  condef- 
cendre,  il  fe  tira  plaintif  vers  Philippe,  roy  de 
France  fon  coufin  germain,  luy  remonftranf  la 
rudeffe  &  grand  tort  que  luy  faîfoit  ladifte  con- 
tefle, s'aydant  au  refte  de  plufieurs  propofitions 
tant  perfbafivcs,  que  le  roy  Philippe  luy  promit 
fus  le  camp  (a)  toute  faveur,  fuppart  &  aflîften- 
ce.  Non' obftant  laquelle  promeffe,  ledidl  Phi- 
lippe change^  toft  après  d'opinion.  Car  la  prin- 
cefle  Richilde,  ayant  entendu  le  fecours  que 
îceluy  roy  avoit  promis  audift  Robert,  envoya 
fans  tarder  certains  ambafladeurs  vers  France , 
pour  attirer  de  fon  cofté  lediél  roy  Philippe,  ou 
du  moins,  affin  de  pratiquer  la  diflblution  de 
la  fufdide  alliance ,  faifant  au  fufdicl  eff^ed ,  pro- 
mettre &  ofirir  audift  roy  Philippe  de  France 
quatre  mille  livres  d'or.  Au   moyen    defquelles 


Pourquoy 
ledid  Ro- 
bert fut  ap- 
peUé  le 
Frifon. 


Les  biens 
de  Robert 
le  Frifon 
en  tlandre 
confifquez. 


te  roy  Pbî* 
lippe  de 
France 
promet  à 
Robert  le 
Frifon  tou- 
te afliftence 
contre  la    - 
contefle 
Richilde. 

Le  roy  de 

France,  au' 
mqyen  de' 
quatre  mil- 
le livres 
d'or,  fe  dt^- 
part  de 
rafliftence 
qu'il   avpit 
promis  à 
Robert  le 
Frifoa. 


^a")  Sur  le  champ. 


Î282    ARNOUL    TROISIEME 


La  foy  doit 
eftrc  gar- 

Pourquoy 
Ictt  anciens 
paindoyfnt 
ja  fov  vef- 
cuc  ci'un 
(cul  linge 
bhac. 


lailTaiit  le  party  tt'iceluy  Robert,  il  print  ceftuy.. 
de  la  contc^Te  Richildc ,  faulfant  par  mefme  moyeu 
fa  parolle  &  protnefle,  auparavant  autre  part  fian- 
céc  (^)  &  obligée.  Dont  un  chafcun  &  fignam- 
ment  tout  prince  fc  devroît  bien  garder,  ef- 
tant  alFeurée  que  la  corde  ny  le  clou,  ne  peuvent 
tant  étraindre  ny  ferrer  la  chofe  contre  laquelle 
on  les  veut  approprier,  pour  tenir  ferme,  com- 
me la  foy  ceint  eflroitcment  un  gentil  efprit  de 
fon  indiflToIuble  lyen.  Et  voylà  i^ourquoy  (fé- 
lon mon  opinion)  les  peintres  anciens  la  pain- 
doycnt  (Z^)  vcfluc  d'un  feul  linge  blanc,  déinon- 
ftrans  par  ce,  la  pureté  d'elle,  quy  ne  peut  ny 
doit  eftrc  fouillée  par  aucune  tafche,  pour  quel- 
que péril,  prouffit,  ou  dommage,  tant  foit  il  ef- 
trange,  grand,  ou  dangereux.  Or  ledid  Robert 
le  Frifon,  fe  voyant  fruftré  de  Texpeélation  & 
attente, qu'il avoit eue  dufecours  du  roy  Philippe, 
fe  retira,  avec  tel  mefcontentement  que  chafcun 
peut  penfer,  vers  Hollande*  Où  il  fut  rechargé 
d'une  aultre  infortune  aflcz  plus  grande,  que  la 
précédente.  Car  ayant  entendu  que  Godefroy  le 
liochu  (O9  duc  de  Brabant,  cfloit  entré  en  armes 
au  pais  de  Weftfrife,  il  affembla  force  gens  &fe 
mit  en  équipage  pour  l'aller  rencontrer  (a)  9  & 
de  faiél  luy  livra  peu  après  une  bien  dure  &  af- 
pre  bataille,   en   laquelle  la  fortune  luy  baftit 


Magn. 
chron. 
Ik;lg.p.l2l. 


(a)  E:i^afrde, 
C^)  Pcignoicjit. 


(O  Bo/fu. 


(a)  ^nno  Dom,  MLXXL  9  Godcfridus  dux  Lotharingia 
(^Gibhofus')  cum  inihelmo  pontifice  TrajeH,  armât 4  manu^ 
iiotlandîam  int ravit  ;  cui  è  coutrà  Robert ui  cornes,  armatd 
mauti ,  occurrit  :  uhi  commiffo  f^ravi  pralio  ,  Robert  us  cornes 
terga  vertem ,  à  belle  profugatus  &  iloUandia  populus  ex 
pjûgnd  parte  occifus  efl.  Intereà  Godcfridus  dux ,  ditiotiem 
fuam  tutrligtns  ,  orient alcm  feu  ulteriorcm  Prifiam  helficA 
manu  fubef^it. 


ou     LE      SIMPLE. 


2«3 


D  très-mal  (d) ,  qu'ayant  perdu  audi^  conflift  la 
meilleure  part  de  fes  gens,  il  fut  conftrainft  s'en- 
fuir, &  abandonnant  fon  païs  de  Hollande  (dont 
peu  après  ledift  Godefroy  s'attitula  conte)  & 
tout  ce  qu'il  avoit  conquis  en  Frife,  fe  retira 
avec  fa  femme,  &  fes  enfans  vers  le  païs  de 
Saxonne  lez  le  duc  Bernard  fou  beau-père,  où 
nous  le  laiflerons  pour  quelque  temps,  affin  de 
vous  déclarer ,  comment  les  affaires  de  Flandre , 
ce  pendant  fe  portoyent  (3). 


Robert  îc 
Frifon  dcf- 
fai(ft  par  le 
duc  de  lira* 
banc. 

Robert  le 
Frilbn  fe 
retire  avec 
fes   femme 
&  enfans 
yers  ton 
beau-père 
le  duc  de 
Saxe. 


(3)  Après  fa» défaite,  Robcn  prit  le  parti  que  la  politi- 
que lui  confeiUoit.  L'humeur  altière  &  le  gouvernement 
tyrannique  de  Richiide  avoient  aliéné  les  efprits  des  Fla- 
mands ;  &  Roben  fe  ^détermina  à  venir  défendre  les  droits 
^ue  fon  frère  mourant  lui  avoit  donnés  au  gouvernement 
de  la  Flandre.  Au  lieu  d'aller  chez  Bernard,  fon  beau-père, 
il  vint  à  Gand  où  une  partie  de  la  nation  fe  rangea  bien- 
tôt fous    fes   étendards  :   Robertus cognitd ....  Ri- 

chiîdis  tyrannide ,  Fïandrias  repetiit ,  6^  usqjie  Gaudavum 
pervffiit ....  Quà  ad  eu  m  rapt  i  m  omnis  convenir  nohiittas 
Flandriit  Tctttûnica^  durum  Richildh  imperium  ,  avaritiam 
fHperbiamquc  muVtehrem  cxofa. 


Flandr. 
gen.  c.  21. 

Meyer. 
an.  lofo. 


CHAPITRE       X  L  V  I  I  I. 

Comment  la  contejfe  Richiide  emprint  le  gouverne^ 
fnent  de  Flandre^  &  des  grandes  tyrannies  ^  que 
par  le  confcil  des  feigneurs  de  Couchy  Çf  de  Maih 
ly^  elle  exercea  audià  pats. 

LA  conteîTe  Richiide,  fe  voyant  délivrée  de  la 
doubte  &  crainte  efquelfcs  Robert  le  Frifon 
Tavoît  mife,  5:  d'autant  plus  au  moyen  de  la 
perte  que  ledifl:  Robert  avoit  puis  nnguerres 
faifte  du  demeurant  de  fes  païs,  elle  commença 
de  s'appliquer  du  tout  au  gouvernement  de  Flan- 


La  contcfTc 
Richiide 
emprcnt  le 
go\''.'rne- 
ment  Je 
Flandre. 


(a')  Lut  fut  fi  contraire^ 


2S4     ARNOUL    TROISIEME, 


Les  fd- 
gneurs  de 
Jvlaiily  & 
de  Coachy 
corrum- 
peut  du 
tout  la  cou- 
tcirc  Ri- 
childc. 


La  coritcfTe 

Kichiidé 
'devient  ty- 
fanoe. 


Grand  vice 
gader  le 
bon  naturel 
■d'un  prin- 
ce. 


drc,  prendant  pour  tout  confeil  &  allîftence,  les 
feîgneurs  de  Mailly  &  de  Goochy,  par  Tadvis 
defquels  elle  fe  gouvernoit  en  tous'fes  affaires, 
&  lefquels  plus  affèdlionés  à  leur  prouffit  partî- 
euller,  qu'à  ceftuy  du  païs  (le  faift  (a^  duquel 
repofoit  quafi  totalement  fur  leurs  efpaules)  gaf- 
tcrent  &  corrompirent  du  tout  le  gentil  naturel 
de  ladifte  cohteffe:  laquelle  de  courtoife  &  libé- 
rale, ils  rendirent  en  peîx  de  temps,  fuperbe  & 
très-avare,  &  de  clémente,  &  débonnaire,  très- 
cruelle  &  tyranne,  luy.  mettant  en  la  tefte  une 
infinité  de  tromperies  &  abus,  lefquelles  enfin 
furent  caufe  qu'elle  perdit  pour  fes  enfans,  la  pro- 
vince &  conté -.de  Flandre:  ne  ceffants  au  relie 
de  luy  adminiftrer  une  infinité  de  moyens  pour 
exaftioner  &  appouvrir  fes  pouvres  fubjeéls  &  * 
vaflaux,  lefquels  journellement  elle  traiéloït  plus, 
durement  &  cruellement  (i).  Par  où  fe  defcou- 
vre  manifeftement,  la  peine  que  méritent  ceux 
qui  gaftent  &  corrumpent  le  bon  efprit  &  doux 
naturel  d'un  prince.  Lefquels.  à  mon  advis^  font 
dignes  d'aulïï  griefve  punition,  que  ceftny  qui 
empoifonne  une  fontaine  publique,  dont  tout  le 
monde  boit.  Et  fi  celuy  lequel  a  difforme  &  adul- 
téré (^)  la  monnoye  d'un  prince,  eft  puny  (& 
à  bon  droîft)  de  fupplice  extrême;  que  dirons- 
nous  de  ceux  qui  gaftent  &  infeaionent  la  nature 
d'un  prince?  veu  mefraès  que,  félon  la  difpofition 


Hift.  des 

comtes 
d'Ardfcsau 
xec.deshift. 
xieFr.  t.  II. 
-p.  298. 
Mever. 
Buzel. 


(tf)  La  conduite,  h  gouverngfnent,     (i)  Corrompu, 

CO  Richilde  avolt  doimé  fa  confiance  aux  feîgneurs  dfc 
Mailly  &  de  Couchy,  deux  gentilshommes  François,  dont 
les  confcils  acheV^erent  de  la  perdre  dans  l'efprit  de  la  ni- 

tion.  Rîchitdis inconfueîa  &  inaudita  &  itidebita  à 

Flandrerrfihus  Qprafumchat  )  exigera  tribut  a.  A  quolibet  errim 
oflio  &  tcBo  nichiîominùs  fine  culcitrd  quatuor  denarios  fer 
univerfas  Flandria  partes  turpitcr  6?  protervè  &  irrcvaiM- 
ter  exigebat^ 


ou     LE      SIMPLE. 


285 


d'icelle,    un   païs  entier,   voires   bien   fouvent 
plulieuts   royaumes  font  taillez  (a)  de  recevoir 
ou  extrême  mifère,  ou  prolpérité  bien-heureufc. 
Pleuft  inoftre  bon  Dieu, que cncores  aujourd'huy 
Ton  ne  trouvait  de  tek  feigneurs  de  Couchy  & 
Mailly ,  qui  pendants  aux  aureilles  de  leurs  roys 
ou  princes,  ne  font  mje  leur  confeillcr,  &  met- 
tre dans  le    cerveau    Dne   infinité    de   moyens^ 
pour  travailleriez)  le  peuple,  les  aygriflant  à  tou- 
tes opportunitez  contre  iceluy.  Et  néantmoins^ 
veuillent  cependant,  fembler  &  apparoiftre  bons 
&   loyaux   ferviteurs.   Defquels    toutêsfoîs  tous 
princes  fe  doivent  garder,  s*affeurants  que  telles 
manières  de  pippards  (r)  par  femblables  menées, 
ne  cherchent  rien  moins  que  la  feureté  &  ftable 
domination  de  leur  prince,  trop  bien  tafchent  & 
s'efforcent  d'eftablir  &   augmenter   leur    propre 
ricbefle  àpuiffance  particulière,  comme  faîfoyent 
lefdifts  de  Mailly  &  de  Couchy,  lefquels  avoycnt 
par  leurs  flatteries  &  adulations  tellement  endor- 
my  le  bon  naturel  de  la  contefle  Richilde ,  autre- 
ment aflez  enclin  à  repos  &  tranquillité,  qu'elle 
avoît  toute  ^utre  chofe  trop  plus  en  fa  fantafie, 
que  le  prouffit  &  utilité  du  peuple  de  Flandre, 
lequel  elle  commença  de  lors  en  avant  gouver- 
ner plus  par  fa  volonté  que  par  raifon,  s'avan- 
çant,  de  fa  propre  authorité,  &  en  fon  nom, 
de  faire  expédier  toutes  provifions,  lansenîcelT 
les   faire  aucune  mention  du  conte  Arnould  fon 
fils,  deftkuant  tous  officiers,  &  en  y  commet- 
tant en  leur  place  des  autres ,  du  tout  à  fa  pof- 
te  (^,  de  la  mefme  forte  &  manière,  comme  û 
elle   fufl:  efté  contelTe  propriétaire:  mettaut  au 


Les  princes 
fe   doivent 
f^arder  de 
flitteurs. 


La  contefle 

Richilde 

gouverne 

Flandre 

plus  par 

voluntéque 

par  raifon» 


(#)  Expofis  à. 
ib)  Vcxct. 


Çc)  Tromptun, 


Tyrannîe 
de  la  con- 
teflfô  Ri- 
childc. 

La  contefle 
Richilde 
faid  trcn- 
cher  la  telle 
aux  dépu- 
tez d'Ypre. 

MefTireJean  ' 
de  Gavere 
exécuté  par 
Tépée. 

Mcflire 
Gherard  de 
Bue,  chaf- 
telain  de 
Lille,  fauve 
des  mains 
de  la  con- 
tefle Ri- 
childe les 
députez  de 
Gand  &  de 
Bruges. 


^86     ARNOtJL    TROISIEME, 

refte  une  infinité  de  tailles,  impoftz,  &  autres 
femblables  charges  fus  le  peuple*  Et  fi  quclcun 
s'y  opi^ofoit  &  contredifoit ,  elle  le  faifoit  mettre 
en  pièces,  comme  par  expérience,  &  aux  def- 
pens  de  leurs  vies  cognurent  plufieurs  nobles  dé- 
putez de  la  ville  d'Ypre,  qu'elle  avoit  mandé 
vers  elle  en  la  ville  de'  Meflines ,  aufquelz  &  à 
leurs  ferviteurs  en  nombre  de  .foixante  elle  fit 
trencher  la  telle,  &  puis  brufla  la  ville  &  mo- 
naftère  dudift  MeflTmes.  Elle  fit  femblablement 
exécuter  un  grand  baron  de  Flandre,  nommé 
mefîîre  Jean  de  Gavere ,  eftant  en  volonté  de  fai- 
re le  mefme  à  Tendroidl  des  députez  des  villes 
de  Gand  &  de  Bruges  (  qui  eftoyent  vers  elle 
envoyez  en  la  ville  de  Lille  ,  affin  de  la  fupplier 
que  luy  pleufl:  foy  déporter  du  gouvernement 
de  Flandre  ,  &  qu'elle  en  voulfit  laifler  conve- 
nir à  ceux  dudift  païs  )  ,  n'euft  efté  mefllre 
Gherard  de  Bue ,  chaftelain  de  Lille  ,  qui  les  fau- 
va  en  fon  chaftel.  Brief,  elle  n'obmettoit  chofe, 
par  laquelle  elle  penfaft  grever  (^a)  le  peuple  de 
Flandre  s  &  irriter  les  eftats  du  païs.  Elle  fe  re- 
maria tiercement  (J?)  à  un  gentilhomme  de  la 
maifon  du  roy  Guillaume  d'Angleterre,  nommé 
Guillaume  Osbcrne  ,  (2)  lequel  pour  faire  plus 


(ji^  Charger. 


(h')  Troifihmemtnt  ,  en   troî^ 
filmes  noces. 


(2)  n  était  parent  de  GuiUaume  le  Conquérant,  comte 
d'Hersfort  &  d'Eflcx  en  Angleterre  &  feigneur  de  Lire  & 
de  'Cormélie  en  Normandie.  Les  hiftoriens  ont  reproché  à 
Richilde  ce  troifième  hymen  qui  déplut  à  fes  fujets;  mais 
cft-il  croyable  qu'elle  le  foit  oubliée  au  point  de  le  faire 
notnmer  conte  dudidt pays?  Excepté  Oudegherft,  aucun  des 
hiftoriens  que  j'ai  fous  les  yeux  ne  fait  ce  reproche  à 
Richilde.  L'auteur  de  la  Flandria  gêner of a  ,  l'un  de  ceux 
qui  s'expriment  avec  le  plus  de  franchife  &  de  force  fur 
les  exadions  de  Richilde ,  fe  borne  à  dire  en  parlant  de 


ou 


LE      SIMPLE. 


i87 


grand  defpit  aufdîfts  de  Flandre  ,  elle  fit  nom- 
mer conte  dudid  païs  ,  faifant  fur  le  nom  d*ice- 
luy  conduire  les  affaires  du  païs  &  principale- 
ment es  petites  villes,  où  Ton  n'ofoît  luy  contre- 
dire. Defqueb  griefs  &  noi^vellitez  les  prélats, 
barons  &  nobles  de  Flandre ,  enfemble  lefdiftes 
deux  villes Gand  &  Bruges,  grandement  émeus, 
envoyèrent  fccrètement  vers  Robert  le  Frifon  , 
qui  (  comme  deOus  avons  déclaré  )  s'eftoit  reti- 
ré en  Saxonne ,  lèz  fon  beau-père  le  duc  Ber- 
nard )  le  faifant  de  leur  part  affeurer ,  que 
s'il  vouloir  defcendre  en  Flandre ,  ils  luy  prefte- 
royent  fecours  &  affiftence ,  non  feulement  pour 
recouvrer  fa  terre  ,  d*Aloft  &  portion  héréditai- 
re, mais  auflî  que  déchaflants  mère,  &  enfans, 
fls  rinveftiroyent  de  la  conté  &  dommaine  de 
Flandre,  ou  du  moins  qu'ils  luy  en  donneroyent 
le  gouvernement  &  adminiftratîon ,  adjoutants, 
qu'il  n'eftoit  en  eux  de  fouffrir  davantage  & 
plus  longuement,  le  rude  gouvernement  de  la 
conteffe  Richîlde,  ny  mefmes  les  nouvellitez ,  que 
journellement  &  au  grand  préjudice  des  droicls 
du   païs,  elle  mettoit  fus  (iz)   (3).  Lediél  Ro- 


La  conteié 
Ricbilde  fe 
remarie  à 
tm  tùnsk- 
gier  &  le 
faid  atdtu* 
1er  conte 
de^andie. 

Les  nobles 
&  eftatzde 
Flandre  ap- 
pellent Ro- 
bert le  Fri- 
fon, pomr 
eux  venger 
des  cnuo- 
tez  de  la 
conteflê  Ri- 
cbilde, & 
luy  promet- 
lent  Tin- 
veftir  de  la 
conté  de 
Flandre. 


(tf)  Etabîiffbit^  introduifoit , 

ce  mariage  :  Nu  erubefcens  trigamiam ,  conatur  nuhcré  eut- 
dam  Guiîlclmo  fuhcomiti  fupcrho  de  Ncrmanuid  y  in  hoc 
etiam  commovtns  ampîiùs  contra  fc  quosdam  Fîaniriarum 
principes  &  popuîum, 

(3)  Nonnulîi  fatraparum  nimid  crudelitate  mulieris  ,  qud 
in  cUrum  &  populum  favichat ,  graviter  ofenfi  ....  Uga- 
tos  ad  Frifonem  deftinant ,  fuamque  voluntatem  ergà  eum 
éipicibus  Çlitteris^  infinuant.  Tous  les  vœux  n*étoient  pas 
pour  Robert.  La  Flandre  étoit  divifée  en  deux  partis.  Pres- 
que toute  la  Flandre  françoife,  le  Cambréfis  ,  le  Toumai- 
fis,  TArtois  &  la  ville  d'Audenarde  avoient  embralfé  le 
parti  de  Ric^de.  Les  principales  villes  de  la  Flandre 
fiamingante  s'étoient  déclarées  pour  Robert,  avec  les  villes 
de  Douai,  de  Bergucs  &  de  Calais. 


Chap.  fio. 


Flandr.  gê- 
ner, c.  22. 


Id.  ibid. 


ft88     ARNOUL    TROISIEME  , 

bçrt  ayfe  au  poflîble  de  ces  nouvelles ,  après  avoït 
prins  de  ceux  qui  eftoyent  envoyez  vers  luy  tel- 
le afleurance  de  leurs  prome(fl|p  &à  oiFres,  que  le 
temps  &  lieu  requerroyent,  promit  de  fe  trouver 
de  hrkfÇa)  au  païs  de  Flandre,  avec  bonne troup- 
pe  de  gens,  &  après  leur  avoir  enchatgé  d'afleu- 
rer  ceux  de  Flandre  de  fa  part  de  tout  bon  & 
gracieux  traitement,  les  laifla  partir,  &  cepen- 
dant befoingna  de  forte,  que  moyennant  Tayde  & 
afliftence  du  duc  Bernard  de  Saxonne  fon  beau- 
père,  il  mit  fus  une  belle  armée,  avec  laquelle 
il  fe  mit  en  chemin ,  pour  venir  vers  Flandre  (4), 


(4)  L'auteur  que  nous  venons  de  citer  &  qui  donne 
une  longue  nomenclature  des  alliés  de  Robert  &  de  Ri- 
childc ,  ne  dit  rien  des  fecours  que  ce  dernier  »  félon  notre 
auteur,  reçut  de  fon  beau-père. 


Robert  le 
Frifon  def^^ 
cend   avec 
puiflance 
en  Flandre. 


f 


CHAPITRE        X  L  I  X. 

Comment  Robert  le  Frifon  à  la  requefle  des  eflats 
du  pays  vint  à  grande  puijjance  en  Flandre  ^  où 
il  fut  enplufieurs  lieux  bien  reçeu^  ^  comment 
la  conteffe  RJchilde  alla  pour  fecours  vers  France^ 
avec  autres  particularitez: 

E  conte  Robert  le  Frifoh  avec  l'équipage 
f  qu'il  menoit  avec  luy,  exploita  par  fes  jour- 
nées  tellement,  que  peu  après  il  fe  trouva  au 
païs  de  Flandre,  prendant  fon  chemin  droiél 
vers  Leflînes ,  où  pour  lors  il  efpéroit  trouver  la 
conteffe  Richilde,  laquelle  nèantmoins  fe  eftoit 
un  peu  auparavant  retirée  de  ce  lieu,  foy  tranf- 
portant  en  la  ville  de  Lille,  où  elle  avoit  kiffé 
fes  cnfans.  Dont  adverty  le  conte  Robert,  tira 
vers  la  ville  de  Gand,  en  intention  de,  moyen- 
nant 

(a^  Bientôt,   "      .  \ 


ou     Le     simple* 


tS^ 


tiant  la  faveur  des  habitants  d'illec,  renforchef 
fon  armée  d'une  bonne  trouppe  de  gens ,  comme  . 
suffi  il  fit,  trouvant  en  ladifte  ville  de  Gand  plu- 
fleurs  prélats ,  barons ,  nobles ,  &  députez  d'au- 
cunes villes  de  Flatidre ,  qui  s'eftoyent  là  aflem- 
blez  pour  rafrefchîr  &  tenouveller  la  promeffe, 
que. auparavant  par  maitt  interpofée  ,  îls  avoyent 
faîéle^  audîft  conte  Robert.  Auquel  fut  audîft 
Gand  feift  tout  rhonneuf  &  bon  recueil  dont 
on  fe  povoit  advifer.  Et  lequel  aprè^  avoir  reçeu 
le  ferment  de  fidélité  de  ceux  illec  venus  auf- 
diftes  fins,  marcha  contre  la  ville  d'Ypre,  h^ 
quelle  en  bien  petite  efpace  il  réduiâ  fdubs  fon 
ôbéîflance.  De  là  s'achemina  vers  LîHe ,  où  par 
le  moyen  &  faveur  dû  fufiKiS  mcffire  Gherard  du 
Bue,  chaftelain,îl  fut  reçeu  dans  le  chaftel,  & 
toft  après  fe  fit  femblablement  malftre  de  la  ville , 
où  fut  Qccis  &  mis  en  pièces  k  feigneur  de  Mail* 
ly,  en  payement  du  bavrage  («) ,  qu'iPavoh  par 
fes  rufes  &  pernicieux  confeils  braffé  au  pouvre 
pais  de  Flandre,  Mais  madame  Richîlde  incon- 
tinent qu'elle  fçeut  que  iceluy  Robert  s*eftoit  în- 
vefty  du  chaftel,  pourveut  diligemment  à* /a  re* 
traifte,  &  s'enfuyt  vers  la  ville  d'Amiens^  en 
délibération  d'y  attendre  le  fecours  &  aïïîftence 
qu'elle  efpéroit  du  roy  ^i).  Cependant  le  conte 
Robert,  ayant  laiffé  aucuns  de  fes  gens  en  gar- 
nifon  audifl:  chaftel  de  Lille ,  Vint  vers  la  ville  de 


Du  recueil, 
que ceux  dd 
Flandre  fU 
rent  à  Ro* 
bert  le  Fri- 
fon. 


Robert  Ul 
Frifott 
prendYpre^ 


Mort  du 
feigneur  de 
MaiUypriii^ 
cipal  au- 
theur  des 
cruautezdô 
la  contefle 
Richilde. 

La  contefle 
Richilde  fe 
retire  pour 
fecours 
vers  le  roy 
de  France* 


Ça)  Breuvage, 

.^  (i)  Au  Heu  de  fe  bor»er  vax  foïiôioîls  de  médiateur^ 
Philippe ,  roi  de  France ,  Jeune  elncore  &  fans  beaucoup» 
d'expérience,  s'étoit  laifTé  entraîner  dans  cette  querelle  à 
là  fomcitatiiÇ  de  Godefroi ,  évêque  de  Paris  ,  &  d'Euft'a- 
die,  comte  de  Boulogne  ,  fon  frère.  Gothofredûs  Parifio- 
fvm  epifi^pUff  ejusque  f rater  Euflachiits  cornes  BononU  . . . 
régi  per  ataUm  imprtréimi  autotes  fêére  fiminda  inJFÎon^ 
àriam  expeditionis. 


Meyer. 
1071. 


an. 


Les  villcf 
du  Wcft- 
auartier  fe 
ioub  met- 
tent à  Ro- 
bert le  Fri- 
fon. 

Première 
révolte  de 
Flandre 
contre    fou 
feigncur 
naturel. 


apo    ARNOUL    TROISIEME, 

CafTcU  qui  fans  aucune  difficulté  parle  capîtaîné 
Boniface  luy  fut  auflî-toft  mife  entre  les'  mains, 
&  fuccclîîvement  le  demeurant  des  petites  villes 
du  Wcftquartier  fc  fubmirent  au  povoir  &  olxîif- 
fance  du  conte  Robert.  Et  celle  fut  la  première 
commotion  &  rébellion,  qui  par  les  hiftoires  fe 
trouvent  avoir  efté  faiéle  par  les  Flamens  contre 
leurs  contes  &  feigneurs.  Aufqucls  ils  fe  font 
depuis  quafi  tousjours  monftrez  très-obéMlalits  & 
loyaux,  comme  auflî  de  leur  co^é  les  contes  ôc 
feigneurs  de  Flandre  ont  ordinairement  efté  'prin- 
ces, autant  modeftes  ,  difcrets  ,  vaillants  &  dé- 
bonnaires qu'on'  ayt  jamais  fçeu  trouver  au  de- 
meurant de  la  clircftienté.  En  cefte  guerre  (dont 
la  fource  fut  telle  qu'avez  veu)  tindrent  le  partjT 
du  conte  Robert  les  villes  de  Gand ,  Bruges , 
Furnes,  Bcrjî;Ii6,  Bourbourg  ,  Caflcl ,  Roulers, 
Courtray,  Ilarlebecque,  Oudenbourg  &  Ardcn- 
bourg,  &  depuis  les  villes  d'Ypre  &  de  Lille, 
mais  pour  la  conteife  Richilde  &  fes  enfans  te- 
noycnt  les  villes  d'Arras  ,  Douay ,  Tournay  ^ 
Saindt  Orner,  Boulongne,  Ardre,  SainA  Pol  & 
Béthune. 

C    II    A    P    I    T    R    E       L. 

Comment  le  roy  Philippe  de  France  defcenâit  avec 
merveilkufe  puijfance  au  pah  de  Flandre ,  au 
fecours  de  la  contejfe  Richilde  &  de  l'ettcoura^ 
gement  que  Robert  le  Frifon  donne  aux  Flamens. 

NOus  avons  lailTé,  au  chapître  précédent,  la 
conteffc  Richilde  avec  fes  enfans  en  la  ville 
d'Amiens,  où  elle  s'eftoit  retirée,  cfpérant  d'eftrc 
fecourue  &  favorifée  du  roy  Philippe  de  Fran- 
ce. Or  ,  entendez  maintenant ,  que  ladiéle  Ri- 
childe, cftant  arrivée  nudiét  Amiens,  envoya  en 
toute  diligence  vers  lediél  roy  Philippe  pour  fon 


6u     L  E      s  IMP  L  E. 


&9t 


ttyfle  &  afïïftence,  lequel  advcrty  de  tout  ce  que 
s'eftoit  pîitré  au  païs  de  Flandre  ,  aflembla  une 
mcrveilleulcment  grofle  armde  , .  avec  laquelle  il 
vint  trouver  la  contelFe  audirt  Amiens,  &  print 
fon  chemin  vers  Flandre ,  où  il  ne^fuft  pluftoft 
entré  ,  que  pliificurs  nobles  &  autres  de  la  Flan- 
dre gallicante  fe  vindrent  prcfenter  à  ladiéte  con- 
tefle,  &  au  cbnte  Amould  le  Simple  Jon  ISls  leur 
vray  &  naturel  feigneur,  foubs  léqu'el  ils  fv^  join- 
dîrent  aux  forces  dudift  roy  Philippe,  Iciqucl  ce- 
pendant gaignoit  tousjours  chemin,  &  marchoit 
en  grande  diligence ,  avec  ddlibér;|tion  de  livrer 
bataille,  le  pluftoft  que  luy  feroit  poflîble  au  con- 
te Robert^&  aux  Flamens  flamengants,  qui  ?te- 
noyent  le  pany'dMcelliy,  lefquels  d'autre  cofté 
s'eftoyent  aflemblez  en  la  ville  de'Caflel,  où  pour 
lors  eftoit  ledift  conte  Robert.  Lequel,  ç'appcr- 
cevant  de  l'cftonTiement  &  frayeur  dont  les  cœurs 
de  fes  gens  eftoyent  fayfis,  au  moyen  de  l'incom- 
parable puiffance ,  que  le  roy  Philippe  menoit 
avec  luy  (t) ,  s'advifa  de  les  confoler  &  animeij 


Les  nobles 
de  Flandr» 
gallicriiîte 
viennent  au 
recours  du 
conte  Ar* 
nould  leur 
feigneur 
naturel* 


Les  Fla- 
mens  inti- 
midez h  rai- 
fon  du 
grand  nom- 
bre de  fol- 
dats  du  roy 
de  France. 


(Ô  Voici  Ténumération  des  troupes  qui  compofoient 
l'armée  françoiCe  :  ^dvenit  ct'tam  rex  Phiùppus  &  cum  eo 
validas  armatoruni  cuneus":  Gofridus  epifcopus  pari fien fis ^ 
frater  Eufiachïi  corhith  botonicnfis  :  epifcopus  lugdunevfîs  : 
epifcopus  ambianenfis:  Franc i  ^  Normannt\  RùfcinenfesÇ^ctn^ 
de  Rouffî  en  Champagne  )  Novromcnfes  ,  Campanienfes  » 
Senîenfes^  Tolofènfcs  ^  Rcmenfes  ^  Catalauninfes  ^  Carnotenfes^ 
Jurcîianenfes ,  Stampenfcs  ,  Cocimcnfcs  <(  ceux  de  Couci 
''près  de  Soiflbns)  Qtiintinienfes  y.Corbeknfe$  ^  Pcrotienfes^ 
'èfigeîUnfes  (  ceilx  de  Nèfle  tn  Picardie)  Month-Acutcnfts^ 
Robidomontenfcs  ^  Suejtonenfes  ^  Andegavenfn^  Pi&avierjes^ 
Barroîunenfes  (  ceux  du  Barrois  en  Lorraine)  NadavcrT 
fienfes  (  ceux  du  Nivemois  )  Burgundiones  &  cateri  innu- 
merabtles.  Ht  omnes  ad  debellandum  Frtfonem  in  campo  fuh 
monte  Cafleto  rïftdcrunt.  Les  circonftances  de  la-  bataille  , 
telles  que  les  rapporte  Oudegherft  dan*  le  chapitre  fuivant» 
font  conformes  à  celles  que  rapportant  ks  chronologiftes 
les  plus  dignes  de  fo4« 


Flandr. 
gêner.  €.23, 


Harangue 
de   Robert 
le    Frifon 
aux  Fia- 
nças. 

Exag^ra- 
ticm  de  la 
truaiité  de 
h  conteilb 
Ricfailde. 


Remon- 
(hance    de 
l'injudice 
de  Tes  en- 
nemis. 


tç2    ARNOUL    TkOISIEMÉ^ 

par  les  raîfons,  qu'il déduîA&propofa,  en  unehaf-r 
rauguè  qu'il  leyr  fit,  telle  en  fubftance:  „  Ohom* 
'^  mes  vaillants  mes  bons  amis&  compagnons,  je 
,,  fçay  que  plulîeurs  d'entre  vous,  fe  treuvent 
,,  affez  eftoimez  de  l'incomparable  puifiance  que 
„  le  roy  Philippe    de  France   meine  avec  luy, 
-„  pour  fecours  de  celle  que  jufques  à   préfent 
„  vous  a  traiAez  comme  ferfs  &  efclaves ,  &  mef- 
5,  mes  que  perfonne  rie  fe  doit  esbahir  de  voftre 
^,  crainte  &  cftonnement.  Mais  pour  ce  que  la 
^  guerre ,  &  la  batrlille  font  à  noiz  portes  ;  &  que 
„  les  chofcs  qu'ea  ma  faveur,  (principalement 
^  tôutesfoîs  pour  le  maintien  de  voftre  liberté) 
^  vous  avez  jufques  îcy  faiftes,  contre  la  con- 
,,  tefle  Richilde,  font  telles,  qtie  v^ë  la  cruauté 
„  d'icelle,  ne  pourriez  en  défiftant   de   voftre 
„  entreprinfe,  attendre  que  une  mîférablé  mort, 
^  ou  bien  une  autre  fervitudc ,  trop  plus  intoUé- 
^,  rable  que  tous  «utres  tourments  du  monde; 
^  il  m'a  fcmblé  bon  de  vous  exhorter  &  admonef- 
^  ter ,  comment  vous  pourrez  recouvrer  la  pre- 
„  mièi-e  force  de  voz  courageç.  Premièrement  je 
„  feray  mention  de  la  guerre,  &  vous  monftre- 
57  ray,  que  nous  avons  bonne  &  jufte  caufe  de 
„  la  faire  &  que  îes  injures  &  outrages  de  nos 
y^  ennemis  nous  y  contramdentj  ce  qui  doit  prin- 
^  cipalement    aguifer  voftre  magnanimité.  Puis 
^  après",  jt  vous  feray  cognoiftre  que  les  chofes 
^  mefines  qui  nous  çontriftent,  ne  font   pas  fi 
5,  dangereùfes  qu'il  femble,  &  que  encore  il  y  a 
p  bon  efpoir  à  h  viftoire.    Pour   trai«H:er  donc 
5^  de  ce  que  j'ay  ç ropofé  en  premier  lieu,  je  V€ux 
^  devant  toute  chofe  faire  vows-mefmes  tefmoings 
,,  de  mon  dire.  Car  vous  fçavez  quelle  eft  Tin- 
„  juftice  de  cefte  conteffe  &  de  fes  adhérents, 
^  comme  de  faidl  ce  font  gens  fans  religion  & 
^  du  tout  barbares,  &  qui  fur  tous  autres  vous 
,,  ont  grandement  travaillé.  Vous  ne  devez  au© 


ou 


LE     SIMPLE. 


WJ 


^  Ignorer  le  peu  de  foy,  &  avarice  ektrétne  de 
^  ce  roy  françoîs,   lequel  eft  préfentement  def- 
y^  ccndu  pardeçà  pour  nbftre  commune  ruyiie. 
^  Et  toutesfois  (encore  que  je  ne  reproche  point 
^  les  autres  béndfices,  que  autrefois  not:  prédé* 
yj  cefleurs  ont  faîa  à  cefte  nation)  qui  elt-ce  qui 
^  durant  la  minorité  d'iceluy  roy,  luy  a  confér-r 
„  vé  entier ,  &  fans  aucun  domroaige  fou  royftu- 
^  me,  que  feu  Baudouyn  de  Lille  mon  très-hon- 
y,  noré  fcigneur  &  père.  Nonobftant  quoy,  après 
„  m*avoir  premièrement  fiancé  (/?)  &  promis  fon 
w  aflîftence,  n'a  eu  vergongne  de  fe  allier  à  la 
n  contefle  Richilde,  meu  feulement  d'une  ordu- 
9,  re  de  deniers,  qu'on  luy  a  offert  &  préfcntét 
99  Et  fi  ainfi  eft,  que  la  foy  doive  eftre  gardée, 
r»  mefmes  à  Tennemy,  combien  pluftoft  la  devoit- 
rt  il  avoir  entretenue  en  mon  endroift  quiluieftoye 
9,  amis?  Mais  cela  ne  fe  trouve  entre  telles  gens, 
„  comme  ils  font ,  lesquels  ne  penfent  fe  trou- 
5^  ver  aucune  honnefteté  ^  à  laquelle  le  gaîng  n^ 
^  foit  conjoinft,  eux  perfuadants  auffi,  que  les 
y,  tons  &  oultrages  doivent  demeurer  impunis, 
„  quand  ils  font  faîfts  foubs  efpérance  de  gaing. 
„  Douterons-nous  donc ,  que  ce  ne  foit  noftrô 
„  devoir  de   pourfuyvre  ces  hommes   înjuftfls, 
y,  par  jufte  guerre,  laquelle  Dieu  veut  que  nou* 
„  facions ,  &  la  raifon  nous  commande    de  nous 
„  venger  tousjours  des  oppreffions  &  violences 
qui  nous  font  faiftes,  voîres  par  guerre  qui 
„  non  feulement  eft  jufte,  mais  auffi  néceffaîre. 
„  Car  cefte  conteffe,  &  (par  conféquent)  tous 
„  ceux  qui  luy  adhèrent,  en  tuant  les  députes 
„  vers  elle  autrefois  par  vous  envoyez  pour  les 
„  affaires  de  ce  païs ,  &  lefquels  indubitablenaent 
„  font  à  nombrer  au,  lieu  d'embalTadeurs   (i»). 


n 


L'avariée 
defdidts  en* 
nemis. 


La  foy  doit 
eftre  entre- 
tenue au 
mefine  en* 
iiemy. 


Ça")  Engagé. 


(b^  Doivent  être  mis  au  nom* 
brcdcs  ambajfadôurs. 


Lnmulritu» 
d'^  des  '  en- 
r.cmis,  ma- 
tière de 
p'us  grande 
/gloire. 

L'efpéran* 
ce  d''  i a  vic- 
toire   ne 
peut    crtre 
bien   ap- 
puyée , 
qmnd   on 
combat 
cont»'e'  la 
iT.ifon    & 
réiiuitd. 


094    ARNOUL    TROISIEME/ 

y,  melRigiers,  bu  héraulds,  a  perpétré  la  plus 
j,  grande  cruauté  de  toutes  tes  autres,  félon  la 
5,  confeflîon  mefme  tant  des  Grecqs,  que  de  tou- 
„  tes  autres  nations.  Auffi  y  a-t-il  chofe  plus  me- 
5,  fchante,  que  dû  tuer  un  meflagier , t)u  député, 
„  traiftant  de  droiâ  &  raifon?  Quelle  profpé- 
5,  rite  en  guerre,  ou  quelle  félicité  au  relie  de 
5,  fa  vie  peut  attendre  une  telle  meurtrire  (^7)? 
5,  On  pôurroit  dire  que  le  droiâ;  &  la  raifon  eft 
5,  pardevers  nous ,  mais  que  les  forces  &  le  plus 
„  grand  nombre  font  de  leur  codé.  Et  ores  que 
5,  ainfi  fut  r^O  9  c^l^  mefme  nous  devroit  inciter 
„  à  pins  grande  vertu:  car  ce  n'eft  le  faift  d'un 
),  homme  preux  &  hardy,  ny  fon  honneur , d'af- 
5,  faillir  ou  deffier  le  prcmier  foible  qu'il  pourra 
„  rencontrer,  ains  fe  dcit  attacher  aux  plus  forts 
„  &  les  vaincre  :  Outre  ce  que  tel  propos  n'eft 
„  bienfc'ant,  ny  convient  à  un  homme  chreftien: 
„  lequel  fe  doit  afleurer,  que  toutes  les  forces 
„  de  quelque  grande  armée  que  ce  foit,  doibvent 
„  néccflairement  eftre  réduiftes  à  néant,  quand 
^  on  prend  les  armes  témérairement  pour  com- 
„  batre  contre  l'équité ,  mefmes  que  l'efpérance 
>,  de  la  viétoire  ne  peut  eftre  bien  appuyée  fi 
^  préallablement ,  la  crainte  de  Dieu  &  la  juftice 
„  ne  luy  fervent  de  fondement.  Or,  nous  avons 
„  la  juftice  pour  nous.  Parquoy  ne  refte  que  de 
„  prendre  une  vertueufe  &  magnanime  réfolution 
5,  ou  de  mourir  tous  ou  de  vaincre,  mettans  au 
5,  refte  toute  noftre  fiance  en  la  bonté  &  jufte 
„  providence  de  Dieu.  Et  affin  de  le  nous  rendre 
„  plus  propice,  mon  opinion  feroit,  comme  auffi 
„  je  vous  confeille  à  tous  en  général,  que  chaf- 
j,  cun  particulièrement  fe  mette  en  dévotes  priè- 


Cfi)  Perfidie» 


t  C^)  Quand  bien    piéme  ceU 
[croit. 


ou     L  E^*  s  IM  P  L  E. 


^95 


i,  res  &  en  eftat  de  grâce  „.  Ces  paroUes  en- 
couragèrent mérveilleufement  les  Flaniens,  lef- 
quels  fuyvant  le  confeil  &  ordonnance  du  conte 
Robert,  fe  mirent  en  eftat  de  grâce,  colloquants/ 
"toute  leur  efpérance  en  Dieu  &  en  la  juftice  de 
leur  querelle,  caufée'des  exaélionç  &  cruautez 
înfupportables ,  dont  ladifte  conteîTe  par  l'àdvis 
&  confeil  defdidls  feigneurs  de  Mailly  &  de  Cou- 
chy,  les  avoyt  chargez  &  traiétez, 

CHAPITRE       LL 

De  la  cruelle  bataille,  des  Flamens  foubs  la  con* 
duJ&e  de  Robert  le  Frîfon ,  contre  la  mervetl:- 
leufe  puijjance  des  François  ^près  la  ville  de  Cap- 
fels  ^  de  la  glorieufe  viêtoîre  que  lediêt  Robert 
le  Frifon  obtint  fur  îefdiêfs  François. 

GE.pendantqueles  .chofes  fusdi^Sles  fefaifoyent 
en  la  ville  de  Caffel ,  le  roy  Philippe  de 
France,  le  conte  ArnouM  de  Flandre ,  la  contefle 
Richilde,  fa  mère,  &  le  refte  deleurs  gens  mar- 
choyent  à  grandes  journées,  faifants  eftat  de  ré- 
duire de  brief  leurs  ennemis  à  telle  raifon  qu'ils 
defiroyent  ;  veu  principallement  le  grand  nombre 
-de  gens  qu'ils  eftoyent ,  &  quaU  touts  expéri- 
mentez en  la  guerre ,  &  contre  lesquels  ils  efpé- 
royent  que  le  conte  Robert  &  fes  adhérents 
n'auroyent  pas  plus  de  durée  qu'un  peu  de  paille 
feîche  dans  une  ardante  fournaife,  &  néautmoins 
ils  fe  trouvèrent  peu  après  par  trop  deceuz  & 
fourcomptez  (/).  Pour  autant  que  le  conte  Ro- 
bert, eftant  adverty  du  grand  devoir  que  le  roy 
Philippe  faifoit  de  marcher  pour  le  venir  trouver, 
&  mefmes  qu'il  n'eftoit  guerres  loîng  d'eux,  mit 
fes  gens  en  bon  ordre,  avec  lesquels  il  attendit 
de  pied  quoy  (^),  jguerres  loîng  de^la  ville  de 


Les  Fia-' 
mens    fe 
mettent  en 
eftat  de  gra* 
ce  avant 
combatrc 
ceux    qui 
vcnoyent  à 
laflifte- 
ment  de  la 
contefleRi-, 
chUde. 


^a')  Tromtés. 


Çb)  De  pîcd  ferme. 


«96     ARNOUL    TROISIEME, 


Autre  ha- 
rangue de 
Robert  le 
Frifonàfes 
gens  avant 
çoiobatrc* 


Caflel,  la  Venue  defes  ennemia.  Lesquels  ayant 
d*aflcz  l^rès  apperceu,  pour  davantage  encoura^ 
ger  ceux  de  (on  party,  parla  ^érecbief  à  eux  de 
celle  forte  :  „Encorea  que  TqlTeurance  que  j*ay  de 
„  voftre  prouefle  &  magnanimilé  (  ô  preux  & 
^  excellents  chevaliers ,  &  vous  autres  mes  bona 
amys  &  compagnons  )  m'ofte  toute  occafion 
d'itérativement  vous  remonftrer  les  caufes,pour 
lesquelles  nous  devons  aujôurd*huy  vaincre 
noz  ennemis  ou  bien  mourir  en  la  bataille. 
Si  e(l<-ce  que  pour  autant  que  celle  tant  haftée 
venue  de  noz  ennemis  m*a  mis  en  la  mémoire 
„  aucuns  poinfts^  desquels  auparavant  ne  m*ef* 
„  toys  fouvenu,  ay  bien  voulu  les  vous  commu- 
^.niquer,  avant  que  nous  entrions  en  la  future 
meflde.  Ne  foyez  donc  poindl  cftonnez  pour 
la  multitude  des  ennemis  ;  car  le  défordre  au- 
quelje  voy  marcher,  m*afleure  de  la  viftoîre, 
&  quand  bien  leà  bonnes  raifons  ne  nous  pour* 
royent  entièrement  rendre  certains  de  la  fortu- 
ne à  venir ,  fi  e(l-cc  c^à  la  fortune  n'eft  à 
craindre,  quand  on  s'abandonne  àfeshazarda 
„  avec  bonne  occafion.  Je  le  dy  (mes  amis)  par- 
^  ce  que  la  dispofitlon  du  temps  prdfcnt  (  que 
D  noz  adverfaires  font  dcsjà  las  &  travaillez  (a) 
^  du  grand  chemin  que  continuellement  ils  ont 
,,  faift),  nous  donne  plus  grand  advantage  fur 
„  eux,  que  flous  n'aurons  par  aventure  jamais, 
%j  fi  nous  les  laifl^bns  guerres  en  repos,  &  puis- 
y,  que  la  raifon  bien  ordonnée  en  un  petit  nom- 
j,  bre  efi:  fuffifante  pouf  vaincre  une  désor- 
„  donnée  multitude/  il  ne  faut  craindre  la  for- 
„  tune,  où  la  raifon  laifle  la  hardiefle  fans  aucunç 
9,  témérité.  Croyez  que  ce  qui  advient  en  un 
^  combat  particulier  de  deux  chevaliers,  advient 


Ca)  fatigués. 


ou     LE     SIMPLE. 


*97 


^  tttfli  en  une  bataille  généralle  de  plufieurs, 
^  réduiéle  foubs  la  charge  &  volonté  de  deux 
„  capitaines.  Car  tout  ainfi  qu'entre  deux  com- 
5,  b^ttans  chaftun  tafche  par  tous  moyens  à 
„  ruer  Ça)  bien  fes  coups,  affin  qu'ils  ne  paiTent 
^  en  vain ,  &  à  bien  rabatre  (A)  ceux  de  fou 
I,  ennemy ,  affin  qu'ils  demeurent  fans  efteft , 
j,  cherçant  au  refte  îQUt  Tadvantage  à  luy  pof- 
^  fible;  ainfi  entre  les  capitaines  »' il  convient 
I,  par  prudence  chercher  le  moyen  de  trouver 
„  fes  ennemis  en  défordre ,  foit  en  gaignant 
D  Tavant/age  du  lieu  ou  en  leur  donnant  le  fo- 
y,  leil ,  le  vent,  la  pluyè  ou  la  poudre  au  vifage, 
y,  affin  qu'ayants  la  veûe  empefchée,  les  bras  ne 
t,  puiffent  faire  leur  office  fi  dextremont  (je).  Or^ 
99  puisque  ces  advantages  fe  doivent  chercher  avec 
99  l'opportunité,  &  que  aujourd'huy  nous  les 
^  avons  en  noftre  puiffance ,  efliahts  nos  ennemis 
„  en  défordre  &  las  du  chemin ,  prendons,  pour 
^  gage  de  noftre  prochaine  viéloire ,  l'occafion 
j^  i\\xt  la  fortune  nous  préfente  ,  &  l'employons 
„  fi  courageufement ,  qu'à  l'advenîr  elle  ne  f© 
^  puiflTe  plaindre  de  nous  ,  ny  nous  de  nous- 
,,  mefmes  par  la  repentance ,  en  laquelle  nous 
y,  pourrions  tomber  ,  pour  avoir  mal  ufé  d'un 
„  temps  tant  appareillé  (d)  en  noftre  faveur.  Vous 
„  pryant  au  refte,  d'avoir  (en  combattant)  con- 
5,  tinuellement  ces  deux  '  poinftz  devant  voz 
„  yeux,  fi  comme  que  de  la  vertu  de  voz  bras, 
„  appuyée  fur  la  jufticc  de  voftre  querelle ,  dé- 
,j  pend  la  liberté  de  voz  femmes  ,  cnfans  &  pa- 
„  trie,  &  que  fol  eft  le  foldat  ^  lequel  par  con- 
„  voitife  de  vivre  (/)  s'enfuyt ,  veu  que  ordi- 


Les  advan- 
tages qu*il 
faut  chcr^ 
cher  fur  fon 
ennemy  ta 
une  bataiU 
le. 


Le  foldat 
eft  fol  quy^ 
par  convoi- 
tifc  de  vi-' 
vrc  s'enfuyt 
en  la  ba- 
taille. 


C<?)  Porter  9  diriger. 

C^)  Parer, 

CO  adroitement. 


(d)  Si  Ificn  difpofl, 

\e)  Par  amour  pour  la  vie. 


ftpS     ARNOUL    TROISIEME, 

^  naîrement  Ton  voit  plus  de  couards  raourîf 
yt  en  fuyant  la  bataille,  que  de  gens  belliqueux 
„  &  de  vertueux  courage,  qui  s'expofent  à  tous 
„  hazards.y,  Ce  diél,  fit  renger  fes  gens  en  ba- 
taille &  mit  les  gens  de  cheval  aux  deux  aîles, 
d'un  codé  &  d'autre,  &  fur  le  front,  ceux  qui 
eftoyentv  légièrement  armez  &   les    archiers  ,  & 
après  ceux-cy  la  force  de  la  bande  des  Allemands 
*&  Frifons  qu'il  avoit  mené  de  Saxonne  ,  &  de- 
puis aflemblé  devant  entrer  (a)  en  Flandre ,  & 
voulut  eftre  luy-mefme   en    l'aile  droite  de  la 
bataille.  Après  avoir  ainfi  ordonné  fes  gens ,  il 
fit  marcher  tout  fon  oft  contre  fôn  ennemy  ;  le- 
quel d'autre  codé,  eftonné  au  poffible  de  la  har- 
diefle  de  ceux  qu'il,  ne  penfoyt  devoir  feulement 
attendre  leur  venue  ,  &'  que  néantmoîns  d'une 
telle   afl'curance   &  magnanimité  vcnoyent  eux- 
mefmes  les  aflaillir  ,  difpofa  de  fa  groffc  armée, 
félon  que  le  temps  &  le  lieu  pouvoyent  requé- 
rir ,  admoneftant  en  peu   de  parolles  fes   gens 
d'armes,  qu'ils  euflent  à  bien  faire  leur  devoir, 
attendu  mefme  la  grande  honte  &  perpétuel  dés- 
honneur que  luy  feroit  de  fuccumber  &  fe  laifler 
vaincre  par  une  fi  petite  trouppe  de  gens ,  eux 
efliants  en  fi  gros  nombre  &  combattans  pour  la 
refl:itution  d'un  jeune   prince  déshérité  par  fes 
propres  vaflaux   &   fubjcfts  autant   trayftres  & 
malheureux,  que  la  punition  qui  de  brief  s'en 
La  cruelle    feroii,  rdyflîroit  grande,  jufte  &  exemplaire.  En 
Caffd^  ^^    ^^^  entrefaites,  l'on  fonna  d'un  cofl:é  &  d'autre 
l'alarme,  fuyvant  laquelle  fe  leva  un  cry  par  les 
deux  camps,  fi  vchcmeilt  qu'on  n'eufl:  quafi  ouï 
tonner,  &  ainfi  commencèrent  à  s'entrechoquer, 
auquel  endroift  y  eufl:  d'un  codé  &  d'autre  de 
grands  coups  ruez,  continuant  la  bataille  quafi 


(a)  Avant  i* entrer. 


ov     LE     SIMPLE. 


Ô9P 


fusques  à  foleil  couché.  Lors  le  conte  Robert 
6'apperchevant  que  la  bataille  fe  renfôrçoit  du 
cofté  feneftre,  print  les  plus  hardis  de  fes  gens 
avec  foy  &  fe  jcfta  de  ce  cofté-là,  &  ayant  mis 
en  route  (a)  les  premiers  qui  fe  préfenterent , 
^ntra  jusques  en  la  bataille,  &  mit  en  fuyté  les 
adverfaires ,  en  la  pourfuyte  desquels  il  fuft  tant 
chauld,  afpre  &  violent,  qu'ayant  de  beaucoup 
devancé  fes  gens,  il  fuft  bien  esbahy  de  veoir, 
toft  après  aucuns  de  fes  ennemis  tourner  vifage, 
lesquels  Tenvironnerent  de  tout  cofté  &  le  prcf- 
ferent  de  forte  qu'il  fut  finablement  conftrîiint 
demeurer-  entre  les  mains  du  conte  Euftacd  de 
Boulongne,  qyi  le  mena  prifonnier  vers  le  chaftel 
de  SainâOmer,  lequel  tenoit  lors  pour  la  con- 
tefle  Richilde.  D'autre  part  les  gens  du  conte 
Robert ,  qui  eftoyeht  demeurez  en  Taîle  droidte , 
voyants  que  Tautre  partie  de  leurs  ennemis  eftoit 
mife  en  fuyte  ,  s'esvertuercnt  de  forte  ,  qu'ils 
mifrent  femblablement  en  branfle  (i»)  Taîle  droifte 
de  leurs  ennemis,  qui  jusques  alors  leur  avoyent 
tenu  contrecarre  (0  5  &  en  laquelle  eftoit  le  conte 
Arnould  avec  aucyns  Flamcns  gallicîins  ,  qui  fe 
portèrent  moult  vigoureufement ,  &  fignammcnt 
lediél  conte  Arnould,  lequel  euft  en  icelle  jour- 
née deux  chevaux  tuez  deflbubs  luy;  lequel  aufl* 
cognoiflant  qu'il  eftoit  de  tout  cofté  environné, 
que  le  roy  Philippe  &  fes  gens  cftoyeni;^  fuys  , 
&  qu'il  n'avoit,  aucune  ouverture  pour  efchappcr, 
s'arrefta  fur  le  lieu  mefme  avec  aucuns  qui  luy 
eftoyent  demeurez  de  fes  gens  ,  &  après  avoir 
occis  plufieurs  de  fes  ennemis  ,  il  mourut  fina- 
blement •  l'efpée.  au  poing  ,  &  en  vertueux  & 
vaillant  prince.  Qui  fuft  véritablement  un  grand 
dommage,  à  raifon  du  grand  bien  &  honneur, 


Le  Frifon 
met  en  fuit* 
raUle    fe- 
neftre des 
François. 


Robert  It 
Frifon 
pourchaf- 
fant    trop . 
chautîe- 
mentfesen- 
nemys ,  eft 
luy  -  mefme 
arrefté  pri- 
fonnier par 
le  conte 
Euftace  de 
Boulongne 
&    mené 
vers   {àm£t 
Orner. 


Le  conte 
Arnould  de 
Flandre  a 
deux  che- 
vaux tués 
foubs  luy 
en  cefte  ba- 
taille. 


Le  conte 
Arnrjld 
mciîrt  Tef- 
péc   nu 

poinj?,  & 
com  bâtant 
vaiilamcnt. 


(<f)  Déroute.  Çc)  Tête, 

(*)  Mettre  en  branle  9  ébranler. 


L^lrmée 
Aê$  France 
iflc  Fltmeni 
gtllicanadu 
tout  def- 
fiiiae. 


Robert  U 
VrKonàéli' 
vré  dc8 
mains  du 
conte  Eu- 
(lacc ,  le- 
quel efl 
luy-mcfmc 
•rrciW  prl- 
fonnicr. 

La  vidtofre 
tie  confifte 
en  la  multi- 
tude «  mail 
en  la  mag- 
nanimité 
des  com- 
battant. 


Le  roy 
de  France 
e'cnfuyt 
vers  Mon- 
ttictiL 


Soo    ARNOUL    TROISIEME. 

que  promettoit  pour  Tadvenir  la  magnanimité  de 
fon  courage  »  en  aage  tant  jeune  &  délicat.   Sei 
gens  le  voyants  mort ,  &  le  Tentants  de  plut 
en  plus  preiTcz ,  fe  mirent  tous  à  tuyr ,  s'es^ 
cartants  çà  &  là.  Et  comme  les  Flamens  flamen* 
gants  entcndoyent  (a)  à  les  pourfuyvre,  ils  furent 
advcrtis  de  la  prinfe  du  conte  Robert  le  Frifon , 
&  mcfmes  que  le  conte  Euftace  de  Boulongne 
le  mçnoit  en  toute  diligence  vers  SainA  Orner. 
Qui  fut  la  caufc  que  laiflants  ladifte  pourfuytc, 
Hz  fe  joindircnt  avec  le  rcfte  des  gens  qui  avoyent 
auparavant  fuivy  le  fufdift  Robert,  &  diligente- 
rent  de  forte,  quMIs  rencontrèrent  ceux  qui  le 
conduifoyent  guerres  loihg  dudiA  Sain  A  Omer, 
&  lefqucls  ils  pourfuyvirent  d'une  telle  vivacité , 
qu'il  ne  fut  oncqucs  en  leur  povoir,  (nonob* 
fiant  Textrûme  diligence  qu'ils  y  mirent)  d'en- 
trer audiét  Sainél  Orner,  avant  qu'eftants  Icfdifts 
Flamens  dcsjà  fur  leurs  talions,  ils  euflcnt  pa- 
reillement moyen  d'eux  Iburrer  pcfle-mefle  de- 
dans ladldlc  ville:  où  ils  délivrèrent  ledift  conte 
Robert  des  mains  dudift  Euftace,  lequel  mefme 
fuft  prins  &  Méï  leur  prifonnier.  Telle  fut  l'if- 
fuS  de  la  fufdiélc  bataille,  par  laquelle  fe  mon- 
ftre  que  la  viftoire  ne  conlifte  point  en  la  mul- 
titude des  gens  d'armes  ;  mais  en  la  promptitude 
&  allégrcfle  (b)  des  combatans,  &  qu'il  n'y  a  fi 
grand  nombre  duquel  la  vertu  ne  vienne  au  def- 
fus,  comme  il  appert  par  le  conte  Robert,  le- 
quel n*ayant  un  tiers  des  forces  que  avoit  le  roy 
de  France,  defconfit  &  mit  en  défarroy  une  fi 
puiflante  armée.  Le  roy  Philippe  &  ceux  qai  fc 
fauverent  avec  luy,  fe  retira  à  grande  perte  &  dés- 
honneur vers  Monftreul,  où  nous  le  laiflerons, 
pour  vous  déclarer  ce  que  advint  au  païs  de  Flan- 
dre, depuis  une  viftoke  fi  gloricufc. 


Ca)  Se  àlfpofûiôni. 


(*)  ^^/////. 


ROBERT     LE     F  R  ï  g  0  f^.   391 

CHAPITRE       LU. 

Comment  Robert  le  Frifon  fut  reçeu  aprht  la  fuf^ 
diSte  victoire  pour  conte  de  Flandre^  &  de  la 
fépulture  qu^sl  fit  faire  au  conte  Amould  U 
Simple. 

LE  conte  Robert  &  les  fiens,  aifes  au  poflî- 
ble  d*une  victoire  fi  excellente,  &  meftnes 
quafi    inefpérée,  firent  le  lendemain  reveuë  de 
leurs  gens,  par  laquelle  ils  cognurent  la  pêne 
qu'ils  avoyent  faiéle  de   plufieurs  gentils   com- 
pagnons de  leur  cofté,  entre  lefquels  néantmoins 
n'y  avoit  aucun  perfonnage  de   nom.  Si  avoit 
bien  Ça)  de  ceux  que  avoyent  tenu  le  party  de  la 
contefl'e  Richilde.  Car  le  fufdift  feîgneur  de  Cou- 
chy  y  deraoura,  avec  plufieurs  nobles  hommes, 
&  grands  barons,  tant  de  France  que  du  païsde 
Hainault,  &  de  la  Flandre  gallîcante,    &  mef- 
mes  Guillaume  Osl^erne ,  mary  de  ladifte  Richilde , 
outre  le  conte  Arnould  de  Flandre,  di(ft  le  Sim- 
ple ,  dont  nous  avoijs  cy-deflus  defcrit  la  noble 
&  vertueufe  mort,  lequel  auffi  fut  pleuré  &  mer- 
veilleufement  regretté  du  conte  Robert  fon  on- 
cle; lequel  en  mémoire  de  fa  vaillantife,  fit  ré- 
préfenter  au  vif  fur  fon  fépulchre  l'image  d'ice- 
luy  conte   Arnould  en  efcarmouçant,  &  ^yant 
une  efpée  en  fa  main.  Il  fut  enterré  au  monaftè- 
re  de  faint  Bertîn ,  &  motmift  au  mois  de  Mars 
en  l'an  feptante-deux ,  qui  fut  le  temps  mefme 
auquel  la  ftifdifte  bataille  fe  fit  ft>r  le  territoire 
de  Caffel,  fuT  un  jour  de  fainft' Pierre  (i).  Il 

(^dy  Mais  il  y  en  avcU  hsaucoup. 

(i)  Cette  bataille  eut  Ueu le  dimanche  de  la  Septuagéfi me, 
ao.  Févritr  1071.  (ftyle  moderne)»  jou*  de  la  fétc  de  la 
chaire  de  St.  Pierre ,  fur  le  territoire  de  Caflel ,  non  Isin 
dcîl»  montagne  de  Wcinche,  vulgairement  appellée  Vom- 
l^rg,  qui  touclie  au  bont  Descottffl«»  prè»êi  Bavincho^c, 


Mort  4a 
rcîgneur  de 
Couchy. 


Robert  le 
Frifon  re- 
grette la 
mort  du 
conte  Ar- 
nould ,  fon 
neveu. 

Sépulture 
du  conte 
Arnould. 

L'an  107a. 


Rec.  ét$ 
hift.  de  Fr. 
t.  II.  Ind. 
cbronol.  ^n 
107 1.  Hift. 
des  comtei 
d'Ardrcs  » 
ibidr 


104 


n  0  B  E  a  f 


Prifoii   en- 
voyé  fnf 

deufi  Ter« 

lUnry  l« 
quint,  pour 
lecouri 
contre  le 
foytkPrM- 


DcU  mer* 
vellleufe 
tdventuft 
que  ad V  rut 
tufdlAs 
|imbaini- 
deurSfpràf 
Coulong" 
ne. 


la  grande  force  &  pulflance  d'iceluy  roy»  Ilcfi^ 
voya  awcun»  ambafladeur*  devcr»  rcropcrem^ 
Henry  le  quint  (4),  tant  alun  de  luy  faire  horo* 
mage  de  la  conté  d'Aloft*  &  autrei  terrei  qu'il 
tenoit  deTempirey  que  pour  pratiquer  fon  alUan- 
ce  9  &  luy  demander  fccoura,  contre  le  roy  de 
France  &  fus  adh<2renti.  AufqueU  ambafladcurs 
advint  auprès  de  Coulongne  une  bien  eftrange 
aventure  9  ft^lon  que  plufieura  fois  depuis  &  par 
grande  admiration  »  récita  Tun  defdii^s  ambaflTa* 
dcurs  appelle  Baudouyn^  lequel  elloit  en  foti 
temp^advoué  de  Tournay.  Si  fufl;  le  cas  teU  corn* 
me  lefditits  anobaiTadeurs  approchoyent  ladiéte 
ville  de  Coulongne  où  poui;  lors  eftolt  Tempe- 
rcur»  ils  rencontrèrent  une  dame  de  repréfenta- 
tion  fort  grave  &  honnen:e»  laquelle  les  interro- 
gea de  leur  eftre,  d'où  ils  venoyent,  &  vers  quel 
lieu  ils  s'acheminoyentf  &  pour  autant  que  ils 
tardèrent  un  peu  à  luy  refpondre.  ^  Je  fçay  bien 
y,  (did«clle)  qui  ycm»  eiles»  où  vous  allez»  ëc 
^  d'où  vous  vm^z»  Vous  elles  meflagiers  de 
^  1lol>ert  le  Frllbn ,  lequel  contrevenant  au  fer- 
^  ment  9  qu'en  l'nflemblée  d' Andenarde  il  fit  es 
y,  mains  de  Baudouyn  de  Lille  fon  père  9  tQU^ 
„  chant  le  faift  du  gouvernement  de  Flandre,  a 
I,  inhumainerwat  faift  mourir  le  conte  Arnoukl 
„  fou  neveu  «  &  déshérité  contre  tout  droiâ 
^  Baudouyn  frère  dudift  Arnotildde  facorité,& 
I,  fucceflion  de  Flandre.  Il  vous  envoyé  préfen* 
„  tement  vers  Tempcreur  Henry,' pour  contrac» 
^  ter  alliance  avec  luy,  &  avoir  fa  grâce.  Sço^ 
^  fchiez  que  l'empereur  vous  fei^a  gracieuJC 
^  recueil  (A),  &  vous  donnera  bonne  refponfej 
^  mefmes  que  Robert  le  Frifon  viendra  au  deflus 


Ca)  C/nfufèmc  ét$  mm.         (If)  jkewiK 


L    Ê 


FRISON. 


S05 


i,  de  tous  fes  affaires  ,  &  deviendra  enfemble  fes 
„  enfons  paifibie  conte  de  Flandre.  Et  néant- 
„  moins  à  raifon  de  fes  inhumanités  ,  injuftice  & 
„  perjure  fiifdiftz,  fa  lignée  défaudra  tantoft  (a)^ 
y,  &  ne  paflera  le  troiziefme  degré.  Siviendra  la 
5,  conté  de  Flandre  fur  un  beati  joVcncel  Çb) ,  le- 
^  quel  meura  (c*)  fans  lignée.  Mais  après  ceftuy, 
^,  deux  autres  feront  en  merveilleufement  grand 
^  débat  pour  la  fucceflîon  de  Flandre  ;  Tun  def- 
„  quels  fera  vainqueur ,  &  tiendront  fes  hoirs 
3,  &  fticceffeurs  ladifte  conté  de  Flandre  jufques 
„  à  la  venue  d'Antechrift.  „  Ce  dift,  ladifte  da- 
me s'efvanouyt  de  forte  ,  qu^elle  ne  fut  ôncques 
depuis  defdiÂs  ambafladeurs  Veue  ,  ny  apper- 
ceue  (îi).  Lesquels  aufli ,  fuyvant  le  préadvertifle* 
ment  de  ladifte  dame,  eurent  dudiél  empereur  telle 
refponfe  qu'ils  defiroyent  ,  avec  laquelle  ils  re- 
tournèrent peu  après  vers  le  conte  Robert  leur 
feigneur  ,  lequel  ils  trouvèrent  desjà  en  armes , 
&  preft  pour  marcher  contre  le  roy  de  France  , 
lequel  efguillonné  du  defdaîng,  qu'il  avoit  con- 
ceu  de  fa  honteufe  fuyte  &  grande  perte  ,  avoit 
âffemblé  à  Vitry  une  incomparable  puiffance,  avec 
laquelle  pluftoft  que  n'eflîmoit  le  conte  Robert , 
il  eftoit  defcendu  vers  S.  Otner  ,  qui  par  la  fac- 
tion de  Wulneric  le  chaftelaîn  eftoit  mife  en  fon 
povoîr  ,  &  en  laquelle  ville  il  fit  des  exploits 
de  guerre  fi  déteftables,  que  ma  plume  ne  porte 
de.  les  vous  réciter;  car  il  n'efpargna  fexe,  ^age, 
fiy  religion  ,  mettant  au,  refte  toute  la  ville  en 


EUe  parla 
duboncofi* 
te  Charles. 

Ce  font 
Guillaume 
dcNorman- 
die&ThiéA 
ryd'EIfate. 

Prédidiott 
touchant  la 
fucceflîon 
en  la  conté 
de  Flandre* 


Le  chade* 
lain  de 
SaindOmei? 
livre  la  vil- 
le au  roy 
de  France. 

La  cruauté 
dont  le  roy 
de  Franco 
en  ladiéte 
ville  uft. 


(^a^  S'éteindra. 
(b^  Jeune  homme. 


(0  Mourra. 


(ji)  Cette  apparition  pour  avoir  ^té  recueillie  par  plu- 
lîeurs  chronologiftes ,  n*en  eft  pas  pour  cela  plus  croyabltf. 
fhiftoire  eft  le  Tableau  fidèle  des  évènemens  pa(fés.  Ott 
l^avilit,  quand  ou  la  défi^^ure  par  le  mélange  de  la  fiable. 

z 


3o6 


ROBERT 


MirahîUa 
opéra  Do- 
mini. 

Le  roy  de 
France 
meu  d'une 
frayeur  mi- 
raculeufe- 
tnent  à  luy 
envoyée , 
retourne 
vers  Fran- 
ce, aban- 
donnant 
partie  de 
les  bagages 
&  charroy. 

Autre  occa- 
fion  de  ce 
fubit  parle- 
ment du 
roy,  félon 
tttcuns. 


une  lamentable  confufion ,  comme  auflî  avoîtdl^^ 
libéré  de  faire  par  toute  la  W^ftflandre.  Maiiî 
noftre  bon  Dieu  ,  lequel  comme  un  père  foig- 
neux,  n'oublie  jamais  fon  peuple,  du  moins  s'il 

■'n'eft  préalablement  mefprifé  &  oublié,  invertit 
le  cœur  de  ce  prince  d'une  frayeur  &  crainte  tant 
eftrange  ,  que  fubitement  &  fans  attendre  le 
demain ,  il  retourna  en  France  ,  &  pour  la  gran- 
de hafte  qu'il  euft  de  partir ,  abandonna  partie 
de  fon  charroy  &  bagages  ;  il  laifla  néantmoins 
aucunes  gens  en  compagnie ,  &  pour  affiftence 
de  Bàudouyn  de  Hainault.  Aulcuns  eftiment  que 
ce  fubit  partement  du  roy  Philippe  hors  du  pais 
de  Flandre  ,  ayt  efté  pratiqué  par  Godefroy, 
évefque  de  Paris  ,.  frère  du  conte  Euftace  de 
Boulongne ,  lequel  portoit  faveur  au  conte  Ro- 
bert ,  à  raif(îh  que  auparavant ,  il  avoît  à  fa  re- 
quefte  délivré  ledid:  conte  Euftace  defes  prifons 
fans  luy  faire  payer  aucune  rançon  ,  outre  ce 
qu'il  avoit  les  venus  dudifl:  Robert  en  admira- 
tion fi  fingulière  ,  que  pour  obvier  à  ce  qu'il  ne 
fuft  du  tout  deftruift ,  réfolut  en  foy-mefme  de 
Taflifter  ,  &  que  fuyvant  ce  après  avoir  long- 
temps  penfé  au  moyen  qu'il  devroit  tenir  pour 
parvenir  à  fdri  intention  ,  enfemble  pour  divertir 
le  roy  de  fon  cruel  propos  ,  luy  refcrivit  fccrè- 
tement ,  qu'il  avifaft  bien  à  fon  affaire  ,  pour 
autant  que  (a)  s'il  marchoit  plus  avant ,  &  ne 
mettoit  peine  d'haftivement  fe  retirer,  il  fe  trou- 
veroit  trahy  &  livré  es  mains  de  fon  énnemy^ 
Et  que  le  roy  adjouftant  foy  à  ceft  advertiflement, 
abandonnant  Tes  bagues  (F)  9  artillerie  ,  charroy  y 
tentes  &  pavillons  ,  feroit  en  toute  diligence  re- 
tourné en  fou  royaume    de  France.    Ceux  qui 

.  font  de  cefte  opinion  adjouftent  en  outre ,  que 


(tf)  Para  que* 


Çh')  Bagage», 


LE         F    il    I    S    0    N.        30?  - 

le  conte  Robert  auroît  depuis  en  recognoîflTance    Liforeftde 
de  ce  grand  bénéfice ,  donné  audid  conte  Euftace^    Bcthloo 
la  foreft  de  Bethloo ,  que  les  contes  de  Boulong-    de  Bou- 
ne  tiennent  encores  poqr  le  jourd'huy  (3).  Quant  à    loûgne* 
moy ,  je  lâifle  à  la  difcrétion  du  lefteur    d'ad- 
hérer à  ce  qu'il  trouvera  plus  à  fon  gouft ,  &^ 
fetourneray  au  conte  Robert ,  que  j'avoye  laif- 
fé  en  équipage    pour   venir   trouver  ledift  roy 
Philippe  ,  lequel  Robert  adverty  du  partement 
d'iceUiy  &  que  néantmoins  Baudouyn  de  Haînault 
fon  neveu  ,   aflifté  d'aucune  troupe  de  gens  que 
le  fufdiél  roy  François  luy  avoît  laiffé  ,  aflem- 
bloit  encores  de  toutes  parts  tant  de  gens  qu'il 
luy  ettoit  poflîble  ,  tira  contre  ledid  Baudouyn , 
lequel    il  rencontra    près   ledid   Saînft  Orner , 
que  lé  roy   de   France  aVoît  (  comme  dift  eft  ) 
puis  naguerres  mis  foubs  fon  obéiflance,  &  après 


(3)  Euftache ,  comte  de  Boulogne ,  avoit  été  fait  prifoa- 
tiier  à  la  journée  de  Bavinchove ,  &  Robert  lui  avoit  géné- 
reuferaent  rendu  la  liberté.  Godcfrof  fenûble  à  ce  procédé  i 
réfolut  de  fervir  Robert.  Le  crédit  qu'il  avoit  fur  refprlt 
du  roi  lui  en  facilitoit  les  moyens.  La  caufe  de  la  retraite 
du  roi  de  France ,  telle  que  la  rapporte  Oudegherft  ,  pa- 
roit  empruntée  de  rhiftoire  généalogique  des  comtes  de 
Flandre,  inférée,  avec  un  éloge  bien  mérité  ,  dans  le  on-, 
zième  volume  du  recueil  des  hiftoriens  de  France.  C'eft 
tinû  que  cet  événement  y  eft  développé  :  Gufridus  epifce-  P.  391.  éL 
pus,  in  'Oiltd  qua  SptrUca  dicitur  ^  rlfidens  ^  qualitcr  Fri-  39*< 
fonj  fuhvtnirU  mente  ptrtraBam^  mij^i  ad  eum  litteris  /pon- 
de t  ,  quhd  fi  domhth  ejus  fjlvqm  qu(t  Bethlo  dicitur  -conce* 
â€rct ,  paterno  illum  regno  refiitueret,  Co  ite  verhannuente, 
epifcopus  céleri  nuntio  régi  mandat ,  quatenùs  faluti  fuét 
confuleret  &  quantecyùs  abiret  ;  adjungens  etiam  ducem 
Flandriée  &  comitem  Bolonia  cum  magno  exercitu  propl 
adcffè^  ac  nt  fugam  accderarct  ^  capiendum  fe  fore.  Quo 
ilU  nuncio  territus^  reliais  farcinis  ^  noSte    urbem  reliquii 

&  'verfîii  Galliàm  properavit Epifcopus  igitur  fratrem 

fïtum  comitî  reconciliaus  ,  pradi&am  fylvam  ei  conceffit  ^qU<t 
tali  caufd  ufque  hodie  à  eomitibUs  Bolonia  jure  hareditario 
poffidetur* 


3*8 


ROBERT 


Robert  le 
trifon  mcft 
en  fuite  le 
conte  Biu* 
douyn  de 
Hainault, 
pré»  Saind 
Orner. 

Robert  le 
Frifon  galle 
Je  païi  de 
llainauU. 

Baudouyn 
de  liflinault 
envoyé  fcs 
9mba  (fa- 
deurs vert 
révefque 
de  Liège 
pour  fe- 
couri  con- 
tre Robert 
le  Frilbn. 

Hainault 
relevée  de 
régUfe  de 


un  dur  &  afprc  conflîô  qu*îl  eut  contre  fayr^ 
le  mît  en  défarroy ,  &  en  fuite.  Et  s'aydant  dr 
fa  fortune  quy  lors  luy  difoit  bien  ,  affin  de  ne 
laîfler  couUer  celle  bonne  occafion  de  mettre  une 
fin  à  fa  guerre ,  entra  pourfuyvant  ledict  Bau- 
douyn ,  &  madame  Rîchilde  fa  mère ,  au  païs 
de  Hainault ,  où  il  fit  pluficurs  grands  dégafts  , 
&  dommages  9  &  prefTa  de  forte  lefdiâs  Baudouyn 
&  Rîchilde  ^  qu'iceux  fe  voyants  réduiébs  en  ter- 
mes de  perdre  avec  la  conté  de  Flandre  celle  du- 
dift  Hainault,  &  n'ayant  plus  aucune  efpérance 
de  fecours  du  cofté  de  France,  envoyèrent  leurs 
ambafladeurs  vers  le  païs  de  Liège ,  affin  de 
pratiquer  Talliance ,  confédération ,  &  amitié  de 
Thiéry,  évefque  dudifl:  lieu  ,  enfemble  pourim- 
pétrer  fon  fecours  &  affiftence  contre  la  violence 
dudift  Robert  le  Frifon.  Et  affin  de  tant  plus 
légîèrcment  l'attirer  de  leur  cofté  ,  &  le  faire 
condefcendre  à  leur  requefte,  relevèrent  par  leurs 
difts  ambafladeurs ,  la  conté  de  Hainault  deTéglife 
de  Liège  (4).  Au  moyen  de  quoy,  ledift  évefque 


(4)  Il  eft  néceflaire  de  rétablir  ici  Tordre  des  faits  un 
peu  altéré  dans  notre  hidoricn.  La  retraite  précipitée  de 
Philippe  entraîna  néceflairement  celle  de  Richtlde  qui  fc 
hâta  de  rentrer  dans  le  Haynaut.  Abandonnée  de  fes  alliés, 
dénuée  de  troupes  &  d'argent,  elle  fe  détermina  à  aliéner, 
en  faveur  de  Téglife  de  Liège ,  la  fouveraineté  d'un  domai- 
ne qu'eUe  ne  fe  croyoit  plus  en  état  de  défendre  par  fes 
D'Outre-     P^optc»  forces.   Elle  fournit  donc  le  conté  de  Hainault  à 
man,  1.  a.      Théoduin,  évdque  de  Liège  ,  pour  le   tenir  à  fief  lige  de 
c.  i«  St.  Lambert,  L'empereur  Henri  IV.  ratifia  ce  traité  k  Aix- 

la-Chapelle,  où  il  étoit  alors.  Théoduin  compta  à  Richildc 
une  forame  confidérablc  ,  qui  l'aida  i  lever  une  féconde 
armée ,  dont  fon  fils  Baudoin  prit  le  commandement.  Gode- 
^  frol ,  duc  de  Lorraine ,  les  comtes  de  Louvain  &  de  Namur 
lui  fournirent  des  fecours  ;  mais  la  fortune  lui  fut  encore 
défavorable.  Robert  s'étant  avancé  jusqu'à  Brôqueroie  près 
de  Mons,  lu|  livra  bataille  &  la  défit  entièrement.  La  perte 
fut  û  grande ,  principalement  du  côté  de»  Hcnnuycrs,  que 


L    E 


FRISON. 


309 


leur  prefta  toute  raffiftence  à  luy  poffible  ,  &  be- 
foingna  de  forte ,  qu'il  moyeîna  une  bonne  & 
feure  paix  entre  le  fufdit  Robert  Conte  de  Flandre^ 
&  lefdifts  de  Hainault.  Par  laquelle  entre  autres 
cliofes  fut  traifté  ,  conclu ,  &  appointé  ,  que  le 
conte  Rotert  le  Frifon  auroît  pour  foy  &  fes 
hdritiers  toute  la  conté  &  païs  de  Flandre ,  ré- 
fervé  feulement  la  ville  de  Douay  ,  avec  fes  ap- 
j)trtenences  ,  quy  demoureroit  au  pouvoir  du 
«onte  Baudouyn  de  Hainault  &  de  fes  héritiers, 
moyennant  aufly  certaine  fomme  de  deniers,  que 
Icdid  R^obert  le  Frifon  promit  payer  à  madame 
Richilde  &  Baudouyii  de  Hainault ,  aux  temps 
&  payements  lors  affignez^  Lequel  fiaudouyn  de 
fon^  codé,  renonça  lors. pour  luy  &  fes  fuccefleurs 
à  la  conté  &  feigneurie  de  Flandre  ,  enfemble  au 
droift  que  jamais  il  y  pourroit  prétendre.  Par 
lediél  appoinftement  fuft  femblablement  pourparlé 
&  accordé  ,  qu'iceluy  Baudouyn  feroit  tenu  & 
obligé  de  prendre  en  mariage  une  des  nièces  du 
fufdiét  Robert  5  '  foubs  condition  &  à  peine  que 


Paix  de 
Flandre  & 
dctlainault. 


Baudouym 
renonce 
pour luy  & 
les  ûieccf- 
feurs  à  la 
conté  do 
Flandrer 


le  champ  debataUlefut  depuis  appeHé  Mortes  Haycs  ^  Dumus 
mortîs,  Robert  ayailt  enfuite  traverfé  laHaigne,  ravagea  une 
partie  du  Haynaut  &  rentra  dans  fes  nouveaux  états.  Ri- 
childe ni  fon  fils  n'oferent  plus  rien  entreprendre  de  grand 
contre  un  rival  heureux ,  qui  avoit  fu  fixer  la  viAoire  ;  & 
quelques  excurfions  faites  par  le  jeune  comte  de  Mons  fur 
Jes  frontières  de  la  Flandre ,  ne  purent  ramener  la  fortune, 
ni  réparer  les  pertes  qu'il  avoit  efluyées ,  fur-tout  à  la  jour- 
née de  Broqueroie.  „  Voilà  comment  la  princefle  Richilde , 
„  pour  s'eftre  trop  opiniaftrée  au  confeU  d'eftrangers  ,  fc 
yy  trouva  avec  fon  fils  dépoffédée  d'un  pays  important  qui 
yy  lui  eftoit  deu  de  droit  &  nature ,  fe  trouvant  avec  ce 
yj  chargée  de  debtes  &  engagée  à  Textrémité.  „  Ce  ne  fut 
guèrcs  que  vers  Tan  1085. ,  que  Robert  fe  vit  paifible  pof- 
fefleur  de  la  Flandre ,  par  le  traité  de  paix  qu'U  fit  avec  fon 
neveu.  Jusqu'^  cette  époque ,  fi  l'on  en  excepte  quelques 
ii^ervalles ,  Robert  &  Baudoin  ne  ccfl*erent  de  commettre 
seipeâivement  des  ho(tiUtés« 


Butkens  , 
t.  !•  p.  66. 


gio 


ROBERT 


s'il  nelefaifoit ,  il  fourferoit(^)  &  perdroît  la  dic- 
te ville  de  Douay  ,  quy  de  toute  fa  fucceffion  de 
Flandre  luy  efloit  feulement  demeurée. 


Baudmiyrr 
de  Hainault 
trouve  la 
nièce  de 
Robert  le 
Fritbn  fy 
Itiidc    qu'il 
ïiymc 

nîcuxfnur- 
f^irc  la  ville 
de  J>iiuay 
que  Tcf- 


CHAPITRE 


L  IV. 


Comment  Robert  le  Frïfon  eflant  devenu  patpbh 
conte  de  Flandre  ,  fit  paix  avec  le  roy  de  Ftan^ 
ce^  &  du  voyage  qu'ail  fit  vers  Hiirufalem^ 
avec  autres  chofes  admirables. 

IA  fusdJfte  paix  &  appointement  faîft  &  ac- 
^  cordé  comme  deffus- ,  la  nièce  de  Robert  le 
Frifon  fut  à  bonne  compaignie  conduire  vers 
Hainault ,  pour  ,  fuyvant  ledift  appointement , 
la  marier  avec  Baudouyn ,  conte  dudift  Hainault» 
lequel  trouva  ladiéle  dame  fy  extrêmement  laide , 
qu*il  ayma  trop  mieux  fourfaire  &  perdre  fa  ville 
de  Douay  que  de  Tefpoufer  ^  quy  fut  la  caufe 
qu'il  la  renvoya,  &  que  par  mefme  moyen  ledift 
Douay  rLiourna  ùs  ni:iins  des  contes  de  FUuulrc, 
6ç  peu  après  Icdict  Bnudouyn  fc  maria  à  madame 
Ydc,  fille  de  rempLTenr  Ht.'iiry  qutirnefme  de  ce 
nom  (]),  de  laquelle  il  cuti  un  fils,  nommé  Bau* 
douyn,  quy  luy  fuccéda  audii^t  Ilaînault,  par  k 
maycu  dtFciael  plufieur$  gLierrc^  s'csmeurent  de* 


A" 


trc  isn  crtmé. 


n\*wît  point  fiISt  de  IVm- 

I  IU|  t'^ïmte  tic  Lnuvim, 

Al  h û fie  :    Comcx  ^wnféffjit 

■  •  ' t um    iif n rti  i   hvan hr^u 

I  KcTîiî»  cotifirin^c         Vép\^ 

'    Vtêûimi  cy  gifl  ùtiviiivim 

■  r  %/  BavUvîn  M^nnomh 

Jt   Jrrtt/hkm  *   etfi^ 


y 


L    E 


FRISON. 


Siï 


puis  entre  Flandre  &;  Haînault,  à  raîfon  du  droift 
qu*il  prétendoit  audîél  Flandre;  ce  quicaufaune 
grande  ruyne  &  dcftruélîon  aufdiéls  païs  de  Flan- 
dre &  de  Haînault  refpedtivemfent.  D'autre  codé, 
le  conte  Robert  de  Flandre  eftant ,  par  le  moyen 
qu'avez  peu  veoi;- ,  devenu  feîgneur  paîfiblc 
<î'icelle  contrée  y  trouva  moyen  de  faire  paLx  & 
pareillement  s'accorder  avec  Philippe  ,  roy  de 
France,  lequel  fînablement  à  Tindinél  &  perfua- 
fion  de  Godefroy  ,  éveîque  de  Paris  ,  prinfl:  en 
mariage  madame  Bertrudç  (//)  ,  que  la  coutefle 
de  Flandre,  femme  de  Robert  le  Frifon,  avoit 
eu  de  Florcns  ,  jadis  conte  de  Hollande  ,  fon 
premier  mary,  &  de  laquelle  ledit  roy  Philippe 
euft  par  fucceflîon  de  temps  Louys,  dift  le  Gros, 
depuis  roy  de  France  (2).  Environ  ce  mefmc 
temps,  Philippe,  fécond  fils  de  Robert  le  Fri- 
fon ,  tomba  d'un  grenier  &  fe  blcfla  de  forte , 
qu'il  en  mourut  toft  après ,  &  fut  cntcrrd  à  Ber- 
glies  Saint  Winoch.  Il  laifla  d'une  fienne  concu- 
bine, ou  félon  autres  de  fa  femme,  qui  cftoit 
fille  de  Guillaume,  feigneur  de  Loo  &  vicoute 
d'Ypre,  un  fils  ,  nommé  Guillaume  de  Loo  ,  & 
autrefois  Guillaume  d'Ypre ,  dont  cy-après  fe 
fera  plus  particulière  mention.  Je  trouve  par  une 
anciene  chronique,  que  ledift  Philippe,  le  quin- 
zième jour  après  fa  mort,  apparuft  fur  fa  fépul- 
ture  à  un  religieux,  nommé  Editius  (quy  s'elloît 
levé  de  bonne  heure  pour  Ibnner  la  cloche  des 


Robert  le 
Frifon  faid 
paix  avec 
le  roy  de 
France. 


Philippe  df 
Flandre 
tombant 
d'un  gre- 
nier,fc  bief- 
fe  &  meurt, 
laiflant  un 
fils,  appcHé 
GulUaume 
4e  Loo. 


(/»)  Berthe, 

(î2)  Outre  Louis  le  Gros  qui  lui  fuccéda  ,  Philippe  eut 
de  Berthe  deux  princes  &  une  fille  ,  nommée  Confiance , 
)nari(ie  d'abord  à  Hugues,  comte  de  Troyes  ,  âc  enfuite  à 
Bohémond  premier ,  prince  d'Antiochc/  Philippe  la  répudia, 
dit  Guillaume  de  Malesbury,  pertafut  connuhii  qubd  iîla 
praphtgu^  corpuUntia  cfct  ,  uxorcmque  andegavcnfii  CQmi* 
lis  ÇfuIcQnh)  contra  f as  &  jus  fibi  conjunxif. 


Rcc.  det 
hift.  deFr., 
(.2.  p.  l8d. 


3ii^ 


ROBERT 


Ledia  Phi- 
lippe de 
Flandre , 
quinze 
jours  après 
fe  monftre 
à  un  reli- 
gieux, quy 
peu  après 
meure  de 
frayeur. 


Le  cloiftre 
de  Watene 
fondé  par 
Robert  le 
Frifon. 


L'églifedè 
S.  Pierre  à 
Caflcl  fon- 
dée par 
Robert  le 
Frifon. 


matines)  &  qu'il  requift  dudifl:  Editîus  ,  qu'il 
voulfift  prier  pour  fpn  ame  ,  rafleurant  que   les 
oraifons  des  d<îvotes  perfonnes  font  grandement 
prouffitables  aux  trefpaflez,  comme  le  jour  mefme 
ledidl  Editius  récita  à  tous  ceux  du  convint  ^  & 
au  moyen  de  la  frayeur,  dont  à  raifon  de  ladiélp 
apparition  il  avoit  efté  fayfi,  il  mourut  huift  jours 
après.  Ledift  Robert  le  Frifon  fut ,  fuivant  la 
bonne  inclination  de  fes  prédécefleurs  ,  pareille- 
ment fort  enclin  au  fervice  divin  &  au  fupport 
des  églifes.   Il  fonda  le  cloiftre   de  Watene  de 
chanoines  réguliers  au  lieu  mefme  où  avoit  efté 
la  chapelle  de  faindt  Régnier  ,  confefleur  (3).  Il 
euft  toute  fa  vie  merveilleufe  &  particulière  dé- 
votion à  monfieur  fainfl:  Pierre  ,  &  principalle- 
ment  à  raifon  de  la  belle  viftoire  que  au  jour 
dudift  fainft  Pierre  (  qu*on  diél  Cathed)ra  Petri^ 
il  euft  contre  le  roy  Philippe  de  France,  Arnould 
fôh  neveu  &  leurs  adhérents.  Il   fonda  Téglife 
de  fainft  Pierre  à  Caflel  de  vingt  prébendes ,  & 
fortifia  le  chaftel  dudift  Caflel ,  aymant  grande- 
ment tant  qu'il  vefcut  ladifte  ville,  en  récorda- 


Hiftoircdcs 
comtes 
d'Ardres 
flu  rcc.  des 
hift.  de  Fr. 
t.  2.  p. 


(3)  Le  monaftère  de  Guaftine ,  autrement  appcUé  Waftc 
ou  Watten^  ne  fubfifte  plus  depuis  qu'il  fut  réuni  à  Tévé- 
ché  de  St.  Orner,  lors  de  fon  ére^on.  Dans  la  fuite  les 
revenus  ont  été  diftraits  de  l'évêclié  &  donnés  aux  Jéfuites 
anglois.  Otfrlde,  premier  abb^  ou  prieur  de  ce  monaftère, 
y  établit  la  règle  des  chanoines  réguliers,  établis  depuis 
peu  en  France,  mais  dont  il  n'y  avoit  point  ^encore  de 
communauté  en  Flandre.  Ce  pieux  établiflcment  étoit 
un  tribut  de  reconnoiffance  que  Robert  payoit  à  TEtre 
fupréme  pour  la  faveur  fignaléc  qu'il  en  avoit  reçue  à  la 
journée  de  Btvinchove  :  Ob  cujus  faSti  mentoriam  ff  mémo- 
riam ,  cornes  Robtrtus^  adepio  tôt  tus  Fîandria  princtfatu  , 
in  honorem- beatiiftma  femper  virginis  Maria  vuatinicnfem 
fahtefecit  ecclefiam ,  &  triginta  régulariser  viventium  cano- 
nicorum^  deferviri  tnflituit  obfequio,  La  reconnoiflancc  fut 
également  le  principe  des  autres  établiffcraçns  ^  donations 
dont  il  e/l  parlé  plus  bas» 


LE       F    R  *I    S    O    N. 


313 


tîon  (d)  de  fa  fusdifte  viftoire  ,  que  près  icelle 
il  avoit  obtenu.  Il  fit  réparer  grand  nombre 
d'cglifes  fondées  à  Thonneur  &  confacrées  au 
nom  dudîét  fainft  Pierre.  Il  fonda  aufly  en  Téglife 
de  Thorouît  dix  prébendes  ,  &  fit  faire  la  maifon 
de  Winendale,  avec  un  bel  &  excellent  parcq. 
Ces  chofes  aînfy  exécutées  ,  ledîcl  Robert  fit  fes 
appreftes  (A)  pour  aller  vers  la  fainfte  cité  de 
Hiérufalem  ,  où  de  faift  il  s'achemina  à  très- 
grande  dévotion  en  Tan  mil  feptante-cincq  (4), 
&  vîndrent  avecq  luy  de  compaignie  plufieurs 
nobles  barons  de  Flandre  &  d'autres  païs  ,  entre 
lesquels  fe  trouva  le  conte  de  Jullers ,  qui  pafle- 
rent  tous  enfemble  jusques  au  mont  de  Sinay  ,  & 
vifiterent  les  glorieufes  reliques  de  madame  fainfte 
Catharine.  La  chronique  de  Dunes  attefte,que, 
comme  Robert  le  Frifon  penfoit  entrer  au  temple 
de  Hiérufalem ,  la  porte  de  Téglife  fe  ferma  con- 
tre luy.  Dont  ledîél  Robert  eftonné  au  poffible, 
fe  confefla  à  un  faint  hermite  (  qu'il  trouva  en 
ladite  cité)  d'un  pefché  que  jusques  lors  il  avoit 
tousjours  tenu  merveilleufement  fecret.  Et  après 
retourna  à  piedz  nudz  &  la  tefte  defcouverte  vers 
ledift  temple ,  où  la  porte  lors  s'ouvrit  d'elle- 
ipcfme  &  entra  ledift  Robert  fans  aucune  diffi- 
culté, où  enfaifantfes  dévotions  ,  luy  apparurent 
des  admirables  &  effranges  vifions ,  félon  que  de- 
puis il  auroît,  plufieurs  fois  raconté  ,  .&  après 
avoir  illec  vaqué  quarante-deux  jours  continuels 


Les  maifon 
&  parc  de 
Wincndalc 
édifiez  par 
Robert  le 
Frifon. 

L'an  1075. 

Robert  le 
Frifon  avec 
plufieurs 
grands  fei» 
gncurs  fe 
transporte  ' 
vers  Hiéru- 
falem. 

Le  temple 
de  Hiérufa- 
lem fe  fet- 
me  contre 
Robert  le 
Ffifon. 


-(a^  Mémoire^ 


(^)  Préparatifs, 


(4)  Ce  fut  en  1085.  qwe  Robert  partit  poux  la  Paleftine , 
après  avoir  aflbcié  au  gouvernement  de  fes  états  Robert, 
fon  fils  aîné.  Il  fut  accompagné  dans  ce  voyage  par  plu- 
fieurs grands  feigneurs  flamands ,  dont  les  principaux  étoient 
Baudoin  de  Gand,  Bouchard  de  Comincs,  Gérard  de  Lille, 
Valnier  d'Oudembourg  ,  Valnicr  de  Courtrai ,  Gratien 
4'EclpQ  &c, 
t 
I 


Meyer. 
BuzeL 


314  ROBERT 

en  prières  &  oraîfons ,  il  fe  mit  en  chemin  pour 
retourner  en  fon  païs  de  Flandre  (5). 


(5)  Parti  en  1085. ,  Robert  ne  revint  de  Jérufalem  qu'en 
1091.,  &  vacqua  par  conféquent  ptus  de  42.  jours  en  prié* 
rts  &  oraifons.  Ce  fièclc  étoit  celui  des  pélcrinigcs.  On  aU 
loit  furtout  à  Jérufalem ,  pcrfuadd  que  ce  voyage  étoft  le 
plus  fur  moyen  d'expier  les  plus  grands  crimes.  Le  roi  Ro' 
bert  avoit  également  fait  un  voyage  à  Rome,  ôc  Louis  le 
Jeune ,  vers  le  milieu  du  fiécle  fuivant ,  en  fit  trois  ,  Tun 
èi  St.  Jacques  en  Gallice,  le  fécond  au  mont  S.  Michel  ôc 
le  troifièmc  au  tombeau  de  St.  Thomas  de  Cantorberi.  Le 
comte  de  Flandre  étoit  déjà  vieux ,  lorsqu'il  entreprit  ce 
rruiîlaumc  long  &  pieux  voyage ,  Jam  eanis  fparfus  caput ,  Jerofoly- 
Malcbb.  matn  contendlt  pro  ptccatorum  alle^iamento.    S'il  eft  vrai 

que  l'expiation  de  fes  fautes  fut  l'objet  de  ce  pèlerinage» 
ne  pouvoi^il  pas  les  expier  au  fein  même  de  ics  états ,  au 
lieu  de  les  abandonner  dans  un  tems  où  la  paix  étoit  peut- 
^tre  encore  mal-aflefmie ,  ôc  où  le  plus  léger  prétexte  pou-  , 
voit  rallumet  le  flambeau  de  la  guerre  ?  Ce  qui  eft  cxcufa* 
ble  dans  un  particulier ,  devient  fouvent  une  imprudence 
coupable  dans  un  fouverain  »  dont  l'abfcnce  ou  la  préfcncc 
peut  alfermir  ou  éHranler,  aiTurer  ou  rompre  le  repos  do 
la  nation. 

CHAPITRE         L  V. 

Comment  après  la  mort  du  duc  de  Brabant ,  Robert 
le  Frifon  reftitua  Thtery  ,  fon  beau-fils  ,  en  la 
conté  de  Hollande^  ^  comment  lediR  Robert  , 
s* appareillant  pour  mener  guerre  dontre  AngU^ 
terre  ^  pour  ce  qu'ion  tuy  refufoît  la  penfîon  des 
trois  cents  marcs  par  an ,  mourut  en  fa  mai  fon 
de  Winendale. 

LE  conte  Robert  le  Frtfon  ,  après  avoir 
fiûdt  fes  dévotions  en  la  faincte  cité  de 
Iliérufalcm  retourna  vers  «Flandre  &  exploita 
tellement  par  fes  journées  ,  que  finablemcnt  il 
y  parvint  au  grand  contentement  de  tous  fes 
vaflaux  &  fuppofts,  &  fignamment  de  la  contcflTc 


L    E 


FRISON. 


315 


fa  femme ,  &  de  Robert  le  jeune  Frifon  ,  fon 
fils ,  auquel  avant  fon  partement  ,  il  avoit 
commis  le  gouvernement  de  Flandre,  lequel  luy 
fut  remis  es  mains  à  fon  retour  (i).  Et  eftant 
peu  iiprès  adverty  du  décès  de  Godefroy,  duc  de 
Brabant ,  lequel  s'eftoit  par  force  faîft  conte  de 
Hollande  (  comme  avez  veu  cy-deffus  )  &  lequel 
fut  par  un  fien  ferviteur  nommé  Ghîflebert  meur- 
dry  (a)  en  fa  chambre  dans  la  ville  d'Utrecht 
^  (2)  ,  penfant  aller  au  retraiél  (F)  ,  il  befongna 
tellement  que  moyennant  fon  ayde  &  aflîftence  , 
Tbiéry  fils  de  Florens  le  Gros ,  jadis  conte  de 
Hollande  ,  &  premier  mary  de  la  contefle'Gher- 
trude  fa  femme  ,  fuflr  reftitué  en  ladîfte  conté 
de  Hollande ,  à  luy  par  droift  de  patrimoine  ef- 
jcheu ,  &  appertenante.  Et  l'empereur  Henry  le 
cinquicfme ,  mit  la  main  for  la  duch^  de  Lotrice 
&  de  Brabant ,  pour  autant  que  le  fufdift  Gode- 
froy  eftoit  terminé  fans  hoir  de  fon  corps.  En* 


Le  duc  (k 

Brabant 
meurdry 
par  un  iica 
valet. 

Thiéry,  fils 
de  Florens 
le  Gros, 
reftitué  en 
la  conté  do 
Hollande  ^ 
par  le 
moyen  de 
Robert  le 
Frifon ,  fon 
beau-père.  . 


(tf)  JjfcMné,  (*)  LUu  âTaifance. 

(i  j  U  paroît  qu'à  fon  retour,  Robert  préféra  le  repos  aux 
embarras  du  gouvernement.  Regrejfus^  mundanh  involucris 
renunciavit  ^  fittcm  vi ta  qui  et  us  à  negotiis  chrijliand  follici- 
tudinc  opcriens^ 

(2)  (Voyez  la  note  a.  du  chap.  47.  p.  282.  J  L'aflàflînat 
de  Godefroi  le  Boifu  eft  de  Tannée  1076.  &  antérieur  de 
près  de  10.  ans  au  départ  de  Robert  pour  la  Paleftine.  Le 
plus  grand  nomb^  des  annaliftes  difent  que  ce  fut  à  Anvers 
que  Godefroi  fut  aflaffiné,  &  Robert  fut  foupçonné  d'avoir 

été  rinftigateur  de  ce  crime.  Godefridus  Gibbofus 

jfntverpia  à  ficariâ  per  infidias  grqviter  Ufus  ,  moritur, 
Lambert  d'Afchaflfemberg ,  moins  laconique  que  Sigebert  , 
raconte  le  fait  de  la  manière  fuivante  :  Gozilo  (  Godefridus 
Gibbofus  )  dux  LotJmringorum ,  cum  effet  in  confinio  Lotba- 
ringia  &  Flandria^  in  'civitate  qua  dicitur  Antwerpba  <t 
occifus  ejî  per  infidias  ^  ut  putabatur  ^  Ruberti  flandrenfis  co- 
fniiis.  Cum  enim  quddam  noBe  ,  quiefcentibus  _  omnibus  ,  ad 
ntc:ritatem  naiura  fccc^iffet ,  appofitus  extra  domum  fpicU' 
lator  confodit  eum  per  fecreta  natium ,  reliâoQUC  in  vuhicr^ 
f^rro^  concitui  aufu^if^ 


Guillaume 
Malesb. 


Marchant, 

Meyer. 

Beka. 

Sigcber:. 
an.  io;6. 


An.  ipr6. 


L'an  1077. 

Roben  le 
Frifon  en- 
voyé en  An- 
gleterre 
pour  la 
penfion  des 
trois  cents 
marcs,  au 
chapiti  42. 


Trefpas  de 
5<.obcrt  le 
Frifon. 


.  La  barbe 
de  Kobert 
le  Frifon 
crue  après 
fontrefpas. 


316   ROBERT      LEFRISO^T. 

viron  ce  mcfnie  temps ,  fi  comme  en  l'an  feptaotc- 
fept ,  le  conte  Robert  le  Frifon  ,  envoya  vers 
Angleterre  pour  recevoir  du  roy  Guillaume  ,  la 
penfion  de  trois  cents  marcs ,  qu'il  eftoit  accou- 
ftumé  délivrer  aux  contes  de  Flandre  ,  pour  la 
raifon  qu'en  l'hiftoire  de  Baudouyn  le  Débon- 
naire aurez  cy-defl*us  peu  icntendre ,  &  félon 
que  depuis  il  avoit  tousjours  payé  ,  tant  audîél 
Baudouyn  le  Débonnaire  ,  qu'à  Baudouyn  de 
Mons,  fon  fils  ,  &  mefmc  au  conte  Amould  le 
Simple  puis  naguerres  occis  en  la  fufdiftc  jour- 
née de  Caflel  (^d).  Et  pour  autant  quelediftroy 
Guillaume  refufa  prtyer  icclle  penfion ,  foubs  pré- 
text  que  lediét  Robert  n'efl:oît  vray  &  légitime 
héritier  de  ladifte  conté ,  ains  qu'il  s'y  eftoit  four- 
ra finifl:rement ,  &  par  violente  ufurpation  ,  Ro- 
bert le  Frifon  fij:  appareil  de  grand  nombre  de 
navires  ,  &  de  bonne  trouppe  de  foldats  en  in- 
tention de  pafler  en  Angleterre  ,  &  contraindre 
ledift  roy  Guillaume  à  la  prefl:ation  &  payement 
de  la  fufdicle  penfion.  En  laquelle  entreprinfe 
néantmoîns  il  fut  empefché  par  la  mort  quy  le 
furprint  en  fa  maifon  d^  Winendale ,  audift  an 
mil  feptante-fept  ,  &  fut  fon  corps  tranfporté 
en  la  ville  de  Caflel ,  &  enterré  dans  l'Eglife  de 
famft  Pierre  qu'il  avoit  fondé  (3).  Aucunes  Chro- 
niques maintiennent  ,  que  certain  temps  après 
fou  trefpas,  l'on  trouva  que  fa  barbe  eftoit  creu- 
tc  (J?)  en  bien  grande  cognoifiance.  Quant  à 
madame  Ghertrude  fa  femme  l'on  ne  trouve  eu  au- 
cunes hiftoircs  ny  le  temps  de  fon  trefpas  ,  ny 
le  lieu  auquel  elle  fut  enterrée.  Tant  eftoit  gran- 
de la  négligence   des  hiftoriehs  du  temps  paAié. 


Iperius , 
Mcyer. 
Fland.  gen. 
Marchant, 
fiuzel. 


(/z)  Ou  dt  Bavincho'ùc,  (h)  Crue ,  accrue, 

(3)  Robert  mourut,  félon  les  uns  le  4.  Oaobrc,  &  félon 
d'autres  le  12.  du  mjôme  mois  1093. ,  deux  ans  après  fon  retour 
de  la  terre  fainte  &  21.  ans  après  la  bataille  de  Broqueroie, 
qui  lui  affura  la  poflcffion  du  comté  de  Flandre. 


ROBERT      S  E  C  0  N^  D\      31? 


CHAPITRE        LVÎ. 

Comment  Rohert  le  Jcuîts  ccjfa  pour  luy  ^  fes 
fuccejfcurs  la  couflume  ,  par  Uiqueîle  les  contes 
de  Flandre  fuccédoyent  aux  biens  meubles  des 

'  gens  d''cglîfe  ^  &  de  phifteurs  fondations  qu*ïl 
fit  ^  i^  comment  il  crée  le  prévoji  de  fahiSt  Don- 
nas à  Bruges ,  chancelier  perpétuel  de  Flandre. 

Robert ,  didl  le  jeune  Frifon  ,  fuccéda  à  Ro- 
bert k  premier  fon  père ,  &  emprint  le 
gouvernement  de  Flandre  en  Tan  naîi  feptante- 
fept.  Il  euft  à  femme  madame  Clémence  ,  fille 
de  Guillaume,  conte  de  Bourgoingne,  furnom- 
mé  Telle  hardye  (1)  ,  quy  fut  fils  d*Otho  pre- 
mier duc  de  Bourgoingne,  fécond  fils  de  Robert, 
roy  de  France ,  dit  Capet  (2)  ,  dont  il  euft  trois 
fils  ,  fi  comme  Baudoùyn  appelle  Hapkin  ,  qui 
depuis  fut  conte  de  Flandre,  Guillaume  qui  mou- 
rut en  l'aage  de  dix  &  huift  ans ,  &  gift  à  S« 
Bertin  ,  &  Philippe  lequel  femblablement  trefpaf. 
fa  bien  jeune.  Je  trouve  que  cefte  dame  Clémence 
euft  lefdifts  trois  fils  en  moins  de  deux  ans  ,  & 
que  pourtant ,  pour  la  crainte  qu'elle  avoit ,  d'a- 
voir trop  d'enfans ,  elle  fit  par  je  ne  fçay  quel 


Mar^gede 
Robert  le 
Jeune  avec 
madame 
CWmcncc 
de  Bout* 
goignc. 

Des  enfàns 
de  ce  Ro- 
bert. 


(i)  Elle  étoit  également  fœiir  âe  Calixte  II.,  comme  le 
prouvent  des  lettres  rapponées  par  Vrcdius ,  dans  lesquelles 
ce  pontife  parle  ainfi  :  Caîixtus  IL  epifcopus  .  .  .  Nos  Jorq- 
ris  tnea  CltmentU  Flanàrorum  cotkitifa  ....  petitionibits 
annucntcs  .  .  Datum  apud  S.  Petrum  •^.  Februariî  MCXXXL 

(2)  Le  premier  duc  de  Bourgogne ,  fécond  fils  du  roi  Ro- 
bert, fut  Robert  chef,  comme  nous  l'avons  dit ,  ("n.  4.  du 
chap.  41.  p.  244.)  de  la  première  maifon  de  Bourgogne.  Le 
père  de  Guillaume  Tejîc  hardye  fut  Guillaume  furnommé  le 
Grand,  comte  &  non  pas  duc  de  Bourgogne.  Sa  mère  fut 
Stéphanie ,  comteffe  de  Viane.  II  eut  pour  femme  Gertrude 
de  Limbourg,  dont  il  eut,  outre  deux  fils  &  Clémence, 
un  autre  fils  nommé  Gui  qui ,  d'archevcque  de  Vienne,  dç- 
vint  pape ,  fous  le  nom  de  Calixte  II. 


Pr.  généal, 
des  comtes 
de  Flandre, 
P-  145. 


Butkens  , 
1.4.  p.  107, 

Hiil.  de 
PoUgni  ptr 
Cîîivalier» 
t.  i.  p.  95. 


byiH  Mm- 
♦  UMt  la 


îjjfl      fl  0  «  li  H  T     S  IC  (2  O  N  D, 

m  •  d^  Unn^  ^jMV'lltf  uVii  pori»  |[»lMt> ,  (i-'l'/ii  iju^ 

umt  h  UMU  ♦  Ift  ftiMt^  ^u'miinmvmn  k  trop  foN 

J'riMt'ff  ,  i)m^\mt  &  )mr4y  «  çnmim  m\m%  vou# 

liitM'jj  r^/j,  A  (uM  ^i\\/LH}LHimH  m  k  t^tand  d^  l'i^'U» 
4rti  ,  lit  cU»giiti  (\m\\tt  imU  Ut  iMmUm  nmsfnh 

m\mmvmt  pvoit  <i(M  jiudto  I^Jfifidr^,  par  t#ujM4* 
|(ti  lus)  (i;i{{M^Mi>  &  cum^^  de  l^iftndre  (Mc^t-t^il/^yeHit 
ftM¥  hUm  uwMti^  de  fou*)  )efc>  prertre*»  tierces  (i^* 
c'Mller«> ,  ivim  h  qnny  obvie»'  le  p^pe  IhU^in  ref* 
trfvlt  ftu  ^tnm  linhm  m.  Vm\  ndl  iummm  k 
un  Mh^  itu'e  donr  k  mmur  s'e«ft*ln  99  Urhmm 
„  tiplirii/uti  t  fpr^hf  ïi^rywf4fH  Ji§in  4lh^o  fllh  lU-^ 
„  />^r/^^ ,  //?//>/!  i^hnflrl0  ftrmm  mlliii  faimm  ^ 
„  onulhllam  barmli^'mm,  Mmimto  t  efhififflm 
99  y///  9  f/i^^tnhm  QmnlfiQ^mH  litm  (l0hfii  9  /f^/  /^ 

99  mogumn  9  </^  pmp^r^  AlvUm  9  ^/^  /^^^^///  ^/^^y^- 
„  /;/w  }irim''fppm  fh'h  9  ^  (  ^a^^*^/  rmvlmmn  ^fi  ^ 


C^)  i  uHtJ  immt^fihf  (^imti  nmv  Am^é  fto?^  ttnhm  i^  0^ 


DIT     DE     JÉRUSALEM.    31^ 

^  inter  faculi  principes  rarum  )  dote  literarum 
„  fcientia  atque  religioni  donavit.  Ejus  igitur  me^ 
„  mar  efto  qui  te  talem  fecit  ^  &  omnibus  modis 
5,  élabora  j  ut  tantis  beneficiisnon  inveniaris  in- 
„  gratus.  Honora  igitur  eum  in  ecclefiis  fuis  ^  & 
y,  ulterius  presbyteros  aut  clericos  qualefcunque  fint 
^  fub  aliqua  occafione  vexare  minime  pre fumas  9 
„  nec  eorum  predia  in  tuos  ufuspoft  eorum  exitum 
^  redigas^  nec  pecuniam  feu  quodcumque  de  patri" 
^  monio  fuo  ,  ////  dimittunt  violenter  au  feras ,  fed 
„  libéra  fit  eis  facultaSy  &  Deo  ferviendi^  ^  res 
^  fui  patrimonii  cuicumque  voluerint  impendendi. 
n  Qj^àd  fipr(eftfhdis  hoc  ex  antiquo  ufu  in  terra 
^  tuâ  procejfiffe  ,  fcire  debes  Creatorem  tuum  di- 
y,  xijfez  ego  fum  veritas  non  autem  ufus  vel  con- 
^  fuetudo.  Qua  igitur  dixinius  ,  chariffime  fili  , 
^  volumus  ^  per  beati  Pétri  Apoftolorum  princi^ 
^  pis  claves  pracipim^s  ,  ut  obferves  ,  &  fuper 
^  liber tate  clericorum  te^Chriftum  honorant em  hono^ 
y,  rifices  ,  ipfe  verb  atteftatione  fui  ipfius  honorifi^ 
„  cantem  Je  ,  honorificabit .  Fale.  Datum  apud 
^  fan£tum  Petrum  anno  millefimo  nonagefimo  pri^ 
^  moyy.  Aufquellcs  lettres  envoyées  du  fainft 
îiege ,  le  conte  Robert  ne  voulut  obtempérer  ny 
obéir,  foy  fondant  fur  Tufage  &  couftume  in- 
vétérée de  Flandre ,  &  que  ufan:  de  fon  droift, 
il  ne  faifoit  tort  à  perfonne.  Au  moyen  de  quoy 
ceux  de  la  clergie  firent  une  aflemblée  pardevant 
Renauld ,  archevefque  de  Rains  &  lors  métropo- 
litain de  Flandre  ^  où  fut  finablement  conclu  & 
réfolu  de  procéder  contre  le  conte  Robert  ^  & 
ceux  qui  le  portoyent  en  fadifte  opinion  &  erreur 
par  interdiâ  &  excommunication.  Pour  laquelle 
luy  dénoncer ,  furent  envoyez  devers  luy  Emould 
prévoft  de  Sainft  Omer  ,  Jean  abbé  de  Sainét 
Bertin ,  Gherard  abbé  de  Ham,&  Bernard  prévoft 
de  Watenes  ,  lefquels  vindrent  trouver  le  conte 
Robert  au  cloiftre  dudid  Sainét  Bertin  ,  où  il 


Demejivê- 
ritas   mtm 
autem  tfta 
vel  confmer- 
tudo. 


Le  conte 
Robeit  Bc 
veuûobéyr 
aux  ktnw 
du  S.  fi<^. 


Le  conte 
Robert 
craindanc 
dire    ex- 
communié 
enfla    la 
couftumc 
par  laquel- 
le les  con- 
tes de  Flan- 
.  dfe    fdccé- 
doyent  aux 
biens  meu- 
bles  des 
gens  d*dgli- 
fe. 

Advertifle- 
ment  au 
ledeur  tou- 
chant la 
doubte  que 
peut   four- 
dre,  iy  la- 
dite lettre 
fut  envoyée 
k  Robert  en 
qucftion , 
ou    à   fon 
père  Ro- 
bert le  Fri- 
,  Ibn 


Aucuns  ef- 
timent  que 
Robert  le 
Frifon  vef- 
cut  jufques 
à  Tan  qua- 
tre-vingts- 
douze. 


â2o     ROBERT      SECOMO^ 

faifoît  fcs  dévotions  à  raifon  du  fdnft  temps  de 
quarefme  ,  &  lequel  récent  lefdiftz  prélats  moult 
bénignement  ,  &  doubtant  les  fulminatîons  de 
la  fainfte  églife  ,  caffa  pour  luy  &  fes  fuccefleurs 
éternellement  la  damnablc  couftume  ,  dont  aupa- 
ravant ils  avoyent  ufé ,  au  préjudice  dès  libertez 
de  Téglife  ,  ordonnant  que  de  lors  en  avant,  les 
preftres  &  gens  d'égljfe ,  peuflent  franchement 
teller  de  tous  leurs  biens  meubles  qu'ils  délaif* 
feroyent  après  leur  décès  &  trespas ,  dont  auffy 
il  leur  donna  lettres  efcriptes  à  Sainét,  Bertin  , 
audiél  an  mil  nouante  &  un.  Auquel  endroiél 
ay  bien  voulu  préadvertir  tout  lefteur  ,  que  la 
fufdifte  lettre  du  pape  Urbain  peut  fembler  avoir 
efté  envoyée ,  non  pas  à  ce  conte  Robert ,  mais  à 
Robert  le  Frifon  fon  père,  mefmes  d'autant  plus 
que  celle  claufe  inférée  en  la  fufdîfte  lettre  :  Qui 
te  contra  voluntatem  parentum  tuorum  deparvo  ma^ 
gnum  ,  de  paupere  divitem  ,  ^c.  s'addrefle  di- 
reftement  audiél  Robert  le  Frifon  ,  lequel  de 
pouvre  fugitif,  cftoit  devenu  riche  &  puiflant 
conte  de  Flandre.  Quy  me  faiél  eftimer  ,  que 
l'opinion  de  ceux  quy  affirment,  que  lediél  Ro- 
bert le  Frifon  vefcut  jufques  en  l'an  quatre  vingts 
douze  ,  &  qu'en  l'an  fcptante-fept  il  réfigna  fa 
conté  de  Flandre  à  ce  Robert  fon  fils  ,  pour- 
roit  eftre  véritable.  Et  principallcment  attendu , 
que  autrement  ladiéle  lettre  datée  de  l'an  quatre- 
vingts-unze ,  ne  pourroit  ^avoit  efté  à  luy  addref- 
fée.  Mais  d'autre  cofté ,  fe  pourroit  femblable- 
ment  interpréter  ladiéle  claufe,  de  parvo  magnum  y 
de  paupere  divitem  ,  fifc.  (4).  qu'eftant  le  père 

d'ice- 


(4)  Il  eft  certain  que  Robert  le  Frifon  ne  mourut  qu'au 
mois  d'Oôobre  1093.  Il  Teft  également  que  c'eft  à  lui  que 
s'adreffe  la  lettre  d'Urbain  II.  Voici  ce  qui  y  donna  lieu. 
A  fon  recour  de  la  Paleltine  en  1091.^  il  avoit  iait  revivre 


i)ir     DE     JÈRUSALÉNf.     §îi 

d^iccluy  Robert  chaffé  de  fes  pnïs,  &  defppuiil<? 
d'iceux,  ce  mefme  Robert  petit  au  moyen  de  la 
pouvreté  de  fon  père,  feroit  depuis,  par  la  meiP 
leure  fortune  d'iccluy ,  devenu  pareillement  riche 
&  puiflTant.  Laquelle  diverfité  d*opinious  avec 
leurs  raifons  je  Couche  volontiers  en  ce  mien 
volume  ,  affin  que  tout  bening  lecteur  puifle  com- 
tnodieufement  adhérer  à  la  plus  vrayferablable. 
Or,  pour  retourner  à  noftre  Robert  le  Jeune  Fri- 
fon ,  conte  de  Flandre,  fçachez  qu'il  rie  dégénéra 
en  riens  des  vertjïcufes  traces  de  fes  très-illuftres 
prédc^cefTcurs ,  ny  mefmes  en  ce  que  concemoit 
le  fervice  &  honneur  divin.  Car  il  fonda  TEglife 
&  monaflère  de  faindl  Andrieu  (a)  lez  Bruges 
de  religieux  Rénédiftins  ,  &  dchia  de  moult  (h) 
grands  privilèges  les  prdVoft ,  &  thatioines  de 
Saînél  Donas  à  Bruges  ,  par  lefquels  il  fit  & 
conftitua  ledi<a  Prévoft  ^  chancelier  perpétuel  de 
Flandre  ,  &  maiftré  des  ^deniers  de  la  maifon  du 
conte  ,  permettant  &  accordant  que  les  chanoines 
dudift  Sainft  Donas  feroyent  à  Tadvènir  chape- 
lains domeftîqucs  de  ladifte  maifon  de  Flandre  ^ 
comme  du  tout  appert  par  fes  lettres  de  l'an  mil 
quatre-vingts-neuf,  efquelles  font  inférées  lea 
claufes  qui  fenfuyvertt  :  Prapofitum  fané  ejufdem 
Ecclefia  ,  quicumque  fit ,  caftceflarium  noflrum ,  ârl 
omnium  fuccejforum  noflrorum  ^  fufceptorem  etian;t  ^ 


Le  môna* 
(1ère  de 
faint  An- 
drieu lez 
Bruges  fon* 
dé  par  le 
conte  Ro- 
tcrt. 

Le  prévoft 
de  S.  Donas 
à  Bruges, 
chancelier 
perpétuel 
de  Flandre 
&  maiftre 
des  deniers 
delamaifoa 
du  conte. 

Le^  chanoi- 
nes deS  Jeû- 
nas chape- 
Ifûi^  -do4. 
mciliques. 
dû  conte 
de  Flatidrei 


(ij)  AndrL 


(*)  Beaucoup  s  très. 


dans  fes  états  un  ufage  qui  défendoit  aux  cccléfiafiiques  de 
faire  aucun  teftaraent ,  &  qui  conftituoit  les  comtes  eux- 
mêmes  héritiers  de  tons  les  biens  des  prêtres ,  après  leur 
mort.  Roben,  par  ce  procédé,  fouJeva  contre  lui  tout  lé 
clergé  de  fes  états.  On  adrcfla  des  plaintes  à  Urbain  II. ,  qui 
expédia  la  lettre  que  rapporte  Oudegherft.  *  Robert  fut  me- 
tiacé  de  l'excommunication  dans  un  fynodc  aflcmblé  à  Rhcims 
Tannée  fuivante  par  Tarchevéque  Renauld,  &  fe  vit  par-là 
contraint  de  renoncer  à  fes  prétentions. 

A  a 


Meyef. 
Buzel. 


Sainft  Ar- 
nould  fon- 
de à  Ouden- 
bourch  un 
cloidrc  de 
Bénédic- 
tins. 

Anon 
chambrier 
perpétuel 
de  Flandre. 

Xe  cloiftre 
des  Dunes. 

Madame 
Clémence 
de  Flandre 
fonde  deux 
cloiftres  de 
femmes , 
tin  à  Bour- 
bourch  de 
l'autre  k 
Mercken. 


fA\T.  donat. 
Belg.  t.  I. 
J?.  359- 


Belg. 
1.  a.  c 
&  4^. 


t.  I. 

45. 


ya»     ROBERT     SECOND^ 

g?  exaSorem  de  omnibus  reditibus  princlpatûs  Flan^ 
dria  perpétua  conftituimus  ;  eique  magifterium  mço^ 
rum  notariorum  ,  &  eapellanorum  ,  fi?  omnium 
c/ericorum  in  curid  comitis  fervientium  ^  poteftativè 
concedimus.  Canonici  verb  quandocunque  ad  curiam 
meam  venerint ,  jus  eapellanorum  obtineant  (5).  Il 
fit  femblablement  grande  aflîftcnee  à  monfieur 
Çainft*  Arnould  ,  évefque  de  Soiflbn  en  la  fon- 
dation du  cloiftre  d'Oudenbourch  de  Bénédiftins  , 
&  confirma  le  don  que  peu  auparavant  Anon 
chambrier  peijpétuel  de  Flandre ,  &  Ilafacca  fa 
femme  avoyent  faift  audiél  évefque,  pour  com- 
mencer le  fufdiél;  cloiftre.  Il  donna  congé  &  oc- 
troy  à  aucuns  religieux  de  Tordre  de  Cifteaux  » 
pour  commencer  &  fonder  le  cloiftre  des  Dunes, 
fur  la  rive  de  la  mer  au  Weftquartier  dont  font 
lettres  de  Tan  mil  centfept  (6).  Madame  Clémence 
de  Bourgoîgne  fa  femme  ,  fonda  deux  cloiftres 
de  femmes  de  Tordre  de  monfieur  Sainft  Benoîft, 
Tun  à  Bourbourch ,  &.  Tautre  à  Mercken ,  ou 
félon  Topinion  d'aucuns  à  Avefnes. 


Diplom. 


'  (5)  Ce  paflagc  qui  contient  une  partie  des  prérogatives 
attachées  à  la  dignité  de  prévôt  de  St.  Donas ,  eft  fidellement 
extrait  du  diplôme,  par  lequel  Robert  de  Jérufalcm  créa  ce 
prévôt  chancelier  perpétuel  des  comtes  de  Flandre.  H  eft 
de  Taiï  1089. 9  &  prouve  ce  qui  a  été  dit  plus  haut ,  qu*avant 
fon  voyage  en  .Afie ,  fon  p^re  l'avoit  aflbcié  il  la  fouvcrai- 
neté ,  &  lui  avoit  remis  les  rênes  du  gouvernement.  On 
trouve  également  dans  Mirttus  le  diplôme  de  la  fondation 
du  monaftère  de  St.  André  de  Ëruges.  Ce  dernier  eft  de  Tan 
nos.  Le  monaftère  de  St.  André  de  l'ordre  de  St.  Benoit 
ne  fut  d'abord  qu'une  prévôté  dépendante  de  l'abbaye  d'Af- 
fleghem;  mais  en  u88. ,  fous  Philippe  d'Alface,  cette  pré- 
vôté fut  érigée  en  abbaye. 

(6)  Cette  abbaye  avoit  été  bâtie  d'abord  au  fond  des  du- 
nes, dont  elle  tira  fon  nom;  mais  en  1627.  ,  les  religieux 
Vinrent  s'éublir  dans  la  ville  de  Brugçi. 


DIT     DE     J  É  RU  s  A  L  E  M.    323 

CHAPITRE        LVIL 

De  rinflltution  d^aucuns  ordres  au  tems  du  conte 
Robert ,  e?  des  chofes  miraculeufes  ^  prodigieux 
fes  qui  au  me  fuie  temps  advindrent  au  pays  de 
Flandre. 

AU  temps  du  conte  Robert  k  Jeune  Frifon, 
fi  comme  en  Tan  mil  feptante-neuf  fur  la 
veille  de*  Noël ,  advint  à  Oudenbourch  en  Flandre 
un  cas  -merveilleux  &  admirable*  Car  la  tour  de 
Téglife  de  noftre  Dame ,  que  monfieur  fainft  Urf- 
marus  avoit  au  temps  du  roy  Dagobert  fondé, 
ploya  par  force  de  vent  de  forte,  que  çhafcun 
eftimoit,  qu'elle  devoit  tomber  par  terre,  &  de* 
moura  en  tel  eftat,  quatre  ou  cinc  jours,  au  bout 
defquels  par  la  volonté  &  permiffion  divine,  la- 
dide  tour  fe  redrçfla  d'elle-mefme,  &  fut  audift 
jour  veûeen  îcelle  églife  une  merveilleufç  clarté, 
dont  plufieurs  aveugles  ,  fourds  &  autres  malades 
y  reçeurent  incontinent  guarifon.  En  Tan  mil 
cent  en  Zélande,  y  euft  une  fontaine,  qui  dur 
rant  quinze  jours  continuels,  couloit  une  grande 
abondance  de  fang,  de  forte  qu'elle  infefta  &  ren- 
dit fanguineufe  les  autres  eaues  qui  eftoyent  là 
autour.  D'autre  cofté  environ  ce  mefme  temps 
en  la  ville  d'Arras  la  vierge  Marie  apparuft  en 
accouftrement  blanc  à  deux  jouvenceaux,  lefquels 
ordinairement  eftoyent  accouftumez  de  jouer 
d'aucuns  inllruments  de  mufique  ,  dont  ils  fe  fça- 
voyent  ayder,  devant  l'image  de  noftre  Dame, 
&  leur  préfenta  une  chandelle  de  cire ,  qu'elle  te^ 
noit  en  fa  main ,  laquelle  a  tousjours  depuis  efté 
&  encores  eft  confervée  en  grand  honneur  & 
folennité.  Et  ores  qu'elle  foit  fouvent  allumée 
l'on  maintient  qu'elle  ne  fe  diminue  aucunement. 
Et  celle  eft  la  chandelle  qu'on  appelle  la  Chan- 
delle d'Arras,  qui  eft  annuellement  par  deux  jou* 

A  a  !î 


L*an  107^ 


Cbofe  mi* 
nculeufe 
de  régîife 
de  QoUre 
DtmeiOa- 
denboorclb 


Fontiioedc 
fang  en  Zé- 
lande, 


Lachaodfl. 
le  d'AiTW, 


324     ROBERT     SECOND^ 

venoeaux  portée  fur  un  autel  de  noftre  Dame,  le 
jour  du  S.  Sacrement.  Sy  maintient-on  que  plu- 
fieurs  y  vont  par  dévotion  pour  avoir  guarifon 
de  leurs  maladies,  &  fignamment  ceux  qui  ont 
aucun  membre  efpris  de  feu,  lefquels  fe  levants 
de  Teauë  dans  laquelle  eft  diftilée  &  fondue  la 
cire  de.cefte  chaqdelle,  reçoivent  amendement 
&  fan  té  (i)*  D^  cefte  chandelle  font  defcenducs 
plufieurs  autres,  ii  comme  cefles  de  Berghe, 
Valkenberghe,  Melun ,  Saugin ,  Arkes ,  &  autres* 
Je  treuve  qu'au  temps  de  ce  mefme  Robert, 
'  fçavoir  en  Tan  mil  quatre-vingts-dix. &  huit  com- 

Commen-    mença   premièrement   l'ordre   de    Cifteaux ,  au 
Swdl*    moyen  d'un  religieux  de  l'ordre  de  S.  Benoift 
Cifteaux^'      de  MoUins,  au  diocèfe  de  Langres,  nommé  Ro- 
bert (jf) ,  lequel  (fefirant  vivre  du  tout  conformé- 
ment au  vray  ordre  de  monfieur  S.  Benoift,  par- 
,  tît  de  fon  monaftère  de  Mollîns ,  accompaigné  de 

.  cinc  ou  fix  religieux  de  fon  ordre  ,  &  fe  retira 
dans  une  forefl:  guerres  lôing  de  Dijon  (2),  où 
moyennant  l'ayde  du  duc  Eude  de  Bourgoingne, 
&  à  l'adveu  du  pape  Urbain,  il  commença  fonder 
un  petit  monaftère,  où  il  tint  ladifte  règle  moult 
cftroiften\ent.  Et  dépuis  revint  à  Mollins,  où  il 
réforma  les  religieux,  &  procura  que   Cifteaux 


(tf)5/.  Robert  de  Moîame  ^réformateur  dcV  ordre  de  St.  Benoît. 

(i)  Ces  divers  prodiges ,  pour  avoir  été  racontés  par  la 
plupart  des  hiftoriens  nationaux,  n'en  paroîtrom  pas  fans 
doute  plus  dignes  de  foi.  Quant  à  la  chandelle  i'Arras ,  les 
pratiques  fuperfUtieufes ,  auxquelles  elle  a  donné  lieu  pen- 
dant tant  de  fiècles ,  ont  été  fagcmcnt  abolies ,  il  y  a  plu- 
fleurs  années. 

(a)  L'auteur  veut  parler  de  Cîteaux,  célèbre  &  très- 
riche  abbaye  de  France  en  Bourgogne ,  fondée  en  1098.  par 
St.  Robert.  EUe  eft  dans  le  territoire  de  Dijon ,  au  diocèfe 
de  Châlons  fur  Saône ,  entre  des  marais.  L'églife  &  le  mo- 
naftère en  font  rnsgoifiques. 


DIT      DE     J  É  R  U  s  A  L  E  M.    315 

fiift  érigée  en  abbaye.  Et  peu  après,  fi  comme 
en  Tan  mil  cent  fept,  fuft  érigé  un  femblable 
cloiftre  au  Wcftquartier  de  Flandre  du  confente- 
ment  du  conte  Robert,  félon  qu'aurez  peuveoir 
cy-deflus.  Environ  ce^  mefme  temps  commença 
femblablememt  Tordre  des  Chartrous  (a)  par  un 
dofteur  en  théologie  appelle  Bruno ,  lequel  eftoit 
chanoine  de  Téglife  de  Reims,  &  s'appliquoit  à 
publiquement  enfeîgner  en  la  ville  de  Paris  les 
efcritures  faintes.  Ledîcfè  dofteur  s'afFroya  mer- 
veilleufement  d'un  cas  admirable  &  efpoventable , 
qui  lors  advînt  audit  Paris  à  rendroift  (*)  d'un 
notable  dofteur,  puis  naguerres  terminé.  Car 
ainfi  qu'on  le  penfoit  enterrer,  il  fe  leva  debout 
en  fon  luyfeau  CO»  &  criaft  à  fiante  voix:  Par 
jufte  jugement  de  j9/Vw,  je  fûts  damné  (3).  Ce 
qu'entendant  ledift  Bruno ,  lequel  s'eftoit  trouvé 
audift  enterrement ,  &  avoit  tousjours  eu  le  fuf- 
dit  dofteur  en  réputacion  d'homme  de  bien  & 
vertueux,  fe  retira  des  tumultes  &  ambitions  du 
inonde,  foy  tranfportant  à  Cartrufe  (4)9  où  il 
inftitua  l'ordre  des  Chartrous  en  l'an  mil  quatre- 
vingts  &  cinc.  Et  ores  que  cecy  ne  touche  en 
jien  les  affaires  de  Flandre,  fy  eft-ce  que  j'en 
ay  bien  voulu  toucher  comme  en  paflant,  affin 
que  ceux  qui  s'esbattront  (J)  à  lire  celle  préfente 
hiftoire,  confidérent  la  malideufe  calumnie  des 
ennemis  de  noftre  religion,  lefquels  s'efforcent 
tant  qu'en  eux  eft,  de^perfuader  au  pouvre  & 
limple  peuple ,  que  l'invention ,  &  inftitution  des 


Commcn- 
cc*ment  de 
Tordre  des 
Chartrous. 


Pdurquoy 
l'autheur 
infère  en 
ce  volume 
rinOitu- 
tion  &  pre- 
mier com- 
mencement 
d*aucuns 
ordres  & 
religions. 


(/x)  Chartreux, 
C*3  ^  regard. 


(t)  Cercueil. 
(t/)  S'amuferont, 


(3)  On  rapporte  cette  anecdote  à  Tan  1080.  „  Ce  faiét, 
^  dit  Lenglet  du  Fresnoy,  a  fi  fort  l'air  d*une  fable,  qu'U 
^  ne  mérite  pas  môme  qu'on  y  ajoute  foi. 

(4)  n  s'agit  ici  de  la  grande  Chartrcufe»  chef-d'ordre 
4c5  Chwtreux ,  près  de  Grenoble  eo  Dau^hiné. 


Tabl.  chro- 
nol.  t.'  2. 
an.  1080» 


L*an  1084. 

Le  conte 
Robert  faid 
devant  h 
cité  de  KO- 
meh<'flima- 
/5e  à  Tem- 
père ur 
Henry  des 
terres  qu'il 
tient  (oubs 
l'empire. 

La  contefle 
Richilde  ♦ 
douagiérc 
de  Flandre, 
fe  tranfpor- 
te  vers  Ro- 
me âc  faiét 
pénitence 
de  fcs 
cruaultez 
paflTées. 

Trefpas  de 
la  contefle 
RichlIdc. 


Chr.  Baud. 
d'Avefn. 


Fîandt.  ge^ 
ncr.  c.  £7. 


306     R  O  B  E  R  T     S  E  C  O  N  D, 

cloiftrcs ,  abbayes  &  monaftères ,  eft  un  abus  nou- 
vellement  introduit  au  monde*  Pour  donc  re- 
tourner à  ce  que  concerne  noftre  pourjefté  dif-* 
cours,  fçafchîez  que  en  l'an  rail  quatre-vingts- 
quatre,  le  conte  Robert  fe  tranfporta  versTem- 
pcrcur  Henry,  quy  lors  tenoît  fon  liège  devant 
la  cité  de  Rome,  où  ledift  Robert  luy  fit  hom- 
mage des  terres  qu'il  tenoit  de  luy  foubs  Tempi- 
re,  &  fe  trouva  préfent  à  la  pompeufe  (^)  & 
magnifique  entrée  que  le  fufdicl:  Empereur  fit  en 
ladidle  cité  de"  Rome  ^  enfcmble  au  couronne- 
ment d'iceluy  (5).  Et  peu  de  temps  après,  re- ' 
tourna  en  fon  païs  de  Flandre,  où  luy  furent 
apportées  les  nouvelles  du  trefpas  de  madame 
Richilde  fa  tante,  dont  cy-deflus  avons  fouffif- 
fammcnt  parlé.  Laquelle  après  les  chofcs  fufdiftes 
par  elle  faiftcs,  meuë  du  remord  de  confcience 
quy  la  poiiidoit  C^),  s'eftoit  en  grande  dévotion 
retirée  vers  la  cité  de  Rome,  où  elle  fit  pour 
quelque  temps  une  bien  auftère  pénitence,  &  de- 
puis retourna  à  MelTines,  qu'elle  fit  réparer  en 
merveilleufe  fumptuofité ,  &  peu  après  mourut  au- 
àid  lieu  en  Tan  mil  quatre-vingts- quatre  (6) ,  & 

(^)  Nomhreufe.  bc  français  poindre,  tn  la- 

ly)  Perçoit^  dichir oit  ^  du  Dcf'    tin  pungerc. 

C5)  L'empereur  Henfi  IV.  fut  en  effet  couronné  empcreuî 
à  Rome ,  Pan  1084. ,  après  avoir  fournis  les  Normands  ;  mais 
en  IC84. ,  Robert  n'étoit  pas  encore  aflcjcié  àlafouveraineté, 
&  ne  devoit  conféquemmcnt  aucun  hommage  à  l'empereur. 

(6)  IpfaqmqueRichtîdh  .  .  .  mortua  cjl  anm  MLXXXVl^ 
le  20.  Mars.  Il  n'eft  point  prouvé  qu'elle  ait  été  à  Rome , 
comme  le  dit  Oudcj^hcrft.  Elle  s'étoit  retirée  au  monaftère 
de  Meflines  ^  où  elle  expia  iQ%  fautes  pulTées  par  une  vie 
auftère  &  pénitente.  Vcnerabilh  Richildh ,  aliquamàtU  jam 
vfdua  ^  tandem  tnirabili  pccnitentid  affligitur,  Jefuniis  nam- 
que  &  orationibas  infiftcns^  pauperibus  quotidU  &  Uprofis 
ptr  fe  ipfam  feroiem  ^  forum  etiam  fante  Uniebatur^  &  bal- 
nefs  eos  lavans^  eisdem  pofi  eos  utebatur^  ut  'oel  fîc  infir* 
mata  fimiîher,^  ut  filia  régis  intùs  reformaretur»  Sic  itaqus^ 
mundo  fibi  crucifyco ,  terrx  corpus  apud  Hasnoniam^  anim^ 
jf,  C.  mîfcricordia  commiftt. 


DÎT     D  E     J  É  R  U  s  A  L  E  M.    8t7 

fut  fon  corps  enterré  à  Hafnon  lez  le  cdnte  Bau- 
douyn  de  Mons  fon  premier  mary,  félon  que 
aurez  peu  veoir  en  la  vie  dudift  Baudouyn.  En- 
viron ce  mefme  temps ,  le  conte  Robert  le  Frifon 
envoya  en  Deneraarque  à  grande  pompe  &  nïag- 
lîificence,  madame  Adèle  fa  fœur  devers  Canut 
roy  dudit  Denemarquc,  &  ce  pour  eflcftuer  le 
«mariage  commencé,  praftiqué  &  affez  auparavant 
conclu  par  le  conte  Robert  fon  père,  avec  les 
ambafladeurs  dudift  roy  Canut,  &  deux  ans  après, 
fi  comme  en  Tan  mil  quatre-vingts-fix ,  le  fuf- 
dic't  roy  Canut  fut  piteufement  meurdry  &  mar- 
tyrifé  pour  noftre  fainfte  Foy,  par  fes  propres 
fubjcfts  &  vaflaux,  lefquels  luy  firent  finer  fes 
jours  du  mefme  genre  de  martyre,  qu'avoit  au- 
paravant foufFert  monfieur  fainft  Hypolite,  le- 
quel fut  dcfchiré  &  tiré  en  pièces  par  quatre 
chevaux.  Au  moyen  de  quoy,  la  royne  Adèlefa 
vefvc  merveilleufement  efFroyée  d'une  telle  nou- 
vcllité  &  cruaulté,  fe  retira  le  plus  fecretcnient 
&  haftivement  qu'il  luy  fut  poflîble ,  vers  le  païs 
de  Flandre  près  le  conte  Robert  fon  frère ,  por- 
tant avec  elle  un  jeune  enfant  nommé  Charles 
qu'elle  avoit  eu  dudift  Canut,  lors  aagé  feule- 
ment d'un  an,  lequel  par  fucceflîon  de  temps 
devint  comme  voirez  cy- après  conte  de  Flandre, 
•&  ladiâe  ilame  fe  remaria  à  Régnier  (/?)  duc  de 
Fouille  quy  fut  fils  du  très-vaillant  prince  Robert 
Guiftard  (^) ,  duc  de  Fouille,  lequel  fit  une  in- 
finité de  vaillantifcs  contre  les  Turcs,  combatît 
l'empereur  de  Conllantinoplc  Alcxe  (r)  ,  &  dcf- 
fendit  le  fainA  fiège  apolloliquc^  contre  l'em- 
pereur Henry.  Duquel  Régnier  ladifte  dame  euft 
vn  fils  appelle  Guifelin. 


Madtn» 
Adèle  de 
Flandre  ma-' 
fiée  au  roy 
Canut  de 
Denemar- 
que. 

L*an  io8d. 

Le  roy  Ca- 
nut niany- 
rifé  pour  la 
fainÂe  Foy 
par  fes  pro* 

Îires  fub- 
eâs. 

La  royne 
Adèle  fe 
retire  aprèa 
la  mort  du 
diét  roy  Ca- 
nut vers  le 
conte  *Ro» 
bert«  fon 
Wre. 


Madame 
Adèle  e(l 
remariée  Ml 
duc  de 
Fouille. 


(fl)  Roger. 
C>)  -Cuifcari, 


(i)  Alexis. 


IP'an  1095. 


92«       ROBERT     SECOND, 
C    II    A    P    I    T    R    E       L  V  I  I  I. 

De  la  première  cfutiate  contre  les  Turcs  &  infidè- 
les ,  qui  fut  publiée  au  concile  de  Clermont  ,  cf 
comment  le  conte  Robert  de  Flandre  alla  avec 
plufieurs  autres  princes ,  à  la  conquefte  de  la  terre 
fainte;  de  la  prinfe  de  la  cité  de  Iliérufalem;  du 
trefpas  duâiSt  contç  Robert  ,  ^  d'autres  cho/es 
mémorables. 


}a  premiè- 
re cruciatc 
contre  les 
Turts  & 
infidèles 
I^ublide  au 
Concile  de 
Çlcrmont. 


E 


N  Tan  mîl  quatre-vingts-quinze  ,  le  pape 
Urbain  vint  vers  Clermont,  où  il  tint  un 
concile,  auquel  entre  autres  diofes  fuft  publiée 
une  cruciatc  Qt)  contre  les  Turcs  (0^  Icfquels 
avoyent  lors'  nouvellement  prins  fur  les  Sarra- 
fins,  toute  la  Syrie  &  Arménie,  enfemble  la  vil- 
le de  Iliérufalem,  où  ils  avoyept  ddslionneflé  (Ji) 
le  fainft  fcpulchre,  &  fiiift  aux  chreftiens  dudid 
quartier  des  merveilleufes  dirrifions  &  infuppor- 
tables  outraçcs.  Et  fut  cefte  la  pr'etnicre  cruci?,- 
te  quy  jamais  fut  faiclc  par  décret  de  pape  ou 
de  concile,  &  dont  fut  caufe,  félon  que  les  hîf- 
toircs  maintiennent,  yn  preftrç  d'Amiens,  nom- 
md  Pierre  (2),  lequel  retourné  de  Iliérufalem  ep 


(<7)  Croifadc, 


(*)  Profané^  déshonoré. 


(0  „  Ce  fut  dans  ce  concile,  que  pour  la  première  fols, 
Prtffid.     fi  le  nom  de  pape  fut  donné  au  chef  de  Téglife,  à  Tcxclq- 
Wcn.  ,,  fjon  des  dvéqucs  qui  le  prcnoient  auparavant.  „   A  cette 

époque,  les  évéques  préccd('icnt  encore  les  cardinaux. 

(2)  Ce  Pierre,  furnommé  l'Hcrmite  h  caufe  de  la  vie  fo- 
litairc  qu'il  avoît  cmbraflTée  ,  dtoit  du  diocèfc  d'Amiens. 
C''ctoit ,  dit  (lUillaumc  de  Tyr  ,  qui  Tappclle  l'homme  de 
p.  i.c.  II.  j)îgy  ^  <j,;^  D^^^  c'étoit  un  homme  d'pnc  petite  uilleôc  d'un 
extérieur  peu  impofant.  Mais  il  avoit  une  amc  forte ,  un 
«fprit  vif  &  l'œil  perçant.  Du  rcfte  il  favoit  s'exprimer  avec 
aflcz  de  chaleur  &  d'énerpjie.  11  devint  l'apôtre  de  cette 
ligue  fainte  &  foutenoit  fes  exportations  pathétiques  du 
récit  d'une  vifion  oodlurnc ,  dont  il  difoit  que  le  ckl  l'avolt 
favorifé. 


DIT     DE     JE  RUS  AL  E  M.    32f 

h  cité  de  Rome,  récita  au  pape  partye  de» 
grands  maux  que  les  Turcs  faifoyent  eu  la  fainfte 
cité.  Qui  efmeut  le  pape,  &  mefmes  Tindiga- 
tion  de  Boadmond  (a)  prince  de  Tarente ,  de  pro- 
pofer  ladifte  cruciat^  aa  fufdifl:  concile ,  &  de^ 
puis  de  la  faire  publier  (3).  Suyvant  laquelle 
publication  s'aOembla  en  peu  de  temps  une 
merveilleufç  multitude  de  peuple,  de  Flandre, 
Angleterre  ,^  France ,  Brabant ,  Allemaignc ,  &  de 
toutes  les  parties  d'occident ,  quy  tous  enfemblc 
prindrent  la  fainifte  Croix,  &  fe  mifrent  en  or- 
dre pour  pafler  la  mer  &  faire  ledift  voyage  (4) , 
&  de  laquelle  compaignie  furent  faiéls  conduc- 
teurs, Godefroy  duc  de  Buillon,  Baudouyn  & 
Euftace  fes  frères,  Hugue  le  Grand,  frère  du  roy 
de  France,  Robert  duc  de  Normandie,  Robert 
conte  de  Flandre,  Baudou>Ti  conte  de  Ilainault 
&  plufieurs  autres.  Lefquels  tirèrent  par  divers 
chemins  vers  Turquie  en  Tan  mil  quatre-vingts- 
feize.  Mais  avant  partir,  le  conte  Robert  de 
Flandre ,  comme  prince  vertueux  &  prudent  qu'il 


Le  conte 
Robert  de 
Flandre 
prend  la 
îain te  croix 
&  pane 
avec  autre* 
princes 
chrcfticns 
contre  les 
Turcs. 


(ij)  Boëmond^ 

Cs)  Urbain  II.  peignit  avec  tant  de  force  les  mnux  qu'éprou- 
voient  les  chrétiens  d'orient  de  la  part  des  infidèles  ,  que 
l'aflcmblée  s'écria  d'une  voix  unanime  :  Diex  cl  volt ,  Dieu 
le-  veut.  Chacun  voulut  s'enrôler  pour  cette  expédition 
d'aiUeurs  fort  analogue  au  goût  du  fiècle  pour  les  pèlerina- 
ges. On  prit  pour  marque  de  l'engagement  une  croix  d'étoffe 
rouge  attachée  fur  Tcpaulc  droite  ;  &  c*eft  delà  que  font 
venus  les  noms  des  croiféi  6c  de  croifadc, 

(4)  Cette  armée ,  félon  quelques-uns ,  montoit  à  fix  mil- 
lions d'ames.  Hommes ,  femmes  &  enfans  voulurent  s'aflb- 
cier  à  cette  expédition.;  mais  à  fon  arrivée  dans  l'Afie  mi- 
neure ,  cette  incroyable  multitude  fe  trouva  réduite  i 
5CX3000.  hommes  de  pied  &  j  30000.  cavaliers.  U  ne  rcftoit 
plus  qu'environ  21500.  hommes  effedifs,  quand  on  voulut 
former  le  fiège  de  Jérufalem,  qui  étoit  la  première  cxp^« 
ftition  importante  que  l'on  fc  propofoit. 


\ 


Madame 
iihcrmidc 
de  Flaodre 
mariée  à 
Thi(fry,doc 
ouUots^a- 
vcd*EUiitc. 


Le  conte 
de  Flandre 
prend  Ro- 
tnula  fur 
les  Sarra- 
iîns«&puis 
fc  joint  aux 
chreftiens 
tenants 
leur  fiège 
devant  11x6- 
ruiâlenv 


330      ROBÉkT      SECOt^D, 

cftoît,  pourveut  aux  afFaires  de  Flandre,  com- 
mettant le  gouvernement  d'icelle  à  madame  Clé- 
mence fa  femme,. &  à  Baudouyn  fon  fils  appelle 
Hapkin  (a) ,  aufquels  il  donna  pour  adjoînft  & 
collatéral  le  prévoft  de  faint  Donas  de  Bruges: 
ce  faift,  fe  mit  en  chemin,  menant  avec  liiy  mar 
dame  Ghcfrtnide  fa  fœur,  lors  vefve  de  Henry 
conte  de  Louvain,  laquelle  il  maria  en  chemin 
à  Thiéry  duc  d'EUate  (A), dont  vint  Thiéry  d'El- 
fate  depuis  conte  de  Flandre  (5).  Et  continua  ledift 
conte  Robert  fon  chemin  avec  fes  gens,  jufques 
à  ce  qu'il  parvint  à  Tripoli,  que  lors  adveny 
de  la  délibération  prinfc  entre  les  princes  chref- 
tiens  de  mettre  leur  fiège  devant  la  fainfte  cité 
de  Iliérufalem,  il  s'y  tranfporta  pareillement, 
&  en  paiïant  print  Romula  qui  eftoit  une  bien 
forte  place,  &  encores  que  fes  gens  fuflent  gran- 
dement travaillez  de  faini  6ç  pcftilence,  fy  eft-ce 
qu'ils  parvindrent  à  temps  devant  ladiéle  cité, 
où  le  fufdift  Robert  acquift  merveilleufement  bon 
bruit  &  réputation ,  an  moyen  de  fa  magnanimi- 
té &  vaillantife  (6),  Et  pour  autant  que  l'ex- 
ploicT:  lors  fiiicT:  par  les  chreftiens  devant  ladiclc 
cité,  &  la  prinfe  d'icelle  eft  aflcz  au  loing  re- 


Guillaume 
de  Tyr. 
Meye'r.  &c. 


(a)  A  la  bdcb&. 


(b)  Jîface. 


(5)  Thiéri  d'Alface ,  époux  de  Gertnide  ,  étoit  fils  âc 
•Ocrard  d*Alface ,  duc  de  la  Lorraine  raofellanique  &  le 
chef  de  la  maifon  de  Lorraine  aflife  aujourd'hui  fur  le  trône 
impénal  d'occident.  Sa  mère  étoit  Hadwide ,  fille  d'Albert, 
-comte  de  Namur. 

(6)  Robert  avoit  pris  la  route  de  l'Italie ,  où  H  sVtoit 
embarqué  pour  palTer  en  Grèce  avec  fon  armée.  Il  fe  fignala 
d'abord  au  fiège  de  Nicée ,  ville  capitale  de  la  Bythinie.  Il  y 
défit  Solyman ,  qui  s'avançoit  au  fecours  de  cette  ville  avec 
une  armée  formidable.  Solyman  ayant  ralTemblé  de  nouvel- 
les troupes ,  Robert  eut  encore  le  bonheur  de  le  vaincre. 
Il  fe^^diflingua  fiirtout  au  fiège  d*Artéfie ,  viUe  diftante  d'An- 
tioche  d'environ  15.  milles.  Il  eut  k  y  lutter  tout  à  la  fois  con- 
tre le  nombre  &  contre  la  rufe ,  &  il  fut  triompher  de  l'un  * 
de  l'autre.  Pendant  le  fiège  d^Antiochc  ,  comme  la  difette  fc 


BIT     DE     JÉRUSALEM.    331 

prinfè  &  récitée  par  les  chroniques  de  France, 
&  naefiries  par  l'hiftoire  particulière  dudift  Gode* 
ftoy  de  Buillon ,  je  ne  fuis  délibéré  trop  m*ar- 
refter  en  ce  paflage  (7),  Seulement  vous  veus 

faifoit  vivement  fentir  tlans  le  camp  des  croifés  ,  Robert 
midé  de  Bohémond ,  duc  de  Tarente ,  trouva  le  moyen  de 
tamener  Tabondance  panni  les  aflîégeans  ,  en  aUant  cher- 
cher dans  quelques  provinces  vôifines  les  vivres  &  lespro- 
viûons  néceiTaires  à  une  fi  grande  armée.  Il  contribua  beau- 
-coup  à  la  prife  de  cette  ville,  &  il  fe  vit  plus  d'une  fois 
cxpofe  au  danger  de  perdre  la  vie ,  pendant  ce  fiège  meur- 
trier. Sa  valeur  n'éclata  pas  moins  fous  les  murs  de  Jérufa- 
lem ,  dont  les  croifés  fe  rendirent  maîtres  le  vendredi  5. 
Juillet  1099.  hord^nonàx  circonilance  qui  fait  dire  il  Guil- 
laume de  Tyr  :  Vidctur  procuratum  divinitùs ,  wf  qud  du  L.  8.  C.  it. 
■€?  qud  bord  pro  mundi  falutc  in  cddcm  urhc  pajfus  ejl  Do- 
minus  ,  eddem  ,  &  pro  Salvatoris  glorid  fidclis  dcccrtans  po- 
pulus ,  deftdcriii  fuis  felicem    impetravit  confummaîioncm, 

(7)  Nous  imiterons  ici  le  filence  de  Thiftorien  ,  parce 
que  le  récit  des  évèneraens  de  cette  croifade  feroit  un  hors- 
d'œuvre  déplacé  dans  une  hiftoire  particulière.  Nous  ajou- 
terons feulement  relativement  au  grand  nombre  des  princes  ^ 
qui  livrèrent  à  des  mains  foibles  ou  étrangères  les  rênes  de 
leurs -états,  pour  voler  au  fecours  de  la  terre  fainte ,  les 
réflexions  que  fait,  fur  ce^e  pieufe  épidémie  ,  le  favant 
auteur  de  l'abrégé  chronologique  de  l'hiftoire  de  France. 
^  Hugues ,  frère  de  Philippe  I. ,  devoit  chercher  à  fe  figna- 
^  1er  ôc  à  s^éloigner  d'un  païs  où  il  partageoit  l'ignominie 
^  d'un  roi  l'efclave  de  toutes  fes  pallions ,  &  moins  aviU 
^  encore  aux  yeux  de  fon  peuple  par  l'es  vices ,  que  par 
„  fa  foiblefle  à  s'en  lailTer  punir.  Mais  pour  Robert ,  duc 
„  tîe  Normandie ,  chaffé  de  l'Angleterre  par  fon  cadet  Guil- 
„  laume  le  Roux ,  avoit-il  rien  de  plus  preflTé  que  de  faire 
„  tous  fes  eflbrts  pour  fe  reflaifir  d'un  fi  bel  héritage  ?  .  .  . 
„  Qu'alloit,  chercher  en  Palcftinc  à  la  tête  de  100000.  hom- 
„  mes  le  vieux  Raimond ,  comte  de  Touloufe ,  maître  de 
„  prefque  tout  le  Languedoc  &  d'une  partie  de  la  Provence? 
„  Il  ne  prévoyoit  pas  fans  doute  que  l'exemple ,  qu'il  don- 
„  noit ,  retoumeroit  contre  lui-même  «  &  que  bientôt  fa 
„  propre  maifon  alloit  être  la  viétime  d'une  fercblable  croi- 
„  fade  ?.„  Robert  de  même  donna  à  fes  fuccefleurs  un 
exemple  qui ,  comme  nous  le  verrons  ,  devint  plus  ti'une 
.  Wi^s  fi'.ncfte  à  fes  peuples* 


Hidrnfalem 
^îgnécpar 
les  chrûf- 
dens. 

Godefhiy 
deBoîllon, 
royde  Hjk^- 
nifaleiii. 


L^an  lo^. 


Epitaphe 
'-^  de  Gode- 
froy  de 
BuilIon,roy 
de  Hiémfa- 
1cm.  ' 


/ 

ir.  10.  C.  23. 


332       ROBERT     SECOND, 

déclarer,  que  ladîfte  cité  fuft  finablement  ( après 
avoir  efté   aflîégée  trente-qeuf  jours  continuels) 
réduifte  par. l'effort  &  magnanimité  des  princes 
cjireftiens,  foubs  leur  povoir  &  obéiffance.  Dont 
peu  après  enfemble  de  toute  la  Syrie,  lediél  Go- 
defroy  de  Buillon  fuft  d'un  commun  accord  des 
princes  chreftîens,  illec  affemblez,  faidl  &  efleu 
pour  roy  en  la  ciré  d'Afcalon ,  en  l'an  mil  qua- 
tre-vingts-dix &  neuf,  lequel  mouruftun  an  après  ; 
&  fiit  enterré  à  Golgotha  au  portai  du  temple 
du  S.  fépulchre  (8).  Les  aéles  &  vertus  duquel 
méritent  bien  qu'on  adjoufte    en  tous  volumes 
&  efcrive    par  tout  fon  epitaphe.  Entant   mef- 
mes  4^1 'il  pourra  par  aventure  fervir  à  tous  au- 
tres princes  chreftiens  d'efguillon  pour  en   en- 
fuyvant  le  ,bon  zèle  &  la  magnanimité  vrayement 
chreftienne  de  ce  très-viélprieux  prince,  entre- 
prendre pareillement  quelque    fois  la  conquefte 
des  terres  fainéles,  que  noz  ennemis  communs 
ont  fylong  temps  occupé,  &  détiennent  encore 
pour  le  préfent,  à  noftre  très-grande  honte  & 
confufion.  L'épitaphe  donc  d'iceluy  Godefroy, 
qu'encores  pour  le  jour4'huy  fe  peut  veoir  fur 
f^  fépulture,  eft  tel: 

Francorum  gentes  Sion  pîa  loca  petentes 
Mtrtficum  fydus ,  dux  htc  rexît  Godofrtdus , 
Egyptt  terror^  Arabum  fuga  ^  perfidh  horrar  ^ 
Rex  licet  eîeSius ,  Rex  noluït  atfitulari; 


(8)  Godefroi  de  Bouillon  mourut  le  18.  Juiltct ,  félon 
Guillaume  de  Tyr.  Sepùltiis  ejî  verb  in  ecclcftâ  domînici  fe- 
pulchri ,  fub  loco  Caîvaria  ubi  pafus  eftbomifius,  Godefroi  , 
l'un  des  plus  grands  hommes  qui  aient  honoré  la  Belgique , 
tant  par  fes  talens  que  par  fes  vertus ,  s'étoit  avancé  com- 
me par  dçgrés  au  trône  ,  où  l'avoit  conduit  l'éclat  de  fes  bclr 
les  actions  pciidant  cette  croifade.  Toutes  les  nations  qui 
ont  eu  part  à  cette  entreprife  ont  chanté  fa  piété  égale  à 
fa  bravoure,  &  fon  éloge  fe  trouve  k  cet  égard  dans  l'blf- 
îoire  générale  de  TEuropç. 


DIT     DE      JÉRUSALEM.      333 

Nec  diadema  tulit  ^  voluit  Chrifio  famulari; 
Ejus  erat  cura  Syonfua  reddere  jura^ 
Catholicèque  fequi  pia  dogmata  j'uns  &  aqui^ 
Totum  fcifma  teri^pietatem  jufque  foverL 

Quy  fignifie: 

Cy  gifl  ce  Godefroy  très-vaillant  capitaine 
Eftoille  Jplendijfante  ^  prudent  gouverneur       ^ 
Des  braves  champions  français^  lef quels  il  meîne 
Devers  Hiérufalem  la  fain&e^  d*un  grand  cœur. 

D^ Egypte  le  fléau  ^  des  Arabes  la  fuyte^   ' 
Des  per jures  mefchants  la  craint^  fîf  la  terreur  % 
Lequel  efleu  pour  roy  des  princes  &  leur  fuyte^ 
Eflre  oncques  ne  voulut  roy  nommé ,  pour  P ardeur 

Qu*il  avoit  de  fuyvir  en  humilité  fainSte 
Les  marches  de  fon  Chrift  ^  bening  rédempteur  i 
Eflre  aujfy  ne  voulut  couronné ,  mais  fans  feinte 
Au  prouffit'  de  fon  peupF  entendoit  &  bonheur. 

Son  premier  foing  efloit  d*adminiflrer  juflice 
Aux  flens ,   fi?  d'adhérer  aux  enfetgnementz  bons 
De  la  foy  fif  mettoit  par  tout  bonne  police  j 
Les  fcifmes  deflruifant pleins  d* erreur  ^félons,  (a) 

Or'Cpouï^  retournera  noftre  propos)  le  conte 
Robert  y  après  que  la  faînte  cité  fut  réduite  fbubs 
le  povoir  des  chreftiens,  retourna  en  Tan  mil 
cent  en  fon  païs  de  Flandre.  Où  l'on  fit  par  tout 
une  infinité  de,feus  de  joye,  pour  tefmoingner  le 
contentement  que  chafcun  avoit  conçeu,  par  le 
retour  de  leur  bon  prince  &  feigneur.  Il  rappor- 
ta avec  luy  d'oultre  mer  le  bras  de  monfiefur 
fainft  George  qu'il  donna  à  l'églife  d'Auchin^ 
où  il  l'envoya  par  l'abbé  Aymeric.  Et  affez  toft 
après  fit  conduire  en  merveilleufement  bon  ordre 
&  équipage  madame  Ghertrude  fa  fœur,  vers  le 
païs  d'ElCate  pour  confommer  le  mariage  qu'en 


Retour  du 
conte  Ro- 
bert en 
Flandre. 

L*tn  iioo. 

Madame 
Ghertrude 
de  Flandre 
envoyée 
vers  le  païs 
d'Elfaie, 
pour  con- 
forojner  le 
mariage 
d'cUc&du- 
diâ  duc 
Thiéry. 


Ça^  Trompeurs. 


L'an  II02. 

Le  conte 
Robert   af- 
ùé^c  la  vil- 
le (Je  (>am* 
bray  6c   la 
Tti(;oit  en 
fon  obiiif- 
fapce  par 
ippoinétc- 
incnt» 

L'an  1103. 

Le  conte 
Robert  ré- 
concilie k 
Tempcreur 
Henry, 
moyennant 
la  reftltu- 
tlon  ^u'il 
luy  faia  de 
ladiftc  ville 
de  (^am- 
bray. 

Mcyer. 

Fland.  gen. 

Chron.Wa- 

tin. 

Chron.Tu- 

ron. 


334      ROniîRT     SECOND, 

paflTant  par  Tes  Aliemagnes  il  avoit  auparavant 
conclud  &  ârreftd,  d'entre  ladiétc  damc,&  Thûf- 
ry  duc  dudict  Klfatc.  Ledkt  Robert  euft,  en  Vzn 
mil  cent  &  deux  groffe  guerre  contre  l'empereur 
Henry  le  quint,  &  afliégca  la  ville  de  Canibray, 
au  fecours  de  laquelle  Tempcreur  dcfccndît  ver« 
Flandre  en  grande  puiflancc,  mais  il  fufltott  après 
contraint  de  retourner  fans  rien  faire,  obftant 
Textrûmc  &  dur  y  ver  que  lors  lurvint.  Au  moyen 
de  quoy  le  conte  Robert  reçeut  ladiékc  ville  par 
appoinétcment.  Et  en  Tan  fuyvant  quy  fut  mil 
cent  &  trois,  en  une  grande  fedc  &  afl'embl<Jc  que 
Tcmpcreur  tint  avec  merveillcufe  pompe  &  fo* 
Icmnité,  en  la  cité  de  Men»  (/?)  (9),  le  cont« 
fuft  réconcilié  audift  empereur,  moyennant  la  rçf- 
titution  qu'il  luy  fit  de  Iadi(ite  cité  de  Carabray: 


(tf)  Mayencc. 

f9)  Voici  ,  félon  pluficurs  biftoricni  cH^nci  de  fof ,  l* 
caufc  de  cette  guerre.  Au  moment  où  Robert  fc  dispofoir 
à  partir  pour  la  croilude,  Tcmpercur^lul  demanda  a  rentrer 
en  pofl'cnion  du  comté  d'AlolU'des  quatre  mcîtlcr* ,  du  chi- 
teau  do  Cand  ôc  dch  lie»  de  X(f lande.  Roben  arrêta  lea 
cflforti  de  l'empereur  en  fêlant  l'ortifier  le»  places  cxpofécf 
aux  infultes  de  l'ennemi.  Ce  qui  fer  vit  encore  mieux  le 
comte  de  Flandre,  ce  fut  rindilciplinc  dei  troupes  aUc- 
mandes  qui  fc  débandèrent  fie  allèrent  fc  nmiçer  foui  le» 
étendarti  de  diveri  princci  croiféa.  Henri  fc  vit  obU- 
gé  d'abandonner  fon  projet.  Pour  fc  venger,  Robert, 
aprèi  fon  retour ,  alla  %M'^cv  la  ville  de  Cambrai.  L'em- 
pereur accourut  pour  la  diMcudrc  ,  ûc  »'empnra  de»  fort» 
de  liulzalôc  de  PEcIufe  entre  Douai  &  Cambrai,  La  rigueur 
de  rhlvcr  le  força  k  fc  retirer ,  6c  la  paix  fe  fit  entre  loi 
6c  Robert,  Tan  1103. ,  dan»  Ja  ville  de  Liège.  Troi»  an» 
aprài*,  la  guerre  recommenva.  Henri  avoit  pour  a Uit^ s  Bau- 
doin, comte  de  Hainaut,  qui  vouloic  rentrer  en  p^jlfeUion 
de  la  ville  de  Douai ,  6c  leki  Hollandois  qui  redemandoicnt 
la  Zélandc.  Robert  fut  encore  déconcerter  fe»  ennemi»  6c 
le»  forcer  à  la  paix  qui  fut  fi;(née  Tan  1 1 10.  Par  cette  paljt, 
Robert  obtint  la  vUle  de  Cambrai  6c  le  Cateau  Cambrcfi». 


DIT     DE     J  É  R  U  s  A  L  E  M-    335 

je  n'ay  mémoire  d'avoir  jamais  trouvé  l'occaGon 
de  celle  guerre.  U  fuffira  pourtant  vous  déclarer, 
que  dudipl  liège  de  Cambray  eft  yflu  que  l'égli- 
fe  d'Airas,  euft  un  évefque  particulier  &  fut 
exemptée  de  celle  de  Cambray,  moyennant  la 
pourfuite  que  le  conte  Robert  fit  à  ces  fins  vers 
le  pape  de  Rome,  &  fuft  lors  conftitué  évef- 
que Lambert  archidiacre  de  Tournay  (lo).  Le- 
àict  conte  Robert  fe  tranfpofta  en  Tan  mil  cent 
&  unze  vers  France  pour  afiifter  au  couronne- 
ment du  roy  Louys  (ii).  Et  comme  à  la  re- 
quefte  dudift  roy  Louys ,  il  s'eftoit  mis  en 
armes  en  intention  d'aller  trouver  le  conte  de 
Dampmartin  ,  &  le  combatre,  paflant  par' un  pont 
appelle  Fons  Meldeufis  ^  fon  cheval  broufcha,  & 
tomba  deifoubs*  Dont  il  fe  blefcha  de  fone,  que 


(lo)  L*églifc  d'Airas  ivok  été  ,  dès  Torigmc  ,  unie  à 
Févéché  de  Cambrai  ;  mais  en  1093. ,  le  ^ape  Urbain  U. 
lui  donna  un  évéque  particuUer.  Ce  fut  Lambert  de  Guines» 
archidiacre  de  Té^ife  de  Térouanne  &  chantre  de  &.  Pierre 
de  LiUe  ,  qui  fut  élevé  à  cette  dignité.  Le  ûége  de  Cambrai» 
poftérieur  de  plus  de  dix  ans  à  la  réparation  de  ces  deux 
é^ifes,  ne  peut  en  avoir  été  la  caufe.  On  Tattribue  en  gé- 
néral à  une  djvifion  qui  s*étoit  élevée  parmi  les  chanoines 
de  Cambrai,  pour  Féledion  d*un  évéque. 

(11}  Louis  le  Gros  avoit  été  aiTodé  à  la  royauté  ,  Tan 
1 103.  A-peu-près  à  cette  époque  ,  Robert  avoit  potté  du 
fecours  au  roi  de  France,  qui  vouloit  réfréner  Tindocilité 
de  Bochart  de  Montmorenci;  mais  ce  ne  fut  point  alors  que 
Robert  perdit  la  vie.  L'an  11 11.,  le  roi  de  France  lui  avoit 
encore  demandé  du  fecours  contre  plufieurs  grands  ii&igoeurs 
de  fes  états ,  &  Robert  le  fervit  en  bon  &  fidèle  vaflâL 
Afrès  avoir  battu  les  Anglois  il  Gifors  fur  les  frontières 
de  la  Normandie ,  U  s'étoit  avancé  avec  le  roi  vers  la 
Champagne  pour  y  punir  le  comte  Thibaut  ;  mais  il  trouva 
la  mort  fous  les  murs  de  la  viUe  de  Meaux  ,  dans  une 
fortie  que  firent  Its  habitans  de  cette  ville.  Suger  rapporte 
que  lorfque  Louis  le  Gros  pourfuivoit  les  fuyards  fur  le 
pont  même  de  Meaux,  le  pont  fc  rompit  éc  fit  périr  àta» 
i*eaa  le  comte  de  Flandre. 


L'^nCr 
d*Arra$ 
exemptée 
deceUe  de 
Cambrai  à 
un  évefque 
particulier^ 


L*te  iiii. 

Le  conte 
Robert  par- 
lant par  un 
pont,  ap- 
peUé  Pous 
Jéeldcnfis^ 
tomba  par 
faute  defon 
cheval,  & 
trois  jours 
rprès  en 
mourut. 


Mir.  cod. 
donat.piar. 
c.  65. 
DipL  Belg. 
1.  2.  c  3SK 


Oïder.  Viiw 
L  II. 

Sugerp.35^ 
au  rec.  de» 
hift.  de  Fr. 
t.  la. 


Madame 
t:it*nience, 
douaKiérc 
deFUndre, 
(c  remarie 
au  duc  dâ 
Jirabanc. 


L'abbaye 
d'Afllc- 
fl[bem  fon- 
dc<e  par  le 
duc  de  lira- 
baiu 


Ô3(î      ROBERT     SE  CO  fi  tij  ' 

le  troifième  joiir  cnfuyvnnt,  qu'eftoit  la  veille  cîd 
fainte  IJarbe,  il  termina  audiél:  au  mil  ccnt&  unze. 
Et  fufl:  fon  corps  enterré  au  cloirtrc  de  faînt 
Vaaft  d'Arras,  que  Jors  il  avoit  nouvellement 
réforme,  &  téAniél  foubs  la  règle  de  Clugny. 
Madame  Clémence  fa  vcfve  fe  remaria  aucun  temps 
après  à  Godcfroy  duc  de  Lotrice  &  de  Brabant, 
fils,  du  conte  Henry  de  Louvain,  &  de  ladiftc 
dame  Ghertrude,  qui  fut  depuis  remariée  au  duc 
d*Elfate.  Et  auquel  Godcfroy  Tempereur  Henry 
le  quint,  avoit  un  peu  auparavant  donné  lef- 
didts  ducltez  de  Lotrjce  &  de  Brabant,  aufquelles 
il  incorpora  Louvain  &  Bruxelles,  Ce  môrme  Go- 
dcfroy fufl:  le  premier  &  principal  fondateur  du 
doiftrc  d*Afflc*g1iem,  &  eufl:  de  ladiéle  dame  Clé- 
mence de  Bourgoingne,  deux  fils  &  deux  filles  y 
fçavoir,  Godcfroy,  qui  fut  duc  après  luy,  Hen- 
ry lequel  devint  moine  audift  Afllcgliem,  Aleyt 
quyfut  mariée  au  roy  Henry  d'Angleterre,  & 
Yde  que  le  conte  de  Clevcs  print  à  femme  (la). 
Ladiéle  Clémence  de  Bourgoingne  vefvc  'dudiéi: 
conte  Robert  trcfpaffa  en  l'an  mil  cent  vingt  & 
huift,  mais  je  ne  fçay  oi*i  elle  fufl  eiitettée  C^3)> 
elle  eufl;  à  frères  le  pape  Calixte  deuxicfme,  Otlio 
duc  de  IVïurgoingne,  &  Henry  duc  du  Bavière^ 


Butkens , 
1.  4.  p.  3a.. 

Itid.  p.  33. 
Mflrcbnnc. 
Fland.  dc- 
fcript.  1.  a. 


(12)  Oudcgbcrft  a  âh  au  comfncnccmcni  du  chat?.  $6,^ 
<luc  Clémence  avoit  ddtrult  en  clic  le  germe  de  la  ma- 
ternité. V.  num  la  note  3.  du  même  chapitre,  pag.  318. 
Les  enfans  que  cet  hiftorien  nomme  ici,  Godefroi  les  avoit 
eus  de  fa  première  époiife  Idc  »  fille  d'Albert ,  comfc  de 
Namur. 

(13)  Elle  fut  enterrée  k  llourbourg  dans  le  monaftôrc 
qu'elle  avoit  fondé.  Elle  ne  mourut  qu'en  11  ji.,  fcloir 
Butkens ,  qui  lui  donne  pour  frères ,  ati  lieu  d'Othon  fie 
de  Henri,  EJlicmu  &  Renaud^  comtes  en  Bourgoignc. 


CH  A- 


BAUDOIN      S  E  ^  T  I  Ë  M  Ê;  33? 


CHAPITRE 


L  I  X. 


Comment  Baudouyn  Hapkin  prtnt  à  femme  mada^ 
me  Agnès  de  Bretaigne^  laquelle  àraîfin  de  leur 
fro^imiti  de  fang  luy  convint  délaijfer^  avec 
autres  chofes  mémorables. 

BAudouyn  Hapkin ,  fils  4e  ]R.Qbei*t  le  Jeune  ^ 
emprintle  gouvernement  de  flatidre  en  il^an 
mil  cent  &  onxe;  il  fuft  appelle  Hapkin  oii  I;Içt- 
pieule  (a)^  à  raifon  de  fa  grande  juftice:  c^r  çn 
fon  temps  &  ;pluiie.ui:s  i^ns  Après,  les  e)^éc^tion8 
de  jul^ce  qui  de  .préfei>t  fe  font  dje  Te^pée ,  :fe 
faifoyent  de  douloirqs  pu  .h^j^^ins  (b).  Autres 
maintiennent  qu'il  fujt  mnC  :ttot»mé ,  ppuri^utafit 
qu'il  eftoit  accouftunié  de  fe  fervir  de  tel  baftqn 
plus  que  de  nul^u^e,  &que  tousJQurs.en  ayoit 
im  avec  luy,  mefmes  qu'ordinairement  il  por- 
toît  pour  enfeigne  ed  fa  bannière  un  femWable 
bafton.  il  print  à  femme  madame  Agnès  ,  fille 
d'AUain ,  conte  de  Nantes  oude  Bretaigne;.mws 
pour  ^la  confanguinité  qui  fi^t  trouvée  entre  eux , 
ils  furent  divorcez»  Et  fut  icelle  proximité  réci- 
tée au  confiftoîre  du  pape,  par  Conon,  évefqUe 
franeJienfîsÇX)^  ^n  cefte  manière.  Confiance ,  fein- 
me  de  Robert,  diftGapet,royde'France,  &:Emer- 
gaert,  contefle  d'Auvergne  furent  fœurs  Ca),fil- 

(^)  C'eft-à-dire,  à  la  hache.        (*)  Haches. 

Cï)^rénefte,  autrement Paleftrine,  eft  une  ville  ancienne 
d'Italie  dans  la  campagne  de  Rome  ^  à  8.  lieues  de  cette  ville. 
EUe  étoit  célèbre  par  ce  magnifique  temple  de  la  fonune 
que  Sylla  y  avoitfait  bâtir.  Son  évêque  eft  i;n  des  fix  anciens  car- 
dinaux. L'extrait  généalogique  <iue  rapporte  l'hiftoricn  ,parqît 
fideUemçnt  traduit  du  Utin  de  la  Flandre  généreufe ,  çhap.  a8. 

Ca)  C'eÇ  aufli  Topinion  d'Antoine  de  Ri^ffi  dans  fpn  hif- 
toire  de  U  Gatde  Narbonnqiie.  Il  .dit  qu^Eripenjgarde  étoit 
fille  de  Guillaume  I. ,  comte  d'Arles ,  &  fçeur  .de  Conftance^ 
mariée  au  roi  Robert.  Mais  les  auçeûrs  de  Vart  de  vérifier 
les  dates  ,  donnent  ^pqur  père  à  Confiance  Guillaume 
T^îlUfer^  copite  de  Toqlpufe  ,  ft  ^ils  prétejïdexit  5ii*ejk 


BaudouyA 
Hapkin , 
pourquof 
ainfi  ap- 
pelle. 


Baudouyil 
Hapkin 
prend  à 
lemme  ,ma- 
dame 
4gnè5  d^ 
BrQtaigne, 
de  laquelle 
il  eft  depuis 
divorce  à 
raifon  de 
leur  mu- 
tuelle pro* 
ximité. 


P.  ;i4' 


Bnudouyn 
Ilaplcin 
donne  à 
ceux  de 
fainA  B6r- 
tin  la  ville 
dcPoperin- 
Chcs. 


338      BAUDOIN    SEPTIEME, 

les  de  Guilhumc,  conte  d'Arle,  De  Confiance 
vint  Adèle,  conteflc  de  Flandre,  mère  de  Robeit 
le  Frifon:  d'iccluy  Robert,  Robert  le  Jeune,  qui 
l'ut  père  de  Baudouyn ,  dont  à  préfcnt  entendons 
parler.   D'autre  cofté  de  fadifte  Emcrgacrt  vint 
une  autre  Emergaert  (3),  qui  cuft  à  fille  Berthe 
'  la  contefle  (4)  dont  vint  AbilTis  (a) ,  contelTc  de 
Nantes  (5) ,  &  d'elle  le  conte  Allain  (6) ,  père 
de  ladifte  Agnès.  Par  où  appert  que  le  refpeft 
de  confanguinité  aux  faifts  de  mai:iage,  efloît  lors 
en  trop  plus  grande  confidération  que  mainte- 
nant. Après  ledift  divorce  le  conte  Baudouyn  ne 
fe  remaria  jamais,  &  mourut  fans  hoir  de  fon 
corps,  félon  qu'entendrez  incontinent.  Il  fit  ré- 
former avec  madame  Clémence  fa  mère,  le  cloif* 
.  tre  de  fainft  Pierre  à  Gand ,  &  ceftuy  de  fainft 
Bavon,  le  tout  moyennant  l'affiftence  qu'à  ce  luy 
firent  Arnould,  abbé  dudift  fainét  Pierre,  &  Lam- 
bert, abbé  de  fainft  Bertin.  Auqycl  fainft  Bertin 
il  fit  plufieurs  grands  biens,  &  entre  autres  luy 
donna  la  ville  de  Poperinglics.  Il  eftoit  aflcz  jeu- 
ne quand  il  vint  au  gouvernement  dndiél  pais, 
car  il  n'excédoit  l'aage  de  dix  &  huiél  ans,  & 
néantmoins  il  eftoit  fiige,  prudent  &  de  grande 
entreprinfe;  &  qu'ainfi  foit,  ce  fut  le  premier, 
félon  le  tefmoignage   de  tous  les  hiftoricns  de 


Hid.  de 
htçx,  par  le 
P.  Lobi- 
neauy  I.  3. 


(<ï)  Havlfis^  en  François  Havoijï* 

D'cut  point  de  fœur.  Il  y  eut  une  autre  Ernicngardc ,  fille 
de  Robert  I.,  comte  d'Auvergne  ,  &  c^poufe  d*Eude  II., 
comte  de  Blois  de  de  Champagne,  tué  à  Bar-lc-duccn  1037. 

(j)  C'eft  celle  dont  nous  venons  de  parler  &  qui  étoit 
époufc  d*£udc  II.,  comte  de  Champagne. 

t^4)  EUe  fc  fit  enlever  par  Alain  III. ,  duc  de  Bretagne, 
qui  Tépoufa ,  de  qui  mourut  empoifonnd  Tan  1040.  EUe 
époufa,  en  fécondes  noces,  Hugues,  comte  du  Mans. 

(5)  Havoife  dpoufa  Hocli  cinquième  du  nom,  duc  de 
Bretagne,  iport  en  1084. 

(6)  U  e(l  furnommé  Sergent.  Il  étoit  duc  de  Bretagne 
'&  le  quatrième  de  fon  nom.  Son  époufc  fut  Brtncngardc , 

j&Ue  de  Fcnil^es  IV.,  comte  d*Aojou. 


Bit    A    LA    HACHE. 


33P 


Flandre ,  qui  s'avança  de  chaftoyer  &  faire  juf- 
tice  des  nobles,  faifants  outrage  aux  pouvres 
gens  du  païs,  &  r^ouvella  la  couftume,  que 
jong-temps  auparavant  avoit  elle  audiâ  païs,  par 
laquelle  n'eftoit  loiiible  4  perfonne  de  quelque 
condition  ou  qualité  qu'il  fut ,  de  prendre  aucu- 
ne chofe  fans  payer ,  ou  defpouiller  quelque  pau 
fan  ou  autre,  ny  mefmes  en  temps  de  guerre, 
&  ce  foubs  peine  de  fourfaire  la  vie  (^)  ,  fans 
aucun  refpit  ny  miféricorde  ,  laquelle  couftume 
néantmoîns  encore  que  très-bonne  &  raifonnable 
avoit  par  les  contes  fes  prédécefleurs  efté  mife 
en  nonchalloir  QÏ)  &  hors  d'ufancc,  obftantz  (c) 
(comme  je  croy)  les  continuelles  guerres,  ef- 
quelles  ils  s'avoyent  quafi  tousjours  trouvez  enve- 
loppez. Pour  lareftitutîon  de  laquelle  couftume  en 
fon  premier  eftat,  enfemble  affin  d'advifer  le  moyen 
qu'on  pourroit  tenir  pour  gouverner  &  régir  fés 
fubjefts  en  bonne  paix  &  afleurance,  le  conte  Bau- 
douyn  fit ,  au  commencement  de  fon  règne ,  appel- 
1er  les  principaux  barons  &  nobles  de  fon  dommaî- 
îie  en  fa  ville  d'Ypre,  où  fe  traitèrent  les  chofes 
que  pourrez  cognoiftre  parle  chapitre fubféquent, 

CHAPITRE       LX. 

Comment  Baudouyn  Hapkin  au  commencement  de 
fon  gouvernement  fit  ajfemhler  les  efiats  de  Flan-r 
dre^  pour  advifer  au  moyen  qt^e  convtendrott 
tenir  pour  gouverner  le  pats  en  union  fif  tran-- 
quillité  ^  ^  de  la  paix  publique  qu*ilfit  publier  , 
enfemble  de  la  rigouréufe  exicution  fai£te  fur 
aucuns  feigneurs  contrevenants  à  ladiSte  paix. 

LEs  barons,  nobles  &  autres  .^du  paî5   de 
Flandre,  aflemblez  en  la  ville  d'Ypfe,  au^ 
jour  par  le  conte   Baudouyn  à  eux  afïïgné,  fç 

0?)  Deîotis  Î2iCtK^expoferfa    (O  Obftants  les  guerres,  t 

vie ,  s*expofer  à  la  mort,  caufc  des  guares. 

C^}  Af(fpris^  indifércnec.  »  fr  A 


Bonne  cou. 
flume  en 
Flandre,  H 
eUe  fut 
bien  ob- 
fervé« 


Affemblée 
des  cïlats 
de  Flandrd 
en  la  villa 
d'Yprc. 


Harangue 
de  Bflu- 
•douynHap- 
kin  aux 
eftftts  de 
Flandre 
pour  advi- 
feràce  qui 
eftoit  né- 
ccflaire  * 
pour  le 
bien  &  re- 
]>os  dupais. 


340      BAUDOIN    SEPTIEi^E, 

trouvèrent  vers  ledift  conte^,  pour  entendre  le 
motif  de  fondift  commandement,  &  l'occafion  qui 
l'avoit  meu,  de  les  faire  illec  évoquer.  Aufqnels 
pour  tant  le  conte ,  après  le  filence  par  fon  hé- 
rauld  commandé ,  parla  d'une  bieïi  bonne  grâce 
de  cefte  forte:  y,  Mes  amys  Sç  bons  vaflaux,  je 
yj  croy  que  nul  de  vous  foit  ignorant  des  gra- 
^  ces,  qu'a  pleut  à  noftre  Seigneur  me  faire,  me 
„  conftituant  conte  &.  feîgncur  fur  uti  païs  tant 
„  riche  &  opulent,  qu'eft  ceftuy  que  je  poflïde. 
„  A  raîfon  de  quoy ,  me  femblc.  raifonnable,  que 
„  tout  ainfi  que  fommes  en  ce  païs  les  premiers, 
„  pareillement  nous  ne  foyons  féconds  à  nul  au- 
„  tre  prince ,  pour  luy  en  rendre  grâces  imraor- 
„  telles,  par  bonnes  &  vertueufes  œuvres,  auf- 
„  quelles  fommes  obligez  de  nous  occuper,  & 
„  appliquer;  Qui  eft  Toccafion ,  qui  me  meut  de 
^  bien  inftamment  vous  prier ,  &nëantmoins  (fuy- 
„  vaut  Tauthorité  par  le  Tout-puîffant  àmoy  don- 
„  née)  vous  commander,  que  tous  enfembk 
„  vueillez  me  confeiller  comment  en  voz  confcien- 
„  ces  vous  femble,  que  je  me  doive  à  l'advenir 
„  gouverner  pour  le  foulagement  de  mesifubjeds, 
„  &  pour  l'entretenement  &  augmentation  de 
„  noftre  eflat.  Vous  affeurant  (mes  amis)  que 
„  fuis  délibéré  non  feulement  croire,  mais  auffi 
„  d'exécuter  le  bon  confeil,  qu'au  fufdift  effeft 
5,  j'attends  devons,  comme  de  mes  loyaux  &  fi- 
„  dèles  fubjefts,  &  affin  d'y  pouvoir  plus  meu- 
„  rement  penfer,  vous  pourrez  communiquer 
„  par  enfemble  tout  à  loifir,  &  retourner  (a) 
5^  avec  voftre  refponfe,  en  dedans  un  mois  en 
„  ma  maifon  de  Wînendale,  où  je  feray  vous 
,  „  attendant.  „  Ce  dift,  après  que  l'aflemblée  euft 
prins  congé  de  luy ,  chafcun  repurna  en  fon  quar- 


(tf)  fUvenir. 


BIT    A    LA    HACHE. 


34l 


tîer;  &  un  mois  après  ayants  bien  ^enféà  la  pro- 
pofltion  du  conte  Baudouyn ,  revindrent  audidl 
Winendale,  où  par  charge,  &  au  nom^^de  toute 
la  compagnie^  meffire  Guillaume  de  Praet,  ref- 
pondit  à  la  fufdiAe  propofition  du  conte  Bau- 
douyn, eu  cefte  forte:  „  Mon  très-redouté  fei- 
„  gneur,  les  prélats,  barons,  nobles  &  autres  de 
y,  cette  compagnie  icy  aflemble*,  vos  très.-obéif- 
t,  (ants  vaûaux,  m'ont  d'un  commun  accord 
„  commis -{encore  qu'infuffiflant)  pour  de  leur 
„  part  vous  déclarer,  qu'ayantz  bien  diligèn- 
^  tement  confidéré  &  meurement  examiné  le  faift 
„  de  voftre^propofition ,  [dont  nous  vous  tenons^ 
„  monfeîgneur,  pour  recors  0»)]  ils  ne  trouvent; 
„  autre  plus  fouverain  &  péremptoire  moyen  pour 
„  parvenir  à  ce  que  délirez ,  que  par  une  réfor- 
„  mation  générale  de  la  juftice  qui  ell  afle^  mal 
„  obfervée  en  voz  païs ,  laquelle  convient  ré- 
fj  duire  foubs  une  balance  tant  égale  ,  que  la 
„  débilité  &  impuiflance  des  petits  ne  foit  opr 
y,  primée  par  l'arrogance  &  tyrannie  des  grands. 
^  Auquel  effeél:  nous  femble  très-expédient,  d'or- 
„  donner  que  l'on  conçoive  aucunes  loîx  ,  les- 
^  quelles  puis  après,  par  ordonnance  de  vollre 
y,  feigneurie ,  foyent  publiées  par  tous  vos  païs , 
„  &  conformément  aufquelles  chafcun  à  l'adve- 
„  nk  ayt  de  foy  conduire  &  gouverner.  Nous 
„  offrants  au  refte,  foit  en  ceft  elidroid  ou  en 
y,  tel  autre  que  trouverez  bon  de  nous,  employer, 
„  de  vous  prefter  toute  raflîftence  &  obéiflance, 
yf  que  très-humbles  &  loyaux  fubjeftz  doivent 
„  à  leur  priflce  &  feigneur  naturel.  „  Le  conte 
aife  au  poflîble  de  la  bonne  affeâion  qu'il  con-- 
fidéroit  aufdifts  fes  fubjfeéts  vers  ^on  fervice  ,*  & 
mefmcs  que  par  leur  refpolife  |1  voyoit  ie  chemii^^ 


Refponfe 
desdiàs  ef- 
tatsdeFlan- 
tire  à  la 
fusdiôe 
propofition 
du  conte 
BaudouyQv 


La  juftice 
doit  eftre 
égale.  - 


(tf  )  Rejfouvenant ,  c'eft-à-dire  ^  dont  vous  vous  refouvtnêz^ 


341      BAUDOIN     SEPTIEME, 

ouvert  pour  parvenir  au  but  qu-il  prétcndoît,  les 
remercia  en  premier  lieu  de  leur  bonne  aiFeftion , 
à  laquelle  il  efpéroit  fatisfaire  par  un  doux  & 
bening   traitement    quMls    devoyent    tousjours 
tittcndre  de  luy.  Et  qu'au  regard  de  la  refponfe 
qu'ils  'avoyent  donnée,  fur  ce  qu'auparavant  il 
leur  avoit  pfopofë ,  il  l'avoit  trouvée  conforme 
&  à  la  loyauté  qu'il  s'eftoit  tousjours  promife 
d'eux  &  k  l'intention  qu'il  avoit  de  mettre  ordre 
au  peu  de  jufticc  qu'il  fçavoit  s'obferver  en  fes 
païs,  nlefmes  qu'il  fe  trouvoit  d'autant  plus  réfo- 
lu  en  code    fienne    première   délibération    qu'il 
voyoit  leur  confeil  &  advis,  du  tout  foy  confor- 
mer à  icelle.  Outre  ce,  que  les  excès ,^  foulles  (a^ , 
rapines,  firextorfions  qui  journellement  fe  com- 
mettoyent  contre  les  gens  d'églife,  pouvres  la- 
bourîers ,  &  autres  gens  de  fcs  pais ,  eftoyent  fi 
exorbitantes,    que  la  feule  fouvenance  d'icelles 
luy  faîfoit  rougir  le  vifage,  &  de  vcrgongne  qu'il 
avoit  d'avoir  tant  tardé  à  y  mettre  ordre,  &  de 
Tindignatfon  conçeuë  contre  ceux  qui  en  eftoyent 
la  caufe.  Laquelle  néantmoins,  &  toutes  les  cho* 
fcs  jufques  à  lor^  paflTées,  il  leur  pardonneroit 
volontiers ,' pourveu  qu'à  Tadvçnir  non  feulement 
ils  s'en  gardaffent,  mais  auflî  qu'ils  luy  fuflent 
aydants  &  alTiftants ,  pour  punir  ceux  qui  con- 
tinueroyent  en  femblables  fpulles.  A  quoy  auffi 
ils  devoyent  eux  njonftrer  d'autant  plus  volon- 
taires &  réfoluô ,  qu'ils  n'ignoroyent  de  quelle  im- 
portance fouloît  eftre  en  un  royaume  ou  provin* 
ce,  l'obfervatîon   &  exécution   d'une   police  & 
Juftice  bien  réglée.  Adjouftant'au  r^fte  plufieurs 
autres  raîfons  à  celles  que  deflus  ;  de  forte  qu'il 
les  fît  lors  toiis  jurer,  &  promettre,  que  de  là 
In  avant,  îlz  tiendroyent.  bonne  &  ftable  paix 


QyVexuiiOiKL 


DÎT    A    LA    HACHE. 


3i3 


arec  tous  gens  d*églife,  labouriers,  &  autres, 
&  mermes  en  temps  de  guerre.  Ce  qu'entendu 
j>ar  ledîft  Baudouyn,  foy  levant  de  fon  Oège, 
évagîna  (a)  l'efpée  qu'il  avoit  ceinde ,  &  la  tenant 
contremont  (i),  d'un  courage  vrayement  hé- 
roîcque  joînft  à  une  magnanimité  qui  de  beau- 
coup excédoît  le  port  de  fon  aage,  fit  ferment 
folennel  &  jura  par  le  Dieu  tout-puiffant ,  que 
celle  paix  feroit  entretenue  &  obfervée,  &  que 
luy-mefme  de  fa  propre  main  puniroit  corporel- 
lement  &  de  mort,  celuy  qui  la  vîoleroît.  Et 
puis  mettant  fon  e5>ée  qu'il  tenoît  nue,  bas  fur 
un  quarreau  de  veloux(r),  fit  à  fa  femonce(//), 
&  par  fentence  du  prévoit  de  fainft  Donas  fon 
chancelier,  confortée  par  fes  autres  hommes  & 
confeil,  advouer  &  publier  ladiâe  paix,  mettant 
au  mefme  temps  l'églife,  vefx^es,  orphelins  & 
tous  fes  autres  vaflaulx,  foubs  fa  proteftion  & 
fauve-garde.  Et  affin  que  ladifte  paix  fuft  mieux 
entretenue  ,  il  fit&  décréta  (c)  plufieurs  rigoureu- 
fes  ordonnances,  fi  comme,  que  perfonne  de 
quelque  qualité  ou  condition  qji'îl  fuft,  s'avan- 
çaft  de  porter  armes,  fauf  les  oflSciers,  &  ceux 
qui  eftoyent  députez  pour  la  garde  du  prince , 
tuition  du  paîs,  &  defienfe  des  villes.  Que  fi 
quelcun  contrevenant  i  la  fufdifte  paix  fe  trou- 
voît,  lequel  euft  occîs  ou  bléfl"é  quelque  perfon- 
ne, il  feroit  puny  pœnd  tatiùnh^  fçavoir  telle 
pour  tefte,  &  membre  pour  membre,  «e  fiift  qu'il 
apparuft  ce  avoir  efté  feid  par  néceflîté,  &  en 
corps  deffendant,  &  dont  la  preuve  fe  devoit 
Crire  par  le  coulpable  ou  aocufé  ,  moyennant  com- 
bat mortel,  X)u  par  purgation  de  feu  &  d'eaue. 


Les  noble» 
de  FUndre 
jurent  & 
promeccnc 
d*cntictc> 
nir  la  piix 
pablîqae 
du  pais. 

Grand  zèle 
de   Ban- 
donynHip- 
kin  au 
faid  de  U 
joftice. 

La  paix  pu- 
blique pu- 
bliée en 
Flandre  par 
fentence  da 
|H^\*oft  de 
fainft  Do- 
nas, chan- 
celier du- 
did  Flan- 
dre. 

Stamts&or- 
donnances 
de  Bau- 
douyn Hap- 
kin  pour 
afièurance 
.&  Confer- 
vation  de 
ladiâe 
paix. 

Pœna  Ut- 


Ctf)  Tira  du  fourrecn. 
(y)  En  bavi  j  en  F  air. 


<iO  Invitation, r§:!i'ciîa:i«M.' 


de  fcti  Ô( 


r  ften  vol- 
Kur». 


Irtrtlniflofi 


J.«  ttcllcl» 
de  51   offl- 
cj(?f.<  puni» 
»U  duubl«« 


344     BAUDOIN    SEPTIEME, 

qui  cfloU  lofi  beaucoup  en  uftncc  (i),  an  moyen 
que  le  peuple  eftoît  encore»  enveloppé  en  celte 
erreur,  qu  lllcof  fcrhbloît  que  la  juflice  divine 
pu  permeffrôir  que  k»  Innoccrtf^f  fufTcnt  piinlii, 
Toutcsfoift  le  cofttfîJlre  advenoft  bien  fouvcnt; 
&  par  autant  que  c^efToit  une  cfp6cc  de  tenter 
J/ieu,  cède  couflumc  a  depuis  c(\6  aboHc  par 
le  (Iroi^l  canon  (2).  II  ordonna  fcmblablcmcnt 
que  totiH  rt)anîferteu  volleur»,  fuirent  pendu»  «ix 
haut*  arbre»,  fnr  le  coing  de»  boî*,  ou  bien  fur 
\cê  clicminft,  aiifqueU  k  délift  avoît  cfté  com^ 
n^U,  &  le*  larroni^  aux  gibet».  Davant;(gc  pour 
et  que  fouvcnt  y  avoit  pluficur»  difTt/rcnt»  entre 
leu  noble»  A  roccaflrm  de  la  vdncrîc,  H  réfcrva 
pour  foy  &  ft'apph'qua  la  prééminence  de  la  chaf- 
fc,  confUtuant  pour  le  fniit  d^icclle,  un  grand 
véncur,  dclTcudant  i,  ton»  antrcji  de  cbafTer  ou 
tendre  aux  oylcaux,  tle  fut  en  la  compagnie  du 
grand  vtltiùut,  ou  de  Ion  confenlemcnt.  Il  fit 
femblablcmcnt  nlulicur»  ftatut»  6c  édlét»,  c<FrtCer- 
nant/<  le»  cbolc»  civile»,  &  lefquel»  fcrr/tt  trop 
long  partlcularifcrj  H  fufllra  donc  de  feulement 
Vou»  advenir,  que  de  t(;ufc»  le»  amende»  qu'il 
impora  pour  kA  fourfaii^t»  civil»,  il  voulut  que 
le»  ddlidl»  ikti  officier»  fuffént  chaftoye/.  au  don« 
blc,  &  non  fan»  caufe;  car  te»  fautes  de  ceu< 


(1)  Voy«ifi]t  nnt/i  )«  du  chup*  4^'*  p*  96$.  f  ok  pcm» 
«votif  rapporta  Ici  dlvcr/i  g«tir«»  d*<^preuyc9« 

(u)  Lt  rairoti  t  bien  peu  d^cmpjro  fur  4«i(  ufigc»  ttipîv 
flitieux  coafflcrëfl  par  le  Ai/ÎVâi^e  de  top(e<i  ki«  natlmi*  U 
etitrctemi»  par  une  lè^iflatlon  «u/TI  »nc)cmi«  qu'eUe  cft  «b' 
(un\G.  Aufn  fflUut-il  vaincre  une  infinité  d*obit«c]ffi  ôt  vr^if 
n'écouler  un«  longue  fuite  de  fléclei ,  «Vint  de  ponvoh' 
déterminer  lei  peupici  à  renoncer  k  la  pratique  ridicule  dci 
épreuve».  Un  décret  porté  par  Innocent  111^  en  12%  §.  au 
Quatrième  cmicDe  de  Lau'an  «  parut  leur  porter  le  dernier 
foup.  C^ependatit  oft  en  trouve  encore  dei  tracci  dan* 
Phiftoire,  longtema  apréa  ceUc  époqu«  9  dc  mime  ^ufi^uef 
vers  le  couimeiiccment  du  i;«  nOcle« 


\ 


DIT    A    LA    HACHE. 


345 


qui  font  commis  pour  la  correftion  des  autres , 
font  beaucoup  pins  à  pefcr,  &  méritent  une  piv* 
nition  extraordinaire.  Or ,  ledift  Baudouyu  ne  fe 
trouva  moins  rigoureux  en  l'exécution  de  fes  or* 
donnances,  qu'au  décrètement  dMccUes.  Et  que 
ainfi  foit,  les  anciennes  chroniques  tefmoignent, 
que  le  fufdift  Baudouyn ,  eftant  un  jour  entre 
autres  adverty,  d'un  outrage  qu'un  de  fes  che- 
valiers nommé  Pierre,  feigneur  d'OoffcaAp ,  avoit 
faiftà  une  pouvre  femme  des  champs,  luy  defro- 
bant  deux  vaches,  fit  mener  ledift  chevalier  de- 
vers luy  en  fa  ville  de  Bruges,  &  après  qu'il 
cuft  confeffé  ledift  méfus ,  le  fit  jeéter  tout  vef- 
tu,  houzé  (<î),  efperonné,&  l'efpée  encore  ceinc- 
te,  dans  une  chauldière  d'eauë  bouillante,  mef- 
mcs  en  plaih  marché,  &  en  préfence  de  tout  le 
peuple  de  Bruges  (3)/  Qui  caufaft  une  telle  ter- 
reur &  frayeur  aux  autres,  que  déjà  en  avant 
perfonrie  n'ofoit  toucher  aux  pouvres  gens  du 
paîsv  Et  beaucoup  moins  à  raifon  d'une  autrô 
exécution  qu'il  fit  faire  en  fa  maifon  de  Winen* 
dale,  &  en  fa  préfence,  de  dix  chevaliers  de 
grand  nom ,  entre  lefquels  eftoit  meffire  Henry  de 
Carloo,  qu'il  fit  pendre  &  eftrangler,  pour  au* 
tant  que  contrevenants  à  la  fufdiâe  paix  jurée, 
ils  avoyent  deftrouflTé  (*)  aucuns  marchands  en» 
tre  Bruges  &  Thoroult.  U  rua  femblablement 
jus  (c)  &  fit  defmoUir  plufieurs  chafteaux  &  fbr- 
terefles ,  defquelles  aulcun^  gentils-liommes  foul- 
loyent  faire  leurs  fallies  (</),  &  furprendre  les 
pouvres  gens.  Au  moyen  de  quoy  Gaultier ,  con- 
te d'Hefdin,  fe  rebella  contre  ledift  Baudouyu, 


?ieiTc, 
feigneur 
d^Ooftcimp 
jeaé  par 
commande- 
ment  du 
conte  Bni* 
douyn, 
ve(hi,h<nir 
zé&  efpé. 
roiiné,daiis 
une   cfaau* 
dièrebouilr 
Itnte  au 
plain  mar^ 
ché  en  la 
vUle  de 
Bruges. 

RigouTeuiè 
juftice  da 
conte  Bau- 
douyn con- 
tre dix  cbe- 
valiefs 
ayantz  coo- 
trevenus  à 
la  fttfdiâe 
paix. 

^    Gaultier, 
conte 
d*Hefdin« 
fe  rebelle 
contre  le 
conte  Bau» 
dottyn« 


</i)  Botté. 
(*)  PiïlL 


(c)  Ruer  jus,  détruire. 
Cd)  Sorties. 


<3)  Meyems  dit  que  deux  faux-momioyeurs  furent  punis     y^j,   Fland. 
dtf  même  fupplice  au  m^me  initant.  an.  1 1 1 1. 


Wariagc  de 
Charles  de 
Beneraarc- 
que  avec 
madame 
Marguerite 
ia  Clcr- 
mom.    < 


La  ville  de 
fiatnô.pol 
«flidgée  par 
le  contçde 
Flandre. 


S46     BAUDOIN     SEPTIEME, 

ayant  attiré  à  fon  afliftence  Hughe  Champda* 
vaine,  conte  de  fainft  PoL  Qui  fut  la  caufe  que 
le  conte  Baudouyn  fe  mit  en  armes,  &  que  peu 
après  il  print  le  caftel  d'Encre,  lequel  il  donna 
à  Charles ,  fils  du  roy  de  Denemarcque  fon  cou- 
fin  germain  (4)9  duquel  il  pratiqua  peu  après 
le  mariage,  avec  madame  Marguerite,  fille  de. 
Renault ,  conte  de  Clermont ,  avec,  laquelle  ledidl 
Charles  euft  la  conté  d'Amiens  &  le  chaftel  de 
Jereufe.  Ce  faiél,^  confidérant  que  lediâ:  Hughe 
Charapdavaine  ne  ceflbit  de  piller  &  molefter  la 
Flandre  où  il  avoit  bouté  le  feu  en  plufieurs 
lieux,  le  conte  de  Flandre,  avec  une  bonne  troup- 
pe  de  gens,  que  à  ces  fins  &  à  la  légière  il  amaf- 
fa,  vint  affiéger  la  ville  de  Sainél  Pol:  mais  à  la 
pourfuyte  &  par  l'entreparjer  d^Euftace,  conte  de 
Boulongne,  il  s'accorda  &  fit  finablement  paix 
avec  ledjél  Champdavaine  (5).  Duquel  pour  la 
raifon  que  cy-après  entendrez,  j'ay  délibéré  dé- 
duire la  defcente  &  fucceÛcurs  par  le  chapitre 
fubféqueut. 


(4)  H  étoit  fils  de  St,  Canut,  roi  de  Danemarck,  aflàffiné 
ch  1086.  dan^  la  ville  d'Odenfée ,  dans  Tile  de  Fionie ,  & 
d'Adèle,  fille  de  Robert  le  Frlfon.  Orderic  Vital  l'appelle 
Charles  de  Anthorâ^  à  caufe  de  la  fonerefle  ^'Encre  que 
lui  donna  Baudoin. 

(5)  Les  hoflilipés  durèrent  à- peu-près  deux  ans  entre  Ba;i- 
doin  &  Champd'ayaine.  La  paix  fe  -fit  l'an  1 1 1^7  ,  la  ûxièmc 
année  du  règne  de  Baudoin. 


CHAPITRE.       L  X  I. 

Déduction  de  la  maifon  ^  généalogie  des  coniei, 
de  St.  Pol  ^  de  Luxembourch. 

DE  ce  Hughe  Champdavaine ,  qui  fut  fils  du 
conte  Anfelme  de  la  lignée  de  Melafines  , 
fille  du  roy  d'Albanie ,  &  de  laquelle  fe  trouvent 


DÎT    A    L'A    HACHE. 


347 


efcriptes  plufieurs  chofes.  fabuleufes ,  font  def- 
cendus  en  dîrefte  ligne  ceux  de  la  maifon  d^ 
Saînft  Pol&  deLuxembourch.  Et  pour  autant  que 
cefte  maifon  a  de  noftre  temps  efté  très-grande  & 
fort  renommée ,  comme  encores  elle  eft ,  mefmes 
4îue  cy-après  nous  en  conviendra  fouvent  parler , 
m'a  femblé  n'eftre  du  tout  impertinent  (^)  de 
préfentement  toucher  ^  comme  en  paflant,  un  mot 
de  la  fucceffion  dudicl  Hughe ,  enfemble  de  la 
lignée  dMceluy.  Ccft  Hughe  Champdavaine  donc, 
conte  de  Sainft  Pol ,  qui  gift  4n  Curicampo  (i) 
£n  un  monaftère  de  Tordre  de  Cifteaux,  que  luy- 
jnefme  avoit  fondé ,  euftun  feulfils,  nommé  En-^ 
èueran  ,  duquel  vint  une  fille  depuis  mariée  À 
Hugue  de  Chaftillon ,  laquelle  euft  un  fils  nommé 
Gui  (jb^  &  eftoit  à  la  bataille  de  Bovines  avec  le 
roy  de  France  contre  le  conte  Ferrand  ,  &  cer- 
tain tjemps  aprè§  trépafla  au  fiège  devant  Avignon, 
délaiffant  de.ux  fils,  Hugue  &  Gaultier.  Hugue 
fut  conte  de  Sain  Pol  &  trépafla  fans  hoir  de 
fon  corps  au  fainft  voyage  qu'il  fit  avec  mon- 
fieur  fainél  Louys  en  Egypte,  &  fuccéda  ladifte 
conté  à  Gaultier  fon  frère  ^  lequel  délaifla  un 
fils ,  nommé  Guyon  de  Chaftillon  ,  lequel  euft  à 
femme  Méhault  de  Bruges,  vefve  de  Robert  prcr 
mier  conte  d'Artois.  De  laquelle  luy  vîndrent 
deux  fils,  Guyon  &  Jacques,  &  une  fille  qui  fut 
mariée  à  Guyon  de  Luxembourch ,  premier  conte 
de  Lîgny.    Et  depTîis  Guyon  de   Chaftillon  fe 


Les  mai* 
fons  de 
Luxem- 
bourch & 
de  Sainâ 
Pol  ont 
tousjours 
efté  en 
Flandre  es 
grande  efti^' 
matioiL 


Guyon  de 
Luxem- 
bourch^ 
premier 
conte  de' 
Ligny. 


(*)  Hors  de  propos. 


C^)  Gui ,  fthn  Mineus ,  Notât, 
«cdef.  Belg.  ,c  i66. 


(i)  H  s'agit  ici  de  Cercamp  (  Clervi-campus  ou  Carus»- 
campus^  monaftère  de  Tordre  de  Citeaux  dans  le  diocèfe 
d'Amiens.  11  fut  en  effet  fondé  par  ce  Hugues  de  Champs 
d'avaine.  Le  pape  Innocent  II.  l'avoit  condamné  à  expier, 
par  ce  pieux  établiiïement,  les  profanations  ôc  les  déprédo-- 
Ùom  qu'il  avoit  comoûfes  enve^  plufieurs  églifes* 


34^     BAUDOIN'    SEPTIEME, 

femnrifl  ftMdhault  deChaftillon,  de  laquelle  nëant- 
moitï»  H  n'cuft  aucun  enfant.  Et  Iceluy  trépaffé, 
Jccllc  Méhrtult  fe  maria  à  Charlei,  conte  de  Va- 
Mn.  Et  fut'Iédift  Gnyon  h  la  bofaille,  que  It 
dnc  de  ftrabnnt  eui  contre  Bldndengne«  de  Lu3ceit)^ 
boiirch  fc  fefi  frèren^  &  ttufn  contre  le  conte  de 
•  Oheldrcâ&rarchcvefqne  dêCoulongncCs^Guyon 
de  Jrtcqucâ ,  cnfanft  dudift  Guyon  de  Chaftillon  » 
trdpflflcrcnt  ft»n»  hoir»  do  leurs  corps  &  fuccéda 
lîtdlfte  conté  audlft  Gtiynn  de  I.uxembourch  dé 
pâi*  fit  femme  ;  6c  k(\iit\  Gtiyon  fut  fit»  de  Jean 
Atl«?ti8  †   de  Lnxembourcîh  fi  d^dcli'î^  de  Flandre,  chatte* 

Soudaine  '^'"^  ^^  ''"^*  ^  ^'^^^  ^^  Phalempin  »  Afmcntlé- 
*îLUlc.  fca,  Arl^lnghcm  5  RickéHbourch  ,  Iîaultl>ourdirt 
k  8rtlf{ny.  Et  etrft  ledift  Guyort  pluficura  ônfans, 
fi  comme  Walrand,  Pierre,  Jean,  Anckieu  &  Ici 
contcflcs  de  Rcthcl,  de  Vaudcmont,  de  Ghcbe* 
nier ,  de  Morlana  &  de  Lerhk  ,  lequel  Guyort 
flufîl  mounit  en  une  batAlllo  contre  le  duc  de 
Ohcldrc  Edouard  ,  Tan  mil  trois  cents  fcptante 
&  un.  Auquel  fuccdda  en  la  conté  de  Sainft  Pol, 
Walrand  ,  fon  fils  nifné  ,  lequel  cufl  h  femme 
la  1111c  d'Edouard,  roy  d'Anghtcrre  ,  dont  vint 
une  feule  fille  qui  fut  marldc  à  Antoine,  duc  de 
Lotrlcc,  de  Brabant  &  de  Lcmbourch,  frère  au 
duc  Jean  de  Bourgoîgue,  conte  de  Flandre.  Dont 
Vindrent  deux  111s,  Jean  &  Philippe,  qui  fuceef- 
fivemcut  furent  tous  deux  contes  de  8ain<îl  Pol, 
&  moururent  fan»  hoirs  de  leurs  corps;  de  forte 


(ft)  L'«utéi\r  vfeHt  pftflcf  Ici  de  k  WAoiro  éclatante ,  que 
JcHrt  premier,  diic  de  nrabatit,  remporta  au  tnoïs  de  Juin 
laflfl.,  prôs  de  Woerltigcn ,  fur  les  armëcê»  combinée*  de 
M**rtrl,  duc  dft  Luxcrtib(nir^{,  de  Reanuld,  comte  de  Goel- 
drc^,  Ce  de  l*archevéqite  de  ('oloi^nc.  Le  duc  de  Luxem- 
fyoufg  et  fts  troin  ftéren  pdrlrent  dam  cette  Journée  meur- 
tfiéffc,  qui  coûta  la  vi«  k  p\m  de  onec  cents  gentilshommes 
et  h  liberté  I»  rarcbevOquo  de  CoKigne,  alnfi  qu*au  duc  d« 
Oueldrc»!  11  an  Itera  paru  plus  lu  long  au  chapitro  la^. 


DIT     A    LA    HACHE; 


'349 


que  ladîifte  conté  de  Sainft  PoU,  enfemWe  celles, 
de  Briame ,  Commerflant  &  plufieurs  autres  fuc- 
céderent  à  Pierre  de  Luxerobourch  &  à  Jelian  , 
conte  de  Ligny ,  frères  audiâ:  conte  Walrand,  & 
laiffa  Pierre  4e  fa  femme  .Marguerite  de  Beaux, 
fille  de  François,  duc  d'Andrie,  Louys  ,  Pierre, 
Jean  ,  Catherine  &  Jehenne  de  Luxemboyrch» 
Louys  fut  premièrement  évefque  de  Thérouene, 
après  archevefque  de  Rouen ,  &  puis  cardinal  & 
chancelier  du  roy.  Jean ,  qui  fut  conte  de  Ligny, 
euft  à  femme  la  dame  de  Béthune  ;  mais  il  n'en 
euft  aucuns  enfans  ,  comme  auflï  Catherine  & 
Jehenne  moururent  fans  hoir  de  leurs  corps.  Et 
ainfi  toutie  la  fucceffion  vint  à  Piei:re  deXrUxem- 
bonrch,  lequel  euft  Louys,  Thibault  &  Jacques. 
Louys  fut  conte  de  Sainél  Pol ,  de  Marie ,  de 
Briaine  &c.  &  euft  de  niâdame  Jehenne  de  Bari 
dame  de  Ghiftelles,  fa  preipière  femme,  quatre 
fils,  fçavoîr:  Jean,  conte  de  Marie,  qui  mourut 
à  Granfôn  (3)  fans  hoir  de  fon  corps  ,  ,Pierre  ^ 
cénte  de  Briane,  Antoine,  conte  de  ,Roufi ,  4c 
Charles,  évefque  de  Laon.  ^près  le  trépas  de 
Louys ,  la  conté  de  Sainéè  Pol  fuccéda  à  Pierre, 
lequel  euft  d'une"  fille  de  Savoye  ,  deux  filles  ^^ 
Jehenne  &  ;Françoîfe.  Jehenne  fut  mariée'  à  Jac- 
ques de  Savoye,  conte  de  Romont,  fon  onde, 
&  elle  fuccéda  à  fon  père  es  contés  de  Sainft 
Pol,  de  Marie,  de  Briane  &  fig^euries  de  Ghif- 


Madtmtt 
Jeheniie  de 
Bar,  dame 
de  Gbiftel-. 
(les* 


(3)  Granfon  eft-une  petite  ville  de  Suifle  au  pays  de 
Vaud,  remarquable  par  la^vidoire  que  les  Suifles  ,y  rcn^pw- 
terent  en  1476.  fur  Charles  le  Hardi  ou  le  Téméraire  ,  duc 
de  Bourgogne,  qui  perdit  dans  cette  ocoaâon  fon  artillerie» 
fes  équipages,  fa  vaiâêUe ^  fon-tcëier.  On  rapporte  à  ce 
fu}et  qu*un  Suifle  ayant  trouvé  fur  le  champ  de4>ttaiUele  gios 
diamant  du4)ic^  le  donna  à  unprétve  pour  un  florin.  Ce  prê- 
tre qui  Jie  îe  cûnnoifiôit  guèresùeux  en  diamans ,  le  Devenait  » 
diton,  trois itivres.  Gediasiaac  eûimé  iSooooo.  {ivres  eft 
iuiourd'kui  le  fécond  dionant. de  k  coutomne.dfi  franciu 


Hift.deFr. 
par  M;  Gar- 
nier,in-8®. 
t.i8.p.so8* 


Baudouyn 
Hapkin  en- 
voyé vers 
Angleterre 
pour  avoir 
la  penfion 
de  trois 
cents  marcf 
d*argent. 


350      BAUDpiN     SEPTIEME, 

telles,  Dunkerkc 5  Bourbourch,  Gravcninghes  (/^ 
&  autres  ,  comme  plus  amplement  vous  voirei& 
en  la  féconde  partie  de  noftre  hiftoire. 


CHAPITRE 


L  XII. 


Comment  le  conte  Baudouyn  entra  avec  puijfance 
en  la  Normandie ,  dont  il  réduit  bonne  partie 
foubs  Vobiijfance  du  duc  Guillaume^  comment 
ayant  efti  blejjli  par  les  /inglois  en  une  efcar^ 
mouce ,  //  mourut  encores  jeun^  à  Rouler  s  Çb)\ 

NOus  avons  au  chapitre  précédent  quelque 
peu  difcontinué  noftre  dîfcours,  pour  vous 
déduire  ce  qu'avez  entendu  de  la  maifon  de 
SaînélPol&  de  Luxembourch.  Or,  pour  repren- 
dre noftte  premier  thème ,  fçafchiez  maintenant, 
que  le  conte  Baudouyn  ayant  mis  tel  ordre  que 
deflus,  au  faift  de  la  police  &  jufticc  de^  pais 
fubjefts'  à  fa  jurifdiftion  ,  envoya  fes  ambafla- 
deurs  vers  Henry,  roy  d'Angleterre,  tant  pour 
lever  &  recevoir  de  luy  la  pcnfiôn  annuelle  de 
trois  cents  marcs,  que  fes  prédécefleurs  contes 
de  Flandre  avoyent  reçcu  &  cftoyent  ei>  poflef- 
fion  d'avoir  des  rôys  d'Angleterre ,  que  pour 
fommer  Icdift  roy  Henry  à  la  reftitution  de  la 
duché  de  Normandie,  es  main  de  Guillaume, 
fils  de  Robert,  dift  Courtehofe,  duc  de  Norman- 
die, &  par  conféquent  vray  &  légitime  héritier 
d'icellc  duché  (i).  Et  pour  autant  que  ledifl:  roy 


(^)  Gravelines. 


(If)  Roufelaen. 


(i)  Après  la  mort  de  GuiUaume  le  Roux«  Tan  iioo,, 
Henri  I. ,  qui  étoit  monté  fur  le  trône ,  8*étoit  emparé  du 
duché  de  Normandie,  auquel  cependant  U  n'avoit  d'autre 
droit  que  celui  qu'il  tiroit  de  rengagement  que  luicnavoic 
fait  fon  frère  Robert  fumommé  courte  Heuft  ou  courte 
Cuifâ^  pour  la  fomrae  de  dix  miUe  livres,  cti  partant  pour 
une  aoifiidc.pç  rçCQUi  d$to  M»çfHJlA(«|  j^Obcft  r^Quri» 


DIT    A    LA    HACHE. 


3Si 


Henry  ne  voulut  entendre  ny  à  l'un  ny  à  Tau- 
tre,  le  conte  Baudouyn  fe  prépara  à  luy  faire 
guerre,  &  de  feîft  entra  à  grande  puiflance  au 
paîs  de  Normandie,  où  il  gafta  &  fit  defmollir 
plufieuçs  places  fie  chafteaux  (2),  tirant  puis 
après  versiavilkde  Rouen,  accompagné  de  cincq 
cents.,  chevaux ,  &  bon  nombre  de  gens  de  pied. 
Et  à  raifon  qu'il  fçavoit  que  le  fufdift  roy  Hen- 
ry s'eftoit  enfermé  dans  icelle  ville,  frappantz 
aux  portes,  fit  demander  s*il  ne  vouloit  fortir. 
A  quoy  le  roy  Henry  fit  relpondre  qu'il  n'en- 
tendoit  avoir  affaire  à  un  tel  efventé  &  fot  jou- 
venceau (3) ,  au  moyen  de  quoy  Baudouyn  gran- 
it Nonnandie  par  un  accommodement  qu^il  fit  avec  Henn; 
mais  les  deux  frèies  ne  tardèrent  pas  à  fe  brouiUer.  Robert 
fat  défait  à  la  batame  de  Tinchcbrai  en  1 106.  ,  &  Henri 
réunit  la  Normandie  à  la  coiironne  d'Angleterre.  Robert 
pris  à  la  journée  de  Tincbebrai  &  renfermé  par  les  ordres 
de  fon  frère ,  trouva  moyen  de  rompre  fes  fers  ;  mais 
ayant  été  repris  »  on  le  renferma  de  nouveau  ,  z^is  lui 
avoir  fait  crever  les  yeux.  U  vécut  encore  28.  ans  dans 
cette  afireufe  captivité  &  ne  mourut  que  de  défefjpoir. 
Robert  avoit  laiflé  un  fils ,  GuiUaume  Çliton ,  dit  cûttru 
Cuife.  Louis  le  Gros ,  roi  de  France ,  fQoux  de  ia  pmf- 
fance  de  Henri ,  roi  d'Angleterre  ,  &  voulant  réparer  le 
tort  que  fon  père  avoit  fait  à  la  France ,  en  ne  s'oppofant 
pas  d*abord  à  la  conquête  qu'il  avoit  faiie  de  la  Normandie 
fur  Robert,  avoit  pris  le  jeune  Guillaume  fous  fa  protec- 
tion, n  entreprit  donc  de  le  rétablir  dans  le  duché  de 
Kormandie,  qui  avoit  appartenu  à  fon  père,  &  déclara  la 
guerre  à.  Henri.  Baudoin ,  dont  Guillaume  avoit  d'ailleurs 
réclamé  les  bons  offices  ,  marcha  au  fecours  du  roi  de 
France,  à  la  tête  d'un  corps  de  troupes  auxiliaires. 

(2)  Balàuinus  cum  Mortnorum  muhîtudine  in  Norman- 
ntam  usque  ad  Jrcbas  venit  &  villas  in  Tallogig  (  le  Tallcu) 
rfg£  cum  Normatmis  fa- ma$  infpeSantô,  combujjit» 

(3)  Aucun  des  annaliftes  que  j"*ai  parcouru ,  ne  parle  de 
ce  défi  fait  par  Baudoin  à  Henri.  Je  fais  qu'il  tie  répugne 
point  aux  mœurs  de  ce  tcms;  mais  Oudegherft  ne  cite  aucun 
garant.'  Il  fe  pourroit  qu'il  confondît  les  tems,  &  qu^il 
attribuât  ici  à  Baudoin  à'  ia  Hcdn  ce  qui  arriva  en  c^ 


Baudonyii 
faid  guerre 
au  roy 
d'An^kter- 
re ,  &  entre 
au  pa\^  de 
Nonnan- 
die. 


Order.Vît. 


Bonne  pat- 
rie de  la 
Normandie 
rëdui(^ 
foubf 

Tobéi  (Tance 
du    duc 
Guillaume 
par  rcffbrt 
du  conte 
Baudouyn. 

Les  An- 

floUenem- 
ufchc» 
pour  fur- 
prendre   le 
conte  Bau- 
douyn. 


35a      BAUDOIN    SEPTIÈME, 

dément  irrité  gafta  tout  le  païa  4*alentour9  fc 
dura  cède  guerre  environ  trois  ans  continuels, 
qu'ayant  Icdift  Baudouyn  moyennant  fa  magna- 
nimité,  &  grand  courage,  réduit  foubs  Tobéif- 
fance  Audtà  Guillaume,  bonne  partie  de  la  Nor- 
mandie, comme  finablcmept  il  partoit  de  fainA 
Omcr,versPoidlou(tf)  en  intention  de  tirer  d*îllec 
vers  la  Normandie,  il  tomba  de  grand  tlialheur 
guerres  loing  d'Arkes  (4)  es  mains  des  Angloii 
fcs  ennemis,  qui  s*eftoyent  mis  en  embufchc» 
dans  un  petit  bois  attendantz  la  venue  dudidl 
Baudouyn,  lequel  ndantmoins,  &  nonobflant 
ladifte  furprinfe  fc  porta  fi  vcrtucufement,  & 
fucceflivemcnt  ceux  de  fa  fuyte  à  fon  exemple , 
qu'après  un  dur  &  trôs-afprc  confllft ,  fes  adver- 
falrcs  eftoycnt  en  branflc  (A)  de  tourner  le  dos, 
&  fe  mettre  en  fuytig^  lors  qu'au  moyen  d'une 

très-' 


Edlt.  de 
1770.  p.  ' 
635. 


(tf)  Ponthlêu, 


(t)  Sur  U  point. 


|t  Rohert  de  )4ruraletn  qui»  félon  Auger  de  la  chronique  de 
fit.  Dcnii,  aUa  dëfl^  le  mâme  Itcnri,  au  nom  du  roi  de 
France,  préa  de-Neaufle,  ancienne  fortercfle  fur  les  fron- 
tières de  nie  de  France  de  de  la  Beauce. 

("4)  Arques  eft  une  ville  de  France  au  paya  de  Caux, 
Il  une  lieue  de  demie  de  Dieppe.  £lle  cft  cdlibrc  par 
la  vi^oire  qu'y  rempotai  Henri  IV.  »  en  1589. ,  fur  le 
duc  de  ^Iayenne.  C*eft  prés  de  la  ville  d*£u  ,  dUbme  de 
(Ix  lieues  au  moins  de  la  ville  d*Arques ,  que  Baudoin  fut 
bleiïé.  Les  auteurs  de  Vart  de  vérifier  in  datât  9  dlfent  d'après 
Oudegherft:  f^Vv^n  iii8.«  bataille  d* Arques  en  Norman" 
^  die ,  donndo  au  mois  de  Septembre  de  la  même  annëe. 
^  Baudoin  y  reçoit  au  front  une  bleflbre  que  fon  {ntemp^- 
,,  rance  cnvenime«M  Quelque  refpeétable  que  foit  cette  au» 
torité  «  nous  ofons  lui  oppofcr  celles  de  Suger  9  d'Ordcric 
Vital ,  de  Mcycrus ,  de  Thomas  de  Walflngham  de  Air-tout 
de  Guillaume  de  Jumlègcs ,  écrivain  contemporain  ,  qui 
tous  placent  le  Heu  du  combat  fous  les  murs  de  la  vûle 
d'£u.  Baudoin  vécut  neuf  mois  après  fa  bleiHire ,  de  os 
mourut  qu'au  mois  de  Juin  1119. 


UïT     A    LA    HACHÉ. 


353 


tfès-griefve  blefchure,  que  le  conte  Baudcmyil, 
en  efcarmouçant  receut  xîn  fa  teftc  ,  Teftonne- 
pient  de  ceux  de  fon  party  fit  reprendre  courage 
à  fes  ennemis, , de  forte  que  la  chance  tourna 
au  détriment  des  Flamens ,  qui  auparavant  eftoient 
comme  afleurez  de  la  yiftoire.  Qui  doit  fervir 
d*exempje  à  tout  coudufteur  &  capitaine  géné- 
ral ^  de  quelque  armée  que  ce  foit  ^  de  ne  s'ex- 
pofer  tant  légièrement  à  tous  hazards,  veu  mef- 
naes  qu'il  doit  eftre  certain,  que  le  hbn  fuccè^ 
&  la  vie  d'un  capitaine,  caufe  fouvent  un  heu-^ 
reux  évent  («)  de  la  bataille ,  qui  parla  mort  de 
Ion  chief  plufieurs  fois  eft  perdue ,  ou  bien  ré- 
duifte  en  piteux  termes^  comme  advint  aufdîfts 
plamens ,  lefquels  au  taieux  que  leur  fuft  poffi-' 
bie  ie  retirèrent  vers  la  ville  d'Arras,  condui- 
fants  avec  eux  le  vaillant  Baudouyn,  lequel  vour 
lut  eftrç  mené  en  famaifon  de  Winendale;  mais 
èftant  parvenu  jufques  ^  Roulers,  ne  fuft  poffi- 
ble  de  le  conduire  plus  .avant,  obftant  (F)  Tur*» 
gente  &  extrême  douleur  de  fa  playe,'  qui  s'cftoit 
apôftiiméc  (r)  5  &  empifoit  de  jour,  à  aultre*  A 
raifori  de  quoy^  &  prévoyant  fa  mort  desjà  pro- 
chaine ,  confidérant  qu'après  fon  décès  fe  pour*- 
royènt  efmouvoir  plufieurs  débats  pour  la  fuc-* 
cefllon  de  Flandre ,  &  qu'au  moyen  d'iceux  lé 
pouvre  païs  pourroit  à  l'advenir  avoir  trop  à 
fouffrir ,  délibéra  d'y  mettre  ordre ,  faifant  à  ce$ 
fins  convoquer  vers  foy  les  eftats  de  Flandre^ 
lefquels  toft  après  fc.  trouvèrent  audiék  Roulers 
vers  leur  bon  conte,  qui  d'uije  bien  bonne  grâce 
leur  remonftra ,  que  le  feuî  fouçy  auquel  il  eftoit 
pour  ofter  les  différents  &  diffenfions  j  qu'après 
fa  mort  pourroyent  entr'çux  fouldre ,  pour  le 
faiél  de  la  fuccefiion  de  Flandre,  l'avoit  meu  de 


Le  COIK4 
Baudouyn 
en  efcar- 
mouchanc 
griefve- 
mem  blô- 
fclié  des 
AQglois» 


Ung-chief 
fe  doit  gar- 
der en  tou-' 
tes  bauii' 
les. 


dorivoeâ- 
tion  des  ef- 
tats deFIan- 
dre  à  Rou- 
lers. 


^^)  Evénement  ,  du  latin     (b)  A  cauft  de* 

eveotus.  (0  Formée  enpus ,  envenîméi^ 

Ç  ç 


Propos  du 
conte  Bau- 
douynpour 
induire  les 
cftats  de 
Flandre  à 
recevoir 
Charles  de 
Denemar- 
que  pour 
kur  conte. 


Charles  de 
Denemar- 
que  receu 
pour  conte 
deFiandre. 

L*an  II 19. 

Trefpas  de 

Baudouyn 

Hapkin. 


354     BAUDOÏN    SEPTIEME^ 

les  faire  appellcr,  enfemblc  de  leur  déclarer  & 
afleurer  qu'il  ne  cognoîflbît  prince  au  monde 
plus  digne  d'eux,  &  duquel  il  efpéroit  fi  doux^ 
prudent-,  &  gracieux  traitement ,  que  fon  coufin 
Charles ,  fils  du  roy  de  Denemarquc  (5)  »  qu'eux- 
mefmes  cognoîflbyent  de  longue-main ,  requé- 
rant pourtant  qu'ils  vouluflent,  &  mefmes  dès 
lors  pour  Tadvenlr  recevoir  ledift  Charles  pour 
leur  conte  &  feîgneur,  &  à  quoy  ils  devoyent 
d'autant  plus  volontiers  coftdefcendre  ,  qu'outre 
ce  quMl  feroit  effeftucllement  trouvé  autant  pro- 
che héritier  de  ladiftc  conté  ,  qu'aucun  autre, 
ils  fermeroyent,  par  ce  moyen ,  le  paflage  à  ceux, 
qui  foubs  prétext  du  droîâ  qu'ils  prétendroyent 
à  icelle  conté,  vouldroycnt  fufciter  aucunes  guer- 
res ou  tumultes  audiA  pais,  &  à  quoy  ils  de- 
voyent bien  &  diligemment  penfer.  Ce  dift,  & 
après  le  confentement  &  adveu  qu'à  ces  fins 
luy  donnèrent  lefdifts  eftats  de  Flandre,  il  décla- 
ra &  conftitua  pour  fon  fuccefleur,  &  héritier 
lediét  Char^s,  qui  au  mefme  inftantfut  defdidts 
eftatz  receu  ,  admis  &  recognu  pour  lenr  conte 
&  feîgneur.  Peu  après  le  conte  Baudouyh  print 
l'habit  de  moine  noir  (6) ,  &  trépaffa  paralytique 
le  quinzlefme  de  Juing  l'an  mil  cent  dix  &  neuf, 
ou  félon  autres  en  l'an  vingt,  &  fut  men4  à 
Salnft  Bertîn,  où  il  fut  enterré  avec  ledift  ac- 
couftrement  en  très-grande  pompe  &  magnificen- 
ce. Dieu  veuille  avoir  pitié  de  fôn  ame,  car  ce 
ftit  un  prince  très-vertueux,  vaillant  &  excel- 
lent, &  lequel  fur  tous  fes  prédécefleurs  eftoît 


(5)  Voyez  note  4.  du  chapitre  60. ,  p.  34^. 

(6)  Selon  le  favant  Mabillon.,  cette  coutume  a  fa  foorce 
dans  le  I2me  canon  du  sme  concile  de  Tolède  &  dans  le 
54me  du  I4me  concile  de  la  même  ville.  Le  même  écri- 
vain obferve  que  ceux  qui  prenoient  ainfi  l^abit  monafii- 
4jue  f  ne  pouvoient  plu«  le  qiUtter  >  s*il$  recouvcoient  la  famé. 


DtT    A    LA    HACHE. 


35âl 


kmy  &  grand  obfcrvateur  de  juftice.  Au  r€gard  de 
inadame  Agnèa  de  &retaigiie  fa  ftiQme  divorcée, 
je  ne  fçay  ce  qu'elle  devint,  fi  elle  fe  remaria  de-» 
puis,  quand  eik  trépafla,  ny  où  die  fut  enten-ée^ 

CHAPITRE       LXIII. 

De  raâvinement  de  Charles  de  Denemarque  à  là 
conté  de  Flandre^  Çf  du  commencement  des 
chevaliers  de  faintt  yehan ,  des  Templiers ,  G? 
des  Prémonftrez. 

CHarles,  fils  de  Cànut ,  roy  de  Denemarque  & 
de  madan»e  Adelis,  feconde  fille  de  Roherc 
k  Frifon,  fuccéda  en  la  conté  de  Flandre  au  fuf» 
diâ  Baudouyn  furnommé  Hapkin,  &  commença 
régner  th  Tan  mil  cent  dix  &  neuf,  aliàs  xx. 
Il  euft  (félon  qu'avons  cy-deffus  dédaré)pour 
femme  madaaie  Marguerite  allas  Zwaonahilde^ 
fille  de  Renault ,  conte  de  Clermont  &  d'Auver- 
gne (i),  &  avec  elle  la  conté  d'Amiens  &  le 
çhafteau  de  Jereufe.  Il  mérita  &  acquîff'ie  nom 
de  Bon ,  au  moyen  de  fes  vertus  &  fàiqjpe  vie. 
Il  fonda  en  l'églife  dé  çoftre  Dame  de  Brugéjs^  oà 
il  fit  iaire  le  chœur,  un  prévoit  &  huiék  chawi- 
nes.  Au  commencement  du  règne  de  ce  bon  con- 
te Charles,  fi  comme  eh  l'an  tnîl  cent  &  Vingt J 
l'ordre  que  nous  appelions  de  Pfémonftrez  fuit 
inftit'ué  foubs  le  bon  père  Norbert  de  Lorraine. 
Lequel  à  l'adveu^  &  du  confenteroent  du  pape 
Calixte^  &  deBarthôlomieu  Ça) ,  évefque  de  Laon , 


Pourquoi 
Charles  fut 
appelle  le 
Bon, 


L^an  II20, 

Comraen- 
cement   de 
Toodre  dc$ 
Prémoub 
ftrez. 


(«)  Bartbékmi,  * 

(i)  Sa  mère  étolt  Adèle  de  Vcnaandois  :  Jiainaîdfn  cù^ 
mes  ...  .  €X  4d<îadd  v^romandsnfi  ^oaHiJfd  génnU  Marga* 
retam  conjugtm  iliius  praeiari  CaroU  Flandrfjtfmm  comUis. 
Selon  les  fràres  de  Ste.  Marthe,  il  étok  coDUe  de  Clenaont 
en  3Mttvaifis  ^  non  de  CUrmom  m  Anveicgae.  Nptk%  la 
mon  de  Charles  ,  Adèle  époufa  Hugues  de  Champd'awpe. 

C  ç  S 


tiermaft 
Laudun. 
Vréd.,gdn. 
des  comtes 
de  Flandre. 
Mir.  donat, 
piar. 


35f« 


C    H    A   H    L    E    S5 


Règle  de 
falnt  Aù- 
guftin. 


L*an  1121. 

Commen- 
cement de 
Tordre  des 
Templiers, 
&  pour- 
quoy  il  fut . 
iniUtué. 


dcfccndit  à  Prémonftré,  où  il  vefcut  une  trê** 
fainftevie,  eft  compagnie  âe  treize  religieux  de 
Tordre  de  fainft  Auguftin,  qui  le  fuyvirent^ 
tenant  la  règle  dudiâ  falnft  Auguftin,  félon  les 
conftitutions  que  luy-mefme  avoit  mis  fus  Ça) 
&  aufquellesledift  Norbert  adjouila  plufieurs  bons 
articles  (2).  L*an  enfuyvant  qui  fut  mil  cent  vingt 
&  un ,  commença  femblablement  Tordre  des  Ti  m- 
pliers  en  Hiérufalem ,  foubs  Hugues  de  Paj^ans 
&  Galfaert  de  Sainfl:  Orner,, qui  en  furent  les 
inventeurs,  lefquels  avec  fept  autres  chevaliers, 
firent  vœu  de  fervir Dieu,  foubs  la  règle  de  faincft 
Auguftin,  réfervé  qu'au  lieu  de  lire  leurs  heu* 
res,  ils  réciteroyent  chafcun  jour  certain  nom- 
bre de  Pater  nofter^  pour  autant  qu'ils  eftoyent 
du  tout  lays,  &  ne  s'entendoyent  à  la  lefture 
defdiftes  heures.  Si  fuft  le  fufdiâ  ordre  premiô* 
rement  inftitué,  pour  tenir  les  chemins  ouverts 


Bolland. 
6.  Juin.' 

Herm.  Lau- 
dun&  chro- 
nol.  Ro- 
bert, au 
rec.  des 
hift.  de  Fr. 
t.  13. 


(tf)  Etablies. 

(2)  St.  Norbert  né  de  parens  nobles  vers  Tan  1080.  I 
Santen  dans  le  duché  de  Cléves»  sVtoit  attaché  d*abord 
i  Tempereur  Henri  V.»  en  qualité  de  chapehiin.  Déterminé  k 
embrafler  un  autre  genre  de  vie,  il  aUa  trouver,  en  11 18. , 
le  pape  Gélafe  II.  qui  étoit  alors  dans  le  Languedoc  ,  fie 
obtint  de  lui  la  pcrmiflion  d'aller  prêcher  l'Evangile  pat-tout 
où  il  voudroit.  L'année  fuivante,  il  fe  tranfporta  à  Rheims 
où  il  obtint  de  Calixte  IL  la  permiflion  d'iniUtuer  un  nou- 
vel ordre  religieux  dont  il  approuva  la  règle.  L'évéque  de 
Laon ,  Barthélcmi ,  féconda  Ton  zèle  apoftolique  »  &  comme 
St.  Norbert  vouloit  s'établir  loin  des  villes,  in  locis  dcfertis 
fir  incuit iSf  il  le  conduifit  dans  le  bols  de  Voy,  au  territoire 
deCoucy,  où  il  jetta  en  11 20.  les  fondemens  defon  ordre» 
en  un  lieu  appeUé  Prémontré ,  Pratum  monjlratum  ou  Pra- 
monfiratus,  La  Flandre  &  le  Brabant  furtout,  furent,  pour 
un  moment ,  le  théâtre  des  travaux  de  St.  Norbert.  Il  y 
combattit  &  terraflk  l'héréfiarque  Tanchelin  dont  le  fàfte 
extravagant  égalolt  l'audace  &  l'impiété.  Peu  de  tems  après* 
l'on  vit  s'éublir  dans  la  Belgique  pluûeurs  abbayes  de  Tor- 
dre de  St.  Norbert.  ^ 


-  DIT    LB    BON   ou    LE    SAINT.    357 

ixmtre  les  larrons,  qui  deftrouflbyent  les  pèle- 
rins venants  vers  '  la  fainôe  Cité ,  &  lequel  or- 
dre fut  depuis  confirmé  par  le  pape  Honorius, 
&  Éftienne,  patriarche  de  Hiérufalem.  Lefdifts 
Templiers  militoyent  au  fouverain  Dieu  en  obéif- 
fance,  chaftçté  &  pouvreté,  &  portoyent  à  leur 
commencement  des  manteaux  blancs  fans  croix; 
mais  par  fucceOion  de  temps,  ils  attachèrent  à 
l«urs  manteaux 'blancs  dçs  croix  rouges,  &  fu- 
rent nommés  Templiers,  pour  ce  qu'ils  fe  tenoyent 
au  portail  du  temple  de  Hiérufalem.  Aufquels  le 
Roy  Baudoâyn  &  autres  firent  depuis  tant  d'au- 
mofnes ,  qu'ils  devindrent  les  plus  riches  de  tous 
les  autres  ordres.  Environ  ce  mefme  temps ,  com- 
mença femblablement  en  Hiérufalem,  un  aultre 
ordre  de  ceux  qui  adminiftroyent  (^)  auxpou- 
vres  pèlerins ,  &  autres  mal;jdes  en  un  hofpîtal, 
qui  s*appelloît  Thofpital  de  fainft  Jehan ,  &  fu- 
rent veftus  de  manteaux  noirs  à  une  ^roix  blaa- 
che,  lefquels  auflï  en  peu  de  temps  acquirent 
des  aumofnes  que  les  princes  &  pèlerins  leur  fai- 
foyent ,  fi  grande  cevance ,  qu'ilz  en  açate- 
rent  (A)  plufieurs  rentes  &  revenus,  enfemble 
des  terres  &  pofleflîons  fans  nombre,  par  tous 
les  endroits  de  la  chreftienté,  &  font  ceux  mef- 
mes  qu'aujourd'huy  bous  appelions  chevaliers 
de  fainft  Jehan  (3).  Defquels  &  du  commence- 


Commen- 
cement de 
Tordre  des 
Chevaliers 
de  ftinâ 
Jean. 


(tf)  Servoient. 


Ch)  Achetèrent. 


(3)  L'ordre  des  Chevaliers  Teutoniques  eft  à-peu-près  da 
même  tems ,  &  doit  également  fon  origine  à  la  défenfe  des 
lieux  faints  &  des  chrétiens  qui  les  alloient  vifiter.  „  Les 
„  fondateurs  de  Tordre  des  Templiers  &  de  celui  des  Che- 
„  valiers  Teutoniques  auroient  eu  peine  dans  la  fuite  k 
^  reconnoltte  leurs  fucce^urs ,  dit  le  P.  Hénault,  11  n'y  a 
^  eu  que  les  Hofpitaliers  qui ,  confervant  Tefprit  de  leur 
„  première  inlUtuiion ,  ont  toujours  continué  depuis  k  dé- 
^  fendre  la  religion  cooirç  les  enoreprifes  des  Turcs.  ^ 


358  CHARLES, 

nient  de  tous  antres,  que  cy-apfès  feront  inftî* 
tuez  ,  je  fois  Se  feray  mention  pouf  la  raHbn 
cy-^efios  reprtefe,  fans  que  }e  me  poifle  per* 
fuadef  que  mon  hiftoire  doive  pour  ce  fenibler 
au  leftenr  extravagante  ,  &  fans  continuation  j 
pour  à  laquçîle  retourner,  je  veux  préfentemcnt 
Vous  mettre  devant  les  yeux,  les  bonnes  condt* 
tions,  înftitntîons  &  ordonnances  de  nôftre  bon 
Charles,  conté  de  Flandre,  duquel  nous  avons 
desjà  commencé  1^  difcôurs» 

CHAPITIVE         LXîV. 

pes  vertueufes  ordonnances  du  bon  conte  Charles  | 
^  comment  au  moyen  de  la  douagsère  de  Flan-^ 
dre^  gui  vouloit  avancer  Guillaume  de  Loo^  4 
la  conté  dudi&  Ffandre ,  //  euft  plufieurs  fafce^, 
ries  (a)  avant  ejire  patfible  dt^diÔ  paUs. 

E  bon  çoîite  Ch^rie«  avoit  dès  lé  commen* 
'cernent  de  fon  gouverhetoent ^  &   mefmcs 
avoit  eu  auparavant,  continueHeUflent  en  fa  com- 
pagnie trois  notables  religieux,  dofteurs  pn  théo- 
logie, kfqiiels  journellement  après  fouper   luy 
prapofoyent  &  expllquôyent  un  chapitre  ou  deujt 
du  Bible  ou  d^autres  Kvrès  de  la  ftimfte  efcrip* 
tiire ,  en  quoy  il  prendoit  un  fingulie?  plaifir*  Il 
Le  devoir    ^^  deffenfe  à  chafcun  fiir  peine  à&  perdre  un  mem* 
4uboncon.    bre^  de  jurer  p^vr  te  Rom  d«  Pieu^  ny  par  cho- 
versïnom    ^^  V^^  tpuchaft  à  Dieu  ou  à  fes  fainfts^  Et  quand 
4e  Dieu.        aucun  de  fa  maifon  cftoit  trouvé  en  celle  faute, 
H  le  faifoit  outre  ce,  jeufner  quarante  jours  au 
pain  &  à  Tenue.  A  la  ipfcnne  volonté  que  (A) 
tous  roys,  princes  &  feigneufs  de  noftre  temps 
gardiflent  cefte  honnefteté ,  6ç  bojiné  couftume 
en  leurs  cours  &  maifons.  Ton  Jie  trouvcroU 


T 


C")  SbtertllH.  (*>  8*Um  '«W  ,  }i. 


dît    le    bon    ou    le    SAINT-    359 

tant  de  blafphémateurs  du  nom  de  Dieu,  qu'U  y 
a  préfentement.  U  ordonna  que  tous  ceux  qui 
font  condempnez  au  dernier,  fupplice,  fufient 
confeflez,  &  qu'un  jour  devant  l'exécution, 
on  leur  adminiiîrafl:  le  fainâ  Sacrement,  ce  que 
paravant  on  n'eftoit  accouflumé  d'obferver.  U 
eftoit  merveiUeufement  févère  &  rigoreux  con- 
tre les  forchières  ,  enchanteurs ,  négromanciens 
&  autres  qui  s'aydoyent  de  femblables  &  in- 
deues  arts  (a).  Il  tafchoit  de  tout  fon  povoir, 
de  conferver  fon, peuple  en  amour,  tranquillité 
&  union-  Il  eftoit  grand  aumofnier,  &  faifoit  luy- 
mefme*  volontiers  fes  aumofnes.  Il  avoît  ordi- 
nairement au  difner  en  fa  falle  ou  chambre  treize 
pouvres ,  lesquels  il  faifoit  fervir  du  mefme  que 
fes  chevaliers  &  feigneurs*  Il  fit  publiet  ep,  la 
ville  de  Saîrifl:  Orner ,  par  ceux  de  fon  confeil , 
la  fufdîfte  paix  [  que  les  Flamens  appellent  h€er^ 
lycJte  vreâe  ÇF)  ]  &  que  Baudouyn ,  fon  prédécef- 
feur,  avoit  introduift  (i),  ou  faift  renouveller, 
adjouftant  à  îcelle  paix  plufieurs  autres  bons  ar- 
ticles; fi  comme,  que  perfonne  n'affaîllit  de  nuift 
la  maifon  d'autruy  fur  peine  de  la  vie.  Que  per- 


LeboacoB' 

te  Charles 
ordonna , 
que  ceux 
qu*on  de- 
voit  exé- 
cuter par  le 
dernier 
fupplice , 
f uilent  con- 
feOez. 


Le  bon  con- 
te Charles 
faifoit  vo- 
lontiers luy 
roefhie  fes 
aumofnes. 

Publica- 
tion de  la 
paixpublic- 
quc  appel- 
lée  en  fla- 
nveng,  heer- 
ïyckcvredc» 


(tf)  Artifices  SUigUimes, 


(*)  Lfi  paix  du  Seigneur, 


(i)  Cette  paix  q^e  Baudoin  à  la  Hache  fit  jurer  à  fes 
vaflaux  &  que  Charles  le  Bon  renouvelle  ici,  prouve  quelle 
^toit  alors  la  barbarie  des  mœurs ,  6c  il  quels  excès  fe  por- 
toient  les  brigandages  des  feigaeors.  Les  comtes  de  Flandre, 
pour  remédier  à  ces  défordres.,  fe  virent  contraints  d'imi- 
ter les  rois  de  France ,  qui  venoient  de  recourir  à  l'auto- 
rité eccléfiaftique  pour  réûréner  cette  licence.  On  tint  de» 
conciles  dans  diverfcs  provinces ,  Ôc  l'on  y  fit  des  régie- 
mens  particuliers ,  pour  maintenir  la  paix  entre  les  particu- 
liers. L'an  1041. ,  on  porta  une  loi  qui  défendoit  les  xrora- 
bats  particuliers  depuis  le  mercredi  au  foir  jufqu'au  lundi  P.  Hénault. 
matin  y  pour  le  refpeft  que  l'on  doit  à  ces  jours  que  J.  C. 
a  confacrés  par  les  derniers  myllères  de  ft  vie.  Cette  trêve 
«'appella  la  trive  du  Seigneur. 


^60 


Charles, 


Aulcuncà 
ptdonnan- 
ccs  du  bon 
conte  Char- 
les pour  It 
tranquillité 
du  païs. 


tc«  Juyfi 
bannis  de 
('Jandre. 


Rude»  ffcns 
fiu  Well- 
quarticr  de 
^landrp, 


fonilc  ne  boutafl:  le  feu,  ny  menachaft  de  ce  ùihû  ' 
en  la  maifon  ,  eftable  ou  grange  d'autruy ,  lur 
peine  que  dcffits.  Que  perfonne  ne  logeaft  garr 
ions  ou  vagabonds  ,  fur  peine  de  reftaurer  les 
dommages  &  intdrefts  quMls  auroyent  fSaiA  à 
autruy.  Que  perfonne  ,  de  quoique  qualité  ou 
condition  qu'il  fût,  s'advanchaft  d'emmener  ou 
faire  emmener  les  enfans  fans  le  confcntemenc 
de  père  ,  mère  ,  tuteurs  &  autres  parents  ,  avec 
plufieurs  articles  qui  feroyent  trop  longs  à  rér 
péter ,  &  lesquels  tendoyent  pour  tenir  le  peuple 
en  bonne  paix  &  concorde»  11  chafla  &  bannit 
de  FLindre  tous  Juyfs&ufuriers, lesquels  avoyent 
auparavant  illec  vefcu  foubs  tribut  ;  difant  qu'il 
ne  les  vouloit  fouflVir,  jufques  à  ce  qu'ils  euflcnt 
fatisfaiA  &  amendé  le  meurdre,  par  eux  commis 
en  la  perfonne  du  fils  de  leur  Seigneur,  lleftoit 
mervejlleufcmcnt  bon  juftiçier ,  de  forte  qu'il 
condraingnit  ceux  qui  ayoyent  accouftumé  d'opref- 
fcr  les  pouvrcs  gens ,  d'eux  en  défifter  ;  contre 
lesquels  il  ufoit  d'une  telle  rigueur,  que  les  pou- 
vres  gens  vivoyent  en  bonne  paix  &  tranquillité. 
Et  pour  autant  que  plufiçurs  rudes  gens,  de- 
mourants  au  Wcftquartîer  de  Flandre  fur  left 
marches' &  limites  de  la  mer,  commettoyent  plu- 
fieurs homicides,  &  efpandoyent  beaucoup  de 
fs^ng  humain  par  arcs  &  par  flèches  ,  le  bon 
conte  défendit  par-tout,  que  nul  fus  la-hart  (jf) 
s'advançaft  de  porter  arcs  ,  fagettes  ny  flè- 
ches ,  faifant  au  rcfte  continuellement  entre  par- 
ties bonne  &  brtefve  expédition  de  juftice.  Afon 
ïidvèncment  en  la  conté,  &  gouvernement  de 
Flandre  il  eufl  plufieurs  fficheries  &  travaux  avant 
povoir  payfiblcment  jouyr  d'iccluy  païs.  AuqueF 
madame   Clémence,  mère   du  fbfdiifl  Baudouyn 


Xa)  Sous  peint  de  la  corJe^ 


6IT    LE    BON    ou    LE    SAINT.    361 

Hapkin  prétendoit  avancer  &  entfairoiiifer  Guil» 
laume  de  Loo  fon  neveu,  Jls  dé  feiu  Philippe 
de  Flandre,  &  de  la  fille  de  Guillaume ,  feigneur 
jde  Loo  (a)*  Et  pour  plus  facilement  parvenir  à 
fon  intention,  &  afBn  d*à  ce  eftre  fecourue  par 
aftrangiers,  elle  fe  remaria  à  Godeiroy  à  la  Barbe, 
duc  de  Brabant  (dont  cy-deflus  a  efté  parlé)  & 
praéliqua  Talliance  des  contes  de  Hainault, 
de  faina  Pol  &  d'Hefdin,  enfemble  d'Euftace, 
avoué  (3)  de  Thérouane,  avec  plufieurs  autres, 
qui  d^autant  plus  volontiers  adhéroyent  à  ladiéle 
Clémence,  pour  ce  que  le  bon  conte  Charles, 
infiftant  aux  traces  dudlél  feu  Baudouyn  fon  préi- 
décefleur,  avoit  faiû  publier  la  fufdifte  paix,  aur 
trement  appellée  heirlycke  vrede^  &  à  laquelle 
ils  ne  vouloyent  aucunement  obéir.  Au  moyen 
de  quoy,  le  conjre  de  Flandre  aflembla  bonne 
trouppe  de  gens,  &  aflaillit  le  chaftel  de  fainét 
Pol,  qu*il  fit  defmollir,  print  prifonnier  le  conte 
Gaultier  d*Hefdin  ,  lequel  il  déshérita  perpé- 
tuellement de  fa  jconté  qu^l  applicqua  au  domf» 
main,e,  &  à  fon  païs  de  Flandre.  Peu  après  il 
conftraingnît  venir  à  fon  obéiflance  le  conte  Bau- 
douyn de  Mons  &  Thomas  de  Couchy  (  filz  de 
ce  feigneu):  de  Cojuchy ,  du  quel  nous  avons  par- 
lé en  rhiftoire  d*Arnould  le  Simple)  Icfquels  cou- 
ftumièrenvent  molcftoyenf  Ja  Flandre  par  leurs 
excurfions  &  pilleries.  Il  oftaft  auflî  à  la  contefle 
Clémence  les  yîUes  de  Dîxmude,  Aire,  Calfel, 
Sainél  Venant  &  autres  que  pour  affiguation  de 


Madame 
Clémence  , 
douagière 
de  Flandre, 
prétend  ad» 
vancer  à  U 
conté  de 
Flandre 
Guillaume 
de  Loo. 

Madamç 
Clémence 
fait  plu- 
fieurs al- 
liances 
çoure^put- 
1er  le  ooa 
conte  Char« 
les  du 
de  Flan< 


idrc. 


Leboncon* 
te  Charles 
prend  & 
îaid  des- 
mollir le 
chaftel  de 
Sainâ  Pol. 

Leboncon<» 
te  Charles 
ofte  à  la 
douaffière 
de  Flandre 
plufieurs 
villes  à  ellQ 
allignées^ 
audlaFIah^ 
dre  pour 
fon  oouairc 


(à)  Voyei  n*  i.  du  chap.  53.,  p.  303, 

(3)  Ce  mot  fignifie  patron  ou  proteAcur  d'une  églife, 
Ainfi  ce  comte  Euftache  étoît  protcAeur  de  IV^glife  de  Thd- 
touanne ,  comme  les  feigneurs  de  Béthune  Tétoicnt  de 
^t.  Waaft  d*Arras,  comme  les  comtes  de  Louvain  IMtoient 
4e  régUfe  de  Nivelle ,  ^  les  Beithauts  de  Téglife  de  Ma^" 
fines  &c. 


Gomicourt« 


363 


C    II    A    R    L    £    8, 


ï)'*fwt  vcr- 
htl  entre 

de  t^no  & 

le  bon  con- 
te Clttrlc» 
vfmr  h 
hcctfùon 
âcFfindrc. 


L'an  iiî5. 

AmbafTa- 

bon  cottto 
Charle»  ii 
rctn|>crcur 

Lotairc. 


ibn  douaire  hty  avoyent  efté  laifTéea  &  accordée!» 
Ce  faiA,  il  s^achemina  vcra  Thérouane,  laquelle 
il  prittt  aflc£  Ugièretnent,  &  fit  defmoUIr  le  chaC» 
tel  qu'£u/lace ,  avoué  de  Thérouane ,  y  avoit  faiâ 
cxfliruire  Ça)  fur  le  chemitière  (i)  de  noftre  Da- 
me* £t  au  regard  de  ce  que  le  fufdiA  Guillaume 
de  Loo  maititcnuit  debvoir  eftre  préféré  à  luy 
en  ladiéle  conté  de  Flandre,  fouba  prétext  qu'il 
fe  difoit  eftre  dcfceudu  de  telle  mafcuUoe,  te 
quMccluy  Charlca  renoit  de  ligne  féminiqe,  le 
fufdiél  Charles  luy  fit  refpondre,  qu'il  eftoit  phu 
aagé  >quc  lediA  Guillaume,  &  que  par  la  couftu« 
me  de  la  couronne,  (de  laquelle  Flandre  eftolt 
tenue)  le  plus  anchien  parent  en  un  meitne  de« 
gré  ffllfoit  1  préférer  en  fucceiHon  de  fiefii  à  tous 
autres.  Finablement  ce  différent  fut  appaift, 
moyennant  quelque  fomme  d'argent ,  &  certaine 
partie  de  felgneurie  au  Weftquartier ,  qui  par 
forme  de  partage,  fut  aflignée  audiél  GuiUauroe, 
Et  de  ceftc  forte  lediél  bon  Charles  demeura 
paiflble  fcigneur,  &  conte  du  païs  de  Flandre* 

CHAPITRE       LXV. 

De  ta  grande  famine  qui  au  tempi  du  bon  conte 
Charles  fufl  en  Flandre  ,  6*  aux  ptût  drcuni' 
voi/lns ,  &  des  grands  devoirs  ausquelf  kdlH 
conte  pour  obvier  à  ladlUte  famine  fe  mit  ,  en- 
femble  des  caufes  de  la  confpiratlon  de  ceux  de 
Vande  Straten  contre  Iceluy  bon  conte. 

LE  bon  conte  Charles  devenu  payfiblc  au 
gouvernement  de  Flandre,  envoya,  environ 
Tan  mil  cent  vingt  &  flx,  l'abbé  de  fainél  Pierre 
&  le  chnftclain  de  Gand ,  fes  ambaflTndeurs ,  vers 
Lotaire,  lors  nouvellement  eflcu  il  empereur  au 
lieu  de  Henry  le  clnquiefme  (  qui  eftoit  un  peu 


W  Bdtlr, 


(0  Cimtliru 


PIT    LE    BOM   ou    LE    SAINT.    3^3 

auparavant  terminé  )  &  lequel  Lotaîre  faifoît  au^ 
dift  temps  fes  Palques  en  la  ville  de  Coulongne; 
#n  la  prérence  duquel  eftants  leWifts  ambaffa- 
deurs  venus ,  déclarèrent  la  charge  de  leur  am- 
baflade,  laquelle  en  effeft  confiftoit  en  Tadver- 
tence  qu'ils  fifrent  audidl  empereur ,  que  le  conte 
Charles  leur  fouverain  feigneur  eftoit  preft ,  pour 
venir  vers  luy,  tant  aflSn  de  luy  faire  la  révéren- 
ce, que  pour  luy  prefter  Thommage,  &  ferment 
de  fidélité,  d^u  à  raifon  de  ce  qu'il  tenoit  de 
l'empire.  Et  fut  ladifte  légation  receue  6ioult  bé- 
nignement  dudit  empereur,  lequel  pour  reffeft 
que  deflus  affigna  jour  au  conte  Charles  pour  la 
fainft  Jehan  lors  prochaine,  &  en  la  ville  d'An- 
vers. A  laquelle  néantmoins  Iç  fufdift  empereur 
ne  vint  au  jour  aflîgné,  obflantz  les  empefche- 
ments  que  depuis  luy  furvindrent ,  au  moyen  des 
féditîons  &  difRrentz  que  les  princes  de  Lotarin- 
ge  avoyent  contre  luy  meues  &  fufçitées  (i). 
Peu  après,  fçavoir  audift  an  vingt  &  fix,  fuf-, 
rent  veues  en  plufieurs  lieux  des  chofes  bien  ad- 
mh^bles,  &  fignamment  au  pais  de  Brabant,  où 
une  femme  enfanta  d'une  portée  quatre  enfaûs 


Prodiges  e9 
Fhmdre  ^ 
firabapc, 


(i)  L'emperçur  Henri  V.  étant  mon  à  Utrechten  lias., 
fans  laiffer  d*ei|fant,  les  princes  &  les  grands  de  T  empire 
lui  avoient  donné  pour  fuccelTeur  Lothaire ,  duc  de  Saxe, 
Cette  éleâion  ayoit  déplu  fouveralnement  à  plufieurs  fei- 
gneurs  Lotharingiens  >  mais  furtout  à  Godefroi  le  Barbu  qui 
turoit  voulu  qu*on  préférât  à  Lothaire ,  Conrad  ,  neveu  de 
Henri.  Il  refuTa  de  reconnottre  pour  empereur  Lothaire  qui 
le  dépouilla  du  duché  de  Lotharingie  ,  pour  le  donner  à 
Walletan,  duc  de  Limbourg.  Nous  ajouterons  ici  que  dans 
la  diète  où  Ton  délibéra  fur  le  choix  du  fuccefleur  de  Henri, 
quelques  princes  de  Tempire  jettercnt  les  yeux  fur  Charles 
le  Bon ,  comte  de  Flandre ,  qui  content  de  fon  fort  &  dé- 
daignant la  couronne  impériale ,  préfera  le  plaifir  de  régner 
fur  les  Flamands  qu*il  'chériflbit  comme  fes  enlans ,  à  la 
gfoire  d'être  aifis  fur  le  trône  de  Tempire  d'occident* 


Gr.  chroUf 
Belg.  an. 
1IÛ9. 
Anfeln^ , 
II 27. 

Butkens, 

Aa.  ss- 

t.  i.Mars, 
p.  180. 


-3«4 


CHARLES, 


Vaminc  gé- 
nérale en 
Flandre , 
Brabanc  ôc 
ancres  païs. 


Les  cervoi- 
fcs  delFen- 
dues  &  les 
chiens  & 
veaux  tuez 
en  Flandre 
pour  ob- 
vier à  la 
chicreté. 


Libéralité 
du bon  con- 
te Charles 
vers  les 
pouvres  att 
temps  de 
ladite  fa- 
ilûue. 


Impiété  de 
ceux  de 
Vande-Stra- 
ten  durant 
la  fufdicte 
chiereté. 


laafleSç&enHafprugC^),  une  autre  pou vre  femme 
engenàraun  enfant  monftrueux,  ayant  deux  corps, 
dont  la  partie  antérieure  eftoit  figurée  d'homme 
f&  celle  de  derrière  avoit  la  façon  d'un  chien, 
ayant,  au  relie  deux  telles.  Et  toft  après  fuyvit 
une  famine  générale  par  les  païs  de  Flandre, 
Brabant,  Hainault,  &  autres  circonvoifins ,  fy 
très-grande  &  extrême,  que  Ton  trouvoit  parles 
rues  &  chemins  leS  gens  morts  dç  faim  en  nom- 
bre incomparable.  Pour  à  laquelle  famine  obvier, 
.&  affin  qui^  les  vivres  fuflent  de  tant  meilleur 
prix,  le  bon  conte  Charles  fit  par  tout  le  païs 
de  Flandre  deffcndre  les  cervoifes  (Ji)  &  tuer  les 
chiens  &  veaux,  ordonnant  que  tous  les  greniers 
des  marchands  de  bled  fuflent  ouverts ,  &  que 
lefdiéts  bleds  fuflent  vendus  &  difl:ribués  à  prix 
^  raifonnable  j  faifant  aufurplus  entous  les  lieux  auf- 
quels  il  fç  trouvoit,  une  infinité  d'aumofnes,  & 
trop  longues  à  réciter.  Parquoy  mç  contenteray 
de  vous  déclarer  la  libéralité^  dont  il  ufa  en  la 
ville  dTpre,  affin  que  par  ceue-cy  vous  puiflîez 
mefurer  le  .bien  qu'il  povoit  avoir  faiA  es  autres 
villes,  &  lieux  de  fon  dommaine,  Eftant  doncle» 
dît  bon  conte  audifl;  Ypre,  &  ayant  merveilleu- 
fement  grande  compaflîon  des  crys  &  lamenta- 
tions de  fon  pouvre  peuple  preflié  de  l'intolérable 
mal  dé  faim ,  ordonna  un  jour  entr'autres  que 
de  fon  frument  (c)  on  difliribuafl:  aux  pouvres , 
jufques  à  fept  mille  &  huiél  cents  pains  d'un  marc 
la  pieche,  qu'eftoit  une  grande  libéralité,  fy  nous 
voulons  confidérer  l'extrémité  &  néceflîté  du 
temps  d'alors.  Lé  mefme  conte  fe  trouvant ,  du- 
rant icelle  famine ,  en  fa  ville  de  Bruges ,  fut  ad- 
verty  que  meflîre  Bertholf  Vande  Straten ,  prévoft 
de  fainél  Donas  &  chancelier  de  Flandre ,  JLam- 


Ça^  EnHashaU,    . 

CO  Bicrn^  en  latin  cercviûa. 


(c)  Froment ,  bled* 


t^îT    LE    BON    otj    LE    SAINT*    563 

bert  &  BoulRert  Vande  Straten ,  fes  frères ,  &  au- 
tres de  leurs  parentz,  avoyent  de  longue-main 
amalTé  quafi  tout  le  bled  du  quartier,  mefmes 
qu'ils  avoyent  par  enfcmble  faîft  monopole ,  re- 
tenantz  lefdifts  bleds  en  leurs  greniers,  lefquels 
fls  ne  vouloyent  vendre  à  raifonnable  prix,  & 
qu'à  raifon  de  ce ,  la  foulle  du  menu  peuple  mou- 
roît  de  pouvreté  ,  à  laquelle  néantmoins  par  le 
moyen  defdîfts  bleds,  on  pourroit  légièremeût 
pourveoir.  Qui  fut  la  caufe  que  le  bon  conte 
fans  foy  foucyer  ny  de  la  graudeur,  ny  de  la 
puiflance  defdîfts  de  Vande  Straten  (quieftoyent 
des  plus  apparentes  de  tout  le  paîs  de  Flandre  > 
envoya  fon  aumofnîer  appelle  Thammaert  (a), 
chaftelain  de  Bourbourch ,  pour  par  main  fouve- 
raîne  (ai)  lever  de  leurs  greniers  les  deffus-difts 
bleds ,  lesquels  il  fit  diftribuer  &  vendre  à  raifon- 
nable prix ,  quy  fut  configné  es  mains  defdifts  de 
Vande  Straten,  ausquels  néantmoins  il  avoit  laiffé 
une  provifion  fouffiflante  pour  eux  &  leur^  fa- 
milles ^  mefmes  pour  le  chapitre  dudift  fainft  Do- 
nas.  Non  obftant  quoy ,  ledift  prévoft  &  fes  frè* 
res ,  conceurent  une  merveilleufe  indignation 
contre  lèdiû  Thammaert,  à  rinftîgation  duquel 
ils  eftimoyent  ladidle  diftribution  avoir  efté  faifte. 
Et  fuyvant  ce,  luy  fifrent  plufieurs  rudefles  & 
dommages,  en  fes  jardins,  maifons  &  poffef- 
fions  (3)  9  eux  aydantz  à  ces  '  fins  de  Bouifaert 


(tf )  Par  autorité» 


TliflMM^ftP 
chiftelaîii 

boiiTch^ai»^ 
mofiiier  da 
bon  conte 

Charies. 

Leboncoo^ 
te  Charles 
Met  lever 
les   bleds 
des  gre-     . 
niers  de 
ceux  de 
Vande  Stn- 
ten ,  &  les 
faiâ  diftri- 
buer à  ni- 
fonnable 
prix. 

Caufes  de 
la  confpira- 
tien  de 
ceux  de 
Vande  Stra- 
ten contre 
le  bon  con- 
te Charies. 


Ca)  Meyems  rappelle  Tagmare  (Tagmams)  &  lé  fiic 
anmônier  du  comte  de  Flandre. 

(3)  Le  comte  avoit  ré<iffi  à  réconcilier  d^abord  les  Fan- 
der  Stratun^  leurs  complices  avec  fon  aumônier  Tagmare; 
mais  ayant  été  obligé  de  quitter  la^  Flandre  en  II2<Ç.,  pour 
aller  porter  du  feconrs  à  Louis  le  Gros  contre  le  comte 
d* Auvergne  &  le  duc  d* Aquitaine ,  qui  avoient  provoqué  ^t. 
colère  %  les  Vander  Stratttn  renouvellerent  leurs  malverfa* 


Suger,  vie 
de  Louis  le 
Gros,  & 
chron.  St. 
Den.  an. 


$66 


C    M    A    11    L    E    Si 


tour ce que 
fioufTaert 
VandeStra- 
ten  n'oWyt 
k  l'adjouf- 
nemcnt  à 
foy-  faiâ , 
ics  maifons 
/  font  bruf-' 


\ 

Adioûrite* 
ment  fur 
matière  de 
trefves  en- 
f^inaes. 


Vande  Straten ,  neveu  dudia  prévofl:  &  fils  de  Lam- 
bert Vande  Straten*  Lequel  Bouflaert  fut  finable- 
ment  adjouroé,  pour  comparoir  en  perfonne  en 
la  court  du  conte  Charles ,  &  Ulec  rendre  raifon 
des  excès  &  outrages  commis  contre  lediA  Tham- 
maert,  &  à  railbn  que  ledift  Bouflaert  ne   com- 
parut au  jour  aflîgné ,  il  fuft  condemné  de  ren- 
dre à  partie  adverfe  tous  intérefts  &  domroaige^ 
foufferts,  mefmes  que' pour  la  non  comparition, 
les  maifons  d^iceluy  Bouflaert  feroyent  abbatues& 
bruflées.  Qui  aygrit  merveilleuftment  lediA  pré- 
voft  &  fes  adhérents^  lefquels  toutefois  furent 
aflez  davaotage  irritez  ^  par  une  fentence  que  le 
bon  conte  Charles  prononçafur  l'incident  quy  s'cn- 
fiiyt.  L^  fufdîft  prévoft  avoit  un  beau-fils  ma- 
rié à  a  fille  9  homme  fort  hautain  &  eflrange- 
laent  orgueilleuse,  lequel  peu  après  les  chofcs  que 
deflus,  fit  adjoumer^un  autre  ehevalier  en  la 
court  du  conte,  fur  matière  de  trefves  enfrainc^ 
tes.  Et  après  demande  faifte ,  le  chevalier  def- 
fcndeur  déclara  n'eftre  tenu  dé  refpondfe,  pour 
eç  que  le  cheValier  demandeur  eflioit  de  fcrfve 
condition,  entant  qu'il  avoît  efpoufé  la  fille  du 
prévoft  qu'il  maîntenoît  eftre  ferfve*   Au  moyen 
de  laquelle  refponfe  ,  fourdireiit  grandes  &  fu« 
perbes  paroUes ,  entre  lefdiéts  deux  chevaliers  en 
la  préfence  du, conte,  lequel  à  çeflie  occafion  re-' 
mit  lediét  affaire  à  une  aultre  journée,  que  peu 


tions  contre  Tagmare ,  ravagèrent  fes  poiSêflions  ,  décrmiF 
rent  un  château  qui  lui  appartenoit ,  tuèrent  ceux  qui  ofe- 
xent  leur  réfifter  &  emportèrent  tout  ce  qu*il8  purent  ëe« 
biens  de  leur  ennemi.  A  fon  retour  de  France,  ChArlet  mit 
Du  frein  à  ces  excès  puniiTablcs,  fit  adTembler  une  grande 
partie  de  la  noblefle  de  fes  éuts  «  ^  il  fut  r^olu  que  Bur* 
chard  ou  Bouchaert ,  Tun  des  plus  audacieux ,  feroit  traîné 
en  )uftice.  Cette  jufte  févérité  &  plus  encore  le  procès  dont 
il  eft  parlé  plus  bai,  portèrent  à  fon  combk  la  huine  do 
Vandcr  StracttA  contre  leur  fouveraip^ 


DIT    LE    hOU   ôo'    LE    SAINT.    s^7 

après  fe  tiendroit  à  CaflTeï^  &  6n  laquelle  Je  che- 
valier  demandeur  féroit  tenu  foy  purger  du  fer- 
rage à  luy  împofé,  que  lors  on  procéderoit  au 
principal  de  la  matière  pn  queftion^  comme  Ton 
trouveroit  de  droift  &  de  raiforts  Lejou^fervant 
venu,  le  fufdit  priévoft  comparut  audiél  Caflel 
avec  le  chevalier  demandeur  fon  beau-fils  »  ac- 
compaigné  de  cinc  centz  compaignons  bien  ea 
ordre,  de  forte  qu'il  fembloit  vouloir  venger 
le  cas  de  fait ,  &  non  par  voye  de  juftice.  Par- 
quoy  &  pour  éviter  plus  grand  inconvénient, 
le  bon  conte  remift  la  caufe  à  Sainft  Omet  à  au- 
tre jour ,  deffendan^  aux  parties  tout  œuvre  de 
faî^.  Auquel  jour,  parties  ouyes,  lediék  conte 
déclara  que  la  dame  du  chevalier  demandeur,  pur- 
geroît  fon  fcrvage  pat  le  ferment  &  attcftation 
de  douze  hommes  nobles  ,  demeurant  cependant 
la  querelle  du  conte  en  fon  entier,  pour  foa 
droifl:  &  intéreft.  Dont  ledift  prévoft  &  fcs  ad- 
hérents conccurent  un  defpit  fy  véhément,  que 
pour  eux  venger  des  torts  qu'en  ce  que  deflus, 
ils  fe  perfuadoyent  leur  avenir  efté  faifts,  s^aflem- 
blerent  peu  après  en  la  ville  d*Ypre  ou  félon 
aucuns  au  territoire  de  Fumes,  &  après  avoir 
mandé  vers  eux  leurs  principaux  parents,  du 
moins  ceux  aufquels  ils  penfoyent  fe  povoir  fyer 
en  toute  afleurance ,  conclurent  audift  Ypre  Tab- 
hominable  trahyfon ,  &  conjuration ,  que  "voirez 
par  le  chapitre  fubféquent. 

CHAPITRE       LXVL 

J)e  rabhominable  trahifon  que  ceux  de  Vande  Stra^ 
ten  commifrent  contre  le  hon  conte  Charles^  quUh 
meurdrirent  en  VégUfe  de  St.  Donas ,  ^  d'au- 
très  chofes  mémorables» 

A  Près  que  les  parents ,  confédérée  &  alliez 
de  meflîre  Bertholf  Vande  Straten  ,  prévoft 
de  fainét  Donas ,  chancelier  &  archichapelain  du 


Le  prévorf 
de  (ainâ 
Donas  com- 
pare en  ju- 
gement 
avec  fon 
beau-fils  , 
accompai- 
gné  de  plu- 
iieors  gens 
d*armes. 


Ceux  de 
Vande  Stra- 
ten font  af- 
fembler 
leurs  pa- 
rcntsàYpre 
pour  eux 
venger  du 
bon  conte 
Charles. 


2^8. 


C    II    A    R    L  JE    S  ^ 


Harangue 
du  prévoft 
de  S.  Douas 
à  fe»  pa- 
rents  de 


Ji 


Conte  Charles  de  Flandre ,  furent  tous  aflemblé^ 
cti  la  fufdifte  ville  d'Ypre  ^  kdia;  prévoft  pari» 
à  eux  de  cefte  forte  :  ^  Mefficurs  ,  mes  bons 
„  ainis  &  alliez ,  vous  avez  veu ,  entendu  & 
^  fceu  le  grarid.  tort  que  tant  de  fois  le  conte 
„  Charles,  noftre  prince,  a  pourchalTé  nonfeu- 
^  lement  à  moy  ^  ains  à  voui  tous ,  t?mt  en  par- 
„  ticuiier  qu^en  générd,:  en  forte  que  non  ayant 
^  efgard  à  nous  ,  quy  fbmmea  fy  grands  Sf,  puîf- 
fants  que  chafcun  fçait^  a  foççiblement  (tf) 
faid  lever  de  noz  maifons.  &  greniers  les 
bled?:,  que  fans  tort  de  perfonne  nous  avion» 
achapté  &  payé  ^  &  aufqueîs  fans  grande 
injuftice  n'eftoit  loyfibleny  à  hiy  »  ny  à  per^ 
fonne  vivante,  démettre  les  mains,  fans  noftre 
gré  &  volonté.  De  ce  non  content ,  a  auffy 
puis  naguerreç  ,  foubs  prétext  de  la  faveur 
qu'à  noftre  déshoinieur  il  porte  à  ce  paillard 
de  Th^mmaert ,  faia  brufler  &  dçftruire  les 
maifons  appartenantes  à  mon  nepveuBouflaertj 
vçftre  parent  &  allié  j  nous  pourchaflant  au 
reftc  par  toutes  les  voyes  àrluy  poflibles ,  tani 
de  déshonneur  ôï'vergpfngne,  qu'au  lieu  do 
l'authorité  &  prééminence  ^  aufquelles  nous 
foUions  eftre  ,  il  nous  a  mis  à  la  rifée  &  mef- 
pris  de  tout  le  peuple  &  d'un  chafcun.  Dont 
^  j'ay -certainement  telle  douleur,  que  j'^en  meurs 
cent  fois  le  jour.  Et  quant  à  vous,  mes  bons 
parents  &  amis  ,  je  croy  fermement ,  que  vof- 
tre  honneur  &  réputation  vous  efguillonnent 
tellement  que  le  cueUr  Vous  pleufe  ,  &  fehtî- 
tîrez  la  playe  de  ce  mefpris ,  tant  que. vous  ou 
lès  voftrfes  aurez  nom  de  gentilshommes.. Tou* 
tesfois ,  fy  vous  voulez  fuyvïe  mon  advîs , 
nous  n'en   différerons  fy  long-temps  la  ven- 

^  geance  i 


(a)  fùMment ,  far  force» 


i)iT    LE    BON    bu    LR    SAINT.    369 

5,  geance  ;  mais  vous  donneray  moyen  de  mcou- 
*,^  vrer  noilre  honneur  tant  abbaiffé  ^St  quy  vous 
^  tournera  à  gloire.  &  grand  prouffit.  „  Lors 
chafcun  s'efcria^  qu'ils  y  empWyeroyent  &  leurs 
vies  &  leurs  biens.  „  Mes  amis  ,  diél-il ,  eftes- 
^  vous  donc  délibérez  de  fuyvre  mon  confeil  ? 
^  Monfieur^  (refpond^t  le  plus  advoué  de  tous) 
^  nous  vous  jurons  fur  la  foy  que  devons  â 
^  Dieu  ,  que  nous  vous  obéyrons  quant  à  ce 
„  poinâ.  „  Bien  affeftueufement  les  remerchia  le 
prévoft,  &  voyant  leur  bonne  volonté  ,  com- 
mença à  defmefler  fon  entrcprinfe,  ainfi  que  vous 
entendrez.  „  Meflîeurs  &  parents,  dift-il,  je 
^  feroye  d'advis,  que  pour  parvenir  à  mon  en» 
,,  tente,  la  plufpart  de  nous  ,  ou  bien  tous  en- 
,,  ferable  (  mais  en  divers  temps  )  fe  trouvaflent 
^  pour  le  commencement  du  quareimé  prochain 
,,  en  la  ville  de  Bruges ,  où  mon  neveu  Bouflaert 
y^  (comme  ceftuy  quy  a  cfté  le  plus  întéreffé) 
yi  affilié  de  ceux  qu'il  voudra  prendre  en  fa  com- 
„  paignicj  fe  tiendra  aux  efcoutes,  &  efpiera  le 
^  jour,  auquel  le  conte  Charles,  félon  fa  couf- 
i,  tume,  viendra  de  bon  matin  &  le  moins  ac- 
yi  compagne  à  Téglife  de  fainft  Donas ,  quç  lors 
„  entrant  en  fon  oratoire,  il  pourra  faire  dudîél 
„  conte  ce  qu'on  eft  accouftumé  d'exécuter  con- 
„  tre  fon  raoftel  ennemy,  &  après  fe  tranfpor- 
„•  tera  en  la  maifon  dudiél:  conte ,  où  il  trouvera 
,^  ce  malheureux  Thanraiaert  &  fes  adhérents  , 
y^  lesquels  (comme  n'attendants  telle  entreprinfe, 
5^  &  n'eftant  fur  leurs  gardes  )  luy  fera  facile 
„  d'occire  &  mettre  en  pieches.  Ce  pendant  nous 
„  ferons  tous  enfemble  fur  nos  gardes  ,  &  re- 
„  garderons  de  nons^  invertir  du  Bourch ,  jufques 
„  à  ce  qu^ayons  autrement  pourveu  à  nos  affai- 
5,  res ,  &  par  tel  moyen  nous  recouvrerons  nof- 
„•  tre  anchiene  authorité ,  demeurant  de  monr 
,^  codé  fatisfaift  de  la  jufïe  vengeance  qui  wr* 


Là  ûamUi- 
ble  çoQfpî* 
ration  de 
ceux  de 
VandeStra^- 
ten  contre 
le  bon  con^' 
te  Charles; 


S!o^ 


CHARLES, 


Les  confpi- 
rateurs  cf- 
pèrent  im- 

J>unité  de 
eur  trahy- 
fon  au 
moyen  du 
peu  de  pa- 
rents  que 
Je  bon  con- 
te Charles 
avoit  en  - 
flandre. 


"Les  nom 

des  princi- 
paux conf- 
phrateurs. 


JU*an  1127. 


,^  elle  exécutée  fur  mes  ennemis  ;  &  vous  autres^y 
„  mes  bons  amys^  deviendrez  riches  &  opulents 
„  du  notable  &  très-grand  butin  que  ferez    des 
„  bagues  ,  joyaux  &  richefles  du  conte  Charles 
„  &  de  fes  domcftîques ,  &  en  quoy  vous  devez 
„  tant  plus  voluntairement   réfoudre  ,   pour  ce 
„  qu'eft^nt  lediél  conte  eftrangier  &  pouvre  de 
^  parents  &  amis  ,  n*avez  matière  de  craindre 
,,-qu'à  Tadvenir  l'on  pourchaffe  fur  nous  aucune 
^  vengeance  pour  la  mort   d'iceluy.  ^  Certes , 
ce  confeil  &  advis  danmâble  euft  tant  de  forche, 
que  nul  des  affiliants  y  contredift,  mais  Tapprou- 
verent  &  louèrent  ;  arreftants  fur  Thcure  d*eux 
trouver  au  temps  préfix  en  la  ville  de  Bruges , 
&  exploiter  le  diabolique  confeil  de  ce  malheu- 
reux prévoft.  Les  principaux  de  ceux  quy  fe  trou- 
vèrent en  cefte  confpiratîon ,  furent  les  fubfé- 
quents,  fçavoir:  le  prévoft  mefme,  Lambert  & 
Bouflaert  Vande  Straten ,  fes  frères ,  Yfaac  Van- 
de  Straten ,  leur  neveu ,  Bouflaert  Vande  Straten 
qui  eftoit  commis  pour  exécuter  ce   meurdre , 
meffire  Guy  de  Steenvoorde,  chaftelain  de  Caf- 
fel,  Engueram  van  Effene  &  plufieurs  autres, 
quy  tous  enfemble  fe  trouvèrent  au  jour  aflîgné 
audîft  Bruges.  Où  ils  n'eurent  guerres   tardé , 
q[ue  l'opportunité  s'offrit  de  mettre  à  exécution 
leur  difte  trahyfon ,  pour  autant  que  ledift  Bouf- 
faert,  qui  eftoit  tousjours  aux  efcoutes ,  fut  fur 
le  jour  des  cendres  de  l'an  mil  cent  vingt  &  fept, 
ou  (  félon  autres  )  fur  un  premier  vendredy  de 
quarefme  dudiét  an  (i) ,  advcrty  que  le  bon  conte 


Chronu 


(i)  Le  2.  Mars  iia/r  II  avoît  été  averti  de  fe  tenir  fur 
fes  gardes  par  des  perfonnes  qui  avoient  des  fbupçons  fur 
le  complot  atroce  à^s  Fonder  Straeten,  Bouchard  qui  lui 
p6rta  le  premier  coup ,  s^étoit  ^  félon  quelques-uns ,  déguifé 
ea  pauvre.  ^  Avant  le  toucha  un  petit  d*ane  efpée  traiv- 
y^  chant  6c  acérée  .  .  .  .  &  ft  comme  U  cuens  dréça  It  tête, 
ff  li  traitres  li  fit  au  premier  cop  le   cbicf  voler ,  âc  inû 


biT  Le  bon  ou  le  saint.  371 

tharles  eftoit  allé  aux  matines  en  ladi<fte  églîfè 
de  faint  Donas  ;  parquoy  accompagné  d'aucuns 
autres  ,  autant  traiftres  &  mefchants  que  luy  j 
fe  tranfporta  incontinent  en  ladiéle  églife  ,  &  vint 
trouver  (  menant  le  moins  de  bruit  que  luy  fut 
poflîble)  ledift  conte  en  la  çhappelle  de  la  Tri- 
nité en  hault,  faifant  fes  dévotions  ,  &  auquel 
ledit  Bouffaért  donna  le  premier  coup ,  duquel 
il  couppa  fa  main  dextre,  que  le  bon  prince  avoir 
fextendue^  pour  donner  Taumofiié  à  une  pouvre 
femme  ,  laquelle  de  ce  s'apperchtvant ,  «'eftoit 
cfcryée  de  grand  effroy  que  le  conte  fe  gardaft, 
^uy  peu  après  d'un  autre  coup  que  ledift  Bouf- 
faért luy  rechargea  fur  h  tefte  ,  euft  la  cervelle 
efpandue  par  la  terre ,  &  incontinent  fut  le  corps 
d'iccluy  jedé  du  haut  en  bas  dans  le  chœur  du- 
difl:  faint  Donas  ^  où  il  deinoura  troys  jours 
tontinuels  fans  fépulture  ,  au  moyen  qu'obftant 
la  crainfte  que  chafcuo  ayoit  desdi^s  traiftres 
&  confpirateurs  ,  perfonne  n'y  ofoit  mettre  la 
main  pour  l'enterrer.  Ce  mtilheujreux  œuvre  ache- 
vé ,  ledift  Bouffaért  courut  eti  grande  diligence 
vers  le  logis  du  fufdift  TJiammaert  ^  lequel  il 
mit  à  mort ,  avec  (es  fils  Gaultier  &  Guîllebert , 
&  après  avoir  pillé  toute  la  maifon ,  ils  fe  trans- 
portèrent au  logis  du  conte  ^  où  entre  fes  do^ 
ïnefticques  fut  pareillement  meurdri  G^utiet  d.^ 
Locre ,  efcuyet  trençhant  d'icehiy  conte ,  &  avec 
luy  plufieurs  Danois  &  Allemans  ,  dêfquels  le 
bon  conte  Charles  fe  fouloit  fervir ,  butinants  au 


9,  occit  U  murtrier  fon  fegûor,  comme  il  parloit  à  Dieu  en 
i^  oraifoti. 

C*eft  une  chofe  digne  de  remarque  que  Guillaume ,  comte 
de  Bourgogne ,  fut  aflafliné  le  môme  jour  &  la  même  année 
que  le  comte  de  Flandre,  &  comme  lui  dans  une  églife; 
icomme  s'il  y  avoit  des  jours  qui  fuflent  réellement  dcftinés 
au3c  noirs  attentits. 


Bouflaeril 
couppe  la 
main  dex- 
tre  que 
le  bon  con- 
te Charles 
avoit  cx- 
tendue 
pour  don* 
ner  Vm- 
môfne. 

Le  boa 
conte  Char- 
les piteufe- 
ment  meur- 
dr>^  &  le 
corps  d'ice- 
luy  jeAé 
au  chœur 
de  Téglife 
de  St.  Do- 
nas. 

Thammaert 
&  autres 
occis  par 
Icsdiéts 
confpira- 
teurs. 

La  maifori 
dudid  con* 
te    butinée 
par  ]cf(Mt9 
confpiraN 
leurs. 


-  Anfelmo 
de  GembU 


37^ 


CHARLES, 


Lesdiâs 
confpira- 
teurs  fe 
fortifient  au 
Dourch  de 
Bruges. 


Meyeir. 
an.  1126. 


relie  toutes  les  bagues  &  joyaux ,  qu'ils  troû> 
verent  illec  ,  &  en  retournant  vers  le  Bourch 
dudîft  Bruges  ,  occirent  femblablçment  plufieur^ 
autres  nobles  du  pais  &  bourgeois  d'icelle  ville, 
lesquels  ils  fçavoyent  avoir  efté  favorables  audîft 
conte,  &  partiaux  contre  eux  &  leurs  adhérents. 
Ce  faîft  ,  ils  fe  retirèrent  audiél:  Boureh  (2)  ,  6ù 
ils  fe  fortifièrent,  en  intention  d'eux  y  tenir  tant 
que  leur  faift  feroit  plus  affeuré.    : 

Ca)  Burgum^  hoc  efli  eûfirum  atque  étdcM  divi  Dona^ 
tiani ,  ingefto  in  hngam  diem  commcatu  ....  fortittr  mw 
niverunt  fefcque  ibi  incluferùnt ,  rati  paucos  fore  êx  nobilitaU 
qui  parricidium  tam  ahominandum  ejfcnt  vtndicaturi,  La 
chronique  (ïe  St.  Denis  dit  la  même  chofe  :  ^  Ils  garnirent 
99  riéglife  ôc  la  maifon  le  conte  qui  au  mofters  (  mona(lèrc> 
M  tenoit  âc  adtrairent  &  amenèrent  tant  de  gamifon  de  def 
n  victle ,  comme  ils  plus  porent ,  por  exgamir  &  défendre.^ 


Eesdîas 
coHfpira- 
teurs  parla- 
mentent  au 
peuple 
pour  excu- 
Kr  leur 
trahyfbn. 


CHAPITRE       L  XVII. 

Comment  Sefvas  de  Praet  fi?  autres  vindrent  en 
diligence  vers  Bruges ,  pour  venger  la  mort  du^ 
diù  bon  conte  Charles  ;  de  Pemprifonnement  des, 
complices  d^iceluy  meurtre  ;  des  miracles  que 
Dieu  manifefta  en  faveur  dudiSt  bon  conte  ^  fif 
d* autres  ehofes  mémorables^ 

LEs  fufdîts  traîftres  &  coi;fpirateurs  s'^eftants 
(après  avoir  perpétré  les  abhomînables  meur-' 
dres  que  deflus  )  retirés  au  Bourch  de  Bruges  , 
commencèrent  à  parlamenter  au  peuple^  &  excu- 
fer  leur  trahyfon  par  plufieurs  paroUes  farfées  Ça)^ 
pleines  de  malheureux  &  damnables  menfongeS; 
de  forte  que  le  peuple  (  ordinairement  nonchal- 
fcmt  des  bénéfices  receus-  (Ji)  &  tronvoiteux  de 
ehofes  nouvelles  )  fembloit  aucunement  (r)  ap* 


ia)  Dirifoires,  (c)  Un  peu  ,    en    quelque 

(JO  PeufcnfibU  au^  bienfaits.        forte. 


DIT    LE    BON   ou    LE    SAINT.    373 

prouver  leur  fourfaift ,  quand  en  grande  dili- 
gence furvint  en  ladifte  ville  un  noble  &  vertueux 
chevalier  d'iceluy  quartier ,  nommé  Servas  de 
Praet,  lequel  ayant  entendu  la  piteufe  mort  de 
fon  bon  prince ,  avoit  amaffé  le  peu  de  fes  fub- 
jecfts,  dont  il  avoit  peu  finer  («),  &  eftoit  venu 
vers  ledift  Bruges ,  en  intention  de  faire  la  ven- 
geance dudia  meurdre.  Or ,  ledift  Servas  (  ^^* 
quel  s'eftoyent  auffy  joinfts  Tabbéde  fainft  Pierre 
à  Gand ,  meflîre  Helin  de  Bouchoute ,  meflîre 
Baudouyn  de  Gand ,  meflîre  Thiéry  de  Dix- 
mude  &  meflîre  Richard  van  Biefl: ,  fon  frère  ) 
après  avoir  remonftré  au  peuple  Thorreur  &  ab- 
tiomination  du  meurdre  commis  en  la  perfonne 
de  leur  bon  prince  ,  &  le  grand  blafme  qu'ils 
encourçroyent  vers  tputes  nations  ,  fy  paflbyent 
par  connivence  ou  difllmulation  une  tant  grande 
trahyfon,  &  de  laquelle  s'ils  ne  faifoyent  bien 
afpre  vengeance ,  eux-mefmes  fe  rendroyent  cou- 
pables ;  les  encouragea  de  forte,  que  tous  d'un 
commun  accord  &  de  main  joinfte  afl^îégerent  le- 
dit Bourch  ,  duquel  néantmoins  la  nuift  enfuy- 
vant ,  lediâ  prévofl:  &  fes  adhérents  (  voyants 
que  la  fortune  baflioit  mal  pour  eux)  trouvèrent 
moyen  d'eux  retirer ,  &  fe  fauvercnt  en  divers 
lieux.  Toutesfois  aucuns  d'eux  furent  prins  & 
queftionez.  Et  fut  depuis  le  prévofl:  mefme  trouvé 
à  Watenes,  ou  félon  autres  en  la  maifon  d'Alard 
de  Wamefl:on,  &  prins  par  Guillaume  de  Loo, 
quy  lors  fe  difoit  le  plus  proche  à  la  conté  de 
Flandre.  Yfaac  quy  s'en  eflioit  fay  en  l'abbaye  de 
fainft  Jean ,  près  ledift  Warnefl:on ,  &  avec  luy 
Guyon  d'Eflianfort,  furent  prins  par  la  juftice 
de  Sainft  Orner ,  &  le  fufdift  Bouflaert  qui  avoit 
meurdry  le  bon  conte,  fizft  confl:itué  prifonnier 


Servas  de 
Praet  vient 
en  diligen- 
ce à  Bruges 
pour  ven- 
ger U  mort 
du  bon  con- 
te Chartes. 


Servas  de 
Praet  ex- 
horte ceux 
de  Bruges 
à  la  ven- 
geance du 
fufdii 
meurdre. 


Le  Bourch 
de  Bruges 
aOiégé. 

Le  prévofl 
de   faiod 
Donas  s'en- 
fijyt  de 
nuiâ  du 
Bourch  de 
Bruges. 

Guillauhie 
de  Loo 
prend  pri- 
fonnier le- 
did  pr<5- 
vofl. 

Lesdiâs 
confpira- 
teurs  prins 
en  divers 
lieux. 


(tf)  ycHir  à  bouff  c'eft-àdire ,  qull  avoit  fu  âétcrmmr. 


sr4 


CHARLES, 


Le  corps 
in  bon 
conte  Char- 
les' enterré 
en  Téglife 
de  faind 
Chrifloffle 
à  Bruges* 


touys  le 
Gros,  roy 
de  France, 
vient  à 
Bruges  & 
faiô  trans- 
porter le 
corps  du- 
didt  bon 
Charles  à 
faina  Do- 
nas. 

Miracles 
advenus 
après  la 
mort  du 
bon  conte 
Charles.  ' 


en  la  maifon  de  Bernard  de  RoubaLx,  fon  oncle, 
ic  aînfy  fucceflîvement  des  autres,  quy  furent 
conftituez  prîfonnîers ,  les  uns  çà ,  les  autres  là. 
Après  que  les  fufdifts  traîftres  fe  furent  retirés 
dudift  Bourch,  Tabbé  de  fainft  Pierre  deGand, 
ledift  Servas,  &  les  autres  de  la  fuyte,  enter-r 
rerent  non  fans  une  infinité  de  larmes,  le  corps 
du  bon  conte  Charles  à  Téglife  de  faint  Chriftof- 
fle,  fur  le  marchié  dudiél  Bruges,  pour  autant 
qu'il  ne  povoit  cftre  enterré  en  celle  de  fainft 
Donas ,  au  moyen ,  que  par  le  fufdift  meurtre , 
elle  avoit  elle  violée.  Peu  après ,  le  roy  de  Fran- 
ce Louys,  dift  le  Gros,  vint  en  ladifte  ville  de 
Bruges,  tant  pour  faire  juftice  des  fufdifts  meur-r 
driers  ,  qu*affin  d'induire  *  les  eftats  de  Flandre 
à  recevoir  pour  leiir  conte  Guillaume ,  fils  de  Ro- 
bert Courtehofe,  duc  de  Normandie  (i),  duquel 
nous  parlerons  cy-après.  Et  eftant  ledifl:  roy 
Louys  audift  Bruges ,  il  fit  au  bout  de  foîxante 
jours,  durant  laquelle  efpace  le  corps  dudidl  bon 
conte  Charles  avoit  repofé  en  Téglife  de  faint 
Chrifloffle,  le  rapporter  audi^îl  fainft  Donas,  où 
il  fuft  enterré  en  mçrveilleufe  magnificence.  Au- 
quel endroift  ne  voulons  pafler  en  fllence  les 
mirades'&  chofes  merveilleufes  que  les  chroni- 
qjues  tefmoignent  eftre  advenues  ^près  la  mort 
'  de  ce  vertueux  &  vrayement  fainft  conte.  Le 
corps  duquel  eftant  repofant  au  chœur  de  faînét 
Donas  fans  aucune  fépulture ,  un  boîteus  Ro- 
bert le  Tollenare  ,  lequel  avoit  vefcu  plus  de 
huift  ans  fur  les  aumofnes  au  cloiftre  de  faînét 
Andrieu  lez  Bruges  ,  vint,  foy  traînant  le  mieux 
qu'il  luy  fuft  poffible,  toucher  avec  révérence  le- 
dift  corps  ,  &  incontinent  fe  leva  ,  rechevant 
toute  fanfté  &  guarrifon.  Comme  aufly  fut  au- 
dift  lieu  guarrié  une  notable  multitude  de  roala- 


(0  Voyez  note  i,  du  chap.  6i,t  pag.  35a 


DIT    LE    BON    ou    LE    SAINT. 


375 


des  5  les  ungs  de  fiebvres,  autres  de  mal  de  telle,, 
&  fucceflîvement  d'autres  maladies.  En  outre, 
Bouffaert  Vande  Straten  ,  qui  avoit  commis  lé- 
dicft  meurtre,  s'eftant  fuy  gvec  un  ferviteur  vers 
Anvers ,  &  venant  fur  Teaue ,  la  barque  demoura 
quoye  (/?),  fans  vouloir  aller  avant,  de  forte  que 
tous  ceux  qui  eftoient  dans  icelle  barque ,  voires 
&  luy-mefme  ,  difoyent  que  c'eftoit  un  chaftoy 
divin  ,  priants  tous  Dieu  pour  fa  miféricorde , 
&  non  obftant  ce  ,  ne  leuf  fuft  poflîble  pafTer 
ladifte  eaue,  au  moyen  de  quoy  ils  furent  con- 
ftraindls  de  retourner  en  Flandre.  Qui  fut  caufe 
que  ledîft  Bouffaert  fe  mit  en  chariot  pour  venir 
vers  Lille  „  où  il  fut  peu  après  prins  en  la  mai- 
fon  de  Bernard  de  Roubaix ,  fon  oncle ,  félon 
que  vous  avez  desjà  entendu.  D'autre  part,  quand 
on  tira  le  corps  dudiél  conte  Charles  Aors  le 
fépulchre ,  auquel  il  avoit  efté  en  Téglife  de  fainft 
Chriftoffle  foixante-trois  jours  continuels  ,  toute 
ladiéle  églife  fuft  remplie  d'une  clarté  admirable , 
&  de  tant  de  bonnes  odeurs  qu'il  feroit  impof- 
fible  le  vous  déclarer;  mefmes,^  que  plus  eftjle 
fufdift  corps  fut  trouvé  autant  entier ,  &  les 
playes  fi  fraifçhes,  comme  s'il  ne  fuft  efté  mort 
d'une  heure ,  dont  auffy  le  roy  Louys ,  quy  eftoit 
lors  illec  préfent  ^  fut  grandement  efmerveillé  & 
d'autant  plus  efchauffé  au  defir  qu'il  avoit  d'en 
faire  une  très-rigoreufe ,  exemplaire  &  mémorable 
vengeance.  Auquel  paffage  je  veux  inférer  en  cefte 
hiftoire  un  bon  advertiffement ,  quy  non-feule- 
ment pourra,  prouffiter  au  commun  populaire, 
mais  principallement  inciter  à  vertu  les  grands  & 
excellents^ perfonnages.  Il  n'y  a  quela  vertu  quy 
puiffe  mettre  en  perpétuelle  mémoire  ceux  quy 
l'ont  aymée  &  fuyvie.  Puisque  ainfy  eft  ,  elle 
doit  fervîr  d'un  poig;nant  (Jt)  aguillon,  tant  aux 


Advertiflc- 
ment  de 
l'autheur 
pour  inci- 
ter un  ehaf- 
cunaiidclir 
de  verw. 


(jo)  Immobile, 


(à)  Puijfant ,  perçant. 


«76 


CHARLES, 


touange 
flu  bon 

fonte  Char- 


Le  bon 
f  6nte  Char- 
les a  editné 
çhofe  hon- 
îiefte  s'cx- 
pofcr  à 
tous  périls 
pour  le 
bien  fit  re- 
pos de  Tes 
fubjc^s. 


rois  &  ceux  quy  ont  le  gouvernement  des  peu- 
ples, qu'aux  magîftrats  quy  ont  la  fuper-în ten- 
dance fur  les  villes ,  à  ce  qu'ils  tafclient  à  faire 
chofes  honneftes,  ôcmermcs,  que  mefprifants  les 
dangiers  ou  bien  la  mort,  quand  elle  fy  préfen- 
tera,  ils  ne  reculent  &  fâchent  difficulté  d'endu- 
rer &  fouftenir  toutes  chofes  pour  le  bien  public, 
tant  dures  foyent-elles.  Il  y  a  icy   un  exemple 
notable  en  noftrc  bon  conte  Charles  ;  car  conv 
bien  qu'il   vit   le  dgngier   é^iinent ,  ou  d'cftre 
chaffé  du  païs,  ou  de  fa  mort  alTurée,  à  raifon 
de  l'égalité  de  juftice  qu'il  faifoit  obfcrver,  voi- 
res  à  TcndroiA  des  plus  grands  du  païs ,  &  an 
ihoyen  de  la  fufdiftc  diftrihution  de  bled  ,  qu'il 
voulut  eftre  faifte ,   tant  y  d,  qu'il  ne  voulut 
Tcculer  de  fpn  bon  &  fainft  propos ,  &  beau- 
coup mpin^ ,  pu  pour  la  convoitife  de  dominer, 
ou  pour  defir  de  conferver  fa  vie  en  plus  grande 
affeurance,  laiffer  fon  peuple  endurer  une  faim 
tant  extrême ,  ou  demeurer  par  faute  de  juftice 
opprcffé  des  plus  grands ,  ne  povant  aucunement 
endurer,  que  fon  authorité  &  réputacion  fut  dé$- 
honnorée  par  une  diflimulation  tant  lafche  &  fy 
très-grande.  Mais  pjuftoft,  s'çxpofant  à  tous  dan- 
giers ,  il  a  réputé ,  que  ce  luy  feroit  une  chofc 
honnefte  d'eftrç  chaffé  de  fon  dommaine,  voîres& 
de  mourir  pour  le  bien  &  tranquillité  de  fes  fub-. 
jefts.  Parquoy  me  femble,  que  ce  perfonnage  a 
efté  un  homme  vrayement  prudent  &  magnanime, 
&  que  ç^eft  bien  raifon  que  tous    luy    rendent 
tefmoingnage  de  vertu.  C'efl:  çy  Ja  louange  de 
noftre  bon  conte ,    quy  donne  exemple  à   tous 
amateurs  de  vraye  gloire,  que  s'ils  ont  foing  4e 
laiffer  après  eux  une  honnefte  renommée  ,  ils  fe 
propofent  le  fcmblablc  ,    fy  cela  vient  quelquç- 
foîs  à  propos,  &  fur  tous  autres,  les  roys,  prin- 
ces, gouverneurs  &  magiftrats  des  villes  y  doi- 
vent advifer,  tant  s'en  faut  qu'ils  doivent  cftye 


DÎT    LE    BON    ou    LE    SAINT.    377 

oyfifs,  lafches  &  craintifs,  que  mefme  ce  I^ur 
eft  déshonneur ,  quand  il  y  a  feulement  une  pru- 
dence ,  juftice  ou  magnanimité  commune  en  eux. 
Je  pourroye  bien  à  ce  propos  alléguer  d'autres 
arguments,  pojir  monftrer  la  vertu  &  confiance 
de  noftre  bon  conte  ;  mais  affin  que  je  ne  foye. 
long  outre  mefure,  je  rçtouraeray  au  propos 
que  j'ay  laiffé. 


CHAPITRE 


L  X  V  1 1  L 


Comment  le  roj  de  France  fit  exécuter  par  divers 
fupplîces  les  fufdi&s  conjpirateurs  ^  defquels  tou^ 
tes  les  familles  &  allyés  furent  bannis  ,  qui  fe 
retirèrent  en  une  y  fie  d^Hy hernie  ,  nommée  Gher^ 
ma,  avec  autres  fingularitez* 

LE  roy  Louys  donc  eftant  pour  les  raifons 
que  deffus  grandement  efchauffé  au  defir  de 
faire  la  vengeance  du  meurdre  inhumain,  com« 
mis  en  la  perfonne  du  bon  cpnte  Charles ,  en- 
voya par-tout  fes  officiers ,  pour  appréhender  les 
meurdriers  &  leurs  complices,  lesquels  il  fit  di- 
verfement  &  par  une  infinité  de  fupplices  exécu- 
ter en  divers  lieux,  ordonnant  que  toutes  leurs 
maifons,  en  quelque  lieu  qu'elles  fuflent  fituées 
foubs  les  limites  de  fa  jurisdiftion ,  fuflent  abba- 
tues,  &  leurs  autres  biens  confifquez,  mefmes 
fut  publié,  &  par  édift  perpétuel  &  irrévocable 
deffendu ,  que  lefdiftes  maifons  démoUîes  ne  fufy 
fent,  fus  grandes  peines  à  ce  împofées,  jamais 
redreflïes  ou  réédifiées,  &  ce  en  mémoire  de 
rénormité  du  mefl^iél  perpétré  (tf)en  la  perfonne  de 
leur  prince  &  feigncur  naturel,  efbnt  ledift  décret 
encore  pour  lejourd'huy  en  la  ville  de  Bruges  bien 
eftroîélement  obfervé  ,  où  Ton  peut  encores  main- 
tenant Veoir  plufieurs  héritaiges  defdifts  de  Vande 


C'cft  dés- 
lioniiettr 
à  un  prince 
d'eftre  feu- 
lement 
doué  d^une 
prudenœ  , 
juftice  on 
magnani- 
mité comr . 
mune. 


Punition 
defdias 
conTpin- 
teurs. 

Les  mai* 
fons  des 
fufdids 
confpira- 
teurs  font 
pour  Tabo- 
minàtion 
de  leur  tra- 
hyfon  dé- 
mollies 
avec  défefi- 
fe  de  ja- 
mais les  pp- 
voir  réédi- 
fier. 


Ça^  Commis, 


378 


C    H    A  ,R    L    E    S, 


Advertiffe- 
ment  & 
difcours  de 
Tautheur 
fur  la  fin 
•mjftérable 
dcfciias 
tniftres. 


Naturel 
des  ambi- 
tieux, en- 
vieux & 
fvares. 


Lesfiifdias 
confpira- 
teurs  ban- 
nis font  ab- 
horrés de 
tons  eftran- 
tiiers,  àrai- 
fon   de 
Tcnormité 
de  leur 
trahyfon. 


Straten,  déferts,  vagues,  ^  fans  aucun  édifice. 
Telle  fut  la  malheureufe  fin  dudit  prévoft  &  de 
fes    complices,    fervant   aujourd'huy  d'exemple 
pour  tous  traiftres  &  meurdriers ,  lefquels   Dieu 
permeél  aucuncfois  triumpher  &  profpérer  ,  pour 
quelque  temps ,  mais  à  h  fin  il  defcoche  fa  faget- 
te  contre  eux ,  quy  les  faiâ  topber  &  entière- 
ment ruiner.  Par  lequel  exemple  auffy.  Ton  peut 
manîfeftement  veoir,  que  les  hommes   quy  font 
addônnés  à  ambition,  avarice,  &  envye,  ne  laîf- 
fent  rien  qu'ils  n'attentent,  &  ne  veullent  quit- 
ter la  place  à  autrjuy,  tant  grand  foit-il.   Et  de 
faift,  quand  telles  gens  veullent  venir  au  bout 
de  leurs  defirs,  ils  ne  font  confçîence  de  perpé- 
trer tout  horrible  cas,  pour  abhominable  &  inhu- 
main qu'on  puîfle  fonger.  Et  de  peur  qu'ils  ont  de 
perdre  ce  qu'ils  ont  une  fois  recouvré,  ne  crain- 
dent  de  -foire  encore  de  plus  grandes  mefchance- 
tez.  Et  voicy  quelle  opinion  ils  ont:  c^ue  c'eft 
une  plus  légière  perte  &.  plus  facile  à  porter  de 
ne  point  parvenir  à  quelque  degré,  &  haute  dig- 
nité, que  de  décheoir  des  biens  &  honneurs,  lef- 
quels  desjà    on  a  accouftumez,    Parquoy  cecy 
leur  demeure  de  refte ,  qu'ils  ont  une  plus  grande 
audaccj,  quand  ils  craignent  d'eftre  fru.ftrés  de 
leur  première  félicité  ;  nmis  ce  m'cft  affez  d'avoir 
izxdL   cefte  remonftrance  comme  en  paflant.   Or 
(pour  retourner  à  noftre  propos)  après  que  lef- 
difts  confpirateurs    furent  exécutifs,  les  autres 
qui  s'e(\oycnt  faulvés ,  &  mefmes  le  demeurant 
de  tout  leur  linaige  (a) ,  coulpables  &  non  coul- 
pables,  furent  déchaffés  du  païs  de  Flandre,  & 
de  tous  autres   fubjefts  à  la  couronne  de  Fran- 
ce, &  bannis  à  perpétuité,  Lefquels  furent  long- 
temps vagabonds  &  fans  afleurée  demeure,  pour 
autant  que,  au  moyen  de  l'énormité  du  fufdict 


(^)  Lignét  ^famille. 


DIT    LE    BON    00    LE    SAINT.    379 

cas,  perfdnne  ne  les  vouloit  recevoir;  miiseiH 
fin  ils  fe  retirèrent  en  Hybemie,  où  le  roy  d'An- 
gleterre leur  accorda  demeure  en  une  petite  yfle 
nommée  Gherma,  où  ils  multiplièrent  par  fuc- 
ceffion  de  temps,  en  fy  grand  nombre,  qu'en 
Tan  mil  deux  cents  quatre-vingt^fept  ik  oferent 
£dre  guerre  au  roy  d'Angleterre  Edouard  ;  mais 
néantmoins,  ils  furent  tous  deSaicts  &  déchaflez 
dudiâ  lieu,  &  ceux  quy  efcbapperent,  devin- 
drcnt  pyrates  de  mer  (i).  Quy  doîbt  (ervir  de 
préadvertiflement  i  tous  roys,  princes,  ou  répu- 
bliques de  "ne  recevoir,  ny  carefler  aucuns. traiT- 
tres ,  ny  mefmes  ceuj^  quy  feulemertt  font  par 
leurs  fautes  précédentes,  tombez  en  réputaçion 
de  telles  gens. 


(O  H  «ft  poflible  que  Henri  I.  ,  qui  rcgnoit  alors  en 
Angleterre ,  y  ait  donné  un  afyle  aux  meurtriers  de  Charles 
le  Bon ,  parce  que  Louis  le  Gros,  fon  enneni,  pourfuivoit 
Ja  vengeance  de  cet  aflaffinat.  Mais  il  n'eu  pas  également 
certain  qu'il  leur  ait  abandonné  une  petite  île  en  Uibemie 
(rirlandc).  A  cette  époque,  l'Iriande  étoit  poiTédée  par 
plufieurs  petits  defpotes  ,  &  cette  Ue  ne  fut  réunie  au 
royaume  d'Angleterre  qu'en  1171.,  fous  le  règne  de  Henri  II- 


Tous  pli»- 
ce*  &  répu- 
bliques fe 
doivent 
garder  de 
recevoir  en 
leur  pats 
aucun  trtif* 
trc. 


CHAPITRE       LXIX, 

Comment  pïuficîirs  princes  caîUn gèrent  (^a)  la  conté 
de  Flandre^  laquelle  finablement ,  contre  droilt^ 
rai  fon  ,  fut  par  le  rov  de  France  adjugée  à  Guil- 
laume de  Normandie. 

TAndîs  que  les  chofes  fufdiftes  fe  faîfoyent , 
Guillaume  d'Ypre ,  fils  de  Philippe  de  Flan- 
dre, fécond  fils  de  Robert  le  Frifon,  callengea 
par  l'enhort  (*)  &  à  Tadveu  de  la  contefle  Clé- 
mence, la  conté  de  Flandre,  comme  le  plus  pro- 


Gnillanme 
dTpre  eu 
de  Lco  ca- 
IcDge  com- 
me le  plus 
prochain 
héritier    k 
coT\ié  de 
Flandre. 


(tf)  Se  i'îf^uteraa* 


(5)  ExboTtaticn, 


jSo 


CUILJvAUMB 


itts  pUi 

i^i^^rf*  prln- 


chftfn  k  f^pp^um  hérltli^ff  &  ptïntt  m  Uâiât 
qualité'  le«  vHIei  d^Alrc^  Caflcl^  Ypr^,  Fttftwc^, 
incftani:  fowb»  Ta  (uhjeétUm  toute  h  h^lYe  PtoK 
ilre,  (te  laquelle  lUfe  fitapp^Ucr  comc  (f).  I>*iittt« 
part  le  toÇ  Ihnry  d*An^,kttrr&  ptétand^pit  dfri^ 
l«y-me('mif  le  plw»  pr^HlmlOt  dlimi  qum  t&^ï 
\mii  de  madame  Méhaulr,  ftllc  de  IJ»«4/>yy» 
de  Lille  9  k  qw  luy^  ny  fe^  ptédé^ffmn 
«*avoye«t  renonce  à  lewr  drol^t  ^  comme  hkn 
avoyeMt  fai<St  ceux  de  Ihïnmkf  k  de  fiaîit,  e»* 
vo^ya  une  h\m  grofle  armde  e»  Cafaut^  Wp^;»m 
arolr  la  laveur  de  ceux  de  Bruges  &  (k  ptafi«^r^ 
|çt*i)lllt>homme«  de  Flandre  ,  k(<}uel#  il  dv-^>îr  ff/^ 
Ikïté  par  plulleuri  dou*»&  KraïUlei»profflefle«^î> 
Parelliemeut  y  eontendolt  (/?)  k  alpiroU^  'Hiî^ 


farder.  V.t. 


(a)  Difimtt,it^  4u  la  fin  conunA^r^, 

0)  ïl  pifofi  ^tt*ll  «>ViEoie  X^trnà  1  prcmJre  te  rttf#  4«  r^- 

gÉ^ntf  6t  ÎJ  <^*e  (lM«r,  U  »vol(t  (l'Cïé  un  (k^  pr$mm(>  b  v##(g*f 
U  mon  lU  iMrle$,  VMmr^  vUfes  ^^étffknt  âéjk  fm$mf(èi> 
I  lui  i  r»i»i<»  il  «fMç  k  m»\Hmr  d*HH  Mt  prHVwnùr  pn  Um 
flv«f ,  fjMi  hftfot/^r  %pm  ImI  r«ïfl4if  I»  lit>«f(^  fmt  fri%  MU 
fmmi^hmn  <^w*U  fit  »m  fow(i4  4^  FI«B4r«  ;  lUx  §um  mi 
hi  tf  mnït9  Iprai  nhvlttm  adif  <  tumqHê  (  Ipr^nfâm)  ^ap$(um 
vimélh  &'  £^^fârf  për  »ii quant tim  tmporU  mant^^ifiavit  ^ 
f(^4  poflfià  il  ,  ,  ,  ,  fëcmfiilifihiê  hhm  ff^ilUlmui  mmiii  f^r 
arnmmtum  fidêtttafh  fmi,  L»  mWH  4*Y^#«  (hc  ^*ffé%  ««w 
flammée,  Le»  vUttf«i  d'S\u ,  «k  ^&x%m^  ft  te^i  »iiif*«  ^«v 

ik  âa  ti^vmii'tif  Uu  ^ompàtiu^m^  du  4M4i  (k  N^wa»4i#,  i^ 

\',tknm  ^  (^'0mut  4«  I*m4/^pp,  i\U  d^^^U^nm  ^  mmut  nk 
Ulm^  ^m  i^tiftmU  d^a  f^éusmU^m  m  çomî4  4#  FUmâf^^dÊt 
çUi^i  d*MiU^  f»  tii^m^  ii\k  du  MhMU«  9  épQuk  â4f  ihâl- 
Uutm  k  Mmd'  U  pmn'k  n^v^^tf  df^m  h  Vis^ndf»^  m»h 
milk^m^i  »'«fl  v(;d|$9  bmUHf  e»  n\^t»%ui  k  mtmé  m 


LÉ     N  0  R  M  À  N  ET. 


S^i 


d'ÉlfateCs),  fils  de  Ghmrude,  fille  de  Robert 
Je  Frifon ,  comme  femblablement  fit  Arnoiild ,  ne- 
veu du  bon  conte  Charles,  &  fils  aifné  de  fa 
fœur,  lequel  print  Suinél  Orner  ^  coftvertiflant  le 
mônaftère  d'illec  en  une  forterefle  (4)  ;  de  'forte 
que  le  pouvre  païs  de  Flandre  à  raifon  de  ce  y 
eftoît  apparant  tomber  en  merveilleufement  eftran- 
ge  4éfolatk)n,  fy  le  roy  Louys  le  Gros,  n'y  euft 
remédié.  Lequel  eftant  en  la  vlllô'd'Arras,  man- 
da vers  luy  tous  ceux  qui  prétendbyent  droift 
àudîft  païs,  affin  de  toutes  matières   débattues, 
H  puft,  comme  fouverain,  adjuger  ladifte  conté 
félon  qu*il  trouveroît  de  raifon,  vers  lequel  pour- 
tant fe  trouvèrent  les  fufdifts  princes  &  avec  eux 
Baudouyn,  conte  de  Hainault,    qui  fe  dîfoit  fils 
de  Baudouyn,  frère  d*Arnould  le  Simple,  conte 
de  Flandre ,  occis  par  Robert  k  Frifon  en  la  ba- 
taille de  Caffel.  Mais  le  roy  Henry  d'Angleterre 
H'y  vint  en  pérfonne  ,  aîns  y  envoya  Eftienne, 
conte  de  Bloys  ,  pour  remonftrei^  fon  droift  & 
proximité,  telle  que  deffus.  Fînablement,  le  roy 
Q  plus  par  faveur  que  felon  droicl  )  adjugea  ht^ 


Amonld  , 
ntveu  du 
bon  conte 
Charles  ,  ^ 
prend 
St.  Orner. 


Le  roy  dfr 
France 
manda  vers 
foyenAms 
tous  ceux 
qui  prtiten- 
doyem  en 
la  fuccef- 
fion  de 
Flandrew 


J^ 


(3)  Thiéri  d'Alface  avoit  des  droits  bien  plus  légitimes 
que  fes  compétiteurs  à  la  fucceflion  au  comté  de  Flandre. 
Il  ^toit  fils  de  Thiéri  d'Alface ,  duc  de  Lotharingie ,  &  de 
Gertrude ,  fille  de  Robert  le  Frifon ,  &  tante  de  Baudoin,  à 
la  Hache,  auquel  avoit  immédiatemlent  fuccédé  Charles  le 
Bou.  11  avoit  pour  hii  la  plus  grande  partie  de  la  noblefle  ; 
mais  le'  crédit  &  la  puiflànce  de  Louis  le  Gros  en  impo- 
ferent  aux  peupIcs^,  qui  reconnurent  Guillaume  le  Nor- 
mand pour  fouverain. 

(4)  Guillaume  avoit  été  aiÇéger  Amottld  dans  le  lieu 
où  il  s'^étoit  fortifié.  Gelui^i  fut  obligé  de  céder  aux  for- 
ces d'uni  rival  plus  puiflant  que  lui  &  de  renoncer  à  fes 
prétentions.  Cornes  If^lUlmus  cum  fuis  caprum  obfidet ,  non- 
fiullis  nitentibus  igmm  apponere  ;  fed  comité ,  ne  quis  hoc  » 
frétfumtrct ,  comminantt ,  drnçîdum  exirc  cocgit  9  Jus  tç^ 
tius  Flandria  abjurarc. 


Gualter. 
Brug. 

Flandr.  ge- 
neit  c.  3», 


3^2 


GUILLAUME 


té  roy  de 
trauce  plus 
pat  faveur 
que  lelori 
aroi(5t  adju- 
ge la  conté 
de  Flandre 
d  Guillau- 
me de  Nor- 
mandie. 


La  nation 
de  Flandre 
tie  cède  à 
aucune  au- 
tre de  toute 
l'Europe. 


Le bon con- 
te Charles 
aux  Fla- 
mens  ce 
que  faind 
Louys  aux 
François. 


diéle  conté  de  Flandre  à  Guillaume,  fils  de  Ro- 
bert, diél  Courtehole,  duc  de  Normandie,  non 
pour  ce  qu'il  fut  U  plus  prochain,  (veu  que  le 
Contraire  eftoît  véritable)  mais  à  raifon  de  Taf- 
feélion  qu'il  portoit  audit  Guillaume,  pour  ce 
qu'il  eftoit  fiancé  avec  madame  Sybille,  coufine 
de  W  femme  d'iceluy  roy  Louys  le  Gros  Ç5). 
Or  voylà  ce  que  je  trouve  des  affaires  &  aftes 
du  fufdiél:  bon  conte  Charles,  &  de  débats  quy 
s'efmeurent  pour  la  fucceffion  de  Flandre ,  après 
la  mort  d'iceluy ,  voulant  bien  icy  noter ,  (  pour 
ce  que  par  le  contenu  au  prologue  qu'avons  faîÔ 
fur  cefte  hîftoire^  avons  déclaré  que  noftre  na- 
tion ne  doit  en  rien  céder  à  aucune  autre  de  tou- 
te l'Europe)  que  par  le  moyen  de  ce  bon,  fainA^ 
&  vertueux  conte,  ceux  de  Flandre  ont  eu  un 
prince  &  gouverneur,  lequel  ne  décore  ipoinsle 
païs  de  Flandre,  que  monfieur  faint  Louys  a  de- 
puis honoré  le  royaume  de  France,  comme  aflez 
peut  apparoir  par  les  miracles  que  noftre  Sel-* 
gneur,  depuis  fa  mort  a  monftré  à  l'endroit  de 
fon  corps  bien-heureux ,  lequel  eft  pour  le  pré- 
fent  eflevé  en  la  facriftie  de  fainft  Donas,  où  cri 
le  voit  journellement  en  grande  dévotion  &  révé- 
rence. Qdant  à  niadame' Marguerite  fa  femme^ 
dont  toutesfois  il  n'eut  aucun  enfant  ^  elle  fe  re- 


Cuill.  de 
umièges.^ 

Order.  Vit. 


(5)  L'époufe  de  Guilhitmie  fut  Jeanne  de  ]^ontfefrat  v 
fille  d'Humbert  IL ,  duc  de  Maurienne  &  de  Savoie ,  ôt 
fœur  d'Adélaïde ,  époufe  de  Louis  le  Gros.  Dès  qoe  ceUc- 
ci  eut  appris  la  mort  de  Charles  le  Bon  »  elle  employa  toot 
fon  crédit  fur  fon  époux ,  pour  faire  placer  fon  beau-frère 
fur  le  trône  de  la  Flandre  ,  au  préjudièe  de  ceux  qui  y 
avoicnt  des  droits  plus  légitimes.  Il  eft  vrai  qu'il  aivoit 
époufé  d'abord  SyMllé,  fille  de  Foulques,  comte d'Aftjou; 
mais  le  mariage  avoit  été  annullé ,  parce  qu'ils  étoient  pa- 
rcns.  Cette  Sybille  fut  la  féconde  époufe  de  Thiéri  d'AI- 
face ,  qui  fuccéda  à  Guillaume  le  Noimand  au  coa»ié  de 
Flandre. 


LE      NORMAND.  363^ 

maria  depuis  à  Thiéry  d'Elfate  (6) ,  quy  devint- 
finablemcni  conte  de  Flandre,  félon  que  pourrez 
veoir  par  la  continuation  de  celle  hiftoire. 


(6^  Nous  venons  de  dire  que  la  féconde  époufe  de  Thié- 
ri   d'Alface  fut  S^i)ille ,  fille  de  Foulques ,  comte  d'Anjou. 
La  première  ell  appellée  Suanecliilde  dans  un  grand  nom-     ,.    ^    ^^ 
bre  de  diplômes;  mais  pluficurs  hiiloriens  la   confondent,     Flandr. 
comme  Oudegherft  ,   avec  Mirguerite,  fille  du    comte  de     p.  iSéi^    "* 
Clennonc 


CHAPITRE        LXX- 

Comment  Guillaume  de  Normandie  fe  fit  au  moyen 
de  raffifiençe  du  rey  de  France ,  recevoir  en  plu-- 
fleurs  lieux  par  force  ^  pour  conte  de  Flandre 
dont  finaUement  il  devint  payfiUe  après  la  bat  ai l^ 
le  qu'ail  euft  devant  Tpre  contre  Guillaume  de  Loo* 

Guillaume  de  Normandie,   fils   de    Robert,  \ 

wluc  de  Normandie  ,.  furnommé  Courtcbofe, 
quy  fut  fils  de  madame  Méhault,  fille  de  Bau- 
douyn  de  Lille,  fuccéda  audift  bon  conte  Char- 
les ,  en  la  conté  de  Flandre  (  au  moyen  de  raflîf- 
tence  &  faveur  du  roy  Louys  de  France)  en  Tan 
vingt  &  huiA.  Il  ne  fut  jamais  marié,  trop  bien  L'an  1128. 
eftoit  fiancé  à  madame  Sybille,  fille  de  Fon- 
cault  (i/) ,  conte  d'Anjou ,  &  après  roy  de  Hié- 
rufalem  (i).  Mais  le  mariage  n'alUt  avant  (Ji) , 


(ji)  Foulques.  CO  ^^  riuffit  point, 

(i)  Voyez  la  n.  5.  du  chap.  précédent,  pag.  382.  Nous 
ajouterons,  contre  Oudegherft,  que  Guillaume  fut  plus  que 
fiancé  avec  Sybille.  Leur  uaioii  fut  réelle  &  duta  phiûewf» 
années.  A  la  foUieitation  du  roi  d'Angleterre,  Calixte  11.  là 
déclara  nulle,  comme  le  prouvent  le»  lettres  de  ce  pontife  Spicfl.  îtp 
aux  évoques  de  Chartres ,  d'Oiléans  &  de  Paris.  Guiltaxime  fol.  t.  3. 
&  fon  beau-père  rcfufcrent  de  fe  foumetwe  k  ce  décret  &     P-  4f^- 


384 


GUILLAUME 


Le  conte 
Guillaume 
au  com- 
mencement 
bien-condi- 
tionné, & 
eftant  par- 
venu à  k 
conté  de 
Flandre , 
devient  ty- 
ran. 


SainftOmer 
prinfe  par 
f  Guillaume 
deNorman- 
die. 


au  moyen  de  rpbftacle,  qu'y  mit  Henry  ^    roy 
d'Angleterre,    lequel  tôusjours  luy    avoit  efté 
grand  ennemy.  Ledift  Guillaume  devant  fon  ad- 
vènement  à  ladifte  conté  de  Flandre  s'avoit  tous- 
jours  porté  modeftement  &  vertueufement ,  mais 
incontinent  qu'il  penfoit  eftre  afleûré  de  fa  gran- 
deur &'  puiffailce,   il  changea  de  conditions,  & 
devint   cruel  &   tyran,  dont  aufly  mal  luy  en 
prînt,  félon  que  voirez  préfentcment.  A-vant  que 
lediél  Guillaume  peuft  eftre  par  tout  reçeu  pour 
conte  &  feigneur,  il  endura  beaucoup  de  fafche- 
ries,  qui  fut  caufe,  que  le  roy  Louys  de  FraHce, 
pour  le  mettre  par-tout  en  pofleffion,  vînt  6n  per- 
fônne  avec  luy,  au  mois  de  May  dudiél  an  mil 
cent  vifigt  &  hiiïA  en  la  ville  de  Lille,  où  il  fut 
receu  pour  coûte  &  fit  k  ferment  eu  tel  cas  re- 
quis &  accouftumé.  De  ta  le  roy  le  mena  en  la 
ville  de  Bruges,  où  il  fut  femblablenrent  receu; 
mais  pour  autant  que  ceux  de  Gand  mettoyent 
difficulté  à  le  recevoir,  obftant  la  faveur  qu'ils^ 
portoyent   au  roy  Henry" d'Angleterre,    le  roy 
Louys  &  le  conte  Guillaume  retôufderent  audift 
J^ille,  &  de  là  tirèrent  à  Sainâ:  Orner  par  Béthu- 
ne,  devant  lequel  Sainét  Orner  ilè  mifrent  lefiè- 
^ge,  pour  autant  qu'un    adolefcent  du  royaume 
de  Napies  appelle  Arnoiïld,  s'eftolt  en  quaUté 
de  neveu  du  feu  conte  Charles,  mis  dedans  ladifte 
ville,  &  avoit  fortifié  le  cloiftre  d'illec,  lequel 
faft  aflailly  &  prins ,  par  lefdits  roy  Louys  &  le 
conte  Guillaume,  quy  conftraindirent  iceluy  Ar- 
nould  à  la  renonciation  dû  droift  qu'il  préten- 

doit 


Ibid. 

Chrott.  de 
Tours 
an  II 19. 


maltraitèrent  ceux  ^ui  vinrent  le  leur  fignifier.  C'eft  ce 
que  prouvent  également  les  lettres  d'Honorius  II.  au  clergé 
de  Tours.  Mais  enfin,  Guillaume,  qui  avoit  épouféSybiUe 
en  11512.,  la  répudia  vers  l'an  1126.,  &  époufa,  Tannéar 
fttivanté ,  Jeanne  de  Mpnxîemu 


LE      NORMAND.  38^ 

Soit  iiudift  Flandre  (2),  moyennant  toutesfois 
qufelque  fomme  d'argent,  que  luy  fut  délivrée 
J>our  retourner  en  fes  pais,  &  laquelle  lefdids 
de  Saîhft  Orner  furent  contrainfts  luy  payer  & 
furnir.  Dudîft  Sainft  Omer,  ils  tirèrent  à  gran- 
fle  puiflance  contre  la  ville  d*Ypre,  laquelle  te- 
hoît  pour  Guillaume  de  Loo ,  dont  nous  avons 
parlé  cy-deflus,  &  devant  laquelle  y  euft  une 
dure  &  très-afpre  bataille.  Et  tandis  que  l'on  fe 
combatoit,  le  feignèur  de  Roubaix  ciitra  dedans 
ledift  Ypre;  par  la  feftîon  du  guet  de  la  porte  dé 
MefliNes  ,  dont  s'appèrchevant  le  fufdift  Guillau- 
me dé  Loo  &  les  fiens,  perdîreiit  tout  Courage, 
&  s'enfuyrèiît  à  Vâuderbutê,  maïs  ledid  Guil- 
laume fuft  poutfuyvy,  &  rattainft  pat  un  che- 
valier appelle  meflire  Daniel  dà  Tenrèmonde, 
quy  l'amena  prîfonnier  avec  pluficurs  autres  che- 
valiers. Et  fut  ladifte  ville  d'Ypre  par  les  gens 
du  roy  arfée  &  pjllée.  Dont  eftonnécs  les  ^uçres 
villes  de  la  baffe  Flandre,  îcfquellés  avoyenttenu 
^e  party  dudici  Guillaume  de  Loo,  fe  mifrent 
fans  aucune  réfiftence,  foubs  robéiflance  du  roy 
Louys ,  recevants  ledit  Guillaume  pour  leur  con- 
te &  feignèur  (3)*  Comme  aufly  finablement  ceux 
de  Gand,  moyennant  aucunes  conditions  lors 
çoncheués,  recogniirent  le  fufdit  Guillaume  de 
Normandie  pour  conte  de  Flandre,  encores  que 
ce  fut  à  leur  très-grand  regret  &  déplaifir.  Ce 
feift,  ledift  roy  Louys  retourna  en  France.  Et 
affez  toft  après  G.uiUaujne  de  Loo)  à  la  requefte 
des  barons  &  nobles  de  Flandre^  fut  relaxé  Se 
mis  en  fa  liberté,  mcJyerinant  toutèsfbîs  la  pro^ 
mefle  qu'il  fit  de  faire  hommage  audîft  Guillau- 
me de  Normandie,  comme  conte  de  Flandre,  de 
les  vifconté  d'Ypre  &  feigûeurie  de  Loo ,  enfcm- 


Ypré  dent 
le  p^rty  de 
GiuiJaume 
de  Loo. 

Du  confliâ: 
que  devanc 
Ypre  Guil^ 
laume  de 
Loo  euft 
contre  le 
roy  der  ran- 
ce  de  Guil- 
laume de 
Norman- 
die. 

Guillaume 
de  Loo  prio 
fonnier. 

Ypre  bruf. 
lée. 


Guillaume 
deNorman- 
die  partout 
receu  pour 
conte  de 
Flandre* 


(2)  Voyez  la  n.  4.  du  chtp.  69. ,  p  .381. 
O)  Voyez  la  n.  I.  du  chap.  65). ,  p.  380. 


£  û 


-38^ 


ÔUILLAUMÉ 


OuilUume 
dcLo^)  re- 
nonce au 
droict  citt'il 
prctcnuoit 
cil  Flandre. 

Baudouyn, 
cotuo  de 
llainaulc , 
infeftc  le 
viiê  de 
Flandre* 


ble  de  renoncer  à  tout  tel  drolA  que  jamaU  À 
pourroit  prétendre  en  la  conté  de  Flandre.  Ce 
que  néantmoins  lediét  Guillaume  n'obfcrva  guer- 
res bien*  Cependant  Baudouyn  ^  conte  de  liai-  • 
nault,  qoy  femblablement  avoit  prétendu  droiA 
en  la  fufdiéte  conté  de  Flandre ,  faifoit  ptufieuri 
courfcs  audidl  païs,  bruflant  villages  ^  maifons 
de  plaifance  &  tout  ce  qu'il  pouvoic  rencontrer 
fur  le  plat-pals  9  &  fignamment  es  terroirs  & 
challelenies  d'Alofl;  &  Audenarde^  Contre  lequel 
le  conte  Guillaume  envoya  en  grande  diligence 
meflire  Bertratl marirchal  de  Flandre;  malsavant 
fa  venue  audi^  païs,  le  conte  de  Hainault  s'ef* 
toit  retiré.  Au  moyen  de  quoy  il  fetouma  ver» 
le  conte  Guillaume,  lequel  eftoit  par  le  moyen 
que  delTus  demeuré  paifible  conte  de  Flandre. 


CHAPITRE 


L  X  XI. 


Des  exaltions  fif  cruautés  du  conte  Guillaume  ^ 
apris  qu'ail  fût  devenu  feigneur  ^aifîbU  de 
Flandre  9  &  comment  ceux  de  lAlle  rebeller eni 
contre  luy^ 

ASfez ,  tod  après   que  ledi(f);    Guillaume  fat 
par-tout   receu  &  obéy  comme  conte  de 
Flandre,  il  commença  grever  (a)  le  païs  (i) , 


(,a)  Charger  d*lmpâit* 

(1)  Guillaume  avoit  hérita  de  Taudace  ft  de  Tambiciofl 
de  fei  pèrci.  11  voulolt  rentrer  dtni  le  duché  de  Konnafi- 
die  qu'il  n*avoit  pu  encore  reconquérir.  U  ne  pcrdcrk  poiac 
de  vue  le  tr6ne  d* Angleterre  qui  avoit  appartenu  Ji  fo» 
père.  l(  avoit  plufleurt  compétiteur!  au  comté  de  Flandre 
foutcnu»  par  de»  voiiini  inquiet*  et  jaloux  ,  Henri  foo 
oncle  ec  le  duc  de  Urabant.  11  lui  falloit  de  nombrent 
tréfori  pour  fournir  aux  gucrrci  qu'il  méditoit  ou  qu'il 
étoit  obligé  de  faire.  Délit  viennent  lei  vexadon»  qu*ii 
exerça  contre  Cm  nouveaux  ftjeti  dont  U  provoqua  la  btioo 
di  la  rebeiUofi* 


Le    normand. 


387 


faifant  pluiîèurs  nouvellitez  contre  les  ioix  &  an- 
cienes  couftumcs  des  villes  de  Flandre;  car  il 
faifoît  marchandife  des  offices,  comme  fi  ce  fuf- 
fënt  efté  chevaux  ou  autres  fortes  de  denrées: 
il  controuvoît  &  impofoit  riouvelles  exaftions,  ' 
amenoît  gens  de  guerre  au  pais ,  lefquels  il  met- 
toit  en  garnifon  es  petites  .villes ,  travaillant  par 
ce  grandement  le  peuple  &  contrevenant  à  la  paix 
&  tranquillité  du  pais  jurée,  promife,  &  adju- 
gée par  tes  prédécefleurs,  traînant  au  relie  fes 
fijbjefts  avec  toute  la  cruauté  &  rudeffe,  dont 
il  fe  pouvoir  advifer.  Par  ïefquelles  tyrannies  il 
a  bien  évidemment  mbnftré  combien  le  nature] 
des  hommes  eft  pervers:  Car  Ce  pendant  qu'ils 
feront  d'une  condition  afcjefte^  ils  auront  quel- 
que femblant  de  preudhommes  &  gens  de  bien, 
&  apparence  de  zèle  &  affeftîon  de  juftîcc ,  pour 
autant  qu'ils  n^ofcroyent  obtempérer  à  leur  na- 
turel, &auffi  ne  leur  perinettroit-on  pas.  Et  qui 
plus  eft,  durant  ce  temps  là;  il.  femble  qn'îl  y 
kyt  quelque  crainte  de  Dîeii  en  L*urs  moeurs ,  & 
eux  mefmes  ont  teftç  opinibn  en  eux  que  Dieu 
àflîfte  &  eft  préfent  à  toutes  lès  opérations  dès 
hoipmes,  &  regarde  toutes  leurs  |)enfées.  Mais 
auffi-toft  qu'ils  fe  vôyent  eÛcvcz  à  quelque  puîf- 
iance ,  &  haulte  dignité ,  ils  mettent  bas  &  Quit- 
tent leurs  premières  façons  de  faire;  &  comme 
s'ils  avoyent  changé  d'habit  &  orneinent  fur  un 
èfchaflFault,  pour  jouer  un  nouveau  perfonriage, 
ils  fe  desboMent  à  toute  audace  &  infolence^ 
&  viennent  à  orgueilteufement  mefprifer  toutes 
'  chofes  &  divmes  &  humaines.  Et  combien  que 
pour  furmoflter  l'cnvyè,  ils  ayent  befoing  fur 
toute  chofe  de  la  crainte  de  Dieu ,  &  d'une  vraye 
bonté  &  juftice.  Combien  aufli  que  non-feule- 
inent  toutes  leurs  opérations,  mais  auflî  leurs 
volontez  foyent  en  évidence  devant  les  yeux  de 
tous  ;  néantmoiâs  c'eft  lors  principallement  qu'ili 

£  e  a 


Le  cohU 
Guillaume 
vend  les 
offices. 


Tyhmnié 
du  conte 
Guillaume^ 


Naturel 
pervers  des 
hommes. 


Honores 
mutant  tmh' 
res. 


.  Condiéioq 
de  gens  in- 
cfpérémenc 
edevez  à 
quelque 
grande  di* 


GUILLAUME 

s'efcarmouchent  d'une  façon  furieufe  contre  ïeùrf 
fubjefts ,  &  fe  baillent  licence  de  toutes  chofes , 
comme  fi  Dieu  fermoit  les  yeux ,  ou  comme  s'il 
redoutoît  leur  puiflance.  Et  ont  opinion  que  tout 
ce  qu'ils  ont  décrété  ,  ou  par  avarice  ,  ou  par  hai- 
ne, ou  par  defir  immodéré  de  vengeance  injufte, 
ou  par  faveur  desraifonnable ,  doibt  éftre  ratifié 
tout  incontinent  par  les  hommes  ,  &  que  Dieu  y 
doit  foubfigner  pour  l'approuver,  n'ayants  au  de- 
meurant aucun  regard  à  ce  qui  en  peut  avenir.  Car 
s'îlfautparlerde  ceux  qui  aurontprinsde  grande^ 
peines  &  fe  feront  expofez  à  beaucoup  de  diffi- 
cultez  pour  l'amour  de  ceux-cy ,  premièrement 
on  les  voyra  eflever  par  eux  à  quelque  dignité, 
&  après  qu'ils  les  auront  eflevez ,  conçoivent 
telle  cnvye  contre  eux  ,  que  non-feulement  ils  les 
privent  de  leurs  dignitez,  mais  auflîbien  fouvent 
îes  oppriment  par  calomnies,  ne  confidérants 
point  quelle  raifon  ils  ont  de  ce  faire ,  &  n'ad- 
jouftants  point  foy,  finon  aux  ftux  rapports  qui 
font  faifts  ,  fans  aucune  probation  légitime  ,  & 
traiftent  rudement ,  non  pas  ceux  qu'il  falloit 
àinfi  traiéler  ,  mais  ceux  envers  lesquels  il  leur 
eft  bien  facile  d'ufer  de  cruautés  -Et  quant  au 
ferment  par  eux  faift  de  bien  &  légitimement 
gouverner  fon  peuple,  ils  en  font  autant  d'eftime, 
(pxQ  font  accouftumez  ceux  qui  fe  perfuadent 
n'y  avoir  aucune  puiflance  fouveraîne  &  éternelle 
fur  eux,  ou  bien  que  Dieu  le  Créateur  n'a  au- 
cune follicitude  des  chofes  qui  fe  commettent 
îcy  bas.  Nous  avons  un  exemple  bien  manîfefte 
de  cecy,  prôpofé  en  Guillaume  de  Normandie, 
lequel  (  encore  que  contre  tout  droiA,  veu  qu'en 
y  avoit  des  plus  prochains  que  hiy  )  eflevé  à  la 
dignité  ,  en  laquelle  il  fe  trouvoit  depuis  avoir 
efl:é  fourré  en  la  conté  de  Flandre  ,  fe  gouverna, 
félon  que  cy-deflus  vous  avons  déclaré^  &  dont 
•Héantmoins  il  porta  toft  »près  la  Julie  pénitence- 


LE     NORMAND. 


389 


Car  le  peuple  .de  Flandre ,  grandement  indigné 
à  raifon  de  fes  fiifdiftes  rudefles  &  cruautez  , 
conceut  une  extrême  hayne  contre  luy,  &  com- 
mença petît-à-petit  de  fe  rebeller,  &  fignamment 
les  habitants  de  la  ville'de  Lille,  lesquels,  comme 
ledift  /  Guillaume  penfoît  un  jour  entr'autres 
venir  en  ladîéle  ville  ,  luy  fermèrent  leurs  portes 
à  fon  nez,  dîfants  qu'ils  n^entendoyent^'-eltre  ré- 
gis ny  gouvernez  de  la  façon,  dont  il  les  avoit 
commencé  traiéler.  Lesquels  de  Lille  furent  aflez 
toft  fuyvis  par  ceux  de  Gaud  &  aucuns  autres. 
Dpnt  adverty  Guillaume  de  Loo  ,  qui  s'eftoit 
retiré  vers  le  roy  Henry  d'Angleterre,  fon  cou- 
fin  ,  retourna  avec  grand  nombre  de  navires  bien 
garnis  de  gens  de  guerre  ,  que  ledift  roy  Henry  luy 
avoit  baillé  ,  vers  le  païs  de  Flandre.  Pour  auquel 
réfifter  ,  le  conte  Guillaume  fe  tranfporta  en  toute 
diligence  vers  le  Dam  &  fit  de  forte  ;  que  non- 
feulement  la  defcente  dudift  Guillaume  de  Loo 
au  païs  de  Flandre  fut  empefchée  ,  mais  auflî  le 
força  de  retourner  en  Angleterre  avec  grande 
perte  &  déshonneur  (2). 


(2)  GuilUlmus  Hyprenfis  . , . .  cum  ampld  Anglorum  ma* 
nu ,  mari  reverfus  Sclufam  cepit  in  agrofque  circumjeàos  po- 
pulabundus  incurrit;  iticertum  patria  ^  an  Normarino  gravior 
koftis, 

CHAPITRE       LXXIL 

Comment  ceux  (fe  Flandre  mandèrent  à  leur  fecoun 
Thiéry  d^Elfate  contre  leur  conte  Guillaume  , 
Êf  du  divers  événement  de  la  guerre  desdiSts 
Thiéry  &  Guillaume  ,  enfemble  de  la  mort  du^ 
di£t  Guillaume. 

A  Prés  que   ledîél  Guillaume    de   Looyfe  fût 
avec   fa   courte   honte  retiré    au   royaume 
d'Angleterre ,  le  conte  Guillaume  continua  fcs 


Ceulx  de 
LUle  rebel- 
lent  contre 
le  conte 
GuiUaume 
à  raifon  de. 
fes  cruau- 
tez. 

Guillaume 
de  Loo  re- 
tourne avec 
puiflance 
vers  Flan- 
dre,fefyant 
aulx  rebel- 
lions que 
ceux  du 
païs 
avoyent 
commencé 
contre  le 
conte  Guil- 
laume ,  le- 
quel néant- 
moiàs  faid 
retourner 
lediâ  de 
Loo  vers 
Angleterre 
avec  fa  per- 
te &  déS' 
honneur, 

Meyer. 
an.  II 27* 


i9^ 


0  IJ  I  L  I.  A  U  M  E 


Hume    an 
fume  iiuïl- 


}omnéç 
Uume, 


ry.  f!e  faift,  kdUt  roy  rerounia  «n  France  Cj>t 
Nonol)(hnt  Qwoy  Ift  guerre  coiuinuft   tou^jimri 
crure  k  conte  (JullUump  &  Tliléry,  lefquelii  é>*rnr 
tre-doiinoyeiit  bit-Mï  ioiivent  (Wti  très-U^wrde^    r^»: 
(:oiii;r(i«<  tHtj^t?lle«    ji4vet)olt  plwOdurs  jfols,  ^mi* 
ceftwy  ijwl  gvolt  obrenu  ylétolre  fur  fou  eiuier 
my,  fuft  U  Jour  ftibféqu^nt  valupu,  de  manière 
que  l^ur  quertlle  eftoU  boune  *î(p»c«î  ck  it6ni{>« 
eu  bnuîflti  (//)♦  ave(i  uiijrvellltiufipmeut  graiulii  t^)^* 
pcdjulou  du  peuple  de  VéveiU  de  c^  débats  <5f 
de    quel   cofliî  la   vltHoire   eufin    ^'ini^lln^rolt, 
eut-'oie  que  1^  uielUeure  part  defiraft  que  U?di4 
Tlïldry   rtîiflit    (Z^)  victorieux»    Lequel    finabkr 
lueut,  eflnut  un  Jour  m\tfmtnfi  forty  de  Uvil^ 
le  de  Lille,  pour  cbercer  le  conte  Gulllauin*?  fo» 
eniïemy,  tr^^uv»  le  fulUl^ît  GuUluume  4  M^k  (4) 
avei'  fçraud  oft,  que  nouvellement  il  av^^U  ra» 
waH'é  de»  paï^  de  Normandie,  Picardie,  &  dç 
France,  De  nianiére  qu'il  y  eull  Jllec  uu  trt^ 
dur  A;  aïi^kix  cimiMétg   auquel  ledi(tt   Tlil^ry, 
aprèî>  avoir  longuement  loullenu  Teflort  de  fc§ 


(/?)  Inarffiiin»* 


Cb)  ^mn., 


f3)  ^«  r.oMis  le  Hfos,  4it  le  P.  d'OrMflfls ,  nfi  reriâiçUIk 

M  <^re ,  tjMtt  riwnnû«r  4'uvojr  àtnmà  lu  loi ,  c«  ^mct  iyant 
^  4t^  tMé  peu  de  tvme  »j)rttj  4»n«  wm  <jMfirr§  «  où  /'«<«»  Tiijm 
^  fèvuU<*;>    conue    lui   ftvoitfpt  utiir^   Thierrl    d'Ans^e* 

„  fucceireur,  „ 

litiu  qU  Te  i\i$t)m  h  hmilltî  4ont  il  ^i\  qi^iUm»  M^^kr%m^^ 
fc  liMa^tlù)  lui  d^Dmnt  U  mmu  mm.  i)»m  1$  /'/^ft^r<  ^4- 

Ijeu  4a  combftt  4iit  étru  pr^^  4e  Uvnie  4*Al«fti  lkA%èU^ 
ville  dft  U  *f'|jin4fe  hoUafwlMire,  ew  eft  Vfo^  tUAnm^»  Op«ii- 

dttiu  <m  m  uuMva  l'Mf  |ti9  cftfttfis  4e  Flandre  iiWîMn  11^  h*^ 
b'Hppdle  4ixpi,\d  ou  Hdhflmlt  Na  ferolt  ctf  pa«,  fi^lo»  l'opi 
rïion   de  M,  Pflbb^  Ohcl^Mit-rc,  Mffpel^er  »  dit  fttttfdoû 


LE      NORMAND. 


393 


panemîs,  &faift  tout  ce  qu'un  vaillant  Capitainp 
jçn  rencontre  ti^nt  inégalle  euft  peu  faire,  fuft 
mis. en  défarroy,  &  fe  faulva  en  la  ville  d'Aloft; 
où  néantmoins  il  fut  pourfuyvy  en  toute  dili- 
gence par  le  conte  Guillaume  &  les  fiens,  lef- 
quels  livrèrent  au  mefme  inftant  plufieurs  &  di- 
vers affauts  à  ladiéie  ville,  efpérants  par  ce 
ïnoyen  eftonner  les  manants  &,  habitants  d'illec, 
jde  forte,  qu'ils  feroyent  du  moins  contents  de 
livrer  es  mains  du  conte  Guillaume  ledift  ïhié- 
ry,  en  la  perfonne  duquel  ils  fçavoyent  confifter 
la  fin  ou  continuation  de  celle  guerre.  Pour  à 
fluoy  parvenir,  le  conte  Guillaumç  fe  trouva  fi- 
riablement  en  perfonne  devant  la  porte ,  çryant  ^ 
&  faifant  commandement  à  ceux  de  dedans  qu'ils 
euQent  à  luy  faire  ouverture ,  comme  à  leur  vray 
&  naturel  fcigneur,  les  affeurant  au  refte  de  tout 
bon  traiélement  &  qu'il  ne  cherchoit  autre  que 
la  perfonne  du  fufdift  Thiéry.  A  quoy  toutes- 
fois  ne  luy  fut  donnée  aucune'  refponfc,  mais 
iin  arcbaleftrier  de  dedans  nommé  Nicayfe,  def- 
coça  après  luy  &  le  toucha  d'un  virton  ou  fa- 
gette  foubs  le  pous  (/i) ,  ou^  (félon  autres) 
en  l'efpaule  droiôe,  dont  le  bras  s'alluma  &ap- 
poftuma,  d^  forte  que  cinc  jours  après  il  en 
xuourut,  &  fut  fon  corps  par  fes  ♦chevaliers 
tranfporté  au  monaftère  de  fainft  Bertiu,  où  ils 
l'enterrèrent  .en  habi;  de  moifnç,  fur  la  fin 
d'Aougft  en  l'an  mil  cent  vingt  &  neuf.  Je  trou- 
ve par  Içs  hiftoireç  qu'avant  le  trefpas  de  ce 
Guillaume,  advindrent  deux  chofes  prodigicufes , 
lefquelles  (félon  que  depuis  on  a  veu  par  expé- 
rience^ annonchoyent  &  défignoyent  îa  mort 
d'ic'eluy.  Si  comme  que  la  nuiél:  précédente  le- 
jour,  auquel  ledift  conte  fut  bleffé,  fut  veuë 
^ans  les  tentes  dudift  coûte ,  grande  quantité  de 


Thiéry 
d'Elfajte 
s'enfuyt 
vers  Aloft. 


Aloft  affié- 
gée  par  le 
conte  GuU* 
laame. 


Le  conte 
Guillaume 
cftant  de- 
vant la  por- 
te d' Aloft, 
cft  bleffé 
d'un  virton 
tircfpnule, 
dont  il 
meurt  peu 
après. 


L'an  1129t. 

Prodiges 
advenus  au 
camp  du 
conte  Guil- 
laume 
avant  le 
trefpas 
d'icelui. 


Ça)  Poucô.  Ipiçr  poUicem  &  palmum ,  dit  un  ckronçfosfflc. 


Le  fiège 
d'Aloft  le- 
vé après  le 
trefpas  du- 
did  conte. 


Thléry 
^•Elfate  re- 
ceu  pour 
conte  de 
.  Flandre. 


I^hofespro- 
digieufcs 
cfi  Flandre. 


894     GUILLAUME  LE  NORMAN, 

gens  de  guerre  à  cheval.  A  raifon  de  (Juoy  s^eft. 
meut  grand  bruîft  par  tout  le  carap,  de  forte 
qu'on  fonna  l*alarme.  Maïs  .  quand  on  appro- 
chaft.  Ton  ne  vit  autre  chofe  que  la  fiixiiHtudc 
de  quelque  homme,  lequel  fembloit  blefler  d'ufl 
arcbaleftre  ledid  conte  à  Tefpaule,  de  forte 
qu'on  maintient  que  ce  fiiflent  aucuns  efprits, 
qui  venoyent  fîgnifier  au  conte  fa  prochaîne  mortf 
I^'on  vit  auflî  fur  la  mefme  nuift,  deux  chats 
huants ,  qui  combatoyent  au  deffiis ,  &  à  Tentour 
de  la  tente  du  mefme  conte  ;  defquels  l'un  fut  le 
lendemain  au  matin  .trouvé  à  terre  griefvement 
^Ijleffé,  voires  jufques  au  movrîi;,  &  mouruft  au 
'  inefme  temps, 'jour,  &  beure  que  ledift  conte 
trépafla  (5).  Les  gens  duquel,  voyantz  la  difi 
grâce  ^  mativaife  fortune  qui  !uy  eftoît  adve- 
nue, levèrent  fans  faire  bruit,  le  fiège  de  devant 
Aloft ,  &  abandonnants  bagues  &  charroys ,  chaf- 
cun  fe  fauva  le  mieux  qlie  luy  fut  poffible:  fuy- 
vant  quoy,  ledidl  Thiéry  ayfe  au  poflîble  d'une 
adventure  tant  bonne ,  &  inefpérée ,  partit  incon- 
tinent vers  Gand,  où  il  fut  receu  à  conte  de 
Flandre,  çonyme  pareillement  il  fut  à  Bruges, 
Ypre,  &  ^  refte  de  villes  &  paï$  diidift  Flan- 
dre, en  toutes  lefquelles  il  fit  &  receut  le  fer^ 
ment  en  tel  cas  accouftumé.  Durant  le  gouver- 
nement/dudiâ:  conte  Guillaume ,  fi  comme  en  my- 
Sèptembre  de  l'an  mil  cent  vingt  &  huift  fit 
par  tout  le  Haïs  fi  très-froid,  qu'il  n'eftoit  mé- 
'  moire  du  femblàble-,  &  ftirent  au  païs  de  Flan- 
dre plufieurs  eauës  es  fofles  ^  rouges  comme  fang; 
&  toil  après  fayvit  une  grande  peftilençe ,  dont 
Dieu  nous  veuille  tous  garder,  * 


<5)  Da^s  tous  les  tems  la  fuperftition   aveugle   a  fait 
regarder  le  hibou  comme  un  oifeau  finiftre.   Ovide  dit  eA 
Môtam.  1.5.     piirlant  de  It  métamorphofe  d'Afcalaphe  : 

^^Fœdaquc  fit  volucris  ^  venturi  nuncia  lu  Sus  t 
„  J^avus  hubo ,  àirum^  mfirtaUbus  mcn^ 


T  H  I  E  R  R  I     D^  A  L  S  A  G  E.    39JJ 

CHAPITRE       LXXIII^ 

Comment  le  conte  Thtéry  fut  receu  f&ur  feigneur 
de  Flandre  j  &  du  fainâ  Sang  qu^il  rapporta 
d* outre  mer^  Q^  donna  à  la  vilfe  de  Bruges; 
enfemble  de  la  fondation  d^ aucuns  m/maftires^ 
4ivec  autres  chofes  mémorables» 

THîéry  d'Elfate,  fils  de  Thîéry,  duc  d'El- 
fate,  &  de  madame  Ghertrude  de  Flandre, 
fille  de  Robert  le  Frifon,  fut  par  les  prélats, 
nobles  &  peuples  de  Flandre,  receu  &  admis  à 
conte  de  Flandre,  en  l'an  mil  cent  vingt  &  neuf. 
Il  fut  deux  fois  marié;  la  première  fois  à  mada- 
me Marguerite  ,  fille  de  Renault,  conte  de  Cler- 
piont ,  laquelle  eftoit  vefVe-  de  feu  Charles  le  Bon , 
de  laquelle  II  euft  une  fille,  nommée  Laurette,  la- 
quelle fut  depuis  mariée  au  duc  de  Lembourg(i); 
mais  pour  la  proximité  du  lignage,  çUe  en  fut 
féparée,  &  remariée  à  Ywain  de  Gand,  conte 
d'Aloft  (2)  qui  gifl:  à  Tronçhienes  &  duquel  vint 
Thîéry  depuis  conte  d'Aloft.  IJlle  fe  remaf  ia  de^ 
purs  à  Raoul,  conte  de  Péronne  (3),  &  pour  la 
quatriefme  fois  au  contç  de  Namur  (4).  Aucune 
lîiftoriens  maintiennent,  que  pour  ce  que  ladifte 
Marguerite  avoit  efté  mariée  au  conte  Charles.  1q 


Le  coQto 
Thiéryprcr 
miéremfent  , 
marié  à  ma-r 
dame  Mar- 
guerite de 
Clermont  ^ 
aliàs  Z\ya: 
nahilde. 


(i)  Henri  m.  du  nom.  L'auteur  de  la  Flandre  génirtuft 
lui  donne  pour  premier  époux  Henri ,  comte  de  Louvain  ; 
mais  c'eft  évidemment  une  erreur. 

(2)  Il  étoit ,  félon  Miraus  (  chron.  beJgic,  )  le  cinquième 
des  comtes  di'Aloft.  Ce  fut  lui  qui,  en  1136. ,  établit  des 
religieux  Prémontrés  dans  l'abbaye  de  Tronchiennes  près 
de  G  and.  Aucun  des  feigneurs  de  la  Flandre  n'ayoit  mieux 
îervi  ^hierri  d'AMace  contre  Guillaume  d'Ypresi 

(3)  Il  s'agit  ici  de  Raoul  de  Vermandois  ,  furnommd 
l'Adif  &  le  Borgne,  Strenuus  $f  Codes  &  mort  en  1151. 

(4)  Ce  comte  eft  Henri  l'Aveugle ,  qui  mourut  prefque 
centenaire  dans  le  comté  de  Luxembourg  en  1196.  Cette 
Laurette  n'eut  d'enfajis  que  du  comte  d'Aloft  &  mourut 
jreligieul^  à  l'abbaye  de  Foreïl,  près  de  Bruxelles. 


Mir.  notit. 
eccicf.  ç. 
234. 


S9« 


T    H    I    E    R    R    I 


Mariage  du 
conte  Thié- 
ry  avec  ma- 
dame Sy-, 
bille  deHid- 
rufalera. 


Des  cnfans 
4e  TWty, 


Bon ,  le  pape  Honorius  voulut  féparer.ledift  Thîé- 
ry  d'avec  elle,  &  pour  ce  que  le  conte  Thîéry 
ne  la  voulut  laifler ,  H  les  excommunia,  &  mit  le 
ces  (a)  en  Flandre ,  au  moyen  de  quoy  y  euft  de 
grands  brouillis  audlél  païs ,  lefquels  néantmolns 
ne  durèrent  guerres,  pour  autant  que  la  bonne 
dame  trefpafla  toff'  après,  fçavoir  en  Tan  mil 
cent  trente-quatre.  Je  ne  fçay  où  elle  fut  enteir 
rde,  Il  fe  remaria  depuis  à  madame  Sybille,  fille 
de  Foucault,  conte  d*Anjou,  &  roy  de  Hidrufa*- 
lem,  laquelle  auparavant  avoit  elle  fiancée  au 
fufdift  Guillaume  de  Normandie  ,  conte  de  Flan- 
dre (5)  ;  mais  le  roy  d'Angleterre  avoit  einpefché 
le  mariage  ,  (comme  efl:  déclaré  cy-devant)  de 
laquellç  ledidl  conte  Thiéry  cufl:  cinc  fils  &  deux 
filles  (6) ,  fi  comme  Philippe  qui  luy  fuccéda 
en  la  conté  de  Flandre,  Mahieu  (i),  conte  de 
iioulongne  de  par  fa  femme  ,  Gherard  ,  prévoft 
de  fainft  Donas  (7),  Baudouyn,  évefquede  Thé-r 
rouane  (8)  ,  qui  termina  Jeune,  &  Pierre,  efleu 
évefque  de  Cambray,  lequel  depuis  retionça  ï 
Téleétion ,  &  fe  maria  à  la  vefve  du  conte  de  Ne- 
vers,  fiUç  di^  conte  de  Vçrmandois.  L'une  des 


Vred.  gen. 
Fbnd.  i$>9. 


Ann.Fland. 
an.  U3i' 


(/î)  Interdit  ou  cejfatîon   dt    (h')  Matthieu^ 
V office  divin, 

(5)  Vpyez  ci-dcffUs  la  note  i.  du  chap.  70.,  p«  383. 

(6)  Thierri  d'Alface  eut  de  Sybille,  fa  féconde  époufc, 
trois  filles.  Celle  que  ne  nomme  pas  Oudegherft ,  cft  Ma- 
thilde  qui  fut  abbeflTe  de  Fontevrault ,  célèbre  abbaye ,  chef* 
d'ordre,  fondée  par  Robert  d'Arbriflfet,  à  3.  lieues  de  Sau- 
mur  en  Anjou. 

(7)  Gérard  étolt  un  fils  naturel.  Il  réuniflbit  à  la  pré- 
vôté de  St.  Donas  celles  de  St.  Orner,  de  Furnes&de  Lille. 

(8)  Baudoin  ,  qu'Oudegherft  faiç  ici  évéque  de  Thé' 
rouanne,  n'eft  pas  défigné  fous  ce  titre  par  Vredius  ,  ni 
par  le  nouvel  éditeur  de  la  Flandre  ginireufe.  Selon  Meyc- 
rus ,  il  s'étoit  mis  fur  les  rangs  pour  obtenir  cette  dignité  ;  mais 
oû  lui  avoit pré((r^r(^  JMilon ,  abbé  de  Duiumartin  en  Artoi^' 


DT  A    L    s    A    G    E. 


S97 


Elles  fut  nommée  Marguerite^  qui  fut  première-f 
ment  mariée  à  Roulof  (a) ,  filz  de  Roulof ,  con- 
te de  Vermandois ,  qui  mourut  ladre ,  &  après  à 
Baudouyn,  conte  de  Hainault  &  de  Namur,  difl 
le  quart,  laquelle  auffi  fut  depuis  contefle  de  Flan-» 
dre.  L'autre  s'appelloit  Ghertrude,  femme  de 
Lambert, conte  de  Montaguou  deMortaigoe  (9), 
&  en  après  de  Thomas  d'Oili,  &  finablement 
religieufe;  mais  je  ne  fçay  en  quel  lieu.  Ladiéie 
Ghertrude  donna  à  l'abbaye  des  Dunes  en  Weft- 
Flandre  cent  marcs  tous  les  ans,  &  fut  iceluy 
don  confirmé  par  Gherard ,  prévoft  de  fainft  Do- 
nas  fon  frère.  Ledift  Thiéry  eftoit  un  prince 
inerveîlleufément  difcret,  prudent,  fubtil,&  vail- 
lant, il  s'accouftroit  voluntiers  à  la  manière  des 
princes  chreftiens,  eftants  en  la  terre  fainfte,  où 
il  avoitefté  nourry,  &  lopg-tems  milité  foubs  le 
prince  Rogîer  de  Sicille  fon  oncle.  Il  fonda  avec 
madame  Sybille  fo  femme,  &  à  la  requelle  de 
monfieurfaint Bernard,  abbé  de Clervaux ,  le cloif- 
tre  de  Clermarez  près  de  Saindt  Omer,  de  Tor- 
dre de  Cifteaux;  il  dota  auffi  grandement  le 
cloiftre  de  faînél  Gilles  à  Watene ,  lequel  il  avoit 
fondé,  &  y  mit  des  chanoines  réguliers;  il  con- 
firma à  Téglife  de  Tronchienes  les  dons  que  fi- 
rent à  icelle  églife  Ywain  de  Gand,  conte  d'Aloft, 
&  madame  Laurette  fa  femme ,  convertiflant  les 
prévoft  &  chanoines  réguliers  qu'il  y  avoit  it- 
lec,  en  abbé  &  religieux  de  Tordre  de  Prémon- 
ftrez.  Il  apporta  d'outre  tner  &  donna  à  la  cha- 
pelle de  fainft  Bafile  à  Bruges  le  faincl  Sang, 
.que  chafcun  vendredy  on  monftre  encores  pour 


Aceoullre^ 
ment  dont 
le  conte 
Thiéry 
ufoit  vo- 
lontiers. 

Le  cloiftre 
de  Clenna- 
rez  fondé 
par  le  conte 
Thiéry. 

St.  GUles  k 
Watene 
fonde  par 
le  conte 
Thiéry. 

Le  faina 
Sang  rap- 
poné  d*oa- 
ire  mer  fit 
donné  à  la 
diapellc  de 
St.  fiiûle  k 
firuges  par 
le  conte 
Thiéry. 


(tf)  Raoul,' 

'  (9)  n  faut  ici  fubftituer  à  Lambert ,  Humben  III. ,  comte 
de  Savoye  &  de  Maurienne.  Après  la  mon  de  fon  fécond 
époux',  Genrude  fe  fit  religieufe  à  MeÛines. 


Vrcd.  gen, 
FI.  p.  i^. 


ôrevenin- 
être. 


iip8 


T    H    I    E    R 


il    i 


U  Jourd*huy,  en  grande  dévotion  &  révérence. 
Et  donna  à  Téglife  defafnA  WàlbruggedeFurne5, 
une  grande  pièce  de  la  vraye  croix  que  feœbla- 
blement  il  avoir  apporté  de  ta  terre  fainéle.  Le 
mefmc  conte  Thiéry.avec  Philippe  fon  fil«  firent* 
de  la  paroiflTe  de  fainél  Wlllebrode  (lo)^  une 
nouvelle  ville  &  havre  (^)  que  maintenant  noui 
/  appelloni  Greveninge  (b) ,  y  appliquant  plufieun 
terres  9  que  feu  Robert  le  Frifon  avoit  donn^ 
à  Péglife  de  fainc'l  Bertin ,  félon  que  tcfmoîngne 
rhiftoire  dudiét  faindt  Bertin. 


Order.  Vit. 
4M'rec.  des 
fiift,  de  Fr. 


(lo)  L'an  ii47't  Thicrrl.fit  environner  de  murt  la  pi 
roKTe  de  St.  Willebrorde ,  6i  y  fit  creufcr  un  canal  dMU 
I  former  un  port.  Ce  fut  ce  canal  qui  donna  à  la  vilk  k 

Som  qu'elle  porte  aujourd'lmi»  pnitqu^çn  ûàmMnà  grav<a 
fnifie  crfiufâr. 


C    H    A 


i^   i    T 


R   B       L  X  X  I  v; 


tomment  U  conté  Thiiry  chajfa  du  païs  de  Flandre 
Guillaume  de  Loo  ,  qui  priiendolt  drolù  audict 
Flandre ,  &  fit  fon  premier  voyage  pour  la  citt' 
quefle  de  la  terre  falnEle ,  enfemble  du  corn" 
mencement  des  Jngreklni  Çf  Blaumoflni  au 
Weftquartler  de  Flandre: 

LE  conte  Thiéry  euft  à  fon  advènerocnt  en 
la  conté  de  Flandre  plufieura  travaux  &  f^ 
chéries  (i)  ,  que  luy  firent  aucuns  prince«,  pré- 

(^)  Port,  (^)  Gravâllftis,' 

CO  Dèf  que  Tblerri  fe  vit  poifefleur  du  comté  de  FUa- 
dre  par  la  mort  de  Guillaume  le  Normand  •  il  crue  qu'il 
étoit  d'une  politique  fage  6l  prudente  de  vivre  en  boeac 
intelligence  avec  lei  roij  de  France  âc  d'Angleterre.  U 
dernier  qui  voyoiten  lui  le  vainqueur  heureux  d'un  ncna 
éc  d*un  rival  qu'il  haï/Toit  9  pouiTa  la  compUifancc  k  t» 
égard  Jufqu'ii  forcer  le  comte  do  Boulogne  6c  d'autrca  fc^ 
gneuri  Normandi  ;  qui  avoieot  dcf  biens  en  Flandre»  I  toi 
prêter  ferment  de  &dûlii4,    ' 


D'  A    L    s    A    C    É. 


i9^ 


tendants  droift  en  icelle  conté,  &  fignamment 
Guillaume  de  Lôo,  vkonte  d*Ypre  (duquel  cy- 
deflus  avons  faift  plufieurs  fois  mention)  &  le- 
quel eftant  defcendu  avec  bon  nombre  de  navires  ^ 
s'eftoit  mis  dedans  la  ville  du  Dam,  près  Bru- 
ges qu'il  avoit  feiél  fortifier.  Toutesfois  ladifte 
ville  fut  enfin  prinfe,  au  moyen  de  quoy  kdicl 
Guillaume  prévoyant  qu'il  ne  gaigneroit  riens 
fur  le  conte  Thiéry ,  retourna  avec  peu  de  prouf- 
fit  en  Angleterre ,  vers  le  nouveau  roy  Eftienne , 
lequel  le  receut  très-humainement,  &  luy  donna 
depuis  des  grands  gouvernements  (ol).  Environ 
ce  méfiée  temps ,  fi  comme  en  Tan  mil  cent  tren* 
te-huicl,  le  conte  Thiéry  accompaigné  de  trois 
centz  hommes  en  bon  équipage ,  print  avec  plu- 
fieurs princes  chreftiens  de  la  couronne  de  Fran- 
ce, la  cruciate,  &  paflerent  outre  mer  au  fainft 
Voyage ,  pour  recouvrer  aucunes  places ,  cjue  les 


(a)  Après  la  mon  de  Henri  I.  «11135.,  Etieïme  de  Blois , 
4oi  lui  fuccéda  ,  accueillit  honorablement  dans  fcs  états 
GuiUaume  d*Ypres,  qui  lui  rendit  dans  la  i'uitedes  fcryices 
fignalés.  Car  Robert  ,  fils  naturel  de  Henri  &  comte  de 
Giocefter ,  s^étant  révolté  toatre  le  nouveau  roi  &  l'ayant 
fait  prifonnier  à  la  bataille  de  Lincoln ,  Guillaume  à  la  tête 
d'une  troupe  de  braves  qu'il  avoit  rafiuiâilés ,  alla  attaquer 
Robert ,  le  vainquit  &  le  fit  prifonnier.  Les  deux  princes 
furent  échangés  peu  de  tems  après,  de  le  trône  refta  à 
Etienne  qui ,  pour  récompenfer  Cofflamné ,  lui  donna  la 
province  de  Kencshire.  Rtx  ....  l&cratori  fua  totam  -pro- 
wnciam  qu^  dicitur  Cantia  pofidstu&im.  concej^^  &  iater 
primas  rtgni ,  ium  visit ,  bonwénit.  Après  la  moit  d*£tienne, 
ifenri  U. ,  fon  fuccefleur,  qui  haïflbit  GuiBaume  ,  le  força 
de  fortir  de  rAogletecre.  Ce  prince ,  qui  depuis  long-tems 
étoit  privé  de  la  vue,  fepaflaen  Flandre»  fcrécottdlia  avec 
Thierri,  &  mourut;,  dix  ans  après,,  dans  fon  château  de 
Loo ,  au  temtoire  de  ForHes ,  près  du  fort  de  Knok.Meye* 
rus  fui  donne  un  fils ,  qui  fut  livré  »  dès  Tenfance ,  po^is 
^tage  à  Thierri ,  &  auquel  ceux,  qui  étoienc  chargés  de  1« 
garder,  crevereat  ks  yeux  »  fuppUce  ck>Bt  mourut  est  ia* 
fortuné» 


Guîllaniiitf 
de  Loo 
prend  & 
fortifie  b 
ville  da 
Dam  ,  & 
faidgnene 
au  conte 
Thiéry. 

L*an  1138. 

Le  cume 

thiéry 
prend  k 
cnidate,At 
des   beaux 
exploîâs 
d'iceluy 
contre  kîf 
infidèles. 


Contîn-  de 
Flor.  Vî- 
gom.  édlL 
de  hooià. 
1592.»  p. 
539- 

Flandr.  gê- 
ner, c.  34. 


4oy  ,      T  n  î  K  a  R  f 

ftn\p(,tié^ê  fur  le.<»  vhfttnkm^  mif]u^i  v^/yjigçMii* 
*tU\éry  fit  (kft  tt<Cfvc)lk»(k<>  pfMWëlTV^^  îmt  c^ 
Syfk,  ^M*êrt  fWhflffc^  Egypte,  &oyfre  k  fl^o* 

fr  pnfmn  m  rplh  ti  varnu  uf^mmi  ^  kmr/^mtiU 
m^m^m  ^m^  VowmU  ,  f^y  d^  llj^rMfttett»^  l<i/ 
flt^t'onlft  flç  4o»fitt  ^n  fttîirU^^  fflflrf»ffl^  Hyitiik  H 
Mk^  *luMl  avoJt  eMÔ  ik  fft  pf^rmlére  ftiflm^^  qyl 

fy  q«l  d^p«l#  ftit  foy  4*Ait^eff€  (^),  Kf  gj^t* 

k«i  flrtt'c?^  MH^n^  k  etmu  7h\éfy  nummsi^  »¥4f4 

ttjrt<fttme  HyhUle  fa  fVmwe  m  prfï«5  ^iif  Fl;*«dfr, 

V  r^>«««    tid  il  fHt  W4^t  <*«  1«  pUi^  ^rméé  mnp^nHi^^u^ 

uimï  %i  ^  *^^^'^'  ^^"*^^  *^^  '^'^"^  ^  t'^yatt»  vâ<ri*ittf  fep'^' 
fm^vtm  voyettt  avlfer,  Kf  vint  vr/^  Iwy  ftiottJki^r  («l^^f^ 
^*ilr^        Btïfttflfd ,  kipid  f^iloïî  m  pm  ûupunvnni  dd- 


CftJ  ^rUff/lfUn. 


H  m  pmt  ^*m  Mt*^  i'tmmp  \*hHhffkn  k  â4mm  u  «rw^ 
4f  iét^ihUm,  imiikum^  A^  iit  m  mmnw  pi4m  mm  pité^ 

npme  H  me  ifttape  4^i  hmtmiifir  II  HiûUiwt  kukm^m  U 
tku  tHi  f-Hë  éu^ii  iUuée,  i/^um  m4ëh  dw  jhurâi^n*  fm 
l^#  ^ttntim  4m  ft^y**  <k«î  AmfhmHë^^  ptét^  4i4  mm^  (i0t$*4, 

0/    l' ^    Wëffffolimm  ^^fiff  i  ^ujm  tifi'vpmm  re.if  ^  ptfpuiué  uni 

mnnUm  tifitftuti  ffiffîttff0  f>r,i</i^mm  titium  mftfU  ff^hni^M 


D*  A    L    s    A    C    E. 


40X 


bîines  C4)»  qui  fiit  receu  dudiél  TMéiy  d'une 
humaDÎté  &  bémgnité  digne  i  deux  tels  peribn- 
liages  ,  au  nom  duquel  âuffi  lé  conte  Thiéry  doua 
de  plufièurs  beaux  prévilège^  lediA  cloiftre  des 
Dunes  ,  auquel  le  fufdiâ  fainâ  Bernatd  avoît 
confUtûé  ^  eftably  16  premier  âbbîé ,  a3raiii  tu 
mefine  temps  apporté  au  pals  de  Fhndre  Tan- 
tbenne  du  Salve  Regins ,  laquelle  il  reqmft  eftre 
chantée  tous  les  fabmedys  en  honneur  de  la  vier- 
ge Marie«  Et  aroit  lors  iceUe  anthenne  efté  noit^ 
Tellement  compofée  par  réveTque  podienfis  (à): 
Si  affirma  ledift  fainâ  Bernard  «  qu'on  l'avoit 
ouy  chanter  par  les  anges  9  en  Cgne  qu'elle  plai- 
(bit  &  eftoit  agréable  à  Dieu  &  à  fa  bénoifie  (g) 
mère  ,  Ut  vieiçe  très-pore.  Je  treuve  qu'en  l'ab- 
fence  de  ce  conte  Thiéry  ,  commença  au  paîs  de 
Fumambocht  (5)  une  partialité  de  deux  bandes , 
dont  les  uns  fe  diibyent  Blaumotïn^  &  lés  autres 
Ingrekins,  lesquels  s'afletnblerent  fouvent  les  tins 
i^ontre  les  autres  à  grande  puKRmce,  &  s*entre- 
tuoyent  fans  aucune  miféricorde,  fans  qu'il  fuft 
lu  povoîr  du  conte  ny  d'autre  d'y  mettre  ordre  ^ 
jufques  i  ce  que  d'eux-mefines  ils  fe  laflerent , 
&  que  lors  s'efvanouyt  ladiâe  partialité  9  comme 


SalnâBec- 
ntrd  pics 
le  corne 


LV 

Regima 
panée  en 
Flandre  par 
£dnâ  Ber- 
nard. 


cernent  det 
Blanmocnu 
d&  Ingre- 
Idtts  êa 
Flandte. 


(If)  Du  Put  en  FiUj: 


(^)  Ami9«. 


(4)  Voyez  vu  6.  àa  chip.  56.,  p.  322.  Se  Bernard  donna 
anx  lelipeax  des  Dones  la  r^e  de  Ctteanx ,  de  nomma 
abbé  Robert ,  Bragcois  de  aaiâânce ,  lequel  fe  rendit  fi 
câèbie  par  û(  piété,  qa*9ris  h  mort  de  St.  Bemahl,  Il 
liit  chaifipoor  lui  fuccjsder  dans  la  digoiflé  d*abbé  de  Clair- 
vanz.  Ce  fnt  suffi  St.  Bernard,  qoi  engagi»  Thicrri ,  ^>rès 
fon  retour  de  la  tare  (ainte  ,  i  fonder  }*^l^Wc  de  Clair- 


Cs)  Fomer-ambaclit.  On  appelle  ainfi  la  diltellenie  de 
Pornes,  qoi  comprend  4A.  viUafes  avec  la  pedte  ville  de 
l/x>»  câ^reparnne  abbaye  de  cbanoines  r^uliers,  fondée 
vers  Tan  1093.  par  Phi%pe  »  comte  de  Loo  ,  dont  noas 
Plirlé  pins  haoL 

Ff 


.  Aoâar. 
Oembl.  « 
Affligent 


4àA. 


T  H  î  Ê   R   R   t 


Amonlàf 
tdvoué  de 
Théroua- 
ne ,  caufe 
de  ladiâe 
ptrtiiiité. 


Vtu  ti4& 


Crociate^ 
deipriocei 
chreftietu 
contre  lea 
Turcqi,à 
la  prédica- 
tdon  de 

ThWry 
d^EUâte 
laiflele 
gooverne- 
nent  de 
Tlandre  k 
madameSy^ 
bUle ,  fa 
femme  ft 
va  pour  la 
demxiefme 
fois  à  la 
conqueftc 
delà  teM 
fainde. 


le  vent ,  laquelle  néantmoins  dura  long  temps  clé* 
puis  9  comme  vous  voirez  cy-après.  Et  pour  au* 
tant  qu*Arnould,  advoué  de  Thérouane,  avoit 
en  partie  efté  caufe  de  celle  partialité ,  &  efmeu 
le  pals  de  Flandre,  durant  Tabfence  du  conte 
Tbiéry:  ledift  Thiéry  fit  defmollir  un  chaftcao 
appertetiant  au  fufdiA  Amould. 


CHAPITRE 


L  XXV, 


Cdmment  le  Conte  Thiéry  entreprend  fes  ieuxiefme 
&  troifiime  voyages  vers  la  terre  fain&e;  de  U 
vi&oire  quUl  obtient  contre  les  Hennuyersy  Lii^ 
geois^  Çf  Namurois^  enfemble  du  mariage  de 
madame  TfabeaU  de  Vermandois  avec  Philippe 
de  Flandre^  auquel  lediSt  Thiéry  réfignela  con^ 
té  dudi&  Flandre. 

EN  l'an  mil  cent  quarante^fix,  Teniperear 
Conrard,  Louys,  roy  de  France,  TTiiéry, 
conte  de  Flandre,  avec  pluiieurs  prélats,  prin* 
ces,  barons  &  grand  peuple  chreftien  des  par* 
ties  d'occident,  prindrent  la  croix  à  la  prédicat 
tion  &  enhortement  (a)  de  ^lonfieur  faioâ 
Bernard,  &  d'un  commun  aecord  paflferent  la 
pier,  pour  à  force  d'armes  recouvrer  la  ville 
d'Ediffe,  que  les  Turcs  avoyent  conquifc  Tan- 
née précédente,  par  la  faute  &  négligence  des 
chreftiens;  &  s'accompagna  lediA  Thiéry,  conte 
de  Flandre,  de  plufieurs  nobles  de  fon  pais,  fi 
comme  d'Arnould  fon  neveu,  de  Lambert,  conte 
de Montagu,  de  Thiéry,  chaftelata de  Dixmude, 
de  Henry  de  Wulfiregcm,  &  de  plufieurs  au- 
tres, laiflant  le  Gouvernement  de  Flandre  à  Sy* 
bille  fa  femme,  afliftée  de  Rogier,prévofl;  de  fainâ 
Donas  &  chancelier  de  Flandre*  Et  en  Tan  mil 
cent  quarante*neuf ,  les  princes  chreftiens  retour^ 

Ça)  Exhortation, 


B*  A    L    s    A    C    E- 


403 


lièrent  dudift  faînfl:  voyage  fans  rien  faire,  à  rai- 
Ton  des  peftes,  famines  &  autres  inconvénients 
qui  leur  furvindrent  (i).  Nonobftant  quoy  le 
conte  Thiéry  de  Flandre  ne  retourna  avec  eux, 
^ins  demoura  là  encore  un  an  pour  affilier  con- 
tre les  ennemis  de  noftré  fainfte  Foy ,  le  royBau- 
douyq  le  tiers,  fils  de  Foucault  &  frère  de 
madame  Sybille  fa  femme.  Cependant  le  conte 
Baudouyn  de  Hainault  le  quart,  prendant  oppor- 
tunité (a)  par  Tabfence  du  ccfnte  Thiéry,  de 
tnolefter  la  Flandre ,  aflembla  une  boriîie  troUppé 
de  gens ,  avec  lefquels  il  entra  au  quartier  d' Ar- 
ras,  bruflant  &  deftruifànt  tout  ce  qu'il  trouvoit 
en  fon  chemlh.  Dont  madame  Sybille  grande- 
içent  eftonnée  fe  mit  femblablement  en  armes. 


Bahdoùyn 
de  Hai- 
nault 9  en 
l'abfence 
du  conte 
Thiéry^ 
faid  guerre 
à  Flandre; 


(a)  Saififant  Voccafion. 

Çv)  Cette  féconde  troifade  avoit  été  préchée  par  St.  Ber- 
nard. ,,<  Cet  homme  extraordinaire ,  dit  le  P.  Hénault ,  k 
^  qui  il  avoit  été  donné  de  dominer  lès  efprits,  qu*onvoyoit 
^  d*un  moment  V  Tautre  pafler  du  fond  de  fes  déferts  au 
„  milieu  des  cours ,  jamais  déplacé ,  fans  titre ,  fans  ca* 
^  raâère  ;  ^  jouiûant  de  cette  confidération  perfonneUe 
,9  qui  ed  au-defifUs  de  Tautorité.  „  L*occafion  de  cette  croi- 
fade  étolt  la  prift  d'Edefle  par  Noradin  &  les  efforts  qu'il 
fefoit  pour  ravir  aux  chrétiens  les  conquêtes  qu'ils  avoienc 
faites.  Loiiis  le  Jeune ,  rçi  de  France ,  partit  avec  Eléonore 
fon  époufe  k  la  tête  d'une  armée  de  80000.  hommes. 
L'empereur  Conrad  av(^  été  défait,  l'année  précédente» 
))ar  la  trah^fbn  des  Grecs.  Le  roi  de  France  le  fut  aufli  par 
les  Sarrafins^  On  mit  le  fiège  devant  Damas  nu  mois  de 
Mai  1147.;  &  il  s'agifloit  de  donner  à  Thierri  la  princi- 
pauté de  cette  ville.  La  difcorde  alors  fe  mit  parmi  les 
troifés.  On  fût  trahi  par  les  chrétiens  de  Syrie ,  &  l'on  fut 
6bligé  de  levfcr  le  fiège.  Ce  n*étoit  point  aflcz  que  Thierti 
dépeuplât  fes  états  pour  aUer  faire  la  guerre  en  Afie.  A 
l'époque  de  cette  féconde  irroifade ,  un  corps  de  Flamands 
fe  joignit  \  une  armée  d'Anglois  &  de  Lotharingiens ,  pour 
aller  aider  Alphonfe ,  premier  roi  de  Portugal ,  à  chafTer  les 
jSarrafms  de  Lisbonne. 

F  f  a 


.  GUiU, 
ïyr. 


d£ 


Auftar. 
Gembl. 

Meyer. 
an.  1147; 


404 


T   H   I   E    R   A   t 


Armée  des 
Flamens  en 
llainault. 

Trefve  de 
Flandre  ft 
de  Hti. 
nault. 


Le  contt 
Tbiéry  dé- 
fait en  ba^ 
caille  ren- 
gée  Bau- 
douyn  de 
Hainault, 
affifté  ât€ 
Liégeois  ft 
Kamurois. 

Paix  entre 
Flandre  X 
Hainaulr^ 

Mariage  de 
madame 
Marguerite 
de  Flandre 
avec  le  con- 
te de  Hai- 
nault. 


&  envoya ,  par  forme  de  contrevenge ,  &  i&tt 
de  retiter  Tennemy  hors  ledift  quartier  d'Ar- 
ras ,  une  armée  pour  piller  &  gafter  tout  le  pais 
de  Hainault;  mais  par  Tintercellion  de  Sampfon, 
archevefque  de  Raîns  (a),  cïefte  guerre  fuft  ap- 
paîfée  pour  quelque  temps,  &  s'entre-don  rie  rent 
trefves  d'on  demy  an  :  lefquelles  expirées ,  &  le 
conte  Thiéry  retourné  de  Hiérufalera,  ledift  Thié- 
ry  pour  foy  venger  de  Toutrage  qu'en  fon  ab- 
fence  le  conte  Bâudbuyn  luy  avoit  fkiA  &  i 
madame  Sybille  fa  femme,  affembla  une  groffe 
trouppe  de  foldats,  &  tira  à  grande  puiffance  au 
païs  de  Hainault,  lequel  il  gafta  entièrement. 
Mais  enfin  Baudouyn  de  Hfainault,  afïïfté  de  Hen- 
ry, évefque  de  Liège,  &  de  Henry,  conte  deNa-» 
mur  fon  oncle ,  vint  rencontrer  audift  païs  de  Hai- 
hault  iceluy  Thiéry,  auquel  iljivra  une  bien 
rude  bataille,  &  en  laquelle  y  euft  tant  d'un  cofté 
que  d'autre  beaucoup  de  fang  efpandu*  Lt  vic- 
toire néantmoins  demoura  au  conte  Thiéry,  le- 
quel depuis  fit  paix  avec  le  conte  Baudouyn, 
par  laquelle  entr'autres  chofes  fut  dift  &  accor- 
dé ,  que  lediél  conte  Baudouyn  prendroit  en  ma- 
riage madame  Marguerite ,  fille  dudidl  conte  Thié- 
&  vefve  de  Raoul,  fils  de  Raoul  de  Verman^ 
dois  (3),  &  laquelle  dame  eftoit  extrèm;eraent 


(à)  n  avoit  été  tflodé  à  Raoul,  comte  de  Vemumdois, 
&  au  célèbre  Suger,  abbé  de  St.  Denis» pour  UadminKlra- 
don  du  royaume  de  France  pendant  Tabience  de  Loiii#^  ' 
le  Jeune.  Samfon ,  qui  de  concert  avec  fes  coHéguet  von. 
loit  maintenir  la  paix  dans  le  royautne  èc  parmi  les  grands^ 
employa  fes  bons  offices  auprès  de  Sybille  &  du  comte 
de  Haynaut  «  ^  parvint  à  leur  faire  mettre  bas  les  armes. 
Cette  invafion  fi^bite  d*ttn  prince  voiûn  de  jaloux  ne  pot 
guérir  Thierri  de  la  palDon  dont  il  parott  avoir  été  poflS* 
dé  pour  les  expéditions  lointaines. 

(s)  La  vet^;eance ,  que  Tbierri  voulut  cirer  d^  cornes 
de  Haynaut,  eu  rapportée  par  les  hiftoriens  à  Tannée  1150. 
A  l'époquç  de  la  paiX|  dont  parle  Oudegheril  >  ac  qui  fi» 


D*  A    L    s    A    C    E.  40s 

belle  &  de  bonne  grâce.  Au  moyçn  duquel  ma* 
riage,  lediél  Baudouyn  devint  depuis  conte  dç 
Flandre ,  &  çefla  la  guerre  d'entre  Içdift  Flan- 
dre &  Hainault ,  qui  avoit  par  intervalles  duré 
plus  de  fix  vingts  ans  (4).  Un  peu  auparavant , 
fi  comme  en  Tan  mil  cçnt  quarante-fiîc ,  le 
pape  Eugenius  (5)  fit  &  confacra  Tabbé  de 
fainft  Vincent  àLaon,  appelle  Anfelme,  pour  Evefqae  v 
^vefque  &  pafteur  de  Téglife  de  Tournay ,  laqueU  <^">«y- 
le  avoit  efté  fans  propre  évefque  plus  de  quatre 
cents  ans  continuels ,  fçavoir  depuis  le  temps  de 
monfieur  fainâ  Médart  jufques  lors.  Durant  la- 
quelle efpace,  celle  partie  de  Flandre,  qui  eft 
maiutenant  foubs  la  diocèfe  ou  évefché  de  Tour* 
nay,  eftoit  fubjefte  à  révefché  de  Noyon.  Peu 
après  Içdia  conte  Thiéry,  fi  comme  en  Tan  mil 
cent  cincquante-fix,  praîliqua  le  mariage  de  ma-  ^'^  '*5<fc 
dame  Yfabeau,  fille  de  Raoul,  conte  de  Verman- 


fit  b  mêmis  anB^e  »  Baudoin  9l  Marguerite  n*avolent  pas 
encore  atteint  Page  de  Tadolefcence.  Le  mariage  ne  fut 
ratifié  que  plufieqrs  années  après.  &farguerite  n*étoit  donc 
pas  veuve  du  fils  de  Raoul ,  qui  mourut  lui-môme  avant 
l'âge  de  puberté  6c  laifTa  le  comté  de  Vermandois  à  fa 
Doeur  IfabeUe ,  qui  époufa  Philippe  d^Alikce  »  fils  ^  fuc- 
celTeur  de  Tierri. 

(4)  Baudoin  de  Lille  eft  le  premier  qui  arma  les  mains 
des  Flamands  contre  les  Hennuyers  ,  leurs  voifins  ,  lors* 
qu'en  1051.  il  fit  époufer  à  Baudoin,  fon  fils  »  BichUde, 
veuve  d'Herman. 

„  Hoc' font ô  derivata  cïadcs 
^  In  patriam  popuîumquc  fiuxit.  Horat. 
Ces  longues  inimitiés  durèrent  un  fi^cle  entier ,  pjiàS'^ue  » 
comme  sous  venons  de  le  dire,  la  paix  fe  fit  en  1150.  en» 
tre  les  comtes  de  Flandre  6c  de  If  aynaut;  Peut-être  rbifto# 
rien  comprend-U  dans  cette  période  de  fix  vingts  ans  les 
démêlés  qui  s*éleverent  dans  la  fuite  entre  Pjiillppe  d*Al* 
6ce  6c  ion  beau^rère  le  comte  de  Haynaut. 

(5)  U  étoit  le  troifième  du  nom.  Il  fe  détermina  à  cett^ 
fiéparation  principalement  à  ls(  prière  de  St  Bemud  4901 
iJ  avoit  été  le  dûciple« 


4o(î 


T    H    I    E    R    R   I 


ilii« 


le»  ti6ce« 
âc  Philippe 
^  Klfltûlre 

ÔLàcVMâA' 

mcYfabcau 
folemni- 
féen  à 
Bciuvaii* 

Le  coflce 
Thléry 
faia  rece- 
voir Philip 
f  c,  fon  fl; 
pour  conte 
de  Flandre. 

Troinème 
•  Voya<(c  du 
conte  Thié- 
ry  vert  U 
terre 
fainâe. 

DiCcourfide 
Tiutheiir 
pour  en- 
flammer le« 
fn-inccfi 
chredlcnil 
Tentrcprin- 
fe  de  con- 
oueftede 
la  terre 
Uïnàe* 


dois  (6),  &  père  de  ccftuy  Raoul,  avec  lequel 
madame  Marguerite  avoît  premièrement  efté  ma- 
rine, &  de  Philippe  de  Flandre  fon  fib.  Si  fu- 
rent Icfdiftc»  noces  tenuei  en  merveîllcufe  fump- 
tuofitiJ,  6c  magnificence  en  la  ville  de  Beauvaî*, 
au  mois  de  Septembre  dudî^t  an  cincquante^&u 
Lcfquellc»  accomplies  &  confommées,  le  conte 
Thiéry  laiffa  le  gouvernement  de  Flandre  audiét 
Philippe  fon  fils,  non  en  qualité  de  lieutenant, 
mais  comme  gouverneur  &  conte,  k  failint  pour 
tel  recevoir  par  toutes  les  villes  de  la  province 
de  Flandre.  Et  peu  après  il  entrcprint  pour  la 
trf>izicfme  fois  le  voyage  de  la  terre  fainâe,  tant 
eftoit  ardente  &  véhémente  rafeftion  que  ce 
bon  prince  avoît  au  fervice  de  Dieu  &  de  nof- 
tre  fainftc  Foy*  A  la  mienne  volunté,  que  les 
princes  modernes  de  noftrc  pouvre  républîcque 
chrcfticnne ,  unanimement  prinfent  une  femblable 
réiblution ,  &  que  mettants  foubs  pied*  toutes 
hayncs  &  qucftions  particulières,  ils  convertie 
fcdt  une  fois  le  moulle  de  leurs  forces  contre 
ce  malheureux  ydulâtre,  lequel  fe  riant  &  fle  nous 
&  de  noz  guerres  inteAines,  marche  tousjours 
^vant  fur  no^  limites,  gaignantpaïs  tant  qu^ea 
luycft,  à  Taiigmentatlon  de  fon  ydolâtre  &  très- 
mcfchante,  &  au  grand  détriment  &  déshonneur 
de  noftre  pure  &  iaînftc  Foy,  mcfmes  â  Textré- 
me  confufion  de  touts  princes  cbrcftiens ,  la  plus* 
part  defqucls  comme  fi  Taffaire  ne  leur  toucbott, 
s'en  lavent  les  mains*  Qu'ils  regardent  (zuncm 
de  Dieu)  &  contemplent  la  vertu,  &  magnant* 
mité  de  leurs  prédécefleurs ,  Joinéle  au  zek  ar* 
dent  qu'ils  monftroyent  avoir  à  la  défenfe,  fc 


(6)  Klle  éfolt  nièce  du  roi  de  France  ptr  f»  mère  qià 
étf^U  f^ur  d*FJ<*Oiiore  do  Guleniic,  que  Lool»  le  Jeune  ré- 
jnidlfl  dt  qui  ^)yyvi»  cnfuire  llenri  «  comte  4'Anjoa  »  devemi 

quelque  tamt*  ijfrc^  roi  d'Awglcterre* 


D^A    L    s    A    C    E. 


407 


accroiciflement  des  limites  cfareftiens,  {c  que 
commençanu  à  prendre  vergoingne  du  long  <)é« 
lay  qu*ils  ont  mU  à  raccompliflement  d'un  œuvîe 
tant  louable,  ils  employent  une  fois  leurs  for- 
ces pour  la  ruine  de  ceftuy  noftre  commun  en- 
nemy,  fe  povoir  duquel  ne  peut  croiftre  fans  la 
diminution  du  noftre,  &  qu*ils  enfuyvent  en  ce 
ie  fufdiâ  Thiéry,  lequel  fe  mettant  pour  la  troi- 
ziefme  fois  audiâ  voyage  (7),  mena  avec  luy 
inadame  SybiUe  fa  femme,  laquelle  avoit  grand 
deGr  de  veoir  Baudouyn ,  roy  de  Hiérufalem  fon 
frère,  ênfemble  fes  autres  parentz  &  amys  de 
par-delà,  &  laifla  au  gouvernement  de  Flandre 
lediâ  conte  Philippe  fon  fils,  lequel  depuis  ce 
temps  fe  porta  tousjours  ,  tant  en  Tabfence  qu'en 
la  préfence  du  conte  Thiéry  fon  père ,  pour  con- 
te &  feigneur  de  Flandre  (8). 


Madame 
SybiUe  ac- 
compaigne 
le  conte 
Thiéry,fon 
mary  ,  m 
voyage 
d*outTe 


(7)  H  y  «voit  à  peine  fis  ans  que  Thierri  éttwt  de  re- 
tour de  fon  fécond  voyage,  loifqn^  repartit  en  ii57.poiir 
là  troiiîème  fois.  Il  débarqua  en  Afie  au  port  de  B^yte. 
Son  arrivée  caufa  d*autant  plus  de  plaifir  au^  duétienf 
de  la  Paleftine ,  que  Noradin  ne  ceflbit  de  les  harceler  • 
A:  que  la  plupart  des  feigneurt  croifés  avoient  été  faits 
prifonniers.  CaptivMtis  nofiris  ex  magnd  parte  frincipihus  » 
accidit ,  dhfind  nçs  re/pidemu  cUmsntid  ,  epmitem  lUm- 
irenpmm  D.  Tbeodorieum  ,  incljtum  &  wtMgnificum  vinm 
•  .  .  •  eum  uxore,  JSyhiUd  .  .  .  ,  in  pcrtu  Berjtemfium  ap^ 
plicuife.  Cujus  adventum  tanid  mentis  exultatione  univerfus 
fàfcepit  populus  ,  ut  jam  quafi  prafagire  videretur  regni 
frefurus  importabiies  ^u$  ^  fuorum  introitu  ex  parte  plu-» 
rimd  relevandas  fore. 

(8)  FInfieurs  diplômes  recueillis  par  Mineus  &  dont  la 
date  eft  antérieure  à  la  mort  de  TUerri  ,  prouvent  «pie 
Philippe,  fon  fils,  prit  le  titre  de  comte  de  Flandre,  &  qu'à 
la  ftveur  de  ce  titre,  fl  ufa  de  tous  les  droits  de  la  fou* 
veraineté,  pluûeurs  années  avant  que  fon  père  cefllt 
d*eiiftcr. 


Ouim  ^ 
c.  i^« 


1.4  ^tii(l«l 

prini  k 
hruM  ffff 

purg#  U 
pyrftCf* 

Wftn  uni  I 


^%  T   H   I  E   H   K   1 

CHAPITRE       LXXVL 

Çpmmâffi  Philippe  A  i%^«<fr#  /^'',?«^  '-?  ^^^  ^ 
fyraui  hollandoli^  fif  appllcfua  h  t$rf^lr  de 
iVafl  à  la  CQfiti  é  Flandre  ^  &  da  la  bêUa  vU' 
iolr$^  qutlt  eonês  Thliry  Qf  Baudouyn  da  llii' 
fufalm  0urm  coftfrê  ht  InfldUsu  d0  raplf0' 
mm  de  Marie  de  Bouhngns  falil  par  Makli$ 
dû  Flandre  ^  &  de  phfltuft  çhofii  prodlglâufii 
advenuêi  êff  Flandre. 

I'  E  comti  Philippe,  Uml  pdoU  un  y»nt$m% 
^kvnWlm  prfned,  n^es^  tf^d  Apre»  l§  p^im* 
fficftt  du  conte  ThWry  veri  la  terre  faln^,  ût 
guerre  i  Simon  d'ôyty  t  |e  m  fçfty  toui^^fM^  4 
quelle  oecflfio»  à  prl»t  le  t'haftel  diuWH  (>yfyf 
qw*ll  brwflfl  C0>  ^  P?**  *P*'^^  'W**^  ^^^  Ca)nm 
grodfe  flrm4e  &  grand  flomtere  de  navlf*?»^  jiiff 
de  purger  Ift  mer  den  pyrate»  k  ^kummr»  ^m 
l^f)  IMhuAol»  y  renoyent  au  préjudlça  k  ^rmd 
détriment  de»  marchand»  paffantj;  lcell«  m^^  & 
trafiquant»  en  filandre  t  en  quoy  auffî  lediâ  cm' 
te  Philippe  fe  porta  fl  vaillamment,  qu'il  ndtoya 
la  mer  defdift»  efcnmenr» ,  fc  en  ntournm 
print  le  terroir  de  Wft(t(/'),  lequel  par  t^ntenu 
de  fe»  baron»  il  conflfqua  ,  en  rappliquant  A  (m 
dommalnc,  enfemble  le»  autre»  umfk  &  p^ff^ 
flpn»,  que  le  ^onte  de  Hollande  tenolt  çnfkfdê 
la  maifon  de  Flandre,  &  hru/la  le  chaftel  d$Uê> 
vere,  qui  pottr   lor»  appertenolt  mdlA  eonu 


(a)  têvês 


ik)  Wêêh 


(0  ^fmrni,  r4(|[n4erd*OiA  *  rhAeeUin  de  eiimltr»^  proi^ 

»«»«(  h  VMm^^  dtt  ^'omw  de  rtondfi*  «j»**  vtrmHt  de  p#rtt« 
f«Mr  }»  l^ftl«^aifl#,  ivwif  frtif  tuie  Jrrwptt^»  ft#r  te  Mfi$mê 
de  I»  ville  d«t  n^MH.  VU\n\yp§  1$  fwfç»  fe  r«ffltref  d#»f  !# 
(Jt'voif ,  ^ff  jiviiHt  »«*  Ai^mi»)««  le  tWw»u  d'itu^^i  qui  toi 


D'  A    L    s    A    C    E. 


409 


4<e  Hollande,  au  moyen  de  quoy  s'efmeurent  de- 
puis plufiçurs*  guerres  entre  Flandre  &  Hollande, 
&  mefmes  pour  autant,  que  le  conte  Florens 
de  Hollande ,  foubs  prétext  de  tonlieu  de  Oheer- 
Vliet  (qu'il  avoit  puis  naguerres  obtenu  de  rem* 
pereur  Frédéric  le  premier,  à,  le  tenir  en  fief  du 
iainâ:  empire)  moleftoit  &  travailloit  grandement 
les  marchands  de  Flandre,  paflants  par  fes  def- 
trpiifts.  Cependant  le  conte  Thiéry,  lequel  nous 
avons  laiffé  au  chemin  de  la  terre  fainéle ,  eftant 
arrivé  en  Hiérufalem,  fe  joindit  avec  le  roy  Bau- 
douyn,  fon  beau-frère,  pour  faire  lever  le  liège 
que  Noradin  avoit  mis  devant  un  chafteau  ap- 
pelle la  Spélunque  (2) ,  &  comme  ils  trouvèrent 
à  leur  venue  devant  ledift  chafteau  que  ledift  No- 


Tohlieii  de 

Gbeervliet 

àHoUtnde. 


Le  conte 
Thiéry  ar- 
):ivé  en  Hié- 
rufalem , 
déUvre  le 
chaftel  ap- 
peWé  la 
Spélunque  f 
du  fiège 
des  in  ûdé-^ 
les. 


Ci)  'Thierri  s'étoit  fignalé  auparavant  au  fiège  de  Céfa- 
rée ,  qui  avoit  été  pris ,  malgré  la  réfiftance  des  affiégés. 
'Baudoin,  roi  de  Jérufalem  ,  fon  beau-frère,  lui  deilinoit 
la  principauté  de  cette  ville  &  Thierri  confentoit  k  lui  en 
faire  hommage.  Mais  quelques  feigneurs ,  jaloux  de  Téclat 
4ju*aUoit  donner  au  comte  de  Flandre  rinvcftiturc  de  cette 
principauté,  prétendirent  qu'elle  relevoit  de  la  princi- 
t>auté  d'Antioche,  îSc  que  par  conféquent  l'hommage  en 
étoit  dû  à  Renaud  9  prince  de  cette  viUe.  Thierri  répondit 
qu'il  n'avoit  jamais  prêté  ferment  de  fidélité  qu'à  des  rois  ; 
&  il  aUna  mieux  renoncer  à  la  principauté  de  Céfarée  que 
à'être  le  yaffal  d'un  autre  que  d'un  roi.  Il  i^e  fe  diftingua 
pas  moins  qu'à  Céfarée  dans  la  prife  d^un  fort ,  que  Guil- 
laume de  Tyr  appeUe  Harcnc.  Il  fit  également  des  prodiges 
de  valeur  dans  le  combat  qui  fuivit  le  fiège  de  la  grotte, 
ou'occùpoient  les  chrétiens  fie  d'où  Noradin  vouloit  les 
déloger ,  parce  qu'U  en  connoiflbit  l'importance.  Erat .  .  . 
Jpclunca  in  îaterc  cujusdam  montis  arduo  fi?  admodhm  devexa 
fita  ,  ad  auam  non  erat  vtl  à  fnperhribus  vel  ab  infenort- 
ius  pàrtfbus  accelfus.  Le  rpl  de  Jérufalçm  apprenant  que 
Noradin  vouloit  s'emparer  de  ce  lieu,  partit  fur  le  champ 
avec  ïe  comte  de  Flandre ,  pour  en  faire  lever  le  fiège  à 
Noradin.  Celui-ci  inftruit  de  la  marche  des  chrétiens ,  in- 
terrompit le  ^ég^ ,  alla  à  leur  rencontre  ,  les  attaqua  &  fut 
mis  en  déroute:  Hoflibus^  non  fine  magnd fuorum  flragc  in 
fitgam  convcrfis^  rcx  cum  fuis  viâor  campnm  ohtinuit. 


GuiU.  de 
Tyr,  L  18. 
c.  iS. 


Ibid.  C.  21. 


Ibid« 


4IO 


T    H    I    E    R    R    I 


ViAoire 
Aes  chref- 
tiçDs  con- 
tre les  infi- 
dèles, par 
le  moyen 
du  conte 
Thiéry. 

Madamç 
Sybille, 
femme  du 
comte 
Thiéry,  de- 
vient du 
cônfente- 
roent  de  Ton 
inary ,  reli- 
gieufe  au 
monaftère 
de  fainâ 
Lazarus  en 
Hiérufa- 
lem. 

Trépas  de 
Guillaume 
de  Loo, 


radin  s'eftoît  retiré,  le  pourfuyvirent  fi  chaude* 
ment,  que  finablement  Us  le  rattindrent  Qi)  p^ 
après:    de  forte  qu'ils   eurent  contre   lay    une 
très-afpre  &dangereufe  bataille,  en  laquelle  néant- 
moins  ,  par  la  prudence  &  magnanimité  du  conte 
Thiéry,  Ton  fe  gouverna   de  forte  que  la  vic- 
toire demoura  du  codé  des  chrefliens,  non  fans 
notable  dommage  &  perte  des  ennemis.    Ce  faiA 
&  confîdérant  que  les  affaires  du  roy  Baudouyn 
dç  Hiérufa^em   eftoyent  mis   en  plus  grande  af- 
feurance,  le  vaillant  conte  retourna  en  fes  paîs 
de  Flandre ,  laiflant  madame  Sybille  fa  femme  au- 
diA  Hiérufalem ,  où  du  confentement  du   conte 
Thiéry,  fon  mary,  elle  fe  fit  religieufe  au  monaf- 
tère de  fainift  Lazarus ,  &  adminiftra  aux  pouvres 
moult  foigneufement,  par  plufieurs    annéc^s,  & 
jufques  en  Tan  mil  cent  foixante-cincq ,  qu'elle 
trépaffa.  Et  trois  ans  auparavant ,  mourut  Guil- 
laume ,  viconte  d'Ypre,  dift  de  Loo,  lequel  après 
le  ttépas  du  roy  Eflienne  d'Angleterre ,  (  foubs 
lequel  il  avoît  eu  illec  des  grands  gouvernements) 
s'eftoit  retiré  en  Flandre,  &  après  avoir  obtenu 
fon  appoinélement  du  conte  Thiéry,  s'avoît  mis 
dans  fon  chaftel  à  Loo ,  ne  s'entre-meflant  d'aul- 
tre  chofe,   que   de   fervir    Dieu    au   monaftère 
&  avec   les  religieux  ,  qu'il  avoît  fondé    audift 
lieu    (3).   Au  mefme  temps  ou  environ.   Ma- 


Al)n*Fland. 
an.  1162. 


{a)  Uatttignirent. 

(3)  Voyez  n.  2.  du  chap.  74, ,  p.  399.  Guillaume  de  Loo 
mourut  au  mois  de  Février  1163.  ,  après  avoir  légué  par 
fon  teftament  deux  croix  d'or.  Tune  à  l'abbaye  de  Loo  & 
l'autre  à  celle  de  St.  Bertin.  Le  monaftère  où  il  mourut 
n'avoit  été  d'abord  qu'un  oratoire  fondé  en  1050.  par  lu 
prêtre  qui  y  établit  quelques  chanoines,  f^hilippe ,  père  de 
Guillaume,  le  dota  en  1093. ,  &  Grégoire  XV.  Térigea  a 
abbaye,  l'an  1621.  Guillaume  ,  dit  Meyerus,  étoit  d'une 
t^iUe  extraordinaire  ;  quod  nuper  hoc  nojlro  avo  ,  apcrtù 
ejus  fepulchro ,  intelUgerc  licuît ,  uhi  pedcs  cruraquc  jacuérê 
adhUc  intégra^  viuUb  quam  cujus^iam  bodii  vivçntis^  longiors. 


D*  A    L    s    A    C    E- 


411 


îîîeu  de  Flandre,  fils  du  conte  Thiéry,  ra- 
vit &  prînft  par  force  madame  Marie ,  fille  unique 
&  héritière  de  Guillaume,  conte  de  Bpulongne  (4) , 
hors  du  monaftère  de  Monftreul,  duquel  elle 
eftoit  abbefle:  mefmes  fe  maria  &  coucha  avec 
elle,  foy  portant  au  moyen  de  ladifte  Marie, 
pour  conte  &  feigneur  de  Boulongne,  Duquel 
raviflement  le  conte  Thiéry  &  Philippe  fon  fils 
furent  grandement  indignez,  &  le  privèrent  pour 
cefte  occafion  de  tout?  fa  fucceflîon,  luy  oftant 
entr'autres  terres,  le  chafteau  de  Lens,  qu*on 
luy  avoit  aflîgné  par  forme  de  partage.  Et  outre 
ce  fut  ledift  Mahieu  excommunié  par  Sampfon, 
archevefque  de  Rains.  Don^  néantmoins  lediél 
Mahieu  ne  tint  aucun  compte,  ains  demoura  avec 
ladifte  Marie,  vivant  en  incefte  fix  ou  fept  ans 
continuels,  de  forte  quMl  en  euft  fille  nommée 
Yde,  laquelle  par  fucceflîon  de  temps  devint 
royne  de  France  (5).  Environ  le  mefme  temps  ^ 
fe  virent  en  Flandre  &  aux  lieux  circumvoifins 


Mahieu  do 
Flandre  ra- 
vit hors  du 
monadère 
de  Monf- 
treul  Mario 
de  Boulon- 
gne,abbeirc 
dudiô  lieu, 
&  fe  marie 
avec  cUc. 

Mahieu  de 
Flandre 
déshérité 
par  le  conte 
Thiéry,  & 
excommu- 
nié par  Tar- 
chevefque 
de  Rains,  à 
raifon  du- 
diAravilTiq- 
meni, 


(4)  Marie  étoit  fille  d'Etienne  de  Blois ,  roi  d'Angletefre, 
Çc  non  pas  de  Guillaume  ,  comte  de  Boulogne  ,  qui  étoit 
fon  frère.  Après  la  mort  de  fon  père ,  Henri  II. ,  qui  lui 
fuccéda ,  engagea  Matthieu  à  la  ravir  du  monaftère  fitué  en 
Angleterre,  où  çlle  avoit  embraffé  la  vie  Jrelîgieufe ,  &  la 
lui  fit  époufer.  La  mort  de  Guillaume ,  fon  frère  ,  qui 
n'avoit  point  laiffé  d'I^éritiçr  ,  fefoit  paflçr  fur  fa  tète  le 
comté  de  Boulogne. 

(5)  Ces  derniers  mots  renferment  quelques  erreurs  qu'il 
cft  important  de  relever,  i.**  Matthieu  eut  de  Marie,  com- 
tcflc  de  Boulogne,  deux  filles,  Ide  &  Mathilde.  2.°  Ide  ne 
fut  point  reine  de  France,  comme  le  dit  Oudegherft.  Elle 
époufa  en  premières  nôces  Gérard ,  comte  de  Gueldre ,  qui 
mourut  pei^  de  tems  après  fon  mariage ,  &  en  fécondes 
nôces  Renaud ,  comte  de  Dammartin  ,  dont  clic  eut  une 
fille  qui  fut  donnée  en  mariage  à  Philippe,  comte  deCler- 
mont  fit  fils  de  Philippe-Augufte  ,  &  qui  époufa  enfuite 
Alphonfe,  roi  de  Portugal.  ' 

Mathilde ,  féconde  fille  de  Matthieu  &  de  Marie  de  Boulo- 
gne, époufa  Henri  I. ,  duc  deBrabat^t. 


Audar. 
Affligem. 
an.  1160. 

Chron. 
Fifcan.  # 
ai\.  1160. 

Générât,  de 
Guill.leBA- 
tard,aurcc. 
des  hiil.  de 
France , 
t.  12.P.670. 
Auétar. 
Aquicind. 
an.  1181. 
Vred.  gen. 
Flandrisc. 
Ibid. 

Butk.n  1.  4- 
INlir.  dunac. 
Bclg.  1.  u 
c.  80. 


4U  T    H    I    E    R    R    I 

plufieurs  chores  mondrueqres*  Et  premièrement  | 
Prodigts    Gand  nafquit  en  Tan  mil  cent  foixante^troU  on 
m  Flandre,    ^^fant  jy^nt  trois  telles,  &  derrière  une  queaë, 
comme  celle  d'un  mouton  «  lequel  mourut  au  bout 
de  deux  joqrs.  Et  au  village  de  fainA  Pierre  lez 
Gand,  une  femme  qui  avoitefté  grofle  unze  mois, 
enfanta  un   mondre,  ayant  deflfoubs     la  f^çoo 
d'un  coffre  à  mettre  fagettes,  que  Ton  diâ  en 
latin  pharetra  (a) ,  &  deflus  la  façon  d'un  heauF 
me  (^)  avec  deux  corqçs  fur  iceluy.  En  l'an  mil 
foixante-cincq ,  à  Mous ,  fufl:  né  un  enfant  fans 
tefte,  ayant  fix  doigts,  &  fix  ortaux  (c)  en  chaf* 
cun  pied,'&  ne  vefquit  qu'un  jour.  A  Toumay, 
en  l'an  mil  cent  foixante-deux ,  fut  jeâé  un  ag« 
neau  avec  deux  teftes  &  huiâ  pieds,  &  au  mef* 
me  temps  guerres  loing  de  là,  fut  né  un  enfant 
fans  tefte,  ayant  deux  yeux  aux  deux  cfpaolles. 
Et  autour  de  Louvain  tomba  audiét  temps  do 
eiel  en  manière  de  pluye,  du  vray  mie],  comme 
apparuft  par  expérience  &  au  gouft*    A  Sainâ 
Orner,  en  la  paroifTe  de  fain'âe  Marguerite,  fut 
né   audiA    an  foixante-deux   un   enfant   à  deux 
teftes ,  avec  quatre  bras  &  quatre  pieds ,  ayant 
double  nature  d'homme  &  de  femme;  mais  il  ne 
vefquit  que  trois  jours,  En  l'an  mil  cent  foixan« 
te-quatre ,  apparuft  en  la  lune  nu  mois  d'Aougll 
une  croix  &  une  image  à  icelle  de  verde  &  jaal- 
ne  couleur,  la  tefte  tirant  vers  l'orient,  &  les 
pieds  vers  l'occident.  Et  quand  ce  difparuft,  on 
perdît  petit*à-petit  premièrement  le  bras  droiâ , 
après  la  tefte,  après  le  bras  gauche,  &  ainfi  fuc- 
ceflîvemcnt  du  demeurant  (d).  Et  peu  après  fuft 
né  en  la  ville  d'Hefdin  un  enfant  ayant  deux  tef- 
tes, quatre  mains,  quatre  bras,  &  quatre  pieds; 
mais  il  n'avoit  qu'un  corps,  &  ne  vefquit  que 


(tf)  Carquois.  (<:)  Orteiis. 

(0  Ca/guc,  Çd)  Rcjlc. 


D'  A    L    S    A    C    E.  413 

t 

éemy  jour^  Toutes  lefquelles  chofes  furent  fuy- 
vies  d'une  hmiiit  &  chièreté  générale,  &  telle 
que  plufieurs  perfonnes  moururent  de  faim,  & 
dura  ladifte  famine  Tefpace  d'environ  fept  ans 
continuels,  lignes  très-évidents  de  l'ire  &  cou- 
toux  de  Dieu  contre  fon  peuple ,  lequel  doit  eftre 
bien  redouté  de  tous,  veu  que  par  néceflîté,  faut 
que  les  calamités  empoignent  ceux  quy  provoc- 
quent  l'ire  de  Dieu  contre  eux,  &  mefmes  que 
la  rerre,  l'air,  &  toutes  les  autres  créatures  leurs 
foyent  ennemyes,  voires  qu'ils  procréent  une 
génération  malheureufe,  de  forte  que  les  éléments 
mefmes  foyent  fufcités  contre  eux  ^  pour  en  faire 
la  vengeance  (6), 


Famine  ie 
fept  ans 
continuels 
en  Flandre 
&  aux  pai» 
circumvoi- 
fins. 


IredeDieif^ 


C<^)  Tant  de  prodiges  épats  çk  &  Il  dans  les  cbroiTôlo. 
giftes  contemporains  &  raifemblés  ici  avec  foin  dans  le 
même  cadre,  ne  font  pas  toujours  des  effets  de  la  ven. 
geance  célefte.  Us  font  bien  fouvent  une  bizarrerie  ou  des  ' 
jeux  de  la  nature,  qui  aime  quelquefois  à  s'égarer  dans 
fes  produâions.  La  faine  philofophie  ôt  une  phyfique  éclai- 
r^e  nous  ont  appris  à  ne  voir  fouvent  que  des  eflbts  natr. 
t<els  daqs  des  irrégularités  que  les  fiècles  précédens  re^ar- 
doient  comme  autant  de  prodiges.  Sans  doute  Thiltoire  offre 
des  évènemens  où  Ton  ne  peut  méconnoîtrè  la  main  d'une 
Providence  attentive  à  punir  comme  à  récompenfer  ;  mais 
le  refpeft  qu'on  doit  à  la  véracité  de  l'hiftoire  ,  exige-t-il 
qu*on  admette  aveuglément  tout  ce  que  la  crédulité  antique 
place  au  rang  des  prodiges?  Oudegherft  à  cet  égard  n'a 
pu  fe  garantir  d'une  finfplicité  qui  lui  eft  commune  avee 
fes  prédécefleurs,  &  dont  quelques-uns  de  fes  fuccefleurs 
n'ont  pas  toujours  fu  s'affiranctiir.  U  eut  bien  mieux  mérité 
de  fes  leâeurs ,  fi ,  au  catalogue  inutile  de  tant  de  prodiges , 
il  eue  fubltitué  quelques  détails  fur  les  mœurs  du  tems 
dont  il  décrit  l'hiftoire.  L'époque  où  nous  en  fommes  auroit 
pu  lui  fournir  quelques  traits,  dont  fon  goftt  pour  les  mo* 
raUtés  auroit  tiré  quelqiies  réflc;xions  utiles  pour  la  poftérité. 

Nous  avons  déjà  tracé  une  efquiife  de  la  légiflation  de 
ces  ûêcles  encoite  barbares,  en  pariant  des  épreuves.  Nous 
avons  vu  également  les  moyens  violens ,  que  dévoient  em- 
ployer les  fouverains  pour  réprimer  les  défordres  du  gou- 
vernement féodal,  où  les  petits  vaffaux  armés  contre  les 


4i4  T    II    I    E    R    R    U 


grands ,  flc  ceux-ci  contre  le  prince  ,  écrafoicnt  ,  fcm  « 
joDg  de  fer  9  le  peuple  toujours  viâime  de  leurs  piems 
interminables.  La  religion  créée  pour  adoucir  Vhonm^  * 
réclairer,  ôc  pour  lui  faire  aimer  la  blenfaiûuiccî  qa*dk 
lui  prêche,  la  religion  voyoic  ce  qu'elle  a  de  plas  augsrlt 
défiguré  par  les  ufages  les  plus  abfurdes.  On  célébrait  daci 
la  plupart  des  églifcs  la  fête  des  fous  âc  celle  dea  âoe^ 
Rome  condaranoit  à  la  vérité  ces  jeux  indécen*  qui  dé*- 
bonoroient  le  culte  divin  ;  mais  la  licence  frzncïnSoH  w» 
les  obftacles  qu*on  lui  oppoibit.  Les  danfes  dans  Vé^îkf 

'  les  feilins  fur  Taute^ ,  les  combats  que  Tivreilé  des  affiâaiss 
ne  manquoit  pas  d*eiifanter  ;  les  diifolutions  êc  lea  farces 
les  plus  obfcènes  étoient  Ics^  cérémonies  de  cc§  fétr»  ei- 
travagantes ,  qui  durèrent  encore  pendant  plufieura  fièckt^ 

"  Nous  ne  pouvons  -  alTurer  s'il  y  avoit  alors  dans  les  iat% 
de  réglife  belgique  moins  d'indécence  de  de  défordres  que 
dans  les  églifes  de  France;  mais  qu'on  |age  par  le  pa^ 
fuivant  de  Philippe  de  bonne  Efpérance^  (j ,  à  cette  époq«e, 
les  monilrs  de  la  Flandre  étoient  moins  groffiéres  que  dan 
le  refte  de  reuropc:  Pro  iitilitate  ecçlcjU  miffl  (^  NorbertmO 
in  quasdam  partes  Plànâria  ,  aflatis  temporc  .  .  .  •  -w/r- 
runt  plerosque  viros  »  non  folàm  faminaUbut  ,  fcd  omsi 
génère  veftium^  refrigerii  gratid^  denudatos  ^  per  vices  p4' 
sim  if  piateas  incedere^  propriis  operibus  nudos  infifttri^nu 
ullos  occur/entium  afpe&us  revereri ....  Qjios  cum  frotta 
noftri  arguèrent ,  cur  Incederent  tam  beftialiter  dcnstdad  '• 
non  efl  veftrum ,  refponderunt ,  noftra  Uges  imp^tuu  #J- 
tuntatià 


CltAPITBLELXXVIL 

Du  quatriefme  voyage  du  conte  Thiiry  vers  la  ter' 
re  fain&e^  é?  comment  à  Jhn  retour  il  fe  retiré 
pour  le  demeurant  de  fa  vie  au  monafilre  à 
Watenes\  de  la  viSloire  des  Flamens  contre  les 
Hollandois^  &  du  mémorable  traiâé  de  paix  f 
faia  entre  lefdi&i  de  Plandre  ^  de  HolUmde^ 
en  la  ville  de  Bruges. 

LE  très-noble  &  magnanime  Thiéry  d'Elfatr , 
conte  de  Flandre,  cftant  adverty  que  les  en- 
nemis de  la  foy^  avoyent  puis  naguerrea  coa« 


t)*  A   L    s    A    C    Erf 


4té 


qiiis  la  cité  de  Damafco  (a)j  &  autres  places  ap* 
pertenantes  aux  Chreftiens,  entreprint,  à  la 
très-urgente  requefte  de  madame  Sybille  fa  fem« 
me,  &  mefmes  du  nouveau  roydeHiérufalem,  Al* 
ineric,  fon  neveu  (i),  fon  quatriefme  voyage 
d'oultre  mer,  &  fe  tranfporta  en  Tan  mil  cent 
|bixante-trois  vers  la  fainéte  cité  de  Hiérufalem , 
laiflant  Philippe  fon  fils  au  pais  de  Flandre  pour 
gouverner  les  terres ,  defquelles  aflez  auparavant 
il  Ta  voit  invelly*  Et  lequel  conte  Philippe  incon- 


L*an  11^3. 

Quatriefme 
voyage 
d^outremet 
du  conte 
Thiéry. 


C^^  Damas* 

Ci)  Amauri,  comte  de  Joppé  ôc  d*ArcaloQ ,  fils  de  Foui* 
^ues ,  roi  de  Jérufalem ,  foccéda  à  Baudoin  III. ,  fon  frère. 
n  étoit  par  conféquent  beau-ftère  de  Thierri.  C'étoit  un 
prince  qui  joignuit  à  beaucoup  de  prudence  &  de  circon- 
ipeâion,  une  économie  qui  approchoit  beaucoup  de  Tava- 
Hce.  11  juftlfioit  cette  extrême  économie  en  difanc ,  que 
Topulence  d'un  fouverain  garantit  toujours  celle  des  fujets, 
&  que  les  tréfors  qu'il  a  eu  foin  d'amaffer ,  deviennent , 
dans  le  befoin,  une  reflburce  aflurée  pour  Tétat.  Auili-tôt 
^rès  fon  avènement  au  trdue,  il  avoit  fût  contre  les 
Sarrafins  d'Egypte  une  expédition  très-glorieufe.  Mais  No- 
radin  avoit  profité  de  fon  abfence ,  pour  réparer  fes  pertes 
antérieures.  Il  s'étoit  emparé  de  pluûeurs  fortereflcs  &  avoit 
fait  prifonnier  le  prince  d'Antioche ,  le  comte  de  Tripoli , 
k  gouverneur  de  la  Cilicie  &  un  grand  nombre  d'autres 
feigneurs  chrétiens.  Thierri  arriva  fur  ces  entrefaites  en 
Paleftine.  Cujus  tantd  Uetitid  fufctpit  aivtntum  omnis  po- 
fulus  9  ut  quafi  poli  immoderatum  folis  ardorcm ,  auram  gra- 
iij/imam  &  prafens  remedium  viderentuf  fufcepijfc.  Malgré 
les  fecours  que  Thierri  amenoit  avec  lui  ♦  les  chrétiens 
eurent  encore  la  douleur  de  fe  voir  enlever  ^a  ville  de 
Punéade  fituée  tu  pied  du  mont  Liban.  Amauri  étant  re- 
venu d'Egypte  dans  fes  éttts,  prit  av^c  Thierri  la  route 
d'Aûtioche  ,  répara  un  peu  le  défordre  que  caufoit  dans' 
cette  principauté  la  captivité  de  fon  fouverain,  &  parvirit 
enfin  à  obtenir  fa  liberté  du  foudan  Noradin.  GuUlaumc 
de  Tyr  qui  vivoit  alors  à  la  cour  d' Amauri ,  ne  parle 
d'aucune  aétion  éclatante  faite  par  Thierri  dans  ce  qua- 
trième voyage. 


GuUl.  6a 
Tyr,l.  19- 
c.  2.  * 


Ibid. 


4tS 


f    il    I    E    R    R    f 


^ubllcfition 
ic  innova- 
tion de  la 
paix  pu- 
Dlicque. 

AtTembl^e 
dei  clUti 
df  Flandre; 


La  juftice 
relevée  6c 
remifc  Aia 
en  Flandre. 

Prévllèpci 
k  ceux  de 
Nieupoorc. 


Aucuns  ar- 
ticlca  con- 
tenus ef- 
aiaa  prévl- 
Ugca  quy 
femblcnt  . 
mervcilieu- 
fement  ef- 
cranges* 


tincnt  aprts  le  parlement  du  conte  Thîéry  fofî 
père,  innftant  aux  traces  de  fes  prédécefleur5  9 
&  mcfmcs  de  Baudouyn  Hapkin ,  &  du  bon  con- 
te Charles,  renouvella,  confirma,  &  aggrcfa  la 
paix  pubFlquc,  aurrefoi»  par  eux  publiée,  ordon- 
nant aufdiAeft  fins  que  les  nobles  &  edats  de 
Flandre  s'affemblaflent  en  fa  ville  d*Audenafde, 
où  il  les  fit  jurer  robfervation  de  ladifte  paîx^ 
défendant  au  refle  le  port  de  toutes  armes  tant 
invafives  que  défenfives,  à  toutes  perfonncs  de 
quelque  condition  ou  qualité  quUls  fuflcnt,  ré- 
fervant  néantmoins  celles  qu'avoyent  par  Tor- 
donnance  dudiél  Baudouyn  Hapkin  efté  exclu?s 
&  rdfcrvécs.  Et  par  ce  inoyen  ^a  juftice,  laquel- 
le par  les  guerres  &  féditions  paitées,  avoit  e(lé 
comme  fopye  (^a)  &  amortye,  fuft  révoquée  k 
relevée.  Lediét  Philippe  oélroya  à  ceux  de  Nîeu- 
poort  en  ce  mefme  temps,  plufieurs  beaux  pré- 
vilègcH,  aufqucls  if  appelle  Icfdlfts  de  Nieupoort: 
Oppidano$  fuos  habitatoreti  In  novo  oppido ,  &  Icf- 
quels  contiennent  les  loix  &  côuftumes  de  leur 
vUrfchare  (b) ,  entre  Icfquellcs  y  en  a  dé  bienf 
eftrangcs.  Si  comme:  Si  cuis  vulneratus  in  noôe 
vulnus  accepPum  aïii  impùtaverlt ,  Jl  fcabinit  dig" 
num  videbitur^  ferro  candenti  ft  excufabit  accufa'* 
tus  ;  fi  au  fus  non  fuerit ,  manumperdet.  Si  fur  vo» 
catus  accu  fat  us  fuerit^  candenti  ferro  fe  excufabit; 
fîculpahilispermanferlt^  fufpendetur:  fed  fi  accu  fans 
in  judlcio  jurare  noluerit^  accu  fat  us  liber  erit  de  hoc 
accu  fat  ione  (a)#  Laftinga  manus  judiciarii  efiy  fi? 

qui 


(a)  jlffoupiâ. 


(If)  Tribunal. 


(2)  Ceê  loix  prouvent  évidemment  que  Téprèuve  do  (et 
ardent  étoit  encore  fort  en  ufage  à  la  fin  du  douxième 
iïèck  dam  le  comté  de  Flandre.  C*c(l  la^  réflexion  de  Meye» 
rui  qui  préfente  un  peu  différemment  quelquei-una  dca 
textes  de  ce  décret  légidatif.  C*eil  ainA  (ju*ili  font  conçui 
dana  J*éditipn  de  fea  annalef  imprimée  en  1551*  à  An* 


D*  A    L    s    A    C    E-  4i#  •     * 

'/     ■ 
fUi  eTim  habuerit ,  fures  fufpendet ,  manus  abfein^  .  / 

det  9  oculos  eruet.  Ledift  privilège  fut  donné  aux 

fufdifts  de  Nieupoort  en  Tan  mil  cent  foixante- 

frois,  préfents^   Mahieu  de  Flandre ,    conte  de 

Bouloingne,  Robert,  advoué  de  Béthune,  Con- 

rard  (^)  de  Tournay,  Henry,  chaftelain  de  Bour-*- 

bourch  &  Tes  enfans,  Guillaume,  chaftelain  de 

Saînft   Omer,    Guido,    chaftelain    de   Berghes^ 

Guillaume  Broon  ^  Gaultier  deLocre,  Baudouyn 

Paldinc,  Gherard   de  Somerghem  (^)  &  Bernard 

fon  frère,  Baudouyn  d'Hontfcote,  Gaultier  de 

Bevere,  Gaultier  d'Ypre^  &  Gaultier  de  Formi- 

zelle.  Audift  an  foixante-trois ,  le  conte  Philippe 

fiit  requis  du  roy  Louys  de  France,  de  fe  tranp 

porter  à  Compienne  pour  tenir  fur  fans  un  fica 

iîls,  duquel  \i   royne    Adèle  fa  femme  s'eftoit 

puis  naguerres   accouchée ,  lequel  du  nom  d'ice- 

luy  conte  fut  appelle  Philippe  (3),  Et  l'an  en-    *^'^°  "^^ 

k  •   • — .  , 

(^a^Everard^fclotiMeyerus.    (h')Zomcringhcm,dan5Meyefu5. 

vers.  Si  quis  vulnus  in  noBe  aeceptum  alii  imputaverit^  fi 

jcabinis  dignum  videtur  ^  ^ferro   candenti  fe  excufahit  ac-  ^. 

icufàtus;  fi  aufugtrit  manum  perdet.  Si  fur  vocatui  accufa-  '        ^ 

tus  fuerit  ^  ferro  candenti  fc  excufabit  ;  fi  cuipahiîii  perman- 

ferit ,  fufpendet ur ,  &  fi  accufam  in  ante  juramento  âefecerii^ 

kiccufatus  liber  erit. 

On  vit  s*élever  fk  même  année ,  dafts  la  ville  de  Gand , 
iine  fédidon  de  la  part  des  tiflerands,  des  foulons  ,  des 
^cheurs  fit  des  bouchers.  Elle  fut  appàifée  fur  le  champ 
par  la  prudence  6c  la  fermeté  de  Phib'ppè  ;  mais  nous 
verrons  c(>mt)ien  cet  exemple  devint  funefte  pour  les  règnes 
fuivans. 

(3)  Oudegherft  veut  parler  ici  de  la  naitiance  de  Phi- 
lippe-Augufte ,  tié  le  21.  AoûtiKSf?  ,  fie  non  en  1163.  Sa 
mère  étoit  Alix  ou  Alife,  fille  de  Thibaut,  comte  de  Cham- 
pagne ,  que  Louis  le  Jeune  ayoit  époufée  en  1 160,  Philipf)e  

iie  fut  point  tenu  fur  les  fonds  de  bâtéme  par  Philippe 
d'Alface ,  mai»  par  Hugues ,  abbé  de  St.  Germain-des-Prés  ^ 
par  Hervée,  abbé  de  St.  Viftor  fit  par  Eudes,  ancien abié 
as  Ste.  Geneviève.  Ses  manaines  furent  Confiance ,  fœur  ifii 


4lS 


T   H   I   E    R   R   I 


Le  conte 
Philippe 
faiâ  hom- 
mage à 
Teiopcreur 
des  terres 
au'il  Xieat 
loubs  Tem- 
pire  &  ira- 
pétre  du- 
did  crape- 
icur  au- 
cuns privi- 
lôges  pour 
ks  mar- 
chands de 
Flandre. 


Le  conte 
Thiéry  fe 
f  étire  pour 
k  demeu^ 
rant  de  f» 
vie  au  mo* 
naftère.de 
Waienes. 


Suger,  hift. 
de  Louis 
VILaurec. 
des  hift.de 

Vt.  U  12. 


Andarium 

aquicinct, 
aQ.  1164. 
Meycr. 
Marcbant, 

Wir.  chron. 
beîg.p-2^3, 


fuyvant,  le  mefmc  conte  Philippe  fe  tranfpolta 
vers  Aix  en  AUemaigne ,  pour  faire  hommage  à 
l'empereur  des  villes  qu'il  tenoit  du  fainft  empi- 
re;' duquel  il  impétra  plufieurs  beaux  privilèges, 
pour  les  marchands  de  Flandre,  affin  de  povoîr 
librement  contrafter  en  AUemaigne,  &  autres 
païs  de  Tempire,  mefmes  au  loîng  de  ta  rivière 
du  Ryn  (4).  Et  tandis  que  le  conte  Philippe  ef- 
toit  en  ladite  ville  d*Aix,  luy  vindrent  nouvel- 
les dû  retour  du  conte  Thiéry  fon  père,  au 
moyeiT  de  quoy  il  print  incontinent  congé  dudiâ 
empereur,  &  retourna  en  toute  diligence  vers 
Flandre,  où  il  trouva  le  pouvre  conte  Thiéry 
merveilleufement  travaillé,  tant  à  raîfon  de  ce 
dernier  voyage,  que  par  fa  grande  vieillefle,  & 
pour  les  travaux  qu'en  fa  jeunefle  il  avoit  fup^ 
porté;  qui  fut  caufe  qu'îceluy  Thiéry,  laHTant 
tout  le  foing  du  gouvernement  de  Flandre  fur 
les  efpauUes  de  Philippe  fon  fils,  fe  retira  an 
monaftère  de  Watenes,  qu'il  avoit  (félon  que 
cy-deflus  avez  veu)  auparavant  fondé  (5).  Et 

Louis  VII. ,  éc  deux  veuves  de  Paris.  Mauricius  parifUnpt 
epifcopus  ....  regiam  foMem  in  ccclefid  StL  Micballis 
de  plaud  foUmniter  baptismate  rcgcneravU.  Hugo  etiam  air 
bas  S,  Gcrmani  parificnfis  patrinus  puerum  fupcr  fonUm 
ba^ttsmath  in  ulnis  fuis  tenuit.  Herveius  quoque  abbat 
5.  Vi^oris  fif  Odo  quondam  abbas  S.  Genovefa  ,  patrini  ex* 
titerunt.  Conflantia  foror  régis  Ludçvici  ,  .  .  .&  dua  vidux 
parifienfes  matrina^extiterunt. 

(4)  Philippe  obtint  alors  de  rempereur  Frédéric  L  la 
pofleflion  de  la  ville  de  Cambrai.  Ibi  (  Jquisgrans)  Pbiiip- 
pus  cornes  Flandria  cum  magno  militum  exercitu  adfuit  & 
ab  fmperatore  Cameracum  jufcipiens ,  homo  ejus  effeSus  cf 
&  tnagnam  pacem  Flandrenfibus  per  terram  impcratoris  cundi 
ac  redeundi  obtinuit, 

(5/)  Thicrri  fut  feulement  le  bienfaiteur  du  monaftére  à» 
Guaftine.  Ce  fut  Robert  le  Frifon  qui  le  fonda  vers  Tan 
1072.  &  qui  y  établit  des  chanoines  réguliers ,  comme  le  dît 
lui-même  plus  haut  Oudegberft.  Voyez  la  n.  3.  du  chap.  s^, 
I>ag.  %12* 


t)^  A    L    s    À    C    É; 


41^ 


peu  après,  fi  comme  en  Tan  mil  cent  foîxantc- 
Cinc,  le  conte  Philippe  de  Flandre,  affifté  de 
Mahieu,  conte  de  coulongne  fon  frère,  &  du 
duc  Godcfroy  de  Brabant,  mit  fuà  une  gtoiTe 
armée ,  &  tira  vers  fon  païs  d'Elzate ,  auquel  le 
conte  Florens  de  Hollande  eftoit  entré  avec  gran- 
de puiflçince,  &  avoit  mis  fon  iîège  devant  la 
ville  d'Armeftaîn,  dont  néantmoins  Ton  ne  fçait 
Toccafion  (6)  ,  né  foit  (\a)  le  defdain  &  crève- 
Cœur  que  ledift  Florens  avoit  conceu  à  raifon  du 
mariage  contracfté  entre  ledift  Philippe  &  mada- 
me Marguerite  de  Vermandoîs ,  laquelle  luy-mef- 
me  avoît  penfé  avoirs  tant  y  a  que  pour  mo- 
lefter  &  faire  guerre  audiflr  Philippe^  il  s'eftoît 
allyé  aux  contes  de  Gheldré  &  de  Mons,  avec 
lefquels  îl  aVoit  alfiégé  ladifte  ville,  &  pour  le- 
ver ce  fiège,  le  conte  Philippe  accompagné  de 
ceux  que  deflus ,  fe  tranfporta  vers  icelle  ville ,  de* 
vaut  laquelle  ils  s'entre-donnerent  une  bien  truelle 
&  fanguidolente  (^)  bataille,  dont  néantmoins 
la  viftoîre  demoura  du  cofté  du  conte  Philippe, 
lequel   print   prifonnîer    lediél    Florens,    conte 


L'an  II 55. 


Guerre  en- 
tre Fîrndré 
&  Hollan- 
de ,  c>c  l'oc* 
cafion 
d'icelle. 


Les   contei 
de  Gheldrtf 
flc  de  Mons 
alliés  du 
conte  de 
Hollande. 

Viftoire 
des  Fla- 
ijfïeiràfurle^ 
HoUandôis/ 


Ça")  A  moins  que  ce  Ht  foit.      (Jb^  Sanglante ,  dit  latin  fan- 
^  guinolentus. 

(6)  Lé  comte  de  HoUande  n'àvoit  poiilt  fait  d'invafion 
dans  TAlface  &  encore  moins  âfllégé  la  viUe  dont  park 
Oudegherft.  Nous  oppoferons  au  récit  défeâueux  de  notre 
smteur  celui  de  Meyerus  beaucoup  plus  vraifemblàble  & 
plus  cxaa,  &  conforme  d'âiUeurs  à  ce  que  rappone  fur 
fcet  avènement  Tauteur  contemporain  de  VauBarîum  ziqul- 
cinSinum.  Pbilipfus  comei  cum  Matthao  fratrt  é?  Godofridb 
càmitô -lovanienfi  ^  inflruBâ  multarum  navium  clajfe,  mova 
in  Florent îum  comitemHollandiaquiperid  tempus  ttrrd  man- 
que Flandris  incommodabaî,  CeJ/it  jjac  expeditio  FJandris  per- 
quàm  profperh.  Enimvèrb  Florentins  qui  tantam  fibi  vim 
militum  piratarumque  conflanterat ,  ut  totius  maris  imperium 
ohttnere  videretur,  circumventus  undique  à  noflris^  defpe^ 
ratd  fpe  refiflendi ,  fine  ullo  propl  certamine ,  fe  fuosqitc 
thilippQ  printipi  dedlàiti 

O  1% 


Ann.FIanc^; 
an.  ir(75.' 


4ii<? 


T   ïî   I   Ë    R   R   t 


Le  conte  de 
Hollande 
prifonnier 
des  Fla- 
xnens.  ' 


Le  colite 
Philippe 
traiae  hu- 
mainement 
le  conte  de 
Hollande , 
fon  prifon- 
nier. 

Traidé  de 
paix  enûre 
Flandre  & 
Hollande. 


de  Hollande,  &   avec  luy   plus   de  trois   ctftft* 
chevïiliers ,  qui  furent  tous  menez  en  Flandre  au 
grand  honneur  &  triumphe  du  fufdift  conte  Phi- 
lippe,  par  l'ordonnance  duquel  lefdiéls   prifon- 
niers  furent  mis  &  diftribués  en  diverfes  prîfons, 
faifant  mettre  ledift  conte  Florens  en  la  prévofté 
de  fainft  Donas  à  Bruges,  où  luy   furent  faifts 
tous  les  honneurs  &  bons  traitements,   dont  le 
conte  Philippe  fe  povoit  advifer.  Au  moyen  de 
quoy  fe  moyenna  toft  après  un  bon  appomfte- 
ment  entr'eux,  &  une  paix   afleurée,    quy   fut 
conceuë  &'  accordée  aux  conditions  quy  s'enfuy- 
vent:  „  Premiers  que  les  hoftagiers  (a)^  que  le 
conte  àvoit  prins  pour  les  yfles  de    Zélande 
entre  l'Efcaut  &  Hedinzee,  demoureroyent  à 
Bruges,  &  ne  feroyent  rendus  au  conte  de  Hol- 
lande, par  fidéjuffion  ny  autrement,  ne  fuft(A) 
le  confentement  &  vouloir  du  conte  de  Flan- 
dre.  Que  nul  camp  de  bataille  (0  fe  feroit  en- 
tre les  hoftagiers  defdiftes  yfles,  ailleurs  qu'en 
la  ville  de  Bruges.    Que  tout  le  prouffit  que 
!|  viendra  defdiftes  yfles,  fera  party  entre  les 
„  deux  contes.   Que  toutes  confifcations  adve- 
^  nues  efdiûes  yfles  feront  communes  à  eux  deux. 
^  Sy  aucun  de  Flandre  eft  fpolié  (J)  &  defrobé 
l  en  la  terre  de  Hollande,  les  inhabitants  du  lieu 
^,  où  le  cas  fera  advenu,  en  feront  la  reftitutioa 
'  &  defchargeront   le  defrobeur,  &  s'ils  ne  le 
"  vuelknt  faire ,  le  conte  de  Hollande  le  fera  luy- 
^  mefme  à  l'arbitrage  de  fix  hommes.  Que  les 
„  gheleedes  (0  q^^^  tient  le  conte  de  Hollande 
„  fur  «les  marches  de  Flandre,  feront  abolyes, 
„  &  ne  fouffrira  le  conte  qu'elles  foyent  plus 
„  levées.   Comme    aufly    feront    révocqués   & 
„  abolis  tous  autres  impofts,  comment  on  le* 


(a")  étagci. 
(JT)  Sam. 
(0  Du^l. 


Cd)  Pillé. 

(0  Charge  de  c$nv$f. 


D*  A    L    s    A    C    E. 


421 


puîfle  ou  veuîlle  nommer,  &  fy  aucuns  tels 
împofts  fe  payoyent  ou  exîgeoyent  par  igno- 
rance ,  le  conte  de  Hollande  feroit  tenu  à  la 
reftitution.Que  nuls  defdifts  deux  contes  pour- 
ront faire  forterefles  efdiftes  yfles,  que  fi  au- 
j,  cun  marchand  de  Fkndre  paflant  par  Hollande 
fut  arrefté  pour  debtes,  îceluy  marchand  s'en 
pourra  purger. par  ferment,  affin  que  fon  voya^ 
ge  ne  luy  foit  retardé,  &  fy  Tarreftant  ne  s'en 
veut  contenter,  que  faudra  qu'il  pourfuyve 
lediél  marchand  devant  fon  juge  ordinaire, 
&  fy  par-deflus  ledift  ferment  faift,  le  marchand 
„  eft  détenu  ou  empefçhé ,  le  conte  de  Hollande 
„  luy  payera  tous  fes  defpens,  dommages,  & 
„  întérefts.  Lequel  contrevenant  à  celle  paix 
^  fourferî^  (a)  toute  la  terre,  qu'il  tient  en  fief 
„  de  la  conté  de  Flandre,  fans  autre  folemnité 
„  de  loy,  &  n^en  jouira  jufques  à  ce  qu'il  auroit 
„  le  tout  réparé.  „  Ce  fut  faift  à  Bruges ,  en  la 
prévoftéde  faint  Donas/^r/i  ilj.pofi  Remini fcere^ 
en  l'an  mil  cent  foixante-fept.  Et  pour  ce 
que  depuis  le  conte  Florens  n'entretint  ladifte 
paix,  le  conte  Philippe  luy  ofta  derechief  tout 
ce  qu'il  avoit  éfdiftes  yfles,  &  avec  ce  confif- 
qua  la  terre  de  Wafl: ,  qu'auparavant  il  luy  avoit 
reftituée.  Audift  an  le  conte  Philippe  &  Mahieu 
de  Flandre  prafticquertnt  que  Pierre  leur  frère 
tnaifné,  fuft  efleu  pour  évefque  de  Cambray,  à 
qûoy  néantmoins  il  renonça  peu  après,  comme 
voirez  aux  chapitres  fubféquents  (7). 


Vtn  1167. 


(^)  Perdra ,  fera  privé  àc. 

(7)  Pierre,  fils  de  Thierri  d'Alface,  avoit  été  choifi  en 
1167.,  pour  fuccéder  à  Nicolas  dans  Tévêché  de  Cambrai; 
mais  Matthieu ,  comte  de  Boulogne ,  étant  mort  fans  enfans 
mâles  ,  &  Philippe  fe  voyant  luirméme  fans  héritier ,  il 
engagea  fon  frère ,  élu  évêque  de  Cambrai,  à  renoncer  à  fon 
éleôion ,  m  foboîem  e^citaret ,  difenç  les  hiftoriens  natio- 
naux. Ce  qu'il  fit  en  11 74.  L'année  fuivante,  il  époufa  U 
comtefle  de  Nevers ,  &  mourut  empoifonné  peu  de  tems  après. 


Audar.  aq« 
Meyer. 
Marcb'  *• 
Buzc^ 


f^'an  1168. 


Remon* 
ftrancc  du 
conte  Thié^ 
ry  il  cn- 
fantA  avant 
inpqrir« 


iïufticevers 
€8    fub- 
jeéts. 

Rcivdreiice 
vcr«  pieu- 


(^1%  T    H    I    E    R   R    I 

CHAPITRE       LXXVIII, 

Comment  le  conte  Thiirj  fit  appeller  avant  mou^ 
Ttr  [es  enfans  au  monajière  de  Watenes  ^  &  det 
fainùes  remonflrancet  qu'il  leur  fit  ^^  du  tref- 
pas  dudiù  Thiiry. 

EN  Tan  mil  cent  foixantc-buift ,  le  conte 
f  hiéry  d'Elfate  fe  fcntant  griefvement  ma^ 
lai.e,  &  prévoyant  fa,  mort  certaine,  fit  venir 
vers  foy  au  monaftère  de  fain<a  Gilles  à  Wate- 
nes (i),  le  conte  Philippe,  Mahieu,  &  Pierre 
fes  enfans:  aufquel»  il  fit  (après  avoir  néantmoins 
grandement  blafmé  audiél  Mahieu  fon  déteftable 
mariage,  &  le  facrilège  quMl  avoit  commis,  en 
raviflant  hors  fon  monaftère  madame  Marie  de 
Boulongne)  telles  remonftrances :  „  Mes  enfans, 
je  m'en  voy  {a)  à  mes  pères,  comme  tel  cÛ 
le  bon  vouloir  de  Dieu ,  &  j'entre  en^  la  voye 
commune,  tant  à  ceux  quy  font  aujourd'huy 
vivants,  qu'à  ceux  qui  paiftront  cy-apfès;  de 
laquelle  je  ne  pourray  retourner,  ne  venir 
veoir  ce  que  les  hommes  font  en  ce  monde* 
Parquoy  cependant  que  je  fuis  encore  fur  la 
„  terre,  &  prochain  de  ma  mort,  je  vous  vemç 
„  admonefter  derechief  des  çhofes  ,  dpfquellei 
„  je  vous  ay  tenu  propos  par  cyrdevantj  fça- 
„  voir,  que  vous  exercez  juftîce  envers  voz  fub- 
„  jefts,  que  vous  portez  révérence  à  Dieu,  quy 
„  vous  at  appelle  es  dignités  aufquelles  vous  ef- 
„  tes,  &  que  gardez  bien  fes  commandements 
„  &  faînéles  ordpnnances,  fans  les,  mefprifer, 

(ji)  Je  m'en  vais» 

Ci)  Lorfqu'il  mourût,  Thierri  étolt  à  Oravelinet,  qx^ 
•voit  fait  bâtir  environ  30.  ans  auparavant,  âc  dont  quel- 
ques annaliftes  lui  reprochent  d^avoir  enlevé  la  poflelBoo 
aux  religieux  de  St.  Bénin.  Son  corps  fut  enfuite  tranTpanl 
ï  Tabbaye  de  Guafline. 


D*^A    L    s    A    C    E, 


415 


» 


foît  par  flatterye  ou  faveur,  ou  par  quelque 
autre affeftion dépravée.  Carîl  n'eîlpoflîblevou^ 
maintenir  en  la  grâce  de  Dieu^fy  préallablement 
^  vous  n'obfervez  fes  loix  &  ordonnances;  & 
„  fy  en  ce  venez  à  vous  oublyer ,  il  deftournera 
^  femblable;ment  de  vous  fa  foUicitudc  &  faveur 
^  paternelle.  Sy  vous  démon ftrez  tels  envers  fa 
^  mageîlé  divine  que  debvez ,  &  tels  que  je  de* 
fy  lire,  vous  ferez  que  cette  conté,  avec  ce  qu'en 
^  dépend,  demeurera  ferme  en  noftre  famille, 
fj  &  qu'il  n'y  aura  jamais  autre  maifon  quy  ol> 
fj  tienne  domination  fur  les  Tlamens  que  k  nof^ 
H  tre.  Je  vous  recommande ,  mes  jenfans,  les  égli^ 
H  fes ,  monaftères ,  &  villes  du  païs  de  Flandre , 
^  &  veus  que  vous  pourchaflez  leur  bien  & 
^  prouffit,  &  que  les  traiéliez  en  toute  douceur 
^  &  humanité»  Car  en  ce  faifants,  vous  ne  fe* 
p,  rez  que  voftre  devoir ,  &  recognoiftrez  les  bé* 
néfices  que  j'ay  receu  d'eux,  ayants  ufé  de 
grande  libéralité  &  bénignité  envers  moy,  du- 
^  rant  les  débats  que  j'ay  eu  pour  la  fucceflîou 
„  de  Flandre^  nous  rendants  par  mefme  moyen 
^  grandement  obligez  à  eux.  „  Après  qu'il  euft 
donné  telles  chargçs ,  &  fiaift  les  fufdiftes  admo- 
nitions à  fes  enfans ,  il  rendit  l'efprit ,  ayant  vef. 
eu  foixante-neuf  ans,  &  doit  avec  bonne  raîfon 
eftre  mis  au  nombre  de«  gens  de  bien,  comme 
de  faia  il  eftoît  remply  de  toutes  vertus,  qu'il 
falloit  qu'un  tel  perfonnage  euft,  ayant  domi- 
nation ,  &  jeftaiit  fes  yeux  fur  une  telle  provin- 
ce pour  la  maintenir  en  paix  &  tranquillité.  S'il 
y  eut  jamais  homme  conftaqt  &  magnanime, 
le  conte  Thiéry  l'at  efté;  &  s'il  y  avoit  quel- 
que bataille  à  donner,  il  fe  jettoit  le  premier  de» 
dans  le  fort  de  fes  ennemis,  &  s'expofoit  aux 
danglers,  ayant  en  fingulière  recommandation  le 
falut  de  fon  peuple.  Et  incîtoit  les  gens  de  guer-^ 
ye  p;ir  fon  exemple,  à  foire  a4tçs  çhevalercux^. 


5^ 


Trefpa.«  da 
conte  Thié- 
ry. 

Louangt 
du  contç 
Thkry» 


4«4    T  H  I  E  R  R  I       D*  A  L  S  A  C  E, 

les  conftraindant  àfaire  leur  devoir  par  tel  moyen  ^ 

&  non  comme  fcîgneur  ufant  d'authorîtd.  Il  ef- 

toît   aufly  fort  prudent  en  confeils,  &  fçavoit 

bien  ce  qu^eftoit  expédient,  tant  pour  le  pr6r 

pflnclpil.      fent,  que  pour  Tadveniri  il  eftoit  fobre,  doux, 

des  roy?&     &  fort  benlng  envers  les    mifdrables,  exerceant 

grands  fci-    juftice  &  ufant  grande  humanité,  quy  font  les 

jnçur»,  principales  vertus  des  roys ,  &  grands  fcigneurs. 

Et  combien  qu'il  fut    contre  toute  fon  attente 

&  expeftation  eflevé  en  une  puitTance  fy  haute, 

toutesfois  il  ne  fe  deftourna  jamais  de  la  droic- 

ture,  où  équité.  Au  demeurant  Ton  peut  dire 

cela,^qu*il  n*y  euft  jamais  conte  de  Flandre,  quy 

ayt  faiét  tant  de  voyages  pour  le  fervice  de  la 

terre  fainéle  que  ceftuy-cy,  lequel  fes  cnfansen. 

terrèrent   magnifiquement    à    Watenes    au   mo* 

naftère  de  fainil  Gilles  ^  qu'il  avoit  luy-mefme 

édifié  (2). 


(2)  Voyez  la  n.  5.  du  chap.  précèdent,  p.  418.  &  l| 
n.  3.  du  chap.  54.,  p.  312.  Thierri  étoit  Agé  de  68.  «ns^ 
lorfqu'il  mourut,  &  il  en  avoit  régné  40.,  depuis  la  mort 
de  Gui  11;  unie  le  Normand.  La  Flandre  n*avoit  pas  encord 
pu  de  fouvcrain  qui  eut  autant  de  vertus  &  de  talens  que 
lui  ;  6l  Ton  ne  peut  guère  lui  reprocher  que  fei  voyages 
en  Afie.  Encore  faut-il  les  imputer  en  partie  à  rcfprit  di^ 
fièclc  où  il  vivoit.  11  fut»  dit  Meycrus,  omni  vitd ^  pic 
tau  infignh^  religione  ilîufîris  ,  munijiccnUâ  clarui  ^  bcUi 
pa  ci  s  que  artibus  nobilh  ^fortitudine ,  jupitià  ac  rerum  gcpa- 
rum  magnitude ns  inclitus.  A  fa  mon ,  on  grava  fur  foa 
tombeau  Tépitaphe  fuivaute  :  H)c  J(icçt  fepultus  D.  Thc^ 
4oricus  de  Elfatid  cornes  Flandria ,  qui  quatuor  vicibm 
tcrram  fanQam  vifitavit ,  9  indè  rcdiens  fanguinem  /).  noflr\ 
y.  C.  detulity  y  vilU  brugenfi  tradidit  ^  fiT  pùfiquam 
flandriam  mnnU  40.  jirenuè  rexerat  ,  apud  GravcUfigm 
êbiit^  anno  JDomini  iidS.  (  116^.  fiylc  moderne)^ 


PHILIPPE      D'ALSAfcE.      4^5 

CHAPITRE        LXXIX. 

Comment  le  conte  Philippe  parla  trc/is  jours  après 
i  fa  naijfance  &  d'' aucuns  privilèges  qu'ail 
donna  aux  villes  de  Flandre. 

PHilîppe  d'Elfate,  fils  aifiié  de  Thiéry,  conte 
de  Flandre  &  de  madame  Sybille ,  gouverna 
depuis  la  mort  dudiél  Thiéry  Terpace  de  vingt 
&  trois  ans;  il  fe  porta  ailfly  pour  conte  de  Ver- 
mandois,  à  caufe  de  madame  Yfabeau  fa  femme, 
depuis  le  trefpas  de  Raoul  conte  de  Verman- 
dois,  frère  de  ladifte  Yfabeau,  &  lequel  mourut 
ladre,  en  Tan  mil  cent  foixante-guatre.  Les 
çhronicques  affirment  une  chofe  merveilleufe  de 
ce  conte  Philippe ,  fçavoir ,  que  le  troiziefme  jour 
après  fa  naiflance,  il  cria  tout  haut  d'une  voix 
troublée:  Evacuate  mihi  domum^  qui  eft-à-dire, 
neftoyez  ou  purgez -moy  la  maifon;  mais  Ton 
Jie  trouve  par  efcript  quelle  chofe  ce  povoit  flg- 
jiifier,  trop  bien  qu'il  a  efté  un  des  plus  ver- 
tueux &  vaillants  princes  de  fon  temps,  Sy  ne 
convient,  s'efmerveiller  de  ladifte  voix,  car  la 
chronicque  de  France  tefmoingne^  comme  aufTy 
faift  la  légende  de  monfieur  fainft  Amand,  que 
quand  ledift  fainft  Amand  baptjfa  Sigebert,  fils 
4u  roy  P^igob^rt  le  premier  de  ce  nom ,  le  fuf- 
dift  enfant,  quy  n'avoit  que  unze  jours,  rçf- 
pondittout  haut  &  préfent  une  grande  n\ultîtude 
dépeuple,  AtHen^  Ledift  Philippe  fut  deux  fois 
inarié ,  fi  comme  à  madame  yfabeau  de  Vçrman- 
dois ,  laquelle  trefpafla  fans  hoir  de  fon  corps , 
environ  Tan  mil  cent  quatre-^vingts  &  deux  & 
gîft  à  noftre  Dame  d-Arras.  Et  pour  fa  féconde 
femme,  il  print  madame  Méhault,  fille  d'Alfons, 
roy  de  Portugal,  quy  femblablement  mourut  fans 
hoir  de  fon  corps.  Le  fufdiiîl  Philippe  fuft  un 
prince  merveilleufemept  'prudent ,  &  lequel  mit 


Chofe  ad» 
mirable  du 
conte  Phi' 
lippe. 


Mariage  de 
Philippe 
première- 
ment avec 
madame 
Yfabeau  de 
Verman- 
dois ,  &  de- 
puis avec 
madame 
Méhault  de 
Portugal. 


4^6 


PHILIPPE 


Loix    & 

privilèges 
donnés  à 
ceux  de 
Gindparle 
conte  Phi- 
lippe. 


'&  entretint  le  pais  de  Flandre  en  bonne  paix  & 
juflice,  voiras  davantage,  qu'aucun  autre  de 
tous  fes  prédécefleurs.  Il  fit  grandement  réparer 
le  cbafteau  de  Oand ,  où  par  fon  commandement 
la  porte  devant  fut  édifiée,  mais  je  ne  trouve, 
qu*il  ayt  fondé  aucun  cloiflre  ou  monaftère.  H 
donna  à  ceux  de  Gand  leurs  premières  loix,  ie§0* 
res9  ou  privilèges,  lefquels  de  Gand,  il  appelle 
ofpidanos  meos  caflri  gandenfîs  ^  par  unes  Itt* 
très  qui  commencent: /fer  ^^  lex^confuetudo^i)^ 


(0  Aucun  des  prédécelfeurs  de  Philippe  d'Alface  nef*ap' 

pliqi^  avec  autant  de  foin  que  lui  à  donner  de  bonnes 

loix  à  fes  fujets.  Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  les  faire 

connoltre  toutes  en  leur  entier.  Ce  feroit  le  tableau  le  pks 

cxaâ  que  Ton  pourroit  faire  de  fon  adminifbation  &  des 

mœurs  de  fon  temps  ;  mais  un  manufcrit  précieux  qu^abiea 

'  voulu  me  confier  M.  Van  Hulthem ,  mon  ancien  élève  A 

mon  ami,  me  met  à  portée  d'en  faire  connoltre  plufienrs» 

ainfi  que  quelques  traités  que  la  proteâion  ,  qu^il  accor* 

doit  au  commerce  de  fes  fujets ,  lui  fit  folliciter  auprès  de 

quelques  princes  voifins.    Nous   rapporterons  d^abord  en 

entier  le  décret  légiflatif  donné  aux  Gantois»  6ç  dont  On* 

degheril  ne  cite  que  quelques  articles  : 

Manufc.  de        m  Haec  eil  lex  ^    confuemdo  quam  Philipptu    Ùloûris 

Mr.    van       ^^  Flandri»  &  Viromanduas  comes  Gandenfibus  obfennuk 

Hulthem.        ^  dam  inftituit  : 

^  Si  aliquis  vulnus  fecit  alicui  infrà  milhre  ab  oppido , 
^  éc  illud  id  véritate  fcabinorum  agnofcatur  de  quâcumque 
^  re  fadum  fit  ad .  domum  in  quâ  ille  manet  qui  vukins 
^  impofuit  per  fcabinos  ôc  per  juftitiam  cemitis  fummo» 
„  neatur.  Qui  fummonitus ,  fi  fcabinis  fe  prsfentct,  veri» 
y,  tate  inquifitâ  de  illo  qui  vulnus  impofuerit,  per  LX.llbru 
^  forcfadum  illud  emcndet  ;  &  ^\  fcabini  fciunt  quod  vxlV 
„  nus  non  fecit  ,  liber  flc  in  pace  permanebit.  Si  autem 
„  die  quâ  fummovebitur ,  fe  non  praîfentaverii ,  remanebit 
,9  in  forisfado  LX.  librarum.  Et  fi  fcabini  noluerinc  do» 
^  mum  ejus  proderncrc  &  in  refpeâum  ponere  ,  fed  ex 
^  ^  toto  condonare  non  poflunt ,  ni  fi  voluntate  comitis. 

^  Si  ver6  quif  aliqucm  in  domo  fuâ  a(filuerit ,  unde 
„  clamor  fadus  fit ,  fcabini  &  juditia  domum  ibunt  profpi* 
„  cere ,  &  îi  fcabini  potcrunt  vidcre  aflultum  efle  apparentera , 
n  ille  de  quo  clamor  fadus  efl  »  fummoneri  débet.  Qui  ft 


D*  A   L    s    A    C    E,  4?r 

éfquelles  on  peut  veoîr  plufieurs  beaux  articles 
concernants  la  punition  de  tous  crimes.  Et  enV 


I»  fcabinis  fe  depraefentavit  de  illum  intellçxerunt  aflulciun 
ff  fecifle  ,  LX.  libras  amittet.  Si  ver6  cognoverint  illum 
'ff  non  fccifle ,  liber  âç  in  pace  recédât.  Si  autcm  ad  dicni 
9,  Aimmonitionis  venirc  noluit ,  domo  ejus  proUratâ ,  LX, 
f»  librarum  reus  erit  ;  quod  fi  alii  aflulcui  iDcerifuerint  do 
a»  quibus  clatnor  faâus  fit ,  A  cornes  fuper  veritate  inqui- 
ff  fient ,  fcabini  veritatera  inquirere  debcnt  &  quotquot 
„  veritate  fcabinorum  de  aflultu  tenebuntur ,  unufquifquc 
„  LX.  liSrarum  reus  erit,  ac  fi  de  eo  clamor  efict  fac- 
^  tus.  Siverô  fcabini  nullum  aflultum  cognofcere  poterunt, 
I,  ab  ipfis  fuper  hoc  veritas  eft  inquirenda, 

9f  Oiii  cum  arniis  molutis  infrà  pr^finitum  terminum  alî- 
1^  quem  fugavit,  fi  veritate  fcabinorum  convincatur«  foris- 
f,  faâo  LX.  librarum  tenebitur. 

ff  Si  qois-  Ipfiliatur  »  quicquid  ipfe  faciat  in  dcfcndendo 
f,  corpus  fuum ,  nuUo  tenebitur  forisfado. 

^  Si  quisi  occidit  aliquem  bannitum,  in  hoc  nullum  fa- 
„  cit  forefaftum* 

„  Quicumque  teftimonio  fcabinorum  convidus  fuit  dç 
^  rapin^ ,  LX.  Hbras  de  fopsfa^o  ^^bit ,  6c  ^n^num  ra- 
^  pinx  reftituet. 

^  Qualemcumque  concordiam  bannitus  faciat  comiti,  rcr 
^  manebit  tamen  bannitus ,  donec  juris  gandcnOs  ad  opus 
„  caflri  LX.  folidos  dcdcrit. 

„  Item ,  qui  bannitum  de  forisfado  LX.  librarum  in  hof- 
„  pitio  fufteperit ,  veritate  fcabinorum  convidus  LX.  li- 
„  bras  amittet. 

^  Qui  aliquem  fufte  vel  baoïlo  percuflbrit ,  convîdus  a 
^  fcabinis  in  forisfadum  X.  librarum  incidit ,  de  qnibns 
^  Comes  V.  libras  habçbit ,  cailellanus  ^  XX.  folidos ,  ille 
„  qui  pcrcuflus  eft  LX. ,  ad  opus  caftri  XX.  ^ 

„  Item,  qui  pugno  vel  palmâ  aliquem  p^uflcrit,  feu 
^  pcr  capillos  acccperit,  Inde  pcr  fcabinos  convîdus,  LX. 
,,  folidos  dabit  ;  inde  XXX.  folidi  comitis  crunt ,  pcrciiOi 
^  XV.  folidi,  caftcllani  X.  folidi,  ad  opus  caftri  V.  folidi. 

y,  Qui  aliquem  capillis  ad  tcrram  traxcrit,  feu  pcr  1u- 
„  tum  trahendo  pcdibus  conculcavit,.X.  libras  comiti  da* 
„  bit  &  fie  tradato  XV.  folidos ,  cafteïlano  X. ,  ad  opus 
p  caftri  V. 

„  Item,  quialicui  convicia  dixerit ,  fi  teftimonio  duorum 
p  fcabinorum  convincatur ,  illi  cui  convicia  dixit ,  V.  foli- 
I,  dos  dabit,  juftitix  vcrô  XIL  dcnarios. 


4XS  PHILIPPE 

tr*autres  y  font  les  Tubféquents  articles.  Qui  en 
,  que  h  fcabinis  in  judicio  vel  teftïmonio  affirmata 

M  Qaicumqae  duobus  fcabinis  aut  phuibos  indocias  pa- 
^  cis  qu£  vulg6  treugae  verden  dicuntur ,  de  quâlibet  dif> 
^  cordiâ  dare  noiuit ,  illud  emendct  per  LX.  libras. 

„  Si  diflcnfiones,  aut  difcordi»  ,  aut  gueme,  aut  aliquod 
^  aliud  malum  ijiter  probos  viros  oppidi  exoriatur ,  iudè 
^  ad  aures  fcabinoram  clamor  perveniat ,  falvo  jure  comi- 
^tis,  fcabiîii  illud  componere  &  pacificare  poterunt.  Qui 
„  veto  compofitionera  &  pacem  quam  fuper  hoc  fcabini  cou- 
^  folidaverunt  lequi  noiuit ,  forisfadum  LX,  librarum  incunet. 

„  Item  9  qui.ea  quae  à  fcabinis  in  judicio  vçl  teftimonio  af- 
„  firmata  fuerant,dedixerit,  LX.  libras  amittet&unicuique 
^  fcabinoram  qui  ab  eo  dediâus  fuerit ,  X.  libras  dabit. 

^  Item,  quicumque  per  malum  manus  in  fcabinos  mî- 
^  ferit,  û  fcabini  Ûlud  deteflentur,  LX.  libras  dabit.* 

„  Quicumque  fœminam  per  vim  violavit,  fi  de  eo  ve- 
^  ritate  fcabinoram  convincatur ,  eâdçm  pœnâ  condemna- 
^  bitur  quâ  k  prpedeceflbribus  comitis  hujustaodi  maie- 
^  fadores  condemnari  folent  in  Flandriâ. 

,,  Prstereà  fciant  omnes  quod  vir  qui  fit  de  Gandavo , 
f^  cujuscumque  forisfadi  rem  fçcit ,  non  ampliùs  quam  LX. 
,,  libras  amittet,  niû  légitimé  per  fcabinos  convidus  fuit 
^  de  raptu,  ut  diâumeft,  vel  de  latrocinio,  vçl  de  ùl" 
f,  ûtate  9  vel  de  homicidio« 

9,  Quod  fi  quis  hominem  occldit,  caput  pro  capite  da- 
^  bit,  &  omnia  fua,  abfque  contradiâionc ,  comitis  erunt, 
„  fi  de  homiçidio ,  veritate  fçabinorum  teneatur. 

^  Nemo  infrà  prsfînitum  terminum  manens ,  infrà  mu- 
^  ros  cafiri  gladium  f erat ,  nifi  fit  mercator  vel  alius  qui 
„  gratis  negotii  per  çaftrum  tri^nfea;.  Si  verô  caftram  in- 
ff  travit  caufâ  ibi  morandi  »  gladium  e^trà  in  fuburbio  di« 
^  mîttat;  quod  fi  non  fecit  LX.  folidos  &  gladium  amittet. 

„  Juftitiis  verô  comitis  &  miniftris  cum  qui  pacem  caftri 
^  obfcrvare  debent ,  nofte  ac  die ,  infrà  caftram  arma  fer- 
„  re  licebit.  Oppi^anis  etiam  gandenfibus  gladium  portare 
„  &  reportare  l|cçbit ,  dum  à  caftro  exeant  feftinanter.  Si 
„  quis  verô  eorum  motas  ficiendo ,  vel  per  caftram  va- 
^  gaiido  gladium  porta  vit ,  LX.  folidos  &  gladium  araittet, 

„  Si  fcabini  gratiâ  emendationis  villaç ,  afienfu  juftitis 
^  comitis ,  bannum  in  pane  aut  in  vino  aut  in  cgeteris  ralerçi' 
„  bus  conftituerant,  medietas  quœex  banno  illo  provenict, 
^  comitis  erit ,  altéra  medietas  oppidi  gandenfis. 

,)  Si  mercator ,  five  ^lius  bomo  extraneus  9Qte  fcabinos,  julUr 


D*  A    L    s    A    C    e1  429 

fuerint  tontempferit  ^  fexaginta  librts  mutêtetur^ 
&  unscutque  Scabino  qui  ab  eo  dedi&us  fuersty 

^  ti»  cauH ,  venit ,  Q  illi  de  quîbus  conquericur  prxfentes  fint , 
„  vel  inveniri  ik)iDnt  infrà  tertium  diem  vel  faltem  infrii 
„  odavum,  plenariam  ci  fcabini  juftidam  faciant,  juxtà  k- 
^  gem  caftri, 

^  Nemini  in  foro  comitis  ftallos  locare  liccbit,  quod  û 
„  locaWt  &  veritate  fuper  hoc  conviaus  fuit,  LX.  folîdos 
^  comfti  dabit. 

„Si-aliquis  de  infraduris  caftri   coram   fcabinis    falfum 
'  „  tcftimonium  portavit  &  fcabini  illud  cognoverant,  LX. 
^  libras  amittet. 

„  Cum  aliquis  de  fcabinis  decedet ,  alius  ei  fubftituemr 
^  nec  aliter. 

y^  Item  fi  fcabinus  per  teftimoninm  fcabinorum  parinm 
^fuorom  de  felfitate  conviaus  fuerit,  ipfe  &  omnia  fua 
„  in  poteftate  comitis  erunt. 

^  Item  fi  fcabini  à  comité, five  à  miniftro  comitis  fummo- 

^  niti  falfum  fuper  aliquâ  re  judicium  fecerint,  veritate  fca- 

^  binorum  atrebatenfium ,  five  alionim  qui  eamdem  legem 

^  tenent,  comes  eos  convincere  poterit,  &  fi  conviai  fue- 

'   ^  rint,  ipû  &  pmnia  fua  in  poteftate  comitis  enmt. 

„  Item ,  quotiescumque  verô  fuper  hujusmodi  falfitate 
^  fummoniti  fuerint,  nullatenùs  poterunt  contradicere 
^  quin  diem  à  comité  fuo  pnefixum  teneant,ubicumque  co^ 
,^  mes  voluit  in  Flandriâ. 

,9  Item  de  omnibus  aliis  caufis  ad  comitem  pertinente 
M  bus ,  placita  tenebunc  in  praefentiâ  comitis  vel  illius  quem 
,,  loco  fuo  ad  juftitiam  tenendam  inftituit.  Inftituti  etiam 
„  ad  ejus  fummonitionem  de  omnibus  tanquam  comiti  ref- 
^  pondebunt,  quamdiù  in  hoc  fervitio  comitis  erit.  Ad 
„  hsec  nec  fcabini ,  nec  burgenfes  aliquid  addere ,  mut&re 
„  nec  corrigere  poterunt ,  nifi  per  confenfum  comitis  vel 
^  illius  quem  loco  fuo  ad  juftitiam  tenendam  inftitucrit. 

Le  manufcrit  d'où  j'ai  tiré  ce  décret ,  n'en  fixe  point  la 
date.  Meyerus  dit  qu'il  fut  porté  après  que  Philippe  fût  re- 
venu pour  la  première  fois  de  la  terre  fainte.  Il  feroit  donc 
de  la  même  date  que  le  fuivant-C  V.  annal.  Fland.  an.  1 178.  ). 
Au  refte  ce  manofcrit  qui  me  fournira  encore  plufieurs  piè- 
ces originales ,  parolt  être  écrit  vers  le  milieu  du  quinziè- 
me fiècle,  6c  renferme  un  très-grand  nombre  de  décrets, 
de  privilèges  &  d'ordonnances,  toutes  intéreflantes  pour 
l'hiftoire  des  principales,  villes  de  la  Flandre  &  recueillies 
^*après  les  originaux  mêmes. 


430  ViliLlVVÉ 

decem  libris.  Par  où  fe  defcouvre  qu'où  ne   pd^ 
voit  de  faiô  blaTmer  la  fctitence  ou  jugement  des 
efchevins.  Item  Pratereà  fctant  omnet ,  qubd  vit 
qui  fuerit  de  Gandavo  ,  tujufcumque  f&risfaài  rem 
fecit ,  non  ampltus  quàm  fexaginta  libras  amittet\ 
ni  fi  légitima  per  fcabinos  convi&us  fuerit ,  de  raptu  , 
,  latrûcinio ,  falfitate^  vet  homicidiù.    Item  fi  fcabi- 
ni  à  comité  five  à  miniftro  comitis  fubmoniti  fuper 
itliqud  re  judicium  fecerint  ^  veritate  fcabinorum 
Atrebatenfium ,  five  aliorum  qui  eamdem  legem  te^ 
nent  ^  cornes  eos  convincere  paterit;  fi?  fi  convi&i 
fuerint  ^  ipfi  fif  omnia  fua^  in    poteftate   comitis 
erunt.  Item  :  Quotiefcumque  vetb  fuper  hujufmodi 
falfitate  conviSti  fuerint^  nullatenùs  poterunt  coà* 
tradicere  qu'm  diem  fibi  à  comité prafixam  teneant^ 
ubicumque  cornes  valuerit  in  Flandrîa.  Item ,  de  om^^ 
nibus  a/ils  caufis  ad  comttem  pertinent ibus ,  plactta 
tenebunt  in  prafentia  comitis ,  vel  illius  quem  loco 
fuo  adjufiitiam  tenendam  inftitUerH ,  inftitutis  etîam 
ad  ejus  fubmonitionem   de  omnibus   tanquam   co* 
miti  refpondebunt'^  quamdiu  in  hoc  fervicio  comitis 
etunt.  Il  donna  aufdifts  de  Gand .  une  autre  or-' 
donnance  à  fon  retour  dé  Hiérufalem,  eommen- 
çantî  Hac  funt  pracepta  ^  ftatuta  Domini  comitis 
in  Gandavo  (ji).   Laquelle  ne  traiéle  que  de  la 


(û)  Voici  en  entiei^  cette  ordonnance  dont  Thldorieii  ne 
rapporte  que  le  titre: 

f^IIcec  funt  prccepta  quse  datait  dominus  in  Gandavo^ 
„  co  tcmpore  quo  rediit  Hierofolymis. 

H  Si  quis  de  LX'  libris  convictas  fuie  &  infrt  triduuof 
fi  comiti  non  fatisfecit,  exeat  terram  comitis  infrk  triduum; 
^  quod  n  non  fecit  ôc  de  csetero  in  terri  comitis  vifds  fiitc  »- 
„  onwibus  diebus  vitae  fu«  fme  lege  permanebit. 

„  Si  quis  e)^  parte  comitis  vice  cornes  conftituttts  fuît 
^  in  Gandavo  6c  idem  ab  aliquo  obiidem  exegit,  reddat  ei 
n  imYh  triduum;  fin  autera ,  in  foriifado  LX.  libnurum  cric 

->,  Si  quis  cecidit  in  forisfodum  comitis  &  per  fcabiaos 
9  convidtus  fuit ,  ad  domum  ejus  ettor  &  tanatm  de  fo^ 


D*  A    L    s    A    C    E. 


43Î 


manière   d'exécutions,  &  levées  des  amendes,  chaftelenie 

de  foixante  livres  &  autres ,  efquelles  les  délîn-  ^® .  ^r^g^» 

^  .      ^,  \         .      Ti  1    .«  maintenant 

quants  viennent  à  eftre  condamnés.  II  bailla  pa-  jg  Fnncq. 

reillement  à  ceux  de  la  chaftelenie  de  Bruges  que 


,,  acdpiatur^   unde  forefadam   comiti   teddatur.  Quod  fr 
,,  non  habuit»  accipiamr  ad  propriam  ipfius  perfonam. 

^  Si  verô  fidejuflbrem  pro  fe  coniUtuit,  &  fidejuflbr  red- 
^  dere  dlfiêrat ,  donec  jultidam  conûds  inde  fnper  eum  pla« 
^  dtavit ,  fidejuflbr  in  duplo  puniatur ,  û  licet  in  aliis  negotiis. 

^  Quicumque  fidejuflbr  conftitums  fuit  ÔC    donec   fupei 
^  eum  pladtetur,  fadsfacere  diftulit,  puniatur  in  duplo. 
«  ,,  Si  quis  fedt  forefaâum  LX<  iibrarum  «  fummoneatuT 
,,  ad  domum  fuun;  quod  û  non  babuit,  fummoneatur  ia 
,,  pladto. 

M  Et  fi  infilk  triduum  non  venit ,  conviâus  fiiit.  Nul- 
^lus  bominem  habeat  in  Gandavo  niû  de  faidâ  vel  de 
«y  feodo:  qui  verô  habuit  6c  convidus  fiiit,  eritinmife-^ 
„  ricordiâ  comitis  de  LX.  libris. 

Manufc,  d^  Mr,  van  Hulthem. 

L*ordonnance  fuivânte,  dont  ne  parle  point  Oudegberft« 
concemoit  toute  la  Flandre,  &  c*e(l  pour  cette  raifon  que 
nous  nous  déterminons  à  la  donner  aufli  en  entier. 
V  ^  Hsc  funt  punâa  quae  per  univerfam  terram  fuam  co« 
,,  mes  obfervari  pnecepit: 

^  Primo ,  qui  bominem  occidit ,  caput  pro  capite  dabit. 

^  Item  ballivus  comitis  poterit  arreftare  bominem  qui  fo-^ 
,,  refecit,  fine  fcabinis,  donec  ante  ,fcabinos  veniat  &  pet 
^  confiHuni  eorum  plegium  accipiat  de  forisfado.  ' 

M  Item  fi  ballivus  volens  bominem  arreftare,  non  poterit 
,,  &  auxilium  vocavit,  qui  primus  fuit  &  ballivUm  non  ad- 
I,  juverit,  in  forefaâo  erit,  ficutfcabini  confiderabunt ,  niû 
^  forte  oflendere  poterit  quis  per  fcabinos ,  quod  itle  qui 
^  trrefhuidus  erat ,  inimicus  ejus  iit  de  mortall  faidâ,  & 
^  tune  -fine  forefado  erit,  licet  ballivum  non  adjuverit 
^  td  capiendum  inimicum  fuum.  .     -^ 

ff  Item  ballivus  comitis  erit  eum  fcabinis  qui  eligent  pro^ 
jy  bos  viros  vill»  ad  faciendas  tallias  &  aflifas.  Sed  eum  tal- 
^  liabunt  fcabini  vel  judicia  fadent ,  vel  inquifitiones  veri- 
^  utis  ,  vel  protraâiones  ,  non  intererit  ballivus.  Aliis 
^  autem  confiliis  qus  ad  utilitatem  villse  pertinent,  balli- 
^  vus  intererit  eum  fcabinis.  Scriptum  autem  talliae  &  affifas 
I,  reddent  fcabini  ballivo,  fi  poftulavit.^ 

lyltcm  ballivus  accipiet  forefadum  tdjudicatum  comiti 


43t  PHILIPPE 

Ton  dît  le  Francq ,  ordre  &  règle  pour  teûir  H 
vier/ckarcy  Se  faire  raifbn  aux  parties,  dont  il 
leur  bailla  lettres  qu'ils  appellent  la  heure  ^   lef* 

quelles 


^  per  fcabinos ,  ubicumque  illud  invenit  extra  ecdefiam 
1,  6c  ubicumque  accipi  débet  per  fcabinos. 

^  Item  qui  bannicum  de  pecuniâ  receptavic ,  eâdenr  lege 
^  pecunis  tenebitur  quâ  banuitus ,  niû  fuit  capice  banni- 
^  tus  qui  receptatus  eil»  &  tune  eum  receptans  tenebicoc 
^  forefado  LX.  librarum.  Quod  fi  vir  domi  non  fuit  &  uxor 
„  ejus  bannitum  receptavit ,  redienfque  vir  tertiâ  die  mana 
^  proborum  virorum  jurare  poterit  quèd  bannitum  in  do- 
^  mum  fuam  receptum  eue  nefcierit ,  fine  forefaâo  rema- 
n  nebit.  Si  autem  in  abfentiâ  mariti ,  uxori  prohibitum  fiiic 
^  à  ballivo  per  fcabinos  ne  bannituin  receptet ,  de  cetero 
^  non  poterit  eum  fine  forefaâo  receptare. 

,9  Item ,  domus  dimenda  judicio  fcabinorum  poil  quinde- 
y  nam  à  fcabinis  indultam ,  quandocumque  cornes  perceperit 
^  aut  bailivus  ejus ,  dirùetur  h  communi  villas ,  campani 
M  pulfatà  per  fcabinos-  £t  qui  ad  diruendam  domum  illam 
^  non  venit,  in  forefado  crit,  ficut  fcabini  conftderafount; 
M  nifi  talem  excufationem  habuit  quae  fcabinis  fufficiens 
„  videatur^ 

^  Item ,  pater  non  poterit  fprisfacere  domum  vel  rem  fi- 
^  liorum  quœ  eis  ex  parte  matris  defunâae.  contingit  ;  ne. 
^  que  filii  poterunt  forisfacere  tem  vcl  domum  patris  que 
„  ex  parte  patris  venit% 

„  Item  ,  fi  homo  per  fcabinos  domum  fuam  fine  fcampo 
„  invadiavit,  eam  forefacere  non  poterit,  niû  falvo  catxelio 
99  ejus  qui  domum  illam  habct  in  vadio.. 

n  Item ,  de  quindenâ  in  quindenam  habet  cornes  &  bal- 
,,  livus  ex  parte  ejus  veritatem  fi  voluit,  de  his  qui  ban- 
„  nitos  reccptaverunt. 

„  Item ,  fugitivus  de  aliquâ  villa  pro  debito ,  Q  in  aliâ 
,9  vilIâ  inventus  fuit,  arrefiabitur  &  ad  viliam  de  quâ  fU- 
„  gerat  reducetur ,  6c  judicium  fcabinorum  iilius  ville  fù- 
„  bire  cogetur. 

„  Item  fi  quis  vulneratus  fuit  &  videatur  fcabinis  quod 
„  non  fit  vulneratus  ad  mor^em  &  pofteà  de  vulnere  illo 
„  mortuus  fuit,  fcabini  nonerunt  in  forisfado  contra  co- 
9,  mitem,  quia  minorem  plegiaturam  acceperunt  de  eo  qui 
^  illum  vulneravit ,  qijàm  i\  mortaliter  fuiflet  vulneratus. 
Manujç.  d^  Mr.  van  Ùultbtm^ 


b^  A  L  ^  A  d  ï!. 


4sâ 


(quelles  contiennent  plufieurs  articles ,  &  entr'au- 
tres  que  nul  du  Francq  ne  fera  baftard  de  par 
txL  mère ,  /ub  hh  verbis  :  Quidqutd  muiteri  contins 
^ere  poteft  ex  parentibus ,  hoc  fiiio  fud  cont ingère 
potefi ,  Êf  fequitur.  Quidquid  homo  filio  fuô  for^ 
nicatio  dat  fine  conditioner  hoc  poft  fnortem  ejuP 
tlemfi/ii  devenire  poteft  in  parentes  matris  pueri; 
fi  autem  à  pâtre  conditib  aliqha  fuper  donations 
illâfaEta  fuerit ,  conditiii  ohfervanda  erit  poft  mor^ 
ùm  prœdi^l  pH^ri ^  par  ou  appert  qu'un  Francq, 
hofte  (a)  peut  laifler  à  fon  enfant  bàftard  tout  cb 
qu'il  veut ,  foit  foiibs  condition ,  ou  autrc'ment. 
Itemi  quicu^nque  fcurram  hofpitaverit  ^  plufqiiàm 
und  no£feiyfi  ih  craftino  ahfceâère  noluerit\  pot  erit 
€um  Dominus  ifi  aqiiam  projicere ,  abfqke  forefaSfd. 
liem ,  de  furto  qui  protraètus  fuerit ,  dabit  iUi  qui 
fuum  abftuîit  ^  aftimationem  rerum  fuarum  ablatd- 
rum  5  ^  comiti  &  caftellano  très  Vibras ,  fif  duos 
j)ïegios  ftaiuet  cbgnitos  ^  quod  deinceps  defiftet  ^ 
quemlibet  eorum  pro  tribus  iibris^  Si  ille  poftmo- 
dum  ceciderit ,  ^  eum  plegii  adduèere  nonpoffimt , 
tune  jurabunt  eum  adducere  non  pojje.  Quod  fi 
poftmodum  de  furto  ifyipetitu's  venerit  ^  purgabit  fé 
judicio  frigida  aqu<e  in  fuo  corpore  tantum.  Le- 
quel article  femble  donner  aux  franc  hottes  liber- 
té de  defrober.  Ladiéte  chaftekni^  de  Bruges ,  que 
noiis  appelions. le  Franc,  appartenoit  anchiene- 
ment  à  un  feigneur  particulier  qui  s'attituloit , 
chaftelain  de  Bruges ,  lequel  ^mpétrà  les  fufdift 
ordre  &  prévilègei^  dudift  côîîté  Philippe;  qui 
paflant  par  Audenarde  avant  fon  partement  vers 
la  terre  fainfte,  donna  à  icelle  ville  prévilège  de 
pouvoir  jouir  perpétuellement  des  couftumés  & 
loîx  dont  ufoyent  ceux  de  Gand ,  afFranciffant 
eutre  ce  lefdifts    d'Audenàrde  du  meilleur  ca- 


N'ui  ià 
Francq  bai- 
tard  de  ps(^ 
fa  mère. 


Privilèges  & 
ceux  d' Au- 
denarde ^ac- 
cordés pàl 
le  conté 
Philippe^ 


^)  Habitant  du  Franc. 


Hh 


Morte- 
tnain. 

Mcillcurca- 
theîL 


Donkerke* 


Tctiremofi- 
de  à  Guil- 
lanme  de 


434  PHILIPPE 

theilCs),  de  la  inorte-maîn ,  &  de  toutes  aotrc* 
fervitudes,  faulf  qu'en  fes  néceffitez  ils  le  fervi- 
royent,  comme  leur  prince  &  feigncur  naturel, 
comme  appert  par  fes  lettres  fellécs  &  fîgnécs 
de  Gérard,  prévoit  de  Lille,  Jean  ,  chaftelain  de 
Bruges,  &  Michiel,  coneftable  de  Flandre,  en 
.date  de  Tan  mil  cent  quatre-vingts  &  huiâ.  D 
affranchit  auffi  ceux  de  Dunkerke,  qu'il  appelle 
Burgenfes  de  novo  oppido  de  Dunkerke^  quos  m 
condu&u  meo  &  pro$eâione  fufceperam  ,  de  tous 
tonlieux,  faulf  ceux  de  Sainft  Omer.  Je  treuvc 
qu'au  temps  de  ce  conte  Philippe,  la  ville  de 
Tenremonde  appartenoit  à  un  nommé  Guillaume 
de  Béthune  &  Machtilde  fa  femme.  Et  Audenar- 
de  appertenoit  à  une  dame  Richilde,  vefve  de 
GuiUebert  d'Audenarde^  laquelle  avoit  du  fils, 
appelle  Arnulphus.  ^ 


Oadegherd 
au  chap* 

1X2. 


^3)  Le  meUleiir  cathtiU  cathet  on  eathcu  étott  le  neuble 
le  pios  précieux,  que  Tufage  fondé  fur  U  fervioide  accor* 
doit  au  fouverain ,  après  la  mort  de  chacun  de  fes  vaj&nx. 
Selon  Meyems ,  Philippe  aflâ-anchit  de  la  même  fexvîouk 
les  halHtans  de  la  viUe  d*Aloft. 


CHAPITRE       LXXX. 

Comment  V empereur  Fridirîc  vînt  en  la  ville  de 
Quefnoy  aux  noces  du  conte  de  Hainault  &  de 
madame  Marguerite  de  Flandre^  &  cowmeut 
Mahieu  de  Flandre  renvoya  madame  Marina  fi» 
abbaye^  dont  il  Pavoit  ravie • 


PEu  après  le  décès  du  conte  Thiéry  de  Flan- 
dre ,  la  fefte  &  folemnité  des  noces  de  Baudouyi 
de  Hainault,  &  de  madame  Marguerite  de  Flsm- 


D'  A    L    s    A    C    E*  435 

*éré(i),fœur  du  conte  Philippe ,  fut  tenue  en  la 
ville  de  Quefnoy,  où  fc  trouva  mervcilleufement 
grande  noblefle,  &  entr'autres  Tempereur  Fré- 
déric en  équipage  &  compagnie  digne  d^une  ma- 
gefié  impériale*  Lequel  empereur  en  pleine  table, 
6c  en  préfence  de  plufieurs  grands  princes,  & 
barons^  lors  illec  aniilants,i}lafma  bien  bl'ufque- 
ment  à  Mahieu  de  Flandre,  Toutrage  par  luy 
commis  ^  au  iraviflement  de  madame  Marie  de  Bou- 
longhe,  quMl  avoit  ptins  à  femme,  &  laquelle  il 
avoit  prins  par  force  du  mohaftère  de  Mdnftreul 
^ù  elle  eftoit  abbeflTe,  luy  reprochant  entr'autres 
propos  ,  qu'à  raifon  de  ce  il  n'eftoit  digne  & 
ne  méritoît  d'eftre  receu  en  compagnie  de  gens 
de  bien;  au  moyen  de  quoy,  &  mcfnies,  revo- 
tant tn  mémoire  ce  que  fon  père  touchant  le 
inefme  affaire  luy  avoit  dift  eftant  en  fon  lift 
inortel,  ledift  Mahieu  fe  repentit  grandement  de 
ia  fufdifte  faute ,  &  après  en  avoir  demandé  par- 
don à  madame  Marie  fa  femme,  la  renvoya  de 
ion  confcntcmcnt  en  fon  cloiftre,  &  depuis  le- 


Marîi^l 
au  conte  de 
Hainault,^ 
de  madame 
Marguerite^ 
^Jesiump^ 
tueufes  no- 
ces qui  fc 
tindrcnt  à 
Quefnoy. 

L*eBii>ereur 
Frédiiric 
bîafmc&rc- 
proche  etf  . 
pleine  table 
à  Mahieu  de 
Flandre  le 
raviflement 
qu'il  avoit 
faiâde  ma- 
dame Marie 
de  Bouloft-' 
gnc« 


(t)  Une  j^aiticularité  remarquable  dans  cette  UBioa^c'eft 
que  Philippe  donna  pour  dot  à  fa  fœur  Marguerite  cinq 
cents  livres  de  revenu  annuel  à  prendre  fur  la  ville  de  Ba- 
paume.  Cène  doc  étott  bien  différente  de  celle  que  ce  môme 
prioce  accorda  enfuite  à  fa  nièce  Ifabelk  i  lorfqu^U  la  don- 
na pour  épbufe  I  Philippe- Augufté ,  roi  de  France,  pnifqu^U 
acheta  cette  union  brillante  au  prix  d*une  partie  de  fes  do- 
Inaines  ,  c^eft-à-dire  «  par  la  conceifion  des  villes  d'Arras , 
de  Bapaiime ,  d'Hefdin  «  de  St.  Omer  ;  de  Lens,  â*Aire  À  des 
autres  villes  (ituées  ea-deçà  de  la  Lis.  C'étoit  prouver  que 
la  j^oire  de  fe  voir  allié  à  un  monarque  puifiaat  tfvoit  plus 
â*empire  fur  fon  cœur  que  les  mouvemens  de  Tamidé  fîa- 
temeUe.  Heureux  encore  »  fi  cette  conceffioa  imprudente 
H^avoit  pas  été  pour  la  Flandre  le  germe  d'une  longue 
Alite  de  malheurs  t  Au  refte ,  le  premier  fruit  de  l%imoa 
de  Marguerite  d'Alface  avec  le  jeune  Baudoin ,  fut  de  rap- 
furocher  deux  maifoas  depoif  leng-iems  jaloufes  A  enne« 
mks  Tune  de  l'autre. 

H  h  2 


Meyer.att 
1169. 

Vie  de 
Louis  le 
Jeune  au 
rec,des  hi(l# 
deFr.  1. 12« 


Chrott 
Toul. 

Xbid. 


de 


irfeyer.  HtL 
1169. 


Lolx   «c 

privilègef 
donndi  k 
ceux   do 
(findpsrle 
ronce  Phi- 
Uppc* 


4^6 


PHILIPPE 


&  entretint  le  païs  de  Flandre  en  bonne  palx& 
Judicc,  volrci  davantage,  qu*aucun  autre  de 
tout  fei  prédéccflcurs.  Il  fit  grandement  réparer 
le  chadeau  de  Gnnd ,  où  par  Ton  commandenleflc 
la  porte  devant  fut  édifiée,  mais  Je  ne  trouve, 
qu*il  ayt  fondé  aucun  cloiilre  ou  monaftère.  D 
donna  à  ceux  de  Gand  leurs  premiArea  loix,  kHh 
reSf  ou  privilèges,  IcOiucU  de  Gand,  il  appelle 
oppldanos  meos  caftri  gandenfii  ^  par  unes  leu 
très  quiçommenccnt :  /Afcr^y?  lex^cottfuefudo{i)^ 


(0  Aucun  dci  ]ii'dd^<'e(rcur«  de  Philippe  d*Air«ce  fict*ap» 
pllqi^  avec  tucnnt  de  ioin  que  lui  à  donner  de  boimei 
loix  h  ie»  fuJcCH.  Noun  rcgrcttonf  de  ne  pouvoir  Icf  /airi 
connottrc  tnutcH  en  leur  entier.  Ce  ferolc  le  ubleiu  le  phu 
cxad  que  Pon  pourroïc  faire  de  Ton  adminiitrotion  &  de« 
mœurn  de  fon  tcmpu  ;  mai*  un  roft^nilcrlt  précieux  qu'abica 
voulu  me  conflcr  M.  Van  Hulthem,  mon  ancien  ^UveA 
mon  ami,  me  mec  à  portée  d*en  faire  connotrre  plofleurt* 
ftinfi  que  quclqucn  traitée  que  la  proteâion  «  qu*U  aecof* 
doit  au  commerce  de  fei  fujcta  «  lui  fit  fotliciter  «uprèf  U 
quclqucN  princei  voiHnf.  Noua  rapporterona  d*abord  ea 
entier  le  décret  légiHatlf  donné  aux  Gamoia,  âç  dom  Ou* 
deghcrd  ne  cite  que  quelque»  article!  : 
Manufc.  do  m  H«c  cil  Icx  6c  confuctudo  quam  Philippui  Itlttûrif 
Mr.  van  ^  Ftandrin  ^  Viromanduas  comei  Gandeniibui  obrervafti 
HuUhem.       ^  dam  inaituit  : 

„  Si  aliquifi  vulnua  fecit  alicui  infrà  miliarc  ab  oppido, 
^  6c  illud  ifi  verltflt'e  fcuhinorum  agnofcatur  de  quicumqui 
99  re  faétum  flt  ad  domum  in  qiià  llle  manet  qui  vulirai 
„  impofùit  per  fcabinoa  6c  per  juditlam  c#micia  fumno» 
M  neatur.  Qui  fummonicua*  il  fcabinia  fe  prarfentct,  veri* 
H  tatc  inquifhâ  de  illo  qui  vulnua  impoAierity  per  LX.  librai 
„  forcfa^um  illud  emcndct  ;  6c  il  fcabini  fclunt  quod  vu^ 
M  nuM  non  fccir  «  liber  6c  in  pace  permanebit.  tfi  autem 
^  die  quA  Aimmovchltur«  fe  non  praîfcncaveric ,  remanebfe 
„  in  forUi'aAo  LX.  llhrarum'  Kc  il  fcabini  noluerinc  do* 
I,  mum  ejua  proilcrncrc  6c  in  ref^eékum  ponere ,  fed  ea 
^  p,  toto  condonare  non  podunt,  nifl  voluntate  comitij. 

H  Si  vcr6  quif  uliqucm  in  dnmo  AtA  «illluerit ,  undt 
M  clamor  fnÂuM  Ht ,  fcabini  6c  juilitia  domum  ibunt  prfifpl« 
,9  ccre«6c  H  fcubinlpoterunt  videra  afAiltumedb  apparentem, 
f,  iile  (le  quo  clamur  fadua  eit ,  Aimmoneri  4/Bbec.  fjui  il 


D*  A     L     s    A    C    E;  43? 

cliand,  ordonna  que  leur  compte  fe  feroit  par  de- 
niers &  mailles,  &  fit  forger  à  Ausbourch  les 
deniers ,  &  à  Aix  les  mailles.  Environ  ce  mefme 
temps,  fi  comme  en  Tan  mil  centfeptante-quatre,    ^^°  ^^^^ 
Thîéry,  conte  d'Aloft,  feigneur  de  Bévere,  &  Union 

cTiaftelaîn  de  Dîxmudç,  trépafla,  &  fuccéda  la    ^,^^^  • 
conté  d'AIoft   à  Philippe ,  conte  de  Flandre.  Et 
n'a  depuis  ladîfte  conté  d'Aloft  jamais  elle  fé- 
parée  de  celle  dudift  Flandre.   Mais  Bevere  & 
Dixmude  vindrent  à  un  fien  coufin,  nommé  fem- 
blablement  Thiéry,-  je  ne  fcay ,  fi  ce  fut  par  fuc- 
ceilion  ou  par  don  que  !uy  en  pourroit  avoir  eu 
faiél  le  conte  Philippe,  lequel  confirma  les  pri- 
vilèges que  le  fufdift  Thiéry  avoit   donné  à  la  Morte- 
ville  d'AIoft,  touchant  la  morte-main  &  la  half   "'^^"• 
hâve  (4),  comme  appert  par  fes  lettres  données    Half  havc. 
audift  an  en  fa  ville  d'Aire ,  &  fignées  de  fa  pro- 
pre main ,  enfemble  des  figues  de  Pierre ,  fon  frè- 
re, de  Robert,  chancelier  de  Flandre,  de  Gherard 
de  Menin  &  de  fes  enfans ,  de  Raefle  de  Gavre , 
de  Gautier  &  Gherard  de  Sottcghem,  de  Ghe- 
rard de  Plaflel,  de  Jordain  de  Raflingheni,  de 
Zegher,  chadclain  d'AIoft,  d'Albert  de  Crombo- 
deghem,  de  Guillaume  &  Ywete  de  Liedekerke, 
de  Baudouyn  de  Windeke  &  d'autres.  Au  temps    . 
de  ce  mefme  conte ,  un  coral  (j)  defrobit  en  l'an 
mil  cent  feptante-cinc  fur   un  autel  en  la  ville    L*an  1175, 
d'Arras  deux  hofties  confacrées ,  &  les  porta  au 

(//}  Perfonne  attachée  au  chœur  d'aune  égîife, 

(4)  C'étoit,  comme  nous  l'apprend  Oudegherftiui-méme, 
au  chapitre  112,  de  ces  annales,  un  droit  de  fervitude  qui 
accordoit  au  comte  de  Flandre ,  à  la  mort  de  chaque  elclave 
du  fexe  mafculin,  trois  deniers  &  la  moitié  de  tous  fes 
biens  meubles.  Pour  une  femme  efclave,  ce  droit  n'dtoit 
que  d'un  denier  avec  la  moitié  des  meul)les.  Les  nobles 
même  &  les  hommes  libres  étoient  alfujcttis  à  ce  droit: 
à  leur  mort,  on  payoit  deux  marcs  de  Flandre  au  comte,  * 

qui  en  outre  «'attribuoic  la  moitié  de  tous  les  meubles. 


4î8 


PHILIPPE 


Cbofc  mi- 
iraculeufc , 
touchant  le 
faind  facre- 
mc  de 

Autc}, 


^A 


Le  conte 
Philippe 
«rend  la 
iainde 
Croix  pour 
faire  Ion 
premier 
voyage  vcri 
la  terre 
fainde. 


logis  dont  Tune  partie  (a)  en  trois ,  donna  fan<r 
té  à  trois  perfonnes  malades,  l'autre  tirée'^d'un 
linge,  auquel  elle'feftoit  enveloppée,  fembloiteftrc 
dçmy-chair,  demy-pain.  ^ 

chapitre;     lxxxl 

Comment  te  conte  Philippe  entreprend  pour  la  pre- 
milrefois  la  conquefte  de  fa  terre  fain6te^  fif  de% 
armes  que  chevalereufement  il  gaigna  fur  le  roy 
d^Albenie^  dont  les  contes  de  Flandre  laifant  les 
anchiènes  ufent  encoires  pour  lefréfent^  avec  aw 
très  chofes  mémorables. 

AUdift  an  mil  cent  Tept^nte-cinc  Philippe, 
conte  de  Flandre,  meu  de  bon  rèle  (auquel 
comme  par  fucceflîon,  ont  tousjours  hérité  les 
contes  de  Flandre)  quMl  avolt  au  fervice  divin,* 
à  la  propagation  de  la  Foy  catholique ,  affln  auffl  d'eu 
rien  ne  démentir  la  vertueure  tyge,  dont  il  eftoit 
yffu,  priât  en  Téglife  de  fainft  Pierre  à  Gand, 
la  fainfte  Croix  en  grande  magnificence,  pour 
faire  Ton  premier  voyage  yers  la  terre  faînfte, 
comme  femblablement  firent  avec  luy  &  à  fon 
exemple  plufieurs  nobles,  barons,  &  feîgneurs 
de  Flandre  (i).  Nonobftant  quoy,  &  que  toutes 
çhofes  néceflaircs  pour  fon  voyage  eftoyent  ap- 


Auétaç. 
t^uicin<^. 


OO  Avant  de  former  le  projet  de  paflcr  en  Afie  au  fc- 
conrs  des  chrétiens ,  Philippe  avoit  fait  la  guerre  en  Nor- 
mandie, en  qualité  d'allié  de  Louis  le  Jeune,  contre  Hco» 
ri  II. ,  roi  d'Angleterre  ,  ôc  il  s'étoit  fignalé  dans  cette 
guerre  ,  ainfi  que  Matthieu,  fon  frère ,  qui  y  perdit  la  vir 
PhiUppus  cmn  fuis  Flandrenfibus  trts  munitionts  fUrnmdcun 
fellinatione  ccpiu  Matthaas  verb ....  fagittd  vulntraW 
Uthaliter^  ibi  non  multb  poft  ohUt.  La  mort  de  Matthieu  af- 
fligea Philippe,  qui  perdoit  par-là  refpoir  qu'il  avoit  conçu 
que  Matthieu ,  plus  hcui'cux  que  lu^  dans  foii  nouvel  bf* 


D'  A    L    s    A    C    E. 


439 


jyareillées  :  ledift  conte  Philippe ,  ayant  entendu , 
que  Jacques  d'Avefnes  s*eftoit  rebellé  contre  le 
conte  Baudouyn  de  Haînault  fon  feigneur  natu- 
rel, &  beau-frère  dudift  conte  Philippe,  il  vou- 
lut avant  partir  affifter  fon  dift  frère,  &  de  faift 
antra  avec  fes  gens  au  païs  de  Hainault,  où  il 
defmollift  aucuns  chafteaux  &  fbrterefles  appar- 
tenantes audift  Jacques  :  &  puis  tira  en  fon  païs 
de  Vermandois,  où  il  print-&  confifqua  à  fon 
prouffit,  aucunes  places  que  ledi<ft  Jacques  avoit 
tenu  audift  païs.  Et  cependant  le  conte  Bau- 
douyn ,  d'autre  collé  aflîégea  &  prinfl  la  ville  de 
Côndé ,  dont  il  fit  mettre  bas  les  portes  &  mu- 
tailles;  au  moyen  de  quoy  la  rébellion  &  orgueil 
dudiél  Jacques  d'Avefnes  ,  defquelles  il  avoit  ufé 
contre  fon  prince  &  feigneur  lige ,  furent  punies  & 
chaftoyées  (2).  Et  Vm  enfuyvânt ,  environ  le 


Le  conte 
Philippe 
faiâ  guerre 
àjacques 
(T  Avcfnes , 
qui  s'elloit 
rebellé  con- 
tre le  conte 
deHainault» 

La  ^lle  de 
Cond<i  prin: 
fe   par  le 
conte  de 
Hainault. 


Vtn   11.75. 


mcn,,  lui  donneroit  un  héritier  au  comté  de  Flandre.  Ce 
fut  alors  qu'il  engagea  Pierre ,  fon  firère ,  à  renoncer  à  fon 
éledion  à  l'dvéché  de  Cambrai,  comme  nous  l'avons  ait 
ci-deflus ,  note  7.  du  chapitre  77. ,  p.  421 . 

(2)  La  caufe  de  cette  guerre  entre  les  comtes  de  Flan» 
dre  &  de  Haynaut  d'une  part  &  Jacques  d'Avefnes  dé 
l'autre  eft  altérée  par  Oudegherft.  Jacques  d'Avefnes ,  fei* 
gneur  puKfant  dans  le  Haynaut  de  le  Vermandois ,  n'avoit 
point  déclaré  la  guerre  à  Baudoin;  mais  il  avoit  fait  aflaf* 
finer  Robert  ,  prévôt  d'Aire  ,  chancelier  de  Flandre ,  & 
nommé  depuis  peu  à  l'évéché  de  Cambrai  par  la  favcut 
de  Philippe.  Robert,  que  le  comte  de  Flandre  avoit  élevé 
du  rang  le  plus  bas  aux  premières  dignités  de  l'é^lifc  , 
s'étoit  rendu  odieux  par  le  crédit  qu'il  avoit  ufurpé  fulF 
l'efprit  de  fon  maître  qui  ftxivoit  aveuglément  toutes  fes 
impreffions.  Il  avoit  accompagné  Philippe  au  fiège  dfe 
Rouen ,  &  il  y  avoit  eu  une  vive  altercation  avec  Jacques 
d'Avefnes.  Robert  ayant  abandonné  l'armée  pour  rcvenit 
en  Flandre ,  Jacques  d'Avefnes  le  fit  aflalTmer  prés  de  la 
ville  de  Condé.  Ce  fut  pour  Venger  la  mort  de  cet  évé- 
que^,  que  Philippe  &  Baudoin  prirent  les  armes.  IInnc 
cornes  exbaredavît  quo  ufque  Flandrtnft  cum  15.  comttibus 
4C  2.  ducibm  jusjurandum  darc  vclUt ,  fccleris  hujus  con- 


CHiron. 
Gaufrcd. 
Vofiens.  au 
rec.dcshill. 
dePr.t.  12  f 
P.44S. 


'4c*o 


PHILIPPE 


pc  Flandre 
qù\  accom- 
jwiîjncrcnt 
Je  cnntt Phi- 
lippe   au 

d*outre 
mer. 


Le  conte 
Philippe 
allant   au 
fa  in  et  voya- 
gea; pa  (Tant 
pnr  îtilïc 
appiifc   le 
diHcicnt 
que    long- 
temps avoit 
duré,  entre 
rcmjicrcur 
Ffc'ÎOrJç  de 
le  p^ipc. 


Quafimodo  (3) ,  ledift  conte  Philippe  accompa^n^ 
ae Robert,  advoiic  de  Céthune,Gherard  de  Tour- 
nay,  Henry,  chaflclaîn  de  Bourbourch,  Rogîcr, 
cliaflelain  dcCourtfray,  Henry  de  Morfellc,  Rafie 
de  (îavre^  &  de  plulicur5  autres  barons  &  noble* 
de  Flandre,  fc  mit  en  chctnin  pour  faire  fon  pre- 
mier voyage  outre  tncr,  &  expïoicta  tellement  par 
fc»  journées  ,  qu*il  parvînt  aflcx  tofl:  apri»  aux 
Italien,  oti  il  fit  l^omraage  à  l'empereur  Frédéric 
de  fa  conté  d'Alofl,  qui  puis  nagucrrc»  lui  efloît 
efchcue  ,  &  ce  en  la  cité  de  Ravcnnc ,  où  il  fé- 
journa  pour  quelques  jours  9  af{in  d'ayder  à  ap- 
paifcr  le  dilR-rent  ,  que  plus  de  vingt  ans  avoit 
duré,  entre  le  pape  &  ledict  empereur  Frédéric, 
au  grand  détriment  de  Téglife,  &  indicible  fcan- 
dalc  de  la  république  chrcftienne.  Lequel  diffé- 
rent nénntmr)ins  fut  finablcment  par  la  diligence, 
bon  efprit ,  &  prudence  du  comte  Pliîlippe  de 


An<*tan 
iqulc.  an* 


IMd.  ati. 


IWd.  an. 
V7H'    fit 
1177. 


fcium  fc  non  fulffe,  D'Avcfnei  fc  réconcilia  enfuitc  avec  fe^ 
vainqueurs  9  qui  lui  rendirent  Tes  poflcilionf  ,  par  la  médian 
ti(in  de  Henri  «  archevêque  de  Rheima.  Ce  qui  avoit 
fur  tout  engagé  le  comte  de  Haynaut  ii  féconder  Philippe 
dati»  la  vengeance  que  celui-ci  voiiloit  tirer  de  J,  d*Avef« 
ne»  ,  c*eft  que  Robert  étoit  en  quelque  forte  fou»  fa  fauve- 
garde,  lorC^u'il  fut  aiïaflitié  ,  ce  prince  lui  ayant  donné 
^n  gentilhomme  de  fa  co^ir  pour  Tefcorter  jufqu*ii  Cam- 
brai ,  oii  il  alloit  prendre  polTefflon  de  fofl  évéché.  Deux 
an»  npràn,  Jncquc»  d*Avefnc»  fc  révolta  contre  Je  comte 
de  llainîtut.  Celui-ci  aidé  de  Philippe  porta  le  fer  de  la 
flamme  d^ini  le»  poffcflion»  de  ce  vaffal  inquiet  &  turbu- 
lent. II9  détruifircnt  quclquesuoc»  de  fe»  forterefléf  âç 
gardèrent  le»  autres. 

(3)  Philippe,  qui  avoit  pria  la  croix  en  1175.,  oc  partit 
qu'au  printem»  de  Tannée  1177*  pour  la  terre  fainte,  où  il 
arriva  au  commencement  d'Août  de  \t,  même  année.  Avant 
fon  départ',  fe  voyant  fan^  héritier  ôc  ayant  eu  la  douleur 
de  voir  mourir  dcpui»  peu  Pierre,  fon  frère.  Il  avoit  io- 
nitiic  ^]{lrguc;rite ,  fa  fceur,  pour  lui  fuccéder  au  comté  de 
Flandre. 


D'  A    L    s    A    C    E. 


44X 


Flandre  ,  eflaînft  &  aflbupy  (4).  Au  moyen  de 
quoy ,  le  conte  Philippe  fe  remit  en  chemin  & 
continua  de  forte ,  que  peu  de  temps  après  il 
parvint  en  la  terre  fainâe ,  où  il  fut  reçeu  avec 
grand  plaiCr  du  roi  ^  &  de  tous  autres  princes 
chreftiens.   (5),  Lç  diable  toutesfois  qui  conti- 


Le  diable  « 
père  du  dif- 
corde. 


(4)  n  s*agit  ici  da  fchiTme  terminé  à  Venife  tti  mois 
^*Août  1177.  &  qui  avoir  commencé  en  1159.  à  Tocca- 
iion  de  deux  ptfpes  Alexandre  111.  &  Viâor  IV. ,  and-pape. 
Viftor  avoir  eu  pour  fucccfleurs  dans  fon  obédience  Paf- 
cal  III.  &  Calixte  II.  Enfin  Alexandre  III.  fut  reconnu 
pour  le  véritable  pape.  L'empereur  Frédéric  L ,  qui  avoir 
été  battu  k  la  journée  de  Lignano  &  qui  jufques-lii  ayoit 
entretenu  ce  fchifme  fcandaleux,  fe  prêta  volontiers  à  la 
paix ,  à  laquelle  d'aiUeurs  il  étoit  puiiïamment  excité  par 
les  exhortations  de  l'archevêque  de  Cologne.  Louis  le  Jeu- 
ne contribua  beaucoup  auifi  à  cène  réconciliation ,  comme 
l'avoue  Alexandre  III.  lui-même  dans  la  lettre  qu'U  écrivit 
à  ce  fujet  à  l'archevêque  de  Rheims. 

Cs)  Le  tr^ne  de  Jérufalem  étoit  alors  occupé  par  Bau- 
doin ly.,  fils  d'Amauri,  mon  depuis  4.  ans.  La  jeunefle 
de  ce  prince,  qui  n'avoit  alors  que  dix-fept  ans,  étoit  peu 
capable  de  réfifter  aux  armes  de  Saladin ,  foudan  d'Egypte, 
le  plus  mortel  ennemi  des  chrétiens,  qui  reprirent  courage 
à  l'arrivée  de  Philippe.  Il  avoir  abordé  à  St.  Jean  d'Acre, 
où  il  fut  reçu  avec  les  diflinâions  les  plus  flattcufes  par 
les  prélats  &  les  princes  croifés.  Le  roi ,  du  confcnteraent 
des  grands  de  fon  royaume  ,  lui  en  offrit  l'adminiitotion 
avec  l'autorité  la  plus  illimitée.  Philippe  la  rofufa ,  s'excu- 
fant  fur  ce  qu'il  n'étoit  venu  que  pour  rendre  hommage 
apx  lieux  faints,  pour  obéir  &  non  pour  commander.  Il 
alléguoit  encore  que  le  foin  de  fes  états  l'obligeroit  bien- 
tôt à  retourner  dans  fa  patrie.  Il  s^agilToit  de  faire  une 
expédition  en  Egypte.  Philippe  refufa  de  s'y  aflbcier,  &  ce 
refus  indii^fa  contre  lui  les  princes  chrétiens.  Guillaume 
de  Tyr,  témoin  de  tout  ce  qui  fe  paflbit  alors  en  Palcf- 
tine ,  femble  imputer  rirréuCite  du  f:è^^e  de  Harenc  à  Phi- 
lippe *  qui  ne  diffimuloit  point  que  c'étoit  à  regret  qu'il 
avoir  pris  part  à  cette  expédition ,  propos  indifcrets  qui , 
félon  le  même  hiftorien ,  découragcoient  les  afliêgeans  & 
relevoicnt  rcfpoir  des  alliéj^cs  intoiits  de  tout  ce  ^ul  fc 
pîFoit  dan;  le  camp  des  chrétiens. 


Chron.  de 
Tours. 

Chron.  de 
Rob.  moine 
d'Aux.  de 
St.  Béni- 
gne &c.  ao 
rec.des  hift. 
de  Fr.t.  12, 

Auôar, 
aquicinâ. 
an.  1177. 


GuHl.  de 
Tyr.  1.  21-, 
c.  14. 


C.  id. 


C  8|t 


♦4« 


PHILIPPE 


Le  conte 
PbiliDpc  af- 
fiégelechaf- 
tel  de  Ik' 

rtiicus. 


Dcf&ite  dei 
Turcs  par 
les  chref- 
tiens' 

L'ai)   1177. 


L'aa   1178. 


nuâlletnent  veille  pour  troubler  la/épublique  chré* 
tietitie,  &  empefciier  les  bonne»  réfolution»  d'iceU 
k,  fufcita  tofl  après  aucuns  difTérentz  &  débats 
entre  le  conte  Philippe  &  les  Templiers  qui 
éfloyent  illec  i  qui  fut  U  caufe  que  ledift  conte 
laiflant  la  ville  de  IUdrufalem  &  le  païs  de  Pa- 
leftinc  ,  fe  joindit  avec  Boadmond,  prince  d'An-.^ 
tioche  9  &  mit  le  fiège  devant  le  chaflel  de  He^ 
rencus  (a).  Dont  advcrty  Salhadin  ^  prince  de 
Surie  (b) ,  de  Damas  ,  d'Egypte ,  roy  des  Turcs 
&  fouldati  de  Babylôrte,  fe  perfuadant  que  toute 
la  puiflance  des  chrefliens  fe  fut  tranfpottée  au 
fiëge  du  diél  HerencuA^^  &  que  Hiérufalem  feroit 
partant  fans  garde ,  il  tira  celle  part  avec  vingt 
&  fiX  mille  combatants ,  &  efpéroit  emporter  la 
ville  fans  coup  férir.  Mais  il  fe  trouva  bien  de* 
ceu  de  fon  opinion  9  pour  autant  que  moyennant 
la  providence  &  volonté  divine,  il  fut  rencon* 
tré  à  rimpourveu  d'une  petite  troupe  de  chref* 
tiens  9  qui  le  mirent  en  ddfarroy  9  le  conftraîn* 
dant  fuyr  9  &  fe  faulver  en  la  ville  de  Damafco, 
Ce  qui ,  advint  environ  la  fainft  Andrieu  de 
Tan  mil  cent  feptante-fept  ^  &  cependant  qu'avec 
le  prince  d'Antioche  9  le  conte  Philippe  de  Flan- 
dre tenoic  fon  fiège  devant  lediél  chaftel  de  He« 
4'encus9  auquel  ils  n'avoyent  encores  rien  prouffi- 
té  ;  ce  que  confidérant  le  conte  Philippe ,  &  mefmes 
le  peu  d'apparence  qu'il  y  avoît'd'y  faire  quel* 
que  chofc,  print  congé  dudîft  prince  d^Antiochc, 
  retourna  avec  fes  gens  vers  la  cité  de  Hléru^ 
falem,  tant  pour  vifiter  le  roy  Baudouyn  fon 
coufin  germain,  que  pour  veoir  la  fépulture  de 
madame  Sybille  fa  mère,  qu'il  n'avoit  encores 
veue:  &  de  faîft,  Icdift  Philippe  fit  4es  pafques 
de  l'an  mil  cent  feptante-huiél  en  la  fainâe  cité. 


(j)  llaune. 


W  Syrlh 


D*  A    L    s    A    C    E, 


44S 


puis  paffa  outre ,  &  fit  fon  pèlerinage  vers  feînfte 
Catharine  au  mont  de  Sinay;  &  à  fon  retour  il 
fut  affailly  d'un  bon  nombre  de  Turcs,  contre 
Jefquels  néantmoîns  il  fe  deffèndit,  vigoureufe- 
Itient^  mefmes  combatit  corps  à  corps  un  prince 
Turc  qui  eftoit  àt  ftarure  de  beaucoup  exçédente 
)a  commune  des  autres  hommes ,  &  au  refte  bien 
^droiét& vaillant,  qui  néantmoiûs  fiitdeSaift  pat* 
}e  conte  Philippe,  lequel  luy  ofta  fes  armes, 
qu'il  porta  tousjours  depuis,  &  font  celles  fans 
autres,  que  les  contes  de  Flandre  portent  en- 
core le  prêtent,  fçavoir  un  lyon  de  fable  à  un 
phamp  d'or,  laiflant  au  refte  fes  précédentes; 
que  les  autres  contes  fes  prédécefleurs  avoyent 
porté ,  qui  eftoyent  telles  que  vous  avons  dé- 
peint au  commencement  de  cefte  hiftoire,  & 
s'appelloit  (félon  que  par,  aucunes  hiftoires  fe 
trouve  par  efcript)  le  prince  Turc,  que  le  con- 
te Philippe  defpouilla  &  de  fa  vie,  &  de  fes  ar- 
mes, Nobilion,  roy  d'Albenie  (6),  Et  peu  après 
le  conte  Philippe  fe  mit  en  cheminpour  retout- 
per  en  Flandre  (7), 


Le  contf 
Philippe 
faiâfespa(« 
ques  en  U 
cité  de  Uié- 
rufalem. 

Le  conte 
PhiUppe 
defiâiâ  le 
roy  d'Albe- 
nie ,  fur  le- 
quel U  gai- 
gne  les  ar- 
mes que  les 
contes    de 
FlaBdre 
portent  en- 
cores  pouf 
le  préCeot. 


(6)  Guilliume  de  Tyr  ne  parle  ni  du  VoySge  de  Philippe 
tu  mont_Sinaï,  ni  de  fon  combat  contre  Nobilion.  U  dit 
feulement  9  qu^après  ayoir  levé  le  fiège  de  Harenc  »  U  re- 
vint à  Jérufalem ,  où  il  paiTa  les  fêtes  de  Pâques  &  fe  di^ 
pofa  fur  le  champ  à  retourner  dans  fes  états.  Cette  snee- 
dote  paroit  donc  être  fort  hafardée.  Il  eft  plus  probable 
d'ailleurs ,  félon  Meyerus ,  que  les  comtes  de  ^Flandre  n'ont 
adopté  le  lion  que  pour  fe  diftinguer  dés  autres  princes 
croifés;  car,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  c'cft  au  ten» 
des  croifades  que  paroit  remonter  l'origine  des  armoiries. 

(7)  Guillaume  de  Tyr  ,  en  parlant  du  départ  de  Phi- 
lippe ,  fait  clairement  entendre ,  que  fa  conduite  dans  k 
Paleftice  n*avoit  pas   été   généralement  approuvée.   Cornes 

,  FUzndrîa  .  .  ,  ,  ad  reditum  fe  parât ,  aptatisque  galets  9 
-navihus  ad  onera  devthenda  necefariis  ,  navigathnis  fués 
itr  arripuit ,  in  nulh  relin^uens  poft  fc  in  btnediSionc  me- 
mtriam. 


Ibid, 


Ibid. 


PHILIPPE 


Débats  en- 
tre les  mar- 

Flandre  & 
de  Coulon- 
gnc. 


CHAPITRE        LXXXIL 

Comment  le  conte  Philippe^  à  fon  retour  de  la  ter^ 
re  fatncte^  praStiqua  P appoinêtement  d^ entre  les 
marchands  dé  Flandre^  ^  de  Coulongne^  &  du: 
mariage  de  madame  J'fabeau  de  Hainault  9  niepce 

'  dudiêt  conte  Philippe  ,  avec  le  roy  de  France  ;  en* 
femble  des  terres  qu'yen  avancement  dudi&  ma' 
riage^  le4i£l  conte  Philippe  donna  avec  fadiStc 
niepce. 

PEndant  rabfence  du  conte  Philippe  de  Flan- 
dre, plufieurs  ddbats  &  queftions  fe  meu- 
rent entre  les  marchands  de  Flandre,  &  fignara- 
ment  de  la  ville  de  Gand  d*une  part ,  &  ceux  de 
Coulongne  d'autre ,  à  raifon  que  lefdiéls  dç 
Coulongne  vouloyent  fouftcnir  que  le  marchand 
de  Flandre  ne  devoît  fréquenter  le  Ryh,  n'acha- 
tcr  les  vins  es  Allemaignes;  mais  qu*îl  eftoit 
obligé  d'attendre  que  le  marchand  de  Coulongne 
les  lûy  menaft  en  Flandre.  Au  Contraire  ceux  de 
Flandre  fe  fondoyent  fur  les  privilèges  qu'ils 
avoyent  de  l'empereur,  maintenants  qu'il  leur 
eftoit  loyfible  &  permis  de  hanter  &  traffiquer 
fur  le  Ryn,  &  de  tranfporter  toutes  fortes  de 
marchandifes  audiél  pais  de  Flandre.  Néant» 
moins,  non-obftant  toutes  leurs  bonnes  raifons, 
lesdifts  Flamens  ne  profitèrent  guerres;  lefquels 
toutesfois  advertîs  du  retour  de  leur  conte  Phi- 
lippe, &  mefmes  qu'il  pafleroît  par  la  ville  de 
Coulongne,  conceurcnt  une  meilleure  efpérance 
fur  Tévènemcnt  (j)  de  leur  débat,  au  moyen  de 
quoy,  &  princîpallcment  pour^fatîsfaire  à  leur 
devoir,  allèrent  en  bonne  compagnie  vers  ledift 
Philippe ,  qu'ils  rencontrèrent  guerres  loîng  du- 
dîft  Coulongne,  &  auquel,  après  les  deiies  con- 
gratulations faites  à  caufe  de  fon  heureux  re- 


ifi')  Ijfue. 


D*  A    L    s    A    C    É- 


44^ 


tour  5  ils  expoferent  la  fafcherîe  que  les  marchands 
de  Coulongne  leur  fîti'byent ,  pryant  qu'il  y  vou- 
lift  pourveoir,  attendu  mefmes  que  Tîntérefl  de 
leur  querelle  &  différent  eftoit  conjuinct  avjc 
ceftuy  de  Tes  païs  de  Flandre.  En  quoy  auffi  le 
conte  Philippe  s'employa  de  forte  que  les  deux 
parties  furent  contentes  fe  fubraettrp  au  dire  & 
à  la  fente^ce  arbitraire  de  Tévefque  de  Coulpn- 
-gne  ,  lequel ,  parties  ouyes  ,  appoinâa  &  pro- 
nunça  que  le  marchand  de  Flandre  pourroit  de  là 
en  avant  fréquenter  le  Ryn  ,  &  vendre  &  acha- 
ter,  charger  &  dcfcharger  toutes  fortes  de  m^- 
chandifes  à  fon  bon  plaifir  &  volonté  ,  dont  il 
leur  donna  lettres  foubs  fon  fcel ,  en  date  de  l'an 
mil  cent  feptante-huift  (i)  ;  lequel  archevefque 


CeÉx  d» 
Flandre  6c 
de  Cou 'on- 
gnc  fe  fub- 
meuent  de 
leurs  diff<^ 
renrs  à  Tafr- 
bitrage  de 
révcfque 
de  6>>ulo]K 
gner 


L*an  1178. 


^i)  Les  marchands  gantois  commerçaient  depuis Iong-tem#^ 
librement  fur  le  Rhin.  Ceux  de  Cologne ,  jaloux  fans  doute  des 
progrès  du  commerce  des  Gantois ,  voulurent  y  mettre  des 
entraves  &  prétendirent  que  les  marchands  flamands  n'avoientr 
pas  le  droit  de  remonter  le  Rhin  au-delà  de  Cologne.  L'ar- 
chevêque de  Cologne,  à  la  foUicitation  de  Philippe , leva 
tous  les  obftacles  par  le  décret  fuivant  qui  fervira  à  re* 
dreffer,  en  quelques  points,  la  manière  dont  Oudegherft 
préfente  ce  fait  :  „  Philippus ,  divinâ  '  favente  clementiâ  i, 
„  fanftae  colonienfîs  ecclefiae  archiepifcopus  ,  omnibus 
^  Chrîfti  fidelibus  tam  prscfcntibus  quàm  futuris  in  pcr- 
^  petuum  ....  Notum  efle  volumus  univerfis  in  ChrÛlo 
^  renatis ,  quèd  antè  tempora  praefulatûs  noftrr,  qua^ftio 
^  qusedam  inter  cives  colonienfes  &  inter  cives  de  Ghent 
„  moveri  cœpit  &  ufque  ad  tempora  noûra  duravit .... 
^  Quaeftionis  autem  hujus  fomes  &  materia  fuit  qu6d  ci' 
^  ves  de  Ghent  per  alveum  Rheni  ad  placitum  fuum  na« 
t9  vigio  afcendere  fibi  ]icitum  efle  jure  mercationis  dice- 
^  bant  ;  cives  verô  Coloniœ  afcenfum  eis  fuprà  Coloniam 
^  jure  fuo  negabant.  Confiderantes  igltur  mala  pîurima  ex 
^  hâc  cohtroverûâ  uûicuique  parti  obvenientia  ,  partes 
^  iioftras ,  ob  gratiam  domini  noftri  fereniflimi  Romano- 
^  rum  Imperatoris  Frederici ,  &  ob  petitionem  dile  Ai  cognati 
^  noftri  PhiUppi  illuftris  Flandri»  comitis ,  ôc  propter  fer- 
,p.vitium  pwediftorum  civium  de  Ghent,  cum  confenfu  ci- 
y  vium  noftroruiQ  interpofuimus  pacique  ipforum  ftudentç3 


Manttfc.  ^e 
Mr.    van 
Hulthem,^ 


440 


Philippe 


ketoiur  dtt 
tonte  Phi- 
lippe en  foo 
pays    4e 
Flandrq. 


Ceux  dé 

Bruses  font 
préicnt    au 
conte  Phi- 
lippe d'un 
poifTon 
monf- 


privilégea  pareillement,  à  la  reqiieAe  &  iiiflante 
pourfuyte  du  conte  Philippe,  le  marchand  de 
Flandre  dé  champ  de  bataille  (a) ,  fauf  un  cas 
feulement,  gui  eftoit  ceftuy  d'homicide,  accor- 
dant en  outre  que  de  toutes  dettes,  il  fe  pourroit 
purger  par  ferment  réferiré  celles  dont  par  fuffif- 
fante  preuve  pourï;oit  fur  le  champ  apparoir.  Les 
chofes  fufdiftes .  ainfi  obtenues,  &  appoinftées 
lecontç  Philippe  reprintfon  premier  chemin  &  arri- 
va toftaprès  en  fonpaïsde  Flandre,  oùilfutreceu 
d'un  cbafcuii  avecque  un  plaifir  &  contentemeni: 
incroyable.  Auffi  eftoit-il  aymé  dé  fes  raflaux,  at 
fez  plus  que  vous  pourroye  déclarer,  lefquelslc 
conduifoyent  de  ville  à  autre  avec  feus  de  joyc, 
inftruments  de  mufique,  &  toutes  autres  maniè- 
tes  de  pafle-temps ,  qu'eft  accQiîftumé  d'exercer 
tin  peuple  bien  affeftionné  à  l'entrée  de  leur  bîen-^ 
îàymé  prince,  qui  a  efté  long-temps  hors  du  païs, 
comme  avôît  efîé  lé  conte  Philippe,  auquel  ceui 
de  Bruges  firent  lors  préfent  d'un  grand  poiflbn 
merveilleufement  monftfueux ,  lequel  avoît  éfté 
priris  à  Oftende,  &  avoît  ledicîl  monftre  la  bou- 
ché en  façon  d'un  fcec  d'aigle,  &  fur  la  cfefte 
un  bec  en  forme  d'efpée,  &  avoit  qiiarante-deui 


Il  e6  uf^ue  rem  perduximus  quèd  puis  utrtqué  unimmf 
iy  confenfU  totum  negotium  noftro  arbitrio  ^  conftlio  pn- 
I,  cifè  fuppofuit.  Commiïnicato  itaque  fidelium  noftronm 
„  co^ûlio  ,  nos  cum  unanfmi  totiu»  colonienfis  civitadtf 
^  Confenfu  conceffimus  univérfîs  mercatoiibus  de  Gheot 
0  tam  modérais  ^àm  pofteris  ,  ut  àfcenfus  per  alveattf 
y  Rheni  eis  ità  pateàt^  quemadmodum  ipiîs  &  eomm  aute- 
ls ceiToritms  »  ante  motam  litem  t  patebat ,  adliçieptes  m 
f,  boc  in  perpetuum  obtineant  ;  base ,  inquam  ,  ft^tuentes  t 
y  utriufque  civitads  jus  falvum  &  iuteineratum  t(fs  volu- 
n  mus Ada  funt  b«c  9&no  domiaicae  i|ieanUiio« 

^  w  MCfcjwvm. 


h' A  t   s   A   C   ts 


447 


pieds  de  longueur  (a)*  En  ces  entrefaî^s,  le 
conte  Philippe  fut  mandé  par  Louys,  roy  de 
France,  pour  aflifter  au  couronnement  de  Phi* 
lippe,  fils  dudift  Louys  ,  quMceluy  Louys  avoit 
jordonné  elîre  faiél  de  fon  vivant ,  encore  que 
Philippe ,  fon  fils  ,  fuft  aflez  jeune  ,  lequel  fuft 
couronné  roy  de  France  par  Guillaume ,  arche* 
vefque  de  Rains,  audift  R,ains  en  Tan  mil  cent 
feptante-neuf,  préfentz  Henry,  roy  d'Angleterre, 
&  plufieurs  ducs  9  princes ,  cpntes ,  barons  &  autres 
grands  feîgneurs&  peuples  du  royaume.  En  laquelle 
journée  le  conte  Philippe  »  qui  y  eftoit  comparu 
en  très-bel  équipage  ,  porta  l'efpée  devant  le 
nouveau  roy  ,  comme  prçmîer  pair  entre  les  con- 
tes de  la  couronne  (3).  Et  pou  après  »  fi  comme 
-^n  Tan  ihil  cent  quatre-vingts ,  lediél  conte  Phi- 
lippe de  Flandre  pxaftiqua  le  mariage  d'entre  le 
fufdicl  roy  Philippe  de  France  &  madame  Yfa- 
beau  de  Hainault,  fa  nièce,  fille  de  Paudouyn, 
conte  dudiéb  Hainault,  &  de  madame  Marguerite 


L^an  1^791 


Mam^e  de 
madame 
Yfabeao  d& 

foyPhiitppe 


(2)  Philippus  cernes  ,  Oàobri  menfe  ,  nverfus  à  fûts  Flanf 
irenfihus  favorabiUtcr  eft  fiifccptus.  Inter  quos  brugcnfcs 
oppidani  pifcem  tnonftrofum  ,  jam  pridctn  à  pifcatorihus. 
eaptum  &  fale  cofiditum  et  obtulerunt,  Habebat  enim  ad 
fimilitudinem  avis  roftrum  permaximum  ,  &  fuper  caput 
cartilaginem  gladio  fimillimam. 

Cs)  PhiKppe  étoit  fingulièrement  eltimé  de  Louis  le 
Jeune ,  qui  l'avoit  engagé  à  l'accompagner  dans  un  pèleri- 
nage qu*il  fit  en  Angleterre  au  tombeau  de  St.  Thomas  de 
Cantorberi.  Ce  fut  au  retour  de  ce  pèlerinage  que  le  roi  de 
France  fongea  à  foire  facrer  Philippe-Augufte  ,  fon  fils  » 
alors  âgé  de  quatorze  ans.  Pour  rendre  cette  cérémonie 
plus  augufte  y  il  y  convoqua  les   douze  pairs ,  parmi  le»« 

âucls  fc  trouvoit  Henri  II. ,  roi  d'Angleterre ,  comme  duc 
e  Normandie.  Philippe  d'Alface  y  porta  Tépée  royale. 
Lou{s  Iç  Jeune  attribua  alors  à  l'églife  de  Kheims  la  préroga- 
tive jufques-là  indécife  de  facrer  les  rois  de  France ,  parce 
que  Guillaume  »  cardinal  de  Sabine  ,  légat  du  faint  ûè^ 
&  fon  beau-frère ,  en^  étoit  arçtievè^ue.  Ce  fiQre  fe  fit  ie 
premier  Novembre  if^. 


aquicinéL 
an.  117& 


448 


PHILIP    P    li 


te  conte 
Philippe 
donne  en 
ov»nt'cmcnt 
du  tuarïa^Q 
de  niKcl'tmc 

t)ht c    tout 
ce  (pilHl 
fnyinicnont 
de  Ia  cunt4 
d'ArioU. 


1a  Couron- 
ne de  Fran- 
ce retourne 
k  Tefloc  de 
Charlema- 
gne  «  pur  le 
moyen  de  U 
tnailon  de 
J^Undre. 


de  Flfttidrc,  fœur  il  Iccliiy  conte  Phll/ppc,  I^quéô 
en  a(Vnnccmcnt  du  fuCtliiSt  maringe,  dcMum^toinct 
les  Ville»,  terre»,  &  fignorie»  ,  qui  font  mainte- 
natit  de  la  cont<?  d'Artois,  (i  comme  Arrw  C(\iA 
efloit  lor»  chief-ville  de  Flnndre)  Béthime,  llcf- 
din,  Salnét  Orner,  Lcn«,  Aire,  Bapalmc»  &  au- 
trc»,  qui  font  de- là  le  nœuf  folTd,  pour  le»  avoir, 
jouyr  *  appréhender  par  ladlfte  Yfabcau,  oU 
fe»  hoir»  d'elle  aprè»  le  trépa»  dudiék  conte  I*hî- 
lippc  &  non  alnçoll  (a),  lit  furent  Ic'fdltc»  nd- 
ce»  c<îldbr(Jc»  par  Rogit-r,  dvefque  de  Laon,  en  U 
ville  de  Ihipalme»,  en  toute  la  grandeur,  trîum- 
phe  &  magnificence  dont  on  fe  pourrolt  advifer, 
prdfentzA  allKlant»  le»  conte»  de  Flandre,  de  Hali- 
nault,  de  Namur ,  de  (!lermont,  de  Ponthîcu, 
de  Sainél  Pol ,  &  autre»  en  très-grand  nombre, 
cftant  lor»  le  roy  Louy»  gricfvement  malade  de 
paralyfie  ,  lequel  mourut  audi^l;  an  cent  quatre- 
vingt»  C/\).  Mai»  avant  paflerpUi»  outife,  convient 
fiotcr,  que  par  le  moyen  du  fufdkt  mariage,  & 
fuccelTivement  par  radiflence  de  la  maifun  de 
Flandre  ,  la  couronne  de  France  retourna  en 
Teftoc  (b)  &  lignée  de  Charle»  le  Magne,  pour 
autant  que  le  conte  deUainault,  &  par  cmifc- 

quent. 


rhron.  de 
1V)uri  m. 
1180. 

Chron»  dei 
r«l»  de  Fr# 
•u  rcf.  dc« 
hirt.  de  Fr. 


(a)  Miii-m. 


(^)  Rae$^  eôU^llfinti 


C4)  Apréii  It  cdébr«tioo  dci  nôcci ,  Ifahcllc  fut  coo^ 
duluî  flu  monadére  de  JH.  Denii  pré#  de  ParU ,  ciû  elle  fat 
couronnée  reine  de  France  par  Uui  t  archevâ(|ue  de  Jkm» , 
didinâion  qui  ddplut  beaucoup  k  lu  reine  mère  6c  b  Ta/' 
chcvCque  de  Rhelmi  9  Ton  frère*  Il  arriva  pendant  cette 
Qétémmï^  un  événement  que  refprit  crédule  de  ce  dtdt 
regarda  comme  un  préfagc  certain  de  la  gloire  future  àeê 
deux  éptiw%>  Vn  dei  oAlcicri ,  chargé  de  maintenir  le  b<« 
ordre  pendant  la  cérémonie  4  caifa  d'un  feul  coup  de  bt* 
guette  troifi  lampei»  «  qui  fe  trouvoient  au-deflUa  du  jeun« 
prince  âi  de  Ton  époufe  ,  ^  Thuile  tomba  for  eux  en 
abondance*  Toute  IWcmblée  applaudit  à  ce^  accident*  le 
regardant  comne  le  ligne  dei  plui  aboodoiitelb^flédiétloflé 
du  cieL 


D'  A    L    s    A    C    E. 


445» 


quént,  madame  Yfabeau,  fa  fille,  eftoîent  defcen- 
dus  en  direde  ligne  de  madame  Emergaert ,  fille  de 
Charles,  duc  de  Lotrîce  &de  Brabant  (5),  lequel 

(5)  Hugues  Capet  monta  "cn  eflfet  fur  le  trône  des  Car- 
lovingiens  en  987.;  mais  cette  année  n^eft  pas  certainemenc 
celle  de  la  mort  du  diic  Charles.  Ce  prince  difputa  encore» 
pendant  près  de  quatre  ans,  un  trône  auquel  les  droits  dtl 
ûmg  &  la  loi  de  l'état  rappelloient.  Fait  prifonnier  danar 
la  ville  de  Laon  an  mois  d'Avril  991. ,'  par  la  trahifon  de 
révéque  de  ce  lieu ,  il  fut  enfermé  avec  fon  époufe  dans 
la  ville  d^Orléans ,  &  cette  époufe  y  accoucha  de  deux  fils, 
Ea  plupart  des  écrivains  le  font  mourir  en  prifon.  Tannée 
même  de  fa  détention.  Ce  qui  rend  cette  opinion  douteufe, 
c^eil  un  tombeau  trouvé ,  le  Qècle  dernier,  dans  Téglife  de 
St.  Servais  de  Maëftricht  6c  dont  le  favant  Fapebroch  t 
donné  une  defcription.  On  y  lit  Tinfcription  fuivante,  dont 
Quelques  lettrçs  ont  été  détruites  par  le  tem^  : 


En  rétabliiTant  les  lettres  qui  paroiflent  manquer  i  ceh^ 
infcriptioD,  elle  fera  conçue  en  ces  termes:  Karoli  copù* 

II 


450  PHILIPPE 

eftoîc  oncle,  &  deut  avoir  fuccédé  au  roy  Loui^^ 
cinquiefme  de  ce  nom  ,  qui  mouruft  en  Tan  neuf 
centz  quatre-vîngt-fept,  quand  Hue  Capet  ufur- 
pa  la  couronne  de  France ,  félon  qu'on  peut 
plus  à  plein  veoir  par  la  légende  de  monfieur 
faînft  Renier ,  &  comme  le  déduift  Vincent  im 
fuo  Jpecuh  htftortalu 

CHAPITRE       LXXXIIL 

Comment  deux  dherfes  fois  le  conte  Philippe  entra 
avec  puijjance  au  royaume  de  France  ^  &  de  la 
paix  qui  fe  fit  par  le  moyen  du  légat  de  Rome 
entre  Flandre  Qf  lediâ  France. 

AUdift  an  mil  cent  quatre-vingts,  &  peu  après 
le  décès  du  roy  Louys  de  France ,  s'ourdi- 
rent &  s'efmeurent  plufieûrs  grands  débats  & 
diflehfions,  pour  le  goùverncmeut  du  jeune  roy 


Hs  gencro/a  ftirpis  filii  Lothvtci ,  fratrîs  Lotharii  Franco* 
rum  regum ,  anno  Domini  M,  L  Cette  infcripdon  prouve 
que  le  duc  Charles  mourut  l'an  looi.  &  non  pas  Tan 
991.,  non  pas  k  Orléans,  mais  à  Maëftricht  dans  la  Lo- 
tharingie,  foit  qu'il  foit  parvenu  à  rompre  fes  fers,  foii, 
comme  le  conjeAure  le  P.  Papebroch ,  que  cédant  ii  fa 
malheureufe  deftinée,  il  ait  renoncé  folemnellemeac  ^  la 
couronne  par  tendreffe  pour  les  ileux  fils  qu'il  avoit  eus 
pendant,  fa  captivité ,  &  que  leur  féjour  en  France 
pouvoit  expofer  aux  plus  grands  malheurs.  Chirrles  aura 
donc  facrifié  le  titre  de  roi  à  fa  liberté  ôc  à  k  fureté  de 
fes  enfans.  Quant  au  titre  de  comte  que  lui  donne  lin* 
fcription,  on  fait  qu'il  eft  fouvent  employé  pour  cehii 
de  duc  par  les  écrivains  du  moyen  âge.  L'infcription  pré* 
.  cédente,  que  nous  reproduifons  ici  fous  fa  forme  antique, 
a  été  gravée  d'après  une  planche  qu'a  bien  voulu  nous 
communiquer  M.  l'abbé  Ghefquiere ,  qui  l'avqit  fait  gra-. 
ver  pour  l'inférer  dans  uo  dqs  volumes  de  fès  aSaSS. 
SclglL 


î)'  À    L    S-  À    C    È.  4ét 

j^hîlippe  de  France  (i),  entre  Philippe,  conte  de 
Flandre  &  de  Vemiamiois,  alfifté  d'Eudes, duc  de 
Bourgongna,  deThiéry.  conte  de  Cnampagne, 
de  Baudouyn ,  conte  de  llainault  &  de  Namur  fon 
beau-frère ,  de  Hugues ,  conte  de  faînélPol ,  de  Jac- 
ques d'Avefnes,  de  Hugues  d'Oyly,  chaftelainde 
Canibrày ,  &'d'^autres , d'une  part;  &de  Richard , 
duc  d'Aquitaine,  porté  du  roy  Henry  d'Angle- 
terire,  fon  frère,  du  conte  de  Cletniont,  de  Rou- 
lant (jî)  de  Couchy  &  de  leurs  adhérents,  d'au- 


pourlegûui 
vcrnement 
de  France < 
entre  Phi- 
liipe,  con** 
te  de  Flan- 
dre ûc  les 
confons, 
contre  te 
ducd'Aqui-» 
taine  &  au<( 
ttcs* 


C^)  Raoul. 

(i)  Il  eft  à  propos  dé  remonter  à  rorigîtie  des  évène^ 
inens  que  décrit  d'Oudegherft  dans  ce  chapitre.   Louis  le 
Jeune ,  avant  de  mourir ,  avoit  donné  pour  tuteur  à  fon  fils 
jeune  encore  Philippe  d'Alfaçe,  oncle   de  la  jeune  reine. 
Cette  faveur  &  le  mariage    de  fon  fils  avec  Ifabelle  de 
Haynaut  avoiem  déplu  à  la  reine  mère ,  qui  avoit  employé 
tout  fon  crédit  pour  faire   déférer  cette  tutelle  au  comte 
de   Champagne ,    fon   fîère  ,   par   qui   elle   avoit   compté 
gouverner.   Déchue  de  l'efpoir  qu'elle  avoit  conçu  &  pi- 
quée du  mauvais  fuccès  de  les  intrigues  ,  elle  s'étoit  re- 
tirée en  Champagne  ,  &  avoit  entraîné  dans  fes  intérêts 
^le  roi  d' Angleterre  ,  qui   prit  alors    les  armes  tontre  la 
France.  Quoique  fouteftuC  d'un  allié  (î  puiflant  &  de  toute 
la  maifon  de  Champagne,  elle  fut  forcée  à  fe   foumettre. 
Elle  fe  réconcilia  avec    fon  fils  ,  revint  à  la  cour  &  les  , 
droits  dé  Philippe  d'Alface  à  la  tutelle  du  jeune  roi  furent 
confirmés.    La  reiiie  mère  intrigua  de  nouveau;  Son  parti 
enfin  triompha,  &  le   comte  de  Flandre  fe  vit  obligé  de 
retourner  dans  fes  états.   En  donnant   fa  nièce  Ifabelle  à 
Philippe  Atigufte ,   le  comte   de  Flandre  avoit  ôhtenu  de 
Louis    lé  Jeune   la  JQuiifance   de  quelques  domaines  voi- 
fms   du  Vermandois   &    Philippe- Augufle  avoit  Confirmé 
cette  ceffion.  Mais   dans  la   fuite  ^  cédant  aux  impreflions 
de  quelques  courtifans  que  la  reine  mère  avoit  mis  dana 
fes  intéi'êtè,  Philippc-Augtifte    voulut  révoquer   cette  con- 
tefllon.  Le  comte  de  Flandre  provoqué  par  cette  perfidie^ 
révoqua  aufli  la  ceilion  qu'il    avoit   faite  du  comté  d'Af* 
fois.  Tels  furent  les  prétextes  qui   armèrent  l'un  contre 
Tautre  le  nouveau  roi  de  France  &  le  comte  de  Flandre* 
bu  refte ,  la  narration  de  d'Oudegherft  eft  prefque  toute 
traduite  de  Vûùâarium  aquictn&inum  ,  d«nt  l'auteur  étojl 
tentemporain  des   évènemcns  qu'il  décrivoit. 


•    Afer^gi 
chron.  de 
l'hift.deFri 
U80( 


an. 


Chrot!.  (lé 
.Tours , 
an.  iiZOé 


amiiebi^ 


1 1» 


4^1 


PHILIPPE 


Le  conté 
Philippe 
entre  avec 
puiilunce  & 
guàle  le  païs 
de  France. 


TrelVe  en- 
tre Flandre 
&  France. 

L'an  1182. 


Décès  de 
Mahieu  de 
Flandre. 

Pierre  de 
Flandre , 
eOeu  eyef- 
que  de 
Carobray  » 
fe  marie 
avec  lavef- 
ve  de  Ma- 
hieu de 
Flandre, 
fon  frère. 


tre.  Et  le  roy,  nonobftant  fa  jeunefle,  fouftinff 
le  party  d'Aquitaine ,  &  de  Clermont,  lefquellesr 
parcialitez  s'augmentèrent  de  forte,  que  peu  de 
païs  y  avoit  deçà  des  Monts  qui  ne  fe  reffentiC- 
fent,  &  principallement  le  royaume  de  France, 
dans  lequel  le  conte  Philippe  de  Flandre  entra 
à  grande  puiffance,  &  gafta  tout  le  plat-païs  juf- 
ques  à  Senlis,  &  de  là  tira  vers  Louvcrs  (^d) 
près  Paris,  furprint  en  fon  lift  le  conte  Albéric 
de  Dampmartin,  &  mit  tout  le  royaume  en  mer- 
veilleux trouble  &  défarroy ,  eftant  apparent  de 
fair^  aflcz  pire  ,  n'euft  efté  rinterceflîon  de  Guil- 
laume, archevefque  de  Rains,  &  Thibault,  conte 
de  Blois  ,  oncles  dudift  roy  Philippe  ,  par  le 
moyen  desquels  fut  entre  lesdiftes  parties  prinfe 
une  trcfve  jusques  à  TEpiphanie  de  Tan  mil 
cent  quatre-vingts-deux.  Pendant  laquelle  le  con- 
te Philippe  de  Flandre  ne  voyant  aucune  appa- 
rence  d'avoir  génération  de  madame  Yfabcau, 
fa  femme  ,  pour  autant  qu'elle  eftoît  ordinaire- 
ment &  quafi  tousjours  malade,  &  confidérant 
que  Mahieu  ,  fon  frère,  (lequel  un  peu  aupara- 
vant eftoit  trépaffé  (2)  d'un  jeét  de  fiefche,  qu'au 
fiège  de  Neufchaftel  il  ^voit  receu  en  la  telle), 
n'avoit  laiffé  aucuu  hoir  mafle  de  fon  corps,  fit 
renoncher  fon  frère  Pierre  à  l'éleftion  qui  de 
luy  avoit  efté  faiàe  en  l'évefché  de  Cambray  (3), 
&  pratiqua  le  mariage  d'entre  madame  Aliéner, 
contefle  de  Nevers,  &  vefve  dudi<a  feu  Mahieu 


%a')  Louvre  en  Parifis. 

(a)  Ù  étoît  mort  d'une  bleflbre  qu^  avoit  reçue,  low- 
qu'il  accompagna  fon  frère  Philippe  en  Normandie  dans 
la  guerre  de  Louis  le  Jeune  contre  Henri  IL  en  1173* 
(Voyez  note  i.  du  chap.  8i.,  pag.  438.) 

Cs)  Cette  renonciation  fe  fit  eo  117^*9  peu  de  teffis 
tprè»  U  mort  de  Matthieu. 


D^  A    L    s    A    C    E. 


45$ 


de  Flandre  (4),  &  le  fufdift  Pierre,  fon  frère, 
lequel  néantmoins  termina  toft  après  de  venip, 
délaiflant  de  fadlde  femme  une  feule  fille,  comme 
aiifli  mouruft, pendant  ladifte  trefve  ladifte  dame 
Yfabeau,  fei^me  du  conte  Philippe  de  Flandre, 
&  fut  enterrée  à  noftre  Dame  d'Arras.  Au  moyen 
de  quoy,  &  qu'elle  eftoit  terminée  fans  délaifler 
hoir  de  fon  corps,  la  conté  de  Vcrmandoîs  fuc-^ 
céda  à  ladide  AliéQor,  fa  fœur,  qui  s'eftoit  re- 
ijiariée  pour  la  troîziefme  fois  au  conte  de  Beau- 
nîont.  Non-obftant  qu(fy,  le  contç  "^Philippe ,  au 
moyen  &  foubs  prétext  du  différent,  auquel  il 
çftoic  contre  le  roy  de  France  &.fes  adhérents, 
ne';fe  voulut  deiffaire  d*icelle  conté  de  Verman- 
dojs.  Qui  fut  caufe  que  ledift  roy  de  France,  fe 
perfuadant  d'avoir  à  çeftç  occafion  plus  jufte 
prétext  pour  mener  guerre  audiél  conte  Philippe , 
fit  grandes  appreftes  ,  afRn  de  povoir,  ladidle 
trefve  finye ,  recommencer  mieux  que  de- 
vant (5).  Dont  adverty  le  conte  de  Flandre,  & 


Pierre  de 
Flandre 
empoifon- 
né. 

Trépas  de 
madame 
Yfabeau  de 
Verman- 
dois,  con- 
teire  de 
Flandre. 

Le  conte 
ï*hilippe  ne 
fc  veutdcf» 
faire  de  la 
conté 'de 
Verraan- 
dois,  qui 
par  le  décès 
de  madame 
Yfabeau,  fa 
femme ,  ef- 
toit fuccé- 
dée  à  ma-  ' 
dame  Alié- 
ner, f;^  ' 
fœur. 


(4)  Eléonore,  féconde  fille  du  comte  de  Vermandois, 
avoit  été  la  féconde  époufe  de  Matthieu;  mais  après  la 
mort  de  fon  époux,  elle  s'étoit  remariée  au  comte  de 
Beaumont  fur  Oife,  L'époufe  de  Pierre  fut  Mathilde ,  com- 
tefle  de  Nevers  &  veuve  d'IEudcs ,  feigneur  d'Iflbudun. 
Ç  Voyez  fur  ce  fujçt  deux  diplômes  cités  par  Vredius  dans 
(es  preuves  généalogiques  des  comtes  de  Flandre.  ) 

(5)  Après  la  mort  de  la  comtetfe  de  Flandre  ^  Eléonore 
réclama  le  comté  de  Vermandois  dont  Philippe  d'Alface 
refufa  de  fc  deflaifir ,  alléguant  qu'il  lui  avoit  été  apporté 
en  doç  par  fon  époufe  ,  pour  en  jouir  pendant  toute  fa 
vie.  Il  ajoutoit  encore  que  le  feu  roi  lui  en  avoit  folem» 
nellement  confirmé  la  poflTeflion.  Mais  Eléonore  avoit  fait 
avec  le  roi  de  France  un  traité ,  par  lequel  elle  lui  aban-» 
donnoit  la  moitié  du  Vermandpis ,  en  cas  qu'elle  mourut 
ftns  enfans.  Ce  traité  fut  un  motif  qui  aqtorifa  Philippe- 
Augufte  à  reprendre  les  armes  contre  le  comte  de  Flandre. 
Deux  conférences  que  ce  dernier  eut ,  tant  avec  Phllippe- 
Augufle,  qu'avec  le  roi  d'Angleterre  qui  avoit  offert  fa 
médiation,  ne  purent  arrêter  l'effiifion  du  f;^ng,.&  U 
gviçrrc  recommença  avec  acharnement  de  part  ^  d'autre^ 


Roger,  de 
Hoved.  fol. 
553. 

Chron.    de 
Robert  \ 

d'Auxerrc. 


Meyer.  a», 
1183. 


«54 


PHILIPPE 


its  ducs  de 
ourgon- 
gnc  oc  d\i- 
çheflTe  tle 
Champa- 
gne vien- 
nent au  ft- 
cours  du 
ceinte  de 
Flandre» 
contre  les 
François  ôc 
Angjlois. 

Le  conte 
Philippe 
çlialTolt  or-^ 
4inaire- 
ment  &  mci 
noie  los 

{çuerres 
lors  fon 
|îays. 


mefmcs  que  le  roy  Henry  d'Angleterre  fc  nicttob 
pareillement  en  équipage,  pour  afîifter  &  favoru 
fer  fes  advcrfaires ,  doutant  la  puiHancc  do 
"deux  tels  princes  unys  &  confddérez,  fe  tranf- 
porta  au  païs  de  Liège,  en  intention  d'y  prao 
tiquer  Tamititî  &  fccours  du  roy  llcnry  de« 
ïlomains  ,  fils  de  l'empereur  Frédéric  ,  duquel 
néantmojns  il  ne  fut  en  fon  povoir  de  tirer  au- 
tre chofe  qu*une  infinité  de  promcfles ,  par 
lefquellcs  il  aficuroît  le  conte  Philippe  d'envoyer 
nu  nom  de  l'empereur  fon  p6re  &  fien,  aucuns 
tmbaffiideurs  vers  le  roy  de  France,  &  que  fi 
Jediéi.  roy  &  les  fiens  ne  vouloyent  condefcendrç 
à  quelque  appointement  raiibnnablc  &  conforme 
à  cefluy  quMl  luy  feroit  par  fefdifts  ambaflîadcurs 

{»ropofer,  il  viendroit  avec  toutçs  fes  forces 
àvorifer  &  affilier  Icdift  Philippe.  Lequel  n'en 
povant  tirer  autre  chofe,  retourna  en  Flandre 
où  il  fit  fommer  fes  gentils-hommes  &vaflaulx, 
&  aflcmbla  toutes  les  forces  à  luy  pofllbles ,  lef- 
quellcs s'égallerent ,  ou  à-peu-près,  à  celles  de 
France  &  Angleterre  par  Tinefpérée  venue  d'Eu-r 
des  ,/duc  de  Bourgongne  &  de  la  duchcfle  de 
Chîimpagne  ,  accompagnez  d'une  belle  armée, 
Icfquels  marchèrent  par  enfemble  au  royaume 
de  France,  incontinent  que  (j)  Icfdiéles  trefves 
furent  expirées  ,  d'autant  que  l'ordinaire  &  la 
couftume  du  conte  Philippe  eftoit  de  chafler  tou- 
tes les  guerres  que  luy  furvenoyent,  hors  les 
limites  de  fes  païs,fçafchant  certainement  qu'ores 
que  la  viétoire  luy  demouraft  en  toutes  guerres, 
que  ce  ne  luy  povoit  avenir  fans  grand  détri- 
ment &  défolation  de  fes  païs,  fi  elles  fe  comi 
mettoyent  dans  fes  limites.  Eftants  donc  entrez 
oudiél  royaume  de  France ,  recommença  la  guerre 


f /v)  I)^s  que. 


D'  A    L    s    A    C    E. 


♦55 


plus  forte  &  cruelle  que  jamais,  de  manière  que 
les  affaires  fe  diTpofoyent  &  s'acheminoyent  à  la 
totale  deftrudion  dMceluy  royaume,  fi  Dieu  par 
fa  miféricorde  n'y  euft  pourveu.  Par  la  volonté 
duquel,  &  moyennant  Tentre-parler  de  Henry, 
évefque  albanenfis  («),  légat  envoyé  à  ces  .fins 
du  fainâ  fiège  apoftolique ,  fut  foudainement 
concheue  &  arreftée  une  bonne  &  defirée  paix; 
je.  ne  fcay  toutesfois  foubs  quelles  conditions, 
autrement  qu'il  femble  par  les  anchiènes  chroni- 
ques &  de  France  &  de  Flandre,  que  le  conte 
Philippe  de  Flandre  rendit  &  mit  entre  les  mains 
du  roy  Philippe  la  conté  de  Crefpy ,  avec^aucuns 
autres  chafteaux  &  places,  quMl  avoit  jufques 
lors  tenus  de  par  madame  Yfabeau,  fa  femme, 
moyennant  toutesfois  que  le  réfîdu  avec  le  tiltre 
de  conte  de  Vermandois  demoureroit  au  conte 
Philippe,  fa  vie  durant  tant  feulement.  Et  par  ce 
moyen  cefla  la  fufdiâe  gueh-e ,  laquelle ,  veu 
Taigreur  d'ambedeux  les  parties  &  le  grand  ap- 
pareil faift  pour  la  defmefler  par  bataille ,  fut 
aflbupie  autant  doucement  qu'on  ouyt  oncques 
parler  de  femblable  guerre, 

CHAPITRE     LXXXIV. 

Comment  le  conte  Philippe  vint  à  grande  magnifia 
cence  en  la  ville  de  Mayence  vers  P empereur 
Frédéric;  d* aucuns  hérétiques  qui  furent  punis 
en  la  ville  d'Arras ,  G?  comment  le  trou  du  Dam 
fut ,  par  Je  moyen  d'un  chien  qu^on  y  jeâa , 
miraculeufement  reftouppé  (Jbi). 

PEu  après  ladifte  paix,  le  conte  Philippe  eftant 
adverty  que  l'empereur  Frédéric  eftoit  déli^ 
béré  de  tenir   fa  fefte  de  Pentccofte  dudift  an 


Henry  évcf- 
que  alba- 
nenfis^ légtt 
du  ffiind 
fiège  apos- 
tolique. 

.  Paix  entre 
Flandre  Çl 
France* 


Appareils 
de  grande 
guerre  dou- 
cement af- 
foupis. 


(tf  )  B'AUfc^  ville  épifcopale  d'Ita- 
lie dans  U  Montferrat. 


(*)  Fermé ,  boucbi  *  rem- 


-    45*  PHILIPPE 

quatre-vingts-deux  (i),  ci>  la  ville  de  Maycncd^ 
&  que  plufieurs  princes  de  l^empire,  pour  hotir 
lîorcr  ladiftc  fcftc,  s*y  ^f^^veroycnt ,  fc  voulant 
entretenir    en    la   gracç   dMccluy  empereur ,  & 
mcfmes  d'autant  plus,  quMl  ne  fe  fioit  que  bien 
à   point  à  la   dernière   paix    d'entre  France  & 
Phuî  ^^^^    Flandre,  délibdm  fc  tranfportcr  pareillement  vers 
vint  oi^        ledia  Mayencc.  Et  de  faiét  fe  mit.  en  chemin  ac- 
grundc  nw-    compagne   de   Gherj^rd ,   prévofl;  de  Bruges  & 
fn'u'viîiç    chancelier  de  Flandre,  Racirc  de  Oavre,  Thicry 
de  MaycQ-    de  Bcvere ,  çhadelaln  de  Dixmudç ,  &  de  Bau- 
rcmjcr"ur     ^ouyn,  fon  frère,  Gaultier  de  Nevelc,  Ghcrard 
pi£itiQ.       de  ilaflclt,  Thicry  de  Deina^e,  Gaultier  Buzet, 
grand-veneur  de  Flandre  ,  ôuillaumc  de   War- 
ncdon ,    &   de  plufieurs  autres  avec  fix  cent;; 
chevaulx  de  nombre  faiét,  qui  tous  eftoyent  eu 
ordre    &   équipage   fi  magniiique ,  qu'il  falfoit 
très-beau  les  vcoir,  6c  dont  rempcrcur  Frédéric 
fe  tint  pour  grandement  fatisfaiéfc,  remcrcyantfic 
recueillant   le   conte   Philippe   d'un   tel  vifage, 
qu'il  eftoit  ayfé  à  cognoiftre  le  bon  vouloir  qu'au 
moyen   de    ce   il  monllroit  porter  nudiél  contç 
Philippe  ;   lequel    après  avoir  féjourné  quelque 
temps  en  la  court  dudift  empereur  &  renouvel- 
lé  l'amitié  autrefois  avec  luy  contraélée,  retour- 
na en  fou  païs  de  Flandre,  &  s'achemina  en  l'an 
fan  U83.    ï^îl  cent  quatre-vingts  octrois  vers  layiHc  d'Arras, 
pour  mettre  ordre  &  faire  punition  de  plufieurs 


(0  L'hiftoricn  Mcycnln  pîace  h  Pan  1184.  cette  entrevue 
de  Philippe  avec  Frdddric  9  entrevue  dani  laquelle  Philippe 
d*Alface  développa  toute  la  pompe  ôc  toute  In  magnifi- 
cence d'un  grand  prince.  L*autcur  de  VtiUitarlum  aquh 
çlfiâhtkm^Un\$  le»  yeux  duquel  fc  pafTolcnt  cea  évèncmcni, 
la  rapporte  1^  Pannéo  Ji8a.  M  banc  impcratorls  euriam^ 
atnnn  p(tnï  primates  tcutonlci  ufitti  adfttcrunt  ,•  Philippat 
qunquc  coma  Ftatidrla  eum  fuh  hufoûihui  adfult ,  qui  ft 
UixruUlJlmum  fltper  omnct  rcgni  principes ,  fita  4and<(  9  ngtp 
Jim  admlratlônc  ^tuUortim  exhlbuU» 


D'  A    L    s    A    C    E. 


♦57 


hérétiques  5  tant  nobles  qu'ignobles,  d^  tout 
fexe  &  qualité ,  qui  s'eftoyent  defcouverts  audift 
Arras.  Où  peu  après  vint  au  mefme  effeft  Guil- 
laume 5  archevefque  de  Rains ,  lequel  après 
deues-  informations  fur  ce  tenues,  déclara  par 
fenteiïce,  préfent  le  conte  Philippe,  &Fremault, 
évefque  d'Arras  ,  que  les  convaincus  feroyent 
fubmis  au  jugement  du  fer,  d*eaue,  ou  de  feu, 
&  leurs  fubftances  &  biens  confifquez  au  prouf- 
fit  defdifts  archevefque  &  conte  de  Flandre ,  fi 
avant  toutesfois  qu'ils  ne  fe  vouldroyent  retraire 
&  abjurer  leur  erreur  (2).  Et  lors  apparuft  ma- 
nifeftement  la  farce  &  vertu  du  fainft  &  très- 
digne  facrement  de  confeffion,  pour  autant  que 
plufieurs  coulpables  de  ladifte  hérélîe ,  par  la 
miféricorde  de  Dieu  ,  &  moyennant  la  bonne 
doétrine  des  confefleurs ,  changèrent  de  leur- 
damnable  opinion ,  efchappants  par  mefme  moyen 
la  punkion  de  la  fufdiéte  fentence.  Defquels  héi? 
rétiques  les  uns  fe  nommoyent  Manichai^  &  les 
autres  Arrtatii  (3):  tant  y  a,  que  c'cftoyent  des 


Punidcm 
d'héréti- 
ques en  la 
vme  d'Ar- 


Vertu  du 
faint  facre- 
ment de  - 
confeifion. 


(a)  L'année  précédente,  Frumauld,  évéque  d' Arras, 
avoit  déjà  fait  arrêter  quatre  hérétiques ,  dqnt  l'un  s'appel- 
loit  Raoul  &  l'autre  Adam  le  Lettré  ,  Aàam  Littenttus. 
Le  mal  ne  fefant  que  s'accroître ,  GuiUanme ,  archevêque 
de  Rheims,  fe  tranfpona  Tannée  fuivante  -  dans  cette  viUe 
pour  prendre  connoiflance  de  cette  affaire ,  &  étouffer  une 
impiété  qui  aVoit  déjà  jette  de  profondes  racines  ,  &  qui 
comptoit  parmi  fes  feôateurs  des  |)erfonnes  de  tout  fexe, 
de  tout  âge  6ç  de  toutç  condition.  Us  furent  condamnés, 
d'après  l'aveu  qu'ils  firent  de  leurs  crimes,  à  être  brûlés, 
&  leurs  i)iens  iiurent  congfqucs  aii  profit  de  l'églife  &  di| 
prince. 

^3)  Le  genre  de  cette  héréfie  n'eft  caradérifé  par  aucun 
écrivain ,  parce  qu'ils  ne  fuivoient  exdufivement  la  doArine 
d'aucun  héréfiarque.  Ifli  baretici  nuîlius  harefiarcba  mu^ 
niuntur  praficiio.  Quidam  dicunt  iîlos  Mant chaos ,  ,^/7  Ca- 
taphrygas ,  nofinulli,  verh  Artanos ,  Aîexander  autem  papa 
MQcat  rw>i'/7/^rwj.  Ces*  hérétiques ,  au  relie  ,  paroilfent 


Aud.  aqui» 
cind.  an. 
1183. 


45* 


PHILIPPE 


lldr^tiquet 
à  yprc. 


Lcf  dic- 

qucii  du 
mm  rom- 
pucf. 


Le  trou  de 
Dain  mira- 
culcufc- 
nicnt  cf- 
toii  ppé  iiu 
moyen 
d'un  chien 
qu'offVjcc- 
ta  dcdani. 


très-dangereufes  ^  héréfies  ^   &   mervcillcufetnent 
difficiles  à  extirper ,  entant  mefmes  qu'elles  cftoyent 
dcsjà  enrachinées,  &  furent  femées  en  plufieurs 
lieux  de  Flandre,  &  cntr'autres  en  la  ville  d*Y- 
pre,  où  y  cufl:  plufieurs  exécutez  par  le  dernier 
fupplice  9   &   les    autres   par  la  vertu  &  force 
dudiA    fainA   Sacrement    de    Confedion    furent 
convertis.  Environ  ce  incfmc  temps  ou  quelque 
peu   auparavant ,    les  dicques  (a)  du  Dam  près 
Bruges  (4)  furent  rompues  par  les  inundations 
&  forces  de  la  mer,  de  forte  que  toute  la  ville 
de  Bruges  efl:oit  en  eaue.  Pour  à  quoy  obvyer  le 
conte  Philippe    envoya  enl  toute  diligence  vers 
Hollande,  d*où.  il  fit  venir  des  maiftres  qui  s*en- 
tendoycnt   à  ce  meftier ,  Icfquelz  befongncrcnt 
par  plufieurs  jours,  mais  avec  bien  peu  de  prouf- 
fit ,  au  moyen  de  la  profondeur  que  la  mer  y 
avoit   faldte.  Finablcment  l*un  defdifts  ouvriers 
s'avifa  de  jcvJlcr    au   principal   trou  un   grand 
chien  qui  d'aventure  le  trouvoit  près  eux  ,  & 
lequel  leur   cflioit  grandement  molefl;é.  Et  toft 
après  la  terre  print  fond  &  pied,  de  forte  que 
par  la  bonne  diligence  dcfdiftz  ouvriers,  Icdîft 
trou  s'cftouppa ,  &  fut  la  dicque  par  tel  moyen 
refaire.    Et  ccfte  eft  la  caufe  (mefmes  qu'on 
tcnolt  ccfle  aventure  comme  pour  chofe  raîracu" 

(tf  )^  Digues* 

n'avoir  été  que  de  prétendu»  forcicri,  fit  pcut-ôtrc  dci 
VaudoJH  ou  des  Albigeois  qui*  du  midi  de  U  FraNce* 
f'dtoient  répandus  Jufqiies  dans  les  provinces  du  Nord. 

(4)  La  ville  dç  Damme,  autrefois  appclléc  J fond/s  Dam- 
fne ,  Digue  de  Chien ,  cfl  fltuéc  à  une  lieue  de  Bruges  & 
à  deux  de  rKdufc.  Elle  tire,  dit-on,  fon  nom  de«  digues 
que  Philippe  d'Alface  y  fit  conrtrulre  en  1180.,  pour  ar- 
rêter rimpétuofitd  de  la  mer,  ôc  Ton  croit  que  le  nom 
do  chien  lui  a  été  donnd ,  il  caufe  d'un  cWcn  qu'elle  a 
dans  fcs  armes,  ('ette  ville  fort  petite,  mais  qui  a  été 
)ong-tem»  trùfortifidc ,  cil  la  patrie  d^  favaot  Jacques 
Pcrlzonins.  ' 


D*  A    L    s    A    C    E. 


4S9 


Premier 
privilège  de 
ceux  de 
Dam  dona4 
par  le  conte 
Philippe. 


î«ure)'quc  lefdîfts  de  Dam  prîndent  depuis  lors, 
&  portent  encores  aujourd'huy ,  pour  leurs  armes 
un  chien.  Et  de  lors  en  avant  Von  commença 
édifier  plufieurs  maifons  fur  &  au  deflbubz  de 
ladiéte  dicque ,  par  telle  manière  que  la  ville  du 
Dam  creufl:  &  s'augmenta  grandement.  A  laquelle 
le  conte  Philippe  donna  le  premier  privilège, 
par  lequel  il  affranchift  les  babitantz  de  tous 
tonlieux  par  toute  la  contrée  de  Flandre,  enfem- 
ble  d'une  couftume  ou  fervitude ,  qu'on  appelloit 
la  Hanze  (5).  dont  auflî  il  leur  bailla  fes  lettres , 
efcriptes  à  Malle  (6)  en  Tan  mil  cent  quatre» 
vingts  ,  foubs  les  lignes  de  Gherard  de  Melins, 
qu'il  appelle  fpn  notaire  &  figîllain  (a)  ,^  Ëufta* 
ce;  fon  chambrier,  Rogier,  chaftelain  de  Cour- 
tray,  Henry  de  Morfelle  &  plufieurs  autres. 

(5)  Ce  mot  fignifie  tinion ,  focUté,  C'eft  delà  que  vient 
^e  nom  de  villes  anféadques  ou  villes  confédérées  pour 
la  protedion  du  commerce.  La  coutume,  dont  parle  Tauteur , 
étoit  un  impôt  que  le  prince  tiroir  de  toutes  les  marcban* 
difes.  Hanfc ,  redit  us  ex  qudcumquc  re  ,  ,  , ,  apud  Latinos 
inftriorcs ,  llanfa  vc&igal ,  fenfitath  px  mcrcibus  ,  tcftc 
Cangio.    Gloflar.  German.  LîpGx  1737. 

(6)  Maie  fitué  près  de  la  ville  de  Bruges ,  eft  un  palais 
qui  fut  long-tems  habité  par  les  comtes  de  Flandre ,  de  don| 
}*un  d'eux ,  Louis  4q  Nfale  »  a  tiré  fon  fumom. 

CHAPITRE      LXXXV. 

De  la  guerre  que  le  cente  de  Flandre  renouvella 
contre  France^  à  rat  fon  que  le  Roy  avoît  repu-* 
dîé  fa  femme  |>  qui  eftait  nièce  dudi&  conte  de 
Flandre ,  &  comment  le  mefme  conte  de  Flan-' 
dre  fit  guerre  au  conte  de  Hainault  ^  ^  de  la 
paix  qui  fe  fit  entr^eux^ 

EN  Tan  mil  cent  quatre-vingts-quatre,  le  con*    L'an  ii84, 
te  Philippe  de  Flandre ,  adverty  que  le  Roi  de 
France  ayoit  cont^  tout  droiél  &  raifon ,  &  par 


(/z)  Carde  des  fccaux. 


460 


PHILIPPE 


Cocm  en* 

trc  Flandre 
&  Fnncei 
nii'on  que 
le  n»y  «Voit 
rrpuJic 
centre  toot 
dn»kt  ma- 
dauic  V:"i- 
bcau,iu.tc 
<l«Jiict  Phi- 
lippe. 


Trefve  en- 
ne  Flandre 

êi  Fiaacc« 


k  mauvais  confeil  d*aucuiis  de  fes  barons,  en» 
nemis  dudîA  conte  Philippe ,  répudié  niadamc 
\Tabcau,  fa  nièce  (1),  troublant  la  paix  deruii* 
rement  faite  entre  ledid  roy  &  luy  »  fit  fcmondre 
fes  hommes ,  &  aflembla  merreilleufement  granda 
puiflance,  avec  laquelle  il  marcha  contre  le  roy 
de  France,  fur  lequel  ilprint  la  ville  d'Amiens, 
&  pluGeurs  places  &  fortercflcs  du  païs  de  Ver- 
mandois.  Néantmoins  par  Tintercefllon  &  Tentre- 
parler  de  Henry,  roy  d'Angleterre,  furent  entre 
lefdicles  parties  prînfes  &  accordées  trefves  d'un 
an  (a);  &  pour  autant  que  Baudouyn,  contç  de 


Meycr.  an. 

1184. 

Audar'. 
aquic. 


(1)  Philippe- Aufufte  ne  répudia  point  Ifibellc;  mai*  la 
cbaîvur  avec  laquelle  elle  défendoic  la  caufe  de  Ton  oncle, 
^  plu&  encore  peui-ètre  les  fug^ftions  de  quelques  courti. 
fans  enneoiis  du  corate  de  Flandre ,  avoient  fonement  in- 
difpofc  fun  époux  k  fon  égard.  Forcée  d'abandonner  I4 
cour ,  elle  s'ctoit  retirée  à  Senlis  ,  orfi  elle  édifia  toute  la 
Baiion  par  la  régularité  de  fti  conduite ,  par  rinréprocha- 
bilité  de  fes  mœurs ,  par  les  aâes  de  bienfailance  qu*eUe 
exerça  envers  les  pauvres ,  éc  par  la  religion  dans  le  fein 
de  laquelle  elle  cherchoit  un  foulageroent  k  fes  chagrins, 
Son  époux  qui  fongeoit  en  effet  à  fa  répudier ,  forcé  de 
rendre  jufHce  aux  vertus  de  cette  princeffe,  &  condamnant 
la  conduite  qu'il  avoit  tenue  envers  elle  ,  la  rappella  I  h 
cour  ;  mais  le  comte  de  Flandre  n'en  continua  pas  moins 
la  guerre  contre  fon  neveii^ 

(a)  On  avoit  cho  û  à  cd  eflbt  la  ville  de  Rouen  ,  oh 
a'étoient  rendus  Henri ,  roi  d'Angleterre  ôc  Baudoin,  comtç 
4e  Haynaut.  ï^  premier  avoit  été  choifl  par  Philippe-AO' 
guftc ,  pour  agir  &  traiter  en  fon  nom  ;  fie  le  comte  de 
Haynauf^  étoit  chargé  des  intérêts  de  Philippe  d'Alface.  Oo 
ne  put  rien  conclurre  dans  cette  entrevuç  ,  parce  quç  le 
comte  de  Flandre  fe  refufoli  aux  facrifices  qu'on  cxigçoit 
de  lui ,  &  qu'il  ne  vpuloit  pas  céder  le  comté  de  Vcrman' 
dois.  De  Rouen,  le  comte  de  Haynaut  étoit  aUé  voir  la 
reine ,  fa  fille ,  qui  l'engagea  k  faire  caufe  commune  avec 
fon  époux.  Baudoin  fe  prêta  k  ce  qu'on  exigea  de  lui ,  & 
s'attira  rinimirlé  de  Philippe  d'Alface,  qui  ne  tarda  point 
k  pénétrer  les  liaifona  que  fon  btau-frére  venoit  de  con* 
trader  avec  le  roi  de  Frauée.    Baudoin    ^ui  (ç  fit  çoia» 


Ù*  A    L    s    A    C    É. 


461 


Hfilnault,  &  beau-frère  dudift  conte  PhîKppç,  fe 
fit.efdiftes  trefves  comprendre  entre  les  alliez' 
du  roy,  le  conte  de' Flandre  convertit  fes  forces 
&  pdiffhnces  contre  fondift  beau-frère,  auquel  il 
fît  durant  les  ftifdiftes  trefves  une  bien  dure  & 
afpre  guerre  ,  laquelle  toutesfois  au  moyen  de 
l'hyver  qui  lors  approchoit,  fuft  convertie  en  une 
trefve  qu'ils  s'entre-donnerent  jufques  à  la  fainél 
Jean  :  pendant  laquelle  lefdifts  contes  Philippe 
&  Baudoùyn  fe  trouvèrent  çniemble  en  un  lieu, 
nommé  le  Mont-fainft-Remy,  où  ils  parlamen- 
tfirent  &  tindrent  longs  propos  enfemble  fur  le 
faidl  de  leurs  différents.  Nourobftant  quoy,  ils 
partirent  mal  contents  &  fatisfaiâs  Tun  de  Tau-' 
tré  ,  dont  on  împutoit  la  principalle  charge.  & 
xoulpeàJacquesd'Avefnes,  contre  lequel  pourtant. 
le  conte  Baudoùyn  de  Hainault  fe  mit  l'an  enfuy- 
yant  en  armes  &  gafta  toutes  les  terres  d'iceluy  Jac- 
ques d'Avefncs.  D'autre  cofté  la  trefve  que  deffus 
prinfe  entre  le  roy  de  France  &  le  conte  Philip- 
pe de  Flandre  expirée,  chafcun  d'eux  refpeûivc- 
ment  fe  remit  aux  champs,  avec  la  plus  grande 
puiflance  &  armée  qu'ils  peurent  alfembier,  & 
portoit  le  conte  Philippe  en  cefte  expédition, 
pour  manifeftér  fa  magnanimité  &  grand  cou-  ^ 
'lage  ,  un  eftendart  mis  fur  un  haut  chariot  à 
quati"^  roues,  faift  en  manière  d'une  tour,  au- 
quel eftoît  peint  un  grand  dragon  &  horrible, 
jettant  bonne  q^uantité  de  feu  par  les  yqux,  les 
Oreilles  &  la  bouche;  défignant  par  c6  que  fon 
intention  eftoit  de  mettre  tout  le  Royaume  en 
feu  &  à  flamme;  dont  le  r6y  &  les  fiens  con- 


Guerre  en-* 
tre  Flandre 
deHainaulu* 


Les  contes^ 
de  Flandre 
&  de  Haii» 
nault  parla-" 
mentent  en- 
fenibk  au 
Mont-St.- 
Rcmy,   & 
panent  mal 
contents 
rundeFatt- 
trc. 


Guerre  co- 
tre France 
«cFlandre* 
&dcFéteii- 
dart  que  le 
conte  Phi- 
lippe poru 
en  cefte 
guerre. 


prendre  dans  la  trêve  'conclue  peu  de  tems  après,  entre. 
Philippe-Auguftc  &  Philippe  d'Alface ,  eut  tout  lieu  de 
fe  repentir  d'avoir  abandonné  ua  allié  voifm ,  dont  le  ref» 
fentiment  aUuma  bientôt  la  guerre  entre  les  Flamands  ^ 
les  Hennuyers, 


4^3 


P    H    t   L    t   1»   ÏJ   « 


Le  roy  de 

France  par- 
lemente 
avec  le  con- 
te de  Flan- 
dre,  &  fc 
fûid  la  paix 
fans   aflîf- 
tence  d'au- 
tre que  du 
conte  de 
Bloys. 


Le  roy  de 
France  re- 
prend ma- 
dame Yfa- 
beau  fil 
femme 
qu  il  avoic 
répudiée. 


cheut  un  tel  creve-cœur  &  dcfd^ing ,  qitc  k^ 
affaires  menachoycnt  une.merveilleiife  effufion  de 
rang ,  tant  (l'un  codé  que  d'autre  (3).  TouteA-» 
fois  après  qu'ambedeux  les  puiffances  eurent 
long-temps  &  par  plufieurs  jours  efcarmouché, 
le  roy  de  France  euft  volonté  de  parler  de  bou- 
che au  conte  Philippe,  lequel,  fuyvant  ce,  fe 
trouva  vers  luy  en  fes  tentes ,  où  il»  firent 
entr'eux  leur  appoiiiflcmcnt,  farts  rafliftcncc  ou 
interceflîon  d'autre  pcrfonne  du  monde  ,  faulf 
du  conte  de  Bloys ,  qui  fut  illec  appelle  pour 
les  accorder,  lorfqu'en  faifant  ledîét  appointe- 
ment ,  s'ofFrolt  entr'eux  aucune  difficulté.  Par 
lequel  appoinftement  fuft  entr'autrcs  chofef 
dîft  &  accordé  ,  que  le  roy  en  premier  Iku  rc- 
prendroit  madame  Yfabcau,fa  femme, veu  mefme^ 
qu'il  n'avoit  aucune  légitime  occafion- pour  la 
pouvoir  répudier  ^  &  que  fuyvant  ce ,'  le  conte 
Philippe  luy  reftitueroit  les  ville*  d'Amiens  & 
autres  places  ,  qu'il  avoît  prins  fur  le  rr/y  au 
pais  ^e  Verraandois, durant  cefle  dernière  guerre^ 
retenant  néantmoins  Sainft  Quintîn  ,  Véronné 
&  lien  (/?),  cnfemble  le  tiltre  de  conte  de  Vtt^ 


th  Gaffe, 
^myliiis. 


Abré^ 
cliTonoL  de 
inûft.  de 
Fr. 


C^)  I/am  en  Picardie* 

(3)  Le  terme  de  la  trêve  éxttx  eicphé  ♦  les  trmét%  6é 
Flandre  d(  de  France  fe  mirent  cm  marche^  EUe»  ft  nm- 
contrèrent  fur  Jet  horân  de  la  Hffmme  i%m  le»  ewwiujta 
d'Amiens  ^  êc  réitèrent  pendar/t  pr<:$  de  tr4j  fcasaraes  es 
préfence  Tune  de  Taotrc.  Pendant  cette  ttnctkm ,  GuiUaumc, 
archevêque  de  Rbeims,  Tévéque  d*AJbe,  lé;:jn  âa  fism 
fiègc  ÔL  Thibaut  ♦  comte  de  Blmt ,  paivi^rem  ï  npfrrk- 
cher  Toncle  6i  le  neveu.  Le  VtrrmnâfA»  qm  zvok  été  tm 
partie  la  caufe  de  cette  guerre^  fat  rétaâ  a  la  coenne 
de  France.  Ainfi  ûnft  une  gnent  qui  éart  twm^n  <fmmr€ 
anf ,  éc  dom  Vv*tat2%t  refti  m  roi  àc  Fnmx  ^  p^qm% 
fnt  forcer  fon  rival  k  M  rendre  le*  vîlk«  ifu^H  rv^jk  p« 
crmqaénr^  ai  k  loi  céder   sflc    provtece   ^  sr^ir  6m 


t)*A    L    s    A    C    E. 


46i 


tnaùdois ,  pour  en  jouyr  fa  vie  durant  tant  feu- 
lement. La  paix  fut  femblablement  illcc.  conclue 
&  appoinftée  entre  ledift  Philippe,  conte  de  Flan- 
dre &  Baudouyn  de  Hainault  fon  beau-frère,  de 
forte  que  par  tel  moyen  tous  les  fufdidls  diffé- 
rents furent  aflbupis  &  appayfez.  En  ladifte 
aflemblde  fut  pareillement  faift  &  pratiqué  le 
mariage  de  madame  Machtil4e ,  fille  de  feu 
Mahîeu  de  Flandre,  qu'il  avoit  eue  de  madame 
Eléonore  de  Nevers,  fa  dernière  femme,  &  Hen- 
ry ,duc  deBrabant,  dont  vindrent Henry,  depuis 
duc  de  Brabant ,  Marie  ,  femme  de  Tempereur 
Otho  ,  Méhault ,  contefle  Pallatine ,  &  après 
contefle  de  ^Hollande,  la  contefle  de  Gheldre, 
&  la'  contefle  d'Auvergne.  Environ  ce  mefme 
temps  fut  commencé  le  monaftère  de  Thofan 
près  Bruges,  lequel  autrement  fe  nomme  Doeft, 
de  Tordre  de  fainft  Bernard;  &  ce  par  Eve^rard, 
évefque  de  Tournay ,  lequel  achapta  Ja  place, 
fur  laquelle  ledift  monaftère  eft  fondé,  de  Tabbé 
de  fainft  Régnier  en  Ponthieu, 


Pnix  entré 
Flandre  ôc 
Hainault. 


de  tiadâme 
Méhault  de 
Flandre  au  T 
duc  de  Bn-  ' 
bant  &  des 
enfans  qm 
vindrent  de 
ce  mariage. 


Commen- 
cenaent    d: 
fondation 
du    monaT*  ' 
tère  de 
Doeft  prè» 
Bruges. 


CHAPITRE      LXXXVr. 


Comment  le  conte  de  Flandre  envoya  fes  ambajfa^ 
deurs  vers  Portugal  demander  en  mariage  Vin-^ 
fante  dudlâ  Portugal  ^  laquelle  en  fon  chemin 
pour  Flandre  fut  deftrouffée  fur  la  mer^  Q^  de 
r exécution  que  le  conte  fit  faire  defdiàs  deftrouf 
feurs  ,  enfemble  comment  lediSt  conte  fut  créé 
gardien  de  Véglife  de  Çambraj. 

PHîlippe  ,  conte  de  Flandre,  après  avoir  mis 
bonne  paix  en  fes  pais  &praaiqué  les  allian- 
ces que  deflus  ,  envoya  fes  ambafladeurs  vers 
Alfonfus,  roy  de  Portugal ,  pour  en  fon  nom  luy 
demander  en  mariage,  madame  Méhault,  fa  fille: 
laquelle  fuft  accordée  &  délivrée'  aufdiAs  ambaf- 


Le  conte  ie 
Flandre  cur 
voyc  fes 
ambafla- 
deurs vers 
le   roy  Al- 
fbnfe ,  pour 
demander 
en  mariage 
madame 
Méhault  do 
Portugal  fa 
ûllc. 


4^4 


P    H    I    L    I    P    P    Ë 


t^aQ  1185. 


Madame 
Méhauk  de 
Ponu/al 
deftnmiîée 
fur  la  mer 
en  venant 
vers    Flan- 
dre. 


Quatre- 
vingts  py- 
ratcs  quy 
avoyent 
dcftrouffé 
ladiéte    da- 
x^  pendus. 


fadeurs  en  Tan  mil  cent  quatre-vingts-cînc  (i); 
&  paflant  la  mer  pour  venir  paNdcçà,  fut 
rencontrée  &  dieftrouffde  de  toutes  fes  bagues  & 
joyaux  par  aucuns  pyrates ,  qui  la  furprindrent 
fur  la  code  de  la  Normandie,  &  lefquels  n^nt- 
moins  ne  mdfirent  Ça)  ny  touchèrent  à  ladifte 
princefle.  Non-obftant  quoy  le  conte  Philippe, 
grandement  indigné  de  la  facherye,  que  lefdifts 
pyrates  avoyent  donné  à  fadifte  efpoufée,  en- 
voya en  toute  diligence  aucuns  navires  bien  fréter 
&  équipez,  pour  pourfuyvre  &  lui  amener  lefdids 
pyrates  ,  lefquels'  furent  finablement  a^tainftà , 
prias  &  depuis  menez  vers  lediél  cOnte  Philippe 
en  nombre  de  quatre-vingts ,  lefquels  il  fit  tous 
pendre  5  comme  pyrates  en  hauts  gibets,  qu'il 
avoit  à  ces  tins  faift  eflever  au  long  de  la  rive 
delà  mer,  fans  prendre  aucun  d'iceux  à  mcrchy 
ou  miféricorde.  Entre  lefquels  les  principaux 
s'nppelioyent , .  Galyen ,  baftard  de  rarchevefquc 
de  Rouen,  Willebord,,  bailard  dé  Montfort, 
Gilles  de  Laval,  Alval,  baftard  de  Haricôurt,  & 
plufieurs  autres ,  &  fuft  ladiéle  exécution  ^  encore 
que  très-jufte,  bien  mal  prinfe  du  roy  de  Fran* 
ce ,  &  de  ceux  de  fa  court  :  je  ne  fçai  toutesfois 
foiibs  quel  fondement.  Or  (pour  retourner  iù 
noftre  propos)  ladifte  dame  Méhault  fut  par  les 
filfdifts  ambafladeurs  conduire  en  la  ville  de 
Bruges,   accompagnée- de  plufieurs  dames  &  da- 

moifelles, 


koder.  de 
Tolède  an. 
1146.  au 
rec.deshift» 
deî'r.t.12. 
p.  382. 


(a)  Ne  firent  aucun  mal, 

(i)  Uauêtarlum  aquîcin^inum  place  ce  mariage  au  mois 
d'Août  .de,  Tannée  1184. ,  &  la  paix  ne  fe  fit,  félon  \€ 
même,  qu'un  an  dprès.  Meyerus  qui  le  place  en  1185. ^ 
le  fait  néanmoins  antérieur  à  la  paix.  Le  père  de  Mathilde, 
appellée  aufli  Thérèfe ,  étoit  Alphonfe  L ,  proclamé  roi  de 
Portugal  en  1139.  l\  étoit  fils  de  Henri  de  Bourgogne,  pc- 
tit-fils  de  Robert  de  France,  qu' Alphonfe  VI.,  roi  d'Ef- 
pagne  i  fit  comte  de  Portugal. 


D*  A    L    s    A    C    E.  465 

fnoîrdles  ,  qu'elle  avojt  mcnd  avecq  elle  de  foi; 
païs  de  Portugal  ;  &  fut  reccue  en  grand  triuniphc 
par  le  conte  de  Flahdre,  alîidd  de  pîufiêurs  ba- 
rons,  nobles,   feîgneurs,  daines  &  dainoifelles 
dudîifl  païs  de  t^'landre,  avçc  Thoniieur  &  bon 
hccueil  que  fes  vertus.  &  çrandçur  méritoycnt. 
Et  furent  peu /après,  les  nopcçs  dudjél  conte    Nopcea.  dii 
Philippe ,  avec  la  princefle  M(ihaUlt  c^l(ibrées ,  çn    p^aûdre^ 
toute  la  magnificence  &  folemnitd  poflible,  en  la    avccrin- 
villc  de  Bruges  V  où  fe  thjuverent  plufieurs  con-    Poi^g^^ 
tes,  princes  &  feîgneurs,  tant  du  païs  de  Flan-    ?élôbr<ies  i( 
dre,  que  des  circumvoifins ,  &  entr'autres  îedift    Bruges, 
conte  Baudouyh  de  Haînault,  beau-frère  d'iceluy 
conte  Philippe.  Lequel,  en  Tari  mil  cent  quatre»    L'an  iiW. 
vingts-(îx  ,  fe  tranfpofta  en  la  ville  de  Pavie, 
pouf  aflîfter  &  eftre  profent  aux  nopces  qui  illec 
fe  C(51ébroyent  &  folemnifoycnt  entre  Henry,  roy 
des   Romains,   fil3  de  Tempereur  Fréddricq,  ôç 
la  fille  deRogier,  roy  de  Sicille,  où  fe  trouva     > 
merveilleufement  bonne  troupe  de  princes  &  fe^ 
gneiirs,  &  print  '  ledicT:  Philippe  en  allarit  vcr^ 
ladifte  ville  de  Pavie,  fon  chemin  par  les  AUc-i 
maignes,  pour  aiîîant  qu'il  ne  fe  fyoit  encore  du 
tout  à  plufieurs  de  la  court  de  France.  Mais  il 
retourna  par  France,  craindant ,  qu'autrement  le 
roy  Philippe  ne  conceut  quelque  finiftre  ou  mau- 
vaife  opinion  de  luy,  &  que,  par  ce  moyen.  Ici 
guerre  fe  renouvellafl  entr'eux  (2).  Lequel  roy 
Philippe   tint   lors   plufieurs   devifôs   &  propos 


(2)  Philippc-AUgufte ,  ihfbntié  dù  retour  du  comte  âç 
Flandre  par  fes  états ,,  envoya  au  devant  de  lui  des  dépu; 
tés ,  &  lui  indiqua  un  lieu  où  ils  pourroient  avoir  unf 
entrevue.  ReXf  àdvcntu  ejus  audito  ^nuutioffidetei  adcum 
dirigit  ^  mandans  et   &  deftgnans  hcum   ubi  ad  fecretmn  Ajl<ftar^ 

conveninnf  coUoquium.  Le  roi  le  reçut  très-Fionorablement,  **^^?*^* 
&  cette  entrevue  acheva  de  reflerrer  les  nœuds  de  rami;  ^'  ***^* 
fié  qu'ils  s*étoient  jurée  Tannée  précédente. 

Kk 


4(56 


PHILIPPE 


la  couron- 
ne du  Por- 
tugal ef- 
cheue  fur 
Méhault, 
femme    du 
conte  de 
Flandre. 


particuliers  avec  le  conte  de  Flandre,-  de  foitc^ 
que  depuis  ce  temps  ils  s'entr'aymefent ,  &  fu- 
rent tousjours  mieux  d'accord,  qu'auparavant; 
Peu  après  vindrent  nouvelles  au  conte  Philippe 
de  Flandre  des  trefpas  quy  s'eftoyent  d'aflez 
près  entre-fuyvis ,  d'AIfans,  roy  de  Portugal, 
&  de  fon  fils ,  père  &  frère  de  madame  Méhault 
fa  femme ,  &  qu'au  moyen  de  ce  la  couronne 
de  Portugal  eftoit  efcheue  fur  ladîfte  Méhault, 
laquelle  pourtant  il  envoya  relever  au  nom  de 
fadifte  femme ,  quy  depuis  ce  teipps  s'a  tousjours 
porté  comme  royne  dudift  Portugal  (3),  noa 
pas  toutesfois  le  conte  Philippe,  fon  mary,  & 
eftoit  lors  ledîd  royaume  bien  peu  de  chofe» 
En  l'an  mil  cent  quatre-vingts-neuf,  lediift  Phî- 


Au  rec.  des 
bift.  de  Fr. 

t.  12. 


GiIIe8d*0r- 
val.     , 


Riedrd 
^ans  Vred. 
|ea.Flaiul 


(3)  Le  fucceflTcur  d'Alphonfe  fut  Sanche  I. ,  qui  mourut 
l*an  121 2.  Alphonfus  proprid  morte  decefflt  ....  Cui  fuc- 
iceffit  filius  ejus  Sancius  vtr  magna  prudentia  &  firenuui  i» 
'  agendh,  Rodrigue  de  Tolède ,  qui  nous  fournit  ce  paflâr 
^e  &  dont  Tautoiité  eft  d'autant  plus  refpedable  qu*il 
étoit  contemporain,  ne  donne  à  Alpbonfe  que  trois  enfans, 
Sanche  qui  lui  fuccéda ,  Urraque  qui  époufa  Fcrrand ,  roi 
de  Léon,  &  Mathilde  mariée  à  Philippe  d'Alface.  Il  n'cft 
donc  pas  vrai  que  le  frère  de  Mathilde  mourut  à  la  même 
époque  que  fou  père ,  ni  que  Mathilde  ait  jamais  été  leiae 
de  Portugal.  Si  elle  fe  donna  dans  divers  diplômes  k  ùat 
de  reine,  c'eft  qu'il  étoit  d'ufage  aux  filles  de  roi  de  le 
prendre ,  quoiqu'elles  ne  le  fuflTent  pas  en  effet.  Rfgina  è 
Ijuilfusdam  dicebatur ,  quia  filia  régis  erat,  EUe  étoit  tante 
de  Ferrand  de  Portugal  ii  qui  cUe  fit  époufer  daas  la  fui» 
Jeanne  de  Conftantinople ,  comteffe  de  Flandre.  Mathilde, 
dans  fa  vieiUeffe,  avoit  une  croyance  aveugle  aux  fonflè- 
ges  Ôc  à  la  divination.  Elle  fut  curieufe  d'apprendre  qud 
feroit  le  fort  de  Ferrand  dans  une  guerre  qu'il  entreprenoir 
contre  la  France.  Celui  qu'elle  confulta  répondit  :  ^ugna- 
hitur  6P  in  ipfd  pugnd ,  rex  proftern^eîur  in  terram  &  equo» 
rum  pédihus  conculcahitur  ^  carehit  fepulturd,  Fcrranduit 
pofl  vi8oriam  ,  cum  maxîmd  pompd  4  Parifiis  rccipietur. 
La  fuite  nous  a^pre^to  ce  qu'il  f^Uoit,  pcnfcr  de  ccttt 
réponfe  fingulière. 


5'  À    L    s    À    C 


E. 


40 


lippe  fat  en,  qualité  de  conte  d'Aloll  feîdt  &  re- 
ceu  par  révefque,  prévoft,  doyen  &  chapitre 
de  Cambray,  pour  gardien,  proteftèur,  &  dé- 
fcnfcur  perpétuel  de  Téglife  de  Cambray,  leF- 
quels  à  cefte  occaCon  luy  donnèrent,  &  à  fes 
uicceflcurs , contes  d*Aloft,àperpiétUité,  leGaVê- 
ne  Ça)  de  Cambrefis,  qui  conlîlte  en  un  droîift 
de  certaine  quantité  de  grains,  qiiê  le  gardien 
liève  fur  les  charrues  &  tnanouvriers  de  Càmbrè- 
ifis  :  fi  comme  de  chafcutte  charrue,  deux  faïuys 
de  frument ,  &  demy-mlly  d'iivoîné,  &  de  chaf- 
cun  manouvrier  quy  n*a  point  dé  terre  à  Tabou- 
rer ,  un  mencault  de  fhinieitt ,  &  iih  mencàiiît 
d'avoine,  le  tout  mefute  de  Cambray  (4).  Suy- 
vant  quoy,  le  conte  Philippe  fît  ferment  fur  les 
Evangiles  de  Dieu,  &  les  fïlinftés  reliques  illec 
préfentes ,  d'obferver  ce  que  s'enfuyt.  PremîerSj 


î-e  corne 
Philippe, 
en  qualité 
de  conte 
d'Aloft,  re- 
ceu  pour 
gardien  dé' 
Tégllfe  dé 
Cambray. 

La  Gavent 
de  Cambre* 
fis ,  6i  en 
quoy  eUc 
Coùflflè: 


(<j)  Cavenne ,  ou  Gavé ,  âroU 
de  proUBim ,  qui  fc  paye  à 
quelque  prince  ou  fcigneur  , 


pour  avoir  ïeur-âéfehfi  en 
*ttms  de  guerre. 


(4)  Voici  une  énumération  plus  exa<fte  des  droits  attachés 
\  la  protedion  que  les  comtes  de  Flandre  âccôrdôîeîit  k 
Téglife  de  Cambrai.  Elle  eft  tirée  d'une  diartrê  dé  Mar- 
guerite d*Airacfc  &  de  Baudoin,  fod  épbiix  ,  coneeniâiit 
le  même  droit  de  Gtvemie  à  Tégird  de  Is  même  églife  de 
Cambrai  :  Hac  eft  autem  coîîi^endi  Gavalli  fucnfitra  & 
or  do.  Car  rue  a  débet  darc  dîmidîum  modium  frument  i  ^ 
àimtdium  avefut»  Mànil  opetatàir  qui  Èérfam  cuî'tivam  non 
hahet ,  dehet  ttnum  menedldutii  frkmenti  9  nhuk  antlûie  ad 
menfaram  cameracenfem ,  Cameràciqué  Jhum  ienïntvr  trem- 
fortare  Oavalium  ad  loctm  eis  pioduêuri  pof  Vi^lfte  cêi- 
leSas,  Nofiri  fervientes  fUhmoneèint  mioifiYoi  ecdffiarém'  9i 
înfrà  quindecim  dits  pofi  fîtèmonitionem  eortim  paratêm  fit 
Gavaîlum  ;  quod  fi  poft  quindecim  dits  non  fuerit  folutum^ 
à  dâbitoribus  ecclefiarum ,  auSoritate  cogetur  folvi  cum  pa-  • 
nd  deiiSi  coopérante  iicfird' potefiate.  La  chartre  dont  cet 
extrait  eft  tiré  eft  de  Tannée  Iip2. 


Manufc.  dé 
Mr.  Ge* 
rard* 


4^8 


Philippe 


Sermenviu 
conte  Phi- 
lippe ♦  ef- 
ttnt  rcccu 

Sour  guar- 
ien  oc 
l'égUfc  de 
Cambray. 


Uan  I189. 


que  de  tout  fon  povoîr  it  garderoit  &  comrf 
tous  les  perfonnes  ^&  ferviteurs  des  églifes  de 
Cambray  &  de  Cambrefis,  citants  foubs  fa  gar- 
de, enfemble  leurs  biens  &  poflellions,  fy  avant 
toutesfois ,  qu'ils  fuflent  moleftez  ou  fouliez  în- 
juftement.  Qu'il  ne  tranfporteroit  le  bdnéâce  du 
Gavene  à  autre  qu'à  l'hoir  légitime  de  Flandre, 
Qu'es  terres  de  l'évefque  de  Cambray  &  celles 
du  dommaine  des  églifes,  ny  es  fiefs  d'iceluy,  H 
ny  fes  fuccefleurs  ,  ne  prendront  ny  lèveront 
point  de  Gavene,  faulf  que  fy  aucunes  terres, 
qui  auparavant  devoyent  Gavene ,  alloyeat  de 
main  à  autre ,  ou  par  achapt  ou  autrement ,  que 
lors  elles  feroyent  tenues  au  payement  dudid 
Gavene ,  comme  devant.  Qu'il  ne  donneroit  à 
aucun  feigneur  la  rècepte  du  Gavene ,  ny  à  autre 
perfonne  ,  en  fief,  laquelle  n'exerceroit  jullice 
ny  feigneuric  es  villes  des  églifes,  s'il  n'en  eftoit 
requis.  Que  s'il  faifoit  aucune  exécution  ou  ju- 
ftice  'fur  aucuns  malfaîfteurs ,  il  referveroit  en- 
tièrement aux  feigneurs ,  aufquels  les  V^ilIes 
appartiendroycnt ,  les  peines  &  amendes  deus  à 
raifon  du  malfaid,  foy  contentant  pour  tout 
droift  du  Gavene  tant  feulement.  Qu'il  ne  don- 
neroit confort,  ayde  ny  faveur  à  aucuns  malfaic- 
teurs  fubjefts  des  églifes  ,  s'ils  retournoyent  i 
luy  à  refuge  contre  lefdiéles  églifes.  Qu'U  feroit 
eueillir  le  Gavene  en  la  manière  accouftuméc,  & 
comme  cy-deflus  cft  reprins,  chafcun  an  incon- 
tinent après  rAougft.  Dont  furent  defpêchées 
lettres  en  date  de  l'an  mil  cent  quatre-vingt-neuf, 
fcellées  des  féaux  de  l'égKfe  de  noftre  Dame  de 
Cambray,  dudiA  Philippe,  conte  de  Flandre  & 
de  Vermandois ,  &  de  madame  Méhault,  roync 
de  Portugal,  fa  femme. 


D'  A    L    s    A    C    E.  46p 

CHAPITRE      LXXXVIL 

Comment  le  conte  Philippe  envoya  vingt  &  fept 
navires  de  Flandre  à  la  conquefte  de  la  terte 
fatnSte^  Q^des  exploi&s  que  lef^&s  navires  fifrent 
en  Hijpaigne  contre  les  Sarrafins  ;  enfemble  com^ 
ment  le  conte  Philippe  alla  par  terre  avec  grande 
puijfance  ^  ladiSfe  conquejie^  fif  dutrefpas  du" 
di£t  conte  Philippe^  qui  mourut  devant  Afcalon. 

EN  l'an  mil  cent  quatre-vîngts-dîx ,  le  conte  L'an  1190, 
Philippe  de  Flandre  mit  en  très-bel  équipa- 
ge vingt  &  fept  navires ,  pour  envoyer  à  la  con- 
quefte  de  la  fainfte  cité  de  Hiérufalcm ,  qu'en  Tan 
mil  cent  quatre-vingts-fept  Salhadin  ,  roy  des 
Turcs  &  des  Sarrafins,  avoit  prinfe  &  forti- 
fiée (i),  ^u  grand  fcandale  &  opprobre  des  prin- 
ces de  la  chreftienté ,  &  conftitua  fur  lefdifts 
navireâ,  pour  chef  &  capitaine-général,  Jacques 
d'Avefnes,  duquel  nous  avons  parlé  cy-deflus, 
&  lequel  s'cftoit  réconcilié  &  remis  en  grâce  du 
contç  Baudonyn  de  Hainault  ^  fon  prince  &  fei- 
gneur*  naturel.  Lefquelles  navires  de  Flandre, 
joinftes  à  cincquante  autres,  qu'au  fufdifl:  elfeft 
ceux  de  Frife  &  de  Hollande  avoyent  tnis  fus» 
arrivèrent  peu  après  en  Hifpaigne,  où  ils  prin- 
4rent  la  cité  de  Silvie,  avec  plufieurs  autres  que 


Le  conte 
envoyé  27, 
navkes  de* 
Flandre  ^ 
la  conquef 
te  de  la  ter- 
re fainfte. 


(i)  Lufignan,  roi  de  Jérufolem  ,  avoit  été  défait,  en 
1187.,  il  la  journée  de  Tibériade  par  Saladin,  &  cette  dé- 
faite avoit  entraîné  la  perte  de  Jérufalem.  Ces  malheurs 
Ct  les  revers  multipliés,  qu'éprouvoient  les  chrétiens  dans 
l'Afie,  déterminèrent  les  princes  de  l'Europe  à  repaflerdans 
la  Paleftine.  Ce  fut  l'empereur  Frédéric  qui  leur  donna 
'exemple.  11  y  mena  une  armée  de  150.  mille  hommes^* 
Mais  ce  prince ,  ayant  voulu ,  comme  Alexandre  le  Grand , 
fe  baigner  dans  le  Cydnus  ,  la  fraîcheur  des  eaux  de  ce 
fleuve  produifit  fur  lui  le  même  effet  que  fur  le  héros 
Kacédonien  ;  mais  il  n'eut  pas  ,  comme  lui ,  le  bonheur 
^^^chappçr  à  la  mort, 


w 


PHILIPPE 


EîcploiAs 
dcfdidsFla- 
incns  coi^- 
tre  les  Sar- 
Mns  en 
^fS^aigne. 


te  conte 
flippe 
mcine  au- 
tre, pviiflàn- 
cc  de  Siens 
par  terre* 
X  la  coi^- 
queftc   de 
Hît*rufa-  ' 


lors  nppertenoyent  aux  Sarrafins  (i>),^  &  eîcdai-t 
terent  les  plus  cruels  exploiôs  de  guerre,  dont 
on  ouyt  oncquçs  parler,  fa^s  efpargner  femmes ^i 
çnfans.  ny  à.  créature  vivante,  de  q^uelqu.e  qua- 
lité ou  cqnditipn  qu'elles  fnflent,  le  tout  en 
vengei^nçe  de  fenib)able  crua^gté,  qup  ledidl  Sal- 
Ijadin  avoit  aup.î{ravant  exercée  fur  Içs  chrelliens, 
quMl  trouva  aa  facq^  de  ladiél^  faînfte  cité  de 
Hiérufalcip.  Vers  laquelle  (après  avoir  party  & 
diflribué  .entr'eux  les  biens  &  riclieflcs  qu'ils 
avoyentî  trouv,é  aji^liiiftiQS  plftc^s  ,.  lefqiielles-  i\$ 
lailîfireqt  qu.  ppgyojr  du  yiceroy  de  Portujala 
commjs  par  la  royne  Méh^uU,  coAtelTe  de  Flan- 
dre) ils  s'acheminèrent,  où:  nous*  les  laifTeronSy 
pour  vpus  (Jécl^rer ,.  que  cependant ,  le  cont^ 
Philippe. faifoit  fenib}^blcn>ent  fes.  appreftes  pour 
fia  tiPouvet  qu  p^rfoniie  fi.  ljiç|i(5te  conqjuefte,  afr 
Cemblant  le  plus  4©  g^s  qu'il  luyeftoit.poflible, 
en  intention  de  le^.  con4uir£  par  terre  vers  la 
terre  fiiînftej  &  de  fiiifl,  après^yoir  IMflfô  le 
gouvernenoent  do  Fljindre  à  U  royne  Méhaqlt, 
fe  fenime  ,  (quielloit  un^  tr^^-fa^i^  &  vertueuft 
princefle.)  fiç  à  Ghepard ,.  pr4voft  4^  fainft  Donas 
&  chancelier  de  Flandre.,  ilife  retira  vers  Paris, 
pu  s'elloyent  aflembl^  ayx  njcfnies.fiqs  les  roy^ 
de  France  &d? Angleterre,  Eudps,.dMc  de  Bour- 


jkù.  im. 


(2")  Meyerus,  qui  dît  que  la  Flandre  avoit  fourni  37* 
navires  pqur  cette  cxp<îdition.,  la  pbico  en  1188.  &  con> 
féquemment  deux  ans  avant  le  départ  de  Philippe  d*Alf»ce^ 
Selon  le  même  hiftorien  ,  ce  fut  en  Afrique  qu*abord| 
cette  flotte ,  oCi  elle  s*empara  de  la  ville  de  Sylvii>e  qui 
fervoit  de  retraite  aux  Sarrafins  qui  delà,  infefteient  lés 
terres  d*£fpagne.  Interno  navigant  a  mari  in  Africam^ 
Sylvinam  regiam  Si^racenorum  urbcm^  ceperifnt  ,  propurtà 
pihà  quotidianii  iîli  tncurfiîfus  Hifpanias  in/kfiarent.  U 
parolt  cependant  qu*il  s*agit  ici  de  Silves^  Ssiva  ^  petite 
ville  de  Portugal ,  da^is  TAlgarve  ,  autrefois  épiûropale , 
mais  dont  Tévéch^^  a  (ft^^transfér^à  Fflio.  Elle  eil  fitute 
pr<is  de  la  mer. 


D^  a;  L    s    A    C    E. 


47* 


f;ongne,  Henry,  conte  de  Champagne,  Thibault, 

conte  de  Bloys ,  Florens,  conte  de  Hollande, 

rarchevefque  de  Rouen ,  les  évefques  de  BloyS 

&  de  Chartres ,  les  contes  de  Nevers ,  Beaumont , 

Clermont  &  plufieurs  autres  princes  de  France, 

Angleterre  &  autreplart.  Tous  lefquels  avoyent 

prins  la  croix  à  la  perfuafion  de  Parchevelque 

de  Tyrus  (^),  envoyé  vers  eux  en  ambaflade  de 

Ja  part  du  roy  de  Hîérufalenu  A  ta  perfuafion 

duquel    s'eftoit   à  Paris  tenu   un  concile ,  où 

s*avoît  conclu  &  confenty,  que  tous  ceux  quy 

n*entfeprendroyent  ladiâe  croix ,  payeroyent  le 

dîxîcfnre  de  tout  leur  revenu ,  tant  eccléfiaftiqucs 

que  féculîers ,  réfervé  feulement  les  Chartreux, 

les    Bernardins ,   &  les  malades  (s)»  &  ^^^  ce 

dixiefme  appelle  la  Saladine,  dont  vous  trouvères 

plus   ample  mention  par  les  chroniques  françoi^ 

îes.  Comme  auflî  d'autre  codé,  Tempereur  Frd- 

déricq   prînt   femblablemcnt  la  croix  ,  &  mena 

quant  &  luy  grande  quantité  de  prélats ,  princes 

&  nobles  de  fon  empire.  Tous  kfquels  tirèrent 

les  uns  par  mer ,  les  autres  par  terré ,  en  fy 

grofle  multitude,  qu'il  feroit  îrapoffible  le  vous 

réciter.  Il  fuffira  donc  vous  déclarer  que  le  cont^ 

Philippe  partit  par  terre,  &  parvint  finablement 

aux  Ytalies ,  aufquelles  il  hyberna  (A),  &  puis 

chemina  de  forte,  qu'il  arriva  en  Toft  que  les 

tfhreftiens  tenoyent  devant  la  cité  d'Afcalon ,  où 

n'eftoyent  encores  venues  les  forces  de  France, 


Cruciâte 
des  princet 
chrertiens 
pour  la  COQ» 
quelle  de 
Hiénifa- 
km. 


Du  dbdtC' 
me  qui  fut 
levé  en 
France,  ap- 
pelle la  Sa. 
ladinc. 


Le  conte 
Philippe 
vient  en 
Toil   des 
chreftiens 
quy  elloit 
devant  AP- 
calon. 


C*»)  7>^»  viffe  de  la  VaUfint.    Q")  Pcjfa  r hiver. 

(3)  L'auteur  entend  fans  doute  par-U  les  hôpitaux  des 
lépreux  qui,  comme  quelques  autres  »  ftirent  jugés  trop 
pauvres  pour  ne  pas  mériter  cette  exemption.  Quant  à  la 
dénomination  de  dîme  Saladine ,  elle  vient  de  ce  que  Sa* 
todin  ^toit  Iç  principal  cimcmi  que  Ton  alloit  combattre. 


^71  PHILIPPE 

ny  d*Anglctcrrc  (4).  Toutcsfoî*  elle»  zrrivaatt 
afTez  fort  après.  Q"^  '^^*  P*^  Tadvî*  de  tous  k( 
priricch  chrcflîens,  on  ordonna  que  le  Icndeniaïc 
on  livrcroit  TalTaut  â  lacfiétc  cité,  lequel  néaot- 
nioîns  fut  diffcré  à  un  autre  jour,  au  moyen 
deft  d(?bat.s  &  difFérents  qui  eftoycnt  entre  ks 
royn  de  France  &  d*Angletcrre  (5),  &  dont  on 
donnoit  grand  tort  audiét  roy  d'Angleurrre, 
lequel  furt  fufpecfé  d*avoir  jntelli;;encç  avec  Sal- 
halin,  &  que  Iciict  Salhatlin  Tavoît  gaîgné, 
nioy'/nnant  une  bonne  fomme  d^argcnt  qu*il  luy 
avoit  promife  Ç^Cj.  Non-obllant  quoy  fut  peu  de 

(4;  Philippe  <Hi>'\i  parti  au  moi»  d^Août  115)0.  Il  avoi^ 

tr;ivc;rC'  rAllc}na;;nc ,  où  il  avok  pris  en  pa/Tint  lé  nouvel 

cmptrcur  Henri    qui    aHoit  fc    faire  couronner  a  VfAnt. 

Vtxmûc  dei  croiié»  n^^ic  pai  devant  la  ville  d^ATeakm* 

maifi  devant  ceUe  4*Acon  •  autrement  appelle  Ptokisaidé 

ou  St,  Jv:<n  d*Ai'te. 

(/i>  Voji  i  tjucllc  fut  Poriginc  de  cette  divirian.  n  Om- 

Cbr'lnol  de     **  ^""^  '    Miahjuiii  de  M'/ntferrat ,  jouuit  un   principal  r(Ac 

rhill.dcVr.     >♦  d''"<  r^rnidc  de»  clirdtiena    d*<>rient  :  rabattement  dea 

tn*  ii5;i.        M  troupe-»  âprctf  là  défaite  de  Tibériade  n'avoit  rien  éimi' 

^  n  ic  de  fon  courage ,  (k  regardant  Çtû  de  Lufigoau  coop 

f9  me  d^i:hu  de  la  royauté  9  il  ^^étoït  fait  déclarer  rat  dt 

^  Jirufalem  ;   le  roi  de    France  avait    pris  (on  pattî«  ât 

"^  fflKichurd  par  conf^quent  celui  de  Liifignan;    le  duc  oa 

H  marquis  d'Autriche  ♦    re(h*    feul   k  la    t^ie  dci   troupei 

„  allemande»,  «'étoit  j'>int  i  Philippe- Augufte ,  fur  qud- 

^  qu'infulte  qu*il  prétendrait  avoir  reçu  de  Richard,  tou* 

ff  te»  cc^  dividon»  Ârent  perdre  de  vue  Pobjet  principal  de  la 

ff  croifadc  fie  df^truifirent  le  (ruk  qu'on  en  devoir  tirer, 

C6j  C:*e(l  h  ion  que  d'OudcghcrIl  fcmble   inculper  ici  h 
mémoire  de  Richard  (Cccur  de  Lion).  Il  ne  trahit  point 
ta  caufe  dea   chrétiena  ,  de   fe    conduifit  avec  auunt  de 
franchife  que  de  bravoure  dana  cette   guerre.  Refté  feut 
^^  en  Afie ,  apràn  la  retraite  du  roi  de  France ,  il  y  fit  des 

prodige»  de  valeur.  II  cft  vràl  qu'il»  rie  furent  titile»  qu'à 
fa  gloire  ,  fie  qu'il  ne  pur  rétablir  lea  aOàlrea  dci  chrétiesst 
malK  fa  loyauté  refta  fan»  tâche.  Il  paya  inéme  Ton  féjour 
en  Afic  de  la  perte  d'une  partie  de  la  Normandie ,  fit  eo 
revçniiit  dan»  ft»  état»,  il  fut  arrêté  en  trtverfant  l'Alle- 
Ti/i;;/vjsrle  mar^tji» d'Autriche,  qui  ne  pouvoit  lui  pardoiv 


> 


to*  A    L    s    A    C    E* 


473 


jours  après  libvré  Taflaut  à  ladifte  cité,  &  pourr 
luyvy  tant  vivement,  que  finablement, moyennant 
l^esfort  du  roy  Philippe  &  du  conte  de  Flandre 
bfliftez  des  autres  princes  chreftiens,  ladifte  cité 
fut  réduifte  foubs  leur  obéiflance,  fans  TaniftenT 
ce  du  roy  d'Angleterre,  lequel  cependant,  cQmme 
traiftre  &  enneray  fde  Dieu,  fe  tenoit  quoy  les 
bras  croyfçz  ,^  fans  fe  mpfler  dudiét  aflaut,  com- 
me fy  Taffaire  ne  luy  euft  aucunement  touché. 
Auquel  aflaut  mourut  le  conte  Florens  de  Hol- 
lande, &  Guillaume,  fon  fils  malfné,  quy  eftoit 
audift  (iège,  le  fit  enterrçr  en  Antioche.  Comme 
pareillement  trefpafla  un  peu  après  la  prinfe  de 
ladifte  cité,  Philippe (7),  conte  de  Flandre  &  de 
Vermandois,    d'une   maladie   qui   luy  print ,  à 


ATcûloQ 
réduiâe 
foubs  ^ 

robéiflknce 
des  chref*- 
tiens. 


Trefpas  du 
conte  Phi- 
lippe en  la 
conqueftc 
de  la  terre 
fainâe. 


ner  d'avoir  arraché  un  étendard  qu'il  avoit  arboré  au 
Cège  d'Acre  fur  le  haut  d'une  tour  ,  pour  y  planter  le 
lien.  Il  fut  vendu  à  l'empereur  Henri  VI.  ,  qui  le  retint 
prifonnier  pendant  15.  mois.  Le  refte  de  fa  vie  ne  fut  plus 
marquée  que  par  des  disgrâces ,  jufqii'à  Ce  qu'il  vint  cherche^ 
la  mon  fous  les  murs  de  Chalus,  petit  château  près  de  Limoges. 
(7)  Philippe  mourut  à  St.  Jean  d'Acre  le  i.  Juin  1191.» 
id'une  maladie  peftilentielle  qui  avoit  infecté  l'armée  des 
cliréticns.  EUe  fit  perdre  au  roi  de  France  les  ongles  flc 
les  cheveux  ,  &  dévora  en  peu  '  de  tems  un  très-grand 
nombre  de  victimes.  Une  autre  panicularité  du  fiège  d'Acre 
êft  l'aventure  tragique  de  la  dame  du  Fayel  auquel  il  donna 
îieu.  „  Le  firc  de  Couci ,  l'un  des  chevaliers  croifés,  ayant 
^  été  blcifé  à  mort  à  ce  fiège  ,  fe  reflTouvint  de  h  dame 
^  du  Faycl ,'  pour  laquelle  il  brùlolt  d'une  flamme  auflS 
^  pure  que  vive  &  confiante.  Il  chargea  fon  écuyer  de 
^  poner  fon  cœur  à  cette  dame.  Le  mari  jaloux  rencontre 
^  l'écuyer ,  le  fait  fouiller  &  fe  faifit  du  préfent.  U  fait 
^  aflaifonner  ce  cœur  comme  un  mets ,  &  ordonne  qu'on 
^  le  ferve  à  i^  femme.  Après  qu'elle  en  a  mangé  avec 
^  appétit ,  il  lui  révèle  cruellement  le  fccret.  La  malheu- 
^  reufe  dame  jura  qu'elle  ne  prcndroit  jamais  d'autre  ali- 
„  ment,  &  mourut  quelques  jours  après  d'inanition  & 
„  de  douleur.  „  Ce  trait ,  qui  caraftèrife  les  mœurs  de  ce 
tems ,  pi-ouve  que  les  chevaliers  croifés  favoient  allier  U 
jalant^;!^  k  la  dévotion. 


Etém.  de 
l'hift.deFr. 
t.  I. 


474  P    H    I    li    I    P    t>    E 

raifoH  des  travaux  &  pouvrctés  qu'il  avoît  cndo»- 
rées  audi(fl  fiàge,  &  fut  eilterré  en  Vm.  mil  cent 


En  finiflant  ce  qui  regarde  le  règne  de  Plillippe  d'AI- 
face,  qn'ij  nous  foit  permis  d'obferver  que  c'eft  à  lui  ÔC 
I  Ton  prédécefl^ar  qu*on  doit  la  création  des  corps  muni- 
cipaux ,  daiti  k  plupart  'dev  viHes  de  la  Flandre.  Ce  font 
fur-tout  ces  deux   princes  qui  appvouverent  leur»  ceuttf- 
mes  ou  qui  leur  en  prcfcrivirent  de  nouvelles.  ^  ^ow  eux; 
Mém.  de     **^  l'attrait  tou^pui(ïant  de  la  JUberié ,  les  vilk»  regor- 
l'Kad.  de       »  gèrent  d'habitans.  Une  foule  d'étrangers  y  reflua  de  toa- 
Brux.  ta,   '  „  tes  part*.  Ils  y  apportèrent  leur  induftrie  &  leur  conf- 
f*  665*  n  merce.  Tout  déploya  foff  aûivlté  ;^  &  Ik  Flandre  devint 

9t  dès^ors  un  des  états  les  i^Uis  florifltins  de  TEurope,  ^ 
C'eft  à  la  même  époque  qju'il  faut  rapporter  It s  privili- 
ges  accordés  à  ces  miinicipalités .  &  dont  les  peuples  abu^ 
ferent  quelquefois  depuis,  au  préjudice  du  repos  public. 
Nous  avons  parlé  dans  rintroduétiOn  des  ccrreins  mxre'* 
cageux  qui ,  fous  Philippe  d'Alface ,  avoient  été  converti», 
miprès  de  k  ville  d'Aire  ,  en  guérêts  feniles.  Cette  viUe 
dut  encore  à  ce  prince  un  bienfait  non  moins  précieux^ 
l'éreétion  d'une  commune  &  le  règlement  connu  fous  le 
Iç  titre  de  Lex  AmicitU ,  règlement  où  refpire  prefque  par- 
tout l'amour  de  la  bienfaifance  &  de  l'humanité.  Quoi  de 
plus  fage  que  le  premier  article  de  ce  règlement?  In  Jm!- 
citid  (  c'eft  le  nom  que  l'on  donnoit  k  la  commune  )  fi*nt 
duodecim  fcleSii  judicep  qui  fide  ^  juramtnto  firmavcrunt  ^ 
quoniam  in  judiciç  non  accipient  ptrfpnam  pauptrii  vel 
divitis ,  nobilis  vel  ignobilis ,  proximl  vel  cxtranei.  Omne$ 
autem  ad  Amîcitiam  pertinentes  vida ,  per  fidem  &  facra- 
tnentum  firéaverunt  ^  qttbd  unus  fubveniet  altcri  tamquam 
fratri  fuo ,  in  utili  &  honefto.  Par  l'article  d.  ,  s'il  arri- 
voit  qu'un  membre  .de  la  communauté  eût  perdu  quelque 
effet ,  le  prévôt  de  V  Amitié  Qprafedius  Amicitia  )  de  voit 
en  faire  la  recherche  pendant  un  jour  entier ,  itinerc  unius 
'diei  in  etfndo  &'  redeunda.  Nous  ne  pouvons  nous  refufcr 
au  plaifir  de  rapponcr  encore  l'article  14.  Si  alicui  domus 
fua  combufla  fuerit  ;  vel  aliqu/s  captus  ,  fe  redimendo  at- 
tenuatuifuerit  ^  unusquisque  paiipcrato  amicf)  nummumunum 
in  auxilium  dablt.  Un  règlement  qui  tend  à  unir  ainfi  tous 
les  citoyens  par  les  liens  de  la  bienfaifance  fufRt  pour  im- 
mortalifer  un  prince.  „  Si  ce  n'eft  pas  ici  k  république 
.,.,  ^  „  de  Platon  rèalifèe,  c'eft  bien  plus,  c'eft  le  pur  Evan- 
& Vuivf  »  Sile  mis  en  pratique  „  ,  ajoute  avec  raifon  Tauieur  dà 

jnèracirc  hiftorique  qui  nous  a  fotiml  ces  exUlOts, 


D»  A    L    »    A    C    E. 


.4» 


fil^uatce-vingtsrdoi]^  en  une  cbappelle  dcr  fiiînft 
Nicolas,  près  des  murs  de  ladiftè  cijé  dtAfcalon  j  ' 
taiais  depuis  madame  Méhault,  fil  femme,  fit  tranf- 
later  fon  corps  à  Ciervaùx.  Dieu  veuille  avoir 
pitié  de  fon  an^e;  car  c'eftoit  un  prince.  merveiU 
leufement  fage ,  &  lequel  conduifoit  tous  fos 
tiffaires  par  une  admirable  prudence  &  hardieife^ 
Incontinent  que  les  nouvelles  du  trefpas^  du  conte 
Philippe  furent  rapportées  en  Flandre,  Guillaume, 
archevefque  de  Rains,  lequel  en  abfence  du  roy 
de  France  goùvernoit  Iç  royaume ,  mit  en  fes 
mains  &  fayfit  au  prouffit  de  Louys^  fils  aifné 
du  roy  Philippe,  les  villes,  que  ledift  feu  conte 
avoit  donné  en  mariage  à  la  royne  Yfabeau  fa 
nîepce,  fi,  comme  Béthune ,  Arras,  Bapaumes, 
Aire,  Sainft  Omer,  Hefdin,  Lens,  &généraUe- 
ment  tout  ce  qui  efl  maintenant  de  la  conté 
4* Artois ,  pour  en  jouyr  par  lediét  Louys ,  fes 
Jioîrs  &  fuccefleurs  à  perpétuité,  félon  la  con- 
vention dudift  traiâé  de  mariage  j^.  doqt  nou$ 
^yops  çy-deflus  parlé. 


L*tii  iif^ 


Lepaîsque 
maintenant 
nous  appel- 
ions Artois, 
efcUffé  de 
Flandre,  & 
foubslepo- 
voirduroy 
de  France* 


fitt  du  tome  premier  y 


Taçle    dès     ar&umentz 

»  Des  chapitres  du  tome  premier  de  la 
CHRONIQUE    DE    FLANDRES. 

Cllapftrt  I.  Db  commencement  &  àethimologie  comprin- 
fe  êc  ftultres  chofes  mémorables  d«  Flandre.       Pag.  i 

Chap.  2.  Quand,  ^  à  la  prédication  de  qui  Fiafidre  ré- 
cent la  Foy  ca^olique  ?  6c  d*aulcuacs  églifes  qui  ao  com- 
mencement furent  illec  fondées.  i* 
,Çhap,  3.  De  la  venue  du  prince  Salvaert  au  païs  du  Bucq, 
de  la  4efconfiiure  d'iceluy,  &  de  la  cruaulté  de  Phi- 
naert.           -          '^          1                                           17 

Chap.  4.  De«  regretz  de  la  prlnCefle  Emergaert,  pour  Ii 
perte  dç  Salvaflrt  fon  mary,  du  reconfort  que  luy  fuft 
donné ,  &  â,cs  chofes  à  elle  miraculcufement  prédis  fur 
le  faiA  dc^  l'enfant  qu'elle  portoit.  21 

Chap»  5.  Dé  la  naiJTance,  baptefmc ,  &  merveillenfe  facfaon 
de  nourkure  4u  jeune  Lyderic ,  &  de  Temprifonnement 
de  la  pHnçoflfe  Emergaert  fa  mère.  27 

Chap.  6,  Dei  bonnes  meurs  &  condiçions  du  prince  Lyde- 
ric «  dl  fa  venue  pn  Angleterre  «  &  4^s  amours  d'iceluy 
avec  la  belle  Gracienne.  33 

Chap,  f.  De  la  venue  du  prince  Lyderic  en  la  ville  de  Soif- 
fon ,  &  des  accufations ,  qu'à  1»  charge  de  Phinaert,  prince 
du  Bucq ,  il  propofa  devant  Dagoben ,  roy  de  France.    4a 

Chap,  8.  Comment  le  roy  Dagobcrt  envoya  vers  Phinacrt  un 
hérauld,  pour  l'advenir  des  charges  que  le  prince  Lyderic 
luy  mcttoic  fus ,  ^  de  la  refponfe  dudit  Phlnaert.         49 

Chap,  9.  Comment  le  prince  Lyderic  vainquyt  &  occit  en 
camp  de  bataille  le  tyran  Phinaert,  en  préfence  du  roy 
Dagobert  &  d'aultres  princes  de  France.    -  54 

Chap,  10.  Comment  le  roy  Dagobert  tranfporta  les  biens  de 
Phinaert  au  prince  Lyderic ,  lequel  auffl  il  crée  premier 
forcftier  de  Flandre.  ^ 

Chap,  II.  Comment  Lyderic  eftant  à  la  chaffe,  trouva  la 
princefle  Rothildè ,  feur  du  roy  Dagobert ,  &  envoya  vers 
lediâ  Dagobert  pour  demander  en  mariage  ladiâe  prin- 
cefle &  d'aultres  fingularitez.  63 

Chap,  12.  Comment  Lyderic  fcit  trencher  la  tefte  k  foo 
filz  aifné,  &  de  la  mort  dudid  Lyderic  ;  de  l'héremitc 
fon  père  nouriffier;  de  madame  Rothildè  fa  femme,  & 
d'aultres  fingularitez.  72 

Chap,  13.  Comment  lesGoths,  Wandales  &  aultres  defcen- 
dirent  &  gaftcrent  le  paï;  de  Flandre.  Des  fucccfleur* 
^e  Lyderic  premier  de  ce  nom  »  enfemble  de   la  dive|w 


L'  I    N    D    I    C    É. 

fité    d^opinioDs-,    touchant  le   premier    forefticr    dudîrf 
Flandre.  -^-^ 

Chap,  14.  Comment  Lyderic  deuxiefme  de  ce  nom  leprint 
le  gouvernement  de  Flandre  ;  des  femmes  &  trefpas  d'ice- 
luy,  avec  aultres  chofes  mémorables.  83 

Cbap,  15.  De  Ingheiram  &  Andacer  foreUiers  de  Flandre; 
&  comment  ledid  Andacer  au  moyen, de  fa  loyaulté 
acquit  de  l'empereur  Louys  le  D<U3onaaire,  les  contés 
d'Arras  &  de  Boulongne.  90 

Chap,  15.^  Des  vertus  &  bonnes  conditions  de  Baudouyn 
Bras  de  Fer,  foreftier  de  Flandre.  Comment  il  emme- 
na &  fe  maria ,  fans  le  fceu  du  roy  Charles  le  Cîmul- 
ve ,  à  madame  Judith  fa  fille ,  «Je  de  la  guene  qu'à  ceC- 
te  occaûon  fourdit.  pj 

Cbap.  17.  Comment  Baudouyn  Bras  de  Fer  eut  une  mé- 
morable viâoire  contre  les  François,  &  après  icello 
fit  pendre  ea  haults  gibetz  fur  le  mont  faind  £loy  aul- 
cuns  àcs  principaulx  autheurs  de  la-  guerre  que  luy  me« 
noit  l'empereur  Charles.  ^         104 

Chap.  18.  Comment  un  évcfque  de  France  s'eftant  fuppofé 
le  nom  de  Louys  le  Bègue ,  defcendit  à  gf aftde  puiflance 
contre  Baudouyn  Bras  de  Fer,  lequeLle  vainquit,  print 
prifonnier ,  fit  foitter ,  pendre  &  eftranglef .  10^ 

Chap.  19.  Comment  Baudouyn  Bras  de  Fet,  &  madame 
Judith  fa  femme  fe  tranfponerent  vers  Rome  ,  pour 
eftre  abfouls  de  l'excommunicatitin^que  l'empereur  Char- 
les avoit  contre  eux  faid  fulminer,  &  comment  au 
moyen  des  l^atz  que  la  pape  Nicolas  envoya  à  ces 
fins  vers  ledid  empereur  Charles ,  ils  fufrent  réconci- 
liez-audid  empeteur.  ii.î 

Chap,  20.  Comment  l'empereur  Charles  le  Chaulve  eftant 
réconcilié  à  Baudouyn  Bras  de  Fer,  acreut  la  province, 
de  Flandre,  laquelle  il  érigeaft  en  conté,  &  d'aultrcs 
chofes  mémorables.  123 

Chap.  ai.  Comment  Baudouyn  Bras  de  Fer  &  madame  Ju- 
dith fa  femme  retournèrent  en  Flandre;  du  dégaft  que 
les  Normands  fifrent  audid  païs,  de  Tédification  d'aul^ 
cuns  chafteaux  contre  Pexcurfion  defdifts  Normands,  de 
la  fondation  d'aulcunes  églifes,  &  du  trefpas  dudid 
Baudouyn.  128 

Chap.  22.  Comment  Baudouyn,  deuxiefme  de  ce  nom, 
did  le  Chaulve ,  vint  au  gouvernement  de  Flandre ,  des 
femme  &  enfans  d'iceluy,  des  villes  fit  églifes  par  luy 
édifiées,   avec  autres   fingularitez;  &  comment  luy  cf. 

.  ta«  layc,  devint  abbé  de  faind  Bénin.  137 

Cbap.  23.  De  la  guerre  que  le  conte  Baudouyn  euft  contre 


Vi  N  b  i  c  Éi 

tierben  àt  Vcrtnandois,  de  la  perte  de  S.  Omet  de  Àî- 
ru,  da  recouvrement  defdiâef  villes  «  des  trefpas  dacbâ 
conte  ÔL  de  madame  fa  femme,  &  d^autres  chofes  mé- 
morables. 146 

Cbàp.  24.  Deradvéiiemeiitd*Aniould,  dia le  VieiUl^ la  con- 
té de  Flandre,  da  débat  qu*H  euft  contre  rempccenr 
Ocbon ,  &  comment  il  fît  réformer  &  réparer  plafieors 
cloiftresÀ  églifesi  avec  aultres  pardcularkez.  15a 

Cbap,  25.  Comment  Fifcord  après  avoir  receu  plufienrs  bé- 
néàces  du  conte  Amould ,  déceut  la  fille  maifnée  dodiâ 
conte ,  dont  vint  le  premier  conte  de  Ghifnes ,  &  dudéfef- 
poir  auquel  ledid  Fifcord  tomba  à  raifon  de  ce  mesÊiîd.  158 

Çhap.  a6.  Comment  le  conte  Afnould  de  Flandre  après  le 
trépas  d'Adolph  fon  frère ,  remit  l'abbaye  de  faint  Bénin , 
que  fes  prédéceiîeurs  avoyem  injûflement  ufurpée,  et 
mains  eccléliafUques ,  &  de  la  mort  du  duc  GuiUaome  de 
Normandie,  que  ledid  conte  Amould  fit  occire.  i6t 

Chap,  27,  Comment  le  conte  Amould,  dia  le  VkU,  6t 
évocquer  les  eftatz  de  Flandre  en  fa  ville  de  Gand,&  du 
confentemeat  d'iceulx,  tranfporta  la  conté  de  Flandre,  à 
fon  fils  Baudouyn ,  did  le  Jeune.  i60 

Cbap,  a8.  Comment  le  conte  Baudouyn ,  dia  le  Jeufnc , 
enfeigna  ceux  de  Flandre  contrader  par  forme  de  pcr- 
mumcion,  &  du  décès  dudia  conte  Baudouyn.  170 

Chap.  29.  Comment  Amould  ,  did  le  Vieil  ,  ayant  hiâ 
aifembler  les  eftatz  de  Flandre  en  la  ville  de  Gand, 
prtâiquoit  de  forte  qu*Arnould ,  dia  le  Jeuinc ,  fut  par 
lesdiaz  eftatz^  non-obftant  fa  minorité  receu  à  conte  de 
Flandre.  ^  174 

Cbûp,  30*  Comment  le  roy  Lofeire  de  France  ,  durant  Ur 
minorité  du  conte  Amould ,  dia  le  Jeune ,  prist  &  ré- 
duia  foubz  fon  obéiflance  ,  Arras ,  Douay  &  autres  vu- 
les  de  Flandre  galUcante.  .  179 

Cbap.  31.  Du  débat  que  le  conte  Arnoold  cn(l  contre 
ceux  de  faina  Bertin,  pour  le  faia  de  Calais  9  6l  des 
biens  que  ledia  conte  fit  aux  églifes  de  Flandre.        iZj 

Cbap.  32.  Comment  le  corne  Amould  de  Flandre  s'efiant 
aÛyé  au  duc  de  Brabant,  entra  à  la  requefte  dodiâ  èic 
au  païs  de  Hainault,  &  des  exploias  qp'il  y  fit.        i8S 

Cbap.  33.  L'autheur  rejeae  l'opinion  de  maiftre  NicoDc 
Gilles ,  cbronicqueur  françois  ,  touchant  la  deA;ènte  de 
Hue  Capet  en  Flandre ,  &  ce  par  les  moyen»  que  mra- 
verez  en  ce  difcours.  193 

Cbap.  34.  Comment  à  Tadvènement  de  Baudouyn  à  la 
belle  Barbe  ceux  de  Courtray  6c  autres  de  Flandre  re- 
belleront contre  luy^  lesquels  néantmoina  H  rédoiél  pt# 


LM    N    D    i    C    È. 

fuccellion  de  temp^  foubs  fon  obéiflance ,  &  de  la  terne 
qu'il  fit  drefler   en  la  ville  d'Arras  ,   pour   divertir  lo 
peuple  de  Flandre  de  l'opinion  conceue  de  la  (Urilité  - 
de  madame  Ognie,  fa  femme.  aoo 

Cbap,  35.  Comment  le  conte  Baudouyn  conquift  fur  l'em- 
pereur Henry  la  ville  de  Valenchienes  ,  en  l?iquelle  il 
ftit' depuis  affiégé  par  lediA  empereur,  Robert  Capet, 
roy  de  France,  &  Richard,  duc  de  Normandie,  de  de 
l'admirable  magnanimité  dont  lediâ  Baudouyn  ùia  en  It 
défenfe  de  ladiâe  ville.  207 

Chap»  36.  Comment  l'empereur  Henry  retourna  avec  gran- 
de puiflance  en  Flandre ,  print  le  chaftel  de  Gand ,  & 
puis  fe  retira  en  fes  païs  ,  où  le  conte  Baudouyn  luy 
envoya  ambafladeurs  pour  paix  ,  luy  reftituant  la  ville 
de  Valencienes,  &  comment  ladiôe  ville  fut  rcmife  èf 
mainifit  dudid  Baudouyn,  lequel  devint  homme  féodal  de 
l'empire ,  à  caufe  des  yfles  de  Zélande ,  que  lediâ  em- 
pereur luy  donna ,  avec  autres  (îngularitez.  2216 

Cbap.  .37.  Comment  Baudouyn  à  la  belle  Barbe  pradiqoa 
le  mariage  de  madame  Adèle  de  France  avec  Baudouya 
de  Lille,  fon  fils,  lequel  depuis  fut  rdgent  de  France, 
&  du  trefpas  dudiét  Baudouyn  à  la  belle' Barbe,       221 

(^En  ce  lieu  d'Oudcgherft  a  aUéri  Vordre  des  chapitres  en 
comptant  le  chap,  39,  immédiatement  après  le  chap.  37.  ) 

Chap,  39.  Comment  &  pourquoy  le  conte  Baudouyn  Ih 
guerre  à  l'empereur  Henry,  fur  lequel  il  prend  la  conté 
d'Aloft ,  &  de  la  paix  qu'à  fon  grand  avantage  ledit 
Baudouyn  fit  avec  le  fufdid  empereur.  -si? 

Chap,  40.  De  la  cjonquefte  de  Hainault  faiiîle  par  le  conte 
de  Flandre ,  enfemble  des  guerres  qu'il  euft  contre  ceux 
de  Brabant ,  &  contre  l'empereur  Henry  ,  &  de  la  fin 
desdides  guerres,  23S 

Chap,  41  Comment  le  conte  de  Flandre  fe  traufporta  ii 
Toumay  pour  illec  faire  recevoir  Baudoyyn  de  Mons» 
fon  fils ,  pour  conte  &  feigneur,  Ôc  comment  ledift  conte 
de  Flandre  fut  itérativcment ,  à  caufe  de  madame  Adèle, 
fa  femme,  créé  tuteur  &  régent  de  France,  243 

Chap.  42.  Comment  le  conte  de  Flandre  donne  en  mariage 
madame  Méhault,  fa  fille,  au  duc  de  Normandie,  le- 
quel il  affifte  à  conquerrer  le  royaulpie  d'Angleterre,  5c 
d'autres  chofes  fingulières.'  245 

Chap,  43.  De  h  grande  pefte  qui  au  temps  du  conte  Bau- 
douyn régna  en  la  ville  de  Gand;  d'aucuns  monaftèrcs 
&  églifes  par  luy  édifiées,  &  d'autres  parti cularitez, 
enfemble  du  trefpas  dudiA  conte  Baudouyn.  250 

Chap,  44.  Comnïe^t  la  contefle  Richildc  fit  ci)  faveur  de 


LW   N   D   I   c   e; 

BauàouyiT  de  Moni'  renoncer  fes  enfans  du  premier  lîâ 
k  la  conté  de  Hainauli,  laquelle  depuis  a  tousjours  ju«- 
ques  à  ce  temps  fuccédé  aux  enfans  de  Flandre ,  âc  de» 
vertui  6c  bonnes  conditions  dudiét  Baudouyn  de  Mons.  as^ 

Chap»  45.  Comment  le  conte  BaUdouyn  édifia  6t  privilé- 
gia la  Ville  de  Grantmont,  St  d'aucuns  mônaftèrc»  »  en 
{oit  temps  con(lrui(fks  en  Fldncirc  ,  avec  autres  finga- 
laritez.  263 

Cfutp.  46.  Comment  les  contes  de  Flandre  ont  plufieurs 
futhoritez  &  prééminences  en  Flandre,  que  les  auirej 
pairs  de  France  n'ont  en  leurs  pairries ,  &  de  la  raifon 
dcsdiftes  prééminences  ,  enfemble    du  trefpas   de  Bau- 

.   douyn  de  Mons.      .     '  263 

Cbap,  47.^  Des  troubles  que  Robert  le  Frifon  fufcita  en 
Flandre  ♦  &  comment  finabieniçnt  ayant  efté  dcflaid  par 
le  duc  de  brabfit,  il  fc  retira   en  Çaxe.  2;^) 

Chap,  48.  Comment  la  conteHc  Ricliildc  emprini  le  gou- 
vernement de  Flandre  ,  &  des  grandes  tyrannies  qu< 
par  le  confcil  des  feigrtcurs  de  Couchy  &  de  Mailly, 
elle  excrcea  audi<ïl  païs.  283 

Chah.  49.  Comment  Robert  le  Frifon  h  la  requefte  des 
edafs  du  païs  vint  à  gr  mde  puilTance  en  Flandre ,  où  il 
fut  en  pluficurs  lieux  bien  receu ,  &  comment  la  con- 
teHc  Rjchllde  alla  pour  fccours  vers  France ,  avec  autres 
particularitez.  aas 

Chap,  50»  Comment  le  roy  Philippe  de  France  defccndit 
avec  mervellleufe  puiffanCe  au  païs  de  Flandre ,  au  fc- 
cours de  la  conteffe  Richilde  6c  de  rencouragcment  qua 
Robert  le  Frifon  donne  aux  Flamens.  %^ 

Chap*  .^i.  De  fa  cruelle  bataille  des  Flamens  foubs  U 
conduiae  de  Robert  le  Frifon  ,*  contre  la  merveilleufc 
puiflance  des  François,  près  la  ville  de  Cartel ,  &  U 
Ja  glorieufe  viftoire  que  Xaàïà  Rotert  le  Frifon  obtint 
fur  lesdids  François.  ay^ç 

thap,  f)2.  Comment  Robert  le  Frifon  fut  réceu  après  û 
fusdiae  viaoire  pour  conte  de  Flandre,  &  de  la  fépul- 
ture  qu'il  rit  faire  au  conte  Arnould  le  Simple.         301 

Chap,  53»  De  l'eftrange  adventure  .qui  advint  près  Coo^ 
longue  aux  ambaifadeurs  de  Robert  le  Frifon  ;  de  la 
dèfcente  du  roy  de  France  au  païs  de  Flandre ,  fie  com- 
ment Robert  le  Frifon  conftraindit  Baudouyn  de  Hai* 
nault  renoncer  h  la  conté  de  Flandre.  y>z 

Chap,  54.  Comment  Robert  le  Frifon  eftant  devenu  paifi. 
ble  conte  de  Flandre.,  fit  paix  avec  le  roy  de  France, 
éc  du  voyage  qu'il  fit  vers  Hlérufalem,  avec  autres  choe 
ftri  adtpirables.  310 

Chap, 


VI   N   D   I   C   E. 

CBap*  55.  C<Mniiiettc  après  It  mon  du  dvc  de  Bcabflvtj 
Robert  le  Frifon  relUtua  Tliiéry,  fou  bea«-filt ,  en  li| 
conté  de  HoUftnâe,  flc  comment  lediâ  Robert ,  s*app«« 
reillant  pour  mener  guerre  contre  Angleterre ,  pour  ce 
quVm  Itoy  reAifolt  b  praôpn  des  ttt>is  cens  marcs  pac 
an ,  monrut  en  fa  naiû^  de  Winendale.  3ii| 

Cbap.  56.  Comment  Robert  le  Jeune  cafla  pour  Iny  d( 
fes  fi^cefleurs  la  coulhune ,  par  laquelle  les  contes  d^ 
Flandre  (Uccédbyent  aux  biens  meubles  des  gens  d*églife» 
de  de  plufieurs  fondations  qu*il  fit,  6c  comment  i)  cr^ 
le  prévoft  de  fainâ  Dônas  à  Bruges  »  chancelier  perp^-» 
tuel  de  Flandre.  317 

CbMp.  57.  De  l^îtaditution  d^aucnns  ordres  au  temps  di| 
conie  Robert ,  &  des  chofes  miraculeufes  6c  prodigieu* 
les  qui  au  mefme  temps  adrindrent  fiu  paî^  de  Flandre.  323 

Chap.  58.  De  la  première  cructilte  contré  les  TUtcs  6ç 
infidèles,  qui  fut  publiée  au  concile  de  Clermont,  dç 
comment  le  conte  Robert  de  Flabdri»  alla  avec  pluûeurs 
autres  princes  à  là  eon^uefte  de  Ta  tert«  ffdnae;  de  \% 
pYinfe  de  la  cité  de  ifiérUfalem  ;  éh  trefpas  dudiâ^ 
conte  Robert,  dt  d^autres  cbol^  mémorables.  329 

Cbap.  59.  Comment  Baudouyn  Hapkin  print  fc  femme  ma^ 

'  dame  Agnès  de  Bretaigne  ,   laquelle  à  raifbn  de  leur 

proximité  de   ftng  luy  connut  dékiflbir  »  avec  autres 

choies  itiétoorabléB.  337 

i^Hip.  60.  Comment  Baudouyn  Hapkin  au  commencement 
de  fott  gouvernement  fie  aflëmbler  les  eftats  de  Flandre» 
pour  advifer  an  moyen  que  convicndroit  tenir  pour  gon* 
vemer  le  pfâs  en  union  6c  traàquillité ,  6c  de  la  paix 
publique,  quMl  it  publiée;  enfemble  de  la  rigoureufo 
.  exécution  faiâe  fut  aucuns  feigneurs  contrevenants  à 
ladiae  paix.  339 

Cb)gp,  61.  Déduâion  de  la  aaatfba  âc  généalogie  des  conte^ 
de  St.  Foi  6c  de  Luxembourch.  34<$ 

Cbap*  6t.  Compent  le  tpnte  Baudouyn  entra  avec  puif* 
fancc  en  la  Normandie  »  dont  il  téi^t  bonne  partie 
ibubs  robéliimce  du  duc  Cuâlaume  ;  comment  ayan^ 
efté  bleifé  par  les  Anglois  en  une  eibarmonce ,  il  mon* 
rut  encores  jeune  à  RoulerSr  ^i^  350 

Chap.  6s.  De  Tadvènement  de  Charles  de  Denjcmarque  k 
li  coi^  de  Flandre  ,  6c  du  commencement  des  chev^ 
lie»  de  fsio*  jciian  »  des  Templiers  6c  deç  Prépjon» 
(trez.  p$ 

Chap.  ^4.  Dos  vertueufes  ordonnances  du  bon  conte  Cnar- 
les  t  ^  comment  au  moyen  de  la  douagière  iH^Flan* 
dre  f  qui  vouloit  avance  Guillaume  de  t^  |  la  $^i^xà 


X'  I   N   D    I    C   B. 

àviâîêi  Flandre  ,  U  eud  plufienn  hùxtitÊ  avant   eflr» 
paifiblç  dudia  pnïs.  35^ 

Ci&<i[^.  65.  De  la  glande  famine  qui  an  temps  du  bon  cok 
Ghatles  fùft  en  Flandre  ^  ^  aux  païs  drcumvoifins,  d 
dea  grands  dcvKfite  ausquela  lediô  conte  pour  obvier  à 
Hdiâe  fkmine  fe  mit  ;  enfemble  dea  canfes  de  la  coa^- 
ration  de  ceux  de .  Vande  Straten  contre  iceloy  boo 
conte.    ^  36* 

Cbap.  66.  De  Tabhominable  trabifon  que  ceux  de  Vaade 
Straten  commifrcnt  co^itre  le  bon  conte  Cbarlea  9  qulb 
meurdrirent  en  Téglife  de  St.  Donas ,  de  d^ausrea  cbolèi 
mémorables.  •  367 

Cbap.  67.  Comment,  Servas  de  Praet  es,  autres  Vindrent  e« 
diligence  vers  Bruges  9  pour  venger  la  mort  dudiâ  bon 
conte  Charles  ;  de  remprifonnement  des  complices  d*ice- 
luy  meurtre  ;  d^s  miracles  que  Dieu  numifefta  en  ûtvcar 
dudiâ  bon  conte ,  $  d*autres  chofes  ménM>rablec.       372 

Chap.  68.  Comment  l4|-roy  de  France  fit  exécuter  par  di- 
vers lUpplic^  les  ftifdiâs  Qonfpiraceurs,  desquels  toutes 
les  famillfs  A  ally^  ^rcQl  bannis  ,  qui  fe  retirèrent 
en  une  yflç  d*Hyberg|e  «  nmmé  Gherma  »  avec  autres 
iingularitez.  .  377 

Cbap.  69.  Comment  plufi^urs  princes  caUengereot  k  conté 

.  de  Flandre ,  JaquéUe  épaUement,  contre  droid  flc  rai- 
fon ,  fot  par  le  roy  de  France  adjugée  k  Guillaume  de 
Normandie^  37^ 

Cbap.  70.  Commçnt  Guillaume  de  Normandie  fe  fit  au 
moyen  de  Taffiftence  du  roy  de  France,  recevoir  en 
pluûeurs  lieux  par  force ,  pour  conte  deiPlandre,  donc 
iinablément  il  devint  payfible  après  la  bataille  qu*il  euft 
devant  Ypre  contre  Gùiltawne  de  LA,  385 

Cbap.  71.  Des  exaâions  ôc  cruautés  du  conte  Gnfflaume, 
après  qu'il  fut  devenu  fdgneur  paifible.  de  Flandre,  et 
comment  ceux  de  Lille  rebellèrent  contre  luy«  386 

Cbap.  7^  Comment  ceux  de  Flandre  manderait  à  leK 
fecours  Thièry  d'Elikte  contre  leur  conte  Gtdnaume,  & 
du  divers  événement  de  la  guerre  dejftUéks  Tbièry  de  Qiil- 
laume ,  enfemble  de' la  mort  dudid  Guillaume.  389 

'  Cbap.  73.  Comment  le  conte  Thiéry  fîlt  receu  pour  fci- 
gneur  de  Flandre,  &  du  Mn€t  Sang  qàli  nppom 
d^ontif  mer,  &  donna  à  la  ville  de  Bruge»;  ei^hnble  de 
la  fondation  d^ucuns  monaftèiea  avec  -autres  ebofes  mé» 
iporables*  395 

Cbap.  74.  Comment  le  conte  Thiéry  chàflTa  du  pals  de  Flan- 
dre Gilillaume  de  Loo ,  quiprétendoit  droiâ  audiâ  Flandre, 
le  fit  fon  premier  voyage  pott^  la  conqueft«  de  la  teirt 


VI   N   D   l  C   t. 

fidnâe»  M^emble  d«  commeÉcemeiic  dea  î"gHinf  ft 
Blaumotins  aa  Weftquanier  de  Flandre.  398 

Cèap.  75.  Commtiit  le  conte  Tfaiéryentiepientfesde«xkfint 
ai  troifièBie  voyages  vers  la  terre  fainde  ;  de  la  vidoire 
qa*il  obtient  contre  ks  Hennuyers,  Li^;ois,  &  Nadia* 
rois»  enfemble  du  mariage  de  madame  YTabea»  de*  Ver« 
mandois  avec  Philif^  de  Flandre»  ao^el  le4ift  Thiéry 
réûgne  la  conté  dndîd  Flandre.  402 

Ché^.  76.  Comment  Phili]^  de  Flandre  purgea  la  mer  jdet 
pyrates  hollandois,  ôc  a^cqua  le  terroir  de  Waft  ji  la 
conté  de  Flandre,  ôc  de  la  belle  viâoire,qiie  le  conte 
Thiéry  &  Baudouyn  de  Hiénifalem  eoient  contre  lea  infi- 
dèles; du  raviflemtut  de  Marie  de  Boulongne  âû^pai 
Mahieu  de  Flandre,  Ce  de  pluûeqrs  cbofes  prodiglotfrcs 
advenues  en  Flandre.  .  408 

Cba^  77.  Du  quatricfme  voyage  du  conte  Thiéry  vers  U 

^  terre  fainéte,  &  comment  àfon  retour  il  feif lira  pour 
le  demeurant  de  fa  vie  au  monaftèrede  Watenes^  de  la 
viétoire  des  FUmens  contre  les  Hollandois,  &  du  qiémo^ 
rable  traiâé  de  paix ,  faia  entre  kfdiâs  dç  Flandce  ^  de 
Holhmde ,  en  la  ville  de  Bruges.  414 

Cbap*  78.  Comment  le  conte  Thiéry  fit  appeller  avant  mou. 
rir  Tes  enfans  au  moiial^ère  de  Watenes,  ôc  des  fainâes 
temonftraiices  qu*il  leur  fit ,  ôc  du  trefpas  dudid  Thîéiy.  4fta 

Cbap.  79*  Gomment  le  conte  Philippe  parla  trois  jouis  après 
ia  ntiflaQcefitd^aucuns  privilèges  quil  donna  aux  villes  de 
Flandre.  4&5 

Cbap.  80.  Comment  t*emporcar  frédéric  vint  en  la  ville  de 
Quefnoy  aux  noces  du  conte  de  Hainault  ôc  de  madame 
Marguerite  de  Flandre,  &  comment  Mahieu  de  Flandre 
renvoya  madame  Marie  à  fon  abbaye»  dont  il  Tavoie 
ravie.  434 

Cbap.  81.  Comment  le  conte  Philippe  entreprend  pour  la 
première  fois  la  conquefte  de  laterrefainae,&  des  armes 
que  chevalcrcufement  il  gaigna  Air  le  roy  d*Albenie,  dont 
les  contes  de  Flandre  laiflant  les  anchiènes  ufent  encoures 
pour  le  préfent,  avec  autres  chofes  mémorables.         438 

Cbap.  8a.  Comment  le  conte  Philippe ,  I  fon^retour  de  la 
terre  fainâe ,  pratiqua  rappoinâementd^entre  les  marchanda 
de  Flandre,  fie  de  Coulongne,  &  du  mariage  de  madame 
YTabeau  de  Hainault  niepfe  dudiâ  conte  Philippe  avec  le 
roy  de  France;  enfemble  des  terres  qu*en  avancement 
dudiâ  mariage ,  lediâ  conte  Philippe  donna  avec  fadiâe 
niepfe.  V  444 

Chap.  83*  Comment  deux  diverfes  fois  le  conte  Philippe  en- 
tra avec  puilTance  au  royaume  de  Frapce  9  C(  de  la  paix 


L'  I    N    D    I    C    E. 

4ai  Ce  fit  par  te  lAoffB  âa  Ugit  d«  KoÊoe  entre  FUnâtek 

ledia  France.  45» 

*ehap.  S4.  Commenc  le  oonte  Philippe  viit  k  granck  magu- 

licence  en  ]$  ville  de  Mayenct  vers  Temperetir  Frédéric; 

d'ancuni  héréditues  qui  forent  piurie  ei)  la  vifle  d*Ams, 

tE,  comment  le  trou  du  Dam  f«c,par  le  moyen  d'uncyco 

qu*en  y  jeébi*  miracuieitfemeab  reftoappé.  455 

Cbap'  85.  De  la  guerre  que  If  «eonte  de  Flandre  renompeOa 

contre  France,  à  raifon  que^»  Roy  anrolt  répudié  fa  ta- 

'  me ,  qui  efti^t  nièce  dod^cMie^  Flandre ,  ôc  comment 

le  mefme  conte  de  Flandre  fit  fnerre  «n  conte  de  Haioatilt, 

^  de  la  paix  qui  fé  fit  ennr*eux.  459 

Çbffp. dô.  Comment  le  eohte  deFhmdre  envoya  fes  amlMT- 

flideura  vers  Portugal  demander  en  mariage  rinfantedndiâ 

Portugal ,  laquelle  en  fon  chemin  pour  Flandre  fiit  defiroof- 

féf  fur  la  mer ,  &  de  l'exécution  que  le  conte  fit  fidre 

dtfdiéts  defthïufl^rs;  enftmble  comment  lediâ  conte  fiic 

éréé  gai>dien  de  Téglife  ût  Cambny.  4^3 

Ch^.  S7.  Comment  le  conte  Philippe  envoya  vingt  St»  fcpt 

-  navires  de  Flandre  à  la  tonquefte  de  la  terre  rainâe,éc des 

exploias  que  lefdifts  navires  filVent  en  Hifpaigne  comrc 

les  Bârréfms  ;  enfcmble  comment  le  conte  Philippe  alla  par 

terre  avec  grande  puiiHincé  à  ladifte  conquefte ,  de  dQ 

iré^pfts'dudia  conte  Philippe,'  qui  mourut  devant  AT- 

i:alott.  46} 


Fin  de  h  fablô  du  p^me  fremkr^ 


SS 


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AUG   2  9  1945