This is a digital copy of a book that was preserved for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's books discoverable online.
It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that 's often difficult to discover.
Marks, notations and other marginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book' s long journey from the
publisher to a library and finally to y ou.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prevent abuse by commercial parties, including placing technical restrictions on automated querying.
We also ask that y ou:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain from automated querying Do not send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a large amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attribution The Google "watermark" you see on each file is essential for informing people about this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are responsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countries. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can't offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
any where in the world. Copyright infringement liability can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps readers
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full text of this book on the web
at|http : //books . google . corn/
B
3 T72 M6M
■^^^h^
fli-:>.
v.'-:
p^'
f^Jil«JV
:W^K
ï
i
Digitized
byGoogk
[
Digitized by
Google j
Digitized
byGoogk
ANNALES
VB LA
PROPAGATION DE LA FOL
Digitized
edby Google
^ve€ approbation des Supérieurs.
Digitized by VjOOQ IC
ANNALES
DE LA
PROPAGATION DE LA FOI
RECUEIL PÉRIODIQUE
MM LBTTlBf DU irftQUBB Vf OBS «NlOlIRAniBB
•M MUtHmS BBS DBI7X MOU DES , BT DB TOUS U8 DOCDIIBHTS
«BLATIF8 AUX MISf 10R8 BT A l'obCTRB DB LA
VBOPAOATIOII DB LA FOU
CtfXfiCnON FAISANT SmTE AUX LETTRES ÉMFIA1>(TE8.
TOME. DIX-SEPTIÈME.
A LYON,
^CBBC L'ÉDITEUR DES ANNALES,
Rot do Pérat, O* 0.
1846.
CIBTÎAKT ,
UAUVEKSITY OF CALIFOWIit gitizedbyGoOgle
Digitized
byGoogk
mssiONS
DE L-OCÉANIE OCCIDENTALE.
MISSION DE TONGA.
Lettre du P. Jérôme Grange, Missionnaire apostolique
de la Société de Marie , à AT. Nicoud, curé de Saint-
Clair (^hère).
Tonga-Tabou. 1er juiHd 1843.
« MoifSIEUR ET BIE?( CHER CuR^ ,
« Uimmense distance qai nous sépare ne fait que me
lier plus étroitement à TOtre chère paroisse^ et me rendre
fotre souvenir plus précieux; aussi dérobé -je avec
boBheur quelques instaais à «mes nombreuses occupations
pour m'entretenir avec vous.
« U parait c^tain que Tarchipel de Tonga , d'oii f ai
llKmneurde vous écrire, fat aperçu, il y a deux cents
ans , par le Hollandais Tasman ; mais il n*j aborda pas.
A peine y SHt-41 soixante et dix ans que nos insulaires
TOV. XVII. 98. JJINVIER 1815.
Digitized
byGoogk
6
virent, pour la premièi*e fois, un navire qui les élonna
beaucoup ; ils Le prirent pour une lie flottante , et finireiH
par le nommer planche ducid, papa langui^ nom qu'au-
jourd'hui ils donnent indistinctement à tout ce qui est
étranger. Ce navire était commandé par le capitaine
Cook.
« L'Ile de Tonga-Tabou^esi située par le 178®delongi-
tude occidentale et le 21^ parallèle-sud, et par conséquent
peu éloignée de vos antipodes. C'est une terre entière-
ment plate ; point de ruisseaux , point de sources jaillis-
santes. Sa plus grande hauteur n'excède pas trente pieds
au-dessus du niveau de la mer. Nous pourrions craindre à
chaque instant d'être submergés , si nous ne savions pas
que celui qui a creosé FOcéan, lui a dit : Tu viendras jus-
qu'ici , et tu briseras contre ce grain de sable l'orgueil de
tes flots. Sa plus grande longueur est de huit lieues , et
elle ne dépasse pas quatre lieues en largeur. Elle est en-
tourée d'une quarantaine d'Ilots, tous plus élevés qu'elle,
et qui semblent exécuter une danse au milieu du perpétuel
balancement des vagues. Le terrain, à peu près sans»
pierres , est d'une grande fertilité. L'île est bien boisée ,
quoiqu'elle ait peu de grands arbres ; il en est cependant
quelques-uns d'une prodigieuse grosseur , j'en ai mesuré
un qui avait cinquante-six pieds de circonférence.
« La population do Tonga-Tabou est d'environ quinze
mille âmes ; ajoutez-y le même chiffre pour les sept autres
Iles qui sont habitées , et vous aurez un total de trente
milte âmes pour tout l'archipel , et non pas deux cent
aille , oomme je le lis dans presque toutes les géogra-
phies. Voilà lo troupeau que nous devons énmgélifler»
mon confrère et moi. Avant de vous parler de nos travaux,
je vous ferai connaître en peu de mots le peuple qui ttovs
est cenflé.
« Sa nourriture oeasiste en baoâiies , igouM» et frvHi
Digitized
byGoogk
à pain ; lecoeo elle kava rorment la boisson ordinaire. Le
bananier croit imouellement et très-rite ; il produit um*
seule grappe où l'on compte jusqu'à cent cinquante (ruk.s,
aussi gros que vos plus belles figues* de France* Aussitôt
qtie le fruit est mâr, la plante mçurt, et se irouve bien-
rôt reoiplacée par un nouvel arbre qui sort de sa tige. S^
feuilles, longues de six pieds et larges de trois, servent
aux insulaires de plats et de uble. La banane est d'un
bon goût, mais peu nourrissante. X'igname , qui fait ^
principal aliment dos naturels, est une grosse racine, pe-
sant de dix à cinquante livres , asse? semblable pour la
saveur i nos pommos de terre. L'arbre à pain , qni a quel-
que rapport avec les gros noyers de France, porte un fruit
de quatre à cinq livres, qui est d'un très-bon goût lorsque!
est cuit au four. Le cocotier, admirablement placé par ki
Providence dans ces îles basses et peu arroséo» , demie
oontinnellement des fruits qui contiennent trois à quatre
verres cPune eau très-agréable à boire , et dont la chair
o'est pas à dédaigner lorsqu'on les laisse mûrir. Son noyau
produit une huile abondante, dont les indigènes font usage
pour apprêter leurs mets et s'oindre le corps. 11 serait
trop long d'énumérer tous les avantages du cocotier ; H
suffit de dire qu'il pourrait servir i nourrir , babiller et
léger les naturels. Le kava est une plante assez semblable,
pour l'extérieur, à rhortensia, mais beaueonp plus grande,
ffos insulaires en mitchent la racine , puis la délayeiH
dans de Peau qu'ils boivent ensuite avec délices. Les Baio-
péens partagent peu lour enthousiasme pour cette liqueur
Aviné , soit à cause de son âpreté, soit à cause de sa pté-
paration dégoûtante ; mais le Missionnaire ne pourrait sVn
abstenir sans nuire à la confiance que demandent ses tf«-
nux. J'en ai pris jusqu^à dix fois par jouf .
« Ténga^TiAou poasMe eneore des orangers et àeâ
altronnicrs Mssi forts qne las noyers d^Enropa. Le <
Digitized
byGoogk
8
nier et la canne à sucre y croissent parEadtemeni bien. Mais
le fruit qui me parait mériler une mention honorable,
bien quMl soit peu estimé desnalurcls, est Tananas, grosse
liraise épanouie sur une tige épineuse, pesant jusqu'à trois
livres , et surpassant autant par sa qualité que par sa
grosseur les fraises de France. Cest le seul fruit parfaite-
ment bon que j'aie mangé dans œs lies. J'ai introduit la vigne
et le figuier qui , d'après les connaissances que j'ai en
agriculture, doivent bien réussir. En onze mois la vigne
a poussé des sarments de trente pieds de long. Les fi-
guiers nous ont déjà donné deux fois d'excellentes figues,
et la troisième récolte commence à paraître. Parmi les
différents arbustes que j'ai apportés, la rose , la balsamine
et le géranium ont seuls réussi.
« Nous avons quelques animaux domestiques, tels que
le cbien^ le chat, le porc, les poules, canards, dindes,
pigeons. J'ai amené de^ Sydney des brebis qui prospèrent.
Tonga a beaucoup de rats et de lézards , mis point d'a-
nimaux venimeux.
« Les naturels de Tonga ne diffèrent guère des Euro-
péens pour la taille, les traits et la couleur ; ils sont un
peu basanés^ ce qu'on doit attribuer à la température
très-élevée du climat : il est assez difiicile 4'avoir le teint
bien frais avec trente degrés (Réaumur) de chaleur,
comme nous les avons pendant quatre à cinq mois de
l'année , où le soleil est près de notre zénith. Ici , comme
en France, je me trouve dans la classe des hautes tailIes^;
on voit cependant ici moins de petits hommes qu'en Europe.
Si nos insulaires n'ont pas la stature élevée que je leur trouve
dans les relations de voyages, ils n'ont pas davantage la vi-
gueur qu'on se platt à leur attribuer ; il en est peu qui
n'aient quelques plaies existantes ou cicatrisées, et plus
de la moitié d'entre eux meurt poitrinaire. Outre leur
mauvaise nourriture, beaucoup d'autres raisons coniri-
Digitized
byGoogk
9
boeat à cet état de Ëûblesse, sans porkr de leurs excès
daas le mal.
« Si les voyageurs qui ont tant vanté leur propreté^
avaient été oUigés de vivre seulement quinze jours avee
eux, ils auraient, je pense ^ changé de langage. Sans
doute qu'ils ne les ont vus que dans leurs fêtes. Ohl alors
ibsont parés avec autant de recherche que peut le permet-
tre une agreste pauvreté , ils savent tirer parii, dans Tin-
lérét de leur coquetterie, de tout ce que leur fournissent
findustrie et la nature. Hors de là, c'est une malpropreté
dégoûtante.
« Ah reste , on peut dire qu'ils sont beaux , intelli-
fgeatSj toujours gais; les Français sans éducation sont moins
polis et surtout moins hospitaliers. Aussi je crois qu'ils
sont bien loin de mériter^ sous ce rapport, le nom de sau-
vages qu'on leur donne. Se rencontrent-ils? ils s'offrent
leurs amitiés, f(<» oto ofa (mon amitié); s'ils portent
quelque chose qu'ils puissent donner, comme du kava ou
des firuits, ce serait une grande malhonnêteté de ne pas
l'offirir. N'ont-ils rien> ils en font mille excuses. Les
subalternes s'asseyent à terre pour parler à leurs supé-
rieurs. Allez-vous dans une case? c'est le gracieux salut
tsi oio ofa , puis des remerclments pour votre visite , des
félicitations sur votre santé, et tout en vous présen-
tant le kava , ils s'excusent de n'avoir rien à vous offrir.
)M vous ne demeurez pas assez longtemps pour qu'ils
puissent vous préparer des aliments, ils se confondent
mk r^;rets de n'avoir pas prévu ^votre arrivée. Dans les
visites de cérémonie, outre le kava , qui est de rigueur ,
Os se font mutuellement des présents ; ils ne savent ja-
aaîsrien refusej* de ce qu'on leur demande. Dans les rap-
ports particuliers que nous avons avec eux , ils on^ ea gé-
■énd la même civilité à notre égard.
« Les hommes et les femmes ont les cheveux courts , et
Digitized
byGoogk
19
tas enfaDls des deui sexes portent jiiscpi'à l'Age de dounn
ans une espèce de tonsure, faite au rasoir ou au mojfen
d'une dent de requin ; c'est un triangle qui a sa base sur
te front , et son sommet à la partie inférieure du derrière
de la tête , laissant de chaque côté un toupet bien frisé,
i{ui leur donne un air tout à fait gentil. Ils naissent aussi
blancs qu'en Europe, ce n'est qu'insensibiement qu'ils
se cuivrent. Les hommes faits sont tatoués depuis les ge-
noux jusqu à la ceinture ;' ce tatouage est ponr eux l'é-
poque d'une fête. Ils ont peu de barbe et ils se ra-
sent souvent. Les femmes portent les mêmes babtllemenis
que les hommes ; ils consistent en tapes , ou étoffes fiiites
avec des écorces d'arbres , dont ils se couvrent depuis h
eeînture jusqu'au genou. Au reste, les usages sont à peu
près les mêmes ici qu'à Wallis, et vous en avez lu la des-
eription dans les Atmales de la Propagation de la Foi.
« Il serait difficile de dire quel est le vice domrnant des
naturels ; l'orgueil, l'immoraliié, la paresse, marchent de
pair. Dans leurs rapports avec les blancs ils s^nt assez peu
respectueux ; ils affoctent même une espèce de mépris. Je
serais presque porté à croire que ce mépris^ ils l'ont dans
le cœur , et que les marques particulières d'amitié qu'ik
leur donnent quelquefois, sont ordinairement intéressées.
k hurs yeux, tucun peuple sur la terre n'est digne de
s'asseoir auprès d'un kanack de Tonga. Lui seul sait quel-
que chose. De même qu'autrefois, qui n'était pas Grec mi
ftomain, était considéré comme barbare, ainsi, d'après Us
idées de nos insulaires , celui qui n'est pas de Vlk^Sûcrée
(c'est ce que signifie Tonga-T^Aou) est ignorant et esdftte.
Si le roi de France venait ici , on lui donnerait sans doute
de grandes marques de respect, moins toutefois qu'au
poi et aux principaux chefs indigènes ; le dernier escltve
de Tonga se croirait d'origine plus nc^le que lui. Qimin
à la moralité, n'en parlons pas; le vice ici n^a aucun se-
Digitized
byGoogk
11
erct, même pour les enfai^. Ksods toutefois qu'on
nous respecte et qu'on se g6ne beemcoiip en notre pré-
sence.
« La paresse semble être leur débat de prédileetien. Les
naturek ne Font d'antre travail que celui dont ib ne peu-
vent se dispenser. Hors les jours de fêtes, ils mangent très-
peu^ de sorte que la nourriture d'un homme en France
suffirait ici abondamment pour dix personnes. Ils souffrent,
mais pour eux mille fois mieux vaut souffrir la faim
qoe supporter la fatigue. Il en advient que nous som-
mes réduits à (aire de temps en temps bien des jeûnes
forcés.
« Les naturels de Tonga ne sont point grossièrement
idolâtres ; les esprits seuls reçoivent leurs adorations, et ,
eomme les païens de l'ancien monde , ils débitent à lenr
sujet mille contes absurdes. Le plus grand de leurs dieux
est Maoui qui , de temps immémorial , pêcba Tonga dans
l'Océan. On conserve encore, disent-ils, l'hameçon qui
servit à tirer l'île du fond des mers. Mais ceux qui en ont
ta garde, ont soin de dire que le premier qui le verra sera
frappé de mort. La vue n'en est permise qu'au roi seul ,
ea&int bien-aimé de Maoui.
c Lorsque nous les interrogeons sur l'origine de leurs di^
fÎBhés, ilsbatt>uticnt quelques mots, puis finissent par dire :
« Nons n'en savons rien, nous bisons comme nos pères. »
Toujours est-il certain qne les objets de leur culte som
des esprits malins qu'ib craignent beaucoup , mais qu'ils
l'ahnent pas. Ces dieux habitent inWstblement , dit-on ,
dans les grands dieis et dans les vieilles femmes. Nos in-
snlaires sont aussi esclaves de mBIe superstitions : too-
cher ira bâton placé à Tenirée d'ane plantation de bana-
«iers ou de cannes à sucre , est un crime qae les espi4i6
funiascnt de mort. Personne, s'il nVst grand chef on ami
des êieax , ne f^t numger Qtte tortœ o« tmt antre ob-
Digitized
byGoogk
12
jet estioié dans le pays. Cependanl ces idées s'en vont , et
les jeunes gens surtout les méprisent. Les vieillards seuls
font résistance. « Les Dieux que les Missionnaires nous
« annoncent, disent-ils, sont bons sans doute, mais les
« nôtres ne le sont pas moins, puisque ce sont eux qiti
« font croître les ignames , les cocos et surtout le kava.
« Tenons bon, il faut au moins que la moitié deTtle
« reste fidèle à nos anciens dieux ; autrement ils se ven-
« géraient de notre abandon par notre perte. »
« Les habitants de Tonga tiennent à honneur d'avoir
un grand nombre d'enfants , et ils les élèvent avec une
tendre sollicitude jusqu'à Tâge de quatre à cinq ans. A
cette époque ils les abandonnent ; aussi les jeunes gens
n'ont-ils aucui^ respect pour leurs parents. Bien difierents
des Nouveaux-Zélandais , qui exposent leurs infirmes en
plein air et les délaissent, nos insulaires ont recours à
tous les moyens imaginables pour obtenir leur guérison :
le malade est bien logé , sa nourriture préparée avec soin ;
on fait pour sa santé des vœux et des prières. Si un grand
c^ef est alité , on coupe des doigts à plusieurs personnes,
quelquefois même on en immole pour apaiser la Divinité
malfaisante qui dévore les malades tout vivants.
« Mais rien n'égale le soin qu'ils prennent de la sépul-
ture des morts. Dès qu'un naturel a rendu le dernier sou-
pir, les voisins en sont informés, et a l'instant toutes les
femmes viennent pleurer autour du corps. — I,ci jamais
les hommes ne pleurent. — On le, garde ainsi un ou deux
jours , pendant lesquels on s'occupejà ériger son tombeau
près de la demeure de ses parents. La maison sépulcrale
est belle, biiiesur une éminence, entourée d'une jolie
palissacle de bambous choisis ; l'enceinte est plantée dt
toutes sortes d'arbustes odoriférants et surtout d'immor-
telles. Enfin le monument est couvert d'un toit artistemeot
travaillé. Pour le tombeau des rois ou des plus grands
Digitized
by Google
13
cheEs , on va diercher des pierres colossales dans les iles
lointaines, pour couronner le sépulcre. J*en ai vu une qui
^ vingt -quatre pieds de long sur huit de large et dix-huit
ponces au moins d'épaisseur. L'un de ces tombeaux a été
construit par les gens de Wallis , qui ont apporté des
Uocs énormes dans d'immenses pirogues. C'est prodigieux
pour ces peuples. Mais ce qui fait gémir sur le malheur de
nos insulaires, c'est de voir ces pleureuses qui, pour té-
moigner leur douleur , se coupent les doigts , se fendent
le nez , les oreilles et les joues ; et cependant , tant de
larmes ne sont que de vaines cérémonies , où le cœur n'a
point de part : ces femmes sont bien joyeuses lorsqu'elles
se voient délivrées d'un tel supplice.
« Nos insulaires n'ont aucune forme régulière d'admi-
nistrer la justice. La volonté bizarre d'un tyran , qui ne
pense à faire respecter l'ordre que lorsqu'il y est person-
ndlement intéressé, voilà l'unique et souveraine loi. J'ai
vu des hommes en tuer d'autres sans que personne se soit
le moins du monde inquiété de venger le crime. Avec des
usages aussi arbitraires , ce qui m'étonne c'est que ces
peuples ne soient pas parvenus à se détruire.
m n n'y a pas de despote plus redouté que le roi du pays.
Lorscpi'îl commande , chacun s'empresse de lui obéir :
veut-il faire mourir quelqu'un de ses sujets , il n'a qu'à
renvoyer chercher ; soyez sûr que la victime contre la-
quelle est décerné ce mandat d'amener, ne cherchera |)as
i prendre la fuite, lors même qu'elle connaîtrait le motif de
son appel. Aussitdtque le tyran selève, c'està qui aura Thon-
nenr de lui baiser les pieds. Ouvre-t-il la bouche? cha-
cun écoute avec une respectueuse attention ; et ses ora-
cles fussent-ils autant de sottises, tout le monde de ré-
pondre : Cest la vérité , hoe! Ce régime d'esclavage
apportera un grand obstacle à la conversion du peuple ;
paorce que les cheb ont en général de fortes raisons pour
Digitized by LjOOQ IC
14
demeufar dans Tinfidélité, et <pie, d'ailleurs, les sujeu sobl
peuhardisà prendre rinitiative ; nous espérons néanmoins,
parce que Dieu tient dans ses mains le cœur des peuples
et des rois.
« Ici la cuisine est toujours en commun ; c'est assez
d'apercevoir la fumée d'un banquet pour avoir droit d'y
prendre place. Quelqu'un prépare-t-il un mets, tout le
quartier en est informé', et il est de bon ton que celui-là
seul qui l'a apprêté, n'en goûte point. Si l'on veut faire
cadeau d'un porc ou d'un autre animal, on vous te
donne, on le tue, on le mange ; il ne vous reste que
rbonneur de régaler vos voisins. Je vous ai parlé plus
haut de l'empressement des naturels à offrir des fruits
aqs pensonnes qu'ils rencontrent sur leur route; cette
politesse , cette communauté de biens, qui parait si belle
au premier abord, est loin d'être utile en réalité. Qu'en
arrive-t-il? chacun compte sur son voisin, et personne
ne pense à se pourvoir de ce'qui lui est nécessaire. Ainsi
nos kanacks vivent dans une funeste oisiveté , et meurent
souvent de faim, dans une tie si féconde qu'un seul jour
de travail par semaine suffirait à un père de famille pour
nager dans l'abondance avec tous ses enEants.
« Nos insulaires bâtissent avec assez d'élégance ; leurs
maisons^ sont de forme elliptique, disposées à peu près
•onune un vaste parapluie, et ouvertes à tous les vents ,
•e qui est un avantage dans les grandes chaleurs. Elles
sont assez élevées, et pour l'ordinaire d'une grande pro-
preté k l'extérieur. Je ne pensfs pas qu'un bon ouvrier
européen , avec une simple hache comme nos indigènes,
pfti travailler avec autant d'adresse, je dirais même d'é-
léipnee , la charp^te et les colonnes qui soutiennent leurs
cases. Us excellent surtout à les revêtir de tresses, dont
Us forment un tissu de diverses ooul^urs^ représentant des
igures de hi plus étonnante régularité. C«s tresses sont
Digitized
byGoogk
15
uM espèce de ftcdle pkne , qui leur seri à lier les beis ei
leur lient lieii de clous. Leurs embarcations ou pirogues
soBCd'one beaiuéà ravir l'adintratioa des Européens eû\-
méoies. J'en ai va qnî avaient œnl cinquante pieds de
ioBg ; elles étaient ornées de brillants coquillages et de
phnes des plus beaux oiseaux du pays ; ils savent aussi
très-bien confectionner les voiles et les ootdages. Montés
sw ces petits navires, nos insulaires font quelqiiereis
jMqu'à trois cents lieues, sans autre boussole que les
« Pmdant les derniires années, des guerres de reli-
gion avaient divisé et armé les unes contre les autres les
diverses iribrn de Ten^ Les adeptes des miaistres pro-*
tesunts vooIaieBt propager leur foi avec les armes parmi
leurs compatriotes rdielles, qu'ils appdaient k parti du
HMi. Alors lesdeux camps se sont construit des forts pour
omettre àTabri des surprises, et ils s'y retirent pendant la
giKrre ; en temps de paix ils habitent des villages qui sont
aax environs. Tonja compte quatre redoutes principale^-
Bte, oànoùs réiîdons, est la mieux fortifiée ; aussi est-
elte répmée presque imprenable. Des Eurapéens nous
assareot qu^Ue a renfermé jusqu'à cinq mille hommes ^
je crois le nombre exagéré, m^ deux à trois mille peu-
vent y habiter h l'atse. Elle est divisée eh companimenis par
de jolies haies- de roseaux , et ces divers compartiments
on scmt groupées les maisons, forment des mes qui se croi-
!wnt en tout sens et donnent à ee camp Taspect d'osé pe^
litevillt.
« Béa a snutoHi un siège il y a trois ans. Une trtlMi
gngnén an protestantisme , qui tentait depuis plumurs an*
néas, mais toojonrsen vain, de faire embrasser sa croyanoe
à b fosçibtie iBÛiëe qui mns donne l'hospitalité, décida
lendnrdsseeonvertiraiettt, ou qu'ils expieraient leur
r fnur b mort. Le Ministre anghis, qui dirigenii
Digitized
byL^OOgk
16
cette affaire, fit entrer dans ses vaes un comnnodore de ssi
nation , dont le navire était en rade. On vint donc assié-
ger la place en forme ; \eparli du diable se mit en état
de défense, et il fut heureux. Le commodore Croker fut
tué avec onze des siens et beaucoup d^nsulaires; mais il
ne périt personne du côté des infidèles, qui restèrent maî-
tres de trois pièces de canon.
« Dernièrement, un capitaine anglais est venu ré-
clamer ces trois pièces ; il les exigeait avec un ton de
hauteur, offrant toutefois une récompense aux vainqueurs,
et il ajoutait qu'ils pourraient avoir à se repentir s'ils n'ac-
cédaient pas à sa demandé. Alors un des chefs , après
avoir pris Ta vis des autres guerriers , parla ainsi au com>
mandant : « Vous êtes venus nous attaquer chez nous,
« lorsque nous jouissions de la paix la plus profonde ;
a nous n'avons fait que nous défendre, alors que nous
« aurions eu des raisons pour attaquer. Les canons que
« nous avons pris , nous appartiennent d'après les lois
« du pays ; nous pourrions donc les garder et nous en
« servir contre vous. Mais , afin de vous montrer que
« nous ne vous craignons pas , nous vous les rendons.
« Pour les vendre, nous ne le voulons pas ; c'est au pé-
« ril de notre vie, au péril de la vie de nos femmes et de
« nos enfants, que nous les avons conqub ; il n'y a pas de
« prix pour cela. Prenez-les et allez-vous-en. »
« Quoique le pays ne parle guère à l'imagination , k
cause de sa monotonie et de son peu d'étendue, les hsiÀ-
tants de Tonga ne sont pas cependant tout à fait étrangers
à la poésie. Ils composent eux-mêmes des chansons qu'ils
savent rendre tristes ou joyeuses selon la circonstance.
Lorsqu'un convoi de pirogues part poar une Ile loin-
taine, grand nombre d'indigènes accompagnent leurs fij^yes
sur le rivage ; puis, au moment où les voyageurs mettent
à la voile , deux ou trois cents personnes entOBBent oe
Digitized by LjOOQ IC
17
chant mâaocolique et hariDODieiix : « Où vas-tu , jaune
« et imprudent oiseau, où vas -tu? pourquoi t'abandon-
« ner aux caprices des flots et des ondes trompeuses? Tu
« ne pourras plus désormais étancher ta soif dans le creux
< du bambou , ou dans Tépaisse écorce du cocotier» Le
« bananier , de ses larges feuilles , ne te défendra plus
« des ardeurs du soleil, ni du froid de la nuit ; et si le
« vent vient à soufiler , tu n'auras plus pour abri les ailes
« de ta mère. Où vas-tu , jeune et imprudent oiseau , oi
« vas-tu? » et ils répètent en cadence ce chant si doux
jusqu'à ce que les pirogues aient disparu à leurs yeux.
« Laissez-moi maintenant vous parler un peu de no-
tre nouvelle Mission. Les prolestants sont en possession
de rUe depuis pins de vingt ans. On ne peut nier qu'ils
n'aient de leur côté beaucoup de naturels. S'ils sont
venus annoncer Jésus-Christ à ces peuples, du moins
ont-ils {Hréché à la manière de Mahomet, et s'ils ont opé*
ré des conversions^ c'est avec le sabre. Je suis sûr qu'ils
n'ont qu'un bien petit nombre de partisans sincères et
qni leur soient attachés. J'ai demandé à plusieurs insulai-
res poarqoai ils n'avaient pas embrassé le protestantisme,
àepms si longtemps qu'il y avait des ministres dans leur
ile ; ei j'ai toujours reçu la même réponse : « J'avais peur
des coups.»
€ En effet, on ne voudrait pas croire en Europe avec
qudie sévérité les protestants traitent leurs néophytes.
Cea'esi pas assez de lew* interdire tous les amusements ,
on leur impose des jeûnes arbitraires, on les soumet à une
pém&eace publique. Les travaux forcés suivent de près la
moiodre infraction à des pratiques indifférentes: il n'est pas
rare de voir un pauvre kanack attaché à un arfire, frappé
ittftqQ'àlomber sous les coups, et cela toutsini{^ment pour
avoir fumé une pipe. Je dois le dire néanmoins , depuis
aaive arrivée dans cette Ile, les ministres ont cru qn'il était
TOM. xvii. 98, 2
Digitized by VjOOQ IC
18
de leur intérêt de reyoïir à un régine plus doux, ec fa-
teue qu'il y a sur ce poiot une grande aœélioratk». fie-
¥pe présence n'eùt-eHe amené que ce résultat, 9 foadraic
encore s'en réjouir pour l'humanité.
« H n'y a pas encore un an que le P* Cberron s'est
écabK à T&nffchTabou : deux jours après son arrhrée, il
tui fui enjoint de partir. Vous comprenez sans peine qnds
étaient les moteurs de cet ordre. Trois mois pitis tard ,
lorsque f arrivai ici , nous craignîmes nn instant un soulè-
vement général , et nous ne nous flmes point illusion sur
ses causes ; mais nous avons pris patience , et peu à peu
le calme s'est rétabli. Maintenant nous commençons à
avoir un petit troupeau. Déjà plus de deux cents natorek
assbtent , matin et soir, è la prière et à nos instructionB.
Il est à croire que si nous étions venus les premiers, il
nous eût été fi3icile de les gagner tous ; mais^ après avoir
été prévenus par un enseignement contradictoire, fliiie
savent à quelle doctrine donner le choix. D'ailleurs , tant
d'étrangers les ont déjà dupés , qu'ils sont portés à les
croire tous trompeurs; et en cela beaucoup d'entre eux ne
distinguent pas le matelot du Missionnaire, et le Mission-
naire catboliqne du ministre protestant. Ce sont denétraB-
fsrs, cda suffit. « Us viennent , disent-ils, pouur se dis-
puter les uns les autres, pour manger ce que nous avons de
meilleur, et se moquar de nous; puis ils finiront par s'em-
parer de nos terres.» Malgré cet obstacle, notre eonrage
n'est point abattu ; nous comptons sur la grAoe de oeini
qui est le maître des coeurs , et sur la protection de la
Vierge puissants qui $euU a terrassé toutes hs kiréme$
dms rmiitfere. Tôt ou tard nous triompherons. Llsialli-
genoe des insulaires aidera même à nos progrès, ear
ils raisoBBifit assen bien ; je vais vous en douMT ém
^temples»
« Un de Ms Servants catéchumèttea disputait m jov
Digitized by LjOOQ IC
«fee jui iieJfii<eoa^triotes juroltstanu. Celui-ci donna en
premte é^ la yétiié'éd sa sacle qu'elle atait été apportée la
|V«Bièpe dans Itor lia. Le catéchumène répondit : « Il ne
« hal pat trop faire attention à Tépoque où une religiot
« a ilé eBseignée dans un pays ; mais il faut examiner
« jwecsoiaai las Missionnaires qui Tont prèctiée ont été
« esYOjés par le vrai Maître* En effet, ajouta-t-il^ les
« YoleursdtefruitsdeTanceBt toujours le propriétaire.» —
ba MMvel !■ aillant, qni <rul avair tmwvé une raison
piMttpiam, flfieafiMiM -de ripoaler avec «n tan de
mÊkÊmÊtz*MtiûÊKPài§amwÊihÊm iaiMiUettre« carao-
ara miniiTlra aa!a ^wrin «voir aucune rebtioa avac
riJpApa^ésnqnettdflrBÎer Tiolieîfoor laisser Se-
vele (la P« tOeww), parae qu'il est éerit qu'on ne
ésîi paâtt«Poir4a cenHnnniiatfnB avec les méchants ;
iaa 4miAmm mas fit tons «dMr.-— C'est bien , c'est
Uen^ dk leaiéapiqrte, yoîUi «neraîaan <pii prouveen*
Bglise est bonne. » Puis continuant sa
s «Mte^dl pasmii, ajouta->t^iU qne le vo-
, loaaqu'il voîl venir le propriétaire (^ il
Ies«koseaynléeSy paran qu'il oeaînt'qn'oaiie
«t qn'on ne lui «plène son Iapein« Ainai fit
f fwce qu'il anrail lelé Ja religion d'tiijpt*
, esqnUVéïaii mâle d'enseigner sans ayoir ilé
laarniArnMrf»»
Un «mue catéclumi^ftnittfciidit amc le même suooës
aiflioap qui t en présenoa des naturels ,
dn ohapnle^ suspendu à son non , et rimer-
d'jMi San ftailknr^ ;sur l'ulîlké de ce cMcr
La néophôfaa ikit^apellé nihi s'asseoir an jni-
^en iMé é^ wmima^M lui dit: « Xu
ce jfna jjgmfin^nniae lainlio (chape-
let), jovàiae la.diin.La;ohapelet ne «eut 4^'i régler
de paiiran^ M TeadaB dans Jeqppl
8.
Digitized by VjOOQ IC
« nous avons Phabitude de les dire. Voici les prières que
« nous faisons : Je crois en Dieu, etc. Bâbord tu vois que
« cette prière n'a rien de diabolique j je ctoîs en Dieu...»
Il allait continuer lorsque le ministre se leva et renura
chez lui pour cacher sa débite. Le catéchumène se mit à
rh'e, et tous les naturels, même protestants, d^apphacHr à
sa réponse.
« Une autrefois, le roî <ruBe tle voisme et prolastanfte
étant vénti à Tonga-Tabim, vouhit oonlFaindre un.de.6as
sujets , qui est notre catéchumène, à retoonier chex 6€a
parents, où sa foi naissante aurait couitn le plus grand
danger. Alors un de nos plus fervents disciples prit la pa*
rôle devant une petite assemblée, eta'adressant au je«n«
néophyto : « Ne vois-tu pas, dit-il, que c'est p<mr te £ûro
« toumeir à Phérésie que le roi Ge(^ges veut t'emmea^
« avec lui? Au reste, quds sont nos meiUenrs pareois^ou
« ceuK qui nous ont donné la vie, ou œox qui nousap-
« prennent à bien vivre? Ne disons^ous pas ton» les
« jours que notre père est dans le ciel , ce. père coaunun
« que les tneux Seteto H Bdenimo (Jérôme)i nous .ont
« bit connaître? Us ont quitté leur pays, leurs familles ,
« leurs amis^ qtd sans doute les aimaient beaucoup ^
« leurs parents ont versé bien de larmes à leur départ ;
« je suis sûr qu'ils les ont acompagnés jusque sur le ma-
« ge, et le vaisseau avait disparu, qu'Us {deuraÎMit enoo-
« re. Ces étrangers sont venus pour l'amour de Jiaus-*
« C3u*ist et pour nous ; ils sont venus nous aanoBoer le
« bonheur, et maintenant que nous Je ooinaissons, nous
« pourrions le quitter ? non , janKÛs ; et quand Georgoa
« débarquerait avec tout son peuple^pour uoas tiœr , noua
« devrions encore demeurer format. ». Jene^puisvoua
rendre toitte Véaérgiê de ses paik)ks, tout kfimdason ac-
^ ; chestle kanacktout poHrle à*lalaiaf les.pieds» lea
Digitized
byGoogk
91
■ttkft, ksyeu ; lafiguren'est pas^ moins expressive que
hfaflgiie.
« Je V0B8 dteraû aa dernier irait qui , pour être plus
anple, iies«ra pas moins de votre goût. Dans un viÛage
sitoé à qnalre lieues de notre haUtaiiot^^ souffrait un
kMnme atleint d^uae maladie grave , et qui refusait obs-
tinénent le baq[>llme. Mous avions à peu pr^ désespéré
de le gagna^ à Dieu4 Heureusement que dans {a même
ifibn se trouvait une de nos jeunes catéchumènes fort in-
tefligeote. Nous retournâmes qi^lques jours plus tard au
nèflie Ken ; à notre arrivée, nous aperçûmes cette jeune
personne accourir à notre renccmtre : « Cela va bien! di-
« saxt-elle, cela va bienl un petit enfant de cet hpname
« qui ne voulait pas se convertir^ est tombé malade ;
« je rai baptisé sans en rien dire à personne. iSn bien
« fait cokmne tu m'avais dit. 11 est mort tout de suite après.
« n est allé en paradis , et d^'à il a prié pour son père,
« qui maintenant d^nande sans cesse à être baptisé. Je
« lui ai appris tout ce que je savais, il en sait autant que
€ moi ; il n'attend plus que toi pour recevoir le baptême. »
Èft effet, nous le trouvâmes bien disposé et suffisamment
îastrmt ; nous lui' adoûnistrâraes le sacrement de la ré*
génératioB, et deux jours après il rendait son âme à
Ueo.
c La jeune catéchumène me dit encore : « N'ai-je rien
« gagné pour moi à baptiser cet en£mtP — Tu as beau-
« coop gagné, répondis-je; car si cet enfanta obtenu une
« si grande grâce pour son père , qui ne lui avait donné
9 qa'oae existenee misérable, que n'obtiendra-^t-il pas
« pour toi, qui loi as procuré une vie étemelle. — Oh!
m tant mieux , ^ ditrdle , je suis bien contente* »
« n me semble que depuis peu notre sainte cause a £»it
bien cfos progrès. Il n'y a pus longtemps qu'à notre arrivée
Ans anepeuptecle, BOUS ftmea reçus à ooupdesiiSets^et
Digitized
byGoogk
personne ne YOuHit ni nous reeevoir ai noir donér-è
manger. Nous avions marché la moitié du jour, pur xtm
chaleur de trente degrés ; nous étions bien h» ; ec mm
n'eûmes peur abri qu'une cabane abandonnée sur le hmé
de la mer. Mais nous étions consolés par h pensée qu'aa-
trefois Marie et Joseph essuyèrent à ft^Ueen uatefobmi
plus humiliant. Aujourd'hui l'on noi»aeoMHb vncMÊi'^
tié dans cette mémo tribu , oè déjà nous eonptons^ sîn
catéchumènes. Dans la grande tribu protestante, on ndns
jeta des pierres , la première ft>is que nous y uHftraea :
aujourd'hui lé grand chef lui-même, bien qu'il soit hé»é^
tique, vient d'ordonner i son peuple d'avoir k nous nesr
pecter^ et, de bit, il donne l'exemple en nous recevant
lionorablement cbes lui. Un bruit degueere s'éunt éfe^é
entre sa tribu et la nôtre , il convini on plîitât il profloen
de s'en rapporter aux dmx vima^ de la BeUyion du
Pape.
« Dieu soit béni ! nous voyoas de temps en temps des
infidèles et même quelques hérétiques yeair à noua. Nous
avons r^énéré vingt-cinq personnes en danger de mon,
et le jour de la fête des saints Aipdtres Pieire et Paul ,
nous avons administré le baptême solennel à trente p^^
5Uïnnes. J^ai donné à dilférenlB néophytes les aouis de
mes amis et bienraiteurs, ce qui me rappelle de btta
doux souvenirs. Parmi ces néophytes on comptait neuf pères
de ibmille et seulement trois femmes. Les petits onFanis
suivent toujours le père. Oh! qu'il est consolant de voir
un kanaek, naguère adonné à tant de ernnes et aux plus
sottes superstitions^ venir avecdeux ou troisenfiniâ qu'ii
conduit par là main , solliciter la grfce d'être admis au
saint baptême ; dP^itendre dire à ces jeanes prédesttnéfr,
dana leur simple et naïf langage : A vm»s être rdigieux
W99C mon pér$ ; oJki oU lotu! Qu'il est touchant de ymt
eepèra, assis dans saeaiHino, oMouréda ces petila aagci^
Digitized
byGoogk
3»
dttsler Bos cantiqaeiy réoiter nos ftièrm et le obapelet ,
à qnoi répond rinooceote famille qui mt k peîie bé-
gayer; mais pour ia mère, couchée nég^gemment sur nue
uatte, elle ne montre que de rindifférence et même dn mé-
prit poar ses enfants et pour la Religion I
« U est en effet à remarquer qu'ici les femmes sont plu»
éjflkjlffs à eon^ertir que Ie& hommes ; jamais elles ne pren-*
•eut rimtiative, et quand elles se rendent» ce n'est que.
iMigtemps après Tabjuration du mari. En Europe je croia
afoir remarqué tout le contraire ; les femmes y sont géné-
plus dévouées à la Religion que les hommes* La
ai est, je pense > qu'ici oom;ae dans tout pays qak
•'a pas été édairé et civilisé par l'Evangile , les femmes
aeioBt que des esclaves. La servitude avilit, et, pourem-
la vérité, pour combattre ses passions, il faut da
î, delà noblesse, de la grandeur d'âme. Nos po-
Ijaésiennes sont si méprisées, et , de fait, si méprisables
fttt leur conduite, qu'on les regarde comme des êtres
difêrents des hommes.
« Obi si les femmes d'Europe» si solidement pieuses, et
paitant si respectées, pouvaient être les témoins de l'é-
tat d'avilissement et de dégradation où sont plongées leurs
soeurs de rOcéanie^ elles seraient encore plus dévouées
à la Religion « qui les a délivrées de cet esclavage ; elki^
caoïprendr^ient peut-être mieux encore que si la piété
est pour elles un besoin du cœur, elle est aussi un de-
voir de reconnaissance ! Espérons que les Océaniennes, un
^onr devenues catholiques, rivaliseront de vertu avec
leurs sœurs de l'ancien monde.
« Dès num anivée, et après que le tumulte dont j'ai
parlé plus haut fut apisé, nous pensâmes à la construction
d'uie église. Cent quatre-vingts personnes » reçues à cette
fpoqne au rang des catéchumènes» mirent l'affaire en train,
etmi nombre à peu près égal d'infidèles voulut participer
Digitized
byGoogk
u
à la bonne oetivre. Celle église a été achevée en quatre
mois et demi ; ils ont mis à sa construction toute Padresse
et toute l'activité dont ils sont capables ; et , de &it , elle
est plus belle qu'on ne pourrait se le figurer en Europe.
Bâtie en bois, elle a, en y comprenant la sacristie, soi-
xante-douze pieds de long et trente de large. Douze co-
lonnes élégantes de bois de fer soutienneut une voûte
magnifique, élevée de trente pieds. Les murailles sont en
bambous Uen entrelacés avec des ficelles de cocotier ; les
poutres qui forment la voûte sont tressées avec des fila-
ments de diverses] couleurs, et représentent différents
oiseaux du pays. Deux cents jolies nattes en forment le
pavé. Je puis dire avec vérité que bon nombre de parois-
ses en France s'estimeraient heureuses d'en avoir une
semblable. Le 13 février, jour de sa dédicace, fut un
grand jour de fête ; plus de six cents naturels assistèrent
aux offices divins : nous déployâmes tous les ornements
que nous pûmes nous procurer ; aussi les naturels ou-
vraient-ils de grands yeux et étaient-ils tout hors d'eux-
mêmes. Le soir nous fîmes aussi un salut très-solennel.
Ce fut alors que je me servis pour la première fois du bel
ostensoir dont Mme"^* me fit présent à mon départ ; ce
fut alors qu'élevé par mes faibles et indignes mains , le
Souvenr du monde bénit sensiblement, pour la pre-
mière fois, celte lie lointaine avec ses tribus encore infi-
dèles. Ah! Monsieur le Curé, qu'il était beau et conso-
lant pour un pauvre Missionnaire, le spectacle d'un peuple
encore à demi sauvage prosterné aux {Hods du Saint-
Sacrement, et accomplissant déjà sans le savoir l'oracle
sacré : Ju nom de Jésus, totU genou fléchira au ciel, sur t
la terre et dans les enfers !
« Je vous ai dit qu'aujourd'hui l'on nous respectait à
Tonga-Tabou. Outre plusieurs autres raisons, ce com-
mencement d'estime que Ton a conçu pour nous, vient de
Digitized
byGoogk
25
là kiute idée qu'on s^est fomée de aotre ad^ce^ Nous
fiihnes les premiers à signaler la gnunde comète que tous
avez aussi vue en Europe ; mais nous l'apercevions beau-
coup mieux ici, à cause de h beauté des nuits sous la Zone
Torride. Nos insulaires ne se rappelaient pas avoir ja-
mais remarqué rien de semblable; ils crièrent à la mer-
fdlle et interrogèrent les ministres protestants, qui ne
purent leur donner qu'uee réponse vague, ne sachant pas
ce que c'était. Le [capitaine d'un navire anglais qui se
trouvait en rade, ne put leur en dire davantage ; mais il
nous les renvoya , en leur disant que les Missionnaires ca*
liioliques é^dent savants , et que sans doute ils sauraient
leur expliquer cet étrange phénomène* Aussitôt il nous vint
dés dépntations de toutes les parties de t'Ue ; nous leur
dtmes que c'était une comète , chose si peu nouvelle pour
nous que déjà nous en avions ¥« trois. Je leur expliquai
eosuite la nature de ces astres errants , et d'après le peu
de connaissance que j'avais en astronomie, je déduisis
le temps que celui-d devait paraître sur l'horizon , et je
rencontrai juste. Pour les intéresser davantage, je leur
fflontrad la figure de ces corps lumineui^ dans un oavrag<^
d^Uranographie ; tout le monde voulut voir la comète sur
le livre ^Hehnimo; le couoours des curieux dura quinze
jours. -.
« Un tremblement de teire extraordinaire, qui arriva
dans le rnérn^ temps, jeta toute l'Ue dans la consterna-
tion, fls s'adressèrent encore à moi pour avoir l'explicaiio»
de ces eflirayantes secousses ; je le fis de mon ndrax^ et
je leur en niontrai aussi h figînre et les effets sur un, ou-
vrage de géegraphie raisonnée. lis furem très-eontents de
œs faciles notions ; mais surtout la représtntaiioa de ces
phénomènes sur le papier les satisfit pleinement : « JI
« fSiut qu'on connaisse bien tout ceh , disaiem-ib > puis-
« qu'on en a (ait la deseriptioB. »
Digitized
byGoogk
• Ua résultat eiotre pkn beuroux, c'esc que Mut
leur aTODS empécbé de commettre des cruautés. Nos iusii^
laires, dans dépareilles drconsunces^ croient que leurs
dieux sont irrita contre les grands cheb , et que ces phé-
nomènes sont les signes avant-<x>ureurs de la Tengeanee
qui les menace ; ils sont donc dans Tusage, pour apaiser
leurs divinités , de couper des doigts à plusieurs person-
nes, et même d'en mettre à mort quelques-unes. Déjà
plusieurs jeunes gens étaient destinés à perdre les doigts
en la vie. J'avais beau leur dire que les sujets de leur su-
perstitieuse terreur étaient des effets ordinaires et pure-
ment naturels, ils ne voulaient pas entendre raison. En&n
je changeai de batterie, et je trouvai un moyen qui me
réussit mieux. Voulez-yous foire entrer ce peuple dans
votre sentiment P dites-lui justement le contraire de
ce que vous voulez lui persuader. J*allai donc chercher
une grande mappemonde , et je leur montrai toutes les
parties du globe ; je les priai ensuite de me désigner.
Tbnjfo. Ils ne pumt jamais y parvenir, et je m'y atten-
dais Uen, car c*est un point presque impercepiiBle. Je
le leur indiquai, puis je fis ce raisonnement : La comète
se montre par tout le globe ; partout il arrive des tremble-
ments de terre. Pour la plupart vous savez qu'il n'y a
qu'un seul Dieu tout-puissant , qui est Jéhovah. Est-ce
que, par l'appariticm de ces phénomènes. Dieu indique qu'il
veut faire mourir tous les rois du monde? — Non , répon-
dn-eat^is ; ceux de TVmjra seulement. — Àh! sans doute,
leur dis-je, ce grand Dieu Jéhovah , qui gouverne tous les
empires, ce grand Dieu quia fait twtes choses de rien,
ne slnquièle poini <te tous les autres royaumes du monde ;.
to» ses soiBS«Mit pour 2^Mf«, parce que tontes les autres
terres ne sent rien^ tous les autres rois du monde, tous
les autres peoipies. sent des sotsi c'est pour Toi^a seul
que le soleil se lève , que la lune et les astres se meuvent ^
Digitized
byGoogk
;tece €{ae c'est dans Fonfcr senl quese troureni leftbgnmct
savants en KeligioB , liobHss à faire des livrw, de gmndi
oaVires^ des fusils^ des montres^ des haches, des co»>
leanx , des scies et de belles étoffes! Tof^m est lout, le
reste da monde n'est rien I Oh I le penple aimé des eieux
que le peuple de Tonga ! — Ici on m'interrompit en me
disant : Helentmo y ta langue a assez remué pour nous
faire honte ; arrète-la, pardonne-nous, nous sommes des
imbéciles, tu es sayant.— Et Ton ne parla plus décou-
per des doigts ni de &ire mourir personne...
« Quelques morceaux de planches arrangés avec des
bambous, forment dans ma cabane un petit cadre de biblie-
dbèqoe, où sont placés avec ordre cent quatre-vingts volu-
mes assez bien choisis et reliés. Tout le monde a voulu les
voir, les toucher et les compter. Il est bien savant, di-
saîeot-ils , puisqu'il a tant de Kvrei. Ici je passe pour
lia érodit du premier ordre. Vous voyez qu'il m*a Min
venir bien loin pour m'attiror cette réputation.
« Que de bien à faire dans ces lies! que la moisson est
grande, et que le nombre des ouvriers est petit! Deux
Missioanaires et un frère catéchiste pour trente mille indi-
gènes I et puis Fardiipel de Viti , qui renferme , dit-on ,
an moins un million d'habitants, et qui est tout près de
nous! Que de brebis errantes et sans pasteurs sont encore
plongées dans l'ombre de la mort! Oh ! n'y aura-t-il per-
sonne qui vienne au secours de ce pauvre peuple? Si
quelqu'un parmi vous meurt sans que la Religion console
ei sanctifie ses derniers instants, c'est presque toujours
par sa faute ; mais ici combien d'âmes périssent faute de
prêtre! Ohl si mes amis de France si savants, si pieux»
si zélés, pouvaient voir «cette affreuse disette spirituelle,
combien d'entre eux franchiraient les espaces qui nous
«éporent , et voleraient an secours de leurs frères sur ces
Digitized
byGoogk
S8
plages lointaines ! Les dangers de la mer ne sont rien pour
im apôtre ; despériissurles lieux, il n^y en a pas pour ceux
que Dieu envoie et protège : pour des peines, ils en trou-
veront; mais elles disparaissent sous le torrent des conso-
lations que le Seigneur nous prodigue.
« Agréez , elc.
« Jérôme Grahgb , Missionnaire apostolique
de la Société de Marie* »
Digitized
byGoogk
.29
LHtre du P. Chévfonj Miaionnaire apoêêoUque de la
Société de Marier à sa famille.
Tonga-Tabou, 2ijuia 18-^3.
m BlEI9 0HBBsPARBIfTfr,
« Qb m'aimoDoe qu'il vient d'arriTer un navire faisant
voîle pour Sydney. Je profite de cette occitsion pour vous
donner signe de vie, et satisfaire au désir bien légitime
que vous m'exprimes de connaître les lieu& que nous Jba-
bitons, et les succès cpie nous pouvons obtenir dans nos
travaux. Ce pays n'est ré^esnent plus pour moi une terre
étrangère : je croirais presque me retrouver en France en
TOfant nos sauvages adorer le Dieu de ma patrie^ et si
ce n'était votre souvenir , je serais complètement Océa-
nien.
« Grâces à Dieu , je crois que la domination des mi-
nistres dans ces pays a reçu le coup morlel, et qu'ils se-
ront bientôt obligés de céder à la puissance de Marie , au
nom de laquelle nous avons pris possession spirituelle de
Tonga. Je ne vous parlerai pas des pénitences cruelles qu'ils
imposaient aux pécheurs, avant noire arrivée; je vous en
ai dit un mot dans ma dernière lettre; mais, je le répète
pour la dernière fois, tous les jours nous voyons encore
les traces de ces barbaries : des dents brisées à coups de
poing , des yeux pochés , des cicatrices larges et nombreu-
ses , certifieront longtemps ici de la douce rporale des pro-
testants.
Digitized
ByGoogk
« HAloos-nous de dire que File eit en paix aujeurd'hiû.
Aussi le protefttantisme s'en va-t-il avec la terreur qu'il aviâi
mspirée. Da mit , les défKlions nombreuses que las mi-
nijtres ont à déplorer devraient peu ks surprendre» s'ils
faisaient un instant réflexion à ce que deviennent leurs
transfuges. Quelques-uns, en petit nombre^ se rangent
de notre côté; mais la grande majorité retombe dans le
paganisme , ou plutôt, sans rien changer à sa croyance ,
elle reprend toutes ses anciennes [uratiques. Je demandais
^ à l'un de ces derniers son nom de baptême, il me répon>
dit qu'il n'en savait rien. — «Combien y a-t-il de
« Dieux? — Je ne sais pas. — As-tu été baptisé? — Oui,
« mais malgré moi. J'Iudritais, ajonta-t-il, le fort oc-
« cidental de Tonga ; depuis lopgtemps on avait eo^pleyé
« tour à tour les selHcitations et les «ewioes poiir«o«s
« faire embrasser la religion. Comme BOusTefittioiis li»-
« jours , on rémiit contre nous Yarvan, fiapai et tow les
« protestants de nie; notre fort fut pris «rt je fuseoMMiié
« avec bon nombre des nôtres à Vavon, où bm gré uni
« gré ^ on nous fit tons chrétiens. Àlocs4mme laissa re-
« venir, et de retoor ici , j'abandonnai la reKgiea. »
« Si nous n'avons pas vu jusqu'ici un grand nombre de
protestants se oonverdr à la foi catholique , le bon Dieu
aous console en bénissant le petit troupeau qui suit nos
instructions. Nous avons baptisé vingt-cinq personnes
en danger de mort; daïls peu dt jours notm ferons
te premier baptême solennel ; trente kanaks y seront ré-
générés, lesquels ajoutés au même nombre de néophytes
venus de Wallis , formeront comme le nojtkn de la chré -
tîenté naissante. Nous espérons qu'die s'accrottra fcientôi
par un second baptême ; car beaucoup de catéobumènes
sont venus cette semaine solliciter, mab un peu trop lard «
h mente &vear.«.
« J. Cbeviov^ ilfisi. ofoti. •
Digitized
byGoogk
31
MISSION DE WALLIS.
UtÊf du Fén Rmdaire, Miêsiotmaire apoêiohfUê de ta
So€iéU de Marie ^ é un Pire de Im mime SoeiUi.
Eb Tm de I^jXIm] a bord da Bue^lMe, le !•' d^cembra 1843.
« Moi wàyiMmv Ptei,
« Cefmle4]ittiqttenoiiftBioii(Aiiie8àbordde hbelle
Mgye VUramêy dont Mgr d'AnaU âfiit bit h béaé-
dîccioB la feille , en présence de rétaMM^. Je crote bien
^e prtede trois mUk peesonnes oouvrai^t les quais an
«MBent de notre embarquement; les Touloaaais Ton-
laiant encore nne fois voir ce jenneETdqaet qa'Us avaient
eatonré detantdbannenrs etdetant d^aftcUon pendant
•on s^oor dans leur àté hospitalière. Le Prélat arrive^
nooonq[>agBé de tout le clergé de la viUe; et, aumoMeni
ne il meuait le pied snr le canot, cette pieuse mnkitndir
iMabait à genoux, et recevait, en fondant en larmes,
In béÉédietien de l'fivéqne mÎMonnaife. Et nous aussi
•PUS hisrioin couler les n6tres; oenelutpttssn
■ss asMMi opprearii parla donlewr^tpe nous sais
pour k dernière fris, et eèiia généMws viBa de Ts
Digitized
byLjOOgk
32
et les nombreux amis que nous y avions renconuréSy et'nou*e
belle France que nous quittions pour la propagation de
TEvangile.
« Bientôt nous mouillâmes à Corée (Sénégambie) ^ où
nous fïimes accueillis avec enthousiasme par M. Moussa ,
prêtre mulâtre , qui a fait ses études à Paris , et que vous
connaissez sans doute de réputation. Il est aussi distingué
par ses talents que par son zèle, et avec Taide de quelques
sœurs de la Charité , il opère de grands fruits de sahit
parmi ses compatriotes qui , pour la plupart, sont mabo-
métans. Le jour de TAscension, Mgr Douarre officia pon-
tificalement en présence de M. le gouverneur de nos pos-
sessions du Sénégal , de M. Bruat, gouverneur des cta-
blissements français de FOcéanie, et d'un brillant
état-major.
« Curieux de connatti'e un peu cette terre d'Afrique
où nous venions d'aborder, nous fîmes une excursion dans
le petit royaume de Dakar, qui est à une lieue de Corée.
La première chose à faire était de visiter le roi. Accou-
tumé que j'étais encore à nos idées européennes^ et à Té-
elat qui environne nos princes, je me smpris à trembler
un peu à l'approche de la royale résidence. Qui n'admi-
rerait mon étrange simplicité? au lieu d'un palais, je ne
vis qu'une* misérable hutte, semblable à celles qu'hahitezu
les bergers de nos montagnes ; et à la place du trône , un
tréteau sur lequel était accroupi le monarque. C'est un
bel homme , mais, dans toute la rigueur du mot^ une ma-
j^té sans culotte : une mauvaise ceinture autour des reins,
un turban autour de la tête, voilà sa parure^ son man-
teau , son diadème. Nous dunes avec lui une assez longue
ac intéressante. conversation, à la suite de laquelle nous
lui infimes une médaille de la sainte Vierge, qu'il ao*
cepta vdoDders et suspendit k l'iiif tant à son cmu Puifitte
MMriafartecfacràB8S.«rrçuml ... , .. »
Digitized
byGoogk
S3
« kxk sortir de la cabane du roi, nous aperçûmes une
treotahie de marabouts ou prêtres mahométaos , assis de-
vaot leiur temple et dâlbérant avec beaucoup de gravité
sur le difttiment à infliger à une femme qui avait commis,
ofi vol. Je ne sais quelle sentence porta le tribunal ; mais
pendant qu'il était tout occupé de cette affaire , saas
trop prévoir de danger sérieux , nous pénétrâmes dans la
mosquée ; heureusement que nous ne fûmes pas décou-
verts^ car le poignard doit ^tirer vengeance de Tinfidèle
assez témà^ire pour oser firancbir ce seuil sacré. Pour
louer le vrai Dieu aux lieux mêmes où le démon reçoit
tant d'hommages , nous chantâmes quelques couplets de
nos pîaix cantiques en passant devant les marabouts , et
ib les trouvèrent fort beaux.
« Nous avons séjourné trois semaines à Valparaiso.
Vous dire Taccueil que nous ont fait les Pères de Picpus ,
est une chose impossible. Ils ont eu pour nous toute la
charité que saint Paul demandait aux Corinthiens pour
ion cher Timothée.
« Pendant notre séjour dans cette ville, Mgr Douarre
s adnûnistré le sacrement de Confirmation à plus de cinq
mille personnes, et, ce qui nous a surtout comblés de joie,
il a donné le baptême solennel à un jeune indigèue de$
Des Marquises. C'étaient les prémices de son apostolat.
M. Bruat et sa dame ont bien voulu être parrain et mar-
raine.
« Là encore une scène touchante a aussi fait couler
nos larmes. Un vénérable Evêque , couronné de cheveux
blancs, s^était vaitré à Valparaiso par suite des troubles po-
litiques survenus dans les républiques américaines , qui
Tont contraint de quitter son siège. Il vint trouver Mgr
d^Amata ; et étant la croix pastorale qu'il portait , il dit à
son jeune collègue : « Monseigneur, daignez accepter cette
« croix que je vous ofre. Vous êtes digne de la porter,
TOH. XVII. 98. 3
Digitized by VjOOQ le
34
9 VOUS qui Be craignee p^ d^affronter de é grauds pé-
• ritg peur étendre le règne de Jcsus-Cbrist. Pour mai,
• serviteur inutile^ je n'ai rien fait, je ne puis plus rien
• pour sa gloire ; du moins je vous suivrai de mes vœux.,
• **t je ne cesserai plus de prier pour le succès de vos tra-
« vaux. Vous allez faire lever le soleil de justice sur de
• nouveaux peuples, vous allez enfanter une nouvelle
• Eglise au Sauveur : partez. Monseigneur, et que TAnge
• du Seigneur accompagne tous vos pas I »
« Enfin nous reprîmes la mer; nous avons vu quelques-
Mns de ses dangers ; mais Marie , cette étoile si chère au
Missionnaire voyageur, nous a guidés vers le porU Après
U'ente-deux jours de navigation , nous arrivâmes, no sa*
mfèdï soir, devant les Marquises où la France a devi^ éta-
l>lissenients. Nous avons mouillé en vue de TanaU , et le
lendemain^ dimanche 15 octobre, Mgr d'Amata a çâébré
h Messe pontificale sur le rivage , sous un arbre grand et
u>uffu , qui lui servait de cathédi*ale. Un modeste autel
avait été dressé pour Tauguste sacrifice , là où peut-être
maintes fois des sacrifices humains s'étaient offeru. L«s
naturels contemplaient avec étonnement , sous les coco*
tiers e^ les arbres à pain , cette cérémonie que rendait
eitrémement imposante la présence du gouverneur, celle
de son état-major, de la garnison et de l'équipage de
r£^rant>; joignez à cela la musique et les salves d'artillerie.
A rélévation, la frégate a salué de quinze coups de canon,
et !e fort a répondu.
« Nous avons trouvé là, avec deux Pères de Picpus, une
cinquantaine de kanacks d'une Ile voisine qui, persécutés par
t^n^rs parents à cause de la religion qu'ils avaient embraa-
»oe , ont mieux aimé s'exiler que d'abandonner Jésus-
Ohrist. ih venaient au-devant de nous avec toutes les mar-
qiu*)( de b plus vive affection ! Kaoc e U Maiana : Bonjour j^
tiif.'i PJre! et il fanait répondre à chaque instant Kaoa ;
Digitized
byGoogk
cVfuUoitt Sea loulaoide^iiuts. Uae pauvre fieiiia fille 4$
hùt à oeuf ans, nommée Aamette, venait nous baiser la
■aiii à teQs , en nous dkaeu que nous étions bien bons.
« Je vous assure , mon cher Père , que je vois peu de
difiârence entre les Européens et les Marquisiens ; ceux<i
mm très-bien Ëiits squs tous les nqpports. Seulement il y
a une diose frappaute, que tout le monde remarque : c'est
la diOSrence d'expression qui distingue les indigènes bap*
s de ceax qui ne le sont pas. Ces derniers ont qualité
) de sauvage et de triste dans Tensemble des traits;
dbez les autres , c'est le regard de Tagoeau ^ «t Ton dirait
^'une teinte de christianisme reste visiblement empreinte
mr leor visage. J'ai aussi fait cette observacioii h Ton^a ,
et l'on m^issure que j'aurai lieu de la Êiire partouu
« Le lundi, nous nous sommes rendus à la grande lie
fhdahiva. L'amiral DupetU-Thouars s'y U'ouvuît avec
«q bAdments sous tes ordres. Sur-le^chanp il mît le
Bmc^kale à la disposition de Mgr d'Amata, et le ^''no-
«nri»^ nous faisions voile pour Tonga-Tabou. C'est là que
oons avons dit adieu à nos compagnons de VUr4mie* Pen-
dnt une aussi longue traversée , nous n'avons eu qu'à
«ans loner.de leurs égards; mais nous devons une recon-
toute particulière à M. le gouvemeor Braat ; ce
officier nous aimait ; ansai il n'a pu quitter
Vgr d'Amatasans verser des Im^mes.
« Le jour <ie la Présentation de la sainte Vierge, nous
eiioBs en vue de Tonga. C'étmt la première Missien de
•atn Société que nous avions le bimlieur de vkiter. Com*
bien ne fàmes^ous pas heureux de nous jeter dans ks
brM des Pères Cli^rroa et Crange et du cher irère Atodel
Le dénAmem dans kquel nous les avons trouvés lions a
irracbé des larmes. Vous avez des panvres en France »
non révérend Pirre ; mais je no pense pas qne, dans Tex-
(3èft defindigencff, leur détresse égale ce que nos eontrèws
3.
Digitized by VjOOQIC
ont eu à souftir pendant plusieurs mob. S*ils pknteut la
croix , c*est en Tarrosant de leurs sueurs ; ,ib travailtodt
dans la fetm , la soif et la nudité. Ils ont été admirables
de courage et de confiance en Dieu dans leurs épreuves ^
âu milieu des persécutions que leur ont suscitées des mi-
flistres protestants établis dans cette île depuis 1825. Des
circonstances majeures ayant forcé Mgr Poropallier k
les laisser dans une espèce d'abandon , nos ennemis n V
valent pas manqué de dire aux naturels que les prêtres
catholiques étaient des aventuriers , des gens sans aveu ,
expulsés de leur patrie et jetés par la t^onpéte sur les
rives de Tonga. Cette imposture a été dévoilée lorsque
les indigènes ont vu l'accueil honorable que leur faisaî«M
MM. les oflkiers du Bucéphale.
« Nous avons visité presque tous les chefs de TUe, même
celui du fort protestant, et le Toux-Tonga^ espèce de demi-
dien ou grand roi de Tarchipel. Tous ont dtné à bord^ et
après avoir bu le cixva français, qui est un peu meilleur
que celui de Tonga , le chef protestant que notre visite
avait probablement embarrassé , à cause de ses ministres ,
s'est uU peu ouvert ; il disait à deux insulaires catholiques :
« Entre ces deux religions, nous ne sommes pas assez ia*
struits pour discerner de quel côté est la vérité ; il serait
bon cependant de savoir à quoi s'en tenir, et pour cela
que vos Missionnaires et nos ministres eussent une con-
férence. Si nous les entendions discuter aitre eux, nous
pourrions bien juger qui a tort ou raison. — Mais à qui
la faute? répliquèrent les cbe& catholiques ; nos prêtres
ont été voir vos ministres, et ceux-ci n'ont même pas
vouhi les recevoir : diaque fois que nos Pères se présen-
tent dans vos villages, vos pasteurs ont soin de se cacha*.
— C'est vrai, répondît l'antre. »
« Je crois qu'aujourd'hui le succès de k Mission esc
assuré. Nos confrères qui, depuis quatorze mois, se*
Digitized
byGoogk
Si
mùitùX dans ks larmes» noissmiâeronl biemAt dans l'ai-
Ugresse. Ib ont d^ ceot néophytes qm sont iHen itt^eots,
éenx cents catédunnènes qui leur donnent beau<^np de
ooosobtion, et en tout près de deux nulle personnes qui
le rangent de leur côté. Nous pouvons assurer, et c'est le
ténoigDage général', que les deux Pères sont aimés de
ions les insulaires , même des protestants; et pourrait-il
en être autrement? Us pansent et guérisi^t leurs mala-
des; ils leur donnent ou prêtent des outils; ik suppor-
tent arec patience leur ingratitude et quelquefois leurs
aqvis , sans jamais cesser de les instruire.
« Jusqu'ici nos confrères n'ont point encore eu de disr
CBSskm avec les ministres; au rette, il n'y a pas lieu de
s'efiayer de leur sciew^ ; les connaissances fie la plupart
d'entre aix se bornent k savoir et à débiter avec anOisance
■ne fimle de sottes objections OHutre le cathdicisme. Ce
qu'ils fimt le mieux, c'est le commerce et leur fortune, lis
s'y entendent , je vous l'assure.
« Pendant notre s^our à Tonga^ les officiers du Bueé-
pkde furent invités à une de ces fêtes meurtrières, que le
catholicisme détruira un jour ou du moins réformera, nous
en avons la confiance. Six mille hommes environ étaient réu-
nis dans une immense plaine ; un morne silence régnait
dus tonte l'assemblée , lorsque tout à coup un chef se
lève et harangue le peuple. A Tinstant deux champions
mutent dans l'arène , armés chacun d'un énorme casse^
télé. Chacun des combattants portait des coiq[» terribles ^
son antagoniste, qui devait être assez habile pour les
éviter. Un grand nombre de lutteurs vinrent successive-
, se joindre aux premiers, et rassemblée ne fut dis-
I que lorsque la victoire fut assmce à l'un des deux
pmis. .Heureusement ce jour-là il n'y eut que quelques
blessés. Pauvre peunle, d'être asservi à des coutumes si
MNmsl
Digitized
byGoogk
38
« Cette tie est sans contredK ia plus avant^ée daos fa
eiTHisaiion polynésietine ; son itifttiences^étend sur tous ks
archipels votsinsy tels (|ue les Samoa, les Fidji, et même
ju8qu*aux HéhriJts , avec lesquelles elle communique au
moyen de ses belles pirogues , bien construites , excel-
lentes voilières , et assez grandes pour contenir une cîn-*
quantaine de personnes. Espérons que le Seigneur bénira
un peuple si intéressant , et que bientôt , grâce aux ef-
foru de ses dignes SGssionnaires, Il appartiendra tout en*
lier à la véritable Eglise.
« Nous voHà donc à Wallis , celle terne de désiré Je
dois y demeurer pour établir notre imprimerie qui sera
4\me immense utilité. Le temps me presse ; je me réserve
de vous donner une autre fois plus de détails sm* nos
dières MissitHis. Après -demain aura Heu le sacre de
Mjpr BataiÀon.
« Daignez agréer, etc.
• P. S. ie reprends ma lettre pour vow retniecr use
scène très-touckinte qui vient de se passer à notre débar-
quement. Mgr Bataillon , qui était venu nous embrasser
sur le navire, voulut nous emmener h terre avec Ini. Lors-
que le canot s'arrêta sur les récifs, les naturels qui noni
attendaient sur le rivage, an nombre de quatre cents envi-
ron, mirent à la mer une de leurs pirogues et nous y firent
monter. Comme ces embarcations calent très-peu d'eaa,
n'étant composées que d'une seule pièce do bois , ils nous
poussèrent eux-mêmes un assez long espace de chemiit ,
Digitized
byGoogk
H
tturcbant dans la mer, et n'ayant de Teau que jus(|u*à !;#
crâture. Enfin la pirogue toucha le fond et ne put plos
atancer. Alors ces bons c-hrétiens , sans nous laisser le
temps de descendre, se rangèrent tout aulour de nous en
penssant de grands cris^ prirent la pirogue sur leurs
épaules , et nous enlevant ainsi au milieu des acclama-
tions de tout le peuple , comme nos ancêtres enlevaient
autrefob les Pharamond sur leurs boucliers au jour de
enr triomphe, ils allèrent nous déposer au milieu de ras-
semblée rangée en bce de Téglise. Le chef qui présidait vint
alors rendre ses hommages à Mgr d'Amata. De là , nom
entrâmes à Téglise où Monseigneur donna la bénédiction
^ffmelle. »
Digitized
byGoogk
UUf de Mgr BataiUon , Bvêque JCEnot elHcain apaUtn
KqH$ de fOeéame eentralCf au R. P. Colin , Stspérieur
finirai de la Société de Marie.
(kéêmit «Dtrale , tle WaUif» • d^cMibrt 1843.
« HOR TEÈS-léviEBlID PEU ,
« Ces lignes sont celles da dernier de vos entuits, de
cdai qui se plaisait à être ignoré dans son Ilot lointain, et
#|ai tout à coup se voit forcé par son père même de re-
cevoir un fardeau tout à fait au-dessus de ses forces,
d'être subitement donné en spectacle aux Anges et aux
hommes. Monseigneur d'Amata, arrivé aux lies Wallis le
30 novembre, m*a remis les Bulles de la Cour de Rome,
avec vos lettres par lesquelles vous me dédaries que ,
m'opposer aux intentions du Souverain Pontife, serait aller
contre la volonté de Dieu. Eh bien ! mon révérend Père ,
je vous ai obéi , et me voici Evéque ; mais vous en êtes
responsable; vous êtes tellement obligé de prier pour
moi , de me veiller de si près , que je puisse me sauver
dans la position redoutable où vous-même m'avez placé.
D y a plusieurs jours que j'ai reçu Ponction sainte , et il
me semble encore que c'est un rêve ; je me trouve comme
dans un labyrinthe d'oà je ne sais par où sortir. Que Dieu
m'assiste I »
Digitized
byGoogk
41
«Ruit-il TOUS dire les fcnix et les espérances qui reitt-
pfoent mon coeur? Je sens en moi , Dieu en est témoin^
me Tolonté terme de sauver mon âme d*abord, et pnis de
mPKT celles dont je dois un jour répondre ; je désire ar-
demment procurer la gloire de TEglise romaine , assurer*
le bonheur de tous les peuples qui me seront con6és , et
mrtout odui des prêtres et des frères qui me seront don-
nés pour collaborateurs. Telle est mon unique pensée, mon
adôite ambition; mais je vous en conjure par votrn
snour pour Notre-Seigneur , par llntérétque vous portes
à vos Missionnaires , pensez sans cesse à moi , au saint au-
va , afin que Dieu conserve^et perfectionne Tesprit dont II
m^amme. Qnant if mes espérances , j'ai le pressentimenc
que nous touchons à Tépoque où le Seigneur doit faim
^ter ses miséricordes sur les peuplades de rOcéanie«
€ J'ai llionneur d'être » etc.
• f PlEABBi Evêqut d*EfioSf et Ficaire apostoUqu
dt VOcéanie centrale. » •
Digitized
byGoogk
49
MISSION DE LK IfOUYELLE-CALÉDOIliE.
L$Ure du Père RougeifrQn^ Miitionnaire aposioUçue de la
S^âélé de Marie, au Jt» P. Favier, de la mime Société.
PMtBikit.N9imlMW49me,ai déocabre lg43.
% Mon &£inÉRElfD PÈKB,
« Arrivés eafin au terme de aotre loag voyage » après
avoir mis le pied sur celte terre de la Nouvene-Calédonie,
qui pendant si longtemps avait été l'objet de nos conversa-
lions et de nos plus vifs désirs, nous avons hâte de jeter un
regard en arrière sur la route que nous avons parcourue ,
peur vous raconter quelques-unes des circonstances de
notre navigation. Je suis heureux de reporter mes pensées
vers vous et vers la maison du noviciat ; vos sages con-
seils vont me guider , et Tespoir que vous prierez pour
moi , me soutiendra dans les épreuves.
« C^est le 29 novembre dernier que nous aperçûmes
Wallis. Je vous laisse à penser quelle fut notre joie à la
vue de ces riants Ilots qui envirennent Tlle principale. Sur
eette terre ciiérie nous devions embrasser le digne Con-
frère, qui par la consécration ^épiscopale allait devenir
Mtre Pasteur et notre Père.
Digitized
byGoogk
4»
• Nms àvon tfométoP. BÉtifflldn êêm ébàfiftaà^ mu
loiilierB » n*apnt plus que de miséràUes vèCementsM Idm*
beaux. Ah I qu'il a souflfert et combattu peiMfeMit k» six
années de son séjour à Wallls 1 Quel autre aurait été mmi
figue d*étre le premier ▼ieaii*e apîîMtolîqtfe de deOe neu-
feOe Mission , quMl a fondée avec tant de pmoP Tm
nous a charmés en lui , même sa glorieuse pauvreté* L'fc
•ntière a applaudi de grand coeur au choix dnSainCrSiége ;
toi seul a été consterné de sa promotion à Pépiscopat. En
rapprenant, il est resté interdit. Que vonsaorieB éié hen*
reon, mon référencIPère, ai iMts aûei été comme nnas
t^Dotn de la joie de ses néophytes I
« Cette nouvelle se répandit m un iaatant d^ beat à
Panlre de WaHia; de imites partt on entsadait crier i
ItaM Bpikopé , AMh» Efikojm^BëtmMùn m Bvéfmi
Bt lia venaient en feale ae ppcat^sarà sas pieds, ponr
recevoir sa bénédiction.
«Lacéréjncmiedesaconséoralion entlienle S déoM»-
hre, époque bie^ mémoraUé. Ortreqoee^était ki Cftied»
Patron des Missions , c'était aussi le même jour que, sK
ans auparavant , Mgr Tévêque d'Aios avait dit , pour ki
première fon, la sainte Même dans une Ibrêt de cette Ile.
Après la cérémonie qui édifia beaoconp nos bons fndi^
gènes, eut lieu un festin où assistèrent le roi et la reine de
WalK^ , ainsi que HM. les oflteiers du Bueépkide; la tù/tt
se termina par une partie solennelle de kava.
« Htais ce quim'ale pks touché, c'est la ferveur de la
primitive Eglise que j'ai vue renaître dans cette Hé. Tous
kssoi^, chaque vIDage se réunitdans sa chapelle poilrfiiire
bp^ère; un catéchiste pré^e rassembla; Tèxerdee
flaif Ils se retirent, les uns dans leurs cabanes, les autres
sur le rivage, tandis que le reste demein*e dans^ la vallée,
et alors Ils récitent le chapdet , et chantent des cantiqnet»
en Phonneur de Jésus et de Marie. Le samedi, ces dont»
Digitized
byGoogk
H
ae prokofeac jusqu'à OBie heures el même jniauit^ de
sone <|oe de tome part yiw$ entendez des hymnes pienx ^
et qse tonle celle Ue bénit h la fois le Dieu qui Fa
ttttfée.
« Le matin enchanta recommencent dès raurore , et
an lever du soleil le Missionnaire sonne la sainte Messe ,
oà tons ae rendent avec empressement. Omibien leur re-
cueillement ne m^o-t-il pas édifié et couvert de confusion I
Rien ne saurait les distraire dans ce saint exercice. Un jour
<pie j'accompagnais Mgr Donarra , nous nous trouvâmes
Mmt près d'un groupe considérable de pieux chrétiens en
prières. Us nous entendirent; deux seulonent détournèrent
tant aoit peu la télé, ec paa un ne quitta la prière pour venir
à nous, ce qui est si naturel à un Polynésien. Sur deux
mUe personnes cpù peuvent communier, près de cinq
esnts s'approdienl ehMfue dimanoba de la saiitte table.
« Autrefois ce peuple était fourbe, voleur de profes*
sien, pirate et anthropophage; aujourd'hui, tant la grâce a
été puissante pour changer les cœurs, la douceur forme
son caractère, Ja franchise lui semble naturdle, et il a It
volen horreur. Ici Ton n'a plus besoin de serrures; le
Missioanahre peut laisser firuits, vin^ argent, effets, sous I4
main des naturels, sai» crainte qu'ils y touchent. Heu-
reux peuple d'avohr si bien go&té le don de Dieu I Heu-
reux nous-mêmes de penser qu'ils lèmiit sans cesse vers In
del pour nous des mams suppliantes! Sans doute qu^ib
d>tiendront pour des milliers dinfidèles le bien&it d'une
prodiaiae oonversion*
« La mort ne semble plus avohr pour eux, ses horreurs.
« Pourquoi la craindre?me disait un néophyte.NesenM:ia-
« nous pas plus heureux dans le cid?» Pendant mon aéjomr
à Wallis, une vieille femme vint â mourir; et ses parents,
an lieu de ae désoler, vinrent se réunir autour du corps ,
récitèrent des chapelets et chantèrent continuellement des
Digitized
byGoogk
u
cantiques. Une autre Cm je plaignais. un malade, qui
sodfrait beaucoup; il me répondit : « Père, ne me plains
« pas; lasoufiranceestbonnepourleciel.» Il avait raison.
Ces chrétiens talent mienx que nous , qui depuis si long-
temps sonunes comblés de grâces.
«Après une dizaine de jours passés auprès de Mgrréfè-
que d'Eues, il Mut quitter Wallis ; mais que notre petite
tfoope apostolique avait diminué 1 Cinq de nos confrères
étaient encore aux Marquises; le P. Matthieu restait avec
Mgr Bataillon, ainsi que le Père Roudaire et M. Grézel.
« Et moi je parlais pour la Nouvelle-Calédonie,
avec Mgr Douarre , le P^e Viard et les deux frères Ta-
ragnat et Marmoiton. Le bon Père Roudaire a vârsé des
torroits de larmes en se séparant de Monseigneur^ et
f avoue que cette nouvelle séparation m'a été aussi pénible
que celle de mes parents et de ma patrie. Mais nous
n'étions pas seuls dans les pleurs ; toute Tlle était dans
TafiDjction à cause du départ du Père Viard. Ce bon Père a
bien voulu passer quelque iemps avec nous à la Nouvelle-
Calédonie, avant de rentrer à la Nouvelle-Zélande. Lors-
qu'on apprit qu'il allait s'éloigner , ce fut une désolation
générale. La veille de son départ , le roi et les chefs vin-
rent consulter Mgr Bataillon , pour savoir s'il y aurait
péché h l'enlever. Leur projet était de l'emporter dans un
bois et de Tatuicher à un arbre , jusqu'à ce que le navire
f&t parti. Le Prélat leur ayant répondu qu'il n'était pas
permis de s'opposer à la volonté de Dieu , ils se retirèrent
en pleurant , et toute la nuit se passa en cris et en lamen-
tations. Ils répétèrent sur un ton lugubre, et plus de deux
mille fois, la phrase suivante : Notre Père est mort, pleu-
rons!
• Plus de trois cents Jeunes gens l'ont accompagné
l'espace de deux lieues , chargés chacun d'un panier de
fruits pour le Père. Mais le moment de se dire adieu était
Digitized by VjOOQ IC
H
ttrKiyé; d^ nous avimcio«s V6C8 le canou Alors tom Iç
vSlage se iraospocte sur le rivage, et pousse des cris de
douleur. Plusieurs tombaient d'évanouissement* Déjà nous
diioDs au lar^e , lorsque tout à coup uneCdule d'innilairei
le jettent à la nage et accompagnent le canot, pour voir
encore une fois le boa Père ipiileur était ravi.
« Mgr Douarre avait demandé un jeune homme dévoué
pour raccompagner à la Nouvelle-Calédonie. Il s'en prér
iioate un sur-te-champ. Mgr lui fait un tableau terrible
des dangers qu'il va courir. N'importe ; il répond qu'il^sst
urep heureux d'élre choisi pour aller au martyre. Tout
était arrangé pour son départ, lorsqn^un chef y mit toulà
i:oup obstacle. Il vint néanmoins sur le rivage, mais
on le tint attaché pour qu'il ne pût pas nous suiffe»
Ce pauvre jeune homme fondait en larmes. Nous étions
déjà bi^ loin en mer, lorsque nous découvrîmes an
insulaire à la nage qui venait vers nous : c'était lui ;
saaissix hommes qui le poursuivaient, l'atteignirent, et
reotralnèrent à teire.
« Enfin nous sommes arrivés à la Nouvelle-Calédonie ^
le 21 décembre. Vous raconter dans ce moment tout ce
qui s'est passé depuis l'instant où nous avons mis pied à
terre , me serait impossible. D'aiUeurs , j'en pourrai
Eure la matière d'une longue et intéressante letnre. Cette
nouvelle patrie peut avoir quatre-vingts lieues de long sur
<)uînse de large. Je n*ai pas encore tu de pays qui me
mppelâtaussi bien mon Auvergne. Elle a de hautes monta-
gnes, de riches vallées, de magnifiques cascades* Il est à
croire que nous sonunes les seuls Européens qui habitent
ce pays sauvage. Jusqu'à ce jour les indigènes nous ont
Men reçus; nous ne savons pas si cette bienveillance est
sincère; la crainte du navire peut y être pour beaucoup.
Cependant nous espérons qu'il en sera de même dans la
suite; car la Providence veille sur ses Missionnaires, et
Digitized
byGoogk
4»
Marie sur ses enfents. Nous allons commencor noire apo-
stolat ; nous nous attendons que dans le principe ce sera
un apostolat de patience et de prière. Nul n'a autant be-
soin que nous du secours d^en faant ; abandonnés au mî-
lieu d*un peuple qui peut-être sera pour nous plus férooe
<|ue les tigres, Dieu seul va être notre défense. Ce qui nous
encourage, ce qui nous rend heureux , c'^t la pensée que
la obère société de Marie ne cesse de prier pour nous, que
chaque jour nos confrères font mémoire de nous au saint
autel ; enfin nous sommes fortifiés par la touchante com-
munion de prières qui existe surtout entre les associés i
rCEuVre de la Propagation de la Foi.
« Nous ayons Tespoir que dans quelques mois un nou-
veau bâtiment viendra nous visiter, nous apporter des se-
uoars et de nouveaux confrères. Nous devons une grande
reconiiaissance à M. Tamiral Dupelit-Thouars, à M. le
içwvienieur Bniat , ii M. le c(»unandani La Perrière , et i
ums les oflBciers du BucipkàU. Us ont été admirables de
géoérosité envers nous et envers les néiçhytes de toutes
i«s Missions que nous avons visitées. Je puis dire sans exa-
gération que M. La Perrière a constanuttem déployé le
«èle et le défooeiDent d'un Missionnaire.
• Agréez , etc.
• RoueBTioif ^ WiitionnaireaposioU^*»
Digitized
byGoogk
4«
àsure de Mgr Douane ^ Fieatre apoiioUpie de la Nau-
vdle-Calédomê, d MM. les Membra de$ Conseile cen-
Ispaux de Lyon et de Paris^
Eo rade de Balade, i jaDvier l^U.
« Messieurs,
• n me serait trop pénible de laisser partir le Bu-
sépkale qui vient de^^nous déposer dans la Nouvelle-€alé-
^Mie , sans profiter de cette occasion pour vous témoi-
^er ma vive reconnaissance. Moins heureux que le Vicaire
^ipostolique de TOcéanie centrale, je ne puis pas encore
vous parler de ce que j'ai fait ; je m'en dédommagerai
tiéanmoins en vous entretenant de mes espérances.
« Avant d'appeler votre attention sur la Nouvelle-Ca-
^donîe, je dois quelques mots de reconnaissance aux ma-
telots, officiers et commandants de rt/ironte, du Phaè'ton,
rit du Bucéphahf dont les bontés envers nous ont été sans
wombre.
« Je consacrerai aussi quelques lignes à Wallis ; car
ïjooiqueMgr Bataillon l'ait fait lui-même, il pourrait bien
:»veir supprimé plusieurs circonstances propres à édifier.
« Les commencements de cette Mission avaient été pé-
nibles ; la goélette qui avait débarqué notre confrère et son
c!;>téchiste était encore sur la rade , que déjà la presque
Malité de leurs effets était pillée ; pour s'emparer du
'Mte, défense avait été £ûte de leur fournir des vivres; et
Digitized by LjOOQ IC
49
sans une ûUe du roi qai leor portait en cachette quelques
aliments, ils n^avaient que la mort, une mort prochaine i
attendre.
« Xétais trop ému au moment du sacre , pour vous
rendre compte de ce qui s'est passé pendant la cérémonie;
On y était accouru de toutes les parties de Tile; chaque
naturel avait demandé à Dieu les grftces les plus abon*
dantes pour ce Pasteur tendrement aimé ; s<nr et matiii
l'église de saint Joseph était pleine , et à la tenue des ha*
bicims on voyait assez quUls priaient de tout leur cœur;
« Un officier du Encéphale , appartenant à la religion
protestante^ m^avait demandé la permission d'esquisser la
scène imposante dont il allait être témoin , ce que je loi
avais accordé avec d'autant plus de plaisir^ que je lui étais
très-redevable pour les bons procédés et les services qu'il
t'avait cessé de nous rendre en toute occasion; mais ravi
du recueillement de ces bons sauvages , les crayons lui
étaient tombés des mains; un cantique par lequel ils
avaient terminé la cérémonie, l'avait éleetrisé.
« J'ignore quels vont être mes épreuves et mes bo*
soins , ne connaksant pas encore assez la terre que j'ai
à défricher. Si je prévois pour les commencements
beaucoup de danses à faire , tout me porte à concevoir
de grandes espérances : les habitants sont, il est vrar,
ignorants, pauvres et très-paresseux; mais ils me pa^
raissent bons.
« C'est le 31 décemln^ que je me prosternai sur celle
terre tant désirée^ et cpie j'invoquai sut elle les grâces d'en
haut. Le jour de Koël , je célâ)rai le saint sacrifice sur
remplacement de ma case : le temple était beau , il avaU
pour voûte le firmament; Tairtel ne Tessemblait pas mork
par sa pauvreté à la crèche de Bethléem, et les bons nc>-
tnrtls qui l'envû-onnaient dans le plus profond silence, m»
rappetaient assez les bergers accewusaoprès de l'Enfant'^
TOM. xviî. 98. 4 .
Digitized by LjOOQ IC
66
Dieu, après avûii* eoieiidu les Ângea enioimer ces bellas
paroIeB : Gloire d Dieu au plut haut des cieux^ et paix
sur la tare aux hommes de bonm volonté. Elles E^adras-
saient aussi en ce moment à mes sauvages ; du moins
le demaudais-je de tout nu)n cœur au divin Eniant.
« Je vous ai peu entretenus des ressources matérielles
de nie : ses montagnes, très-élevées^ sont tout à fait arides;
il n'en est pas de même de ses nombreuses vallées, qui pa-
raissent d'une fertilité surprenante* De belles cascades ali-
mentent des ruisseaux et même des rivières, qui coupent
rUe dans tous les sens. Dernièretnea i en allant visiter le roi,
j'en ai trav^sé une d'une largeur assez considérable; mi
poun^ait sans eiagération la comparer à la Seine : elle
parcotti't une longue plaine assez bien cultivée sur quelques
points. Le bananier, le taro et un fruit violet, ressemblant
assez pour la forme et la grosseur à la pomme de terre, font
toute la richesse des habitants^ Leurs cases, qu'on pren-
drait pour de grandes ruches à mid , n'ont pour toute
ouverture qa'uiie petite porte étroite et basse , en sorte
que poiu* y être àl'aise il ne faut pas avoir besoia debeau-
coup d'air pour respirer , et surtout ne pas craindre la
fumée.
« J'ai des graines de cotonnier et d^ua grand nombre
de légumes d'Em^ope; j'espère également avoir sauvé
quelques pieds de vigae : je vais donc tenter fortune,
avec une cei*taine probabilité de réussir , le doMit parais-
sant asses tempéré. Cemme les pitnragcs sont, abon-
dants , je compie eiqployer l'aunitee que vous avms eu k
bonté de m'aHooer, à fiiire venir, dans cinq ou six mois,
des bestiaux qui potnront offlrir aux Missioiuiaîras d'abord,
et ensuite auk «aturels ^ linéique resaourûe pour l'avettir.
Je pense, Messieun, anttisr dans vos vnesM agiiSttntde b
snrte; car, aprèsav^ir fiiitdis chréti^M^ il fiuukaprésérvnr
«es itis«laîiw4e r^isiveiét tourne de tant de vices( et linotti
Digitized by LjOOQ IC
61
ne pouvons les eogageràun travail pénible, pcnt-lue
pourrousr-nous en faire des pasteurs.
« Loi*&que je parlerai un peu la langue du pays , je vi-
siieraî Fînt&'ieur de l'Ile, accompagné du bon Père Viard ,
aa déYouement duquel je ne saurais trop rendre témoi-
gnage , afin de connaître les différentes localités où la pré-
sence d*un préti*e serait nécessaire, et savoir positive-
ment s'il y a ici des protestants et des ministres, ce dont je
doute, par la raison que, s'ils avaient voulu occuper
quelque points ils se seraient fixés au port Balade ou ditt^
kl irallée du roi. Inutile , Messieurs , de recominaudîT à
voire pieux souvenir la Nouvelle-Calédonie; vous m'aiderez
surtout à remercier la divine Providence pour tant dé soins
partiariîers qu'elle nous prodigue, et ajouterez ain>i h tm
dette de reconnaissance qui ne saurait être plus vive ! Je
■'aurai , pour reconnaître ce que .vous et les membres de
ii Propagation de la Foi faites en faveur de ma Mission,
qœdesvoeux et des prières; mais Dieu les exaucera, parce*
qu'ib parient du coeur. Ces sentiments que j'ose vous
exprimer, vous les agréerez , Messieurs , ainsi que rboifi-
nage du |m>fond respect avec lequel j'ai Tbonneur d'être»
« Votre très-humble et obéissant serviteur ,
« t G. DoiTAftRE , Bvêque tAnMé. tt
Digitized by VjOOQ IC
63
ExUraii ^une lettre du même Prélat à M^te C. Monatpn.
PortBaWe, 12 jâtiTifr 18S4.
« Mademoiselle,
« Je ne vous parlerai ni de Tonga qui promet beau-
coup , ni de Wallis dont la Mission , sous la rapport spi-
rituel, est très-florissante , pas même de Futuna , que
le sang du Père Chanel a fertilisé; il faut que j'arrive de
suite à ma Nouvelle-Calédonie ; c'est là le lieu de mon
repos, du moins celui de mon séjour; j*y habiterai , non
pas paroe'que je l'ai choisi , mais parce que le Seigneur
me Ta destiné*
« Avant d'aborder cette terre si désirée , il y avait en
moi un peu d'agitation intérieure. Comment serons-nous
reçus? me demandais- je. Les protestants ne nous auront-
ils pas devancés? J'ajoutais cependant que Dieu devait
avoir préparé la voie, que c'était son œuvre, qu'il n'arri-
verait que ce qu'il voudrait bien ^ et le cœur se calmait.
Nous avons été agréablement surpris : pas un protestant ,
paç même un Européen , ce qui est irès-étonnant , car
vous ne pouvez aborder dans une tte sans en rencontrer.
« Le jour de la fête de saint Thomas je me prosternai
sur celte terre infidèle, sur laquelle j'aurais voulu attirer
toutes les bénédictions du ciel. Le Seigneur m'entendait
bien certainement , et Marie jetait sur moi un regard de
Digitized
byGoogk
S3
Mère. UAnge du Seigneur nous avait précédés; les cœurs
ccaient déjà à nous. Un chef est devenu malade par la
crainte seule de me perdre); il a de la peine à mo voir
aller visiter d'autres chefs. Le jour de Noël j'ai célébré le
saint [sacrifice sur remplacement de ma case. Ponvais*je
dioisir un plus beau jour 1
« Il y a quelques jours , nous sommes remontés , le
Père Viard et moi , à une douzaine de lieues dans] Tinté -
rieur ; nous avons fait une partie du chemin pendant la
nuit , accompagnés de sauvages que nous ne connaissions
pas; et mon cœur était aussi tranquille qu'au milieu des
mes de votre pieuse cité. D'un village à l'autre c'était à
qui ferait des tordies pour nous éclairer, et tout cela sans
que nous le denumdassions. A mon retour du hameau de
Boodet, résidence d'un grand chef qui ne savait comment
eiprimer sa joie de nous voir , et avec lequel j'avais laissé
oxm ccmfirère , pour aller rejoindre seul la station , je fus
obligé de traverser une rivière de la largeur de kt Seine.
Comment bîre I Me sachant pas nager, je dépose mes effets
que je confie à un naturel, et me voilà dans cinq ou six
pieds d^eau , entre deux bons sauvages qui nagent d'iuie
main, et de Tautre me soutiennent jusqu'à ce que nous
sojnoDS arrivés à l'autre bord. Je suis <d>ligé de m'en tenir
là pour cette fois ; dans six mois je vous écrirai très-Ion^
foedient.
« t G. DouARRE, BvêqUe âjtmala* »
Digitized
byGoogk
64
MISSIONS DE LA NOUTELLE-ZËLMIDB
ET DE FUTUNA.
SwbraU d'une lettre du Pire ServwU, iUHiommre opo^
eioUque de la Société de Marie, d M* Meumed, curé
de Saint-fféant (Loir«).
Fnliiiia. lefOaoût 1S4?..
« MONSVim BT DtORE Ccfii y
• J'ai quitio la Nouvelle-Zélande ponr un petit coin de
<erre , picsquc imperceptible dans l'Océan , et à peu près
foronnu des géographes ; mais je n'ai pas tout à fait perdu
fe souvenir de ma première Mission , à laquelle Futuna
ressemble sous plusieurs rapports. Ici comme à la Baie
des lies , je retrouve cette étemelle fougère qui exerce tant
de fois la patience du voyageur ; je gravis encore les col-
Unes par des chemins escarpés , heurtant à chaque pas
4'ootrc les racines des mêmes arbres ; c'est aussi une terre
%olcanique avec ses ruisseaux d'eau chaude , avec ses cra-
tères qui fument encore dans les temps de pluie, et «es
Digitized
byGoogk
\ éè tmm aox seooiisses phM tûdeoies (ftCà
h llowr6llc^2éfanMl6«
« Dam les néc^hytes qui m^entourent^ Je retrouve
mes Nouveaux-Zélandais, vifs, travaillant par boutade,
bcilet i la colère et prompts à la v^geance , mais très-
Bibles à Tamitié.
« Que TOUS dirais-je de la population de Fotuna P Dia-
prés les rapports de quelques vieillards qui an ont été lé-
moinSy la grande tie était autrelbis habiCëe dans toutes ses
vallées et contenait plusieurs milliers de kanaoks ; mais le
fléande la guerre a presque tout moissonné, et c'està peine
s'il en reste neuf cents. Une mortalité plus 6fH»jante encore
a fi'ap|)é la petite Ke, dont tes nature jadis au nombre
de qiûnae cents, soat aujourd'hui réduits à cinquante. De
plus, le prédécesseur du roi , aaassiQ du révérend Père
Cbaael, était un monstre qui a tué et mangé plus d'uoi
minier d'bommes(l)» Les mères elIes4néoies ne se faisaient
pas scrupule d'âter la vie à leurs enfants*. • Maintenant la
population augmente de jour en jour; depuis que les in-
digènes ont embrassé la foi catholique, on voit partout s'e-
lever, sous ses auspices, une jeime génération dont les pro-
^h finiront par combler le vide des familles.
« Ud OMt sur la maniera dml les Futuniens font la
gierre. An momeai d'engager Taclkuit ils se peignent eii
'CttnrauBS, se jpevélent d'une belle cein(ui*e, lient
\ elMvasx an lOOMaei de la léie^ (ont rouler des yeux
;t) Ob • cmnp^ a* i<Mt i|f aturat cadaf res sar la table de m pnnut ;
^cvre trooTÛl^ ^m «'^(«il tropfM fflur W 4tiie»d'«a roi.
{ Extrait d'^tu leHr^ du /». Chetron. J
Digitized by VjOOQIC
^•eelanu dans leur orbite, el s'éhuiceftl an ooabftt» Ims
«n désordre, poussant des hurlement& affineox ei fiiisint
<les contorsions horribles. Leurs armes sont des massues
^l de longues lances dentelées qu'ils manient avec adresse.
La femme accompagne son mari sur le champ de bataille,
portant avec elle de Thuile et des lapes pour Tensevellr en
cas qu'il succombe. Lorsqu'un parti est vaincu, il se réfu-
gîe sur le haut des montagnes oti les naturels ont des
forts. Mais les vieillards, pour qui la fuite serait un dés-
lionneur, restent paisiblement dans l^rs habitations,
attendant une mort certaine; et quand le parti vainquenr
a tout pillé, tout ravagé et tout tué, il va présenter aux
vaincus des propositions de paix.
o..^ Futuna abonde en reptiles. A la grande tle, iln'est
çavU que de petits serpents aux conlenrs brillantes et va-
riées ; mais à la petite Ile il en est de toute dimension
^ de toutes nuances; le plus gros est presque ^là un
corps humain , et d'une longueur proportionnée à sa
«grosseur.
« n est certain que ces serpents sont venimeux , puis-
>que plusieurs naturels atteints de leur morsure ont été
malades ; cependant on n'a pas entendu dire que quelqu'un
•d'eux en soit mort.
« Id sortout le aerpeot a miUe msee po«r saisir sa
qfvroie ; souvent il grimpe sur le haut des aiiireiqn'il en*
lace de plusieurs contours, et présente k travers le feoiU
lage une partie de soi corps qnt ressemble à une em Itm-
pide ; l'oiseau, surtout le pigeon , trompé par cette appa-
rence, va pour s'y désaltérer , mais il j trouve la mort.
D'autres fois, caché dans l'épaisseur des rameaux, il
itoame sa tête de oAté et d'antre pour épier sxproie, et
^'élance sur elle avec impétoeaité pour la saisir.
*% Mais la Providence a donné aux oiseaux un merveil-
Digitized
byGoogk
67
fcui iDslinct pour s*averiir muluellemenl du danger.
Pïirait-il un petit serpent, ils se réunissent plusiews
dans Tendroit où se cache leur ennemi commun , et (bat
entendre simultanément le cri d'alarme. Quand le serpent
est gros, il n'y a qu'un seul oiseau qui annonce sa pré-
sence.
« Je ne vous ai rien dit encore de la température de
Futuna. Qaoique nous soyons dans un pays tropical, nous
i^avons pas beaucoup à souffrir de la chaleur ; souvent
les brises de mer nous rafraîchissent, et nous avons une
foule d'arbres pour nous ombrager.
« En finissant , je vous prie de recommander à Dieu k
peuple dont le soin m'est confié. Il nous donne beaucoiq»
de consolation par les heureuses disposiiions qu'il apporte
aa baptême. N'oubliez pas non plus celui qni se dit um
^rôtre, dans les saints cœurs de Jésus et de Marie.
« Sbkvant, Miss, apott. •
Digitized
byGoogk
Extrait tune leUrt du P. Reignier, Missionnaire de ta
Sod^é de Marie , d ses parents.
Hm^nik^'déwét , SOnan 1813.
« Mon cber PinB et xa cnàR^ MiaB ,
« Depuis longtemps j'attends en vain quelquossîgnes
de vie de votre pari; je n*aî point eu le bonheur de rece-
voir de vos nouvelles. Dieu soit béni de tout , je ne vous
en porte pas moins dans mon cœur, et prie toujours le
Père de la grande famille qu'il nous réunisse un jour
dans son sein.
« Grâces à la miséricorde divine , mon séjour ici n'a
pas été inutile ; déjà un certain nombre dMmes sont allées
au ciel, qui, sans le secours de mon ministère, n'auraient
pas maintenant le bonheur de voir Dieu pour toute Téter-
nité.
« Mes premières courses apostoliques se sont faites en
compagnie et sous la direction du Père Comte. Pendant
que nous travaillions de concert au bien de* la Mission,
nous eûmes la douleur d'apprendre qu'une bande de sau-
vages venaient de dresser des embûches h une tribu rivale,
et que plusieurs naturels avaient été massacrés. Les cada-
vres des vaincus, mis en lambeaux, furent dévorés par
les vainqueurs. Cette horrible scène, dont les kanacks pro-
Digitized
byGoogk
&9
i€s|uite 6M)îca( les auteurs, a jeié uo gt-and discrédit sur
b KQde, qu'elle • couverte de confusion, et par suite,
les iusulaures ont embrassé la foi catholique en grand
oointNre.
« Mes cbers parents , animés peur moi d'une exeessive
teadr^sse» vous vous troublez peui*étre dans ia cruinle
qm J6 ne devienne aussi la proie de quelques cannibales :
cessez, je vous en prie, de vous alarmer à mon sujet ; les
peuples au milieu desquds je vis, avaient, il est vrai, b
coutume affreuse de dévorer les chairs fumantes de leurs
enn^nis vaincus; mais, grâces aux bienfaits de la Reli-
gion, ces scènes dTiorreur sont devenues extrêmement
rares; je suis ici aussi en sûreté qu*en France; les natu*
rds craignent les Européens, et respectent les Mission-
aaîrcs.
« Tai entrepris récemment un voyage ù une cinquan-
taise de lieues dans Finiérieur de TUe, et j'ai eu le bon-
heur de faire retentir les saints noms de Jésus et de Marie
parmi des populations perdues au milieu des bois, là ou
jiwiii prôtre n'avsât encore pénétré. Avec quel étonne-
vent ces pauvres sauvages nous voyaient ! avec quelle joie
beawx>up d'entre eus nous recevaient dans leurs cabanes I
Diea, dam sa miaérleorde, m'accorda la grâce immense ,
peur l» eoMir d'un Missionnaire , de donner à Jésus-Qyist
denettveasai 4jseiplBSy en conférant le saint baptême à un
jinuMl loaibre dWanis ; plusieurs de ces petits anges sont
sllés peu après au ciel , et j'ai la consolation d'avM* en
euK autant de saints et puissants protecteurs.
« Onns ma Wsmu nouvelle , la pays présente des phé-
aemènes estrâroepeni cviaux : on trouve au fond des
vaUém ûonune sur les momgftea une multitude desomw
fm tièdea^u bnuittuitâs, 4m ruisseaux d'eanx chnurles
H souMes, des' abîmes brAlanm* 4'ai vu futre autres
Digitized
byGoogk
60
irae vaste fontaine, dont les Jets bouillonnants s'élançaient
jusqu'à six ou sept pîeds en Taîr, au mflieu'd^une épaisse
fumée blanche. Nos insulaires les appellent les soupifùux
4e Vempire de Satan.
« Ces sources ont, du reste, leur utilité; outre qu'elles
oflrcnt des bains très-salutaires, elles servent encore au\
naturels de fourneaux pour cuire leurs aliments ; chacun
y porte ses pommes de terre , ses légumes ou ses poissons,
et fait une cuisine aussi prompte qu'économique.
« Plusieurs montagnes présentent le spectacle le plus
imposant. L'une d'elles, extrêmement élevée , a ses flancs
couverts de neige, tandis qu'une grande source d'eaux
chaudes jaillit au sommet. Combien de fois j'ai contemplé
avec admiration le penchant d'une autre colline dont l'as-
pect est autrement grandiose que les palais de vos plus
rrches cités ! A la cime s'épanche un bassin d'^ax ther-
males, dont les nappes azurées se déroulant en cascades^
successives , sur ime échelle de gradins d'une centaine de
pieds, bondissent sur des aiguilles de granit , qu'elles en-
veloppent comme^e gracieuses toureHesd'un nuage trans-
parent , et glissent jusqu'à vous sur un lit marbré de
bleu , de rouge et ^de mille autres fraîches couleurs.
L'eau qui baigne les d^és de «e curieux amphithéitrè ,
permet cependant de ks franchir et d'arriver jusqu'au
9(Mnmet. Alors , je le répète , le coup d'œil , dans 9on en*
semble, est plus magniOqne que oelui de vos momaiDenis
tes phis admirés.
« Tout récemment, au retour d'une de mes courses,
j'nlfai me reposer quelques joofs diez on de mes confirères
voisins; là j'eus la consolation de domer la saints com-
munion à vittgt-deox naturels. Ronr la première fbb ils re-
cevaient le Dieu de tonte charité^ qui daignait purifier des
lèvres qui s'étaientautrefois sonillées en dévorant la chair
Digitized
byGoogk
61
de lairs semblables 1 Que la grâce de mon Dieu est puis-
sante , pour transformer ainsi les hommes les plus Téroces
eo dons agneaux I
« n faat, mes trës-chers parents, que j'abrège ces dé-
tails; je suis appelé par des malades. En une journée^
marchant le long des bords de la mer, sur le sable , j'ar-
rÎTerai jusqu'à eux.
« Votre fils qui vous aime ardemment et prie Dîe«
pour TOUS de tout son cœur,
« Reignier^ Miss, apost. »
Digitized
byGoogk
I«
/
Extrait d'une UUre du Père L. Rozet » Missionnaire apo-
italique de la Société de Marie , à M. Chirai , euré de
tteuville-surSaône*
l^'atigaroa , Mission de l'Epipliatie 8 aoTcnibre 1943.
« MOi^SIEUA LE Cu&i,
« Le Maori est un peuple jovial et bon. Nauirellemeai
doux et hospitalier, il a beaucoup perdu de ses vertus prî«
mitives au contact des Européens, dont Texemplea fini par
le rendre égoïste. Une fois qu'il vous a donné sa confiance, il
est assez docile. Un fait récent va vous en fournir la preuve.
« C'était auurefois Tusage parmi les chefs d'enlever la
leune fille qu'ils désiraient pour épouse. La tribu où je réside,
oubliant combien ces moyens sauvages sont réprouvés par
b décence chrétienne, était allée, sans me prévenir, se
mettre en embuscade pendant la nuit, sur le passage
d'une jeune insulaire, et l'avait portée en triomphe à celui
dont elle avait fixé le choix. Aussitôt que je l'appris , je
montrai la plus grande indignation ; j'exclus tous les cou-
pables de la prière publique et de Fentrée de la cJiapelte,
«t leur dis que je ne les voulais plus pour mes enfimts. Ils
m'ont envoyé quatre ambassades pour me fléchir; ils m'ont
écrit pour me demander pardon; raab fai feint d'être
isexorable. « Je vous abandonne, leur ai-je bit répondre :
• retournez & vos anciens usages, si vous veniez ; faîtes*
Digitized by LjOOQ IC
«3
« vous proientanls^ si toos Taiinez nietix ; pour moi, j'é*
« criraî à FEvéquc , et j'ailendrai sa décision ; mais voos
« êtes exclus de la prière. »
« La tribu s'est moutrée inconsolable; le gramd chef ;i
pleuré deux nuits ; son Ois aine ne voulait plus ni boire ,
01 manger, ni parier à personne. Voyant que j'avais réussi
à leur inspirer une douleur salutaire, propre à prévenh*
le retour d'un semblable soindale, et craignant d'ailleurs de
trop lesabatue, je fis appela* le fils aine du roi, qui étaii le
buor époux ; je lui énumérai toutes les marques d'aflfectîoB
que j'avais données à ses compatriotes, et je me plaignis
que pour récompense de cet amour, ils eussent aitaché
ane note d'infamie à ma Religion^ en suivant des usages
mauvais. Après beaucoup de larmes^ « Eh bien I me dit-il,
« que (aiU-il donc faire? Je suis repentant; c'était notre
« ancienne manière de nous marier, et je ne pensais pas
« Cadre en m'y conformant un si grand mal. » Je lui dis
qu'avant tout j'exigeais qu'il allât rendre la fille enlevée.
« J'irai deoiain , me répondit-il, car il est nuit à présent,
« et je ne poun*ais pas arriver ; mais au moins permetsr
« nous de prier avec toi* »
« Voyanttantdesoumissionetdedéréi*ence,je consentis
à ce qu'ils fissent la pi*ière en commun dans leur maison;
cela les consola un peo, mais ils me questionnaient tous les
jours pour savoir si Monseigneur leur permettrait de
revenir dans notre chapelle, et, sur ma réponse que je
n'en savais rien , ils reprenaient tristement : « Tu es dur
« pour nous , toi qui nous connais ; l'Evéqua qui vit loin
m de nous le sera peut-être autant que toi ; eh bien 1 s'il
« ne veut pas nous recevoir, notis ne suivrons pas nos an-
« ciens usages , puisqu'ils sont mauvais ; nous n'irons pas
• aux protestants, parce que leur Eglise est fausse; nous
« ferons la bonne prière , ta prière, dans notre maison^
« jusqu'à ce qu'il vienne un autre Evéque qui veuiUi
Digitized
byLjOOgk
64
• bien nous pardonner; et nous voolons tâcheri par notre
• oondtt&ie, en attendant que nous soyons reçus, de rc-
« gagner ton affection. Cependant, si nous venions à mou-
« rîr pendant ce temps-là , nous pensons que tu retrou-
« verab encore pour nous ton ancien cœur de père , et
« qu'après avoir béni notre tombe, tu y laisserais tomber
« une larme et quelques prières. »
« Il a fallu me faire violence pour ne pas pleurer de
joie à de si beaux sentiments. Cependant pour rester fi-
dèle à ma parole, je n'ai pas voulu les admettre à la prière
publique de ma propre autorité, leur ayant dit que je
laissais tout à la disposition de TEvéque ; mais je leur ai
promis de partir pour Kororareka, et d'intercéder en leur
hveur.
« A cette admirable docilité , nos jeunes gens joignent
no vif désir de s'instruire. Un jour que je leur racontais
quelques traits de l'histoire sainte , et que je leur parlais
du paradis ten'estre, deux Maoris se lèvent aussitôt : • Al-
^ tends un peu,» me disent-ils; et les voilà sortis ; une ou
deux secondes après, ils rentrent avec des charbons de bois
à la main. Je continue ma narration, et mes sténographes
s'efforcent d'écrire sur leurs jambes ce que je leur disais.
Après avoir rempli ce livre d'une espèce si nouvelle, après
avoir crayonné , noirci le vélin sur toutes ses faces , ils me
prièrent de suspendre mon récit pour ce jour-là , et ils se
retirèrent dans leur maison pour tirer copie, sur du pa^
pier, de ce qui était écrit sur leur peau...
« Louis RozET, Miss, apost. »
Digitized
byGoogk
66
MISSIONS DE UARABIE.
Lettre du révérend Père Joguel, religieux espagnol dm
Servîtes de Marie et vice-préfet apostolique de VJràbie^
à M. le Présidera du Conseil central de Lyon.
(Traduction de l'italien.)
Aden , le 9 juin 18U.
« MONSIEUH LE PRÉSIDErtT,
« Bien que la moisson recueillie jusqu'ici dans cette
Mission abandonnée ne soit pas très-abondante, cepen-
dant je crois devoir vous donner un aperçu de son éiat
présent avec quelques détails sur rétablissement primitif
du christianisme dans ces contrées. Puisse cette fidèle
peinture d'un passé qui ne fut pas sans gloire pour
l'Evangile , vous intéresser aux malheurs actuels de ee
pauvre peuple, et le recommander de plus en pins à la
charité de votre pieuse et à jamais bénie Association!
TOM. xvn. 98. ô*
Digitized by VjOOQ IC
66
• Trois religions différenies se partageaient TArabie
«vant Fère chrétienne. La plus répandue était comme par-
«mt ndolàtrie; chaque ville avait son sancloaire, chaque
tribu son autel ^ consacrés à des simulacres dUionuneSi de
femmes ou d'animaux divinisés. Déjà , à cette époque , la
Mecque possédait un grand temple qu'on pouvait appeler
le Panthéon de FArabie, puisqu'an rapport des écrivains
nationaux il renfermait trois cent soixante-cinq idoles.
Cn giand nombre de pèlerins y accouraient au mois fixé
pour ce dévot exeicice, et pendant ce temps une espèce
de trêve sacrée régnait entre les tribus les plus hostiles.
« A ce culte grossier se joignait lesabéisme, dont les
sectateurs faisaient remonter leurs traditions jusqu'au ber-
ceau du monde, pi*étendant que leur religion avait été
iVivélée a Adam , puis écrite par Seth , et propagée prin-
cipalement par Enos; mais ceux qui l'embrassèrent, pri-
rent, dit- on, leur nom de Saba , autre fils de Seth. Ils
adoraient les astres, qu'ils croyaient animés et établis par
Dieu comme des génies médiateurs entre lui et les hommes,
êlont ils se chai geaient de faire agréer les vœux et les
prières.
« Le judaïsme avait aussi beaucoup de partisans en
Arabie , non-seulement parce qu'un grand nombre d'Hé-
breux s'y étaient réfugiés au temps de la captivité de Ba-
bylone, mais encore parce que l'émigration même s'était
ffeîcratée d'une foule de prosélytes. Il tf est pas non plus
absolument improbable qne la reine de Saba, nommée
par les Arabes Balkis^ ne se soit convertie à la vraie rdi-
pûoD dans le voyage qu'elle accomplit à Jérusalem ; et que,
plus lard , rentrée dans ses états , elle ne Tait propagée
parmi ses sujets.
« Tel était Pétat religieux de TArabîe lorsque vînt su
monde le Rédempteur du genre humain. Cette contrée ,
par son rapprochemettt de la Palestine, ne put demeoner
Digitized
byGoogk
67
longtemps sans recevoir cpielque rayon de la céleste (u-
mière » destinée à se répandre d'un bout du monde à
rauire, et à éclairer tous les peuples assis à Vomir e de la
wunri. Il parait hors de doute que saint Paul en se retirant
daos ces sc^tudes après sa conversion^ saint Thomas
eo les traversant, comme on le pense, pour aller planter
h croix dans Tlnde, n'y aient porté TEvangile. Et, ce
^ue les historiens ecclésiastiques constatent, les progrès
de la fûj y furent si consolants , qu'on put compter jusqu'à
trente-cinq sièges épiscopaux dans la seule Arabie-Heu-
reuse. Le christianisme pénétra même dans le désert , où
plusieurs tribus se soumirent à Jésus-Christ. Quant à
rArabîe-Pétrce, plus voisine de la Palestine, elle était
pres<|ue toute convertie à la foi. On nous a conservé la
méflioire de deux conciles provinciaux qui s'y tinrent au
troisième siècle pour Textinction de diverses hérésies, pro-
pagées ici, comme dans tout le reste de l'Orient, avec une
déplorable facilité.
« L'Eglise arabe eut aussi ses martyrs, entre lesquels,
pour ne parler que des plus illustres , on cite saint Aretta
00 Hareth et ses trois cent quarante compagnons, quj
sottflErirent sous Dhu-Naan j tyran juif, comme s'exprime
le martyrologe romain.
« Mais cette ardente charité devait bientôt s'éteindre
dans le schisme et l'hérésie. Alors la main de Dieu finit
par s'appesantir sur ces malheureux peuples : après avpir
inutilement attendu leur retour à l'unité, elle saisit lepée
de Mahomet pour venger de longues mjures; elle imposa
les dialnes de Tesclavage le plus accablant à ceux quijne
voulaient pas se soumettre au joug si doux de Jésus-Christ.
« L'Islamisme, si terrible pour tant d'autres contrées ,
fut plus &tal encore à l'Arabie , où depuis ce moment il
a srâl régné dans toute son intolérance. S'il s'est conservé
quelques fidèles , ce n'a été qu'en se réfugiant aux extré-
5.
Digitized
byGoogk
68
miles de la péuinsule; du moins, à présent^ ne trouve-
t-on qu'à Tor el à Suez, sur la mer Rouge , à Karak près
de la mer Morte, à Hanran et à Basra, quelques débris
des chrétientés indigènes.
« Depuis peu , un assez grand nombre d'Européens ca-
tholiques , attirés par le commerce , étaient venus s'établir
à Gedda, port de la Mecque; et c'est ce qui détermina la
sacrée Congrégation de la Propagande à m'envoyer à ce
poste en 1840. Mais à cette époque les événements poli-
tiques ayant forcé Méhémet-Ali à retirer ses troupes de
l'Arabie, je ne trouvai plus en arrivant à Gedda qu'un pe-
tit nombre de coreligionnaires; et encore, parmi eux,
plusieurs étaient-ils silr le point de partir. J'informai aus-
sitôt la Propagande de Féiat des choses, et je reçus l'ordre
de me transporter à Aden , où s'était formé un troupeau
plus nombreux depuis que les Anglais avaient occupé
cette ville. J'y trouvai, en effet , quatre cents catholiques,
la plupart militaires irlandais; le reste appartenait aux
troupes indigènes de l'Inde. Le nombre '^de ces derniers
a sensiblement augmenté depuis.
« Ici, sous la domination anglaise, le Missionnaire, tout
libre qu'il est dans l'exercice de son ministère apostolique,
est naturellement placé dans des conditions moins favora-
bles que le ministre protestant; et néanmoins nos consola-
tions ne nous laissent rien à envier aux siennes. Tandis que
ses assemblées religieuses ne sont, pour ainsi dire, qu€
des réunions nationales, nous, en jetant les yeux sur notre
humble chapelle de roseaux , nous y retrouvons ce carac-
tère de catholicité promise à la seule Eglise de Jésus-
Christ; nous y voyons confondus, au pied du même autel,
ces hommes de diverses tribus , de mœurs opposées , de
langues et de couleurs différentes , auxquels le Sauveur
nous a ordonné^ dans la personne des Apôtres, d'aller
prêcher son Evangile.
Digitized
byGoogk
69
« Le nombre des adultes baptisés ici en trois années,
qumque pea considérable, me console, cependant et m'en-
coorage quand je pense à la nullité absolue de Tinfluenca
cfarétienn,e dans ce pays durant tant de siècles; il y a eu
quinze personnes régénérées par la gnke. Mais, hélas 1
qu'est-ce qu'un tel chiffi^e comparé aux seize mille habi-
tants qui m'entourent, et parmi lesquels tant d'dmes ne
connaissent pas encore ou connaissent mal Jésus-Cbçist 1
« Et maintenant^ si je porte mes regards sur le reste
de l'Arabie^ quel affligeant spectacle elle offire aux yeux de
la foi 1 J'en ai été témoin moi-même dans un récent voyage
entrepris après la célébration des fêtes de Pûques à Aden.
Comme je l'ai dit plus haut, j'avais laissé à Geddaun cer-
tain nombre de catholiques; il me tardait de les visiter,
et ils se sont tous montrés heureux de me revoir. Pendant
mon séjour parmi eux , j'assistai dans ses demiars mo-
ments un voyageur français, brisé par une chute de<jia^
meau : fonction bien triste à remplir, si elle n'eût été bien
consolante pour celui à qui, loin de sa patrie et sur la
tarre in&dèle. Dieu envoyait ainsi dans ces redoutables
instants le ministre de paix et de pardon.
« Un mois après mon arrivée à Gedda, je repartis sur
Boe barque qui faisait voile pour Suez. Parvenu en voe de
Raja, petite rade voisine de Tor, je descendis à terre, et
je trouvai là dans un pauvre village une ciaqnantaine
de daytiens grecs-scfaismatiques, administrés par un moine
du moDC Sinal. Deux jours après, je me metttis en ront0
pour visiter cette sain(e montagne, distante d'une journée
et demie du bord de la mer. Le chemin est mauvais, et à
l'exceptioa de quelques parties du vadi kabran , ombra-
gées de mrespftkmen près de EaûUesconrs d'eau, on n'a^
perçoit de végétatkm nulle part.
« Arrivé au monastère oA^ comme vous le savez, la
crainte des Arabes n'a permis de pratiquer qu'une porte
Digitized
byLjOOgk
sôutermine du côte au jardiiii je fus enlevé par le cabestan
à une hauteur de quarante pîet's, et mlioduii par la fem'-
tre qui seit d^enlrée principale au couvent. Je fustrès-blen
feçu par les religieux , quoiqu'ils soient schisnoatiques.
Us étaient alors au nombre de vin^^'i-deux, la plupart ori*
ginaires de la Valachie , et comptaient parmi eux quatrr
prêtres seulement.
« L'intérieur du couvent offre peu de régularité dans
(a construction ; mais Péglise est Vraiment comparable aux
grandes basiliques de la Terre-Sainte, attribuées à sainte
Hélène et à Constantin. Un archevêque du litre du Mont-
Sinal est h la tête du monastère; et néanmoins, comme
le supérieur actuel, il réside souvent à Gonstantinople.
« Ce couvent a obtenu autrefois de Mahomet un firmaft
pour le proléger contre la fureur de ses farouches disci-
ples , souvent plus lunatiques que le prétendu prophète.
En effet , Tédifice serait déjà détruit malgré cette puissante
sauvegarde, si les moines n'avaient consenti à y laisser
bâtir une petite mosquée qu'on voit encore (1).
(1} <f Le monastère de ta TraasSguralion.au ment SiBaï , est «oe m-
pèee éé féXh tHiage enlourd dt haaies ntcraitlet, dont les {pierres moC
(Téimnaiei Mon lo gisait. La ttôtof* tomo «n uni ^, fW rtioi éê
•it «élét, a fMtrt«viRfla al qacl^Mi toiata da laagour ; l'iBlénaar ■*aal
qu*im amai de bAtinenta irrëgoliera , eooatruits d'apcàe différanta plana,
aor un terrain trèa-ioëgal. Excepté IVgJitOf loat y eal paorra; aaU
partout règne la plus grande propreté.
«r Vttfi dès eboses que la toyagenr j ntiriir^e le ^ni ti<« et aroe h
floa do ^aiair en «rrinni da éeaort , o'aal r^hmimtm do foMa, «io •>
manque jamaia. Onlre ces aourcaeqni aafibaail m^ divèta haaofaa, il y a
on puits célébra qui date , dit-on , dn temps daa Paliiarches. On fréload
que ce fut tout près que te libéralenr des Hëbroni reacomra loa fiQet éê
Jéihro.
Digitized
byGoogk
71
« Le jour qoi suhrit noB arrivée, Je viâiai k ^
noBtagiie où le chef vénéré du peuple |de Bien reçnt lu
tables de la loi. Le rade sentier qei meneau aomoiei est
bordé de diapelles en raines. C'est m resie de celhili»
« Le eov^nl propremml éU fol bâti tm l'att 527 paf Veraperetir Jm-
twif . Ob y ▼«* tntan ïéUSaê fak serrait d*4f lue a«i oalhatiqaet , «t
^«à ik f«MBt eipvM • U j « otnl qmiMiite aof , par Icfi groce i4éi^
■alv]iie» <|ai eo spnl auUret aujonrd'haL 4e Qe ftu arrêter mei rej^ai^
Mr le moDiuneol , sans ëprooTer un tif sentiment de douledr. Htflaa ?
si le^ciel ne Tient an secours des catholiques , l'or et Fintrigue des gi«c«
le«r enlèTCTOBt iascBsibleBieDt tons les saÉctnaires . et ne laisseront ^m
en kmr poMissina im sent an iaUbsemattls qnSlsoot en Otient.
« En me eondoisant à Féglise , le frère me fit apereeroir une «^
qnée fni, me dit-il, aTait iié construite par les Arabes etviplo) os jadis a»
•erric» intérieur de la maison.
« La beauté de IV-^lise mo surprit : elle est dirisée en trois nefs pac
dcvx rangs de colonnes de granit , qni supportent une To&te peinte en
Vim et parsemée d'étoiles d*or. Cas coloanaa qu'en a mal à peapos «#-
Tèlvea de plèla», apfariismisut à difera ardeet d'«rcbitoeture ; la pkifit
sent du corinibiaii : aUes ramonlentau commencement du sixiéoieaiècleu
« Toal le paré est , ainsi que les murs du sanctuaire , en aarbe^e
Uanc et Botr tiré d'Italie et d'un fort beau tvarail.
« L'éflise est éclairée par une multitude de lampes d'argent et de ter-
meil. Ce sent autant de cadeani faits par les Russes, parce que le corpa
de saisie Galbarina » pa^r laquelle iia qn^ «nq grande ténération , j ré-
pète. Las mnraille» sont ornées de Qombreui tableaux ricbemeotasca-
dré» ; nuis U n'en est pas nn dont la peinture ait quelque mérite.
« Après cette TÎsite , je fus mené dans la ckapelle appelée du Muium
mréeni. C'est an lien même on Dieu manifesta sa présence par un si grand
prodige , que , d'après la tradition , est bâtie la chapelle destinée à m
perpétuer le aonTenir. 11 n'est permis d'y entrer que pieds nus. Le aanc-
maire est es toat semblable è ceux de la Palestine : nn antel^élefé , aan-
•emi par des oalonnea , et sons l'autel le lien référé. »
{PèUHmmf à /émia/em ,eU.,fwr h réUr$nd Fir€ Mwriê^oêtpk
Digitized
byGoogk
72
auirefois liabkée^ par 4e saiou enniies. A ces retraites Bt
joîgnaieiit les jardins ombragés de cyprès et d'oliviers ;
et maintenant que ceux qui les plantèrent ne sont plus,
ces arbres toujours verts contrastent encore admirablement
avec les arides rocbers dont se forme le groupe de THoreb
et du Sinai.
« A la vue de cette dernière montagne, une pénible
réflexion venait désoler mon esprit. Je me disais : Voici
doue où la loi fut donnée à Tbomme sur des tables de
pierre; et maintenant les lieux mêmes où Dieu la pro-
mulgua jadis aux éclats de la foudre , en ont perdu le son^
venir. Ce fetal oubli sera-t-îl donc éternel! L'Arabie au-
rait-elle pour jamais fermé les yeux aux clartés de la foi I
Ab I loin d'elle ce malheur, mais plu0t qu'elles se réalisent
enfln les espérances de salut dont mon cœur aime à se
nourrir.
« Après huit jours de voyage dans celte péninsule con-
sacrée par les plus grands souvenirs, j'arrivai aux sources
connues encore aujourd'hui sous le nom de Fontaines de
Mcise. EUes scmt ombragées par quelques palmiers , et se
trouvent situées à quatre heures ettvht>n de Suez* De là
j*atteignis bientôt le rivage de la mer Rouge.
• Agréez , Monsieur le Président, etc.
€ JoGVET, Fice-Préfet apastoliqtie
de la Mission de V Arabie. »
Digitized
byGoogk
73
MISSIONS DE L AUSTRALIE.
ExirtUi Jtune lettre du Père JUmis-^Marie PfêciaroU^ reli^
peux passianùie^â San Bminenee le Cardinal Gaepard"
Bernard PianeUi » Bvêque de Fiterhe.
(Traduction de TitalieA. )
\\9 Demncb;, le 29 janrter laU.
« Emirekce,
« Pftuvre Missionnaire I conduit par la Providence sur
ne plage lointaine, transporté du sein d^une riante na-
ître au nûlieu de sombres forêts, et sans autre société que
des tribus sauvages , c'est une douce insolation pour
■tt de tracer sous vos yeux une rapide esquisse de ma
Digitized
byGoogk
74
sftuatioD nouvdle. J'ose espérer que Voire Eminence vou-
dra bien agréer ce témoignage de mon humble dévoô-
menu
« La station qui nous a été assignée 'par Mgr Polding
pour Tévangélisation des sauvages, est Tile Denwich,
située entre le 27® degré de latitude et le 161* de longi-
tude^ à une dstanee de six êenis milles enviroB deSkf-
ney, dans la direction des côtes du nord , et quarante-
cinq milles avant d'arriver au petit village de Brisben-
Town. Celte Ue, de quarante mille? environ de longueur,
mais beaucoup moins large , ne compte pas plus de cent
cinquante habitants.
« La^ nous sommes quatre Missionnaires passionnistes
établis au fond d'une baie , dans une maison eir ruines ,
qui a servi autrefois de prison avx Anglais déportés. Non
loin de notre réndence^ s'arrAte souvent une bande de
sauvages composée d'eaviros quarante persoones. — l^
plus nombreuses tribus ne comptent pas au delà de
soixante indigènes. — Quoique chacune d'elles ait un
rayon déterminé qui est censé la propriété héréditaire et
exclusive de la peupbde^ cependant elle n'occupe point
de poste fixe. Proonenant d'un lieu à l'autre son existence
vagabonde , elle ne campe jamais plus de huit à dix jours
xlans la même vallée, semblable^ si j'ose le dire, ù ces
troupeaux nomades que la faim pousse vers des p&turagos
nouveaux, et qui abandonnent sans regret la prairie après
l'avoir dévastée
« Nos sauvages, à début dTiabitations permanentes ,
se cottscrotsent de misérables huttes avec des écorccs d'ar-
bres , frètes abris d'un jour que le lendemain verra aban-
Comtés ou rédnits en eendres.
Digitized
byGoogk
75
c Depuis longtemps Êimib'arisés avec les Européens, les
indigènes qni nous avoisinent sont plus sociables ; ik se
metient volontiers en rapport avec nous, et samblent même
ooDs écouter avec docilité : toutefois, nous sommes avertis
de ne pas trop nous fier à ces apparences ; car ils sont d'un
ooturd à trahir même ceux qui leur font du bien.
« Os ont la physionomie moins disgracieuse et la cou^
leor moins noire que les nègres d'Afrique , mais en Eut
d'ornements ils ne dioisissent pas mieux ; ils croient s'em-
beffir en se barbouObnt la figure av^ du charbon, sur
fe^oel ils étendent, en guise de fard, une couche de terre
rouge 00 d'autre matière fortement colorée. Avec une
laffle élevée et une constitution robuste. Es sont polu^ns
i Feicès ; la gloutonnerie et la somnolence se partagent
km ?ie, heureux encore si la vengeance n'avait pas pour
eux phis d'attrait que le sommeil !
« n est rare^ à la vérité, que les membres d'une même
tribu 9e divisent entre eux par des querelles intesUnes ;
ïïàk h guerre s'élève plus d'une fois entre peuplade et
peuplade^ et les armes dont se servent alors les combat-
tants sont la massue , le bouclier et la hnce.
« là , comme dans vos sociétés dégantes, la vanité a
aiBsi son martyre. C'est un axiome reçu parmi nos sau-
vages que les prétentions ii h beauté sont le prix de la
douleur. Ausû n'est-il pas d'homme qui , pour se donner
cm oonplément de grâce, ne se déduit les bras, la poi-
trine , le dos et les jambes avec des coquillages , afin d'ob-
ttnir à diaque incision une hideuse excroissance de cbair,
qu'A étale avec la plus repoussante coquetterie.
t Quant aux finnmes , c*€»t moins le goàt de la parure
Digitized by LjOOQ IC
76
que l'idée d'un sacrifice religieux qni les porte à se mutila*.
Lorsqu'elles sont encore en bas âge, on leur lie le bout du
petit doigt de la main gauche avec des fils de toile d'arai-
gnée; la circulation du sang se trouvant ainsi interrom-
pue , on arrache au bout de quelques jours la première
phalange , qu'on dédie au serpent boa , aux poissons ou
aux kanguroos.
« Sans doute que nos sauvages espèrent par cette of-
frande obtenir une chasse heureuse et une pèche abon*
dante ; car ils n'ont presque pas d'autres ressources pour
vivre. U est vrai qu'ils recueillent aussi une espèce de ra-
cine dont le goût diffère peu de celui de la patate, qu'ils
mangent au besoin un reptile assez semblable au léz^,
mais beaucoup plus gros, qu'ils surprennent parfois le
renard-volant I qu'on prendrait pour une grosse chauve-
souris ; mais après le kanguroo qui se trouve en grand
nombre dans les lies voisines, leur principale nourriture est
le poisson. Réunis sur la côte au nombre de six à huit , et
armés chacun d'un filet qu'ils confectionnent avec ki racine
d'un arbre réduite et tordue en mince ficelle, ils s'avan»
cent en demi-cerde dans les flots, murmurant à voix basse
je ne sais quelles paroles; et quand ils ont cerné leur
proie, ils la poussent doucement vers le rivage. Alors tous
ensemble ils poussent de gprands cris , comme pour l'é-
tourdir, et s'en emparent avec facilité. Aussitôt pris, le
poisson est jeté palpitant sur la braise « et dévoré même
ayant d'être rôti.
« Pour du feu , ils en ont toujours à leur disposition »
Tusage , je dirai presque la dévotion de ce peuple , étant
de ne marcher qu'un brandon à la main. Si par mégarde
ce tison vient à s'éteindre , ils s'empressent aussitôt d'en
allumer un autre , et voici comment : ils prennent un sar-
Digitized
byLjOOgk
*?7
ment bien poreux auquel ils pratiquent une légère en-
taille ; sur cette incision ils appuient la pointe d^un second
sarment plus sec encore , ils le tournent et retournent ra-
pidement entre leurs mains comme un fuseau, jusqu'à
ce qu'éciiauffé par le frottement, il iîune et puis s'en-
flamme.
« Cette espèce de culte des sauvages pour le ieu se re-
produit encore dans leurs funérailles. Avec le guerrier
qu'on vient de déposer dans la tombe , on ne manque
jamais de placer d'un côté une de ses armes défensives , et
de Tautre un tison ardent. Pensent-ils que ce compagnon
ioséparable de ses migrations pendant la vie , est encore
plus nécessaire à ses membres glacés par la mort? Je se-
rais plutôt porté à croire que cette pratique est pour eux
un symbole d'immortalité ; car de même que la flamme ,
en se dégageant des corps qu'elle consume, s'élance vers
les cieux, ainsi sont-ils persuadés qu'au sortir de ce
monde ils s'élèvent dans les régions supérieures , où les
]»îvaiions de la terre sont oubliées dans les joies d'un éter-
nel festin.
« Vous le voyez , nos pauvres insuiaires sont encore
bien éloignés des) saintes idées de la foi. Le moyen de les
leur inculquer serait de prêcher aisément dans leur langue
naturelle; mais malheureusement nous ne la parlons pas
encore avec facilité : elleçst embarrassante pour un Euro-
péen surtout^ parce qu'elle a cette pauvreté , ce laconisme
et cette absence de liaisons, qui jettent ordinairement tant
de difficultés dans l'idiome des nations priioitives et des
tribus sauvages.
« Eminence , il est temps que je termine cette lettre ,
M ic ne veux pas trop abuser de vos moments et de votre
Digitized
byGoogk
80
Extrait d'une Uttre de Hong-Kong j du 24 juillet 1843.
« Il y a dans cette lie une église catholique fort jolie,
desservie par sept ou huit Missionnaires français, italiens ,
espagnols et inùuic chinois. Ciiaquc jour on y dit sept ou
huit messes. Ainsi, clans un lieu, inhabité il y a deux
ans , et où s'élèvent déjà de vastes édifices , les catholiques
possèdent une belle maison de prières. Mais ce qui ma
frappe et me réjouit encore davantage, c'est de voir sur
celte partie du sol chinois s^agenouiller au même instant
des représentants de presque toutes les nations qui sont
sous le soleil, avec leurs différents costumes, avec toutes
les nuances de couleurs sous lesquelles Tespèce humaine
se montre ; et ces hommes , si différents de mœurs, d'in-
térêts , de couleur, de langage , sont^ au pied de Fautel y
également attentifs, également recueillis et occupés du
même objet : unité merveilleuse que [notre sainte Eglise
romaine a seule réalisée- »
LTOR , IVP. DB I. V PBLAGACD.
Digitized
byGoogk
81
MISSIONS DU LEVANT.
Extrait cTune lettre de Mgr Guasco, Evéque de Fez et
DAégat apostolique de V Egypte et de VJrabie, à MM.
les Membres du Conseil central de la Propagation de la
Foi à Lyon.
Alexandrie d'Egypte, 16 octobre 1844.
« Messieurs ,
« Le bot que je me propose en vous adressant cette
esquisse des mœurs égyptiennes , est d'ofinr à vos As-
socies un gage de ma vive reconnaissance. Je n'ignore
pas que ce tableau, souvent ébauché par beaucoup'
d'historiens et de voyageurs, ne ^ composera en grande
partie que de traits déjà connus ; mais si la vérité des
descriptions peut suppléer à Tintérét de la nouveauté,
si le caractère d'un peuple a toujours quelque chose de
saisissant lorsqu'il est tracé avec exactitude, j'aurai aisé-
ment ce modeste avantage ; car en peignant les Egyptiens
TOM. XVII. 99. MARS 1818. Digt0dbvL.OOgle
82
tels qu'ils sont , ce sera simplement yom redire ce qui
se passe autour de moi ou sous mes yeux.
« La population indigène se partage en deux EunUIes
principales, les Arabes et les Cophtes; ces derniers,
comme seuls descendants des anciens Egyptiens, se pré-
sentent aussi les premiers à ma pensée. L'étymologie de
leur nom , avivant quelques historiens, parait dériver de
Cophtos ou Kypt, ville autrefois célèbre dans ce pays. Il
en est qui lui attribuent une autre origine; mais quelle
que soit la diversité des opinions à ce sujet, tous les au-
teurs s'accordent à regarder les Cophtes comme les habi-
tants primitirs de la contrée.
« Soumis depuis plus de vingt siècles au despotisme
étranger , ils ont oublié peu à peu le génie, les arts et les
connaissances de leurs ancêtres ; touterois , ils ont con-
servé plusieurs de leurs usages ; et les notions qu'ils se
sont transmises de père en fils^ touchant les terres ense-
mençables et les produits les plus favorisés par Tinonda-
lion périodique du Nil, les font choisir , même aujour-
d'hui, pour remplir les fonctions de secrétaires ou d'in-
tendants, sous l'autorité des beys et des gouverneurs.
N'allez pas croire que pour servir d'instruments à une
civilisation qui n'est pas la leur, ils démentent leur ori-
gine : loin de là ; comme les pères écrivaient en carac-
tères hiéroglyphiques, pour dérober au vulgaire le se-
cretde leurs seiences,- ainsi les fils écrivent en copbte pour
mieux cacher l'intelligence de leurs calculs. Voilà, sans
'aller en chercher d'autre cause, d'où vient que la langue
àe% anciens Egyptiens ne s'est point perdue.
« Les Cophtes embrassèrent la foi chrétienne presque
aussitôt qu'elle fut apportée en Egypte par l'évangéliste
•saint Marc. Ils la gardèrent dans toute sa pureté jusqu'à
la noiwance du monothélisme. Abandonnant alors les
iianiles traditions pour les nouveautés de la secte, ils
Digitized by LjOOQIC
83
portèreai daM letir égarement cette opiniâirelé et*oei
esprit de parti, qui reaéeat ra^eoglemeat pveaqae imm^
nUe, 8ttrt<mt loraqa'à la farreur d'uae éçeàsm ignoraacé
il a reça la aaiietioii da leai^M et de i*liabitiKle. L*liépé$ie,
d*aillein<s, perdit bieotdc obez eax son caraeière primitif^
€0 8*allia»t aax superstilioas ioealea^ et en faisant aiu;
sovrenirs de Panoîen paganisne desemproats piua cou*"
pabks encore.
« An reste , ks Copbtes Talent nienx que ko»
croyances; tlssontdonx, hnmaînset hospitaliers; sensî^
Ues à la tendresse paternelle, comme à Tamour ttiarl, Sk
honorent et respectent les liens du sang. Le commerce
qalls font dans rintérfeur dn pays, et radministratie»
des aflËûres qu'on leur confie Tolontiers, leur procurent
parfois des trésors considérables. Mais ces richesses
Biéaie sofit presque toujours la source de leurs malheurs ;
car à peine a-t-on deviné leur opulence, que des maIwiU
lants ou des envieux les accusent de concussion ou de
rapine, et sans ph» d'examen le gouvernement les dé-
fMHiiUe sans pitié. Trop heureux encore s'ils pouvaient
toujours s'en tirer par la perte de leur fortune. Malgsé
ces vexations continuelles, ils n'ont jamais rien entrepris
contre la tyrannie qui les écrase; au contraire^ ils-en
sapportent le joug avec une patience à toute épreuve :
tant il est vrai qu'nae longue habitude peut rendre Mh
gers les fers même de l'esclavage.
« Après les Cophtes , les Arabes sont le phis ancien
pen|de de l'Egypte. Ils forment à peu près les deux fiera
de la population. Leurs mœnrs diffèrent arec le genre 4e
vie auquel ils sont adonnés. Je ne parierai pas des fett&kSf
parce que le silence est le seul voile que la charité puisse
jeter sur leurs défems.
« Ceux qui sont connus sous le nom de bédotfins, •m
qm cottvvent les solitudes brûlantes situées à l'orient et
Digitized by LjOOQ IC
84
ik Toocideiu de l'Egypte» présentent des caractères beau-
coup moins odieux. Divisés par bordes nomades, ils dé-
daignent ia culture, vivant de fruits sauvages et du pro-
duit de leurs troupeaux. Aussitôt que les pâturages oà
ils ont fait une halte passagère sont ^isés, ils char-
gent leurs tentes et leurs familles sur leurs chameaux, et
vont se fixer dans une autre oasis. Ces hôtes des déserts,
Trais pirates d'un océan de sables, sont la terreur des
caravanes. Malheur à celles qui ne peuvent leur oppeser
des forces supérieures ; elles doivent se soumettre au
tribut ou accepter le combat. Repoussés, les bédouins
échappent à toute poursuite en disparaissant comme un
Irait dans des profondeurs inconnues ; ont-ils l'avantage,
ils dépouillent les vaincus et se partagent entre eux le
butin ; mais ils n'abusent pas du succès pour répandre
le sang, à moins qu'ils n'aient à venger quelques-uns
de leurs compagnons morts ou blessés.
« Malgré leur goût pour le pillage^ ces peuples res-
pectent les droits de Thospiialité ; le voyageur qu'ils
priment sous leur sauvegarde, n'a plus rien à craindre
ni pour son or ni pour sa vie , car leur parole esc un
sarment inviolable, et je ne crois pas qu'il y ait d'exem-
ple qu'aucun bédouio se soit rendu parjure.
« Il est une troisième classe, celle des Arabes-culti-
vateurs, qui ne connaît pas plus la cruauté du fellah que
la fierté indomptable du bédouin. Ce sont les plus doux
et les plus humains des orientaux. Le désir de la ven-
geance, si naturel aux nations à demi barbares , n'est
point éteint dans leurs coeurs; mais si l'ennemi dont
ik ont résolu la perte, peut se soumettre à Tenir boire
le café aTec eux, il n'a plus à trembler pour ses jours;
à cette marque de confiance, ils oublient tous leurs res-
sentiments.
c Avant de commencer leur repos , qu'ils prennent
Digitized by LjOOQ IC
86
ordinairenieDt à Titrée de iairs cbaaiiuëres on de
leurs tentes, les Arabes-agi^icuUeurs crient à bante voix :
Que cdui qni a faim approche et mange ! et cette invita-
tion n'est pomt une stérile formule de politesse; tout
homme, quelle que soit la religion à laquelle il appar-
tient/a droit de s'asseoir à leurs côtés, et de se nourrir
des aliments servis à leur femille.
« Avec tant d'excellentes qualités, et attachés à la
colture d'une terre qui ne demande qu'à produire, iU
devraient, ce semble, jouir de toutes les délices de la vie.
Toutefois, ils sont les plus malheureux des hommes. Du
matin au soir, et d'un bout de l'année jusqu'à l'autre, ils
travaillent sans se reposer un moment; leurs pénibles
sœurs produisent chaque année des richesses immenses,
et cependant ces malhenreux languissent dans la pau-
vreté au milieu de l'opulence qu'ils entretiennent ; de
tontes leurs fatigues, il ne leur revient que les coups
de fouets qui trop souvent ensanglantent leurs épaules.
« Au-dessus de cette caste agricole, dont l'activité n'a
d'égale que la misère, les grands de TEtat s enoormen
dans h mollesse et l'oisiveté. Convaincus qu'une aveugle
fatalité préside aux destinées humaines, ils attendent
Farrét du sort sans porter un regard curieux sur l'ave-
ur; Ib jouissent avec insouciance' du présent, pensent
peu, n'ont pas les rêves de l'ambition parce qu'ib n'en ont
pas l'énergie, et sont capables de fumer un jour entier
fans ennni.
« Toot seigneur musulman, en Egypte, se lève avec
le soleil pour respirer l'air frais du matin. Bientôt
après, des esclaves lai apportent de l'eau. H se purifie en
se fatimt le visage, les mains et les bras jusqu'aux cou-
des, el les pieds jusqu'aux chevilles; cela fak il se tourne
«ers Forient et oommence ces prostrations. Viennen lea-
uûte d'mtrw esdnves qni Ini présentent le caC6 et b
Digitized
byGoogk
»6
pnpt, et tant ipie dvre le déjeuaer du ntllfe » 9i ae
licnûest debéot detant lui , les muins croisées sur b
loeitriiie , cherchant à prévenir ses motndres vokHUés.
S«s enfoats, qif il ettroie chercher, paraissent alors ta sa
prôseRce : il leur dil quelques mots^ les caresse grave-
ment, leur donne sa main à bwer, et les âih reeouduîre
auprès de leur mère.
« De si( fanûile il passe au som de ses aSuîres , qui
ne sont jamais compliquées; quelques heures suffisent
à ce travail sérieux , après quoi le musulman n'a plos
qs'à se chercher des distractions.
« S'il survient des visites , il les reçoit le plus poli-
méat qu'il sait, mais sans beaucoup de complimenis.
Ses inférieurs doivent se tenir à genoux devant lui» ap-
puyés seulement sur leurs talons ; ses égaux oui droit
de s'asseoir à ses c6tés ; un sopha est réservé aux vit»-
K'urs de disiinaion. Dès qu'on s'est placé dans le nu^
4|ui convient à diacun , le maître du logis bat des mains ,
ei h rinstant un esclave entre et pose au milieu de la
Italie une cassolette où brûle un encens précieux ; en
apporte de longues pipes garnies d'ambre et tout alla-
inées; on sert le café, des confitures et des sorbets, et
U conversation se poursuit, lente et amicale, au milieu
de rafraîchissements exquis, à travers un léger auiige de
vapeurs odorautes.
« Les visiieui*s parlent4Is de se retirer, un esclave re-
paraît , un large plat d'argent à la main ; il y place ki
«;H8^olette aux senteurs embaumées, et la présente tour à
leur à chacun des assistants, qui s'en parfument la barbe.
k/e$m de rose est ensuite versée sar leur léie , et après
««ile cérémonie, on est libre de reprendre ses paotoa^
fle»^ dese dire adieu.
« Le soir, on va à la promenade : monté sur dee Éaes
ea sur des chevaux riehemeac capavaçoanés^ on suit les
Digitized
byGoogk
87
rifes du MU ou le bord des canaux ,Jpoor jouir de b
Mnbeur du crépuscule. Une beur^ après le coucher du
soleil^ chacun est rentré cheESoi. On aoupe^n famttle»
on se couche tout babillé pour se rq[>oser d^uue journée
toisivâ , et Ton ne se réveillle que pour reprendre, où on
i-avait laissée, la trame uniforme d'une vie toujours m-
dolente.
« En Egypte comme dans tout rOrient, Texistenoe
des femmes riches est en quelque sorte murée dans Tin-
térieor du logis ; elles naissent , vivent et meureni a|i
sein de ce sanctuaire impénétrable. Toutefois , le soin
des ailaires domestiques et l'éducation des enfants ne
lesafasorbentpas tellement qu'elles n'aient encore de.doux
loisirs; dies ne sont même pas aussi prisonnières qo'uo
pourrait le penser. Tous les jeudis, elles sortent avec
leurs esclaves chaigées de rafraicfaissemeuts. Des pleur
reuaes à gage les suivent. C'est qu'un devoir sacvé les
appelle au cimetière public. Là elles fout entonner des
hymnes funèbres ; à ces lamentations metH:enaire> elles
méleat loues acceuts plaintifs, elles versent des kirmes
H des fleurs sur les t mbeaux de leurs parents, qu'elles
«ouvrent ensuite des mets apportés par leurs suivantes,
<:tla. foule, après avoir convié les dme> des morts, prend
un repas religietix , dans la persuasio» que ces ombres
chéries savourent les mêmes aliments et qu'elles s'aaao^
cieot au sympathique ban(|uet.
« Les Egyptiennes sortent enoore une ou deux (bis par
semaine pour visiter leurs parentes ou leurs amies. ÀusHiôt
qu'une dame étrangère ^e préseiteau divan des femmes, la
maltresse du logis ss lève en souriant , et va l'embrasser
au milieu de la sille; elle lui prend une main qu'elle
presse sur son ojeur ù plusieurs reprises ; elle l'invite à
s'asseoir sur le so, ha d'honneur : « Comment avex-vous
• pu. nous oublier si lon^lemps ? lui dit -elle; ne savez-
Digitized
byGoogk
88 '
« TOUS pas combien nous sommes heureuses de vous
« voir? Votre prince ennoblit notre demeure; vous
« êtes le bonheur de notre vie , U prunelle de nos
« yeux, elc. » Tels sont les premiers compliments
d'usage. Bientôt les inévitables pipes, le café, les sor-
bels, les fruits , les confitiires et les parfums sont appor-
tés par les esclaves ; Teau de rose coule sur les mains ;
on mange, on rit, on folâtre avec une joie que j'appel-
lerais enfantine, si la candeur n'était pas inconnue à ces
enfonts de la servitude.
« Au moment de se séparer , on se dit plusieurs fois :
« Dieu vous accorde une nombreuse postérité^ que le
€ ciel vous donne une longue vie ; puisse votre sanlé
« être aussi durable qu'elle nous est chère 1 etc. • Mais
on ne s'appelle jamais par son Bom; ma mëre^ ma sœur,
ma fille , voilà les titres qu'on adresse à la femme d'an
âge mûr, à la nouvelle mariée, et à la jeune p^-
soune.
« Tels sont les Egyptiens dans leur vie privée ; tels
sont du moins ceux de leurs usages qu'un Missionnaire
peut décrire ; cai* s'il les connaît sous beaucoup d*au^
très rappor !s, ce n'est pas pour en parler, mais pour en gé-
mir devant Dieu. Et quand je pense combien est profond
l'abUne qui les sépare de la vérité , je m'attendrb sor
leur aveuglement funeste , je verse des larmes amères
sur leur avenir éternel que je voudrais prévenir , fftt-ce
au prix de mon sang.
« Daignez agréer, Messieurs, Icxpression du respect
avec lequel je suis, eic.
« t Fr.-Perpetuo Guasco, Bvêque de Féz,
Fimireet Délégai aposL de F Egypte et de VArahte.
Digitized
byGoogk
89
Jutre lettre du même Prélat à M. le Président du Conseil
central de Lyon.
Alexandrie d'Egypte, 24 fét rier iS^%,
« Monsieur le Pe&idert ,
« Je suis heureax de fournir mon tribut à vos Annales.
Lesoj^u dont je vais vous entretenir est bien simple;
K s'agit que d'une tonte jeune fille ; mais dans celte
tt&Dt a éclaté le triomphe de la grâce, et c*en est
aaez pour fixer Tattention de vos pieux lecteurs.
• Sur la fin de 1841, une famille catholique compo-
sée de trois personnes, le père, la mère et une fille de
dix ans, quittait Alep pour se rendre en Egypte. Après
aiDor visité les lieux saints et traversé la Judée , elle
i'esfoDça danft le désert par la même route qu^avait autre-
Ui pireonme la sainte famille, fuyant devant la colère
''Bérode. Déj& elle apercevait dans le lointain les murs
f El-Aricb, Tantique Gerara, lorsque apparui une bande
de ioldats albanais : à cette vue l'épouvante saisit noi»
pnax voyageurs, ils courent au basara et se oispersen
daat la solitude qui ne peut les cacher. La jeune fille
bt trouvée par ses ravisseurs, pâle, tremblante, appe-
Itttsa mère qu'elle ne devait plus revoir^ et fut emmenée
captive ao Caire où on l'enferma dans la maison d'un
Amante.
« L'iaCmrtiuiée y passait ses jours dans les pleurs »
Digitized
byGoogk
pouvait -«ile irop^ en répandre sur sa liberté perdue
ec sur sa famille égorgée I Un seul bien lui restait ;
c*était sa foi naïve au Dieu des orphelins^ et ce trésor
menacé, elle le défendait avec un héroïque amour :
« Sache bien, disait-elle souvent à son maître, sache
« bien que ton esclave est chrétienne. »
« Hélas 1 il ne l'oubliait pas. Chaque jour, frémis-
riant de n'avoir pas encore brisé ce faible roseau qui se
redressait toujours sous l'effort de sa main, il recourait
à de noavelles ruses, flattait par de plus éblouissantes
promesses, s'abaissait aux supplications pour se relever
vaincu , mais furieux , et dans son dépit essapit de
nouvelles tortures , aussi impuissantes que ses prières
méprisées et ses vaines menaces. Des larmes et des san-
glots, c'est tout ce qu'il arrachait à hi pauvre en&ni.
En vain, le Turc lui disait -il : « Captive d'un musul-
• man, tu embrasseras la religion de ton maître, on ta
• vas périr de sa main. — J^rends ma vie, réponduk-
« elle, mais laisse-moi mon Dieu; la jeune fille qui
« a tout perdu en ce moade, ne consentira pas à se
• fermer le ciel. ■
« Et la grÂc« compUiit un triomphe de plus chaque
fois que l'oppresseur assaillait fra victime. Comme ces
vierges timides des premiers siècles, à qni il fut si soa-
vent donné de dompter dans l'arène des lions rugis-
sants, de les voir enchaînés à leurs pieds par le d^rme
divin d*une angélique vertu, la chrétienne d'ÂJep impo->
»ait au Turc dans sa propre maison, devenue pour elle
un amphithéâtre; et le soldat albanais, indigné deeàder
la victoire à une fille, à nue enfant, se retirait étonné et
confus de sa défaite.
« Un jour, et ce fut le 18 janvier 1845, la porte de
la maison où notre captive gémissait depuis deu^ ans ,
était restée entr'ouverte : ne doutant pas que le momeni
Digitized
byGoogk
91
de sa délivrance ne fût venu, elle franebit sans élre aper-
çue le seuil de sa prison, et courut se réfugier au hasard
dans rhabiiaiion voisine. Par bonheur c'était <Selle d'un
arménien caiiioUque. Â la vue de celte en£int qui en-
irait chez lui tout efiarée, il la reçut dans ses bras, lui
'iemanda qui elle était, d'oii elle venait, cequ':;lle vou-
lait de lui; mais elle, tremblante, et comme poursuivie
jur des ennemis intisibleft, ne sut répondie quo par ce
«ri déchirant : « Sauvez-moi ! achetez-moi I »
« Le bon Arménien pensa qu'il fallaii la retirer pour
fc moment, et étant parvenu à la tranquilliser, il Fin*
terrogea de nouveau et avec plus de succès. Elle lui ra-
t.oata lous ses malheurs dans le plus grand détail, pois
eUe ajouta : « Vous ne me rendree pas au meurtrier de
• ma famille ; car cette ibis il tiendrait sa menace, et
• pour prix de ma fidélité à notre Dieu , je serais ou
« égorgée dans sa maison, ou vendue aux nègres du
« Sem^aar. »
• 11 n*en follut pas davantage pour intéresser l'Armé-
fûea au sort de l'orpheline : d'abord il la tint cachée pen-
dant plusieurs jours; mais craignant de s'exposera quel-^
«ine avanie si d'autres que lui révélaient son secret, il
jugea prudent d'informer lui-même l'autorité musul-
uiane de tout ce qui s'était passé.
« Sm*sadcpo?iition, le gouverneur égyptien fit ame-
ner à son tribunal la fugitive et le soldat albanais ; il
<|uesiionna la jeune fille sur son pays, sur ses parents et
s:i religion : à quoi elle répondit avec beaucoup d'assu-
r ince qu'elle était chrétienne, native d'Alep, qu'elle avait
i^téenlevéede force dans le désert par des soldats albanais,
«i qu'à défaut de ses parents elle reconnaissait le curé ar-
ménien pour son père. — «Fais toi mahométane, lui
• dirent les Turcs assii pour la juger, et tu partageras
• notre fortune et nos plaisirs. — Je suis reine par
Digitized
byGoogk
92
« ma foi, répondit -elle: tous f os biens ne valent pas
« ma couronne; je souffrirais la mort avant d*y re-
« noncer. »
« Tant de courage confondit dans une même admira-
tion le tribunal et Tauditoire, les musulmans comme les
chrétiens. Parmi les spectateurs se trouvait un jeune
Chaldéen catholique, qui avait suivi ces débats avec Ir
plus vif intérêt : charmé des vertus de la jeune fille, ravi
de ses réponses, et s'estimant heureux s*il pouvait lui
faire oublier ses longs malheurs , il la demanda pour
épouse; son offre fut agréée, et le curé de Terre-Sainte,
Don Léonard de Spigno, mineur observantin, a comblé
ses vœux en bénissant, il y a peu de jours, ces noces
fortunées. Toute la population catholique du Caire a
pris part à sa joie, et mon cœur de père, trop souvent
abreuvé d'amertume, s*est reposé avec une indicible con-
solation sur ces deux enfants, si dignes l'un de Tautre par
la générosité de leur foi et l'innocence de leur vie.
« Fasse le Seigneur, dans sa miséricorde, que j'aie
bientôt des relations aussi édifiantes à envoyer au Con-
'seil : je m'empresserai de les lui communiquer et de
lui renouveler l'assurance du respea avec lequel je
suis, etc.
« f Perpéluo Guasco, EvêquedeFex^
ficaire et délégai aposi. de r Egypte et de F trahie. ■
Digitized
byGoogk
93
^émire adreisé aux Conseib centraux de VŒuvre de la
Prifpagaiion de la Foi, par M. Eugène Bore.
17 dikemkrt iai3.
« Messieurs ,
« Celui qui dierche à se rendre compte de Tétat reli-
gieux des peuples soumis à la domination musulmane,
est arrêté par des difficultés qui le poussent à des
«inclusions en apparence contradictoires. Tantôt il est
porté à louer, et même à envier pour de grands états de
''Europe, l'espèce de sécurité dont jouissent', en divers
fodroits et à certains moments, les chrétiens de la Tur-
loie et de la Perse ; d'autres fois quelques actes lui re-
tracent la barbarie intolérante des premiers siècles de
l'Islamisme. Souvent il rend grâces à Dieu de trouver ses
6'ères libres dans la pratique de leur religion, et tout à coup
uo incident lui fournit la triste preuve qu'ils sont gênés,
molestés et dépendants dans l'exercice de leurs droits
H>iriinels. Comment expliquer cette opposition? par
l'examen du caractère musulman, tel que l'a formé la
h» de Mahomet, et par les influences hostiles à l'Eglise
lu changent sa droiture naturelle*
« La religion musulmane, contrefaçon grossière de la
loi mo8a1q«e avec le mélange de quelques principes
Digitized
byGoogk
94
cturéiiens, a emprunté au judaïsme la (m profonde et
inébranlable à TuBiié divine , Tobservation mélhodi(i»e
et scrupuleuse de ses renflements hygiéniques, mais sans
se pénétrer de l'esprit de charité qui vivifie la l»î nou-
velle, complément et perfection de Vanoienne. Or, «roire
sans aimer, c'est ne remplir que la moitié de la vocationim-
posée à rbomme, eiquiconque s'arrête ainsi à mi-chemin
dans la voie de la vérité, demeurera nécessairement in-
complet et défectueux. Telle est done la nature du mu-
sulman ; vous admirez en lui sa disposition h adhérer aux
dogmes constitutifs de toute religion ; vous n'êtes point
effrayé de cette audace de la raison niant et raillant chez
nous les croyances des autres ; au eon traire, la parole on
l'acte qui honorent Dieu, sont toujours respectés et ap~
prouvés de lui, quelles que soient la bouche ou la main
qui les offrent , et la seule faute impardonnable et in-
compréhensible à son bon s^s est le monstre de rincré-
dulité philosophique. Inaccessible aux lâches suggestions
du respect humain, plusieurs fois le jour il se met en
prière sinr la terrasse de sa maison, se prosterne dans In
poussière des chemins et des places publiques ; il récite
par les rue^, sur son chapelet, les mille et un attributs
glorieux du Créateur, et pendant les trente jours de
jeftne du Ramazan, l'homme qui peine à la corvée, la
femme délicate ou son enfant ne porteront pas à leur
bouche un morceau de pain ou un verre d'eau, tant qiie
la lumière qui nous éclaire entre les deux crépuscules
permet de diatinguer le fil blanc du fil noir.
« Le mal d'amrui doit unijours ooilkter à dire, et c'est
poiu*quoi nous ne voulons point exposer ^es défauts dn
caractère turc en regard de ses bonnes qualités. Notre
intention est seuiemesi de révéler ici oertaii^ vices qui
lui sont ayovtés par l'espril et les principes de la reli-
Digitized
byGoogk
9o
(ion musulmane* parce que ces mêmes vicas formeni le
priocipal obstacle au triompfaede TEvaiie^ie.
« Et d*abord, la postérité dlsmaël étant proclamée
par Mahomet le peuple élu à qui doit appartenir Vem^
pire de la terre , toute autre race qui mécomiait en
o'adopte point son symbole doit être extaminée par le
gbive, à moins qu'elle n'achète par un humiliant tribttt
le droit d'exister. Si les gouvernements des états mu-
iolmans vivent aujourd'hui en bonne harmonie avec la
ahrétienté, c'est la nécessité de leur faiblesse qui les y
eontraint» Car, selon le Coran, ils ne peuvent jamais
déposer les armes, et la guerre sacrée, leDjVAarf, est non-
seulement légitime mais de précepte obligaieire, tant
qu'il existe des infidèles , terme qui dans leur bouche
désigne toute société non musulmane. Il ne faut donc
point croire à une amélioration de leur part, sous ce
rapport ; elle' est incompatible avec l'Islamisme. Pour
le comprendre, il suffit de montrer dans quelle sujétion
vivent les peuples d'une autre religion soumis à la raœ
croyante.
« Tous sont encore désignés aujourd'hui sous le nom
humiliant de Raïasj mot qui, sans avoir d'analogie phi-
lologique avec le mot parias qu'il rappelle, exprime au
fend la même idée. Son radical arabe signifie le Iroii-
peau de brebis que le pasteur fait paître, tond et trait à
sa guise. Or, tel est véritablement la condition des
chrétiens vivant sous le joug de la domination musill-
aiane, sauf peut-être quelques exceptions dans la Perse,
l'Egypte de MehemetAli et le Liban ^ où leur unité
compacte les préserve des vexations arbitraires des
pachas.
« Le Rcûîa n^est pas une personne devant la loi maho-
«éiane, ta^h plutôt une chose utile, dont elle use et
Digitized by LjOOQIC
96
abuse trop souvent. En Turquie, les fcmctions civiles et
le service militaire lui sont interdits. Il a pour compensa-
tion le service domestique, l'industrie des arts et des
métiers ; et le plus haut degré de l*échelle sociale auquel
aspire sou ambition est la profession lucrative de ban-
quier. Toutefois , si les voies d'une fortune rapide lui
sont ouvertes, et s'il peut à satiété se gorger des deniers
publics, Tavidité jalouse de ses chefs trouve aisément
aussi le prétexte de sa ruine, et il finit bientôt comme
les victimes engraissées pour l'immolation prochaine du
sacrifice. Hors des cités, il se livre à Tagriculture ; mais
, la libre possession des terres ne lui est pas assurée, et il
•est plutôt serf que propriétaire. Ce n'est pas que Timpôt
légal soit trop pesant ; mais il est aggravé par les taxes ar •
bitraires des gouverneurs locaux et de leurs subalternes ;
en sorte que le paysan, privé par ces injustices des pro-
fits de la récolte la plus abondante, ne veut plus tra-
vailler inutilement pour les autres, et se borne à ense-
mencer le coin de terre suQisant aux besoins de sa mai-
son. Telle est la cause de la diminution progressive de
la culture, et' le voyageur, habitué à la fertilité des cam-
pagnes de l'Europe, croit en mettant le pied sur le terri-
toire ottoman entrer dans un désert.
« La Perse , malgré le caractère aciif et industrieux
de ses habitants, ^ffre un spectacle plus attristant en-
core, à cause de Fusage d'aflermer et de sous-affermer
les villages, livrés de la sorte aux mains de spécula-
teurs avides et peu scrupuleux de s'enrichir en les ap-
pauvrissant. Le Rcûia persan a sur celui de la Turquit
l'avantage de pouvoir légalement occuper les emplois
publics i il peut être anobli^ devenir chef et adminis-
trateur de son village ; libre à lui encore d'enirer dans
la carrière militaire, qui le conduit, avec la faveur du
prince, jusqu'au rang de généralissime et de gouverneur
Digitized by LjOOQ IC
97
de province/ comme le prouvent de récenls exemples.
Celle tolérance des Persans^ qui a l'inconvénient d'ha-
bituer trop aux mœurs musulmanes les chrétiens vivant
parmi evix, tient moins à leur propre religion , plus su-
perstitieuse encore que celle des Turcs, qu'à la posidon
particulière des chrétiens, dont le petit nombre ne peut
inspirer de crainte au gouvernement. IL en est autrement
de la Turquie, où la moitié de la population est chré-
tienne. Tout droit politique est refusé aux Ratas ^ de peur
qu'en s'unissant et venant à se compter, ils ne mettent
un twme à la* domination qui les opprime.
« L'homme des états libres de l'Europe ne peut
s'habituer au spectacle de populations douées des plus
riches dons de la nature^ ayant eu un passé glorieux,
et maintenant tombées dans le mépris et l'avilissement
Voyez le Rata en présence du Turc : ses habits comme
sa maison, lorsque la façade en est peinte, n'ont point
les couleurs éclatantes que se réserve le musulman ; il
est condamné à porter perpétuellement le deuil , et 4
Constaniinople où la force irrésistible de la civilisation
triomphe du fanatisme, lors même qu'il est velu comme
son maître , ù la nouvelle mode adoptée par feu Mah-
moud, il doit encore coudre à sonLonnet une bande de
taffetas noir, indiquant à tous son état de servitude.
Dans les provinces où l'oppression n'a encore ni frein ni
contrôle, un pacha voyant des chrétiens se présenter à
lui avec des vêtements un peu propres, osa le leur re-
prodier en disant : • Des misérables comme vous ne doi-
• vent se promener qu'en haillons. »
« Le Rata entre*t-il dans une assemblée de musri-
mans accroupis sur leurs canapés^ il se tiendra timide-
ment debout jusqu'à ce qu'il reçoive la permission et
s'tsseoir» et encore se mettra-t-il au dernier rang preicnt
TOp. XVII. 99. DigfedbyL.OOgIe
98
par rétiqucue cérémoniale. Ses regards seront baissés et
furtifs; le ton de sa voix sera craintif et doucereux, et
sa posture celle de Taocusé à la barre du juge. Le plus
souvent il ne vient pas les mains vides, ou bien les bé-
néfices résultant de la négociation cpii Famène, peuvent
settlement lui concilier de la bienveillance. Il y a peu
(TaiMiées encore qu'ui> Arménien fut renversé de cheval
et tué, parce qu'il eut le malheur de se trouver au détour
é'one rue devant le cortège du Sultan. Il sera irès-diffi-
cile et quelquefois impossible au marchand de recouvrer
sf-s créances, s'il a eu affaireà un acheteur de mauvaise foi*
Ces cas, très-fréquents en Perse, sont rares en Turquie
où la loyauté est une qualité assez ordinaire du carac-
tère national. £t encore oserions-nous émettre le doute
r^ue les consciences, si scrupuleuses touchant la restitu-
tion des petites sommes , se conservent aussi pures
dans le maniement des grandes ; car le juge ne refuse
jamais les cadeaux , et la tache de concussion souille la
tnémoire des plus nobles caractères politiques.
« Jamais le Rata n^oserait entreprendre avec le mu-
sulman une discussion ouverte sur la religion ; ce serait
une témérité punie de mort immédiatement , surtout
s'il mettait à nu les impostures du prophète. Beaucoup
lie fidèles interrogés sur ce point, se retranchent dans un
sflence absolu, qui a la lâcheté apparente de Tapostasie.
Un livre .de controverse ne pourrait encore être imprimé
publiquement à Constantinople, sans mettre en péril les
jours de l'auteur. Le Franc lui-même n'entrera point
dans une mosquée sans la permission spéciale du gou-^
vemement, et plusieurs hommes de police doivent l'ac-
compagner pour sa sûreté personnelle.
« L'esprit de prosélytisme est encore ardent parmi
t«s sectateurs de Mahomet, et ils usent de toutes le^ sé-
ductions que la fortune et Tautonté mettent entre leurs
DigitizedbyLjOOQlC •
99
mains pour gagner de nouveaux disdples. Si la foi des
chrétiens orientaux était languissante et incertaine
comme celle d^un trop grand nombre de chrétiens de
roccident, que de défections TEglise aurait à déplorer I
Que de scandales mettraient à l'épreuve la persévérance
des fidèles! Ne (aut-il pas avoir une conviction pro*
onde et un attachement tenace à la croyance de ses
pères, pour la préférer avec les humiliations et la pau-
ïreté qui raccompagnent , aux honneur^ et à la ri-
cfaeste, récompense immédiate de tout renégat? Il suffit
de prononcer cette courte formule. « Il n'y a pas d'au-
« tre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète. •
On même de dire plus laconiquement encore : Je le
nd$, Oulouroum. Dès que deux musulmans témoi-
gnent qu'ils ont entendu cette profession de foi, on est
contraint d'opter entre l'islamisme et la mort. Et souvent
des pi^es sont perfidement tendus à la simplicité des
Rmas. On en cite qui ont été déclarés musulmans pour
avoir répété machinalement ces paroles avec le crieur
qui les chante cinq fois le jour du haut des minarets.
D'anu*es, excités à les balbutier dans un moment d'i-
vresse, étaient ainsi punis de leur intempérance. Quel-
ques-uns même, convaincus d'avoir proféré ces paroles
au milieu des illusions d'un rêve^ n'ont pu échapper h
b persécution. Il n'est guère de Turc un peu fervent
qui ne cherche à convertir ceux qui sont sous sa dépen-
dance , et nous pourrions citer beaucoup de cas on les
BM^rens employés étaient la menace et la violence. Nous
avons rencontré de ces victimes dans l'intérieur de Isê
Twquîe et de la Perse, ^ un mot, partout où la pré-
senoe d^agents européens n'arrête pas l'audace des do-
■doatenrs. La plupart étaient des Grecs et des Arméniens
eokvés à leur famille dans un âge encore teudie, et
eipartés au fond des provinces où iU remplis^^y^^gj^
7 •
100
fonctions de secrétaires, d'inspecteurs et de trésoriers.
La supériorité intellectuelle des races chrétiennes force
les musulmans à y choisir ceux à qui ils confient les em-
plois de la comptabilité et de Tadministration. A quels
excès plus graves encore devait les porter le fanatisme,
dans dts temps où il n'était pas contenu par Tinfluence
de la politique occidentale? On pourrait presque en con-
clure que le musulmanisme aurait déjà péri d'épuise-
ment en plusieurs localités, s'il n'avait sans cesse comblé^
par cesVecrutemenis illégitimes , les vides que faisaient
à sa population la guerre, la peste et la polygamie plus
destructrice encore que les deux autres fléaux.
« La traite des esclaves, abolie piésentement par
rhumanité chrétienne des grandes puissances de TEb-
rope, est prospère et impunie dans les Etats mahomé-
tans. Les Circassiens , les Abazes et les marchands du
Sennaar ont toujours la commission d'approvisionner les
marchés de Smyrne , de Constantinople et du Caire.
Combien de femmes chrétiennes sont arrachées à leur
famille et à leurs maris, pour contracter malgré elles un
second mariage, dont le premier abus est de les priver,
par lé fait, de leur propre religion et de leâ rendre mu-
sulmanes I
« En Turquie , le chrétien peut offrir à Dieu les
prières et les hommages consacrés par sa liturgie , sans
craindre jamais que le gouverneur ou Timan, intervenant
dans l'intérieur du sanctuaire, en trouble les rits et les
cérémonies. Mais, par une contrariété bizarre, cette
église où il est si libre, lui n'est pas libre de la bâtir. Il
fout premièrement qu'il y ait un titre antérieur, reconnu
par l'autorité musulmane , et constatant que ce lieu ,
avant la conquête, était consacré au culte divin. Sans
.cela on ne permettrait pas l'érection d'un monument
4ont la destination est opposée à la foi du Coran. Il est
Digitized by VjOOQ IC
101
vrai qo'on élude aisément cet interdit légal ; et puis on
a surtout recours à Targument décisif du richoei , mot
spécial qui manque heureusement à nos langues et à nos
usages , puisqu'il exprime le prêtent offert aux grands
et aux juges pour acheter leur approbation. Ce défaut a
euTabi toutes les classes de la société , le palais , le mi-
nistère , le divan ou le tribunal de la justice , la mos-
quée, le marché et Téchoppe de Fartisan.
« Une fonction n'est point conférée, sans que le can-
didat n'engage ses émoluments , et quelquefois durant
plusieurs années, pour payer et récompenser les person-
nes qui ont servi d'entremetteurs. La sentence juridique
finit presque toujours par être favorable à la partie la.
plus riche. Il ne se passe guère de contrats et de mar-
chés sans que l'acheteur ou le vendeur ne se réserve
un bénéfice équivalent à notre mot trivial de pot de vin.
Mais c'est en Perse^ surtout , que ces habitudes de véna-
lité sont devenues publiques et sociales : personne n'o-
sera TOUS demander un service, sans promettre d'avance
des dédommagemenst, et plusieurs fois nous avons vu
de pauvres gens qui, jugeant de nos coutumes d'après
les leurs, se croyaient obligés de payer en quelque sorte
le droit de nous visiter, en se présentant avec un fruit
on une fleur à la main. Ils auraient craint d'être éconduits
s'ils ne se fussent concilié notre intérêt par l'appât d'un
bénéfice quelconque. Gomment ces pauvres gens peuvent-
ils comprendre l'absolu dévouement de la charité chré-
tienne 1 Mais revenons au sujet.
« L'Eglise anciennement bâtie tombe-t-elle en ruine,
OH un simple pan de mur miné par les eaux pluviales
menace t-il de crouler, la construction partielle de l'é-
difice devient aussi difficile à obtenir que la reconstruc*
àoia totale. Il feut dans les deux cas dresser ime requête
Digitized
byGoogk
102
qui doit passer par h fili^e de tons les bureaux du mi-
nistère^ et chaque signature obligée qu'elle rencontre
sur sa route se paye au poids de Tor. La faculté de bâ-
tir coûte autant que la bâtisse, et nous connaissons beau-
coup de villages catholiques qui dans quelques années
resteront privés du culte, parce que la pauvreté crois-
sante des populations chrétiennes de Tempire ne leur
permet plus de faire la demande officielle de la répara-
tion des églises. Et qu'on ne croie pas la justice exercée
gratuitement par les musulmans, surtout à l'égard des
chrétiens. Les avocats et les écrivains cherchent souvent
h embrouiller les affaires^ à trainer en longueur les pro-
cès, à doubler la somme des amendes^ et les juges ne se
font pas scrupule de vendre leur sentence aux deux par-
ties à la fois, en donnant gain de cause à celle qui rétri-
bue le plus largement. « Ton adversaire m'a mieux
« payé que toi , » disait en Perse un magistrat à un
pauvre Gialdéen qui se plaignait d'avoir perdu son
procès.
« Outre ces rétributions destinées à récompenser des
services rendus , le clergé est obligé encore de verser
d'énormes sommes dans les bureaux, et d'offrir des pré-
sents pour détourner de sa tôte les avanies qui le mena-
cent. Nous savons tel pauvre Bvéque faisant dans une
ville de province une rente mensuelle à un riche musul-
man, son voisin, seulement pour conserver la jouissaaoe
de l'église qu'il a fait bâtir dernièrement* Quand le terme
est passé de quelques jours , le Turc lui dit : « La
« clochette de ton église fait beaucoup de bruit ; o*
« matin , les chants de tes prêtres ont réveillé mes
« feounes. » Et l'Evéque qui comprend l'allusion s'em-
presse de lui jeter l'os à ronger^ et s'obère de dette»
pour qu'on le laisse, lui et son troupeau, vaquer au euke
Digitized
byGoogk
103
éma. Tel autre faisait poser qnelques tuiles sur le kmi
d^ sa chapelle, lorsqu'un musulman rdperç(»it et accourt
et lui disant : « Donne-moi telle somme ou je te dé-
• nonce. » Le Prélat qui craignait de payer une
amende plus forte , si le fait allait aux oreilles du gou-
verneur, dut accepter ces conditions.
« 'Les habitants des villes , et principalement de k
capitale, ont encore une existence assez tolérable compa-
rativement à celle des habitants de la campagne , surtoia
lorsque les villages sont situés sur les grandes routes de
Tesipire. On sait que dans tous les étals musulmaas
il n'y a pas d'hôtellerie. Les voyageurs sont obligés de
recourir à l'hospitalité publique. Mais ce devoir de-
vient une corvée ruineuse pour les chrétiens, quand îk
sont forcés de recevoir quiconque frappe k leur porte.
Us musulmans les traitent en maitrei; on s'empare dt*
letv maison ; les brebis, la volaille, la crème du bit,
les jardins, quand il y en a, tout çst mis à contribution
ponr le repas du soir, et nous avons vu de misérables
hboureurs apporter le dernier boisseau d'orge , destiné
iileur famille, pour nourrir le cheval d'un soldat.
« A ces plaintes l'on peut répondre, à rhonneur du
geuvemement actuel de la Turquie , que ces désordres
mtautaat de violations des dernières lois de CM-hmè.
Les hommes les [dus capables sentent le besoin d'une vé-
ftniie, ils la désirent, et si Dieu a des desseins de misÂri-
cMde sur l'empire, il leur fournira sans doute les morcus
et le courage de l'exécuter.
« En terminant cet exposé , nous attiferons Tatlentido
éfk lecteur sur ce fait affligeant , & savoir qu'à la «MMie
te maux endurés par les ratas de la part 4as miwttl-
nans, maux partagés par les catholiq«es, il faut a}Ottier
«a surerott d'avanies que les enfants delà véritable E^Use
Wi souffrir de la part des chrétiens disftidests. Le «à-
Digitized
byGoogk
104
iholicisme est bien toujours, et partout U signe que f <m
contredit , la pierre angulaire contre laquelle heurtent
toutes les passions ; et à ce caractère exceptionnel on de-
vrait reconnaître sa divine vérité et sa conservation mira-
culeuse. Nos frères dans h foi, mince débris des grandes
ruines de TEglise orientale, sont encore clair-semés et
placés çà et là, comme la lumière sur le candélabre au
milieu des ténèbres. Leur existence, qui est une protes-
uiion continuelle et manifeste contre le schisme et Thé-
résie, irrite ceux qu'elle condamne. Aussi ont-ils Fines-
iimâble avantage dVtre éprouvés et purifiés périodique-
ment par les persécutions promises en partage aux véri-
tables enfants du Christ. Chose remarquable I ces diffé-
rentes sectes, rivales et divisées sur tous les points ,
s'ac(^rdent néanmoins en celui de combattre l'orthodoxie»
comme leur ennemi commun. De même que l'amour um-
versel des hommes unit indistinctement les membres de
la société catholique, et les porte à se dévouer pour 1«
salut de leurs frères égarés ; ainsi une haine particulièrt
rassemble et ligue les dissidents, dans l'unique but d«
nuire spécialement à ceux qu'ils ne peuvent convaincro
d'erreur.
« Le récit des outrages, des violences et des opposi-
tions de tout genre que les catholiques ont eu à souffrir
el endurent encore dans l'exercice de leur culte, est trop
long pour trouver place ici : autant vaudrait-il compier
les épreuves journalières qui remplissent la vie de Time
fidèle. Le plus ordinairement^ la grande accusation in-
tentée aux catholiques est d'être Franct et amis des Francs,
et ces dénonciations étranges se font aux Turcs, afin d^ex-
dter leur ressentiment et de provoquer leurs vengeances.
Sans cesse on leur fait craindre que la foi religieuse des
catholiques ne cache la pensée politique de s'unir avec
rOccident pour les 4pposséder de leurs conquêtes. Grecs,
Digitized
byGoogk
lOS .
ncsteriens, jacobites, cophtes, arméniens désunis, tous
acceptent la môme calomnie et en usent comme d'un
épouvanlail près de^ autorités turques et persanes ; les
ministres protestants mêlent au besoin leur voix à cet
harmonieux concert, notamment en Perse où, depuis
cinq années, ils travaillent par ce moyeu déloyal à arrêter
les travaux de nos Missionnaires et à les faire bannir du
ropume.
« E. BoRé* »
Digitized
byGoogk
106
Lettre du P. Riccadonna^ de la Compagnie de Jésu.^,
au P. Flanchet, de la même Société.
« Moff BÉréREND Père y
« Vous me demandez si dans mes courses apostoli-
ques je n'ai pas recueilli quelques traits propres à vohs
édifier. En voici un qui répondra peut-être à tos pieux
désirs.
« Au commencement de 1841 , une famille ncsto-
rienne composée de trois personnes ^ une pauvre veuv«*
nommée Nassimou , avec son fils Nuejié et sa fille Schi-
mouni^était venue d'Âmadie se fixer à Erbella. Le pays
voisin était habile par de^ ehaldéens catholiques. Bien-
tôt il s'établit en ire eux et la famille nestorienne de fré-
quents rapports, à la suite desquels ces trois enfants
de Terreur embrassèrent notre Religion sainte.
« Or, un jour que la jeune Schimounî allait puisrt
de Peau à la fontaine publique d'Erbella , un musul-
man, aussi connu pour ses vices que pour sa bainr
contre les chrétiens, s'approcha d'elle et lui propos:t
de se faire mahométane. Sans lui répendre, Schimounî
s'enfuit pleine d'horreur ec d'eflroi chez sa mère.
« Le turc ne devait pas l'y laisser en paix. Voyant
sa première tentative échouéo, il s'en alla trouver un<'
fenune musulmane, à qui il dicta le rdie odieux qu'elle
avait à remplir, convint du prix avec elle, et le lend<»
main, cette misérable, voilée selon l'usage du pays,
fut conduite devant l'babitatien de Nassimon. Là, eu
Digitized
byGoogk
107
présence de dc« témoins, le tore rinterrogc; elle n^-
pond qu'elle M SchKnoiioi et qu'elle veut embrasser
le Koran... Aussitôt Fimposteur mène les témeins aaprè.s
du cadi, pour certifier la déclaration qu'ils tiennent
d entendre; et eelui-^i ordonne à son tour que la jeune
fille lui soit présentée. La vraie Schiraouni comparait
à sa barre. On la félicite de $on abjuration. Mais elle,
afee autant d'indignation que d'étonnement, jure qu'elle
ne sait rien de tout ce qu'on lui impute. De leur eAté,
les témoins aflirment qu'elle a déclaré devant eux changer
volontairement de religion. C'est tout ce qu'il en faUiât au
juge ; la preuve légale existait : il adjugea donc la chré-
tienne au prophète. En vain protesta*t-eUe contre la sen-
tence. Sa fermeté ne 6t qu'af^praver son malheur. Le
eadi prononça qu'dle serait incarcérée et sonnuse aux
tortures, jusqu'à ce qu'elle reconnût la vérité de ses pré-
tendus aveux. Elle fut en effet jetée en prison, les pieds
et les mains chargés de chaînes^ sans autre alioaient
que du pain et de l'eau , et condamnée à reoevoit* la bas-
tonnade troi^ fois par jour, et cela pendant cinq jours
eoBsécutib.
« Mais ce fut sans nccès ; la courageuse jeune fille
éuit bien résolue à mourir, s'il le (allait^ plutôt que
de renier son Dieu. Les musulmans, d'ailleurs, n'étaient
pas sans appréhension sur les suites de cette affaire ; ih
le rappelaient que trois mots auparavant le consul Iran-
çàiê de Bagdad avait tiré de leura mains plus de vingt
ehrétiennes, réduites en esdavage par le bey de Ravan-
dôme: s'il apprenait de nouvelles violenocs^ n'était^il
^ à craindre qu'il n'intervint de nouveau , et que son
caergie bien connue ne fU retomber la persécuxion sar
•es auteura? Ils ôtèreat donc k Schi«M>uni ses lourdes
chaînes, et cessèrent de la frapper pour essayer sur elle
(a sédnetÎM des promesses. Elle y résista eomme elle
Digitized
byGoogk
108
avait fait aux tourments. Mais, devenue un peu plus
libre depuis que le genre de ses épreuves avait changé,
elle en profita pour méditer son évasion. On lui avait
dit que le vice-consul français de Mossoul, M. Jean
Benni, couvrait les opprimés de sa protection géné-
reuse : dans son malheur c^était son unique ressource ;
elle se déroba furtivement à la surveillance de ses gar-
diens « et le 8 juin elle vint à Mossoul avec sa mère
^ mettre sous la sauvegarde de Tagent consulaire*
« M. Benni raccueillit comme son enfant , loua sa
constance et ranima son courage. Tandis quelle com-
mençait à respirer sous l'égide du vice-consul , un nou-
veau malheur la frappait dans son frère ; car à peine sa
fuite était -elle connue, que le cadi d'Brbella avait fait
incarcérer Nuejié comme otage. M. Benni réclama aussi-
tôt sa mise en liberté , et fut assez heureux pour obtenir
la délivrance de cette seconde victime', qui vint aussi s«
l'éfugier à Mossoul.
« Par malheur le yisir Mohammed-Pacha se trouvant
alors à Mardin. En son absence , le gouverneur de Mos-
soul se mit aussi en tète de. contraindre Schimouni à l'a-
postasie. II fit donc venir les témoins d'Erbella , et le
29 juin , somma le vice-consul de livrer là jeune fille à
son tribunal. Un refus énergique fut tout ce qu'il obtint.
Au lieu de sa pupille , ce fut M. Benni qui se présenta an
divan , pour demander sinon qu'on abandonnât les pouf •
suites, au moins qu'on les différât jusqu'au retour pro-
chain du visir. Ce n'était pas ce que Toulaient les jugcss.
Persuadés que Mohammed rendrait justice à la chré-
tienne, ils repoussèrent tout ajournement, et comme ils
avaient la force en main , sans respect pour le représeit«>
tant d'une puissance alliée, ils violèrent son domicile ec
en tirèrent l'infortunée Schimouni qui, toujours intré*
pide et toujours fidèle à son Dieu, pretesta qu'on la eou-
Digitized
byGoogk
109
peraît ea morceaux avant de lui arracher une abju-
ration.
« Tandis qu'elle passait du tribunal dans un cachot
affirenx , dont il fut défendu aux chrétiens d'aj^rocher,
le zèle du vice-consul ne restait pas oisif. Déjà il avait
expédié au visir des* lettres pressantes qui, malheureu-
sement f furent interceptées par les arabes du désert. Un
second courrier fut plus heureux'et rapporta des iostruc*
tions favorables. Mais le gouverneur n'en tint pas compte.
H la réception des dépêches, il convoqua le divan , où
ragent français fut* appelé, et sans communiquer les or-
dres qu'il avait reçus/il lut la lettre dans laquelle M. Benni
dénonçait au visir l'iniquité des magistrats de Mossoul :
« Et Toilà, ajouta-t-il en fureur,. les accusations qu'un
« râla se permet contre nousl Je le livre à vos insultes,
« et si vous cr.oyez que sa mort puisse expier votre in-
« jure, je l'abandonne à votre vengeance! »
« On n'osa pascependantse porter contre lui à cette ex-
u*émité*MaisSchimouni paya pour levice-consal. Ra{q[>elée
de nouveau à la barre du gouverneur, elle repoussa avec
une nouvelle énergie les dépositions mensongères des té-
moins. N'importe , on voulait en finir : « Au nom de nos
« lois , dit le juge , je te déclare musulmane ! — Et moi^
« s'écria la captive , je déclare que je suis chrétienne ,
« que je l'ai toujours été^ que je le serai jusqu'à la mort.»
Le juge , bondissant sur son tribunal , commanda aux
bourreaux de la flage^er. Jille reçut ce jour-là près de
cent coups de bâton. On lui arracha avec les cheveux des
bmbeanx de peau saignante. — « Tant qu'il me restera
« un souffle de vie, il est à JésuS'^Christ, » murmurait h
jeune fille d'une voix étouffée par la douleur. A ces mots,
le cadi s'en prend aux bouire^ux : « Ils ne font pas leur
« devoir, dit-il au gouverneur. Ne voyez-vous pas, à la
« mollesse de leurs coups, que l'argent du vîce-consi;logle
110
« retient leurs bn»? L&issez-moi faire; je me cliarge ,
« moi y de mesurer le châtiment à l'obstination de la
« chrétienne. » Et il la fait emporter chez lui sur un
brancard, loin de tout encouragement, de toute conso-
lation humaine, afin de la torturer plus à son aise.
« Libre cette fois de persécuter sans contrôle et sans
témoins , il chargea de fers sa victime , la tint constam-
ment eiposée, sous un ciel de feu, aux ardeurs brûlantes
du soleil, joignant chaque jour le supplice du fouet à la
privation presque totale des aliments. Aussi fut-elle bien-
tôt réduite à la dernière extrémité. Un médecin qui la vit
dans cet état, pensa qu'elle ne pouvait pas vivre au delà
de vingt-quatre bemres. Et pour désoler encore son ago-
nie , le cadi lui répétait sans cesse que si elle ne se faisait
pas musulmane , on allait Tabandonner comme tm vil
jouet aux outrages de la populace turque.
« Dieu ne permit pas qu'il réalisât cette horrible me-
nace. On venait d'apprendre à Mossoul que le consul gé-
néral à Bagdad avait porté ses plaintes à Constantinople ;
de son côté, M. Benni avait écrit de nouveau au visir, et
des ordres plus impérieux de Mohammed avaient enjoint
au gouverneur de suspendre la procédure jusqu'à son re-
tour. Il fallut bien céder. Après trois mois et demi d'ab-
sence , Mohammed rentrait enfin à Mossoul , et le jour
même où la Chaldée fête la patronne d^ Sdiimouni , cette
héroïque néophyte était rendue à sa mère. Elles reprirent
ensemble le chemin d'Amadie , lieu de leur naissance ^afin
d'y achever leurs jours en paix, dans la pratique de la
Religion et k fidélité à la foi dont elles avaient foilU être
les martyres. — J^étais moi-même dans cette ville an mo-
ment où dles venaient y chercher le repos.
€ Agréez, mon révérend Père, etc.
€ RlOCADOIVRA , 5. J. »
Digitized by LjOOQ IC
111
MISSIONS DE SIAM.
Uttre de M. Grandjean , Missionnaire apostolique dans
le royaume de Siam^ d ses frères et sœurs.
Bangkok, le 1" août i&i3«
« Mes CHEas Fabres et Scburs ,
« Je ne puis répondre aujourd'hui à toutes vos ques-
tions; mais puisque mon cher Joseph est si curieux de
savoir comment les Siamois font la guerre, je vais vous
en dire un mot. Permettez^moi auparavant quelques ob-
servatîoas sans lesquelles vous ne comprendriez rien au
système militaire que je vais exposer.
« 1* A Siam, personne n'est indépendant : dès qu'on
jeune homme a atteint Tâge de seize à dix-huit ans, il
est obligé de se donner à un prince ou à quelque grand
mandarin qui le prend sons sa protection , et auquel il
a recours lorsqu'on lui suscite une querelle ou qu'on lui
Digitized by LjOOQ IC
112
iatenie quelque procès. 2° Lorsqu'il s'est ainsi inféodé à
un grand du royaume , c'est comme soldat , comme
médecin, comme peintre, comme orfèvre ou comme
exerçant un état dont ce seigneur peut tirer profit, en le
faisant travailler pour lui et gratuitement pendant trois
ou quatre mois de Tannée ; le reste du temps il est
libre de chercher sa vie comme il peut. 3** Si le client
n'a ni état ni profession , il est obligé d'apporter chi-
que année une certaine quantité de riz, de fruits, de
gibier, d'ivoire ou d'autres choses utiles , en tribut à son
suzerain. 4° Dès qu'un Siamois &'est constitué vassal,
tous ses enfants mâles, de génération en génération, dé-
pendent du prince dont il est feudataire, et lorsqu'ils
sont en âge , ils sont tenus de rendre à ce prince les
mêmes services que leur père , c'est-à-dire d'être soldats
si leur père était soldat, médecins s'il était médecin^ etc.
Voilà pourquoi tous nos chrétiens sont ou militaires, ou
médecins, ou interprètes. 6® Un chef est-il appelé par le
roi sous les drapeaux, il emmène avec lui tous ses clients,
les uns en qualité de combattants , les autres de ra-
meurs, ceux-ci pour prendre soin de sa santé, ceux-là
simplement pour lui former un cortège d'honneur ; en
sorte que sur cinq ou six mille hommes qui entrent en
campagne, il n'y en a quelquefois que cent ou deux
cents qui ^rtent le fusil. 6^ Au retour de l'expédition,
chacun re^id son arme et rentre dans ses foyers : de cette
manière, il est beaucoup de Siamois qui sont allés sou-
vent à la guerre, et qui n'ont pas fait feu une seule fois
en leur vie. 7® Un soldat reçoit une paye annuelle
de trente -six francs; un médecin et un interprète, de
quarante-huit ; et pour un si beau salaire ils sont assujet-
tis à des corvées qui les occupent au moins deux ou trois
mois par an. De plus, lorsqu'ils sont en campagne , leur
absence «e prolonge quelquefois une ou deux années,
Digitized by LjOOQ IC
113
pendanl lesqvaUeft îk sont obligés de se procurer, à
leur compte, la nourriture et les véteoientsBécessaîres;
or, près ou lôki de leurs familles^ eu temps de guerre ou
eo temps de paix, ils ne reçoivent jauiaîs que leur solde
aosuelie , qui se distribue en présence du roi et avec
uae grande solennité. Aussi la plupart de nos cbréiieus
sont-ils très-pauvres, et c'est presque toujours la feumie
qai nourrit le mari et les enfiints, soit en faisant des
gâteaux, soit en péchant des écrevisses à la ligne , ou en
élevant des pores qu'elles vendent aux Chinois.
« Lorsqu'une expédition est résolue, et qu'un chef a
reçu ordre du roi de mardier à l'ennemi, il fait aussitôt
sverthr tous ses dients de se préparer à partir au premier
lignai. Chacun alors fût sa petite provisicm de rix, de
tsbac^ de sd, d'arèqne et de bétd, qu'il met dans un
satc, ainsi qu'un vase en terre pour cuire son riz ; et au
joor marqué on se rend chez te prince, où on l'attend
jusqu'à ce qu'il soit prêt : il parait enfin, monté sur
son déphant, et chacun le suit à pied, péîe-méle , sans
ismbour ni trompette.
« On se met en route avant le jour; vers les neuf ou
dSx heives du matin , on s'arr^ pour prendre un peu
d'ilimeot et d^repos; et quand la ctoleur commence & di-
oinner, c'est-à-dire vers trois hem*es du soir, on continue
la marche jusqu'à la auiu A peine a-t-on fait halte, que
h troupe s'éparpille; chacun va ramasser un peu de
bois, bit cuire son riz, le mange et.se couche à la
bdie étoile. Il n'y a que le général et les grands cheis
qui soient abrités pa^ des tentes; tous les autres dor-
meott oo du moins passent la nuit, exposés à te rosée,
au veut et à la pluie.
€ Au bout de quinze jours, de trois semaines au
phs, les peUtes provisions des soldau étant épuisées,
ib u'out plus de resaouree pour vivre que dans le vol ou
vos. xm. 99. A
Digitized
byGoogk
114
Vkmatme^ matscamme ils n'ont pas toujbun oocasMfttte*
pRier 08 de mendier ^ ih passent souvent no et doux-
jours sans aucniie nonrriture. La fiè>Te ùâi alors purm
eu3i d'affirenx ravages; et ce qui mnliiptie encore les*
VYCtimes, cVsl <{ue n'ayant point dli^itaux, les médie-
CM» ne soignant le malade qu'autant quil peut suivre le
corps d'armée ; dès qu'il n'a plus la force de soutenir une
longue marche, ne fût-il que légèrement blessé, on lui
prépare deux rations de riz, et on l'abandonne ainsi au
milieu des- déserts où il est bientôt la proie des bétes fé«
i*oces. Figurez-vous un de ces malhenreux délaissés dans
èes higtibres solitudes, quel ne doit pas ttre son déses*-
poir ! Mais c^est bien autre chose, lorsque après une ba-»
(aille on en abandonne ainsi deux ou trois centi qui ne
peuvent plus marcher, et qui se voient movrir de fiai»
ou- dévorer par les tigres I
« Il est vrai qu'ils évitent le combat autant qu'ib
peuvent , et qu'ils ne cherchent guère qu'à surprendra
çà e^ i^ quelques hommes isolés, afin de les présenter
au roi comme un gage de leur victoire. Quelquefois ils
^ont surpris, à leur tour, par l'ennemi qui les massacre
^ns pillé , ou les nenvoîe dans leur pays après lea»
àvorr coupé le nez , les oreHIes , ou les extrémités des
pieds et des mains ; car les Annamites ne se soudent pâs^
comme les Siamois , de fairo des prbonniers^
a Dans la guerre qui eut lieu Tannée deiwère.^
coitime presque tons mes dbréUens éftaieat- partis, aveé
un frère do roi , qui^dirigea son expédition par m^, il
n*en mourut qu'un sent, et ce fttt de maladfev Ce génénil
avait la réputation d'bn prince guerrier : sans doute q«t
^ valeur s'était signalée par de plus briffants eitpiéit»;
cai- après avoîï' examfné de loin avec une innêtte d*ap-
proche ta forteresse qu'on voulait emporter , it se reUrs
S deux |ournèes de cR5taiw?e, eftjcnyftwilf è ses h?a»pes de
Digitized
byGoogk
eommencer Tattaque. On suivit ses ordres, c'est-à-dire
qa'oD tira le canon pendant quatre ou cinq jours , mais
4e si loin que les boulets n'arrivaient pas même au pied
des remparts ; puis on lui fit dire que les projectiles el
la poudre étaient entièrement épuisés. Aussitôt il envoya
un messager prévenir le roi que la citadelle était impre-
nable, et il reçut ordre de revenir. Il n'en fut pas aiosi de
ceux qui formaient l'année de terre, presque toute com-
posée de païens : ils sont encore en campagne ; la fièvre»
la fiiim et la misère en tuent tous les jours un grand nom-
bre ; jusqu'à présent ils ont fait prisonniers environ trois
eentsCœhiiichiBois tout au plus, et leurs morts s'élèvent
déjà à plus de quinze mille. En voilà assez , je pense ,
pour TOUS donner une idée du courage des Siamois et de
b manière dont ils font la guerre.
€ Je ne sais pas si dorénavant je pourrai vous écrire
aussi souvent que je l'ai fak jusqu'ici ; car dernièrement
il a été résolu qu'aussitôt là saison des pluies passée ,
c'est-à-dire vers la fin de novembre, je me mettrais en
route pour essayer de pénétrer dans le Laos, pays que
Monseigneur voudrait enfin évangéliser. Ce voyage qui doit
durer pRès de deux mois, toujours en barque, ne pré-
sente rien de bien dangereux de la part des voleurs ou des
bétes féroces; mais comme je suis obligé de partir en
cachette, vu qu'on ne m'accorderait point de passeport ,
je ne sais pas encore quel parti prendre pour éviter les
douanes des frontières, qui ne manqueraient pas, si
j'étais reconnu, de me ramener à Bangkok de brigade en
brigade. Si, une journée ou deux avant d'arriver à ces
douanes, je rencontrais un guide qui .voulût, pour de
l'argent, me dérober à leur surveillance, en me condui-
ant à pied par monts et par vaux, je laisserais là ma
barque et je partirais volontiers avec lui , m'abandon-
liant à la Providence ; autrement , je serai obligé d'al-
8.
Digitized
byGoogk
116
1er droit aux postes militaires, sans paraître les craiD-
(Jre, et si je m'aperçois qu'on songe à m'arrêter , il fau-
f]ra alors tûcher d'épouvanter le chef en lui faisant en-
tendre que je suis libre, et qu^il n'a aucun droit sur ma
personne, ou bien lui fermer la bouche avec de l'argent.
Qu'un de ces moyens réussisse, il est bien probable que
je m'établirai au Laos, pour ne plus revenir à Bangkok.
A la volonté de Dieu I Tout ce que je puis vous demander,
c'est de prier pour le succès de mes travaux au cas que
je puisse annoncer l'Evangile h ce pauvre peuple.
« Je suis, daos^Ies saints Gbots de JésQS et de
Marie ,
« Votre tout dévoué Frère ,
« J. -B. Grakdjeaii , Miês. apost. »
Digitized
byGoogk
117
Extrait éTune letlre de Mgr PalUgoix, Ficaire apostolique
deSiam, à M. Alhrand, directeur du Séminaire de»
Missions étrangères.
Bangkok, le 2t jaiUe( iSï^.
« Cbek Confère ,
c Je \ien$ de faire un long voyage avec M. Vachal et
H. Albrand, voire cousin. Après avoir navigué an sud-ouest
de Bangkok, Teau venante nous manquer, il fallut Ci-
rer nos barques sur la vase; puis tournant à Pouest et re-
montant un magnifique canal tiré au cordeau, nous en-
trâmes dans la rivière 7%d c;Am, dont Tembouchure est
large et majestueuse. A demi-Journée de li, oa com-
mence à reifcontrer des bâtiments immenses oà l*on fa-
brique le sucre ; chaque manufacture occupe au moins
deux cents ouvriers, tous Chinois. Or, ces établissements
se comptent par centaines. Votre cousin m'avait devancé
auprès d'eux; le lendemain matin ^aperçus ce Mission-
naire debout sur le rivage, à la tête d'une soixantaine
de Chinois chrétiens* Ma barque mandarine se dirigea
de ce côté , et je débarquai devant une petite église
couverte en chaume où l'on célébra les saints mys-
tères.
« Je laissai M. Albrand préparer ses néophytes i h
confirmation, et en compagnie de M. Vachal je poussai me»
Digitized
byGoogk
118
découvertes presque jusqu'à la source de la rivière, Tes-
pace de soixante lieues environ. Arrivé à la ville appelée
Sùphântbâburi, je fus arrêté par des bancs de sable in-
surmoni ibles. Là se trouve une population de plusieurs
milliers deLaociens, le fleuve est extrêmement poisson-
neux et infesté de crocodiles ; les plaines , parsemées
d*an tiques palmiers, sont d'un coup d'œil magnifique;
en |)or(ant ses regards à Test, sur un terrain légère-
ment ondulé et fuyant à perte de vue , on a le même
horizon qu'en mer ; à Touest , il est borné par une
diatne de montagnes ou abonde surtout le bois de cam-
pèche.
« De là nous redescendlnes vers «se petite ri-
vière qui coule au nord ouest; nous y trouvâmes une
quantité de barques annamites, appartenant à nos chré-
tiens qui foBt la pêche , et qui nous approvisionnèrent
de poissons et de tortues. Nous visitâmes Sông-Phiaàng,
gros village pittoresque , bâti au milieu des campagnes
de riz et tout près de la lisière des bambous sauvages qui
bordent le pied des montagnes. J'allai offrir quelques
présents au chef du village, riche propriétaire qui a une
vingtaine d'éléphants et plusieurs cenuines de buffles.
Je me mis à le prêcher ainsi que sa famille, et il reçut b
bonne nouvelle avec joie, promettant de venir plus tard
s'insuuire à Bangkok. De SôngPlunông nous nous ren-
dîmes i Nâkôn-xâi-sl, ville considérable dont la popu-
lation se conii>ose de Chinois , de Laociens , de Cambo-
giens et de Siamois; sa latitude est à peu près huit lieues
au nord de la capitale. Quand j'eus confirmé et visité les
néophytes, nous revînmes à Bangkok par un canal étroit,
éont la navigation est exploitée par des douaniers.
Comme leurs attelages n'étaient p^ prêts , et que
nous ne voulions pas attendre, nous flmes remorquer nos
barquei^ par nos rameurs. Quand ils furent essoufflée»
Digitized
byGoogk
119
hors 4%«lttne, il feUut bien nom mettre de la ptr-
lie et tirar Dôufl-mémes comme des buflles. Qwt ne
rieivil ici dte enUrefH^neiars de canaux et de §kmmm
4eferi
c Je suis pfe3sé, je pars cette miîi pour Juthia* Jie
foos prie de présenter mes amitiés àfoitô nt^s ehers dÎMO-
««OIS. Tous mt% GOnfirères se portant Um.Pnn pour
« Votre très -humble serviteur et frère en Jésus-
Christ.
« f J. BAFtisn^ Bvêque de âlMm,
Ficairt apeÊtélique dH.Simïïi. f
SHieê mtr U numdarin.BenoH, par U même PrdaL
« Le mandarin Benoit a été d^une grande édificatioM
pour la chrétienté de Bangkok pendant sa dernière et
longue maladie, et ses funérailles ont été Faites avec
beaucoup de pompe, pour répondre aux dé$*irs du roi
^ des princes.
« Benedicto Ribeiro dss Alvergarias , issu d'anciens
^irtugais, autrefois auxiliaires à la cour de Camboge,
UiBsmigra de la province de Battarabang i Bangkok,
avec lous les chrétiens de son village, tl était alors ^é
Digitized
byGoogk
ISO
d*me donsaine d'années. Peu après, ses parents ren-
voyèrent an collège, et de Ik il fut assoaé, comme collu-
bcMrateur, à un prâtre qui allait faire misûon. II m*a ra-
conté lui-même qu'il a fait bien des courses et essuyébien
des fiitigues pour procurer le saint baptême à une foule
d*enfanis moribonds.
« Plus tard il se maria; msis le choléra lui ayant bientAt
enlevé soa épouse, il détacha de sa succession deux vastes
bâtiments qu'il offrit à TEglise pour en faire un presbytère.
N'étant encore que lieutenant*canonnier, il avait su cap-
tiver les bonnes grâces du roi qui, l'ayant emmené à la
.guerre du Laos, lui faisait préparer les mets de sa table,
ce qui indique qull avait une . confiance exclusive en sa
fidélité, craignant sans doute que tout autre ne l'empoi-
sonnât.
« Un jour que le roi avait fait attacher des prisonniers
Laociens à la bouche d'un canon, il ordonna à Benoit
d'y mettre le feu ; mais lui, en digne chrétien qui a hor-
reur de servir d'instrument à un acte de barbarie , se
tenait prosterné devant son prince sans bouger, quoi-
qu'il sût bien qu'il s'exposait à la mort par une telle
désobéissance. Le monarque irrité le fit saisir pmr ses
satellites, et un autre fit feu à sa place. Quand la colère
du roi fut passée : « Misérable , dit-il , je te pardonne ;
« mais pourquoi n'as-tu pas fait feu à mon ordre ? —
« Je craignais le péché, répondit Benoît. — Vous au-
« très chrétiens, repartit le prince, vous observez une
« religion bien austère. »
« Quelque temps après, le roi éleva Benoit au grade
de grand mandarin, avec le titre de Phdja Fîsét Sông
Kram min pûn jâi (mandarin précieux de la guerre ,
habile à tirer le canon). Le jour de son installation, il y
eut selon la coutume une procession solennelle autour
des remparts avec musique et fanfares. Le nouvean
Digitized
byGoogk
flMBcburm élail kahiUé en costume de général eturopéen,
avec chipeau i grand plumet , assis les jambes croisées
sur une estrade dorée que supportait un petit char
attelé de deux ânes , monture d'honneur dans ce pays.
Toot le cortège, composé de plus de deux mille hommest
défila sur la place royale devant Sa Majesté siamoise qui^
placée au balcon d'un belvédère, frappait des mains en
signe d^applaudissement.
« Le mandarin Benoît avait un si bon coeur qu*il au-
rait voulu rendre service à tout le monde; chrétiens et
paiens s^adressaient à lui de tous c6tés, et quand il s'agis-
sait de leur obtenir quelque faveur , malgré une hernie
qui le tourmentait sans cesse , il était d'une activité sur-
preKmte. Plus d'une fois, en voyant qu'il achetait sou-
vent des esclaves paienSt trop jeunes ou trop vieux pour
'ui être d'sncun secours, je loi demandais de quelle «U-
lité lui seraient ces gens-li? « Je les achète, répondait^!,
• pour avoir leur âme ; » et, enefliet, le plusgrand nom-
bre de ses esclaves a été baptisé. 11 a aussi procuré le
même bienfait i «ne femme de distinction que le roi hiî
anit fait épouser eh secondes noces.
« En 1834,.qnand les Siamois allèrent attaquer la Go-
<4rinchine, Bendt eut encore souvent occasion de mon-
trer su charité peur les malheureux. A la prise de Cho-
dok, ordre fut donné par le barcalon, ou général en cht C
de massacrer tous les prisonniers qu^on trouva aux (rrs
ou à la cangue dans les cachots. Dès qu'il le sut, Beuok'
se hâta d'aHer implorer la démence du grand mandarin,
deifandaftt au moins la vie des chrétiens détenus pour
cause de rdigioB* Il fut as$ea heureux pour Tobienir, et
ausshdt il courut , aitiva juste au moment où le i^laive
altattt frapper les vidônes , et arracha dee mains «les sfl*
data une doinaine de chnétîena, qu'il amena .commckea
triomphe à la barque de guerre ^{1^1 meiiiaH«
Digitized
byGoogk
1Î2
« Il avait aussi tin tèîe extraordiâdrê pMr ie ouke
divin. Ayant équipé et chargé une somme dinroîso, il 6i
'%*t3eu 'qu'au retour du navire il emploiratt la moitié du
gain ft construire une belle église : mais ses désirs funeni
trompés, la somme fit naufrage, et néaomoivs deux ou
trois nns après il se donna tant de movvenieits qu'il put
élever un beau temple au vrai Die« ; on peut dire q«e te
fut à la sueur de son front, puisqu'il surreilluit lui-
même Fouvrage, encourageait les travailleurs et mettait
' souvent, avec eux, la inatn à IVeuvre.
« n seraittrop long de raooncer tous les services qu'i /
a rendus à la religion sur ceite terre idolâire. PiEu*ve«u
(É Fige de soixante-sîK ans, ses infirmités dégénérèrent en
«rises très-douloureuses; il se bdu donc de mett» ordre
à sa maison et i sa conscieiios..Il dit à son frère^ en ma
présence : « Je t'en prie, charge-toi An soin de tnès
« affaires, des remèdes et de tout ce qui regarde le
« corps; pour moi, je neveux plusm'ooeuper quede mon
' « âme. s A la nouvelle qu'il allait plus mal, le roi lui
envoya sept de ses médecins qui ne le quittèrent plus.
Un chef des pages venait ions les jours de sa part avec
des présents de fleurs et de fruits rares , éi allait rendre
compte au roi de l'état du malade. Ua jomr Sa Mi^é
lui fit dire : « Je vois bien que mes oiédetitts auront de
• la peine à vous guérin dites à l'Evéque et aux prêtres
• qu'ils fassent des bonnes oeuvres tant qu'ils pourront,
• pour vous ooneerter la vie. •
« Bnfin, afffès avoir reçu tous Isa secours de la reli-
gien, purifié par une longue et emelle ottladie , et sen-
tant sa fin approcher, il appda sa femne et ses enfiotts ,
lenf fit te signe de la croix s«r le front, ieur dsmui sa
béftédiciton dernîèrt, eta'endonmh daas le Seigneur, le
8 mars 1 S43. Dans cette MkAk «éoM, son frère alla en
porter la nooveHe a« roi qui lui dit anee ua leadrt infeé-
Digitized
byGoogk
123
rét : « Eh bien! maintenant , foules- vous que j^envoie
• cent lalâpoins pour prier auprès de son corps? —
« Sire, je ne le désire pas. — Voulez -vous que j'aide en
« quelque chose aux funérailles? — Gomme il plâtra à
« Votre Majesté. » Le roi fit donner des parfums pour
laver le corps, des étoffes blanches pour Ten^evelir, de la
dre et une somme de quatre-vingts ticaux (1).
« Pendant l^ huit jours qu'on employa à préparer
les funérailles, des groupes de chrétiens siamois, cambo-
gians, chinois et annamites récitaient le chapelet, chacun
i son tour et dans sa langue, au lieu où le corps était
eiposé ; pendant ces huit jours, bien des princes et des
oandanns envoyèrent aussi leur offrande. Enfin les
ebsëqoes furent célébrées avec pompe, au milieu d'une
■lulliiade de cbréliens et de païens qui regrettaient eo
U \mt chef, leur ami et leur bienfaiteur. »
ii) « La tical Tant «nriroo tîogt-cioq ffanc« df oo(rf roooDaiif.
Digitized
byGoogk
134
Lettre de M. Raymond Jlhrandj Missionnaire apostolique,
d M. JJhrand, son frère.
Bangkok, 24 mars 1 843.
« Mon chee Frèib ,
« Depuis que Mgr Courvesy me rappela en 1834 de
ma chère Mission de Syncapour , pour venir évangéliser
les Chinois qui habitent le continent et qui forment la
moitié de la population siamoise « jusqu'à Tarrivée de
mon cher confrère, M. Dupont, ma vie a été des plus
monotones. La seule ville de Bangkok, si grande et si
peuplée , étant plus que suffisante pour occuper tous
mes instanu, je ne pouvais faire aucune excursion danr
riniérieur du pays. Poser les premiers fondements de
ma chrétienté naissante , lui donner le développement
dont rheureuse disposition des Chinois envers notre
sainte religion la lendait susceptible, chercher de nou-
veaux prosélytes, et pour cela parcourir en barque les
rues*canaux de la capitale, qui est bâtie sur pilotis
comme Venise, les instruire, les baptiser, leur accorder
les soins et les secours de mon minisièie, que leur jeu*
nesse dans la foi, leur fervente piété rendaient indispen-
sables, tel a été mon apostolat pendant cinq ou six ans :
apostolat si consolant que, n'eussé-je pas obtenu d'autre
Digitized
byGoogk
125
résolut de mes efforis , je me croirais trop dédommagé
de tous mes sacriGces; non, ce n^est pas inutilement que
fauraîs traversé les mers. Peut-on trop faire pour le
salut d'une seule âme? Et, quand un Missionnaire voit
soD ministère béni par des conversions nombreuses, est-
il au monde une position préférable à la sienne?
« Après 1840, UM. Dupont et Vachal m'ont été succès-
tifemenl adjoints, et Parrivée de ces deux confrères m*a
rempli le cœur de joie. Désormais je suis assuré sur Ta-
îenirde ma Mission, mes pauvres Chinois de Siam ne se-
ront pas abandonnés ; je puis , quand le Seigneur k
foadni, chanter mon Nunc dimitiis.
« Ce double renfort a ouvert un plus vaste diamp à
mon ministère. Mgr Pallegoix , notre Vicaire apostoli-
<iue, a jugé le moment opportun d'appeler^ par une pré*
dication plus directe, & la connaissance de TEvangiie et
i la participation du sahit tous les Chinois répandus sur
la surface du royaume. En conséquence, dans les trois
années qui viennent de s^écouter^ fai multiplié mes
courses à travers les provinces. Je consacre environ
ni mois à cette œuvre, b'est-à-dire la seule partie de
Tannée où Ton peut voyager sous ces climats brft-
bntset mabams* Partout le Seigneur a béni les travaux
de son pauvre prêtre ; diverses localités sont devenues
des stations chrétiennes où s'oAre de temps en temps le
^Ariiable sacrifice ; je ne leur fais pas de visites sans y
baptiser im certain nombre de nk>phytes de tout âge,
préparés d'avance par mes catéchistes qui presque ton*
joon m'y précèdent. Ces catéchistes me sont du plus
P*9d secours poui* le succès de mon ministère; mais
(onbien serait pins abondante la moisson, s^il nous ar-
rinit de ftouveain eolldliorateurs, si nos ressources
teient moins en ^dftproportion avec nos besoins I
« Torin-toos atoir une idée de mes cesses aposto*
Digitized
byGoogk
tiques ? Pout* cela , je n'ai qu'à raccmter mon dernier
foyage, car ils se ressetublenl tous. Bang-pla-foiy sla-
tioQ nouvellement érigée , a reçu ma première visite.
Pour m'y rendre, ainsi qu'aux autres chrétientés épar-
ses à Test de Bangkok^ il me fout traverser le golfe, ce
qui n'est pas très-rassurant, vu la petitesse de ma bar-
que. La tempête nous surprit au milieu des flots ; plu-
sieurs fois ma faible embarcation &illit chavi^^r : néan-
moins, alors comme toujours, j'étais sans crainte, sa-
chant par expérience qu'il y a une Piovidence spéciale
pour les Missionnaires. Et d'ailleurs, en cas d'accident,
qui y [perdrait 7 Assurément ce ne serait pas moi.
« Dans toutes mes excursions , je porte avec moi une
ample provblon de quinine , afin que, si la fièvre venait
à me saisir, je pusse m'en défendre avec quelques pi-
lules. AssQz souvent je trouve occasion d'en faire part
aux malades que je visite, et il n'en faut pas davantage
pour me faire auprès d'eux la réputation de docteur.
f Cette précaniion est surtom nécessaire lorsque je
vais pr^ des montagnes. Les naturels disent qu'elles sonc
inle^i^ de malins esprits qui font mourir en vingi-
quatre heures. Avec des idées plus saines, nous appelons
tout simplement ces malins esprits fièvre des bois :mz-;
ladie très- dangereuse en eSet , et qui a bientôt em-
porté ses victimes; pour en être atteint, il suOit de se
reposer sous les arbres touffus des montagnes, ou d'y boire
de l'eau fraîche. On voit sur les sentiers^ au milieu de
âes forêts insalubres , beaucoup d'ossements humains.
Jusqu'ici , grâce à Dieu, j'ai été préservé du fléau.
« Mon flostume de voyage est assez singulier pouir
qpie jevousen dise deux mots. Saps bûs,.i^an$ souliers,
jans ekepeaa, à plus forte rtiaoA sans soutane, je che-
mine avec tout le sans-Êiçon du pays , eoqmrt d'uçe
^mple cbemise et d'un pantalon* Ce c|tti serait, j^reique
Digitized
byGoogk
w
UA ^caudale «n Francf est ici nécessiié ; nous sommes
oUigéa de aous vêtir de la sorte, afin de xi'étre pas^ re-
coMus comme, étrangers et ramenés à la capitale, où
probablement on ne nous ferait d'autre mai que de
nous ÎBierdire de nouvelles sorties. Les Siamois prennent
cette précautiou par la crainte de favoriser Tinvasion du
i^piime, ^laissant circuler en liberté des eitplorateurs
e^neoiÎB. Pour nous la m^esure est mutile : travestis de
lamiaoière <^ je viens de décrire, nous pass(ms pour des
diiiécieBs i»aii& de Siam ; seulement, le profil de notre
tes et la nuance de notre leînt nous trahissent quelque-
Kms* aux Cliînois même païens je ne fais pas mystère de
ma naissance, ils na m*ont jamais dénoncé; et pour mes
Chinoi» convertis^ je a'oserais pas même leur faire Tin-
juve d'an tel soupçon»
« Tous ne sauriez croire jusqu^à quel point ils me sont
rtoonnaissan^s du bienfait de la foi , que le Seigneur a
daigné leur accorder par mon ministère. Lorsque mes^
QHéciiistes esihortent à s'amender quelques chrétiens
oeins fervents que les auu*es, je les ai souvent sur-
pris à leur dire que leur conduite attriste le vieux Père ,
lai qui a quitté parents, famille et patrie, qui est venu
^siloînippur le salut de leurs âmes. C'est là, de tous^
barguaieiili, celui qui fait le plus d'impression sur leur
^œor. »
Bangkok, 12 féfricr 18U.
• Cette année , j'ai éprouvé de nombreuses tracasse-
ries. Cependant j'ai baptisé une centaine d'adultes, et j'ai
euverc deux nouvelles Missions qui donnent de glandes
Digitized
byGoogk
138
espérances. BienlAt je vais me rAiettre en course. Des
catéchumènes préparés au sacrement de la régénération
m*attendent en cinq endroits différents, que je tisiterat
en poussant jusqn^à Tchantaboun.
« J'ai avec moi huit h dix petits enfants qui me rendent
quelques services, en môme temps que je les forme aux
sciences; le plus Agé a treize ans, et le plus jeune en a dix
ù peine. Comme leurs parents habitent la province, je
suis obligé de les nourrir. Plusieurs do ces enCsints m*oiit
été donnés par écrit, en sorte que personne ne peut les
ravir à ma sollicitude. Voici Thistoire de l'an d'eux : Son
pèie et sa mère, qui sont païens, l'avaient venda deux
livres d'argent; heureusement pour lui, son aïeul ma-
ta^nel, chrétien octogénaire, parvint à se procurer cette
somme et le racheta. Alors il me confia ce précieux dé>
pôt; mais craignant qu'après sa mort les parents ne
vinssent me l'enlever pour le revendre encore , il m'a
foit un écrit par lequel il déclare qu'avant de m'arracher
mon pupille, ils doivent me rembourser le prix de 8a
rançon, et c'est ce qu'ils ne feront jamais. Je Tai baptisé,
je suis content de lui; fesp^e qu'un jour, proma au
sacerdoce, il sera l'apôtre de sa famille et de son pays.
Que u% puis-je le montrer aux jeunes prêtres d'Europe
pour les engager à venir sauver de si belles âmes!
« Raymond Albiàhd, Miss. apoU. »
^ .«..«.
Digitized
byGoogk
m
MISSIONS
DE L'OCÉANIE ORIENTALE.
UUre du P. Prançtns-^Jstise Caret , de laSùeiéêide
Picpuif d Mgr PJrchevêque de Càkédoine^ Supérieur
général de la même Société.
Wmon de Notre-Dan^e-Foi iTtbiii , le 21 fëfner 1842.
« MONSEIG!! EVR ,
« C'est pour la troisième fois que je vous écris de
Tahid , où je suis avec les Pères Saturnin et Armand ,
depuis le 31 décembre dernier. Craignant que mes let-
tres ne TOUS soient pas parvenues, je répète dans celle-c^
les nouvelles qu'elles contenaient.
« Le 26 juin, Marguerite Huaputoka^ la troisième
de nos catéchumènes de Vapoo , vint noua prier de Tin*
T0¥. XVII. 99. 9
Digitized
byGoogk
138
l'on de Bos ooûfrères , le Pire ColombâBy anrita de Ta*
huaia dans rimenUon de me décida à partir pour Tsdûiî«
Il avait j disait-il , acquis la certitude que^ malgré ke
promesses faites par la reioe Pomaré de nous recevcw
dans ^ états , les protestants allaient nous Termer Ten**
trée de ces Iles, si Ton ne se hâtait de prévenir lenrs ma*
ncBUYres. Que foire dans cette alternative? Je n'avais
personne que je pusse laisser à ma place auprès de ma
congrégation naissante, qui n'était encore, il est vrai,
ni chrétienne ni catéchumène, mais qui montrait la bonne
volonté à laquelle la paix du ciel est promise. Je ne pus
me résoudre à Tabandonner an moment du péril. Je
chargeai donc le Père G)lomban d'aller prendre le Père
Armand avec le catéchiste Nil à l'Ile Nukahiva, et de se
rendre avec eux à Tahiti ; il fut convenu que je resterais,
quelques mois encore à Yapou avec le Père Saturnm ,
pour voir si nos néophytes soutiendraient la rude épreuve
que nous attendions à la prochaine arrivée du roi. Tout
le monde savait qu'il avait plusieurs fois menacé de nous
massacrer, s'il nous trouvait encore dans l'Ile à son re-
tour. Chaque jour on le répétait à nos néophytes : ^ Quit-
« tez donc la parole de ces étrangers , leur disait-on ; le
« roi va les tuer en arrivant, et on pillera tout ce qu'ils
c ont. «.Néanmoins tous persévéraient à venir auprès
de nous; et Tinstruciion les fortifiait de plus en plus.
c Une épreuve inattendue était réservée à Huaputoka.
Un jour que nous étions réunis , la reine entra dans no-
tre cabane et voulut que nos disciples chantassent un
cantique; oa s'empressa de la satisfaire. Pendant ce
temps* là, quelques sauvages qui cueillaient des Afel'sur
des arbres voisins, tentèrent , en lançant la perche dont
ils étaient armés, de percer notre toit de feuilles : je les
réprimandai en présence de la reine, qui ne dit mot.
Mais & peine Huapuioka fut-elle de retour chec elle, que
Digitized
byGoogk
133
la raiies*y rendit, et entourée do peuple qui s^ètak ât*
ttoiipé, elle paria arec beaucoup décolère à cette patmre
femme , la menaçant des pins terribles supplices, si elle
revenait auprès de nous. La foule criait et hurlait contre nos
disciples» et plusieurs disaient qu'il fallait les mettre au
Ibur avec nous, puisqu'ils s'opiniâtraient à nous écouter.
Le vieux père de Huaputoka passa la nuit à presser ta
fille de céder à l'orage; mais il ne gagna rien sur elle :
elle lui prouva au contraire que TEvangile fst la parole
du sahity et elle déclara en finissant qu'elle mourrait avec
aes deux enfants plutAt que de retourner au paganisme,
dont elle connaissait l'absurdité et les fourberies. EHe
vint en efiet le lendemain comme à l'ordinaire , et le Sei-
gneur la récompensa de sa fermeté en lui donnant de
nouvelles forces. Elle en avait besoin ; car c'était contre
die que les piîiens dirigeaient surtout leurs efibrts, la re-
gardant comme la personne la plus influente de tout le
troupeau.
« Cependant, comme nos auditeurs commençaient à
bien connaître notre sainte Religion , nous en admîmes
onze au catéchuménat, la veille de l'Assomption de Marie.
Je n*ai pas besoin de vous dire que la cérémonie se fit à
buis clos , sans qu'aucun païen le sût, et le lendemain,
tous vinrent, dès le point du jour, assister à la messe
Jusqu'à l'offertoire; ce qu'ils firent tout le temps du ca-
téchuménat.
€ Enfin, le roi débarqua le 18 septembre, et nous re-
çûmes par le même vaisseau des lettres du Père François
de Paule^ qui nous donnait avis 4|ue ce prince, en quit-
tant Tahuaia, avait déclare de nouveau qu'il nous ferait
périr à son retour à Vapou. Je laisse à penser si nous
étions sans inquiétudes. Un jour se passa sans qu'il arri*
ât rien^ sinon que le fils aîné de Pueri (c'est la plus
Digitized
byGoogk
134
Igée àeM^OktàtiiÊÊnimm) qui était rtMM vno le m,
âdbraisa & sa itère de nt^tliato reprochostur ee qu'elle
éuii assea bile poor écouler net prédicacioot; il ajooti
4»*il se regardait comme déshoneré wx yeoK de «me
rile» d'avoir aae mère qui, à se» âge « abandoDiiait les
«ngea de ses ancêtres. Cétait toucher cette naiiieQraise
fefln&e à INendroit sensible : elle fut ébnMt , sans toute-
fins cesser de venir aux exercices; le dimancbe 96 sep-
tembre elle parut enoere à la messe avec les autres ca-
léehuDiènes; mais ce jour fiit un jour de catastrophe.
« Comme nos disciples se. retiraient de grand malin ,
après avoir assisté à la sainte messe et à Tinatruciion, les
deux femmes Huaputoka et Pueri furem arrêtées par on
prêtre des idoles qui leur dît : « Pourquoi vous ol)sliBei-
■ vous à aller chez les Missionnaires , malgré les défenses
« qu'on vous a faites? » Au même instant le roi parut
lui-même , et sa colère éclata : « Voilà donc , s'éûria-t-il^
« ces femmes opiniâtres, qui n'ccoutent rient si je les
« vois approcher de ce lieu , je les perce moi-même de
« ma lance, et si je les trouve chez les Missionnaires» je
«^les brûle tous dans leur maison. • Ces deux pauvres
femmes s'en allèrent sans rien dire ; et quelques heures
après, Huaputoka reparut chez nous : elle était exu*é*
memeat souffrante , mais décidée à mourir plutdt que de
trahir sa foi. Ce même jour, la u*ibu d'Alipope vint tout
entière à Hakahau fêter l'arrivée du prince. Tous les jeunes
garçons que nous aviens admis au catéchuménat étaient
dans notre maison , lorsque, vers dix heures du matin,
la tribu dont je viens de parler se porta eu masse sur
notre demeure , qu'elle cerna. Nous Tentendions s'exciter
à la démolir, ce qui eût été chose fedle. Comme l'audace
de ces insulaires allait toujours croissant, notis crûmes
qu^l^ avaient ordre du roi de nous massacrer. Alors nous
prtmes le parti d'ouvrir notre porte, et de leur deman-
Digitized
V Google
135
der m ipt^ils'voulaîeftl* Nous nooi préseatâniM donc, le
PëreSat«rns«iaiDi, àreMr«eclenolre aaisM » ot nous
teur parlâmtsdi peu près ea oes termes c
« Nous toîlà tous les deux ; vous pourez nous tuer ;
« nous sommes snns armes. Mais répondez : quel tml
« vous avons-nous fait pour nous traiter comme des v6-
« leurs et des assassins? Nous vous annonçons , vous te
• savez , qu'il n'y a qu'un seul Dieu qu'il faut adorer :
« voilà tout norre crime! Encore une fois , tuez-nous, si
« cela vous plaît ; que votre roi vienne, qu'il soit témoin <fe
« notre mon. Nous irons an ciel; peut-être obtîendvons-
« nous de Diea qu'il ne vous puni&se pas d'^v#ij* vemé
« notre sang. Mais que diront les étrangers , quaad ils
« apprendront que vous nous avez ôlé la vie htxm $iiî»i,
« à nous qui sommes vos hâtes? » IbrécoutaîeKt em 4-
leoce. Qu^ues-uns même nous dirent : € Pourquoi vMs
« Eorions-noas do mal? Vous âtes des gesa pacifique»^*
Peu à peu noua vtaies œtie foule ae disperser paiaible-
meat , à Texception d'un petit nombt e d'insubirtS^qoi
demeuraient immobiles à nous regarder. Nous diaiea à
ces da*niers : « Puisque vous ne voulez nous faire a^cun
« mal , nous renurous chez nous. 9 Noos ferjp^es en
même temps notre porte , et un instant après il n']| ^tft
plus personne autour de notre cabane^
• Aasurémeiit, ce fut INeu -qui nmia inspira* ^e^Jenir
Ittrier avec tant de douceur; car ooite apprlma» depuis
qu'ils ne dierchaitat qu'un piéleaiia pMr aoiM «msai
crer« Durant toute cette scène, nos catéchirtiftum aè aoM-
pwtrou avee un sangfMd admirable , 4 reioa|)Mft die
l'un [£w% , mommh Aaphaël , qtû vouiait résiner aaiil i^
laua ; nab no«t le calMAmea,
m etf&àààPi le ÛH ataé de Pveri pressa létteMMéi
iitte Hk jom soivanls, cyi^elle céda «afla ^ m psiAk
Digitized
byGoogk
136
plus. Avec die UN»ba sa GUe, ainsi qu'une catécbamèiie
infirme que ses parents menaçaient de hisser mourir de
faim. Huaputoka et les autres disciples ne furrât nalle-
ment ébranlés par ces défections , ce qui irrita de plus en
plus le roi contre cette néophyte ; il ordonna même à
quelques hommes de l'étrangler. Heureusement c'étaient
des parents de la catéchumène , et ils refusèrent d'obéir.
Alors le roi déclara que si cette femme s'obstinait à dé-
serter le paganisme , il faudrait trancher la difficulté en
exterminant les étrangers qui l'endoctrinaient.
« Conune nous craignions à cliaqne instant d'appren-
dre la mort de Huaputoka, je la baptisai le 2 octobre,
sous le nom de Marguerite; et depuis ce moment, son
cœur fut soulagé. Ses deux enfants , avec deux autres
Jeunes garçons , furent aussi admis au baptême, la veille
de la fâte de tous les Saints. Nous comptions donc alors
«ept néophytes que nous cultivions de notre mieux^ et
auxquek nous donnions les avis {M^opres à les diriger
après notre départ, dans le cas oili nous serions (d)ligés
de nous séparer d'eux.
« Ainsi , depuis près de six mois , nous étions tou-
jours à la veille d'être dévorés par' ces cannibales , dont
la fureur n^était évidemment retenue que par la puis-
sance invisible du Seigneur. Chaque jour les menaces et
la rage des païens s^augmentaient d'autant plus qu'ils
ne poutaimit, malgré tous leurs efforts, réussir à ébrankr
Mena de nos disciples. Enfin, le 21 décembre, la goé-
lette le R^A^Rtn, portant le pavillon de Tahiti , parut au
large dans la baie. Je me rendis an rivage, oh aborda
blentdt une petite erabivcation qui me porta à bord avec
le roi de Yapou. Là , après avoir pris connaissance des
lettres de nos Pères qui me marquaient que ma pvésence
hélait indispeasable à Tahiti , je dammdai p«ssi^ po«r
Digitized
byGoogk
137
teite fle , et j^averiit le roî de la néoettilé où |e œe trou-
Tab de parlir, ajoutant que si plus tard lui et soa peuple
désiraient entente U parole du salut , on leur enverrait
des Missionnaires. Je lui demandai encore si on pillerait
DOS effets au départ : il me donna sa parole qu'on les res-
pecterait; i} fil même semblant de nous r^retter. Il me
donna, an sujet de nos chrétiens, que je lui recommandai
en grâces, toutes les promesses/ que je toulus , bien dé-
cidé à n'en tenir aucune.
« De retour à terre, j'annonçai à mes néophytes que
BOUS allions partir, sans pouvoir ks prendre avec nous ,
parce que le capitaine manquait de vivres» Que de pleurs
alors , que de sanglots de la part de ces pauvres Indiens !
« QiQiDd TOUS aérez loin , s'écriaiaat^ils , nous serons
« tous mis sui four si nous n'apostaaions pas. Mais nous
« préSéreroBs toujours la mort au crime, m Je tûchai de
faoimer leur coofianee en Dieu, et je leur promis que je
revieadrais au plus tôt les conduire à Mangaréva. Ils se
consolèreBt un peu. Cependant nous procédâmes sans dé-
lai an transport de nos effets sur le rivage; mais au mt^me
instant , notre maison lut encombrée par len . païens qui
eommencèrent à piller tou> ce que noi» avions. De spn
«Aie, le roi , malgi*é les présents que nous lui avions of-
Icrts poiff conserver k ce prix quelque chose, fit trans-
ponsr nos^malles chez lui, où eU^. furent brisées, et
iBtt œ qu'elles contenaient enlevé. Je ne conservai
ponr ma part que les médailles qui m'avaient été données
par le Saint-P^e en 183&. Mais, en même temps, nous
rtmes liai d'admirer une marque signalée de la divine
Providence : c'est que, dans ce pillage universel, aucun
tks ornements sacerdotaux , aucun des vases ni des lin-
gis sacrés, ne tomba entre les mains des sauvages ; nous
conservâmes aussi nos livres, et nous fûmes fort heureux
^ aous sauver avec cela et la soutane que nous avions
Digitized
byGoogk
136
sur le corps, bioore ce pai<|Be mm conaenriou t-u'û
été presque entièreneni Marié par la mer. Nous avons
perdu dans cette circonstance h valeiir de BsilW piastres
environ , sans compter que nous avons éié sur le point
d^étre mas^acré8•
« Quant à nos néophytes, ou las insultait sous ans
yeux, on les menaçait devant noua de les manger a#ri8
notre départ. L'un d*em, nommé Pierre, eut assez, de
vigueur pour s'arracher des mains de ceux qui vonlaiioi
Penu-ainer loin de nous, et pour se maintenir dans notre
barque avec un autre cbrétien nommé Raphaël* U«e
veuve avec ses deux enfuiis s'était avimcée jusque anr
une pointe de rocher, pour se jeler à la mer et gag^ner le
navire ; mais le capitaine refusa de la prenApe à so» Wrd*
Il but avoir «i autant de peine que nonsà amcher eos
âmes an démon , pouf comprendre combk» notre cœur
eut k souffrir en nous séparant de ce petit troupeau, plus
fervent encore que celui de Gambier, parce qu'il s'est
formé et fortifié au milieu de la persécution. Hélas l q«e
:ioni-i's devenus? ont-ib persévéré P Icc 2rlH>m tués
comme on les en menaçait? nous n'as savons sio»* Lnn
deux aveugles de la tribu d'Atipopo, qui s'étaient for^
mellement prononcés pour notre sainte Religion , on^^ila
pu communiquer avec leurs frères, coaame nous le kor
avions recommandé? Jean, ce Job de la terre de Yapou^
a-t-il été abandonné? nous Fignorons. S'il nous arri^mic
un navire de guerre, nous le prierions d'aller au
de ces infortunés néophytes. •
Digitized
byGoogk
139
Tahiti, le 2 juin I8i2
« Le Père Colomban, en revenani de Gambier» a
touché à Vapou. Quelques naturels étant montés à bord^
il engagea le capitaine à les retenir en otage, pendant
que trois fidèles de Mangaréva, qu'il conduisait avec
lai , allèrexit ù terre pour savoir des nouvelles des chré-
ùeos que j^y avais laissés. Ils trouvèrent l'infirme Jean
daas la maison de Marguerite, avec les trois autres
cfa*étiens, les anciens caté(tbumènes et trois nouveaux
disciples. Pas un n'avait fléchi devant la persécution. Les
Mangaréviens leur proposèrent de se réfugier à bord ;
iMûs ils répondirent qu'ils ne pouvaient le faire, et qu'ils
aaoHbîefit Tareta (Caret) Ah 1 quand pourrai-je revoir
ces bons néophytes 1 peut-être vont-ils se multiplier
ainsi par eox^méines. Les desseins de Dieu sont si diSé-
rents de c«ux des bonnes I
« Je sais, etc.
« François -d'Assise Caret. »
Digitized
byGoogk
140
LeUre du Père Cypricn Liausu, Supérieur de la Mission
de Notre-Dame-de-Paix aux îles Gambier, I\-êlre de la
Société de Picpiis , d Mgr F Archevêque de Calcédoine.
l\e Maagarëfa . le 16 juin 18S2.
« Monseigneur,
« Dans le cours de Tanoée dernière, j'ai en l'honneur
de vous transmettre les détails les plus consoluits rar
notre Mission ; aujourd'hui je me bornerai à reproduire
les mêmes nouvelles^ parce que dans ce pays, maintenant
tout cbrétien , les choses vont toujours à pen près de la
même manière. Notre population continue à augmenter
rapidement : vous en jugerez vous-même en apprenant
que, cette année, nous avons compté ici cinquante-deux
naissances^ tandis que nous n'avons eu que vingt-denx
décès. La piété se maintient : il y a eu , en 1841, six
mille trois cents coomiunions dans la grande Ile, qui
ne compte que seize cents habitants. On ne cite dans tout
TÂrchipel que quatre indigènes qui n'aient pas fait leurs
pûques.
« Vous savez , Monseigneiur, que notre but en venant
parmi ces peuples a été avant tout d'en faire des chré-
tiens , et puis d'améliorer aussi leur existence maté*
rielle, en leur apprenant les arts de première nécissité
et les connaissances qui sont pour l'homme un bienfait»
Digitized
byGoogk
Ul
Il blWa d'abord songer à les nonitir, à les v<^tjr et à les
loger : c'ett aussi de ce côté qne s'est portée d^abord no-
ire attention. Dieu a béni nos eCTorts^ et nous n'en som-
mes pla« maintenant à de simples essais ; nous avons, à
la grande Ile seulement, huit métiers de tisseranderie,
lesquéb ont conrectionné cette ann/e deux mille trois
cents brasses de toile. Tout le coton a été filé en deux
mois et demi et tissé en sept mois. La quantité d'étc^e
qui est revenue à chacune des fileuses, a été aux unes
de trois à cinq brasses, et aux autres de dix à onxe , pro-
portionnelleoient à leur travail.
« Les bltimenu nouvellement élevés sont^ à Taravai,
une église de soixante-quinze pieds de long , avec ta sa-
cristie en ddiors; une ma^n pour le roi , de quarante-
deux pieds de façade ; une autre résidence pour nous de
trente pieds. A Âkamaru les habitants s'occupent à réunir
les matériaux nécessaires à la construction d'une église
de quatre- vingts pieds de long, y compris la sacristie
qui sera derrière Tautel. Nous avons déjà quatre fours à
daax , et on va en faire un cinquiècne. Tous nos insu-
laires sont résolus à se bâtir des maisons en pierres, parce
qu'ils trouTent qne les consuructions en bois se pour-
rissent trop vite, et les obligent iroip fréquemment i
abattre leurs plus beaux arbres.
« Hais cette bonne volonté se trouve enchaînée pour
le moment par la nécessité où ils sont de se procurer de
la noiuriture. Ils ont assaini tous les endroits marécageux
pour y planter du taro ; ils ont arraché les forêts de ro-
yaux inutiles qui couvraient les montagms, et ont planté
^ la place des patates douces. Après le terrible ouragan
<lel84l, ils avaient semé dans les vallées des courges
qui , dans la pénurie presque absolue d'autres aliments ,
l<or ont sauvé la vie. La crainte de la famine, jointe à
Digitized
byGoogk
14S
QO» exlioruUons, leur a doué lui lel geèt pour Vagri*
culture, qu'îk eut défricshé jusqu'aux plus bimyms ter-
rains occupés par la Toogère. Nooaespénnis que dans la
suite ils n'auront plus à redouter ce fléau. Leurs arbres
à pain , si cruellement endommagés par Torage dont j'ai
parlé, repoussent avec vigueur, et donneront do fruit
dans cinq ou six mois.
« Nous sommes id trois prêtres, depuis l'arrivée du
fête Potentien Guilmard,qm nous est venu de Valparaiso
tout malade. Les frères Gilbert et Fabien jouissent d'nne
bonne santé , et travaillent toujow^ avec ardeur à nos
établissements. Les mis et les autres mt diargent, Mon-
seigneur, de vous profiter leurs hommages , et de vous
dire qu'ils sont bien contents de leur position.
• Je ne sais point d'autres noiivenes dignes d'être
adressées à Votre Grandetnr. Il ne me reste qu'à vous
prier d'agréer Vhommage du profond respect avec lequel
je suis , etc.
« Cyprien Luusv, Missi&nnairt ofôsU^Uque^
Supérieur de la Mission de Natre^Dame-de-Paix.
Digitized
byGoogk
t43
UUTê du Père Désiré Maigret^ Prêùrê de la SodHé de
Piqms, Prifei apostolique des îles Sandwich , à un
Rr^e de la même Société.
Hoodlola , 30 octobre 18i3.
« MOM RéfiftBffl) PéftS,
« Le navire qui vous portera ceue lettre est tJjax ,
coBUDandé par M. Letellier de Lillebonne; ses marins
ttit pour la plupart du diocèse de Rouen. A leur arrivée
ici 9 an horame qui se donne le titre de chapelain des ma-
telots, leur a distribué , avec TEcriture sainte , quantité
tk petits livres sortis des presses protestantes de TAmé-
ri^e. Selon les ministres, autant de Bibles placées, au-
oat de conversions faites ; de sorte que , si ces Bibles
tomes seules changeaient les cœurs, comme ils le préten-
tet, nous ne verrions que des saints sur les navires.
BéJas 1 il s'en faut bien qu'il en soit ainsi I Les assassins
des Sept Jle$, près de TAscension, où j'ai été relégué
pendant sept mois, avaient aussi des Bibles; ils y fai-
>tteat des lectures deux ou trois fois par jour; ils savaient
fresque par cœur ce livre sacré ; mais il faut voir comme
ik le commentaient au profit de leurs passions, et comme
ces interprétations, laissées à leurs caprices individuels,
teient propres à les rendre meilleurs.
« Pour revenir wl matelots de VAjax^ je doute fon
Digitized
byGoogk
144
qu'on ail réussi à eu faire des protestants par le moyen
des livres qu'on leur a distribués. Cependant il serait
bien ù désirer que les catholiques fissent pour conserver
la fui de leurs frères , ce que les protestants font ponr la
détruire. Ne pourrait-on pas répandre une foule de bons
ouvrages dont la réimpression coûterait peu , et qui se*
raient bien autrement capables de convertir les marins
ou de les prémunir contre le vice , que ces misérables
brochures américaines qu'on voit partout , et qu'on ne
lit qu'une fois , si tant est qu'on les lise? Si ces opuscules
ne coûtaient rien , le matelot les recevrait avec plaisir; il
les lirait plus souvent qu'on ne pense, et en tirerait du
profit pour le salut de son ûme. J'ai vu nos marins^ hon-
teux de ne pas posséder un seul livre, venir m'en de-
mander : que n'avais -je, comme notre chapelain protes-
tant, une bibliothèque nombreuse à leur offrir 1
« Messieurs les ministres viennent d'établir ici une
société de tempérance, à l'instar de celles d'Angleterre
et des Etats-Unis. Us y ont fait entrer tout ce qu'ils ont
pu recruter d'insulaires; des milliers de kanaks, qui nV
vaient jamais bu que de l'eau , ont juré qu'ils ne boiraient
jamais de vin. Ceux qui ont donné leurs noms font partie
de ce qu'ils appellent Pualijnu vai (armée qui boit de
l'eau). Les soldais de celle nouvelle milice sont distin-
gués par une cocarde qu'ils portent au chapeau , s'ils en
ont , ou pendue au cou ; et sur cette cocarde , qui n'est
qi'un morceau de papier, est écrite la devise : Plus de
liqueurs enivrantes, rien que de Veau fraîche»
• Ces jours- ci, notre Pualijnu vai a fait une prome-
nade solennelle dans la ville. Il y avait des bannières, il
y avait des pavillons; et, sans parler des missionnaires cal-
vinistes et du gouverneur en grand uniforme , il y avait
des kanaks en masse, des hommes, des femmes et des
enfants : tous mardiaicnt en rang, cinq par cinq, ou dix
Digitized
byGoogk
par dix. La poussière, qui ne manque pas dans nos rues'
éttti si {^ude , que quelquefois la Paali jnu vai dispa-
i^aissait à nos regards. Placés au haut du clocher, à^ou
nous découTrons toute la ville, nous avons suivi des
yeux cette singulière procession , où personne ne priait ;
die est enfin entrée dans le temple protestant , et là on
a fait répéter à tous les membres le serment qu'ils ne
boiraient plus que de Teau.
« Le soir même, le commandant d^nn navire de guerre
américain , qui se trouve dans la rade , vint me voir, et
me raconta que Tun des porte-bannière étant allé à son
bord, on lui avait présenté de Peau-de-vie , et que le
brave bonme en avait bu deox grands verres. Ce que
vdjtnt, le capitame avait fait emporter la bouteille, ai
Mettre à la plaœ du vin de Bordeaux , dans la crainte
qi^il ne s'enivrftt; et le porte-bannière ^ qui probable^
mentarak la tète solide^ avait enc(H^ bu quatre verres
devin.
« Attorémenf la tempérance est une excdlente chose ;
iutts on me permelMt de dontar que ce moyen réussisse
k PétabKr parmi nos insalaircs. En vain on interdira les
liqaeiiiv éùraagères al tes^boissoBS fennetitéea; il fisui-
énàt duAger lescienrs pomr empêcher les exoès;. mais
c'est ce que les calirinisles ne feront pas, parce qn'jb ne
som point les envoyés tfe Gehi^ qiû cbitige à aoQ|;ré les
vdontés les plus rebelles.
c Je sais, etc.
«L. D. MàiGifir*
Pr^cmirt et BréfH aposloiique. »
T0«. xm. 99. 10
Digitized by VjOOQIC
m
lettré du R. P. De^auUy Ptêire de lé Société de Picpui^
à un Prêtre de la même Société.
Iles Sindwioh, OallYi , 29 àécfuAn iai3.
€ Mon RÉYÉsstc» P£ii, ^
m Le .23 do oûoraBt , m navire de guerre iran^dity te
Bmêsàk^ commandé par M. VrigMud , a amiUé dam le
rade de Honohilu. Nous nous aitendiéns énfim à recetmr
ées notnrellês de Mgr de Nilopolto; maii nous atoos été
craeUement trompés dans notre attenta. Le Goanoiiidaot
naos a dit qu'un bateau à vapeur avait parcouru k dé**
tfoit de Magellan* pour aller à sa vBtïaéMmy etqo^l mV
vait rencontré aucan vesUgé de wm piaacigft : aoraicrii
dênc péri dans les fioft avce masses oomapaguniB? S6o^
veot nos néophytes noos demandettt s^ibrefevrontbieBfét
towr Ëvéque : cpie leur répondra? BtlerAqu» eeile perii
ittm connuov quel elbt elle va pràdoirt «or Is» esprttt I
^ierlMea «pie le déocMirogenleHli ae se meuë pas pàmi
DOS chrétiens.
« Comme si ce n'était pas asseï des angoisses oh qous
plonge un malheur qui nous parait que trop certain , nos
minemîs no«i persécaient tXKijours de leur mieux. M. Mai-
lot, commandant d&TEmbmcadey qui vint visiter ces lies
au mois d'août de l'année dernîèrç, avait fait accepter au
I oi les conditions suivantes : l* que les élèves de la haute
école catholique ne seraient plus obligés de payer la taxe
personnelle , et qu'ils jouiraient des m^|«es privilèges que
Digitized
byGoogk
U7
eeai de la hamie école prolestanle; 2^ qm la loi qui de-
fend de se marier à eeux qui ua saveol pajs lire , serait h
rarfoîr appliquée avec une inpartialtté égale aux pro-^
lestaols et aux catholiques; 3^ que rinspecteur de» écolei
déiÎTrerait desdipiâmes k ceux de nos élèTes qui seraient
capables, suis avoir égard à la religioo qu'ils professeot;
4* qu'il s'y aurait plus de persécutions ni de tracassenea
de la pan des agents subalternes*
« Nous ne désirions qit'une cbose» c'était que ce$
ionditicHis fassent exécutée» Mais, le navire imefois parti»
^arbitraire recommença comme aiqparavant. Et, pour ne
psier que de nos écoles, à la fin de l'année 1843, les
élèras de M. Maigret furent mis aux fers , parce qu'ils ré-
damaient Texécotion de la parole donnée; et pour sortir
de prison , il leur fiillut payer double laxe. Il nous est
nujours impossible d'obtenir un seul diplôme. Bien de^
fois nous avons présenté des candidats qui , au jugement
dn gouverneur, du roi lui-même et dfi tous les étrangers
qui avaient assisté à lenrs examens, étaient fort instruits :
l'inspecteur les a toujours refusés. Je suis convaincu que
ie jflm savant homme d'Europe, s'il avait le malheur
d*étre papiste, et qu'il vint se faire examiner par nos doc-
teurs > ne semii pas trouvé capable de tenir une misérable
école de sauvages*
« On va jusqu'à nous contester, à nous Missionnaires ,
le droit d'instruire la jeuneme^ et l'on veut que nous
baraioos notre enseignement aux personnes d'un âge
mtr 01 aux viëUards. Dans plusieurs dîsuicts, on a en-
levé de ioroe les Plants de nos écoles, et réduit leurs pau-
vret parctttfl à mourir de faim en les dépouillant de leurs'
terres et eu leur interdisant fo m^ el la montagne. Con-
iràirenieiit* aux promesses du roi données pai* écrit au
mmamndvat4erEmb$madfi, on a forcé nos. chrétiens c{è
Q^ïvaaier au)L^ églises 4t aux oraisons d'écoles calvinistes;
10.
Digitized
byGoogk
148
et ceux qu! ont refusé de le Ibîre ont été mis à FameDde,
fiés avec des cordes, tratnés de tribunal en tribunal, et
traités de la manière la plus barbare, jusqu'à leur faire
Tomîr le sang. A Hawai, les agents de police sont venus
souvent porter le trouble parmi les chrétiens , et le*
chasser de TEglise, lorsque, le dimanche, ils étaient réunis
pour prier. Partout enfin les violences se succèdent avec un
caractère de jour en jour plus alarmant. A Kauai, le ré-
vérend Père Barnabe a été saisi par Tordre du gouverne-
ment, et relégué dans sa case, pour Tempêcher de ré*
futer les calomnies atroces accréditées sur son compte.
Pendant la nuii , on a renversé un au(el érigé par ce Mis-
sionnaire dans une maison quMl avait louée , et en même
temps on lui a fait signifier la défense de le rétablir. Ces
jours derniers nous avons appris qu'une église, nouvelle-
ment construite par les catéchumènes de Mauij a été li-
vrée aux flammes , et la main qui a profité des ténèbres
pour allumer Tincendie est encore inconnue. Faut-il en
conclure que ces vexations ne se font pas sans Tordre da
roi ou des principaux chefs^ puisqu'on n'a jamais puni
ceux qui en ont été les auteurs? Je laisse à d'autres le
soin de prononcer.
« Vous voyez, mon révérend Père, que nous ne som-
mes pas sans peine ni sans combats. Nos adversaires sont
nombreux et puissants. Dans une histoire de Havcaï
qu'ils ont récemment publiée , les protestants ont fait le
recensement des ministres , maîtres d'écoles et médecins
qui se trouvent dans cette lie : leur nombre se monte i
quatre-vingt-neuf. A cette légion nous ne pouvons op-
poser que neuf prêtres catholiques qui manquent de tout :
quatre sont à ÔoAtf, trois à Hatoaï et denx à ATatiol*. Ce-
pendant notre troupeau ne eesse pas de s'aocrottre; il se
passe peu de jours sans que nous inscrimns le nom de
quelque nouveau catédiumèoe. Noos avons di^ près de
Digitized
byGoogk
149
douze mille cinq cents cbréiiess dans noire ardiipel : ce
n'est guère que la dixième partie de la population. Sur
cent dix ou cent Ttngt mille habitants que Ton compte
dans ces Ues, il y en a près de la moitié qui sont indiflë-
rents, c'est^-à-dire qui veulent vin'e au gré de leurs in-
clinations et qui tiennent encore, quoique secrètement,
aux anciens usages. Le reste se partage entre les préten-
dus réformés et nous* II y a par conséquent trois classes
bien distincte : les calvinistes (kapoe kalavina)^ les ca-
tholiques (ka poe kaklika) , les infidèles {ka pot etmi).
Les calvinistes ayant de leur côté tous les chefe, et par
conséquent toutes les richesses du pays , sont naturelle-
ment plus nombreux que les catholiques. L'erreur esl sur
le trône : jugez si elle doit voir Qvec plaisir la vérité se
répandre et Ëiire tous les jours de nouveaux progrès.
Aussi , comme vous l'avez vu , elle n'oublie rien pour en-
tiaver notre ministère ; mais àous espérons que ses efforts
seront vains contre la vérité. »
2 janvier 1844.
« Hier, M. le commandant de la Boussole nous a fait
l'honneur d'assister à l'^amen de nos élèves, avec quel-
ques-uns de ses officiers et M. notre cx)nsul. Ils ont bien
voulu nous témoigner leur satisfaction , et ils ont ajouté
que jamais ils ne se seraient attendus à trouver tant d'ap-
tiuide et d'instruction chez des enfants qui ne viennent
que de sortir de l'état sauvage. Il faut avouer en effet
qu'il y en a beaucoup parmi eux qui se feraient distinguer
dans les écoles d'Europe.
« Il me reste à vous dire un mot sur Tétat actuel de
tes Ues et les mœurs de leurs hubiunts. A l'exception de
quelques améliorations opérées par les étrangers dans les
Digitized
byGoogk
150
endroits qu'ib habitent, les terres sont dans le même étai
«fo^antrelbis. Les plaines qui se trouvent sur le bord
de la mer sont en général fort arides : on fait souvent
cinq ou six lieues sans rencontrer un arbre; on n'y xoti
d*Qutre verdure qu'un peu de gazon et quelques arbri6-
seaux. Souvent il n'y a que la terre nue et des pierres.
I^s ruisseaux qni descendent des nioniagnes sont la seole
ressource du pays. On pratiqne diverses saignées pour
faire couler l'eau dans les marais où l'on plante le tare.
Si les ruisseaux viennent à tarir, c'est alors nne disette
coniplète dans le pays.
« Quoiqu'il y ait des montagnes fort arides, surtout
au sud , elles sont généralement verdoyantes. Cest In
qu'on va chercher le, bois nécessaire pour la coiastruc-
tion des maisons et pour le chauffage. Les kanaks, natu-
rellement paresseux, parce qu'ils n'ont aucun encou-
ragement , ne se mettent nullement en peine de faire des
plantations aux environs de leurs demeures. Us aiment
mieux aller chercher le bois dont ils ont besoin à deux
et même trois lieues de dislance. Il est vrai aussi que
s'ils avaient un terrain bien cultivé et couvert de beaux
arbres , les chefs le leur enlèveraient bientôt. Parmi les
naturels, quelques-uns ont appris des métiers; maiis ils
sont en fort petit nombre. Au reste, la dépravation des
mœurs , la faim et la misère font ici de tek ravages , qtie
la population diminue tous les jours d'une manière eF-
frayante : je suis persuadé que, sur six décès ^ ù peine
y a-t-il une naissance.
« J'ai dit que les insulaires indifférents tiennent en-
core en secret aux vieilles superstitions. Il n'est pas rare ,
en effet , de rencontrer des médecins du pays , qui , lors-
qu'ils vont visiter un malade, lui ordonnent d'offl'ir un
sacrifice aux anciennes divinités , sacrifice qui consiste à
tuer un coq, une poule ou un eochon , éi à renfouir en
Digitized by LjOOQ IC
151
tenre wprès Favoir fait cuire. D'autres fois on prend ^e&
cheiretix du malade et on en fait un petit paquet qu'on
enterre avec un soin religieux. Nous avons souvent été
témoins nous-mêmes de ces exiravaganceç.
m Les choses qui provoqueiraient le plus de dégont
en Europe , sont un excellent mets pour les Sandwicbois.
Si un chien , un cocbon , un cheval viennent à crever-,
ils les dévorent jusqu'au dernier lambeau; ils ne se don-
nesl pas même la peine de laver les intestins : après les
afok jetés sur les charbons» ils les avalent en un clin
d'oAU Je dois avertir cependant que Ton ne rencontre
rien de pareil parmi nos chrétiens.
« Je termine, mon révérend Père, en vous recom-
mandant de nous envoyer quelques secours le plus tôt
powîhle ; sans cela ^ vous cox^penez bien qu'il nous serait
impossible de (lire face à tant de besoins et a tant d'ea-
« F. D. Desvault, Mi$$. ap0$t. •
Après trois aa^ de silence et d'incertitude sur le sort
de Mgr l^uchouze^ nof^ sommes forcés de dire qu'il ne
aous nXbe plus d'espérance. Tant qu'il a été possible de
douter de ^Qin naiafrfige , nous avons dû garder pour npus
fjMXiSÎnîstyps pressemimente, de peur de porter un deuil
Jprématii^ dfms un grapd nombre de familles, où l'ex-
.ftmm^ de nos c^iaintes aurait été prise pour l'annonce
oficîelle du malheur qu^ell^s redoutaient. Mais aujourd'hui
4M im necbeid^ les phi9 actives n'ont pu renaettre sur
Je tnifed^ ^injsseaH disparu , après qu'on a vainement ex-
Ji|aré.jli9id(itroUs, qu'im a înterrogé sans succès les i^vi-
^m <i(emandé d|9s ^naqgpemems à fm» les pprts
Digitized
byLjOOgk
m
sans obtenir une seule réponse favorable , il faut biea te
résigner à en conclure , avec les Missionnaires et les ma-
rins , que le Marie-Joseph aura sombré au cap Hom.
C'est , ea effet , près de File StatenrLand ^ Test de lâ
Terre de feu , et par un temps d'orage , qu'un pieux voya-
geur, dernier témoin peut-être de sa détresse, a cru l'aper-
cevoir au moment où il fuyait emporté par les vents. Voici
les notes qu'il nous a été donné de puiser dans son journal :
« Le 13 mars 1842 , par la latitude de 51 degrés et 62
« de longitude , nous eûmes en vue un navire français
« qui était à la cape ; c'était peut-être celui de Mgr Roa-
« chouze , qui se rendait à la Mission de l*Océanie-Orien-
€ talc; peut-être y avait-il à bord un bon nombre de re*
« ligieux et de religieuses. Si loin de la patrie et att
€ milieu d'une mer si orageuse, la pensée <}ue fêlais si
« près de zélés compatriotes , me consolait : j'aimais à
c l'entretenir longtemps encore après que j'eus perdu de
« vue le navire.
« Quelques jours après nous remarquâmes les trois
« nuages que les marins connaissent sous le nom de
€ nuages de Magellan. Deux sont blancs et un autre
€ grisâtre. Je me rappelais en quittant ce cap des tem*
« pêtes, tous les dangers qu^avaient courus nos derniers
« Missionnaires; ils avaient rencontré plus de vingt mon**
« tagnes de glace flottantes, contre lesquelles ils avaient
« &illi se briser. Ces montagnes, qui ont souveUt plus dte
€ six cents pieds de hauteur, se détachent du pAle à la ffkt
« de l'hiver , et sont poussées par les vents quelquefois
« jusqu'au cap Horn ; ce qui rend ces parages très-dan*
€ gereux dans certaines saisons.
« Ce ne fut qu^après vingt-un jours de traversée
c que nous arrivâmes à Desterro , chef-lien de lile de
c Sainte-Catherine. Le naVire ne devait pas aller plut loicu
€ Le pilote qui vint & bord, nous dit que le bâtiment <fo
Digitized
byGoogk
« Mgr Roucbouze avait mouillé pendant quinze jours près
« de rUe. Le Prélat avait perdu une religieuse et un jeune
« Sandwichois qu'il ramenait de France , où ce fervent
« néophyte avait Cuit ses études. La première avait été
< enterrée dans le cimetière du petit village de Saint-
« Michel , et le Sandwichois dans celui de Desterro. Ce
• jeune insulaire avait beaucoup de talents et de vertus,
< et aurait fait un bon Missionnaire ; mais il ne cessera
« pas de l'être dans le ciel. »
Nous citerons encore un passage d'une lettre écrite
par tm membre delà société de Picpus , parce qu'en rap-
pelant à nos Associés toute l'étendue du désastre qui vient
de frapper une grande Mission , elle leur apprendra les
premières mesures prises par le Souverain Pontife pour
te réparer :
< Convaincu que nous avons un grand malheur à dépl#-
« rer, notre supérieur général, par une circulaire du 7 no-
« vembre dernier , a demandé ponr Mgr de Nilopolis ,
« pour les sept prêtres , les sept catéchistes et les neuf
« religieuses qui fâuxx>mpagnaiettt , les prières d'usage
« pour les membres de la Congrégation décèdes.
« Dans la même persuasion, le Saint-Siège vient de nom-
« mer Vicaires apostoliques deux de dos Pères qui sont
« actuellement aux Marquises: Tun, M. Duboize, avec
« le titre d'Evéque d'Arathie, aura sons sa juridiction
« rarchipel Sandwich; l'autre, M. Baudicfaon (François
« de Pàule) a le titre d'Evèque defasilinopoUs, et les
• Hes Marquises, Tahiti, GamUer, etc., formeront son
< vicariat aposttrtique. Le Père Baudicfaon > vu l'incerii-
« tnde qtH règne toujours sur le sort du MrtV-Jos^ t
« aara provisoirement laV^^ ^^ ooadjuteor de Mgkr de
« Nilopolis. Je vous le répèle , nous n'avow reçu aueate
■ nouvelle ofidèUe; maïs queMe conjecture peut nous
« autoriser à conserver encore de l'espoir? »
Digitized
byGoogk
U4
Extrait d'une lettre du R. P. Armand Chausson y dé ta
Société de PiopuSy à «n ISrétre de la même Société.
T«hiti, 8 oclohre'18'^3.
«t Mon RÉTEREND PiHB ,
« A mon arrivée dans cette tle , au mois d'août 1S41 ,
la petite vérole avait déjà emporté bien des victimes.
Gomme Tépidémie iaisaît des progrès, et que sur un
espace de deux lieues, à Tahiti, deui cent vingt in^-
laires avaient déjà succombé , nous xinmes couseil , mon
compagnon et moi , avec quelcpies personnes churitables ,
parmi lesquelles je dois citer M. Lucas ^ capitaiiiô fran-
çais , M. Joseph Brémont , négociant de Marseille , M. je
consul américain et un Espagnol de Bui:gos. Il fut décidé
que j'irais , à une demi-lieue du port , soignier les ma-
lades qu'on pourrait rassembler dans une cabane destinée
à servir d'bôpitaL Rendu à Tendroit désigné, je trouvai
^es malheureux hors de leurs cases, dans de mai^vaises
buttes faites à la bâte, sans aueun secours, exposés à
toutes les intempéries de Tair, et pour la plupart , aban-
donnés même de leurs pareniA*.. Ji» ne pua d'abord réunir
que neuf oMlades dans mon hôpital ; l^s aiitres se trou-
vaient on anr le point de Baourlr, ou trop éloifl^ ; d'ai^-
Mt «D^ mmumn mim\ weater dava leurs bsm» , afin
4?OTroir, diiiiflDi*ib, la oonaalMion de BMuvir sur leurs»
terres.
Bigitized
byGoogk
155
« Toul en soigeani le corps , od juge bien qne je pcn*
sais à l'âme. Néanmoins trois personnes seulo^neari, une
femme et deux hommes, me manifestèrent )e désir de
moorir catholiques* La femme fut bsquisée la première, et
quatre heures après, elle n'existait plu^ A quelque tempN
de là, ayant été obligé de m'absenter durant une nuit ,
pour aller an port chercher des vivres et des remèdes, il
survint une grosse phiie. Aussitôt mes malades, qui jtis-
qu'aloTs s'étaient tenus à Tabri , profitèrent de mon ab-
sence pour sortir et recevoir l'eau sur le corps, afin de
se rafralchn*. Il n'en fallut pas davantage : sur huit
qui avaient commis cette imprudence , six étaient morts
le lendemain à mon arrivée. Les deux autres respiraient
encore ; c'étaient précisément ceux qui m'avaient témoigné
le désir de rentrer dans le sein de l'Eglise : je m'empres-^
sai de leur rappeler la demande qu'ils m'avaient Ëiite.
Gomme ils me témoignèrent qu'ils persévéraient dans
leur résolution , je les baptisai sur4e-cfaamp, et ils mou^
mrent à un quart d'heure d'intervalle. Si d'un calé
j'ôprouvai une grande joie de la faveur que Dieu venait
de foire à ces deux pativres sauvages , d'un autre côté je
ressentis une profonde tristesse en considérant le terrible
jugement qu'il avait exercé sur les six autres , auprès des-
quels pavais pourtant &it les mêmes eiforts.
« Je voulus, après cet accident, réunir d'autres ma*
lades dans le même local , pour être plus à portée de l^tr
donner mes soms; mais tout fut iniitih». Dion pins, le»
juges du port me firent défense d'aller voir ces uiaUmureux,
sons peine de demeurer confiné dans hi prenrière case où
je mettrais le pied. Un autre chef me dédara qne l'on tire-
rait sur les fié\Tcnx qui sortiraient du lieu où îis se
trouveraient , et i>eut-6tt*c ménae sur moi. Je me via
ainsi réduit a attendre , les bras crobés, la cessation en
•éau. n sévit encore quelques semaines , pqb disinirtif
Digitized
byGoogk
ne
entièrement. On découvrit alors que plusieurs naturek
que Ton avait chassés de leurs cases , parce qu^ils étaient
atteints de l'épidémie » étaient morts dans les bois el
y avaient été dévorés par les porcs. Telle est cependant
la civilisation de ce peuple , si vantée par ceriains voya*
geurs qui n'ont jamais vu Tahiti que sur la carie ; tel
est le résultat des travaux des missionnaires protestants.
« Cette même année , le 25 septembre^ Dieu voulut
bien bous envoyer un sujet de consolation. Sur les six
heures du matin, une dame anglaise, protestante, viat
frapper à notre porte; elle conduisait une femme indienne
toute en pleurs , et portant un petit enfant auquel oa
avait, la veille, administré un poison^ croyant lui don-
ner un remède* Cette dame nous demanda si nous ne
pouvions pas soulager cette innocente cféature. Je ré-
pondis que le plus pressé était de bapUser promptement
l'enfant^ après quoi nous irions chez le docteur qui de-
meurait à deux pas. La mère me laissa faire, et dix mi-
nutes après , elle sortait de chez le médecin , en pleurant
son enfant qui avait expiré ena*e ses bras.
€ Uoe autre fois, je rencontrai encore une pauvre
mère qui me demanda des remèdes pour son Gls^ âgé
d'un an environ. Je lui fis entendre que je n'étais pas en
état de soulager le corps de l'enfant , mais que je pou-
vab procurer un bonheur infini à son âme, si elle me
permettait de le baptiser. Elle parut y consentir. Mais le
démon , jaloux de cette conquête , s'empressa d'y mettre
obstacle i le grand-père^ qui se trouvait là , voyant que
j^allais baptiser son petit- fils , le saisit promptement entre
se& bras , tandis que je cherchais de l'eau , et s'enfuit sans
vouloir me permettre d'accomplir cette bonne œuvre.
Je me retirai^ le coeur navré de doideur ; j^espérais toute-
fbb , ayant recommandé le salut de ce jeune indien à
Marie, notre bonne mère.
Digitized
byGoogk
167
« Deux mois s'étaient écoules sans que j'eusse enienda
parler de lui , lorsque , me trouvant au port , je ren-
contrai un Français allié à cette famille. Je lui parlai
du refus qu'on m'avait fait, et du chagrin que j^en avais
ressenti. « Ne craignez rien , me dit cet homme; si Ten-
« faut est encore en vie , je vais le faire porter chez moi,
€ et vous le baptiserez en sûreté; car il m'appartient:
c je l'ai adopté pour mon fils. » Effectivement , trois
semaines sfpr^ , le Français vint me chercber à la vallée
Dapetit-Thouars. Je monte à cheval à l'instant , je me
rends à trois lieues de là, et je puis enfin régénérer
ce pauvre enfant. Je repassai au même lieu, deux jours
après , et j'appris qu'il était mort la nuit qui avait
suivi son baptême. N'est-ce pas là une admirable misé-
ricorde? N'est-ce pas à Marie que cet ange doit son sa-
lut? Oh! quand nos Tahiliens seront- ils tous ses en-
fants! Joignez, dans ce but, vos supplications aux nôtres;
que Ton sache bien, en Enrope, que la conversion des in-
fidèles est attachée à la violence que les saintes âmes fe-
ront au ciel par leurs continuelles prières. Sans cet indis-
pensable secours , hélas I que pourraient faire les pauvres
Missionnaires ! Quant à moi , je déclare avec sincérité
que toute mon espérance, par rapport à l'avenir de te
peuple 9 repose uniquement sur la ferveur des membres
de la Propagation de la Foi.
« Ce nous serait aussi une consolation de recevoir
eiactement lés numéros des Annales. Nous pourrions
Msi nous réjouir avec l'Eglise des travaux et des vic-
toires de nos confrères , et nous consoler par là despel*
nés qui nous éprouvent.
« Agrées , oioa révérend Père, etc.
« Armand Chaussow , lUisê, apoM. •
Digitized by VjOOQIC
t£8
LcUre du P. FvMçotê-iTJsiise Caret, Prêtre de la Société
de Piepuê et Préfet apostolique de VOeéanie orientale,
à Mgr V Archevêque de Calcédoine, supérieur générd
de la même Société*
MtsskNi deIf«tre4IUtt-de-Foi, à lïihtii ,> 7 jailiet 1844.
« MONSEIfilfEUR ,
« Je profite du dépari du navire firançais la Marie ,
pour vous infonner 4u malheur qui vient de frapper vos
onfanis de Tahid. Le 30 juin dernier^ notre maison , celle
dont je voua ai tant de fois parlé dans mes lettres , et
^i nous avait coûté si cher, fut consumée par les
Hommes avec tout ee que nous possédions : nous n'avons
pu rien sauver. Notre chapelle a eu le même sort. Ce
âoùi les baUtants de Tahiti qui ont mis le feu , pour
veiner, dlt-^n, la mort d'un ministre protestant an-
glais qu'ils ont tué eux-mêmes, il y a quelques jours,
))endant la bataille livrée à Matavai entre les Français ei
les Tahitiens.
« Nous n'avons sauvé que Fhabit que nous avions sur .
le corps. Jamais dénftment n'a été plus grand que Te
nôtre; tout est à recommencer, comme si nous n'eussions
jamais rien fait. Nous étions bien pauvres quand nous
arrivâmes & Gambîer; mais celte pauvreté n'était pas
comparable à notre détresse présenta» Heurettsement
M. le gouverneur est venu à notre secours pour la nour-
riture : nous sommes admis , mes confrères et moi , à la
Digitized
byGoogk
ni
lâbledes officiai; et nos trois frères reçoivent la ration
aa magasia des tivres. H nous a aussi promis du bois
pour construire une nonrelfe maisbn.
« J'évalue la perte que nous venons de feire à cin-
quante mille francs ; mais si Von m*cn eût offert cent
mille, pour abandonner te qui vient d*étre brùfié, je
Q'âarais pas accepté Vcifte. Sans dôme, ce n'étaient p:is
nos meubles ou d'autres effets qui auraient pu représenter
cette valeur, puisque noas avons ombrai pour tou-
joars la pantreté qai nom est ehère; c'étaient, ootre
ks f ases et lingns sacuâs , nos livres et tous nos manu--
scrifis ; c'étaient , dK)se que }e regrette emtée mille auMs
pertes, tes travaux que nous avions Mes sm* la langue
iie Tahiti et des Marquises* Le catéebism» qno nous
^tvions composé pour ce dernier archipel , était entière^
ment prêt h mettre sons presse : H est brftié. Un dietion*
mire de la langue de IhMti, dqà très^vancè, et que
tout le monde attendait , brûlé. En£n , pourquoi ces dé-
^*ls, quand tout est perdu ? Nous avons la vie sauve , et
pois c'est tout»
i Un jeune postulant dont le Père François de Paule
a dû vous parler dans ses lettres^ pensa éu*e tué : on tira
w lui presque à bout portant ; mais on le manqua. Je
restai à mon poste jusqu'à onze heures du malin , quoi-
«p'il y eût eu qudques coups de tirés auprès de no-
tre maison ; j'aurais peut-être^ attendu l'ennemi, dans
Tespoir de lui faire entendre raison, si le frère Zenon ne
m'eût pressé de partir. Arrr\é à la couf du gouverneur,
je la trouvai encombrée de troupes sous les armes.
K; Bmat était h trois lieues de 'là , a la tétc de quatre
cents hommes, aux prises avec les insurgés. Tout le
>K»de me demandait si notre maison était en feu , parce
fi'an «vaii appri»>4{ae celle d'un Polonais , placée sur
fck route de fenneniî, î vingt minutes de la nôtre, était
Digitized
byGoogk
169
Lr&lée. Je répondis qu'à mon départ les sauvages bV
vaîeni pas encore dépassé la Inuiaur qu'on appelle au-
jOurd*lmt la Pointe de$ Missionnaires y i cause de notre
demeure dans cet endroit ; j'ajoutai que j'allais y retour-
ner avec mon cheval. Tous les officiers me représentèrent
que ce sarait de ma part une imprudence ineicusaUe,
que je m'exposais à me faire tuer en pure perte. On oie
proposa un canot pour aller à bord de ÎUranie^ ou je
trouvai le Père François de Paule et'Ie firère Gilbert qui
étaient dans les plus vives inquiétudes à mon sujet, me
sacbaflt au milieu dea ennemis. JUe frère Zéàon, qui était
pesté au presbytère, en était heureusement parti quel-
ques minutes après moi. Ce fut vers quatre heures du
soir que le feu fut mis à notre maison ; l'incendie dura
jusqu'au matin. La chapeUe et le reste furent brûlés le
jour suivant. La guerre avec les insurgés contmue tou-
jours : qui sait quand elle Gnira?
« J'ai l'honneur d'être , etc.
« François d'Assise Caret, Miss, apost. »
L'espace nous manque pour annoncer les derniers
Mandements publiés en faveur de l'Œuvre : nous nous
empresserons de les faire connaître dans le prochain
Kuméro.
LyMi| infr. U J. B. PéLàSAB».
Digitized
byGoogk
161
COMPTE- RENDU
DE iSU.
LorsqHe des hommes pleuK s'unissent pour une œuvre
charitable , il en résulte deux biens : celui quUls se pro-
posaient de faire à autrui , et celui qu^ls se font. Ils ne
Toyaient d'abord que des pauvres à secourir^ des ma-
kdes, des affligés, des pécheurs; et ils découvrent tout à
coup quQ Dieu même est avec eux , et ils s'en aperçoivent *
au surcroit de lumière et de chaleur qui se répand dans
leurs âmes. Aussi n'est-il pas sans intérêt d'étudier le tra-
vail intérieur que l'Œuvre de b Propagation de la Foi doit
iaire en nous-mêmes, et en cela nous pensons bien moins
cnu^prendre son éloge que cherclier à réchauffer notre zèle.
La foi est le premier besoin des &mes , et comme il n'y
a pas de vertu plus nécessaire, il n'y en a pas de plus com-
battue. II a toujours été laborieux et difficile de croire ce
<|ui ne flatte point, ce qui veut des privations et des sacri-
fices, Cest pourquoi la Providence n'a jamais cessé de
suscita' des docteurs pour défendre le dogme dans les
écoles et dans les chaires. Mais en même temps elle a mé-
nagé an plus grand nombre des hoinmçs une sorte de dé-
TOI, XVII. 100. VAI 1S4ft* 11 , ^^^U
Digitized by VaOOQ IC
162
0oiis(ration qui les touche davantage, celle des (bits et des
exemples. L*Œuvre de la Propagation de la Foi donne 1
joeax qui lisent ses Annales deux spectacles instructifs. —
D'un côté, elle nous montre Terreur à tous les degrés,
iTec toutes ses conséquences, chez de grands peuples où
elle a pu se produire sans contrainte et sans détours.. On
voit d'abord Thépésie dans ces villes, populeuses des Etats*
Unis où diaque secte a son temple , éptscopaiiens^ pres-
bytériens, quakers, anabaptistes. Ailleurs, sur les ruines de
ces vieilles cités d'orient , si longtemps célèbres par leurs
grands Evéques et leurs conciles, on voit le schisme réduit
an dernier abaissement. En même temps, on peut appren-
dre chez les nations mahoméianes combien devient stérile
le dogme même de l'unité de Dieu^ corrofbpu par l'im-
posture , déshonoré par une société qui repose sur la vio-
lence , l'esclavage et la polygamie. Plus loin , le paga-
nisme est encore mattre des belles contrées de l'Inde et
de la Chine ; il y règne avec tout l'éclat qu'il eut chez
les peuples fameux de l'antiquité. Il a des écoles, une
jftlérature , des arts qui le ^rvent , des lois qui le gar-
dent. Mais sous ces beaux dehors son vrai génie se
trahit pai- les sacrifices humains et pV le meurtre des
enfants nouveau-nés. Un pas de plus; et si l'on parcourt
les archipels de la mer du Sud, on y trouvera la dernière
dégradation de la nature humaine dans ces fêtes sanglan-
tes où le vainqueur dévore le vaincu. Am.esure qu'il y»a
plus d'égarement dans les intelligences , le désordre çst
plus profond dans les mœurs. Dieu n'a pas permis que le
mal restïU caché sous les prestiges de la docurine, il le
pousse à bout dans la pratique^ et le contraint de se faire
juger par ses œu^Tos.
La vérité nous donne un spectacle bien différent. Cha-
que Mission est un combat dont nous devenons les té-
moins. Le chrisiianrsme y trouve tous les ennemb qu'il a
Digitized
byGobgk
163
jiiiiais em% il y trouve aussi tous les genres delmtoB. U
s'y a pas de oontroverses soutenues par les apologistes de
l*Eglise qu'il ne fiiille recommencer, soit pour confondre
les étemelles i^ariatîons du protestantisme , soit pour dé*
mtier les subtilités grecques , soit afin de percer les nua-
ges de cette métaphysi^e ténébreuse ou Tidolâtrie orienr
taie s'enveloppe. Et s'il s'agit de ees peuples barbares où
h parole évangélique n'a pas de doctrines à vaincre » quel
eSnrt ne ftut-il pas pour pénétrer dans des esprits q)pri^
nés sous les sens, et tirer enfin l'intelUgence immortelle dp
celte ohair et de ce sang qui l'étouffiiient? U n'y a pas non
phude pénitences , de luttes contre la nalmre, entuqprises
par les selitoires , par les moines qui convertirent la moi*
tié de l'Europe, qu'on ne voie se renouvder àsm la vie
héroïque de ces Missionnaires, vokmtairemeBt exilés, er-
nms sur des mers menaçantes , dans les.foréts , sous tm
ciel meurtrier, parmi des chrétiens pnsiUaniines qui s'efr
fraient <fe leur présence au milieu des inidèles qui
ipient leur passage. Qu'ils envieraient souvent, s'ils pour
vaient rien envier ici-bas , le frugal repas de l'anadKNnète,
fat sécurité de sa cellule et la liberté de ses cantiques ! Hais
comme P^pneuve décisive est ^le des persécutions , elle
SB répète aussi dans tous les siècles. Ce sont^le nos joues
les prisons du Tong-King toujours pteini», les confesseurs
de laClûnemourant de faim dans les déserts, et les écbafauds
nierés dans les villes de Corée, afin que le témoignage du
Mg ne cesse pas. Ainsi aucune sorte de combat ne s'inter-
rompt dans rEglise, ni celui de la parole, ni celui de la mor*
tificaiîon, ni cdjui du m«*^re. Tout ce cpi'elle fut aux épo-
fKssQcoessivesdascm histoire, elle l'est encore. Elle montre
souverainement son immortalité par ce pouvoir qu'elle a de
toujours souSnr , de toujours mourir, sans jamais s'étein^
dre. Elle montre aussi sa fécondité; car enfin, tant de
meurs et de sang ne demeurât pas stériles : en dépit des
11.
Digitized by VjOOQ IC
164
résistances , la conquête chrétienne s*élend et s^aiTermic.
Dans ces vastes empires d'Asie où les mandarii» font fou-
ler aux pieds le crudfix, des néophytes diaque jour plus
nombreux s^agenouillent autour de cette image chère et
sacrée. Les écueils de TOcéanie qui n'étaient &meux que
par les naufrages des navigateurs , voient fleurir avec la
civilisation moderne les vertus des premiers âges. Ainsi,
selon Fadmirable langage de Fénélon : « La source des
« bénédictions divines ne tarit point.. •• ParTaccompUs-
« sèment de sa promesse , Jésus-Christ montre qu'il tient
c dans ses mains immortellesles cœurs de toutes les na-
« tions et de tous les siècles (1). » Voilà comment Dieu
II0U3 fait ix>nnattre la puissance de la vérité. Il sait que les
cœurs drdits ne résistent pas à ce g^ure de leçon. Oavrez
la ctièbre lettre des fidèles de Lyon sur le martyre de saine
Pothin et de ceux qui l'accompagnèrent. Il y avait dans la
ville des chrétiens timides. Mais quand ils eurent vu leurs
frères traduits devant le juge, et qu'ils ^rent entendu
leurs confessions et leurs réponses ; alors , disent-ib, leur
foi s'afiermit , ils firent gloire de s'avouer en publk;^ et de
confesser hautement le Sauveur. Les mêmes scènes conti-
nuent sous nos yeux. Le prétoire n'est pas fermé , les ha-
ches sont encore sanglantes : nous avons entendu les in-
terrogatoires de nos frères , nous avons assisté à leurs tour^
ments, à leurs glorieux supplices. Ne sentirons-nous pas
une foi plus ardente se réveiller dans nos cœurs ; et , fiers
du triomphe des nôtres, ne nous écrierons-nous pas aussi :
« Nous sommes chrétiens I »
En assistant, en prenant -part à ces combats de l'Eglise
pour le service de Dieu, à ces morts victorieuses » à ces
<1) Fëttéloo , Sermon pour h fîU dt l'Epifhaniên
Digitized by VjOOQ IC
coBCosttons intréfMdes des néoi^ytes, à tant de sacrifices
et de vertiis , il faut bien lot ou tard qu'on ait honte de
sa-méme et qu'on veuille aimer Dieu davantage ; on s'at-
tadie plus tendrement à cette bonté éternelle qu'on voit
sans cesse occupée à solliciter les hommes, sans cesse re-
poossée par la haine et le mépris. On finit par se pénétrer
de cette sainte passion si énergiquement exprûnée par
Bonrdalone , lorsqu'il montre « les intérêts de Dieu remis
t (» nos mains tellemoat que nous en devons être les ga*
c rants , et qu'autant de fois qu'ils soufirent quelque alté-*
« ration et quelque déchet , Dieu a droit de s'en prendre
« i nous , puisque le dommage qu'ils éprouvent n'est que
« l'effiH et ime suite de notre^ infidélité.. • Quand vous
« travailleE pour vous-mêmes, eontinue-t-il, comme vous
« êtes vous-mêmes petits, quoi que vous fussiez, tout est
« petit, tout est borné , tout est réduit à ce néant insé-
« parable de vos personnes et de vos états. Mais quand
t vous vous intéressez pour Jésus-Christ, tout ce que vous
< faites a je ne sais quoi de divin (1). » Ce n'est pas, en
efo, uie vaine formule que cette invocation : « Saint Fran-
« ^Xavier, priez pour nous. » Invocation qui rsq>pelie
b mémoire de cet homme à' qui l'amour divin ne lais-
sa pas de repos. Ce denier recueilli chaque semaine »
c*m une coopération à la rédemption du monde par le
sasgde Jésus-Christ. Voilà l'ouvrage auquel nous nous asso-
cions. A l'exemple du Sauveur, nous commençons à aimer
te hommes sans œs liens plus étroits que forme la com-
Qttnauté de race , de patrie et de religion ; à en aimer au-
^t que le Sauveur en aima sur la croix. Chez ces peuples
penwrs, maudits par les voyageurs; parmi ces tribus can*
(1^ BwifdiWne , S$nwn fitr U Zitu
Digitized
byGoogk
166
nibales dont on noos a raconté les horribles festins, noos ne
voyons phis qae des âmes hnmorteUes , souverainement
dignes de pitié et de dévouement. En apprenant ainsi h
secourir des misères absentes , comment resterions-nous
insensibles à celles que nous voyons , que nous touchons ,
qui nous attendant au seuil de nos portes , dans nos rues ,
au fond de nos prisons et de nos hôpitaux? Non, rCBorre
de la Prqxigation de la Foi, en tournant le cours delà cha-
rité vers des contrées lointaines , n'dte rien aux pauvres
de nos villes. Quand vous ne savez plus refuser au eoUec-
teur qui vient recevoir l'offrande périodique, fermerez-^
vous la porte aux enfants éplorés qui viennent y deinander
du pain? Quand de pauvres montagnards des Alpes, quand
les pédieurs de la rivière de GéÉes , ou les soldats irbn-
dais des garnisons de Tlnde retrandient sur leur nourriture
\y>nr la caisse des Missions , ne voyez-vous pas qu'il n'y a
rien qu'on n'en puisse attendre? •
Que sera-ce si , nous élevant à des vues {dus hmles «t
phs dégagées des pensées de la terre , nous regardons où
vont nos offrandes. Elles prennent le même dienmi que
nos prières. Elles vont dans ces trésors de Dieu , où Tobole
de la veuve est comptée, où un v^re d'eau n'est pas
perdu, où nul ne donne tant, qu'il ne reçoive bien davan*
tdge. Nos faibles mérites vont s'y confondre avec ceux des
Apftcres , des Martyrs, de tant de catholiques soufrante*,
persécutés. Enore eux et nous tout est commtm : nous
avons une fleur dans toutes leurs couronnes; il n'y a p&s
une de leurs larmes que les Anges recueillent cpti ne prie
au ciel potu* nos péchés , qui ne fasse descendre la nûsért*-
corde sur nos têtes et sur nos maisons. Nous ie sommes
oubliés dans aucune de leurs supplications ; ils ont appris
à prier pour nous en voyant chaque année , au temps de
1^ commémoration des morts , leurs prêtres monter à l'au*
tel pour les Associés défunts de la Propagation de fai Fol.
Digitized
byGoogk
167
Lis Përas ct« iliraier ccmrïe aiQérîcaia daBdthnore s'uatf*
leot aux Evéques de la Chine et de la Corée, afin de nous
bénir (1). Bien ne peut résister ^à cette sainte conspira-
lion. Si la moitié de TEurope au XVP siècle tint Terme
contre les tentaiiTes de la réforoie et contre ses violences,
peut-être fut-elle secourue plus qu'elle ne le pensa par ces *
nombreux Missionnaires italiens, françaîa, allemands,
portugais , espagnols , qui portaient la* foi dans les deux
mondes. Peut-être le salut de plus d'un peuple fut-il dé^
ddà par l'immolation volontaire de ces milliers de ehré-
tiens qui mouraient au Japon , ou par la prière innocenta
de ces pauvres, sauvages du Canada qui sortaient de l'eau
baptismale. Et maintenant que. nous .voyons se fonder tant
d'Eglises nouvelles ; les chrétientés se miilif plier sur toutes
les côtes de l'Asie^ de l'Afrique, de l'Amérique, dans
toutes les lies de TOcéanie, ne semble-t-il pas qu'en allu-
mam autour de nous tant de foyers de. charité , la Provi-
dence veuille réchauffer en6û nos vieilles Eglises qui se re-
froidissaieiit. «
Etc'esl nous A^odésd^ la Propagation de laFoi qui sûm-
mesdioisis pour étreksâriisans de ce dessein. Quand, dans
les ohantîersd'un port y des manœuvres se courbent sur lebois
qu'ils ajustent, combien peu comprennent l'importance de
lewviravail 1 Cependant ces bois rassemblés formeront le aa*-
Vttiequi portera siur touteslesjuers lepavillon de la patricftn^
looré desouvenûrs et de gloire. Ainsi nous $onunes»lesma^
Mavres,6tnosaumôness(HitlesiaiblesmoyeusqueDieuveuC
bien employer pour former et mettre à flot la barque de l'a-
postolat. Mais cette barque porte l'étendard de la croUg^^et
«vec ki leme la lumièr&et toute Ja civilisation du mooédé
(1) Lettre des Pères do demâème GMeile 4% BeUîmMe. Uutméê
î, le Tinire apoitoU<itte de Sitm el l'£Tèt|ae de Cafis.
Digitized
byGoogk
170
(1) Dans h CoUl àm receUei m trmiirffUetiBpnf 4ifmn dmê partie«>
ken, parmi lesqoelt nous citerons lei tuivanU : Diocèse d'Alby, 800 fr«
* Aogoaléine , 10,000 fr. — Aolim , 400 fr. — Goatances , 586 fr.
70 cent. — MonUoi>an , 2,000 fr. — Nantes , 1,400 fr. — Rennes »
850 fr. — Saint^Glande, 3,000 fr. — Yersailles, 2,500 fr. ^ Yi? iers,
300 fr. — Tonrvy , .5,847 ir. A9 tnà. -^ Bêle r 7>W7 fr. 15 eeol. — .
6a?oM, M38 ft. 85 oenU^ Torin, 764 fr. 40 cent. — Yercail,
1 ,000 fr. — Portugal , 3,121 fr. -^ Hé Boarbon , 1 ,000 fr.
Il a élé reçu de di? ers diocèses , tant de France que de Be^iqne , des
dons pour le baptême et le rachat des cBfiiâtt chinois , dont le total »*âèTO
àl4311fr.44eenf«
Tons les dons faits arec «TTectatidn tfp^îale , soit pour le btplême et
le. rachat des enfants chinois , soit ponr toat antre objet , recoTront fidèle-
ment leur destination.
NovB derons ajouter que tons les bienfaiteurs de l'OEufre, signala oo
non dans cette note, se recommandent d*ane manière spéciale aux prières
des Missionnaires.
Le produit des Annales et coUectiona Tendues se trouro nni aux
chiffres des recettes de chacun des diocèses dans lesqueb la Tente a été
effectua.
(2} Yoir cette somme an compte de 1^ , poblid dans le cahier de
mai 1844 ,^no 94, pag. 207.
(3) Les Annales sont tirëes actuellement k 171,900 exemplaires .
MToir : Français, 94,000. —Allemands, 24,000. — Anglais, 14,000.
— Espagnols, 1,500. — Flamands , 4,800. — luliens , 30,000. —
Portugais, 2,500. ^Hollandais, 1,100. Cependant ce nombre d'exem-
plaires a élë un peu moindre en moyenne pendtnt Tannée ^olëe.
Dans les frais de publication sont compris Tachât du papier, la com*
position , le tirage , la brochure des cahiers , la traduction dans les di-
f erses lingues et la dépense des impressions accessoires , telles que ceHns
des prospectus , coup-d*mil , tableaux , billets d*indulgence , etc. , ttt. 11
faut remarquer en outre que Textension de TOEurre nécessite quelquefois
plnsieors éditions dans la même laiigue , soit â casse de la distance doa
lieux , soit far snîle de rëléfatioo des droilade douaaei •»:aBtre0 sotifc
grares. C'est ainsi que parmi les éditions ci-dessus énumérées , il t'en
trouve deux, en allemand , de«x enanglais vltoii en italien.
(49 Dans les frais d'administration sont comprises les dépenses faites
Don-seulement en France, mais aussi en d'atires coatiées. Ces dépensai
«e composent des traitements des employés , des frais de harctax , loyert »
Digitized
byGoogk
m
ic^tns» ports de lettres pour la correspondjuice tant arec les diren
ëiocèscaqoi eontrikieDt à l'OEiiTre par l'enToi de lant aamltaes, ^afee
les Mileioiis de toot le globe.
Les fonctions des administrateurs sont toujours et partout entièrement
fratnites.
(5) hb reste en excédant des recettes sur les dépenses de chaque année
ferme ie premier fonds employé an payement des allocations adressées aox
dit erses Missions dans Tannée suifante, Â'après une nourelle répartition
fâ est Totée après la clôture dli cOUipte de la précédente année. Ainsi ,
l'excédant des receltes de chaque apnée close^ de môme que les aumônes
successif ement recueillies dans l'année courante , ne s^euroent e» réalité
' que k Aoins possible itm lei caÎHM de l'OEuTre.
DÉTAIL DES AUMONES
TBAHSMI8B8 PAR tES DIYERS DIOCÈSES QUI t)Nt GOIfTAIBITi
A L^ŒVTRB EN 1S44.
FRANCE.
Diocèse d'AIX. ......
— d'Ajaccio. ... . .
— de Digne • '
— de Fr^us
• —- de Gap
— de Maneille. . . • .
_ IVAIJIY {^^^ ll,85if^0c.
— UiiUttï.jg^^^ 9,342 40
14,483 f. 35 c.
1.667
25
6,141
95
26,784
80
9,655
»»
Ur3^i
47
21,196
9»
*
116.2Wf.7»c
Digitized
byGoogk
172
Rqport
Diacèse de Cabors
— deMende. • • • • •
— de Perpignan
— de Rodez (1)
— tf AUCH
"' Cl /\ire* ••••••
— de Bayonne. . . • •
— de Tarbes
— d'AVIGNON
— de Montpellier
— deNtmes
— de Valence, . . • . •
— de Viviers. • • • • •
— de BESANÇON. • . #
— de Bdley. . ♦ . . *
— de Metz #
— de Nancy. . • . • é
— de St-Dié.
-^ de Strasbourg
— de Verdun
— de BORDEAUX. • . .
— d'Agen. .••...
— d'AngouIéme
— de la Rochelle
— de Lnçon.
— dePériguenx
— de Poitiers
1 15,260 f. 72 c.
19,776
20
21,041
16
9,500
• ■
34,384
95
25,000
»»
26,461
70
26,000
■»
12,545
>>
28,586
»>
34,000
•»
19,281
80
17,70t
85
26,482
60
31,630
09
23,604
25
30,050
85
15,219
42
15,300
»•
41,883
35
13,000
»»
40,982
15
15,300
9»
13,000
»»
11,716
»»
26,089
13
4,630
mm
24,000
mm
719,427 f. 21c.
(1) 1 ,540 fr. 60 cent. , arrii^ après Ii dôtvre au compte, feront 9tm^
fdl daps la recette de 18i5. Le cbifTre des aumônes rccaeillîes dans It
iiocèie^e Redei en ASii est donc eo rëaiité de 35.925 fr. 55 cent.
Digitized
byGoogk
173
Report 719,427 f. 21 c.
Diocèse de BOURGES.
. . . • 8,431 10
— de Qermont-Ferram
i . . . 36,589 31
— de Limoges . » ■
. . « . 11,444 85
— du Puy. . . •. ;
. .' , . 21,692 25
— de Saint-Flour. .
. . , . 22,713 90
— de Tulle. . .
. . . 4,703 60
— de CAMBRAY. .
. . . 89,806 16
— d'Arras. . . ,
, , , 21,637 45
— de LYON. . .
. : . ■ 175,067 60
— d'Autuo. , . ■, .
. , . 16,937 36
— de Dijon. . . .
. . . , 9,498 »»
— de Grenoble. . -
. .. ^. 39,663 20
— ' deLangres. . . ..
. . , . 19,890 »»
— de Saint-Claude.
. , . . 19,511 »»
— de PARIS. . . •
. . . 92,371 86
— de Blois. . , -
. . . 6,200 ..
— de Chartres. -; -
. . 7,469 V,
— deMeaux. . . .
, ^ . 2,123 10
— d'Orléans. . . •
. . 9,032 75
— de Versailles. . .
. .. '. 11,862 20
— de" REIMS. . .
. . . 15,306 26
— d'Amiens. . .
. •. •. 14,858 »»
— de Beauvais. . .
. -. . 12,166 ..
— de Châlons-sur-Man
10. . . 8,800 »«
— de Soîssons. . .
. . 12,017 65
— de ROUEN. . .
. . . 29,005 10
— de Bayeux. . . %
. . 29,966 »>
— de Coulanccs (1). .
. . 16,424 .»
1,472,853 f. 78 c.
(I) Une somme de 5,000 fr.. appartenant à l'exercice. de iSi%, a i\é
comprUe par erreur dans les recettes de l'exereice de 1943.
Digitized
byGoogk
INoeëse d'Evrenx. •
"— cte oé6s« • ■ • ^
— deSENS. . •
— de MooKiis. • i
«— ' doNèfora* • «
•— deTroyes. . .•
~ de TOULOUSE.
— de Garcassomie..
^ de Slontaiiban. •
^ de Faniiers* • «
•- deTOURS. • .
-— d*ADgers. • .-^
— du Mans* • 's
— ^ de Nantes* • «
— de Quimper*
— de Rennes.* • •
— ' de Samt-Brieux.
— de Vannes. . *
lf4
Report
1,472,853 f. 78 e,
6,800 90
10,54fi
9,600
7,416
6,568
7,100
63,218
18,093
16,029
7,422
13,836
40,038
44,714
60,168
21,424
64,637
41,010
27,864
35
B»
B»
30
85
20
»«
20
35
'25
70
35
,80
25
COtomB» rURÇAISBI».
Diocèse d*AIg«r. ,-\ «^ « • 2,687 65
Ile.BpuiJwii * * 7,500 »»
Gnadeloi^e < 90 - »>
Martinique. ....... 4,993 *89
Poiidicbà7 (1) » »»
SéBéêaU . . *..„>* 278 »» ^
,1,933,809 f. «2 Ci.
mBSSBBSsaasi^tssBmaam
9) Fondf «0» f«nti|iif.
Digitized
byGoogk
176 .
ALLEBIAGNE.
floriot. kr. pf..
De divers i'ocèscs. • 5,790 20 » 12,507 f. 12. c.
GRIflID DtrCHJ' DE BJUIB.
Diocèse de FRffiOURG 6,820 20 2 12,571 94
GBAlfD DtNSnS DB HBSSB^DÂâHBVMyr»
Diocèse de Mayence. . 1,382 38 1 2,986 60
WIHTIIBBIG*
DiocèsedeRottenbourg 13,669 »»* 1 29,525 05
57,590 f. 61c.
AMÉMQUE DU NORD.
pMitret.
'>»eèscdè*** 200 l,000f.»»c.
CANADA,
livret, th. è.
DkKJse de QltËBEC 2,137 18 *» 45,608 50
-r-'de Montréal. , «52 2 6 13,912 »»
— de Toronto (1). » •• » » p^
•£TAT8-4mi8. . .
* • Mollfrs. • '
Diocèse de New-Yorck. • 6 30 26 50
60,547 f.»» c
d) F«ndf Bon parroraiw '
Digitized by VjOOQIC
176
Report 60,547 f/»» c.
dollars.
Diocèse de la Nouvelle-Or-
léans (1). . . » »» » »»
— de Philadelphie. . 10 »» 50 »»
If ou VELLE-'iCOSSE •
Diocèse d'HaUfax.. • • 504 »» 2,620 •»
63,117 f.»» c.
AMÉRIQUE DU SUD.
BRESIL.
Diocèse de Maragnan . 43,200 »» 270 f. »» c.
CHILI,
piastres.
Diocèse de SANTIAGO 1,2&6 84 6,43i 20
— deCoquimbo. . 138 ■» 690 »»
7,391 f. 20 c.
BELGIQUE.
Diocèse de MALINES (2). . . 36,330 f. 21c.
— de Bruges 22,249 ..
— deGand.. * . . . . 43,639 74
102,218 f. 95 c.
f (1) FondsBoa pirreniu.
(S) Une partie nottUe dat tomiiMi rccDeillif * d«iu ce diocèse pr*«
yieal de d«u «tw m moi deiiiMtioo •pVciile.
\
Digitized
byGoogk
177
Report
Diocèse de Liège
— deNamur
— de Tournay
102,218 f. 95 c.
33,615 22
10,21C ' 81
31,635 05
ILES
BRITANNIQUES
177,686 f. 03 c.
»
•
ANCLETERKB. ■
liTrei tt. >h. i.
District de Lancaslre.
441 17 4
11,312 f. 31c.
— de Londres, i
394 15 7
10,106
35
— dTorck. . .
200 3 4
6,124
24
— du Nord. . .
50 »» 6
1,275
32
— du Centre, i
167 5 7
4,282
30
— de l'Ouest, i
176 5 7
4,614
34
— de l'Est. . .
49 118
1,264
38
Pays de Galles. . .
. 55 13 9
Ecosse.
1,420
03
District da Nord. . .
. 46 B» »
1,177
60
— de l'Est. . .
59 9 5
1,622
42
— de l'Ouest. .
18 111
niANDE.
475
»»
Diocèse d'ARMAGH. .
122 19 6
3,154
22
— d'Ardagb. . .•
17 3 4
440
44
— de Clogher. . .■
18 6 9
470
38
— de Derry. . .
51 18 1
1,330
99
— deDownetCon-
nor. . . .
60 17 4
1,564
16
TOI. XTII. 100.
49,434 r. 48 c.
12
Digitized by LjOOQ IC
176
Report
49,434 f. 48 c.
liT. tt. .k. a.
Diocèse de Dromore.
26 6 8
675
08
— de Kilmore. •
81 13 4
2,098
74
— de Mealh. . •
247 9 6;/,
6,337
42
— de Raphoë. •
7 6 8
188
»»
— de CASHEL. .
270 16 3
6,943
20
— deCloyneelRosî
{ 369 6 »
9,472
63
— de Corck. . .
845 5 3
21,680
03
— -deKerry. . .
118 2 6'
3,029
90
— de Killaloë. *
163 13 9'/»
. 3,941
14
— de Limerick. •
111 11 8
2,867
60
— de Waterford .
622 7 8
16,993
16
— derftJBLIN.
. 1,924 14 4
49,465
12
— de Feras. • «
366 16 . Va
9,126
>»
— de Kîldare e
t
Leighlin. . •
686 1 B'Ii
16,032
73
— d'Ossory. .
343 >» 4
8,798
35
— deTUAM. . •
63 11 7
1,373
58
— d'Achonry . .
16 17 10
407
78
— de Clonfert. «
13 10 »
348
60
— d'Elphin. . .
92 9 3
2,379
11
— de Galway. .
67 3 3
1,724
34
— de Killala. . .
4 16 »
123
60
— de.Kiliiiacduagi]
GOLOl
i 30 11 »
(IBS BRITARRIQDÉS.
782
08
-Caksntfli (i)* . .
B
mm
Cap de Bonne-Espéra
noe« • • • •
1,799
»»
214,020 r. 67 c.
0) F«a4t MM pirrcDnt
Digitized
byGoogk
17»
Duniniqne.
Gibralur.
Jamtique.
Hadns.
Report 214,020 r. 57 c.
. . 76 15
. . . 1,70« 98
. . . 340 »»
. . . 8,263 60
Maurice (!lé) 2,326 .»
Sjdney (Australie). 10,280 >»
Térapolly (ÇJalabar) (1). . ... • »»
236,914 f. 30 c.
RÉPUBLIQUE DE CRACOVIE.
Diocèse de Cracovie. . < < « . 363 f. 63 c.
ÉTATS DE L'ÉGLISE.
cens ronsins.
nUffi. • • • a
. .9,&89 25 »
62,116 f. 49 c.
Koeèie d'Acqua-Peu-
éaOïB. . . 4
40 » »
217
39
~ d'AIatri. . .
l&O »» »
815
22 .
— d'Albano. . .
87 44 »
476
22 j
61
~ d'Amelia. . .
, 62 »» »
282
~ d'Anctee. . .
134 32 »
730
HV
— d'AacoU. .
224 06 »
1,217
72
— tfAaaiK. . .
. . «2 70 »
449
46 •
— deBagnorea. <
«4 32 »
A6S
26 '
*• deBfiNÉVENT.
308 64 »
1,133
91
«7,895 f. 28 c
P) Tmèt Ma ptrreaw.
12.
■
Digiteedby Google
ISO
Report
£7',895f.28c
êaa romaJBs.
Diocèse de Bertinoro.
63 £3 »
34£
27
— de Sarsina. •
26 31 »
142
99
— de BOLOGNE.
1,£60 »» »
8,478
26
— de Cagli. . .
84 71 m
460
38
— de Pergola. .
£2 £0 »
285
33
— deCAMERINO.
226 08 »
1,228
70
— de Treja. . .
30 95 »
168
21
— de Cervîa. . •
30 70 >
166
85
— de Césène. . .
227 04 >
1,233
91
— de Citta della
Pîeve. • .
47 08 »
255
87
— de Cîita dî Ois-
tdlo. • • •
170 »» »
923
91
— de Civîta-Vec-
chi2k . . .
63 » »
342
39
— deCivîta-Castd-
lana. . . •
39 03 >
212
12
' — de Corncto. .
30 »» »
163
04 '
— de Fabriano. •
• 90 »» »
489
13
— de Matelica. .
125 £8 »
682
£0
— de Faenza. . .
388 20 *
2,109
78
— deFano. . .
330 »» »
1,793
%8
— de Ferentino. •
76 28 .
414
£7
— de FERMO. .
667 22 6
3,626
22
— de FERRARE .
719 7fi »
3,911
69
— de Foligno. •
114 •» »
619
£7
~ deForli. . .
320 ». »
1,739
13
— de Forlimpopoli
82 69 »
449
40
— deFossombrone
79 80 »
433
78
— deFrascaii. .
48 84 >
266
44
88,837 f. 12 c
Digitized
byGoogk
181
Report 88,837 f. 12 c«
écos rontim
e â*Iesi. . • •
73 35 >
398
64
dlmola. • .
520 » >
2.826
09
deLorelteetRe-
canati. • •
54 71 >
297
34
de Macerata et
Tolentino. •
205 » >
1,114
13
de Montalto. •
61 04 l
> 277
42
deMontefiascone
42 90 «
233
15
deNarni. • •
18 92 >
102
83
de Nepi, SuUi
etTolb. . .
40» >
217
39
de Norcia.
30 39 >
165
16
d'Orvieto. . .
173 35 i
S 942
15
d'Oskno. . . ^'
68 SO I
370
65
de Palestrina. .
140 » >
760
87
dePennabniL.
268 91 i
i 1,461
49
de Pérouse. •
421 48 •
2,290
65
de Pesaro. • •
475 » 1
2,581
62
de Poggio-Mir-
~
teco. • • •
£6 60 >
307
61
de RAYENNE.
348 11 >
1,«91
9D
de Rieli* • •
102 » 1
554
35
de Rimini.
160 » 1
869
6'.
de Ripatransone
110 »» >
597
83
deSan-Sereriuo
95 »» 1
516
30
de Sinigaglia. .
222 »• 1
1,206
52
deSPOLETTE.
171 14 I
930
10
de Segni ec Ga-
vignano. . *
560i
30
43
deTerni. » *
60 »» 1
326
09
1 10,107 f. 30 c
Digitized
byGoogk
tsi
Report
1 10,107 r. 30 c
écQt ronMiiif .
Diocèse de Terracine ,
PipernoetSezze
67 60»
367 39
— de Tivoli. . •
140 »» >
760 87
— de Poli. . .
5 20 »
28 26
— deTodi. . .
123 .. .
668 48
— d'Urhûnîa. .
133 72 >
721 30
^^ de San-Angelo
ÎB Vado. • •
23 40 »
127 17
— d'URBINO . .
76 »» «
413 04
•— de Velletri. .
99 56 »
o41 08
— de Viierbe. *
106 67 »
&79 73
— de Toscanella .
66 27 >
305 81
114,620 f. 43 c
Pe divers diocèses.
ESPAGNE.
féaux.
. 6,222 .
1,555 f. 50 c
GRÈCE.
Diocèse de NÂXIE. .
I — de Saniorin. .
— deSyra. . .
— de Tine (1). .
Jntchnitt.
90 »»
333 34
336 67
81 »»
300 »
303 »
(1) 867 fr« , trntëf tprès It clôture da compte , seront eomprii <
Digitized
byGoogk
183
ILES IONIENNES.
AiocisedeZante. *
d04f.S5c.
LEVANT.
piastres tor^et.
Vicariat apostoUqne de
CONSTANTINOPLE • 6,876 »»
1,719 r.»»c.
Diocèse de SMYRNE (!)• 4,656 »»
1,164 »
— deScio. . . . 700 »»
175 »
— d'Alep. ... 981 30
230 99
— de Beyroutb. . 576 »»
143 75
Vicariat apostolique de
VÉGYFTB. . . . 5,29» IJ)
1,340 75
4,773 f. 49 c
LOMBARD VÉNITIEN
(royaume.)
lÎTr. •Qtrich.
Diocèse de MILAN . 46,061 43
39,162 f. 22 c.
— de Bergame. . 13,794 12
11,725 .»
— de Brescîa. . 16,749 70
13,659 78
- de Côme . . 4,171 76
3,646 »>
— de Crème. . 774 63
658 44
- de Lodi. . . 2,437 66
2,072 »»
— de Manloue. • 706 88
600 »»
-de VENISE. . 2,362 »»
1,964 20
Dedlva^ diocèses. . 12,674 76
10,688 55
Diocèse de **^. . 3,667 66
3,024 «»
86,990 f. 19 c.
^
#
(1) 21 fr., tirifét après It cMlore du compte, feront compris dans !•
•m*mn^ J^ 40CK
Digitized
byGoogk
184
DUaiÉ DE LUCQUES.
livres lacqnoîwt. t. è.
Diocèse de LUCQUES 12,166 19 4
9,125 r.2£c.
ILE DE ftlALTE.
tan mtlltà.
Diocèse de Malte. . 5,962 1 18
12,194 r. 36 c.
DUCHÉ DE MODÈ^.
Diocèse de Carpi. .
— de Massa. .
— de Modène.
— de Nonantoh.
— de Res^io. .
. 1,639 r. 10 c
2,417 83
7,917 18
262 33
7,491 07 *
?19,727 f. 51 c.
DUCHÉ DE PàRME.
Diocèse de Borgo-San-Donnino. . 700 f. 06 c.
— deGuastalIa ■ 5S4 09
— de Parme '6,707 90
— de Plaisance '7,609 62
14,571 f. 67 c.
PAYS-BAS.
floriai.
Vicariat apostolique de
Bois-le-Dac. • • 14,723 »»
— deBréda. . • 2,700 »»
31,159 r. 68 c.
6,714 30
36.873 r. 98 c.
Digitized
byGoogk
^korlat apostoUqueda
Limboui^. .
— du Luxembourg
Ardijprétré deSdûdand
De dhers arcfaiprétrés.
186
Report
0oriiis.
7,338 »»
£,276 »»
£00 »»
15,260 80
PORTUGAL.
(Kocèse de BRAGA. .
— d'Ayeiro. • •
— de Bragance. •
— de Coimbre. .
— dePinbel. . •
— de Porto. • .
— de Vbeu. • .
— tfEVORA. .
— de Beja. . •
— d'Elias. . .
— de LISBONNE.
— de Guarda. .
— de Lamego. •
-- de Lâria. . .
rtîs^
1,231,120
105,680
86,880
389,810
£,060
1,279,330
341,460
163,705
65,600
119,850
1,917,396
79,320
20,160
457,020
36,873 f. 98 c
15,528
11,168
1,058
. 32,297
93
72
20
98
96,927 r. 81c.
7,694 f. 50 c
660 50
543
2,380
31
7,995
2,134
1,023
410
749
11,983
495
126
2,856
73
80
03
06
20
75
»•
38
lus AÇOBES.
Diocèse d'Aogra . . . 467^080 2,920 »»
ns PC ■AOikB.
Diocèse de Funchal. . 19,240 120 25
42,123 r. 20 c
Digitized
byGoogk
186
PBU6SE.
CBAND DUCHi DE POSER.
lUen. ni. pt
fiiocëse de POSEN
etGNESEN. . . £88 29 11 9,t64t.99c
nOYIRCE DE ncssE.
Diocèse de Yannie. . 1,709 10 2 6,215 73
PKOTIRCE KHéNARB.
Diocèse de COLOGNE 21 ,990 20-11 82,465 11
— de Trêves < .- 3,533 8 6 13,249 SI
snistB.
Diocèse de Breshu. i 5,234 »» 2- 19,105 67
*— de Prague (par-
tie prussienne) 470 » » 1,716 60
'WESTPHÂUB, . .
Diocèse de Munster. 9,788 20 8 36,707 68
— dePaderbom. 5,467 6 4 20,561 9t
1^2426 f. 90 c
ÉTATS SARDES.
DUCBé DB ciNES.
Diocèse de GÈNES 31,216 f. 18 e.
— d'Albenga 4,613 14
— deBobiMO. . . . . . \ 1,574 99
37,404 f. 31c
Digitized
byGoogk
1«7
Report 37,4«4f.3Ic
Diocèse de Nice. ...../ 6,438 86
— de Samne. . . , . . • 2,379 65
— deSavone- . .. • .^ . . 6,70« 63
— de VinUfflille. ^ ^ . . . 2^77 69
piéarorfT.
Kocèse de TUWN. . . . . . 61,000 2»
— d'Acqai. . ... . ... 3,609 80
— JAlbe. . 6,12s »»
— d'Aoste. . ft^400 .1.
— d'Asti 3,198 93
-y de Coni 2,600 »»
— de Fossano 2,291 80
— d'Ivrée (1) 8,522 66
— de Mondovi 12,141 86
— de Pignerol. . • . . . 4,906 60
— de Saluées 6,312 70 ^
— de Suse 1,662 70
— de VBRCEIL 8,009 26
— d'Alexandrie 2,620 60
— de Bielle . 6,670 »»
— de Casah , 6,^1 61
— deNovare . 7,000 »»
— de Tonone . 8,991 30
— de Yigevano 2,221 »»
211,973 f. 81c
(1) 520 fr., trriWs après It clôlore da compte, leront comprit àêw
^ recette de 18i5.
Digitized
byGoogk
188
Report 211,973 f. 81 c.
Diocèse de CAGLIARI. . • . • 141 74
-^ de SASSARl (ï) » »»
— d'Alghero (2) # » »»
SATOIE.
Diocèse de CHAMBÉRY 12,000 »»
— d'Annecy. . . . . . • 26,838 »»
— de Moutiers. 4,760 »»
— de SaintrJean-de-Mauriepne. . 2,825 »»
258,528 f. 55 c.
DEUX-SICILES.
BOrAUSE DE RAFLES.
•
dacats. pr.
Diocèse de NAPLES.
. 11,096 76
47,893 f. 62 c.
— de Noie. . . •
• 127 »•.
548 13
— de Pouzzoles.
40 »»
172 64
— de SORRENTO •
1,779 ».
7,678 17
— de Gaeie. . •
• 68 35
295 »»
— de Sora. . . .
180 00
776 88
— de Sessa. . .
160 20
691 43
— d'Alife ei Telese
30 »
86 32
68,142 f. 19 c.
(1} 6i2 fr. 44 cent., irrivës aprèt la ctô4are an compte, seront com-
pris dant U recette de 18i5.
(2) 150 fr.» arrivét après la dutare do compte, seront compris dans
la rrccUc de 1845.
Digitized
byGoogk
189
Report
58,142 r. 19 c,
^QMtt. gr.
Diocèse de CAPOUE. •
250 »»
1,086
96
— tfAversa. • • •
44 88
193
71
^ d'Isernia. . . •
12 »
51
80
-deSALERNE. .
131 .^
665
40
— de Caya. • . •
140 »»
604
24
— de Nocera de Pa-
gani* • • •
280 .»
1,208
48
— deMelfietRapoIIa
100 »
431
60
— de Lucera. • •
7 £5
32
5»
— dcœNZAelCAM-
•
PA6NA« . .
£0 »
215
80
— deMANFREDONIA
50 »»
216
80
— de CoDversano. .
230 »
992
68
— deTRANIelNA-
ZARETH. . •
86 70
374
20
— de Monopoli. • \ •
72 30
312
05
— de Casidlaneta. \
112 55
485
77
— dTOria. . . •
102 »»
440
24
— de Lecce. • •
360 »»
1,610
60
— d'Ugento • . *
89 60
386
72
— deOalUpoli. • •
12 10
52
23
— deœSENZA. .
100 >»
431
60
— de S. SEVEHINA
100 »
431
60
— d'Oppido. . .
233 50
1,007
79
— deNicoteraelTro-
pea
60 »»
215
80
— de Mileto. . .
100 »
431
60
— deLANCIANOet
ORTONA* . •
60 »»
258
96
— ' d'Aquila. • • •
256 87
1,108
65
7l,t89f.06c.
Digitized
byGoogk
Report
71,189 f. 06 c
docatt. gr.
Diocèse d'Apnitina et Te*
ramo. • • «
104 >•
448
87
— d'Alri et Penne .
120 >»
517
92
— de Gerace, . ,
150 »»
«47
40
— deMuro. . • •
60 »
258
96
— de Giovinazzo ,
MolfetUetTerlizzi
i 411 £0
1,776
04
— deTARENTE. -
80 »»
345
28
— de Venosa. • 4
50 »
215
80
— d'Avellino. . i
57 40
247
74
— deTrivento. * <
40 »
172
64
— de Bojano. . <
58 36
251
89
— d^Amalfi. • • «
13 »
56
11
— d'OTRANTE. ,
126 60
546
41
-^ deSolmonaetVaF
ra lOp »»
431
60
— de Monte-Cassino
300 »•
863
20
— de Foggia. .
50»
215
80
— de Gotrone. .
20 M '
86
32
— îl'AscoB. . . .
10 »»
43
16
— de Bisceglie. •
IID *•
SICILE.
474
76
Diocèse de PALERME.
. 1,854 01 6
7,725
08
— ^ MESSINE.
568 09 5
2,867
08
— de MONTRÉAL.
327 25 5
1,363
58
— de Catane. .
674 >• »
2.795
84
749 & »
3,124
38
— de Syracuse. • i
66 97 »
274
88
— de Girgenti. •
760 70 »
3,10e
59
— de Gsdlagirone.
SIO »• >
875
»»
100.484 f. 3.9 c.
Digitized
byGoogk
191
Report 100,484 r. 39 c.
da<9U. gr.
DiooisedeCeGaù. . »
31 37 5
130
76
— de Paui. . . *
46 60 »
193
65
— de Nicceia. * *
18 20 »
75
85
•— de Upari. » »
16 50 »
68
75
■
100,953 f. 39 c.
SUISSE.
ftruiet raîtset.
Diocèse de Me, * . 18,258 60
26,083 f. 62 c.
— de Coire. , . 3,791 67
5,416 67 ^
— deCôiDe(Tessio) 2,800 »>
4,000 »
— de Lausanne. . 7,901 04
11,287 20
— de Saint-Gall. . 3,351 64
4,788 05
~ de Sion. . • .' 3,753 19
5,361 70^
56,937 f. 24 c.
TOSCANE.
iir.toM. 1. i.
OiooàsedeFLORENCE 24,718 15 2
20,763 f. 76 c.
— de Colle. . . 654 11 8
549 85
— de Fiezole. . 4,611 »> »
3,873 24
— de Pistoie. . 3,092 »» »
2,597 28
— de Plato. . . 2,183 9 »'
1,834 10
— deSim-Mniiato. 4,086 » »
3,432 24
— deSan-Sqwlcro 3,284 »» »
2,758 56
— de PISE. . . 8,786 »» »
7,379 40
— de Uvonme. . 3,818 9 »
3,207 50
— de Pmitremoli . 600 »» »
504 »»
46,899 f. 93 c.
Digitized
byGoogk
193
Report
46,899 f. 93 c.
lÎT. tose. t. à.
Diocèse de SIENNE. .
2,696,»» »
2,263
80
— d'Arezzo. . .
3,116 11 4
2,617
08
— de Chiusi. • •
356 13 4
299
60
— de Cortone. .•
700 »» »
688
»»
— deGrosseto. ••
320 »» »
268
80
— de Massa etPo-
'
pulonia. • •
1,207 »» »
1,013
88
— de Modîgliana.
638 16 8
536
57
— de Montalcino.
619 16 4
520
64
— de Monte-Pul-
ciano . • •
346 13 4
291
2i,
— de Pescia. . .
1,200 »» »
1,008
»»
— de Pienza.
152 13 4
128
24
— de Sovana.
1,464 »» »
1,229
76
— de Volierra. .
2,012 13 4
1,690
64
(0
59,366 f. 14 c.
De diverses contrées
du nord de
l'Europe (2). .
• • • •
2,627 f. 79 c.
(1) Dam la recette des dioccses de la Toscane loiit compris plosieora
dons qui en ëlèTcnt le chifTre*
(2) Danf celle somme se troorent compris 267 fr. 74 cent., prodoîl
de la rente d*iin capital de G, 000 fr., proTcnant du diocèse de Varsofie»
donne à TOEufre en 1813 , et dont il a éié fait mention dans le compte
précèdent*
Digitized
byGoogk
193
La répartîttcn des aumôneê entre les ikerses Mmi(m$,
peur 1844^ a été atrêtêe dans V&rdre suivant :
MISSIONS D EUROPE.
A Mgr Carriithers, évéq«e,
tkaire apostolique d'Edimboiurf
(EcosiBe) 39,000 r.»»c
A Mgr ScoU, évéqne, vkaire
apoMôUqae chi disirict oecideo-. . .
Ul (id.). . 54,000 »•
A Mgr Kile, éréque^ vieaire apo-
UoUqoe du district du Kord (id.) dl,000 »»
A Mgr Mostyn, éyèqiie, vicaire
apostoliqQe do district da Nord
(Angletïsrrc) 8,000 »/
A Mgr Waraog, évéqae, vicaire
apostoKqne da district oriental (tW.) 8,000 »»
Att Vicariat apostolique de Lon-
dres, pour TEf^ catholique de
Saim-GecH^ (id.). • • . . 16,000 »•
Au inétte;^ pow h Mission dé '
Jersey. • • • •■ • • • • 6,000 »»
Att Vicariat apostolique du dis- .
trict ocddeMil (Angleterre) , pour
Il Mission de Bristol. . . . . 4,000 •»
166,000f.»»c
tM. xtii. 100. 13
Digitized
by Google
Report 165^900 f. »» c.
A Mgr Brown , é^éque , vicaire
HfûSUAioe dttfMQfs de Galles (An-
^eterre). . . . r . . . 16,000 »»
Pour la Mission des (Uibts de
Karie immaculée en Cornouaiiles
(Angleterre) 19,000 »»
Pour la Mission des Rédeinpto*
nstes en Cornouaiiles (tW.)* .. • 11,500 w»
A Mgr Yenni,évd|«c*dè Uu-
saume et Genève (Suisne). • . » . Sfi^OOO »»
A Mgr Salzmann , éfvéque -de- * *
Bâle, pour TEglise tMiioli(|in ^ >
Bàle (id.) - w . .> 6^9 ^
AMgrl'EvêquedcBeihléem.abbé' *• *
de SaÎDt-Manrice, po«f TEgltoe c»-
, ibolîque d'Aigle (ûf,). é . • • 4,fi00 »•
A Mgr Hughes , érdque , vicaire
aposteUqœ de GilH*altar« • • • 15, #09 #ft
Pour diverses Missions du Nord
de l'Europe* ..,..•. 1Î0,ÏÔÔ »»
A Mgr Paul Sardi, évéque, vio-
leur apostolique de la Moldavie (Mis-
sien des RR. PP. Mineurs Conven-
tuels.) ....... r 5*>000 »» '
A Mgr Mdlajoni , év^uQ a^i; . . ,
Bislrateitr du^vicarial ap6&tûli)()ae
de la Valachie et Bulgarie ^ssioE , .
d» RiL PP. Passionistcs). . . ^,500 *» ,
488,600 f. »» c.
Digitized by LjOOQ IC
, Âeport 488,600 f. »» c.
Pour la Mission des RIL PP. Ca-
pucins à CaB^antinople. • • • 4,800 »»
Pour bMiisioD des RR. PP. Do-
mmi^DS à Constantinople. . • 10,000 sa
A Hfr BHlereau, archevêque^
ncaire apostolique de Constaau-
iqi^e. • M 31,000 »»
^'À MerlIaiiMeî,arcfaevéqnearmé-
aien catboliqm de ConstaDtinople. 26,500 »»
Mission des Lazaristes à Gonstan-
tbople, collège, écoles et éuUis-
sement des Sœurs de JaCbarité. « 34,436 »»
A Mgr Blands, évéqne de Syra
et dâégat apostolique de la Grèce
contineotale S9,0t(l •'»
Pour la Mission des BR. PP. Ca-
pucins à Paros ' • • 3^100 »»
A Mgr Castelli , archevêque de
Maxie 3,600 »»
Pour la Mission des Lazaristes
iNaxie. • • • 3,398 »i>
Pour les Missions des RR. PP. Ca-
pudtts à Céphakmie et à Itbague. • 3,100 »»
l^r te diocèse de Zante et Ce-
phsIoBie . . 3,000
A Mfpr SM^la, évéque de San- .
torÎB 61^0
IV)ur la Mission des^La^ar^te^
»»
634, ll>ff.»»c.
13.
Digitized
byGoogk
IM
Beport
«S4,lt4r.»c.
et réiaUissemeiit des Sœnrsde la
Qwrilé à StmUHrin
10,S70 ..
A Mgr Zaloni, évèque de Tine.
3,S00 ••
Pour les Bliasions de la Compa-
gnie de Jésus à Tioe et à Syra. .
3,000 »»
Pour 1^ MiasioBsdesRR. PP. Ca-
1
^ns <Ëiiis 111e de Candie. . .
«,400 •» '
655,984 f.»»
tfmtOlfS D'ASIE.
A Mgr Mufôabini, archevêque
de Smyme et vicadre apostolique
de r Asie fitineore 29,000 f.»»c.
Hiasioii des Lazaristes à Smyme»
écoles et écabEssement des Soeurs
de la Charité . 25,043 ••
Pour la Hissioa des RR. PP. Ca-
pudnsàScio )«500 ••
\ AMgrJustiiiiani,évéquedeScio. 4,600 »»
\ PourlaMissiondesRR.PP. Hi-
taeon RéTomiés à Méldin. . • • 3,000 •»
Pour les Miasioiis de File de
Chypre* . • 16,00e •»
PourdivergesMiflsiOii8âesRR.PP.
Cqpudns en Asie. •• . • • • $,700 ••
83»743f.»»c.
Digitized
byGoogk
9W
m»
1»7
Report 83,743 r.»>c«
A 1^ Vinardell, mimétpe,
délégat J|>06lolique da Liban, et .
pour les divers rits unis. • . • 93,&10- »»
Voar le collège desRR. PP. Ca-
pucins à Alep* • • \ • • • 3,100 »»*
IG«oiis des'RR. PP. Capndns
en Syrie. ...••.. 6,200 >» -
MisBioiis des RR. PP. Carmes
en Syrie. 3,200
Miisioiis des Lazaristes à Alept i
Duas, k TrqK>li de Syrie, et cd-
lége d* Aittova. ....••, 9,632
MissÎMis de la Compagnie de Je-
tosen Syrie, et séminaire de Gasbir. 51,000 »»
A Mgr Triodie , évéqoe, dflégat
apoic4lqned6Babylone,etpotnrles *
<fifers rite unis. . .... 38,000 »»
lli»on Arménienne en Perse* 3/HiO »»
Mission des Laaristes es Perse. . 27,618 »«
Ifimioii des RR. PP. Dominicains
dms la Mésopotamie. .... 1S,0M »»
MMon des BR. PP. Carmes dans
b Mésopotamie.. ..... 3,0t0 «»
MUoB 4bs RR. pp. Capodas
dwlaMésopolMiie Ut600 >»
Srais4if0fages de Missionnaires .
Uarisies partis pour le Levant et
liCUae*» ....... 5,325 •»
280,5231.»» c
Digitized by VjOOQIC
Report 280,523 f. »» c.
Mission des RR. PP« Sernies cft
Arabie • ♦ 7|6M ■»
A MgrBorgki, évéque^ vîraifB
apostolique d*Âgra (Mission des
RR. PP. Capucins ) 60/)M »»
A MgrCarew, évécfae, vicaire
apostolique de Calcutta. • .• • 24,500 »•
Mission de la Compagnie de Jésus
àCaIoutta,eC€onége 7,000 «>
A Mgr Fortini, évéquê, vkaire
apostolique de Bombay (Miss£o# des
RR. PP. Carmes) H,<W6 »»
A Mgr François-Xavier , arche-
vêque, vlcaiiie apostolique de Vé-
rapolly (Malabar) (Mission dns RR*
PP. Carmes). ..•.«• f8»080 •*
A Mgr Bonnand , évéque, vicaire
apostolique de Pondichéry (Coro«
DUindid) (OoÉ^négation des Missfons
étrangères). • • • » . • • 46,400 »»
Mission dé h Compagnie de Jésus
au Maduré. ...•«•» 46^000 ••
A Mgr Fenttelly, évèque, vicaire
apostolique de Bladras. • » • S9>400 •«
Bfiêsion dés Oblats de la Sainit-
Vierge il Madras. . » • . • 3»f9è «^
A Mgr Cereui, év/^ue, vicaire
apostolique de Pégu ec Ava (Mis-
532,433 r.»»ç.
Digitized by VjOOQ IC
199
• ^ Report 632,423 f.»»€.
sioBiitesOblaUdelaSaiBte-Tierge) 37,000 »»
PréfecAire apostoKque et Pro-
cvre des Mfe^ns Usdieimé^ à
HoQg-Kong. . ...... 15,300 ••
A Mgr PérOQMu , étéqtie , ^
otre apostolique du Sa^Tchoen
(CoDgrégatioD des MiiiieM éirair
gères). ; 27,995 •»
kMgtPonsoîj é^èffaBf ynmre
apostolique du Yû^-Ntôi em CMae
{idem) « « « • IS^SIO mm
Pour la Procore de H CcnfPégfc
tiondesMissioiisétrapgèniiàMteaa. at»fiS6 14
k Mgr CaqKAa , évéque, vieaire
apostolique da Fo-KieM (MiarisQ
desIlR. PP. DominicaiMi). • ^ tO,MO ••
Pour la Procnre des MiMisos es^
pagMlesTàlfM»o(û{.). • • « 3,200 »»
Pour la Mission des Laiaristss
iPékia. . .' S,000 mm
A MgrRDfQSttn, évéque^ vicaire
afMMoliqoe da Tcbé-Ktoqf et du
Kaag^i (Missions .des IsomsUk). 1 1 ,000 m
A Mgr BsUas, évéqoe, vieairt
apostolique du Ho-Nan (Wsrion
des Lttailsl^V • - \^ - **^^ «^
Séttittiire et Proiwt Jss'I^mi^
Hstisà M«^,ftMi86iQ«deIcliéo»-
Son. . . . « « ^ « . . 3»,9«7 7ê
m^kmM HfCoopHim de Je- *
^mCtàtm. 30,000 *•
753»101f,j|lA
«
Digitized by VjOOQ IC
2«e
Report 753,101 f. Me.
A^Hgr Houly, évéquCi vicaire
aposioliqae de la Tartarie*MoDgoIe
(Mission des Lazaristes). • • • 8|125 »»
A MgrVéroIle, évéque^ vicaire
apostolique de Léao-.Tong (Congré-
gation des Missions étrangères). • 21,600 »»
A Mgr Ferréol, évéqiae, vicaire]
apostolique de Corée (Congrégation ( . - ^ |»^
des Missions étrangères). ^ .A "*^^ '•
Mission de Lieou-Tcb<m (itf.) J *
A Mgr Hermosilla , évéque ^ vi«- -
caire apostolique du Tong-King
oriental (Mission des RR. PP. !>».
minicains). ...«•,• 99|000 »»
A Mgr Retord , évéque , victiie
apostolique du Tong-I^g occiden-
tal ( Congrégation dee^ Miaûons -
étrangères) M,0*Q ^w
A Mgr Cuénot, évéqne, vicarfre ^
apostolique delà Cochinchiœorien-- ....
taïe(»d.) . 84,170 »»
A Mgr Lefebvre, évéque, vicaire
apostolique de h Cochinobine ooct«-
deotale(trf.) ...... U/m »»
A Mgr Courvety, vicaire aposto-
lique de la presqu'Ue Malobe (ti^O . a&tftM »»
A Mgr PaHegoijt, évé^M, vfaeir*
apostolique de Siam (it). . . n^m» *»
Pfor le cotUige général de P4iIo«*
[(«^'O é . ^Mt^MO U
mfiAILQAc
Digitized
byGoogk
Mi
«SSIOIVS D*APMQOB.
A Hgr Burron , évéqae, ncairt
apostdiqiie des deu Gainées. • 30,000 L>» t.
A Mgr Griffiu, évéqne, vicaire
apostolique da Cap de Bonne-Bs*
pérance (Mission des RR. W. Bo*
ninicains) 99,000 »» '
Pour les établissements des or-
phelins et orphdines et autres ceu*
vres et institutions dans le dioeèse
d'Alger 60,000 »»
Pour rétablissement des RR. PP.
TrapfMstes dans le même diocèse. 9,000 »»
A Mgr Fidëe de Ferrare, évé-
que , vicaire apostcdique de Tunis
(Missioa des RR. PP. Capucins). . 8,240 »»
Pdur la Mission des RR. PP. Mi-
seors Réformés à IVipoIi de Bar- *
barie 3,200 »»
A Mgr Solero, érèque, vicaire
aposuriiqae de l'Egypte, et pour
les <Svm riu rais 38,840 »»
Mission desLaiaristes etétaUîs-
temeat des Sesurs de la Oiaké 1
Alettttdrie (^nrP<«^). . . ^ . 90,1«8 »>
Pour les Missions desRR. PP. Mi-
BevsRéSmaâi de la Haute-E|^. 6,4410 né
364,848 r.»»c.
Digitized by VjOOQIC
3M
Rfiport S54,846f.»* c.
Pour les MissioBS de la Congré*
gaticjp de Saini-Lazare dam TALya-
sînie et le Sennaar 16,000 »»
Pour la Mission de Madagascar. 30,000 »»
SM,S4Sf:B»c.
■KsieM ifmiÊâQwu
A Mgr Fleming , évèque , Yîcaire
apostolique de Terre-Neate. • • 30,000 T. » » c.
A Mgr Proveiicher, é?éque, vi-
caire apostolique de la Baie <fUdsoik 35,000 »»
Pour les Missions du vicariat apo-
stolique de k) Nouvelle*Ecosse. . 33,000 »»
A Mgr Donald Mac -Donald»
évoque de Charlotte-Tovm. • • 10,500 »»
A M^ Power, évéque de Toronto
(Haut-Canada) 31,000 »»
A Mgr Gaulii^ évâque de Kia§^ .
ston (tiL) 18,000 •»
A Mgr SUffBfàjf archevêque de
Québec (Bas-Canada). ^ • . . M^OM m
A Mgr Bourget, évéqke 4e Uaa%^
réal(W.). M,000 •m
Pour la Mission des 'OUats de
Marte ioi«Kieélée au Caiiadi» • . 3,000 »•
193,100f.»»e.
ê
Digitized by VjOOQ IC
Report 192,100 f.»><i.
Pour les Hissioiis de Iêi Compt**
gniedeJlésiisaa Canadi. • • » SO,#W •m
A Mgr Blândiet, évéqtte, tlctire
apostdiqiie de TOréfsqn., . • *. • 16,400 m
# Hgr Loras, évèqiie de Du-
bQqae (Blats-VÛs). ^ • . . % - * 3(^,606 •«
A Mgr Letévère , évdque cood'-
jtttoor ec adttinistrafeiir da Détroit *
{iim). • 31,500 mm
k Mgr Pureéll, évèqae de €ii>- •
ciiuttti (il/.)* ••*••. JMO^ •»
A ligr Femrick , évâqoe de Bos-
ton (t<f.). ^ 10,008 •«
A Hgr Kenrids, évéque de Phila- •
deipine (ûf.)* ^ . . . . . 12,000 »#
A1^0'CûiHM)r,évé^dePilC» •
dMorg (t(f.)* ••««•/ M,000 «•
A Mgr Wh^Mi, évéquexle lUdi- * •
méod (ûl.)* •••»•• ^^ 37^MM .m
A Mgr Hogtitos, érécpede Rew^
Yorck(Mt.). . . . . ^ . 9S;000 «•
Pour h IfisskmdeiKnieAlii
MîsériDordeètfew-YordL^W.). . - 41 ,000 ••
A Mgr Miles, érèqâe é& Ibsl^
ti!fe(«.).^. . .•..'. it,600 mm
A Mgr Flagei, dvéqbe de Loai&- *
tîUe («•)• -.,.•.. 3S,0»« ••
AUgr de la Hallandike , évéqae
de Tînoennes (irf.) . .'•*.•. 66,000 ••
Digitized
byGoogk
S94,
Report - £95^8 f. »b e*
A Mgr KenridL , évèqoe de Saiot-
Look (Eutt-Unis). « . . ^^. 57,264 40
A Mgr Henni» évèque de MQwaii^
lki(id.) Ifi^OOO >»
A Mgr Byme , évéqne de liule-
BockCiW.). 30,000 »»
A Mgr Qaarler, ér&pie de C3it-
cago(ftf.)*a«. ••..•• 12,000 »»
A Migr Chandies, évéque de Mat-
ABt(td.) 12,500 »»
A Mgr Blanc, évèque de b NSit-
^rile-Orléans (id.) 40,800 »>
A Mgr Portier, évique [de Mo-
bile (û!.) . . 41,000 »»
A Mgr Keynolds , . évâqœ de
CbarlestOB (nf.)*^ • • • • • 15,000 »»
Po«r lesHiasiluis des Lazaristes
in Etats-Unis 35,000 »»
Pmt les Missions delà GMDpagnie
4éJésa^,aa Missouri (Etats-Unis.) 50,046 16
Fnht les Massions de la ndème
CompagHiè aux Blon|aflpBS-Bo-
éiemm(id.).>^ 40,000 »»
PiDor les Missions de^ la ȏme
Compagnie au Kentad^y ( Euts-
Unis) 10,046 IG
Pour les Mimons de la Congréga- ,
tien de N.-D. de Sainte-Croix aux
Iiau-Unis. 17,000 »»
951,364 f. 72 c.
Digitized by VjOOQ IC
905
J<^n 951,364 r. 73 c
Pour ks IIi»oii8 des Ml. PP.
Dominkaios aux Etats-Vois. • • 12,000 ••
AMgr Odin, évéque, vicaire apo-
stofiqne du Texas (Missioit des La-
aristes). .•..••• 30,000 »•
A Mgr Mac-Donnel, évéque,
mire apostolique des Antilles an- •
«bises. 16,000 m.
Pour la Préfecture apostolique
fTHûd 96,«t0 «•
à Mgr Fernandez, étèque, Ticaire
ifOBlù&pe de la Jamaïque. • • 15,000 »• '
A Mgt Hynes , évéque adminis-
mceor du Vicariat apostolique de
h Guyane Britannique. • • • 30,000 »»
Pour la Mission de Curaçao» • 32,434 IS
Pov la Mission de Surinam. » 9,863 80
Pour les Hissions de la Compa-
gnie de Jésus dans F Amérique du
Sud. « 15,000 mm
Pour hMissionde la même Com-
pignie dans rétat de Guatemala. • 15,000 »» ^
1,127,162 f. 70c.
nSSIOHS M L^ocf Afin.
A Mgr Grooir, évêqoe, vicaire
^ostoliquede Batavia. « ^- ^ . 36,000Lm€.
Digitized
byGoogk
Report SBfiOOt.nwc
Pour le Vicariat apûilDli^tae de
rOeéaoi* orientale (MissioB&dèln
CoDgrégation de Picpus). . . . 13M09 96
k Mgr Epalle, évécpiev vienre
spoÊÊoikfoe 4e la Mélanésie et Mi-
cTwésie (MisûOQs des RB. PP. Ma-
riâtes )• 105,000 »»
A Mgr nmllon, évéqoe, vicaire .
^O6toIiqaederOcéanie€eiitrale(tV20 4D»000 •»
A Mgr liftiiirre, évéqoe, poar les .
Missions des RR. PP. MariiUes dass '
b Sauvdle-GalédoDie. • . . • 16,000 »r
Pour la Procure de la mfime Coiv-
grégation à Sydney (Australie). • 3£946D »»
pMir le ¥ieariat apostolique de
rAHrtrsAe* 1£,000 »>
A Bfgr Poldingi arcbevâqne de
Sjdnejr (Ausuralie)v . . • • S^OO «t
A Mgr Humpbry, Mqm d'Adé-
bide (td.) • • , . 12,320 »•
A Mgr WiUson, évéqve d'Hobart*
Immk (TkmfteYm-DiéxÊmy • 9,500 »•
430,889 f. 26 c.
La rédaction de ce compte terminée , nous recevons une
somme de 1,370 tbalers, soit 6,106 fr; 69 cent., rc-
cneiTlie en 1844 dans^O'ditcèie de-Culm (ftum) ; /«lie
i reportée au complexe IMÂ.
Digitized
byGoogk
Mr
MISSIONS DE LA CHINE.
VICARIAT APOSTOtlQlIB DU KIANG-Sï.
extrait d'une lettre de M. Laribe^ Missionnaire apostolique
& la Cmgrégatim ie St-dJXM/re^ à M. Metnm^ tHpec-
teur des Nùvioes de ia fnême SodiM.
Mm-Wdm^nM^ieÊàht^ 184e.
« HûNSl£4J£ ET nÈ$-CnEK CoNFRÊEE,
• fuieqm dois ma dendàre letitre je tous 9i jf^otBlà
N décaib ck&«ni ptteriv^ au H#iipé„ wyage » fécpuA
eiiaMHHnr»dei«titfaif«) illMitbi«B^iiejewtts tkmn^
fveit. ¥oQ8 ne irouveitec pas -nuurnU , je pease, 'que.*
IMBam les dioata d^M |)iiiflitf hma , je.voiB disa •%
métaitnDa MîvMd^i mMMol^^ii j*aUais m éurât^pAré i
ceiesefamwftir ^wdtqitaioe^Mimq îo«r8.«^acrîir«^
Digitized
byGoogk
â08
et voog aurez ainsi h snke non interromime de tonles mes
éprennes pendant Tespace de deux mois.
.m L'année denûire, snr le soir du 22 septembre, la
terreor était grande parmi mon troupeau de Kieou-Tou;
si grande, qu'il se croyait à la veille d'être égorgé
par la population idolâtre. Or, ce qui avait mis odle-ci
en fureur, c'était, de la part de nos héophytes^ le refus de
oonconrir avec les paiens à certaines réjouissances annuelles,
oà la superstition s'allie toujours au scandale. On avait
d'abord espéré assoupir aisément cette affaire ; déjà il y avait
euàee sujet quelques pourparlers, auxquels on avait appelé,
dans un esprit de conciliation et d'un mutuel accord , les
maires des villages voisins; mais les infid^es pereistant
dans leurs exigences et lés chrétiens dans leur résolution ,
la querelle s'enveniaaa à telpoint , que le 21 septembre,
\ la nuit tombante, les arbitres efrayés crurent devoir
prendre la fuite.
c Heureusement Dien permit qu'un néophyte qui, à
' oettelieure-Ui, travaillait encore aux champs, les vit s'éloi-
gner en toute hâte, et courut leur en danander la raison.
« Vos adversaires ne sont pas des hommes , lui répond!-
«^«Bi-Hs, mais des bèM fiirooes qui ont juré de s'a*
« breuver de votre saii^. Cest pour n'être pas témoins
« de leurs exoèsi pour n'être pas un jour accusés de
c compUciié avec eux, que nous nous sauvons. »
« Ce chrétien vola ausritAt aivertir les autres ûiHes
qui, profitant de la nàit, onrent secrètement en sàreté
tons les d>Jets de région oontenos dans la chiqpdle ou dans
leurs haUtations particaltères ; polsi ils tinrent un conaeS oà
il fat décidé, sur l'avis des ptai sages, qne, loin d'en venir
à une mâée génén^ , on ne se dMndMt qu'autant qu'on
ee(^MsH{né^toarfaMMe«^ propre maimu Eb6d,
Digitized
byGoogk
309
après avoir recommaiidé à Dieu le snocès de la. bonne
canse, ils s'exhortèrent les uns les autres à comparaître,
s'il le Cillait , devant les tribonaux en chrétiens prêts à
soutenir leurs droits , sans dissimuler ni trahfar leurs
croyances.
€ Ce fut une résolution bien prudente, mais aussi bien
difficile à tenir, que celle d'éviter le combat ; car, entre Chi-
Doîs, on désire beaucoup plus qu'on ne craint d'être blessé
par ses ennemis. II n'est pas rare, en effet, de voir un
homme qni a reçu à peine une égratignure , se saisir d'un
«bateau pour se balafrer le visage , ou s'armer d'une
pierre pour se meurtrir le corps, et cela dans l'espoir de
çagndr son procès, ou tout au moins de faire infliger une
forte amende à son adversaire; il s'en trouve même qui
recourent au poison , léguant à d'autres le soin de les ven-
^'er ea exigeant comme chdliment de l'homicide une plus
grosse somme de piastres.
« On conçoit qu'au milieu de telles angoisses , la nuit
dot paraître bien longue à nos fidèles; elle s'écoula néan-
moins sans accident ainsi que le lendemain. Ce ne fut qu'à
l'entrée de la nuit suivante, qu'une centaine de païens
fondirent sur notre chapelle ; ik avaient pensé que les nd-
1res accourraient pour la protéger , et qu'alors s'engage-
rait une action où le nombre leur {n^om^tait la victoire ^
(nais ils s'étaient trompés. Ils eurent beau menacer de
UNtt mettre à feu et à sang , firapper contre les murailles,
«branler les portes et les fenêtres , découvrir le toit et ai
briser les tuiles , aucun chrétien joe se présenta pour dé-
ieodre un bâtiment qu'ils avaient eu le temps de vider la
veille; chacun attendit l'ennemi chez soi, afin que son
agression, s'il en venait à violer les domiciles, pût être pré-
^^cntée aux magistrau comme une attaque contre les pro*
Priétés plttiôt que comme une guerre de religion.
TOX. XVTI. 100. H
Digitized by VjOOQ IC
SIO
« Ftate de rétistAiice, il ii*y tmi donc point de combat.
ToMee borna à hke le plus de dégât posside; aprè^cpoî,
It bande des assaHlomt prie le parti de se retirer, e«ipor>
<anl ponr tout trophée qoelcpies images du Sa«veur et de
sa sainte Mère , avec un écriteau qu'ils avaient enlevé du
frontispice de la chapelle, et qu'ils allaient, disaient-ils,
comme ils le firent fort bien, porter au mandarin du lieu.
« Ho-Koun , ajoutèrent-ils (c'est mon nom chinois) Ho-
41 Koun n'est plus ici ; mais si profonde que soit sa retraite,
« nous saurons bien le déterrer. Nous allons, dès cette
« nuit^ au nombre de plus dequatre cents, uous mettre à
« sa poursuite; avant le jour il sera entre nos mains, et
M demain nous le traînerons au tribunal. Âpres nous être
« débarrassés du chef, nous nous délivrerons de sa suite ;
« car nous voulons en finir avec tous ces Si-yan-gin (Eu-
« ropéens) auxquels nous ne permettrons plus désormais
« de puiseï' au puits commun. »
« L'alarme des fidèles fut pour lors à spn comble.
Poussés à bout , ils prirent en désespoir de cause la réso-
lution d'aller se jeter d'eux-mêmes entre les bras du man-
darin , qu'en leur qualité de chrétiens ils avaient jusque-
là tant redouté.
« Ils n'étâieiit pas non pins sans inquiétude à mon su*
fec. Aussi me datèrent-ils pnHBpiement à iTten-TUbii^
Fou leur mattie d'école , chez les parents duquel j'étais
alors caché. Il (ut suivi de près par quelques astres dtfé-
tiens, portant des charges de sapèqnes, qu'il font ici mon-
trer ouvertement à l'appui des meilleures raisons, pour que
les satellites , les avocats et même de plus grands person-
nages prennent une affaire à cœur. En suivant par pré-
caution des sentiers mseï éloignes de la graode route , ils
avaient évité toute rencontre âeheuse , et , qooiqm kms-
ses de fatigue, se trouvant un peu plus à l'aise q«e dans
Digitized byLj OOQ le
911
leor rillage, ito voulureni bien me hiaser achever e& repos
mie nuit, et eux-mêmes s'endonnirent. Ce ne fit que
im les quatre heures da matin que , troublant sans le sa-
voir, en me levant, leur très -léger sommeil, j'apprk
de leur bouche tout ce qui s'était passé. Pùû-fd, ktnr
répondis-je, I-hhthim-tcku j ne craignez pasi rappelez-
mu quHl y atm Dieu.
« Le jour allait panrftre, Imrsqm arrivèrent aussi qtoet-
fKS astres fidèki de la aème duvdenté , dont qoelques-
Ms partaient las iasigaes du âjmmg^Ming «* c'est uae e&-
fhtt de nobkMe chinoise, toute personnelle et non hécé-
itaire, qui eonfère le droit de ceindre sa tâle d'un beuoet
tné d'un banloa deré, méaie eu préaeoce du mandarin.
0BM la conridécacion qu'aHe dowte vis^^vis du simple
yeaple, die cseoipie de cerlaiaes servitudes à l'égard
detaotoritéa, etdàivre de œitains ohAtinenis en cas de
Mit; «n aorte que la première punition qo» puisse ébte
îàcBadéoarés chinois, pnuilion qui est sensée iort
^, est la porte du Kmmg^Ming , ou nom à mériUg.
« Dès le grand malin , ils aflèrent tous ensemble s'a-
éesœr an plus fiimeux avocat de la ville , pour loiiûre
^ llnstant rédiger leur pétition an mandarin. Ils déclaré-
•m à eo dernier, dès la première entrevue , ^'à part
lear qualité do chnàtieas^/\iy4eA«f^t-^», ils ne voyaient
Heneuenx qui pÉtcomprometire labontéde leur cause.
& peine celle praunère pétition était-dle présentée, qu'il
^yauttusidHet leur tmnoneer que les païens avaient
^enlevé les bomfii des AuniUeo chrétiennes, et xju'ik
■<tiiçaient de ooptnrer leeoir le reste du béuil. Ou £t
uMsiiôt drotacr. aele de ces nouveaux grieb, qui parurent
^ odieux an magistrat, qu'il dépêcha incontinent cinq t$eig'
9*a , espèce de gendarmes chinois , pour bire en son nom
^^tter le pillage et rendre les animaux enlevés.
Digitized by VjOOQ IC
SIS
« Quant à moi, je reçus dans le m£me moment, comme
un autre coup de foudre, une lettre de Mgr Rameaux , qui
m'intimait Tordre de me rendre sans délai au Houpé, pour
prendre^ au nom de Sa Grandeur, les informations de-
mandées par le Souverain Pontife au sujet de M. Per-
boyre , notre si digne confrère et glorieux martyr. Cette
injonction qui m'arrachait à mes disciples au moment da
> danger, me jeta d'abord dans une profonde tristesse ; mais
réfléchissant ensuite que ma présence au plus fort de la
crise était pour eux un embarras , et que mon arrestatioB
mettrait peut-être le comble à leur malheur, j^adorai le»
desseins de la divine Providence , et je disposai tout pour
mon départ. Je quittai enfin ma chrétienté de A-Afen, on
de la Pùrie^U'Nordj pour traverser en plein jour toute
la ville^ et aller me cadier dans le faubourg Ifân-Mm^ oa
de la PàrU'di^Midi^ dont les fidèles étaient déjà venus eat
cérémonie m'ofrir une retraite. Là je m'occupai de cber^
duer une barque qui pàt me porter an plus vite, et sû-
rement à lÂn-Ktang-F&u , éloigné d'une quarantaine de
lieues, pour rendre visite à.Mgr Rameaux, et me mmir
avant mon départ de la bénédiction de Sa Grandeur.
« Le lendemain , j'appris que les cinq gendarmes en-
voyés à Kieou^Tou pour rétablir l'ordre, revenaient sans
avoir rien obtenu : les insurgés leur avaient répondu qu^ik
ne rendraient pas les bœub aux durétiens de leur village ,
à moins que le mandarin n'y descendit m personne ; ib
avaient en outre , et pour ainsi dire sous leurs yeux , ycié
tes cochons de nos néophytes ; ils m^iaçaient de leur enle-
ver encore ce jour-là le riz de leurs greniers , de couper
ensuite celui qui était en herbe, et puis ils parlaient de
ne s^arréter qu'après leur «itiëre extermination.
• Voilà, mon très-cher ami, là face que présentait déjà
cette malheureuse affaire, lorsque je montai sur ma bar*
Digitized
byGoogk
213
ffÊe, à une heure bien avancée de la nuit, et tout absorbé
par les trbtes réflexions que m'inspiraient un état si ora-
geux et un avenir si incertain. « Les chrétiens, me disais-
« je , ont sans doute quelque chance de gagner leur
c procès , puisque leurs ennemis s'y prennent si mal-
c adroitement. D'ailleurs , s'ils n'avaient pas aupara-
« vaut pris toutes leurs mesures , comment s'expliquer
c de leur part l'audace d'une telle démardie auprès
c du mandarin? Mais d'un autre côté s'ils succombent,
« que deviendront-ils? les uns vont renoncer à la foi , les
« autres partir pour Pexil. . . »
c Tandis que je m'abandonnais à cette pénible médita-
tion, la barque que nous avions &it démarrer avant le
jov, par l'effet d'une crainte dont nous ne pouvions en-
tièrement nous défaire, arriva près de la malheureuse
cèrétienté de Kieau-ToUj dans laquelle je me trouvais il
n'y avait pas encore deux jours. J'envoyai aux informa-
tioQs un de mes compagnons de voyage , qui revint aus-
sitAt avec un néophyte de l'endroit pour nous annoncer
^le mandarin, irrité de ce qu'on n'avait pas tenu compte
deiesordres, avant envoyé la vdlle d'antres fM^-^, en
phi grand nombre; mais que, pour toute réponse à cette
MBfdle sommation , une vingtaine dinfldèies étaieut aSAi
àlnr tour, pendnt la nuit , porter contre les nôtres une
déMiciation en forme. C'est akisi qu'après avoir ijottlé
mt nouvelle aniiété à toutes oeUes qui d^ déduraieBt
BM cœor, et craignant à cbaqne instnit de finre h r«i-
cmire de quelque eqnon , je eeutiuuai ëe desœudre le
leuve que longe , pendant une heure et demie envm>n, k
mte qni conduit de noire nKilbeureux ISeainTm à ISm-
TdmjFm$: je voy»s d^ monta- et desœudre les dif^
Imis courriers que kg cbrétiais et les padens envoyaient
Hchef-lieu et renvoyaient au vfflage, pour doMier et lUfh
Digitized
byGoogk
214
porter les nouvelles cTane affiiire si compliquée. Ce fui
seulement après avoir dépassé de quelques lieues cette
route, que mes rameurs me crurent hors de danger. Alors,
le cœur péniblement serré, les larmes aux yeux, je re-
commandai de nouveau à la tendresse du divin Pasteur ces
ouailles confiées pendant si longtemps à mes soins, ce
troupeau que je quittais sans presque espérer de le re-
voir, et dont je laissais une partie exposée à la rapacité
de loups furieux; je le mis aussi derechef sous la pro*
teoiion toute-puissante de Marie immaculée , et le laissant
i la garde de saint Vincent de Paul que je lui avais donné
pour patron, je lui adressai une dernière fois mes tristes
adieux»
• La barque prise h Kiën-Khâng me porta très-heureu-
sement à Lin-Kiâng-Fou , auprès de notre Evéque, qui
fut bien affecté des nouvelles que je venais lui apprendre.
Quoique Sa Grandeur voulût me retenir quelques jours ,
je pris bientôt congé d'elle pour aller remplir llionorable
mission dont j'étais chargé, et je me rembarquai le 6 sep •
tembre , qui était un vendredi.
« Leaaltrmeeel tes dangees ne 86 firent paitoii^teiiips
sMeadre ; en deu. jours j'étaâ parwan à NmhêhângSmg^
eefitale 4e noire proimce. Lee fidMes a^es enrraf pas phK
tAi ceaoiiefiMK», qi^ib aceourarent, mus des flm à-
Mlles renseigaeineBts , penr me délovmer de passer par
O^Tdtimgj dvétieaté qui se irowait BatareHenent ear
NMferettte«Un JiHlas^bieitoowiiipoarfeI,me disaii-OB,
eawliMait là me pereéeatÎDn générale pner lent le Aïmif-
J|. Qne fiêre? Mffr HanManx, qm n'en avait pas été en-
cena pr^penv, m'avait reeemmandé de mtor eecte lo-
cafté, à cuMe de qadqaea infirmes qni réclmnaîent les
amanis de la Religion. Je pen^ qaefaidnnité, d'accord
iy devait l'eaiperttr sar la prudeiice,
Digitized by VjOOQ IC
2iâ
et aprèft aveirTSMuré de 110a nrieax les cèrében, jefMr^
suivis aoH kiniraîre»
« Avant de débarquer à Ou-Tching , qui est Tendroii
le plus commerçant du Kiang-Si^ je fis demander en se-
cret au premier catéchiste dans quel état se trouvaient ses
malades. Ce brave homme vint au plus tôt me cherclier^ en
me soutenant qu'il n'y avait rien à craindre. «LeJudas dont
on m'avait parlé, me dit-il , n'est qu'un pauvre homme ,
baptisé, il est vrai , dans son enfance , parce qu*îl descend
de parents chrétiens; mais qui, une fois parvenu à l'âge de
raison, n'a jamais voulu prier : probablement qu'il n'a
jamais vu de prêtres ; ainsi par lui-même il est daps l'im-
puissance de faire des révélations.» Cependant, comme
l'expérience me l'a malheureusement U'op bien prouvé de-
pok, il ne manquait pas d'émissaires pour le mettre au
courant.
« Pendant la irait que je passai à terre, j'entendis qoei-
qnes oonlessions et j'administrai deux malades ; f apprifr
plus lard que Vvà d'eux était mort trois jours après. Lors-
que ensuite il s'agit de dire la Messe, qucôqu -il ne fût pu»
«oeore jour, les avis se partagëreai tnr le dai^er que nous
pouvions eonrtr pendant le saint Sacrifiée. Je te célébrai
pourtant à la pluralité des voix, et puis je courus 10^ re-*
poser dans ma nacelle. Comme j'allais inmtédiatefiicat ea-
irer dans te grand lae de Pô-Yêng-Boû , iouii^s» ré-
iservoir formé de toutes les litières du Mimng^, j« éwft
abandonner là ma- première nacelle pour lui substituer
une autre barque, plus capable de résister aux tou et d»
l)raver Forage.
« Lu froviace du Kiang-Si , prise dons son ensemUe y
rcpréeeuseassexfttt naturel une kmlle d'arbre : le pclk)lct
ou. b tige, enust iucUaé vers le nord; à rorieni, à Tocci-
iHÊL et «tt nûdi, des moutagues âevées en dessineai h)
Digitized
byGoogk
216
cottloir. De œ» haateors portesl , comme un réseui de
veines régulières, toutes les eaux dont le pays est arrosé.
Leur pente les entraîne vers une grande rivière qui tra-
verse la contrée d'un bout à l'autre , comme Tartère prin-
cipale, à laquelle toutes finissent par se rattacher; elle^
vont ensuite , un peu au-dessous de la capitale , se jetei
dans le vaste bassin du lac dont j'ai parlé plus haut ; et ce
lac à son tour se décharge dans le fameux ISang , Tun de»
plus beaux fleuves de la Chioe.
« C'est là que j'ai vu pour la première fois , avec
une surprise qui tenait de Tadmiration , flotter les énor-
mes radeaux des marchands de bois de Nang-Ring.
Je les prenais de loin pour des Ilots Couronnés d'habita-
tions. Les uns se mettaient en marche , parce qu'on ve-
nait d'avoir quelques nouvelles de la paix; un plus grand
nombre stationnaient encore, à mison de l'incertitude de
ces bruits publics. Pour mouvoir ces masses, vastes comme
des villages et hautes comme des tours , il ne £siat rieo
moûÉs , dit-on , que l'effort de quatre-viigts à cent bom-
Bies, dont les uns, montés sur des pinasses, font l'oflKe
de remorqueurs, et les autres, diantant en choeur comme
vos gondoliers, pirouettent en cadence autour des cabes-
tans pour haler un cordage fixé à de grosses ancrés*
qa'nne chaloupe va jeter les unes après les autres en avant
de ces immenses radeaux. Et quoique du matin jusqu'au
•air se continue une telle manœuvre , encore fiiut-il être
en tàOb de la flottille pour s'apercevoir qu'elle base le moin-
dre mouvement.
« On dit que sur le Pà-Yang-Hou les tempêtes sont
très-firéquentes. Il y a peu d'années , le fib d'ua catéchiste
éiOû-Tching y périt avec tout l'équipage. Nom anoos
nous-mêmes fait la rencontre d'aoe lûirqQe maa^aria^,
abandonnée depuis peu de jours , et dont il ne poraissaii
Digitized
byGoogk
517
fins am^essns de Peau que les mâts avec une puriie de la
proae.
« Le troisième, jour de notre navigation , nous abordâ-
mes à un endroit malheureusement trop célèbre , appelé
Lao^Ye-Miao , Pagode de Laoyi. La divinité qu'on y
adore n'est autre qu'une tortue ; et voici , d'après une
fable populaire , l'origine de ce culle monstrueux. L'em-
pereur Tchu'Fuen-Loung , qu'on croit fondateur de la
dynastie Ming-Tchâo , et qui dut le Urône à la révolte , li-
vra sur ce lac , contre son maître , une bataille décisive :
or, pendant le combat, le gouvernail du navire qu'il mon-
tait ayant été emporté, il trouva après la victoire une tor-
tue accrochée à la poupe avee ses dents, laquelle aurait ainsi
tenu lieu de timonier. Vraiment, nn service de ce genre mé-
ritait bien un autel chez les Chinois , qui en ont élevé pour
beaucoup moins. Aussi s'empressa-t-on d'installer la vi-
hine béte dans sa pagode , où elle s'est rendue si redouta-
ble , qu'il n'y a point de chef d'embarcation assez hardi
pour doubler cette lie sans aller auparavant lui présenter
qudque offrande. On ki r^ale ordinairement du sang
d'un coq : c'est du reste, comme vous voyez, une assez
pauvre libation.
« Quand le capitaine et les passagers chinois eurent sa-
crifié à la déesse , nous levâmes Fancre , par un vent favo-
rable , pour longer la plus stérile et la plus haute monta-
gne du Kiang-Sù Majestueusement assise au milieu du
lac , elle n'est guère habitée que par des bonzes, dont les
pagodes, au nombre de près de deux cents, éparses ci
at là et acculées contre des rochers i pic, font de loin
vm très-bel effet. Je n^ai rien vu de plus pittoresque,
comme site, que ce lieu consacré à un culte ridicule ,
où accourent les pèlerins de toutes les provinces envi-
ronnantes.
Digitized
byGoogk
218
« Gmioie nous sdliom eairer dans le Kiang , couvai
de barques qui foBt par eau le commerce de six à sept
départemeols^ il ËiUut nous présenter à une douane qui
doit accumuler en peu de temps bien des millions pour ht
fisc , à en juger par la multitude de bâtiments de toutes
dimensions soumis chaque jour à son contrôle. La taxe ,
dit-on, se perçoit sans avoir égard ni à la qualité, ni à
la quantité des marchandises, mais uniquement à la lon-
gueur et à la largeur des bateaux. Après cette première
ligne qu'on dit très-sévère, il en ^t encore une peut-être
plus difficile à éviter, c'est celle des pauvres qui, sans
avoir même Tapparence de la misère , viennent par bandes
innombrables dépouiller publiquement les passagers. Leur
audace est telle , qu'en plein jour et en face du palais
mandarinal , ils s'en prennent aux effets qu'on a sous la
main, et même aux habits dont on est revêtu, pour peu
quils ne soient pas contents de la somme qu'ils ont ex-
torquée.
« Apnt de nouveau hissé les TOiles , nous parvînmes
sans autre accident à Pu-Hô-, ville située au confluent de
huit rivières. Notre pilote, qui avait là sa Tamille, voulut
y séjourner une semaine, pour célébrer avec les siens une
fête en l'honneur d'une divinité diinoise qu'on appelle
vulgairement Ching-^Mou, la Sainte Mbre, et même quel-
quefois ThiénrHéou , Reine du Ciel. On en distingue or-
dinairement deux, l'une indigène de la province de Lou-
Kienj et l'autre étrangère qui aurait été apportée des îles
de rOcéanîe. Si vous êtes surpris de trouver ces exprès-
stoQS sur les lèvres des Chinois » je l'ai bien été davantage
ea voyant, dans un Hvre de notre capitaine sur la création
du monde , une estampe représentant un vieillard à une
seule tête, mais à trois visages, avec cette inscription au
\yA% : Ytchy-san ^ San-yichy, une subsianee^trais , (rois-
Digitized
byGoogk
21»
ufki tiAâUmei. Que pinmât dooc sifoifier une sanUable
idole, si ridée d'un Dieu créaleur on troig poraornies D'ea
»^ 1^ fat base : êrinuê H unu$P C'est sans doute un em-
prunt iait à BOB livres smals; car il parait hors de doute
que les CbiBois les ont connus i diverses époques.
« D'abord , on croit génà*aleraent que saint Thomas
lui-même les a évangélisés. Les païens adorent cet Àpdtre
sous le nom de Tha-Mi^ et parmi les deux compagnons
({ifils lui donnent, se trouve toujours un nègre qui l'avait
probablement suivi de l'Inde. Ils diseirt fonnellemest
()ue c'est un Si-koûe-gin j un homme de Voceidmt par
rapport à eux. Ils ajoutent qu'ayant appris que sa mère
était mourante, il n'avait Elit que poser quelques bam-
bous sur la superficie des eaux, et qu'ainsi il s'étaîf
comme envolé au delà des mers.
m Eu saxmd lieu, il est constant que dans la province
du Hô'Nan il existe, au milieu d'un temple d'idoles, une
pierre sculptée^ d'une époque très-ancienne^ contenant des
traits caractéristiques de l'Histdre sainte, tels. que ceux
(le la création et de la rédemption. Des redierches faites
dans un bot religieux , il j a, je pense, un peu plus de
deux cent cinquante ans , ont encore amené bien d'autres
découvertes touchant les monuments nationaux, qui prou-
vent que plfsieors siècles auparavant la foi chrétienne
était connue et suivie par une partie de la population ,
dansées nombi*eux ropumes ou états dont la réunion a
coMimé depuis l'inuBense eoipire de la Orne. Dans le
A*«f-Sj, par exemple , nos devaneiers a'ont^ils pas dé-
terré une grande croix en for qui portait la date la plus
andenne? et Boi-^méme, il y a ^ d'années, n'ai-je pas
vu de mes yeux, dans une espèce d'oratoire de notre ca*
pttale, une grande statue de fomme dont les pieds s'ap-
puyaient inr la Ida d'an proa serpent^ tandis qu'elle toiâic
Digitized
byGoogk
330
an tout petit enfant entre ses bras? Derrière cette statue
s'en trouvait une autre d'égale grandeur, figurant un
vénérable vieillard dans Fadmiration , et tout autour une
dizaine de staiiiettes ayant assez Tair de simples bergers
qui, le genou en terre, présentent à la femme et à Ten-
Euit diverses offrandes : les uns, chose étonnante, font le mo
deste hommage de deux colombes, les autres d'un agneau.
M'est-ce pas là une véritable Nativité? Les Chinois disent
que la déesse Abuan-JTn ou Ching-Mou, doqt j'ai parlé
plus haut, est vierge, quoiqu'ils placent presque toujours
un enfant dans ses bras , et un oiseau blanc au-dessus de
sa statue, avec l'inscription suivante que j'ai lue : Kiau-
ehé-tche-mau , mère libératrice du monde. N'est-ce pas la
sainte Vierge avecie Saint-Esprit sous la formé d'une co-
lombe? Le malheur est qu'au lieu de se rattacher à nous
par ces traditions éparses, qui attestent le passage de l'E-
vangile dans ces contrées lointaines , les Chinoisdénatu-
rent ces emprunts faits à la vérité par des interprétations
ridicules ou monstrueuses. Quelquefois je fais malgré moi
sur ce sujet des réflexions bien amères , et je crois y trou-
ver les raisons pour lesquelles on a beau déployer sur tous
les points de la Chine l'activité du zèle apostolique , on
n^opèrè pas néanmoins de nombreuses conversions ; c'est
que nous n'avons plus à Eaiire à de simples infidèles , mais
en quelque sorte à des apostats. Le soleil du christianisme
a i^usieurs fois déjà éclairé de ses rayons cette terre in-
grate, et autant de fois les yeux se sont volontairement
fermés à sa Ueniaisante et divine lumière ; Geiut-il ensuite
s'étonner qu'ajoutant ainsi nuages à nuages, ingratitudes
à ingratitudes , ces peuples aient laissé passer pour eux ,
sâon h menace de l'Apôtre, le temps de la grâce et du
sahit?
« J'insisterais davantage sur c^te pensée, si eUe n'était
Digitized by VjOOQ IC
pas une pore digression. Je revie&s donc à mon voyage.
Les huit jours que je perdis à PurHo , me parurent bien
longs et ne furent pas sans quelque danger. Cependant ma
confiance en Dieu était sans bornes. J^aimais à penser que
ce retard était un effet des desseins paternels de sa divine
previdence envers moi , et qu'il me délivrerait peut-être
d'obstacles plus sérieux, que j'aurais rencontrés au ZTott-
Pé si j'y fosse arrivé plus tôt. En effet, si notre trajet eût été
plos rapide , j'aurais été y selon toute apparence, englobé
dans la persécution qui éclata à Han-Keou dix jours avant
mon arrivée ; peat-étre n'y aurais-je trouvé personne qui
voulût me recevoir. Enfiù , la fête de la déesse terminée ,
nous contiouâmes de voguer sur le fameux Aiang. Quelle
lenteur à. remontarson cours I Vraiment, si l'on n'était
embarrassé par ses effets , le mieux serait d'aller à pied.
Ce n'est pas la rapidité du fleuve qui vous arrête : il pro-
mène presque toujours tranquiltenent ses eaux , et malgré
cela , en l'absence de tout obstacle , on ne fait guère que
se traîner- à fi>rce de bras le long de la rive.
« La ligne des barque remorquées les unes à la suite des
autres est interminable; le Xiang en est bordé dans toute
^ longueur. — Jamais les Européens ne pourront se faire une
juste idée du commerce intérieur de la Chine. — Or, dans
cette multitude de bâtiments qui suivent à la file , il est de
rigueur de conserver son rang contre ceux qui veulent
Tusurper, sous peine , une fois hors de ligne^ de ne pou-
voir pas y rentrer avant un mois et plus. De là , des con-
flits sans cesse renaissants, des impréca(ions.à faire frémir,
et des menaces d'en venir aux coups d'avirons : bruyante
et continuelle cohue qui, tout en retardant beaucoup la
manœuvre, l'interrompt néanmoins rarement; car ces
combats se bornent presque toujours k des injures , et de
toutes ces perches levées les unes contre les autres, à peine
Digitized
byLjOOgk
«n vûic-oa qadipwn met slrilMtlce «ir les técet qu*ellfs
mentoeot.
c Unn des bords da Kitrng deviettt-îl iropraiicafale :iii
halage et feut-il atteindre le bord opposé , ces barquci»
mettront phisiears heures à effectcvsr le (Mmage, et leors
moyens de résister an courant sont si btUes , qu'elles n*y
nrriyeront qne trois on quatre stades a«-dttsoos du point
de départ. C'est ainsi que quatre à dnq fois le joar il faut
altemaiitement visiter les deux rires. Si le vent devient
lisrvorable^ ces milliers d'embarcadons prennent bien tant
soit peu le large; mais la eonin^n et les cris ne cessent
point pour cela , parce que , sendriables à une troupe de
canards , ce qne lait une barque , Pantre Timite aMssH^;
et eHes sont ainsi continnellenient menacées d'avaries ea
s*entre-clioquant.
« Rarmi bm nitelots s'en trewait m pins grand et
plus fort, usais surtout plus fonfimm cpie les autres, qtij
croyait donner nne plus haute idée de sa bravoure en rem-
chérissant encore sur l'insolence de ses camarades. Il avait
servi précédemment dans la marine impériale, et il venait
d'échapper depub peu, disait-il, à Tincendie de pins de
trois cents navires, que les Kcung-kùuy-tse (1), les Jn-
glais, avaient brûlés près de la ville de Tsin-Kiang-Fou^
dans le Kiang-Nan. Comme mes deux guides ime faisaient
passer pour un mandarin , tous ces gens s'attendaient à
recevoir de moi une plus forte étrenne. Pour mieux la mé-
riter sans doute , ils ne cessaient, notre Ëinfaron surtout.
(1) n y a bîoi des «né» fM Icf Glûioif leur donnooi ee non , ^'
•i^iBe iUkîm rmtfn.
Digitized
byGoogk
923
d'iflsoher do matitt au soir ceox^Ià mêmes qtû nemettaieiit
smcaD ^hstade à notre narche. Après qu'une si indipe
conduite nous eut attiré maintes reparties des plus dés-
ag^réables, elle finit par nous Taire donner une leçon dont
je me serais bien passé , tjuoiqne tout Péquipage en eât
{^nd besoin. Void comment : le troisième jour après no-
tre sortie de Ph^-Hq, nous avions été enqyoriés par une
bourrasque loin des autres navires. Nous eAmes beau faire
efcrt pour nous en rapprocher, de nouveaux tourbillons de
vents nous tinrent àdistance, et par là exposés à devenir
la proie des bari^res qui infestent le Kianj. k la faveur
d'une belle lune, nos $;ens ramèrent longtemps de toutes
leurs forces; mais la hitigue finit par les vaincre, et tout
en avouant que Tendroit n'était guère tenàBle, ils résolu-
rent de jeter Tancre pour prendre un peu de repos.
« Ils étaient à peine endormis , qu'on entendit de loin
venir une barque. Peu à .peu le bruit des rames se rap-
firochait. Enfin une seoousse nous avertit que déjà Fagraffe
avait été jetée sur notre bâbord. Notre fier matelot , celui
que je vous ai dit si plein de son mérite et si âpre à l'in-
jure, crut le moment arrivé de Grire ses preuves, et pensant
aven* affiiire à des corsaire que le bruit allait mettre
en fuite, it enchérit encore sur tout ce que je lui avais en-
tendu proférer d'épjthètes flétrissant» et de défis insul-
»rats. Les provocations continuant de part et d'autre , les
sgrssseurss'écrîii'eBt pour dernière r^onse : Au piliagel
au pillage I et quatre à cinq d'entré eux montèrent à l'in-
stant sur notre barque.
« Le pilote au désespoir vint aussitdt m'appeler. J'é-
tais loin de dcumir pendant un tel vacarme. Je me rends
sur lé pont et je trouve tous mes gens à genoux , deman-
dant, sans pouvoir I%btenir, pardon pour les injures
adrmées aux prétendus brigautb. «Puisque nous prend
Digitized by LjOOQIC
234
« pour des voleurs, répétaieat ceu&-ci, eh bien ! nous to-
« lerons ; il nous faut le pillage. » Eu aueudant , sans oser
pourtant trop s'avancer, ils trépignaient si fort sur noti*e
faible tillac, qu'à chaque instant il nous semblait le voir
s'enfoncer. Ma présence et celle de mes deux guides, kiang-
koug^ ayant rétabli le <silme, fen conçus un heureux
augure, et je me décidai à tirer tout le parti que je pour-
rais du personnage qu'on me faisait jouer. AfiTectant donc
une fierté toute mandarine , je dis à ces étrangers : « Vou-
« iez- vous qu'on vous ait fait un outrage? Soit; mais ne
« savez-vous pas dans quels parages nous sommes? l'heure
« à laquelle vous venez n*excuse-t-elle pas une méprise?
« D*aiUeurs, on vous demande pardon de ces injures :
« que vous faut-il de plus pour être satisEûts ? Puisque vous
« n'avez rien de commun avec les corsaires , ne les imitez
« jpas par un acte de brigandage. »
« Pendant que je leur adressais ces paroles, ils étaient
constamment restés immobiles ; ils me regardèrent qud-
ques instants d'un ^ir effaré , puis tout en murmurant je
ne sais quoi entre leurs dents, ils finirent par se retirer
en emportant , sans que nous nous en aperçussions , diffé-
rents agrès de la barque. Le lendemain, notre fier matelot
resta bien humilié de celte aventure ; mais ce fut l'affaire
d'un jour. Nous revîmes un peu plus loin nos agresseurs
nocturnes : c'étaient des soldats qui s'en retournaient par
eau dans leurs familles ; ainsi nous eûmes un sâr garant
de la paix conclue avec les Anglais.
« L'accident de la nuit nous avait abattus ; nous fûmes
égayés le lendemain par une rencontre plus heureuse*
D'innombrables marsouins s'en vinrent folâtrer à l'entour
de nos barques : ils se jouaient plus gaknent dans les eaux
que de jeunes taureaux ne bondissent dans la prairie. Au
lieu de les épouvanter, le bnfit de Téquîpage-ne Gût que les
Digitized by LjOOQ IC
225
enhardir dans leurs légers ébats ; ils en metient plus d'ar-
deur ec de grâce à plonger dans les flots, puis à reparaître
pour se dérober encore aux regards des passag^^s qui
sourient i leurs évolutions.
« L'apparition des marsouins est généralement regar-
dée, comme un pronostic de tempête. En effet, l'atmosphère
ne tarda pas à se charger ; le vent souffla avec tant de
force, que plusieurs barques n'osèrent déployer les voi-
les; mais notre pilote plus courageux en profita pour at-
teindre heureusement le port où il devait déposer sa car-
gaison de papier. Le lendemain, 28 octobre, après avoir
opéré son déchargement, il voulut continuer sa route ^
quoique le vent fût encore plus violent que la veille ; il se
flattait d'arriver ce jour-là même à Han-Kéoù , terme de
mm voyage, et dont nous étions encore à plus de trente
lieœs. Nous voilà donc emportés de nouveau au gré du
mit et à pleines voiles.
« Pendant plusieurs heures notre barque cingla à mer-
veille; vous auriez dit un brick français; encore lui au- .
rions-nous peut-être disputé le pas. Le malheur fut qu'a-
près avoir fait plus de vingt lieues, le vent , toujours dé-
chaîné, cessa d'être constant; il nous venait par bouffées
et nous prenait en travers. D'un autre côté , les vagues
grossissaient à vued'œil; notre embarcation privée de
son lest menaçait de chavirer, et en ce cas ^ il est certain
qae c'en eût été fait de nous tous^ nous trouvant alors
au milieu du lit du Kiang que les Chinois disent pres-
que sans fond. Le pilote alarmé se hâta de serrer les
voiles, et nous dirigea vers la côte; mais il était trop
ttrd : k proue n'eut pas plus tôt regsa*dé la rive où no»
toidkms , qu'on coup de vent furieux nous y jeta avec
lia rapidité de réeUnr. En un instant, le gouvernail s'en-
iMioedaiisla vase et y reste immobile, les voiles tourmes-
T<w. XVII. 100. ^* r-
Digitized by VjOOQIC
326
létr pnr Tongo qui s'irriic de lew nliirtance, se ééeki*
m^ eu emporleiit le somoiel des mais qui se brisott
iwiiiif mtsmi de roseaux. Uo horrible diqoetk de iwr-
gnss rompues se fait entendre sur nos têtes, tandis q«e
sons nos pieds craquent les ais disloqués du navire, qui
soBdyre çnfin et nous pesé tous dans le fomeax £im3.
m Après avoir reçu , sans savoir comment , deux contn-
( au bras et à la jambe droite, dont les suites se sont fait
' plus d'un mois , je me trouvai alors comme au sortir
d\ni sommeil brusquement interrompu; et, le croiriez-
vMs, ayanf de Teau an-dessus de la ceinture, planté sur
le» débris de la barque, je considérais pour ainsi'dfre snne
snrprise et sans émotion nos ^ets surnageant pélensiéle
atotour du navire échoué.
« Un de nos guides me tira de cette stopeiir lélhariP^pM
es me criant : Jésus , Marie 1 En même temps il me ten-
dait sa main que je saisis pour le rassura. Les matelots
ne sachant où donne^de la tête, se bornaient à £ure un
grand tapage. «Sauvez avant tout les personnes, » leur
criâmes-nous. Ils détachèrent aussitôt la chaloupe qui
aède était demeurée intacte , et nous ramenèrent. Après
être montés dans la nacelle , nous nous mtmes à la rem-
plir chacun d'une partie de nos effets. Craignant ensuite
qu^^e ne coulât à fond , on s'empressa , les uns à force de
rames, les autres avec des perches, de la conduire à terre,
où malgré ma prétendue dignité de mandarin , j'aidai de
mon mieux au sauvetage^ piaflUnt dans la boue jusqu^aux
genoux.
« HMis au plus Ibrl de ee rude tfivMl, cul kidigM
spectade peifr «n Européen naufiragé se préKfile i m»
jmt\ Le lîonjf s'était couvert de eannls qài BtâkiefimaÊ
vers nous , et , à men grand étonnement y ks mMiois «i
Digitized by LjOOQ IC
227
les aperoevant se sent tous écriés : Paûrkaol p&ùrhaol
n0m$mmnei perdue t nous somma perdus 1 ie croym an
cemrtîre qoe c'étaient autant de sauveurs qui volaient à
nette eeeoors : je fus bientôt gttà*i d'une si grande bon-
boBÎe. En un instant nous sommes cernés par ces pi-
raiBB. bnpossible dès lors de rien retirer du navire. Le
cri de pilbge se fait entendre, et nous sommes attaqués.
Mon nom de mandarin aurait dû glacer et terrifier oesbri-
ginda; <m eut beau le &ire sonner Inen haut , comment
pomoir se taire entendre au milieu d'up si horrible brou-
habaP
« Un combat s'engagea entre nos sept pauvres mate-
lots et les forbans qui crœssaient toujours en nombre ; ils
étaient peut-être plus de deux cents. La lutte cessait-die
avec nons , ils se battaient entre eux , les plus forts vou-
lant se faire la part du lion. Ce qui m'étouta davantage et
me fit en mtoe temps le plus de peine , fuf de voir quatre
i cinq dialoupes montées uniquement par des femmes , de
vnâes harpies , qui surpassaient peut-être les hommes en
ardeur pour le j^age.
tf Pendant celte scène révoltante, des barques mar-
diandes de toutes grandeurs montaient et descendaient le'
fleuve ; nons avions beau leur tendre les bras en signe de
liétresse ; arrivées à quelque distance de nous , elles foi-
saiaat nn long détour, et le pilote ou le timonier, aprè»
nous avoir fait de la main plusieurs signes négatift , conti-
nuait tranquillement sa route : on m'a (fit ensuite qu'il»
craignaient eux-mêmes de s'exposer an pillage.
« Quand il ne resta, plus rien à prendre , une partie
de Gtt maraudeurs seretira avec son butin ; alors nos ma-
(ebls^ enhaiwihi par le petit nombre de ceux qui restaient,
reiinreat à lirctofe avec fureur» et cherchèrent à mettre
16. ■
Digitized by LjOOQ IC
328
en pièces les bateaux des retardataires. Moins peut-être
par commisération naturelle que par crainte de trop irriter
ces misérables , et de provoquer de leur part une terrible
revanche, je courus mettre le holà^ en dkant à nos ma-
rins que pour compenser autant que possible nos pertes ,
jis devaient traîner ces canots à terre au lieu de les dé-
truire. Aussitôt ils s'élancent sur le plus proche , et le ti-
rent à force de bras bien avant sur le rivage. Ceux qui le
montaient étaient loin de s'attendre à ce que l'affaire prit
une telle tournure ; les voilà qui se jettent pêle-mêle dans
le Kiang pour regagner d'autres barques; mais les nôtres,
animés par le succès, se saisissent de deux fuyards^ et
me les amènent par leurs longues queues; puis ils retour-
nent encore donner la chasse aux traînards , en sorte que
tous se dispersèrent sans qu'il en restât un seul , à Fexcep-
tjon de nos deux prisonniers.
« Agenouillés dans la boue , devant moi qu'ils ap-
pelaient le grand Lao-ye, ou seigneur, ces deux misérables
me faisaient mille prostrations et révérences , en me sup-
pliant avec des hurlemenls affreux de leur accorder la li-
berté. Notre réponse fut d'abord qu'ils allaient payer
pour tous leurs complices, et que pour faire un exemple
dont ces déleslables parages .avaient besoin , la corde les
attendaient à Ou-Tchang-Fou où nous allions les conduire.
A la fin cependant, comme la nuit approchait, nous les
relâchûmes après leur avoir fait promettre de revenir nous
tirer de là , et tout en gardant le canot pour caution de
leur parole.
« Après leur départ , je demandai à notre capitaine ce
qu'il comptait faire des effets que nous avions sauvés.
« Hélas ! me répondit-fl en poussant un profond soupir,
« cette nuit même on nous les ehlèvera. » De leur côté ,
les matelots se préparaient à une défense acharnée. « Vie
Digitized by LjOOQ IC
229
« pour vie, disaieot-ils, nous vendrons du moins la nôtre
« bien cher; nous repousserons l'attaque tant qu'une
« goutte de sang coulera dans nos veines. »
« Pour moi , prévoyant assez qu'en cas d'assaut , leur
nombre et leur courage seraient insuflisants pour nous dé-
fendre , je délibérai en moi-même s'il ne serait pas expé*
dient d'abandonner les bagages et de nous enfuir à travei-s
diampsy sous la garde de la Providence. Je m'en ou-
vris à mes fidèles conducteurs. « Père, c'est impossible > »
me dit l'un d'eux qui avait fait l'office d'éclaireur en allaïUi'
an moment du pillage , cherclier de tout côté du secours;
« Nous sommes ici dans un ilot , entre le lit principal du
« Kiang et un bras consîdéi*able de ce fleuve. Faute d'is-
« sue , il faut se résoudre à y passer la mauvaise nuit qui
« s'approche. »
« En effet , le jour était sur son déclin , le vent souf-
flait toujours avec plus de violence , et une grosse pluie
commençait à tomber du ciel, dont l'aspect sombre et me-
naçant nous présageait une furieuse tempête : où trouver
on abri ? Nous eûmes recours au bateau que nous avions
pris à nos pirates ,'et qui n'avait pour nous protéger qu'un
très-petit couvert en treillis de bambous sur le milieu.
Après avoir amoncelé à l'entour tous nos effets , nous nous
blottîmes dedans tous les dix, péle-méle, accroupis les uns
sur les autres.
« Mon dier confrère, que cette nuit fut longue I dans
qudles angoisses nous l'avons passée ! Harassés de fatigue,
et n'ayant pas même un peu de place pour nous étendre ;
sneoombant au sommeil , et n'osant nous y livrer qu'à
demi , parce que nous regardions conmie inévitable un
Donvd assaut ; péniblement coudoyés et heurtés les uns
parles autres, nous dûmes rester assis sur nos takns, et
Digitized
byGoogk
S8B
'encore fiillait^fl être contmaéllement an agueis. XTn peu
après minnit , yoilà que j'entends comme la voix tfune
personne encore dans le lointain. «Ecoutez, m*écriai-je,
« les brigands reparaissent. » Après que chacun eut pen-
dant longtemps prêté une oreille attentive, je passai pour
avoir donné une fausse alarme. Biais Févénement vint
bientôt après prouver le contraire : nous étions à jaser
comme des pies, tandis que des inconnus s^approchaient ,
sans lumière e^ sans le moindre bruit , du gîte où nous
étions retranchés. Lorsque enfin nous nous en aperçûmes,
dieu sait le violent Qui vive! que leur adressèrent nos
matelots. Ils y répondirent d'abord d'un ton assez mesuré
en nous demandant pourquoi nous nous étions empares
du bateau. « C'est, réparthnes-nous, parceque ceux à qui
« il appartient, ne sont que des pillards. Au reste, après
« l'avoir retenu pour passer la nuit, notre mtention était
« de le leur restituer demain. »
« Après quelques autres pourparlers^ auxquels nos
i|;ens ne mêlèrent que deux ou trois apostrophes d'une
rage bien prononcée, et que mon guide Tchang-siang-
koung sut parfaitement adoucir , en donnant le titre de
Lao^ta-gin, vieMard^grand-homme, au plus âgé de la
troupe , ees inconnus ajoutèrent : « La(Hf/ê souflre trop
« dans oette position , nous rengageons à nous suivre.
« — Et ses gens, réponJis-je, qui les emmènera? —
« Nous viendrons les chercher au jour. — Ainsi seul ,
« où allez-vous me conduire? — Dans la ps^^ode du
« village. »
« Il est & remarquer 'que^ par mie superstition des
(rios inhumaines , les Chinois sont persuadés qu'il soflit
4^tre malheureux pour éure coupable ; en nous recueil-
km dans leurs maisons, ils auraient craint d'attirer sur
MX Me partie des maux qu'ils voyaient peser sur «ous ,
Digitized
byGoogk
£31
et tkMit iB Haas croyaôent poarssivis p«r iiiie j«9lioe «é*
leste. Nms étiwM A lears yeux des fan^ênj maifaiêem'ê^
et des victimes dn T^tffi-mtfijf , destin du ckL
« Je fiais par leur dire que puisqu'ils venaient oiefiaii-
ver seul , je remettais au lendemain racoeptation de lèmss
bons offices, et ils se rethràreat en répétant que la posisÎM
é(»t trop douloureuse peur Jun Lao -yé. Quelle était Jewr
véritable intention? nous n'avons pu le savoir. Quant ji
moi , fêtais assez tenté de les suivre ; mais pourtant , Me
disais-je, si à quelques pas d'ici ils me précipitaient dans
le Kiang , pour se débarrasser de la crainte que plus tard
je ne dénonce au vice-roi leur brigandage ; après s'être
défaits de moi, ne prendraient-ils pas au même piège mes
compagnons d'infortune ?...
« Notre situation, comme vous le voyez, était erili-
que , et le reste de la nuit se passa dans de cruelles ap-
prâiensions ; cependant personne ne reparut , et le
en ramenant la lumière , nous rendit Fespérance. Nos i
telots reprirent la vie qu'ils semblaient avoir perdue. Hw
bewreiix que le capitaine qui n'avait pu sauver une seole
sapèque, je portais sur moi quelques pièces d'argeat; je
les montrai à nos marins; et par je ne sais quelle]
crête, de morts qu'ils étaient auparavant^ les voilà i
suscités. Péi^ltaol Vécrient-ils , plus risa d traimimi
Tkim^p thien^l le ciel esi pour nous 1 le ciel est pournêm!
ce qu'ils, entendent du firmament, sanss'élever jusqu'à Hdêe
de l'Etre suprême qui en est l'aulenr.
« A l'instant, et malgré une pluie d'orage qui n^aimt
père cessé de la nuit , quelques matelots s'en allèrent k la
rechercbe d'u moyen de salut; les uns se placeront ^b
observation sur le rivage, afin d'adresser des signant
de détresse au premier navire qui s'offrirait à leur vw;
Digitized
byGoogk
232
taineau^te : il ne s'en présenta pas un seul durant toute
la journée. Les autres qui s'étaient dirigés vers le bras
secondaire du Kiang^ aperçurent bien un certain nombre
de barques amarrées à Taulre rive ; mais ils eurent beau
supplier ceux qui les montaient , et faire luire les taâ$ à
leurs yeux, pas un mouvement ne se fit 'en leur faveur;
ib crurent seulement entendre qu'on leur disait pour toute
réponse : « Nous tenons plus à notre vie qu*à votre ar-
« gent; attendez que le vent cesse ; nous irons à votre se-
« cours dès que nous le pourrons sans danger. »
« Ce péril qu'ils n'osaient affronter ni par cupidité ni
par compassion , nos gens se décidèrent à le braver sur
leur faible chaloupe, qu'ils s'étaient jusque-lù ménagée
comme une dernière planche de salut. La nacelle mise à
Teau , urois ou quatre coups de vagues suffirent pour la
leur enlever : heureusement qu'aucun d'eux ne fut em*
porté avec elle. En la voyant poussée au large par les flots^
notre capitaine jeta un cri de désespoir : « Cette fois nous
« sommes perdusl » dit-il , et il se mit à verser un tor-
rent de larmes.
« Pour moi , au milieu de tant de revers , f avais en-
core la force de retenir les miennes ; je m'abandonnais , à
b vérité , aux plus affligeantes réflexions ; mais il me res-
tait une secrète espérance; je pensais qu'après tant d'é-
preuves , le Seigneur ferait éclater sur nous sa provi-
dence : « Priez, disais-je à mes deux chrétiens, priez Dieu
• qu'il nous aivoie enfin quelque ange libérateur. »
« Quelques heures après l'enlèvement de la chaloupe ,
le capitaine prit le parti d'aller lui-même à la découverte.
Peine perdue; le résultat de son excursion, comme celui
èm précédentes, fut qu'il n'y avait point de secours pos-
sible tant que durerait la tempête. Je dois avouer qu'à son
Digitized
byGoogk
333
retour la constaroatioQ devint générale et qu'elle fut à
son comble. Tous^ jusqu'à moi , nous crûmes arrivé le
moment du sacrifice. Le jour touchait à sa fin , le vent
et la pluie continuaient avec la même violence. Oh ! pour
le coup*, je le répète , je sentis toute espéi^ance s'évanouir
dans mon cœur. Il nous semblait voir le ciel et la terre
araiés en même temps contre nous conspirer ensemble
notre perte. Depuis deux jours-^ nous n'avions pris au-
cune espèce d'aliments. Notre corps, meurtri par le nau-
fi^ge, était encore couvert d'habits humides, et cela sans
avoir pu prendre un peu de repos. Nous allons donc
mourir ici de faim et de froid , me disais-je , ou plutôt les
brigands qui nous ont épargnés la nuit dernière , nous ré-
servent pour celle-ci nne visite dans laquelle nous serons
tous égorgés.
« Je n'étais pas non plus très-rassuré sur le compte
de nos matelots , tous païens , qui auraient bien pu se dé-
dommager de leurs pertes à nos dépens, et se défaire de
nos personnes pour mieux jouir de nos dépouilles.
« Ce qui me faisait le plus de peine était de périr ainsi
sur ce misérable Mot, sans aucune utilité pour la Religion,
après avoir si souvent et si ardemment désiré l'honneur de
pouvoir un jour prêcher un mandarin dans son prétoire,
et , au sortû* de là , d'être envoyé au martyre*
« A ce regret se mêlaient des souvenirs qui m'inspi-
raient de justes craintes. Je me rappelais avoir entendu
dire qu'à la nomination du deuxième Vicaire apostolique
de la Corée, le courrier qui lui portait les insignes épisco*
paux , ayant été, pendant son voyage à travers la Chine,
arrêté par des voleurs , dépouillé de tout et puis garroté
à un arbre, fut ensuite rencontré dans un si pitoyable état
par des satellites qui le détachèrent. C'était bien jusque-là.
Digitized
byGoogk
984
Alais ses libérateurs, ayant appris à quelle espèce de geas
H aTâit en affiiire, se mirent aossitAt à leur ponmiie , et
avec les malfiiiteurs s'emparèrent aussi des objets irolés ,
ce qui donna sujet à une grande perséontton. Je craignais
également de voir se renouveler à peu près la même scène.
Comment pourrait-il se Êiire , me dîsaisi'e , qu'un pillage
accomf^ en plein jour, et auquel tant de mauvais sajeis
ont pris pnrt, n'éveillât pas enfin Tattention et la vigilance
de Famtorité? Peut-être mes ornements , mon cmciis et
autres objets de religion sont-ils déjà entre les mains des
magistrats! Tout le monde ne sait-il pas ici que les ma-
kouay, satellites chargés de répondre des voleurs avx
mandarins , partagent le [>lus souvent le butin avec eu , à
condition de protéger leurs nouvelles tenUtives de ra-
pines. Comment pourrait-il donc se faire qu'en paru-
géant nos dépouilles, ils n'aient pas reconnu que les objets
enlevés appartenaient, pour la plupart, au culte desdnré-
tiens , à cette religion des martyrs et des proscrits, contre
laquelle on avait récemment publié tant d'édits dans tout
le Houpé? Quelle bonne fortune pour eux que cette dé-
couverte! Outre qu'ils y gagnaient la prime promise aux
dénonciateitfs d'un prêtre, ils disaient preuve de vigi-
lance , et se trouvaient, par la seule arrestation d'im IGs-
sionnaire, dispensés pour longtemps d'être sévères envers
les malfoiteurs. Aussi ne voyais-je que la prison au sortir de
notre Ilot, si toutefois j'en sortais ; et s'il fallait y mourir,
je tremblais de léguer encore la persécution à une pr^
vince déjà inondée de sang chrétien.
« Que bire pourtant pour conjurer ce malheur? Pavais
déjà beaucoup prié^ et non-seulement je ne voyais pas mes
supplications suivies d'un heureux dénoûment ; mais cha-
que pas, an contraire, nous enfonçait plus avant dans
l'aUme. II me vint alors, quoique un peu tard , l'idée
Digitized
byGoogk
936
d'ane nouvelle prière , qwe voici : « Swgneur^ ne repbus-
« sez pas mon fanmble demande ; par rinteroession de vo-
« tre nouveau martyr, Jean-Gaibriel Perboyre , venez à
« notre secours 1 » Je la répétai trois fois avec une fer-
veur dont je trouverais peu d'exemples dans ma vie; après
quoi , me persuadant que je venais d'accomplir en grande
partie ce que f avais à faire , soit pour la vie , soit pour
ia mort, je m'abandonnai à la divine Providence, et
comme décharçé du poids de mes inqm^des , je suc-
combai enfin au sommeil.
« A peine étais-je assoupi, qu'un matelot s'écrie:
« Voici un bateau ! voici un bateau 1 » Celui qui le mon-
tait ne venait probablem^t que pour épier s'il restait
quelque chose à prendre. A notre vue, il voulut passer
iMitre^ sous prétexte que les vagues étaient encore trop
jbautes pour qu'il pût abords sans danger. Mais Dieu
permit qu'à force de promesses et de prières, le nauton-
nier qu'il nous envoyait, consentit à chercher et trouvAt
enfin , à une centaine de pas de nous , un endroit acco-
stable. Quaure ou cinq de nos gens s'emparent à l'in-
stant de sa nacelle , pour aller à la sution la plus voisine
située à peu de distance. J'aurais bien voulu être de la par-
lie; mais le batdier s'y opposa, soutenant qu'avec un plus
grand nombre de passagers sgn frêle esquif courrait risque
d'être englouti. Je dus donc me contenter de la promesse
qui me fut faite, qu'on allait, pour nous, louer au port
une plus grande luirque. Nous pouvions d'ailleurs atten-
dis plas pntienmeiit leor retour : la phû avait cessé, le
ifM ae oalanit^ Mtraoorar siabatla aeirawait à anoitié
nfevé de son JttcaMcawnt, après «ne si cruelle angoisie,
la pfa» gnmde que j'aie ene de oia vie , parée tpk'diie «a
a.éîëlaplosjflqîiw.
« Nos matelots , fidèles à leur parole , après avoir,
Digitized by VjOOQIC
236
comme de juste , apaisé la &im qui les dévorait , n'eurent
rien de plus pressé que d'exposer nos malheurs au com^'
mandant du port. Il eut ou il fit semblant d'avoir grande
pitié de notre position , et dépécha , pour nous en tirer,
un des six navii*es au service de la station. Les huit hom-
mes qui le montaient , quoique d'une taille et d'une force
peu ordinaire, avaient grand'peiue à vaincre la boule en-
core soulevée par la tempête expirante. Ramant de toute
la vigueur de leurs bras, et toujours en cadence pour
mieux s'animer, ils nous amenèrent à l'entrée de la rade,
où j'aperçus peut-être plus de trois cenls personnes , ac-
courues pour voir un mandarin avec la mine d'un nau-
fragé. De tous ces spectateurs , partagés en deux rangs ,
les uns riaient aux éclats , les autres semblaient s'a-
pitoyer sur mon sort; la plupart me voyant chanceler,
ou m'offraient un appui bienveillant, ou m'adressaient
quelques mots de politesse. Enfin , après être tombé en
défaillance dans la boue une dizaine de fois^ je parvins en
face de l'hôtellerie où m'attendait avec toute son escouade
un preux caporal chinois , que je distinguai des autres à
son espèce de schakot. 11 me reçut en grande cérémonie.
Par ses soins un grand feu m'avait été préparé , une sorte
de collation avait été servie, et je pus en toute liberté rom-
pre une diète absolue de plus de deux jours, en faisant
main-basse sur une assiette pleine de pâtisseries , et tout
en répondant à mille questions plus embarrassantes les
unes que les autres.
« En attendant on m'apprêtait un bon souper, pour le-
quel notre commandant et notre majordome voulurent être
de la partie, afin de me continuer une courtoisie dont je me
serais fort bien passé, d'autant plus qu'un de mes conduc-
teurs avait déjà eu l'imprudence de dire que, dans le pil-
lage, j'avais perdu deux malles contenant des effets très-
Digitized
byGoogk
237
précieux. Le caporal, voyant les spectateui*s se reiirer peu
à peu , revint sur cet article qui m'avait jusqu'alors tant
intrigué ; car j'appr^endais qu'on ne les eût recouvrées ,
et qu'à la vue de l'étrange contrebande qu'elles renfer-
maient , on ne se doutât de mon caractère. Je m'aperçus
cependant qu'il me craignait autant que je le redoutais
moi-même. Et en effet, c'était une chose assez humiliante
pour un homme de sa profession , payé avec ses gardes-
cAtes pour maintenir le bon ordre, qu'à sa barbe on
fût venu impunément attaquer et ^dépouiller jusqu'à un
mandarin! Il commença donc par s'excuser en m'ex-
posant que l'année avait été des plus malheureuses, à
cause de l'incmdation qui s'était élevée plus haut et qui
avait duré plus qu'à l'ordinaire. « Ces parages, ajouta-l-il,
« confinant aux dépendances de trois grandes villes, pul-
« lulent de malfaiteurs de toute espèce, qui, pour-
« suivis devant les tribunaux d'une juridiction , passent
« aussitôt sur le territoire des autres pour s'esquiver et
« gagner du temps , en sorte qu'il est impossible d'en
« finir avec eux. » Ravi de lui voir ainsi prendre la dé-
fensive , je l'eus bientôt rassuré sur les suites de sa cou-
pable négligence, en lui répondant que j'étais par&itement
au fait des difficultés de sa position, que je ne tenais pas
à mes malles , qui réellement contenaient des objets pré-
deux et même de l'argent ; mais que j'en faisais volontiers
le sacrifice , pourvu que je pusse sain et sauf parvenir à
Han-Keou; qu'en supposant même que plus tard il pût les
découvrir, je lui en faisais l'abandon , à condition pour-
tant qu'il ferait punir les ravisseurs.
« Le repas fini, mes convives insistèrent pour me faire
passer la nuit à l'auberge, afin d'y reposer plus à mon aise ;
mais je m*y refusai, pour me mettre à l'abri de tout leur
babillage. Je retrouvai au port nos bons matelots, dé-
Digitized
byLjOOgk
2âi
peuillés de tout , qui m^afHwhÎMitpoM; me prier de leur
faire à chacun Taumône de oe qui lui était néeessaire pour
s'en retourner dans sa faunille, sanûce que je leur rendis
bien ^(mtiers, parce qu'en dfet ils m'avaiait toujours
été très-fidèles» AÎ>rès tous ks moufaments d'une scène s^
étrange, pendant laqodfe l^ams été firaoéde jou«r tantde
réies bizarres, dans quel profond et tranquille sommeil
je fiis bientôt enserdi au fond de ma nouvelle bar-
que! On aurait pUf je eroisi m'éoindier ipe je a'aurais
rien senti» »
(La mite au pr§chmn ffuméro» )
Digitized
byGoogk
2S»
MISSIONS DU CANADA.
A mesiire que le diamp des Missions devient plus
vaste et plus ferdle, le Seigneur y appelle aussi des ou-
vriers plus nombreux. Il ne suscite pas seulement des
apôtres isolés à ce divin ministère, il fait naître encore des
Congrégations nouvelles, dont le dévouement collectif ré-
ponde mieux à des besoins généraux. Parmi ces Institu-
tM» récentes, il en est une que nous Serons aujourd'hui
oonahre plus spédaleman à nos keteors : e*est la pre-
màirt fois qu'elle prend place dum les Annales , et nous
devons indiquer son origine avant de raconter ses tra-
vaux.
La Société des OHêkIê i$ Mmrk ImmaeuUe, fondée
doMleiMAdelaFraMiepar Mgr de Maaeood , évéque
mmi de IfcmiHe, conpl» d^à pfan de dix-huit ans
d'existence. Elle n*ava)t encore signalé son zèle qu'aploor
de son berceau , lorsqn'en 1841, Mgr Bornât , évéque de
Montréal dans le Canada, étant Tenu en Europe pour des
liées aux intérêts de la Rdigion , et en particu-
Digitized
byLjOOgk
240
lier pour chercher des hommes apostoliques qu'il dési-
rait établir dans son diocèse , demanda à Mgr de Mazenod
une colonie de ses prêtres OkhUs de Marie. Ses pieux dé-
sirs furent exaucés, et le digne Prélat, auquel TEglise du
Canada était déjà si redevable, eut la consolation d'y in-
troduire encore ces nouveaux collaborateurs.
Leur maison ayant été régulièrement constituée, ils
commencèrent aussitôt les travaux de leur ministère, que
le Seigneur accompagna partout d'abondantes bénédic-
tions. Les Obhts de Marie Immaculée au Canada sont
actuellement au nombre de dix-neuf, dont quinze Mis-
sionnaires profès et quatre novices. Ils possèdent trois
établissements. L'un , qui est à Longueil , où réside le vi-
siteur général et où se trouve le noviciat, est spé-
cialement chargé du soin spirituel des Townships. On
appelle de ce nom les habitations dispersées sur les
frontières du Canada et des Etât-Unis , qui , ne possédant
pas une population assez nombreuse , ne peuvent être éri-
gées en paroisses avec un prêtre à poste Oxe. On conçoit
aisément les besoins religieux de celte portion peu favori-
sée du troupeau.
Une autre communauté des Oblais de Marie , appelée
par Mgr Signay dans le diocèse de Québec, a été établie
dans la partie nord-est du Saguenay, sur les bords de la
rivière qui porte ce nom. Outre les missions et les retraites
données aux paroisses catholiques , les Pères de cette mai-
son embrassent l'apostolat des sauvages , dont quelques
tribus occupent toujours les sources de la rivière Saint-
Maurice et du Saguenay , ainsi que les rives da MontBio-
rency.
Plus au nord , vers le 52™* degré de latitude, il existe
encore des Indiens Papinaehois , entre les lacs Àmnitchta-
gan, Papimouagan et Pirretîbi. A la droite du fleuve Saint-
Digitized by LjOOQIC
241
Latnrent, vers la partie orientale da Baé-CaïUKia , appMè *
Gaspésie , on trouve anssi les restes des Mtêtmàê on 6a#-
péiiens, aatrefois très-nombrenx, et reffiarqaid[)Ies par lenr
civilisation avancée. Les débris de ces diftrentes penphi- »
des, encore infidèles, étaient visités depuis plusieurs an-
nées par MM. de Saint-Sulpice et par d^ntres prêtreaca-
Badiens. Grâce à leur zèle , de grands soeeès ont été obte-
nus; il en est même plusieurs qui ont recoeSH, avec une
abondante mo&son d*imeS| la palme ordinaire du dévoue- '
mem : vicdmes de leur charité, ils ont succombé aux
btigues d*un si pénible ministère* Aujourd'hui les Pères '
OUaU de Marie Immaculée ont la sollicitude de toutes ces
Missions, et quelques-uns d'entre eux doivent, chaque an-
née, parcourir les différents postes où se groupent les sau-
vages , afin de faire parmi eux de nouveaux prosélytes , et
de fournir à ceux qui sont déjà chrétiens les secours de
la Religion. Ils se proposent , dès que leur nombre le per- '
mettra, de pousser leurs courses dans le Labrador, jusqu'au*
pays des Petits-Esquimaux, pour en arracher leshaBttants,
soU i leur idoUtrie , soit à la séduction des frères M(H*a-
ves, qui ont déjà formé parmi eux quelques établissements*
La troisième maison des Oblats de Marie Immaculée est
à Bytown , diocèse de Kingstcm , dans le Haut-Canada.
Les membres de cette communauté , comme ceux de Mont-
réal, sont destinés à donner des missions aux paroisses
dSjà formées, et à évangéliser la population catholique. dis-
séminée dans rintérieur des terres* Outre ce ministère , ils
embraésent eiico^ celui des chaïUters^ Jusquld des mH*
fiers debAcherons, dispersés pendant six mois de Fannée
daoïs les forêts, potnr s'y livrer à l'exploitation des bois,
étaient dans le plus complet abandon sous le rapport reii^
gienx. Confiés aux soina des (^lats de Marie Immaculée^
3l pourroBt désormais participer aisément à tous les se-
cours spirituelf que le zèle et la charité savent multipper,
T0«. XVII. 100. 16
"** Digitizedby VjOOQIC
dA Bytown sMl, de pAms^^ chargé» de porter le fiaipbeaui
dft bfoii aw. $»«i««e0.^^gKm9ifNii et ^fUttiU*»» i:é()aBdii&
da«ft t» farcie eordronesi du Cabada, entre l8s,50^ et
62*^ dtiwh de liHîtude. Autrefois nombseitaes, ces tribus.
8(MqMiiiile9aB& Dédwtes à une bie»foîble pepuIaiioiL : las
guMefr Aéqpiesiee, cpt^elles se sont tim entre dloa» ou
qtt'eUei^Ollt AM^wies contre les blancs, les avaient déjà
crnelteieQfid^iQiinées vei» la fin du demîec aiède ; ei de*^
pim,, l^émigraijon européenne allant lonjoui» creissant^
ces.8Mva(es»nQli»ii]é$,datts leur». ibi:£tt^ ont. j^i; pour la.
p^Êgm. de laim et de misère.
De son côté^Mgt* le Vicaire apostolique de laBaiedlIud-
son appelle aussi les OUaU dans son immense district; ils
iipnt y commencer leur^ travaux Télé prodiain. Or, dans
CM contrées prcsqiiie aussi ^Fastes que TEurope , et qui s'é-
l^ent du TO"*"^ au 142™® degré de bngitude ocdden-
t^e , et du 481"* au 68"* de latitude boréale ^ c'est-à-dire
d'un côté d^ujs les limites occidentales da Labrador
jusqu'au delà, des Monlagoes-Bocbeuses vere les bords de
rpcéan. Pacifique^ et de l'aulie depuis le lac supérieur ei
If^ frontières sq[>tenirîonales des Etats-Unis, jusqu'à la
m» G]nçiale,.il n'y a que cinq prêtres dont la vie entiène»,
absoii)ée par les soins que réclame une pqmlation d'jen.*-
won trois mille catholiques, suffit, à peine à la visitti
dfts divers postes de la Compagnie anglaise/ t
Ces prêtres, malgré tout 1^ zèle, n'ont pn enaonç.
jMsr qu'en pnssant la bonne tumcwm dnns ces immenses.
nigîQns, où la plupart des trUms ons conservé leur indé^
BSttdsnce. BientAt ils^e^pèmit aller sa fiser an centrsdo;
OBI peuplades prçsqpeeBeone inoornines, qui portent di£-
ttoenisnoms suivant ksxxmtréesqn'^eanecni^t et qnl
tontes paraissent disposées à bien ameaUclss^nmislna
de rfi>^n6iie»
Digitized
byGoogk
243
UUr^ du J?« P. Samrâiia^ Mimiotmairt ObkU de Matiê
Jmmaatlé$, w M* P* Mwarai^ de la mêa^ Cm^
Troif-EÎTièret, le25 joillet 1844.
« Nous Tôid dé retour de notre MSssioii sur le Saiut^
Mannce. Les fruhs de grâce et de satut dont Dieu a bien
voofti couronner nos faibles travaux, nous ent ample-
Bent dCdôonnagés des fatigues d'un si pàiible voyage.
« Le SaAit-lfauriee , dont le cours est d'environ deux
cents lieues , serait une trës-beUe rivière sans les rag^des
et tes doutes fréquentes ^r en rendent la navigation si
diflfcilk. C'était aur sauvages qui en bordent les rives qœ
aoos étions envoyés, M. Harault et moi , pour rempiaoer
M, Paymant , missionnaire plein de zèle et de vertu qui
les avait visités Tannée précédente , mais qui se trouve
pris en ce moment d'un riinmatisme universel , par smte
des s^ufhmees quH a endmiiës^ dans ses courses apeeiu-'
liques. Ces sauvages, qui se nomment TMiMMoiife, «a
loat énmgéBsés que depuis s^ ans» et déjà Qi doment
beauooup de onâcdatien an Ifissiomnires <pii leir ont
porté la boime nouveHe. Je ne vous racoBtetui due ma
leme4]iie fes dëfiâlt de nette deraière eqpéditioBé.
« Ré» édone partisses 2M^Ai'tMlr«04e S Ji6h a^
16.
Digitized by VjOOQ IC
944
à vingt-cinq pieds de longueur , monté par dnq !
et un jeune sauvage qui avait passé Tannée cbeEM. Pal-
liant ; nos eOets et nos petites provisions aUaieÉUires com-
posaient loute la cargaison. Pour ne point nous arrêter à de
trop longs préliminaro , je ne décrirsli pas notre voyage
sur le Saint-Maurice , ni les divers incidc^iits qui l\mt ae«
compagne. Vous pouvez vous en fiiire une idée en voua
représentant deux Misssionnaires, montés sur un frtfe es-
quif, voguant seuls sur une grande rivière dont le coaranc
permet à peine de bâte une demi- lieue à l'heure, ne vbyaac
autour d'eux que rochers , précipices et arbres gigantes-
ques, obligés, à cause des fréquents et longs portages,
de mettre souvent pied à terre et de diarger sur leurs épau-
les, non-seulement leurs provisions et leur petit bagage,
mais encore le navire lui-même quil devient impossible de
conduire sur le fleuve* *
« Ajoutez à cela que les campements de la nuit , qui
auraient dûi nous délasser un peu de la Êitigue du jour, ne
nous présentaient pas un repos fort agréable. Le souper
et le lit étaient en parfaite harmonie avec notre étrange
manière de voyager, et dignes en tout de la vie apostoli-
que. Ordinairement nous nous arrêtions vers le crépus-
cule , auprès de quelques grandes chutes. Nos gens com-
mençaient par décharger le canot et le renverser sur la
rive; chacun prenait ensuite part aiui préparatifs du sou-
per : Tun coupait du bois , Tautre apprêtait la diaudîère,
un troisième £iisait jaillir de la pierre des étincelles, qull
recueillait sur qoc^iues feuilles sèches. En quelques in-
stants une vapeur assez abondante s'élevant de notre mar-
mite avec Todeur de h viande salée , nous avertissait que
nous pouvions commencer notre modeste repas.
« Comme le n<«nbre des plais se réduisait k la plus
simple expression, un morceau de porc nous semûai tout
i la fois d'çtttiwflto «ttéi mDm\Mmsù9 <
Digitized
byGoogk
f45
BUtes mÊÊÛBÊt pottr florber à h 80 de Tagreste banqnef.
Ven^t eosoiie la prière que noos faidoiis en coromun , et
pois B Mbàt songer à préparer son gîte pour le repos de
la mut. Al<miioas dresftkms notre p^ite tente sur le ter-
rain le plus uni et le moins humide; diacun se munissait
de deux ooayertures en laine, dont Tune, mise en double,
servait de matelas , Fautre recoon*ajt le corps pour le dé-
fendre du froid et de la rosée , et nous ToilJk couchés aussi
gaûement cpe si nous avions été sur le meilleur Kt et dans
ïbAliA le plus confortable. Demander ensuite si Ton dor-
mait bien, c^est antre chose; car outre que nos épaules
ne s^aecoutomaient pas très-fecilement à la dureté de no-
tre couche, mom éûcm continuellement tenus en éveil
par «ne armé^ innombrable d'insectes qui ne nous lais-
saieiit ancon repos. Tous les maringouins , les moustiques
et tesbrolots des forêts voisines semblaient s'être donné
rendez-vous sous notre tente ; le nombre en était tel , qu'à
peine poovimis-nous reqptrer, et vous devez penser s'ils
aoos épargnaient les coups d'aiguillon !
« Noos avons ainsi voyagé une vingtaine de jours ^
tantôt naviguant sur le fleuve , tantôt campés sur sa rive ,
et d'autres f<râ marchant à pied et obligés de nous fbyer
péniblement le diemiu à travers les bob. Je ne vous dirai
rien des beautés de cette nature grandiose, qui ne se ren-
contrent nolle part si frappantes que dans l'Amérique dtt
Mord ; mais je dois pourtant friire une exception en favefir
do la femense drate du Chawenigan* Nous avions passe
b Miit du 9 jtnn au pied de cette cataracte. Le lende*
main, aooonqpagné du diarpentier et de notre jeune sau«^
^9», je TOttlas aller jouir de cette cascade importante;
dont là Tefflâ nous n'avions pu voir que la partie infé-
rienre* Nous grimp&mes à travers un bois touffu jusqu'ait
sommet de la collitte, d'oA se précipitent en tourbillonnant
ka e(m jmqrides du Saint-Maurice. Un bruit sourd et
Digitized
byGoogk
majestueux nous avertit que nous n'étions pas éloignés <lu
gouffre, et quelques minutes après nous contemplions ,
à son point de vue !e plus heureux, celte scèiie ma|;nitiqae.
a Une île, ou plutôt un amas de rocliei^, en divisiiiit
la rivière à Fend roi t de la chute , forme ainsi deux, iin-
tnenses cascades dont les eaux se rejoignent au fond de l'a-
1 Ime pour reprendre leur course en commun. Nous ne yimes
que la branche Est de la cataracte, le temjîs ne nous per-
mettant pas de visiter celle du Nord qui^ à ce qu'on as-
sure, l'emporte de beaucoup sur la première. Celle clnuc
du Saint-Maurice, située à douze lieues des Trois-RivR-res,
3 près de cent pieds d^élévation ; elle est visitée par un
trrand nombre d'étrangers que la curiosité y attire de
toutes parts. Mais 'j'ai lais oublier ma promesse de m'abs-
lenir de toute digression. Et pourtant il faut vou^aconier
f^ncore une circonstance de notre voyage, qui se raiiacbe
plus directement à mon but.
« Le 16 juiu , huit jours après notre départ , étant au
bas des huit grands rapides qu'on aperçoit après le fameux
passage de la Juque , nous ne fûmes pas peu surpris d'y
trouver un canot qui venait à notre rencontre. Il était
luonié par quatre jeunes hommes de la tribu sauvage de«
Têks^e-bouîe qui, partis de Warmaniashing le 12,
avaient fait en quatre joui*s près de quatre-vingts lieues.
Ils nous saluèrent affectueusement, mais ils paraiss^tM^nc
tristes. M. Marault leur demanda en hn^ne Jbérmqm quel
pouvait être le sujet de leur peine. L'un d'entre eux ré-
pondit: « Nous sommes surpris et attristés de ne point
« VQÎr ia r(Ae noire qui nous a visités l'ann^^e dernièi-e. —
« M. Paymant a failli mourir et n'a pu cette fois refeour-
« ner parmi vous, leur a répondu* M. MarauU , et
« cd&imc le Gardien de la prière (FEvoque) ne veut
• p^ vous abandonnei-, il nous a envoyés à sa place pour
1 \Qm ipyruire. « Ces (^uel^ues parole» sulEreal pour
Digitized
byGoogk
^47
ks flafftfafre. OnrtimiaM ato^ dé s'aâfeâsér à moa coa-
Mre , ib kri (Hrefit : « fkm étions très efi peine de te» ft
« WaraumaaMag, ^ant qne tm n'arrivans pas; Atem
« BOUS BOUS sommes dH : Partons et altom Tîte atN
« 4a^àm de la fvèe fMvrv. Hous aTons donc descendu le
• fleuve , bien résolus de poursuivre notre roirte Jtisqtt^îWi
« grMâ village (QuAec), ti ïioes ne t'avions rencotfiré.
* Maimenant» merci au GraiwWBsprit qui vent (jne tn soii
« veiiii au miBea de nous; nous allons le prier pour qn^
« te protège jusqu'à ton arrivée à la cabane de ta prière
« (PEgliBe), où ta dois nous instruire. »
w Ces bons néophytes ne vorfnrcnt phs se séparer de
bous; leur canot vogttait à cAté du nâtre pendant les six
jours que nous emptoyâmes i nous rendre an poste dk
Wamtnlasliipg* Nous y arrivâmes le 22, à la tombée dé
laint. En présence de x^e liea tant désiré, à la vue des
sawages <fi^>ersés sm* la rive du fleuN^e ^ quelles douées
émoiioBs s'emparèrent de mon Ame! Dangers du voyage ,
nravBBt , faUgues , privations; lout avah disparu en aper-
œvanti deux pas de moi des amis, des frères, plus qut
oda« des âmes racbetées an prix du sang de Jésus-Christ,
que fêtais appelé à samer! Je ne les connaissais pas en-
core; mais fa peSne qu'ils m'avaient cofttée me lei rendait
biendiers.
« Je les voynis, hommes, femmes et enfants, sautet
dé jm et e^rimer à leur manière Je bonheur qu'ils éprou-
vaiett de notre arrivée au mflieu d'eux, k mesure qu'a-
vançait notre barque, on se hâtait de terminer sut
la rive les prèparatife de noire récepuon. Sur les ordreii
de M, MeLcoï, commandant du posic, le pavillon avait
été hi»éf et les hommes réunËi en groupe chargeaient
Icvmfunk. Nous menons pied à terre, et aussitôt unt
dédiarge générale se feît entendre pour nous saluer. Après
<iue}ques paroles édiangées avec M. Me Lcod , après nos
Digitized
byGoogk
S48
remerclmenu pour ses offim dJigeauas, nous lèunes h
nos sauvages : il fallut leur donner à lous la main; amme
ils étaient nombreux , la cérémonie fut assez longue* Us
ne nous quittèrent plus de tout le soir, et la journée fut
terqiinée par la prière en commun que nous fîmes au pied
d'une grande croix.
« Le 22, nous eûmes le bonbeur de célébrer h sainte
liesse dans un des appartements du fort. Oh ! que j'offios
de bon cœur à Dieu la viclime sans tache pour le salut
de ces pauvres Indiens l
« Après le saint Sacrifice, OsIdlolSy un des dieb,
suivi de plusieurs hommes de sa tribu, vint nons deman-
der audience. S'adressant à M. Marault, il lui parla ainsi ;
« Mon Père, te voilà enfin au milieu de nous ; qu'il y ^
« longtemps que nous t'attendions ! cinq dimanches sont
« passés depuis que nous sommes ici; nos provisions
« sont toutes consommées , et nous ne prenons presque
a pas de poisson, parce que Feau est trop haute* Les en-
« droits où H y en avait beaucoup , en sont aujourd'hui
« tout à Eût dépourvus. Qu'allcns-nous devenir^ mon
« Père? Cependant nous aimons mieux mourir que de
« nous passer de confession cette année* Voici ce que nous
« avons résolu. Si la pèche est toujours malheureuse,
« nous jeùnorons pendant dix jours pour demeurer avec
« toi ; nous souffrirons , mais n'importe ; nous le terons
« avec plaisir pour sauver notre ûme. Au bout de dix
« jours , si le Grand-Esprit ne nous envoie pas de pois-
« son , la nécessité nous forcera de partir ; nous te quilte-
« rons enfin , quoique avec beaucoup de peine. »
« Otkiloè' ayant cessé de parler, nous lui répondîmes
que notre intention avait été d'abord de nous arrêter
quelques jours à Warmantasbing ; mais, ajoutâmes-nous ,
puisque la disette de vivres ne vous permet pas de demeu-
rer plus longtemps , nous allons nous acheminer ensemble
Digitized
byGoogk
^9
fera b diapelle de Kikeiidate. Noos ikhis latmes, en effet,
en marche le lendemain; je pris les devants avec quelques
sauvages qui m'offidrent leur canot, et le 27 nous mettions
pied à terre à Kikendate. Un coup de fusil tiré à dessein
avertit de noire arrivée les sauvages campés aux environs
de la chapelle.
« Ils vij^ent en trè&-grand nombre me. présenter leure
félicitations. Je causai assez longtemps avec eux; ils
étaient si heureux de posséder un Missionnaire , qu'ils ne
savaient comment exprimer leur reconnaissance. Le len-
demain M. Marault arriva avec le reste des Indiens que
nous avions rencontrés à Warmantashing. Nous réglâmes
aussitôt les exercices de la Mission, que mon confrère ou*
vrit le soir même par une instruction préparatoire.
« Nos sauvages, après une si bague attente, ne pou-
iraient être plus avides de la parde sainte, et dès les
premiers jours nous pûmes jouir amplement des fruits
de leurs bonnes dispositions* Les catéchumènes surtout
se distinguaient par le zèle et Tardenr qu'ils mettaient à
s'instruire, afin d'avancer l'heureux moment où, par le
baptême, ils seraient eo&û admis an nombre des fidèles. Les
plus grands sacrifices n'étaient conq^rtéspour rien quand,
à ce prix, il fallait mériter la grâce de recevoir ce pre-
mier sacrement. Nous les taoûons à l'élise plus de six
heures par jour ; la plus giande partie de ce temps était
destinée au catéchisme et à des instructions familières ^
où tout le monde assistaiu Bien loin d'être fotigués de ces
exercices , qui auraient pu paraître longs même à des
dn-étiens plus formés, ils n'étaient pas plus têt sortis de la
dapelle, que se réunissant en divers groupes, ils tâ-
chaient de se rendre compte entre eux des choses que
MUS \ea^ avions dites, et cda durant des heures «en^
••ères , quelquefois même bien avant dans la aiit.
.. « Doqs Jeurs do\i^s et (lilBcultéSy ils ymfjmt «m*
Digitized
byGoogk
SfiO
sultcr les Missionnaires ; alors , que nous fussions couchés
ou non , endormis ou éveillés , ri fallait leur donner au-
dience et répondre à toutes leurs questions. Nous le fai-
sions d'autant plus volontiers que ces éclaircissements
fournis à quelques-uns, étaient aussitôt par eux répétés à
tous, et nous épargnaient ainsi de longues explications sur
les mêmes sujets. #
« Grâce à cette ardeur pour apprendre les vérités de
la Religion, nous pûmes, dans l'espace d'une qiiinxaine
de jours , administrer le sacrement de baptême à vingt
personnes , adultes pour le plus grand nombre , et bénir
six mariages. Nous préparâmes, de plus, à la communion
cinquante sauvages qui avaient é|^é baptisés les années pré-
cédentes. Outre les heures désignées pour les instructions,
nous avions destiné d'autres moments de la journée à îa
prière^ qui se faisait toujours en commun. C'est là, dans
ces douces réunions de frères, que j'étais profondément
touché de voir la solitude embellie par tant de piété et de
ferveur : vous auriez dit des Anges plutôt que des hom-
mes ; fortement appliqués à l'objet de leur foi et de leur
amour, ils paraissaient avoir oublié la terre. Leur mo-
destie dans le lieu saint était parfaite , surtout pendant le
saint &icririce. Malheur à celui qui par légèreté eût seule-
ment tourné la lête ; un soufflet vigoureusement admi-
nistré par un de ses voisins , l'eût sur-le-diamp averti de
sa faute. «
"^« Ces intéressants néophytes aiment beaucoup la prière,
et eft font pour ainsi dire leur nourriture quotidienne.
Pour les pèr^ et mères, c'est une consolation autant qu'un
devoir d'en inspirer le goût à leurs «ifants, et plus d'une
fois nous avons eu occasion de juger par nous-mêmes que
leurs peines n'étaient point perdues, que la semence jetée
clans ces jeunes cœurs tombaient sur une bwme terre.
« Vous me permettrez , en terminant celle lettre , de
Digitized
byGoogk
561
Ttas tt dlêr ta «Kaoafie aMre nâle dcmt f II M
Un s^ qoeje ni*eittrete«ûs avec nos faoBuoes dans fes-
pèoe de «acris^ qui bous mmak de logement, fentencfis
kmt à ooap uoeToix dTe^Bt qui semUah partir ^a lieu
saint. Il était environ cKx beores et demie du soir. Cu-
rieux de savoir ce que ee poa?ait être, je regarde à tra-
irers les fentes de la cioison , et jHiperçois deux petitse»-
GMitBqoi paginaient fifoir de Iwit à dSx ans ; k pliis je«^
modescenent agenoniHéenfMe de fautd, fateait sa prière,
tandis que Tantre, ddHMH i iMé de loi , ^eibit ice qn^I
$*aoqnt(tftt bien de ee de^mr saoré. La prière fine, te feone
Mentor bk baiser la terre à son peik élève , faccowpagne
jusqa'à la porte de la diapeHe , fai présente de l^eam bé-
Jiita avant de le laisser sortir, et revient ensuîie se mettre
à genoQx près da sanctuaire pour y continuer sa prière
qui dura encore assee loi^mps; après quoi il se retira
poor aller prendre son sommeil , qui dut être bien doux
après une telle action* kté teluAant spectacle , je ne pus
retenir mes larmes ; le souvenir de ces deux innocentes
créatures ne pourra plus s^^oer de mon esprit ; il me
semble les voir encore , offirant à ce Dieu, qu'ils ne con-
nûssaientque depuis quelques jours, Thommage d'un cœur
pur et ingénu.
« Enfin , grAce aux diqpoations extraordinaires de ces
bons Indiens , il ne reste plus dans tonte leur peuplade
que trois infidèles; encore donnent-ils des marques d'une
prochaine conversion. Tous les autres sont d'une conduite
irréprochaUe, et nous font espérer que tant qu'ils ne com-
muniqueront pas avec les UÔnei ^ ils seront toujours de
fervents chrétiens. Les progrès qu'ils ont faits dans la tem-
pérance et les autres vertus sont vraiment surprenants,
e» enx-^némes en sont étonnés : « Que nons étions mé-
« chants, nous disait Tun de ces sauvages, avant que
« MM. Dumoulin etJPaynnni eiiçsent pénétré flans nos
Digitized
byGoogk
269
«. déiertsi qoe de iHen ib ont fût li notre Ame, et que
• BOUS nons trouToas diangés aujoard'hui* Ahl mon Père I
« remercie nos frères les haHiprianU (les Associés de h
« Propagation de la Foi) à canae des nies noirei que
c nous devons à leur générosité. »
« Tel est , mon révérend Père, le peuple béni de Dieu
auquel j'ai été ^voyé cette année. J'aurais vdontiers
passé le reste de mes jours auprès deoes chers néq>bytes;
mais le temps fixé pour notre départ était venu. Tous
les préparatib de voyage étant donc faits , nous nous em-
barquâmes de nouveau sur le Saint-Maurice, et quittâmes,
nonsans regret, cette terre de bénédictions oà le Seigneur
nous avait bit trouver une moissim si abondante.
« J*aî rhonneur d*étre , mon révérend Père , avec un
profond respect , votre très-humble et très-obéissant ser-
viteur,
« A. M. BouRBAiSÂ, 0. M. /. »
Digitized
byGoogk
353
Extrait éCime hêtre du rétéreni Ptre FùietU, ONat iê
Marie Immaculée, au rMrend Pire Çuiguei, de la
même Ccngréffaêim*
Q«âceJed««&ilSI4.
« Mon rév£r£Nd Pèrb,
« Je suis de retour à Québec deptiis hier, et je m^em-
presse de vous rendre compte de notre Mission chez les
sanyages Montagnaie. Noos nous embarquâmes , M. Bon-*
cher et moi» le 16 mai i sur la goélette la Loutre^ pour .
parcourir les divers postes où nous devions rencontrer les
sauvages. Après un jour de navigation , nous nous trou-
vions devant Jaiousac , à quarante lieues à Test de Qué-
bec; c'est le premier établissement français au Canada.
Situé à la jonction de la rivière du Saguenay avec le Saint-
Laurent, ce poste se compose, comme les autres dont
)'aurai occasion de parler, de quatre maisons pour les
directeurs et les employés de la Compagnie , d'une cha-
pelle et de quelques constructions pour servir de ma*
gasins.
« Après avoir passé deux jours à Jadousae, nous nous*
«tnbarquâmes pour continuer notre voyage , et le 12 juin
nous toudiions à Mosquaro, sans avoir rien observé
sur noure route qui mérite d'être signalé. lÀ devait être
le terme de notre course apestdique; c'est àms ce poste
9ie nous devions trouver les sauvages à qui nous venions
' «M Misuoii. Ib y étaient en effet réunis efi asses
Digitized by LjOOQ IC
3S4
grand nombre depuis phisieurs jours* Après quelques
heures de repos , nous flmes l'oirrerture des exercices par
k ciiaM du Ftvi Cvmâor. Je fasénu jusqu'au larmes»
(gmnd j'eptfifldi» œ» pawww» Miittwm de» ferte bbiob- •
ner dans leur chflqpdle celte t#uaiMMe prière. L'Es-
prit-Saint écouta CaiTorablement leur pieuse invocation ,
car tous ces Indiens profitèrent è F^vi de ce temps
de grâcesf Ifii ph» jeuaet. même furent entendus en
cenlession , et plus de cent en£uits eurent le bonheur
de s'approdier de la table sainte. Tous les sauvages que
BOUS avons rencontrés dans ces vastes régions , témoi-
gnent un respect extraordinaire pour la divine Eudia-
ristie ; il faut en quelque sorte les forcer de comsuinier,
parce qWilft ne se CE^ieni; jamais assot bien pcépaféspour
UM si grands fiureur»
«^ Je dois. ranfflNpnr en pKwaaf qu^il j a une grands
pureté de mœurs chesB ces bdiens^ «mi fois qa'ita^SMit coor
vertis ao diristianisniu La^phis gnmde nésme nègiie te«r
jours dans leurscéuiûoDs entre les perseAiwsde diffiwent
sexe. S^Hsse laissaittit naguère aitratn» à. toule sorte de
vices par Tusage immodéré de»bMSOPS eniviantei^ au-
jourd'hui; qu'ils ont secoué le joug de cette fimesie pas-
sion^ on les trouve pleinà de zèle pour la pratique des ver-
tus^ et de générosité dans raecompUssement de leurs, de-
voirs rdigieux» Ua sauvngje, sfadressant à monosofirère,
hii disait un jpur : « Tiens, quand on bavait», on na se
« souvenait pas de tes leçons ; mais depuis que nous
« avons cessé,, tout reste làk » Et il montrait son ooeur.
« Les exercices de notre Miasioa terminés^, il fsUm
nous arracbar du nuUea de nos néeph|rtok Ce fbc we
seène bienattendrissanie 91e odie dademier adieu. Qa^A
était toudiaat.da veut ces pa«iffefrm«yags»ieadaiit es
larmes è notre départi Notre caM(.i^aît d^ (ni lekr
dieux, ^'ikétaient enoore mur le nvac^ iM ]^ i
Digitized
byGoogk
jssqu^à ce que rétojjgaeiBent mm est dérobétà leur ^
« Ces heureuses cRqi^tioiiSy mou (èer Père, se re-
trouvent daus les dmérentes tribus que nous avons vi-
sitées. Je ne veux pas vous- rapporter les ^détails de cha-
que Mission en particulier, paixe qu'il n'y a rien eu d'ex-
traordinaire , si ce n'est la fervenr qui leur était commun»
i toutes ; je me contenterai de vous dire le résultat de aos
travaux* Sur six cents sauvages environ que nous avant
rencontrés dans les différents postes,, près de cent cin-
quante ont en. le bonheur de communier, les uns pour la
|remi^ fois, les antres pour la seconde ou la troisiène;
irente-six en&nts ont reçu le baptême, et quinze nt-
riages ont été bénis selon le rit de l'Eglise.
« Vous savez sans doute quels sont les moyens de aid>-
sistance pour ces peuplades : la chasse et la pèche, c^est
là toute leur ressource et leur unique industrie^ Aussi les
voyes-vous, au sortir de laMissioa, se répandre damte
bois on le long des rivages de la mer : ceux-ci pour sur-
prendre le loup marin dont ib tb*ent une huile excellente,
et ceux-là pour tuer le castor et la martre dont ils vendeaf
les peaux aux agents de la Compagnie, en échange des
«èjets de première nécessité. Malheur, à eux quand le gi-
bier et le poisson viennent à mancpier ! Ils sont exposés à
périr misérablement au milieu des tourments de la laim*
Pariez-leur de cultiver la terre pour en tirer leur subais^
tance , ik ne vous écoutent pas* Dites-leur de faire des
provinons, car souvent la chasse, étant abondante, 9s
pourraient aisément se pourvohr pour des temps plus mau-
ves; ils ne eomprennent pas une pareille préeaoïion. On
sauvage mange et dort tant qu'il a des vivres ; après, i
recommence la chaeie ou la pèche» au risque de jeâaar
des semaines entières.
« Tels sont les hommes que nous aTons visités, et encan
ie son^ôb pas les pinsà pîaindrel car eux au moinst
Digitized
byGoogk
édaîrés des lumières de la foi , quils onl eu le bonheur de
recevoir depuis plusieurs années, tandis qu'un grand nom-
bre de leurs frères, répandus dans rintérieur du pays, ne
connaissent pas encore le vrai Dieu. J'ai appris dans mou
voyage qu'à cent lieues de la mer, l'honorable Compagnie
de la Baie d'Hudson est en rapport avec des sauvages qui
n'ont jamais été évangélisés; et cependant , m'a-t-on dit,
ces Indiens sont d'un caractère doux, et ils accueilleraient
volontiers les ouvriers apostoliques.
« L'an dernier un d'entre eux , vieillard octogénaire ^
se présenta à la baie de Ha-Ha où réside un Missionnaire
à poste fixe ; il avoua que depuis longtemps il désirait ren*
contrer une de ces robes noires dont il avait autrefois en-
tendu parler, afin d'apprendre la véritable prière du
Grand -Esprit, Après avoir reçu les instructions suffisan-
tes, il fut baptisé, et le lendemain son ûme régénérée par
la grâce s'envolait au ciel. Combien d'autres sauvages au-
raient le même bonheur, si des Missionnaires en plus
grand nombre pénétraient dans leurs solitudes, pour y por-
ter la bonne nouvelle! Il en serait temps; car îî est à
craindre que les ministres de l'erreur ne nous devancent
auprès des Nascapis , comme malheureusement ils l'ont
déjà fait auprès des Petits-Esquimaux ^ qui ont été en-
doctrinés par les frères Moraves. Espérons que Dieu fa*a
éclater enfin sa miséricorde sur ces peuplades abandon-
nées , et qu'il enverra des apôtres pour leur rompre le
pain de la divine parole.
« Je suis , njop révérend Père , votre tout dévoué , etc.
-^Uèr»i jI} OfS\MiLl ItC , p, FlSSETTE , (7. M. L » ^^
eîii
Digitized
byGoogk
257
Extrait d'une lettre duR. P. Laverlochére, Ohlat de Marie
Immaculée, au R. P. Guisues, Fisiieur général de$
Missions du Canada.
Lac des Deux-Montagoes , 25^aoùt ISii.
c Mon RivéREicD Pbke ,
« Après trois mois d'absence, nous sommes revenus,
hier au soir, sains et saufe an lac des Deux-Montagnes»
Des drconstances imprévues noos y retiendront quelques
jours. Je vais donc profiter de ce repos forcé pour résu-
mer Pensemble de nos courses apostoliques , et vous édi-
fier de leurs résultats sur les tribus sauvages que nous
avons visitées.
c €e fot le 14 mai que nous partîmes de Monâ*éal,
M.Moreau et moi, après avoir offert le saint Sacrifice
pour le succès de notre entreprise. Dieu nous fit corn-
prencfre, dès le début, qu'il la bénirait. Arrivés^ le 30 ,
au fort William situé à quatre-vingt-cinq lieues de Mont»
réil , nous trouvâmes une quinzaine de fomilles indiennes
qui nous attendaient avec impatience. Nous les réimlmes le
aorméme sous une sorte de hangar, que la Compagnie de
la Baie d'Hudson)iOtts avait offert pour y accomplir les exet-
ciees religieux. Presque tous ces sauvages ont eu le boa-
heur de s'approcber de la sainte tiMe, presque tout aussi
out voulu s'enrôler dans la société de tempérance; afvir
Tov. xvn. 100. 17
Digitized by LjOÔQ IC
268
es fttoir pris l'engagement entre les mains de M* Moreau,
ils sont allés notifier leur résolution au principal commis
du poste. « Il imporle , lui ont-ils dit , que tu saches ce
m que nous venons de faire : nous venons de promettre
« au Grand-Esprit , en présence de nos Pères les robes
m noires, de ne rien boire désormais qui fasse de nous
m d'indignes priarUs (chrétiens) ; si donc tu t'avisais de
m nous ofinr encore de la liqueur de feu (du rhum) tu
m sauras que nous la refuserons* »
« Nous ne passâmes que six jours au milieu de ces fer-
wnts néophytes, tant leurs bonnes dispositions avaient
abrégé notre travail l Le 15 juin^ et toujours en remontant
rOttawa qui prend , ù quelque distance du fort William ,
le nom de Riviêre-Creusej à cause de là hauteur et de la
proiûmité de ses deux rives , nous arrivâmes en vue de Té-
iqH&anûng. A mesure que nous avancions, oMS aper-
cevions les cabanes des sauvages dispersée çà et là wir les
b^rds dm Qeuve, puis enfei les sauvi^fes eux-mêmes qui
■«us attendaient au nombre d'environ ipois oonts. Ajaqsî*
tAtaprès que [nous eûmes salué les employés du posie,
MUS nous nilmes en devoir de visiter atiiasi m» ladio^
dtms leurs propres habitations : c'est le seul moyen de
xakifire en eux une certaine timidité qui les empécbeiait
4e ^enir à nous, malgré Tardent désir qu'ils en Couvent.
Dès Get(e furemière entrevue, il ne me £a;i pas difficile de
dasonguer nos chréliensjdes infidèles ; je les reconnaissais
naa seulement à leur modestie et à leur aSsibailé , mais
t à la propreté et à la décence d^ lears vêtements.
m Le soir, nous fîmes l'ouverture de la Mission fMr 1»
^dtt Fmi Creaiarj qui fut suivi de la prièro et da
qwlqttes cantiques traduits en langue îadieDne. La musiqud
ptate singatièrameiit aux sanvtges; ils dumieiit nuit ec
jMT, ee je suis oonvsmicn qu'un des meaUmm moyeas do
teifKtruire ppomptemeat , serait de conposer en vers M
Digitized
byGoogk
2S9
abrégé des vérités de h ReUgion tjm pèt leur servir de ea«
tédnsme* Rien de plus édifiant que la piété et lé recueiDe-
ment qu'ils apportaient au tribunal de la péliitenoe ; qud-
qiefois ik passaient des journées enti^^ agenouHIés ou
assis à la porte de la diapelle, en attendant que leur tour
arririt ; exposés durant tout ce temps aux injures de Tair,
ils ne se faussaient ni distraire par aucun objet extérieur, ^
ni vaincre par la kim , eux natureBemeiit m curies et si
fortement deninés par la soisualité.
« M. Iforeau s'occuppait spécialement des dirétiens ;
pour moi , je donnais mes soins aux sauvages encore infi-
dèles, que je réunissais à part afiii de leur apprendre les
prières et las premiers éléments de la Religion^ Ik me strt-
vaiaitpareottt, et j'étab heureux de cet empressement,
parce que je pouvais plus aisément converser avec eux , et
leur faire répéter phis souvent ce que je voulais graver
dans leur mémoire. J'employais aussi quekpies moments de
loiâr à leur dresser une espèce de calendrier, dans lequel
je marquais par des signes symboHque» ks jours de di-
mandie et de ftte ; ainsi, par exeaq^, le jotur de TËpi-
piame écak ëésigué par une étoile, k Fète^iw par un
ostmsair, la^wteeAte par une colondie , etc.
« Qaiiqu*il f «AC <»core beftueeup à £aûre dans ce
poste, MBS dAuMsaoaferatt départ; ms sauvages çom-
mençttent k mimqner eMèremeat de nourriture^ JSous
leur dbtrilmibièsoe qui nous restait de provisions ; mais
qt'élait-oe que odaj[)our une troupe de trois cents £unc-
liquaP
« Le l*' juitie^ après avoir offi^t^ascore une fois l'adora-
Me vidiflie pour ces chers néofAytes^ et leur avoir adressé
nosderaiènes recoaunandations, nous nous éloignons de la
cfa4)eile. La foule bous suit tristement vers le bord du lac :
IsaiMB versevi des larmes ; les auures prient ; ceux-ci nous
conjura im^jjBirtfut de prolonger encore notre séjour
iT.
Digitized by VjOOQ IC
26«
parmi eux : « Nous avons d^à betucoiy jeftné , disaient
« ces braves gens ; mais nous saurons jeàner'enoore si vous
« restez quelques jours de plus avec nous. » Au moment
de quitter le rivage, il nous Ëdlut donner la main à tous*
encourager les hommes, consoler les femmes et bé4iir les
eofonts. Cependant une cinquantaine de chasseurs, rarme
au bras, se tenaient sur deux rangs, et dès que notre ca-
not eut levé Tancre, une détonnatkm de cinquante coups
de fusil annonça que nous quittions Témiskammg. |
« Ce jour-là le vent nous était contraire, et malgré tous
nos efforts^ nous ne pAmes nous rendre qu'à deux lieues
du poste,. Le lendranain nous atteignîmes les ^ntiue-Ar-
tage$^ ainsi appelés à cause de quinze rofiies assez rap-
prochés les uns des autres, où Ton est obligé de porter, à
travers les bois, bagage, provisions et même le canot.
Nouç r«içonirâme§ çp?uiiç ui) g,-4ûd lac dont les bords
%m\ , dk-on , visités en Wver par des légions d'ours. En-
fin , le 9 juillet , vers les neuf heures du matin , nous dé-
couvrîmes devant nous le fort tfAbbilibbi, qui semblait
s'élever du sein des eaux , tant est basse la pointe sur ta-
qoetle il est bâti. A notre arrivée , nous pûmes fiMJlemept
remarquer une grande diffièrence entre les sauvages de ce
poste etceuxdes forts Wffliam et Tànîfliomîng; car quoi-
qtfils fussent près d'une centaine réunis <knsoe moment, à
peine y en eut-îl quelques-uns, déjà chrétiens, qui vinrent
^ous saluer. Quant aux infidèles, ils semblaient nous fuir;
ce ne fut qu'au bout de trois jours, et après que nous
leur eûmes fait nous-mêmes plusieurs visites dans k«r$
cabanes, causant familièrement avec eux et caressant leurs
enfants , qu'ils commencèrent à s'apprivoiser et à se r»-
dre aux exercices. Ces Indiens , généralement plus gros-
siers que ceux de l'Ottawa, sont tous d'une voracité in-
croyable , ils mangent ou plutôt ils dévorent du matin au
soir ime quantité énorme de viandes et de poissons.
Digitized
byL^OOgk
261
« L^accueil que nous avions reçu ne nous promettait
pas de la part des Abbitibbes un concours bien empressé.
Heureusement, Tarrivée d'une quinzaine de sauvages de
Témiskaming qui venaient de Moose, fut pour la peuplade
une vraie bénédiction]du ciel ; comme ils devaient repartir
le lendemain, ces fervents néophytes voulurent tous se con-
fessar, et il fallut passer une grande partie de la nuit k
les entendre. Avant de s'embarquer^ ils assistèrent tous à
la Messe avec un recueillement admirable* « Voilà une
« troupe de saints , me dit un Canadien qui voyageait
« avec eux; nuit et jour ils prient ou ils chantent les
« louanges de Dieu. » Leur exemple produisit sur oeux
d'Abtntibbi un changement sensible. Dès ce moment»
nous eûmes la consolation de les voir plus assidus à tous
les exercices, et correspondre à nos soins avec une fidé-
lité parfaite.
« J'ai hâte de le dire, mon révérend Père, s'il reste en-
core dans ce poste plus d'une âme infidèle dont nous
avons à déplorer le malheureux état^ il y en a aussi un
grand nombre qui déjà font la gloire de la Religion et
Tédification de leurs compatriotes. Là , comme dans les
autres stations , on trouve chez les nouveaux du*étiens des
vertus qu'on ne rencontre plus guère ailleurs. Ils sont
surtout fortement pénétrés de la pensée des biens étemels ;
l'espérance d'une autre vie leur fait endurer avec beau-
coup de patience , et quelquefois avec joie , la faim , le
froid et tous les genres de maux auxquels ils sont expo-
sés. «Pauvres enfonts, leur disait un jour M. Moreau,
« vous êtes bien malheureux ici-bas ; je suis vivement
« touché de vos misères. — Gila est vrai , mon Père ,
« répondit une pauvre veuve , dont la fille est depuis
« longtemps malade ; quelquefois je suis tentée de me
« décourager et de céder aux murmures ; mais aussitôt
« je me dis : Eh quoi I je perdrais confiance en celui qui
Digitized
byGoogk
963
« a iant souff^rrpour me gagner le ciel ^ ei qui me ré
« compensera de tout ce que j*endure pour son amour !
« celte pensée me console, ei je prie ; et quand j'ai prié,
<c je ne sens plus mes peines. »
« Ces bons néophytes se laissent-ils aller à quelque faute,
ils tombent aussitôt à genoux , et ib disent : Tebmùmién
H ki nikim chawenimichim Kas$ia mawickm : O toi,
mon Maître , qui as été bUssé pour moi^ prendê pitié de
moi et pardonne ma faute. Le récit qu'on leur feraîl
de la pénitence des solitaires et de la pauvreté des religieux,
ne produirait sur eux aucune impressicm ; car b vie qu'ils
mènent est bien plus dure, et ils ne possèdent pas une obo)e
sous le soleil. Leur parle-t-on de la beauté des grandes
villes, et des avantages que procurent les arts et Tindustrie
aux peuples civiIisés,Hls ne témoignent quede rindifférenoe;
mais ils se montrent enchantés si on leur décrit la magni*
ficence de nos églises , la majesté de nos cérémonies et
Téclat de nos solennités religieuses. Poussant alors un
soupir , ils s'écrient : « Oh ! qu'ils sont heureux ]es priants
« du grand village (Montréal) l Que n'avons-nous de
« pareilles cabanes pour la prière ! Si nous pouvions imi-
« ter les priants de là-bas, dont tu nous parles sou-
« vent! »
« Du lac Âbbitibbi nous reprimes en toute bsite notre
direction vers TOttawa. Nous suivîmes ensuite le cours de
cette rivière jusqu'au Grand-Lac , à travers beaucoup die
difficultés et même quelques accidents; car il fallut fraa-
chir plusieurs porraflfe* pénibles et des rapides dangereux.
Ce que nous avions craint était arrivé : lessauvagesaui^-
quels nous avions donné rendez-vols ne pouvant nous
attendre plus longtemps à ce poste, faute de provisions,
s'étaient déjà retirés dans leurs terres de chasse; il ne
restait plus que cinq ou six Ëimilles. M, Ittoreau baptisa
une jeune fille qui se mourait; j'entendis quelques oon-
Digitized
byGoogk
9*3
ib^ions; [^dprès quoi nous partîmes pour Kanikevm^
nai&k.
« Noos y troavâmes huit familles indiennes. De ce noffri>
bre était celle du grand chef Kitié o Kima , qui , (^Mé
gn observation sur un petit monticule, nous regardât
Tenir* A pe^e étions*nous débarqué, quUl fut auprès A
BOUS. Ce Saehem était vêtu tout eu rouge ; il porOH i
son cou trois petits médaillons à Teffigie du dernier rtk
d^AngletaTe , de la rehie actuelle Victoria et du goufwr^
ncur du Canada', et, de plus, un gros collier de perles,
un chapelet et une médaille de rimmaculée Conceptel
de BIftrie. Les quatre premiers objets ne décorât ra pti-
trin^ qu'aux jottrs de paarade ; quant au chapelet et à là
médaille, il ne les quitte jamais.
« Kitié o Kima était accompagné d'un chef suballerttë:
Après qu'ils nous eurent tous les deux donné la main, iè
premier nous adressa ces psu^oles : «Vous êtes salués^
« nous, nos Pères les rches noires. Avec quelle impatience
« nous désirions voire arrivée I plusieurs familles de fltt
« tribu sont retournées dans leurs terres , quoi que j'aie
« fait pour les retenir encore : c'est qu'elles jeûnaient de-
« puis plusieurs jours ; et moi je jeûnais aussi , mais fàk
« voulu vous attendre. Nous ne serons pas seuls : il vies-
c dra bienldt d'autres indiens , quand ils sauront l'ârxiiée
« des robes noires. »
c En effet, les jours suivants, il arriva une dizaine
de familles; nous avions en tout, y compris les enlbfilB»
environ soixante personnes. Nous arrangeâmes sans àëm
h cabane qu'on avait dressée l'an dernier pour les es»-
dces de la Mission , et nous y plaçâmes une table qui aflat
servit d'autel. Par malheur, dès le lendemain , M. Msattm
tomba malade d'un excès de &Ugue. Au cinquième joar«
cependant, il put reparaître au milieu des sauvages ^ «t
leur adresser quelques instructions, ce qui les rempËtêê
Digitized
byGoogk
364
joie. Ces néophytes sentaient que nous avions peu de forces
et peu de temps à leur donner; et ils tâchaient d*y suppléer
par l'empressement et le z^e : nous devons dire qu'ils ont
profité de nos soins au delà de toute espérance.
« A notre retour, nous aurions volontiers passé quel-
que tanps à Bytown, mon compagnon et moi ; mais des
paires importantes nous appelant au lac des Deux-Monr
tagnes , nous partîmes le lendemain pour ce poste où nous
avons reçu , de la part des MM. de Saint-Sulpice, un ac-
cueil bien propre à nous faire oublier les peines et les fa-
tigues de notre long voyage.
« Je ne veux point finir cette lettre , mon révérend
Père^ sans remplir un devoir de reconnaissance envers les
agents de Phonorable Compagnie de la baie d'Hudson;
dans tous les postes que nous avons visités , ces Messieurs
ont eu pour [nous toute sorte d'égards , et nous ont
traités avec cette distinction et cette noble^Ubéralité qui
les canKîtérisent. ^
« Agi'éez, mon révà*end Père , etc.
« J. N. Laverlochère, MisSn 0. M. /. » »
Digitized
byGoogk
296
BxIraU d*une lettre transmise au Conseil central de Lyont
par Mgr VEvéque de Montréal.
HinioD dM TowMibps de l'Eit, 18U.
Messieurs ,
« Je me conforme à vos désirs en donnant quelqaesdé-
taiksur l'état de cetteMission, qui a pris un aspect si con-
solant, depuis surtout qu'elle a reçu la visite de son pre-
mier Pasteur. Ce qui m'a le plus frappé dans les Totm-
skips de.FBst» c'est raccroissement rapide des catholiques,
c'est le respect des protestantsen général pour eux et pour
kirs prêtres , et par ooatre-ooup le discrédit des minis-
tres, de ceux surtout qui sont le plus hostiles à notoe
«aiiite Bi^gioii.
« En effet, si Ton compare les anciennes statisticpies
avec le dernier recensement, on se convaincra qu'il y a
en notre Ëiveur augmentation de plus du double. Aussi,
les Américains eux-mêmes en font-ib la remarcjue :
« Comme votre Eglise grandit 1 nous disent-ils. » Pour-
quoi ce changement qui nous étonneP D'où sont venus
tous ces enfants à celle qui semblait stérile? — Pourquoi ?
les Missionnaires que Safîrandeur a envoyées parcourir ce
Digitized
byGoogk
366
champ désert, ont soaflDé, et bien des ossements arides
se sont ranimés à leur toix. U y avait des catholiques ca-
chés, qai relaient à peine par le souvenir de leur enfiuMe;
ils avaient fléchi le genou devant Baal , ils rougêsaient du
plus beau de leurs titres : la prédication les a rappdés à
leur devoir, et ils se sont montrés enfin tels qu'ils étaient,
tels qu'ils auraient dû toujours paraître.
« Plusieurs d'entre eux avaient même abandonné la
foi de leurs pères , parce qu'on les entretenait dans l'idée
que jamais ils n'en entendraient plus parler : ils ont été,
à leur grande joie, convaincus du contraire ; aussi i
chaque Mission avons-nous à enregistrer quelques re-
tours.
*
« D'un autre côté ceux de nos firères qui sont disper-
sés, sans temple, sans autels et sans prêtres dans les Etats-
Unis, viennent aussi se fixer dans cette partie du Canada,
attirés par l'espoir des secours religieux. Il est certain que
pour un grand nombre de familles , la cessatioB des IWb*
sions serait le signal du départ. Un jour, nous rencontroM
un Canadien qui déménageait. — « Pourquoi partir, non
« anil — Que vouies-vous que je fusse ici sans préMf
« Je ne veux pas vivre comme un païen. — Comeieiil
c donc? — Ibis on m^ dit qM. vous ne reviendriez ptae^
« et j'ai démonté ma maison. — Alors, vous pouvee la
« remonter, car vous aurex toiiyours des Missionnaôres. »
Et il s'en retourna content. Des faits semblables se («6-
sentent tous les jours. Cela prouve combien avait raison
ce membre du Pariemeni anglais, qui disait que le sari
moyen de coloniser les Towmihps, était d'y bâtir des
églises catholicpies, et qui engageait le gouvernement à
en faire la d^p«D8e# .
« Néamsrini cette partie du psjs est encore en majo^
Digitized by VjOOQ IC
»7
liié protailMito. QatMm ea sont les iqbsods? O» pré- ^
tead que la Grande-Bretagne, par soite d'une déiance
iojuate envers les Franca-Canadio», à qui deux fois die
a dà la cons^rvalion de cette colonie, a voula les en-
tourer d'une ceinture anglaise, que pour cela die y a
domé asile i des Loyalietes aoiéricains , ei ensuite y a
Yersé le surplus de sa population. Lai^e anglaise, rdi-
gien protestait, pays montagneux, il n'en fidlaic pas
tant pour éloigner le Canadien des TmMuihpt^ surtout
quand il s'agissait, pour aller s'y fixer, de quitter sa grande
rivière qui est son orgueil et sa vie.
« Htds il ftttfinit de éoo amour peur son doeber et
peur la.maisoaottil a pns naisHuu». L'Américain n^apas
et fidDiHe; sa patrie est le lieu où il peut foire une for-
tune rapide. Pour le Canadien c'est dÛRSrent ; il sera in-
tnépkie TOyagear tant que vous vradnez; vous l'emmènerez
jusqu'au détroit de Bérbing j mm ne lui erietrez pas Tes-
pérancede revenir au foyer paternel. Autrement, comment
pottvndthil se readre àla taUe coramone, où tous les en-
iurn, qsd que soit leur Age, doivent venir s'asseoira la
«mveHe année, après avoir reçu la bénédiction du chef
de fanuUa? Usage tonehinl et pairismal auqud tout Ca-
mdiea se ferak un scrqpple de déroger 1
« Dpos oeadcmiers tvnps, les trodUes politiques joints
an amées de disiKc, oot détemné une émigration
pbtt oonsidénMa; il a bien foUu quitter le pays natal;
nais il était trop tard. Qaelqaes OMioea piua tétoneèt pu
être propriéiaire iwlépaidiutt sur les terres oà Ton con-
sentait às^enlcr; joaûntcMiBi on eara journalier et nadanft.
Ha là leirisie ém dee Miiaew canadisnnes dans ks
IVwmi'ifi de TBat^ tans que la IVo|n«atîa»4e la Féi n'^
pu dernier les moyens d^y pourvoir. Des gens qui étaient
Digitized
byGoogk
268
allés y diercber un morceau de pain, étaiait km de pou-
voir bâtir des églises , les orner et soutenir des prêtres ;
rOSuvre a dû faire toutes les dépenses. II est bien néces-
saire que ses secours soient continués et augmentés même
pendant quelque temps. Alors les pauvres catholiques ,
sûrs de trouver des Missiimnaires , accourront en foule au-
près d'eux pour y recevonr les consolations de la Religion,
ou pour s'y fixer détinidvement loin de toutes les séduc-
tions de Thérésie , et ainsi se formeront des paroisses qui
poiûTont un jour se suflire à elles-mêmes.
« Maintenant veut-on avoir une idée de la manière
dont s'exerce le ministère dans ces ècmtréesP En été, il
n'y a rien de bien saillant : deux Mis^nnaires, un pour
chaque langue, partent munis de tout ce qui est nécessaire
pour dire la Messe ; ib stationnent phis ou moins long-
temps dans chaque poste , et reviennent après une tour-
née de cinq ou six semaines.
« Mais en hiver, c'est un peu plus accidenté : voyagm*
par 25 ou 30 degrés Réaumur, en voiture décoKvene, ne
paraît pas trop réchauffiuit au premier abord. C^peâdamt
rien de ph» dâideux. Vous avez vu quelquefois , au
moins en peinture , ces gentils petits Lapons, traînés pm*
des rennes aussi rapides que le vent; à la place du renne,
mettez un petit dieval du pays qui lutterait presque avec
lui de vitesse, exce^ dans nos numugnes, et vous aurez
le voyageur canadien à travers les nages. On l'encapu-
chonnc bi^ ; deux ou trois manteaux , une peau d^ours
quand on l'a, deux ou trds paires de chaussures «pii dé-
passent le gencm , ne sont pas de trop; on met sur la tête
une grosse casquette en fourrure , appdée cascpie, sans
dottteàomsedesaforme^deaoDvdume, et par-dessus
le casque un bon capw^on, partie obligée du costume
Digitized
byGoogk
269
d'hiver. Puis un diAle eiiYelopi)e le cou , le menion , la
bouche et souvent le nez ; de sorte qu'il ne parait que 1^
yeux ; encore si on n'est pas curieux, et qu'il poudre (1),
on fera fort bien d'abattre sa visière. Il est même des
personnes qui portent des masques.
« Boni nous voilà partis ; nous aHons voler. — Pas
rite : une rencontre I Quand le chemin n'est pas plus large
que la voiture^ et qu'à côté il y a quatre ou cinq pieds de
neige molle , une rencontre c'est la croix des courses d'hi-
ver. Alors il faut patauger là dedans^ hommes et che-
vaux ; heureux quand vous ne tournez pas sens dessus
dessous.
« Mais nous ne rencontrons plus personne; tout va
bi^ all^ au moins cette fois. — Attendez ; voilà devant
vous de lourds attelages qui font une lieue en deux heures;
quand vmis en feriez six dans le même espace de temps^
il Êiudra que vous preniez patience jusqu'à ce qu'il plaise
anx diemins de s'élai^ ; en attendant , vous languirez
une demi-journée à la suite de ces voilures.
« Enfin les voilk passéesl nouvd obstacle : cfesi un lac
qsi TOUS barre le passage; on ne le traverse plus en ba-
team, mais il n'est pas certain que, sur cette glace douteuse,
on poisse le frandiir en voiture. Il n'y a pourtant pan
(1) « Je dosie^que tom tmatiec te mot daas veCre Dietiomire.
Tons ^MUMkicf leTCBt brftUatdvdéiert , les siUet qv*il faH toarbiUoii-
■er ; nettei 4 la place m^ Teat glacial et âne neige extrêmement fine, qui
pénètre partout , et tous ares ne idée de la fouànrU.
Digitized by VjOOQIC
270
d'aulre mojm* En avait donc I Covetté co^er. Quels cm-
qnemeiitsl mums-aous; il n'est pas bon de bwe à la
glaoe en ce temps-d. Et poortant je connais qodqu'un
qui, au mois de janyier, a vu loi manquer ce plancher
trompeur, et sa voiture se changer en bateau ; il est resté
là demi-heure , et peut-être y serait-il encore si une main
charitable n'était vewe l'en tirer.
MANIEMENTS Ef N0UVHLL2S.
La main des Evéques ne cesse pas de nous bénir.
Mgr de Lvçon ^, à difirentes époqutt, avûtdi^ i«-
commandé l'Œuvre à son dergé par ^patre eiroslairèa
spéciales , vient encore d'en feire Tobjet d'un nouveau
Mandement adressé à tousses fidèles; Nosseigneurs de
Troyes et de Gap ont voulu signaler leur entrée dans ces
diocèses, par des paroles d'cnconragement pow l'Associar
tion. A ces augustes suffrages nous sonunes heureux de
joÎMhre œox deNesseigneurs les AnBhavéfOâS d'Avignon
«l de Novarre (Piémont), des Evéques d^AIbe ^émom), '
de Massa (Mod^e), de Périgueos^ de Yerdiuit dfî ff^W
Digitized
byGoogk
cl ds Valence ; Hgr RidÉaixl-PMriA SoOih, Mqae
dtNyvpe, vicaire aposudiqoe des Antaies anglaises ec
«laioises, a daigné publier aussi dans le néme sens une
faHmclicMi pastorale. AinsirŒuvre se soutieitt et poursuit '
saaission, aj^yée sur la reoonnaissanee*des chrétientés
UntaineB, sur la prière dei martyrs et la protection
dttomrSpiBa^t.
Mgr Borghi , dont nous annondons le départ d'Europe
a y a près d'un an, est arrivé heureusement à Agra, le
17 janvier dernier, avec la nombreuse colonie qu'il em-
menait dans son Vicariat apostolique.
Huit prêtres du séminaire des Missions -Etrangères
tiennent de s'embarquer à Bordeaux, sur un vaisseau
qui va en Chme : quatre s'arrêteront à l^fugapore , les
«itres iront jusqu'à Macao. Les quatre premiers sont :
MM. Labbé, du diocèse de Verdun; Lamaudie, du dio-
cèse de Cabors ; Daniel , du diocèse de Quimper, desti-
nés pour la Mission de Siam; et M. Couellan, du diocèse
de Vannes, destiné pour la Mission du détroit de Malaca.
Digitized
byGoogk
2T2
Les quatre aiUres sont : MM. Castex , da diocèse de Tou-
louse ; Dagobert , du diocèse de Bayeux ; Pidion , du
diocèse du Mans ; et Le Turdec , du diocèse de Saint-
Brieue. Le premier est destiné pour le Tong-King; ks
trois autres seront à la disposition du procureur des Mis-
sioDs-Etrangères , résidant à Macao , qui les enverra dam
celles des Missions qui auront un besoin plus urgent d'oo*
vriers apostoliques.
Lyon, Impr. de J. B. rtuoAtr».
Digitized by LjOOQ IC
273
MISSION DE L'ABYSSINIE,
Lettre de M. de Jacohis , Missionnaire italien , de la Con-
grégation de St-Lazare^ et Préfet apostolique de l'Jhys^
rinie, à M. Etienne^ Procureur-général ( aujourd'hui
Supérieur général ) de la même Société.
Aioua, 18 juin 18 'é3.
« Monsieur et très-cher Confrère,
«
La grdce de Noire-Seigneur soît toujours avec nous,
c Vous savez que la guerre qui nous fut déclarée
par révêque cophte , dernièrement arrivé d'Alexandrie
BOUS avait obligés à nous séparer, afin de ne pas attir
rer sur nous sa colère. Aujourd'hui , cette colère est peu
redoutable ; impossible de dire dans quel discrédit il est
tombé. Si fen crois des rapports auxquels f attacha
tome confiance, il serait déjà question de le chasser du
TAbyssinie. Ras^My^ qui à présent remplace Tempe*
reor, ff^aisaro^ sa mère, Timpératrice , et d'autre
grands personnages aturai^nt résolu de s'en débarrasser ;
lei plus graves accusations pèsent stir lui , et entre aiitces
TCV.xTn. lOl.^mLunr it4s. U
Digitized by LjOOQ IC
274
choses j.ùa hii reproche d'être favorable à la croyance des
protestaau f lesquels s(Hit mal tus de nos Abyssins.
c En même temps que la Providence abaissait ainsi le
pouvoir désolant de Tévéque hérétique , elle Edssut
grandir l'influence de FÉglise d'une manière si sensible,
qfie.M. Sdiimper, naturaliste allemand et protestant ,
en a été frappé. Ce savant, en abjurant ses erreurs pour
entrer dans le sein de l'unité, est lui-même devenu une
de nos plus grandescansdaitoiis : mb zèle est admirable,
sa piété touchante. Une conversion si remarquable a fait le
désespoir des ministres de la prétendue réforme , tout
récemment venus dans ces contrées.^ — ^M. Schimper sem-
ble aujourd'hui fixé parmi nous; il vient d'épouser une
dame catholique d'Âbyssinie.
« On m'assure qu'à Gondar ou demande avec em-
pressement un Evêque catholique. Nous avons déjà dans
cette ville une espèce d'école ouverte aux enfants et à
toute personne qui désire se faire insuwe dans la foi ;
le catalogue où sont inscrits les noms de nos catholiques,
permet d'en compter trente-sept ; nous errons rece-
voir bientôt dix autres abjurations.
« Ce ne sont là que de faibles commencements; mais
nos espàranœs sont grandes* JiHi Gchtmuh AtiCrefoîa
emporeur^ aime beaucoup notre foi ^ et protège les ca-
tholiques qui jouissent dans VHamara d'une parâûte li-
berté. U nous j^met des églises si le bon Dieu lui repd
Fempiré. — Tous les cie/lera, c'est-à-dire nosbooimes
d'étude et de science , lesquels jouent ici:le mèocie xtAt
foe les scribes de l'Évangile, sont peu éloignés» °?H* <^
en* de prodamw publiquement la cooyance eathoUqoe;
et c^estun bruit public dans tout le royaume Hamarirpift ,
que dans le temps qu'Oubié envoyait en Eur oy^demander
un évéque au jpatriarcbe go|^, oa eanitaquiétait ku^i-
lempt demeoiHi «u dé«srt da Bajfiiila» pràa de^ Gek
Digitized by LjOOQIC
275
ba-Bgim^ pAut à Gondar, disant qu'un mauvais évé-
qite Tiendrait en Abyssioîe , envoyé par les^Cophres;
qu'après lui , un autre évéque serait donné par Rome ,
et que ce serait t'époque où l'AbjfSsinie deviendrait ca-
tholique.
« Après cette suite non interrompue d^événcments qui
sablaient devoir renverser noire Mission naissante , et
dont te ciel a- fait pour nous autant de moyens de salue ,
nous croirions nous rendre coupables d'ingratitude, si
nous Hietticuis en doute la protection de Marie conçue
sans pécbé tant de fois invoquée par nous ; aussi la petite
bsûlle catholique que le ciel nous a déjà donnée, ne cesse-
t^lle de prier cette tendre mère pour le succès de nos
irai^Hix aveeune piété si touchante que souvent nous ne
pouvons retenir nos larmes.
« Voyant aiqsi ies^ feuilles du figuier apparaître, nous
mom oonpria, selon: la parole de Jésus-Christ, que l'été
approchait, et qu'il nous Ëiudrait bientôt sortir )[>our nous
Uvrer aB& travaux, de la moisson. Afin de nous y prépa-
rer , nous nous étions réunis dans les,hoit jours qui pré-
cèdent la P^ecôte pouv vaquer auK e^reices de notne
votraitespîriliiâDe* Ce fiit pendant ces saints jours que nous
riQàmtti la uouivdle de J'approche du roi Oubié et de soft
armée vietflrîeu^ de tous; sesennenns. Noire retraite ter-
ottoée , nous vms hâ^ùones de nous mettre en roBte pour
aBerleiFoir.
« Ce pânce avait plaoé son: camp à jéufié^ avec Fin^
leniîoft d'y passer l'hiver : je vous épai^gnerai le récit
de» détailiL de moa voyage; mais je ne pois m'empfcber
dftwuft.<yre quelques mots sur les remarquables mos-
tagnes que Ton rencontre sur la route ; on les appelle ici
Jmba; il est comme impossible de ne pas voir, dans ces
ii^poeantei constractioQS de la pâture, autant de places
de refuge (Hréparéea par la Providence^ afin d'empôebor
18.
Digitized by VjOOQ IC
276
que la guerre toujours allumée dans ce pays ne détruise
pomplétement la nation éthiopienne qui me semble des^
tiuée à de grands événements religieux, j^thiopia prœ^
veniet manus gus Deo (1). Figurez-vous des masses énor^
mes d'une pierre d'argile , ferrugineuse , couronnées par
un plateau de quelques milles carrés d'étendue , d'où Ton
peut dominer les villages voisins : on croirait voir des
cbdteaux bâtis de main d'homme; car ces blocs immenses
sont régulièrement coupés dans leurs contours, et ne
laissent dans les précipices qui se trouvent à leur base
qu'un étroit passage très-facile à garder. — Nous vou-
lûmes monter VJmba Bwrhairi(jsx(mVè$ùià de poivre rouge)
que nous avions trouvée sur notre route , et qui est une
des plus remarquables du Tigré ; mais des paysans qui ne
nous connaissaient pas , armés de pierres formes , nous
rarent bieniAt iait renoncer à notre projet.
« Nous sommes restés quatre jours au cunp du roi
Oubié , nous avpns été parfaitement accueilUs et par loi
et par son armée ; notre urrivée a même tsnàié une^n^ande
joie ; les cadeaux que le Souverain Pontife a envoyés à œ
prince , ceux qui lui sont venus de la part du rc» de
Naples , les récits qu'il a entendus de la bouche de vingt-
Irois Abyssins qui revenaient de Rome, sur le eano-
tère divin du successeur de saint Pierre, le tenaient dsms
une espèce d'extase qui partageait son cœur entre l'admi-
ration et l'amitié. Une fois la saison des pluies passée ,
il doit nous donner tout ce qui est nécessaire pour nous
établir définitivement dans l'Abyssinie. Peut-être poor-
rons-nops alors ( c'est là du moins notre projet ) réarfr
un certain nombre de catholiques abyssins, pour former
{1} L'Ethiopie t'onpreitMrt d*tfi«idr« fCf maïnf vert le Seigaevr.
<F».67.Sa.}
Digitized
byGoogk
277
me cbrétiaitésiir le modèle de ces réduclkMis deveones
si célèbres dass riiistoire du Paraguay. Pour le moment
nous sommes réduits à attendre le jour marqué parla
Providence , et nous nous condamnons nous-mêmes à
une espèce d'inactivité , bien résolus de ne faire autre
diose que ce que Dieu veut que nous fassions ; mais nous
sentons le besoin que nous avons d^étre aidés continuel-
lement par les prières des catholiques d'Europe, ù qui
j'attribue les succès que le bon Dieu daigne accorder à
sa cause. Aussi , avant tout, nous supplions ceux qui ont
du zèle pour la propagation de lâ foi , de ne pirs nous
priver du secours de leurs prières ; qu'ils invoquent sou-
vent en notre faveur le nom sacré de Jésus ; qu'ils re-
commandent à Marie conçue sans péché notre pauvre
Mission : c'est sous la protection de cette auguste Vierge
qu'elle se trouve heureusement placée. Voilà le genre de
secours que nous réclamons avant tous les autres ; plus
1 jird , nous serons obligés de bâiir et d'orner des églises ;
de là naîtront d^autres besoins , Ton sait ce que deman-
dent de pareilles entreprises.
« P. S. Massovrah. — Après le bon accueil que j'ai
trouvé auprès du roi Oubié, j'ai pu enfin sans danger
m'éloigner de lui pour m'occuper des intérêts de la Mis-
sion. Je me suis mis en cx)urse avec l'intention de cher-
cher dans les environs de Massowah un endroit propice à
rétablissement d'uncx)Ilége. J'aurais des nouvelles pleines
dJintérêt à vous communiquer ; mais les chaleurs exces-
sives du mois de juillet dans ces contrées me rendent
comme impossible un travail de longue haleine. — Je veux
seulement vous dire en toute hâte que le bon Dieu nous a
amenés dans l'endroit le plus beau peut-âtre de l'Abys-
smie. Là , nous avons trouvé dans le désert du Samha$
rl^x ermites qui avaient la direction spirituelle de trois
difétientés inconnues et très- vas tes. Ces ermites, que la
Digitized
byGoogk
278
grAcaArameBÀàUfoi caiholiqoe» nous oMcnt le poêle
qu'ils oocapeot dcl«ellfiiiieiit avec leors tmifieiises terrains
presque tous déseris , mais diannaats et fertiles^ ib nous
abandonnent en ontre k direction spirituelle de kurs
chrétientés. Ce pays est complètement indépendant, et le
plus convenable peut-être de toute TAbyssinie pour Té-
ducation des jeunes gens.
« Je suis , etc.
« De Jagobis , prUre de la Mksion. •
Digitized
byGoogk
279
Lettre de M. jintoine d'Jbbadie à M. le Comte de
MontaUmbert, Pair de France, etc.
Saka daoé Ewrya , ce 19 octobre ïBiZ,
« Mon cher Ami,
« Vous (tocbem m wa sur les canes le nomduliev
4'où je vaii»écris,ll^t«lUiésous tea8 dngp^ osM mi
de latitude oord, et peu à FestdaiBéridieB de JénisdeoK
En y vennt j'ai tm umempUr le plus gnoid devoir d'm
vejratgeur : si j'ai mal fiût, je sois peal-étre eMmsàble, car
fêtais «eol , et n'avais peraoBtie pour me conseiller. Mais
trt/e de paroles; éeoutez et juges.
« D'après uti fdan tf 4la4ss ft^^nMeet tpi'il n'est pas
domié à UB^seal hoanais de terminer , je m'étais afpUqoé
à la oonnaissanœ dss langues de la Hattte-*Btbiq;Me,paje
ÎBOonMi au monde civilisé depuis le iwjAge ém Père àa^
toiae Femandex qui fut plus Iwarenx qne moi. Âveelea
hagoes f apprenais bitn^des détails nénb sur oes coDtvéea
înoommes : feateodais idire par dès mnsulmans et àm
psiens quelam^^orité deJaHant^-BtUopie eit^teétiaoaei
mais privée 4]e prêtres depuis près de 300 ans. Je parbia
le gaUa conramme^iy je savais un peu de godama^ j'a
Digitized
byGoogk
S8«
nne kmgue habitude de] la manière de voyager dam ces
singulières régions; Je me disais que le soin d'explorer
des contrées nouvelles sous le rapport de la Religion, est
moins le devoir du Missionnaire que celui du chrétien
voyageur; que s'il m'arrivait quelque malheur dans mes
courses, mes amis de France parleraient de* moi pour me
I^laindre et non pour me blâma*. Toutes ces idées
m'avaient engagé à retarder encore d'une année mon
retour dans ma famille, auprès de laquelle m^appelait un
autre devoir peut-être plus impérieux que celui qUi m'a
poussé ici.
« Je me mis en route au mois d'avril dernier , et tra-
versai deux déserts effrayants par les meurtres qui s'y
commettent journellement , mais qu'il est facile d'éviter
quand on connaît d'avance le pays. Dans le Goudron ,
|tremier pays galla que nous foulâmes, se trouve une nom-
breuse population chrétienne. Choumi-Metcha, l'homme
k plus riche du pays^ et oramoy c'est-à-dire païen, me
ffitiat quinse jours diez lui, et malgré l'ékHgnesient de nos
moears, nous devînmes amis. Je lui demandai plus dhme
kmjce que ses eompatriotes feraient à un homme de mon
pays qui viendrait les bénir et leur enseigna* la foi du
Go^m (pays chrétien de l'Abyssinie) I « Nons^ le ferk>ns
« asseoir à notre foyer, me dit-il, nous le défendrions de
« notre lance. Pour moi le ciel m'a&it riche, je lui donnerais
« une jolie terre, une maison et des esclaves, é — Un autra
Goudron me disait : « Notre pays est devenu si riche et si
c peuplé, qâenonsne tarderons pas à nous choisir un ioi ;
« nous aurons aussi à opter entre Tislamisme el l'Evan-
ftgtle'; car la religion oromo ne nous suffit pas. Nous
« penchons pour votrefoi; les musulmans d'Enaiya sont nos
r ennemis. » En quittant le Goudron, nous entrâmes dans
Djomma, pays oromo où il y a aussi des chrétiens. Il en est
de même de Lofe et de Leka. Dans ce dernier pays un
Digitized
byGoogk
S8t
gnerriar vint ua jour déposer sa lanœ et son bovdier à
mœ pieds, puis me moatrant son maiet (cdlîer porté par
les chrétiens seolemeot) il Me dit: «Mon nom est WaMa
€ Mikael (fils de Michel) ; j'ai un fils déjà grand qui n'a pas
« ene(Hre été baptisé; je voudrais i'envoyar avec vous au
€ Gojam pour ai^prendre vos livres et la manière de trouver
« le jour de Pâques , car nous n'avons pas un prêtre cbes
« nous* » En admirant son haireuse physionomie , je ne
pus m'empécher de dire tout bas ces paroles d'un saint
Pontife qui voyait pour la première fob des en&mts an-
glais, picore païens, dans le mardié aux esdaves de
Rome (1).
« En sortant de Leka nous avions un dés^t à tra*
verser. Prévoyant les obstacles qui m'arrêtent aujourdlmi,
je voukiis passer par Gomma, «lais cela n'était plus pos-
sible : trois Gallas» dont un enfant, voysfgeurs comme
nous, venaittit d'être massacrés à nos c^tés ; nous entrâmes
dans Enarya comme en un lieu de refuge. Deux journées
de marche dans un pays sur et florissaint nous menèrent
jusqu'à Saka, demeure d'Abba-Bagibo, musuhnan et Hri
d'Enarya. Malgré les primes offertes pour l'apostasie , il y
a encore ici ime quarantaine def familles chrétiennes. Abtar
Bagibo n'a pu attirer à lui que vingt familles les phis
paiivres et les plus faiUes. Les cent soixante ou eau
quatre-vingts chrétiens qui restent, vivent à part conittM
des proscrits : voici venir la quatrième génération qttî
n'a pas vu de prêtre, et les gens riches sont obNgés d*en-
voyer leurs enfents au Gojam pour les (aire baptiser ; ter
(1) « Fout-il , s'ëcrio Grégoire en soupirant, cpio des crëatures iUJfifti
« belles soient sous la puissance du d^mop!... (V, Godescard , Yn d*
Mmt Grégoire !• Grand. ) A>^e 4u U.
Digitized
byGoogk
S8S
feft EtUopicBs, coomie viHisttvaK, oroient à tort ^ue le
hf^itme Be peut é»e Bàaànmé par od lak. C'est
im vrai mirMle que la toiii jwti pciifaénmce de ces mat*
beoreux ; mais ce n'est pas tout : à câté d'fi&arya est Mona
oi les durétiens sont fort nombreux (près de trois ceats
faflx.) L'un d'entre enx, guerrier benreu, aacqrô une
frande prédominance dans Noua ; il est assez instroh
p^r calcnler le jonr de Pâqoes. Om le ^t célébrer avec
ses cordigiomiaîres toutes les fôtes de TégUse abyssine ;
mms depuis près de cent ans Noaa n'a pas de prâtre, et
piis«n deees chrétiens n'a été baptmi* Je n'ai pas de
renseignements sur les fidèles de Gouma et de Bjomma,
pays limitrophes de ceka-cL Géra près Djonmia «st un
petit royaume indépendant; il renferme beaucoup de chré-
Cieas et un prêtre. Non loin de là est Motcha, pays à lan^
gpesodoma, ^»te, froide populeux, rempli d'alises «i
ddchrétiens. Ces infortuasés, qui n'ont p» un seul nriaislre
de Dieu, mènent tous les dimanches lews enfiants et lem*s
inanpeaiix aolonr de kurs églises, ^ crient à lue^tôte :
isNotts t'invoquons^ ^ Marie 1» A Test deJCafaon r^-
eontre huit à dix petits rogranmes indépendants, dont les
principaux sont Walama et Koulto. Us ont une langue et
use. éoiuire à part, et se disent aussi chrétiens; mais on
les vittie peu , et les musulmans qui m'oirit s^enseigné
sMfent peu de chose sur leur reUgion,
« A cinq petites jenmées d'ici , au delà dn fleuve
Cndjab, est Kaia , royauaoe si grand, qu^oa met trois se^
maines à le a*averBer« Cest là que se réfaigîèrent , à l's^-
proche des Gallas , les populations chrétiennes de race
sMama qui occupaient tout le pays compris entre le 7*^
et 10^ degré de latitude. Ce royaume est tout entier
dirétien. li y a deux ou trois ans, des envoyés de
Kala parvinrent jusqu'à Gondar , et engagèrent forte-
ment l'un des prêtres de la Mission apostolique à les
Digitized
byGoogk
aeconpagaér chas - enu Mais 1t cHsMioe à pariSMrir
éfiaîc eoBsidérible; h Mksionéudt esvoyé^M iîi^fliiie,
et non au Kafin; la pradeace ^ te devoir 4iotèfeBi un
refus positif*
«En panant pour ces pays faim BoiDsàfiiire pour la
stïieDce que pour leaaooès d^na aasilon à^^eoir, dont je
croyais déj4 ptétpÉanr les fines. Je Toaliis approdKir de
Kafa auiaut^iue possible, atje deniaBdaî à ilbbsnBa^to
la permissiop €t*y alleri, afia de m'arréterdanaDjamna, «et
de prendre tontes sortes de reosdgneaieBts -miprès des
gens de Kafe ^ de KoiiNo> qui vianiient -mx nuBchés ^
€ep:iys. Âbba-^agtbo nie pendit avec «ne affabttitéiqd
me trompa4*abord>'4ae.«laaaismdasplaieséiaitaiMnvaiaa
pour un v<^agenr; qu'il idlait procbaîoenienteiifoyér «aa
nombreuse ambassade pour reoevoir la fiUeda roi de KaAi
qui lui est promise en naariage, cft qne j'irais en màM
temps en «aute s&l^té. Je vécns ici trois mois sur c0|le
promesse. J'ai su dep«ns >pa« la waie cause de oe long
délai. Le roi d'EnaryamiRut vendu Jèrt cher an une antre
cenaottUe le passage 4Vmpréu« atqfasin; aujourd'hui il
espère échanger ma persontts & des cotiditions beanooup
plus avantageuses. Les gens de Kafa raisonnent avec wm
simplicité qui lût nson nudbanr 4 auprèa de ve«s die pro-
voquera plus d'un aoorire : «tîet étrwigor n'a jpas 4e
« femme, donc il est un saint ; il sak lire» donc 11 est
« ]u*éire ; il est blanc, donc il est^éqae, «t pomrra aacivr
c lesprétres dont notts av<Hi8 tant basons^ » — Le nné
roi d'Ensurya aearMiie oeeta abgtlièra t^ion , car elle
tend à (aire «mplk* ses trésorsw
« De mon «AtA ai j'étais prAtra, je aliésilirais pas
à nTenterrer vivant dana Kafo; car tont «in pcapie m\tp-
pelle, et demanda à être instruit. Ifaia, dans asa posî^
tion, qu'irais-je 7 cbardiarP « ja tefose de béwr et de
sacrer, on m'en Imt nn crima ; asalgré aœs proie»*
Digitized
byGoogk
S84
tAiîoM on ne m'en retiendra pat moiM, et si mes rares
leciffèl parvieaBent jamais de Kab en Europe, quel Mis-
sBtaBftire osendts'aventiirer sans de longues instmctioDs
qu^I n'est guère possible de donner par écrit?
En arrivant, j'annonçai Hntenlion de m'en retourner
avec la caratane du mois de novembre ; cette époqne
approche, et Abba-Bagibo refuse de me laisser partir. II
me reste un seul espoir, c^est qu'en me cramponnant ici et
prévenant mon frère que je laissai au Gojam , je pourrai
Dure arrêter les mardiands musulmans qui font le com-
merce entre Mousiamwa et Enarya. J'échapperais alors,
car ce pays vit uniquement de son commerce avec l'Âbys-
sîaie. Si mon frère est retourné en Europe comme il en
avait l'intention, j'ai moore une ressource auprès de
Fagent consulaire de France à Mouszamwa; mais sans
doute il n'osera pas friire ce qui est très-légal dans
toute l'Ethiopie , où l'on arrête à chaque instant des
marchands et des voyageurs pow se foire rendre un
fompatriote ou un ami. Kafo vit principalement du eom«
merce avec Choa; ainsi l'influence de Mouszamwa serait
ncrile pour me délivrer, si j'étais une fois entré dans
Kafii.
« J'ai beaucoup parlédemoi dans tout ce récit pour vons
faire semir combien serait belle la position d'une Mission
dans Kafa. Cinq ou six prêtres feraient bientôt oublier le
shigulier usage en vertu duquel on veut me retenir , uni-
quement parce que je suis seul, et qu'un homme qui sait
quelque chose est regardé comme trop précieux pour êtwe
jamais renvoyé hors du pays. Je vous prie d'appeler l'atlcn-
tidn des supérieurs ecdésiastiques sur tout cerî. En Tigué
les Missionnaires sont reçus avec indiffisrence , à Gondar
avec défianoe; au Gojam où ils n'étaient pas encore allés
Fan demi^, on les interrogerait avec curiosité, car le
Goîam est resté fervent. Dans Ka& la religion est asses
Digitized
byGoogk
386
tombée en oidi>li, faute de prêtres » pour qu'on ignore
toCâlenent les dîsinolioM qà i^parest eiindieorrase-
ment Féglise abyssine de celle de Rome. Qu'il soit oanon
possible d'y envoyer une Mission, ces nouvdles sont aqef
importantes pour que j'aie dû vous les écrire, et vous in-
viter de rendre grâce au Très-Haut qui a conservé jusqu'à
nos jours un reste de la vraie foi dans le centre de
l'Afrique,
c Je suis, etc.
« AiifTomE n'AiHUDiE. »
Digitized
byGoogk
26ê
MISSIONS DE LA CHINIU
VICARIAT APOSTOUQUB DU KIANG-Sl.
Suite de la lettre de M. Laribe, Missionnaire apostolique
de la Congrégation de Saint-Lazare , d M. Martin ^
Directeur des Novices de la mênw Société. (Voir le
numéro précédent, p. 207.)
« Le lendemain, nous eûmes le bonbeur d^appareiller
avec un assez bon vent pour continuer notre roule vers
HafhKéoûj distant de neuf à dix lieues seulement. Avant
la moitié du chemin» le vent avait d'abord cessé; il
reprit bientôt, mais contraire à notre direction : heureu-
sement nous avions à faire à des gens déterminés, bien au
fait de notre positicm et qui ne redoutaient pas la fatigue
du vograge. Deux de mes petites malles avaient édiappé à
notre désastre; mes compagnons de voyage avaient été
assez heureux de leur cAlé pour sauver celle qui conte-
nait leurs vêtements. C'était comme un présent du ciel
Digitized
byGoogk
387
daaatette cir^niianoek Las hdrits dont mm éUoQs cetn
^lerts émîait eiiaovebaiilideB; (Faillenrs, fiotre séfonr
éàm le ElmhPé^ o& nont a vioiis ft prendre les informations
dftfûdndéea^diBvâBt durera» à sepc mois, an rapport de
Mgr RaOMQox lui-iiièBie, et eda pendant la saison ia pins
ngoarense, cette demiire ceseonrce noua devenait d'une
■écesaité indiapensaUe.
« Nos yeux cherchaient la terre qnand ib rencontrè-
rent enfin, sur la soir, l'imposant aspeet de Timmanae
forêt de mâts, dont les cimes innombrables commencent
à s'élancer du milieu du Kiang, cfest-à-dire à deux on
.ifois lieues au-deaaoua de Oùr-Tthtmi-Smg^ BanrYm^r
Foû et Han-Kém^ trois grandea villes cjpû > à cause de
leur proximité» ne semblant en former (jpi'une seule» La
nuit était déjà obscure lorsque nous parvînmes à l'endroit
du fleuve où il est anti&rement couvert deees navires et
embarcations de toute grandeur, de toute forme, et
▼eous de presque toutes les provinces d'un si vaste empire.
Se ne crois pas qu'il existe au monde de port si fréquenté
que ce lieu. Du reste, il passe pour le pbia QMBaMVÇàsn
dotpaysi» NousanttiamdBUBiiBadescYoiaaqiHy smto»-
varies, espèce de mes bordées deadetnt oOté^ de boutiques
flottantes; et enfin, vers les dix ou onze heures du soir,
dégagés, non sans une peine extrême» d'un si long et si
difficile bbyriothft^noua arrivâmes, sana antre perte qœ
cdledtt tempsi à notre débarcnière qpe je omyaîaàtort
le terme de nos nudbem»
« Tchénq-SiÊÊ^oàmi deaondit aossiiôt à teire pour
prévenir leaebfétiens de notre arrivée; ne le voyant pas
devenir, je me doutai de quelque mauvaise aventure, et mes
soupçons furent bientôt fortifiés par l'abordage d'une
bai^iue qui vint déposer auprès de la nôtre trois hommes
et uai^finnaia* Le bnteliar» emré dans ki viUe, se mit à
Digitized
byGoogk
388
crier aux porte-bis ec aux curieux qui , à cette heure,
eacombraieiit encore le quai : Ce sout des khi-têôy^ (1)
dont le mandarin vient de 6ûre la capture. Bien que
je n'eusse pas entendu nomner la rdigion chrétiennet
(J%m-Tchu'K%ao)j j'avais, malgré cela, un td pressen-
timent qu'il s'agissait d'elle qu'un premier monvement de
terreur s'empara tout d'abord de mon âme. «Eh quoi I ak
« dis-je aussitôt, pi r^rettais de laisser ta vie dans llloc
« de Yè-Kià-Tcheôu : eh bienl Dieu t'a exaucé, tu pour-
« ras h finir pins honorablement, ou dans les cachots, on
« sur l'écha&ud. » Mon conducteur arrive enfin après
s'être fait si longtemps attendre, et le résumé de son rap-
port est que, nous trouvant avec des effets tout fangeux, il
fallait un peu plus de temps pour préparer des appartements
convenables. Je tâche de m'approdier secrètement de son
(1) roM-l«ijH* Ml le nom qa'on doniid pofolaifMMBt à toaict Icf
religions oa sectes diflërentes des trois reconnoes par le yonyemeipet.
tatoir : !<> celle des Lêiirét, qui hoDorent Gonfocias» el n'admettenl,
4'oiie mtiiiire eoeore fort obsenre, ^e lee principes g^nëranx des pve-
•îetrderoirsderkMua» , bieH ^*4 r«t4tiear ik pratiquent let dewL
aatres religions par ostenlatieo ou par oonfenanee ; a^ celle des Ibeeee,
qui adorent un Chinois dn nom de Ip, et qu'ils appellent Ltà^Kiûn, e*ert«-
à-dire Vieillard-Roi, Yieillard-Mattre : ce Lj pasu, dit-on, quatre>TÎBgls
ans dans le sein de m mère ; pour en sortir, il la tua en brisant nue de se«
edtes, et parut à la TÎeJa barbe et lesebetenx d^l Uanca; 3o celle des
fonces qui adoreot le Foi, renn de flarfe; fc«s-ei sont a» sarrSee te
ehtn on ^oé^iâ, espèce d'esprits qui sont mmk lee bienfiiileiifs êm
hommes ; on les appelle quelquefois a? ant la mort d'une personne po«r
qu'ils tollkltsot m guërison avprèi de Feè : le phm souTent on lef M
Tenir après le trépas pour qu'ils dirigent lee àmee dans le ténAren 4é-
dale de l'enfer, puis les ramènent à la rie on sons b forme I
ou sous les dehors de quelque animal, suirant leun bonnee ou leurs i
Taises actions. Toute leur fbtiegie consiste dane cette dégradante mf-
iempejFcneee.
NoMaTODsparid dei tAfiiMbaMi^Us; kaOhioeiiapp40calAe«<<y
Digitized by LjOOQ IC
289
oreille : Qu'est-ce qu'il y a donc, lui dis-je? Perséculion,
me répond-il ; nous ne pouvons pas débarquer. — Quel
nouveau contre- temps? Le beau mandarin qui ne peut
pas se déclouer de son bachot I
« Plus de dix fois, pour être tant soit peu libre, j'avais
dità nos bateliers de préparer leur souper : par politesse ou
autre motif, ils refusaient de s'en occuper; à les entendre,
seul je devais être l'objet de leur attention ; ils n'é-
taient que des gens inutiles... Toutefois, ils ne nous lais-
saient pas ignorer qu'après la décharge de nos effets ils de-
vaient se rendre ailleurs pour passer la nuit, sous prétexte
qu'il n'y avait pas dans cette rade de sûreté pour leur
barque. Quel moyen de nous tirer de là! Les chrétiens,
en nous accueillant, s'exposaient à se faire prendre avec
nous; d'un autre côté, où trouver une auberge qui con-
sentit à nous recevoir avec un si pitoyable bagage 1 Le
ciel vint encore à notre secours , et d'uue manière inat-
l'espèce opposée , qui est réputée l'eDuemie des hommes. Si donc ils
Tiennent k ëprooTer quelque rcyers, s*ils tombent malades, ils l'attribuent
de suite k la malice de ces derniers, et mandent les iàO'pi pour leur donner
la chasse. En cas de guërtson , les imposteurs se félicitent et triomphent :
M finfirmilë se prolonge, ils tous disent, pour gagner de Tirgent, que le
malade a perdu l'âme , et an bruit d'un afTreux tintamarre, ils vont la
cherefaer, soit sur les montagnes , soit dans les plaines ; puis » après de
longues fatigues, la lui rapportent en la tenant avec la main soigneuse^
ment renfennëe dans un pan de leur robe. Si le malade demeure dans !e
même ëtat , on bien s'il meurt . ils prétendent qu'ils ont ëté appelés trop
tard. A moins de connaître tontes les superstitions de ces différentes
sectes, ii vous est impossible de comprendre tout l'excès de leur ridicule;
je pourrai peut-être tous en dire encore quelque chose une autre fois.
La dénomination de tcht^-lsay-ti , censée injurieuse, signîGe littérale-
ment obsenratenr d'abstinence ; on l'a appliquée aux partbans des cnlies
non autorisés par la loi , parce qu'ils sont plus mortifiés que ceux qnî
roÎTeot l'une ou l'autre des trois religions reconnues.
TOK. XVII. 101. 19
Digitized by VjOOQ IC
290
tendue.... d^'àun catéchiste est là sur le rhrage; de loin il
nous adresse ces paroles : Venez à terre. Nous obéis-
sons, il me prend par la main, et, après avoir fait je ne
sais combien de détours pour tromper les obsenratenrs,
il m'introduit dans sa demeure. Cétait Tavant- veille de la
Toussaint. Voici comment il avait appris mon arrivée:
tandis qu'il allait tenir conseil à mon sujet avec d'autres
chrétiens, il avait rencontré par hasard, ou plutôt par une
disposition providentielle, les quatre personnes dont j'ai
parlé plus haut, savoir, deux chrétiens et une chrétienne
qu'un satellite reconduisait chez eux après huit jours de
captivité, non pas que leur affaire fût terminée, mais par-
ce qu'ils avaient pu, avec de Targent, trouver des cau-
tions en promettant de reparaître en (^s d'un nouveau
jugement. Instruit par eux, le courageux catéchiste
avait pris aussitôt sur lui de venir nous délivrer. Que le
ciel l'en récompense largement!
« Me voilà donc, après tant de traverses, dans le célè-
bre HànrKéou vis-à-vis de Ou-Tchang-Seng (capitale du
Hou'Pé) dont il n'est séparé que par le Kiàng^ et à
côté de Ban-Yâng-Foûj détachée seulement par uim
rivière qui se jette dans le fleuve. Au milieu du Kiang
jnsque fort au-dessous de Han-Kéou^ la plus commer-
çante de ces trois villes, en flotte une quatrième formée
d'innombrables navires. Dans l'espace de cinq à six lieues
pour le moins, soit en montant, soit en descendant ce
fleuve que l'on prendrait pour im bras de m&t^ on ne
▼oit que maisons sur les deux rivts, et an mili^
une infinité de barques de la forme la plus belle. et
en même temps la plus bizarre. Les unes sont à rancre«
les autres croiser? le fleuve du matin jusqu'au soir, dans
toute cette étendue.
« Péking passe pour la ville la plus vaste et la plus
Digitized by LjOOQ IC
S91
peuplée de runiven , en raison du territoire qu'elle oc-
eope; eh bien I V6n dît que la population de ces quatre
▼illes, dont je Tiens de parler, qui tout naturellemeat
B*en fom qu'une, s'élève au triple de celle de la tHIc
impériale. On parle beaucoup de la magnifique situation
de CoiMtantinople ; je doute fort qu'elle puisse offrir une
aussi belle perspective : si elle a quelque chose de plus
séduisant, elle est loin certainement d'être aussi imp^
saute. Quoique foutes les puissances européennes 4^
qoentent le superbe Bosphore, son commerce est assu-
rément bien auniessous de celui de notre Bosphore JM-
fénaisj aujourd'hui même que la guerre avec les Ânj^aâs
lui a porté un si rude coup.
« Les dix^hnit provinces de la Chine proprement dise
comptent un grand nombre de villes murées, savoir
cent quatre-vingt-huit fous ou villes du premier ordie,
deux cent txeate^nepiteheoûê ou villes du deuxième ordre»
et douze cent soixante et dix-neuf AtVfitf 'ou villes du troi-
sième ordre. On connaît donc ici les remparts, mais«e
sont des remparts qui, vu leur peu d'élévation, pourraieuâ
(tre dits à la Vauban : pas une tour qui les défende,
mais seulement quelques misérables bastions, qudtpns
créneaux à barbaeane, écroulés en partie ou gravemem
sillonnés de profondes crevasses. Près de chaque ville, à
h distance de quelques lys se trouve une seule tour de
forme octogone à neuf étages, et autant d'avant-toits, oè
les esprits protecteurs de cet édifice fixent, dit-on, leur
demeure. Quant à Pintérieur des villes, ne venez pas y
cherdier de beaux quais, de superbes monuments^ des
rues élégantes et alignées au cordeau. Vues de loin, les
quatre dont je viens de vous parler présentent un coup
d'orîl imposant; si vous approdiez, vous ne trouvez sur
le rivage du Kiang que d'informes talus ^ horriblemeot
19.
Digitized
byGoogk
292
détériorés par les inondations ; dans les rues» que des
éclioppes entourées de palissades» de pauvres ateliers
minés par les eaux ou ruinés de vétusté. Les vides laissés
entre ces masures sont comblés par des immondices qui
répandent partout une odeur suffocante. Point de régula-
rité dans Talignement des maisons, point de trottoirs,
point de lieu pour se mettre à Tabri de la foule qui vous
presse^ qui vous coudoie , qui vous dispute le passage ; on
y marche péle-méle au milieu des bœu&, des porcs ou
d'autres animaux domestiques, se garantissant comme
on peut de Finfection que répandent les ordures de toute
espèce, recueillies avec soin par les Giinois dansTiniérêt
de l'agriculture, et transportées en plein jour dans de
petits tonneaux découverts. Seulement de distance em
distance, la vue fatiguée rencontre quelques riches
magasins, de belles et vastes maisons, d'opulentes pago-
des. Les places et promenades publiques sont remplacées
par des jardins, des étangs et même des champs.
Mais à quoi m'occupé-jc. Monsieur et très-cher Con-
frère? Est-ce là le noble but de mon importante Mission?
Hélas! j*ai la douleur de vous appreùdre que j'ai été
loin de pouvoir l'atteindre. Adorons les desseins de Diea
qui a voulu qu'elle fût traversée jusqu^à la fin. Je ne
manquais pas de bons chrétiens pour me dédommager
par leur empressement des rudes épreuves de moa
voyage; mais je ne pouvais arriver dans des circon-
stances plus intempestives : point d'Evéque , point de
prêtre. Mgr le Vicaire apostolique avait auparavant fixé
sa résidence à OtU-Chang-Foû; mais personne ne con-
naissait sa retraite actuelle. Les autres prêtres étaient
tous dispersés en différents districts. D'un autre côté, la
fomeuse tempête nous poursuivait encore de ses tristes
suites. Nous eûmes trois jours de pluies continuelles ;
Digitized
byGoogk
293
nos effets périssaient et infectaient ; enfin, après trois au-
tres jours passés dans une maison qui du temps de
Mgr Rameaux avait servi de chapelle , et depuis cette
époque était trop bien connue des satellites^ le danger que
redoublait encore le concours des fidèles dans mon asile
me fit songer à le quitter. Mon stang-houng fut chargé
de repassser le Kiang pour annoncer aux chrétiens de
ChU'Chang-Fcû que, puisqu'il m'était impossible d'agir
sans Mgr d'Arade et que je ne pouvais parvenir Jusqu'à
lui y j'allais me rembarquer pour le Kiang-Si. Ces bons
fidèles qui étaient venus bien des fois m'inviter, quoique
im peu froidement par crainte de la persécution , à me
rendre au milieu d'eux, accoururent aussitôt pour m'an-
noncer que Mgr Rizzolaii était en route, et qu'il venait
même d'indiquer une entrevue auprès de leurs maisons.
Le lieu était une petite chapelle formée d'un galetas^ et
que je trouvai très-bien ornée. Monseigneur le Vicaire
apostolique arriva effectivement, et j'appris que, pendant
l'alerte qui venait d'avoir lieu, il avait choisi pour sa re-
traite une hôtellerie païenne où on le prenait pour un
marchand chansinois.
Voici l'occasion de cette alerte : M^ Rîzzolati avait
Catit acheter des matériaux en bois , briques, chaux, etc.^
dans l'intention de faire agrandir une chapelle, con-
struite autrefois dans une chrétienté appelée Péhiè^ dis-
tante d'une journée tout au plus d^Ou-Tchang Sêng^ et
d'y ajouter encore quelques appartements pour un petit
séminaire. Ce projet coïncida malheureusement avec celui
des Anglais dans la province de Kiang-Nàn. Bien qu*é«-
loignés de Han^Kéou de quatre à cinq cents lieues, ik
ne laissaient pas d'inspirer la terreur d'une prodiaine
invasion : on disait dans le public « que les Âbtmjh
c Kouy-Tse^ ou diables rouges, une fois entrés dans le
Digitized
byGoogk
294
• Kiang, avaient affiimé le nord et conquis le midi; que
• l'empereur Tao-Kouang était en fuite ; qu'un prince
« dePancienne dynastie, nommé Tchu^ lui avait été
• substitué pour les provinces situées au septentrion»
« au-dessus du Kiang\ que celles du sud au-dessous du
• fleuve , formaient un nouvel empire sous la dominatioii
• des vainqueurs. A Han-Kéou, Ou-Tchang et Han^-
« Fang, on allait jusqu'à dire que mille Anglais étaient
« déjà cachés dans la chrétienté de Pékié. » Aussi, lors-
que les infidèles virent à Teau la peûte flottille chargée
des matériaux de constructicm que les chrétiens avaient
CB nmprudence d'expédier tout à la fois, on s'empressa
de divulguer qu'on attendait à Pékié plus de dix mille
Anglais pour lesquels on voulait bâtir de dignes habita-
tioos^ On n'avait pas encore commencé à déposer les
nutériaux sur le rivage que déjà grondait la persécu-
« La nuit mémo qui suivit le départ de Mgr Rizzolati, les
satelGtes enlevèrent de la chapelle les effets , vêtements
et objets de religion qu'on y avait déposés. Un édit fut
lancé par le mandarin TchthPeaO'y'Foug-Oum'Chu , et
six chrétiens arrêtés ; les autres avaient pris la fuite , ne
laBsant dans leurs maisons que les femmes et les enfants»
Cet ordre se renouvela plusieurs fois dans une huitaine
de jours , et autant de fois les chrétiens furent obligés
de déserter.
•Ble trouvant donc de l'autre côté inKiang avec Thon-
aev de jouir, dans celle ^hjXotkt à'Ou-TehangSéng ,
de ta présence de Mgr Rizzolati, nous employâmes les
pmniers jours aux formalités voulues pour les procédures
e» matière de canonisation. De sinistres nouvelles vinrent
bieal6t les interrompre ; les bruits de persécution se
■Mltiplîaient : un chrétien au milieu des tom*men(s venait
Digitized
byGoogk
295
d'avouer au mandarin qu'il y avait dans la province deux
Européens , un îy, c'était TEvéque , et un md, c'était son
Provicaîre , M. Maresca. Interrogé encore si Mm-Taô-
Vnenj Mgr Rameaux , très-connu sous ce nom dans tous
les tribunaux du Hou-Pé pendant la dernière persécution ,
s'y trouvait aussi , il avait répondu négativement , affir-
mant qu'il en était sorti et qu'il ignorait le lieu de sa
retraite. Un autre chrétien , baptisé depuis peu , était en
prison : son père et sa mère, encore païens , menaçaient
chaque jour de poursuivre en justice Mgr d'Arade pour
Fobliger à leur faire rendre leur fils. Ces bruits et
d'autres semblables nous obligèrent à songer à nous sé-
parer. Toutefois j pour ne pas manquer eniièrement le
but de mon voyage, je crus devoir supplier Mgr le Vicaire
apostolique de vouloir bien s'occuper, quand le temps le
permettrait, des informations juridiques sur le martyre de
notire cher confrère , puisque mes péchés m'enlevaient la
consolation de mener à bonne fin une œuvre aussi impor-
tante.
« J'étais pressé de partir; mais il m'en coûtait trop,
après un si long voyage , de m'en retourner sans rendre
visite aux restes de M. Perboyre , qui reposaient à deux
lieues de nous , hors de la ville , du côié de la seconde
porte oiientale Oùt-Toûng-Mén. Un dimanche donc,
veille de mon départ , immédiatement après la messe , je
m'acheminai avec un guide vers le lieu de la sépulture :
elle était située dans un carré de quelques arpents seule-
ment , penché vers le couchant et par conséquent vers
notre <^e Europe ; quelques mottes de terre superpo-
sées à une légère élévation la protégeaient de tout côté.
Cest dans cette modeste retraite que reposent les pré-
deux restes de notre saint Martyr, en la compagnie dt
neuf autres apôtres, dans Tordre suivant : au milieu, du
Digitized
byGoogk
296
côté d'en haut, sont les tombeaux réunis de trois frères
de Tordre de saint Ignace : l'un de ces trois frères mou-
rut dans le Hou-Pé , après deux ou trois mois d'aposto-
lat; îe second , dans la même province d'où il fut ensuite
transporté à Out-Chang-Foû par le troisième qui tra-
vaillait alors dans le territoire dont cette ville est la capi-
tale. Au commencement des deux lignes collatérales, ce
sont encore deux Jésuites aussi bien qu'au second rang de
la colonne à gauche ; en tout, six frères , tous Français. A
côté du dernier tombeau des frères Jésuites se trouve
celui d'un Lazariste : c'est M. Perboyre. En face, à droite,
est celui de M. Clct; enfin, deux prêtres de l'asso-
ciation de la Sainte-Famille terminent des deux côtés
l'une et l'autre colonne.
« Les sépulcres de ces bienheureux Missionnaires sont
ornés d'une pierre sculptée , en haut de laquelle est gra-
vé le monogramme du Sauveur, et au-dessous, leur
nom chinois^ leur nom de baptémie et l'année de leur
sépulture. Trois , cependant , savoir : celui de M. Per-
boyre et ceux des deux prêtres de la Sainte-Famille sont
encore bien informes et privés de toute indication des
trésors qu'ils renferment. J'ai pris des mesures pour pr^*
curer une inscription à celui de notre illustre confrère.
« L'épitaphe qui a été placée sur le tombeau de
M. Clet, également martyr, est ainsi conçue : Taô-
Kouûng-AurMien , y-yan sont , KouAieim-douy-Esie,
Ouey4oêng'ichto-hoey-sâ't8ê'tô , c'est-à-dire : « La ciii-
« quièmc année de Tao-Rouang (empereur actuel) a
« été déposé ici Louis Lieoû, prêtre de la Congr^ation
« de saint Vincent. » Cette cinquième année correspond
à 1826, époque où le corps de notre confrère, enseveli
ailleurs, fut transporté dans la terre où il repose. Les
siècles antérieurs sont exprimés par ces mots : V-yan-
Digitized
by Google,
297
50ttt , qni ne sont autre chose qu'une (jies soixante diffé-
rentes indications employées pour désigner toutes les
années successives de Tempire chinois, jusqu'au commen-
cement du règne actuel; en sorte que ce nombre de
soixante une fois épuisé , le tour recommence , et ainsi
de suite indéfiniment. Lieoû est le nom chinois de M. Clet,
et Louis son nom de baptême; d'autres disent qu'il s'ap-
pelait François (1).
« Le tombeau de R. Haubin , qui finit aussi sa vie
dans les fers pour la confession de la foi , se trouve à qua-
tre ou cinq journées de distance de ce cimetière, et dans
les dépendances d'un hien ^ ou ville du troisième ordre ;
je crois avoir entendu dire que M. Dumazel avait été in-
humé sur les montagnes de Kou-Tching-Hien.
« A notre arrivée, quelques infidèles qui habitent dans
le voisinage étaient venus nous offrir leur ministère pour le
cas où nous voudrions ajouter quelque ornement à des
tombeaux si simples : nous eûmes beaucoup de peine à
nous débarrasser de leurs importunes instances; la pro-
messe de les employer plus tard put seule les faire dis-
paraître. Enfin, il me fut donné de répandre en toute li-
berté mon cœur, mes prières et mes larmes sur ces tom-
bes chéries. Mille réOexions tour à tour consolantes et
sombres, douces et terribles , traversaient successivement
mon esprit. Le temps qui marchait vite en ce lieu plein
d'intérêt pour un enfant de saint lancent, me força bien-
tôt d'y mettre un terme. Je récitai neuf Gloria au tom-
beau de M. Perboyre, un Te Deum pour lui et pour
M. Qet, plusieurs De profundis pour tous nos autres si
(1)M. Qei 8*appelait Jean-Fraoçois, et non LonU. {Kpte dit R.)
Digitized by VjOOQIC
298
dignes prédécesseurs dtBS Tapostolat , et je leur fis eofin à
ums de respectueux et douloureux adieux , en priant nos
deux confrères de m'obtenir la grâce d'imiter leurs bâroi-
ques vertus.
« Et maintenant, Monsieur et très-cber Confrère,
puisque la volonté de Dieu, au lieu de me laisser parcourir
les plaines et gravir les montagnes du HourPé et du Ho-
Nàn , me condamnait à battre simplement » pendant
une quinzaine de jours , le territoire de HaxhKéou et
de Out'Chang-Foû y il £dlait*bten s'y soumettre et s'en
retourner , afin de cesser d'exposer soit Mgr d'Arade ,
soit le Père Maresca. Ce dernier, qui devait aussi
prendre une part active aux procédures et devenir
mon compagnon de courses , n'était arrivé que depuis
deux jours. Toute mesure possible étant donc prise poiîr
la réussite future de notre importante affaire, je me rem-
barquai pour le KiangSi et recommençai un autre voyage
qui devait » comme le premier, être traversé jusqu'au
terme.
« Or, td fut le principe de mes nouvelles et dou-
loureuses infortunes. Pour diminuer les frais de naulage,
je permis qu'on me rettm à Han^Kéou une barque mar-
ctende sur laquelle se trouvait déjà un passager pékinois ;
nous fumes tous d'accwd que le baragouin du nord diSSé-
rait assez de cebii du midi pour que nous n'eussions rieR
à eraifidre de mon accent étranger ; par le fait c'était na
bo»me de la plus ais^le et de la plus sûre compagnie.
Cette cMoession , et bien plus encore Tamoiur du gaia,
avai^t porté notre pilote à prendre, à notre insu, un troi*
sième passager; nous ne soupçonnâmes pas la supercherie et
ne la découvrtnaespcMnt à l'embarquenent. Une fois désan-
crés, la faute se trouva commise, sans qu'il nous fût possible
de la réparer. Bie»t6t j'aperçus un bomoi qui préparait
Digitized
byGoogk
299
un lit sur rarrière da bdtiment : j'en ressentit de la peine,
et j'adressai aossitdt mes reproches au capitaine; celui-ci,
pour toute excuse, me répondit que le proposé du bureau,
chargé de la surreillance des barques , lui avait imposé ce
voyageur , sans lui laisser la liberté de le refuser. Je
parus goûter fort peu cette défaite ; je menaçai le ca-
pitaine de diminuer d'autant le prix de nos places^ et
nous continuâmes à suivre paisiblement le cours du
fleuve.
« Peu à peu notre iaconnu s'introduisit dans l'intérieur
de la barque et ne fut pas longtemps sans nous faire pen-
ser que nous avions fait en lui l'acquisition d'un dan-
gereux garnement. Cependant i) se contint un peu durant
les premiers jours.
« A l'approche du lac Pô-Fang, il ne se passait pres-
que pas de moment dans le jour que nous ne rencontras^
sions quelque détachement de l'escadre chinoise qui re-
venait de Kiang-Nàn. Je suis porté à croire qu'ils appar-
tenaient à l'armée de terre, non à la marine; ils ne
montaient que des bâtiments frétés ; chacun d'eux avait
arfooréun pavillon sur lequel on lisait l'indication des décu-
rîes , des centuries , des divisions, des légions auxquelles
appartenaient ces soldats» et le nom de la province qui les
avait fournis. Cette yaillante armée, qui n*avait pas vu
l'ennemi , n'en revenait pas moins triomphante, comme si
eHe Teût taillée en pièces. Son chant de triomphe com-
mençait par ces mots : Hoûng4ioûy^ri : Ce drapeau dé-
pl^f U$ emwmii mi friê la fmUl
« A en juger par les détachements qui passèrent comme
en revue devant nous, l'armée chinoise devait être fort
considérable; on dit que cette fois -là Tempereur avait
véritablement fait des levées dans tout son empire , ce qui
n'empêclui pas qu'a^ouit même que son armée ne' fikt rts-
Digitized
byGoogk
300
semblée sur le théâtre de la guerre , il ne capitulât avec
les Anglais , leur accordant la liberié de commerce dans
cinq de ses ports , et leur promettant deux mille taëb^
environ vingt-huit ou vingt-neuf millions de francs. Ce
prince faible et inconséquent faisait en même temps un
grand déploiement de forces , et un traité honteux, plutôt
que de courir les chances d^une bataille.
« Il parait que la somme promise aux Anglais a mis
de la gène dans le trésor ; peut-être faut-il attribuer à
cette cause une mesure que vient de prendre Fempereur.
Sur une pétition adressée par les six premiers tribunaux
de Pékin , il a rendu une ordonnance qui retranche ju9-
qu^à nouvel ordre la moitié de leurs traitements à tous
les mandarins de Tempire. Je tiens ce fait d^un chrétien
déjà gradué qui se rend à Pékin pour obtenir quelque
emploi par la voie du concours public.
« Cependant notre barque, nullement contrariée, pour-
suivait paisiblement le cours du fleuve ; je trouvais,
après mes méditations et mes prières , un agréable dé-
lassement à considérer le fameux Kiang , dont l'aspect
étsdt bien différent de ce qu'il avait été pour moi lorsque
je le remontais. En allant au HaurPèy (c'était le moment dei
inondations) je pouvais à peine distinguer un fleuve dans
cette mer sans rives; actuellement il roulait ses eaux
tranquilles entre deux bords couverts de moissons déjà
verdoyantes.
« Je vous ai dit que dans les années où les inondations
du Kiang sont considérables , les habitants de ses bo^is
émigrent dans d'autres provinces, et pariiculièremcait
dans celle du Kiang-Si. Or, voici la manière dont se fgot
ces émigrations :
« Lorsque le débordement conuaence à amener la
Digitized
by Google
301
disette , les pauvres mettant à contribution les riches
du chef-lieu , en reçoivent du grain à titre d'em-
prunt. Si rinondation ne diminue pas assez tôt pour
qu^on puisse faire les récoltes successives du blé, du riz,
du coton , des fèves , du maïs et de diverses plantes
inconnues' en France et d*un grand usage en Chine,
l'émigration est jugée indispensable et définitivement ar-
rêtée.
« Alors ces pauvres riverains se réunissent en troupes
de cent ou deux cents ; chaque Bande prend pour chef et
pour guide un membre d'une famille riche ; celui-ci ne
peut pas refuser ce singulier honneur sans s'exposer à
perdre le grain qu'il a prêté , et sans voir même ses biens
livrés au pillage; s'il accepte, au contraire, il peut es-
pérer de récupérer ses fonds , et d'en retirer même un
intérêt avantageux.
« Les émigrants partent ainsi , à la suite de leurs chefs ;
quelque part qu'ils se dirigent , ils gardent une exacte
discipline. Us n'entrent pas dans les maisons pour quêter;
le long des chemins , quoique leurs regards se portent sur
les passants avec une douloureuse anxiété, on ne les voit
jamais leur demander la plus légère aumône. Spnt-ils
arrivés dans un village ou dans un marché, le chef, qui
0st ordinairement un bachelier, quoique en habit de men- '
diant, s'adresse, au nom de tous, aux anciens du vil-
lage , aux notables du bourg , avec lesquels il traite seul
de l'aumône qu'il demande. S'ils entrent dans une ville ,
le [même ordre s'observe. C'est toujours le chef de la
bande qui seul a le droit de porter la parole : il va d'abord
au mandarin qui, pour l'exanple et pour satisfaire à
son devoir, fournit une aumône convaiable; chacun donne
ensuite suivant ses dispositions et ses moyens; il est rare
qu'ils soient complètement rebutés.
Digitized
byGoogk
302
« Ces dispositions générales envers les émigrants les
empêchent de mourir de faim ; mais elles leur laissent bien
des maux à souffrir : c^est à peine si les deux tiers peuvent
revoir leur pays ; les autres périssent durant rémigratîon,
par les marches excessives, Thumidiié, le froid, les cha-
leurs , rinsalubrité des aliments , les intempérances qui
succèdent à ces jeûnes forcés, et surtout parla malpro-
preté. Le plus souvent les bandes se subdivisent en deux
sections : la première se forme dliommes avec leurs
femmes, et de jeunes gens maigres et défaits, haletants sous
le poids des instrum^ts de cuisine, du riz , de la paille,
du bois, etc. La seconde est composée de femmes et de
filles, les nnes jaunes comme du safiran, les autres aussi
pâles que la mort. Ces infortunées ont , pour la plupart,
besoin d'un bâton pour se soutenir sur leurs pieds ; et
cependant il leur faut encofe porter sur les bras ou char-
ger sur leurs épaules les plus jeunes des enfants; leur
cœur est déchiré par les cris de ceux qu'elles mènent à
leur suite, trop lourds pour être portés, et trop faibles
pour soutenir les fatigues de la marche : aussi tombent-
Ils souvent de lassitude. Voilà, mon très-cher Ami, Taf-
fligeant spectacle dont j'ai été déjà cinq ou six fois le té-
moin oculaire.
« Un jour, le soleil des tropiques darde ses rayons sur
la tête presque nue de tant de malheureux ; le lendemain
ils sont inondés d'un torrent de pluie. Et puis, où iront-
ils passer la nuit? il ne se rencontre p^*sonne qui leur
offre un asile; il n'est point d'auberge qui les reçoive;
ils s'arrêtent dans la soirée, sous quelque hangard,
sous le vesta)ale de qodque pagode, au risque d'être
étouffés par la fumée, suffoqués par la mauvaise odeur,
dévorés par les insectes qn'esgendre la malpropreté.
Telle est leur vie de chaque jour.
Digitized
byGoogk
303
« Ceux dont les forces rémteit à tant de souffranoeB,
trouvent, dans les secours qui leur ont été alloués, noa-
seulement de quoi s'arrachcA* à la faim , mais encore des
ressources pour acheter les grains qui doivent les nour-
rir jusqu'à la produiine récolte , aisemencer leurs terres,
acquitter leurs dettes » raviver le grand-père et la
grand'mère laissés dans le pays inondé, si toutefois ils
les retrouvent encore.
« L'année dernière, avant mon départ pour le Hùu-
Pi , une troupe de plus de cent cinquante de ces malheu-
reux parvint à une de nos chrétientés, éloignée d'environ
deux journées de celle où je faisais la Mission. Un caté-
chisme aperçu sur une table par le chef des pauvres,
amena une reconnaissance entre le mattre de la maison
et la bande des mendiants, toute composée de chrétiens;
notre catéchiste en fut averti : ilreçutdanssademeurt*
tous ces chrétiens, qui étaient de notre ancienne Mission
du Hou-Péi ils prétendaient porter le même nom que
notre confrère, M. Ly (Joseph) ; ils se disaient même de
ses parents ; après noAs avoir demandé avec empresse-
ment de ses nouvelles^ ils nous témoignèrent leurs
tefMA de ce qu'ils ne pouvaient lui rendre une visite.
Notre cher confrère était pour lors occupé dans la pro-
nnnoe de Tehé-Miâng. Ils racontèrent aussi à nos fidèles dn
JKcmgSi plusieurs particularités touchantes du martyre
de M. Peii>eyQe. L'entrevue, en un mot, fut très -cor-
diale de part et d'autre : nos ohrétiens voulaient doubler
leurs aumônes; mais les pauvres émigrés s'y refusèrent,
et n'acceptèrent que des rafratdiissemenls*
« Il est temps que je revienne à notre malencontreux
eompagnon de voyage. Cétait le plus fin Argus que j'aie
eonnu de ma vie. Il se disait de la capitale du Kiang-*Si ,
d'où il venait, disait-il, de conduire un naandarin à Pékin;
Digitized
byGoogk
304
de Pékin il en avait conduit un autre jusqu'au Hou-Nân ;
actuellement il se rendait dans sa Ssimilie. Malheureuse-
ment on me faisait passer aussi pour mandarin. S'il était
vrai qu'il eût eu des rapports si fréquents et si intimes
avec ces hauts personnages , il était diflBcile qu'il ne pé-
nétrât tdt ou tard le secret de ma position véritable ; com-
ment la modestie du missionnaire et la simplicité de TapA-
tre pouvaient-elles ne pas contraster à ses yeux avec la
jactance mandarine? comment soutenir une conversation
qu'il ramenait sans cesse sur les mandarins , qu'il se pi-
quait de connaître presque tous, lorsque je ne con-
naissais pas même un seul mandarin du Kiang-Si, d'où
Ton avait dit que j'étais moi-même? je le laissais par-
ler, j'approuvais des yeux, du sourire, de la tête; je
me tenais au large , je faisais le grand en me rendant
rare.
« Malgré ma prudence et ma réserve, je ne tardai pas
à comprendre que cet homme , qui se donnait le nom de
ZtVou-1%, m'épiait et cherchait à me deviner. Véritable
Prêtée, il savait revêtir toutes les fofmes : après avoir
conversé avec moi, il accostait mes deux Siang-Kaungj et
leur faisait mille questions à mon sujet. Ces bonnes gens
n'avaient pas cru mentir en me faisant passer pour un
haut personnage; car, si le prêtre est le lieutenant du roi
du ciel, est-ce trop l'élever que de le ranger parmi les
officiers des princes de la terre? Mais la partie n'était
pas égale entre eux et mon espion. Il conclut beaucoup
de choses de leur embarras et peut-être de quelques
contradictions inévitables.
« Cependant il dissimula , et résolut de ne rien dire
ouvertement, ni de ses soupçons, ni de ses projets contre
moi, jusqu'à la douane. En venant, nous l'avions passée
à Ta-Kou-Thang. Cette fois-ci nous devions le laire à
Digitized
byGoogk
305
Kian-Kiang-Fou* Nous ne pouvions y arriver qu^assesi
avant dans la nuit. C'était le temps que Liéou-Ye avait
choisi pour lever le masque.
« Quoique sur une même barque assez petite, nous
avions, dès les premiers jours, établi entre les deux voya-
geurs et nous une sorte de séparation avec des marchan-
dises et des ballots; à Taide de celte clôture, nous
pouvions départ et d'autre dire et Êiire bien des choses
sans être vus ni étatendus. Mes deux Stang-Koung ron^
Client dans ma case; pour moi^ bien que je fusse couché»
je ne dormais pas enccHre ; je faisais quelques prières, qui
ne tardèrent point à être interrompues par la conversa
tîon qui commença entre Liéou-Ye et l'autre voyageur >
brave homme de Pékin d'environ trente ans.
« Je ne comjffènais pas d'abord les paroles de LiéotH
Ye, qui parlait avec beaucoup de feu et de volubilité;
j'entendais de temps en temps le Pékinois lui répondre^
chef ché, c'est vrai , c'est vrai l Un voyageur d'une autre
barque ayant passé sur la nôtre, comme sur un pont pour
prendre terre, Liéou-Ye l'appela pour lui faire part de
ses conjectures sur moi. Il énuméra devant ces deux iii^
terlocuteurs une dizaine d'indices , auxquels il avait re-
connu que je n'étais pas Chinois ; toutes ses observations
étaient vraies et dénotaient un esprit pénétrant. C'est
probablement un Anglais , ajoutait-il, et par conséquent
un espion ; il vomissait contre moi toutes sortes de ma-
lédictions , et jurait avec imprécation de dénoncer cet
Européen aux mandarins dès la pointe du jour, avant la
visite de la douane.
« Je me sentis saisi d'une agitation involontaire , et
beaucoup plus pénible que la frayeur du naufrage dont
je vous ai parlé. Le visage de Liéou-Ye, bien que spv-
rituel, était celui d'un scélérat consommé. Nulle sûreté à
TOM. XVII. 101. 20
Digitized by LjOOQ IC
396
lui faire une confidence, même accompagnée de piastres;
«t par quel moyen pouvais- je espérer de me tirer de ses
mains? Tandis que le cœur serré et respirant à peine je oie
^nais assis sur mon lit pour mieux penser à ce que j'avais
il laire, j'entendis Liéou-Ye dire à ses deux compagnons :
« 11 faut interroger le capitaine, et voir s'il sait d'où est
« cet bonuDe. »
« Réveillé d^un profond sommeil , le capitaine
répondit . « Tout ce que je sais, c'est que je l'ai
« pris à Ban-^Kemi , oà il logeait dans me grande «t
« belle maison. » Mes espions, après avoir encore res^
êassé leurs conjectures jusqu'à ce que la lampe s'étei-
gnit Saute d'huile , se laissèrent à leur tour aller au
sommeil.
« Hélas I il n'y avait pas pour moi c^e repos dans cette
cruelle nuit. Rien ne saurait vous donner une idée du
tourment que j'endurai ; dussé-je paraîire bien peu pré-
paré au martyre, je ne puis m^empôcher de vous raconter
mes angoisses. Toute la nuit mon esprit fut livré aux plus
sombres réflexions ; un homme passa , par hasard, sur le
pont , au-dessus de ma petite chambre , d'où je ne l'en-
tendis point sauter sur la barque voisine : aussitôt je
m'imagine que l'interlocuteur survenu est allé donner
l'alerte, et qu'à sa suite les satellites sont accourus et se
sont portés sur le pont de la barque, pour me saisir au
réveil. Celte pensée acheva de m'accabler ; tantôt je me
tenais sur mon séant , tantôt je m'agitais dans mon lit ; le
«œur me battait avec violence; ma respiration était pré-
cipitée et brûlante ; et je tremblais encore qu'en hale-
•ttiDt avec si grand bruit , je ne vmsse à réveiller mes
bourreaux, et à ooafirnMr leurs soupçons. Qùrimq^
l^ice queceiui de lu crainte I le BBal lui-oiteie nous ferak
'moins souffrir.
Digitized
byGoogk
M7
« Une pensée îni|»iétaiite whit eneore atigmeoter mes
angoisses. Je me rappelai que le Vicaire apostolique da
Chan-Si, ayant été reconnu il y a quelques années pour
un Européen , passa une si cruelle nuit , bien quMl
eût donné soixante piastres pour acheter le silence,
qu'il trouva le matin ^ barbe toute blanchie; je ne
doutai point que la mienne n*eàt le même sort, ce
qui n'aurait pas manqué de me trahir , et je fus étonné
au retour du jour de la trouver de la même couleur que
la veille.
« Enfin le jour parut, j'ouyrîs ma maUé, j'en retirai
Targent qui me restait, j'en fis troi3 parts dont étia%
pour mes Siang-Koungy et je les engageai à venir visiter
^•» place de Kian-Kiang-Fou ; îi leur en coûtait de
sortir si matiM ; je leur secouai la main pour les réveiller,
et leur dis à Toreille que j'avais à leur communiquer des
eftoses de tiaute importance. "
« Nos incommodes voisins dormaient profondément |
Hs se reposaient de la peine quils s'étaient donnée à me
fourmenter.
« Nous confiâmes aOBéfiets nn iqattrs delà barque^ afin,
lui dimes-nous, qu'ils ne devinssent pas la proie des t^v%
pauvres qui pourraient nous moleSter comme ils l'avaient
ftft à Ta-Kourthang, 61 nous primes terrée Âus^itAt
Ae tenir conseil sm% pairU à prendre.. Fautr il, leur disais*
je , que je confie moik salut à l'agilité de mes jarrets ? dois^
jefàîre tomber ma barbe, et changer de costume? devons-
AOQS'ttous séparer ? Si nous fuyons, sera-ce par la voie de
ttlire eu par celle dû fleuve P faudra-t-H le descendre ou là
remonter? laisser nos hardes ne sera pas un gros sacrifice;
mais si- elles sont saisies sur la barque, elles déposeront
eoBtre pous. — Nous étions i plus de trois journées ^efs
plus vobine de nos chrétientés, el en Ms de dénondalîM^
se.
Digitized by LjOOQ IC
308
et de poursuite, nous aurions été saisis mille fois avant d'y
être arrivés.
« Plus nous délibérions, moins nous étions filés sur le
parti à prendre. Déjà avec notre mine de mourants , nous
avions fait le tour de cent échoppes, visité sans les voir
autant de bazars , et nous étions aussi irrésolus qu'au
premier instant. «Prions Dieu, dis-je à mes deux cour-
riers ; si nous ne le pouvons pas de bouche, prions dans
le fond de nos cœurs. Adressons-nous à tous les saints, et
surtout au glorieux martyr Gabriel Perboyre, et puis di-
sons comme Judas Machabée : Sicutautemfumtvoluntas
in cœlo, $ic fiât (1). »
« J'envoyai Tu-Sien-Cheng dans la barque , comme
pour y chercher un panier qui nous servit à emporter des
provisions, et dans la réalité pour savoir ce qui s'y passait.
Tout y était tranquille. Liéou-Ye qui n'avait pas quitté
le bateau , dit en souriant qu'il y demeurait pour le
garder. Une cruche à remplir du bon vin de Kian-Kiang
nous fournit le motif apparent d'un second voyage ; la
barque avait déjà été jaugée^ le nautonier était allé au
bureau, pour obtenir qu'on lui délivrât l'attestation.
« Quelques heures après je fis engager mes dangereux
compagnons de voyage à prendre avec nous, dans un
restaurant, une tasse de camphou. Le voyageur pékinois
se rendit à notre invitation. Liéou-Ye refusa, prétendant
qu'il était obligé de demeurer dans la barque, pour faire
sécher des linges qu'il avait trouvés humides dans set
maUes. Ce fut une prévention de plus pour nous contre
(1) Qoe ce qui est ordonné par la yolonté de Diea dans le ciel , s'ac-
covplisae. {i. Mach. 3. <M>0
• • DigitizedbyLjOOQlC
309
cet bommet que bous n'appelions au restauranl qu'afinde
le sonder de plus près. Pour notre Pékinois, nous M
tronTâmes son air de bonhomie ordinaire ; ce qui nous
fit présumer qu'on ne songeait pas encore sérieusement à
exécuter de sinisU*es projets contre moi ; peut-être ne se
croyait-on pas assez sûi; de son coup , et n'osait-on pas
essayer un esclandre qu'on aurait, en cas d'erreur, payé
fort cher.
« Nous primes le thé , battîmes encore le pavé de
quelques rues, et n'en pouvant plus de lassitude, je dis
adieu au Pékinois , lui donnai un Siang-Koung pour l'a»-
compagner, et pris l'autre avec moi pour regagner notrt
barque. Nous y trouvâm^p encore Liéou-Ye oa:upé à dé-
ployer ses effets; nous aperçûmes, non sans quelque
effroi, au fond d'une de ses malles, plusieurs contoiurs
d'une grosse chaîne en fer : depuis lors la véritable pro-
fession de ce protée nous parut plus que jamais une énigme
inexplicable; je ne doutai plus que cet homme ne jouât
un rôle, et qu'il ne se donnât pour ce qu'il n'était pas. La
pensée me vint qu'il avait emprunté sa chaîne à Kian^
Kiang pour mon usage ; j'eus lieu de penser , plus tard,
qu'il l'apportait de plus loin.
« « Je luiadressai quelques p^iroles polies^ elfallaiprier
Dieu et me reposer, lorsque Tu-SienrCKeng y'mi m'avertif,
que Fusage étant de régaler les matdots d'une barque
passée à la douane , Liéou-Ye avait fiiit préptfer un gala
auquel il m'invitait. Nouveau piège , dîmes-nous, nouvelle
séance d'obso^ation I Cependant je ne pouvais pas refuser*
Je fis répondreque j'acceptais, à condition que je suppôt-
ferais la moitié des firais durqpas. LePâûnoiset Tdumjf'
Siang-Kimngi après s'être longtemps fut attendre, am-
vèrast ; on se mit àtable; le r^l se prolongea jusqu'à
ta nuit. Je fus toujours traité en grand personnage, et le
Digitized
byGoogk
310
MtiUa LiéOB^Ye vovhit méipe qadquefbiB me servir à
lN)ire, œ qui esl la fonction la plus basae parmi les convi vas
<UfK>i8« Point de couteaux, point de cuillers, point de
lonrcbettes. SansdouteLiéon-Ye m'attendait à la manière
éantje ferais jouer lesÂotkiy-r^, c'estrà-dire les deuxlxh-
ttaoetSy qui, comme on lésait, remplacent cb^ les Chinois
m)s services d'Europe. Je pouvais subir ceite épreuve
Sdus les yeux de Liéou-Ye ; dix ans d'habitation dans le
noble Tchoûng-Koûe m'avaient rendu habile à faire u^ge
des bâtonnets. Je craignais moins cet exercice que celui
des contes à débiter. Noire intrigant en fit un pas-
sable débit; en homme important je lui donnais de
temps en temps de^ sourires d'approbation. Mon Tchang*
Siang-Koung, qui savait que j'avais besoin d'être suppléé,
se montra à son tour conteur habile ; il mit sur le tapis
des anecdotes de mandarins, matière favorite de Lléou-
Ye , qui excitèrent dans notre assemblée une gaieté si
vjVe, que les passagers des autres barques , attirés par
les éclats de rire, vinrent se mêler à notre belle humeur.
Les contes furent longs, et je n'eus pas besoin de faire des
frais de conversation. Liéou-Ye n'osa m'adresser qu'une
(|uestion : « Quel âge avez- vous? » Et comme s'il eût été
trop hardi envers un homme de ma dignité , il se hâea
di'igoùter : « Vous n'avez pas passé dO ans? — Non; lui
« dis-je, je ne les ai pas encore atteints. — Je suis dbnc
m. votre aine, me ditr^il d'une manière assez peu polie. ^
U> avait fait acheter , je ne sais à quelle intention^ une
élfkùe d'eau-de-vie si forte , que quelques gouttes suffi*
itàmi pour bràler le palais* J'ordonnai au Siang-Koung dé
Airecbauff^ une pince de notre vin qui était doux etpa&»
Noblement bon, quoiqu'il neiitkt pas de raisin : comme roel
4itevives lui faisaient honneur de bonnç grâce , j'en fis
AuttSér une saq^nde, f y joignis trois uisrettea de pâtis^
iBrie« dont m-avaient fiut présentdes chrétiens du Hùu*Pk
Digitized
byGoogk
31t
Mm fialB^lre célèbre gala; on prit une lasse de thé, od
fama noe pipe; pois je fi& mes prières , et tombant de
lasttlAide, je m'endormis profondément après avoir répété
mire devise : SictU. auiem fueril voluntas in cœlo, sic
fiak
«Le lendemain, Dieu ayant permis qu'on levât l'ancre
et même de grand matin , nous continuâmes notre
roule. Lèvent nous fut favorable jusqu'à l'enirée du lac,
c'est-à-dire pendant deux jours; mais là, il s'éleva une
forte brise du midi qui nous était contraire. Il fallut
awarrer de nouveau coQtre un bord déjà garni d'autres
kirques qui attendaient, comme nous, un meilleur temps*
Les voyageurs passaient la plus grande partie de ta jour^
née à terre pour respirer plus à l'aise et pour babiller. Je
fis un jour entier de retraite forcée, au fond de notre
barque, de peur d'être reconnu par les gens de Kian-
Kiang-Foûf qui, faisant le commerce à llan-KéoUy
pouvaient m'y avoir vu parmi les chrétiens du village de
KieoU'TovL* Liéou-Ye s'en formalisa; toutes mes hon-
nêtetés n'avaient pu l'apprivoiser; nous eûmes encx)re la
douleur de l'entendre dire, qu'arrivés à Oû-Tching^ lieu
du débarquement, il saurait bien qui j'étais^ dût-il poui*
cdia me suivre partout où j'irais. Le capiinii^e, auprès, du*
qnel on me Élisait passer pour être duKiang^Si^ dit aussi
qu'il ne savait pas d'où je pouvais être ; Liéou-Ye lui
awt sans doute communiqué ses soupçons. Le lende*
maitt je i^ontrai que je pouvais rompre mon ban ; tout en
rftdaol; sur le rivage , jetins conseil avec un de mes gui-
des» et nous crûmes pouvohr tirer enfin la conclusion tani
désirée: Fuyons» fuyons! Je rentre dans la barque; je ma
plaiostout haut d'un vent qui peut encore apporter à mes
pressantes ai&iires plusieurs jours de retard ; j'annonce aii
cai^taine que je débarcpie ; je le prie de me faire con-.
Digitized
byGoogk
312 *
duire jusqu'à Ta-KourTang , où je dois prendre la rouit
déterre; maisfai beau l'assurer que rcAan^-Stony-iTouiij
doit demeurer avec nos effets sur la barque, dont le nau*
iage ne sera pas diminué , il fait la mine, ne bouge pas,
et laisse à TthSien-Cheng tout l'embarras de mon petU
débarquement. Je fis mes adieux à mes deux compagnons
qui me promirent très-gracieusement de me rendre leur
visite à Ou-Tching^ et m'embarquai pour Ta-Kou-Tang^
dont nous n'étions éloignés que de trois lieues.
« Le vent était contraire ; nous n'arrivâmes que vers
le milieu de la nuit ; mais le danger avait fui loin dt
bous; du moins nous le pensions. ••!!! Le lendemain
BOUS étions balancés dans de commodes palanquins,
et trois jours après nous arrivions dans notre première
chrétienté d'Ou-Tchtng.
« La persécution que l'on craignait dans cette ville
lorsque j'y passai , comme je l'ai dit au commencement
de ma lettre , y avait éclaté depuis huit jours. En y ar-
rivant cette fois-ci , sur le soir, je descendis sans me dou-
ter de rien , dans la boutique d'un catéchiste qu'on avait
mis en prison ; mon arrivée, aussi inopportune qu*inat*
tendue, jeta ses employés dqns un extrême embarras , et
Ddoi-méme dans de nouvelles perplexités. Je demandai ou
était la chapelle , f avais promis à Tchang-Siang-Koung de
l'y attendre. Hélas I cette chapelle le mandarin l'avait fait
iarmer depuis quatre jours. Les autres catéchistes , in*
struits de ma présence parmi eux, ne jugèrent pas la mai-
son de leur confrère assez sûre; ils furent tous d'avis qu'il
fidiait me cx)nstituer un gtte plus à l'abri, qui fftt sur k
bord du lac, afin qu'en cas d'alerte je pusse plus faci-
lement me dérober au danger. Ce fut un galetas qui me
servit d'aile; j'y passai ma première nuit sans accident ,
mais abîmé dans une multitude de réflexions diverses :
Digitized
byGoogk
313
« Je De sors donc d'an péril que pour retomber dans un
« autre ; je fois comme le lierre qui , après avoir parcouru
« vallons, collines et montagnes, revient de lui-même
« se placer sous le feu des diasseurs. Cette fois enfin, Fivii
Dominas^ disais-je avec David , quia uno tctniùm {ut ila
« dicam) gradu, ego manque dividimur (1). Je regret-
« tais de mourir à Ve-Kia-Tchéou, parce que là le sacrî-
m fice de ma vie n'anrait été d'aucune utilité pour la Reli-
« gion; à KianrKiang-Fou ^ parce que j*étais incoa»
tt nu ; à HanrKiou , parce que je n'étais pas escorté
« de mes chrétiens. Ici, je n'ai pas lieu d'éprouver
« un seul de ces regrets : le pasteur est au milieu de
« ses ouailles ; je peux les exhorter de la voix et de
« l'exemple , et , comme M. Perboyre , entrer dans la lice
« avec les paroles d'Eléazar : Quamobrem fortiter
• viid excedendo... exemplum forte relinquam, sipromjh
« to anima ac fortiter pro gravissimis ac sanctissimis
« Ugibus hanestd marte perfungar (2).
« Dieu se contenta encore de ma bonne volonté , et
ne me trouva pas digne du martyre. — Le jour suivant
je pus m'embarquer pour Nan-Tchang^eng , notre ca-
pitale , dont tons les chrétiens s'empressèrent de m^ac-
cueillir de leur mieux. Mais, comme on n'était pas sans
crainte , à cause du voisinage de OurTching , je ne fis
pas long séjour; j'ai su depuis que cette chrétienté de
(1) n n'y a pow tint; dira qn*an poiol entre ma rie et mt mort.
(l.Reg.ao. 3.)
(Î5 C'est poarqvaîmamoteoinrageiifement je laimerai un exemple
de fermeté ea souffrant arec conMance et a?ee joie one mort honorable
poar le cahe sacr^ de m Irk^intei loîa. ( 2. Mach. 6^ Î7 et 28. )
Digitized
byGoogk
314
Nan-Tchang-Smg ^aii tombée eUe^mène sons le feu,
d'Dne cruelle persécutioii.
« De là , Je me rendis à Choui-Tchéou-Fon , chrélienié
éloignée d'environ vingt-deux lieues de celle de Nanr
TchangSeng; j*y trouvai Mgr Rameaux. Ce digne Evéque
fat on ne peut plus étonné de mon arrivée ; son cœur pa^
ternel compatit, autant qu'il est possible de le faire, à
mes longues infortunes; il rfomit rien pour me faire ou^
blîer mes fatigues.
« J'avais enGn touché au terme de mon pitoyable
voyage: des contre-temps, des acxîîdcnts, des dangers,
l'avaient sillonné depuis le commencement jusqu'à la fin ;
peut-être Dieu voulait-il par là punir mes péchés , me
faire sentir mon indignité, et me donner au moins lë
mérite des tribulations.
« Mon Tchang-Siang-Koung, que j'avais laissé sur la
barque pour conduire mes effets, eut toutes les peines du
monde à se défaire de Liéou-Ye ; il y parvint cependant
et arriva heureusement à Ou-Tcking.
« Qu'allez-vous penser d'une aussi longue lettre? Si
favais prévu sa longueur, je n'aurais pas eu le courage
de la commencer; aurez- vous celui de la lire?
« Mgr Rameaux est parti dès les premiers jours de
janvier, pour aller faire sa visite pastorale dans la pro-
vince de Tche-Kiang; il n'est pas encore de retour. Sa
Grandeur a été retenue , plus longtemps qu'elle ne pen-
sait , par la visite qu'elle a dû faire aussi à l'Ile de ïYnjr-
ffay ou TchoU'San, que les Anglais occuperont jusqu'à ce
que les Chinois aient entièrement payé l'amende qui leur
a été imposée.
« Depuis ledépart de Mgr j'ai pu reprendre mes courses
sans autres maladies que quelques rhumes, au commen-
cement du printemps. J'ai visité dix-huit chrétientés. J'ai
Digitized
byGoogk
su
bapdsé quinze adultes. C'est à peu près mon contingent de
dhaqae année. Je y'iem encore de baptiser deux personnes :
la première est une femme de soixante ans , retenue dans
son lit, elle est de la ville de Nan-Foung-Hien; la
seoonde est un jeune homme de vingt ans, de Kior^
Tehang-Fou. Hélas I que de raisons n'ai-je pas de crain-
dre que la persécution ne rende encore les conversions
plus rares I Je dois aussi vous dire que le procès que
favais laissé entre les chrétiens de Kieou-Tou et les infi-
dèles du même village est terminé à l'avantage des fidèles.
Le mandarin s'est montré juste ^ ce qui est rare; les
païens , du reste, avaient agi, dès le début, de manière à
compromettre leur cause; pendant tout le cours du pro-
cès, ilsontétémenacés des peines les plus infamantes par
lemandarin, qui, cependant, n'a pas jugé en dernier res-
sort , parce que les deux partis , après avoir supporté de
gfandes dépenses , ont mieux aimé s'arranger à l'amia-
We. Les chrétiens sont, d'après le traité, délivrés, soit de
la contribution aux spectacles , soit de toute part aux au-
tres superstitions usitées dans le village... Ici de nouveau
un grand SU nomen Domini benedicktm; car toute cette
affaire s'est heureusement pacifiée contre l'attente géné-
rale. Nous n'avons point à déplorer de ces haines inter-
minables qui paraissaient fort à craindre. Nos chrétiens
ont gain de cause, et cependant ik sont regardés par les
paûlens comme leurs bienfaiteurs,
k Je suis , etCé
« Laribe. »
Digitized
byGoogk
316
MISSIONS DE LA GÉORGIE.
LeUre du R. P. Damien de Fiareggio, Capucin et Préfet
apostolique de la Géorgie, d Monsieur le Président du
Conseil central de Lyon. (Traduction de ritallen.)
Trébûondo, 1-13 fëfrier 18i5.
« MoifsiBUR LE PubiDBnr;
« La générosité avec laquelle les Conseils de l'Œurre
de la Propagation de la Foi ont secouru les Missions ca-
tholiques de la Géorgie^ confiées depuis plus de deux ans
à mes faibles soins par la sacrée Congr^tion de la Pro-
pagande , me fait regarder comme un devoir de vous
adresser le récit fidèle de notre injuste expulsion de ces
contrées , où , dès l'année 1661 , (m nous a\'ait toujours
vus sujets paisibles et soumis.
« Le projet de ce bannissement n'est pas nouveau ; d^à il
avait préoompé le gouvernement moscovite dès les pre-
mières années qui le virent mature de la Géorgie; mais
les [H^édécesseurs du monarque actuel n'en étaient point
Digitized
byGoogk
S17
vernis à Texécution : ib voulaient trouver un prétexte
qm revêtit une telle conduite des apparences de Téquité et
de la justice; aussi, pour le faire naître, on n'a rien
épargné.
« Ilest impossible de dire en combien de manières
nous fûmes constamment vexés, tourmentés par la multi-
tude incessante de lois, ordres et décrets impériaux.
C'était peu de nous prohiber, sous peine de Texil en Sibé-
rie , de recevoir à la foi catholique tout membre de la
secte grecque; on nous défendait encore, sous la même
peine, de Tinstruire; la conversion de tout hérétique,
païen , infidèle , rendait celui qui en était l'auteur, passi-
ble de graves peines. Bien plus , entretenir des correspon-
dances avec le Saint-Siège, et surtout avec la sacrée Pro-
pagande, prendre le titre de Missionnaires^ recevoir des
secours de l'Europe, nous montrer dépendants de toute
autorité spirituelle qui ne réside pas dans l'empire , écrire
ou dire que nous n'étions pas soumis au consistoire de
Hohilev, foire ordonner des prêtres ou demander les
saintes huiles à tout Evêque qui ne fàt pas sujet russe ,
c'étaient autant de délits dont le moindre châtiment était
l'expulsion de la Géorgie. — Il nous fut pareillement dé-
fendu, sous peine de l'exil en Sibérie, de baptiser aucun
enfant né d'un mariage mixte contracté entre catholiques
et grecs-schismatiques ; mais c'est peu que tout cela :
nous avions défense de nous opposer, même par de simples
conseils, à de tels mariages; et si on en célébrait dans
l'église grecque-russe, on voulait nous obligera les con-
firmer par une bénédiction solennelle. — Il n'était'pas
permis de bâtir des églises dans les lieux oh la population
catholique n'arrivait pas à quatre cents âmes; et là où elle
atteignait ce chiffre, il fallait , pour construire, le permis
impérial : or ce permis, on ne l'obtenait jamais ou que très-
difficilement. Même dans ces derniers temps, l'empereur
Digitized by LjOOQ IC
318
avait expressément ordonné, pour les seuls catholiquesde
la Géorgie, qu'ils ne pussent jamais mettre pierre sur
pierre , soit pour bâtir des églises nouvelles , soit pour
réparer celles qui tombaient en ruine.
« Je serais trop long si je voulais rappeler un à un
les décrets presque innombrables que le gouvernement
russe ne cessait de publier, ou iaisait publier par le
consistoire de Mobilev , pour nous obliger à trahir nos
$aints engagements; et cependant comme tant de vexa-
tions trompèrent Tattente du pouvoir qui voulait ou trou-
ver un prétexte pour expulser les Pères de leur Mission,
pu du moins les fatiguer et les contraindre à Tabandon-
ner volontaii*ement , on eut recours à d'autres intrigues
encore plus honteuses. On prit le parti de fomenter et de
protéger la désobéissances! Finsubordination de quelques
prêtres arménO'caiholiquesd'Akhalzikh,que le gouver-
nement jugeait propres à seconder ses projets.
, « Parmi eux se trouvait un certain D. Paul Sciagu-
liaoti/^trop connu dans ces contrées et même à Rome
pour ses transgressions. Déjà, en 1826, il avait été déposé
du poste de supérieur de cette province, excommunié et
déclaré suspens de ses fonctions sacerdotales par son supé*
rieur légitime , Mgr Vincent Coressi , archevêque de
Sardia et vicaire apostolique patriarcal de Conslantiuople,
qui n'agissait pas en cela sans avoir consulté le Saint- Siège.
Dans la suite, Àkbakikh ayant été placé par le Vicaire apo-
stolique patriarcal de Constantinople sous la juridiction
des préfets apostoliques de la Géorgie , Sciagulianti fut,
parleur intercession, réintégré dans ses fonctions sacer-
dotales, nourri pendant dix années à la table des Pères
capucins , dans le couvent de Tiflis , et de là envoyé une
seconde fois conune supérieur d'Âkhalzikh par le feu Père
Joseph de la G)lla. — Pour reconnaître tant de bienfaits ,
tl ne fit cependant que se montrer toujoui*& plus insubor*
Digitized by LjOOQ IC
319
doDfié, et les réprimuideft ne «ervaiau qu'il le jeter d&BS
4ei excès plus -grives* EoceiuMgé par les promesses
jd'im sénatenr, que Teftpemur avait envoyé remplir mat
iDinoD en Géergie , biealét SciafttUaiiti ne recommiph»
-^lesapérîeur et travailla même à la ruine des I%es.
« Vers la fin de 1842, la sacrée Goa(régi^im delà
Propagande m'élal préfet de la Géorgie; et en lSiâ,k
Vicaffe patriarcal de €aii8tantinop)e me pria de cobA-
nnety comme mon prédécesseur, à exercer une enlikre
juridiction sur ta pr<KNMed'AkhaI^kb. J'en donnai ausMtôt
avis au clergé de cette pMfinde, et spécialement à Sciagn^
Uanti , que j'inviM à reniner dans la voie de Tobéissaoce,
-hii promettant , à cette eonditioB , Foubli dn passé , et
pouà rafCftir, tons tes témoignages d'un amour fraternel.
, — Mais au lien d'accueillir celte invitation muie de
paix, il rédigea des mémoires gros de calomnies et
d'impostnres contre nos Pères et contre moi; puis les
fit tenir à la police d'Akhahikh , au eauvemeur de la
Géorgie et de Tlmérétie, dememrant à Tiflis, et enfin ^
au général en chef lui-même , nommé Nddgard. Pour
accréditer ses mensonges , il avait eu soin de les présen-
ter revêtus des signatures de quinze prêtres arméno-ca-
tholiqnes, de la province d'Akbalzikh» — Je fus appelé
bientêt par les susdites autorités oiviles et militaires à
jme justifier, et àexiiiber les pièces ofiicielles qui consta-
taient ma nomination; oe q^e je fis sans hésiter un seul
instant.
« Cependant le général en chef Neid^^ , tenant à con-
naître toute la vérité , envoya à Athnlrikh le colottel
Ccniébic, luthérien y muni de tontes les pièces do pcck
eès , avec ordre de prooéderèune enqnêteminutiottse» Le
oolonel, étant arrivé sur les lieux, interrogea un à un tov
les prêtres de oetie province} U leur présenu les pétitiogs
revétties de leui^iîgnaittresi Wur demandant, s'ibroeon-
Digitized
byLjOOgk
320
Baissaient dans ces signatures Touvrage de leur main ,
et sMIs pouvaient prouver toutes les assertions que ren-
fermaient ces documents; mais les quinze prêtres, dont
on invoquait le témoignage, affirmèrent tons , à l'excep-
tion de quatre , qu'ils n'avaient point donné leur signa-
ture, et qu'elle avait été falsifiée. Or, les auteurs de ce
mensonge étaient Sciagulianti et trois autres ennemis
des Pères , parmi lesquds deux prêtres frappés des cen-
sures de l'Eglise.
€ De retour à Tiflis , le colonel présenta les docu-
ments de son enquête au général en chef Neidgard qui ,
après les avoir lus soigneusement d'un bout à l'autre,
m'écrivit une lettre ministérielle sous. la date du 31 fé-
vrier 1844, dans laquelle il reconnaissait notre inno-
cence et condamnait la fausseté de nos accusateurs,
mais surtout de Sciagulianti (source et origine de tant de
maux). En même temps il le rappelait à Tiflis, pour
qu'il ftkt soumis par moi à la pénitence qu'il avait méritée;
cependant Sciagulianti refusa d'obéir; il prétexta son
grand âge et la mauvaise saison. Alors le général en chef,
qui ne voulait pas le laisser impuni , le condamna à restar
dans sa maison, et pour qu'il n'excitât plus de nouveaux
troubles par ses discours , il lui défendit de prêcher.
€ Nous crAmes dès lors posséder la paix ; mais le gé-
néral Neidgard avait, dans sa décision, consulté sa
bonne foi et non les intentions de son gouvernement ,
dont la pensée était bien différente de la sienne. En effet,
après quelques semaines , le général reçut un décret im-
périal, sous la date du 19 mars 1844, où il étaiudit :
« Que vu le rapport très-soumis du clergé arméno-catho-
€ lique d'Àkhalzikh , sur les affiih*es qui avaient eu lieu
« entre lui et les Pères, sa Majesté avait daigné ordon-
« ner , en vertu de son pouvoir suprême, que Sciagu-
< liant! serait le supérieur absolu de tous les catholiques
Digitized by LjOOQIC
S31
« arméaiens de la Géorgie et des proTlnces y annexées ;
« que , quant aux Pères • ils poorraient rester dans leurs
« emploîty BMÎs au ocmditions suitantes : 1^ qu'ils
« préleptiflit senwHt de se regarder à jamais comme su-
« jets du trtee russe ; 2^ qu'ils n'ain-aient pins aucune
« correspoBdaoMse aveo les autorités spirituelles de Té-
« tranger ; 3® qu'ils n'entretiendraient plusaucime corn-
« munication ni avec ledergé, ni avec le penple catho-
« lique arménien ; 4^ qu'ils dépendraient en tout du
« consistoire de Mobilev. — On ajoutait que, s'ils ne
« voulaient pas accepter res conditions , ils devaient être
« expulsés iBunédîatemenfhors des frontières. » — Le
gèràral en cW, avant de nous donner connaissance de
ce décret, écrivit au ministre, rinformant d'une manière
détaillée de tout ce qui avait eu lieu , et défendant vive-
oient notre cause ; mais bientôt il lui fut répondu de
Sftinf-Pélersbonrg que, sans faire de nouvelles recher-
ches, il eût à exécuter le décret impérial*
€ C'est le 3 juin 1844 que ce fuial décret me fut
signifié par le chef du gouvernement civil , le général
Gurco. On m'ordonnait en même temps de faire connaître
les Pères qui acceptaient les conditions susdites et vou-
laient rester en Géorgie ; et l'on me prescrivait de remet-
tre h la chaoceUerie du général en chef tous les papiers
de Qos archives concernant le gouvernement spirituel des
Arméniens catholiques. Je répandis , sous la date du 13
juin , qu'étant liés par notre vœu solennel d'obéissance,
nous ne pouvions prendre sur nous aucune réponse d^-
nittve sans la permission du Saint-Père; que nous deman-
dions au gouvernement russe de solKdter lui-même une
décision, ou de nous permettre d'écrire à Rome. Ma
lettre fut envoyée au ministre : pour toute léponse le gé«
oéral Gurco me signifia , le 27 août de la même année ,
que la cour de Russie ne voyait aucune nécessité de
TOH. XVII. 101* 21
Digitized by VjOOQIC
$M
diiPiiidpr iumi permitiion mi Pafei 4|ue nMSikiriMfi prA-
ler «ferment luB^kôt, ou te*» expiiMi.
« Gepeodâni le gouveroaCMU fit puUiir psst là poiiœ
émê toutes les viUes et toue les yilis«is où ae iuMvaieBi
*das cttbdiqiies le nouveM titre de eepéricur 4mmé À
SdaguliaoU ; ce qui fui pour les iidèlesleeuîeid'am lelte
désoiatioB, qu'où u*eii(€iiduU puruii eux que semptrs, que
pleurs et que ^éuMuesueuts. Mae curiurfiques de TifltSviie
Gorii de Koutais, proteetèreia,<|u'a]rantioiûours«ppartfinu
m lite latia , ils ue poumieut reeefotr pour leur curé on
iopérieur m SciafuUauii , ni siueun préire de son rite.
Ces oppositions ayaut obligé le gouteruenent local de
Tiflis d'écrire de nouveau au umislre» notre expulaîon fut
ajournée. — De leur c6(é les catholiques du rite armésieu
des provinces de Lores et d'Alexandropoli, ainsi que umk
leurs curés, et même tm très- grand nouibre de eeus
.d'Akbalzikh présentèrent de chaleureuses suppUcadoos au
gouvernement,, demandant i rester sous la direction des
Pères; mais on refusa de les écouter. Au ceatrarne le
général Guroo , le gouverneur civil et le directeur de la
police ne cessèrent, par des ordres reitérés et deamenaoeib
de réclamer les papiers dont j*ai parlé ci-dessua , coa*
cernant les catholiques arménieus; et la coaatance de mm
refus les ayant tous lassés, le 10 ieptei»bre de la mène
année le directeur de la police se rendit à notre couvent,
et ravit à nos archives les papiers en question.
« Cependant j'appris que le mallieur^x Soiagulianti^ se
confiant dans la proteciion du ministre, avait ooeupé noire
irèa-ancienne église latine d'Akhaltikfa; et ^pe même, sans
autre autorité que celle qu'il tenait de la polke ^ il avait
déclaré suspens d ditini$ le prêtre qoe*i'y avais établi»
A cette nouvelle, n'écoutant que le cri du devoir , j'en"
voyai sur-le-champ le Père Chérubin de Serravesxa qui»
pour se conformer à mes ordres , aymit mis les sct^'Iés
Digitized
byGoogk
3»a
h cette ^ise âfee qm sceau préfectoral et avec celui de
la police, en rapporta ks elefeii Tiflis.
«rSor ces^ esiftfiitet, on me reoiit une lettre du dîrec-
ie«r de la pelke de Tiffo , portait la date du 2 ftep-
Ifqnbre 1S44. Oa m'y denaudait Tioventairc de tous les
dfcts et emeoeats 4le ladite église. Cette lettre , je la
kiwaî «ma réponse ; mais je compris que no^ touchions
à Textrénilé, et ipie bieot^ j'allais être contraint par la
force à abandonner oette portion chérie du troupeau de
Jésus-Christ*
« Dans cette persuasion , je crus qu'il était de mon
devoir d'offirir une messe solennelle de morts pour le
repos des âmes de tous cevx de nos confrères qui a^aienl
pendu lenrdemier sonpiren Géorgie* Le lendemain j'offris
naesecoBde fois le saint Sacriice pour tous les catholiques
défimts de cette contrée. — Ici, Monsieur, je dois avouer
que le coeur me manque pour vous raconter la douleiur ,
la consternation de nos pauvres catholiques. On les voyait
courir à l'égUse dm matin au soir, tristes, les larmes aux
yenx, et en si grand nombre, que souvent ils ne pou«
vstou pae y entrer. Leurs prières éiaieni incessantes ; le
spectacle qu'ils nous offiraient était déchirant : les ons
restaient prosternés, les lèvres collées contre terre; les
antres élevaient kars bras tremblants vers le saint taber-
nacle ; d'autres fondaient en larmes devant l'image de la
sainte Vierge; et tous accompa^^iant leurs prières de
tek cris et de tek sanglots, qa'o«i les aurait pris pour des
condamnés qui vont subir la mort. C'était un spectacle
à Cendre le cceur. Tous sans exception voulurent recevoir
les sacrements de pénitence et d'eudiaristie , comme
s'ils louchaient à leurs derniers jours. — Chez les ca-
dioliques des autres villes, on vit se renouveler les
mêmes scènes aussitôt qu'on eut connaissance de notre
prochain bannissement ; et ceue consternation et cette
21.
Digitized by LjOOQLC
334
ferveur, loin de se ralentir, allèrent touloucs croiwaBt
îusqu'au jour de notre expulsion.
• Cependant le général en chef Neîdgard revint à
Tittis de la guerre du Daghestan, où il était resté envin»
8ÎX mois avec une armée très-nombreuse , et conraw il
était pleinement informé de tout ce qui avait eu lieu, H
fit de nouvelles et plus vives instances auprès du ministre
pour qu'on nous laissât en paix. Pour réponse on lui
reprocha amèrement de ne nous avoir pas déjà chassés ,
et on lui envoya un ordre absolu de nous expulser à
nnstant.
« Ce fut alors que le général Gurco m'écrivit , m'inti-
mant Tordre de partir avec tous mes confrères. Mais
comment obéir à une telle injonction? je ne pouvais
abandonner ce troupeau qui m'avait été conBé par le Vi-
caire de Jésus-Christ. D'ailleurs la neige était assez
abondante , et l'hiver s'annonçait rigoureux. J'adressai
donc au général en chef, sous la date du 14 novembre ,
une supplique , dans laquelle je demandais qu'il nous
fût accordé un délai jusqu'après la mauvaise saison ,
attendu que l^s routes se trouvaient dans un tel état ,
qu'il était impossible d'entreprendre un si long voyage,
sans s'e^iposer au danger manifeste de perdre la vie. Cette
supplique fut acceptée et envoyée au mînisure; mais la
réponse fut que , sans avoir égard à nos observations,
on devait nous conduire aussitôt hors des fipontières.
Ce dernier arrêté du ministre nous parvint vers le
milieu de décembre ; toutefois il ne fut pas de suite mis
à exécution , parce que la neige était tombée si abon-
dante, qu'il était impossible même aux cosaques de nous
accompagner.
« Le 29 an matin , un oflicier de police vint nous
annoncer qu'il fallait absolument partfa» ; puis nous pré-
sentant nés passeports , il réclama deux roubles d'ar-
Digitized
byGoogk
326
geni qui en étaient le prix. « Qui donc, » lui dis*je
atec calnae , « vous a demandé de partir ? Si vous nous
« chassez par force , avons-nous besoin de vos pass*-
« ports? reportez-les à celui qui vous les a remis; ec
« diteskluique^ si je possédais quelque chose, je le don*-
« nerais aux pauvres, et non k la police pour de sem*
« blables actes. » — Sur cette réponse inattendue , ce
malheureux satellite jeia les passeports sur mon lit, et se
retira. 11 ne revint que le soir du jour suivant pour nous
annoncer que, par une concession du directeur de la po-
lice, nous pourrions célébrer la messe le lendemain.
« Enfin le premier jour de la présente année 1845
on amena devant la porte de noire couvent deux char-
rettes allemandes , qui avaient la forme de deux litières.
Elles étaient entourées de plusieurs cosaques armés de
lances, de fusils et de pistolets. Peu après vinrent des
oflkiers de police suivis de sbires ; ils entrèrent dans
notre couvent et nous traînèrent dehors par force. Il était
deux heures de raprès-midl. Cependant je ne voulus
pas abandonner notre demeure sans en avoir auparavant
scellé les portes, quoique nous fussions environnés de
satellites, et exposés aux regards d'une foule immense*
Je vous laisse à penser. Monsieur, dans quelle mer d*hor*
ribles angoisses devaient nager nos cœurs et ceux de nos
pauvres catholiques , nous voyant ainsi séparer les. uns
des autres par la violence la plus barbare. — L'un des
assistants, comptant pour rien la crainte des tourments
auxquels il s'exposait , courut sonner la doche et l'agita
de la manière qu'on a coutume d'employer pour les
offices des morts : il voulait faire comprendre à tous que
oe pauvre troupeau allait être privé de ses pères spiri-
tuels, et cette Eglise de Jésus-Christ rendue veuve par
nôtre injuste exil* — Pour moi , quoique je me sentisse
à la vue de tant de larmes que les catholiques
Digitized by LjOOQ IC
336
n'étaient pas seab à répandre; (car plasd'm hérétique
pleurait atec eux ; ) je ans qall était de mon devoir ,
avant d-abandonner le troopeau confié à mes soins , de le
reooromanderau tendre cœur de Jésus , ei de l« faire
entendre une dernière exhortation. Je ranuosai donc toitf
mon courage, et fendis la foule. J'étais accompagné de
mes confirères, savoir : du Père Chérubin de Serravexza,
du Père Philippe -Marie de Boiogne, a dn Père Emidia
ée Morrovalle^ ainsi que de deax autres préures catbo*
liques arméniens qui devaient être également chassés ;
savoir : du Père Sitnéon Giulardian , religieux méchita-
riste, et de D. Jacques Halaician. Sans d'autres armes que
le cruciiix qui reposait sur notre poiirine, nous enir&mes
dans Téglise, et arrivés près du grand autel où se con-
serve la sainte Eucharistie , nous nous agenouillâmes
devant la table de communion. Nqus éuons là, priant
depuis environ une demi* heure , lorsque les satellites
russes qui nous entouraient et qui croyaient ne pouvoir
nous décider h abandonner Téglise^nous signifièreat qu^tl
était temps d'obéir. Je leur répondis avec fermeté que si
la religion et la décence le leur. permettaient, ils n'avatoit
qu'à nous arracher de cet autel ; car nous , sans trahir
r>os devoirs, nous ne pouvions abandonner de notre
propre mouvement l'église que le Saiat-Pèi*e nous avait
conGée.
« Alors un officier de police alla donner avis de ce
qui se passait au général Gurco , clief du gouvernement
civil, et sur ses ordres^ le directeur de la police Spaginski
entra dans l'église pour nous en arracher. A peine parut-
il dans le sanctuaire , suivi de ses ofliciers subaUerneSt
et s'approdia-t-il avec eux pour nous inviter à partir,
qu'il s'éleva du sein de la fo»le un bruit confus de pleurs
«t de gémissements capables d'attendrir les rocbera. Je
aompris alors qu'il n'y avait (dus. de «essource conlm k
Digitized by LjOOQ IC
327
despoiisnie et la force ; je me levai , et m'éiani revélu de
réiole , je bénis noire désolé troupeau. Trois fois je
m'écriai , en soupirant et en pleurant : « Mes enfants,
« mes cbers enfants, soyez forts dans la foi catholique, et
« le Dieu tout- puissant sera notre protecteur. » — En*
soite nous nous livrâmes entre les mains des ministres dû
la police. Mais , 6 Dieu ! que de peines, que de douleursi
pour arriver jusqu'au seuil de l'église!
« Les catholiques se jetaient en foule sur nos pas pour
nous dire un dernier adieu ; ils voulaient baiser nos
habits et nos mains, et tout baignés de larmes, ils
s'écriaient : « Ah! Pères! comment nous laissez-vous
« orphelins? qui nous assistera au moins au moment
« suprême de notre mort ! Ah ! par pitié , enterrez-nous
d'abord, et puis abandonnez-nous! » Mais les
Russes, insensibles à tant de gémissements et de larmes*^
nous poussèrent hors de Téglise, et nous ayant forcés de
monter sur les charrettes qu'on avait préparées, ils nous
firent escorter par des cosaques^ un oOGcier de police et
d'autres satellites qui ne nous quittèrent plus jusqu'à la
frontière de Turquie.
« Ainsi il nous fallut quitter Tiflis; les principauii
d'entre les catholiques, au nombre dé cent pour le moins,
nous accompagnèrent en pleurant pendant un long trajet ;
puis s'étant mis à genoux, ils nous demandèrent notre
bénédiction^ que nous leur donnâmes d'un grand cœur^
les exhortant de nouveau à se maintenir fermes dans
la foi catholique.
« La nuit du 3 janvier, nous arrivâmes à demi morts
de froid à la ville de Gori. Ayant appris que le gouverne-
ment, déconcené par Pintrépidité de nos deux confrèreB
chargés ds soin de cette Mbsion , n'avait pu jusque-là
les chasser de leur poste, je demandai comme une grâce
à foBicier de police la liberté de passer au moins cettd-
Digitized
byL^OOgk
328
Dttii dans le couvent : ma demande fut repoussée ; mais un
des principaux catholiques de Gori , M» Jacques Zub-
bolanti , à force d'instances , obtint du gouverneur la
permission de nous offrir Thospitalité dans sa maison.
« Le jour suivant, nous devions être les témoins
d'une scène encore plus déplorable que celles qui, jusque-
là , étaient venues nous désoler : )e supérieur de cett^
église de Gori^ le Père Emmanuel d'Iglesias, s'éuit
persuadé que les Russes, en qualité de chrétiens, n'ose-
raient pas employer la violence pour l'aiTacher du lieu
sdittt. Fort de cette persuasion , il s'était retiré dans une
chapelle revêtu de ses habits sacerdotaux, et là il se
tenait en prière. Le gouverneur de la ville» à qui les au*
t^Hlés supérieures de Tiflis avaient déjà Intimé l'ordre
d'en chasser les Missionnaires , fit conduire devant la
p()rte du couvent deux charrettes escortées comme les
nôtres par des cosaques ; puis accompagné d'un colonel,
du directeur de la police, d'autres officiers et de sbires,
3 pénétra dans la chapelle et en chassa tous les catholi-
ques qui étaient à genoux , fondant en larmes devant le
très saint Sacrement, ou bien se confessant à l'autre
llissionnaire, le Père Bernard de Bologne. Après ceh,
le gouverneur intima au Père Emmanuel l'ordre de dépo-
ser ses ornements sacrés et de partir ; et comme le Père
n'obéissait pas ^ le gouverneur lui-même, de ses mains ;sa-
cilléges^ et avec l'aide des agents de la police, osa le
dépouiller. Les deux bons Pères , obligés ainsi de céder à
là force y ne purent pas même dire un dernier adieu à leur
peuple affligé; mais, placés sur la charrette, ils furent
chassés comme deux malfaiteurs.
« Le lendemain il nous fallut poursuivre notre voyage;
tous ceux qui connaissent l'élévation et l'aspérité da
mont Sùwtam^ pourront aisé/nent se fiûre une idée de ce
qjCte nous^ eûmes à souffrir pour le traverser dans une sai*
Digitized
byGoogk
32»
son si rigoureuse. Le 9 janvier , grdce k Dieu , nous
étions en vue de la ville de Koutais. Là , nous trouvâmes
un grand nombre de catholiques accourus à notre ren-
contre , et qui , par leurs pleurs , nous témoignèrent une
tendre affection. Entrés dans la ville, nous descendimes,
accompagnés de Tofiicier de police qui ne nous quittait
jamais, chez M. Etienne Acopovi , où nous reçûmes Tac-
cueil le plus filial. — Bientôt je fus instruit de la manière
inhumaine dont avait été chassé de cette ville le Père
Florent de Torgiano, que j'y avais établi, depuis deux
ans , en qualité de curé. Le gouverneur, usant de ruse ,
Pavait fait appeler chez lui ; aussitôt avait paru devant
sa maison une charrette de poste accompagnée de deux
cosaques armés et d'un officier de police; et le Père
avait été obligé d'y monter, sans pouvoir obtenir la per-
mission de célébrer la sainte Messe, quoique ce jour- là
fat un jour de fête , et sans qu'il liu eût été donné d'aller
au couvent prendre une légère collation , avant de se
mettre en route. — Les catholiques, qui s'étaient aperçus
de la violence qu'on faisait à leur Père , étaient accourus
en foule pour lui baiser la main; mais ils avaient été
cruellement repoussés par la police.
« Et nous aussi il nous fallut partir de Koutais, après
avoir obtenu avec peine d'y demeurer presque deux
jours. Ils furent employés à confondre nos' larmes avec
celles de nos affligés catholiques , qui voulurent encore
nous accompagner, en pleurant, pendant un long trajet,
sur le chemin de notre exil. — Ainsi , avec le cœur percé
d'épines toujours nouvelles et toujours plus doulou-
reuses, nous nous acheminâmes par la très-difficile
route à'UsurgheUi. Ohl que de souffrances, que de
Irayeiurs nous éprouvâmes en traversant ces âpres mon-
tagne^, toutes couvertes de neiges et de glaces!... Cha-
que pas <pie Gsiisait notre cheval dans ces sentiers glissants^
Digitized
byGoogk
330
mettait nos jours en danger, et , après ces journées rudes
et laborieuses^ nous étions contraints de passer la nuit
sur la terre , dans des chaumières enfumées , que des
bêtes de somme partageaient avec nous.
« Enfin , après quatre jours d'un aussi pénible voyage,
nous arrivions à Usurgheiti. Une grande consolation
nous y attendait. Nos confrères de Gori se reposaient là
depuis plus d'un jour, il nous fut donné de les revoir...
Tous ensemble nous fûmes escortés jusqu'aux frontières
de la Turquie , où nous devions rencontrer, chez les ma-
hométans, celte hospitalité que nous refusaient si cruel-
lement des chrétiens moscovrites.
« Le 17 janvier, vers le soir, nous arrivâmes à Ctu-
rukfu , premier village turc au delà des frontières russes.
. Nous descendîmes chez M. Paul Borro , Génois , où nous
trouvâmes le Père Flprent de Torgiano. Nous aurions
voulu fixer notre demeure dans ce pays, pour êire plus
rapprochés de nos pauvres catholiques de la Géorgie ;
mais l'impossibilité de trouver une habitation nous con-
traignit au départ.
« C'est pourquoi , le 20 du même mois, mais bien à
contre-cœur, nous nous embarquâmes pour Trébizonde ,
où nous étions rendus le soir du 25 janvier (6 février)
après avoir essuyé deux furieuses tempêtes. : — A Trébi-
zonde, nous avons été accueillis avec beaucoup d'afia*
bilité par tous les habitants , mais sunout par le consul
de France, M. de Cleirambault, qui voulut lui-même
nous donner l'hospitalité jusqu'à ce qu'il nous eût trouvé
une habitation commode. — C'est dans cette nouvelle
demeure que nous sommes tous réunis , attendant qtie la
sacrée Congrégation de la Propagande nous ait indiqué
notre destination.
« Quoique les satellites russes ne nous aient jamais
quiués dans notre voyage au travers de la Géorgie^ 6e<-
Digitized
byLjOOgk
331
pendant, partout o& nous avons passé, nous avons pu
satisfaire la piété des fidèles , écoutant leurs cobressions ,
les communiant , et donnant aux enfants qui ne ravalent
pas encore reçu , le sacrement de confirmation. Le spec-
ucle des injustes traitements qu^on nous faisait subir,
inspirait à nos chrétiens de tels sentiments de compone-
f ion , que tous ceux qui , avant notre départ , avaient des
difféiends, se réconciliaient , et que tous voulaient régler
leurs alTaires par notre entremise.
« En quittant la Géorgie , j'ai posé les scellés sur tous
nos couvents, après avoir distribué aux pauvres les
effets mobiliers qui s'y trouvaient; mais il ne m'a pas
été possible de sceller les églises de Tiflis , de Gori , de
Koulais, parce que j*ai dû respecter les prières des catho-
liques. L'unique consolation qui leur restait, me disaient-
ils , c'était de pouvoir s'y réunir et d'y prier ensemble
pour que Dieu leur vint en aide pendant l'horrible per-
sécution qu'ils redoutaient. Pour ce qui concerne les effets
dont la propriété est aux dites églises, je les ai confies à la
garde des principaux catholiques qui m'en ont délivré
rinveniaire , et se sont engagés à les conserver. — Tou-
tefois j'ai cru devoir protester , par avance , contre
tout envahissement des biens, meubles et immeubles,
qui appartiennent à la Blission , et fai donné ma pro-
curation à M. Monnot , chargé d'affaires du consulat fran-
çais à Tiflis. J'ai joint à cette procuration une copie de
la protestation expédiée par moi, de Koutais , au général
en chef Neidgard. — Enfin, j'ai gardé dans mes mains
tous les titres des biens immeubles, quoique le gouver-
nement m'eût tah écrire cent et cent fois de les lui
remettre.
« Eg outre, avant de partir, j'ji confié por écrit à
D. Antoine Glacov tous les pouvoirs qu'il m'était permis
de communiquer, le priant instamment, tant que le
Digitized by LjOOQIC
333
Russes le laisseraient dans cette Mis^n , de prendre soin^
non-seulement des catholiques de Kouiais, mais aussi de
tous ceux qui étaient sous ma juridiction.
« Voilà , M. le Président , la déplorable histoire de
notre expulsion d'un pays où les Pères de notre ordre
avaient paisiblement passé cent quatre-vingt-trois ans.
Toujours chers aux diflcrcntes sectes et aux diverses na-
tions qui l'habitent , ils avaient été constamment respec-
tés par les gouvernements qui s'y étaient successivement
établis, je \eux dire les Perses, les Géorgiens et les
Turcs. Déjà une première fois, il est vrai , ils avaient été
expulsés par les rois géorgiens ; mais ces mêmes rois ne
se contentèrent pas de les rappeler , ils voulurent encore,
comme pour dédommager nos Pères, leur donner et des
terrains et des esclaves , ainsi qu'il est prouvé par des ac-
tes authentiques qui sont encore entre nos mains. Les
Russes seuls n'ont cessé de nous inquiéter dès le pre-
mier jour qu'il les vit maîtres de la Géorgie. Est-ce ainsi
qu'il fallait recompenser notre fidélité et tant de services
que nous leur avons rendus?... Ils ont fini par nous expul-
ser de la manière la plus barbare, sans avoir aucun
reproche à faire peser sur nous; au contraire, après les
plus longues et les plus sévères perquisitions^ ils ont eux-
mêmes reconnu notre innocence.
« Ce qui, par-dessus tout, m'étonne, c'est que, pour
justiGer la nomination de l'intrus Sciagulianli, on ose
avancer, comme me l'a écrit le consistoire de Mohilev,
sous la date du 30 novembre 1844, que le gouvernement
a été poussé à cette nomination par les prières de tous
les caUioliques, ce qui est complètement faux. J'ai eu, par
les soins des catholiques eux-mêmes, les copies fidèles de
plusieurs pétitions présentées par eux au gouvernement,
dans lesquelles ils déclinaient l^autorité de Sciagulftnti, et
demandaient à rester sous celle des Pères. Une de cet
Digitized
byGoogk
333
pétitions qui avait été adressée au mois de novembre au
général en cbef Neidgard , par onze villages entiers ca-
tholiques-arméniens , disait formellement qu*ils avaient
été trompés et trains par les espérances à l'aide desquelles,
après la guerre soutenue contre la Turquie, on les avait en-
gagés à venir dans Fempire russe. Alors on leur promettait
qu'ils seraient libres dans l'exercice de la Religion catho-
lique; et maintenant, ajoutaient- ils, nous voyons par expé-
rience que nous avons perdu cet te liberté dont nous jouis-
sions sous la domination ottomane ; car elle nous laissait
gouverner par les supérieurs que l'Eglise nous donnait,
6 nous contraignait point d'en accepter d'autres»
« J'ai dans mes mains, Monsieur le Président, les
preuves authentiques de tout ce que j'ai rapporté ci-
Je vous prie d'agréer, etc.
« J. Dahien de Viareggio, Capudn,
Ex-Préfsi aponU de la Géorgie. »
Digitized
byGoogk
3M
MISSIONS DU TONG-KTNG.
iMire eu A. P. Raytmnd SatcdOj DominietHn ei Procu-
reur des Miêsians BSfûgndei d$ la Chine et du Tcng-
King^ au Conseil central de Z.2f<m«(TrâdncUoD de Tes*
pagnol.)
BIicto,i6iiiail844.
« Messibubs,
« Appelé par mes supérieurs à diriger les affaires des
Missions de la Chine et du Toog-King , je regarde comme
UD devoir de faire arriver à votre vénérable conseil l'ex-
pression de la graiitude et de l'affection respectueuse que
tous les membres d'une association , à laquelle nous de-
vons tant de bienfaits, inspirent aux Evéques, aux Mission-
saires et aux fidèles du Tong-King.
«Ces sentiments de reconnaissance dont je suis pénétré,
mi'împosent également l'obligation de vous faire connaître
les es{iérances de la Mission du Tong-King, de. cette
terre auosée du sang de tant de martyrs ; mais le dou-
Digitized
byGoogk
335
looreux événement, dont je vous entretiendrai bientôt, mt
meUant dans Tinipossibiliié de vous envoyer nn tablea^i
eomplet , je laisse ce soin à mes supéi'ieurs,et , pour moi»
je me contenterai d'ajouter ù l'esquisse mal ordonnée de
mon voyage quelques renseignements généraux.
« Après irois années de séjour nu Tong-King , an mo-
ment où, toutes les premières difficultés étant vaincues,
je m'abandonnais avec une joie inexprimable à Tespérance
de pouvoir travailler uiilement à la conversion d'us
foyaume auquel je me sentais si fortement attaché, je re-
çus, tlans le courant d'octobre, de notre Père provinci^d
résidant à Manille, l'ordre de me rendre à Macao pour y
prendre la procure des Missions de notre ordre en Chine
et au ToDg-King. Abandonner mes nouveaux chrétiens ,
était pour moi un sacrifice; ntais en obéissant j'aiqciais à
penser que si, au Tong-King, je travaillais comme un Mis-
sionnaire isolé, à Macao je pourrais participer aux tra-
vaux de tous ceux de mes confrères qui se dévouent aux
Missions.
c Consolé par cette pensée , je partis du Tong-King au
mois de novembre. Notre barque , montée par des cbré-
lieas, était accompagnée de deux autres barques d'infidè-
les^ qui conduisaient une provision de riz. J'étais oMi^
de me tenir caché pour n'être point aperçu. Toutefois^
cette gène devait être la nu)indre mortification de mon
voyage. Après trois jours de navigation , comme nous
étions arrêtés par un calme au pied de la iorteresse du
grand mandarin du district, nous vîmes arriver à nous
quelques jonques montées par le Secrétaire du manda-
rin, par des officiers et des soldats. Elles venaient réclamer
l'impôt dont est frappée l'exportation des vivres. I>ans
une situation aussi critique, je n'eus d'autre ressource
que de me blottir, en eniassant sur moi toutes les vieiltos
h^des des matelots, quelques meubles et hi voilure de
Digitized
byGoogk
336
rembsurcation, de sorte que pour conserver là vie je TailUs
étouffer. Bientôt nos visitears eurent sauté dans la bar-
que ; ils s'y arrêtèrent même pour prendre leur repas , et
fe secrétaire du mandarin resta couché pendant deux heu-
res à mes côtés ; mais tous partirent sans soupçonner
qu'il y eût là un Missionnaire. Pendant leur importune
visite le premier des catéchistes que j^avais avec moi ré-
citait le chapelet; c'est peut-être à sa fervente prière que
je dois mon salut.
« Le 4 décembre nous abordions à b Fku, prem^re
▼ille chinoise. Les habitants de cinq villages des environs,
dont deux diinois et trois tong-kinois, étaient privés de-
puis deux ans des secours spirituels. J'avais reçu Tordre
de leur administrer les sacrements. Les termes me man-
quent pour vous exprimer la joie avec laquelle ces pauvres
néophytes m'accueillirent. Tous voulaient profiter d'une
occasion si favorable; ils accouraient en foule pour se
confesser; et les mères apportaient leurs entants pour
leur faire donner l'eau sainte du baptême. Attendri i la
vue d'une telle ferveur que n'avaient pu ralentir deux
années d'abandon , je me livrai tout entier au travail,
si bien qu'il m'est arrivé de rester trob jours et trois
nuits sans goûter le sommeil , afin d'entendre les con-
fessions.
« Mais cette dévotion , cette ferveur de nos pénilenu,
vous l'apprécierez bien davantage lorsque vous pourrez
vous faire une idée de la manière dont on se confesse an
Tong-King. Représentez-vous des maisons construites en
roseaux et couvertes de paille; de petites ouvertures pra-
tiquées à un mètre d'élévation au-dessus du sol , leur
servent de fenêtres; et ce sont elles aussi qui remplacent
la grille du confessionnal ; le prêtre est placé dans l'inté-
rieur, et les fidèles qui se tiennent à genoux en ddiors
sont exposés à la rigueur des saisons ^ ce qui relève sîn-
Digitized
byGoogk
337
gafi^ement le mérite de leur piété , surtout pendant k«
nuits d'hiver.
« Pour moi , les Ëitigues de celte station ont été abon-
damment récompensées par les fruits que j'ai eu la conso-
lation d*y recueillir. Car dans l'espace de quatre rnois^
faiconréré solennellement 99 baptêmes, soit d'enfants «
soit d'adultes; j'ai entendu 1,036 confessions, donné Ja
cominiuiion à plus de 1,000 personnes, administré 17
extrêmes-onctions et béni 4 mariages.
« Dans cette foule de pénitents, on a pu remarquer
quatre ou cinq mandarins locaux (maires) le second
mandarin du district et le secrétaire du mandarin prin-
cipal. Tous ceux qui avaient scandalisé leurs frères en re-
tournant aux superstitions pendant la persécution prccé-
deote, ont donné des témoignages publics de leur sincère
repentir. Pour réparer ce scandale, je les avais réunis
dans l'église ; tandis que je me préparais à célébrer , iis
se tenaient debout, et chacun d'eux versant d'abondantes
larmes, faisait sa profession de foi en disant : « Mes
€ frères , je crois, en Dieu le Père , le Fils et le Saint-
€ Esprit. Vous connaissez Icc superstitions auxquelles
« j'ai pris part. Je veux sincèrement me corriger. 4c
€ TOUS conjure de ne pas suivre mon exemple et de
« prier pour moi Notre-Seiçneur Jésus- Christ.» Les as-
sistants fondaient en pleurs ; et moi-môme jo me sentais
ému à la vue d'une scène si louchante.
« Mon séjour à la /%u commençait ù se prolonger im
delà des limites que j'aurais voulu lui donner ; mais en
sortir n'était pas chose facile. Cependant il fallait prendi«
un parti ; je me décidai à acheter une barque que j'offris
en payement à ceux qui voudraient bien me conduire à ma
destination. J'en trouvai une qui était si petite et eum
mauvais état que c'était exposer sa vie que de la lui con-
fier. Jugez ce qu'elle pouvait être , puisqu'elle ne nom
TOV. XTII. 101. 22
Digitized by LjOOQ IC
338
eoôta que deux cent cinquante francs, y compris les ac-
cessoires. Je m'embaïquai avec sept Chinois et trois Tong-
Kinois; nous étions groupés les uns sur les autres, surtout
quand nous voulions reposer ; mais ce n'était lù que le
commencement de nos maux.
« Après quelques jours de navigation, nous nous vîmes
Assaillis par trois barques de pirates qui, s'étant élancés
sur nous, saisirent noure gouvernail et s'emparèrent de tout
ce que nous possédions, sans la moindre résistance de notre
pùitt. Notre argent, nos provisions , Teau douce que nous
avions prise pour le voyage, tout nous fut enlevé ; môme ib
nous dépouillèrent de nos bardes et emportèrent quelques
pkmcbes de notre frôle embarcation. Mais ce qui m'affligea
davantage, ce fut de voir tomber dans ces mains sacrilèges
Fe crucifix , la boito des saintes huiles , les reliques des
martyrs et la correspondance des Evoques , du Vicaire
provincial et des Missionnaires. Parmi ces écrits il s'en
trouvait un fort^étcndu, destiné aux respectables Conseils
dé FŒuvre de la Propagation de la Foi. N'écoutant que ma
douleur, je priai ces pirates de me rendre le Bré-
viaire et les papiei-s qui devaient leur être complètement
iimtiles; mais celui qui tenait le gouvernail fut si irrité
de ma demande, qu'ayant saisi son sabre, il m'en
aurait tué, si je n'avais eu l'adresse de me cacher sous le
pont.
« Impossible de vous peindre les sou£Erances qu'il nous
bilut endurer pendant les sept jours que dura encore
notre vo}*age. Sans ressource contre le froid , sans autres
provisions qu'un peu de riz et quelques poissons déjà
en ponrriiore , n'ayant pour toute boisson qu'un peu
^taa douce mélangée d'eau salée et remplie d'ordures ei
«Tinsecles, notre troupe offrait le plus triste tableau;
qnriques-uns d'entre nous étaient tombés malades; les
infidèles se désespéraient ; tous nous nous attendions k
Digitized by LjOOQ IC
339
monrir de besoin et de misère ; mais grâce à Dieu , nous
arrivâmes à Macao : c'était le vendredi saint.
« Ici je devrais terminer mon récit , si les pirates ,
comme je viens de le dire, ne m'avaient pas enlevé la cor-
respondance du Vicaire provincial , le Père Dominique
Marti ; mais désirant réparer autant que possible une perte
si dodoureuse, et en attendant le retour du courrier que
j'ai expédié à ce Père pour le prier d^écrire de nouveau sa
relation , je veux , à Taide de quelques faits qui se sont
passés sons mes yeux , essayer de vous faire connaître
les espérances de la Religion auTong-King.
« La preuve la plus éclatante des progrès que fait le
christianisme dans celle contrée , c'est que Tannée der-
nière huit villages dinfidèles , sans excepter leurs manda-
rins locaux (maires) ont demandé tous ensemble des
catéchistes , pour leur enseigner h doctrine chrétienne et
les disposer au baptême. Je ne saurais vous dire quelle
^e nous apporta cette heureuse nouvelle. Des catéchistes
lurent envoyés à Finstant ; leurs instructions, celles des
Missionnaires et de quelques prêtres indigènes, mais sur-
tout le zèle et l'activité de Mgr le Vicaire apostolique qui
s'était empressé d'accourir , ont tant avancé les choses,
que ce digne Prélat, pour sa part, a baptisé en deux jours
quatre-vingt seize adultes, et donné la communion à cent
nooveaux convertis.
« Mais celte joie fut troublée par l'ai'restation d'un
catédiiste nommé Dat , qui avait été envoyé par le Père
Marti pour compléter Tinstruction des néophytes de ces
villages. On le conduisit chez le mandarin delà justice,
qui le condamna à recevoir quarante coups de roiin.
Celte sentence fut exécutée d'une manière si cruelle, que,
lui ayant déchiré les chairs, on le laissa dansi'état le plus
pitoyable; puis il fut renvoyé en prison. Mais, A Dtd»
de mMrlcordel que vos yoles sont impénétrables I qw
Digitized by LjOOQ IC
340
\oè pensées ressembleni peuaoK pensées des homn^s!....
Le mandarin voulail punir ce caiéchiste en le jetant dans
un cachot ; et dans celte même prison , ce catéchiste a
converti et baptbé un assassin qui, nprès avoir pleuré ses
crimes , a souffert avec tant de résignation la peine qu'il
avait méritée, qu'au moment où on lui coupait le poignet,
on l'entendit s'écrier : O Jésus I et il mourut ainsi,
en invoquant le très-doux nom de notre adorable Ré-
dempteur.
« Cette convei*sion ne fut pas le seul événement re-
marquable qui accompagna Farrestaiion du catéchiste.
Pendant qu'il attendait la sentence déGnitivedu mandarin
de la justice, le roi apprit la manière arbitraire avec
laquelle ce naagistrat avait agi à son égard. En effet
aucune autorisation ne lui avait été donnée ; il avait laissé
de cdté les formalités ordinaires; même il n'avait point
présenté de rapport au mandarin général. Dès lors certain
que le roi lui ôterait la vie , ou du moins son emploi ; ne
pouvant supporter cette pensée humiliante que le man-
darin général serait son juge, il eut recours au suicide. —
Après sa mort des négociations furent entamées avec le
mandarin général; il accorda la liberté du catéchiste,
moyennant la somme de 20 barres d'argent , c'est-à-dire
1,400 francs.
a A la même époque, dans le district de Mgr Ximcno ,
coadjuteur de Mgr Hermosilla , deux autres villages de-
mandèrent également le baptême. On leur envoya des
catéchistes; mais quelques infidèles, irrités de voir déserter
de la sorte les rangs de l'idolâtrie, présentèrent un rapport
au maire du village voisin qui , accompagné de plusieurs
satellites, arrêta les catéchistes et quelques chrétiens zélés
qui les aidaient dans leur ministère. Mgr Ximeno envoya
de suite avec des présents une des personnes les plus
narquantes de l'endroit où je résidais, afin d'obtenir da
Digitized by LjOOQ IC
341
mandaria général le rachat des captifis. Celui-ci répondit
qu'il donnerait Tordre de ne pas les conduire à la capi-
tale, et qu'on leur rendrait la liberté immédiatement. —
Us furent effectivement mis en liberté, mais un peu
plus tard , parce que tous les mandarins s'étaient rendus
aux funérailles de ce mandarin de la justice qui s'était
suicidé.
m Id je dois vous signaler une circonstance qui me fait
ooncevoir les espérances les plus flatteuses pour l'avenir
de la Religion dans le Tong-King. Le mandarin qui avait
arrêté les catédiistes était allé , accompagné d'autres
Humdarins locani, rendre visite au mandarin des sceaux,
qui est le secrétaire du roi : il croyait obtenir de sa
part des marques de saiis&ction ; mais le contraire
arriva ; car ce haut fonctionnaire lui dit d'un ton indi-
gné : « Vous êtes plus coupable que les chrétiens eux-
€ mêmes, vous qui les avez arrêtés , sans en avoir reçu
m l'ordre du roi ou des grands mandarins; et je me
« rendrais coupable à mon tour, si j'approuvais cette ar-
m restaiion. » Cette sévère réprimande enleva tonte espé-
rance au mandarin prévaricateur; les catéchistes furent
délivrés, ainsi que je l'ai dit, mais moyennant une somme
d'argent; bientôt ils retourneront aux mêmes villages qui
tiennent de les redemander avec de vives instances, en di-
sant qu'ils ne craignent pas les infidèles.
« Dans le courant de celte même année, Mgr le Vicaire
apostolique et son Coadjuteur , accompagnés de quelques
prêtres indigènes , ont visité un grand nombre de chré-
tientés et administré le sacrement de confirmation à plu-
sieurs miilliers de fidèles. De son côté , le Père Vicaire
provincial ne laisse échapper aucune occasion de mani-
fester son zèle. Comme j'étais encore à la PMi, je reçus une
lettre dans laquelle il m'annonçait qu'il venait de partir
pour la province méridionale : c'est elle qui fut le théâtre
Digitized
byGoogk
342
de- la dernière penéottUon ; depuis oeile époque f,90u& en
étions comme exiié$« Il lui a Tallu traverser une rnukâtode
d'obstacles : nous avons bien des raisons de craindre qu'il
n'ait déjà été arrêté; toutefois nous aimons à espérer que
la divine Providence ne nous privera pas d'un ap6tre
qui, à kii seul, peut tenir lieu de plusieurs Missipnnairesi
et dont les secours sont réclamés par une province qu'a
sanctifiée le sang de tant de martyrs.
« Tel est Fétat de la Mission du Tong-Kîng oriental; les
choses sont à peu près sur le même pied dans le TcHig-
King occidental; de sorte que la Religion gagne pea à peu
cette terre que l'ennemi infernal tenait depuis taaldesiècles
sous son empire. Tous Iv;s jours elle envoie desélus au ciel ;
mais c'est surtout parmi les enfants qu'elle va lescbercber.
Notis avons des catéchistes et plusieurs médecins chrélieBS
qui, appelés à donner leurs soins à ces pauvres enfonts, i
l'article de la mort, parlent avec énergie à leurs parents
des avantages du baptême. Souvent ceux-d se décident à
les laisser baptiser, a6n de les envoyer au ciel ; ils exigent
seulement qu'on leur donne de quoi se proairer le cer-
cueil ou la robe nécessaire pour leurs funérailles. Ces
bonnes oeuvres sont , il est vrai , pour la Mission, la
source d'une dépense de quelques milliers de francs;
mais qu'importe la dépense, si l'on envisage la conquête
de tant d'dmes dont les unes vont peupler le ciel , et
les autres restent conune une espérance pour nos Mis-
sions?
« Connaissant, Messieurs, le tHe de votre pieose Asso-
ciation , je croirais vous faire une injure si j'entreprenais
d'exciter votre foi , en vous exhortant à poursuivre
votre si glorieuse carrière ; mais vous écrivant pour la
première fois, au nom de cette Eglise du Tong-King
qui vous doit , en grande partie , ses progrès , je vou-
drais pouvcMT vous dire jijsqu'où va la reconnaissanoe des
Digitized
byGoogk
343 '
Evéques, des Missionnaires, des Pères ei de lous les Gdèlff
de ces contrées.
« Je conjure tons vos Associés de ne point se laner
de contribuer à cette belle Œuvre, si digne de la charité
chrétienne; leurs aumônes sont reçues par Dieu conHne
HO sacriGce d'agréable odeur ; et je dois ajouter poor
ienr consolation, que tous les prêtres du Tong-King
célèbrent deux messes chaque année, et les élèves de
la maison du Seigneur récitent chaque jour le chapdet
pear que Dieu leur accorde les bénédictions du temps et
de rétemité.
« Je suis , etc.
« Fb. Ràtvohd Barcblo. •
Digitized
byGoogk
344
Extrait (Tune lettre du même Père à M. le Président du
Conseil central de Lyon. (Traduction de TespagnoU)
Macao,4j«iUell8U.
« Monsieur lb Présidbivt ,
« D'après les lettres écrites par le Vicaire aposto
Itque Mgr Hermosilla en mars et mai de cette année , la
persécution qui recommence ses fureurs , rend de jour
en jour TEglise du Tong-King plus digne de compassion.
Un des gouvemeursde cette contrée a promulgué un décret
vraiment diabolique qui renouTclle tous les édits anté
rieurs de persécution , et intime aux mandarins inférieurs
fe plus strict accomplissement des dispositions qu'il con-
tient. Le samedi saint on a arrêté un Père indigène de
notre ordre et un catéchiste, ainsi que le maître d*une
maison dans laquelle s'étaient retirés trois chrétiens qui y
vivaient paisiblement* Le catéchiste et les autres capti&
ont été rachetés avec de grosses sommes d'ai^ent ; mais
te Père a été soumis à la torture du rotin , et comme
malgré les tourmentSi il demeurait constant dans la foi, on
Ta conduit en prison la cangue au cou. Il y est encore
aujourd'hui. — Le même jour on a saisi un autre Père
indigène du Vicariat occidental, le même qui, déjà Tannée
dernière, avait été pris et racheté. Ce Père a été bâtonné
deux fois. Mais sa constance ne s'est pas démentie , ainsi
Digitized
byGoogk
345
que l'écrit Mgr Retord, qui lui-même a été Fobjel de vives
poursuites; car les païens étaient venus un jour cerner le
I^urg où il résidait ; mais averti à temps , le Prélat put
prendre la fuite avant que les troupes ne fussent ar-
rivées. La capture s'est bornée à quelques livres euro-
péens et autres effets;
« Le 23 avril dernier, un antre Père indigène, domi-
nicain , a été également arrêté avec sept chrétiens qui
raccompagnaient. Rien de plus odieux que les circon-
stances de cette arrestation : le Père allait administrer les
sacrements; il était obligé de passer devant la maison
d'un infidèle qui déjà avait dénoncé un autre Père, il y a
quelque années; aujourd'hui il montrait le plus vif in-
térêt pour les dirétiens, ce qui n'empêchait pas les Euro-
péens de se défiei* de lui, et l'événement a prouvé que ce
n'était pas sans raison. En effets lorsque le Père fut arrivé
près de l'habitation de ce païen, cdui-d, venant à sa ren-
contre, l'engagea à entrer et à se reposer dans sa demeure.
Le Père s'en excusa; mais l'insistance , ou plutôt la vio-
lence du païen fut telle, qu'il devint impossible de ne pas
céder. Cependant, à peine le Père eut-il mis le pied dans
la maison, que l'infidèle, fermant la porte, appela ses do-
mésUques, et tous ensemble s'étant Jetés sur lui et sur ses
compagnons^ ils les traînèrent devant le mandarin. Ceux
qui suivaient le Missionnaire furent rachetés; mais pour
lui, après avoir subi la rude épreuve du rotin, il fut con-
duit la cangne au cou à la prison où se trouve l'autre Père
dbminicain dont j'ai parlé plus haut. Jusqu'à présent, il
vtj a pas encore eu de jugement rendu contre eux, et l'on
^nore ce que pensera le roi de leur capture. J'aurai soin
de vous tenir informé des suites de cette afl&ire.
€ Le Procureur deê Missions espagnoleê.
Fa. Raymond Barcblo. »
Digitized
byGoogk
346
Lellre du même Pêne au Préiident du Conseil cetHral de
Lyon. (Traduciion de Tespagnol. )
Macao, 10 juillet 18ii.
« MemsiBUR le Psésident ,
« Dans ma lettre du 16 mai dernier , je vous amionçais
'que f avais expédié un courrier au Père Marii , Vicaire
provincial, pour le prier de faire une seconde copie de h
relation qui vous était d^tinée, et qui m'avait été en-
levée" par*' îes' pirates. Ce Père vient de m'écrire ; mais
dans la crainte de vous fatiguer par des redites , je
laisserai les passages qui reproduisent, quoique avec plus
de détails , les nouvelles que je vous ai déjà données.
Je me contenterai d'extrair« de sa lettre ce qui lait suite a
Histoire de la conversion des villages dpnt je vous au
entretenu , et ce qui a ti-ait au voyage du Père dans la
province méridionale.
« Voici ce qu'il me mande relativement au prenter
point :
« Je ne pouvais abandinmer notre catéchiste après son
« arrestation ; afin donc de suivre la trdc e de ses pas, it
« quittai les cliréiienlés nouvelles qu'il venait de fonder.
« Ces clirélientés on\ montré un constant amour pour kt
« Beligion chrétienne. Dès qu'elles an^rirem que leur
« catéchiste était en prison, elles s'empressèrent de
« nous envoyer des députés pour nous prier de 0e pai»
« les abandonner. Cette demande nous oonbki 4e joie.
« Ifous nous liâtâmes de leur envoyer un nomlnre soflS^
« sant de catéchistes. Il nous fallut les prendi^ parmi nos
« étudiants en morale. Ceux-ci continuèrent les instroc-
« tions déjà commencées, avec persévérance, et en sui-
« vaut une méthode plus convenable et moins bruyante,
« sans que cependant ils se cachassent pour aoseiguer ;
Digitized
byGoogk
347
car il esl impossible de catéchiser en secret quatre ou
cinq villages à la fois. — Le nombre des adultes
auxquels a été conféré le baptême dans ces villages,
dépasse déjà le chiffre de deux cents. Presque tous
Tout reçu des mains de Mgr le Vicaire apostolique qui,
pendant deux ou trois mois de séjour dans ces localités,
a travaillé avec un zèle infatigable. »
« Le Père Marti, venant a raconter son voyage dans lu
ovince méridionale, continue ainsi :
« Depuis Tannée 1838 , époque oà la province méri-
dionale inférieure, nommée Nam-Dinh, fut le théâtre
d'une si sanglante persécution, aucun Européen n'avait
osé y pénétrer. Cette province cependant compte plus
de 124,000 chrétiens. Nous étions (rf>Ugésde diriger,
de la frontière, plas de vingt préires indigènes, qui, au
plus fort du da«ger, n'ent pas cessé de résider dans k
pays, comme l'attesie le grand nombre de martyrs sa-
crifiés par Tring-Kang-Kang* — Au commencement
de 1843, alors que la fureur de la perséctttîoa s^était
on peu apaisée, nous avions fait bâtir «ne petite
maison à Ztic-7%uy; c'est Teodreil roéme où était
autrefois notre ^lége pour TenseieBement de^Ia bio-
raie. Depuis lors, ayant appris que les priBcIpaox de
ce village désiraient le retour du Vicaâre pnmndal, et
qu'ils étaient décidés à braver tous les dangers, je fis
part de cetle nouvelle à Mgr h Vicaire apestoUque, et
muni de sa bénédiction,, je rmontai au cemmencanent
de septembre vers le distriet deCM^JEs , simé dans ki
province méridi(»ale supérieure» avec respéranee de
descendre un peu plus tard vers lAêe-Thm/^
« H me parut convenable de donner anx fidèles de Coo-
Xa des exercices publics et soleonek^ antam que les
circonstances le pennettraidDt.I>Bns cette pensée, j'avais
décidé les principaux luibitants i construire noe
Digitized
byGoogk
ut
petite église de cinquante pieds de long sur vingt de
large. Depuis plus de six années ces exercices n'avaient
pu avoir lieu dans ce district, h cause de la persécution ;
et œtle fois même ils furent accordés i la con-
dition que ceux d'entre nos chrétiens pour lesqueb
ils étaient plus nécessaires ne manqueraient pas d'y as-
sister. Malheureusement ce n'était pas chez eux que
nous devions trouver la meilleure volonté. II me fallut
donc les envoyer chercher un à un par nos catéchistes;
et encore, m'étant aperçu de la focÛité avec laquelle ils
se laissaient aller à la dissipation, je pris le parti de les
faire rester chez moi , afin de pouvoir les assujettir à
une vie réglée pendant la durée de la retraite.
« Qui aurait pu croire que de si faibles moyens dussent
amener de grands résultats? Mais Dieu, qui est riche en
miséricorde, a versé si abondamment ses grâces , que
pendant les dnq derniers jours des exercices nous en-
tendîmes plus de 500 confessions , dont la plupart
étaient de deux, trois et cinq ans; quelques-unes même
remontaient encore plus haut. Le Père Rivas et deux
Pères long-kinois me prêtaient le secours de leur mi-
nistère; nous étions jour et nuit au confessionnal; et
cependant nous ne pûmes satisfoire les désirs de tons
nos chrétiens dont plusieurs furent renvoyés pour être
entendus après lesexercices. Ce ne furent pas seulement
les habitants de Cao-Xa, comme nous l'avions pensé
d'abord, qui arrivèrent à nous : il en vint aussi d'autres
chrétientés; de sorte que la foule était telle, que l'église,
et la cour qui est assez vaste, se trouvaient encombrées.
Le matin et le soir le nombre des assistants dépassait
le chiffre de mille, et le dernier jour qui était la fête du
saint Rosaire , la plupart d'entre eux furent obligés
de rester debout même pendant Félévation , tant l'af-
fluence était considérable. Ce jour-là nous avions orné
Digitized
byGoogk
349
c notre pauvre église à Taide de tentures et de jolies gra-
« vures venues de France; il y eut Grand'Messe et ser-
« mon. Jamais nos chrétiens n'avaient été témoins d'une
c semblable cérémonie ; aussi ils se retirèrent singulière-
« ment touchés. Bien ne vint troubler Tordre ; et par là
c nous voyons que, lorsque Dieu inspire une pensée, il
« sait la conduire à bon terme, au delà de toutes les pré-
m vbions humaines. »
a Souffrez, M. le Président, que je bisse encore parler
le père Marti. Je sais Fimportance que vous attachez à
tout ce qui intéresse la Religion. C'est lui qui va vous dire
avec quelle solennité la fête de notre père et patriarche
saint Dominique vient d'éti*e célébrée au Tong-King.
< Mgr le Vicaire apostolique étant venu dans notre col-
« lége pour traiter de quelques affaires , nous voulûmes
« solenniser ensemble la fête de notre glorieux père saint
« Dominique. Notre petite église n'a rien de splendide;
« des tentures en damas et quelques tableaux qui nous
« ont été envoyés de France , nous servirent à l'orner :
« sa toiture est soutenue par trente-deux piliers qui lui
« donnent un certain aspect; mais ses trois nefs, longues
< seulement de 70 pieds et larges de 25 , ne pouvaient
« suffire à la fouledes fidèles. Nous fumes obligés de dresser
« une tente. Mgr le Vicaire apostolique se voyait ce jour-là
a^entouré de quatre prêtres européens, de neuf prêtres
a tong-kinois , et environ de deux cents catéchistes ou
« étudiants. Aussi il nous fut donné de célébrer , avec
« toute la solennité qu'on pourrait déployer en Europe ,
« une messe pontificale suivie d'un sermon. Cette fête fut
« accompagnée d'une octave. Jamais le Tong-King n'a-
« vait vu une si pompeuse cérémonie. »
« Ves Associés, Monsieur le Président, auront peine ù
comprendre que l'on puisse célébrer au Tong-King de pa-
reilles solennités sans qu'elles arrivent à la connaissance
Digitized
byGoogk
350
des mandarins. Mais il faut savoir que les maisons y
sont séparées les unes des autres par des jardins plus ou
moins vastes qu'environnent de grands et épais roseaux.
L'habitation la plus insignifiante est aussi bien cloîtrée
que peuvent Tétre beaucoup de couvents en Espagne.
De là, la facilité de faire des réunions nombreuses sans
être aperçu au dehors. Pour les églises et les résidences
des Missionnaires, surtout pendant les persécutions, elles
sont encore plus retirées. L'endroit le pliis sâr et le plus
reculé du village est celui qu'on choisit pour les bâtir. Le
jardin qui les environne n'est pas seulement fermé par
une haie de roseaux : il a sa muraille, son fossé et son
fiontre-fossé ; et ce n'est là pour personne un sujet d'éton-
ucment ; car c'est ainsi que sont construites les bonnes
maisons. Mais ce qui leur donne encore plus de sûreté ,
c'est qu'elles se trouvent entourées des habitations des
plus fidèles chrétiens , habitations qu'il faut nécessaire-
ment traverser pour entrer ou sortir. Aussi il est im-
possible que le Missionnaire et les assistants soient surpris,
à moins que les fidèles ne se prêtent à la trahison, ce
<]ui n'a jamais eu lieu; et pour celui qui connaît le respect
etledévouement dont nous environnent ces bons chrétiens,
il n'est pas facile de supposer que cela arrive jamais. Les
Missionnaires, il est vrai, ont été quelquefois arrêtés au
moment du saint sacrifice, ou pendant qu'ils remplissaient
d'autres fonctions sacrées; mais c'était alors que , fugitirs,
ils portaient les sacrements aux malades, et jamais dans
leur résidence.
« Veuillez, Monsieur le Président, recevoir l'assu-
rance, etc.
o Le Procureur des Missions espagnoles ^
Fr. Raymond Bargelo. »
Digitized
byGoogk
351
Extrait d'une lettre du R. P. Martin de tordre des Frères
Prêcheurs y et Ficaire provincial du Tong-King oriental ^
au Conseil central de Lyon. ( Trad. de Tespagnol. )
Cao-Xa, aa Tong-King. 28 JMvier i8U.
« ItesSIEVRS,
c .... Les abondantes aumdnes dont nous sonuoes rede-
vables à votre inépuisable charité sont venues si à propos
soulager notre misère , et les diverses applications que
nous en avons faites ont eu des résultats si précieux, que
ce sera pour vous et pour vos Associés un besoin de bénir
le Seigneur qui a daigné se servir de vos offrandes pour
opérer les merveilles de sa grâce.
« Nous avons commencé par venir au secours d'une
multitude de pauvres ; le nombre en est grand dans ces
contrées. La persécution les avait multipliés ; mais nor.s
avons pu indemniser , en partie du moins , plusieurs de
nus néophytes qui avaient payé fort cher leur dévouement
à la foi. Tous ceux qui souffrent pour le nom de Jésus-
Christ ont été Tobjet de notre sollicitude. Ainsi les fa-
milles de ces illustres soldats qui ont honoré noire sainte
Religion par leur héroïque martyre, sans vos aumônes se*
niient restées plongées dans la misèi'e; aujourd'hui, dé-
liinrées par vous, elles bénissent le ciel pour vos bienfeits.
Nous soutenons vingt-deux maisons de pieuses filles de
notre tiers-ordre, et trois maisons de Religieuses dites
Amantes de la croix y que la persécution n'a pu encore
détruire. Ces servantes du Christ qui ont toujours vécu
bien pauvrement , sans autre ressource que le modique
produit de leur ti*avail, vous doivent également de ne pas
airoir à gémir dans le dénûment le plus complet , elles
dont la résignation vraiment exemplaire a déjà à lutter
contre des vexations et des avanies de tout genre. Pendant
les deux dernières années , à la fête de notre Père saint
Digitized
byLjOOgk
352
Dominique, el à celle de saint François Xavier, nous avons
fait passer un subside assez considérable à chacime de
ces maisons, enjoignant à celles qui les habitent une com-^
munion et des prières pour tous les Associés vivants ei
défunts de cette grande et bienfaisante Œu\Te de la Pro-
pagation de la Foi. Ainsi ceux que Tocéan sépare , la
charité sait les unir par des liens étroits. Oui , sans con-
naître seulement le nom de nos chrétiens , vous leur en-
voyez d'abondantes aumônes ; et eux à leur tour , qui
ignoreraient même votre existence si elle ne se révélait
par des bienfaits, ils élèvent leurs mains et leurs vœux
vers le ciel pour en faire descendre des bénédictions qu'ils
invoquent sur vous.
« Je dois encore vous faire part d'une autre bonne
œuvre que vos aumônes nous ont rendue possible. Elle
est plus importante, plus agréableàDieu et plus utile aux
âmes que toutes celles que je viens d'énumérer. Un grand
nombre de chrétiens , quelquefois même des chrétientés
entières, sont obligés de payer certaines contributions su-
perstitieuses, et cela en vertu des édits iniques de Minh-
Menh et des lois municipales des villes. — Situation dou-
loureuse! les enfants de Dieu tributaires du démon ! ! !...
Et comment , laissés ù nous-mêmes , pourrions-nous les
racheter d'un si honteux esclavage? Mais aujourd'hui ,
grâce à vos secours, nous avons pu délivrerplusieurs mil-
liers de fidèles de ce tribut infâme; nous espérons même
racheter tous les autres, si' vous continuez à nous faire
passer vos aumônes , si surtout vous nous aidez de vos
prières. Non, l'argent ne saurait suffire à arracher lésâmes
de l'esclavage du démon. Dieu seul peut toucher le cœur
de ceux de nos infidèles qui ont en main la puissance.
« Je suis , etc.
« Fr. DonmiQUE Marti ,
Fie. provincial du Tong-Ktng oriental. »
Digitized
byGoogk
353
Lettre du même Père au R. P. Gétmal de Vordre des
Frères Prêcheurs. (Traduction du lalin.)
28 mai i8U.
c Très-Revereno Père ,
« J'ai appris par une lettre de notre R. P. procureur
de Ifeicao que vous désiriez vivement recevoir des
nouvelles de cette Mission du Tong-King oriental. La
manifestation de ce désir est pour notre Mission la preuve
de la singulière affection que vous lui portez. Aussi
c'est avec joie que je prends la plume pour essayer de
satisfaire, autant que me le permettra un temps qui me
presse, des vœux aussi bienveillants.
« Vous savez déjà, irèsR. P. par quelles épreuves a
passé celte Mission , surtout pendant les dix dernières
années qui viennent de finir , et de quelle manière , au
fort de la persécution , ont combattu pour la foi et rem-
porté la palme du martyre les deux Evéques qu'avaient
fournis notre ordre et notre province , savoir : le très-
digne Vicaire apostolique Mgr Delgado , et son illustre
coadjuteur , Mgr Hénares. — Vous n'ignorez pas davan<>
tage la glorieuse victoire remportée , dans ce même com-
bat, par le Vicaire provincial de la Mission, savoir : le
P. Fernandez qui eut pour compagnons de son triomphe
8 religieux indigènes, 4 prêtres séculiers , 13 catéchistes
ou simples fidèles , parmi lesquels on comptait 8 chré-
tieuis de notre tiers-ordre. Tous ces faits vous sont par-
faitement connus , trèa R. P. ; vous ne sauriez même
ignorer les circonstances les plus mémorables du martyre
de ces illustres confesseurs, après qu'elles ont été racon-
tées dans une multitude d'écrits qui les ont portées chez
toutes les nations de l'univers.
TOM. XVII. 101. 23
Digitized by VjOOQ IC
364
« Cétaii dans rannée 1838 , et dans les années qui sui-
virent, que tous' ces généreux a: hlètes versaient avec
gloire leur sang. En 1841 , ie Seigneur brisait la verge
de fer dont , il s'était servi pour éprouver cette Eglise
désolée. En effet le 20 janvier de cette année, le cruel
tyran Minh-Menh, qui avait formé de noirs desseins con-
tre le peuple de Dieu, qui avait résolu d^ exterminer ses
saints et d^ effacer le nom ele ( son Qirist ) par un juste
jugement se vit rayer lui-même de la liste des vmnis*
La miséricorde divine nous a préservés d*une ruine com-
plète; car la fareur que déployait cet ennemi de TEgliae
était si cruelle, si fourbe, si incessante, que» si Di^ dans
sa honte n'eût abrégé ces mauvais jours ^ personne. nlM
échappé.
«Depuis qu'il n'est plus, la pa*sécution s'est peu à pM
ralentie ; nous avons proûté du premier moment de calme
pour rassembler les membres dispersés d'Israël. 11 nous a
fallu raffermir ce qui était faible, consolider ce qui ét»it
brisé , rétablir ce qui était tombé , et mettre tout en oeuvre
pour relever les murs de notre mystique Jérusalem.
«Le premier objet qui s'est présenté à notre sollioUude,
e^est la réunion de nos étudiants qui, semblables à des Wé*
Kè privées de leur pasteur , s'en allaient errants çà et la*
De leur éducation, en effet, dépend la conservation et Tao-
ci'oissement de la Mission; car c'est dans leurs rangs que
nous allons chercher ces prêtres et ces catéchistes qui CQih
sacrent péniblement leur vie à la conversion des infidèles
et à l'administration des sacrements aux chrétiens. Pour
les Européens , comme ils sont ordinairement très-peu
nombreux , et d'ailleurs plus exposés aux persécutions,,
il est rare qu'ils puissent publiquement et avec Vb^Aé
exercer de semblables ministères. C'est pourquoi ,..dè8
l'année qui vit mourir le tyran, nos deux collèges où s'en-
seignent le latin et la théologie furent relevés « mm d^m
Digitized by LjOOQ IC
365
un autre Iica , et avec de grandes fatigues cl dépenses.
« Déjà notii en avoiis vu sortir douze prêtres. Toui, â
Tetception d'an seul qui , à peine élevé au sacerdocô , à
fendu le dernier soupir, travaillent tx\ec des soins dignes
d'éloges an salut des âme^ ; mais la persécution ùous en
avait raii un nombre égal , d'où il résulte que sept oii
huit autres prêtres que ht mort nous a enlevés, sansavoî^
besoin du glaive, n'ont encore aujourd'hui personne qHÎ
tes remplace. — Tous nos religieux profôs , ïhissionnaSires
IMrgènes , ne dépassent pas le nombre de 30 ; et encdrè
deux d'entre eux sont retenus dans les fers. Pour les aà-^
très prêtres séculiers qui exercent le ministère dans cette
Mission, ibsont au nombre de 18; Vtitk d'eux égalemeiri
est en prison po^r la fol. Si donc vous ajoutez 6 Mission-
fliSres eurôi^éens, Mgr le Vicaire apostolique et son Coad-
joteur, vous serez amené à conclure que le clergé de tonte
la Mission se compose seulement de 66 prêtres ; et si
Toas dédirisieis les pHsonniers et les infirmes , il en restera
à peine 60. Que ce nombre est petit , en présence d'une
si ricte moissotil Dieux on trois Européens nous seraient
fiéœ^sdires ; en égard à la gêne où nous jette la persécu-
tion , ils nous suffiraient. Aussi avons-nous songé à aug-
menter le nombre des Missionnaires indigènes , comme
nous étant d'une indispensable ressource. Mais héla^!
itfleAôns reste qtle 8 candidats en théologie et 20 éfe-
TCs en latinité ; encore nous raudi*a-t4l attendre bien des
années avant dé pr6i(houVoIr ces derniers aux saints or-
<k*es : car telle est la faiblesse annamite qu'on ne saurait,
Mis imprud^ce, élever les naturels au sacerdoce , avaw
de longues épreuves et toute la maturité de l'âge. En se-
conde ligne , et comme une espérance moins prochaine
éneore pour la Mission , se trouve un nombre considéra-
ble de Jeunes geiis appliqués à l'étude des lettres euro-
péennes et des caraetères dnnoU. Vous dire eombiéii ils
23.
Digitized by LjOOQ IC
356
sont , m'est chose impossible , parce qu'en dehors des col*
léges dirigés par nos Pères , chaque prÊtre en réunit le
plus qu'il peut dans sa demeure , en attendant que Mgr le
Vicaire apostolique juge à propos de les admettre au cours
de théologie» Ce qui est certain , c'est qu'ils sont aujour-
d'hui moins nombreux qu'autrefois , parce que , d'un côté
le martyre, de Tautre le découragement, ont éclaira leurs
rangs. De ces derniers, plusieurs qui avaient cherdié un
abri dans leurs femilles, se sont*établis. Donc avant dix
ans, nous ne remplirons pas le cadre d'ouvriers apostoli-
ques nécessaires à cette Mission.
« Voilà pour le clergé. Quant aux néophytes , ils ont
peut-être gagné en nombre et en ferveur. Ce n'est pas que
la persécution les ait épargnés^ qu'elle n'ait occasionné
bien des clmtes; mais l'apostasie des vaincus a été passa-
gère ; un prompt retour a suivi l'égarement momentané
de la peur. A quelques rares exceptions près (et on peut
dire de ceux-là , qu'avant de quitter nos rangs , ils n'é-
taient déjà plus des nôtres) le renoncement à la foi , le
concours aux superstitions légales , ont été puranent ex-
térieurs ; on s'est prêté à des apparences criminelles , pour
échapper à des tourments horribles.
« Mais aussitôt l'orage calmé, tous sont venus aux pieds
du prêtre déplorer leur pusillanimité sacrilège ; bien plus»
on a vu ceux qui passaient pour indifférents avant la per-
sécution , ceux dont la tiédeur trop connue était pres-
qu'un scandale , secouer depuis leur sommeil léthargi-
que , devancer leurs frères aux tribunaux sacrés , et servir
de modèles aux âmes les plus pieuses. D'après les notes
que les Missionnaires m'ont transmises , il est constant
que , sur plusieurs points de nos districts du nord et de
l'est , le total des sacrements adaûnislrés l'année dernière
égale, s'il ne le dépasse pas , le chiffre des années de paix.
« Cest qu'en effet nos prêtres annamites ont pleine U*
Digitized by LjOOQ IC
367
b^rté, de la part des mandarins, pour l'exercice du saint mi-
BÎstère ; s^ib s'assujettissent encore à quelques précpuiions
dictées par la prudence , c'est moins pour éviter les pour-
svkes des soldats, que les pièges de certains spéculateurs
cupides* qui , dans la capture d'an prêtre , voient un
moyen d'extorquer une rançon. Les Missionnaires euro-
péens eux-mêmes ne craignent pas de se montrer dans
les YiHages qui leur ofirent une certaine sécurité ; ainsi
Mgr le Vicaire apostolique et son vénérable Coadjutcur
viennent de parcourir presque toute la province du nord^
et dans chaque viHage qu'ik ont visité ils ont administré
la confirmation.
« Plus de réserve est commandée dans la province du
midi, ou l'autorité se montre plus sévère, et les méchants
plus audacieux. Là , par conséquent , la témérité du zèle
ajqpellerait évidemment le danger, ainsi que viennent d'en
&ire l'expérience deux de nos prêtres annamites : l'un ,
IKxniniqae JosejA /Vue , prêtre séculier , a été
arrêté le 7 avril, et l'autre, Thomas Than , reli-
gieux de notre ordre, le 21 du même mois. Je sais que
l'amour de l'or a été l'unique cause de celte double arres-
tation; mais le bruit n'en est pas moins parvenu au chef^
lieu de la province, où les deux prisonniers sont mainte-
nant dans les fers. Je reviendrai un jour sur cet événe-
ment et sur tout ce qui a trait à l'année courante , potir en
parler plus au long. Pour le moment , qu'il me suffise
d'ajouter que, malgré l'incarcération des deux Pères tong-
kinois, tout continue à marcher assez en paix. Je suis
dans cette province depuis le mois de janvier , et quoî-
qu'Européen, jusqu'ici mon poste est tenable. Nos prêtres
annamites, qui veulent me consulter en secret, le peuvent
sang danger. Pourvu qu'ils s'environnent de toutes les pré-
cautions commandées par la prudence , rien ne vient iar
tenomfre l'exercice de leur ministère : c'est que nos chré-
Digitized
byGoogk
^59
tifst^^ aguerris par les épreuves qui oui dmifé plus d'éoer-
({ie i leur foi , plus d'élao à leur charité , pâlissent mains
«ievant le péril.
«Le roi Thieu-Tri parait avoii* hérité dei^ip^piété de sctt
ftfre. Toutefois^ jusqu'ici il n'a lancé cQftlre.le^ chréu^ui
aupun nouveau décret ; mais cette trêve qt^'il leiir accorcte^
est peut-être moins la preuve de s^ di^posiMOOS bîeaveil-
tentes , que le résuh^t de la frayeur que lui inspire la
Ei*ance ; et il est à craindre que cetU$ frayeur venant à
cessai*, sa fureur n'éclate avec plus de rage. Mais nous sar
\xms et nous croyons fermement q^ue le cœur des rois esl
dans la main de Dieu. Si donc la ferveur de nos prières et
riijcdeur de nos soupirs monte jusqu'à ce Roi des rois , il
saura nous donner la paix pour la gloire de s^n nom et Id
sjituit des âmes. Et c'est pourquoi , veuillez, très R. P., rer
coo^nander à tous ceux de nos frères, q^t bat>itent près dç
vo^St 1^ maison du Seigneur, de s^ souveuir dans leurs
l^>9;ise$ veilles d^ nous qpi pojrtoos le poids de la dialeur
«a du jour, de se rappeler aussi celle Eglise du Tong-
Kic^ , demandant pour e|le une paix si désirée et si ion-
^emen^ attendue. Je coiyuce encore et je Siipplie nos.
tryi^-clières sœurs, les épouses du Christ, de ne pas ou-
Uiei* dans leurs prières et ng» personnes et notre Mission;
oi« me servant des paroles de saint Léandre de SévîUe
à^s^^œur sainte Florentine, je leur dirai : «fe tiens pour-
caiain que Dieu 8*inclitie pour écouter en mire favewr la
priire des vierges*
f Enfin, très-révérend Père, je me recommande d*une
loaiû^e spéciale à vos pieus^ souvenirs , etc..
« Fr. Dominique Mai^ti ,
Fie. prov. des Misûons du Tong-JCing oriental. »
Digitized
byGoogk
S69
Boièrmi fiPimc ttitre 4u même Père au Conseil central
de Lyon. ( Traduction de Tespagnol.)
Luc-Thoy auToDg-King* 22 août J844.
« MesSIEtAS,
• L'intérêt que vous daignez porter à nos Missions
iB'invite à vous rapporter quelques fait§ douloureux qui
viennent de s'y passer. Plus tard , mieux informé moi-
rtiéme, Je vous raconterai avec plus de détails ce dont je
ie puis vous donner aujourd'hui qu'un simple aperçu.
« Dans le courant du mois de janvier , des mandarins
se sont mis à la poursuite de Mgr Retord, Vicaire aposto-
lique du Tong^King occidental. Ils espéraient l'arrêier à
Me-Finh^ village qui appartient à la province du midi.
Abu dès la veille le Préfat avait pu s'enfuir. Cependant
qadqMs livres et [riosieorsolqets de religion ont été saisis,
ce qui a occasionné l'arrestation du maii*e du vifliige et
(f aoires personnes marquantes.
« Le samedi saint 6 avrilMgr Gautbier , coadjuteur
deligrlteterd,aété également l'objet de vives poursuites.
Mm Dfeu ai permis que les mandarins qai en voulaient à
sa pcTKMHie ne posseBt ratteind^e. Leurs re<^rches ce-
peathm r ORt pas été stériles^ Ils cm arrêté on prêtre îd-^
(Kgèœ et plttsieiffs cfaréiieas. Deux attirée prêtres ont ea
le même son y Vmm ce joar-là même, Faqtre quinze jours
apiès. Keo que la ovpidité de quelqaes spé^daieur^ait
éléb cause de ces deux ctemières arroméeeis 1^ <to«t
(*a|Rifii ont élé OMS dans les mams du gomerBeor de le
province méridionale, qui ayant ordonaé qu'on inslniiflt
leiv preeès sotvMrt les lois tynmniqafe el eee^oors en
vigneQr de Miab^Menfa, a im par les ooadboMMr à ^voir
la lêle firanehée. Lee irifaonaux sufrêmes, diavgée d'exil
nmcr œs. sortes de catnes , n'ont peseneers donné leur
aiissnreells-ct» Weniniicndons «fee—puért qm'tte s'eifB*
qiioi* AJors'eeeteiBeiit ne» poortone-saEnnr gmlkc i
Digitized
byGoogk
360
les idées qui dominent à la cour , à i'égardde la Rdigion
clirélienne.
« A la même époque, dans la provincede Nghé qui est
voisine de la Cochinchine , M. Masson courait les plus
grands dangers. 11 a pu sauver sa personne; mais il ne
lui a pas été donné de préserver de la destruction plusieurs
petites églises qu'il avait fait construire.
« Peut-être, Messieurs , serez-vous tentés d'ajttribuer
tous ces douloureux événements à la trop grande liberté
que nous osons prendre. J'avoue que je n'oserais nous
disculper entièrement; mais notre témérité ne trouve-
t-elle pas quelque excuse dans notre triste position ?iVot<«
voyons des enfants qui nous demandent du pain; pour-
xions-nous l'efuser de le leur rompre ? Ici les naturels se
laissent tellement dominer par les sens , que si on lea
prive des ressources extérieures de la piété, il est grandop
ment à craindre que leurs sentiments religieux ne soient
bientôt remplacés par une froide indifférence. Il est rare
d'en trouva* parmi eux qui sachent réciter le chapelet
autrement qu'en public. L'usage et aussi le génie de leur
langue demandent que cette prière soit faite à haute voix
•t comme en chœur. Aussi dès que les poursuites nous
bissent un peu de répit , nous nous voyons obligés d'indi-
quer des réunions plus ou moins nombreuses , afin de
donner à leur piété un aliment qui lui est nécessaire. La
ferveur avec laquelle «Is se livrent à nos exercices, les sou-
tient et les encourage; elle les porie à se croire plus en
sûreté qu'ils ne le sont en effet.
« Un mot encore; il vous aidera i nûeux comjNrendve
le besoin que nos néophytes ont des moyens extérieors
pour soutenir leur dévotion. Chaque fois qu'ik font leur
prière , ib aiment à placer devant eux quelques pieuses
images. Pour les conserver plus longtemps, ib ont s<Mn
de les éiindre sur une toile , puis ib les roulent autopr
Digitized
byGoogk
361
d'an roseau ; mais ccmime ils les déplient eC replient sans
cesse, elles ne sauraient avoir une grande durée, surtout
si rhumiâité les pénètre, ce qui arrive souvent , obligés
qu'ils sont, en plus d'une rencontre, de les cacher entre les
roseaux qui forment le toit de leurs pauvres habitations.
« Cependant, malgré les tristes événements dont je
viens de placer le récit sous vos yeux , Tadministration
spirituelle de nos chrétientés n'aurait point été interrom-
pue, si à celte même époque on n'eût pas fait courir le
bruit que des navires français allaient apporter la guerre
et détrôner Thieu-Tri. On vit aussitôt les espions se mul-
tiplier, surtout dans la province du midi ; de sorte que
les prêtres indigènes eux-mêmes furent obligés de se tenir
cachés. Depuis un mois ces bruits de guerre circulent
infiniment moins, et comme les espions n'ont fait que des
démarches inutiles, leurs recherches sont beaucoup moins
actives.
« La confirmation de la sentence prononcée contre nos
deux préti*es indigènes arrêtés dans le mois d'avril vient
d'arriver. Les termes dans lesquels elle est conçue semblent
prouver que la haine de la Religion chrétienne et de ses mi-
nistres est à peu près la (nême. Toutefois, en môme temps
que l'on approuve et confirme le jugement, l'exécution en
est suspendue jusqu'à nouvel ordre, ce qui dans les tribu-
naux du Tong-King est considéré comme une diminution
de peine. Faut-il voir dans cette mesure la preuve que la
cour attache plus de prix au sang des chrétiens , ou bien
devons-nous l'attribuer à des considérations politiques
qui naissent de ki crainte d'une guerre avec la France?
C'est là un problème dont le temps donnera la solution.
« Aujourd'hui comme toujours, nous nous recomman-
dons à vos prières, etc.
« Fr. DoHiif iqve Marti ,
Fie. provincial du Tong-King mental. »
Digitized
byGoogk
362
Les deux relations qui suiTeuit sont du R. P. Marti
dont on vient de lire les intéressaixes lettres. Nous au-
rions désiré être ii ffiéme de les publier plus tAt; mais
quoique anciennes de date, nous n'avons pas cru devoir
en priver la piété de nos lecteurs , tout ce qui se raita-
che aux martyrs étant sacré pour eux.
Extrait d^une relation du R. P. Marti.
Cl Lorsqu'en 1838 parut le premier édit du roi Minh-
Menh, qui ordonnait à lous les soldats de fouler la croix
aux pieds, la province orieniale avait un gouverneur dont
lotite l'élude éiait de ne molester personne. Aussi le
petit nombre de soldats chrétiens qui se trouvaient sous
ses ordres furent laissés en paix. Un second décret parut
au mois d'octobre : un autre gouverneur plus timide
avait remplacé le premier. Les soldats reçurent Tordre
de comparaître devant lui et de fouler aux pieds b
oroîx, — Parmi ces soldats il s'en trouvait un nommé
Hoafih. Sa loyauté et sa valeur lui avaient acquis une
célébrité qui ne le cédait en rien ù celle des trois soldats
vénérables martyrs, dont on a déjà rapporté rhistoire(l).
Hoanh refusa de commettre le crime qu'on lui deman-
dait, et fut jeté en prison. Cependant le gouverneur,
qui au fond était humain , ne voulait ni contraindre le
confesseur par la violence, ni lui intenter un procès-
11 craignait d'exciter la colère de Minh-Menh , en lui ap-
[««'enant que dans sa province il se trouvait encore des
chrétiens qui refusaient de so soumettre à ses prescrip-
tions. Ne sachant à quoi se déterminer, il prit le parti
de laisser cette affaire k lun des grands mandarins de
la province qni se chargea de faire aposiasier le va-
lent eux Hoanh. Mais la ruse et les tourments furent
i^) Voir tow. XÏI. !!• 73, p. 5*a.
Digitized by VjOOQIC
363
iiujLtiiemeo|..eiiHiloyés; le coaftpa^eur opposa une iavûcibhi
pu|iei?ee et perfiévéra d^os sa Coi.
« Au mois de piars 1840 arriva un atUre gouverseur.
Pensant que la coosuince du soldat tenait au peu da
rigueur qui avail é(é dçployé contre lui, il résolue
<ie le vaincre i^ force de tourments : par ses ordres ,
Hoanb resia cinq jours privé de toute nourriture ; puis
il le fit comparaître à son tribunal , espérant que le
courage du généreux chrétien serait abauu par suite de
la faiblesse de son corps exténué ; mais il ne tarda pas
à reconnaître son erreur* Alors changeant de conduite^
il essaya la séduction des promesses ; puis il revint aux.
menaces. Tout fut inutile : Fiuvincible soldat de Jésus-
("iirist se content^ de liii répondre ; « Je suis préf^
« à souSî'ir tous les iotu*ments et la mort même plutôt
« que d'exécuter vos ordres , en profanant Timage d#
« mon Dieu. Jamais je ne foulerai aux pieds la croix; ja-
« mais je ne ferai un tel outrage à mon Seigneur. —
n Quel seigneur? dit le mandarin en colère. Insensé,
« ne vois'tu pas qu'il n'y a là qu'un morceau de bronze? »
— « Du bronze? oui, g^od mandarin» je le sais ; mais
f parce que le bronxe a servi à fabriquer cette image»
% en est-elle moins celle de mon Seigneiu* ? C'est dofc
« avec i*aisan que je h vénère , sans faire attention à
« hi matière dont elle est Ciite^ »
« Alors, le gouverneur ordonna à ses satelli(es.d'a|tacber .
le confesseur par les pouces avec de petites cordes, pun
de 1^ tirer avec tqute la violence possible , et , peindant
qt^'il serait étendu en croix, de le frapper sMr les jatnbef-
<'t sur les bras ^ve^ des nerEi de boeuf armés de fer aux
(>\irémttés, ne cessant de le tourmenter jusqu'à ce qu'il
eût mis les pieds sur un crucifix qu'on avait jeté devaii t luî^
« Pendant une torture si horriblp, Tinvinciblc soldat
restai^ immobile, ferme comme ipa rocher contré lequel
Digitized
byGoogk
364
vient se briser la tempête. Sa beuche se proférait pas une
plainte; mais ses yeux s'élevaioit vers le ciel, d'oà lai
descendait le secours à l'aide duquel il supporta une
grêle de coups qui bientôt Teurent couvert de sang et
entièrement défiguré. A la fin , le gouvemenr, stupé&it,
ordonna aux bourreaux de s'arrêter. Assez, dit-il; qu^on
le repcHTte en prison ; ce n'est pas un homme , c'est un
monstre. — Depuis ce jour il n'osa plus le faire compa-
raltreàson tribunal; ilse contenta de le condamner à mort.
« On a su qu'un catéchiste, qui était allé le visiter dans
sa prison pour le consoler et Tencourager, l'avait trouvé
plein de courage et d'allégresse. C'est ainsi que le Sei-
gneur se plait à répandre les grâces les plus précieuses et
les dons les plus abondants sur ceux qui souffrent pour son
saint nom. On a su aussi que , dans cette même prison,
se trouvait un mauvais chrétien jeté pour vol dans les
fers. Celui-ci, venant h comparer ses tourments à ceux
du martyr, fut tellement frappé en voyant combien les
causes de leurs souffrances se ressemblaient peu, et avec
quelle résignation l'intrépide soldat supportait des dou-
leurs plus violentes que celles qui excitaient ses murmu-
res , qu'il se prit à détester ses pédiés avec une douleur
sincère. En témoignage de son repentir^ il aimaii a
rendre les services les plus humbles au généreux confes-
seur^ et on le voyait employer une grande partie des
jours et des nuits à réciter avec lui des prières. Que
deviendra cet invincible soldat? On l'ignore. On dit que
le roi a commué sa sentence de mort en une condamna-
tion à l'exil ; toutefois , on ne sait encore rien de positif.
jéutre rdaiion du même Père.
« Au moment où le père Joseph Hien était jeté en pri-
son, les mandarins s'étaient également emparés d'un
jeune homme de 18 ans, appelé Dominique Doû. H s'ea-
fnyait du liou où le Missionnaire a>'uit été découvert ,
Digitized
byGoogk
365
quand il fut rencontré par des soldats qui lui dirent :
Es- tu chrétien?— Et pourquoi ne le seraJs-je-pas? ré-
pondit-i\ — Alors ils lui ordonnèrent de fouler la
croix aux pieds* Mais lui de répondre hautement : Je
n^en ferai rien. On le mena donc au gouverneur qui
voulut l'interroger h son tour; même question , même ré-
ponse*
« Le gouverneur, voyant rînirépidîté de Dominique ,
composa son visage^ et , prenant un aîr de compassion ^
mâle de douceur , comme s'il eût plaint l'aveuglement
de son prisonnier : « Mon fils, lui dit-il, tu ne peux
« demeurer chrétien* Abandonne la religion de Jésus ;
« c'est une religion fousse, marche sur la crofx. »
Mais le valeureux confesseur répondit aussitôt : « Non,
c mandarin, la Religion de Jésus-Christ n'est pas fausse ;
« tous nous devrions la suivre* Je la suis donc et la
« suivrai jusqu'à la mort. Le mandarin peut me tuer ;
c mais jamais je ne foulerai aux pieds la croix. » Le
gouverneur, irrité de cette réponse , ordonna de le lier
aux chevilles , et de commencer à le frapper. Les bour-
reaux eurent bientôt sillonné de plaies ce tendre corps ;
mais l'intrépide jeune homme opposait à tant de barbarie
son invincible patience, et ne cessait de confesser la foi.
« Ce supplice fut répété avec la même cruauté pendant
plusieurs jours consécutif, mais toujours supporté avel
une constance qui ne se démentit jamais.
« La dernière fois le tyran fit lier le confesseur parles
mains à une poutre ; puis , ayant ordonné qu'on le sus-
pendit en l'air, il dit : Frappez-le jusqu'à ce qu'enfin il se
détermine à obéir. L'ordre Ait exécutéavec tant de barbarie
que tous les assistants étaient saisis d'horreur , en voyant
les chairs du jeune Dominique voler en lambeaux; mais
lui , d'un visage serein et plus résigné que jamais , in-
vitait les bourreaux à firapper plus fort. Le mandarin,
Digitized by LjOOQ IC
366
eoorusi ik cesser eofia cette boudierie, nais dénna de^
epdves poar qa*on laissât le coeressevr plusieurs jourâ
sans noun*iture. Puis, if le fit exposer, la caugae au
cou ^ à la porte de la ville ^ forlemeiit lié, et dans un<^
situation pénible, qui^ à elle soute, étaîl un toormeiït
eoBtînuel. Dominique supporta toutes ces tortures avee
patience et courage. Enfin, legouverneur ordonna qu'on
le traînât de force sur la croix ; mais le confesseur criaic
qu'on lui faisait violence, qu'il était chrétien et ne cesse-
rait de Téire jusqu'à la mort, que le mandarin pouvait le
tuer , que jamais il ne lui ferait abandonner une religion
dans laquelle il voulait vivre et mourir.
« Le mandarin déconcerté, et ne voulant d'ailleurs ni
foire mourir Dominique, ni envoyer un rapport ao roi ,
appela les chefe du village tf où était le confesseur , ainsi
que quelques membres de sa femille; puis, le remettant
entre leurs mains : « Emmeaez-le av^ vous , dit-it , et
m prenez soin de l'instruire , afin qu'il abandonne la reli-
« gion de Jésus-Christ* » Maisl'iBvincible jeune homme
s^ hâta de répondre : « Que les chefs de mon village fas-
« sent de iBoi tout ce qu'ils voudront, jatiiais jo n'aban-
« d(»inerai la Relig^n véritable.» — «Quoi donc,
c s'écria le gouverneur qui ne pouvait plus retenir sa
« colère, je suis le grand mandarin ; tous m'obéisseat ,
I et ce mauvais sujet ne m'obéira pas II Mat-
c heureux , si je ne ta mets pas à mort, c'est que je
« ne veux pas que les chrétiens te regardent comme un
« saint ; mais souviens-toi que je ne te laisse pas en paix.
« Je te rappellerai, et je te ferai soufirir de tels tourments
« qu'à la fin tu t'estimeras heureux de fouler aux pieds
« la croix. »
« Jusqu'ici cependant le barbare mandarin n'a pas mis'
à exéeotion ses menaces; mais le jeime Dominique eapère
et désire avoir le bonheur de DMMirir pour JésusrCbrist.
Digitized by LjOOQ IC
U7
fHHJVELLES, HAlfMRHTS, BéPAM »E HMMHflfÀIBBS.
Nos Associé! apprendront arec joie fne le natire ^ fnituit Anff«rs
a« commencement de mai 1844 , emportant MK. Charrier et Galjr, eM
arriyéà Macao. Dans une lettre adressée de celte rille à sen eonsin
M* Benelin, curé de Monlromand (Rb6ne) sons la date da 30 noTes*
kre, le premier de ces denx illustres eonfesstnrs de la foi dît avte •»
ton de calme et d'intrépidité que nous arons si sourent adairé en ki^
« Je suis arriré en Chine bien portant et après une narration de cin^
« mois et quatre jours, sansoompter dix-huit jours de reUche à Syncapour.
« Notre trarersée a été aaseï longue pour nous faire goûter de tous les
« Itmps et respirer tous les Tnnts. Une tempête des plus furieuses •
m failli nous engloutir dans les mers de la Chine. Pendant douze heures
« elle BOUS a tenus entre la fie et la mort. Tout le monde priait.
« Grâce à Dieu , aucune ararie au navire. Nous arons salué V Empire
« Cihiie, et mouillé à Bfacao le 24 octobre, six jours après le maurais
« temps.
« Mon séjour dans oette Tflte ne sera pas très-long. Je dois partir
« deflMÎn par. une Somme «hinoMe qw me conduira josqu'auv fhmtières
« de la Chine et du Toni^'ffing. Li, je tftdieni d'en tronrer une autr?
« pour aller plus loin. La persécution au Tong-King est dans le mène
« état qu'au momsnt d^ notre déliTranoe. Le roi faK toujoursscrupuleu-
« seoMMtexéentw leserdoiiiianoeide son père. Les mandarins continuent
• à £iîre la. chasse; cependant, dms ces trois dernières années, ils n'ont
« pn saisir avcnn Européen. JiCS païens se conrertissent en foule, et tons
M les oufrisrs apostoliques trataiHent selon la mesure de leurs fortes.
« Las direts objets que j'emportai il'Europesont arrirés ici arec moi:
« jeleieB?oieanT0Éi(^Kmg pw trois toies difB^rentes, afb que si une
« partie TÎcat à sepciéis , Taiiiresoît savrée.
« le ne prend» avec OMÎ-que le strict nécenaire. Encore me faudra
c i-il, one fois arrivé em firontfèree de la Chine , laisser pour quelque
« temps mon petit bagage. Heureux si je pub me faire accompagner de
« mon bréviairel Heureux, encore ei- jo- puis nMt*mème me tirer d'af-
« faire , en faisant ainsi W contrebiBdo... »
Nons n'avons point dt nenvetteoM s^et de m. Ifiebe , Dnelos et
Bemewu
Une leUre du R. P. Gérard , préfet apostolique de 4a Mission des
Mineurs réformés à Constantinople , nous annonce T heureuse fondation
d'un étabnssement religieux dans Ftle de Mételiu (ancienne Lesbos).
Digitized
byGoogk
368
Cette tle , autrefois ponrrue de toutes les ressources spirituelles, se trou-
vait depuis de longues eno^ sass église et sans prêtre qui y r/sidàl.
Depuis le mois d'août ISii, ellese Toitdotëe d'une chapelle et d'un éta-
Uiisement confiés aux soins des Mineurs réformés. Mgr Mussabini, ar-
cheréque de Smyme, a bien touIu se rendre en personne à Mételin pour
inaugurer cette chapelle qui est dédiée à la Mère de Dieu. M. le baron
de Bourqueney, ambassadeur de France à Constantinople , et M. Bar-
thélémy Geymut , consul de Sardaîgne à Smyrne » ont employé leur
crédit et leur zèle à aplanir toutes les difficultés qui s'opposaient k
eette utile fondation*
Nous avons la douleur d'annoncer à nos Associés la mort de denx
Evêques missionnaires; ce sont : Mgr Mac-Donnell,éyèque d Oljmpe et
vicaire apostolique des Antilles anglaises, décédé le 26 octobre 1844 ;
et Mgr François-Xavier de Ste-Anne, archevêque de Sarde et vicaire
apostolique du Malabar, décédé le 7 décembre 1844, après un
ttra apostolique de plus de 44 ans.
Le R» P. de Smet, ainsi que les prêtres et religieuses qui l'accompa-
gnaient, sont arrivés à la Colombie au commencement du mois d'août
dernier.
Plusieurs religieux appartenant à l'ordre des Mineurs de TObservanee
sont partis pour diverses Missions, savoir : pou l'Egypte inférieure , le
P* Antoine d'Orsogna de la province de St-Bemard ; — pour le Chan-Si
(Chine) le P. Barthélémy Sandrini, de la province de Toscane , et le P.
Benoit Dominique, Espagnol ; — pour la Chine, le P. Pierre de Lucqoes ;
— pour l'Albanie, le P. Diego de Turin, et le P. Henri de Nocera.
Quatre religieuses de SUoseph , de l'Apparition , parties il y a
quelques mois avac le R« M* Brunoni, missionnaire apostolique de
H Propagande, sont arrivées à Lamaca , tle de Chypre, où elles s'oc-
cupent de l'instmclion des personnes de leur sexe et du soin des
malades.
Notre Œuvre continue à recueillir les bénédictions de l'épiscopat :
Mgr Brown, évêque d'ApoUonie et vicaire apostolique du pays de Galles,
et Mgr l'Evéque de Namur, viennent de la recommander, le premier,
dans son mandement du carôme ; le second , dans une lettre circulaire
adressée aux doyens et curés de son diocèse.
LyoD; Iinpr. de J. B. FiLiOAcn.
Digitized by VjOOQ IC
369
MISSIONS
DE LA TARTARIE MONGOLE.
UltredeM. Huc^ missionnaire lazariste en Mongolie,
à M. Donatien Hue , avocat à Toulouse^
TtrUric MoDgole ; Villëe des Baux-Noiret^
le .8 jaof if r 1844.
« Mon GHBB FBèRE ,
« J'ai reçu avec un iadicible plaisir ooue l^tre iatc*
reiaance, oà tu as bien voulu lae fiiire un peiit compte-
rendu de ce qui se passait en France* Quoique ce ta-
bleau tracé à grands traits m'ait para un peu som-
bre, il a néanmoins captivé longtemps mon attention ;
cpand on peut jeter un ooup4^«Btl sur «on pays , sous
quelque couleur qu'il apparaisse ^ il est toujours beau k
von**..*.
« Puisque tu as eu la complaisance de me fiûre un
croquis de l'état actuel de la France , il but bien qu*en
TOU. XVn. 102. SEPTIVBRB « • â »• 34
Digitized by LjOOQ IC
3?«
retour je te parle un peu de ma nouvelle patrie , de
la Tariarie Mongole.
« OIi! la Tariarie ! S*i1 existe au monde un pays neur,
un pays inconnu , un pays qui ne ressemble en rien aux
auues contrées , c'est sa»s eoBtredlk celui que j'habite.
Les Européens vont partout, excepté en Tartane. L'Amé-
rique est depuis longtemps européanisée; les Indes le se-
ront bientôt; les choses de la Chine ^ grâce à TéchaufTou-
rée des Anglais , finiront par vous devenir feinilièrts. Vos
na\ires européens sillonnent les mars dans tous les sens.
Il n'est peut-être pas une tie, pas uh rocher dans l'océan,
qu'on n'ait reconnu et analysé. Dernièrement enfin , M.
Durville, à force d'énergie, n'a-t-il pas fait l'impossible?
N'est-il i^s allé voir ce qui se passait parmi les glaces du
pôle? Mais qui songe à la Tartarie? A part qudques Mis-
sionnaires français qui depuis peu y ont planté leur tente,
et qui cherchent à y semer le grain évangélique, per-
sonne ne vient explorer ses déserts.
« Et il ne faut pas dire que la Tartarie est si peu de
chose qu'elle n'en vaut pas la peine. Jette plutôt un coup
d'œil sur la mappemonde , et considère l'espace qu'elle
y occupe. La Oiine, si vaste d'ailleurs, n^est presque
lien ctNiiparée à nos régions de l'Asie centrale. De plus,
la 'Fartorie ^ un aspeec. tout dilëreÉt des amres pays.
En Europe, pur ei^mple, eesoKtdesvidet, delvÛiH
ges , des moinons d'une variété pvodigieisc, qui retou^
vriMit h sdI. AiHeurs ek la civiliialion n'a pas encore pé-
nétré, ofi* remoiMe à» foréuinBieaM», avec lui Ion
inoitf de végéMiodi. Débs leapoyaautrefeiafloriasaMtct
maintenaM btutitMft jusc|«'à k mrviliKle, ce sasidt»
peuples étrangers qui ont pris la place des nations éteia^
taa, «t quî» moitié civiUsés, moitié harbaros, passent
lear y'm pavw 4es nm» ^ dps déoombpes ^i attas-
Digitized
byGoogk
teat la splendeur des leœps anciens* En T^Ktarie» i
de ceut cela : ce sont de vastes pKârîes et des sfldiindea
înunenses. Dans chaque rojamie oa rMwomia seulqawt
une viUe, ou pUiiétune modesie habhalion où le uni
(m sa réflidenee. Les popatations vivent sons la lèmev
sins jamais avoir de peste fixe* Elles campent tantôt ki
9t' tantôt U^y prenant pour règle de leurs migrations s«f^
œssives la variation des ssîsens et la bonté des pSmn
rages.
a -AuJoiird'Mti , voilà' une vaste étaûdae de tél*mh <|tii
oine Taspect le plus vivant et le pins anioié. Sor le font
vert de la pmirie on vcfit s'élevw dés tentes de divem»
^ndeors; u)ut à T^ntoiv, dans les gorges des mmâêh
glies , sor le versant des collines, aunî' loin que la vnef
peut s^étendtv vera rberiaon, TcbII ne découvre qnêidoi
nronpeaux isMnenses^ de IkooCi , de chameaux et de obe^
viras; dans la plaine, cesrgnuida troupeaux ne se £bm
<Ksiingoer que par l<rars, ondula tioss ; on dirait la nier qui
nioiitonne et qui oomnKnee à grossir. Cependant ce W^
Menu est sans- cesse ailonaé par des Tartares à dieiisl^
qni, armés d*ane langue perche, galoppeat de côté et
d'autre pour réunir à la masse du troupeau les aniasans!
qui s'en sont écartés. A Tendroit où sont les tentes, €b
sont les enfants qui folâtrent et badinent , les matrcnes
qui font cuire le lait^ ou vont puiser de Teau ^ la dteme
qu*on a creusée la veille. Toutefois le lendemain on
paysage, aujourdliui si pittoresque et si vivant , n'est ^m
qu'une vaste solitude. Hommes, troupeaux, babitatiofis^
tout a disparu : une fumée noire et épaisse qui s'âève{à
et là de quelque foyer mal étemt , le croassement des
oiseaux de proie qui se disputent des débris de cbametttt
abandonné , voilà les seuls indices qui annoncent qtte le
nomade Mongon a, la veille , passé par là. Et si ta me
24.
Digitized by VjOOQ IC
372
^temandes pour quelle raison ces Tartares ont si brusque-
ment abandonné ce poste , je te répondrai : I^urs trou-
peaux avaient dévoré toute Tb^bequi couvrait cette phi-
ne ; ib les (mt donc poussés devant eux,, et ils ont été
chercher plus loin, n*iniporte où, de nouveaux et plus
frais pâturages. Ces grandes caravanes s^^ vont ainsi à
travers le désert sai» dessein formé ; elles donnent où la
nuit les surprend; et quand ces pasieura ont rencontré un
endroit à leur fiuitaisie, ils y dressent leur tente.
« La "Vartarie offire en général un aspect sauvage et
profondément mélancolique. II n'est rien qui y réveille le
souvenir de l'agriculture et de l'industrie ; les pagodes
et les lamaseries ou couvents de religieux idolâtres sont
les sails monuments qu'on rencontre. Les Tartares y
attachent une grande importance. La rdigion est tout
pour eax. Le reste est k leun yeux vain , fugitif et indi*
gne d'occuper lemrs pensées. Aussi, tout ce qui ressent
la richesse et l'opulence , tout ce qui porte l'empreinte
des arts, se trouve cono^tré dans les pagodes. Par la
même raison , tout ce qui se rattadie de lom on de pris
aux sciences et aux lettres ne dépasse pas l'enceinte des
lamaaeries.
« Il ne serait pas étonnant, mon cher Donatien , que
tout ce Tartarisme fût peu conforme à les goûls et à
tes habitudes d'avocat. Peut-être que ces gardiens de
troupeaux sont à tes yeux des personnages fort bizarres,
des excentriques, comme disent les Anglais. Mais je dois
Cavouer que , pour mon compte , je les trouve intéres-
sants au dernier point ; je soupire après le moment où il
me sera donné d'aller vivre parmi eux, et j'espère que
ces peuples naturellement religieux , quand ils connaîtront
la vérité chrétienne , renonceront sans peine aux erreurs
du bouddisme.
Digitized
byGoogk
378
c Qnoicpie je me sois aTaacé à pMs de deax œsts
lieoes yers le nord de la Tartarie , je ne paisse pourtant
pas haUtuellement mes jours parmi les Mongous. C'e^
encore avec les Chinois que j^ai plus ou moins affiûre.
Dans la vaste patrie de ces derniers il y a un si grand ai*
combrement d'hommes, que le trop plein de la popula-
tion se déverse partout aux environs, dans les pays voi*
ains. Ainsi , les Chinois du nord de l'Empire s'ii^trent
peu à peu dans la Mongolie , ou ils achètent des rois
Tartares la permission de défricher quelques arpenis de
terre dans les gorges des monti^;nes. La vallée des Baux^
IfaireSf où je demeure actuellement, est cultivée par des
Chinois chrétiens. Le temps que me laisse l'exercice du
saint ministère , je le consacre exclusivement à l'étude
des langues Mandchou et Mongole. Cependant il n'est per-
sonne qui ne sache que ce n'est pas avec des livres et des
dictionnaires qu'on apprend à bien parler une langue.
C'est pour cette raison que dernièrement j'allai faire une
visite h une iamille Tartare, qui n'est guère éloignée d'ici ,
que d'une journée de chemin. Je vais te raconter ce voya-
ge un peu en détail ; les petits incidents , qui pourront
s'y rencontrer, te mettront peut-être mieux au courant des
moeurs locales, qu'un exposé sec, brusque et rapide.
€ J'avais besmn, pour me conduire chez ces Tartares,
d'un homme qiû connAt la route. Un brave dffétien se
présenta. Dans sa famille le désceuvrement était ses uni*
que occupation , de plus il aimait à dievandier. Cétait
bien l'hcmime qn'H me falhit ; il me convenait d'autant
mieux qu'ayant eu autrefois qudques relations aivec la
fiimille où j'avais dessein d'aller, il pouvait en quelque
façon me servir d'introducteur.
« Ia jour que nous avions fixé po«r eette aspédiimi
élint arrivé, mmis Ames dt grand matin nos {
Digitized
byGoogk
374
ierwytge* J'insérai une écrHom et quQtqiies livres
> le sac qui eootenaH ma.couvertuce et mon înaielas»
MoD conducteur , de son càtè , se chargea de faire la pra<*
vision nécessaire de tabac à fumer et d'eau-de*vie, ou
pour mieux dire d'un violent alcool que Ton relire, par
le moyen de la distillation, de certaines céréales que pro-
duit le pays. Quand les cbréliens m'eurent solennellement
souhaité bon voyage , je m'installai de mon mieux sur un
petit mulet proportionné à ma taille; et mon guide, après
«voir escaladé les flancs escarpés d'un grand et maigre
cheval , alla s'asseoir au-dessus des bagages.
« La route que nous suivuucs est vraiment difficile à
«lécrire. Ce sont des ravins qu'il faut traverser, des ro-
chers^ des montagnes qu'il faut giavir et descendre, des
flaques d'eau , des lagunes qu'on doit passer sur la glace.
Sans cesse on est obligé de faire de longs circuits pour
éviter des précipices ou pour tourner des hauteurs inac-
cessibles; en un mot, on s*en va en zig-zag, choisissant
(levant soi les endroits qui offi'ent le moins de diflicultés.
Après avoir fait cinq lieues, allant toujours de celte façou
par monts et vaux , mon conducteur me dit : « Nous
allons nous arrêter là-bas pour dîner... » et du manche
de son fouet il m'indiquait quelques maisonnettes de
teire, habitées par des cultivateurs chinois. — « Plus
« loin , ajouta-t^il , ce sont les prairies ; les hommes n'y
« habitent pas. » Je ne demandais pas mieux que de
faire une petite halle; il était près de midi, et j'avais
(juclque raison de soupçonner que mon estomac ne se re-
fuserait pas à prendre quelque nourriture. "•- i-
M Arrivés à ce hameau , il ne fut pas nécessaire de dé-
libérer sur le choix de Taubergc. Nous nous estimâmes
fort beiu*eux de rencontrera notre disposition unesom-
Ik'c et sale grange. Nous nous y introduisîmes aprc's avoir
Digitized
byGoogk
39«
aOttRÉé iMtt aaiÉiMWt à we fevtht &eliée«B lenre, deiMft
kporte. Le» gensde Tendroii;» jemM et viaox , ne tav-
dèratt fas 4e wstr iiûms rendre Ytsiie dèa qu'ik ûchm
— *« D'où esrttt? Où vas-tu? Quel esi toa
fliiieire? » Voiti les qveslioftft obligées et indis-
pensables que Ton s'adresse. Bientôt cbacun alliune sa
pipie; el^^B ptfeiUeeâreonstance le pauvre voyageur n'a
pas 60 soin de pnépaFér quelques provisions , après avoir
ftimé sa pipe , il est obligé de se remettre en route , car il
est censé avoir dfné. Mon conducteur avait prévu le cas ;
il lira de son havre-sac une bonne tranche de mouton rôti ;
on nous apporta un peu de sel sur un fragment de porce-
laine , et dans un clin d'œil le repas fut Gni. Après dîner ,
fl est convenable de prendre le thé; c'est réiîquelie des
gCDs comme il faut. Nous demandâmes donc aux Chinois
qai nons entouraient s'ils n'auraient pas une théière ï
Dous prêter. Ils se mirent à rire , et nous montrant leurs
habits déchirés : « Est<e que nons pouvons encore boire
« du thé, nous autres? dirent- ils. » Cependant un
homme de bonne volonté sortit et rentra un instant après,
apportant de Teau bouillante dans un large et profond
récipient. Je détachai bien vite de ma ceinture le sac à
ihé ; je jetai une poignée de feuilles dans celte eau , et
nKm compagnon de voyage et moi , armés chacun d'une
écndle, nous nous mimes à puiser dans celte théière
peu élégante , il est vrai , mais proportionnée aux cir^'
masimcm^ Hmm i6vii4om la aaciM à mism notre
emmpit , et iMMéc dnuMn «rim à la voode pokm
éum le iMMpKt «aa tapsa ë'eHi baatttnata Quand loak
fjpa^ ai Dùa» rafiHaiea aom mma ««eo m
« Ayrèi avoir £ravi une montagne assez escarpée,
Digitized by VjOOQIC
376
nous nous trouvâmes sur le Man4imHlMe. On appelle
ainsi un immense plateau qui s'élève aundessus du niveau
ordinaire du soi. Le Man4im-dxe, sur lequel nous ve-
nions de monter, a peut-être plus de cent lieues de cir*
conférence. Là-dessiis point d'habitation^ point de terre
cultivée, pas un seul arbre ; ce n'est qu'une seule pi-airie
qui s'étend en vaste et incommensurable plaine; c'est
comme un océan de verdure qui n'a pas de limites.
a Les voyageurs courent gi^and risque de s'égarer sur
le Man-tien-dzi ; car il est entrecoupé ei sillonne par mille
sentiers qui se ressemblent tous , et qui tous ont une di-
rection différente. Si on a la maladresse de perdre celui
qui seul peut vous conduire au but de votre voyage, et si
pour comble de malheur le temps vient a s'obscurcir, et
qu'on ne puisse se guider d'après la marche du soleil , on
se trouve alors exposé à de grands dangers ; on est comme
un capitaine de navire qui aurait perdu, dans un coup de
vent, son gouvernail, sa boussole, sa carte marine et
tous ses instruments nautiques. Si c'est pendant l'hiver,
on est perdu sans ressource ; car sur ce terrain élevé le
froid est des plus terribles. Quand le vent souffle avec
violence, il n*est pas rare d'entendre dire que chevaux
et cavaliers ont été gelés en traversant ce fatal labyrinthe.
Malheur donc au pauvre voyageur qui s'égare sur le Mati"
tim-dze !
« Or, nous nous égarâmes... et le soleil venait de se
coucher, et nous étions vers la (in du mois de novembre I
Je r^ardais mon conducteur qui avait Tair tout ébahi , et
qui tournait la tôte de côté et d'autre, comme un homme
qui cherche et qui ne trouve pas. « Eh bien! lui dis-je,
« est-ce que par hasard nous aurions perdu la route? —
« Hélas I me dit-il , dans mon cœur 11 s'élève des doutes...
« Depuis le temps que nous sommes en chemin , nous de-
Digitized
byGoogk
377
« vriODs élre (U^ daseesdas da plateaui nous devrions
« BOUS trouver dans la vallée des Mûrien... Rdintmssoiis
« chemin , rd^roassons diemio , s'écria-t-il avec énergie ;
« à cette heure , ceUe affaire devieni blanche et luisanU
€ (c^est-à-dire, je comprends oette affaire) ; nous aurions
« dû iMrendre le sentier que nous ayons rencontré à
« gauche. »
« Nous virons donc de bord et nous entrons dans ce
sentier d'espérance, qui nous conduisit, en effet, sar les
bords du Man-tien-dze. Déjà, du haut de mon petit mulet,
je découvrais là -bas , loin dans renfoncement , des champs
coltivés, et mon cœur s^épanouissait insensiblement. —
« EeiHie que cela peut encore passer? grommela mon
« conducteur entre ses dents. Aujourd'hui, vraiment,
« je ne suis que mastic et colle (je suis stupide) I Voilà
« que cette vallée n'est pas la vallée des Mûriers ! »
« n ne fallut ps^ délibérer longtemps ; nous descen-
dhnes de cheval. La nuit commençant à se fiadre, il était
prudent de nous réfugier dans cette vallée, où nous pou-
vions espérer de trouver quelque habitation , puisque nous
apercevions des champs en culture. Cela valait infiniment
mieux que de s'exposer à bivouaquer la nuit entière s«r oe
malencontreux Hkm-tien-dxe.
« Cependant je ne pouvais considérer sans effroi celle
descente , longue et ardue , qui conduisait à la gorge ou
nous comptions trouve^ quelques renseignements. J'étais
travaillé d'une soifdévôrante, et je ne me sentais pas grandes
forces aux jambes pour me soutenir sur le versant de cette
montagne escarpée. — « Allons , il n'y a pas d'autre
« m«jreB, disait mon hemmt à masdctià coUe^ il faut
« àégnngOer ptkv id. ^G^Hiam, nais je suis btisé ;
m je mews de soif. — Akt mus avCM ut aotr* Muie
« pleiae; b«v«ns m «««p Cetu-de-ii». ~à k bmm
Digitized by LjOOQIC
378
« heure , lui dis-je eni^iant, quoique lu te sois fourvoyé,
« tu sais encore donner un bon conseil. .. » En disant
cela , je m^emparai de Poutre que f appliquai pron^^e-
ment à mes lèvres. J'ciaîs si atféré que je nem^apercevais
ni du goAt rrl de ta feroe iftm si violent breuvage. J'en bus
i longs traits^ fl me ^ntfMait qi» fêtais à une sonrœ
d'eau fraîche et délicieuse. Je me sentis à l'instant plein
de vigueur. Nous tirâmes donc nos montures par la bride,
et tantôt assis, tantôt debout^, tantôt nous roulant et nous
culbutant , nous nous trouvâmes enfin au bas.
•'' « 11 était nuit close. Nous remarquâmes dans un en-
foncement, au pied d'une colline , une lueur vers laquelle
nous nous dirigeâmes comme par instinct et sans nous
rien dire. C'était la cabane d'un berger. Nous appro-
châmes vers la fenêtre, et à travers les crevasses du pa-
pier qui , dans ces pays-ci , lient lieu de carreaux de vitre,
nous vîmes un Chinois, accroupi à côté de quelques ti-
sons, et fumant tranquillement sa pipe, a Holà ! mon vieux
« frère aîné, sommes-nous dans le chemin de la vallée
M des MâriersPn A l'instant cet homme fut à côté de
lïous. — a Est-ce que cela peut encore passer? dit-il
« vous vous êtes égarés sur le Man-tien-dze , n'est-ce pas?
« La vallée des Mûriers est au détour de celle gorge; il
« y a encore une lieue, et plus; la route est bonne. » Ces
paroles du vieux frère aîné nous rassurèrent. Après
l'avoir remercié et lui avoir souhaité du bonheur, nous
montâmes à cheval. Nous chevauchâmes encore pendant
rme heure dans l'obscurité , et nous arrivâmes enfin, saH$
nouvel encombre, à la demeure des Tartares Mongous.
«• « Nous fûmes accueillis avec une expansion et une
cordialité au delà de toute expression. « Voilà Takoura ,
« le chef de fimiille, » me dit mon conducteur, en me
montrant un homme de taille moyenne, mais d'une mai-
Digitized
byGoogk
.3»
gtmt ^ÊÊÊtpmUè. AçAê mm ^éftpeftft «MiBeUeflMit la
««éreoce) le ^Aêux TakovMn noM mnktk à nous asseoir.
Jl eut la bfljiilMmîe de me preadve poer on hoBHiie de
<|Qdqtte impeftanœ , el en conaécpieBce il' me fit meMreà
,bhphoe d^honaeiir, elea^^dire weAlèopposéàlaperte
dteitBée. Je .me laiss^ti foire., et bieiit<^t tout le monde
Rassit en rond , et à'ia-foçen des taîUeurs , autour du bra-
sier qui répandait eneore plus de fumée que de cbakur.
« Après nous être offert les uns aux autres la petite
fiole de tstbac à priser, après avoir allumé nos pipes et en
avoir fait mutuellement rechange^ le vieux Tarlare m'a-
dressa la parole. — « Tu n'es pas Qiinois, me dit-il , tu
« es Tartare Mandchou; je comprends cela k la frange
« qui est au-dessus de ton bonnet ; quel est ton noble
« royaume? — Je suis du royaume de France. — Ab !
« ah! du royaume de France? c'ésl biea... Et quelle est
« la ville illustre? ^ Je suis de la ville de Toulouse. —
« Ah I ah I tu es de la ville de Toulouse... c'est bien »
« c'est bien. — Sans doute, lui dis-je, tu as été à la ville
« de TotdoïKA; il s'y fait .un grand commerce. — Non ,
« me répondit-il ; j'ai été seulement un^ fois à MoukdfiA;
« mm je ne sui^paa^uxlyéJila^iUe de Toulouse* p
« H n-est pas nécessaire de dire que ias ï^rtares Vbm^
gous ne sont pas trës4evts en géographie. Les boiiMi
gens s'tmagMrirent, sans sonipale^ qae le royaume de
France, la vitie de Toulouse, tout cda était renfBnmé
dans la M:uidebo«rie. Cette croyanoe ne me paraisKun
nuUemoM dangerMse, Je h leur ai laissé tranquilleiMBl
pfdesser, eu wkUI de la laberté des epinioBs prodaMét
parlaChanede 1^0»
« Quand on se fut paisiblement orienté de part ec
d'autre , voilà que la conversation s'engagea rapide m.
animée, comme au plus fort d*une querelle. — «Mais
Digitized
byGoogk
380
« eafioi criiitdetoniestes forces le chef de fanOle, d*ici
« à la vaUée des EauX'Noire$ il n*y a pas loia ; com-
« ment pouvez^vous arrÎTer si tard? Est-ce que cela peut
« encore paeser ? — Ah I c'est difficile à dire , c'est diffi-
« ciie à dire, répondait sur le même tmi mon conducteur,
« cela ne peut pas passer; liens, vois-tu, nous nous
a sommes égarés sur le Man-tien-dze. — Comment , tu
« ne connais pas encore le Man-tien-dze^ toi? Tu fais si
« souvent le trajet, et tu peux l'égarer encore? En vé-
« rite, cela ne petit pas passer,,* N'est-ce pas que lu es
« bien fatigué? me disait-il en me frappant sur l'épaule.
« — Suffisamment fatigué; mais n'en parlons plus, me
« voici arrivé chez loi , tout est bien. — Tiens, regarde ,
« ajoutait-il en poussant mon conducteur avec le bout de
<c sa pipe, regarde ; toi, tu t'égares sur le Man-tien-dze en
« plein jour ; moi , je puis voyager par une nuit obscure,
« je ne perdrai jamais la route. » Et puis c'étaient des
éclats de rire, des soupirs et des condoléances à n'en pas
finir.
« On avait posé sur le brasier une cruche en fer ,
pleine de thé au lait. Pendant que la compagnie raison-
nait à tue-tête sur les routes du Man-tien-dze, je buvais
sans discontinuer de ce ihé au lait à grandes rasades.
Bientôt on apporta les petites herbes salées et Teau-de- ,
vie. C'est le prélude obligé des repas chinois et tartares.
On se grise avant le repas; c'est absolument l'opposé de
la méthode anglaise. Le chef de famille prit mon petit
verre , le remplit et me l'offrit cérémonieusement en le
soutenant des deux mains. Je l'acceptai de la même ma-
nière, et quand tous les verres furent remplis, Takoura
prit le sien , et faisant à la ronde une petite inclination de
tête , il nous inviïa à boire, o Mais ton vin est froid , me
dit l'amphitryon, je vais te le changer. » Il le versa dans
Digitized
byGoogk
la petite urae à vin qnl fiunut sur lei okarboas, et ne
remplit de nouveau le verre. En Chine et en Tartai*îe, ri
n'est pas d'us^;e de boire froid. L'ean-cb^ néme, on
plutôt ce virulent esprit de vin, on nous le sert tout
chaud et tout fumant.
« Ce soir-là je n'étais guère d'humeur de boire de
Teau-de-vie bouillante; je sentais comme un incendie
dans mes entrailles. « Si tu as de Teau froide, dis-je à
» Takoura , pour le moment , c'est tout ce que je dé«re. »
Je n'avais pas encore adievé d'émettfe ceue hasardeuse
proposition, qne de toutes parts on me tira des àr^
guments à bout portant, pour me prouver qu'il n'était
ni bon ni prudent de boire de l'eau froide. Mais un jeune
hma de hnit à neuf ans, arrivant fort heureusement avec
nne grande tasse d'eau fraîche , coiqpa court à cette alter-
cation. Je m'emparai de la tasse; je demandai à mon ar-
gumentatrar s'il en voulait bohre ki moitié, et pendant
qn'il riait de toutes ses forces, j'avalai d'un seul trait
cette eau dâideuse. Je rendis la tatie au petit launa, en
hû recommandant de la renqpyr de nouveau. « C'est une
« affiûre finie, dit alors Takonra, piûsque absohnnoit tu
« neveuxpasboiredu vin, qu'on serv^ le sovper.»
<c Pendant que Madieke , fils atné de la famille , enle-
vait les petits verres et Teau-de-vie, Tsanmiaud^ son
frère , autre lama de vingt-un ans , apporta un grand plat
où s'élevait en pyramide un hachis de viandes de mouton.
A l'aide de mes deux bâtonnets, j'en saisis quelques mor-
ceaux , puis rejoignant les bâtonnets et les élevant hori-
zontalement à la hauteur du front : « Mangez lentement,
« dis-je aux convives; pour moi, j'ai feît. » Et comme
je m'aperçus que le bon Takoura allait encore batailler,
je m'empressai d'ajouter : « Tiens, écoute mes paroles et
« ne va pas me quereller. Nous sommes bons amis , n'est-
Digitized
byGoogk
3St
• <e pas? Tiii le Mib, dam ta fan^, c^ert comne si
«' l'élaîs <:liesMM ; peur leinooMnt., je sois trop (Ssitigiiér
« mm tte oriiiis pts^ detmki 110» reparierons de tout
• eria. » Pendant qne le Taitare répétait>n branlant la
tête : « Cela ne peui pas passer, » jemé letat et j'aUU
m'élendre à l'endroit qu'on m'avait assigné pour passer
la nuit. Je m'y enveloppai de ma couverture , et bientôt
je m'endormis d'un sommeil de plomb.
« Le lendemain , j'eus lieu de m'apercevoir que pen-
dant mon sommeil mon conducteur n'avait pas perdu son
temps. Il ne s'était pas fait faute de boire quelques verres
d'eau-de-vie, et cela l'avait rendu disert outre mesure. H
avait fourré dans la It^tede nos Mongons, candides et in-
génus , que j'étais un homme extraordinaire , d'une science
a faire trembler les plus fameux lamas. Il leur avait an*
nonce quel était le but de mon voyage : je savais à peu
près, assurait-il, les langues des dix raille royaumes qui
sont sous le ciel ; je désirais encore apprendre la langue
mongole, et c'est pour cela que j'avais dessein d'habiter,
pendant quelques jours , chez les Tartares. Ainsi, je dus
à la magnifique amplification de mon conducteur tous les
témoignages d'honneur, de respect etd'afl'ection, dont je
fus entouré dans cette famille.
« — Docteur, me dit Takoura , puisque tu as le des-
« sein d'apprendre les paroles mongoles ^ tu as très-bien
« fait de venir ici; le lama Tsanmiaud a beaucoup de
« capacité, dans peu de temps il l'aura enseigné tous les
<t mots. Quand tu sauras exprimer les choses essentielles,
« nous ne parlerons plus chinois. » J'acceptai de bon cœur
celte invitation , et comme mon conducteur ne m'était plus
nécessaire, il s'en retourna le jour môme dans sa famille- .
« Quand nous eûmes pris le repas du matin , après
avoir prouvé à ces Tariares, par des faits irrécusables.
Digitized
byGoogk
3ii
que je ne méprisais ni le via ni les mets de leur taUe,
j'étalai sur un buffet ma petite bibliothëque. J'ouvris
mes livies et je les femUetai tous les. uns après lesauires.
Ces bonnes |;ens étaient pressés autour de moi , les ymx
gmnds, ouverts et la bondiebéantecomme des enlants au-
tour de la table d*un« escamoteur* Ameaure^iiaft je prenais
nn livre, le père de fomillo annonçait solennellemeni à
Tasscaiblée la qualité de la marchandise. « Voici, disait*
« il , un livre chinois ; voici un livre mandchou y voici un
« livre mongou««. » Mais quand je 6s paraître mon bré-
viaire doré sur tranche letrdié en maroquin violet , ce fut
un enthottsiasne difficile à. décrire. Après l'avoir ouvert,
j/d le présenui au Jama comme au (dus lettré d^ la société»
A peine eut--il aperçu lescaracières européens^ qii'il s'é-
cria aussitât : Choral chmxtl 11 fit passer le livre à la
ronde, et tous, a|»^ Tawoir ieuilleté, répétaient avec
stupéfiiction : Un Uwe c&otW
« Les lamas mongous et thibetains donnent le nom de
charak une certaine écriture énigmatique ei mystérieuse,,
dont la forme ressemble beaucoup aux lettres gothiques.
rm ai rfimMpquÀflUc towie» 8i«iQÉiUwe»>dft>pritees^ui
se iroufttBt ÔÊouklm pnjaiiiff ttim'eitï ^P(MMt>eapaaaéc que
«ria ptiiurmit tendes. tvMtfÊmà^ Gatrcaradèraa sont' totts>,
ea dfot, souBgnésearougBy.elibiontarépaodusçàetlfli
danslecorp8dnTelunie,de^attnîèpeàlai>e;roiaa«wcntrdfla
astifAcmaires et des livres de priàres du moyesa âge. On
rencontre encore beaneoup. de ee^caractàle» dkséminés
parmi les peintims des ve&tea4]tt pafodes..Les lamas ne
comprennent rien àcette écritum, ib^ie sawMt pas même
la lire ; de là vient qu!ila domieB|JftnMi de ckar(kk tmte
langue qui est jpour eux inintelligible.
« Le jeune XsaBnûand, me i^miettantle bréviaire , me
dil d'une vm tMM tmnbfamieiVémoiiQo: « Nlest-ce pas
Digitized
byGoogk
384
. que c'est du eKara?-Si ce n'est pas du chara, lui
- dis-je, qoe sera-ce? » Il s'assit alors à côté de moi
avec l'air satisfit d'un homme qui vient de faire une trou-
vaille. U prit de nouveau le bréviaire entre ses mains , et
il ne cessait de le tourner et de le retourner dans tous les
sens... • Mais, dit-il, est-ce que tu connais le chara,
« toi? — Oh I Je suis très-fort en ekairo; tiens, regarde,
. je le lis même plus vite que le chinois et le mandchou ;
. avec le cftora je puis parler et écrire tout ce que je
. veux. — Dans la pagode où fai étudié les livres, il y
« a plus de huit cente lamas : aucun ne connaît cette
« langue; il y a seulement un vieux lama qui sait en Ure
. quelques mots... Mais, ajouta-t-il, quelles paroles y
. a-t-a dans ton Uvre ehara? — Ce Uvre contient des pa-
« rôles saintes; c'est mon livre de prières. — Ohl est-
. ce que tu récites des prières? s'écria le vieux Takoura.
• -Et pourquoi n'en récilerâis-je point? Jepne tousles
. jours, et plusieurs fob par jour; Uens, maintenant je
« vais prier encore, le moment est arrivé. . Et je me
levai aussitôt pour réciter mon bréviaire.
. -Puisque ta veux prier, me dit Tsanmiaud, je vais
. teconduire dMS «« aulre leole; « ssras plus tnm-
. quille; id a y a trop de iwmuUe. . J'allai donc dans
la tente voisine aooompagné du lama et de son neveu.
Durant tout le temps que je mis à dire mon bréviaire, ils
nslèrent debout, à côté de moi, gardant un religieux
sHence. Quand j'en, terminé, Tsamniaud me demanda «
favais fini ma prière, et sur ma réponse affirmauve ils
me filant l'an et l'autre une indinalion profonde , comme
pour me féliciter de ce que je venais de faire.
. Une fois que mes hôtes se lurent aperçus que j'éuis
un homme de prière, je fa. décidément un ami de la &-
miUe. Les Mongous sont «ssemieUemeot reUgieux. Hs
Digitized by VjOOQ IC
385
croient à une irie future i et ils s'en occupent sérieusement.
Les choses d'ici-bas sont pour eux d'un intérêt secondaire*
Takoura était le plus fervent de la famille. Au commence-
ment de cbm^ue repas, pendant-que je récilais monBene^
dieUe, il trempait son petit doigt dans son yerre, puis il
projetait au loin quelques gouttes d'eau-de-vie. Cette
pieuse libation ne l'empêchait cependant pas de se griser
assez souvent. Ce bon vieillard [ne savait pas prier dans
les livres ; mais il savait presque toujours son chapelet à la
main. Les Mongous se servent , en eifet , pour prier d'une
espèce de chapelet composé de cent huit grains. A chaque
grain ils doivent dire : Paix et bonheur aux quatre par^
ties du mande... C'est une formule que Fo enseigna aux
hommes, disent-ils, pendant qu'il propageait les prières*
Hais ses disciples ne sont pas très-scrupuleux sur ce point ;
il en est beaucoup qui ne récitent rien du tout. Takoura
avait adopté cet usage facile et expéditif. Il se contentait
souvent de dérouler entre ses doigts les grains du chape-
let , et cela ne l'empêchait pas d'entretenir la conversation
à droite et à gauche avec le premier venu.
€ Comme pour le moment je ne devais pas faire m
kmg s^onr parmi les Tartares Mongous, je me hâtai de
rêdBger nn petit manuel de convcnation, vme espèee de
dictionnaire omtenant les expressions les plus usmUcs»
Pendant que j'écrivais en français ce petit ouvrage, ces
bonnes gens étaient consternés d'étonnement ; ils ne poor
taient comprendre comment, à l'aide de ees mtBOtbru
thara, corons ils les appelaient, je pouvais écrire 4es
mots mcmgous. — « Maître, me dit le vieux Tartare,
« pvisque ta t*empflres de toutes nos paroles, tti vovdat
« bien m'enseigner quelques expressions ^ara... je M
« sois pas trop vieux pour les apprendre? Ma langue eut
« encore assez souple, n'est-ce pas? » A l'iosiant il mm
TO». Xni. tOS. DigitizelRjOOgk
386
montra un couteau, puis un briquet, en me demandant
le nom ekara de ces divers objets. — « Ceci s'appelle
• couteau, luidis-je, cela s'appelle briquet... Quand lu
« iras dans le royaume de France, si tu dis couteau,
« briquet, tout le monde te comprendrai » Mon homme
cîfait dans le délire de renthousiasme. Si quelque étranger,
Chinois ou Tartare, venait le visiter, il répondait à leurs
formules de politesse , eu leur criant de toutes ses forces :
Couteau, briquet, et puis il se prenait à rire d'un rire
inextinguible.
« Ce petit succès dans ses premières études de la lan-
gue chara Tencouragea outre mesure. Il apprit encore ik
dire : Ma pipe, fumer tabac... Mais je m'arrêtai là ; je me
fardai bien de lui en apprendre davantage; car il me ré-
pétait à satiété ces deux ou trois mots, et je ne pouvais
' plus obtenir de lui qu'il me parlât mongou. La première
nuit qui suivit son initiation dans la science chara, il l«i
arriva plusieurs fois de me réveiller brusquement pour me
demander si c'était bien couteau, briquet, qu'il fallait
dire. Je fus obligé de me fâcher et de lui répondre que ia
nuit était faite pour dornfiir, et non pas pour apprendre
les langues. — « Ah I me répondii-il , tu as dit vrai ; tes
a paroles abondent en raison 1 » Dès lors il ne me tour-
menta plus; mais il ne se faisait pas faute de faire de temps
en temps des à parte , et de marmoter entre ses dents :
Couteau^ briquet^ mapipc^ fumer tabac. Une autre raison
plus grave m'empêcha de Tintroduire plus avant dans la
connaissance du chara; je m'étais aperçu qu'en récitant
son chapelet, au lieu de dire : Paix et bonheur aux quatre
parties du monde ^ il disait sans trop se gêner : Cauteau,
briquet , etc*
« Le troisième jour après mon arrivée , Takouia fut
obligé de faire un voyage à un marché chinois qui se te-
Digitized by LjOOQ IC
387
ttiU à deox. jiCNiniées de sa réôdeace* J'avoue que cet it*
éUent ne me contpfurta guèrei; je fiia dès lors plus vr$ar
quille pour comioner avec le lama mon peiit dioiioB-'
naire* Tous les jours » aooompagné de TsaiaoïiaiMl , falfaûii
Élire «ne prosaeuade à une petite pagode» qui n*éli9}i
fUispe éloi|^ que d'un quart d'heure. Elle est située dans
we position vraiment pittoresque. Figure-loi une m<m^
tagçe escarpée et rocailleuse, dooi les flancs entr'ouveris
forment une espèce d'angle aigu; c'est dans cet enfonce^
ment qu'est érigée la pagode. Aux environs se trouvent
diseéminées çà et là , sans régularité et sans plan , les e^
Iules ou habitations des lamas. 0es arbres mQgniiiqiies
s'^èvent parmi ces maisonnettes, et au pied de la mon-
tagne les eaux d'un torrent bondissent à travers d'énormes
quartiers de roche. Quand les lamas, velus de leurs
grandes robes rouges ou jaunes , prennent leur récréation,
le taUeau est vraiment ravissant.
« La pagode dont je te parle était alors en réparation;
deux lamas travaillaient aux peiniures ^.la voàie , et il
m^a paru qne ces artistes mongous n'élaient pas défkmifvns
d'habileté. Je voudrais bien pouToir te dire en lenMs
techniques quelque chose de raisonnable sur les décora-
tions kmanesques , je sais que cela t'intéresserait ; mais
tu n'as pas oublié, je pense , que je n'entends rien en
peinture. Tont ce que je puis dh*e , c'est que le bizarre et
le^ grotesque dominent dans tous les desms des pagodes.
Les fhiits et les'fléurs sont rendus avec firatdemr et âëÊ*
catesse ; mais les personnages sont tous sans vie et sans
mouvement; leurs yeux ne regardent pas; la camatidli
est froide et morte. Les peintres de ces pays-ci n^ontpi»
la moindre idée du dài^-obseur ; dans les paysagci , IMl
se trouve aligné sur le même plan.
«^LesfrÛlr^Mtt^iés àçeue p8«pfle4qpt peuQçai"
Digitized by LjOOQ IC
388
breus. Il y en a tout au plus une cinquantaine ;. mais ce
qui en augmente le nombre, c'est que diaque lama, en
général, a sous sa direction deux ou trois chabi ou no-
vices, auxquels il enseigne les prières et la liturgie.
Tous les jours , j'allais causer avec ces lamas qui ont tou-
jours clé pour moi pleins d'affabilité et de prévenance. Je
ne sais pour quel personnage ils me prenaient; mais ils
poussaient le respect à un tel point, que par pudeur je
fus obligé de leur défendre de me faire la prostration à
deux genoux quand ils me saluaient. Une fois je vis le
moment qu'ils allaient me creuser une niche dans leur
pagode , et me placer à côté de leurs fétiches. •"' ' * *
« Un jour que nous causions tous ensemble de diffé-
rentes choses : « J'ai envie d'apprendre le thibetain,
« leur dis-je, est-ce bien difficile? — Très-difficile, me
« dit un lama; quand on ne commence pas jeune, on
« étudie, on étudie, et c'est vainement. — Voyons, va
« chercher un livre thibetain. — Il courut à la pagode et
revint un moment après chargé d'un énorme in-folio*
« Lis-moi , lui dis-je , une page de ce livre ; mais lis bien
<( lentement et avec une grande clarté. »
» A mesure qu'il lisait, j'écrivais en caractère soi-
disant chara. La page étant achevée , ils me demandèrent
pourquoi j'avais écrit du chara. a Dans un instant vous le
saui^z, leur répondis-je. » Et je me mis à fumer une pipe
jjpndant qu'ils s'amusaient à regarder mon écriture énig-
malique. Quand j'eus fini de fumer, « Tenez , leur dis-je ,
« je vais vous lire ce que j'ai écrit... — Oh ! oh ! firent-
« ils tous a la fois, c'est inutile, c'est inutile; nous tie
« comprenons pas le chara, nous autres. — N'importe,
a écoutez; et toi, dis-je à celui qui avait lu le passage
« thibetain , clierciie l'endroit que tu viens de parcourir,
c et éecwte si m€^dkrraa*aoo(Nile on ne s'accorde pas.»
Digitized by LjOOQ IC
U9
« Pendant qae je Usais , tous ces pauvres hunas reie*-
na^ot leur respiration. A peine j'eus fini : « Tout s'ik>
« corde, s'éci*ièrent-ils ; les paroles une à une, um à
c une, tout s'accorde. » Et alors tout hors d'eux-mêmes
ils se demandaient entre eux , en gesticulant avec vigueur :
« Hais comment cela se fait-il ? on lit thibetain , il écrit
ckara... puisîl Ut son chara, et c'est tUbetain. »
« Un lama, écartant alors les autres de ses deux bras>
vint se placer devant moi , et me regardant fixement :
« Es-iu Fo vivant? me demanda-t-il.... » Cette singu-
lière interpellation me fit crisper les nerfs. — « Tu es un
« insensé ! lui répoodis-je avec énergie. — En vérité »
«^ajouta-t-il, en se fra{^ant avec la main , en vérité^ je
« ne sais pas, je ne comprends pas; mais certainement
c les Fo vivants n'en savent pas tant que toi. »
c Qu^un Chinois qui%e connaît que ses caractères
presque hiéroglyphiques , ne puisse pas se faire une idée
juste des idiomes alphabétiques , à la bonne heure ; mais
les langues mandchou , mongole et thibetaine sont pu-
rement alphabétiques , et je ne comprends pas comment
ces lamas n'ont pas encore soupçonné qu'à l'aide d'un
alphabet on pouvait écrire toutes les langues. Au reste ,
ces lamas ne ni'ont pos paru grands amateurs de l'étude.
4*ai eu lieu de ra'apcrcevoîr qu'ils passaient leur vie dans
une oisiveté profonde ; de plus, leurs idées ne sont guère
spiritualisées. I!s n'ont pas de leur état une très-haute
opinion. Tous m'ont dit, il est vrai, qu'être lama valait
mieux qu'être homme noir (c'est ainsi qu'on appelle les
gens du monde, ou ceux qui no rasent pas leur tête).
Bfais quand je leur ai demandé en quoi l'état de lama
l'emportait sur celui dliommc rioîr, j'ai été surpris et cho-
qué d'entendre toujours la même réponse. Tous m'ont
dit: c Tant qu'on est chabi^ ou étudiant^ on a, il est
Digitized
byGoogk
39»
• vrai, beatusQOfi à toBA*ir ; mais quand on a appris les
c prières jijoqa'au b<mt , tout est fini > on n'a plus be^in
• de traTailler ; on peut se reposer da matin au soir ; on
« n'a pas à se préoccuper ni du boire, ni du Tétir, ni du
« manger. » 11 ne faudrait pas pourtant généraliser ce
qoe je dis ici ^ peut-être qu'ailleurs les choses iront diffé-
remment. Il pourrait bien se faire que l'esprit de r^i-
chement se fût introduit dans la petite lamaserie dont je
parle. Quand j'aurai visité les grandes pagodes, peutr
être serai'je obligé de tenir un autre langage.
« Les lamas ne sont pas cloîtrés. Us ont en général
le caractère ambulant. Ils courent sans cesse de pagode en
pagode, quelquefois par esprit de dévotion , souvent par
humeur de vagabondage. Cest ce qui m'a fourni l'Occa-
sion d'en voir un grand nombre. Un soir que j'étais paisi-
bkment occnpé à écrire la nomindature des expressions
rnoog/sÀSi que me dictait Tsanmiaod, nous «itendlmes au
dehors cooune le piétinement d'un grand nombre de cbe^
vaux. Nous allâmes voir , c'était un escadron de douae
lamas. Ils venaient de fort loin , et ilsavaiau encore plus
de cent lieues à faire avant d'arriver au terme de leur
voyage. Ils allaient en pèlo'inage à k^ grande pagpde de
Têlonùr. Ces lamas étaient inconnus de la famille^ ikfur
rent néanmoins ébergés comme des amis et des frères. On
leur servit d'abord le tbé au lait , et afNrès qu'on eut pré-
paré un repas frugal , mais copieux « on leur disposa des
tentes pour passer la nuit. Lesdroiu de l'hospitalité sont
ioviolables chez les Tariares. Il ne s'est pas passé de jour
sans qu'il ne vint quelque étranger, et je n'en ai pas vu
éoonduire un seul. Tous ont été accueillis avec une sincère
et loyale générosité. Je suis moi-même une grande preuve
du caractère hospitalier de la nation mongole. En défini-
Uve , je n'étais qu'un étranger pour ces gens-là, puisqu'ils
Digitized
byGoogk
3»!
ne croyi^est Mandchou; je ne lent wms jamak rmim
aticon service , ils n'avaient rien à aliendre de moi; 1»
voyaient clairesieot <itie c'était mon i&térét profïre, am»
avantage qui m'avait conduit et qui me retenait ciiezeuL;.
et pourtant, il faut le dire, j'ai été traité comme ne le
serait pas un bienfaiteur par ses protégés.
« Esin^, après sfa: Jours d'abseaee, Takoiira &t de
retoKF de scni voyage à Outa-Mada. Qmaid il parut, fé»
{^OBvaidè»l)attcnenlideccrar; en vérité, ce fut commi
s» je retroiivaisi.im ^ieil ao^ Je Inî deiwmdai en mongi»
desnew^es de s» samé, si le voyage avait été h^wsKy
sf la neige qui éiafc tondit ejtk abondanee ne lui avait peiril
easié ôemat^é BfcscpestkmséUttent rapides, aMnéesefc
paipîtantfts d'émotion ; je lui décochais sans iniemij^liM
toutes Ics^ phrases sentimentales que TsanMand mteaU
enseignées. Mais à mon grand désappointement, jeii^ab«t
tins pas un seul mot de réponse. Je me sentis alors pro-
fondément humilié , et je demeurai convaincu que je {Pro-
nonçais mal le mongou. Je changeai d'Idiome , et sur u»
ton un peu plus modeste, je lui adressai en chinois les
mêmes questions. •• Même profond silence!... Takonr^
était toujours immobile devant moi ; ses yeux me regtkr-^
dàient fixénient; sa figure s'enflammait et prenait peu à
peu nn caractère vi^ment effrayant. La peur s'empara de
inoi , je li'osai pas hasarder d'autres questions. Je cru*
qu'il avait éprouvé quelque grand malheur^ et que par
suite son système cérébral s'était détraqué. Enfiki, spth
iin silence de part et d'autre, ^ence vraiment sinistre et
lugubre, fexplosion eut Ken Ctmkant hriquef!
s'écrîa*t-il d'aine voix vibrante et métaffique*; et pub m
laissant aTIer sur nn large tapis de feutre, coùude tm
homme épuisé par un grand effort : — « Etofiti , ajoata-^
« t-ît d^une voix sourde et étouffée, à force d« pemer^ le
Digitized
byGoogk
392
« êwvenir tst mmU Ma pipe, fumer uAae. » Je
pris^vitemeat sa pipe , je la garnis de labac ei je la lui
offris en disant : « Tu parles admirablement le chara. »
Cette petite flatterie ne Ait pas sans effet ; elle me valut des
compliments à perte de vue sur mes progrès dans la lan*
gue mongole.
« Ce jour fut comme un jour de fête pour toute la fa-
mille, et le repas du soir avait Tair d*un petit festin. Le
bon Takoura, qui voulait me régaler, avait acheté quel-
ques gourmandises à la station chinoise. Pendant que nous
buvions le vin, il appuya la main sur mon épaule, et
8*approchant confidentiellement de moi, il meditàToreille
et à Voix basse : « J'ai acheté un paquet d'ognons; nous
« aHons en mangerun , n*est-ce pas?... » Et puis prenant
le ton du conmiandement : « Voyons, s*écria-t-il , qu'on
m^apporte les ognons. »
« Les ognons de ce pays-^â ne poussent pas de bulbe
grosse et renflée, comme ceux de TEurope. Ils sont oblongs
et semblables aux porreaux. La saveur est pourtant la
même; elle est également brûlante et acre. Un ognon est
pour les Tartai*es et les Chinois un mets très-friand , el
cela m*a fait comprendre comment le souvenir des ognons
d'Egypte avait pu si fortement exciter les murmures des
Israélites dans le désert. Ceux que Takoura me fit servir
s^étaient gelés en route ; ils étaient dur^ et raides comme
des barres de fer. « Je m'en doutais , me dit Takoura ;
m mais n'aies pas peur , j'en ai inséré quelques-uns dans
m mes bottes, et j'espère qu'ils ne seront pas gelés. »
Aussitôt il enfonça son bras dans i^e de ses bottes , et en
letira, en effet, un ognon qui était tout fumant. Après
ravoir essuyé avec soin sur le devant de son gUet, il m'en
iAit généreusement la moitié. Nous le mangeâmes sans
autre apprêt , à peu près comme si c'eût été une orange.
Digitized
byGoogk
393
' « Après avoir passé une douzaine de joui^ chez ces
Tartares Mongous , je songeai à revenir dans ma vallée des
Baii^Noires. — « Demain^ au soleil levé , je pars , dis-
« je au chef de famille; il faut que je m'en retoiurne. »
II est inutile de dire quelles furent les instances et les sup-
plications de ces bonnes gens, pour m'engager à rester
parmi eux encore quelques jours. Il était dix heures du
soir, et le vieux Takoura n'avait pas encore achevé ses
harangues, -r^ « Il est tard , lui dis-je , le temps de dormir
est arrivé ; tu dis des paroles toutes blanches ( vaines) ;
deaoain il faut que je m'en retourne. — Tu as raison ,
il est tard; disons seulement une parole, que ce soit
une parde droite et raisonnable : Est-ce que demain
au soleil levé tu dois absolument partir? — Absolur
ment; j^en ai pris la résolution. — Dans ce cas-là* •»
Madieke , fais diaofler l'eau-de-vie ; bis frire quelque»
tranches de chevreau. — Estrce que tu vas encore man-
ger? — Tais- toi , me dit-jl ; tiens, je n'écoute plus tes
paroles... Comment I tu pars demain, et avant de dor-
mir nous ne boirions pas encore ensemble un verre de
vin I » Je dus me résigner et subir cette intempestive
coUati<m.
« Le lendemain, quand le jour parut, je me hâtai
d'empaqueter ma bibliothèque de voyage. « Le déjeuner
« n'est pas encore prêt , me dit Takoura , tu n'as pas be-
« soin de tant te presser, attends un insunt , je vais de-
« hors examiner le temps. » Il rentra quelques minutes
après , et me dit avec l'air et le ton d'un homme con-
vaincu : « C'est affi*eux! le temps est abominable; au-
« jourd'hui on ne peut pas voyager, il est impossible de
« traverser le Man-tien-àxe; en vérité, ce temps est
« affreux ! » Takoura me disait tout.cela avec un sérieux
vraiment admirable. Le ciel était pourtajat pur et serein ;
Digitized
byGoogk
3H
pendant Thiver on ne pouvait désirer un plus beau jonr.
« Cela n'est pas bien, Takoura, je vois que tu dis de»
« paroles creuses » tu éparpilles des mensonges. .. Puisque
c tu ne veux pas me lester le cœur, je partirai sans dé-
jeuner. » — « Ce n'est pas cela , ce n'est pas cela ; je sais
« bien que tu veux partir ; mais tu ne peux pas t'en aller
« seul; Tsanmiaud t'accompagnera; je vais faire seller les
« chevaux : quand on est deux , vois-tu , la route est
« riante et animée. »
« Cette prapeskâonne phitassec; màiTskcfon était
Mwtjouf^ d'une teniear insuj^portable; le déjeimer n^en
fifisifiHt pas, c'était to^MT» à recoMinncer» Le temps
Sikaii pourtant son dieoun, et je n'ataispes «nvie deme
trouver en route pendant lasuit. Aa4ieHd6 hftter avec
moi les péparatife du départ , mon bftte élaic cownie
pétrifié; il avait toujours quelqw oiéchante nrtooo à
m^objeeter pour me retenir encore quelques minutes.
« Qu'as4u peur, vat deaut^il, le temps est magnifique,
« le soleil est chaud et briRant^ la soirée ne peut pas être
« froide... » Enfin, après nous én*e salués le plus affec-
tueusement possible, ou , en d'autres termes , après nous
être fait les adieux en braillant, je me mis en route accom-
pagné du lama.
c Quand ROI» eûmes gravi ime haute montagne , nous
nous trouvâmes sur le Man^Hm^xe. Le vent, qui ne se
faisait pas remarquer dans ta vallée, était pourtant glacial
et violent ; il passait sur la figure , tranchant et aign
comme des lames de rasoir. La neige , qui était tombées
en abondance les jours précédents, ajoutait encore i b
rîguetir du froid. Pendant l'hiver eHèest ici peraumeme;
l'orage la disperse et la b:daie de côté et d'autre; quel-
quefois eHe va s^iocumider dans quelque enfoncement , et
alors elle devient mamovible, les chaleurs de l'été n'en
Digitized
byGoogk
395
fimdent que la superficie. Ce jonr-ti le vent enlevait en
tourbillons cette neige glacée, et nous la lançait avec
fiolence ; c^était à peu près comme si on nous eût jeté au
visage des, poignées d'épingles. Nous ne rencontrâmes pas
un seul voyageur sur le Man-Hen-dze; nous aperçûmes
seulement au loin quelques troupeaux de brebis jaimes et
de bouquetains qui s'enfuyaient à notre approche , et des
optantes qui se bittâitiit emporter dans les airs par la ra-
pîdiiéda vent. Lesôleil vtMÎtdeseoeaeher quand noos
encrâmes ^iaiis la vaUée des Bamûo^oiret^ oè les bons
«ttce» dea ebrétieia chinois qui atieadaîoot mon retiNv,
nova firûBilyâHAt oddîer les petites ineommo
rouie.
« Sans doute, mon cher Donatien, qu'en lisant les
quelques pages que je viens de t'écrire^ tu t'es formé une
idée quelconque de cette &mille Tartare-Mongole , où j'ai
reçu une si franche et si cordiale hospitalité. Cependant
j'ai bien peur que cet^ idée ne soit pas très^xacte ; je vais
donc encore ajouter quelques mots et essayer de la rec^
Ufier. Il faut maintenant apf)eler les choses par leur
nom. Pendant douze jours j'ai donc eu pour habitation un
palais; les Montons, aveclesqueb je t'ai foitEûre connais
sanee, sont tous membres de la iamiRè royale du royaume
dé Pé{é; le bon Takoura n^ ni plus m moins qu'un
prince du sang ; les filset les petks-fils <fai prinee Takoura,
tous ces enfùms sales et morveux sent des dues , des
comtes, des barons, des marquis, que sais-je? C'est que
les ÊmriDes prineières ne sont pas par ici dorées et nrt>a«^
tées comme en Europe. B m'est venu en pensée que tous
les monarques de TaflCiquité , tous ces rois magnifiques
qu'Homère a eu l'exliêaie f omphisanre 4%ibilkr si riche-
meot, pourraient fort bien aiveir^ des personnages à la
façon dn prinos TaJummf Qmaà je vejraiala duehesse
Digitized
byGoogk
396
Biacfadie, aax habits tout reluisants de graisse et de
beurre , se traîner manssadement à la dteme voisine et
charrier avec effort Teau nécessaire au ménage, je me figu^
rais ces grandes et illusti*es princesses d'autrefois qui , au
dire des poètes , ne dédaignaient pas de porter leurs pas
sur les bords des fontaines , et de purifiei* de leurs royales
mains les tissus de lin et de soie...
« Et pour te bien persuader cpie le prince Takonra est
en effet un haut et puissant personnage, un grand seigneur
s'il en fut jamais , je dois ajouter que sur sa ten^Cèodale ,
autour de sa royale habitation , il possède qudques Ëimilles
d'esdaves. Oh 1 je t'en prie , ne va pas l'efiaroucber; que
cette idée d'esclavage ne resserre pas trop fort tes entrailles
constitutionnelles. L'esclavage, tel que je l'ai vu mis en
pratique dans la vallée des Mûriers, ne m'a pas paru quel-
que chose de bien affreux ; le plus lîgide républicain n'y
trouverait certainement rien à redire : les princes et les
esclaves traitaient toujours d'égal à égal ; ils prenaient
ensemble le thé^ s'offraient mutuellement la pipe quand
ils fumaient ; lesenCants jouaient et se battaient ensemble,
le plus fort assommait le plus foible, qu'il fût comte ou
esclave... et voilà tout.
« Je dois pourtant avouer qu'ils rougissaient et ;|vaien(
honte de dire qu'ils étaient esdaves : ce burlesque sobri-
quet n'avait pas trop l'air de les flatter. C'est qu'en effet
l'esclavage, si mitigé qu'on le suppose, ne se trouve pas a
b hauteur de la dignité humaine, et voilà pourquoi il a
été insensiblement abdi partout où l'Evangile a pénétré.
Si plus tard il vient à être chassé du sol de la Tarlarie ,
ce sera encore l'œuvre du christianisme.
' « Avant de clore celte lettre, il est peut^tre bon que
Je prévienne une observation que tu pourrais me faire,
sur ce que ma lettte ne rappelle pas souvent le souvenir
Digitized
byGoogk
397
d*un Missionnaire apostolique. Usant de ton privilège de
chicane^ tu pourrais me demander comment il se fiiit
qu'étant parti de France avec mission de prêcher l'Evan-
gile et de combattre l'idolâtrie , j'aille jusque dans les pa*-
godes, vivre familièrement avec des lamas, être témoin
de leurs cérémonies idolâtriques , me coudoyer, pour
ainsi dire, avec les statues de Fo, respirer en un mot un
atmosphère d'erreur, et pourtantretasir la vérité captive...
Il est écrit : Quomodà eredeni et , quem non audieruni?
juomodô auiem audieni $ine prœdicanteP quomodà verâ
prœdieahminisi miiianiur (1) ? Et s'il m'était permis d'a-
jouter un mot aux paroles de saint Paul, je pourrais en-
core (Hre : Et comment prêcheront-ils , s'ils ne savemt pas
parier ? Avant donc que de prédier aux Mkmgous , je dois
chercher à apprendre la langue mongole. La petite pagode
ou j'ai été me paraît un endroit très-&volrable; mais ti
de prime abord j'allais dire à xe& lamas : « Brûlez ce que
vous adorez, » je me priverais, sans contredit, du moyen
d'apprendre une langue qui m'est pourtant indispensable^
et que je ne puis étudier que diez les paient. Quand je
saurai le mongou , je n'aurai plus rien à ménager ; les per-
sécutions qui pourront s'élever ne me feront pas reculer,
je l'espë^e. Ainsi donc, patience encore qndque temps ;
dans ma prochaine lettre tu recevras , si Dieu le veut^ des
détails apostoliques. Au mois de mai j'irai me fixer dans
cette petite pagode, et je n'en sortirai que lorsque jeserai
capable de parler correctement et rondement h langue
mongole. Nous avons dit nos conventions avec le sous»
supérieur qui m'a paru le plus instruit et le plus studieux
(1) ComiDflot croinmt-Us en lai , f'iU b'«o ooI point catondn ptrier r
Ettommeot en eateadronl-ib ftrier, fi pecMmie m Irar prêche? El
inMMiil Umt prècliera-l-M, li Om m' mi «BToy4 ? (8. Pi«l ata Rom.X,
Digitized
byGoogk
308
de la oommoiuaité* Jeldj^erai daB&samaîsefiiieiie^ils'eit
charge de m'apprendre le moigoa ei le thibetaio : ea re*
vancbe j'ai pris ïeafpigsm&at de lui. donner des leconsile
mandchou ec de chinois. Quoique je ne sois pas fort dass
ces deux langues, ce sera une bonne occasion pour moi
d'y £iire quelques progrès ; car on n'apprend jamais mieux
une chose que liU'squ'on esc obligé de l'enseigner aux
autr^.
« Adieu , mop cher Donatien* Me soyez nullemeot es
sollicitude sur mon compte. Je vous embrasse lous de
toute l'affection de mon cœur.
. « E. Hoc, Mistiaimaire ffetkdijw. >
Digitized
byGoogk
399
MISSIONS DU BRÉSIL.
Lettre du P. Joêq^Satôj Misiimmaire ie la Compagnie
deJéêUi, à «m fiire de ja même Compagnie. (Tra^
doctioD de TespogooL)
Forto-AJ^rc (Provmce de Rio-Gfaadt d« Sod dam le Brëul),
« M09 BéviftERD Pèbs ^
« Çesi sffx retour d'une Mission que nous venons de
donner dans le nord de cette province , que j'ai reçu
yotre leftre. Elle m*a tàk bien du {>bisÉr » et pour vous
<D lénoigner leuie ma^reconoaissaiioe, je m'empresse de
TMft eatoysr une petHe rdation de celle course apo-
«Krfiqtte, qui a élépoor moi la pramière dans te aoaveaii
monde.
« Nous étions partis, le P. Sfertos et moi, le 1 1 avril,
pour nous rendre aux Champê de f^acaria , situés à une
distance d'environ soixante Kenes de Porto- Alegre. Voas
serez sans doute étonné d'apprendre , mon révérend
Digitized by LjOOQ IC
400
Père I que malgré la vitesse des chevaux et notre marcbe
accélérée , il nous a follu sept jours pour arriver à notre
destination; mais votre étonnement cesserait bientôt, si
vons pouviez voir ces chemins et ces déserts. En allant
et en venant, nous dûmes traverser par deux fois des forêts
habitées par des Indiens féroces : la première où nous
nous engageâmes n'avait pas moins de cinq lieues , et la
seconde était de trois lieues environ. Le sentie est très-
scabreux et triste sous tous les rapports; on ne finit que
gmyiv et descendre des montagnes très-élevées , ooa-
'vertes de toutes sortes d*arbres sauvages; à chaque pas
les pierres et les rochers vous barrent le passage ; et
<Ittand ils laissent une issue , elle est si étroite , que bien
auvent un homme à cheval a de la peine à en suivre les
détours sans se blesser ; à droite et à gaudie vous n'avez
qu'une masse d'arbres qui vous empêchent de rien voir à
quelques pas de distance. Dans certains endroits , engagé
sous une sombre voûte de feuillage qui ne permet pas
même de découvrir le ciel , on doit traverser de si grands
bourbiers, qu'il y a danger pour le cheval et le cavalier
d'y rester ensevelis , à la première méprise ou disurac-
tion des guides. Il faut enfin s'ouvrir de temps en temps
de nouveaux passages en se jetant dans l'épaisseur du
boiS| après avoir mis pied à terre et coupé quelques arbres*
« Ajoutez & tout cela la crainte continuelle de
tomber dans quelque embuscade des Indiens^ qui se
trouvent là diez eux, et font de fréquentes sorties contre
les passants qu'ils poursuivent de leurs flèdies pour les
tuer , ou les obliger du moins k quitter la forêt avec
prédpitation. Le pb est que dans ces malheureuses ren-
contres il est bien diflkile d'échapper de leurs mains ;
car à travers ces arbres, cesrodiers, ces bourbiers et ces
ravins dont j'ai parlé , et mille autres (d)sudes contre
Digitized by LjOOQ IC
401
lesquels il faut lutter à la fois, on ne peut ni courir à
pied , ni précipiter sa fuite à cheval.
« Nous avions ainsi marché , les uns h la suite des
antres, pendant une journée tout entière, quand la nuit ,
avec ses ténèbres qui paraissaient au milieu de ces bois
bien plus épaisses que partout ailleurs , vint nous sur^
prendre. Il n'était pas possible de continuer noure mardie,
et force nous fut d'attendre sous un arbre le retour da
soleil. Nous allumâmes nn grand fen potfr nous défendre
da froid et pour épouvanter les bétes fauves qui parcoo-*
rent ces forêts. Le profond silence qui y règne le jour et
fai nuit, silence qui n'est interrompu que par les rugisse*
ments de quelque tigre ou de quelque pandière par lés
cris du bugio (c'est une espèce de singe rouge) par te
bruit d'un grand nombre de sangliers qui rôdent ensem-
ble, ou par le vent qui agite les branches de ces arbres
majestueux ; enfin la proximité des Indiens qui sont presque
tonjoursen observation : tout cet ensemble rnspâre une cer-
tasie horreur qui n'est pas fiE^dle à décrire, et qui se &H
sentir même au cœur du Missionnaire. Cep^dant avec
l'aide du ciel nous sortîmes sains et saufs de ce mauvais
pas.
« Le jour suivant , après avoir traversé deux grandes
rivières, dxmi l'une est très-dangereuse par la rapidité
de son cours, nous parcourûmes trois lieues de désert
sous une pluie torrentielle^ qui nous trempa jusqu'aux
os, et noos obligea de mettre pied à terre, de crainte âm
tomber éûas d'affreux précipices avec nos chevaux qui
giissaientcontinuellement. C'estainsique nous marchâmes
jusqu'à kl nuit , presque sans avoir pris la moindre noup-
riture , et nous arrivâmes avec peine à une cabane , oà
uae pauvre femme nous reçut avec grande charité, et
mom logea de mm mieux. Le lendemain , malgré la pluie
TOB. xm. IW. ^9'^'^^^ by ee3ogle
402
cous résolûmes de continuer notre voyage, et nous &tieî-
gnlmes enCa le lieu désigné pour oofflmenoer la Mission.
a Vous savez, mon révérend Père, que ce pays
porte le nom de Champs de Facaria (de -vacherie) panoe
que c'était dans ces parages que nos anciens conTrères
faisaient élever (es troupeaux destinés à Tentretien ec i
la nourriture de leurs néophytes, les Indiens Cwirm^is.
Vous comprendresK facilement comtnen la vue de ces forêts
et de CCS champs , jadis témoins des efforts et des vertus
de nos Pères , devait nous suggérer des réflexions de tom
genre. Elles s'offraient en foule à notre espriû Le souvenir
de leurs immenses travaux , par lesquels ils étaient par-
^uus à adoucir les mœurs féroces de ces sauvages , à les
civiliser , à les instruire si parfaitement dans les vérités
de la foi , qu'ils firent l'admiration du monde par leur
piété , produisait en nous un charme inexprimable , et
nous encourageait à surmonter tous les obstacles pour
devenir, sur le théâtre deleurs succès, le&imitateur&fidèifis
d'un aussi noble dévouemept.
tt Les forêts qui entourent de toute part le territoire
connu sous le nom de Champs de Facaria , sont habitées
par des Indiens plus ou moins sauvages. Parmi eux pn
distingue doux nations d'un caractère très-cruel : l'une se
compose des BokcudoSj ainsi appeléi à cause d^un
trou qu'ils se forment sous la lèvre intérieure^ par lequel
ils sifflent d'une manière horriUe , soit en attaquant leurs
ennemis , soit pour se denumder mutuellement Au secours
-dans les rencontres difficiles; l'autre porte le nom de
Car<madoSf parce qu'ils ont sur la tête u&e courooiic
ou tonsure semUable à celle de nos préù^. €es
deux tribus irrécoBciliable& se font une guerre atraoe;
leurs armes sont des péchas et de petites laoces;
ks B^kûudotj les arcs .et ks flèdiét aMt-d'uae dû
•• DigitizedbyLjOOQlC
403
son bien plus grande que chez les Coronados : les uns ec
les autres ont , du reste, grand soin de les orner avae
tOHte la recherche possible.
« Ces Indiens ne font usage d'aucun vêtement ; ils ftoat
très-forts, et sortent rarement de leurs forêts. Us n'asdail*
lent les passants que quand ils sont sûrs de leur coup^
ce qui les oblige à rester quelquefois .plusieurs jours en
cbservaUon pour mieux atteindre leur but : les malheureux
qui tombent entre leurs mains sont toujours impitoyd)le«
WÊiaa massacrés ; mais leurs effets sont laissés intacts , &
Boîns qu'ils ne contiennent du fer. Ce métal étant Puni-
que objet de leur convoitise , ils Tenièvent avec empres^-
«efloent : contean , don , serrure , tout est bon pour eux ;
ikr l'arrangent et s'en servent pour leurs flèches et leurs
ianees. Le reste, et même l'argent, est abandonné, excepté
peot-étre quelques pièces de monnaie pour orner le coU
des Indiennes.
« Mais il est bien temps, mon révérend Père, de
revenir à notre Mission de Facaria. Arrivés à l'endroit
où elle devaitcommeucer,c'est4-dire à une petite cabane
ibrmée de roseaux , nous eàmes le bonhem* d'y réunir en
peu de jours environ quatre cents personnes. Cet audi«
loire qui , sans doute, vous paraîtra bien petit , surpassa
cependant de beaucoup nos espérances ; car le pays est
presque désert et les haUtanls demeurent très-éloigués
les uns des autres. Pendant treize jours que nous restâmes
là » notre prhicipale occupation fut d'apprendre à ces
ftttvresgens les premières vérités de notre sainte Beligion ,
ignorées d'un grand nombre : leur abandon avait été si
absolu, que la plupart ne s'étaient jamais approchés des
sMreipcnts , et que plusieurs n'avaient pas même Tûf)â
le baptême* Mous eûmes la consolation d'en v^ésAtat
près d'une centaine^ nous fîmes aussi quelques iuaria||i^
[^^dbyLjOogie
404
et nous arrangeâmes les différends qui existaient entre
les familles.
« De là nous nous rendîmes au point central des Champs
de Vaearia, à une dislance d'environ quatorze lieues vers
Touest, ou Ton trouve une petite église qui tombe en rui-
nes ; nous y employâmes' quinze jours aux mêmes tra-
vaux et avec le même fruit que dans la Mission précédente.
€ Pour vous former une idée de l'ignorance de ces pau-
vres Indiens et de leurs besoins spirituels , il suflQra de
vous dire qu'ils passent plusieurs années sans voir d'au-
tre ecclésiastique que quelque prêtre en voyage : peut-
être s'arrêtera-t-il un ou deux jours parmi eux ; mais
quand la nouvelle arrive aux habitants les plus rappro-
chés de la cabane qui a eu le bonheur de le recevoir ,
ce prêtre est déjà parti pour continuer son itinéraire.
Aussi les mauvaises herbes poussent-elles de fortes raci-
nes dans un champ si inculte , et il faut bien de la patien-
ce pour les en arracher. Cependant le Missionnaire , appe-
lé à cette œuvre difficile, n'est pas sans consolation au
milieu de ses fatigues et de ses embarras ; la joie la plus
pure monde son- cœur en voyant les effets admirables de
la grâce divine sur ces esprits simples et dociles. Rien ne
peut les détourner de la Mission : pour y assister ils aban-
donnent leurs cabanes; ils font plusieurs lieues de che-
min chargés de leurs provisions, et portant sur leurs
épaules les petits enfants qui ne peuvent pas marcher ; ib
supportent le froid , la pluie et des privations de tout
genre. J'ai été extrêmement touché de leur constance à se
rendre à nos instructions, et du recueillement avec le-
quel ils nous écoutaient, malgré un froid si intense que je
ne me souviens pas d'en avoir jamais éprouvé de pareil ;
Ut manquaient d'ailleurs de tout abri pour s'en défendre,
dtf ils sont dans le dénèment le plus complet.
Digitized by CjOOQ le
405
« Nous avons eu le bonheur de remettre ces pauvres
gens dans la voie de la vertu et de la religion ; ils se sont
approchés des sacrements de pénitence et d'Eucharistie ;
les ennemis se sont publiquement réconciliés ; la récita-
tion journalière du chapelet a été introduite dans tou-
tes les familles y et nous avons enfin terminé la Mission
par la plantation solennelle de la croix , que ces néophy-
tes se font un devoir de visiter fréquemment. Voilà , mon
révérend Père, le fruit de nos fatigues. Depuis notre re-
tour , j'ai repris Texerdce du saint ministère dans cette
ville ; et le Père Coris , dont la santé nous avait donné des
craintes , se dispose, maintenant qu'il est rétabli , à re-
commencer ses excursions avec le Père Martos. Ces deux
Pères vous présentent leurs respects , et je vous prie
aussi, mon révérend Père, d'agréer l'assurance, etc*
« Joseph Satô ,
Missionnaire de la compagnie de Jésus, ê
Digitized
byGoogk
406
ijttM du P. Miehel Cabezay Misiionnmre de la Compm
gmê dé Jésus ^ à un Père de la mêmeCon^agnie, (Tf»»
dtictioD de l'espagnol.)
Do DMkf ro (Provinct de Ste-Catherme dons le BrëMM
leJOaoûllSU.
C Mon RÉVBRBND PÈRB ,
« Je ne saurais vous exprimer la joie que votre leltre
est yenue m^apporter au milieu de mes montagnes. Elle a
été pour moi œ qu'ont toujours été vos instructions : ma
force I ma consolafion et ma lumière. Vous jugerez dn
besoin que j'aide vos conseils » au récit des circonstances
difficiles où me place l'exercice de mon ministère.
« Sainte-Catherine , oh je débarquai le 30 avril 1843,
est une des provinces méridionales de l'empire du Brésil
située entre Rio-Janeiro et Rio-Grande. Elle est divisé*
en deux parties, — le continent et l'île du même nom, —
séparées par un bras de mer de trois cents pas de lar-
geiur. Dans toute la province il n'y a que dix-sept pa-
roisses i six dans l'ile et onze sur la> terre ferme, très-
étendues, mais peu peuplées et mal distribuées. Les
naturels, pauvres pour la plupart, sont disséminés d^ns
les montagnes et les déserts, et habitent des maisons
d6 terre couvertes en chaume, où il n'y a' d'autre meubte
qu'une simple natte. Un pantalon de toile , une chemise
de cotOB I un chapeau de paille, voilà tout leur habille«
Digitized
byGoogk
401
ment; ils ont pour diaossure une espèce de sandale
appelée Tamango, formée d^une semelle de bois et d'une
empeigne de cuir qui embrasse la moitié du pied. Leur
nourriture consiste en Parotas ou haricots , en maïs et
en viande sèche quand ils peuvent s'en procurer. Malgré
l'ignorance où il croupissent, on découvre en eux un fonds
de foi et de religion qui présente de grandes ressources
aux ouvriers évangéliques. Il suffit de leur proposer les
vérités du salut pour les ramener à la pratique du bien.
c Aussitôt après mon arrivée à la capitale, mon pre-
mier soin fut d'étudier la langue portugaise qu'on parlô
dans ce pays. Au bout d'un mois je commençai à faire le
catéchisme aux enfants dans l'église du Rosaire, qui
appartient aux nègres, et même de petites instructions
que j'étais obligé d'écrire et d'apprendre par cœur. Je
trouvai d'abord tant de difficultés dans cette étude , que
si le motif de la gloire de Dieu et du salut des âme$
ne m'avait soutenu, l'amour-propre m'aurait fait tout
abandonner ; je surmontai toutefois ma répugnancei
naturelle, dans l'espoir qu'avec l'exercice je parviendrais
enfin à me faire bien comprendre. Dieu voulut récom*-
penser celte constance qu'il me donnait lui-même ; le con-
cours augmentait chaque jour et remplissait la petite
église , où j'établis la dévotion journalière du chapelet ,
si propre à toucher le cœur de la sainte Vierge.
« Sm* €99 emreGMtM) les PP. Vilà et Lopez arrivèrene
et s'aBSOoièMot à mes travaux* Ce renfort m'eacoorsiBMw
Pimdaiit q«eh|ue temps encore, prêcher, coninMr,
liater ka prisons et les hèpîtaiix fiirttit nos oocupaliiaf
ordîiairBS, jiwiii'à os ipi^ayant acquis assez^ de finiirt
(tans larlangue, no» confàmss un plan plus vaste. Nonft
étions bien iafonnés da malheureux état du pays par
«apport à b religios ; et, pour y remédier, nousprhi»
Digitized
byGoogk
408
la résolution de faire des Missions dans toute la province ,
d^abord dans les paroisses de File, ensuite dans celles do
continent , et enfin dans la capitale.
« Vousn^attendez pas que je tous donne tous les détails
de nos excursions ; ce serait trop pour une lettre. Je me
contenterai de dire un mot du nombre des Missions que
nous avons faites, de Tempressement du peuple à y assister,
des difficultés qui ont éprouvé notre zèle , et du succès
dont nos fatigues ont été couronnées.
c Nous avons parcouru jusqu'à présent quinze pa-
roisses ; dans ce nombre , il en est qui ont une étendue
de quatre, cinq, et même de vingt-deux lieues. Les che*
mins sont bordés de précipices ou entrecoupés de rivières
et de marais. Vous concevez par laque les habitants,
surtout les plus pauvres qui allaient à pied , devaient
essuyer de grandes fatigues pour assister aux exercices
reUgieux; les autres y venaient par eau dans des pirogues,
ou à cheval, ou sur des chars quand la route le permet-
tait. Pour leur épargner cette peine , nous faisions quel-
quefois de petites Missions dans des bourgades intermé-
diaires.
« Mab la plus grande difficulté pour eux, c^était de se
procurer un habit convenable. Dans les montagnes, oà
Us sont presque toujours , un vêtement ordinaire leur
ioffit, et ils n'en ont point d'autre pour assister à de sem-
bbdldes réunions, dans lesquelles ils ne veulent cependant
pat ae présenter en pauvres. Or , pour avoir cet habit, ils
tendent quelquefois les firuits qui leur sont nécenaires
fmtr subvenir aux [M*emiers besoins , on ib l'achètent à
crédit , ou ils l'empruntent au moins ponr recevoir les
incréments. Dans une occasion Je disais k im pénitnnt
de revenir dans trob ou quatre jours, et il me répon-
dit : « Mon Pire, je ne puis pas; cet habit appartient à
Digitized
byGoogk
409
« iiD attire, qui m^a dit de le lui rendre tout de suite, car
« il doit communier demain. » Cet usage est très-général ;
et, soit orgueil , soit bienséance , ik y tiennent beaucoup,
et il n'est pas possible de les y faire renoncer.
« A ces obstacles se joignent les intempéries de la
saison ; mais, pour leur salut, ces bons fidèles se con-
danment à tous les sacrifices. Quelquefois nous vou-
lions suspendre la Mission, dans la pensée que Torage les
empêcherait de se rassembler ; mais lorsque nous comp-
tions pouvoir respirer un peu , nous voyions arriver des
groupes de vingt ou trente personnes , toutes trempées et
couvertes de boue, et nous étions forcés de continuer
notre travail. L^auditoire a toujours été nombreux ; nous
y avons compté jusqu^à trois ou quatre mille âmes. Dans
ces grands concours, l'église ne pouvant pas contenir
toat le monde , il fallait placer la diaire près de la porte,
afin que ceux qui étaient dehors pussent nous entendre.
« Nos prédications, grâce à Dieu, ont porté leurs
fruits : elles ont amené autour de nos confessionnaux une
multitude de pénitents , dont la persévérance , nous Tes-
pérons, nous fera oublier nos fatigues.
« Partout le ciel a répandu ses bénédictions sur nos
tmvaox ; partout il y a eu des scandales réparés , des
haines invétérées assoupies , des désordres détruits. Aus-
aitAt que la Mission s'ouvrait dans nn village, les
eonemis savaient déjà qu'ils devaient se réconcilier; et ,
chose admirable 1 peu de joursaprès, des hommes qui
amdent conservé pendant plusieurs années un ressenti-
ment mortel, s'embrassaient publiquement; il arrivait
•ouvent que l'ofibiisé allait chercher l'agresseur avec le
même désir de se réconcilier avec lui , que s*it avait été
lui-même le coupable. Telle est la force d'en haut! Des
Digitized
byGoogk
410
personnes, témoins de ces changemesls, ne sayaie&t eom^
ment nous en exprimer leur admiration.
« Quant à nous, mon révérend Père , en présence de
ces prodiges de la grâce , nous sentons à peine les priva-
tions , les fatigues , les souffrances , au prix desquelles
le Seigneur veut bien les accordcTé II est vrai que sou-
vent les choses les plus nécessaires nous manquent : un
peu de riz et des haricots cuits à Teau ont été notre
nourriture la plus ordinaire ; il faut souffrir de la cha-
leur , du froid , des orages et des insectes ; mais tout
cela devient léger à un ministre de Jésus-Christ crucifié
pour le salut des âmes. Et d'ailleurs , quels sacrifices au-
raient pu nous coûter, en voyant ces généreux fidèles venir
avec tant de confiance et d'émotion chercher à nos pieds le
remède à leurs maux ?
« Pour la plus grande gloire de la divine bonté qui
opère partout des prodiges de sa miséricorde, laissez-^mot
vous dire, entre autres spectacles de vertu que nous avons
rencontrés au fond de ces forêts , la constance admirable
d'un pauvre esclave. Un jour que je lui demandais s'il ne
fréquentait pas les assemblées trop souvent funestes des
autres nègres de sa condition : «Non, me répondit-il;
« quand mies camarades ai'invilent à prendre part à
« Wurs fêtes dissolues , je m'y refuse en leur disani cpie
« j'ai une âme que je dois rendre à mon Créateur, ai
« que je ne veux pas la perdre. » J'hésttaisà croire à ont
vie si pure dans un esclai»* Je lui demandai s'il réduôcte
chapelet ou quelque autre pri^. « Oui , mmi Père* ,
« ajonta-t-il ; je sais Ure, et tous les soirs, avant de mr
< coucher y je dis le petit oflBce de la sainte Vierge. « Je
compris alors que sa conduite exemi^aîre était VefiM
d'une protection spéciale de la Mère de Dieu.
c Le chiffre total des confessions que nous avons en-
Digitized
byGoogk
4tt
tendaes dans tontes nos excursions, est de quatorze mille
emriron. Elles auraient été plus nombreuses, s^il y aYait
eu plus de confesseurs^ Nous a^ons administré le bnptême
n.pltts de soixante enfants et adirites : parmi ceux-ci^ il
y avait un protestant allemand qui est rentré dans le sein
de réglise. La plupart des enfiints baptisés appartenaient
au district le plus abandonné de la province; c'est
un désert , regardé comme un lieu d*asile pour leV
criminels. Les émigrés de tous pays , qui y habitent au*
nombre de quatre cents familles , subsistent de la pêche
et de la chasse, et manient le ftisîl et le poignard avec*
une dextérité qui devient une source de meurtres. Sans
temple, sans prêtre, sans autorité capable de les contenir,
ils vivent dans une espèce d'indépendance du ciel et de
la terre. L'église la plus prochaine est à dix lieues de dis*
tance.
« Les tristes renseignements qu'on nous donna sur ces
malheureux colons , nous appelèrent parmi eux. Une
vieille maison de chaume nous servit de logement et de
chapelle ; nous avions pour cloche un pistolet dont Texplo-,
sion , comme un signal convenu , appelait aux offices cca
pauvres gens, que Ton voyait aussitôt accourir du haut de
leurs montagnes. Cette Mission , dont bien des circon-
stances semblaient devoir rendjre le succès très-incertain,
a parfaitement réussi ; nos néophytes étaient si contents,
qu'ils ne savaient comment montrer leur gratitude pour
le bienfait que nous leur avions procuré. Maintenant ils
ont l'intention de bâtir une ^lise , pour avoir auprès
d'eux un prêtre qui les dirige et leur enseigne les
devoirs qu'ils avaient toujours ignorés , ou qu'ils n'avaient
jamais remplis.
« Dans le courade nos Missions mnsB?av«nsrien reçnv
pas même la plus légère amntee , afin d'^oigner d» no«
Digitized
byGoogk
412
loot soupçon d'avaijce. Par là , ces gens connaltrout que
oe que nous cherchons dans leurs montagnes , ce sont
uniquement leurs âmes.
« D'après tout ce que je vienà de vous dire , mon
révérend Père, il vous sera facile de comprendre Taffectîon
et la reconnaissance de ces habitants pour nous. A notre
départ de chaque paroisse , la douleur se peignait sur
leurs visages. Tous voulaient que nous restassions avec
eux. S'ils ont compris que cela étaitimpo6sible,du moins
BOUS ont-ils conjurés de ne pas sortir de la province »
dans Tespoir de nous entendre encore. Leur plus grand
plaisir est de recevoir de notre main une petite médaille,
une croix, une image ou un chapelet. Partout les
autorités ecclésiastiques et civiles ont favorisé nos travaux,
et conuribué au succès de nos Missions. Les curés nous
ont donné des preuves de leur dévouement. L*un d'eux ,
âgé de trente-trois ans , prêtre de beaucoup de moyens
, et d'une rare vertu, fut si ému à notre séparation, que
les sanglots étouffèrent sa voix. Il écrivit au président de
là province de nous conserver au pays, pour le plus grand
iMen des âmes. En effet, aussitôt que nous rentrâmes à
b capitale , M. le gouverneur accompagné de son aide-
de-camp vint nous voir , nous remercia de ce que nous
avions bit pour les habitants de Sainte-Catherine, et nous
promit sa protection. L'assemblée provinciale a voulu aussi
montrer sa gratitude , en nous allouant une pension an-
nuelle d'environ cinq cents francs , pour le loyer de
notre maison ; elle est même dans rint«{ntion de Taug-
monter plus tard , dans le double intérêt des Missions et
de rittstruction publique. Qu'en sera-t-il ? je l'ignore ;
chaque fois qu'on nous parle de cette affaire , nous répon-
dons que nous dépendons de nos supérieurs qui , bien
informés, ordonneront ce qui sera plus agréable à Dieu
ec plus convenable i l'utilité de ce bon peuple.
Digitized
byGoogk
413
« Voilà, mon révérend Père, Pétat des choses dans
œtte contrée. Il me reste à vous dire que le mois d'oo-
tobre prochain nous partirons pour le nord , où nous
passerons trois ou quatre mois; ensuite nous reviendrons
faire la Mission à Do Desterro, et nous aurons ainsi par-
couru toute la province de Sainte-Catherine.
« Agréez , etc.
« Michel Càbbza, Missiofmaiu de
la Compagnie de Jésus. •
Digitized
byGoogk
414
Extraù d'une lettre du P. Samuel de Lodi^ Capucin ,
au P. André d^Jrexxo^ Procureur général des Capucin»
à Rome.
Bahia, le 16 mars 1845.
« Mon revérskd Pêrb^
« Le Père Louis de Livourne, homme vraiment aposto-
lique, dont le nom est répété avec éloge et avec amour en
Italie comme au Brésil , s'est décidé à sortir momentané-
ment des forêts qui sont le théâtre ordinaire de son zèle,
pour venir passer deux mois dans notre hospice. J'ai
profilé de sa présence au milieu de nous pour recueillir ,
sur les sauvages indigènes de la province de Bahia^ toutes
les notions qu'un séjour de vingt ans parmi eux avait pu
fournir à son esprit observateur ; et ces renseignements ,
écrits en quelque sorte sous sa dictée, je me fais un devoir
d'en envoyer à votre Révérence un résumé fidèle, dans
l'espoir qu'elle les Gra avec le même plaisir que nous les
avons entendus.
« Ces Indiens occupent, entre les fleuves Rio-Pardo
et Taype^ un territoire d'environ trois cents milles de long
sur deux cents milles de large , tout couvert de forêts
encore vierges, tout hérissé de montagnes , ou coupé par
des vallées marécagaises. Ils forment quatre tribus dis-
iioctes, connues sous les noms de Camacans, de Botecu-
doi, de Pataxoi et de Mongaioe. Sans deute , ces enfants
Digitized by LjOOQIC
415
dégénérés appartiemient comme nous à la grande familie
bomaine ; mais on a souvent de la peine à reconnaître des
bonmes dans ces créatures rebelles' ou étrangères auK
grâces de TEvangile.
« La chasse, la pédbe, des fruits sauvages et quelques
racines alimentaires qu'ils trouvent dans les bois , four-
nissent auK premiers besoins de leur existence. Ils
mangent à toute heure , et prennent plus ou moins de
nourriture selon -quMk ont pu s'en procurer , sans mettre
rien en réserve pour le lendemain. Presque toujours va-
gabonds, le plus qu'ils s'arrêtent dans un même lieu est
Tespaoede quelques jours; une cabane dressée à la hâte
pour se défendre de la pluie, est le seul établissement
qu'ils élèvent dans la vallée qui a su fixer un instant leur
fie errante. Le caractère traditionnel de la tribu se per-
pétue et se transmet, invariable et uniforme, des vieillards
aux enfants; le fils imfte son père , la fille se modèle sur
celle qui lui a donné naissance , et c'est là toute l'éduca-
tron de la jeunesse.
« Dans leurs mariages , ils ne respectent ni Tunité ni
i'indissolidbilité de cette union. S'il suffit d'un consente-
ment mutuel et de l'aveu des parents pour former le
contrat, il suffit aussi de la volonté capricieuse des époux
pour le dissoudre : le caractère difficile d'une femme, sa
stérilité , ou quelque infirmité habituelle , sont autant de
motiis qui autorisent le divorce. Ils n'en ont pas moins en
horreur l'adultère , et toute femme convaincue d'un tel
<^ritne est sévèrement châtiée ; quelquefois on l'attaclie à
un arbre, et son mari vient lui-même venger son injure ,
en rimmolant à coup de flèdiea.
« Quand une femme est sur le point de donner le jour
h son enfistnt , elle se retire au bord d'un torrent solitaire,
afin de pouvoir l'y baigner aussitôt qu^il sera né. Plus tard,
ce souvenir rattachera par un lien religieux le jeu^ iç^^
416
dien à son premier berceau ; ce torrent sera pour lui une
eau sacrée, l'objet du culte le plus affectueux; rarement
il s'éloignera de sesTives, et s'iU'en écarte jamais, ce sera
pour y revenir avec un nouvel amour ; il croit même re-
tremper sa vigueur affaiblie chaque fois qu'il boit à cette
source, où dès son enfance il s'est désaltéré.
< Gomme tous les sauvages, ceux de la province 'âé
Bahia sont excessivement jaloux de leur indépendance ;
il n'y a parmi eux ni supérieurs, ni lois, ni administration
qui règle , en la restreignant , la liberté des individus.
Chacun est mailre de lui-même et de ses actions. La seule
autorité qu'ils reconnaissent est celle de l'âge; encore leur
soumission au vieillard qu'ils ont au , est-die une pure
déférence qui exclut toute contrainte. En temps de guerre
ils se choisissent un chef, dont le pouvoir expire aussitôt
la campagne terminée.
« Entre eux , ces guerres sont rares , et n'ont jamais
pour origine l'esprit de conquête, ni l'avidité du butin;
quelquefois c'est une injure personnelle qui la provoque,
d'antres fois une atteinte au droit de [M*opriété. Que des
étrangers, par exemple, viennent chasser sur le territoire
d'une autre tribu , la peuplade offensée déclare alors la
guerre, non par des ambassadeurs ou par de bruyants
défis, mais de la manière suivante : L'indien qui croit
avoir à se plaindre , place une flèche en travers sur le
sentier que doit parcourir l'étranger. Celui-ci, arrivé %
reconnaît à ce signal que sa &ute est découverte, et il se
hâte de consulter sa tribu, pour savoir s'il doit donner sa*
tisEaction ou accepter la guerre. Si les avis sont pour la
paix, il dépose une autre flèche parallèlement à celle qu'il
a rencontrée sur son passage ; si au contraire les Indiens
acceptent le combat, leur flèche sera placée en face de la
première, et les deux pointes tournées Tune oontie
l'autre.
Digitized by LjOOQ IC
417
« A son tour, le sauvage offensé revient observer la
direction des flèches pour savoir la réponse de Tennemi.
Si c^est la paix, il se garde de toute représaille ; si au con-
traire la guerre est déclarée, ses compatriotes s'y disposent
sans délai , ou si leur nombre est insuffisant pour assurer
la victoire, ils vont [en diligence chercher du renfort chez
leurs alliés. Les femmes suivent leurs maris au combat,
soit pour porter les flèches , soit pour recueillir les traits
que lancent les deux armées ; il en est même qui , dans
le moment du péril surtout, se mêlent aux guerriers, et
manient Parc aussi bien que les hommes. A l'exception
des femmes âgées ou de celles qui allaitent de petits
enfants, toutes se rendent sur le champ de bataille.
« Vous savez que tous les guerriers sauvages cherchent,
en se défigurant plus ou moins, à se donner un air ter-
rible. Les Boiecudos sont peut-^tre ceux qui y ont le
mieux réussi. Ils ont coutume de porter dès Tenfance un
morceau de fer introduit dans la lèvre inférieure et aux
lobes des oreilles; ils y attachent un anneau de bois
peint, de quatre à cinq pouces de diamètre, dont le poids
allonge nécessairement ces parties; la lèvre surtout se
replie et pend sur le menton. Ils coupent leurs cheveux
bien près par le bas, et les laissent croître dans la partie
supérieure de la tête; puis à force de gomme ils les fixent
dans une direction horizontale. Cette forme hérissée de
leur chevelure, jointe à sa coupe circulaire , lui donne
assez Paspect d'un chapeau. Les paupières et les sourcib
ont aussi leur préparation particulière; ils les teignent,
ainsi que le reste du visage^ avec le suc d'un firuit nommé
aeafiroa , qui donne un jus couleur de sang. De 11 cet
aspect horrible de leur physionomie , qui ne laisse pas
d'imprimer une certoine frayeur à leurs ennemis.
c Ib mangent par fois de la diair humaine^ non pitf"
QD excès de fërocité, mais, ce qui paraîtra incroyable, par
tw. xm. 108.
Digitized b
dbyCoogk
418
mi seatiioepit ex^^éré de tendresse, fl y a peu de temps
qu'uQe mère mangeason enlant que la mort wait de loi
ravir , soit qu'elle voulût s'incorporer la substance de ce
(Hs bien-aimé , soit qu'elle ne pût se résoudre à le confier
à la terre pour y devenir la pâture des vers. D'autres, et
ce sont les guerriers, dévorent leurs ennemis ; ils pensent
protéger ainsi leur vie contre la vengeance du mort, et
même se rendre invulnérables aux Sèches de toute la
tribu.
« Cette manière étrange de traiter les morts tient sans
doute à l'idée qu'ils se sont faite de l'état des ilmes dans
une autre vie. Voici un £ait assez curieux qui vous en dira
sur ce sujet plus qu'un long commentaire ; je le rapporte
tel que le Père Louis me l'a raconté.
c n y a environ deux ans qu'il entendit, k la porte de
sa cabane, une grande rumeur de voix confuses» comme
un cri d'alarme poussé en tumulte par des gens surpris
par un assaut. C'était sur les dix heures du soir; le cial
ét;âi^ serein, et les étoiles scintillaient sur un ciel sans
nuages; la lune seule refusait sa clarté. Attiré par et
lyruit inattendu, le Père quitte sa demeure^ et trouve une
foule de CatiMcans plongés dans la stupeur et l'effroi, et
iHisant à la hâte leurs préparatifs de défense. « De qnoi
s'agit-il donc? leur demande le Missionnaire. — Com*
ment I lui répondent-ils, vous ne voyez pas, Ji l'obseur*-
cissen^t de la lune, le malheur qui nous menace! Cei
asu*e est le rendez-vous des âmes séparées de iews
corps; aujourd'hdi elles y sont en si grand nombre, qoe
leur multitude voile son disque tout entier. Qui sait it
Ouâjigiahara (l'Etre suprême) ne les renverra pas
parmi nous, pour rendre à la lune aa lumi^P Alors
ces espriu s'incorptrerent aux tigres , aux serpent»
vepiffieax et aux bétes féroces, pour dévorer ies.n*
Yant^*»«a »
Digitized
byGoogk
419
« Le Père Loois fit de son mieox pour les tranquiili*?
aer, tenr aasvrant qu^il n'y aradt rien à craindre, et qne œ
qni GSiuaait leur effiroi éuût un phénomène tout naturel ,
oomiu sous le nom d'éclip^ ; mais ils n'entendaient rien i
ses exfdications, et leurs vieux préjugés remportant dans
leur esprit sur ses paroles, ils continuaient de se tenir sur
la défensive. Alors il imagina , pour les tirer d'angoisses,
une expérience qui lui réussit : il alluma un flambeau, et
prenant deax corps sphériques, il montra aux sauvage»
eoBunënt ces globes pouvaient , dans leurs évolutions,
pregeter tour à tour leur ombre Tun sur l'autre ; ce qui
expliqua à ces bonnes gens la cause de leurs vives inquié^
tndes et finit par les détromper.
«Nos Indiens portent un grand respect aux morts, et les
cneevelissent avee toutes les marques d'un deuil profond.
Qaand un membre de la peuplade vient de fermer les
yeux, sen plus prodie parent se place «i pleurant à ses
côtés, et lui exprime tous les sentiments que la douleur
inspire à ceux qui aiment. Ses doléances finies , un autre
parent le remplace et feit de même ; ensuite cbacnn des
assistants témoigne à son tour l'affliction qu'il éprouve, et
tes larmes ne tarissent souvent qu'au bout de six ou sept
heures. Pendant ce temps , on prépare le cercueil, qu'on
recouvre de feuillage après que le corps y est placé , et le
convoi marche vers le lieu de la sépulture, où on le dépose
doucement et en silence. Un des parents veille tout armé
auprès du tombeau , afin d'en écarter les bétes féroces.
Cette garde funèbre est ainsi continuée durant neuf à dix
jours par diaenn des parent. Dbm eet intervalle, il y a
toujours avec la sentintUe ^quelques amis du défunt qtf
vîeuuent géflûr sur sa tombe, et «'entretenir tvec son itm
qu'ils craieDi préMute bien qu^inviaiMe, car ils supposent
qu^elk s'éloifiie pe»du carpe qtt'eUe^uMMu
• ••«••itirQiDtieraisvetfaalieBêey mon révérend Père^
27.
Digitized
byL^OOgk
430
il je terminais cette lettre sur nos Indiens sans vous dire
6Ù en est rœuvre de leur conversion. Jusqu'ici le zèle d%
nos confrères a rencontré des obstacles presque insur-
montables; et cependant le ciel a déjà reçu, comme tribut
de ces forêts séculaires , plusieurs centaines d'enfants on
d'adultes, que le Père Louis a baptisés au moment de leur
mort.
« L'année dernière j'ai eu la consolation d'apprendre
que la tribu des Botecudo$ demandait à s'instruire de b
Religion dirétienne ; aussitôt je lui ai envoyé le PM*e An-
toine de Faleme, dont le dévouement n'est pas resté sans
succès, pubqu'il compte déjà quarante catédiumènes
parmi ces sauvages. En m'annonçant cette heureuse nou-
velle, il y joignait l'espérance de voir bientôt ce nombre se
multiplier ; mais pour cela il implore l'assistance de nos
prières, sachant bien que vainement les Apôtres plantent
et arrosent, si Dieu ne fait croître, n'affermit et ne per-
fectionne.
« Veuillez agréer, mon révérend Père, etc.
SiHUEL de Lodi , Mis$. apo$t. »
P. S. « Le P. Loms de Uvoome a quitté l'hospice de
Bahia dès que ses Corées l'ont permis; il lui tardait de
revoir ses (^ers Indiens qu'il évangélise depuis vingt*
quatre ans. On n'est pas surpris de son empressement à
retourner dans l^vssombres forêts, quand on sait tout le
l^ien qu'il jr a défà opéré, et celoi, pittt grand encore,
Digitized by LjOOQ IC
431
qo'il est peat-étre au moment d'accomplir. Les sauvages^
qn^il a convertis en grand nombre, vivent sous sa direo»
lioa comme une grande famille sous la tutelle révérée d'un
père. Il est tout pour eux : apôtre, grand-chef, médecin,
ardiitecteet organisateur du travail ; sous sa conduite »
les hommes se sont formés à Tagriculture , et les femmes
oot appris à tisser des étoffes. Bientôt, si les espérances
du zélé Missionnaire ne sont pas trompées , l'œuvre de
civilisation chrétienne s'étendra à plusieurs tribus ; un dés-
armement général des Indiens est sur le point de se con-
clure par sa médiation , et il se flatte qu'après les avoir
réconciliés , il aura aussi le bonheur de les convertir. •^
Digitized
byGoogk
4St
MISSION DE UILE IVIAURICE.
LHire communiquée à MM. les Membres du Conseil
central de Lyon, par Mgr Jllen-CoUier , Ficairt
apostolique de Vile Maurice.
15 mars 1845.
« MeS8IE0BS^
« AU sein de la vaste mer des Indes, il est une Ue que
sa beauté et sou importance signalent à Tintérét du voya-
geur. Vos compatriotes l'appelèrent île de France. Elle a
repris maintenant le nom àitle Maurice , qu'elle portait
avant l'occupation française. La nature s'est plu à féunir
sur ce point de l'océan des avantages dont peu de pays
cm été favorisés; elle lui a donné des sites pittoresques
d'une rare magnificence, un sol d'une fertilité inépuisable,
et un climat dont nul autre ne surpasse la salubrités
« Mais la Sagesse incréée Ta dit : La terre avec tous ses
trésors ne peut suffire au cœur humain. Il lui faut un plus
noble adiment pour le nourrir et le vivifier ; il but que la
Digitized
byGoogk
423
parole de i*éterndle Vérité descende, comme un rayon qui
les échauffe, sur les œuvres mortes de la nature , et leur
communique ce charme qui les anime , nous captivé et
Qous enchante. Sans cette effusion de la lumière infinie, It
création, cette servante de Dieu , ressemble au corps de
rbomme^ au moment cà l'ouvrier suprême venait dêr h
fermer : elle peut bien offirir par elle-même un spectacte
latteur à Vceil qui la contemple ; mais Gant que le souffle éé
l'esprit régénérateur n'a point passé sur elle» ses tableatix,
même les plus brillants, ne disent rien à l'âme ; ib sont
froids et sans mouvement ; ce n'est qu'une peinture ina-
nimée ; ce n'est qu'une demeure consuruite par un ardii*
lecte habile, mais privée des habitants qui devaient doMWt
de l'intelligence à ses murs et de la vie à sa solitude^
« Tel est le sort de l'Ile de France; elle est belle sans
doute, mais elle le serait au centuple, si ses grâces natu-
felleffétaien t ennoblies par l'influence sacrée de la Religion •
Aujourd'hui c'est un corps sans âme ; mais il fout le dire ,
son triste état est plutôt le fruit d'un malheur que celui
d*une faute.
« A la fm du siècle dernier , lorsque File appartenait à
h France , le christianisme avait presque disparu de b
bce du pays; un gouvernement, qui proscrivait chei lui te
culte de Dieu, ne pouvait être disposé à le propager dans
ses colonies. Quelques prêtres , dont le nombre dépassa
rarement dix ou douze, luttaient contre les progrès du iiial«
H répondaient de leur mieux aux besoins ^iritueb de la
population. Il est vrai qu'alors elle ne s'élevait prd>ablâ*
■ait pas à la moitié du chiffre qu'elle atteint aujourdlmi»
• En 1811,lesdeuxllesdeFraflceetd0BMfteiOi^
ébreni aux forces de la flotte brUauMque, tifmnmMùm
réespar les troupes an^ises^ itV'utmimhfMiiiÊàk
Digitized
byGoogk
424
rendirent Bourbop à ses anciens maîtres^ et gardèrent Ftle
de France qui reprit son nom hollandais de Maurice»
« A en juger par le nombre annuel des baptêmes , bi
pqmlation catholique doit dépassa* quatre-vingt mille
âmes. La grande majorité se compose de noirs , dont la
profonde ignorance est le résultat du malheur de leur con-
dition. Pour une Eglise aussi considérable , le goovanw-
mcÊki a reconnu et rétribué d'abord huit prêtres , et plus
tard dix. Ce cbifli^e n'a pas été dépassé depuis que la co-
lonie appaiiient à TAngleterre.
• Les esclaves , dont le nombre s^élevait à soixante
miHe, furent émancipés en 1839. Avant leur affranchis-
sement, ils étaient généralement traités avec humanité et
presque avec bienveillance. Bien qu'ils vécussent dans
l'ignorance de la doctiine chrétienne, faute de prêtres et
de catéchistes pour les instruire , ils étaient presque tous
baptisés. Aujourd'hui encore la plupart d'entre eux, tout
en se disant catholiques, ne connaissent pas les premiers
éléments de la Religion , et ne savent pas même réciter le
Pater ^ ni faire le signe de la croix.
« Il est certain que depuis l'émancipation leur condi-
tion n'a fait (|u'empirer : indolents par caractère , ils se
refusent au travail dès qu'il n'est plus pour eux une né-
cessité. Leur unique ambition se borne à se procurer un
petit eoin de terre pour y semer du maïs et se construire
une méchante cabane ; tout leur bonhetu: consiste à passer
leur temps couchés à terre sous ce chétif abri. Un peu de
riz soiBt à leur nourriture, et le labeur d'un jour leur en
fournit assez pour vivre une semaine entière.
• Ils aiment beaucoup les cérémonies religieuses; et
éê UMMs les Anes, celle qui émeut le plus leur piété est la
as— ifcwjiHJiOn des morts. Lesoh-, ibse rendent an dme-
iikm et j brèlst des Gtef|;e8 sur les tombeaux de leurs
Digitized
byGoogk
425
amis défiints; Tenccinte Ainéraire ressemble alors à ud
champ en feu, dominé par une croix lumineuse elle-même.
Au centre s'élève un grand crucifix ; des flots de lumières
se pressent h ses pieds , et le serrent de si près que la base
en est toule noircie et presque à demi brûlée. C*est un
spectacle singulier et vraiment saisissant de voir ce lugubre
séjour des morts, inondé ainsi d'éUres vivants qui, vêtus les
uns à Teuropéeniie, les autres à la mode bizarre des Orien-
taux, viennent se courber tristement sur des tombes , au
milieu d'une forêt de torches embrasées.
« Dans la ville de Port-Louis , il y a un prêtre ,
M. Tabbé Laval , qui se dévoue exclusivement à Tinstruc-
tion des nègres. Ses travaux sont excessifs , mais Dieu a
daigné les bénir. Dans Tespace de vingt mois qui se sont
écoulés depuis son arrivée dans Tile , il en a préparé cinq
cents au sacrement de confirmation. Chaque soir il passe
deux heures et demie à les instruire, à réciter avec eux le
rosaire, à chanter des cantiques dans Téglise, où ils ne
manquent jamais de se trouver réunis au nombre de deux
ou trois cents. De l'état d'ignorance et de dégradation pro-
fonde ou ils étaient plongés, il les a élevés à la dignité des
vrais enfants de^Dieu, à la connaissance de leurs devoirs ; il
en a fait non-seulement des hommes honnêtes et indus-
trieux,mais de bons catholiques. N'est-il pas déplorable
qu'un si petit nombre ait eu jusqu'ici la possibilité de se faire
instruire? G)mbien n'avons-nous pas à gémir sur le sort
de tant de milliers d'autres^ égarés encore dans les ténèbres
et le vice, et qui cependant profiteraient aussi bien que
les premiers des bienfaits d'un enseignement religieux I Os
sont tous disposés à le recevoir, ils le désirent même; mais
ils n'ont personne qui puisse le leur donner. Ib prquvenl
su$samment leur bonne volonté par l'empresseacnt avec
lequel ils apportent leurs eolant* au bapttaie.
Digitized
byGoogk
426
« Naguère TEvéque avait annoncé qu'il irait donner ce
sacrement dans le district de Savanne, qui est à rextrémité
de 111e la plus éloignée de Port-Louis. La nouvelle s'en
répandit aussitôt, et tous les habitants des localités envi-
ronnantes accoururent pour présenter leurs enfants à
feau sainte de la régénération. Nous connaissons le pays
et la route que Sa Grandeur eut alors à parcourir. Laissant
Port-Louis au nord> on arrive bientôt à Grand-River^ tor-
rent rapide, qui comme toutes les rivières de File coule
dans un ravin non moins escarpé que profond. Son lit est
encombré d'énormes blocs de rochers, à travers lesquels il
se précipite avec fracas. Souvent il se dérobe aux regards
sous les massifs de verdure qui ombragent ses rives ; mais
alors même que ses eaux disparaissent, on les entend mu-
gir , elles s'indignent et frémissent contre les obsucles
qui semblent vouloir les empêcher de courir vers l'océan.
«Ces ravins, que l'on rencontre fréquemment dans l'tle,
sont tellement abruptes et vont se perdre si loin , que les
oiseaux du ciel peuvent seuls en visiter les gouffires inac-
cessibles. Le voyageur en voit souvent voltiger, au-dessus
de ces abîmes, de nombreuses tribus aux ailes blanclies
et rouges : paisibles habitants de ces solitudes , dont le
brillant plumage œnlraste heureusement avec la soni!>i*c
verdure de la végétation. L'éclat d'un ciel admirablemifiit
pur ajoute à ce paysage un charme ravissant, et lui
donne l'aspect d'une terre enchantée. Plus loin on tra-
verse une plaine qui s'élève par gradation à mesure
qu'elle s'éloigne de l'océan. Elle offre à sa surface, comme
tout le reste du pays, des traces de son origine volcanique*
que les siècles ne peuvent eflEicer.
« Dans rintérieor de IHo , en rencontre une finréc tra^
fMée dans sa kmgarar et sa largeur par une botme
route. Les arbres qui la bordent, mteroeptent la vue dam
Digitized
byGoogk
427
toutes les directions, tq point que le Toyageur n^aperçoit
plus rien devant lui ni au-dessus de sa tête, si ce n'est par
intervalle le sommet âpre et sauvage de quelques mon-
tagnes qui, comme la chaîne dont elles dépendent, pré-
sentent les formes le» plus irrégulières. Elles semblent
braver les lois de Féquilibre ; on dirait qu'agitées par
quelque génie malfaisant qui s'est enfui soudain, mais qui
va revenir leur rendre le mouvement, elles attendent son
retour pour précipiter leur chute un moment interrompue.
« Un ruisseau souterrain et un lac formé dans le cra-
tère d'un volcan éteint se font remarquer à peu de distance
de chaque côté de la route : ce sont encore, au milieu
d'autres indices si nombreux, comme des témoins irrécu-
sables des agitations convulsives qui ont autrefois boule^
versé le pays. Des lits de corails^ des stratifications soushm-
rines, trouvées dans le centre de l'Ile , attestent que les
points les plus élevés gisaient autrefois dans les profon-
deurs de l'océan.
« Après un trajet de douze ou quatorze milles, on son
de la forêt et Ton arrive à l'extrémitéde File, dans un pays
ouvert et bien cultivé. C'est là qu'est situé le village de
Port-Souillac, dont la population est considérable. L'Evêque
avait £iit annoncer qu'il viendrait y donner le baptême.
Aussi tous les habitants, jeunes gens et^vieillards, étaient-
ils accourus de plusieurs lieues pour assister à la cérémo-
nie. On avait choisi une place à l'abri des ardeurs du soleil^
pour y réunir les ouailles autour du pastemr ; elles se
terraient de si près autour du Pontife , qu'à peine lui
feaiait-il Tespaoe nécessaire pour se tenir debout. Après
ime inscruttion sur la nature et les obligations du bap-
têoie. Monseigneur commença Tadminisiration de ce
tacrement, et ait bout de quelques besres il avait régé^
iéré cent soiianie et dfat persottnei; Cet fi<Me»sest à
Digitized
byGoogk
438
ireaie ou quarante milles de la chapelle la plus rappro-
chée, et jamais ils n'ont eu de prélre résidant au milieu
d'eux. Ceux qui peuvent supporter la dépense d*uD
voyage, amènent leur jeune famille de Textrémité de File
à Port-Louis, et ils y séjournent tout le temps nécessaire
pour instruire et préparer leurs enfants a la première com*
munion. Ensuite ils retournent avec eux dans leur pays
où, suivant toute probabilité, le reste de leur vie s'écoulera
s>ans qu'il se présente pour eux une nouvelle occasion de
voir un prêtre et de s'approcher des sacrements : heureux.
si à leur dernière heure la Providence leur ménage ceice
consolation !
« On ne s'étonnera pas qu'il en soit ainsi , quand on
saura qu'à Port-Louis même, oii le clergé est comparati-
vement nombreux ( puisqu'il y a quatre ecclésiastiques)
il est impossible de procurer les secours de la religion i
tous les mourants qui les réclament. En (ace des trente à
quarante mille catholiques de cette capitale , les prêtres
sont réduits à voir un grand nombre d'infortunés, arrivés
au dernier période de la misère et de la maladie, implorer
en vain leur assistance et mourir sans sacrements , parce
ç|ue nos confrères se trouvent dans l'impossibilité absolue
de donner leurs soins à tous ceux qui les sollicitent dans
le même moment. Peut-on, sans verser des larmes, songer
au triste sort d'un malheureux qui, à son heure suprême^
supplie le ministre du salut de venir , pour l'amour de
Dieu, le préparer à paraître devant son juge étemel , et
qui s'entend dire pour toute réponse : « Faites de votre
« mieux pour vous disposer vous-même ; le prêtre que
« vous attendez ne peut venir I » Et quelle pénible si-
tuation pour un pasteur, forcé de Caire un choix au mi-
lieu., des demandes multipliées dont son ministère est
robjet > sans jKiveîr quelle directton il doit prendre, vers
Digitized
byGoogk
429
quel agonisaDt il portera ses pas , n'ignorant pas qu'au
moment même où il va administrer un malade, il en hisse
derrière lui un ou deux autres qui expireront peut-être
dans le désespoir l Ah I daigne le Seigneur avoir pitié
de cette multitude de pauvres catholiques, condamnés à
un si cruel malheur dans cette lie abandonnée !
« Au milieu de ce dénûment de secours spirituek , les
annemis de l'Eglise ne restent pas oîsîfe ; à peine y a-t-il
dans toute Tile un village ou même un hameau un peu
considérable, où les médiodistes n'aient érigé , pour les
enfents du peuple, une école gratuite, dont la direction est
confiée à des maîtres et maîtresses venus d'Angleterre.
Les enfants de la classe émancipée^ qui vont y chercher
l'instruction, s'inoculent en même temps les préjugés
dont leurs maîtres sont imbus , et quoiqu'ils aient été
baptisés, ainsi que leurs parents, dans TEglise catliolique,
aussitôt qu'ils ont fréquenté ces écoles, les mmistresles
considèrent comme appartenant à leur communion.
« De notre côté, nous avons aussi à Port-Louis une
école gratuite, soutenue principalement par l'Evêque;
mais elle ne peut contenir que cinquante élèves, ce qui
nous oblige presque tous les jours à refuser ceux qui se
présentent. II n'est pas douteux qu'en donnant à cette in-
stitution un développement plus convenable, on prévien-
drait la chute de plusieurs centaines d'enfants catholiques
qui , pour se faire instruire , n'ont d'autre ressource que
les établissements méthodistes du gouvernement colonial*
Pourquoi faut-il que notre pauvreté nous condamne à les
TOUT périr , quand ils tendent vers nous leurs mains sup-
pliantes , et nous conjurent de les arracher au péril immi^
nent dont leur religion est menacée I
« Un collège royal a été fondé pour l'éducation des en-
fcnts d'origine européenne. Sa direction, confiée d'abord
Digitized by LjOOQ IC
430
h im prêtre catheliqae, a ptssé entre les mah» d'un pro-
ttsuol irlanàiis.
« On y donne un soin tout particulier à Tétude de l'an-
glais, dont on se sert pour l'explication des auteurs clas-
siques* Les efforts du gouvernement tendent à introduire
l'usage de cette langue, aussi bien que l'esprit et les cou-
tumes anglaises : il est urè8-prd)able que l'entreprbe
réussira , elle ne demande que du temps pour atteindre
son but. Mais avec sa langue le gouvernement espère
(et nous croyons qu'il s'en flatte vainement) que la co-
lonie adoptera la religion nationale de la Grande-Bre-
tagne.
« Sans considérer quelles funestes conséquences en traîne-
rai t pour l'ordre social le conflit de tant d'églises qui, pour
être toutes protestantes, n'en sont pas moins rivales, on
cberdierait vainement parmi les naturels de llle un seni
homme sensé qui ne regrettât devoir ^on pays, où la seule
religion professée jusqu'ici était celle qui compte dans son
sein deux cents millions d'Ames, se partager en mille sec-
tes opposées, dont les doctrines oontradictdres ont wm
pe« la charité pour résultat qae It vérité pour principe.
« Une mortalité progressive a décimé la population
nègre depuis son émancipation ; la cause en est surtout
dans la funeste halntude de l'ivrognerie, vice qui, dans
un climat cbaud, est toujours fiital. Pins d'une fois on a
n*ottvé le long des diemins qndqnes-uns de ces malheu-
reux morts des suites de Pivresse. n a été constaté que
dans le cours de l'année pins de quarante noirs avaient
suecombé, victimes de leur intempérance, avant d'arriver
à la porte de l'hApital et avant d'avoir reçu les premiers
secours du médecin. A cet égard, la dégradation des nè-
gres, il but en convenir^ s'est aecrae depuis leor affinan-
obissement.
Digitized
byGoogk
431
« Sans doute, r6sclava([6 est une plaie d« Thumaoîté
dont la Religion s'afflige; il ne devrait pas être toléré par
un peuple chrétien, et tout gouvernemeot qui protégerait
un tel système par desconsidéraiions d'intérêts matériels ou
politiques, mériterait la flétrissure des nations civilisées.
Néanmoins, il est maintenant démontré par Texpérience
f|ue son abolition dans les colonies britanniques, faute
d'avoir été'ac<:ompagnée de ces mesures sages et prudentes
qui seules pouvaient en assurer le bienfait, est devenue
un véritable malheur pour cette classe infortunée, en fa-
veur de laquelle on l'avait si généreusement conçue et si
loyalement exécutée. Pour remplacer les bras dont Ta-
griculture, et particulièrement la culture de la canne i
sucre, se trouvaient privées par Témancipation , on intro-
duisit dans nie , Tannée dernière , plus de vingt mille
coolies amenés ici des différentes présidences de Tlnde. Ce
sont des hommes de couleur cuivrée > de haute taille et
d'une maigreur affreuse; ils portent pour tout vêtement
une ceinture de toile autour des reins, et un lambeau de
même étoffe roulé autour de la tête; ce qui leur donne
une étrange tournure aux yeux d'un Européen. Qndqnes-
uns reeherdient avec une prédilection tonte particulière
les vieilles vestes que nos soldats ont jetées au rd>ut; ce
sont pour eux des habits de luxe. Rien n'est divertissant
comme devoir l'air de satisfocdon avec lequel ils posent
•t s'admirent sous cet accoutrement favori,avec un turban à
la tète, et autour du corps un misérable haillon rouge, d'oè
s*MiBppe une longue paire de jambes noires et toutes
Bues. Cette classe d'hommes est eneore païenne ; elle a
OMiservé Tusage de brûler tes mùHs. Jusqu'ici il n'a pas ,
été possible d'entreprendre sa conversioa; car^ ainsi que
je l'ai dit plus haut, le nombre des prêtres est si limité,
qu'il ne peut même suffire à l'administraticm des catbo-
Ikpes.
Digitized by VjOOQ IC
43Î
< Dans un climat où la chaleur est excessive » la dis-
tance à parcourir pour se rendre à Téglise , distance qui ,
en Europe, serait comptée pour rien , devient souvent un
obstacle] très-sérieux. A ce sujet, je ne puis résister au
plaisir de ciler la conduite édiGante d'une pauvre femme/
dont la demeure est située à plus de vingt milles de Té-
glise la plus rapprochée. Cette pieuse insulaire avait Tba-
bilude de se rendre à Port-Louis , à des époques fixes,
pour participer aux sacrements. II lui fallait pour y arri-
ver une journée entière de marche; et ce qui augmentait
encore la fatigue d'une course déjà au-dessus de ses forces,
par la longueur du trajet et la chaleur de la température,
c'est qu'elle avait à traverser un torrent dont les eaux
débordées avaient emporté le pont. Seule, elle n'aurait po
le*passer à gué ; elle se faisait donc accompagner par son
mari qui , après lui avoir aidé à franchir cette rivière en
ayant de l'eau jusqu'à la poitrine, retournait à ses tra-
vaux , laissant la fervente voyageuse continuer sa route
avec ses vêtements tont mouillés.
« Dans cet état elle avait encore seize nulles à psffoou-
rir pour n'être point surprise par la nuit. Mais au dédia
du jour, lorsque le ciel avait perdu sa couleur azurée
pour revêtir une nuance de lilas éclatant, lorsque les nua-
ges se coloraient de cette teinte verdâtre, inconnue peut-
éure en tout autre climat, en ce moment notre voyageuse
arrivait ordinairement àla ville.T^me de son pèlerinage,
l'église recevait sa première visite. Le lendemain naaiiAf
elle s'approchait toujours de la sainte table , et , ce jneax
devoir accompli, elle ^ remettait en route. Arrivée an
passage de la rivière^ elle y trouvait son mari qui la por-
tait à l'autre bord, et rentrait avec elle ^n logis.
« La Mission de Maurice a sous sa dépendance diffé-
rentes lies , dont les habitants catholiques ont bien lieu de
Digitized by LjOOQ IC
433
déplorer leur malhair. Llle Rodrignez , aitoée à une di^
tance de quatre ceois milles du côté de Test , a été peuplée
par des familles qui autrefois émigrèrent de Tlle Maurice.
Elles [M^fessent notre foi , et se composent d'environ^cinq
cents personnes. Ces infortunés, non-seulement n'ont pas
de pasteur au milieu d*eux , mais on dit qu'ik n^ont jamais
reçu la visiie d*un prêtre ; ils vivent sans secours religieux
et meurent algpdonnés à leur sort, quel qu'il puisse étre> .
pour l'éternité.
« A six cents milles, dans une autre direction^ File
d'Âgalega c(»npte qudques centaines d'hs^itants condam-
nés au même abandon. Cinq cents milles plus loin , et à
phis de trois cents lieues de Port-Louis , on trouve le
groupe des Iles Seychelles. Là aussi, les principales famille»
soot originaires de Maurice, et revendiquent le nom de
catholiques, parce que leurs pères s'honoraient de le
porter. Jamais , depuis qu'elles existent , ces lies n'ont joui
de la présence d'un prêtre , bien que leur population soit
d'environ six mille âmes, y compris les nègres qu'on y a
transportés des côtes d'Afrique. A diverses reprises, leurs
habitants ont adressé des pétitions au gouvernement local
podr obtenir un ministre de leur culte ; mais ces demandes
étaient toujours restées sans résultat. A la fin cependant
cm leur donna à entendre qu'il serait lait droit à leurs
justes réclamations ; line lueur d'espoir brilla on instant à
leurs yeux , la satisfaction était peinte sur tous Tes visages
et semblait un présage assuré du bon accueil réservé aa
pasteur si longtemps attendu. Enfin le vaisseau arrive et
leur :ttiiène , non pas un prêtre catholique , mais un mi*
nistre protestant; pour me servir du texte sacré : « lia
« avaient demandé du pain , on leur donnait ime pierre I »
Quelques-uns de ces pauvres gens sont si bien dSsposés
pour la Religion, qu'on les a vus^ comme cela est encore
TGV. XTII. 103. 38
- Digitizedby VjOOQIC
<3(
arrivé l'aniiee âeraiàre , entreprendre le tojage de Ptk
Manrice poar recevoir le bâpi^e des'mains d'ua prêtre
catholique ; ils s'en relouroaient ensuite en bénissant Die«
lie leur avoir accordé eettc faveur, qu'ils ne croyaient paft
avoir achetée trop cher par un trajet de sept cents Ueuei
s^ur rOcéan. Puisse le Seigneur, qui voit ks besoins spi-
rituels et Tabandon de ces bons insulaires, inspirer i
quelqttes âmes généreuses la pensée de les«6courir! Oui^
l>euple affligé, ne désespère pas encore! Jusqu'ici le vfim
de catholique a toujours été cher ù ton cœur ; ce titre
^Horieux ne te sera pas onleTc : îl a été ton soutien dans
la détresse , ton appui dans la iribulniion , comme il est
rneore ton espoir au milieu de ton délaissement ; cette
«onfiance ne sera pas trompée , le prêtre- de Dieu viendra
Co visiter, il viendra habiter sur tes rivages, tu entendras
lit; sa bouche les paroles de rétemclle vie^ ses bénédictions
descendront sur toi et sur tes cnrants , et tu apprendras à
chanter avec lui Tliymne de la reconnaissance au Dieu qtû
t'a délivré. Dirupisti vincuîa mm; tilitacrifiùabo koHiam
taudis.
BAPTÊJffi DES ENFANTS D'INFIDÈLES.
Longtemps on n'avait pu régénérer les enbnts d'infi-
«KMes que sur des points isolés ; le nombre de ceux qui
passaient du berceau dans la tombe avec lesoeau dubop^
téme était encore peu considérable, et voilà pourquei
nous en avons parlé rarement aux pieux Lectenrs de nés
Annales. Mai» depuis quelques années, ce bienftits*est dé^
vi(4oppé dans des pi*oportions plus consotacnles. Nos Missim -
naires, avec les aninOnes de T Association , sont partentu
à le généraKsef dans les principales chrétientés de TAsie;
bientôt on aura peine à compter les jeunes prédestinés
dont ils pcMfleront le ciel ; déjà mème^ le tableau de ceux
Digitized
byGoogk
435
4ju'îb lui ont donnés, est assez rîchc pour provoquer la
l'ecDonaiisaoce et Tadmiralion de notre foi. Aussi roflrons-
nous aux. membres de l'OEuvre avec un religieux empres-
sement. Il ne se composera que de chiffres; mais des
difllres sont assez émouvants lorsqu'ils représentent une
multitude d'âmes conquises au bonheur éternel!
« Cesl par millions, écrit Mgr Pérocheau, Vicaire
apostolique^ que chaque année en Chine les parents
tuent leurs propres enfants. Quand ils ne les étouffent
pas à leur naissance, ils exposent ces malheureuses
créatures sur la voie publique, où leurs corps servent
de pâture aux chiens et aux loups. L'autorité le sait ,
rt ne punît point ; personne n^improuve , personne ne
blâme même les riches qui n'ont pas, comme la classe
jMmvre, le prétexte de la misère pour excuser un si*
grand crime. H n'y ti tpie la charité chrétienne qui s'en
alarme. Gnîce aux aumônes de la Propagation , nous
avons déjà sauvé un grand nombre d'orphelins, qui vous
doivent le baptême et la vie.
« — (1) Aux époques de disette , on dirait quela na-
mre perd tous ses droits sur le cœur des Chinois païens.
Alors on a vu des pères et mères refuser de partagc^^
Yefur dernière poignée de riz avec leurs propres enfants;
qui , après avoir poussé à leurs oreilles des cris husacB-
tables pendant quelques jours , se sont éteints dans une
maigrew effrayante. D'autres > pires que les tigres ,
ont tné les enfants qui venaient de naître , snrtout le&
filles, ou les ont jetés à la voirie, comme chez nous
on jette un petit chien qu'on ne veut pas élever. Ces
pamvrcs créatures exposées sur le bord des rivières >
au milieu des broussailles , ou dans queltpies trous fan-
■fwa , fcnt entendre tles cris déchirants ; et l'égcfere
{i) Eittiit4*«af lettre i% M» BertraBi, MMsionoaire apo<»tolif}e.
Digitized by LjOOQ IC
436
Chinois qui les voit ne s'en émeut point : que dis-je ?
il en rit comme si c'étaient de vik animauy Pauvre
peuple ! que de fois j*ai senti mes entrailles émues à
la vue de tant de malheurs! « Que n'avons-nous la
liberté? me suis-je dit bien des fois. Je ferais au ^onts
en petit ce qu'a réalisé saint Vincent de Paul en Fran-
ce. » Vœux inutiles ! Ne pouvant sauver la vie du
corps à ces petits enfants , j'ai cherché à procurer le
salut de leurs âmes... Deux hommes instruits et quel-
que peu médecins que j'emploie à cette bonne œuvre
depub huit mois , en ont baptisé six cent vingt-quatre,
dont plus de cinq cents sont déjà montés au ciel.
« — (1) La Mission du Su-Tchuen poursuit son œuvre
du baptême des enfants païens en danger de mort , et
le Seigneur continue à la bénir. Chaque année le nom-
bre de ceux qu'on régénère va toujours croissant.
«Il était en 1839, de 12,483 1
en 1840, de 16,766;
en 1841, de 17,826;
en 1842, de 20,068 j
en 1843, de 22,292;
9 II s'élève cette année à 24,381.
« Nous avons observé que les deux tiers de ces en-
fants environ meurent dans l'année même de leur
baptême. C'est ainsi que sur le chiffre de 1844,seiie
mille sept cent soixante-trois ont pris peu après leur
vol pour la félicité étemelle. Ces âmes bienheureuses
jégénérées par nous dans les eaux salutaires du bap-
tême, fiCî'^ï'ont-elles nous oublier? Pourront-elles ou-
blier la généreuse As9ociation , qui , après Dieu , lenr
a ouvert les portes du ciel?
(1) EiUrait d*iiiie ItUre de Moueigneor Përodieaa , fietira tfiiH
lifM an So-Tclracii. ^
Digitized
byGoogk
437
« Nous payons des fid^es , hommes et femmes , qui
connaissent les maladies des enfants , pour aller cher-
cher et baptiser ceux qu'ils trouveront en danger. II
leur est facile d'en rencontrer , surtout dans les villes et
dans les bourgs où affluent , les jours de foire , une foule
d'indigents réduits à la dernière détresse, qui viennent
là demander l'aumône. C'est surtout l'hiver que le
nombre 'en est plus grand, parce que la misère est
plus pressante. On voit alors partout, sur les routes,
aux portes des villes et des villages , ou entassés dans
les mes, dçs pauvres sans nombre privés presque en-
tièrement d'habits, n'ayant ni feu ni lieu^ couchant
tn plein air, si exténués par les longues tortures de
la &im qu'il ne leur reste que la peau et les os. Les
femmes , qui sont ici les plus à plaindre, portent sur
le dos des enfants réduits à la même extrémité qu'elles.
Nos baptiseurs et baptiseuses s'en approchent avec les
douces paroles de la compassion, offrent gratis des
pilules pour ces petits agonisants , donnent souvent
aux parents quelques liards, toujours avec une grande
bonté et avec l'expression du plus vif intérêt.
« Pour ces malheureux , c'est un spectacle ravbsant,
presque inouï. Ils permettent volontiers que nos gens
examinent l'état de l'enfant , et leur' versent sur le front
quelques gouttes d'eau , qu'ils assurent leur être sa-
lutaire , en même temps qu'ils prononcent les paroles
sacramentelles.
€ Nos chrétiens baptiseurs .sont divisés en deux classes.
Les uns sont ambubnts et vont au loin chercher les
enÊints moribonds. Les autres , attachés à des postes
fixes, dans les villes et les bourgs, se consacrent à
la même œuvre dans leur voisinage. Je viens de faire
imprimer des règles distinctes pour les diriger et les
stimuler tous dans leurs belles fonctions*
Digitized
byGoogk
43S
« Les hommes forment une association spéciale qui
a pour nom Association Angélique. Chaque année , de
vive voix et par écrit, je presse tous les preuves de
donner plus d'extension à celte œuvre qui me tient
fort au cœur. J*espère pouvoir , Tan prochain , lui don-
ner un développement beaucoup plus considérable, si
le Seigneur nous conserve dans noire peliie tranquil-
lité. C'est seulement depuis quatre ans qu'existe ÏJsso-
dation Angélique , et c'est à son zélé concours que
nous devons d'avoir levé sur le paganisme une si abon-
dante moisson. Plus elle fei*a d'eiTorts, plus il y aura da
dépenses ; mais l'argent peut-il être mieux employé? Nous
comptons sur la charité des Directeurs et des Associés d«
rOEuvre si admirable de la Propagation de la Foi.
La même Association, récemmentélablieauYun-Nan par
Mgr Ponsot, porte déjà ses fruits : 2,000 enfants d'infidèles
ont été baptisés pendant les six premiers mois de 184^.
Au Tchè-Kiang, il ne se passe pas d'année qu'on n'en
baptise au moins 400.
Dans le Xan-Si , les infidèles sont dans l'usage d'in-
viter eux-mêmes les chrétiens à baptiser leiurs enfants ,
lorsqu'ils sont en danger de mort.
Vicariat apostolique du Chan-Si. — (1) « Il s'est éveillé
parmi nos néophytes un esprit d'émulation qui nous comblt
de joie; tous rivalisent de zèle pour le baptême des enfants
moribonds ou exposés ; quand on peut leur conserver la
vie, c'est à qui aura le bonheur de les élever pour l'amour
de Jésus-Christ. Nos médecins ont la plus grande pari à
<'ette bonne œuvre ; les uns eh baptisent dix , les autres
trente pnr an , les plus habiles ou les plus heureux vont
même jusqu'à cent et au delà. Une vierge chrétienne,
ft) Extrmt d*uiie Wttte de IHgr Alphoate , Vicaire «pesloli^e ém
Digitized
byGoogk
«oœmée Aii0éKqiie Son?, apparieouu à usericbe^unUle,
a consacré, pesdant vingt aos, sa fortune à sauver ks en*-
(MMtde sonsMce. Afin de prévenir le meurtre si commun
rfe ces pauvres créatures , die prometiaît une prime auk
mères qui coonervenûent kurs filles, s-engs^^nt, de
phm, à les nourrir et à les ëmer à sesfrais* Lesâmesdom
•Ile a peuplé le ciel, r<mt appdée, il y a peu de temps, à
neoevoir réteroeUe récompense; ses âUes qui lui oui sur-
Técii, pkurent encore celte mèi^ adoptive, et ma douleur
aéra longue à se oakner.
ProvinceduHoVi-KooaRf. — (1) « J'eoci^uragepartom
le baptême des eaianfs abandonnés ; mais je ne puis déve-
lûf^r autimt^ue je le désircaraiscotte oeuvre ijoiéredsonte,
parce que je suis trèsr-pauvre. Cepeudaiàt, avec Faidede
vos aumânes, j'd)tiens des résoluits bien précieux* Une
seule femme chrétienne en a bapiîsé 4(^3 dans Fespaoe de
din Ddois.
Ile de HoBg^Koag. — (2) a On élève aussi dans rilo di;
Hoeg-Kong une maison pour recueillir ks enfants cbinoi>,
si crnellemem ^riiandounés et en si grand nombre daus ce*.
«laibeureuiL empire. Et ce quidoitredoubkr notre ardetu*
pour la diffusion delasainteOEuviedelaPropagisitiondela
Foi,c^eBt qu'on doit aux aumônes des Associés^ non-seuli«-
IMnt cette pieuse fondation, mais encore tout le bien qui se
iNt d^BsTile. Le fruit qu'on espère de toutes ces dépens^j^
fit d'autant plus grand, qu'ici les p^uvresChinois sont ui-
franchis du joug tyrannique du céleste emperettr, et qu'iiâi
peuvent, dans toute la liberté de leur conscience^ rendit*
à Dieu le seul culte d'agréable oJeui*.
« — (3) Pour la consolation de vos Associés, laissez-moi
■ I I I ■ I ■ i> ■ I I I I ■ I n y
(1) Extrait d'une \e\Lre de Mgr Rizzolati. Vicaire aposloliq^ue da Uov-
Kotiang.
(2) Extrait d'une lettre du Vhn Cherubino, MÎMÎonnaîrt rrancûtcair:»
(3) Extnit d'une lettre du f^, QiliViél ll«r<*Ht. Miitear olnwrf anttn.
Digitized
byLjOOgk
440
yiom dire Tusai^ que nous faisons de leurs aufliAnes ; elles
ne pouvaient pas , ce me semble, recetoir une desttnaUon
plus conforme aux inspirations de leurs coeurs généreux.
« Vous savez cpiel est, dans ces contrées infidèles, le
sort d'une multitude d'en£aints exposés sur la voie pu*
blique : leurs corps sont dévorés par les plus vils ani*
maux , et leurs Âmes restent privées pour toujours du
bonheur céleste*. • Ce que vous aurez peine à croire, c'est
que Tavarice des parents soit la cause la plus ordinaire de
4:es infanticides. Il est d'usage ici que le futur époux
achète sa femme. Or , plus un père a de filles à marier,
moins il peut les vendre cher , parce qu'on suppose
qu'obligé de bire beaucoup de dépenses pour les nourrir,
il est pressé de s'^ défaire. D'après ce momtrueux calcul,
il sacrifiara donc sans pitié cinq ou six en&nts à l'espoir
de placer plus avantageusaonent une fille unique.
« Déjà depuis plusieurs années, la charité des Vicaires
apostoliques avait recueilli quelques-unes de ces infortunées
créatures, qui sont devenues plus tard de ferventes dire-
tiennes et d'excellentes mères de famille. Mais l'expérience
a fait voir que, faute de lait, leur aliment naturel, plusieurs
d'entre elles étaient enlevées par une mort prématurée ;
c^est pourquoi l'on a conçu l'année dernière le projet,qu'on
exécute celle-ci , de construire un hospice, où, réunies
toutes ensemble , elles pourront au moins être allaitées
par des brebis, notre pauvreté ne nous permettant pas de
taire mieux.
« Cet hospice est situé dans un bourg tout composé de
dirétiens. hmï% sur une gracieuse colline , il est protégé
contre la violence des vents par une ceinture de montagnes
hautes et incultes , qui servent de pâturage aux brebis
nourricières.
« Noire intention était de ne recevoir au plus qu'une
<louzaine d'orpheKn&i Mais quand cet asile sera connu
Digitized by LjOOQ IC
441
dans le resce de la province, les pareuts qui conserveni
encore quelques sentiments d'humanité , préféreront sans
doute nous apporta en secret leurs p»ivres enfants, que
de les jeter en pâture aux bétes. Alors , fisuidra-t-il les
laisser périr à la porte de Tbospice construit pour être
leur refuge? Nous n'aurons jamais cette cruauté. Quoique
le nombre de ceux que nous avons reçus soit déjù. supé-
rieur à nos ressources, nous accueillerons encore ceux
qu'on viendra nous offirir ; le cœur plein de confiance en
Dieu, et les regards tournés vers TEurope, nousadop-.
terons oes nouveau- venus au nom de votre sainte Asso-
ciation.
Siam. « — (1) Il y a parmi nous une foule de gens qui
exercent la médecine. Quand l'occasion se présente à eux,
ils ne manquent pas d'administrer le baptême aux enfants
moribonds; mais combien la moisson neserait-dlepasplus
abondante, si l'on pouvait en douter dans les villes voi-
j^ines et même au loin, en leur donnant un secours annuel
de quarante à soixante francs, tant pour les remèdes que
pour frais de courses l Un des médecins que nous avons
à [Juikia , parvenait à baptiser de 60 à 100 enEatnts
< jûu]ue année ; de scMrte que, s'il nous est permis de le
dire, on sauverait une Ame an prix du plus léger sacrifice.
Certes, y a-t-il meilleur moyen d'empliqrer lesamnônesde
l'Œuvre ? Depuis quelques années, le nombre de ces petits
anges monte à quatre ou cinq mille.
En Mongolie, le dernier cUffi^ que Mgr Mouly nous
ait bit connaître, était de 6,000 enOemts pliens régénérés
à l'article de la mort.
CocUnchine. « — (2) Vous recevrez avec plaisir qud-
cpies détails sur une de nos osuvres^ petite en appa-
(i) Extrait d^nne lettre ée MgrlPallegoix, Vicaire apostotîqae do Siaiii.
t3) Extrait àuu9 lettre de H. Feouiat*, «««(nmalre apditot{qn%
Digitized
byL^OOgk
44i
renée, mais qui a de grands réAiUats pour le saint
des âines; je veux parler des enfants païens baptisés
à l'article de la mort. Tout le monde peut s'en oce«-
per, mais on peut dire que c'est principalement l'œo-
we des femmes; elles a^introduisent plus facilement dans
les maisons , et (m s^en défie moins que des hommes.
Par lears charitables soins nn nombre considérable de
tes' petites créatures re^îTent à peine la vie, qu'elles
l'échangent avec les joies sans fin du paradis.
« Dans im village dont le maire est chrétien, il
existe une maison de Rdigiensss, que Monseigneor en-
voie de côté et d^autre à la recherche de ces iofbrts-
nés enfants. EOes vent ordiMrement denx à deux,
une vieille et une jeune; et pendant qne la plus dgée
lie conversation , Tanire qui doit , selon les oonvenan*
res j lui céder la parole , s^approche de la mère cpn
rieni Tenfaot malade, on s'assied près de la natte sur
laqueile il est abadonné; elle le flatte, le prend dans
ses bras, et tandis qu'elle hri prodigne les cm-eases,
elle parvient h iaire dégoutter sur son front un peu
d'eau d'un flacon qu'elle tient caché dans sa longne et
Isrge manche. L'an dernier ces BeUgieuses en ont régé-
néré 145, et depuis environ im mois elles 'ont déjà
atteint le chifire de 96.
« Un jour elles en baptîsènot lÂ; quelquefois eUes
n'en rencontrent que S on 4; mais qwand elles ae
■KUent en quête , il n'esi pat de jom* qu'elles ne fes-
sent des bJenhemonx* 11 arrive parfois q&'elles ne re-
viennent au logis qu'après une sennîne de courses.
Elles s'arrêtent en voyage cImi les chrétiens qui les res-
pectent beaucoup. ToiOes leun dépensée sont aïK frais
de la Mission.
« Lorscpie vient le teaaps des maladies poiu* ces
enjants, que de parents offinoit à nos Rdigieoses leurs
Digitized by LjOOQ IC
443
nooT^aU'tiés pour quelques ligatures et même peur
moîûs ! Quand ils ont déjà quatre ou cinq ans, et qu'on
trouve d^ chrétiens qui veulent s*en charger, on en
achète quelques-uns. Combien d'autres femilles les don-
neraient pour rien , à l'âge de quelques jours , ou de
quelques mois I Ah 1 si nous avions les mêmes avanta-
ges que la France! Si, comme vous, nous avions des
Hospices vastes et en grand nombre, lisseraient bien-
tôt remplis de ces pauvres délaissés.
« On ne peut être que profondémem affligé , en
iftyant le peu de cas que les païens font de ces pe-
tites créatures. Dès qu'elles sont dangereusement mala-
des, ce n'est plus pour eux qu'un fardeau. On les en-
veloppe dans des lambeaui.de natte, et on les éloi-
gne de sa vue I — Une de ces personnes que Monsei-
gneur envoie baptiser, renoonlra siaù un enfant éo
quelques jours , jeté nou krin d'noe BKiisoii sur le fu-
mier , la figure enfoncée dans la fonge* Heureusement
il vivait eneore , et put recevoir le bapléme 1
« — (1) Les païens ne peuvent concevoir le lèle
de nos néophytes à rechercher les enfonts en danger
de mort. Pour l'expliquer, ib forgent nûUe contes ab-
sBides : les uns disent que les chrétiens enlèvent leurs
ânes et se les approprient; d'autpes, qu'ils jettent sur
les enianfs des soru pour les filtre mourir à leur plaœ,
et se prolonger ainsi la vie à euK-*méflMS.
« Si puériles que smnt ces suppositions, elles ne
laissent pas que de |H*évenir contre nous oertains esprits.
Ainsi, une dirétienne de cette province fut arrêtée,
il 7 a quelques mois , par la mère de f enGnt qu^eilc
venait de b^tptiser , et inÉiiée devant deux petits man-
darins mttitaires qui te tronvaient dans la cooMninc.
(1} Eurait d'iroe kttr*4e Mgk- Giifii#t, éfèqw de M^(«lIopotU.
Digitized by LjOOQ IC
Ai*
th lui demandèrenl ce qu'dle avait fisiit à oe petil i
ribond : elle l'avaaa sans détour ; et ces mandarins, lois
de la punir, louèrent au contraire le zèle généreux qtti
b portait à faire du^ bien aux âmes des enfants.
« Voici le résultat de nos efforts pendant une série
de neuf ans, c'est-à-dire de 1836 à 1844:
en 1835, 133, .
en 1836, 498, dont 47 ont survécu,
en 1837, 1,027, 104
en 1838, 663, 110
en 1839, 729, 60 •
en 1840, 770, 94
en 1841, 1,881, 300
en 1842, 2,565, 534
en 1843, 8,273, 1,457
Dans la Gochinchine occidentale, nouvellement érigée
en Vicariat apostolique, plus de mille enfants mori-
bonds ont aussi reçu le baptême en 1843.
Le total des en&nts baptisés, pendant Tannée 1843,
dans la Mission espagnole du Tong-King , est de 11,260.
Au Tong-King ocddental , Monseigneur Retord , grou-
pant les chiffres des vingt dernières années, porte à
32,558 le nombre des entants de païens baptisés em
danger de nKNrt. « La |rinpart d'entre eux ont succombé
peu après, ajotlte le Prélat, et jouissent dans le ciel
de la félicité suprême. »-
« (1) — Le zëe entreprenant de Monsagnenr de
Metdbpolis, qui avait donné une si heureuse impul-
sion à rœuvre du baptême des enfants en danger de
mort, vient de compléter ce premier bienfait en do-
tant la Codiinchine d^uoe fondation nouvelle en faveur
des enfiints trouvés. Plusieors maisons pour Fun et Tau-
(1) EMrtil é*unt lettre de M. Miche, MissioDiiaîre apostolique,
Digitized by LjOOQ IC
446 •
tre sexe sont déjà élevées à cet effet , et remplies de
jeunes iooocents qui y troavent , outre les secours né-
cessaires à la vie y la grâce* du baptême et une solide
instruction. Un jour ils béniront la divine Providence de
les avoir arrachés du sein de leurs mères dénaturées, pour
les placer entre les mains d'un père adoptif qui, sans né-
gliger les soins du corps , veut avant tout en faire des
enfants de Jésus-Christ. Dans ce moment, Sa GrandeiM*
avise aux moyens de multiplier«ces pieux asiles qui pro-
mettent d'autant plus pour Tavenir^ qu'Us seront placés,
non pas hors du royaume , mais sur les lieux mêmes
ou les en£aints sont recueillis. Cette œuvre entraînera
sans doute de grandes dépenses; mais la Providence y
pourvoira.
« Voilà les fruits de votre Œuvre, — écrivaient, il y a
quelque temps, MM. les Directeurs des Missions étnm-
f^res dans une lettre collective adressée aux deux Conseib;
— c'est vous qui peuplez ainsi le Ciel de ces innocentes
créatures qui en auraient été exclues, si vous n'étiez venus
kor en ouvrir l'entrée. Par vous, ces enfonts sont de-
venus les amis de Dieu , et leur reconnaissance vous
assure leur protection •
« U nous est doux de vous répéter que personne ae
s'intéresse plus que nous au succès de l'Œuvre que vous
dirigez, parce que vous êtes \youT nous une seconde Ptqh
jidencey et que nous n'existons, pour ainsi dire, que pas
vonsu Aussi, Messieurs , nous aimons à nous associer à ce
eencert de bénédictions qui montent sans cesse vers le
ciel pour appelen$nr vos têtes une rosée de grâces, à ces
nuéeê de petits enfants qîsi vous doivent le bonheur de voir
Dieu, et à tous ces martyrs qai» sous la hâdie du boor-
reaa, vous léguèrent tant de précieux souvenirs , et voas
firent pour le ciel tant de promesses, qu'ils n'auront fm
iiaiH|ué<le réaliser.
Digitized
byGoogk
• 446
NOUVELLES.
LeilreduP. FrançoUdsPhughe, préfet des Capudm de
Syrie, à M. le prisiderU du Conseil central de Lyon.
Beyrouth, le Jiin 1845.
« Monsieur,
« Je viens aujourd'hui , plutôt avec mes larmes qu'a-
vec la plume, retracer^les cruautés et les infamies de
tout genre commi^ dans la Syrie au mpis de mai
dernier^ et particulièreroent dans le Liban Huit
jours avant ces scènes déplorables , Abei se trouvait
(iqà occupé par les soldats du gouvernement turc , et
le commandant de ces troupes , au lieu d'empêcher les
flésordres , se mootira onvertanent hostile aux Maronites
et partisan des Druses, puisqu'il enlevait aux chré-
tMB tous moyens de défense eu leur ôtant leurs ar-
mes, tondis €|u'il laissait à lears ennemis tous les
oMijens d'attaque.
« Sur ces entrdaitts j'étais retourne d'Abéi à Bey-
routh , persuadé que la paix allait se rétablir. Mais au
conu*aire, le 8 mai, les Druses, d'accord avec les
«oldats Uffos , projetèrent la destruction d'Abéi. Le
vendredi 9, tes Drases au nombre de plus de deux
aile entourent œ village de tous côtés, et Tassaillent
,p»en|n'à l'improvista; ils tuent tons ceux qu'Hs ren-
oontrent, et awlient le fen aux maiiODs des chrétiens :
fas sue n'échappa à l'inoendie. Les Marotiltm se déien*
dirent natant qu'ils pnrent; mais étant en très^petit
nombre, ib m réfagièrent dans k maison d'un prinoe
dvélien oà ils firent enêore quelque réaîalance. A la
4n ib dirait céder , et lonqu'ik ae fiflrent vendus, te
Jkuses, au présence du eomosandant des troofes or»
qnes, en égorgèrent treize. Puis un chef nommé Bttnmd^
Digitized
byGoogk
447
Aba-Macliat, suivi de ses gens, tlAiacta<iiier notre coii^
rent où se trouvait le Père Charles-de-Lorette. A la vue
de ces barbares, le Missionnaire se mît à fuir ; loais
poursuivi et atteint, il fut neuversé à coups de sabre
sur la tête et sur les épaules. Ses assassins Tacbevèrent
.à coups de fusil, lui ouvrirent le ventre et brûlèrent
soB cadavre. Ils enlevèrent ensuite les vases sacrés «t
les linges de Tautel, déchirèrent un tableau représen^
tant Tassomption de la Vierge, et mirent la cloche de
réglise en mille pièces. Le professeur arabe de Féco^,
un moine maronite et deux jeunes élèves âgés de douae
ans, périrent avec le Père Charles. Les missionnaires amé*
ricains ont trois maisons à Abéî , elles furent respec*»
lées, et eux se montrèrent tout à fiiit indifféraus au
désastre des catboliqties.
« Dans la province de Meten , ks chrétiens avaieR
d'abord été victorieux; mais plus tard les Drnsesbrù*
lèrent toutes leurs maisons et saccagèrent notre couvenf
do Solima. où ils prirent tout ce qu'y avaient laissé
■os deux MissioHUÛres, lesquels prévoyant ce qiii po»-
«ût arrivei-, étaient descendus à Beyrouth , depuis quel-
ques jours. On ne voit plus dans ce pays une seule
oMÛson ni une seule église ;^ y a eu grand massacre
des chrétiens et surtout des etcdésiastiques. Ceux q«i
mu fm éviter la mort, et en {MUtiailîer les femmes et
les eoÊuits , fugitife et dîspenés i Beyroudli et ailleors,
tirent les larmes des yeux à ceux qui les voient ainn
languir de misère ; et les cmaulés ifui ont eu .lieu à
Géun et aux envirens Suit hotreur i entendre. Lm
Arases attaquèrent ces kwiditéft, qnoKpt'mi y efttpbcé
A» ifldato pour maintBnir le bm ordres mais
ci firent tout le contraiie., 0tr ik ne fcnû^nt qpas 4
dv^iens de se défendre. Ces fanatiques, ainsi déchaî-
nés et libres^ caaaDhnent lea ]Aus horribles cruautésec
Digitized
byGoogk
448
les barbaries les plus exécrables, tuèrent autant de chré-
tiens quils purent en trouver, mutilèrent de jeunes
filles, égorgèrent des enfonts dans les- bras de leui-s mè-
res, et assassinèrent les prêtres et les moines qui n'eu-
rent pas la possibilité de fîiir. Ensuite ils saccagèrent
le pays, de concert avec les soldats du gouvernement,-
mirent le feu aux maisons , aux églises , et livrèrent aux
flammes les cadavres des preuves et des religieux.
« Tout est détruit^ on ne trouve plus rien d'entier
de ce qui appartenait aux chrétiens. On compte plus
de 40 prêtres et moines massacrés, 130 églises incen-
diées et démolies, et avec elles douze monastères.
Quant aux maisons brûlées et en ruines, elles sont
innombrables. On voit clairement que ceci est une guerre
contre la Religion , et si les souverains de l'Europe ne
mettent pas un frein à cette persécution, je ne sais
comment la chose finira pour tous. les Missionnaires. De-
puis trente-neuf ans , je suis dans cette Mission de Syrie,
et je n'ai jamais rien va de pareil. Ici , dans les villes
de Beyrouth et de Seyde, nous avons un grand nom-
bre de chrétiens que l'intervention des consuls a déli-
vrés. Ils sont à demi nus, privés de tous leurs biens,
exposés aux rigueurs de la saison , et si les Europe»»
et MM. les consuls n'en avaient eu pitié et n'étaient
venus à leur, secours par des aumônes dignes de leur
générosité , ils auraient certainement péri de misère et
de faim.
« A l'instant même, j'apprends que dans le village
de Gézin , quarante Maroniies, hommes et femmes , qui
y étaient demeurés cachés dans les décombres, ont été
découverts par les Dmses , et obligés de se faire musul-
mans pour échapper à la mort. »
Ljoo, imprimerie de J.>B. PsLàOAVP.
Digitized by VjOOQ IC
449
rassiONS
DE ^AMÉRIQUE DU NORD.
CANADA.
Lettre du R. P. Chazelle, de la Compagnie de Jésui, é
MM. les Membres du Conseil central de V Œuvre de la
Propagation de la Foi, à Lyon.
Sandvrich (Haut-Caoada), 17 otHI 18i5.
« Messieuks,
« La nouvelle Mission du Canada, établie dans le
diocèse de Toronio, vous remercie des secours qui
viennent de lui être accordés. Unis à près de huit cents
sauvages catholiques qui sont nos enfants en J.-C. , nous
offrons pour vous et pour tous les membres de voire As-
sociation, à Celui qui récompense en cette vie et en
l'antre, le saint sacrifice de la messe , nos prières et nos
faibles travaux , avec les heureux résultats que la grâce
leur donne.
«Ainsi, Messieurs, vous arrive des extrémités de
rAmérique duKord et des derniers rangs de lafarnî^'
TOM. XVII. 1 03. NOVEMBRE 114 5. ^'^'^^"^ ^^ ^"iftPS^^
460
des nations , ce même tribut de reconnaissance que vous
recevez, de toutes les parties du monde et de tant de
peuples divers. Que cette communication réciproque des
trésors de lu charité est un beau spectacle I
« Plus d'une fois, sous ce point de vue, je me suis
arrêté à contempler TOEuvre de la Propagation de la
Foi , et bientôt, entraîné par le cours naturel de mes ré-
Oexîons, je la voyais, dans Tesprii qui l'anime, dans
les prodiges qu'elle opère , dans son organisation et dans
son histoire, m'offrir plusieurs de ces iraits divir.s aux-
quels on reconnaît les institutions que Dieu inspire et
bénit.
« Rien de plus obscur et de plus faible que les com-
mencements de cette Association. Et, cependant, née
dTiier , elle remplit aujourd'hui le monde. Par elle, les
nations sont bénies. Ce n'est pas des grands et des riches
qu'elle tire ses puissantes ressources , mais des petits et
des pauvres. Combien de fois, chaque jour, à chaque
heure, l'obole de la veuve est offerte , par les motifs les
plus élevés , avec une courte mais fervente prière ! Vo-
lontiers je croirais que les Anges président à l'harmonie
qui règne dans une Association dont les parties, si nom-
breuses et si diverses, sont toujours unies et agissantes
dans un accord parfait. Us en éloignent les obstacles , ec
s'appliquent surtout à faire circuler , dans tous les mem-
bres de ce vaste corps , le principe de zèle qui lui donna
aaîssanee.
« L'époque esc encore récente , ojl l'Eglise , à qui tou-
les les nations ont été promiseB et qui a tant de* pertes
douloureuses à réparer y porta ses regards sur tant d'îles
éloigiiées , jusqn^ors inconnues , et , les voyant couver-
tes de peuples infidèles , elle fut toucliée d^un vif sen-
de compassion , elle^ cria vers le Seigneur et
Digitized by LjOOQ IC
451
fut exaucée : l'Œuvre de la Propagation de la Fol
exi&te*
« Et c'est dans la ville qui, après Rome, est la ville
des Martyrs, que ce magniBque don fut fait à TEglise.
On le comprend : un si puissant secours pour propager
le christianisme devait se trouver là, où si abondamment
fut répandu le sang qui est la semence des chrétiens. Vous
savez , Messieurs , quel est celui qui écrit , et il n'est pas
nécessaire de vous dire si son cœur est touché de cette
nouvelle gloire de sa patrie.
c En vous offrant aujourd'hui l'hommage de leur re-
connaissance , les missionnaires du Haut-Canada désirent
vous Caire connaître les principaux résultats qu'ils se pro-
mettent de vos secours, sur lesquels reposent toutes
leurs espérances. Il est juste et bien naturel que vous
sachiez où tend une œuvre qui est la vôtre.
« Je crois que le zélé Prélat , à qui la Providence a
confié la fondation du diocèse de Toronto , vous a fait
part de ses désirs et de ses projets pour la conversion
des sauvages. Dans ce but, quelque chose a été com-
mencé ; je vous dirai ces premiers essais* Mais aupara-
vant il est nécessaire de jeter un coup d'œil sur les peu-
ples que nous avons à évangéliser.
« L'Amérique, avec ses sauvages, offre un spectacle
digne d'occuper les esprits observateurs et solides , de
même qu'il a intéressé toutes les itnaginations. Mais , de-
puis que les froids calculs du commerce et de la coloni-
sation se sont emparés principalement de l'Amérique du
Nord , l'espèce de prestige qui s'attachait à ses forêts ,
vaste domaine d'une race presque mystérieuse, a disparu,
et ce grand phénomène a été négligé par la science et la
philosophie , comme par la curiosité publique.
« D^autres causes , teUcs que l'obscurité des traditions
29.
Digitized by VjOOQ IC
462
locales , ont encore contribué à détourner l'esprit euro-
péen de tout ce qui pouvait Tintcresser à l'homme pri-
mitif du Nouveau-Monde; et peut-être TEgiise elle-même
ne trouve pas, dans l'histoire de ses grandes entreprises
apostoliques, la page que méritent les Missionsdu Canada.
c Je ne prétends pas répandre quelque lumière sur
un sujet peu connu. Mais j'habite le pays des anciens
peuples américains : il est peu changé; je vois leurs des-
cendants dispersés autour de moi : ils sont encore sau-
vages, ils sont encore presque tous hors de la vole du
salut; et, par conséquent, lorsque je cherche & ac-
quérir les connaissances dont un Missionnaire a besoin ,
le passé ne peut que se mêler au présent dans mes étu-
des, et, l'un par l'autre, ils se manifestent et s'expli-
quent.
« Je dirai d'abord quels sont ces débris de nations
vers lesquels nous sommes envoyés. Dans les diocèses de
Québec et de Montréal , qui renferment le Bas-Canada,
se trouvent des sauvages de trois ou quatre tribus prin-
cipales. Ils errent presque tous au nord , loin des lieux
où il y a un commencement de civilisation. Peu nom-
breux , ils vont s'aflaiblissant sous le poids d'une misère
extrême.
« Le Haut-Canada ou Canada-Ouest est divisé en deux
diocèses : le diocèse de Kingston et celui de Toronto. Le
premier n'a que mille sauvages environ. C'est dans le se-
cond qu'habitent ceux pour lesquels notre Mission a été
établie : ils sont plus de neuf mille.
« Deux langues forment la grande division entre les
races indiennes de ce pays : la langue iroquoise et la lan-
gue algonquine. La première, appelée Mohawk par les
Anglais, est celle des Six-Nations, établies depuis 1776,
•or la Grande-Rivière, ouRivière-Ouse, qui se jettedans
Digitized by LjOOQ IC
46S
le lac Erié. Cinq de ces nations sont les mêmes qui for-
mèrent autrefois cette confédératron , que les sanglantes
défaites de tant de tribus sauvages et les malheurs de la
Nouvelle-France ont rendue célèbre. On les appelait or-
dinairement les cinq cantons troquois. Voici les noms qui
leur furent donnés par les Français : les Agnins , les On-
cyouthes, les Onontagués, les Guyogouins et les Tson-
nonthouans. Aujourd'hui les Anglaisdisent : les Mobawks^
les Oneidas , les Onondagas , les Cayagas et les Sénécas^
Ces peuples habitaient le pays qui est maintenanl Vétâd.
de New-Yorck , au N.-O. , principalement le long du la€^
Ontario. Comme la plupart restèrent fidèles à TÂngie-
terre , durant la guerre de Findépendance , Georges 1U«
leur accorda une étendue de teires considérable sur' le&
bords de la rivière Ouse. Les autres , après avoir vendu
ce qu'ils possédaient, sont allés s'établir, pour le plus
grand nombre , dans le voisinage d'une baie du lac Mi-
chigan, la Baie-Verte; ils sont connus sous le nom d'lEt«
diens de Ncw-Yorck,
« Cesircquois, qu'on peut appeler les Romains de
rAmérique du Nord , s'incorporaient quelquefois les na-
tions vaincues. Une d'enlr'elles a conservé son nom : les .
Toscaroras. Voilà pourquoi on dit maintenant les Six-
Natîons. L'année dernière je les visitai : je parcourus le»
bords de la Grande-Rivière. Cette population se monte
à deux mille trois cenu âmes; et sur ce nombre deux
mille environ sont encore infidèles : ils ont conservé le
sacrifice du chien-blanc.
« Sous le rapport de la civilisation , le progrès est
à peu près nul. Encore quelques années et l'on ne trou-
vera plus ces sauvages sur les bords riches et pittores-
ques de la Grande-Rivière; ils s'éloignent et le gouver-
nement veut les éloigner. Tels sont les Iroquois d'au-
Digitized
byGoogk
45i
jourd'kui. Le nom qu'ilft uenneDl de Kurs ancétre&«
fait encore trembler les autres sauvages , laniii^ que
rabaissement auquel ils sont réduits inspire au voya-
geur Téionnement ^et la compassion. Comme Dieu «
visité riniquité des pères sur les enfants! Esl-ce assez?
Le sang des martyrs ve demande- t-il pas aussi misàri-
corde? El n'y aura t-il poiut, parmi ces naiions barba-
res, comme autrefois, du moins quelques âmes choisies?
Nous Tespêrons et nous prions le Seigneur d'envoyer
et de remplir de son esprit ceux à qui celte œu\re d'a-
pôtre est destinée.
« L'autre langue , dont il a été question , n'a rien de
commun avec celle dos Iroquois. Elle est presque uni-
verselle , depuis la baie d'Hudson jusqu'aux Moniagnes-
Roclieuses : c'est la langue du commerce. Elle a plusieurs
dialectes, mais peu difîbrents. Nous l'appelons Àl^on-
quine, quoique le peuple de ce nom ne parle peut êire
qu'un dialecte.
« Je ne rapporterai ici que les deux grandes divi-
sions, sous les(|uelies les Anglais et les Américains com-
prennent presque toutes Ie> tribus indiennes qui parlent
TAlgonquia : les Ollawas et les Chippewais. Ce sont-là
les sauvages qui, avec le> Molia^ks, se trouvent daias
le Haut-Canada, et forment uoe population de plus de
10,000 âmes. Il y en a environ 8,000 dans léiat du
Michigan, dans le diocèse du Détroit.
« Le gouvernement anglaîs a partagé ceux qui sont
sous sa domination en surintendances. Il y a un dépar-
tement indien qui administre le produit des lerrt^ ven-
dues à la couronne. Le revenu annuel de ces fonds en
eoiployé à bâtir des églises, des écoles et des maisons
dont souveot les sauvages ne veulent point. Il sert num
k ce qii'on appelle les Présmts^ c'est-à-dire à une diftUi-
Digitized
byGoogk
465
butioD annuelle d'armes et de munitions , de couteani,
de couvertures de laine et de quelques morceaux d'é-
toffes.
« Ce ne fut qu'en 1830 qu'on vit, dans le Haut-
Canada, des missionnaires hérétiques clierchant a cou-
veriir les sauvages. Ces missionnaires étaient des métbo-
disies. Âpeine ont-ils pu fonder trois établissements biea
faibles. Mais, par leurs courses et leurs Camp-Meetings ^
ils ont obtenu une inQuence qui est devenue en quelques
endroits un grand obstacle, le seul, à proprement parler,
que nous présente le protestantisme. Car , avec toutes ses
ressources , Téglise d'Angleterre n*est point une riva^
dangereuse. Nous ne lui demandons que la liberté, qiu
d'ailleurs nous est garantie par les traités les plusse
lennels.
« Je ne saurais dire ce que le catholicisme a fait pour
ces pauvres sauvages du Haut-Canada, pendant pr^d'ut4
siècle , alors, qu'ils étaient beaucoup plus nombreux
qu'aujourd'hui et qu'ils aimaient, en général, à seia|^
pelt'r les Robes-Noireê. Le diocèse n'avait point smm
d'apôtres pour leur en envoyer. Voici seulement ÏSL^e^
tième année depuis que M. Proulx, prêtre c^nadieM,
rouvrit le premier une Mission indienne, et s'établit dan»
lu Grande-Manitouline. Enfin ^ après bien des éximt'
ments , nous que la Providence a appelés , nous «m
heureux de ce que la porte nous a été ouverte. 11 conviem
de dire un mot de nos vues , de nos désirs et de nos «m"
vaux commencés.
« Sandwich est une paroisse presque entièrement com-
posée de Franco-Canadiens. Elle fut divisée en deux il j
a dix-huii ans. Ces deux paroisses, Sandvrich et Âmhost-
burg , sont les seules qu'il y ait dans toute ccite partie éû
Haut-Canada qui est uo pays de Missions. Sandwich «t
Digitized
byGoogk
456
a ville du Détroit, capitale de Tétat du Mlicliigm, ne
urent dans Torigiae que deux villages sauvages. Les Jé-
suites y avaient réuni les Hurons catholiques, qui ne
descendirent' point à Québec après la sanglante catas-
trophe qui, jointe à la famine, détruisit presque toute
cette nation puissante. Le dernier Missionnaire , le P.
Pothier, mourut ici en 1781. Ses successeurs furent des
prêtres de Québec. Mais déjà vers les dernières années
du P. Pothier, presque tous les Hurons étaient partis.
« Cette paroisse , appelée autrefois TÀssomption du
Détroit, en nous oifrant un ministère important à rem-
plir auprès des catholiques d'origine Irançaise et des
Irlandais du voibinage , devient le premier poste d*oii
nous nous élançons au-devant des tribus sauvages qui
nous attendent.
« Sandwich est situé à neuf milles du lac St-Claûr et i
soixante-quatorze du lac Huron, sur la rive gauche du
fleuve du Détroit. La première Mission que nous avons
fondée est dans une lie, i l'entrée du lac St-Clair, ap-
pelée rile-du-Sud ou l'île Walpole. Cette Ile n'est habi-
tée que par les Indiens. Quoiqu'ils soient un mélange
4e diverses nations, ces sauvages sont prodigieusement
unis dans un esprit de nationalité dont on ne trouve ail*
leurs aucun exemple. Ils se glorifient d'être les seuls des
PeauX'Rouges qui soient restés fidèles aux coutumes de
lenrs ancêtres. Ennemis par conséquent de tout ce qui a
Tapparence du christianisme, ils nourrissent et fortifient
leur éloignement pour la prière et même pour la civili-
sation, parles pratiques habituelles de la jonglerie on
magie sauvage. Depuis près d'un an que nous sommes
dans l'Ile Walpole, le Seigneur nous a envoyé bien des
^preuves, mais il ne nous a pas laissés sans consolations*
c A vingt-cinq milles de Tlle Walpole , près du lac
Digitized
byGoogk
467
Huron, est ce qu'on appelle une Réserve indienne y c'est-
à-dire une certaine étendue de terres que le gouverne*
ment a laissée aux sauvages. Cette réserve est de quatre
milles carrés sur la rive gauche du fleuve St-CIair. Les
méthodistes y ont une mission établie depuis 1831» Là,
tous les ans au mois de septembre ou d'octobre , se re-
nouvellent dans un camp-meeting les hurlements et les
convulsions de la plus fanatique des sectes. Là , cepen-
dant. Dieu nous a aussi donné un petit troupeau de
néophytes.
« De Port-Sarnia à la plus grande des lies du lac
Huron, appelée Manitoualine ou Manitouline, la distance
est d'eaviron deux cents milles. Cette lie appartient aux
sauvages. Le nombre de ceux qui Thabitent se monte à
onze cents. Il y a cinq villages. Dans un seul , on voit des
cabanes bien bâties, une église, une école, des ateliers;
c'est celui où l'église d'Angleterre a réuni tous ses con-
vertis. Ils ne sont pas plus de cent soixante , quoiqu'on
donne un logement et d'autres gratifications à quiconque
veut se faire protestant. Les catholiques ne reçoivent
rien, et cependant ils sont près de sept cents. Vaste,
riche et admirablement située pour des sauvages , la
Grande-Manitouline pourrait être considérée comme un6
terre promise , ou le Seigneur appelle les tribus algon-
quines dispersées et errantes. Il semble que leurs infor-
tunes ont fait monter vers le ciel un long cri de détresse
qui a touché le cœur de Dieu.
« Depuis 1648, époque où les Jésuites fondèrent leur
première Mission à Manitouline, que de changements sur
l'un et l'autre hémisphère 1 Et la grande tie du lac Huron
n'a pas changé I Ses rivages, ses forêts, ont conservé
leur beauté primitive , et c'est la vieille race américaine
qui l'habite encore. Les brillants steamboats et les hauts
Digitized
byGoogk
458
navires de tout genre qui «illonneni le lac Huron» ne
l'ent point encore visitée. Elle n'aime et ne reçoit que U
petite barque, Tarbre creusé en canot et la Nacelle d'é»
corce.
«Au mois de juillet, époque des Présents ^ vousvoya
CCS canots arriver par centaines de tous cAtés, principale-
ment du lac Supérieur. Bientôt les tentes, les cabanes de
joncs , de feuillage, sont élevées, et deux ou trois camps
principaux existent sur les bords pittoresques de quelque
baie. Vous apercevez bien , ici et là , quelques hommei
et des choses qui annoncent la civilisation; mais ce n'est
que comme un faible contraste. Le grand spectacle c'est
la vie sauvage, en temps de paix et dans ses jours solen-
nels. Alors la Robe^Noire peut ^ comme il lui plaît, se
promener autour de ces camps, entrer dans les cabanes,
s'asseoir sur la natte du chef; elle peut causer, prêcher,
se faire tout à tous, sauvage môme pour gagner les sau-
vages. Une chose néanmoins lui manque, une grande
diose! le temps; car aussitôt que b distribution des
présents est finie, cette foule se disperse. Cependant on
conçoit les heureux résultats que le saint ministère peut
avoir dans une réunion si nombreuse.
« L'année dernière, le P. Choné s'y est trouvé avec
M. Proulx. Il venait d'arriver de Sandwich. Depuis lors
ce Missionnaire n'a cessé de travailler, non sans quelque
succès , auprès de ses cbers insulaires catholiques ou in-
fidèles. Manquant presque de tout, il semble n'épi*ouvcr
d'autre besoin que celui d'avoir des colkiborateurs, parce
qu'il voit ce qu'on peut espérer et ce qu'on devrait faire.
Le Seigneur lui enverra sans doute bientôt des secours
spirituels et temporels; son troupeau ira croissant, et
la Grande-Manitouline deviendra le centre des Missions
que noas avons à fonder. Tel est notre espoir.
Digitized
byGoogk
459
« An sujet de ces MissioBS à fonder , je dois dire que
Mgr TEvéquedu Détroit, d'accord tixec celui de Toronto,
BOUS appelle au Saut-de-Sie-Marie où nos Pères avaient
jadis uae ebrétienlé florissaitte. J'ajouterai que le même
Prélat nous presse aussi d'aller sur le lac Supérieur,
qu'il nous indique Tcndroit où nous devons nous établir,
ei qu'il nous présente, avec quelques néophytes, une
foule d'infidèles à qui il ne peut envoyer de Missionnaire.
A cette invitation de Mgr l'Evêque du Détroit répondent
tous nos désirs; car les Missions dont je viens de parier,
împorianles par elles-mêmes, le deviendront surtout par
celles qui en continueront la cbatne : elles doivent nous
conduire bien loin. Quand, sur les bords du lac S^
Clair, l'imnée dernière, nous dressions notre lente, déjà
nous songions à la transporter sur le rivage de quel-
qu'une des baies du plus grand lac du globe, en face de
celle immonsiié de forêts, de prairies et de lacs, qui
s'éiend jusqu'aux Montagnes-Rocheuses.
« Cette pensée, ce désir tienner.. au fond même de
notre entreprise et sont impérieusement commandés par
les circonstances ; et, en effet, les nations indiennes les
mieux conservées, les plus nombreuses, sont répandues
dans cet inunense Ouest qui touche au lac Supérieur. La
plupart n'ont jamais eu de Missionnaires catholiques , et
depuis assez longtemps elles sont visitées par desprédî-
cants méthodistes» Quand on s'arrête à cette pensée « il
n'est pas besoin d'avoir beaucoup de zèle poiur sentir
ses entrailles émues.
« Je dirai encoi*e une chose : ces sauvages , tels que
nous 1q& connaissons, depuis le lac Si-Clair jusqu'au lac
Supérieur, ont de q;uoi intéresser vivement quiconque
a quelques seniimenU apostoliques, non-seulement à
cause de leurs grandes inforuuiei nati«nales et de leur
Digitized
byGopgk
460
misère privée , qui est quelquefois extrême , non-seule-
ment par leur déplorable situation aux yeux de la Foi ,
mais encore par des qualités estimables qui se révèlent à
un sage observateur, par un certain penchant au catho-
licisme et par l'autorité puissante , paternelle, divine,
qu^ils aiment à reconnaître dans la Robe-Noire.
« Je sais qu'on a dit : Le sauvage est, dans l'espèce
humaine, au dernier degré. Mais cette proposition, à
cause de sa généralité et dans le sens qu'on lui donne
ordinairement, est fausse. Car l'Indien a son type de
beauté physique assez remarquable : on en est quelque-
fois singulièrement frappé. Or, est-ce là tout ce que Dieu
lui aurait donné? Est-ce là tout ce qu'on admire dans
un guerrier de la race rouge? Si les formes et les maniè-
res peu attrayantes ne sont pas un signe de l'absence
des belles qualités de l'esprit et du cœur, pourquoi les
habitudes de la forêt le seraient-cUes ? Il faut qu'on ap-
prenne à mieux juger les sauvages*
« On dit encore : L'Indien n'est pas ce qu'il fut autrefois*
— Dans le conseil de guerre et sur le champ de bataille,
cela est vrai ; mais , s'il a moins de sagesse et de valeur,
il a aussi moins de fourberie et de férocité. On peut dire
qu'il n'est pas méchant. Ses défauts ont été singulière-
ment affaiblis et ses bonnes qualités ne sont pas éteintes.
Le sauvage est un véritable enfant. Toute éducation ne
lui convient pas. Vouloir l'élever et le civiliser comme
un Européen , c'est presque vouloir changer la couleur
de sa peau.
« Seule, l'Eglise catholique, cette sage et tendro
mère de tous les habitants du globe , sait donner à cha-
que peuple, comme à chaque individu , ce qu'il lui CitM
pour cette vie et pour l'autre. Elle peut, modifiant la
nature et les habitudes de l'Indien , le rendre chréUen
Digitized
byGoogk
461
fervent et heureux, sans qu*il cesse d'être sauvage. Au
contraire^ moins il aura de rapports avec Thabiiant des
cités 9 plus sa régénération sera aisée et durable.
« Voilà pourquoi la Grande-Manitouline nous paraît
être un refuge, un sanctuaire pour nos sauvages. Dans
cette lie , loin des sectes et des vices des hommes dvi-
lisés I loin des marchands et sur tout des vendeurs de
boissons enivrantes , nous avons Tespoir de recueillir uH
bon notnbre de ces pauvres enfants de la forêt, que pour-
suit, jusque dans leurs plus éloignées et leurs plus âpres
solitudes , cette cruelle civilisation qui les a dispersés
et presque anéantis.
« Ici , une pensée se présente bien naturellement.
Voilà donc à quel degré de misère et d'abaissement sont
descendus les maîtres de ce riant et magnifique pays I
Sans doute une parole de châtiment et de mort fut en-
voyée d'en haut contre ces nations barbares : elle a eu
son accomplissement. Mais la miséricorde suit la justice ;
le Seigneur a pitié de ceux qui souffrent , et un jour ar-
rive où il a surtout pitié des peuples sur lesquels son
bras s'est appesanti, et qui n'existent plus que dans quel-
ques restes dispersés et mourants.
« Ces restes^ d'ailleurs, appartiennent à l'Eglise, puis-
qu'elle acheta, il y a deux siècles^ cette nouvelle terre ,
au prix des sueurs et du sang de ses Missionnaires. Alors,
autour de ces lacs et de ces forêts immenses , elle re-
cueillit de belles prémices. Nous le disons même aux
sauvages païens ou protestants : « Vos përes furent ca-
tholiques. » Ils nous écoutent , et il y a parmi eux assez
de souvenirs pour que ce iait ne soit pas contesté, assez
d'intelligence pour qu'il soit compris.
« Par conséquent, dans ceux qui furent autrefois ici le
peuple de Dieu , toute cette postérité sauvage doit trou-
Digitized
byLjOOgk
462
ver des bénédiciions. C'est noire pensée, c'est noire es-
poir 9 et c'est aussi un encouragement accordé à noire
faiblesse. Car/ aussi bien que nos néophytes, nous avons
besoin de nous rappeler le passé et d'y voir nos pères.
il est vrai que, par la comparaison, ce passé nous hu-
milie et pourrait nous abattre; mais aussi , sons tant
d'antres rapports , il est bien propre à nous dcmner des
forées.
« Que Dieu soit béni 1 II a daigné nous appeler , et
nous soonnes venus avec joie et confiance; nous avons
commencé cette ceuvre de salut, et nous la continuons»
animés des mêmes sentiments, parce qni3 nous comp^
tons sur les grâces si puissantes de TEglise , sur celles
de notre vocation spéciale, et sur les prières que fait
pour nous l'Association , véritable miracle de Providence
opéré pour être un nouveau et puissant auxiliaire du
miracle toujours subsistant de la propagation de la foi.
« J'ai l'honneur d'être, avec un profond respect et la
plus vive reconnaissance , Messieurs ,
« Votre très-humble et obéissant serviteur,
« P. Chazelle. »
Digitized
byGoogk
463
COLOMBIE.
Extrait d'une lettre de M. Bolduc , Missionnaire
apostolique, à M. Cayenne.
CowHu, le i5 février 181'*.
« Monsieur,
« Voilà près d'un an que je n^ai pas eu la satisfaction
de pouvoir vous écrire. Depuis celle époque j'ai fait en-
core, parmi nos sauvages, de nouvelles excursions dont je
me propose de vous rendre compte , après vous avoir
dit quelques mois sur les vastes solitudes que nous évan-
gélisons.
« D*après les rapports des premiers navigateurs an-
glais qui visitèrent les côtes de TÂmérique, au nord du
fleave Colombia, il parait que le territoire portant le même
nom fut anaennement découvert et habité par des Espa-
goois ; Ton voit encore aujourd'hui des ruines en briques,
restes de ces premiers établissements, formés dans la vue
cfanker les nations sauvages à b connaissance de TEvan-
gile. Parmi les bdigènes on a trimTé ici des reliques at-
mtant ce &it ; un cruci€x de enivre, tout usé, est de temps
imniémorial au pouvoir d\me tribu. Comment, par qui
fat-il apporté? voilà ee qa'dto ne prat dire. (Test; très-
Digitized by VaOOQ IC
464
probablement vers le temps où ils s'emparèrept de la Ca-
lifornie, que les Espagnols formèrent un établissement sur
l'île Vancouver, séparée de la terre-ferme par le détroit
de Juan de Fuca. Gray découvrit le fleuve Colombia ; Van-
couver le remonta jusqu'à la pointe où est bâti le fort qui
porte son nom, et prit possession du pa}*s environnant.
« La vaste contrée qui s^étend entre les Montagnes-
Rocheuses et rOcéan pacifique , se divise en deux zones
distinctes par leur climat, par leur aspect, par leurs pro-
ductions; la ligne de séparation court parallèlement aux
rivages de la mer du sud, dont elle se tient éloignée d'en-
viron deux cents milles. Moins boisée que les régions
de Touest , la partie orientale s'élève par plateaux, dont
les plus éloignés servent de base aux monts Hood, Sainte-
Hélène, Reignier et Raker. Les cimes de ces montagnes s'é-
lancent dans les airs à une hauteur de quinze & seize mille
pieds, et sont couronnées de neiges éternelles. L'année
dernière, les monts Baker et Sainte-Hélène sont devenus
volcaniques; et même depuis quelques mois , le premier
a éprouvé des changements considérables de forme, du
côté où se trouve le cratère. Dans la zone orientale, le
climat est sec et sain ; en hiver comme en été la pluie y
est très-rare ; la neige ne s'élève jamais à plus d'un pied.
On n'y voit ni marais ni plaines inondées par les grandes
eaux ; point de brumes ; aussi les fièvres n'y sont pas
connues.
« Dans la partie inférieure, depuis octobre jusqu'en
mars, les pluies sont presque continuelles ; des nuages
épais , dont l'atmosphère est constamment chaînée ,
cachent le soleil pendant des semaines entières , et il n'est
pas rare de passer jusqu'à quinze jours sans qu'on puisse
l'apercevoir. Cependant, dès qu'il peut se faire jour à
traders les vi^^eurs, il répand aussitôt dans l'air une chaleur
, . DigitizedbyLjOOQlC
465
douce et yhîfiante. Gel hiver a élé loat à &it remar-
qfjisibh p^ le peu de pluie que Ton a eu ; pendant une
grande partie de février et vers le commencement de mars
le temps a été magnifique ; c'était comme au mois de mai ;
rberbe croissait dans les prairies , les fraisiers étaient en
pleine floraison.
« En mars, les pluies sont plus rares ; un soleil ardent
réchauffe la nature, qui se pare d^une verdure naissante.
Le blé semé en automne, peut déjà en avril rivaliser de
beauté avec celui qu'on voit dans le Canada au mois de
juin. Dès lors et pour tout Télé , temps clair et fortes
chaleurs. Quelquefois cependant d'épais nuages s'amon-
cdlent ; on dirait qu'ils vont se fondre en torrents de
pluie ; mais bientôt ils se dissipent sans avoir fait en-
tendre de coups de tonnerre^ sans mémQ donner la
moindre ondée, que les moissons paraissent désirer si ar-
demment.
« Dans le mois de juin, les rivières gonflées par la fonte
des neiges sur les montagnes, inondent les plaines basses,
et augmentent encore les dépôts d'eau croupissante for-
més par les pluies d'hiver. Les vapeurs qui s'en élèvent
sons un soleil brûlant , occasionnent ou entretiennent les
fièvres tremblantes, plus fréquentes dans les années où les
rivières ont été plus débordées.
m Cette maladie règne dans presque tout le pays de-
puis la fin d'août jusqu'à la mi-octobre. Il est générale-
ment assez rare que ceux qui en sont une fois attaqués,
ne le soient pas plusieurs années de suite; et comme je
Fai eue cette année pendant plus d'un mois , j'ai tout Uai
de craindre encore pour l'avenir quelques nouveans
accès.
« Ycm ne muriez crràre condbien ont été épouvasH-
Vhê Im savages qa^ce$ fièvres ont portés parmi les do»*
TOH. xvn. 103. 30
Digitized by LjOOQ le
466
brenses tribus qui habUaient aurrefofe les bords du Co-
lombia. H suffit de dire qu'on û trouvé de gros camps
hidiens enilèrement détruits par ce fléau. Quand lessan*
tages se sentaient attaqués, ils allaient sans perdre de
temps se précipiter dans leseaax froides des rivières, et
ib mouraient sur-le-champ. Les blancs, avec les soins
convenables , n^en meurent jamais.
« lime semble que Tannée dernière, je vous ai annoncé
que je devais faire une Mission clans Puget-Sound , et
pénétrer, si je pouvais, jusque dans Tile Vancouver;
cette Mission a eu lieu et je vais vous eu dire quelques
mots.
« Pour parvenir à mon but, il eût été peut-être
dangereux de pénétrer seul dans la grande ile Vancouver ;
aucun prêtre ne s'y était encore montré, et les sauvages
de cet endroit ne sont pas encore bien familiarisés ayec
les blancs. Or, en ce temps-là, Th onorable compagnie
de la baie d'Hudson se préparait à aHer bâtir rni fort à
fextrémité sud de cette île. M. Douglas qui devait diriger
cette expédition m'invita généreusement à prendre pas-
snge à l)ord de son vaisseau. J'acceptai bien volontiers
ses offres, et je quittai Covflhz le 7 mars pour me rendre
i Skvirally.
« Le steamboat le Beaver (le Castor) nous attendait
depnis quelques jours; cependant, comme il y avait plu-
sieurs préparatifs à Ëiire pour le voyage, nous ne mon'»
limes à bord que le 13 au matin. Après avoir mardbè
tente la journée du 13, nous ancrâmes dans nn remons
formé par une pointe de llle Whidbey, appelée Pointe-
Perdrix. Deslignesfurent aussitôt préparées,' et, pendant
la veillée, nous eûmes le plaisir de prendre, pour lé
•du teodemaÎB, me grande <iuatiiité^<P«iËCtîltenis
I , aiBa sembliMes poar h ftÂtiië 'e« (^dar ti g«A^
Digitized
byLjOOgk
k h nôrflie daCmada; f ^ ai remarqué plusieurs de qua^
ne pieds et long.
m Les eaux de !a baie de Puget sont richement peuplées^
Le saumon y abonde , c'est la plus grande ressource deà
indigènes. Dans les mois de juillet , d'août et de septem-
bre surtout, ils en prennent à ne savoir qu'en faire. Oit
troo^ ici une espèce de poisson bien plus petit que ceux
dont je viens de parler, et qui paraît être particulier à là
o6le du Nord-Ouest. On le voit remonter les rivières au
printanps en quantité prodigieuse. Il contient une telli
abôjidaBce de graisse, que quand il a été pris da«i la
bonBe saison e^ qn'H est un peu sec, on peut l'ailaniet
Ipar le bout de la quMe et il tn^ûle comme une cbanddle
jusqu'à la tète* Les sauvages en font une excellente kuile
(fui leur sert à assaisonner leurs aliments.
« Le 14, de bon matin , nous levâmes l'ancre et diri-
geâmes notre course vers l'entrée du détroit de .'uan de
Fuca. Nous allâmes à terre, et , après avoir visité un petit
camp de sauvages de la grande tribu des Klalnnis, nous
nous portâmes sur la pointe sud de l'île Vancouver. Il
était à peu près quatre heures du soir , lorsque nous y
arrivâmes. Nous n'aperçûmes d'abord que deux canots ;
mais ayant tiré deux coups de canon, nousvtmes les in-
digènes sortir de leurs retraites et entourer le steam-
boat. Le lendemain, les pfrogues arrivèrent de tous côtés.
Je descendis alors à terre avec le commandant de l'expé-
dition et le capitaine du vaisseau ; cependant ce ne fut
qu'au bout de quelques jours, c'est-à-dire lorsque j'eus
des preuves bob équivo^es des bonnes dispositions des
Indiens que je me rendis à leur village , situé à six mil-
les du port , au fond d'une diarmiffile petite baie.
« CoauBe presque toulies les ti*ibus d'alentour , celle-d
possède un petit fort en pieux d'environ cent cinquai^te
30.
Digitized by LjOOQ IC
468
pieds carrés^ On se fortifie ainsi pour se mettre à Tabri
des surprises des Yonglelats, tribu puissante et guer-
rière, dont une partie campe sur Tile Vancouv^ elle-
même; le reste habite sur le continent, au nord de la
rivière Fraser. Ces féroces ennemis tombent ordinairement
de nuit sur les yilbges qu'ils yeulent détruire, massacrent
autant d'hommes qu'ils peuvent , et prennent les femmes
et les enfants pour esclaves.
« A mon arrivée, toute la tribu , hommes , femmes et
enfonts, se rangea sur deux lignes pour me donn^ la
main , cérémonie que ces sauvages n'omettent jamais. Je
les assemblai tous dans la plus grande loge , celle du
chef; et là je leur parlai deTexistence d'un Dieu créateur
de toutes choses , des récompenses qu'il promet aux bon-
nes actions , et des châtiments éternels dont il punira le
crime. Mes instructions furent souvent interrompues par
les harangues de mes auditeurs» En voici une que j'ai
crue propre à vous intéresser. Au milieu de la foule je vis
un homme d'environ trente ans qui se leva précipitam-
ment et me dit : « Chef (1 ), écoule-moi. Il y a bien dix
« ans, j'ai entendu dire qu'il y avait un maître en haut
c qui n'aimait point le mal, et que , parmi les Français,
« il se trouvait des hommes qui apprenaient à connaître
m ce maître. J'ai aussi entendu dire qu'il viendrait un
« jour de ces hommes-là sur nos terres. Depuis ce temps,
« mon cœur, qui auparavant était très-méchant, est
« devenu bon; je ne fois plus de mal. Maintenant que
« tu es arrivé chez nous, tous nos coeurs sont contents. »
ji Un jour i]ue je leur parlais du baptême et que je leur
1) Ils donnenl gënéralemenl le oom de chef, dans leur lingw tiàh , à
■t penonnage de diftinetion.
Digitized
byGoogk
469
disab qae d^à plusieurs nations avaient (ait régàiérer leurs
enfiuits , un vieillard se leva et me dit : « Tes paroles sont
€ bonnes ; mais on nous a raj^rté que ceux qui ont Mé
« baptisés chez les Kwaitlens etIesKawitshins (à la rivière
€ Fraser) sont morts presque aussitôt; cependant, comme
« tu dis que c^est une bonne chose, nous te croyons»
« Puisque Teau sainte leur fera voir le maître d'ai haut
« après leur mort , baptise tous ceux de notre c^mp ; fiût*
« leur cette charité, car ils meurent presque tous. » Je
leur promis que je reviendrais, le dimanche^ pour conférer
ce sacrement et que tous devaient s'y trouver.
« Cependant le bruit de mon arrivée s'étant ré-
pandu, plusieurs nations voisines arrivèrent en masse. »
« Le 18 , qui était un samedi, fut employé à la con-
struction d'une espèce de vaste reposoir pour célébrer à
terre le jour du Seigneur. M. Douglas me donna plusieurs
de ses hommes pour m'aider dans cet ouvrage. De longues
branches de sapin formèrent les côtés de cette chapelfo
agreste, et les tendeletsdusteamboat, la couverture.
« Le dimanche au matin , plus de douze cents sauvages
des trois grandes tribus Kawitshins, Klalams et Isamishs
étaient rassemblés autour du modeste temple. Notre
commandant n'oublia rien de ce qui pouvait contribuer
à rendre la cérémonie imposante; il me donna liberté-
entière de choisir à bord tout ce qui pouvait servir de
décoration. Lui-même, il assista à la messe, ainsi quif
quelques Canadiens et deux dames catholiques; Ce fut
au milieu de ce concours nombreux que^ pour la pre-
mière fois , nos saints Mystères furent célébrés sur cette
plage depuis tant d'années en proie aux abominations de
l'enfer. Fasse le ciel que le sang de l'Agneau sans tacbe
ende cette terre fertile, et lui donne de produire upe
abondante moisson.
Digitized
byGoogk
47«
« Ce jour éttot celui que y^vm &té pour le btptèflie
deseabiito, je me rendis au village principal, accomp»-
ignè de toute la ioule qui avait afiëisté au service diti«.
£a arrivant , il iiatUut encore iionner la main à plus de
«ix cents personnes. Les enfants furent disposés sur deux
lignes au bord de la mer ; je leur distribuai à chacun un
mmj écrit sur un petit bout de papier , et je coaunençai
laoérémonie. Il pouvait être environ dix. heures du ma-
dn , et lorsque j'eus fini il était presque nuit. AJors^ je
comptai les nouveaux chrétiens et j'en trouyai cent deux^
J'étais épuisé de fatigue ^ et néanmoins je dus faire einxHre
plus de deux lieues à pied pour revenir au steamboat.
« Sflivant le plan de voyage tracé avant notre départ ,
sous ne devions rester ici que quelques jours, et poursui-
vre ensuite notre course de fort en fort , jusqu'à l'établis-
sement des Russes à Sitka ; mais le petit navire qui por-
tait les provisions destinées aux divers établissements delà
côte, était attendu de jour en jour et n'arrivait point. Ce
retard me contrariait beaucoup. M. le Grand- Vicaire
m'avait dit que son intention était d'établir, au commen-
cement de l'été, une Mission dans l'île Wîdbey, et que
je devais en faire partie. Voyant donc qu'à la suite de la
caravane, je ne pourrais pas être de retour assez tôt pour
remplir ses vues , je me décidai à revenir sans délai sur
mes pas. J'achetai un canot, et , ayant engagé le clief des
Isamislis et dix de ses gens à me conduire directement à
nie Wîdbey, je quittai Vancouver le 24 de mars, em-
portant avec moi les plus vifs sentiments de reconnais-
sance pour tous les égards du commandant de l'expédi-
tion et du capitaine Brotchie , dont j'avais en tant i me
louer pendant la traversée des fies Sandwich au fort
George.
« La mer était bien calme, mais le tea^ é4M oouvert
Digitized
byGoogk
471
d*UDC iinmt épaisse. Par précaation , J^avais pris m
coœpgs, sfp$ quoi je me serais indubiiaWement égaré,
ayant une u-aversée de vingt-sept milles à faire. Le pre-
mier jour nous alleignîmes une petite lie qui se trouve
etitre Pextréifnité de Vancouver et le continent. Noos y
passâmes la nuit. Mes Indiens qui avaient tué im loup
naritt d'un coup de fusil, firent grand festin le soir. Yoib
ne sanriez croire combien un sauvage peut manger dans
un seul repas ; maïs, s'il est vorace dans Tabondanee, il
«ait aussi jeûner plusieurs jours de suite, sans en éprou-
ver beaucoup de fotîgue.
« Le 25 « il Caisait une forte brise du Nord-Ouest; oies
rameors avant de s'éloigner du rivage, montèrent sur une
coliioe pour reconnaître si la mer était bien grosse au
milieu du Détroit. Ils furent assez long-temps à se déci-
der. Enfin ils dirent qu'avec l'aide d'une voile on pourrait
se tirer d'affaire. Un mât fut donc préparé, une couver-
ture servit de voile ^ et nous voilà à la merci des flots.
Ters trois heures de l'après-midi^ nous abordâmes à Plie
Wîdbey, non sans avoir couru quelque danger.
« Un grand nonibre de sauvages Klalams et Skadjit^
vior^t me recevoir sur le bord de la mer. Je connaissais
de réputation k premier chef des Skadjâts et je demandai
ii le voir : ou m% répondit qu'il était parti depuis deux
^jourspoiir l'Ile Vancouver, afin de m'y rencontrer. A ^
place, on me présenta ses deux fils. L'un d'eux , en me
sorrautla maip,, médit : «Mou père Netlam n'est pas
f ici, il est alléàKamosom (nom de la pointe sud de
« rUe Vancouver) pour t'y voir; mais s'il apprend qoe
« tu es ici , il va revenir à la course, 11 sera bien coa-
« tent a lu restes parmi nous, car il est fatigué de dire
« la mute tons' tei dimanehes et de prêcher à ses gewl •
'ai 98 {dus tard que sa messe consistait à expliquer avx
Digitized
byGoogk
472
sauvages de sa tribu TécheUe chronologico-faistorique de
la religion , à faire force signes de croix et à chanter quel*
ques cantiques avec le Kyrie^ efetiofi.
« Je dressai ma tente près de la croix que M. Blanchet
avait plantée dans cette lie en 1840 , lorsqu'il y aborda
pour la première fois. I^ lendemain , tout le camp des
Skadjâts se rendit près de moi pour entendre la parole de
Dieu. Pour vous donner une idée delà population de cette
tribu ^ il suffit de vous dire que je donnai la main à une
file de six cent cinquante personnes, et ce n'était pas
tout; plus de cent cinquante Indiens qui avaient passé la
nuit près de ma tente , n'étaient point de ce nombre , et
presque tous les vieillards, les femmes âgées et beaucoup
d'enfants étaient restés dans leurs cabanes. Après Tin-
struction , plusieurs cantiques furent chantés avec un ton*
nerre de voix étourdissant.
«Plusieurs parents m'avaient prié de baptiser leurs
enfants; je me rendis au village et demandai qu'on nie
présentât tous les jeunes Indiens, au-dessous de sept ans,
qui n'avaient pas encore reçu la grâce de la régénération*
Aucun d'eux ne fut oublié; ils étaient an nombre de cent
cinquante. Cette fois, la cérémonie eut lieu dans une pe-
tite prairie , entourée de hauts sapins séculaires. Il n'était
pas midi lorsque je commençai et je ne finis qu'au coucher
du soleil. J'étais mort de fatigue; le ciel avait été sans
miages et le soleil ardent , ce qui m'avait causé un vio-
lent mal de tét^. De plus, un bien mince déjeuner que
f avab pris de bon matin, dut me soutenir jusqu'à la nuit
dose.
€ Le 27 , le chef des Skadjâts me déclara qu'U necon-
Timait point que je fusse logé dans une maison de toile
(sous une tente) : «C'est pourquoi, ajouta^t-il, demain
« tu me duras où tu veux que nous te construisions une
Digitized
byGoogk
473
« demeure^ et lu verras combien ma parole est puissante
« quand je parle à mes gens. » Voyant la bonne volonté
de ce chef, je lui indiquai une petite éminence , et ausd-
tôt je vis arriver plus de deux cents travailleurs; quel-
ques-uns avaient des haches et étaient destinés à couper
le bois ; les autres devaient le charrier sur leurs épaules.
Quaire des plus habiles se mirent en devoir d^ajuster la
diarpente. En deux jours tout Ait terminé , et je me trou-
vai installé dans une maison de vingt^huit pieds de long
sur vingt-cinq de large. Bien entendu que le bois était
brut; mais le toit était couvert en écorce de cèdre, et
rintérieur revêtu de nattes de jonc. Pendant toute la se-
maine, je fis plusieurs instructions à ces sauvages, et
leur appris des cantiques; car , avec eux, si on ne chante
pas, les meilleures choses ne valent rien; il leur faut du
bruit.
« Savais terminé les exercices de la Mission, lorsqu^ar-
rivèrent plusieurs sauvages du continent. Dès qu'ils mV
perçurent, ils se jetèrent à genoux près de moi, et s'expri-
mèrent ainsi : « Prêtre, voilà quatre jours que nous sommes
« en chemin pour te venir voir , nous avons marché la
« nuit comme le jour et presque sans manger. Mainte-
« nant que nous te voyons, nos cœurs sont dans une
€ grande joie. Aie donc pitié de nous ; nous avons ap-
c pris qu'il y a un maître en haut^ mais nous ne savons pas
« lui parler. Viens chez nous , tu baptiseras nos enfants
« comme tu as baptisé ceux des Skadjâts. » J'étais at-
tendri par ces paroles. Assurément, je n'aurais fait au-
cune difficulté de les suivre dans leurs forêts; mais je
n^avais que peu de jours pour me rendre à Skwally où
j'étais annoncé. Il fallut partir.
« Je quittai ces bons hidiens le 3 d'avril. Pendant
mcm séjour au milieu d'eux , je n'ai éprouvé que des con-
Digitized
byGoogk
474
solations. Ce sont eux qui m'ont nourri , et bien certaine-
ment ils sont allés au delà de mes désirs.
« Vous voyex. Monsieur, par celte relation qve ht
sauvages de la baie de Pugei montrent asses dezëlepMr
la religion; c^ndant ils ne comprennent guère Tétea-
due de ce mou S'il ne s'agissait que de safoir quelques
prières et de chanter des cantiques po ur être chrétien , il
n'y en aurait pas un qui ne voulùtle devenir. Mais fl est
un . point capital qui les relient , c'est la réforme des
mœurs* Aussitôt qu'on touche cette corde , leur ardeur se
change en indifférence. Les chefs ont beau faire à ce aqet
de Téhémenies harangues à leurs gens , quelle impression
peuvent-ils produire, eux qui sont les plus coupables!
Je ne me défie nullement de la Providence ; mais on fem
dire, sans trop s'exposer à commettre d'erreur , que nos
principales espérances ne reposent pas sur les tribus qyi
habitent les bords de l'Océan, ou qui sont fixées à l'em-
bouchure des nombreuses rivières qui s'y jettent.
« J'ai l'honneiu^ d'âlre. Monsieur, votre très-hunbie
serviteur,
« J.-B.-Z. BoLDUG, Mi$t. apoti. •
Digitized
byGoogk
47$
Extrait d*une Jettrt du P. de Smet , de la compagnie de
Jésus, d M. de Smet, son frère y à Gand (1).
Stiote-llarit du Widkmelte, 9 «ctobre f844.
« Mon cbea Fbèib ,
« Cest après une navigation de près de huit mois
que, le 28 juillet, nous découvrîmes les côiesde i'Orégon.
Oh 1 quelle joie alors 1 quels transports d'allégresse I quelles
actions de grâces dans nos cœurs et sur nos lèvres I Tous ,
nous entonnâmes Thymne de la reconnaissance, le Te
Deum; mais à peine nous étions-nous livrés aux premiers
sentiments de bonheur, que Tidée de nouveaux périls à
affronter vint renouveler toutes nos inquiétudes : nous
approchions du Colombia. L'embouchure de ce fleuve
est d'un accès difficile et dangereux , même pour les ma-
rins pourvus de bonnes cartes; et nous savions que notre
capitaine, n*ayant pu en aucune manière s'en procurer,
ne connaissait pas les rodiers et les brisants , qui rendent
(1) On sait qae Im PP. De Smet A YercrajsM, accompagni^ de
^■atrf Mmiftsê BMsbret de \% mètat G*flipig«îe et d» m lœiiTe de la
4tagrégatieo de Katee-JOame, ^ oitiètent le poct d'Aorert ie 12 dëcen-
bre 1&43 pour sa rendre aux Montagues-Rocheusês. Le DaTife Vlnfëti-
gahle qui les portait, après afoir trafers^ l'Ccëan Atlantique, doublé la
pointe mëridioBale de l'Amérique du sud et remonte l'Océan Pacifique.
•rnf I le 2S juillet IBii eo irqe dw cAfae de VOrigitn, et le & aoibft sui'
f «fit il mooilU au fort Vaneouvtr aitué sor la rire du ûeum Cokmbia,
Digitized
byGoogk
476
rentrée du fleuve presque infranchissable dans la saison
où nous étions.
« Nous aperçûmes bientôt le cap Désappointemenij qui
semble indiquer aux voyageurs la route qu'ils doivent sui-
vre. Comme il était déjà tard , le capitaine prit la résolu-
tion de virer de bord , pour éviter les côtes pendant la
nuit. Pendant que le vaisseau s'éloignait de la terre ferme,
nous considérions de loin les hautes montagnes et les
vastes forêts de TOrégon. Çà et là , nous vîmes s'élever la
fumée des cabanes de nos sauvages. A cette vue une foule
de sentiments s'emparèrent de notre âme; les redire ici ne
me serait pas possible. U faut avoir été dans noure position
pour comprendre ce que nous sentfanes alors ; notre cœur
palpitait de joie à l'aspect de ces pays immenses , où se
trouvent tant d'âmes abandonnées', naissant, vieillissani
et mourant dans les ténèbres de l'infidélité, foute de Mis-
sionnaires ; malheur auquel nous allions mettre un terme»
sinon pour tous, du moins pour un grand nombre.
« Le 29, tous les Pères célébrèrent le saint Sacrifica;
nous voulions faire une dernière violence au ciel. Le conv-
mencementde ce jour fut sombre, nos esprits Fétaienl
aussi ; vers dix heures le temps s'éclaircil et nous permit
d'approcher, avec précaution, de cette vaste et alTreuas
embouchure du Colombia. On ne tarda pas à découvrir
d'énormes brisants , signe certain d'un banc de sable de
plusieurs milles d'étendue. Les écueils traversent le fleuve
dans toute sa* largeur, et présentent une barre qui
semble en interdire l'entrée. Cette vue nous jeta vrai-
iBent dans la consternation ; on sentait qu'il était inu-
tile de tenter le passage, et qu'infoilliblement nous y trou-
verions notre perte.
« Dans cette triste situation , que foire , que devMiir,
où aller?
Digitized
byGoogk
47T
« Le 30, le capitame se tronvaiit aa haut du mAt pour
faire qaelqoes découvertes , aperçut un navire qui longeait
le cap pour sortir du fleuve. Ou ne le vit que peu de temps^
car il alla jeter Fancre derrière un rocher, en attendant le
vent favorable. Nous conjecturâmes alors qde le fleuve
était encore praticable^ et nous espérâmes pouvoir nous
diriger sur la course de ce navire.
« V^rs trois heures, le capitaine envoya le lieutenant
avec quatre matelots pour sonder les brisants et diercher
une voie pour entrer le lendemain, 31 juillet, jour de la
fête de saint Ignace : cette heureuse couiddence ranima
nos espérances et rdeva nos coursées. Nous attendions tout
de la protectii» de notre fondateur, et nous le priâmes, avec
toute la f(»rveur dcmt nous étions ciqpables , denepas nous
abandonner dans ce péril extrême. Ce devoir rempli, on
n*eut rien de plus {uressé que d'aller sur le tiHac , pour
découvrir la chaloupe montée par le lieutenant. Vers les
onze heures , elle rejoignit VInf€Ui$€Me;\es visages tristes
et découragés des matelots nous annonçaient de mauvaises
nouvelles^ on n'osait les int^roger... Cependant le lieu^
tenant dit au capitaine qu'il n'avait pas trouvé d'obstacles,
et que la veille , à onze heures du soir, il. avait traversé
la barre avec cinq brasses d'eau ( 30 pieds). Alors on dé^ *
ploya les voiles, et VInfaUgàbk s'avança à la faveur d'une
légère brise. Le ciel était pur, le soleil brillait de tout son
éclat , depuis longtemps nous n^avions pas eu une aussi
belle journée.
« n ne manquait plus, pour b rendre la plus belle de
imtre voyage, que Pheureuse entrée dans le leove. A ne-
sure qu'on approchait, tons redoublèrent leurs prières ,
chacun se recueillait et se tenait prêt k tout événemoit*
Cependant le vigilant et courageux c^rftaine ordonne de
jeter le plomb. Un matdot s'atladie au deiNm du vaisseM
Digitized
byGoogk
4iB
et sonde; on entend le cri : 7 brasses. De cinq en cinq
minâtes le cri se renouirelle ; puis 6 brasses. . . 5 brasses. . .
le nombre dÎBfnniiait toujours. On devine ccm* ien chaque
cri devait faire palpiter nos cœufs. Mais «jifand on cria
3 brasses, tout espoir s'évanonil; carc*é(?jt le minimum
de Teau nécessaire au narire. On crut un instant que le
vaisseau allait se briser contre les récife. Le lieutenant dit
au capitaine : fiNous sommes entre la vie et la mort; mais
il faut avancer, »
« Le Seigneur voulait mettre notre foi ù Tépreuve, il
n'avait pas résolu notre perte. Le cri de 4 brasses se bit
entendre, on respire , on prend cotnrage; mais le danger
n'était pas passé. Nous avions encore deux milles de M-*
sauts à franchir. Un second cri de 3 brasses vînt de non*
veau nous remidir d'èponvante. Le lieutenant dit alors an
capitaine : •Nousfmu sommes trompés de rouie.^ — Bahl
reprit le capitaine , ne myez^^ous pas qne {Infatigable
passe partout? Jvasuex*^. Le Gel était pour nousl Sans
kii j ni rhabileté du capitaine , ni la bonté du navire , ni
l'activité 4e l'équipage n'eussent pu nous préserver d'une
perte certaine* Nous étions à plus de cent mètres de la
bonne voie , au milieu <f« canal du Sud , que jamais vais^
' seau n'avait traversé. Quelques moments après , nous ap-
prîmes d'une manière positîvn que nous avions échappé
nomme par mirade.
« En effet) noire vaisseau avait pris, d'abord, une bonne
direction à l'entrée du fleuve; mais à peu de distance de
ton eari)aachuief le Colombia se iGvise en denx branches
fimnant eomnie deOK canrax; i'wi au Nord, non loin dn
cap DéÊtfpamtimaUj est œlnî que nous devions suivre;
l^anipe, an Snd , n'est point fré^enté, à cause des bri*
•aoli^pii en bantntt Tenirée, et sur lesqfoeis noua nronê
posé les piMÉUii «t ppobeMenMit les doinitcs> lions
Digitized
byGoogk
479
sûmes CDOore que le gouverneur du fort Jstoriaj nous
ayant îipirçus depuis deux jours, s'était rendu à Textré-
mité dsi cip avec quelques sauvages et que, pour nous
atlirei de ce côté , il avait allumé de grands feux , élevé
nn drapeau et tiré quelques coups de fusil. Nous avons ,
n est vrai , remarqué ces signaux ; mais nul d'entre nous
o^ea avait compris le motif. Dieu sans doute voulait nous
nootrer qu'il est assez puissant pour nous exposer au dan-
g^ et nous en retirer ensuite sains et saufs. Que son saint
oom soit béni ! gloire aussi à si ini Ignace qui a protégé»
visiblement ses enfants le jour île sa fête.
« Vers quatre heures et demie, us csuMit m dirigea vera
leoft; il était monté i>ar «tes sauvages Clmpsaps^ ayaol à
leur tête un Américain établi sur les côtes; leurs cm
éUnnèretit beaucoup nos P^^es et les sœurtde Notre-Dame.
Noos ne pâmes distinguer que le mot Catche qu'ils répé<-
: à riiifini. On leur fit signe d'approcher, et le capî*
leur permit de monter à notre bord. Aussitôt l'A*
mérjcain m'aborde et m'expose le cbager cpae noosavîoiis
coam; il ajoute qu'il avait voulu ventr à notre secours,
maiê que les sauvages, voyant le péril , tt'acvaieiit pas oeé
s^ exposer.
« De leur côté, les Indiens nous racontaient par signes
quelles avaient été leurs craintes , comment à chaque in-
stant ils s'attendaient à voir le navire renversé et brisé; ils
avaient pleuré, et déchiré leurs vêtements, sûrs que,
sans l'intervention du Grand-Esprit , nous n'eussions ja-
siais échappé au péril. En vérité, ces braves sauvages ne
iSéiaient pas trompés. C'est le témoignage de tous ceux
qin connaissent l'histoire de notre passage; ils ne cessent
de nous en féliciter, comme d'une chose unique et mer-
frilleuse.
« La seconde visite, que nous reçûmes à bord , fut celle
Digitized by VjOOQIC
480
de quelques TeKinùuh$^ peuplade établie dans rimmense
forêt qui s'étend sur la rive septentrionale du fleuve. Les
Clapsopt occupent la rivemâridionale, et fonnentnne po-
pulation d'environ cent cinquante hommes. Les Tchinouh
habitent trois grands villages au delà de la forêt ; ces deux
nations , quoique voisines , sont ennemies Tune de Tautre.
Les hommes s'enveloppent d'une couverture pour paraître
devant les blancs. Ils mettent toute leur vanité dans leurs
colliers et leurs pendants d'oreilles; ils donneraient tout
ce qu'ils possèdent pour s'en procurer. Ces sauvages se
mettent extrêmement à leur aise ; il faut être très-réservé
avec eux, afin d'empêcher la trop grande familiarité. Il leur
suffit qu'on ne les chasse point; contents pour lors, ils
n'exigent pas qu'on s'occupe autrement d'eux ; ils sont d'un
naturel paisible, leur physionomie ne diSère en rien de
celle des peuples civilisés ; ils sont robustes et bien faits;
trouvant facilement de quoi sarïsfoire à leurs besoins , ils
mènent pour la plupart une vie fainéante et oisive ; leur
unique occupation est la pêche et la diasse. Le saumon
abonde dans leurs fleuves, et le gibier dans leurs forêts.
Après s'être pourvus chaque jour de ce qui leur est néees-
saire^ ils se couchent au soleil des heures entières, sans
bouger. Ils vivent du reste dans l'ignorance la plus gros-
sière de la religion.
« Le lendemain matin nous vîmes une chaloupe qui
s'efforçait de nous rejoindre; elle p<N*tait M. Burney , le
même qui les jours précédents s'était, du haut du cap, si
vivement intéressé à notre sort. Il nous aborda avec toute
la bienveillance possible; c'est à lui que la garde du fort
Asîoria est confiée; il y fait sa résidence avec sa famille,
et il était chargé, de la part deson épouse et de ses enfants,
de nous inviter à descendre chez lui , pour leur procurer
le plaisir de nous voir. Persuadé qu'après un si long se-
Digitized
byGoogk
481
jour sur mer, celle visite serait très-agréable à chacun dfe
nous, j'y consentis. Pendant que^cette honorable famille
BOUS préparait à dîner, nous fîmes une petite excursion
dans la forêt voisine. Nous y adminimes des sapins d'une
hauteur et d'une grosseur prodigieuses. Il n'est pas rare
d'en rencontrer de deux cents pieds de haut sur quatre
pieds et demi de diamètre. On nous montra un tronc de
sapin qui avait quarante-deux pieds de circonférence.
Après une course de deux heures, M. Burney nous re-
conduisit au fort.
« Dans une seconde promenade, plusieurs d'entre
nous admirèrent des tombeaux de sauvages. Le corps du
défunt est placé dans une espèce de canot , fabriqué d'un
tronc d'arbre; on le couvre de nattes ou de peaux , puis
on le suspend à un arbre, ou on l'expose sur les bords de
la rivière. Nous vîmes jusqu'à douze tombeaux semblables,
réunis dans un même endroit ; ils se trouvent ordinaire-
ment dans des lieux de difficile accès , afin d'être ainsi
plus à l'abri des animaux féroces. Non loin de ce ci-
metière, un de nos Pères plus curieux que les autres,
ayant aperçu à l'écart le museau d'un oiirs qui n'avait pas
t'air trop apprivoisé , s'en revint saisi d'une panique asse»
plaisante.
« Le 2 août, je résolus de devancer mes compagnons
au fort Fancouver, pour informer le Rév. M. Blanchet
de noire heureuse arrivée. Du reste, voici pour nos Pères
ee qui concerne le reste de lemr voyage : le 3 et le 4, la
marche du navire fut retardée faute de vent; d'un coup
d'œil on pouvait apercevoir le chemin qu'on avait fait en
upoîs jours. Vers le soir une légère brise se leva et permk
de continuer la route. Au bout de quelques heures , on
fut au delà des écueils c[ui se prolongent l'espace de six
lieues. Cette distance une fois parcourue , on peut tenir
TOM. XVn. 103» DigitizedbyJJbOOgl
e
482
oonstamment le milieu du fleuve; il s'y trouve toujours
use quafiUié d'eau suflisante , mais les nombreuses sinuo-
sités exigent une manœuvre continuelle*
« Ici la rivière est des plus belles : surfece unie comme
on cristal , courant intercepté à la vue par le rétrécisse-
ment du lit et des rochers, mugissement sourd desdraies
et des cascades ; rien n'est plus Tarie ni plus agréable que
le Colombia. On ne se lasse pas d'admirer la richesse , la
variété et la beauté des sites, que la nature offre dans
ces régions solitaires; des forêts vierges bordent les deux
rives, dans presque toute leur longueur; elles sont cou-
ronnées de naoniagnes également boisées. En remontant
le Colombia, on renconure çà et là d'assez larges baies,
au milieu desquelles de jolies petites îles, semées sur
les flots comme des groupes de fleurs cl de verdure,
présentent un coup d'œil charmant; c'est ici que les ar-
tistes devraient venir étudier leur ait, ils y trouveraient
les vues les plus pittoresques et les plus gracieuses qu'on
puisse imaginer : les couleurs les plus variées, les sites
les plus ravissanU sont prodigués sur celte terre. Plus on
tançait , plus les perepeclives étaient gi*andes et majes-
tueuses. EnDn le S août, le navire arriva au fort Fancou-
€6T, vei's les sept heures du soir. M. le gouverneur, homme
plein de religion , accompagné de son épouse et des per-
«omies les plus notables , se trouvait sur la rive pour nous
recevoir. Nous jetâmes l'ancre ; nous nous rendîmes aus-
«itût au foii , où nous fûmes SKMCueillis et traités avec toute
la coi*dialilé possible.
« Le 12, après huit jours d'attente, arriva le Rév»
M. Blancheu H n'avait pas reçu la leure que je lui avais
édite ; mais aussitôt que la nouwUe de noire arrivée lu
fut parvenue , il se hâta de nous rejokidro, accompagné
d'un bon nombre de ses paroissiens. 11 afvaît voyagé tout
Digitized by LjOOQ IC
483
«D joar et une mut sans s^arréier. Sa pésence nous oom-
Jda de joie. Qooique nous fassions très-bien au fort , nom
-déârioBS au plus tôt parvenir à Tendroit que la divine
Phïvidenoeuons avait destké ; les religieuses de leur cAté
soupiraient après leor nouveau couvent de fi^allameUe.
En conséquence M. Blanchet ^ok'donna les préparatife du
idqpart , et le 14 nous quiltAnies le fort VeokcmtiDer.
« Un adieu bien sensible nous restait à faire au capi*
laine de notre navire; il nous attendait au bord duflenve.
L'émotion Ait vive de part et d'autre : lorsque pendant
huit mois on a partagé les mêmes dangers, et qu^ensemble
on a vu si souvent de près la mort, on ne se sépare pas
sans larmes*
« Notre petite escadre se composait de quatre canots^
montés par les pproissiens de M. Blanchet , et de notre
chaloupe; nous remontâmes le fleuve, et bientôt nous en-
trâmes dans la rivière Wallameite^ qui se jette dans le
Cohimbia.
« Aux approches de la nuit , nous amarrâmes nos bar-
ques et nous allâmes camper sur le bord. Là nous nous
réunîmes autour du feu en table d'hôte assez pittoresque^
puis nous nous livrâmes au repos; mais les maringoums
Tinrent par milliers interrompre notre soipmeil ; les reli*
gieuses, auxquelles on avait cédé la tente, ne furent pa9
plus épargnées que oeux qui dormaient à la belle étoile*
Vous compr^ez sans peine que la nuit nous parut un pea
ioBgue; aussi fûmesHious sur pied au premier rayon dtt
jeor. J'aidai les religieusesi dresser on petit autel ; e'élai€
k 16 aoàt, jour de TAssomplion , léte qu'on ne célèfcvv
«osidbis ici qte le dimanche suivant. M. Blanchet ^A^k
fessnot ^Q:à&m^ Mis bftâotres communièrent.
« Enfin le 17, à onze heures du matin , on aperçât b
dière Mission de ff^oHamettc. M. BInncbet eut soin de
— 'dbyLjOOgk
Digitized b
484
faire iransporter nos bagages ; les religieuses furent coa-
duiles en charelle à leur demeure, éloignée d'environ cinq
milles de la rivière ; à deux Heures nous étions tous ras-
sembles et prosiernés dans l'église de ff^aUameUe, pour y
adorer et remercier notre divin Sauveur, par un Te Deum
solennel qui fut chanté avec une vive émotion.
« Le dimanche 18 , ici fêle de TAssomplion , dès huit
heures du matin on vit arriver en foule les cavaliers cana-
diens y qui avaient amené de loin leurs femmes et leurs
enfants pour assister h la solennité. A neuf heures la foùle
se pressa dans Téglise , les hommes d'un côté, les femmes
de l'autre, dans un ordre parfait. Vingt >enfant8 de duBur
environnaient Faulel; le Rév. M. Blanchet célébra le
saint Sacrifice. Quant à ses paroissiens, à peine civilisés >
9s nous édifièrent beaucoup [xir leur piété.
« Depuis mon arrivée dans l'Orégon , j'ai fait une
grande maladie; Dieu m'a accordé la guérison, et au-
jourd'hui, 9 octobre, date de ma lettre, j'ai le bonheor
de me mettre en route pour les Montagnes Rocheuses.
« Je suis,
P. J. de Smet , S. J.
« P. S. Dès le 9 septembre, en attendant que leur
maison fût habitable , les Sœurs commencèrent à instruire
en plein air les femmes et les enfants qui se disposaient k
la première communion. Le 12 , elles avaient déjà dix-
neuf élèves , âgées de 16 à 60 ans; toutes ces personnes
viennent de loin , apportent des vivres pour plusleufs
jours et couchent dans la forêt , exposées à toutes les in-
jures de l'air. On ne peut concevoir combien ces pauvres
gens sont avides d'instruction ; on consacre jusqu'à six
Digitized by VjOOQIC
485
heures par jour à leur enseigner le signe de la <Toix et
les prières ordinaires. Un jour, on apprii qu'une femme
était depuis deux jours sans manger; les chiens avaient
dévoré sa petite provision , et elle n'avait pas voulu re-
tourner chez elle, afin de ne pas perdre la leçon du ca-
téchisme.
« On ne saurait croire combien les Sœurs sont chéries
et respectées, et quelles démonstrations de reconnaissance
ces Indiennes leur témoignent; les unes leur apportent
des melons, les autres des pommes |le terre , du beurre,
des œufs , etc.
« Le couvent n'ayant encore, le 34, ni portes, ni
châssis, à cause de la rareté des ouvriers, on vit ces bon-
nes Sœurs, les unes s'essayer au maniement du rabot, les
autres placer les vitres , peindre les portes et les fenê-
tres, etc. Ce qui leur fait aésirer si ardemment leur nou-
velle habitation , c'est que déjà on leur a présenté un«
trentaine de pensionnaires Canadiennes , qui leur procu-
rei'ont le moyen de nourrir gratuitement les jeunes or-
phelines qui se trouvent abandonnées dans les bois. Ces
petites malheureuses, recueillies chez les Sœurs, pouiv-
ront ainsi recevoir des soins spirituels et corporels ; mais^
pour réaliser ce projet qui promet de si beaux ré-
suluts , il faudrait quelque secours qui permit de fournir
des habillements k ces pauvres enfants, le produit du pen-
sionnat ne pouvanl servir qu'à leur nourriture. Voici, du
reste, le brillant prospectus de ce pensionnat :
« Par irimesire : 100 livres de farine, 26 livres de
lard ou 36 de bœuf, 4 livres de sain doux , un sac de
pommes de terres , 3 galons de pois, ^ douzaines d'œub,
un galon de sel , 4 livres de chandelles, une livre de thé,
4 livres de riz.
« Cest au mois d'octobre que les Sœurs sont définit!*
Digitized
byGoogk
486
•
CBtrées dans leur coniHnt; le Rév. M. Blandiec
fiât pea après bénir leur chapelle avee tome la solen-
ailé pott3>le. Depuis ce momeiit dles ont le boobeur d*»-
voir tous les jours la sainte Messe, cpi'on des Pères nia-
iionnaires établis au lac Ignace, Tient y cél^M'er. Dès les-
premiers jours de leur installation , elles ont eu encore la
douce consolation de voir faire la première communion à
use trentaine de femmes, qu'elles avaient instruites et pré-
farces. Ces succès obtenus en si peu de temps ont fait
concevoir le projet de former une seconde maison de co
genre au village de la Cuhute. M. Blanchet et le P. de
Vos petlsent que la disparition des ministres protestants,
qui vient d'avoir lieu après d'infructueux essais, est une
circonstance bien favorable à ce nouvel établissement des
religieuses. Malheureusement la station de sainte Marie de
Wallamette fournirait à elle seule de quoi occuper douze
Sœurs , et elles ne sont que six.
« Nous apprenons avec plaisir , qu^aussitôt après
son sacre, Mgr Blanchet se rendra en Europe, afin de
Élire de nouvelles démarche pour obtenir encore douze
autres religieuses. Fasse le ciel qu'il réussisse, et que le
défaut de moyens pécuniaires ne mette pas un obstacle
insurmontable au grand sacrifice que, cette fois encore,
la pieuse Congrégation des sœurs de Noire-Dame s'impo-
serait avec la même générosité. »
Digitized
byGoogk
487
DIOCESE DE DUBUQUE.
ExtraUd^unehttredeM. Crétin, Missionnaire apostolique y,
d sa sœur.
Fort AtkinsoD. Ie22 jaio 1845.
« Matrès-cheresœur,
« Comme je vons Tavaîs annoncé dans ma dornître
lettre, je suis depuis quelques mois parmi les sauvages
Ouinébégo ou Puants. Ces pauvres Indiens paraissent
irès-bîen disposés; ils ont adressé au gouvernement péti-
tions sur pétitions pour en obtenir des prêtres catholi-
ques ; mais on ne fait nulle attention à leurs instances, et
malgré eux on continue à leur imposer des minisires
prolestants, qu'ils sont obligés de payer vingt-cinq mille
francs par an, bieq qu'ils ne les écoutent pas.
« L'année demièrç, je crus un instant que leurs \œnx\
si long-temps méconnus, allaient enfin être exaucés. La
fête de saini Jean-Baptiste avait été fixée pour l'ouverture
d'an grs^d conseil de la nation ; tous les chefs des Puants
et la plupart de leurs guerriers devaient s'y trouver
réunis, pour entendre les propositions d'un commissaire
du gouvernement, chargé de traiter avec eux de la vente
de leurs terres*
Digitized
byGoogk
488
« Les sauvages convoques dans renceinle du fort,
refusèrent d'y Unir leur séance, déclarant que leur cou-
tume n'était pas de se réunir en tel lieu ; qu'enfants des
champs et des forêts , ils ne savaient délibérer librement
qu'en pleine campagne , et non sous des remparts , en
face du soldat et à la gueule du canon. Aussitôt on donna
ordre de construire une immense tente de feuillage, à un
quart d'heure du fort ; des sièges y furent convenablement
préparés, et deux jours après , à dix heures du matin,
par un temps superbe, la première assemblée s'ouvrit au
bruit de l'artillerie.
« Tous les saiu âges étaient en grande tenue indienne,
parés de plumes et de panaches, et la face tatouée avec
des variations infinies. Le commissaire qui était le gé-
néral Doge, gouverneur du Wîsconsin, prit la parole et
leur dit quel était son message; il leur fit entendre qu'on
leur donnerait un très bon prix de leurs propriétés. Ce
prix se réduisait h payer environ cinquante centimes
l'arpent.de leur excellente terre, qu'arrosent six rivières
considérables, et dont l'étendue comprend deux millions
trois cent mille arpents. En leur enlevant ce vaste terri-
toire, on avait pour but d'en transporter les possesseurs
à Test du Missouri. Les sauvages ayant écouté cetie
proposition, demandèrent un jour pour en délibérer
ealr'eux ; ainsi la séance fut levée et renvoyée au len-
demain.
« Cette fois, le eoncours des spectateurs fiil encore
plus nombreux que la veille ; beaucoup de colons dee
rives du Chien encombraient la place du conseil , lorsque
parut le premier chef, le grand orateur de la nation
appelé ÏFakou^ Bien qu'il ne fût pas chréUen , on voyait
avec surprise briller sur sa poitrine un grand crucifix de
dix pences environ. Ce vieillard à cheveux blancs s'a^anoo
Digitized
byGoogk
489
avec dignité et avec une politesse peu connue des sau-
vages ; il salue les dames qui se pressent sur son passage
en grand nombre, leur tend la main , et leur adresse ces
paroles : «Je suis bien aise, mes soeurs, que vous assistiez
« à celte conférence ; votre présence nous prouve l'intérêt
« que vous prenez à notre sort ; je vous en remercie an
« nom de tous les hommes de ma tribu. » Puis, se tour-
nant vers le général Doge : « Mon frère, lui dit^il, je te
« revois ici avec plaisir; en te députant près de nous,
« noire grand père (le Président des Etats-Unis) ne
« pouvait faire un meilleur choix , car nous t'aimons
« tous ; tu as déjà présidé plusieurs fois à nos traités avec
« les blancs , et nous nous sommes applaudis de ta
« loyauté ; tu as toujours été un ami pour notre nation,
« nous espérons que tu seras encore notre défenseur
« auprès de noire grand père. Si je parle seul aujotuv
« d'hui , garde-toi bien de croire que je sois seul
« capable d'exprimer les sentiments de ma tribu ; tous
« les chefs ici présents savent manifester leurs pensées;
« mais habitué dès ma jeunesse à porter la parole dans les
« conseils^ on m'a élu comme le plus ancien pour défeo-
« dre, au nom de tous, nos intérêts communs.
« Tu viens, dis-tu, de la part de notre grand père,
« nous demander la cession de notre territoire? Mais
, c aurait- il oublié les magnifiques promesses qu'il m'a
c faites à Washington, à deux époques diflerentes? Pour
« moi , il m'en souvient comme si c'était ajourd'hui ; * je
« reçus dans cette vilie le plus gracieux accueil ; tout le
c monde était enchanté de me voir , de me montrer ce
« qu'il y avait de curieux dansles cités que je traversais;
« les marques du plus entier dévouement nous étaient
« prodiguées ; on nous disait qu'on ne nous inquiéterait
« plus sur les terres où nous nous retirerions, et ea
Digitized
byGoogk
490
m àgsii d^mie inakâraUB aUitneft oirne donna mte m^
« daiiie d^arevit, représentant deux mains enlacées. —
« Gomfites snr moi , me disait le grand père; je Yons
« défendrai loujonrs; Yons serez mes eafonls; si l'os
«' tous £ait quelqne tcvt, adressas^toos toujours à mon
« vos sujets de plainte cesseront dès qu'ils me seront
« connus, et je vous défendrai. — Et moi, simple enfisint
« de la nature, qui n'ai qu'une langue , je croyais à la
« sincérité de ces promesses; mais, voilà que malgré nos
« réclamations , toutes nos affaires ont été administrées
« sans même nous consulter. On a renvoyé des agents
« que nous aimions pour nous en donner d'autres, sans
« prendre noire s^is. Nous avons adressé des pétitions
« auxquelles on n'a eu aucun égard. On nous avait bien
« promis qu'on nous laisserait toujours sur les terres
« que nous occupons, et déjà on veut nous envoyer je ne
« sais où? Mon frère, tu es notre ami, dis à notre grand
« père qu'avant de prendre le chemin d'un nouvel exil,
« ses enfants ont besoin de faire ici une balte plus
« longue : l'arbre qu'on transplanterait sans cesse , ne
« tarderait pas à périr.
« Pour se dispenser d^étre juste envers nous , on
« nous accuse d'être la nation la plus perverse qui soii^
« sous le ciel. Si le reproche nous était fait par des
« Indiens, je montrerais qu'il est exagéré. Mais ce sont
« les Blancs qui nous l'adressent , et je me borne à ré-
« j>ondre qu'il retombe sur eux. Pourquoi nous imputer
«- des vices que vous mêmes avez fomentés? pourquoi
« venez-vous nous tenter jusqu'à la pprte de nos cabanes
« avec votre eau de feu, si destructive de notre tribu ?
« s'il se commet des crimes parmi nous, c'est par suite
« de l'ivresse; et qui nous enivre? qui? des honmies
« avides qui nous vendent du poison au prix de nos
« dépouilles.
Digitized
byGoogk
491
«Comme ttf m'as iimtéi ce faire tatit6s4es4
« qw jjê croirais vtHes ï ma natioii, permets qu^vimldit
« finir je t'en adresse une de la plus haute ioqxirtattoe»
« Hêtre grand père nous aiait dit : — Je vons enverrai
« des hommes qui vous apprendront à bien: vivre. — '
« Ces hommes sont venus en e&t; mais quoiqu'ils
« soient assez bons , nos enfants ne les écoutent pas
« mieux que nous. C'est que nous voulons des Prêtres
« catholiques. Ceux-là se feront mieux écouter, sois-en
« sûr. Je prends Dieu à témoin que ce que je dis est
« Texpressîon des voeux de ma nation; j'en prends
« aussi à témoin les chefs ici présents. » Et tous les chefs
firent entendre un murmure approbateur, sans qu'il
s'élevât aucune réclamation. Alors le commissaire déclara
que sa mission était remplie, et qu'il rendrait au grand
père un compte exact de tout ce qui s'était passé.
«■
« Le lendemain, les sauvages demandèrentencore une
{^semblée. Plusieurs autres diefs prirent la parole , et
ne firent qae confirmer ce qui avait été dit la veille;
maïs avant l'ouverture de la séance, le grand orateur
ayant exprimé le désir que je \Jnsse m'asseoir à côté du
président, je fus mvité à prendre la place du comman-
dant du fort, ce qui n'a pas peu étonné beaucoup de
protestants. Si Dieu lève enfin les obstacles qui s'op-
posent à mes desseins, j'espère avec sa grâce contribuer
à améliorer la condition de ce pauvre peuple.
« Je suis encore seul ici , avec une famille sauvage
dont la mère , très-bonne chrétienne, parle un peu
français; logé dans une maison formée de troncs d'arbres
couchés horizontalement l'un sur l'autre , et recouverte
d'écorce^ j'ai à peu près le nécessaire. Les deux plus
I^us grands inconvénients du pays sont les serpents à
sonnette et les cousins. On ne peut marcher avec assu-
Digitized
byGoogk
492
pance dans les bois et les prairieSi surtout près des ri-
vières, où à chaque pas on entend bruire la queue de cet
aOreux reptile; il est très rare cependant quMI morde ;
il n'attaque jamais, à moins qu'on ne Tait prévenu en le
foulant du pied dansTherbe.
« Les cousins sont encore plus inquiétants; feu suis
dévoré depuis trois jours , sans avoir un instant de repos
ni le jour ni la nuit. Ils sont ici par myriades. Mes
pauvres chevaux se roulaient ce soir à terre pour s'en
débarrasser ; ne pouvant plus tenir dehors , ils ont cassé
teurs harnais et sont venus se caclier dans Tétable, où ik
ne se sont pas mieux trouvés. Je porte des gants de soie,
je chausse des bottes, je couvre ma face d'une gaze pour
éviter la piqûre de cet insecte incommode ; mais pendant
h messe il s'attache à mon chef dépouillé, alors sans dé-
fense; et bientôt ma tête enfle d'un demi-pouce au moins,
pour une demi -journée.
« Je termine ma lettre à la prairie du Chien , ce 9
juillet. Je ne dis rien des divers dangers que j'ai courus,
et auxquels j'ai échappé par la grâce de Dieu. Continuez
bien de prier pour moi.
« Votre tout aifeciionné frère ,
« J. Cbetin^ Miss^ tipost. »
• Digitized
byGoogk
493
DIOCÈSE DE VINCENNES.
Extrait d'une lettre du P. Sorin, de la Société de
Notre-Dame de Sainte Croix, d M. le Supérieur de la
même Société^ au Mans.
NoUoaa56ibi. 22 janTÎer ii\ô.
« Mon RÉvéEEIlD PÂREy
« J'arrive, et je bénis le ciel de me ramener au milieu
de mes chers néophytes. Les sauvages sont à cinq lieues
d'ici, dans les bois; dans deux ou trois heures ils vontéire
avertis de mon retour ; ils seront auprès de moi cette nuit
même. J'ai dû m'informer tout d'abord de leur persévé-
rance ; voici la réponse que l'on m'a faite : « Père , le
« changement de cette tribu est devenu le sujet de toutes
« les conversations du pays. Jusqu'à Fhiver dernier
« c'était une bande d'ivrognes et de voleurs, le scandale
« et l'effroi de tout le voisinage. Depuis leur baptême, ce
« ne sont plus les mômes hommes : tout le monde admire
c leur sobriété, leur honnêteté, leur douceur, et surtout
« lear assiduité à la prière ; leurs cabanes retentissent
« presque continuellement de pieux cantiques. »
« «C'est un mystère pour moi, me disait tout à l'heuve
« un vieux chasseur canadien , que le spectacle de ees
Digitized
byL^OOgk
494
c Indiens (els qu'ils sont aujourd'hui. Croiriez- tous que
« j'ai vu de mes yeux ces mêmes sauvages , en 1813 et
« 1814, livrant au piUûge et aux flammes les habita-
« lions des blancs , saisissant les petiis enfants par le
a pied et leur écrasant la tête contre les murailles , ou
« les jetant dans des chaudières bouillantes? Et mainte-
« nant^ à la vue d'une robe noire, ils tombent à genoux,
a baisent sa main comme des enfants celle d'im père; ils
« nous font rougir nous-mêmes ? »
« La cruauté parait avoir été, en effet, la plus saillante
de*leurs inclinations naturelles. Lors du fameux traité
de Harisson avec la nation indienne en 1815, quand le
Président de TUnion, après avoir reproché au chef de la
tribu son ancienne barbarie, lui fit demander s'il oserait
bien encore commettre quleque acte du même genre :
« A la première occasion que j'en trouverai, » répondit
fièrement le sauvage. L'armée des Etats-Unis parvint ,
après mille dangers, à les refouler dans leurs forêts, et
finalement à leur imposer la loi ; maïs il n'appartenait
qu'aux ministres de Jésus-Christ de changer ces oobuk
farouches, et d'en faire des hommes en en faisant des
chrétiens.
« Je viens de visiter un de leurs anciens cimetières.
On voit encore distinctement chaque tombe. Avec eux
on "enterrait leur carabine, leur casse-tête, leur corne à
poudre, leur pipe et leur plus bel habit. D'après une vieille
tradition ils demandaient, en mourant, qu'on ne Bt
pas passer la charrue sur leurs corps. Moins heureux que
leurs descendants , ils ignoraient encore qu'il y eàt
quelque chose de meilleur à solliciter de ceux qui leur
survivaient. Cette réflexion me fait souvenir d'un fait
iréceiH, -dont nom avens tous été beaucoup édifiés. €ne
'iveuve tiidimoe vînt à perdre Také de ses deux fife,i
Digitized by LjOOQ IC
495
TÎBgl-bttû listes de Soath-Bena. EHe sacrifia le peu qui
loi restait pour fitire apperier les >estes du cher défnt
dans le cimetière de Notre-Dame du Lac. Pïmvre mère I
il jr avait treize jours que le convoi fen^jreétait en marchei
quand il arriva à l'église. Linfidèle qu'elle avait gagé
pour lui rendre ce service, ne pouvait s'empêcher lui-
même d'admirer, dans une femme sauvage, un pareil ^uste
de religion.
« Quand un Indien a embrassé h prière , vous diriez
presque qu'il ne pense plus à autre chose. Il y a deux
mois, un de ceux que nous avons convertis avait cru me
voir passer dans la diligence, à quelque distance de Na-
taouassibi ; deux heures après, tout le village était aocouru
de plusieurs lieues à l'endroit où ils supposaient que je
devais m'anéter. Gnq joùi'S entiers, m'assure-t-on , ils
restèrent là à m'attendre, pensant toiy'ours que j'allais
venir. Pauvres sauvages I si j'avais soupçonné leur nié-
prise I Aujourd'hui je les attends à mon tour , et plus
heureux qu'ils ne l'ont été, je ne serai pas frustré du
plaisir de les voir.
« Ke suis-'je pas trop heureux aussi , non révérend
Père, de trouver une si belle occasion de vous éonre ,
après avoir en vain cherché qudques heures pour le faire,
depuis cinq ou six jsemames ? Je vais donc, puisque j'en ai
le temps, passer en revue toutes nos œuvres, vous entre-
tenir de nos projets, et vous confier toutes nos«spérances.
« Je ne vous parlel*ai point du collège que vous cou-
Baissez; nous y avons déjà trentenleux élèves, c|ui eussent
ÎMitilement cherché ailleurs, à plusde deux cems milles à
la ronde, une éducation chrétienne. Le manque |>re6que
total de récoke, l'année d^ni^, nous prive d'en ammr
davantage. Je nentionaei'ai à peine notre nouveau novi-
ciat de Xrùres , quelque dvilicieux qu'il paraisse à tous
Digitized by LjOOQ IC
496
ceux qui le visitent. Cest déjà beaucoup qu'il soit fondé
dans rUe Sainte-Marie, qui, de Taveu de tous ceux qui
y pénètrent, est un des plus beaux sites qu'on puisse ima-
giner. Ces humbles murs, dont la conslrucûon n'a pris
que huit jours de travail , sont aussi riches d'avenir que
ceux du collège. C'est là que je demeure depuis deux
mois avec seize novices , dans une petite cellule de sept
pieds sur six, plus content et plus iieureux que jamais.
« Toutefois , ce qui nous rend cette ile Sainte-Marie *
si chère à tous, ce n'est pas tant sa beauté naturelle^ que
la richesse mestimable des privilèges dont elle est dotée*
L'Archiconfrérie vient d'y être canoniquement érigée
pour tous les catholiques du pays ; j'allais aussi ajouter
pour les protestants ; et pourquoi non? Si cette Associa-
don de prières a pour but la conversion des pécheurs,
chacun d^eux ne peut-il pas dire avec saint Paul : Quo-
rum primus ego sumP Nous avons achevé il y a quelques
' semaines une chapelle dédiée au cœur immaculé de la
sainte Vierge ; Marie ne l'a pas laissée vide de témoi-
gnages sensibles de sa protection et de son amour.
Le jour de l'Epiphanie, une famille respectable du pays
(le père et six enfants), guidée par l'éloile du salut, venaic
chercher à Notre-Dame du Lac sa régénération dans les
eaux sacrées du baptême ; quelques jours après, la mère
de cette famille, cédant aussi à l'empire de la grûce, de-
mandait à jouir du bonheur de ses enfants, en abjurant
à son tour ses erreurs.
« Le reste de la nuit ne me sufiSrait pas, mon révéirend
Père, pour vous décrire tous les pieux monuments que
je vois dici se grouper autour de la chapelle du saint et
hnmaculé cœur de Marie. Que n'anrais-je pas à vous
dire^ d'abord, de ces modestes ateliers, où tant de petits
malheureux, sans ressources, vont trouver, avec unepr^
Digitized by LjOOQ IC
497
fession honorable, des exemples et des leçons qui feront
d'eux, un jour, h consoladon de TEgiise catholique^ et
Thonneur de la société.
« Voyez, un peu plus loin, ces chers petits orphelins
dans leur asile. Ils sont venus à Noire-Dame couverts dt
haillons, transis de froid et mourant de faim. Les eussiei-
Tous repoussés, bon Père? et quand vous n^aurlez point
eu de pain assuré pour le lendemain, n*auriez-vous pas
partagé celui du moment avec ces petits affamés?
« Que je vous montre encore une chose que Dieu a
faite au sein de ce désert, et que je ne puis considérer,
d'ici même, sans que mes yeux se remplissent de larmes*
Nous sommes an milieu de la nuit, le spectacle n'en sera
que plus beau. Voyez -vous sur les bords de ce lac qu'on
vous a tant vanté, voyez-vous ces trois lumières? Ce sont
les lampes solitaires des trois chapelles que le Seigneur a
fait élever à sa gloire par les mains de vos enfants. N«
TOUS serable-t-îl pas entendre Jésus-Christ répétant k
jour et la nuit a notre communauté naissante : « Ne crat^
« gnez pas , petit troupeau. Je ne vous laisserai point
« orphelins. Voici que je suis avec vous. Deliciœ meœesn
« cumfiliishominumP»
« Si on m'avait dit, il y a deux ans, lorsque nous ar-
rivions sur les rives de ce lac alors couvertes de neige, que
sitôt les arbres d'alentour auraient fait place à tout ce
qu'on y voit aujourd'hui ; si l'on avait ajouté que duift
deux ans, du même coup d'œil on pourrait voir briUer ,
au milieu de l'obscurité de la nuit, ces trois biapes attu-
inée$ devant trois différents tabernacles du Dieu vivant,
Taurions-nous pu croire? Aujourd'hui que les résultais
ont dépassé toutes nos espérances , ne devons-nous pos
dire avec le Palmiste : « Ce changement est l'œuvre àm
Très* Haut?» Si nous n'avions le calice du salut à oflnr
TOM. XTU. 103. DigitizedSJ^OOgle
49S
dkkqàe mti^M, que rendrioM-iiovs aa Seignewr paat tant
àôljimbiiB doni il nous a comblés? Oui, fiusîons-itoiis
eocore plus dépourvus et plus souffirants^ si Jésus-Cbrist
c#( si près de nous, nous sommes assez riches, assez bien
gprdés. G^'lui dont la main nourrit lès petits oiseaux , et
qui donne aux lis des champs leur parure, sait bien ce
qiii nous est nécessaire. Depuis plus de trois ans que nous
soaunes sur cçite terre étrangère , aux soins journaliers
du 8auveur Jésus , que nous a-t-il manqué? Rien, Sei-
gneur, rien.
, «) Il esc vrai que le retard des secours sur lesquels nous
coiiplions, joint au manque de récolte, nous a jeiés dans
de ^nds embarras ; mais j'aurais honte de craindre.
Personne ne mourra de faim à Notre-Dame du Lac. Nos
espérances ne seront point confondues ; nos églises s'élè-
vtront; le mouvement donné, de jour en jour ira pro^
gressaut ; les infidèles , les protestants et les sauvages
».#root évangélisés ; le nom dp Dieii , mieux connu , sera
aiuf»! plus aimé et béni dans nos solitudes.
m Et cependant, si la confiance avait dû nous man-
quer, c'eût éié aux premiers jours de notre établissement.
Qui d'entre nous a oublié ce long voyage de Saint-Petersà
Notre-Dame, oà nous cheminions sur une neige qui n'avait
pAs moins de cinq pieds d'épaisseur? La rigueur du froid
Hait extrôme. Nous couohioM sur la plancher; une seule
ciwvertHre servait pour trois; l'un de nous voilait à l'en-
UMiea du feu, ec aliuKOtait le foyer pendsiic la met. El
malgré tCNHW les fatigues «c les eonlre^tanps, notre petite
Gokmm était heturenset ec personne se laitta éebapper
tam piÀinu* Lorsque h faim uoussatsissaileB roote^ nous
mtm âdrasaiûDS au firère Vincent, notre écoMme; alors il
fmnMJt na p»D, le plaçeit sim* un iroae d'arbre, et par-
«ipaicv eprfei^rois ott quaûre vigaoreBx coups de hache»
Digitized by LjOOQIC
499
â en détacher quelques morceanx, que nous mangions
avec autant ^'appétit que les mets les plus friands.
€ Adieu, bon Père, recevez l'assurance du respect,
de la reconnaissance et du déronement de votre chère
famifte de Notre-Dame du Lac. Bénissez-la du fond de
votre cœur paternel ; c'est Tardenie prière de votre afiec-
tiosnéfils,
« E. SoBm. »
Dans une autre relation, le même Missionnaire donne
les détails suivants sur les sauvages soumis à sa dfreo
tioD spirituelle.
« La plupart des Indiens qui nous avoîsinent sont de
\a prière j c'est-à-dire catholiques. Il n'y a que douze ans
qu'ils sont convertis, et bien qu'ils aient eu beaucoup à
souffrir de la part des blancs, je ne sache pas qu'un seul
ait abandonné la religion. Quoique naturellement mous et
indolents, une fois qu'ils sont instruits, ils se montrent
zélés et ardents pour les pratiques de l'Eglise ; la seule
chose qu'ils paraissent avoir à cœur, c'est d'être bons
chrétiens; le commerce, les ricliesses ou les plaisirs de la
vie présente ne semblent leur faire aucune impression.
Pourvu qu'ils puissent recueillir quelques épis de mais ^
tuer quelques chevreuils ou quelques chats sauvages, et
puis venir saluer quaniah (la robe noire) ils sont con-
tents.
« Ils sont communément d'une taille élevée et même
majestueuse. Leur caractère d'aujourd'hui me semble
très-doun ; et tependanl je sais qu'il y a dix ans, ils ne
tenaient pas plus & la vie de leurs camarades qu'à celle
de leurs chevaux. D'après le portrait digne de foi, que
Digitizlc^y*LjOOgle
600
plusieurs personnes m^en ont fait , ces mêmes sauvages
que je trouve si bons maintenant, étaient d^une cruauté
à faire frémir. On me parlait dernièrement d'une Indienne
qui^ pour une légère injure, avait froidement £ait asseoir
sa propre sœur sur un billot devant elle, pour lui fendre
la téie, à son aise, d'un coup de hache.
« A la barbarie ils ajoutaient une incroyable supersti-
tion. Quelquefois au plus fort de l'hiver, ces hommes si
fiers et si cruels étaient tellement épouvantés d'un songe,
que dans la crainte d'avoir déplu au Grand-Esprit , ik
s'imposaient à eux-mêmes les pénitences les plus sévères,
oomme , par exemple , de monter au haut d'un grand
arbre de la forêt, et d'y rester sans boire ni manger,
pendant deux ou trois jours, jusqu'à ce qu'un nouveau
songe vint leur apprendre que la colère du malure de la
vie était passée. Alors ils descendaient, reprenaient leurs
fusils, et le premier gibier qu'ils rencontraient, devait
faire les frais d'un festin pour tout] le voisinage, sans
qu'il fût permis^au chasseur d'en>ien goûter. Ce n'était
que de la seconde pièce qu'il pouvait [rassasier sa faim.
Depuis que la lumière deTEglise abrillé^sur eux, ils sont
devenus aussi doux , aussi humains , quelquefois même
aussi pieux que les meilleurs chrétiens d'Europe. Le
vol est inconnu parmi eux , ainsi que le mensonge ; ils
ignorent de même la plupart des vices des peuples
civilisés.
Digitized
byGoogk
£01
Statistique de V Eglise catholique aux Etals-Unis en 18^6,
adressée par Mgr PurceUj Evêque de Cincinnati^ d
MM. les Membres des Conseils centraux de Lyon et de
Paris.
Ohio, 10 mars 1845.
« Ualmanach caibolique de cette année vous aura, sans
doute, déjà annoncé qu'il y a maintenant dans les Etats-
Unis, sans comprendre le Texas qui va nousélre annexé,
21 diocèses et un vicariat apostolique, 675 églises et 592
chapelles, 572 prêtres engagés dans les Missions, 137
prêtres dans les collèges et séminaires, 22 institutions
ecclésiastiques , 220 séminaristes , 28 collèges et écoles
supérieures pour les jeunes gens, 29 communautés reli-
gieuses , 94 sociétés catholiques de bienfaisance > et une
population catholique évaluée à 1^300,000 âmes; peut-
être même va-t-elle considérablement au delà.
« Les statistiques comparatives présentent des résul-
tats qui ne sont pas moins intéressants^ car elles constatent
les progrès continus de notre sainte Religion dans ce pays.
Ainsi en 1835 il y avait aux Etats-Unis 13 diocèses, 14
Evéques, 272 églises, 327 prêtres, 12 séminaires ci 9
collèges; et dès l'année 1840 on comptait déjà 16 dio-
cèses, 17 évoques, 454 églises, 482 prêtres, 18 sémi-
naires et 1 1 collèges ; enfin en 1845 il y a 21 diocèses ,
1 yicariat apostolique, 26 Evéques, 675 églises, 709
Digitized
byÇoogk
prêtres, 22 sémi^ires et 15 collèges, sans parler de Tac-
croissement des communautés de femmes et des écoles pour
les demoiselles.
« Ce calcul, Messieurs, vous montrera que vos dons
géucreuK ne tombent pas sur une terre stérile, et que
les fidèles de nos diocèses sont disposés à rivaliser «vec
leurs frères d'Europe, avec celte contrée si éminemment
catholique , qui nous prodigue depuis tant d'années ses
aumônes avec une piété au-dessus de tout éloge.
Digitized
byGoogk
6Ùi
MISSIONS DU LEVANT*
Lettre de Mgr HiUereau , archevêque de Petra^ el vicaire
apostolique de Constanlinople , à M. Vahbé Boujf,
chapelain des Dames-CarnxéUtes^ à Marseille.
CoastoniUiople, le 4 mai 1^44.
c Mon CSBH ÂBBÉ ,
« Depuis mou retour de France à Constanlinople , êm
occupations de tout genre ne m'ont pas permis de i
plir les promesses que je vous avais biles. Vans
sur une longue lettre , car vous m'avez répété
fois : EeriwA-nm longuemmi ; je veux satisfaire vios d^
sûrs, je le dois même, puisque votre obligeance &« se fc^
(ose à auottne peine quand il s'agit de me rendre sefvioit
€ Pour trouver du charme au récit des événements ^
pour suivre et comprendre les moindres incidents dont ïiê
se compliquent, il faut préalablement connaître bien déd
choses sur le pays dont on parle. Ainsi , vous suives avec
beaucoup d'attention et d'intérêt tout ce que 11» joummi
pablieni ^tr les diocèses de France , parce que la cou*
Digitized
byGoogk
604
fonnité dans les usages religieux , l*aiial(^îe et Tunilé
dans Torganisation ecclésiastique, font que vous êtes tout
de suite comme sur les lieux, et placés au point de vue fa-
vorable pour bien juger de l'action. Quant aux missions,
I n'en est pas ainsi : le plus souvent Pimagination erre
ea quelque sorie dans des régions idéales; ni les instru-
ments, ni les agents des faits ne sont assez connus pour
donner une couleur fixe au tableau que Tesprit se re-
présente. Je vais donccommencer^ en vous donnant des no-
tions précises^ par vous mettre en état de tout lire à l'avenir
sur ces Missions avec autant d'intelligence que vous le
furiez si vous aviez séjourné longtemps dans le Levant, si
vous aviez tout vu et observé avec autant de soin que U
pins infatigable touriste.
« Je sortirais de mon sujet si je vous parlais de Pétat
de ces contrées dans les temps anciens ; c'est à l'histoire
à vous dire ce qu'elles ctaienlàrépoqueoùlepaganismeet
la fable y avaient établi leur empire; et, plus tard, ce
qu'elles devinrent quand les courageux chrétiens d'Europe
vinrent, avec leur redoutable épée, tracer au milieu de ces
provinces une route qu'ils parcouraient par centaines de
mille, pour aller retremper leur foi au berceau du chris*
tianisme. Je vous renvoie aux mêmes sources pour ap-
prendre ce qu'étaient ces contrées, lorsque le vieux tronc
de l'empire romain s'y desséchait jusque dans ses der-
nières racines. Il £iut parler de l'Orient tel qu'il est au-
jdQrd'hui , et de l'organisation qu'il a subie après quatre
siècles d'occupation par un peuple qui est resté à côte
des vaincus sans rien faire, ni pour le pays, ni pour les
hommes ; qui a laissé au temps la peine de détruire tous
les monuments ancienssans presque rien élever àleur place»
et qui a établi sur des décombres un trône qui s'est
promptement assimilé lui-même à des ruines. Aujour-
Digitized
byGoogk
505
d'Itui on peai Yèair.en Orient pour y contempler des mi-
nes immenses, pour exhumer les souvenirs d'un passé
plein de grandeur, et en quelque sorte pour y voir , dans
le mélange des peuples et dans la confusion des institu-
iions contraires , une autre Babel , dont la construction
semble plus avancée que ne Tétait celle dont parle
Moïse.
« Dans cette lettre sur la Turquie , je ne vous entre*
tiendrai que de sa constitution religieuse et de Toi^anisa-r
tion civile qui en découle.
« A Constantinople et dans le reste de Tempire , tous
ceux qui font profession de Tislamisme composent la
famille turque ; de quelque race ou pays qu'ils soient ori-
ginaires, dès qu'ils embrassent le Coran^ ils sont par
ce seul fait considérés comme membres de la nation.
Seuls , les Turcs sont aptes à remplir les emplois qut
donne le gouvernement et ù porter les armes ; bien plus,
il n'y a qu'un musulman dont le témoignage soit reçu en
justice contre un musulman, même dans le cas où le dé-
bat serait entre un turc et un raya. Ainsi , un chrétien,
dans un procès avec un mahométan, doit nécessairement
trouver des témoins qui professent la religion de la par-
lie adverse : les titres écrits ne compteraient pour rien ;
le témoignage des chrétiens n'est admis que dans les af-
faires des chrétiens entre eux*
€ Sous l'autorité et dépendance des musulmans , se
mmvent ensuite autant de nations qu'il y a de croyances
rdigieuses; et, parmi lés chrétiens , ces nationalités se
fractionnent en autant de catégories qu'il y a de ri is ou
lie liturgies diOërentes; enfin, au sein de chaque rit,
ceux qui professent la foi catholique forment une nation
distincte, et les hérétiques en fent une autre. Chaque
eorp6 ou lambeau de nation conserve sa langue, a un
Digitized
byGoogk
506
cfaef parlicultâr ^ élu par les naïaUes, ei sMotisi par h
Porte à gouveroer ses MlioiniQX.
« Voici la nomenclature de ces nations ; ce sont 1° les
Francs. On entend par là tous les sujets des puissances
européennes, domiciliés ou de passage, soit a Consianti-
nople , soit sur quelque autre point de l'empire ; ils ne
relèvent que des ambassadeurs respectifs , ou des consuls
et agents consulaires, dans les différents lieux où ils se
trouvent. 2^ Les Raya$. Ce mot désigne tous ceux qtti
^sont sujets du sultan, mais qui ne professent pas
r^lamisme. Parmi eux on compte : — Les Lalins-Rayas^
ou catholiques qui sont du rit latin ; ils ont un cbef
à Constàntinople, quoiqu'ils soient peu nombreux : —
les Grecs i qui ont à Constantinople un patriarche
chargé de leurs affairés nationales et particulières; dans
tes provinces, les Evéques sont , pour les intéréu tem*
porels, des espèces de sous- gouverneurs qui relèvent
de lu'.
« Dans là nation grecque se trouve la snbdiYisioo
des Grecs mekhites , qui habitent la Syrie et autres pro-
TÎnces voisines; les uns sont hérétiques, e? ceux-là sont
administrés par les Evéques que leur envoie le patriar-
che hérétique de Constantinople ; les autres professent
notre foi et ont à leur tête un prélat qnî a le tif re de Pa-
triarche d'Antioche, bien qu'il ne soit reconnu par la
Porte Ouanane que comme simple métropolitain. Il a
•otis lui une douzaine d'évéques, à laide desquels il gour
verne son peuple poui* le temporel et pour le spirituel,
iadépendanunent de tout autre chef raya* 3" Les Jrmé*
niesis. Leur supérieur, fixé à Consuntinople, est qualifié
par la Porte Ottomane de patriarche, mais dans TEglûe
nationaie il B!en a ni le rang ni le titre.; le vrai patriar^
che estrEvéfue d'Esmia^cim, aujt confins de h Géorgie t
Digitized
byGoogk
607
aujourd'hui du domaine de la Russie. Le patriarche ar-
ménien de Constantinople gouverne sa nation pour le
temporel et pour le spirituel par Tentremise d'£véquds
et vicaires , ses subdélégués. Au sein de la nation ar-
ménienne existe la subdivision des catholiques, qui for-
ment un corps à part. Grâce aux gouvernements eu-
ropéens , et spécialement à la France , ils ont éié déta-
chés de la nation hérétique par un Firman ou décret im-
périal donné en 1831, Depuis lors , ils ont un supérieur
ecclésiastique, simple prêtre, qui est accrédité auprès de
la Porte comme patriarche , et en exerce l'autorité quant
au temporel; il fait administrer, hors de Constantinople,
par des subdélégués, partout où il y a des catholiques de
son rit. 4^ Les habitants du Moat Liban appelés Maro-
mt€$. Ils ont été jusqu'ici, po»r le temporel, sens le
goavernement d'un prince portant le titre d'émir; povr
le spirituel , ils relèvent d'un patriarche assisté de pith
sieurs Evéques , qui n'ont eu jusqu'à ce moment aucune
rebUon avec la Porte Ottomane. 5® Les Syriens. iJn pa-
triarche reconnu par la Porte, gouverne pour le temporel
et le spirituel les hérétiques de cette nation , auxquels où
donne ordinairement le nom de«/acoit/^:sarésidenceha-
bîtuetle est à Merdi n , en Mt sopotaroie. Ceux d'entre les Sy-
riens qui professent notre foi ont un patriarche à Alep; c'est
lui, avec les Evéquesqu'il nomme, qui dirigeeepetit trou-
peau. 6^ Les ChcUdéens. Les membres hérétiques de cectft
nation, connus sous le nom de NeHoriens , ont un chef
chargé du tempord et du spirituel avec le titre de F«-
triarehe; sa résidence était naguère à quelque distance
de Mossul, où dernièrement il a dû se retirer et fixer son
$éjour. Les Oialdéens catholiques ont à leur tête un pa
triarehe résidant à Bagdad. Son autorité, n'étant pas re-
connue par la Porte, ne s'est exercée jusqu'ici que sous la
dépendance directe des pachas des provinces ; mais oa
Digitized
byGoogk
508
agit actuellement auprès du pouvoir pour le faire agréer
cdinme chef d'une nation , et on y réussira sans doute.
7^ Enfin les Juifs noéones forment une catégorie à part ,
sous la Présidence de leur grand rabin^ qui a, lui aussi,
ses subdélégués et agents, au religieux comme au civil.
« Dans les grandes villes, ces diverses populations
occupent des quartiers différents , parlent chacune leur
langue, et n*ont de relations que celles que les affaires et
les besoins de la vie nécessitent; chaque individu s'occ^ipe
de sa petite nation, comme si elle était seule dans le pays ;
chacun traite de ses intérêts auprès de Faulorité musul-
mane^ et quelquefois avec plus de rivalités et de jalou*
sies que les royaumes entre eux.
« Vous pouvez maintenant , après ce que je viens de
vous dire, vous former une idée de l'organisation reli-
gieuse et ecclésiastique de ces contrées. Chaque langue
ancienne forme une Eglise , et chaque Eglise une nation..
Nous avons donc en Orient, d'abord des Latins qui ont des
Eglises à Constantinople et dans quelques autres villes de
la Roumélie. Au même rit appartiennent diverses riiré-
tieatés en Moldavie, en Yalachie, en Bulgarie, en Servie,
en Bosnie et en Albanie, sous la direction d'Evéques qui
relèvent directement de Rome. Après ki liturgie latine,
viennent les liturgies proprement orientales : la liturgie
^-ecque^ Tarménienne, la syrienne, la chaldéenne et la
OQphte ; c*est-iklire les Eglises où Ton se sert des langues
grecque, arménienne, syriaque, chaldéenne et cophte.
« Voulez-vous maintenant savoir comment les affaires
de ces Eglises sont traitées auprès du gouvememeilt ,
quand son intervention est nécessaire? Si les Eglises dont
il s'agit appartiennent aux Européens ou Francs , c'est
l'ambassade de France ou Fambassade d'Autriche qui
doit agir directement , et sans que les supérieurs ec-
Digitized
byGoogk
609
clésiasliqaes aient à paraître. S'agit-il de personnes
rayas ou d'églises appartenant aux rayas? l^affaire doit
être portée au reis-effendij ou ministre des affaires étran-
gères; toutes les questions religieuses sont de sa compé-
tence, et elles doivent être poursuivies auprès de lui par
les patriai*ches respecii& résidants à Constantinople, de
conceri avec les parties intéressées qui doivent aussi se
transporter à la capitale, s'il y a à débattre de grands in-
térêts. Quant à la manière dont elles sont traitées et ter-
minées , je n'entrerai pas dans le détail ; il y aurait trop
de choses à dire sur les lenteurs de l'instruction, et sur les
moyens de lever les difficultés.
« La multiplicité des affaires religieuses portées à
Constantinople , fait penser à organiser les divers rits
dont se compose le catholicisme en Orient, pour en
former un seul corps ; c'est une œuvre ù laquelle l'ambas-
sade de France donne toute sa sollicitude, et de son côté
la Porte Ottomane y prêle volontiers la main, pour
soustraire ses rayas aux influences d'une intervention
étrangère. On profite de ce que les chefs des principales na-
tions orientales sont ici, pour traiter d'une combinaison
et la rendre la moins mauvaise possible : celle à laquelle
on paraîtrait s'arrêter de préférence, serait de prendre le
chef orthodoxe de la nation arménienne pour chef tem-
porel de tous les rayas catholiques, en le chargeant de
résoudre, d'intelligence avec un agent particulier de
chaque corps , toutes les questions qui demanderaient
fe concours du gouvernement. A la fin de Tannée pro-
diaine, je pourraivous faire connaître le résultat de cette
grande et importante mesure.
« Voilà pour ce qui regarde le catholicisme en gé-
nérai. Quant à ce qui nous concerne en particulier, je
n'ai rien d'extraordinaire à vous apprendre. Le bien s'est
Digitized
byL^OOgk
510
contiiraé tout petitement ; des conversions ont en lieu à
)a dérobée, car il n'y a pas^ d'antre moyen de les opérer,
les hérétiques ayant en main la force du gouvernement
et Tautorisation de s'en servir con ire ceux qui voudraient
embrasser la foi catholique. La liberté du culte accordée
par le sultan, cette tolérance dont les journaux ont Tait
tant de cas , se réduit en réalité à pouvoir allonger de
quelques pas les processions, qui de temps immémorial se
font autour des églises^ à pouvoir sonner quelques
cloches, et à porter les morts aux cimetières avec autant
de pompe qu'on le veut, il est vrai qu'en cela le gouver-
nement a fait une concession qui a dû lui coûter beau-
coup ; mais les instances des ambassades de France et
d'Angleterre réunies ont été telles^ que les préjugés reli-
gieux ont dû plier, et il a été établi en droit que les chré-
tiens qui ont embrassé l'islamisme pourront , s'ils le
veulent, sans danger pour leur vie, retourner à leurreU-^
gion primitive, et faire de nouveau profession du chri-
stianisme. J'ai dit qu'on l'a établi en droit; car pour le
faity il faudra encore bien du temps avant que ks raoé^
gats revenus à la profession publique de l'Evangile ,
puissent habiter Coçstantinople sans que leur vie soit
menacée.
« Le point sur lequel il y a eu réellement amélioration
notable, est l'instruction de la jeunesse. Les Frères de
la doctrine chrétienne ont jusqu'ici un plein succès ; ils
réunissent autant d^enfants que leurs classes peuvent en
contenh*. Leur nombre dépasse trois cents. Les Sœurs de
la diarité jouissent également d'une faveur qui ne laisse
rien à désirer ; elles ont dans leur maison une réunion
assez considérad)le de petites orphelines, et en outr« un
pensionnat composé d'une centaine de demoiselles. Leurs
classes pour les externes softtfréqo^tées par plus été
Digitized by LjOOQIC
511
trois ce&ts enfants ; elles assistent les infirmes, dbtribuent
des remèdes gratis ou à bas prix, donnent et fonl donner
par des médecins qui ventent bien les ^seconder dans
cette bonne oeuvre , des consultations gràluiles auï-
pauvres malades, dont ie nombre s'élève quelquefois
jusqo^à deux cenis par jour ; elles prodiguent auic
indigents des secours do tout genre, et leur industrieuse
charité ne néglige aucun moyen de soulager les mi-
sères. Cependant ces deux Congrégations vouées à Pin-
struGtion de la jeunesse, ne font encore qu'une partie du'
bien qu'il y aurait à faire, parce que leurs établissements
se trouvent placés loin du centre de la population , à
laquelle elles sont appelées à rendre service- Nous espé-
rons qu'avec le temps elles pourront s'en rapprocher par
des fondations nouvelles.
« L'éducation, du reste, tend à prendre des dévelop-
pements en Turquie. Les catholiques d'Andrinople m'ont
fait plusieurs demandes pour avoir une maison de reli-
gieuses ; ceux de Salonique ont le même désir ^ et ont
fait à cet effet plusieurs démarches. M. Bore, déjà connu
par ses ouvrages et ses écrits scientifiques et religieux, a
fondé à Angora (l'ancienne Ancyre) une école qui doit
porter des fruits. La maison d'éducation que dirigent
les Lazaristes^ donne aussi de la satisfaction à tous les pa-
rents par la manière dont les enfénts sont élevés.
m Telle est <ei la faible moisson qui croît parmi les ron-
oes et les épines; et c'est encore beaucoup au milieu de
l'abondante ivraie semée par tant de mains dans ce champ
dm père de bmille. Vouléfr^ous que je vous dise encorep-
ea peu de mots ce que font ici les puissances européenne»
em fcvenr du christianisme? ovi en sont à notre égard lesi
disoositioBS des mosnlmansf en queHes voies marcbent
les hérétiques, grecs et arméniens?
Digitized by VjOOQ le
612
« Deux gouvernements européens, la France et TAii*
triche, agissent en faveur du catholicisme, et Taf^uient
de toute leur inQuence : TAutriche à Constantinople et
dans les provinces limitrophes de ses états ; et la France
dans la capitale et dans tout le reste deFempire. L'An-
gleterre et la Prusse aident à répandre le protestantisme;
mais la terre n'est pas bonne pour celte semence. La
Russie dirige occultement Téglise grecque, et prépare sous
main une suprématie plus directe ; elle accorde des déco-
rations aux évéques, et des subventions aux membres du
clergé qui peuvent la servir; elle cherche' à intervenir
dans Télection du patriarche de Jérusalem, pour pouvoir
accroître son influence et son action sur les lieux saints.
L'église grecque est toujours dans le même état d'atta-
chement à ses vieilles erreurs ; cependant les liens de la
subordination se relâchent , et les métropolitains des
grandes provinces marchent à grands pas vers l'indépen-
dance; déjà l'église de Grèce se gouverne par elle-
même ; la Servie veut son primat indépendant ; la Bul-
garie agit auprès de la Porte pour se donner elle-même
des évêques de sa propre nation. A Constantinople^ le
patriarche accepte en secret l'appui et les faveurs de la
Russie, qu'il renie auprès du Divan par crainte d'une
déposition; le clergé grec parait peu satisfait de ses
supérieurs , et, si au moindre signe de mécontentement,
le patriarche n'envoyait au Mont-Atlios les évéques et
les Prêtres qui lui résistent , pour les y tenir ù la chaîne
et sous le bâton, il y aurait fréquemment des dissensions
ecclésiastiques. En même temps^ par complaisance pom*
son puissant protecteur du nord, le synode de l'église
grecque défend l'étude de la langue française , comme
source de corruption morale , et favorise l'étude de la
kogue russe, que beaucoup de prêtres prévoyants cultivent
atee soin.
Digitized by LjOOQIC
513
« Nos Arméniens semblaient , il y a quelques mois,
vouloir tendre la main aux catholiques , et se laisser
attirer à Tuorté; mais ils ont changé de direction.
Les chefs voyant le bon accueil que Fempereur de
Russie a fait au patriarche de leur nation , qui réside
actuellement sur ses terres , paraissent pour le moment
disposés à sympathiser avec les Moscovites; et pour en
donner une preuve extérieure, le patriarche vient de
changer la coiffure de son clergé, et de lui en faire
adopter une qui, pour la forme , se rapproche beaucoup
du bonnet des prêtres russes.
« Quant aux Musulmans, le christianisme n'a jusqu'ici
opéré sur eux aucun effet, et dans les régions où les
lumières de la civilisation commencent à pénétrer , le
changement qu'on remarque dans les idées se réduit à
un léger dégoût, à une certaine teinte d'indifférence pour
la Religion. Du reste, le peuple turc professe toujours le
même attachement pour ses croyances , et se montre
fidèle à ses moindres pratiques. Le pouvoir, de son côté,
veille à l'accomplissement des préceptes de la loi musul-
mane; il vient même d'établir une censure sévère, chargée
d'examiner tous les livres écrits en langue turque ou
arabe, pour s'assurer qu'ils ne renferment rien de con-
traire à la religion et au gouvernement. Il est vrai, le fana-
tisme n'a pas Eût de victimes cette année-ci comme
Tannée dernière, où un renégat a eu la tête tranchée à
Constantinople pour être retourné an christianisme , et
un autre a été pendu pour le même motif à Bilégik; mais
pourtant il a montré par la démolition du couvent des
Dominicains à Mossul, par les mauvais traitements exercés
sur les Missionnaires qui s'y trouvaient , par l'usurpation
violente et à main armée d'un terrain appartenant a.x
catholiques de Merdin, par la démolition d'une églisp dar s
To».xyn.l03. «...^L^oogle
514
le faubourg de Constantiuople , sous le seul prétexte
qu'elle était au milieu d'un quartier musulman^ où ce-
pendaDtelIeexistaitdepuisuombred'années, il a montré,
dis-je, qii'il est toujours vivant, et même sanguinaire dans
Toccasion.
« Voilà ce que je puis extraire aujourd'hui de mes
mémoires ecdésiastiques ; à la fin de 184£, je vous ferai
le récit de ce que Tannée aura présenté d'événements
propres à servir d'aliment à votre piété. Veuillez tou-
jours nous continuer le secours de vos bonnes prières,
et agréez l'assurance de mon bien sincère et affectueux
attachement.
« f J. M. HiLLEREAu^ Archevêque de Pétra,
Vie. apost. de Constantinopk. »
Digitized
byGoogk
£15
MISSIONS
DE LA COCHINCHINE.
Lettre de Mgr Dominique Lefehvre^ Evéque ihmmh-
poUSy Ficaire apostolique de la Basse-Cockinehiiu ^ é
Mgr Etienne T%éàdore Cuenot^ Evéque de AÊMhpoUti
Ficaire apostolique de la Coekinchine orieniak.
10 décembre iSH.
€ HoNSiisifKm,
c II convient que je fasse à Votre Grandeur le récit
de nos souffrances; car, quoiqu'on ait déjà publié au
loin les principaux événements qui nous concernent , il
est, sans doute, bien des circonstances qui vous sont en-
core inconnues, ou qu'on vous a faussement exposées. Ja
vais autant que possible retracer les faits dans toute leur
exactitude.
« Je commence par la cause qui , après Dieu , m'a
conduit sur la grande scène, où j'attends en paix le dé-
noûment. Votre Grandeur sait que, d'après ses instruc-
tions^ j'avais institué niây-Phuôc (1) catéchiste en titre.
(1} Lf mot Théff signifie mattre. Phêèû eit le nom propr» de ce
ratéchiite.
Digi
it^ftyLjOogle
516
L'année dernière il me demanda une lettre lesUmoniale
en texte annamite, outre celle que je lui avais donnée Tan-
née précédente en langue latine. J'hésitai un instant
devant les inconvénients de cette mesure ; mais sa de-
mande éuit juste, car sa lettre en latin, comme il m'en
fit Tobservation^ ne lui servait de rien aux yeux des in-
digènes qui ne comprennent pas cette langue, et n'auto-
risait pas suffisamment sa mission. Je lui délivrai donc
la lettre qu'il sollicitait, non sans craindre les suites fu-
nestes qui pouvaient en résulter.
€ Le caractère de [ce catéchiste est de faire les dioses
trop en grand pour les circonstances actuelles. 11 acheta
uue barque et se fit suivre partout par deux servants.
H prêchait hardiment dans quelque lieu qu'il allât , et
sans prendre aucune des précautions conunandées par la
prudence, bien disposé qu'il était à tout souffrir pour la
meilleure des causes.
« J'avais soinMe l'envoyer au loin, de peur qu'il ne
me compromit. Vers Ic^mois d'août, je désignai à son zèle
un village tout païen, appelé Cén-ngao, à deux ou trois
journées de ma résidence : ses instructions furent bien
écoutées, il forma plus de trente catéchumènes ; mais
l'ennemi de tout (bien lui suscita des diflScultés i natten*
dues. Trois des principaux habitants du village ne goû-
tèrent pas sa doctrine , et cherchèrent le^moyen de lui
tirer de l'argent, qu'ils estimaient plus que ses belles
paroles. En conséquence ils se saisirent de sa personne ,
de deux chrétiens qui se trouvaient là par circonstance,
et d'un de ses servants. Ils exigèrent cinquante ligatures
de leur prisonnier, lui promettant la liberté ù ce prix.
Thdy-Phuôc refusa de les^donner : ils en demandèrent
vin^, sans qu'il voulût entendre parler de rançon. Pour
dix, le catéchiste aurait pu se tirer d'affaire , et obvier
aux uristes suites de^^son arrestation, qu'il ne prévoyait
Digitized by LjOOQ IC
517
pas. Sur son refus obstiné, on le chargea de la cangue,
et on porta son aflaire au chef du canton, qui se rendit
sur les lieux, fit dresser le catalogue de tous les effets con-
tenus dans la barque de Thây-Phuôc , et informa Vâng^
huyen (1) de cette prise.
« Ce fonctionnaire évoqua raflûreà son tribunal, et
interrogea le catéchiste pour savoir s'il était prêtre , et
par qui il était envoyé. Thày-Fhuàc satisfit à toutes les
questions sans compromettre personne, même quand il
fallut rendre compte de la feuille qui portait mon nom. Je
crois néanmoins que, malgré ses réponses évasives, le man-
darin ne laissa pas de soupçonner fortement la présence
d'un Missionnaire européen dans la contrée. Il parait
même, d'après les rapports les plus plausibles, que le ser-
vant du catéchiste arrêté avec lui leva tous les doutes, en
déclarant positivement le lieu de ma résidence.
c Thây-Fhuàc resta plus d'un mois à la sous^éfec-
ture, annonçant les vérités du salut à qui voulait l'enten-
dre, et faisant admirer ses connaissances et sa fermeté au
mandarin lui-même. Après avoir pris ses informations
aussi exactes que possible, celui-ci alla faire son rapport
au premier magistrat de la province. Ordre fut aussitôt
donné d'amener ThAy^Phudc au chef-lieu ; et en consé-
quence il y fut conduit sous bonne escorte avec son ser-
vant. Les deux autres chrétiens arrêtés avaient été mis en
liberté pour une somme modique, quoiqu'ils eussent
constamment refusé d'apostasier.
« Depuis longtemps je sentais tout le danger de ma
position ; le mattre et la maîtresse de la maison que j'ha-
bitais, étaient morte l'un et l'autre , et j'étais resté seul
possesseur des bâtiments et du jardin , sans avoir personne
(1) Ong^kvtfftn Tent dire Chef 4e iouê-prifeeêurê.
Digitized
byGoogk
518
ponr me couvrir de son nom. Il est vrai qu^on avait placé
«D néophyte du village dans cette demeure ; nuûs c'était
m pauvre jeune homme qui passait beaucoup phis pour
4tre logé cheE moi, comme il l'était en eSet, que pour le
propriétaire. J'étais donc trop connu pour être bien
caché dans un moment si critique. 11 parait aussi qu'un
païen de Tendroit avait eu vent de ma présence en ces
lieux, et qu'un jour, dans un mouvement de mauvaise hu-
meur contre les cheb du village, échauffé d'ailleurs par
les fumées du vin dont il avait l'habitude, il avait dit pu-
bliquement devant un grand nombre de soldats païens et
d'officiers suballernes, que le hameau recelait un maître de
rdigion europé^. Ce discours, ayant été porté aux
oreilles des grands mandarins de la province , leur fit
prendre des informations précises ; ils furent aidés dans
leurs investigations par le servant même de Thây-Phuàe^
qui apostasia, et dès Ion ne cacha plus ce qu'il savait.
JFixés par ses aveux , les mandarins se réunissent en
^grand conseil, il est décidé qu'il Esiut se saisir de ma per-
iame, et plus de deux oenu soldats se mettent en cam-
pugne^oommandéspar Vong4anMnnhon diefdelamiUcê»
m Sor-Ie-chsunp je fiis informé de cette expédition. Le
3S octobre, après avoir célébré le saint sacrifice, sinon
peur la dernière fois , au moins pour ne plus l'oflrir de
longtemps, je cherdiai une retraite plus sûre dans une
antre maison, en attendant l'arrivée des satellites pendant
la nuit : ils ne vinrent pas eneore. Le lendemain 29, on
ent le temps de cacher tous mes efiets ; les Religieuses et
loos nies étèvesprirem te fuite, et motHOiéme je me réfegiaî
dan&nn viUage voisin, ou on ne m'aurait jamais décwK
^mu J'y passai la naît et la journée du 30 dans les
alarmes^ songeant aux maux qui allaient désoler la
pauvre chrétienté qui m'avait donné asile.
« En effet, la soldatesque était airivée vers k corn-
Digitized
byGoogk
519
mencement de la nuit. Un enfant de treize ans, fils du
chef de canton, qui connaissait ma demeni%, conduisit la
troupe tout droit ù la maison que j'avais quittée. On lui
mit trois épées nues devant les yeux, et on lui ordonna de
déclarer si c'était là qu'habitait le maître de religion eu-
ropéen : l'enfant l'affirma ; on lui demanda encore
pourquoi il ne s'y trouvait plus : il répondit que son père
et deux des principaux du village qu'il nomma, l'avaient
eimneiié ailleurs , mais qu'il ne savait où ils l'avaient
conduit.
« Là'dessus , le mandarin envoya ses soldats prendre
le premier chef du village, vieillard septuagénaire, appelé
Ca-ngô. Le chef du eanton Tôngloc et un autre chef
nommé Câu-Tkiên se rendirent à la maison qu'on fouil-
lait, pour répondre aux envoyés. On se saisit de leurs
personnes et on les conduisit devant le mandarin, chargés
de la cangue. Ils soutinrent la première question avec
assez de constance. Trois néophytes qui étaient nouvelle-
ment installés dans ma demeure , et qui s'en disaient les
maîtres, subirent aussi courageusement les premières
épreuves; mais ils avaient h foire à un mandarin qui ne
se hisse pas vaincre aisément. Quelques enfonts lui
avaient déclaré le secret qu'il cherchait; on n'avait d'ail-
leurs pu si bien détruire tous les indices de mon séjour
en cet endroit, qu'il n'en restât encore des signes pea
équÎToques ; 'et après maints et maints coups de rotin
rigoureusement assénés ; mes catéchistes eux-mêmes
furent contraints de fairedes aveux.
« Restait à découvrir le lieu où je m'étais retiré : cette
révélation coûtait beaucoup à mes gens, mais le mandarin
menaçait, tempêtait, frappait; il ne cessait de répéter,
comme il me l'a dit depuis, que si je ne paraissais pas>
phis de cinquante personnes du village périraient; qœ
je devais me sacrifier mot-même pour le salut du peufrie»
Digitized
byGoogk
520
II tenait le môme langage qu'aulrerois Caiphe^sansmienx
compi'endi^e le sens de ce qu'il disait. Mes catéchistes cé-
daient peu à peu à la forôe de son raisonnement, surtout
quand il en venait aux arguments physiques ; n'y pouvant
plus tenir, ils résolurent d'indiquer ma retraite.
« Cependant, je me croyais en sûreté dans mon asile ;
sans xien savoir de ce qui se passait entre le mandaria
et les catéchistes dans l'intérieur de la maison, je recevais
seulement de temps à autre quelques nouvelles de ce
qu'on pouvait observer au dehors et de loin. Le soir, on
m'avertit que plusieurs embarcations se dirigeaient vers
le lieu de ma retraite. Aussitôt je cherchai mon salut
dans la fuite, je traversai le champ voisin, et m'enfonçai
dans l'épaisseur du bois, avec deux jeunes gens qui me
suivaient. J'entendais le bruit des barques qui abordaient
sur la rive du fleuve, et les cris des soldats qui menaçaient
du rotin les personnes de la maison que je venais de
quitter. Bientôt je distinguai leurs pas qui se dirigeaient
dans la plaine vers l'endroit où je me tenais blotti ; ils
avaient pu, à la faveur du clair de lune, suivre mes traces
à travers les champs; déjà l'un de la troupe s'était avancé
tout près de moi, lorsqu'un caporal lui cria : « N'entre
pas dans la forêt. » Cette parole me sauva du danger pour
cette fois. Après avoir parcouru le terrain dans tous les
sens, les soldats se retirèrent. Je restai encore longtemps
à mon gtte ; j'étais môme disposé à y passer la nuit,
/(uitie à être dévoré par le tigre que j'entendais parfois
trôder à peu de distance; mais je le redoutais moins que
mes persécuteurs.
« Enfin une voix se fait entendre : je reconnais une
voix amie ; j'y réponds, et je me dirige vers l'endroit d'où
l'on m'appelait : c'étaient trois néophytes qui venaient
me chercher. Je m'informe si les soldats sont partis; on
me répond affirmativement, mais on exige que je me
Digitized
byGoogk
621
livre. « Eh bien ! répondis-je, s^il le faut» je le ferai vo«
« loniiers; retournons d'abord ù la maison, et voyons
« clairement ce dont il s'agit. »
« Arrivé là , je trouve toute une famille plongée
dans raffliction , et versant un torrent de larmes ; je lui
adresse quelques paroles de consolation, et me montre
disposé ù supporter avec une parfaite égalité d'dme tout
ce qu'il plairait à Dieu d'ordonner. Alors on me raconte
que les satellites avaient saisi quelques effets, etfrappé une
ou deux personnes; puis, ajoute-t-en, ce qu'il y a de
plus désolant^ c'est notre chef de canton qui a amené lui-
même cette troupe de furieux; il a fortement réprimandé
le maître de la maison de vous avoir fait évader, et il a
déclaré hautement que, sans délibérer davantage, vous
n'aviez qu'à vous remettre à la discrétion du mandarin.
« Après un instant de réflexion et de prières^ je com-
pris que je n'avais pas d'autre parti à prendre. Une con-
sidération m'embarrassait, c'est que j'allais abandonner
le soin de la Mission, sans en avoir chargé personne à
ma place : je désirais m'aboucher avec M. Fontaine , tant
pour lui demander une dernière absolution de mes fautes,
que pour remettre les rênes de l'administration entre ses
mains. Je dis au maître de la maison que si on venait de
nouveau pour me prendre, comme on n'en doutait pas,
il fallait déclarer que je me livrerais dans l'aprèsHooidi
du 31; que je demandais seulement une demi-journée
pour mettre ordre à mes affaires. Il parait, à en juger par
l'événement, que cet homme, ou ne fit pas la déclaration,
ou ne fut pas cru de ceux qui la reçurent.
« Aussitôt je me dirigeai, avec le père Thiing et
quelques guides, vers la chrétienté ou résidait notre dier
confrère. 11 fallut nous frayer une route à travers des
champs incultes , où l'herbe dépassait notre tète : après
avoir ainsi voyagé pendant toute la nuit, l'espace de trois
Digitized
byGoogk
522
ou quatre lieues, nous arrivâmes an point dn jour près do
village dont j'ai parlé. Le père Thiêng et deux de mes
guides prirent les devants, p(nir savoir en quel lieu du
village se trouvait M. Fontaine , car je l'ignorais , et
pour chercher une barque destinée à me conduire secrè-
tement auprès de lui. Pendant ce temps , je restai assis
derrière un buisson, avec un jeune écolier et un membre
de la famille que je venais de quitter ; je récitai là mon
chapelet, demaudant que la volonté de Dieu s'accomplit.
« A peine avais-je fini ma prière^ qu'un homme à
figure sinistre parut, armé d'une lance ; puis deus. le sui-
virent, puis trois autres accoururent. « Ce sont ceux qui
vous cherchent, » me dirent mes compagnons. Je me lève
h l'instant , et marche gravement à leur rencontre : ils
reculent d'an pas, d'un air timide , en me présentant
leurs piques : i\^ me croyaient nmni de pouvoirs extraor-
dhiaîres pour leur nuire, et ils se mettaient en défense.
Je leur tends les bras, en leur disant qu'il était inutile de
venir à moi avec des sabres et des piques , qu'ils pou*
vaient me prendre aisément , puisque j'étais sans arme.
Rassuré par ces paroles, un des plus hardis s'avance, me
saisit par le bras, me fsii mettre à genoux, et me lie les
mains avec une corde, sans bien serrer le noeud. 11 m'é-
pargna les trois ou quatre coups de rotin qui' sont
d'usage toutes les fois qu'on se saisit d'un mal&iteur.
« On me demancb pourquoi je ne m'étais pas livré
plus tôt, pour faire cesser les vexations qui accablaient
oies chrétien». Je répondis qne ma résolution en avait
été prise ^ du nromeot où j'avais été informé de ces ri-^
gueurs ; quesi telle n'avait pas été ma disposition, j'aurais
encore pu échapper au poursuites de mes ennemis.
Un des che6 de la troupe m'a8sm*a que son dessein
n'étmt pas de m^arr^cer; mais qne l'aflinre de Thây-
/%ti^(r ayant mis les gouverneurs d^ns la nécessité d'agh*.
Digitized
byGoogk
533
on avait yonlu sealementme donner la chasse. Du reste,
les mêmes protestations m'ont été répétées plus d'une
fois par d'autres mandarins : ù leurs yeux , m'avouaient-
ils, je n'étais coupable d'aucun crime ; mais les édits de
Hinh-Menh pariaient plus haut que mon innocence; il
avait bien fallu me traiter en proscrit , autrement on
n'aurait plus été l'ami du César annamite.
€ Tous ces mandarins m'assuraient, d'ailleurs, que je
ne serais pas envoyé au supplice, et que j'en serais quille
pour retourner en Europe. Néanmoins, malgré ces paroles
officieuses, et quoique je les priasse de se cont^ter de
mon arrestation et de ne plus tourmenter personne à
mon sujet , ils recherchèrent encore mes deux compagnons
cachés tout près de là, et les prirent l'un et l'autre.
Hais leur captivité fut très-courte , et sur quelques
instances que je fis au mandarin , il les relâcha tous les
deux. Pour moi , à Taide d'une barque qui se trou-
vait dans le voisinage, on me transféra à Cai-Nhum
oik résidait le grand mandarin militaire, ayec une partie
considérable de la force armée. Le chef de l'escorte
me traita avec beaucoup d'humanité et d'égards ; après
avoir ordonné qu'on ôtât mes liens, il me fit asseoir
sur sa natte et manger à sa table : c'était me faire des
lumnenrs dont je me serais passé volontiers.
« Vers les neuf heures du sonr, nous arrivâmes au
chef-lieu de la province. On me conduisit sans délai
ao palais du premier mandarin, qui s'avança aussitôt
dans la cour pour me voir et m'adresser quelques ques-
tions : « Etes-vous Européen ou Annamite P me dit-il . — Je
sois Européen. — Mais, dit le mandarin, il parle comme
vn homme de ce pays* » Alors il quitte son siège, vient
me considérer de près, et, à la feveur d'un flambeau, il
n'a pas de k peine  me reconnaître pour un étranger;
il retourne donc s'asseoir , et continue ainsi son inter-
Digitized
byGoogk
624
rogatoîre t «Quel âge a^^ez-vooa ? — Trcnte-dnqaiis.—
€ Trente-cinq ans^ el vous êtes duc-thay (1)? — Oui,
« mandarin, je suis maitre de la religion. — Depuis com-
« bien de temps étes-vous arrivé dans ce royaume?—
« Depuis neuf ans. — D^où éies-vous venu? par où êtes-
« vous entré? — Je suis venu de Macao et je suis entré
« par le nord du royaume. — Et ensuite quelle pro-
« vince avez-vous traversée, où avez-vous établi veut
« résidence? — Je ne me suis û%é dans aucun endnnt,
« j'ai logé partout, mais seulement en passant^ jusqu'à
€ ce que j'aie pénétré dans la région du midi. — De-
€ puis combien de temps étes-vous dans cette contrée?
« — Depuis trois ans. » Cette durée de mon séjour
avait déjà été déclarée par les personnes du village de
Cai'Nhum; je ne pouvais plus refuser cet aveu.
« Après ces questions, le sumdarin dit qu'il ne vou-
lait pas me presser davantage; il me fit asseoir sur
une natte, m'offrit un dgare et donna ordre de me
préparer un lit dans son palais. Dès que je le pas,
j'allai m'asseoir sur ce lit , où je fus suivi d'une foule
de curieux ; enfin ils se retirèrent pour me laisser re-
poser, et je dormis d'un profond sommeil : la nuit
précédente avait été mauvaise.
« Le surlendemain , 2 novembre , je fus appelé i
comparaître devant le grand mandarin pour reconnaître
mes effets, qui étaient tombés entre les mains des sa-
tellites. Les trois catéchistes compromis , Tông-loc^ Cà-
ngô et CdurThién venaient d'arriver , chargés de la csa-
gue : le juge trouva mauvais que la Thùnrtrûong (2)
(1) Duê-thay est U nom qu*on donne en G>diincbin0 aax Ef^oei; il
signifie Souverain maître^
(2) Qief on maire d*an ikon, c'est-à-dire d'ane commune de secoed
ordre.
Digitized
byGoogk
BU
ne fût pas au nombre des captifs, et le lendemain on
alla prendre avec Inl les trois hommes qui avaient géré
les affaires du village depuis que fy avais cherché un asile.
« Vint ensuite la visite de mes effets. On avait pris
quatre grands vases pleins de farine , et un autre con-
tenant du vin pour le saint sacrifice. « N'est-ce pas
« avec cela, dit le juge, que vous enchantez les chrétiens?»
Je protestai hautement contre cette calomnie, et le
mandarin lui-même parut n'y pas croire fortement, car
il accepta un verre de vin , et convint, après l'avoir bu
sans craindre de se laisser enchanter^ ^ue c'était un
breuvage fortifiant. Plusieurs des assistants suivirent son
exemple, et le vase fut bientôt vide. La farine me fut
rendue pour mon nsage ; car j'avais déclaré que c'était
l'aliment ordinaire des Européens, et on croyait que je
m'en nourrissais habituellement. Parmi mes effets, se
trouvaient deux ornements pour le saint sacrifice : le
mandarin me commanda d'en revêtir un : je m'y refu-
sai en disant que ce vêtement bénit étant destiné au
culte divin , je n'osais le prendre pour satisfaire une
vaine curiosité. Ordre fut alors donné à un homme de la
foule d'endosser une chasuble; il la mit sens devant
derrière, et je lui criai tout irrité, qu'il ne devait pas
se mêler de ce qu'il ne connaissait pas , et qu'il eût à
me rendre mon habit ; il le fit stu'-leK:hamp.
c Le grand mandarin examina ensuite ma boite aux
sahdtes huiles : « Quelle est la liqueur contenue dans
« ce vase? demanda-t-il. — C'est, répondis-]e, de Thuile
« ordinaire d'Europe. — A-t-elIe quelque vertu parti-
« culière? — Elle a la vertu de procurer aux malades
« qui reçoivent la sainte onction, des grâces de salut.
« — N'arrachez-vous pas les yeux aux enfants morts
« pour composer cette huile? — Non, c'est encoire une
« calomnie inventée par Ie3 ennemis de notre sainte
Digitized by LjOOQIC
536
« Rdigion : si nous avions ces faorriblas pratiques, paur-
a rions-nous faire un seul adepte? Vous savez que nous
« faisons aux plus petits enfants des funérailles bonora-
tt bles; comment donc supposer que nous proianions
« leurs corps par de révoluuites cérémonies I >
« Le peu d'ef&u qu'on m'avait pris, fut porté sur
le catalogue. Je voulus retenir mon bréviaire , ainsi qu'un
nouveau Testament et deux ouvrages de piété, dont
la lecture m'aurait consolé dans ma prison : ils me
furent refusés^ sous prétexte que je n'avais plus per-
sonne à instruire, et partant plus besoin de livres*
« Des feuilles, sans'nom et sans date, destinées i
accréditer la mission des catéchistes , éuûent tombées
sous la main des soldats; elles Curent ejamînées avec
attention; on me demanda qui les avait composées.
Pour toute réponse , je priai le mandarin de ne jamais
me faire de pareilles questions, parée que je ne pourrais
le satisfaire , ma Religion me défoidant de rien dire
qui pût être préjudiciable à mon prochain. « — Mais,
« ajouta-t-il, sî l'on vous livrait à la torture, paiie*
« riez-vous alors? — Frappez, tortonei comme il vous
« plaira, lui répondis-je; vous ne m'anradteres aucun
« aveu de ce genre. » On ne poussa pas les interro-
gations plus loin. Mes effets furent seéllés et confiée à
la garde d'uA mandarin subalterne. Si je suis libéré,
ces effets devront m'étre rendus, siboa ils seront con -
llsqués. Mais ce qui est une f<Ms entre, les main» de
ces juges avides, a bien de la peine à en sortir jamais.
« Ce même jour , je ib dire au mandarin que, tout
honoré que j'étais de loger dans son palais , je désirais
qu'il m'assignât une autre demeure, parce que mes chré-
tiens n'oseraiait jamais approcher de moi dans un lieu
peuplé d'oflSciers et de soldats païens. En conséquence «
on me fit préparer un gite à la caserne. Je ne m'y trou-
Digitized by LjOOQ IC
627
vaî pas mieux, et au bout de quelques jours, sur de
nouvelles demandes, on me conduisit à la prison publi-
que , où je resterai Yraisemblablement jusqu'à mon dé-
part pour la capitale. L'accès jusqu'à ma loge est un peu
plus facile, quoique je sois loin de pouvoir correspon-
dre librement avec mes néophytes. Au reste, j'ai Thon-
ueur d'être compté , chaque jour , au nombre des crimi-
nels et des brigands qui partagent ma captivité : Et cum-
iniquis reptUatm est. Qu'il est beau d'avoir au moins ce
trait de ressemblance avec notre divin Maître I
« Il me reste à rendre compte de ma troisième com<>
parution devant le grand mandarin. Dans cette séance,
qui eut lieu le 5 novembre , il s'agissait de faire mon rap-
port en règle, afin de l'envoyer au roi. Après avoir écrit
mon nom , mon âge, et l'époque de mon arrivée dans la
Cochinchine, on. me questionna de nouveau sur les lieux
par où j'avais passé» Je répondis que je m'en tenais à ce
que j'avais déclaré déjà ; que j'étais arrivé par le nord du
royaume, et que j'étais venu peu à peu jusqu'au midi;
que jamais je ne désignerais aucun des villages qui m'a-
vaient donné asile; que je ne pouvais d'ailleurs me les
rappeler tous ; qu'on était libre de me torturer comme on
voudrait , mais que jamais je ne ferais de déclarations
plus précises. Là-dessus, le mandarin me demanda si je
sentirais la souffrance sous la verge des bourreaux. —
« Je n'en sais rien, répondis-je, je n'ai pas encore été
« soumis à la question; mais je pense que j'éprouverais
« quelque douleur. »
« Mon interrogatoire fini , le juge reprocha à Thây-
Pkuùc d'être cause des suites de mon arrestation, et lui
proposa de fouler aux pieds la croix. Ce brave chrétien
n'hésita pas, il déclara que les sentiments de la Religion
avaient pénétré jusqu'à la moelle de ses os , et qu'il ne
pouvait y renoncer* C'était la quatrième ou cinquième
Digitized by LjOOQIC
538
foisqu^il faisait cette généreuse confession. On interrogea
ensuite Ca-ngo : il allait faire une dissertation pour mo-
tiver son refus <f apostasier ; mais comme je n'aime point
ces longs raisonnements de la part de gens peu instruits,
qui parlent ordinairement d'une manière peu claire et
peu exacte , je pris la parole et je représentai au mand:^.-
rin que mes néophytes ne pouvaient se prêter à une ab-
juration; que les vérités de notre religion sainte étaient
si incontestables , que les renier serait un des crimes les
plus diflSciles à pardonner. On ne me permit pas d'en
dire davantage, et on m'ordonna de laisser répondre
ceux qu'on interrogeait.
« Après m'avoir imposé silence , on somma de nouveau
mes trois compagnons de captivité de déclarer, oui ou non,
s'ils oseraient marcher sur le crucifix. Noi Khong dain
(Nous n'oserions pas) leur criai-je , et il firent tous
trois cette réponse , même Tong-loc dont la foi était si
chancelante. Quelques mandarins me reprochèrent , en
présence d'une foule nombreuse, de ne pas prendre les
intérêts de mes chrétiens en leur défendant de fouler la
croix, puisqu'ils auraient ainsi évité les tourments dont
ils étaient menacés. Je répondis qu'en effet cet acte d'a-
postasie les aurait délivrés de quelques maux passagers,
et leur aurait fait trouver gr&ce devant un roi de la terre;
mais qu'il leur aurait fait encourir la disgrâce du grand
roi du ciel, et les aurait rendus dignes de supplices sansfin;
tandis qu'en se dévouant à souffrir ici-bas les tourments
et la mort, ils acquéraient pour l'éternité un poids im*
mense de gloire. «Mais, dirent-ils, on ne voit pas ce
« ciel dont vous parlez. — ïl n'est pas nécesaire de le
« voir, il suffit de savoir avec certitude qu'il existe:
« tous les jours vous croyez des choses que vous n'avez
« pas vues. » J'en vins à parler du châtiment réservé au
crime , et des récompenses promises à la vertu : et j'ai
Digitized by LjOOQ IC
&29
tkisî préehé trois 'on quatre fois mes jugés. Mais qoel
fruit espérer de ces esprits étroits, dont tous les désirs
se bornent aux choses de la lerrel ik ne ydient que leurs
places; et pour embrasser TEvangile, il fondrait s'expo-
ser à les perdre! En général^ ils aimait et estin^ent notre
Religion sainte ; souvent je les ai entendus dire dans leurs
conversations particulières : ir Cette doctrine est vraie;
« ce mattre est dans la voie droite. » Mais qu'ils
sont loin de tirer la conséquence naturelle de pareils
aveux I
«Le village où je résidais a beaucoup souffert et court
risque d*étre entièremeAt détruit, surtout si les chefs .
principaux sont longtemps retenus prisonniers. Heureu*
sèment, le Qtuin Phu (chef de la préfecture) qui craint
de se trouver en faute pour ne m'avoir pas arrêté, depuis
si longtemps que j'habite des' lieux soumis à sa juridic-
tion, a épousé la cause de cette malheureuse phrétienté,
et il va faire le procès auiL mandarins qui m^ont pris. Je
ne sais encore ce qui résultera de ces débats ; je préi&ume
que le roi fera grâce au village, et qu'on pourra le réta-
blir. M. Fontaine en a été quitte pour la peur ; il n'a pas
même abandonné sa résidence ordinaire, seulement il est
plus au secret qu'autrefois.
a Ce confrère pourra satisfaire Votre Grandeur sur*
les diverses demimdes qu'elle m'adresse ; il m'est impos-
able, pouir le moment, de faire un tableau exact des be-
soms de ma Mission. J'ai habituellement quinze ou vingt
écoliers à nourrir. C'çst le premier objet de mes dépenses.
Après mes élèves, ce sont des milliers de chrétiens dans
la détresse qu'il est indispensable de secourir, des famiK
les sans nombre engagées pour detiçs au. service des
païens, et qu'il faudrait racheter. Enfin ce S(mt des en<-
fonts, d'infidèlesmoribonds à régénérer dans les eaux dn
baptême. Depuis que la prison me sépare de tous ces né-
TOM. XYII. 103. DigitiMyLjOOgle
530
cessileuK, je n'ai plus que des prièies à leur donner;
mais c'est pour moi une consolation biensaisible devcHr
que, privés de mes soins , ils en deviennent pour Vout
Grandeur Tobjet d'une plus tendre sollicitude.
« Veuillez agréer, Monseigneur, etc. ,
« f DoHirtiQUE ,
Evêque d'hauropolis H coadjuUw\ ■
Nous sommes heureux d'annoncer à nos lecteurs que
M. le contre amiral Cécillc, commandant les forces na^
valcs françaises stationnées dans les mers de Flnde et de
la Chine, vient d'écrire au roi Thieu-Tri, pour obtenir la '
Ii!)erlé de Mgr Lefebvre , cl la cessation des cruautés
auxquelles les chréiicns sont en butte. Espérons que sa
lettre, dictée sous Tinspiralion de la foi et de l'humaDité,
fera une salutaire impression sur le prince persécuteur,
et que le nom de M. Cécille , déjà si cher aux apôtres et
aux néophytes de l'Océanie, sera prononcé avec la même
reconnaissance par nos frères de la Cochinchii^e et du
Tong-Kîng.
Digitized
byGoogk
&31
NOUVELLES DIVERSES.
Au mob d^Tril d«nii«r, dans one rëunion tenue i S^oey poorla Prd^
pagalion de la Foi, Mgr Poldiog qui prë«idait, a annonce qu'il arait reç«
.de son Téntfrable ami Mgr Pompallier une lellre datée du 13 mars : le
saint ETd(|ue de la NouTelle-Zëiande loi marquait qu'il était entouré de
mines de tous côtés, mais que, dans la dernière insurrection des naturels
contre les Européens, où un si grand nombre de ces derniers ayaît
pérl« sa maison épiscopale, ses chapelles et tout ce qui lui appartenait
at ait été religieusement respecté par les insulaires, que ni lui ni aucun de
•es Missionnaires n'araient reçu la moindre injure , et qu'ils araient les
plus rires actions de grâces à rendre à Dieu de ce que, au milieu de si
terribles dÀutres, il atait daigné reiller sur euz« et protéger d'une ma-
Bière si visible la Misdon de U NouTeHe-Zélande. Mgr Pompallier dit
dans sa lettre que kf chefr des naturels éUient Tenus le trourer, et lui
avaient dit : « Etéque 1 n'aie pas peur. Nous sayona que tu n'es venn
• ici parmi nous que pour nous faire du bien. Nous saTons aussi que im
« ne te mêles pas des aflaires politiques. Continue d'en agir ainsi, et ta
« n'a4 rien à craindre. » Le Prélat afîBrmequ'àsa conoaisiance aucun des
uMigènes qui ayaient embrassé la foi chrétienne, n'avait eu part aux
outrages eiercés contrôles Européens. Cette conduite de leur part/ ajoute
rArcheyèque de Sidney. prouve que les y raies Aaximes de la foi catho-
lique eiereent ééjk une puissante influence sur les esprits des nouveaux
coavertia.
Mgr Brady, qui avait exerce le nunistère apostolique pendant doute
aas k rUe Bourbon, avant d'ôtre appelé auprès de Mgr l'Archeyèque de
Stdnej en qualité de Yicaire général, a été sacré à Rome, en mai dernier,
Evvque de Perth dans l'Australie. Outre son vaste diocèse, Mgr Brady
est chargé des deux Yicariats apostoliques de Port-Essinglon et de la
Sonde, qui eonfprenaont la moitié de la Nouyellc-Hollande, et renferment *
vue population considérable d'indigènes.
Ce Prélat s'est embarqué à Londres, sur le navire VEUtobtth, emme-
nant avec lui 27 personnes, ddit 6 Sœurs de la miséricorde. Me Dublin ;
2 Bénédictins espagnols t les PP; Giuseppe Serra du diocèse de Barce» *
lone, et'RosendôSalyado du diocèse de Pampelone ; et un Prêtre élèya
de la Propagande, M. Angelô Confalonieri, du diocèse de Trente. On ne
sait pu les noms des autres Miuionnaires.
Mgr Collier, y ioaire apostolique de l'Ile Maurice, s*est embarqué le 1<^
jaio à Gravesend (Angleterre) pour son Vicariat. Il emmène avec lui
deux Prêtres, trois Etudiants en théologie, et huit Religieuses de la
34,
Digitized
byGoogk
5»
maison de Lorelte, de Dublin. Trois Eccl^iastiqnes s'dltienl déjk em-
barquas à Londres, il y a quatre mois» pour cette intéressante Mission.
Quatre Prêtres do Séminaire des Mimîont é^ngèresse sont embarqués
à Bordeaux, le 6 juin, pour Pondicbery ; ce sont : MM. Dëpemmier, du
diocèse de Chambf^ry ; Couderc, du diocèse. de Qm'mper ; Godet, du dio-
cèse de Versailles, et Moncourrier, du diocèse de Tulle.
Le 14 août, deux Prêtres et trois Clercs de la Congrégation des Oblals
de Turin sont partis de Cirita-Vecchia pour les Missions d'Ara et (de
Pt^gu, dans Tempire birman; co sont: MM. Vincent-Martin de Meué
(profince d'Yvrëe) Esprit Famdli de Cirt^e (proTince de Turin) Can-
dide Parazza de Seimio (province d*AIbe) Cbarles Pregni d*lsola (pro-
Tince d*Asli) et Jean Bazilia de Partula (prorince de Bielle).
Noms des Prêtres et des catécbistea de la GongrëgatÎMi de Picpvs, q«i
se sont embarqua à Brest sor le €r€iêquëur, le 29 juittet 18i5, ponr
Jes Missions de TOcéante orientale.
Prêtres MM. Favens, du diocèse deCabors.
Dordilloii
de Tours.
Mouret
deMende.
Holbein
de Rennes.
Hébert
CSnk»
de Coutanees.
- de VenaUles.
. Pouaoi
d*Orléans.
Jaussen
- de Viviers.
Fouroon
Sous-Diacres MM. Migorel
Morcno
CaU^chisles MM. Gabriac
de Rouen,
de Seez.
Espagnol,
de Rodez.
Valle-'c •
deCharUes.
Darleil ^
deCabon.
Guerric
de Cabors.
PrêroU
de Viviers.
CarbonnJor
• de Ciaborsi
• . D'Arriolâ
. • • Deipccb
* Darque
Andréi
Espagnol.,
de Cabors. •
de Tulles
de Viviers.
Dufnas
deSt-Flour.
Et un jfune Sandwicbois appelé' Evaristc Lohéolé.
vm ne ToMR mx*»mtkmiL,
Digitized
byGoogk
&33
TABLE DU TOME DIX-SEPTIÈME.
Compte-rendu, />(ijf. 161.
MaDderoent» et nouyelles, 78, 270, 367, 531 .
Départ de Missionnaires, 78, .79, 271, 272, 368^
. MISSIONS D'ASIE.
CHIKE.
Extrait d'une lettre de M. Latibe, lazariste, 207.
Suite de la lettre du même, 286*
TAnTAmiB M^60LE.
Lettre de M. Hue, lazarîstev369[* .
GOCHmCHME ET foKO/-KII^G«
Lettre de M^ Lefebvrci 515.
Lettre du R^ P. Raymond Barcelo, dominicain, 334.
Extrait d'une lettre du même Père, 344.
Lettre du même Père, 346.
Extrait d'une lettre du R. P. Marti, 351 .
L ttr^ du même Père, 353, 359, 362, 364.
Digitized
byGoogk
534
SIAV.
Lettre de M. ÇrandjeaD) Missionnaire apostolique, 111*
Extrait d'une lettre de Mgr Pallegoix, 117.
Notice sur le mandarin Benoit par le même Prélat, 119.
Lettre de M. Raymond Albrsind, Missionnaire, 124*
Notice sur le baptême des enfants d'infidèles, 434.
MISSIONS DU LEVANT.
ARABIE.
Extrait d'une lettre de Mgr Guasco, éyêquo de Fez, 81.
Autre lettre du même Prélat, 89.
Lettre du R. P. Joguet, Religieux espagnol, 65/
Mémoire de M. Eugène Bore, 93.
Lettre du P. Riccadonna, 106.
CONSTANtmOFLE.
Lettre de BIgr Hillereau, 503.
GÉOKGie.
Lettre du R. P. Damien de Varreggîo, Capucin et Préfet
apostolique, 316.
MISSIONS D'AFRIQUE.
ABYSSINIB.
Le:tre de M. de Jacobis, Missionnaire lazariste, S73*
Lettre de M. Antoine d'Abbadie, 279.
ILE MAURICE.
Lettre de Mgr Allen-Collier, Vicaire apostolique de Til^
Maurice, 422.
Digitized
byGoogk
S35 '
BUSSIONS D'AMÉRIQUE.
CANADA.
Notice sur la Société des Oblats de Marie Immacu-
lée, 239.
Lettre du R. Bourrassa, Missionnaire oblal, 243.
Extrait d*une lettre du R. P. Fisseite, 253.
Extrait d'une lettre du R. P. Laverlochère, 257.
Extrait d'une lettre transmise au Conseil central par Mg;r
l'Evéque de Montréal, 265.
Lettre du P. Cbazelle^ Missionnaire jésuite, 449.
COLOMBIE.
Lettre de M. Bolduc, 463.
Lettre du P. de Smet, 475.
£tats-unis.
Lettre de M. Crétin, Missionnaire, 487.
Lettre de Mgr Purcell, Evéque de Cincinnati, 501.
Lettre du P. Sorin , Missionnaire, 493.
BRÉSIL. •
Lettre du P. Joseph Satô, Jésuite, 399.
Lettre du P. Micliel Cabeza, Jésuite, 406.
Extrait d'une lettre du P. Samuel deLodi, Capucin, 414.
MISSIONS DE L^OCÉANIE.
AUSTRALIE.
Extrait d'une lettre du P. Louis-Mar'e Pesciaroli, 73.
OCÉAlflE OCGIDEUTALB.
Tonga.
Lettre du P. -Jéréflfte Grange, 5.
Lettre du P. Chevron, 29.
Digitized by LjOOQ le
&36
WALLIS.
Letti^ du P. Roudaire, 31.
Lettre de Mgr Bataillon, Evéque d'Enos, 40.
NOUVELLE GÀLÉDONIE.
Lettre dii P, Rongeyron, 42.
Lettre de Mgr Douarre, Vicaire apostolique, 48.
Extrait d'une lettre du même Prélat, 52.
NOUVELLE -zéLAlf DE ET FUTUIU.
Extrait d'une lettre du P. Servant, 54.
Extrait d'une iSttre^lu P. Reignier, 58.
Extrait d'une lettre du P. L. Rozet, 62«
OGÉANIE ORIENTALE^
Lettre du P. François d'Assise Caret, 129, 158.
Lettre du P. Gypriea Liausu, 140.
Lettre du P. Désiré Maigret, 143.
Lettre du^. Desvaulty 146.
Lettre du P. Armand Chausson, l54.
Lyon, ûnprimerie de J,-B. Pâlagaod.
Digitized by LjOOQ IC
ANNALES
M U
PROPAGATION DE LA FOI.
Digitized
byGoogk
Jvec approbation des Supérieurs.
Digitized by LjOOQ IC
ANNALES
DE LA
PROPAGATION DE LA FOI.
RECUEIL PÉRIODIQUE
DBS LETTBES BES ÉVâQOBS ET DES laSglORKAlJlBS
USngglOKS DES DEDX MONDES, ET DE TOUS LES DOCOHENTS
ULATIF8 AUX HISSIONS ET A L'CEOVBE DE LA
PROPAGATION DE LA FOI.
COUECnOR FAISANT SUITE Al'X LETTRES ÉDIFIANTES.
TOME DIX-HUITIÈME.
A LYON,
CHEZ L'ÉDITEUR DES ANNALES,
Bm du tint, n* 0,
1846.
Digitized
byGoogk
Digitized
byGoogk
6
mmaimumiimmmm
MISSIONS DE LX)CÉÀ]NIE*
UUreduP. Mathieu , PrùcUair^ apoiUAifM de h ioeiétê
de Marie , d $a famiUe*
YalKaOrnailBéê.
« BUN CHBRS PaBBNTS,
« Voici bientdt six mois que je suis à Wallis, au mT-
Kea de ce bon peuple que Dieu bénit toujours avec on»
inépuisable tendresse : c*est plus de temps qu^il n^en al-
lait pour bien conaallre ma nouvelle patrie. Je puis donc
nttintenant vous en tracer un tableau fidèle , et je le fai»
avec joie, parce qu^en vous'peignant nos chers néophytes,
je suis bien sâr de vous les faire aimer.
« L'Ile de Wallis a près de dix lieues de tour ; elle est
environnée de plusieurs Ilots, et, par delà, enfermée dan»
une ceinture de réci£s, qui ne laisse d'entrée aux navirm
que par une passe très-éiroiie. Sa population n'exoède
XVIII. 104. jAi^viEi 1846.
Digitized
byGoogk
ê
pas deux mille six cents habitante. Il y a une dizaine
«I^H^ft^^K --_ k^MUiBMH ^MaOÉ* m^^g^^^» «^^^.A^^^m^« a^
%MvatïïtOC9 y ^^9 UVIUDWIV VCmvir% TQDWW^ UVO M/lVUt^U^y nt*
ont en effet , à une époque assez récente, égorgé trente
Européens, brûlé un bâliment anglais, et massacré tout
réquipage , à Texception d^un mousse. Depuis , la grâce
les a si bien changés, qu'il n'j a gtt&re de ports dans
toute rOcéanie, ou les étrangers soient mieux reçus ec
plus en sûreté.
« Au physique, le type des Wallisiefts se dessine avec
une certaine grandeur ; leur physionomie, généralem^it
noble et bien caractérisée, difl^ peu de celle des Euro-
péens; leurs longs cheveux flottant sur les épaules, ou
crêpés autour de la tête en forme de turban, donnent une
expression à la fois originale et fière à leurs traits ba-
sanés. Us ont pour vêtement^ deiwis les aisselles jittipi'aux
pieds, une grande tape qui enveloppe plusieurs fois le
corps, avec une natte fine^ serrée autour de la taille par
une ceinture de corde. On remarque qu'ils ont presque
tous le petit doigt de la main coupé; mutilation qu'ils
s'imposaient en l'honneur de leurs dieux. C'est aujour-
d'hui le seul vestige qui reste de leurs anciennes su-
perstitions.
« Nos insulaires sont d'un naturel enjoué ; ils aiment
la bonne plaisanterie et s'y connaissent. Rien n'égale le
respect qu'ils portent à leurs Missionnaices , si ce n'est
Taffection qu'ils leur témoignent. Parmi eux la politesse
a ses règles aussi strictement observées qu'en France ;
nous devons les connaître et nous y conformer, au moins
jusqu'à un certain point. Le cava^ par exemple, fait partie
obligée de toutes les réunions ; on ne peut rendre ou re«
cevoir une visite sans que la racine traditionnelle soit pré-
sentée, mûchée et distribuée avec toutes les cérémonies
voulues.
« Ce qui distingue surtout les indigènes de Wallis ,
Digitized
byGoogk
f
€m. kor goàt prononcé pour la iMsiqne. On poHl ëÊm
qn'ib chantent continuelloineni , soit quHb tranaMëlt,
ipoit qn^iismarebent, aoit qa*ite portent des ftrdeattx^ o«
9^ï\a pritem. L'harmonie a peiir «ox tant d^aitrait, qd^
M sacrifient vokm^rs tes beares destinées ao repos ; <m
drait qa'aprè& avoir porté le poids do |oor et do la dMK
leiir, ils se tirassent miem au charme de lèttrs aocorll
que dans le calme d'un paisible sommeH. Dians les MMfis
soirées d*4té, lorsqae l'ttt est rafraîchie par te brîie , ta
qa'nn asuw pins cbux a remplacé le soleil des trofriques
dbwla popvtolkm s^rénnit dmia qnalque siie graeîaaK,
BOUS itn grand arlu<e, ou ù la porte de Téglise. Là, ims
tMHardss'asseyent sor des nattes ; à qvelqiiedtstaAoe, h
îemewepvead place sur la pelome^ par groupes de ciaqfl
si« peroonnes rangées en cercle et tournées en feoe lis
«les denautres; ces groupes sont aocaat do cheeurs dow»-
sioieatet de musiciennes parfaitement eieercés* Quoiqaè
In WaUisioB» aient presque tm» do très-beDes vdx, n'^tt
pia admis qui' Tant à prmidre part au concert ; il n'y #
q«e eeM dont Torgane^ reconnu pur et OexiMie, sepàèes
avec plm de boriieiuf aux effets do rbarmonie.
m AlorSf chaque ehosur se ftut entendre tour à tour:
les uns répètent sans cease le roA^ain, les aotres ts«t le
«hant, ou donnent une expression plus animée au féctm-
tif ; et ces accords se succèdent ainsi durant la mnt>«»-
titafO, sans autre imerruption que les a|)plandissenienis
dis awiîleurs*^
« Si ronreaMtfque dans les voix bea«coiip d'ënsemUa
etde mesure^ on; est eneore plus frappé de rimmolnUlént
du oalme impertuièable des mnsMiens* Quoique las
ehatfl soient paa^ dans le genre comique^ ot fniiHs
excitent les édala de rire da tome rassemblée, on nvvit
jamais le phia léger asenveaseni dans la (A^ioéomiedb
Oiox qm exéeatont. Qi^nd le motif est tnste^ dasl
Digitized
byGoogk
ottlMi qoeHpdbis de leon yevx, iBitt ans qse k^
ioit le moins do monde altérée.
€ Le refirtin qui est, d^CMNlinaire» qvekpiemot noa?e«i
introduk per les Missionnaires dans leor lai^iiet n'a
sooYent àuGon rapport avec le reste du cbaat^: c*est une
espèce de bomnlon qui n'eu là que poor rharmonie; on
k r^iètedeax on trots foisi la fin, et on termine bnisqne*
■MBC en le lateant inachevé.
• Ootresesconoertsnootnnies, WaDis a encore des
diants de promenade on de marclie. Il arrive souvent, le
dimanche^ que jWends tout k coup les hommes et les
jeues gens entomer leur loti (chant) avec des voix de
stentor. Ds parcourent ainsi d'un pas grave les différents
quartiers du Yillage. Lor^*on les invite à entrer dans
une maison pour y prendre le eava, ils acceptent , puis
recommencent leur marche jusqu'à l'heure du chapelet ou
jusqu'à la prière du sdr. Leur thème musical est presque
UM^ilrs inspiré par la reoonnaissanee ou la Religion ; en
Toici quelques phrases des plus populaires : « Amitié au
• Père Boudaûne , au Père Mathieul Ce sont nos prêtres
é et nos pilotes ; ils conduisent notre pirogue au del. »
— » Ou bien : « Amour et respect au souverain Poatifii
m qui règne à Rome I » — Ou enowe : « Prions saint
€ Pierre cpii lient les deb du Paradis^ pour qu'il nous en
€ ouvre k porte. »
« Il y a des chants innombrables en l'honneur de
N. S. P. le Pape Grégoire XVI, et du Prince des Ap6trss,
auquel ils ont une grande dévotion. Us mettent également
tn musique les histoires de l'ancien et du nouveau Testa*
ment, et toutes les vérités ée la Religion à mesure qu'ils
les apprennent. Pour vous donner une idée de ces hymnes
pieux, je vous envoie un cantique composé par la fille
du roi, lorsque 1^ Bataillon anaonça qu'il s'absenterait
pour visiter son vicariat apostolique : j'ai tâché de le tra*
Digitized
byGoogk
9
doire aussi UttértleiiMDt que postible, mâh sans espoir da
faire passer dans le fraaçttt ces ummures si natres, ceite
douceur si harmonieuse de la langue des Wallisiens^
qui se prête admirablement à tous les sentiments qu'ils
veulent exprimer.
« Eyéque, partes; moi, Je pleure.
« Est-il chose plus déchirante que d'entendre notre
père qui nous dit : Mes enfants , vous prierei sans
cesse pour moi ; sdutenes-vous de celui qui Tousa fiûts
enfants de Jésus-Christ, quand vous offrires à Marie la
couronne du rosaire.... Ecoutei mes dernières instruc-
tions; je vais me séparer de vous.
« Pouvions-nous être frappés d'un coup plus sensible !
Parents d'Ouvéa, pleurons; il va parUV; n'ayons tous
qu'un seul cœur pour pleurer.
« Si notre père s'éloigne , qâe vont devenir ses en^
fimts? Quand reviendra notre père? hélas I reviendra-
t-il jamais? Pleurons!
« Hais le ciel le veut. Un message saint lui a été ap-
porté par Douane. On lui a dit : Bvéque, une portion
de l'univers a été assignée à toi seul par le Père de tous
les chrétiens.
« O mon père, partez, mab souvenez- vous de vos en-
Tants, et revenez les bénir; car ils sont sans forœ,
comme la jeune plante qui vient de naître.
« O Jésus, déjà nous le ravir! laissez-nous encore
notre père ; car pour moi, quand f entends son adieu,
je sens mon âme hésiter entre la vie et la mort. Oui, il
vaut mieux que je m'en aille de ce monde avant le
départ de notre père. Qu'il soit , du moins, quelque
temps encore le souti^ de notre fiiibieBse. Notre âme
est chancelante, et» s'il ne la fortifie, elle tombera
dans la mort.
Digitized
byGoogk
10
«: Pèiaeétoti, ayw ykié da TanfoiU q«i vous prie.
» ProBoacaK «ir moi la senteBoe que ^us .voiMkiz; quo
« ja le smey.car je Hie cens déiXMiragée et faible.
« Je BA puis lapportor désorBKiu un plus long eûl
« dans ce monde ; s^i noire souiien s^éloigoe de nous ,
« n^est-il pas à craindre que nous ne retournions aux
« idoles que nous ayons adorées?
«• Cest pourquoi ^ désire tant» Père céleste^ de me
« réunir avons, pour eélébrer àjaroaisdaas mes chants
• w>4M teme-poissante maîesté. »
• — Je mm dérangé par nue (bsubmi de la parusse,
qui tient regarder i ma porte pour v<Mr ce que je bis;
e'eac leur habitude. BUe me demande i qui j'écris. — Je
lui r^ud&que c'est à nt% pareMu t~ H la»t encore lui
décliner tous vos noms. ^ — A mon tour, je lui demande
si' aile n'a rten à tous iaire dire. — Oui, elle présente
Sis amitiés à JuUka (AagéUque) ; elle serait b^en aise
de la voir venir ici pour instruire les feimncs d'Ouv^ ;
elle me prie de vous remercier d'avoir envoyé un prêtre
ftti peut leur donner les sacrements et la sainte comma*:
^■ion ; car» ajoaie-t-elle» rt)e était bien malheureuse avant
Karrivée des Missionnaires.
« C'est une chose amusante de voir l'étonnenienide
eas sauvages lorsque arrive d'Eurq>e quelque obiet qu'ils
n'ont pas enoora vu. Après l'avoir bien regardé, ils le
tittchent, ils le sentent, ils le tournent de toute mauiàre,
puis ils expriment leur admiration par une exclamation
eu un peUt claquement de laague. Je les intrigue beau^
eeupavec un canif taiHe-plume. C'est un cri d'admira-
tion chaque Cois que la plume en sort toute taillée.
« Il y a peu d^ joum , on débarqua un riieval que le
gouverneur frangais de Taiti envoyait en présent au roi
de Wallis. La pauvre béte avait été si maltraitée à bord
Digitized
byGoogk
11
far le rouIis> qu'elle faisait pitié. Auttkât arrivée 4 terre,
elle fiu emourée d'une fbulè de naturels ,. qui ne pou-
laieal se lasser de contempler un si grand animaU Ils
ra]K>eièrent ensuite un gros diien ; mais ils en avaient
peor, et à chaque mouvement qu'il faisait^ les adminir
teurs prenaient la fuite. Ils me danandaient s'il était
méchant» s'il mangjeait les hommes q]uand il était est
colère » s'il aimait la viande , s'il mordait comme les
chiens. Moi je le caressais pour les rassurer. On lut
9ffostaL des feuMles et de l'herbe ; ils l'examinèrent
nanger très-longtemps , regardant comme ses dents
étaient; faites ; enfin , après s'éure lassés en observa^ons
et en conjectures, ils s'en allèrent en me disant : « Main*
« tenant nou^ connaissons cettegrande béte;» nous l'avons
€ vue tout &ire ; il ne nous reste qu'à l'entendre chauler. »
c Les maisons des WaUisiens consistent en un gran4
uât de forme circulaire » couvert de feuilles, et souteniji
par des pieux* Â Tintérieur sont étendues des nattes , sur
lesquelles on s'assied, on se couche et on mange. Quoique
les habitations soient disséminées presque sur toute la
côte, il y a cependant trois points ou villages principaux,
oà l'on a construit des églises. L'une est dédiée à Motre^
Dame de Bon-Espoir , l'autre à saint Joseph , et la
troisième à saint Pierre* Ces églises sont en bois. Tontes
les pièces en sont unies avec de petites cordes de coco ;
les planches même sont fixées de cette manière; «t
cependant les plus violents orages ne peuvent les ébran-
ler. Il y a , dans chaque sanctuaire, une lampe qui
brûle devant le Saint-Sacremcat. Les fenunes Teatre-
tiennent avec un soin extraordinaire. Chaque fois qu'il
£Eût grand vent , je les vois se tenir auprès de la lampe
avec un tison, la nuit aussi bien que le jour, pour la ral-
lumer dans le cas où elle viendrait à s'éteindre. A
piques pas de l'église s'élève une maison carrée,, divisée
Digitized
byGoogk
12
en pedtei diambres pour nos confirtres , et près de 11
une habiUliott pour les jeunes gens qui veulent partager
leurs CEiUgaes. Ces jeunes gens sont au nombre de trent»
ou quarante ; ils se sont oflerts d'eux-mêmes aux Mission*
■aires pour les servir, les accompagner , et seconder nos
frères dans leurs travaux.
• 96 juin. — Je reprends ma lettre , interrompue
par un événement qui m*a donné poiùr uh instant quelques
inquiétudes. Le lendemain du départ de Mgr Bataillon ,
on vint m'avertir qu'il y avait un navire en vue. BiçntAc
je sus que c'était la goélette des missionnaires protestants,
quMls cbercbaimit à entrer par la pûsse située derrière
111e, et que leur canot avait déjà mis à terre plusieurs
personnes. Je courus sans délai vers la paroisse voisine
du lieu de leur débarquement, pour être plus à portée
de connaître leurs menées, et bien décidé à leur résister
de tout taon pouvoir a'ib cherchaient à infecter le trou--^
peau. Deux ministres anglais descendirent eu effet à
Pq3, avec quelques naturels de Tonga et de Niùka ; mais
ils n'y restèrent qu'un jour, et repartirent très-inquiets^
dit-on, du voyage de Mgr le Vicaire apostolique à Tonga
et à Fidji.
• Quelques jours après je reçus une lettre à l'adresse
de Monseigneur; le second de la goélette, qui était ca-
tholique, Pavait laissée à terre ; elle était du P. Chevron,
Missionnaire à Tonga. Ce confrère , rendant compte des
efforts lentes par l'hérésie pour entraver son ministère,
disait à Sa Grandeur que les prolestants calomniaient
également la France et le catholicisme dans leurs ser-
mons ; qu'ils avaient ordonné des prières publiques et des
jeûnes pour préserver llle de l'arrivée d'un navire de
guerre Trançais; qu'ils peignaient nos compatriotes aux in-
digènes conune leurs plus grands ennemis, comme des en-
vahisseurs qui cherchaient à s'empara de leur pays pour
Digitized
byGoogk
13
Im réduire en esclavage. De tdles cakHoanies font nne .
gnaàe impression sur ce peuple, naturellmneni ombra-
geux et méfiant à r^;ard des étrangers, et plus jaloux
de son indépendance qu'aucune nation du monde. Voua
pouvez juger quelle délavenr en résulte pour les praires
cathcdiques , qu'on cherdie par ce moyen à foire passer
pour des agents politiques , préparant les tdes à une
usurpation.
« n est arrivé derni^ement un baleinier américain à
Wallis, ayant à son bord une vingtaine de protestants in-
digènes de Niu)uiy qui avaient demandé à être tranq[>or-
lés ici. Nous apprîmes, par eux ^ par un Anglais qui
était resté quelques années dans leur lie, quels traite-
Bients les ministres font subir à ces pauvres naturels. C'est
incroyable! Pour certaines fautes, <m les flagelle k coup
de corde jusqu'à ce qu'ils spient tout en sang. Plusieurs
même expirent sous les coups. A d'autres on arrache les
cheveux et les sourcils. On nous fit une telle peinture de
ces cruautés, que nous n'aurions pu y croire, si nous
n'avions vu nous-mêmes les marques de la torture em-
preintes sur le corps de ceux qu'on débarqua. QueHe
triste position que celle de ces peuples, condamnés à
marcher sous le fouets comme les animaux , parce qu'on
ne leur a inspiré que la crainte du maître, au lieu de leur
apprendre à aimer la vertu I .
« A Wallis, nous n'avons aucune législation, aucun
code pâial^ point de tribunaux ; et cependant toutela po-
pulation se conduit bien, par la seule grâce de Dieu et le
accours des sacrements. Dq[>uis que je suis ici je n'ai en-
tendu parler d'aucun délit, si ce n'est de quelques accès
de colère momentanés; mais en même temps qu'on ap-
prend la faute, on apprend aussi la réparation : le cou-
pable vient de lui-mèm auprès de nous recevoir sa peine,
qui n'est qu'une simple réprimanda. En fiiut^ davantafe
pour des cceurs si bien disposés!
Digitized by LjOOQ IC
14
« Ce qui entretient dans les hfllMiants de WiUis le stt-
tifflent et rmnour du devoir, c'est qu'ils sont trts^Wfidas
de la parèle de Reu. Outre les instruotions éos HËaàomr
vaires, il y a dans dmque village et petits hameaux des
catéchismes d'bommes, de femmes, d'enfonts : les plus
instruits d'entre eux enseignent les autres; cfaacuH aè
confesse et communie environ tous les mois ; partout oft
récite, le soir , le chapelet en commun , suivi d'un can-
tique à la samte Vierge. Quoique toutes les maisons
restent ouvertes , la nuit comme le jour , on n'entend
jamais parler de vol. Dernièrement les ofiBciers d'un na^
vire français voulurent éprouver nos naturels sur ce
point. Ils laissèrent irahier à dessein, sur le pont, 'des
hameçons et autres objets capables d'exciter leur convoi-
tise; mais les néophytes s'empressaient de les porter aux
matelots, croyant que c'étaient des objets oubliés par
mégarde.
« Ce n'est pas assez pour les Wallbiens de se montrer
idèles observatem-s de l'ËvangHe ; ils voudraient encore
en être les apôtres, et aller porter la foi parmi les ido-
lâtres et les hérétiques. Les jeunes gens demandent ei
foule à partir avec les Missionnan*es. Mgr Bataillon , cé^
danl à leurs instances, en a emmené quelques-uns à Tonga
et i Fid^. De ce nombre était un petit garçon d'une
quinzaine d'annés , nommé Selevatio (Gervais). Sa [uété,
qui en Élisait un petit ange j avtiit décidé Monseigneur à
l'admettre parmi ses compagnons de voyage, et le bonheur
de l'eflfant était à son comble. Peu de temps après , je
le vis u>ut en larmes ; il n'avait pu dHenir de ses parents
la permisMou de s'embarquer. Je tâdiai de le consoler en
lui disant que plus tard nous parthîons ensemble ; mus
œfte promesse ne convenait pas à Fimpatienee de soa
«èle. T<mt à coup on remarqua quil avait disparu ; ea
le chereha partout ; enfin , après plusieurs jours, en le
Digitized
byGoogk
u
^otxvké II 8'é»rit gKflié fortiveMeAt à bord de VJlddplm,
-H s^'éCMl cetdié à fond de cale; ii «e tenait là blotti, espé-
rant <|ae le nafvire partirait bientôt, et qu^une fois an
l«r(^, il ne serait plus temps de le remettre à terre; nmk
le vaisseau tardant trop à lever Tancre, Selevaiio fat
irflbi* Cependant il troava sur le pont un de ses parent^
et le pria d'intercéder pour lui auprès de son père et de sa
mère , qni ^ laissèrout enfin toucher et consentipent i
son dépcnt. Qnand on lui demandait pourquoi il avait
agi de-la aorte, il s'imaginait en donner une bonne raison
en disant : « Je voudrais bien savoir si l'Ëvéque -et nos
« Missionnaires ont attendu la permission de lenrs poFSEilB
« pour«q«iC(er la France. S'ils TavaientlUty nous serions
« encore dans notre fakadevolo ( paganisme). »
« Mgr Bataillon a emmené aussi un homme imrié»
nommé Plnlîppe. C'est un prodige de mémoire et d'intel-
ligeace; il «ait tous les dialectes des archipels voisins,
ainsi que l'anglais et un peu de français. Ces langues, il
les a apprises je ne sais comment^ dans le but d'être utile
a la Mission.
« Tandis que les jeunes gens de Wallis prêtent à nés
efforts un eonooars si gàrareux , et font souvent plus de
bien que les Miasionoaives par leur asàle et leurs exemples ^
les vieillards continuent d'être pour nous un sujet d'édift-
caiion ; ils ont encore pour b plupart leur innocence bap-
tismale. C^est merveiUe de voir, sous ces traits et ces
dehors sauvages, une douceur toute chrétienne. L'un
d'eux^ que le commandant de VEmbuteade a surnommé
k vieuœ tigre, parce qu'il &k a eGGectivemeot les traits^
est bien Phomme de Ta^^ect le plus feroucfae qu'il sok
.possMe de rencontrer. Sou vrai nom est Honorio; il est
ivonier ministre du roi. U fut un des plus ardents persé-
cuteurs de Mgr Balûtllon, à son artivée daiK Ttte. M^in-
tenam c'est un agneaa. Qwmdil séjotone à Saint-Josqpli,
Digitized
byGoogk
1«
je sais sftr de le voir arriver Unis les matins avec sa
petite racine de eava qu'il vient nous oflrir. Le soir» il ne
peut se retirer diez lui sans nous avoir toucbé et baisé la
main, en signe d'amitié. S'il ouvre la boudie dans les as-
semblées^ c'est surtout pour recommander le respect et la
/K>umission aux Missionnaires. «,Pour moi , dit-il , je suis
« frère d'un vieux arbre penché sur le bord d'un abtme.
« Je vous ai donné autrefois de bien mauvais exemples.
« Voici maintenant les guides que vous devez écouter, et
« qui conduiront voure pirogue au eid. » Ce txm vieillard
â versé Uen des larmes au départ de Monseigneur ; il ne
pouvait rester deux jours sans le voir et lui demander sa
2)énédiction ; aujourd'hui il se console auprès du Saint-
Sacrement; et, dans l'exercice de cette dévotion qui lui est
cbère^ il attend en patience son retour.
« 19 août. — Monseigneur vient d'arriver. Je com-
mençais à être inquiet de sa longue absence. Les ymts lui
ont presque toujours été contraires. Il n'a pas réussi à
Tonga comme il l'aurait désiré, à cause des calomnies
débitées par les ministres protestants contre nous , et
surtout contre la France , dont ils nous représentent
comme les agents ; c'est au point que la qualité de Français
est aujourd'hui un titre d'exclusion dans toute l'Ooéa-
nie. Espérons que celte persécution d'un nouveau genre
ne durera pas longtemps; la vérité touche de près au
triomphe, quand l'enfer a épuisé toute la série de ses
mensonges.
« Maintenant voici notre saint Evéque rentré à Wallis,
et jesuis tranquille; si nous avons à souffrir, nous souf-
frirons ensemble. C'était sa première absence ; aussi le re-
tour a-t-il été une fête. Dès le pdnt du jour, aussitôt qu'on
put i^rcevoir son navire au loin dans la brume,le8 natu-
rds vinrent me réveiller avec des cris de joie : Fakapcfor
hgi Bpikopol Epikopo! Le vent était excellent; le vais-
Digitized
byGoogk
17
seau mouilla bienlAl en (ace de Téglise de Saint-Josepb*
Aussitôt j^allai avec les eufants de chœur au boi-d de la
iner, pour faireau premier pasteur une réception sol^nellew
Quand le canot aborda, des larmes de bonheur coulaient
des yeux de tout ce peuple rangé sur le rivage. Après le»oé>
rémonîes ordinaires, Monseigneur entra à Téglise, précba»
etcélébi*a la sainte messe. Cétaitpour l'Ile entière use joie
que je ne puis exprimer. Pendant les trois jours que le
Prélat resta dans ma paroisse , la maison qu'il habitait
ne désemplit pas ; chacun venait le visiter, lui apporter
du cavaj et lui demander sa bénédiction.
m Les insulaires de Tonga que Mgr le Vicaire aposto-'
lique a amenés avec lui^ au nombre de sept ou huit, ont
été aussi parfaitement reçus. Pour la plupart ils ne sont
pas encoi*e baptisés. Le but de lenr voyage est d'étndîer
WaHis, d'examiner ce qui s'y passe, afin d'aller ensuite
en rendre compte à Tonga, et confondre par leur témoi-
gnage les calomnies des protestants. Ils paraissent trè^
bien disposés, et je crois qu'il ne faudra pas beaucoup dt
temps pour les rendre bons catholiques.
« Mathieu, Miss. apoH^
TOI. xvifi. 104. *
Digitized by VjOOQ IC
It
Um^ dm P. RmUUausc , Miaionnairt apo$Udiqu€ de la
êodéêé de Marie, au Procureur dee Miemone de la
Êêciéié.
TMga, le di juillet ttM*.
« Mon Révérend Père ^
« Le silence qpe j*ai gardé ù longtemps avec vous a
dû vous surprendre, après tous les soins dont vous
m'avez enloaré jusqu'au fond de TOoéanie. PTallez pas
cependant m'accuser d'oubli et d'indillerenoe. La faute
en est à nos occupations si multipliées et surtout au
manque d'occasions: presque toujours placé loin des lieux
où abordaient les navires , je n'avais connaissance de l'ar-
rivée d'un bâtiment que lorsqu'il était reparti. Enfin, au-
jourd'hui que je me trouve à Tongatabou^ dont Mgr Ba-
taillon bat k visite pastorale , il me reste quelques in-
stants avant notre départ pour les lies Fidji, où nous
allons, le Père Bréhéret et moi , jeter la divine semence ;
feu profite pour vous confier mes souvenirs de peines
et mes sujets de joie.
« J'ai passé deux ans à Futuna, et c'est dans ceue
Mission que j'ai commencé Texercice du saint ministère^
au milieu des plus vives contradictions. Nous avions été
précédés par un jeune chef des tles Wallis, homme doué
de véritables talents , mais qu'il emploie au triomphe *
des plus mauvais desseins. Il s'était fiitt accompagner
de deux cents naturels, qui, pendant une wmià de
Digitized
byGoogk
1»
sqour à Eutiiiia^ est bk un bqûI qu'il mot a été im-
possible jusqu'ici de léptrar eatîèreineBC.
du peu de coiuiaissttMe que noos a? kos de la
pour accrédUer leurs calosiBtes, is ont prévemi 9m
FuAunieiis coatre bous, ranimé le feu de la disoerde
entre deux fstctioBs rivales, et resmeité les aRôn-
nés snpersiiUone, que les insulaices Sfvaient abm-
données d'eux-'Bidnies depnis la «ort du R, P. ChaiML
Deux fois nous avons va la guerte sur le pomc 4l'éda-
ler ; on a tenté d'assasmer le nonvean roi ^ qni est <»*-
iholique Servenl; en a &tt mille efforts pour eropêAar
la oonstmelicn de nos den égKses, <le eeHe sortout *fm
a été âevée sur le lien m^^ie on le premief ànmjfr
de rOcéanie a versé son sang.
« Pour que nous ne pussions pas boos méprendre snrlie^
^pcribleauteur de toqtes ces tracasseries, c'était aux iëtesdb
lasainte Vierge que le démon nous siraekait ptvs d'enira««s«
Al'une dexxs fèles^ nous allions comme d'habitude, leirè-
re Marie-Nizier et moi, nous mettre à la tète des tratam
deTéglise. La vëlle, toat était calme et tranquille dans
Ftttuna. Aussi, qndle ne fut pas notre surprise de renée»-
trer les naturels par bandes qni , la hmce h la main, «fii^
raient comme des furieux vers la vaUée où était noipe
d^nenre. Non^ lenr demandâmes ce qo^ j avait; «i
lieu de nous répondre, ils criaient: « Oà est le rotP oà eer
le roi? — Nous leur dîmes qu'il assistait à la messe éà
Père Servant. — Non^ non ; eo vent le tuer, nemcomMB
b défendre; » et il mws Att impossibie de les retenir.
« Plus loin, nous vîmes les femmes qu se mnsneat
vecs les montagnes pour y cacher ce qn'elhs avmeotde
piécienx, et leurs enlinis qui les avivaient enptearaflU
Bh Ueal eetle épevvnnle n'avmt mionn motif fmié«
ssnne beore aprts^ imii notre monde détre0{>éseitfBh
anienr de nesB pcv te teaMN.
oflftedby Google
90
« Nous eàmes bien d'autres difficultés au sujet de
réglise de Pdl. Pendant deux mois, il nous a été im-
possible de la commencer ; chaque jour amenait un
nouvel obstacle. Enfin , après les avoir tous écartés Fun
après Fautre, je partis avec le frère Marie-Nizier pour
diriger la construction. Toute la population de ces
vallées était convoquée autour de la croix. Je demain»
dai qu^on nommât qudqu'un pour présider aux travaux,
et les voix se réunirent en fiiveur du fils du roi asssosin,
actudlement did d'une partie de 111e. Dans une courte
exhorution, j'invitai les naturels à se conduire d'une
manière digne de l'œuvre sainte i laquelle ils allaient
se livrer : « Ce n'est pas ici , leur dis-je , une habitation
ordinaire, c'est un temple que vous élevez à Dteu^ sur
le lieu même où fume encore le sang de votre premier
apôtre. » Je donnai ensuite le signal pour se mettre i
graonx , et nous récitâmes tous ensemble à haute voix
]e PakTf VAve et le Credo; je fis le signe de la croix,
et l'on se mit à l'ouvrage.
« Les quatre assassins de notre confrère étaient là.
Je leur dois ce téaioîgnage, ce sont eux qui ont montré
le plus d'ardeur et de bonne volonté, surtout celui
qui avait finppé le premier coup. Tout son extérieur
annonçait un sincère repentir, et je ne me rappelle pas
ravdr vu rire une seiûe fois pendant toute la divée
des travaux.
« L'église de Pol est assez bien ; elle a soixante*
quinze pieds sur trrate; l'entrée regarde la mer; dans
le sanctuaire se trouve renfermé l'emplacement que le
B. P. Chaud habiudt ; la partie droite de l'autel ooo»
vre le lieu oà il était assis quand il reçut le coup de
la mort; l'endroit oà reposait sa tto et oà a coulé soa
sang est aussi à droite, dans le sanctuaire, près de h
balustrade; la croix qui rindifne /est teUe que l'a pi»-
téc Mgr Poropallier. . ,
91
« Vig]kfb a^aobevait, lorsque notre bonne Hère nous
délivra du plus grand ennemi de noire Mission. Le chef
dont je TOUS ai parlé, aÎMuidonna Futuna avec sa bande.
Nous respirAmes alors, le P^e Serrant et moi. Nous com-
mencions à nous fiiire comiH*endre assez bien des natui els;
nous nous adonnâmes donc avec une ardeur toute nouvelle
i leur instruction.
« Dès ce moment , les choses diangèrent de face. Nous
nVûrnes pas de peine à faire comprendre aux néoph]rte6
qu'on les avait trompés, qu^ils s'étaient laissé séduire par
des ennemis de leur repos. Le jour ne suffisait plus pour
entendre les confessions ; il fallait y donner une partie des
nuits. Peu à peu les abus disparurrat, ^ aujourd'hui
cette Mission est dans un état florissant. Tous les natu-
rels sont baptisés; déjà une bonne partie d'entre eux
a £iit la première communion; ils se conduisent d'une
manière vraiment édifiante, et avec autant de réguhuîté
que les plus fervents chrétiens d'Europe; il ne leur man-
que qu'une instruction plus complète. Encore un an ou
deux, et Futuna sera, je pense, la plus bdle Mission
du vicariat apostolique de rOcéanie centrale. Le pen
de communication qu'elle entretient avec les étrangers,
Famour du travail et la force du caractère de ses habi-
tants me confirment dans cette opinion.
« D'ailleurs^ la conversion de ce peuple est toute de
conviction , elle n'a rien eu d'intéressé. Nos néophytef
n'ont pas été gâtés par les présents. Depuis que nous
sonunes parmi eux^ nous ne leur avons rien donné, puis-
que nous, n'avions rien pour nous-mêmes; et, connne m
la divine Providence voulait continuer encore une situation
que la nécessité avait faite^ tous les objets que vous nous
aves envoyés de France à la fia de 1841 , ou ont
été engloutis dans les flots , ou ont été gardés par
le baleinier diargé de fkus les remettre; rien^ absolu--
Digitized by VjOOQ IC
it rien B'a parti è Fouwa. Beraihgigt eiKX>re la
portion d'efleis que Mgr Balaiiloa deaiiurit à cetle lie ,
a*écé presque en toialilé eoDsnméepar les flammes.
« Oa remarque parmi les Fuumieos plus de sknpU-
fAié qu'à Wallis, plus d'énergie qu'à Tonga. Ce sont
4» bomœes qui raisonnent^ qui réiédrissenC : ils ne
m rendent pas aisément; mais une fois convaincus^ Hs
ppiiuent leur parti a?eo fermeté , et ne retournent pas en
arrière»
• Pwsent les Fidjiens , va« lesquels je sais envoyé ,
Iwr resseM^rl Mais ce que j'ai af^m d'eux ne me
fMmiet pas trop oette errance ; on les dit féroces
îmiii'à l'antiiropopbagie. Si j de mon côté , il me fallait
êtKi dévoué jusqu'à la mort, j'emporte avec moi un sou-
«amr qui m'en donnerait la force : Mgr Bataillon m*a
«Nifié kl croix de Misûonnsûre que portait notre vénéré
•ffire Cbonel; sa vue m'animera à tous les sacrifices.
Vcnillez, mon révérend Père, nous obtenir par vos prières
Jift ^iKfs dont nous avons besoûi dam une Mission ai
i, et crmre aux saitiments de respect et de re-
kssaaee avec lesquds je suis , etc.
J. F. RwLLBMJX, itfjmofifiatfc
Digitized
byGoogk
M
LeHn du R. P. Grange^ SKsêfonnaire ap^klique 4$
la êêciéU de Marit, à un Père de la mime société*
Tonga, Mars l&U
« Mon Réyéremd Père ,
« Ce qu'on nous adresse à ce bout du monde qom
arrive bien tard, si tant est qu'il nous arrive. Mak
ne TOUS lassez pas de nous écrire, je Yoesen conja-»
re ; confiez à la mer autant de lettres que voos pour-
rez : elle ne sera pas toujours cruelle , et^ quek|ae joar^
un flot bienfiiisam jettera sur la rive un de vos éêmx
messages , que je recueillerai arec bonheur ei reco»-*
naissance.
« Vo«s ne demandez, mon Père, qudie est mûn
occupation à vos antipodes. Eh I ce que vous foités «n
Fhmce, je le fins dam mon lie; seulement je k iûs
moins bien ^pie vous, ie m'iMlDwa et j'insirnis tes «ifcny
j'apprends à nos kanaeks b fin pour laquetti ilta moM
snr la terre; je les preMe de- qokterie neniôDfe poap
h vérité, il en est qm nféeoutent et qui
«ndgMinetts en pmiqne teenx^là sont w
D^trea prêteM me oreille iMet attesii^ à mea f«*o|et »
sans se tionaer la Mine de rétamer lenr vie ^ maia te
grand ttOidi>re juge tm^éûcêrim ts^fi séiitea^ «t jW la
Digitized
byGoogk
24
douleur de les voir 8'éloigner de moi , au moins pour
fiQ temps. Le soleil fait en vingt-quatre heures le tour
du globe, et partout il trouve les hommes avec le même
caractère et les mêmes inclinations ; partout il les trouve
de glace pour leurs intérêts étemels , et tout de feu pour
la vanité et le mensonge.
« Conune vous encore , je db mon bréviaire , je tâche
de me recueillir pour prier, je célèbre la sainte messe
à peu près tous les joura ; mais c'est pendant votre re-
pos, de même que vous faites ces saintes actions pen-
dant que je me livre au sommeil ; et si je m'en acquit-
lais avec ferveur , no^s accomplirions à la lettre les pa-
roles du Psalmiste : Diei diei éructât verhum, et nox
mùctiindical scientiam. Ainsi nous formerions commedeux
choeurs qui chanteraient alternativement les louanges du
ieignear Jésus ^ et notre Dieu serait glorifié dans tous
les temps comme dans tous les lieux : à moi seul
est la faute si la perfection manque à ce pieux concert.
« Dans mes lettres du mois de juillet dernier , que vous
coaaaissez sans doute (1), je parlais en détail de Tonga et
de ses habitants; aujourd'hui je vais détache^ quelques pa-
ges dt Bion journal, pour vous mettre au courani des
difficultés que nous rencontrons dans la prédication de
l*£faogile, et des espérances que noos pouvons conoe-
foir.
« fiepais cette époque, IHea nous a ménagé bien des
épettves qu'il a cependant Eût tourner à «a gloire^ après
s'm être servi pour nous purifier. D'abord les mission*
Mires Wesléiensimt redoublé leurscalomnies ooatre nous;
je tt'ea sais pas surpris : chaque jour ils voient décret
%m iMr inAoence, et la nôtre grandir en proporiion;
ih VQMt que ceux de lesuns eoreUgJonnairei, qui pea«
__ Digitizedby LjOOQIC
96
vent avdr des cmnmunicatîOQS aTec bous, inissent cou^
jours par se rasger de notre côté , sans qu'ils obtien-
nent le même avantage de leurs rapports avec nos chré-
tiens. La raison en est, en deBors de la grâce, que
nos disciples ont Tait librement profession de notre sainte
foi , tandis que les adeptes de Thérésie y ont élé symené»
par la violence. Parmi nos néophytes de Wallis, un
seul qui habitait la grande tribu protestante, consen*
tit après maintes soUicilations à se dire enfant de la
réforme ; mais cette apostasie de qudques jours n'a servi
qu'à prouver une fois de plus, et par un témoignais
irrécusable , que les ministres appellent l'intimidation en
aide à leur prosélytisme. Quand arriva le saint jour de
Pâques, voyant ses frères catholiques aller à la table
sainte goûter un bonheur dont il s'était privé par sa bi-
blesse, notre prodigne vint en pleurant se jeter à nos
pieds et implorer la grâce d'être admis à la communion de
FEglise. 11 demanda aussi pardon à ses frères du scan-
dale qu'il, avait causé, en i'excuiani sur la violence
f M'on lui avait faite.
La confession^ qui parait au (nremier abord «ne prati-
que si onéreuse à notre orgueil , a été embrassée avec
joie dans notre lie. J'avoue que les ministres protestants
y oot bien un peu contribué; car ils exigent de leurs
adeptes la confession et la pénitence publiques. Sans
doute que nos insulaires ont vivement apprécié la doo-
eeur du joug de Jésus-Christ, qui ménage la faiblesse
du pécheur en couvrant sa ocmfiision volontaire du
secret le phis inviokible. D'ailleurs nos kanacks avaient
d^ une espèce de concession, avant l'arrivée des Eu-
ropéens. Elle se pratiquait surtout en cas de maladie*.
Dans leur opinion , si cpielqu'un est visité par la souf-
france, c^est totqours pour avoir efiensé une divinité
qui tire ainsi vengeatece da coupable jMipi'à ce tpi'il
Digitized
byGoogk
26
slmniitie; et, lorsque le malade est trop faible pour
s*aocii8er Idi-méme, un ami qui oonnak sa faute en
fiittenson nom Taveu réparateur.
« On comprendra mieux eombten cet antique usage
BOUS iarorisait , quand on saura jusqu'où vont les prér
tentions vaniteuses de ce peuple, dont l'orgueil égale,
si toutefois il ne surpasse pas son extrême pauvreté*
A leurs yeux un Européen est à peu près ce qu'est
ailleurs un nègre esclave* Nos kanacks disent sans façon :
iVm Uanc, mon Européen, comme nos planteurs des
AntHles disent : Mon nègre, mon esclave. Je n'approuve
certes pas TEuropéen qui méprise son frère^ parce qu'il
est noir ; et néanmoins je reconnais qu'il lui est de beau-
coup supérieur par les connaissances et la civilisation.
Mais qu'un pauvre insulaire de Tonga nous foule smx
pieds et nous méprise comme une race déchue, c'est
par trop ridicule. Quoi qu'il en soit , un des principaux
die6, celui qui nous a reçus sur ses terres, nous tra-
cassait depuis longtemps , et prétendait même nous dicter
des lois dans les affaires du culte : Si le catholicisnie
Esiîsait autorité , disait-il , c'est parce qu'il était sa reli-
gion , et non parce qu'il avait été apporté par les deux
vieux.
« Dans la crainte d'une rupture générale, nous ne
lot avions résisté que légèrement; enfin à l'occasion
d^me grande tête, ce chef prit un arrêté qui défea-
dait la danse à nos néophytes , et qui la commamilait , sous
peine d^une rude amende^ à ceux qui n'étaient p»
baptisés. Peut-être rirez-voiisl mais nous vîmes dans
cette ordonnance un danger sérienx pour la Mission,
et voici comment. Dès notre arrivée, dans 111e , nous
atiens dit aux naturels que plusieurs de leurs danses
étaient permises : en eSSet^ il en est qd s'exécutent avec
me convenance parfirite; eHes ont lien entre i^ersonnss
Digitized
byGoogk
dm inémt mxe , ei encore» poQr s'y li^mr promwMl ik
des habits plus décents que de coalQine. Si nous latt^
éom interdire à nos chrétiens ce que nous avions d'abord
rec(Hmu licite, nos adversaires étaient là pour nous
accuser de mensonge : ils n'auraient pas manqué de
dire que leurs prédictions se réalisaient ; qu'après nf9us
être introduits sous le masque . de la tolérance , nous
4:onunencions à tyranniser nos discifdes^ et que no«pi
ne nous arrélerions €|u'aprèsJe^ avoir faits esclaves. Kous
voulûmes donc mainienir à la lettre ce que nous avions
professé : tout d'abord nous avions promis la liberté,
nous ne voulûmes pas qu'au nom de*]a religion, ua
chef vint y porter atteinte.
« Nous lui déclarâmes donc que son ordonnance n'était
pas juste. A ces mois^ il s'emporta devant toute l'as^
semblée et dit : « De quoi se mêlent ces deux blaocs,
c jetés par le^ vagues sur mes terres? chez qui demMk
« rent-ils? u'estrce pas chez mpî? » Nous lui réponcfiaM»
aussi en présence de tout le monde : « C'est vrai ,
c c'est chez toi que sont logés ces deux blancs ; ils Vem
« remercient; mais sache qu'ils ne sont pas ici pour
< iaire ta volonté ; ils y sont pour le monlrer le chn-
« BGÛn du salut , ainsi qu'à tauc peufde disposé à ks
« entendre. Us hadwient ehez toi. Bttis si tu n'es pas
« oonteut, lun'asipi'à le dire; ik trouveront à Vi^>ri-
« ter ailleurs; toutes les terres se fitusseat pas mai bouc
« de ton domaine, et plusieurs chfrft qui sont m par-
« tageront volontiers avec eux leurs cabanes. Tu peuK
« commander à d'autres blases^ mais noo à ceux qu'ea-
« voie le Très- Haut. Mous reo^plârons notre mimom
« »vec une entière iadépeadance, el si personne ueuwt
« nous recevoir , nous n'auvooa pas uMÎns fiut ce q/m
« nous devions. Comme nous l'avons dit plusieurs faii^
« nous partirons avec les béuédîeimis que nous éiionê
Digitized
byGoogk
9S
« venus t^apporter, ne laissant peut-être derrière mous
« que la malédiction divine. »
« A ce mot de malédiction , il baissa la tète et garda
un profond silence. Nous nous éloignâmes alors de lui,
suivis de plusieurs insulaires qui nous prièrent de lui
pardonner : Ce n^était , dîsaientwis, qu*nn accès de colère
qui passerait bientôt. À l'entrée de la nuit il q^ivoya
un de ses eniants nous demander si nous voulions le voir;
nous répondîmes qa^*l pouvait se présenter, que nous
n'avions jamais de haine contre personne. II accourut
aussitôt, portant une grosse racine de cava, et accompa-^
gné d'un des* plus sages vieillards , qui venait de
£iire sa première communion. Il s'assit à la porte de
notre cabane, et lorsque nous lui eûmes fait de nouvelles
instances pour entrer , il se jeta à nos pieds tout bai-
gné de larmes, nous demanda pardon et nous baisa
les mains, puis, la tête baissée et dans un morne si-
lence^ il attendit humblement nos reproches. Quand il
vit qu^au lieu de l'en accabler , nous l'assurions à di-
verses reprises que nous avions tout oublié : «Pardon,
« s'écria-t-il , mille fois pardon des paroles offensantes
« que Je vous ai dites. Ma maison est la vôtre; je
« suis trop heureux que vous vouliez bien y demeu-
« rer; je vous demande eomme une grâce de ne la
« quitter jamais, de prier Weu qu'il me rende meil-
« leur. Nos ancêtres étaient méchants, et nous sommes
« comme eux. Vous^ qui savez si bien souilrir pour
« le nom de Jésus-Christ, âoignez de moi les malé-
« dictions dont vous m'avez menacé; commandez dé-
« sormais, et vous verrez si je sais obéir. » Là-dessus
nous hii fîmes un petit cadeau, et il se retira content.
Nous avions bien pensé que cette affaire n'aurait pas
d'autre issue.
« Ce n'est pas de ce côté que nous viennent les plus
Digitized
byGoogk
99
mdes combats. Il bous a fallu bien da temps ayant
de pouvoir pénétrer dans toutes les parties de 111e, parce
qne les méthodistes s^étaient plu à nous peindre sous
des couleurs fort peu favorables. Cependant , comme la
vérité finit toujours par avoir raison , ces fâcheuses im-
pressions, suite de leurs calomnies, ont disparu peu
à peu , et ne se rencontrent plus que chez quelques ex-
altés; en général on nous aime.
« Vers la fin de juillet dernier^ nous visitâmes pour
la première fois une tribu toute protestante. Le grand
chef et les habitants nous firent un excellent accaeil.
Nous rendîmes même une petite visite au ministre qui
nous reçut poliment y mais avec froideur. A peine étions-
nous sortis qu'il monta en chaire , et se mit à débiter
contre nous et notre religion toutes les calomnies d'usage;
il alla si loin que dans la soirée nous dames opposer
i ses attaques une réponse publique. Nous avions ses
prières disciples pour auditeurs; ils n'en forent pas
moins très-satisfaits de nos explications. Après avoir ré-
futé sérieusement ceDes des objections qui méritaient
d'être discutées , nous combattîmes les autires avec le
ridicule^ arme parfcÀ très-puissante auprès de nos in*
sidaires.
« Je m'aperçus néanmoins que mes réponses par
rapport à la croix fiiisaieBt peu d'impression sur un
dief qui nous avait accueillb avec une extrême bien-
veillance ; alors je me mis à crayonner quelques mots
sur mon carnet : « Qn'écris-tu là? me dit-il. — Je note
« la belle réception qne tu nous as faite. Je suis très-
« sensible à ton amitié, et j'espère en garder toujours
« te souvenir ; je veux même que mes amb de France
« la connaissent, et sois en sûr, ils t'aimeront aussi
« quand ils viendront à apprendre que tu m'as fait du
« bieii. Aujounfhui j'ai Inenla résolution de me rappeler
Digitized
byGoogk
• lenjcnir» les bornés; mais comme Pfaomme est faible,
m el qu'il ouUie fSeicikmeiit les choses qu'il lieodrait
« le plus à ûiwr daos sa mémoire, quand il n'a
« sous les yeux, aucun signe qui lui en retrace le sou*
• venir, voilà pourquoi je prends ces notes. Si jamais
« l'accueil que tu nous &iis en ce jour s'dfaçait de mon
« esprit, ce livre me redirait ta générosité ; en y jetant
« un coup d'œil, je retrouverai pour toi touie ma
« reconnaissance* » Comprenant aussitôt ma pensée,
fne la croix était un signe vénér^le , destiné à nous
tappeler l'immense amour de Dieu pour nous^ il me
Ait : « Vieillard^ la langue est druiie , et ton coeur
• l'est sans doute ans». »
« Quant i l'accusation qu'on nous fait d'imposer
noire religion par la vmlence, comme je me trouvais
dans une tribu que les protestants avaient conver-
tie les armés à la main , je répondis : « Oui , nous
grossissons nos rangs par force; notre religion est
une rdigion qui tue, qui UÊfke à la raine des
hommes ; la vAÛre sons doote ne se propage qne par
la douée persuasion , c'est ne religion de paix et
d'amour ; partout oà ont passé vos ministres , on
voit des marques de cette évangélique charité; j'ai
vois moi-même ici des prewes, et en venant vous
visiter aujourd'hui , j'ai traversé le territoire d'Hirie
(c^est une tribu qui a été toute massacrée pour n'avoir
pas voulu se bire protestmite) ; j'y cherchais des
bommes, et je n'y ai trouvé que des ossements. Cen
là de l'amour, j'en conviens; mais de cet amour
qn'ont les chato pour les rats, les requins pour les
antres poissons. » Id, un vieiUard qui était de cette
Iribtt dUttle, et qui avait tout vu, m'interrompit:
Ta langue est sévère, mnrmunhi^^ mais eUe est
vraie ; ne nom parie plus de œla,; ^^ttfgimHM)m
des regrets. »
Digitized
byGoogk
31
« Le miaistre fuc époinramé da C6tle bonne réoepttoa
qu'on nous avait fail» : « Ces ensorcelés . de papistes,
« dit-il^ sont capables d'attirer trout à eux. » En con-
séipience il défendit à tous les siens d'avoir aucun
npport avec nous : « S'ils reviennent, ajouta-t-il^
« se les recevez pas; car il n'y a pas de crime plus
« grand qne de oomoiuniqiier avec un catbolique* »
Aussi 9 à notre seconde visite , fûmes - nous accueillis
froideinent, et lorsque nous (]piittâmes la tribu ^ un na-
turel nous suivit^ avec mission de dire que le chef
nous priait de ne pas remettre le pied sur ses terres.
Nous jugeâmes à propos de retourner sur nos pas^
pour avoir avec ce chef une explication ; nous lui par-
lâmes à peu près en ces termes : « Nous revenons auprès
« de toi pour connaître au juste ta pensée , et savoir
« pourquoi tu nous reçois si mai aujourd'hui , toi qu
€ nous fis l'autre fois un accueil si cordial. » Comme il
ne faisaitque balbutier , nous reprîmes : «Tu ne veux pas
« nous exprimer tes véritables sentiments, mais noot
« les comprenons ; ton langage à notre ^ard u'ess
« plus le même, mais ton coeur n'a pas changé, c'est
« toujours un cœur bienveillant et généreux^ un vrai
« cœur Tonga. En efiet , depuis que vos lies sont con-
« nues , tout le monde s'est accordé à leur donni^ le
« nom d'Ile des Amis , à cause de la douceur de leurs
« habilants. Au sein même de l'infidélité, vous étiez
« déjà amis de tous les hommes, et maintenant que
« TOUS avez embrassé la religion , elle a dû , si elle est
« divine, augmenter et perfectionner la bonté de votre
, « coeur. Nous pouvons donc conclure que votre inimi-
« tié à notre égard n'a pas pris naissance dans votre
« lie; elle vient d'une terre étrangère. Mais, que par-
« lé-je d'inimitié I ce n'en est que l'apparence ; elle est
« bien sur vos lèvres; mais il n'y en a point dans votre
Digitized
byGoogk
32
« âme. Oui, quand ou vous a iolerdit mille choses qui
« ne sont défendues , ni par la *Ioi de Dieu , ni par
« la coutume d*aucun peuple du monde, vous avef
« cédé 9 parce que vos cœurs ne veulent que la paix ;
« mais quand on voudra vous commander la haine , il
« vous sera impossible d*obéjr : autant vaudrait ordon-
« ner aux poissons de voler , ou à la mer de quitter
« vos rivages. »
• Du reste, pourquoi nous halriez-vous? Avonls-^ious
<i fait du mal à quelqu^un? Avons-nous appelé la pan-
« sance des armes au secours de nos prédications?
« Nous venons visiter les peuples en amis; si quel-
« qu^un désire connaître nos doctrines , nous sommes
« toujours prêts à les lai enseigner. — Mbis, reprit-il ,
« nous avons notre religion et notre missionnaire. —
« Si votre ministre a pour lui la vérité, pourquoi se
« cache- t-il à notre approche? SU est vrai missîonnafa*e,
« qu'il vienne montrer ses titres et défendre sa cause;
m il n'appartient de fuir la lumièi*e qu*à ceux qui font
« le mal : nous , nous cherchons le grand jour , et dé-
« sirons que tout le monde voie nos œuvres. »
« Pendant que nous parlions ainsi , le pauvre dief
tremblait de tous ses membres ; nous ne pûmes lui ar-
racher que ces paroles : « Je ne vous défends pas de re-
« venir ; vous ferez comme vous voudrez. » Toutefois^
effrayés qu'ils étaient par les menaces du ministre , ni lut
ni les siens n'osèrent nous donner l'hospitalité ; ce qui
est inouï à Tonga, Il était nuit, nous partîmes; mais,
épuisés par la faim et la fatigue , nous fûmes réduits h
nous jeter dans une case abandonnée qui se trouvait •
hors des limites de cette tribu. Nous étiotos contents;
disdples de celui qui n'avait pas où reposer sa Céte ,
nous avions plus que nous ne méritions.
« Un autre chef, celui du village que nous habî-
Digitized by LjOOQ IC
33
tons, s'élait converti depuis peu, et, dans un pre-
mier moment de ferveur, avait formé la résolution de
forcer^ les infidèles et les protestants à se faire ca-
tholiques, ou à sortir de sa tribu. Avant de rien entre-
prendre, il vint nous consulter. Nous lui dîmes de n'en
rien Élire , et nous insistâmes avec énergie pour qu'on
Itissit à chacun une pleine liberté. — « Mais les pro-
« testants , dit-il, ont bien usé de violence. » — « Oui ,
« mais ils ne sont pas les envoyés de Dieu; ils ne
« connaissent pas Tesprit de FEvangile qui défend la
« Gpntrainte, et nous enseigne à gagner les infidèles
a et les hérétiques par nos bons exemples > par la per-
« suasion et l'ascendant de la vérité. Si le Seigneur
« voulait employer la force, qui pourrait résister h sa
« toute-puissance? Il respecte la liberté de tous lés hom-
« mes : gardons-nous d'y porter atteinte. » Cette ré-
ponse, qui a été connue de toute Tile^ a fait dire
au natm^ls : « Les papistes ne sont pas comme les
m autres; quand nous voudrons une religion nouvelle,
« c'est la leur que nous embrasserons.
« Peut-être s'écoulera-t-il encore bien du temps avant
quMls prennent ce parti , qui ferait leur bonheur. Toute-
fois la grâce opère déjà d'une manière assez sensible,
et en voici un petit trait. Une vieille femme avait gra-
vemait mjurié le fils d'un grand chef, qui est catho-
lique ainsi que toute sa famille : il était décidé que h
coupable recevrait en punition quarante-cinq coups de
bâton. Heureusement pour elle , la femme du chef, qui
est notre plus fervente néophyte, intercéda auprès de son
mari : « Tu veux , lui dit-elle , châtier cette femme
« comme si tu étais infidèle ; mais avant d'être baptisé
« tu ne disais pas cinq ou six fois par jour : Pardon-
« nex-notM nos offenses , comme nous pardonnons à eeitx
• qui nous ont offensés. Ne m'objecte pas qu'il faut
Tov. XV111. 104. 3
Digitized by VjOOQ IC
34
m bien infliger une peine proportionnée à l'injnre : si
« Dieu nous traitait comme nous le méritons, que se-
« rait-il Tait de nous? Puisqu'il est si bon que de
m nous remettre nos énormes et innombrables fautes,
« n'est-il pas juste que nous remettions aussi les ofienses
« que nous avons reçues? C'est ce que nous prêchaient les
n deux vieux ^ dimanche dernier; fais les venir, et
« tu verras ce qu'ils t'en diront. » Nous fumes, en effet,
oppelés, et nous prononçâmes en faveur du repentir.
Cette femme qui était inGdèle se convertit aussitôt.
« Dernièrement , un grand sujet de guerre s'est élevé
par suite d'un vol commis dans la tribu où nous rési-
dons. II s'agissait de quelques dents de baleine qu'on
y adorait. A force de tentatives auprès des deux partis,
nous sommes parvenus h rétablir la paix. Les deux vieux
ont encore eu le bonheur de terminer heureusefloent
plusieurs autres querelles, prêtes à dégénérer en combats,
et ce ministère de conciliation a été assez avantageux
à notre sainte cause. Tout le monde a dit : « Le»
« missionnaires Wesléiens nous ont entraînés à faire la
« guerre^ et ceux-ci nous retiennent quand nous allons
« nous entr'égorger : leur religion est une religîop
• d'amour , elle est bonne pour Tonga.
« L'état actuel et les progrès de notre Mission peu-
vent se résumer dans les chiffres suivants : Noos venons
de conférer le baptême solennel à quarante personnes,
dont quinze avaient appartenu à Théresie ; quelques joturs
après, nous avons admis à la première communion vingt-
quatre néophytes; en tout, nous comptons aujourd'hui
cibquante-quatre communiants dans notre petite chrétie»-
lë. Que vos prières nous aident ù en augmenter le
nombre I
« Parmi nos catéchumènes, se trouve une petite
6Ue, âgée de sept à huit ans, et déjà bien instruite.
Digitized
byGoogk
3a
qui noos a montré que Tespril et le sentiment ne sont
étrangers à aucun peuple. Son père et sa mère se
(lisaient, bien catholiques, mais se mettaient peu en
peine de se préparer au baptême. Comme nous avions
des raisons pour ne pas régénérer cette enfant sans
sa fomille, nous lui dîmes d'attendre encore. Elle fut
profondément affligée de notre réponse, et s'en alla
confier son chagrin à ses parents : « Que je suis à
« plaindrel leur dit-elle ; rien ne m'est plus cher que
« votre salut , et vous repoussez toujours la grâce du
o baptéfiie, qui est la porte du ciel. Si vous veniez
« à mourir dans cet état, le paradis vous serait fermé,
« comme disent les deux vieux. Encore ne vous con-
« tentez- vous pas d'être malheureux; vous êtes aussi
« cause que je le suis : voilà que toutes mes com-
a pagnes vont être heureuses après-demain , et moi je
a demeure dans mon malheur , et c'est à cau^ de vous!
« Puis vous dites que vous m'aimez 1 » €omme elle
sanglotait en achevant ces mois, ses parents lui ré-
pondirent : « Console-toi, chère enfant, au prochai»
« baptême , tes désirs seront satisfaits. »
« Après un trait si édifiant^ ne vous imaginez pas
qu'ici tout soit merveille. Partout le bien et le nrial
sont mêlés. On rencontre à Tonga rindifférence pour
la religion, l'ingratitude et même le mépris pour
ses ministres ; mais , comme ailleurs , le bon Dieu sait
y discerner ses élu«. De ce nombre et parmi les pre-
miers convertis , se trouvaient deux jeunes mariés ,
dans lesquels nous rencontrâmes une grande droiture
d'esprit jointe à une piété solide : nous les priâmes
d'aller demeurer dans une tribu infidèle , espérant que *
leurs bons exemples amèneraient quelques personnes i
la foi. Notre confiance n'a pas été trompée. Ils ont
tellement répandu la bonne odeur de Jésus-Christ autour
3.
Digitized by LjOOQ IC
38
d'eux, que déjà nous comptons dans cette petite peu-
plade plus de quarante néophytes, qu'on dirait avoir
été formés sur le modèle des deux fervents époux.
« J'ai trouvé, dans celte môme tribu, un petit pro-
dige auquel vous aurez peine à croire. C'est un enfant
de cinq ans , et toutefois déjà assez instruit pour que
je n'aie pu l'embarrasser par aucune question de son ca-
téchisme , en l'interrogeant de toutes les manières. Ce
petit ange nous a demandé la permission d'apprendre
la doctrine chrétienne à ses parents qui , à Texception
de son père et de sa mère, sont encore tous .dans le
paganisme. C'est un catéchiste d'autant plus excellent,
qu'on ne peut rien refuser à son innocente simplicité;
c'est lui qui dit le bénédicité et les grâces dans la &-
mille. A peine a-t-il vu célébrer la messe cinq. ou six
fois, et déjà il en imite toutes les cérémonies; une feuille
de bananier lui sert de corporal, une coquille de mer
lui tient lieu de calice : quand il sera grand, repète-t-il,
il veut la dire tout de bon. Plaise à Dieu que cette voca-
tion s'affermisse , et qu'un jour l'Océanie le compte au
nombre de ses apôtres.
« Croyez, mon cher Père, qu'une ou deux conso-
lations de ce genre font oublier bien des fatigues.
Qu'après cela il y ait encore à souffrir , je ne le dissi-
mulerai point. Oui , nous avons des misères , et même
beaucoup; si je les racontais toutes, je pourrais peut-
être effrayer quelques-uns de ceux qui pensent à venir
nous rejoindre. Mais Dieu est puissant pour soutenir ceux
qu'il envoie. Somme toute , les consolations ici surabon-
dent encore. Des misères! Tapôire en a peut-être moins
que certains navigateurs; les mers sont sillonnées par
une infinité de marchands, qui souffrent autant et plus
que nous. Des misères 1 il en est aussi pour les pécheurs
de baleine et pour les trafiquants de perles; il en est
Digitized by LjOOQ IC
37
surtout pour ces marins qui, poussés par Tamour de
la gloire, ou Tirrésislible besoin de connaître, vont
d'un pôle à Tauire , au risque d'être ensevelis sous des
monceaux de glace , chercher le magnétisme terrestre.
Et nous ne ferions pas pour gagner des âmes, pour pé-
dier les perles immortelles qui doivent faire un jour
Pomement des deux , ce qu'on accomplit tous les jours
pour favoriser la vanité ou enrichir le domaine de la
science?
« Un mot , en terminant , sur le cep de vigne que j'ai
planté. Après mille essais divers, je suis parvenu à
arrêter sa force exubérante de végétation , et j'ai eu la
consolation de lai voir porter des fruits. Que pensez-
vous que j'aie fait du premier raisin qui ait mûri à
Tonga? que je l'ai donné? conservé? Non rien de tout
cela : je l'ai cueilli religieusement , je l'ai pressé dans
un linge très-propre , puis après en avoir clarifié le jus,
je m'en suis servi pour dire la messe , le premier jan-
vier 1844. Commp mon confrère était alors absent,
je n'avais personne à qui exprimer mes vœux de bonne
année, et pendant que vous passiez ce jour dans l'al-
légresse, au milieu de vos nombreux amis , je me trou-
vais seul à cinq mille lieues de la pairie. Mon cceur avait
pourtant besoin de s'épancher. Que faire? Je célébrai
pour tous les membres de la société de Marie , pour
mes parents, amis et bienfaiteurs d'Europe , et je char-
geai celui qui est de tous les temps et de tous les lieux
de vous faire parvenir mes souhaits : puissent-ils s'ac-
complir , et vous serez heureux , heureux sur la terre où
probablement nous ne nous reverrons pas, plus heu-
reux dans le dd où j'espère vous devancer pour ne
vous quitter jamais.
« J. Grange , flltssîonnaire apostolique de la
Bociéié de Marie. »
Digitized
byGoogk
38
Lettre de Mgr Bataillon, Évêque d'Enos, au R. P.
Colin , Sitpérieur général de la société de Marie,
\\n\\\s , 20 aoùl lgl4.
a Mon RÉvÉRE?iD Père,
« J'aitelidab pour vous écrire que ma visite des Mes
fût terminée , oGn de vous donaer des détails phis pré-
cis sur toutes nos Missions de TOcéanie» Je sais cembien
il importe qne vous soyez au courant du véritable éfsrt
des choses, aussi vais^je tâdier de les peindre telles qaè
je les connais. Ce rapport vous montrera, ici comme
partout , un méhnge de bien et de mal ; ici comme
partout, Tœavre de Dieu ne s'q)ère que lentement,
et s'achète au prix des conli^adiclions et des souflj^ances.
« C'est le 1 7 mai , six mots après le passage de Mgr
d'Amaia , que nous soat airivés les VP. Caiinoa , Favier
61 Bréhéret , avec les deux frères Annct et Jean. A cetle
«époque, les Pères Mathieu et Rondaii^ commençaient à
ptrier la langue des indigènes, et pouvaient à la rignevr
me rem(4acer à Wallis ; je me déterminai donc à me
•éparer pour quelque temps de cette chrétienté, et je louai
la navire Trançais VJdolpke, qui avait amené nos nwjt-
imux confrères , afin d'aller moinnéme tes installer dons
las Mes auxquelles je les destinais. Mous partions, le 11
juin ; nous avons touché à Fuluna , à T^ftigaL tl à Fidji ;
aigourd'hui, 20 août, je suis de retour d'un si long
voyage , et c'est encore à YJdolphe que je confia cette
Digitized
byGoogk
39
lettre, pour qu'il vous la porte en Finance. Je donnertii
séparément un aperçu de chaque Mission, en vous disant
d'abord un mot sur celle de Wallis.
r Mmion itOuvéa (If^allis) dite Mission de N.-D.
du Bon-Espoir.
« Voas avez déjà reçu, au sujet de celte Mission, det
renseignements qui me dispensent d'entrer dans beau*
€0opMe détails. Elle est toujours sur un bon pied et
noos donne de grandes consolations. Une seule chose
«eus alanme pour l'avenir, c'est un noyau de proies-
lants venus de Vavau et protégés par un chef très-
puissant , eetui-là même qui doit occuper le trône après
le roi actuel. Nous n'avons pas d'autre épreuve à Wallis-
J'aime à croire que Dieu nous l'envoie dans sa miséri-
corde , pour stimuler notre vigilance et tempérer notre
joie; car, sans celte inquiétude, nous serions peut-être
trop heureux. Nos néophytes sont fervents et pleins de
bonne volonté , amis du travail et assidus à la prière ,
aussi avides d'instruction qu'empressés à recevoir les
sacrements; pour la plupart, ils savent déjà lire et
écrire , et sont à même de rendre compte de leur foi et
de réluler toutes les objections du protestantisme.
« Cette année-ci , nous avons pu nous occuper de la
première communion des enfants. Elle a eu lieu dons
les deux paroisses principales , Notre-Dame et St.-«Ioseph;
diacune d'elles comptait deux cents jeunes Wallisiens
environ. La veille du grand jour , loi*sque ces enfants,
déjà réconciliés avec Dieu, allèrent demander un nou-
veau pardon à leurs familks , ce ne fureat que picurt
d'aHendrissement éam tout le village. Avec quelle émo-
tion ils entendirent , le lendemaio , la clocbe qui les ap-
Digitized
byGoogk
40
pelait à Téglise 1 Ils étaient tous babilles de tape blanche.
11 ne m^est pas possible de vous dire combien je fus
touché de leur maintien respectueux , de leur modestie
et de leur ferveur.
« Après la messe il y eut un déjeuner commun. Mous
servîmes nous-mêmes ces petits anges, placés sur deux
rangs et assis sur de belles nattes ; nous leur distri-
buâmes des images de première communion; ensuite,
tous leurs noms , inscrits sur un tableau dédié à la sainte
Vierge » furent suspendus à im pilier de Téglise. A leur
tour ces heureux enfants vinrent nous remercier, et après
les avoir bénis, nous les renvoyâmes à leurs parents.
Priez , mon révérend Père^ pour que nos néophytes con-
servent cette ferveur, et surtout pourqu^ils ne soient pas,
un jour, en butte aux persécutions de Tbérésie.
2® Mission de Tonga, ditp Mission de la Fier ge
immaculée.
« Vingt-deux jours de navigation nous conduisirent
de Futuna à Tonga-Tabou (1). Comme nous avons Tin-
tention de nous fixer plus tard dans cette ile , qui est
sans contredit la plus importante de notre vicariat, nous
avons cru devoir y placer le Provincial pour nous pré-
parer les voies. Nous n'avons encore à Tonga qu'un bien
petit nombre de prosélytes ; mais la Mission n'est qu'à
son commencement, et l'avenir lui appartient. Avant de
propager la foi , il a fallu d'abord dissiper les pré-
jugés , et faire tomber les calomnies que les ministres
(1) Noos sapprimoDS le passage de cette leUre qni concerne Fotona .
parée qu'il rentre dans les détails déjà donnés par le P. Routteanv*
Voir pins haut la lettre de ce Missroonaire , p. 18.
Digitized
byGoogk
41
protefttauis avaient répandues de toute part et surtout
aooréditées à Tonga. J'ai ?a avec plaisir que nos Pèree
en étaient déjà venus à i>out. Ib vont maintenant dans
toute rUe , et sont fevorablement accueillis, de tout le
monde, des infidèles comme des hérétiques; et certes
ce n'est pas un mince progrès d'avoir amené les choses
ù ce point / dans un pays où , d'abord , on ne pouvait
même supporter notre vue. Sans parler des néophytes
qui ont reçu de nos mains le baptême et h confirma-
tion, BOUS avons inscrit, avant notre départ, soixante
nouveaux convertis au moins , sur le tableau des caté-
diumènes. Ce qui a jusqu'ici ralenti l'essor de cette
Mission, c'est l'absolu dénûment où sont restés nos con-
frères : nous allons maintenant y remédier, et sous peu
nous espérons que la chrétienté de Tonga comptera parmi
les plus florissantes.
3° Mission de Fidji ^ dite Mission de N.-D. des Sept-
Douleurs.
« Après un séjour de trois semaines à Tonga , VAdoi-
phe a fait voile pour l'archipel de Fidji. Mon inten-
tion était d'y placer deux prêtres. Sur quel point poui-
rais-je les établir, je l'ignorais encore: je péichais pour
les lies les plus importantes du groupe, quoiqu'elles
lussent les plus sauvages; mais des obstacles de plus
d'un genre en décidèrent autrement. C'est à Namouk;*
que je déposai nos confrères. Ils ont été très-bien ac-
cueillis par la population , bien qu'elle soit protestante ;
déjà même ces insulaires les ont pris en afiection , c^t
sont venus à bord au moment de mon départ, pour
me prier de ne pas assigner aux Missionnaires d'autre
poste que leur Ile , me donnant à entendre qu'ils n'étaient
Digitized
byGoogk
42
pas loin de se Convenir au cathoUcisme. Sur leurs ia-
stances, je fis direauiL Pères Roulleaux et Bréfaéret qui
étaient à cerre , de séjourner quelque temps à Nsunouka
pour y apprendre la langue^ a moins que des circonsian*
ces imprévues ne leur offrant ailleurs une moisson beau-
coup plus abondante, leur fissent un devoir d^aller la
recueillir. Nous avons laissé près des deux Pères le
frère Annet et deux catécbisles de WalUs avec quatre
néophytes Fidjiens, que nous avons ramenés de Tonga
dans leur patrie. Telte est à son dâ>ut la nouvelle Eglise
de Fidji. Puisse Motre-Seigneur bénir son humble ber-
ceau ! Je la reeonnmide , ainsi que toutes nos MilssioBS ,
à vos saints sacrifices et aux prières de la société.
« Agréez, mon révérend Père, elc.
« f Pierre , Évéque dEnos. »
Digitized
by Google
43
LeUre du Pire Escoffier, Mimonnmre a^siolique de la
tociéU de Piejms, à ses foretUs.
Nodu-HÎT* , archipel des Blarfuûes.
« MOK BtE{« CUK PÊRB et HA BORNE MÈ&E ,
« Il VOUS (arde sans doute de recevoir de mes nou-
velles. Le vopge é\xnl long, les périls sont communé-
ment nombreux; vos craintes poor moi étaient donc
fondées : aussi que de vœux n'avez-vous pas form^
pour votre enftntl Elles étaient ardentes, vos prières,
tar le Seigneur nous a constamment protégés; les vents
ent presque toujours été lavoraWes , et sauf les misères
tnbérentes à la navigation , nous av(His fuit la traversée
la plus heureuse possible.
« Partis le 4 mai de Toulon , nons arrivions le 23
«oàt à Valparaiso; nous étions on vue des Marquises,
le 33 septembre ; le t4 octobre , à dix heures du nralin,
notts jetions Tancre; enfin le lo, une gratid'messe d'ac-
tien de grâces était chantée ^r cette terre , derenue
Résonnais notre patrie et le Ken de notre repos.
« Je ne vous dirai pas la joie que f ai épnmvée en
Voulant pour la première fbis<;e sol sauvage. — Dieu bé-
nira les désirs de mon cœur, me diaaia-je à moi-même;
'et bientôt ees hommes à Tair fëreoe seront mes anm.
Digitized
byGoogk
44
Je les aime tant , je leur prouverai mon aOcciion de
tant de manières, qu'ils écouteront ma parole; Jésus-
Christ la gravera dans leurs cœurs, et quand ils l'au-
ront connu, ce Dieu qui est la bonté infinie, ils lui
rendront amour pour amour. Oh 1 priez , mon cher Père
et ma bonne Mère, que celte pensée de votre enfant
ne soit pas un rêve de son cœur. Priez la sainte Vierge ;
j'ai la confiance que, par elle, il n'y a pas de merveille
qu'on ne puisse opérer. Vous le savez , j'ai toujours mis
en Marie mon espérance; et ce n'est pas après avoir reçu
tant de preuves de sa tendresse, que je cesserai dV
voir recours à sa puissante protection.
« Maintenant je reviens sur quelques circonstances de
ma longue traversée. En passant à Gorée , j'allai visiter
Dakar, petit village situé environ à deux lieues de la
pointe où nous étions descendus. Arrivé là, je demandai
l'honneur d'être présenté au chef du pays. Nous fûmes
introduits auprès de sa majesté a(ricaine par une espèce
de confident , armé d'un petit poignard , emblème de sa
dignité ; nous trouvâmes le roi assis sur quatre planches,
reciMiverles d'un vieux tapis rayé de jaune et de rouge ;
il était accroupi comme les tailleurs; il me tendit la
main avec beaucoup de bienveillance , et me fit asseoir
à sa droite.
a Après les premiers saluts d'usage , je fis quelques
questions au prince sur son royaume , sur ses sujets, ec
même sur son auguste personne. Ce mot d'augusie le fit
sourire, et il m'insinua qu'il était moins puissant que le
roi de France. — « Un roi étant pour moi le représentant
de Dieu sur la terre , lui répondis-je, quelle que soit
sa puissance , il. est toujours auguste à mes yeux. —
Sa majesté parut contente et me serra la main avec
beaucoup d'affection. Puis, vint la religion. Ce roi
est mahométan; après une petite explication de nos
Digitized
byGoogk
45
dogmes, il comînt que le catholicisme élait bon ^' et il
m^avoua que s'il était convaincu que sa croyance fût
mauvaise, il n'hésiterait pas à Tabandonner.
« Je n'avais pas le temps de poursuivre l'œuvre de
la grâce. Je tirai de ma poche une médaille miracu-
leuse^ que je lui offris après l'avoir baisée avec respect.
11 la reçut , la baisa aussi , la mit à son cou , et m'as-
sura qu'elle serait l'objet de sa vénération. Or, mon
dier Père et ma chère Mère, on n'a jamais entendu
dire que personne ait en vain prié Marie... Nous nous
embrassâmes et nous quittâmes bons amis.
a Le 22 juillet^ nous étions à la hauteur de La Plata.
Il élait une heure après minuit. Le vent soufflait depuis
deux jours avec violence. Un matelot vint me prévenir
que la mer était U'ès-grosse, et qu'une tempête nous
menaçait. Je me lève aussitôt, et soigneusement enve-
loppé de mon manteau de toile cirée , je monte sur le
pont.
« La mer était en feu , les éclairs se succédaient dans
le ciel avec une effrayante rapidité ; des gerbes d'élec-
tricité s'échappaient de toutes les vergues ; le long des
mâts , près des canons , partout où il y avair un clou,
brillait un jet de flamme ; des rafales s'engouffraient avec
fracas dans les quatre ou cinq voiles que l'on n'ayait
pu serrer; des montagnes d'eau tombaient à chaque in-
stant sur le pont , et semblaient vouloir engloutir le navire.
« J'avais souvent désiré de voir une tempête ; maîn*
tenant assis au pied du grand mât, je sentais l'ardeur
de ma curiosité s'éteindre dans le déluge qui m'inondait.
Des pensées bien plus graves préocuppaient mon esprit.
La mort était là devant moi; et en présence d'un m
terrible ennemi, il est difficile de ne pas éprouver^ je
ne dirai pas un sentiment de peur, mais quelque chose
de très-approchant. J'attendais la fin, et je priais Celui qnî
Digitized
byGoogk
46
tient sous sa Diain les vents et les orages, je priais
aussi ma Mère qni est au cieU
« Tout à coup un furieux coup de vent emporta toutes
nos voiles. Le fracas fut si horrible qu'un moment je
crus que le navire, brisé contre un écueil, allait s'en-
tr'ouvrir et s'abîmer. Je levai les yeux , tout était encore
debout. * Seulement^ quelques lambeaux de toile, agités
par la violence du vent, fouettaient les vergues et les
mâts. Le navire n'était plus guidé que par les Anges
qui veillaient à notre conservation. 11 était bien gardé*. •
Je rentrai dans ma petite couchette en chantaqt ce couplet
du cantique :
Les vents et la mer en furie
En vain voudraient me submerger.
Caché sous l'aile de Marie ^
Je ne redoute aucun danger.
« Vous voyez > ma bonne Mère, que partout et tou-
jours la sainte Vierge protège votre enfant; aidez-moi
donc à la remercier pour tant de faveurs,
« Quand, avant mon départ, je vous parlais de mes
misères à venir, vous me témoigniez vos craintes et vos
inquiétudes : eh bien! au Uea d'un arbre, à l'ombre da*
quel j'espérais me mettre à l'abri , on nous construira une
jolie petite cabane en feuilles de palmier , tressées avec
un art admirable. Je n'attendais pour me reposer, le
soir, que le sable fin du rivage, et voilà que la Provi-
dence me ménage un délicieux lit de mousse; à côté,
sera mon petit bagage; en (ace, une croix, avec une
image de Marie; et là^ je prierai mon Dieu de ne ja*
maism'abandonner^ de veiller siu* moi, de me fortifier
et de me conduire, afin que je lasse jusqu'au bout sa
Digitized
byGoogk
47
volonté. Dans ma cellule je graverai les noms de mon
père, de ma mère, de mes frères et de mes sœurs ,
ainsi que ceux de quelques amis véritables, et je prierai
pour eux tous les jours.
« Adieu , mon cher Père et ma bien bonne Mère.
« Je vous embrasse de tout mon cœur et suis votre
enfant tout dévoué.
« Alphonse Escoffier , Missionnaire apostolique
de la société de Picpus. »
Digitized
byGoogk
48
MISSIONS DE SIAM.
If tire de M. Grandjean^ Missionnaire aposiolique, dsa
famille.
Baogkock , le i^ jaia igl4.
« Bien €hebs Parents,
« J'arrive du Laos où mes supérieurs m'avaient en-
voyé , Tannée dernière , aussitôt après la cessation des
l»hiies. Quoique mon voyage ait été sans succès, et que
je n'aie pas même eu la consolation de donner le baptême
à un seul enfant moribond, je vous en ferai néanmoins le
vét:ii, qui ne sera pas sans intérêt pour vous , puisqu'il
s'agit d'un pays et d'un peuple encore si peu connus
•a Europe.
« Je sortis de Bangkock le 5 décembre 1843 , avec
i|ntre rameurs ; j'étais accompagné de H. Yachal , mis-
spMinaire arrivé à Siam depuis un an ; ce confrère était
une autre barque.
Digitized
byGoogk
49
« De Bapgkock à Laiteon-Lavan , ville que nous atleir
gntmes le 16 décembre, les bords du Me^liuim sont
assez peuplés; on trouve coniinuellement des maisons
éparses çà et là sur la rive; de temps en temps 2cpp9f
raissent de gros villages , et presque chaque jour on
rencontre quelques petites villes où réside un gouver-
neur. Jusques-là le fleuve n'est pas encore très-rapide,
et le voyage n^est pas sans agrément. Mais lorsqu'on
a dépassé Latteon-Lavan , rhorizon^ resserre graduel-
lement et s^àssombrit ; à droite et à gauche on com~
meuce à apercevoir des montagnes , entre lesquelles le
Meinam se précipite avec la fougue d'un torrent , cou-
vert de gros arbres déracinés qu'il entraîne au moment
des pluies, et qu'il laisse ensuite plus ou moins en-
foncés dans le sable. Lorsque l'inondation a cessé , cet
obstacle fait qu'on ne peut, plus voyager de nuit , et
rend même la navigation périlleuse pendant le jour ;
car il n'est pas rare que la barque heurte conure quel-
ques-uns de ces troncs à demi cachés par l'eau , qu'on
ne distingue pas toujours assez à temps pour les éviter.
« Les bords du fleuve ne sont [dus que de vastes forêts,
presque impénétrables , remplies de tigres' et d'autres
animaux féroces qui ne permettent plus de dormir près
du rivage ; on est obligé d'amarrer la barque assez loin
de ces bords dangereux. Ce n'est , au reste , qu'après
deux , trois et quatre jours de marche qu'on rencontre
un médiant village, où l'on ne trouve rien à acheter ;
les villes y sont encore semées à de plus longs intervalles :
nous n'en avons aperçu qu'une , assez petite , depuis
Latteon-Lavan jusqu'à Rahang où nous arrivâmes lé 31
décembre»
« Dans tous ces pays il régnait une telle disette qu'a*
peine avons- nous pu nous procurer le riz nécessaire :
heureusement que nous avions apporté de Bangkock
To«. xnit. 104, 4
Digitized
byGoogk
50
ime assez boone prorisieii de poissons secs , et qae nos
gens nons tuaient de temps à attire quelques péUcans
oa quelques gros hérons ; sans quoi ik>us aurions 9icm^
vent été obligés de nous cent^ter de notre ris tom
seul.
« Cest avec un de ces oiseaux que nous noua ré*
galâmes le jour de Noël , sur un beau banc de saUe,
où nous nous étions arrêtés pour passer ce saint jour.
« Du reste, ce premier mois se passa sans aucun
accident (adieux , et sans qu'on pensât même à nous
arrêter ; car conune nous étions tous deux siur des bar-
ques qu'on appelle JnnamiteSy et que les couiriers du roi
emploient ordinairement pour leurs messages, on nous
prit partout pour des agents du prince , en sorte que
gouverneurs et douaniers ne songeaient pas même à
demander à nos gens qui ils étaient ni o& ils alkiient*
Quant à nous , il va sans dire qu'en toucbant aux
stations soumises à la surveillance des officiers, nous
nous gardions bien de montrer notre £sice. Cepen-
dant, quand nous fûmes arrivés àRahang, ville assez
considérable , distante seulement de vingt ou trente
lieues de Moulmien^ qui appartient aux Anglais , siu* le
golfe du Bengale , nous y trouvâmes une douane très-
sévère qui ne laissQ circuler aucune b:irque sans passe-
port : aussi n'essayâmes-nous pas de franchir furtive-
ment le poste, comme nous avioiis fait ailleurs ; nuûs
nous jugeâmes plus à propos de nous rendre directe-
ment et en plein jour chez le gouverneur , pour voir s'il
ne serait pas possible de le gagner par quelques petits
présents, sauf, en cas de refus , à tenter le passage de
quelque autre manière. Je pris donc avec moi une bou-
teille d'eau de cologne , un petit paquet de thé et une
paire de ciseaux , puis me présentant hardiment devant
lui , je lui annonçai que nous étions des Bàd JLuang
de Banghock (car c'est ainsi qu'on nous appelle) ; que
Digitized by LjOOQ IC
61
BOUS avions intention de nous rendre à Xieng*Maif {»-
pitale du Laos occidental, et que nous n'avions pat voota
passer outre sans le vçwar et lui oflrir quelques gage» ig
notre amitié. Api^ès.ce début ei sans lui laisser le teoip»
de répondre» je lui deourndai laquelle des deux voies il
jugeait la plus iadle , ou de continuer notre route m
barque, ou d'aller par terre avec des éléphants*
« J'espérais par ce ton d'assurance lui faire croirs que
nous étions en règle, et qu'il était inutile d'en exiger
la preuve. Mais ma ruse ne réussit pas, car sa première
parole fut de nous demander si nous avions des paise*
ports, — Oui, nous en avons, lui répondis-je auasicdt*
Nous avions en eflFet une méchante lettre d'un manda-
rin chrétien qui portait en substance , qu'il y avait or-
dre de tel prince à tous les gouverneurs des villes ,
chefs de villages et de douanes , de laisser circuler libre-
ment et de ne point molester tels Bàd Luang , qui al-
laient visiter les chrétiens chinois et annamites , dispersés
dans le royaume ; mais on ne disait pas qu'il nous fui
permis de prêcher aux païens , bien moins encore, que
nous pussions franchir la frontière.
« Comme il demanda à voir ces passe-porls , force fut
de lui présenter cette lettre en laquelle nous n'avions au-
cune confiance, mais que le cas difficile où nous nous
trouvions, m'obligeait à manifester. Par la grâce de Dieu ,
eUe fut mal comprise et fut même regardée comme une
recommandation, émanant du prince même 'dont il était
quesuon dans la lettre. Aussi se garda-t-on bien de nous
arrêter. Au contraire, après avoir lu cette pièce, le gou-
jwnneurnous ditque nous étions libres d'aller où nous voû-
tons : quant àpoursuivre noire route par le fleuve, nous
»ele pouvions pas, ajouia-t-fl, àcausedes cascadesnom-
Creuses qu'on rencontre; à la rigueur pous pouvions aï^
» par terre avec des éléphants ; mais les chemins
«smx très- difficiles , nous ferions mieux de prendre telte
£2
rWière qull nons indiqua ^ et qoi nous condairait à une
▼ille appelée Thoën , d'où nous atteindrions plus aisé-
ment Xieng-Mai avec des éléphants. Je lui répondis que
nons suivrions son conseil. Après avoir obtenu de lui une
lettre qui était un passe-port en bonne et due forme pour
pénétrer dans le^Laos , nous continuâmes notre route jus-
qu'à Thoën où nous arrivâmes en sept jours.
« Comme vous voyez , nous passâmes le nouvel an à
peu près comme nous avions passé les fêtes de Noël. Nous
n^eûmes pas d'oiseaux à manger ce jour-là , mais nons
nous r^alâmes avec du poisson sec et des œufs salés, que
nous avions achetés à Rahang. Je pensai un peu à St-Dié,
à vous tous, et aux personnes qui me sont chères ; hélas I
je n'eus pas le bonheur d'offrir pour elles le saint sacrifice.
« Arrivés à Thoën, nous confiâmes nos barques au gou-
verneur , et nous prîmes des éléphants pour traverser les
montagnes immenses que nous avions devant nous. Elles
ne forment pas une chaîne très-élevée ; mais elles sont
remplies d'éléphants sauvages, de tigres et de panthères,
qui en rendent les défilés assez dangereux. Nous mîmes
cinq jours à les franchir , pendant lesquels nous passions
les nuits à la belle étoile , n'ayant que l'épaisseur des ar-
bres pour nous garantir de la rosée, et de grands feux al-
lumés autour de notre camp pour nous préserver desbé*
tes féroces. Ces feux, que nous avions soin d'entretenir
jusqu'au jour, servaient aussi à nous réchauffer ; car vou$
sentez bien qu'au mois de janvier , au milieu des forêts ,
et à une latitude de vingt degrés an moins, nous devions,
surtout pendant les ténèbres , respirer un air assez frais.
€ Lorsque nous arrivâmes au sommet de la plus hante
de ces montagnes , et qu'il nous fut donné de jeter les
yeux sur ce pauve Laos , où jamais Missionnaire n'avait
encore mis le pied , je me sentis ému ; mille pensées di-
verses roulaient dans mon esprit; ne pouvant contenir les
Digitized
byGoogk
53
mouvements qni agitaient mon âme , j'entonnai à haute
voix le Je Dèum , pour remercier Dieu de m'avoir fiait
la grâce de pénétrer dans ces régions infidèles, parmi ces
nations privées depuis tant de siècles des lumières de TE-
vangile. Je chantai ensuite le Feni Creator , pour con-
jurer le Seigneur de vouloir bien achever son ouvrage ,
et faire fructifier au centuple la sainte semence que j'al-
lais bientôt confier à cette nouvelle terre , encore toute
couverte de ronces et d'épines^ Il n'est guère possible ,
il est vrai , de trouver quelqu'un qui chante plus mal que
moi ; mais comme ces montagnes , jusqu'alors maudites
du ciel, n'avaient jamais eu le bonheur d'entendre bénir
le Dieu qui les a Élites , je» vous assure qu'elles étaient
si enchantées de ma voix , qu'on eût dit qu'elles se plai-
saient y par leurs échos , à répéter à L'envi mes accents.
« Pendant tout ce temps-là , je marchais seul avec
deux petits serviteurs qui m'accompagnaient. Mon con-
frère , qui était un peu indisposé , me suivait de kîn
monté sur un éléphant. Lorsque nous fûmes descendus
4ans la pkiine , nous cheminâmes encore deux jours i
travers une campagne assez vaste et assez agréable , qui
paraissait avoir produit une belle moisson de Hz : on ve-
nait de lever la récolte. Enfin nous arrivâmes sains et
m& â Xieng^ai , le 18 janvier 1844.
« Ce petit voyage à éléphant nous coûta cent vingt
francs environ , sans compter les frais de nourriture qui
se sont élevés toutau plus à six francs pour monconfrèfe,
pour moi , pour deux hommes et trois jeunes euGuils.
Dès la pointe du jour , on frûsait cuire le riz, qu'on Mm-*
geaitàla hâte, puis on marchait jusqu'à quatre heures du
soir sans s'arrêter. On faisait alors im secoml repus sem-
blable à celui du maiiR , après lequel on se délasssélâ
rire et à causer prèsdct finix qu'on avait uUonés pour
banit. .
Digitized
byGoogk
64
m On diatiDgae ordmaireaeBt deux sortes de LaodeBi^
tm UM qu'on appelle Utoung-Damy c'est-à-dire Ftn£re$^
NêWê f et les autres qu'on appelle Thoung^KItao , c'estr
^wiire FctUrtê-Blana, On les nomme ainsi parce que les
JMOimfffT de la race Fentres-Noùrs, arrivés à l'âge de qua*-
ionpe ou seÎEe ans, ont coutume de faire peindre sur leurs
wrçé différemes 6gures d'hommes , de fleurs , d'élé-
(AsBts 9 de tigres , de serpents et autres animuux. Cette
i>péf otion se fait en pratiquant , au moyen de plusieurs
aiguilles jointes ensemble , une foule de piqûres sur l'é-
piderme; puis ils y versent une encre noire qui foit res-
sortir Cous les uraits dessinés sur la peau ; ils ont beau se
laver ensuite, l'impression ne s'e(&ce jamais. Ce tatouage
«e s'exécute pas sans douleur, puisqu'on est obligé de gar-
rotta* le patient , qui demeure ordinairement malade
pendant quinze joui's, et qui en meurt même qudquefois*
-Cepenxlant comme Us jeunes Laociei» ne pourraient trou-
ver da fiancées si ce genre de beauté leur manquait , il
•te est aucun paruii eux qui ne souffre volontiers cette
i>lpératioa douloureuse. Les Fenùres-Blancs, au: ooutraire»
te contentent de leurs grâces naturelles.
« Tous ces peuples s'étendeat, au nord jusqu^aux fnm^
4U»es de la Chine , au midi jusqu'au royaume de Siam ;
A t'est ils confinent avec la Cocfaincbine et le Tong-King ,
flif ouest avec l'empire des Birmans. Aux Fm^reê^BUma
gppartieot la région oriastale, les FmUres-Noir» occupeat
taiprovincts de l'ouest. Us soat divisés en une fodte de
palks royaumes , dont chaque prince a droit de vie <C
*éi«ion ; mais, à l'exception dedeux ou trois seuleaMOt»
jb 4épende»t tous du roi de Siatm^ q» les somme ou ks
«bMtltfesekmsoobonpkiisir; ilssoat,.depltt0fOUigéade
iwi payer ua irîbai aenoeL NéaoaMini., ceoMne ib aoftt
«te-ékwiés de BaaelMk , et que, snis ae iéuaia«ûeol,
ib pourraient bien faire trembler toute la puifsanoe 6ia-
Digitized
byGoogk
u
moise, k prince suzerain a pour eux beaucoup d^égards,
il ménage ces vassaux couronnés , et leur fait toujours
quelques présents lorsqu'ils apportent leurs tributs.
« En général, les Fentres^Blanes ne tiennent pas beau-
coup à leurs talapoins ni à leurs idoles; leur caractère
se rapproche assez de celui des Cochinchînois , et il pa-
rait qu'il ne serait pas bien difficile de les convertir au
chrtttiaiiisine. Les FerUrcs-Noirs ont , au contraire , un
lUMrel qui diffère peu des Siamois ; ils sont fortement
attachés à leurs pagodes , à leurs livres religieux , et qui-
conque parmi eux n'a pas été talapoin , du moins pen-
dant quelque temps , est généralement méprisé ; on Tap-
peHe êchûti-dib , c'est-à-dire kamme-cru ou profane , et
il a peine à trouver une épouse. Ils sont d'ailleurs asser-
vis aux superstitions les plus grossières.
« J'aurais préféré me rendre d'abord chez lesFentres-
Bhmct , comme présentant une moisson plus sûre et au
moiiifl aussi abondante ; mais Mgr le Vicaire apostolique
ne le jugea pas à propos , ou plutôt il crut qu'il valait
HMVxse hâter de prendre en quelque sorte possession de
l'oMtf, parce que ces peuples n'étant qu'à quinze journées
de MoulMiiBi où sont les protestants , il était à craindre
q«o letbiblistes , établis dans cette viHe , ne vinssent se-
tter parmi eux leurs erremrs^ avant que nous eussions pit
les édahw des lumières de la foi. Maintenant que nous
coDMiitoflsces eontrées par nous-mêmes , nous n'avons
phifl telle inquiétude , et nous sommes bien assurés qua
\m ttiiiiaires qui ne peuvent faire un pas sans leurs fem*
nés at 1em*s enfants, ne s'aviseront jamais de dormir peu*
dant quinze jours au milieu des tigres , pour venir faabi*'
mr^oM pays oA , avec tout leur or et leur argent, ils m
poorraientse proeurer aucun des avantages matériels de
r*eniatenea«
• Aprtf avoir dit un mot en général sur les Fmtrtt^
Digitized
byGoogk
£6
Noin et les Centres-Blancs , il &at miiiiteiiaiit vous par-
ler plus en particulier du royaume de Xieng-Mai , que
j'ai habité pendant deu\ mois et dem|«
€ Ce royaume est le plus à Fouest de tous les états du
Laos , et c'est aussi un des plus considérables. La capi-
tale f qui porte le même nom , est bâtie au pied et à Test
d'une assez haute montagne , dans une vaste et belle plaine*
Elle a une double ceinture de murailles, entourées cha-
cune de fossés larges et profonds. L'enceinte intérieure
a y s'il en faut croire ce que le roi m'a dit , mille toises de
long sur neuf cents en largeur. Comme celte ville est bâ-
tie à peu près comme toutes celles de Flnde , c'est-à-dire
que les maisons ne se touchent pas et sont environnées
d'arbres et de petits jardins , il n'est pas aisé d'en esti-
mer la population. Le fils atné du roi m'a assuré qu'elle
renfermait plus de cent mille âmes ; mais il a évidemment
exagéré, et de beaucoup ; car, après avoir parcouru Xieng-
Mai plusieurs fois et en tous sens , je ne crois pas qu'on
puisse lui donner plus de vingt mille habitants^ même en
comptant les espèces de faubourgs qui sont hors des oui-
railles. A l'est de la ville , et seulement à trois ou quatre
mioutes de l'enceinte fortifiée , coule une rivière dont les
bords sont en partie couverts de maisons ; malbeureose-
ment elles sont toutes habitées par des banqueroutiers 4e
Bangkock , qui se sont réfugiés là en changeant de mmm ,
pour éviter les poursuites de leurs créanciers. Le roi leur
donne volontiers asile, parce que cela augme&te sa poîa-
sance et ses revenus. Dans cet eut , les villages sont aasec
nombreux ; mais, ne les ayant pas vus , je ne saurais ee
évaluer la population toule.
« Le vm , les cochons et les poules sont i très^wi
narcbé ; en revanche il y a peu de poissons^, encore sm^41s
très-petits , et presque point de légumes ; en aocta q«e
pendant le carême et les vendredis et samedis nous n'a*
Digitized
byGoogk
S7
Tiens à mmger que des (fiufs avec les feuilles d'une cer-
taine rave très^amère ; c'était tous les jours la même répé-
tition sans aucun changement, âuk gens riches sont ré-
servés les porcs et les poules. L'aident, d'ailleurs « est si
rare que peu de familles peuvent se permettre l'usage de
la viande. On vit communément de riz , sans autre assai-
sonnement qu'une espèce de poivre rouge très-fort , au-
quel la bouche d'un Européen a de la peine à s'accoutu-
mer , ou de petits poissons qu'on a broyés et faits pourrir
d'avance : je n'ai jamais pu prendre sur moi d'en faire ma
nourriture.
« Ces peuples ont aussi beaucoup de vaches , très-pe-
tites , qui n'ont presque pas de lait , et qu'on ne songe
même pas à traire. Lorsque nous leur disions que dans
notre pays on estime beaucoup le lait de vache et qu'on
en fait un aliment savoureux , ils se mettaient à rire et
n'avaient que du mépris pour nos compatriotes. Quant
aux bœufs et aux éléphants, bien qu'ils fourmiOenl aussi,
les habitants n'en tuent guère et n'en mangent ordinaire-
ment la chair que lorsqu'ils tombent de vieillesse. Ils s'en
senreat pour kdEwurer leurs champs , pour porter le coton
qn'ib vont acheter dans les royaumes voisins, et pour ren-
trer le riz au temps de la moisson.
« Ce transport, dont j'ai été témoin plusieurs fois, se
fût d'une manière trop curieuse et trop divertissante
pour ne pas en dire un mot. Ils battent le riz sur le
chaoq> oiéme où 3s l'ont récolté ; puis, lorsque le gram
êU réui en monceaux , ils s'y rendent tous les matms ,-
ohactm avec une suite de quinze , vingt ou trente boeufs.
Le premier de ces boouEi , c'est^fc-dire celui qui marche à
la tête du troupeau, a ordioaiment hi tête couverte de
gmriBmiM 9 snrmoBlée d^un bisoeau de^ plumes de
paons^ et le eoB eathromé de petites dochettes. Tous ces
auntux ont a«r le dos denx espèces de bottes qui pen-
Digitized
byGoogk
6»
dent de chaque côté, et qu'on rempUt de râ , après quoi
on revient à la ville en faisant un vacarme épouvantable;
car le pont qni est au\ portes de la cité n'ayant touc
au plus que deux toises de largmir , ks convois qni ren-
trent se heurtent à ceux qui sortent. 11 en résulte nne
mêlée générale. Chacun court çà et là pour reconnaître
son bétail égaré; les clameurs des guides , les mugisse-
ments des boeufsy se confondent avec le carîlbn de mille
sonnettes. Viennent, au milieu de cette cobue , les élé-
phants au pas grave, avec leurs grosses clochettes qui ont
toutes un timbre différent ; puis les buffles épouvantés
de ce tintamarre , se frayent , en battant tout en brèche ,
une impitoyable trouée^ suivis de leurs maîtres qui
crient : Nentua ha di Khuai Souak, c'est-à-dire , Gare !
gare 1 c'est un buffle furieux ! Enfin les spectateurs
oisifk qui se rassemblent en foule, augmentent encore
le tumulte par leiurscris et leurs éclats de rire continuels.
Le tout fait un vacarme vraiment comique , une scèaa
accidentée de trompes d'éléphants , de cornes de bceub» ^
de bâtons laociens , qui se dressent , se baissent ei ae
croisent en tous sens ; et ce spectacle qui commettoe à
la pointe du jour, se prolonge jusqu'à neuf ou dix henres,
moment oit on interrompt le trsmsport , parce que le
soleil devient trop ardent. Tel est pour les vm le tia-
vail , pour les autres le diverliaBement du mois de
janvier.
« Chez ce peuple la cultitre ae bamek pm prti as m.
L'jndusu*ie est encore mains florissante. Cooinie la rraènt
qui va à Bangkack esl trèa-dangeveuse ( de Xie^^W à
Bahang on conpie treola«<de«x oaaaides où phniaoït
barqnes se brisera obaqse anafo) et <|iie les ooflMMir
aâcatioaa avec d'Miires viHes ne paotent se faire fw
par tirant ei h travam des «MMgnoa aaas f n , îLest
pe« de Lancioia qui a'adosMst m «ooMnafae. àmà
Digitized
byGoogk
*9
dè$ qu^ils ont levé leur» récoltes, vtventrils dans une obi*
veté presque complète jusqu'au mois de juin ou de juillet,
on ils recommencen t i labourer lears diamps.Par la même
raison , ils ont peu de numéraire, et presque tous les
marelles se font en échange. Le sel surtout joue ua
très-grand rôle dans les traesactions; atec lui on peut
se procurer tout ce qu'on veut ; il vient de Bangkock
et se vend très-cher à Xieng-Mai.
« Les lois du royaume sont d'une grande sévérité :
pour un vol considérable, il y a peine de mort , et pour
un simple larcin , répété trois fois, on encourt la mémo
condamnîttion. Aussi dérobe-t-on beaucoup moins qu'à
Bangkock. Quoiqu'il y ait à Xieog-Mai un grand non^)re
d'ivrognes (les indigènes font tous du vin de riz, qu'ils
boivent avec excès ) il est eq)eadafit très-rare qu'ils
se battent ou se disputent. Pendant tout le temps que je
suis demeuré dans ce pays , je n'ai entendu parler que
d'une seule querelle, et c'était entre femmes.L'une d'elles,
dans sa colère , ayant voulu renverser la cabane de
l'autre, celle-ci alla porter |4ainte au prince , qui arriva
aussitôt avec mie uroupe de satellites , s'empara de la
tapageuse et la raÂt aux fers ou ello resta phis d'un mois ;
ce ne fut même qu'à foroe d'argent qn*dle parvim à en
sortir.
« Quoique je VOM ain dit plus kant que le caractère
des FmlT^inrê dîApe peu de odui des Siamois, je
crois eependant las praonsm plot eurieoK et surton
plus mendiants : cette deratèn qnaUlé , si c'en est une ,-
va si loin qu'il est arrivé plusieurs fois au minlsupe du rot
M*Bitee de noua denUMlBr, tsmdt un fruit qu'il
neagnait aussiiét àmwà wÊm^ eouwm aurait fiiit mi
enfant , tanlAc dev on trais umfc quil emportait eftea
lui. le na voudrais pas dédider lequel des deux peuples
est kplusraié et k pfass trompeur; capsudiut , sH
Digitized
byGoogk
60
fallait adjuger une prime, je la donnerais aux Laociens
qui en imposent d'autant plus aisément qu'ils ont un
extérieur plus franc et plus ouvert. Ils sont d'ailleurs
sans respect pour la décence. Je leur ai quelquefois
reproché de n'avoir d'autre religion que les désirs dé-
pravés de leur coeur, et ils me l'avouaient sans rougir.
« Pour les femmes, elles sont plus actives, plus labo-
rieuses et plus intelligentes que les hommes. Aussi ont-
elles sur leurs maris un véritable empire , et peuvent-
elles les chasser lorsqu'elles n'en sont pas contentes. Si
le prince n'eût pas défendu , sous peine de mort , d'em-
brasser notre sainte religion , elles n'auraient certaine-
ment pas tardé à se faire chrétiennes , et leurs maris
n'eussent pas manqué de les suivre.
« Il y a à Xieng-Mai presque autant de pagodes que
de maisons; on ne peut faire un pas sans en ren-
contrer à droite on à gaudie. On en compte, dans cette
ville seulement^ au moins une centaine qui sont habitées
chacune par dix , vingt ou trente talapoins , sans parler
de celles, en aussi grand nombre, qui tombent de vétusté
et qu'on ne rétablit pas. Quant à ces talapoins , ce
sont presque tous des jeunes gens qui savent à peine
lire, et dont le temps se passe à dormir^ à manger, i
jouer ou à faire pis encore. Ils m'ont eux-mêmes avoué
plusieurs fois une partie de leurs désordres ; mais quand
ils ne nous en auraitet rien dît , nous en avons assez vn
it nos propres yeux pour pouvoir affirmer, sanscraindie
de mentir, que toutes leurs pagodes sont des iocks
d'immoralité.
« Cependant raveogleflmit de ee pauvre peuple est
li profond, qu'il persévère dios «a cirite qui le déshonore.
U «ait , il comprend siaiBleiumt que ton dieu B*est qa'oa
Eantâme , que sa religiott s'est qu'un tissu de mensonges»
«es temples des foyers de vices, 6t il tftme wcore de
Digitized
byGoogk
61
se convertir; il craint les menace» de son roi« Ces in-
fortunés venaient en foule se faire instruire , plusieurs
se préparaient déjà au baptême ; mais une seule pa-
role du prince les a tous replongés dans Terreur. Oh !
que les jugements de Dieu scmt impénétrables ! 0 vous
tous qui lirez cette lettre , je vous en conjure par le
sang et la mort de Noore-Seigneur Jésus-Christ , ne
passez aucun jour sans prier pour ces esclaves de la
crainte, afin qu^à notre retour parmi eux nous les trou-
vions mieux disposés.
€ Je ne vous dirai pas ici comment nous avons été
obligés de quitter le pays ; j^en parie assez au long dans
ma letu*e à M. Micani , dont vous pourrez prendre
connaissance. J'ajouterai encore un mot sur les courses
que nous avons faites à notre sortie de Xieng-Mai , et
avant de nous rendre à Bangkock.
« Partis de la capitale le vendredi de la Compassion
de la sainte Vierge , nous atteignîmes le même jour un
autre petit royaume appelé Lapoun , au sud de Xieng- '
Mai. A notre arrivée, nous nous rendîmes au siège du
gouvernement, bôtel-deville de Tendroit, où nous trou-
vâmes six à huit mandarins, qui se réunissent là tous les
jours pour entendre les plaintes du peuple, juger les
différends et administrer la chose publique, presque en-
tièrement absmdonnée à leurs soins. On nous demanda
qui nous étions, d'où nous venions et quelles affaires
nous amenaient dans le pays. Us le savaiait déjà, car
plusieurs d'entre eux nous avaient vus à Xieng-Mai ;
mais ce sont là des questions banales par lesquelles on
a coutume d'entamer la conversation. Nous en profitâmes
pour annoncer la bonne nouvelle de Jésus*Christ. Un
rire moqueur fui à peu près toute la répcmse qu'on nous
dimna. On nous permit cependant de nous installer
dans une epèce de salle, située hors de la ville , oA
Digitized
byGoogk
Boos préotdDMy d» Mati» ao soir , les curieux qui ve-
naieiK nous examner* Noos n*y fànies pas en repos.
Penchait la mit , quarante à ctHquaate talapoios se
rémiissaieiit aulo» de notre mh , battaieiit du tam--
bour et powaiest des Tooiférations qui ne nous per-
mettaient pas on instant de sommeil ; quelquefois même
ils lançaient des pierre contpe notre habitaition , sans
touielbis ^poupser plus loin l^Tanîe.
« Après en avoir îmiUleBient porté plainte à lliôtel-de-
ville , je pris le parti d'aller seul trouver le roi : Cen-
trai dans son palais sans me feire annoncer, et lui
parlai avec tant de hardiesse quUl eut peur^ et fit aussitôt
défendre à ces talapoins de nous molester à l'avenir. On
Fécouta ; mais comme ce peuple n'était rien moins que
(Usposé à recevoir la parole de Dieu , nous secouâmes
la poussière de nos pieds et nous dirigeâmes notre
course vers le sud^esc* Après quatre jours de marche ,
toujours au milieu des montagnes , n'ayant que du riz
et des œu& à manger , nous parvînmes à un autre
royaume appelé Lakhon; nous y restâmes douze jours,
ne recueillant, pour fruit de nos prédications , que
des mépris, des railleries et des insultes. Les choses au-
raient même pu aller plus loin si nous n'avions pas eu
des lettres de Bangkok : comme on croyait que ces re-
commandations avaient le sceau d'un prince royal , la
■Mdveillanoe n'osa pas en venir aux coups. Voyant donc
ce peuple rebelle à la grâce, nous songeâmes de non*
veau à continuer notre route , toujours vers le sud-est,
et tOHpuirs à travers des monti^iaes sans fin.
« Jusqu'alors j'avais voyags sur le dos d'un éléphant ,
et quoique la marche de oet animai sdt extrémemeot rade
et kifiommode , je ma trouvj» encore asses à l'aiM;
nais dans cette dernière statian n'ayanl pu nous pio*
eurer qfkè les éléphants néeessaîMa au transport de nos
Digitized
byGoogk
63
eCBts , il fellm nous résoudre à cheminer à pied. C'était
att mois d'^stTril : lé del était de feu ; la chaleur avait
desséché et fait tomber les feuilles des arblres ; les sour-
ces étaient presque toutes taries, et les sentiers que
nous suivions n'ofEraient que des rochers très-aigus
ou un sable brûlant. Dès le premier jour, mes pieds
avaient tant souffert, qu'en arrivant au gîte où
nous devions dormir , la peau était levée partout. Le
lendemain , n'ayant pu mettre mes souliers , je me
trouvai le soir avec la plante des pieds toute brûlée ;
quand vint la troisième étape, je pouvais à peine faire
un pas. A6n d'éviter la grande chaleur du jour , je pris
avec moi un de mes serviteurs^ et nous poussâmes en
avant dès le matin , comptant nous arrêter vers midi
pour attendre les éléphants. Par malheur le guide s'en-
dormit.
« Ne voyant rien arriver, nous commençâmes à crain-
dre que la caravane fatiguée n'eût fait halle avant le lieu
du rendez-vous. Que foire ? le jour baissait et nous
mourions de foim : retourner sur nos pas , sans savoir
s'il faudrait aller loin , c'était impossible , nous étions
sans force ; passer la nuit sans feu , au milieu des ti-
gres, cela n'était guère pralicable.Que faire donc? Comme
on nous avait dit qu'il y avait devant nous, à peu de
distance, un petit village, nous recueillîmes nos forces
et nous nous décidâmes à aller demander T'hospitalité
dans ce hameau , où nous attendrions nos éléphants qai
ne manqueraient pas d'y passer le lendemain.
« La nuit s'avançait à grands pas , et nous n'aperce-
vions encore aucune habitation : mon serviteur n'en pou-
vait plus ; moi j'allais encore clopin-clopant^ mais je com-
mençais à croire que nous serions obliges de nous coucher
à jeun, lorsque enfin nous vîmes près de nous une petite
cabane. Hous allâmes y demander asile. Les pauvres
Digitized
byGoogk
64
gens qu^elle abritait , n'ayant poiot récollé de riz cette
année, n'avaient à manger que des bourgeons d'arbres,
avec une espèce de pommes de terre sauvages qui crois*
sent naturellement au milieu des forêts. Ces pommes de
terre seraient un poison mortel si on les prenait sans pré-
caution ; avant d'en Enire usage on les coupe en morceaux ,
on les laisse dans l'eau pendant plusieurs jours , on les
expose ensuite au soleil jusqu'à ce qu'elles soient bien sè-
ches , après quoi on les &it cuire, et on peut alors les
manger quand on n'a pas autre chose.
« Ces pauvres gens donc nous dirent qu'ils n'avaient
que cela à nous donner, mais que si nous voulions aller
chez le chef du village , dont la maison n'était pas loin ,
nous y pourrions trouver un peu àe riz. Nous suivîmes
leur conseil, et après avoir bu un verre d'eau, nous par-
tîmes*
« A notre arrivée chez le chef du village , je déclarai
qui j'étais , et comment je venais frapper à sa porte ; puis
je le priai d'accorder quelques aliments à deux hommes qui
mouraient de faim, promettant de le récompenser le len-
demain lorsque nos éléphants passeraient. On nous ap-
porta un peu de riz froid , mêlé avec les pommes de terre
sauvages dont f ai parlé plus haut. Ce riz était pressé dans
une espèce de corbeille en joncs,, dont l'ouverture était
tout juste assez large pour qu'on pût y passer le bras. Nous
nous assîmes de chaque côté , mon domestique et moi , et
tour à tour nous plongions la main dans cet étrange ra-
goût ; il était si dégoûtant qu'il fallait boire à chaque
poignée pour la faire descendre.
« Le lendemain nos éléphants n'arrivant pas , on nous
dit qu'ils avaient sans doute pris un autre chemin qui
passait à trois lieues du village où nous étions : nous en-
voyâmes à leur recherche , et , le second jour seulement,
nous apprîmes qu'on les avait vus sur la route de Muang-
Digitized
byGoogk
65
Tré,etqa*ai^uHpea ils atteindraient cette ville. A cette
nouvelle , mes hôtes me firent un ragoût avec la peau d'un
éUpbant crevé; et Je partis. Mes plaies n'étaient pas en-
core guéries ; mais il fallait :ivancer bon gré mal gré ;
car mon confrèi*e , dont j'étais séparé depuis trois jours ,
était plus en peine que moi. Je le rejoignis à Muang-Tré
le soir même. Cette fois mes pieds étaient tellement en
compote, que je suis resté toute une semaine sans pouvoir
marcher.
« Nous touchions à la saison des pluies ; il était temps
de songer au retour. Nous quittâmes donc Muang-Tré .
et ap^ avoir encore couché quatre nuits dans les mon-
ugnes , nous louchâmes à une ville siamoise appelée
Tait, sur un auire fleuve que celui par lequel nous étions
montés. Là, nous avons acheté une barque^ et en douze
jours nous sommes arrivés à Bangkock.
« Ce voyage a tellement fait blanchir mes cheveux, que
tout le monde en me revoyant me donnait soixante ans
au moins ; on ne m'appelait que le vieiuc père ; je me porte
cependant toujours très-bien , et je me sens encore assez
de forces pour recommencer. Le bon Dieu bénira peut-
être un jour nos travaux.
« J.-B. Grandjean, Missionnaire apostolique. »
Tos. xviii. 104. 5
Digitized by VjOOQ IC
66
Autrt Lettre du même Missionncfire à Af. Miemri »
Supérieur eu sémifunre de Smaé-IHé.
Baogkock , le 3 juin 18U»
« MorCSlBUK LB SupiRIEUR,
« J'ai eu le plaisiir de recevoir voire chère et précieuse
lettre quelques semaines avant la Toussaint. La recon-
naissance est Tunique sentiment que je de^Tais vous
exprimer ; et cependant , permettez-moi de vous le dire,
je voudrais bien que le Seigneur vous inspirât de m'é-
crire un peu plus souvent , car vos conseils produisent
toujours sur mou âme Theureuse inOuence de la rosée
du ciel sur une terre desséchée. Je ne mérite pas , il
est vrai ^ qu'on pense tant à moi; mais quand, d'une
part , je me vois si faible , si abandonné , si dénué de
tout secours , et néanmoins obligé de vivre non-seule-
ment au milieu du monde pour le combattre , mais au
centre du paganisme pour le détruire, en butte aux traits
de mille passions divinisées, que je suis venu attaquer
jusque sur leurs autels; quand, d'un autre côté ^ je me
souviens que j'ai consenti bien librement et de tout mon
coeur à courir tant de dangers pour le triomphe de TE-
vangile, je vous l'avoue, c'est avec une grande et ejitiëre
oonfiance que je demande à Dieu qu'il me rappelle à fai
Digitized
byGoogk
e7
ftémoire de n^ anciens amis, aoit au saint sacrifice de
k messe , soit dans leurs communions*
« Aujourd'hui que j*ai voyagé un peu par le moodi
îdolâtt^ , j'en rapporte assez de nouvelles pour vous in-
téresser. Plût à Dieu que j'eusse moins vu et obiew
davantage ! Je ne m'arrêterai cependant pas à vous réc
péter ce cpie j'ai' déjà raconté à mes frères : la letlfe
que je tenr ai écrite est pour vous comme pour eux«
«elle^ n'en jera que le complément.
« Lûrsqœ nous arrivâmes à Xieng-Mai, le 18 janvier
de cette année , comme nous n'y connaissions perseme
et que personne ne nous connaissait , nous débarquâmes
dans une espèce de maison commune , que le roi a fait
élever hors des murs de la ville pour les étrangers. Cette
habitation , où nous avons passé la première quinzaine ^
n'ayant que le toit et le plancher , reste complètement
ottverte in tons les vents ; en sorte que nous avions pas-
sablement froid pendant la nuit , et pendant le jour nons
étions tellement obsédés par la multitude des curieux yq«e
BOUS avions toutes les peines du monde à nous en débar-
rasser lorsque nous voulions prendre nos repas ou réciter
le biliaire. Car il fiaiut vous dire qu'à peine installés» Ja
noQvtile en fht aussitôt répandue à plus de trois jomrnéfs
à h ronde ; en acoourak en foule de tous côtés pour jofttr
&ma spectacle si nouveau ; et com'mc disaient ces pauvres
gens en leur langue i Ma hà tm louang farangut 4hé
hac io ttœi han êàc tua : c'esl-à-dire , NcfU» venons v^
hs gramds imkqHnnt françaù que ntnn n'avons jamais
mu de noire vie* 11 en arriva même de Muang-Nàut 9»-
tre royanme laoeien , distant d'environ dix journées de
Xieng'Jtfai. Us venaient, disaient-ils, pour contem|pI<r
les ioA kaula , c'est^ànlire k» talapoitts étrangers , qu'os
leor avait peints comme des géants, hauts de six coudées*
^ m VoQS voyez par là^ Monsieur et bien cher Ami , qp^e
6.
DigitizedbyLjOOgle
6*
1)0118 me sommes pas entrés dans le Laos en cachette , ei
que notre Mission apostolique avait eu au loin un prompt
^ retentissement.
« Dès que nous fûmes débarqués, nous allâmes trouver
an grand mandarin, chargé de présenter les étrangers
au roi , et nous le priâmes de solliciter pour nous une
audience. Le lendemain , ce personnage vint nous an-
noncer que son maître était disposé à nous recevoir dans
la journée , mais qu*il fallait auparavant nous rendre à
rhôtelde ville, où Ton examinerait nos papiers, afin d'en
rendre compte au prince. Nous partîmes donc , et Ton
nous introduisit dans une grande et méchante salle où
huit à dix mandarins , d'un âge assez avancé et à face
vénérable , étaient gravement assis à terre et nous at-
tendaient. Comme il n'y avait là ni bancs ni chaises^
force fut aussi de nous asseoir au niveau des vieux aréo*
pagites. On demanda nos passe-ports qu'on trouva en
règle , puis on nous interrogea sur le motif de notre
arrivée dans le pays.
« Nous déclarâmes franchement que nous étions des
prêtres, venus d'abord d'Europe et ensuite de Slam, pour
leur préchar la Religion du vrai Dieu, créateur du ciel
et de la terre , et leur enseigner l'unique chemin qu^
pAt les condoire au bonheur. Cette annonce donna lieu
h plusieurs questions, auxquelles nous répondions encore
lorsqu'on vint nous annoncer que le roi nous mandait
M palais. Il nous reçut asseï bien , nous demanda en
siamois plusieurs explications sur la Religion chrétienne.
fioas en profitâmes pour semer dans son cœur quelques
paroles de vie; puis , lui ayant offert nos présents, nous
sollicitâmes la permission de demeurer dans son royaume.
n noua répondit qu'il y consentait bien volontiers , qu'il
nous ferait bâtir une maison convenable , et qu'en attaii-
daat nous pourrions rester dans la salle oh nous étions
Digitized
byLjOOgk
69'
logés. Ces {Mrésents que nous lui offrîmes oonsisuieiit en
une petite serinette, une bouteille d'eau de Cologne,
un prisme , un miroir à facettes et deux verres en
cristal.
« Le lendemain nous apprîmes que, pendant la nuit»
le roi avait convoqué ses principaux mandarins , qu'il
leur avait demandé leur avis sur notre arrivée, et que
plusieurs avaient répondu : « Nous avons un Dieu et des
ministres à nous ! Quel besoin avoos-nous de ces prê-
tres inconnus et de leur Dieu ? S'ils veulent rester id »
qu'on les place hors des murs avec les étrangers. » Pea
de jours après je demandai une nouvelle audience , sous
prétexte de montrer au roi quelques curiosités que je
lui offris encore , et malgré l'opposition du conseil , f ob-
tins qu'on élèverait notre maison dans la ville ; mais
cette habitation était si peu de chose, que nous commen-
çâmes dès lors à prévoir ce qui arriva plus tard : c'était
simplement une pauvre baraque en bambou , qui avait
tout au plus coûté quarante francs. Quoiqu'elle n'eût
ni fenêtres ni lucarnes, elle était tellement à jour de
tous côtés , que nous y voyions irès-dair , aussi clair ,
à peu près , que si nous avions eu le ciel pour toiture.
€ Un prince étant un jour venu nous voir avec un de
ses plus jeunes fils , je m'avisai d'offirir à cet enËmt un
petit pantalon en indienne. Pendant que j'étais encofe
à Bangkock,j'avais fait confectionner une vingtaine d'ha-
billements semblables, pour les donner à des familles pau-
vres ; ils me revenaient chacun à sept sous et demi. Je
n'avais donc pas lieu de m'attendre à enchanter mon
illustre bambin avec un si mince cadeau. Mais il ne
l'eut pas plus tôt reçu , qu'il s'en revêtit et retourna Mi
palais , je ne dirai pas joyeux' comme un^ prince^ mais
bien comme un roi. Le lendemain la reine elle-inéflie
ae rendit avec une troupe de neveux et de petita-ilt,
Digitized
byGoogk
r0
dans une maison voisine da ma salle , et m'envoya «n
gros morceau d'argent avec prière de lui vendre dix
pamlalons : « Va dire ù la reine , répondis-je au messa-
m gcr , que je ne suis pas marchand de culoltes , que
« je lui en donnerai volontiers dix pour rien , mais
« qu'elle se présente une autre fois; car tu vois bien,
« H y a trop de monde citez moi pour que je puisse la
• recevoir. »
n Elle fut satisfaite de la réponse , et quelques jours
a^ès ne pouvant revenir elle-même , elle m'envoya trois
princesses, ses flUes, toutes ti*ois déjà mariées, pour
demander les vêtements que j'avais promis. Ces prin-
«t^es étaient accompagnées de, beaucoup de suivantes,
dont les unes m'apportaient des présents en riz et en
fruits^ les autres portaient ou conduisaient par la main
tes petits princelots qui venaient se partager les pan-
talons. Je lis asseoir a terre mes nobles visiteuses ; elles
fiimèi'ent chacune leur pipe et moi la mienne , en cau-
sant en laocien tant bien que mal, car alors je savais
«ocore assez peu la langue. Chaque enlant reçut eii^
suite son pantalon et fut heureux comme un ange. €ki
voulut encore m'en faille accepter le prijt , que je refu-
MÎ comme vous le pensez bien : je me trouvais déjà irop
payé d'avoir \m , avec si peu de chose , me concilier de
leyoles affections*
« Quinze jours après notre arrivée à Xteng*-Mai , nous
iB^ines habiter la maison que le roi nous avait fait coa-
su*ttire : ce n'était, comme j'ai déjà dit, qu'une petke
baraque en bambou où nous étions très a l'étroit;
«ianmoins , comme on l'avait élevée dans l'enoeinte de la
^Ule , assez près de la porte principale et sur le bord
4»b grande /ne, nous n'en demandions pas davantage
fÊmr le moment. I<ious avions oontinuellemeiit des audi-
ts et notts prtefaions tous les jours du matin au soir.
Digitized
byGoogk
71
« Le dialecte deXieng-Maî,e! généralement de tous les
Laocitns f^entr es- Noirs , diflere assez peu du siamois
dans les livres; mais le langage vulgaire et surtout la pro-
nonciation ont beaucoup moins d'analogie. Au bout de
quinze jours, cependant, je pouvais le parler assez bien pour
me faire comprendre. Je suis môme allé prôchcr chez plu-
sieurs princes , cousins du roi , qui m'avaient invité.
Héhs ! qu'il est difficile aux riches d'entrer dans le
royaume des cieux ! Ils reconnurent la vérité , et ils la
méprisèrent. L'un d'eux, plus orgueilleux que les au-
tres, se voyant à bout d'objections , termina par ces
mots la conférence : « Vous direz tout ce que vous
« voudi^ez , Père ; je ne veux pas de votre religion , et
« personne à Xieng-Mai ne l'embrassera. » — « Comme
« vous voudrez , lui répondis-je ; mais songez que ,
« tout prince que vous êtes, vous mourrez un joar ,
« que vous quitterez vos biens e{ vos plaibirs , et qu'une
« fois entre les mains de ce Dieu dont vous repoussez
« aujourd'hui la doctrine , vous ne vous en débarrasse-
« rez pas aisément : si fort et si robuste que vous
« soyez, la mort vous menace dé plus près que vous
« ne le pensez peut - éti*e !» Il se moqua de ma ré-
flexion , et qu'mze jours plus tard il avait paru devant
Dieu.
« Quant au peuple, il venait en foule nous entendre :
qndqnes-uns paraissaient mal intentionnés , d'autre»
éCafent assez indifférents, mrais le plus gi-and nombre
montrait des dispositions satisfaisantes. Parmi ces der-
niers, il en était plusieurs qui auraient déjà consenti ^
se préparer au baptême , slls n'avaient craint , disaienl-
ib, le roi et les prinqes. Cet aveu nous fit appréhender
qu^on n'eût publié à notre insu la défense d'embrasser
notre foi. Ce qui nous confirma dans cette pensée , c'est
que jamais je ne pus ^ même en payant , trouver quel-
Digitized b\
Googk
72
qu'un qui iranscrlvli les prières que j^avais ti*aduilfift e&
bocien ; tous ceu\ à qui j'en parlais me disstieat pour
toute réponse : Je crains le roi I De plus y une bonne
vieille nous ayant donné son neveu pour serviteur , cet
enfant ne put rester qu^uù jour avec nous; car le premier
mandarin ne Teut pas plus tôt su , qu'il épouvanta cette
femme et l'obligea de retirer son neveu. Ce ministre,- vrai ,
suppôt de Satan, était sans cesse à épier les personnes
qui venaient nous voir^ et dès qu'il en connaissait de
bien disposées , il les intimidait aussitôt par ses menaces.
Si le roi nous eût été favorable , pensez- vous que son
ministre eût osé contrecarrer ainsi ses intentions? Quand
on coni\ait bien les mœurs de ce pays, on comprend que
c'est impossible. Cependant ayant eu ^ à cette époque ,
occasion d'aller voir le prince , et lui ayant demandé s'il
s opposait à ce que ses sujets se fissent chrétiens , il
m'assura que non; mais il parlait évidemment contre sa
|)ensée , comme vous le verrez plus tard.
« Quelques jours après cette audience , la reine vint
m'offrir quelques présents , et m'annonça que le roi souf-
frait beaucoup d'un mal que ses docteiu's ne pouvaient
^'uérir, qu'il me priait d'aller le voir, et que peut-être
je lui rcndi*ais la santé; car quoi que je pusse dire, on
voulait absolument que je fusse médecin : j'y allai effec-
tivement^ accompagné d'un jeune serviteur qui s'^tep-
dait un peu à traiter les maladies. L'audience ne se fit pas
attendre : sa majesté arriva aussitôt, me rcaidit compte
de son état et me demanda sij'y connaiasais^quelquesremè*
des. « En ma qualité de prêtre, lui répondis-je^ je ne me
« suis occupé que des moyens d'être utile aux âmes ;
« mais j'amène avec moi un jeune homme qui a été,
« pendant quatre ou cinq ans , disciple d'un médecin du
« roi de Bangkock, et qui peut-être calmera vos sonflran -
« ces » • Elevant ensuite la voix pour me faire enten-
Digitized
byGoogk
73
dre de mon serrileur qui était prosterné auprès de la
porte : « Eh bien I lui dis-je , as-tu bien compris ce
« que vient de dire le roi ? Connais-tu cette maladie P
« peux - tu la guérir ? ■» — « Oui , Pèie , je puis
« la guérir. » — « En combien de Jours ?» — « Je
« demande quinze jours. » Ce jeune bonmie alla donc
soigner le prince fort régulièrement, et dès la première
semaine il y eut un mieux si considérable que le roi ,
tout joyeux , lui dit un jour : « Va , si tu peux me
« r^idre b santé, ta fortune est faite I ni tes maîtres ni
« UÂ f TOUS ne manquerez de rien ; dis aux Pères de res-
« ter toujours dans ma ville , j'aurai soin d'eux. » Le
lendemain le roi m'aivoya son ministre pour m'annoncer
qu'il entrait déjà en convalescence, que s'il était un jour
bien rétabli)^ il nous accorderait tout ce que nous lui de*
manderions, fût-ce même une église à colonnes dorées I
« Tout ceci nous réjouit beaucoup , parce que notre
ministère y gagnait plus de liberté : les habitants, voyant
que nous étions en grande faveur auprès du roi , com-
mencèrent à prendre omrage; un certain nombre d'en-
tre eux vinrent méfne demander à se préparer au baptême.
Mais , hélas ! comme toutes ces espérances s'évanouirent
tientât I
« A peine le prince fut-il parfaitement guéri , qu'il
congédia mon jeune homme sans lui donner la moindre
récompense, sous prétexte qu'il n'allait pas mieux. Tout
le monde cependant le voyait marcher et allar se pro-
mener chaque jour , tandis qu'aupiaravant il pouvait à
peine faire un pas dans son palais ; les mandarins eux-
mêmes félicitaient mon serviteur d'avoir si complètement
réussi , et lui faisaient mille compliments sur son habi-
leté. Le roi se^l , soit ingratitude , soit avarice, soit qu'il
détestât en son cœur notre sainte Religion, prétendit que
son état n'avait pas changé ; Tunique satisfaction qu'il
Digitized
by Google
74
donna à son bieniaitenr fui d*envoyer , vers le soir ,
son minisU*e cliez nous pour consoler mon serviteur éooa-
duit, en lui disant : « Ne crains pas , quoique tu n'aie*
« pas pu guérir sa majesté , elle te pardonne ; elle ne
« pense pas à te couper la tête. »
« A partir de ce moment, les personnes qui se pré-
paraient au baptême commencèrent à se retirer les une!i
après les autres , apportant pour raison que le roi araî t
défendu à tons ses sujets de se faîj'e chrétiens. Dès ce
moment aussi , notre maison , auparavant toujours pleine
depuis le matin jusqu'au soir , fut entièrement déserte ;
et tandis qu'autrefois, dès qu'on, nous apercevait dans les
rues, chacun s'empressait de nous inviter à monter cbes
lui , personne n'osait plus nous parler : on commençait
môme à se moquer de nous, et bientôt Ton finit par nota
insulter.
« II aurait fallu être aveugle pour ne pas voir que
Bos affaires allaient fort mal. Je sollicitai donc une no»-
velle audience du roi, et l'ayant obtenue , je lui deman-
dai sans autre préaa>bule pourquoi, malgré ses promesses,
il défendait a son peuple d'embrasser notre Religion.
Etait-ce crainte ou fourberie de sa part , ou bien les pré-
sents quQ nous lui avions faits le retenaient- ils encore un
peu , c'est ce que je ne saurais dire ; mais il nia tout
et protesta à plusiccnrs reprises qu'il n'avait jamais
rien dit contre nous. « Cependant, repris-je, tout k
« monde le croit , et en conséquence personne n'ose con-
» tinuer à se faire instruire. S'il est vrai qu'on se trompe,
« ne poumez-vous pas manifester hautement votre volon-
« té , tt rassurer ceux de vos sujets qui , ayant eu le bon-
« heur de connaître le vrai Dieu , ont le désir de Tado-
« rer ? » — « Non , répondit-il , je n'ai défendu à per-
« sonne d'embrasser voire Religion : je m'en tiens là , je
« n'en veux pas faire davantage. »
Digitized
byGoogk
n
« Je me relirai assez embarrassé et ne sachant qoet
parti prendre , car je voyais évidemment qu'il mcniaiu
Abandonner dès lors ce poste, conquis avec tant de peines,
nous paraissait une résolution bien précipitée; d'un autre
côté^ en différant de partir nous avions à craindre d'être
chassés honteusement et^ par suile, de ne pouvoir plus
prêcher dans aucun autre état du Laos ; car le bruit de
notre expulsion se fût bientôt répandu partout , et dan*
les autres royaumes on n'aurait pas manqué de suivre
Texemple de Xieng - Mai. Nous étions donc à prier et à
réfléchir sur le parti qu'il convenait de prendre , lors-
qu'un jour, ne sachant que iaire dans notre maisôa
qui était entièrement dièserte , je m'avisai d'aller rendre
visite à une famille païenne que j'avais cûonoe h Bang-
kock. Elle me conGrma tout ce que nous avions pressenti.
Ces gens m'ayant assiHré que le roi avait menacé de
couper la tête à quiconque recevrait le baplômc , et
que, pour ce motiJ, personne p'oserait plus venir à nos
instructions , nous nous décidâmes enGn à porter ailleurs
le flambeau de la foi, comme vous pourrez le voir dans
la lettre que j'ai écrite à ma famille.
« Je suis , Monsieur le Supérieur , dans les saints
oœurs de Jésus et de Marie , votre tout dévoué serviteur.
« J.-B. Grand JEAN,
« Missionnaire apostolique. »
Digitized
byGoogk
7«
BilSSIONS DE LA CHINE.
Lettre de Mgr Ferrèol, Ficaire apoitolique de la Corée
et du Liéou'Kkiéou , à MM. les Membres des Cameils
centraux de lyon et de Paris.
Uacao , 25 mai 1845.
« Messieurs,
« Les malheurs qui , ces dernières années , sont ve-
nus fondre sur la Mission coréenne, ont dû profondé-
ment attrister vos cœurs , si brûlants de zèle pour la
Religion. Bien des fois vous aurez conjuré le Père de
famille de faire liiire , sur cette portion de sa vigne si dé-
vastée par Forage , des jours plus sereins et de lui ra-
mener des temps plus calmes. Aujourd'hui vous atten-
dez , sans doute , avec la plus grande sollicitude des
nouvelles qui vous apprennent que vos vœux ont été
Digitized
byGoogk
77
exaucés , et que les fidèles coréens possèdent enfin leur
pasteur ! Hélas t Messieurs , j'ai la douleur de vous an-
noncer que je suis encore loin de mon troupeau.
« J'avais pu, Tannée dernière, m'aboucher avec un
chrétien qui suivait Tambassade à Péking ; nous convln*
mes aisemble que je tenterais encore la voie périlleuse
de Pien-Menj par où mes prédécesseurs étaient entrés ,
et qu'à son retour en Corée il disposerait tout , de con-
cert avec les principaux catéchistes , pour mon intro*
duclion.
« Je fus fidèle au rendez-vous ; j'arrivai à la fron-
tière le premier jour de cette année , à Theure même
o& la légation coréenne la franchissait pour passer eh
Chine. Le même chrétien ne tarda pas à se rendre à
Fauberge où j'étais descendu. En le voyant mon cœur
palpita de joie : j'étais à 4a porte de ma nouvelle patrie ,
de hi terre qui m'avait été* promise, et dans laquelle je
cherchais à pénétrer depuis si longtemps. Je me croyais
à la fin de mon exil ; toutefois je tremblais d'apprendre
de funestes nouvelles. Les bras me tombèrent quand i(
me dit que mon entrée ne pourrait encore s^effectuer
pour le moment. Sur sept du*étiens, partis de la capi-
tale , et parvenus sans obstacles à Itckeou , douane la
plus voisine de la Chine , trois seulement avaient pu la
franchir; les autres , objets de graves soupçons , entourés
partout de soldats qui les acc&blaient de questions pres-
santes , s'étaient hâtés de regagner Pintérieur, emmenant
les chevaux et emportant les habits qui devaient me servir.
Dès lors mon entrée devenait impossible; il fallut l'a-
journer.
« Vous me demanderez peut-être si je n'aurais pas
pu l'effectuer sur un autre point. Depuis que les Chi-
nois ont refoulé les Coréens dans la presqu'île , il existe
une antipathie nationale très-violente entre les deux peu-
Digitized
byGoogk
7«
pies; Lft Corée est séparée du Lead-^Tong par un temùa
Beoire ec déaeri de quinze lieues de large ^ et de la
'MaatcJiourie par dimoienses et impénétrables forêts. Il
n'y a que deux poiau de coatact : Ttio est au nord ;
ott s'y refid par un chemin qui traverse les bois ec
▼a aboutir ù la mer du Japon; les Chinois peoveoi
.s'y réunir , une fois tous les deux ans, pour y faire le
commerce^ L'hutre est au midi , non loin des eûtes que
kiigne la mer Jaune ; c*ëst par là que passe Tambos-
sade envoyée^ deux fois Tan, par le roi de Corée à
remperear de Chine, à la neuvième lu|ie pour lui de-
mander le calendrier , et à la onzième pour lui présenter
M» souhaits de bonne année. Ce passage est appelé en
ehinois Pien-Mm ou fwrU de la fnmliére.
« Dans la dernière persécution , le gouvememeot
coréen ayant su que les Missionvaires s^étaient introduits
par cette voie , a redoublé sdr la limite ses postes de
aurveiHanoe. li a exigé que tous ceux qui seraient atta-
ehés à rambassade ou la suivraient en qualité de négo-
ciants^ reçussent à Itcheou un passe-port. C'est une
petite planche de trois pouces de long et d'un pouce de
fai^e; on y écrit le nom du voyageur et celui de son
pays : au bas est apposé le sceau du mandarin. Avant
de l'obtenir on est soumis à une foule d'interrogations ^
très-embarrassantes pour quiconque veut aller en Chine
dans un autre but que celui du commerce. En rentrant
on doit remettre son passe-port au chef de douane qui
Ka délivré* On arrêterait toute personne qui n*en au-
rait pas« Sur une longue étendue de la limite coréenne
sont échelonnés des postes de soldats pour la garder.
Ces précamioos ne aont i>rises par le gouvernement
coréen que pour empêcher les Chinois^ ou tout étran*
ger, de pénétrer dans le pays« Depuis la capitale jusqu'à
k^^frootière, on t donné le signalement des trois Français
Digitized
byGoogk
79
mk à moriea 1839 : leur Bartyve a ea dn reteatisseniaïc
dans tout le royaome ; nr la routa oa se rappeUe lear
paisag^e , leur figure écningère , el sartc^nt leur barbe
épaisse. Aussi , dès qu*on rencontre quelqu^un qui en
a plus que le coamiiQ des indigènes, on l'interroge pour
a*ai6ttrer s'il n'est pas Europétlu
« Vous' voyez , Messieârs , que je n'aurais pu tenter
cette voie » sans courir à une mort certaine. Je dus
dès k>rs. porter mes vues sur un autre point. La mer
n'ofirirait un passage moins périlleux , s'il y avait des
rebtioos commerciales entre les deux nations ; mais ici
isolement plus complet encore qve par terre ; tes pédieurs
coréens ne quitt«[it pas les cotes de leur pays , et les
chinois n'abordent jamais en Corée. L'antipathie nationale
▼a si loia que, si la tempête jette la jonque de l'un des
deux peuples sur te rivage de l'autre , le capitaine et
requise sont conduits sous bonne escorte à la capitale ^
poar dirt ensuite remis entre les mains de leur gouvar*
nemeiit respectif.
« Les Coréens me donnèrent sur la Mission les nou-
veHes suivantes : Depuis la grande persé^tion , il y a eu
sept martyrs , dont six hommes et une ieone. En 1 839 ,
cette dernière néophyte, qui appartenait^ la familleroyale,
avait eu la faiblesse de renoncer extérieurement à la fin*
Ne pouvant tenir contre les remords de sa conscience , die
alla. Tannée dernière ^ se présenter devant le juge, lui
«vouant que c'était la force des tourments ifui lui avait
arraché une parole d'apostasie , mais qae pour le moment
elle se dédarait chrétienne et toute prête à marcher à h
mort. Quelques jours après elle fi»t étranglée. Les six
.kommes <mt aussi péri par la corde. Chaque année est
«igoalée par quelque persécudon locale , aras qui n^est
pas de nature à troubler la tranquillité générale de la
Mission. Les esprits sont bien disposés pour notre ReU-
Digitized
byLjOOgk
so
gkm saiiite; la dasse des lettrés a pour elle une singaKire
estime , et semble n'attendre pour se déclarer en sa Enveor
que le moment où elle sera libre. Espérons que ce temps
n'est pas éloigné.
« Mes courriers consentirent à introduire un de nos
élèves coréens que j'avais ordonné Diacre; il était trop
jeune encore pour recevoir la prêtrise. Sera-t-îl par-
venu sans accident jusqu'aux provinces méridionales, oà
se trouvent les chrétiens ? Je l'ignore encore. N'ayant plus
rien qui me retint à Pim^Mm , je m'en arracèai, le coeur
rempli d'amertume ; mais je retrouvai bientôt ma tran-
quillité , en pensant que mon entrée dans la Mission
n'était pas, pour le moment, conforme à la volonté de
Dieu , volonté qui doit nous être plus obère que la con-
version du monde entier. Avant de quitter la frontière,
je voulus voir défiler devant moi les mandarjns et les
soldats qui composaient laJégation coréenne; je ne pus
me défendre de leur adresser intérieurement ces paroles :
c Oh ! Si vous saviez le prix du don que nous vous
« apportons , loin de nous rejeter ou de nous mettre à
« mort comme des malfoiteurs, vous nous recevriez à
« bras ouverts comme des envoyés du ciel. »
« Je m'embarquai au Leao-Tong pour retourner à
Macao. Quinze jours de navigation sufiirent pour ce voyage.
Il y a six ans, j'employai cinq mois et demi pour me
rendre en Tartarie. Par suite de la guerre Anglo-Chi-
noise, se Bont établis, entre notre Procure et- quelques-
unes de nos Missions , des rapports aussi prompts qn'<Hi
peut le désirer. C'est déjà un grand bien ; mais ce qui esi
plus encore, c'est le libre exercice de la Religion chréltame,
que H. de Lagrenée, ministre plénipotentiaire de la
France , a demandé et obtenu pour tous les sujets du
céleste empire. La gloire d'un acte aussi méritoire était
réservée a un de nos compatriotes ; son nom est nulle
Digitized
byGoogk
81
fois béni par tout ce qu'il y a de chrétiens en Chine. Un
avenir glorieux semble se préparer pour la foi dans le
fond de TOrient.
« Voici la supplique que le gouverneur de Canton
a présentée à Tempereur , au sujet de la liberté de con-
science.
« Le délégué impérial , gouverneur des deux pro-
vinces de Koang-Tong et de Koang-Si , feit à votre Ma-
jesté cette humble supplique :
« J'estime que la Religion du Maître du ciel , prati-
quée par les peuples de l'Occident, a pour objet
d'exhorter au bien et de détourner du mal. Précbée en
Chine dès la dynastie des Ming , elle fut tolérée pen-
dant quelque temps; ensuite, des gens dupays,s'en-
veloppant de, son ombre pour commettre les crimes les
plus détestables , jusqu'à outrager les femmes et arracher
les yeux des malades (1) , reçurent des juges le châ-
timent dû à leurs forfaits.
« Sous le règne de Kia-King , fut inséré dans le Code
pénal un article qui déterminait la peine qu'on infligerait
à ces sortes de coupables : toutefois , cette loi n'mter-
disait pas aux Chinois le libre exercice du cahe des Occi-
dentaux , mais punissait seulement l'abus qu'ils en Csù-
saient.
« Aujourd'hui le ministre plénipotentiaire de la France,
de Lagrenée , désirerait que ceux des sujets de votre Bfa-
jesté qui pratiquent cette Religion, et qui sont irréprocha-
bles sur tout le reste , ne fussent pas traduits devant les
(1) Voir, à la page sairaiite , les expUcatioiu doon^ par Hgr
Ferrai.
TOK. xmi. 104. 16
Digitized by VjOOQ IC
as
tribunaux* Coome la cbose parait raisoonable , je prie
inaUiaiinent votre Majeslé d'useï* de sa clémence célesle,
et de déclarer innocents tous les sectateurâ de la Religioii
cbrétienne, sans distinction de Chinois et d'étrangers »
poui-vu que d'ailleurs ils obéissent aux lois établies. S'ils
reviennent aux premiers abus et commettent les mêmes
crimes, ils seront punis d'après les anciennes lois.
« Quant aux Français et aux autres étrangers, il leur
est permis d'élever des temples et d*y faire les céré-
Bionies de leur culte, dans les cin(i points ouverts au com*
mciTC ; mais ils ne pourront s'introduire dans l'intériear
de Tempire et y prêcher leur Religion. Si, au mépris de
«ctte défense , ils osent franchir les limites qui leur soAt
assignées , ils seront arrêtés par les autorités locales^ et
conduits au consul de leur nation le plus rapproché ,
pour être punis et contenus dans le devoir; mais les
Biandaritis s'abstiendront de leur infliger aucun cbâli-
atent* De cette manière la clémence impériale brillera
anx yeux de l'univers entier , le bien et le mal ne se-
ront pas confondtis, et les lois conserveront tout« leur
vigueur.
« Désirant donc que les chrétiens, qui sont tionnêtes
çem d'ailleurs , ne soient plus inquiétés au sujet de leur
Reltgîon , je prie très-instamment votre Majesté de leur
accorder la liberté de conscience. C'est là ma supplique.
• TaO'Koang, le dix-neuvième jour de la onzième
lune de la vingt-qualrièmc année de son règne ( 28 dé-
cembre 1844) avec son crayon rouge, a signé cette
pétition et y a fait droit. Qu'on ait à la' respecter. »
« Le génie chinois perce ici à chaque ligne. Le vice-
roi a pallié comme il a pu les persécutions suscitées ea di-
Digitized by LjOOQ IC
83
vers lemps contre les chrétiens. L'empereur et les man-
darÎDS ne croient nollement aux crimes allégués dans
celte supplique , puisque jamais il n*en a été question
devant les tribunaux ; ce n'est là qu'une absurde accusa-
tion faite par la populace , et qui trouve son origine
dans la manière dont s'administre l'extrême-onciion.
Quoi qu'il en soit , cet édit aura les résultats les plus
avantageux pour les progrès de la Religion en Chine.
Nous avons lieu d'espérer qu'au bout de quelques an-
nées, nous pourrons publiquement pénétrer dans le cé-
leste empire , et voh* ces peuples orientaux sortir de
l'isolement où l'orgueil et la crainte les retiennent de-
puis tant de siècles. J'attends à Macao l'occasion d'un navire
qui &sse voile vers les côtes de la Corée ; elle ne tar-
dera pas à s'offrir. Déjà j'ai fait avertir nos pêcheurs néo-
phytes de se porter vers tout vaisseau européen qui
paraîtrait dans leurs paniges , pour savoir s'il n'aurait pas
à bord quelque Missionnaire.
« Agréez l'hommage du profond respect avec lequel
j'ai l'honneur d'être ,
« Messieurs,
« Voure très-humble et très-obéissant serviteur.
« f J. Joseph , Ev. de Belline , Ficaire JpostoKquQ
de la Coféç ttdM LUim^Khiiou, »
Digitized by VjOOQ IC
84
NOUVELLES DIVERSES.
La Société de saint Lazare a envoyé, en 1846 , aux di
verses Missions qu'elle dirige, cinq prêtres, deux frères
coadjuteurs et treize sœurs de la Charité, savoir :
Deux. Missionnaires en Chine, M. Delaplace, du diocèse
<3c Sens , et M. Peschaud , du diocèse de Saint-Flour ;
Deux Missionnaires dans le Levant , M. Faveyrial , du
diocèse de Lyon , et M. Richou, du diocèse d'Angers;
Un Missionnaire en Amérique, M. Delcros, du diocèse
de Saint-Flour.
J)eux frères coadjuteurs à SmjTne ;
Cinq sœurs de la Charité à Constantinople , trois à
Smyrne, et cinq à Alexandrie.
Dans celte énumération ne sont pas compris : trois
Missionnaires , deux frères, et quatorze sœurs , que la
nitme Congrégation a fournis à l'Algérie, pendant Fan-
iiée 1845.
Sont partis de Bordeaux en juillet, et de Toolon en
novembre dernier, pour la Mission des deux Guinées :
MM. Briot de la Maillerie (Ernest-Hyacinthe) de Vannes ,
Arragon (Stanislas-Auguste) de Grenoble ,
Tisserant (Nicolas-Eugène) de Paris ,
Lossedat (Joseph-Marie) de Clermont-Ferrand ,
Warlop (Henri-Théodpre) de Bruges (Belgique)
Digitized
byLjOOgk
85
Et les frères :
Mersy (Pierre) de Bordeaux ,
Hugues (Siméon) de Bordeaux.
Le 16 septembre, se sont embarqués avec Mgr Brî^dy ,
évéque de Perth , pour la Nouvelle-Hollande :
MM. Thevaux (François) de Clermont-Ferrand ,
Bouchet (Maurice) d'Annecy (Savoie)
Odon (Théodore) frère coadjuteur, de Bordeaux.
Tous ces Missionnaires appartiennent à la société du
saint Cœur de Marie.
N(m$ des prêtres et des Catéchistes de la Société de Marie
qui, dans le mois de novembre, se sont embarqués au
Havre, sur TArche d'Alliance , four VOcéanie.
Diocèses :
Les Pères Mugnîery, Bclley,
Verne , Belley,
Vachon, de Givors, Lyon,
Mériais, Nantes ,
Padel , Nantes ,
Collomb,^
Villien, /Moutiers enTarcntaise, Savoie.
Crey , )
Les Catéchistes F. Joseph Muraour ,
F. Optât,
F. Gérard
Fougerouse
F. Lucien Magnhodier ,
F. Paschase Saint-Marlîn
Fréjus,
. Autun,
* Clermonl,
Viviers ,.
Toulouse.
Digitized
byLjOOgk
S6
Huit de ces Religieux sont destioés pour le vicariat
apostolique de l'Océanie centrale et pour la Nouvelle-
Calédonie.
Les cinq autres se rendent auprès de Mgr Epalle, vicaire
apostolique de la Mélanésie et de la Micronésie.
Noms des Religieux de la Compagnie de Jéeus qui sont
partis pour les Missions étrangères, pendant le cours
de 1845.
Pour la Mission du Maduré.
Les PP. GiibrieideSc^Ferriol,dudiocèsedeGreDoUe «
Charles du Raaquet, deOermont,
Jean Richard , duPuy ,
Eugène Hurlin, de Rayonne,
Charles Daugnac , de Rodez ,
Louis L'hoste , de Râle ,
Antoine Pereira , de Goa^dans Tlndc,
Antoine O'Kenny , de Dublin(Irlande).
Pour la Mission du Canada.
Les PP. Louis Sache , du diocèse de Tours ,
Jean-Rapiiste Pedelupc , de Marseille ,
Jean-Raplîste Menei , de Nantes ,
Auguste Koliler, clerc tonsuré, de Strasbourg.
Pour les Missions de la Chine.
Les PP. Augustin Poîssemeu!c, du diocèse de Vannes,
Digitized
byGoogk
87
Les PP. Régis Rocher , de GrenaUe ,
Louis Sica, da royaume de Noplest
Mathurin Lemaltre, du Mans,
Constant Tingun , d'Angers ,
Théobald Werner , de Strasboin|(,
Alexandi*e Rose, diacre, de Tom^.
Le frère Léopold Deleuze , de Toumu.
Pour les Etals-Unis.
Les Clercs Basile Gacciarini , ^
Antoine Ciampi , > de la Province romaine.
Joseph Finotii, )
Ange-Marie Paresce, )
Alméric Zappone^ /
Camille Vicinanza, ) delaProvincedeNapIc»*
Eugène Vetromîle,
Livius Vigilante.
'•)
Eu mai 1845 , se sont embarqués , à Civita-Veccbia «
pour la Mission de Jérosalem, le P. Etienne Basane , d
le F. Jean d*Argîle , mineurs ofaservontins.
Le buitseptenbre, trois autres Religieux du même ordre
sont partis de Livourne pour la même Mission ; €8 «ont
les PP. Gonzalve, Portugais, Raphaël de Castel-Emîle«
et Fidèle de Fano.
Deux mineurs-réformes , les PP. Léonard de Jesi «t
Bnflbide Parme, ont quitté Gvita-Yecchia le 4 septembre.
Digitized
byGoogk
88
pour se rendre , le pranier au Grand Caire ^ le second ï
Constantinople.
Sont partis de Bordeaux le sept juin 184S, et arrivés
à Pondichéry le huit septembre , après une heureuse na-
vigation :
MM. Martin (Jacques) d'Annecy (Savoie)
Lavorel (Joseph) idem.
Tissot (Jean-Marie) idem.
Thevenet (Jean) idem.
Et les FF. Canon (Pierre) idem.
Fonianel (Sulpice) idem.
Ils sont tous les six deslinés au vicariat apostolique de
Vh'igapatam (Inde) qui vient d'être confié à la Société
des Missionnaires de saint François de Sales , dans le
diocèse d'Annecy.
Dix Missionnaires irlandais , des diocèses d'Ardagb,
d'Armagh et de Kiimore , se sont récemment embarqués
à Dublin sur le navire V Union j qui a mis à la voile pour
le vicariat de la Trinidad , dans les Indes occidentales.
Dans quelques jours, plusieurs autres prêtres dont les
préparatifs de départ n'étaient pas achevés , quitteront
Dublin pour la même destination.
Un prêtre espagnol, M. Joseph Garriga, s'est embarqué
Digitized by VjOOQ IC
89
à Marseille , le quatre octobre dernier ^ pour la Mission
d'Agra, dans Tlndoustan.
Mgr Rameaux , évéque de Myre in partihus , vicaire
apostolique du Tché-Kiang et du Kiang-Si^ est mort à
Macao le quatorze juillet dernier.
Le Prélat élail allé dans cette ville pour conférer avec
M. de Lagrenée sur les intérêts de la Religion chrétienne
en Chine. Cette perle est d'autant plus regrettable que
Mgr Rameaux n'avait encore que quarante-trois ans ; il
en avait passé quatorze dans Tempire chinois , et partout
il s'était concilié Feslime et la vénération générale par ses
qualités et ses vertus. ^
Mgr Joachin Salvetti, de Tordre des Mineurs Observan-
tins, vicaire apostolique du Chan-Si et du Chen-Si , a
terminé par une sainte mort sa longue carrière apostolique.
Le vénérable Prélat portait, imprimés sur son corps, les
vestiges des tourments qu'il avait soufferts pendant trois
années de prison , sous le règne de Tempereur chinois
Kta-Âing.
Le P. François d'Assise Caret , membre de la société
de Picpus et Préfet apostolique de TOcéanie orientale, est
mort à Mangaréva (une des lies Marquises) le vingt-neuf
octobre 1844. Ce fervent Missionnaire, si connu de nos
lecteurs par les lettres intéressantes qu'il à données aux
annales y évangélisait depuis dix ans les plages lointaines
où il a succombé ; il est revenu mourir au milieu de ises
Digitized
byGoogk
90
j^raniers néophytes , qni Tant eueveli dans leur égUse
principale.
On Bovs écrit de Bordeaux :
« Nos pauvres et nos militaires contribuent aussi h h
sainte OEuvreen donnant leur sou par semaine. Dernière-
ment, j*ai remis en leur nom plus de quatre-yingt francs
à M. le trésorier, et j'ai de nouveau reçu d*eux quelques
autres fonds. Il m*est arrivé de dire à ces braves militaires
que je recevais leur argent avec peine, parce que je sa-
vais le sacrifice qu'ils faisaient en me le donnant, et ils
m'ont répondu qu'ils préféraient se retrancher toute dou-
ceur, plutôt que de se priver de cette consolation. Quand
j'ai adressé les mêmes paroles aux pauvres, qui m'appor-
taient l'aumône reçue par eux de la charité publique et
rendue aux Missions par leur dévouement , ils^m'oiK
également dit qu'ils se passeraient de dtner , plutôt que
de renoncer an bonheur de contribuer à TOEuvre. Quel-
quefois ils me donnent leur sou en Itards , 6C font phn
d'une demi-lieue pour me l'appoHer I »
Un Missionnaire du Kian-Nan , en Chine , écrit i m
de ses confrères :
« Ce n'est pas ici qu*il fout élever uneoontrovo^ pour
Digitized by VjOOQ IC
91
savoir si Tusage de Topium est une chose indifférente.
On montrerait des femilles , naguères dans Taisance ,
aujourd'hui désolées ; les enfants, sans nourriture et sans
YélementSi obligés de se faire voleurs; les femmes vendues
«C les faroenrs devenus pires que des bétes brutes. Ce
mal est trës^répandu dans les villes, â des personnes
bien instruites vont jusqu^à dire C[u'un Chinois , habitué
à fumer de l'opium, est un homme perdu pour les affaires
de la vie civile. Après avoir usé de ce dangereux poison,
pendant trois années seulement , il ne sera plus propre
qu'à satisfaire sa passion ou plutôt sa fureur. S'il peut y
réussir, il traînera encore sa vie pendant assez longtemps;
mais il sera rédyit à un état complet de stupidité. Si , au
contraire, les ressources lui manquent, alors il est en proie
à des souffrances et à une langueur dont il ne se relèvera
plus. Un fumeur ordinaire dépense au moins douze francs
par jour , dont la moitié pour le poison , et le resiP
pour les besoins qu'il impose. Or , c'est là une somme
considérable pour la Chine. »
Digitized
byGoogk
92
Extrait (Tune lettre de Mgr Retord, Ficaire apostolique du
Tong-King occidental , d M, Berger ^ d Lyon»
Aa ToDg-King, le 25 juillet 18i5.
« Vous désirez, mon cher Ami , savoir des nouvelles
de M. Charrier. Eh bien ! ce zélé confesseur de la foi est
de retour auTong-King depuis le mois de janvier dernier.
Quand il arriva, je me trouvais avec M. Titaud dans un
village tout chrétien, où nous avons un collège de quarante
élèves ; alors les eaux de l'inondation couvraient encore
toute la plaine , et les nombreux hameaux dont elle est
semée, semblaient autant de petites Iles verdoputes. Aussi*
tôt qu'on m'annonça l'approche de M. Charrier, j'envoyai
plusieursbarquesà sa rencontre, tandisque dans le village
on préparait les tambours et tous les instruments de mu-*
sique , et que dans le collège on décorait l'église comme
aux joi^rs de grands solennels. Notre chapelle de bamboo
était toute tendue d'étoffes de soie, et l'autel orné de co-
lonnes, d'images et de belles dorures.
« Enfin, vers les dix heures du soir, des hommes placés
en faction hors du village , annoncent l'apparition d'une
torche flamboyante, qu'on voyait se promener sur les eaux
comme un météore. C'est M. Charrier qui arrive! Aussi tôt le
collège et tout le village se portent vers ce point lumineux.
Digitized
byGoogk
93
qui grossit en s'approdiant; plusieurs chréueus se Jetlcnt
dansdepeliles barques et vonlàlarenconlreduMissionnai-
re,et nos musiciens s'empressent d'ajuster leurs instruments.
Le voilà arrivé !... Oh I comme nous nous embrassâmes
cordialement ! — Mais voyez comme notre belle procession
déOle majestueusement à la lueur des flambeaux. Quel
vacarme font mes hommes avec leurs tambours et leur
musique ; et nous , comme nous faisons retentir au loin
les échos en chantant le Te Deum I Nous entrons à l'église
où je doQue solennellement la bénédiction épiscopale; puis
nous venons dans ma chambre , et là, dans l'intimité ,
nous causons du Tong-Kîng et de la France , heureuse
causerie qui dura presque toute la nuit.
« M. Charrier resta près de dix joiu's avec moi , puis
nous nous séparâmes pour aller , chacun de noure côté ,
travailler à la vigne du Seigneur ; depuis, nous ne nous
sommes pas rencontrés de nouveau , mais nous nous écri-
vons souvent. L'intrépide confesseur se porte bien ; il est
actuellement occupé, comme moi, à faire la Mission , et à
gagner autant qu'il pQut des âmes à Dieu.
« Sans doute vous êtes étonné d'apprendre que nous
donnions à notre joie une expression si bruyante. — La
persécution a donc cessé ? allez-vous dire. — Non , mon
cher Ami , elle dure toujours, puisque nous avons encore
plusieurs confesseurs de la foi qui gémissent dans les
prisons, sous le poids d'une condamnation à mort, ou qui
traînent leur triste existence sur les plages de l'exil ; die
dore toujours, puisque les mandarins lancent encoreccmtre
la Rdigion des ordonnances^ où ils répèlent toutes les ca-
lômnieft consignées dans les édits de l'ancien roi, puisqu'ils
wxent encore sans cesse nos chrétiens poiu* leur extorquer
de Fargent, puisqu'on arrête encore les Missionnsures et
les prêtres du pays tout comme par le passé. Ainsi ^ par
CMBuple , la veille de Toussaint de l'année dernière, on a
Digitized
byLjOOgk
94
saisi en basse G)ckiiichine Mgr Lefebvre avec un prêtre
indigène et plusieurs chrétiens ; et cette année , il y a eu
aussi plusieurs arrestations dans le Tong-King oriental
et occidental. De ce nombre étaient deux de mes prêtres;
mats au moyen d'nne somme d'argent, glissée à propos
dans la main des persécuteurs , nous avons pu obtenir
leur délivrance. D'autres ont été bloqués, et n'ont dû leur
salut qu'à la fuite. La persécution règne donc toujours ,
et maintenant encore j'apprends que tout est en feu dans
la basse Cochincfaine : on a cerné plusieurs villages pour
prendre les Missionnaires ; on en a pillé d'autres, parce
qu'ils étaient soupçonnés de leur donner asile. Malgré
toutesces vexations, nous sommes bien plus à l'aise, surtout
au Tong-King, que du temps dn roi Minh-Menh ; et puis,
à force d'être persécuté on finit par s'y habituer ; les mille
tracasseries suscitées par le tyran et ses satellites ne font
presque plus aucune impression : c'est au point que
nos néophytes, bien loin d'être abattus, sont plus coura-
geux que jamais.
a Pour mon compte , je me suis mis sous la protection
de la sainte Vierge^^d'une manière toute spéciale ; je lui
ai dit : « Marie, vous êtes ma mère et je suis vou^eenlànt;
c'est pour lajgloire de Jésus , le fruit de vos entrailles ,
que je veux travailler ; ce sont les âmes qu'il a rachetée»
de son sang que je veux retirer de la gueule du serpent
infernal; ce sont les brebis confiées à mes soins que je veux
palU'e : pour cela je vais parcourir ma Mission dans tous*
les sens ; j'ii-ai^dans les montagnes et dans b plaine ; je
voguerai sur les|fleuves et sur la mer ; fîrai partout oit
il me sera possible de pénétrer , sans craindre ni les man-
darins ni les fatigues ; je prêcherai à voix tortt tous ceux
qui voudront m'entendre , et il fimdra que vous me pro-
tégiez dans toutes mes courses apostoliques , car vo»
êtes ma mère ci je suis voire enfane. Vous cortîgerei met
Digitized by LjOOQ IC
95
iaiprudeiices, si j'en fais ; vous me recirerezdu péril qvaokd
je m*y serai trop exposé , et cela ne vous coûtera pas
beaucoup, vous êtes si puissante t je vous confie mon sort;
entre vos mains il sera mieux qu'entre les miennes. »
« Vraiment il parait, mon ch^ Ami, que ma confiance
en Marie lui a été agréable, et qu'elle s'est chargée devant
Dieu du soin de ma personne : je vais partout , je passe
près des mandarins , des milliers d'indigènes accourent
sur mes pas , je chante des messes pontificales , les païens
viennent me voir et plusieurs d'entre eux se convertissent^
les chrétiens sont dans la joie , étudient le catéchisme et
récitent leurs prières avec une grande ferveur, j'ai toujours
près de moi deux ou trois prêtres du pays et souvent un
Missionnaire européen ; et cependant nous ne pouvons
suffire à entendre les confessions, quoique nous y consa-
crions la plus grande partie de la nuit. Or, malgré toute
cette publicité , personne ne parle de me prendre. On
arrêtera un pauvre prêtre Annamite , qui peut se cacher
aisément, et dont l'existence fait très-peu' de bruit; et
votre ami, on ne s'ensaisii*a pas. N'y a-t-il pas là une marque
de la protection spéciale de Marie? Pour moi , j'en suis
persuadé, et vous m'allégueriez mille raisons pour me
prouver le contraire, que je ne vous croirais pas.
« 11 faut avouer aussi que le glaive de la persécution
semble s'être émoussé. Le roi explique lui-même cette
apparente douceur envers les confesseurs delà foi : C'est,
dit-il , qu'il ne veut pas salir son sabre dans un sang si
impur. Au mois de mai dernier, il a remis Mgr Lefebvre
à une frégaie française qui est venu le réclamer, comme
la corvette T Héroïne avait réclamé M. Charrier l'année
précédente ; toutefois, il parait qu'il ne l'a rendu que par
force , et que sa colère a été grande de se voir obligé de
lâcher une si belle proie.
« Vous (lésires encore savoir mes chagrins. Mais je
Digitized by LjOOQ IC .
96
n'en ai pas ; je suis toujours joyeux et content comme à
mon ordinaire. Bien plus, j'éprouve souvent les plus douces
consolations en voyant le grand nombre de conversions
qui^ par la grâce de Dieu, s'opèrent journellement sous
mes yeux. L'année dernière, nous avons baptisé dans ma
Mission plus de douze cents adultes, et plus de quatre
mille enbnts de païens à Tarticle de la mort. Je crois
même que cette année nous recueillerons encore une plus
belle moisson ; car, à moi seul , j'ai déjà baptisé plus de
cent adultes. Vive Jésus 1
« Je vous embrasse bien cordialement, et je suis ,
comme vous le savez , voure ami le plus sincère et le plus
éloigné.
« t PiERKE, Evéque (fJcarUhe. »
IfM. — Imp. ie J. B. réUgtvd^
Digitized by VjOOQ IC
S7
MISSIONS DE LA CHINE.
Extrait d'une UUre de M. Pichm , Missùmnaire egpoeio-
ligue, â Af. Legrégeois^ directeur du Séminaire de$
Miisione Etrangères.
IMtroil de U Sonde» 26 août 1S45
« MoRsiEUa BT véiféaé Corfrerb^
« Cest le cœur ému des plus doux souvenirs que je
reprends aujourd'hui la narration de notre vopge. Ne
craignez pas que j'abuse de votre patience par l'ennuyeux
récit des incidents d'une navigation qui , du reste , a
été assez monotone , grâce au temps plus heureux
que nous n'eussions osé le désirer; je crois vraiment que
les bons anges de nos Chinois s'étaient mis de la par-tie
pour enfler nos voiles.
TOM. xviiK 106. aiARS 1846 7
Digitized
byL^OOgk
98
« Ma dernière lettre était du 24 avril; le lendcninin
pous passions la ligne pour prendre presque immédiate-
ment lesvents généraux qui,en dix jours,nous conduisirent
par le 32^ de latitude-sud et le 30^ de longitude-ouest.
Le 24 ipai , nous doublions le cap des Aiguilles ; puis
commençant à filer , dans certaines journées , nos
quatre-vingts lieues marines, qui valent^ tout bien compté»
cent onze de vos lieues métriques environ' , nous passions
le 12 jufn entre les lies Saint-Paul et Amsterdam j le 26,
nous frisions Tlle de Noël , et aujourd'hui nous voici au
beau milieu du détroit de. la Sonde, après cent deux
jours de mer , sans Fombre d^une tempête ni d!un
Jauger.
« Essayerai-je de vous donner certains petits détails
sur l'aspect des Iles de Sumatra et de Java , où la terre
produit d'eUe-méme et pour ainsi dire sans culture cette
multitude de fruits , de plantes , d'arbres immenses et de
iQUte espèce, qui ne permettent pas à Tœil de découvrir la
couleur du sol, tant la végétation est riche et abondante ?
Oh ! si je pouvais vous peindre surtout ces pauvries Malais,
encore plus qu'aux trois quarts sauvages , et tout à fait
étrangers ù ce qui regarde les connaissances indispensables
au salut de leurs âmes. Sans doute c'est une distraction et
une sorte de bonheur de voir ces grands enfants de vingt
à quarante ans venir, avec leur pirogue formée d'un seul
tronc d'arbre grossièrement cTeusé, et leurs voiles de paille
icnduessur un simple bambou, s'accrocher au moyen d'une
longue perche recourbée aux flancs de noire navire, pour
nous oflrir leurs cocos, leurs ignames, ananas, bananes,
gii*omons , paLntos , etc. , etc. , que saîs-je encore ? des
lorlucs, des pcrrnches^ des singes , et mille choses tout
aussi intéressantes. Mais , si l'on observe avec' un certain
plaisir ces visages nouveaux d'un autre hémisphère, après
Digitized
byGoogk
99
une traversée un peu longue, c'est aussi avec un sentimeni
bien pénible que Ton voit ces pauvres peuples, dont b
nudité est à peine voilée par un diiffon informe^ entortilla
autour des reins ^^ faire des grimaces et des singeries i
et se livrer aux éclats d'une joie plus qu'enfontinepour dai
niaiseriesqu'on leur donne ou seulement qu'on leurroontre;
tandis que si on lenr demande s'ils aiment le bon Dieu, ils
vous répondent en anglais ^ dont ils ont fini par saisir
quelques mots par-ci par-là ; Not knaw^ Jene kcon'^
naiipas0
« Que c'est triste 1 Si vous saviez comme cela saigne
le coeur ! Pendant deux jours qu'ils se sont presque coh«
tinuellement succédés à notre bord 5 nous ne savions dé*
tourner les regards de dessus ces visages nalfe et bons»
quoique évidemment d^énérés et abâtardis ; nous aurions
si bien voulu les avoir plus longtemps près de nous, et
pouvoir nous en faire mieux entendre , pour jeter dans
leurs âmes au moins quelques germes de la sainte parole!
Nous nous sommes dédommagés , en quelque sorte , en
leur suspendant au cou des médailles de l'immaculée
Conception , qui furent reçues avec des démonstrations '
de joie impossibles à décrire. Nous leur fîmes signe qu'il
fallait les porter avec respect, et nous vimes avec plaisir
que quelques-uns d'entre eux les baisaient à notre exem-
ple , sans savoir probablement ce qu'ils faisaient ; mai»
n'importe, nous aimions à penser que la Bonne Mère, dan;,
le cœur de laquelle nous les avons intérieurement remis,
voudra bien, tôt ou tard, peut-être, leur tenir compte de
cet acte de vénération, quoique purement matérielle ; et
il sera toujours vrai de dire que le nom et l'image de
Marie auront en quelque sorte pris possession de ces ter-
res infidèles ; que ce nom et cette image resteront là , au
moins gravés surlccuivre, en attendantquc lodivinMaiire
Digitized
byGoogk
100
siisciieassez d*ouvriers évangéliques pour aller les graver»
d'une manière plus réelle et plus efficace, dans les cœurs
de ces pauvres gens. Priez beaucoup et faites prier tou-
tes les âmes qui s'intéressent à la Propagation de la
Foi ; car le Sauveur a dit : Qui demande obtieni , et
Ton ouvrira à celui qui frappe..
« Mais quîttons ces îles enchantées^ dont la brise du
soir et du matin nous apportait, à trois ou quatre lieues en
mer, des parfums tels que jene sache pas en avoir jamais
respiré. (On nous assure qu'on les sent quelquefois à dix
lieues de distance,longtemps avant de découvrir le rivage.)
Quittons ce petit Eden , dont la fertilité spontanée ferait
presque croire qu'il n'aurait pas entendu l'anathéme gé-
néral Spinas ei iribulos germinahii , si elle ne ser^'ait,
au contraire , à faire mieux ressortir par le contraste la
dégradation de ses habitants , que le baptême n'a poini
encore relevés de la chute originelle, et qui, au milieu dt
l'abondance de leurs terres dont s^enricliissent des royau-
mes étrangers , présentent le tableau de la plus afTreuse
. misère, autant au physique qu'au moral. Hâtons-nous de
revenir à notre bel et bon navire Y Orient ^ que nous n'ou-
blierons jamais, et que nous appellerions volontiers notre
petit paradis flottant , tant le Seigneur s'est plu à nous y
faire goûter de consolations. Connaissant toutl'intérét que
vous prenez à ce qui touche la gloire de Dieu,je me croirais
coupable de larcin si jene vous disais part des merveille^
dont nous avons été témoins^ et que nous devons , je me
hâte de le dire , à l'entremise de Marie , VEioile de la
mer. 11 faut reprendre la chose à son début, pour vous
mieux faire comprendre tout le travail mystérieux de la
grdce.
« A peine étions - nous en mer que , comme pour
**écompense des petits sacrifices que nous avions faits, Dieu
Digitized by LjOOQ IC
101
nous envoya trois matelots pour les préparer à la première
communion. Quoiqu'ils se fussent présentés d'eux-mêmes,
nous jugeâmes prudent de ne rien enlrepr^dre avant
d'en avoir prévenu le capitaine, et nous lui demandâmes
tout simplement s'il y avait moyen d'exercer notre minis-
tère en foveur de ceux qui le réclamaient. Sa réponse fut
telle que nous la désirions. En conséquence , nous nous
mimes à l'œuvre.
« Nos trois matelots ( le plus jeune avait vingt ans )
montraient chaque jour le plus grand zèle* à suivre nos
intniclions , et cela ouvertement , sans que personne y
trouvât à redire. Les choses en étaient là , lorsqu'un di-
manche, c'était le quatrième après Pâques , ayant eu le
bonheur d'offirir le saint Sacrifice , nous vîmes tous les
matelots réimis autour de l'autel. Cette induite de l'équi-
page fitune profonde impression sur l'esprit du capitaine.
A parth* de ce jour, nos marins ne manquèrent plus d'as-
sister i la sainte Messe , les dimanches où nous pûmes la
célébrer.
« Enfin arriva le beau mois de Marie; beau partout,
mais plus beau encore peut-être loi*squ'il est fêlé à sept
ou huit 'cents lieues de toutes terres , sous la voûte des
deux d'un azur si pur et si richement décoré d'étoiles,
surtout dans l'hémisphère austral. Voyant tous lesmatelots
si bien disposés , nous demandâmes au capitaine s'il y
aurait quelque inconvénient à ce que nous allassions, cha-
que soir chanter des cantiques avec l'équipage. Il nous
répondit qu'il n'en voyait aucun. Alors nous ouvrîmes ce
mois dédié à la mère de Dieu. Au déclin du jour , lors-
que le temps le permettait , avait lieu un peut exercice
qui consistait dans la récitation d*une dizaine de chapelet,
de la prière du soir, et enfin dans le chant d'un cantique
à Marie, bonne patronne des matelots.
Digitized
byGoogk
102
c Nos marins étaient aux anges; et cependant le mois
de mai se passa toaténtia*8ansaiitre résultat que ces gages
extàieors de dévotion. Cinq ou six seulement s'appro-
chèrent du sacrement de Pénitence. Le capitaine , bien
qu'il n'assistât pas à la sainte Messe , laissait néanmoins
échapper parfois des paroles qui montraient visiblement
les combats de son âme. Nous lui prêtâmes des livres ,
entre autres un ouvrage qui a pour tiu^ VJthée devenu
croyant , excellent traité dont la lectwe Tit sur son esprit
une vive impression.
« Pendant qu'il était ainsi à se débattre contre les
coups de la Grâce, Dieu nous inspira de commencer, à
reffet d'obtenir sa conversion , une neuvaine en Thon -
neur de Mgr Borie , pour lequel cet officier avait la plus
grande vénération. Elle se termina le 3 juin. Eb bien!
le même jour , à neuf heures du soir , au moment où
l'un des Missionnaires se promenait seul sur le 'pont ,
le capitaine l'abcnrde et d'une voix émue il lui dit : —
« Monsieur , j'ai un grand service à vous demander.
— « Je suis tout à vous , répond le Missionnaire. — Je
€ veux me confesser, non pas ce soir même, car ce n'est
« pas trop d'un jour pour m'y préparer , mais pa^ plus
« tard que demain. » Puis la conversation s'engage et se
prolonge bien avant dans la nuit. Le lendemain , le ca-
pitaine assista ù la sainte Messe , bien que ce ne fut pas
un dimanche. A cette vue , tout l'équipage fut ébranlé.
On ne pouvait en croire ses yeux. Nous avions d'abord
fixé pour la première communion le jour de la fêle de la
Très-Sainte-Trinité ; mais le capitaine nous ayant mani-
festé le désir de communier , s'il était possible , avec
ses matelots , et , voulant avoir plus de temps pour se
préparer à cette action si auguste , nous nous rendîmes
de bien bon cœur à ses désirs.
Digitized
byGoogk
103
« En altendant, nous nous mimes à faire tous les soirs^
dq)Qjs le quatre juin jusqu'au dixHienf du même mois,
une petite instruction à Téquipage. C'était pour nous une
véritable joie de voir ces matdots si saintement avides
d'entendre la parole de Dieu ; quelquefob ils étaient tout
trompés d'eau et de sueur ; n'importe, ils oubliaient leur
corps pour ne penser qu'au bien de leur âme. Le capitaine
de son côté ne se contentait plus de prêcher d'exemple,
il exhortait encore de vive voix ;• sa^ie , on peut le dire ,
était celle d'un apôtre. Il pressait tantôt son lieutenant ,
tantôt son frère. Une fois entre autres il resta avec ce der-
nier jusqu'à ime heure du matin sur le pont, à lui parlei*
de Religion : « Si tu veux me faire grand plaisir , lui
dit-il en le quittant^ tu te confesseras et le plus tôt
possible. » Le jour m&ne il se confessa.
« Permettez-moi de vous faire part encore d'tm autre
trait qui est personnel au capicaine. Il sortait un soir du
saint tribunal lorsqu'il trouva M. Gastex qui lisait dans la
salle,àla clarté delà lampe : il l'aborde, et le voilà tout aus-
sitôt à lui parler du Bon Dieu^ mais d'njae manière si admi
rable^ que cedier confrère était ravi de l'entendre. En6n
ils en vinrentà causer des possessionsdu démon. — « Mais
« croyez-vous, lui dit le capitaine, qu'il existe encore de
«• ces sortes de possessions ? — Assurément ; elles sont
« même assez fréquentes dans les pays infidèles. — C'est
« ^al , reprit le capiiaine , je viens de lui jouer un
t mauvais tour : comme il doit grincer des dents au
« fond des enfers 1 » En disant ces mots , une grosse
larme s'échappa de ses yeux et vint mouiller sa mous-
tache.
a Je ue finirais pas si je voulais vous rapporter tous les
traits de ce genre. Mais il me tarde de vous faire part de
qui bo passa le 19 juin. Ce jour fut^ sinon le plus
ic
Digitized
byGoogk
104
beau^ au moins un des plus beaux jours de noire vie. Il
y eut communion générale. Oui , Bfonsienr ^ depuis le
premier capitaine jusqu'au dernier mousse , tous eurent
l'insigne &veur de recevoir le pain des Anges , et cela ^
à la tùèanà messe. Nos chers matelots , ne trouvant pas
assez vaste la salle où nous avions coutume de célébrer les
saints Mystères , entreprirent^ pour donner plus de solen-
nité à la fête , de nous ériger un temple sur le pont du
navire. Sans doute ce n'était pas chose si facile qu'une
^ise à construire en pleine mer. Blais^vous le savez, tout
estpassibleâquia lafoi.Amsi Dieuseconda-t-il àmerveille
leurs généreux efforts t six heures suflSrent pour ce pieux
|iravail;à minuit ils commencèrent, et à sept heures du ma-
tin le sqnctuaireétaittermhié. Desimpies toiles, artistement
tendues^ formaient le toit et les murailles; l'intérieur était
pavoisé de drapeaux ; des nattes diinoises recouvrs^ient
le parquet en forme de tapis; des images, des tableaux
ornaient l'autel improvisé; l'église enfin é^it^ sinon magni-
fique , au tpoins passablement belle.
« A huit heures commença la cérémonie, qui s'ouvrit ,
selon le pieux désir du capitaine , par la bénédiction du
navire^ et aussitôt après^ le célébrant monta à l'autel. Tous
les matelots étaient là , avec leurs habits de fête ; pen-
dant l'auguste sacrifice , l'un d'entre qous leur adressait
des paroles d'édification.
c Enfin le moment tant désiré arriva. Le prêtre ayant
communié sous les deux espèces , se tourne vers les
marins et leur fait une exhortation ; son cceur en dit
plus que ses lèvres , tant il était ému , ou plutôt Dieu
seul parla. Après la communion , le célébrant prit dt*
nouveau la parole ^ puis termina le saint sacrifice.
Aussitôt commença une messe d'actions de grAces a la-
quelle tous assistèrent. Qu'il était touchant de voir et
Digitized
byGoogk
105
d*eotendre ces bond matelots 1 Gonuide la douce joie du
cid rayonnait sur leurs visages, et se manifestait dans toutes
leurs actionsi Quand tout fut fini,Ie capitaine vint se jeter
au cou de son confessseur en disant : « Les moments les
« plus heureux de la vie sont toujours mêlés de quelque
« arrière-pensée; mais pour aujourd'hui le coeur est con-
« tent tout de bon. »
« Vous eussiez pleuré de joie en entendant nps matelots
faire aussi leurs réflexions chacun de leur côté : « Mais
« comment,disaitrun desplus vieux,nousqui ne voulions
« pas même Êiire cela une fois Tannée , ah I je le fera»
« bien maintenant tons les jours I » — « Voyez-vous^ disait
« un autre , si je faisais naufrage maintenant , cela me
« ferait autant de mourir que de manger ce morceau
« de pain. »
« Ce n'est pas tout. Le soir nous chantâmes les vêpres
en deux chœurs. Puis eut lieu la rénovation des vœux du
baptême, qui fi^t précédée et suivie d'une petite instruc-
tion. Vous ne sauriez croire combien celte cérémonie, qui
ne fut certainement pour personne une simple formalité ,
fit d'impression sur ces braves gens. Après que nous
eûmes renouvelé nous-mêmes les promesses, pour leur
donner l'exemple , le capitaine s'avança le premier an
pied de l'autel^ à la tête de ses matelots , et prononça la
formule ordinaire d'un ton ferme et énergique, qui nous
frappa d'autant plus qu'il contrastait singulièrement avec
les larmes qui roulaient dans ses paupières.Ilauraitfallule
voir et l'entendre, ainsi,du re8te,que toaslessiens,debout,
la main droite sur le livre des saints Evangiles, pronon-
çant lentement et d'une voix émue : « Je renonce au
« démon , à ses pompes, à ses œuvres, et je m'attache à
« Jésus-Christ. » Mous avions borné là notre formule ;
Digitized
byGoogk
mais le capilaine ajouta : « Pottr toujours » ci la plupart
r^>étèrent après lui cesermeat éternel.
« Viot ensuite la consécration h la bonne Mère des
matelots, qui n'était jamais oubliée dans tous nos petits
entretiens. Elleful suivie du petit cantique : Dam les tra-
verses de la vie. Et à ce dernier couplet :
Vois cette foule recueillie,
Qui ta ppar tient , qui te supplie ;
Ce sont tes enfants à genoux ,
Marie,
Jette le regard le plus doux
Sur tous.
Tous, en effet, tombèrent à genoux , comme instinctive-
ment. Knfin,lereZ>eumfutchanté,maisàpleinevoiXy par
tout le moïide et avec un accent de bonheur au-dessus de
toute expression. Je regrette, comme le capitaine, que
l'auteur du Génie du Christianisme n'ait pas été là : c'est
lui qui eût pu vous rendre cette scène dans sa touchante
vérité.
« Vous savez que nous avions emporté avec nous le
tableau où sont peints nos soixante -dix martyrs; nous
le montrâmes à nos marins, et cette page de nos Missions
les frappa beaucoup : «Ces pauvres Pères , disait Pun
« d'eux en parlant de nous, ils seront comme ça un jour.
« Cest pourtant dommage! » Ce fut le sujet de toutes
les conversations pendant plus d'une semaine ; chacun
faisait là-dessus des réflexions plus ou moins philoso-
phiques ; il en est même qui auraient voulu être Mis-
sionnaires, que sais-je I
« Jenedois pas passer sous silence un fait que les mate-
Digitized by VjOOQ IC
107
lots regardent comme prodigieux : c'est que le jour delà
commnnioiiydepuishuitheures du matin jusqu'à cinq heu-
res du soir, le ciel, quiauparavantétaitcouvert de nuages,
devint pur, le vent tomba, et la mer, auparavant agitée^
se fit calme. A peine avions-nous fini le chant du Te Deum^
que la brise commença à souffler, et le navire à sillonner
les ondes. Un vieux marin , brave Breton , fit à ce sujet
une réflexion assez naïve : « Est-il surprenant , dit-il , .
« que maintenant nous aillions vite ? Le navire est dé-
« chargé d'un poids immense. Moi, j'avais plus de péchés
« que le bâtiment nVst gros , et tout cela est passé
a par le sabord. » Autre circonstance assez curieuse :
Comme j'ai eu Thonneur de vous le dire , l'intérieur
de notre Eglise était pavoisé de pavillons. Cela s'était fait
au milieiv de la nuit et par conséquent au sein des ténè-
bres. Eh bien 1 il arriva qu'à l'endroit même où tous vin-
rent s'agenouiller pour recevoir la, sainte communion^ se
trouva le seul drapeau sur lequel étaient écrits ces deux-
mots : « Rendez'4)ous. » Le capitaine fut le premier à en
faire la remarque.
« Je doisrecdfier une erreur qui m'est échappée. J'ai dit
que tous les marins avaient communié à la même messe ;
il en est un cependant, mais un seul qui y manqua, et voici
pourquoi.. Pendant la nuit, le petit mousse va ouvrir sa
malle pour préparer ses beaux habits ; mais quelques
pommes pourries lui tombent sous la main , et sans
réfléchir il veut en croquer une. Aussitôt il se meta
Pœuvre ; il allait lui porter un second coup de dent ,
quand il s'aperçoit de sa distraction : il l'a jette aussi
tôt de dépit ; mais il n'était plus temps : il y avait
goûté. Du reste , sa faute ne fut nuisible qu'à lui
seul : le capitaine fut heureux de Tavoir pour tenir le
gouvernail.
Digitized
byGoogk
108
« loutile de voqs dire que nous conserfons et que
nous conserverons toujours un bien doux souvenir de
VOrieni. Je ne puis vous dissimuler que c'a été pour
moi un véritable sacrifice de quitter ce navire , où j'ai
éprouvé tant de bonheur et goûté tant de joie.
« n me reste maintenant à vous prier d'exctiser tout
ce griffonnage; je n'ai pas le temps de le relire, et j'au-
rais encore moins le courage de le recommencer ; seule-
ment , je puis vous certifier que je n'ai rien avancé dont
je ne fusse entièrement certain. J'ai vu de mes yeux et
entendu de mes oreiUes tout ce dont j'ai l'honneur de
vous Gaiire part dans ce trop long récit.
« Que vous dirai-je de notre arrivée à Syncapore P
Le Seigneur se ptait à nous inonder de consolations. Quelle
cordialité de la part de nos vénérables confrères 1 Oh !
quelle joie sturtout de voir nos bons petits Chinois , qui
sont déjà en assez grand nombre dans le séminairel Comme
le bon Dieu et la saiate Vierge doivent les entendre avec
plaisir! Comme leur ferveur m'a fait honte I.... Nous
les trouvâmes réunis à la chapelle , et chantant tous
ensemble le chapelet. Ils avalent dû , au moins pour
la plupart , entendre le bruit de nos pas ; et Dieu
sait si l'arrivée de huit Pères européens est un événe-
ment capable de piquer leur curiosité ! Eh bien ! pas
un , pendant plusd'une heure que dura la prière , car
ils en sont insatiables., pas un ne se détourna pour
nous voir. Si tousles prêtres d'Europe savaient combien
Us sont intéres-sants , la Chine sera't inondée de Mis-
sionnaires.
« Enfin , il faut bien en finir. Mes deux chers confrè-
res, MM. Dagobert et Leturdu , qui se trouvent encore
ici , se joignent à moi pour vous prier d'agréer de
Digitized
byGoogk
109
nouveau Tassurance du respectueux aiiachement et de
raffeciion toute cordiale/ avec lesquels nous avons Thon-
neur d*étre,
« Monsieur et irès-honoré confrère,
Tos irès-lmmbles et très-obéissants serviteurs,
Au nom de tous : P. PtCHoif ^
nfiisiannaire apostolique. »
Digitized
byGoogk
110
Lellre de M. Chauveàu , Miisiomaire apoiioHque, à son
frère.
Macao , 20 novembre 1815.
Mon cher frère ,
« La lettre que je commence se ressentira de la préci-
piiaiioo avec laquelle je l'écris; car je ne me suis jamais
trouvé dans une position qui laisse aussi peu de loisir , et
qui impose tant de devoirs. Il y a trois heures^ tranquille
encore , j'étais destiné pour la Mission de Lieoukieou i et
c'omme le départ ne devait avoir lieu que dans trois on
quatre mois , je me livrais tout doucement à l'aride étude
liu chinois ; tout ù coup on m'apprend que des courriers
arrivent du Su-Tchucn et du Yun-Nan , provinces limi-
trophes à Toccident de l'empire céleste. Peu d'instants
aprèSi je suis appelé chez M. le procureur qui, me pre-
nant sous le bras : a Adieu le martyre et le Japon , me
a dit-il ; le bon Dieu vous appelle au Yuri-Nan. —
« Amen, lui répondis- je, j'irai au JKwn-iVan. Quand faul-
« il partir ? — Tout de suite , c'est-à-dire je vous donne
« aujourd'hui pour faire vos dispositions ; dcmaûi ù
« midi , soyez prêt. » Je m'incline et m'en vais.
Puis je prends la plume, ci je griffonne ce qui précède cl
rc qui suit.
Digitized
byGoogk
lit
c Ainsi, c^est bien au Vun-Nanqneje dois consommer
ma coni^se^ mon sacrifice, ma vie ; je n*ai poipt demandé
cette province , pas plus que toute autre ; je n'ai pas plus
désiré l'occident de la Chine que le nord ou le sud : seu-
lement, j'étais décidé à me dévouer au pays qui me se-
rait assigné par la volonté divine.
« Tu me demandes quels sont les principaux obstacles
qui s'opposent à la conversion des Chinois ; je te dirai
d'abord quela question est un peu prématurée^ je ne sau-
rais encore la résoudre par inbi-méme. Cependant j'ai
assez entendu causer , sur ce chapitre, des hommes d'ex-
périence , pour pouvoir te donner quelques éclaircisse-
ments. Je ne parle pas des causes générales de corrup-
tion , qui se trouvent partout où il y a des hommes. Ce
qui c?6t particulier aux Chinois ^ c'est , en premier lieu^
leur excessif amour de l'argent : ce peuple vendrait
ses dieux si quelqu'un voulait les acheter. Croirais-
tu qu'à Macao nos officiers ne peuvent sortir, le soir ,
avec leurs épaulettes et leurs galons sans courir de très-
graves dangei-s ; les Chinois , prenant tout cela pour de
l'or massif, se jettent sur l'imprudent qui étale à leurs
yeux ce trésor , et le dépouillent après l'avoir roué de
coups pour l'empécberde crier: pareille aventure est en-
core arrivée au capitaine d'armes de YArchimède , il n'y
a pas huit jours. C'est donc à cet esprit cupide, autant
qu'il est faux et menteur , qu'il faut attribuer la lenteur
des Chinois à se convertir.
« La seconde cîïuse est l'orgueil de ce peuple : il im-
porte de noter ici que le Chinois, fut-il borgne, bossu ,
boiteux , lépreux , mendiant, voleur et idiot, se préfère
toujours à un Européen. Dans nos Missions même , nous
trouvons parfois des chrétiens qui veulent que le Père
leur obéisse; noscouiricrs se raôlcnl assez souvent de nous
Digitized
byGoogk
112
donner des ordres en route , et ce n'est pas une des moin-
dres peines du début dans la carrière apostbU(iue. On a
beau prouvera un Chinois qu'il s'est trompé ; il y aura
éclipse et tremblement de terre ce jour-là, si vous le feites
convenir qu'il a tort. Mais enfin, si Terreur est palpable,
si la faulcestmanifeste, et qu'il soit impossible de la nier,
il vous dira un oui qui le déchire plus que le choléra.
•Il faut que je vous cite un trait de ce caractère vaniteux.
Pendant la dernière guerre , M. Libois disait à un de nos
domestiques que les Chinois seraient battus par les An-
glais. «Mais c'est impossible, lui répondit cet homme;
a c'est impossible ; vous n'y pensez pas. Père ; romarqucz
« donc que c'est impossible, cela ne se peut pas.» Lorsque
la guerre liit terminée , comme chacun sait, à l'avantage
des Anglais , ce même domestique disait encore : « Oh !
« oui , les Barbares sont assez forts sur mer ; mais quand
« l'empereur enverra ses grosses jonques, nous ver-
« rons.» Eh bien 1 ces grosses jonques seraient venues, ce
Chinois les eût vues couler à fond par les Européens, qu'il
n'aurait pas avoué sa défaite : « Oui , aurait-il dit , elles
« coulent bas parce que l'eau y entre ; » mais il n'aurait
jamais été possible de le faire convenir que si l'eau y en-
trait, c'était parce que les boulets anglais avaient fait brè-
che. Et cependant, ce Chinois si orgueilleux , vous fera
plus de courbettes que vous n'en voudrez; les prostrations
sont ici ce qu'il y a de plus commun. Rendez ce peuple
plus humble, moins.entiché de son excellence prétendue;
faites-le surtout moins cupide et parlant moins rapace,
moins fripon , et bientôt vous en ferez un peuple de
cliréliens.
« Malgré ces défauts , les Chinois ont sur leurs voisins
de la Cochinchinc une supériorité incontestable : ils ont
Digitized
byGoogk
lis
plus de culture dans Tesprit , plus de propreté dans la
tenue, plus de distiHCtioD dafhs les manières et d'expres-
sion dans leur physionoinie ; ce sont en général des hofni-
mescapables. Les Gochinehinois, au contraire, sont d'un
extérieur beaucoup moins avantageux ; on dit qi^e la race
annamite est une des plus laides du monde; de plus, elle
ne compte dans son sein que des hommes petits, maigres
et excessivement timides ; aussi , cent Européens bien
armés feraient-ils aisément la conquête de la vaste et po-
puleuse terre d'Annam. Une chose bien digne de remarque
dans le Chinois, c'est l'impassibilité de son caractère ; '
dites-lui ceque vous voudrez, ilne paraîtra jamais étonné
ni ému : il examine et discute , tandis que pour un rien
l'Annamite crie au prodige.
« Maintenant un petit mot sur ma position per-
sonnelle. Dans quelques moments je vais donc partir. On
me fait passer par un chemin très-agréable, dit-on, mais
c'est le plus dangereux ; je dois traverser Canton. Voici
le plan qu'on a adopté. Hier soir, deux de mes cour-
riers ont pris les devants ; ils me précéderont proba-
blement de vingt-quatre heures à Canton. Là, ils doivent
s'entendre avec un vieillard vénérable , ancien élève des
Jésuites, qui connaît tous les coins et recoins de la pro-
vince , et qui, tout cassé qu'il est, veut par dévouement
à la religion, favoriser encore une fois avant de mourir
l'entrée d'un Missionnaire en Chine. Ils chercheront donc
ensemble dans la forêt de barques qui couvrent la rivière
de Canton , quelque grande jonque de commerce , et
après avoir arrêté leur choix, ils demanderont au patron
de la jonque s'il est disposé à passer de la contrebande.
Le rusé Chinois, devinant bien qu'il y a là de l'argent à
gagner, ne manquera pas de répondre par un refus. On
insistera alors en ajoutant que tout s'arrangera avec
TOM. XVIIl. MARS 106. 8
Digitized by LjOOQ le
114
quelques piastres ; le patron deviendra plus irai lablc,
et quand on lui aura promis quelques centaines de francs,
le marché sera conclu. Aussitôt on lui dira qu'il doit met-
tre à la voile sans délai , et que c'est un Européen qu'il
transportera. A ce mot d'Européen , il va se lamenter ,
se désoler du piège qu'on lui a tendu , et protester que
pour aussi peu d'argent, il ne saurait courir de si grands
dangers. Les courriers, qui sont chinois aussi, ne s'éton-.
nerontpasde cet incident; ils s'y attendaient: cent francs
de plus sont promis au patron , et le voilù pleinement
rassuré. Une fois ces préliminaires conclus , on convien-
dra de l'heure du départ , et, au milieu de la nuit , j*ar.
riverai dans le plus grand silence possible à bord de la
jonque , qui se hâtera de lever l'ancre. Tu conçois com-
bien cette nuit me paraîtra solennelle.
« Personne ne sait ici mon prochain départ, parce que
si les mandarins de Macao en étaient instruits , ils don-
neraient l'alerte à Canton, et je serais pris en arrivant.
Mais cette chance , comme toutes les autres, a été pré.
vue. D'ailleurs , si on m'arrête, j'en serais quitte pour
quelques coups de rotin et quelques jours de prison ;
i>uis on meramènerait à mon consul de Macao; mes pau-
vres courriers seuls seraient bien à plaindre ; on le>
condamnerait à l'exil perpétuel , et peut-être à la mort.
Eh bien 1 c'est un danger qu'il faut remettre à la garde de
Dieu. Quand cette lettre te parviendra, j'aurai vu le Su-
Tchuen probablement, ou uncachot.Mais les mandarinsne
gagneraient rien à m'arrêter ; s'ils me saisissent dans la
province de Canton , je rentrerai par celle du Fo-Kien ;
s'ils méprennent encore de ce côté , Dieu me donnera le
courage de pénétrer par le Kiang-Sou. Car, vois-tu, il
faut que la Chine ouvre enGn ses portes à l'Evangile , et
nous disons, pleins de confiance on Dieu : Ou ces peuples
Digitized
byGoogk
115
nous écouteront , ou ils nous chasseront , ou ils nous tue-
ront; sMIs nous écoutent, ils se convertiront; s'ils nous
chassent , nous rentrerons ; s'ils nous tuent , d'autres
viendront.
• Je monte dans la barque chinoise aujourd'hui, jour
de la Présentation. Pendant que vous chantez : Ergo
nunc tua gens^ etc. , je chanterai cette hymne moi aussi,
pas si fort que vous , il est vrai , mais assez pour que
la sainte Vierge m'entende. Une dernière fois ^ à la garde
de Dieu I si nous sommes toujours entre ses mains , on le
sent bien plus encore quand on n'a que lui pour confi-
dent et pour ami , durant trois mois de voyage sur des
barques d'infidèles , sans livres , sans bréviau'e , sans
même un chapelet : que faire dans cet isolement ? sinon
s'entretenir avec Dieu qui n'abandonne jamais personne ,
et qui est plus spécialement à côté de ses serviteurs
aux jours de la souffrance et du danger. Maintenant plus
que jamais je me recommande à vos prières. Vive
Jésus ! vive Jésus 1
« Chauveau, Missionnaire apostolique.
Digitized
byGoogk
116
Ure 3e M. de la Brunxêre , Missionnaire apostolique ,
d M. Jurine , directeur du Séminaire des Missions
Etrangères.
« Monsieur et bien cher confrère ,
« Je me trouvais encore à Macao , au mois de juillet
dernier , lorsque la corvette la Favorite vint mouiller
dans la rade, se disposant à faire voile pour le nord de
la Chine. Le capitaine de ce navire nous parla deTin-
tenlion où il était de visiter les côtes du Leao-Tong , et
témoigna le désir d'avoir à son bord un missionnaire, et^
s'il était possible , un interprète. L'occasion ne pouvait
être plus favorable. Un courrier ànLeao-Tong était arrivé
depuis quinze jours ; des deux élèves coréens qui avaient
étudié à la Procure , Tun avait déjà été donné au com-
mandant de VErigone , et l'autre devait m'accompagner
dans ma Mission , pour faire de là une tentative sur la
Corée. Avec des conditions si avantageuses pour les deux
parties , on se met aisément d'accord. Je m'embarquai
donc avec mon courrier et mon jeune coréen ; le 17 juil-
let , la corvette appareilla , et je conçus l'espérance de
toucher bientôt au terme de mes vœux , c'est-à-dire aux
rivages de ma nouvelle patrie.
« C'est le 23 août seulement , que nous pûmes jeter
Digitized by LjOOQ IC
117
l'ancre en face de la petite ville d^Ofhlong , peu aupa-
ravant bombardée par les Anglais. Il n^appartientqu'à un
in^in de décrire les divers incidents qui signalèrent notre
longue traversée , tels que les échouements sur les
bancs de sable qui obstruent Tembouchure du Ta-Kiang,
DOS quatre ancres perdues , et les périls d'une nuit qui
Ëûllit être pour nous la dernière : il n'y a rien dans tout
cela qui ne soit très ordinaire en pareils voyages. Par
bonheur j la main de Dieu a toujours été avec nous, et
personne n'a péri.
« Mais quelle agréable surprise ce fin pour nous de
rencontrer dans ces parages lErigone^ sur laquelle , M.
Maistre naviguait depuis six mob entre Macao et le Fleuve
Bleu , en attendant une occasion de pousser jusqu'à le
Corée I Du fond de mon cœur je remerciai la bonté di-
vine , car je retrouvais en ce moment et les conseils d'un
excellent confrère , et , plus encore , un ami pour com-
pagnon de voyage,
« Cependant, malgré la joie de nous voir réunis, notre
embarras était extrême. Nos deux navires , pour obéir à
de nouvelles instructions , allaient prendre une direction
opposée au but que nous devions atteindre ; il fallait
donc , ou avec eux abandonner la Chine , ou chercher
un asile , s'il pouvait y en avoir pour des européens, sur
celte terre inhospitalière. Je ne crus pas qu'il y eût lieu h
délibérer dans une telle alternative , et décidé à me jeter
sur la plage , je ne cherchai plus qu'à me mettre en
conuDunication avec les chrétiens du pays.
« Le jour même où je songeais sérieusement à quitter
la frégate , mon élève s'aboucha avec un vieux payen qui
était venu apporter des vivres. C'était un homme doux ,
honnête , assez influent dans l'endroit , et très-ami des.
Digitized
byGoogk
118
Français. II ignorait mon caractère de prêtre. On lui de-
manda s'il pourrait loger deux hommes de l'équipage ,
qui désiraient attendre en Chine le retour de leur navire.
Contre toute attente , il parut enchanté de la proposition.
Une seule chose l'arrêtait , c'était la crainte des manda*
fins de Xam^haù Alors fut composée , au nom de l'amiral
Cécile 9 une lettre par laquelle il nous recommandait à
la protection des mandarins , ajoutant que le capitaine
Page devant bientôt reparaître sur ces côtes , prendrait
information de tout j et qu'au besoin il ferait justice.
« Muni de cet important passe- port , je quittai la fré-
gate, le 10 septembre à sept heures du soir , accompagné
de mon élève , du vieux Chinois » et d'un de ses do^
mestiques. Grâce aux ténèbres de la uuit , le débarque-
ment fut tranquille ; nous attendîmes sur le rivage les
gens qui devaient porter nos effets, puis on se mit en
marche. La curiosité chinoise fut plus forte que nos pré*
cautions : de distance en distance des groupes se for-
maient sur notre chemin ; ils étaient composés de gens
inoffensib et d'enfants qui nous regardaient en silence, et
restaient bouche béante de surprise après nous avoir con-
sidérés. Ils avaient souvent rencontré des officiers anglais
ou français protégés par une imposante escorte; mais deux
Européens conduits par un Chinois , sans armes , à dix
heures du soir , et suivis d'un bagage de voyageur , voilà
un spectacle qui leur était inconnu.
« Dans cette occasion , notre vieux Chinois déploya
tout son talent oratoire. 11 s'arrêtait devat les principaux
groupes, gesticulant avec beaucoup de vivacité , nom*
mant à chaque instant les Français et les Anglais, et pro-
bablement mettant en œuvre la première ressource do
l'éloquence chinoise, qui consiste à dire très peu ou point
du tout la vérité. Quoiqu'il en soit , son zèle eut un plein
Digitized
byGoogk
U9
succès. D'ailleurs , la conclusion de la paix et le voi-
sinage de la flotte britannique étaient pour nous une sûre
garantie.
« A peine arrivés au logis , il fallut boire le thé, fu-
mer une pipe avec notre bote , et, par dessus tout, sup-
porter patiemment les regards avides d'une cinquantaine
de Chinois^ qui avaient libre entrée dans la maison. Après
une longue séance , chacun songea à se reposer. Libres
alors , et en présence de Dieu seul , nous bénîmes son
adorable conduite sur nous, ignorant encore ses desseins,
et renonçant de bon cœur à toutes les préoccupations de
la sagesse humaine. Je me souviens , qu'en ce moment
notre joie était grande. Mon jeune élève coréen dont la
piété et les talents sont remarquables , me parlait avec
une effusion touchante. C'est ainsi que nous nous endor-
mîmes paisiblement , et le sommeil fut profond , car nul
trouble n'agitait nos cœurs.
« Le lendemain , au moment où nous finissions Torai-
son du matin, arrive notre hôte ; il nous serre affectueu-
sement la main , en nous priant de rester chez lui autant
que nous le voudrions. Tandis que nous causons en-
semble, quelle n'est pas ma surprise de voir entrer dans
ma chambre un Chinois effaré , qui me crie en latin :
« Père, Père, vous êtes perdu I » C'était mon courrier
qui me rejoignait , après quinze jours d'absence. « — Et
toi , lui répondis-je , je te retrouve, voilà ce qui me fait
grand plaisir.» Le pauvre Chinois ne savait que balbutier,
et sa contenance étonnait singulièrement les assistants.
Nous nous mimes à rire pour détruire la mauvaise im-
pression de ce début. Puis , quand il parut calmé , je le
priai de m'expliquer l'état de nos affaires. Il me remit
deux lettres , l'une de Mgr de Bezi , et l'autre de M. La-
vaissière , toutes deux empreintes d'une admirable cha«
Digitized
byGoogk
120
riié. Mgr de Bczi , dont j'ignorais la présence en ces
lieux , n'avait pas plutôt été instruit de ma situation sur
VErigone^ qu'il s'était empressé de m'envoycr une barque
et des habits» avec ordre de me conduire sans retard jus-
qu'au lieu de sa résidence. Le courrier chargé de cette
mission , avait accosté la frégate au moment où elle met-
tait sous voiles ; là on lui avait indiqué ma nouvelle de*
meure, et il accourait toui essoufflé , dans la crainte que
je ne fusse déjà entre les mains des satellites. Son impa-
tience paraissaitextréme; je n'avais encore ouvert qu'une
des deux lettres, quedéjà il s'écriait : «Partons, partons;
la barque nous attend sur le rivage ; hélas I nous som-
mes perdus! » Cette peur, comme vous le voyez, était
line peur de Chinois. Aussi j'en riais de bon cœur.
« Un nouvel incident vint encore ajouter à l'agitation
de cette scène. Un bruit étrange se faisait entendre dans la
cour voisine ; des porteurs arrivaient chargés de caisses,
de malles i et d'autres objets qui en partie étaient les
miens. J'avais à peine jeté les yeux de ce côté, que je vois
paraître M. Maistre, vêtu à l'européenne , et venant aussi
partager l'hospitalité qui m'avait été accordée. Dieu nous
réunissait de nouveau pour nous séparer encore. Je lui
montrai la lettre de Mgr de Bezi. Il fut décidé entre nous
que je monterais sans délais dans la barque envoyée par
par le prélat , qu'elle me conduirairait à une corvette
anglaise, alors en station devant On-long^ et que là je de-
manderais un asile pour mon confrère^ jusqu'au temps où
l'on pourrait lui expédier un autre canot.
« Cependant , il fallut céder aux instances de notre
hôte , et assister à un diner dont il fit les honneurs avec
une politesse très-remaquable. Notre réunion était grave
et silencieuse sans être triste, les appétits étaient peu déve-
loppés; les convives semblaient souvent s'interroger du re-
Digitized
byGoogk
121
gard; oous étions dans rattentedudénoftment qui se pré-
parait.
« Enfin je pars vers le milieu du jour, conduit par un
ami du vieux Chinois. Mon courrier nous avait précédés,
et les chrétiens de la barque étaient prêts ; nous nous
éloignons donc rapidement , et bientôt nous abor-
dons la corvette. J'expose ma demande au capitaine, qui
Taccueille avec une générosité vraiment anglaise ; je laisse,
de plus , une lettre pour M. Maistre , et encore tout eu*
ropéen , je m'enfonce dans ma petite embarcation pour
n'en plus sortir que Chinois» Deux chrétiens préparent
tous les éléments de la métamorphose ; on me rase le
contour de la tète; on ajoute à mes cheveux une longue
queue , que ses poils durs et épais m'ont fait appeler une
queue de cheval, au grand scandale de mes conducteurs;
car leurs propres cheveux sont de la même espèce. Une
petite calotte de soie noire, surmontée du bouton rouge,
de larges lunettes pour corriger l'insolence de mon nez ,
et une pipe à la main , cx)mplétèrent l'homme nouveau
dont il fallut me revêtir. Un Européen déguisé de la sorte
s'appellerait, selon nous , un faux Chinois ; les chrétiens
du A'tanjf-nan l'appellent un faux Européen , en ce sens
qu'il renonce à ses mœurs anciennes,abandonne sa langue
maternelle , et meurt pour toute sa vie extérieure à son
titre de naissance.
« Nous entrâmes dans les canaux du Kiang-nan ,
comme dans les ruisseaux d'un désert : la terreur causée
par la guerre précédente nous avait admirablement pré-
paré les voies. Sur notre chemin se trouvait une chrétienté
florissante , dont le catéchiste , homme riche et très-dé-
voué à notre sainte cause , accourut avec empressement
5 ma rencontre,me conjurant de descendre un momentau
milieu de ses néophytes. Comme il me vit insensible à tou-
Digitized
byGoogk
122
tes ses instances , il me déclara que Monseigneur n'était
point à sa résidence ordinaire ; que Je n'y trouverais per-
sonnepour me recevoir, et qu'il valait mieux prendre quel-
ques jours de repos, que d'aller m'exposer en pure perte.
Ma réponse fut , qu'ayant ordre de Mgr de Bezi de ne
m'arrôter nulle pari, mais de me rendre directement
auprès de Sa Grandeur , j'aimais mieux obéir au péril
de ma vie , que de manquer à une recommandation
aussi formelle. A ces mots mes gens sourirent ; le ca-
téchiste fit un profond salut , et se relira. Le croiriez-
Yous ? loute cette terreur qu'on avait cherché à m'îns-
pirer , était une fiction charitable , une politesse fort
usitée dans le cérémonial chinois : c'est ce que mes
courriers me déclarèrent ensuite. Vous le voyez ^ il reste
toujours dans nos chrétiens quelque chose du caractère
national.
« Ce catéchiste avait voulu , en me retenant quelques
heures , donner aux chrétiens le temps de me présenter
leurs hommages , et faire diversion à l'ennui d'un voyage
clandesiin. Mais si je devais aller chercher quelque part
une consolation , c'était bien plutôt aux pieds d'un prélat^
dont la charité ne se peut louer dignement que par ceux
qui ont approfondi celle de Jésus Christ.
« La résidence de Sa Grandeur était alors Tcham-pu-
Kiao. Les Pères Goiteland et Estève , Jésuites, s'y trou-
vaient ; ainsi notre Divin Maître me donnait pour quel-
que temps une famille complète : un Père et des Frères.
C'est là que M. Maistre vint nous rejoindre avec le reste
des bagages.
« Vous parler des occupations par lesquelles je cher-
chai à utiliser mon séjour dans cette province , me con-
duFrait à des répétitions fastidieuses et de nul intérêt.
Digitized
byGoogk
123
Si vous aimez les détails exceotriques , vous apprendrez
avec plaisir que j'ai habité huit jours chez un médecin
diinois , excellent chrétien , qui ne jugeant pas son an
assez lucraiif, a imaginé d'y joindre une autre brandie
d'industrie , en vendant des cercueils. Il en avait déjà
vingt-six en magasin. Un pareil médecin en Europe ef-
fraierait terriblement ses clients ; ici nos compatriotes
seuls y voient une singularité* Mais laissons la plaisante-
rie, et voyons ce qui vous intéresse davantage.
« La province de Nan-King est une des plus riches et
des plus fertiles dç la Chine. Elle est entrecoupée dans
tous les sens par une multitude de canaux, dont le nombre
excède de beaucoup celui de nos routes communales en
France , en sorte que le voyageur ou le marchand ne dit
jamais : mon cheval ou ma voiture , mais ma nacelle.
Ces barques sont couvertes ; on y peut , à volonté, lire,
écrire , manger , et dormir comme dans sa chambre ;
elles sont surtout d'une utilité incomparable au Mission-
naire , qui , avec deux chrétiens pour matelots, parcourt
sans danger tous les points de son district. Mais , de
même que les maux sur la terre se compensent toujours
par quelque avantage , de même aussi les biens ont leurs
imperfections* Ainsi ces canaux , qni par la facilité des
communications, contribuent tant à la richesse du com-
merce , engendrent beaucoup de fièvres pernicieuses , et
produisent une mortalité souvent effrayante. On sait
que Tancienne tradition des Missionnaires a fait appeler
cette contrée h tombeau des Européens. Je n'ose rien af-
firmer sur le nombre des chrétiens qui l'habitent, à cause
de la divergence des témoignages que j'ai été à même de
recueillir : peut-être le chiffre de quarante mille ne s'é-
loignerait-il pas trop de b vérité. Les apôtres chargés
d'y travailler le champ du Seigneur , sont les Pères Je-
Digitized
byGoogk
1*24
suites. Il paratt qu'ils occuperont bientôt la province de
Pékin. Plaise à Dieu de répandre sur leurs travaux les
bénédictions de l'ancien temps I
« Permettez-moi de borner à ce peu de mots ce que
je voulais vous dire du Kiang-nan ; mon séjour a été de
trop courte durée, pour en donner un aperçu plus com-
plet. Je n'ajouterai qu'une setde remarque : sur mille
jonques environ qui sortent annuellement de Cham^hai^
pour se rendre aux différents ports du Leao-tong , plus
de ving-cinq sont chrétiennes. Cham-hai , comme vous
savez , est au nombre des ports de cosamerce oh les An-
glais doivent avoir des factoreries ; déjà ils y ont choisi
leur terrain. Ce voisinage des Européens a changé l'as-
pect politique de la province , et les Missiomiaires y
jouissent d'une liberté , ou plutôt d'une facilité d'action,
qui ne peut aller qu'en croissant.
« Le digne évoque qui nous avait si bien accueillis, —
je reviens avec bonheur sur ce sujet, — est d'une cha-
rité vraiment catholique, qui s'étend indistinctement sur
les Missinnnaires étrangers , comme sur les siens pro-
pres. En moins de quinze jours , nous avons pu, par ses
soins, monter sur une jonque dont l'équipage composé
dedix-^pt hommes comptait quatorze chrétiens. Le pro-
priétaire lui-même était venu en personne solliciter l'hon-
neur de nous porter à notre destination , et pour notre
passage il n'a jamais voulu entendre parler d'argent.
« Ce fut dans la nuit du 1^^ au 3 octobre, entre la fête
de Notre-Dame du Rosaire et celle des Anges Gardiens,
qu'une barque vint nous prendre sur un point isolé de
la côte , nommé Tsang-Ka-Lou , et nous conduisit au na-
vire. A en juger par ses dimensions , le bâtiment pouvait
être de 150 tonneaux. L'empressement, les attentions ,
Digitized
byGoogk
125
et la 8«nplicité des chrétiens , ont fait pour nous de
cette traversée la plus agréable promenade qui se puisse
concevoir. Les vents étant contraires , il fallut rester im-
mobiles pendant douze jours près de TSIe Tsong-min.
Chaque matin , nous célébrions la sainte Messe sur un au-
tel préparé par l'équipage. ; tous y assistaient avec une
dévotion franche , qui ne se trouve pas toujours dans
des chrétiens plus familiers avec nos saints mystères.
m Nous étions embarqués depuis trûb jours^ lorsque
sur le soir , je vois entrer dans ma chambre le capitaine
à la tête des autres néophytes. On me prie de m'asseoir ;
j'obéis aussitôt. Tous alors se prosternent à la manière
. chinoise -, le front jusqu'à terre; et , comme je les priais
instamment de se relever , le capitaine , prenant la pa-
role au nom de ses matelots^ me conjure de les entendre
en confession. Que ce spectacle serait extraordinaire
pour bien des Européens! La bonne volonté ne me man-
quait pas , mais je n'avais pas encore d'oreilles pour eux :
la langue mandarine que je commençais à savoir , la seule
qui se parle au Leao-tong , ne pouvait me servir dans
cette occasion ; car vous n'ignorez pas que la province
de Nan-King, à l'exception de la capitale , a un jargon
tout-à-fait différent de l'idiome classique. Cependant nous
en vînmes à un expédient qui pût contenter leurs pieux
désirs : ce fut d'écrire en lettres chinoises les principaux
péchés qui se rattachent aux dix commandements de
Dieu , et d'en faire un petit catalogue , où le pénitent
montrait du doigt les fautes qu'il avait à déclarer. Nous
eûmes aussi la consolation de distribuer le corps de
Jésus-Christ. Ce bon Maître voulut payer par des riches-
ses spirituelles les attentions généreuses qu'on prodiguait
à ses ministres.
« L'administration du plus auguste des Sacrements ne
* Digitized by VjOOQ VC
126
ne fut pas le seul acte de religion accompli à la gloire de
Dieu , au milieu des centaines de jonques payennes qui
étaient à nos c6tés. Il fallut procéder encore à la bàaédic-
tion du navire, et de tout ce quMl contenait* Le lendemain
de la cérémonie , deux autres jonques appartenant à la
même maison de commerce , accostèrent notre bâtiment ,
et s^unirent ensemble par des cordages. Elles étaient éga-
lement montées par des chrétiens : nous dûmes donc im-
plorer sur elles de nouvelles bénédictions, et je ne saurais
exprimer tout ce que les circonstances du lieu et des
personnes avaient de touchant pour un cœur de Mission-
naire. Souvent le soir , respirant la fraîcheur de la nuit
sans crainte d'être vus , nous entendions ces pieux néo-
pyhtes chanter en cadence leur prière accoutumée. Nous
nous disions alors , mon confrère et moi : « Quelle po-
« sillon est la nôtre? Et comment en sommes- nous ve-
tt nus à ce point de bonheur P Y a-t-il dans noire
« patrie quelque avantage qu'on hésitât à sacrifier^
« pour goûter la centième partie de ce que notre bon
« Maître nous fait sentir en ce moment? » Souvent
même , dans ces heureux instants , le silence nous était
plus agréable que Tépanchement de nos pensées. Oh !
alors , Toraison n'était pas difficile ; nous ne la faisions
pas, pous ainsi dire ; mais presqu'à notre insu elle s'em-
parait de notre esprit et de notre cœur : « Testis mihi
est Deus quod non mentior. Dieu m'est témoîn que je
ne mens pas. » Et je puis, cher confrère^ en appeler au
témoignage de ceux à qui ces voies de l'apostolat sont
connues.
« Le 12 octobre, une brise favorable nous annonça
l'heure propice au départ : les cinq voiles se déployè-
rent , el noire jonque , d'une construction supérieure ,
devança de beaucoup celles qui Tenvironnaienu Nous
Digitized
byGoogk
127
comptions déjà quatre jours de marche ; il n'en fallait
plus qu'un pour atteindre un petit port du Leao-tong ,
dans les environs de Kai-tcheou^ lorsqu'un vent du nord
vint retarder nos espérances. Nous dûmes courir â l'ouest,
et chercher un refuge dans la rade de U-tao^ sur le litto-
ral du Chang-tong. Plus de cent-cinquante jonques s'y
réunirent avec nous. Les montagnes disposées en cou-
ronne, et pour la plupart assez élevées , forment un abri
sûr et commode ; mais le peu d'eau qu'on y trouve , en
défend l'entrée à de gros navires , la profondeur or-
dinaire n'étant que de trois à huit brasses et demie*
Un seul fait remarquable a signalé notre séjour en cet
endroit. Au moment où nous étions à table, presque sur
la fin de notre diner, deux satellites payens vinrent à
l'improvistc percevoir les droits de mouillage , qui s'éle-
vaient à mille quatre- vingt sapéques , c'est-à-dire , à peu
près une piastre. Us entrent dans noire salle à manger ,
furetant partout du regard selon leur habitude. Nos chré-
tiens , plus braves que je ne Taurais pensé , ne perdirent
point contenance. Un cercle est aussitôt formé autour
des nouveaux venus ; on leur fait mille questions ; on
les accable de politesses , tandis que d'autres matelots ,
serrés près de nous et paraissant occupés autour de la
table , nous cachent de toute l'épaisseur de leurs corps.
Une manœuvre si plaisante nous faisait rire, bien entendu,
et ce rire même ne contribuait pas peu au bon succès de
leur comédie.
« Cependant , le plus âgé des satellites gagnait peu à
peu du terrain ; il s'était déjà glissé dans l'enceinte du
groupe qui nons faisait un rempart^ et nous touchait
presque ; la situation devenait critique , lorsqu'un chré-
tien tant soit peu espiègle, s'approche , et tire la queue
du vieillard d'un coup sec qui fait trembler sa tête : il se
Digitized
byGoogk
128
retourne soudaiô, et son attention absorbée par le danger
que venait de courir un meuble si précieux , nous laisse
libres de tout péril. L'un et Tautre se retirèrent après
quelques saints. L'hilarité était au comble^ et dans cette
joie , non» rendîmes au Seigneur de nouvelles actions de
grâces*
« On remit à la voile aussitôt que le vent nous le
permit. Le samedi 22 octobre , nous avions jeté Fancre
devant Ta-ChMn-Ku^ petit port situé à moitié chemin
entre Kai-Tcheou et la frontière de la Corée, s'il Tauts^en
rapporter à notre capitaine, qui paraissait bien connaî-
tre cette partie du golfe. C'est là , en présence de
cette terre où je n'ai pas encore mis le pied , que je me
suis hasardé à vous écrire ces lignes* Quoique la côte soit
nue et desséchée par le vent du nord , elle parait très-
accidentée ; quelques montagnes , ou mamelons de t^re,
s'élèvent à peu de distance dans l'intérieur , mais le pays
est généralement plat. La bise qui souffle , annonce un
climat autrement sévère que celui de notre France septen-
trionale, quoique sous une moindre latitude. Déjà la terre
s'est couverte d'une triste et sombre atmosphère, qui ne
la quittera pas avant six mois, et l'œil, cherchant qaelqne
objet qui puisse le récréer , se promène en vain sur cet
âpre horizon. Malheur donc à quiconque viendrait de-
mander à ces contrées les joies de la vie présente ! Une
terre stérile, un peuple pauvre , une nature en deuil
pendant sept ou huit mois de l'année , offrent peu de ce
qu'on appelle les charmes de l'existence humaine. Hais
des âmes que Jésus-Christ aime , pour lesquelles il est
descendu dans la crèche et mort sur une cix)ix , des âmes
simples et disposées à l'Evangile, des sueurs à répandre,
une abondante moisson à recueillir, présentent au Mission-
naire des richesses qui le font tressaillir de joie. Alors,
Digitized
byGoogk
129
pour lui la nature est belle et riante ; tout lui devieo.
précieux y m&ne la pauvreté des cabanes, la rigueur du
climat , la nudité du désert ; seul , au milieu de ce loin-
tain cercueil oii il est venu s'ensevelir vivant , il aime
à répéter , dans le fond de sqn cœur , à Jésus-Christ qui
Ta envoyé : Hœc requte$ mea , Hîc habitabo. Cest ici
mon repos , c'est ici ma patrie.
« Je voudrais vous parler davantage de cette terre du
Leao-Tong; mais j'ai besoin de voir et d'apprendre avant
de laisser courir ma plume.
« Tout ce que je pourrais ajouter d'utile pour nos
Missionnaires, c'est que le petit port où nous nous trou-
vons en ce moment , est le plus commode à leurdébarque-
ment , tant à cause du peu de sévérité des douanes , que
par la proximité de deux grandes familles chrétiennes,
très-dévouées à notre sainte Reb'gion. Notre navire , qui
n'était pas destiné pour ces parages , y est allé exprès
pour nous» Sur les autres points de la côte, on ne trouve
des néophytes qu'à une assez grande distance ; ou
bien on rencontre une surveillance plus active de la
part des employés. Pour ce qui regarde la sûreté du
voyage maritime , on peut sans hésitation se confier
à l'expérience des pilotes chinois , qui savent leur
route a peu près comme nos cochers de fiacre les rues
d'une ville. C'est une chose singulière de les voir, avec
une simple boussole, sans instruments d'observation nau-
tique^ et sans traités de navigation , diriger leur navire
en droite ligne au point où ils tendent, connaissant tous
les endroits où peut atteindre la sonde , déterminant
ainsi en pleine mer et les distances parcourues et la
position du vaisseau. Si les voyageurs doivent souvent
préférer la mer à la terre, c'est surtout quand il faut
choisir entre les difficultés toujours dispendieuses d'un
TOM. xviii. 106. '^^
Digitized by VjOOQ IC
130
voyage à a*avers Tempire céleste , et la brièveté d*une
traversée qui , dans la mousson Ëivorable , se fait en six
jours.
« Veuillez , mon bien cher Ck)nfrère , penser souvent
à votre petit Missionnaire , qui vous sera toujouîs uni
dans les cœurs de Jésus et de Marie ,
a DB LA BRUNIERB, Mi$S. JpOêt. >
Digitized
byGoogk
131
VICARIAT APOSTOUQUE DU CHAN-SI.
FISSION ITALIENNE DES MINEURS OBS£aVÀIi)TirtS.
LcUre de Mgr Jlphorue , Coadjuteur de Monseigneur le
Ficaire apottolique du Chan-^, aux deux Conseils de
VOEuvre.
« Messieurs,
« Je viens appeler votre attention sur les durétientés
de Su-ganrfu , que f ai récemment parcourues. Dans k
cours de cette visite pastorale , j'ai recueilli sur les
lieux quelques traits édifiants , et je m'empresse de vous
les offirîr, comme des épis glanés pour vous dans le champ
du Seigneur.
« Nous donnons au département de Su-gan-ful^ nom
de district^ parce qu'il est confié aux soins d'un seul prê-
tre. Me croyez pas , cependant , qu'il embrasse un terri-
toire de peu d'étendue , ou que le nombre des fidèles qui
l'habitent soit très-limité ; non , il comprend , sur un
espace il'environ cent milles carrés d'iuilie , huit villes de
9.
Digitized by LjOOQ IC
132
troisième classe , auxqneUes se rattachait parles liens de
la juridiction une multitude de localités secondaires.
Nos néophytes comptent, pour la population totale, le
chiffire de deux mille neuf cent quatre-vingt-cinq, difisé
en quarante-ime chrétientés ou groupes plus ou moins
nombreux*
« La première de ces chrétientés , connue sous le nom
de CoUine de la famille Kiao , est la plus coosidérable ;
elle se compose de deux cent quatre-vingt-quatorze mem-
bres. Seide de tout le district , elle possède une ^lise et
quelques maisonnettes destinées à abriter les Misnonnai-
res de passage. Ces réduits sont du petit nombre des ha-
bitations construites en briques; car la phis grande parde
des indigènes en est réduite à se creuser des grottes
dans la colline*
« De Kiao je passai à Ma-kiang , où je trouvai dexkx
cent cinquante-un néophytes. Le village de ce nom est
composé moitié de chrétiens et moitié d'infidèles. Long-
temps ils vécurent sous la même administration ; mais,
grâce à leur persévérante fermeté^ les catholiques ont
obtenu , après quarante ans de procès dispendieux, leur
^tière séparation d'avec les idolâtres, et aujotu^d'hui ils
pnt des chefs pris dans leur sein, qui surveillent les in-
térêts et font respecter les droits de la communauté chré-
tienne. Blalgré Tancienne division des espritis et Topposi'
tioQ toujours subsistante des doctrines , nos frères ont si
bien su gagner Testime de leurs rivaux, que ceux-ci vien-
nent d'eux-mêmes inviter les fidèles à baptiser leurs en-
fants en danger de mort.
« Le même usage règne dans la chrétienté de Cao-kia*
kioang. ki, nous avons même une consolation déplus :
c'est que les parents joignent à la demande du baptême
pour leur enfont^la promesse que si le malade revient à la
Digitized by LjOOQ IC
133
santé , ils le feront élever dans la religion du Maître du
cieU Une moitié du YiUage est occupée par les gentils, et
Tautre par les chrétiens, au nombre de cent quatre-vingt-
quinze. Us sont administrés , en vertu d'un règlement
légal , par un conseil où les deux partis nomment un
égal nombre de membres. Cette franchise accordée à nos
néophytes n'est pas une simple &veur ; elle est le prix
de leurs services , une récompense d'a9tant plus hono-
rable qu'elle leur a été décernée par ceux qui les persé-
cutaient. Voici à quelle occasion.
« Lorsque , il y a peu d'années , s'éleva contre la re-
ligion une tempête si violente » vingt-trois fidèles de Cao-
kia-kioang furent arrêtés et confessèrent la foi avec cou-
rage. Ils auraient pu se dérober à une condamnation avec
de l'argent ; mais ils préférèrent donner un exemple pu-
blic de constance en subissant la peine de l'exil* Toujours
soumis à leur prince , quoique injustement frappés , ils
oublièrent sa tyrannie au moment oii la révolte menaça
son trdne ; on les vit courir aux armes , et cimenter de
leur sang un pouvoir qui les opprimait. C'est pour ce fait
glorieux qu'on les rappela dans leurs familles. Les païens
eux-mêmes ont salué leur retour avec une admiration
mêlée d'effroi ; ils se disaient en parlant des confesseurs :
« Ceux qui ont bravé la prison , l'exil et la mort,
« n'ont rien à redouter ; c'est à eux d'inspirer la crainte. »
En commandant le respect par leur dévouement^ ils
avaient conquis le libre exercice de leur foi si longtemps
calomniée.
« Une autre chrétienté , ceUe de Sin-Kioang , a pris
naissance et s'est affermie au milieu d'aussi étonnantes
vicissitudes. Son berceau n^étaitjadis qu'un repaire de bri-
gants, dontl'empereur fitraser les habitations, et dèslors
la contrée ne présenta plus qu'une solitude maudite. Elle
Digitized
byGoogk
134
n'en était que plus propre à servir de refuge à des pros-
crits. Il y a quarante aas , un de ces chrétiens qu'on tra-
quait dans les villes , vint y chercher une retraite igno-
rée ; il s'y bâtit une cabane et défricha à Tentour un petit
coin de terre. D'autres néophytes, poussés , eux aussi ,
par le vent de la persécutiim , découvrirent Fasile du
pieux solitaire^ et ravis de partager le calme dont il jouis-
sait, sanctifièrent avec lui par leurs vertus FaDcien théâtre
de tant de crimes*
« Le village ne pouvait ainsi grandir sans appeler
TattentioD des païens du voisinage. Poiu* quelques-uns
ce fut une occasion de salut ^ trois iamilles demandèrent
le baptême ; pour le plus grand nombre ce fut le sujet
d'une jakmsie qui alla jusqu'à jurer la perte des chré-
tiens. Ils auraient exécuté cet odieux projet, s'ils n'en
eussent été détournés par un vénérable vieillard , en
grande estime parmi eux à cause de sa science et de
sa bonté.
« Une nuit , ils étaient sur le point d'assaillir le vil-
lage et d'y mettre le feu. Ce vieillard, qui ne savait rien du
complot , sentait néanmoins son âme si agitée, qu'il ne
pouvait goûter un instant de sommeil , oppressé qu'il
était par de sinistres pressentiments. Il se lève et sort
dans la campagne, pour se distraire du trouble auquel il
était en proie. Mais quelle n'est pas sa surprise de ren*
contrer des groupes de paysans ameutés , qui se prépa-
rent à incendier la retraite des chrétiens I Saisi d'horreur
5 la pensée d'un tel crime, cet homme de bien les arrête,
les supplie , les apaise , et , après les avoir désarmés ,
les renvoie dans leurs familles , bien résolus de respecte!
à Tavenir , dans nos fidèles^ le malheur joint à l'in^
nocence.
« Quoique les néophytes de Sin-kioang n'aient plus
Digitized
byGoogk
t35
été menacés par les infidèles du pays , ils n*ont pas tou-
jours échappé aux poursuites des mandarins; on en comp-
ta plusieurs parmi eux qui ont souffert pour la foi ^ il
en est même qui ont subi FexiU Plus tard, on les a tous*
graciés, à rexception d'un saint vieillard qui est , depuis
vingt-deux ans , courbé sous le poids de la cangue* De-
venu aveugle pendant sa longue captivité , il fut libre
alors de retourner chez lui , mais à la condition de gar-
der le fardeau qui pesait sur tes épaules , à moins quMl
n^aimât mieux s^en débarrasser par Tapostasie* Ce nou-
veau Job est un parfait modèle de résignation dans ses souf-
frances. Dans ma visite à son village, j'ai voulu m'entretenir
quelques instants seul avec lui. Quelle consolation de
voir près de moi ce généreux athlète de Jésus-Christ ,
brisé parles tourments quMl a endurés pour son amour I
La cangue touchait ma poitrine ; je baisai plusieurs fois,
sans qu'il s'en aperçût , cet instrument de son martyre
qui me faisait envie : trop heureux si , quelque jour , un
pareil supplice couronnait mes faibles travaux I
« Dans les montagnes qui forment la chaîne orientale
du district , fleurit une nouvelle chrétienté , peu nom-
breuse , mais d^une ferveur admirable. Un bachelier con-
verti à la foi en est le fondateur. Son zèle a &it autant
de conquêtes à Jésus- Christ qu'il compte de membres
dans sa famille ; trente-sept chrétiens , dont deux sont
gradués comme lui , ont reçu de ses mains le baptême.
Je fus beureui de féliciter ce bon vieillard, qui m'accueil-
lit comme un ange descendu du ciel : c'était la première
fois qu'il voyait un Européen^ et cet Européen était un
ae.
« Plus loin , en s'enfonçant toujours dans les vallées
de Test, on rencontre plusieurs familles converties à la Re-
ligion par un confesseur de la foi, nommé Baptiste Uvang.
Digitized
byGoogk
136
Il avait loi^mèmeélé psûen et criminel avant que la gntce
en flt un apAtre et un athlète de TEvangile. De cruelles
persécutions lui furent suscitées par les siens , sans que
sa vertu en fût ébranlée ; au contraire , il désarma la
haine par sa patience , et , ce premier triomf^ obtenu,
il ne tarda pas à voir tous ses parents lui demander le
baptême.
« Ses épreuves , cependant , n'étaient pas finies. Ar-
rêté par ordre des* mandarins, il souffrit avec une rare
constance les tourments les plus raffinés^ plutôt que d'ab-
jurer sa foi : tantôt on le soufDeluiit avec barbarie, tan-
tôt on le suspendait par les oreilles , et dans cet état on
lui injectait de Teau dans les narines, ou bien encore on
chargeait ses épaules de lourds fardeaux , après Tavoir
bit mettre à genoux sur des lames de fer rouge ; on en
vint presqu'à lui broyer les jambes , en les comprimant
avec ses chaînes dans une horrible étreinte, ku milieu
de ces tortures il gardait le silence , ou il invoquait avec
ferveur les noms de Jésus et de Marie. Le mandarin ,
voyant tous ses efforts inutiles, et ne sachant plus quel
supplice inventer , permit au généreux chrétien d'ailer
dans sa fiimiUe se guérir de ses blessures, et surtout ,
ajouta-t-il , de sa folle obstination.
m Les autres chrétientés de Sthgan-fu ne présentent
rien de remarquable , excepté leur piété qui est exem-
plaire. Il en est une , cependant , dont l'origine rappelle
un fait assez curieux. Un pauvre néophyte de Pékin , ne
pouvant se procurer dans cette capitale des moyens suf-
fisants de subsistance , s'était retiré dans les plus âpres
montagnes du C%an-5t,pour y gagner sa vie en colportant
de petits objets de négoce. Arrivé à Si-lin , il remarqua
devant l'habitation d'un paysan une vieille croix, au pied
delaquellefumaient des bâtonnets d'encens. Grande fut sa
Digitized
byGoogk
137
snrpriseet sa joie à celte vue. Ceux à qui il demanda l'ex-
plication d'un culte si étrange lui répondirent qu'on ado-
rait un esprit inconnu , mais puissant^ et qu'en cda on
suivait l'exemple des ancêtres , qui avaient légué cette
croix au village comme une sauvegarde contre tous
les fléaux.
« Notre chrétien ne laissa pas échapper l'occasion qui
s'offrait à son zèle. Comme un autre S. Paul dans l'aréo-
page , il annonça aux paysans le Dieu qu'ils adoraient
sans le connaître , et la prédication du nouvel apôtre fit
tant d'impression sur eux , qu'ils le prièrent de se fixer
dans le pays , pour achever de les instruire. Il consentit
bien volontiers à leur demande. Pendant six ans qu'il se
dévoua au ministère de catéchiste , il enseigna à ces bons
montagnards tout ce qu'il savait de la doctrine chrétienne,
toutes les prières qu'il avait apprises, et les pieuses pra-
tiques en usage parmi les fidèles ; de plus , il choisit par-
mi ses disciples douze des plus capables et des plus fer-
vents , qu'il déclara catéchumènes , et leur imposa à cha-
cun le nom d'un saint honoré par l'Église. Ces douze fu-
rent les premiers admis au baptême, mais ils ne furent
pas les seuls ; grâce aux soins du Missionnaire qui les a
visités , on compte aujourd'hui dans cet humble village
quarante-neuf chrétiens.
« Je viens de vous dire ce qui fait notre joie dans cette
vaste Mission : un mot maintenant sur ce qui nous afflige.
G>mbien pensez-vous que nous ayons de chapelles pour
les quarante-une paroisses de Surgan-fu P Une seule ;
et encore avait-elle été si ébranlée par un tremblement
de terre , qu'il eût fallu l'abandonner tout à fait , si la
sainte OEuvre né nous avait mis à même d'y faire les plus
urgentes réparations. Nos fidèles qui se réjouissent au-
jourd'hui de la voir restaurée , n'oublient pas , soyez-en
Digitized
byGoogk
138
sûrs, h qui ils doivent ce bienfait , et ils ne manquent ja-
mais de nommer leurs frères d'Europe dans les prières
que leur reconnaissance fait monter au ciel. Partout ail-
leurs , quand le Missionnaire veut rassembler son trou-
peau , il n'a qu'une chambre d'emprunt pour lieu de réu-
nion ; quelquefois rnéme^ à défaut du plus obscur réduit,
il convoque ses néophytes dans une caverne » pour oflrir
avec eux les saints mystères.
m Mais ce qui manque plus encore à Su-gan-fu , ce
sont des prêtres; il n'y en a qu'un seul pour desservir le
district tout entier* Aussi ne peut-il ni prendre un soin
convenable de son troupeau , dispersé çà et là sur un
espace de cent lieues carrées , ni s'occuper sérieusement
de la conversion des gentils. Quel ministère que le sien !
cinq ou six prédications par jour , des instructions spé-
ciales aux catéchumènes qui se disposent au baptême ,
des entretiens particuliers avec les néophytes appelés à
recevoir les sacrements de pénitence et de confirmation :
voilù une partie de ses charges quotidiennes , qui pren-
nent » à elles seules , les deux tiers de la journée.
« Et je n*ai encore parlé que de sa vie sédentaire :
que dire de ses fatigues en voyage ? Souvent il lui arrive
de braver , pendant des semaines entières , la pluie et les
vents ^ d'endurer la faim et la soif , de rester exposé en
plein air à Thumidité pénétrante des nuits , après avoir
haleté tout le jour sous un ciel de feu » de s'abandonner
enfin à la chute des torrents et des fleuves ; et tous ces
dangers, toutes ces fatigues , il les affronte le plus sou-
vent pour une seule âme , pour un pauvre moribond qui
attend de sa main les derniers sacrements.
« Encore s'il trouvait , au terme de sa course, un lieu
propre à se délasser. Mais non ; en été il doit se réfu-
gier dans des grottes humides , où le repos n'est possible
Digitized
byGoogk
139
qu'aux dépens de la santé ; en hiver il est suffoqué par
l'odeur du charbon fossile , qui brûle jour et nuit dans
les chaumières^ et infecte de ses fétides exhalaisons le ré-
duit du pauvre , seul abri qui s'ouvre à rbomme apo-
stolique. Tout cela finit ordinairement par donner au Mis-
sionnaire, ou des maladies aiguës qui renchatnent pour
un certain temps au logis , ou des infirmités qui rac-
compagnent jusqu'au tombeau.
« A ce genre de tribulations s'en joint un autre encore
plus cruel : c'est celui que nous suscitent les idolâtres et
les faux frères. Contrariétés , injures , calomnies , on
m'a tout prodigué ; je n'ai pas fait une démarche qu'on
n'ait flétrie , pas une entreprise à laquelle on n'ait ap-
porté des entraves. Fondais-je une chrétienté ? bâtissais-
je un établissement ? L'ennemi de tout bien était là qui
créait sourdement des obstacles. Quels orages n'a pas
déchaînés contre moi l'érection d'un séminaire ! J'y ai
dépensé beaucoup de sueurs et d'argent, et d'amères vexa-
tions ont été ma récompense. Mon domestique arrêté, cin-
quante chrétiens emprisonnés avec lui , voilà mon premier
salaire. Pour ma part, je me vis obligé de fuir , entraî-
nant avec moi mes élèves proscrits comme leur maître ;
tour à tour nous fûmes chassés de la maison d'un fidèle et
du sommet de quelques montagnes, où nous avions cher-
ché successivement asile; et pour trouver ce repos et cette
sécurité que nous refusait même la solitude , il nous fal-
lut demander refuge à la cabane d'un mendiant. Là ,
pour un moment, la paix et la facilité de nous recueillir
nous furent données : j'en profitai pour reprendre vis-à-
vis de nos étudiants des soins un instant suspendus ;
f enseignai , je préchai , faisant ainsi pratiquer à ces bons
disciples un double noviciat , celui de la science et celui
do la croix.
Digitized
byGoogk
140
m Dieu, toujours bienveillant envers ceux qui souffrent
pour la justice , daigna nous consoler à travers ces
^reuves.Il permit qu'une lettre de Mgr Moulynous ar-
rivât alors du fond de la Tartarie ; instruit de notre si-
tuation déplorable , il nous écrivait pour compatir à nos
peines et nous exciter à la résignation. Ce témoignage de
sa charité ne nous fut point inutile ; après Ta voir reçu ,
la patience nous devint en quelque manière plus douce
et plus facile. Une autre grâce encore retrempa notre
courage. Cest que nous pûmes, pendant plusieurs mois,
garder le Saint-Sacrement exposé sur un modeste autel ;
étudiants et fidèles du voisinage venaient en secret Tado-
rer avec leur Missionnaire , et nous sortions tous de là
plus forts et plus décidés à supporter ^aussi longtemps que
Dieu le voudrait, les privations et les soufirances.
« Malgré la surveillance dont nous sommes Fobjet ,
nous pouvons de temps en temps exercer le saint minis-
tère au dehors ; et c'est encore pour nous une satis-
faction d'autant plus agréable, que nous en jouissons sous
les yeux mêmes de nos ennemis. La difficulté est souvent
extrême, surtout quand il s'agit des femmes. Dans ce cas
le courage ne suffirait point , s'il n'appelait à son aide
quelque sainte ruse dans le genre de celle que je vais ra-
conter. Des prisonnières chrétiennes avaient demandé un
prêtre pour entendre leur confession ; mais on les gar-
dait à vue , et les mesures des satellites étaient si bien
prises, qu'il paraissait impossible de parvenir jusqu'à elles
Baptiste Uvang , cet illustre confesseur de la foi dont j'ni
parlé plus haut , l'essaya néanmoins, et fut assez heureux
pour tromper la vigilance des soldats. Autour de l'en-
ceinte qui retenait les prisonnières, étaient entassées des
cannes de maïs ; il s'y cacha pendant le jour, et de là
reçut les aveux de toutes ces captives , sans que les
gardiens en eussent le moindre soupçon.
Digitized
byGoogk
141
« Si la direction du troupeau fidèle nous laisse peu de
temps à donner aux paiiens , ne croyez pas , cependant ,
que de leur part il ne nous vi^ne parfois des consolations
inattendues. Quelle joie pour nous de voir apparaître ,
au milieu de nos réunions mystérieuses , une femme ido-
lâtre que la grâce a touchée , et qui est sortie en secret du
sein de sa Emilie endormie, pour assister au saint sacri-
fice dans nos nouvelles catacombes , et ne rentrer dans
la maison qu'avec le bienfait du baptême ! Notre émotion
n*est pas moins vive , lorsque nous entendons les gentils
eux-mêmes rendre hommage à notre sainte Religion , pu-
blier avec admiration les vertus qu'elle inspire , et ,
quand ils veulent assurer le bonheur de leurs enfants ,
rechercher avec empressement pour leurs filles des maris
chrétiens*
« Mais où notre cœur surabonde de joie , après avoir
longtemps gémi dans une affliction profonde » c'est au
retour de nos frères , de ces infortunés transfuges qui
avaient cédé aux conseils de là peur , et que la honte re-
tenait enchaînés dans le camp ennemi. Après une dou-
loureuse attente , je les ai tous vus à mes pieds , implo-
rant le pardon de leurs fautes , et se relevant purifiés
pour aller à la table sainte sceller leur réconciliation avec
le sang de l'Agneau sans tache.
« Pour opérer ces prodiges de conversion , Dieu n'em-
prunte pas toujours notre ministère ; il se sert bien sou-
vent des laïques , des femmes , quelquefois même des
apostats ; car ces derniers , jusque dans la profondeur
de leur chute , se rappellent encore les douceurs du ta-
bernacle d'Israël. Je n'en citerai qu'un exemple.
« Deux chrétiens , un père et son fils , avaient apo-
stasie pendant la dernière persécution; la crainte des tour-
ments les avait rendus parjures. Devenus après leur faute
Digitized
byGoogk
142
un objet d*horreur pour eax-mémes , ils tombèrent bien-
tôt dans raccablement du désespoir , et dès lors ne con-
naissant plus de frein ^ ils cherchèrent a oublier dans des
excès de tout genre la foi qu'ils avaient trahie. Le fils
épousa une femme païenne qui avait pour les chrétiens
une haine déclarée. Cependant , comme il n'avait pu ef-
facer de sa mémoire toutes les vérités de notre Religion
sainte , nos dogmes et nos préceptes revenaient souvent
dans ses entretiens , et , sans qu'il s'en doutât, il en in-
spirait l'amour à sa compagne. Peu à peu ce sentiment ,
aidé par la grâce , triompha si bien de ses anciennes
préventions , qu'elle pressa son mari de l'initier , sans
plus de délais au culte qu'il lui avait fait connaître. Alors
le jeune homme se prit à .sangloter , et confessa par
quelle faiblesse il avait renié le Dieu des chrétiens. Cet
aveu y loin d'affaiblir le courage de son épouse , la con-
firma dans sa pieuse résolution ; elle n'en mit que plus
d'instances à demançler ^ comme le comble du bonheur ,
d'être comptée parmi les enfants du Maître du ciel.
Quoique ce désir fût la condamnation de sa conduite
passée , le mari ne s'y opposa pas ; au contraire , il
encouragea sa femme dans la voie où elle entrait , et pour
lui faciliter les moyens de s'instruire , il la confia quel-
que temps à des vierges chrétiennes. Celles-ci l'accueilli-
rent comme une sœur. Après quinze jours de pieux exer-
cices , elle reçut le baptême , et sortit des fonts sacrés
avec une telle ferveur, que s'élevant au-dessus de son sexe^
elle se fit l'apôtre de son époux et de son beau-père ,
et parvint aies ramener Pun et l'autre dans le sein de
l'Eglise. J'ai vu plusieurs fois, depuis , ces trois néophy-
tes , et j'ai trouvé en eux tant de ferveur et de simpli-
cité, qu'on ne saurait trop exalter la miséricorde de Celui
qui fait surabonder la grâce où abonda le délit.
Digitized
byGoogk
143
« Vers la fin de 1839 ^ eut lieu une conversion tout
aussi consolante. Une païenne , infirme et presque aux
portes du tombeau , était assistée par un médecin chré*
tien , qui l'instruisit en peu de temps et lui conféra le
baptême. Revenue à la santé contre toute espérance ,
elle se mit à étudier avac ardeur notre sainte foi , dont
elle ne savait encore que les vérités fondamentales ; bien-
tôt après elle reçut la confirmation et fut admise au ban-
quet eucharistique.
« Peu de temps s^éiait écoulé depnis cette dernière fa-
veur , lorsque sa fille unique , âgée de cinq ans j tomba
dangereusement malade , et se sentant près de mourir ,
demanda le baptême. A peine était-elle régénérée ,
qn^elle dit à sa mère : • Mes forces m'abandonnent , je te
« quitte^ mais c'est pour aller t'attendre au ciel ; l'année
« prochaine nous nous y reverrons.» Et l'enfant momnit.
« Quand l'année fut presque révolue , la mère se sen-
tit en effet défaillir. Elle appela de nouveau le médecin à
qui elle devait le bienfait de la foi. Il vint ; mais comme
il savait la prédiction de la jeune enfant , il avait compris
que l'heure solennelle du dépari éiait proche , et dans
cette conviction il s'était fait accompagner d'un prêtre.
Cétait l'infatigable Baptiste Uvang , qui fut présenté à la
Êmûlle en qualité de docteur. Tandis que le médecin dis-
sertsût longuement avec le mari et le beau-père , le mi-
nistre de Jésus-Christ entendait la confession de la fer-
vente néophyte , et lui administrait le viatique et l'ex-
tréme-onclion. Enfin , arriva le jour anniversaire de la
mort de la jeune fille , et ce fut celui où expira paisible-
ment sa mère.
« A ces joies qui nous viennent du dehors , ajoutez
celles que nous goûtons en quelque sorte en famille au
milieu de nos chrétiens. Combien nous sommes dédom-
Digitized
byGoogk
144
mages de nos tribulations et de nos fatigues par la fer*
veur des nouveaux convertis , si saintement avides d'ins*
tructîons religieuses ; par Tempressement de nos pauvres
néophytes à s'approcher du tribunal de la pénitence , età
se nourrir du pain céleste 1 Et nos catéchumènes^ comme
ils s'inclinent avec amour sous le joug de la croix I Os n'i-
gnorent pas à quels sacrifices ils se dévouent en frappant
à la porte de TEglise; ils savent que dès le premier pas ils
auront, ou des liaisons coupables à rompre, ou des habi-
tudes invétérées à combattre , qu'ils vont se trouver sans
appui , exposés aux outrages de leurs proches, aux vexa-
tiens des pàiens , aux rigueurs de l'exil ; et malgré cet
anathème général , ils n'ont qu'un désir , celui d'être
baptisés ; qu'un bonheur, celui de voir approcher le jour
oà l'eau sainte, en coulant sur leur front , les désignera
conune de nouvelles victime aux traits de nos ennemis.
« Que dirai-je du courage de nos chrétiens qui vien-
nent , de soixante milles de distance , à pied , dans l'an-
goisse du dénûment et de la crainte , au lieu où ils
espèrent* rencontrer un ministre des autels , et pouvoir
participer aux saints mystères? Rien ne les arrête : le
chapelet à la main , une petite croix d'argent suspendue
au cou , ou bien , sur lem* chapeau , quatre lettres chi-
noises qui expriment une invocation au Saint-Esprit , on
voit des fenmies , des enfants , braver résolument les
privations et les périls d'un si long voyage.
« S'il est une vertu plus admirable encore, c'est leur
charité. De simples cultivateurs , qui n'ont que la misère
en partage , imposent un tribut volontaire sur leurs pé-
nibles sueurs , sont industrieux a trouver im superflu
dans leur indigence , pour soutenir , avec leurs pieuses
collectes ,]es confesseurs de Jésus -Christ , qui languis-
sent sans secoius dans les prisons ou l'exil. Et ce qui est
Digitized
byGoogk
145
digne de remarque , les plus pauvres sont les plus géné-
reux ; l*aumône lombe plus abondante des mains qui au-
raient plus de droits à la recevoir I
« Que manque-t-il à une terre si féconde? Des ouvriers
plus nombreux. Elle ne demande qu'à produire : pour-
quoi sont-ils si rares ceux qui consentent à recueillir ses
fruits ? Viennent donc à notre aide de nouveaux coopé-
ra teturs ! viennent plus spécialement nos vénérables frères
de Tordre sérapbique , auquel est confiée cette Mission
lointaine 1 héritiers du zèle qui dévorait notre saint
fondateur , qu*ils viennent en grand nombre répandre ,
sur ces terres abandonnées , le germe de leurs bons
exemples et celui de la divine parole , ainsi qu'ils le font
avec tant de succès dans les autres régions du monde
catholique! »
« Et vous, charitables associés de la grande OEuvre ,
je ne puis terminer cette lettre sans vous payer , au nom
de nos Missions , un sincère tribut d'éloges et de recon-
naissance* Tant qu'il restera un néopliyie dans ces chré-
tientés lointaines, il conservera avec une pieuse affection
le souvenir de nos bienfaiteurs , de ces frères généreux
de rOccident qui tendent une main secourable aux en-
fants de la Cliine , pour les attirer après eux à l'étemeUe
béatitude. Réunis à notre troupeau , nous continuerons
jusqu'au dernier soupir d'appeler les bénédictions d'en
haut sur vos familles , comme nous hâtons déjà par nos
prières , en faveur des Associés défunts , la possession
de celte gloû^e dont ils nous ont aplani le chemin.
« f Alphor SB ,
Coadju(eur du Ficaire apostolique du Chansi* »
To». XVIII. 105. 10 ^ T
Digitized by VjOOQ IC
148
MISSIONS DE MADAGASCAR.
JBçctraii i*un Mimair$ priêtnti à MM. k$ memhrts de$
pameOs Cmtram de TŒuvre par Af. Palmwd , Ptéfe^
apQrtolifHe d4 Madagoêcor.
« Messievas 9
« Quand on obsenrê la posilion géographique de Ma-
dagascar , on se demande avec une douloureuse surprise
comment il se fait que , plaoée sur la route de Tlnde , et
à côté de deux colonies très-fréquenlées par les Français
d^ois deux siècles , oette lie n'ait vu briller qu'un in*
siant les lumières de la foi, qui ont pénétré au sein même
de la Chine. Et cependant les Malgaches sont mieux dis-
posés que les Indiens et les Chinois à embrasser notre
Religion sainte ; le climat de leur lie n'est pas plus mal-
sain 9 en général , que les Antilles, que Batavia et bien
d'autres rivages où les Européens ne cessent d'aborder. Il
a donc fallu, ou des circonstances exceptionnelles, ou des
Digitized by LjOOQ IC
préventions trop légèrement oHiçues , pour Tahe aban-*
donner par les hommes apostolique» te défrlcliement* h
peine commencé de ce vaste pays*
« Louis XIV avait projeté Toccupation de Madagascar» et
fondé deux établissements! Ton au Fort-Dauphin, Vautre
à Sainte-Marie. A h sollicitatiott de cé prince , saint
Vincent de PàuI y envoyo des kBssioAilaires <)tti , peu de
temps après leur arrivée^ forent malheureusement décimés
par la nnort; ce qui Ji*empécha pas Thomme de Dieu de di*"
I iger vers le même but deux nouvelles colonieiii Cette fbb
le soooès rendit encore moins à ses vœuxi Lu pi^mière,
jetée par Forage sur le Cap de Bonne^BapéMucë » dut
revenir en France dix-huit mois après ^ laute d^un navire
qui la transpcMriât à sa destiaatiofi ; ht seéonde fut prise
en mer par les Espagnols avant d*avoir vu les cAtes de
Madagascar.
•
m Cependant Mi tourdake, ttii des jf^rerhSét^ apAtres
de cette ib , ne cessait de demander à saint Vlticcnt des
colhboraieuri : « N'écoutée pas^, lui écritait-il» cëax
« qui veulent tous détourner d'envoyer ici des Mission-
• naires) ceut de nos confrèi^ qni Sont niorts, ont péri
« bien moins par Tinsalubrité du pays > .que par Pexcès
« de leur zèle , par leurs courses multipliées pour satis-
« feire au désir qu'ont tous les Malgaches de s'instruire
« dé la tleligion. Avec deux, ou trois Missionnaires , en
« peu d'années , toute la province du Fort-Dauphin sera
« chrétîejine. »
« En effet, saint Vincent de ftKil ayant envoyé d'autres
prêtres y la Mission proq[>6rait de jour en jour , lorsque,
par suite des vexations que l'avidité des traitants faisait
éprouver aux Malgaches, ceux-ci massacrèrent trac par-
tie dé^Françaîs» L'évacuation de l'Ile fut alors ordonnée ,
10.
Digitized by VjOOQ IC
148
et Louis XIV défendit à tous ses navires d*dbord€r
ces rivages teints du sang de nos compatriotes. Sods
Louis XVIII , on fonda de nouvelles colonies à Sainte-
Marie et à Tintingues; mais aucun Missionnaire n'accom-
pagna l'expédition.
« J'allai pour la première fois à Saint&Marîe en 1837.
Les Malgaches, au nombre d'environ six miUe^ me témoi-
gnèrent le désir de se faire chrétiens. Gomme cette ile tôt
malsaine , je n'y passai que trois mois pour m'acdima*
ter; à mon départ , j'avais déjà baptisé c^t quatre-
vingu indigènes^ dont un tiers d'adultes. En 1838 , je
revins parmi eux ; mon séjour fut de six mois; je bfttis
deux chapelles ; peu de parsonne^ furent baptisées, paroc
que les travaux de& deux orat<Mres avaient absorbé tovt
mon temps*
« Plus heureux en 1839 , je grossis mon petit trou-
peau de quatre cents ncmveaux cathcdiques : c'était le
firuit de huit mois d'instructions. Depuis cette époque ,
je n'ai plus résidé à Sainte-Marie; mais j'y ai toudié plu-
sieurs fois en allant à Nossi-bé , et j'ai pu m'assorerque
les néophytes persévéraient dans leurs bonnes dispo-
sitions.
« C'est en 1 840 que j'ai commencé h Mission de Nossi-
bé. Je fus reçu avec enthousiasme par tous les chefs , et
en particulier par la reine Tsimekou , âgée de quinze
ans j qui me pressa avec les. plus vives instances de me
fixer dans son village. Aussitôt j'ouvris une école où
Tsimekou et quarante airures personnes venaient ap-
prendre à lire , à écrire , et à prier Dieu. Ces conamen-
caments me comblèrent de consolation ; mais ce lurent
mes succès mêmes qui , dans la suite , me créèrent des
obstacles , en soulevant contre moi l'envie et la copiditc.
Digitized
byGoogk
149
o II existe à Nossi-bé et dans quelques lies voisines
une ancienne colonie d'Arabes mahométans , hommes
corrompus, ignorants et fanatiques, qui ont tous les vices
des autres nations musulmanes , sans en avoir les bonnes
qualités. Ils dirent aux Malgaches que les enfants aux-
quels on apprenait à lire mourraient bientôt ; que j'étais
un espion envoyé par les Français , pour les livrer aux
Hovas leurs ennemis, et qu'il fallait me tuer pour la sûreté
de la tribu. Plusieurs naturels se laissèrent égarer par
ces calomnies , et proposèrent au chef Tsimaneruhou
d'entrer dans le complot ; mais celui-ci leur répondit :
« J'ai confiance en ce blanc ; si vous voulez lui faire du
• ipal , je réunirai tous mes guerriers, et nous mourrons
« tous pour défendre sa vie. » '
« Sur ces entrefaites arriva un navire de l'état, qui fit
une longue station dans l'Ile. Mes persécuteurs en furent-,
ils intimidés , ou bien les bonnes dispositions de là plu-
part des Malgaches imposèrent-elles silence aux calom-
niateurs P je ne sais ; toujours est*il qu'on ne m'inquiéta
plus jusqu'à mon départ. Après huit mois de séjour à
Nossi-bé , je retournai à Bom'bon ,^ où je fus obligé de
remplacer M. le Préfet a][)ostolique , pendant son voyage
en France.
« Jusqu'ici j'avais ^travaillé seul sur ces plages aban^
données , n'ayant que Dieu pour confident et pour appui
dans mon isolement. J'allais enfin trouver des collabon
ratem's. En 1842 , il arriva deux Missionnaires pour
Madagascar : c'étaient M. Minot , honune vraiment apo^
stolique, mais âgé de soixante ans, et M* Joly , du sémi-
naire du St-Esprit, prêtre aussi courageux que zélé. Nous
partîmes ensemble pour Madagascar. M. Joly resté seul
à Sainte-Marie^ en repartit malade au bout de trois mois.
M. Minot passa six mois à Nossi-bé. Gomme il ne pouvait
Digitized
byGoogk
150
apprendre la l^ncuf) du pays, nous pensâmes qu'il se>
rait pins mile iin% Malgaches en se Sxant h BouriM» ,
d'où il pourrait , comme procuceur , rendre à la Mission
bien des services. Poiir moi j['allai à Nossi-Hitsion, petite
Ile située à huit lieues^de No^i-bé , oii le roi Tsimiarou^
quoique maliomclan , avait témoigné I^ désir de me voir.
C'est surtout ici que j*ai éprouvé toute la funeste îoflueQœ
des Arabes. Tsimiarou me ^^t d'abord avec beaucoup
d^amiiié ; sans attendre m^ demande , il mit à ma dispo-
sition cent cinquante homçies pourme bâtir un logement.
Il venait chez moi trois ou quatre fois par jour pour s'in-
struire. Indépendamment de la. religion , je lui appris les
éléments de la lecture , do calcul , de la géographie et
de la culture européenqe ; il saisissait tout avec une éton-
nante facilité, et après chaque conH i ence il allnît mr son
iribunal répéifr aux Malgaches ca que je hû «raîa ensei-
gné. Il trottiMilsorl9«i| irèa-benux les aeiea de foi » d'es-
pérance et de dmrîté diréiieDiies s % ¥oi)à, dûnài^îl ,
c dea prîèeea admirables. , ei qn»: je odaipreiids» landh
« que je «'entend» ifien. à celM des musulman^, i
% Cependant , les Arabes de Nossi-bé s*én|nrenc ;; ik
vinrent en foule assiéger Tsimiarovi, , hii fioenl des ca-
deau]^ et des caresses , joignant aui plus ma^nificpes
promesses , s'il leur restait attaché , la menace des ven-
g«Qaoes i^élestes en^eas-iiPsAmBden. Le r^i s» laissa in-
tiiip^r ^ ^ , par epainte de lui •déphilre^, presqoe pep-
soBoe Bf^os» plns^ Mquenier ma^oabMe. Béduil' A me
soMtiide'i peu près oomplèKs j'étais $uv to polm de qoi»-
ter riWy loysqiïHiBe* circonsHmce pcovidontienadi^BgeEi
la fiice de$(4ioses^
« Pavais recommandé & mes élèves de m'ayertir^, dés
qu'ils sauraient un ^fant malade. L'un d'eux vint an jour
m'appeler. Je dis aux parents du malade que j'allais lui
Digitized
byGoogk
151
doiner le baplènê ; quê ê^*il môurak après Pavoir reçu,
iMT dottleur tte aérait pm aana conselatiotf , parce que
8« âflie irait êaprès de Dieaf Jouir de là félicité du det :
« Oui, me répondireat-ilsi nous Sommes bien tionfénts
c décela. «
« Au sortir de la case, lep^de Tétant racontait au
gens du village ce c(ue|e venais de faire : « Ce blanc, leur
« disait-il , k donné une tôi^ sainte à mon fifs , et s'il
c meart^ il sera heureux avec Dieu. -^ C'est bienf répé«
m taient ses amis, v L'un d'enx Èïé dit avec nne tristesse
mêlée d'espérance : « Ecnor aussr fai un enfiint malade^
« viesslui donner ton remèdei # QueTcpies jours après^
on; m'apporta la première dé ces petites créatures « qui
étais rétablie^ pour me remert:ier d^sagnérison. Dès ce
moment on me prie pour tm grand médedn; on m'in*
vitait de tout côté k voir les malades ; ^en visitaiS'Jttsqit'à
vingt on viigt-cinq par jour. Heureasement f avais apporté
de Bourbon une petitepharmadè, dbnt je^usagef avec as*
ses de bonheur pour rendre à la sattté un bon nombre d^in-
digènesto
« Alors , les espritis sensibles aux bienfaits ^diângèrent
tout à Eut à mon égard; les Malgaches comprirent que non-
seulement/en^ Uwr portais pas malAetir, comme les Arabes
le leur avaient fait croire, mais que j'étais pour eux, selon
leur eiqpression > tm pète ei une mite. Us venaient en
grand nombre à la messe , le dimanche , et prêtaient à
ma parole oneoreiite attentive. Tous les soirs, j^envoyais
plusieurs de mes élèves enseigner la prière et le catéchisme
dans les villages voisins, et» grâee à leur rtfe, j^eus bien-
tôt une centaine d'adaltes disposés au baptême. Je difiiêrai
néanmoins de leur administrer ce sacrement^ dans Fincer«
titude où j'éuis de pouvoir soutenir cette chrétienté nais-
sante. Le temps était venu de m'en séparer \ j'étais seul
Digitized
byGoogk
152
depuis huit mois; je oe voyais arriver attciui Uîs&îooBaire;
|e repris encore une fois le chemin de Bourbon. A Nossi-
Mitsiou et à Nossi-bé j'aurais pu baptiser environ deux cents
adultes et sept à huit cents petits enDaints deletu^ familles;
mais le danger de séduction était si grand pour eux, dans
ces endroits où les Arabes dominent , que j*ai préféré at-
tendre qu^il y eût des Missionnaires à poste fixe.
« Après vous avoir entretenus de ce qu'on a fait jos-
qu'ici à Madagascar^ il me reste, messieurs, à exposer
quelques observations générales , sur le caractère des
habitants et sur le climat du pays. Si je m'étais borné à
évangéliser une seule c6te, j'aurais pu^ sansdoute,inslmire
et baptiser un bien plus grand nombre de personnes ; mais
comme Madagascs^r est un pays très-peu connu des Euro-
péens, j'ai préféré suspendre ce bien partiel,pour parcou-
rir les points les plus importants de cette Ile , ponr étu-
dier les moBurs des indigènes , et surtout ponr constater
Cinfluence du climat , contre lequel s'élèvent tant de pré-
ventions. Possédant les deux principaux idiomes de Mada-
gascar, il m'a été plus facile d'acquérir des notions exac-
tes sur tous ces sujets ; et , soit par ce que f ai vu , soit
oar les informations que j'ai puisées auprès des naturels
dans les différentes provinces , j'ai recueilli les observa-
tions suivantes :
« P Le caractère des Malgadies varie avec les diver-
^ tribus. Ainsi , ceux du nord-est , nonunés Bttsimiisa-
ras , sont naturellanent timides , bons , doux , bo^ta-
ders , respectueux envers les Européens ; ils n'oseraient
faire du mal à un blanc, quelque injustice qu'ils souffrent
de sa part ; le vol est inconnu parmi eux. Les S<ikàlaoes ,
qui habitent l'ouest , sont , au contraire , altiers , cur^
bulents, passionnés pour la guerre et portés au vol ; peut-
être n'attenteraient - ils pas sans motif à la vie d'on
Digitized
byGoogk
153
blatte; mais aussi ne laisseraient-ils pas une iojusiice sans
vengeance. Entre ces deux extrêmes , se dessinent autant
de nuances qu'il y a de peuplades. Les ÀrUi-Nossi ( habi-
tants du sud ) par exemple , diffèrent peu des Betsimù-
taras : les Jntan-Karaê (habitants du nord ) sont coura-
geux : intrépides comme les Sakalaves , avec des mœurs
plus douces ; ce sont ceux qui offrent le plus de ressources
pour un meilleur avenir. Les Hovas^ qui habitent Finiérieur
et qui ont conquis une grande partie de Madagascar ,
avaient fait des progrès réels en civilisation sous le roi
Aa(2am,progrès blâmés et combattus parla reine actuelle,
qui est un tyran aussi détesté de ses vassaux héréditaires
que de ses nouveaux sujets.
« Tous ces peuples ont beaucoup d'aptitude pour les
sciences et les arts européens : on. en bit une expérience
journalière à Bourbon » oii les- Malgaches sont les seuls
Africains qui exercent les métiers avec intelligence. Leurs
enfants apprennent à lire en six mois. Dans bien des
villages où je ne suis resté qu'une semaine ou deux , j'ai
réussi y en gardant près de moi les enËints toute la
journée , à leur apprendre le Pater ^ VJve j le Credo ,
les conamandements de Dieu , les actes des vertus théo-
logales , VJngelus , les principales vérités de la Reli-
gion et un ou deux cantiques. On n'obtiendrait pas mieux
des enfants européens.
« Mais c'est surtout sous le rapport religieux que les
Malgaches donnent les plus belles espérances. Us recon-
naissent un Dieu unique ; s'il n'y a parmi eux ni idoles ,
ni culte public, ni temple, ni prêtre, c'est qu'à l'exemple
des patriarches les chefs de famille offrent eux-mêmes des
sacrifices , tels que les prémices delà récolte , ou le sang
d'un taureau. Sans doute il règne dans les esprits bien des
Digitized
byGoogk
f64
lopemiiions ; miis ils y renoncent facilement quand b
Rdigioo les a détrompés.
« De toutes ces observations il est aisé de conclure que,
s*il y a dans celte lie , comme partout , des obstacles à
surmonter.^ ils sont moins grands et moins nombreux,
que chez d'autres nations inGdèles , oà rEvangftb s^an-
nonce avec succès. Chez \s&Betsimit$ara$ et autres tri-
bus qui ont un bon diractère , on peut , en deux ou
trois ans , gagner à la Religion au moins la moitfé des
grandes personnes^ et la plupart des autres ne mour-
raient pas sans demander le baptême. Les Sàkalavt» ,
au contraire, surtout dans les lieux où dominent les Ara-
bes, comme à Nossi*bé et à Mayot , offriraient peu d'adul-
tes au prosélytisme ; mais on peut compter que tous les
enlants seraient à nous ; en sorte qu'on aurait Tespérance»
et presque la certitude , même dans les pays soumis aux
conditions les plus défavorables , de voir toutes les géné-
tions futures devenir chrétiennes.
« V Sous le rapport de la salubrité , Madagascar est
Tobjet de préventions qui , pour être générales, n'en sont
pas moins injustes. En effet, s'il y a dans celte lie des
plaines marécageuses ^ il y a aussi de hantes montagnes
qui la traversent dans toute sa longueur ; d'oeil suit que,
sur une étendue de trois cents lieues , l'état sanitan*e est
aussi varié que les influences locales sont différentes. Ce
qui a donné lieu à la mauvaise réputation du climat, c'est
que les Français se sont fixés, jusqu'ici, précisément dans
les lieux les plus malsains. On remarqua d'abord Tama-
tave, Foulpointe, Tintingue, Sainte-Marie comme de beaux
sites, ayant d'excellents ports i et Ton s'y établit : mais
sous ces flatteuses apparences , on n*avait pas voulu voir
lesgermes cachés de contagion; nos compatriotes y mou-
raient en foule , et , sans plus d'examen , on en tira la
Digitized
byGoogk
166
même conclusion contre Madagascar tooi estier » on l'ap-
pela le Umbeau des Européens.
« Pour moi , après avoir pris mes renseignements
dans les diverses régions de Tile, après avoir interrogé les
naturels du pays et les blancs qui sont venus s*y fixer,
ayant constaté par moi -^ même des expériences faites
depuis longues années , j'ai acquis la conviction qu'une
grande partie même des cêtes est d'une salubrité par-
faite. Ainsi Fùuhemar , Diego Suarex , sur une zone
décent lieues, oCDrent un pays aussi sain que fertile : j'y
al vu sept ou huit maisons de Français , composées
d'hommes j de femmes et d'enlbnts , qui étaient là de-
puis six , dix 9 quinze , dix-huit années ; tous se por-
taient très-bien , et ils m'ont assuré n'avoir jamais eu
d'accès de fièvre ^ tandis que dans les lieux jadis colo-
nisés par la France , on ne voit que peu de traitants ,
dans un état presque habituel de maladie, et pâles
comme la mort. La côte sud-ouest, appelée Si- JugusUn^
est également &vorable; la température y est fraîche , le
pays sec et sans marais. Des baleiniers américains ou an-
glais couchait souvent sur le rivage^ quelquefois même
en plein air , à l'exemple des naturels , sans qu'aucun
d'eux prenne la fièvre ; il en est de même pour nos marins
de Bourbon ^ qui y font de fréquents voyages. A Sainte-
Marie, au contraire, on est atteint par le mal presqu'aussitôt
qu^on aborde. J'ai vu un baleinier qui a eu vingt-quatre
hommes malades , pour y être resté vingt jours ; un autre
navire y a perdu la moitié de son équipage. L'intérieur de
111e est encore peu connu ; à en juger par la province
d'Emyrme , où les Européens ont longtemps séjourné ,
il serait aussi sain que la France.
« Je termine, Messieurs^ en recommandant ma Mission
à vos charitables prières , et ù celles de vos pieux Asso-
Digitized
byGoogk
166
liés : si leurs vœax et les vôtres s^élèveot avec perse*
véraoce en &veur de Madagascar , ce vaste pays sera
bientôt chrétien.
« Je suis , etc.
« Dalmoihd , Préfet Apostolique. »
Digitized
byGoogk
U7
Lettre du R. Père Cotain , Missionnaire apostolique de
la Compagnie de Jésus , à ses Confrères de Fols.
La Ressource , 28 août 1845.
« Que ne m'est-il donné, mes bien-aimés Frères , de
fnincbir aussi vite que la pensée l'espace immense qui
nous sépare l Que d'agréables moments je passerais au
milieu de vous , dans ces allées de Mons si délicieuses,
où mon cœur vous voit tous réunis , réparant par quel-
ques jours de repos vos forces épuisées , et vous prépa-
rant ainsi à continuer avec courage vos saints exercices
et vos travaux ! L'âme , édiGée comme autrefois , et ex-
citée par vos exemples , je reprendrais la route de notre
cher Madagascar , dont je vous aurais parlé tout à mon
aise ; j^aurais vu vos saints transports au récit de nos
premiers combats , de nos épreuves déjà sur cette patrie
nouvelle , comme aussi de nos douces espérances pour
Tavenir; j'aurais entendu l'expression animée de vos
désirs , de vos vœux ardents de nous suivre. Et tout plein
de ces pensées , de si suaves et de si consolantes émo-
tions , je serais revenu les partager avec mes braves com-
pognons d'armes, sur cette même terre promise, où nous
Digitized
byGoogk
TOUS âttendond. Mais où m'emporte mon cœur ? ce chaN
me, ce beau révc , se dissipe. Je suis loin , bien loin de
TOUS ; à la Ressource , non à Môns I Je serai dans voire
retraite au moins par la pensée , mes bien chers Frères ;
et de cette manière j'y suis bien souvent. Cest ainsi que je
vous vois, en ce moment, m'entourant tous, et me prêtant
une oreille attentive. Je vais donc , il en est temps ,
commencer mon récit*
« Le moment du départ pour Hsidagascar était enfin,
arrivé. Nous nous end^rquons , avec les effets les plus
nécessaires , M. Dalmond notre Préfet & notre tête ,
le P. Denicau , le P. Monnet et moi , ainsi que le bon F.
Bemade et deux Malgaches , attadiés tous les deux à la
Mission. Ce fut le 6 juin que le FdUgeur^ corvette de
l'état , mit à la voile pour Saint-Augustin. Nous faisions
ce jour-là l'office de Notre-Dame Juœilium ehristiano-
nomtfi .* nous ne pouvions partir sous de meilleurs aus^
pioes« Aussi la traversée fotrelle heuseuse , quoiqu'un
peu longue à cause des calmes ; nous arrivâmes an
monillage de St*Augustjn , après douze jours de tra-
versée.
« Nous voilà donc en vue de cette terre tant désirée ,
que nous sommes venus chercher de si loin ! Nous voyons
déjà^ accourant au loin sur la plage , quelques hommes
de ce peuple qui va devenir noire peuple. La sagaye où
lance ^ qu'ils portent quand ils quittent leur case^ brille
sur leurs épaules ; leur démardie est fière*, leur corps
noir, d'assez belle taille pour la plupart , est à moitié re-
couvert par une étoffe, f^^riquée par eux-mêmes^ et.dont
ils se drapent à la manière antique ; leurs cheveux artis-
tement tressés , eniremôlés de perles , de dents d'ani-
maux , de quelques objets en argent ou en cuivre, font
assez bon effet ; mais la graisse de bœuf ou de mouton ,
Digitized
byGoogk
169
dont ils les enduisent , les rend quelque peu dégoû-
tants par la mauvaise odeur. A part cela, tout l'ensemble
de leur costume a quelque chose d'agréable et de noble
dans sa simplicité. Vous vous croiriez transportés aux pre-
miers âges du monde , et retrouver des hommes tels que
les ont décrits les anciens. Mous les voyons s'agiter , et
pousser à la mer quelque chose de blanc : c'est leur piro-
gue , fiiite souvent d'un seul tronc d'arbre, frêle esquif
d'environ neuf pieds de longueur sur un ou uir eidemi
de large , sur lequel cinq i six homoies ne craignent pas
de s'embarquer.et de se livrer pendant d'asseï longs voya-
ges è la merci -des flots. Le vent leur est favorable , ils
dressent leur petite voile carrée ; en voilà deux ou trois
qui se dirigent vers notre bord. D'un oôté^ c'est le fils
du prince Grimm et quelques-uns de ses gens , tous du
territoire de Quing^Fauiou , qui est à notre droite ; de
l'autre^ ee sont les ^voyés du prince Wiil , qui vien-
nent de l'entrée de la rivière de St -Augustin , pour sa-
voir, ainsi que ceux du prince Grinun, qui nous sommes,
et si nous venons en amis ou en ennemis. M. Dalmond et
le petit Malgache Joseph les ont bientôt rassurés , en leur
disant en peu de mots le niotif qui nous amène. Ravou ,
ravau I s'écrient^ils : cùnUnU^ contents t Ces insulaires
nous tendent la main en signe d'alliance ; ils annoncent
qu'il fout des cadeaux pour preuve de notre amitié, et
qu'alors nous pourrons , en descendant à terre , expo*-
ser à l'assemblée des chefs et du peuple tout ce que nous
désirons.
« De grand matin on met un canot à la mer ; M, Dal-
mond, nous trois et le jeune Malgache chargé- des
présents , prenons place avec un officier du FoUigeur :
nous arrivons sur la plage. Il vous est plus facile de vous
imaginer , qu'à moi de décrire , ce que nous éprou-
Digitized
byGoogk
160
vâmes , en foulant pour la première fois la terre de
Madagascar. Notre premier mouvement fut de nous
prosterner sur ce rivage désiré , si longtemps assis à
Pombre de la mort, et sur lequel , après dix-huit siècles ,
par nos sueurs et nos travaux , aidés du secours de la
grâce , allait aussi briller la douce , la vivifiante lumière
de la foi.
« Nous nous relevons , et après un quart d'heure de
marche nous atteignons le viUage des Iffahafaks, peuplade
assez mal famée dans le pays , mais qu'il faut traverser
pour se rendre à Quing-^ousou , et qu'il importe par
conséquent d'avoir pour amie. D'ailleurs, là aussi , il y a
des âmes à sauver. Le prince Grimm est le chef de cette
tribu. Il s'avance vers nous , deux lances à la main ,
accompagné d'un certain nombre d'insulaires , tous
comme lui armés de sagayes, quelques-uns même de fu«
sils. Nous voili dans son village, au milieu de son peuple*
Jamais prêtre n'avait paru dans ces lieux. Difficilement je
pourrais vous peindre la surprise des Malgaches : ils ont
Tair tout ébahis de nous voir ; la forme de notre habit ,
sa couleur , notre maintien grave et modeste , tout les
étonne ; ils ne savent comment nous classer parmi les
êtres. Sommes-nous des Dieux, ou des êtres surhumains^
comme quelques-uns d'entre eux le disent? sommes-
nous simplement des hommes , comme tout semblerait
assez l'annoncer ? ce fut pour un moment le sujet de con-
versations bruyantes et d'étranges conjectures.
« Cependant tout se dispose pour le conseil : les
hommes se rangent en cercle, accroupis sur leurs talons :
devant la case du chef, on étend une nate pour lui ; et vis-*
à-vis , une autre pour nous : les femmes et les enlants se
tiennent à quelque distance , assez près pourtant pour
entendre tout ce qui va être dit. M. Dalmondala parole :
Digitized
byGoogk
161
malgré sa pronondatloo différente de la leur , ces indl-»
gènes finissent par le comprendre , assez du moins pour se
montrer contents de nous voir dans le pays , et dispo-
sés à faire un traité d'alliance avec nous. C'est ordinaire-
ment par le sang que se cimentent ces unions. Les deux
parties contractantes se font une légère piqûre ; on mé<
lange le sang qui en découle ; chacun en met quelques
gouttes sur sa langue et Tavale. Après cette cérémonie ,
on est ce qu'ils appellent frères de sang ; c'est-à-dire
tellement liés d'intérêts et d'affection ^ qu'on se doit mu<
tuellement, en toute occasion et jusqu'à la mort , proteo*
tion et assistance*
« De crainte que ces peuples ne mètent qtielque idée
superstitieuse à cette pratique , nous ne jugeâmes pas à
propos de nous unir de la sorte avec nos Malgaches. M.
Dalmond leur offrit de faire ce traité à sa manière; c'est^
à-<JKre sur une feuille de papier , à laquelle serait apposée
de notre part une marque rouge (le cachet de la Mission)
marque qui vaudrait bien tout ce qu'on pourrait faire
avec une piqûre, et mieux encore. Ils y consentirent, après
en avoir délibéré entre eux. Aussitôt ils se lèvent con*
tents du cabare ou conseil , et nous tendent les mains en
signe d'amitié. Depuis que cette pièce leur a été remise »
ils nous voient toujours de bon œil. Pour nous , le cœur
plein de joie de ces heureux commencements, nous rega-
gnâmes notre vaisseau avec la résolution de venir nous
fixer chez les Mahafales^ dès que nous serions un peu plus
nombreux.
« Le même jour , nous descendîmes à Saint-Augustin.
Ce village , ainsi appelé par les Européens , est situé à
l'embouchure de la rivière qui porte le même nom , sur le
canal de Mozambique et à peu près sous le Tropique du
Capiicorne. Si population , à ce qu'il m'a semblé , doit
Tow. xvni. 106. 11
Digitized by VjOOQ IC
162
approcber de mille âmes. Les cases qa'eUe habite sont très-
basses et tris-petites^ comme partout h Hadagascsv , et
éparpillées sans aucun ordre sur on sol tout sablonneux. Si
Tair y est sain, comme on le dit, Q faut s'attendre an moins
i souffrir beaucoup en été : les chaleurs doitent y être ter-
ribles^ tant à cause des monticules qui Fentouroit en de-
ml-cerde, que de la réverbération du soleil sur ces sa-
bles brûlants. Là^ de même que chez les Makafàle$t point
de terres cultivées, point dç jardinage, point même d'ar-
bres fruitiers; quelques tamariniers seulement, et d'an-
tres arbustes sauvages, tristes à voir et tout à bit inutiles
pour les constructions, i l'exception du palétuvier ver-
doyant, qu'on aperçoit dans les marais voisins. Ce n'est
pas, pourtant, que quelques petits points de cette cAte dé-
solée ne soient cultivables ; mais l'indolence des haUtants,
jointe au défaut d'industrie, n'en sait tirer aucun parti.
Le peu de fruits qu'on trouve k Saint^AugusUn, lui vient
de rintérieur , aussi bien que le riz et différents légumes :
on les récolte dans les villages plus reculés, situés égale-
ment sur les bords de la rivière.
« Tout occupés des réflexions que faisait naître en nom
l'aspect d'un pays si sauvage, destiné pourtant à devenir
notre station la plus importante , puisque c'est là que
les vaisseaux de différentes nations viennent aborder; tout
occupés, dis-je, de ces réflexions, nous cheminons vers le
village. Bon nombre d'habitants, venus à notre rencontre,
nous entourent et semblent satisfaits de nous voir. On nous
avait annoncés, dès la veille, conmie des hommes de priè-
res, >/mjn/jS(mrou; commodes envoyés de Dieu, Hirak-Za-
nahare. Les enfants surtout veulent nous serrer de plus
près; ils prennent nos mains avec respect et affection, et
^oiblent pressentir déjà quelque chose de ce qui attirait si
puissamment, dans la Judée, il y a plus de dix-huit siè-
Digitized
byGoogk
163
des, tantd^antreseiifaDU auprès do Sauveur. Pauvres pe-
tits Bblgacbes I puissent-ils éprouver bientôt les suaves
effets et la maternelle iuQuence de la religion I s'il fout
enjuger par rintérét qu*ils nous inspirent, par la con-
fiance et Famour qui semblent eux-^mêmes le s animer , cet
heureux moment ne saurait tarder beaucoup.
« Au milieu de ce cortège , et précédés du héraut d'ar*
mes qu'on nous a dépéché par honneur, nous arrivons à
la case du chef de ce peuple, le prince Will; là, nous
attendent d'autres chefs subalternes, avec bon nombre
d'hommes armés. Lé commandant du FoUigeur et un au^
tre officier s'asseyent avec nous sur la natte qui nous a été
préparée, tandis que le prince Will et son fils encore en-*
font en font autant de leur oAté* Figurez- vous cette scène
vraiment poétique : ces groupes de femmes et d'enfants
assez rapprochés; ces Sakàlaves^ nous enfermant de leur
cercle de lances, drapés de leur SaimbaUf et accroupis sur
leurs talons; ces orateurs qui parlent et gesticulent avec
chaleur : vous vous croiriez facilement au temps d'Homère.
Mais, pour que rien ne manque du cachet des anciens , à
peine tout le monde est-il à sa place, qu e voici venir deux
esclaves, portant des vases pleins de lait, les plus élégants
qu'on ait pu trouver dans la case du prince : les deux nè-
gres s'approchent et les présentent à chacun des étrangers.
< Après cette civilité toute pastorale^ le plus grand si-
lence se £iit. H. Dalmottt, invité à prendre la parole, est
écouté par l'assemblée attentive : il expose, conmie chez
les Mahafàleif les motifs de notre arrivée à Saint-Augus-
tin, tout le bien que nous voulons faire à ses habitants,
et demande qu'un traité d'alliance fraternelle, rédigé sur
papier et scellé du sceau rouge, soit le gage et le garant
de notre mutuelle amitié. On délibère quelques instants :
la pi*oposition est acceptée avec joie. Cependant , comme
11
Digitized by VjOOQ IC
164
(les envoyés du roi Baba doivent bienlôt venir au village,
on diiT^rede quelques jours la cérémonie, pour lui donner
plus de solennité.
« Ce retard est mis à profit pour mieux connaître le
pays. Une chose me pressait surtout : je désirais ardem-
ment savoir si l'intérieur offrait, à quelque distance, un
peu plus de ressources; si Ton voyait des champs, des vil-
lages, des forets. Nous gravissons, le Père Denicau, deux
oOiciers et moi, non sans difficultés et sans quelque péril,
à travers des arbustes piquants, et par des pentes raides,
Je^ petites montagnes qui environnent Saint- Augustin.
Deux enfants Malgaches fort aimables, et qui jusqu'à la
iin ne se sont pas démentis, lorsque quelques jours après
tout sembla nous délaisser et nous maudire , s'offrirent
joyeij^sement pour nous servir de guides dans nos excurr
sions. Nous en avions besoin^ au milieu d'un pays où Ton
ne rencontre pas un chemin tracé.
« Nous gravissons la crête de ces monts rocailleux,
couverts de sable et de débris de coquillages, sans trouver
d'autre abri contre un soleil brûlant, que des arbustes
rabougris et hérissés d'épines. Arrivés près d'un sommet
plus élevé, d'où je comptais embrasser un plus vaste ho-
rizon, je laissai prudemment le bon Père Denicau se reposer
un peu avec un des enfants (l'autre et les deux officiers
s'étaient déjà écartés pour se livrera la chasse) : nous de-
vions nous rejoindre plus tard. Après bien des tours et des
rlétours pour trouver, parmis ces bruyères et ces buissons,
quelque petit passage ; après plus d'une piqûre aux jam-
bes et quelques déchirures à l'Iiubit, je parviens au point
culminant. Plein d'espérance de découvrir enfin une assez
belle campagne, je m'exhausse encore, pour mieux voir,
sur Tarbuste qui me semble le plus élevé. Mais, ô surpri-
se ! ô désenchantement ! aussi loin que ma vue peut s'é-
Digitized
byGoogk
166
4eiidre d«iis rinicrieur des terres^ ce sont mêmes buis-
sons, mêmes bruyères, même aspect d'un soi aridemeni
monotone. Pas un champ cultivé, pas un arbre , pas le
moindre petit hameau, pas Tombre d*un être à figure hu-
maine I Seulement à ma gauche, sur le bord de la mer,
quelques cabanes de pêcheurs se détachent sur la nudité
du sable^ et occupent, comme Saint- Augustin^ des plages
basses et brûlantes. Je l'avoue, je revins le cœur attristé
auprès du Père Denicau, qui m'attendait avec quelque im-
patience, désireux de savoir lui aussi ce qu'était notre
nouvelle patrie. Nous nous consolâmes mutuellement dans
l'espérance de trouver mieux^ quand nous pourrions pé-
nétrer plus avant dans Madagascar, au sein de ces mon-
tagnes qu'on dit beaucoup plus élevées.
« Saint-Augustin, vers lequel nous descendions^ nous
parut dès lors avoir quelques charmes.Nous y remarquions
plus d'arbres, plus de verdure que partout ailleurs. Ajou-
tez à cela sa bonne position, sa proximité des auures vil-
lages , qui bordent les deux côtés de la rivière , et qui
forment entre eux une population de dix à douze mille
âmes. Toutes ces considérations nous montraient clai-
rement qu'il fallait débarquer là , et y fixer notre pre-
mière tente.
« Telles étaient nos pensées et notre conversation , lors-
qu'arrivés au pied de la montagne par un sentier fort dif-
ficile, nous nous trouvâmes sur la plaine sablonneuse de
Saint-Augustin,nonloinde l'endroit où, plus tard^ les of-
ficiers devaient venir nous rejoindre. Nous nous mimes à
parcourir cette plaine^ poiu* mieux connaître la localité.
Je tenais beaucoup à voir la source où tout ce peuple va
puiser de Feau : notre bon i)etit guide nous y conduisit
bien volontiers. Chemin faisant, nous visitâmes en détail la
grande case, qu'un bien digne commerçant de Bourbon ,
Digitized
byGoogk
k qui elle aiq[MurUeDt, nous avait généreuseiiieDi oflbne,
en aitendant que la nôtre fiU bâtie sur le terrain qaenoos
aurions choisi. Elle nous parut suffisante pour nous et nos
bagages. Non loin de là» je remarquai un emplacement
assez conrenable, où nous pourrions fixer notre demeure»
quand le prince et son peuple y auraioit donné leur oom-
plète adhésion. Il entrait dans les desseins de Dieu que ce
ne fût pas de sitôt. Nous arrivons à la source : grande en^
core est notre surprise^ lorsque au lieu d'une fontaine
jaillissant du rocher , nous apercevons nn méchant petit
urou creusé dans le sable, où croupit, à deux ou trois pieds
de profondeur, un peu d*eau. Ce sont là, après tout, les
seuls puits Malgaches que nous ayons vus jusqu'ici sur
la côte. Celui que nous avons à Tollia^ et que nous de*
vous au chef frère Remacle, est presque une merveille
dans le pays. Faute de meilleurs instruments, c^est avec
les mains et un pieu pointu que les pauvres insulaires pra-
tiquent ces petites fosses; ils s'arrêtent presque aussitôt
que Teau parait^ de peur de trop se &tiguer. Heureuse^
ment pour eux, elle est généralement assez bonne , et
n'exige pas un long travail pour se montrer ; deux ou
trois pieds, quaure au phis, sont bientôt creusés dans le
« Cependant nos officiers sont arrivés de leur chasse;
les matelots rappellent à l^mbarcation ; nous nous diri*
geons vers le rivage, quelque peu fatigués comme vous le
pensez, n^ bons amis. Vous devez l'être, de voire côté,
d'un récit aussi long. Reprenons donc haleine cette nuit ,
vous dans votre chère retraite , nous sur le FoUigeur^
A demain I
« — Nous voilà bien reposés. Le soleil commence à mon-
ter sur l'horizon , le ciel est magnifique, comme tous les
jours à Saint-Augustin. Les envoyés de Quing Baba sont
Digitized
byGoogk
167
Mieore en route ; nous pouvons donc coiisacrer celte nou-
velle jooroée à nos exploratioD$| et du résumé fid^e de
tout ce que nous aurons vu par nous-mêmes, ou entendu
raeoBter par les habitants. Déjà notre vaisseau est envi-
ronné de pirogues. Ce sont des Malgaches de divers points
de la côte^ qui viennent pour vendre ou pour échange
leur superflu; ici ce sont des poules, des giromons, des pa^
tates douces, des haricots du cap, du lait même; là on vient
nous olfrir des boeufs dont le pays abonde, à cornes |n^-
que verticales, et qu*on prendrait pour des dromadaires,
avoir leur gibbosité; dtes moulons à grosse queue et à
oreilles pendantes comme celles des chiens : comme ces
animaux domestiques, Us ont du poil pour fourrure, au
lieu de la laine quils portent ailleurs. On ne coi^natt pas
le porc dans ces parages ; mais pour le sanglier, on le
rencontre assez fréquemment dans l'intérieur des terres :
les Malgaches lui font quelquefois la chasse , bien qu'ils
n'en mangent pas. Comme oiseaux de basse-cour, on ne
trouve ici que la poule, dont les œufs sont fort petits. La
pintade y est à l'état sauvage, aussi bien que les pigeons;
parmi ces derniers il en est de verts, de bleus et de cou-
leur cendrée. La tortue de terre est fort commune; on
vient la chercher de Maurice et de Bourbon, comme un
mets digne de figurer sur les meilleures tables; ici^ vous
perdriez tome considération si vous osiez y toucher. Il n'y
a poiaA de chevaux dans l'Ile, excepté diez les Hovas qui
les tiennent des Européens. Si ce qu'on dit est vrai, il y
aurait dans les montagnes une eq>èce d'une sauvage, que
les naturels semblent redouter. Madagascar a très-peu
de chiens; point de chat , aussi les ratsfoisonaentF-ils. En
lait de bête féroce, il n'existe, assure-t-on, qu'une petite
espèce de Ugre, qu'on trouvé môme assez rarement. En
revandie toutes les rivières sont iniéstées de caïmans :
pour ma part , J'en ai vu de vingt à vingt- cinq dans un
Digitized
byGoogk
16S
es^ce ti*ès-i*esscrré , sur le bord d'une faible rivière. S'il
y a des serpents , ils ne passent pas pour très-venimeux.
On rencontre aussi quelques petits singes^ entre autres le
Mak ou Makis f d'une espèce fort jolie, et propre à Ma-
dagascar: il a le museau noir et pointu, les oreilles droi-
tes, velues et fort courtes, le poil fourré comme celui du
lièvre, et la couleur cendrée ; sa longue queue zébrée
qu'il jette n^ligemment sur ses épaules, est à raies blan-
ches et noires, et ya s'aplatissant et s'élargissant jusqu'à
l'extrémité en forme d'éventail. Je ne dis rien des riches-
ses du pays en botanique et en minéralogie : Madagas-
car, c'est presque tout un nouveau monde à explorer!
« Les envoyés de Qutng Baba sont enfin arrivés. Un
Jmpitaki ou chef, vient à bord Tannoncer et nous avertir
que nous pouvons descendre à terre, quand il nous
plaira, avec nos présents pour le roi et pour le prince
Will ; qu'aussitôt un grand conseil sera tenu à notre so-
jet. Nous ne nous fîmes pas longtemps attendre : quelques
heures après nous étions à Saint-Augustin, réunis à ce
conseil tant désiré! Les propositions faites par M. Oal-
monl furent disculées par les orateurs, et soumises aux
réflexions et à l'approbation de toute l'assemblée, qui les
accepta d'une voix unanime.
« En ce moment la joie la plus vive se manifeste sur
tous les visages; et pour en donner une marque plus sein
sible, aussitôt que nous nous levons pour nous diriger
vers la mer, une foule de jeunes guerriers se précipitent
devant nous, la lance surrépaule,et nous accompagnent
par honneur jusque sur le rivagCi exécutant en cadence
une de leurs danses nationales. Longtemps encore, après
que nous les avons quittés, ils chantent à la même place
leur air favori. Je vous laisse i penser quel plaisir nous
ressentions nousmémes^au sortir d'unescèue si consolante,
Digitized
byGoogk
169
et qui semblait nous promettre dans iin avenii très«
rapproché des résultats si heureux.
i IVbis l'œuvre de Dieu ne se fait pas ordinairemect
d^une manière si douce et si facile : son élément comme
sa vie, c'est l'épreuve, c'est la croix. Elle ne devait pa&'
ndus manquer. Un baleinier américain^ parti de Maurice
avec son chargement complet, venait d'arriver à Saint-
Augustin : quel motif lui a fait prendre cette direction, an
Ueu de suivre celle des Etats-Unis? Pourquoi doncs'é«
carter si grandement de sa routePMais pourquoi, surtout^
demander de prime abord au capitaine d'un petit navire
qui se trouvait avec nous : N'y a^t-tlpas des Misstonnai"
Tes sur ce bâtimerU français? Cette question et toutes
ces pensées nous donnent les plus graves inquiétudes*
« De plus, et comme pour renforcer ces noirs pressen*
timents, des nuages épais de sauterelles, telles qu'elles
nous sont dépeintes dans les livres saints, arrivent des
bords de l'Afrique à travers le canal, poussées par un
vent impétueux; elles couvrent,depuis plusieurs jours, une
étendue immense du pays des Mahafales. Si ce fléau passe
sur le territoire de Saint -Augustin, un peuple aussi super-
stitieux ne va-t-il pas l'attribuer à notre présence, et au
traité qu'il a fait avec nous? Heureusement cette seconde
Tainte fiit bientôt dissipée. Un vent violent, venu de terre
chassa de nouveau ces insectes vers l'Océan, et les balaya
dans les flots.
« Restait toujours l'américain, et le mal était là. Avant
peu il ne vérifia que trop nos inquiétudes : à la faveur des
calomnies les plus atroces contre nous, au moyen aussi
de nombreux et d'assez considérables cadeaux, il chan-
gea la face des afiaires, et nous aliéna complètement les
gens de Saint-Augustin. Impossible de nous installer au
jour convenu, tant les esprits étaient montes contre nous »
Digitized
byGoogk
170
Force fut donc de nous rembarcpier, et de regagner leFol-
tigeur avec tous nos bagages. Le but du iMileinier était
atteint : rien donc ne le retenant plus, il ne tarda pas à
mettre à la voile. Et nous , notre affaire manquée pour
le moment sur ce points qu*aUions-nous devenir P Dieu
y avait pourvu.
« Peu de jours auparavant, nous étions allés, M. Dal-
mont et moi, en découverte jusqu'à ToUia , gros village,
situé sur la baie du mémenom^ à cinq lieues environ au
nord de Saint^Augustin. Là habite le prince Duc , ainsi
afqpelé apparemment parée quNl est marié avec la sœur de
Quing Baba; ilnous accueillit fort bien, et dans son em-
pressement à nous avoir près de lui , nous montra une
très-grande case, où nous pourrions nous loger plus corn*
modément qu*à Saint-Augustin. Nous promîmes de nous
rendre à ses désirs, dès que la chose nous serait possible,
acceptant de grand cœur cet asile ouvert par la Provi*
dence.
« Le jour de notre installation fut fixé à la fête de la
Visitation. De grand matin, tous les préparatifs de départ
sont faits à bord ànFoUigettr. Nous y célébrons pour la
dernière fois le saint Sacrifice; et après nos adieux à tous
les ofiiciers, nous descendons dans la chaloupe, au milieu
de nos effets. Aussitôt qu'on nous aperçût de ToUia^ tout
le peuple se rendit sur le rivage, témoignant par ses cris
et ses acclamations la joie qu'il avait de nous voir. Nos
matelots s'empressent de porter nos effets dans la case.
Nous voilà donc établis enfin sur cette terre Malgache, ob-
jet de tant de vœux. Là aussi, nous n^étions pas au bout
de nos épreuves : plus tard viendront les consolations.
« Ce premier jour fut des plus pénibles , moins encore
parles embarras inséparables d'un nouveau déplacement,
que par la curiosité et les importunilés in'^essantes de
Digitized
byGoogk
171
noft pauvres Malgaches. Leur exigence n'a pas de bor-
nes : jasqu'i b nuit bien dose , ils ne nous laissent pas
un instant de trêve ni de répit ; nous leur donnons , et ils
demandent encore : c'est tout au plus si nous pouvons
ronger un morceau de biscuit, à la hâte et à la dérd)ée.
L'officier qui nous a conduits , témoin de ce spectade ,
du désordre de cette case ouverte à tous les vents , du
péle-méle de nos effets 9 au milieu des sables qui nous
servent de plancher , de toute cette vie de sacrifices qui
nous attend , que nous connaissions à Favance , et que
nous sommes venus chercher de si loin , ne peut retenir
ses larmes.
« Cependant les ténèbres se sont épaissies , et peu à
peu tout ce peuple s'est retiré ; il fait bien entendre aux
environs ses diants de réjouissance , mais à mi-vdx pour
ne pas troubler notre repos. En somme , celte première
nuit, malgré le vent et le froid , est encore assez bonne.
Dès le matin , grand bruit autour de nous ; on crie , on
s'agite; tout le village parait sur pied. C'est un bœuf
qu'on se prépare à tuer en notre honneur. Il parait que
chez les Malgaches c'est une distinction réservée aux
grands et aux nobles , que de porter le coup mortel à ces
animaux : voilà pourquoi sans doute on me l'offrit. Je
remerciai le prince Duc, et lui renvoyant toute la gloire de
la préséance , je lui remis en main le coutelas , que lui-
même m'avait présenté. H en fit bon usage. Le pauvre
bœuf fut égorgé et dépouillé en un moment : je le fis aus-
sitôt dépecer et distribuer par familles , n'en réservant
pour nous qu'une faible part.
« Nous avions ajourné au dimanche l'ouverture solen-
nelle de nos exercices religieux. Dès la veille , nous an-
nonçons qull y aura une grande prière , à laquelle tout
le village est invité ; nous embellissons , au plus vite et
Digitized
by Google
172
de noire mieux , une assez grande encéinle , prisé sar
notre case ; tentures en blanc , draperies au-dessus de
l'autel , vases de fleurs apportées de France ^ jolie gra-
vure de la sainte Vierge ; tout ce que nous avons est
étalé f pour donner de Téclat à ce premier acte de re-
ligion. L'heure venue , on soime la cloche , la porte
de la chapelle est ouverte , le peuple entre en foule, pré-
cédé du prince , de la princesse et de leurs enfants, qui
viennent prendre une placed^honneur sur la natte qui leur
est préparée. Tout le monde est dansPadmiratlon de ce
qu'il voit ; surtout lorsque , sortant de l'intérieur de la
case f le Père Denicau et moi en surplis , M. Dalmont
avec la mosette et Télole , enCn le Père Monnet revêtu ,
comme officiant , de Taube et de la chasuble , nous nous
avançons vers Fautel pour y chanter la grand'messe. Ces
pauvres Malgaches gardèrent jusqu'au bout une attitude
respectueuse , qui nous surprit. La princesse , surtout ,
semblait sentir déjà la grandeur de l'action à laquelle
elle assistait pour la première fois , tant elle se tint
modeste et recueillie 1 Puisse cette âme , qu'on dirait
prédestinée , recevoir bientôt le baptême , et donner
ainsi au peuple dont elle est aimée , l'exemple de la
soumission à l'Evangile 1 Nous communiâmes tous h cette
messe , la première qui ait été dite dans cette partie de
Madagascar. A compter de cette pieuse cérémonie^ nous
n'avons plus discontinué de monter tous les jours à l'autel :
aous en avions besoin pour nous préparer aux nouvelles
épreuves qui nous attendaient.
« Peu s'en fallut qu'au bout de quinze jours tout ne
fût renversé à ToUia , comme il l'avait été à Saint-Augus-
tin. Les mêmes calomnies y avaient été répandues , ci
commençaient à porter les mêmes fruits ; un esprit do
crainte et de défiance s'était emparé des habitants ; le
Digitized
byGoogk
173
mal gagnait toujours. Le Père Denicau, s! doux et si bon,
accusé d'être venu chez ces indigènes pour leur faire
du mai , fut menacé d'un coup de sagaye , qu^il eut le
bonheur d'éviter. « Comment pouvez-vous , leur dit-
« il , en conservant son calme , comment ponvez-vous
« croire qu'un si petit nombre d'hommes , débarqués au
milieu de vous sans aucun moyen de défense , y soient
« venus pour vous nuire , à vous si nombreux et si bien
« armés? — Oui , répondit un bon insulaire, ce serait
« bien dommage que vous eussiez de mauvais desseins :
vous avez Tairsi bon! Serait-ce donc qu'on nous aurait
« dit des mensonges P »
« Peu à peu ces mensonges tombèrent. Mais je ne
pus jouir longtemps de ce retour : le moment était venu
où , pour le bien de la Blission , il fallait momentanément
m'éloigner de mes compagnons d'armes ; les choses qui
leur manquaient , l'arrivée de nos Pères de France , enfin
un petit navire qui allait mettre sous voile , tout me rap-
pelait au plutôt à Bourbon. Nous nous flmes donc nos
adieux , le cœur gros de cette séparation , mais plein
d'espérance.
n Gloire à Dieu , mes chers amis , qui n'éprouve que
pour consoler ; remerciez-le bien, et priez toujours pour
nous.
« P. CoTAiN , s. J.
Digitized
byGoogk
174
MISSIONS
DB LA
NOUVELLE-ZELANDE.
Extrait étwM lettre commumquée aux CameUs centraux
de TŒwûre , par Moneeigneur Popupaïlier , Ficaire
apoetolique de la Nouvelle-Zélande.
Kororarckâ , nul 1845.
Messieurs ,
« Depuis six mois environ, notre tle est en proie i des
désordres sanglants , dont la religion et rbumaniié ont
également à gémir. Pendant que j'étais à visiter le sud
de la Nouvelle-Zélande , les tribus du nord , et sartoat
celles de Kaikohe près de Wai-mate , organisèrent nn
complot politique, ayant pour but de replacer scms Fan-
torité nationale tout le pays dont les Anglais revendiquent
la domination. Le moteur de ce soulèvement , appelé Jean
Heke, est chef de la tribu de Kaikohe, et neveu du grasd
Digitized
byGoogk
176
Hong! » qui fut une sorte d* Attila pour cette Me. Jean Heke
avait été un des premiers disciples des ministres protes-
tants f avant de déchirer un traité qu^on sait être leur
ouvrage : il prétend aujourd'hui qu'il a été trompé en
souscrivant à la cession du territoire ; que tous les autres
cheb Tont signée , comme lui » sans savoir ce qu'ils Cui-
saient; que jamais ils n'ont eu l'intention d'aliéner , en
faveur d'une natioa quelconque , Findépendance de leur
pays, et qu'ils veulent à toute force recouvrer leurs di*oit8
méconnus.
« Gomme la question, ainsi posées était toute politique,
il ne m'appartenait pas de la résoudre. J'ai fait ce que j'ai
pu , néanmoins^ pour empédier les hostilités ; j'ai engagé
les natureb à employer la voie paisible des réclamations,
plul6t quede procéder , comme ils faisaient, par l'injure
et les coups de hadie. Tous les cbe& que j'ai visités, et ce
sont les plus influents, ont reçu mes paroles avec reqpect
et affisction, bien qu'ils fussent presque tous protestants
ou païens ; mab leur réponse a été constamment celle-ci :
€ C'est perdre du temps que de parler et d'écrire. Nous
« n'y gagnerons rien > si ce n'est d'être trompés une fois
« de plus. Que les Anglais retirent leur pavillon qui flotte
« surnotre lie en signe de souveraineté ^ qu'ils arborent
« à sa place l'ancien drapeau de la Nouvelle-Zélande ;
« alors nous resterons tranquilles et nous les laisserons
€ en paix. » Dans l'intérêt des deux partis, j'ai informé de
tout l'autorité anglaise de Kororaréka. Elle avait ordre de
ne pas céder.
« Jean Heke arriva bientôt avec trois ou quatre cents
hommes, armés jusqu'aux dents, et tous déterminés à
mourir plutôt que de reculer. Du côté des Anglais, il y
avait en rade la Corvette le Haxard^ et le brick Fictaria ;
à terre se trouvaient environ cinquante soldats, quatre-
Digitized
byGoogk
176
vingts marins et cent vingt colons organisés en garde ua<
lionale; en outre, deux forts avec des pièces de canons
protégeaient l'étendard britannique et ses défenseurs.
« Quand je vis la ville exposée à devenir le théâtre du
combatte louai un petit navire^ sur lequel je fis embar-
quer une bonne partie de mes gens et de nos effets : pour
moiy avec deux membres de la Mission et quelques indi-
gènes, je ne voulais m'éloigner qu'au moment où le dan-
ger serait imminent. J'avais été informé que Tartillerie
anglaise devait raser la ville, plutôt que de la laisser au
pouvoir des naturels ; ainsi, la prudence nous conmiandait
d'en sortir, dès qu'une fois elle serait devenue un champ
de bataille.
« Le 1 1 mars avant le soleil levé , c'est-à-dire avant
cinq heures du matin, les Nouveaux-Zélandais commencè-
rent l'attaque sur trois points presque simultanément s
d'abord par la vallée de Matampe , puis par celle d^Ot-
servaj et enfin par la colline du Pavillon anglais. Quand
je vis le feu engagé^ je me retirai à bord delà goâette qui
nous attendait ; les balles sifilaientsur nos têtes comme la
grêle, mais aucune ne nous atteignit. Ce combat, dont nous
avons été les témoins alDigés, a duré jusqu'à dix heures
et demie du matin. Heureusement l'efl^usion du sang a été
moins grande que ne le faisait craindre une lutte aussi
longue : on compte une vingtaine de morts et une trentaine
de blessés de part et d'autre > La victoire resta aux na-
turels, après que le magasin des munitions anglaises eut
fait explosion.
« Toute la population blanche a été recueillie à bord
des navires en rade, et de là transportée à Auckland : en
s'éloignant de la côte , elle a pu voir les flanmies qui dé-
voraient ses habitations. De toute cette ville , livrée aux
horreurs de la guerre, du pillage et de l'incendie, un seul
Digitized
byGoogk
t77
établissement à peu près est resté debout ; c'est celui de
PETèque : les naturels Font épargné avec les maisons qui
' Tentourent. Maintenant je réside au milieu des cendres Je
n'aisousles yeuxquedes ruines, et malgré la tristesse dont
ce spectacle remplit mon âme , je continue de travailler
au salut de mon troupeau, en lui envoyant des Mission-
naires qui sont bien reçus partout.
« Si vous désirez connaître la correspondance que j'ai
eue, dans des drconstances si difficiles, soit avec le com-
mandant des forces britanniques , soit avec le chef des
Nottveaux-Zélandais , vous trouverez ci-jointe une copie
des deux lettres que je leur ai adressées.
« Je suià , etc*
fi-^7 ' * " ■
« -j: J. B. François Pompàllier ,
Fie. apost. dt VOcéanie ocçidwtaie.
Tom. XVIU, 106. 18 r^ir^^ïr^
Digitized by VjOOV? IC
178
Extrait dCunt lettre de Mtmeigneur PùmpaUier f. Ficaire
apostolique de VOcéame occidentale ^ à Jean Heke^
[ (Âef d'une tribu xélatidaiie.
Kororareka , 31 jantier 1815.
« A Jeaiv'Hbke, salut.
« Voici les cboses que j^ai à te dire. J'ai appris par le
Père Petit que tu désirais me voir. Cette parole in'a été
agréable ; loais je ne puis de sitôt , à c^nse de mes
nombreuses occupations , me rendre auprès de toi. Pour
le moment ^ je ne t'envoie que cette lettre : c'est ma
pensée.
« Tu doijs savoir que mes paroles ne sont pas celles
d'un chef établi pour régler les intérêts de ce monde.
Sois persudé au^i qu'elles ne cachent aucune déception.
Oui , Jean Heke ^ j'aime tous lés Nouveaux-Zélandais ,
et ceux qui se sont engagés en aveugles dans le proies-
umtisme , ec ceux qui n'Ont tourné à aucune religion.
Biais j'aime aussi tous les étrang[ers ; je désire ardon*
ment qu'ils vivent dans le bien , et que tous les habitants
de cette tle soient heiureux. C'est pourquoi une profonde
tristesse me pénètre le cœur , à la vue des semences de
. DigitizedbyLjOOQlC
179
guerre qui croissent dans la Nouvelle-Z^ande. A peloe
arrivé* f ai appris que tu avais renversé à Kororareka le
pavillon anglais. Et voilà que probablement Tespace va
être eu feu (1), et les Maoris détruits.
« Vois , je nWme pas à cacher ma pensée. Je te dis
donc : Vous ne serez pas assez puissants pour résister aux
Anglais v Q'est-à-dire à leurs soldats qui sont en grand
nondire de mille au-delà des mers. Vous manquerez bien-
tôt de poudre. Et puis, tous le chefs zélandais ne sont pas
unis de pensas et de conunandement ; c'est pourquoi je
dierdie quelque moyen de vous sauver. En voici un peut-
être : ce serait d'écrire au gouvernement colonial et à la
reine d'Angleterre vos récl^Onations au sujet de vos terres
et de votre autorité.
« Si vous ètesinQexibleset que le gouvernement anglais
le soit aussi , c'est-à-dire si vous faites la guerre, gardez-
vous de tourner vos armes contre les Anglais qui vivent^
^ paix , contre les femmes , contre les enfants ; gardez-
voos de piller leurs maisons ; car ceci est un grand crime
devant Dieu , et aux yeux des nations européennes.
« Si j'étais un Anglais vivant à la Nouvelle-Zélande ,
si je vous avais sollicité autrefois de céder aux étrangers
la souveraineté de votre île , ton cœur aurait raison de
se défier de mes conseils. Mais, au contraire, je suis d'une
oadon différente. Je ne votls ai jamais parlé de vous sou-
mettre à aucun pouvoir étranger , soit anglais , sbit fran-
çais , soit américain. Ce n'est pas ma mission. Je ne suis
pas venu au ' nom d'un roi de la terre , pour régler
entre les chefs les intérêts de ce monde périssable. J'ai
(I) EipresuoD âgurëe des NouTeaiii.-ZélaDdaia , tirée du feu et de U
famée ^ui remplissent l'air dans les combats au (usil.
l?^gitizedby Google
180
été envoyé par le prince des Evéques de Y Eglise-tronc ,
pour me vouer exclusivement au ministère du salut.
« Aussi, telles forent mes paroles dans l'assemblée qui
se tint à Waitangi (1) v « Votre souveraineté vous re-
« garde , je n'ai pas à vous diriger en cela ; si vous vou-
« lez céder vos droits de chefs à une nation étrangère «
€ ou s'il vous plaît de les conserver , c^est votre affaire.
« Pour moi , je suis prêt à travailler au salut de vos
« âmes , soit que vous apparteniez au gouvernement des
« Anglais , soit que vous gardiez votre indépendance na-
« tionale. A vous la sollicitude de cette courte vie ; à
« moi le soin de vous procurer le bonheur du ciel. »
« Jean Heke , considère bien qUe mon séjour ù la
Nouvelle-Zélande est une preuve de mon affection pour
vous tous , pour vos aifants et pour votre postérité. Mes
prêtres » mes catéchistes et moi nous ne cesserons de
• prier pour que ces nuages qui obscurcissent le ciel sedis-
sipent ; pour que la justice, la paix et la vraie félicité bril-
lent d'un nouvel éclat sur la Nouvelle-Zélande. Enfin, Je
reviens à ce que je t'ai dit : Fais des réclamations avant de
faire la guerre. La parole et les écrits valent mieux que
le glaive sanglant. La justice est le fondement de la gran-
deur des nations ; l'iniquité est la cause de leur diute.
Je finis là mon discours. Jean Heke , fais-moi connaître
tes pensées i bonnes ou mauvaises. Salut à toi et à tous
les tiens.
« VEvêque catholique romain ,
J. -Baptiste Fiukçojs Poipaluer. »
{i) Lieu ou fut signé le trailé de prise de po&sewioo par lo preoiicr
fouTerneur auglaif. _, .
Digitized by LjOOQ IC
181
Extrait d^une lettre de Monseigneur PompàUier , Evêque
de Moronée et Ficaire apostolique de VOcianie occi-
dentale , à M.le capitaine Hone.
Baie des Iki » l«r atril 1845.
« Monsieur le CoHiUNDàNT ,
« Je suis très-reconnaissant de Toffre que vous me faî-
tes,en votre nom et en celui de son Ex. M. le Gouverneur
Fiu-Roy , de nous transporter en lieu sur , moi et les
onailletf confiées à mes soins. Mais, hélas I j'ignore jus-
qu'il sur quel point de la Nouvelle-Zélande les person-.
nés protégées uniquement par les forces présentes de la
colonie peuvent être en sûreté»
€ D'abord , mes ouailles en ce moment se composent
presque exclusivement de natureb qui, pour la très-
grande majorité , sont restés paisibles durant les hosti-
lités qui viennent de ruiner cette ville. Or ^ ces tribus
m'ont Ëiit entendre qu'elles ne pourront compter sur la
protection de l'autorité anglaise, que lorsque celle-ci sera
en mesure de défendre ses propres colons* •
« Quant k moi, M. le Commandant, quant hmes prê-
tres et aux catéchistes qui secondent leur mission, nous
Digitized
byGoogk
- 182
avons tout quitté, fÎEuniUe et patrie , pour travailler au
salut de la Nouvelle -Zélaude; noiis n'avons ni femmes ni
enfants qui puissent nous distraire et nous arrêter dans la
voie des sacrifices ; de plos^ c'est un dévoir pour tout lé^
gitime pasteur de donner sa vie pour ses brebis : consé-,
quemment, je ne demande pointa être transporté ailleurs.
Notre place de sûreté est au dd^ terme de tous nos désirs.
« Je déplore du f<Mid de l'âme les différends politiques
qui se sont élevés dans ce pays entre les Nouveaux-Zélan-
dais et son Exe. M. le gouverneur. Tous mes vœux sont
pour la paix,pour le bonheur des blancs et des indigènes ;
tons les efforts dont je suis capable , je les ai faits pour
prévenir les hostilités; ilsconttnderont pendant la guerre
pour récondlier les partis. Mais , quand les questions sont
engagées sur un terrain purement politique , la voix de
' la Religion, toute pacificatrice qu'elle est, reste étrangère
au débat ; die ne veut, ni disposer des propriétés,ni pro-
noncer entre les peuples ; elle les laisse à leur* consden-
ce^ et au tribunal du Seigneur Roi des rois : c'est là qu'ils
auront à répondre de la justice de leur» cause, de leur
respect pour le droit des gens^ de leur fidélité ani^ lois de
)a nature et de l'Evangile.
« Les Nouveaux-Zélandais, malgré bien des calomnies
contre la Religion catholique, ont compris leïèle et le dés-
intéressement de notre ministère parmi eux : c'est . pour
ce motif, sans doute, que, dans l'effervescence même du
combat, ils ont respecté ma personne^ celle des mem-
bres de ma Mission et tout ce qui m'appartient. Bien plus,
ce respect qu'ils ont pour l'Evêque catholique^ si décrié
dans son apostolat , a sauvé de l'incendie environ quinze
maisons de résidents anglais, qui avoisinent sa demeure,
EUessont encore debout et intactes; les natnrels.n'y ont
pas rois le feu , par la raison que , s'ils l'avaient fait^ mon
_ Digitized
by.Googk
183
établissement eût été aussi coosumé pair les flammes. Au^
milieu des dedamités qui viennenr d'affliger celte ville, je
me fâicite de yoir des maisons épargnées en considération
de TEvéque catholique, et c'est une sorte de tribut de re-
connaissance que la Religion, en ma personne, offre à M.
le Gouverneur, pour la protection qu'il -donne aux habi-
tants de la Nouvelle-Zélande* Plût à JDieu que tout Euro-
péen quittiit ses préjugés contre l'Eglise romaine^ qui
sauve ce qu'elle peut des désastres dont elle est innocebtel
« Par eétte lettre vous comprenez, M. le Commandant,
que mon dessein n'est pas de priver ce pays du ministère
que j'y exerce depuis huit ans ; je n'appréhende ni le
pillage , ni l'incendie ^ ni la mort , pourvu que je puisse
assister les troupeaux confiés à ma garde ; tout ce que je
crains sur la terre, c^est le péché. ..
« Une dernière considération qui m'enchatne à inon
poste , c'est que , s'il y a de mauvais indigènes , 'U s'en
trouve aussi de vertueux : or ceux-ci méritent le dévoue-
ment du Missionnaire , jusqu'au péril de sa vie.
« Après tout , fussent*îls tous mauvais , leur pasteur
doit être bon et miséricordieux à leur égard, et les âccom-
. pagner, s'il le £illait, jusqu'au gibet de leur punition, pour
tâcher de recueillir avec leur dernier soupir un acte de
repentir sur leurs fiiutes; et ainsi, sauver leurs âmes, pour
lesquelles notre Divin Maître a donné son sang, aussi bien
que pour les nôtres. ...
« J'ai l'honneur d'être, etc. '
« J. B.- FftAIfÇQlS POHPALLIBR ,
Vie. apoit. de VÔcèanie occiieniale*
• Digitized
byGoogk
184'
MANDEMENTS ET NOUVELLES.
La main des premiers Pasteurs ne se lasse pas de noas
bénir. Au Brésil , Mgr TEvéque de Para ; dans la Confé-
dération germanique, Mgr FEvéque de Fulde ; en Prusse,
Mgr TEvéque de Paderbom ; en France , Mgr TETéque
de Gap ( pour la troisième fois ) viennent encore de re-
commander l'Œuvre à leurs diocésains.
Liste des membres de la Société de S.- Lazare , 'partis
pour les Missions étrangères pendant Cannée 1846.
Pour la Chine , MM. Peschaud et Ddaplace ^ embar-
qués le 12 juillet. — Pour Constantinople , M. Gamba ,
embarqué le l^juin^ et cinq filles de la Charité le 21
novembre. — Pour Santorin. , M. Faveyrial , embarqué
le 1*^ août. — Pour Smyrne , M. Ridiou , embarqué le
. même jour avec deijix frères-coadjuteurs et quatre filles
de la Charité. — Pour Alger , MM. Duhirel , Vives et
Schlick , embarqués le 25 septembre , avec deux frè-
res-coadjuteurs et vingt-une filles de la Charité. —
Pour TAmérique , dix clercs, dont quelques-uns dans
les ordres sacrés, embarqués le 27 septembre. — Pour
Alexandrie , huit filles de la Charité, parties les unes en
mai , les autres en novembre.
' Le frère Joseph Giannelli àe Lucques , Minêuf-Obscr-
vantin, est parti pour les Missions de l'Amérique méri-
dionale , avec dix-huit Religieux de son ordre.
Sur la fin de décembre 1845, le Père Basile Nicolettide
Lucques, Mineur-Observaniin, est allé rejoindre ses con-
frères en Albanie, et partager leur périlleux apostolat.
Digitized
byGoogk
181
Extrait d'une leUra de Monseigneur Retord y Vicaire apo^
itoîique du Tong-King occidental, d M. LangloiSj Supé-
rieur du Séminaire des Missions Etrangères.
16 mai 1845.
« Le Père Pierre Khoan est le seul martyr qu^ait foit
Thîéu-Tri. L'intervention de la corvette ¥Héroïne pour
réclamer nos confrères a produit un bon effet : voilà trots
ans que nous sommes bien plus à l'aise que par le passé,
et nous en profitons pour travailler de toutes nos forces»
Vous verrez , par le catalogue de l'administration des
sacrements , que nous ne sommes pas restés sans rien
faire. M. Titaud surtout est infatigable ; il est ici depuis
quator^ mois , et il a déjà entendu 6,000 confessions. Je
confesse aussi vingt ou trente personnes par jour. Il paraît
qn'en G>chiochine nos confrères sont moins à leur aise
que nous*
Catalogue des Sacrements administrés dans le Tong-King
occidental j pendant Vannée 1844.
Enfants d'infidèles baptisés en danger de mort, 4, 1 62
Adultes baptisés , 1 »237
Enfiints dechrétiens baptisés solennellement , 3,461
Enfants de chrétiens ondoyés , auxquels les
cérémonies du baptême ont étésuppléécs , 8,05 1
Digitized
byGoogk
186
CoofeKioDs,
171,418 (1)
Commnnions,
100.619
Fiatiqnes,
2,292
Bxtr£mes-Onctioi9t
4;172
Mariages bénits,
1,036
P^ionnel de la Mi$$um du Tong-King occidental
en 1844.
« 9 Eviques — 2 Provicaires — 4 Missionnaires —
84 Prêtres indigènes — 3 Diacres— 3 Sonsdîacpcs—
4 Minorés — 2 Tonsurés — 26 Théologiens — 217 Elè-
ves en latinité , dans 7 collèges placés dans autant de
villages — 146 Catéchistes gradués — 636 Elèves caté-
chistes — En tout 1,131 personnes qui vivent aux frais
de la Mission.
€ Nous avons 28 couvents de soeurs Amantes de la
Croix , qui contiennent 606 religieuses*; enfin 48 parois-
ses qui s'élèvent , d'après les catalogués les plus récents ,
au chiffre de 182,676 âmes. En y joignant le ncmibre do
prêtres , des catéchistes , des élèves et des religieuses,
vous aurez 184,014 âmes pour la population catholique
du Tong-King occidental.
(1) Dant M ubleaa , les confeMionfl r^pëtëei ne font point compiéci
séparéuMBl des conteiont umnellet ':*ceUet-€i doifent fbnner plof de
la moitid da nombre total.** Il en est de'm^me def commvnioni pateaki
et des coDunnnioni r^^tdes.
Digitized
byGoogk
187.
— Où Ht dans ane lettre de Mgr Gauthier, Coadjateur
du Vicaire apostolique du ^Toug-King occidental , à M.
Langlois : (25 janvier 1846.)'
« lies mandarins chrétiens semblent vouloir se ^appro-
cher de nous* Ainsi le premier mandarin de la province
dite Sanh'Tuyenj qui est chrétien ^ a pris ouvertement
nos néophytes sous sa protection. Aux fêtes de la Tous-
saint , le preânier mandarin militaire de la province du
Nord , ou Sofih^Bac , assistait publiquement à ma messe
avec ses soldats, dont la plupart sont païens. C'est ce
même mandarin qui a fait relâcher le Père Triéu, et quel-
ques inois après il a battu les rebelles qui, depuis longues
années, ipfestaient la province de Sanh Doaù Je connais
un autre grand mandarin lettré, qui ne craint pas d'aller
avec toute sa famille au presbytère, pour présenter ses de-
voirs au curé de la paroisse; souvent même il fait v^ir
le prêtre chez lui^ pour y célébrer la messe et administrer
les sacrements. La plupart des autres mandarins de cette
province se montrent très-bien disposés à notre égard.
Cela vient un peu de ce que le gouverneur, quoique pas-
sionné pour Je culte de Bouddha, s'est déclaré ouverte-
ment en notre faveur. Ce retour à la bienveillance pa-
rait d'assez bon augure à tout le monde, et relève le cou-
rage de nos pauvres chrétiens.
— Le 26 avril 1846 , Mgr Cuenot , Vicsure apostoli-
que de la Cochinchine orientale , écrivait à ses confrë^
de Paris :
« Les soupçons que les mandarins de ma province
avaient conçus sur ma présence ,' paraissent assoupis , et
j'espère que je pourrai encore gard^* mon poste quelque
temps. .
Digitized
byGoogk
.188
« Quant au roi Thiéu-Tri , ses dispositions ne parais-
sent pas plus hostiles que par le passé ; et si , en haute
Cochinchine , des espions courent le pays pour tâdier de
découvrir les Missionnaires , c'est par Tordre des manda-
rins et non du roi.
Voici le catalogue des Sacrements administrés en 1 844 1
Confessions annuelles » . 30,842
Confessions répétées/.;: 22,440
Communions annuelles » 20, 1 95
Communions répétées , 1 2, 1 46
Viatiques, S^619.
Extrêmes*Onclions , 1 ,334
Mariages bénits , 669
Confirmations t 305
Adultes baptisés , 1 »007
Nouveaux catéchumènes , • i. 394
Enfants de fidèles babtisés solennellement, 2,606
Enfants de fidèles ondoyés , auxquels les
cérémonies ont été suppléées , 2,550
Enfants de païens baptisés en danger de
mort, 6,706
dont environ 1,800 vivent encore et sont élevés par les
fidèles»
Si réiat général de cette chrétienté s'améliore, des faits
récents attestent que la persécution n'y est pas éteinte. M.
Chamaison en Cochinchine , et M. Tidaut au Tong-King ,
viennent d'être arrêtés : le premier est dans les prisons
de la capitale ; le second a été relâché moyennant seize
barres d'argent. (Une barre vaut 80 fr. de notre monnaie.)
C'est Mgr Lefebvre qui donne cette nouvdie. Depuis sa
délivrance^ le Prélat est à Pulo-Pinang, où il attend une
occasion favorable pour rentrer en Cochmchine.
Digitized
bjGoogk
189
Lettre du Pire François de Plaughe, Misiiannaire capucin
• et Préfet apostolique de la Syrie , aux CcmeiU cen-
traux de VŒuvre. (Traduclioa de ritalieo.)
Beyrouth , 16 décembro I84S.
« Messieues y
« Dans ma derDière leitre j'avais eu rhonneur de vous
annoncer pour Tavenir de plus amples tiétails sur les
malheurs de la Syrie ; je viens aujourd'hui remplir ma
promesse. L'excès du mal dans les régions désolées du
Liban avait fini par leur donner quelque espérance ;
on s'était persuadé que la sublime Porte , à l'aspect de
tant de ruines , prendrait enfin des mesures énergiques
pour rétablir la paix et la sécurité , si cruellement com-
promises. Aussi tressaillit-on lorsque arriva deConstantino-
pie un ministre plénipotentiaire, du nom de Schia-Kib-
Effendi : Il devait, disait-on, de concert avec les ambassa-
deurs des cinq grandes puissances européennes, désarmer
la montagne , et la faire rentrer dans l'ordre et le repos.
Mais l'attente universelle fut trompée ; au lieu de calmer
les maux existants , il y ajouta des cruautés nouvelles, et
ce fut contre les chrétiens seuls qu'il les exerça.
Digitized
byGoogk
190
« Arrivé à Beyrouth V il se hâ(a de signifier aux cou-
sais des nations étrangères qu'ils eussent à rappeler sans
délai tous les Européens, ecclésiastiques ou laïques, épars
dans les diverses contrées du Liban. Se dirigeant ensuite
sur Ddcamar^ il y commit tant et de si criantes atrocités^
que j^ ne pourrais , faute de temps et de courage , vous
en faire l'histoire. Ses violences toutefois ne se bornèrent
pas là. U envoya à Zucc un certain Ibrahim-Pacha , au-
quel il donna tout ensemble et des instructions barbares
et de nombreux, soldats pour les exécuter ; elles ne furent
que trop suivies. Tel fut le sort des pauvres chrétiens
que, même après avoir déposé les armes, ils se virent en-
core indignement outragés ; on se fût porté contre eux .
aux derniers excès de fureur , si ces infortunés n'eussent
livré , pour racheter leur vie , le peu d'argent qu'ils
« Sur la fin d'octobre , ce pâcba sanguinaire se rendit
à Gazir. Là , conmie partout ailleurs , les- chrétiens
avaient déjà remis leurs armes ; et cependant ils furent
victimes des plUs horribles vexations. On abandonna leur
vidage en proie à la licence d'une vile solda tesque , et je
laisse à. présumer de quelles infamies il dut être le théâ-
tre. Sur le nombre des malheureux qu'on y tortura , se
trouvaient quatre prêtres ; ils reçurent la bastonnade à
différentes reprises , et pour les guérir de leurs meur-
urissures , on les jeta dans une prison souterraine où , du-
rant quatre heures , on fit tomber de l'eau par un énorme
conduit. L'un d'entre etix , à la vérité , se vit tirer de ce
cachot humide; mais ce fut pour être pebdu , la tête en
bas^ aux rameaux d'un grand arbre ; on le laissa long-
temps dans cette aCBreuse attitude , et quand il s'agit de
le délivrer, on coupa brusquement la corde ; il tomba sur
tête , et resta demi-mort par Tèffet de sa chute.
Digitized
byGoogk
191
« Ils voulaient appliquer à un autre prêtre le même
supplice , dans lé village d'Âramon. Mais ici les cbré*
tiens , quoique désannés^ résistèrent victorieusement aux
soldats 9 et les chassèrent en leur tuant deux hommes.
Un seul chétien fut blessé.
« Â Gézin » autre bourg de la montagne , les fidèles
se croyaient en sûreté. Mais voilà qu*au moment où ils
étaient rassemblés pour la prière, à rinstant.méme où
le ministre du Seigneur offrait pour eux Tauguste sa-
crifice , ils furent assailUs par les ennemis les plus for-
cenés du nom chrétien , c'est-à-dire par les Druses réu-
nis à quelques soldats turcs. Ces fanatiques se précipi-
tèrent le fer à. la main sur le petit bercail qu'ils avaient
surpris. « Faites-vous musulmans , criaient-ils aux ca-
« tholtques , et nous vous laisserons la vie et la li-
« berté. » Après le peuple ^^ ils outragèrent le prê-
tre , qu'ils arrachèrent de l'autel avec violence- ; enfin
ils s'attaquèrent à la victime eudiaristique elle-même^ la
jetèrent dans h boue, et la foulèrent d'un pied sacrilège I
« Je ne sjgiis si vos larmes couleront en Europe au récit
de celte profanation I Mais ce que je puis dire , c'est
qu'au moment où elle fut consommée , les pauvres chré-
tiens de Gézin pleurèrent bien douloureusement sur ce
crime , jusque là sans exemple dans l'histoire de leurs
calamités i Tandis que les musulmans poussaient des
cris de joie barbares , eux exhabient des plaintes
amères , et demandaient tristement au ciel pourquoi ,
dans leur détresse , il ne leur avait pas au moins épar-
gné la douleur de voir les saints mystères insultés par les
infidèles.
« Une parole s'échappe ici , malgré moi> de mon Ame
attrbtée : que fait donc cette nation , qui jadis s'était ac-
quis , dans nos contrées , une réputation si glorieuse par
Digitized by LjOOQ IC
192
son ardeur à défendre le catholicisme , contre le fana-
tisme des enfants du prophète ? Jusquès à quand Verra-
t-elle d'un œil sep et d'un cœur impassible tant de profil^
nations s'accomplir ^ tant de sang déborder , et s'amon-
celer tant de ruines ?
« Voilà, Messieurs, où en sont ces pauves Maronites
qui , malgré leur délaissement , aiment encore à se nom-
mer vos amis et vos frères I
€ Nous ne l'ignorons pas , les pieux Associés de votre
Œuvre ne se trouvent point au nombre de ceux qui ou-
blient l'Orient. Ils prient sans doute pour nous : dai-
gne le Dieu qu'ils implorent, exaucer leurs ferventes sup-
plications , et rendre aux fidèles désolés du Liban un
rqpos qu'ils semblent avoir enfin mérité par un assez long
martyre 1
• Veuillez agréer, etc.-
« F. François db Plooghe^
Miss, aqmcm et Préfet apùstoliqut.
Lyon ; inp. J. U. Pélagiad «t G*. .
Digitized by LjOOQ IC
19S
COMPTE -RENDU
DE 18i5.
Jasqu^ci \e& recettes de ItEtovre de la Propagation de
la Foi ODt suivi presque toujours une progression crois-
sante , et tous ceux qui ie sentent vivement émus par la
considération puissante des grands intérêts de la gloire
de IKeu et du salut des âmes ont trouvé dans la pensée
des succès de cette CEuvre un motir de consolation et de
sainte joie. Cependant > quand on compare les augmenta-
tions successives des aumônes destinées au soutien des»
Missions avec les progrès des Hissions elles-mêmes, on ne
tarde pas à s^apercevoir qu*il existe entre ces deux cho-
ses qui, ce semble, devraient être corrélatives , une
TOH. XVIII. 106. haï 1816. 13
Digitized by LjOOQ IC
194
disproportion frappante , et que le zèle des apôtres a Me-
nacé de beaucoup les efforts de la charité.
En effet , si nous recueillons les inscriptions nomia^
tites reproduites dans les Annales, nous trouvons d'aiM>rd
que le nombre des Missionnaires et des autres personnes
cpti quittent chaque année l'Europe pour aller évangéliser
lea nations lointaines est presque quadruple aujourd'hui
de ce qu'il éltit il y a eitf ans« U hw% éàiplm remarquer
que ces départs ont en principatement pour but les Mis-
sions les plus éloignées de nous, celles qui nécessitaient
par conséquent des frais de voyage plus considérables^
Cest ainsi que sur les 718 Mis^onnaires , frères caté-
chistes ou religieuses , qui sont partis pendant les cin^
dernières années , 383 éuient destinés pour TOcéanie ,
la Chine ou les contrées qui touchent cet empire ,137
pour les Indes orientales ; en sorte que ces deui chiffres
réunk forment les trois ringnitofis environ du nombt^
total des départs signalés.
Cependant , depuis 1840 , que de Hissions nouvelles
ont été établies 1 combien d'autres ont pris des accrois-
sements considérables qui ont exigé de la part de PCEuvre
de plus abondants secours I Sa 184Q nous aiione sur nos
tableaux de répartition : pour la Chine et les pays voisiM
vingt -un Vicariats apostoliques ; en 184& » viQgt-kiiiu
Oins rOcéanie» en 1840 , il n'en existait qœ trois;
l'année dernière on en con^tak doue. Dans rAménque
du nord nous secourions en 1840 diat-iieaf diocèses , en
18 {â vin^t-nouT. Enfin dans les diverses autres ooBt^ée^
«n 1840 trente , en 1846 cinquante-trois. Ainsi » dans
cinq ans , sans parler d'une foule de Missions qui «
tous le titre modeste de Préfecture apostolique ou autre,
n*en ont pas moins une importance très-'grande , eiem-
Digitized
byGoogk
191
rralnentde notables dépenses , qamttte-atiif diocèse #«
Vicariats tiposK)Iiqiies de pit» ont féàmè V^ppoi de
rŒirvre de la Propagstie» de la Foi.
Or , Tassisrance d'un Diocèse ou d'un VicarkHape§*»
tolique comprend : en Amérique , l'entretien d'un Eté-
que , de dix ou douze Missionvàires , o« d'an pins
grand nombre, eniretieo waufaA 'A lavt poowoir ea par^
tie du moins , et cpelquefois pendant plnsieurs années»
Il faqt de pins éterer des églises, dcA ptesbytères ; et à
tontes ces coaslmeiioBs ks aUocaliaas de l'fllaiwe dM*»
vent aider d'uM manière efficace ^ le plus aoiiwiit très«
dispendieuse.. Ce sont enfin des sémîeairea , des onUé*
ges y des écoles , des asiles pour les orpbelins à établir
et à soutenir. Car , si Taumâne des catholiques du lieu ,
pauvres pour la plupart comn^ le sont presque tous les
Migrants yenos d'EurppfS , contribue à Téreetion des.
églises , ooDibien de fondations d'un inlérti général et
cependant indispensables dans un Diocèse restent encore
à la cbavgs exclusive de rS^réqpiel
En Chine , anTong-King , m Corée^a'H nea^afUpasi
pour U moment d';âever des édifioes religieu >à qnellesi
dépenses un Vicaire apoeiollqne n'est^il pas sans cesse €»*
traîné , aoit poitir nsîter ses ouailles épiaraes sur una
vaste étendue de pays , soit pouf soutenir les Mission-
nsires , les prêtres indigènes et les catéchiste qni le pins
souvent n^ool pour vivre que les aumônes du Prélat , soit
enfin peur soulager les obrétiens dans l'état de misèrent
freuse où iia sont réduits » et potur les débwer détente
coopération aui superstitions païennes. Que de frais l'ad-
miniauratkn du saint baptême à des milliers d'enCuiU in-
fidèkts en danger de mort , l'assistance des confesseurs
13.
Digitized by VjOOQIC
196
da latôi dans les csm^chs, Te&trée des prêtres européea»
cbns leurs Missîoiis, ne néeessiteiit-ellespas! L*eipédition
même des courriers, seul et indispensable moyai de cor-
respondance , est déjà nne source de dépenses très-con-
sidéraMes*
Dans rOoéanîe , outre Térection des cabanes et d«s
égUsea de roseaux ou de briques , il fiut i un Victîre
aposftoUque un nafk^e pour aller d'une De à une autre;
{(faut que ses Missionnaires , avec le flambeau de la foi,
portent 4 leurs néophytes tous las arts utiles à la vie ,
des tdiementt , des outils , des instnimenls de divers
genres; il fiiut tout donner à ces peuples , parce qu'ils
manquent de tout.
Si dans les autres contrées du globe les besoins oe
peuvent être déterminés d'une manière aussi prédse par
cela qu'ilssont diffirenis selon les lieux et les drcoostan-
ces , ils n'en imposent pas moins à IXEuvre des d>I^*
tions très-nombreuses. Sans doute l'on n'a pas toujoar»
à pourvoir aux frais de passage des Missionnaires , à
Iliabiilemait des sauvages , au soutien des diréUeDs cap-
tif ; mais partout il y a des églises ou des cbapella du
moins i édifier , des écoles à élever et à soutenir , des
prêtres qui administrent des chrétientés hteo pavfresà
l'entretien desquels il fout pourvoir , des paroisses aon-
villes à fonder pour maintenir les populations dans la
foi , des nouveaux convertis à préserver des persécu-
tions auxquelles leur générosité même à éoout^ la voix
de leur conscience les expose. Partout des voyages cou-
tivuels et souvent périlleux à entreprendre. QuediM»^'
nous encore P un seul mot : Cest que les Missinns secou-
rues par rCEuvre sont toutes dans des terres infidèles ou
Digitized
byGoogk
197
dans des contréet où rhéréste domine par le nombre on
p-nr la puissance ; on peni comprendre dès lors quelle
est la multiplicité de leurs besoins.
Cependant , à part une on deux exceptions , aucune
des Hissions plus anciennement établies n'a pu encore
^tre abandonnée i ses ressources propres : agir autre*
ment c'eût été risquer d'amoindrir les développements
que ne cesse de prendre aussi chacune de ces Missions
plus anciennes , et quelquefois de compromettre son tive*
air. Confiants, en effet, dans Tappui efficace de TCEuvre,
les supérieurs eeclésiastiques de ces Diocèses eut multi-
plié les efforts de leur zèle ; eux aussi ont augmenté le
nombre de leurs prêtres et de leurs églises , enlrepns
des fondations utiles , contracté quelquefois des engage^r
RMiits que la néosssité des circonstances leur a cemmau*
dé de souscrire sous peioe d'arrêter pour longtemps les
progrès de la Beligiaii dans les contrées qui sont con-
fiées à leurs soins* — Loin de pouvoir supporter une
dimioiiiion de secours, la plupart au cobtrairo réelaiiient
aujottrd!bui encore avec des instances irès^vîvea detaot**
mentaAîons considérables*
Ainiis depuis 1840^ aeeroMement exMordiaaire de
nombre de Missionfiaires qui sont partis pour leé cûÊh
trées lesptaséloigjsées ; omUtiplication UPès«nociUe d^
Diocèses ou Vicariats apoitoliques ; impossibilité preti-
qu'absolue d'une cessation de secours à l'égard de ccnk
dont la fondation était moins récente*
La conelusion de ce qui précède esi bienaimple t en
préstoce de tant de deadandes^ et avee une telle inauft-
suc^ de ressources pow y subvenir , il a fallu laimpr en
Digitized
byGoogk
iS9
sauffraocQ ei Us aaoieones et les QouvtUes lli^<ms, se
bovuBt k sainiaire aux plus în<ti$peBs^hlei besoin» , ré-
duire des allocations qui, si elles eussent été plus abon-
dantes , auraient puissamment seni & la dilatation de
bfoi. Combieu de pauvres malades^ par exemple,
sont morts dans le dénftmant de tout secours reli-
gieux , qui auraient eu la boobeur de parliiâper aux sa*
crements de rBglist qu'ik désiraient I coaibien d*jnfidèles
ai^ourd'hui eneore dans les léuàbres de l'idolâtrie eus-
sent ouvert hi yeux à la lumière I combi«i de peupla-
des ou d'Iles lointaines auraieot été éTangéiisées si le
Misakinnaire avait pu , «a se transportast avec prcMDpti-
t«de d'ualteu à un antre , mukipUer son aotion! Mais il
lui e&t feUa pour osia des moyens qui lui ont mafMpié,
parce que lesresaources de notre CEavre ont été nn&eu-
reusMueat inaulBsantes. U est donc oertaîn que depuis
oiliq ans raccrgisiement de nos receties n'a pss répondu
aux progrès qu'out faits dans le même temps les Minions.
Q«^eii aera-i-il maiafenant de Tannée nouvelle que
•MecoomençoDs ?IM^ les demandes de secours se mul-
tiplieat; sept nouvelles Missions importantes réc^ment
une part des aumAnes qui doivent aider aux progrès de la
iôi dans toatea les oontréeset dies toutes les nations du
UMude. lyactresse prépnreot, et bientôt feront entendre
tour veûu Geptudam demeurerons-nous stiiiettnaires, et
«o«a verr»*t^o« réduto h n^admettfe des Missions nouvel
le» un partage de ces aumAnes« déjà si modiques^ qn*en
retranchant aux Missions plus sndennes une partie no-
table des subsides déjà si insuffisants que nous leur don-
•Bous P ou Uen (audra-t-it que cet tfanrqui semanifeste
daus toua les rtogs de la sainte Idérardbie de PEgHse
•e^urêie, que le chef snprétne de eette Eglise «esse hii-
Digitized
byGoogk
Mèuie'de p#iirvoirift TéwiAgéifeaiion des peuples eiiear«
iafiéidei ei remaitt ft im attira temps le soîm de te ^
Mgardelevr laiiic?
1t est vraî que te«te œuvre d'tuft^Bes est dt sa «i*
l«re cinM)iiscrite ; ear si Tesprit de chftriié ne dit juaids
c^est assea , U leoips qn'oa p^itcoasacrer 4 aae fae«M
CBirvre , les somoes doot <hi peut disposer en sa hWÊt
iMit néeeisMnsnMM des bornes. Mais l'Œuvre de la Pro-
pagation de la Foi loirait-eile d^ trouvé les siennes P
Iftm , nous ne pouvoois oroire qa*il en soit ainsi : la eon»
naissance ptns approtowtîe des besoins ei UnsnAsanet
des sumAiMB aetuelles seront les metils mêmes qsA rani*
mercmt n^ore tMè et^ rendront leieffeu désotniniB plas
efficaces et plus nombreux.
QoeHes oireenramces se rébntssent d'oiUenrs pour nous
antemmer tf un néwniiu ocmnige 2 un voyens-nons pti
^e coniaiifoitrdtaiaecnMe préparer , et dans «a SMnir
yenéinigné peni'toe , de grands et coasoianta ivtoa^
«enta } Ins Ipaeniknis 'madenesM abrégerai reqmaa »
ea fU8niii4i9fnMlM en qnUqne série ifs distsiiBen ant
nenda ptne-hcilea tos- iienmnniii étions a^eo les Mfcsi<n»>
ies anwiren ampi froaifti qae In flèche traaapertrnt )m
ffkrm aadMiifiini.daanianiasieacaatféea doflfbas
tes tkadni^QMnni«*taaMîie«i« ^sipHlantla bnnnt
jumilln^ ei;dfafMgéna.« hier ensore antl^ropnfbafai ,
nniiafrtieniaaH<W#<ni neai^ka dignes de noas ter-
irir de modèles. Plus loin » e'aai. k.vieU empire da la
Chine qui s*ébranle ; pour la première fois il abaisseleft
barrièra»^ déinManNU waaypioeiie» ei imdèrt bk se-
lweiiéinifin.4ea|iWt4n^pnaacrJ9i«anoc«tre iaa ^M-
M«L ffinnéfiigi âffllBii #H fc»iw^yent ni Im lna^
Digitized
byGoogk
Dieuu ai la mort , aborden; de Aouveaa sor les o&tes m-
boeptialières de la Cerée* Lm ttert f«t le oeigaent de
toutes parts ne mettront pas le Japoaè Tahri de leen
héroïques entreprises : déjà s*approcbent de ses rî?age$
ceux qoi doivent y véBWt Téteodard sacré* La terre
même d'Annam » rassasiée du sang de tant de naartyrs ,
semble firappée de stupenr ^ et son roi barbare <mvrant,
bien qu*à regret , ses cachots , en laisse sertir des prê-
tres et des Evéqaes dont la voix» derenna pins poissanie
encore depuis que leurs mains ont porté dès iers » mul •
lipliera les conquêtes de la Foi« Dans les pays où Thé-
résiedonine » un profond seadnent d'inquiétude s'em-
pare des esjNrits élevés ; on étudie , on médite , et Ja
réflexion aidée de la grAce donne à TS^ise de oonveaux
enfants*
Cependant , dn sein de Ift «lia élenMUe , ta Fontife
romain à qui il a été donné de tfillar à oatie grande
(Mvre de la conquête uaiveradài dn Mande qni ae pour-
suit à traversles siècles ne eesae.cfaflgnanterle neflubre
dea Missions* il appaUe oanx fni éanram j^mttdra soin
des iroupeanx que leur aile dnîl aanMMMsr pnrtenier ,
et lea honuaes apestoBipMaanpiésaMMi m ii^oiulant en
foule : Nous voilà. Psnk , ê% naïaqnekpin pari eacora
des périls plus sérîettx à nfcoisr » ém ataiaclea fim
diflUesà vaincns, cViSt là ^qM In aadie dePEsprit
divtn pousse, et en pins grand nem^nt esyha-inrtipidff»
ceux qui doivent attnqtar rkMtoJe ^Mf«6 dans sss
derniers renrancbemenis.
Or , si la main du Seignav agNn nlMi T wiiws , q«i
peut douter que ee ne sais m vw 4ê <|Qiifne graad
dessein demiséricevdel n^r «sesÉbiptei eÉMansIMw"
Digitized by VjOOQIC
Sftl
n'a pas besoio de nous. Le ciel et la terre attendent ses
orckes , ironloir et faire ne sont pour Ini qu'une seule
chose. Hais comme dans la conduite ordinaire de ce
monde il a résolu que des hommes seraient mêlés à Tac*
lion de sa Providence , il nous permet de coopérer avec
lui et ne dédaigne pas de nous associer à ses plans di-
van. Ne nous montrons donc pas infidèles à.une vocation
si magnifique ; mais redoublons d'ardeur pour accroître
le nixnfcre de nos Associés : /en soutenant des. Apôtres t
nos aumônes nous donneront part à leurs mérites , et
DOS prières réunies bâteront le momont qui a été marqué
pour la conversion des peuples*
■■^^^ff I m
Digitized
byGoogk
COMPÏE GÊiNtlAj. atSDIft filS UGETTES ET OâPEKSB
France I ^^^1^' 1,082,053 98 j ^ ûm lûa f si i»
rrance. jp^^^ 987,049 SS{ • • • • 2,OI»,lMf.51c
Allemagne «S^acO U
Amérique du nard » 79.819 48
Amérique du sud 11,017 il
Belgique 196/m 6S
IAogleteiTtt. 89,697 91 \
CeloQiet. • IS^l 30 ]
Eglise (états de n . 107,464 S)
Espagne 4,466 86
Grèce j,167 »•
Levant 6,97> 4e
Lombard-Vénitien (royaume) 64,677 94
Lucques (duché de) 9,639 80
Malte (île de) 13,821 64
Modène (duché de) 17,449 47
Parme (duché de) 14,690 »•
Pays-Bas 97,681 18
Portugal 41,189 61
Pnisse 166,616 81
I Gènes 68,077 66
SaToie 46,169 80
Siciles (deux) [^^ ; ; ; •.; S;2t 2| ^'^« ^
Suisse 49,141 16
Toscane 51.049 69
De diverses contrées du nord de l*Eiirop6« • 1»497 81
Vente extraordinaire d'Annales en pajs
étranger 6,669 •*
Totaldesrecettes propres à Tannée 1645(1)* 8,797,664 61
Restait en excédant des reoMes sur les dé-
penses du précèdent compta de l'année
1844(2)* "^ 291,199 67
ToUl général. . . . 8,996,861 98
* Voir Im mUs , pag . 2(M «t 206.
Digitized
byGoogk
fiOS
DE L'QEUVAE DB U FMBÛàlMUi tt Li fOl ESi 1949.
DÉPHNSKS.
Missions d'Europe CCO, lâ3 02
Id. d'Asie. . . . 1,035,878 86
Jd. d'Afrique 2:ii,52^ 20
Id. d'Amérique 1,022,448 61
Id. de rOcéanie 430,40i Ifi
Frais de publication des Annales et autres
imprimés (3)* 181,103 67
Frais d'adminisUation (4)* 20,432 98
\
\
Total des dépenses propres à Tannée 1845. 8,689^248 50
Reste en eicédant des recettes suîr les dé-
penses du présent compte (5}* • • • '909,6tY 88
Somme égale avtotid général circootre. ., 8^998^61 08
n Voir tef noies, pt;. t»A et 2M.
Digitized by VjOOQ IC
204
(1) Dans le total des recettes se trouvent divers dons par*
ticolierSipaniii lesquels noos citerons les suivants : Diocèse de
Nantes , de diverses personnes , 88,500 fr. ^ Gènes , 2S,ooo
fr. — Vintûnille , 1,000 fr. — Saluées , 19 fr. 10 c. — Mou-
tiers , 1,500 fr. — Smyme , 135 fr. — Viviers , 400 fr. —
Lyon , 1,000 fr. donnés par un anonyme et dont la mention a
été demandée. — Beauvais, 1,000 fr. — Angouléme, 1,000 fr.
— Belgique, 31,510 fr. — Portugal , 3dO fr.
Dans le nombre des dons , quelques-uns avaient des desti-
nations spéciales , qui ont été scrupuleusement respectées.
Nous devons ajouter que tous les bienfaiteurs de l*GEuvre ,
signalés on non dans cette note, se recommandent d^une ma-
nière spéciale aux prières des Missionnaires.
Le produit des Annales et collections vendues se trouve uni
aux chiffres des recettes de chacun des diocèses dans lesquels
la vente a été effectuée.
(1) Voir cette somme au compte de 1844 , publié dans le
cahier de mai 1845, n« 100 , pag. 189.
(3) Les Annales sont tirées actuellement à 167,000 exemplai-
res , savoir : Français , 96,000. — Allemands, 18,500. — An-
glais , 13,500. — Espagnols, 1,000. — Flamands , 4,800. —
Italiens , 19,000. — Portugais , 1,500. — Hollandais, i,100.
— Polonais, 500. — Cependant ce nombre d'exemplaires a été
un peu moindre ea moyenne pendant Tannée écoulée.
Dans les frais de publication sont compris Tachât du papier,
la composition , le tirage , la brochure des cahiers , la traduc-
tion dans les diverses langues et la dépense des impressions
accessoires , telles que celles des prospectus , coup-d'œil , ta-
bleaux , billets d*indulgence , etc. , etc. Il faut remarquer en
outre que Textension de l'Œuvre nécessite quelquefois plu-
sieurs éditions dans la même langue , soit à cause de la dis-
tance des lieux, soit par suite de Télévation des droits de doua-
nes ou autres motifs graves. C'est ainsi que parmi les éditions
ci-dessus énmnérées , il s'en trouve trois en allemand , deux
en anglais , trois en italien.
(4) Dans les frais d'administration sont comprises les dé-
penses faites noii*seulement en France, mais aussi en d'autres
nontrées. Ces dépenses se composent des traitements des em-
ployés , des frais de bureaux, loyers, registres » ports de lettres
pour la correspondance tant ave« les divcn diocèses qui een-
Digitized
byGoogk
W6
tribileot h VOExmê par Tenvoî 4e kurs aumônes , qu'arec les
MissiODS de tout le globe.
Les fonctions des administrateurs sont toujours et partout
entièrement gratuites.
(5) Le reste en excédant des recettes sur les dépenses de-
chaque année forme le premier fonds employé au payement
des allocations adressées aux diversjes Miadons dans Tannée
suivante , d'après une nouvelle répartition qui est volée ajwès
la clôture du compte de la précédente année. Ainsii l'exeéduit
des recettes de dhaque année dose , de même que les aumô-
nes successivement recueillies dans l'année courante , ne sé-
journent en réalité que le moins possible dans les caisse» de
rOEuvre.
DÉTAIL DES AUMONES
TKÀNSHISBS fàM LIS DIVERS MOCèsiS QUI OKT ODUTUBUi
k L^CBIJVRB BN 1846.
FRANCE-
Diocèse d'An
— d'Ajaccio
— de Digne
— de Fré|u8 . , . . .
— de Gap
— deMarseSie* .. • . •
(CaMm 11,119 8o(
20.001 r. 35 c.
1,710 ..
7,104 30
36.161 40
8,446 >.
36,463 76
31,638 >»
130,613 f. 70c.
(t) Ua doD iti.OOO (nat» , utiyi Icop lard , Mia e«iapn* (i«M
n««(MdelS49.
Digitized
byGoogk
Dioeèse de Cahon .
— de Mende (1).
. — de Perpignan
~- deRodea. .
— d'AUCH. .
— d'Aire. . .
— deBayonne .
— de Tailles. .
— tfAVJGNON.
— de Montpellier
— de Ninies . .
— de Valence .
— de Viviers .
— de BESiUSÇOS
— de Belley. .
— de Metz . ,
— de Nancy. .
— de Saint- Dié.
— de Strasbourg
— de Verdun .
— de BORDEAUX
— d'Agcn . .
— d'Angoulême
— de la Rochelle.
— deLnçon. .
— dePérigneux
Report
lM,613f.70
17,671 76
9,620
9,600
38,246
27,000
26,166
24,112
13,868
28,323
36,000
18,648
19,231
27,086
i»,666
23,846
36,648
16,094
16,360
41,338
19,026
41,274
20,000
4,600
12,313
27,668
7,000 »»
'708,493 f. 07c.
15
20
18
76
20
90
20
98
76
26
61
76
26
06
69
(I) Sur cet 9M0 fr. 15 c. , 8,9ft5rr. nS c* pwieaiiett da re-
coaTrement d'une partie n<MaWc d« 12.356 f^. $0c. qui tYtieol él^
ÏMcrilt au conipie-fcnJu do 18V3 (n^fli de* Annales , ptg. fffl) -
CttiMM parle rë^ullant da Don-payoaoPiU de loUree de change tenint de
Mffide. — L« eumôncs recur-lUc* dans ce dloe*«e «m 1815 ne Bent !•»«
<»iîcoreforTcnu<^.
Digitized
byGoogk
M7
Beport
Diocèse de Poitiers
— de BOUBGBS ....
— de Qermont-FerrâDd . .
— de LiiBoges
— du Pay
~ de Saint-flour ....
— de TuUe
— de CAMBRAT ....
— d'Ams
— de LYON
— d*AolBii ......
— de DijoB ^ . . . • •
— de Grenoble
— de UngreB
— de Siiiif*<Ilaade. ... .
-^dePARIft
— de Blois
<— > de Chartres .,•*#•
— de Meeuz
— d*(Mésiis. • . • • • •
— de Tersaines. • . • •
— deMBDlS
— d^Amiens.
— de BetaTsis .....
— de ChâlGm-sar-MarDe . .
— de SoissoDS . • •
— deRODEN
— de Bayeux
— de Coutances • • • .
— dlStreiix
""" de Seez ••••••
708,493 f. 07 c.
24,379 ».
8,349 15
27,484 40
40
90
60
10
95
77
f.{\
95
85
22,086
23,053
5,065
88,105
20,411
192,643
lo.Pf?.'.
10,612
S8»4«6
19,141
&7,697
6,300
6,271
4,974
13,956
8,664
13,947
15,936
15,907
8,400
13;i08
27,001
31.257
31,000
7,129
11,545
37
»»
65
30
85
85
95
50
25
20
21
95
47
1,529,220 f. 29 c.
Digitized
byGoogk
3M
!
Beport 1,629,220 f. 29 c
Diocèrf a<J SENS 10,800 "
— de Moulins . .
6,826 80
— de Nevcre . .
6,700 >•
— deTroyes . .
8,S6S ••
— de TOULOUSE .
02,306 09
— de Carcastonne
17,644 85
— de Montaid)an ,
16,067 60
— dePamiers .
6,430 •>
— de TOURS. .
14,478 60
— d'Angers. . .
38,262 20
— du Msins « •
49,888 60
— de Nantes. .
99,639 25
— de Quimper.
23,101 75
— deRenoes .
«0,330 65
— de Saint Bricuc
34,000 »•
— de Vannes .
26,263 »
GOLONIIS rEÀMÇAISBS*
Diocèse d'Alger
l!e Bourbon
Cayeane (1)
Marunique
/PoBdichéry 1,006 1S\
Pondicbéry.lKarikal 7 81)
(Mabé 84 06)
Sénégal
3,136 65
8,600 >•
t360 »•
4,663 »>
1,100 >»
351 60
3,019,103 r. 63c
(1) H y aurait ea 5U>0 fr. de plus , tî le c«pitaiiie àt naj\n , ao^
Si a? aient élé cod6(<s , n'avait malhetorememènt p^ri m moment mètat
é9 êm arrirëe en France , et si TomiMion de la aomaie dans le coonai»*
Dt n'avait pas empécbé qa*cUe fût imm^iatemeot reronvr^
Digitized
byGoogk
309
ALLEMAGNE.
florins. kr.
^ divers dioûèses . . 6,771 31 12^724 L 69c.
«EAND DUCaé DE BADE.
Diocèse de FBIBOURG. 5,106 43 10,942 97
eBÀRD DUCHÉ DE HBSSE-DARXSTADT.
DJoûèsedeMayeace. . 4,311 40 9,239 65
OEtSE-ÉLBCTORALB.
WocèsedeFuIde. . « 1,907 41 4,087 90
DUCHé DE NASSAlî.
Diocèse deLimbourg . 1,661 54 3,561 20
^rUETEMBBRG.
Oiooèse de Rottenbourg. 13,526 39 28,109 97
68,666 f. 38 c.
AMÉRIQUE DU NORD.
ftocèsede*** • . . 3,000 f.
CANADA.
Diocèse de QUÉBEC . 2,069 2 7 44,141 f. 43 c.
— de Montréal. . 926 14 » 19,766 50
— de Toronto « • 23 9 » 500 »»
ÉTATS-^NIS.
Diocèse de New- York • 105 30 52e SOT
67,934 f. 43 c.
tOV« ETTO. 106. 14
Digitized by LjOOQ IC
210
Report 67,934 f. 43c-
Diocèse de la Nouvelle-
Orléans J . . 1,550 »» 7,730 ■»
HESLIQtJE.
piastres.
Diocèse de Californie . 300 1,676 »»
rtOUYELLE-ÉCOSSE.
Diocèse d'Halifox . . 2,060 •»
79,319f,43c.
AMÉRIQUE DU SUD.
BRESIL.
Diocèse de BAHIA . . 466,760 l,361f.»»c.
— de Rio-Janeiro . 3,576,680 10,136 89
— de Fernambouc . 294,796 837 46
— de Maragnan. . 137,280 390 »»
— de Marianne (Mi-
nas-Geraes) . • 130,009 369 32
CHILI,
piastre*. •
Diocèse de SANTIAGO. 1,318 21/2 6,591 60
— de Coquimbo . 268 3 1,341 85
îl,017 f. 12e.
. BEL^QUB.
Diocèse de MALINES. .... 36^000 f. 02 c-
— de Bruges 24,454 60
— de Gand. . . , . . 44,4t8f <9
104>487f.51c^
Digitized by VjOOQ IC
tu
Report
Biocèse de Liège . . • . . .
— de Namur . . . . .
~ deTôurnay. . . . ,
104,487 f. 61c.
£0,039 »•
10,599 38
99;H9 91
196,083 f. 68 c.
ILES BWTAMNIQCES.
liT.w. th. 4. ■
District dfiLahcasire.
«17 10 » .
13,199 r. 50 c.
— daLéndres .
34S tB 3
8,893 30
— dYorcà. . .
177 10 8
4,657 23
— da Kotd . .
8» 8 31/2
. 2tS97 »»
— du Ceotre. .
179 16 6
4,615 96
~ del'EsL . .
31 6 »
797 20
— . de l'Ouest . .
1^ 7 9
3,887 02
Pi'ysdeGaBe* . .
68 .11/2
ÉCOSSK.
. 1,490 70
District in Nord. .
48 » •
. I«a34 »
— do i'Èst . .
li 8> .
163 68
— de l'Ouest. .
£663.
nuLKpE:.
. MAO ..
Diocised'AiuilAGH.
106 » 9
2,714 60
— d'Ardagh . .
21 3 5
541 88
— de Clogher .
17 18 51/2
458 43
— de Derry . .
46 7.1/2
1,212 97
— de Down et
CMaof . .
63 8 9
1,387 80
48, 730 f. 27 c.
14.
Digitizedby VjOOQL'
Diocèse à» Dromore •
_ de KiloKMre •
— deMeath • •
«— deBapboë. •
_ de CASHEL .
— de Goyiie ei
Ross • • •
^ de Corck • •
— de Kerry . .
— de Killaloë .
— de Limerick •
— deWaierford.
— de DUBLIN •
— de Feras . .
— de Kildare et '
LeigUin • •
— d'Ossory . t
— deTUAM. .
— d^Achonry. .
— deClonferl .
— d'Elphin . •
— de éalvay •
— deKiUâla. .
— doKilmacduagh
Reçu d'un curé dans
le Sud. • •
2H
Report
(v. tu «Ik* é.
30 1 8
64 17 r
239 17 11 1/2
18 12 »
426 19 1 1/2
367 18 5
891 4 2
124 13 61/2
162 7 6
95 15 9
589 16 41/2
1762 .» • 1/2
606 12 7
301 3 9
316 3 101/3
49 11 8
33 18 6
7 b**
68 »» 3
89 5 6
23 14 »
32 9 7
400 >» »
48,730 f. 27 c.
770
1,660
6,176
475
10,984
9,418
22,939
3,191
4,156
2,451
15,170
45,114
12,989
7,710
8,097
1,369
611
179
1,741
2,054
680
831
10,240
06
52
82
92
70
38
74
43
52
80
99
42
28
22
08
88
20
10
90
84
24
COLONIES BMTAlWIQOn»
Agra
C;vp de BoBoe-EspéranM
723 ••
3,056 *»
220,324 f. 31 «•
Digitized by VjOOQ IC
tu
_ . Report 220.324 f. 31 c.
Dominique ......... 104- •• .
G})>raltdh« ; ..... . ♦...'■ 1,609'. 4»
Jamaïque ':.■..'. ;■ 160 -«v
Maurice (He). . . . , . . .' 1;300 »•
Sydney (Australie). • . . > . v. •;«0p ". 72
Trinidad.. . . . '. . . . . " IvOo'o" ».
VérapoUy (Malabar). . , . . . •l,6g(> .»
■ 232,838 f. 1 1 c.
■OBBttS
ETATS M L'ÉGLISE.
ROME
7,847 24 ô
42,648 f. 07 c.
Difoëse d'Aoqoa-Peii^
dente • • • •
42 .. »
228 26
~ d'Alatri. . . .
157 »» •
863 26
— d*AU>9iio. . . ,
96 97 .
527 01
— d'Âmelia.. • •
6i »• >
298 91
— d'Anagni.. . .
94*63 >
613 75
-n d'hncAm.* • « .
.140 »» »
760 87
— i d^AsoolL • . .
216 02 •
1.171 02
-r de Bs^noreou . .
81 47 .
442 77
. -^ de BAVENT. ♦
160 >» .
869 57
r deBertiiiero . .*
.... 64 26 >
349 24
— de SaniM! *. •
il 84.
423 04
-^ BdLOGNE. . .
1,640'.. .'
8,369 67
— . deCaglL . . •
81 67 • .
443 31
• 1,056 96
— deCAMERlNO. .
194 48 .
— .deCervîa,. . •
36 •• .
190 22
""T" de ijifS^ne* • • •
199 ». •
1,081 52
60,230 f. 86 c.
Digitized
byGoogk
^ de Çitt^ . délia
; Pieyc»'< p •. .
— àb Ciot di Cas-
tello • • n ' •
~ de, Ovito - Vec-
chia. • •. ' •
r— de Coroeio. • •
— de Fabriano. . •
— de Faenza. • •
— de Fano • . •
— de FerenlÎDÔ.. .
— de FERMO. . .
_ de FERRARE. .
— de Foligno. • •
— de Forli. . . \
— de Forlimpopolf.I
— de Fossombrone..
-^ tic ti'i.àsLUU,
— de Gubbio.
— d'Iesi . .
— dlmola. .
— de Lorette.
— de Rec^nali.
-1 de Mtftclica.
-^ de MonteGa^conc. .
• — de Narni. . . ..
-~ de Pîfepi et Suiri
" ( commune dte
Tolfa).. . ."
— de Nocera. . .
914
. • Report
20»» ».
62 »» »
140 .40 »
- 80 »» »
27 »» »
100 ■»» »
382 »» »
M9 55 •
73 18 »
^^2 10 .
743 73 6
90 >» »
' 290 »» »
' 74 96 »
90 60 »
103 40 »
£90 »» »
164 96 »
£22 BB •
•66 31 »
'' 44 86 »
\ 106" B» ■»
,70 éo »
" " li 7rB
60 »» ».
160 »» »
60,230 r. 35 c.
10g 10
382 61 •
763 04
434 78
146 74
643 48
2,076 09
2,226 81
397 72
1,967 93
4,042 04
4«9 13
1,676 09
407 39
492 39
661 96
3,206 62
■ 896 62
• 2,836 98
300 69
'242 12 '
. '670 65
* 381 .62
. 69 Oi
2>i
•816
74
22
86,337 f. t««"-
Digitized
byGoogk
215
Report 86,337 f. 18 c.
écos romains,
Diocèse de Norcia .
67 45 «
366
68
— d'Orvieto. .
182 31 .
• 990
81
— d'Osîmo. . .
Ô5 50 «
301
63
-^ de Falestrina.
110 •» »
697
83
— de Perugîa. .
538 20 »
2,925
»»
— dé Pesaro. .
350 »» »
1,902
17
— de Poggio-Mir
teto. • . .
91 60 »
334
78
— de RAVENNE.
384 53 »
2,088
76
— de Rieli. . .
86 »» »
467
39
— de Rimini. .
.. 9oe >» »
1,086
96
— de Ripalransoufi.
. , 139 10 .
765
98
~ dô Sabina (Ne-
rola). . .
2 .85 >
15
49
— de San-Severino.
, 85 B» >
461
96
— de Sinigaglia.
320 »» .
1,739
13
— de SPOLErrE.
171 60 >
932
61
— de Terni. . .
169 25 5
921
33
— de Terracîna. .
67 .41 »
366
36
— deTîVdll . . .
163 05 »
686
14
— de Todi. • . .
34 eo m
les
«7
— d'Urbaiia. . ,
i 147 09.
799
40
— ' d^Sén-Angelo in
.
Tado. . .
. 26 »» »
141
31
— d'URBlNO. ,
76 ». » -
413
04
—- deVelleiri. . .. .
111 43*
<a&
60
— deVeroIî. . *,
106 36 &
• 678
«7-
— deVîlerbe. •. *
87 46 ^
476
â7
— i dtToscanella.. ,
25 53 »'
13S
76'
— de TVcja.
24 90 »
136
83
106,964 f. 62 c.
Digitized
byGoogk
216
Report t06,9MC.S^c.
éetu roaMÎAf. '
Diocèse d^Orbetello
(abbaye des trois
Fontaines). . . 93 84 » 510 ••
107.464 f.Sîc.
ESPAGNE.
rten.
De divers diocèses. . 1 7,865 » » 4.466 f. 35 c.
GRÈCE.
Diocèse de Sym. . . 404 44 364f.»»c.
— deTine. . . . 2,103 33 1,893 »»
2,257 f.»»f
LEVANT.
Vicariat apostoli()tte de 8,282 »• f,070(. 50 c.
OONSTÂNTINOPLE .
Diocèse de SMYRNE. . 4,384 »«
— deScio. . . • 760 »»
— d^Alep .... 487 20
— de Be}Toiith. . • 300 »»
— deKarbékîr'. . 2,600 ••
Vicariat apoBtoIique de
(•EGYPTE. ... 6,144 16
Ile de Chypre. ... 896 >»
Tripoli de Barbarie . . 1^40;»»
1,096
• •
m
»»
111
43
16
••
671
44
1,Î84
03
«4
»»
36a
t>
6,9;îf.«c
Digitized
byGoogk
317
LOMBARD-VÉNITIEN
(tiOiMomt.)
K«r. MIrick.
•
Diocèse de MilAN.
(doM |»«.)
39,080 45
34,000 f
. »»
— de Bergame
(id.)
15,499 60
13,484
65
— de Brescia
(id.)
18,180 86
15,652
17
— dtCôme
(id.)
8,409 48
3,096
26
— d» CrémoBe
(id.)
2,126 43
1.850
»•
— de**"^
(id.)
1,247 12
1,085
»»
D nne ville de la Lom-
bardie
(id.)
1,149 42
1,000
»•
De divers diocèses
(id.)
14,071 70
12,242
39
niocèsede******
(id.)
3,755 71
3,367
48
81,677 r. 9<
DUCHÉ DE tCICQUES.
livret lneqMbet t. é.
Diocèse de LVCQUES 13,705 14 8 9,529 f. 30 c.
ILE DE HALTE.
«CUtBMllM.
Diocèse de Malte . . 5,966 8 >» 12,322 r« 61c.
DUCHÉ DE W»ÈHE.
Diocèse de Carpî 1 ,498 (. 32 c.
— de Massa. . , S.906 77
— de ModèneXl) :• .... «,590 15
8,904 f. 24 cl
(A) Une foinin» lie i.MO ffiief . appii$eMit à l'tiMeict de 18i5 .
•vaut été 90aftim par ermr étm la reeeCte de resereîce frMdent , h
iiMMUil des mtm^m recatilliei dans le dioc^ de Modèoe en 184r> a
«ipnc.éi^ en ri^iu' de 6,500 fV. 15 c*
Digitized
byGoogk
21S
Report 8,994 f. 24 c.
— de nonaniola 372 53
— deReggio 8,082 70
ir,449 47
BÛCHÉ DE PARME.
Kocèse de Borgo-Sàtt-DoDoiao ; • 495 f. 33 c«
— de fiuastalla £69 »»
— de Parme •»»'••.. 6,530 50
— de Plaisance •(••«* 7,295 1 7
14,890 •»
PAYS-BAS.
Vicariat apûstoltque de
Bois-IeDuc. ..•.•.. 33,015 f. 84c.
— de Bréda. ...... 5,936 60
— da Limbourç. ....*• 16,205 72
— du Luxembourg* 10,646 04
Archiprêlré de Schieland .... 1,058 20
De divers archiprêtrës 30,768 83
97,«31 13
fOltrUCAL.
ocèsedeBRAGA
1.289,800 .
8,M*f. »pc
— d*lTCfc-0. .
.. . 103,600
•47 &0
— ' de3i*agànGe.
. . 19,200
120 ..
— de Coîmbre.
, ; 466,Q10
5,912 56
^ dePtniiet .
. « t4;6S<
. • «3 ■»
— de Porto. .
. , 9Si,74S
S.Wt 15
17,770 f. 21c.
Digitized
byGoogk
21»
.
Kepqrt. • •
17,776 r. 2 le.
de Vîseu. • .
rets»
. 283,420
1,771 37
cTBVpRA . \
. .. 14»,7«0^
.917 25 ■
deBêja . • \
75,440
471 60
de Crato. . «
13,440
84 ».
d'EÎvas . . /
. -. 118,660
741 .»
deFaro*. k «
,.- 16,400
102 .50 .
de LISBONNE ,
. 2,168,635
13,553 31
df^ Giiarda • ,
, ., 144,840
905 25
de Lamego • .
2,400
15 »»
Léiria. . . .
. . 267,790
1,611 18
deThomar • .
16,320
102 »»
ILES AÇORES.
Diocèse d^Angral . , . ' 495,t&0 3,094 94
ILB DE MADÈRE
DioGèse de Funchal. . . . 16,000 100 »»
41,239 61
PRU8SB.
; OlUNDi DUCHÉ DE POSElf.
thtien til pr.
i>iooèsedètOSEN .
ctGNBSEN . ... «686 10 »
9,«3rf.06c.
' PROTIRCK Dl PRVSSB.
Diocèse de Culm . .2,483 3 .6 9,368 05
-deVarmiè .. J,16Ô 16 7 4,333 32
16,229 f. 32 c:
Digitized
byGoogk
Report 1-6,229 S'2
■ PBOTINOB lUiJMAMB.
Di<ioè«e de COLOGNE '99,263 I 9 8i,44S 9«
•^ de Trêves . M36.28 »» ^,638 fiO
SllésiBt '
Diocèse de Breslao . 6,063 8 4 22,290 54
— d'OImott (par-
tie prussienne . 75 •» •■» 274 39
— de Prague (partie
prussienne. . • 674 •• »• 2,190 - 01
WB«TPB&tll.
Diocèse deMunater(l). 6.447 6 10 24,176 9S
— de Paderborn . 6,467 27 >• 20,467 là
186,625 si"
ETATS SARDES.
D«Caé DB «ftHBS.
Diocèse de GÊNES
— d'Albenga .
— de Bobbio .
Diocèse de Nice. .
, — de Sanane.
— de Satooe.
— de Tintimine.
vif
62,317 f. 29 c.
4,703 36
1,666
5,619;
2,396
4,615
76
60
91
89
16
83^07? f. 86 1 ■
(1) 13,n8rr. 70 c. , arrit^ trof (wd , «woal porWt ta ei>ib|itr <<*
f ÎM.
Digitized
byGoogk
»»
»»
231
Report 83^077 f. 86 c.
Diocèse de TURIN. • 61^000 30
— d'Aoqni . 3^666 38
— d'Albe 6,298 85
— d'Aoste 6,200 >»
— d'Asli 3,232
— de Coiiî 2,800
— de Foisaiio 3,486 29
— tfivrée • . 8,902 30
— de Mondovi. • . • . • • 9^636 58
— dePignerol 4^753 »»
— de Salaces 5,129 20
— de Suae. 1,592 85
— de VERCEIL 7,084 55
— d'Alexandrie 2,330 »»
— de Bielle. « 5,000 »»
— de Casai 5,430 04
— de Novare 7,150 »»
— deTortone. ...... 9,999 »»
— deVigevano (1). .... 3,330 94
SAKDAIGKB.
Diocèse de CA6UARI 16,806 34
— tf 0R18TAN0 176 76
— deSASSARI 980 48
— d'Algiiero 150 »
257,309 f. 61c.
(1) Une fomm* de 600 fc profCM»! 4e ee diocèse a éié conveHie
a fcme an profit de rOEotre , MifapI la NeodHaaiidatîoo ^pnm do
doQJMeor.
Digitized
byGoogk
sn
Report 257,309 r. 61c.
SAVjMI*
Diocèse de CHAMBÉBY. . . «
— d'Annecy
— deMoatiers.
— de SaiBtrJean-deDIaorieoDe.
1 1,519 30
»7,2A0 ••
. M75 ••
a,916 »»
30â,4S8 f. 91 c
m:ux-siciles.
SOTiCn DB HAPCCS.
Diocèse de NAPLES.
— de Pouzzoles.
— de SORRENTO
— de CJaëie.
— de Sora.
— de Sessa.
— de CAPOUE
— d*Aversa.
— d'Isernia.
— de Cava .
*— de Nooera de Pa
«ani .
— deMelfietRapoUa
— deCONZAelCAM-
PAGftA. . .
— de Conversano .
— de TRANI et NA-
ZARETH. . .
dne«ts gr.
8,249 90
tOO »»
1,170 »»
11 90
140»»'
104 £6
312 60
100 »»
27 70
151 20
240 •>
LOO »•
7»t)4
42
78
23
36,900 f. 67 c
435 16
6,091
5t
- 609
455
1,358
435
120
657
70
16
64
97
f^MI 40
435 16
150 » 652 75
123 20 636 13
339 60
48,123 m
Digitized
byGoogk
223
Report
48,123 i
.66 c.
daeau p.
— de Monopoli. .
73 67
320
69
— de Castellaneta .
114 »»
496
09
'- de Lecce. . .
300 »
1^305
49
— d'Ugento . . .
41 »>
178
42
— de Gallipeli . .
23 16
100
79
— de S/USTA-SE-
VERINA . .
100 »>
435
16
— d'Oppido. . .
177 .»
770
24
— deNieotera etTro-
pea. . . .
63 »
274
16
— de Mileto. * .
100 >»
435
16
— • d'Aquila . . .
264 20
1,149
71
— d'Aprutino et
Teramo . .
112 08
487
74
— d'Atri et Penne .
30 »
130
55
— de Gerace . .
120 ••
622
20
— 4a Muro. . .
30 •>
130
55
— de TARENTB . .
46 91
204
14
— deVenosa . .
£0 »
2ir
58
— de Boiano . .
44 •»
191
47
— d'OTRANTE. .
110 »»
478
68
— de SulmoBa et
Valvà . . .
80 »»
348
13
— de Bifonte-Cassino
90 »
SOI
65
— de Bisoeglie . .
100 »•
435
16
— deGravina^Moo-
tepeloso et Al-
..
tamura.. . .
340 »»
1,479
56
— de CHIETI . .
300 »>
1,305
49
— de BRINDISI. .
1£0 »»
652
75
~ de Montevei^ine
46 50
202
35
•
60.767 r. 47 c>
Digiteedby Google
•224
Report
Au.» 9.
ocèse de Castdlamare
276 .»
— de BE6GI0 . .
120 >•
— de San-Severo .
100 >»
— deCatanzaro. .
26 60
— de Mani. . .
47 2S
— d'ACERENZA et
MATERA . .
106 60
— de LANQANO .
60 »>
— deCassano . .
20 >»
— de Capaccio . .
tl6 73
60,767 f. i7 0
1,196 70
522
20
435
16
115
75
205
75
463
«9
261
to
87
03
507
97
SICILI.
Diocèse de PALERME .2.118 41 & 8,826 74
— de MESSINE. . 454 » • 1,891 67
— d« MONTRÉAL. 685 40» 2,439 17
— deCatane . . 705 »• > 2,937 50
— de Mazzora . . 668 01 • 2,783 38
— de Syracuse. . 125 09 » 521 21
— deGirgenti . . 710 05 > 2,958 54
— de Caltagirone . 140^ 80 5 586 69
— deNoto . . . 107 »» » 445 83
— de Caltanissetta. 143 81 » 599 20
— deTrapani . . 256 85 6 1,070 23
— deÇefalù. . . 129 10 • 537 92
— dePatti.. . . 78 »» » 325 »•
— deNicosia. . . 36 »» » 150 »»
— de Lipari. . . 27 •» • 112 60
96,748 f.6Ô"«-T
Digitized by VjOOQ IC
226
SUISSB.
Diocèse de Bâie. . .
— de Coire. . .
— de Cûme ( Tes-
sin). . . .
— de Lausanne. .
— de Sahil-Gall. .
"^ w OtOB • • -
francs sutsscf.
12,395 55
3,530 14
2,000 »
9,268 85
3,254 23
4,020 «1
17,707 f. 93 c.
5,043 06
2,857
13,226
4,648
5,758
14
93
90
30
s
49,-242
26
, TOSCANBw
J
li>. lOM. «. d.
locèse de FLORENCE.
19,598 10 »
16,462 r. 79 c.
-de Colle. . .
826 6 8
693
84
— de Fiexole. . .
3,347 10 »
2,811
90
— de Pistoie. . .
2,540 »» >
2,133
60
— de Prato. . .
2,424 .. >
2,036
16
•— de San-Mfniato .
3,047 U p
2,659
do
— de San-Sepolcro.
3,094 6 8
2,599
24
-- de PISE. . . .
7,131 1 4
6,990
09
— de Li^urne . .
3,800 >» »
3,192
»»
•— de Pontremoli. .
680 »» >
571
20
— de SIENNE. . .
2,679 6 8
2,250
63
— d'Arezzo. . .
3,549 3 4
2,981
30
-- de Chiasi. . .
332 6 8
279
16
— de Cortone. . .
600 »> »
504
»•
— do Grosseto . .
320 »» »
268
80
— de Massa et Po-
pulonia. . .
1,160 >» »
•
974
40
• X.YIII. 106.
46,309 01
15
Digitized by VjOOQ IC
22«
Report
46,309 r. 01 c.
Hr. MH. *. d.
Diocèse de Modigliana.
514 4 8
431
94
— de Montalcino. .
630 »• >
629
20
— de M<mte - Pal-
ciano. . . .
366 t3 4
308
»•
— de Pescia. . .
1,040 ». »
873
60
— de Pienza. . .
146 13 3
IM
20
— de Sovana. . .
860 » »
722
40
— de VoUerra . .
2,086 •» •
1,T52
24
De divarses coBtrées du
nord de TEurope (1).
61,049 69
2,497 f. 82 c.
(1) Dans cett« somme ae troaTeol compiii M7 flr. 74 c. , proJail àt
4a retle d'un capital de 6,000 (r. , proreoaat da dioeèaa de Tcrta^îe .
à9oné à rCVa^Hre an 18^ , et da»t il a été fait mwiiai dMa W (
4c Ijuansdileaaaët.
N¥a^ Il eat arrÎT^Jde diran'^t^acèies daa aannai^ii^laaUlii.re de
'exercice n*a pas permis de comprendre dans Jet receltes de 1845. Ces
49mme4 Égareront an comple-rendu de '1846tf
Digitized
byGoogk
227
»•
• »
La réjm^twn iet aum/kus entre les diverses Missiom ^
fxntr 1846 , a Hé etrrêtée dans Vardre suivant :
A Mgr Carrnthen , évêque ,
vieiire apostolique d'Edimbourg
(Ecosse).. •..;... 82,085 f..»c-
A MIgr Scott , étéque , Tîcaîre
apostolique do district occidental
(Ecosse). •..-......• -S^.OOO
A Mgr Kile, évéque, vicaire apos-
lolique du district du Nord (Ecosse). *S5,MN)
A Mgr Mostyo , évéque, vicaire
apostolique do distri et du Nord (An-
«*««eiTe) t . . • 4,000 »•
An Vicariat apostolique de Lon-»
<)res, pour la Mission de Jersey. • 6,000 »•
AMgrBrowB , étéqoe , vicaire
apostolique du pays de €alles (An-
^'«^ • • • 16,000
P^or la Mission des Cblats de
Marie knmacnlée en Comouailles
(Angleterre) 20,000
^arla Mission <«Rédènipto-
f»ias en Comouailles (Angleterre . 2,1100 » »•
AMgr!15vêquedeKerry(IHaiide) W,0W »•
A Mgr Hugues, évéque , vicaire
^PittoU^iie de Gibraltar. • . . 16,000 •*
f^T le diocèse dt Uisaneet
••
f$»
^^^^^' 71,000 ••
269,6^ —
Digitized by VjOOQ IC
S38
Report 269,5i5f.ttc
A Mgr SalzmaiiD, évéquc de Bâie
(Soisse) , 6»SW ••
A Mgr Mirer , vicaire apostolique
de SainirGall (Suisse). . . , . 2,000 »»
A Mgr Gaspard de Cari , éy^e
de Coîre (Suisse) 8,000 »•
A Mgrl'Evéquede Bethléem, abbé
de Saint-Maurice, pour l'Eglise ca-
iholique d'Aigle (Suisse). . . . *M0 ••
Pour un établissement catholique
en pays protestant, recommandé
par TEvéque 20,000 •»
Pour diverses Missions daNord
de l'Europe 152,628 Oî
A Mgr Paul Sardi , évêque , visi-
teur apostolique de la Moldavie
( Mission des RR. PP. Mineurs . .
ConveniueU) 20^000 »•
A Mgr Molajoni , évéquc^ adUm-
nistrateur du vicariat, apostolique
de la Valadiie et Bulgarie (Mission
des RR. PP. Pttssionistes). . . • , . 8,000. ••
A Mgr Topîch,^ évêque d'Alessio 3,030 ••
An même , pour le diocèse de
Scopia ;....,.. 1,480 »•
AMgrSeverinî, évôquedeSupp». 4,060 »»
A Mgr Pooten , évêque adiBÎfti&-
trateur d« diocèse d'Aaiiyari . • MO »•
A Mgr Labella , archeféque de .
Durauo. ....•....;, 1,3*0 •»
A Mgr Guglielmi , éwâque de
^ , Il *
490,753 f-Oîc
ê
Digitized
byGoogk
S29
Report 490,763 f. 02 c.
Sciitari. « 4^380 »»
A Mgr Guglielini , pour le dio-
cèse de Puhti 2,020 »»
Pour la Mission de la Compagnie
de Jésus en DalmaUe 3,600 >•
Au Vicariai apostolique de Sopbia
(Mission des RR. PP. Capucins). 4,000 »»
Pour la Mission des RR. PP. Ca-
pucins à Consiantinople. • . • 3^000 »»
Pour la Httsion des RR. PP. Do-
minii^ins à Consiantinople. . # • 10^000 »»
A Mgr HiUereau , archevêque ,
vicaire apostolique de Constanli-
nople. • 31^000 »»
A Mgrlbroiichi^ archevêque ar-
ménien catholique de Constantino-
ple lÔ^OOÔ •»
Mission des Lazaristes à Constan-
tinople^ coUége^ écoles des Frères ,
établissement des Sœurs de la Cha-
rité^ et frais dlmprcssion. . • . 38^600 »»
Mission des Méchitarisies à Con-
stantinople 3^000 »»
A Mgr Bbncis , évêque de Syra et
dél^t apostolique pour la Grèce
comiBentale 22^000 »»
Pour la Mission des RR. V9. Ca-
pucins à Paros 1,600 »»
A Mgr Castelli^ archevêque de
Raxie ......... 3^000 »»
Podr la Mission des RR. PP. Ca-
631,753 f. 02 c.
Digitized by VjOOQ IC
230
Report 631^763 {.02 c.
jpiscHis à Naiiè 1^200
A Mgr Zaloni^ évéque de Tine. . 3^000
Pour la Mission des RR. PP- Bli-
«enrs Réformés à Tine. . . : . 1,000
Pour les Missions de la Compa-
gnie de Jésus à Tine et à Syra . • 6^000
Pour la Mission des Lazaristes et
rétablissement des Sœurs de la Cha-
rité i Santorin. •••... 6^000
A Mgr Noslrano^ archevêque de
Corfou. . 3,000
Pour le diocèse de ZanCe etCépha-
leaie* . . . .• 2^000
Pour les Missions des RR. PP.
Capucins à Céphalonie et à Idia-
<pie • 2^000
Pour la Mission des RR. PP. Ca-
pucras k Candie 2^600
Pour la Mission des RR. PP. Ca-
pucins à la Canée 3,000
660,453 f. 02 c
hissioms^d'asie.
A Mgr Mussabini% archevêque de
Smyrne et vicaire apostoUqpie de
l'Asie Mineure 31,304/- Sic-
Mission des Lazaristes, à Sm^rmei .
écoles des Frères et établissemeat
ëe» Sœurs de la Charité. . . . 14,700 »»
A la même , pour le collège de la .
Pn^agande à Smyrne. . • . . 4,300 »»
60,704 f. 35 c
Digitized by VjOOQ IC
2SI
Report 50,704 f. 36 c.
A«x Lazaristes^ pour âtre distri-
bué par les mains des Sœurs de h
Charité aux victimes de l'incendie de
Smyme * 15^056 »»
Aux mêmes > pour reconstruire
à Smyme la maison des Frères de
la doctrine chrétienne^ détruite par
rincendie 20^000 »i^
Pour la Mission do RR. PP. Ca-
pucins à Smyme 6,000 »»
A Mgr Justiniani , évéque de
Sdo 3^600 »»
Pour la Mission des RR. PP. Mi-
neurs Réformés à Mételin. • • • 4|000 »»
Pour l€S Missions de Hle de
Chypre . 12^00 »»
Pour la Mission des RR. PP. Mi-
neurs Réformés à Rhodes. • • • 2,000 »»
Pour la Mission des RR» PP. Ca-
pucins dans TAnatolie 8|000 ^^ ^
Au Révérendissime Custode dt Je-
iiisalem, pour la Mission de Terre-
Sainte . • • S96 >i^
A Mgr Villardell^ an^vâque »
délégat apostolique au Liban, et
pour les divers Rits Unis 34^210 »*
Qission des RR. PP. Capueias
ea Syrie 8,000 >»-
Hissioi des RR. PP. Carmes en «
Syrie. 3)600 »i>
Missions des Lazaristes à Aky^ à
166,864 f. 35 c.
Digitized by VjOOQIC
2IS
Report 166^8641. 35 c.
Damas^ à Tripoli de Syrie ^ ei col-
lège d'Antoura 10,000 •»
Mission de la Compagnie de Jé-
sus en Syrie • ,17,000 >•
A Mgr Trioche, évéque^ délégat
apostolique à Babylone, et pour les
divers RUs Unis 40,000 »•
Mission Arménienne en Perse. • 3,000 »»
Mission des Lazaristes en Perse. 15,000 »•
Mission des RR. PP. Oonyniqain$
dans la Mésopotamie 10^000 »»
Mission des RR. P^. Carnées ^aus
la Mésopotamie 3j000 »«
Mission des RR. PP. Capucins
dans la Mésopotamie 12>000 »»
Mîssim des RR. PP. Servîtes en . .
Arabie 10^000 »»
A Mgr Borçhi^ évéque^ vicaire
apostolique d^Agra (Mission des
RR. PP. Capacins) 34,605 »»
A Mgr Carew, évéque, vicaire
apostolique de Calcutta . . • • 5,000 v»
A Mgr Fortini, évéque^ vioairt • < •
apostolique de Bombay (Mission des
RR. PP Carmes). ..... 19,000 »»
A Mgr Loais de Sainte-Thérèse ,
évéque, vicaire apostolique de Yé- Q
rapolly (Ihlabar) (Mission des RR. *
PP. Carmes). 19,000 >»
Pour la Mission dn Canara. • • • 6,000* «»
A Mgr Bonnand, évèqne, vicaire
355,469 r. 35 c.
Digitized by VjOOQ IC
^3
Report 355, 469 f. 35 c.
apostolique de Pondichéry (Goro-
maodel) (CoogrégatiOD des Missions
étrangères) 67,336 »»
Mission de la Compagnie de Jésus
auMaduré 3S,4(K) »»
A Mgr Feoelly, étêqae, vicaire
apostolique de Madras. . . >i . 19,000 »»
Poar la Mission de Vitagapatan. 6^010 »»
A Mgr Ceretti , évéque , vicaire
apostolique de Pégu et Ava (Mission
des Oblats de la sainte Vierge). . 60,000 >»
A Mgr de Bési , évéque , vicaire
apostolique du Quang-Tong , et ad-
ministrateur de Nankia.. . * • SO^OOO »»
A Mgr Rjzzolati , évéque, vicaire
apostolique du Hou-Qaoïig (MissÎM
des RR. PP. Blineurs Réformés. . 20,000 >»»
Au Vicariat apostolique du Chaa-
Si (Mission des RR. PP. Mineurs
Observantins) 14,000 »»
A Mgr Alphonse-Marie de Donato,
évéque , vicaire apostolique du
Chen-Si (Mission des RR. PP. Mi-
neurs Observantins). • • . , • ICyOfO »> •
PréGecture apostolique et Procure
des Missions Italiennes à HoBg-
Koag. M.OOO »»
A Mgr Pérocheau, évéque, vi-
caire apostolique du 8u-Tchuen
(Congr^tion des Missions étrau-
gères) Sl,14« «S
663,360 r. 40 c
Digitized by VjOOQIC
2»
Report
A M^ PoDSOt , évéqtte , inciire
apostolique du Yun-Nu m, CUiM
(CoDgrégttton des Missions étran-
gères)
Pour U Procure de la Congréga-
tion des Missions étrangères à Macao
A Mgr Carpena^ évéqne^ vicaira
apostolique du Fo-Kiaa (Misskm
des RR. PP. Dominicains). • • .
Au Vicariat apostolique du Tihé^
Kiaog et<iu Kinng-Si (Mismnsdaa
Lazaristes
A Mgr Baldus ^ é^êqua y Yieairn
apostolique du Ho-Nan (Missian
des Lazaristes). ...•••
Séminaire et Procure dts Lasa-
ristes à MacstO) y compris Us frab de
voyage des Missionnaires deslnéa
pour la Chine • »
Mission de la Compagnie, de. Jé^
sus en Chine • •
A Mgr Mouly^ évéque, vicftira
apostolique de la Tartarie Mbngole
(Mission diM Lazaristes). » . •
A Mgr Yerrolles, évéqne^ vicuPt
apostolique de la Mantchovrie (Cm**
grégation des Mssions étrangères) ..
A Mgr Ferréol, évéque, Tkaire
apostolique de la Coréa(GatgrégatioB
des Missions étrangèraa)» . » •
Misiot de Lieou-Tchoa (/i.)« «^
663,360 f. Me.
15,£84 51
37,043 »>
30^0M »
sc^ooe o
14,006 >»
L3,3»8 30
40,000 «•
11,000 »»
16,312 65
' 18,475 ••
876,113 f. 86 c.
Digitized
byGoogk
33$
Beport 875,113 r. 86 c.
A Mgr Hermosilla, évèque , vh
taire apotiolique du ToDg»Kiog
oriental (Mission [des RR. PP. ' Do-
minicains).
A Mgr Retord, évêque, vicaire
apostolique du Tong-King ociden-
tal (Congrégation des Missions
étrangères)
A Mgr Cuénot , évéque , vicaire \
apostolique de laCochinchiDeorien-
lale (Cougrégaûon des Missions
étrangères). . • *
A Mgr Lefebvre, évéque, vicaire
apostolique de la Cocbincbine occi-
dentale (Congrégation des Missions
éu-angères) • •
A Mgr Bouchot, vicaire aposto-
lique de la presqu'île Malaise (Con-
grégation des Missions étrangères).
A Mgr Pallegoix, évéque, vicaire
apostolique deSiam (Congrégation
des Missions étrangères). • . .
Pour le Collège général de Pulo-
Pinang (Congrégation des Missions
étrangères)
25,000
32,706
2S,896
25,275
22,895
26,000
l,036,S78f.86<u
HISSIOm n'ÀFtIQVB.
A Mgr Griffiiz , évéque , vicaire
apostolique du Çep de Bonne-Espé-
ranœ ( Mianoii des RR. PP. Domi-
nicains.)
28,000r.»>c.
Digitized
byGoogk
236
Report 34,000 f.»»c.
Pour les établissements des or-
phelins et orphelines et [autres œu-
vres et institutions dans le diocèse
d'Alger 71,029 20
Pour réuiblissement des RR. PP.
Trappistes dans le même diocèse • 12,000 »»
A Mgr Fidèle de Ferrare ,1 évê-
que , vicaire apostolique de Tunis
(Mission des RR. PP. Capucins). • 8,000 »•
Pour la Mission desRR. PP. Mi-
neurs Réformés à Tripoli de Bar-
barie 2,500 »»
A Mgr Solero , évéque , vicaire
apostolique de TÉgypte , et pour
les divers Rits Unis 40,000 »»
Mission des Lazaristes à Alexan-
drie d^gypte , y compris le solde
des constructions de la maison des
Frères de la doctrine chrétienne et
de celle des Sœurs de la Charité . 55,000 »»
Pour les Missions des RR. PP. Mi-
neurs. Réformés dans la Haute-
Egypte 6,000 ••
Pour les Missions de la Congré-
gation de Saint-Lazare dans TAbys- '
sinie 6t le Sennaar
Pour la Mission de Madagascar .
A Mgr Allen Collier , évéqiie ,
vicaire apostolique de l'Ile Maurice.
15,000
20,000
»•
»»
22,000
»»
279-,629
20
Digitized
byGoôgk
237
MISSIONS D^AHéftlQUE.
A Mgr Fleming , étéque, vieaire
apostolique de Terre-Neuve • • 10,00(K »ii
A* Mgf Provencher , évéque , vi-
caire apostolique de la Baie d'Had-
son ; 33,000 »»
Pour la Mission des Oblais de •
Marte immaculéeà la Baied'Hndson. 10,000 »»
Pour les Missions du Vicariat apo- ^
stolique de la Nouvelle^Ecosse. • 30,000 »»
A Mgr Donald Mac*DonaTd, évé«
que de Oiarlotte-Town. • • • 7^000 »»
A Mgr Power, évéque de Toron-
to (Haut-Canada). • . . • • 10,00& »v
A Mgr Phelan, évéque admiois*
traieur de Kingston (Haui-Canada). 10,000 »»
A Mgr Signay, archevêque de
Québec (Bas^Canada) . » , • 45,000 »•
A Mgr Bourget, évâi|ae de Monl-
réal (Bas-Canada). ..... 28,086 »»
Pour la Mission des O^ats de
Marie immaculée au Canada* « . 1&,000 »» '
Pour les Missions de la Compa-
gnie de Jésus au Canada*. • • .. 34,S00 9^
A Mgr Blandiet , évéque , vica&e
aposioliqnederOrégon . . . • 23,000 »«
A Mgr Loras , évéque de JMm*
que (Etau-Unis) ^ 30^000 »» '
A Mgr Lefévère , <évêque eoeé^ '
jutewr et administrateur du Détrek
(Etats-Unis) .....-,•. 30^^000 »»
310,580 »•
Digitized by VjOOQIC
33<
Report 31 0,580 f. »»c.
A Mgr Purcell j évéque [de Cin-
cinnati (Eut&^Unis) 16,000 »•
4 Mgt Kevick, é\éqae de Phite*
delphie (Etats-Unis). ^ * - ^ 11,000 »•
A Mgr O'Connor, étdqcre de PiU-
slxiiirg(Eta^lftu8). . , . . 30,000 »*
A Mgr Wbelan , évéque de Rieb-
moad (Btau-Upis) SO^MO »•
A Mgr Hughes , évéqw de New-
YoKk (EMs^Jnis) U,000 »»
AMgrTyler, éTèqat dllartféitl
(Eiats-Uftîe) 8,000 »i»
A Mgr Miles , iyéqÊt de Nasb-
ville (Erdt»4)Als) / 18,fitd »»
A Mgr Flaget , Mqf$e de Lom-
ville (EuiSrUtis) 30,950 »»
A Mgr de la Hailaaiiège , Mqm
de VtticMMS • 66,000 »»
A Mgr Kenrick , éirlqMddSaiirt-
Louis (BÎitt-Uois) Sfi.OtO »»
A Mgr Henni, Mqm de IfttunMh
kie (Etan-Uni^ 95,000 •n
A Mgr Ryme, évécpie de Uttlt-
Rook(EiM»*Uab). ..... 16,000 »»
A Mgr Quarter, èfàqm de dit-
cag» (EiMft^Uiib) 2«,000 »»
A Mgr Cbancbes , éiêfK éê Nm-
cbei <BM»4J«b) 8A,M0 »»
A Mgr BhQe, éréqMde la !lo«-
velle^Iéans (Eut^UUs) . . • 96v050 m
A M^ border, éféqve de Mo^
664,580 »i»
Digitized
byGoogk
93»
Report 664,5S0f. »» c.
bile (Btats-Uois) 30,000 ••
A Mgr Reynolds , évêqiie de
Charlestoa (Etals- Dois) . . . . 40,000 i»#
Pour les Missions des Laiarisies
aux Etats-Unis «;.... 40,000 •»>
Pour les Missions de It Qom-
pagnie de Jésus au Missouri (Etato- |
Unis) 13^0«0 •»
Pour les Missions de la même
Cooipagnie aux Montagnes Rocheu-
ses (Etats-Unis) &8,86S 61.
Pour les Missions des RR. V9.
Dominicains aux Etats-Unb. • . It^OM »»
A Mgr Odin, évèque, vicaireapo-
stolîque du Texas (Mission des La-
zaristes) 4&,flflD «»
A Mgr Smith , évéque , vicaire
ifpostoliqae des Antilles anglaises • 9ft,(Hlft »»
A MgrFemandez, évéqae, vicaire
apostolique de la Janmîqne. • • 4,000 »»
A Mgr Hynes , évéqae adminis-
trateor du Vicariat apoiîoliqiie de It
Guyane Britannique . • • • • 3^,000 •»
A Mgr Niewindt, évéqoe, vi-
caire apostolique de Curaçao ' • • 90,000 »»
Pour la Mission de Sariiia«i« • 13^040 ••^
Pour les IGssions de la Gonipa-
gnie de Jésus dans rAnéricpe du
Sud. ........ . 15,00t •*
t, 0^2,448 61
Digitized
byGoogk
946
HISSIONS DE L'QCiktHlE.
A Mgr Grooff, évéque, vicaire
apostolique de Batavia • • • » 20,000 »»
Pour le Vicariat apostolique de
rOcéanie orienlale ( Missions de la
Congrégatio| de Picpos). . . • 112,932 16
A Mgr PoQipallier , évéque , vi-
caire apostolique de la Nouvelle-Zé-
lande (Missions des RR. PP. Ma-
ristes) . ♦ . 50,000 »»
A Mgr Epalle , évéque , vicaire
apostolique de la Mélanésie et Mi-
cronésie (Missions des RR. PP. Ma-
ristes) 100,000 »»
A Mgr Batailon , évéque , vicaire
apostolique de TOcéanje centrale
(Missions des RR. PP. Maristes). • 55,050 » »
A Mgr Douarre, évéque, .pour les
Missions des RR. PP. Maristes dans
la Nouvelle-Calédonie 25,050 »»
Pour la Procure de la même Con-
grégation à Sydney (Australie). . 40,000 »»
A Mgr Poldtng, archevêque de
Sydney (Australie) . ... . . 10,000 »»
A Mgr Hampbry , évéque d'Adé-
laïde (Australie) 10,100 »>
A Mgr Brady , évéque de Penh
(Australie) , 51,270 •»
A Mgr Willson, évéque d'Hobart-
Towii (Terre de Van-Diémen) . . 6,000 »»
480,402 16
Digitized by VjOOQIC
2*1
MISSIONS DE LA CHINE.
Lettre du P. Clavelin , Missionnaire de la Compagnie de
Jésus en Chine^ à un Père de la même Société*
A bord du ThomaS'Crisp , à doaie lifuet de Cbang-haî,
13 octobre 1844.
« Mon RivÉEBND PèftE ,
« Nous voici donc enfin au lermerd^ nos désire* Booore
quelques heures , et nous sommes .dans les bras de nos
frères. Sur le point de terminer un voyage bien kwi^ et
irès-beureui , on sent tout naturdlementses penséess'é*
lever au del , en action de grâces de la protection cons-
tante dcmt il a bien voulu nous favoriser , puis, redescen-
dre ei s'suréter avec une délicieuse eflîision , au souvenir
des personnes qui nous Pont obtenue par leurs prières.
« A peine sortis de Hong-Kong , nous avons eu vent
conuraire , puis un calme plat qui nous a retenus une se-
. maine entière en vue de cette tle. Nous avons alors re-
couru à nos armes ordinaires , aux neuvaines ; nous en
avons commencé une en l'honneur de Notre-Dame des sept
Tox. xnn. 106« 16
Digitized by VjOOQ IC
242
douleurs ; mais ce fui d'abord sans succès. II nous vint
alors en pensée d*y ajouter les Litanies de saint Joseph ,
et , le jour même » nous obtenions la brise la plus favo-
rable , comme si Marie eût voulu nous rappeler que
des Missionnaires ne pouvaient entrer dans le céleste em-
pire , que par la protection immédiate de celui qui en
est le grand Patron. Le ciel devint superbe , et notre na-
vire glissait sur une mer unie et tranquille , de manière
à nous faire presque douter de son mouvement.
« Quand nous îdmes h la hauteur de Formose, la mous-
son contraire se déchaîna contre nous avec une rigueur
étonnante. Ce jour- là même notre capitaine fit entrer son
navire dans une espèce de rade , formée par le continent
et quelques lies , pour le disposer à mieux soutenir Tac-
tion de ce vent malencoatreux. Lorsque nous remîmes i
la voile , il avait entièrement cessé. Cependant , comme
nous étions très-chargés, le capitaine ne voulut pas s'ex-
poser au gros temps de la pleine mer ; il prit le parti
de longer la côte , à travers les innombrables lies ,
grandes et petites , qui bordent le littoral de la Chine.
Ce genre de navigatkNi étak bien aouveau pour nous ,
«ccoatumés que nous étioBs aux aHures et a«x bordées
gTMdioies de la Sirène ^ qui fuyak k terre oomne son
pitts dangereux ennemi. De plus , comme le vent, qeai-
que faible, nous était le plus 80«vent ooniraire> et que
le tempe a été constamment beau , noua avons eu tout le
ïMr de considérer à notre aise les rivages de Pempife
ehinois. Nous en approcbionsassee près povr poimiir es
apprécier la végétation et les productions variées* Nous
avons passé devant plusieurs villes et nombre d^vîllages,
et le plus souvent nous étions entourés d'une foule consi-
dérable de barques de pêcheurs : nous en avons compta
me fois jmqu'à .cent cinquante. Rien n'est plus simpli»
Digitized
byGoogk
S43
que la Tie de cette population flottanle : du riz , du
poisson et de Teau , voilà sa nourriture; le fond de la
^barque lui sert de lit ; le bambou fait à lui seul {»*esque
tous les frais du mobilier : le mât , la voile , le vast
pour vider le canot , les tasses à boire , la boite qui ren*
ferme les instruments propres à allumer le feu , le souf-
flet même, tout est de bambou. Nous avons aussïjeté
Tancre plusieurs fois pour renouveler nos provisions.
Libre alors à chacun dé descendre à terre et de s^y pro-
mener en toute sûreté. Nombre de Chinois sont venus i
notre bord , pour voir un vaisseau européen , et vendre
les produits de leur culture ; tous nous ont paru d'une
bonne pâte d'homme , si Ton peut s'exprimer ainsi , el
d'une grande gaieté.
€ Nous avons pu ainsi nous former une idée assez
juste de plus de trois cents lieues du littoral chinois. Cest
une chaîne contmuelle de montagnes élevées ; rarement
on aperçoit des terres basses qui permettent à Tœil dé
pénétrer dans l'intérieur. Ces montagnes , conune lés
Iles , sont en général un peu desséchées , roeaillemes l
et presque entièrement dépouillées d'arbres et d^arbrisi-
seaux : je n'ai pas encore vu une seule forêt. Mais «n rt^
tanche , les terres sont parraitemeut cultivées ^ vola
nature Ai terrain.
« Comme vous le voyez , ce mode de navigation n'é-
tait pas saifs quelque charme ; nâais , comme tous le»
autres, il avait aussi ses inconvénients. Dans la nuit da
1^ au 2 octobre , le vent étant très-faible , on jeta Tan-
cre pour n'être pas emporté par les courants. Le lende-
main , quand nous voulûmes partir , notre navire rest»
immobile ; il était embourbé au point de ne caler plus
que six i sept pieds d'eau , lui qui en demande treize.
Heureusement la marée haute nous remit à Oot,«t, aprSs^
Digitized by LjOOQIC
U4
avoir laboaré la vase pendant près d*une heure ^ nous
pûmes enfin gagner une mer plus profonde. Au nulieu de
ces dangers , la confiance en la divine Providence ne nous^
a jamais manqué , el la gaieté n*a pas cessé un ùu^tani
de régner dum notre petite république*
« Cest ainsi , mon R. Père , qu^en allant i petites
journées ^ nous avons fini par arriver i Chusan , le 8
oclobre. Nous avons mis vingt-sept jours pour faire deux
cent quatre-vingts lieues. C*est un peu long ; et cepen-
dant , nos Pères qui nous ont précédés , trouveront , j*en
suis sûr , que nous avons été fort heureux , eux qui ont
employé deux mois à faire le même trajet , avec la per-
spective plusieurs fois renouvelée d*un naufrage asset
prochain.
« Pendant quarante-huit heures passées à Chusan ,
nous eûmes le loisir de visiter Ting-hac , la ville capitale,
ei ses environs. Chusan estxomme la reine de TArchipel
qui porte ce nom. C'est vraiment une des clefs de la
Chine* Maîtres de ce point , les Anglais peuvent , dans
un jour ou deux , s'emparer avec la plus giunde facilité
4as conduit^ aliipe&taires de Tempire , et TaflOuner en
<faelqi\es mois » sans qu'il soii nécessaire de. recourir aux
armes. Son port est vaste , profond ^J)ien abrité; les
vaisseaux peuvent y mouiller à quelques minutes du ri •
V2^e. La plaine est très-bien cultivée , et la fertilité du
sol répond aux soins qu*on lui prodigue. Le riz donne
jusqu'à trois récoltes par an. Cependant , comme la cul-
ture , cell a des patates douces surtout , a envahi jus-
qu'aux sommets des montagnes , les terres sont toutes
déboisées, et Taspect de Tensemble est très* peu pittores-
que. Il y manque cet agrément , ce charme que donnent
ks, bosquets , les lorèts , les haies viVes et les belles
Digitized
byGoogk
246
ririères. A Ckusan PagréaUe a été presque enUèrement
sacrifié à TuUle : aussi , ceux qui ne visent qu'au positif,
ne tarissent pas en louanges sur la richesse et la fécon-
dité de nie.
« Ting-hac , la ville proprement dite de Chiuan , est
assise k une demi-lieue du rivage , et occupe le fond de
la petite plaine dont je vous ai parlé. Sa population ae-
tuelle peut être encore de quarante mille habitants ,
quoique pendant la guère elle ait perdu deux grands
quartiers , celui des mandarins et celui des magasins pu-
blics. L*un et Tautre ont éié détruits de fond en comble.
L'enceinte des anciens murs de la ville existe encore ,
moins ce que les Anglais ont abattu pour avoir les ma-
tériaux nécessaires à kurs établissements militaires. Les
maisons chinoises sont peu élevées; les rues^ en général
mal percées , mal pavées , sont de plus encombrées et
envahies par les avant- magasins qui les bordent de cha-
que c6ié. Nous sommes entrés dans les prindpales bou-
tiques : on nous a toujours fort bien reçus ; partout on
nous appelait Foulomcis j Français ; et les Ft*ançais ici,
comme partout ailleurs en Chine , à ce qu'il paraît, sont
trës-aimés* On peut dire d'une ville chinoise : qui a vu
une rue , les a vues toutes , tant elles se ressemblent.
« Ce qui nous a le plus frappés à Ting hac^ c'est Tan-
cienne pagode, aujourd'hui convertie en caserne pour les
soldats anghb. Elle se compose de plusieui s corps de bâ-
timents. Dans le premier, qui sert pour ainsi dire de vesti-
bule , se voit tout en entrant , sur une espèce d'estrade
et enfoncée dans une niche , une idole de Bouddha ,
sans doute pour donner un avant goût de dévotion envers
ce Dieu , qui est le plus révéré des bonzes et du peuple;
c'est aussi le principal personnage de ce temple. De cha-
que côléda vestibule, à droite et à gauche de Bouddha ,
Digitized
byGoogk
2«S
86 trouvent deux autres statues , les plui énormes que
faie jamais vues. Elles occupent tn largeur un espace
de plus de vingt pieds , et en hauteur chacune d'eltesatr
teint au moins une égale dimension. Ces divinités chinoi-
ses ont des têtes à la Gargantua , des yeux qui sortent
de leur orbite , une figure enluminée , un rire bête
et respirant tout autre chose que la vertu : on dirait
un Baccbus sur le tonneau qu'il vient de vider , et
leurs ventres pourraient au besoin servir de greniers
publics. Tout est bien doré, et cependant d'une laideur à
mettre en fuite les spectateurs. C'est vraiment Je chef-
d^œuvre du diable de pouvoir se faire adorer sous des
figures aussi hombles.
« Mais ce n'est là que le vestibule ; traversons la cour
qui nous sépare du temple proprement dit , et entrons
dans le sanctuaire. Voyez-vous au milieu de cette vaste
salle , sous ce baldaquin élancé , à colonnes et i jour ,
ces trois énormes et gigantesques statues ? C'est, dit-on ,
la trinité de Bouddha. Celui-ci occupe le fond de la
scène , le dos enfoncé dans nne espèce d'écaillé de pois-
son ; vous le reconnaissez toujours à son gros ventre et au
cachet qu'il porte sur le front. Les deux autres idoles sont
dans la même attitude, et n'ont pas de caractère disiinc*
tif. Entre elles et Bouddha , un peu plus bas cependant ,
«t dans des proportions moins grandioses , se trouvent
deux diables destinés à les défendre contre leurs ennemis.
Mais si ces dieux peuvent être défendus , ils le seront
surtout par ces deux autres personnages dont ils sont
flanqués à droite et à gauche : ils sont aasis dans une
espèce de rose ou d'œillet , planté sur le dos , l'un d'un
éléphant , et l'autre d'un gros monstre que je n'ai pu
reconnaître.
« Tournez autour de ce monwnent qu^on pourrait ap-
Digitized by VjOOQ IC
547
peler le maître-autel de la pagode , et voyez comment
Fidolâtrie a singé le Christianisme. Examinez cette belle
niche qui s'élance à plus de vingt pieds; considérez la sta-
tue de cette femme qui l'occupe : elle est debout^ les pfeds
sur un animal, entouré d'une vingtaine d%sprhs célestes.
Comme ce demi-jour qui vient d'en haut fiait bien sur
ces peintures I quelle lumière mystérieuse il répand
sur tout cet ensemble ! Sur le devant et plus bas , s'é-
lève l'autel, que parent de chaque côté deux petites ni*
cfaes portatives , comme nous en avons pour nos Saints ;
au milieu est la pierre du sacriGce. Ne dirait-on pas que
nous sommes devant un autel dédié à notre Vierge îm*
maculée , par exemple , dans la nouvelle chapelle de
l'église de St.-Sulpice à Paris? Mais hélas I au lieu de
Marie , c'est la déesse de la mer , debout sur un dauphin,
et escortée d'une troupe de petits diables.. •• Tous les
Européens oint admiré ce monument , et il n'en est aucun
à qui cette vue n'ait rappelé les sanctuaires que le Chris-
tianisme élève en l'honneur de la Mère de Dieu.
« À droite et à gauche de cette immense salle ^ sont
rangés les simulacres de vingt-six dieux différents , tons
avec une position et un accoutrement particulier. -C'est le
polythéisme chinois en action. Le fond de l'enceinte est
occupé par dix-huit autres statues , représentant les sa-
ges et les savants du céleste empire. Ces statues qui ont
toutes de huit à dix pieds de haut , sont fort bien dorées ;
au reste , sous le rapport de l'art , elles sont absolument
■ailes , et ne rivalisent entre elles qu'en disproportiofis
efaoquantes ; c'est à qui fera les plus vilaines grimaces «
présentera le plus gros ventre et roulera des yeux plus
hagards. Mais malbenr est arrivé à celles qui ont , par
quelque proéminence singulière , attiré Tattention des
Anglais : les soldats se sont amusés à les mutiler ; Tun
Digitized
byGoogk
248
faimi sauter le nés à cdoi-d , l'auire les cornet à celai-
là , an troisième s'auaquait aux dents ; c'est ainsi que
le panvre Boaddba a perda toutes les ûennea. Ce temple
a aussi sa tour ; son bourdon qui donnait autreibisie
signal de la prière , est remarquable par sa grandeur ,
par la finesse de son grain , par la perfection des carac-
tères de rinscription qu'il porte ; et si ton bord , au lieu
d'être denté, était uni et horizontal, il ressemblerait asses
aux cloches de nos églises d'Europe. Quant au logement
dçs bornes, il n'y a rien qui soit digne de fixer l'attention»
« En quittant cette pagode , nous montâmes sur une
colline qui est dans l'enceinte des murs , et d^où la vue
s'étend sur toute la cité , sur le port et les alentours.
C'est en escaladant cette hauteur que les Anglaisseaont
rendus maîtres de la ville , au début de la seconde
guerre. Lorsqu'à la suite d'une première trêve , qui fat
bientôt violée, les forces britanniques évacuèrent TVfijf*
Aoc, les Chinois , pour se mettre à Tabri d'une nouvelle
invasion , se butèrent d'élever une forte digue à l'en-
droit où les Européens étalent naguère descendus, et ils
l'armèrent de cinquante pièces de canons. Les Anglais
en effet, ne tardèrent pas à revenir ; mais voyant le lieu
de leur premier débarquement fortifié par l'ennemi , ils
tournèrent tout simplement la position ; un de leurs ré*
giment« attaqua la ville sur un point opposé , et y entra
après une courte résisunce , au grand étonnement des
Chinois qui disaient : « Ces barbares sont des sorciers ;
« nous avions bien fortifié cet endroit , et au lieu de
« venir contre nos canons , ils sont allés prendre la
« ville par un autre c6té, laissé presque sans défense. »
Voilà qui doit vous donner une haute idée de la sdence
miliuire de ces Chinois*. Us ne connaissaient pas non
p'us l'usage de la bombe. La première fois que les An*
Digitized
byGoogk
249
glais leur en lancèrent quelqiies*unes , voyant qu^elles
ne venaient pas droit comme un boulet , mais qu'elles
tombaient d'en haut , ils se contentaient de s*écarter pour
leur faire place, puis se précipitaient sur elles pour exa-
miner un projectile si paciGque au premier abord. Jugez
de leur étonnement et de leur épouvante au moment
de Texplosion.
M Nous sortîmes aussi dans la campagne pour voir de
près la culture du riz» A use petite lieue de Ting-hac ,
nous trouvâmes une pagode agréablement placée au mi-
lieu des bosquets : c'est un pèlerinage très en vogue ;
les dames chinoises ne manquent pas d'y aller plusieurs
fois dans le cours de l'année , et elles y laissent de ri-
dies présents. Là encore sont des statues de Bouddba et
compagnie , à grosses léies et à gros ventres. Nous eu*
mes beau demander le bonze, il ne voulut pas se mon-
trer ; ce qui ne nous ettipécha pas de parcourir le tem-
ple 9 en ouvrant nous-mêmes toutes les portes et les
sanctuaires. Pour se rendre à cette pagode , on traverse
un grand nombre de tombeaux , une vraie nécropole ;
car ces tombes couvrent les collines environnantes sur
un espace de trois ou quatre lieues carrées. A part quel -
ques monuments de mandarins^ les autres sépulttures ne
sont que des amas de terre voués à l'abandon ; ou voit
beaucoup de cercueils en bois , qui contiennent encore
les cadavres à moitié découverts; les chrétiens seuls les
enterrent dans des fosses.
« Si Chuion réunit unt d'avantages , on a vraiment
raison de s'étonner que les Anglais ne l'aient pas préféré
k Hang'Kang, où ils sont décimés par les fièvres du pays.
C'estqu'ils ont aussi perdu beaucoup de monde ici dans
les premiers temps de l'œeupation s leur tort, à oe qu'il .
parait , est de n'avoir pas observé que œs pertes pro-
Digitized
byGoogk
250
venaient de causes accidentelles , et non du climat com-
me à Hong-Kong. Aussi , maintenant que la salubrité de
Chusan est parfaitement constatée , les autorités anglai-
ses regrettent beaucoup cette tle ; quelques-uns même
pensent que leur intention est de s'y maintenir, et de ne
point quitter une position aussi favorable. D'après les
traités , Chusan doit être rendu an commencement de
1846 , si les frais de la guerre sont payés à cette époqne,
et ils le seront sans aucun dotftte, pvîsqa'avjourd'faui ik
le sont presque eniièrenent.
« Et la Religion ciihoUque , oà en est-elle à Chusan?
Il y a deux Bliâsîonnaires laaaristes : Tun Européen , M.
Danioonrt , a fixé sa demeure jmi milieu des Français
près du port ; l'autre , Chinois de naissance , réside à
Tmghae , où il travaille à former une ehrétienté ; mais
ses compatriote A se montrent peu disposés à embrasser
la foi ; oa n'en compta pas plus de vingt qui se soient
fait bapiiser.
« Les forces britanniques dans cette lie peuvent mon-
ter à douze cents hommes , dont deux cents, Indiens d'o-
rigine , sont païens ou mahométans. Durant la guerre »
ces soldats noirs se sont portés à de tels excès qu'il en est
résulté au fond des cœurs , surtout dans la classe qui
n'est pas commerçante , une aversion profonde pour le
nom anglais, un ressentiment qui n'attend peut-être que
Toccasion d'éclater. Le gouvernement chinois qui connaît
sa faiblesse , prend les iitsoret les plot énergiques pour
dimprimer les élans de cett e haine» Ainsi ^ eeux qui
ont brâlé lee fadoreries anglaises i Caatoa , ont été
condamnés à être attachés à vm pieu sor une place de
cette vtUe ,el à BMUrir de fiedm. La sentence a été exé-
cutée. D'autres avaient nasstcré m équipage anglais ,
Digitized
byGoogk
• 351
luittflragé sur les €0168 ; on les a aomiés i Micao , &tta<-
chés arec des cordes qoi leur traversâiest les mains ;
puis 9 coMhhs à Camoo , ils ODt élé exéeutés publique*
ment. 11 n'y a pas longtemps que trois bâtimentt de la
oième fiattMi,ayaatédioifé8ur les écoeils de rtleFbrmose,
les marins qui les mentaient ^ environ deux cents boas-
mes , ont été égorgés. On attend encore le diâtiment de
eetie barbarie. La conr de Pékin s'en ooeupe , et oomsie
les Chinois savent a« moins proportionner la peine su
erime , on espère qu'après une punition éclatsnte , cette
ne cessera d*étreinhospitaKère ; les étrangers pourront y
aborder , et avec eux h lanière de^rEvangile* Déjà la
sacrée Congrégation a offert cet apostolat aux prêtres des
Missions étrangères, et Ton (feux, M. Bsrantin, est resté
Faonée dernière sur le continent en faee de cette !le ,
pendant près de quatre inois , cherchant par tous les
moyens a y pénétrer ; mais il n*a jamais pu trouver un
seul Chinois qoi foulùt le suivre, ou même le jeter sur
les efttes ^ tant le danger est évident.
« On nous avait dit en France que les femmes chi-
noises ne paraissaient pas dans les rues. A Chusan , au
moins, il est loin d'en être ainsi. Oa en voit un très-
grand nombre, et toutes avec leurs pieds extrêmement
petits. Ce qu'il y a de mieux en elles , c'est la modestie
de leur babillement; elles sont vraiment admirables sous
oerapport , surtoot celles qui semblant appartenir à un
rang plus élevé.
c Comme Paris et nos villes d'Europe , Ting-hac a
aussi ses fashionables. Je me plaisais déjà , à Hong-kong^
à les voir se promener plusieurs ensemble dans le quar-
tier le plus fréquenté , avec leurs souliers-sabots retrous-
sés, leur pantalon de soie lustrée et brune, tranchant
Digitized
byGoogk
S6S *
snr leortbeanx bat bfauict à ooature, ec leor fcrt pile-
tôt qui ▼€BtiC s'agrafer avec grâee aar répanle droitti
Us oot la télé et la barbe bien rasées; leur qaeae, pei-
gnée et tressée atec le plos grand soin, gestkiile der-
rièreeux o« se repose négligemment snr leurs épaais,
tandis que le oordoo de soie, qni h termine en rallon-
geant. Tient battresor lenr poitrine. Lenrs maim sont
ornées de qoelqoes ongles d'nn ponce de longnsnr;
rnne eit armée d'nne légère badine on du paraplnie,
et Tautre de réveniaU poor se rafraîchir le visage oa k
protéger contre les ardeors dn sdeîLCea dans ce dernier
cas » lurtont , que In pose dn fosUonable est à peindre ;
sa léte est découYcrte , sa fignre s'épanonit » ses maniè-
res sont dégagées; on sent que, s*il cherche à voir, 1
aspire bien davantage à être yu. An moins ces dandjs
sont-ils d*une propreté remarquable, qualité qu'on li-
merait à rencontrer pins souvent parmi les Chinois.
« On espère beaucoup de notre ambassade, et toas
les Missionnaires sont persuadés qn*il n*y a qu'à deosB-
der la liberté des cultes pour Tobtcnir (1). Si les Anghii
nePont pas iait, c^est qu'ils n'y ont pas pensé, et ce qni le
prouve , c'est l'article qu'ils ont fait insérer dans le traité
supplémeniaire, article o& il est stipulé que les Chinoii
ne doivent plus metire à mort les Missionnaiires enropéenk
« En retour de cette grande fiicilité à tout accorder,
les autorités danoises n'exigent qu'une senle chose dei
négociateurs , c'est qu'ils n'aillent pas à Pékin. De U
mille suppositions, mille conjectures. Les tms disent qoe
(1) Nos kdeiirfl MTfDl ^e ceUe liberté a été eo effet doDêaàét H
obtenue ; l'édit impérial ^i V«€oorJe , eft petK'rieor de devx noit ^ ^
date de cette leUre.
Digitized
byGoogk
Tempereurest fou , et qu'on ne veul pas que Tunivers en
soil instruit. D'autres soutiennent que ce prince ne sait
encore rien de la guerre qui a eu lieu avec les Anglais, ni
de kl présence de ceux-ci dans son empire. Ils ajoutent
qu'étranger à Tadminisuration de ses États, il la laissa
tout entière entre les mains de quelques premiers mi-
nistres.
« Nous avons quitté Chusan le 10 octobre, et nous
allons bientôt mouiller à ff^oosung , entrepôt des mar*
chaodises anglaises, placé à Tembouchure du fleuve sur
lequel est bAti Chang-hai^ à dix ou quinze miUes dans
rintcrieur. Notre capitaine doit j déposer une vingtaine
de caisses d'opium ; il n'est pas permis d'en porter à
Chang-haû
« Vous avez déji beaucoup entendu parler de la fu-
neste passion qu*ont les Chinois de fumer l'opium ; elle
sera la ruine du céleste empire. D'abord , elle finira par
épuiser son numéraire. On ne peut apprécier les sommes
qu'elle fait passer dans les coffres anglais. La maison
Mathesson occupe , à elle seule , trente navires à ce com-
merce ; et une caisse d'opimn , qui peut avoir deux pieds
carrés, se Tend maintenant deux mille piastres. Hais
cette perte d*argpnt est Uen peu de chose si on la com-
pare à celle que fait éprouver au moral de l'homme l'usage
dé ce poison. Le fumeur d'opium insère dans sa pipe une
petite boule de cette drogue, grosse comme une tête
d'épingle ; puis^ couché sur sa natte, il approche sa pipe,
ainsi préparée, d^one lampe allumée près de lui ; il en
tire deux ou trois bouffées et en savoure la douceur. Une
«orte de langoenr s*insiaiie dans ses membres , ei Toiià
toute sa félicité. Mais bitnite les sets sfémoussent ; on
ne sent plus rien, sinon le besoin physique comme d'une
faim qu'il ftmt rassasier* C'en wn prostration de forets
Digitized
byGoogk
t&4
qui &'éiend j«8qne swr le moral^ ait point qv'auboutde
quatre ans av plus , mu fumeur habituel defieat inha«
bile à remplir umte charge, à continuer même soi né»
goce. Il ne tarde pas à fiaire deé perles*; il se ruine, de*
^ vient crapuleux , brigand , et meurt d'une manière digie
de ces titres* L'osafe [de Topium abrutit dans toste
la force du mot; aussi les marchands eux-mêmes regar»
dent-ils ce commerce comme inËlme ; mais Timmense
gain qu'il procure fait passer pardessus toutes ces con-
sidérations.
« ^Angleterre qui fait ce trafic, prospérera-t-eDe ton-
jours? Dieu le sait. Toutefois il]est certain qu'elle est entre
ses mains un moyen puissant de propager la vraie Religios.
Espérons qu'elle le sera encore pour d'autres pays, comme
elle Fest maintenant pour la Chine* Déjà les noovsaox
comptoirs regorgent de ses marchandises» de son graia«
de ses toiles^ de son ctton^ deses fers, etc.» etc.; elle
commerce réclame de nouveaux débouchés. C'est sur le
Japon , dit^on , que plusieurs maisons commerçantes ont
les yeux tournés. Le navire le Moris$on a été envoyé pir
l'une d'elles pour explorer ce pays. Après avoir toadé
aux tIesIZieoii-cAÂeoci, il est entré dans un des porttds
Japon, mais sans pouvoir communiquer avec la terrt.
Des forts on a tiré sur lui ifuelques coupa de caaonii
et très-maladroîteBieBt, pnisqae pas ua seul boulet n'i
porté. Cela fait penser ^'il pourrait bien en être desfa^
ces militaires si vantées du Japon, comme de celles d^h
Chine , et qu'une iréfate bien résolve l'auraît biennk
forcé k cesser d^dtrepcfséoviaiiru Oa assure qa'un boà
àm gouverMiaentesteiMOM t«rks oAlesdeeecafdiipflb
cherchant i ne lue aiiaquer, nuis aaas donner de jMWi
niocife; c'est afin d'en avoir eMUile pour altar» avec dtf
fMces respectables^ émmmàer ans laponaia raisM dt
Digitized
byGoogk
255
cette agression , de cetle violation du droit des gens.
M. ramiral Cécile» à qui les Chinois ont donné le beau
surnom d'homme vraif brûle d'envie d'aller canonner le
Japon avant de retourner en France»
« Que Dieu daigne jeter un regard de miséricorde
sur ces lies infidèles! Le sang des martyrs, dont elles ont
été inondées , sera une deuxième fois , nous Tespé-
rons , la semence de nouveaux chrétiens. Nous pou-
vons par nos prières hâter cet Aeureux temps , qui
ne parait pas, du reste, fort éloigné, où il sera donné
à quelques membres de la Compagnie d'aller encore
planter la croix sur cetie terre si chère à saint François
Xavier.
«14 octobre. — Nous voici arrivés à fFoo-sung^ et
nous avons déjù levé l'ancre pour nous diriger sur Chang-
hai. De notre navire, nous avons aperça ce matin , pour
la première fois, les rivages de notre chère Mission. Ce
ne sont plus de hautes montagnes, comme avant d'arri.
ver à Chu$an\ ce sont^ au contraire, des terres extrê-
mement basses et qu'on ne voit, pour ainsi dire, que
quand on est dessus. Nous avons mouillé ici au milieu
d'une dizaine de bâtiments européens, presque tous
obargés d'opium. Qvtnd je vois !• tèle que ces empoi-
sGoneurt déploient pour se procwer quelques riebeascB
périssables, les dangers anxiqiieb ib s'eiposent, les
privations auxquelles ib se soumeUent, je bm dis inti-
riettreme&t , en peMVil au boaliew de notre vocntfèa :
USeigneurn'aparfaitceiiefèmur étêm^ Attasipoor
témoigner à Dieu noire reooMMMMoe, HMSiemottS cpe
c'est bien peu de souffrir pour tau ee que iMit d'auCrw
endurent pour le démon ; et cependant ce Dieu est si
bon qu'il veut s'en contenter , qu^I nous promet même,
si nous le faisons , un bonheur sans fin.
Digitized
byGoogk
256
« 18 ociobre. — Je reprends ma lettre, que je n'ai pu
vous envoyer de Changeait et je vais continuer» mon
R. Père , à causer encore un peu avec vous ; je veux vous
conduire dans notre petit séminaire oà nous somiqes tous
réunis en ce moment*
« Quand nous mouillâmes devant Chang-hai , le
15 octobre, il était nuit. Pensant bien que nos Pères
étaient aux aguets ^ur connaître notre arrivée , nous
attendîmes tranquilleineut qu'une barque vint nous cher-
cher de leur part. L^ consul^ qui nous est tout dévoué,
donna aussitôt avis de notice présence à Mgr de Bésî , et,
à trois heures du matin, une barque mystérieuse vint
s'accoler tout doucement à notre navire; un Chinois nous
remit une lettre du P. Estève, qui nous disait de venir
|0Ut de suite le rejoindre , et de nous abandonner avec
confiance entre les mains des chrétiens qu'il nous envoyait.
Comme nous étions restés habillés, nous ne Ames presque
qu'un saut de notre lit dans la barque. Après avoir re-
monté le fleuve l'espace d'une demi-lieue , elle nons dé-
posa tranquillement sur le rivage, i trois ou quatre mi-
nutes de la demeure de Mgr le Vicaire apostolique.
« Bn foulant enfin le sol de notre Mission , comme
les noms de JéMt et de Marie venaient vite , et pour ainsi
dire d'eux- menas, ae pbeer sur nos lèvres | Un instant
après, notts avions le plaisir, jt ne dis pas d'embrasser
le P. Estève, car c'ait un plaisir prohibé devant les Ciii-
sois , mais bim de le voir , d'être près d*ua frère , et de
loi 6ûre tontes les qnestioM que vous auriez faites vous-
néme an pareille ciroottstaaoe.
« Tontes nos Messes , comme vous le pensez bien ,
mon R. P., ftireni dites en action de grâces. Après le
déjeuner, il fallut procéder à notre nouvelle toilette , car
Digitized
byGoogk
267
nous étioDS descendus avec nos habits européens. Le
gros couteau>-rasoir chinois eut bientôt fait tomber nos
perruques de barbares , et nos chrétiens riaient de bon
cœur à la vue des ravages qu'ils fai&aient sur nos têtes.
Ils n'ont presque laissé d'intact que la place de la tan-
sure^ et c'est à ee tonpet qu'ils ont attaché, tant bien
qne mal ^ une queue de trois à quatre pieds de longueur.
Pour compléter la métamorphose, une camisole blan-
che y une culotte de même couleur , dont les extrémités
entrent dans de grands bas à couture , remplacèrent re-
dingote, gilet, pantalon , etc.; mais ce n'est là que Tha-
billement de dessous. Nous mimes ensuite une grande
robe de toile mince, couleur nankin , d'une coupe et
d^une taille qui rappelle assez bien l'habit de la Compa-
gnie, et par-dessus encore , un beau camail à manches ,
de drap'bleu. Aux pieds des souliers-sabots retroussés »
une calotte noire sur la tête , ou , dans les grandes cir-
constances , un vrai bontiet chinois. Voilà notre véte-
mient complet. Je fus exécuté le premier , et quand je •
reparus aux yeux de nos Pères , ils ne me reconnurent
pas, tant f avais l'air chinois. Nos chrétiens le disent
eux mêmes, et ils ajoutent que j'ai beaucoup gigné à
changer de costume. Je n'ai pas de peine à le croire. Si
ce n'étaient ces souliers qui me blessent un peu les pieds,
mon nouvel accoutrement me plairait beaucoup, et je
«uîsmétne tout fier de sentir cette queue d'un autre ges-
ticuler sur mes épaules; tant il est vrai , mon R. P., que
le bon Dieu soit tout adoucir!
« Ve^s midi , je me suis mis en route avec les PP.
Languillat et Rafiin, pour aller à IVam-dam^ au petit
aémînaire de la Blission, voir Mjr et les PP. Gotteland
etBrueyre. Grâce à une marée contraire, nousn'arri-
^lAmes qu'à trois heures du malin ; il n'y avait cependant
To«* xvin. 106. 17
Digitized by LjOOQ le
268
f qa^me distance de trois à quatre lienes* Vous ïotis mt-
\ ffnez oommeot noos fàmes reçus par le iwii P. Brueyre.
I n BO^ conduisit auprès du P* Gotteland , qui était bÎM
mmi^ La nouYelle de notre arrifée et uotre présence lai
Suent un peu de bien. Sa maladie est une fièvre lyphoide;
elle va son cours, ^on espère encore le sauver « Toute la
fimdté chinoise^ païenne et cbrétiennOt a été convoqaée
par Hgr et par les fidèles pour venir à son secours , et le
frère Sinequet est arrivé bien à propos pour exerceras-
pièsde lui ses fonctions d'infirmier. La mort du P. Got-
idand serait une perte accablante pour lai Mission. Tons
les chrétiens sont remplis de tendresse et de véoératioa
faut lui ; les prêtres du pays , Lazaristes ou fiutres, loi
est donné toute leur confiance ; ligt de Biési Taiflie
cMMne un frère. A la nouvelle de sa maladie , il s'est
hâté d'accourir pour lui prodiguer ses soins. Après Tavoir
administré, il a ordonné un triduum de prières pour ob-
Mér du ciel sa guérison^ et pendant ces trois jours» oa
* adonné la bénédiction du Saint-Sacrement. J'ai puas-
sisfer à un de ces saints , et j'ai été bien édifié de la piélé
et da maintien de ces bons Chinois. A chaque instant,
3a viennent demander des nouvelles de notre cher na-
hde* Qaand nous entriaies auprès du P. Goudbnd,
Mgi: de Béai n'y était plus; sur la nouvelle de notre ar-
rifée, il avait regsgaé en toute hâte sa maison, pour nous
weeveii et £siire débarqiœr nos effets laissés sur le nafiiie«
« Nous le vîmes enfin hier au sou*. Ce Prélat noos
a tons charmés par sa bonté et ses manières ; if est fort
instruit , d'une piété et d'un zèle admirables , et il eit
pmÊéiement bien avec les autorkés anglaises , qufhii
imideot mille services. Etant ua jour dlé sur un de leeis
Miknents de j^uerre , il y fat l'objet des attentions les
pittsd^cates. Les oKoiersIni oflrirentundloer soti
Digitized
byGoogk
259
toutemofiaigre^bien que ce îklun mardi ; — 'ils peasmnt
que les Évéques faisaient toujours abstmenee , — et ils
n^appelèrent à prendre soin du Prélat que des matetots oa
soldats catholiques. Vous iiojez que sous plus d'us rap-
port notre sort est digne d'envie.
« Nous venons d'examiner le pe tit séminaire de Id
Mission , dirigé par le P. Brueyre ; il compte trente-si^
élèves, dont les plus savants pourraient être admis en
sixième. Ces jeunes Chinois sont bien dégourdis et fort
gais. Nous avons été très-satisfaits de notre visite. Dans
une autre lettre , je vous parlerai plus au long de cet éta-
blissement, de la maison de Monseigneur et de h nôtre»
Quil me suffise aujourd'hui de vous dire que 'tout ici
n^est pas aussi étrange et aussi éloigné de nos usages
qu'on le pense ordinairement en France.
« Le pays paraît beau et riche , mais il est trop plat. Le»
canaux qui le traversent en tout sens pour alimenter le»
rizières, sont une source presque continuelle de fièvres»
qui sévissent contre les habitants indigènes eux-mêmes^
à plus forte raison contre les étrangers.
« Et quel danger ooat't^'eii en Chine? demandes tm0»
Dans nc^e province pr€si|iie point. Le mandarin aaii
fort Uen qull y a des Buropéeiis dans son gouveraa*
ment, il l'a dit aux Anglais ; mais il ferme entièrasiait
lea.yeux. Dien voiiile qu'il ne soH pas changé » ou iqiie
«M successeurs lai ressenri>lentl Mgr de Bési est connu
eoomie Européen dans toute la ville et ses environs*
Oa coameiifieici à s'habituer à voir des étrangers avec
leuca costumes, grâce au goût des Anglais pour Ja chasse,
qui les «mpoirte sdUivent à phisieurs lieues de Chang^hai^
sans emnte qu'il leur en mésarrive. Pour nous ^ruoii»
ne aoTMis ptstrci^ idéoouvmj now allons en bf^qr;^
17.
Digitized by VjOOQ IC
260
cependant le trajet du canot à la maison on Ton Ta ^ se
fait à pied pendant le jour comme pendant la mift , ao
milieu même des paysans chrétiens ou païens. On ne
laisse pas , toutefois , que de prendre des précautions ,
et c'est pour cela que nous avons été introduits peu-
dant la nuit. La nouvelle position que la guerre a
faite en Chine aux Européens , et par contre- coup aux
néophytes, est déjà très-avautageuse, et on a les espé-
rances les mieux fondées qu*elle ira toujours en s*amé-
liorant ; mais enfin , il n'y a encore rien de tout k fait
stable. Il est même vrai que dans les provinces les plus
éloignées des côtes , les Missionnaires, en plusieurs en-
droits, sont en butte à d'incessantes U'acasseries. Nulle
persécution ouverte cependant, nulle arrestation; les
mandarins ne s'en soucient plus , ils connaissent ce
que peuvent les puissances de l'Occident.
€ Deux mots, en fioissant, sur noire Mission. Elle
renferme dix mille chrétiens^ pieux et pleins de foi;
mais, faute d'ouvriers, un grand nombre meurent sans
tes secours de la Religion. Monseigneur a visité cette an-
née, à Nankin et aux environs, des fidèles qui n'avaient
pas va de prêtres depuis plus de trente ans. Les paieos,
•a plusieurs localités , demandent à être instruits , et pe^
sonne n'est là pour satisfaire leurs désirs. C'est ce qei
navre le cœur de nos Missionnaires qui , d'ailleurs <, se
consument de travail. On nous promet tout au plus à
nous , nouveaux arrivés , huit jours de retraite , et une
quinzaine ensuite pour nous préparer à entrer dans la
carrière apostolique. J'entends dire de tous côtés : Une
centaine de païens ici, deux cents là^ trois cents encore
ailleurs , appellent en vain des prêtres. Monseigneur
nous répétait encore hier : « Si j*iavaisd< s collaborateurs,
« les Chinois se convertiraient par «intitr$, tt par mil-
Digitized
byGoogk
261
« lions si Ton obtenait la liberté des cùUes. > Puistenl
les cris de détresse , poussés par Mgr de Bési et par le
P. Gotteland presque mourant» être entendus de nos
Pères d'Europe^! Si on ne se hdte pas de secourir celte
Mission, le travail tuera les apôtres, ù raison de leur
petit nombre , et ce sera toujours à recommencer.
« Adieu , mon révérend Père , Adieu!
Toujours tout à vous en N.-S.
« S. CL\VELIN,S. J. •
Digitized
byGoogk
282
Jutre lettre du même Père à M. Cléret , lieuietmmi
de vaisseau.
Hifn-ka-han, ChrélienU^ i one lieue de Chang-lkai,
1er janvier 18i5.
Moif BfEif CHER Monsieur ,
« Me voilà donc dans cette Chine après laquelle
flous avons tant soupiré , et qui a fait si souvent le
sujet de nos conversations. Vous vous attendez sans
doute à ce que je vous en parle longuement , et , de
fait , il y aurait beaucoup à dire ; car , si j'en juge
par moi-même et par ce qu'ont observé nos autres Mis-
sionnaires , on n'a pas en Europe une idée bien jqste
de cet empire si vanté. Mais , pcmr en tracer un u-
t)leau fidèle , il fondrait l'avoir parcouru , l'avoir étu-
dié ; et pour cela quelques années , à plus forte rai-
son quelques mois , ne sauraient suffire. La Qiine est si
▼a$te , ses provinces si différentes, que le Chinois ^ mal-
gré le cachet ineffaçable de sa race qu'il porte empreint
sur le firont , a nécessairement des coutumes et des usa-
i;es qui varient selon le changement des climats et la di-
versité des productions locales. Il me semble que l'écMl
dont il laut bien se garder ici , c'est de trop générdiser
ses considérations sur ce peuple singulier. M. Davis «
dont vous m'avez laissé l'ouvrage, ne me parait pas tout
à fait exempt de ce défaut. J'ai vu déjà plusieurs choses
Digitized
byGoogk
363
(bus le Kimg-mm qai iafinnmit ses Miertmis , Wèa
qif elles poissent être mraies pour U profinoe de CfKw^
où rântear t ptssé la plus gnmde partie des amiées qu'à
avéen-en Chine*
« Il y a aussi un antre incoDTéirient à éviter : qoMid
en a été longtemps dans on pays , on se fait tellement à
ses osâmes , qoe les cooHimes les plus étranges cessent
presque absolument d'avoir ce piquant de la nouveaofé
qui , à lui seul , fait plus écrire que tout le reste. Et
alors , si on est accablé d'occupations , comme nous le
sommes, on se dit : « A. quoi bon prendre la plume ? je
n'ai rien d'extraordinaire , rien qui puisse iniéresser ; »
et à l'aide de ce beau raisonnement la pare^se finit par
prendre le dessus.
« Pour moi , Je sens peu à peu que le Chinois me ga-
gpe ; la niécamor|dios6 sera bientôt complète. A Texte-
rienr , peu s'«n fiuBil cpi'eUe ne le soit déjd. Depuis quejfî
vous ai q«iité, il m'a folio changer de jiom> de langage,
de costume , etc. ; c'était tout un homme à refaire. Mais
j'ai gagné an change deux belles moustaches , me
mouche dont vous ne feriez pas fi > et de plus> une
belle queue à Tolre service , car je puis la détacher très-
facilement. Toutefois elle ne m^a pas encore joué le toor
qu'elle a fait à on antre Missionnaire qui , n'ayant plos
une chevelure assez longue pour attacher cet ornemeni
postiche , l'avait cousu dans sa calotte. Un jour , au dé-^
tout d'one rue, on coop de vent malencontreux l'enleva
dans les «ira , «o grand étonnenent des passants , pe»
habitués «ans dente à voir des comètes de cette espèoeu
« VooeapprendhrezsÉremenl avec plaisir qoe le eapt^
taÉie Balfor, qtû réside à Ch&mg*hai en qoaliié de oonnl
de la OrandMirttagtie^se nMMre pom» noosd^Bneb6Bté^
et d7oM obl^ftance adniirabltt^ il nous traite avec «m
Digitized
byGoogk
264
pedkesse «xqaise. J'ai été plusieuni foift le vî&ifer , et
tovjMTs il esc Tenu me recevoir et m'a reconduit à la
porte chapeau bas ; ce qui me gène un peu , parce que ,
comme chinois , je ne puis ni ne dois me découTrîr. Nous
sommes convenus en riant que je lui rendrais en retour
un salut à la chinoise. Vous savez en quoi il consiste : on
joint les mains sur la poitrine, puis les agitant légère-
ment , on dit Uin tsin. Quand ce sont des mandarins qui
demandent audience , M, Balfor les reçoit dans sa cham-
bre , quelquefois même il les £ait attendre à la porte*
Voilà comment il faut agir avec les autorités chinoises :
vouloir les traiter d'égal à égal , avec nos formes euro-
péennes , c'est s'exposer à la déception , puis à la risée
de ce peuple^qui ne sait comprimer les saillies delà joie
c[u'il éprouve après vous avoir trompé.
« M. Baltor a pris une part active à la guerre ; c'est
lui qui a dirigé Pattaque du fort Wo(hmng qui proté-
geait rentrée du fFam-pou , sur les bords duquel est
bâti Chang-hai. Comme les autres , il croyait alors que
la Chine était un empire redoutable ; mais une étude
approfondie du gonvernemetit chinois , de ses ressour-
ces et de ses moyens de défense a bien modifié ses
idées. Aussi quand les circonstances lui permettent de
prendre sa reranche , il se garde bien de la manquer.
Tout dernièrement les mandarins voulaient inquiéter on
dçses domestiques , je ne sais trop pourquoi : à l'ins-
tant M. Balfor leur fit demander réparation. Sur l'a-
dresse de la lettre qu'ils lui écrivirent à cet effet , les
Chinois oublièrent un de ses litres ; M. Bnlfor la leur
rettfoya sans l'ouvrir , et oomsao ks maodartBS sem-
blaient s'en tenir là , il leur manihi que s'ils ne lui don-
naient à l'instant la satisfaetîMi la plus euttëre , il allait
chercher des bâihnents de guerre à Chuim pour se ia
Digitized
by Google
265
faire lui-même. A ce mot de bâtiments de guerre , ils
furent comme frappés de la foudre ; ils écriviroiit sur-
Ic'diamp une lettre d^excuse , et , du ton le plus bas et
le plus rampaut , ils le conjurèrent par-dessus tout de
ne pas faire Tenir les vaisseaux redoutés.
« Ces mandarins sont les dignes successeurs de ceux
qui administraient et défendaient Chang-hai au temps
de la guerre ; tous abandonnèrent leur poste bien
avant l'arrivée des Anglais devant la ville , jetant çà
et là dans les fossés les insignes de leurs grades , pour
se confondre avec la foule des fuyards. Monseigneur de
Bési a été lui-même témoin de cette terreur panique :
hommes, femmes, enfants, se précipitaient en toute hâte
vers Tintérieur des terres, emportant avec eux leurs effets
les plus précieux.
« Mais c'est assez sur de pareilles matières ; je vous
en tends répéter que vo\is voulez surtout des détails con-
cernant notre Mission , nos travaux , nos succès et nos
espérances. Je me ferai un plaisir de satisfaire vos
pieux désirs ; seulement je vous parlerai comme un hom-
me qui n*a que trois mois d'expérience , c'est-à-dire
qui n'a pas encore pu se former une idée exacte desper*
sonnes et des choses , ni les apprécier sous leur vrai
point de vue. J'ai déjà visité plusieurs chrétientés , j'ai
traversé Chang-Iiai et Somkan-fou ; mais je ne vous di-
rai rien de ces villes : vous avez vu Canton , et qui a vu
une ville chinoise les a vues toutes , elles ne diflèrentque
par le chiffre de leur population. La province du Kiang^
nan , au moins dans la partie que j'ai parcourue , est
une plaine coup^ par des canaux , sans routes ni che-
mins , à moins que vous ne donniez ce nom à des sentiers
qui ont un ou deux pieds de Urge*
Digitized
byGoogk
366
« Id OB voyage $«rlCNiten batetoi. Vons comaisseï
les biitpKf chiooiseï : ane grosse et lourde rame , ph»
oanoins biea fixée sar Tarrière^ veos faitaviiicer leate*
omit , et imprioie à P^mbarcation un mouTement sac-
cadé qui finit par reus fatiguer. Si les Ctrinois appii*
quaient à leurs canots le système d'engrenage employé
pour faire monter i*eau dans les rizières , ils accélére-
raient cerlainement leur marche indolente , et adouci-
raient les peines du voyage. Mais il ne faut pas encore
y songer actuellement , ce serait sortir avec trop d'échi
de Tornière de la routine , on crierait à Tinstant : hm
mao , aux rouges cheveux (à TÂnglais) , *t tam , d TEu-
rapéen. Plus tard , cette amélioration pourra s'intro-
duire ; car le contact avec les étrangers modifie d'osé
manière remarquable les idées des Chinois , et ceux-ci
ne peuvent qu'y gagner sous le rapport des arts et de
rindttstrie.
« A part cette lenteur et ce mouvement saccadé, nos
barques sont assez commodes : on y est à Tabri de h
pluie» çt , avec le vernis chinois, on peut les rendre fort
propres. Nous en avons quatre ou cinq pour le service
de la Mission. Au milieu est la cellule du Père , longae
de cinq à six pieds , sur trois ou quatre de large
et quatre ou cinq de hauteur. Sur le devant est une p^
tite chambrette pour le catéchiste , et derrière , sous ks
pieds des rameurs , se trouve la cuisine. Comme ici il
n'y a pas d'hôtels , on est obligé de tout porter avec soi;
c'est un vrai ménage ambulant* Quand donc le momeot
du repas approche , un des bateliers lève une planche, et
le voih devenu cuisinier.
« Dans les campagnes la eultiireest parbite; je ae
eesse de l'admirer. Les principan prodvifs sont le ta «
Digitized
byGoogk
UT
lé blé , le colM , «t ueetptee à»iftc$ MUiM qv'an
appelle lobanx. Les jardin potagère en Erenoe Be eent
pas mieux soif&és que les chemps de nos Giiiiois ; si
vous en exceptez la place qn^occopent les tonbeavx , il
n'y a pss un pouce de tefraindonl oo ne tire parti* Ces
campagnes sont donc extrêmement riches ; mais si elles •
ont les avantages de la plaine , elles en ont aussi les in-
convénients; un horizon borné et des aspects consfam^
ment semblables engendrent nécessairemeni un pen de
monotonie. Ajoutez qne très^^oufeot il vans arrive de
ces terres , travaiHées atec tant de soin, un parfum dant
Todorat est peu flatté ; car en porfrit agrieriienr le
Chinois est très-appréciateur des engrais, il met à oentri*
btttion tout ce qui peot les produire ou les augmemer.
Cependant ces belles cnltmres qui se préseslSBt partout
à' la vue , ces miniers de maisoBS distribuées dans les.
champs et environnées d'art)res> eea tombeaux qui sedé-
tachent de la surface plane du sol , ces cinaux si multi-
pliés et sillonnés par tant de barques , cette population
active , industrieuse , gaie, qui afflue partout, ce fleuve
de fFistm-pou , si large et si profond , tout cela , dis-je ,
ne laisse pas d'avoir son charme et ses agréments.
« Vonssavet que ce Yicarlat comprend deux pre«
vie ces , le Kùmg-tum et le Ckang^m. Dans la première
noua comptons près de seixam»*dfx mille ohrétieys^ et
trois ou quatre mille seulement dans la seeonide. La*
majeure partie de ceux du Kimfman se trouve grou^
pée aux environs de Ckang^hm^ lis eont divisés anraai
que possible , en paroimes dont le centre , appelé le
C<m-8ou , est une nmkon qui appartieiK le plus souvent
en commun à la chrétiearté. Il y a mva chapelle oà l'on
ne pénètre ordinairemeni qu^près avoir traversé pUir
sieurs corps de logis« On en conçoit la raison , dans un
Digitized
byGoogk
3M
pays oà It Reiigion^a élé si longtemps penécatée. Le
Cowhtou t parfois quelques reTeaus provenant de dons
on de fondations pieuses. Ik sont administrés par un
conseil composé des meilleurs chrétiens » et employés à
TentreCten des bâtiments^ et à celui d*un certain nombre
de pieuse filles qui , ne voulant pas se marier , s'y
retirent pour prier , instruire les enfants et travailler
en commun ; leur occupation consiste surtout à coudre ,
à filer et tisser le coton , à prendre soin de la chapelle.
Ces néophytes , qo'oa appelle communément Vierges
chrétiennes , habitent un quartier à part et qui leur est
exclusivement réservé ; mais elles ne font pas de vœux.
Nous pourrons dans la suite tirer un bon parti de cette
institution ; car , si ces personnes étaient plus instrui-
tes , elles pourraient être de très-bonnes maltresses d'é-
cole , former de bonnes mères de famiUe , et par là
exercer sur la cbrétieBlé mse heureuse ioflnenoe.
« Ces Missions , depuis la destruction de la Compa-
gnie , ont élé bien abandonnées , et maintenant encore
elles réclament les plus pressants secours. Les chrétiens
ont gardé la foi , mais ils sont peu instruits. Quand on
pense aux épreuves qu'ils ont soudertes, au dénûment
religieux où ils sont depuis pli» de cinquante ans , au
commot» qu'ils sont obligés d'avoir avec des païens cor-
rompus dès le plus bas âge , on ne peut s'empêcher de
reeonwdtre « dans leur cMservation , un signe visible
d'une proleotJOB de Dieu toute spéciale. Si la France avait
été soufflke aussi longtemps à de pareilles épreuves , je
ne salssi elle compterait encore beaucoup de catholiques.
La persécution , il est vrai , a causé ici bien des défec-
tions ; le Kiang-nan sail comptant autrefois trois cent
mille néofdiytes ; mais aussi l'Evangile a trouvé parmi
eox des légions de témoins, et nous espérons qu'on
Digitized
byGoogk
S69
pcmrra .dire encore de ces héroïques ifictlmes : Utang
des martyrs est une semence de chrétiens.
« Il y a eu et il y a encore un plus grand nombre de
marljTs d'une autre sorte, dont la générosité n'est guère
moins admirable. Nous comptons bien des familles qni
n'ont pas hésité à sacrifier leurs richesses , et à se voir
dépouiller de tout, afia de conserver le précieux trésor
delà foi. Que cette pauvreté est méritoire surtout dans
un Chinois ! 11 faut savoir que jusqu^à ces derniers
temps , c'est-à-dire jusqu'à l'époque de la guerre avec
les Anglais , nos malheureux chrétiens , même après que
les grandes persécutions eurent cessé, étaient continuel-
lement victimes des exactions qu'exerçaient les manda-
rins de tout grade. Quand ceux-ci avaient besoin d'ar-
gent y ils suscitaient des embarras aux fidèles , en les
menaçant de les dénoncer aux grands tribunaux : leur
langage élait compris , on payait tribut , et lout se cal-
mait jusqu'à ce que de nouveaux besoins se fissent sentir
chez leurs iniques persécuteurs.
« Mais depuis la guerre, les choses ont bien changé
pour noire Mission. Nos frères commencent enfin à sou-
lever leur front , si longtemps courbé sous le poids du
de^otisme, et les mandarins n'osent plus taxer leur
croyance. Si quelques officiers subalternes essayent en-
core de temps en temps cette manœuvre , c'est heureu-
sement sans succès. L'un d'eux, voyant que des chrétiens
ne voulaient plus se laisser rançonner , les menaça de
faire réimprimer l'édit de proscription , ce qui à toute
autre époque eût été le signal d'une persécution nou-
velle. Les néophytes tinrent ferme ; l'édit fut imprimé ,
publié et répandu sans faire la moindre sensation.
« 0 n'y t pas eBcore un moin cjo'iui lotre juandarUi,
^ Digitizedby VjOOQIC
270
ne pesvaBt obiaiir ce qn^il déeifait d'one ehrédmé ,
envoya des satellites a?ec des cbatnes et des cordes pour
se saisir des principaux fidèles , s'ils n'obéissaient
promptement à ses ordres. Les chrétiens , sans hésiter ,
se jetèrent eux-mêmes sur. les soldats , et les chargè-
rent des fers qu'ils avaient apportés ; puis ils en appelè-
rent au tribunal du grand mandarin. Celui-ci commença
par mettre en prison ceux qui venaient lui demander jus-
tice , afin de procéder selon les règles. Mgr de Bési
rayant su, en avertit aussitôt le consul anglais. M. Bat-
for répondit qu'il se chargeait de tout , et qu'il allait
écrire sans délai au gouverneur de^la province, de ma-
nière à faire cesser la persécution, non-seulement pour
cette fois , mais pour toujours. Depuis ce temps -là tout
est tranquille. Les grands mandarins eux-mêmes trai-
tent les païens qui viennent dénoncer nos frères, de façon
à leur ôter Tenvie d'y revenir une seconde fois. Le con-
sul anglais m^a répété souvent : « Si on vous suscite , à
« vous ou à vos chrétiens , le moindre embarras^ venex
« me trouver , je me charge de mettre les autorités
« ekinoiaes à la caisw. %
« Aussi , quand les chrétiens me paraissent tut peu
intimidés , je leur dis toujours de ne rien craindre , et
surtout de ne pas donner de l'argent ; que si les païens
les inquiètent , j'en référerai ati jfrand mandarin des
rouges cheveux (au consul anglais). Cela les rassure en-
tièrement. Ainsi , il s'opère insensiblement une révolu-
tion toute à TaTantage de notre sainte cause. Qui eût
pensé que telle serait la suite d'une |[uerre d'opium I
« Beaucoup d'anciennes familles qui ont apostat
voudraient revenir à leur première croyance , mais mi
reste de peur les retient toujours ; et quant aux païens ,
si lii éîioas*nsisg :i|oiâ>iMii pour iBftittMki» à Jenrtoon-
Digitized
byGoogk
271
version, desittlUèn rotenaMit le baptême I Un do Me
MissiraBaires en a dé}à régénéré plus de œnt Tannée
dendère , et , entre amtres, nn des desoendanls du grand
Cdao on premier ministre de Cam-lii , lequel seconda
si bien antrefois te P. Ricci , premier Missionnaire qui
portini à pénétrer dons Pékin. Jkctueliement il faut cou-
rir ou plus pressé ; k peine arvons*nous le temps d'ad-
ministrer les sacrements aux fidèles. Ce qui retient les
païens dans lears erreurs , ce n-est pas la conviction ;
ils l'avouent eux-mêmes , et ils appellent notre foi la
Religion du cid : s'ils ne l'embrassent pas , c'est qu'à
la crainte de fperdre leurs biens et leurs charges , se
joint encore la difficulté de renoncer à tous les désor-
dres de leur conduite privée.
«Quoiqu'il n'y ait plus aujourcfhui de persécution
ouverte en Chine , tontes les Missions ne sont pas aiMsi
tranquilles que la nôtre; les provinces siuiées dans l'in-
térieur de l'empire sont beaucoup moins protégées par la
présence des Enropéens. H ne fout pas oublier que les
lois qui proscrivent le Christianisme, pour n'être pas mi-
ses à exécution , ne sont cependant pas encore retirées ;
et c'est là surtout ce qui enchaîne les Chinois au paga-
nisme. Dernièrement » dans la Mission des Laiarisies ,
qui touche à la nôtre , un mandarin a tait mettre à la
torture plusieurs chrétiens. Aucim n'a apostasie. M.
Anote , prêtre de St-Lazare , venu sur la Cléùpâire , a
été arrêté au moins deux fois en s'acheminant vers sa
résidence ; il s'en est tiré au moy«i de quelques piastres
données à propos. Un Missionnaire Franciscain , se ren-
dant également à son poste , a été trahi par son nez qui ,
de Eait, abuse de la permission qu'ont les Européens d'en
avoir un long : heureusement il avait^déjà franchi la pre-
mière et principale douane ; en sorte que le mandarin de
Digitized
byLjOOgk
272
U seconde , à qui il fut conduit , s^en troim fort eoh
barrassé. « Si j'arrête cet étranger , se ditril à hHHDtee,
« il budra faire son procès ; nu^is auparavant je domi
« en intenter un au mandarin de la première douane ,
« pour TaYoir laissé passer. Ce fonctionnaire est plas
« puissant que moi, et , pour prévenir le tort que poar-
« rait lui causer cette affaire , il ne manquera pas dt*
« me faire casser auparavant. » Sur ce, lejngedonaa
au plus vite la clef des champs au Missionnaire , qui est
le bonheur de ne {dus la perdre.
« D'après ces quelques déiaik , vous comprendrez fa-
cilement combien les considérations générales qu'on pour-
rait émettre sur ce pays seraient hasardeuses , pour ce
qui concerne la Religion comme pour le resie. Cependant
on s'accorde assez à croire que la Chine doit subir bien-
tôt une grande crise ^ soit dans sa constitution» smtdios
son administration intérieure, soit dans ses rapports avec
les autres puissances. Le peuple lui-même en a un pres-
sentiment ; il croit à un changement prochain de dynas-
tie. Outre que l'empereur n'a qu'un fils encore bien jeone,
il ne semble plus digue de régner depuis l'opprobre jeie
sur lui par les Anglais. Les soldats du céleste empb*eéiaieflt
Join de s'attendre à être battus , et après leur défaite , les
Tartares disaient à Mgr Yerrolles , Vicaire apostolique
.du Leao^Tong : « C'est la première fois qae cela nous ar-
« rive. — Consolez- vous Jcur répondit le Prélat,ce n'est
« pas ladernière. » Le Cbinois,comme il arrive soovpst
à celui qui a présumé de ses forces , a passé d'un excès
de présomption à un excès de défiance ^ pour lui le sol-
dat européen est la bravoure personnifiée. Aussi, un de
nos régiments pourrait- il faire , l'arme au bras , le toar
de la Chine , sans craindre d'en être empêché par to
habitants*
Digitized
byGoogk
273
« Votre amitié pour moi tous feit demander comment
je me trouve de ma nouvelle vie. Grâces à Dieu , je puis
vous dire que le Maître que nous servons ne se laisse pas
vaincre en générosité ; on dirait même parfois qu'il est
meilleur en Chine que partout ailleurs.
« La vie du Missionnaire est certainement une vie péni-
ble, une série de petites privations , qui viennent souvent
du côté où on ks attend le moins; mais ces peines,ces sol-
licitudes n'atteignent le plus souvent , pour ainsi dire «
que la surface de Tâme, le fond est toujours tranquille.
Notre existence ressemble beaucoup à la marche d'un na-
vire sous rinfluence des vents alizés : le bâtiment fait
beaucoup de chemin , et cependant la mer est belle ;
c'est à peine si sa surlace est ridée. Il y a , et il doit y
avoir , de temps à autre , quelques coups de vent un peu
plus forts , et c'est là ce qui forme le Missionnaire com-
me le marin. Sans cela nous serions tous marins d'eau
douce , et où serait le mérite ? Je suis habituellement
aussi gai , aussi content que je Tétais auprès de vous »
dans ces belles soirées que nous avons passées sur la du-
nette , ou à nous promener sur le pont ; ou bien encore
au Brésil , lors de nos promenades au Corcovado et aux
cascades. Je suis plein d'espoir pour l'avenir dé'notre
apostolat ; il ne manque que des ouvriers et la connais-
sance de la langue , pour recueillir une abondante mois-
son. Ah I c'est ici qu'on apprécie tes bienfaits de l'Œuvre
de la Propagation de la Foi ; c'est avec ses secours que
nous faisons presque tout le bien qu'il nous est donné
d'opérer. Enfin , secondée par les fervents chrétiens
d'Europe , notre Mission pourra reprendre son ancien
lustre , son ancienne splendeur. C'était autrefois la plus
belle , la plus nombreuse , et la plus florissante dt la
Chine. Tout à vous , S. Clàviuii , S. J. »
TOH. xYin. 106. 18
Digitized by LjOOQ IC
274
Juire lettre du même Religieux à un Père de la
même Compagnie.
« Mon RévsRERD et bien cher Peiub,
« Comme j'ai quelques instants de loisir , je me hâte
d'en profiter pour venir de nouveau causer avec tous.
Dans les dernières lettres reçues d'Europe, on nous par-
lait beaucoup des ménagements que nous devions pren-
dre au milieu de nos travaux. Mais venez , naon bien
cher Père , venez passer un mois avec nous dans la Mis-
sion, et vous jugerez vous-même s'il est possible , dans
la disette d'ouvriers où nous sommes , de s'en tenir aux
limites qu'on voudrait de loin assigner à notre zèle.
Quand un mourant vous fait appeler, direz-vous que
vous avez besoin de repos, que l'état de votre santé le ré-
clame , qu'il faut vous ménager? Direz-vous : « Attendez
à demain ? » Mais demain cet homme, qui n'a pas vu de
prêtres depuis quarante ans , aura paru devant Dieu* En
semblable cas , j'ai entendu la semaine dernière des con-
fessions de quarante et cinquante ans , et ceux qui les
avaient faites n'ont pas plus tôt été administrés,qu*ils ont
rendu le dernier soupir.
« Comme les maladies ici durent peu, et qœ I^ Chi-
Mit sttceomb^mt bcitonent à leur atteinte , nos chrétiens
sont pleiM de soIUckode pour recevoir les derniers s»-
erements. Dermèronent, Monseigiieur vit arriver k lui
un homme qui venait de plusieurs lieues à pied récla-
mer la grAce de l'extréme-onction. Surpris d'une peraiile
demande , le Prélat se sentait d'abord peu disposé à y
Digitized by LjOOQ IC
275
Bonscrhre; mais enfin eédant à ses ÎBSunces , il se mît i
Tadministrer ; il ifataît pas encore acheté sa denrière
(Miction, que ce bon néophyte expirait dans ses bras*
• C'est surtout le samedi que les fidèles vienneit cher-
cher le Missionnaire pour aller au secours des mourants»
et c^est de leur part une pieuse industrie pour avoir un
frétre le dimanche; ils peuvent si rarement entendre U
Messe! Il est arrivé cependant qu'ils ont poussé la chose
trq> loin. Un jour, deux chrétientés appelaient à la fois
Monseigneur, et chacune disait avoir un infirme plus
dangereusement malade que Tautre. Celui vers lequel se
dirigea d*abord le Prélat était fort peu indisposé « et pen*
dant ce temps-là l'autre s'en allait à Dieu sans sacre-
ments.
« La mort n*a pas, pour les Chinois, ces couleurs Mm-
br» et lugubres sous lesqudles elle apparaît lourjours
aux Européens : mourir leur semble une action fort or-
dinaire , et on n*a pas besoin de beaucoup de circon-
loditions potir les avertir du danger dans les maladiee
graves. Pendant qu'on leur administre les derniers sa»
crements, il n'est pas rare d'entendre dans la maison
des conversations qui ne respirent rien moins que la tris-
tesse; c'est Pnsage , personne ne s'en formalise.
« Dès leur en&tnce^ du reste , les Chinois sont fami-
liarisés avec les idées funèbres : ils voient autour d'eus
les tombeaux où reposent les restes de leurs aïeux, de
lears parents; ils les conservent bien souvent dans leurs
bdrftatiDns ; cVst presque un meuble do faoïitte. Il n'est
pwnredev«firq«atre oir cit q bières disposées ifeas la
daMibreoè Yon tnivaiHe^ et les femmes filer et oricot^,
kr dos appuyé ooiir» ces souvenirs ée la mort. Le plus
sewvêBt, BéSMntrtns^/ les osrcuaHs sent déposés dans les
18.
Digitized by LjOOQ le
276 ,
cluunps » couverts d'un peu de paille , ou bien cachés
dans uae petite maisonnette , ou sous un amas de terre.
Il n'y a guère de c&rétientés où Ton ne vous désigne les
sépulcres de tels ou tels Missionnaires^ et on sait bien
vous dire s'ils étaient Européens , Jésuites ou autres. On
trouve aussi à Wam-dam le tombeau d'un catéchiste mis
à mort en haine de la Foi. Ce fervent chrétien a encore
aujourd'hui deux de ses descendants qui remplissent les
mêmes fonctions. Sa maison servait de retraite aux apô-
tres du pays dans les temps les plus difficiles. Les man-
darins, ayant appris qu'il avait chez lui deux Européens»
vinrent faire une visite domiciliaire pour les saisir. Dès
qu'il les vit arriver , ce catéchiste fil avertir les Pères de
se tenir prêts à partir ; puis se présentant à la porte pour
recevoir les mandarins, il leur dit : « Vous ne pouvei
« pas m'interroger ici , conduisez-moi à votre tribunal ,
« et alors je vous parlerai clairement , je vous avouerai
« tout. » Les mandarins , satisbits de cette proposition,
se rendent au prétoire^ et là, le catéchiste leur fait un
aveu complet, comme il l'avait promis : « Quand vous
« êtes arrivés chez moi^ il y avait alors deux prêtres
« étrangers; mais maintenant ils n'y sont plus, je viens
« de leur donner le temps de prendre hi fuite. Vous ai-Je
« parlé dairement? » A ces mots, les mandarins furieux
de se voir ainsi joués par un paysan , et surtout privés
de la récompense attachée à la prise d'un Européen, firent
tellement battre ce généreux néophyte qu'il mourut sous
les coups.
« Si vous désirez^ mon R. Père, avoir ime idée plus
exacte et plus complète du genre de vie que nous menons
ici , venez faire un petit tour avec moi dans upe de nos
chrétientés. Allons en banpie, nous causerons plus l
notre aise. Quand vous entendrez pnmonoer les mots
Digitized
byGoogk
2r7
xem-vuj pêreipirituel; lao<a , vénérahk vMUard; ia-ta^
deux fois grand , prenez un air sérieux et composez-Tous;
que votre extérieur , autant que possible , soit en harmo-
nie avec ces titres pompeux. A votre arrivée au Com^aUy
les principaux fidèles viennent vous recevoir à la porte,
un genou en terre ; les jours de grande fête , ils seront en
surplis et porteront des flambeaux. On vous conduit à la
chapelle où se trouvent réunis tous les chrétiens et toutes
les vierges du Corn-sou. Ces saintes filles entonnent cer-
taines prières , et après Tàspersion de Peau bénite , on
vpus installe dans votre chambre , oilt l'on vous sert une
tasse de thé si vous ne devez pas dire la Messe. Si^ au
contraire , le moment du saint Sacrifice approche , on
vient bientôt vous chercher^ et c'est alors, quand il y a
fête , que vous revêtez le grand habit long ou camail à
longues manches qui vous descend jusqu'aux genoux ;
de plus, vous portez sur la tête le hom-mao, qui est de
rigueur toutes les fois que vous vous disposez publique-
ment à exercer une fonction religieuse. A votre entrée
dans la chapelle, les vierges recommencent leurs prières
chantées ; elles continuent pendant tout le t^nps que vous
revêtez les habits sacerdotaux , et quelquelbis'même pen-
dant toute la durée de la Messe. Avant de monter à Tau-
tel , vous remphicez le hom-mao par le tsi4tin , espèce
de tiare que vous conservez jusqu'à la fin du saint Sa-
crifice ; on doit aussi l'avoir toutes les fois qu'on admi-
nistre les sacrements. Quand le prêtre se tourne vers
l'assemblée des fid^es , tous se prosternent la fooe contre
terre , comme 8*3s étaient indignes de contempler k face
d'un ministre du Très-Haut.
« Pendant l'action de grâce , les vierges prient de nou-
veau à haute voix ; leur récit jnodulé a ime teinte mar-
quée de dévotion, et ne rappelle pas mal le ton d'une
Digitized
byGoogk
278
vûàn qui change SiUfxh du bercean de $on «abni fumt
rehdOTQir« De retour i votre cbambre, on tous sert à
déjiiiMHr. Ce4t le moment où les chrétiens tiennent sa-
luer le MîMioonaîre et se prosterner devant lui en disant :
• Zêm vu hao la tm? Père spùritmtl^ tout tm4^ InmP »
Le prêtre répond : « ffao Za, tout va bien. • Pu» les
chrétiens le remercient d'avoir bien voulu leur dire la
messe ; ils se lèvent ensuite et se raqgent debout autour
du Fère^ qui doit toujours être assis. Les vierges à leur
tour footdeaaanderau Père la permission delui offrir leurs
hommages : s*il y consent , elles se présentent toutes en-
semble et répètent les mêmes cérémonies. Après la ré-
ception des vierges , vient encore celle des femmes. Tons
cas saluts vous ennuient fort , surtout quand vous ne sa-
ves pas encore la langue. Je tâche d'expédier prompte-
ment les visiteurs, en disant à tous de beaucoup prier
poor que le xenH>u puisse bientôt parler » parce qu'alors i |
pottrra tes entretenir plus longtemps* Je preste aussi
de oe moment pour leur recommander de baptiser les
pMils païens en danger de mort^ et d'instruire les adul-
tes* Pour chaque baptjàme , je leur promets une médaille
ou une image, ou un chapelet, et j'espère en avoir beau-
conp à doBoerdansla snite. Les premiers chrétiens ren-
triiRt encore , les ims pour vous prier d'aller administrer
des iidurmesou baptiser des enfouis» les autces pour vous
oo^îurer de vouloir bien revenir dire la mepse dans leur
Cmrêim^ s^6«» etc. C'est toujours è genoux: qu'ik vous
font eai demandes, et quand vous ysMsorives , ils vous
«ttrfWFctent par une nouvelle prosttaaioA* 11 est enoofs
d*usage que la première et la damière fois qu'un chré'
tien vous voit dans sa maison , il vous réitère la même
oérémottie. Il vous faut bien prendre les Chinois comme
ils sont s de l'extérieur, ou-comme ils disent, iêlêfém^
c^est pour eux presque toot.
Digitized
byGoogk
279
« MoQft votci enfin arrivés an dtner , et ce n'est pas
WM paiîie aCaire; jugez^en par celui que ni'a fait doA*
ner uo prèlre cbioois malade , que j'étais allé visiter le
lendanaîn de NodI. Au milieu de la salle , on dressa deux
tables dont le beau vernis tenairlieu de nappe. Sur Tex-
trémîlé opposée à la place qui m'était destinée, se irou-
vaienl deux candélabres, deux vases en verre , bariolés
de ronge, et qoi étaient censés représenter des fleurs ;
puis deux cassolettes, au milieu desquelles s'éh^raient
deux baguettes auxquelles on mit le feu quand je parus ;
c'étaient dtux butons d'encens. Sur celte même table y
ornée d'un assez joli tapis , était déposé d'avance tout le
dessert ; je parvins à compter seize pluls symétrique-
ment disposés. L'autre lable où je devais manger n'avait
encore rien. Quand je fus assis , nombre de chrétiens ar-
rivèrent pour me tenir compagnie^ et les plus distingués
eurent l'honneur de me servir. Ils commencèrent par for-
mer sur la table un premier rang composé de quatre plats,
portés sur des trépieds où se trouvaient des lampions al-
lumés, afin de maintenir les mets dans un degré de cha-
leur convenable ; puis , ils continuèrent d'apporter d'au-
tres plats , et je les vis enfin s'arrêter quand ils eurent
achevé le quatrième rang. C'était un nombre égal à celui
des plats de dessert. Ils aiment qu'il en soit ainsi , parce
que , disent-ils, le timié le veut. Le ti-mté , c'est le bon
goàt, le bon genre, le genre noble, et nos chrétiens, mat-
gré nos plus vives représenta ti ons, veulent toujours, autant
que possible, nous traiter avec le li-rniV; autrement,
disent-ils , ils passeraient pour vilains, ce dont ils n^ se
soucient nullement.
« Alors on «le pi*ésent« des bâtonnets , que je la
pottr {^rendre oMn service européen , car on peut en bm
Mage 'm sans dîttculté ; puis on déposa devant moi wt
Digitized
byGoogk
3S0
aisiettA qui ressemblait à nos soucoupes de Fmioe. Des-
sus était un petit verre à liqueur dans lequel , ppur con-
mencer, on me versa du vin diinois, que Ton sert sou-
vent tout chaud. Pour la couleur , il ressemble à un vin
blanc qui n'est pas parfaitement clariGé; pour le go&t,
il ne maoque jamais , les premières fois qu'on en hoiJL , de
vous rappeler celui d'oeufs pourris; mais^on s'y habitue
facilement , et maintenant il me fait l'effet d'un vin un
peu au-dessous de la qualité médiocre.
« En voyant tant de plats devant vous , vous ne savez
par quel bout commencer. Il y a ordinairement du porc
frais et salé , de la poule bouillie , rôtie , salée , de la
chèvre , rarement du bœuf , parce que , m'a-t-on dit ,
il n'est permis d'en tuer que pendant deux mois de l'an*
née. Vous avez aussi des boulettes , des pâtisseries , etc.,
etc. ; mais vous cherchez en vain un plat de légumes qui
soit un peu moins échauffant , le ti-mié dit que c'est bon
pour les pauvres , on se gardera donc bien d'en servir
au ta-ta.
« Nous sommes heureux quand nous pouvons avoir du
pain , et aujourd'hui nous en avons souvent ; mais il
prend toujours envie aux Chinois de nous le donner brû-
lant^ ou de l'amollir eu le chauffant à la vapeur, ou bien
de déposer dans Tintérieur des espèces de confitures qui
ne vous aident pas trop à le digérer. Quand vous rendez
votre assiette , qu'on ne vous change pas , à moins qu'elle
ne soit par trop encombrée, c'est signe qu'il but passer
au second service. Il ne se compose que d'un seul plat,
mais c'est le plat chéri du Chinois^ le plat par excellence,
puisqu'à lui seul il a l'honneur de donner son nom au
dtner. C'est tout simplement un bol de riz cuit h l'eàu. Le
dîner s'appelle Uorn tfé ou riz du mi^m; le déjeuner
t$at) vê OB rix du matin , et le souper iu vion riz de Im
Digitized
byGoogk
281
nuxL Si vous ne touchiez pas à ce mets , on serait tout sur-
pris, vous n'auriez pas (Une. La première fois je^ refusai,
et je vis les chrétiens qui m'entouraient tout ébahis;
maintenant j'en prends un peu, et Ton est satisfait.
« Quand le riz est mangé, tous vos hommes s'empres-
sent d'enlever les plats, d'essuyer la table avec un torchon
qui y reste toujours suspendu , d'avancer le dessert et de
vous servir du vin diinois pour la dernière fob^ car il ne
doit plus figurer. Dans ce dessert, vous voyez apparaître
des poires , des grenades, des oranges, des marrons, des
graines grOIées , des pâtisseries, etc. Enfin , une tasse de
tfaé couronne le festin ; on a soin de vous le donner sans
sucre et tout br&Iant , les feuilles restant toujours au fond
de la coupe. Si vous devez demeurer quelque temps dans
h maison , on laisse sur la table votre tasse à ihé , pour
preuve qu'aucun Mire ne s'en servira; et quand vous
voulez en prendre une seconde et une troisième fois^ on
se contente de mettre de Teau chaude sur les anciennes
feuilles, et votre dié est tout fait ; autrement, vous cote-
riez risque d'avoir une tasse où d'autres auraientbu avant
vous.
• J'ai oublié de vous dire qu'avant te dessert if est
une cérémonie toute particulière aux Chinois , et ce n'est
pas celle qui sourit le plus aux Européens nouvellement
débarqués. Quand vous ne voulez plus d'aliments gras ,
vous voyez arriver un homme portant un bassin d'eau
chaude et une petite serviette d'un pied carré; puis, se
retroussant les manches, il trempe la serviette, la tord
pour en faire découler l'eau et vous la présente en cet
état Selon le ti-mté , vous devez l'accepter, vous bien es-
sayer les mains, les lèvres et le visage.
« Si vous dtniez avec un indigène, vous le verriez
plonger ses (n-opres baguettes dans les différents plats et
Digitized
byGoogk
2»
vous en déposer une portion dans TOtre assiette; il se
permettrait bien d'antres gracieusetés inconnues à notre
civilité européenne. Voilà ce qui m^a le plus frappé dan*
les repas chinois ; c'est toujours la même chose , ils ne
Tarient que sons le rapport de la «quantité etik la qnalilé
des mets. L'encens, toutefois» est néserré poor les«e-
casions solennelles ; nos Pères n'ont àk qne c'est b pre-
mière fois qu'ils en entendent parler. Cest qm'antfi b«s
chrétiens sont pour la plupart d^bomnètes ciiltivaieQn«
qui ne sont pas les plus laforisés da cAlé de là fertone.
« Maintenant^ mon bien cher Père^ je vons quitta
pour sortir presque de la Chine. Je lais à dix liewi dn
continent, dans 111e àe Tiùm'4nim9 où l'on compte dut
mille chrétiens au milie» d^n Men phis grand nombre
d'infidèles. Monseigneur m'a dit que je serai le pveaîcr
Européen appelé à fixer là son si^MH*. Je reoommnde
d'une manière tonte spéciale à vos prières oettenoiiveUe
Mission. Il y a beaucoup de hmu à iMre et un eqpoir
onde <le baptiser «ne foule de pniens. Be plus , c'eal par
Tionirmim qu'on pense communiquer avec le Japnn.
Avis donc aux braves.
« Tout à vous en N.-S.
€ S. CLàVHIN, S. J. »
Digitized
byGoogk
283
MISSIONS DE LA CORÉE.
Le$ dernières nouvelles de la jCorée nous montraient
k^ Ferréol aux portes de cette Missicm ; il était prêt
à franchir enfîn les barrières qui le séparaient de son
tronpeau , quand de nouveaux obstacles vinrent encore
une fois tromper son attente , en lui fermant la voie qui
aiait conduit ses prédécesseurs au martyre. Repoussé de
/W-oun, le Prélat dut porter ses vues sur un autre point.
On lui avait dit que sur les bords de la mer du Japon» à
r^boucliure du Mikiang , qui sépare la Mantcbourie de
la Péninsule , existait un bourg tartare appelé Houng-
tAoun , en relation de commerce avec la Corée : il en-
^ja explorer ce passage par un de ses élèves. C'était un
jeune diacre coréen qui venait d'achever ses études à
Maeao ; il parle trois langues sans compter son idiome
ittturel , le chinois comme un bemme du pays , le latin
i^Mo &cilHé et le françws passaUement. Un néophyte
cUoois raoûooipÉgnaiu Quelques chiéiiens , ses omi*
Patriotes , avaient promis de se rendre de leur cM
^ Binmg.t§kmm , tt an ôgoal dut ils étaient coave-
>^» tlevoit lear «ervir k se reoMnatlreMaiilieit^la
^■^^ Dans kl lettre sûvance, le Jeune Conha lait à aM
^^e le réeit ée ton Toyage«
Digitized
byGoogk
384
Lettre d'Jndré Kimcn-Kim , Diacre ecrém , à Mgr Fer-
réol y Evêque de Belline , Ficaire apattoUiue de la
Corée et des iU$ lÀeau-Kieau. (Traduction du chinois.)
HongolHi , 15 déeembfe ISU-
Monseigneur ,
« Après avoir reçu la bénédiction de Voire Grandeur,
Cl pris congé d'elle, nous nous assîmes sur notre traîneau,
et glissant rapidement sur la neige , nous arrivâmes en
peu d'heures à Kouan-4chmg-Ue. Nous y passâmes la
nuit. Le second jour , nous franchissions la barrière de
Pieux , et nous entrions en Mantchourie. Les campagnes
toutes couvertes de neige , ei ne présentant partout que
la monotonie de leur blancheur uniforme , offiraient ce-
pendant à nos yeux un spectacle amusant par la multi-
tude des traîneaux qui, pour se rendre d'une habitation à
une autre , sillonnaient l'espace en tout sens , avec une
vitesse que Ton voit rarement en Chine.
€ La preniière ville que nous reBContrflnKesfDttfiUrtfif
métropole de la province qui porte le mâme wm ^ et ré-
sidence d*un Hiang4[im ou général d'armée. Blieestiis^
sise sur la rive orientale du Saungarif àxM le froid de
février enchaînait eacore le cours. Une dutlne de mon-
tagnes , courant de Foccidenc à Forient , el dont Im ci-
Mes s'efiSiçaient alors daos un léger nm^ de vapoirs •
Tabrite contre le vent glacial du tmtA. Gosmie presque
Digitized
byGoogk
286
toutes les cités diinoises , Ghirin n'a rien de remarqua-
ble ; c'est un amas irrégulier de chaumières , bâties en
briques on en terre , couvertes en paille » avec un seul
rez-de-diau8sée. La fumée qui s'élevait de ses toits, mon-
tait perpendiculaire , et se répandant ensuite dans l'at-
mosphère à peu de hauteur , formait comme un manteau
immense , de couleur bleuâtre , qui enveloppait toute
la ville. Mantchoux et Chinois l'habitent conjointement ;
mais les derniers sont beaucoup plus nombreux. Les
uns et les autres, m'a-t-on dit» forment une population de
six cent mille âmes ; naais comme le recensement est in-
connu dans ce pays, et que la première qualité d'un récit
chinois est l'exagération , je pense qu'il faut en retran-
cher les trois quarts pour avoir le chiffire réel de ses ha-
bitants.
« Ainsi que dans les villes méridionales , ses rues sont
très-animées : le commerce y est florissant ; c'est un en-
trqp^ de fourrures d'animaux de mille espèces, de tissus
decoton, de soieries, de fleurs artificielles dont les femmes
de toutes classes ornent leur téte^ et de bois de construc-
tion qu'on tire des forêts impériales.
m L'abord de ces forêts est peu éloigné de Ghirin :
nous les apercevions à l'horizon , élevant leur tête chauve
et noire au-dessus de Téclatanto blancheur de la neige.
BUes sont interposées entre l'Empire Céleste et la Corée
comme une vaste barrière , pour rompre toute com-
munication entre les deux peuples , et maintenir , ce
semble , cette division haineuse , qui existe depuis que
les Coréens ont été refoulés daos la péninsule. De Test à
l'ouest , elles occupent un espace de plus de soixante
lieues ; je ne sais quelleest leur étendue du nord au midi.
S'il nous avait été possible de les traverser en cet en-
Digitized
byGoogk
2S6
droit , et de pousser ea droite ligue vers la Corée , nous
aurions abrégé noire chemin de moitié ; mais elles dois
opposaient un rempart Impénétrable. Nous dûmes faire
on long circuit , et aller vers Ningotiêtra cberclier une
route frayée.
« Une difficulté nous arrêtait : nous ne connaissions
pas le chemin qui conduit à cette ville. La Providence vînt
i notre secours , et nous envoya pour guides deux mar-
chands du pays, qui retournaient dans lenr pafrle. Noos
glissâmes en leur compagnie quelque temps encore sur
la glace de la riviène , en la remontant vers sa source.
L'inégalité du terrain , les montagnes dont il est entr^
coupé , les bois qui le contrent , le déftmt de route tra-
cée , déterminent les voyageurs à prendre la voie des
fleuves. Aussi , en quittant le Soungari , nous allâmes
nous jeter sur un de ses affluents , qui va, plus au nord,
grossir de ses eaux le courant principal. Les Chinois
nomment cette rivière Mou-touan ; sur la carte euro-
péenne elle est marquée Hur-dia ; serait-ce son nom ta^
tare ? je l'ignore. Des auberges sont échelonnées sur ses
rives. Nous fûmes, un jour, agréablement surpris d'o)
rencontrer une chrétienne : on nous y reçut en frères ;
QOii-seuIemest on n'exigea rien pour notre logement ,
■Mus o» nous contraignit néme d'acoepler des proviiioas
do booche. C'est one joslioe à rendrerax néofÂytesciii*
■ois : ib pratiqveat envers kvrs Mrts écranfers
rbosphalité la phis géBéreuse.
« Noos nous avancions, tantôt sur la glace du lleiive,
tantôt sur Fun ou sur l'autre de ses bords, suivant que la
route nous oflhiit moins d'aftpérité. A droite et à gauche
s'élevaient de hautes montagnes couronnées d*arbre5 ^-
gantesques , et habitées par les tigres , les panthères,
les ours , les loups , et autres bétes l^roces , qui se
Digitized
byGoogk
387
réuBUMBl pour fiiice lar goeire aux paistfits* Malheur à
riiqprudent qui oserait seul s'engager au aûlieu de ceite
affreuse solitude 1 il n'irait pasbin sans élre dévoré. Oa
noua dit que dans le courant de Tbiver , près de quatre-
vingts hommes » et plus décent boeufs ou chevaux étaient
devenus la proie de ces animaux carnassiers. Aussi les
voyageurs ne marchent-ils que bien armés et en forte
caravane. Pour nous , nous formi<His un bataillon redou-
table à nos ennemis. De temps en temps, nous en voyions
sortir quelques-uns de leur repaire ; mais notre bonne
eontenance leur imposait , ils n'avment garde de nous at«
tafcpier.
« Si ces animaux luttent contre tes hommes, ceux-ci
^revanche leur font une guerre d'extermination. Cha-
que année vers l'automne , l'empereur envoie dans ces
forêts une armée de chasseurs ; cette dernière année , ils
étaient cinq mille. II y a toujours plusieurs de ces preux
qui payent leur bravoure de leur vie. J*en rencontrai un
que ses compagnons ramenaient au tombeau de ses pères,
à plus de cent lieues de là : il avait succombé au chaïnp
dlionneur ; sur sa bière étaient étalés avec orgueil les
trophées de sa victoire , le bois d'un cerf et la peau d'un
tigre* Le chef du convoi fîinètoe jetait par intervalle sur
la voie publique du papier monnaie , que l'âme du défunt
devait ramasser pour s'en servir au pays d'outre-tombe.
Cet pauvres gens , hélas I étaient loin de penser que la
Foi et les bonnes ceuvres sont , dans l'autre monde , la
seule monnaie de bon aloi. Sa Majesté chinoise s'est ré-
servé à elle seule le droit de chasser dansées forêts , ce
qiy n*empéche pas une foule de braccmniers chinois et
ooréeu de les exploiter à leur profit.
m AvttBt d'atteindre la rwteqni perce la fbrét jusqu'à
farflMT erieniite, nMetraverstawinttpetit lacdtseptà
Digitized
byGoogk
288
huit lieues de large ; il était glaoé comme la ritière qni
Palimente. Il est célèbre dans le pays par le nombre de
perles qu'où y pèche pour le compte de remperenr. Od
le nomme Hei-hou ou Hing-tehou-mén^ Lac fwir ou Ar(e
aux pierres précieuses. La pédie s'y fait en été. En sor-
tant de la Porte aux perks , nous entrâmes dans une h^
^tellerie. Le premier jour du nouTel an chinois appity-
cbait , jour de grande fête , de grands festins , et de
joyeuse vie. Tout voyageur doit interrompre sa courte
, pour le célébrer. L'aubergiste nous demanda d'oil nous
venions et où nous allions. « De KkomirUkenftxe , tai
« dtmes-nous , et nous allons à Houng^choun ; m»
« nous ne savons pas le chemin qui y condiUt. — En œ
« cas f pousuivit*il, vous allez demeurer chez moi ; voiâ
« la nouvelle année : dans huit jours , mes chariots doi-
« vent se rendre au même endroit : vous mettrez des-
« sus votre bagage et vos provisions , et vous partirez!
« leur suite; en attendant, vous serez bien traités. » Son
offire fut acceptée avec remerdment. Nos chevaux , d'ail-
leurs, étaient si fatigués qu'une halte de quelques jours
leur était nécessaire.
« A l'époque du nouvel an , les païens se livrent ï
de curieuses superstitions. Les gens de Tauberge pas-
sèrent la première nuit en veille. Vers l'heure de minuit;
je vis s'approcher du Khang , ou fourneau qui me
servait de lit , un maître de cérémonies , affublé de je ne
sais quel habit étrange. Je devinai son intention ; je fis
semblant de dormir. Il me frappa légèrement à plusieurs
reprises sur la tête pour m'éveiller. Alors sortant comme
d'un sommeil profond: « Qu'est-ce donc? qu'y a- t-il?
« lijul dis-je. — Levez- vous : void que les Dieux appro-
« chent ; il faut alkr les recevoir. — Les Dieux appro-
« chent I.... D'où vimnent-ils? quels sont ces Dieax?
Digitized
byGoogk
289
— Oui , les Dieux , les grands Dieux vont venir ; leiiez*
« vous , il faut aller à leur rencontre. — Eh I mon anû ,
« un instant. Tu le vois^ jesuisen possession du dieu du
« sonuneil , en est-il un parmi ceux qui vienn^t qui
« puisse m^étre aussi agréaUe à Theure qu'il est ? De
« grâce , permets que je jouisse tranquillement de m
• présence ; je ne connais pas les auires dont tu me par*
« les. » Le maître de oériémonies s'en alla gronunelanc
je ne sais quelles paroles. Il est à présumer qu'il ne fut
pas fort édifié de ma dévotion pour ses grands Di^x^ et
qu'il augura mal du soccès de mon voyage.
« Voici la manière dont se fait cette réception nocturne.
Le moment venn , c'est-à-dire à minuit , hommes, fem-
mes, enfants , vieillards, tous sortent au milieu de la
cour , chacun revêtu de ses pins beaux habits : là , on se
lient debout ; le père de famille qui préside à la cérémo-
nie , promène ses regards vers les différents points du
ciel. Il a seul le privilège d'apercevoir les Dieux. Dès
qu'ils se sont montrés à lui , il s'écrie : « Us arrivent ,
« qu'on se prosterne, les voilà de tel côté. » Tous à l'in-
stant se prosternent vers le point qu'il indique. On y
tourne aussi la tète des animaux, le devant des voitures;
il faut que chaque chose dans la nature accueille les Dieux
k sa manière : il serait malséant si , à l'arrivée de tes
hôtes célestes, leurs yeux rencontraient la croupe d'un
cheval. L»es divinités étant ainsi reçues , tout le monde
rentre dans la maison et se livre à la joie d'un copieux
festin en leur honneur.
« Nous demeurâmes huit jours à Hiny^tehcfiMnm. Le
4 de la première hme , laissant là notre traîneau dëeor*
nais inutile , notts stUÉms nos chevaux et nous pant^
n» aveo les cbarlois de ravbergiite. Ses gens s'étMenc
^og^gés , mojMnint M prix convemi , à fournir dm
TOM. xvni. 106. DitftdbyLjOOgle
290
hangB à DOS montures, et à porter dob provisions pai-
rfiatqne sons trav^rs^ions la forft; car on n*y trouve que
de boîs pour se diaaffer et foire caire ses aliments. Enfis
MM orivâmes à Ma4im^ près de /RnjwiÉra , oi
(MUMBçait la route , dont Fautre bout attdgnait la
iMrà UBe distance de soixante lieues* Il y a sept à huit
«Mf 08 ne rencontrait sur le chemin aucune habitaiicMi ,
i«eue cabane qui donnât un abri au Toyageurs. Cenx-d
m i4«nisBaieat «B caravanes et campaient àreuffroitoA
kn^iessurpranait , en ayant soin pour écarter les ti*
gras d*entretenir des feux jusque matin. Anjourdlnî
des hAtelleries sontécbelcmnées surles bords de Ursule :
ca aost de grandes, huttes, eoasiruUes à la maniire des
sauvages , avec des branches et des troncs d'arbres m-
peipoaés , demi les intervalles ainsi que les plus grosses
{sMs sont bouchés avec de la boue. Les architectes et
BMttresde ces caravansérails eafiimés sont deux ou trois
ChinoiSt qu'on attelle en langage du pays KouaÊMf-hmr
Us t fsiu êon» famiUe , venus de loin , la pUipartdéser-
teurs de la maison pat^neUe et vivant de rapine. CeA
pendant Fhiver seulement qu'ils sont là ; le beau temps
revenu , ils quittent leurs cabanes^ et s'en vont bra-
coMttT dans le bois , ou chercher le /en-set^ , cette rt-
ctue précieuse , qui se vend en Chine le double du poids
de Ter.
« L*ioîérieur de ces taudis est encore plus hideux q««
le dehors n'est misérable. Au milieu , montée sur trois
pierres , repose une grande marmite , seule vaisselle *
ces restaurants. On met le leu par-deas» ; i^^^^
•'éekan^ par où el^e peut. Je tous laîaae à jugtf de Is
«Mceur qui s'attache aux paras. Des féails^ ii«s €<'**
mm de <àasse . ettfaaiés oonme le rente, sattiP-
pandas aux troMs qui tommu las aa«mîUes?ia«<^
Digitized by LjOOQ IC
291
est couvert d'écorces d^arbres : c'est sur ce duvet que le
voyageur doit reposer ses membres fatigués et réparer
ses forces. Nous nous trouvions quelquefois plus de ceot
étendus là péle-méie« presque les uns sur les autres. La
fumée m'étoufTait , j'en étais asphyxié , je devais sortir
de temps en temps pour respirer Fair extérieur et re-
prendre baleine ; le matin j'expectorais la suie avalée
pendant la nuit*
« Les Kùwmg*kwMXie n^elfrent à leurs botes que le
lofe et Peau. C'est donc une nécessité pour ceux-ci^ avant
de pénétrer dttts le bois , de £ftire leurs provisions. Là ,
la monnaie de cuivre n'a pas de cours : l'argent y est
presque inconnu ; les maîtres d'auberge reçoivent , en
échange de rhospitalifé qu'ils donnent , du riz, du mil-
let , de petits puins cuits à la vapeur ou sous la cen-
dre, de la viande, du vin de mais , etc. Quant aux bétes
de somme, elles wo$. logées à la belle étoile, et il &ut faire
sentinelle pour les soustraire à la voracité des loups et
des tigres , d^nt Tapprodie nous était signalée par les
dievaux qui hennissaient , ou qui soufflaient avec force
de leurs naseaux dilatés par là peur. On s'armait alors
^^ torches , on frappait du tam-tam , on criait , on
htiriait , et on mettait l'ennemi en fuite.
« Ces forêts m^ontparu très-anciennes ; les arbres en
^at énormes et d'une hauteur prodigieuse. Ce n'est que
^ur la lisière que la hache les abat ; à l'intérieur la vieil-
lesse seule les renverse* Des nuées d'oiseaux habitent
dans leurs brandies ; il y en a d'une grandeur démesu-
^^« qui enlèvent de jeunes cerfs ; leurs noms me sont in-
«'xmniis. Les faisans surtout abondent : on ne saurait se
faire une idée de leur multitude , quoique les aigles et
^ vautours leur fessent une guerre cruelle. Un jour ,
**^»« vfcwg un dt ces oiseaux rapaoes finHbre sur un mal-30gk
10
194
« Quand noos arritâmes à la frontière, il défait
8*éc(niler huit jours avant Pouverture du marcké. Que
le temps me parut Icng I Qu'il me tardait de reconnatu^,
au signal convenu , les néophytes coréens et de m'aboa-
cher avec eux I Mais force fut bien d'attendre. « Hélas 1
« me disais- je y ces peuples en sont encore à cet état de
« barbarie de ne voir, dans un étranger, qu'un ennemi
« dont il faut se défaire , et qu'on doit rejeter avec hor-
« reur de son paysl » Comme je comprenais alors cette
vérité, que Thomme n'a pas de demeure permanente ici-
bas, qu'il n'est qu'un voyageur de quelques jours sur la
terre I Moi même je n'étais souffert en Chine que parce
que Ton me croyait Chinois, et je ne pouvais fouler le
sol de ma patrie^que pour un instant et ea qualité d'étran-
ger. Oh ! quand viendra le jour où le Père ooflumun de la
grande famille humaine fera enril^rasser tons ses enfants
dans l'effusion d'un baiser fraternel, dans cet amour im-
nsenae que Jésus , son Fik^ est venu comminiiquer à touf
les hommes I
« Avant de partir, vous m'aviez recommandé, Mon-
seigneur, de prendre des renseignements sur le pays que
fanrais i parcourir. J'ai tâché de me conformer aux in-
tentions de Votre Grandeur. En observant moi-méflu,
en interrogeant les autres, en faisant un appel aux sou*
nmin de ma première jeunesse , passée dans les écolei
de la Corée , j'ai pu recueillir les détails que je vais voos
soumettre. Je serai le plus bref possible.
« Les Mantcboux proprement dits sont disséminés sur
un vaste terrain y moins étendu cependant que ne l'indique
la carte européenne que j'ai sous les yeux ; ils ne vont
guère au delà du 46^ de latitude. Bornés , i l'occident,
par la barrière de pieux et le Soungari^ qui les séparent
Digitized
byGoogk
395
de la Moi^lie; au nord, par les deux petits éw» àm
(hh£in et des Jn-A'-IalM ou Tariuui au» jMdHOi 4i
poisiimt; à l'orient , par la mer du Japon ; ils coafiafiQl
ayec la Corée au midi.
« Depuis qu'Us ont conquis la Chine , leur pays est
désert; d'immenses forêts^ oh le voyageur ne rencontre
aucun être humain» en couvrent une partie; le reste
est occupé par quelques stations militaires , s'il faut ap-
peler de ce nom un petit nombre de familles tartares»
groupées ensemble à des distances très considérables,»
Ces familles sont entretenues aux frais de l'empereur ; il
leur est défendu de cultiver la terre. Il semble qu'elles
De sont là que pour faire acte de présence» et dire aux
peapladcs du nord , très-timides d'ailleurs et se trouvant
assez au large dans leurs bois : « Ne descendez pas ; le
pqrs est occupé. » Des Chinois clairs-semés qui défri-
chent, en fraude de la loi, quelques coins du pays, leur
vendent le grain nécessaire à leur subsistance.
« La Mantchourie paraît très- fertile; on le reconnaît
à Therbe luxuriante qui s'élève à hauteur d'homme. Dans
les endroits cultivés, elle produit le mais, le millet» le
sarrasin, le froment cq très- petite quantité. Si eetle
dernière récolte n'est pas plus abondante , il faut l'im*
puter, je crois» à l'humidité du sol et aux brouillar()l
dont il est souveuf couveru
« Toure Oandeur demandera peut-être la cause de ta
solitude qui règne en Mantchourie. Ce fut une politique
du dief de la dynastie actuelle en Chine^de transplanter,
lors de h conquête^ son premier peuple dans le pays
envahi. Quand il fit irruption dans Fempire , il emmena
avec hii tous ses soldats avec leurs familles , c'est-à-dKre
tons ses sujets; il en laissa une partie dans le Leao- 7mg,
Digitized
by Google
29fi
et distribua le reste dans les principales cités diinoises.
Il s'assurait ainsi la possession de ces villes, en y jetant
une population nouvelle , intéressée k les maintenir dans
le devoir^ à étouffer les révoltes dans leur naissance, et
à consolider sa puissance sur le trône impérial.
« Cet état de choses a duré jusqu'à nos jours. Les Chi-
nois et les Mantchoux , quoique habitant depuis deux
siècles dans la même enceinte de remparts, et parlant le
même langage, ces deux nations ne se sont pas fondues :
chacune conserve sa généalogie distincte. Aussi , en en-
trant dans une auberge , en abordant un inconnu , rien
de plus commun que cette question : « Ni che mingjeu^
c khi jeu? Es-tu Chinois ou Mantchoux? » On désigne
les premiers par le nom de la dynastie des Ming , et les
seconds par le nom de bannière. Cest que les Mant-
choux, dans le principe, furent divisés en huit tribus,
se ralliant chacune sous un étendard dont elle conserve
la dénomination.
« Les Mantchoux n'ont pas de littérature nauonale :
tous les livres écrits en leur langue sont des traductions
d'ouvrages chinois, faites par un tribunal spécial établi
iiPéking. Ils n'ont pas même d'écriture propre; ils ont
emprunté aux Mongols les caractères dont ils se servent.
Leur langue se perd insensiblement; il en est assez peu
qui la parlent ; encore cent ans , et elle ne sera dans
les livres qu'un souvenir du passé. Elle a beaucoup d'af-
finlté avec la nôtre ; cela doit être , puisqu'il y a quelques
siècles , la Corée étendait ses limites au delà du pays des
Mantchoux proprement dits , et ne faisait des deux états
qu'un seul royaume , habité par le même penple. On
trouve encore dans la Mantchourie certaines familles
dont la généalogie, religieusement conservée » atteste luie
Digitized
byGoogk
297
origine coréenne; on y rencontre aussi des tombeaux
renfermant des armes , des monnaies , des vases et des
livres coréens.
« Je vous ai parlé (dus haut des Ou-Kin et des Tu-Pir
Latse. Je n'ai pu recueillir sur leur compte que des don-
nées incomplètes. Les derniers sont ainsi appelés par les
Chinois^ parce qu'ils se revêtent d'habits faits de peaux
de poisson. Habitant sur les rives dnSoungari et sur les
bords des rivières qui grossissent ses eaux »ou errant dans
les bois, ils se livrent à la pèche et à la chasse, et vendent
aux Chinois les fourrures des animaux qu'ils ont tués et
le poisson qu'ils ont pris. Le commerce se fait en hiver;
le poisson, qui est alors gelé,alimente les marchés à plus de
deux cents lieues au loin j les Tu-Pi-Latse reçoivent en
échange dès toiles, du riz et de l'eau-de-vie extraite du
millei. lis ont une langue à eux. Leurs états sont indé-
pendants de l'empereur de Chine, et ils n'admettent pas
les étrangers sur leur territoire. Les Chinois disent qu'ils
sont d'une malpropreté dégoûtante. Cela peut être; maïs
pour avoir le droit de leur faire un pareil reproche,
<:eux qui les accusent devraient eux-mêmes changer de
linge un peu plus souvent qu'ils ne font,et détruire la ver-
mine qui les dévore.
« Au delà du pays occupé par les Ih-Pi-LaUe, et
jusqu'à la frontière de la Russie asiatique, il est à présu-
mer qu'il existe d'autres bordes errantes. Cette opinion
que j'émets n'est qu'une simple conjecture ; car on n*a
aucune dooAée positive. Au mîdt de cette tribu , du û6cé
dé la mer » est «a pty$ qtt'on m'a nommé Ta-Tcho-Som ,
fiorte de terre affranchie m se «oit réunis il n'y a pas
longtemps , et où se réiuii«eiit encens tons les jours , une
toule de vagabonds chinois et coréens : les uas poussés
Digitized
byGoogk
298
par Tesprii d'indépendance , les autres pressés d'écbap-
per au cb&umenc dû à leurs méfaits ou à la poursuite de
leurs créanciers. Accoutumés au brigandage et au crime,
ils n'ont ni mœurs ni principes, lis viennent cependant,
m'a-t-on dit, de se choisir un chef pour réprimer leurs
propres désordres, et se donner une existence plus régu-
lière. D'un commun accord , ils ont décidé qu'on enter-
rerait vif tout homme coupable d'homicide; leur chef
lui-même est soumis à cette loi. Comme iU n'ont pas de
femmes , ils en enlèvent partout oà ils en trouvent. Ce
petit état^ qui ne ressemble ps» mal au commencemeM
de l'antique Rome , en anra-t-it les développemeou?
C'est ce que l'avenir dévoilera.
« Non loin de la frontière coréenne , au milieu de la
forêt, s'élance vers les nues le Ta-Pei-Chan ou U Grande-
Montagne-Blanche , devenue célèbre en Chine par le ber-
ceau de Han-ff^ang , chef de la famille impériale actuel-
lement sur le trône. Sur le versant occidental a été
conservée, à l'aide de réparations, son antique demeure :
lieu entouré, par la superstition chinoise, d'un culte re-
ligieux , le dévot pèlerin y vient des contrées les plus loin-
taines incliner son front dans la poussière. Les auteurs
sont partagés sur l'origine de Han-Wang : les uns disent
qu'il fut d'abord chef de voleurs et qu'il exploitait les
pays d'alentottr; qœ^ se voyant à la i4te d'un ps^ii nom-
breux , il jeta les fondeaieotf d'une paistanee royale.
D'autres somieniient, pour savver son honneur, que
c'était nn de oes petits roitelets éonme il y en a bew-
coup en Tàrtarie, eC qn'il m fit qn'tframfir l'héritige
qa^'A avait reçn de ses pères. Quoi qa'S en soit de sa
naissance, il c«t eertain q«e vers la &i de la dynastie des
Mimjf, ce prinee était dëji atsec pdflsaal pottr fiiirt tres-
Mer l'emperevr de Chine. f^m-U, hm des derniers
Digitized
byGoogk
i99
moBârqtieft de cette race déchue, pour dâ>iliier les
forces de ce wisiii dangereux, le pria de lui entoyer
l'élite de ses guerriers , sous prétexte de les opposer aux
MoDgols cfui menaçaient ses états. Dès qu'M les vit en sa
puissance, il les fit tous périr, à Texception d'un seul,
qui sut par sa benne mine intéresser un mandarin en sa
faveur, et fut mis pair lui au nombre de ses domestiques,
li gagna tellement sa confiance, qu'il devint l'intendant
de sa maison. A qu^ue temps de Ui, un autre officier
chinois, étant venu virfter le mandarin, vit le jeune
Tartare , et dit à son confrère qu'en conservant ce pros-
crit, il s'exposait à encourir l'indignation de l'empereur.
L'autre lui répondit qu'il s'en déferait, mais qu'en at-
tendant il fallait se livrer à la joie du festin.
« Cependant, le jeune homme , qui avait entendu ce
propos , craignant pour ees jours , ordonne à un pale-
frenier de sdler le meilleur des chevaux de son maître,
disant qu'il a une conuuission importante à remplir* Le
cheval prét,il monte diessus, et court à bride abattue à la
lUonUtftêe'Blamche annoncer à Ban4f^cmg la trahison de
l'empereur et le sort de ses infortunés compagnons d'ar-
mes. HarirfFang ne se possède plus ; il envoie l'alné de
ses dix fils à la tête d'une armée s'emparer de Moucden^
capitale du Leao-Tong , que les Chinois avaient enlevé
aux Coréens. Le général , arrivé k Maucden^ fut effrayé
du nombre des ennemis et s'en retourna sans coup férir*
Son père , outré de sa lâcheté^ le tua de sa propre main;
puis, prenant sa famille et tout son peuple , vint se pré-
senter devant la ville , qui lui ouvrit ses portes. Il y plaça
son trône.
« SureesMUniiâm, don ùBimen en priais kipé-
rîil, deol l'anime n^mff^mkg^iVmtnTcm, tnmk-
raitoe coûqrirtiion castre Tcfa—f Ttenf,
Digitized
byGoogk
300
de ff^art'ùi , et élurent un antre prince à sa place.
Tdunmg-Tseng , voyant ses affaires dése^rées, se pen-
dit à UQ arbre sur le mont Meickan. On a conservé cet
arbre jusqu^à nos jours ; les Chinois Tentourent d'une
grande vénération , persuadés qu^il a été sanctifié par la
mort de Tempereur. Celai qu^on a^it mis à sa place
s*appelait Tchouang-ff^aaig. 11 eut Timprudence de s'at-
tirer la haine d'un mandarin puissant en lui enlevant sa
femme. OuSang-Kom, Tépoux outragé, demanda da
secours au nouveau roi de Mûuedm pour poursuivre le
ravisseur qui , effrayé^ s'était enfui dans les provinces
méridionales.
« Pendant ce temps- là (1644) , le rusé HanWanq
envoie son second fils Choun-Dje^ qui s'empare de Péking
et inaugure la dynastie des Tartares-Mantchoux. Chaun-
Dfe fut père de Khan-Hi, sous le règne duquel on eut
un instant l'espoir de voir tonte la Chine se convertir à
la foi chrétienne, espoir qui s'évanouit sous le règne de
ses successeurs «/otmjf-7cAm , Kien-Loung, Kia-Khing,
Tao-Kauangj qni ont plus ou moins persécuté la Religion.
« Je reviens au récit de mon voyage. Le 20 de la pre-
mière lune , le mandarin coréen de Kien-fFtn transmit
à Houng-Tchoun la nouvelle que le commerce serait
libre le lendemain. Dès que le jour parut, nous nous
bâtâmes, mon compagnon et moi, d'arriver au marché.
Les approches de la ville étaient encombrées de monde;
nous marchions au milieu dé la ioule , tenant en main
notre mouchoir blanc , et portant à la ceinture un petit
sac à thé de couleur rouge : c'était le signe dont on était
convenu et auquel les courriers coréens devaient nous
reeoanallre; de pins, c'étÂt à e«% de nom abonter.
« MouaentTHias dantkfilb, note «avortions, per-
8(Mine ne se présentait. Plusieurs henres s'écosl^cnt
Digitized
byGoogk
301
ainsi ; nous commencions à éire dans rinqniéCttde.
« Auraient-ik manqué an rendez-Tons? nons disions-
« nons l'un à Tantre. » Enfin , élrat allés afareater nos
chevaux à un ruisseau qni coule ù trois cents pas de la
Tille , nous Toyons venir à nous un inconnu qui avait
aperçu notre signalement. Je lui parle chinois , il ne me
comprend point. « Comment t'appelles-tu ? lui dis-je
« alors en coréen. — Han est mon nom , me répondit-îK
« — Es-tu disciple de Jésus? — Je le suis. » Nous y
voici, pensai-je*
« Le néophyte nous conduisit auprès de ses compa-
gnons. Ils étaient Tenus quatre » et il y avait plus d'un
mois qu'ils attendaient notre arrivée. Nous ne pûmes pas
avoir ensemble un long entretien : les Chiiiois et les Co-
réens nous environnaient de toutes parts. Ces pauvres
chrétiens paraissaient abattus par la tristesse. L'air mys-
térieux qui régnait dans l'échange de nos paroles» intri-
guait les païens. Quand ceux-ci semblaient moins atten-
tif à nos discours , nous glissiotis quelques mots sur nos
affaires religieuses, et puis tout de suite nous revenions
au marché de nos animaux. « Combion en vent-tn? —
« Quatre-vingts Ugatnres. -— C'est trop cher. Tiens ,
« prends ces cinquante ligatures et livre-moi ta bote. —
« Impossible , tu ne l'auras pas à moins. » C'est ainsi
que nous donnions le change à ceux qui nous observaient.
« J'appris de ces durétiens que depuis la peréécution
l'Eglise coréenne était asseï tranquille ; qu'un grand nom-
bre de fidàles s'étaient retôrét dans les provinces méridio-
nales , comme nsoins exposées aux conpsde ki tempête ;
que plusieurs familles s'étaient récemment convertksà
la foi ; qu'il serait difficile aux néophytes de eonserver
longtemps un Missionnaire européen dans le pays , mais
que se coftfiaat en la bMté divine , Us fei aient tout ce qui
Digitized by LjOOQ IC
302
dépendrait d*eax pour le recemir ; qne Pien^JUtn serait
nioins dangereux que Eimnf4dumn pov son imroduo
tion , par h ruson qu'en emvànt par le nord , oam la
difficnhé de passer la fironUère , il lui Ëuidrait encore
traverser tout k royaume.
« Notre entretien étant fini , nous nous primes les
mains en signe d'adieu. Eux sanglotuient , de grosses
larmes coulaient sur leurs joues ; pour nous , nous re-
gagnâmes la Wlle, et nous disparûmes dans la foule.
« Le marebé de £ie9^ff^en nous offrit un spectacle
Gorieux. Les vendeurs nVmt pas le droit d'éuiler leurs
marchandises dès qu'ils sont arrivés ; il faut qu'ils atten-
dent le signal. Aussitôt cpie le soleil est parvenu au milieu
de sa course , on hisse un pavillon , on bat du Uim-
iëm : à l'instuit la feule immense , compacte , se rue
sur la place publique; Coréens , Chinois » Tartares ,
tout est mêlé ; dhpenn parle ta langue ; on crie àfndre
la tête pour se &ire entendre ; et tel est le mugissement
de ce flot popnlaire , qne les échos des montagnes voisi-
nes répàtent eesdttMurs discordâmes.
« Quatre ou cinq heures , c*est tout ce qifon accorde
de temps pour vendre, et acheter ; aussi le mouvement
qu'on se donne , les rixes qui ont Heu , les coups de
poing qui trottent , les rapines qui se font presqu'^ main
armée , impriment à JTMH-IPm l'image, non d'une foire,
mais d'unoTifle prise d'assaut et ttvrée au pHIage. Le vAr
venu , le signal du retour pour les étrang^sest donné;
on se retire dans le même désordre , les soldai poussant
les traînards avec la pointe de lemv lances. Heôs eftmes
bien de la pône à nous tnrer de cistte oehie. Nous rega-
gnions ffaung-tckam^ lorsque nonsttmes de Mweau
«'^ir à nous les courriers coréens ; ib ne poofuentse
Digitized by LjOOQ IC
303
résoudre à nous quitter ; ils voulaient encore s^entrete-
nîr avec nous, nous dire un dernier adieu. Mon compa-
gnon sauta à bas de son cheval pour échanger encore
quelques paroles amies ; je lui fia signe de remonter, de
peur que les satellites qui nous environnaient , ne soup-
çonassent en nous des personnes qui avaient d'autres in-
térêts que ceux du négoce : ensuite , saluant FAnge qui
préside à l'Eglise coréenne , et nous recommandanl aux
prières de ses Martyrs , nous fa*anchtmes le Mtkiang , et
nous rentrâmes en Tartarie.
« A notre retour , nous trouvâmes le chemin bien
changé. Le fleuve, sur la glace duquel nous avions glissé
auparavant , éUtit alors en grande voie de dégel. Des
ruisseaux descendant du haut des montagnes , grossis-
saient son cours, qui entraînait pêle-mêle et des troncs
de vieux arbres et d'énormes glaçons. De nouveaux
voyageurs avec leurs voilures arrivaient toujours, et s^en-
combraient sur ses bords. Leurs cris , les hurlements des
bêles féroces mêlés au fracas des eaux , faisaient de cette
vallée un spectacle solennel et terrible. Personne n'osait
s'aventurer au milieu du danger. Chaque année,nous dit-
on , beaucoup de personnes périssent ensevelies sous la
glace. Plein de confiance en h (fivine Providence qui
nous avait conduits jusque-là, je cherchai un endroit guéa-
Ue , et je passai à Tautre rive. Mon compagnon fut plus
prudent ; il prit un guide , et alla &ire un kmg dr-
cuii. Nous n^eÛBies à regretter qiM la perte d'un de nas
chevaux.
• De votre Révérendissime Grandeur ,
« Le tr&s-obéissant et très-indigne fils ,
« Ain>K^sÀs Knui-Kis, Diacre cùréen. »
Digitized by LjOOQ IC
304
Extrait cTune lettre de M. Daveluy , Pr4tre de la SodéU
des Missions Etrangères , à M. Barran , Directeur on
Séminaire de la même Congrégation.
HoaUie en Chine, 28 août 1845.
« Monsieur et cher Confrère ,
« La Corée vient défaire un heureux effort,pour sortir
de la solitude dans laquelle on voudrait étouffer sa foi.
Vous savez qu^un jeune diacre de cette nation , nomnié
André Kimai-kim , avait été envoyé dans le Nord par
Mgr Ferréol , pour y tenter une voie nouvelle. Dans le
cas où il trouverait le passage absolument fermé , il de-
vait retourner au Leao-Tong , épier Foccasion de se glis-
ser dans son pays à travers les post& nombreux de Picn-
men , et , s'il était possible, y acheter une jonque pour
venir à Chang-hai on à Chusan chercher le Vicaire apo-
stolique.
« C'est ce qu'il a fait avec autant de bonheur que d'io-
telligence et de courage. Soutenu par une confiance sans
bornes en la Providence , André a surmonté tous les ob-
stacles ; il s'est procuré un petit navire, monté par vingi-
quatre chrétiens , et avec une simple boussole, sur une
mer tout à fait inconnue pour lui comme pour son équi-
page , il a fait voile vers la Chine. Dans une tempête sa
barque a perdu le gouvernail ; mais elle a été remorqwe
Digitized by LjOOQ IC
306
jusqu'à Chang-hai par un bateau chinois. André est allé
*monilter au milieu des bâtiments anglais qui statioo-
^aient dans le port ; jugez de la surprise des officiers
lorsquHs Tout entendu leur dire en flrançais : « Moi Co-
réen y je demande votre proteàiion! Cette protection lui sl
été accordée , et il aurait été bien défendn au besoin , je
vous prie de le croire.
« Mgr Perréol fut aussitôt prévenu et se hâta d'ac-
courir auprès de ses intrépides Coréens. Quand il leur
ftit permis de voir leur pasteur , de recevoir sa 'bénédic-
tion , quand ils virent an autre prêtre accompagnant
monseigneur pour les secourir , leur émotion fut extré-
*«rie. Au milieu de leur joie , André nous rapporta un
«ujet de tristesse qui les tourmentait. Ces l»ons chré-
tiens 9 jetant les yeux sur nous , et pensant à notre vie
{>as$ee , puis aux travaux et aux souffrances qui nous at-
tendent dans leur pays, avaient le coeur oppressé et sW-
iligeaient de nous conduire au milieu de^ persécu(ion$*
Hs Jie savaient pas encore , sans doute , les délices doot
notre âme est inondée, le bcmheur dont Dieu récempenee
déjà en ce monde les sacrifices faits pour sa gloire. Bien-
tôt , j^espère , ils verront que nous partons de grand
^Mar; et « «tt fmée^ ioulhiiioefi, Mett imms accordera
ii% ïlbrw 4» lemÊ^fn fMpi'aM Càtvrire.
u Nous eftmes quelques jours plus tard un grand sujet
^consolation. Monseigneur pensa devoir conférer h prS-
* frise à André , et la cérémonie se fit dans la chap^e de
-Ifin-ia-ham , dirétienté distante de Changez de deux
^am mois teie>> jQ^jupo ptéam fmrt\fému ^ vm chinois
IwarfliTi» t rnritenini f nr tifinllr mn fnili in itrf
tieas étaient accooms. Nonsydéployi^oHi tmm)êjfmtfe
possible. Mais comment tous peindre notre joie bi Toyaot
'c«s prëttices àa dergé coréen I André est le prewer
rom. XfUh IM. S»
Digitized by LjOOQ le
3<hi
prêtre de cette nation* Dieu , nous Tespérons » les mslti-
pliera dans quelques années ; c^est là notre œuvre, notre
premier but : puissions-nous l'accomplir) Cette ftteint
complétée peu de jours après : André célébra sa première
messe dans la chapelle du petit séminaire, où trente- trois
élèves dirigés par les PP. Jésuites font la consoUtion dt
Mgr de Bési.
« Vous parlerai-je maintenant des bruits répandns en
Corée ? Malgré la persécution , on djt ,.et cela parmi tes
païens , que notre sainte foi aura beaucoup de prosély-
tes. C'est même , ajouie-t-on , la parole d'un des minis-
tres du Roi. Le courage et la force de la plupart des fi-
dèles ont donné partout une haute idée de la Religion ;
die est estimée, admirée même de ses ennemis ; tout ce
qui est grand, généreux, est attribué aux chrétiens, et si
quelque idolâtre fait un acte de vertu un peu au-dessus
du commun , il n'en faut pas davantage pocu- le faire
soupçonner d*étre chrétien. Tout cela joint aux cou-
versions qui s'opèrent chaque jour , malgré la fureur
des ministres , nous donne de belles espérances. Noos
apprenons aussi le retour de bien des apostats , et la fer^
veur est loin de se ralentir parmi les fidèles.
« Tds soitt , Moâsieiir ei dier Confrèr» ^ lasiadieci
rapportés par André* et sur tesquetsMos foodûBs, après
Dieu , l'espoir de quelques firuits. Vous imirez tos pri^
res à nos travaux ; les bonnes ûmes de l'Eui^ope attiie*
ront sur notre pauvre Mission les bânédictions de Him^
et alors , peut-être , nos eiforts ne seront pas ioutiMv»
« En attMdMtroecasioft de iioa«Mx détails» teiiiks
rsttayeig rassumneede yattac|w»€»t wepeesnBidefttte
défwé servkesr ,
« A. Daviivt , ^11». ff^* •
Digitized by LjOOQ IC
MANDEMENTS ET NOUVELLES.
Depuis la publication do dernier Numéro , six Mande-
ments ont paru en Êiveur de TŒuyre ; nous devons ces
Bouveaux encouragements à Nosseigneurs les Evéquesde
Verdun , d'Autun , de Strasbourg , de tarcassonne, de
Savone et de Perjrijgiian.
H. Ubermami, supérieur de la Société du Saint-Cœitr
de Marie, nous communique la lettre suiminte, que nous
aurions touIu mettre plutôt sous les yeux de nos lecteurs.
C'est le récit d'un témoin oculaire sur les derniers mo-
ments de M. Tabbé Tisserant , Préfet apostolique des
Deux Guinées , qui a péri le 7 décembre 1845 , dans le
naufrage de la conrette & vapeur le Papin. Ce fervent
Missionnaire s'était dévoué au sc^ut des Noirs; eu
1844 il était leur opAtre à Tafiti , et il allait encore les
étangéliser éur la côte d'Afrique , quand Dieu Ta appelé
pour élre an de! leur intercesseur
Letire de If . Du Bourdieu , comminaire de marine , d
M. De$gen$ttes , curé de Notre-Dame des-Vicioîres,
Toulon . 12 janvier i$%6.
« MoMsitim ,
€ TsA assisté aux derniers moments et à la mort dé-
pliable de M. Tabbé Tisserant , mon infortuné compa-
gMB de wyage à borddu Aiptit. Seul survivant de tous
les ollders embarqués sur ce bdtiment , je voudrais bire
20.
Digitized
byGoogk
connaître aux personnes qui s'inléressent it ce d^e ecclé-
siastique, combien sa conduite a été belle et noble en pré-
sence de Ja terrible* catastrophe qui a causé la perle du
Papin^ et fait périr la moitié de son équigage. C'est à
TOUS y Monsieur, que je crois devoir m'adresser pour\ous
prier de transmettre les détails suivants à sa Camille , ea
employant la vole que vous jugerez convenable*
« Je ne retracerai point les circouMMBS dit nmifiragoa^
les jommaux les ont rapportées avec assez d'exactitude.
Lorsque le sort du Papin fut décidé et que Ton ,eut re-
oQMMt rittpDSflîbUité de le remette 4 ftot , ehaiDun dat
scanner de courage po«r auendre le retour du jour el
coMAltre natre poskion reloUvcment à Im eôie» Uafr laer
violente battait le navire en fiane, la lame brîaiic sur l«i
pont , et en readait le séjour daagereu et pémbld^ Non*.
noua reiirimes dMu» le carré des oflSciera, f^Mir cbtrçber
un abri contre le froid glacial de la nini». M« Tabbé Tifip
sertnt émii paraii nous , exhortant tout le monde à ff»^
vm de eouraga et d^ rédgnaUon , poor atteqdn(«»'
chrétien rbeure de la naoct qof aôos . rsfBrdiws t9aa
oonune inévitable . Ses paroles^ eaiprehM^d^puii^liiieiiii)
soumission aux décrets de la Providence , apportaient
quelques soulagements aux angoisses de notre cruelle si-
tuation. « Mes frères , nous disait- il , sachons attendre
« avec une fermeté et une résignation chrétienne les ap-
« proches de la mort. Dieu , j'espère, voudra bien nous
« tenir compte des terribles épreuves que nous subissons
m dans ce moment , et il les acceptera en expiation de
m nos fautes. Je vous donne en son nom , ainsi qu'à tous
« les chrétiens réunis sur ce bâlhnent , l'absolution in
ariicuh mortis*
m Un iatf . que nous avîoos embarqué k. iMger jmib
tenir d'interprète au consuiai de Jicg$à».f s'émit ré**
Digitized
byGoogk
rn^'anprte d0 nd«0* Ee daupift d» te Milbelireini.
éîMt ééthmm. li sopptiaît , a» BM^atasi , M« l*abbé
TissêniiitctelM^aovêriaTO. « Mon amîi lui rêpondàii
« ceitil*<i , il ne dépand pas^deniûi de mm sMwer dao»
« ce moDchi, et je né pois rien penr Tûu&^ns ruittre à
« ftielM qiteYoos B»miS'fiusie&<^réiia»» — Je veiuk
« bien me ftire ohréliea , &t voasxMaatives la vie^r—
« Je né puis rien pour votre vie ; mais acceptiez it^^
« cours du clu*i^ianisine , j'appellerai avec confiance sur
« vous la miséricorde divine. » Le juif, ému par ce
langfige simple et touchant, parut accepter avec plus de
calme les chances terribles qui nous menaçaient : il de-
manda le baptême comme moyen de salut pour Tautre
monde. L'abbé Tisserant lui achninisira ce sacrement sous
rinvQcation de saint Nicolas , patron du jour.
« A <|iwtre^ be«m d« mathi ^ 4e 7 déœmbre , Teau
ayant envahi de tome part Fiaiérieur du bûiiment, nous
contraignit à monter sur le pont^ et de là à nous réfu-
gier dans la mdttire pour éviter le choc des lames qui dé-
ferlaient sur le navire , et balayaient tout ce qu'elles ren-
contraient sur le pont. Uabbé se plaça non loin de moi
sur le bastingage , et il se retenait aux haubans du grand
mât. Avant de prendre celte position , il entendit M. De
la Perte, chancelû^ interprète du consul de Mogador, se
plaindre du froid cruel qu'il épronvaità la tète, par suite
de la perte de sa casquette. M. Tisserant se découvrit ,.
contraignit M. De la Porte à mettre son propie bonnet ,
restant ainsi nurléte exposé aux torrents d'eau glaciale
ei de gréto que la lempéte déversait sur mus.
« Aprte trois hoÉ»es dmnftauaw JmtÊm , nctavt^
«a poiidrt le focr.eth mnefmnà k dmutvmjmèÊKm
denawKPwcerflukwa lyalaii aaii I— ma Ui t>h»g>
L'abbé Tisserant voulut tenter Tmiiqua voie
Digiti2ed
byGoogk
si(r
semMait mus Atre rtenée ; stitisnDt m malade camot
que , de set ttaifis joiates , il prsandt sar sa poitriae , il ,
s^ékinça dans les tets, espérant cpe leur mpulsion le por-
terait vers te lerre. Un blal courant <pii s'était formé
sons le remoQs da naTire , le nunena le long dn bord ,
où , écrasé par lé dioc des ianes , il coala se«s bo6
jrenx, sansqn'HnoasfttposnUedelaidmdierkncNndre
sûcours.
« Telle fut la fin de ce digne prêtre : il a emportéavec
lui Teslime et les regrets de tous ceux quiont survécu à
ce terrible désastre. Le néopkyte aussi a été au nombre
des victimes du naufrage.
« Veuillez agréer , Monsieur , rhommage de mes sen-
timents respectueux.
« Dit BovEMBir , eommiêsmre de marine ,
nmtfragé du Papin. »
— Sept prêtres , appartenant à la Congr^tion des
Missions-Etrangères , viennent de s'embarquer & Bor-
deaux : ce sont MM. Borelte , de Tonlouse ; Boric et
Regrerie , de Tulle ; Adnet , de Yerdon ; Hesnard « de
Poitiers ; Sage , de Besançon , et Pincbon , de Limoges.
M* Sorte , frère de Mgr Dumoulin Borie , martyrisé sa
Tong-King en 1839, est destiné jKmt Siam, et M. Borelie
pôurfa CoohMrin. JUa^wiife autres Missioomîresse
mdeut d^idbMiiMaeaoïtfiià iisaeroiii euvoyésdans
cgitodeslKiiiwwqniu»lM||>nat«wlbow«4fo«vrkfs
af«sioUquei^
Dipitized
byGoogk
311
Sont partis |K>ur la Mission du Texas , à boni du navire
ÏEUtabetk'EtUn :
MM. Claude-Marie Dubois* prêtre da dioeèse de Lyon.
laeq«eaGirati4oo, id. hL
i«Mi-BaplistePigaerria« id. ImeloM (EspsfDe).
RidMudliflMMi/, id.WalerCsffd(lffleiide). .
ClaiKk4tfarie Chtmboddl « dottre , Lyon.
Aolokifr-Marie ClMinrkNi»aoa»4iacre, id.
Matthieu Chazelle U. id.
Charles Fadey» deronninoré , id.
Félix Ferrkre, darc tonsuré » d'Agen.
Joseph Anstaett, étndianl en théologie, Strasbourg»
Emmanuel Domenedi , id. Lyon.
Piem*l|aneLMOttr,étuiMaaC, id.
Emilio Gianoizi , frère (Italie).
Mgr Odîn nous annonce qu'en Italie , en Belgique et en
IrtaMle » d'antres Hissioonaires se préparent à le suivre au
Texas. Nous publiions les noms de ces BUssionnaires dè5<iu'on
nous les aura transmis.
iHama des Pères eifrèrea de la GM^agnfe 4e Jeans , pajrtis
ponr les Misaiops-Ilmngjères :
I* Dtt HaTFe , le 15 noi;pQibre «MB « ponr lea MiMiMa de la
HoTaiie^rcnade ; ks PP» Fripais êmwk ~ IpwBt de à
*- Bwawné Bnjan — JoaeUfli Cota<îllt'-^Lonia(
Thomas Piquer -* Jacques Cenarrura , scolastiqua — Fanala
Legarra , scolastique — BonaTentura Fdin , scdastique —
4;abriel Trobat , frère coa^Juteur — Jean Beltia, frère coad-
juieur;
^ De Marseille , le 11 décendwe 1845» pomr la Mission de
Syrie « les PP. Edouard Billottet , de Beaançon , et Etienne
Moaier, d'Avignon:
3<* De Naples , le 15 jan? ier 18l6 , pour la Chine , les PR
Augustin et René Massa , et le frère coadjutenr Nicolas Massa ;
V De Toukm , pour Madagaacar , les PP. Louis Jooen,
ISnai^deLyon, etlefrèrecoa4îttteurJ. 6.
Digitized
byGoogk
S12
5* De Bordeaux , le 24 féwcr 1S46 , pour 4e Maduré . ïesPP.
Joseph Barrcl , de Lyon , Benotl Burlhey , de Besançon , et
Louis Verdier , du Puy.
— Le 2 mawK deux prétecs et deuE ctUIflteiiw 4>ia SoôHé
de PiepoifevMil «odxîrqvés ,«aiHnre ^^sm-l^i^ÊffÊuM dm
mené» SMi. 9Ms l«s4]UAre sont ibtÊÊimèi fonr jitodwicb.
Les deux prdlMiitfoiiimL GmM et BowUdo /eu diocèse de
Coutance^, et U» deM «aléebîMf .* Beriaatt ditoèsede Cahors,
et Boyer , iliooèMe de Mende.
— Mgi» PcrpctuoOu«s«r , Vlcaïf^ apMolfqiieiAe l'Egypte,
aon$ apprend en ces termes rarrtTée d^rnie cetofiie 4^ Mi-
gieuses dans sa Mission :
« Le 24 décembre damier , un bMhueiH frété psr S. Ex. le
comte de la Marguerite , ministre desaflkfres étrangères de
sa ATajef^té le roi de Sardaigne , déposait ft Alexandrie ks
Sœurs de Charité de Hotre-Dame du Bm-TaOeitr. Ces Itdi-
gicuses se Tendirent Imitiédiatement au Caire , où étkes arri-
Tèrent le 26 a\i matin. Leurs pas furent dirigés Tenllfiglisede
Terre-Sainte , et là un spectacle bien attendrissant les atteih
dait : c^étaient leurs futures élèves , que j'arais réunies pour
letreoerofr; t'^^a^èak^ftnpàmét Mmwè jm»ii<fcs,
qui se pressaieilti^0«r ^^«ir-lei saiMei Ai«ig|re&; c*étaîent sur-
tout les mères qui bénissaient nos Sœurs 4e Charité , en ^
«Btnttriettr <0Mwy4PaMir1Wrfé tel iftri*dihs bmiMi b f^
«tfiinieNRM««t d^éM^^NMê^^exposor «a ctatt èrÉlMi^
Ltm. «. tep. dt I.
Digitized by LjOOQ IC
SIS
MISSIONS DE L'INDE.
Exiraii (Tune lettre de M. Luquet , à M. Vaibé Huoi ,
Prêtre de la Congrégation des Miesions-Etrangéret
dam le Fun-nân en Chine (1).
Sortkelpaltoo , le 6 iTril 1S4I.
« Mon Cher CoRFRiaB.
« Vous désirez saroir ce gueCadt loin de vous le pauvre
Missionnaire dont le cœur vous est si dévoué. Que vous
limiez à eonnahre les lieux el les choses qui Tentourent,
je le conçois : il est si doux d'accompagner par la pen-
sée les amis qu'on ne revoit plus que dans ses souvenirs t
« Toutefois , je n'entrerai aujourd'hui dans aucun dé-
ail personnel ; je vous entretiendrai de sujets plus gra-
ves, et par conséquent plus dignes de votre intérêt.
Aintt résignez-vous , <àer ami ; vous ne saurez rien de
(1) Depuis lenfoi ée eeUe l9iXn , M. LiMioel t <flë Mcrë ^flquf
'H^boo in partibus,
TOM. XVIII. 107. JUILIBT. 1846. 21
Digitized by VjOOQ IC
.314
0MMI hmiible réduit de Sonkelptttoa , ma dapeUe le
dimanrfift , ec ma demeure hors le temps da saint sacri-
Coe, tandis que le sebisme étale à drâxpasdemoi fe
laxeile sa bdie mais déserte église ; toos ne saura ries
de ces riants yergers de cocotiers , de bananiers , de
manguiers et de pamplemousses, oà se jouent des oisesin
au plumage varié , <|ui essaient de bénir le Dieu de l*uni-
vers par leurs chants comme par leur riche parure.
« Ecoutezcependantim des plus gracieux. L'ent«ida-
¥00S? n Teui me répéter quelques-unes de ces notes n-
fissantes du rossignol de nos montagnes. Pauvre petit 1 ta
neconfiais pas cette belle hngue des oiseaux de ma patrie;
tues beau, mais voilà tout ; et je vois en toi la vive inisfe
d*nne âme ornée de dons éclatants , mais que la grice
de mon Dieu ne vivifie pas encore.
€ Que de petits riens , pour moi pleins de charmes ,
vous aimeriez à vous entendre dire , mon ami ; mais vont
n^en aurez pas un mot. A peine vous nommerai-je ce sé-
millant JnipauUey , ce rai palmiste comme on TappeDe
en Europe , rangé par nos Indiens au nombre des ani-
maux de hanme easUf comme ces disgracieux cœbeaax
qui nous assourdissent sont bien et dûment réputés p«-
rias. Que de grâce et de légk^eté dans cet écureuil i
demi domestique I Yoyez-le à Textrémité de cette branche
préparée par le atfiiir,disputar à d'innocentes abeilles (1)
le suc savoureux d où Ton extrait la liqueur perfide , ti
recherchée de nos buveiurs.
« Pmsque je viens de prononcer avec vous le nom de
iénâr , je vous dirai un mot , â cesujet , d'une carkoee
tradition où vous trouverez plus d'un £iit à observa. Os
voit encore en circulation dans l'Inde un assez grand
'1) Cet tbeiHw n*oni p it de dard.
Digitized by VjOOQ IC
iKanbre d'anciens sequinsiioyenttfe^L^ peuple les Ap
pdle sânârekâssou , momme du.^â^dr^ Voici pourqMai*
« On appelle $ânâr$ les Iiommes de la caste èccupée
exclusivement , comme vous savez , à recueillir des cq-
eotlers et des palmiers le suc qu'on transforme en kallou
et en arak , boissons enivrantes , qui remplacent le vin
et Teau-de-vie dans ce paya.
« Un jour , dit-on , un sânâr étant monté sur un oo*
cotier 9 laissa par mégarde tomber la serpe qu'il portaità
sa ceinture. Tout auprès, croissaient divers arbrisseaux,
parmi lesquels s*en trouvait un d*unee^[>ècemerveiUeuse.
La serpe atteignit dans sa chute «a rameau de oei arbusti
endianté , et se changea immédiatement en or , mais en
or si pur qu'il n'en est pas de semblable sous le soleil*
Ravi de cette découverte , l'Indien fil toucher à la bran*
che coupée tous les objets de fer qu'il possédait ; pais,
riche de ce trésor, il se rendit aussitôt chez un orfèvre
pour y fabriquer la monnaie qu'on voit aujourd'hui. Et
afin de garder le souvenir de cet événement , il se fit re-
présenter au revers de la monnaie , devant le cocotier
devenu ainsi l'occasion de sa fortune.
« Telle est la tradition populaire où le caract^ indien
s'est dépeint au naturel. Je me suis ibit apporter une
de ces pièces d'or, et Ton m'a montré au revers le
sdnâr aux pieds de son cocotier. — C'est tout simple-
ment le doge de Venise à genoux devant la croix.
« Voilà donc un témoignage encore vivant du prodi-
gieux développement donné autrefois au commerce de la
belle mais aujourd'hui si mélancolique Venise. Voilà une
preuve de plus , que nos rêves européens d'alchimie, au
moyen-àge , étaient répandus sur une immense portion
du globe.
21.
Digitized
byGoogk
316
« Je ne sais A Sons serez de mon avis , mais j'épronvt
un certain diarme à reconnaître ces vestiges du passé, i
découyrir , sous dqs couleurs locales ^ sous le Toile
transparent des contes populaires les emprunts &its à
d'autres temps et à d'autres pays. Aussi regardé^
comme une étude précieuse la conversation fréquente
avec nos chrétiens instruits , sur ces faits intimes qui
révèlent tout le génie d'un peuple. Par là je m'ha-
bitue peu à peu à prendre ce qu'il faul de leurs ré-
dts , et je me concilie leur affection par l'intérêt tout
particulier qpeje témoigne pour ce qui les concerne. Je
me plais par dessus tout avec ceux de Poudoupàléyam*
Ils viennent me -voir souvent et avec plaisir, parce qu'As
savent combien je les affectionne. De plus , conmie ce
sont eux qui m^envoient chaque matin le repas de la jon^
née, j^aîme à bénir en eux l'attention de la bonne Provi-
dence qui me nourrit.
« Je voua ^i déjà parlé du zèle que Tamhissdmy'-mùVr
deliary le plus distingué d'entre eux, avait déployé contre
le schisme. Aujo^rd'hui j'ai besoin de vous apprendre ce
que je dois à son concours pour l'établissement de la Pro-
pagation de la foi parmi nous.
« Vous savez que récemment nos Confrères de Poodi-
chéry ont imprimé en taxnoul une Notice sur cette Œuvre,
notre seule ressource véritable dans les Missions. Grâce
au fervent chrétien dont je viens de vous nippekr le
souvenir, sur soixante-dix fidèles seulement, dont se com-
pose la petite communauté de Poudoupaléyam , nous
avons pu établir cînqdixaînesde la Propagation de la Foi.
« Mais revenons à nos bons chrétiens de l'Inde et au
fruit que je redre de mes fréquents rapports avec eux. J'y
trouve un excellent moyen de me préparer à soutenir
Digitized
iedby Google
317
digoemeBt la hitte dana laquelle a^us lommea <«imi|ia,
pçur si longtemps encore , avec le vieux pagabiflme de
ces contrées.
« ^ancienne littérature, les livres de morale eldç reli-
poa des gentils , renferment sons Tenveloppe souvent
eaOravagante , si vous le voulez, de fables plus ou moins
obscures , des séductions et un prestige qui sont , pour
plusieurs, un grand obstacle à recevoir la doctine si pure
et si simple de l'Evangile. On s^explique par là , com-
ment dans l'ancien monde de la Grèce et de Rome ,
Homère et les autres poètes ont dû , pendant bien long-
temps , fasciner de daleureuses imaginations et les re-
tenir dans des voiea étrangères i cdle du siinî.
« Biais si la poéûe païenne de Tli^de est un lien de
plus qui Tenchalne aux autels de ses dieux , ne peut-elle
pas , appliquée à nos saintes doctrines , devenir entre
nos mains un instrument paissant fie grâce et de eonvei^
skm ? Les anciens Pères de la Cojfnpagnle, de Jésus , si
propres à exécuter dans les KUssicms tant d'oBuvres spé-
ciales, auxquelles leur caract^ d'auiiliairçs les appelle,
l'en serviront souvent avec succès» N'est-ce pas à ses
remarquables poésies que le P. Btesobi j supérieur à tous
les autres , est redevable de cette juste réputation qui
ne doit pas périr,
« Les productions de ce genre , cbamées pendi^nt la
nuit , dans les lieux publics, nous paraissent à tous d'une
si grande importance que , dans notre synode de janvier
dernier , on a cru devoir recommander Fadoption de cet
usage , comme un moyen efficace de procurer la conver-
sion des gentils.
« Je ne Cab qu'effleurer, vous le voyez, bien des ques-
tions et des plus graves ;. c'est que toute ida vie de travail
Digitized
byGoogk
3f«
neilAmftpÉt pour ^pokerceDfltqQ'Uflieitiii
à Toof indkpMr.
« n eo est deux principales qui me préoecopenl biea
soutent. La première serait de démontrer, par la compa-
raison entre les mo^rs légaU$ de la gen^lé et celles da
christianisme ^ la somme de bienfaits apportés an monde
par notre sainte Religion , si outragée , si méconnue par
ceux qoi matériellement engofttent le pltis les avamtagei.
Lasecondeconsisteraità redierdier dans Tétndedes livres,
des traditions , des nsages et des langues des peuples a«
milieu desquels diacun de nous se trouve , ces traits ds
Eimille que le temps , à la suite de la grande conTusion
de Babel « n'a pu entièrement efiacer.
«r Voyez , par exemple , sœr Tare de Tîti» à Rome ,
les instruments de musique du temple de Jérusalem; mN»
les retrouverez en partie entre les mains de nos Indiens.
Prêtez Toréille i leulrs accents modidés, et knrsque toui
aunsz écouté les paysans du royaume de Maples , lors^
vous aurez yu le^ larmes venir aux jeax d'im Breton ea
entendant chanter un berger des Abruzzes, comparez ces
mêmes airs avec les notes plaintives de l'Indien , qui tra-
iraffle à Tirrigation du jardin placé devant sa porte , et
vous me direz si Iki musique , ccmime toute antre chose
humaine , n*a pas une commune origine.
m L^arcbitectore , «cette puissante manifestation maté-
ridle des plOs grandes pensées de l'homme , va vous ol*
firir ausri de semblables analogies.
€ Ouvrons la Bible ; lisons les pompeuses desa*iptions
du temple; voyons ensuite les ruines si imposantes de h
vieille Egypte ; arrêtons les r^;ards de notre profonde
douleur sur les malheureuses pagodes de Fhide , où tant
de mlDtons drames sacrifient encore au démon ; et noo>
Digitized
byGoogk
SI»
verrom si , dans Tettsembledeft dîqpositioiii et deifbr^
mes , on ne retrouTe-pas tonvent une pensées
« Je fus également frappé, en entrantpour la première
fois dans rintérieur des grandes maisons de Tlnde , de
me retrouver exactement au milieu de ce que j'avais tu
à Pompeia et dans les autres mines de constmctionB ro-
maines. A Textérieur , pas d'autre ouverture que la porte
d'entrée ; au dedans , mêmes distributions d'ens«ad)Ie
que dans les habitations antiques : appartement séparé
pour> les femmes ; peu ou point d^étages aiix mai-
sons ; cours à galeries , sur lesquelles s'ouvrent des lo-
gements trës-rcstreints ; ameublement peu compliqué ;
candélabres modifiés par l'habitude où l'on est ici de
s'asseoir à terre sur de simples nattes ; formes et orne-
ments des vases , tout ici était une vivante image d'un
temps bien éloigné de nous f tandis qu'il semUei'tea
immobilisé pour ces peuples»
« Ajoutez à ces premiers détails ces femmes séparées
habituellement de la vue des étrangers , dans Tintérieur
de la maison; ce luxe de serviteurs et de familiers ; ces
jeunes filles vaquant 'aux travaux domestiques , allant
comme Rebecça puiser de l'eau à la fontaine commune »
parées de leurs bijoux , de leurs colliers , de leurs pen-
dants d'oreilles qui ne les quittent jamais ; et vous
jugerez facilement de l'intérêt qu'on peut attacher à tant
d'utiles et attrayantes observations.
« Des monuments d'une ^Mxpie bien antérieure à celle
que je vous ai indiquée jusqu'ici, consultent encore les ana-
logies qui existât partout entre les œuvres de l'homme.
Tandis que les anciei» peuples d'Europe élevaient , par
des efforts d'une puissance dont nous avons peine à nous
rendre compte , ces iaun de géaniê , ces palaii de féeê
Digitized
byGoogk
aso
que tî tcittiee a claisés sons le noms de duhm» , de
ptulwwf, decrombdb, Tliide dressait aussi sur ses col-
liaes les pierres colossales qu'on y voit encore aujoordlim.
« Je TOUS parierai de ce que j'ai pu observer jh^s de
Sadras , sur la route de Madras à Pondichéry ; malhai-
reosement le temps m'a manqué pour pousser plus loio
mes redierches.
« Figurez- vous mon étonnement , je dirai pluiAt m»
joie , en me voyant tout-à-coup en présence d'un monu-
ment si peu espéré , d'un monument qui me rappdait
d'une manière si firappante les pierres druidiques qui se
dressent sur le mamelon des Fourches » près de moi
rocher de Langres. Tous mes souvenirs d'enfance a
déjeunasse furent délicieusement ravivés en cet instant.
m Trois modestes collines se trouvaient près de la
route , couvertes et entourées de pierret levées , exacte-
ment comme celles de nos monuments celtiques'de France.
Ces pierres , qui sont toutes d'un granit blanchâtre on Ié>
gèrement mélangé de rouge , et dont quelques-unes sont
d'une très-grande dimension , affectent des dispositions
variées dans leur arrangement. La plus considérable
parait avoir été placée au sonmiet de la colline cen-
trale ; j'ai cru remarquer , dans la double ligne de
blocs isolés qui vient y aboutir du pied de la montagne ,
une sorte de galerie servant d'avenue au point culminadi.
On pourrait aussi reconnaître plusieurs enceintes con-
centriques de pierres de bout , à la naissance des col-
lines; et sur la pente de la dernière , j'ai vu trèsrdàire-
ment un dolmen , dont la partie maféneare est formée
par une large dalle , posée sur déplus petites , qois'sp-
puient elles-mêmes sur de hautes (ûerres verûcries , Cdt-
Kiaut le base du monument.
Digitized
byGoogk
Ml
« Ce que je YÎeas de voii$expo8er auffil pour iadiquer
ma pensée , au sujet du rapprochement à faire entre les
usages des différents peuples. Il me reste à tous parler
de la comparaison à établir entre les mœurs légales
du paganisme et la sainte loi de TEvangile : étude fé-
conde, bien propre à faire vivement sentir à tous la grâce
immense accordée aux peuples chrétiens.
« Que n*aurais-je pas à vous dire, au sujet de rinde,
sur la condition malheureuse des femmes païennes!
Vouées quelquefois par leurs propres familles au culte
de divinités infâmes , qui exigent pour premier sa-
crifice celui de la vertu ; mariées sans qu^on se soit
donné la peine de les consulter sur le choix qu'on leur
impose* ; veuves perpétuelles , et souvent dès l'enEamce ,
sans que jamais la loi leur permette de contracter de
nouveaux liens ; ne connaissant pas , ou du moins ra-
rement , au foyer domestique, les joies chrétiennement
pures de notre heureuse Europe ; toujours et partout ,
ces pauvres femmes eh sont réduites à fétat d'où le ehris-
tianisme seul a pu tirer cette moitié du genre humain.
Entrer avec vous dans ces détails navrerait votre âme
et offenserait peut-^tre la délicatesse de votre cœur ;
qu^un voile donc couvre entre nous ces tristes mystères
d'iniquité.
« Mais ce qu'il faut que le monde connaisse , ce sont
les excès de la plus horrible superstition ; je veux parler
des sacrifices humains , encore accomplis de temps en
temps dans l'Inde , malgré la surveillance des gouver-
nements européens qui la dominent»
« Voici ce que j'en ai appris dépuis mon arrivée dans
la Mission. Pendant mon séjour à Pondidiéry , on trouva
près des anciens fossés de la ville, le cadavre d'un enfant
mon depuis quelques jours. On vit aussitôt qu'il avait été
Digitized
byGoogk
399
immolé dans un sacrifice. Cette sanglante cérémonie s'ac-
complit de la manière suivante. Après avoir revêtu h
pauvre créature d'une toile teinte de safran, qui lui con-
vre toute la partie inférieure du corps » on lui passe no
cordon au cou avec une guirlande de fleurs. D'autres
fleurs couronnent aussi la victime ; alors on lui perce de
clous les deux mains oii l'on place des bananes; ses pieds
sontassiyeuis par un lien , et on l'étrange ensuile.
« De pareilles cruautés s'exercent quelquefois sur des
femmes , s'il faut en croire ce qui m'a été rapporté par
un chrétien digne de foi et fort insU'uit des usage païens
du pays. Il y a dans l'Inde , me racontait-il , certains ma-
giciens mendiants , dont l'emploi est d'exploiter la crainte
ou la crédulité publique , en débitant d'après les rensei-
gnements pris ailleurs , des souhaits prophétiques , ana-
logues aux besoins de chacun , et par conséquent pro-
pres à leur attirer les largesses de l'espérance. Ces hypo-
crites s'appellent Kaudoukoudoupékârers f du nom d'un
peUt tambour qu'ils agitent vivement en entrant dans les
maisons. Quelquefois on les consulte sur des alTaires de
haute importance , dont le secret doit leur procurer une
récompense considérable. C'est alors , dit-on > qu'ils ont
recours aux sacrifices humains.
« Pour cela , comme ils ont ordinairement leurs re-
traites dans les forêts , ils font choix de quelque femme
de la campagne , qu'ils attirent à eux et dont ils se
ménagent raCÊection par de petits présents. Lorsqu'ils
jugent leur victime suffisamment préparée , ils ^enfe^
ment dans leur cabane , et l'enterrent toute vive jus-
qu'au cou ; ils forment ensuile avec de la pâte de farine
une espèce de grande lampe » qu'ils lui mettent sur h
tête , et après l'avoir remplie d'huile , ils y aUumeB|
quatre mèches. Lorsque sa chaleur l'a (ait mourir, ce qui
Digitized
byGoogk
S9S
oe lardepM àarriter , ibfai décapitent. Alon » cofluna
Pâme de cette malbeureuse est devenue^ par le foit seal
du sacrifice , une divinité nouvelle , c'est à elle que les
magiciens s'adressent pour obtenir la révélation désirée.
« Ces faits , si horribles qu'ils soient , ne sont pas
encore absolument étrangers au temps où nous vivons.
11 est vrai que la vigilance du gouvernement anglais met
un frein redouté aux cruelles exigences de la superstition
indienne. A défaut de victimes humaines , les dieux sont
obligés ostensiblement de s'en tenir, même dans les plus
grandes occasions, à quelques offrandes de riz , de fruits,
ou d'animaux. C'est ce que l'on vit pratiquer l'année der-
nière avec pompe près de Pondichéry , au bourg de
Siâgy désolé par le choléra. On inunola un bufle dont Iç
sang fut mélangé à des boules de riz , destinées à la
nourriture de Taffamée déesse en qui le fléau se per-
sonnifie. Ces boules furent lancées hors du village , dans
la direction des quatre points cardinaux , afin que la
cruelledévastatrice , rencontrant cet aliment sur son pas»
sage 9 voulût bien s'en contenter et épargner les hom-
mes. 11 parait que le remède ne fut paselficace; car ,
depuis ce temps , le mal parut en progrès.
« Indépendamment du riz et du sang jetés en pSture
i ce mauvais génie , les gentils ont encore plusieurs
moyens, tout aussi infaillibles, de l'arrêter. Tantôt ce sont
des guirlandes,qu'ils tendent à l'entrée des hameaux pour
lui barrer le passage ; d'autres fois ils pensent venir k
bout de l'effrayer par des processions où ils se réunissent,
le sabre nu à la main , brandissant leur arme et frappant
l'air comme des forcenés, pour mettre en fuite la di$$$ê
du vamissemefU Oh ! quand viendra pour ces peuples
l'aurore du salut que nous attendons , que nous deman*
Digitized
byGoogk
324
dons pour eux atec instance , que Doai hâterions ds
bien grand cœur par le sacrifice de notre tie I
« Priez , Je vous en conjure , N. S. et sa très-saintt
Mère pour qu'enfin ces jours de bénédictions se lèrent ;
et croyez-moi pour toujours ,
« Votre tout dévoué confrère et ami »
« LuQVBT , Miss, aposl. »
Digitized
byGoogk
325
Lettre de M. Jarrige , Miseion. apoet. » à M. Teeton ,
Directeur au Séminaire des Missions-Etrangèree,
TiiTaDdërain , capitale d« TraTaieora.
« MoifSIEUE ET GHBB CONFEÈRB »
« Vous savez que depuis longtemps nous parlons 4
Pondichéry d'aller évangéliser les Ifaldives. J'ai quitté
Nilaguéry en juin dernier, pour aller prendre les in-
formations nécessaires au succès d'une entreprise si diffi-
cile ; et après avoir reçu , dans le Coimbatour , les ins-
tructions de Mgr de Drusipare , je me suis mis en route
pourCochin. En traversant la chaîne de Gates ^ etea
m'avançant dans le Malabar, j'admirais la fertilité de
ces contrées, toutes couvertes de moissons ou de riches
pâturages. Quelle force dans la végétation , quelles récol-
tes abondantes ! Les pluies qui arrosent ce pays , durant la
plus grande partie de l'année , tempèrent la chaleur du
climat, et donnent une merveilleuse féconcGté à la terre.
c Plus loin , quand on a descendu le versant occiden-
tal des Gates , on se trouve^ au milieu d'une multimde
de rivières , qui s'égarent dans toutes les directions , eo
cherchant leur chemin vers l'Océan : on dirait, à voir les
sinuosités qu'elles décrivent , des reptiles immenses dé-
roulant à vos pieds leurs anneaux sans fin. Ça et là^ns
leurs plis capricieux , elles tracent des canaux, s'épan-
chent en vastes bassins , ou forment des lies dont ellei
reflètent la verdure ; leur cours parait alors suspendu;
Digitized
byGoogk
936
elles semblent dormii^ au pied des arbres qui ombragent
leurs rives. De petites barques sillonnent presque sans
cesse, jour et ouit, en tous sens , la surface tnuiquUle de
ces lacs* dont la longueur est quelquelois de trois ou
quatre lieues. Toutes ces beautés sont Touvrage de la na-
ture , ou pIutAt de son auteur.
« Sur le bord de Tun de ces lacs , on voit les mines
de la ville de Cranganore , érigée du temps des Portu-
gais en archevêché. Les Hollandais en détruisirent les for-
tifications sur la fin du 16* siècle : à présent il n*y reste
pas une seule maison. Sa distance de Cochin , qui sa
trouve au midi de cette ville déserte , est d^environ buit
lieues.
« Cochin , dont je viens de parler , est situé à la fois
sur le bord de la mer et à Tembouchure de plusieurs ri-
vières réunies, qui forment ensemble un port sûr » vaste
et commode. Mais aujourd'hui ce n'est plus qu'une om-
bre du passé ; le commerce a fui ses comptoirs; l'ancienne
métropole du Christianisme dans l'Inde n'a pas une
église , excepté une simple habitation convertie en cha-
pelle. Les Hollandais d'alors rasèrent tous les sanctuaires
catholiques ; ils n'en épargnèrent qu^un seul appartenant
aux Français , pour le changer en temple protestant ; il
est encore au pouvoir des enfants de la réforme. La ca-
thédrale même fut renversée ; sur une de ses tours » que
la croix dominait» s^âève aujourd'hui un mâtdepaivaioB.
« Si mon cœur de Blissionnaire est afOigé d'un tel
spectacle , il est bien consolé d'ailleurs à la vue de ces
églises, semées de toute part sur les bords des lacs et des
ri^ères ; ce sont les plus beaux édifices du pays , et son
principal ornement. Quelle joie de penser qu'en s'éloi-
goant d'une ville qui le repoussait » le Seigneur a
Digitized
byGoogk
SS7
croutédans les campagnes tant d'asiles pieux , où son
culte est en honneur ! Là nos frères sont très-nombreux
et divisés en paroisses , comme en Europe. Du côté de
Cochin , les chrétiens appartiennent pour la plupart an
rite syro-cbaldéen , et font remonter leur origine jusqu'au
temps de saint Thomas apôtre des Indes. Vers le 6* siè^
de , ils tombèrent dans le schisme et Thérésie de Mcsto-
rius , qu'ils abandonnèrent en majeure partie à Tavéne-
ment des Portugais , pour se réunir à TEgUse catholique.
Les autres sont dans un bien triste état. A la mort de leur
dernier évéque , ils ne savaient comment lui donner un
successeur ; qu'ont-ils fait ? lis ont trouvé un expédient
auquel tous nos théologiens d'Europe n'auraient jamais
pensé. Ils ont amené un prêtre , aspirant à l'épiscopat ,
devant le corps du défunt , et prenant ses mains glacées
par la mort , ils les ont imposées sur la tête de i'ordi-
nand. Que voulez- vous de plus? Ne voilù-t-il pas un cvé-
que sacré par un autre évoque ? Plusieurs personnes
m'ont attesté ce tait , sur lequel j'ai pris des informa-
tions spéciales.
m Près de Cochin se trouve Ferapoîy , qui est une île
formée par une ceinture de rivières ; c'est la résidence
du Vicaire apostolique du Malabar^ Un nombreux sémi*
nuire divisé en deux parties , l'ime pour les Latins , et
l'autre pour les Syriaques , prépare au sacerdoce de
jeunes lévites qui in*ont fort édifié par leur régularité et
leur modestie.
€ Voilà, Uonsiear et cher Confrère^ les principales
notttelles que je puis vous donner pour le moment. U
me reQommande à vos prîmes et saints sacrifices*
« F. Jàmigi , Mîês. 9po$$. »
Digitized by VjOOQLC
3SS
Exiraii éTune hUre de Mgr Bonnmi^ Bvêque de
Drusipare » d M. Vaibi Be$stm.
Poiidi€b67 , le 18 noTembre iS46.
« Mon TBis-CHBE Ami ,
€ Dans le cours de ma dernière visite pastoralci un de
ces orages si fréquents dans Plnde nous surprit un soir
que nous nous trouvions quelque peu attardés. Nous
avions encore plusd*une lieue à faire avant de rencontrer
un abri. 11 fallait suivre d^étroits sentiers , à travers les
champs et les bois » et cependant les dernières lueurs du
jour s'éteignaient au couchant. Aussi nos chrétiens ,
voyant que le seul moyen d'échapper au déluge de pluie
qui chaque nuit inonde la contrée , était de nous réfu-
gier dans le plus proche village ^ se mirent-ils tous en
mouvement. Les uns se chargeaient de mes effets que
mes gens n'avaient plus la force de porter ; les autres al-
lumaient des torches pour éclairer le chemin ; d'autres
prenaient les devants pour avertir les fidèles voinns des
endroits où nous devions passer,que le Grand Samy (prê-
tre) arrivait , qu'il fallait apporter des flambeaux, etc.
« On accourait en foule ; presque à chaque pas je voyais
œs néophytes se prosterner à mes pieds pour demander
ma bénédiction , que je leur donnais de toute mon âme.
Devant moi et à mes cAtés , s'étendût une longue file de
torches, comme une traînée de feu , tandis qu'au loin la
campagne scintillait de lumières , qui s'agitaient en se
npprocbant du groupe dont j'étais entouré. C'était un
Digitized
byGoogk
339
coap <rœil d*autaat plus intéressant que le ciel était ecm-
vert d'épais nuages et la nuit extrêmement sombre.
« Cependant la pluie nous menaçait toujours, les éclairs
sillonnaient Tespace en tout sens, le tonnerre éclatait sur
nos tètes , et les hautes montagnes au pied desquelles
nous prédpitions notre marche , rendaient encx)re ses
détonations plus effrayantes. Nos chrétiens connais-
saient le danger , ils en étaient alarmés pour moi ; je
les entendais presqu'à chaque coup de tonnerre recourir
à Dieu, implorer la protection de Marie,pour que leur Evé-
que et ses gens ne fussent pas atteints par les torrents ,
avant d'arriver à Saint-Antoine. Leurs vœux furent exau-
cés , et Forage enfin se calma. A peine étions-nous arri*
vés , que de nombreux coups de boites annoncèrent aux
paroisses voisines , à la faveur du silence de la nuit et
des échos des montagnes, que leur premier pasteur allait
bientôt les bénir.
« Le lendemain , après avoir célébré la sainte messe,
et donné quelques avis , je partis pour la principale pa-
roisse du district , située à plus de deux lieues de dis-
tance. Les chrétiens du chef-lieu , venus à ma rencontre
dès le matin , avaient amené avec eux leur plus bruyant
orchestre ; ils me conduisirent donc en musique jusqu'à
réglise. Jamais je n'avais encore été favorisé d'une ré-
ception si pittoresque. La vallée dont nous suivions les
détours, entre les hautes montagnes dont je vous ai parlé,
est peut-être la plus fertile que j'aie vue dans l'Inde ; tout
y est cultivé , et la végétation d'une vigueur étonnante.
Ici les pluies tombent pendant quatre mois de Tannée ;
mais l'agriculture n'eu souffre pas ; les habitants travail
lent avec leur parapluie en main. Vous devez bien pré-
sumer que cet abri n'est pas de soie , c'est tout simple-
ment une feuille d'arbre, assez commune dans le pays, et
TOI. xnu. 107. 22
Digitized
byGoogk
830
que je n'ai pas tuo aiUears : il soffit de lui donner um
forme circulaire et d'y emmandier uu bâton de bambou.
Un de ces parapluies , bien conditionné , ne mouillera
pas 9 quelque pluie qu^il fasse ; les meilleurs se vendent,
je crois , six sous.
c Au milieu de ma visite pastorale je me vis an'éter
par la maladie. Dès que je fus un peu rétabli , je me
traînai jusque sur les montagnes de Nilaguery où les An-
glais vont retremper leur santé. Le flanc de ces colli-
nes est extrêmement boisé , mais le plateau qui les cou-
ronne n'a presque point d'arbres. C'était , il y a trente
ans, un séjour absolument inconnu aux Anglais ; et déjà
ils y ont construit une petite ville , qui occupe le point lé
plus élevé. La croix devait aussi dominer ces hauteurs.
Nous y avons fait bâtir une grande chapelle en 1839.^
pujsse-t-elle être une arche de salut pour les cinq cents
chrétiens qui l'entourent ! Je suis le premier Evêque ca-
tholique qui ait gravi et visité ces montagnes.
« Les anciens habitants de cette région n'ont rien de
commun avec ceux de la plaine : ils portent tous la barbe
longue, se drapent d'une espèce de toge antique , par-
lent un idiome particulier , et n'ont point de temple ; oo
dit que leurs sacrifices se font au pied d'un arbre. A
défaut de monuments qui constatent l'origine de cet
montagnards, il en est qui, se fondant sur certaines
analogies , croient voir en eux des descendants des Jvits
Où des Romains.
« Je célébrai les fêtes de Noël au pied du Nilaguery ^
dans une jolie chrétienté qui a beaucoup souffert du
temps de Tippoo ; j'y donnai la confirmation , et de là j«
repartis seul pour Pondîchéry où j'arrivai le 9 janvier.
« Adieu, mon cher Abbé ; croyez-moi toujours wvre
sincère ami • « f Cuuoe , Evêque de Drusipare ei
Fk. ÀposU de Pùndidiiry. m
Digitized
byGoogk
331
Extrait d'une lettre du Père Brissaud , MUewnnairt de
la Compagnie de Jésus » d ses parents et à ses amis
d'Europe.
TolocoriB (C<^te do Malabar) . 12 ttfrkt 1845.
« BiBH €HEft8 Parents et Avis ,
« B me semble vous eatendre tous k la fois me de*
mander : Commet vous trouvez-vous dans votre nouvelle
patrie? — Je suis ici plus content que je ne l'ai été comme
Vicaire, Curé , Chapdain , Missionnaire , plus content
enfin que je ne Tai été nulle part en Europe , excepté au
Qoviciat à Avignon. — Rien ne vous manque-t-il ? ^- A
cette question qui me rappelle ces paroles de J. C. &
ses Apôtres : « Depuis que vous êtes avec moi quelque
« chose vous a-t-il manqué » je puis aussi répondre ;
« Bien, Seigneur, absolument rien. » Un seul jour,
j'étais sans un petit morceau de pain, et j'étais fort éloi-
gné du lieu où j'aurais pu en trouver. Au moment du
repas , un inconnu , un de ces noirs qui n'en ont jamais
chez eux , et qui n'en mangent pas , m'apporte un paiç
d'une livre; je ne sais comment il avait pu se le procurer.
« Une autre fois , dans un voyage d'une soixantaine
de lieues , j'atteins de nuit un village tout païen , dont
lés maisons ressemblent assez aux cabanes qui sont dans
vos vignes. N'allez pas vous figurer qu'il y ait icf deshétel-
leriesoù, moyennant finance, on puisse être logé et servi ;
il iaut porter avec soi toute sa cuisine , sa vaisselle et ses
22.
Digitized
byGoogk
S3S
meubles les plus indispensables , ou bien se rtewbe I
ne rencontrer sous la hutte hospitalière que ce qii*oi
trouve dans les champs d'Europe.
« Me voilà donc arrivé à ce village tout païen » dans
un pays rempli de voleurs et d'animaux maUadsants, a^
la nuit, la pluie , les éclairs et les tonnerres , sanssaw
où je pourrai seulement £siire chauffer-un peu d*esii.
Croyez-vous que le Seigneur m'abandonnera à ma dé-
tresse ? Non , mes chers parents. Il y avait, à une deni-
lieue, un régiment anglais campé en pleine campagne;
un oflGcier protestant ayant su que j'étais là , me bit ot
firir sa tente , et se réfugie lui-même auprès d'un decs
compagnons d'arme. De plus , à mon arrivée , on fût
éloigner la troupe pour me laisser tranquille, ^ les mit
principaux chefs partagent avec moi leur souper. J'eases-
suite avec eux une conversation très^micale. Comme oi
voyage la nuit dans ce pays à cause des chaleurs, je par-
tis à la suite du régiment à une heure du matin , et je
fus entouré , durant la marche , par les soldats catho-
liques , qui sont toujours en certain nombre dans les ar
€ Depuis l'Europe jusqu'ici, le Seigneur m*a toojoin
gardé comme la prunelle de l'œil. Que dirai-je encore?
J'ai, comme presque tous les Blissionnaires qui dârniou
sous ce ciel dévorant, payé tribut au climat, c'est-à-dire,
que j'ai été malade. Mais un médecin anglais cathoUquei
qui se trouvait dans la ville où l'on m'a porté , m'a don-
né tous les remèdes et tous les soins possibles ; il b'*
logé et nourri jusqu'à par&ite santé ; et non seuIeoieBi
il a refusé tout ce que ma reconnaissance pouvait isi
offrir, mais il a défendu à ses domestiques derecefoirdf
moi la plus légère récompense.
• Si vous me demandez maintenant poarqsai f^
Digitized
byGoogk
333
quitté ceux qui m'aimaient et qui m'étaient bien chers »
pourquoi j'ai foi une si belle patrie , et dit quatre mille
lieues et plus pour Tenir s(ms un soleil de feu , au milieu
de sables brûlants , à travers tous les dangers d'ui^e
navigation orageuse ; je vous présenterai pour toute ré-
ponse le Crucifix qui brille sur ma poitrine, je vous mon-
trerai Jésus-Christ , qui pour nous est descendu du ciel :
C'est pour glorifier Dieu , vous dirai^e , pour imiter
mon Rédempteur et mourir , s'il le faut , pour lui ,
comme il est mort potir nous. Je ne doute pas qu'il ne
m'en donne le courage si l'occasion se présente. Enfin ,
c'est pour me sauver moi-même , en sauvant ces pauvres
Indiens délaissés. En Europe , vous ne manquez pas de
prêtres , mais ici , quel abandon ! C'est eueore pour at-
tirer sur vous une plus grande abondance de grâces ; car
vous savez bien que nous travaillons tous en commun
pour embellir notre éterneUe couronne, pour nous atti*
rer mutuellement au ciel. Je ne veux pas y aller seul :
chaque jour j'offre ce que je fais et ce que je souflre
pour vous tous, mes bien chers parents et amis ; je vous
attends aa grand rendez-vous , n'y manquez pas.
• Cest dans cette espérance que je vous embrasse , et
vous prie de me croire maintenant et toujours, dans les
^ts cœars de Jésus et Marie ,
« Votre tri&-humble et tout dévoué ,
m BaissAUD, JéiuiU Miaiannaire. »
Digitized
byGoogk
S34
Alfred fun$ Uttre du Père IHneal , Mimonnûm
êpatoUque de la Compagnie de Jéeut , d ion frire.
Triobinopoly , 25 met 1845.
c Des côtes de France à celles de Fliide « noire navi-
gAtion n'ayant présenté. aucun incident remarquable , je
m'abstiens de vous en faire un récit qui ressemblerait à
toutes les relations de voyages sur TOcéan. Le mercredi
de Pâques , nous entrions dans le port de Galle à Tilede
Ceyian. Nous fumes fort étonnés du contraste qu'offrait
cette lie avec les terres que nous avions depuis longtemps
en vue. Ici le rivage n'est qu'une immense forêt de pal-
miers et d'arhres fruitiers de toute espèce ; jamais la na-
ture n'avait déployé à mes yeux un tel hixe de végéta-
tion i c'est bien avec raison que cette lie est appelée le
paradis de l'Inde.
« Nous y descendîmes le soir , pour aller rendre vi-
site au seul prêtre qui se trouve dans le pays , et afin de
pouvoir dire nos messes le lendemain. L'église et k
presbytère sont à un mille delà ville, au milieu de la fo-
rêt, ce qui en fait un séjour frais et enchanté. Là nous
fûmes témoins d'un trait qui fait honneur à la pieuse hosr
pitalité des chrétiens de l'endroit. Aussitôt qu'ils appri-
rent notre arrivée , ils vinrent en foule demander notre
bénédiction , et se relevant heureux de l'avoir reçue, ik
se retirèrent en silence. Nous avions prévenu le Mission-
naire que nous avions diné abord , et que nous ne pren-
drions rien chez lui : C'est bon , nous répondit-il , je oe
préparerai rien. Et voilà qu'à neuf heures on nous prie
Digitized
byGoogk
335
de passer danski pièce vohine pour nous rafraîchir. Nous
y trouvons un repas des plus copieux. Nous nous ré-
crions , et le prêtre nous dit : Ce n^est pas moi qui vous^
Tofire, c'est le bon Dieu qui vous TenToie ; il est d'usage
dans le pays que les fidèles défrayent les prêtres qui pas-
sent chez eux , et ils le font avec une émulation vrai-<
aient rdigieuse*
« Pendant que nous étions à prendre le frais, durant
b veillée , nous vîmes élinceler sur nos léles comme une
multitude de perles de feu ; c'étaient des vers-luisants
ailés qui se jouaient dans l'air , et croisaient en tout sens
des sillons lumineux en voltigeant d'un arbre à l'autre.
Tout , en un mot , avait pour nous l'attrait de la nou-
veauté et le charme de la surprise , sous un ciel si dtflTé-
reot de celui qui avait frappé nos regards dès l'enfance.
€ Arrivé dans la Mission , je ne fus pas longtemps
sans me ressentir du climat indien ; toute ma vigueur
dTurope ne résista que trois mois à son influence. En
septembre , je tombai sérieusement malade pour quel-
ques jours et j'ai été plus de six mois à me rétablir. Au-
jourd'hui je me trouve très-bien » et il y a lieu d'espérer
quej'en serai quitte pour ce premier tribut payé au chan-
gement de température. Cependant mes forces, comme
celles de tous nos autres Missionnaires , sont beaucoup
diminuées. Celui pour qui, en France, des courses de sept
à huit lieues n'étaient qu'une promenade , ici n'oserait
pas se hasarder à faire une seule lieue à pied.
« Heureusement nous n'avons pas besoin d'une santé
si robuste pour remplir noure ministère et faire le bien^
D'abord nous ne sortons jamais de la maison qu'à cheval ;
puis , comme il est de toute impossibilité de voyager de
neuf heures du matin jusqu'à cinq heures du soir, il s'en
soit que les étapes sont nécessairement rapprochées. 9f
Digitized
byGoogk
SM
nous lommet appdés pour un uuilade à phis de deux
lieues» nous j allons le soir et nous y coudions ; là nous
(lisons la messe de bon matin , car dans tous les villages
chrétiens il y a une petite église de terre , où les fidèles
se réunissent le soir pour réciter la prière conmiune. La
messe dite , nous causons quelques instants avec les
néojdiytes , qui viennent tous ensemble nom saluer ; s*îl
y a quelque différend entre eux, ils Texposent, et la paix
se raffermit ; enfin ils nous présentent leurs enfants pour
les bire bénir, et pour adieu nous leur disons quelques
mots qui y bien ou mal articulés , sont toujours reçus avec
une pieuse avidité.
€ Cet empressement du peuple à s^instruire , est un
des traits les plus heureux de son caractère. On pourrait
tenir les fidèles vingt-quatre heures de suite à l'église
sans lasser leur attention , pourvu que ce soit le gourou
(le prêtre) qui leur parle. Aussi voit-on fréquemment se
réaliser ici le mot si connu de saint Thomas : Que Dieu
ferait plutôt un miracle en faveur d'une dme simple et fi-
dèle aux inspirations de sa conscience, que de la laisser
périr faute des secours de la foi. Guidé à son insu par une
Providence mystérieuse , le Missionnaire arrive à la porte
d'une cabane isolée ; là il trouve un vieillard, un infir-
me , attendant sur le bord de la tombe , que l'envoyé de
Dieu vienne lui donner la seule chose qui lui manque
pour Fétemel voyage , la grâce du baptême ou le pain
des forts.
« Quelquefois^ cependant, le missionnaire esta huit on
dix lieues quand une personne tombe malade. Duis le dé-
sespoir de mourir sans sacrements , elle se fait porter au
vUlage que le Père administre ; en vain on s'est hâté , le
Père est d^à reparti pour im autre endroit ; on court
•Booreaprès lui. La seule penséecpi'il aura le bonbair
Digitized
byGoogk
337
de se confesser et de recevoir sen Dieu, soutient le pauvre
infirme ; ce vœu est-il exaucé , il est au comble de la
joie. Alors il dit à ceux qui l'ont amené : « Ob ! foites
« de moi ce que vous voudrez maintenant ; je ne désire
« plus rien ; le bon Dieu peut me laisser mourir. » Et en
effet la&tigue de pareils voyages produit bientôt ses tris-
tes conséquences ; le malade succombe , et on ne rap-
porte cbez lui qu'un cadavre.
« Je reviens au climat de Plnde et à son action sur
les étrangers. Vous savez que les mois de février , mars
et avril sont l'époque où le soleil passe sur nos tètes. Peut-
être vous imaginez- vous qu'alors, sous ses feux brûlants,
nous sommes constamment dévorés par la soif : point du
tout; bors des repas , il ne m'arrive presque jamais de
penser à boire. Nous le devons en bonne partie à notre
régime alimentaire. Il est donc bien raffraichissant ,
m'allesE-vous dire. C'est au contraire , d'après vos idées,
la nourriture la plus irritante : le riz qui en &it le fond,
est toujours accompagné d'une sauce composée de pi-
ment , de poivre , du fruit de tamarin et autres épices,
toutes plus fortes les unes que les autres. Au commence-
ment, une cuillerée de ce mélange vous brille le palais,
mais bientôt on s'y habitue à tel point que , sans cet
étrange assaisonnement , on ne mangerait qu'avec dé-
goût , et la digestion ne se ferait pas.
« Ici , quand on veut se bien raffraichir ou prendre
une potion bienfaisante, telle , par exemple , que vous en
donneriez à un convalescent, on boit une tasse d'eau dans
laquelle on a lait bouiDir une grosse poignée de poivre.
Quand fêtais en Franceje pensais quelquefois en m'abreu-
vant à une claire fontaine : Si je trouvais de pareilles
lources dans l'Inde , quand je serai dans ce pays em-
brasé ! di bien , nous en trouverions à diaque pas que
Digitized
byGoogk
338
BOUS ne les go&terions point. L*eau firalcbe seraii mor-
telle ; la bonne eau , celle qui vraiment désaltère , est
celle des étangs ou des rivières constamment exposées à
Tactiou du soleil.
c Quelle que soit la chaleur, nous n*en sommes passof-
foquéSy comme en France. Au plus fort de Tété , pourvu
qu'on soit à Tombre , on ne s'aperçoit pour ainsi dire du
feu qui vous pénètre, qu'à la sueur abondante qui dé-
goutte doucement de toutes ks parties du corps. Pour
avoir une température modérée dans les appartemenu ,
il faut isoler des rayons du soleil non seulement Tinté-
rieur , mais encore les murailles ; ce qui se fait au moyen
de grands toits de palmiers , qu'on construit tout autoor
des demeures : sansceh, les murs s'échauffent tellement
que les chambres deviennent des fours. Dans toute l'Inde
vous ne trouveriez pas un carreau de viure. Portes et fe-
nêtres sont à jalousies, pour donner à l'air un libre cours,
et entretenir ime ventilation continuelle. Matelas etfou-
teuils rembourrés seraient ici hors de saison; les lits, sim-
plement tressés avec des courroies de rotin, ne demandent
point d'autres garnitures, et sont ainsi toujours prêts. Ds
servent de canapés pendant le jour , et , la nuit venue, on
se jette dessus tel quel ; on est de cette manière bientôt
cooché et bientôt levé.
« Je ne finirai pas sans vous retracer un des pieux
exercices que nos Indiens affectionnent davantage. Le
soir du vendredi saint , arrive de tous les pys d'alentour
une multitude innombrable , les uns attirés par la curio-
sité 9 les autres par la dévotion. Nos chrétiens s'accrou-
pissent dans une partie de la grande place désignée pour
eux. Vers les huit heures y du haut d'une estrade qui les
domine I un catéchiste commence à baote voix les Su-
tûm$. Ce sont d'abord des discours composés par nos
Digitized
byGoogk
339
anciens PèreSyOùrhistoire du mystère qui va être mis sous
leurs yeux est clairement développée, avec des réflexions
morales tout*à-lait à la portée de ce bon peuple. J'étais
ravi de joie en voyant avec quel profond silence , quelle
attention , quel recueillement , cette lecture était écoutée
pur des milliers de néophytes. Ce tableau, contrastant
avec la cohue et le tumulte qui régnaient à Pautre extré-
mité de la place^ où se trouvaient confondus païens, turcs et
protestants, nous représentait bien les saintes femmes qui
accompagnaient notre Seigneur au milieu de la soldates-
que et delà foule des juifs ; nous étions heureux de pou-
voir nous dire, en arrêtant nos regards sur ces pieux fi-
dèles : Cestbien ici le troupeau des élus !
« La vivacité de leurs sentiments religieux éclatait
surtout lorsque , par une sorte de mise en scène, on re-
présentait à ce bon peuple Phistoire dont il venait d'en-
tendre le récité Alors le catéchiste, interprète de la dou-
leur commune , faisait au nom de tous des amendes hono-
rables; Tair retentissait non pas de cris , car le silence
qui /égnait parmi nos fidèles ne fut pas un instant inter^
rompu , mais de coups dont ils se frappaient la poitrine.
Ainsi se succédèrent les Stations durant plus de quatre
heures. A la dernière , quand on exposa aux regards le
Sauveur en croix , rendant le dernier soupir, Témotion
ne connut plus de bornes ; les larmes coulaient, les fronts
frappaient la terre ; on oubliait tout pour donner un libre
cours à sa compassion et à sa douleur.. ..
« Votre frère tout dévoué ,
« TiaiiGAL,S. J.*
Digitized
byGoogk
340
Extrait d'une lettre du P. St.-Cyr , Mi^iùmnairê de la
Compagnie de Jésus dansleMaduré,dses Confrères.
Dindigul , 3 mtrt i844.
,^ « Mes RivipENDS P£aBfr,
« Je ne m'étonne pas de rintérét que vous portez à
notre cher Maduré. Puisqu'en religion les œuvres de zèle,
plus encore que les biens temporels , sont une propriété
commune et le trésor de tous les membres , cette Biission
n'est-elle pas aussi la vôtre ; ce champ que nous culti-
vons , ne sont-ce pas vos prières qui , mêlées à nos
sueurs , lui donnent son heureuse fertilité ? Il est donc
bien juste que je vous rende compte d'un ministère auqnel
une fraternelle charité vous associe. Je n'irai pas cher-
diOT bien loin le sujet de ma lettre; une excursion que je
viens de faire , me le fournit naturellement.
« De Dindigul , ma résidence ordinaire , j'étais allé
visiter mon petit troupeau d'Jycoudy , qui se compose
d'environ quarante familles chrétiennes. H y a là une
église dédiée à saint François Xavier ; elle est petite ,
mais il s'y rattache un fait assez curieux. Autrefois elle
s'élevait près de la montagne sacrée où l'idole de Palani
fait son séjour. Ce dieu^ dans sa grande et belle pagode,
au milieu de ses pèlerins qui venaient par troupes in-
nombrables lui prodiguer leurs hommages , peu satis&ût
des sacrifices qu'on lui ofrait le jour et la nuit , ne pou-
vait aoufCrir près de lui cet humble sanctuaire en paille
qui se voyait dans la plaine ; il menaçait d'abandonner le
pays , si on ne le délivrait de ce voisinage importun. Les
Digitized
byGoogk
341
Brabmes qui s'engraissaient des immenses retenos d«
temple, mirent en jeu tant d'artifices» que le Zémmdoi on
souverain d'Aycoudy donna ordre de raser la cbapdie.
Mais ce prince , craignant d'un autre cAté la colère de
celui dont il renrersait Tautel , voulut que dans la ville
même, non loin de son palais , on reconstruisit l'édifice
sacré, tel qu'il existe encore aujourd'hui.
« A deux milles plus loin 'est la fiimeuse montagne
dont je viens de parler. Ici nous sommes au sein de l'em-
pire de Satan , dans le cœur de l'idolâtrie , au milieu de
ses ténèbres les plus épaisses. Palani est Fun des cinq
lieux sacrés de l'Inde. Il partage avec Ramseram , Chirin-
gam , Jaggrenat et Benarès , le privilège d'accorder in-
Tailliblement la béatitude céleste à tous ceux qui auront
visité son parvis. Pour se rendre l'idole favorable, il n'est
pas de bizarre expédient qu'on n'emploie. Cultiver sa
chevelure pour venir en faire l'offrande au grand dieu de
Palani, c'est une dévotion très en vogue parmi les païens,
et un gage certain d'une félicité constante ; parcourir ,
vêtu de toiles de couleurs, une partie de l'Inde; apporter
au temple des vases de lait ; mendier, une clochette à la
mam , des dons pour le grand dieu , sont encore des pra-
tiques très à h mode. Quelle que soit la maladie qui vous
travaille , venez à Palani et votre guérison est certaine.
Venez-y avec des poissons morts , et ces poissons jetés
dans l'étang du dieu revivront aussitôt ; présentez du sa-
ble, et ce sable se changera incontinent en sucre ; ou bien
offîpet du sucre , et il vous reviendra du sable. Gardez-
vous bien d'en douter, les brahmes en sont garants ; et la
parole d'un brahme n'esUelle pas sacrée ? C'est ainsi que
ces adroits hypocrites nourrissent la crédulité populaire.
« Ce sont ces prodiges supposés qui font affluer de tou-
tes les parties de l'Inde ces massesde pélmns qu'on vwt.
Digitized
byGoogk
343
ea janvier et en mai , accourir par toutes les routes ;
c'est grftee à ces merveilles mensongères que les anciens
maîtres du pays ont doté de tant de privilèges la pagode
et ses ministres » et qu'ils ont consacré à Tentretien dn
temple unt de domaines exempts de tout impôt , dont b
rente égale, assure-t«on, les revenus du royaume de Ton-
daman tout entier. Toujours est-il que Tamiée dernière,
les Anglais ont affermé la recette de Palani , en y com-
prenant les offrandes des pèlerins , pour une somme
d'environ cinquante mille roupies , ou cent cinquante
mille francs de noire monnaie ; et Ton dît généralement
que c'est à peine le quart de ce qui revient annuellement
au temple. 11 paraîtrait que , cette année , le gouverne-
ment de Madras, pressé par les ordres émanés de la cour
des Directeurs , aurait apporté quelques modifications à
ce trafic qui spécule sur tout , et tire bénéfice de Tido-
lûtrie elle-même* Une partie des biens de la pagode en-
levés au diable , aurait été définitivement attribuée à la
Compagnie des Indes ; quant à ce qui reste pour l'en-
tretien du temple , des brahmes et des dévadassis , le
gouvernement ne s'en mêlerait plus.
« Le sanctuaire s'élève sur une petite montagne co-
nique , assez régulière , qui se détache de la masse-im-
posante des grandes Gates. Au pied de la colline , une
large voie qui en fait le tour, est plantée de beaux ar-
bres et environnée d'une foule de niches ou pagodins.
C'est là que se promenait le grand Ter, ou diar du dien ;
c'est là que des païens fanatiques , se précipitant sous les
roues , se faisaient écraser pour aller jouir de la f^icité
promise à leur démence. Pour meiure fin à ces' actes hor-
ribles , dont les brahmes étaient les chauds partisans, le
gouvernement a défendu la marche de ce char monstrueux.
« Au bas de la montagne est une pagode avec pyra-
Digitized by VjOOQ IC
S4S
inide, dédiée au dieu Fichnou. Plus loin s^éliye le grand
portique y qui ouvre cette suite continue de degrés dont
Textrémité touche au temple» A l'ouest^ est un autre por-
tique, iBorc^u d'architecture vraiment remarquable; jus-
qu'à présent , je n'ai rien vu dans Tlnde qui puisse loi
être comparé. L'entrée a pour ornement des statues fan-*
tastiques de paons et de lions ; le toit de pierre qui le sur-
oionte y est soutenu par des groupes de petites colonnes
sculptées avec art , et présentant les formes les plus cu-
rieuses et les plus variées. Un se trouvent les statues des
anciens seigneurs de Palani et d'Aycoudy ; elles sont
aussi l'objet d'im culte spécial.
« Introduits par le grand portique , les pèlerins com-
mencent à gravir la sainte montagne. Les plus dévots en
montent les nombreux degrés à genou , et sur chaque
degré cassent une noix de coco en l'honneur de la divi-
nité ; ceux qui n'ont pas le courage de faire cette longue
ascension d'une manière aussi pénible , ne se dispensent
pas au moins de se prosterner à tous les petits temples
ou pagodins qui, parsemés sur le flanc de la montagne ,
servent comme de halte. A chaque prostration il &m
oifrir quelque sacrifice. Dans ces pagodins se trouvent
tantôt un paon , monture fayorile du Grand Seigneur ,
tantôt un vignesoura ou pouléar , dieu à tète d'éléphant,
à quatorze bras , et à ventre monstrueux ; tantôt un dieu
serpent à cinq létes , idole que je n'ai trouvé qu'à Palani;
tantôt im éléphant , tantôt un chien , tantôt un killi-
piUei» espèce de perruche ou de pie verte , fort commune
dans le pays , tantôt d'autres simulacres grotesques dont
les noms me sont inconnus*
« Sur le plateau de la montagne , élevée à plus de
cinq cents pieds au-dessus du niveau de la plaine , sa
trouve une vaste enceinte quadrangulaire , dans laquelle
Digitized
byGoogk
344
00 pAiiètre par un élégant portique. Au milieu de oetu
enceinte sivgit le grand temple avec sa haute et magnifi-
que pyramide. Il faudrait un ChampoUicm indien pour
déchiffrer les caractères » ou , pour mieux dire , les fi-
gures symboliques grossièrement sculptées sur les quatre
fiices de Tédifice. A Test du temple , sons un arbre véné-
rable de vieillesse, glt un petit pagodin ; c'est là qn*ha-
tûte le dieu» Autour du sanctuaire (vincipal on remarque
une multitude de paons et de chevaux en pierre on eo
terre cuite : la divinité monte ces coursiers pour aller ài
la promenade ou à la chasse. Du haut de cette monta-
gne escarpée , Ton a vu souvent de fenatiques dévots se
précipiter la tête la première, et pendant que la muiti
tude applaudissait à cette extravagance , leurs crânes vo-
laient en morceaux , leurs membres violemment arra-
chés se dispersaient de part et d'autre. Il va sans dire
que le gouvernement anglais a (ait cesser ce speccicle
sanglant.
« Vous me demanderez sans doute quel est donc ce
dieu de Palani , si Guneux, si vénéré P Cest ici que je
suis embarrassé pour vous répondre. Interrogez les
païens , ils seront pour la plupart aussi embarrassés que
moi ; ils vous diront tous : « Mais c'est le Seigneur de
Palani. » — Si vous insistez en demandant quel est ce
Seigneur de Palani ? ils vous regarderont avec un air
étonné et balbutieront encore : « Cest le Seigneur de
Palani. » Par le fait , ils ne savent pas ce qu'ils adorenu
S'ils se hasardent à donner quelques explications, cha-
cun créera un personnage diflerent , et contera des anec-
dotes contradictoires. Ce n'est pas que les noms et sur-
noms manquent à ce grand dieu : les Indiens sont peut-
être plus fertiles en épithètes que n'étaient les Grecs eux-
mêmes. Je pourrais vous citer cent noms magnifiques qui
Digitized
byGoogk
345
le donnent au Seigneur de Palani. L'histoire la plus gé-
néralement reçue suppose que ce dieu est un fils du grand
•Siva ; que son nom réel est Supramaniaien ; qu'ayant
cherché querelle à son frère atné, il le relégua sur la '
cime escarpée de la montagne de Firpachy , tandis qu'il
établissait lui-même son trône et sa demeure sur le mont
sacré de Palani , où depuis lors il règne en souverain.
« Terminons enfin ce fastidieux récit des folies du pa-
ganisme. J*aurais des choses plus révoltantes encore à
vous conter , mais à quoi bon exciter votre dégoût ? Ce
que j'ai dit suflira^» je l'espère, pour vous Ëiire apprécier
l'idolâtrie dans l'un de ses sanctuaires les plus vénérés et
tes plus célèbres. Puissent aussi ces quelques détails vous
engager à prier pour ces aveugles> si profondément plon-
gés dans les plus épaisses ténèbres : ce sont, cependant,
des hommes rachetés par le sang de Jésus^Christ; ce sont
des hommes que je suis appelé à convertir , et que vous
pouvez m'aider à sauver.
« Il est temps enfin de terminer cette longue lettre ,
en me reconunandant à vos bonnes prières. Je suis avec
une sincère affection , votre frère et votre ami ,
« Im St.'Cyr , S. J. Miiiionnatre, %
TOM. xviu. 107. 93
Digitized by LjOOQ IC
346
MISSIONS DE LA CHINE-
VICAWAT APOSTOUQUE DU HOU-KOUÂNG.
Lettre de Mgr Rizzolati , Vicaire apostoUque du Bùu^
kofKvn jf , à MU. lee Membreê dee ComeUi Centraum
delffontt de Parie.
Oo-tdMBhAMi , 70 oetokn 1845.
Messieurs ,
« Je vous ai promis , dans ma dernière lettre , de
continuer le récit des faits les plus importants, survenus
cette année dans mon Vicariat. Pour lem'r ma parole , je
prends sur le temps destiné au repos; car je ne puis déro-
ber une minute à mes pressantes et nombreuses occu-
pations.
« Mais je dois , avant tout , m*acquitier d'un autre
devoir aussi doux qu'impérieux. C'est avec toute Teffa-
sion du cœur , au nom des Missionnaires, des sémina-
ristes et des fidèles du Hou-kouang, que je remercie les Con-
seils de l'Œuvre des secours qu'ils m'allouent cette année;
Digitized
byGoogk
347
ces dons, je les reçois justement dans la plos grande dé-
tresseoù je me sois trouvé jamais, depuis que le Saint-Siège
m'a imposé la direction ou plutôt la formation nouvdle
de cet immense Vicariat. Je remercie aussi vos frères
généreux de leur diarité sans bornes, si admirablement
concertée pour adoucir la misère de leurs semblables jus-
qu'au bout du monde, et coopérer au salut de tantd'âmes
qu'ils ne connaissent pas. Dieu veuille augmenter le nom-
bre de ces pieux Associés, auxquels est due une si large
part du bien que produisent les Missions I
« La dernière fois que j'ai eu l'honneur de vous écrire,
j'étais dans la chrétienté de Heiriekanrfouy au district de
JumriamrfoUi où nous avons eu à déplorer l'arrestation du
P.Tien et deson catécbiste.Ces deux confesseurs sontencore
dans les diatnes pour leur héroïque constance dans la foi* Je
dois mettre sous vos yeux le tableau de leurs souffraiKses.
« François Tien , prêtre chinois de la maison de Na-
ples ^ ou il a fait ses études ecclésiastiques , administrait
avec le P. Irtelli la chrétienté de Hei-tchan-fou , lors-
qu'il fut arrêté par les satellites et conduit au tribunal de
Tarn-sien. Son catéchiste , le compagnon inséparable de
ses travaux , le fut aussi de sa captivité. Traduit au pré-
toire sous la prévention d'être prédicateur et chef de la
Religion chrétienne , le P. Tien fut chargé de chaînes
sous les yeux du mandarin civil » qui le fit mettre à ge-
noux devant lui pour répondre aux questions suivantes.
« Quel est ton nom? — Tien-Konam. — Ta patrie ?
« — La Chine. — Es-tu prêtre de la Religion du ciel ?
« — Je le suis. — Est-il vrai que les ministres de ce culte
« éu^nger arrachent les yeux aux moribonds ? ( vieille
« calomnie qui a pour liase Tadminislration mal com-
« prise des derniers sacrements, et en particulier Tonc-
« tion que le prêtre fait sur les yeux des malades.) —
Digitized
byGoogk
348
« Non 9 mandarin ; ce crime n*a jamais été le nAlre* —
«. Tu mens ; car ce&it ,«atlestépar le dernier rescrit im-
« pénal , n*a pas été contredit par les Français dans leur
« supplique à Fempereur. — La loi peut nous accuser ,
« les Français peuvent ne pas nous défendre ; mais nous
« ne pouvons avouer un crime dont nous sommes inno-
« cents. »
« Le juge, voyant qu*il ne gagnait rien sur ce premier
chefy passa à d'autres questions, et continua ainsi Tinter-
rogaioire : » Combien de personnes ont embrassé u
« prédication ? — Je Tignore. — Qaels sont ces Irvres
» européens qu'on a saisis avec toi ? — Des livres à moa
« usage. — Tu sais donc la langue de TOcddent* —
« Je sais le latin. — Où Tas-tu appris? — En Italie,
« une des contrées méridionales de l'Europe. — Quoi
« donc ! tu es allé en Europe? — Oui , mandarin : j'y ai
« fait un séjour de plusieurs années, afin de mieux appren-
« drela religion chrétienne, et les sdences qu'on ignora
« en Chine. — Ah I scélérat I tu n'es que trop digne
« des châtiments que je te réserve. »
« Des scènes plus terribles allaient succéder à ce débitt
orageux. Ce que le mandarin voulait avant tout, c^était
l'apostasie de ses prisonniers. Laissant pour ce qu'elles
vahient toutes les autres imputations , il ordonna aux
deux confesseurs d'abjurer la foi chrétienne , et de fouler
aux pieds le Crucifix; à cette condition, il promettait de
les mettre en liberté. « Mieux vaut mourir, » fut leur
unique réponse. Alors on les jeta dans une étroite prison,
au milieu d'une vingtaine de malËiiteurs , qui aggravè-
rent encore [mur eux le poids des chaînes , en les pour-
suivant de leurs blasphèmes et de leurs obscénités.
« Si horrible que fût leur cachot , le mandarin ne les
y laissa pas en paix; souvent il les mandait au prétoire, et
Digitized
byGoogk
349
c^était pour lear Infliger les plus cruelles tortures^. Le
P. Tiefty eu sa qualité de prêtre, avait le privilège fïéive
soumis à des supplices plus nombreux et plus raffinés.
Un jour^ ce magistrat, joignant la dérision à la barbarie,
iui fit mettre les bras en croix , et dans cette attitude, or-
donna de le su^endre à une poutre par les cheveux. Une
autre fois , il le retint à genoux , la chair nue , sur des
pointes de carreaux brisés , recouvéftes seul^nent d*un
papier détrempé de sel , afin d*envenimer les plaies. Ce.
supplice , qui commençait au lever du soleil , ne cessait
qu'à minuit». • et il dura Tespace de six jours... et quand
le prêtre tombait de lassitude , ou s'évanouissait de fai-
blesse , les bourreaux étaient là qui le relevaient bruta-
lement par les oreilles, ou le rappelaient à la connais-
sance par des soufflets.
« Au septième jour , le patient ne pouvant plusse te-;
nir sur ses genoux , qui n'étaient plus qu'une plaie où la
corruption s'était mise , on fut obligé d'abandonner ce
genre de torture. Mais il n'y eut point d'autre adoucis-
sement à ses souffrances ; le système de rigueurs conti- ^
nua dans la prison. C'était , de la part du juge , un calcul
autant qu'une cruauté. Supposant que le P. Tien, comme
chef de la Religion chrétienne, devait avoir amassé des
trésors , il espérait , à force de tourments , se les faire
donner pour rançon ; mais cette soif de l'or n'ayant pu
être satisfaite , sa rage s'en accrut , et il frappa de plus
rudes coups sur ses victimes.
« Après des supplices nouveaux , le Père fulencliaîné
à son catéchiste par les pieds et par les mains , de façon
que , le jour comme la nuit , ils ne pouvaient ni se lever,
ni s'asseoir , et qu'on était obligé de leur mettre les ali-
ments à la bouche , comme à des enfants en bas âge.
Pour aggraver encore cette situation et i^endre tout-à-fuit
Digitizèd
byGoogk
360
impossiUe l'usage de leurs mains , les saielUles ima^
rent de fixer au cou des prisonniers une longue uaiene
de fer , à laquelle leurs bras étendus furent assujetis , ce
qui les tenait violemment en croix. Ils restèrent dix-oed
jours consécutifs dans cette posture douloureuse , saes
pouvoir goûter un insuml de repos. S'ils furent tirés d'ooe
si cruelle agonie , ils le durent à l'intervention d'un chré-
tien du district , qut vint les visiter et donna huit mille
sapéques pour qu'on mit fin i cette horrible torture* Ce
généreux néophyte » que l'inondation avait empêché d'ar-
river plus tôt ,.se nomme Tchen-kouo-tai.
« Le mandarin voyant que l'appareil des supplices
était sans résultat,eut recours à d'autres armes pour vain-
cre la résistance des confesseurs ; il demanda à la sè^
ductioa ce qu'il n'avait pu obtenir de la violence, l^»
jour il envoya sa. femme et d'autres membres de sa là-
mille auprès du P. Tien , pour l'exhorter à fouler aux
pieds la croix. Dès que le prêtre les vit entrer dans soi
cachot , devinant le motif qui les amenait , il poussais
cri si perçant que tous les détenus en furent efirayés* et
qu'il se trouva sur-le-champ débarrassé de cette visite
comme d'une sinistre apparition. En riscpiant une pa-
reille démarche , le juge venait d'assumer sur sa tète on''
grande resposabilité , car en Chine l'introduction dtf-
destine d'une femme auprès des prisonniers, est im é^
capital. Mais comme ce mandarin est Mantcboa , ilap^
à craindre' d'être dénoncé par ses collègues diinofe y ^
l'intérêt exige que , sous peine d'être suspects à la <ij-
nastie régnante , ils ménagent en toute occasion la i^<^
tartare , à laquelle l'empereur tient par son affecrion**
par son origine.
« Aussi l'impunité servait-elle an mandarin d'enoos-
ragement à tous les excès. Un jour , vonlaot ajouter fin-
, Digitized
byGoogk
35t
suite à la cmauté , il fit revêtir le P. Tieu desomemenis
sacerdotaux , qui étaient malheureusement toBibés entrée,
les mains des satellites , en présence de sa femme et de
ses filleis^ assemblées pour jouir de ce divertissement sa-
crilégCé Après qnoi, cet autre Baitazar profana les vases
du sanctuaire , surtout le calice , et invita sa femme à
boire après lui dans la coupe sacrée ; mais à peine y eut-,
elle porté la main, qu^elle tomba subitement malade, sans
qu'on pût assigner de cause naturelle à cet accident.
« Quand le juge se fut assez joué des confesseurs et
de nos saints mystères , il récëgea , pour en finir , une
instruction sommaire adressée au mandarin supérieur de
la province. Voilà donc le jugement de cette afiaire
ajourné. Puisse la décision du vice-roi être dans le sens,
du rescrit impérial , qui permet à tout indigène le libre
exercice de notre Religion !
« Au lieu même où le P. Tien a été pris, j*ai couru
aussi les plus gi*ands dangers. Les satellites , instruits des
ma présence à i2e»-toAafi-/bu^ et de celle du P. Irtelli, re*
ligieux Franciscain, vinrent en hâte et par deux fois nous
y chercher , en répandant le bruit que le mandarin al*
lait arriver en personne , et que le seul moyen de pré-
venir sa visite était de leur payer une forte rançon. L'ar-
gent, en Chine , est une preuve péremptoire d*innoceBe0
auprès de cette soldatesque éminenmient vénale.
« Sans les bois qui couvrent ces montagnes sauvages ,
sans les chaumières en ruine qui présentent çà et là des
retraites toutes préparées , nous aurions inbilliblement
partagé le sort du P. Tien et de son catédiiste. Mais
rfaonneur des chaînes portées pour Tadorable nom de
Jésus , n'est pas réservé à tous. On sait d'aHleuis qu'il
n'est pas perm^ de prévenir. les desseins àe la Provi*
Digitized
byGoogk
369
dence , sans uoe impolsioii spéciale de la ff&ce divine «
et 8i Ton n'est miséricordieusement prédestiné â la palme
dn martyre. Quand on nous apprit que tout se disposait
pour une uroisième perquisition , je jugeai qu'il Êillait cé-
der aux circonstances , et préserva cette chrétienté d'une
imminente dévastation.
« Nous partîmes le 19 juillet , et après cinq jours
d'un fatigant voyage , par le vent et la pluie, dans ces
montagnes escarpées, nous arrivions à Kilipien^ hameau
de deux cent vingt âmes , que je me mis aussitôt à ad-
ministrer. Biais avant la fin du second jour , de nouveaux
t^ults de persécution se firent entendre ; <m disait que
nous étions nommément dénoncés au tribunal , et que le
juge envoyait une troupe de soldats à notre poursuite.
^ « Ces pauvres fidèles , effrayés au delà de toute ex-
pression , nous engagèrent eux-mêmes à les quitter sans
délai , et à nous réfugier à Tien-kiorkou , parce que les
chrétiens y étant assez nombreux , nous fourniraient Ëid-
iement un plus sûr asile. A peine avons nous fait quatre
milles sur le fleuve , qu'un néophyte survient à la hâte ,
et nous apprend que notre projet de retraite vers 7&n-
iûi-jbtt est connu , et que le mandarin a commandé aux
satellites de diriger aussi de ce côté leurs perquisitions.
Que foire ? Les catéchistes qui nous accompagnent, nous
disent tout désolés que le péril est égal à rétrograder ou
à poursuivre. Dans celte extrémité , j'élève mon âme à
Dieu , et j'ordonne de marcher en avant.
« Nous glissions en silence sur le fleuve qui baigne les
murs de Xam-tin-wn , lorsqu'à un demi mille de la cité,
un autre chrétien nous annonce que h nouvelle de notre
départ y est déjà parvenue, et que les soldais examinent
sévèrement tous les passagers qui se trouvent sur les bar-
Digitized
byGoogk
363
ques* A cq nouveau contretemps Tembarras de ma suite
est extrême. Les uns nous conseillent de continuer notre
fuite par les montagnes ; mais la nuit était proche , et
nous avions à craindre les léopards et les singes , non
moins redoutables que les bêtes féroces. D'autres sont
d'avis de passer à pied et en habit de villageois^ au
milieu même de la cité qui nous barre le chemin. Avant
de prendre un parti, je fis mettre tous mes gens en priè-
res , et nous implorâmes la lumière d'en haut , si néces-
saire dans ce moment de trouble. Puis, sur mon invita-
tion, le P. Irtelii s'habilla en paysan ; il se mit aux pieds
de misérables souliers de paille , chaussure assortie à
ion déguisement agreste , et avec un seul guide , passa
inaperçu sous les murs de la ville. Ce fut ensuite à mon
jour y et nous échappâmes ainsi aux recherches que les
satellites dirigeaient principalement sur les barques.
« Nos voyages ne sont pas toujours aussi tristes.
Ainsi le 18 juin, j'étais à Lao-ko-keou^ ville d'une
grande activité conunerciale. A peine y comptons-nous
vingt néophytes , que je visitai rapidement , potu* re-
prendre aussitôt ma course sur le fleuve. Tandis qu'em-
p<Hrtés par le courant et la rame , nous voguions en si-
lence vers une autre chrétienté , des accords mélodieux ,
formés sur la rive par des groupes de villageois , sem-
blaient nous saluer au passage. Par intervalle les instru-
ments se mariaient aux voix; c'était comme le joyeux
refrain de couplets champêtres. Nous distinguions surtont
le son du Luo, instrument qui n'imite pas mal le carillon des
clochettes et le bruit agaçant des cymbales. Il est très-fa-
milier aux Chinois, qui s'en servent principalement au
temps des récoltes , chaque fois qu'une vingtaine do
moissonneurs sont réunis sur un même champ, afin de
donner au travail plus d'ensemble et plus d'activité.
Digitized
byGoogk
364
« Je comptais prendre quelque repos dans cette dire-
tieoté si désirée de Tien^kia-kou ; mais il fallut en re-
partir le lendemain même de mon arrivée : ces pauvres
néophytes redoutaient aussi une surprise des mandarins.
Je me rendis donc à celle de Pe-kuo-xe-kau ; qui nVn
est éloignée que de trois milles et demi , et qui joint à
l'avantage de sa position géographique celui d'être en-
vironnée de plusieurs autres villages chrétiens. Cette
proximité double le courage des fidèles. Aussi me reçu-
rent-ils , malgré la persécution , au bruit des bottes , à
la lueur des feux d'artifice, et avec les autres démonstra-
tions publiques de la joie. Je retrouvai parmi eux le P.
Irtelli qui vint me recevoir , selon le cérémonial usité
pour les évéques , précédé de la croix , et entouré de
catéchistes revêtus de surplis et portant des flambeaux
allumés. Ce lieu me parut à l'abri des vexations des sa-
tellites, qui craignent assez la multitude ; et je résolus
d'y attendre la fête de l'Assomption de la Très-sainte
Viei^e.
« Dans cette même contrée se sont passés deux faits que
je dois vous raconter. Un chrétien avait perdu siir la voie
pid)lique un exemplaire du catéchisme. Ce livre, ramassé
d'abord par un païen de Xam-sin-sienf parcourut, l'une
après l'autre, les familles les plus distinguées de la ville.
On le lut , on le relut ; une doctrine si nouvelle et si rai*
sonnable fit naître à ces païens , si égarés sur notre com-
pte , une toute autre idée de l'Evangile. Tous voulaient
voir le catéchisme des chrétiens ; il n'était bruit dans
toutes les boutiques de thé, que des vérités qu'il renferme,
et chacun en restait émareillé.
« Le pauvre néophyte qui l'avait perdu , craignait
une poursuite des mandarins et voulait racheter son livre,
fût-^ au prix de sa fortune. Il ne put on venir h bout»
Digitized
byGoogk
356
Les païens Tappréciaient trop pour s*en priver aussi vile.
Ennemis du Christianisme , avùnt d*en connaître som-
mairement les maximes , ils en eurent à peine entrevu
Tesprit , qu'ils [devinrent ses plus chauds défenseurs.
Pour satisfaire à tous les désirs , un docteur idolâtre se
fit comme Tapôtre de ses concitoyens, et se chargea d'ex-
pliquer ce catéchisme à toute la ville et jusqu'au manda-
rin lui-même. Nous espérons que le zèle heureux de cet
homme , malgré les inexactitudes qui ont dû échapper à
son ignorance , produira des flruits abondants sur un ter-
, rain si bien disposé par la divine miséricorde.
« L'autre fait, arrivé à 5uffi-fi-sten, a quelque analogie
avec le premier. Le mandarin du lieu s'imagina , sur
un &UX rapport, que les chrétiens d'un hameau soumis
à sa surveillance,étaient membres d'une société secrète dont
les principes tendaient directement à renverser le trône
impérial.
« Il s'y transporta par deux fois en personne , et pour
mieux s'assurer de leur doctrine , leur prit un datéchisme
et un abrégé des preuves de notre sainte Religion. Après
les avoir lus pendant trois jours ^ il les renvoya par un
satellite. Cet homme, accoutumé an vol , retint en secret
le catéchisme. Mais , contre toute espérance , ce fut pour
Dieu le moyen d'appeler à la foi ce firippon. La curiosité
lui fait ouvrir le livre dérobé ; ses yeux se dessillest au
flambeau de h vérité catholique, et c'est maintenant, avec
un autre employé du tribunal,un fervent catéchumène.
« Revenons aux chrétiens du district de XcmrriikrMn.
Nul d'entr'eux n'avait vu d'Evéque.Mon arrivée produisit
une sorte d'ivresse. La présence de leur prélat chassa
de tous les esprits le souvenir des craintes qui l« envi-
ronnaient ; ils n'eurent plus d'antre pensée , d'autre oc-
cupation que de le Wevoir , dans chaque chrétienté ,
Digitized
byGoogk
35«
avec lesténioigDagesd'one joie publique. CèUkii unqwc-
tacle d'autant plus merveilleux qu'il était inattendu , et
qu'il contrastait avec Taprété de ces montagnes , les phs
hautes que j'aie parcourues, et, du reste, en parfaite
harmonie avec les épouvantes et les terreurs d'une per-
sécution.
« Un autre sujet de consolation , un nouvel adoucis-
sement aux amertumes de mon cœur , était de voir revi-
vre la piété et la foi de ces chrétiens^ qui reconnaissaient
dans la personne de leur pasteur celle même de Jésus-
Christ , dont ils s'efforçaient d'être les disciples en pra-
tiquant ses préceptes divins. L'Assomption de laHèrede
Dieu ne fot pas seulement célébrée par le concours de
tous les fidèles des environs , mais aussi par tout ce que
put imaginer leur zèle pour lui donner l'animation d'une
lete et le sentiment pieux d'un devoir. Oh I qu'il était
touchant dans leur bouche , le doux nom de Marie , ré-
pété au loin par les gorges de ces affreuses montagnes 1
Si suave partout, il acquiert au milieu des infid^es el
dans le feu de la persécution , je ne sais quel diarme
inaccoutumé^ qui dissipe la tristesse , et inonde le cœur
de trop de joie pour que la parole suffise à l'exprimer.
c Quand je me décidai à partir , le 17 août , ce fu-
rent , parmi ces bons fidèles , une douleur et des plain-
tes que je ne pouvais calmer. Je me bornerai à dire
qu'ils renouvelèrent à mes yeux la scène des adieux de
l'Apôtre à Milet. Je dus leur donner, au nom de la sainte
obéissance , l'ordre formel de ne point m'accompcgner ,
Gonune ils le voulaient à tout prix , jusqu'à la barque
qui m'attendait au bord du fleuve. La distance était peu
de chose ; mais il ne fallait pas attirer stu* eux de graves
périls , et les livrer peut-être , en les quittant ^ h h fo-
reur des ennemis de la foi.
Digitized
byGoogk
3£7
« Je me dirigeai vers le district de Kot^-chen-sien. Le
groupe de chrétientés quMi renferme y dans une drconfé'
rence de trois milles et demi de diamètre , occupe le
centre d*une chaîne assez élevée. C'est le plus grand dis>
trictde mon vicariat; il contient à lui seul quinze cents
néophytes. De ce côté , il n'y a pas d'animaux très-fé*
roces , mais on trouve une multitude de singes qui se
réunissent par bandes, et vont^ d'une montagne à l'autre^
donner de fréquentes alertes aux pauvres habitants.
« Mon arrivée fut saluée par des démonstrations plus
bruyantes que partout ailleurs. Ces cbrétiens redoutent
fort peu les satellites, à moins qu'ils ne viennent par troupe
de cent hommes , comme lorsqu'ils arrêtèrent , il y at
cinq ans , le vénérable M. Perboyre. J'étais heureux de la
joie sincère et spontanée qui brillait sur le visage de ces
fervents néophytes; elle me touchait d'autant plus qu'elle
prenait uniquement sa source dans un profond sentiment
de religion.
« A mon entrée dans la chapelle , je fus reçu avec les
cérémonies ordinaires par les PP. Dracopoli et Yang ,
l'un grec et l'autre chinois. Le sanctuaire dont je parle ,
occupe la partie supérieure de l'habitation d'une pieuse
fiimille , nommée Leu. Pendant l'année c'est simplement
la plus belle pièce de la maison , celle où l'on reçoit les
étrangers, selon les usages du Hou'kauang; en temps
de Mission , on enlève les différentes portes qui , jointes
ensemble , lui servent de cloisons des deux côtés , on
dresse un autel mobile , et la chambre des hôtes devient
une église qui peut^ avec la cour contigue^ contenir plus
de mille chrétiens.
« Je venais d'y conférer le sacrement de la confirma-
tion à cent trente personnes , quand je reçus avis du
Digitized
byGoogk
35S
Recteur de mon séminaire qu*une dénonciation avait été
faite contre cet établissement , que le chef du lieu où il
est situé avait déjà pris les noms de tous les élèves , et
qu'il paraissait impossible de conseAer désormais celte
pieuse maison. Il me priait de retourner à Ou-^cham-fouj
pour y prendre à temps les mesures convenables.
« Je suspendis aussitôt le courà de ma visite , et me
mis en route pour la capitale du Hou'kouang,- Parvenu
au bord du célèbre Siam-hoy je louai une barque païenne
qui me transporta à Xa^iam , où je passai la nuit dans
la demeure d'un zélé catéchiste qui s'est voué à la con-
version de ses compatriotes idolâtres* J'appris avec con-
solation qu'il venait d'amener à la vraie foi trois diefs de
famille influents j propriétaires d'un temple d'idoles sur
lequel ils avaient droit de patronage. On me demanda s'il
fallait détruire la pagode ; je répondis que les idoles seu-
lement devaient être mises en pièces, avec les autres ob-
jets superstitieux qu'elle renfermait. Je me propose, après
l'entière conversion de ces trois familles , et avant leur
baptême , de changer le temple des démons en une église
du vrai Dieu. Veuille le Seigneur que ce ne soit pas la
cause de quelque grave persécution , suscitée par les
bonzes et les prêtres du paganisme.
c La nuit même que je passai dans la maison du ca •
téchiste , je fus subitement éveillé par un courrier que
m'expédiait le. P. Navarro, avec une lettre très-pressante.
« Monseigneur, m'écrivail-il, treize clercs et leur maître
« de langue chinoise sont dans les prisons deOu-tcham-fou.
« Vite, vite venez nous dire ce que nous avons à faire.»
A celte désolante nouvelle , je me hâtai de louer une
barque , avec la clause de voyager jour et nuit , à rame
ou ù voile , comme les courriers publics , et je me remis
en route au point du jour. Ce trajet se fit heureusement
Digitized
byGoogk
369
en quarante-huit heures. Avant d'entrer à Ou^tcham-foUf
j'allai d'abord à Honrkofà , ville qui n'est séparée de la
première que par le fleuve , et j'y rencontrai le P. Vang,
recteur du séminaire , avec une partie de ses élèves qui
par bonheur se trouvaient absents au moment de l'arres-
tation.
« Le dénonciateur était un conmiandant de la milice
bourgeoise , qui avait espéré par là se recommander à
ses chefs. Le matin du 20 ao&t , sur. les dix heures , le
mandarin de Chiam-sia-^en vint avec un bon nombre de
soldats investir le séminaire, et fit prisonnier tout ce qui
lui tomba sous la main , c'est-a-dire treize étudiants et
leur maître de langue chinoise. Il emporta en outre le
plus beau Crucifix du Vicariat apostolique , diverses ima-
ges pieuses , et plusieurs traités chinois sur la Religion
chrétienne.
c Mes pauvres jeunes gens furent d'abord renfermés,
ou pour mieux dire entassés , avec des malfaiteurs , dans
un si étroit cachot qu'ils étaient obligés de dormir de
bout, sans autre appui que leurs compagnons d'infor-
tune. La barbarie des mœurs chinoises n'a point de limite
à l'égard des prisonniers ; ils semblent placés en dehors
de toute loi , indignes de tout sentiment humain , et c'est
trop peu de dire qu'ils sont traités par leurs geôliers plus
durement que de vils animaux.
« Cependant une chrétienne obtint le lendemain , à
prix d'argent , qu'on les transportât dans une chambre
plus spacieuse , où ils pouvaient du moins s'asseoir et se
coudier sur la terre nue. L'arrestation de ces enfants ,
et les circonstances qui l'accompagnèrent , offrirent à
celte grande cité un spectacle des plus touchants. En
prison, ils récitaient de saintes prières, et s'exhortaient
Digitized
byGoogk
. 360
mutueUeineiit à subir toutes les tortures plutôt que de
manquer à- leur foi. Ce ne fut point assez pour eux de
s'affermir les uns les autres ; s^exerçant d'avance aux
fonctions de Missionnaires ^ ils ne cessèrent de convier
leurs compagnons idolâtres à confesser le vrai Dieu. Leur
constante joie , témoignage de leur innocence, leur mo-
destie scrupuleusement gardée au milieu de scélérats en
qui Tbomme se reconnaît moins que la brute , leur zèle
enfin pour le salut de ces infidèles^ ne pouvaient demeu-
rer sans fruit ; quelques prisonniers écoutèrent la voix de
leurs jeunes apôtres^ et au sortir du cachot songèrent se-
sieusement à se convertir. Il en fut de même au prétoire.
Des spectateurs et des soldats en vinrent naturellement à
penser qu'une religion doit être sainte et vraie, lorsqu'elle
produit tant de courage et de vertu dans la faiblesse
môme de Tenfance ; ils se décidèrent^ eux aussi , à suivre
fidèlement la grâce divine qui les poussait sous les éten-
dards de la croix.
« La nouvelle de cet événement s'était répandue en un
clin d'œil dans la ville. Elle devint aussitôt le sujet de
toutes les conversations. C'était à qui louerait le plus la
piété et l'intrépide courage de nos prisonniers ; on était
ravi de la joyeuse sérénité qui rayonnait sur leur figure,
comme im reflet de la paix intérieure de leur âme.
Cette gatté était si grande , que le P. Vang , allant plu-
sieurs fois les fortifier en prison^ en reçut lui-même la
consolation qu'il leur portait^ et sentit se dissiper à cette
douce influence toute l'amertiune de son cœur , toute la
tristesse que leur position lui avait d'abord inspirée.
« Ils ne furent pas moins admirables devant le juge,
un nombre incroyable de curieux était venu assister h
leur interrogatoire. Leur contenance , empreinte à la fois
de dignité et de modestie , abattit lu fierté du mandarin »
Digitized
byGoogk
qui déposa , sans &'en apercevoir , la majesté officielle
du joge, pour adopter un ton plus conforme à ^innocente
candeur des accusés. Voici quel fut en substance ce pre^
mier interrogatoire , auquel tous nos séminaristes forent
nnariablement soumis deux à deux. « Qui étes^vons ?
« — Nous sommes NN. — Quel délit aTez*vous commis ?
« — Aucun. — Est-il vrai que vous soyez étudiants de
« la Religion du*étienneP — Oui , oui , c^est vi*ai : nous
« sommes chrétiens. — Quel avantage en retirez^vous?
« — De servir fidèlement notre Dieu en ce monde , et
« après notre mort , de posséder les joies du paradis qui
tr n'aura pas de fin. — Quoi 1 jeunes ccnnme vous Téles^
« vous pensez déjà à ce qui suit la mort! — C'est une
• salutaire peiosèà pour ne pas offenser Dieu. — Dites^
« moi s'il est vrai que vous creviez les yeux aux mo-
« ribôndte. » — Au lieu de répondre , nos prisonniers
se mettent à rire de. tout leur coeur ; le peuple en (ait au-
tant , et le mandarin lui-mène » ne pouvant soutenir la
gravité de son rôle , rit comme les autres. Ainsi cette
pf^odière séance , qui dura trois heures , vint aboutir à
une scène de comédie. Puis le mandarin , cherchant vai-
nement à se composer , leur demanda toujours en riant,
combien d'yeux ils avaient crevés en leur vie. Cette ridi^
cale question excita une explosion nouvelle daùs l'assem-
blée. Pour dénoàment » le juge avec un sérieux affecté,
les renvoya en leur disant : « C'est bien ; demain je vous
« ferai aussi crever les yeux. » •
« Les autres interrogatoires ressemblèrent plus ou
moins au premier. Chacun admira la présence d'esprit et
le calme de nos étudiants, dans un lieu où régnent d'ordî*
nairéla confusion et le tuihulte des accusés , la terreur
qu'inspire le juge et la froide barbarie des bourreaux.
En définitive, le mandarin ne trouva pas de motif de les
TOH. xvm. 107. 24
Digitized
byGoogk
369
retenir en prison , moins encore de les punir. Exdté
d'ailleurs par un collègue influent qui^ par compassion
naturelle, avait pris ces enfants sous son patronage, il les
remit en liberté , apr^ vingt«<leux jours d'injusie déten-
tion. Son arrêt leur, enjoignait de se rendre ayssitètdans
leur pays respectif^ et leur défendait de fréquenter nos
éocdes. Pour 6ter au séminaire tbute.cbance de rétablis-
sèment , il interdit au maître de langue chinoise le séjour
de la ville , et sous le faux prétexte, qu^il était chef de la
Religion chrétienne , le fit conduire par des soldats dans
son village , à huit ou neuf journées de chemin.
c Au demeurant, mes pauvre^ séminaristes, depuis six
mois, pendant lesquels ils n'ont eu d'autre repos que cdni
de la prison , ont dû se réfugier çà et là , conune des
proscrits. Faute d'un locd suffisant, il m'a follu leur assi-
gner trois résidences séparées, malgré les suites (odieu-
ses qu'il est facile de prévoir. Voyez quelles raisons j'ai
de vous remercier de votre allocation qui va me penMl-
tre de pourvoir, du moins en partie, aux besoins du sé-
minaire , de venir au secom*s du P. Tien , toujours en«
chaîné pour le nom de Jésus , etde foire foce aux àéçaor
ses que nécessitent l'entretien des Missionnaires , levs
voyages et ceux des courriers.
« J'ai encore à vous apprendre , avant de dore cette
lettre , que d'autres mandarins de diflEénentes villes, sous
prétexte de rediercher la secte proscrite des jeûneurs,
sorte de conspirateurs dont le gouvernement à juré l'ex-
termination, se sont permis de nombreuses violences sur
nos paisibles chrétiens. Six néophytes de In-cham-sun
ont été cruellement battus et souffletés, parce qu'ils rc-
Tusaient de fouler aux pieds ^'adorable signe de poire
Rédemption.
« Je suis , etc.
« f Joseph , Eéqued'Aradc ,
Fie. afoêU du Uou-Kouanj, •
Digitized by LjOOQ IC
363
«MÉlMMllgMiiai«*iMlà<i«ilMiÉMMB*a*M#MM*»-«i»
MISSION DES îles LIEOU'KIëOU.
Lettre de M. Fùfeade , Mutkmnaitt apostolique du
iÂeou-KhièoUj à M. libois, proâureur deà Murions
Etrangéren à Macûô.
ârtnde Im^u, , Tu-maî , Boiuerie A*àmku ,
« MONSIEUB ET CHER CONFRÈRB ,
« J*avais inutneméût teftlé de vôu$ écrire, ^an dernier,
et je conservais peu d'espoir de mieux réussir cette
année-ci, lorsqu*enfin, après quatorze ihois d^attente ,
dans la matinée du 19 juin , je découvris tout-à-
coup , du lieu que j'habite , un beau navire européen ,
cinglant vent arrière et toutes voiles déployées vers te
port de Nafa. Ne pouvant distinguer le pavillon, j'aimais * .
à me persuader que ce devait être un bâtiment français ;
mais toutes mes conjectures se trouvèrent en défaut , H
|*appri$ le soir, de la manière la plus positive , que
c'était une frégate anglaise. Je me décidai aussitôt à
comnonniquer avec ce navire, et, après en avoir obtem la
permissioii de qui de droit, suivi d'une fort belie escorte
24.
Digitized
byGoogk
364
qui prétendait me faire honneur , et qui était chargée dt
me garder à vue , je me rendis en rade le 21 juin.
c Le capitaine venait justement de quitter son bord
lorsque j'y arrivai ; mais le chiruipen major , qui sait
le français , me reçut avec ' beaucoup de bonté , fit
armer un canot pour moi , et voulut bien me conduire
lui-même vers rofficierqueje cherchais. Ceiui-d s'atten-
dait à ma visite ; il avait appris dans une entrevue avec le
gouverneur de Nafa , mon séjour dans le pays; il savait
que j'y avais été amené par un bâtiment de guerre, et que
j'y avais été déposé à titre d'interprète. Il ne parut point
contrarié de ma présence, et me tirant immédiatement à
l'écart, il se mit à causer avec moi de ce. qui avait
pour nous un mutuel intérêt. Après m'avoir donné des
nouvelles de France , il me dit*, que parti depuis environ
deux mois de Hong-Kong, il venait de visiter toutes les lies
du Sud dépendantes de Lthchu ; qu'il s'en allait en droite
ligne au Japon , et de là en Corée ; qu'il reviendrait à
Nafa le 15 août , avec l'intention d'y jeter Tancre assez
longtemps pour visiter l'Ile tout à loisir ; qu'à son retour,
il trouverait ici un bâtiment de diarge venu pour le ravi-
tailler , et que je pourrais profit<^ de cetter occasion pour
écrire à Macao. Aujourd'hui 12 août, mou capitaine n'a
pas encore reparu; mais l'autre navire, leRoyalùte , com*
mandé par M. Ogle , ayant dès hier mouillé dans la rade,
je crois qu'il est bon de me meture sans délai à ma co^
• respondance. Ces détails une fois donnés, je passe à l'im-
portant chapitre de ma Mission. *
« Au moment de notre débarquement dans cette lie ,
le 6 mai 1844 , on nous conduisit tout droit à la Bon*
xerie de 7ii-mat (vrai nom de Pthtsum) ; c'était la dt-
meure, ou plutôt l'honorable prison qu'on nous destinait:
nous n^avions pu l'éviter , et nous y Simunes encore au*
Digitized
byGoogk
366
jourd'hni. Nous trouvâmes là , outre une nombrcust
garde postée dans tous les alentours , uu fort joli cercle
de petits mandarins, installés près de nous dans Tupique
but , nous dit-on , de charmer nos loisirs , et de plus, je
ne sais combien de domestiques. Les honneurs ne nous
manquèrent pas dans ces premiers temps ; la nuit conwe .
le jour , nous ne pouvions nous moucher » cracher ou
tousser , sans nous voir assaillis par une douzaine d'in-
dividus , qui , Fair effaré , venaient nous demander si
nous nous pâmions. La table répondait en apparence à
ce grand train de maison ; le pays était censé épuiser ses
produits pour nous sustenter : dans le fond , nous Pavons
reconnu depuis , tout ce qu'on nous présentait alors avec
tant d'étalage, n'était que fort peu de chose eu égard aux
ressources indigènes. La pauvreté n'est pas si grande à
Lftrchu qu'on voudrait le faire croire. J'ai dit nous jus-
qu'ici; car alors^ bien que M. Duplan ait toujours présenté
Augustin comme d'un rang très-inférieur au mien , bien
que ce catéchiste lui-même ait toujours observé envers
moi la disuince convenable, on affectait^ je ne sais
peurquoi, de nous traiter sur un pied absplumeot égal*
Les choses ont changé depuis^ et il y a longtemps que
mon catéchiste et moi nous avons pris , aux yeux de tous ,
bi place respective qui nous appartient.
« Quoi qu'il en soit , (détail l'espérance des maîtres de
céans, qu'ébahi de tant d'éclat^ nageant dans une telle
abondance , il ne me resterait rien à désirer dans le
monde ^ et qu'ainsi, riant, mangeant, et surtout dor-
mant bien^ j'attendrais patiemment que vint me reprendra
celui qui m'avait déposé sur ces bords. Grande fut donc
lenr stupeur quand , paraissant plus qu'mdifférent à tout
ce carillon , je demandai , au bout de quelques jours , une
audience, non pas du roi (je ne l'aurais jamais obtenue) »
Digitized
byGoogk
366
«mis pour le moins da gouveroeur-géiiéral de la prowioe«
Où mit tooc en œuvre pour esquiver le coup, mais je
Uns fiprme , et l'en finit par en passer par là*
« Ce fut à Tumaï , dans une maison que je croîs te^
un Collège, qu'eut lieu Tentrevue. J'aurais mieux aimé
que ce fut à la capitale, dans le palais du gouverneur ; on
s'y refusa. Le personnage qu'on me donna pour FEicel-
lence, était un grand bel homme d'une quarantaine d'an-
nées , assez richement vêtu , et traînant après lui une nom-
breuse suite. H avait de la dignité et une gravité incroyable
dans tout son extérieur. Du reste, pendant les deux ou
trois heures que dura la conférence, raide comme an
fotoque dans sa pagode , s'il desserra les dents , ce ne fut
que pour absorber les mets de Tindispensable diner diplo-
matique. Cette importante partie de ses fonctions il la
remplissait à merveille. Un petit interprète» accrédité
comme courrier de la cour^ parlant, répondant^ déci-
dant et* tranchant comme bon lui semblait , fit à lui seul
tous les autres frais de la cérémonie.
« Mon but , en demandant cetlB aadiaMe » n^ansit élé
quo d'entrer en matière et de me mettre en fappert avte
les aulorilés. C'était un résidiat peu difficile à obtenir, et
j'y parvins alors. A dater de cette entrevue » qui fat suivie
d'une seconde im mois après , plusieurs letures ont été
écrites de part et d'autre, et bien des conuQunicatioqt
échangées de vive voix.
« Ce que je Vécbmais avant tout , c^était ma liberté :
•ans elle que pouvais^je faire? Ch-, dans les oommenoe-
ments, je ne jouissais pas même d'upe ombre d'indépen-
dance. Je n'étais point libre à rinlériear de ma pialsoo ,
puisque j'avais , niiit et jonr , à mes côtés cette feule im-
portune de mandarins et de domestiques, dont je vont si
Digitized
byGoogk
a£7
dëjà entretenn ; putsqtie je ne pouva» Êiire uo pas -qui
ne fût suivi , un mouvement qui ne fût observé. Je n'étais
point libre au deh(»rs ; car c'était à peine si Ton me per«
mettait de prendre un peu d'exercice , au milieu du sable
et de la boue, sur le bord de la mer ; et encore ne poo^
vaî&je le faire seul , ipais entouré de mes inévitables man*
daritts , mais précédé.desatcUites armés de bambow pour
frapper le pauvre peuple et éloigner les passants (ce qui
devait natureUe;nent me rendre assea odieux).
« Après bjendes diflBcuUés, on consentit à m'abandon-
iier, pouf y être seul à loisir^ et la cfaambre où je couché
dans la bonzerie^ et un petit jardin qui est attenant;
Quant à mes excursions au dehors^ voici par quels pro-
cédés, peut-être un peu hasardeux^ j'ai fini par obtenir
aussi quelque amélioration. Voyant que je ne gagnais et ne
gagnerais jamais rien parles voies de douceur, tout'd^uh
coup , sans faire la moindre attention aux clamcurs.de ma
suite , je me mis à circuler à mon aise partout où bon me
semblait, sans toutefois m'écarter jamais des chemins
ouverts à tous sans distinction.
# •
« D'abord ^ on ae coménta de coi^urer> de crisv^ de
mettre* en jeu toute sorle de jolis petits moyens,Qsités daM
le pays en pareille circonstance ; mab quand on vit buni
qu'on perdait son temps^ on résolut d'user de vidence,
et un beau jour, tandis qu'à Un quart de lieue environ di
ma bonaerie , je m'avançais paisiblement sur la grande
route de Nafa, un mandarin me saisit des deux mate
et m'empêcha de passer outre. Je demandai à cet homme
s'il agissait au nom de l'autorité publique ; sur sa réponse
afiirmatîve, je rétrogradai et rentrai chez moi ; mais éoi*
vant, dès le lendemain, au goavemeur^&iéraI> je le priai
de me biire savoir pour qœl délit, povr quel crime, j'avaii
été arrêté comme un malfai^ur. Son Excellence rendit
Digitized
byGoogk
ses
que je n'énîs oonpoibie d'aacon délh dî d^aucim crime;
mais qu'une loi de FEtat défendait aux étrangers de se
promener ailleurs que sur le rivage de la mer, et il me
rappela que le commandant du navire qui m'avait amené,
avait promis que je me soumettrais aux lois du royaume.
Je répliquai entre autres choses : que le commandant,
en promettant de ma part soumission aux lois du pays,
avait voulu dire que , devenu semblable aux particuliers
du royaume , j'obéirais à toutes les lois justes qui les
obligent , ce que je désirais de tout mon cœur ; mais qu'il
n'avait certainement pas entendu parler d'une défense
arbitraire, d'une exception odieuse, qui me plaçait
en dehors du droit commun , et n'atteignait actuelle*
nient dans le pays aucun autre que moi ; défense que 1^
commandant lui-même, par ses actes, avait prouvé ne
pas reconnaître, puisqu'il était allé partout où il avaic
vouhi.
« J'ajoutai en finissant : « Jusqu'à ce qu'il me soit dé*
€ montré que j'ai tort , le gouverneur ne s'étonnera point
« si , m'appuyant sur ma conscience , je ne déroge en
« aucune manière h ma conduite passée. » A cette note
on ne répliqua rien , et dès lors je pus circulera loisir
•ans avoir à craindre la moindre violence.
« Restait à me débarrasser des mandarins et des satel-
lites. Pour y parvenir, voici à quel expédient j'eus re-
ooun. Plus ma suite était nomlo^reuse, plus elle Elisait
tapage et frappait le pauvre peuple , plus aussi je mar-
chais v!te et j'allais loin. Quand on vit cela , on d^;ro8-
sit peu à peu mon escorte , et aujourd'hui je ne suis plus
accompagné , dans mes sorties et promenades ordinaires ,
que d'un ou de deux mandarins avec un seul domestique.
On me laisse converser, diemin faisant, avec les pas-
sante qu'on ne chasse plus comme par le passé ; on m'i»*
Digitized
byGoogk
369
tite même parfois à entrer , soit dans les bonzeries^
soh dans les maisons particulières^ pour y prendre le tbe
ou me reposer un instant. En un mot, bien que je sois
loin d'être libre, puisque on ne me laisse jamais aller
seul , mon esclavage est devenu pour moi , OMnme pour
le public I tm peu plus tolérable.
« Tous m^aviez recommandé^ Monsieur et cher con-
frère , de preidre aussitôt que je pourrais Fhabit du pays. ^
Fidèle observateur de vos instructions, je n'ai point tardé
i réclamer des indigènes rhonneur déporter leur costume.
Vous croyez peut-être que mes pauvres gens , flattés de
.cette demande , se sont emprises d'y répondre ; hé I
pas du tout ; quelques instances que nous ayons faites , ib
n^ont jamais voulu permettre, ni à Augustin ni à moi, d'a-
cheter ou de confectiohner une de leurs robes; tout ce que
j*ai pu adopter de l'équipement local , a été la chaussure ,
parce qu'il m'a suffi pour cela de mettre mes pieds nus
dans une espèce de petites cages qu'on appelle ici des
souliers^
« Notre grande aflaire était d'obtenir, pour moi la li-
berté de prêclier notre sainte Religion, et pour les gens du
pays la liberté de l'embrasser. Sans cette permission au-
thentiquement donnée , sans cette garantie pour le peuple
que je crois dans un état d'oppression , il nous serait bien
difficile d'avoir quelque succès ; mais la concession solen-
nellement faite , j'ai lieu d'espérer qu'avec la grâce de
Dieu, il y aurait bientôt des conversions et qu'elles se-
raient même très nombreuses. Je n'ai point débuté par
cette question en traitant avec les mandarins; j'y suis venu
cependant à la longue , et après l'avour une fois entamée , *
c'est celle que j'ai poursuivie avec le plus d'instances* Ma
premi^ demande a été suivie d'un refus , mais si £ii-
Uement motivé qu'il ne m'a pas été difficile de revenir n
Digitized
byGoogk
370
b charge. Cette fois la réponse do mandarin, qooiqoe
toajoors native, était mieux fondée en raison. Us^ap-
poyait principalement snr ce motifs qoe si la tolérance
m'était accordée, d'une part la Oiine, dont on est tri-
butaire j romprait tous ses rapports avec le royaume;
d'autre part, le Japon, qui seul foit le commerce ici,
retirerait ses navires : double malheur d'où résulterait
infailliblement la ruine du pays.
c 11 fallait réduire ces appréhensions à leur juste Ya-
leur ; je répondis donc : V Que je savais des royaumes
tributaires de la Chine, le royaume Annamite et celui de
Siam , par exemple , qui avaient accoitlé le libre exercice
de la religion, à des époques où elle était proscrite en
Chine^ sans que cet empire ait pour cela rejeté le tribut ,
ou même fait entendre des pluiates*; 2^ Que s'il s'agissait
d'ouvrir le port de Nafa au commerce européen , le Japon ,
qui en pourrait souffrir , aurait sans doute quelque droit
à Êûre des réclamations; mais que, s'agissant ici d'admi-
nistration intérieure^ je ne voyais pas en quoi cette affaire
r^rdait un Etat vobin , dont on prétend ici ne relever
en aucune manière.
«Un autre point sur lequel, pour des raisonsqueje crois
bonnes, je n'ai fuit aucune demande formelle aux auto-
rités, mais qui a été dès les premiers jours , l'objet de
toute mon application , c'est l'étude de la langue du pays,
ou, si vous l'aimez mieux , de la langue Japonaise. Je ne
crois pas me tromper, en vous certifiant que le même
idiome est à l'usage des deux peuples. Cette langue est
la seule qu'on parle ici ; le Chinois n'est entendu que de
• quelques interprètes, issus d'anciens émigrés duFokien;
et encore ne s'en servent-ils jamais dans le commerce or-
dinàire dQ la vie.
« Je 9e saurais vous redire tput ce qu'on a lait pour
Digitized
byGoogk
371
me rendre ce travail impossible. Non levleilieiit on ii*«
jamais voulo me donner des leçons, ni me proeurer
aucun livre ; mais on s*est même refosé longtemps à
nommer devant moi les choses les plus simples quand je
le demandais: souvent on se plaisait à me tromper sur
le sens dea expressions que j*avais saisies an hasard ,
ou bien on m'enseignait malicieusement des mois de hi
buigue écrite » qai ne sont point usités dans le langage
ordinaire* Cependant, par une miséricorde tonte spéciale
de Dieu, noe petits mandarins de la bonzerie, ont,
depuis sept à huit mois , changé subitement de disposi*
tiens à cet égard. L'un d'eux, surtout, qui semble m'avoir
pris en amitié, m'a rendu et me rend encore de très
grands services; il va même jusqu'à me dicter de petits
dialogues qui me sont bien utiles , et qui ne le seront pas
moins un jour^à nos confrères. Bref, j'ai actuellement
un dictionnaire de plus de six mille mots , je puis à peu
près tout entendre , et soutenir une conversation quel-
conque sans trop de difficulté. Ce matin même on m'a
prié, à plusieurs reprises, de servir d'interprète auprès
du capitaine anglais qui est venu à terre ^ et je me suis
tiré d'affaire sans aucun embarras. »
« Voilà, Monsieur et cher conOrère , quelles ont été
mes tentatives sur 1^ points les plus importants : je vous
en ai fait connaître le§ résultats aussi nettement que je
Vai pu. En somme, nos affaires ne sont pas bril-
lantes. Je résume la shuation en trois mots : t^ Je me
trouve à cette heure prisonnier de fait , soit dans ma
bonzerie où personne ne peut m'aborder sans l'autorisa-
tion et la surveiUao(;e des maftdarins; soit au dehors do
ma résidence, dont je ne puis m'écarter d'un paa sans
être suivi. 2''Je suis en butte à l'oppeaition la pbs formelle
de l'autorité , qui , si elle ne me persécute pas ouverte-
Digitized
byGoogk
S73
meut parce qa'dlene Tose point, ne néglige aucun moyen
de me susciter en dessous toutes les petites vesa-
lioos qu'elle peut imaginer. 3? Comme prédicateur de
rEyangile^ n'étant ici que pour Fannoncer, je ne trou^
pas dans la langue indigène des mots correspondants à nos
dogmes , et je crains de les compromettre par un essai de
traduction qui peut-être les défigurerait. Dans cet em-
barras, j'ai recours à tous; tAdiez de me trouver des
livres , de bons livres que néoessair^ooent les PP. jésuites
ont dû foire quand ils étaient an Japon : diercbez-les je
ne sais où , mais enfin trouvezrifs.
c Faut-il pourtant nous décourager? Ob I non. Dieu
nous £)sse la grâce de ne jamais perdre confiance! C'est
lui qui m'a envoyé à ces îles, qui m'y a conservé jusqu'à
ce jour, et qui parait vouloir m'y garder encore; je mets
en lui toute mon espérance, il ne m'abandonnera point
Peut-être jetterons-nous le filet pendant une bien longue
nuit, sans rien prendre ; mais quand viendra l'heure du
Seigneur, la pêche miraculeuse nous dédommagera bien
de l'attente. »
« Nous devons d'autant plus Tespâ-er , qu'ici le pamrrs
' peuple est excellent. Il ne demande pas mieux que de
me voir, de me parler et de m'entendre; j'en ai plus
d'une fois acquis la preuve. Ainsi l'an dernier, fêtais
sorti avec Augustin pour faire une promenade. Iks
petits mandarins qu'une longue course contrariait , troo-
vèrent que j'allais bien loin ; mais leurs remontrances
n'ayant point été reçues, ils eurent recours à im autre
procédé, k une ruse de leur politique , employée souTest
avec succès; se donnant l'air de gens fatigués, harassés,
ils semblaient n'avoir plus la force de mettre un pied
devant Pautre; ils me suivaient en se traînant^ uoe
i)onnéle distance, et s'asseyaient à toutes les pierres^
Digitized
byGoogk
S7S
persnadéB que selon ma ooataoae, je les attendrais , j*au^
rais pitié d'eux et rebrousserais chemin. Mais ce jour-là,
Tatigué à Texeès de leurs grimaces , et certain d'ailleurs
que je n'avais rien à craindre , tout-à-coup je double le
pas avec mon catéchiste, et bientôt une colline nous
dérobe aux yeux de nos poursuivants. •
« On ne sait plus où nous sommes ; pour la première
fois nous nous trouvons seuls. ProGtant de l'occasion ,
, traversant les villages, et suivant toute espèce déroutes,
nous poussons jusqu'à quatre grandes lieues loin de notre
bonzerie ; nous allons jusqu'aux ruines d'une ville , qui
n'est plus aujourd'hui qu'une bourgade , et qui a dû
être autrefois la capitale du royaume du Sud. Partout
sur les chemins^ dans les hameaux, les pauvres paysans
nous saluent et nous font politesse.
« Arrivé au terme de ma course, tandis qu'Augustin
s'avançait un peu plus loin à la découverte , j'étais resté
assis sur le haut d'une montagne. Les villageois ne m'ont
pas plus tôt aperçu, qu'ils quittent leurs champs et
s'empressent autour de moi; les uns m'offrent leurs pipes,
Jeur tabac ^. et vont me chercher du feu dans une maison
isolée; d'autres me parlent^ m'interrogent^ et, bm
qu'alors j'eusse beaucoup de peine à les comprendre et
à leur répondre, nous engageons de notre mieux la
conversation. C'était la première fois qu'ils me voyaient;
ils ne pouvaient me connaître encore .que par les ca-
lomnies semées partout contre moi, et jamais, selon toute
apparence, aucun européen n'avait paru chez eux;
cependant, nos premiers rapports étaient déjà ceux d'une
mutuelle bienveillance. Nous étions là depuis quelque
temps et les choses allaient au mieux, quand tout-à-
coup apparaît mon étemelle escorte. A sa vue , mes
Digitized
byGoogk
3M
pauvresgeos de céder le terraÎB el de s*etquiver effirajpés
dans touteft le» directions*
« Uoe autre fois Je rencontrai, dans une de mes
promenades, un bon villageois à qui j^adressai quelques
mots^ et qui m'amusa beauconp par ses réponses, car
c'était la simplicité même. Je dis à un petit mandarin
qui m'accompagnait : « En vérité, voilà un brave boBune;
« sa firanchise ne sait rien dissimuler » on peut le oroiro
« sur parole* » Mon surveillant jugea que Toocasion
était belle pour me faire la leçon. « M'est-il pas vrai ,
« dit-il à cet ingénu^ que quand le maître s*en va partout
« dans vos villages , vous autres paysans vous avec grand
« peur? » Le ton sur lequel la question était fiiite, dictait
clairement le sens de la réponse ; il n'y avait ni à se
méprendre ni à délibérer, le bonhomme p*bésita point
non plus. « Oui, maître, nous avons grand peur;
« maisjevaisvous dire :cen'e8t point le maître européen
« que nous craigaons , car nous savons bien qu'il ne
« nous fera pas de mal ; mais c'eu des mandarins et
« des satellites que nous sommes effrayés. * fiiai ^
ce ne fut pas précisénmit la réponse demandée et atten*
due , celle-ci était si vraie, empreinte de tant de boom
foiy et si naïve dans ses termes ^ que non jenne lettré nt
put retenir ua éclat de rire.
« Ces mandarins eux-mêmes^ quoique ici comme par-
tout ce soit en général la pire espèce, ces mandarins ne
sont pas lousmadvais; il en est plusieurs qui entendraient
facilement raison, s'il leur était permis de prêter roreillc
à la vériié. Dès les premiers temps de ma résidence h
Lu<hu^ un de ceux qui étaient auprès de nous,
homme qui, du reste, nous a toujours paru droite capable
et fort instruit pour un pays si peu avancé, ayant
provoqué Augustin par ses questions, eut avec lui une
Digitized
byGoogk
376
petite conférence snr Texistence d'un Dieu Créateur « sur
le culte que nous devons lui rendre , etc. A peine eut-il
entreTU nos vérités saimeB^ que toucbésans doute par la
gtâce , et snbiieoient frappé de la sublimité d'une doc-
trine qu'il entendait pour la preflôière foi^, il ne put coa«
tenir son admiration. Ce ne fut point assez pour lui de
Texprimer par ses paroles» îi alla jusqu'à improviser unQ
jolie pièce de vers chinois, où il vantait la science do
mon oatéchiste » et manifestait son désir 4o l'eniendi'a
tous ks jours de sa vie.
« Ce début me donnait les plus belles espérances.
Malheureusement notre futur néophyte nous fut immé-
diatement enlevé ; peut-être a-t-il payé bien cher cette
expression si franche de ses nobles sentiments. Baigne le
Seigneur dans sa miséricorde , lui tenir compte de ce
premier hommage , en' découvrant à ses yeux le di^n
flambeau de la foi , dont la première lueur a fait sur son
âme une si vive impression.
« Depuis ce triste dénouement , il n'y a plus eu moyen
po«ir mon catéGbis|e, dans ses rapports avec les mandarins^
4e parler de religion. Toutes les fois que, d'une manière
ou de l'autre , il a voulu amener la conversation sur ce
chapitre^ il a vu toutes les oreilles se fermer, et ses audi**
tours s'esquiver sous un prétexe quelconque. Oh ne dis-»
pute point, on ne conteste pas , on ne veut rien entendre.
Ne croyez pas, du reste ,^qu€^ce soit par indiflcrenoe où
par apathie qu'on agit de la sorte :.cette conduite^ j'en
suis certain, est dictée par des ordres qui partent de Aulf.
Quoitpril en soit, mémo aujourdhui, je me Oatte d*avoîr
parmi mes mandarins au moins un demi ffroiélyie; mais
je crains fort qu'il ne soit déjà suspect à l'autorité , et
par politique, noussommcs obligés de nous montrer assez
Digitized
byGoogk
37«
froids envers lui. Oh! $i nous étions libresl Bipérûot eo
Dien^ el cela viendra.
« Cette lettre est déjà bien longue , Monsieur et cher
confrère^ et cependant je ne voos ai point tout dit. Je
devrab peut-éure vous donner quelques déiails sor les
moeurs de ce peuple, voos décrire cette belle contrée ,
vous parler de la doucenr et de la salubrité de son di-
mat. Ces questions, et beaucoup d^autres que je n^indiqoe
même pas, nemanqueraiait ni d'intérêt ni d'importance;
mais obligé pour le moment , de me renferma daas le
cercle des observations les plus indispensables , je me
bornerai à jet^ qudque jour sur deux points essentiels,
qui ont été jusqu'ici et qui sont encore à présent très
difficiles à résoudre.
« 1^. Le royaume de Lu Chu dépend-il du Japon? Si
vous posez cette question à nos mandarins » ils paraîtront
d'abord ne pas même vous entendre. Si vous revenez pln-
sieurs fois à la chaîne , ik ne savent pas , diront-Us , ce
que c'est que ce Nippum (nom de l'empire Japonais)
dont vous leur révélez l'existence. Enfin , pressez-les de
nouveau et pressez-les encore , ils finiront par vous avouer
qu^on a bien entendu parler de ce pays-là^ mais qu'on
n'en est aucunement tributaire. De toute antiquité, ajou-
teront^Us , on ne relève ici que de la Chine , qui a eMUtè
r archipel (c'est aussi faux que le reste); on ne se
conduit que par la volonté du Fils du Ciel^ on lui paie
tribut de deux ans en deu^ an$; le roi reçoit de lui sa
couronne, ne détermine rien que selon son bon plaisir,
et les loîs^ les mœurs du royaume, ne diffèrent en rien des
lob et des mœurs du Céleste-Empire. Dans la conversauoo,
si vous êtes étranger , on vous parle tous les jours avec
emphase de h Chine, on vous la vante, on vous raconte
•on histoire, on vous décrit ses provinces eç ^es villes;
Digitized
byGoogk
37r
jamais UD mot du Japool Toiià les pardes ; quaat aux
faiis, ils sont bien différents.
€ Il est vrai que Lu-Chu^ depuis Fan 1372 de Vhré
chrétienne, c^esl-à-dire depuis quatre cent soixante et
treize ans , paye tribut à la Chine ; il est vrai encore qu'a
Tabdication ou à la mort du roi , un mandarin chinois
Vient ici introniser son successeur , mais on ne parait pas
tenir par d^autres liens au Céleste Empire , tandis qu^on
semble uni de toutes parts, à ce Japon, qu'on affecte de
méconnaître. À LvrChu, rien n'est diinois, tout est ja-
ponais* Si les nobles, les villes et les bourgs ont leurs dé*
nominations chinoises,, elles ne sont usitées qqe vis-à-vis de
la Chine etdes Européens ; les noms japonais des hommes
et des lieux s)|j^ jes seuls qui aient cours et qui soient
entendus dans le pays. Le culte, la langue, les habitations,
les meubles, les mœurs, les coutumes, même chez les
habitants de la ville de Kuninda^ qui descendent des
chinois envoyés ici sous la dynastie précédente , ne diffé-
rent en rien (j'ai tout lieu de le penser) du culte, de la
langue, des habitations, des mœurs et des coutumes du
Japon. J'ai entre les mains les lettres de saint François
Xavier, Thistoire du père Charlevoix, des extraits de
Malte-Brun et de Balbi , sur le Japon , et chaque fois que
je Us ces ouvrages , je suis tenté de croire qu'il s'agit de
lu-Chu , tant il y a d'analogie entre ce que je vois et ce
<]u'ils décrivent. Je ne sais combien de mots japonais ^
cités et traduits par ces différents auteurs , se retrouvent,
avec la même prononciation et le même sens, dans la
•angue de Lu-Chu. De plus^ je n'ai pas encore aperçu une
«eule jonque chinoise dans le portdeA^a/a, tandis qu*il
y a constamment au mouillagejde dix à quinze navires ja-
lK)nais. Or, il est défendu à ces derniers, par un édit
publié en 1637 , de|faire voile vers un pays étranger; ils
'^Ji- xviii. 107. 25
Digitized
byGoogk
378
ne peuTjMil que se llyrer au cabotage ou aller daas les lie»
dépendantes de Tempire. Enfin ^ il est m^ilheureiiBemeni
très'certain , et ceci je Tai vu et revu de mes yeux , qu^ane
croix est gravée sur la pierre pour être foulée aux pieds,
à rextrémito de la digue de TttmaX , précisément où Ton
a toujours fait débarquer les Européens qui sont venus i
Lu-Chu; et tout le monde sait que c'est ^ non de la Chine,
mais du Japon qu'a pu venir cette infernale idée.
« Il est donc prouvé , pour moi du moins, qu'on D'est
ici chinois que de bouche , et qu'on est japonais de bit.
D'où vient cette contradiction P Voici une explication que
je hasarde sans vous la garantir. Si vous consultez le
Voyage autour du Monde ^ publié sous la direction de
Dumont-d'Urville, vous y lirez (Art.£u-^ti): cQuand
« té fameux Tay Ko Sama\ empereur du'iapon (grand
« persécuteur du christianisme), voulut surprendre et
« conquérir la Chine , l'un de ses moyens préliminaires
« fut d'envoyer un agent auprès de Chang^Ning^ alors
« roi de Lieou-Tcheou , pour l'engager à rompre son ban
« vis-à-vis de l'Empire-Céleste, et à édianger le patronage
c chinois contre le patronage japonais. Chang-Ning,
« non seulement résista à ces insinuations, mais fidèle à
« la loi jurée , il fit prévenir secrètement la cour de /Vto
« de l'attaque qui se méditait. Cette noble conduite attira
« sur i^tVoti^rcAeotf le plus terrible orage. Tay Ko.Saff^
« résolut de soumettre ces lies , et la mort étant venue le
« surprendre au milieu de ses projets , il en légua b
« réalisation à son successeur. En effet , quelque lemp*
«r après une flotte équipée à Sat Xuma , opéra une des-
« cente sur Lteou-Tchèou ; les insulaires eurent beau ré-
« sister, ils furent anéantis ou vaincus; le père du roi
« fut tué , et Chang Ning^ emmené prisonnier au Jap<>"
« pendant deux ans, ne désarma ses geôliers que [KU'
Digitized
byGoogk
379
« son inébranlable constance et sa magnanime fidéUié à
« tenir les premiers serments. On l'élargit, on le ren-
• voya dans ses étals, et son premier acte d'autorité,
• quand il eut remis le pied sur son territoire, fut d'en-
« voyer une ambassade à l'empereur de la Chine. » Ce
narré n'est, je pense, qu'une traduction de la relation
du Pu-Pao-Kuam, ambassadeur de Kamhi à Lu-Chu
C'est bien ainsi, en effet, qu'on aura dû exposer les
choses au diplomate, chinois. Voilà qui est très4ouchant
et très-politique; mais ce n'est pas ainsi que s'arrangent
les affaires de ce monde , surtout vis-à-vis d'un gouver^
nement comme celui du Japon. Si le roi de Lu-Chu eût
tenu la noble conduite qu'on lui prêle, l'empereur du Ja-
pon, au lieu de continuer pacîûquemeni avec lui les re-
lations commerciales qui persévèrent encore aujourd'hui,
serait revenu dans ses états , les armes à la main , aurait
tout mis de nouveau à feu et à sang, et dans les vingt-
quatre heures aurait exterminé le pauvre sire, resté sans
force et sans défense après les désastres précédents.
«Ne semblerait -il donc pas beaucoup plus probable
que le roi Chang-Ning , après avoir obtenu sa liberté ,
non point par son admirable constance , mais par de so-
lides concessions, aura représenté ku vainqueur qu'en
«)mpanl son ban vis4-vis de la Chine , il allait s'attirer
«ne guerre qu'il ne pourrait soutenir, tandis qu'en main-
tenant le statu quo, et en laissant à PEmpire-Céleste tous
les honneurs du patronage, il donnerait au roi du Japon
les avantages réels. Il aura promis, en conséquence, un
iribut qu'on paierait secrètement, le monopole du com-
merce,Tobéissance comme feudataîre , l'éloignement des
étrangers, et l'interdiction de leurs doctrines. Et les
Japonais , que je crois généralement, comme les gens de
* ce pays, beaucoup plus positifs que vains, auront ac-
<^epté les profils de cet arrangement. Ceîle hypothèse
25.
Digitized
byGoogk
380
admise I tout se concilie ; dans le cas contraire^ Je m
ici , du moins jusqu'à présent^ bien des bits ineipK-
cables. Maintenant , H est temps de passer à la seconde
question.
« 2® La Foi a-t-elle déjà été prêchée à JLu-CAi*?— Nos
Mandarins répondent que non ; mais conune ils meoteot
da matin au soir, on n'est pas obligé de les croire sur
parole. Ceqrî est incontestable, c'est qu'ils coDDaissent
fort bien , au moins de nom , notre'Religion sainte : j'ai
même remarqué que deux d'entr'eux , dans une conver-
sation avec moi , Favaient appelée non point la Rebgioo
du Mattre du ciel , conune on la désigne en Chine, mais
la Religion de Jésus , comme au Japon. Le gouvernenr
général , m'ayant un jour écrit que ses compatriotes n'a-
vaient aucun goût pour la foi chrétienne , je lui répon-
dis : « Qu'en savez-vous maintenant^ puisque celle
« Religion n'a pas encore été préchée dans le royaume?
« On n'a ni aversion ni goût pour ce qu'on ne connaît
« point. » A ceci il ne me répliqua rien, parce qa'il
pouvait bien avoir ses raisons pour cela ; mais comme
cet honune n'est pas un sot, il me sembla qu'il ne m'ao-
rait pas écrit de la sorte, si jamais auparavant il n'eut
été question de TEvangile dans le pays.
« Si nous consultons le père Charlevoix , cet auteur
ne dit pas, il est vrai , un seul mot de LurChu da*
son histoire; mak, s'il m'en souvient bien , il avoue Iti-
même, quelque pari, qu'il a omis beaucoup de choses
dignes d'intérêt : « Parce que^ dit-il, grand nombre *
« lettres et de pièces importantes, perdues dans (to
« naufrages, ne sont jamais parvenues en Europe. » ^
l'esté il parle de l'établissement de la foi dans plosienfs
Iles au sud du Ximo ( appelé généralement aujonrd'hm
KmSitt); or presque toutes les îles situées au sud do
Digitized
byGoogk
381
Ximo sont dépendantes de Lu-Chu. Enfin il est bon de
noter que le père Charlevoix, ne distinguait pas Lu-Cku
du Japon, puisqu'on remarque au commencement de
son histoire les données géographiques suivantes : c Au
« nord des Philippines et de File Formose , on trouve
« un nombre presque infini d'Iles de toutes grandeurs,
« c'est un grand archipel qui forme l'empire du Japon. »
« A ces indications , j'oserai ajouter encore le témoi-
gnage de Beniowski , bien qiie sa parole ne fasse pas
autorité; ce navigateur dit savoir débarqué dans*une lie
de l'archipel Lu - Chu , qu'il appelle Usmoy-Ligan ,
dont les naturels, convertis par un Missionnaire, pro*
fessaient presque tous le Christianisme. Qu'il y ait de
l'exagération dans le nombre des néophytes^ j'en suis
convaincu; mais que Beniowski , fout conteur qu'il est,
ait écrit que les habitants de cette lle^ où il a séjourné
quelque temps , élaient tous chrétiens , quand il n'y en
avait pas un seul , c'est ce que j'aurai beaucoup de peine
h croire.
« De toutes ces données résulte, sinon la preuve, au
moins la présomption fondée que, si l'Evangile n'a point
encore été prêché dans les trente^i^ lies du royaume, il
l'a été dans plusieurs, et surtout dans celles du nord, qui
touchent au Japon, Conmient supposer, en effet, que les
Japonais chrétiens, si remarquables par leur esprit de pro-
sélytisme , ces Japonais qui dans une guerre portèrent
sons le casque la foi en Corée, n'aient rien essayé de sem-
blable à Lu-Chu , où ils firent aussi invasion à la même
époque , et où leurs jonques, partant de la grande lie
Kin-Sin^ qui était le principal foyer du Christianisme»
.importaient leurs produits, leurs idées et même leurs
Prêtres catholiques?
« Je terminerai ces observations par l'anecdole sui-
Digittzed by VjOOQ IC
382
vante, qui est encore pour moi une énigme, bien que f y
aie déjà beaucoup pensé. Dans les commencements
de notre séjour ici, Augustin avait pris Thabitude d*aller
tous les soirs, à la nuit tombante , réciter son chapelet
sur les bords de la mer qui baigne les murs de notre
jardin; et comme il ne savait alors ni dire ni entendre
quatre mots de la langue, comme d'ailleurs , grâce aux
postes établis près de nous, il ne pouvait s*éloigner sans
qu'on s'en aperçût , on le laissait ordinairement seul.
Or, le 2 octobre dernier, par un ciel très-obscnr, tandis
que tout était en émoi par suite de la mort du prince
royal arrivée dans la matinée , Augustin entend tont i
coup comme le bruit d'un homme qui marchait dans Tean.
C'était un homme, en effet; il parait devant lui, nne rame
à la main , et parlant à demi-voix , montrant du geste b
bonzerie , il semble lui demander quelque information
avec beaucoup d'instance. Mon catéchbte surpris, ne sa-
chant ce qu'on lui veut , et craignant que ce ne soit on
malfaiteur, fait mine de se mettre en défense. L'inconnu
s'éloigne alors, court porter, je ne sais où , sa rame qn'il
pensait sans doute être un objet d'effiroi, puis revient ea
toute hâte, et renouvelle salutations, genuOesions et
prières.
« Cette mystérieuse entrevue durait depuis quatre ou
cinq minutes , quand deux jeunes gens du pciste , attirés
probablement par la voix étnue d'Augustin, accooreot
sur les lieux. Le solliciteur ne les a pas plus t6t aperçus
qu'il se sauve du côté de la mer, comme il était venu. Un
second personnage qu'Augustin n'avait point remarque»
mais qui était resté près de là en observation „ s'enfun
avec le premier , et tous deux montant bientAt dans tine
barque, s'éloignent à force de rames. Là-dessus, je ï"^
suis perdu et je me perds encore en conjectures. Croj*^'
Digitized
byGoogk
383
inoi^ si nous étions libres , nous découvririons peut-ô(re
ici bien des choses , dont on ne se doute guère. Oh ! la
liberté ! denumdez bien pour nous à Dieu l'heureuse et
suinte liberté !
« — ^La frégate anglaise est enfin revenue lundi dernier,
18 août; elle 86 nonune Samaringé Son capitaine, sir
Edmond fiulcher, homme très^instruit et très<*capable, a
trouvé ici^ à son grand regret» nn ordre qui le rappelle
iaimédiatement à Hong'^ong; ainû, au lieu de station'*
ner denx ou trois mois , comme il l'aurait désiré » il ne
peut rester que trois jours , et il doit appareiller dans la
soirée de vendredi prochain. Il parait qu'il a été reçu
très-poliment au Japcm ; mais sans qu'on l'ait admis à
vidter la terre ferme , il ne lui a été permis de descendre
que dans ime fort petite lie, située dans le port même de
Nangasaki. Les Japonais put dit au capitaine que le
royaume de Lu-Chu payait tribut à l'empire , ce qui est.
une autorité de plus à l'appui de mes raisonnements. Je
n'ai rien pu savoir sur la Corée.
« Je me trouve actuellement dans l'impossibilité de
votia adresser de plus amples détails. Les anglais qui ,
dn reste , m'entourent de tous les honneurs et me ren-
dent tous tes bons offices qu'ils peuvent imaginer g me
font perdre tout mon temps. C'est au milieu de la nuit
que j'achève cette longue lettre, souvent interrompue, et
toujours reprise à la hâte. '
« J'ai toujours été très-content d^Augustin ; quoique
sa santé ne soit pas des plus fortes, il s'est habituellement
assez bien porté. Pour moi , monsieur et dier confirère t
je n'ai pas été nudade un seul jour... Veuillez agréer, etc.
« Th. FoRCiinB ,
« Missimnaire Jposiolique.
Digitized
byGoogk
384
NOUVELLES DIVERSES.
Un saint Missionnaire dont le nom est bien a»na de
nos lecteurs, le P. François, capucin.de la maison de
Lyon, vient de périr dans Flnde, Yictime de son zèle
et de sa charité. Sur sa demande^ H avait été désigné
pour ouvrir l'importante et périlleuse mission du Laliore,
et c^est au moment où il allait mettre le pied sur cette
terre idolâtre, que le.fer de ceux qu'il venait sauver loi a
Até la vie. Voici, d'après une lettre de M. Fabbéliosnat,
vicaire-général de Verdun , les détails de cette mort ai
précieuse devant Dieu.
« Le P. François^ de Saint-Etienne (Loire), avait été
envoyé par son Evéque à Loodhiaoa , ville située à peu
de distance du Setledje, qui limite au nord les posses-
sions anglabes. Cette station n^était pour lui qu^in lien
de passage; de-là, il devait pénétrer^ à la première oc-
casion favorable, dans ce royaume de Labore, terme
de tous ses désirs. Il y a peu de lemps encore , il écri-
vait que tout était prêt, et que bientôt il irait planter la
croix sur cette terre infidèle.
« Il faisait alors ses derniers préparatifs. C'était le 1?
décembre 1845. Le lendemaiu, il partit à la suite des
nombreux corps d'armée que le gouverneur - général
conduisait au combat contre les Seiks : il avait dû s'é-
quiper à ses frais, et il portait avec lui tout son petit
bagage de Missionnaire.
« Le 18 , les deux armées se trouvèrent en présence.
Peu de temps avant le combat, le P. François avait en-
tendu les confessions d'un bou nombre de soldats irian-
dais ; tous avaient reçus de lui des paroles de consoia-
Digitized
byGoogk
385
lion et de fini^ ; tous avaient en ta vertu éprouvée
une teHe conGance, qu'ils ne pouvaient s*en jséparer.
Aussi Pintrépide Religieux n'hésita-t-il points par amour
pour. eux» à se jeter au fort de la mêlée ^ pour écouter
les aveux des pédieurs^ secourir les blessés et recueil-
lir les derniers soupirs des mourants. On voulut ie faire
retirer; mais il n*écouta que son zèle, et tandis qu'il rem-
plissait ce» devoirs héroïques de la charité, une effroyable
décharge d'artillerie porut tout-à-coup la mort dans les
rangs du 60^ régiment de la Reine. Ce corps fut comme
anéanti en un instant; et la cavalerie des Seiks se jetant
comme la foudre sur les escadrons renversés des Anglais^
acheva avec le cimeterre ceux que la mitraille n'avait fait
qoe blesser,
« De ce nombre fut le P. François. Pendant que^ par
une dernière absolution , il ouvrait le ciel à un pauvre
mourant^ les sabres de trois Seiks se levèrent sur sa
tête ; il fut frappé à coups redoublés , et rendit le der-
nier soupir tout auprès du soldat qu'il venait d'assister.
Malheureux Seiks ! s'ils avaient su quel sang ils répan-
daient, s'ils avaient su combien ce bon Père désirait
leur dévouer sa vie , ils auraient eux-mêmes protégé ses
jours.
« Du côté des Anglais , il n'y eut qu'un cri de dou-
leur dans les rangs de ceux que la mort avait épar-
gnés, lorsqu'ils virent que le P. François ne reparaissait
plus. Deux jours après cette sanglante affaire, on re-
trouva son corps parmi les monceaux de cadavres qui
couvraient la plaine. Il était horriblement défiguré ; sa
tête enir'ouverte laissait apercevoir de nombreuses bles-
sures, et son cou était presque tranché.
« Ses obsèques ont eu lieu avec grande pompe. Ca-
tholiques et protestants pleuraient sa perte , car il était
Digitized
byGoogk
3Â6
aiiiié de tous; il arait £iii à loos beMeoop de Lien.
Cbacao ^se disait, en raccompagnant an lonbeaa , ce
qa^avait été ce zâé HisaioiiBaire; on se rappelait les
exemples de cbarité qu'il a?aii donnés , soit dans la
guerre de Gwalîor, oà il afait dqi sniri Pannée jnsqne
sor le dianip de bataille pour y awster les nonrants;
soit dans les bôpitanx d'Agra, de Kornaiil et de
Bleroot, oi il s'était eofenné dormtdenx moîs^ lors-
que le dioléra scTÎssait atec tant de foreur dans ces
parages. Si le peuple deLaborea perdu en lui unapôtre^
espérons qu*il a au ciel un puissant intocessenr.'
Lettre de M. VJhhé Hillereau, à M. h ComU de LipiMf.
CoD^laolinople, ITmti^ 1846.
« MoRSIEtm ET CHEE ÀHl ,
« Vous m'aviez bien raccommandé lorsque je partis
de France , de vous instruire des particularités intéres-
santes qui pourraient se rencontrer dans mes courses en
Turquie; je le £aiis aujourd'hui, et d'autant plus volontiers
que je viens d'être témoin du spectacle le plus décbirant
qui se soit jamais offert à mes yeux.
« J'étais parti» le 28 avril dernier , en compagnie de
M. Bonnieu , missionaire Lazariste, pour visiter les ca-
tholiques de Brousse , et m'informer de l'état et du lieu
d'exil où avaient été jetées vingt-une femilles chrétiennes
desconfinsdel'AIbaDieetdelaServie.En parcourant cette
partie du littoral de l'Asie, je voyais, au milieu d'an
pays fertile et pittoresque, les routes couvertes de mH-
liers de malheureux, qui venaient chercher aux ports de
mer des blés d'Europe.
« Brousse, ville florissante dans l'antiquité, séjour
Digitized
byGoogk
387
des SolUms pendant un siècle , et capitale de l'ancien
royaume de Bithynie, est placée au pied du mont Olympe
qui r<Hnbrage majestueusement de ses cimes couvertes
de neiges étemelles ; elle compte encore de nombreux
lifd)itants , mais à peine s'y trouve*t*il quatre-vingts ca-
tholiques do rit latin. M. le consul de France qui nous
donna Phospitalité et auprès duquel nous primes nos
premières informations, nous dit que les pauvres exilés
que nous cherchions venaient d'être conduits dans une
petite ville appelée Moalitch , à douze heures de marche ;
du reste, il ne connaissait pas le motif de la peine qu'ils
supportaient. Nous lui racontâmes que ces familles, après
de longues années de vexations et de violences exercées
par les Turcs pour les amener & professer l'Islamisme ,
avaient feint de radopter,puis s'étaient déclarées ouver-
tement cathdiques l'année dernière , lorsqu'elles eurent
appris que les Ambassadeurs de France et d'Angleterre
avaient obtenu des concessions favorables à ceux qui vou-
draient retourner au christianisme^ ravies qu'elles étaient
de pouvoir ainsi rejeta* pour jamais un culte qu'elles
détestaient intérieurement*
« Hais les autorités turques qui , dans les provinces,
conomettent encore comme de tout temps mille actes ar-
bitraires^ les jetèrent aussitôt en prison, d'oii elles ne
sortirent que pour s'acheminer vers l'exil ou {dutdt vers
le tombeau. On sépara ces malheureuif en deux com-
pagnies; l'une était composée des hommes, et l'autre
des femmes et des enfants ; puis on les transporta de Sco-
pia&Salonique, où un prêtre de la mission de Constanti-
nople put obtenir, avec beaucoup de peine, de les visiter
et de leur donner les secours de la religion. Les mauvsiis
traitements de tout genre que les soldau Turcs leur avaient
inOigés, révolteraient desbartiares; aussi les victimes
étaient mourantesdans leur prison deSalonique; douze y
Digitized
byGoogk
388
périrent ; ane d'elles tomba mor le de fiitigue sur le rivage
même de la mer , au moment où on les embarqaaitpour
le lieu de leur exil.
« Arrivés à Hobalitchi nous nous transportâmes dans
le khan où ils étaient réunis , et là , quelle scène lamen-
table se présente devant nous I je ne puis la décrire sans
verser des larmes. Les premiers objets qui s*ofrent à nos
regards ce sont des femmes encore jeunes , des filles » des
enfants presque nus , la plupart n'ayant qu'une chemise
sale et déchirée syr leur corps rongé par la vermine , et
tremblant de froid ; de toutes les poitrines s*exhalaient
des gémissements et des cris qui déchiraient Tâme. Les
uns, épuisés de fatigue, étaient étendus par terre; les
auures étaient assis sur des haillcms dégoûtants et sor
des ossements d'animaux , dont il y a un d^t fort con-
sidérable dans cette cour, comme poiur achever d'en cor-
rompre l'air et augmenter leur supplice. Les prémices
paroles que ces malheureux m'adressëi:ent furent celles^:
« Nous sommes catholiques et nous le serons jusqu'à la
mort.» Puis il nous demandèrent des objets de piété, des
croix, des chapelets, demande touchante dans la bouche de
quatre-vingts martyrs, qui désiraient plutôt les symbdes
de leur religion que la nourriture, les vêtements et les
remèdes dont ils avaient un extrême besoin.
« Nous avions apporté des médailles et des chapdets,
mais nous n'avio&s point de croix ; ne sachant comment
satisfoire leur piété, je tirai un crucifix que je porte ha-
bituellement sur la poitrine et qui m'est cher à bien des
titres. Ils le saisirent aussitôt , et à la vue de l'image sa-
crée de leur Dieu , souffrant comme eux et pour eux , ils
poussèrent un cri de joie, le premier peut-être qui leur
soit échappé depuis le commencement de leurs malheurs ;
ils le baisèrent avec amour, se le passèrent les uns aux
autres ^ et y collèrent leurs lèvres décolorées par la bim.
Digitized
byGoogk
SS9
Les infortunés I ik éuâenl heureux un instant de voir au
milieu d'eux des amis et des frères , eux qui étaient ac-
coutumés à ne voir que des ennemis et des bourreaux.
Ah 1 nous aussi nous étions heureux de secourir ces mar-
tyrs de la religion , et de mêler no^ larmes i leurs sou-
pirs , je ne dis pas à leurs larmes , leurs yeux n'en versent
plus , la source en parait tarie.
« Nous pénétrâmes ensuite dans leurs misérables ca-
banes , que je devrais appeler cachots , où personne i^'ose
aller les visiter , et oà les plus malades étaient étendus
pèle-méle , n'ayant pour lit qu'une couverte déchirée ; et
c'étaient pour la plupart des femmes et des enfants !
Cest-là que le spectacle était affreux! Au milieu d'eux ,
gisaient trois cadavres ; ils nous les montraient d'un air
qui indiquait qu'à leurs yeux la mort était un bienfait ;
celui-ci nous disait : « c'est le cadavre de mon épouse;»
celle-ci : « c'est le cadavre de mon père » ; plus loin , nous
entendions une malheureuse femme , égarée par sa douleur
ou plutôt dans le délire d'un inexprimable chagrin, répé-
tant des chants lugubres auprès des restes de l'un de ses
parents ; sa voix altérée, ^accents sauvages, étaient inter-
rompus par des cris de désespoir ; puis elle recommençait
ses chants qui nous glaçaient d'horreur. Une autre femme
et une jeune fille n'ont pu tenir à tant de tourments ;
l'excès de la douleur les a fait tomber en démence , il y
a quelques jours; elles nous regardaient stupidement sans
parler* Les personnes du sexe, qui auraient dû trouver
plus de phié , ont été victimes de plus d'outrages , un
grand nombre d'entre elles est déjà dans la tombe ; celles
qui ont pu survivre à d'inexprimables tortures , à la mort
de leur parents, au supplice continuel d'entendre des cris
de douleur et de désespoir , sont dans un abattement et
dans une consternation qui leur ôte le sentiment. Aussi ,
toutes les fignres sont pâles , livides, couvertes de rides ;
Digitized
byGoogk
390
quélqBes regards oà se peignait une indicibie angoisse ,
se portaient vers le Ciel d semblaient lui denuHMkr:
pourquoi sommes-nous condamnés à tant de souffrances?
m Plusieurs d'entr'eux ont eu les jambes mennrieset
même brisées à couj^ de bâton ; d'autres sont attaqués de
la dyssenterie; des enfants surtout, qui portent sur leor
corps de larges blessures faites par les insectes qui les
dévorent , font entendre des cris continuels et demandent
à bojre sans pouvoir Tobtenir ; leurs pères et leurs mères
ne sont plus I d'antres enflants à la mamelle étaient pfties
comme leurs mires^ qui les voyaient périr lentement sans
pouvoir les soulager ; d'autres , enfin , couchés au milieu
de personnes mourantes , n'avaient plus qu'un souffle
de vie. Il n'y a plus de vieillards parmi ces infortunés;
le dernier s'est éteint presque sous nos yeux*
« Partis de leur pays au nombre de cent quatre-vingts
environ , ils n'étaient plus à Hohalitcfa , la semaine
dernière (3 et 4 mai 1846), que quatre-vingt-sept ;
la mort avait déjà moissonné le reste , et parmi ceux qui
respiraient encore trente au moins éuient malades, le
donnai l'Exlréme-Onction à quinze grandes personnes.
Lelendemain, après avoircél^ré la sainte Messe en plein
air, an milieu de la cour de leur prison, jedistribuai le Si
Viatique à une quinzaine d'infirmes, et ^tre autres à une
jeune femme qui , la veille , me suppliait d'administrer
les derniers sacrements à son mari qu'elle soutenait dans
ses bras ; elle ne pensait pas sans doute que le lendemain
elle serait étendue mourante à ses côtés. Moua*donnâmes
la sépulture, avec les cérémonies accoutumées, à trois
personnes qui avaient succombé presque sous nos yeux ;
dix autres avaient péri depuis une semaine qu'ils étaient
dans ce lieu ; le jour même de leur arrivée , cinq étaient
morts. Tous doivent également finir dans ces contrées
marécageuses , dit le pacba de Brousse , parce que l'air
Digitized
byGoogk
391
y est mal sain ; ainsi donc ils recueilleront tons la palme
do martyre « pom* s^étre refusés à souiller leur triomplie
par une lâche apostasie.
« Avant de nous sépara de ces pauvres gens, que leur
courage et leurs malheurs nous rendaient si chers, nous
les exhortâmes à s'aimer et s'entr'aider les uns les autres,
à adorer la main du Dieu qui les éprouvait d'une ma-
nière bien forte , il est vrai , mais qui les recompenserait
magnifiquement un jour. Nous leur donnâmes d'utiles
conseils pour lutter conlre leurs maladies ; nous fîmes
balayer leurs cachots infects ; enfin après leur avoir
distribué tout ce que nous avions d'argent sur nous,
environ quatre-vingts francs, nàusleur promîmes des
linges, des habillements et tous les secours dont ils au-
raient besoin au temporel comme au spirituel, les assu-
rant que nous ferions un rapport exact de leur alTreuse
situation aux autorités civiles et ecclésiastiques. Nous
avons tenu nos promesses. 'V l\
« A peine étions nous rentrés à Brousse !" que M. le
consul de France nous demanda où en étaient les pau-
vres exilés. En entendant le récit que vous venez de lire,
il hit extrêmement touché et dit que , dès le lendemain,
le pacha serait informé de tout; et s'engagea de la ma-
nière la plus pressante à secourir tant de personnes qui
subissaient un si cruel et si injuste châtimait. Le consul
d'Angleterre arriva quelques instants après. Lui aussi ne
pouvait comprendre tant d'horreurs; il promit de plaider
énergiquement la cause des prisonniers auprès du pacha
de la province. La conduite des deux consuls a été uni-
forme et admirable en cette circonstance; tous deux ont
informé leurs ambassadeurs respectifs qui , à leur tour,
ont fait des démarches auprès de la Porte , et ont agi avec
toute l'énergie qu'on pouvait attendre de leur zèle bien
connu pour la liberté de conscience. J'entends faire leur
Digitized
byGoogk
392
ëùgt chaque jour , ei cependant on ne sait pas tout ce
qu'ils ont fait en faveur de la religion dans ce pays. Q«e
Dieu bénisse leurs louables efforts , qui , nous l'espérons,
seront couronnés d'un plein saccës.
«De son côté Mgr l'Archevêque de Pélra, vicaire aposto-
lique patriarcal de Constantinople , a montré le plus vif
intérêt à ces malheureux qui , par leur exil , sont devenus
ses diocésains. Ses larmes coulèrent au récit de leurs souf-
frances; il ordonna immédiatement un quête dans toutes
les églises de Constantinople, y ajouta une forte aumône
et l'envoya aux exilés de Mohalitch par le religieux fran-
ciscain qui était leur curé. Ce missionnaire pourra ainsi
diminuer les privations de ceux qui seront encore vivants.
Hélas ! il ne reverra qu'une faible portion de son trou-
peau ; il ne trouvera plus dix enfants dont les Turcs ont
fait des esclaves; il n'entendra que des gémissements
autour de lui ; mais aussi il aura la consolation de voir
que des tortures si longues ne peuvent arradier le dé-
saveu de la foi catholique à des femmes et à des enfiuits.
« Agréez, Monsieur le Comte, etc.
HillÊreau.
Nous apprenons que le gouvernement turc, instruit des vio-
lences exercées sur ces malheureuses familles albanaises, a en-
voyé un agent à Mohalitch , pour sauver celles des victimes qui
pouvaient encore être seccurues.
Cinq Prêtres delà Congrégation des Oblats de Marie Imma-
culée, sont partis pour les missions du Haut*Canada« Ce sont
MM. Malloys, Bermond, Chevallier, Ryan et Faraud.
LyoD, impr. Ue J. B. PéUgaod
Digitized
byGoogk
S93
MISSIONS DES ÉTATS-UNIS.
Ma!m Pèr«s do Sixième Concile de Baltl—oge à Hll. lee
Dlrectnuni de l'OEavre de la Propagation de la Fol.
n Les Pères du sixième Concile provincial de Baltimore
ne pouvaient clore leurs graves et laborieuses sessions ,
.vans exprimer leur vive admiration des succès merveilleux
qu'obtient partout votre Société, et sans vousoffiMr Thom-
mage de leur reconnaissance et de celle de tous les fidèles
commis à leurs soins. Ils n'ont pas oublié que les besoins
de leur E^ise naissante ont fait naître cette grande Œu-
vre^ que c'est à votre industrieuse charité qu'ils sont re-
devables des progrès étonnants de la Foi dans les Etats-
Unis, et que si leur vénérable métropolitain préside asx
délibérations et dirige les conseils de vingt-deux de ses
frères, c'est par vous qu'il contemple cette réunion admi-
rable qui rappelle les beaux jours de l'Eglise. N'était-il
pas touchant^ Messieurs, de voir réunis autour du mâme
autel vingt- trois prélats et plus de cinquante prêtres,
, n'ayant tous qu'im cœur et qu'une âme , animés par
le même esprit de force et de vérité, se partageant leurs
peines et leurs espérances, et s'animant à combattre sous
le vieil étendard que le successeur tle Pierre montre es--
<*ore, après dix-huit siècles, i toutes les nations avec une
vigueur toujours nouvelle ? — Ce spectacle nous a souvent
roB. xvm. 108» SEPTEnas 1846, S6
Digitized by VjOOQ IC
394
alleodrîs, tellement il est étrange dans le siècle et le pays
où nous vivons ! L'Eglise souffre dans les contrées citi-
lisées , elle y est à la gène : les successeurs des Apôtres
ne pourraient s'y rassembler sans exciter les craintes ou
même les mentces des puissances de ce sionde. leftOCMN
ne sommes que d'hier , nous sortons à peine de notre en-
fance, et nous rendons en commun et publiquement notre
témoignage à la Foi, à la discipline de notre sainte Reli-
gion I Nous avons sans doute ici plus qu'ailleurs nos fiiti~
gués et nos sollicitudes , car nous avons accepté l'héritage
que Jésus-Christ a laissé à ce\i\ qui promettent de le sui-
vre. Notre position unique au milieu de tant d'opinions
divergentes , de tant de sectes qui divisent et déchirent
les lambeaux épars de l'Evangile tel qu'elles l'ont lait» nous
e%pQse au fanatisme des préjugés, au mépris de riadiffé-
rence^ aux attaques et même aux persécutions passagère»
de certains ennemis, aveugles et acharnés. Mais que leur
a-t-il servi de br&ler deux ou trois édifices consacrés i no-
tre cult^ La flamme qui dévorait les temples du Seignew,
réveillait en même temps ceux qui ne pensaient plos à
l'existence de la vieille société chrétienne, et ils se ssat
demandé avec étonnement ce qu'elle était et ce qu^sUe
xnit tà\i pour mériter d'être ainsi vouée aux malédictioes,
à l'ostracisme d'une intolérance qui se dit religiettss. L'on
dirait qu'une cause mystérieuse et providentielle agk s«r
las esprits qui n'ont pas fait un pacte avec le measimge,
et que le bon sens et la pénétration de nos concitoyens
entrevoient^ dans ce conflit de symboles et de croyaaoes,
q«e rintelligenes humaine a besoin de l'intelKgeiice de-
vwe pour guide et pour repos. Dieu doit parler par hii-
même ou par des organes infaillibles , pour que l'hoomis
pui$$e croire. L'erreur a parcouru le cercle des nélamor-
phoses possibles, elle ne peut p!us varier.
« Notre marche est sàre , paii»ible et pleine d'avenir.
Digitized
byGoogk
396
lùa» nom oe saorfeit vms cacher^ Meamurs , que inm
basoint se nnillîplHfiit i mesure qoe nous ateiiçofls» 4pi*H
a^y a pas lia mhdI dioeèM qui soit affranchi des lieM éa
TeiiGiiiice, et que si naos nous réjouissons du biea donc
vous airez é4é la source vivifiante^ il en reste encore plus
à faire. — En ISiO, i^église des Etats-Unis n'avait pour
temple» qoe des cabanes. JLes phis vieui diocèses sont
(k)nc encore jeunes^ et sont bien loin d'avoir acqitts assez
de force pour marcher sans appui. Séminaires « collèges,
catliédrales , églises , Maisons religieuses » presbytères,
asiles pour les orphelins des deux sexes, hôpitaux , éee^
las gmtoiles, ornements du culte, tout^ en un mot, éÊÛi
à ci^r. Il n'y a pas encore un quart de siècle que Die«
vous suscita pour devenir les pères nourriciers de toutes
lesJMissions catholiques! Les Rois , dans un temps , se
glorifiaient de ce litre et de ce privilège. Il a passé de
leurs roaius à celles du pauvre , et vous êtes leurs écono-
mes fidèles. Jetez vos regards sur notre partie du Nouveau-
Monde ; comptez les croix qui montrent partout le sym-
bole du salut. L'ceuvre est solide , permanente , à Tabri
des vicissitudes de toutes les entreprises qiie la charité a
Tonnées dans TOrient. Elle n'est pas, il est vrai , arrosée
par le sang des martyrs, mais elle ne cesse pas de Tétre
par la sueur de ses prêtres infatigables. Nous p(*usons ,
et notre pensée n'est pas trop hasardée, que la Providence
nous réserve une mission spéciale, et que les desseins de
Dieu sont grands et magnifiques pour notre existence fu-
ture , et comme nous ne sommes encore qu*au point du
départ, que Ténigration de l'Europe est toujours inces-
sante et plus nombreuse, que nos ouailles sont en général
àt ces pauvres à qui l'Evangile doit être sans cesse an-
nonc é, que de l'édncation chrétienne des enfants dépend
notre sort, que nous n'avons pour ressources que Tau-
mAne qu^on nous envoie, nous pensons, dis-je, que.
Digitized
byLjOOgk
comne patcevs, aons devons i sot bibles troopeainde
vous exposer leur détretee. Jamais époqne n'a élé piv
importanis el plus critique : c'est celle de notre déie-
loppement^ c'est celle où tous les esprits droits et géoé-
renx se tournent vers nous , c'est celle de Faction et di
<xMnbat. En continuant à nous soutaiir , vous jouirez
plus tAt du triomphe de la (oi catholique^ vous nouseo^
rouragerez à persévérer jusqu'à la fin , vous sfemerez daih
un champ qui porte déji des fruits avec abondance , ec
peut-être qu'un jour vous recueillerei ce que vous noos
avez prêté. Témoins de la vérité divine , nous somme»
aussi les témoins naturels^ les interprètes sûrs des besoias
qui nous pressent.
« Pour répondre à votre appel , Messieurs , nous re
commandons , dans la lettre pastorale du Concile aux pas-
teurs et aux fidèles y l'éiablisscmcnt de votre Société dans
tous nos diocèses. Nous nous bâtons de concourir à votre
l>onne œuvre , de vous témoigner combien nous en ap-
précions les bienfaits. Nous prions Dieu ^ parla miséri-
rorde de Jésus-Christ^ de verser sur vous l'abondance da
dons de son Esprit-Saint^ et de vous accorder la récom-
pense promise aux prophètes et à ceux qui par leitr
4-harité participent à leur ministère.
« Agréez , Messieurs , l'assurance de l'estime^ de b
vénération et de la gratitude des Pères du sixième Cob
cilo provincial de Baltimore.
Vos dévoués serviteurs ,
Si^né : f Samuel, Archevêque de Baltimore;
t Michel, Evêque de Mobile, Promo-
teur du Concile ;
F. Lhoxvb , secrétaire du Concile*
Digitized
byGoogk
str
MISSIONS DE L'OCÉANIE CENTRALE.
MISSION DE Ik NOUVELL&CALÉDONIE.
NoafeUe4::êlédoDie , le U^ «ctobre 1846.
Leiire du R. P. Rùugeyron , Missionnaire apostolique ,
au T. R. P. Colin ^ Supérieur-général de la Société de
Marie.
m Mon Tute-RiTéasiiCD Pà&£ »
€ Nous Toilà donc » depuis plus de yiogt mois » sur
celte terre de la Mouveile-Calédouie , que nos géogru
phes ont représentée sous de si noires couleurs» mais
qui a aussi ses charmes , lorsqu'on la coosidère a\ec
des yeux de Missionnaire. Quoique 90US soyons restés
sans presque aucune ressource et sans défense , dans un
pays dénué de tout , chez un peuple féroce et antro-
popbage, rien de ficheuxne nous est arrivé , grice i la
divine ProYidence , qui Teille d'une manière si particu-
lière sur les enroyés de Jésus auprès des nations sau-
vages. Votre cœiur, très-révérend Père, si plein desoUi-
dtud« et de tendresse pour tos enbnts , a plus souffert
Digitized
byGoogk
sst
que nous-mêmes de risolement où nous sommes de-
meurés jusqu'à ce jour. Vtuniez donc maintenaDt par-
tager notre joie > et nous aider à remercier Marie de a
protection.
c Vous désireriez beaucoup de détails sur ceitegranje
ITf que nous habitons. Bien que je vive au milieu de
son peuple depuis assez longtemps , je ne suis pas
encore assez instruit de ses usages et de ses mœurs ;
pour les décrire. J^admire beaucoup nos sayants voya-
geurs , qui , pour avoir rencontré quelques sauvages sur
on rivage isolé , échange avec eux quelques paroles ,
ou , si vous le voulez , assisté à une ou deux de leun
fêtes , de retour dans la patrie , publient les reiatioDs
les plus intéressantes sur les coutumes, la religion ei
la langue des peuplades quMIs ont visitées dans leurs
courses lointaines. Je ne puis les imiter , car il mesem-
ble qu'il faut plus d'investigations pour découvrir la
vérité sur toutes ces choses.
« Le dialecte Calédonien m'a semblé fort difficile ,
faut à cause de son génie tout différent de nos langues
d'Europe , qu'à cause de sa prononciation. Seuls Euro-
péens dans cette ile , sans interprète, sans grammaire^
sans vocabulaire , car je ne puis donner ce nom à la
série de mots qui ont été publiés , puisqu'elle n'a rien
dTexact , nous avous eu d'énormes difficultés ù vair
rre. Depuis trois mois seulement , nous commeoçofls
h balbutier en calédonien et à faire quelques petites
instructions.
« Du reste , nous avons été obligés de négliger sos-
Tfnt l'étude pour viser au plus pressé , qui était de f»
pas mourir de faim. Nos provisions pour cinqpersos-
nés étavent.pea considérables : un bsril de salaison H
Digitized
byGoogk
399
trois barUs de lirine. Nous ne pùaykm» pas irop comp-
ter sur des écbsAges avec les naturels , car nous avions
peud^dTets à leur céder, ei nos Calédoniens avaient en-
core moins à nous vendre. Ce n'est pas que oeptiys s#it
aride et impropre à la culture, comme Tout avancé cer-
tains voyageurs ; outre ses sites d'une granfde beauté ,
il ne manque pas de plaines très4ertiles,qui pourraient
nourrir une multitude d'habitants. Mais mille causes ,
et surtout la paresse, réduisent les indigènes de la Nou-
velle-Calédonie à la plus extrême misère. Ils cultivent ,
et même fort bien, avec le secours d'un morceau de bois
poitu ou avec leurs ongles , mais ils cultivent peu et
jamais en raison de leurs besoins. L'arbre à.pain se
trouve dans quelques parties de Tile , sans qu'ils sa-
chent en tirer parti. Vraiment ils sont arriérés de trois
siècles et plus sur les peuples des îles Tonga et Oûvea,
bien qu'ils ne soient pas sans intelligence. Ils ont aussi
des cocotiers , mais souvent ils les détruisent dans leurs
funestes guerres. C'est bienun peuple enfant et sans pré-
voyance. Ont-ils fait une récolte abondante? on dirait
qu'elle hnv pèse. Ils appellent des voisins de dix à
douze lieues à la ronde, pour s'en débarrasser plus viie^
et leur festin dure autant que leurs provisions ; de sorte
que pendant les trois quarts de l'année ils n'ont rien à
manger. Leur nourriture consiste alors en quelques
poissons, coquillages^ racines et écorces d'arbres ;
quelquefois ils maogent de la terre , dévorent la ver-
mine dont ils sont couverts , avalent avec gloutonnerie
les vers , les araignées , les Jézards , etc.. Je ne sais
comment ces malheureux peuvent vivre pendant les
neuf à dix mois de disette , et comment eux , qui se re-
paissent de la chair de leurs ennemis vaincus , ne se
font pas la rhasse , ne s'entr'égorgent pas pour assouvir
la faim qui les dévore.
Digitized
byGoogk
400
« Nous ne pcamn» donc tuesdre qm pea de te-
cottTS des tiaturels ; et d^ailleurs , ne Toninnt pei
tenter la Providence ^ nous nous sommes mis à gagner
Q^tre pain à la sueur de notre front. Il nous follait un
four , pour tirer parti de noure Earine ; nous f&mes ré-
duits k aller chercher la terre glaise à «ne lieae de
notre habitation» puis à4iaçonner des briques, à les faire
Hécher et cuire. Ensuite il fallut creuser un puits ; b
pierre , la chaux , pour le bâtir , étaient encore à use
lieue ; de b la nécessité de nous construire une em-
barcation pour le transport de ces matériaux.
€ D*un autre c6té nous avions h bire à un peuple ,
4iui en apprendrait souvent à plusieurs de nos filons
d^Europe ; il devenait de plus en plus importun et hos-
tile ; c'étaient tous les jours de nouveaux vols, exécutés
:jvec une adresse vraiment surprenante. Pour y mettre
un terme, nous fûmes obligés d'entourer notre habits-
lion et notre jardin d'une forte haie palissadée. Dèi»
lors nous sommes restés plus tranquilles. Mais voici on
nouvel embarras ; notre première maison tombait en
ruines , les bois en étaient vermoulus , nous ravoot»
reconstruite en pierres. Enfin il nous a falln , dès le
r^mmencement , défricher un terrain asf ez vaste , bè-
4her notre jardin , semer force graines. Humainement
parlant , tout cela était un peu pénible pour noos ;
mais quelle force ne puisions-nous pas dans ce souvenir,
qu'avant de commencer son ministère apostolique ,
N. S. J. C. avait daigné se faire ouvrier dans Thum-
Me boutique de saint Joseph ! D'ailleurs nous étions en-
couragés par l'exemple de Mgr TEvéque d'Amata ; tou-
jours le premier au travail , il s'était fait le manoanrre
du bon frère Jean.* Que de fois je l'ai vu plier sous le
poids de l'oiseau ! sa gaité éuiit toujours la même , et
Digitized
byGoogk
4*1
Ha foi admirable. Le frère Mtiie efti reaié nabde pen-
dant sept mois , des suites d'une ckale ; k mon t(»r
je Taî remplacé.
• Je ne peosais peut-être pas en quittant la France ,
que j'allais à la Nouvelle-Calédonie planter des choux et
enfiler des perles : çh bien I j*ai Tait Tun etFautre (1).
y aurait-il donc quelque ministère vil et méprisable dam»
la maison de Dieu , lorsqu'on TeKerce en vue du salut
des âmes? Le bon P. Viard luttait de^dévouement avec
Mgr Douarre ; mais comme son expérience et sa con-
naissance de ridioçie parlé par quelques étrangers ré
skiant ici, le mettaient à mém^ de s'occuper d'une ma-
nière plus directe de l'œuvre de, la Mission , il iaisaii
plus souvent des courses parmi les tribus, et ces visites
n'ont pas été sans heureux résultats ; il se livrait aussi
avec ardeur à l'étude de la langue calédonienne , et il
nous était en cela d'un grand secours.
o*
« Ainsi , mon révérend Père , depuis vingt mois
nous travaillons sans relâche , et encore nous n'a\ons
pas réussi à nous créer des ressource^ suffisantes. Au
moment de nos plus grands besoins , notre jardin a
<*essé de produire , par suite de la sécheresse. Que Dieu
soit béni I cette épreuve n'a fait qu'accroître notre con-
fiance en sa providence t Nous achetâmes alors un champ
(i'ignames ; nous nous étions bien fatigués à les arra-
f^her , et au moment où nous allions les emporter a
ttolre demeure , le chef qui nous les avait vendues, en-
voya une troupe de bandits qui nous les enlevèrent sou«
ttos yeux. En un instant elles avaient toutes disparu.
(1) « Nous trouTanl dans la dernière iiëcefsifé» nous atiMM défait deti i
Ptile* f n perles » et avec eetlê etpèee de noMaie nous aroM pu Qou»
(racQier des vifret peBdanitixBMÎt.
Digitized
byGoogk
40
V\m Md, MHS »fMi MOMiAMe pkoié des ignames ;
mm notre récdie a mMiaé fente de pluie.
« Que faire alors pour ne pas mourir de faim ?
Acheter ; nous Pavons fait, tant que nous avons eu des
objets dVchange , et que les naturels ont eu de quoi
nous vendre. II nous a follu ensuite aller de porte en
porte pourdemander quelques racines, et encore n*eu
avons-nous pas trouvé dans notre voisinage. Plusieurs
jours de suite , nous n'avons rien pris avant trois heures
du soir, nous n'avions quedes racines d'herbes, et encore
l>as à satiété. Plus d'une fois nous avons envié la oour-
riturc que les hommes les plus nécessiteux d'Europe
dédaignent souvent.
m Mais le Dieu qui nous a conduits jusqu'aux porter
de la mort , nous en a toujours retirés d'une manière
touchante. Permettez-nous de vous citer quelques traits.
La veille de la Toussaint , nous avions épuisé nos der-
nières provisions. Le F. Biaise s'inquiétait fort pour \^
jour suivant : « Que mangerez-vous demain , nous di-
« sait-il , vous jeûnerez ? — Eh oui ! lui répondhnes-
« nous , nous avons grand besoin de faire pénitence ,
« l'occasion ne saurait être plus favorable. » Le len-
demain , comme je craignais que le jeûne ne se proloo-
^eât trop , j'allai au jardin arracher quelques troncs
de choux ; c'était tout ce qui nous restait. Déjà le firère
se mettait en mesure de les faire cuire , lorsque la Pro-
vidence nous envoya quatre ou cinq personnes chargées
de vivres.
« Un autre joiur, c'était celui de la fête de saint Frao-
çois Xavier j nous étions réduits à la même exurémité ,
et nous n'avions deiiant nous qu'un avenir affreux ; noas
venions d'être délaissés par la tribo qui jusque-là noas
Digitized by VjOOQ IC
403
avati /mmi des aUmenu ; pertOMie ne veilak plus rten
nous vendre. IL foUak donc noas résigner à nuHirtr.
Mats non , le Missionnaire ne peut pas flionrir de faim ;
il meurt épuisé de fatigues en courant après les âanes éga-
rées ,' ou sur Téchafaud en confessant la divinité de J. C
Celui qui nourrit lesoiseaux du <iiel, ne laissera pas périr
le serviteur qui s'est exposé à tant de privations pour sa
gloire. Aussi notre épreuve ne fut-elle pas de longue
durée. Ce jour-là oiéme , des sauvages in^irés , je n'en
doute pas , par TApôtre des Indes et par nos bons an-
ges , vinrent de trois lieues nous vendre d'abondantes
provisions. Ce qui vous fera reconnaître en cela le doigt
de Dieu , c'est que ces indigènes étaient d'une tribu en-
nennie de la nôtre , qu'ils se présentaient k nous pour la
première fois , et précisément au moment de notre plus
grande nécessité. A la vue de cette nourriture providen-
tielle , j'échangeai un regard avec Mgr d'Amata , et nos
larmes coulèrent en abondance. Qu'elles étaient douces
ces larmes ! c'était la reconnaissance qui les faisait ver-
ser. Oui 9 dans les Missions cbei lés sauvages, mille
cbosesviennent ranimer la foi et l'amour du prêtre. Dieu
est partout , je le sais ; mais il fait sentir d'une manière
plus frappante sa puissance et sa bonté sur ces plages
lointaines , où nous sommes exilés pour sa gloire.
« 11 faut bien qu'il en soit ainsi ; sans cda que de-
vieudrions-nous , pauvres prêtres , perdus au sein des
mers , dans ces Iles sauvages et k la discrétion de peu-
ples féroces ?Blais notre grande consolation et notre force
sont dans la prière. D'ordinaire on prie mal , parce
qu^on manque de confiance ; et il est assez difficile , je
TaYOue , de ne compter nullement sur sa propre indus-
trie et sur la puissance de ceux qui nous protègent ,
mais de tout attendre de Dieu seul, lorsque Ton se voit
Digitized
byGoogk
404
eatoaré de seocNin hamauu. Pour nous, dtitsnolreit»-
lemait et sotre détresse , qa'il lums était ab é de noos
écrier avec cette foi qui pénètre les deux : Daminus
firmawienium meum , #1 refugium meum , H Uberëiêr
meus. Ps. 17 (1). Ce n'est i\vfk la Nouvelle-Calédonie
que j'ai sa dire : panem nattrum qwUidùmumda noUs
hodie (2) ; c'est que jamais je n'avais senti aussi bien
qu'ici et la puissance de Dieu et ma foiblesse.
« Le 13 aoAt dernier, nous eAmes un instant de con-
solation ; un bâtiment pamten rade , nons crûmes nos
misères 6nies. Hélas ! cen'était pas le navire si désiré ;.
celui-ci portait le pavillon américain , et comme il était
en mer depuis fort longtemps , il ne nous laissa que
pende ressources. Notre dénuement devint bientôt plus
grand que jamais ; nous étions même aux abois, lorsque
le P. Viard se rappela qu'un chef de tribu qui habitait
à quinze lieues, lui avait donné, quatre mois auparavant,
un champ d'igntimes pour gagner nos bonnes grâces*
« Nous n'osions pas espérer que ce chef fût resté si
longtemps fidèle à sa parole , qu'il eût conservé pour
nous des ignames sur lesquelles nous n'avions jamais
compté , lorsque nous avions vu d'autres naturels venir
nous dérober les fruits qu'ils nous avaient vendus. Mais
la faim nous pressait , et Mgr d'Amata nous conseillai!
de partir. Vraiment , qui n'admirerait les soins de la
Provideqee I Le chef en question nous fit un accueil ami
cal , et nous montra le champ d'ignames , qui était
resté intact , tandis que depuis longtemps la tribu avait
épuisé ses ressources. U fit arracher ces fruits , et les fit
transporter dans notre barque. U poussa la générosité
(1) LaSciinMvr^moiiappiii, moa rtAïf» et bmb liWittMr.
(Xi Poauet nom awjoiirdTmi aoire ptia 4e cheye/wf.
Digitized
byGoogk
406
pins lain, il noasdoBua encore des cooos; Buiscoaune
088 derniers étaient tapeuif il s'adressa à son fils, petit
enfiint de sept à hait mois , le priant de lerer cet inier^
dit. Un signe que Ton fit faire k Tenfant , fîit la manpie '
de sa volonté , et nous partîmes , après avoir fait des
présents à ce chef , emportant avec nons d'abondantes
provisions.
n Nous n'étions de retour de cette excursion que de-
puis trois jours , lorsque parut en rade la corvette fran-
çaise le AAm, c'était le 28 septembre 1845. Je n'es-
saierai pas , mon révérend Père , de vous dire notre
joie » lorsque nous vîmes arborer le drapeau national f
Nous allions trouver des amis, des frères, des sauveurs!
ce moment vaut bien des épreuves. Je ne saurais assez
louer le digne commandant du AAm, M. Bérard , ainsi
que son état major; ils ont subvenu à tous nos besoins
avec une générosité vraiment prodigieuse.
« Je ne crains pas de le dire , M. Bérard a eu pour
nous les soins et la tendresse d'une mère ; il s'est mon«
tré d'un rare dévouement pour le bien de la Mission.
Voilà notre sort vraiment changé , et le jRAtn, en nons
quittant, nous laisse en abondance des vivres pour un
an ! Béni soit le navire de la patrie ! et que le ciel dai-
gne rendre au centuple k son commandant ^ à ses offi-
ciers et à tout son équipage , les biens dont ils nous ont
(:omblés! Ils peuvent^ compter que leur souvenir ne s'ef-
facera pas de nos cœurs !
« Quoiqu'il en soit de nos privations jusqu'à ce jour,
ne pensez pas, mon révérend Père^ que la mélancolie se^
soit emparée de nous ; il ne nous est jamais venu à Tidée
d*avoir du regret de notre sacrifice. La paix de l'âme, la
gaîié , l'union ont toujours régné parmi nous. Pouvions-
nous , du reste , ignorer qu'avant de monter sur le Tlia-
Digitized
byLjOOgk
bar , le cbré(kA éok tuitre Jésus air le Cal Yair« P Mms
savions an»si que b croix tst un présage d'beuresx
saocès , qse PépreaTe eslle cachet des cetivres de Ueu,
et qn'aa édifice spiritual , quel q«*il soit, doit être Ud
sar le fondement solide des soafiraooes ! Que nos mi-
sères se renouvellent , que d'autres pins pénibles sur-
viennent encore , qu'importe , si à ce prix nousdevon^
conquérir les âmes qui nous sont confiées ?...
« Puisqu'il me reste encore un peu de temps avant que
ie Rhin ne mette à la voile , j'en profite pour vous don
ner quelques renseignements sur nos Calédoniens. Ce^
petits détails , que jecompletterai plus tard, vouslour-
niront roccasionde leconnaltre de plus en ( lusquenooK
avons une Mère , qni , du haut du ciel , veille sur non»
avec la plus tendre sollicitude.
« Les peu(»les de la Nouvelle-Calédonie, comme tou!>
les Océaniens que nous connaissons jusqu'à ce jour , ^
distinguent pur une grande hospitalité , qui fait que toui
est eu commun. Cette pratique par^ilt fort bonne , mis
en réalité elle a d'assez tristes conséquences , car elle
entretient ces peuples dans letir incroyable paresse , e»
les portant à compter sur les ressources des autres. H^
ne refuseront jantiuis ce que vous leur demanderez , < «*
lierait un crime ; ils accompagneront même leur don de
paroles flatteuses « mais au lond de Tâme ils se dessai
sissent à regret , et parce qu'ils ne peuvent faire au-
trement (1).
(t) « Une ieale remirque Toat prooTcra combien cet sentiments mèn-
qaeat d« sÎDC^ritë. A !■ mort «i'unCalëdonieo, ses parents et setaraif^*
rénntitent ponr te lamenter près du liea oà le eaëtTre deil être plesf^>
L'on déii^e de» plfonort d'eflke ; d'ontianira ee iftAàm fiuooN*
Mm» il n'y • ^oe feinte «t hffonm daa» ces Urmet Aprèi letg^**-
•ements et les sanglote , Tons entendes les mémos personnes éclater pb
rires et en cris de joie. Non , il n*y a ni tendressee , ni afiectioo (Us»
ees eonrs , ^î n'ont pas encore re^ le don d» la charité.
Digitized
byL^OOgk
4»7
« En revanche , ils spsitfon pillards. coHune je vous
lai déjà dit ; ce qui ii*est pas siurprenaot» vu leur coin
plète indigeoce. Aussi le moindre ob^el les tente-t il.
Si nous n'avions p«8 usé , surtout dans le commence-
m^t , d'une surveillance continuelle , ils nous auraient
bientôt réduits au même dénuement qu'eux. Cependant
nous n'avons pas eu des pertes bien considérables ; et
je dois dire à l'honneur de nos Calédoniens, que sur ce
point ils ont déjà fait bien des progrès. Lorsqu'il fut
question d'aller occuper notre nouvelle maisootdisunte
d'une demi lieue de l'ancienne , nous les chargeâmes
du transport de nos tffets » et il ne nous a rien man-
qué , sinon peut-être une chemise. Ils commencent
à devenir hommes , espérons (fàe bient^ ils seront de
bons chrétiens.
« Le principe de la toi soUque est en vigueur à la
ffouvelIe-Calédonie ; les seuls allés mâles saiti reconnus
cheb après la mortdelevr père. Ehi reste, ces rois sent
à peu près sans influence, et ime des amsee Mi«q«eMes il
faut l'attribuer , est , je pense , leur trop grand nom-
bre; il a' est pas de si petit liameau qui u'ait le sien.
J'admire , au contraire , combien nous sommes par\'e-
nus à nous faire respecter même des chefs, au point que
l'un de nous serait capable de mettre en fuite des milliers
de sauvages. Comme leur Ile n'avait presque pas été
visitée par les Européens, ils ont encore Uoe grande id<'e
des Blancs. Ils nous aTttribuent la puissance sur le vent
et la pluie. Le ciel , selon eux , est la terre que nous
habitons , et ils l'ont conclu parce qu'ils voyaient nos '
navires à Tborison toucher le ciel.
« Les femmes surtout ont besoin que la Religion
vienne les arradber à leur esclavage et à ieor aviUssè-
ment* Comme chei toutes les nations que l'Evangile n'a
Digitized
byGoogk
40S
pas civilisées » elles rampent iei aux pieds de rhomme
f(iiiles tyrannise. A elles estdéyolue la charge de portei
les Kirdeanx, d'aller chercher la nourriture, d'avoir soin
(les champs^ une fois qu'ils sont défrichés. EUe^ omis
plus grande part aux travaux , et la plus petiie aax
douceurs du ménage. Y a t-il un bon fruit i manger?
aussitôt le mari le fait Tapau , et s'il est permis
à l'épouse d'être témoin du dîner de son mari , c'csi
^ condition qu'elle n'y touchera pas , autrement elle
serait punie de mort. Si elle tombe malade , elle esta
l'instant expulsée dé la famille , elle couche à la belle
f>iot!e ou sous cpielques branches plus ou moins bien
eotrelacées ; il faut qu'elle reste là exposée aux iujtire»
de l'air et de la pluie. Sur le moindre soupçon, pour uns
simple désobéissance à son mari,celui-ci entre en fureur,
et la traite avec une barbarie incroyable ; quelquefois
il lui brise le crâne avec une pierre , et bientôt arriveat
de prétendus chirurgiens , qui lui déchirent les chairs
avec des coquillages. C'est un spectacle à faire frémir.
« Je croîs cependant les Calédoniens naturellement
moins cruels qu'une telle conduite ne le ferait penser.
Quoiqu'ils soient antropophages , ils ne tuent jamais un
homme précisément pour s'en nourrir ; ils dévorent seu-
lement leurs captifs. Cest une victoire et un trophée
pour eux d'avoir mangé un ennemi , car sa mémoire
est à jamais flétrie. Depuis notre, séjour dans celte ile .
une vingtaine d'individu5 ont été tués et mangés dans
notre voisinage. J'ai vu ae mes propres yeux un roor-
«:eau de chair humaine rôtie ; c'était un morceau de h
main, et l'on avait eu soin de l'envelopper d'une feuille,
pour en mieux conserver le jus et l'odeur. 11 n'est pas
rare de fouler aux pieds les ossements de malheure^ix
ainsi ég«>rgps. Nos sauvages se font des guerres cruellef».
Digitized
byGoogk
409
et. lorsqu'ils savent qu'un de leurs ennemis se rend
dans quelque lieu, ils vont se cacher près de la route.,
et se précipitent sur leur victime avec la fureur du
tigre altéré de sang.
« Que de fois nous avons été menacés et de la mort
et du feu ! Ils venaient sur nous avec des lances , des
casse-tétes et des frondes ; nous les entendions vociférer
qu'ils allaient nous br&ler dans notre maison. Rien de
tout cela n'est arrivé. Nous ignorons s'ils ont vonlu in-
cendier notre demeure ; mais toujours est-il certain que
plusieurs fois nous avons trouvé , à Tentour, des char-
bons ardents; Pourquoi avon&-nous été épargnés par ces
barbares ? qui a pu arrêter leurs bras si souvent levés
sur nous? Leurs armes sont meurtrières, nous n'en avons
vu que trop de preuves sous les yeux... et au milieu de
ce peuple, nous dormons en paix , nous vivons joyeux.
C'est que nous savons que Dieu est pour nous , et que la
mort nous serait un gain.
« Je termine cette lettre , déjà bien longue , par le
récit de trois faits , oili la Providence nous a protégés
d'une manière spéciale. Dans le courant de. novembre
1 844 , un de nos voisins, d'accord avec le chef de notre
tribu , nous apporta un gros poisson. Gomme notre dé-
jeuner n'avait pas été copieux ce jour-là , nous étions
contents de trouver le moyen d'apaiser une fois la
faim qui noustourmentait.Mais ce festin nous coûta cher,
nous étions empoisonnés, et si bien empoisonnés, qu'un
chat qui avait , comme nous , mangé de ce poisson ,
périt le neuvième jour. Que faire en cette triste con-
joncture ? Point de médecin , point de contrepoison ,
point de remèdes. Notre unique ressource était de nous
jeter entre les bras du grand médecin , du médein cé-
leste. Nous le fîmes avec confiance , car on prie bien
To». viin 108. Î7
Digitized by LjOOQ le
4i0
tlors. Couchés «ur nos grabtu , chacun dans Dotre peut
coin , nous eodurîoiis les douleurs les plus sigûes , ei
BOiis n'ayions pas à nos c6tés une ftme charitable poor
nous donner quelques légers soulagements. Notre unique
remède a été du café « dont Texcellente dame Bruat
avait fait cadeau à Mgr d'Amata. Nous ne doutâmes pat
un instant que nous échapperions tous i cette maladie ,
et notre espérance n'a pas été vaine* Après trois semii-
Des de souffrances plus ou moins vives , nous pûmes re-
prendre nos occupations ordinaires, et aujourd'hui noos
ne nous apercevons nullement que nous ayons été em-
poisonnés.
€ Dans le mois de juillet précédent , une affaire m'ayant
appelé dans une tribu voisine , je faillis être victime
delà barbarie d'un naturel. Armé d'un énorme bambou,
il s'était posté derrière un arbre pour m'assaillir aupas-
sa^e ; il m'avait déjà frappé deux fois à la tête, sans me
fiiire de blessure ; mais espérant être plus heureux au
troisième coup , il me visait à la figure. J'avais beau me
cacher derrière le fils d'un chef,rien n'arrêtait le furieux.
Ne sachant plus alors comment me tirer de ce mauvais
pas , je me recommandai à Marie , et, prenant mon élao»
j'échappai par la fuite à mon bourreau qui ne put
m'atteindre.
« Un autre jour, j'avais accompa^é Mgr d'Aman
dans la même tribu. A mon retour» comme il se trouvait
«M rivière à passer , nous priâmes des naturels de nous
proidre fur leurs épaijdes ; ils parurent se prêter à
Mire demande avec iu grand plaisir, et tandis qa'ua
hnmmn nous portait sur ses épaules^ d'autres nouste-
Mûentpar les jambes et par les bras. Tant d'empreme-
sent nous devint suspect, et, de falt,nous ationsàiaife
i des pillards , qui fouillaient nos poches pour nous
Digitized
byGoogk
411
dévaliser. Btam parvenus , bies cpi'atec peine , à nous
dégager de leurs maias , Boosfeigotmes de bous meure
à la .poursuite des voleurs , maïs bientôt nous vîmes les
lances levées sur nos têtes ; nous leur laissâmes donc nos
bourses p<»ir garder nos vies. Un instant après » une
pierre lancée avec force vint frapper l'aile du chapeau
de Monseigneur. Heureusement qu'à cet instant , je m'é-
tais courbé pour boire de Teau du ruisseau ; comme je
me trouvais dans la direction de la pierre , j'en aurais
été infailliblement atteint.
« Maintenant un grand pas est fait pour le succès de
cette Mission : c'était d'apprendre la langue de cette lie,
langue inconnue jusqu'à ces jours ; c'était de nous éta-
blir au milieu de ce peuple cannibale , brute à l'excès ,
qui semble avoir oublié tous les premiers principes de la
loi naturelle , de ce peuple sans culte , sans temple ,
sans prêtre /presque sans Dieu , car ses diviniiés , au-
tant que nous avons pu le comprendre , ne sont que les
esprits de leurs principaux chefe , qui habitent je ne sais
oilk. Cependant les Calédoniens croient à l'existence de
leur âme ^ et au dogme d'une vie future.
« Je ne vous parlerai pas , mon révérend Père , des
progrès spirituels de notre Mission : le P. Yiard veut bien
s'en charger. LtRhin va partir, et emmène ce cher con-
frère que réclame Mgr Pompallier. Que cette séparation
nous est sensible ! quel vide affreux elle fait dans nos
cœurs I combien nous allons soupirer après l'arrivée de
nouveaux ouvriers qui viennent nous soulager ! Quelque
saint et zélé que soit Mgr d'Amata , comment voulez-
vous qu'avec un pauvre prêtre il défriche un terrain
aussi vaste,qu'il éclaire ces cinquante mille Calédoniens,
qui commencent à entr'ouvrir les yeux à la lumière I
27.
Digitized
byGoogk
412
« Daignez bénir voire en&nt , mon révérend Père ,
baignez le confiera la garde de Marie, et le recommanda
aux prières de cette chère Société qu'il aime à la vie et
k la mort.
« ROUGEYRON, à/iiS. ApO$L •
Digitized
byGoogk
413
Lettre du R. P. Fiard , Miseionnaire apoitolique de la
Société de Marie , au T. R. P. Supérieur général de
ta même Société (l).
A bord de U cortetie frioçaise le Hkén , 27 octol>re 1645.
« Mon TRà^BÉvéBBNO Péri,
« Noos luisons voile pour Sydney , où nous espérons
arriver après demain. Voilà vingt-deux jours que nous
avons quitté la Nouvelle-Calédonie. M. Bérard,comn)an-
dant le Rhin « était chargé de lettres pour moi , par les-
quelles Mgr Pompallier me pressait de revenir sans re-
tard à la Nouvelle-Zélande. U m'a été bien pénible de
laisser, surtout dans les circonstances présentes , Mgr
Donarre et le P. Rougeyron. Je remercie la Providence
lui a permis que je sois resté près de deux ans aveceux^
|>oar me rendre témoin de leurs vertus et me foire par-
iciper à leurs mérites.
« Je vais maintenant , mon révérend Père , vousMon-
ler une idée de l'état où se trouve actuellement la Mis-
ion à la Nouvelle-Calédonie. U parait que la population
t) Le B. p. Tiard . rappelé de la NoiiTeUe-Calëdoiiitf par Mgr
ompêUier , «on Eféqne » est arrivé à Sydney ie 29 octobre 1845. La
a troa? ë des lettres do S. Siëge , qui le nommaient Etèque d*Ortbosi«
• Coadjuleur de Mgr Pompallier. Son sacre a eu lien à Sydney, le 4
ntier dernier ; et peu de jours après , il est parti avec Mgr TEtA-
>« de Maronëe poor la Noavelle-Ztnaadc.
Digitized
byGoogk
414
de cette tle s* élève à cinquante mille habitants , dispersfe
sur toute son étendue. Les yoyages présentent d'assez
grandes diflicnttés , i cause des montagnes , des torèts
et des rivières qtiî couvrent et coupent tout le paja.
« L'étude de la langue calédonienne nous eài loag*
temps arrêtés , sans l'heureux concours d'une drcons-
tance assez singulière. J'ai trouvé ici des naturels qui
■parient la langue de Wsrflis» d'oà ils seraient originaires,
à ce qu'il paraît. Leurs ancêtres ^'étani attirés la haine
d'un ancien roi , furent contraints d'abandonner leur
patrie ; et , après avoir erré d'archipel en arebipd, ils
s'arrêtèrent aux Iles Loyalry , et plus tard ils sont venas
se fixer dans la Nouvelle-Calédonie , où ils se sont beau
coujp multipliés. Comme ils remarquèrent , dèslecom
mencemeat de notre séjour en cette tle» que je parlais
leur langue , ils me prirent en affection « et ils me regar
dent conune un de leurs amis. Un de leurs cheGs m'a
été d'un grand secours , parce qu'il parlait bien les
deux langues.
« Si , par suite de circonstances impérieuses , bous
ne nous étions pas trouvés réduits à une si grande dé-
tresse, si nous n'avions pas été obligés de nousoeoaper
si souvent de travaux matériels / nousaurians pa afaa*
cer beaucoup l'œuvre même de la Mission. J'ai mit à
^ profit tout le temps libre pour m'appliquer fortement à
rétudedela langue, et en peu de mois je me suis tros^^
en état de traduireie Pater et VJve et de composer quel-
ques cantiques.
« J'ai accompagné plusieurs fois Mgr Douarre dans
les voyages qu'il a faits pour visiter les natwela, et
j'ai profité de ces circonstances pour donner quelques
instructions à ce pauvre peuple. Dans les prenuersmois,
je pus préparerai! saint baptême un enfant de hiûtaes.
Digitized
byGoogk
4U
qui éiaiiaangereuscmenl malade ; je lui imposai le non
«le Joseph : peut-être que la grâce du sacrement , opé-
rant aussi sur son corps , contribua à sa guérison , qui
fut prompte. Je régénérai encore Ist femme du grand
chef de Koko ; je lui donnai le nom de Marie , et le jour
niéme son âme s'envolait au ciel. Quelques jours après,
un petit enfant la suivait dans le sein de Dieu. Une autre
fois , j'aperçus par hasard , près d'une cabane , vm
nottveauné étendu sur une natte, et qui allait expirer ;
j'eus le bonheur d'en faire un ange.
« Le jour de l'Assomption (1844) , vingt naturels 4ft
différentes tribus , à qui j'avais appris à faire le sijoie
de la croix et à réciter le Pater et VJte , vinrent ckez
nous pour assister à la sainte Messe. Nous éprouvâmes
une biengrande joie en enteudantnos Calédoniens offirtr
poar là première fois' leur$ prières au Dien véritable,
jusque là il m'avait fallu courir de c4té et d'autre pour
les instruire séparément dans leurs cases. Mais à partir
du l**' novembre de la même année , j'ai réuni , ^oir et
matin 9 un certain nombre de naturels dans la maison
du chef de Ballade. En trois mois , j'ai pu leur apprendre
le Pater , VJve , le Sytnbolej le Décalogue et plusieurs
cantiques en l'honneur de Marie. Ils ont de l'intelligenee
et de véritables dispositions pour le chanu Leurs pro-
grès auraient été plus rapides , si la constructioa de
notre nouvelle demeure, qui était de la dernière urgence,
ne m'aTak obligé de suspendre mes instructions. L'ha-
bitation des Missimi&aires est maintenant à £«lao , à
um deoii lieue de Mtàamata, notre ancienne résidence.
• « Notre maison finie , Mgr d'Amata m'envoya visiter
.les diverses tribus. Je me dirigeai d'abord vers celle de
Jeugiene, à quinze lieues de notre habitation. J'appris en
chemin que le chef de celte tribu était en guerre, et qu'il
Digitized
byGoogk
416
avait taé quatre femmes. Je poursuivis ma routeen toute
hâte. Bientôt jo vis venir à ma rencontre quelques bom*
mes , envoyés par ce chef pour me faire connaître le
grand désir qu^il avait de me parler , il avait eu soin de
me tenir prête une embarcation pour le passage de la ri-
vière. Je le trouvai entouré de sept à buitcentsKanacks,
armés de lances et de massues; il me donna force démons-
trations d'amitié et de respect , et j'eus le bonheur de
mettre fin à la guerre.
« Nous nous rendîmes ensuite à sa case , qui était i
deux lieues de là ; durant toute U route . il m'entoura
d'égards et me fit remarquer ses propriétés. U avait
e.u soin de prévenir sa femme , qui vint sur le seuil de
la porte pour me recevoir et me présenter son fils , en-
fant à la mamelle. Je le caressai et lui administrai le
saint baptême , après avoir fait comprendre aux parents
la grandeur de ce bienfait, lis furent enchantés et m'offri*
rent des ignames et des cocos. J'allai ensmte m'asseoir
!>ur une superbe natte , qui m'était réservée « et le chef
prit place auprès de moi. Pendant qu'on préparait le re*
pas, je m'entretins dans l'idiome de Wallis avec mon
hôte et sa femme ; le chef traduisait ensuite notre con-
versation aux naturels présents , qui étaient avides de
savoir ce que nous disions.
« Sur leur demande , je me mis à chanter les canti-
ques que j'avais appris à nos catéchumènes de Ballade ,
et ils en furent ravis. Mon chapeau triangulaire captiva
vivement leur aueniion ; ils voulurent le voir , le tou-
cher ; ils me demandèrent la permission de remporter
pour le montrer i leurs amis des autres tribus , et il ne
me fut rendu qu'au bout de deux jours, après l'avoir fait
voyager à plus de cinq lieues. Le crucifix que je portais
sur ma poitrine les impressionna bien davantage ; ils
Digitized
byGoogk
417
voulurent savoir le nom de celui ^i était mort sur celle
croix. Je pris de là occasion de leur annocer N. S. J. C. ,
et de leur raconter tout ce qu'il Jivait fait et souffert pour
leur amour. Ils en parurent fort touchés. C'était toujours
le chef qui me servait d'interprète : je ne connaissais pas
encore la langue de ces Kanacks.
« Mais la nuit approchait, et je n'avais pas encore ré-
cité mon bréviaire. Je leur dis que j'allais prier le grand
esprit de les rendre heureux , et ils gardèrent un pro-
fond silence. Ma prière achevée » ils me servirent des~
ignames cuites , des bunanes et des cocos. Je is un bon
' souper dont j'avais grand besoin. Il fallut ensuite re-
commencer la conversation, qui se prolongea fort avant
dans la nuit ; puis je me retirai avec mon guide dans la
case du chef où , après avoir récité le « bapelet , je m'en-
dormis tranquillement. A mon réveil , j'aperçus auprès
de moi une corbeille , où se trouvaient les restes d'une
jambe humaine , que nos gens réservaient pour leur dé-
jeuner. Je fis comprendre au chef combien c'était une
chose horrible de se nourrir de la chair de ses semblables;
il me dit qu'il n'en savait rien , mais qu'à l'avenir il n'en
mangerait plus.
« Après que feus fait mes prières , le chef me con-
duisit vers un beau champ d'ignames, et en me les mon-
trant , il me dit : • C'est le champ de mon fils ; il t'en
« fait cadeau , accepte-le par affection pour lui. » Je
l'acceptai en effet avec une vive reeonnaissance. Je ne
pensais pas alors combien ce champ nous serait utile ,
lorsque, quatre mois plus tard, nous serions réduits à la
dernière misère. Notre chef me fit visiter en détail ses
plantations ; puis^ en sa compagnie , je parcourus toute
la tribu pour baptiser les petits enfants. Le lendemain
je lui fis mes adieux , promettant de revenir le voir \
Digitized
byGoogk
418
lorsque mon navire serait arrivé et qae je poamôs lai
(tonner deâ gages de mon affection pour loi et son fils. —
« Si ton navire tarde à venir , me répondit- il, viens ,
» toi , pour nous instruire et nous tirer de notre mal-*
« heur. » — 11 m'accompagna fort loin avec une partie
des gens de sa tribu , portant son fils dans ses bras ; au
mom^rn de nous séparer , il m'exprima avec vivacité
taus ses regrets, et après lui av«ir renouvelé mes adi^ix,
je me dirigeai vers Ballade , où je rentrai après neuf
jours d'absence.
« Bientôt j'en repartis pour passer à l'Ile BaUbio, on
je restai deux jours, instruisant les sauvages et bapiî
sant un bon nombre d'enfents. Les naïui'elsmefireni n-
marquer un énorme rocher, au pied duquel ils eroyaieoi
apercevoir des taches de sang ; c'était tout simpleiDeiM
des veines qui se dessinaient dans la pierre. Ils me di-
rent que c'éUiit là le trône de leur dieu. Lorsqu'un Ka-
nack meurt, disent-ils, son âme se rend à Balabio pour y
Mre jugée ; elle est bien accueillie par le Dieu si elle s'est
conduite avec sagesse , mais il la punit rigoureusement
si elle s'est mal comportée. Près de ce rodier, se trouve
un arbre très-ancien et très-toufl^u , dont le feuillage sert
de sanctuaire à la divinité. De Balabio je me rendis par
mer à Arama , où je reçus un accueil favorable , surtout
de la part du chef, qui fut sensible à ma visite. Dansées
diverses courses , j'ai bagtisé environ deux cent soixante-
dix enfants , dont i^n bon nombre est déjà allé au ciel
prier pour le succès de ceue Mission.
« Aujourdliui , il me semble qu'un heureux change-
ment s'est déjà opéré parmi les Calédoniens ; ils sont
moins voleurs , leurs guerres sont moins fréquentes ; ils
commencent à comprend^re le motif qui nous a conduits
au milieu d'eux ; nos confrères sont bien reçus partout.
Digitized-by
Googk
41»
L'élan est donné , et ce peuple , en général , a le désir
de se faire instruire. Déjà nous avons jeté la divine
semence sur plusieurs points de Tlle ; nous comptons
même un petit nombre de disciples suffisamment prépa-
rés au saint Baptême ; il en est beaucoup qui connaissent
les vérités indispensables au salut ; d'autres , plàs nom-
breux encore , savent les prières les plus importantes.
Ainsi , mon révérend Père , la moisson blanchit , mais
où sont les ouvriers poiu* la recueillir?
« Mgr Douarre et le P. Rougeyron ont commencé
leurs courses apostoliques le jour de la fête des SS. apô-
tres Pierre et Paul. Ils doivent posséder maintenant une
jolie chapelle. H^ Bérard a foiumi les prmci^nx bois
pour sa construction , et let ouvriers de la corvette le
Rhin y ont travaillé. Aujomrd'lHii , nos coBfrères ont la
consolation de posséder N. S* près d# leur demeure^ et
d'oflrir tous les jours le saint sacrifice ; bonheur que
nous ne pèuvioos goûter autrefois que le 4imanche, faute
de pain et de vin. Ah 1 mon révérend Père , c'émit bien
là kl plus pénible des privations. Ce qui adoucissait, ce-
pendant , notre juste douleur , c'était la pensée que nos
confrères ne montaient jamais à TaulAl sans faire mé-
moire de nous et des peuples ifoi nous étaient confiés.
• Daignez agréer , etc.
« ViARD , Provk. apoit.
Digitized
byGoogk
490
MISSION DE TONGA.
Lettre du R. P. CcUinan ^ Missionnaire apostolique ^ au
T. R. P. Colin^ Supérieur de la Société de Marie.
Ile Tonga-uboa , octobre 1S4^.
« Mon tbès-révérbnd Père ,
« Les lettres que vous avez reçues de Tonga , vou»
ODi tout dit sur cette missioD, tout, excepté les souffiraiH
(!es de ceux qui la dirigent. Persuadés que les croix sont
plus méritoires quand elles sont connues de Dieu seul, et
péut-^tre dans la crainte de trop affliger votre cœur pa-
ternel , nos confrères ont voilé leur détres&e d'un si-
lence généreux , ils vous ont laissé les joies de Tespé-
pérance , et ils ont gardé pour eux 1k secret d'une situa-
rion qui les tue. Pour moi , je nç suis pas libre de les
imiter : vos ordres formels m'imposent d'autres devoirs.
Vous m'avez dit , en me bénissant pour la dernière fois :
« Rappelez-vous que je dois et que je veux tout con-
« naître , le faible aussi bien que le fort de nos Mis-
« sions. » Eh bien, mon très-révérend Père , vous saurez
tout , vous saurez le génie exceptionnel des peuples que
nous sommes appelés à évangéliser , les divers d)su-
rles qu'ils opposent à nos travaux, les peines et les pri-
vations qiie vos enfants supportent dans ces lies»
« L'état habituel des peuples de l'Océanie est iine
extrême pauvreté ; leur caractère dominant est l'indo-
lence et la paresse ; l'usage le plus remarquable parmi
Digitized
byGoogk
421
eux est une hospitalité poussée si loio , qu^elle ne trou-
verait de modèle dans aucune de nos contrées d'Europe.
' « Pour ce qui est de la pauvreté , ils logent dans des
«^ases , consistant en une toiture de feuilles » supportée
par des pieux ; elles sont toujours si basses qu'il faut se
courber pour y entrer , et quelquerois pour s'y tenir de-
bout. Ces cases, qui représentent un carré de douze à
vingt pieds,ne forment jamais qu'une seule pièce, et sont
en général ouvertes dans tout leur contour. Le mobilier
des plus riches se compose d'un plat en bois pour faire le
fcava , de quelques noix de coco vides pour contenir Teau
ou l'huile , de quelques nattes étendues sur le sol pour
s'asseoir ou dormir , d'une ou deux haches avec un ins-
trument aratoire venant d'Europe, quelquefois d'un fusil
ou d'armes en bois à la façon du pays. Une cabane de
<*« genre n'est pas toujous habitée par une seule famille ,
car tous ne se donnent pas la peine de bâtir. Il est beau-
coup d'indigènes qui vont sans façon s'installer chez
leurar parents ou leurs voisins , dont ils partagent les vi-
vres y s'il y en a , aussi bien que le couvert ; chose qui
doit vous sembler étrange en France , mais qui jamais
ne souffre ici aucune diificulié.
« Le vêtement de nos naturels est assorti à leur loge-
ment ; il consiste , comme vous le savez déjà , en une
bande de /aj?e(l), qui les couvre de la ceinture au genou.
(1} ff La lûftt est une espèce d'étofie , fabriqua avec T^eorce d*iiD ar-
brisseau qui ressemble à une grosse plante de cbanrre. Chaqne ^ree
est battue t^parëroent , jusqu'il ce qu'elle atteigne retendue et la îi^^f"^
d'un moucboir ; on les cotlo ensuite le»naes «ax aulrea^de manière à n'en
former qu'une seule pièce , qui a sontent soixante aunes de long sur
trois on quatre de large. ÀTec Ict dessins en couleur rouge dont on ne
manque pas de l'embellir , la /ope ressemble asseï d du gros papier d«
^apiaserie» l^gèjcment gommë«
Digitized
byGoogk
492
Cette espèce d'éioffe est de peu de durée ^ oe suppoie
pas le lavage et se dissout à Teau k peu près commek
papier. Bialgréson peu de valeur et la facilité dela&bri-
cation , elle n'est rien moins qu*abondante , et Ton voit
niAine des cbets qui n'osent paraître en public , parce
qu'ils n'ont pas une tape convenable pour se couvrir.
« Ici la base de la nourriture est l'igname , le finût à
pain 9 le taro , la banane, le porc, le chien, le chat et la
poule. Le poisson pourrait aussi fournir de grandes res-
sources dans plusieurs localités. Si ces divers comestibles
abondaient , la vie serait assez foeile ; mais pour cda il
faudrait un certain travail , et surtout un certain ordre
économique, ce à quoi les indigènes ne pravent se résou-
dre, soit à cause de leur indolence naturelle, soit à causé
de leur système d'hospitalité, soit en un mot parée qu'ils
sont des sauvages. Bxi somme , les aliments sont rares
dans ces régions , au point que le sentiment de mes
confrères , comme le mien , est que les rois de ces ar-
cipels croiraient vivre dans l'opulence , s'ils pouvaient
faire , toutes les vingt-^piatre heures , ui^ repas comme
celui qu'on ferait en Fhince avec des pommes it
terre. S'il en est ainsi des rois , vous comprenez quel
doit être le sort du peuple. La faim est réellement son
plus grand fléau , et nous sommes convaincus qu'elle
abrège la vie d'un grand nombre de Kanacks.
« Cette extrême indigence des peuples de l'Océanie
ne vient pas de la stérilité du sol ; on trouverait peu
•tt pltttêt point de terres en France comparables k celles-
ci pour la fertilité. Elle ne vient pas non plus de la stu-
pidité des habitants ; outre quils ont ime inteUigence
remarquable pour des sauvages, ils entendent très4riea
la culture de leiu% plantes. Cette pauvreté et cet état ha-
bituel de famine sont , comme je l'ai déjà inmué , le
Digitized by LjOOQ IC
423
résultat de la paresse elle fruit d'une hospitalité qui dé-
^énire en spoliation.
« La paresse va si loin chez les naturels ^ qu'ils sent
eondiés au motus la moitiédu temps ; ils passent le reste
assis , mdme pour cultiver la terre. On ne les surprend
jamais debout , sinon quand ils marchent , et ils ne
lont jamais un pas dans le simple but de se promener.
Si vous entrez dans quelque case » vous trouvez toute
la iamille désœuvrée , et très-souveni endormie. On se
réveille pour vous recevoir , mais on ne se lève pas tou-
jours f ou Ton se recouche avant la fin de la visite.
Viennent-ils vous voir, il leur arrive assez souvent
(ie se coucher chez vous , et même de s'y endormir jus-
tju'au lendemain. Trouver cela ioconvenant serait vouloir
passer pour un homme mal élevé. Quand on vous fait
grâce du sommeil , on vous dit du moins en partant que
Ton va se coucher , et » dans le bon genre , vous devez
répondre que c'est bien. La formule ordinaire de politesse
en abordant quelqu'un , est de lui dire : mah e mche ,
courage d dormir.
« Néanmoins» la pesanteur des espriu n'est pas chez
ces peuples en rapport avec l'engourdissement des corps ;
Us ont une pénétration naturelle qui annonce de l'apti-
tude pour les sciences ; leurs discours , leurs chants ,
leurs danses , etc. attestent nne capacité supérieure à
celle des gens de vos campagnes. Ils font dans les artsde
certaines choses , des armes» par exemple, des édifices^
et surtout des embaic^^tions admirées des étrangers pour
leur élégance et le fini du travail ; seulement ils y em-
ployant vingt fois plus de temps que n'en mettraient des
ouvriers européens.
« L'hospitalité , placée chez nous au rang des vertus
ahrétiennes^ ne mérite pas ici ce nom ; car , outre qu'elle
Digitized
byLjOOgk
424
n'est pas dans le cœur , elle est évidemment opposée au
bien-être de la société, et entraîne après elle tout un cor-
tège de Tices , ayant à sa tête cette incarable paresse
dont je viens de vous entretenir. Il est vrai qu'elle Débit
qu'une seule famille de ces grandes popubitions^ qu'elle
unit même une tie à l'autre; mais cette fiimille ne ressem-
ble guère à celle dont il est parlé aux actes des Apô-
tres. C'est une vaste communauté, où tout le monde aie
droit de prendre , et où personne ne se met en peioe
d'apporter- Dans le fait ^ c'est moins l'hospitalité qu'aee
mendicité générale , autorisée par les idées du pays , ou
si vous aimez mieux , c'est le droit de vivre aux dépens
dés autres. Les maisons » les comestibles , les animaux,
les enfants , les objets quelconques , bien que censé
apartenir à des propriétaires spéciaux , font cependant
en réalité le domaine public. Un homme bâtit une case
pour lui et sa famille, un autre veut s'y loger aussi, il le
peut en vertu des droits de l'hospitalité. Celui qui pré>
pare son repas, est obligé de le partager avec tous cetn
qui se présentent , et si le nombre des bouches est trop
grand, c'est lui qui doit restée à jeftn. Vous êtes posses-
seur de quelque objet, on le voit, on le regarde^ et dès
lors il est acquis au spectateur ; vous devez le lui offrir
en vous excusant du peu, et votre offre ne sera jamab
refusée. Un père, une mère ont des enfants; on les leur
demande, il faut les céder; et ainsi du reste. Cela se
passe journellement , à la première rencontre , sur les
chemins , dans les réunions, le tout avec une adresse et
une courtoisie admirables.
« Voilà ce qui se pratique entre égaux ; à l'égard de^
cheb il faut bien un petit supplément. Ceux-ci àéddeni,
de plus, de la vie de leurs sujets, qu'ils peuvent faii^ as-
sommer au gré de leurs caprices , pour des fautes qtt»
Qigitized by LjOOQ IC
426
dODvent mériteraient à peine, selon nous, une légère ré-
primande; et, bien que les idées religieuses aient déjà
beaucoup modifié^ même chez les infidèles^ ce despotisme
atroce, il s'ept néanmoins présenté plusieurs cas de ce
genre depuis mon u*rivée à Tonga* Ces chefs disposent
des bras des hommes pour les employer à leurs planta-
tions, à leurs embarcations^ etc. : biei^ entendu que les
travailleurs rentrentfle soir,à jeun dans leurs cases où ils
ne trouYent rien à manger. Les femmes et les filles sont
la propriété des chefs , qui en disposent soit pour eux-
mêmes, soit pour les étrangers ^ à qui ils les vendent
ou les donne^^.
« Vous allez peut«être penser qu'un tel régime, qua-
lifié par les Européens du nom flatteur d'hospitalité ,
qn'un tel régiftie, di»je, qùdque défectueux qu'il soit,
a du moins oeta de bon qu'il pourvoit aox besoins de la
partie £auble de la société. Du tout, mon très-révérend
Père ; sous l'empire de cette loi^qui consiste seulement,
comme je l'ai dit plus haut , dans l'oMigation de don-
ner^ quoiepe à regret, à ceux qui viennent demander, on
n'est nullement tenu de porter secours à ceux qui ne
peuvent venir; d'oà il jrétuile que 1« malades et les
billards reaieai dois «a eût plut ou moins compte
d'abandon. Voilà surtout ceux dpnt la faim hâte les der*
niera instante.
« Telle est donc^ esquissée à grands traits, cette hospi-
talité océanienne dont on lit en Europe des relations sé-
duisantes , qui porteraient presque à ^re le procès à
notre civilisation chrétienne^ pour l'envoyer à l'école des
«am'ages. Les auteurs de ces récits n'avaient vu les choses
<1u'eQ passant , et les avaient jugées sans les approfondir.
U fant habiter comme nous sur les lieux pour s'aperce*
▼oîr que cette manière de vivre , tant préconisée , est
TOI. XVIII. m. siPTimi. 1846. olIbyL^oogle
426
vicieuse dans ses principes autant <piç funeste dans ses
conséquences.
« Llle d'où je tous écris, atec celles quî FaToisHient,
a reçu des Européens le beau nom S^Artkipel des Jmit^
à cause de raménîté de caractère , et de la préten-
due hospitalité de ses habitant , qualification faussé ,
je le répète^ à moins qu'on ne retende relativement i
des peuples plus féroees, comnte il en existe assez près de
nous, aux Iles Fidji. Car ici même^ à Tonga ^ la génén-
tion est loin d'être éteinte, quia vécu naguère de la dttr
de ses sembls|bles; et c'est tout récemment que nous avons
pu obtenir de nos néophytes l'aveu que, dans^eor jeunesse,
ils se faisaient la chasse les uns aux autres pour se man-
ger. Les lieux où se passaient les scènes les phis solen-
nelles de cannibalisnie, sont racore dans ée nnomèotoon*
verts d'ossemeols humains. A des époques plus récentes,
ils se sont bit des guerres d'cxterminlion, dans ht"
quelles le droit des geoa étaii peu re^ecté à régiid
des vaincus. On a vu ieiv il n'y a pas ptos de sept ans.
une ville du parti infidèle, HmAé, prise d'snsavt, et .les
vaiiiqneurs^ quoiqw tous proitstaats et en e^te quaNlé
cMsés plnslraiiaiBS, aprte avoir tuéloutts les graôdse
personnes, se firent uajeude jeserhi enfini» en V^if, ^
de les recevoir sar la poiftedeslaneesetletraniehantdss
bâches. Peu d'années auparavant , ils avaient enicfé ^
canot de guerre avec ses hommes , en présence d'o»^
corvette commandée par Dumont-dTrville, qui fut ohli|s
de brûler un village, Mdspanga, pour obtenir satis&ctioo.
Ce caractère de douceur et (fhospitalité dont en foit io
parade envers ceux qui se présentent dans Tappareil deb
force ^ comme les navires de guerre , se change ïksï^bi
en férocité à Tégard des faibles , et la preuve c'est qo'"
n'y a presque pas une de ces Iles qui ne compte^ tb"*
Digitized
byGoogk
«7
son histoire, TenlèTemeiit de quelque «mre deooBunerce
atec le nassacre des équipages.
«'Abordons maintenant notre position parmi ces peu-
pics. Tout étranger qui vient aujounfhui pour se fixer
parmi eux a le choix entre deux partis : ou d'entrer
dans la communauté dont je viens de parler , ou de se
traiter lui-même àses frais, comme on le ferait en Europe. •
Celui qui ne possède rien^ comme sont quelques matelots
odiappés des navires ou des naufrages ,«nè peut qu^em-
brasser le premier ; il y gagne tout ce qull reçoit, mène
une vie vagabonde, pèle-méle avec les naturels, sefaisant
leur valet ^ adoptant leurs mœurs ^ leurs usages^ parta-
geant avec eux la nourriture et la faim, le bien et la mi-
sère. Pour celui qui. a des ressources, il peut se loger
et vivre à ses dqpent, comme font ks flM&istres protestants
et quelques industriels qui yieaiMBt . eipteilçr. le tom-
mery de ces îles. Mgr PomfwHier adopta on syslèait
mille, q«e MgrBataiUoi a dà snîvre jnqu'à ce jour; ot
mojtû tmne oonaisle à fure des cadeMx à «pwlqvai
chdb, pour en dbdOÊir àmpromeêêÊê de biamsîHaÉoeeA
deseoouni, MàreBHiMleaMiMOBiaîfiisàkurdîscpé«
tion peu* la juntrrilfin et lekigaaieic GdbmiÉat'lMi .
siiipleoieM $m son des mateieis dMt j'ti parié , smC
tomefois Fadoptios dee fommn ixxnrntàpêu é%tmvmffou
Tette est éomt la poêttku oè mu3 9om tfèamtti «Miel^
lemeot daas rOoéame centrale, poniion wiStitdfêom
s'est vu hû* Aéne dans sa Missioit de WaUis jttsqv*^ ^«
coasécntioa épsonpoile* Dqpnb fers, gricei la farts»
de ses nouveaux chrétien^ ta aux aeoours rtmaê d^fin*
rspe, le sort du prélat ei des snieta'qBisiBC ateo isà
a tsuc-à-faii dmoyé» Mais , dans les autres Uns , sen»
èoanmHiaRKi avec les indigènes mus net dus on ^tat
de aoafitmoe et d'asservissement que je ni» essayer.
28. ^ ,
Digitized by VjOOQ IC
4S8
de TOUS bire connaître , et s^oquel la c<mvem<m (k
ces peuples n'apporterait même pas un ^lier remède.
« Je 4ois constater d'abord, que Messeigneurs Pom-
pallier et Bataillon n'ont pu suivre, dans les commence
ments^ une autre ligne de conduite. La crainte de laire
passer fes Missionnaires pour des industriels, l'absencf
de renseignements exactà sur le caractère intime de ces
peuples, le défaut.de ressources suffisantes, la difficulû
des communications, que sais-je 1 mille raisons ont force
la main aux deux prélats. Mais nous voyons maintenaBt
la possibilité de changer cet état de choses, et c'est un
bonheur , car sans une amélioratioji notable nos Mis-
sions ne seraient pas possibles. Vous en jugerez, mon
Père, par ce que je vais dire.
« Quelque bienveillants que vous supposiez les ioso-
laires, voi<« même nos néophytes, ils ne croiront jamais
^voir nous traiter beaucoup mieux (pi'eux-màn^. 1'^
nous logent dans de petites cases, en conservant Tosar
d'y vemr passer une partie du jour et même de la tfA,
s'ils le \n%fsat à propos; c'est le genre du pays. Os ^'
tagt&l avec nous le peu de nourritare qn'ils peatesc
tfoir; bien eateodaque nous leur rendons la pareiU^t
fmid MM poavoM nous en procurer^ soit à bord des
navires, «oit par le travail de nos nsains. Pour eux> qa^
ils wuKfMBt de vivres, oe qui arrive au noms la Vi»
ût du temps, ils prennent le parti de courir kf ^
à la recherche des fruits et des plantes sauvages, C'
Moi partout, vivait de rapines et de kava, jeAnantê^
vent phuieurs jours de suite ,* se coacbant pour iasi>s
aentir la Cum, et ne se rdevant que pour se livrer i de
nonvelies investigations. Rien de pins commua ici qa«
de renc(»trer des bandes d'affisunés, rêdant et fiff<^^
pour nronver um pâture. Si l'un de nos néophytes bo«s
Digitized by LjOOQ IC
429
envoie quelques ignames , le panier est ordinairement
suivi d'une troupe dMnsuIagres , et chacun convoite sa
part des vivres. Même scène si Ton dit cuire à la maison.
11 faut en faire immédiatement la distribution aux visi-
teurs, sous peine de perdre les sympathies en violant la
coutume du pays ; heureux quand nous pouvons sauver
notre peiitmorceau.
« Vous comprenez, montrés-révérend Père, quel dé-
périssement doit en résulter pour des honmies dont la
vie est aussi laborieuse que la nôtre. Rien ne servirait
de rappeler leurs promesses à ceux qui, par un contrat
formel, ont pris avec Mgr le Vicaire apostolique l'enga-
gement de nous nourrir et qui en ont reçu le payement
d'avance ; nous aurions fort mauvaise grâce ; je vous en
dirai là raison tont-à-l'heure. D'ailleurs , ils sont aussi
aSamés que les autres, et, sur ce point, je ne fais pas
Qne seulQ exception , depuis le roi le plus puissant jus-
qu'au dernier de ses sujets. Cet état m'inspirait dans le
principe la plus grande pitié ]pour ce peuple , mais JQ
n'ai pas tardé à m'y accoutumer, par la pensée que c'est
son état habituel , une conséquence rigoureuse de cette
hospitalité qui autorise chacun à compter sur les autres
pour vivre; C'est pour lui , il est vrai , une déception
continuelle, mais il' n'y fait pas attention. Ces sauvages
ae raisonnent pas : sans souci du lendemain*, ils n'ont
pas même la conscience de leiir misère actuelle ; aussi
n'en sont-ils ni tristes, ni abattus, comme vous pourriez
vous le figurer, et, malgré tant de souffrances, ils ne lais-
sent pas d'organiser très-souvent des fêtes , des chants ,
des danses^ des orgies incroyables.
« Et maintenant, voyfez, mon très-révérend Pè?c , si
l'cmt peut apprécia* l'esprit de ces gens-éitfi^s nos
idées d'Eurqte. Les cbefs qui passât pour chargés do
Digitized
byGoogk
430
^in de notre existence , bien que nous n^en receviom
presque aoeun secours^ ne. s'en considèrent pas mm
comme dos nourriciers, et ne cessent de nous demander
àce titre tantAt unechose^ tantêt ime antre. Yo» cro]^
sans doHte qn'ils y nettent de la manvaise vcdonté? il
n'en est rien. D'après l'asage dn pays, tont étranger qui
se place sous la protection d*on kanacl^aitre par là dus
la condition des indigène^ c'est-à-dire qu'il met à la dé-
position de ce chef son avoir et sa personne, pour en r^
cevoir en échange la liberté de vivre comme les antres,
je veux dire comme il pourra. On a beau proposer ao
naturels des conditions intermédiairesentre les systèmes
de communauté et d'indépendance :ilsles acceptent sam
y comprendre grand'cbose, et ils en reviennent tonjoun
à leur routine. Jugez par là comment doivent s'entendre
un évéque et des diefe , traitant ememble, l'ila avec ses
idées d'Européen, les autresavec leurs idées de SMivsg^
On n'en tombe que plus vite d'accord, et chaque parti
*se retire avec la conviction d'avoir fait un bon marché.
En attendant^ nous sommes les victimes,et nous ne pour
rions nous en prendre à nos débiteurs qu'en ré-
formant d'abord leurs notions primitives sur le modéte
des nôtres „ ce qui nous est impossible.
« De là tant d'exigences que les chefs font peser sor
nous comme une dette. Ce que nous ne pouvons leif
donner, il faut au moins le leur prêter ; ainsi nos ustei-
siles de cuisine , nos scies, nos haches, nos instrumes^
aratoires^ circulent sans cesse entre leurs mains, et no»
reviennent rarement intacts, Nos malles sont pour «ff
un objet de convoitise continuelle ; k leurs yeux » eH^
renfermenr des trésers tnépuî»!iles^ et réeHement elto
•ont portr le pays uki Tîcbe moMHer. Il sersh împwto'
de les ouvrir en lenr présence , non que nous ayotf *
Digitized
byGoogk
«1
craiodre des vols à force ouverte, mais seulement des de*
mandes dont Je refus nous compromettrait; nous viole-
rions, diraient-ils, les lois delà communauté > en vertu
desquelles ils ont droit d^appcller Zeur tout ce qui est à
nous, nous permettant en retour d'appeler nôtre ce qui est
à eux; et vous savez qu'ils n*ont presque rien. Ce sont,
de leur part^ de fréquentes questions pour savoir si kur
navire n'arrivera pas bientôt ; vous comprenez qu'Us en
attendent de nouvelles largesses, qui toutefois ne seront
jamais grandes* Nous en sommes au point de craindre
plutôt que de désirer l'arrivée de ce bâtiment, dans la
certitude qu'il nous apportera peu de chose^ et que nous
ne pourrons contenter leur incroyable cupidité* Quand
je vins ici, l'année d^mière^ avec Mgr cPEnes, on s'ap*
perçut bien vite après son départ d'un refiroidisSement su*
bit, parce que l'attente générale n'avût pas été satisfaite.
Le Bucepkaky et deraiëremeM le Bhin^ ont fait aussi des
mécontents, qooiquje, dans l'iatérét de la Mission^ ils sa
9M>ient montrés plus gévénsax ei plus cûmphisaais^ que
ne le fat jamais a«ciia navire. Au reste , es carac*
tère d'avidité est ptrtoitt le même en Oséanie»
« Les |>ré4eBlions de ces hommes iiiq>érletti ne se bor-
neat pas à l'usage de tout ce que nom avoas^lles ^'étea-
deai jusqu'à iiosperooass.U but que nos ibères «oient leurs
done^tiques, einousHnémes mus avons besMn cl^adresae
et d'én^gie, pour ne pa» news abaisser en leur fawur è
des fonoions indignes de noire ministère. Ne croyez pas»
an reste, qv'M nous sacke gréde Mtre complaisaaoe et
de nos«&acrîficea : on neoi exf^oîie comme on fait ei
France les bêles de^onan w les m^Ms* Cela est froisr
sam penr nos iâém^ mA ^«ai dans l'prdra natorel^iei
leurs. Oui, soyez s&r que nous ne sommes pas, awi yeus
des chefe et même d'tme grande partie du peuple, ce que
sont des nègres esclaves aux yeux de leurs mahres ; nous
Digitized
byGoogk
452 .
sommes à peine pour eux ce qu'estim boeuf pour un me-
tdyer , et «haque jour nous .en acquérons de nouvelles
preuves. Je ne dis ceci qu^à vous, mon Pére^ non poter
m*en plaindre, ni pour refroidir tes entrailles de voire
charité envers nojs pauvres sauvages.' Je sais d'avance que
plus ils sont aveugles , plus ils exciteront votre pi^é,
aussi bien que la nôtre. Mais je vous le dis parce qae
•vous l'avez exigé et' qu'il vous importe de le savoir ,
dans Tintérét de vos enfants et pour le succès de leur
Mission.
« J'ajoute que les services et les dons ne sont pour
eux que des titres h de nouvelles exigences, et que le plus
léger refus bit oublier soudain toute espèce d'obligation,
provoque les menaces et les plus durs reproches. Le
P. Chevron s'est vu sur le point d'être chassé, avec le
P. Grange, de la misérable case qu'ils habitaient, pour
nvoir prié un chef d'agréer ses excuses de ce que le
F. Attale ne pouvait aller lui faire' la barbe chez lui. Plus
d'une fois il a fallu à ce confrère toute la prudence er
toute la force d'un ApAtre pour empédier ce même chef
de gouverner la Mission à son gré. Et cependant , c'est
Fnn de nos zélés et fervents néophytes , assistant cliaque
jonr à la messe et à la prière^ souvent agenouillé au tri-
btinal de la pénitence. Si un tel néophyte^ que J'appelle
zélé et fervent, vous fait pitié , jc'est que , je le répète,
vons le juges d'après vos idées d'Europe ; mais , placé
au point de vue de Tonga, vous béniriez avec nous la di<
vine Providence du diangettent que la grâce a dû opérer
dans cet bomti^e^ puisque, au lieo de faire assonmier sar
le champ celai qui ose loi dire de légères observa-
tions, il se contente d'entrer contre lai dans des aecès
de colère.
« Puisque j'en suis aux effets de la grlce , ajôutoos ,
Digitized by VjOOQ IC
433
pour vous distraire un peu dece sombre tableau, que ce
caractère égoïste et féroce d^ nos insulaires^ quelque gé*
néral qu^il soit, commence cependant à offrir des excep-
tions parmi nos néophytes, ^usieurs prennent déjà un
soin plus vigilant de leur faoïille, travaillent davantage,
ont pour nous des égards, nous aident à vivre selon leurs
moyens, et surtout forment par leur conduite un contraste
bien frappant avec la vie qu'ils menaient dans le paga-
nisme. Vous apprécierez d'autant plus ce progrès qu'ils
sont obligés de lutter contre Topinion, et que le surcroit
. de travail qu'ils s'imposent n'allège pas leur position pri-
mitive, l'hospitalité s'opposant comme un mur d'airain
à toute espèce d'amélioration individuelle. 11 y a bien des
courages, même en France, qui faibliraient devant de tels
obstacles. Toutefois ces bons néophytes s'affermissent, et
leur nombre augmente peuà peu. llenest dont la ferveur
pourrait être comparée à celle d'une communauté reli-
gieuse , Vils n'avaient sans cesse besoin d'être soutenus
et encouragés* La Religion n'a pas encore jeté en eux
d'assez profondes racines pour qu'un changement de lo-
calité^ un voyage avec des parents payens, un séjour pro-
longé parmi les hérétiques^ et bien d'autres causes sem-
blables ne puissent ébranler leur foi et affaiblir leur piété.
€ Povr en revenir à mon sujet, lorsque j'arrivai dans
ces régions , je trouvai nos confrères exténués sous ce
régime de communauté, et Mgr d'Enos, plus qu'aucun
auure , en a ressenti les ineonvénients , an point de s'être
trouvé dans la nécessité, m'a-t*il avoué confidentiellement^
de prier le roi de Watlis de lui permettre du moins de
manger avec ses porcs. Pour obvier autant qu'il était en
lui à cette désastreuse position , le Prélat nous a fait venir
d'Amérique quelques vivres; mais comme ils étaient de-'
puis bientôt dix-huit mois à bord , et qu'ils avaient subi
Digitized
byGoogk
434
tfes avaries, il â fiiUu se hâter cPttiYoirlafin. Lors même
4a^ls eussent été frais , comment en aurions-nous oon>
^ené la moindre part avec des faméliques qui se pres-
saient autour de nous pour%avoir à manger ; et les affamés
ici, ne perdez pas œla de vue, c^est tout le monde ^ de-
puis le plus grand des rois jusqu'au dernier du peuple.
« n nous reste la culture de la terre : mais outre qu'il
nous faudrait des bras et des instruments que nous n'avons
point , jles missionnaires ne peuvent s'appliquer à ces
travaux sans déchoir encore dans l'opinion publique.
D'ailleurs , nous ne pourrions* pas en même téknps cultiver
la terre et nous dévouer à la Mission. Quant à nos deux
frères , l'un est usé par de longues souffrances; les du-
lades qu'il faut traiter ou visiter, ceux qui vienneiU ou
qu'on apporte de tous les coins de i'ile, absorbent à peu
près tout son temps. L'autre^ le frère Reynaud^ a bien
entrepris ime plantation , mais c'est lin rude travail qœ
celui de défricher la terre , avec la fiiim, sous le soleil
des tropiques. 11 a néanmoins obtenu quelques ignames
qui nous ont fait grand plaisir. Par malheur ^ il y a perdu
4« qui lui restait de forces et de santé. El puis, encore une
M& , sous Tempire *de la loi commune^ ne £aut-il pas
que tout le monde ait part aux fruits- de sa peine? En
France , on dirait : « Vjoiià im firère qui s'exténue pour
« entretenir des hooMnes que nous devrions nonrrir
• nons-smàmeSypnisqn'ils nous rendent desservices inap-
« préekblet; an BMMna , aaubigeons-ie en l'aidant. >
Ici ce n'est plus cda 9 on cfit : «YoMàvB frère qui m-
« vayiebea«cottppMrcultîveritMifaaBies;tantaûeix,
«. nousenmangeriu. »
« Qn'im uâ langage voaspotaiMe étrange, je le oqo-
^oi% ; vous tes baKtné aux sentimenu générenx. bis
parmi ces peuples sauvages , les qualités du cœur sont à
Digitized
byGoogk
436
peu près inconnues ; pour eux les émotions morales «e
sont 9 le plus souTont , qu*nne affaire d^nsage ou de con-
vention. Ainsi, pour en citer un exemple entre mitie:
dans les funérailles (je parte des païens) il y a un Keu
ixé pour pleurer; on s^y rend comme à un festin. Ce sont
alors des cris , des vociférations , des hurlements à
ân*attler les astres»; on se frappe , on se déchire le corps ,
on s'ampute les doigts ; et soudain , le temps précis des
. larmes étant écoulé, on passe à des transports^ à des
danses , à des repas où Ton réunit tous les vînmes d^m
quartier,et où accourent tous les affamés du pays. La fête
se prolonge ou se réitère suivant la dignité du mort. Tou-
bliaisde tous dire que celui-ci , quelquesjours avant son
décès, est placé hors de sa case , sur la natte destinée à
Tensevelir, et qu'il voit faire sous ses yeux tous les ap-
. prêts de ses obsèques , je veux dire les préparatifs des
réjouissances qui suivront immédiatement sa sépulture.
•
« Je vous en ai peut-être assez dit» mon très-révé«
rend Père , pour vous donner un aperçu des peuples que
nous évangélisons, et vous (aire apprécier le vice d'ime
situation qui nous frappe dans nos vies, dans nôtre* di-
gnité et dans notre ministère. Si vous me demandez main-
tenant en qm ce système pourrait être modifié , ou quel
. régime on pourrait Itii substituer avec avantage , je vous
soumettrai mes idées à ee sujet, après avoir pris Tavis de
mesconfirères, qui sont plus anciens que moi dans ces
lies.
c Quoi qu'on ftssepour remédier aux défeuts du prb-
âpe-de communaùcé , il sera toujours un gouffre où vien-
dront s'engloiitir les ressources de h mission, et il ne
tfous lawsert jamais que la perspective d'uncp extrême
misère; car cesyaftme , étant constiiné comme il Tesi ,
oe pe« siAvenîr à nos besoins qn^après avoir préalable*
Digitized
byGoogk
436
ment pourvu à ceux des peuples , ce qui sera toujours
impossible. U faut donc y i^noncer^ sauf à conserver avec
\e% naturek les relations , non-seulement de ministère ,
mais encore de dévouement à leurs intérêts temporels.
C'est , du reste , ce que uoujs faisons tous les jours ; il
n'y a rien à innover sous ce rapport*
« Il faut ensuite entrer dans la voie .des échanges avec
les indigènes pour nous procurer des comestibles. Vous
allez peut-être croire que pour en venir là , des fonds
énormes seraient nécessaires , d'après ce que je vous ai
dit de la rareté des vivres ; pas du tout. Sous Tempire
de la communauté, il semblerait naturel que celtii qui
n'a rien donné ne reçût rien ; ici on ne fait jamais ce
raisonnement. Aussi , ceux qui en trouvent l'occasion ,
vendent-ils jusqu'à leur dernière îgname^saciant d'avance
qu'ils n'en seront pas moins admis à partager la récolte
de leur'voisin. Les navirçs qui viennent se ravitailler
dans ces parages, trouvent ordinairement plus qu'ils ne
veulent acheier, et les Européens qui vivent ici à leur
frais , ont toujours plus à faire pour renvoyer les pour-
voyeurs que pour les attirer. Le tout est d'avoir des ob-
jets d'échi^ige, l'argent n'ayant pas cours dans nos îFes.
Ces échanges se font à des conditions assez modérées ;
mais, dussions-nous acheter une et même deux fois au-
dessus du prix ordinaire , on pourrait encore nous
nourrir sans dépasser les somme» allouées par TŒuvre
4e la Propagation de la Foi.
« Quant aux établissements à fonder, c'est à peu près
la même chose. Les terres , du moins jusqu'à présent ,
ne se vendent pas ; les naturels ne comprennent rien aux
transactions où il s'agit d'immeubles* Mais les che(s, quî
sympathisent avec nous, nous céderaient volontiers les
terrains nécessaires, et, bien que le sol fût censé jraster
leur propriété, nous y ferions^in^piuiém^t' élever nos
Digitized
byGoogk
437
diverses consli*uctions à nos frais ; car il serait contraire a
tovtes les loi$ du pays de jamais nous en disputer la pos-
session. Les Européens ne suivent pas un antre sySlème.
« Sans doute , les ministres protestants et leurs adep-
tes ne manqueront pas de crier à la nouveauté , lors-
qu'ils nous verront opérer un tel changement dans nos
conditions d'existence; mais nous sommes si accoutumés
à les entendre crier pour des motifs îencore plus ab-
surdes, qu'ils ne faut pas s'inquiéter de leurs clameurs.
Quant à nos néophytes , il nous sera facile de lever
* tous les scrupules qui pourraient troubler? leur . cons-
cience à cet égard , et de leur faire comprendre que la
Religion n'a rien de commun avec la manière dont nous
nous procurons des vivres, qu'on peut modifier l'une
5a ns toucher à Tautre* D'un autre côté, ne craignez pas
que ce nouveau régime nous assimile aux ministres pro-
testants. Il y aura toujours entre eux et nous assez de
différence aux yeux des naturels; car, outre la dis-
tinction des doctrines, notis continuerons de nous dé-
vouer au soin des malades, de rendre à tous les ser-
vices qui dépendent de nous , de faire même les dons
que pourra nous permettre notre pauvreté > ce que les
ministres ne font jamais gratuitement.
« Vous voyez donc^ mon trèsrrévérend Père, qu'il
faut*prendre un parti et opérer au plus tôt une réforme
que vous jugerez , comme nous, absolument nécessaire.
Elle est possible , gr&ce aux secours que TOEvre de la
Propagation de la Foi daigne nous allouer ; elle est ur-
gente \ car outre que nos souffrances sont de nature h
user rapidement les hommes , notre mission n'a , dan»
le système actuel, d'autre perspective , après une exis-
tence précaire , qa*un avenir de privations et de dô-
oouragement.
Digitized by LjOOQ le
440
TEurope odnraient 'plas de ressources aa zèle c(u Mis-
sionnaîre. 11 me semble que que le spectacle de notre dé-
vouement , de nos sacrifices et de nos misères , ferait
sur elles une toute autre impression , qu'il ne fait sur dos
. pauvres insulaires. Un obstacle de plus à signaler , est
la conviction où sont les naturels , que nul peuple sons le
soleil ne les égale en noblesse, en puissance , en talents.
Lesétrangersquiseprésententavec l'appareil de la force,
comme font les commandants des bâtiments de guerre,
excitent encore leur admiration ; mais jamais dans leor
opinion ils ne les élèvent jusqu'à eux. Les'autres ne re-
cueillent que leur mépris, et nous-mêmes ne sonmies à
leurs yeux que des misérables, venus dans leurs ile> pour,
chercher une existence que nous refusait , sans doute,
notre pays natal. Le ministère apostolique est trop an-
dessus de leur conception , pour qu'ils puissent de long-
temps en apprécier les motifs. Notre pauvreté volontaire
est pour eux unechiptière et un scandale ; et les ministres
protestants , entourés du prestige de l'opulence , né man-
quent pas de les affermir dans ce sentiment. Ajoutex i
tant d'entraves toutes les passions fomentées par Tido-
latrie; ajoutez beaucoup d'autres oppositions locales,
que les bornes d'une lettre ne me permettent pasd'effleo-
rer , et vous aurez une idée des travaux préliminaires
qui sont notre partage , pour disposer ces peuples à
entendre parler de religion.
€ 11 est temps , mon Père , de finir cette 4ettre que
vous trouverez bien longue , quoiqu'elle ne dise pas
tout. En la lisant avec quelque attention , vous y re^
marquerez sans doute des contradictons frappantes. Je
les ai senties moinnème , et elles sont d^ deux sortes ;
les unes seulement apparentes , .et les autres réelles. Je
n'aurais pu faire disparaître les premières qu'à l'aide
«Texplications , qui auraient trop chargé mon texte. Les
Digitized by LjOOQ IC
441
autres doivent être attribuées aux anomalies de I^esprit
humain , elles ont principalement rapport aux peintu-
res que j*ai tracées du caractère de ces peuples. S'il se
trouve des inconséquences dans le caractère des nations
civilisées, dont les idées sont censées avoir plus de recti-
tude ^ à plus forte raison doit- on s'attendre à en ren-
contrer dans le génie inculte de nos sauvages.
« Notre consolation et notre espérance , dans l'iso-
lement absolu où nous sommes , est que vous éleyez
pour nouai vos mains vers le Seigneur.Priez et faites prier
nos confi ères , ainsi que les personnes pieuses. Que le
bon Dieu soutienne notre courage et fasse de nous des
hommes selon son cœur ! que Marie nous bénisse et nous
couvre de sa protection i nous sommes en voie d'acqué-
I ir bien des mérites « si nous avons assez de vertu pour
sanctifier nos peines I Priez aussi pour nos pauvres et
bien aimés sauvages ; plus ils sont aveugles , plus ils
ont besoin qu'on dilate pour eux des entrailles de ten-
dresse. 11 y en a déjà beaucoup au del,qui se souviennent
de nous et de leurs frèes devant le trône de Dieu. Un
plus grand nombre se félicite près de nous d'avoir enfin
ouvert les yeux à la lumière , et nous avons la confiance
que de grandes miséricordes sont réservées pour les au-
tres, dans les trésors secrets de la divine Providence.Puis-
sions-nous être dignes de leur en ouvrir la source, et de
recevoir pour nous-mêmes la part , dont nous avons un
si pressant besoin ! C'est en exprimant ces vœux que je
vous supplie , mon très-révérend Père , de daigner nous,
bénir tous.
• Calibkiiv, s. m. ^
TOM. xviii. 108. 29
Digitized
byGoogk
442
MISSIONS DU CANADA.
Lettre du R. P. Auhert , Missionnaire Oblat de Marie
Immaculée , à son frère. Missionnaire de la même
Société.
Si. Boniface , Rivière Roufe » le 26 août 1S45
« Mon bien cher FRèRe ,
« Jeté par la Providence à huit cents lieues de Moat-
réal , au milieu des tribus sauvages de rAnoérique di
Nord ^ je vais vous faire connaître en peu de mots ta
nouvelle contrée que j'babite,et vous tracer one esquisse
de mon dernier voyage.
« Le 25 juin , nous partîmes du petit village de La*
chine , à trois lieues de Montréal. Notre embarcation
était un canot d'écorce de bouleau. Nous devions « sur
cette Irugiie nacelle , vivre pendant deux mois, et par-
courir d'immenses pays , presque partout inhabités.
Quatre Canadiens et deux Iroquois formaient notre équi-
page; les passagers éuient le Père Taché et moi. Nour
Digitized
byGoogk
441
•mportioub avec aous des prQvi&ioBS de bouche pour ce
long trajet , quelques pièces de loile et des couvei-
lures de laine qui devaient nous servir de lit ; nos ra-
meurs y avaient- ajouté des fusils , des munitions de
chasse et des lignes pour la pécke.
« Le voyage en canot est de tous les noyeii^ de
transport le plus commun et le moins pénible* Un ca-
not d'écorce, long de vingt pieds , large de quatre , sur
deux de profondeur , porte dix voyageurs et leur ha*
gage ; il flotte sur les moindres ruisseaux , et traverse
les lacs les plus étendus. Six rameurs font sans peine
vingt lieues par jour , et Ton ne s'aperçoit du mouve-
ment qu'ils lui impriment, qu'aux objets qui semblent
fuir sur la rive. Puis, quand la navigation devient im-
possible j deux hommes chargent aisément Tesquif sur
leurs épaules.
« n y a bien aussi quelques désagréments. Le soir
venu , on ne trouve pour logement qu'une tente dressée
i la hâte sur la rive , et pour lit que la terre. 11 ne faut
demander i ces contrées sauvages ni des hAtelleriei
eonune en Europe , ni Thospitalité des maisons religieu*
ses. Je ne vous dirai rien des repas : le Missionnaire
n*a pas à se plaindre de cet apprentissage de la vie
des forêts , quand il doit passer la sienne avec des sau-
vages. Je n'ajouterai rien non plus sur les dangers de
la navigation ; notre confiance était plus encore dans
TEtoile des mers que dans la force et Thabileté de nos
rameurs.
« La vie du canot n'est pas entièrement monotone t
on peut y lire et même y écrire à son uise. Les paysages
les plus pittoresques se succèdeoJt sous les regards; le
diantdes rameurs anime la solitude. Nous mêmes, noue
29.
Digitized
byGoogk
444
diantions souvent qiielqaes-uns des cantiques de France ;
c'était un délassement , et une source de pieuses pen-
sées que nous communiquions à nos matelots. Là ne se
bornaient pas les exercices religieux de l'équipage ;
outre la prière commune sous ia tente improvisée <k
diaque soir , nous récitions ensemble sur la barque le
Gbapelet,et nous faisions une pieuse lecture. Le dimao-
che , dans la solitude des forêts , était aussi pour noQ&
le jour du Seigneur. Une tente mieux parée que de cou-
tnme devenait Téglise du Dieu vivant ; on y élevait un
autel sur des troncs d'arbres couchés près du rivage ;
des fleurs sauvages Tornaient de leurs couleui*s,et repas
daient tout .autour leurs parfums. Là descendait la vic-
time qui partout s'immole pour le salut du monde; là
s'accomplissait d'ime manière touchante la parole di
Prophète : q^t du couchant à Vaurore on offre d Dieu
une ohlation pure et sans tache.
€ La solitude jette une même empreinte sur tous les
pays que nous avons parcourus. Le bruit des rames, le
sifflement des écureuils et le cri des oiseaux parviennent
seuls à l'oreille. Des arbres , des rochers et des eaux ,
c'est là tout ce que l'œil aperçoit. A peine trouve-t^»
çà et là des traces de l'homme , quelques postes de b
Compagnie de la Baie d'Hudson » et des huttes de sao-
vages , écheloimées à de grandes distances sur les bords
des lacs et des rivières.
« Nous avons traversé d'abord le; lac de St^^Lomsti
celui des Deux Montagnes , auprès duquel les Solpî-
ciensontune Mission pourles Iroquois et les Âlgon-
quins. On remonte ensuite l'Ottawa et le Mattawan , on
deses affluents qui coule de l'ouest à l'est. Sur le cours
abondant et limpide de l'Ottawa , la grande rivière , se
trouvent Bytown avec nne maison de notre ordre, et de
Digitized
byGoogk
446
nombreux cfaauUers visités par nos Pères. Au delà, il est
souvent nécessaire de transporter le canot d'une riviire
à l'autre ; mais ces portages ont peu d'étendue ; on en
compte , jusqu'à la Rivière Rouge , quatre-vingt qui
comprennent à peine , tous ensemble, la distance de dix
lieues.
« La rivière des Vases , que l'on prend sur le ver-
sant opposé au bassin du Matta^van , est d'abord si
étroite qu'à peine la barque peut y passer. Elle va s'é-
lai^issant peu à peu jusqu'au lac Nipissing où elle a son
embouchure. Ce lac , dont nous avons traversé une
partie considérable , est très-dangereux , parce que les
eaux y sont basses et que le moindre vent y soulève des
vagues. Des croix plantées sur des tombeaux , dans une
presqu'île que l'on touche en passant, avertissent du pé-
ril l'imprudent voyageur. Ce n'est pas là seulement que
que nous avons rencontré de ces monuments funèbres ;
ils se montrent encore auprès de quelques rapides, où
ils protègent les débris de plus d'un naufrage.
« Le lac Nipissing s'écoule par la rivière des Fran-
çais dans le lac Huron , un des plus remarquables de
l'Amérique par sa grandeur , la limpidité de ses eaux
et la multitude de ses lies. La stérilité de ses rives ,
fait éprouver à l'œil on pénible contraste. Les arbres y
croissent à peine et n'ont , pour nourrir leurs nctnes ,
qu' une terre maigre et sans profondeur ; c'est une végé-
tation pauvre sur des oôtes rocailleuses : on ne découvre
nulle part , si ce n'est à l'embouchure des rivières , cas
vallées ou ces prairies dont l'herbe épaisse et verdoyante
sinnonce un sol fertile. Par compensation, tous ces lacs
oflrent une pèche abondante.
« Le saut Sif .-Marie éublit une communioatioa entre te
lac Huron et le lac Supérieur, le plus grand de Tuniveri,
Digitized
byGoogk
44S
puisqu'il égale plusieurs mers ea étendue. Nous en
avetn côtoyé ia partie septentrionale sur une longueer
49 160 lieues, que Ton traverse en buit jours, quand 1^
temps est cakne.
« Après avoir remonlé la Taminîstîquia , que plH-
sieurs géographes regardent comme la plus haute source
du Sî.-Laurent , on arrive ainsi sur un plateau de mé-
diocre étendue , qui sépare le Canada du territoire de la
Baie d'Hudson. A partir de ce point , les eaux coulesc
vers Touest et forment différents bassins^depuis la rivière
de la Savane jusqu'au lac Winipeg , qui a près de œflt
lieues de longueur.
« C'est là que se décharge la Rivière Rouge , sur tes
bords de laquelle est bâti le village de St.-Boniface ,
résidence de Mgr Provenchère , Evêque de Juliopoliset
Vicaire apostolique de la Baie d'Hudson. Là devaii aussi
lie terminer notre longue et aventureuse navigation.
« L'accueil bienveillant du Prélat nous a fait oublier
bientôt les fatigues de la traversée. La beauté du pays ,
rhetireux naturel de nos sauvages , tout a contribué à
rendre heiureuses les premières impressions qui noos
nem venues de notre nouvelle patrie.
« Les Indiens , que nous devons évangéliser , co»-
mencent à se montrer à mesure qu'on avance vers le
lac Supérieur ; m^ rarement encore en tronve-i^nite
Membreuses femitles. Ils ne viennent par bande qn^a»
4Wers postes de la Compagnie tle la Baie d'Hadton » oi
^fM'étdvangeflfi les protluitsde leur diasseeontre lettMcu
((ttl setvenf à leur iftage.
« En général , ils sont peu soucieux du lenflemaîn ;
tien qu'ils ne eonnaissetft poîm quel livre renferine la
itaimf^4 i^aquef^ikptMpàmj ils^vait par
Digitized by LjOOQ IC
447
raitement la mettre en pr ajdqae dans un ^ns matériel.
Ils n*ont pas même Tidée de faire provision de vivres
pour quelque temps ; aussi quand la chasse et la pèche
viennent à manquer , se trouveraient-ils dans la plus
$;rande détresse , s'ils étaient délicats sur le choix de
leur nourriture. Leur maison est une cabane de forme
conique, qu'ils couvrent avec l'écorce du bouleau. Ils
ont pour vêtement une espèce de capote qui varie selon
les lieux et les goûts. Leurs rapports avec les Blancs
les portent à imiter leur manière de se vêtir. Mais ce
qui est digne de remarque, c'est que dans leur costume,
les hommes et les femmes surtout , ont une attention
particulière à ne jamais blesser les lois de la pudeur.
Les sauvages qui appartiennent au vaste district de Mgr
de Julîopolis^ paraissent plus intelligents que ceux du
Canada et sont , je suppose , plus susceptibles d'être
instruits et civilisés.
« Notre arrivée a fait ici une grande impression ;
on nous regarde comme des personnages extraordinai-
res. Les Sauteux^ tribu qui habite aux environs du lac
Winipeg , savent déjà que des roheê noires viennent
d*au delà du Grand Lac ( c'est ainsi qu'ils appellent
rOcéan) , leur enseigner la prière du grand Esprit. Ils
désirent ardemment de nous voir , et plusieurs ont déjà
fait plus de dix lieues pour se procurer cette visite. On
vient de nous présenterun jeune homme de cette tribu,
la tété ornée de belles plumes , et le visage tout enin •
miné de vermillon. Il n'a pas paru trop intimidé. Après
nous avoir considérés avec aaention , il s'est approché
de nous, et montrant la croix de Missionnaire que nous
portons sur la poitrine, il a demandé si c'était là le Ma-
niUm (Dieu) ; on lui a répondu que c'était son fils
venu parmi les hommes pour les sauver. A mon tour
Digitized
byGoogk
448
je me suis informé s'il était de la prière (la Religion catho-
lique) , et sur sa réponse négative , je lui ai dit qve s'il
ne s'en mettait point , il ne verrait pas un jour le Grand
Esprit; il a répondu alors qu'il voulait y rét^fr.
« J'ai l'intime conviction qu'un nombre suffisant
d'ouvriers apostoliques dissiperaient bientôt ici les té-
nèbres de l'infidélité. Mais les quelques Missionnaires
qui partagent les travaux de Mgr de Juliopolis , ne peu-
vent se montrer à un poste sans se voir aussitôt forcés
de le quitter poiu* d'autres , oiileur présence estréda
mée. Il n'est pas de prêtre ici qui ne tasse au moins cioq
cents lieues par an. On est souvent obligé de revenir
au point du départ , et comme on ne peut parcourir ce>
contrées que dans la belle saison, la plus grande partie
du temps destiné à visiter les infidèles est prise par b
voyages. Vous voyez combien il est nécessaire qu'où
vienne à notre secours sous tous les rapports.
« Veuillez , mon trè>-cber frère , remercier Dieu de
ce que sa sollicitude a éloigné de nous tout accident ,
pendant cette lon^^ue course. Demandez lui pour nous U
grâce de répondre à notre sainte vocation , et de remplir
dignement le beau ministère qu'il nous a confié.
« Croyez moi » etc.
« PlfiRBE AuBEltT y
P, Mmionnaire , O» M. J, •
Digitized
byGoogk
449
Lettre du P. LaverUchêire , Missionnaire Oblat de
Marie Immaculée^ au R. P. Bellon^ de la même
Société,
LoDgueil, 22 septembre 18i3.
« Mon RÉTéRBND Pbr£ ,
« Vous savez déjà que , Tannée dernière , je fus
chargé de porter la parole du salut aux sauvages de
rOttawa. Cette année , c'est encore sur moi qu'a pesé
ce redoutable et précieux ministère. J'ai eu pour com
pagnon le Père Garin » qui, bien que peu familier avec
la langue indienne , a beaucoup contribué à alléger le
poids de mes fatigues.
« Le 6 mai , après avoir eu le bonheur d'offrir , tous
les deux , l'auguste sacrifice , et nous être mis sous la
protection de Marie Immaculée, nous partîmes de Mont-
réal poiur aller équiper un canot , au lac des deux Hou-
uignes. Noos avions avec nous sept hommes pour le
conduire , quatre Iroquois , deux Algonquins et un Ca-
radien. Cette diversité d'origine faisait de notre léger
esquif une petite Babel ; on ne s'y entendait pas. Le
aoir , quand nous avions pris notre modeste repas , ei
le matin avant de nous mettre en route , nous notis di-
viaions en trois bandes pour louer , chacun dans notre
Uttfw, ^Diiu des naêions.
Digitized
byGoogk
440
« En remonlant l'Oliawa , nous apprîmes que plu-
sieurs jeunes caDadiens s'étaient noyés dans cette rivière,
qu'ils traversaient sur des radeaux. Grand nombre de
chasseurs, à qui nous racontâmes cet accident» en con-
çurent une impression salutaire , et plusieurs demandè-
rent à se confesser. Le cours de TOitawa était si rapide
que nos sept rameurs eurent une peine incroyable à at-
teindre le fort desPetttes^ allumeUs, où nous arrivâmes
le 33 mai. C'était le premier poste que je devais évan-
géliser.
m Je ne sais quel noir pressentiment s'emparait de
moi, à l'approche de cette station, qui pourtant m'était
bien chère. Le bruit avait couru que la mort y avait
exercé ses ravages, l'hiver dernier ; j'en eus bientôt la
triste preuve sous les yeux* A peine débarqué , je vis
venir à moi une quinzaine de femmes , tenant au bi^s
des enfants encore en bas âge : « Nos maris sont par
« tis , me dirent-eiles toutes ensemble ! — Où sont-ils
• donc allés , mes enfants , leur demandai -je ? — Là
• haut , je pense, me répondit l'une d'elles , jetant ven>
• le ciel un regard plein de larmes; puis, elle ajouta :
• Oh I si tu savais , mon Père , combien j'étais triste
« cet hiver dans le bois , lorsqu'il a été visité par la
« mort , mon mari I « Je ne verrai donc plus la r^b*
« notre I plaise à Dieu que je la revoie , pour qu'dfe
• me purifie de mes péchés ! » C'était ainsi qu'il disiitt
« mon mari. » Plusieurs autres me répétèrent la oitoie
plainte, avec un acœnl qui me déchirait lecoeur. L'an-
née dernière , en qmttant ces okers Indiens nous la^-
«tons bien quelques maladûs , huhs nous n'aurions ja-
mais penf^é que la mort en dAt frappor on aussi i^rand
Mmbre. Trente^n , dans la force de Vàge , ost suc-
combé pendant l'hiver ; la plupart amiort ombrasse !•
Soctéié de Tempérance et vmûonc foft chrétitBiMMtf*
Digitized by LjOOQ IC
461
« J*avais déjà tellement pris en affeciien ee tronpeâM
désolé , que je ne le quittai qu'à regret. Tandis que nos
rameurs chargeaient le canot , et que tous mes cfaern
enfants étaient là, tristes et silencieux , une femme s'if-
procfae de moi d'nn air mystérieux et me dit : € Remc
mittin keko nassa , je veux te donner quelque ekoee ,
mon f ère. » En même temps elle me présente une petite
cassette de sucre d*érable , en ajoutant : « Quand le
« sucre a coulé de Farbre, j'ai pensé à toi , et j'ai dit:
« Voilà ce que je donnerai à notre père , la robe noire ,
« lorsqu'il \iendra nous instruire de la sainte prière du
« Grand Esprit. » J'aurais foit une peine extrême à
cette bonne femme , en révisant son laodeste présent ;
car c'est de tout son cœur que le sauvage donne.
« A trente lieues du poste, nous rencontrâmes une
huitaine de familles qui venaient à la Mission. Je fus
d^c obligé , pour dédommager ces braves gens , de
m'arrêter deux jours au milieu de leurs tentes. Je les
^confessai tous , et après leur avoir dit la sainte Messe .
où quelques-uns communièrent , nous nous remîmes en
route.
« Quinze lieues plus loin , au passage d'un rapide
appelé V Eveillé , nous attendait une terrible épreuve.
Arrivés au pied de cette chute , qui peut avoir trois mij-
les de loaguenr , nous déposâmes à terre la moitié 4^
notre charge pour remonter plus aisément , et je restai
là pendant que le P. Garin franchissait le premier ce
mauvais pas. Nos hommes , après l'avoir transporté à
[*autre extrémité du rapide , devaient venir me prendre
à mon tour , et avec moi le reste de nos effets. Trois
heures s'étaient déjà écoulées , et je commençais & être
inquiet pour nos rameurs , quand tout à coup je tes ris
Digitized
byGoogk
462
venir à travers les bois , mouillés jusqu'aux os et pâtes
comme la mort. Ils me racontèrent en tremblant CDCore
Taccident qui leur était arrivé. Ils redescendaient vers
moi , et le canot , entraîné par le courant et pouiBsé par
un vent impétueux, voguait avec la rapidité de l'éclair,
quand il heurta contre un tronc d'arbre qui le brisa en
deux. Tous les hommes tombèrent dans Teau , et ce ne
fut qu'à grand' peine qu'ils gagnèrent le rivage. Deux
se seraient infailliblement noyés , si les autres , très-
habiles nageurs , ne leur eussent porté secours. Sans
prendre un instant de repos, ils retournèrent au fort des
ÀUumeitei , pour y acheter une nouvelle barque , qui
fût propre à continuer le périlleux voyage.
« Pour moi , j'éprouvais une peine extrême » en sou
géant à l'anxiété dans laquelle se trouvait le P. Garin.
JDemeuré seul en haut du rapide , à une lieue au*dessus
de nous, sur la rive opposée , sans feu , sans vivres, sans
savoir ce que nous étions devenus, et nous croyant tous
noyés , il dut passer une nuit affreuse. Il avait près d«
loi tous les bagages , et moi toutes les provisions. Ce fut
le lendemain soir seulement , qu'il trouva par hasard
un morceau de pain , que notre cuisinier avait jugé ù
propos de mettre dans un sac avec nos chaussures. Oh !
qu'une séparation de ce genre fait bien sentir ce que
vaut un frère et un ami î Le canot qui me transpona au
delà du fleuve, n'avait pas encore atteint le rivage, que
déjà nous étions dans les bras l'un de Tautre.
« Yoilàleseul accident remarquable que j'aie à vou^
signaler , mon révérend Père , bien que plus d'une fois
encore notre frêle barque ait failli périr et quelques-
uns de nos hommes se noyer. Pour les deux Hissionnai
^ » ils n'ont couru aucun danger imminent : Marie Im-
Digitized
byGoogk
463
maculée , leur auguste mère , veillaii sans cesse sur
leurs jours.
m De lè nous poursuivîmes notre route vers Ternis-
kaming , où nous arrivâmes heureusement le 11 juin.
Nous y étions attendus avec impatience. J'eus la conso-
lation d'apprendre que sur six cent vingt-cinq personnes
agrégées, Tannée dernière , à la Société de Tempérance,
une seule avait manqué à son engagement. Vingt-cinq
autres se sont empressées, sur notre invitation «d'en faire
partie.Cette tendance des sauvages vers la sobriété, vous
paraîtra d'autant plus admirable,que, depuis l'arrivée des
blancs parmi eux , l'ivrognerie a été leur passion do-
minante , la source de leurs malheurs.
« Il existe entre Temiskaming et le Grand Lac , une
famille dont chaque membre , le père et ses neuf fils ,
s'était rendu fameux par des excès de tout genre. C'était
la terreur de la contrée. Tous les ans il en venait quel-
ques-uns au poste durant la Mission ; mais jamais ils n'a-
vaient songea se faire insti-uire. Deux jours avant notre
départ de Temiskaming^ j'appris que le père était campé
à peu de distance. Je vais le trouver , et pensant au di-
vin Pasteur , qui recherchait avec tant d'ardeur et de
tendresse la brebis égarée, je l'aborde , je l'embrasse, je
lui parle de la bonté de Dieu et de sa justice , je lui mon-
tre l'image du Sauveur mort sur la croix pour notre
amour. Il parut tout étonné de ma démarche, et je crus
remarquer, sur cette vieille et hideuse figure, quelque
chose de moins repoussant, depuis que je lui parlais de
' ta miséricorde infinie de Dieu pour les coupables repen-
tants. Je le revis le même soir ; et le lendemain il vint
encore me trouver , me demanda si je partais déjà , si je
ne reviendrais pas l'année prochaine. Toutes ces ques-
tions , il me les adressait avec un accent qui attestait te
Digitized
byGoogk
4^
triomphe de la grâce , et me fiiisait biefi augurer de 80b
retour à la vertu.
« Nous quittâmes Temiskaming après seize* jours de
Wission. Plus de deux cents sauvages s'étaient confessés ;
un grand nombre avait participé à ia divine Eucharis-
tie , quelques-uns pour ia première fois ; quinze per-
sonnes ont reçu le bienfait de la régénération , et parmi
elles trois adultes , un homme et deux femmes^ dont
Tune nous édifia d'autant plus par sa ferveur,que sa con-
version s'était fait plus longtemps attendre. Tant qu'a
duré la cérémonie de fon baptême , elle n'a cessé de
verser des larmes , qui montraient la vivacité de sa foi
<^t de son repentir. Je la vis ensuite ; elle pleurait en-
core , mais c'était de joie. « Que j'étais malbeuretise ,
mon Père , me dit-elle , avant q^e le Grand Esprit
m'eût pr.se en pitié. Depuis le jour où la Robe fioire
me prévint qu'à moins d'un changement de vie , je
ne pourrais être comptée au nombre des chrétiens,
je n'ai paseu un moment de repos. Souvent , pendant
que je dormais , il me semblait que j'étais précipitée
dans le gouffre (l'enfer). Mors je m'éveillais tout ef-
frayée , et je promettais au Grand Esprit de faire tout
ce que m'avait conseillé la Robe noire : mais toujours
j'étais vaincue par lei/a/cAt-mant/ou (démon). La vue
des saintes graines de la prière (le chapelet), et surtout
la sainte figure de Marie (la médaille) que mes enfant^
portaient à leur cou , faisaient sur moi ime vive im-
pression. Depuis l'année dernière , j'habite avec mon
fils; tous les jours nous comptions ensemble les sain^
tes graines de la prière, cela me faisait du bien, et je
sentais de plus en plus augmenter en moi le désir du
baptême. Que l'année parut, longue! « Plût à Dieu
qu'elle vint vite la Robe noire , me disai&-je , elle m'ob-
Digitized
byGoogk
466
« (rendrait peui-élre miséricorde, » C'était la pcDsée de
« tons mes jours pendant ce triste hiver. Voici une leiirc
« de mon fils , il l'a écrite pour toi , avant de partir pour
€ Kithi'Kami (la baie d'Hudson). »
« J'ouvris aussitôt cette lettre et je lus ce qui suit :
• A toi mes saluts et mes pensées , mon Père la Roht
« notre. J'emporte im grand regret de Temiskaming,
« car tu vas y venir , et je ne te verrai pas, je ne pourrai
« pas aller t'ouvrir mon &me pour que tu la purifies. Que
« je suis malheureux. ! pense à moi , prends pitié de ma
« mère, elle a im si grand désir d'être baptisée, qu'elle
« vit déjà comme si elle était chrétienne. »
« Lorsque j'eus parcouru cette lettre, je demandai à
ma néophyte pourquoi elle ne me l'avait pas montrée plus
voi. «Je vais te le dire, reprit-elle. Quand mon fils t'écri-
« vait, il était désolé en songeant qu'il ne verrait point
• la Rohe noire , et moi je me disais : Je suis bien plus
« malheureuse, il est baptisé mon fils ! Je ne pensais pas
« à autre chose. Mais le bonheur rend la mémoire. Si tu
« rencontres mon fils à Abbitibbi , annonce-lui bien que
• sa mère était chrétieniie, quand elle t'a remis sa lettre.»
« De Temiskaming à Abbitibbi le trajet se fit en neuf
jours. Nous trouvâmes peu de sauvages à ce poste ; la
plupart des chasseurs étaient partis pour Moose , et les
i"emroes étaient allées tendre des filets à une certaine
distance, pour avoir de quoi se nourrir durant la Mission.
« La chrétienté d* Abbitibbi est encore peu nom-
tireuse , mais il serait difficile d'en trouver une plus
fervente. A toutes les heures de la nuit , j'entendais cet
pieux néophytes prier, chanter ou réciter ensemble le
chapelet.
« La privation de chapelle a été jnsqu'à présent m
Digitized by VjOOQIC
46«
ob&iacle à l'iDStruclion des Abbitibbites. Obligés de leur
taire le catéchisme en plein air , Tinconstance du climat
nous forçait, presque à chaque fois, de nous retirer dans
nos cabanes auss'iôt Fexercice commencé ; mais grâce à
la générosité de Thonorable sir Georges Simpson , goit- '
verneur de la Compagnie de la Baie d'Hudson^ on adéjf^
préparé le bois pour construire une église de trente
pieds sur vingt-cinq , qui pourra , je Tespère , au prin-
temps prochain, offrir un abri à la plus grande partie de
la population.
« Cent cinquante personnes ont constamment assisté
aui exercices de la Mission ; leur manière de se confes
ser est assez curieuse pour que je vous en dise un mot.
En faisant la revue de leur conscience.ils gravent des ca-
lactères symboliques sur un morceau d'écorce ; un
homme la tête en bas , par exemple ^ leur rappelle qu'ils
se sont enivrés.
* « Nous avons baptisé dix-neuf enfants , et six adul-
tes. Parmi ces derniers, un surtout mérite d'être cité ;
c'est un jeune chasseur d*un caractère violent et sangui-
naire. Il n'y a pas encore deux ans qu'il tua sa nièce
d'un coup de fusil. Depuis le jour du meurtre , ce mal-
heureux n'a goûté de repos ni jour ni nuit , selon son
propre aveu : « Il me semble toujours voir ma nièce
devant mes yeux , me disait-il , me reprochant de l'avoir
tuée , avant qu'elle eût reçu le baptême. » Il était l'an*
née dernière brillant de jeunesse et dosante; maintenant
une maladie intérieure le consume. Je n'ai jamais vu pé-
nitent plus contrit de son crime , et j'ai cru trouver un
motif d'indulgence à son ^arddans son état débile et la
vivacité de son repentir.
« Nos adieux d'Âbbitibbi eurent quelque chose de si
ouchant que des agents protestants de la Compagnie ,
Digitized by LjOOQ IC
467
venus récemmeDt de Moose en furent frappés. Figurez-
vous, mon révérend Père, plus de trois cents sauvages ,
la plupart infidèles^ agenouillés au bord du lac , et le
Missionnaire debout dans son canot, levant au ciel ses
mains habituées à bénir et ses yeux pleins dclarmes ,
priant le Père des miséricordes de daigner jeter un œil
de compassion sur celte portion de son hériiage . « Non ,
« me disait un protestant , témoin de ce spectacle ,
« non , je n^avai s encore rien vu de si attendrissant. »
« — Ce L'était pourtant pasmonéloquence,Iuiréponclis-
« je , qui captivait cette foule d'Indiens , puisque ,
« comme vous le savez, je puis à peine lescomprendre ;
« c'était la divine influence de la Religion que je me
« suis efforcé de leur faire connaître ; c'était la présence
« de celui qui à dit : Qui vous écoute , m'écoute! »
« Dans chacun des postes où nous avons donné les
exercices de la Mission^ nous avons reçu des délégués
de la Compagnie l'accueil le plus bienveillant. Le com-
maDdantd'Abbitibbi,quoique protestant, a eu pour nous
autant d'égaids que le plus fervent catholique. Un trait
vous prouvera son admirable franchise , en même
temps qu'il vous fera coonaltre à quel point nos frères
égarés se méprennent sur les vrais motifs qui dirigent
le Clergé, Il me demanda , un jour , quel profit nous
retirions d*un voyage qui devait nous être si pénible. Je
lui répondis que cette peine était pour nous un vrai
bonheur , que nous l'avions sollicitée avec instance , et
que nous croirions déshonorer la Religion catholique et
nous-mêmes , si nous réclamions autre chose que la
nourriture et le vêtement. Il ne put en revenir^ et, dans
son étonneœent , s'adressant à qnelques jeunes gens
indociles , il leur dit en ma présence : « Vous êtes des
« misérables de ne pas écouter la Rohe noire , qui ne
TOI. xvin. 108. 30
Digitized by LjOOQ IC
458
« vieBl ici que pour tous (aire do bien ;
« si noua nous eûloos^aas vos déserts , c^estpons^-
« gner de Pargenc, mais lui^ il n'en retiife paswisMU »
€ D'Abbiiibbi au Grand Lac » nous voyageâmes en
compagnie de plusieurs sauvages , qui conduisaient des
canots chargés de marchandises. Ce fut une occasiaii
pour nous,d'exercer notre ministère le long de la route.
Après avoir ramé toute la journée , ces bons Indiens ne
trouvaient point de meilleur délassement que dé venir,
le soir , se confesser et entendre la parole de Diea.
. m Un soir , taudis que nofis étions occupés à dres-
ser notre tente , arrivèrent près de nous plusieurs néo-
phytes quf avaient suivi les exerdoes de la Missirai
. Temiskaming. Je leur demandai où ils allaient. «Nous
« venons.tevoir,me répondirent-ils. Enfants des torèts,
« nous nous sommes dit : « 11 passera bientôt » notre
» bon père la Robe noire. Allons au devant de lui pour
€ camper près de sa tente. » Ces braves gens avaient
déjà fait cfnq journées de marche ; ils nous accompa-
gnèrent encore pendant deux jours, puis, forcés de
rentrer enfin dans leurs familles , ils nous demandèrent
un peu d*eau bénite , et s*en retournèrent contents.
« Arrivés au Grand Lac , nousf&mes agréableflMitf
surpris de voir les chefs des trois petites tribus qui fii^
queutent ce poste, c'est-à-dire , le chef du lieu, oefaiide
Kanikwanakag, et celui de Michikanabikong réunis dans
un mémecamp : je savais qu'autrefois Tespritde jalousie
les tenait séparés. Otichkwagami , chef d&ftbdukMyh
bikeng^ vint au devant de moi , suivi des deux amtoi^
et d^une soixantaine de personnes ; il tenait àsa amm
la lettre que Mgr TEvéque de Montréal ki avait tm
parvenir Tbiver dernier,, et me la présentaAl^ilflMdit :
Digitized
byGoogk
469
Tu es salué par nous^ mon Pire. L*été dcraier, lors-
que notre ancien Père (M. Moreau) passa au Grand
L»ac» il. était malade , et ne put ni nous confesser
ni cous instruire ^ ce qui nous affligea beaucoup; car
nous étions ici plusieurs qui voulions nous purifier de
iros péehés. Grande a doue été notre joie , lorsque
l*Mver dernier dois nifom reçu une lettre du Gardien
4e la prière ; il nons disait : «Vobs serez Tisités par
les Rêbes noires an printemps prochain^ C'est ceqoe
BfiOY, Gardien ck^ la prrière à MomréaIJaïs savoir à Oti-
ehkwagami y chef de Miebikanabikong ^ pourqi/il en
sTertisse tons ses jeuneat gen^^ « Toili ce que m'a
écrit le Gardien de la prière : aussi fai eu soin de
l'fiFononcerà tons cet» denta fribn. Déplus » comme
di^fS longtemps le chef du Grand Lac et moi nons
né campions plus emerable , j^étais afSigé de nos dis-
sentions ; pour y mettre un terme > j'allai le trou-
ver, je lui fis connaître ce que voulait de nons le Gar-
dien de la prière, et nous cimentâmes de nouveau la
paix. Désormais nos tentes seront unies aussi bien
que nos coeurs. Nous espérons que notre exemple
sera suivi par tous les guerriers des deux tribus. Que
TOUS en semble , ajouta-t-il, ens'adressant à l'assem-
blée ? » Chacun- répondit par un signe approb^tif, et'
Torateur s'assit au milieu des siens.
« Ce bon néophyte tvtlt conilnm tui-niéme , à Mi-
eUknabikong , une grande eabue d'écorce , destinée
à servir de ckapdie. Elle pouvaiit comenîr près de cent
seixante personne»v C'est Ht que f ai fah ma dernière
IlisBion, qui a duré neuf jMrs. Plus de deux oeeu
saevages y ont pris part , et m'ont fait oublier , par la
vivacité de leur foi , toutes les fotigue^ du ministère
apostolique.
30.
Digitized
byGoogk
460
« Je les quittai le £ août , et après avoir descendo
pendant neuf jours la rivière Gaiineau , sur une piro-
gue que m'offrit le chef Otichkwagami , f arrivai i By-
town , le 14 à onze heures du soir.
« Je m'arrête ici » mon révérend Père. Les détails
que je viens de vous soumettre , suffircmt , je peose ,
pour constater le dévetoppement que prend diaque
jour le catholicisme dans ces régions reculées, et poar
vous donner iine idée des progrès , autrement plus con-
sidérables y qu'y fera l'Evangile , lorsque des Miasion-
naires pourront se fixer au milieu des tribus. C^e
Eglise qui n'est encore qu'à son berceau, pourrait sous
peu être citée conime une chrétienté modèle , si elle
avait pfus de secours religieux. 11 n'est pas 'iéméraire<l<'
le penser , quand on voit plusieurs Indiens se mûiie-
nir toute l'année dans la grâce de Dieu, bien qu'ils ««*
jouissent de la présence du prêtre que diurant quel-
ques jours.
« Ah ! si jamais le nombre des ouvriers apostolique»
permettait de proportionner les secours aux besoins ,
toutes ces tribus qui peuplent le nord de l'Amérique^ei
qui , pour la plupart , demandent des Ao&m notra «
seraient bientôt membres de la grande famille catholi-
que. Que de fois j'ai jeté des regards d'une saieir
envie sur ces pauvres sauvages de la Baie d*HodsoB ,
qui nous appellent à grands cris , et qu'à notre débwi
les ministres de l'erretu* vont peut-êire envahir ; car
on dit que les frères Moraves s'étendent chaque jour
davantage dans ces contrées 1 •
« Veuillez prier pour moi , mon révérend Père , et
me croire votre affectionné conrrère ,
« LiVERLOCHiRB, 0. M. J.
Digitized
byGoogk
461
fettre du R. P. Hanipaux » Misitotmatre apostolique
de la Société de Jésuê^ â son Frère.
St«-Cro»» grande Ue Hanitouline, 14 septembre 1845.
« Mon BiEif CHBB FrIkb «
«'Je suis eiifin au milieu de mes sauvages^ à la
grande lie Manitouline , dans le nord du Haut-Canada.
Mon Toyage de Montréal ici s'est fait presque constam
ment sur Teau et en bateau à vapeur , ce qui a beau
coup facilité et accéléré ma course ; j'ai frit près de
quatre cents lieues en moins de huit joui's. Je ne tous
dirai rien de cette longue traversée. On croirait être
toujours sur mer , tant sont vastes les lacs qui se ren-
contrent si souvent dans ces régions du Nouveau-
Monde.
« Arrivés au lieu ordinaire ^u débarquement , nous
étions encore à trente milles de notre Blissîon. Un petit
canot d'écorce f monté par des Indiens catholiques ,
aous eut bientôt transportés au delà de la baie qui
nous séparait de notre cher troupeau. Après avoir
attaché la pirogue au rivage, nous nous enfonçâmes
dans le bois par un sentier peu battu. Nous ne pûmes
pas toujours le suivre , car nous rencontrâmes devant
nous Tincendie ; il CsiUut faire un détour pour éviter les
Digitized
byGoogk
46S
flanunes. Il y arait , me dit-on , quatre ou cinq
qae ce fen avait pris ; la foudre ou un accident qiel-
conque ra¥ait allumé. Depuis oe tem|ii il va brAlMUii
forêt , attiré par k bois , on poussé par le wnt; mais-
tenant il n'est plus qu'à une demi-lieue ou trois quam
de lieue de notre station. Formez-vous une idée de ces
forêts : elles sont vieilles comme Adam ; ce n'est qn'avee
peine tpi'oB pe«t s'y finayeriNMi^itela haohe à la maiii
à hauteur d'honmie^ce sont des arbres de toute espèee,
tombés de vétusté et qui pourrissent depuis des siècles.
Aussi la flamme a-t-elle beau jeu dans cetimmease
bûcher.
« Nous allions donc avec nos sauvages , sanuatci
quelque sorte comme des écureuils de branche en brti*
cbe, et enfin nous arrivâmes au déelin du jour i la Ififr
sion. J'ai trouvé là mieux que je n'^alleadais ; des mt
sons en bois, mêrae assez grandes , des cabaoes à pei
près semblables à celles des churbomiiers de vos fovto,
forment ijmeespèce<le village eoraaielespanvMahaBieiai
de Franoe. Nous avons éié devancés , il y a sept
ans, par un Blissionnaire canadien , qui a fondé csMt
chrétienté en y co«Btr«iaaii€inie petite égiise-enboOkCi
.en ralliant autour de la croix les tentes dâ$p«r>Aesdfls
Indiens. convertis. *
« Nous voilà donc installés dans la maison éi
Missionnaire. Les. sauvages m rassemblent , ils noef^
Ucitent, ils sont tout contents de revoii' le P. Cboai«
mon compagnon d'apostolat ,' qui les 'évangélisait (fc-
puis un an, et avec lui un nouveau Père qui vient pow
demeurer avec eux. t^our nous , nous bénissons Diei.
nous le remercions.de. notre heureuse arrivée. Moi ir
toitt, je me trouve au comble de la joie d'être pœ^
première fois avec ces néophytes qui vont être désorva>
mes enfants bien aimés.
Digitized
byGoogk
46»
« BtcoiniiiMt8QiHpiUcMa>ttYige3?6oiitBJk*hftbi^
d*abovdP Oui , à peu près coBWMdetyillageoiB. Legon*
f«rMmeiit anglais leur donne à-lom , cfaaque.année ,
une eouyerture de lit en laine> de Tiodienne poinrfidre
ave espèce de chemise , et un morceau de drap aVac
lequel les hommes. se&çonnentdes pantalons^et les fem^
mes des habits décents* Plusieurs achètent d'autres-étof'
f es ; il en est même qui sont assez bien véms.
« Comment vivent-ils? La pomme déterre et le blé
de Turquie sont la nourriture commune. Ils ont souvent
du poisson ) qu'ils pèchent daus le grand Jac; quelques
oiseaux , c'est août ce que la drasie leur fournit , car il
y a peu d'animaut dans lesbois.On trouve ici m grand
nombre des vaches, des moutons, des chevaux , des co-
chons , des poules , des chats , des chiens surtout. De
toutcela, l'Indien vit comme il peur, chacun va partout,
peur son compte et à son gré , chercher sa vie. Les che-
vaux ne servent guère aux sauvages que le dimanche ,
pour lutter ensemble de vitesse. On ne trait pas les va-
ches , parce qu'elles sont trop au loin dans les bois. Et
nous , comment vivotts*nous ? comme les sauvages i
peu près ; mieux cependant , parce que nous avons
amené de h ville , avec l'argent de la Propagation de la
Foi , du lard , de la farine et du sel ; nous partageons
ces provisions en bons pères avec nos enfonts des forêts,
et nous nous trouvons nourris» comme des rois.
« Le premier dimanche qui suivit celui de notre ar*
rivée , mon confrère invita les sauvages à se rénnir
après Vêpres. Ils se rassemblèrent donc, les hommes seu-
lement , c)iez un de leurs chefs. La cabane était assez
grande, mais il n^y avait point de chaises ; nos Indiens
étaient étendus siu* le plancher comme des moisson-
neurs sous un arbre ; on nous trouva cependant à dia-
Digitized
byGoogk
464
can un siège , et noos voilà à causer avec eox. Mod
confrère jette au milieu de rassemblée un gros paqiet
de tabac à fumer; une hilarité générale aceueiUe son
présent. On n'y porte pas la main , mais chacun en tire
un peu à^ soi avec son bâton , comme on retire des
pommes de terre du feu. Un sauvage demande au P.
Cboné son couteau pour couper le tabac qui était en
rouleau assez dur ; il s'en ser t , Tessuie sur la semelle
de son soulier , et le rend au Père sans se déranger , en
passant le bras pardessus sa tête.
« Comme je venais pour demeurer avec les IndicDS,
il fallait qu'ils m'imposassent un nom sauvage. La cé-
rémonie fut fixée au jeudi suivant. Pour ce jour solen-
nel , mon confrère leur ayant donné à peu près le lard
d'un cochon tout entier et de la farine, on prépara uii
festin public. Le moment venu , la peuplade se rassen-
ble à l'intérieur ou autour de la plus vaste cabane. Noos
arrivons vers deux heures du soir. Cette fois, noustron-
vous des tables dressées, en aussi grand nombre que U
maison pouvait en contenir. De plus , il y avait, le long
du mur , une estrade d'honneur, où nous devions pren-
dre place , mon confrère et moi , avec les dix-huit diet»
de la tribu. On avait servi du lard , des oiseaux , des
pommes de terre , du mais et du thé dans de grandes
carafes. Des bancs servaient de sièges aux vieillards ;
les autres étaient debout , ou assis par terre , ou à ge
noux , partout , même sous les tables ; on parlait
peu , mais l'appétit ne perdait rien au silence , et noos
mangions en sauvages.
« Le repas fini , on enlève les tables. Alors un oratenr
s'avance et harangue assez longtemps l'assemblée sur le
bonheur que goûte la peuplade depuis qu'elle a coono
la prtVre , c'est-à-dire la Religion. « Voilà nos Pères ,
Digitized
byGoogk
465
ajoute-t-il , toîU ceux qui sont accourus de si loin pour
nous apporter ce bienfait. Uns nouvelle Robe noire
vient encore s^établir par oî nous, pour nous servir de
guide dans la connaissance et i*amour du vrai Dieu ; elle
s'appellera... Après un instant de suspension sollennelle ,
il prononce enfin mon nouTe.m nom Nossaouaqiuii , qui
veut dire, fourche qui enlève Us cœurs de la terre en haut ;
puis il entonne et chante , avec toute rassemblée ,
rbymne nat onal que les vieillards accompagnent en
prononçant en cadence honhon hon.k mon tour , je té-
moignai aux sauvages mes se itiments de joie , mes désirs
et mes espérances pour Tivenir ; puis on se sépara ,
chacun emportant au bout de son bâton une portion du
Urdqui était de reste.
« Nous comptons à peu près sept cenu néophytes
dans cette peuplade. Notre chapelle est de construction
bien chétive ; mais nous projetons d'en bâtir une plus
convenable Tannée proctiaine ; nous avons apporté des
ornements qui en font , telle qu'elle est , un petit para-
dis i l'intérieur. Je suis au comble de la joie , bien
qu'il faille me mettre maintenant à Tétude de la langue
indienne, comme j'ai 'ait , étant jeune , pour apprendre
le latin. Priez donc et faites prier pour moi , afin que je
parle]^bien vite le sauvage.
« Je suis tout \ vous dans les SS. Coeurs de Jésus et
de Marie.
« Hanipaux , s. J. •
Digitized
byGoogk
NOUVELLES DIVEBSESu
LtttTt de M, GmtnHêt ^ mtÊÊWi^tUfW^tipêÊêolÊfiii ,
à M. Bissenrdon , Supin$uride9 llH$nmmQà^4e bjm.
Tong-Kîiig, SO jniUei 1845.
Monsieur ,
« Depuis que j'ai quitté la Fmuoey qaedefois^ en
esprit ; ne me suis^je pas reportàprès^devom I StBs
drâte que plusieurs fois aussi ^ova vaus^étes deoModi*
0& estMl œ Tonkinois? L'Océan Ta pcBi-étreeaseicH
dans son sein. Détrompaz-^yous ^ la mer ne m'aUi
aueun mal. Ses EkMs agités m'ont , il est Yrai , prectfé
te qpeclacle d'une temf^le ; mais ce n'était qae pour
twprimer pins dé yiie^ietaa nurive» ei aiaottéraraane
eaurte vess un riwge kMBtain et désûréh .
• EnGn, après cinq mois de naTigation , faireVa
Maoao. Le i(^ décembre dernier^ uÀCfainoia qne sabrg^
panse rendrait digne de figurer parmi ses dieux, afeim
voulu me conduire jusqu'à Laphù , village situé sor les
frontières de la Chine et du Tong^King. Là ^ il m'a (âlh
chercher une barque de pécheurs , pour atteindre saii
bruit la préfecture de Jén^uâng , premier endroit oà
te débarquement soit possible. En deux jours et deai
nuits , je suis arrivé à la première Mission des Pères
Dominicains, et grâce à leur concours empressé^ j'ai pu
Digitized
tji^Googk
467
continuer mon voyage sans trop de danger et de fati-
gue. Depuis ce moment , de fleuve en fleuve , et de
village en village J'ai traversé deux provinces , et sois
dâbârqué au Tong-King occidental , tout près delà ré-
sidence de Mgr Ketord, notre Vicaire apostolique.
« Comment vou^ dire la réceptioA^qu'on m'a faite 1
Il était nuit quand j'arrivai en barque au village. Mgr
Retord, H. Titaud avec cinq ou six prêtres qui venaient
d'être ordonnés , tous nos catéchistes et nos élèves^ su\
vis de la multitude des chrétiens armés de flambeaux^,
se pressaient pour voir et saluer le pauvre revinant. Il
y avait des chants , des cris et des larmes ; on entonnait
des psaumeSy on tirait des boites , on jouait des mstru
ments ; aux voix et à la musique se joignaient ks tam-
bours et les chaudrons ; c'était un vacarme épouvanta-
ble. Jamais on n'eût osé en faire autant avant ma déli-
vrance. Depuis cette époque , je parcours la Mis^ioi^
sans avoir de district fixe ; j'administre partout où ^
me trouve, et certes, Touvrage né manqne pas.
« Dans les premiers joiurs, laciurioslté de nos chré
tiens était trop vive pour songera autre chose qu'à la sa
tisfaire ; detix semaines fiurent employées à raconter de^
histoires et à recevoir des visites , après quoi je reprit^
mes fonctions apostoliques.
« Ce n^aa plus aHJourdjhui^ coMaciipar le^passé *'
ai ministtfa occulta: que nous «xergona. Partout 4 sur
nos pas, la foule est immense ; l'élan ne seraitpas fin^
général en temps de paix ; et^'ce qui constate une situa
tion nouvelle , ce mouvement vers le christianisme se
produit au grand jour ; sovs les yeux des païens , au su
des magistrats , qui , poar la plupart , sont instruits
de mon retour. Du reste, nos chrétiens n'en font pas un
Digitized
byGoogk
468
myslère. Les mandarins, de leur côté, voyant T%ieuhtr\
garder le silence snr la Religion , et amnistier quelques
vieux prêtres , sous prétexte-quMl a pitié de leur âge ,
sont persuadés , ou du moins feignent de Fétre , que
les anciens édits sont aux yeux du roi une lettre morte^
et que s'il ne les désavoue pas , c'est uniquement par
respect pour la mémoire de son père.
« A ToHibre de cette tolérance , nous circulons et ad-
ministrons assez en liberté. Pour mon compte^ je suisré
gulièrement au confessionnal depuis midi jusqu'à minuit,
et souvent jusqu'à trois heures du matin ; c'est le mo-
ment où commence la prière commune , suivie de la
messe et de la prédication. Alors on dort un peu ^ plus
ou moins , selon les occupations de la matinée, qui est
en partie consacrée à recevoir les visites et à vider les
différends. Il a fallu annoncer que je ne confesserais pat
avant midi ; sans cela , depuis janvier , je ne serais pas
sorti du tribunal de la pénitence.
« Vous le voyez, depuis la mort de Mink-Menk , l'état
religieux du Tong-King n'est plus le même ; nos chré-
tiens sont dans la joie, les païens demandent en foule i
se convertir ; mais les catéchistes ne sont pas assez nom-
breux pour répondre à leurs bonnes dispositions. Que
n'avons nous ici deux ou trois cents frères de la doc-
trine chrétienne I
« Je finis , Monsieur le Supérieur , en vous présen*
tant mes respects et amitiés, et en me i^ecommaudant i
vos prières.
« Votre tout dévoué ,
Digitized
byGoogk
469 .
Noms ^e$ RR. PP. Capucins partis en mai 18 16.
1^ Pour les Missions d'Earope :
ConstantinopU. — Le P. Dominique de Hona , de la
province de Savoie ; le P. Séraphin de Florence , pro*
viace de Toscane ; le P. Augustin de Visso , province
d'Ombrie.
Philippopoli. — Le P. Maurice de Castellazzo , pro-
vince de Montrerrat ; le P. Séraphin de Casieltermini >
province de Païenne.
V Pour les Missions d'Asie :
Syrie. — Le P. Fidèle de St*Georges , province de
Savoie ; le P. Alexandre de Cassine , province de Mont-
ferrât.
Mésopotamie. — Le P. Augustin dé Sorso , province
de Sassari ; le P. Joseph de Fiesi » province de Sassari ;
le P. Benoît d'Iglesias , province de Cagliari.
3* Pour les Missions d* Amérique :
BréHl. — Le P. Fabien de Scandiano, province Lom-
barde ; le P. Sébastien de Ploaghe, province de Sassari ;
le P. Dominique de Casale , province de Toscane ; le
P. Bernardin de Lagonegro , province de Basilicata ; le
P. Raphaël de Foggia , province Romaine ; le P. Vincent
Marie d'Ascoli , province de la Marche.
4® Pour les Missions d'Afrique :
Pays des GaUas. — Mgr François Guillaume Massaja,
premier Vicaire apostolique de cette nouvelle Mission , et
BvéquedeCassia , de la province de Turin ; le P. Juste
d'Urbin, province de la Marche ; le P. César de Castel-
Tranco , province Lombarde ; le frère Pascal de Duno ,
province de Turin.
Digitized by VjOOQ IC
470
TABLEAU DES NOUVEAUX
Cwfiés il la société des Hission*-
NOMS
NOM
■POQCI
4et oovteaax
MISSION.
d« le«r
YKIIIÀIB ArOSMCfCfOlS.
dont Ut faisaient partie
•ftot leur ére«lfoii.
KaECTWB.
Le Leao-tODg
Pékin
1840
La Malaisie
Siam et Malaca
lin
Le Yun nan
Sut-ClNrefi
1MI
; La Cochiochine occident.
Lft Cochinchîoe
1844 {
L^ Kouy4cbeau
Sut*CtMi6l
1846 i
Le Japon
La Corée
1846 j
- Le Tonquin méridional
Le Tonqtm occ.
1846
Le Vicariat apo$toIiqQe du Leao-tong a* pour lîoiites,
au sud la grande muraille et la Corée , à 1 ouest le mé-
ridien de Pékin , à Test la Corée et la mer du Japoji ,
au nord les possessions russes.
Celai de la Malaisie comprend toute la presqu^fleMa-
tafse josqu^à Martaban (la ville de Monlmîen exceptée),
fi^nmg , Sîngapore^ Nicobar , Andaman, Joncelan ;
Cdai du Yun-san toute la prOThice du Yun-nan.
Digitized
byGoogk
471
VICARIATS APOSTOUQUBS
NOMS BT TITIIES
VICÉB» àVOSlOlJQUSft.
Mgr Em.-Jean-Praitçois^VetToUes, Ev6q. de Cotombie.
K^ ieftn-Bt^ Braobo; Evhpm d'Atalie, sacré en 184£.
Mgr Joseph Ponsol, Evéque de Philomélie.
Mgr Dominique Le Febirre, Evéque d'Isauropolis.
Mgr Engène-Jean*ClaudeDesOëches, Byéque de Sinite.
Mgr Th.-Augu8tin Forcade , Evéque nommé de Samos.
Mgr Jean-Denis Gauthier » Evéque d*Emaâs.
Celui de la Cochiiichine occidentale toute la Basse-
Cochinchine;
Celui du Kouy-tcheou toute la province du Kouy-
tcheon;
Celui du Japon comprend tout le Japon , les Iles
Lieoa-tcheou , Bonines , et autres lies adjacentes ;
Celui du Tonquin méridional , les provinces de Nghé-
an , d'Ha-tinh , et le Bd-chinh.
Digitized
byGoogk
472
Noire Œuvre oonûnue à recueillir les bénédictions d«
rEpiscopat : Mgr l' Archevêque de Toulouse , Mgr l'Efé-
que d'Orvièie , Mgr r Evéque de Malle et Mgr revêqae
de Gap , viennent de la recommander au clergé eiwx
fidèles de leurs diocèses.
Deux Prêtres et un frère de la Congr^tion du SaÎBi-
Cœur de Marie se sont embarqués au Havre , le 12 mai,
pour les Missions de la Guinée i ce sont : M. JérômeGn-
vière , du diocèse de Clermont , nommé Préfet ipoê-
en remplacement de M. Tisserand , M* LeBerre, *
diocèse de Vannes , et le frère JeanBapiiste Thîcrsé,de
Strasbourg.
M. Tabbé Dubuis, ancien vicaire de Fontaine (Lyoo),
ôiait au nombre des Missionnaires qui ont suivi Hgr
Odin au Texas.
Le P. Louis Ambrosi , de Vérone^ est parii de»
pies, le 1 7 janvier dernier pour les Missions de la Qùie*
Le 2 jnillet , le P. Sorin , Supérieur de rctablififr
ment de Notre-Dame du Lac (EutsUûis) , s'esl em-
barqué , avec un prêlre , deux séminaristes , trois pro-
fès et un postulaiît , qui tous sont membres de la Coro-
munauté de Si*-Croix.
Lyon , imprimerie de J. B. PéH^^-
Digitized by LjOOQ IC
473
MISSIONS D^AMÉRIQUE.
MISSION DES MONTAGNES ROCHEUSES.
Lettre du R. P. de Smet , Missiofmttire apostolique de kt
Compagnie de Jésus ,là un Père de la même Société.
€ TRàa-tUVÉRElfDPàRB,
« Je reprends le récit de mes courses interminables
au point où je l'ai laissé dans ma dernière lettre (1)«
Nous étions alors à Saint-Paul de Wallamet , entourés
des soins de Mgr le Vicaire apostolique de rOrégon, qui
nous avait accueillis avec une charité sans bornes. Ma
praniàre sollicitude fut de prendre des informations sur
le lieu le * plus propre à fonder une Mission centrale*
(i) Voir Id Nooiëro 103 , ptge 475.
Tov. xvm. 109f RovtVBBB 1846. ^^ n
Digitized by VjOOQ le
474
Dans ce but je fis plusieurs courses dans un rayon assez
étendu, mais elles n'amenèrent aucun résultat: les meil-
leures localîlés éteîentdéjà-exploîlées, ou|>fé8fntatent des
obstacles nombreux. Que fit alors Mgr Blanchet ? 11 me
pria , avec un désintéressement vraiment admirable ,
d'examiner les terr^ soumises à sa jwidiciian , et d*en
détacher la portion que je jugerais convenable pour
l'œuvre projetée. Je commençai cette étude, et nous
avions à peine pefeeuru d^mumUes, lorsque nous arrivâ-
mes dans une vallée qui déroula à nos regards toutes
les beautés de la nature , et montra réuni à la fms ce
qu'elle peut ofiHr d'utUe , d'agréable et de pittoresque.
€ Qu'on se représente, au midi, une N'aste plaine
d'où l'on voit s'élever jusqtfaxrx nues les cimes blanchâ-
tres des trois plus hautes montagnes de l'Orégon , les
monts Mood , Sle-Hélène et Olympe : au levant , un
horizon lointain dont les nuances indécises se ibodeiM
avec l'aïur du eiel : & Toecident , les eaux brilluHes et
limpides de deux jolis lacs où , pendant que nous les
contemplions du haut de la colline , nageaient et folâ-
traient le castor , la loutre et le rat musqué. Un de ces
lacs est au pied d'un amphitéitre ffA s'Âète eir pente
douce jusqu'au plateau sur lequel nous nous trouvions,
et où je décidai que la Mission-mère serait placée. La
belle riviène de Wallamet dècriwit MamtnsyeoK une
longue eourbe ; die est bordée fiar une svpcriMsCoiito
<fai , ims tfipak» , frantira du bois de Hntm^m»
fèces MX besoins de l'éfaMiisenient. EairejeMe ftrti
<^ la eoHhie m trativent , sé^wées pit dto "koengi»
Miflhrs, «le riMiies praMes d'un lernur favonMe ftwih
les sortes de p#odcte , et asses èMutneB fWf$ÊÊke k
l'entretien d'une grande ferme, ioignei Jt ces avantay^
celui d'avoir à mi-côte une quantité de lbMifaw»4itNB( on
Digitized
byGoogk
«6
pourra tirer plt» tard «n bon parti ; Time d^les ttfmli
qQ% cent pas de la maison. Ma résolution une fbis W-
iHée , on ne lafda paaà mettre la mainàl*€euvfei et
ét^ les bAtimenls sont très avancés.
« Lliiyer s'approchant rapidement, je ne pus, quoi-
que affaibli par une maladie dont je relevais à peine ,
résister au désir de visiter tous mes chers sauvages des
montagnes qm, de leur côté , à ce que j'avais appris dU
P. Mengarini, attendaient mon retour avec la plus vive
impatience. Le 3 octobre , je quittai la Mission de
St-Paul et notre nouvelle fondation , appelée St-Fran*-
çois Xavier , après avoir témoigné ma reconnais-
sance à Mgr Blanchet. Le 6 , j'arrivai à Vancouver pré-
cisément à temps pour prendre place , avec l'agrément
du gouverneur , dans une berge montée par huit
hommes et partant pour Wallawalla. Nous campions ,
le lendemain , auprès du Gap Hom , rocher qui se '
dresse en forme de pain de sucre au-<lessus delà rivière.
C'est un des points où le cours de ces eaux turbulentes
et profondes est le plus solennel. Leur masse énorme
s*est ouvert un passage entre deux hautes montagnes, et
se précipite avec impétuosité sur des (récifs et des dé»
bris de roches volcaniques , pendant un cours d*envi*
ron quatre milles. Ce passage si dangereux est connu
sous le nom de Grandes Cascades. Voici l'histoire de
leur formation , telle que les Indiens qui habitent ces
pMvgBtttiefbnt nicaMiées. MosvkiHanb, meiibaient-
Omp aempiMsDtateMonl^éiMfMOàleseauoMM
iApÊmbhmm^ mmw^ immamat rocher fiiifi*éenittti,
Wm le lit âm§0om » et eMtvelil les snodas forèli.de
mkétts ^èewffmdmslLm^rtWÊSHpgelea Ttsm
itt PaUÉM. teydbsine» «neffel,
4b gffDt trtMt d'flffheea »
Jl.
Digitized by LjXDOQ IC
476
hauls d*une vingtaine de pieds , et dont on ne peut ex-
pliquer l'existence sans recourir au récit des sauvagies.
« De là jusqu'aux Dalles , c'est-à-dire pendant envi-
ron quarante milles , on ne rencontre pas le moindre
obstacle à la navigation. Nous passâmes près de plu-
sieurs lies basaltiques , où les Indiens déposent leurs
morts, dans des huttes faites de planches de cèdres , et
couvertes de nattes pour les soustraire à la voracité des
loups. Quelques ilôts étaient remplis de ces sortes de
cercueils. Depuis les grandes DaUes jusqu'aux sources
de la Colombie , le fleuve ne présente qu'une suite de
courants , de chutes , de cascades et de dalles. Il faut
des hommes de beaucoup d'expérience pour y diri-
ger les embarcations , et malgré toute l'adresse et h
prudence des bateliers , il n'est peut-être pas un
fleuve au monde qui soit le théâtre de tant de dé-
sastres. Pendant l'automne , la plupart des sauvages
se rendent sur ses deux rives , et viennent disputer
aux corbeaux , ou partager avec eux , les saumons
morts et mourants qui flottent par milliers sur la sur-
face des eaux. Dans le voisinage des camps l'air en est
infecté; on aperçoit ces poissons en état de putréfaction,
suspendus aux branches des arbres ou sur des écbaf-
faudages élevés exprès , et c'est à cette nourriture mal-
saine et détestable que le pauvre Indien doit avoir re-
cours durant son long carême d'hiver.
« On ne saurait se former une idée du dénuement
extrême de ces malheureuses petites tribus , éparses le
long du fleuve. Qu'on se figure de misérables huttes en
paille , en joncs , en écorce , en branches de pins , on
en lambeaux de peaux ; autour de ces loges soDi en-
tassés des arêtes de poissons, des ossemaits d'animam,
des immondiees de tout ganre. Dans llaièriear, oe mm
Digitized by LjOOQ IC
477
des botlcs de racines jetées dans un coin , des peaux
suspendues à des perches , des poissons qui boucanent
au-dessus du foyer. Pour toute batterie de cuisine, pour
unique ustensile de ménage, Tlndien n'a qu*unc chau-
dière d*osier enduite de gomme , et, pour faire bouillir
l'eau, des pierres rougies au feu; dans cette chaudière
s'agite un liquide dont il est impossible de deviner la
composition. Si du mobilier on passe au personnel, on
ne voit que des visages crasseux, des cheveux en désor-
dre , des mains faisant presque à la fois les fonctions de
peignes , de mouchoirs , de couteaux , de cuillers et
de fourchettes. J'omets uiie foule d'autres détails dont
la seule pensée fait bondir le cœur. Voilà une esquisse
des misèFes corporelles de ces tribus, faible image d'un
autre genre de misères infiniment plus déplorables.
« En effet , que n'aurais-je pas à dire si je parlais du
pitoyable état de leurs âmes! L'idolâtrie de la majeure
partie va jusqu'à rendre les honneurs divins aux plus
vils animaux, elle ne recule même pas toujours devant
les sacrifices humains. Dans le courant de l'été dernier
et presque en face de la maison des minbtres protes-
tants j un enfant fut dévoué aux mânes d'un de ses corn-
* pagnons mort la veille. La victime , garoltée si cruelle-
ment que les cordes lui entraient dans la chair , fut ex-
posée sur un rocher où elle n'aurait pas tardé à rendre
le dernier soupir , si un homme compatissant ^ M. Par-
kins , n'était parvenu avec peine à la racheter.
« Ajoutez à ce sombre tableau, un dévergondage de
mœ(u*s qui ne suit d'autre loi que le caprice ou la passion
du moment , un amour effréné pour le jeu qui enlève
jusqu'aux heures destinées au repos le plus nécessaire,
une paresse qui ne cède qu'à l'empire de la faim , une
pente eoniinuelle à la disstmulalioD , k la |oann«uUse,
Digitized
byLjOOgk
4M
kiau&oequi ctttbas, et^wutiupfiKimeidèedcsprift-
éfMX ?ice» où QittupiiienteMoro ces pravies p»
pie» sur k» rives de la Coleinhie,flturouaâBenUa.feai
de Vabiioe dans lequel ils soal plencés , ils sememui
bfwein indéfiiûssable dlavo^iier we poiasnce sopè-
rieare à l'hoBime , et sent atunuilsi UnU ce qui pcoi
leur révéler quelque meyen de la flédur.
« Le 99, je fus reçus à WiMai^fo f» M. Kealir,
eommmdam du fort , avee cetie pifliteise et eette tat^
dialM qui distinguent les mendlireadeniononMe Ccm*
pagttie de la baie d'Hudson. J'emphqrai quelques joan
k hSn les préparatifs nécessaôres au reste de moa
voyage; puis devançant de quelques jours le P. Mea^
garini , qui se proposait d'ateompagnernos bêlas de
charge , je partis avec un Iroquois et un Gana^ea poitf
guides. Le 6 » après avoir traversé la grande moncagoe
des Kalispels, élevéede cinq mille pieds au-dessus de h
plaine, je rencontrai le P. Hœken, qui venait au devant
de moi accompagné de quelques sauvages.
«Ha ouvert , depuis deux mois , ime BTunoa
parmi les Kalispels , sous les auspiœs et le paeroaigs
de saint Ignace. Je ftis reçu dans le ounp au son dei
cloches, et sahié par des décharges de mouaqueterit-
H serait impossible de vous dire Fémoâon de mon Mar
^ la mie de la première députation de mes ehers In-
diens, de mes enftnts en Jésus-Christ, et de vm» per-
dre la joie srfranehe qui paraissait les animer en salusot
mon retour. Les détails que me donna le jeime Mis-
sioouairesur leurs dispositions aetudles sonft tropia^
téreisants pour les mietire ; je ks raconle afiade
prailver ee que peut la gràoe sur xm peuple , ipuasd b
vérité est Funi^^é (^jet cte «eadésirs. CduM ft*avvt
re^dennii|uedeuxèDiirleBvitftesentMl ellMI;
Digitized by LjOOQ IC
4M
t
tout cequeje hii avais reeommandé alors availété stric-
teoieot obaenré. « Ce qui me frappa d*abord , en arri-
vant au milieu de ces Indicas , me dit le P. Hoeken, et
«6 que je ne puis me lasser d'inlmirer de plus en plus ,
c'eal la ehavicé vfaimeHt fraiemelle et la profonde imion
qui semUe ne foire de toute cette peuplade qu'une mê-
me famille. » L'amour, le respect et Tobéissanee qu'ils
ont voués à leurs chefs » ne connaissent pas de bornes,
et l'accord qui règne entre ces chefs, offre le spectacle
de la plus parfaite union : « Jamais , disent-ils , nos
lèvres ne demandent et nos cœurs ne désirent qu'une
même chose. » Ce sont, dans toute la force du terme, les
pères de la tribu , comme un bon Supérieur l'est de sa
conununauté. Leur commandement n'a rien d'impé-
rîenx , mais ils ne parlent jamais en vain ; à peine leur
voix s'est fait entendre qu'on s'empresse d'exécuter jus-
qu'à leurs moindres vœux. Un Indien éprouve-t-il quel-
ques difficultés , est-il visité par l'épreuve , veut-il
entreprendre un voyage , toujours , même dans les
circonstances les plus ordinaires , il consulte son
chef et se détermine d'après ses conseils. S'agit-il de ma-
riages, il s'adresse encore aux chefs qui les permettent,
les retardent ou les désapprouvent, selon qu'ils le jugent
prudent, et chacun se soumet à cette déci^on.
« En sa qualité de père, le chef pourvoit à la nourri-
ture <fe 9«s enfiinls , c'est-à-dire de la peuplade entière.
Tout otevreuil tué à la chasse est porté à sa loge ; là il
est divisé en autant de portions qu'il y a de familles. Par
une sage éoenomie l'avenir est aussi prévu, et une côl^
de ebaque animal est mise en réserve pour ceux qiii
doivent , au printemps , cultiver la terre. La distri-
bution se fiiit avec une admirable impartialité : le
viaiUard el l'infirme , la veuve et orphelin ont leur part
Digitized
byGoogk
4S0
assurée , aussi inen que le chasseur. .N*estH!e pas, soos
plus d un rapport , le retour de ces temps beur^ix où,
comme nous Vappremient les Actes des Apôtres, tous
n'avaient qu*un cœur et qu'une àme ? Ne retrouve-t-OB
pas , au fond de nos solitudes , cette simplicité et celte
union qui embellirent les premiers siècles du Christia-
nisme ?
€ A l'arrivée du Missionnaire , un des chefs lui ex-
pliqua' ingénuement la manière de vivre des Indiens
entre eux ,^et conclut ainsi : c Nous sommes pauvres
« d'esprit , mais à défaut d'intelligence , nous avons de
« la docilité. Aujourd'hui que nous avons le bonheur
« de posséder une [Robe-noire , nous écouterons , nous
« suivrons sa parole ; tous les changements qu*il lui
<c plaira d'ordonner seront exécutés sans délai. » FI
n'est pas nécessaire d'ajouter que la /lofce-no&'e remercia
Dieu des pratiques et des coutumes établies dans ce pe-
tit coin du monde , où chacun vit content dans sa mé-
diocrité , et qu'elle confirma les lois qui produisaient
cette heureuse harmonie. Le cœur est touché lorsqu'on
entend ce"peuple parler des ténèbres dans lesquelles il
a été plongé si longtemps , lorsqu'on le voit se réjouira
la lumière de l'Evangile , rivaliser d'ardeur dans Texer-
cice des vertus chrétiennes' qui ravissent son esprit e(
enchainent ses affections. Pour lui, toute sa gloire con-
siste dans sa fidélité au service du Seigneur , toute son
ambition est de s'instruire de ses devoirs. C'est la pensée
de Dieu qui dirige le jeune homme dans le choix d'une
épouse , ta fenune dans celui d'un mari. Pendant lean
moments de loisir, tous ces bons néophytes entourent et
assiègent en quelque sorte le Missionnaire , auquel ils
enlèveraient encore les heures de* ta nuit , ai ses forces -
répondaient à son zèle et au leur. Ici lés plamtes , les
Digitized
byGoogk
481
médisances , les murmures sont inconnus ; Torgueil
et le respect humain sont absolument étrangers. Que
de fois ne remarquons- nous pas des vieillards , des
chefs mêmes , assis à côté d'un enfant de dix à douze
ans , prêtant pendant deux heures l'attention d'un
écolier docile à ces précoces instituteurs , qui leur
apprennent les prières et leur expliquent les figures
de lechelle catholique (1) avec la gravité qui convient à
un maître !
. « Dans leurs adversités , quand la pèche ou la chasse
a trompé leur attente , lorsqu'ils sont condamnés à un
jeûne rigoureux, nul signe d'impatience ne leur échappe;
e^ilmes et tranquilles comme aux jours d'abondance, ils
attribuent leurs malheurs à leurs péchés. Dans leurs
succès, ils reconnaissent et bénissent la main miséri-
cordieuse de Dieu. La Robe-noire ayant un jour loué un
jeune chasseur de sa dextérité, celui-ci rougit et répon-
dit en souriant : « Je ne suis point chasseur; je prie, et
a lorsque le Grand-Esprit envoie les chevreuils à la
« portée démon fusil, je tire mon coup et ils meurent.»
« Au milieu de nos bons Kalispels il m'eût été facile
d'oublier que la saison était déjà très avancée , et qu'il
fallait se hâter pour se rendre avant l'hiver à Ste-Marie,
chez les Têtes-Plales. Le 8 cependant , je fis mes pré-
paratifs et je songeai au départ lorsque , vers le soir ,
se présenta une petite députa tion envoyée parla tribu
des Cosurs-iTAlène. Ils avaient craint avec raison que je
ne différasse d'aller chez eux, à cause de la conduite te-
nue par un de leurs chefs vis-à-vis de la Robe-noire. Voici
le discours qu'ils m'adressèrent : *
(t) Représentation det principaux traits ie rÂnciein et du Ifonreia
Taitament.
Digitized
byGoogk
4»
« Père Pierre^
« Nos cheis te parlent , nous te portons leurs paroles.
« Nous avons appris que tu avais traversé la grande ^n
c (l'Océan) pour venir consoler tes enfants des numta-
c ffxw ; nous te dirons qu à cette nouvelle tous les In-
€ diens se sont r^pujs , et nous surtout, qui avions
« parlé si souvent du Père Pierre depuis qu'il nous avait
€ quittés. Nous pensions que nous serions les premiers
c à te voir, et cette espérance mettait le cond)le ànotre
< joie;mais nous avons appris que ton cœur n'était plus
» le même à notre égard, et cette pensée nous a rendus
« tristes. C'est vrai , Père , tu n'as pas sujet d'être con-
« tent , ear plusieurs d'entre nous ont commis des fau-
c tes ; mais le Grand Esprit nous a punis comme nous
« le méritions, o'est ce qui nous fait croire qu'il ne veut
« pas nous rqeter. Nous avons perdu , cette année,
« notre glrandchefet.quelques autres personnes : de ce
« nombre sont^des enfants morts avant d'avoir pu élit
a régénérés dans l'eau sainte. Cette dernière perte, qui
c nous a paru la plus douloureuse , nous a fait penser
< qu'en nous cb&tiant ainsi , le Grand-Esprit voulait
« nous apprendre combien c'est un grand mal d'oublier
« son baptême.... Maintenant que nous sommes tous
« réunis au village du Sacré Cœur de Jésus , nous
« redoublons d'efforts pour contenter la Robe-noire , ou
« plutôt pour contenter notre Père qui est au cieL Nous
« nous préparons surtout à bien faire notre première
« communion. Tu le sais mieux que nous , Père , ee
« jour est le plus beau de la vie. Viens donc nous voir
« pour.éireléiiMHndenotrebraheiir. Oh!sî tupoiHM
c être au milieu de les enfants ce jour-là; il noussem-
« ble que nous n'aurions plus rien à désirer sur btcrrt*
Digitized
byGoogk
488
« Hwiftimdonste piouiverqtie ee b'^a pas seulement
« atto des paralea i|iie mm ùknmiBj mairavee w»e
« dodiké filMe , tmrwjm simmiet décidés à faite dé-
« sonmîsicvl ae ipie mm Fèies nefus éironu YoUà les
« deaniefs iboIs i|iii sortent dvnotre cœur. Maintenant»
< Père Picara » nods M te demandma pkn qa*ane
« eiuMe : Tiens ta»fniéine nom dire si c'est là oe que
< tu Mends de notreaiaour* m
« Je cédai d\iutant plus volontiers & leurs sollicita-
lions , que la saison permettait encore de franchir la
haute montagne des Cceurs (TAlène et de se rendre par
cette route chez les TélcsPlcUes.
ff Le 9 , je me séparai du P. Hoeken et de son inté-
ressante petite colonie composée de trois cents person-
nes. Les trois députés des Cœun^tt Alêne et deux Kalis*-
peto m*eseof tèrent Le lendemain , lesoleîl se leva naa-
jestueusement et tout nous présageait une magnifique
journée^ mais ees apparences trompeuses disparurent
sous des nuages rouge&tres et de mauvais augure. Bien-
tôt la neige tomba à gros flocons. Nous traversâmes la
rivière Spokane au bas des grands rapides , et nous
poursuivîmes notre route jusqu'au coucher du soleil. La
pluie était abondante» mais les torrents demeuraient en-
core à sec dans la haute plaine que nous parcourions.
Nous fîmes halte auprès d'une petite fontaine. Je vous
tracerai à ee sii^et une esquisse 4e oolre manière de
camper.
« Dans tes temps pluvieux , une tente est dressée
h la hâte ; on ooupe ekisuite des branches de sapin ,
8*n 7 ena , ou des broussailles, qu'on étend sur la terre
humide afin de ne pas dormir dans un bourbier. Les
sefles, les brides , tes bagages sont, atissi tôt mis à l'a-
bri. On ramasse dansl^ environs autant de branches et
Digitized
byGoogk
484
de Ironcs d'arbres qull est possible d'en porter; puis on
allume des copeaux résineux. A ces prèpararatib suc-
cèdent ceux du souper , qui consiste dans un peu df
farine , quelques racines de gamache et un morceau de
graisse de buffle y appelée dépoiMe par les monta-
gnards canadiens. Le tout fut mis ensemble dans h
chaudière poiir en composer un seul ragoût. Une lon-
gue perche , car la flamme nous tenait à distance res-
pectueuse , fut transformée en cuiller à pot , qu'il fallui
tourner et retourner jusqu'à ce que le contenu de la
marmite eût obtenu la densité requise. Nous trouvi*
mes le mets délicieux. Nous n'avions qu'une écuelle en
tre six convives. Mais la nécessité rend l'homme indus
trieux. En un clin-d'œil mes Indiens furent prêts pour
l'attaque de la chaudière. Deux d'entr'eux munis de
morceaux d'écorces, deux autres avec des morceaux de
cuir, le cinquième armé de l'écaillé d'une tortue, pion
geaient et replongeaient dans cette marmite avec l'a-
dresse et la régularité d'un forgeron frappant sur son
enclume. Elle fut bientôt à sec. Cependant la pluie con
tinua toute la nuit. Je ne pouvais recevoir que deuxper
sonnes dans ma modeste tente ; les trois autres s'abri-
tèrent derrière des écorces d'arbres ; elles entrctin
rent le feu , et dormirent à merveille , du moins elles
l'affirmèrent et je les crus sur parole.
« La neige et la pluie ne cessèrent pas, le 1 1 , pen
dant toute la journée. Nous partîmes cependant, dam
l'espérance d'atteindre enfin la Mission. Mais le sentier
était devenu si glissant sur les hauteurs qu'il nous res-
tait à franchir, que nous fimesà peine ime vingtainede
milles. Le 12 , nous levâmes le camp de grand matto
au milieu d'un monceau de neige. Nous arrivâmes au
sommet d'une assez haute montagne à travers un^
Digitized
byGoogk
486
épaisse forél, dans laquelle la oeige qui tombait des
arbres nous incommoda beaucoup ; nos chevaux glis-
saient et s'abattaient presque à chaque pas. Enfln,
vers deux heures de Taprès-midi , j'étais sur les bords
de la rivière de St-Joseph , et , une heure plus tard, au
village du Sacré Cœur de Jésus , avec le P. Point et un
frère coadjuteur , entouré d'environ six cents Cœurs-
(C Alêne , qui s'empressaient pour me serrer la main
et me souhaiter la bien venue.
« Je remercie la divine Providence de m'avoir con-
duit au milieu de ce peuple. Je l'ai retrouvé plein de
ferveur et de zèle , se disposant avec la plus grande as-
siduité à faire dignement sa première communion le
jour de Noël. Du matin au soir , et même pendant la
nuit y on n'entendait dans tout le camp que la récita-
tion des prières et le chant des cantiques. Chaque jour,
ces Indiens accroissaient ma joie et ma consolation. Vous
verrez avec plaisir , dans les lettres de mes confrères ,
les bénédictions que le Seigneur a daigné répandre sur
leurs travaux , pendant le cours des deux dernières
années. *
« Le 19, après avoir pris les dispositions les plus ur-
gentes , je partis de la Mission avec quatre Indiens, me
dirigeant vers Ste-Marie par la chaîne de montagnes qui
sépare les CœurscTAlène des Têtes-Plates. Les pluies et
la neige des jours précédents augmentèrent encore, et ce
fut après avoir essuyé toute sorte de difficultés, causées
par le mauvais temps, que, le 27 , au sortir de la val-
lée de St-Ignace^ nous nous trouvâmes presque au pied
du point culminant Pendant quelques journées nous
serpentâmes tantôt à travers l'épaisseur des bois, tantôt
sur les flancs des rochers, souvent en suivant les sinuo-
sités de la rivière jusque dans son lit , A tortueux en
Digitized
byGoogk
49t
eertmns mdriHts q«%n moins d« litrit betires nomli
mes forcés éc le tramner quarante qmtre fins. Les^
dres qui ombragent cette gorge sont pnmfigiem; la phi-
part oiH ctetrois à cinq brasses 4le large, elrwie éKvfltfon
proportioimée ; Us seat ea si grand nombre qu\in peai
dire sans hyperbcAequIls forment une nuit impèaéira'
Me anx rayons dusoleil. Je demie que le Uban ait ja-
mais rien produit de plus mqesUieuK queleure eimes,
de plus mystérieux que leurs ténèbres* Le silenoe de œs
lieux , interrompu seulement par le souffle de la brise,
le passage de quelques bâtes fieiuveSy et le murmure des
innombrables torrents qui bondissent du sonunet des
rochers , a quelque chose qui semble tenir d'un monde
tout-à-fait nouveau»
« Deux Ntz-Pereês qui descendaient des hauteurs
que nous avions à fhmchir , nous firent une deseriptiofi
si épouvantable de la roule, quH nous fellut renoncer à
toute tentative de ce e6lé. Les eaux se précipitaient des
montagnes avec une abondance et une impétuosité tel
les que nous ne pensâmes qu*à rétrograder ou pkis vite.
Nous voyions s'annoncer les commencements d'un nos-
veau déluge. Les petits ruisseaux de la veille étaient de-
venus de gros torrents , qui nous arrêtaient à chaque
pas pour charger et décbai|;er nos bétes de somme.
Après une infinité de misères ^ de culbutes et de plon-
geons , nous régnâmes enfin la rivière de St-I^œ
qui y ayant cru de plus de dix pieds ^ et entrainaat
dans sa course vagabonde des masses de gros aii)res ,
ne fut passée qu'avec des dangers extrêmes. Une <w
Xe disparus sous Peau et sou&ma mule ; je ne làdiai
cependant pas ma béte , qui me traîna jusqu'à la rive
opposée.
« Mon oampinm., fondsot h ank, près dtoe
Digitized by LjOOQ IC
«7
grande croix plmitée parxtn chef indien. H nranquaît
encore à la rivière quelques pieds pour déborder , <m
chacun songea k dormir sans la moindre inquiéttide ;
mais vers minuit un de mes hommes fut étonné de sen-
tir ses deux jamb^ dans Teau ; H mit la tête en dehors
de sa tente et donna le signal d^alarme. H était plus que
temps , nous étions au milieu d'un lac immense. La
plaine était inondée dans toute sa longueur de plus
de vingt Ireues. Â peine avai»je lié ensemble mes effets,
que je me vis dans Feau jusqu'aux genoux. Ici, connue
dans mille autres circonstances, la paternelle providence
de Dieu nous avait ménagé un secours ; deux canots
avaient été laissés dans l'endroit même où nous cam.
pions ; par ce moyen nous nous réfugiâmes avec arme»
et bagages, tout trempés, sur une éminenceà deux
mille de distance. Nous députâmes un Cœur-cTAlè'
ne pour porter à la Mission la nouvelle de notre dé-
tresse ; et deux jours après, cinq canots , dirigés par
deux chefs , vinrent à notre aide , et nous reconduisî-
>ent au village du Sacré-Cœur de Jésus. Les sauvages
se réjouirent des contrariétés auxquelles ib devaient
mon retour, et m'accueillirent avec les mêmes démons-
trations de joie que la première fois.
« Il n'y a pas longteo^ encore, les ÙBwn-dtAlèM
étaient renoinmés parmi leufsvoisins pour leur habileté
'dans la médecine , ^ est ici ^E&onyme 4e magie (1).
Jls OBt été effeetivemeol ensevelis dais les superstitioDs
(f) HMechie est le nom fnlgtire donne pir les Mancs à l'idolâtrie d«
«Étfn^e , TnisenAMinmit pan» qweedrici ne eoBnaiiMBt gnèvt
iVwiwi iHwr yie )m lAflu M \mhmÈm^è^ coips, irèoit à As»
«Mridar à se» Mmileoo la gaéwsa» dit «naa ei les-ttOfent ùm iobvenir
am antres. Pami les ponroirs magiques qne ees Indiens prétendent
aroir, il en est qnl passent ponrmanTais même à lenrs yenx; ce sont ceux
qni ont pour bot de noire aux 1
Digitized
byGoogk
488
les plus absurdes , et leur aveuglement était si profond
qu'ils adoraient les animaux les plus vils et les*objets
les plus grossiers. Aujourd'hui ils en plaisantent eux-
mêmes ; mais ils ajoutent avec reconnaissane : « Dieu
c a eu pitié de nous t II nous a ouvert les yeux; il est in*
« animent bon. » Un seul fait suffira pour vous donner
une idée de leur ancien cijdte, et delà facilité qu'ont les
Indiens à adopter des Manitous ou Dieux. Ils me dirent
que le premier blanc qui parut sur leurs terr.es, portail
une couverture de laine blanche avec une chemise d'in-
dienne, tachetée de petits points de couleur assez sem-
blables aux boutons dé la petite vérole. Les Cœurs-
d'Alêne s'imagînant aussitôt que la cheniise était le
grand Manitou de la petite vérole , et la couverture le
grand Maitre de la neige , pensèrent que s'il leur était
possible d'en devenir les possesseurs et de leur rendre
un culte 9 leur nation serait à jamais exempte de la fu-
neste maladie, et que tous les hivers ils auraient la
quantité nécessaire de frimas pour favoriser leur chasse.
Ils présentèrent donc au blanc plusieurs de leurs meil*
eurs chevaux en échange de ses vêtements , et celui-
ci n'eut rièi^ de plus pressé que de leur céder sa chc-'
mise et la moitié de sa couverture. Elles ont été pen-
dant quelques années les objets d'un culte singulier par
mi les CkBurs-^ Alêne. De loin comme de près , les In-
diens venaient leur offrir l'hommage de leur adoration.
Aux principales solennités, le grand Manitou de la petite
vérole et le grand Maître de la neige étaient portés en
procession sur un coteau élevé, consacré à la pratique de
leurs rites superstitieux ; on les étendait respectueu-
sement sur le gazon ; le calumet leur était présenté
aussi bien qu'aux quatre éléments; des cantiques Paient
chantés en leur honneur , et la cérémonie se terminait
par la grande danse de Médecine , qui consiste à faire
Digitized
byGoogk
489
des contorsions étranges en poussant des cris ou plutôt
des hurlements affreux.
« Le 4 décembre , je me séparais encore des Cœurs-
d'Alêne pour essayer de repasser chez les Têtes-Plates.
Mais la nouvelle voie que j'avais prise se trouvant bien-
tôt aussi impraticable que la première , j'abandonnai
un dessein dont la Providence semblait me détourner
par tant d'obstacles, et je me réfugiai chez les Kalispels.
Ces Indiens mirent tout en œuvre pour m'assurer la meil-
leure loge du camp, et rendre mon séjour parmi eux
aussi agréable que les circonstances et les lieux le per-
mettaient. Us avaient admirablement choisi leur quar-
tier d'hiver, dans une position charmante, vis-à-vis d'une
bielle chute de la rivière Clark , barrée en cet endroit
par un rocher immense dans lequel les eaux se sont
miné deux étroits passages , et retombent en cascades
écumantes. Une épaisse et vaste forêt les défend des vents
du nord, et une multitude d'arbres abattus par le temps
fournit de quoi alimenter tous les foyers. Ce camp est
environné d'une longue suite de montagnes, couvertes de
neige de la base au sommet, et dont les mille cimes ré-
fléchissent sur tout ce paysage une splendeur vraiment
glaciale lorsque le soleil les éclaire. A l'entrée de l'hiver,
le gibier abandonne les hauteurs , et quand la neige a
deux ou trois pieds d'épaisseur il arrive souvent que ,
dans une même journée, quarante chasseurs tuent
jusqu'à trois cents chevreuils. Jugez combien sont nom
breuses les bandes'd'animauxquiydans cette saison, rem-
plissent les vallées, puisque trob cents personnes réunies
au camp dont je vous parle, vivaient uniquement
du produit de la chasse. Si elle vient à manquer par dé-
faut de neige , un jeûne rigoureux est la conséquence
de ce malheur ; alors toutes les femmes fouillent la
fOM. Tni. 109. 3S
Digitized by VjOOQ IC
490
terre (pMe, prar en arracher quelques ractnes q«i, vaA-
gré leur insipidité, nourrissent cependiBl «stei U
tribu pour l'empêcher de mourir de fakiu
c Le quartier d'hiver une fois désigné , les In-
diens s'occupèrent d'y ériger la maison de prière.
Tandis que ks hommes coupaient des sapins, les fenr
mes portaient des nattes et des écorces pour la<Miuwir;
en deux jours on mit la dernière main à cet humble^édi-
fice » où des néophytes purs , simples et innocents , pré-
sentent chaque Jour à Dieu l'hommage de kurs tasan.
Le Missionnaire y continua les instructions préparatoi-
res au baptême. Quelle consolatioa ne dut pas éproum
le bon Pasteur, entouré de ces àmès ferventes et pri^
légiées t Dans l'espéranee de leur prochaine régénéra-
tion, ces pauvres gens étaient venus des différentes va^
fées du pays des Kalispels se ranger sous sa houlette ,
dépourvus de toutes provisions^ et renonçaBi sans regret
à la chasse des bufQes, si pleine de charmes pour eux.
Ils s'appliquèrent avec zèle à s'instruire de la natwe du
sacrement de baptême , des dispositions qull exige et
des obligations qu'il impose. Le jour de Noël , dans le-
quel cent ringt-quatre adultes augmentèrent le nombre
des vrais enGeints de Dieu , ne sortira jamais de k mé-
moire de nos bons Indiens. Les détails de cette solennité
vous initieront à nos fêtes.
« Quelques minutes avant minuit , un coup de pis-
tolet donna le signal dont nous étions convenus. H fbt
suivi d'ime bruyante décharge de mousqueterie cnrhon*
neur du Dieu enfant , et trois cents voix , s'élcvanl & te
fois de k forêt , entonnèrent dans leur propre langue ,
et d'un commun accord, k beau cantique ; « t>u Di*
pwsMnt (oui annonce la gloire. » Des flots d*adoralcm[^
se pressèrent immédiatement vers le modeste sanc-
tuaire*
Digitized
byGoogk
491
c Maig^à quoi ressemble done notre petite éf^e de la
forèlt Je TOUS Tai déjà dît , des nattes » des écorces^ des
troncs d*arbres, voilà ses matériaux. Dès la veille se»
lambris avaient été décorés de guirlandes et de eou*
ronnes de verdure. L'intérieur était tapissé de branches
de sapins. Sur Vautel décemment orné, brillaient de»
étoiles en ptpier de diverses couleurs, avec une profusioa
de ces rubans si attrayants pour des yeux indiens. A
minuit je eélébrai une messe solennelle , pendant la*
<tuelle les assistants chantèrent plusieurs cantiques ana^
logues à la ciroonstaAce. La magnifique strophe du
Ghuria : Paix sur la terre au» hommes de bonne volonté
ne se réalisa jamais plus complètement dans aucune
autre assemblée du monde catholique. Un festin géné-
ral eut lieu après les saints mystères, ^ la joie dont
eette réunion paraissait animée , ne pouvait pas être
plus grande dûa les Agapes des premiers chrétiens.
« Plus tard , après la seconde messe, cent vingt-
qvatre adultes se présentèrent à l'église , le chef à kur
lèêe, afin d'obtenir Taecomplissement de leur plus ar*
dtal désir , le sacrement de la régénération. Les vieil-
lards que j'avais baptisés deux ans auparavant , et qui
avaient eaoaervè d'une manière exanplaire le trésor àé
leur innoomce , s'avuifaienl en qualité de parrains et
da mairaiBCS. Les Pères Hœken et Ssdtfrini m'assis*
laient pendant la céréaiOQie, où tout se passa dans k
plus grand ordre. OfaI que ne puisse vous peindre les
danees émotions que ces seènes* mspirent I Ce sont icr*
bas les phis préaieuses récompenses du Missionnaire ;
e'est là qi^il puise sa force, son courage, son sèk pew
p^gnar à Dieu des âmes au milieu des dangers et dei
privaÉMBsde tom goure. Oui , la promesse de notice d^
vin Sauveur s'accomplit dans ce monde : < Vcm rtee
Digitized
byGoogk
492
tfrez le eeyUupfe.» Ce que nous avons abandonné dans le
siècle n'est rien en comparaison de ce que nous avons
retrouvé, de ce que nous éprouvons dans le désert. Le
prêtre n'adresse pas en vain aux sauvages les sublimes
paroles du Rituel Romain : « Recevez la robe blandie ,
que vous porterez sans tache au tribunal du Seigneur ,
pour jouir de la vie étemelle. » Il peut avoir la certitude
morale que ses catéchumènes , pour la plupart, conser-
veront leur innocence jusqu'à la mort. Lorsque dans h
suite on leur demande s'ils n'ont pas offensé Dieu , si
leur conscience ne leur fait aucun reproche , combieti
de fois n'en reçoit-on pas cette réponse, si consolante daib
sa naïve simplicité : « Eh quoi t mon Père , au bapti*
« me j'ai renoncé ati mal , n'est-il pas juste que je Fé-
« vite ? La seule pensée de déplaire au Grancl-Esprit
€ me fait trembler. » Les cérémonies du baptême $c
terminèrent par une distribution de chapelets, que les»
sauvages ontla coutume de réciter chaque soir en famille
c Je reçus, quelques jours après, les nouvelles ir»
plus satisfaisantes de nos deux autres Missions. Chesicf
Téteê'Piates , les PP. Mengarini et Zertinati furent mm
heureux pour voir, à la messe de minuit , presque tomt
h nation s'approcher de la sainte uble. Douze peiii»
musiciens , formés par le P. Mengarini , exécuièmi
avec une admirable justesse plusieurs morceaux de
iiieilleùrs compositeurs allemands et italiens. L'histiurr
de cette tribu vous est déjà connue ; sa eonversu») est
assurément bien propre à faire ressortir les richesses
infinies de la divine miséricorde ; j'ose dire eependaAi
que celle des CkBurg-d'Alêne est peut-être plus merveil-
leuse encore. Laissez-moi vous transcrire les détub
pleins d'intérêt que j'ai reçus récemment de leurs télés
Missionnaires.
Digitized
byGoogk
A93
< Qu'étaient ces Indiens il n'y a pas un quart de siè-
cle? Des cœurs si durs que , pour les peindre au natu-
rel , le bon jsens de leurs premiers visiteurs n'a pas
su trouver d'expression plus juste que le singulier nom
qu'ils portent encore; des intelligences si bornées qu'ils
rendaient un culte divin à tous les animaux qu'il con-
naissaient ; en un mot , une race d'hommes si dégradés
qu'il ne leur restait de la loi naturelle que deux ou trois
notions fort obscures , encore tous s'en éloignaient-ils
dans la pratique » et , si j'en crois la réputation qu'ils
sëtaient faite chez les peuples voisins , ils étaient loin
d'être des modèles de droiture et de probité. Aujour-
d'hui quelle diflérence ! C'est un peuple de vrais
rroyants, digne par ses vertus d'être comparé aux chré-
tiens de la primitive église.
c Vers le temps où de nombreux Missionnaires tour-
naient leurs regards vers les régions occidentales du
Nouveau-Monde , il y a de* cela environ quinze ans , la
nouvelle se répandit un jour chez les Cœttrs-ctAlène
qu'il y avait un Dieu , que ce Dieu , unique auteur de
tout ce qui existe , avait fait, outre la terre que nous
voyons, deux choses que nous ne voyons pas : un séjour
de bonheur appelé le oiel pour les justes , un Keu de
tourments appelé l'enfer pour les méchants ; que le fils
de ce même Dieu , semblable en tout & son Père ,
voyant les hommes courir tous dans le mauvais chemin,
était descendu du ciel pour les remettre dans le bon,
mais que pour y parvenir il avait fallu qu'il mourût sur
une croix. Ces vérités qui , aux yeux de tan t de sages ^
•ne méritent pas qu'on y réfléchisse , produisirent uoe
autre impression sur nos sauvages. A ce bruit, toutes
leurs bandes dispersées accourent au lieu où se trou-
vait l'apêtre de cette doctrine ; le rassemblement se fait
au déclin du jour ; un conseil se tient pendant la nuit;
Digitized
byGoogk
494
les grandes nouvelles se confirment , et on oi^ondut
qu'un Dieu si puissant et si bon mérite les adoratioQi
et Tamour de la tribu.
« Cependant les familles réunies ne s'étaient pas en
eore séparées, qu'un fléau frappa de mort un grand non-
bre de sauvages. Au moment où le mal semblait sérir
avec plus de force ^ un des morfonds, nommé en-
suite Etienne , entend une voix qui vient d'en haal et
qui lui crie : « Jette tes idoles, adore le Dieu des chri^
« tiens , et tu seras guéri. » Le mourant croît à celte
parole, et sa guérison est complète, n se rend aœsilit
auprès des autres malades, leur raconte ce qui loi e^
arrivé, et leur persuade tfîmiter son exemple. Ds lefoBi,
et recouvrent également la santé. Je tiens ce feildcb
bouche même du pieux Etienne , qui pleurait de w-
connaissance en me le racontant Sa déposition m'a été
confirmée par des témoins occulaires qui ont pu dire:
« J'en étais. » Et moi-même j'ai vu de mes ycflxl»
montagne au pied de laquelle les idoles furent brisées.
« CepeiHbnt , après einqon six aimées de fidélité î
notre sainte A)!, la plupart des sauvages finirent par ae
plus j conformer leur oanduite ; ei ee mouvemetttfé-
tfograiienefaïqtie tropsoeoadépas les/'^Hamm^
Me. A la vaix de leur êhef, «qui selon touteappar^^
n'avait pu «nsé d'être idolàfre » les devû» ùOWfM
rant une assemblée , dite des Gr^nts, àtm hqsdk
il fat r^sla qu'^ repreadrait les anciemei pntiqM
ai dès tors lui asômaux, redetPtiitii dieux, mtrimaeit,
f«Me9sîiiÉ4u culte suprême. La masse, 8 «t ««,
«'svait phtt h mÀmeeû^anee wleur¥erta; mm>
ioitemiMede la aèvéritédu ebef« soit cweiiié pvi»
«ue,iw immeiin saorlléges qu'on \m mMu flfo«<
Digitized
byGoogk
*$6
le dire MannMins à la décharge de la nation , U y eut
tMijonridans son sein des âmes délite qu^ne fléchirent
pas le f CDOU devant Baal ; j'en connais même qui , de-
pids que la vérité s'était manifestée à dles , n*ont pas
ett-à se reprocher l'ombre d'une infidélité grave.
« Tel était Fétat de la peuplade des Cœurs-d* Alêne ,
lorsque la Providence m'y conduisît en 1842. J'y bapti-
sai cent vingt-quatre personnes, dont la plupart étaient
des enfants. Ma visite, dont les circonstances sont
rapportées dans mes lettres , les disposa si Wen en
fiiveur des BobeMwireg , qu'U fut décidé que le PtVe
I^int irait i leur secours. Trois mois après, c'estrà-difç
sur la fin de la chasse d'été , ce Père quitta Ste-Marie
avec l'autorisalioa de placer les nouveaux néophytes
MUS la {«etcctioD du Cœur de Jésus.
« Le jour où il posa le pied sur les limites de leur
terres , était le premier vendredi de novembre. Il fit
avec les trois chefs venus au devant de lui , la consé-
cration promise, et, le premier vendredi de dé-
cembre , Fauguste signe du salut s^élevait au m!-
neu d'tm concert de chants et de prières , sur les bords
du grand lac où la tribu s'était réunie pour la pèche.
Dès ee moment, grâce à la puissance du Dieu sauveur,
on peut dire que l'esprit de foi anime tous les habi-
tants de ces heureuses vallées. IVon seulement les as-
îmMhiUMammnj les eéfèmoBÎes sacrilèges , les vi-
sîoB» diabdifuessi firèqiieiiles auparavant , disparurent
lOuM^il; mais le je« , dont jusque là ces sauvages
mmm% fait u»a de lem oeeupaiiaM lea plus uiqMftaa-
las» fui abudMaè , alécnx sanaÎMs après, la aia-
râeiw4uidapiMUeaéissîMaftpai*^ti»t odOMMis-
aallpIwiiîbafMs, miikKssidubilM, fiairippalèàsa
|f«mère iBsiîMtlkMW Enfla, dt Noèl i k Purificatioû,
'S
Digitized
byGoogk
496
le foyer du Missionnaire fut alimenté par. tootcequi
restait des objets deVancien culte. Il était beau de voir
aes principaux suppôts faire , de leurs propres mains ,
justice des misérables hochets dont Tenfer s'était servi
pour tromper leur ignorance et accréditer ses impos-
tures ; aussi dans les longues soirées de cette saison ,
combien furent sacriGés de plumes d'oiseaux , de
queues de loups , de pieds de biche » de sabots de che-
vreuils, d'images de bois!
c Les deux tiers de la peuplade étaient déjà baptisés
quand les diverses tribus se virent contraintes de retour-
ner chacune sur leurs terres , pour y chercher des
moyens de subsistance jusqu'à la saison nouvelle. Au
printemps de 1843, elles revinrent au lieu désigné pour
la construction du village du Cœur de Jésus. Déjà ce
village , calqué sur le plan des anciennes Réductkms du
Paraguay, est tracé sur place ; chacun se fait im devoir
de concourir à son établissement selon ses forces ou son
industrie. Des arbres sont abattus , des bassins creusés,
des chemins ouverts , des champs publics ensemensés;
une église s'élève rapidement grâce à la piété des tra-
vailleurs , et ces nouveaux enfants de la foi peuvent dès
à présent se convaincre que la Religion ne tend pas
moins à assurer notre bonheur dans cette vie qu'à le
consommer dans l'autre.
€ Pour la quatrième fois^ les cent et quelques famiHes
des ÙBurs-iTAlène se réunirrat , sur la fin d'oetobr«
1844 , dans le voisinage de leuré{^se. A voir leurs pe-
tite loges de joncs ainsi groupées autour de la maison
de prière , la touchante image du pélican des déserts
s'offiil d'autant plus natureUement à l'e^ttît , que ions
les sauvages, jeunes et vieux , se préparrient à foirt
ou à renouveler leur première communion. Environ
Digitized
byGoogk
497
f{\x\me des plus exemplaires avaient déjà joui de ce
bonheur ; tous s'étaient confessés , un bon nombre , les
jeunes gens surtout , avaient acquis un certain degré
d'instruction , mais celle des vieillards et de la masse
en général était loin d'être suffisante. Or, pour la com-
pléter , il restait deux mois à peine jusqu'à Ijouverture
de la chasse , époque où il est impossible de retenir l'In-
dien sous la tente. Il fallait donc se hâter et choisir de
préférence la méthode d'enseignement la plus abrégée.
« On sait que le sauvage , qui a un œil de lynx ^
n'oublie presque jamais ce qu'il a vu , et que lorsqu'il
attache une idée quelconque à un signe extérieur ,
cette idée se représentera toujours à sa mémoire pourvu
qull en conserve le signe convenu. De là cette facilité
prodigieuse à parler par gestes , cette multiplicité de
métaphores dans ses discours , ce penchant à peindre
aux yeux par une sorte d'écriture hiéroglyphique ce
qui autrement ne serait pas compris. Cette coutume
servit de base au système de la Robe-rurire; elle fit des
images représentant avec tous leurs attributs : 1^ les vé-
rités qu'on doit croire ; 2^ les fautes qu'il ikut éviter ;
3® le sacrement destiné à purifier l'àme ; 4^ enfin la
grande action à laquelle ses néophytes se disposaient.
Ces premières mesures prises, rinstructeur, une longue
baguette à la main , appela l'attention de ses auditeurs
sur chacun des points du tableau , dont i) tâchait de
donner en même temps une définition claire. Le succès
surpassa son attente. Ayant fait expliquer ce quil
avait dit à ceux qui lui paraissaient' les plus intel-
ligents f il s'assura que rien n'avait été omis sur les ar-
ticles essentiels , et sur le champ il organisa une
série de répétitions qui transformèrent le village entier
en écoles , où les leçons du Missionnaire étaient repas-
sées en famille dans les loges et reproduites en public
Digitized
byGoogk
498
dans les harangues des chefs. Il y avait unité dans le
plan 9 insistance sur les mêmes points , il devait y
avoir progrès , et il fut sensible dès les premiers jours ,
ce qui concourut à Tencouragement de ceux qui en avaient
le plus besoin, je veux parler des personnes dont la mé-
moire ne secondait pas la tendre piété. Ceux-mëmes
dont rinertie formait une opposition plus redoutable ,
furent emportés dans ce mouvement général.
c Les résultats d'un élan si unanime furent tels que,
depuis le mois da septembre jusqu'au jour de lapre-
laîère comjnunion , il ne s'est pas commis dans le vil-
lage du Cœur de Jésus , à la connaissance des cbeCs et
40$ Rûbep-wires , une seule faute que l'on puisse appe
1er grave, du moins par ceux qui étaient baptisés. Uest
de lait que tous ceux qui n'avaient pas encore eu ce bon-
heur l'ont sollicité instamment ; que tous ceux qui s^
sont préparés à la première communion l'ont feite; que
la plupart y ont apporté des (tispositions beaucoup plu^
qu'ordinaires. Quoi, en effet, de plus extraordinaire,
même parmi ce que nous nommons en Europe de boas
chrétiens , que l'usage de la confession publique! Or,
combien de nos pauvres sauvage sont venus faire Faveu
public et spontané, je ne dirai pas de fautes énormes ou
connues , mais de ces légers manquements qui échap-
pent sept fm par jour à la fragilité humaine , et cda
en des termes qui décelaient une douleur vraimeatsur-
naturelle. J'ai vu des maris se présenter après leurs
4|K>use8 » d^ mères après leurs fiUes » non pour a^r**
verlestorts que celles-eislmpulaient, mais pours'accuser
etn-mémes d'y avoir donné lieu par leur peu de patienie
OU de charité. Combien d'autres vertus ^nt été prati-
quées dans ces jours de ferveur I II fieOIait bien quelque
dévouement à ces vieillanls poiu* devenir les écoliers de
leurs petits enfante, età ces petits enfimtapour se 6iff
Digitized
byGoogk
499
les patieniset graves précepteurs de leurs vieux pères.
11 fallait bien quelque degré de vertu à ces mères
qui , non contentes d'avoir donné à leur jeune famille
Taliment qu*elles se refusaient à elles-mêmes > pas-
saient de longues soirées à rompre le pain de la divine
parole , recueilli par elles pendant la journée , non
seulement à leurs parentes , mais encore à des femmes
étrangères ; il en fallait aussi à ces jeunes gens , plus
intelligents que les autres, pour répéter cent fois à leurs
frères ce qu'ils avaient saisi dès la première instruction;
et à ces chasseurs dont la vie est le mouvement^ pour
se condamner^ pendant des nuits entières, à enseigner à
des sourds ce que la Rohe-noire désespérait presque ^d«
leur faire entendre; et à ces pauvres sourds , et à de
malheureux aveugles , pour venir assidûment prendre
place auprès du prédicateur, que les uns n'entendaient
pas , ou près de ces tableaux que les autres ne voyaient
point; et enfin, et surtout, à ces chefs, pères et pasteurs
de leurs peuplades , pour devancer le point dû jour, se
lever quelquefois au milieu de la nuit , par des temps
froids ou pluvieux , et se livrer à toute Tardeur du véri-
table zèle , afin de réveiller de leur assoupissement les
&mes qui avaient besoin d'être excitées.
« Ce«èto«fiitit0O«md«Dsbirf. Comme dleMl
gimplt,e6mm»eile<ilpaic,4)>mmeeibet oonfiaoïci»
oomne éUe est univergaile, blbidkiMiifa^e! FoiibaB
4iM la poisttiiee des Meremenlt , fn dMBS le pomir
4t li prièie , isi 4mm b v«Mi im signe d» la c«ek,
dv-ehtpélel, dmimaget, émmMrfUei , ^kkprnob
4e Dieu. Le ptot léger mmgb mt ^àffÊL^fUÊÊk e« tfttir
4a pureté. Quelimérèl AilMearsMraSl^àdoiiiertOo
loi a dit que la bonté divine Tecrt eott booliew, ^pM fa
imaaaiice divmepem (oui ee^'eHeteu^ fue U eagme
Digitized
byGoogk
500
divine dirige tout pour le bien de ses enfants , qu1l est
lui-même Tenfant chéri de Dieu » et il le croit. Aussi la
foi des Indiens opère-t-elle des prodiges. J'ai adminis-
tré Textrème onction à sept ou huit d'entr'eux : on disait
de Tun , il se meurt , d'une autre » elle est morte ;
quant à cette dernière , sa famille était tellement per-
suadée que c'en était fait d'elle , que lorsque je péné-
trai dans sa loge , son mari faisait déjà par anticipation
son oraison funèbre. Or , de toutes ces personnes à Ta.
gonie , il n'en est pas une qui n'ait recouvré une sanie
florissante.
« J'ai parlé de la confiance des sauvages dans le si-
gne de la croix. Elle se révèle dans les occasions les plus
communes comme les plus solennelles de la vie. Est-il
question de fumer le calumet , ils ne le portent pas à la
bouche qu'il n'ait été sanctifié par le signe de la croix ;
se penchent-ils sur le bord d'un ruisseau pour étancher
leiu* soif , leur main semble se refuser à faire d'abord
autre chose que le signe de la croix ; à peine les lèvres
des petits enfants ss^vent-eHes balbutier quelques mots,
que déjà on leur apprend le signe de la croix. J'ai été
témoin d'une scène bien touchante : un père et une
mère , inclinés devant leur petit Ignaee y qui se mou-
rait (il était leur fils unique et n'avait que trois ans), je
lésai vus , dis-je, s'effiNrçantde sourire pendant que des
larmes roulaient dansleursyeux, recueillirtoi^ la forée
iloot leur cœur était capable poiu* lui su^érer de ftôre
Je ûgne de la croix; et la main défoilknte de co jeune
enfant cherchait son front pour accomplir ce dernier
acte d'ob^sance. C'est pour en rappeler le souvenir si
eonsolant , qu'on voit s'élever sur sa tombe une croîs
j^lus ornée que les autres.
« Un jour que j'allais à Tendroit où le pieux enfant
Digitized
byGoogk
601
a été inhumé , un spectacle peut-être plus religi^x eu'^
core s'offrit à moi. C'était une jeune femme assise
auprès du tombeau de sa fille unique. Elle s'entretenait
avec une orpheline qu'elle avait adoptée , et qui ve-
nait de recevoir le baptême. Que lui disait-elle en lui
montrant le ciel? « Vois , mon enfant , comme on est
c heureux de mourir quand on a reçu le baptême. A
€ présent , ma petite Clémence est au ciel ; si tu mou-
« rais tu irais la revoir. » Et il y avait dans l'accent et
la physionomie de la généreuse mère quelque chose de
si calme , que vous eussiez dit qu'elle habitait déjà le
séjour dont elle parlait. Je m'arrête dans mes citations,
car il faut se borner. C'est ainsi qu'en s'approchant du
terme heureux après lequel leur foi soupire , ces en-
fants du désert donnent » sans le savoir, aux chrétiens
civilisés d'émouvantes leçons et de sublimes exemples.
« Je vais maintenant vous les faire suivre dans la re
traite qui acheva de les préparer à la sainte communion.
Pendant les deux derniers jours , les jeunes gens riva-
lisant de zèle , consacrèrent ce que les examens spiri-
tuels leur laissaient de temps libre, à la décoration de
l'église. C'était un oratoire bien petit, puisqu'on y coropnt-
nant le chœur et l'autel il mesure à peine huit toises de
longsur quatre delarge.Mais si parla pensée vous élevant
au dessus des montagnes qui l'avoisinent , vous eussiez
vu que^ depuis les limites de la civilisation américaine
jusqu'aux rivages de l'Océan Pacifique, cet immense pays
ne renferme que trois maisons de prière semblables à
ceHe-ci ; si à Faspect de la vallée au fond de laquelk
s'abrite ce sanctuaire , vous vous fussiez rappelé qu»
cette solitude, autrefois maudite, où, pour employer le»
termes énergiques appliqués à un plus grand ordre du
choses, « tout était Dieu excepté Dieu lui-même» , qua
cette solitude , dis-je , est à (présent une terre sainte
Digitized by LjOOQIC
50S
dont les rivières ont vu leurs ondes servir à la sane-
ti^eation des âmes» dont les forêts ont donné leurs
pins beat» arbres pour la eonstniction d'un temple pins
auguste que eelui de Salomon, dont les fruits oflSerts sur
Taulei Tont devenir pour ses en&nts la manne des éhis;
al^rs, sans dèute^, dans les transports de votre admira-
tfon, vous vous seriez écrié avec la foi des patriarches :
€ Vraiment, c'est ici la porte du ciel. »
« 0 Eglise du désert , nous voici arrivés au plus
beau jour de tes triomphes, celui de la communion! Les
étoiles du firmament brillent encore de tous leurs feux*
Quels chants se font entendre ? « Lauda , Sùm , Saka-
torem. » Qui redit ce magni^que cantique ? Des sau-
vages, des hommes qui naguères n'adressaient leurs
prières qu'aux animaux de leurs forêts. Où vontrast
Que fontrils ? Âh i c'est ici que je dois m'anéantir !
Unissez-vous, ô mon àme, à ces nouveaux adorateun.
Jamais honunages furent-ils plus dignes d'être agiéés!
Ils ont pénétré dans le sanctuaire, ces fervents néophy-
tes. Mais ce n'est plus la pauvre petite cbapeQe aux
yeux de leur foi ; c'est le palais , c'est le trène du divift
amour. A genoux , attentifs aux mouvements les phis
intimes de leur àme , ils écoutent en silence la voix
intérieure qui leur parle. Nous avions préféré les aban-
donner à leur propre dévotion , et nous n'avons eu qu'à
nous en applaudir en voyant la ferveur qui respirait sur
tous les visages pendant qu'ils s'approchaient du baa*
quet lacré. On a souvent observé que plus l'àme fit
pénétrée des sentiments ineffables dont nous parions,
moins elle est portée à se répandre au dehors; il en fot
ainsi pour nos bons sauvages. Après la cérémonie, j si
vu les plus jeunes se retirer à l'écart pour mieux jouir
de leur bonheur.
Digitized
byGoogk
503
< Le soir, pendant le renouvellement des vœux , il
y eut illumination aussi brillante que le comportait notre
pauvreté. En prononçant de nouveau les engagements
du baptême , ces heureux néophytes , les yeux pieuse-
ment tournés vers l'autel sur lequel était exposée la sainte
hostie, semblaient ajouter avec saint Augustin : « 0
« beauté toujours ancienne et toujours nouvelle , nous
« vous avons aimée bien tard, mais nous vous aimerons
« toujours ! » La bénédiction du Saint-Sacrement vint
mettre le sceau à ces promesses et couronna dignement
une journée qu*à jamais on appellera la plus belle de
la vie.
« Adieu , mon révérend Père , je succombe sous le
poids des consolations et des fatigues ; je me recom-
mande à vos prières , et je suis ,
Votre très-humMe ec trè> ebèiésani ûls en i. C.
P. i. de Snrr S. J.
Digitized
byGoogk
604
Leilre du R. P. Josci , Missionnaire aposlolique de la
Compagnie de Jésus, auR. P. Fomlloi, de la
même Société.
TUU^ du Sant<îaw de Jénu , — Tcn^v
<kf G»affs-d*AlèM , - S2 fëvrier 1845.
« Mon Rjbvéiuuvd Péri ,
c Me voilà donc arrivé au bout du monde, au milieu
d'un labyrinthe de montagnes, de forêts, de lacs, de ri-
vières, et occupé avec le Père Point à diriger la Mission
des Cœwr^Mène , qui sont aujourd'hui à peu près tous
baptisés.
c Pour atteindre jusqu*à ces régions reculées , à tra-
vers un pays semé d'obstacles de tout genre, et siUonné
par des bandes ennemies que le ressentiment et h
cupidité lancent à la poursuite des voyageurs, ce qu'il
nous fallait avant^tout était un guide expérimenté. La
Providence y pourvut. Un jour que je cheminais seul, à
une demi-lieue en avant de ma^Ute troupe, chercbaoi
dans les montagnes qui longent la Rtvière-verte un est-
droit propre à faire halte pour dîner, je vis venir à m^
un homme que ses cheveux longs et en désordre au-
raient &it prendre pour un sauvage , bien qu'A fàt
habOlé comme les blancs. Je loi présente la main ,
Digitized by LjOOQ IC
&05
suivant l'usage de la prairie^ et j'accompagne ce gestç
d'un bonjour qui m'est rendu en français. Vous auriez
peine à concevoir le tressaillement qu'on éprouve en
entendant , au milieu de ces vastes solitudes , l'accent
de sa langue maternelle, c Quoi , vous parlez français I
vous êtes donc Canadien ? (les chasseurs canadiens sont
répandus dans toute la jprahie). — Je suis Iroquois. —
Vous êtes Iroquois î connaissez-vous Sainte-Marie T —
J'en viens. — Et votre nom ? — Ignace. » Je n'essaierai
pas de vous peindre ce que je sentis alors. Ignace était
le compagnon fidèle du Révérend Père de Smet , un
homme dévoué , un des meilleurs guides du désert.
Sur-le-champ nous retournons à la caravane , dont je
l'installe capitaine , heureux de me décharger en si
bonnes mains d'un commandement qui commençait à
me peser.
« A quelque distance de là , nous rencontrâmes plu-
sieurs familles de Banaks , dont l'imprudence faillit
nous être bien funeste. Ils avaient mis le feu à la mon-
lagne que nous devions traverser, et la flamme se com-
muniquant des hauteurs à la praîne , était portée vers
nous par un vent violent. Que feriez-vous dans une po-
sition semblable, au milieu d'une immense plaine
couverte d'herbe sèche que l'incendie dévore, en pous-
sant devant lui d'épais tourbillons de fumée ? Mettriez-
vousune nvière entre vous et ce réseau embrasé qui en-
veloppe la caravane comme une proie T Bien ; mais on
n'a pas toujours une rivière sur son passage ; et puis, si
elle n'est pas large , l'obstacle est bientôt franchi. Que
faire donc! mettre soi-même le feu à la prairie sous le
vent , et quand l'orage en a emporté le foyer loin de
'vous, se réfugier dansVespace dévasté comme dans une
oasis. Le défaut d'aliment est, sans doute, la meilleure
barrière qu'on puisse opposer à un tel ennemi.
TOH. xviii. 109. 83
Digitized by VjOOQ IC
506
« Quoiqu il nous menaçât de fort près , nous n'eà-
ines cependant pas besoin de recourir à cet expédiaM.
Vers cinq heures du sojr , Ignace nous voyant à une
Pfetke distance du feu, mais- devinant que le vent attait
changer de direction , noua fit camper à labri de quel-
ques arbres verts » sur les bords du lit profond e( ro-
caillçia d*uQi ruisseau. Un spectacle des pbi6 imposants
nous fut donoé pendant celte nuit. Imaginei-vous une
mir-^de feu débordant sur la supface du désert ; tantôt
bondissant en gerbes embrasées à la cime des foréis
qu'elle consume, tantôt ruisselant comme une lave étm-
celande jusqu'au fond des ravins , pliant ses vagues on-
doyantes à toutes les sinuosités de la plaine, ou se sou-
levant avec eflbrt vers le ciel quand les vents contraires
voulaient maîtriser ^ fureur. Pour nous, confinés corn
me des Lapons dans des trous de rocher , nous en sor-
tions de iemps en temps pour observer Tincendie et sui
vré ses progrès : il ne s arrêta qu'à une portée de fu^
de notre camp.
. « Ces accidents ne sont pas les seuls que le vo}-a^ur
ait à craindre en traversant les solitudes du Nouveau-
Monde. Il est certaines régions où le serpent à sonnettes
se rencontre à chaque pas , et nous avions à peine mis
le pied dans la prairie , que nosvoiluriers étaient déjà
occupés à tuer ces dangereux reptiles. Du reste , leur
vue fait ici moins d'impression , je crois , que leur nom
en Europe. Je m'étais pouhn, à Paris^ d'une Coled am-
moniac liquide , qu'on dit être un spécifique infailliUr
contre les venins de toute espèce : cette précaution
était parfaitement inutile , car à côté du mal la Pro-
vidence a prodigué le remède. C'est une plante commu*
uémcnt appelée racine notre ; elle m'a paru avoir beau-
coup de ressemblance avec la barbe de bcmc de vos
Digitized
byGoogk
607
pi*és;. sa tèlc , qui s'élève au-dessus des autres her-
bes 9 la fait aisément reconnaître. On en fait sécher la
racine , qu'on réduit en poudre , et il suffit d'en répan-
dra un peu sur la plaie pour neutraliser aussitôt reffei
*hi venin.
« On lui attribue encore une autre vertu , celle d'en-
gourdir le serpent par son odeur. Notre interprète mé
racontait dernièrement, qu'ayant irrité une de ces hi-
deuses bèleç, qui * cherchair à s'élancer pourfaitein-
àre » il lui donna le vent , c'est-à-dire , se plaça de ma-
nière que le vent passât de lui au reptile. Il portait heu-
reusement de la racine noire. Aussitôt la fureur du ser-
pent se calma ; il se laissa approcher et tuer sans résis-
tance, iln sifflement aigu, comme celui d'une clef percée,
produit le même effet; le monstre élève aussitôtla tète,
parait écouter attentivement et reste immobile. J'en ai
vu assommer un de cède manière. Lesvoituriers ne font
paatant de cérémonies., ils les tuent à coups de fouets.
« L'homme n'est pas leur seul ennemi. Outre les oi-
seaux de proie , tous les individus de la famille des cerfe
leur font la guerre , et voici comment : ils se di essent
sur kîurs pattes de derrière et se laissant roiomhcr sur
leur victime , ils la coupent en morceaux avec la com«
de leurs pieds de devant. Mais le plus grand dosîrucieur
de serpents à sonnettes c'est le porc. D'abord, son enve.
loppe de graisse est impénétrable au venin , puis son
grognement tout seul paralyse le reptile, dont il se nour.
rit avec avidité. Linterprète dont j'ai parle, se trouvant
avec quelques amis près d'une mission protestante, dans
\m endroit où il y a beaucoup de serpents à sonnet-
tes , en rencontra un furieux comme le premier. Il
courut chercher un des quadrupèdes du ministre ; dès
33.
Digitized
byGoogk
£0S
que le serpent Ventendit grogner , sa eolère eessa c<»ii*
me par enchantement', il s'étendit souple et résigné de-
vant le porc , qui le prit par la queue et ne laissa que
la tétc. J'ignore , mon révérend Père , si ces détails ont
quelque attrait pour vous ; mais je suis bien sdr devout
intéresser en vous parlant de nos chers néophytes ; et
c est pourquoi j'omets les autres circonstances de mon
voyage, pour vous introduire plus vite auprès de ces
bons Indiens.
« Les lettres du R. P. de Smet vous ont fait connaiut
la nation des Têtes-Plates , cette clievalerie errante des
montagnes. On remarque entre eux et nos CceitTscTAUne
une différence qui n'est pas à l'avantage de ces derniers,
et dont la cause s'explique peut-être par les eondiUons
irêographiques au milieu desquelles le caractère des
deux peuples a dû se développer. Plus rapprochés des
régions où se trouve le Buffalo, ce pain quotidien de la
prairie , les Télcs-Plates ne se sont guère occupés jus-
qu'ici que de chasse. Pour cela il leur a fallu braver i
toute heure la nombreuse et perfide nation des Piedê-
NmSy et emporter, pour ainsi dire, à la pointe deVépée
chaque morceau qu'ils mangeaient : de là leur bravoure,
leur esprit d'abnégation et leur habitude des sacrifices
les plus généreux. Les Cœurs-d' Alêne , au contraire, sé-
parés des grandes plaines de l'Est par des montagnes
qu'on ne franchit qu'avec peine et dans la bonne saison
seulement , ne vont guère chercher leur nourriture hors
du cercle étroit de leurs vallées; leurs ressources sont
la petite chasse , je veux dire celle du chevreuil , la pè-
che , les racines et la mousse ; il sont pauvres, intéres-
sés , mais faciles à plier au travail : c'est la fraction la
plus modeste de la grande famille indienne. Vous le
voyez , mon très-cher Père , je n'ai qu'à me féliciter de
Digitized
byGoogk
609
la portion qui m'est échue dans le champ du Seigneur:
Pauperesevangelizanliar. Au reste, cette portion je n'au-
rai pas le mérite de l'avoir défrichée; je l'ai trouvée en
pleine culture.
€ Jusqu'à l'arrivée des /?o6es-now-cs , les Coeurs-cfA-
tène ont vécu extrêmement isolés ; ils n'étaient ni aimés,
ni estimés de leurs voisins ; aussi parlent-ils une langue
qui n'est commune à aucune autre tribu , tandis que
celle des Têtes-Plates^ beaucoup plus difficile à appren-
dre , est en quelque sorte l'idiome universel des mon-
tagnes. Gomme tous les sauvages qui ne peuvent chas-
ser le buffle , les Cœurs-cTAlène habitent sous de$ nattes
de roseaux, qu'ils attachent à des perches disposées en
cône , avec une ouverture au sommet , pour laisser une
entrée au jour et une issue à la fumée. Dans cette es-
pèce de ruche on ne peut , comme vous au moyen de
vitres, voir de l'intérieur ce qui se passe au dehors ;
mab on entend tout ce qui se dit à demi-voix dans les
loges du voisinage. Un chef harangue-t-il les siens? pe^
sonne ne sort pour l'écouter ; mais à peine a-t-il fini ,
que toutes les cabanes retentissent du cri approbateur,
qui ressemble assez aux huées de collège. De cette faci-
lité à saisir tout ce qui se dit, vient sans doute la publi-
cité qu'acquièrent en un instant les fautes les plus légè-
res ; et c'est ici un puissant frein pour le vice; aussi les
sauvages se tiennent-ils communément dans une grande
réserve. Tout vindicatifs qu'ils sont , ils recevront une
injure sanglante sans en paraîlrc alTcctés ; leur rage
se concentre au fond du cœur sans que leur visage tra-
hisse la moindre émotion.
« Je TOUS ai déjà dit un mot des ressources alimen-
taîres de nos Indiens ; j'ajouterai quelques détails. Bien
que la chasse au chevreuil ait lieu en toute saison.
Digitized
byGoogk
h\0
Yhîyer surtout en favorise le succès. Les chasseurs, fw
nis en grand nombre, cernent le gibier de manière à ce
que noyant pas d'autre issue , il soit réduil à se préci-
piter dans les lacs ; on le poursuit alors en çaAot , et k
phis souvent ce sont les vagues qui rapporleat la proie
sur le rivage. Si le lac est large , ecux qui auraieûi
. échappé aux armes de llndien, périssept dans les eaux.
Il est arrivé à la tribu de tuer ainsi jusqu'à trois cenu
cheviQuils en im seul jour.
« C'est toujours à jeun que le sauvage entreprend ett
expéditions ; il ne mange qu'à la fia de la cbas^ , et
bien souvent , lorsqu'il n'a pas réussi , il vase coucIkt
sans rien prendre , pour recomeneneer le leodcmakk
D'un autre coté , quand il a été heureux, ses journées
ne sont plus qu un long repas et il ne s'arrête qu'après
avoir tout <iévoré. On a vraiment peine à eompcendrc
lo»t ce que llndien p«ul absorber d'alinients ', coomm
afiissi toui ce qu'il peut endurer de privations : passer
frais au quatre jours sans prendre aucune Dourritore,
n'est pas chose bien extraordinaire pour lui. Au resic ,
quiuid les sauvages jeûnent , c'est presque toujours de
leur part imprévoyance ou paresse , car à dé&ui de b
chasse et de la pèche, ils ont les racines qui abondent ,
et la mousse qui ne manque jamais; mais ceci est Y^
feii^ des femmes.
« Chez les CœurscTAlène , comme parmi les autres
sauvages, les femmes sont aussi industrieuses, aussi înfe-
ijg^bles, que les hommes sont insouciants et paresseux.
Il n'y a pas longtiîmps, on ignorait encore dans cescoa-
irées ce que c'est qu'une chaudière, et cependant , dé-
pourvues de tout vase qui pàl être soumis à ractroii du
'feu , les mères de famille n'en donnaient pas moîn$ «
leufs alim€H<s In ruiî^son convenable. Pour apf rcior U
Digitized by LjQOQ IC
611
viamle , elles se servaient de panlera d osier , enduits
d'une espèce de ciment qui ne se dissout pas fnémeLÀ
Teaci bouillante, et elles obtenaient ce degré de chaleur
en jetant dans Teau des cailloux rougis au £eu.
.* « De toutes les racines qu'exploitent les sauvages, la
meilleure est sans contredit celle que les Canadiens ap-
pellent gamaclie , et les CœwrS'dTAlbxe sxaàolot : c'est
un petit oignon blanc et fade avant d'èlre cuit , mais
ijui devient brun et sucré après cette opération. Quand
les femmes , armées de bâtons recourbés et pointus , .
s'en sont procuré une certaine quantité par un travail
. j)énible , elles creusent dans la terre un trou rond de
u-ois à quatre décimètres de profondeur , sur un dia-
înètre proportionné à leur riehessc; elles en oott-
rrent le fond d'un pavé bien uni qu'elles fbiti chauffa*
ou plutôt rougir au moyen d'un énorme foyer. Après e»
avoir retiré avec soin toute la braise , elles recouvrent
ce pavé d'herbes humides , jsur lesquelles elles répan-
dent leur gamache ; vient ensuite une autre couche de
foin mouillé , puis un lit d'écorce , et enfin un tas de
terre sur laquelle elles entretiennent une espèce d'in-
cendie pendant cinquante à soixante heures consécuti-
ves. Par ce procédé la gamache acquiert une consîs-
lance semblable à celle de vos jujubes , et se con-
serve longtemps pourvu qu'elle ne soit point mouillée :
nos sauvages la préfèrent de beaucoup à la pomme de
terre.
« II est une autre productmi du désert, que j'm déjà
)K>mmée , e'est la mousse , ressouree toujours assurée
4le ceux qui jeûnent. On la trouve en abondancesur un
pin gras , fort commun aux montagnes , et qui diffère
de ceux que j'ai vtisen Europepar une oroisssihee belm-
coup plus ricbe el par sel feuilles qui sont triples au
Digitized
byGoogk
512
lieu d*éire doubles. Ce parasite y d*un vert très-foncé ,
disposé en couches épaisses , compactes et adhéren-
tes les unes aux autres , paraîtrait plus propre à bour-
rer des matelas qu'à soutenir la vie humaine. Les
femmes , munies de haches , vont couper les branches
qui en sont le mieux garnies; les enfants la trient pour
en ôter , en partie, les corps hétérogènes, puis on la
soumet à la même opération que la gamache, avec celle
différence qu'on ne la recouvre pas d'écorces et que le
feu dure seulement vingt-quatre heures. On mêle quel-
quefois de la gamache à la mousse , et celle-ci y gagne
beaucoup.
€ Aujourd'hui les Cœursct Alêne cultivent avec suc-
cès la pomme de terre : telle famille qui n'avait pour
outils que des bâtons pointus , en a récolté cette année
environ cent boisseaux. Quand on aura pu procurer as-
sez de pioches à nos Indiens, ils trouveront dans ce tra-
vail leur ressource la plus assurée et la plus facile à
obtenir.
c Les maladies des sauvages se réduisent presque
toutes , dit-on , aux rhumatismes et aux dérangements
d'estomac. Ils doivent les premières à leur négligence ;
se couchant et dormant au premier endroit venu , sur
un sol généralement Immide , faut-il s'étonner quils
contractent de telles infirmités? Leurs jeûnes prolongés,
suivis d'une voracité excessive , sont plus que sufBsanis
pour causer les secondes. Du reste , accoutumés à avoir
toujours la tète découverte , à courir nus-pieds dans
l'eau , dans la boue, dans la neige, ils ne savent ce que
c'est que migraines, maux de dents, maux d'oreilles ;
et parmi nos vieillards je n'en ai remarqué qu'tm seul
qui grisonnât un peu. Aussi quand le P. Point arriva
dans la tribu , un des premiers compliments qu'on lui
Digitized
byGoogk
âi3
adressa , fut de lui dire qu il avait au moins cent ans.
Je ne le cède guère, sous ce rapport y à mon confrère :
cependant nos sauvages ont déclaré que si mes cheveux
étaient vieux , mes yeux ne Tétaient pas.
c J'ignore encore à quoi se réduisait la science mé-
dicale des sauvages avant l'arrivée des Missionnaires.
Actuellement nous sommes leurs seuls médecins; à la
plus légère indisposition , ils vont la confier à la Robe-
noire , et il faut leur donner quelque médiciment , ne
fût-ce que pour calmer leur imagination. Je suis porté
à croire qu'autrefois ils avaient presque toujours re-
cours i des pratiques superstitieuses, auxquelles disjoi-
gnaient pour tout traitement ce qu'ils appellent la Suerie.
Figurez-vous un petit dôme, construit au moyen de bâ-
tons ployés en ceintre, fortement entrelacés comme un
épais réseau , et dont les deux extrémités sont fixées en
terre; le tout est recouvert d'une forte couche d'argile ,
ne laissant vers le bas qu'une étroite ouverture carrée.
La hauteur de la voûte peut être de cinq décimètres, sur
un peu plus d'un métré de laideur à la base; au milieu
de cette rotonde est un trou rempli de pierres rougies au
feu. Le patient se glissant, comme il peut , par la porte
qui lui est réservée , se range en demi-cercle autour de
ce foyer ardent ; l'entrée se bouche avec soin , et dans
cette espèce d'éluve on donne aux mauvaises humeurs
*e temps de s évaporer. . Rien n'est si commun que ces
9U€ric8 dans tous les lieux que nous avons parcourus.
« Le gouvernement de» Indiens est assez paternel. Le
pouvoir réside dans le conseil de la nation , présidé pai-
un grand chef à qui il appartient de notifier les décisions
de l'assemblée. II n'est pas question, du reste, de pou-
voir législatif parmi nos sauvages. Avant l'arrivée des
Missionnaires , toute leur jurisprudence coiuistaît dans
Digitized
byGoogk
514
ce qui leur était resté de la loi naturelle ; aujourd'hui
les cofnmandcmentjs de Dieu et de FEglîse forûicnt tout
leur code. Quant aux ordonnances émanées d\ine vo-
lonté humaine , Tusage n'en est guère connu ; je doute
méntie que le veÂe commander enkie dans leur langue.
La puissance des ehoh se borne à peu près à ceUe de
h persuaapii, iTautorité quedoni^e la vertu. Il n'en
t^pas de mèiRe du pouvoir cœrckif ou judiciaire; c'est
aux chefs qu'il appartient de punir le désordre ; les pei-
nes qu'ils pro&oneeni se réduisent au fouet et à Icxil.
Ordiooiremcnt leeoupable vient lui-même demander le
fouet. S'il ne montre pas cette bonne volonté , on lui
donne le choix entre les deux ehitimenls , et quand il
&cn trouve d'assez hardis pouc tout refuser , rarement
on emploie eoBtro eux la forée , mab on les traite à peu
près en exeonsBiuiiiés*
< Chaque chef a ses terres , qui se trasmetient de
père en fils ; il a aussi ses clients qu'il nomme ses en-
fants : mais ceux-ci ne lui sont pas inféodés au point de
rester toujours enchaînés à sa suite ; libre à eux de pas-
ser sous un autre patronnage. Tout chef a sur ses pro-
pres terres le mime pouvoir que le conseil a sur la na-
tion; et quand une affaire est portée au tribunal suprême,
eest uniquement pour donner plus de force à U
sentence ,. en ôlant tout appui au coupable. Si chaque
sauvage a le droit de choisir entre les différents guides
de la nation , ces derniers ont à leur tour le privilège
d'élire eelui q4ii est pkaé i leur tête ; ils le aonunent à
vie : c'eat un houAwr très-onéreûx , quie la plupart
dédineat.
« Vous parleraî-je maintenant de notre manière de
vivre ? Sans cHre à l'abrî des prmtîoils , elle nlropose
cependant pas tevts les sacrifiées que Je croyais însépa-
Digitized
byGoogk
oîB
râbles de la vîe du Missiornialre ; fear , grâces aux soins
de ceux qui m*ont précède iei^ nous sommes beaucoup
mieux que je n aurais osé rallendre. Chaque prêtre a
sa maisonnellc en bois; des fenêtres , aux vitres de pa-
pier , lui donnent assez de jour à Fintérieur , et le m^et-
lent à même de braver le froid, qui du reste n*est pas
sévcTo. Lorsque nous aurons remplacé la terre de nos
loiîs par une bonne charpente , qui est déjà prête , Jjê
coniptc que nous pourrons aussi nous défendre de la
pluie. •
« Quant à la aourriture ,. elle diffère peu de celle d^
A^s sauvagies. Parfois nous les suivons dans leurs ^'
euirsions aventureuse^, ei ujiârs ocst entre eux et nom
uoie parfaite communauté de biens et de ikiigues. L'aa-
ncc dernière , j'allai passer Thiver à Textrémiié du lac ,
au milieu de nos chasseurs , installé comme eux dans
une simple lo^. Lorsqu'il lallut retourner au village^ je
demandai ù un Indien s'il pourrai! m'y rccooduire eo
un jour y et sur sa réponse affirmative , je ne songeai
point à prendre de provisionai. le me couchai donc daa$
une nacelle , tissue de petites branches moins fortes qM^
rosier , et recouverte d'une écorce de sapin plus frêle
( iicore^ J'avais de bonnes raisons pour iiie tenir dans
cet le attitude » carie moindre moiucemem sur un bord
iMi S4.ir l'autre aurait suffi pour faire chavirer le au>bik
( sqtiir , et comxuie j'avais passé la nuit (wécédânte à
cciirç , je ne tardai pas à cédei au sommeil»
« Je ne dormais pas si profondément que je ne m'a-
porritsse bientôt dé l'embarras du pilote. Le lac se trou- •
vait couvert de glaçons qui menaçaient à chaque ins-
tant (!c percer les flancs du canot et de nous couler &
foml. Mais voici bien un autre obstacle. Ce ne sont plus
«les morceaux de glace isolés qui nous mettent en péril,
Digitized
byL^OOgk
616
c est le lac entier qui se prend , et nous force tfabordcr
comme nous pouvons pour camper sur la grève.
€ Il pleuvait, il neigeait, et je n'avais rien pour m'a-
brîter sur ce bord rocailleux. Mes sauvages m'eurent
bientôt tiré d'embarras ; sans que j'eusse besoin de leur
dire un mot , ils élevèrent avec quelques nattes une
demi-loge , dont la partie ouverte était défendue par un
bon feu; ils furent encore moins entrepris, quand il fut
question de se faire un gîte à eux-mêmes; le canot, cou-
ché sur un de ses flancs, leur servit de toit , de plan-
cher et de lit. Le lendemain nous fîmes à pied le reste
de la route , Uintôt sur la neige , à travers les bois , les
marais et les broussailles, tantôt sur le lac quand la glace
était assez forte pour nous porter. Nous arrivâmes enfin,
vers midi, avec un appétit fortement excité par le jeûne
et la marche ; il me semblait que j'aurais fait honneur
à un bon repas : on ne put m'offrir qu'un morceau de
mousse. C'était la première fois que j'en goûtais ; je ne
la trouvai pas mangeable; mais quelques jours après j'j
étais habitué. Au printemps dernier, nos confrères n'ont
pas eu d'autre nourriture.
€ Notre temps au village est partagé entre les fonc-
tions du saint ministère , l'étude de la langue et les
travaux agricoles. Jusqu'ici la direction des èmes a été
le partage presqu'exclusif du Père Point. Les soins ma-
tériels de la culture sont mon affaire. D'après les inten-
tions de nos Supérieurs , je cherche à tirer de noir«
ebamp de quoi subsister sans secours étrangers , afin
que d'autres peuplades puissent profiter de la charité
des chrétiens de TEurope. Quel bonheur pour nous, si
après avoir servi d'instruments de salut à nos sauvages,
nous donnions encore la fertilité à leurs déserts, et Vai-
Digitized
byGoogk
&17
pect de colonies florlssanles à leurs malheureuses tri-
bus ! Tel est du moins notre espoir , et pour le réaliser
nous appelons de nouveau le concours de vos prières.
« Agréez., etc.
« JOSET. S. 'J. »
Digitized
byGOQgk
518
Aulne letête du même Mi$$i(mmàrê , au ré)éremi Pètt
CauneUle, de la Compagnie -de Jésus.
MissÎMi de S. Ignace , 10 octobre 18i5.
« Mon Révérend Père ,
« Je vous ai promis des nouvelles de nos Missions, et
je tiens parole en vous communiquant une lettre que
J'ai reçue récemment du Révérend Père de Smct : elle
est datée du 9 septembre 1845.
c Me Toilà donc, écrit cet infatigable Confrère , aux
sources de la Colombie , en vue des deux beaux lacs
qui donnent naissance au plus grand , mais aussi au
plus dangereux fleuTC de ces contrées. Ma loge est
dressée sur le bord du premier, ruisseau qui vient lui
payer tribut , après avoir roulé .ses bruyantes eaux de
cascade en cascade sur les rochers inaccessibles qui
sont à ma droite. J*aimerais à vous voir transporté pour
un instant auprès de moi , afin d y jouir d'un spectacle
qui vous rappellerait votre Suisse. Au-dessus de mon
campement , ce sont vos pics gigantesques et vos ef-
frayants glaciers , contrastant avec les sites gracieux du
plus frais paysage. Le coup-d'œil que présentent , dans
la plaine, les deux lacs dont j'ai parlé , n'est pas moins
pittoresque. Ils sont remplis de vie en ce moment ; à
leur surface fourmillent des oiseaux aquatiques de tout
Digitized
byGoogk
619
genre » tandis que leurs bords sont fréquentés par des
pécheurs d uoe espèce bien nouvelle pour moi, par des
armées d'ours blancs etuoirst à qui les dents et les grif-
fes tiennent lie« de harpons. Aux iMremières neiges , ils
repreoaenlle chemin de leurs tanières , où ils passent,
on ne sait comment , les quatre mois dliivcr.
« Mais revenons sur le passé et recueillons nos sou-
venirs, pour en jalonner Tespaoe que j'ai franchi depuis
noire'demière entrevue. Après vous avoir quitté, je me
cendis aux belles chutes de la Colombie que nous nom-
moïïsles Chaudières. Huit ou neufcents Indiens s*y trou-
vaient réunis pour la pèche du saumon.. Sur un bloc de
naerbre qui s'avance en pointe dans la rivière , j'élevai
ma pauvre chapelle en jonc , qu'entoaraient les buttes
sauvages , comme la jeune oouvée cherchant un refuge
sous les ailes de sa mère. Janwis peuple ne fut plus af-
famé de la divine parole ; aussi y pour répondre à des
dispositions si heureuses , je fis chaque jour plusteui^
instructions , qu'il suivit avec une attention soutenue.
« La fétc de saint Ignace avait été choisie pour . clù-
ture de nos exercices religieux. J'ai passé ce beau jour
accablé d'occupations» mais de ces occupations douces
au cœur d'un apôtre. Plus de cent enfants me furent
présentés pour le saint baptême , ainsi que onze vieil-
lards dont plusiciu*s, portés sur des peaux , semblaient
n'attendre que la grâce de' la régénération pour s'en-
dormir en paix dans le sein du Seigneur. Le plus âgé ,
aveugle et centenaire , me dit entre autres choses :
« Ma vie a été longue sur la terre , et depuis longtemps
« je ne cesse de pleurer , car j'ai vu mourir tous mes
« enfants et mes anciens amis. L'isolement s'est fait au-
c tour de moi , je vis dans ma nation comme parmi
« desétrangers; les souvenirs seuls m'occupent, etib
Digitized by LjOOQ IC
620
« sont tristes. Cependant une chose me console , j Vi
«r toujours évité la compagnie des méchants ; mes mains
« sont restées pures de leurs vols , de leurs querelles
« et de leurs meurtres. Aujourd'hui que le Grand-Esprit
« m*a pris en pitié , je suis content ; je lui donne mon
« cœur et lui offre ma vie. »
« La scène où tout cela se passait était vraiment so-
lennelle. Le bloc de marbre sur lequel Tautel était
dressé , le bruit sourd des grandes chutes qui retentit
au loin dans la solitude , ces enfants des forêls campés
sur les bords du plus puissant fleuve de TOrégon , à
l'endroit où ées eaux forment un torrent impétueux et
irrésistible , majestueux et immense , qui se précipite
à travers un dédale de rochers , ces cascades qui jaillis-
sent de toute part comme autant de colonnes transpa-
rentes , et réfléchissent aux rayons du soleil les brillan-
tes couleurs de l'iris; tout semblait porter intérêt et prê-
ter son charme aux belles cérémonies du jour.
< Ma présence au milieu de ces bons Indiens nln-
terrompit pas leur pèche. Ils avaient attaché un panier-
monstre à une pointe saillante de rocher , et les
beaux poissons de la Colombie venaient s'y jeter par
douzaines : sept à huit fois par jour le panier se vidait,
et chaque fois Ton n'en tirait pas moins de deux cent
oînquante saumons. Pendant que les uns étaient oc-
cupés à les recueillir, d'autres se rangeaient en file sur
le bord , et plongeant leur dard avec force et dextérité,
rarement ils le retiraient sans amener une proie. Hors
de rOrégon, on m'accuserait d'exagérer : j'ose affirmer,
pourtant , qu'il serait tout aussi facile de compter les
cailloux si profuscmcnt semés sur les deux rives du
fleuve, que les poissons contenus dans ses eaux. Comme
le buiïalo dans les plaines de lest , le poisson , à Foucst
Digitized by LjOOQIC
&21
*des moDtogDea , est le pain quotidien des peuples qui
faabiteut ces parages ; ou peut juj^er de'Jeur multitude
par la cousommation qui s'en fait. Dans la saison où le
saumon remonte , tous les Indiens se rendent sur les
points favorables des différentes rivières , et non seule-
ment ils y trouvent alors une nourriture très-abondante
(ce qui n*est pas peu dire pour qui connaît Tappétit du
sauvage), mais ce qu'îb en conservent encore leur tient
lieu de provisions pour tout Thiver. Et néanmoins , des
colonnes innombrables de saumons se poussant jus-
qu'à la source des rivières , y meurent épuisées et
manquant d'eau.
€ Au moment ou je vous écris , ma tente est dressée
sur le bord de la Coloitibie , dans un endroit où elle
est peu large et peu profonde : jY vois passer les sau-
mons ; ils se gênent les uns les autres ; et pour se feirt
place , ils s'entredéchirent h belles dents. Les truites ,*
ainsi qu'une espèce de carpes , avides des œufs qu'ils
déposent dans le sable et le limon des rivières , les sui-
vent en foule. Voilà une assez longue digression , que
je vous aurais épargnée si vous n'étiez encore nouveau
dans le pays.
« Le 4 août, je quittai les Chutes pour reprendre le
cours de mon périlleux voyage. Ce qu'il m'^n acoùtéde
privations et de fatigues , je ne m'en souviens plus ;
mais ce que je n'oublierai jamais ce sont les grâces que
le Seigoeur a semées sur mes pas , ce sont les heureu-
ses disposttioDs de tidfit de peuplades inconnues , qu0
j'ai trouvées si avides d'entendre la divine parole», si
enopressées.à demander le baptême, etque j ai laissées
prosternées de reconnaissance au pied du signe de no-
ire Rédemption. Enfin j'arrivai , après une marche
d'tt^ moi» f aux sources de la Colombie. Je ne croyais
TOM. xvni. 109. 34
Digitized by LjOOQ IC
Siière y rencontrer de (faai et^roèrle'ttiiiiiiiiiibière.
Ifors en queVendroii du désert les CamdiMs n'oM-ib
pas pénétré? Le roi qui trdne dams ce pay!>9oliteire, ta
an bvave habitant de Saint Martin Canada), qui depmi
vingt-six années a quitté sa patrie. Sen palais est oem*^
fruit de treiie peaux d'orignal, et, pour me sertir de-scs
propres expressions , il possède assea 9e chevaux pour
y hger son petit train , c'est-à-dire , sa femme et se?
sept enfants avec tout son modeste avoir ; fibre à hî
de tenir sa oour (de dresser sa loge) partout où îî veut ,
sans que personne vienne lui en disputer le dnyh. Son
sceptre, c'est un piège à castor; sa Idi , c*est sa cara*
bine : Tun 3ur le bras, laulre sur lo dos ^ il visité tour
à. tour ses Bombreux sujets , le castor, la loutre, le m
qwiisqué , la martre , Tours , le caribou , l'orignal , k
4i^U)ii« la chèvre des montagnes, le chevreuils queitf
npi^, aussi bien que sou parent à queiu) rouge : tous ,
si la loi les atteint , lui paient tribut en viande et eo
peaux» Entouré de tant de grandeurs terrestres, jmisibk
possesseur de tous les châteaux de granit dont la na-
ture a embelli se? domaines « s^gneur aoUtaire de ce$
majestueuses montagnes qui élèvent juacpi'iioi nuis
leurs cimes glacées , Marigeau n'oublie pas son devoir
de chrétien. Tous les joni's , soir et nmtin, on leiAMt au
milieu de sa petite famille à gcftioux, recherfffemenNM
•es prières. Depuis plusieurs années, it démratlttféett-
ment rencontrer un prêtre ; dès qiifl «ot wW aili»ite ,
il dccouniten toute hftte pour prôeuref à AfemoM el I
^t entfuits Tinsi}pie bonheur du tmptèmè. ^OeQi Ihveor
leur An accordée le jour de la NaliVité'tie hrtfèMàinie
Vierge, aitisi qu'aux en&nts de trob iiiitilei Mien-
oes qui le suivent dans ses (RAièrentes n^Nrtions. h»
encore , le saint sacriflce de la meflsé'fet'Mhrt-pottr
la première fcrs. Mùrigeau s'approcha d6*ta tafbt6*tAff ;
Digitized by LjOOQ IC
&S3
En méiMirie de tant'dieèieiifeits , iOtie gm4e «roix fut
platM^c dans une pmim qoo nom ap^ielàinee làfMtu
dé^lù tVictwlté.
« Je ne puis quitter mon bon Canadien sans faire
mention honora We de sa cuisine. Le premier plal qull
m'offrit fût un ragoût composé de deux pattes d'ours; un
porc-épic entier, mis à la broche, flt ensuite son appari-
tion; puis, une grande chaudière fut placée au milieu des
convives; chacun en tira le morceau qui lui convint, et
certes il y avait de quoi choisir : dépouille de buffalo , .
chair d'orignal, queues de castor, perdrix, tourterelles,
lièvres y figuraient à Tenvi et donnaient satisfaction à
tous les goûts.
c Je viens d'être joint par les sauvages de la Rivière
rouge que j'attendais. Les nouvelles qu'ils me donnent '
des dispositions des Piedê-noirs sont effrayantes ; vous
connaissez ces barbares. Dans leur rage effipcnce , pour
venger quelque parent tué à la guerre , quelquefois
pour le moindre caprice, ils immolent sans pitié la mal-
heureuse et innocente victime que le hasard offre à leurs
coups. Vos bonnes prières toutefois m'encouragent ; je
ne m'arrêterai pas à la vue du danger ; je mets toute
ma confiance dans le Seigneur, qui saura quand il vou-
dra changer et adoucir ces caractères implacables. Il
s'agit pour moi de porter l'Evangile aux lieux mêmes
où les excursions de ces brigands sont si fréquentes :
nulle considération ne poiurra me détourner d*un projet
que j ai nourri dans mon cœur depuis ma première
visite aux montagnes.
c Adieu , mon cher Père , si Dieu m*est propice ,
probablement vous me reverrez avant l'hiver
c De Sun. S. J. »
34.
Digitized by VjOOQ IC
£24
c — J'aurais bien aussi mes notes à joindre &
celio lettre ; mais je suis trës*|iressé : il faut que je
me rende en toute hâte à ma Mission duSaoné-Ccewr.
Comme je ne pourrai pas donner de mes nouvelles en
Suisse avant le printemps prochain , je vous serai bien
obligé de faire savoir à nos amis que je ne les oublie
pas y et que je me recommande instamment à leurs
prières.
c JosETi S. J. 9
Digitized
byGoogk
696
MISSIONS DE ^AUSTRALIE-
DIOCÈSE DE PERTH.
.Comme le diocèse de Per^h figure pour la première
fols dans les Aunales , nous avons pensé qu'une courte
notice sur cette Mission, encore à soiî début, faciliterait
rintelligence des leUres qu'on va lire.
L'Australie qui , en 1820, était encore sans autel el
sans prëtre\ est devenue depuis , sous la direction de
Mgr Polding , une province ecclésiastique où l'on com-
pte l'Archevêché de Sydney , les Evéchés d'Adélaïde
et d'Hobartown , une église métropolitaine , vingt-cinq
chapelles, trente-une écoles, cinquante-six Missionnai-
res , partagés entre le soin de la population civile et des
eolonies pénales, et le ministère de la prédication parmi
les sauvages de la Nouvelle-Hollande.
Grâce au zèle persévérant du Prélat , la Religion ,
en 1840, se trouvait établie sur la côte orientale,
mais les régions de l'ouest restaient encore étrangères à
ses bienfaits. Pour étendre jusqu'à elles l'heureuse in-
fluence de l'Evangile , Mgr PoKVmg fit appel à la a(4lie{-
Digitized
byGoogk
(ude du Saint Siège , et M. Tabbé Brady , qu*il avait
chargé de porter à Rome Texpression de ses vœux , fut
renvoyé en Australie avec le titre d'Evêque de Perth, et
la^aiissioa d*£rig^r ddux nouveaux Vldirîais «peaMl?^
ques , celui de la Sonde et celui de Port-E&sington.
La juridiction de Mgr Brady comprend deux millions
d'indigènes et huit mille colons, répandus sur six cenis
lieues de littoral. Quant à rintèrieur des terres , on
manque de données suffisantes pour évaluer le chiiïn
des tribus quiriiabilent. Il n'est pas moins difficile da|-
précier les dispoehifvi^de* ces pet^^faides errantes, et:
présence de renseignements incomplets , qui se con-
tredisent souvent ; toutefois on pense assez générale
ment que ces sauvages sont d!un naturel doux et do-
cile, que la timidité de leur caractère promet à Fétran-
ger un acevcll paciflque , et qu% Fabri de letirs vastes
f'OFèls ik onl conservé le degré dinnocence eompatade
avec des superstitions grossières. Leur religion consiste
dans le culte de d^ix prinripes, Vun bon, qulls en-
tourent de peu d'honunagesi parce qu'il ne. eaimdt leur
nuire ; TautrC' mauvais , qui reçoit tous, les honneurs ,
parce quji tient dai^ sa main tous les fléaux^ Ces ii»-
digènes n ont eu jusqu'à présent aucun rapport awe les
Européens , et n'ont pas encore été visités par les- mi-
nbtres protestants , double motif d'espérance pour nû6
Rfissionnaires , qui savent paj expérience combien le
triomphe est plus facile quand ik . n'ont à briser que
de vieilles idoles.
La^^Hcide Penk, fésiêmcfe^ dm, imneb£vèc|Oû et
cejMiH^ de s» Mission , est éluécavirte rive d'm bea«
Olifm^9ff%\é\mIUmiirede$,Cjfg»e$^ à wptiiiiltes^du
p^ deArMwmfe. Ces^U ai^4u ffmnctBenmoic^
lotoM pourJ'bmfi»! de la IVouvfiUâ-B«B«iMku St popiib-
Digitized
byGoogk
lion est d'environ trois mille âmes, dont la moitié, com-
posée de catholiques et privée jusqu'ici de secours spi-
rituels , vient de saluer avec la joie la plus vive Tar-
rivée deaea prcmieF Pa»êtur.
C'est le 8 janvier 1846 que Mgr Brady a revu la
Nouvelle-Hollande. A sa suite trente personnes , parmi
lesquelles on aime à compter des enfants de St-Benoît,
df» Rcligrew d« S.-GflBttr de Marie et dies Sœdrs de la
Merci, sont descendues^ sur «e lointain rivage, au chant
des hjTunes sacrés. La pieuse colonie ne pensait s'adres-
ser q«'au ciel, et déjà sur la côte sa voix avait été enten-
due ; quelques sauvages accouraient à la no\fy«iuté de
ce spectacle; des blancs quittaient leurs travaux aux ac-
cents de cette prière inaccoutumée , et, réunis sous les
bénédictions de leur commun père , semblaient présa* '
ger rbeBftux jour où tes diverses nation» seront
MaftNidttes ifatns Tanité d*ime famille cbrèticnoe»
Cet avenir, l'un des iFissionnaires, M. Bouchet, n'a
pu que l'entrevoir; il est mort peu de jours après son.
arrivée à Perlh, d'une maladie qui s'était déclarée au
Cap de Bonne Espérftnee , et que la fatigue d'Une lon-
gue navigation avait encore aggravée. Aitisi , c'est suf
la tomhe d^n d»- leurs confrères q!ic les apôtresde
l'Australie eccideneale «nt planté leur première croîi ?•
Mais pour eên ecite épreuve est tav nouveau raotil dVs-'
pérer : m Ltmftés ne peut manquer à noire Mission ,
nou9écriwnt4b,'p«i»q«H'elte commenee parlewcriflce.*-
Digitized
byGoogk
BU
Lettre de Dont Lèandre , Bénédictin , à Dom GiU-
ranger y ahhè de Solesma.
Penh, Aiitralie ocddectAla : màtéi , «etoTe^ rSpiphanie,
13 j«im«i 4Siê.
c Mon 'mÈs-RévÉREND Pêiœ Abbé,
c Béni soit le Seigneur, le Dieu de toute bonté, qui
nous a conduits si heiutsusement au terme de notre
voyage. Le lendemain de l'Epiphanie nous jetions Tan-
cre , et jeudi malin , à neuf heures et demie , nous quit-
tions notre navire.
« Bien différente de TAfrique dont les montagne
hautes et escarpées annoncent la stérilité du sol et la
barbarie des habitants , TAustralie n'oflre que de dou-
ces collines où les bois et la verdure se disputent à
Tenvi le privilège de réjouir Tœil du navigateur fotigué
delà monotonie d*un long voyage sur les eaux, où pour
distraction il n*a guère que les vents et les tempêtes*
c Enfin je touche à cette terre où je devrai me san-
ctifier en apprenant le chemin du salut à de pauvres
sauvages, si longtemps inconnus à notre Europe. La sol-
licitude de nos économistes ne va pas jusqu'à rompre le
pain de la civilisation à de malheureuses créatures dont
Digitized
byGoogk
639
Tàme a cependant coûté tout le prix du sang de notre
doux Seigneur Jésus. Les anges gardiens de ce pays
immense auront entonné le Gloria in excelsis Deo et in
terra pax hominibm : car ils voyaient enfin accompli le
temps que Dieu avait résolu, dans ses desseins étemels,
de mettre entre le joyeux avènement de son fik
sur la terre et Favénement de ses ministres , dont
la parole , les sueurs et les travaux devront mettre
la paix dans le cœur de tant d*hommes délaissés. Ces
cœurs devront devenir nouveaux, et, de grossiers qu'ils
sont, la grâce en fera des tabernacles où l'Esprit-Saintse
plaira à faire sa demeure. D'ici là , mon très-révérend
Père, combien de prières il faudra que mes frères
d'Europe offrent au Dieu des miséricordes ! Ah ! s'ils
ne prient pour nous, comment pourrons-nous réussir,
abandonnés à nos propres forces?
« Le jeudi 8 , Mgr Brady dit pour la dernière fois
le messe sur le navire. Tout est préparé pour mettre
pied à terre ; nous en sommes à peine à un mille. A
neuf heures et demie je récite les litanies de tous les
Saints sur le pont avec Dom Serra. Quelques minutes
après , nous quittâmes VElisabeth , dont le capitaine
David Morrice s'est montré fort bon pour nous pendant
tout le voyage , malgré la divergence de croyances reli-
gieuses. Pendant la traversée du navire à la côte, Dom
Rosendo Salvado chanta les litanies de tous les Saints, et
tous en chœur nous répétions : Ora pro nobis. Après les
litanies on chanta le Benedictus, Quelle effusbn de joie
dans tous les cœurs , et pour moi en particulier , qui
voyais un enfant de notre bienheureux père Saint Be-
noit , élever le premier de tous la voix des louanges de
Dieu sur une plage qui n'avait joui que pendant si peu
de temps du bonheur de posséder un ministre du Sei-
Digitized
byGoogk
6S0
gneur , dans la personne de notre Evèque , leqad ,
après deux longues années , venait prendre postessoa
d'an territoire confié & ses soins par le sueeessair du
prince des apôtres.
« A dix hcfnres nous mettons le pied sur le rivage oè
éwnent assemblées une cincpiantaine de personnes. Au?-
sHdt Monseigneur entonne le Te Deum que nous ponr-
SOTvens tous en cliceur. A trois pas derrière nous etrA la
mer ; devant, l'immensité de cette île qui mérite mfeux
le nom de continent. An verset, Te ergro quœsnmut,Jwo$
nous sommes prosternés sur le saWe. Après fc Te Dcfm,
Monseigneur donna sa bénédiction , puis nous nons^
aciieminâmes vers le rivage de FreemanUe , quî est
comme le port de la ville de Pcrth, Chemin faisant
j aperçus Dom Serra et Dom Salvado pariant à un sau-
vage : je courus à eux , et ma première paroîc en
Australie fut le Good mormng ^ Jionjmir , adressé i ut»
sauvage sans songer s*il serait capable de nue comprea-
dre. Apeine lui avais-je adressé ce salut, qu'il nae répond:
How do you do f Comment vma porlez-vous f ie f\&
étonné; mais un habitant de FreemanUe j qui setali
approché de noue , me dii que tous les sauvages des
côtes savaient parler l'anglais , parce qu'Us- som eouù^
nuellement en rapport avec ks eolon^ Monseigneur fit
conduire les Soeurs de la Miséricorde dans une moisoot
et nous dans une autre , et, peu après ^ . vini nous re-
trouver le même sauvag/e , accompagné de sa, femme.
« Tous les deux étaient bien eonmie ceux que Frey-
dhet a feît dessiner dans l'atlas dte* soi» voyage a«f#Brd»
monde : la tête grosse et en d»propordon avce te t^tp^
lé9 cheveux totit dégoûtants â^fiuifeei et gratsstdt
poisson , la faèe couverte de ponÂè de Mque dddfée
ditia de l*hutle , les bras et le^jambi» fiMrtnieaiM > H
Digitized
byGoogk
.611
lotit le «onp»<i*ttne mai^ur lepoisMote : presque nus,
sauf une peau de kangourou » jetée sur leurs épâul»
comnie Test la peau d'agneau sur les épaule» du Samf
Jetm-BapÈble du GioUo , dans son. tableau du Ccuron-
mniffUde la Vierge. Un long bâton de la grosseur du
pouee leur seryait d arme, La femme avait de plus Le
goto ou sac aux provisions , jeté sur son épaule gauche.
Ils ne purent nous dire leur âge. Leur corps était sil-
lonné de cicatrices provenant des blessures qu'ils se
font à la mort de leurs parenis ou de leurs amis , pour
témoigner leur douleur. Dans la journée , Dom Serra ,
Dom Salvado et moi , coujTumes les bois qui couron*
nenl Frcemcnille , dans Tcspoir de rencontrer des saiv
vages , parce que ceux que nous avions vus , n'a-
vaient pas tardé à nous laisser pour retourner dans leur
solitude. Nous ne rencontrâmes rien.
« Le lendemain de notre débarquement , Monsei-
gneur dit ta messe à six heures d« matin > dans une
maison particulière. Plusieurs catholiques vinrent y as*
sister, entre autres un Français qui réside à Frteimanik
depuis sept ans. Freemanlle est un petit vfllage sitaè
sur les bords de la mer, à remboncktire de Swmt mer,
ItMère des Cognes. Ce village serait beaucoup plus
agréable , si la grande quantité de sable* «en rendait
rhabitation fort incommode. Partout jusqu'à me dis-
tance de vingt à trente milles à llntérieur , s'étend ce
sable , qui a cola, de particulier qv'il est:asaez fertile
pour rapporter en abondance tout ce qa'on y sème pen-
dant la saison d'hiver , époque à laquelle la grande
quantité de pluîe en fertilise la stérilité ; et comme
d^aillcurs il ne gtic point dans cette saison , et que
même le soleil y est très-chnud, pendant certains jours,
il en résulte une abondante fertilité dans un terroir
dont le premier aspect fait croire le cjonlraîre.
Digitized
byGoogk
531
« Avant de quitter FreemanOc, nous vîmes mie bande
de douze sauvages que Von conduisait dans Tile de RoU-
nest. Cette Ile sert de lieii de déportation à tous ces pau-
vres malheureux qu'on y envoie pour la moindre feute.
La longueur du temps est proportionnée au crime; mais
quel qu'il soit, tout séjour dans celte île ne fait que les
abrutir. Ces douze sauvages étalent enchaînés les uns
aux autres, plus ou moins sévèrement , suivant la gra-
vité de leurs fautes. Il y en avait de tous les âges, de-
puis l'enfance jusqu'à la vieillesse, et pas un qui neùl
déjà l'impudence du crime affichée dans ses manières,
impudence qui , jointe à leur barbarie naturelle , en
fajt des hommes entièrement incapables , moralement
parlant , de la moindre élévation d'àme. Ces pauvres
malheureux s'en allaient gaiement subir leur peine sans
paraître rien comprendre à leur sort. Cependant tous
étaient retenus par des cbaines ; quelques-uns les
avaient au cou , d'autres au bras , d'autres autour des
reins et aux jambes. Nous leur demandâmes quel crime
ils avaient commis. L'un d'eux nous répondit en riant ,
qu'étant à la chasse du kangourou, il avait coupé lencx
à un blanc qui dormait dans les broussailles. Il donnait
pour sa défense, qu'il l'avait fait involontairement. Tou-
tefois on l'avait condamné à cinq mois de détention ,
pour imposer aux autres noirs. L'ile de Roilne$t
avokine le continent , mais cependant elle en est assez
éloignée pour que les sauvages ne songent pas à s'enfuir
à la nage. Puis , il y a une surveillance extrême.
« A quatre heures du soir, par une chaleur extrê-
me , nous montâmes une barque qui devait nous
conduire à Penh. Rien de plus pittoresque que les
bords de SwanRiver^ qui descend du désert, pour cou-
ler doucement jusqu'à la mer. De côté et d'autre jusqu'à
Digitized
byGoogk
i33
Penh se dresseni des rochers qui prennent mUle formes
merveilleuses. Là des quartiers de roche et de gros
troncs darbres ont roulé sur les bords du fleuve ; ici
rentrée d'une grotte ; là mille colonnes que l'eau et
le temps ont taillées dans le roc« Partout une mul-
titude d oiseaux , qui s'étonnent de ne plus trouver
leur solitude d'autrefois dans les Ueux où le sauvage
seul Ait le témoin de leurs ébats. Des espèces de pin-
goins se tenaient sur les bancs de sable qui coupent k
fleuve de distance en distance , et nous regardaient re>
monter doucement. La Bhnère des Cygnes est le double
de la Tamise : ses eaux sont d^une belle couleur verte ,
mais salées jusqu'à la source pendant l'été ; elles de-
viennent douces pendant l'hiver où l'abondance des
pluies les grossit considéiablement. Au delà de Perth ,
les rochers cessent; alors la rivière devient peu pro-
fonde , parce qu'elle s'évase beaucoup.
€ A quatre heures -et demie nous aperçûmes la ville,
qui se présente sous une forme des plus pittoresques.
Les arbres groupés autoiu* des maisons blanches lui
donnent un aspect délicieux. Aussitôt que notre Evèquc
eut aperçu le lieu de sa résidence , il fit entonner le
chant des litanies de la Sainte Vierge par Dom Roscndo.
Après les litanies on chanta Y Ave maris sleUa^ le Magm-
ficat et le Benedictus. 11 faut être témoin de ces solenni-
tés pour goûter tout ce qu'elles ont d'ineffable : le récit
ne fait que les gâter. Pendant ces chants nous passâ-
mes auprès d'un banc de sable où se tenaient deux cor-
morans, dont les formes se rapprochent de celles du pé-
lican. Ils se tenaient silencieux. Je me rappelai invo-
lontairement ces versets du psaume : A voce gemitAs
mei... similis faclus sum pélicans soliludinis.
« A eiûq heweg tt émïie mhm débarquàmet. Don
Digitized by LjOOQ IC
634
^tTdL clDoni Salwrfo forenl Ie9<dcn'premi«rs i mettre
pied Si -ferre. Un grand iioitibre de fêrsenoes ntasem-
falces snr \e' rmifje , nous saluèrent <de letuscm^
crois fois. NouB neçumes'Metiseignevr au sortir de la
kirque , pm-fiMs nontàraes V)us , deux à deux , en
ciienee , ters l'église , située «sur une élévaiion , à
it distanee-d'un -fiQftrt d'heune du «rivage. Quelques
fB& nmni d'entrer éms VégUee , Dont Rosendo ,
^ te (rouviit à la i6te du «oité^gp avoe D^ra Serra ,
ento&aa le Te Deum^ que nous achevâmes dans relise.
Monseigneur récitaenstti le les prières d actions de grâces»
d^nna sa béoédiotion à sen nouveau peuple , qui parais-
sait datas la joie de posséder enfin un pasteur qui ne lui
sera poiat e&levé. Tous y protestants et callioliques ,
semblent porter beaucoup d affection à noire Evèquc.
Puisse cette affection être pour les protestants un acbe*
minement à la vérité de la foi !
« J*ai parlé d*une église; mais quelle église ! Cepen-
dant il faut bénir Dieu avec nous de la possession de ce
li«u où Notre Seigneur sera du moins placé plus décem-
aient. Il y a deux ans, pendant les six mois que le doe-
teiu* Brady demeura à Perth , il n'eut pour dire la
messe qu'une cabane en bois y où six à huit personnes
pouvaient à peine se rassembler. Pendant son absence,
M. Joustins, préue belge, âgé de soixante-six ans, sou-
tint la Mission et excita le zèle des catholiques à élever
une chapelle au Dieu que le cîel et la terre ne peuvent
contenir. Les catholiques , quoique pauvres, s'y prét4-
rent avec ardeur. Les uns portèrent les pierreè , les
autres les bois; ceux-ci les taillèrent , ceux-là ftreox TW-
Itce de maçon : enfin , sans trop grande dépense Ar^
gent, une chapelle de quinze pieds de large dtir tedw-
ble de long , fut bâtie. Elle n'est pas encore àelievèe ;
ta portes et MtfciétBes mm 4iéw«tftrà»l0«l;<vwt:
Digitized by LjOOQ IC
536
iri«mnrénient dont il n'y « pas beaueeup à se plaindre
ihns la saison où nous somm^ , qui est celle des gran-
des chaleurs, il ny a pa s encore d autel , les murs sont
enlièrement nus , la courerture est en planches , ce
qui sera fort ÎDConuBode dans la saisoa des pluies. Cet
ém de misère , ^o«b le pouvez exposer à Ja Propaga-
tion de la Foi , sms le9 fonds de laquelle il est impos-
»iiile de rien fure. Bieoièl la Mission eommenoera pour
les sftufaffes ; ce seroal d*att(res nouvelles dépeAaes
«uxciueUes il budra subvenir. Je ne paile point du
4$eiire de vie que nous oieMns ; il est tel qu'il eonvie&t
k un Missionnaire, et surtout à ua moine doat les esfté-
lances sont fondées sur des biens pïus duitàbles fueeeux
de la terre.
c Le lendemain de notre «rrîvce , nous nou^ occu-
'pàiaes de décorer régll^e pouf le dimaoelke ; les Béné-
dieiios en furent chargés, et tousse mirent avec empres-
i^ement sous leurs ordres. On s'occupa de tendre des
toiles devant les fenéures, puis avec des branches de
palHiiers , l'on revêtit les murailles et Ton déecnn k
iràne de TEvéque.
« Le dimanche, 11 janvier, tout étant préparé ,
Monseigneur chanta la messe pontificalement. Un grand
nombre de personnes vinrent assister à la cérémonie ,
h plupart par curiosité, puisqu'une grande partie de po-
pulation de la ville de Perth est protestante. Tous se re-
tirèrent émerveillés delà pompe avec laquelle la messe
ftit céltijrée. Un habitant avait prêté un petit orgue ,
que Dom Rosende toucha avec cette science exquise et
<!ettè entente qui lercndaient im des premiers musiciens
de FhaKe. Il y avait loin de son brillant orgue du mo-
nastère de la Cava , si vanté , avec cet arganum trouvé
somme par hasard au milieu dune colonie jetée sur des
Digitized by LjOOQ IC
336
rivages déserts et loin de toute civUisdtion. Les deux
prêtres français d^Âmiens et moi formions le chœur.
Tout fut chantjè en plamchanl ; nous primes le /Cyrie
et la messe de Dumont , du premier mode.
c Après l'Evangile , Monseigneur fit lire sa pasto-
rale , que tous les assistants écoutèrent avec grande at-
tention. Li^ Vêpres furent suivies d'un sermon prêché
par le R. P. PoweH , Missionnaire iriandais. J'étais de-
puis longtemps initié aux liarmonies du chant romain ,
mais jamais ses beautés ne m'avaient autant touchéféme
qu'en ce jour où je les entendais exprimer par un des
plus habiles organistes de l'Europe y sur une terre où
pendant tant de siècles les arbres , les montagnes et les
forêts furent les seuls chantres de la création.
« Qu'H s&ni beau le jour où nous|>ourrons entendre
les voix de nos chers sauvage^ se mêler aux nôtres !
combien je le désire! combien j'ai hftte de le voir arri-
ver 1 Mais d'ici là , patience , courage et travail. Car
combien il y a de peines à subir avant qu'un seul
d'entre eux se laisse gagner par nous! Mais la grèee est
puissante , et , malgré cette défiance qu'ils ont des
Européens , malgré cette haine qu'ils leur portent, nos
pauvres sauvages deviendront , Dieu aidant , de bons
chrétiens. Il semble que ces peuples soient tombés plus
bas encore dans la misère » que ne le fut aucun
sauvage du Nouveu-Monde ou des autres îles de l'Océa-
nie. Une seule ohose peut nous les rendre amis : une
abondante quantité de nourriture , qui , qudque con-
sidérable qu jolle soit, ne les satisfait point. Jamais leur
estomac ne demande grâce : ils sont insatiables* T#ot
le reste pour eux n'est rien. Et cojpment tm pauvre
Missionnaire pourra-t il fournir à ces affamés de, quoi
les contenter , lui qui souvent n'a pas dejpain pour 4P0
Digitized
byGoogk
ft37
modique repas ? Les sauvages des autres contrées de
rOcéanîe ou de rAmérîque , se laissent attirer par
quelques brillants , une médaille , un petit crucifix ,
une image , un vêtement : pour ceux de la Nouvelle-
Hollande , il en est autrement. DeiHiis que je suis à
Perth y j'en ai vu plusieurs ; tous demandent & man-
ger : on leur présente autre chose , ib le rejettent , à
moins que ce ne soit de largent dont ils achètent du
pain. Ceux de Tintérieur du pays , au-delà des monta-
gnes que nous voyons se dresser à quelques milles de
nous 9 ceux-là , dis-je , dédaignant d'entrer dans les
bourgades des colons , méprisent l'argent qui leur est
inutile dans leur désert , et ne veulent rien recevoir si-
non des aliments. Il paraît cependant que ces derniers,
malgré leur barbarie , sont encore préférables à ceux
des côtes , qui , par leur contact avec les Européens ,
ont contracté des habitudes vicieuses, qui viennent ainsi
ajouter à l'horreur de leur état sauvage, lis refusent tout '
autre vêtement que leur peau de kangourou. Aucun
d'eux ne veut non plus cesser de s'enduire la tête et le
corps de cette huile grasse et dégoûtante , qui les
préserve de la piqûre des moustiques, en grand nombre
dans les bois.
« Cependant ils aiment à pi'endre quelques-uns des
noms qu'ils entendent les Européens se donner entre
eux. Ainsi le sauvage de FreenmnUe nous dit qu'il por-
tait le nom de John , sa femme celui de Marianne
« Lorsque l'on voit la misère de ces pauvres êtres ,
l'on se sent ému jusqu'au fond des entrailles : ils de-
mandent du pain , et il ne se trouve personne qui
leur en donne , petierunl panem el non erat qui frange-
ret €î8. Leur paresse est extrême , comme celle de tous
les sauvages ; et cependant k moindre traviûl ^u'on
TOH. xvni. IW. 36 ( ^^^f^
Digitized by VjOOv IC
538
donne à la terre lui fait rapporter aa centuple , et plus
on avance dans rintérieur , plus on trouve le sol excd-
lent. Au-delà des niontagneSy éloignées de la mer d*envi-
ron cinquante milles, on trouve des vallées fertiles , uo
sol productif , entrecoupé de laes , de rivières qui ren-
dent ce pays très agréable à habiter. Les Européens n y
ont jamais péfiétré que partiellement , et pas un n'a
songé à s'y fixer. Cela est réservé aux Missionnaires.
« ,Une école de sauvages est établie à Freeinantle ; là
une douzaine de Jeunes enfants sont élevés par une
femme que le gouvernement anglais paie à cet effet.
L'éducation qu'elle donne consiste à leur apprendre
l'anglais : quant aux principes religieux, elle ne leur en
inculque guère. Quelques-uns de nous allèrent voir
cetle école : elle est située sur le bord de la mer ; ib
trouvèrent les enfants sur le rivage. Au commandement
de leur directrice, ils se jetèrent tous dans l'eau , où
ils firent plusieurs évolutions nautiques. CTest h peu
près toute leur science. Les coups de verge et de bâton
ne manquent pas à ces malheureuses victimes.
« Voilà , mon très-révérend Père , tout ce que j Sa-
vais de plus intéressant à vous raconter d'un voyage où
Dieu nous a conduits comme par la main. C'est aussi
tout ce que j7ai pu apprendre sur les Nouveaux Hollan-
dais , pendant un séjour d'à peine huit jours , sur une
tarre qui doit être le lieu de mou travail , en attendant
le repos de la béatitude céleste. Dans quelques mots
l'aurai, je l'espère , de plus intéressants et plus anq^es
détails à vous donner. J'espère aussi que, Dieu aidant,
je pourrai vous raconter les heureux résultats de nos
eçttreprises auprès des natifs. Puisse Dieu répandre sa
Si*àce avec effusion !
« Il ne me reste plus qéfè vous parier de la simadon
Digitized by LjOOQ IC
de iH>tre é^îse» Un# triUiie M dfê8i6ftu nnd! de kripiHe:
c est là que sert oon^iruite la calliédlrak de Penh , brs*
que HoBseîgiiewr pemr» t^oir. des fond» pour eMe
csawe. L*eai|riaoeiiiciil est Buperile ; de tous o6(ës
Ton a one Yiie adnnble , qui devien(hra plas belle en*
core , kmque te grasde qmatité d*arbn» qu fonnent
comme une immenee forèt,sera dimiiHiée. De cette od-
Une ofi yoilk la rmère qui serpeote et coule tran*
quittemeni yets la mer. De là on aperçoit le&flMmta-
gnas qui s'éleftdent cmmÊUt un beau eordoo Ueu de Fo*
rieni à Foeddenu II eal aBMftréHMm peu de poritioni
aussi belles et aussi pittoresques. Le pauvre saufi^ ,
sott qu'il habite dans la plaiae ou sur les montagnes ^
soiiqull attende sur les bords du fleuve le poisson ^fâ
doit faire sa nourriture, pourfa toiqolirs fixer ses yeux
sur le signe de notre misâk , qui eeuronnera le sommet
de la maison du Dieu de bonté et de mis^icorde.
« Je ne vous parle point de nos projets au sujet de no*
trenouveHe Coogrëgalion australienne. Dom Serra doit
vous éerire et ve«s éipdser longuement ce quK songe
à fiiire^ Nonseigneur nous a permis de bitir une petite
iHÉHine à quelques pas de l*Eglise, où nous pourrons ,
au milieu des bois et du silence , continuer de prati-
quer la rèf^ de notre bienheureux Père Salut BenoU.
' Nous commencerons dansx quelques jours cette cons-
truedoB qui n'exigem pas beaucoup de frais et de
dépenses. Qudques pieux fixés en terre , surmontés
dHm toit de feuOlaga , formeront une habiution suffi*
santé pour nous , et d'autant plus que , dans peu d^
floob. Monseigneur, après avoir donné à chacun ses
instruetions, nous dispersera à llntérieur, où nous peur
rons commencer nos travaux auprès des sauvages.
« Vcuillei ikire prier vos Moines pour moi, mon tiAs*
36.
Digitized
byGoogk
540
révérend Père. Je suis assuré (}ue pas un d'eux ne
m'oublie. Moi , de mon côté , j'aime à me rappekr
sans eesse les bons exempks de régularité et d'obser-
vance qu'ils me donnèrent. Qu'ils prient pour moi
Marie, la bonne protectrice» du pauvre Missionnaire;
qu'ils me recommandent sans cesse à elle , parce que
mes besoins sont nombreux^ Qu'ils la prient aussi pour
toute la Mission , pour la conversion des pauvres sauva-
ges. Que ceux d'entre eux qui songent à venir nous re-
joindre , conservent leur vocation, et puissiez-vous,
mon très-révérend Père , nous les envoyer tous , car la
moisson est abondante , mais les ouvriers roanquciiU
Qu'ils prient également pour notre Mission , tous los
apôtres de l'Ordre de Saint Benoit, si grands, si nom-
breux et si admirables dans leurs travaux. C'est à eux
que l'Europe entière doit la lumière de la foi. Puisse t-
il en être de n^éme pour cette cinquième partie Aw
monde !
« Votre enfant , très-cher et révérend Père abbé, se
recommande aussi à vos bonnes prières. 11 sera long-
temps encore sans avoir de vos nouvelles. Pui^c Dieu
atoir cette privation pour agréable î Veuillez bénir voire
enfant ^
« Très-humbic el irés-obéissaol,
F. LÉA.NDRE, ObLS. B. »
Digitized
byGoogk
eu
ÉijciraU cTwie kUre de M. Thiersé , Préire du S. Coeur
de Marie , à sa Mère.
Penh , 8 f^rrier 1846.
« Ma Chère Mère ,
€ Quelle que soit la contrée que votre Bis habite , je
sais qu'elle sera toujours pour vousTobjet du plus vif in-
térêt ; aussi , à peine débarqué à la Nouvelle-Hollande ,
j'éprouve le besoin de vous en tracer une courte des-
ccîplîon.
c Celte ile , qu'on dit sept à huit fois plus étendue
que la France , ne présente aucun des aspects qui font
la beauté de notre Euro})e : au lieu de vos cités popu-
leuses , nous n'apercevons que des rivages déserts ;
nos yeux accoutumés au spectacle des terres cultivées ,
ne rencontrent partout que des forêts imnnenses. 11 est
vrai que ces bois ont aus^i leur grandeur et leur grâce.
On y voit beaucoup de palmiers, d'acajoux et d'autres
arbres qui se parent des plus belles fleurs ; une multi-
tude d'oiseaux, tels que le perroquet , le cygne et le pé-
lican 9 animent leur solitude , et le kangourou bondit
de tout côté sous leur ombrage.
€ Si la culture est peo avancée , ce n'est pas que le
pifS 8 )il stérile ; il se prêterait au contraire avec tant
Digitized
byGoogk
Mt
d« SQoeès ftux produirons de toulgeare , qulldeniM-
rii^u moins deux récoltes par an. La Tigoe sortoot j
réussit à nienreille. En ce raornenl les edoossont i
tmdanger, eije vous assure l|u1l0n*oDtpas{îeader^
gretter leurs )>eines.
€ Ici la température est beaucoup plus élcfèe qie
chez vous. Quand le soleil est arrivé au milieu lest
course, les indigènes se cachent dans leurs Imbitatloos,
pour se garantir de ses feux. 11 fait, en effet , si cliaud,
de midi à quatre heures , qu'on risquerait de brûler a
chaussure, si l'on se hasardait à sortir sans piicaotioD.
Bientôt il nous faudra marcher pieds nus sur le sable
embrasé, car nous n'avons plus qu'une paire de souliers
pour chacun de nous , et peut-être n'en recevrons-nous
pas d'autres avant une année. Tant mieux; plusnoos
sommes pauvres , plus nous sommes heureux.
« Vous ne sauriez croire combien nous trouvons de
jouissances dans notre dénûment. Je voudrais que vosi
pussiez assister à nos modestes repas , et voir eom-
ment , à défaut de plats , de cuillers et de foordiettes, '
Hos cinq doigts se prêtent à tout ; la terre noas sert
à la fois de sièges et de table , et la voûte des dcuï
forme notre toiture. Le soir venu, on repose doucement
sur le sable , et lorsqull ne pleut point , une seule cou-
N'crture suffit pour nous garantir de la fraîcheur cldeli
rosée, ^^ot^e unique souci est d'entretenir des feux durant
la nuit entière , pour éloigner de nous les reptiles et les
scorpions. Les serpents surtout sont ici tt^s-dangercux.
0 en est un fort petit , dont la morsure , dit-on, donne
uûe mort inévitable et presque subite & quiconque en
est atteint. Du reste, il n'y a pas d'autres animaux nu»-
btes , et même ce servent «dwt je ¥i#BS de paiier^ ^
W met« exoeUmt , miûs tt iina aïok som de l«i eeiip^
Digitized
byGoogk
543
k l^e , où tout le vmin est rentettté. Les tauvigei
nous en ont apporté qudques-uns , que mes confMÙp^
ont trouves exquis.
« Ce qui nous importune le plus , ce sont des mou-
ches qui ne nous laissent de repos ni le jour ni la nmt;
toutes les parties de notre corps qui sont à découvert
leur servent de pâture et répandent du sang ; ce n est
pas tout y si on a le mallieur de les chasser avant qu el-
les soient pleinement rassasiées, elles distiTlent dans la
plaie un venin qui cause des enflures très-douloureuses.
« Venons maintenant à la religion de nos sauvages.
L*idée de Dieu , naturellement griffée dans le eoeor 4t
tous les hommes, résume presque tout leur symbole. Si
on leur demande , pendant le jour y où est Tesprit
qu-ils adorent , ils monUreni le soleil; la nuit , ils igno-
rent où il fait sa demeure » ee -qui ne les empêche pas
d^exécuier des danses en son homieur au ckir delà lune.
Ils eroient aussi à Timmortalité de r&me , mais en mê-
lant à cette vérité les fables grossières de la métempsy-
cose. Après la mort , diseat4ls , Tesprit va se plonger
dans un lae immense qui se trouve au centre du pays ;
de là il passe, au bout d*un certain temps, dans un autre
hémisphère, pour oslrer dans le corps d'un homme-ou
d*un animal , selon quKI aiiien ou mal «nployé sa pre-
mière vie. Aussi, quand Us renoonlPoat^kB Européens,
8*empressent-ils de leur demander des nouvelles de
leurs aïeux.
« Ces déloils, jeivous le» UfreoMiimeon me hm-M
donnés , car j'ai eu fieu doecasions jmqu'îci d'en eo»-
tater l exactitude. Amot^lMtr , -cependant , nous mms
reçu la visite d'we rsise de VottQii.'ËlUportaftt Mn^m-
fini sur Je dos. Wen i^èk^ftAm^i^é» iaammém m
Digitized
byGoogk
£44
suite, si ce n'est ane sorte de teinture dont eUes'éUii
barbouaié la figure et les mains. Nous lui donnâmes
deux rubans, l'un jaune qu'elle noua autour de sa tète,
l'autre rouge dont elle se fit une ceinture, et toute fière
de ce nouvel ornement, sa majesté australienne se
coucha mollement sur le sable. D'autres chefs de tribus
nous ont promis de pourvoir à notre subsistance, si
nous allons nous fixer parmi eux pour les instruire.
« Vous voyeï, ma chère mère , que ce pauvre peu.
pie a d'assez bonnes dispositions, et que nous pouvoi»
espérer de grands succès. Oui, j'ai confiance que
I heure du salut est venue pour cette nation dékissée.
Fricz Dieu qu'il me fortifie par sa grâce , afin que mon
courage ne délàiile pas aux jou« de labeur et desacri
fice. On dit que dans certaines contrées les indigènes ne
«ont pas seulement sauvages , mais cruels : ceue pen
»ee lom d'enchaîner nos pas, nous attire vers eux; nous
sommes plus pressés de porter secours où la misère est
plus profonde, et. s'il y a des dangers à courir . le
«ng que notre adorable Sauveur a versé nous appren-
dra à ne pas épargner le nôtre. Je ne veux pas vendis
simuler que j'ai déjà beaucoup à souffrir; maisn.»-
peletYous aussi que le Missionnaire trouve sa consola
tion dans les croix , qu'elles entretiennent , purifient et
tugmentent en nous l'amour de Dieu , ce gage et cet
•vami5oût du céleste bonheur. g»gecteei
« Demain , nous nous mettons en route pour attei.i
d^les côtes méridionales de l'Australie ; nous allons à
|J^nquanu.m.les de Penh, ouvrir laMissionde la
•Tt.î'' î.''^"r'' quelques jour, de repos dans
^*!! /^""«'•^' "*"• «KHisdlsperseroMdans
iL^ t^^"^ ^^ "** bien-aimés sauvages.
«^•«respréc»e,^«Mitwi,aa ici atec Monseigneur.
Digitized
byGoogk
646
5C ilirigeronl , partie vers le nord, partie vers rouesi;
nous serons éloignés d'environ deux cents lieues les
uns des autres , et je pense que nous ne nous rever-
rons jamais plus sur celle terre.
« Adieu , ma bonne mère ; ne soyez nullement
inquiète pour ma personne ; je suis très-eontent.
Notre unique désir doit être désormais de nous retrou-
ver au ciel : c'est & cette intention que je prie tous les
jours pour vous au saint sacrifice.
« JOSEPU TuiERsé,
Prêtre du S. Cœur-de-Marie. »
Digitized
byGoogk
M6
MISSIONS DE L'OCaÈANIE.
VICARIAT APOSTOLIQUE DE LA MÉLANÉSIE.
Extrait (Time lettre du P. Chaurain , lUisshfmmre de k
Société de Marie y au R. P. Colm^ Supériewr-GémoL
Ile SaQ GhristoTil (Archipel de &loiMa) .
Port Sle-Marie , 2 mars 1816.
« Mon Très-Rév-érend Père ,
€ Il n'y a que peu de jours, N. T. S. P. le Pape Gré-
goire XYI , la Société de la Propagation de k Foi, ^
bien des âmes généreuses en France apprenaient avec
plaisir qu'un nouvel essaim de Missionnaires formés i
Lyon , partait d'Europe pour porter l'Evangile aux te
du nord de l'Océan pacifique. La Mission qulls étaient
appelés à fonder avait un caractère et un intérêt toQt
particuliers. Jusqu'à ce jour , le commerce ou Verreir
avait presque toujours précédé l'arrivée des ouvrier
apostoliques ; cette fois , justement jalouse d'avoir yi
Digitized
byGoogk
&47
M longtemps devaneée, la Relîgron véritable devait , la
première , ouvrir la porte à PEvangHe. 11 était probable
que les premiers essais coûteraient du sang ; nous-mê-
mes , faibles instruments , choisis pour être les pre-
miers apôtres de ces iles inconnues , nous ne pouvions
douter des dangers sans nombre que nous aurions &
courir. Tous les capiiaîncs de navires les mieux infor-
més sur les mœurs de nos fulurs néophjles , nous
avouaient que chaque fois quils avaient tenté d'entrer
en communication avec eux, ils avaient eu à souflfrir de
leur féi*ocité. « La Religion seule , nous dîsaient-îls ,
« avec ses espérances éternelles, peut vous soulenh*
« dans une si périlleuse entreprise^
a Vous vous en souvenez , mon très-révcrend Père,
quelquefois nous nous, plaisions à nous prédire les uns
aux autres , en votre présence , quelle serait la pre-
mière victime de noire expédition ; aujourd'hui le ciel
lui-même vient de la choisir, et ce quenous n'avions
jamais osé concevoir dans nos pressentiments » c'est sur
notre chef que le clioix est tombé ! Conune notre divin
Maître , il a été frappé , avant d'avoir pu se faire con-
naître, par la matn même de ceux quH venait appeler à
la vie de la grâce. Puisse le sang du Pasteur , versé par
les ouailles , servir bientèt à leur conversion !
« C'est le 16 décembre 1846, que Mgr Epallea
reçu le coup mortel , à Isabelle , île principale de l'ar-
chipel de Salomon , à peu près au centre de son Vica-
riat. Témoin oculaire des circonstances qui se ratta-
chent à sa mort , à ses cètès , conversant avec lui au
moment même «ù la hache et le eas9e46te ont été te-
vés sur lui et sur tous ceux quî raccompagnaient , j'es-
père que cette narration , toute défectueuse qu'elle est
sous plusieurs rapports , aura au moins le mérite de
l'exactitude et de la vérité.
Digitized
byGoogk
548
« Monseigneur Jean-Baplisle Epalle , né à Marllies
(diocèse de Lyon) , le 8 mars t809, après avoir exerce
pendant près de quatre ans , les fonctions du minis-
tère apostolique à la Nouvelle-Zélande , où Monsci
gneur Pompallicr l'avait nommé son Pro-Vicairc, revint
en Europe sur la fin de l'année 1842 , pour les affaire»
de cette Mission, Il fut nommé Vicaire apostolique de
la Mélanésîe et de la Micronésie , et sacré à Rome Eve-
que de Sion , le 21 juillet 1844. 11 fil ses adieux àla
France le 2 janvier 1846 , et à l'Europe le 2 février d«
la même année , époque où , à la tète de sept Mission
naircs et de six frères , il partit de Londres pour sf
rendre à Sydney.
« Après un voyage de dix mois , Mgr Epalle fil son
entrée dans son Vicariat , le premier décembre 184S.
€e jour-là nous vîmes SanChristoval , petite tte silué*
à l'extrémité sud-est de l'archipel de Salomon, êtes
signe de prise de possession au nom de la très-sainu
Vierge conçue sans péché, Sa Grandeur jeta dans la mer
une médaille de l'Immaculée .Conception.
« Le lendemain Vanere fut jetée dans un port encore
inconnu , situé au 169<» de longitude est, et 10® 13' de
latitude sud. Il parut digne d'attention : c'était une es
pèce de baie , autour de laquelle nous aperceviom
plusieurs sinuosités en forme de havres. Noos décoo
vrions çà et là plusieurs habitations groupées ensemble.
et formant par leur réunion une espèce de village cm
péen. Blentàt les pirogues des naturels arrivèrent en si
grand nombre, qu'il nous fut aisé de juger que la popu
lation du voisinage devait être au moins de six i s^'
cents âmes. Nous étudiâmes pendant trois jours lesuso
ges , la langue et les dispositions de ce peuple : Mon-
seigneur , accompagné de deux Missionnaires et con*
Digitized
byGoogk
549
duit par trois ou quatre matelots , parcourut dans une
embarcation tous les rivages du port , afin de connaître
les ressources qu'il pourrait offrir à un établissement
de Missionnaires.
« A la suite de celte reconnaissance , et diaprés
toutes les observations faites à bord et à terre par
l'équipage et par nous , nous crûmes pouvoir constater
avec quelque raison , que le terrain de San-Christoval
était fertile, qu'il y avait des sources d'eau fraîche,
mais probablement pas de rivières de long cours , le
pays étant trop souvent entrecoupé de petits monti-
cules, sans offrir jamais aucune chaîne de quelque éten-
due ; on n'y yit point de plaine , point d'herbages , ce
qui rendait très- difficile un établissement d'agriculture
un peu considérable. En revanche , les dispositions
des habitants ne parurent pas hostiles.
a r«'ous inclinions à nous fixer dans cette ile ; mais
de fortes raisons nous firent désirer un point plus cen-
tral. Monseigneur annonça donc le départ , et le 6 au
malin l'ancre fut levée.
« Le 12, après avoir longé lentement lac&teoe-
cic^entale de GuadcUcanar , nous arrivâmes en vue
iVbabeUe , la plus considérable des iles Salomon. Nous
étions à l'entrée de la baie des Millc-vaisseaux. Les ha-
bitants des tribus les plus rapprochées sont venus eu
foule ; ils étaient au nombre d'environ cent trente dans
soixante pirogues. A leurs cris aigus et perçants , à la
rapidité de leurs gestes, il nous fut aisé de reconnaître
un peuple plein d'énergie et de vivacité. L'habileté
qu'ils montrèrent dans les premiers échanges que l'équi-
page fit avec eux , nous prouva qu'ils étaient habitués
à la visite des navires. S'apercevant que notre marche
Digitized
byGoogk
«SA
était dirigée vers ud point im peu étot^^né de leurs peu-
plades , ils s'empressèf eut de nous invita amseitôt de
la voix et du geete à deseendre chc2 eux. Nous leur
indiquâmes le havre de Y4slrolabe , coraoïe Fendroir
où nous voulions nous arrêter. Ils répétèrent aussi-
tôt le signe que nous venions de faire, et en nous mon- .
trant le voisinage du lieu indiqué, ils enaicnt tous , en
se frappant la tète : McUeniate ! Statcniate ! expression
qui , selon Finterprétatioti de Monseigneur , a la même
signification dans la plupart des iles de VOcéanie , ei
emporte toujours Tidée de quelque chose de sinistre ,
teHe que blesswrt^ , \naladw , meurtre , morf. Ces aver-
tissements ^.ous firent peu d'impression : Monseigneur
erut simplement ijiic nous nous dirigions vers quelque?
lieux malsains , ou tout au plus vers une tribu enne-
mie de celles que nous voyions alors. A onze heures
Tancre fut jetée à rentrée du liàvrc de YAstrobée.
« Aussitôt Monseigneur désigna ceux d entre nous
>qui devaient raccompagner à terre, pour chercher un
lieu propice à notre premier établiçsemenl. De son
côté , le capitaine donna ses instructions dans le même
sens. M. Blemy, second officier du bord , à la tète de
quatre rameurs, fut chargé de conduire le Prélat par-
tout où il ^paudrttit ; nous avions pour embareaticm une
baleinière. Ceci fah , nous partons. Les matelots qui
nous escortent ont pris leurs fusils et leurs sabres; pour
nous , toute notre conflance est en Dieu. Ce jotur et le
suivant , nous avons visité tout le hftvre et une partie
de File St-Georges. Le résultat de nos investigations
nous portait i croire quîsabelle était fertile et avait de
feau douce , mais que, comme Christoval, elfe n'offrait
pa» de plaines , et aucune espèce de pâturages. Les
Missionnaires , rescéi sur le navire , ont aufôi rendo
«ompte de leurs observations. Tous les naturels qw
Digitized by LjOOQIC
6»
étaient venus à bord , leur avaient paru fournis abon-
damment de tous les fruits déjà trouvés dans les autres
lies ; de pk» , ils en ont apporté plusieurs qu'on n'a-
vait point encore vus jusqu'à ee jour. L'équipage a été
de nouveau frappé de leur vivacité dans le geste et le
regard ; ils étaient toujours bien armés , et outre la
lance et le casse-téte qu'on avait remarqués entre les
mains des autres sauvages , on les a toujours vus avec
l'arc bandé , tenant dans leurs mains des faisceaux de
flèches empoisonnées^ et de magnifiques boucliers en
écaille de tortue. Interrogés sur la manière de se servir
de leurs armes , Us les ont maniées sur le pont du na-
vire avec une habileté effrayante. Ils se sont montrés
disposés à échanger contre du fer et des haches chacune
de leurs armes, à l'exception des boucliers en écaille
qu'îb n'ont voulu céder pour aucun prix , quoiqu'ils té-
moignassent pour le fer et pour les haches une envie
démesurée ou. plutôt une véritable fureur. On a re-
connu, parmi leurs objets de parure, plusieurs col-
liers faits avec des dents humaines. Un canot monté par
trois ou quatre naturels, est venu au nav're proposer
la vente d'un enfant pour une hache : ils indiquaient
très-clairanent qu'il serait bon à mange*. Peut-être
était-ce un malheureux orphelin qu'ils avaient enlevé à
leurs ennemis. En somme , tout le monde a été d'avis
de poursuivre la reconnaissance.
c De nouvelles données furent recueillies le 15 par
pmx de nos confrères qui étaient restés à bord. Les na-
turels leur avaient désigné les tribus amies , eoletu* di-
sant d'aller s'y reposer {moémoè) sans crainte {nàmah^
mole). Mais en même temps ils Ictir avaient indiqué uH'
autre point de la c&tc , en répétant : mate-fiMe , et
ajoutant : dm hommes méchants swU là ; d'où cba^ua
Digitized by LjOOQ le
653
concluait qull y avait là vraisemblablement des sauva-
ges en guerre avec ceux qui visitaient le navire ; mais
pouvait-on en conclure qu'ils fussent plus mal disposés
envers nous? c'est ce que personne ne se crut en droit de
faire. Monseigneur, à qui ces renseignements avaient clé
soumis , se borna à répondre : « S'ils sont en guerre,
« nmts lâcherons de mettre la paix parmi eux. » Un jour
avant , il avait encore dit ces mots : « Je vois bioi que
« nous dUons commencer par un mauvais peuple , nm
« nous couperons le mal par la racine. »
« Le 16, Monseigneur fatigué du voyage delavciUc,
s*était levé un peu tard. Averti que rembarcatîon est
prête et n'attend plus que lui pour se mettre en raar
che , il a dît : Je l'esterais aujourd'lm au navire m'^
bien du plaisir.... mais f espère que nous reviendrom é
bonne heure. Ce jour-là , il a décousu le galon vert de
son chapeau, pour ne point exciter la cupidité des
naturels. M. Blémy a demandé la direction : A la tribu
ennemie , lui a répondu Monseigneur.
« A quelques pas du rivage , nous nous voyons en
face d'une espèce de bataillon d'indigènes debout surk
sable. A mesure que nous approchons , les uns sem-
blent effrayés et se retirent derrière les arbres qui bor-
dent la côte ; les autres , au nombre de cinquante à
soixante, demeurent immobiles. Nous leur faisons quel-
ques signes pour les engager à venir à notre rencontre.
Alors un vieillard, à barbe et à cheveux blancs, s'avance
comme en tremblant vers notre chaloupe; il a en main
la lance et le casse-tête , et tout en jetant autour <Ie
nous des regards où semblent se peindre la méfiance et
ta crainte, il nous offre quelques fruits en guise dcprc-
jcnt. Aussitôt un petit morceau de fer lui est donné en
retoujp. En même temps, Monseigneur, le P. Fréraont,
Digitized by LjOOQIC
653
le Frère Prosper et moi , nous avons mis pied à terre*
M. Blémy et deux matelots nous OBt aussi accompagnés;
ils ont laissé deux d'entre eux pour la garde du canot.
Contre leur habitude » ni l'ofQcier ni ses deux marins »
n ont pris leurs armes : its les ont déposées dans la
barque , honteux , ont-ils dit plus tard , de montrer
moins de «onfianoe que TEvéquc et ses prêtres.
<c Cependant le vieillard s'est avancé au milieu de la
foule des naturels , et s'est empressé de remeilrc le fer
qu'il a reçu à un jeune homme d'environ vîngl -cinq ans,
d'un teint assez blanc, grand et bien fait, muni d'un
bouclier richement orné, d'une lance et d'un casse-téie,
et paraissant exercer le rôle de chef. Ce fer , il l'a re-
gardé avec mépris et dédain. Pensant le satisfaire ,
M. Blémy lui a fait sign e de venir avec lui à la barque,
et lui a donné une petite hache quil remporte fière-
ment , la tenant élevée dans ses mains à la manière
d*un casse-téte. A cette vue , les sauvages ont répété
plusieurs fois: Kile-kHe! Kile-kile! (expression qui , dans
plusleus îles , veut dire toutes sortes d'instruments en
fer, tels que couteaux, haches, etc.) En retour, M. Blémy
a reçu une assez mauvaise lance , qu'il jette aussi vi-
goureusement quH peut sur le sable , pour montrer
aux naturels qu'il sait aussi se servir de cette arme. Aus-
sitèt la foule a pousé un cri que nous n'avons pu déRnir.
« En ee liMae»! , la pelke troupe européenne s'est
ttn peu iq^proebte tto groupe de» nurages ; Monsci
fneur , Prosper el fcioi , avec un matelot, nous eom-
BMnçoiM à Taide de^quetqves mots connus et de quel-
ques 8%ae8 , à engager une espèee de conversatian
avee eeux qw te tuMvdnl le plus près de nous , tan-
dis que le P. f réatmt. M, Némy et un autre matelot ,
À pe« près à dis pas de difUDoe , sefEorecat d'en faire
TOM. xviu. 109. 36 . ^^__T
Digitized by VjOOV? IC
6M
jutant. Le P. Fr monta demandé où sont tes maisons;
pas de'î'éponse ; quels sent les cheft : on hri en a indi*
qoé plusieurs , tous devant lui. Prosper a fait compfi-
ment à un chef de son beau casse-téte ; il tfa reç» par
gaste qu'une réponse fière. CJn jeune homme , aperce-
^nt r«niieau de Monseigneur , lui a aussitôt effort en
échange deux^ espèces de citrons sauvages, dont IHm
à moitié mangé ; on s'est mis à rire , et un matelot a
ajouté : c Ces gens-là ne connaissent pas mal le prix
des choses. »
« Pendant ce petit incident, Prosper a remarqué dans
la main d un sauvage une hache européenne , em-
manchée au bout d'un casse-tête. Il vient aussitôt m'en
faire l'observation. A mon tour, j'en ai déj^ aperçu une
autre; je l'ai mpntréc du doigt à sa Grandeur On dirait
alors que les sauvages ont remarqué qu'ian les épie :
teur attitude e^t devenue plus menaçante. Prosper a
dit : Mais ces gens-là sont prêts à combattre. MiHiseî-
gneur a répondu : Ccst vrai; (es maldoiê auraimi di
prendre leurs armes; et il a fait quelques pas du côté de
la barque, mais déjà il était environné d'une dizaine de
naturels. Prosper et moi, nous avopa vu aussitôt u»
grand coup de hache ttaiber sur la tAjte de notre Evc-
que : il a été porté à deux mains et par derrière par un
sauvage d'une taille très-moyenne. A ce coup tous les
indigènes ont poussé un horrible cri de guerre. Monsei-
gneur resté deteui laisae ithi|>^riMi4iidte diiateuren
portant les deux mains sur sa tile. Oiijè Taitaipie est
^énàt^le; les aasaillanvu se sont divtoè- tan» tictint^
dioeun de nom aperçoit pkirirafs eassMéles kms tm
hiî et prêts à frapper; eb«us aaofe^à hÊSt^ Arotp»
néannK^na dii aivoîr vu frapper le SMtod oovp de hache
qo) a renversé Monseigneur pttr terw Eh niétti»«mps
M. Blémy reçoit aussi par émiété wà ceup^de ta liBebf
Digitized by LjOOQIC
666
même qulUvient de donner, et court de tomes ses for-
ées à rembarcatton d'où il fait parsir un coup de pbto*
lei. Le P. Frémontestmiversé, par deux fois» de deu)^
coups de easse-tète; Presper é^lemenl poursuivi n'é-
ebappe & la* niorl qu'en se jetant à la nage dans la mer.
Pour moi^ à peine ai*je eu le tempa de voir porter te
premier coup à Monaei^ieur, que, me retournant aos*
sitôt, j'aperçois deux casse-tétea lo¥ésswr9MM; il est -
tCBips de Aiir; je ne pois oependant le ftire d'abord q«6
lentement et à reculons, afin de pouvoir mieux éviter
les coups. Mais bientôt je suis obligé, vu le nombre des
assaillants qui fondaient sur moi, d'agir des pieds et des
mains de plus d une manière. Enfin Dieu a voulu que
je me sois lire de leurs mains avec deux légères contu-
sions seulement, Tune à la tète et l'autre à la jambe.
« La chaloupe elle-même a été attaquée par une quin-
zaine de sauvages, qui se aonl efforcés de la faire cou-
ler à fond, et n'ont làcbé prise qu'au bruit des coups de
pistolet. A peine y suis-je rendu, que j'y cherche Mon-
aeigneur» et ne Tapereevant pas je m'élanoe de nouveau
sur le rivage^ Je* le vois encore eatse les mains de troia
naturels,, pceupés r«n à le frapper, et les deux autres |
lui arracher ses habits, ie v<^ à son secours, lorsqu'un
nouveau coup de fusil parti de L'embarcation ^ met sas
meurtriers en luite» Le corps de. jy^Meig^eur est seul ,
je me je^e sur lui , ]'ai dans mœ bras le corps de mon
évèque,à demi nu,baigné dans son sang, le ciAne ouvert
par plusieurs blessures quilaissent à découvert sa cervelle
mute sanglante; tel est l'état dans lequel je le trouve.
Je rappelle, aucune rtponsc, aucun signe. J'essaie de
llemperter; h cette vue, les sauvages cachés datîs la fo-
rêt* quelques pas de mol, poussent \m *î dc<!ê«^ofr.
jIgssoSe de nouveande mcchargerifemon préeieut trésor ^
m la Heuleur m'a ôt* les forces. Je ne puis lé trahier
Di§tf^dbyLjOOgle
6&C
quà qiiekiuas pas; j^appeNe à mon secours, on ne vient
pas d abord ; les matelots ne peuvent ramer, Us char-
lisent leurs armes. J appelle eneore; le P. Frémoniavec
Pro$per aceourt à moi ; nous portons ensemble le
corps de notre premier Evèque et de notre premier
martyr. Les sauvages, furieux sans doute de se voir en-
lever leur victime, ont poufêé un nouveau eri; mais
déjà Monse^ncnr est placé dans la barque, sur les ge-
noux de ses trois compagnons. Toute cette épouvanta-
l>le seéne n*a duré que quelques minutes.
(c Nous demandons à Monseigneur s'il nous connait:
pas do réponse; s'il souffre beaucoup: il laisse plusieui^
Toîs échapper ces mois : Mon Dieu! mon Dieu! cl une
seule fois ; Ah! que je souffre! Après quelques coups d^
i*amcs, les malelols et nous, nous éprouvons un violent
mal de cœur; nous nous sentons défaillir. Je liens alor?
sur mes genoux le corps de Monseigneur, sa tèle repose
sur ma poitrine, la vue de la profondeur de ses plaies,
d'un os tombé de son crène dans la barque m*a percé
le coeur; seuls, le P. Prémont et M. Blémy, c'est-à-dire,
les plus grièvement blessés après le Prélat ,- ont con-
servé un peu de calme. L'un s'efforce de suggérer J
Monseignecn* des sentiments de confiance en Jésus et
Marie , l'autre excite tantôt les matelots k ramer a\tt
vigueur , et tantôt tire lui-même des eoups de pisto-
let pour avertir le bâtiment. Vous dire ce que nous
éprouvions alors dTabattcment et de douleur, serait
chose lout-à-fait impossible.
« Cependant notre pauvre embarcation a'apprœbe
tas t bien que mal du navire ; c'est le charpeatiar du bmi
qui le premier a ajperçu de loin revmir notre ebaloope.
il n'est pas encore onze heures. Surpris d'un si proaift
tciour» il avertit nos <ionfrèrcs qui » eu)[ odo pkts , oc
Digitized
byGoogk
557
Savent à quoi TaUi^ibucn Hélas ! ils sont biciUik tirés de
leurs doutes: les premiers mots que nous faisons en-
tendre sont : De Ui charpie , de la chai^ie , non$ avons
des blessés.
« Impossible de rendre rim|)ression produite dans
tout le navire. On cherche précipitamment ce qull faut
pour des pansements ; un matelas et des draps délit
sont à rinstant portés sur le pont, le médecin est ac-
couru avec des rasoirs à la main, et le capitaine a dit :
.4 demain la vengeance.
« Monseigneur nageant dans son sang a été placé
sur une chaise et monté de la barque sur le pont. 11 est
étendu sur un matelas, le docteur a examiné la plus
profonde de ses plaies et déclare qu'il n y a plus rien à'
faire. On crucifix est placé prés de notre Evèque pour
recevoir son dernier soupir; le P. Jacquetlui admî.
nistrele sacrement de rExtrérae-Onction, tandis quo
tous les autres, Pères et Frères, versent des larmes et
récitent des prières.
c Le docteur, après avoir pansé M. Blémy^ dont il a
regardé la plaie comme trè^-grave, puis le P. Frémont
qull n'a pas cm en danger, a essayé ^ussi, pour nous
satisfaire, de panser Monseigneur. Il a découvert de nou-
velles blessures en lui rasant la tète: en tout cinq coups
de hache ou de cassetéte, dont trois ont pénétré jus-
que la cervelle et lui paraissent mortete; les deux plus
graves ont été reçus sur le côté droit de la tète, «n troi-
iième, aussi très-profond, sur le sommet da eràne, les
deux autres unis et formant un Y un peu au-dessous.
En le ehangiMl ik liag» ikm» déeotrmm» mssi deux
légers coups <le kmce, Vuoau bras droit et Fautre sur la
hanche gauche, et par surcrotl phi^ieurs contusions.
Tout son coi^ en elailMOimri, il «nit aussi été traîné
Digitized
byGoogk
568
flur le saUe, ce qui lui avait maeéré le nez et les yeux.
Sur quoi le docteur nous a déclaré qtt*H ne pensait pas
que sa firandeur eût plus de dix heures de vie, et quH
éuiit temps de lui administi^er les derniers saei^ements,
si déjà il ne les avait point reçus. Sa cruelle agonie de-
vait être bien plus longue.
« Pendant qu'on lui mettait le premier appareil,
Monseigneur a paru souffrir davantage. Plusieurs fois il
a vomi du sang. Il a aussi répété plusieurs fois ces paro-
les : Mon DieUy mon Dieu, délivrez-moi; et une fois :
Défendez-moi.
« Le soir du mercredi 1 7, nous avons entendu par-
^ 1er d'un projet d'expédition pour le lendemain a Icffei
d'exercer une vengeance. Le capitaine voulut nous en
prévenir luî-môme, il nous annonça d'abord tout sim-
plement « qu'il voulait aller tuer une douzaine des au-
« vages dans les tribus qui nous avaient attaqués. » En
sulie il nous lut une petite lettre dans laquelle il disait:
« que puisqu'on désirait savoir les motifs de lexpédi-
« tioa <]u'il projetait pour le lenctemain, il avait riion-
« neur de nous lofonner qu'il envoyait ses gens k iare
« pour 6Aisir M jnetire eu noire foinroir les loeurtriers
c de uo4re Ëv^ite et de aon second oflicia'. Il ajoutait:
« qu'il était Ibreé de prendre eette mesure par son équi-
c page, fui nf usait d'alter désiumais à tarre si on Df
« lui pflrmettailfas de tirer vengeance dHine pareille in-
m juie. » Consultés mt eciUe aflaire, tous les membres
de la Mission o^ été d'avis que, laisser agir, e'ètattcon
jcmirà de sftngltqHeffreprésalfles. J'infonnm donc a»-
d^ àê mye wis le ea^ksjne ëe nos «mkneDU & eei
4g«ird, ot j'ajoMtaî : « li ne qom wpffmpiimA fm de pre-
« nonser s'il eslidt voire éwoir ou non de venger h
< lilessure de vam secondl «Akier et rinwke ftite i
Digitized
byGoogk
6i9
c votre équijpi^e : vous devez savoir quelles «ont les
c obligations que vous impose votre qualité de eapi-
« taine. Pour nous, queUe que soit notrQ douleur à la
c vue de notre Evéque mourant, elle est encore assez
« calme et assez chrétienne pour nous faire détester
« toute espèce de vengeance. »
« Le eapkaîne alors cbange de plan, il fait une nou-
velle lettre dans laquelle , pour nous metlre à couvert
et cependant réaliser sos desseins, il nous déclare que,
manquaot de provisions fraiclies, il enverra demain une
de ses embafcalions pour aller aebeter des ignames ei
des tares paiwi les naturels. Une pareille réponse ne
nous rassurait qu*à demi sur ses véritables intentions >
nous avons cru devoir prendre Tinhiative et, le lende-
demain jeudi, à aept heures du matîo» au miyosent où
i embarcation, morne de toiues pièees, se préparait ii
partir, i*ai préseoié au capitaine la lettre suivante, si-
gnée de tous les prêtres.
« ffc Isabelle, Ifèwe de titstmikée, tSx-fntft décembre
« mU fttdt emU quartmte-einq, cinq heures du mn-
« th.
« Ignorant quels sont tous les motifs qui vous por-
« tcm à envoyer votre enrt)arcafâon au rivage où notre
« Evéque a été moriellemem Messé^ nous croyons de-
« voir pr9te9ter hautenwBt que nous ne voulons aueun
« »ste de reprèsalllei, eela étant oenlraire à la nature
« même de notre Mission qui est toute de sacrifice «t
♦ de paa.
« Nous vous priant, et au besoin nous vous requi-
« nm>, d'iniirire eetlt prolasmbn dans votre joufnal
Digitized
byGoogk
6€0
« Agréez, monsieur le eapîlaîne, 1 assurance de no-
« tre considération.
« Vos très-humbles senîtcurs. »
(Suivent les signatures.)
« Le capitaine, après la lecture de cette lettre, a ré-
pondu que l'embarcation ne partirait pas, et les mate-
lots, à cette nouvelle, ont commencé à en retirer lente-
ment et à regret leurs fusils et leurs sabres,
« Revenons à Monseigneur. Le 19, on remarqua que
ses forces diminuaient sensiblement. A onze heures, il
a entr'ouvert plusieurs fois les yeux; on hïi a présenté'
le crucifix, plusieurs fois il Ta serré entre ses mains.
A trois heures et demie, il semblait respirer à peine; le
P. Frémont m'a prié de réciter les prières des agoni-
sants. Tous les compagnons de Monseigneur, à genoux,
forment un cercle autour de son lit; le capitaine, le
docteur et un officier de Téquipage aussi présents, ont
les yeux fixés sur le Prélatet donnent par fois des signes
non équivoques de douleur. J'ai commencé de mon
mieux la récitation des prières, mais plusieurs fois les
sanglots ont entrecoupé ma voix; le sentiment de mon
indignité en prononçant les sublimes et touchantes pa-
roles : Partez, dmechrMBnm, en présence de mon Eré-
que mourant, la solennité d'une pareille drconstana»
aux yeux de la Religion et de la Foi; rimpression que
produirait dans tout le monde cbrétîen la nouvelle de
ee malheur; les membres de la sociàé de Marie et ik
la famille de Monseigneur, qu*il me semblait voir auteur
de son lit de mort, et mclcr leurs bripes aux nôtres;
telles étaient alors les pensées et les réflei^ions qui si
succédaient rapidement dans mon àme.
« A quatre heures moins quelques minutes. Monsei-
gneur a poussé un soupir que nous avons pris pour lo
Digitized
byGoogk
dernier; quelques secondes après, il en a {loussé un
autre et il est allé recevoir sa belle couronne. Chacun
alors a donné un libre cours à sa douleur, on a versé
bien des larmes qui, les jours précédents, avaient été
un peu retenues par quelques lueurs d'espérance; tou-
tefois, on pouvait remarquer que notre afQiction avait
un caractère particulier: à notre tristesse se joignait
quelque fierté d'avoir pour premier Evéque un martyr.
« Toutes sortes de soins* avaient été prodigués à Mon-
seigneur pendant sa maladie; nous n'avons que des ac-
tions de grâces à rendre à notre eapitaine et à son équi-
page pour les soulagements sans nombre qu'ils se sont
empressés de lui accorder. Au maintien grave et silen-
cieux qu'ils ont toujours gardé pendant les quatre jours
qui ont précédé sa mort, l'on aurait dit que, comme
nous, ils allaient perdre un père, et depuis j'ai entendu
plusieurs fois de simples matelots qui disaient : A ékdi
ban cet Evéque, il n'aurmîpas dû tomber en rimamaheê
imms. C'est aussi ce que le capitaine ei le docteur du
bord (qui est catholique) m'ont répété plusieurs fois. Ce
dernier surtout mérite une part toule particulière à no-
tre reconnaissance; il n'a pas manqué un seul instant
du jour de se trouver auprès du lit de Monseigneur et,
pendant la nuit, il a ooiM^ié sm le pont pour être pkis
à même de lui porter secours au premier moment de
crise.
« Quelques Instants après avoir fermé les yeux &
Monseigneur, le P. Fremont nous a réunis en conseil ,
pour décider quelles mesures il fellait prendre relative-
ment à ses dépouilles précieuses. Nous sommes tous
demeurés d'accord qu'il convenait de déposer son corps
le plus près possible de l'endroit où il avait consommé
son sacriOce. Quant i l'heure des obsèques , elle fitt
Digitized
byGoogk
562
fixée au lendemain à la pointe du Jour, afin de ne
ire pas aperçu par les naturels. A Tinstant même le
P. Verguet èl moi nous partons, avec une embarcation
et cinq matelots, pour aller choisir un lieu solitaire ei
faire creuser une fosse. Les autres membres de la mis
sion restés à bord, sont occupés à revêtir Monseigneur
4e ses habits pontificaux. EnÛn, ce même soir, à mon
retour au navire, je surs désigné pour célébrer la m^e
de renlerrement, et le P. Jacquet pour faire les obsè
ques.
c Le 20, samedi, a trois hevres et demie, tout le
monde a été sur pied. On a réusai à élever un modeste
autel sur le pont, quelifues draperies ont été tendue?
tom autourpourque la lumière des cierges ne fut point
v»e du rivage , et k saint sacrifice commence à quatre
heures et d^mie. Ccf ait la première fois que je cèl*'
hrm les sainte mystères dantf le vicariat de la Mélanc-
met l'avais k deux pas de moi et sous mes yeux le corp?
de mon Evèque! H était au milieu de ses pretrerfei
compagnons dinfof tune , qui ont tous é« la consoh-
lion de faire la sainte communion pour lui. L'équipage
tout entier, quoique ppHettant, a assisté à cette messe,
et nous pouvons dif e qu^îl Ta f»k avec un recueiBemco»
qu5 ^t été remarqué même parmi des ea^lloKques. H y
inrait auêsi deux Jeunes «auvagea, rerm à bord lors de
notre passage à la Nouvelle Calédonie, et qui semblakfli
être là pour représenter le peuple qui venait d'enlcfcr
ka vie à Blonaeigneur.
« A einq heures on a ibîs la bière aur une barqo^i
»u mt^m des Pères et 4es Frères : cette ewbarcatiaa
gowemie par le premier officier eu bord, «tait remor*
quée par une autre dans laquelle se trowmîenl lecapi
taîne du navîre et Téquipage. Un mcmvt stlcnce a régné
Digitized
byGoogk
«M
|)end j)t (out le trajet, qm ft duré près de (foeranie mi-
nutes. A sh lieures nous sommes arrivés au fond en
Havre àe VAstrotabe, et nous avons fnîs pied iur la pe-
tite île St. -Georges que nous avions choisie pour le lieu
de la sépulture, parce que, n'ayant pas d'habitants et se
trouvant assez éloignée des autres Hes, nous n'avions
rien à craindre pour le précieux dépôt que nous vou-
lions lui confier. C'est là qu'on a déposé , sans presque
aucune solennité le premier apétre des lies Salomon,
et chacun, les yeux baignés de larmes, a jeté sur son
corps quelques gouttes d'eau bénite.
< Comme nous étions dans un pays où nous avions
déjà remarqué des traces de cannibalisme, il a falhi
nous priver de la consolation d'élever sur la tombe
de notre Evéque aucun signe religieux. Avant de quit-
ter 1^ restes de notre Père, nous avons encore récité
quelques prières à la h&te, et nous nous sommes retirés
le cœur plein d-inquiétiide pow l'avenir: nous ne pou-
vions plus ignorer qua nous fussions orphelins, et la res-
ponsabilité dé la Mission semblait bous accabler dès lors
de tout son poids.
< Il voiis tarde sans doute, mon irèa^évéMnd Père,
de savoir quelles décisions vos enfants ont prioes apvès
d aussi tristes événements. Deux jours après la mort de
notre Evéque, nous avons recoiomencé la visite des tri-
bus, et si nous n'avons pas cru trouver dans Isabettc
une sécurité suifisantepoiu* le moment, il s'en faut bien
que nous ayons regardé cette Ile comme inabordable; ^
seulement nous avons pensé qu'après un avertissement
pareil, U était de la prudence même évangélique de
chercher pour un temps un asile plus sûr. Nous pen*
sons l'avoir rencontré dans San Christoval, que nous
avions visité en passant et dont les habitants nous
avaient paru assez bien disposés.
Digitized
byGoogk
&«4
«Lesaniedi, trois janvier, après onze mois de course,
nous avons été conduits, sans le savoir, dans un port
magnifique et eneore inconnu jusqu'à ce jour aux navi-
gateurs. Nous lui avons donné le nom de Part $amk Ma-
l'iey parce que la sainte Vierge elle-même semblait nous
l'uvoir choisi. Nous y avons trouvé une belle popula-
tion, réunie presque tout entière en un joli village, et
nous avons décidé les naturels à nous vendre un terrain
convenable, situé dans la partie la plus centrale du port
ci arrosé par un petit ruisseau d*eau douce. Aussii6t
nous avons mis la main à Tœuvre; la hache, la pioche,
la bcche, le rabot , se sont succédé dans nos mains e(,
grâce à Dieu, nous avons maintenant un abri pour le
travail et une maison en bois de vingt^eux pieds
(le Iiauteur, sur trente-six.de long et vingt de large. Ce
sont les indigènes de la tribu la plus voisine qui en ont
fait la toiture avec des feuilles de palmiers; ce sont eux
qui onttrauspoiHé la plus grande partie des bois qui sont
eiitrés dans la charpente; o'csi à eux encore que nous
devons, en grande partie, Vabatis des ai bres qui ob-
struaient notre propriété et auraient pu nous occasion-
ner qoelquics surprises de la pari des indigènes mal-in-
tentionnés.
« Il est bon , je croîs, de vous faire remarquer ici
<juc , bien différents des sauvages d'Isabelle , ceux de
C!)rislovai''ne nous ont paru s'entre-détruîre générale-
ment que dans des guet-apcns isolés. Un individu
a-t il une injure à venger ou Tenvie de se repaître delà
<*lmir de quelqu'un , il va se blottir au milieu de quel-
ques arbrisseaux touffus , ou derrière quelques gros
arbres , près du sentier que doit suivre son ennemi , et
saisissant le moment où il peut le frapper à deux pas
cl par derrière , il est toujours sûr de s'en défaire, sans
Digitized
byGoogk
6i66.
courir lui-même aucun danger. Nous ne pensons pas
avoir à craindre ici une attaque générale; nous vou-
drions pouvoir en dire autant des surprises particuliè-
res , mais nous commençons à connaître assez le pays
pour savoir que s'avancer seul et sans armes au milieu
des bois, c'est une imprudence qu'on paie de la vie. En
un mot, le peuple au milieu duquel nous venons de fixer
notre tente , nous a montré trop de qualités pour ne
pas gagner notre affection , et trop de méchanceté pour
ne point exciter notre méfiance.
« J'espère, dans une prochaine lettre, vous don-
ner de plus amples détails sur la Mission de San-Cliris-
toval : aujourd'hui , mon très-révérend Père, vous avez
sans doute d'assez grands malheurs à pleurer.
« Je n'ai que le temps de me recommander au\
prières de la Société , et de solliciter pour mes confrè-
res et pour moi votre paternelle bénédiction.
« Le dernier dé fos enfiinls en Jésus et Marie ,
Bt. CHAIWAIlf , 8. W. »
Digitized
byGoogk
UamfBt BM Aâioeîéi m véyt^imakai^ tt y « quelques
■MHS , de rheiirdttse exaUaUM d^Ke IX au Pontificat
suprême , ils ignoraient peut-être à combien de Utres
ils devaient s'en féliciter pour TOiEuvre , qui voit au
jourd'bui dans le chef de TEglise un de ses plus puis-
aants et plus anciens [protecteurs. L'illustre Évéque
dlmola n'était pas encore appelé à bénir Tunivers , que
depuis longtemps sa main paternelle s'étendait sur nou^
son nom religieusement inscrit dans nos Annales,
était déjà entouré de notre reconnaissance, avant d'être
salué avec amour par tout le peuple cbrétien. Dès l'an-
Qce 1837 , alors que notre Œuvre était à peine connue
en Italie, il ^vait, le premier entre tous les Prélats des
Etats^omains , élevé la voix ea notre foveur > el son
Digitized by LjOOQIC
567
diocèse répondant à Tappel d'un Pasteur vénéré , por-
tait ausstôt le chiffre de ses dons généreux au-dessus
des aumAnes de toutes les cités qui l'avoistnent , à Tex-
ception de Rome seule. En daignant s'unir & nos ef-
forts , le même Pontife nous réservait d'autres gages de
sa haute bienveillance ; deux nouveaux Mandements
publiés en 1839 çt en 1841 , témoignèrent de sa vive
et persévérante sollicitude pour les progrès de l'Asso-
ciation.
Aussi fos Directeurs de l'CX^uvre , enoouragés par ces
précieux souvent» , ont^ils éprouvé le besoin de psiter
aux pieds da & Père l'expression de leur con6amce;(K
liale dans une proleotion qui leur était oomis», et d'im-
plorer pour eux et pour leurs Assoeiés une de ses pre-
mières bénédîetions. Leurs ^roux ont été exaueés;
Sa Sainteté a daigné répondre aux Conseils de Lyon et
de Paris parles deux lettres -ifue nouS' allons transeriro:
oUes sont pour lX)Euvre comme le couronnement dw
gràees dsnt les Souvmins Pontifes Tont comblée tour
à lour , depuis répoq«e de sa fondation ao«s le règn«
de Pie VII qui , lui aussi , ftil Evoque d*Imollr (!).
(i) Cet leftm n*ODt pu étrt mites en tét^ du NuméM parc« qvc t«
tirtft ^if é^k t9mm%mé «fourni mm$ hm •?«■§ rtfves.
Digitized
byGoogk
668
LETTBE Dfi SA SAINTETÉ AU CONSSIL CB.^T&AL DX hYOH*
« Plus PP. IX.
« Dilectî filîî salulem, ciAposlolîcamBencdîclîonem.
« Libenti quidem animo vestras excepimus litteras
suinmœ vcstrœ erga Nos pietatis, et observantiœ lestes,
quibus Nostram Deo sic disponente ad summum Eeele-
stse PoutiâoatumeveeiioQemobsequeuUAsiine Nobisgra-
lulati estas. Gratissimum porro hoc vostrom Nobis acei-
dit officiiun, ium quod a vestra in banc Apesudicam Se-
dem veneratiaoe profectum esse tutelligimus^ tum quod
singubri semper benevolentia, et studio Socictatem
Propagationis Fidei isUc primUttsinstitutam prosequuti
sumus, in c^jus uiilitateai, prosperUalemquc magis in
«lies procuradukmi vos incumbere tantofiere gloriamini.
gi quoniaiB summa animi Nostri coctôQlatioDe uberes,
ae sêluiares , Deo beœ juvante , ex eadem SoeieiaU'
in cliristianam rempuMlcam fructus redundare copios-
dmus, idcirco banc occasionem libentissime arripimu?
ut prœcipuumnostrum erga illam studium testemur, e(
oonfirmemus, Yobisque simul persuasum esse vokunus,
nihil Nobis graiiiis futarum, quam Soeietatem îpsam,
prout magis in Domino expedire censuerimus, ornai
ope tueri, ac fovcre. Intérim vero. celestium omnium
munerum auspicem et peculiarispaternse Nostrao in vos
earitatis testem Apostolicam Benc^lictionem intimo cor-
disafTcctu Vobb ipsis»Dileçti Filii, amanter impertimur.
< Datum Romsa apudS. Mariam Majorem die 19 aa-
gusti anno 1846^ Ponliûcatus nostri anno primo^
c Plus PP. IX •
Digitized by LjOOQ IC
66»
TAADCCnON DE LA. LETTBE BE SA SAINTETE
AU CONSEIL CENTK4L DE LYO?f.
« PIE IX , PAPE.
« Bien-atmés fils , salut ot Bénédiction >Apostonque.
« C'est avec une douce satisfaction que Nous avons
reçu , en témoignage de votre pieuse affection et de
votre déférence pour N^ns, vos £èlkkations respectueu*
ses sur notre élévation , par une disposition divine , au
suprême Pontificat de rEglise. Nous avons été très-
sensible à Taccomplissement de ce devoir , soit parce
que ao«s avons OMoprn que c'élaîi ua effet de voure
véaéralîoii pour ce Sîèg& Apo8tol«i|iie , sok parce q«ie
Noua aVtoM tHyoura p«né nm kitécéc ei un zèle
partievdiiÉffs à TOEuvre de la Propu^iaiioo de la Foi ,
iaaiUuée en preiaier lieu à Lya» , eh qm vous vottr
faites gloire derendvedejow en jour pliift.flori8SttBt$
pav V06 inoeasaotseffiN^ts. GonnMssaoidoiioiM^eo une-
souveraine oo&sdaiîott les fruits aboa<hiUi et salu*
taiitt que produit, avec Taie» du S^^pMur, eetl«
nèiM Société, pour lebiead^la Glo^éilieoléiooteiir
ti^e y Nous saisissons trè&¥oloB4ieffâ^ eolliS oftawon
d« lui donner un gage et une noHVf Ue éffeave de
noice spéçiak sollicitude » et Nous voidoM-que vMa-.
s^pei eo m&aia tenps iitarsuadésque. rien ne Nottô'sera-
plus agréaUe que de la pvotéger et delà fevoriser^k»
tout notre pouvoir , saloa qu^ Nous lejnferoiis fim '
convenable dans le Seigf^ettP. EaatieDdani , Notit vous
doimons avoc amour |. hieiv^imés fils ^ et du plus {V^
(mi de notre Qoeùr larbiacdicti4b apo$V>Uquet. commm
IXHI, xviu. 109. il ^^^u
Digitized by VaOOv IC
570
«n présage de tous ks dons célestes et un témoignage de
notre affection paternelle et toute spéciale envers vous.
« Donné à Rome , à Sle-Marîe-Majeurc , le 19* jour
d*aoùt de l'année 1846, et de notre Pontificat la première.
« PIE IX, PAPE. »
LKTTRr. DE SA SÀTNTETfi \C7 COnSCIL CENTRAL Dl PÂEIS.
« Plus pp. ÏX.
« Dilecti filiisalutem, etApoâtolicamBenedietionem.
« Littcrœ vestrsD, quibus gaudium, summamque le*
tHiam a Vobis ex Nostra ad Apostolieœ DtgnUatis fasti-
gium evectione susceptam obsequentissimc dedarastis»
Nobis pergratœ, perque jucundœ fuerunt. Insigne enin
singularis ve^tr» observantise, ac veneradonis in liane
Apostolicam Sedem, et filialis prorsus in Nos, pietatis
spécimen exhtbuerunt. Illud etiam iisdem in litteris
prSBcrpua Ptos animi votuptate perfudit, quodin iislu-
eulentum (estimoiiium nacti sumus , quantopere vobis
cordi sit^ omnem opem, et operam constanteradhibere
ut Propagationis Fidei Societas, quam summo semper
afTectu prosequuti sumus, magi? in dics vigeat, ac flo-
reat. Quod egregium vestrum stndium vchementer in
I>omino commendamus, vobisque persuasum esse vo-
lumus volutttatem Nostram in iis, quae ad îpsius Sodé-
Nrtis bonum, ac splendorem amplificandùm, a Nobi5
prolkisci poterunt, promptam semper, ae paratam fti-
iHram. Intérim ver© studiosissimo vestro gratolatioiw
Digitized by LjOOQ IC
oflicio, paribus paternœ Nostrse beoevoleutiœ significa-
ûonibus respendentes , Aposiolicam Bencdiclionem ex
întimo corde depromptam vobis omuibus aiQanter im-
periîmur.
« DaUim RomsB apud S. Mariam Majorem die 19 au-
gusU anno 1846, Pontiflcatus nostri anno priino.
« Plus PP. IX. »
XIÀBUCTION DE LA LE1TBE DE SA SATTÎTETB
AU C0R8EH. CBUTRAL de PAKI8.
PIE IX , PAPE.
c Bien-aimés fils » salut et Bénédiction Apostolique.
< La lettre que vous Nous avez respectueusement
adressée en témoignage delà joie et delà vive allégresse
qu*a excitées en vous Notre élévation à la suprême di-
gnité de Chef de TEglise, Nous a été tràs*sensible, et a
rempli Notre cœur d^une douée satisfie^tion. Elle Nous
a donné une preuve insigne de votre déférence el de
votre vénération pour le Saint Siège Apostolique , en
même temps que de votre filiale affection pour Notre
personne. Mais ce qui, dans cette letlra» a surtout com-
blé notre àme de joie, c*est que Nous y avons claire-
ment reconnu combien vous avez à cœur de con-
tribuer de tous vos moyens à développer de jour en
jour et à rendre de plus en plus florissante cette Asso-
«ûation pour la Propagation de la Foi, qui a toujours été
l'objet de notre vive atfi^tion. Nous louons plcinemoni
37.
Digitized
byGoogk
^•«8 fc Sc,gn«,r eexf-îe éclatant qne tous tétncignez
pour éle, ctWons voulons que vous saehiezque, ^Z
toutes es choses qui seraient propres à ImLI
prosperuee. la s^endeur de l'Ass Jation, et qui Ir
n cnt compior «ur No..^ ooneo««. ftépowlant *Jaie,«
au témoignage du zèle qui vous a dictévos parolT^
Nou. vous accordons à tous affectueusement et du plu^
profond de Notre cœur, Notre Bénédiction Apostl^"
« Donne à Rome , à Ste-ahric.lli£,re , le
t9-Jour d'août 1846. !'«„ premier deoo3o„tifica.
« PI£ IX, PAPE.
NOUVELLES.
La Mission des PP. Capucins en Mésopotamie fait de jour eo
«11 f/,"' «onsolanls progrès. Quand ces Religieux arritè-
•^ 10.1a qt en ,;«. 4ei«a.p« ee p«iit it^np^n s*-»! raiM»»
.WuU.plié.au nulHMi d«s obsUcIes de tout g«,re ; oha9a««i»ét
la vu grandir par de» conversions plus nombreuses , di-nie-
menl co.ironnées en 1846 par l'abjuration de deux Evê^ueri,-
cobites. I^ premier, Mgr .\braham. était l'Ev^ttue même d'OiS-
.!„t*!!S '!i^ ^"^ ' ■'*"*'^'^ *» 'l»^"'* *m«iHaire. PMr'
«•Irobé. *4eiir «rnsciew». il. «t «té , l'wi « ttulw ...hwu-
»4s d bumiiwuon» nar ijuelgue» mmktts du clergé «chiMUi.
.que arménien; mais cette épreuve, soutenue awc feriaeté
porte drjà ses fruits : leurs anciens coreligionnaires , dont ih
Digitized
byGoogk
$1i
TABLE DU TOME DIX- HUITIÈME.
Ledre de Sa Sainteté au Conseil de Lyon , page 568.
J^ettre de Sa Sainteté au Conseil de Paris , 570.
Compte-rendu, 198.
Mandements et nouvelles , 184, 307 , 384, 472, 67i,
Départs de Missionnaires , 84 , 184 , 310, 392, 469.
MISSIONS D'ASIE.
GHIIOU
Lettre de Mgr Ferré^l, Vie. apoel. île la Goiée, 7ê.
Extrait d'une lettce de M. PinchM, 97.
Lettre de M. Cfautveau, 110.
Lettre de M. de la Brunière ,116.
Lettre de Mgr Alphonse , eoadjuteur au Chan-si ,131.
Lettre du P. Clavelin , Jésuite ,241.
Autre lettre du même Père, 262.
Autre lettre du même , 274.
Lettre de MonseigimrJteiliAi , Vie. apost. du Uou*
Kouang, 346.
Digitized
by Google
574
ILES UEOLWUBOO.
Lettre de M. Foreade , Miss, apost. , 363.
GOBÉB.
Lettre d*André Kiraai-Kim, Diaere Coréen , 284.
Extrait d'une lettre de M. Daveluy , 304.
TONG-KING OCCIDEKTAL.
Lettre de Mgr Retord , Vie. apost. , 93.
Lettre de M. Charrier, 466.
SIAM.
Lettre de M. Gra^djean , 48.
Autre lettre du même , 66.
INDE.
Extrait d'une lettre de M. Luquet, 313.
Lettre de M. Jarrige , 326.
Extrait d*une lettre de Mgr Bonnand, 328.
Extrait <fiine lettre du P. Brissaud , Jésuite , 331.
Extrait d'une lettre du P. Trineal , Jésuite , 334.
Extrait d'une lettre du P. StCyr, Jésuite, 340.
STHIB.
Loitre du P. Fr. de Ploughe , Capucin ,189.
amrAmionjL
Lettre de }L Fabbé Htllereau , 386.
Digitized
byGoogk
&75 .
MISSIONS D'AFRIQUE.
Madagascar.
Extrait d'un mémoire àe M. Dalmon , Préfet «p. 146.
Lettre du P. Gotin, Jésuite, 157.
MISSIONS D'AMÉRIQUE.
ÉTATS-UNIS.
Lettre des Pères du Sixième Concile de Baltimore, 393.
Montagnes-Rocheuses.
Lettre du P. de Smet , Jésuite , 473.
Lettre du P. Joset , Jésuite , 504.
Autre lettre du même Père ,518.
CANADA.
Lettre du P. Aubert , (M)lat de Marie Imimculée, 442.
Lettre du P. Laverlocbère , Oblat , 449.
Lettre du P. Hanipaux , Jésuite ,461.
MISSIONS DE L'OGÉANIE.
AUSTRALIE.
Notice sur le nouveau Diocèse de Perth , 525.
Lettre de Dom Léandre , Bénédictin , 528.
Lettre da M. Thiersé, Prêtre du S. -Cœur de Marie, 54 1.
ociAmB ORiEirrALE.
BeS'Marquises.
leurt du P. Escoffier , Miss, de Picpus , 43.
Digitized
byGoogk
06CIMMÉU»
WaUii.
Lettre du P. Mathieu, Harisie, 6:
Uttte dm P. RduUeau , Mariste, 1&
Lattre de Mgr BatailloQ ', Bvâtpie d'Ëooe > 38;
Tonga.
Lettre du P. Grange , Marisie , 93.
Lettre du P. Calinon , Mariste , 420.
WMnnLB jKtum^
Extrait d*une lettre de Mgr Pompallier , 1 74.
Extrait d'une autre lettre du même Prélat ,178.
Autre lettre du même , 1S1.
OCiANfE CSimULB.
NinweUe^CaiUome.
Lettre du P. Rottgeyron , Mariaie, 49f .
Lettre du P. Yiard , Marisie, 413.
Lettre du P. Ghaurin , Mariste , 464.
Digitized by LjOOQ IC
Digitized
byGoogk
i_J
THIS BOOK IS DUE ON THE LAST DATE
STAMPED BELOW
RENEWED BOOKS ARE SUBJECT TO IMMEDIATC
RECALL
LIBRARY, UNIVERSITY OF CALIFORNIA, DAVIS
Book SUp-50m-12/64(F77284)468
349349
Society for the
Propagation of the
Faith.
Annales.
BV2155
S6
va7-l8 I
LIBRARY
UNIVERSITY OF CAL1FORNIA
DAVJS
>5^
r^:'
''' ♦ "-'"^