\
^ CENTf^
/i'^
L-jX^
AS
ANNALES
DE l,A
SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE
DE NANTRS
ET DU DÉPARTEWIENT DE LA LOIRE-INFÉRIEURE
DKCLAREE
ÉTABLISSEMENT D'UTILITÉ PUBLI
Par népret ilii ^1 ilécembit] 1!^.77
Volume 10*^ de la 7^ Se
1899
NANTES,
iMl'HlMEIilB C. MeLLINET. — BlllOCHÉ ET l) AU T AÏS , SUCCrs,
Place du Pilori, 5
i\ i 5
ANNALES
DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE
DE NANTES
ANNALES
DE LA
SOCIÉTÉ ACADÉMIQIJE
DE NANTES
ET DU DÉPARTEIVIENT DE LA LOIRE-INFERIEURE
uki;lai;kk
ÉTABLISSEMENT D'UTILITE PUBLIQUE
l'iif Di'tTL'l ilii "-27 iléceinbn: \>'J7
Volume 10^ de la 7 Série.
1899
iNAlNTKS,
iMI'lilMKIllK C. iMKI.IlM/r. - lilUdCIII, 1.1 lt\( I \1S, SÏXîCPî,
iMiicc (lu l'iloii. 5.
ALLOCUTION DE M. LINYER
PRESIDENT SORTANT.
Messieurs ,
Arriv('' au terme de mon mandai, je sens le besoin de
remercier ceux dont le concours régulier el l'assidnilé onl
suppléé à mon inexaclilude.
C'est du fond du cœnr que j'adresse l'expression de ma
reconnaissance aux membres du Bureau que vous aviez
placés près de moi, el spécialement à noire Secrétaire
perpétuel et à noire Trésorier.
Grâce à leur dévouement infatigable, non seulement notre
Société, cette année, a pu continuer i> vivre de sa vie
normale, mais elle a eu l'honneur d'organiser celle fêle
triomphale du Centenaire, qui laissera une trace glorieuse
dans les fastes de la ville de Nantes.
Ce succès éclatant ne doit |)as nous éblouir; nous devons
y puiser une ardeur nouvelle el des résolutions viriles.
Les sociétés, connue les individus, subissent la loi du
temps; les années el les circonslances leur imposent des
devoirs nouveaux auxquels elles ne peuvent impunément se
soustraire.
Leur impérieuse nécessité n'échappera pas, j'en suis sûr, à
mon successeur, et il saïu'a apporter, dans Porienlation
noilvcllr lie V()> cllorls, les rcssoiiiccs de son iiiiiitiiimlion
Icrlili' en (•(iiic('j)li()iis origiiialcs d en sohilioiis ini^rnicuscs.
Il Irouvciii (riiillciirs un appui |ir('ci('ii\ dans le Vicc-
IMvsitU'nl que vons avez placr an|ni's de lui l'I dans rr^ deux
jeunes Seci'élaires, doni l'cspril, oiivcrl à ions les progivs,
se pliera aisi-nuMil aux iranslornialions nécessaires.
C'est donc avec iran(piillilé {\\U' je résitrne mes lonclions,
conlianl dans l.i vilalilé «le noire Snciélé v[ certain du succès
(jue Tavenii' lui i'«'serve.
ALLOCUTION DE M. LE D^ HERVOUET
PRÉSIDENT ENTRANT.
Messieurs ,
C'est avec une inquiétude bien naturelle et trop justifiée
que j'accepte le s^rand honneur de présider à vos séances.
Venir après les fêles brillantes du Centenaire, quand vous
êtes encore sous le charme des discours entendus, c'est me
prêter courageusement à un effet de contraste où la galerie
trouvera peut-être un malicieux amusement, mais où je ne
trouverai pas de bénéfice personnel.
Venir après M. Linyer, dont on a dit justement qu'il
devrait siéger au Parlement pour y mettre son grand talent
au service de Nantes et de la France, après cet éminent
collègue dont on invoque l'appui pour donner l'essor aux
sociétés naissantes ou pour sauver les sociétés malades,
m'installer dans ce fauteuil au moment précis où il vient
d'être illustré, en une mémorable séance, par un académicien
homme d'Etat, par M. Hanotaux, l'historien de Richelieu...,
me placer enfin, Messieurs, h votre tête en de pareilles
conditions serait d'une témérité singulière s'il n'était, je
crois, implicitement convenu entre nous que le collègue,
appelé à cette redoutable succession, accepte bravement un
nécessaire sacrifice d'amour-propre. Vous le récompensez, à
la vérité, d'emblée et largement de ce petit sacrifice par le
2
10
choix iivêiiie que vous laites de sa personne et vous ne douiez
pas qu'il ne soil profondémenl louché d'un pareil honneur.
Aussi bien, grâce aux collabonilcurs bienveillanls el actifs
qui m'entourent, grâce à votre zèle îi tous, j'ai confiance
dans l'avenir; je pense qu'il y aura encore de beaux jours
pour cette chère Académie nantaise. J'ai dit tout l\ l'heure
qu'on appelait volontiers M. Linyer au secours des sociétés
malados ; je ne saurais dire si la nôtre l'était gravement vers
la fin de son premier siècle ; on a assurémenl répandu plus
d'une fois des bruits alarmanls sur sa santé. Ce qui me
paraîi, en loul cas, évident aujourd'hui, c'est que notre
dernier Président a parfaitement réussi à la remettre sur
pieds el à lui assurer un nouvel avenir. L'éclal apporté, avec
les soins du Bureau sortant, à la solennité du Centenaire
nous ganintii le lendemain. L'attention du public a été vive-
ment attirée sur nous. Cela est un bien : nous sommes en
droit d'espérer de nouvelles adhésions, des recrues utiles à
nos travaux el à nos finances.
Messieurs, avec l'expression de ma sincère gratitude, je
vous apporte aussi la promesse d'utiliser enlièrement ce que
je peux avoir d'activité el de bonne volonté à la prospérité
de notre Société.
Quant au concours de mes aimables collègues du Bureau,
je n'ai pas besoin de vous l'assurer : vous connaissez leur
talent, leur science, leur attachement h notre groupe intel-
lectuel, leur dévouement éprouvé. Je ne m'avance donc pas
trop en affirmant qu'ils oni tout ce qu'il faut pour inaugurer
dignement notre deuxième siècle.
Mettons-nous donc au travail avec confiance el surtout
avec persévérance.
HISTOIRE DE NANTES
sous LE RÈGNE DE LOUIS-PHILIPPE
Par m Félix LIBAUDIÈRE
Suite. — Voir le volume de 1898.
Année 1841
Le chemin de fer de Nantes à Orléans. — La lutte entre les deux sucres. — Les cloches
de la Cathédrale. — La capture du .« Marabout. » — Le recensement à domicile. —
Divers: élections, fêles publiques, etc. — Services publics : conseil des prud'hommes,
service vicinal, etc. — Enseignement. — Journaux et publications. — Agriculture,
commerce, industrie, bateaux à vapeur. — Monument? et voirie : Cathédrale, Saint-
Nicolas, palais de justice, jardin des plantes, etc. — Concerts et spectacles.
LE CHEMIN DE FER DE NANTES A ORLÉANS
La Société d'éliides du cluniiin de fer de Nantes à Orléans
convoque les Maires des villes riveraines de la Loire à une
réunion qui a lieu le 1^^ niars, à son sièj^e social, 29, rue
Tronchet (1). Le fondateur de la Société, Jucqueau-Galbrun,
donne connaissance des travaux exécutés par elle : achat
des terrains, tracé, renseignements statistiques. D'après ses
calculs, le devis des dépenses s'élèverait à IBO millions, el
la recette brute atteindrait le chiffre de 28 millions. En
défalquant les dépenses courantes, les intérêts à servir et la
formation d'un fonds de réserve, le bénéfice ressortirait h
11 °/o du capital.
Alexis de Jussieu, préfet de l'Ain el président du Conseil
d'administration, annonce qu'une société de capitalistes s'est
engagée à fournir les capitaux nécessaires si l'Elat assurait
une garantie d'intérêt. Il fait connaître qu'une demande en
concession est déposée.
(1) A Paris.
Les fondateurs et les délégués, accompagnés des députés
cl pairs de la région de la Loire, se présentent successive-
ment chez les Minisires des Travaux publics, de Tlnlérieur,
des Finances, de la Justice, et demandenl instamment que
la demande en concession soit soumise aux Chambres dans
un bref délai.
Un chaleureux appel est adressé aux Conseils généraux et
municipaux des déparlemenis riverains du fleuve. Une
garantie d'intérêt ^ 4 "/o leur est demandée. Blois vote cette
garantie pour 1 million ; Tours, également pour 1 million ;
Saumur, pour 1 million 500,000 fr.; Nantes, pour 1 million
500,000 Ir.; le (Conseil général du Loir-et-Cher, pour
1 million '400,000 fr.; celui d'Indre-et-Loire, pour 2 millions.
LA LUTTE ENTRE LES DEUX SUCRES.
La législation de 18i0 n'a profité qu'au sucre de betterave.
Sa l'abricaiion prend toujours une nouvelle extension et les
cours se dépriment de plus en plus. La situation devient
chaque jour encore plus grave pour les ports. La
Chambre de Gonmierce de Nantes, à la date du 28 octobre,
expose ses doléances au Ministre. Elle s'attache à lui faire
comprendre que l'industrie (Ju sucre de betterave n'est
pratiquée que dans cinq déparlemenis, et que les intérêts
autrement importants des ports, des colonies et du commerce
maritime lui sont sacrifiés. Au nom de la justice, elle
demande que le sucre de betterave soit soumis au même
droit que le sucre colonial.
Les fabricants du Nord font entendre de vives réclama-
lions. Us protestent énergiquemenl contre l'augmentation de
droit qui menace leurs iiroduils et qu'ils ne peuvent supporter.
Ils déclarent préférer ii celle augmentation l'expropriation de
leurs usines avec, tontefois, le payement d'une indenmilé
qu'ils prétendent leur être légitimement due en raison de la
13
proleclion donl ils onl joui el sur la foi de laquelle d'impor-
tants capitaux ont été engagés par eux.
LES CLOCHES DE LA CATHÉDRALE.
La sonnerie de la Cathédrale, avant la révolution, se com-
posait de douze cloches el jouissait d'une renommée méritée.
Lors du rétablissement du culte en 1802, il n'en restait qu'une
seule, celle qui servait de timbre pour l'horloge. En 18'25,
deux autres cloches avaient été fondues.
Le Chapitre de la Cathédrale prend la résolution de doter
le vieux monument d'une sonnerie donl il put être fier et
fait appel à la générosité des habitants. Une Commission
composée de Maurice Durostu, de la Rochelle, Ch. de
Commequiers, C. Mellinet, J.-C Renoul et Viot lui prête son
concours et organise une souscription. La somme nécessaire ne
tarde pas à être recueillie el l'on décide que la sonnerie se com-
posera de huit cloches (i), en y comprenant les deux cloches
de 1825, qui seront refondues pour être mises k l'unisson.
Le travail est confié à Guillaume Besson, maître fondeur
à Angers. Il s'exécute dans un atelier temporaire établi sur
la terrasse de l'abattoir. Les autorités et une brillante société
assistent à l'opération de la coulée.
(1)10 Jeanne- Antoinette, pesant 5,fi50 kilos, présentée au nomdii déparlemenl, a
pour parrain le lieutenant général Gt" d'Erlon, el pour marraine M™° Cba|)er,
épouse du Préfet; — 2" Françoise- Thérèse, 4,010 kilos, au nom de la ville.
Parrain, F. Bignoii, député. Marraine, Mi"" Th. Favre, nièce du Maire ; — 3° José-
phine, 2,945 kilos, au nom des propriétaires. Parrain et marraine, Jh de la Tullaye
et M™" J. de Villelreux, marquise des Dorides; — 4" Julie -Félicité, 2,431 kilos,
au nom des négociants armateurs. Parrain et marraine, Jules Gouin, vice-président
de la Chambre de Commerce, et M™" veuve Colas ; — 5» Marie-Françoise, 1,075
kdus, au nom des commerçants. François Maurice et M'ie Marie Bonhomme ; —
6° Perrine-Marie, 1,200 kilos, au nom des corps d'états et de métiers. Pierre Baranger
et M™e Carreau. Les deux dernières onl pimr parrains et marraines les descendants de
ceux qui les avaient présentées en 18^25; — 7" Emilie, 870 kilos. Cl.-M.-R. de
Sesmaisons, âgé de b ans, el demoiselle Juliette de Menou, âgée de 9 ans ; —
8» Louise, 690 kilos. Ch. Espivenl de la Villesboisnet el demoiselle Henriette de Monti.
14
La bénédiclion a lieu en grande pompe le 7 décembre.
^U' de Hercé préside la cérémonie. Le Préfet, le Lieulenanl
général, le !\]aire, les |)rincipales aiilorilés y assislenl. La
Société des Beaux- iVrls chante la messe de Gherubini.
CAPTURE DU « MARABOUT ».
Notre commerce maritime, dans les derniers jours de
décembre, est vivement impressionné par la façon vexatoire
avec laquelle les Anglais interprètent les clauses du traité
pour la répression de la traite des noirs passé en 1833 entre
la France, l'Angleterre, la Russie, l'Autriche et la Prusse.
Le brick de 172 tonneaux, Le Marabout, capitaine
Dejoie ; armateur, L. Lepertière, qui, depuis dix-huit mois,
faisait le commerce de la troque entre Bahia et la côte
d'Afrique, est, à la sortie de ce port, capturé par la corvette
anglaise La Rose, sous prétexte qu'il se livrait à la traite
des noirs. Ce prétexte était fourni par la mise à bord de
72 planches qui, dans l'esprit des Anglais, étaient destinées
k établir un entrepont pour loger des esclaves. Bien que
cette mise à bord eût été autorisée par noire consul à Bahia,
en vue d'aménager le bateau pour le transport de 26 passa-
gers, la capture est déclarée valable. Une grande partie de
l'équipage français est transportée sur le navire anglais et
Le Marabout est conduit à Cayenne.
La Cour royale de Cayemie, par arrêt du 2 décembre
1841, déclare que Le Marabout n'a pas contrevenu aux
sli[)ulaiions du traité du 22 mars 1833, relatif à la répres-
sion de la traite des noirs et que la saisie opérée par la
corvette anglaise est illégale. Le capitaine français assigne
le capitaine anglais devant le Tribunal de première instance
de (Mayenne, en payement de 274,803 fr., [)0ur dommages-
intérêts et, en outre, des gages de l'équipage et frais.
Le Tribunal, par sa décision du 28 décembre, condamne le
15
navire anghiis î\ des dommages -intérêts montant à ^253,^283 fr.
84 c. et, en oiilre, au payement des gages et des frais.
L. Leperlière et la Chamljre de Commerce s'empressent de
faire parvenir au Ministère leurs plus vives réclamations.
On croit voir dans cet acte inqualifiable un moyen des
Anglais pour intimider nos armateurs et les contraindre à
cesser le commerce de l'huile de palme, commerce dont ils
avaient le monopole et auquel, le premier des navires français,
Le Marabout, se livrait sur une grande échelle. Ce navire
devait, en effet, revenir de la côte d'Afrique avec une
cargaison de -200,000 kilos de ce produit dont le placement
à Paris était déjà assuré.
LE RECENSEMENT A DOMICILE.
Le ministre des finances Humann, estimant que les impôts
existants n'ont pas le rendement qui pourrait leur être
demandé , charge les contrôleurs des contributions de
procéder h un recensement à domicile pour rechercher la
matière itnposable qui n'est pas encore atteinte. Les condi-
tions dans lesquelles il est procédé à ces investigations
jettent une vive agitation sur la plus grande partie du terri-
toire et provoquent à Toulouse, à Bordeaux, Clermont-
Ferrand, etc., des troubles et même des collisions san-
glantes.
Tout se passe dans notre ville avec un grand calme. Les
agents du fisc, d'ailleurs, agissent avec une certaine réserve.
Us se bornent à poser des questions aux propriétaires ou
aux concierges et enregistrent leurs déclarations sans les
vérifier. A la Fournillère, cependant, un incident se produit.
Les contrôleurs sont, dans l'exercice de leurs fondions,
invectives et menacés par des femmes. La force armée
intervient, dissipe l'attroupement, procède à quelques
arrestations et l'ordre n'est pas autrement troublé.
16
DIVERS.
Bonoil, député de Paimbœuf, donne sa démission pour
cause de sanlé. Le coilège électoral se réunit le 20 mars. Il
y a 120 votants. Le capitaine de vaisseau Le Ray, originaire
de Pornic, est élu par 70 voix ministérielles. Luminais,
candidat de l'opposition constitutionnelle , n'en obtient
que 41.
Clemansin-Dumaine, conseiller général du 2« canton,
remet sa démission. Le Sant, conseiller d'arrondissement du
canton, est élu au 2« tour (16 août) par 2S voix sur 41
votants et 90 inscrits. Urvoy de Saint-Redan obtient 12
suffrages. — Louis Vallet, adjoint au Maire, est nommé
conseiller d'arrondissement.
Un prédicateur eu renom, l'abbé Combalot, prêche la
station de carême à la Cathédrale. Une affluence considé-
rable se presse pour l'entendre. Il inaugure des conférences
spéciales pour les hommes et leur consacre deux soirées par
semaine. Des comptes-rendus détaillés de ses discours sont
imprimés et mis en vente sous forme de brochure.
La fêle du Roi est marquée par l'inauguration de l'éclai-
rage public par le gaz. Le nouvel éclairage n'existe encore
que dans certains quartiers du centre : quai des Tanneurs,
rue de l'Arche-Sèche, place Royale, rue de la Fosse, quai de
la Fosse jusqu'à la rue de Launay, rue Crébillon et place
Graslin, mais des canalisations sont déji» posées dans d'autres
directions pour les besoins des particuliers qui jouissent du
gaz depuis 1837. La Cathédrale et l'église Sainl-Clémenl
possèdent déjij le nouvel éclairage.
17
Les fêtes nalionales subissent un nouveau déclin. Le
programme officiel est toujours maintenu. Mais, sous prétexte
d'économie, on réduit les dépenses, et le feu d'artifice est
supprimé. Pour la première fois depuis 1830, la Bourse ne
ferme pas ses portes le 30 juillet et les administrations tien-
nent leurs bureaux ouverts au public Les républicains
mettent un entrain toujours nouveau à célébrer Tanniversaire
des journées de juillet et organisent des banquets en plu-
sieurs endroits.
Les courses ont lieu le dimanche i^"" août et le lundi 2.
Notre population y trouve un attrait toujours croissant. Pour
la première fois, on se rend à Tbippodromc par le quai de
Ricbebourg et le pont de la Seille.
La journée du "^4 octobre est marquée par une double
solennité militaire.
Sur le, cours Sainl-Pierre, c'est la remise solennelle par
le Maire, au Colonel de la garde nationale, du drapeau qui
représentait la Loire-Inférieure aux funérailles de Napoléon,
cl Paris, en décembre 1840.
Sur le cours Saint-André, le l-'i" de ligne, de nouvelle
formation, reçoit son' drapeau avec toute la pompe d'usage.
SERVICES PUBLICS.
La Chambre étudie l'établissement d'une entreprise de
remorquage sur la basse Loire. Les bateaux que le commerce
a à sa disposition, le Sylphe, le Trirn, la Bretagne, n'ont
pas une force suffiï^ante. La concession d'un monopole est
décidée. Un tarif est adopté et le privilège sera mis en adju-
dication sur la base d'un rabais sur ce tarif. Une loi devra
être sollicitée pour l'établissement de cette entreprise. - - Des
réclamations sont adressées a la ville pour le rembourse-
18
menl des 3,604 fr. dépensés par la Chambre lors des évcne-
nienls de jaillel-aoûl 1830. — Le tarif des magasinages esl
l'objel d'un examen en vue de réduire certains articles, mais
on craint de ne pas retrouver la somme de 64,000 fr. qui
esl perçue en moyenne depuis plusieurs années. — Le
capitaine J.-B. Le Cour dépose un rapport sur Madagascar
el les ressources qu'offre celle île. — Un règlement pour le
régime intérieur des entrepôts réels el fictifs esl adopté le
16 novembre pour entrer en vigueur à partir du \^' janvier
1842. — De Lancasiel et Garnier-Haranchipy sont élus
membres du (Conseil général du commerce. — Le Préfel
assiste aux séances, mais moins assidûment qu'en 1840. —
La Chambre commence la publication du compte-rendu de
ses délibérations el de ses vœux.
Les membres sortants: de Lancasiel, D. Lauriol, A. -H.
Bonamy, Th. Carmichael, Aug. Garnier, sont nommés pour
3 ans. F. Bignoii el J. Gouin sont élus pour la iroisième
fois i)résident et vice-président.
Tribunal Soul uomiués : président, Aug. Garnier-Haranchipy; juges
'^^ titulaires, Ad. Boiramy, Félix Talvandc (anciens juges),
J. Roux (juge suppléant sortant); juges suppléants, L. buerin,
H. Auger.
Caisse L'insliluliou esl toujours en voie de progrès. Les verse-
d'épargnc. nuMils s'élèveut à 1,443,842 fr.; les remboursements à
780,617 fr. Le solde du aux déposants atleinl 4,742,177 fr.
réparlis entre r-,!i51 livrets. De nouveau?^ staiuls sont
adoptés.
Bureau [^e Ministre envoie un secours de 3,500 fr. Les recettes
(ie
iienlaisaiicu.
s'élèvent à 106,783 Ir.; les dépenses à 97,917 fr.
19
Les prévisions budgétaires pour 1841 sont fixées à :
1,500,54'ii ^ 67 pour les receltes ordinaires el extraordinaires;
1,500,542 31 pour les dépenses ordinaires et extraordinaires.
0 t 36 d'excédent.
Le cliapitre additionnel des recettes s'élève à 87,813 fr.
45 c; celui des dépenses h 87,649 fr. 82 c.
L'octroi produit une somme brute de 1,162,968 fr.
On procède aux élections pour la première formation du
Conseil des Prud'hommes, institué par l'ordonnance du
31 juilli^t 1840. Trois scrutins sont nécessaires (31 janvier,
-il février, 14 mars) pour nommer les sept conseillers titu-
laires et les deux suppléants. Le Préfet, pour vice de forme,
casse ces laborieuses élections. Un nouveau vote a lieu le
22 août. .1. Voruz aîné est nommé président du Conseil.
(joignard, fabricant de brosses, renouvelle la demande
tentée sans succès par lui en 184(>, pour obtenir l'extension
de la juridiction des prud'hommes à une quarantaine d'in-
dustries que l'ordonnance de fomlation prive du bénéfice de
l'institution et se met à la tête d'un mouvement de pétition-
nemeiit. .
Le Conseil général, par sa délibération du 1«' septembre,
réorganise le Service vicinal et porte de 12 a 25 le nombre
des agents-voyers. Ce seivice doit désormais comprendre
1 agent- voyer en chef, 4 agents-voyers d'arrondissement
et 19 agenls-voyers cantonaux chargés chacun de deux
cantons et 1 agent-voyer aspirant. Un concours est ouvert
pour les treize postes qui sont à remplir.
Le bataillon du 20" de ligne, qui est encore en garnison
dans nos murs, va en mars rejoindre à Blois la portion
20
principale du régimenl. — Le 7'2« quille noire ville en
novembre pour aller à Bordeaux, il est remplacé par
le 21« léger qui vienl de Bourbon- V^endée.
Le colonel Gérard, inspecteur de rarlillerie des gardes
nationales, vient passer l'inspection du matériel de l'artillerie
de notre milice ciloycnne.
Pour la première fois, on distribue des diplômes d'anciens
indusirieiiu. élèvcs. La médaille d'or du duc d'Orléans pour actes de vertu
el de dévouement est décernée à Brieugne, secrétaire de
• la Sociélé, l'un de ses fondateurs, le créateur et directeur de
l'école des apprentis. Cette récompense obtient Papprobation
générale. Quelques mois auparavant il avait été nommé
chevalier de la Légion-d'Honneur au titre de directeur de
l'école des apprentis.
Le prix d'honneur, médaille d'or, est obtenu par Ferdinand
d'iujriicui- F^vre pour ses accliuiatations et semis de Camellias.
Socitil
lure.
ENSEIGNEMENT.
L'école primaire supérieure est citée par un rapport du
Ministre comme tenant le premier rang avec l'école du
7« arrondissement de Paris.
L'école secondaire de médecine de Nantes est constituée
en école préparatoire de médecine el de [)harmacie par
l'ordonnance du 'M mars 1841. Dubois, député du l" collège
el inspecteur général de l'Université, est délégué par le
Recteur de Rennes [tour présider à son inauguralion et
recevoir le serment des professeurs. Le D*" Fouré, directeur
de l'école depuis "25 ans, est maintenu dans ses fonctions.
Sont nommés professeurs: Cochard, Delamarre, Guépin,
Hélie, Lafond, Legouais, Marchand, Sallion, Thibaud.
21
Le local occupé par les frères, rue de la Rosière, est insuf-
fisant pour recevoir les élèves dont le nombre augmente
chaque année. De nouveaux bâtiments sont construits. Les
classes y sont ouvertes le 25 octobre. MMs" de Rennes et
de Nantes président la cérémonie d'inauguration. — La
musique du 7i« prêle son concours à la distribution des
prix de l'hôtel Rosmadec. — Une marque de sympathie
autrement touchante est donnée aux frères. Au moment du
départ du régiment, un sergent, au nom de ses camarades,
adresse une lettre de remercîments aux frères qui leur ont
fait la classe. — La propriété de Tivoli, rue de Bel- Air,
est achetée pour y installer un pensionnat.
Concone, compositeur de musique, ouvre un cours d'har-
monie théorique et pratique, et Mariineau un cours de chant
simultané.
JOURNAUX ET PUBLICATIONS.
Le journal L'Hermine continue à déployer un grand zèle
pour porter secours aux officiers espagnols, défenseurs mal-
heureux de la cause légitimiste, auxquels le Gouvernement
a assigné notre ville pour lieu de résidence. Une souscrip-
tion permanente est ouverte dans ses colonnes. Des loteries
sont organisées. La répartition des secours est pratiquée par
un comité dont font partie le colonel Arthur Duris ,
G'« R. de Sesmaisons, abbé Guibout, François aîné, colonel
de Laubepin, Merson père, Joseph Bascher, Danet, C*« Olivier
de Sesmaisons, C'« Ch. de Kersabiec. Depuis l'arrivée des
espagnols jusqu'au 25 juin 1841, une somme dépassant
10,000 fr. a été distribuée. Un nouvel et plus chaleureux
appel est adressé par le journal au moment où tous les
soldats internés en Bretagne passent par notre ville pour
retourner dans leur pays. Dans les six derniers mois de
22
Tannée, plus de 8,000 fr. sont employés au payement de
pensions mensuelles à 1!) officiers supérieurs, 46 officiers
el sous-officiers, et en secours temporaires à 23^2 officiers,
sous-officiers et soldats.
Une société en commandite au capital de 180,000 fr. se
forme pour conlinuer la publication de La Loire Historique,
de Toucliard-Lafosse. — Le tome III et dernier de L'Histoire
de Nantes, d'après Travers, est livré aux souscripteurs. —
G. Mellinel poursuit la publication de La Commune et la
Milice de Nantes.
AGRICULTURE, COMMERCE, INDUSTRIE
Rieffel est appelé à faire partie du Conseil supérieur de
l'agriculture. — Le Conseil général change son mode
d'allocation pour l'agriculture. Au lieu d'attribuer comme
auparavant une somme fixe par chaque canton, il vote
une somme de 6,000 fr. destinée à être répartie entre les
divers comités qui se formeront quelle que soit la circons-
cription embrassée par eux. — Le Préfet, à la date du
19 mai, prend, conformément au vœu émis par le Conseil
général, un arrêté réglementant la mise en vente des engrais.
Les prescriptions en sont fort rigoureuses. Des réclamations
s'élèvent de toutes parts. Une circulaire est adressée aux
Maires pour leur faciliter l'application des mesures prescrites.
— Bertin, pharmacien, chimiste, vérificateur des engrais
publics, publie le Manuel des fabricants d'engrais. C'est
le premier ouvrage qui est écrit sur ce suj(U. 11 est acheté
pour figurer dans la collection de VEncyclopédie Roret.
Cours des céréales. — lilé, 17 à '20 fr. l'hectolitre ;
seigle, 10 'à 13 fr.; orge, 8 fr.; blé noir, 10 à 11 fr.; avoine,
10 à 13 fr.
Vins. — Le muscadet vaut, lors de la récolle, de 28
■;» 30 fr.; le gros-planl 16 à 18 fr.
28
Viande. — Elle est l'objet de deux augmentations succes-
sives. Le prix de trois espèces est porté en octobre à
I fr. 05 c. et en novembre à 1 fr. 10 c. le kilo.
Un arrêté du Maire, en date du 20 avril, modifie les
conditions de vente du pain établie en 1818. Il stipule qu'à
partir du 1" juin, la vente du pain se fera au kilo et non
au 6 kilos comme cela se pratiquait pour le pain batelier
et le pain méteil. Aux termes dudit arrêté, chacun des
87 boulangers de la ville doit avoir un numéro, et ce
numéro doit, au moyen d'une plaque, êlre marqué sur tous
les pains de leur fabrication. — Le pain blanc oscille entre
0 fr. 35 c. et 0 fr. 40 c. le kilo ; le pain batelier entre
0 fr. 23 3/4 et 0 fr. 28 1/3 ; le pain méteil entre 0 fr. 16 1/4
et 0 fr. 21 c.
Les afïtiires commerciales se développent. Des sociétés se
fondent : banque L.-P. Groquevielle, au capital 300,000 fr.
— Maisons d'armement : J.-Y. Berthault et P. Fileau,
140,000 fr.; A. et J. Ilignard frères, 400,000 fr.; Leboyer,
200,000 fr. — F. Coquebert, assurances maritimes et prêts
à la grosse, 1 million. — Saini-Amand et Oswald Siffait,
180,000 fr. par actions de 5,000 fr., pour une ligne de
Nantes à Bordeaux, etc.
A la Chambre des Pairs à l'occasion d'une discussion sur
le tarif des douanes, Maurice Duval, notre ancien préfet,
tente un effort en faveur de la suppression des zones de
houille. Le Ministre paraît êlre bien décidé à ne rien accorder.
II établit que ce système est nécessaire à la protection de
nos houillières nationales, car malgré le droit que payent
les charbons anglais à leur entrée dans le port de Nantes,
ces charbons peuvent remonter jusqu'à Angers et concur-
rencer en cette ville ceux provenant des houillières du
centre.
Le Sylphe abaisse ses prix de passage pour Bordeaux
24
à -20 et à 15 (r. — Un baleaii ;i vapeur de la force de
4 chevaux est mis en circulation entre Pont-Rousseau et
V^erlou. — Un nouveau bateau ^ vapeur, Le Triin, dessert
toutes les semaines, h partir du 19 juillet, Belle-Ile, Lorienl,
Pornic, et approvisionne de poisson le marché du vendredi.
— Deux inexplosibles de la force de 60 chevaux, construits
par Gâche, sont mis en circulation entre Nantes et Angers.
Us peuvent accomplir dans la même journée le voyage
d'aller et retour. — Le 7 décembre un inexplosible de
Gâche, après avoir remonté la Loire et suivi les canaux
de l'est, arrive à Heilbronn. C'est le premier bateau à
vapeur qui pénètre dans ce pays, aussi son arrivée est-elle
saluée par des acclamations enthousiastes de la population.
— Un arrêté préfectoral, en date du 4 février, réglemente les
conditions d'établissement des bateaux à laver.
Le Ministre de la Marine satisfait des essais pratiqués
sous la direction de Ghevreul sur les cuisines distillatoires de
Rocher, commande à noii^e compatriote deux appareils d'une
production de 100 lilres à l'heure. — F. Bertrand, Ch.-G.
Philippe et Henri Ganaud, fabricants de conserves alimen-
taires, sont nonmiés fournisseurs du Roi. — La société des
forges de Basse-Indre, J. Riant et Ad. Langlois est prorogée
jusqu'au l«f janvier 1860, et le capital [lorlé de 700,000 à
910,000 fr. — La maison de santé du D^ Valin, route de
Paris, est ouverte. — Le nombre des mesureurs de charbon
de terre est porté, par arrêté du Maire, de 15 à '25.— Un
artiste en daguerréotype tire des portraits au prix de 15 fr.
— Des omnibus à six roues ou hexacycles sont mis en
service sur la ligne de la place Royale l» Pont-Rousseau.
MONUMENTS ET VOIRIE.
Cuii.édr,,!,.. Sur la <lemande de Ms"- de llercé, et suivant en cela
l'exemple dHDnné par le Conseil général, le Conseil municipal,
(MX
25
dans sa séance du 15 novembre, émel à l'unanimiié le vœu
que le Gouveniciuenl fournisse les fonds nécessaires pour
entreprendre la construction de Tabside en même temps que
celle de l'aile nord, à laquelle on travaille maintenant, et
pour ne pas laisser plus longtemps inachevé le plus bel
édifice religieux de notre ville.
Le Conseil des bâtiments civils refuse d'approuver le plan
dressé par l'architecte Piel. Son devis s'élevait à 1,600,000 fr.
Un autre projet, dont la prévision des dépenses atteint seule-
ment 1 million, est présenté par l'architecte Lassus. Le
Conseil municipal, que les proportions grandioses du premier
plan avaient quelque peu effrayé, accueille favorablement le
nouveau projet. En 1839, le Conseil avait décidé que la
façade du monument donnerait sur la rue de l'Erail. Le
projet de Lassus dispose cette façade sur la place Saint-
Nicolas. Le Conseil reconnaît les avantages qu'offre ce
changement et s'engage à contribuer pour la somme de
50,000 fr. dans la dépense qu'occasionne la démolition d'un
ilôt de maisons et qui s'élèvera à 138,000 fr.
Le Conseil des bâtiments coutume le jugement du Jury
nantais et adopte le plan Farouilh, mais il estime que ce
plan doit être remanié sur des points de détail. Grillon,
inspecteur des bâtiments civils, vient à Nantes, sur l'ordre
du Ministre, pour donner son avis sur l'emplacement du
Boulïay. Il condamne ce choix. Il estime que le terrain
n'offre pas les garanties suffisantes pour l'étabUssement des
fondations et indique, comme pouvant donner toute sécurité,
remplacement du boulevard Delorrae ou celui du Port-
Communeau.
Le chœur est reconstruit sur les dessins de Nau. 11 est
■ inauguré le 10 juin en grande solennité. Les vitraux peints
qui le décorent sont très remarqués. Ce sont les premiers
qui aient été montés dans le diocèse depuis deux siècles.
3
Monnaie. On poiirsuil soD aménageiiienl pour y installer U' Tribunal
civil ei la Cour d'assises.
Li' Conseil municipal, dans sa séance du 25 novembre,
décide l'acquisilion d'un terrain sur la prairie de Mauves
pour y créer un hippodrome permanent. Le projet est soumis
aux formalités d'enquête.
Le li(Hilenant-général Oudinol, inspecteur de cavalerie de
passage à Nantes, visite le manège Foucaut et le déclare un
des plus beaux de France.
[luelle et Tliomas (Louis) établissent im méridien sur la
façade méridionale de l'hôlel-de -ville.
Des circulaires sont adressées par le curé de Sainl-
Glémenl a ses paroissiens pour leur annoncer son projet de
reconstruction de l'église.
La Retraite des hommes (•) acquise par la ville au prix
de 6j,0U0 fr. et qui sert uioratmlanémenl de caserne doit être
aménagée pour recevoir l'école industrielle, l'école de dessin,
une quatrième salle d'asile, le marché aux toiles et aux fils.
Le Jardin des plantes n'est ouvert au public que pendant
la semaine. Le Conseil municipal insiste pour que la popula-
tion puisse y être admise le dimanche. Le directeur Ecor-
chard propose tout un plan d'embellissement pour le quartier,
consistant en rétablissement de l'eptrée principale sur la rue
du Lycée et en l'ouverture de deux rues y aboutissant, l'une
au nord allant jusqu'à Barbin, l'autre au sud jusqu'à la
Seille. U réclame en même temps la réunion au jardin dans
un seul monument de toutes les collections botanique, miné-
ralogique, zoologique, disséminées dans la ville. L'opinion
se prononce cuntre celte prétention.
|1) Hue du Uoulio.
27
La prolongation dt; la rue Gressel jusqu'k la rue de
Flandres esi réclamée par les liabilanis du quarlier. Celle
percée demanderait une dépense d'environ 80,000 fr. Le
Conseil refuse d'entreprendre ce travail ; mais sur la propo-
sition de Jégou, il engage les intéressés à se former en une
société qui se substituerait aux droits de la commune pour
procéder aux expropriations qui pourraient être nécessaires
et, en outre, s'engage à verser à cette société une somme
de iO,000 fr. lorsque les travaux de la percée seraient
achevés.
Le Conseil municipal, dans ses séances des iil février et
18 mars, accepte la cession par Duvignaux et Charrier
d'une bande de terrain de 10 mètres, à travers la tenue des
Galineaux, pour créer une voie de communication (rue
Bonne-Louise), entre la place Gigant et la rue du Boccage,
contre l'abandon par la ville d'un terrain communal.
Une enquête est ouverte en août pour la création d'une
voie charretière dans le prolongement de la rue du Calvaire
jusqu'au canal et son raccordement avec les rues de la
Boucherie et de la Clavurerie. Cette création est impatiem-
ment attendue.
Les travaux de reconstruction du pont Maudit sont de
nouveau mis en adjudication le 6 juillet. Le devis s'élève à
130,000 fr. Le pont doit être construit en pierre. — Une
enquête est ouverte sur un projet de percée à travers les
terrains Berthou, pour relier le boulevard au théâtre. — La
carrière de Miseri est acquise par la ville au prix de 50,000 fr.
— Le quai de Richebourg et le pont de la Seille sont livrés h
la circulation. — 50,000 fr. sont alloués pour l'achèvement
des chantiers de la prairie au Duc.
Le Maire, en présence du lotissement dont la tenue Camus
est l'objet et des inconvénients que des lotissements sembla-
bles peuvent avoir pour l'exécution ultérieure des voies
^28
publiques, prond deux arriHés en date des -23 avril el
-il mai, aux termes desquels les propriiHaires qui se propo-
sent de provoquer dans leurs enclos la construction de
maisons par des particuliers, sont tenus de remplir certaines
formalités.
CONCERTS ET SPECTACLES.
;om:.ru Prudent, pianiste, el Simon violoniste. — Loïsa Pugel,
chanteuse el compositeur de romances. — Huerla , le
Payanim de la guitare. — Le jeune Bernardin, violoniste.
— Doliler, pianisle. — M™" Laure Krice, chanteuse el auteur
de romances. - M'^^ Mallinann, pianiste. — W^^ Clara
Loveday, pianisle. — Poncliard, professeur au conservatoire
de Paris. — A. et L. Batla, violoncelle el piano. —
M™" Georgeite Ducresl, chanteuse. — M. et M™" Félix Simon,
piano et violon. — Franchomme, violoncelle. — L'événement
musical de l'année est le concert donné par la société des
Beaux-Ans à l'occasion de l'inauguration de sa coquette
salle de concerts, laquelle lait le plus grand honneur à
l'architecte Ghenautais.
(jranj- Lc dirccleur Lal'euillade, malgré tous ses efforts, lulte
riiiàinj. difficilement contre la mauvaise fortune. Les habitués el les
abonnés tentent de lui venir en aide el chargent plusieurs
d'enire eux, G. Ghauvel, J. Derrien, P. Bonamy, Hervouel,
G. Lauriol, Abat el F. Cohu de s'entendre avec lui. Une
souscription réunit -20,000 Ir. Mais les souscripteurs deman-
dent que la ville ajoute à sa subvention de 50,000 fr. le
payement de l'éclairage. La ville refuse el la combinaison
échoue.
Lafeuillade consent à entreprendre une deuxième cam-
pagne. Les artistes s'associent avec lui pour un cinquième
de leurs appointements. La ville porte la subvention à
00,000 fr. Le Ihéâlre ouvre le 4 mai, avec Iroupe d'opéra
29
el troupe de comédie. — Le directeur, usant de la faculté
qui lui est donnée par le cahier des charges, ferme le Grand-
Théâlre du 19 août au 16 septembre el donne, pendant ces
quelques jours, des représentations dramatiques au théâtre
des Variétés. — Plusieurs pièces iniporlantes sont montées
au cours de l'année : La Favorite, 13 avril. Le Verre d'Eau.
La Calomnie. Viennent en représentations : Serda, de
rOpéra ; Ponchard, ex-sociétaire de l'Opéra comique ; Bouffé.
— Le Maire, h la date du '24 septembre, prend un arrêté
interdisant l'emploi des allumettes chimiques dans l'intérieur
du théâtre el môme dans les logements qui en dépendent.
En juin el juillet, représentations du Dernier vœu de
l'Empereur, panorama en 5 tableaux, peints par Philastrc et
Cambon et présentant en un déroulement de 250 mètres :
le retour des cendres de Napoléon, tombeau de Napoléon
à Sainte-Hélène, départ de Sainte-Hélène, côtes de France,
Cherbourg, Rouen, Courbevoie, défilé du cortège des obsèques
dans les Champs-Elysées, chapelle des Invalides. — En
septembre et en octobre, le gymnase Gastelli, composé de
26 jeunes artistes et danseurs de 5 à 12 ans: pantomimes,
pièces adaptées, ballets, féeries; — octobre el novembre:
séances d'escamotage par Linski.
Dans la salle de la rue Sainte-Catherine, de janvier en
avril, microscope à gaz oxygène el hydrogène, d'un gros-
sissement de 500,000 fois, avec polyorama donnant avec le
retour des cendres de Napoléon 20 tableaux de l'épopée
impériale.
De février à mai, dans la case du bas de la rue du
Calvaire, séances de Conus, prestidigitation, magie blanche,
diorama, tableaux pittoresques.
Année 1842.
Fondalion du Comice agricole. — La lulle entre les deux sucres. — Elections,
législatives. — Le chemin de fer de Paris à l'Océan par Manies. — Le canal latéral
à la Loire de Mantes à Orléans.— Divers: obsèques de Cambronne, mort du duc
d'Orléans, exposition de peinlure, éltclions départemenialef, courses, etc. — Services
publics. — • Enseignement et publications. — Agriculture, commerce, industrie. —
Monuments et voirie. — Concerts, Grand- Théâtre, etc.
FONDATION DU COMICE AGRICOLE.
L'honneur de la fondalion du Comice agricole de Nanles
revient à Neveu-Derolrie, inspecteur départemental d'agri-
culture. Ce fonctionnaire réunit, le l^"" lévrier, dans la grande
salle de la mairie, les agriculteurs dont il a recueilli l'adhé-
sion. Un bureau provisoire esl formé, il se compose de
Ferd. Favre, maire de Nanles, président ; Olivier de Ses-
maisons, vice-président ; Neveu-Derolrie, secrétaire ; Leloup,
secrétaire adjoint. Le 'zS février est tenue une 2« réunion
dans laquelle les statuts sont adoptés cl le (>omice définiti-
vement fondé.
Un premier concours esl organisé, le 2 août, à la Chau-
vinière sur la route de Rennes. Le concours de labourage
réunit vingl-qualre concurrents. Six prix sont décernés.
Les valets de ferme reçoivent des livrets de caisse d'épargne
de 30 à 60 fr. Des têtes de bétail sont données en récom-
pense dans les concours d'animaux. Une exposition d'outils,
d'instruments et de produits agricoles ajoute un nouvel
intérêt à la réunion. Nau et Bourueois obtiennent une
médaille d'argent [lour une machine à battre construite
d'après le type de celle importée d'Angleterre par la Société
31
Académique. Celle machine d'une valeur de 300 fr. est
donnée en récompense au l«f prix de labourage ; Alliot
reçoit une médaille de bronze. On voit figurer à ce concours
un superbe éclianlillon d'anlhracile provenant de la mine
de Malabril, en Sainl-Lumine-de-Goulais, el aussi la soie et
les cocons oblenus par Félix Cornu dans sa propriété de
Gorges.
LA LUTTE ENTRE LES DEUX SUCRES.
Les doléances des porls, el aussi le préjudice causé au
Trésor par le irailemenl de faveur donl jouit le sucri!
indigène, finissent par impressionner le Gouvernement. Le
Conseil supérieur du commerce, saisi de la question, se
prononce pour l'égalilé des droits entre les deux sucres.
Le Nord élève d'énergiques prolesl allons et réclame l'expro^
prialion de ses fabriques. Cette solution semble un instant
devoir être adoptée par le Gouvernement, mais on se trouve
à la veille des élections, et le maintien du stalu quo est
décidé. Les Chambres de Commerce du Havre el de Nantes,
en présence de ce déni de justice, dimnenl en masse leur
démission. Les députés el les délégués des ports mulliplienl
leurs instances pour gagner le Ministère h la cause du
sucre colonial, mais Guizol est inébranlable. Il déclare que
le Cabinet se refuse à jouer son existence sur celle question.
Les Chambres sont donc saisies d'une demande de proro-
gation de la loi de 1840. La discussion devant la Chambre
des Députés est très chaude. Les députés des porls luttent
vaillamment. Billaull et Dubois prennent une vive part aux
débals. Malgré leurs efforts la prorogation est adoptée.
A peine la nouvelle Chambre est-elle réunie que la question
se pose aussitôt. L'expropriation de l'industrie belteravière
est mise en avant par les porls. Le Ministère semble disposé
à étudier cette mesure extrême.
3'2
ÉLECTIONS LÉGISLATIVES.
Le scrutin esl ouvert le 9 juillet. Les censitaires nionlrenl
moins d'indifférence qu'aux précédentes élections. Le Breton,
faisant abstraction de ses préférences pour le centre gauche,
invite à maintenir sur leur siège les députés sortants qui
font honneur au département et qui représentent fidèlement
l'opinion de leurs collèges respectifs. Le National deVOuest
déclare ne vouloir patronner que des candidats anti-minis-
tériels quelle que soit leur nuance d'opinion libérale, et en
téie de ses colonnes recommande à ses lecteurs au litre de
candidats nationaux: Dubois (qu'il qualifie de centre
gauche), Laffitte, Lanjuinais, Billault, de la Pilorgerie (qui
esl un constitutionnel indépendant), Maës, Cormenin. Ce
sont ces deux derniers qu'il reconnaît comme éiant avec lui
en parfaite conformité d'idées et d'opinions.
Les légitimistes présentent dans le premier collège de
Nantes, Emm. Ilalgan ; dans le troisième, Betiing de Lan-
castel, et à Savenay, De Genoude, le publiciste parisien.
Les résultats sont les suivants :
Premier collège de Nantes (1, ^2 et 3« cantons), 4'iO inscrits,
339 votanis. Dubois esl élu par 220 suffrages contre 106
obtenus par Halgan.
Deuxième collège (4, 5 el 6" cantons), 539 inscrits, 371
votanis. Bignon esl nommé par 301 voix contre 63 données
à Lafïille.
Troisième collège (Pont-Rousseau), 530 inscrits, 444
volants. Lanjuinais esl élu. 11 obtient 241 voix. Lancastel
n'en recueille que 193.
Billault est élu à Ancenis par 103 voix sur 146 inscrits.
Il esl en outre nommé à Paris par le troisième collège, mais
il opte pour Ancenis. De la Haye-Jousselin, à Chtiteaubriant,
par 86 voix sur 164 inscrits. Le Ray, à Paimbœuf, [lar 72
33
sur 16-i inscrits. Jollan, à Saveiiay, par 165 sur 341 inscrits.
Tous faisaient partie de l'ancienne Chambre.
LE CANAL LATÉRAL DE NANTES A ORLÉANS.
Le commerce nantais, en présence des efforts infructueux
tentés pour améliorer la Loire au moyen des digues, épis,
chevalages, etc., ne voit plus qu'une solution possible :
celle de la construction d'un canal latéral. Il remet, par
l'intermédiaire de Bignon, une pétition au Ministre des
Travaux publics, pour lui exposer l'état de la question. La
Compagnie concessionnaire du canal, en vertu de la loi
du 17 juin 1836 et dont le Gouvernement a approuvé les
projets, vient de trouver les ressources suffisantes pour
entreprendre le travail. Sur les 4'2 millions, montant du
devis de l'entreprise, 39,200,000 fr. sont mis à sa disposi-
tion par des capitalistes étrangers (30 millions, par des
Anglais ; 8 millions par des Hollandais ; 1,200,000 fr. par
des Allemands), lesquels mettent comme condition expresse
à leur concours le vote par les Chambres de la garantie
d'un minimum d'intérêt de 4 «/o pendant 25 ans, payable
seulement au moment de la livraison du canal ë la navi-
gation.
Les pétitionnaires prient instamment le Gouvernement de
déposer, dans le plus bref délai, un projet de loi stipulant ces
engagements de la garantie d'un minimum d'intérêt. Les
députés multiplient leurs démarches dans ce sens.
Le Conseil municipal est vivement sollicité par plusieurs
de ses membres de souscrire un minimum d'intérêt. Une
Commission spéciale chargée d'étudier la question, sans
fixer un chiffre, conclut à la nécessité des plus grands
sacrifices si l'Etal consent à prendre des engagements.
Le vote par les Chambres du nouveau réseau de chemins
de fer ne fait pas abandonner l'idée de la construction du
34
canal, car on oslimi' que k chemin de fer ne pourra fournir,
pour le transport des marchandises, les avantages offerts
par la voie d'eau. Le transport d'une tonne de marchandises
de Nantes à Orléans coûtera 53 fr. par le chemin de fer
el 30 fr. seulement par le canal.
LE CHEMIN DE FER DE PARIS A L'OCÉAN, PAR NANTES.
La question des chemins de fer est étudiée par le Conseil
général du commerce. C'est à Belling de Lancastel, délégué
de notre Chambre de Commerce, qu'est réservé l'honneur
d'en présenter le rapport.
Le projet de loi relatif à la création du nouveau réseau
de voies ferrées, lequel est si impaliemmcnl attendu par nos
concitoyens, est enfin déposé par le Ministère le 7 février.
Il vient à l'ordre du jour de la Chambre le 26 avril. La
Commission le modifie quelque peu. Le Gouvernement n'avait
fixé aucun tracé, el la Commission assigne comme villes à
desservir: Orléans, Blois, Tours, Angers. Un amendement
demande que la ligne passe par Versailles, Chartres, Le
Mans, Angers. Le parcours serait ainsi réduit de 54 kilo-
mètres. Rignon démontre que celte réduction de parcours
n'esl pas compensée par l'isolement dans lequel ce tracé
mettrait notre ville par rai)port à la riche vallée de la Loire,
les contrées du centre et les villes de Lyon et de Bordeaux.
La Chambre écarte l'amendement el se range à l'avis de la
Commission. L'ensemble du projet esl voté, le l'i mai, par la
Chambre des Députés, el, le 3 juin, par celle des Pairs. La
loi esl promulguée le 11 juin.
Le réseau adopté comprend les lignes de Paris : — aux
côles de la Manche vers l'Angleterre — h la frontièie belge
par Lille — à la frontière allemande par Strasbourg — à
Marseille — à l'Océan par iNanles el Bordeaux.
3n
Les éludes de la partie du réseau qui traverse notre dépar-
tement sont confiées à Cabroi, ingénieur en chef, ayant sous
ses ordres Aug. Jçgou, ingénieur ordinaire.
DIVERS.
Le générai Cambronne rend le dernier soupir le ^i8 jan-
vier. Ses obsèqiu's sont célébrées l\ Saint-Nicolas. Son grade
de grand-officier de la Légion d'Honneur lui vaut les
honneurs léservés aux lieutenants généraux.
Des discours sont prononcés sur sa lombe par le lieute-
nant général d'Erlon, le général Gémeau, le capitaine Wack,
de la garde nationale, et le sous-intendant Collette.
La mort tragique du duc d'Oiléans, qui se tue ^ Neuilly
le 13 juillcl en descendant de voilure, cause une vive
impression en noln; ville. D<'s lellies de condoléances sont
adressées au Roi [)ar les autorités, les corps constitués, la
garde nationale, la Société industrielle, dont le Prince est
président honoraire. Un service funèbre est célébré, le 25
juillet, à son intention à la Cathédrale. Les autorités, des
détachements de la garde nationale et de la garnison y
assistent.
Sur le désir exprimé par le Roi, la Fête nationale se
réduit à la distribution de pain aux indigents et à un service
funèbre pour les victimes de 1830.
Une exposition'publique de peinture, sculpture et gravure
est ouverte, du 5 juillet au 10 aoi^U, dans les salles du Musée.
Elle est organisée par la Commission du Musée a laquelle
S6
s'adjoignent pliisiours membres de la Société des Beaux-
Arts (<). L'œuvre la plus remarquable est un tableau de
Leullier représentant « les chrétiens livrés aux bêles dans un
amphilhéâlre romain. »
L'association des Amis des Arts, tîdèle h ses Iradilions,
achète plusieurs tableaux destinés à être tirés au sort entre
ses membres.
nv
Le prince de Joinville et le duc d'Âumale viennent visiter
les domaines qu'ils possèdent dans le département. Us arri-
vent à Nanles, le 10 octobre, par le bateau à vapeur d'Angers
et descendent incognito l\ l'Hôtel de France. Joinville, en
com[)agnie de de la Haye-Jousselin, son intendant, se rend
dans ses propriétés du château de Blain et de la forêt du
Gâvre ; d'Aumale séjourne à Nantes, visite les monuments,
le port et l'établissement d'Indret. Le lendemain, d'Aumale,
accompagné de de la Haye-Jousselin, inspecte ses domaines de
Châteaubriant et des forges de Moisdon pendant que Joinville
visite la fabrique de conserves de Boniiomme-Colin et se
rend ^ Indret sur le bateau à vapeur Le Phoque. Le soir,
un dîner est ottért aux autorités el, le 13, les deux princes
partent pour Brest.
Louis Vallet, adjoint au Maire, conseiller d'arrondissement
du 1" canton, est nommé conseiller général de ce canton
en remplacement de Thomas Chéguillaume, par 14 voix sur
24 votants et 58 inscrits (8 mai). Ad. François est nommé
conseiller d'arrondissement .
(1) Président, Furd. Favre; vicu -président, Ad. Friingnis, président des Beiiiix-
Arls; secrétaire, Uruesi Clierol; secrétaire adjoint, J. Bfiugé ; membres: Poirier,
Descharaps, Henri Bauduui, Guénier, Douillard jeune, Turpin, Bederl, Jusl Frucliard,
Nau, J. Moriceau, Leroux, Coicaud, Jules Gouin, Roussin.
37
Les élecleiirs des 4« el 6« caillons sont convoqués, le
4 décembre, pour procéder au renouvelleiiienl normal de
leurs représenlanls au Conseil général. Au 4« canton, Ferd.
Favre, conseiller sorlanl, esl réélu par 39 voix sur 51
votants el 148 inscrits. Au 6« canton, P -R. Soubzmain,
conseiller sortant, esl réélu par 32 voix sur 34 votants et
94 inscrits.
Une souscription pour rétablissement d'une école de nata-
tion esl ouverte chez Sébire, libraire, et au National de
l'Ouest. Les 50 premiers souscripteurs se réuniront pour
établir les statuts d'une société.
Les courses de chevaux ont lieu les 3i juillet, 1«' el 3
août ; un prix de i,OOJ fr. esl donné par le duc d'Aumale.
Un bal par souscription devait être organisé, mais la mort
du duc d'Orléans fait renoncer à ce projet. La fêle populaire
de la prairie de Mauves prend un grand développement.
Plusieurs jours avant les courses, une cinquantaine d'établis-
sements s'y installent : ménageries, salle de bal, théâtre de
marionnettes, cafés, guinguettes, étalages. L'orchestre du
Grand-Théâire, que la fermeture de la salle Graslin rend
disponible, y donne plusieurs concerts.
La souscription ouverte pour secourir les victimes de l'in-
cendie de la ville de Hambourg trouve un accueil des plus
sympathiques. Une somme d'environ 6,000 fr. esl recueillie.
SERVICES PUBLICS.
■"•^ Une Commission, composée de A. Le Cour, J. Gouin, de
rce. Lancaslel, esl chargée d'étudier les relations à établir avec
38
Madagascar. — Ad. Le Cour propose, de créer une école des
mousses.
Le 13 mai, esl ouvert le scrutin pour le renouvellement
intégrai de la Chambre, à la suite de la dé[nission en masse
qu'elle a donnée, le 19 mars, à l'occasion de lu question des
sucres. Les électeurs (<), contrairement à ce qui se passe
en semblable circonstance, discutent les membres sortants.
Treize d'entre eux : Bignon, Garnier-Haranchipy, Aug.
Garnier, Th. Chéguillaume, A. -H. Bonamy, Leperlière,
D. Lauriol, de Lancastel, Queneau, E. Trenchevent, Luther,
Carmichael, Giret et un nouveau membre, Ad. Le Cour, qui
remplace Ad. Berlhiuill, sont seulement élus au premier
tour. Le plus favorisé, Bignon, obtient 36 voix sur 39 volants
et le dernier de la liste, Ciret, n'en recueille que -20. Le
quinzième membre, J. Gouin, n'est élu que le lendemain.
Bignon et J. Gouin sont maintenus dans leurs fonctions de
président et de vice-président.
Tribuuai Sout uommés jugcs titulaires: Ad. Albert, ancien juge;
de
ComuiHrcc. Th. Hardoulu et P. Crouan, juges suppléants sortants. Ces
deux derniers sont remplacés par Ad. Le Cour et P. Boy.
Caisse Trenchcveut aîné est nommé directeur. Les versements
(J'épargne. , ., v.oi,/N.#r i
sont encore en progrès, ils montent a 1,584,454 Ir. Les
remboursements atteignent 955,993 fr. Le solde dû aux
7,943 livrets des déposants s'élève à 5,570,797 fr.
Bureau Porgcot cst nonuiié administrateur en remplacement de
biei.imsance. J.-B. Goulu, décédé. Goulu était vice-président (2). \\ n'est
pas remplacé dans ses fonctions et l'on convient qu'elles
(1) Les électeurs, pour ce renouveliemunl intégral, sont au noiiihre de 44, savoir:
les 11 membres du Tribunal de Commerce, les 9 membres du Conseil des Prud'hommes,
14 notables délégués par le Tribunal d; Commerce, 10 notables délégués par le
Conseil municipal.
(2) Le Maire est présidenl-ué.
39
seront remplies penilatil trois mois par cliaque adminisirateur,
à tour de rôle. Les recettes s'élèvent à 104,^27^2 fr., les
dépenses à 94,694 fr. Des secours sont donnés à
4,^210 familles, 10,250 personnes et -200 enfants.
Les prévisions budgétaires pour 184-2 sont fixées à
1,619,843 fr. 51 c. pour les receltes, et à 1,619,405 fr. 66 c.
pour les dépenses, d'où un excédent de recettes de 437 fr. 85 c.
Le chapitre additionnel des recettes s'élève à 333,90) fr.SOc,
celui des dépenses à 333,903 fr. 25 c, d'où un excédent
de 25 centimes. Les recettes brutes de l'octroi, toujours en
progression croissante, montent à la somme de 1,190,542 fr.
Le 8« chasseurs quitte Commercy, pour remplacer dans
l'ouest le 8« lanciers, qui part pour Saint-Germain. Deux
escadrons, ayant un effectif de 247 hommes, viennent tenir
garnison" à Nantes, un escadron s'arrête à Ancenis et les
deux autres vont à Pontivy.
La Municipalité crée un emploi d'archiviste municipal.
Armand Lelrançois est nommé à ce poste. Une Commission
de surveillance des archives est en môme temps instituée,
sous la présidence de Favre-Couvel, secrétaire général de
la préfecture.
Le chiffre officiel de la population pour cinq années, à
partir du l*-^ novembre 1842, est, d'après le recensement
opéré en 1841, tixé, par une ordonnance royale du 25 octobre,
pour Nantes, à 83,389 habitants, comme population
totale, et à 76,947, comme population municipale ou
normale. — Guéraude, 8,404. — Chantenay, 3,935. —
Paimbœuf, 3,900. — Ancenis, 3,736. — Sainl-Nazaire,
3,771. — Ghâteaubriaiil, 3,676. — Savenay, 2,181 habi-
tants.
40
A l'occasion d'une demande de Irailemenl présentée par
le Ministre du culte Israélite, on relève que 154 habitants
seulement appartiennent à ce culte.
Une 8« chambre est temporairement instituée au Tribunal
civil par ordonnance du 29 novembre.
Arrêtés 17 janvier. — Police des voitures, omnibus et autres
municipaui i . i
rendus moycHS dc Irausport. Défense aux omnibus de dépasser les
à la date du : ,. ., . ,
limites assignées.
9 août. — Mise en fourrière des animaux. Trois four-
rières : Grande-Biesse, rue Saint-Clément, place Viarme.
It) septembre. — Inspection des viandes mortes au mar-
ché du Port-Communeau.
9 novembre. — litalages sur la voie publique limités à
16 centimètres de saillie à partir du nu du mur.
Arrêtés 3 friai. — Règlements relatifs aux dimensions des bateaux
préfectoraux
en date du: a laVCr.
'26 novembre. — Vente des huîtres.
Société Le prix d'honneur est décerné à un professionnel, Prosper
d'iiorlicul- ,, ,T , , >
lure. Nerriere. Neveu-Derolrie, dans son rapport de hii d année,
consacre une mention toute spéciale aux capitaines Le Torzec,
Vince, Ilarmange, pour leurs apports en graines et plants
exotiques.
La Société des Beaux- Arts crée, à côté des sections de
musique et de peinture déjà existantes, une section d'archéo-
logie dont Nau, architecte, est le commissaire.
IS.
41
ENSEIGNEMENT ET PUBLICATIONS.
Une école primaire éléinenlaire esl annexée au Collège
royal. Celle créaiion amène rélablissemenl d'un omnibus
spécial, qui a pour poinl de dépari la Ville-en-Bois ei gagne
le collège après avoir parcouru les rues centrales de la
ville. Une salle esl aménagée galerie d'Orléans, pour per-
meltre aux enianls d'attendre son passage.
Bonllaull, ancien professeur de rhétorique, ouvre un
cours payant de grammaire et de littérature. Il donne
d'abord ses leçons dans la salle de la rue d'Alger, puis,
sur la demande qui lui en esl faite, il choisit un local plus
central, le salon de glaces de Guillet.
C. Mellinel livre à ses souscripteurs tes 7, 8 et
de son ouvrage : La Commune el la Milice d^^^p^l^s^—
La Luire historique el pilloreHque, de Toj^ard-Laifg^se,
continue à paraître par livraisons chez Su//eaiL ^^Eijrest
met en vente : La Loire- Inférieure prise amlaguefhitrffe,
10 livraisons de 2 planches chacune, en grîVuje êj^t'C^ijer,
par les premiers artistes de la capitale. — ^^4£ej)ublie :
Le guide de l'agriculteur et du fabricant d'ew^:3:m^
AGRICULTURE, COMMERCE, INDUSTRIE.
l/arrôlé préfectoral du 19 mai 18 il sur la police des
engrais répondait à un véritable besoin. Sur 31:2 échantillons
analysés, 17-2 sont reconnus être plus ou moins sophistiqués.
La nouvelle organisation des comices agricoles, résultant
des instructions [iréfeclorales en dale.du 80 novemlire 1841,
semble devoir amener de féconds résultats. Les 6,000 fr.
alloués par le Conseil général sont répartis entre les divers
comices avec un maximum de 500 fr. pour chacun d'eux.
4
4-2
Des concuurs d'animaux el de produits agricoles sont tenus :
A Nozay (18 juillet), 10,000 personnes y assistent ; des
courses sont organisées ; — à Garquefou (8 septembre),
une timbale d'argent est donnée en premier prix aux valets
de ferme, 950 fr. de primes sont distribués ; le Préfet et
le député Bignon prennent pari à la fêle ; — à Guémené
("20 septembre), concours de labourage, banquet et bal ; —
à Montrelais (8 novembre), banquet offert aux lauréats, pré-
sidé par le Sous-Préfet d'Ancenis ; — à Saint-Elienne-de-
Montluc ; — à Chantenay ; — à Saint-Philberl ; — à Saint-
Mars -la-Jaille.
Le concours de cbanvre, organisé par la Société Acadé-
mique, se tient le i\0 novembre, sous la colonnade de la
Bourse, en présence du Préfet et du Maire.
Le blé descend, en avril, à 16 fr. 50 c; il augmente de
prix et atteint, en octobre, le maximum de 19 fr. 10 c. —
Les autres denrées agricoles suivent la même marche. —
Seigle : 9 fr. 40 c. à 10 fr. 65 c. — Orge : 8 fr. 30 c. à
10 fr. 60 c. - Blé noir : 7 fr. 60 c. à 9 fr. 65 c — Maïs :
10 fr. 20 c. à 14 fr. — Avoine : 8 fr. 25 c. h 9 fr. 25 c.
Pain blanc : 0 fr. 55 c. à 0 fr. 375 le kilo. ~ Pain
batelier : 0 fr. 25 c. à 0 fr. 275. — Pain méleil : 0 fr. 175
■A 0 fr. 20 c.
La taxe de la viande est modifiée et portée, à partir du
l*"^ mai, h 1 fr. 05 c. le kilo pour le bœuf; — 1 fr. pour
le veau ; — 1 fr. 10 c. pour le mouton ; — 1 fr. 05 c. les
trois espèces.
Guillemot et (]•% quai Gassard, fondent la Gompagnie
nantaise des bouillons gras l\ domicile. Des dépôts de leurs
43
produits sont établis Haule-Grand'Riie, quai de la Fosse,
rues Jean-Jacques, du Marchix, Bon-Secours, de Giganl,
Franklin et Saint-Léonard.
J." A. Baboneau installe une chaudière pour la lïalvanisa-
lion, dans ses ateliers du quai des Constructions. Il est
l'initiateur à Nantes de celte industrie qui, étant encore à
ses premiers débuts en France, n'est pas encore l'objet d'un
classement au point de vue de la loi de 1810.
Une cuisine disiillatoire de Rocher fonctionne avec succès
sur une frégate à vapeur du port de Bochefort.
Des sociétés d'assurances maritimes sont fondées : par
P.-B. Goullin, au capital de :240,000 fr. ; — par Murphy,
500,000 fr., par action de 10,000 fr.
Bressler ouvre, place de la Monnaii!, maison Verger, un
magasin de pianos, avec un grand salon disposé pour les
concerts, comme chez les premiers Jacteurs de la Capitale.
La vexation dont le Marabout a été l'objet, la plus grave
depuis la conclusion du traité de 1833, émeut le monde p'ar-
lementaire. Le Ministère est, à la Chambre des Pairs, vive-
ment pris à partie par k M** de Boissy, qui l'interroge sur
la conduite qu'il compte tenir dans la circonstance. Billault,
lors de la discussion du budget du Ministère des Affaires
étrangères, obtient un grand succès en mettant au jour le
manque d'énergie que le Gouvernement a montré dans celte
atïaire. Les Anglais ont en partie atteint le but qu'ils se
44
proposaient. Nos ai'iiialeiirs, en présence des foriualilés
rainulieuses qui doivenl 6lre prises, pour éviter leurs moles-
laiions, hésitent h développer leurs affaires avec la côte
d'Afrique.
Une nouvelle pétition, la septième, est déposée par le com-
merce nantais, à la Chambre des Pairs, pour demander la
suppression des zones pour l'introduction de la houille
étrangère. Rouen et Amiens ont présenté une semblable
requête. Le Rapporteur conclut au renvoi pur et simple de
ces pétitions au Ministre du Commerce.
Deux nouvelles lignes d'omnibus sont établies : les Favo-
rites, qui vont de la place Royale au bas de Ghantenay, et
les Bretonnes, qui ont pour points terminus la place
Louis XVI et la Ville-en-Bois, en passant par les quais de la
Fosse et la rue de Launay.
Des omnibus à six roues sont mis en circulation.
Un nouveau bateau, VEloile, tente de lutter avec les
Riverains du bas de Loire et, avant de cesser son service,
en arrive à prendre des voyageurs pour Paimbœuf aux prix
de 0 fr. 50 c. et 0 fr. i5 c.
Les Courriers de la Loire, bateaux d'une vitesse supé-
rieure, melleiit les Riverains du haut de la Loire et les
Inexplosihles dans la nécessité de réduire à 3 Tr. et l fr. le
prix des places pour Angers. — Alliol met en circulation
sur la Loire, tantôt en amont, tantôt en aval, un bateau, le
Soleil, qui est muni de quatre roues. — Le "27 janvier, une
terrible explosion se produit à bord d'un Riverain à l'escale
d'Ancenis. Un des chauffeurs est tué sur le coup. La vapeur
envahit la chambre des secondes, et dix-huit personnes
meurent des suites de leurs brûlures.
45
Les armateurs du Sylphe mellenl en service, sur leur
ligne de Bordeaux, un deuxième baleau, le Comte d'Erlon.
Le Général, 1res flallé de celle délicate attention, offre un
banquet aux armateurs et aux constructeurs. Avec ces deux .
bateaux, un départ a lieu tous les cinq jours. — Le Tiim
dessert chaque semaine Belle-Ile et Lorient. De retour le
vendredi, il part durant l'été chaque samedi alternativemput
pour Le Groisic ou pour Poriiic et Noirmoutier et revient
le dimanche. — Le remorqueur La Bretagne esi utilisé
pour un service entre Nantes et Qiiimper.
MONUMENTS ET VOIRIE.
^ L'Hôtel des Monnaies reçoit, à partir du 5 septembre, les
divers services du Tribunal civil cl de la Gour d'assises.
L'installation est des plus défectueuses.
Le Gonseil général, malgré toutes ses préférences pour la
reconstruction du Palais de Jusiice sur l'emplacement du
fJouffay, est obligé de renoncer à son projet. Le Préfet, dans
la séance du 16 septembre, lui fait connaître l'importance
que le Gouvernement attache à voir grouper sur un même
emplacement le Palais de Justice, la Gendarmerie et la
Prison. Dès lors, toute hésitation doit cesser et le terrain de
la tenue Bruneau, dite du Pavillon, est lout indiqué, vu sa
proximité de la Prison et sa surlace, qui est amplement
suffisante, pour permettre l'édification du Palais et de la
Gendarmerie, et plus lard la reconstruction de la Prison sur
un plan plus vasle. Le Gonseil se rend sans difficulté à ces
raisons et décide qu'un projet, avec devis pour la construc-
tion du Palais de Jusiice, à la tenue Bruneau, lui sera soumis
à la prochaine session.
Les cloches, qui avaient été montées dans la tour Nord,
sont déplacées et installées dans la tour Sud, où elles sont
46
restées jusqu'à ce jour. Los tré[»idalions occasionnées par
leur mise en branle inspiraient des craintes pour la solidité
de cette première tour.
La Fabrique de Saint-Nicolas, impatiente de commencer
les travaux de reconstruction, propose à la ville de lui
avancer les sommes nécessaires pour le payement du prix
des maisons dont elle s'est engagée à faire l'acquisition, et
sur l'emplacement desquelles l'église doit être édifiée et les
deux rues latérales projetées doivent être tracées. Le Conseil
accepte l'otîre, mais décide qu'il ne payera aucun intérêt
pour les sommes ainsi avancées.
L'église de Saint-Paul, à Pont-Rousseau, est inaugurée le
6 février.
Le Conseil municipal fixe à 10,000 fr. la souscription de
la ville pour l'érection de la statue de Cambronne.
L'hôtel qui obstruait le boulevard Delorme est démoli. —
L'acquisition d'un terrain rue du Calvaire, 'IS, et des hôtels
n** 9 et n" 11 de la rue Dugommier est faite par cinq pères
jésuites pour y construire une maison de communauté et une
chapelle. — La pente de la rue Boileau, à sa jonction avec
la rue Grébillon, est adoucie ci cette partie de rue devient
carrossable. — La romaine de la Petite -Hollande, pour le
pesage des foins, est transporté!^ sur le quai Moncousu, au
fer à cheval du pont de la Madeleine. — Les bureaux de la
poste sont transférés rue Boileau.
L'empiunt de 2,100,000 fr., voté par le Conseil ujiinici[)al,
dans sa séance du 11 décembre 1838, pour l'exécution de
47
divers travaux de voirie, n'avait pas reçu l'approbation
ministérielle. Le Conseil, dans sa séance du 3 mai, réduit le
programme de ses travaux et limite son emprunt à la somme
de 914,000 fr. qu'il est autorisé à contracter.
Des enquêtes sont ouvertes pour l'élalMissement d'un tir à
la cible pour la garnison dans la lande de la Jaunelière,
route de Rennes, — pour rétablissement, par la société
Arnous-Rivière et Carié, de bassins et docks dans la prairie
au Duc, au sud des nouveaux chantiers de construction, —
pour l'ouverture, par Pelloutier, d'un bassin à travers les
terrains qu'il possède sur la môme prairie.
BALS, CONCIRTS, SPECTACLES.
Un bal de bienfaisance par souscription est donné au
Grand -Théâtre le 4 février. Les membres de la Commission
d'organisation sont : A. Fleury, de Cornulier, de la Rochette,
J. de la Roussière, E. du Champ-Renou. La fête obtient un
plein succès. Elle produit une somme nette de fi, 856 fr. 10 c.
Les officiers et soldats espagnols, internés à Nantes, touchent
près de 4,000 fr. Le Bureau de bienfaisance prélève un
millier de francs. La Société de charité maternelle, celle de
Saint-Vincent-de-Paul, les salles d'asile et l'école des filles
de Sainte-Marie se partagent le reste.
Avril : les chanteurs des Alpes. — Mai : Urso, flûtiste ; le
pianiste Prudent. — Juillet : M'i« Loveday , chanteuse ;
Pitet, violoniste, et Urso. - Août: M"« Loveday; Pilet, et
morceaux de poésie débités par Cresp, lecteur du Roi des
Helges ; concert donné par la Société des Beaux-Arts et les
artistes du théâtre au profit d'Hasselmans, chef d'orchestre.
48
— Novembre: Déjazel, pianiste, el Bessenis, violonislo. —
Décembre : M. el M""» Iweins d'Hennin, chanlcurs.
Mme Vigano el Tambnrini se font entendre au Grand-
Théâtre le ^•'1 avril. I.e prix des iilaces pour celte soirée
exiraordinaire est plus que doublé. Pour le parterre et les
secondes, il est porté à 5 fr.
Tràir IMusieiirs bals parés et masqués sont organisés par sous-
cription. Ils sont annoncés connue fêle vénitienne avec
éclairage a giorno. Le directeur Lafeuillade monte Normu,
Les Diamants de la Couronne, Une Chaîna. Il termine sa
campagne le âO avril en laissant les meilleurs souvenirs.
La subvention est supprimée pour l'exercice 1842-43. La
ville^se borne h payer les frais d'éclairage et les appointe-
ments de divers employés.
Le nouveau directeur, Prai, ouvre la campagne, le 2 juin,
avec une seule troupe, une troupe de comédie. Dès le
premier jour, le public manifeste tout son mécontentement.
Les acteurs sont obligés de quitter la scène sous les huées
el les sifflets. Le régisseur est criblé d'oranges. On entonne
Marlborougn, La Boulangère, des cantiques de mission,
elc On réclame à grands cris: Opéra! Opéra! Des pupi-
tres sont cassés, des banquettes enlevées. Au bout de trois
heures de ce vacarme, l'autorité inlervienl. Un piquet d'in-
fanterie, avec tambour ballant la charge, force le public à
évacuer la salle. Le lendemain, le théâtre esl fermé par ordre
du Maire. Une partie de la Iroupe se rend en représenta-
tions à Bourbon-Vendée. Les arlistes de l'orcheslro s'orga-
ni"5ent pour donner des concerts deux fois par semaine dans
un jardin rue de Giganl, 40, qui reçoit le nom d'Elysée
nantais. Lors des courses, ils se transportent sur la [irairie
de Mauves, où ils se foui entendre.
Le Conseil mimicipal se décide h rétal^lir la subvention el
49
vole une somme de 40,000 fr. La salle est ouverte, le 15
septembre, avec une troupe lyrique, mais les artistes qui la
composent sont médiocres et le directeur ne fait aucune
diligence pour la compléter. Les représentations se passent
au milieu des cris et du désordre. On finit par en venir aux
coups et, le '24 novembre, la salle est de nouveau fermée
[lar ordre du Préfet.
Le 9 décembre, le directeur peut justifier qu'il a entre ses
mains une troupe complète et clioisie. La permission d'ouvrir
les portes de Grasliii lui est accordée. L'année se termine
sans incidents.
Des bals, dits bourgeois, se succèdent en janvier chaque
semaine. - En février et mars, la troupe dramatique de
Paul-Ernest obtient un véi itable succès avec le répertoire du
Gymnase. — La troupe Lemonnier lui succède, puis on y
voit le chien savant, Etmle, du Cirque olympique. — Lors
de la fermeture du Grand-Théâtre, des représentations y
sont données et le public les suit avec empressement.
Dans la case du bas de la rue du Calvaire se tient, vers
la fin de l'année, un musée statuaire comprenant 140 per-
sonnages grandeur naturelle.
Les docteurs Laurent et Alexandre donnent, en novembre
et décembre, des séances de somnambulisme et de magnétisme
animal dans le salon Guillel, rue de la Fosse, :'^6, puis à leur
domicile, rue Jean-Jacques, 8.
Année 1843.
L'Emeute (< légumineuse et lailière ». — La lutte entre les deux sucres. — Elections
municipales. — Le voyage du duc et de la duchesse de Nemours. — Inondations.
— ■ Fermeture de l'église catholique française. — Le Congrès scientifique de France.
— La Société pour la conservation dos monuments. — La mort de Camille
Mellinel. — Divers; — Services publics. — Enseignement et putilicalions. —
Agriculture, commerce, industrie. — Monument- et voirie. — Concerts et
spectacles.
EMEUTE « LÉGUMINEUSE ET LAITIÈRE ».
Un nouveau laril' du droit de places sur les voies publi-
ques entre en perception au \^^ janvier. La ferme, qui ne
rapportait annuellement que 6,000 Ir., avait trouvé adjudi-
cataire à 50,000 fr. par suite des taxes nouvelles qui avaient
été créées, et de l'augmentation dont les anciennes avaient
été l'objet.
Ces mesures ne pouvaient manquer de provoquer une vive
émotion. En effet, dès le premier jour, un mouvement se
dessine. Certains marchands payent en murmuranl. D'autres
refusent catégoriquement d'acquitter les droits réclamés par
les employés de la ferme. Le mécontentement est général. La
résistance s'organise. Des meneurs interviennent, intimident
les marchands, se portent aux entrées de la ville, arrêtent
les charreltes, verseni le lait et foulent aux pieds les
légumes.
La garde nationale est appelée à prendre les armes. Sur
divers points, les soldats citoyens sont insultés et désarmés
par les femmes. La garnison est mise à contribution, et le
^il« léger fournit, chaque joiu-, un bataillon pour occuper les
places et organiser des patrouilles. Un escadron vient d'An-
cenis renforcer ceux qui tjenneni garnison dans notre ville.
31
Les roules sont occupées mililairemenl pour permettre l'ap-
provisionnement de la ville et s'opposer au pillage des char-
rettes des maraîcher?. On pense un instant être dans la
nécessité d'envoyer dans les campa2^nes des détachements de
chasseurs et de gendarmes pour escorter les paysans qui
viennent apporter à Nantes leur lail et leurs légumes.
Les marchands exposent leurs doléances à l'Administra-
tion munici[)ale. Celle-ci fait droit à quelques-unes de leurs
réclamations, modifie certaines taxes et en supprime d'autres.
Il est tenu compte de ces changements à Perraudeau et
Lafond, fermiers des droits de place, et le prix de leur bail
est l'objet d'une réduction de 15,000 fr. Ces mesures donnent
satisfaction aux intéressés, et, après une semaine de troubles,
le calme se rétablit. Au cours de ces journées tumultueuses,
de nombreuses arrestations avaient été opérées. Plusieurs
condamnations sont prononcées pour violences, vols, coups
et blessures.
LA LUTTE ENTRE LES DEUX SUCRES.
L'expropriation de la fabrication du sucre indigène semble,
au Ministère, le moyen le plus efficace pour sauvegarder les
intérêts du Trésor et porter un remède k la crise du sucre
colonial.
Un projet de loi en ce sens est déposé le 10 janvier. Il
stipule que cette expropriation aura lieu moyennant le paye-
ment d'une indemnité aux fabricants, njais seulement à partir
du 1^"^ août 1844, et ouvre pour cet objet un crédit de
40 millions payables en cinq annuités. Ces dispositions ne
donnent qu'une demi satisfaction aux ports. Ils auraient
désiré une solution plus immédiate. Notre compatriote, de
Lancastel, est désigné par les délégués du Havre, de
Dnnkerquo, Granville, Sainl-lîrieuc, Morlaix, Bordeaux, Mar-
seille pour être leur porte-paroles près des Pouvoirs publics.
52
La Commission de la Chambre repousse le projet d'expro-
priation présenté par le Ministre. Elle lui substitue un projet
qui porterait le droit, sur le sucre indigène, pros^ressivemenl
aux taux de 30, 35, 40 et 45 fr. lorsque la production de ce
sucre atteindrait les chiffres de ;^0, 35, 40 et 45 millions de
kilos-.
La discussion s'ouvre le 10 mai devant la Chambre et
occupe neuf séances.
La loi votée par les Chambres est promulguée le 6 juillet.
Elle s'inspire du principe posé par la Commission, mais
dispose qu'à partir du !«■' août 1844, le sucre indigène sera
frappé d'une augmentation de 5 fr. par an pendant quatre
ans et acquittera de la sorte, au bout de ce terme, la même
taxe que le sucre colonial, soit le droit de 50 fr.
FERMETURE DE L'ÉGLISE FRANÇAISE.
Dans les derniers mois de 184'i, sur l'ordre du Ministre
de l'Intérieur, le temple français de Paris, qui était le siège
de l'évôque-primal Chalel, et celui de Beltaincourt (Haute-
Marne) avaient été fermés.
L'église française de Nantes est la seule qui soil encore
ouverte. Le Minisire acquiert la certilude qu'elle est, comme
l'étaient les deux autres, surtout un lieu de réunion pour les
républicains, et ordonne qu'il soit procédé à sa fermeture.
Le Préfet, le 1^2 janvier, prend un arrêté interdisant à
l'association dite de l'Eglise française, association de [ilus
de vingt personnes non autorisées, de se réunir dans le local
habituel de ses séances ou dans tout autre lieu. Le lende-
main, deux commissaires de police, escortés d'agents, se pré-
sentent au temple. Ils y trouvent le desservant et l'huissier.
Le desservant, tout en faisaiU ses réserves en vue d'une
protestation ultérieure, déclare se soumettre J\ l'arrêté, et,
pour couvrir sa responsabilité, demande qu'il soil procédé à
53
la mise des scellés, coinine le porle Tarrêlé. Les scellés sont
d'abord apposés sur une armoire qui se trouve dans la
sacristie et qui renferme les registres de baptêmes, mariages,
enterrements, puis sur les ouvertures de la chapelle. Le
sacristain est constitué gardien des scellés.
L'opération se passe à 3 heures de l'après-midi, au milieu
de l'indilTérence des gens du quartier. Un piquet de cava-
lerie se tenait dans la caserne de l'Entrepôt, prêt à porter
main lorte en cas de résistance, mais on n'eut aucun besoin
de faire appel à son concours.
INONDATIONS.
La Loire, grossie par des pluies persistantes, commence a
envahir la ville le i4 janvier. Les quais disparaissent sous
les eaux. La caserne de l'Entrepôt est inondée, et les chevaux
sont emmenés dans les manèges de la rue Pétrarque et de
la rue des Coulées. Le poste central du Port-au-Vin est
abandonné par les soldats. Les bas quartiers sont couverts
par l'inondation pendant plusieurs semaines. Le 20 février,
la cote maximum de 6 mètres est atteinte. Après quelques
jours de baisse, une nouvelle crue se fait sentir et, le
5 mars, atteint un maximum de 5™, 79. Une souscription est
ouverte pour soulager les victimes du fléau.
ÉLECTIONS MUNICIPALES (').
La série des Conseillers nommés en 1837 est arrivée au
terme de son mandat. Les électeurs se réunissent du ^26 mai
au 14 juin pour pourvoir à leur remplacement. Tout se
passe dans les conditions ordinaires, mais pour la première
lois les passions politiques sont mises en jeu. Le National
de l'Ouest seul entre en ligne. 11 déploie une grande acti-
(1) Voir pugfs m ul 112.
54
vile. 11 imprime cl lait ilislribuer la liste électorale el aussi
des brocluires de propagande. Des Comités se forment i\ son
instigation dans chacune des dix sections.
Les résultats sont les suivants :
Section A. — Conseillers sortants : L. Vallel el Bernard.
— Inscrits: 2^26. — Sont élus au premier tour: F. Favre
par 137 voix, L. Vallel par 135, sur 151 votants
Section C — Conseillers sortants:. Prevel el Peccol. —
Inscrits : 194> — Prevel est réélu au premier tour par 55
voix sur 97 volants ; Fvariste Colombel élu au deuxième
tour par 58 sur 83 volants.
Section G. — Conseillers sortants : Billault et Dechaille.
— Inscrits : i9îl. — Sont élus au deuxième tour : Tb. Ché-
guillaume par 90 voix el Huetle par 54, sur 147 volants.
Billault el Decbaille avaient décliné toute candidature.
Section K. — Conseillers sortants : Delaire el Wallier.
— Inscrits: 321. — Au deuxième 'tour, Wallier est réélu
par 53 voix, H^* Tbebaud est élu par lOG, sur 148 volants.
— V"'' Mangin père obtient 45 voix.
Section F. — Conseillers sortants : Trencbevenl el
Dérivas. — Inscrits : 232. — Sont réélus : Trencbevenl par
79 voix, Dérivas par 57, sur 108 votants.— V»-" Mangin
père obtient 15 so\%.
Section E. — (Conseillers sortants : Lebidois el Barrien.
— Inscrits : 324. — Sont élus : au premier tour, Marcé par
72 voix sur 124 ; au deuxième, Aug. Cberol par 35 voix sur
82 volants. — Urvoy de Sainl-Bedan obtient 22 voix^
¥•"■ Mangin père, 7.
Section D. — Conseillers sortants : Aug. Garnier el
Cantin. — Inscrits : 327. — Au premier tour, Garnier est
réélu par 131 voix sur 189 volants; au deuxième, Moriceau
est élu par 77 sur 135. — V»"" .Mangin père obtient 22 suf-
frages.
55
Section H. — ComGWWv sorlanl : Marion de Procé. —
Inscrits : 349. — - Sont élus : au premier tour, Jules Roux
par loi voix sur I8i volants; au deuxième lour, F. Tal-
vande par li sur 186. — Mangin obtient 64 voix.
Section I. — Conseillers sortants : F. Favre et Rignon.
— Inscrits : '290. — Au deuxième tour, Rignon est réélu par
91 voix sur 173 ; Chenanlais élu par 88 sur 159. — Mangin
a 5^2 voix.
Section B. —Conseillers sortants: Tli. Chéguillaume et
Clemansin-Dumaine. — Inscrits : 29i. — Au deuxième tour,
Riclet est élu par 89 voix. — De la Roclielte obtient 6^2
suffrages.
Trois membres, élus en 1840 et sortants en 1846, sont,
en outre, à remplacer: Guillemet, décédé, Douillard aîné et
H. Rissel, démissionnaires. [Sections K, F, I.)
Section K. — La lutte est chaude. Au premier tour il y
a 135 volants. V*"^ Mangin père arrive en tête avec 60 voix.
Goullin a 30 voix; Delaire, •27; Charrier, 16. Les partis en
présence font un nouvel effort, et, au deuxième tour, 161
bulletins sont déposés. Goullin est élu par 85 voix. Mangin
a 75 suffrages.
Section F. — Clemansin-Dumaine est élu par 53 voix
sur 103 votants. Mangin obtient 36 voix.
La section l nomme Guissart par 83 voix sur 156 votants
et donne 48 voix à Mangin.
Les efforts tentés par le National de l'Ouest, s'ils n'ont
pas réussi à obtenir un siège pour son Rédacteur en chef,
ont puissamment contribué à gagner des voix aux candidats
républicains ou d'opposition avancée, parmi lesquels on peut
compter Ev. Colombel, Moriceau.
D'un autre côté, l'opposition de droite a grandi, comme
l'indiqueiil les fortes minorités obtenues par Urvoy de Saint-
Redan et la Rochette. Par suite de celte entrée en campagne
56
des partis politiques, l'électeur censitaire s'esl réveillé et,
dans certaines sections, le nombre des volants a alleinl le
double de celui constaté aux élections de 1840.
La composition du Conseil est la suivante :
Sections. Surlunls : en 1846. En 1849.
A: Gicquel, Sebeull; F. Favre, L. Vallel.
B: Lésant, Jegou ; Biclel.
C: Polo, Renoul; Previd, Golombel.
D: Brousset, Gresié; Moriceau,d.-m., A.Garnier
E:Robineau de Bougon, .\lellinel; Marcé, d.-ni., Aug.Cberol.
F: Barrât, Clemansiu-Duiiiaine; Trenchevent, Dérivas.
G: J. Gouin, Caillé; Th. Cliéguillaunie, Huelle.
H: M*" Cliéguillaume, Fleury; Jules Roux, F. Talvande.
I : Cuissart ; Bignon, Cbenanlais.
K: J.-B. Etienne, Gouilin; 11^' Thébaud, Waltier.
Une ordonnance du -2 août maintient F. Favre dans ses
fonctions de maire el M»" Cliéguillaume, L. Vallel, Clemansin
dans celles d'adjoint. Thomas Cliéi^uillaume el Ev. Golombel
sont nommés adjoints en remplacement de Dérivas el Gresié.
LE VOYAGE DU DUC ET DE LA DUCHESSE DE NEMOURS.
Le duc el la duchesse de Nemours, au cours de leur voyage
dans rOuesl, accordent -a noire ville un séjour de quatre
jours, du 13 au 17 aoiil. Une somme de 15,000 h\ esl votée
par le Conseil municipal pour les recevoir. La garnison, qui
ne comprend que deux bataillons, esl renforcée par un troi-
sième envoyé d'Angers. Deux escadrons de dragons viennent
de Niorl pour la circonstance.
Journée du 13 août. — Leurs Altesses royales arrivent
d'Angers sur le Courrier de la Loire qui, à 'i heiu'es,
accoste la cale de Uichebourg, au son des cloches et au
milieu des délonalions de l'artillerie. Des harangues leur sont
adressées par le Maire, le Président du Tribunal civil, le
57
Procureur, le Président de la Chambre de Commerce, le Pré-
sident de la Société Académique. Le Préfet était allé leur
présenter ses hommages à Ancenis. Le cortège officiel se
dirige vers la Préfecture, où des appartements sont préparés
pour recevoir leurs Altesses. La garde nationale et les
troupes de la garnison forment la haie sur leur passage. A
son arrivée k la Préfecture, la Duchesse est complimentée
par un groupe de gracieuses jeunes filles qui lui offrent des
fleurs. Les autorités, les corps constitués, les fonctionnaires
sont reçus par le Duc. Le soir, un dîner, auquel 60 convives
prennent part, est offert par le Préfet. La journée se termine
par un feu d'artifice tiré sur la place Louis XVI.
Dans la matinée, la Municipalité avait procédé à une
distribution de pain aux indigents. Des rations extraordi-
naires avaient été données aux détenus nécessiteux.
Journée du 14 août. — Le Duc, à 7 heures du matin,
monte à bord d'un des Riverains, pour descendre la Loire.
Il s'arrête, à Indret et voit couler une plaque de fondation
pour une machine de 450 chevaux. A Paimboeuf, il visite
l'Hospice et le Collège. A Saint-Nazaire, douze couples du
bourg de Batz, vêtus du costume traditionnel, lui sont
présentés.
La duchesse consacre cette journée aux établissements de
bienfaisance. Pour se rendre à la salle d'asile qui se trouve
au vieux chemin de Gouëron, elle traverse les ateliers de
Babonneau, à travers une haie formée par les ouvriers, qui
l'acclament avec enthousiasme.
Journée du 15 août. — Leurs Altesses entendent la
messe à la Cathédrale. Les autorités civiles et militaires y
assistent. A midi, le Duc passe en revue, sur la prairie de
Mauves, la garde nationale et les troupes de la garnison.
La Duchesse, les autorités et les invités se tiennent dans des
tribunes. La foule, désireuse de voir de plus près le Duc,
5
58
lorce la ligne des faclioiiiiaires el s'allaclie à ses pas.
Malgré les efforls des gendarmes cl des piquets de service,
le champ de manœuvre esi promplemenl envahi. Toute
évolution de troupes devient impossible et le défilé s'accomplit
au milieu des flots confus de la population.
Leurs Altesses visitent ensuite l'hôpital Saint-Jacques et
l'Hôtel-Dieu, puis se rendent à la Bourse, où une exposition
des produits nantais a été improvisée en leur honneur.
Bignon, président de la Chambre de Commerce, entouré de
ses collègues, les reçoit. Leloup est désigné pour accompa-
gner le prince et répondre à ses questions. La promenade
de la Bourse est transformée, par les soins de la Société
d'horticulture, en un charmant jardin. Son président, Barrai,
les conduit à un kiosque élégamment décoré, et quinze jeunes
filles, portant les couleurs de la duchesse, viennent lui
offrir des fleurs. Le poète menuisier Sécheresse leur débite
des vers de sa composition.
Le soir, leurs Altesses assistent à la représeniatioi) du
Grand-Théâtre.
Journée du 10. -- Le Duc préside la distribution des
prix du Collège, puis, avec la Duchesse, se rend sur les
chantiers de la Cathédrale. Seheult, architecte des travaux,
et Garreau, entrepreneur, leur sont présentés. Dans l'après-
midi, le duc parcourt la ville. Les ateliers ou usines de
Bosset, Mesnil, Cherot, Babonneau, Jamet et Vauloup, Voruz
reçoivent sa visite. On le conduit au passage Pommeraye.
Les architectes, Buron et Durand-Gasselin, qui l'ont construit,
lui en font les honneurs.
Le soir, un grand bal est donné au Théâtre.
Pendant tout le séjour de leurs Altesses, des réjouissances
populaires sont organisées sur divers points : joutes nau-
tiques sur l'Erdre, mât de cocagne cours Saint-André, bal
avec orchestre sur le cours Saint-Pierre, etc.
59
Le 17, au malin, le Duc et la Duchesse parlent pour
Vannes.
CONGRÈS SCIENTIFIQUE DE FRANCE.
Les membres du Congrès scientifique de France, qui
tient a Angers sa onzième session, viennent en excursion à
Nantes par le bateau à vapejr (9 et 10 septembre).
Les quatre Sociétés savantes, sous la présidence d'Emma-
nuel Halgan, président de la Société Académique, reçoivent
les congressistes en une séance solennelle, tenue au Grand-
Théâtre, et au cours de laquelle les présidents des Sociétés
sœurs : Palois, Neveu-Derotrie, Cuissart prennent successive-
ment la parole. Des réunions particulières sont tenues par
les Sections d'agriculture, la Section des sciences médicales,
etc. Neveu-Derolrie el Braheix exposent un plan de banque
agricole. Wolski présente un travail sur les terrains houillers
de Maine-et-Loire et donne une description de son appareil
plongeur. L'hôpital Sainl-Jacques, l'école primaire supérieure,
le musée industriel, la collection des pièces anatomiques
Auzoux du docteur A. Libaudière, la Tour à plomb reçoivent
la visite des savants étrangers. La Société des Beaux- Arts
organise en leur honneur une exposition de tableaux et
d'antiquités, et, dans la salle des concerts, on procède devant
eux à l'ouverture d'une momie d'Egypte, rapportée par
Frédéric Gaillaud. L'excursion se termine par une réunion
dans la grande salle de la mairie.
LA SOCIÉTÉ POUR LA CONSERVATION DES MONUMENTS.
Au cours de septembre, la Société pour la conservation
des monuments vient à Nantes et organise une réunion
dans la grande salle de la mairie. Celle société a pour but
de signaler au Gouvernemenl les édifices qu'il importe de
signaler à sa sollicitude pour en obtenir la conservation.
60
D'inléressanles comumnications sont présentées par nos
concitoyens : Travaux en cours de la Cathédrale, projet de
la nouvelle éaflise de Saint-Nicolas, tombeau de Pornic,
porte romane de Sainte-Marie de Pornic, prieure de Saint-
Jacques, chapelle de Saint-Jean-de-Boiseau, église de Rougé,
château de Goulaine, chapelle du Mûrier, à Batz.
Une somme de WO fr. est remise par la Société pour être
répartie entre l'église de Saint-Jacques et la chapelle du
Mûrier.
MORT DE CAMILLE MELLINET.
C. Mellinel, frappé de paralysie le ^ août, meurt le 8.
11 est âgé de 48 ans. Ses obsèques sont très solennelles.
Les cordons du poêle sont tenus par le Préfet, l'adjoint
Vallel, en remplacement du Maire, le colonel Desperrois,
Emmanuel Halgan, président de la Société Académique. Les
honneurs militaires lui sont rendus, au titre de chevalier de
la légion d'honneur. Les derniers adieux lui sont adressés
par Halgan, au nom de la Société Académique, dont il avait
été président ; par Palois, au nom de la Société Industrielle,
dont il fut le véritable initiateur ; par le docteur Gely, au
nom de l'escadron de cavalerie dont il avait été le comman-
dant ; par Lorieux, ingénieur des mines, son camarade
d'enfance. L'opinion publique est unanime pour reconnaître
le grand dévouement qu'il a déployé pour le bien public
comme conseiller municipal, comme membre de la Société
Académique, de la Société Industrielle, de la Société des
Courses, etc., comme historien et écrivain. La ville lui
accorde une concession gratuite au cimetière.
DIVERS.
Le 8 février, un tremblement de terre vient désoler notre
colonie de la Guadeloupe. La ville de La Poinle-à-Pilre
61
n'est plus qu'un moncoau de ruines. Nantes, par suite des
relations commerciales existant avec cette île, ne se montre
pas la moins empressée pour répondre a l'appel qui est fait
par le Gouvernement. Des listes de souscription sont ouvertes.
Un service funèbre est célébré h la Cathédrale. A la fin
d'avril, les offrandes centralisées au bureau de la Marine
dépassent 32,000 fr.
Les sœurs garde-malades ou de la Sainte-Famille fondent
une maison rue du Bocage, 8.
Le voyage du duc de Bordeaux à Londres excite de vives
inquiétudes au Gouvernement. Des ordres très rigoureux sont
donnés par le lieutenant-général Trezel et par le Directeur
général des douanes, pour que les côtes soient l'objet d'une
grande surveillance, car on craint que le prince ne veuille
y tenter un débarquement. La police a l'œil sur les agisse-
ments des légitimistes nantais.
Emmanuel Halgan, trésorier des Invalides de la Marine,
est nommé chevalier de la légion d'honneur.
Le lieutenant-général C'« d'Erlon est élevé à la dignité
de maréchal de France. Il quitte le commandement de la
division. Un vase en argent massif ciselé lui est offert par
les autorités et les habitants. Le lieutenant-général Trezel
vient le remplacer.
Une troisième Chambre civile est créée. Elle entre en
fonctions le 21 avril.
La France porte toujours le deuil du duc d'Orléans. Les
fêtes nationales se passent sans réjouissances et sont seule-
6^2
ment signalées par une dislribulion de pain aux indigents el
par la revue.
Les courses ont lieu dans de bien mauvaises conditions,
par suite du mauvais état du sol détrempé par une longue
série de pluies. On dut tracer une piste différente de celle
qui avait été suivie les années précédentes. Le Gouvernement
ajoute un prix royal de 4,000 fr. à ceux déjà accordés
par lui.
Une ordonnance royale du 6 juin institue à Nantes une
foire pour les chevaux de luxe,* selle ou cabriolet. Un arrêté
du Maire, rendu le l""" août, en fixe la date au 9 août, le
lendemain du dernier jour des courses sur la prairie de
Mauves.
On procède, le 13 février, à Téleclion d'un conseiller
général pour le 6» canton, en remplacement de Soubzmain
décédé. Au 2® tour seulement, Wattier est élu par 18 voix sur
41 votants. Pour la première fois, la politique intervient
dans les élections départementales, en la personne de Lau-
rent aine, candidat de l'opposition démocratique, patronné
par le National de l'Ouest.
Le mouvement d'opinion qui, h Paris, se prononce contre
l'armement des forts détachés, trouve un écho dans le
National de l'Ouest. Ce journal propose à la signature des
patriotes une pétition « invitant les députés à repousser par
» un vote énergique et péremptoire toute proposition d'arme-
» ment, même partiel, des fortifications de la Capitale. »
L'Hermine prend part à ce mouvement de protestation.
Les partis hostiles au Gouvernement voient, dans cet arme-
ment, un acte de défiance envers les Parisiens.
63
Des regatta ou joules à la voile sont organisées, le
24 juillel, dans la baie de Bourgneuf, par de Fonlenillal,
receveur général, Gasimir-Perier et les baigneurs de Pornic.
Il y a trois courses : bateaux de Pornic, chattes de La Ber-
nerie, bateaux de tous autres pays. Des montres d'or et
d'argent sont données en prix aux patrons. Le soir, un feu
d'artifice est tiré.
SERVICES PUBLICS.
Un rapport sur l'organisation de l'école des mousses est
présenté par Ad. Le Cour. Une gabare sera demandée à
l'Etat pour y installer l'école. Un riche colon de Bourbon
promet 60,000 fr. pour contribuer aux dépenses. — L'éta-
blissement d'un railway est proposé pour transporter les
marchandises des bateaux aux magasins de l'Entrepôt. ~
On songe à monter une grue de 30 tonnes pour l'embarque-
ment ou le débarquement des chaudières et machines. —
Les relations à créer avec Nossi-Bé sont étudiées. — Le
Maire paye un premier acompte sur les sommes avancées
par la Chambre en juillet-août 1830. — Le Préfet est très
assidu aux séances.
La Chambre se propose de procédf^r à son renouvelle-
ment partiel, en tenant compte de l'ordre de sortie suivi
avant le renouvellement intégral de 1845. Le Préfet, après
avoir pris l'avis du Ministre, en décide autrement et fait
procéder à un tirage au sort des trois séries sortantes. Sont
nommés, 4 novembre, pour trois ans : de Lancastel,
A.-H. Bonamy, Lepertière , Queneau , membres sortants ,
Félix Talvande, qui remplace Garnier-Haranchipy; pour
deux ans : Jules Roux, en remplacement de Luther, décédé,
qui fait partie de la 2« série. Ce scrutin n'est pas approuvé
et il sera procédé à de nouvelles élections en 1844.
Sont nommés, président : Hippolyie Braheix ; juges titu-
be.
d'épargne.
d4
bienfaisance.
64
laires : Th. Bossis, ancien jugo ; Henri Auger et. Louis Gué-
rin, juges suppléants sortants. Ces deux derniers sont rem-
placés par E. Toché et Y. Berlhaull.
Caisse Sont nommés directeurs : Louis Levesque fils aîné, Gh.
Laënnec tils, Steph. Dezaunay, P. Roy, Rolland de Lisle,
Ant. Chauvet, G. Le Quen d'Enlremeuse, J. Mosneron-
Dupin fils. Montant des versements : 1,691,570 fr.; des
remboursements, 1,275,834 fr. Le solde dû aux déposants
continue sa marche ascendante ; il atteint 6,220,581 fr.
pour 9,256 livrets.
Bureau Rousslu qulttc la vlllc ; il est remplacé au Conseil par
Pitre Metois. Les dames de charité sont invitées à employer
des formes plus administratives dans la présentation des
indigents, et plusieurs donnent leur démission. Les recettes
s'élèvent à 104,123 fr. et les dépenses à 97,874 fr. Une
enquête sanitaire est demandée par les dames de charité
des quartiers de la Madeleine et des Olivettes.
Budget Les prévisions, pour 1843, sont arrêtées à 1,859,383 fr. 21 c.
municipal. pQ^^ les reccttes, et à 1,859,307 fr. 17 c. pour les dépenses,
d'où un excédent de 76 fr. 04 c.
L'octroi faiblit; il ne rapporte que 1,189,990 fr.
Arrêtés 16 mai. — Réglementation de la profession de commis-
^^^^ sionnaires, crochetcurs et gens de peine stationnant sur la
voie publique : obligation d'une déclaration, obligation de
porter une médaille en cuivre avec inscription, défense de se
coaliser.
^0 juin. — Vente du bois de chauffage. Publication d'un
tableau des hauteurs que doivent avoir, pour former un
stère, les tas de bois des diverses longueurs empilés entre
deux montants verticaux placés à un mètre de distance.
4 juillet. — Emploi des poitrails en charpente. Us doivent
être en chêne. Une autorisation est exigée pour les établir.
munici
65
1«^ août. — Porteurs d'eau : obligation d'employer des
seaux de 10 litres. Des clous rives à l'intérieur doivent indi-
quer la contenance.
^27 septembre. — Défense aux voilures publiques de
prendre des voyageurs en route, pour ne pas causer d'em-
barras sur la voie publique et ne pas faire concurrence aux
omnibus.
28 septembre. — Police des passages et galeries cou-
vertes. Interdiction d'établir des étalages. Défense de fumer,
de cracher, de traverser avec des fardeaux. Dispositions
spéciales au passage Pommeraye.
20 décembre. — Police du Jardin des Plantes.
Une caserne de passage est établie par la Municipalité
dans l'immeuble n» 11 de la rue Menou. Elle est ouverte le
l«f octobre.
M"^ Pradelan fait donation à la ville de l'établissement de
Sainte-Marie, fondé par elle pour l'éducation des jeunes
filles. La ville accepte cette donation.
Les archives départemenlales sont ouvertes de midi
à 4 heures pour le public et de 9 heures à 4 heures pour
les fonctionnaires publics (arrêté préfectoral du 24 no-
vembre).
Les élections pour le renouvellement triennal des otficiers
de la garde nationale ont lieu en octobre et en novembre.
La liste des dix candidats à présenter au Roi, pour les grades
de colonel et de lieutenant -colonel, conlienl, par ordre de
suffrages, les noms suivants : Mery, chef du 3" bataillon ;
Desperrois, colonel en fonctions ; Payai, lieulenanl-colonel ;
Bougie, Molinier, Thebaud, I5riand, Cardon, Linsens de
66
l'Epinay, François. — A la Sainte-Barbe, les artilleurs de la
garde nationale terminent la fêle par un lancement de
pétards et de fusées sur la place Grasiin.
Société Emmanuel Halgan est, une deuxième fois, nommé pré-
Académique • 1 .
sident.
lure.
sociéié Le grand prix, une médaille d'or, est décerné au capi-
•iiorticui- (gjjj^3 Armange pour ses importations de plantes exotiques.
Un vase d'argent est donné à Noisette comme prix de cul-
ture générale.
ENSEIGNEMENT. - PUBLICATIONS.
L'Association de la Providence est inscrite au budget
communal pour une allocation de 6,000 fr. Elle reçoit
dans ses écoles plus de 2,000 enfants et près de 400 adultes.
Ses dépenses s'élèvent à 25,000 fr. et ses ressources
n'atteignent que 18,000 fr. Certains conseillers, prétendant
que les écoles chrétiennes sont affiliées à une société dont
on ne se croit plus obligé de mer l'existence, demandent,
mais en vain, la suppression de l'allocation.
— Une séance de téléphonie ou télégraphie musicale est
donnée, dans la grande salle de 1 1 mairie, par Sudre, inven-
teur de la langue musicale universelle.
— Berlin publie la statistique des os, en vue de la chimie
et des arts industriels.
— L'Hermine est poursuivie en cour d'assises pour un
article relatif au voyage du duc et de la duchesse de Nemours,
et dont certains passages n'ont pas plu au Pouvoir. Le
procureur général Plougoulm vient en personne soutenir
l'accusation. L'auleur de l'arlicle cl le gérant sont l'un et
l'autre condamnés à 1,500 fr. d'amende et trois mois de
prison.
67
— Un cours d'archéologie en -20 leçons est ouvert par
Georges Olivier, membre de la Société française pour la
conservation des monuments.
— Un cours d'histoire, comprenant ^4 leçons, est donné
par Waulier d'Halluin.
— Les frères construisent la chapelle de leur pensionnat
de la rue de Bel- Air.
— Leloup [iropose de fonder un cours pour former des mé-
caniciens conducteurs de locomotives.
— L'Institut pratique de l'abbé Bouyer est transféré rue du
Calvaire, dans le local occupé par l'abbé Coquet.
— La population scolaire de la ville comprend 4,141 gar-
çons, répartis dans 31 établissements, et 3,874 filles, appar-
tenant à 94 écoles.
Une souscription est ouverte pour la publication de
V Histoire et de la statistique du département, par
J.-J. Verger et Chevas. — La publication de VHistoire de
Nantes, d'après l'abbé Travers, est terminée : la ville
souscrit pour dix exemplaires. - Le 4« volume de la
Loire historique est livré aux souscripteurs. —- Le 11**
volume de la Commune et Milice de Nantes paraît au
moment de la mort de C. Mellinel. Le 12« et dernier vo-
lume est édité en décembre.
La cause de la liberté d'enseignement trouve, dans le
marquis de Hegnon, un fougueux défenseur. Il repousse la
solution acceptée par les royalistes ges amis, il la considère
comme insuffisante et comme n'étant qu'une simple modifi-
calion du monopole universitaire. Il réclame une liberté plus
large et plus complète, la liberté telle qu'elle est pratiquée
en Belgique. De nombreux articles sont, sur ce sujet, publiés
par lui dans VRermine. Il compose des brochures. Il
68
adresse, au nom des pères de famille, un chaleureux appel
aux membres de l'épiscopal pour leur demander la tenue
d'un Concile national.
Le National de l'Ouest poursuit sa campagne d'invec-
tives contre le clergé. Il renouvelle ses protestations et
diatribes annuelles contre les processions de la Fête-Dieu.
Un article intitulé: Fête des fous, dans lequel il tourne en
ridicule les enfants costumés en saints ou personnages de
l'Ancien Testament qui ont pris part aux processions, lui
vaut une comparution devant le juge d'instruction.
A l'occasion de la tenue des Conseils généraux, il demande
aux Conseils de la région de prendre des mesures contre
l'empiétement du clergé et l'envahisseraenl du parti prêtre et
de ses adhérents. Le Conseil général de la Loire-Inférieure
passe à l'ordre du jour. Celui de la Vendée réserve un meil-
eur accueil à son vœu et l'adopte.
AGRICULTURE, COMMERCE, INDUSTRIE.
Le Comice agricole central tient son concours annuel, le
31 août, dans le Champ des Belles-Epines, sur la route de
La Rochelle. Les lauréats du concours de labourage reçoi-
vent des instruments. Des bestiaux de choix sont donnés
en récompenses aux cultivateurs qui présentent les plus beaux
animaux. Les primes distribuées aux valets de ferme les plus
méritants consistent en montres d'argent et d'or et en
timbales d'argent avec leur nom gravé. Le Préfet préside la
fête. Le Conseil général abrège sa séance pour y assister.
Le Comice de Nozay-Derval est organisé par le député de
la Haye-Jousselin et Kielï'el. Des courses, un banquet, un
bal ont lieu à la suite du concours. Le lendemain, une chasse
à courre est donnée. — Le Comice du 6» canton de Nantes
tient son concours annuel à Chantenay, sous la présidence
69
de Hervouel, juge de paix. Neveu-Derotrie dirige les opéra-
lions du Jury. — Le concours de Guéinené est suivi d'un
bai. — Les Comices de Garquefou, Blain, Saint-Elienne-de-
Monlluc, Saint-Pliilberl fonctionnent avec un plein succès.
Rieffel reprend la publication de sa revue, X Agriculture
de l'Ouest de la France, qui avait cessé de paraître depuis
deux ans.
Le blé, jusqu'à la récolte, varie entre 18 et 19 fr. Dès
juin, un mouvement de hausse se produit; à la fin d'août, le
cours maximum de l'année, 2*2 fr. 20 c, est atteint. Le prix
se maintient ensuite entre 19 et 20 fr. — Les autres céréales
suivent les mêmes alternatives. Seigle, 10 fr. 75 c; maximum
en juillet, 14 fr. 65 c, et 13 fr. 50 c. en décembre. — Orge,
9 fr. 25 c; maximum, 11 fr. 50 c. en août-septembre ;
12 fr. 25 c. fin décembre. — Avoine, 8 fr. 25 c à
9 fr. 85 c; en août, maximum 11 fr.; fin décembre,
8 fr. 55 c. — Le blé noir suit une autre marche ; il débute
■à 8 fr., est en hausse continue et atteint 10 fr. 20 c. en fin
décembre.
Pain blanc : en janvier, minimum 0 fr. 3625 le kilo ; en
septembre, maximum 0 fr. 4125 ; en décembre, 0 fr. 40 c.
— Pain batelier aux mêmes époques : 0 fr. 2625, 0 fr. 3125,
0 fr. 30 c. — Pain méteil : 0 fr. 1875, 0 fr. 2375,
0 fr. 2250.
Viande : la taxe, rétablie à 1 fr. les trois espèces, au
1" janvier, est portée à 1 fr. 05 c. à dater du 1" février.
Vins de la récolte : muscadet, 50 fr.; gros-plant, 30 à
32 fr.
La maison Harmange fait connaître le guano du Pérou et
en commence l'importation.
70
— M. Derrien est autorisé à établir une école de natation
dans le bras de l'île Feydeau, rue Duguesclin. — Un établis-
sement de bains pour danaes est installé sur la rive droite de
la prairie de Mauves. On y accède par le quai de Richebourg
et le pont de la Seille.
— Une société d'armements, Chauve jeune, se fonde, au
capital de 600,000 fr., par actions de 5,000 fr.
— Babonneau installe une chaudière, pour la galvanisation
du fer, dans ses ateliers du quai des Constructions. 11 est le
premier à pratiquer, dans notre ville, ce travail encore peu
connu en France, car, au moment de sa demande en auto-
risation, cette industrie n'était pas classée.
— La société ûq^ Riverains du bas delà Loire, qui dessert
Paimbœuf et Sainl-Nazaire depuis 1828, entre en liquidation.
Une nouvelle société se forme pour continuer le service de
la basse Loire, la compagnie des Pyroscaphes , A. Le Boyer
et Prebois, gérants , capital 500,000 fr., par actions de
1,000 fr. — Un service spécial pour le Pellerin est établi
avec trois départs par jour et escales à Boche-Maurice, Haute
et Basse-Indre, Indret et Couëron.
— J"^ Metois et Cuissart, gérants des Riverains du haut
de la Loire, sont traduits en police correctionnelle comme
civilement responsables des morts el blessures causées par
l'explosion de janvier 184i à Ancenis. — Deux expertises
sont constituées : l'une attribue l'accident à un amincisse-
ment de la tôle ; l'autre, à un dépôt de sédiments. L'affaire
occupe quatre audiences. Les prévenus sont défendus par
Waldeck-Rousseau ; ils sont condamnés à :S00 fr. d'amende.
Ils vont en appel.
— La société des Paquebots de la Loire, Edel et C'% se
fonde à Orléans. Ces bateaux sont destinés à correspondre
avec le chemin de fer; ils présentent une vitesse qui leur
71
permet d'effectuer en deux jours le trajet de Nantes à
Orléans, avec coucher à Tours.
— La Compagnie générale des remorqueurs, More! et G'%
entreprend le transport des marchandises de Nantes à Paris
el vice-versa au prix de 4 fr. 50 c. les 100 kilos.
— Les Inexplosibles sont autorisés à établir un service de
nuit pour la remonte de Nantes à Angers. Les Préfets de la
Loire-Inférieure et de Maine-et-Loire prennent des arrêtés
prescrivant des mesures pour prévenir les accidents,
MONUMENTS ET VOIRIE.
Le Conseil général, dans sa séance du SO août, adopte,
• par 16 voix contre 1-2, les projets présentés par le Préfet
pour la construction, dans les terrains Bruneau, du Palais de
Justice, de la Prison et de la Gendarmerie. Le devis de
construction des trois bâtiments s'élève ij 1,400,000 fr. On
évalue k 700,000 fr. le produit de la vente du terrain el des
matériaux tant du Palais de Justice que de la Gendarmerie
el de la Prison. Le déboursé nécessaire n'atteindrait qu'une
somme de 700,000 fr. Le Préfet est autorisé à contracter un
emprunt montant à ce chiffre, et, pour en payer le rembour-
sement, le Conseil vole une perception de 4 centimes 5/10«»
pendani cinq années, de 1846 à 1850.
Une enquête est ouverte à partir du îl décembre sur la
mise à exécution du projet.
— L'installation du Tribunal à la Monnaie donne lieu h de
nouvelles plaintes. Le bruit des voitures trouble les délibéra-
lions. La place est trop exiguë. Les Présidents des assises
en emportent la plus désagréable impression.
— La question de la propriété du Bouffay est agitée.
Ev. Colombel, chargé de l'étudier, élablil que la ville n'a
aucun droit sur le vieux monument.
eu. Le Conseil municipal, sur les conclusions du docteur
72
Marcé, vole la reconslrucllon de l'Hôlel-Dieu, mais sur tout
autre emplacemenl que celui qu'il occupe acluellemenl.
L'opinion accueille celte détermination avec la plus grande
faveur. Il n'y a actuellement que 450 lits. Les malades
indigents n'ont pas à leur disposition le quart des lits qui
existaient avant la Révolution. L'étal des bâtiments est
lamentable. Les murs sont pleins de crevasses. Les planchers
fléchissent. Une salle s'est récemment effondrée entraînant
dans sa chute malades et infirmiers. On en est réduit à
mettre les malades dans les greniers ou dans des réduits
infects. Il n'y a qu'un avis unanime sur la question du prin-
cipe, mais une grande divergence d'opinions existe au sujet
du choix de l'emplacement. On propose la prairie au Duc,
la prairie de la Madeleine, le dépôt de mendicité, le collège
royal, les Hauts-Pavés, Gigant.
Les habitants réclament la démolition du bureau du port,
qui masque la vue du fleuve, et demandent que l'administra-
tion installe les officiers du port soit dans un magasin de la
Fosse, soit à la pointe de l'île Gloriette. Aussi le méconten-
tement est-il général lorsqu'on voit les ouvriers travailler à
la construction d'un étage.
La ville se décide à accorder une subvention de 20,000 fr.
à Maurice pour le forcer à reconstruire, conformément au
plan de la ville, la maison qu'il possède place Royale avec
retour sur les rues de Gorges et de la Fosse.
Le passage Pommeraye est ouvert dans les premiers jours
de janvier. Cette construction, qui est due aux architectes
Hippolyte Durand-Gasselin et Buron aîné, est très admirée.
Les statues lumineuses sont dues au ciseau de Debay. Les
renommées et médaillons de la galerie du haut sont l'œuvre
78
de Groolaers. Les foules artistiques de l'escalier sortent des
ateliers de Voruz.
La ville lente des démarches pour prolonger la petite rue
de Launay jusqu'à la rue Daubenton, mais elle se heurte à
de grandes exigences de la pari des propriétaires. Le Conseil
municipal ne dissimule pas son indignation en voyant les
propriétaires comprendre si peu leurs véritables intérêts.
L'arche en maçonnerie du pont de l'Ecluse est estimée
présenter un poids trop considérable pour les fondations, qui
reposent sur un mauvais sol. Elle est remplacée par une
poutre en fonte fournie par Voruz
Les maisons de la rue de l'Erail, qui appartiennent à la
ville et à la Fabrique de Saint-Nicolas, sont démolies. L'an-
cien cimetière est défoncé, et les ossements qu'on y trouve
sont portés à Miséricorde. La mise en étal de viabilité de
cette voie, depuis longtemps si impatiemment attendue, est
terminée à la fin de décembre.
Les travaux de reconstruction de l'église Saint-Nicolas sont
mis en adjudication le -25 avril. Le devis s'élève à la somme
de 1,002,089 fr. Les lots de plomberie, couverture, serru-
rerie, peinture et vitrerie sont les seuls qui trouvent pre-
neurs. La maçonnerie, la charpente et la menuiserie sont
l'objet d'une nouvelle adjudication qui a lieu le 81 août.
Aucune soumission n'est acceptée pour les travaux de char-
pente. Des prix de série plus élevés avaient été cependant
établis pour ce lot. Il en avait été de même pour le lot de
la maçonnerie. Le devis, par suite de ces augmentations,
monte à 1,090,916 fr. Pour se maintenir dans les limites du
devis primitif, on se voit forcé d'ajourner la construction des
6
74
deux flèches. Le bazar organisé pour créer des ressources
se lient dans une salle du Musée des tableaux.
Le Curé de iNolre-Dame-de-Bon-Porl, le jour de Noël,
annonce h ses paroissiens que la reconstruction de l'église
est décidée et qu'il a reçu l'aulorisalion d'aller quêter à
domicile. — Une enquête est ouverte pour l'acquisition d'une
maison rue Dobrée, 1, en vue, par la Fabrique, d'y installer
le presbytère.
L'archilecle Liberge est désigné pour prendre la direction
des travaux de reconstruction de l'église Saint-Clément.
Le Conseil municipal donne un avis favorable à l'éreclion
d'une nouvelle paroisse destinée à desservir la partie rurale
de la paroisse Saint-Similien, sous condition que les inté-
ressés prendront à leur cliarge les (rais de construction de
l'église et du presbytère, ceux d'acquisition du terrain des
rues avoisinanles et du cimetière. Certains Conseillers ne
voient dans cette érection qu'un moyen, pour les propriétaires
du quartier, de donner une plus grande valeur à leurs
terrains.
^'^"'' La Gbambre des Députés est saisie d'une pétition de Ph.
nianiime. q^^^^^ ^g Parls, demandant la construction d'un canal de
grande navigation entre Nantes et Sainl-Nazaire. Ce canal
aurait une longueur de 60 mètres, une largeur de 45 mètres,
une profondeur de 7 mètres. 11 coûterait une trentaine de
millions et permettrait aux navires de 500 tonneaux de
remonter jusqu'il Nantes. Le renvoi de la pétition au Ministre
est décidé.
— Les terrains de la Prairie-au-Duc destinés aux chantiers
sont entourés de clôtures.
75
— Des quais et cales comraenceni k s'élever sur l'ancien
emplaceiiieni des chantiers de la Ghezine.
— Les travaux de l'île Gloriette amènent la suppression du
bain public pour femmes qui existait de temps immémorial
sur la rive sud.
— Un avant-projet du bassin à flot de Saint-Nazaire a été
dressé. Le montant du devis s'élève à 6,000,000 fr . Ce plan
n'est pas adopté. Le (Conseil général, dans sa séance du
31 août, demande que l'on procède à bref délai à l'exécution
de ce travail.
— Les dragages pratiqués dans le port de Nantes ont amé-
lioré sa profondeur. A basse mer, il y a 8™,50 d'eau.
— Auguste Jégou, ingénieur ordinaire de l""* classe, prend,
à partir du !«■■ juin, la direction du service de la Loire, 3«
section, en remplacement de Lemierre, admis à la retraite.
Une compagnie, qui se propose de demander la concession
du chemin de fer de Tours à Nantes, sollicite le bienveillant
appui du Conseil municipal. Communication lui est donnée
de la délibération par laquelle une garantie d'intérêt de
4 l/:2 "/o sur 1,500,000 fr. est ofîerte à la compagnie qui
entreprendrait la construction de cette ligne. Le Conseil
décide, en même temps, la nomination d'une commission
spéciale pour étudier de nouveau la question, et examiner
s'il ne conviendrait pas que la cité témoignât ses sympathies
pour cette ligne d'une façon plus énergique et par le vole
d'une somme plus considérable.
BALS , CONCERTS , THÉÂTRE , ETC.
Un bal par souscription, donné au Grand-Théâtre, en
février, produit une somme nette de 6,699 fr., qui est par-
tagée entre le Bureau iW bienfaisance et les réfugiés poli-
tiques.
76
Bresslcr inaugure», lo 19 marc, ses salons de la place de
la Monnaie, par une malinée musicale. Un concert d'ama-
teurs, organisé an |)rotil des victimes du iremblemenl de terre
de la Guadeloupe, oblienl un grand succès. M. et .M"*» Joseph
de Bonleillei' s'y font particulièrement applaudir.
En avril, le pianisf' Demarie. — En mai, M'"^ Clara-
Margueron. — En août, malgré une chaleur étouffante, et
au prix de 5 fr. la place, une assistance nombreuse se presse
à la Mairie, pour entendre le violoniste Arlol et M™« Ginli-
Damoreau. — En décembre, le pianiste Louis Lacombe.
Granii- La sccoude moitié de la campagne se traîne péniblement.
Théâtre. Aucune nouveauté marquante n'est montée pour piquer la
curiosité. Le directeur Pral a recours aux attractions les
plus variées : troupes de Marocains, danseurs espagnols,
tableaux vivants en « costume marbre ». M"^ Marteleur, de
la Comédie française, Renault, de l'Opéra Comique, viennent
en représentations. Molière est mis à contribution. On donne
Tartuffe, Monsieur de Pourceauynac, les Femmes savantes,
les Précieuses ridicules. Tous les efforts sont vains pour
conjurer la mauvaise fortune, et la direction est mise en
faillite quelques jours avant la clôture tie la campagne.
Laffitte, l'un des administrateurs du théâtre dé Bordeaux,
oblienl le privilège des deux théâtres, avec une subvention
de 40,000 fr. Dans le cours de l'été, il fait paraître sur les
scènes nanlaises M. et M*»» Taigny, du Vaudeville; Ligier,
de la Comédie française ; M™* iïalley, du i" Théâtre français.
Le 4 août, la troupe d'opéra fait ses débuts ; elle est com-
plétée par un corps de ballet. Laffitte n'est pas récompensé
du soin qu'il a mis à composer son personnel, et, â la tin du
mois, il disparaît, laissant ses artistes dans l'embarras.
Le 10 septembre, un nouveau directeur, Vautrin, ouvre
le Théâtre des Variétés, et, le 7 octobre, présente une
77
troupe d'opéra. L'année se termine sans jncidenls. Des
speclacles monstres, qui conimencenl à 5 heures, composés
de la Juive et de la Tour de NesU, de la Muette et
ù' Andr orna que, etc., sont offerts au public.
En présence de ces insuccès successifs, le Conseil muni-
cipal étudie les moyens de remédier à la situation. Diverses
combinaisons sont proposées. On se décide à aui^menter le
nombre des places. Un crédit de 30,000 fr. est volé pour
aménager le théâtre en vue de cette modification.
e-'- Sur la place Bretagne viennent, en juin, s'installer V Astéo-
rama de Paris, avec 460 vues pittoresques, puis le cirque
Lustre, qui, profilant de la fermeture du Grand-Théâtre,
continue ses représentations ju-^-qu'à la mi-septembre.
Dans la case du bas de la rue du Calvaire, le grand
Musée statuaire est, en juillet, remplacé par le nouveau et
véritable Diorama, d'après le système Daguerre.
De juillet à août, l'aéronaute Kirscli se livre, dans les chan-
tiers Chauveau, quai Fosse 98, à plusieurs ascensions. Celle
du 16 juillet est très émouvante. La montgolfière, battue
par le vent, s'échappe avant que toutes les précautions ne
soient prises. Le grappin, qui termine la corde de sauvetage,
accroche par son pantalon le jeune Guériu, qui se trouve
parmi les spectateurs, et l'entraîne dans les airs. Un cri d'épou-
vante s'élève de toutes les poitrines. Une catastrophe est
imminente. Guérin ne perd pas son sang-froid, il saisit la
corde et sa position est tellement naturelle, que maintenant
on se demande si cet enlèvement n'est pas compris dans
le programme. Le ballon tombe sur les ponts, dans un pré
voisin de la filature Guillemet. Le Préfet, accompagné
du docteur Libaudière, se transporte sur le point de la
chute et y trouve l'enfant sain et sauf.
Année 1844.
Le chemin de fer de Paris à Nantes. — La liberté de l'enseignement. — La fête
nationale. — Election complémentaire de Savenay. — Divers. — Services publics.
— Enseignement. — Le Conservatoire de musique. — Publications : Le Phare de
la Loire et Le Courrier de Nantes. — Agriculture, commerce, industrie, bateaux
à vapeur. — Monuments : Cathédrale, Saint-Nicolas, etc. — Voirie. — Loire mari-
time et fluviale. — Concerts, Théâtre, Spectaeles.
LE CHEMIN DE FER.
Nos concitoyens ne mellenl pas un grand empressement
à profiler ties dispositions de la loi du 11 juin 184-2, qui a
décidé la création de la ligne de Paris à Nantes.
Pour les faire sortir de leur inertie, il faut que la réali-
sation des stipulations de celle loi, en ce qui concerne
Bordeaux, fasse un nouveau pas. Le 30 mars, en effet, le
Gouvernement dépose un projet de loi affectant un crédit de
54 millions à l'établissement de celle ligne. Dès le lendemain,
nos députés et ceux des départements voisins s'empressent
d'aller présenter leurs doléances au Ministre des Travaux
publics. Celui-ci leur expose qu'une Compagnie sérieuse est
formée pour cotjslruire la ligne de Bordeaux et qu'aucune
proposition ne lui a été encore remise pour celle de Nantes.
Il se déclare d'ailleurs tout disposé à s'entendre avec le
Minisire des Finances pour leur donner satisfaction.
Bobineau de. Bougon, A. Cherot el Ev. Colombel, membres
du Conseil .municipal ; J. Gouiu el A. Garnier, membres de
la Chambre de Commerce, sont délégués pour aller h Paris
se concerter avec les députés du déparlement, en vue
d'obtenir une prompte solution. Us trouvent le meilleur
accueil auprès des Ministres des Travaux publics, des
79
Finances, du Commerce el de la Marine. Guizot, présideni
du Conseil, reconnaît la légitimité de leurs réclamations et
se plaît à déclarer que Nantes, le boulevard de la Révolution
contre la Vendée,- a droil \\ un traitement de faveur. Le Roi
leur accorde une audience el les assure de tout son appui.
Malgré toutes ces promesses et ces marques d'intérêt, le
Ministère ne semble pas pressé de passer des paroles aux
actes. Des pétitions sont lancées pour réclamer au Gouver-
nement l'exécution de ses engagements. Trois Sociétés se
forment en vue d'obtenir la concession de la ligne: la Société
Seguin frères, dont la banque Gouin est le représentant à
Nantes ; la Société Caillard, qui a pour agents les banquiers
Baillergeau et Naudin ; la Société nantaise, qui se constitue
sous le patronage de Maës, de Lancastel, Louis de Monti,
Victor de Gornulier, Ed. Bouché, etc.
Le projet de loi si impatiemment attendu est enfin déposé.
La Chambre l'adopte dans sa séance du 25 juin.
La nouvelle loi affecte à l'exécution de la partie de la
ligne de Paris à l'Océan, entre Tours et Nantes, un crédit
de ^28,800,000 fr. Le Ministre procède sans larder à l'orga-
nisation du service pour l'exécution des travaux. La ligne
est partagée en trois sections, correspondant aux trois dépar-
tements intéressés. Jegou, ingénieur en chef de la Loire,
est cha gé de la partie comprise dans le département. Il a
sous ses ordres les ingénieurs Watiier el Richard.
LA LIBERTÉ DE L'ENSEIGNEMENT.
Une pétition réclamant la liberté de l'enseignemenl est
signée par un groupe de catholiques. Elle est déposée, le
15 février, sur le bureau de la Chambre.
Le Ministre Persil, le 14 mai, au cours des discussions h
la Chambre des Pairs, sur la liberté d'enseignement, avait
80
prétendu que Tépiscopat n'était pas soutenu dans ses reven-
dications par le clergé paroissial. Les prêtres en résidence
à Nantes et dans les environs, sous la conduite de Tabbé
Delamare, doyen du chapitre et doyen d'âge du clergé,
viennenl, le 14 juin, assurer Ms' de Hercé de leur attache-
ment et déposer une protestation contre les allégations du
Ministère, laquelle est signée par la totaliié des 507 prêtres
du diocèse.
Le marquis de Regnon, toujours plus ardent, fonde le
journal hebdomadaire La liberté comme en Belgique, dont
il est le rédacteur en chef, et qui est lancé le 30 janvier.
Il s'y montre catholique intransigeant.
Quelques lignes du second numéro donnent la note de
son opinion : « Jamais, dit-il, la religion catholique, qui se
» dit et qui est la seule vérité, ne pourra reconnaître le
» principe gouvernemental de l'égalité des cultes, c'est-à-dire
» le principe de l'indifférence des dogmes. Comment la
'« vérité pourrait-elle s'unir intimement à un gouvernement
» qui protège les erreurs de toutes sortes? Comment la
« lumière ferait-elle alliance avec les ténèbres, l'affirmation
» avec la négation, la logique avec l'absurde ? •»
Le journal cesse sa publication à Nantes en décembre,
mais continue de paraître à Paris.
LES FÊTES NATIONALES.
Les fêtrs nationales, dont la mort du duc d'Orléans avait
rompu la tradition, sont lelevées, mais léduites à un modeste
programme. Le samedi ^11 juillet a lieu le service funèbre à la
Cathédrale. Les autorités s'y rendent en corps. L'escorte
d'honneur est formée par les grenadiers et les voltigeurs du
4* bataillon de la garde nationale. Une salve est tirée pendant la
81
cérémonie. — Le dimanche 28 juillet, à 11 heures, la légion
el les troupes de la garnison sont passées en revue sur le
cours. Le soir, un feu d'artifice est tiré sur le cours Sainl-
Pierre el les édifices publics sont illuminés. Les salves tradi-
tionnelles ont lieu. — Le mardi 30, le programme se borne
à une distribution de pain aux indigents, au pavoisement
des navires dans le port et aux salves réglementaires. —
La population reste en dehors de la fête. La Bourse, comme
les administrations, ouvrent leurs portes comme d'habitude.
Les républicains reprennent les traditions du programme
primitif. Us se rendent, le 50 juillet, en pèlerinage au tom-
beau de Miséricorde. Leur nombre atteint 1,200. Le soir,
des banquets sont tenus par eux en plusieurs points de la
ville.
ÉLECTION COMPLÉMENTAIRE DE SAVENAY.
Le collège de Saveiiay est convoqué, le 14 septembre,
pour nommer un député, en reniplacement de Jollan, démis-
sionnaire.
Les inscrits sont au nombre de 3G4.
Ternaux-Compans, ancien diplomate, patronné par Jollan,
est le candidat de l'opposition constitutionnelle. — Les légi-
timistes ont deux candidats : De Genoude, rédacteur en
chef de la Gazette de France, et Ernest de la Rochelle. —
Dubois (Aymé) représente la nuance Odilon-Barrot. Enfin
David d'Angers est mis en avant par les républicains.
Deux tours de scrutin sont nécessaires. Après le 1" tour,
de la Rochelle se retire. Le -i^ jour de scrutin, les candidats
sont invilés à venir développer leur [)rogramme dans une
réunion qui se tient chez Pavec, avoué, et puis chaque
électeur va déposer son bulletin.
Ternaux-Compans yempôrle avec 145 voix. De Genoude
82
en recueille 115 el Dubois (Ayraé) 10. Il y avait
^272 volants.
Nos députés Bignon et Billaull, au début de la session
1844-1845, reçoivent^de|leurs collègues une nouvelle preuve
de Taulorilé et de la confiance qu'ils ont acquises.
Bignon est nommé 2« vice-président. Le 1«' vice-président
de Salvandy n'oblieni son siège que grâce au bénéfice d'âge.
Il ne manque que quelques voix à Billaull pour être nommé
4« vice-président.
DIVERS.
La Société des courses, dans son rapport annuel, constate
les heureux résultats obtenus. En 1835, lorsque les courses
furent instituées, il n'y avait pas un seul pur sang dans le
département. Aujourd'hui, le nombre de ces chevaux
dépasse 50.
La 3« journée de courses, le 1 1 août, est signalée par un
pénible accident. Un cheval, après s'être débarrassé de son
cavalier, se dérobe et blesse six personnes. L'une d'elles,
meurt du tétanos.
De la Rochejacquelein, député de Pontivy, l'un des quatre
pèlerins de Belgnwe-Sqwire, contre lesquels la Chambre a
cru émettre un vote de flétrissure, passe à Nantes. Ses amis
politiques tiennent à lui témoigner toutes leurs sympathies.
Un banquet, auquel assistent 250 convives, lui est offert.
Foulon, doyen du corps médical, le préside. Des toasts sont
portés par de Lancastel, V*^ de Cornulier, Lemerle, doyen
du barreau ; M'* de Regnon, chevalier de Melienl, M^» de
Monti.
A l'occasion de la lôle du Roi, Ferd. Favre est promu
88
officier de la légion d'iionneur ; Julien, proviseur du Lycée,
el Aug. Jegou, ingénieur en chef des ponls et chaussées,
sont nommés chevaliers.
Un esturgeon, pesant 100 kilos, est pris, le 3 juillet, près
de Bellevue, à 4 ou 5 kilomètres au-dessus de Nantes. Il est
amené à la Poissonnerie pour être mis sous les yeux des
curieux.
SERVICES PUBLICS.
Une ordonnance royale du 22 janvier maintient dans ses
fonctions Desperrois, colonel de la garde nationale, et nomme
à celles de lieutenant-colonel, Mery, chef du 3« bataillon.
Le Maire, le -25 février, en présence des autorités civiles et
militaires, procède, sur le cours Saint-Pierre, à la reconnais-
sance des officiers et reçoit leur serment. La milice citoyenne
et les troupes de la garnison (11" compagnie de canonniers
sédentaires, 21« léger et deux escadrons du 8« chasseurs),
sont passées en revue par le lieutenant-général.
Le Conseil municipal prend une décision aux termes de
laquelle le procès-verbal ne portera pas le nom des conseil-
lers qui prennent part aux délibérations, en vue d'éviter les
critiques trop souvent injustifiées de la presse quodidienne,
et dont la perspective peut gêner la liberté d'action des
membres. Il ne sera fait mention au procès-verbal que des
noms des auteurs de propositions ou d'amendements.
Un arrêté municipal du 15 février porte création d'une
brigade de sûreté qui se composera d'un brigadier, trois
garde-ville et un trompette. Elle sera chargée de la recherche
des crimes el délits, de l'exécution des mandats d'amener,
de l'arrestation des mendiants, des vagabonds, des filles
84
publiques, de la surveillance des maisons de prostitution, de
prêter son concours aux antres gardes pour les patrouilles.
Une 4« salle d'asile est inaugurée le "2 mai dans le bâtiment
communal de la rue du Moulin.
municipaux
en dale du :
Les deux escadrons du 8« chasseurs, qui tiennent garnison
à Nantes, permutent avec ceux qui se trouvent à Pontivy.
Leur effectif comprend 7 officiers, -251 hommes, 226 chevaux.
Le 21 p' léger quitte nos murs pour aller à La Rochelle.
Le 5^ léger vient de Versailles pour le remplacer. Au moment
de ce mouvement de troupes, les postes du Port-au-Viu et
de la Préfecture sont, pour quelques jours, confiés à la
garde nationale.
Arrêtés 4 avril. — Règlement relatif à l'exercice de la profession
de portefaix, cubi-urs, jaugeurs et mesureurs jurés ; au
mesurage de la houille, des noirs d'engrais et des engrais de
toute espèce.
30 avril. — Règlement relatif au dépôt, transport, char-
gement el déchargement de la poudre à feu. Lieux de dépôt:
pour les transports par eau, au nord de la prairie de la
Madeleine, en face du quai de Richebourg ; pour les trans-
ports par terre, dans le pré Giffaull attenant au moulin de
la Sauzinière, au bord de la route de Vannes.
Cbumbre Les électious, qui ont été ajournées en 1843, ont lieu le
'''' "26 janvier. Sont nommés pour trois ans : de Lancastel,
Bonamy, Lepertiere, Queneau, membres sortants, et J. Houx,
qui remplace Garnier-llaranchipy. Pour deux ans : Th.
Bossis, en remplacement de Luther, décédé, faisant partie
de la 2« série. Pour un an : V. Talvande, en remplacement
de Th. Chéguillaumc, démissionnaire. Bignon et J. (louin
sont élus président et vice-président pour la cinquième fois.
85
Monleix, sccrélaire Je la Cliaiiibre, résigna son poste pour
cause de sanlé. Une relraile de 1/200 tVancs lui est accordéei
U. Lauriol, membre sorlanl de la Gliambre, est nommé pour
le remplacer. Ses appoiiilemenls sont thés ii 4,000 el il peul
continuer son travail de dispatcker. — La Gliambre est saisie,
par Paul Jollel et Collet, d'un projet d'une sorte de ponton
à vapeur pour le remorquage des navires ; par Peccot, d'un
projet de bassin entre l'île Lemaire .et la prairie au Duc.
— L'établissement du railway et de la grue, dont la Chambre
s'est déjà occupée, est ajourné. — On décide la construction
d'un bangar devant les Salorges pour mettre les marchandises
à l'abri. — La promesse d'un concours de 60,000 Ir.
pour la création de l'école des mousses est retirée, et la
nécessité s'impose de réduire à de plus modestes proportions
le programme primitivement élaboré. — Le tarif des
opérations de courtage, de marchandises et d'assurances
mâritmies est révisé. — La Chambre se libère envers les
vendeurs de la cour Tessier.
Le renouvellement normal de la Chambre a lieu le
14 octobre. Sont élus pour trois ans : Bignon, A. Le Cour,
F. Talvande, membres sortants ; P.~B. Goullin et Hipp.
Braheix. Pour un an : Germeuil Chauvei, en remplacement
de Ciret, démissionnaire. F. Bignon et J. Gouin sont main-
tenus dans leurs fonctions de président et vice -président.
Sont nommés juges titulaires : J. Fruchard, ancien juge;
P. Roy et Ad. Le Cour, juges-suppléants sortants. Ces deux
derniers sont remplacés par Ad. Desloges et J.-B. Etienne.
Sont nommés directeurs : H. Bourcard, Carmichaël, M.
' Laënnec. -Les versements ne s'élèvent qu'à 1.631,816 fr.
Les remboursements atteignent 1,294,60i fr. Le solde dû
aux 9,-256 porteurs de livrets est de 6,838,115 fr. La
86
moyenne du livret monle 'l\ 7S8 fr. 77 c C'est la plus haute
qui ait été oi)lenue jusqu'à ce jour (i).
Bureau Lcs inoudations occasionnent un surcroît de dépenses qui
^^' force le Conseil à vendre un titre de 605 fr. de rente. Les
' recettes s'élèvent îi 104,511 fr.; les dépenses à 100,044 fr.
Les dames de charité sont réparties en 18 sections.
Budget Les prévisions budgétaires pour 1844 atteignent en
municipal, recettcs 1,664,500 fr. 56 c. et en dépenses 1,664,474 fr.
70 c, d'où un excédent de "25,83. L'octroi donne un produit
brut de 1,1 41,78 i fr. en diminution sur celui des trois
dernières années.
ENSEIGNEMENT. - PUBLICATIONS.
L'Ecole de Médecine est définitivement constituée en écale
préparatoire. Elle compte 134 élèves.
— Monseigneur de Hercé bénit la chapelle du pensionnat
des Frères de Bel-Air.
— Les notaires mettent à la disposition du professeur
Mousnier leur salle de réunion pour y donner un cours de
droit appliqué au notarial.
— Wautier d'Halluin continue son cours d'histoire
universelle, et Duquesnois, ses séances littéraires.
— Levy, ministre du culte Israélite, donne des leçons
d'hébreu.
— L'école municipale de dessin quitte la rue du Calvaire •
pour s'installer dans l'immeuble communal de la rue du
Mouhn.
— Le Conservatoire de musique, fondé par Bressler, est •
inauguré le 10 décembre, par une matinée musicale donnée
(1) Cette moyenne n'a pas été dépassée dans la suite.
87
dans son local de la place de la Monnaie, devant un nom-
breux public d'amaleurs.
Une pélilion contre rarmemenl des loris détachés de
Paris, dont Le National de l'Ouest a pris l'inillative, est
adressée à Lamartine, pour être déposée sur le bureau de la
Chambre. Elle est couverte de 800 signatures.
La presse d'opposition, pour prolester contre le désaveu
inifligé à l'amiral Dupetit-Thouars dans la question des îles
Tahili, ouvre une souscription pour lui offrir une épée
d'honneur. Le National de l'Ouest et Vtiermine prennent
part à celte souscription.
L'Hermine déploie un grand zèle comme les années
précédentes pour venir en aide aux réfugiés espagnols. Une
adresse des catholiques français 'a O'Gonnell, libérateur de
l'h'lande, se signe dans ses bureaux. Elle ouvre ses colonnes
sur l'appel du prince de Montmorency h une souscription en
faveur d'une association dite de Sainl-Louis, pour secourir
les infortunes royalistes.
La société V. Mangin et W. Busseuil, formée le 5 juin
1833, est dissoute h partir du '24 juin 1844. V. Mangin reste
propriétaire du National de l'Ouest el du litre de Vlmpri-
merie du Commerce. Il s'installe rue Neuve-des-Gapucins,
10 et quai Fosse, 25. W. Busseuil a en partage le Lloyd
nantais et le prix légal des courtiers. Il conserve les
bureaux et le matériel de l'imprimerie de l'ancienne société,
rue Sanleuil, 8.
Cette dissolution donne naissance à deux nouvelles feuilles
périodiques. W. Busseuil transforme le Lloyd en un journal
politique et commercial, le Courrier de Nantes, qui paraît
88
le 15 iioûl, et dont la ligne polilique est celle du centre
gauche. — Le Phare de la Loire est fondé par V. Mangin.
Ce jourijal ne doit contenir aucun article politique. Il
s'occupera exclusivement des questions commerciales et
maritimes, et porte comme sous-titre : Bulletin commercial
et maritime de la petite bourse de Nantes. Il doit, en
effet, paraître pour l'heure de la bourse du matin. Le [)remier
numéro est mis en vente le 26 août.
Le docteur Perrussel publie ï Observateur homéopathe,
revue hebdomadaire.
Le National de l'Ouest publie une série iParlicles sous
ce titre: Richesses matérielles du Clergé. Il passe en revue,
canton par canton, tous les établissemenls religieux de la
ville : églises, chapelles, couvents, écoles et maisons d'édu-
cation ; il en compte 4"i et en porte l'estimation à environ
douze milHons.
Le dernier article : Considérations générales, attire
l'attention du Parquet, qui y relève trois délits : insultes à la
religion catholique, excitation à la haine des citoyens les uns
contre les autres, atteinte à la paix publiijue. V»"^ iMangin
est assigné à comparaître devant les assises de décembre.
Le procureur général Plougoulm vient soutenir l'accusation.
Ev. Golombel défend le journal. Le Jury prononce son
acquittement.
Le journal VHermine s'en tire moins bien. Il comparaît
aux mêmes assises. Six chefs d'accusation sont relevés contre
lui : excitation des citoyens à s'armer contre l'autorité
royale, excitation à la haine du Gouvernement, adhésion à
une autre forme de Gouvernement, attaque contre le respect
dû aux lois ; attaque contre les droits que le Koi tient de la
nation, attaque contre l'autorité constitutionnelle du Hoi.
89
Comme Bcrryer, le défenseur du journal, est retenu à
Poitiers, une remise de l'affaire est demandée. La Cour
passe outre. Le journal fait défaut et il est condamné
à 3 mois de prison et 3,000 fr. d'amende. Le défaut
est relevé au cours de la session. Malgré une brillante plai-
doirie de Berryer, le Jury se prononce pour les trois premiers
chefs d'accusation. Le gérant est condamné à 3 mois de
prison et 1,000 fr. d'amende.
La Loire historique, de Touchard-Lafosse, ainsi que
L'Histoire de la ville et du comté de Nantes, par Travers,
arrivent au terme de leur publication.
AGRICULTURE, COMMERCE, INDUSTRIE.
Le Comice agricole fait procéder, dans rétablissement de
roulage de Mazier- Verrier, rue Mercœur, à l'essai d'un
rouleau, dit hérisson, pour le hallage des grains.
— Le Préfet, dans son rapport au Conseil général, signale
l'existence de H Comices agricoles.
— Le Comice central tient, le 5 septembre, son concours
annuel sur la route de Vannes, près l'avenue de Carcouet.
Le Préfet, le Maire y assistent. La musique du régiment
prête son concours.
Un Comice est fondé à Machecoul. — Le concours de
Nozay-Derval se termine par des courses au galop, au trot,
en tilbury, avec sauts de barrières, puis par un banquet, un
bal, une loterie pour les pauvres. — Au concours du Comice
de Guémené-Blain, il y a banquet, bal, chasse au loup. —
Le concours du Comice de Carquefou est tenu à Sainte-Luce.
— Le concours du 6» canton de Nantes est présidé par
Hervouet, juge de paix du canton.
Blé: oscille entre -il et 19 fr. avant la récolle. A ce
7
90
inomeiil jusqu'à la fin de Tannée, il varie entre 18 el 19 l'r.
~ Le seigle débute à 14 fr. 70 c; il baisse, arrive en
octobre à 11 fr. 85 c, pour se relever ensuite et atteindre
13 fr. 50 c. — L'orge est en baisse continue, elle tombe de
13 fr. à 10 fr. - Le blé noir débute à 9 fr. 70 c. el finit
à 7 fr. 65 c, ayant eu comme maximum 12 fr. 05 c. en
juin. — Le maïs atteint \1 fr. en juin et finit comme il a
commencé, au prix de 9 fr. 75 c. — L'avoine présente un
maximum de 9 fr. 50 c. en avril ; elle commence h 8 fr. 50 c.
et finit à 8 fr.
Pain blanc : en janvier, 0 fr. 40 c; en mai, 0 fr. 41-25
(maximum) ; en décembre, 0 fr. 375 le kilo. — Pain bate-
lier aux mêmes époques : 0 fr. 80 c, 0 fr. 3125 (maxi-
mum), (' fr. 275 c. — Pain méleil: 0 fr. 225, 0 fr. 2375
(maximum), 0 fr. 20 c.
Vins : muscadets : 48 à 45 fr. ; gros-plants : 25 à 22 fr.
Les fabricants de conserves sont vivement impressionnés
par un jugement du Tribunal du Havre. Ce Tribunal, en
vertu de la loi sur la chasse, condamne des détenteurs de
conserves de gibier fabriquées par une maison de Nantes.
La Cour de Rouen réforme ce jugement. Le Procureur
général se pourvoit en cassation. Il n'obtient pas gain de
cause. La Chambre de Commerce porte ces faits à la con-
naissance du Ministre et montre tout le préjudice que cette
application abusive de la loi sur la chasse peut causer à
notre industrie des conserves.
Les négociants nantais avaient pris, de temps immémo-
rial, l'habitude de tenir tous k^s malins une petite bourse
sur la Fosse, vis-à-vis l'hôtel de la Douane. Ils entravaient
91
ainsi la circulation ei tous les efforts tentés par les sergents
de ville pour les empêcher de stationner étaient restés
inutiles. La police veut avoir le dernier mot. Un commis-
saire, un beau jour, se présente et, sur le refus de circuler
qui lui est opposé, procède à une quarantaine d'arrestations.
Le Maire, de son côté, prend un arrêté interdisant tout
stationnement en cet endroit.
Le Gouvernement anglais avait formé opposition au juge-
ment du Tribunal de Gayenne qui condamnait le capitaine
de la corvette La Rose à une indemnité envers l'armateur
du Marabout. Il paraît consentir à s'exécuter. Un navire
amène à Cayenne des jurisconsultes anglais pour terminer
l'affaire.
L'introduction des bouilles anglaises augmente dans de
grandes proportions. De 1,100 tonnes en 1834, elle est
montée à plus de 36,000 tonnes en 1841 et 43,000 en 184'2.
La situation est très lourde pour les industries nantaises,
surtout depuis qu'un droit, à la sortie d'Angleterre, de
2 fr. 60 c. par tonne est venu s'ajouter au droit de 5 fr. 50 c.
perçu par la douane française. La Commission nantaise des
houilles, pour la huitième fois depuis neuf ans, adresse une
nouvelle pétition pour obtenir une réduction du droit de
douane.
Harmange continue ses importations de guano. Gel engrais
commence à devenir un élément important de trafic, et une
ordonnance du 3 septembre le frappe d'un droit d'entrée de
0 fr. 10 par navire français et ^ fr- par navire étranger. On
en trouve le placement au prix de '25 fr. les 100 kilos. Le
Conseil général invite le Gouvernement à prendre des rensei-
gnements sur la véritable valeur de cet engrais, le premier
qui soit tiré des pays d'outre-mer.
9^
Duflos el Serpelle, originaires d'Amiens, monlenl, rue de
i'Enlrepôl, une savonnerie. — Lolz aîné transporte ses
ateliers de mécanique de la rue Deshoulières à la prairie
au. Duc — Sainl-Omer et Barré quittent leur raffinerie de
Ricliebourg pour venir travailler dans l'ancienne raffinerie
Rissel rue de la Brasserie. Ils forment une société au capital
de 1,^200,000 fr. par actions de 5,000 fr. — L'industrie
du raffinage compte huit établissements produisant 10,000
tonnes de sucre raffiné et occupant 350 à 380 ouvriers. —
Trumelle el Kocli monlenl, sur la prairie au Duc, un fourneau
Wilkinson et un four à coke. — Gâche continue à recevoir
de nombreuses commandes, il étudie un ch(;valeur à vapeur
pour améliorer les passes de la haute Loire. Il obtient
l'entrée en franchise de ses machines sur le territoire
autrichien.
~ La société F'*^ Bertrand, Gh.-G. Philippe el Canaud
(conserves alimentaires) se dissout par suite de la retraite
de Bertrand. La société se reforme sous la raison Gh.-G.
Philippe el Canaud au capital de 200,000 fr. dont 66,000 fr.
fournis par un commanditaire.
— La société Millet el Romienel (conserves alimentaires)
se transforme en la société Rondenet et Bonnefin, capital
200,000 fr.
Les Inexplosibles ont des départs journaliers pour Angers,
Saumur, Châlelleraull , Tours, Blois, Orléans, Nevers,
Moulins, Digoin. — Les paquebots de la Loire remontent
de Nantes à Orléans en 40 heures. Us établissent une corres-
pondance avec Vlnexplosible de Ghâlelleraull, et transporlenl
à Nantes les voyageurs de cette ville dans la journée —
L'entreprise de remorquage Morel et G*' correspond avec la
(jompagnie des transports accélérés d'Orléans {\ Roanne
el à Lyon.
Le service sur Bordeauï est assuré par six départs par
98
mois. Lu traversée ne demande que 24 heures. — Un
nouveau bateau, La Reine, dessein Belle-Ile, Lorient, Brest.
Il met 19 heures pour aller i\ Brest, soit 13 heures de moins
que le courrier de terre. Ce service a pour objet l'approvi-
sionnement des côtes de Bretagne en denrées coloniales
importées par nos négociants, et concurrencer les bateaux
du Havre qui se livrent au même commerce.
MONUMENTS ET VOIRIE.
L'enquête relative h la construction du palais de justice,
de la gendarmerie et des prisons à la tenue Rruneau ne
donne lieu à aucune réclamation sérieuse. Le sous-sol est
reconnu offrir toutes les garanties. Le Conseil des bâtiments
civils approuve les plans. Les Chambres votent l'emprunt de
la somme demandée pour la construction.
Rien n'est encore décidé au sujet de l'emplacement pour la
construction de l'Hôtel-Dieu. Le Conseil municipal, sur la
proposition de la Commission spéciale, repousse l'emplace-
ment de la rue de la Bastille, celui de la prairie de la Made-
leine, et se prononce pour la prairie au Duc.
Le chœur de Saint-Nicolas se construit. L'architecte
Lassus reconnaît la nécessité d'augmenter l'épaisseur des
murs et, par là même, d'empiéter sur le sol des rues laté-
rales. Le Conseil municipal donne son approbation à ces
modifications du plan primitif. La pose de la première pierre
a lieu le 1" août. Une médaille comraémorative en bronze
est frappée à celte occasion. Les terres provenant des exca-
vations pour aplanir le sol sont employées à la plantation
des arbres du quai de Richebourg.
Seheull et Chenantais sont chargés de la reconstruction
94
de l'église de Notre-Daine-de-Bon-Porl. Leur plan reçoit
l'approbation du Conseil municipal.
M8' de Hercé propose au Préfet la création d'une succur-
sale dans le quartier de l'Hermitage, dont la population est
desservie par le clergé de Chanlenay. Le Préfet transmet au
Conseil municipal le plan de l'église et le tracé des rues qui
doivent y aboutir. Ce projet, conçu par Seheult et Chenan-
lais, reçoit l'approbation du Conseil, mais sous la condition
que la ville n'entrera dans aucuns frais, et que les voies
publiques figurant au projet lui seront livrées conformément
au plan de nivellement dressé par l'architecte voyer.
Les travaux de la Cathédrale avancent. L'édification du
bras nord de la croix se poursuit conformément au plan de
1838, et l'on se dispose à construire un mur de 2 mètres
d'épaisseur qui doit terminer le chœur roman. Malgré les
efforts de Seheult qui, se basant sur les vestiges d'anciennes
fondations, avait démontré que l'édifice avait été conçu sur
un plan beaucoup plus grandiose, le Ministère, par raison
d'économie, s'était arrêté à celte solution. Ms' de Hercé, à la
pensée que la construction de cette épaisse muraille rendra
impossible tout agrandissement ultérieur et condamnera
le monument à rester indéfiniment inachevé, veut tout tenter
pour empêcher l'exécution du plan arrêté. Le pair de France
Maurice Duval, ancien préfet, et Bignon multiplient leurs
démarches et obtiennent que le plan adopté soit annulé. Le
Ministre donne des instructions pour qu'un projet soit établi
d'après les indications autrcihent grandioses du [)lan ancien,
et un devis en est dressé le 30 juin.
Le dimanche ^25 février. M»' de Hercé bénit l'église de
95
Sainl-Félix et installe comme curé l'abbé Bruneau, vicaire
de Saint-Similien.
L'église de la Madeleine est inaugurée le 10 mars. Le
quartier est en ce moment couvert par les inondations.
Le Conseil municipal ne peut arriver à s'entendre avec le
Ministre de la Guerre au sujet de la construction de la
caserne de cavalerie et finit par refuser toute participation.
Il estime que le Gouvernement ne peut se dispenser de mettre
une garnison de cavalerie a Nantes, et espère qu'il prendra à
sa charge toute la dépense.
La Commission du monument Cambronne est à la recher-
che d'un emplacement convenable. Après avoir pensé succes-
sivement à la place Royale, à la place Graslin, à la place
Launay, elle se décide pour le cours Henri IV, mais à la
condition que les arbres soient abattus et que la promenade
soit l'objet de quelque embellissement.
L'ouverture de la rue Descartes est résolue. — Six rues
nouvelles sont tracées dans la prairie au Duc. — Une maison
se construit rue du Calvaire sur l'emplacement de Riquiqm.
— La petite rue de Launay est élargie à 10 mètres. — La
rue Daubenton est prolongée jusqu'aux rues Rollin et Fulton.
— Le quai de la Maison-Rouge se termine. — L'ouverture
d'une avenue entre les routes de Vannes et de Rennes, ii
travers la Sauzinière, est décidée.
Les dragages opérés dans la Loire maritime ont donne
des résultats sérieux. Le rapport de l'Ingénieur en chef au
Conseil général constate que la Loire présente jusqu'à
Nantes aux marées de vives eaux un tirant d'eau de 4 mètres.
96
La situation n'est pas aussi satisfaisante pour la partie du
fleuve en amont de la ville. Il n'y a au-dessus de Nantes
que O^iBO de profondeur, et, pour obtenir 0^,80 entre Nantes
et l'embouchure de la Maine, il a fallu de grands efforts. Les
dragages à bras d'iiomme qui y ont été pratiqués sont
regardés comme absolument insuffisants, et l'Administration
étudie pour cette section l'emploi de moyens mécaniques.
La Chambre de Commerce adresse ses plaintes au sujet
des droits de péage du canal de Nantes à Brest. Ces droits,
bien qu'ils ne soient pas portés au maximum autorisé par la
concession, sont encore trop lourds. Ils entrent pour un tiers
et même pour moitié dans la totalité des frais de transport.
La Chambre demande le rachat des canaux par l'Etat.
CONCERTS, GRAND-THÉATRE.
En mars : J. Concone, maître de chapelle du roi de
Sardaigne, concert historique, musique du XVI», XVII« et
XVIII» siècle, et musique moderne. — En août : Emile Prudent,
pianiste, et M™» Sabatier. Septembre : dans les salons Lété,
M'^*' J. Martin. — Octobre : Hurteaux.
Grand- Le directeur Vautrin fait connaître plusieurs œuvres
Théâtre, nouvelles. Le Stabat mater, de Rossini ; les Martyrs, de
Donizetti ; Lucrèce, de Ponsard.
La campagne est terminée le 30 avril et la salle est livrée aux
ouvriers pour y pratiquer des aménagements nouveaux. Le
nombre des places est augmenté aux premières, aux secondes
et aux troisièmes ; la salle est en même temps l'objet de
quelques restaurations et embellissements. La subvention est
réduite a 10,000 fr. pour les six mois (de novembre 'a avril)
dont se composera la campagne 1844-1845. On trouve
difficilement un directeur et, au dernier moment, la ville
met la main sur Tilly, ancien artiste de l'Opéra-Comique.
97
Celle campagne est marquée par une innovalion. L'Admi-
nislration, jusqu'à ce jour, s'inspiranl de l'accueil fail aux
arlisles, lors de leurs débuis, par le public, prononçait sur
leur admission ou sur le rejet. Elle renonce à celle proroga-
tion et décide que, dorénavant, le sort • des arlisles sera
réglé par un vole des abonnés et de quarante speclaleurs
du parterre « qui, toujours, dit l'arrêté, a été considéré
» comme le juge naturel des acteurs ». Le public, par
contre, ne peut, au cours des débuis, se livrer à aucune
marque d'approbation ou de désapprobalion. Ces dispositions
nouvelles ne soulèvent aucun incident.
Le théâtre des Variétés ouvre ses portes pendant le
chômage du Grand-Théâlre. Dejazet vient s'y faire applaudir
à deux reprises, du ^25 juillet au 19 août, puis du 20 septembre
au 7 novembre.
La troupe équestre Franconi frères el Bastien donne des
représenlations dans une case sur la place Bretagne.
Un petit théâtre s'installe dans la galerie basse du passage
Pommeraye.
Année 1845.
Rixe enire compagnons et ouvriers. — Le chemin de fer. — L'emplacement de la
gare. — Le bassin de Samt-Nazaire. —i Congrès de l'Association bretonne. —
Fondation de la Sociélé archéologique. — Garde nationale. — Divers. — Services
publics. — Enseigiiemtnt. — l'ublications. — Agriculture. — Commerce et indus-
trie.— Bateaux à vapeur. — Monuments et voirie. — Concerts, Bals, Théâtre.
RIXE ENTRE COMPAGNONS ET OUVRIERS.
Les compagnons et ouvriers en venaient fréquemment aux
mains pour les motifs les plus futiles.
La fêle de Saint -Honoré, que les compagnons boulangers
célèbrent pour la première fois, est signalée par une véritable
bataille. Les compagnons boulangers se rendent à la Cathé-
drale, précédés par une escouade de sergents de ville. Ils ne
portent aucun insigne, conformément aux instructions -du
Maire, mais ils ont des cannes. Dans la Haute-Grande-Rue,
ils sont insultés par des ouvriers des autres corporations qui
leur crient : A bas les cannes ! Des invectives on en vient
aux coups, et une mêlée générale s'engage. Les sergents de
ville sont impuissants à rétablir l'ordre. Les boutiques se
ferment. C'est une panique générale. L'intervenlion des
gendarmes et d'un piquet de ligne met tîn à la bataille. Il
est procédé k 27 arrestations. 18 ouvriers ou compagnons
passent en police correctionnelle ; ils sont tous condamnés ^
l'amende et ^ une peine de un ^ quatre mois de prison. Des
mesures militaires son! [irises en vue d'empêcher, le jour du
jugement, tout mouvement populaire. Le Maire prend un
arrêté sévère interdisant toute manifestation compagnonnique
sur la voie publique.
99
LE CHEMIN DE FER.
La loi rendue en 1844 n'avail que décidé le principe el
arrêté le (racé de la ligne de Tours à Nantes.
Une nouvelle loi, en date du 20 juillet 1845, vient achever
l'œuvre et détermine les conditions de la concession.
Neuf sociétés se forment successivement en vue de
soumissionner. Elles ne tardent pas h fusionner, et, au jour
de l'adjudication, 'le 25 novembre, deux Compagnies sont
seulement en présence : la compagnie Mackensie el la
compagnie des Maîtres de Poste.
Le rabais des soumissions devait porter sur une réduction
de durée de l'exploitation. Cette durée était fixée à 35 ans.
La compagnie Mackensie propose un rabais de 350 jours.
L'autre compagnieijs'en tient au terme de 35 ans.
La compagnie Mackensie est déclarée adjudicataire. Elle
compte parmi ses administrateurs Maës et de Lancaslel.
Une ordonnance royale du 28 novembre homologue les
résultats de l'adjudication.
L'EMPLACEMENT DE LA GARE.
L'enquête relative au choix de l'emplacement de la gare
est ouverte le 28 août.
Trois emplacements sont proposés : l'Entrepôt, la prairie
au Duc, la prairie de Mauves.
Dans le projet de VEntrepôt, la ligne, arrivée au Blotte-
reau, se dirige vers le nord, traverse la route de Paris, puis
franchit l'Erdre sur un pont de neuf arches. Au chemin du
(h'oisic, elle passe dans un tunel de 660 mètres de longueur,
lequel se dirige vers l'ouest et débouche au Douet-Garnier.
La ligne, à cet endroit, s'infléchit vers le sud et atteint la
Fosse a la maison Chaurand, aux environs de laquelle la
100
gare doit être conslniile. Le devis des dépenses s'élève à
6,550,000 fr.
Le projet de la prairie au Duc présente le tracé suivant:
La ligne quitte la prairie de Mauves pour franchir la Loire à
l'île Beaulieu, snr un pont de 290 mètres de longueur,
coupe la chaussée des Ponts à la boire de Toussaint et se
termine à la prairie au Duc. La gare doit être construite en
face de la rue de Flandres, à proximité des docks et bassins
projetés. Les dépenses sont évaluées à 6,360,000 fr.
Le projet de la gare à la prairie de Mauves offre une
grande économie. Il ne coûterait que 3,090,000 fr.
La population est très hésitante ; toutefois, le projet de
VEntrepôt est le moins en faveur. La presse prend position.
Le Breton donne ses préférences à la prairie de Mauves.
Le Courrier de Nantes se prononce pour la prairie au
Duc. Le National de l'Ouest, par la plume de Guépin,
propose, comme quatrième solution, l'emplacement de
VHôtel-DieUj dont la reconstruction semble devoir, pour le
moment, s'exécuter sur un autre point de la ville.
Les Angevins interviennent dans le débat et écartent le
projet de VEntrepôt.
Le Conseil général, dans sa séance du l^"" septembre,
adopte, c» une grande majorité, le projet de la prairie de
Mauves, mais sous la condition que la gare soit mise en
relations avec le pori, soit à la Fosse par l'addition de rails
noyés dans le pavé, soit à la prairie au Duc par un prolon-
gement de la ligne.
La Chambre de Commerce consacre plusieurs longues
séances à l'élude de la question. Le 4 octobre, elle prend
une résolution. La gare k la prairie de Mauves est votée par
8 voix contre 5. Ces dernières se décomposent ainsi :
3, pour la prairie au Duc; 1, pour l'Entrepôt; 1, pour
l'Hôtel-Dieu.
101
Le Conseil municipal, dans sa séance du 30 octobre, après
de laborieux débals, fixe son choix. Les trois projets sont
successivement mis aux voix. VEntrepôt est rejeté h l'una-
nimité. La prairie au Duc est repoussée par i^l voix contre
3. La prairie de Mauves est adoptée par 2^2 voix contre 3,
mais à la condition expresse qu'une voie ferrée, à traction
de chevaux, destinée à desservir les quais de la Fosse, fasse
partie intégrante du projet.
C'est également la prairie de Mauves qui est demandée
par la presque totalité des dépositions reçues à l'enquête.
La prairie au Duc ne recueille que quelques suffrages.
Personne ne demande la gare' à VEntrepôt. La grande
faveur, dont la prairie de Mauves est l'objet, s'explique faci-
lement. Les propriétaires n'ont pas à craindre une dépré-
ciation de leurs immeubles, dépréciation qui se produirait
forcément avec la gare, soit à l'Entrepôt, soit à la prairie au
Duc, par suite de l'activité que prendraient ces quartiers
neufs. Puis, avec la gare à la prairie de Mauves, le prolon-
gement de la ligne jusqu'à Saint-Nazaire n'est pas 'à craindre,
car on sait pertinemment que le Ministre, s'il autorise sur
la Fosse des voies ferrées à traction de chevaux, est abso-
lument opposé à l'emploi des locomotives pour ce trajet.
BASSIN DE SAINT-NAZAIRE.
La création d'un bassin à flot à Saint-Nazaire fait partie
du programme des travaux publics dont le Gouvernement
a décidé l'exécution.
Les Nantais ne peuvent songer à empêcher la réalisation
de ce projet, qu'ils regardent comme leur portant un grave
préjudice, mais ils tentent d'en atténuer l'importance. Une
pétition est adressée au Ministre des Travaux publics. Elle
demande que le bassin à flot de Saint-Nazaire ne constitue
qu'un port militaire et de refuge, et serve d'entrée h un
102
canal luariliiiie qui peraieltrail aux navires de l'orl tonnage
de monter jusqu'à Nantes. Elle proteste également contre
tout établissement à Saint-Nazaire d'entrepôts et de magasins.
Celte pétition ne trouve pas une approbation générale. Le
Courrier de Nantes et le Breton la combattent. Le National
de l'Ouest, au contraire, plaide en sa faveur. La question
est l'objet de nombreux et vifs débals, et les articles publiés
par les trois journaux sont réunis en brochures et distribués
en ville.
Les Chambres, en fin de session, volent un crédit de
5 millions pour la construction du bassin.
CONGRÈS DE L'ASSOCIATION BRETONNE.
L'Association bretonne lient, à Nantes, du "2 au 9 août,
son ïJ« Congrès annuel. La ville participe aux dépenses pour
une somme de 3,000 fr.
La grande salle de la mairie est mise a la disposition de
l'Association pour y tenir ses réunions. Plusieurs questions
importantes sont traitées par les congressistes : enseignement
agricole, moyens de s'opposer au développement de l'alcoo-
lisme en Bretagne , urgence d'obtenir une réduction de
l'impôt sur le sel, organisation de banques agricoles, etc.
Une fête florale est organisée sur la promenade de la
Bourse par la Société d'horticulture. Les plantes d'origine
asiatique, importées par le capitaine • Harmange, sont très
remarquées.
Une exposition d'instruments et produits agricoles est
ouverte à la Halle aux blés du 5 au 10 août.
Le Comice central procède, sur la prairie de Mauves, à
un concours de labourage auquel 18 concurrents prennent
part, et aussi à un concours de bestiaux.
La distribution des prix a lieu avec une grande solennité-
dans la salle de la mairie, sous la présidence de la
108
Haye-Joiisselin, député, assisté du diHégué du Minisire de
l'agriculture, du directeur de l'Association normande, du
délégué du Congrès central d'agriculture de Paris.
Les congressistes se donnent rendez-vous pour 1846 à
Quimper.
FONDATION DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE.
La tenue, dans notre ville, du Congrès de l'Associalion
bretonne lui vaut une nouvelle institution.
Le samedi 9 août, M. le C*» Aymar de Blois, président
de la classe d'archéologie du Congrès, réunit, dans une salle
de la préfecture, quelques-uns de nos compatriotes, et jette
les bases d'une section d'archéologie départementale pour
Nantes et la Loire-Inférieure.
Des statuts sont adoptés. Ils sont calqués sur ceux des
sections de Vannes et de Rennes (>). Le 19 novembre, la
société naissante tient sa première séance. Le bureau est
ainsi composé : président, Tii. Nau, architecte ; président
d'honneur, Bizeul ; secrétaire, G. Démangeât ; secrétaire-
adjoint, l'abbé Rousteau ; trésorier, Huetle aîné.
GARDE NATIONALE.
L'artillerie de la garde nationale est l'objet d'un rapport
des plus flatteurs de la part du colonel Ghenin, inspecteur
du matériel. « Ce corps, dit-il, est très beau, sa tenue est
» des plus belles et aussi régulière que brillante. » H met
l'artillerie de Nantes au premier rang, avec celles de Rouen
et de Gaen, et expose au Ministre que l'importance de son
effectif demande une augmentation de son matériel, lequel
se borne à 6 pièces de canon.
(1) Ce l'ut s<julement en 1855 que la Société ful une vie autonome et prit le titre
de Société d'archéologie de \antes et de la Loire- Inférieure,
104
Des mesures sont prises pour procéder à de nouvelles
incorporalions dans la garde nationale. L'effectif porté sur
les contrôles compte 4,161 hommes, répartis comme suit :
sapeurs porte-liaches, 11 hommes; musique, 54; artillerie,
4 compagnies, ^297 ; pompiers, 5 compagnies, -284 ; marins,
2 compagnies, 110 ; infanterie, 4 bataillons, 3, S25 ; cava-
lerie, 1 13. Il est procédé à un recensement, et 8 à 900 hommes
fournissent un nouveau contingent.
Ghenantais, architecte, est nommé commandant des
pompiers.
DIVERS.
Une première crècbe est fondée dans la rue Sarrazin.
Elle est ouverte le 15 janvier et aménagée pour recevoir
20 enfants. Cette utile création est due presque entièrement
à l'initiative et à la générosité de la famille Gherot.
La dernière journée des courses, le 10 août, se termine
d'une façon bien triste.
Les chevaux entraient en lice pour la première course de
barrières, lorsque soudain une tribune, construite par un
particulier, s'effondre, entraînant dans sa chute les trop
nombreux spectateurs qui s'entassaient sur ses bancs. La
course est arrêtée, et chacun se précipite pour porter secours
aux victimes. Une centaine de personnes sont blessées ou
contusionnées. Deux meurent des suites de leurs blessures.
Une souscription est immédiatement ouverte ; elle produit
une somme de 3,000 fr.
Le Procureur assigne en police correctionnelle l'architecte
voyer, l'agent voyer et le maître charpentier qui a construit
la tribune. Us sont acquittés. Le Ministère public porte la
cause en appel devant la Cour. Celle-ci maintient l'acquit-
tement.
105
Une épidémie de fièvre typhoïde sévit, avec une grande
violence, au Grand-Séminaire. Dans l'espace de 4 à 5 jours,
une quarantaine d'élèves sont atteints et cinq succombent.
Le séminaire est évacué ; les jeunes gens sont envoyés dans
leurs familles. On procède à l'incinération des paillasses et
objets de literie.
La filature Bertin, place du Martray, l'une des plus impor-
tantes de notre ville, devient, dans la matinée du 10 décembre,
la proie des flammes. Le feu ne peut être éteint qu'h midi.
Gel incendie met en cliômage les 140 ouvriers de la fabrique
et 160 autres travaillant chez eux à la pièce ou à façon.
La population ayant pu, vu l'heure de la journée, se rendre
compte de l'insuffisance du service de secours, réclame
l'organisalion d'un corps de pompiers salariés.
Une société, dite Société française de l'Océanie, avait
été fondée au Havre. Celte société a un double but : un but
religieux (transport des missionnaires dans les îles de l'Océa-
nie, îles Marquises, Tahiti, leur rapatriement, la mise en
relations des missions entre elles), et également un but
commercial. Un comité de surveillance existe a Paris. Des
comités de propagande fonctionnent dans les grands centres,
Lyon, Lille, Amiens, etc. Celui de Nantes compte dans son
sein : G'« 0. de Sesmaisons, président; Lallié, vice-président ;
Hippolyle Haranchipy, Thibeaud, D. M., A. Baron, Métois,
Gabriel Benoist, Ch. H. de Buron, du Boisguehenneuc,
trésorier.
Un premier navire, L'Arche d'alliance, est construit à
Nantes. La bénédiction en a lieu le 30 août. Elle est très
solennelle. M?"" de Hercé préside la cérémonie et prononce
un discours. Les élèves de l'école de musique religieuse,
récemment fondée par Simon, maître de chapelle à la
s
106
Calliédrakî, groupés sur le gaillard d'arrière, clianlenl en
choeur plusieurs morceaux appropriés à la circonstance.
L'Arche d'uUiance est coiuaiandée par le lieulenanl de
vaisseau Marceau, neveu du général des guerres de la
Révolulion.
SERVICES PUBLICS.
Une ordonnance royale du 21 mai, accorde, à la Société
Industrielle, la reconnaissance d'élablissemenl d'ulililé
publique.
Nos députés Bignon et Billault sont toujours en possession
de la confiance de leurs collègues. Bignon est nommé pre-
mier vice-président de la Cliambre pour la session 1843-1846.
11 ne manque à Billault, comme en 184i, qu'un petit nombre
de voix pour être porté au siège de 4« vice-président.
Le Conseil général et le (lonseil d'arrondissement sont,
conformément à la loi, renouvelés dans le courant de
décembre.
Olivier de Sesmaisons est élu conseiller général du
-i« canton par 37 voix. Le conseiller sortant, Le Saot, n'en
recueille (jue 30. Les inscrits étaient au nombre de 168.
De Sesmaisons doit son succès à l'appoint de quelques voix
républicaines.
Bignon est réélu au 5^ canton par 139 voix.
Sont nommés au Conseil d'arrondissement : pour le
l" canton, Gicquel aîné, réélu par SS voix sur 40 votants ;
— pour le i^, Crespel de la Touche ; — pour le 6% Ev.
Colombel.
Chambre
de
Un règlement est arrôté pour le remorquage par les
Commerce, baicaux Reine et Bretagne. — La Chambre, laute de
107
ressources suffisantes, se voit dans la nécessité de demander
une prorogation de terme pour le payement des Salorges.
— Les magasinages lui rapportent environ 60,000 fr. —
Une subvention de 300 fr., demandée par le Veritas, est
refusée. ~ La Commission de l'école des mousses fixe h 50
le nombre des élèves qu'elle pourra recevoir. La gabare
La Louise, primitivement offerte par l'Etat, est regardée
comme ne permettant pas un aménagement convenable, et la
bombarde r Eclair est proposée.
— Le Gouvernement forme le projet d'envoyer un navire
de guerre explorer la côte orientale de l'Afrique, depuis la
baie de Lagoa jusqu'au cap Guardafui, la côte occidentale
de Madagascar et aussi les iles Mayolle , Nossi-Bé. Il
demande à la Chambre de lui présenter un capitaine ou un
négociant de la place pour être adjoint à l'expédition, en
vue de prendre des renseignements utiles au commerce. Le
capitaine Loarer, à la suite d'un concours, est désigné au
Minisire qui l'agrée en qualité de délégué commercial de la
mission d'exploration. Sur la demande du Gouvernement,
des échantillons de produits nationaux sont réclamés aux
manufacturiers de Nantes et de la région pour être confiés
à la mission.
— A. -IL Bonamy est nommé délégué au Conseil général
du commerce en remplacement de Garnier-Haranchipy. —
Un nouveau rapport de la #Chambre, sur Madagascar, est
envoyé au Ministre. — Sur la demande de nos délégués
Lancaslel et A. -H. Bonamy, le Conseil général du commerce
étudie la question de la colonisation de Madagascar.
Une première élection, qui a lieu le i""" octobre, pour le
renouvellement annuel, n'est pas sanctionnée par le Ministre.
A la suite d'un deuxième scrutin, qui est ouvert le 10
décembre, sont nommés pour trois ans : J. Gouin, Aug.
Garnier, Th. Bossis, E.-G. Trenchevent, G. Chauvet; pour
108
Tribunal
de
Cuiuiuerce.
Caisse
J'épargne
Bureau
de
iiienraisance.
Hospices.
liudgel
municipal.
deux ans : J.-S. Voruz, en remplacement de P.-B, Goullin,
démissionnaire. L'insiallation des nouveaux membres est
reportée à l'année 1846.
Sont nommés : président : Aug. Garnier ; juges titulaires :
J. llûux, ancien juge ; Y. Berlhault et E. Toché, juges sup-
pléants sortants. Ces deux derniers sont remplacés par Fréd.
Bralieix et J.-B. Ghalot.
Les bureaux sont transférés de riiôlei de la Bourse, où ils
étaient installés depuis la fondation, en 18^21, dans l'im-
meuble municipal de la rue du Moulin. — H. Lagarde esl
nommé directeur. — Montant des versements: 1.40c},584 fr.;
des remboursements: 1,881,575 fr. Le solde dû aux dépo-
sants tombe à 6,578,007 fr.
L'augmentation anormale des remboursements et la dimi-
nulion du solde sont occasionnées par l'application de la loi
du 24 juin 1845, qui abaisse à 1,500 fr. le maximum des
versements et à -2,000 fr. celui de la capitalisation au
moyen des intérêts. Par contre, les achats de rente qui,
depuis 1833, avaient complètement cessé, recommencent à
être pratiqués, et les renies acquises en 1845 par les dépo-
sants s'élèvent à 11,568 fr.
Un secours de 2,000 fr. est envoyé par le Ministre de
l'intérieur. — Deux bals par souscription donnent une
recette nette de 7,590 fr. — Les recettes s'élèvent à
115,884 fr., les dépenses à i09,515 fr. — Quatre dames
de charité donnent leur démission, lilles sont remplacées
par des sœurs, au grand regret des administrateurs, qui
auraient préféré des dames laïques mais qui n'avaient pu en
trouver.
P.-J. Litou est appelé à remplacer J.-G. Pinard comme
administrateur.
Les prévisions budgétaires pour 1845 sont fixées à
1,595,247 fr. 18 c. pour les receltes et à 1,595,179 fr. 12 c.
109
pour les dépenses, avec un excédent de 68 fr. 06 c. — Les
recettes brutes de l'octroi sont en voie de progrès ; elles
montent à 1,174,39{< fr. 76 c
15 février : concessions dans les cimetières, tarifs.
8 septembre : convois funèbres et police des inhumations.
23 septembre et '26 décembre : mesurage, cubage, pesage
et jaugeage. Tarif et nombre des titulaires: grains: 21 me-
sureurs ; houille, noir, engrais : 22 ; chaux, charrée, pou-
drelle: 8 ; bois de chauffage et charbon de bois: 6; bois de
menuiserie: 4; liquides: 4; sels : 48.
Mathurin Chéguillautne, l" adjoint, est nommé chevalier
de la Légion d'Honneur.
Le colonel baron de Bréa, colonel d'état-major de la
12« division militaire, est promu maréchal de camp et
nommé au commandement du département de la Loiie-
Inférieure.
ENSEIGNEMENT.
— Le Collège royal de Nantes est élevé à la 1'** classe.
— L'école primaire supérieure, la première en date pour
toute la France, continue à tenir le premier rang des
établissements du même genre.
— Les adjoints Vallet et Brousset assistent, k l'hôtel
Rosinadec, à la distribution des prix des écoles d'adultes
des frères.
— On signe, à la librairie Mazeau, une pétition à la Chambre
des Députés pour demander la liberté de l'enseignement.
— Un cours public et gratuit de chimie, subventionné par
le Conseil général, est professé par Audibert, ingénieur des
mines, dans une salle de la rue du Moulin. Il ouvre le 18
janvier, et a lieu deux fois par semaine.
uo
— Un cours de droit commercial et de notariat est ouvert
par Mousnier, sous le patronage de la Gliambre et du Tri-
bunal de Commerce. Les leçons sont données dans une salle
du Tribunal ; elles commencent le 10 novembre.
— Cours de linguistique par Tabbé Lalouche, d'Angers, et
cours d'histoire, de Wautier d'Halluin, à la mairie. Une
première séance publique et gratuite est donnée pour ces
deux cours en vue de l'exposition du programme.
— Une subvention de 300 fr. est accordée par le Conseil
général au docteur A. Libaudière pour un cours public et
gratuit d'anatomie et de physiologie comparée à l'usage des
gens du monde, auquel il consacre vingt séances et qui est
ouvert dans la salle de la mairie.
— Cours de botanique appliqué aux arts, à la médecine et
à l'agriculture, par le docteur Ecorchard. Ouvert le 30 avril,
il est donné, au Jardin des Plantes, trois fois par semaine, et
le dimanche sur la promenade de la Bourse.
— Le 28 juin, le cours d'économie rurale professé par
Neveu-Derolrie est inauguré en présence des autorités.
F. Favre ouvre la séance et remercie le préfet d'avoir
obtenu l'approbation ministérielle pour la création de celle
chaire, la quatrième qui existe en France. Ce cours est
donné tous les jeudis, d'abord à la mairie, puis à la rue
du Moulin. Sa réouverture, après les vacances, a lieu le
8 novembre.
— Le Conservatoire de musique, fondé par Bressler, prend
un rapide développement. Le 5 mai. Testé inaugure un
cours gratuit de solfège. Il est suivi par WO ouvriers. Il y
a, en outre, un cours payant à 5 fr. [lar mois. A la réou-
verture, le l" octobre, le progranmie de l'enseignement
comporte des cours gratuits et aussi des cours payants de
solfège, vocalisation, harmonie, orgue et piano d'accompa-
gnement, de flûte. Des professeurs de violon, violoncelle.
hautbois, clarinelle, cor, sont, en outre, attachés h Tëtà-:'
blissemenl. Les élèves, dans le cours de l'année, se font
entendre dans trois concerts.
- Une école gratuite de musique religieuse est fondée par
Félix Simon, maître de chapelle h la Cathédrale. On y
enseigne le chant choral, le piano- orgue, la contrebasse,
l'harmonie. Les cours ouvrent le 6 octobre. Un jury préside
k la réception des élèves. La création de cette école est due-
à un groupe de souscripteurs. Une commission nommée par
eux s'occupe de son administration. Elle compte (H\ son
sein : Général baron de Bréa, A. François, président des
Beaux- Arts ; J. de Bouteiller, G'« de Saint-P.ern, G'« de Novion,
Félix Simon. Deux concerts sont offerts par an aux sous-
cripteurs.
— Une société philharmonique, dite de Sainte-Cécile, est
organisée par Parigat, ancien chef de musique militaire.
PUBLICATIONS.
Neveu-Derotrie publie Le Commentaire sur les lois
rurales françaises. Le Ministre de l'Agriculture souscrit
pour cent exemplaires. Le Préfet invite les Maires à faire
voter par leur Conseil des fonds pour l'achat de cet ouvrage.
— La Slaiislique et Historique des communes de la
Loire-Inférieure, de Chevas, ^'ommence à paraître. — Le
baron de Wismes livre à ses souscripteurs son Album sur
la Vendée. — Petltpas, libraire, édite une feuille donnant la
liste des maisons à louer et à vendre. — Une publication
semblable est faite par Livenais. — Heures de loisir ,
Mes vrillons, recueil de poésies par Sécheresse, ouvrier
menuisier. — La Galerie armoricaine, de Charpentier
père, fils et C>
u'«.
Le Phare de la Loire, au bout d'une année d'existence,
lli
a un tirage de 272 exemplaires. Il avait débuté avec 49
abonnés. iPour se faire connaître, il crée des abonnements
au mois et à la semaine pour les voyageurs, les ouvriers. Il
donne un cinquième abonnement gratis pour quatre abonne-
ments ouvriers. Son sous-titre est Supplément commercial
du ISational de l'Ouest, du Breton et de l'Hermine. Il
accorde aux abonnés de ces deux dernières feuilles des
réductions sur le prix d'abonnement.
Le marquis de Regnon est, pour cause de santé, contraint
de suspendre la publication de son journal, La Liberté
comme en Belgique, qu'il continuait de faire paraître ë
Paris.
Le dépôt d'un crédit de 17 millions pour l'armement des
forts de Paris donne, au mouvement de protestation déjà
existant, une nouvelle excitation. Le National de l'Ouest
invite plus chaudement que jamais ses lecteurs à signer les
pétitions déposées dans ses bureaux.
— Ce journal, en outre, organise un pétitionnement deman-
dant une enquête sur la situation de la classe ouvrière. Une
liste de 6,400 signatures est envoyée à Ledru-Rollin. Ce
pétitionnement s'étend à tous les grands centres.
AGRICULTURE.
Les concours agricoles sont toujours en grande faveur.
— Le préfet préside celui de Carquefou. — Le concours de
Nozay-Derval, dont de la Haye-Jousselin et Kielïel dirigent
l'organisation, présente de nouvelles attractions. Le premier
jour, concours ; distribution des prix présidée par le sous-
préfet de Gliâteaubrianl ; courses, un prix est donné par la
Société des Courses de Nantes, banquet, quatuor de cors
de chasse, bal. Grande afîluence de curieux venus de Nantes,
113
Rennes, Angers. Le 2* jour, chasse an chevreuil. Le 3*,
chasse au loup. — De Sainle-Marie, inspecteur général de
l'agricullure, préside le concours de Sainl-Elienne. — A Gué-
mené, Blain, Chanlenay, les comices liennent leurs assises
habituelles.
Le blé, jusqu'à la récolte, oscille entre 17 fr. 80 c. et
18 fr. 50 c. — En juillet, il monte à 19 fr-, atteint le maxi-
mum de -iO fr. 70 c. et vaut 20 fr. 50 c à la fin de Tannée.
— Le cours des autres eéréales suit la même marche. —
Seigle : 12 fr. 90 c. à 14 fr. 35 c. — Orge : 8 fr. 75 c. à
11 fr. 75 c. - Blé noir : 7 fr. 50 c. à 9 fr. 40 c. —
Maïs : 9 fr. 50 c. h 10 fr. -25 c. — Avoine : 7 fr. 75 c. à
8 fr. 65 c.
Vins : Muscadet, 35 k 36 fr. — Gros-plant, 22 à 24 fr.
Pain blanc : 0 fr. 375 à 0 Ir. 4125 le kilo. - Pain bate-
lier : 0 Ir. 275 à 0 fr. 3125. - Pain méteil : 0 fr. 20 c
à 0,2375.
COMMERCE ET INDUSTRIE.
La Compagnie nantaise d'armements, Hignard frères, dis-
tribue un dividende de i3 % à ses actionnaires. Depuis
quatre ans, les dividendes distribués forment un total de
53 fr. — Alfred Dezaunay invente un pressoir d'un nouveau
modèle et d'une grande puissance. — Les conserves de
haricotsfjVerls de nos fabriques nantaises font leur apparition
à Rennes pendant la semaine sainte et sont fort appréciées.
— Benoit, rafhneur au Pouliguen, jette les bases d'une
vaste association entre les propriétaires de marais, les raffi-
neurs de sel et les négociants de la région, pour la vente en
commun des sels de l'ouest, en vue de tenir tête à la
concurrence de ceux de l'est et du midi et aussi pour
monter un matériel pouvant permettre rulilisalion des sous-
114
produits des raffineries. — L'emploi d'une locomobile, appli-
quée par Babonneau à répuisemenl des eaux, sur un chantier
du chemin de fer de Tours à Nantes, est signalé comme une
innovation par un journal de Paris. — Le Conseil d'hygiène
est chargé de procéder h un examen comparatif des divers
modes de désinfection et de vidange des fosses d'aisances. —
Deux artistes en daguerréotypie se partagent la clientèle des
Nantais.
La Banque de Nantes est en [)leine voie de prospérité.
Elle donne, pour 1844, un dividende de 80 fr. 57 c. et met
en réserve une même somme par action. Le dividende pour
le premier semestre de 1845 est fixé à 40 fr. Les actions,
qui valent en juillet 1,595 à 1,600 fr., montent en décembre
à 1,670 fr.
L'année se signale par un grand élan commercial :
Banque Groquevielle et C*«, transformée en la Banque Gro-
quevielle, Barjolle et G'^, capital un million en mille actions.
— Société Henry Auger et Gh. Eudel, armements maritimes,
commission et assurance, 300,000 fr. — Le Boterf et Greslé,
commission et armements, 1-25,000 fr.
Sociétés d'assurances maritimes : Gaspard Ghauvet, un
million, par actions de 10,000 fr, — Bégis : 400,000 fr.
(actions de 5,000 fr.) — Anl. Ghauvet : 400,000 fr. (actions
de 10,000 fr.) — Bronnais : 300,000 fr. (actions de
10,000 fr.)
Guichet et Busseil, capital '200,000 fr., prennent la suite
de Vauloup, plomb et minium, h la tour Launay. — Bris-
sonneau frères transfèrent leurs ateliers de construction
mécanique de la rue du Ghapeau-Bouge, 11, à la petite rue
de Launay. — Une fabrique de pipes en terre : A. Bernard
et Nevo,ise monte au pont des Récollels. — Larjarte de
115
Sainl-Araand, ^ Chantenay, 200,000 fr. (aclions de 1,000 fr ),
installe une fabrique de noir d'os pour raffinerie el
engrais.
Pour la prenfiière fois, la marine militaire met en concur-
rence les ateliers privés pour la construction des appareils à
vapeur. Dix maisons sont admises à remettre leurs prix.
Gâche et Voruz sont adjudicataires d'un appareil de 180 che-
vaux, destiné au Dauphin, qui est en construction dans les
chantiers Guiberl. Babonneau a en partage une machine de
même force pour le Pétrel.
Une ordonnance royale, en date du -21 octobre, réglemente
le mode de concession des terres de Mayotte. Dès le 10 sep-
tembre, une société en commandite par aclions, au capital de
1,500,000 fr., par aclions de 1,000 fr., pour une durée de
60 ans, s'était formée pour la culture des terres et la fondation
d'établissements à Mayotle. Les gérants, Paulin Giret,
Alexandre François, G. Baudol-Ducarrey, souscrivent pour
400,000 fr., et, conformément aux statuts, commencent les
opérations.
La navigation au long-cours est représentée par 255 bâti-
ments, donl 56 "/o de dogres, goélettes, bricks-goëlettes el
bricks, et 44 °/o de Irois-mâts, et donl le tonnage total s'élève
à 49,852 tonneaux. 117 maisons d'armements se livrent à
celte navigation. 53 d'entre elles n'ont qu'un seul navire.
Les plus considérables sont : P.-J, Maës, 9 navires, 3,173
tonneaux. - Hignard frères, 14 navires, 1,968 tonneaux. —
P. Ciret, François aîné et Baudol-Ducarrey, 7 navires,
1,845 tonneaux. — Roux, 4 navires, 1,497 tonneaux. —
Leboyer, 10 navires, 1,426 tonneaux. — J. Douaud,
9 navires, 1,247 tonneaux. — G.-V. et J. Lauriol, 4 navires,
1,119 tonneaux. — W. Genevois, 4 navires, 1,076 tonneaux.
116
— Dubigeon, 7 navires, 1,063 lonneaux. — E. Toché el
A. Nogues, 4 navires, 1,050 tonneaux.
Les maisons pouvant être citées après celles mentionnées
ci-dessus comme présentant un tonnage important, sont les
suivantes : Braheix frères. Th. Carmichaël et C'^, Clian-
trelle, V. Chauveau, G. Chauvet et A. Berthault, H.Chauvet
et A. Couat, F. Collet, Edelin de la Praudière, Leraerle,
L. Lepertière, Liancour, Noël Vincent, F. Vallée el tils, A. Viot.
Deux navires de 600 tonneaux prennent la mer : Vhly, de
Noël Vincent, el le Napoléon, de Roux. Jusque-là le tonnage
maximum n'atteignait pas 450 lonneaux.
Deux capitaines de la place sont décorés de la légion
d'honneur : Simon Goste, commandant du navire baleinier
de la maison Maës el Amouroux, pour sa belle conduite au
Gabon. Ce dernier avait déjà reçu des félicitations du Gou-
vernement anglais pour la défense de ses nationaux.
La maison Lauriol est adjudicataire du transport de
600 tonnes de charbon pour .^layotie, au prix de 73 fr.90c.
BATEAUX.
Les Inexplosibles et les Paquebots sont autorisés à
efï'ectuer, pendant la nuit, le trajet de Tours à Orléans. —
Louis Jollet construit un bateau d'une marche supérieure,
La Touraine, qui remonte de Nantes à Tours en moins
de 17 heures. — Une Compagnie Roannaise se forme pour
organiser un service de bateaux accélérés de Roanne à
Orléans, en correspondance avec les messageries d'Orléans
à Nantes. - Une société se constitue à Nantes, au capital de
400,000 fr., pour un service de remorquage sur la Basse-
Loire avec trois bateaux d'une force respective de 60, 80
et 100 chevaux.
La Compagnie générale des Remorqueurs de la Loire,
Morel el C'% entreprend des transports pour Lyon et Marseille.
117
Grâce à ce service, nos iinpcjrlaleurs peuvent livrer à Lyon
les marchandises coloniales dans de meilleures conditions
que leurs concurrents de Bordeaux et de Marseille, ils ne
désespèrent pas d'arriver, en employant la voie des canaux, à
atteindre la ville de Bâle, l'entrepôt commercial de l'Alle-
magne et à disputer au Havre l'approvisionnement en
denrées exotiques de ce grand centre.
Gâche livre, pour un service dans le Hanovre, un Dragon,
bateau inexplosible d'un nouveau type et de marche rapide.
MONUMENTS ET VOIRIE.
Le Conseil municipal donne un avis favorable à la cons-
truction de l'église de Saint- Joseph. Il tixe les conditions h
remplir pour l'aménagement des voies qui y aboutissent et
pour l'établissement du cimetière. Quelques Conseillers
expriment leur inquiétude au sujet des charges finan-
cières que la coLumune s'expose à assumer dans l'avenir,
car il ne leur semble pas que les besoins religieux de celte
partie de la commune réclament celle fondation.
L'église projetée dans le quartier de l'Hermitage se coqs-
iruil sous le vocable de Sainte-Anne. Le quartier se trans-
forme. Des rues nouvelles sont tracées. Les terrains en
bordure sont divisés en lots pour être mis en vente.
Une ordonnance royale du 4 novembre érige en succur-
sales les deux églises de Sainte-Anne et de Sainl-Joseph-
de-Poriricq.
is6
^ Les travaux avancent rapidement. La construction du
las. pourtour du chœur est achevée, et, en novembre, le bazar
annuel, organisé pour créer des ressources, y est tenu.
118
pillais Une ordonnance royale du 7 avril déclare d'utilité publique
de justice. |g consiriiclion du Palais de justice et de la gendarmerie, à
la tenue Bruneau. Ce mèiiie décret autorise la vente du
Bouffay, de la prison (place Lafayette) et de la gendarmerie
(à l'Oratoire).
L'Administration se met immédiatement à l'œuvre et
procède à l'expropriation des terrains et constructions de la
tenue Bruneau. Les indemnités qu'elle offre aux propriétaires
et locataires atteignent une somme totale de 464,184 fr.
Les demandes des expropriés s'élèvent à 814,"i90 Ir. Le
jury accorde un total de 582,000 fr.
La construction du Palais de justice est seule entreprise
pour le moment, et les travaux sont mis en adjudication le
5 août. Il y a huit lots dont le devis s'élève à -271,281 fr.,
terrassements et maçonnerie ; 01,047 Ir., charpente ;
7,014 Ir., couverture ; 54,851 fr., menuiserie ; 22,290 fr.,
serrurerie ; 27,8^1 fr., plâtrerie ; 10,225 fr., vitrerie et
peinture ; 15,371 fr., plomberie et zinguage.
L'acquisition, parla fabrique de Notre-Uame-de-Bon-Pori,
d'un terrain, place du Sanilai, pour la reconstruction de
l'église, est soumise aux formalités d'enquête publique. Le
uouvel édifice pourra contenir 2,800 personnes ; l'église
existante n'a de places que pour 15 à 1,400.
La démolition du Bouffay est décidée, et divers projets
sont mis en avant pour utiliser le terrain que couvre le vieux
monument. Les uns demandent qu'on y construise un vaste
hôiel pour les voyageurs ; les autres, un établissement
central pour le service de toutes les diligences et voitures
publiques.
Le Ministère fixe à 200,000 fr. le concours k fournir par
119
la ville pour la conslniciion de la caserne de cavalerie. Le
Conseil municipal refuse de voler celle somme. Il ne peul
croire que l'Elal, s'il juge nécessaire la présence d'un
régiincnl de cavalerie dans noire ville, se refuse a prendre
à sa charge loules les dépenses qu'enlraînera son inslallalion.
Le capiiaine Harraange faildon, au Jardin des Planles, de
600 planles ou arbusles qu'il a rapporlés de Madagascar,
Bourbon, Calculla. Une serre spéciale esl conslrulle pour les
recevoir.
La ville verse à la souscriplion pour le monument de
Cambronne une somme de 4,000 fr.
Bien que la Commission se soit prononcée en faveur du
cours Henri IV, les propriétaires de la place de Launay
tentent un dernier efforl pour obtenir, sur leur place, l'érec-
tion du monument, et promettent une grosse somme.
Le Maire, accompagné de L^ Vallet adjoint, et de plusieurs
Conseillers municipaux, procède, le :23 août, à la réception
officielle du pont Maudit.
Le Conseil municipal, dans sa séance du H février, prend
une décision au sujet d'une deuxième ligne de ponts. Le
principe de cette deuxième ligne esl voté à l'unanimité.
Trois projets sont présentés : 1" projet de la rue Jean-
Jacques ; i*^ projet utilisant le pont de la Bourse et le pont
Maudit. Ils coiileraient chacun l,â00,0U0 fr. Ils sont l'un et
l'autre écarlés. Le troisième, qui ne demande qu'une dépense
de 1,100,000 fr. est adopté. 11 a pour point de départ
l'hôtel de la Douane. Pour entreprendre sa construction, on
attendra que les quais du bas de. la Fosse soient achevés,
1^0
de manière que les navires y irouvenl remplacement dont
les privera rélablisseraenl du nouveau pont.
Les propriétaires de la rue de Bréa (>)i qui s'étaient
refusés à tout arrangement pour le prolongement a travers
leur terrain de la rue Gresset jusqu'à la rue de Flandres,
montrent des dispositions plus coiicilianles. La subvention de
^0,000 francs, proposée en 1841, pour l'exécution de cette
percée, est acceptée par la société Esmein, Maliot et Rocher,
qui se met au lieu et place de la ville pour accomplir le
travail. L'enquête d'utilité publique est ouverte.
— Un spéculateur otîre de relier le boulevard Saint-Pern à
la route de Vannes par une avenue.
— L'ouverture d'un boulevard entre les routes de Vannes
et de Rennes, à travers la propriété Lelasseur, est soumise
aux formalités d'enquête publique.
— Une rue privée est percée pour mettre en communication
la rue de Bel-Air et la rue Sarrazin.
— Les rues Damrémonl, Mascara, Dubreil, Lavoisier sont
mises en état de viabilité.
— Un certain nombre des plaques en faïences, récemment
posées pour l'indication des rues et des numéros de maisons,
n'a pas résisté à Tintempérie des saisons et doit être
remplacé. L'administration, sur les indications qui lui sont
données par la ville de Paris, adopte des plaques en fonte
avec des lettres en saillie peintes en blanc. ^200 de ces
plaques sont posées.
(1) Pour une plus facile compréhension Ju rt'cit, nous anlicipons sur les évèneraeols.
Cette rue ne reçut son nom qu'eu 1849.
121
Alliûl obtient, avec un rabais de 6 %» l'adjudication des
travaux de dragage entre Nanies et Paimbœuf dont le devis
par an monte l\ 100,000 fr.
BALS, CONCERTS, THÉÂTRE.
Un bal de bienfaisance par souscription est donné en
janvier au Grand-Théâtre. Il produit une somme nette de
6,685 fr.
La salle des Variétés voit se succéder, tout le long de
Tannée, une série presque ininterrompue de bals.— Depuis le
premier jour de l'an jusqu'aux jours gras, ce sont des bals
dits bourgeois pour lesquels on paye une cotisation de
50 centimes donnant droit à des rafraîcliissements. — En
mars, les cliefs d'ateliers, contre-maîtres et ouvriers organi-
sent une fêle dansante à laquelle sont invitées les autorités
civiles et militaires, et dont la recette, qui dépasse 1,100 fr.,
est versée au Bureau de Bienfaisance. — C'est ensuite, en
mai, le bal des garçons boulangers, et, en novembre, un bal
au profit des incendiés de la filature Berlin. Les autorités
honorent ce dernier de leur présence. Les bals bourgeois
recommencent avec Thiver.
En mars : Ch. Mansui , pianiste et compositeur. —
Mi*e Malescot, pianiste. — Avril : Demarie, pianiste, avec
exécution, par les chœurs de la Société des Beaux- Arts, de
plusieurs morceaux. — Mai : M"^ Drouart, prima donna de
la troupe d'opéra.
Une troupe de 8 ménestrels pyrénéens se fait entendre à
la salle de la mairie, à la Cathédrale, k Notre-Dame-de-
Bon-Port.
— C'est un véritable assaut de générosité entre les artioics.
Bressler et les artistes du Conservatoire donnent, dans les
H"!
salons de la place de la Monnaie, un concert donl le produit,
(]ni atteint 416 fr., est distribué au Unreau de Bienfaisance,
aux salles d'asile et à la Société de charité maternelle.
Le pianiste Listz se fait entendre dans les salons du Conser-
vatoire et abandonne le produit de la recette pour la création
d'une première crèche.
l^e violoniste Konstki donne, dans la salle de la Mairie, aux
élèves du collèoe Hoyal, un concert dont le produit est
destiné à la fondation d'une nouvelle salle d'asile.
lia campagne théâtrale se poursuit dans de bonnes
conditions, grâce à une grande variété de spectacles. Le
théâtre de Molière.' est môme mis à contribution. Tartuffe
et le Malade imaginaire sont donnés.
Tilly est maintenu directeur pour l'année 1845-1846. Il
a une subvention de 40,000 fr. Les portes du théâtre s'ou-
vreni, le 10 mai, avec la troupe de comédie seulement. La
saison d'été est très brillante. Des artistes de grand renom se
succèdent sur la scène Graslin.
Rachel vient, du 17 au "26 juin, se faire entendre dans
les HoraceSf Androinaque, Pobjeucle, Marie Stuart, puis
revient, le 9 juillet, donner Bajazel. La grande tragédienne
excite un grand enthousiasme. Le prix des places est doublé.
La recette de la première représentation atteint presque
6,000 fr.
Levassor, du Palais Royal, se produit en août dans les
principales pièces de son répertoh'e. — Tom-Pouce inter-
prète le rôle du Petit-Poucet dans la pièce qui porte ce
titre.
La campagne d'opéra commence le 5 décembre. Elle esl
marquée par le grand succès de M''« Masson. — Poultier
de rOi)éra et Lafout des V.u'iétés viennent en représen-
tation.
1^3
Le prix des places du parterre est augraenlé el porté de
1 fr. 50 c. à -2 fr. A cette aueçmenialion de prix correspond
l'inslallalioii de dossiers aux banquettes.
Le violoniste Konslki el le pianiste Lislz, deux artistes en
grande vogue, se produisent au Grand-Théâtre, chacun dans
trois représentations, mais au cours de spectacles différents.
— La représentation annuelle, donnée au bénéfice des pauvres,
produit une recette nette de 1,8/4 fr. -20 c. dont 743 fr. 20 c.
provenant des plateaux.
Le bœuf gras est promené, pendant toute la semaine
sainte, à grand renfort de tambours et de musique. Le
cortège des garçons bouchers s'efforce de donner h la
promenade encore plus d'éclat que les années précédentes.
Le bœuf pèse le poids exceptionnel de 1,300 kilos.
Les attractions se succèdent sur la scène des Variétés.
En juin, c'est l'exhibition d'une machine i\ fabriquer les
glaces et les sorbets que l'on fait fonctionner sous les yeux
du public.. — En juillet, c'est le général Tom-Pouce, d'une
taille de 0°',67 el pesant 7^5:0. Ce nain se montre égale-
ment à la salle d'Alger el au Grand-Théâtre. — En août,
Léon, l'artiste aquatique ()arisien, attire le public avec ses
fontaines lumineuses, ses scènes de nécromancie, etc. —
En octobre, on y voit un géant de 23 ans, taille 2"»,30,
poids 195 kilos.
Les frères Leroux, directeurs du petit théâtre de Riquiqui,
sont de retour el s'installent à demeure avec leurs Lilliputiens,
dans une maison de la rue Mercœur, en face de T infirmerie
de la maison d'arrêt. — Un ex-associé du théâtre Comte de
Pans monte, dans le passage Pommeraye, un petit spectacle
avec danses, marionelles, ombres chinoises. — Gonus, en
124
seplembre-oclobri\ donne, au manè^^e de la rue Lafayelle,
des séances d'escamotage , physique amusante , fanlas-
magorie.
Sur la place Bretagne on voit : La Passion, en tableaux
vivants avec personnages de marbre ; un grand musée avec
120 sujets ; les Groloniaques modernes, luttes d'hommes ;
le théâtre des Grandes-Illusions. — La lanterne magique
de Bœuf circule chaque soir dans les rues pour se mettre
à la disposition des familles. — Des essais de combats de
coq, à l'instar de ceux de Belgique, sont tentés à la
Grenouillère.
Année 1846
Les inondation?. — Lo nouveau tarif d'octroi. — Travuux du chemin de fer. —
Emplacement de la gare. — Bassin de Saiut-lNazaire. — Paquebots transatlantiques.
— Elections municipales. — Elections Pgislalives. — Le général Lamuricière. —
Mouvement pruleclionnisle. — Divers : Ibraliim-Pacba, prince de Joinvillc. les
Polonais, la Société des architectes, Vt Hennequin, etc. — Services publics. —
Enseignement et putilicalions. — Agriculture. — Commerce et industrie. —
Monuments et voirie. — Concerts, Théâtre, etc.
INONDATIONS.
L'année est marquée [jar plusieurs inondations de la
Loire.
Une première crue se fait sentir en janvier el février.
Le '2 de ce dernier mois, la cote maximum de 5°, 1^2 est atteinte.
Une souscription est ouverte en faveur des victimes du
fleuve.
En avril, les eaux de la Loire débordent une deuxième fois.
En octobre, une nouvelle cl plus terrible inondation
exerce ses ravages sur toute l'étendue du bassin de la Loire
el occasionne des pertes incalculables à Orléans, Tours, etc.
Notre ville, par suite de la rupture des digues destinées à
protéger les vallées qui se trouvent en amont, est moins
éprouvée. L'eau n'y alleinl que la cote de 4'°,80. Un mou-
vement spontané de sympathie pour les malheureux inondés
se produit i)ar toute la France, et le Ministère centralise les
offrandes qui lui sont envoyées des divers points du terri-
toire. A Nantes, la souscription ouverte dans ce but dépasse
la somme de '25,000 fr.
NOUVEAU TARIF D'OCTROI.
Une ordonnance royale du 20 décembre 1843 autorise la
perception, à partir du l^"^ janvier 1846 jusqu'au 31 décembre
1-26
1855, d'un nouveau larif d'oclroi. Le tarif en vigueur remon-
lail à l'année 1816, et quelques articles seulement, depuis
ce moment, avaient été l'objet d'une modification.
Voici les principales dispositions d\\ nouveau tarif.
Création de droits : Marbre, 15 fr. le mètre cube. —
Pierres de Crazannes et de Saint-Savinien, 1 fr. le mètre
cube. — Bois du Nord, "1 fr. le mètre cube. — Verres à
vitre, 1 fr. 50 c. les 50 kilos. — Bouteilles de demi-litre et
au-dessus, 1 fr. le cent. — Fers, 2 fr. les 100 kilos.
Augmentation de droits : Noix sèches, portées de
0 fr. 50 c. à 1 fr. l'hectolitre. — Tufteaux, de 1 fr. h 1 fr. 50 c.
les 100 kilos. — Ardoises, de 1 fr. 50 c. à ^2 fr. le mille.
— Bougies de toute nature, 25 fr. les 100 kilos.
Nouveau mode de perception : Droit par tête, pour
bœufs, de "25 fr., pour veaux, de 3 fr., pour moutons, de
1 fr. 50 c, transformé en un droit uniforme de 4 fr. 65 c.
les 100 kilos. — Droit de 8 fr. par tête pour les porcs frais
dépecés, remplacé par celui de 0 fr. 10 c. le kilo ; pour les
porcs salés, par celui de 0 fr. 15 c. le kilo. — Oranges :
droit de 10 fr. les 100 kilos, remplacé par celui de 2 fr. 20 c.
la caisse. — Bois de chauffage : droit au stère substitué à
celui par charretée. — Droits séparés pour la chaux vive
ou éteinte, le plâtre cru ou cuit. — (ies modifications, qui
ont pour objet, soit la suppression d'abus ou de fraude, soit
un mode plus équitable, entraînent des augmentations [lour
la plupart des articles.
Diminution de droits : La viande par quartiers ou mor-
ceaux est réduite de 0 fr. 15 c. à 0 fr. 09 c. le kilo. (Les
entrées, en 1840, atteignent 225,065 kilos, contre 91,281 en
1845.)
Suppressions de droits sur : les poissons secs et salés
taxés à 0 fr. 10 c. le kilo, dégrevés à titre de nourriture
des pauvres, — sur le charbon de terre. Ce droit, fixé en
127
l'an X it 0 fr. 10 c , avait élé porté à 0 fr. 11 c.,0 fr. 15 c.
et 0 fr. -iO c. et réduit en 1837 à 0 Ir. 10 c.
Un arrêté du Maire, en daltî du "27 janvier, rend exécutoire
le nouveau tarif à partir du ^20 janvier.
TRAVAUX DU CHEMIN DE FER.
Les travaux de construction du chemin de fer sont poussés
avec activité. Les actionnaires de la Société concessionnaire
se réunissent en assemblée générale à la salle Herz, sous la
présidence de de Lancaslel. Un étal de l'civancement des
travaux et de la situation financière est mis sous leurs yeux.
Un très vif débat s'élève au sujet de Tindemnilé réclamée
par les administrateurs, lesquels sont au nombre de '27.
La somme de 150,000 fr. demandée par eux est, après une
discussion orageuse, réduite à 100,000 fr.
EMPLACEMENT DE LA GARE.
Aucune solution n'est prise au sujet de l'emplacement de
la future gare. Goullin [)ubiie une brochure pour défendre
le projet de gare à V Entrepôt. Une nouvelle combinaisou
est mise en avant, dans laquelle la gare serait située dans la
prairie de la Madeleine et reliée par un bassin au bras de la
Madeleine. — Les ingénieurs et plusieurs administrateurs
de la Compagnie viennent sur place étudier la question des
emplacements. Le Préfet, le 28 juin, les met, dans ses salons,
en rapport avec les diverses notabilités de la ville qui
patronnent les combinaisons proposées. Tout le monde tombe
d'accord sur le prolongement de la ligne jusqu'au port,
avec une gare secondaire à l'entrée de la ville pour les
voyageurs.
BASSIN DE SAINT-NAZAIRE.
Rien n'est décidé pour la construction du bassin. Un
128
conflit qui s'élève onlre les deux ingénieurs chargés des
éludes, Jégou et Gabrol, relarde TadopUon d'un plan défi-
nilif. Celincidenl exciie dans noire commerce un vif mécon-
lenlemeni. Une Commission naulique est nommée par le
Préfet pour donner son avis ; elle se compose de Ad. Le Cour,
président ; Denis Lauriol, H. Âuger, Jalabert, Tarloué,
Lepecbour, Gallan.
Un projet d'enceinte fortifiée, dont le devis s'élève à
5 millions, est déposé par le Gouvernement. Mais l'absence
d'un plan définitif pour le bassin amène un ajournement de
son étude par les Chambres.
PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES.
La ligne du Brésil, qui avait été attribuée au port de
Saint-Nazaire, est sur le point de nous être enlevée. Une
Compagnie du Havre s'ofîre pour exploiter toutes les lignes
Iransallantiques projetées par le Gouvernement. Marseille et
Bordeaux unissent leurs instances à celles de Nanies ei se
liguent contre le Havre. Le Gouvernement semble disposé à
partager ses faveurs entre le Havre et Marseille, lorsqu'un
vice de forme l'oblige à retirer son projet.
ÉLECTIONS MUNICIPALES.
Les électeurs municipaux sont convoqués du 5 juillet au
•28 juillet, pour procéder au renouvellement de la série sor-
tante, qui avait été élue en 1840.
Trois sièges sont, en outre, vacants : un à la section F,
celui de Dérivas, décédé, et deux à la section K, ceux de
Henry Thébaud et de Wattier, démisiotmaires.
La lutte présente une animation plus grande qu'aux der-
nières élections. Le National de l'Ouest, L'Hermine,
L'Ouest, Le Courrier de Nantes descendent résolument
dans l'arène. Le maire, Ferdinand Favre, est violemment
129
attaqué. Le Courrier de Nantes le somme de quitter les
affaires municipales. — Guépin, dans Le National de
l'Ouest, discute les actes de son mairal (i), lui reproche son
manque de fermeté; il souliaite cependant de le voir revenir
à la têle de l'administration, mais l'engage à se montrer
plus jaloux des prérogatives municipales. L'Imprimerie du
Commerce met en venle une petite brochure, le Vade mecum
des élections municipales à Nantes, qui contient la liste des
électeurs et autres documents. Les divers partis organisent
des réunions préparatoires en vue de se concerter pour
présenter des candidats.
Section C. — Membres sortants : Polo et Renoul. —
Inscrits : ^200. — Au "2« tour, sont élus : Favreau, par
58 voix, Renoul, par 55 voix sur 1"24 votants.
Section G. — Membres sortants : J. Gouin et Caillé. —
Inscrits : -i98. — Sont élus au 'i« toui' : Ad. Bonamy, par
95 voix ; Caillé, par 62 voix sur 150 votants.
Section K. — Membres soilants : J.-B. Etienne et
Goullin. — Inscrits : $5"!. ~ Sont élus au 1" tour : Guépin,
par 10-2 voix ; Wattier, par 93 voix sur 182 volanls.
Section F. — Membres sortants : Barrât et (ilémansin. —
Inscrits: 237. — Méry est élu au 1" tour par 73 voix,
sur 143 votants ; J.-H. Etienne, au 2«= tour par 51 voix
sur 136 votants.
Section E. — Membres sortants : Robineau de Bougon
et C. Mellinet (décédé). — Inscrits : 343. — Polo aîné est
élu au 1" tour par 119 voix sur 201 votants; Besnard la
Giraudais, au 2« tour, [)ar 99 voix sur 194 votants.
Section D. — Membres sortants : Brousset et Gresié. —
(1) Mot lesluel de Guêpiii.
180
Inscrits : 3*20. — Sont élus au "!« tour : Coupiie par
100 voix ; Brousset, par 69 voix sur 193 volants.
Section H. — Meml^res sortants: M. Ghéguiliaume et
A. Fleury. — Inscrits 375. — Sont élus au 2« tour:
Quoncau par 131 voix, M. Ghéguiliaume, par 94 voix sur
189 votants.
Section I. — Membre sortant : Guissart. — Inscrits 3^25.
— Guissart est élu au l«f tour par 117 voix sur 201 votants ;
F. Braheix, au 2« lour, par 92 voix sur 184 votants.
Section B. — Membres sortants : Le Sant et A. Jégou.
— Inscrits : 355. — Jégou est élu au l*"- tour par 107 voix
sur 210 votants; Grespel de la Touche, au 2« tour par
126 voix sur 181 votants.
Section A. — Membres sortants : Gicquel et Seheult. —
Inscrits : 243. — Ghevas est élu au l^"^ tour par 15 voix sur
163 votants.
Sont nommés en remjilacement des membres sorlaîits en
1849 décédés ou démissionnaires :
Section K. — Au l" tour, H. Thébaud i»ar 121 voix sur
197 votants; Mangin père au 2« tour par 120 voix sur
99 votants.
Section F. — Au 2^ tour, Barrai par 53 voix sur 121
votants.
Les partis d'opposition n'ont pas h regretter les elï'orts
qu'ils ont dépensés dans ht hille, car, pour la [iremière l'ois,
ils ont poussé au Gonseil qiiehiues-uns de leurs représentants.
L'opposition de gauche revendique comme lui appartenant :
V. Mangin, Gnépin, H. Théhand, Ghevas, et l'opposition de
droite: Favrean, Besnard la Giraudais, Grespel de la
Touche.
ISl
Le Conseil a, pour une durée de trois ans, la coiuposilion
suivante :
Sortants en 1849.
Section A. — F. Favre.
— B. — Biclet.
— C. — Prevel.
— D. — Moriceau, d.-ni.
— Ë. — Marie, d.-m.
— F. — Trenchevenl.
L. Vallel.
Ev. Golombel.
A. Garnier.
A. Clierol.
Barrât.
G. -- Th. Chéguillaume. Huelte
— H. — J. Roux.
— /. — Bignon.
— K. — E. Thébaud.
Sortants en 1852.
Section A. — J.-J. Chevas.
— B. — A. Jesfou.
— C. — Favreau.
— D. — Gouprie.
— E. — Polo aîné.
— F— Méry.
— G. — A. Bonamy.
— H. — M. Ctiéguiliaume.
— /. — Cuissart.
F. Talvande
Clienantais.
Mangin.
Crespel de la Touche.
Renoul.
Brousset.
Besnard la Giraudais,
J.-B. Etienne.
Caillé.
F. Queneau.
F. Braheix.
Watlier.
— K. — Guépin.
L'entrée aux affaires municipales des légitimistes et des
républicains, détermine, au sein du Conseil, des couranis
d'opinions inconnus jusqu'alors, et lui donne une physionomie
nouvelle; aussi la municii)aliié en exercice se trouve-l-elle
dans une position délicate. Elle comprend la difficulté de la
situation et donne sa démission. Sur la demande du Préfet,
elle consent i\ continuer l'exi)édition des affaires jusqu'à ce
qu'elle soit remplacée. L'Administration de F. Favre est
\n
vigoureusemenl attaquée. A. Garnier lente de toimer une
Administration, mais il ne peut aboutir. Le Préfet <onge un
instant à confier la mairie aux six premiers inscrits sur le
tableau ; enfin on en revient à F. Favre.
Une ordonnance du 3 octobre le nomme maire et appelle
p. Guissart aux fondions d'adjoint.
C'est seulement le % octobre que l'Admi'iistralion est
complétée par la nomination de M. Chéguillaume, Polo aîné,
Trenchevent aîné, Couprie aîné.
ÉLECTIONS LÉGISLATIVES.
Les électeurs sont convoqués, le 1^^ août, pour procéder
au renouvellement de la Chambre des Députés. La lutte est
encore plus vive qu'aux précédents scrutins.
— l""" Collège. — (1«\ i% 8« cantons de Nantes). —
Dubois, député sortant, trouve un sérieux concurrent dans
A. Garnier, qui cherche à gouper les sul'irages des minis-
tériels et des légitimistes. 381 électeurs sur 457 inscrits
prennent part au vote. Dubois est élu par par 213 suffrages.
Garnier en obtient 165, et de Sesmaisons, 3.
— 2« Collège. — (4% 5« et 6« cantons). — Bignon est
réélu par '299 voix. F. Quesneau n'en recueille que 113.
— 3« Collège. — (Pont-Rousseau). — Lanjuinais est réélu
par 263 suffrages. Les légitimistes donnent 46 voix à de
Lancastel et 13 \\ de Cornulier.
— Billaull est réélu i\ Ancenis [)ar 99 voix sur 117 volants
et 150 inscrits.
— A Chûteaubriant , 180 électeurs sur 194 inscrits
dé[iosent leur bulletin. La lutte est très chaude. On en vient
même ^ des actes de violence et 150 soldais sont envoyés
pour rétablir l'ordre. De la. Haye-Jousselin, candidat minis-
tériel, soutenu par les légitimistes, l'emporte avec 9t> voix.
Son adversaire, de la Piloruerie, en obtient 84.
133
— A Paimbœuf, E. Colombel, candidat de l'opposilion,
avec 79 voix enlève son sièjie à Le Ray qui n'en oblieni
que 73.
Les électeurs de Savenay maintiennent Ternanx sur son
siège. Il a 170 voix De la Roclielte, candidat des légiiinaistes,
en recueille 141.
LE GÉNÉRAL LAMORICIÈRE.
Le général Laraoricière quitte le tliéâire de ses exploits
pour venir tenter la fortune électorale. Notre ville lui réserve
un accueil enthousiaste. La population se porte en foule pour
l'acclainer au domicile de son oncle Robineau de Bougon,
place de Gigant, Le corps des officiers de la garde nationale
se rend à sa propriété de Tourneron pour le féliciter. Un
banquet, au haut prix de 10 fr., s'organise en son honneur.
Le brillant général n'est pas heureux dans ses compétitions
électorales. Il échoue à Paris et à Gholel.
Le banquet qui lui est offert à la Bourse n'en est pas
moins un triomphe pour lui. Il est présidé par le Maire,
entouré de Dubois, Lanjuinais, Gouin, etc. Le rôle de
candidat d'opposition, qu'il a pris dans la lutte électorale,
lui a aliéné les sympathies des amis du pouvoir; aussi
conslale-t-on au banquet l'absence des autorités, et les
officiers ne peuvent y assister quen tenue civile.
Le général, lors d'une élection complémentaire à Sainl-
Galais (Sarthe), enlève un siège législatif.
MOUVEMENT PROTECTIONNISTE.
Un groupe de négociants, à la tête duquel se trouve Aug.
Garnier, prend l'initiative d'une réunion en vue de provoquer
un mouvement en faveur de la protection du travail national.
Celle réunion a lieu le 11 décembre, dans la grande salle
de la Mairie. Garnier la préside, et Gherot, secrétaire provi-
134
soire, donne lecture d'un manifeste protectionniste dont les
conclusions sont les suivantes :
1" Sera-l-il formé, ou non, une association pour la
défense du travail national et la réforme pros^ressive des
droits de douane ?
2° Sera-t-il formé, ou non, un comité actif pour la défense
du travail national et la réforme progressive des tarifs de
douane ?
L'assemblée, à l'unanimité, donne une réponse affirmative
aux deux questions.
Il est immédiatement procédé à la formation du comité
actif. Le bureau provisoire, composé de Garnier, Gherot,
Th. Ghéguillaume, Gâche, J.-B. Etienne, P. Ghégudiaume,
L. Vallet, est désigné pour en faire partie. On lui adjoint
d'autres membres appartenant au commerce, à l'industrie, à
l'agriculture. Lei2 décembre, le Gomité constitue un bureau
définitif, qui est composé de A. Garnier, président ; Ev.
Golombel et Th. (ihéguillaume, vice-présidents ; A. Gherot
et Neveu-Derolrie , secrétaires. On charge F. Braheix,
F. Quesneau, Goupilleau, Voruz et Jamont de se concerter
avec le bureau pour rédiger un projet de statuts. On donne
k l'association le titn; de « Association de Nantes pour la
» défense du travail national ( t la réforme du système de
» douanes. »
DIVERS.
De grands préparatifs sont faits pour recevoir dignement
Ibrahim-Pacha, fils du vice-roi d'Egypte, qui se rend
d'Espagne à Paris, en passant par Toulouse, Bordeaux et
Nantes. Un bal par souscription s'organise sous les auspices
de la Municipalité. Le commerce se prépare h lui offrir un
banquet. Arrivé à Bordeaux, Ibrahim-Pacha change d'itiné-
raire et se rend directement à Paris.
135
Le prince de Joinville passe quelques heures à Nantes,
dans la journée du ^6 mars, pour se rendre l\ Indret, où
il va assister au lancement du Passe -Partout, yacht de
1^20 chevaux, destiné au service particulier du Roi. Ce yacht
est le premier bateau en fer qui ail été construit en cet
établissement (<).
Les Polonais en résidence ii Nantes, sur l'ordre qui lenr
est donné par le comité de Paris, se préparent à quitter
notre ville, pour prendre part au soulèvement qui a éclaté
dans leur pays. 'Des souscriptions sont ouvertes par le
National de l'Ouest, pour leur venir en aide. Les républi-
cains s'agitent beaucoup en leur laveur. L'Administration
et ses amis se tiennent systématiquement à l'écart du mou-
vement.
La Société des architectes de Nantes est autorisée par
décision minislérieHe du 18 avril 1846. Cette société a prin-
cipalement pour but de s'occuper des questions d'art, de
pratique, de jurisprudence et d'administration relatives à
l'architecture. Les membres sont : Amouroux, secrétaire
principal; Blon, Bourgerel, secrétaire adjoint; Buron,
Chagniau, Ghenaniais, Crucy, de Raymond, Douillard aîné,
Douillard jeune, vice-président ; Driollet, Faucheur, Gilée
père, Gilée fils, Guillemet, Lholellier, Liberge, Mortier,
Nau, président ; Seheult , Trotreau, Van Iseghera. Ils
tiennent leur séance dans une salle de l'immeuble municipal
de la rue du Moulin.
Bourgerel obtient une médaille d'or à la section d'archi-
tecture de l'exposition de Paris.
(1) Les sculptures du bateau sout l'œuvre de Suc. Les travaux de menuiserie et de
tapisserie sont confiés à Maurice.
186
A l'occasion de la fêle du Roi, sont décorés de la légion
d'honneur : Jules Gouin, banquier, vice-président de la
Chambre de Commerce, et Aug. Garnier, négociant, maître
de forges, président du Tribunal de Commerce.
Le père de Ravignan vient prêcher une station à la Cathé-
drale au mois de mai. Les sermons spéciaux pour les hommes
sont très suivis.
Aux fêles nationales de juillet, les élèves du Collège royal,
qui ne sont pas en congé dans leur famille, vont grossir les
rangs du coriège officiel. Si la masse de la population se
tient de plus en plus à l'écart de ces fêtes, il n'en est pas de
même des républicains. Ces derniers, au nombre de 7 à 800,
se rendent au monumenl des victimes de 1830, à Miséri-
corde. Victor Mangin prononce un discours dans lequel il
ravive le souvenir de la révolution de juillet et en réclame
toutes les conséquences.
Le Ministre de la Marine, baron de Mackau, passe à Nantes
la journée du ilil septembre. Il visite les différents aleliers
auxquels sont confiés des travaux pour la marine de l'Etat.
Le soir, il assiste à un banquel auquel [)rennent part les
aulorités et les membres du Conseil général. Le lendemain,
il se rend à ludret, puis ci Paimbœuf et à Saint-Nazaire.
La Société des courses trouve, chez les fermiers de la
prairie de Mauves, de grandes exigences pour la location de
leur terrain. La commune de Chantenay, mieux inspirée
qu'autrefois, entre en pourparlers avec la Société, mais
celle-ci, craignant qu'un changement d'hippodrome ne nuise
au succès des courses et à la popularité dont elles jouissent,
en passe par les prétentions des fermiers de la prairie de
137
Mauves. Pour compenser les sacrifices qu'elle a dû subir,
elle prend le pai'li de réduire la valeur des prix.
Un orateur d'un grand lalenl, Victor Hennequin, avocat à
la Cour d'appel de Paris, après une tournée en Bretagne,
donne, du M au 30 octobre, dans la grande salle de la
Mairie, une série de conférences sur les doctrines de Fourier,
dont il est un ardent |)ropagaleur.
Le 1*^' novembre, un banquet lui est oiïert. Au dessert, il
prei:d la parole et prononce un véritable discours-programme.
« Socialistes de toutes nuances, s'écrie-i-il dans sa péro-
•> raison, vous êtes déjà nos frères, vous voulez, comme
» nous, la solidarité, la concorde, l'instruction et le pain
» pour tous. Si vous désirez sincèrement le progrès sans
») désordre, la conciliation de toutes les classes, pourquoi
» ne pas vous rallier tous h cette bannière, où l'on voit écrit
» en caractères lumineux : Droit au travail. Association
» volontaire du capital, du travail at du talent. »
Les dresseurs de chevaux recommencent îi suivre la retraite
des soldats depuis le Port-au-Vin jusqu'à la Caserne, pour
habituer leurs élèves au son du tambour. La police est
obligée d'intervenir pour les empêcher de se livrer à cel
exercice.
Un esturgeon est péché à Cunault (Maine-et-Loire), il
mesure -2"',40 de longueur. On l'amène à Saumur, pour le
montrer aux curieux.
Le 4 juillet, à 7 heures du matin, a lieu, à la carrière de
Miséri, un lancer de pigeons voyageurs venus de Louvain
(Belgique).
10
138
SERVICES PUBLICS.
Chambre
de
Commerce.
Une ordonnance royale du 10 mars autorise la cession de
la bombarde L'Eclair à la Chambre de Commerce pour y
installer l'école des mousses. On procède à son organisation
et, le -24 septembre, a lieu la séance officielle de son inaugu-
ration. — Le bâtiment est amarré à la cale des Salorstes. Il
est aménagé pour recevoir 50 enfants.
. — Le capitaine Loarer part pour Mayotte sur la frégate
L'Arinide. Il reçoit une somme de 4,000 fr. et une lettre de
crédit sur une maison de Bourbon pour se procurer une
collection complète des produits naturels susceptibles d'être
importés en France. La Chambre syndicale des courtiers le
charge de lui fournir des renseignements sur cerlaines mar-
chandises. Le Minisire exprime ses regrets à la Chambre
pour le petit nombre d'échantillons qu'elle a réuni. Il comp-
tait sur elle et ne s'était pas adressé aux autres Chambres de
Commerce dont il se voit maintenant obligé de demander
lui-même le concours. Comme la mission doit séjourner quel-
que temps à Bourbon, les navires en partance de Nantes
pour cette colonie emportent un complément d'échantillons.
Rouen, Mulhouse, Nîmes, Cholet, etc., s'empressent de ré-
pondre à l'invitallon du Ministre et font parvenir des ballots
et caisses de marchandises.
— Le monde commercial, tant à Paris que dans les princi-
paux centres de province, est sous le coup d'une vive agi-
tation. Les partisans du libre échange et de la protection
sont aux prises et plusieurs comités se forment : comité
pour les inlérôts maritimes, comité pour la défense des inté-
rêts de la navigation, comité de la défense du travail natio-
nal etc. La Chambre est sollicitée par eux, mais elle déclare
vouloir s'en tenir à a plus entière neutralité.
139
' Sont nommés pour irois ans : .1. Roux, GicqucI, Guibert,
Desloges, P. Roy {il août). F. Rignon et J, Gouin sont
élus président et vice-président.
Sont nommés juges titulaires : L. Guérin-Doudet, ancien
juge, Ad. Desloges et J.-B. I^tienne, juges suppléants sor-
tants. Ces deux derniers sont remplacés par Ant. Ghauvet et
A. Lafargue.
L'effet de la nouvelle loi continue à se faire sentir. Les
versements montent à 1,59G,85G fr.; les remboursements, à
l,86i,180 fr. Le solde dû tombe k (),514,03.1} fr.; mais,
par contre, les acquisitions de rentes sont en progrès et
atteignent 61,588 fr.
Les receltes s'élèvent à 115,7^7 fr. et les dépenses à
ie. l '^ 3,572 fr.
Les prévisions budgétaires pour 1846 s'établissent comme
' suit :
Receltes ordinaires et extraordinaires. , 1.610.878 Ml
Dépenses id. id. . . '.610.780 49
Excédant 97 ' 50
Chapitre additionnel des receltes : 177,715 fr. 41 c; des
dépenses : 166,736 fr: 55 c.
Les recettes brutes alteignenl la somme de l,*2-29,829 fr.,
dépassant d'environ 55,000 fr. les recettes de 1845, el seu-
lement d'environ 20,000 fr. l'augmentation normale. Le pro-
jet élaboré par le Conseil municipal prévoyait de meilleurs
résultats, mais il avait été remanié au ministère, et des ré-
ductions de taxes avaient été apportées par lui sur les arti-
cles dont le rendement était principalement escompté.
140
. Nolrt; dé[)iUaiioii coniiniie ses iradilions. Bignon esl notutiié
rapporteur du budget des dépenses. Une dout)le marque de
considération lui est donnée par le Gouvernement. Il est
prouui commandeur de la Légion-d'Honneur et nommé con-
seiller-maître à la (]our des Comptes. Les occu[>ations que
lui imposent ces nouvelles fondions ramènent à résigner
son mandat de conseiller municipal. La nouvelle Chambre
manifeste, à l'égard de nos députés, les mêmes sentiments que
Tancieniie. Bignon est encore premier vice-président pour la
session 1846-47. Billault manque d'un rang l'honneur d'être
vice-président. Par contre, Lanjuinais est nommé quatrième
secrétaire.
Arrêtés ^i±jma. — Police des bains en rivière : Bain public pour
municipaux j^^^j^jj^g ^ [g p,.yj,.n. ^j^» Mauves. Baiu public pour les femmes,
rendus "^ ' "■
à la date du : ï'ive sud de la pointe de l'île Gloriette. Des boîtes fumiga-
toit^es sont déposées à Chézine, sur la Fosse, lie Gloriette,
chaussée de la Madeleine, au port Gommuneau, à la prairie
de Mauves.
!20 août. — Vente et vérification des viandes foraines. Le
7 octobre, un marché pour les viandes foraines est ouvert
le mercredi au port Gommuneau. Précédemment, celte vente
n'avait lieu que le samedi. La population et les marchands
sont très satisfaits de cette innovation, et l'on demande que
des marchés de ce genre soient autorisés sur d'autres points
de la ville.
16 septembre. — Police des chiens errants et des chiens
enragés.
Le 1" avril est ouverte la première crèche fondée par le
comité institué par la municipalité. Cette crèche est installée
passage d'Alger, quartier Vallée. Elle est aménagée pour
recevoir '25 à 30 enfanis. Un comité de dames est organisé
141
pour surveiller le fonclionnemenl de l'œuvre. L'élablissemenl
fisl inauguré el béni le 7 avril par Me'' de Hercé à la suite
d'une cérémonie religieuse célébrée à Noire-Dame de Bon-
Porl, au cours de laquelle M. l'abbé Fournier porte la pa-
role.
Une cinquième salle d'asile est inaugurée dans le quartier
de Pirmil le 15 mai. Elle est installée dans un local cons-
truit aux frais de la ville et qui est destiné à contenir, en
outre, le poste d'octroi et un corps de garde.
La société pour l'extinction de la mendicité publique est
reconnue établissement d'utilité publique.
Le 6 juillet, on commence le recensement quuiquennal de
la population.
ENSEIGNEMENT ET PUBLICATIONS.
L'abbé Lechat, professeur de philosophie au collège royal,
est décoré de la Légion-d'Honneur. Dubois, député, est
chargé par le Chancelier, de lui en remettre les insignes.
— Le baron Berlrand-Geslin groupe quelques botanistes
et fonde la Société linéenne. qui ne larde pas à se londrc
dans la Société Académique.
— Le Conservatoire de musique esi érigé m succursale
du Conservatoire de Pans. Le Conseil général lu accorde
une subvention de SOO fr. Le maire met à sa disposition un
local dans l'injmeuble communal de la rue du Moulin. Trois
concerts sont donnés dans le cours de l'année.
— L'Association de la Providence publie une brochure
où elle présente les services rendus par elle à la classe ou-
14^2
vrière. Ses six écoles avec leurs vingt-deux classes sont di-
rigées par Irenie-deux frères ei fréquentées par trois mille
enfants.
Les cours spéciaux se multiplient : Cours de prononcia-
tion, d'éloculion et d't'loquence parlée par le professeur
Duquesnoy.— Séances de magnétisme animal avec le concours
d'une dame somnambule. — Leçons de mécanique indus-
trielle par Wolski. — (Jours de droit théorique et pratique
pour le notariat, par Mousnier, professeur au collège. —
Cours d'archéologie par l'ahbé Rousleau, professeur au petit
séminaire. — Cours d'agriculture, par Heuzé, professeur ^
Grand Jouan. — Cours d'économie rurale par Neveu-Dero-
irie. — Leçons d'anaiomie et de physiologie comparées, par
le docteur A. Libaudière. Certains de ces cours sont gra-
tuits. Pour d'autres, une cotisation est demandée, et le pro-
fesseur, dans une première séance publique tenue générale-
ment dans la grande salle de la mairie, expose le [irogramme
de ses leçons.
La Société de Sainte-Cécile, avec le concours de l'orches-
tre du théâtre, chante à Saint-Nicolas, pour la première
fois, une messe soleimelle en l'honneur de sa patronne. -
Henri Mondeux, le pâtre calculateur, donne des séances.
Le l^"" novembre, paraît, à Guérande, un nouveau journal,
Le Saulnier, qui est rédigé par Muterse. — Une nouvelle
feuille théâtrale, Le Furet, voit le jour.
Dans le cours de l'année sont publiés : La Vendée, par le
baron de Wismes. — La (jalère armoricaine, éditée par
Charpentier. (La publication, commencée en 1844, se ter-
mine.) — )iiUoire de Vélablisscinent français de Mada-
gascar pendant la Restauration. — Fleurs à Marie, par
Turquety. — Etudes chimiques sur les cours d'eau de la
Loire- Inférieure, par Ad. Hobierre et Ed. Moride. — Sa-
143
phisticatinns des matières alimentaires, par Berlin. —
Vindusirie Unéenne, par Clierol. — Institutions de la
France, par Golombel.
AGRICULTURE.
Le concours annuel du comice central agricole est tenu,
près de la propriété du Chaffault, sur la route de la Rochelle.
Le Préfet l'honore de sa présence.
La fraude des engrais est activement surveillée par l'ins-
pecteur d'agriculture. 3^2 procès-verbaux sont dressés par
lui. Le congrès central agricole de Paris, sur la proposition
de Payen, s'inspire de l'exemple donné par notre départe-
ment pour demander que des arrêtés soient pris par tous
les préfets pour prévenir la fraude des engrais.
La maladie de la pomme de terre jette la désolation dans
nos campagnes. Une circulaire de l'inspecteur d'agriculture
indique les mesures à prendre pour la combattre.
Bertin publie une brochure : Des améliorations produites,
dans le commerce du noir animal, résidu pur des raffi-
neries, par suite de l'arrêté préfectoral du 19 mai 1841.
Les rafïineurs ne sont pas satisfaits de cerlaines allégations
qui les concernent et font entendre de vives protestations.
Le blé, jusqu'à la récolle, oscille entre 20 fr. 60 c. et
21 fr. 80 c. l'hectolitre, mais, li partir du mois d'août, il
atteint le prix de 22 fr., puis la hausse continue. Dans le
courant d'octobre, à l'occasion d'une nouvelle augmentation,
des placards séditieux et excitant le peuple à l'émeute sont
affichés en ville, mais la population résiste k ces provoca-
tions. Une commission, dite des subsistances, est nommée
144
par la niunicipalilé. lîlle se composi! de M. Cliéguillaume,
adjoint; Gailk^ Thébaud, TiXMichevenl, Greslé, conseillers
municipaux ; Dezaunay, Gonslaiilin, Dagaull, négociants ;
Leloup et Maillard, chef de bureau. L'année se termine avec
le haut prix de ^' fr. 70 c.
Le seigle suit la même marche. Il varie jusqu'en septembre
entre 13 et 14 fr. rheclolilre. A pariir de ce moment, son
prix est en hausse continue et atteint il fr. 90 c. en
décembre. — Il en est de même pour l'orge qui, après avoir
oscillé entre 10 fr. ^1^ c. et 11 fr 50 c. jusqu'à la récolte,
monte, en septembre, àli fr. ei, après une série d'augmen-
tations, termine l'année au cours de 15 fr. 50 c. — De
même pour l'avoine, qui est cotée'aux jirix de 8 fr. 65 c h
9 fr. 75 c. jusqu'en septembre, et qui alors entre en hausse
el vaut 11 fr. à la fin de décembre.
Le blé noir ne participe pas à ce mouvement. Il débute à
8 fr. 75 c, oscille pendant toute l'année entre 8 et 9 fr. et,
seulement h la fin de décembre, atteint le prix de 10 fr. —
11 en est de même du maïs, qui varie entre 9 fr. 50 c. el
il fr. 50 c.
Prix des vins à la récolle : Muscadets, 45 fr.; gros-plants,
28 Ir.
Prix du pain, le kilo. Blanc. Batelier. Méteil.
De janvier à août 0' 4250 0' 3250 0^ .'5.
En septembre 0.4375 0.3875 0.-2625.
Décembre (maximum) . . 04625 0.3625 0.2875.
Toute la population de nos côtes, qui vit du travail du
sel, est en proie à une vive agitation par suite des mesures
prises par le Gouvernement : ordonnance du 26 février rela-
tive h la dénaluralion des sels pour jouir de la réduction de
droits au cas de son emploi pour l'alimentation du bétail
145
— projet (Je loi lendanl au dégrèvemenl du sel — ordon-
nance du -24 novembre autorisant les morutiers à s'appro-
visionner de sel ii l'étranger.
Un congrès salicole se lient à Napoléon-Vendée, du 20 au
'25 décembre, à l'occasion de celle dernière ordonnance. —
Le journal Le Salin, de Guérande, mène une campagne
active pour défendre les intérêts du pays.
COMMERCE ET INDUSTRIE.
Un hangar est construit par la Chambre de Comhierce, sûr
la Fosse, pour mettre les marchandises à l'abri.
— La douane fait édifier sur les quais trois pavillons, des-
tinés aux opérations de la vérification et du pesage des
marchandises. Le public se plaint vivement du tort causé à
la perspective de la promenade.
— Les maisons d'armement réalisent de beaux bénéfices :
La G*" Hignard distribue 14 "/o de dividende, la G'« Le Royer
1-2 o/o.
— L'heure de la tenue de la Bourse est changée ; elle est
fixée de 2 h. à 4 h., par suite du changement de l'heure
d'arrivée du courrier de Paris depuis l'ouverture de la ligne
d'Orléans à Tours.
— Plusieurs usines se montent pour le traitement des vidan-
ges et leur transformation «n poudrette. — Guiberi construit
pour la marine de l'Etat plusieurs bateaux en fer : Le Dau-
phin, L'Epervier, Le Héron, Le Goéland. Les ouvriers
poëlicrs, à qui primitivement ce travail des coques était
réservé, ne peuvent plus suffire. Ils témoignent un grand
mécontentement en voyant que des charpentiers sont dressés
pour exécuter cette besogne.
Le chemin de fer d'Orléans à Tours est inauguré le
% mars. ~ Les bateaux à vapeur tentent de lui faire
146
concuiTt'iici' en abaissant leur prix de Iransporl qui, pour le
voyage d'Orléans h Tours, est fixé à 2 fr. ei 1 h\ 50 c,
mais la Compagnie du chemin de fer prend des arrange-
ments et ils cessent tout service. — Les Paquebots et les
Dragons, par suite d'une entente avec le chemin de fer,
pour le^trajet de Tours à Paris, entreprennent le transport
des voyageurs de Nantes l\ Paris, au prix de •'23 fr., avec
une durée de voyage de 23 à 24 heures.
— Les messageries Caillard-Laffitte continuent leur ser-
vice. A Tours, les diligences sont placées sur les plate-
formes du chemin de fer. Le voyage de Nantes îi Paris
est accompli en 23 heures.
Des excursions soni faites, dans la belle saison, par le
bateau La Reine, à Pornic, Préfailles, Noirmoutiers.
Plusieurs sociétés d'assurances maritimes s'organisent :
Ulric Sellier, capital 300,000 fr., par actions de 10,000 fr.
— Alexandre François fils, 600,000 fr., actions de 10,000 fr.
— J.-G. Grenet, 300,000 fr., actions de 5,000 Tr. —
Frédéric Hermann, 500,000 fr., actions de 1,000 fr. —
La Caisse d'escompte Lechat, Babin, du Champ-Renou et
Guillon, avances et prêts, se monte au capital de 250,000 fr.
— La banque Gouin, caisse de Nantes, porte son capital k
la somme de 150,000 fr. et se transforme en banque Gouiu
père, fils et C^^.
Milanowski se livre, à la Ville-en-Bois, l\ la fabrication du
bouillon concentré et du bœuf bouilli. — La fabrique de
conserves Deffès et (i*«, qui possède des usines au Monl-
Saint- Bernard et à Piriac, s'adjoint des associés et porte son
capital h 211,000 fr. — P. -H. llenaud et E.-A. Lolz fondent
leurs ateliers de construction mécanique. — Mesnil construit
un bateau plongeur à air pour les travaux de la jetée du
Croisic. — La Société Alliot et Ghaigneau se forme, au'
capital de 200,000 fr., [lour rentret)rise des dragages.
147
MONUMENTS ET VOIRIE.
L'enipriini de 600,000 fr., autorisé pour la conslruclion
du Palais de justice, est mis en adjudication. Aucune soumis-
sion n'est déposée. Le Préfet traite avec la Caisse des dépôts
et consignations.
Le vieux palais du Bouffay cl le terrain qu'il recouvre sont
mis en vente par le Préfet, sur la mise h prix de 408,243 fr.
La tour, qui est propriété communale, n'est pas comprise
dans cette vente. La ville se croit, en outre, fondée pour une
part importante dans la propriété du Bouffay. Le Préfet
examine les prétentions de la ville et apporte quelques
modifications aux conditions du cahier des charges. Le
Conseil municipal ne se déclare pas satisfait et charge le
Maire de prendre les mesures conservatoires nécessaires.
Deux anciens magistrats, Tronson et Lefeuvre, sont chargés,
en qualité d'arhitres et d'amiables compositeurs, de trancher
le différend pendant entre la ville et le département. Le
Conseil général accepte leurs conclusions et invite le Préfet
à montrer avec la ville la plus grande conciliation.
Le Conseil municipal examine les plans proposés pour la
reconstruction de THôtel-Dieu. Il se prononce pour une
construction intégrale et immédiate, mais refuse de donner
son approbation au choix qui a été fait de l'emplacement
actuel. — Une partie des douves du Château est comblée
pour permettre l'agrandissement de la place Cincinnatus (i).
Une redevance annuelle est exigée par le Gouvernement pour
bien marquer qu'il n'aliène pas son droit de propriété. —
Une ordonnance du 8 mars 1846 prononce la déclaration
(1) Place de la Duchesse-Anne.
148
d'ulililé publique pour Touverlure d'une voie («) m prolon-
gement de la rue Gressel jusqu'à la rue de Flandres, ei
substitue la société Mahol, Esmein et Rocher, aux droits
de la commune, en vue de procéder aux expropriations qui
qui seront nécessaires. — Les quais d'Orléans et des Tan-
neurs, ainsi que les cales [nin abords des ponts de l'Erdre,
sont munis de parapets.
Saint-Nicolas. — L'aménagement des abords de cette
église est l'objet de plusieurs délibérations du Conseil
municipal. La largeur des rues latérales est portée de
6 mètres h 8 mèlres. L'ouverture d'une rue dans l'axe du
transept et à la suite de la rue du Pre-Nian esl décidée.
La déclaration d'utilité publique est sollicitée pour obtenir
le dégagement du parvis. La fabrique esl autorisée à
disposer d'une somme de 50,000 fr. pour acquérir des
immeubles eu vue de l'isolement du monument.
NoTRE-DAME-DE-Bois-Poni. — La mise en adjudication
des travaux de construction d'après les plans de Seheull
et Clienantais a lieu le 24 mars.
Sainte-Croix. — L'église est complètement débarrassée
des baraques qui masquaient sa façade.
Sainte -Anne. — M. et M"* Blineau, par acte du 18
septembre, font donation à la ville de cette église. L'abbé
Leliuédé est installé le 2'2 novembre.
Saint-Joseph-de-Portricq. — Cette église, élevée aux
frais de Leiasseur, est donnée par lui eu pleine propriété à
la comuume, suivant acte du '20 septembre.
On procède {\ la démoliiion de la chapelle de Toussaint
(1| Rue de Bréa.
149
CONCERTS , THÉÂTRE , ETC.
Eq mars M°»« Dorus-Gras. — W^^ Malvina Prévol. —
F'*^ F(!illinger. — Avril : k; léiior Taldoni. - Juin : le
pianiste Thalberg. — Août : le pianiste Konslki puis Feil-
linger. — Novembre : le violoncelliste Gasella. — Décembre ;
Ghys.
La fin de la saison est marquée par deux auditions du
Désert, de Félicien David, pour lesquelles le prii des places
est doublé; 150 exécutants, au nombre desquels se trouvent
les élèves du Conservatoire, concourent à leur exécution.
Tilly est, pour la 3« fois, mis en possession du privilège.
11 a toutes les sympathies du public. Le H mai, la troupe
de comédie ouvre la campagne. Du 15 juillet au 1»' aoiil
la salle est fermée suivant l'usage. La troupe d'opéra débute
le !•"■ septembre. M"» Masson trouve un public encore plus
enthousiaste qu'en 1845.
Les nouveautés de l'année sont : Charles VI (^6 mars);
La Reine de Chypre {ïll décembre). Viennent en représen-
tation : M"»* Dorus-Gras de l'Opéra ; M"»« Hossi-Caccia, de
rOpéra-Gomique ; M"« Fargueil, du Vaudeville ; Ravel, du
Palais-Royal.
— Des concerts sont donnés par Ponchard, professeur au
Conservatoire de Paris, et Van-Gelder, violoncelle solo du
roi des Pays-Bas.
On songe à installer un rideau en double tôle pour isoler
la scène en cas d'incendie.
Les bals se succèdent chaque semaine jusqu'au Carême.
En février, des représentations sont données par la troupe
150
italienne Zanfrella : exercices gymnasliques, danses, tableaux
vivants, etc. — En mars : Unies d'hommes.
Au théâtre du passage Pommeraye, d'avril ti juin, séance
du professeur de Liriski, preslidigilalion, magie blanche,
polyorama animé, fantasmagorie, la nonne sanglante.
Place Grand musée français et galerie militaire, 1^0 personnages,
Bretagne, grandeur naturelle. — Le cirque Boulhors.
Année 1847.
La cherlé du pain. — Les grèves. — Mesures contre les boulangers. — Gare du
c'.iemin de fer. — Transallanliques. — Traité avec la C'° du gaz. — Service d'eau.
— La lulle entre les deux sucres. — Divers. — Services publics. — Enseignement
et publicalions. — Agriculture. — Gtiranaerce et industrie. — Monuments et voirie.
— Concerts, Théâtre, Spectacles.
LA CHERTÉ DU PAIN.
L'année 1847 esi signalée par une disette qui afflige
toute la région. Le pain méteil, taxé à 0 fr. 30 c. le kilo
pour le mois de janvier, est porté à 0 fr. 4625 en avril.
Il se lient à 45 c. pendant les mois de mai et de juin, et
seulement, en août, tombe à 0 fr. 28 c.
Des actes de violence sont commis à Rennes, Pouancé,
Ghâleau-Gontier, sur divers points de la Vendée. Grâce aux
mesures prises par la municipalité, l'ordre n'est loublé en
notre ville que par le bris de quelques vitres et réverbères.
Sur son initiative, une liste de souscription est ouverte ; la
population répond avec empressement à cet appel, et, en
quelques semaines, une somme de 40,000 fr. est recueillie.
Une souscription est également ouverte dans les colonnes
de V Hermine. Elle produit une somme d'environ 10,000 fr.
La Commission du journal offre au Maire d'affecter celte
somme au rachat de l'augmentation du pain méleil, et, sur
le refus qui lui est opposé, en dispose en faveur de la Société
et des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul.
Le Conseil municipal insiste pour que le Gouvernement
abandonne à la ville le dixième de l'octroi qu'elle lui verse
annuellement. Pour donner de l'ouvrage aux ouvriers en
chômage, des ateliers de charité sont ouverts au Jardin
452
des plantes, à la carrière de Miséry, aux Garennes, aux
Folies-Cliaillûu, au marché de TAballoir. Le Conseil
municipal, dans sa séance du 29 janvier, décide la création
de bons de pain supplémentaires, qui doivent servir l\
couvrir l'excédent de 0 fr. r^7 c. 1/2 pour le pain batelier
et 0 fr. 30 c. pour le pain méleil.
Les ouvriers des ateliers de charité , mécontents du
salaire journalier de 1 fr. 10 c. qui leur est accordé, font
entendre des plaintes. Un instant on peut craindre qu'un
mouvement populaire n'éclale. Des bons supplémenlaires
sont distribués et l'incidenl n'a pas de suite. Pour faire
face aux dépenses occasionnées par la délivrance des bons de
différence, trois emprunts successifs, chacun de 100,000 fr.,
sont volés par le Conseil municipal, le -20 février, le 20
mars et le >25 mai.
GREVES.
La cherté du pain provoque plusieurs grèves.
Les couvreurs se mettent d'abord en chômage ; ils ne
gagnent que 3 Ir. et réclament la journée de 3 fr. 50 c.
et 4 fr., suivant la saison.
Ce sont ensuite les maçons qui, en février, quittent les
chantiers. Ils demandent une augmentation de 0 fr. 50 c. par
jour, soil 2 fr. 50 c. au lieu de -2 fr., suivant la saison.
Plusieurs réunions sont tenues par eux, au Ponl-du-Gens, sur
la roule de Paris, k la suite desquelles il est procédé par la
police à une trentaine d'arrestations. Des condamnations
variant de huit jours à deux mois de prison sont prononcées,
le '24 mars, pour délit de coalition et de violence. Le parquet
en appelle k minima [tour plusieurs d'entre elles. La Cour
se borne à les continuer. La grève ne s'en poursuit pas
moins. A la suite de réunions qui ont lieu 'à Pont-Rousseau
el sur les chantiers du chemin de fer, il est procédé, dans
158
le, couriinl d'août, h de nouvelles arresla lions. Il ne faut pas
moins de cinq audiences pour juger les prévenus. 51 con-
damnations de huit joiu's k six mois de prison sont
prononcées, et deux maçons, convaincus d'avoir été les
meneurs de la u:rève, encourent une peine de deux années.
Tant de rigueurs ont raison de la résistance des ouvriers
qui repreiment le chemin de leurs chantiers sans avoir
obtenu satisfaction.
MESURES CONTRE LES BOULANGERS.
Le haut prix des farines amène les boulangers à pratiquer
des manœuvres frauduleuses, et de nombreuses condamna -
lions sont prononcées, les unes pour manque de poids dans
le pain, les autres pour vente à un prix au-dessus de la
taxe. Certains mélangent à la farine de blé des farines de
maïs, fèves et de pois. On trouve chez quatre d'entre eux
des pains couverts d'une couche rouge ayant la couleur de
la brique pilée. Ils sont convaincus d'avoir employé un
mélange de farines et condamnés à des peines de un à trois
mois de prison. D'autres condamnations sont prononcées
pour le même fait. Des peines de prison sont infligées h
divers boulangers pour récidive dans la vente à faux poids
ou à un prix supérieur à celui de la taxe.
La municipalité, en vue d'assurer un approvisionnement
régulier, avait enjoint, par un arrêté du "Hj mars, aux
boulangers de pratiquer deux fournées chaque dimanche,
sans diminuer le nombre de celles qu'ils faisaient normale-
ment les autres jours de la semaine. Les boulangers se
plaignent vivement et ne s'empressent pas d'obéir h cette
injonction. A la suite d'une visite domiciliaire faite ,
un dimanche, 60 procès - verbaux sont dressés. Le
dimanche suivant, la police constate que le règlement
est observé.
11
154
GARE DU CHEMIN DE FER.
Les travaux de conslrudion de la ligne sont, sur lous ses
points, menés avec une grande aciivilé cl l'on peut déjà
prévoir qu'ils seront terminés à la fin de l'année 1849.
La question de remplacement de U gare n'est pas encore
résolue. Le Ministre s'oppose formellement l\ la pose d'une
voie ferrée sur la Fosse pour relier la prairie de Mauves
au port. Tous les projets mis en avant se trouvent de la
sorte écartés.
La Compagnie propose de nouvelles dispositions. Une
gare pour voyageurs et marchandises, à destination de
Nantes, serait établie au bas du cours Saint-André. La ligne
contournerait la ville par le nord, passerait en tunnel de la
ruelle de Bel-Air à la rue des Coulées et aboutirait sur la
Fosse à la maison Cliaurand. Un projet à peu près semblable,
celui dit de V Entrepôt, avait été, lors de la première
enquête, présenté au public et avait été presque unanimement
repoussé. Le Breton, Le Courrier de Nantes et VHemtine
combattent la nouvelle combinaison de la Compagnie.
Le National de l'Ouest est seul à la défendre et s'attache
à faire couiprendre qu'elle réalise le vœu de la loi, c'est-à-
dire la ligne jusqu'à l'Océan. Pour ce journal, le port de
Nantes c'est l'Océan.
Une nouvelle enquête est ouverte le -26 avril. Le projet
proposé soulève de vives polémiques. Des pétitions circulent.
Des brochures sont lancées. Généralement on regarde la
construction du tunnel comme irréalisable et on va jusqu'à
accuser les administrateurs de vouloir traîner les choses en
longueur. Les corps constitués et la population s'en tiennent
toujours à leur précédente opinion.
La Chambre de Commerce repousse le projet de la
Compagnie et réclame une seule gare à la prairie de Mauves
avec railway à chevaux sur la Fosse.
m
Le Conseil d'arrondissement lient le même langage.
La discussion est très vive au sein du Conseil municipal.
La Comujission spéciale, nommée en son sein, accueille favo-
rablement le [)rojel de la Compagnie, mais le Conseil repousse
ses conclusions et, sur la proposition de Cherol, demande :
1" à une grande majorité, une gare de voyageurs à la
prairie de Mauves liée à une gare maritime ; 2° par 15 voix
contre 14, la gare mariliuie \\ la prairie au Duc (la Fosse
recueille 4 voix, l'île Gloriette 10).
Le Conseil général à l'imanimité vole : l» la construction,
à la prairie de Mauves, d'une gare de voyageurs et de
marchandises ; ^2° une ligne à fleur de pavé reliant la gare
de la prairie de Mauves à l'Entrepôt ; 3" une gare maritime
à la prairie au Duc.
La Commission d'enquête se prononce w l'unanimité pour
la prairie de Mauves avec rails à niveau sur les quais et,
par, 6 voix contre une, elle demande un prolongement de
la ligne sur la prairie au Duc.
TRANSATLANTIQUES.
Le Groiivernement prend une décision au sujet des lignes
transatlantiques. La ligne du Havre h New-York doit être
desservie par les quatre navires conslruils en 1840 pour le
compte de l'Etal. Une subvention de 5 millions esl accordée
aux trois autres lignes : Saint-Nazaire au Brésil;— Bordeaux
à la Havane et la Nouvelle-Orléans ; — Marseille aux
Antilles. Telle est l'économie d'un projet de loi que le
Minislère dépose le 17 février.
Notre comnierce avait lieu d'être satisfait et croyait
pouvoir compter sur la réalisation de ce programme, mais
voilà que, dans le courant de juin, une mauvaise nouvelle
vient à la connaissance des Nantais. La ligne du Brésil serait
retirée à Saint-Nazaire pour être donnée au Havre. Le
156
Conseil municipal el la Chambre de Commerce se réunisscnl
(l'urgence el nommenl respeclivemenl pour aller à Paris
Clierol, Braheix elQuesneau; A. Le Cour el P. Roy.
A leur arrivée, les délégués Irouvenl nos dépulés en proie
k un grand découragemeni, mais ils ne se rebulenl pas. Ils
mulliplienl leurs inslances, el, bien que le Minislère soil
l'orlemenl engagé avec le Havre, ils finissenl par iriompher
de ses liésilalions el obliennenl que la ligne du Brésil soil
mainlenue à Sainl-Nazaire, mais h la condilion qu'avanl
le vole de loi, une sociélé soit formée en vue de l'exploilalion
de celle ligne.
Qiiesneau pari immédialemenl pour Nantes, el sans perdre
un moment se met à Pœuvre. Le capital de la sociélé à
créer est thé k la somme de 3,-200,000 t'r. La Chambre de
Commerce vole une garantie d'intérêt de" 3 "/o sur la moitié
du capital. Le Conseil municipal prend des engagements pour
un même chiffre. Un comité de souscriplion est organisé.
Il se compose de P.-J. Maës, président; Suffisant, secrétaire ;
J. Gouin, de Lancastel , A. Garnier , V. de Cornulier ,
H. Braheix, Allard aîné, J. Voruz aîné, de la Robrie,
Cornillier aîné. M** de Monly, Besnard la Giraudais, A.
Bonamy, F. Quesneau. Des listes sont mises en circulation.
L'entrain est général. Les souscriptions affluent, el, au bout
de quelques semaines, le capital demandé est atteint. Les
signatures des Nantais sont au nombre de 615 et corres-
pondent à une somme dépassant 1,300,000 h'. (Quesneau
150,000 fr. ; Allard, Maës, Ogercau, -20,000 l'r. etc.). La
Compagnie du chemin de fer de Tours à Nantes s'engage
pour 100,000 fr. Les souscriptions recueillies à Paris et
dans les villes de la Loire s'élèvent k 1,600,000 fr.
Quesneau, dès que le capital est souscrit, s'empresse de
retourner h "aris. Le Minisire soulève une nouvelle objection.
Il déclare ne pouvoir accepter les offres des Nantais. 11 ne
157
peut conr.éder la ligne du Brésil avant celles de la Havane
et des x\nlilles, et aucune société n'est encore formée pour
se charger de l'exploitation de ces deux dernières lignes.
TRAITÉ AVEC LA C^e DU GAZ.
Le traité de la ville avec la Compagnie Européenne du
Gaz expire en 1849. Le Conseil étudie les conditions d'un
renouvellement. Une mise en adjudication est décidée en
principe. La Compagnie du Gaz du i^lans et la Compagnie du
Gaz vinicole (qui extrait le gaz des lies de vin et des marcs
de pomme et de raisin) se mettent sur les rangs, en concur-
rence avec la Compagnie Européenne. Le gaz vinicole offre
le prix de 0 fr. 42 c. le mètre cube. La Compagnie Euro-
péenne s'en lient à celui de 0 fr. 50 c. On finit par recon-
naître qu'il est plus sage de traiter directement, et le Conseil
décide de passer un nouveau contrat avec la Compagnie
Européenne.
SERVICE D'EAU.
Saint-Amour, au nom d'une Compagnie, propose d'installer
un service d'eau, suivant les plans remis par Jégou. D'après
ce projet, l'eau serait prise en amont des ponts, ^ la prairie
de Mauves, et refoulée dans un réservoir de 400 mètres
cubes.
Le Conseil consacre quatre séances à discuter les condi-
tions du cahier des charges. Il accorde une concession de
99 ans. L'eau destinée aux services municipaux serait payée
1-2 fr. les 1,000 mètres cubes. Le prix de l'eau filtrée,
consommée par les particuliers, serait fixé à la somme
annuelle de 25 fr. pour une consommation journalière de
1 mètre cube, de 36 fr. pour 2 mètres cubes. Une subven-
tion annuelle de 49,000 fr. serait donnée par la ville, tant
que la consommation n'atteindrait pas un cube déterminé.
158
LA LUTTE ENTRE LES DEUX SUCRES.
Le sucro colonial est encore une lois fortement menacé, el
les dispositions de la loi du "2 juillet 1843 sont, chaque jour,
plus impuissantes pour le défendre contre le sucre indigène.
La production de ce dernier sucre s'est élevée de 30 à
60 millions de kilos. De grandes usines ont pris la place des
petites fabriques de l'origine, el les appareils perfectionnés dont
elles font usage leur ont permis d'abaisser les prix de vente.
Les fabricants du Nord tentent des démarches pour obtenir î»
Bordeaux un entrepôt réel el poussent l'audace jusqu'à
proposer aux raffineurs nantais d'approvisionner leurs
usines.
En décembre, la Chambre de Commerce adresse au
Ministre un long mémoire pour lui signaler les nouveaux
dangers que courl le sucre exotique et lui soumettre ses vues
sur les remèdes à apporter pour conjurer cette situation qui
compromet de si nombreux et importants intérêts. L'expro-
priation de l'industrie betleravière, avec payement d'une
indemnité, lui semble le moyen le plus sûr pour arrêter le
mal, mais on ne peut espérer que les Chambres adoptent
cette solution. Il faut donc en trouver une autre, et la
Chambre propose un abaissement des droits. On provoque-
rail ainsi une plus grande consommation du sucre el les
recettes de la Douane ne seraient pas atteintes par cette
mesure. L'abaissement des droits sur le café et le cacao est
également indiqué par elle comme pouvant contribuer au
développement de la consommation du sucre.
DIVERS.
Le Conseil municipal est, dans sa séance du ''16 août, saisi
par Cherot d'un véritable réquisitoire contre l'Adminisiralion
municipale. L'honorable conseiller accuse la Municipalité
159
de laisser traîner un grand nombre de questions importantes :
reconstruction des hospices, service d'eau, construction
des quais, tour du Bouffay, ferme de l'octroi, champs
de foire et de manœuvre, pompes funèbres, réglementation
de la boulangerie, pavage à la charge des particuliers,
caserne de cavalerie. Le Maire, dans la séance du 8 novem-
bre, rédige un long mémoire et répond à chacun des griefs
articulés contre son Administration.
Les électeurs de la section I sont convoqués, en février,
pour nommer un Conseiller en remplacement de Bignon,
démissionnaire. Les inscrits sont au nombre de 325. Touzeau,
notaire, est élu au deuxième tour par 67 voix.
Le Maire retranche du programme de la fêle du Roi, le
feu d'artifice traditionnel et emploie la somme qui lui est
destinée à augmenter les distributions de pain aux indigents.
Les dames de la halle avaient adressé leurs félicitations à
la comtesse de Chambord, lors de son mariage. Le baron
de Gharette est chargé de les remercier. — La police
s'oppose à l'affichage du portrait de la comtesse.
Mer j(. Hercé envoie aux catholiques d'Irlande une sonmie
de 11,156 fr. provenant des quêtes faites dans le diocèse.
Les processions de la Fêle-Dieu augmentent d'éclat. Le
reposoir du Change, avec sa demi -coupole que supportent
quatre colonnes torses, excite une vive admiration.
Les débitants de vin de notre ville prennent part à un
mouvement organisé dans tout le pays par un journal, la
Ligue provinciale, en vue d'obtenir par voie législative la
160
suppression de rexorcice. Un agent de celle ligue vienl à
Nanles el recueille de nomhreuses signîilures pour une péli-
lion aux Chambrer^. Ces démarches n'aboulisseiil pas. Nos
conciloyens déclarent ne pas vouloir, quand même, renoncer
à leurs revendicalions.
Une inondation se produit dans le courant d'avril. La cote
de 4"!, 48 est atteinte. La population est alarmée par les
dangers auxquels l'exposent les levées construites en 1846
et particulièrement celle de la Divatle.
Le Préfet avait formé opposition contre la nomination du
docteur Guépin au Conseil municipal. Il prétendait que, par
suite de sa situation de professeur à l'école de médecine, il
devait être] regardé comme un salarié de la commune et
était, comme tel, inéligible. Le Conseil d'Etat mei l'opposi-
tion cl néant, et le docteur Guépin prend possession de son
siège.
>
La Société Académique reprend la tradition de ses concours
littéraires. Le sujet proposé pour 1847 : Des causes de la
dépopulation des campagnes et des moyens d'y remédier,
est traité par 49 concurrents. Le 1" prix, une médaille d'or
de '250 fr., esi remporté par un avocat d'Angers.
Une Société des Régates nantaises est fondée. Les sous-
cripteurs tiennent une première réunion le il avril. Une
Commission est nommée ; elle a pour président le maire
Ferd. Favre, et pour vice-président, Ad. Le Cour. Une fête
nautique est donnée le "10 juin. Une estrade est dressée sur
le quai Saint- Louis pour recevoir les sociétaires. La corvelte
de l'école des mousses, ancrée [)rès la paiaclie de l'octroi,
reçoit à son bord les autorités el la musique du régiment.
161
Une grande aftluence esl attirée par la nouveauté du spec-
tacle. La fêle obtient un plein succès. La course à la voile
réunit 14 concurrents. Il y a, en outre, quatre courses à
l'aviron.
Les républicains, à Toccasion des fêtes nationales, mon-
trent un entrain toujours croissant. La visite au cimetière de
Miséricorde en réunit un grand nombre. Le lendemain, ils
assistent à un banquet que préside Guépin. Mangin y répèle
le discours [trononcé la veille devant le tombeau des victimes,
et on se sépare en chantant La Marseillaise.
La malle poste de Nantes à Brest, chargée de 70,000 fr.
ap[)arteiiant à PElat, bien qu'escortée de deux gendarmes,
est attaquée au bois de Sal, près d'Auray, le "2 novembre,
par une bande de vingt hommes armés- 30,000 fr. échap-
pent à leurs recherches. Aucune violence n'est exercée
contre les voyageurs.
SERVICES PUBLICS.
Une ordonnance royale du 1" février institue un Commis-
saire de police central avec juridiction sur Sauiron, Orvaull,
Mauves, Doulon, Thouaré, Rezé, Saint-Sébastien, Chantenay.
Delaralde, commissaire de [)olice en chef, esl nommé à ce poste.
Des observations sont présentées par le Conseil municipal.
Certains de ses membres demandent le retrait de l'ordon-
nance.
Le corps des surveillants de nuit, qui se compose de
'25 titulaires el 10 surnuméraires, est dissous. Par contre,
le service des garde-ville est réorganisé et leur nombre
porté d(ï % ;i 50, dont 12 brigadiers ou sous-brigadiers, el
38 gardes.
Les deux escadrons du 6« chasseurs, en garnison à Nanies,
permulenl avec les deux de Ponlivy. En oclobrc, le régiincnl
pari pour le camp de Gonipiègne et deux escadrons du
6« dragons nous viennent de Limoges.
Pendant les six semaines du séjour des deux bataillons du
5^ léger au camp de Compiègne, et malgré les renforts
envoyés de Bourbon-Vendée et d'Angers, la garde nationale
dessert les postes du Porl-au-Vin, de Sainle-Elisabeth,
de la préfecture el de la mairie. En octobre, le 5« léger
part pour Orléans ; il est remplacé par le 47« qui vient
de Coutances. Ce régiment a pris part à la prise de
Conslantine.
Le lieutenant général Trezel est appelé ^ prendre le
portefeuille de la Guerre, dans le Ministère Guizot. Il est rem-
placé provisoirement dans le commandement de la l'2« division
militaire par le maréchal de camp Vilmorin, puis par
le lieutenant général de Bar, qui vient de l'armée d'Alriquo.
Le préfet Ghaper est nommé à la préfecture du Rhône.
Roulleaux-Dugage, préfet de l'Hérault, vient prendre sa place
et entre en fondions le 27 juillel.
Le capitaine Loarer envoie des notes sur Mayolte et les
ressources qu'offre cette nouvelle colonie. — La Chan)bre
décide la remise de jetons en argent à ses membres, comme
cela se pratique ii Bordeaux. Il en sera donné 25 pour chaque
période de trois ans. — Un travail de Ad. Le Cour, sur
Madagascar, couclul, soii ii une conquête, soit à une prise
de possession en échange de nos droits souverains, soit à
un traité avec la reine des Owas.
— Gicquel, commissaire à la comptabilité, appelle l'altenlion
de la Chambre sur sa situation tniaucièr.'. Les immeubles
qu'elle possède représentent une valeur de ^5 -il, 8(34 Ir.,
Ce.
168
mais il lui reste à payer 68,500 fr. aux vendeurs des
Salorges. Elle doit, en outre, 4^2,000 fr. à son Trésorier.
Ses ressources, qui consislenl dans la contribution des
patentes (6,000 fr.) et dans le produiti^des magasinages
(60,000 fr. environ), ne peuvent que couvrir les dépenses
courantes. La nécessité d'un emprunt de 100,000 fr. s'im-
pose. La Chambre s'effraie à cette pensée d'un emprunt
public ; elle estime qu'une autre solution doit être trouvée
si elle ne veut pas voir son prestige atteint. Ou arrive donc
à obtenir des prorogations de délai pour une partie de la
dette, et il n'est plus nécessaire que de se procurer immé-
diatement une somme de 50,000 fr. La Chambre recom-
mande à Gicquel la plus grande discrétion pour pratiquer
cet emprunt. 30,000 fr. sont prêtés par Chabosseau et
-20,000 fr., par J.-B. Le Cour, au taux de 5 %.
Un incendie, qui dévore une corderie située à proximité
des entrepôts, fait réfléchir la Chambre de Commerce sur les
dangers que courent les marchandises dont elle a la garde.
Les agents des Compagnies d'assurances sont effrayés par
l'imporlance du risque "(4 millions pour les Salorges, 2 mil-
lions pour les magasins Tessier et Terrien). Des démarches
sont faites à Paris auprès des directeurs des Compagnies. —
La Chambre jette les bases d'une société pour la création
d'un service de bateaux à vapeur entre Aden et Bourbon.
Sont nonunés pour trois ans : Hippolyte Braheix, J. Voruz
aîné, membres sortants ; de Lancastel, Y. Berthault et Que-
neau, pour Uîi an ; A. -H. Bonamy, en remplacement de
J. Gouin, démissionnaire le IS septembre. De Lancastel est
nommé président; Hippolyte Braheix vice-président.
Sont nommés : — Président, Ad. Bonamy. — Juges titu-
laires : P. Boy, ancien juge ; J.-B. Chalot et Frédéric
Brahix, juges sui)pléants sortants. C<'s deux derniers sont
remplacés par P. Fruchard et Demars.
bienfaisance
164
Caisse Les Versements s'élèvonl h l/29'2,58^2 fr. Ils sunl en
pargnc. j^^j,jq^jqjj g^,j, j'année précédente. Les remboiirs(^nients sont
de 1,5r3 1,697 fr. Le s(>'':!e dû, encore en baisse, est de
6,405,509 fr. Les renies acquises atteignent la somme de
48,3^22 fr. Sont nommés directeurs : L. Bureau tils, Henri
Auget, A. Icéry, J.-G. Renoul, G*« Olivier de Sesmaisons.
Bureau La clierlé du pain entraîne la caisse dans des dépenses
'^'^ extraordinaires. Elle vend un titre de rente. La ville lui
accorde un secours exceptionnel d(; 15,000 fr. Les distribu-
tions de pain sont suspendues pendant la belle saison.
Ses receltes s'élèvent à 163,041 fr. 71 c. et ses dépenses à
146,903 fr. 66 c. Le legs d'Havelosse, le plus important
que le bureau ait encore eu, va lui créer de nouvelles res-
sources. Après transaction avec les héritiers, une somme de
300,000 fr. est attribuée aux bureaux de bicntaisance de
Nantes et de Chanlenay (284,858 fr. pour Nantes et
15,14^2 fr. pour Chantenay).
BuJgei Les prévisions budgétaires pour 1847 sont fixées à
'"""*''P''' 1.644.680' ^27 en recettes ordinaires et
extraordinaires,
et 1.644.615 30 en dépenses —
Excédant ... 64 ' 97
Ociroi. Les receltes de l'ociroi sont en progression croissante.
Elles atleigu'iil 1,296,306 IV., soil une auguieutalion d'en-
viron 120,000 fr. sur celles de 1845, dernière année de
l'ancien tarif.
ENSEIGNEMENT, PUBLICATIONS.
Un cours gratuit et pid)lic de chimie est professé par
(^hancourtois, ingénieur des mines. Il reçoit une allocalion
de 500 fr. du Conseil général.
166
— Le Conservatoire de musique, érigé en succursale du
Conservatoire de Paris, par ordonnance du 1" septembre
1846, est inauguré officiellement en celte qualité le '28 oclobre
1847. Les autorités civiles et militaires, les membres de la
Société Académique et des Beaux-Arts, les notabilités artis-
tiques de la ville prennent part à cette solennité. Cuissarl,
adjoint, parle au nom du Maire.
— Le National de l'Ouest augmente son format et porte
à 44 fr. son prix d'abonnement à l'année pour Nantes.
— L'abimneinent du Phare de lu Loire, qui est de 36 fr.
pour Nantes et de 46 fr. en dehors, est fourni aux abonnés
du National, aux prix de il6 et 40 fr., et à ceux du Breton
et de VHermine, à ceux de 28 et 42 fr. Le Phare de la
Loire ne traite que les questions commerciales et maritimes.
— La petite géographie de la Loire-Inférieure, par Le Saut
et J. Verger, est publiée.
— L'Hermine comparaît devant les assises de décembre,
sous la prévention de provocation à la désobéissance aux
lois, en excitant les contribuables a refuser le payement des
impôts. Le journal est défendu par Besnard la Giraudais.
Il est acquitté. Ses amis politiques, à l'occasion de cet
acquittement, organisent un banquet qui est présidé par de
Mélient.
AGRICULTURE.
Des spéculateurs, voulant profiter des hauts prix du blé,
achètent les récolles sur pied. L'Administration se voit dans
la nécessité de les menacer de l'application de la loi du
6 messidor an III, qui interdit, sous peine de confiscation,
la vente des grains en vert ou pendants par racines.
— Les hannetons exercent de grands ravages. On demande
que des mesures générales soient prises pour combattre ce
fléau.
166
— Une colleclion de dahlias, comprenant 600 variétés, est
exposée par la colonie de :Vlellray, dans la salle de la Bourse.
— Neveu -Derolrie, dans son cours d'économie rurale,
étudie la théorie des engrais.
— Le Prélel, se conformant à une circulaire ministérielle,
institue une commission pour procéder à des essais sur
remploi du sel en vue de l'amendement des terres et de
l'alimentation du bétail. De la Haye Jousselin, député, en est
nommé président, et 0. de Sesmaisons, secrétaire.
— Des instructions sont données par le Préfet relativement
aux précautions à prendre pour combattre la maladie de la
pomme de terre.
— Le Comice central agricole tient son concours annuel
à Sainl-Etienne-de-Monlluc, sous la présidence de 0. de
Sesmaisons. Le Comice se crée des correspondants dans
tout le déparlement.
Le blé et les autres céréales atteignent des cours de
disette. En janvier, le blé vaut SO h 31 fr. l'heclolitre; il
monte rapidement, et, dans la 3® semaine de mars, son prix
arrive à 43 fr. 50 c Des oidres sont donnés à l'étranger,
mais plusieurs états, entre autres rEs[iagne et la Turquie,
s'opposent à la sortie des graius, et des prix supérieurs à
40 fr. sont encore pratiqués pendant toute la durée des
mois d'avril et de mai.. Les détenteurs de blé, en présence
de la belle apparence de la prochaine récolte, se décident à
renoncer à leurs exigences. La baisse s'accentue dans le
mois de juin, et les cours, en juillet, tombent à 30 fr. Le
mouvement de baisse continue, et, à la tin de Tannée, on
descend aux prix de 19 à "20 fr. Les autres céréales suivent
les mêmes oscillations et présentent, dans la 3« semaine de
mars, un maximum qui est : pour le seigle, de 35 fr.; l'orge,
de ii4 fr.; le blé noir, de 17 fr. 70 c
167
Taxe du [lain, le kilo :
Blatic.
Pour janvier 0' 4750
— avril 0.6375
~ mai et juin 0.6250
— décenibre 0.4000
Batelier.
Méteil.
0'3750
0'30
0.5375
0.4625
0.5250
0.4500
0.3000
0.2250
Cours des vins : muscadets, 27 à 29 fr.; gros-plants,
15 à 16 fr.
COMMERCE ET INDUSTRIE.
Un groupe de négociants et d'industriels se forme, en vue
de fonder une association ayant pour objet la défense des
iniérêis commerciaux, industriels et agricoles de la région
de l'Ouest. (]inq commissaires sont nommés : Maës, H. Pel-
loulier, Guépin, Gb. Saini-Âmour, J. Voruz aîné. Ils
demandent au Maire la salle de la Bourse pour y tenir une
réunion publique. Le Maire en réfère au Préfet et celui-ci
au Ministre qui, sans donner aucun motif, refuse l'autorisa-
tion. Tout projet d'association est, sur lecbamp, abandonné.
— Le commerce maritime continue à prendre un grand
développement. L'année est marquée par la création de
plusieurs compagnies d'assurances maritimes : P.-B. Goullin,
240,000 fr.; Odon Desmars, 250,000 fr.; L. Hardouin,
300,000 fr.; Lecoq Dumarselay, 400,000 fr.; P. Bonamy,
un million.
—L'industrie prend une nouvelle extension. Parmi les usines
que l'année 1847 voit se crée.r, on peut citer : la fabrique de
vernis de Lapotaire et Marchand ; établissement d'eau filtrée
de Lebreton, de Villandry et C*^, rue Crucy ; conserves
alimentaires de Levraud, Gosle et Guilloux; fabrique de
bouillon concentré de Talbot et G*" ; filature mécanique de
chanvre et de lin de Gherot frères ; carbonisation de la houille
et de la tourbe, par Dammiens et G'*.
168
— Les Pyroscnphes ont deux départs par Jour pour la
Basse-Loirei
— Les Courriers de la Loire et les Dragons ors^anisenl
un double service pour Angers. — Les Paquebots de la
Loire et. les Dragons sont en correspondance, à Tours,
avec le chemin de fer.
— La Compagnie des Paquebots de l'Ouest, avec les
bateaux Sylphe, Comte d'Erlon, Ronfleur, a deux départs
par semaine pour Bordeaux. Elle s(î transforme en la Com-
pagnie franco-espagnole de navigation, sous la raison
sociale Monlluc el C*^ pour la navigation de Nantes à Bor-
deaux et aux côtes d'Espagne et de Nantes à Tours. On
compte sur une expéililion pour Paris, par an, de 400,000
barriques de vin de Bordeaux et de 10 k 15,000 tonnes
d'eau-de-vie de Béziers passant par Bordeaux.
Un remorqueur, le Sainte-Anne, de la force de 60 che-
vaux, est mis en service.
MONUMENTS ET VOIRIE.
— Les travaux du Palais de Justice sont poussés avec
activité.
— Le Ministre de la Guerre paraît disposé à exaucer enfin
les vœux si souvent exprimés par la population el à enlever
la poudrière du Château pour l'installer dans l'enceinte forti-
fiée qui doit être construite à Saint -Nazaire, autour du
bassin projeté.
— Pour la quatrième l'ois, le Conseil umnicipal réclame une
reconstruction intégrale el immédiate de riIôtd-Dieu. 11
maintient sa résolnlion au sujet de son déplacement. La
Commission des liospices, de son côté, persiste dans son
projet d'une reconstruction sur place. Le Conseil municipal,
faisant passer au premier rang les considérations d'intérêt
général, déclare ne pas insister davantage et s'en remettre
169
■^ la décision du Préfel. Une solution quelconque', ne peut
larder plus longtemps à être prise sans manquer aux règles
les plus sommaires de riiygièno. Les lils manquent pour
satisfaire aux besoins, et leur nombre n'a pu être porté
à 789 qu'à la coîidition d'utiliser tous les coins et recoins,
les Lçreniers et même des chambres sans air et sans
lumière.
— On commence la démolition du Bouffay. Le Tribunal
tranche le difîérend pendant entre la ville et l'Etal. Il attri-
bue à ce dernier la profiriélé du vieux monument. Le Conseil
n)unicipal décide que l'acquisition d'une partie du lerrain
sera faite pour donner un [)lus grand développement à la
place qui existe, de manière à pouvoir ultérieurement y
construire un marché couvert.
— La statue de Cambronne, due à Debay, est coulée à
Paris. Son érection sur le coiu's Henri IV nécessite une
transformation de cette promenade. Les travaux que com-
porte cette transformation sont mis en adjudication. Ils
entraînent l'abatage des arbres, à la grande satisfaction des
propriétaires des maisons, qui se plaignaient depuis longtemps
de leur voisinasse.
— Les cimetières deviennent insutlîsanls. Le Conseil
municipal se propose d'établir un cimetière général el invite
le Maire à entrer en pourparlers pour l'acquisition, au bou-
levard Lelasseur, d'un terrain de 7 hectares sur ime base de
80,000 fr. Ce projet n'est pas suivi d'exécution et l'on
décide d'agrandir les cimetières existant. La nouvelle paroisse
de Sainte-Anne doit être dotée d'un cimetière que la
paroisse de Notre-Dame-de-Hon-Port pourrait également
utiliser.
— L'ouverture d'une rue de 10 mètres es décidée
pour joindre le pont Maudit à la rue Hacqua et au quai
Moncousu.
170
— Pellauiier aîné est en instance auprès de l'aulorilé
préieclorale pour obtenir la concession, avec le droit de
percevoir un péage, d'une passerelle pour reli(>r le quai
Moncousu à la prairie au Duc.
— La voie qui met en communication la prairie d'Amont
avec la rue de Vertais est mise en état de viabilité.
— Une nouvelle galerie est construite dans le passage
Ponmieraye. Elle débouche rue du Puits-d'Argent, dans le
prolongement de la rue Régnier.
— L'acquisition de l'îlot de la Têle-Noire, au prix de
9,500 fr., est décidée pour l'agrandissement de la place
Viarmes. Otte résolution n'est adoptée qu'à une faible majo-
rité, et la minorité est d'avis de transférer le champ de foire
sur un autre point. On parle de la i)rairie d'Amont.
— La transformation du quartier de Sainte-Anne s'achève.
L'alignement de la place d(*s Garennes est arrêté, et une
enquête est ouverle pour la construction d'un escalier pour
mettre celte place en communication avec le quai de
l'Hermitage.
— L'Administration des pouls et chaussées dresse un
proj(!t pour l'amélioralion du canal de Nantes à Brest, lequel
comporte la construction des murs de quais en amont du pont
de l'Ecluse, des cales et rampes en amont du pont Morand,
du pont de l'Hôtel-de-Ville, et la reconstruclion du pont de
Barbin. Le devis de ces travaux s'élève à 1,036,000 fr. Le
Conseil consent à y participer pour une somuiede iOO, 000 fr.
Certains membres se refusent à tout concours linaucier.
— Les travaux de dragage dans la basse Loire oui
amélioré les passes, et un navire qui, avec son chargement,
présente un tirant d'eau atteignant presque 4 mètres, a pu
monter sans encombre jusqu'à Nantes. Un vœu est émis par
le Conseil général pour que le crédit annuel des dragages
soit augmenté et porté de 100,000 à 150,000 fr.
171
— L'Administraiion s'occupe de faciliter la navigation sur
la haute Loire. Le Préfet fait connaître au Conseil général
que des efforts sont tentés pour obtenir en toute saison une
profondeur de 0'",80 entre Nantes et l'eaibouchure de la
Maine et de 0",60 en dessus de ce point.
— Les mariniers, eu présence de la concurrence que leur
crée le chemin de fer de Tours ^ Orléans, abaissent leurs
prix de transport, et, dans ce but, allongent leurs bateaux de
manière îi pouvoir leur faire porter 100 à 150 tonneaux de
marchandises.
CONCERTS, THÉÂTRE, SPECTACLES.
— Kn janvier : M''* Lilou, dans les salons Leté ; M™" i\lar-
gueron, canlalrice, et Plaiidry, pianiste. —Mars: Baudrier,
pianiste, avec le concours des artistes du théâtre. — No-
vembre : de Konsiki, violoniste (prix du billet ; 4 fr.) — Le
pianisie Sowinski, avec le concours des membres de la Société
des Beaux-Arts (4 fr.) — Déceujbre : M"" Valentin, canta-
trice, et les élèves du Conservatoire.
La campagne se traîne péniblement au milieu des plaintes
des amateurs jusqu'il la clôture de la saison, qui a lieu le
30 avril. .\1"« Masson, engagée pour rO[)éra de Paris, fait ses
adieux dans la Favorite et remporte un véritable triomphe.
Le privilège pour Tannée 1847-1848 est accordé à Lemon-
nier. La subvention de 40,000 fr. lui est maintenue. —
Mangin, au Conseil municipal, propose de substituer à cette
subvention en argent le payement par la ville des frais
d'éclairage et des appointements des chœurs et de l'orchestre
— La campagne de comédie ouvre le ■'19 mai par Tarlufje.
Au cours de Tété, viennent se faire applaudir : Levassor, du
Palais-Royal ; Dejazet, dans les pièces de son répertoire ;
Baroilhet et M"" Mondutaigny, de l'Opéra.
La campagne lyrique commence le If. septembre. Les
débiils donnent lieu à de nombreux incidents. En dépit des
arrêtés municipaux, les artistes sont siffles à plusieurs repri-
ses. Le mécontentement est général. Le Maire menace de
retirer la subvention et, en présence des scènes de tumulte
qui se produisent, il ordonne la fermeture du théâtre pour
quelques jours. L'année se termine sans que la troupe soit
au complet.
Lemonnier, pour faire patienter le public, a recours à des
attractions variées. Il engage le clown Gilet, du cirque Olym-
pique ; les frères Price , acrobates anglais. Prudent ,
pianiste, puis le violoniste de Konstki donnent des concerts.
En mai, des irprésentations sont données par une troupe
de gymnasiarques : jeux icariens, pantomimes, tableaux
vivants. — En juin, il y a des luttes d'hommes. — En no-
vembre, séances de Belmas : prestidigitation, soirées indienne
et chinoise.
On tente d'organiser des représentations scéniques au
petit théâtre du passage Pommeraye, mais les exigences du
Bureau de Bienfaisance et du Grand-Tiiéâtre en empêchent
la continuation.
Le théâtre des Lilliputiens, dit Riquiqui, obtient un grand
succès avec ses marionettes et aussi avec les chansonnettes et
danses exécutées par la famille Leroux.
La foire de janvier et février est très animée. On y voit
le cirque Bouthors, des luttes d'hommes, un spectacle pitto-
resque, un palais des beaux-arts où l'on représente la
Passion. — En juin, on exhibe un phoque parlant.
A la foire de décembre, viennent s'installer une troupe
française et vénitienne ; la ménagerie Pianel, composée de
40 animaux, avec entrée du dompteur dans la cag'^ du lion ;
173
la Imiipo acrobiiliqiie dn Zanfrelta; le théâtre Adrien, avec
scènes d'escamotage, suspension élhérienne.
Sous le nom de campagne omnibus, ou Tivoli nantais,
s'organise, à Richehourg, une entreprise de plaisirs variés
pour les jeudis et dimanches pendant la belle saison : balan-
çoires, gondoles, ballons grotesques, concerts, courses
d'ânes, tirs au pistolet et à l'oiseau, feu d'artifice, bal.
— Salle d'Alger, quartier Vallée, on voit, en mars et
avril, rUranorama, sphère de 8 mètres représentant le
mouvement des astres. — Sur la roule de Rennes, près du
poste d'octroi, il y a un tir au pistolet. — Des assauts
d'armes sont donnés à l'académie Moreau, passage de Ray-
mond, et à la salle Bonfils, rue Lapeyrouse. — A la prairie
de Mauves, lors des courses, les cases sont de plus en plus
nombreuses. — La lanterne magique de Bœuf donne des
séances au domicile des iiarliculiers.
Année 1848.
L-i niuDopole du sel. — Affaires municipales. — Diver-.
Le changement de Gouvernement.
LE MONOPOLE DU SEL.
Le Goiivcrnemrni, pour oblcnir un meilleur rendement de
l'impôt sur le sel, prend le parti de se réserver le monopole
de la vente de ce produit. Il dépose sur le bureau de la
Chambre des Députés, dans la séance du 3 janvier, un
projet de loi dont les principales dispositions sont les sui-
vantes : Monopole de la vente en gros du sel réservé h
l'Etat et confié à l'Administration des Contributions indi-
rectes, à partir du l*"^ janvier 1850. Vente par l'Etal au
commerce de gros, au prix uniforme de 0 fr. ^11 c. le kilo.
Interdiction au détaillant de dépasser le prix de 0 fr. 30 c.
pour la vente au consommateur. Etablissement d'entrepôts
dans tous les chefs-lieux d'arrondissement. Détermination
chaque année, au mois de novembre, du prix auquel l'Admi-
nistration payera, l'année suivante, aux producteurs, le sel
de chaque provenance jusqu'il concurrence des quantités
portées au cahier des charges. Déclaration par le producteur
des quantités qu'il s'engage à livrer et des prix qu'il
demande. Faculté pour l'Administra lion, dans le cas où les
conditions de prix ne lui conviendraient pas, de s'appro-
visionner en Algérie ou à l'étranger, pour remplir ses
dépôts.
Le dépôt de ce projet de loi soulève un mécontentement
175
général. Le commerce se voit menacé dans son existence, il
se demande si l'Ktal, une fois engagé dans celle voie des
accaparements, ne sera pas tenté de jeter son dévolu sur
d'autres produits, el si, après s'être attribué le monopole des
sels, il ne voudra pas se réserver le commerce des grains,
des sucres ou de quelque autre denrée. Les propriétaires des
marais se voient à la merci de l'arbitraire de l'Etal, qui
pourra, quand il voudra, s'approvisionner à l'étranger.
Sous l'influence de celte émotion, les intéressés se groupent,
et une commission provisoire se forme en notre ville pour orga-
niser un mouvement de résistance. Cette commission se compose
de Benoit, ancien député de Paimbœuf, président ; Eriau,
secrétaire; Picard, Le Boux, G. Lebreton. Dès le 8 janvier,
elle adresse une circulaire à tous les producteurs de la
Loire -Inférieure, de la Vendée, de la Saintonge el intéresse
à la question loul le monde du commerce. La circulaire se
termine ainsi : « Attaque à la propriété qui se trouve limitée
» dans son droit, terrible précédent pour l'avenir ; attaque
» à l'industrie privée, à toutes nos garanties, le projet a
»> tout l'odieux d'une mesure illégale el inconstituiion-
» nelle. »
La Commission (ail appel au concours de la Chambre de
Commerce : « Le commerce, dil-elle, ne se soutient que
» par une grande liberté. Attaquer les branches, c'est pré-
•) parer la mort du trône. Le monopole est un véritable
» minotaure dont la faim croit avec les ressources. »
L'appui du Conseil municipal est réclamé par elle, « plus
» de cabotage, plus de mariniers, mais une locomotive el
» des wagons. Le chemin de fer de Sainl-Nazaire deviendra
» lête de ligne de la féodalité financière accouplée au
» monopole de l'Elal. »
La Chambre de Commerce s'empresse de répondre à
l'appel qui lui est adressé. Elle charge trois de ses membres,
176
G lequel, Bossis cl A. Bonaniy do rédiger un rapport. —
De son côlé, le Conseil municipal nomme une Commission
composée de Trenchi'venl, Caillé, Touzeau,Guépin, Colombel,
Mangin, pour étudier la question.
Le 15 janvier, sur rinvilalion de la Commission provi-
soire, les propriétaires de salines el les commerçants se
réunissent à l'hôlel de France. Une Commission définitive
est formée. Elle comprend les membres de la Commission
provisoire et quatre nouveaux membres, qui sont : Benoit,
du Pouliguen ; Olivier de Sesmaisons ; Colin, de Bouin ;
F. Pineau, de Noirmouliers. Un vœu esl émis pour que,
sur tous les lieux de production, un Comité s'organise el
se melle en rapport avec la Commission de Nantes. Une
délégation esl nommée pour aller à Paris défendre les
inlérêls de Tindustrie salicole.
A Paris, le projel du Gouvernement rencontre une vive
opposilion. Les commerçants, comme les producteurs, se
sentent profondément alteinls. Les premiers forment un
comité, donl Daguin esl le président, el Jouvellier, d'Orléans,
le secrétaire. Les producteurs se groupent, sous la prési-
dence de Grimaldi, gérant des Salines de l'est, el nommenl
une commission qui comprend 15 délégués : '2 pour l'est,
5 pour le midi, 8 pour l'ouesl (1, Bayonne; ^i, Cliarenie-
Inférieure; 2, Vendée ; ^i, Loire-Inférieure; 1, Morbihan).
Les deux groupes se concerlenl en vue de commencer inmié-
dialemenl leurs démarches auprès des Pouvoirs publics.
La Commission organisée à Nantes réunit de nouveau ses
adhérents le "1 février. Elle les met au courant de l'organi-
sation des Comilés de Paris, et constate que le mouvemenl
est général. A Guérande, au Pouliguen, aux Sables-d'Olonne,
l'élan esl donné. Trois pétillons sont mises en circulaiion
pour êlre respectivement signées par les propriétaires de
marais, les commerçants, les mariniers.
177
hv changement de goiivernemenl trouve l'ouest en pleine
effervescence. Il iiiel tin à toute celte agitation.
AFFAIRES MUNICIPALES.
L'Etal ne semble pas pressé de rempli)- ses engagements
vis-à-vis de Nantes an sujet des paquebots transatlantiques.
Le Conseil municipal délègue Gbérol, Bonamy et Garnier
pour aller à Paris hâter la solution de la question. Il les
charge en même temps de demander des crédits supplé-
mentaires en vue de poursuivre les travaux du chemin de
fer qui, faute de fonds, sont sur le point d'être arrêtés.
— Bien que la Chambre de Commerce ait agi vigoureu-
sement pour obtenir une révision de la législation sucrière,
le Conseil fait parvenir ses vœux au Ministère.
— La création à Nantes d'une Faculté des sciences est
soulevée par la Société Académique. Un mémoire de
Colombel, concluant à celte création, est adopté dans ses
conclusions par le Conseil qui, en même temps, se déclare
tout disposé à voler les fonds nécessaires.
— Les Chambres paraissent, un moment, avoir l'intention
de supprimer un certain nombre d'écoles de médecine. Le
docteur Marcé élablit les droils que Nantes possède pour
le maintien de son école, et son travail est adressé au
Ministre.
— Le traité avec la Compagnie Européenne du gaz est
renouvelé pour une période de 18 années, jusqu'au 30 avril
18G8. Le prix du gaz est fixé — pour les pariiculiers : à
0 fr. 06 c. par bec et par heure ou à 0 fr. 50 c. le mètre
cube au compteur, avec des réductions de 5, 10, 15 °/'
pour des consommations respectives de 500 l\ 1,000 fr.,
1,000 fr. à 1,500 fr., au-dessus de 1,500 Ir. - pour les
0
178
établissements communaux : à 0 fr. H c. le mètre cube —
pour l'éclairage public : à 0 fr. 03 c. par bec et par heure.
— Le parc aux fumiers est transféré sur le terrain com-
munal de la Grande-Houe, au Ponl-du-Cens.
— Un terrain de 6,000 mèlres est acquis par la ville
pour rétablissement du cimetière de la paroisse de Sainte-
Anne.
— Le Ministre de la Guerre menace de priver la ville
d'une garnison de cavalerie si elle ne consent à participer
aux frais de la construction d'une caserne el une somme de
300,000 fr. est volée par le Conseil.
DIVERS.
Un bal au bénéfice des pauvres est donné au Grand-
Théâlre. ll^^esl très brillant et produit une recelte nette de
6,635 fr. 70 c, qui est répartie entre la Société de charité
maternelle, les salles d'asile, les crèches, le dépôt de men-
dicilé et le Bureau de bienfaisance.
— Un nouveau journal, \' Alliance, paraît le 15 janvier.
Il a pour programme la défense des principes du parti
catholique.
~ Les travaux du bassin de Sainl-Nazaire sont mis en
adjudication le 7 février. Le devis s'élève à 5,398,000 fr.
— Aug. Bonamy et de la Gournerie, ingénieurs des ponts
et chaussées du déparlement, sont nommés chevaliers de la
Légion d'honneur.
— Les Paquebots de la Loire, pour faire concurrence
aux Courriers, abaissent le prix des places de Nantes à
Angers à 1 fr. les premières el 0 fr. 50 c. les secondes.
— Au Grand-Théâtre, l'année s'ouvre sans que la troupe
d'opéra'^aii terminé ses débuts.
179
— Le cirque Baslien Franconi donne des représentations
au théâtre des Variétés.
— La foire de la place Bretagne présente, comnae princi-
pales attractions, le théâtre Adrien et la ménagerie Pianet.
— Au petit théâtre du passage Pouimeraye, séances de
prestidigitation.
CHANGEMENT DE GOUVERNEMENT.
Journée du vendredi 25 lévrier. — On apprend dans
la matinée l'abdication du Roi. La duchesse d'Orléans est
nommée régente.
Le Maire convoque les officiers supérieurs et les capitaines
de la garde nationale, en vue de prendre les mesures que
peuvent rrclamer les circonstances. Le Prélet et le Procu-
reur se rendent â THôlel-de -Ville pour conférer avec les
autorités municipales.
Roulleaux-Dugage déclare que, quels que soient les événe-
ments qui se produiront ultérieurement, il accomplira tout
son devoir jusqu'au bout. « Ecartons, dil-il, les questions
« poliiiques pour ne songer qu'au maintien de l'ordre. «
Une affiche posée à 3 heures fait connaître au public la
nouvelle de l'abdication. Elle contient, en outre, une pro-
clamation dans laquelle le Préfet et le Maire adjurent leurs
concitoyens d'être palimls et calmes.
La copie d'une dépêche annonçant la constitution d'un
Gouvernement provisoire est communiquée par la Préfecture
aux journaux, au moment de leur mise sous presse, et la
nouvelle est ainsi, dès le soir même, répandue dans le
public.
Les républicains n'en demandent pas davantage pour agir
en maîtres. A 7 heures, ils se réunissent chez le docteur
Guépin et décident l'envoi d'une délégation au Préfet pour
180
Tinviter h proclamer ei faire recoiinaîlre le nouveau Gouver-
neuieni.
Les délégués, au nombre de neuf, se présentent, k
10 heures du soir, à l'Hôlel de la Préfecture. Roulleaux-
Dugage les reçoit dans sa salle de billard. V. Mangin père
porte la parole. «« C'est dans l'intérêt de l'ordre et de la
» liberté que nous sommes devant vous. Les dépêches télé-
» graphiques que vous avez publiées nous apprennent le
»> changemeut de Gouvernement et la formation d'un Gou-
« vernement provisoire. Nous venons vous demander de le
» proclamer et de le faire reconnaître. » Il plaide ensuite la
cause du commerce. « La reconnaissance du nouveau Gou-
» vernement tranquilliserait les esprits et rendrait l'activité
» des affaires. » Le Préfet se borne à répondre qu'il attend
les ordres du Gouvernement.
Les journaux, peu après leur tirage, reçoivent communi-
cation d'une dépêche dont le brouillard a interrompu la
transmission (!t qui est réduite à ces quatre mots : Le
Gouvernement républicaiin est
Samedi 26 février. — La malle-poste de Paris, qui
était attendue la veille à 6 heures du soir, n'arrive que dans
la nuit, vers 4 heures. Elle n'apporte aucune instruction du
Gouvernement. Le Préfet en prévient la population et, en
même temps, lui fait connaître la dépêche qui a paru dans
les journaux de la veille et qui annonce la constitution d'un
Gouvernement provisoire.
Les ré[iublicains lenleni, dans la matinée, une démarche
auprès du Maire pour obtenir qu'il proclame la République.
Ferd. Favre leur répond, connue le Préfet, qu'il attend les
ordres du Gouvernement.
Une adresse de la Counnission démocratique aux membres
du nouveau Gouvernement est affichée. Elle se termine par
181
ces mois : Vive le Gouvernement républicain ! Vive !a sou-
veraineté du peuple !
L'animalion grandit dans la ville à mesure que se propa-
gent les nouvelles venues de Paris. AH heures, un rassem-
blement se forme sur la place Royale. La résistance du
Préfet et du Maire à [iroclamer la République est l'objet de
toutes les conversations. Les esprits s'échauffent, et, dans un
mouvement dViffervescence, une manifestation s'organise en
vue d'une proclamation populaire de la République. Le chant
de la Marseillaise se fait entendre. Un cortège se forme
par rangs de quatre. Il se dirige par la rue Grébillon, la rue
Voltaire, traverse le quartier d'Alger, atteint les quais qu'il
parcourt jusqu'à la place Royale, où il se dissout.
La délégation qui, le malin, s'était présentée à la Mairie,
et à laquelle d'autres citoyens se sont joints, y retourne de
nouveau. Elle est reçue par Cuissart, premier adjoint, qui
lui fait connaître qu'une proclamation est à l'impression.
Cette proclamation parait dans la journée; elle donne dans
toute sa teneur la dépêche dont une partie avait été reçue
la veille et qui dit : Le Gouvernement républicain est
CONSTITUÉ, LA NATION VA ÊTRE APPELÉE A LUI DONNER SA
SANCTION. Le Préfet et le Maire font en môme temps appel
aux citoyens de tous les partis pour prêter leur concours au
maintien de l'ordre, au respect des personnes et des pro-
priétés.
Le Conseil municipal se réunit à -2 heures. Guépin soumet
un projet de proclamation aux habitants. Certains Conseillers
l'appuient. D'autres proposent une modification à son texte.
Après de longs débats, la rédaction de Guépin est adoptée
à l'unanimité. Elle est affichée dans la journée et porte la
signature de tous les membres du Conseil.
Dimanche ^27 février. — Une dépêche du Ueutenaul
18^
général Siibervic, niinislre de la guerre, maintient, dans ses
fondions de conimandanl de la 12« division militaire, le
lienlenanl général de Bar et lui donne ses inslruclions. Le
général de Bar les transmet imniédialem<^nt aux officiers
généraux de la division.
La Commission démocratique prend toutes les allures d'un
corps investi d'un mandat régulier. Elle fait alTiclier une
proclamation aux habitants pour les inviter à se rallier fran-
chement au nouveau régime, puis une adresse aux tnembres
du Gouvernement provisoire leur portant les félicitations et
les encouragements de ses membres.
Le Conseil municipal se réunit. Golombel présente un
projet de proclamation aux habiiants. Une chaude discussion
s'élève. On tinil par tomber d'accord et rédiger un texte
qui est adopté à l'unanimité. Dans celte proclamation,
« l'Autorité municipale et le Conseil de la commune décla-
» renl reconnaître le nouveau Gouvernement et continuer
» leurs fonctions, comme ils en ont reçu l'ordre, dans l'in-
» lérét de la paix et de la concorde publique et jusqu'à ce
• que la volonté de la Nation ait été régulièrement consul-
» tée. » Le Préfet y ajoute quelques phrases. Il invite « tous
n les fonctionnaires et tous les corps constitués à rester à
') leur poste et à continuer leurs fonctions. 11 conjure tous
» les citoyens de respecter l'ordre et les lois ».
Les élèves de l'institut ;igricole de Grand-Jouan délèguent
aux démocrates nantais une députation chargée de leur
remettre une adresse exprimanl leurs sympathies pour le
Gouvernement républicain.
Dans la soirée, un arbre de la Liberté est planté sur la
place Royale.
La journée se passe dans un grand calme. La physio-
nomie de la ville est celle qu'elle présente chaque dimanche.
188
Lundi 28 février. — La nuil semble n'avoir pas élé
aussi calme que d'iiabilude, car la Commission démocra-
tique ent^age, par une affiche, les ouvriers à ne pas pousser
« des cris tumultueux et des clameurs nocturnes, à rentrer
» dans leurs ateliers et à attendre, avec calme et patience,
» le moment où nos magistrats nous convoqueront en
» assemblées primaires pour élire les députés que nous
» chargerons de la réalisation pacifique de nos espérances. »
Une crise financière se fait sentir. Le Conseil d'adminis-
tration de la Banque de Nantes prévient le public que la
Banque suspend momentanément ses payements en numé-
raire. Un article, communiqué aux journaux par l'autorité,
explique que « cette mesure ne doit en rien alarmer les
» porteurs de billets de ta Banque, la rentrée des valeurs
» représentatives que la Banque a en portefeuille et les
0 relations avec la capitale ne pouvant être entravées que
» momentanément. »
Le Préfet prend un arrêté prorogeant de dix jours
l'échéance des effets de commerce payables du 26 février
au 5 mars.
Le Conseil municipal, sur la proposition de Thomas
Chéguillaume et de Bcsnard la Giraudais, vote une somme
de 100,000 fr.; — 50,000 fr. doivent être employés pour pro-
curer du travail aux ouvriers en chômage, et 50,000 fr.
pour faire des avances aux entrepreneurs. Th. Chéguillaume,
Jégou et Thébaud sont chargés par leurs collègues de
veiller k la répartition de ces fonds.
Un avis est adressé par le Préfet aux fonctionnaires et aux
habitants, pour les « engager à se libérer des termes des
M contributions échus et mêmi' à payer par avance les
» contributions de l'année entière. La rentrée rapide et
» régulière des contributions est l'un des plus pressants
184
» besoins du pays. Elle est indispensable pour assurer lous
» les services publics, poui' rétablir la confiance ébranlée,
») pour prévenir lous désordres. '> Il donne l'exemple et,
acquillc le montant de ses contributions pour Tannée.
Dans la soirée, le courrier ap[)orte au docteur Guépin un
pli ministériel conçu en ces termes :
Pnris, 27 février.
Au nom du peuple.
Le. Gouvernement provisoire révoque le Préfet actuel du
département de la Loire-Iuférieure, et nomme le citoyen
Guépin, coinmissaife de ce département, l'investissant des
pouvoirs de Préfet et l'autorisant à prendre toutes les mesuï-es
d'ordre et de salut public qu'il jugera nécessaires.
Toutes les autorités civiles et militaires sont placées sous
ses ordres.
Lp Membre du Gouvernement provisoire,
MiniMte de l'Intérieur,
LKDRU-ROLLIN.
Le docteur Guépin prend immédiatement possession de
ses fondions.
Mardi ^29 février. — Le docteur Guépin cboisit pour
secrétaire Le S;uit, ancien adjoint, ancien conseiller général,
et voit l'opinion accueillir favorablement celle nomination.
H prie vivement le Maire de conserver ses fonctions. Ford.
Favre accepte. Le Colonel de la garde nationale, Mery, vient
donner au i-onmiissaire du Gouvernement l'assui^mce de
son concours.
— Aug. Garnier, ILTbébaud, F. Brabcix sont désignés par
le Conseil municipal pour aller exprimer au Gouvernemiinl
les sympatbies de ses membres pour la Ré[tublique.
— Roulleaux-Dugage part dans la journée pour Paris.
18'5
— Une circulaire est adressée par le dncleur Guépin aux
Sous-Préfels el aux Maires du département. Il leur « rccom-
» mande de faire reconnaître au plus tôt le nouveau Gouver-
» nemeni... Faites aimer par vos actes ce Gouvernement
» dont vous êtes les représentants. Pour se faire respecter,
» la République dispose d'une force physique immense ; elle
» ne veut employer que la force morale. «
Cet acte d'autorité du Représentant, dans notre départe-
ment, du pouvoir qui préside aux destinées de la France
appartient déjà à l'histoire de nantes sous la deuxième
RÉPUBLIQUE.
Notre tâche se trouvé donc terminée.
13
186
POÉSIKS
Par m. Dominique CAILLÉ.
A CHARLES LOYSON (')
Dans le premier du ses articles sur André
Chéiiier, il (Cbarles Loyson) décrit son Château
en Espagne, sa maisonnelle, son ruisseau et
son bociige et paulkm silvœ ; il le dessine à
son gré et cmisacre un petit bouquet de cyprès,
de bouleaux et d'arbres vi'rts aux jeunes écri-
vains morts avant l'âge. Ici, TibuUe et Lucain;
là, Mallilâlre et Gilbert, Chatterton, Millevoye,
et, à l'une des plus belles places, André Chénier.
Edmond Biré. Les Poètes lauréats de
V Académie française, tome I, p 218.
Le cœur rempli d'amour et l'esprit li'iomphant.
Insouciant des maux de l'existence amère,
Tu bâtissais au doux pays de la chimère
Un château merveilleux dans tes rêves d'enfant.
Et, tout en construisant, parmi les (leurs, les arbres,
Un palais de splendeur idéale, un Château
En Espagne, ta main, sur le même coteau,
Plantait un bois sacré pour ombrager des marbres.
(1) Celte pièce de vers a été lue par son autour après les discours d'André Tlieuriet,
de l'Académie française, et d'Armand Silvestre, délégué du Ministre des Beaux Arts,
etc., à l'inauguration au buste de Cliarles Loyson, à Cliâleau-Gontier, le l«r octobre
1899.
187
Des marbres d'écrivains à l'espril radieux.
Pour qui semblent tombés ces beaux vers de ta plume :
« C'est pour périr bientôt que le flambeau s'allume.
Mais il brille un moment sur les autels des dieux ! »
De ces poètes morts jeunes et que l'on aime,
Sur lesquels on fondait un magnifique espoir,
Et qui, dans les grands cieux ouverts, avant le soir,
Sont partis l'àme en fleur, et purs comme toi-même.
Car tu mourus, comme eux, dans l'âge printanier
Qui remplit du parfum des i-oses notre voie.
Et, comme Chatterton, Gilbert et Millevoye,
Et, comme Malfilâtre et comme André Cbénier.
Tu t'en allas avant que se fussent fanées
Ta juvénile ardeur et tes illusions.
Quand la gloire mêlait ses plus brillants rayons
Aux sereines clartés de tes belles années.
Et, si nul bois sacré n'e t'offre un piédestal,
Celui que tu rêvais jadis pour les poètes
Morts jeunes, que, du moins, le bronze dans nos fêtes
Evoque ton image en ton pays natal.
188
LE PREMIER CHAGRIN
L'Enfant
Avec ses abeilles, ses fleurs,
Ses fruits aux brillantes couleurs,
Voici l'été de retour ; mère,
Pour ne plus revenir, joyeux,
Partager aujourtVIiui mes jeux,
Oii donc s'en est allé mon frère ?
'5
Pour chasser le gai papillon
Dont l'aile étincelle au rayon
Du beau soleil qui nous éclaire.
Pour cultiver notre jardin,
Pour cueillir tous deux le raisin,
Rappelle donc mon petit frère.
La Mère
Hélas ! tes vœux sont superllus.
Ton frère ne reviendra plus.
Cher enfant, dans notre demeure
Comme la rose du printemps,
11 n'a vécu que peu d'instants,
Il est dans le ciel à celte heure.
L'Enfant
Dans les prés où le soleil luit,
Je ne dois donc plus avec lui
Chasser le papillon volage. . .
Puisque je l'ai sitôt perdu.
Petite maman, j'aurais dû
L'aimer encore davantage !
't^"^
Imitation du Fiml Grief, de M^s Hemans.
189
ÉLÉGIE SUR LA MORT DE MADAME RIOM
IvUE A SES OBSEQUES.
131 Août 1899.)
Dans ce joui- où la cloche épaiid uu glas souoi-e
Pour celle qui chanta le Christ en vers pieux.
Versa des pleurs, ainsi que Desbordes- Valmore,
Et chérit la Bretagne à l'égal de Brizeux ;
Ces vers frêles et purs chantent dans ma mémoire,
Ces vers frêles et purs que je citais jadis
Dans un article (') tout rempli de votre gloire,
Ame tendre envolée au divin paradis.
« Quand un rameau fleuri touchera votre tête ,
» Quand de légers parfums, ou quelques chants bien doux,
» Viendront, comme un oiseau, dans votre cœur en fête,
» Fei'mez les yeux, c'est moi qui serai près de vous! » C")
Et nous croirons alors sous le soleil qui brille
Vous voir soudain paraître, ainsi que vous veniez
A nous, le front rêveur et sous votre mantille,
Comme vous a sculptée Alfred Caravanniez ;
Et nous croirons vous voir doucement nous sourire
Parmi les rameaux verts et les senteurs de mai,
Et murmurer encor dans le vent qui soupii'e :
Mes amis d'autrefois, n'avais-je pas dit vrai ?
(1) Le Salon de M'^" Riom. Kevue de Hretagnc, de Fondée et d'Anjou,
lunie V, pp. 477 cl suivantes.
(2) Passion, pjir Louise d'Isolé, p. 12.
190
« Quand un lanie.iii Henri lonchei'a voire tèle,
» Quand de légers parfums, ou quelques chants bien doux,
» Viendront, conime un oiseau, dans votre cœur en fêle
» Fermez les yeux, c'est moi qui serai près de vous ! »
Oui, ce sera bien vous qui, pai- un doux mystère,
Reviendrez un instant flotter devant nos veux ;
L'amitié, c'est le seul de nos biens de la terre
Que l'on puisse emporter en s'envolant aux cieux.
Et c'est cette amitié qui, liant l'âme à l'àme,
Vous fera revenir de l'azur éclatant.
Pour descendi-e ici-bas sur des ailes dç flamme
Et pour nous répéter ces vers que j'aime tant :
« Quand un rameau fleuri touchera votre tête,
» Quand de légers parfums, ou (juelques cliants bien doux,
» Viendront, comme un oiseau, dans voti-e cœur en fête,
» Fermez les yeux, c'est moi qui serai près de vous! »
191
AU BAL
Sonnet de ma vingtième année. (Inédit
Après l'avoir prise en vainqueur
Par la taille, clans le quadrille,
0 radieuse jeune fille,
Que tous nous admirons en chœur,
Je repasse au fond de mon cœur
Tout ce que ta lèvre gentille.
Qui toujours babille, babille,
M'a dit d'aimable ou de moqueur.
Mais, tandis que de loin, sans trêve,
Je te suis de l'œil et je rêve,
L'àme pleine d'un doux émoi,
Au bras d'un autre, souriante,
Déjcà folâtre, insouciante,
Tu ne te souviens plus de moi.
192
A MADEMOISELLE CHRISTIANE DE G...
POUR SA PREMIERE COMMUNION.
L'Eglise éparid dans l'air sa claire sonnerie.
Eveillant les enfants qni, pendant leur sommeil,
Rêvaient d'un ciel où luit un mystique soleil
Et d'un autel paré de fine broderie.
Bientôt la jeune vierge, en blanc comme Marie,
Un cierge en main, des fleui's au front, le teint vermeil,
Le cœur tout débordant d'un bonheur sans pareil,
Pour la première fois reçoit Jésus et prie. . .
Ob ! prie, Ame angélique, oh ! prie avec ardeur,
Ce Dieu qui verse en toi la paix et la candeur,
Sous les regards émus d'un père et d'une mère ;
Car ce joui', oîi le ciel se plaît à te bénir,
Sei'a ton plus heureux, et ce sei'ait chimère
D'en chercher un plus beau pour toi dans l'avenii-.
193
A LÀ MÊME
POUR SON RENOUVELLEMENT.
Vous avez revêtu la mousseliue blanche,
El le lys virginal et le ciei-ge à la main,
Vous reprenez du temple en fête, le cliemiu,
Sous l'œil de vos parents en habit de dimanche.
Maintenant votre front ceint de roses se penche
Devant l'autel orné de feuillage d'or fin,
Où Jésus, qui commande au brillant Séraphin,
Attend la jeune enfant et sa prière franche.
Il va descendre en votre âme, le Roi des rois.
Qui, pour notre salut, mourut sur une croix.
Lui dont tout l'univers célèbre les louanges.
Il trouvera, sortant du tabernacle obscur,
Dans votre grand œil bleu l'éclat du ciel d'azur.
Dans votre petit cœur la pureté des anges.
194
naïade
RIMES FÉMININES.
D'après un lableau d'Aimé Morol.
Dans le bois profond, la nymplie divine,
Auprès delà source où l'oiseau vient boire,
Pare de bouquets de fleurs d'églantine
Les anneaux soyeux de sa tresse noire.
Nue, elle s'admire en l'onde argentine ;
Son grand œil d'azur- rayonne de gloire ;
Sa lèvre, en riant, s'ouvre purpurine,
Montrant la blancheur de ses dents d'ivoire.
Courbant son front pur, sa taille hautaine,
Elle se contemple, et, dans la fontaine,
Son petit pied blanc et rose se plonge.
Elle est chaste et belle, ainsi que Diane,
Et nul Actéon indiscret n'allonge
Enti'e les rameaux un i*egard profane.
DISCOURS DE M. HÂNOTÂUX
PRONONCE A L'OCCASION DU CENTENAIRE
DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE
Mesdames, Messieurs,
Permellez-moi, tout d'abord, d'adresser mes cordiaux
remerciements à ceux qui ont bien voulu m'inviter à me
rendre parmi vous, aujourd'hui.
C'est un honneur bien inattendu. Mais ces Messieurs
allaient au devant d'un secret désir. La Loire a toujours
été, pour mes éludes, une grande attraction. Ils m'ont dit :
« Vous viendrez pour nous parler. » Je leur ai répondu :
« Je viendrai pour m'instruire. »
Et c'est, en effet, en étudiant et en curieux que je me
trouve aujourd'hui parmi vous.
Quand nous autres, gens de la province qui, d'ordinaire,
ne nous rencontrons guère que dans ce tumultueux et
énigmatique Paris, nous nous rendons les uns chez les
autres, il me semble qu'il y a tout profit pour les uns et
pour les autres.
Ainsi, j'arrive du fond de ma Picardie, vieille province
française, dont le peuple a la face toute tournée fers la
terre, qui vit de la terre, dont les luttes, les travaux et les
victoires sont essentiellement continentales. Dans le village
où je suis né, il n'y a pas d'eau. En été, dès que les puits
196
sont à sec, c'est une affaire d'en trouver, et il faut aller
au loin pour la rapporter soigneusement dans des tonnes ;
les chevaux et les bestiaux font des kilomètres pour aller
boire, à la file, au gué des rivières, où notre paysan s'étonne
presque de voir de l'eau couler.
Pour un bon Picard de mon pays, la mer est l'étonnement
et la curiosité suprêmes. En vérité, ce doit être un terrien
de notre espèce, celui qui, le premier, a laissé échapper,
devant le grand spectacle de la plaine liquide, le cri de
naïve admiration : <> Que d'eau ! Que d'eau ! »
Eh bien ! Messieurs, me voici parmi vous, dont l'eau
est toute la vie et presque la raison d'être, dans la Venise
du Nord où les eaux venues de la terre et les vagues de
l'Océan se rencontrent ; vous êtes les descendants de ceux
qui, parmi nos ancêtres, sont allés droit devant eux jusqu'au
bout de la terre et ne se sont arrêtés que devant les flots
de la mer immense ; toute votre histoire, vos fastes, vos
joies, vos tristesses, votre ambition, votre orgueil sont
engagés, et, si je puis dire, lancés à pleines voiles sur les
eaux, pareils à ce navire en marche qui vogue dans les
armes de votre ville.
Vous autres, Bretons et pêcheurs, vous êtes de vieux
Français, comme nous autres Picards, terriens et agricul-
teurs ; avec d'autres goûts, d'autres mœurs, nous avons un
égal courage, mais autre, étant, vous et nous, l'un et l'autre
visage, l'une et l'autre face de notre beau pays de France.
Eh bien ! n'avons-nous pas mille choses à nous dire, à
nous confier, à apprendre l'un et l'autre ? C'est pourquoi
je suis venu plus d'une fois vers vous, en étudiant, pour
pénétrer de plus en plus dans ce vieux coin de la France,
pour essayer de saisir quelque trait de son histoire, de sa
vie passée et présente, de sa physionomie propre. El si,
sentant cette sympathie naturelle, vous m'avez prié de
197
prendre place parmi vous el de célébrer avec vous une
gloir43 chère el une fête de famille, je ne vous en suis que
plus reconnaissani d'avoir mis celle douceur de cœur el
celle sympathie fraternelle dans votre invitation el dans
les sentiments réciproques qui doivent exister entre de bons
provinciaux el de bons Français.
Rien qu'en venant vers vous, j'ai beaucoup appris. J'ai
dû d'abord me renseigner sur l'existence de celle « Société
Académique » dont nous célébrons aujourd'hui le centenaire.
Cent ans! C'est long dans la vie d'un peuple. Les institutions
qui remontent li cent ans ne foisonnent pas dans notre
cher pays, mobile el capricieux. On vous dira tout à l'heure
l'aciiviié vraiment remarquable de celle « Société Acadé-
mique » que vos ancêtres ont fondée, alors qu'ils sortaient
à peine de la tourmente révolutionnaire, lorsqu'ils sentaient
encore, pour ainsi dire, le sol trembler sous leurs pieds ;
mais où ils persévérèrent avec la foi solide et robuste que
vous donne, à vous autres, hommes des rivages, la conviction
enracinée du peu de fond de l'orage, la certitude de
l'apaisement des lendemains el la compréhension supérieure
de la discipline qui règne sur le tumulte des flots.
Les services rendus par la « Société Académique » et
par les autres sociétés analogues qui jouent, à Nantes, un
rôle si considérable sont trop nombreux el trop importants
pour qu'il puisse même me venir à l'idée de les exposer.
Si on essayait de présenter le tableau, si raccourci fût-il, de
tout ce que l'activité de ces compagnies a fait d'utile ou de
glorieux depuis leur fondation, soyez assurés, Messieurs, que
l'imaginatiou.en serait confondue.
A ce point de vue, je ne vous ferai, h vous el à vos
confrères des autres cités, qu'un reproche, c'est l'excès de
votre modestie. Il semble que vous preniez à honneur la
19è
demi -obscurilé où vous vivez. Adoplaiit pour règle de
conduite la lacilurnilé prudente de la vie provinciale, vous
vous appliquez à ce que le monde vous ignore et, souvent,
vous vous ignorez vous-mêmes.
Et, pourtant, dans ce champ si vaste des lettres et des
sciences qui appartient à tous, votre part est souvent la
plus belle, puisque, loin du tumulte des grandes capitales,
et à l'abri des vaines illusions du succès éphémère, vous
poussez le sillon que vous avez choisi, avec les qualités qui
sont vraiment de fond chez nous, le goût, le bon sens et la
mesure.
Je ne craindrais pas. Messieurs, d'aborder devant vous, si
j'en avais le loisir, le problème de Paris et de la province,
même en m'en tenant l\ cet ordre d'idées où Paris semble,
d'abord, avoir tout l'avantage, à savoir la qualité et le pi'ix
de la production littéraire.
Permettez-moi, du moins, de placer les quelques réflexions
qui suivent sous le patronage d'un illustre français, du plus
varié, peut-être, et du plus profond de nos prosateurs, qui
dut beaucoup a sa province et qui fut le membre toujours
actif d'une Académie provinciale, Montesquieu : « Qu'on se
défasse surtout, écrivait-il, de ce préjugé que la province
n'est pas en état de perfectionner les sciences et que ce
n'est que dans les capitales que les Académies puissent
fleurir. » Et il ajoutait, s'adressant à ses confrères de
l'Académie de Bordeaux : « Le commerce, la navigation,
l'astronomie, la géographie, la médecine, la physique ont
reçu mille avantages des travaux de ceux qui nous ont
précédés ; n'est-ce pas un beau dessein que de tiavailler à
laisser après nous les hommes plus heureux que nous ne
l'avons été » ?
J'ose k peine aller plus loin que l'illustre Président ; mais,
au risque de tomber dans le paradoxe, je dirai qu'il montre
199
trop de réserve el trop de modestie à son tour, en n'ajou-
tant pas les belles lettres aux diverses branches de ractiviié
humaine qu'il reconnaît à la vie provinciale et il serait facile
de démontrer que, dans notre littérature, beaucoup d'œuvres
considérables se rattachent directement à Tinspiralion et
aux vertus qui sont celles de nos vieux pays de France. Si
Paris dégage plus de lumière, il rayonne, de la province,
plus de chaleur, peut-être.
N'est-ce pas, dans toute la force du terme, un provincial
que ce président Montesquieu, qui partagea son activité et
ses loisirs entre son cher Bordeaux et son château de la
Brède, et douterons-nous qu'il ait fallu et le silence studieux
des longues veilles citadines et l'activité éveillée des promptes
matinées rurales pour lui permettre de mener à bien, par
vingt ans de lectures, de méditations, de vie austère, non
dispersée et entièrement penchée sur une œuvre unique, le
monument sans pareil, si sérieux, si vaste et si délicat, qui a
nom « VEspi'it des Lois » ?
Et son voisin, Montaigne, qu'était-ce autre cho>e qu'un
provincial? Il aimait Paris, mais en voyageur. Il revenait
toujours à sa Gascogne et ^ son Périgord. Il y cherchait
l'abri dans les temps d'orage. Curieux du monde, il était
encore plus curieux de lui-même. C'était en faisant sa ronde
dans les champs paternels qu'il faisait celle de son âme et
qu'il trouvait ces boutades primesautières qui respirent
toujours le plein air et la vivacité de la vie des champs. Et
quand il s'agissait de les exprimer, « que le Gascon y aille »,
disait en souriant le bonhomme, « si le Français n'y peut aller-).
Je ne suis pas bien sûr que Montaigne ait « engasconné »>
la langue française. Mais je sais bien comment on s'y prit
quand il s'agit de la « dégasconner ». On alla chercher un
jeune provincial, — un gascon naturellement, — qui s'appe-
lait Guez de Balzac. C'est de lui que les Parisiens apprirent
^2GÛ
le, beau langage. Eux-mêmes déclaraienl qu'ils n'élaienl pas
sûrs qu'un mol fût de bonne souche s'il ne lui avait pas
donné droit de cité : « Quand vous composez, lui écrivait
Ménage, les mots postulent »>. Or, cet homme passa presque
toute sa vie k Angoulôme et dans ses propriétés de Balzac;
pas un de nos écrivains, peut-être, n'a décrit en termes
plus expressifs les charmes de la vie des champs et, assu-
rément, c'est (i son existence retirée que sont dus le soin,
la persévérance et l'application qui ont permis a un homme,
d'un esprit peut-être secondaire, de laisser une si durable em-
preinte sur la littérature et la civilisation d'un grand peuple.
Je vous fatiguerais, Messieurs, par ces énumérations dont
l'abondance même deviendrait fastidieuse. Mais vous me
permettrez de prononcer deux noms encore. Au XVII« siècle,
quand la France voulut entendre les accents les plus mâles
et les plus nobles qu'une bouche humaine, peut-être, ait
proférés, quand il s'agit de faire parler les héros, quand on
voulut entendre le langage des pensées graves et des vertus
fortes, on n'eut qu'à laisser dire l'avocat de Rouen, fidèle à
sa ville, fidèle à sa province, le grand Corneille.
Et au XIXe siècle, quand une époque troublée eut
conscience de ses inquiétudes, de ses agitations, de son
discord intérieur; quand elle chercha quelque beauté pro-
longée comme les rayons du soleil couchant sur les ruines
de son passé ; quand elle voulut, du sommet de ses gloires
et de ses douleurs nouvelles, voir apparaître, du moins, le
signe incertain et pâle d'une aurore, il se trouva encore un
homme de la province, un homme de votre province, un
Breton, qui répondit, par des traits d'une fulgurante beauté,
aux besoins de notre âme agitée, j'ai nommé Chateaubriand.
Vous pensez bien. Messieurs, que je ne suis pas venu ici
pris, soudain, d'un beau zèle pour les œuvres provinciales,
dans l'intention de réduire en poudre notre Paris, ce Paris
201
qui est a nous tous, provinciaux, (oui autant qu'aux Parisiens
puisqu'il est à la France.
S'il s'agissait de faire un départ équitable entre Paris et
la province, ce n'est pas dans quelques courtes observa-
lions présentées ici que le problème pourrait être — je ne
dis pas résolu — mais seulement posé. Je suis le premier
à proclamer qu'il faudrait faire entrer en ligne de compte
l'autorité indiscutable que de longs siècles ont acquise à la
capitale morale, intellectuelle et politique du pays ; il fau-
drait déterminer l'activité propre à ce vieux sol d'où sont
parties les colonnes persévérantes et astucieuses des « Pari-
sii » qui, en somme, ont conquis et fait la France ; il
faudrait apprécier l'apport particulier de cette ville, maîtresse
des mœurs, de la psychologie et des relations sociales qui a
dicté tant de belles œuvres et (pour ne citer que di^ux noms)
qui a inspiré le théâtre de Molière et toute la vie littéraire
d'un Voltaire ; il faudrait mesurer, enfin, la force et l'éclat
de ce cratère dont In perpétuelle éruption s'élance et flambe
sur les horizons du monde, agitant, au moindre souftle, son
panache de flamme et de fumée.
Mais il n'en existe pas moins que, dans le travail commun,
si l'élan et l'entrain sont de Paris, la résistance, l'endurance
et l'épargne des forces viennent de la province et que celle-
ci, mère et nourrice de nos gloires les plus pures, peut bien
revendiquer quelque chose de leur lustre, quand elle en
laisse si volontiers à Paris tout le brillant et tout l'éclat.
Permettez, Messieurs, vi un homme qui s'occupe beaucoup
du passé de notre France de vous dire franchement sa façon
de penser : notre histoire est mal faite. Je vous accusais,
tout à l'heure, de vous ignorer vous-mêmes. A qui ce
reproche ne peut-il être fait dans ce bon pays si actif et
parfois si négligeant ?
14
'101
Je voudrais vous poser une question directe, h laquelle,
bien entendu, vous êtes dispensés de répondre. Combien en
est-il parmi vous, habitants de celte région, même dans
celte assemblée choisie ici réunie, combien en est-il qui
aient jeté un coup d'oeil sur l'histoire des autres villes de
noire France, par exemple sur l'histoire de Saint-Quentin ?
Je vous promets, par contre, la première fois que j'irai ii
Saint-Quentin, de demander à mes amis de là-bas combien
d'enlre eux connaissent l'histoire de Nantes. El la réponse,
hélas ! sera probablement la môme.
El pourtant, de part el d'autre, que de laits héroïques ou
dramatiques dans le passé, que d'activité vaillante et digne
dans le présent ! De part et d'autre, quelle belle portion
presque inexplorée de notre patrimoine commun !
Puisque je venais parmi vous, j'ai fait ce que je reproche
à mes compatriotes de l'Aisne de négliger ; j'ai lu vos bons
historiens : Travers, Guépin, Mellinel, Dugasl-Malifeux,
Lallié, La Borderie. Ce si;raii vraiment apporter, comme on
dit, des hiboux à Athènes que de vous dire toute l'émotion
que j'ai éprouvée en voyant se dérouler devant moi les
différentes époques de vos annales.
Ce lieu, déterminé par la nalure à l'embouchure du grand
fleuve français, a rempli sa destinée.
A l'aube de son histoire, c'esl le combat contre César ;
puis c'esl César, lui-même, créant ici le grand « empo-
rium », le grand entrepôt de l'Occident. Pas une époque
décisive, à travers les siècles, oii l'histoire ne vienne ici
poser le pied pour y laisser une forte empreinte : c'esl la
lutte contre les Normands ; c'est Charles le Chauve, héritier
du grand nom de Charlemagne; c'est la féodalité primiiive,
active el bienfaisante, trouvant ici une de ses expressions les
plus caractéristiques, dans cet Alain Barbe-Torle, qui fut
vériliibhMuent voire second fondateur; puis ce sont vos ducs
203
de Bretagne, vos Etats si antiques et si respectables; Abélard
qui parle parmi vous. Jean Sans-Terre et Pierre de Dreux ;
ies longues guerres, q;ii s'appellent, pour nous, « la Guerre
de Cent ans », où Nantes fait front des deux côtés à la fois,
fidèle à ses ducs contre la France, à la France contre Ten-
nemi du dehors. « Duguesclin «, comme dit l'un de vos
liistorieiis, d'un mot d'une si forte simplicité, « Duguesclin
était alors dans nos murs ».
Voici les temps qui s'acheminent vers le doux règne de la
reine Anne, dont la gracieuse figure domine les souvenirs
de votre indépendance expirante. Le roi de France épouse
la Bretagne en épousant la reine et, depuis, l'union ne s'est
plus, un instant, altérée.
Ce n'est pas ici le lieu de discuter cette question si
passionnante de l'unité de la nation française, faite et pour-
suivie, à travers les siècles, par la volonté persévérante de
la royauté et de la nation elle-m«'niie. Les provinces ont
perdu, dit-on, quelques-uns de leurs privilèges. Leur vie
propre, leur caractère particulier, leur langue, leurs usages
se sont trouvés affaiblis ou altérés par le contact avec le
centre, dominateur et centralisateur. Oui, peut-être y a-t-il
quelque chose de fondé dans ces regrets, où il se mêle
pourtant, il faut bieu le dire, beaucoup de « littérature ».
Qu'auraient donné, au pays et à la civilisation, ces acti-
vités locales ou régionales, ou municipales, dont on fait tant
de bruit ? C'est une question à laquelle on ne peut répondre
que par des hypothèses ; et, si l'on compare le rôle qu'a
joué la France, depuis trois siècles, avec celui des petites
républiques de l'Italie ou des petites principautés de l'Alle-
magne, pendant cette même période, il semble bien que
nous avons peu de choses à regretter.
D'ailleurs, si cette union et celte cenlralisation, dont on
se plaint aujourd'hui, se sont accomplies si facilement, c'est
^i04
quf la plupart des provinces se sont offertes et données
spontanément.
Pensez-vous qu'il était indifférent à une province comme
la Bretagne, perdue et isolée, en quelque sorte, au bout du
monde, d'avoir, derrière elle, le riche appui et le vaste
débouché des autres provinces françaises? Et, pour prendre
mon exemple ici même, n'esl-il pas indiscutable que Nantes,
située à l'extrémité de cet immense réseau commercial que
forment la Loire et ses affluents, avait tout intérêt à ne pas
se trouver séparée, par des fronlières factices, des régions
qui étaient la source de S(.'s approvisionnements et son
marché naturel.
Aussi, Messieurs, la véritable prospérité de votre ville
commence-t-elle à l'époque où elle fait définitivement partie
du royaume de France.
C'est aussi l'époque des grandes découvertes. Le monde
se retourne, pour ainsi dire, d'un seul coup. Jusque-là, il
était penché sur les mers méditerranéennes. L'Egypte, la
Grèce, Rome, Venise étaient les grandes étapes de la civili-
sation. Tout à coup, il se redresse, et ce sont les mers
occidentales qu'il voit s'ouvrir devant lui.
Quels horizons pour vos navigateurs et pour vos hommes
d'action! Mais aussi, comme les horizons se fussent restreints,
si, à ce moment précis, Nantes n'avait pas eu, ainsi que ses
sœurs de l'Atlantique, le point d'appui robuste que repré-
sente le bloc compact du territoire français.
On sent si bien, au centre, l'importance d'une ville comme
la vôtre, que vous voyez se succéder, dans vos murs, tous
les hommes qui contribuent à la grandeur du pays. Ils
viennent accomplir ou promulguer parmi vous les actes les
plus importants de leur administration. Us viennent aussi vous
exciter et vous encourager dans la voie du développement
maritime et colonial où vous vous êtes spontanément engagés.
W5
, Henri IV vient à Nantes pour y signer le fameux édil qui
rael la paix dans les consciences, tout en confirmant l'unité
morale de la patrie française. Richelieu, qui eut toujours
pour votre ville une grande prédilection, vient à Nantes pour
y détruire, avec la conspiration de Giialais, les derniers
vestiges des résistances féodales et apanagères. 11 y fonde la
puissante association de marchands qui a nom la « Bourse
commune » et crée, ainsi, nos premières relations avec
Madagascar. Louis XIV vient à Nantes pour consommer la
ruine de Fouquet. Quelles étapes. Messieurs, et quels noms !
Cette grande série se couronne du nom de Colhert, qui,
en 1664, fit appel spécialement aux habitants de Nantes pour
les mettre dans la confidence de ses grandes entreprises
coloniales et pour recourir à leur expérience, à leur intelli-
gence et à leiu^ esprit d'initiative.
J'ai cherché à me figurer ce que pouvait être votre ville
dans ces années fécondes du XVII" et du XVIII^ siècle, qui
virent la France répandre au loin, à travers le monde, le
renom de son commerce, de son goût, de son industrie, de
sa civilisation. Les documents ne manquent pas. Ils abondent
plutôt el, partout, on trouve l'image de l'activité, de la
prospérité el du travail joyeux et rémunérateur.
Je n'ai vu cité nulle part, dans vos historiens locaux, le
récit d'un voyage qui donne bien l'impression de ces
époques prospères. Permettez-moi d'en lire ici quelques
lignes qui ne manquent pas d'une certaine saveur dans leur
franche naïveté : « Ce qu'il y a de divertissant à Nantes,
dit M. Jouvin, de Rochefort, qui écrit dans les premières
aimées du règne de Louis XIV, ce sont les « Ponts de
pierres » qui traversent plusieurs îles, sur lesquels il fait
beau se promener pour avoir la vue sur celte belle rivière,
d'un côté couverte des bateaux qui descendent des îles
qu'elle arrose, et, de l'autre, des navires et des barques qui
206
viennent de toutes les parties de l'Europe et de l'univers,
chargés des diverses marchandises qui, de Nantes, par la
commodité des rivières, se transportent par tout le royaume.
Aussi ne faut-il pas s'étonner si nous la voyons si fleuris-
sante que, la ville n'étant plus capable de loger tant de
monde, les faubourgs se sont accrus jusqu'à ce point qu'ils
surpassent, même de beaucoup, la ville. Tout à la fin de ces
ponts, se trouve le faubourg de Pil-Mil, l'un des quatre
que l'on compte i\ Nantes. Nous logions dans celui du
« Marché », à l'hôtellerie de 1' « Aigle «, qui a ses portes
et ses murailles comme une ville. Kt, de vrai, il y a des
places, de grands palais, des rues tout entières remplies de
maisons de riches marchands et de belles églises. En un
mot, Nantes a je ne sais quoi de si charmant qu'on n'en peut
sortir ! »
Voilà, certes, un beau compliment, et cet homme goûlail
fort le charme de votre société. Rien n'est changé, d'ailleurs;
car il n'est pas un de ces voyageurs venus parmi vous qui
ne vante votre hospitalité. El, pour en finir avec les compli-
ments, je vous citerai un autre écrivain — du XIX^ siècle,
celui-là — qui s'exprime sur les habitants de cette région
avec un enthousiasme tout aussi communicalif : « Les vertus
caractéristiques des habilanls de la Loire-Inférieure, dit cet
autre écrivain, sont la franchise, la charité et la modestie ;
tous les devoirs qu'inspirent l'humanité, la famille, la Patrie,
ils les remplissent naturellement, sans ostentation ». Vous le
voyez, mon auteur insiste sur voire modestie. Qu'elle me
pardonne si je viens de lui porter une trop rude alleinte. En
sonuîie, il vous est toujours permis de mettre les choses au
point et d'apprécier si les paroles de saint Jean-lîouche-
d'Or sont paroles d'Evangile.
Cet air de santé et de prospérité, qui respirait dans tout
l'aspect de votre ville, et qu'on retrouve jusque dans les
207
vieilles estampes, alla se perpétuant et s'affirmanl pendant
tout le XVlIIe siècle.
En 1770, on constatait qu'il y avait à Nantes, simultané-
ment, jusqu'à cent vingt vaisseaux appartenant aux négo-
ciants de la ville et ayant à bord plus de trois mille matelots.
En outre, les navires arrivent de toutes parts, des îles
d'Amérique, du Portugal et de l'Espagne, et notamment de
Bilbao dont les négociants ont, avec ceux de Nantes, le
curieux pacte appelé « conlractation », puis de l'Angleterre,
de l'Ecosse, de la Hollande, des villes hanséatiques. Nantes
a une industrie propre très importante. Elle vend ses produits
et ceux du Comté Nantois, c'est-à-dire les cotonnades, les
indiennes ou toiles peintes, les mouchoirs à double face, les
kalankiars, les basins, les futaines, les coutils ; puis les
sucres qn'elle rafRne elle-même, les liqueurs , les cuirs
tannés, les cordages, les articles de marine et de construc-
tion, enfin tous ces approvisionnements divers nécessaires
aux colonies, qu'on nomme la « cargaison ».
El, par contre, Nantes reçoit du dehors le sucre brut et
raffiné, l'indigo, la morue verte et la pêche sous toutes ses
formes ; puis, tous ks articles coloniaux ; puis le bœuf salé
qui vient d'Irlande ; puis les laines d'Espagne, les peaux de
mouton, les oranges et les citrons ; du Nord viennent la
pUuiclie, la résine, le goudron, et d'Angleterre on apporte le
plomb, l'éiain, la couperose et le charbon de terre.
C'est à celte époque qu'on constate, comme un fait, «< que
la ville de Nantes est celle qui a le commerce le plus
étendu, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur du royaume ».
Mais, surtout, le point sur lequel votre altenlion et celle du
public ne peuvent être trop retenues. Messieurs, c'est l'impor-
tance que prennent, dans l'ensemble du commerce de Nantes,
ses relations avec nos colonies, avec le Canada, avec la côte
occidentale d'Afrique et surtout avec Saint-Domingue.
^i08
On peut dire, de celle île, si riche alors, qu'elle n'est, au
XV1II« siècle, qu'une sorte de succursale du commerce
nanlais. Vos familles commerçantes avaient presque toutes
une de leurs branches établie dans cette colonie et ces liens
de parenté ont, souvent, subsisté jusqu'il nous. Un chiffre
dira tout. Au moment où la grande crise qui devait porter un
coup si funeste à la prospérité de Saint-Domingue se produi-
sit, son commerce était engagé sur la place de Nantes pour
un chiffre de crédit qui atteignait, dit-on, cinquante millions.
El si j'insiste, Messieurs, c'est que vous verez, dans ce
détail, la preuve la plus frappante du lien qui existe inévita-
blement entre la prospérité coloniale de la France el celle
de nos grandes villes métropolitaines. Aujourd'hui que la
France s'est reconstituée, au prix d'efforls considérables, un
nouveau domaine colonial, la leçon du passé vient h point
pour nous dire ce qu'il vous reste 'à faire.
Certes, cel empire est bien jeune encore. La première de
nos acquisitions récentes, c'est la Tunisie. Or, notre établis-
sement n'y remonte pas à plus de quinze ans, el c'est
depuis deux ans seulement que la Tunisie est maîtresse de
ses tarifs. Personne ne songe, cependant, *à nier l'impor-
tance des résultats obtenus dans celte perle de nos posses-
sions d'oulre-mer. Le Tonkin, Madagascar, le Congo, toute
la côte occidentale d'Afrique sont des acquisitions plus
récentes encore. A peine sont-elles nées que, déjà, on sent
se produire en elles la fièvre de la croissance et du travail.
On ne mettra plus en doute ni leur valeur réelle, ni le J
grand essor qu'elles sont appelées à prendre dans l'avenir.
Songez-donc à ce que serait cet élan s'il s'appuyait bientôt
sur des chiffres pareils à ceux que je viens de rappeler.
Saint-Domingue avait, avec votre seule ville, il y a cent
ans, des relations d'affaires qui atteignirent le chiffre de
50 millons. Ne voyez-vous pas que si la moindre de ces
209
vastes possessions que je viens d'énumérer pouvait couipter
sur un concours proportionnel de la part de la richesse ei
de Tactivité métropolitaines, leur avenir serait assuré et, par
contre, la prospérité de toute la France maritime déve-
loppée dans les mêmes proportions ?
Que faut-il faire pour cela, Messieurs ? Vous le savez
mieux que personne. Unissez-vous, syndiquez-vous, formez
des sociétés d'études, des sociétés d'exploration, de com-
merce, de culture. Aidez-vous vous-mêmes. Tout dépend de
votre initiative propre, cette même initiative qui vous a faits
si grands dans les siècles passés et qui vient d'accomplir
chez vous, par vous et pour vous, de si grandes œuvres.
La situation admirable qu'occupe votre ville lui dicte son
devoir. Car elle n'est pas seulement un des grands ports de
notre France ; elle est aussi l'entrepôt et, si j'ose eniployer
cette expression, le déversoir naturel du vaste bassin dont
les eaux fécondes viennent s'unir, ici, aux flots de l'Océan.
Si l'on essaye de caractériser d'un mot la constitution
générale de notre pays, on peut dire que la France est une
contrée de beaux fleuves et de grandes vallées.
Cette observation a frappé, de tous temps, ceux qui l'ont
visitée. Le Tasse la mentionnait au XVI^ siècle, et l'on
comprend bien l'effet que devaient lui faire nos vastes
pleines s'il les comparaît aux recoins moniueux qui forment
l'ossature de l'étroite péninsule italienne.
Cette simple constatation suffit pour évoquer l'aspect
général que présente, aux yeux des étrangers, le pays qui
s'ouvre devant eux : celle verdure constante et disséminée ;
ces bouquets d'arbres et ces enclos qui donnent immédiate-
ment l'impression de l'habitation et de la prospérité; ces
fonds d'herbages avec le semis des taches blanches ou
brunes du bétail qui paît ; ces champs non tant étendus,
aux couleurs variées, étalés les uns près des autres, comme
une montre de marchand d'étoffes, et mariant leur diversité
diaprée aux nuances fines et grises d'un ciel incertain ;
presque toujours, limitant l'horizon et rarement perdus de
vue, les « coteaux modérés » dont parle Sainte -Reuve, avec
la vigne qui monte à l'assaut de leur pente et les hérisse
des mille baïonnettes de ses échalas.
Notre activité économique tient, naturellement, à celle
contiguralion de notre sol. Blé, viande et vin, ce sont les
trois termes de notre production fondamentale, et c'est à
peine si le développement de la vie moderne a ajouté quel-
ques éléments h la formule du vieux ministre qui disait
que « pâturage » et « labourage » sont les mamelles de la
France. Le lait qui coule de ces mamelles est abondant et
sain, et, si j'osais poursuivre l'image, je dirais que c'est en
suivant le cours des vallées qu'il va porter au loin quelque
chose de la douceur et de l'aisance françaises.
Or, parmi ces rivières, en est-il de plus riches et de plus
exquises que votre Loire ?
Remontons-en le cours, puisqu'en môme temps nous
remontons vers le cœur de la France. A peine avons-nous
franchi votre Bretagne et votre Vendée, serties dans la
verdure des herbages et des fossés, que nous voilà dans ce
bon pays angevin, dont nos aïeux disaient déjà si joliment :
« bons fruits, bons esprits, bons vins. » Si peu qu'on
remonte sur l'autre rive, c'est le Poitou, qui fait bruire les
eaux de la Vienne, du Claiu et de la Creuse, et qui tourne
le dos aux hauteurs déjà rudes du Limousin et aux moroses
étangs de la Brenne. Il se hâte vers la Touraine que, de
tous temps, on a définie quand on l'a appelée « un jardin »,
et si la Loire fait, alors, son coude hardi vers le nord, c'est
qu'elle veut s'étendre le long de la riche plaine de Beauce,
c'est qu'elle s'ennuie des horizons aplatis et mélancoliques
de la Sologne, c'est qu'elle désire se rapprocher de sa sœur,
la Seine, pour offrir à Paris le voisinage fraternel d'une
autre vieille cité, Orléans.
Pourquoi l'histoire de France n'a-t-elle pas fixé son centre
sur ces coteaux fleuris ? Les rois en ont eu grande envie.
Ils ont bâti partout leurs châteaux, sur les collines et sur
les eaux, dans les villes, et au plein milieu des campagnes et
des bois. Partout, au détour du chemin, apparaissent leurs
murailles blanches et leurs toits en poivrières. On dirait que
les logis de nos rois ont continué, sur les bords de la Loire,
les étapes de la vieille chanson militaire :
« Orléans, Beaugency,
Notre-Dame-de-Gléry,
Vendôme. »
Pourquoi donc la capitale ne s'est-elle pas assise en ces
lieux enchanteurs? Pourquoi? Je crois, Messieurs, qu'on
peut le dire d'un mot : Parce que la race est brave et qu'elle
va de l'avanl, et qu'on a bien senti, à une heure donnée,
qu'il ne fallait pas s'endormir dans les molles douceurs de
la vie tourangelle, et qu'on est allé, vaillamment, là où il
fallait des hommes et là où il fallait des chefs, sur la frontière.
Cependant, votre beau fleuve se détourne à regret, et dans
sa lente évolution semi-circulaire, il s'accoutume, peu à peu,
à des ciels moins délicats. Comme il est beau encore au
pied de ces vieilles villes militaires, à Sancerre, à la Charité,
à Nevers, qui parfois portent, au sommet des collines, leur
château comme un heaume. En remontant, le voici qui
se rapproche de la Saône et de son tumultueux camarade
le Rhône. Il va vers Lyon, comme, tout à l'heure, il
avoisinait Paris. Quelques lieues, et le contact des deux
fleuves relierait les deux mers; mais le Rhône pousse hâtive-
ment vers la mer bleue sa marche parallèle, tandis que la
Loire, déjh plus mince, se cache et s'enterre au sein profond
de la noire Auverirne, offrant son eau, étroite et claire comme
un miroir d'étain, aux profils rugueux des dernières Cévennes
et au front paternel du Mézenc et du Gerbier-de-Joux.
. Sur le fleuve lui-même et sur les terres qu'il lave et sur
celles que baignent ses nombreux affluents, que de richesses,
que de travail, que de production ! La fourmilière entière
s'active, depuis celle qui creuse ses trous au fond de la terre
pour en tirer le charbon et le minerai, jusqu'à celle qui se
hâte d'étaler, au chaud soleil, la belle moisson de l'août, qui
rapportera, comme dit l'autre, « foi d'animal, intérêts et
principal ».
Toute cette production, toutes ces richesses sont pour
vous, assurément. Elles vont prendre le fil de l'eau et en
descendre le cours? Hélas! non. Votre Loire est paresseuse :
elle traîne, dans les sables, ses eaux inutiles; elle est capri-
cieuse, se tournant et se retournant dans son lit, comme
une boudeuse qui ne sait si elle doit rire ou pleurer ; elle
est indocile, brisant d'un caprice les lisières qu'on voudrait
lui imposer et déjouant, en ses détours et ses fuites, les
calculs des savants graves qui voudraient la contraindre.
C'est ici, Messieurs, qu'une œuvre nouvelle s'est imposée
h vous et, avec un courage prêt pour toutes les tâches, vous
n'y avez pas manqué.
Vous êtes, vous, à Nantes, les grands canalisateurs de la
Loire.
Vous passez votre existence séculaire à lutter contre les
fantaisies souvent redoutables de votre belle rivière. Elle est
votre raison d'être, mais elle est votre perpétuel tourment.
Vous pourriez dire, de votre fleuve, comme le poète, du
grand cardinal :
Il nie lit trop de mal pour en dire du bien,
II me lit trop de bien poui- en dire du mal.
^il3
Depuis votre fameux évêque Félix qui, au Vl^ siècle,
donnait la vie h votre port en ouvrant a la Loire un cours
nouveau, jusqu'au Conseil municipal et à la Chambre de
Commerce qui donnaient, hier, un coup de pouce si formi-
dable en créant le canal latéral de la Basse-Loire, votre
pensée n'a jamais délaissé ce problème : donner au cours de
la Loire plus de stabilité, plus de régularité, plus de fond.
Et votre persévérance a été largement récompensée !
Peut-on voir, en effet, un résultat plus frappant, plus brusque,
plus immédiat, et répondant mieux à Tappel du génie de
rhomme que celui que vous avez obtenu par votre dernière
entreprise.
Les grands dragages de la Loire commencent en 1884 et
le canal est ouvert en 189^2. Or, en 1884, votre port en
était, comme poids total des marchandises, à 450 mille
tonneaux. En 1897, il était à 750 mille tonneaux. En 1886,
le chiffre d'affaires de la succursale de la Banque de France
était de 117 millions de francs ; en 1897, il était de '217 ujil-
lions. La jauge totale des navires passe du chiffre de
300,000 à celui de 700,000 et la jauge des navires chargés
s'accroît de 100 "/o-
Voilà des chiffres que tout le monde connaît ici. Mais je
les répète très haut pour qu'on les entende au loin, pour
que votre exemple serve aux autres, pour qu'on en finisse
avec la légende d'une France inactive, endormie, aux ports
ensablés, et aux négociants claquemurés derrière leur
comptoir, comme j'espère en finir, un jour, avec l'autre
légende des colonies sans colons, sans commerce et sans
avenir.
En proclamant ces chiffres, je voudrais aussi, s'il m'était
possible, apporter mon faible concours à l'œuvre considé-
rable dont les travaux que je viens de rappeler ne sont, pour
ainsi dire, que la préface.
Vous avez fail la Loire maritime. Il faul améliorer main-
tenant la voie fluviale, et, pour dire le mot, achever la Loire
navigable.
La France ne connaît pas assez la portée de rœuvre que
vous avez entreprise. Elle ignore la grandeur et la simplicité
de votre projet ; sinon, il n'y aurait qu'un cri dans tous les
milieux, dans le Parlement, dans la presse, pour seconder
le grand dessein qui vous remue si profondément, auquel
vous avez intéressé si heureusement les Pouvoirs publics et
qui sera l'honneur de la génération présente et de tous les
hommes actifs qui m'environnent.
Le port de Nantes a pu faire monter jusqu'à lui les
marchandises qui vont sur la mer. Il faut maintenant qu'il
fasse descendre jusqu'à lui les marchandises qui viennent de
la terre. Cette œuvre est le complément indispensable de la
première.
Il ne m'appartient pas d'aborder ici le côté technique de la
question. C'est affaire aux ingénieurs aidés par les conseils
des hommes pratiques et des commerçants. Il leur appartient
de trancher le problème du canal latéral ou de la canalisa-
lion du fleuve. Instinclivemeni, j'incline vers cette dernière
solution, parce qu'elle paraît la plus simple. Encore une fois,
c'est l'affaire des ingénieurs.
Mais, ceci dit, vous ne pouvez trop mettre à contribution
leur bonne volonté qui, j'en suis assuré, vous est acquise.
Peu à peu, les oppositions tombent. On pouvait appréhender
une inquiétude légitime de la part des entreprises de trans-
port. Elles se rendent compte que la prospérité générale ne
fera, probablement, qu'accroître leur prospérité particulière.
Les marchandises qu'elles transportent et les régions où
elles pénètrent ne sont pas, nécessairement, les mêmes que
celles qui sont atteintes par votre projet. Ces divers intérêts,
également respectables, ne doivent pas se nuire : ils doivent
215
se combiner et s'enlr'aicU-r dans une confiance miiluelle et
dans un effort commun.
La Loire navigable, c'est vingt-huit déparlements de la
France mis en contact plus direct avec la mer. C'est une
population de 12 millions d'habitants, c'est Lyon, c'est la
Suisse elle-même, intéressés à prendre la voie de nos canaux
et de nos fleuves. Qui en doute, Messieurs? Les données
géographiques les plus claires, celles que lirait un enfant,
sont en votre faveur. Prendre le chemin de la France,
aboutir à Nantes, c'est, pour les marchandises de tout le
Centre, adopter la roule la plus courte, la plus commode
et la plus sûre pour gagner l'Atlantique et l'Amérique.
C'est éviter les brumes et les tempêtes de la Manche, d'une
part ; c'est éviter le grand détour de Gibraltar, de l'autre.
Uu grand chemin fluvial a été creusé par la nature, au
milieu des terres, traversant les plus riches et les plus beaux
pays du monde, qui, à eux seuls, suffiraient pour l'ahmcnter.
Il faut le compléter, le rendre régulier et praticable, vaincre
les obstacles qui, depuis des temps relalivemenl récents, le
rendent presque inutilisable.
L'ancien régime, Messieurs, consacrait un des fonds
permanents du budget de l'Etat à ce qu'on appelait les
« Levées de la Loire •>. Est-ce que la France républicaine,
outillée comme elle l'est, riche comme elle l'est, pleine
d'avenir et d'élan comme elle l'est, quoi qu'on en dise, et
maîtresse de ses destinées sous un régime de liberté et
d'initiative individuelle, ne saura pas conduire à bien l'œuvre
que jadis avait ébauchée la France de nos pères?
Ce dernier effort, Messieurs, vous vous le devez à vous-
mêmes, et la France vous le doit. Tout ce qui nous unil, tout
ce qui nous rassemble, provinciaux de tous les pays, recevant
volontiers le mot d'ordre de Paris, mais ayant nos intérêts
propres et notre activité propre, tout cela travaille dans
216
voire sens. Nous sommes tons solidaires. Vous avez avec
vous, non seulement vingl-luiil déparlemenls, mais la France
entière, parce que chez nous toutes les aspirations saines
et fécondes se confondent, parce que notre unité est assez
faite pour qu'il n'y ait, entre nous, ni rivalité, ni concurrence
mesquines et pour que tout le monde soit toujours prêt à se
porter au secours de tous et de chacun.
C'est par ces mots. Messieurs, que je voudrais finir. Je
vous parlais, tout à Theure, d'union, de société, d'association.
La Patrie est l'association suprême. Elle coordonne et
distribue tous les efforts. Par la Patrie, les provinces ont un
cœur commun. Elles respirent, vivent, s'émeuvent, souffrent
et se réjouissent ensemble. Quand quelque chose dans
notre chère France est atteint, toutes les parties languissent.
Quand la santé publique est bonne, les extrémités sont
vaillantes et fortes.
En un mot. Messieurs, par les efforts de nos ancêtres, il
s'est manifesté sur la terre une personnalité qui a sa
physionomie, son caractère, son charme propre et sa grâce :
c'est notre mère, c'est la France. Elle est debout parmi
nous. Elle nous domine. Tout notre amour, tous nos
etîorls et tous nos sacrifices vont vers elle parce qu'elle en
est digne et parce que nous lui devons tout.
Mais, par contre, tout son cjeur est ii chacun de nous,
et elle est la première à sourire de joie quand elle voit se
presser autour d'elle les figures heureuses et prospères des
provinces, ses filles, qui, selon le mol du poêle, si
différentes qu'elles soient, se ressemblent pourtant, comme
des sœurs.
LK THÉÂTRE LIBRE
François DE CUREL.
De loLis les arts, Tari clramalique esl celui dont il est le
plus facile de marquer les évolutions. Reflet d'une société, le
Ihéâliv, en effet, a pour mission de s'adapter au milieu
ambiant, de suivre les préoccupations de l'heure présente,
de décrire l'homme tel qu'il est, au moment précis où l'écri-
vain le met en face de l'objectif.
Pendant la première moitié du XVII»' siècle, le théâtre esl
une école d'héroïsme et d'énergie, mais d'ime énergie un
peu affinée par la galanterie des seigneurs et des précieuses.
On esl eu pleine Fronde, et les adorables furies de Cor-
neille, les Camille et lesChimène, rappellent aux contemporains
de la Grande Mademoiselle et de M™" de Longueville les
galantes escarinouches de cette guerre en dentelles, dont les
étapes sont, en quelque sorte, marquées sur la Carte du
Tendre, et que les bergères de l'Astrée, devenues soudain
des Clorinde, dirigent au gré de leurs fantaisies et de leui's
capricieuses amours.
Avec Racine, le théâtre devient psychologique. On en a
fini avec ces caractères tout d'une pièce, inébranlables et
fermes. La France de Louis XIV est définitivement façonnée,
et, entre deux conquêtes, sans le souci du lendemain, on
aime à se laisser vivre, d'une vie sentimentale où la philo-
15
'218
sopliic vii'iil iijoiiU'r uik; noie discrèk'. à la gamun' «les ('luo-
Uons rares el des pensées subtiles : les Caraclères de La
Bruyère sont le bréviaire où se complaisent les béroïnes de
Racine, à Tànie si délicatement tourmentée que nous les
prendrions volontiers pour des lemmes d'aujourd'bni.
Au XVni« siècle, plus que jamais, le tbéâtre suit les
mœurs : pbilanthropique et binnanitaire avec Vollaire et
Diderot ; moral jusqu'à la naïveté avec La (.haussée ; léger,
frétillant comme un roué ou une soubretle avec Marivaux,
il devient entre les mains de Beaumarchais une arme redou
table, et, c'est au milieu des grelots de la Folle Journée,
qu'éclatera la Révolution française.
La Terreur el le l^^ Empire créent une sorte de ibéâtre
officiel : les œuvres classiques sont expurgées ou remplacées
par des pièces sur commande ; la politique révolutionnaire
ou impériale envahit la scène, et c'en est fait, pendant près
de quarante ans, de toute littérature dramatique.
x\vec la Restauration et le Gouvernement de Juillet éclate
le Romantisme. Nul régime ne pouvait mieux servir de
cadre à ce renouveau artistique. Epuisée par les guerres de
la Révolution et de l'Empire, la France avait besoin de repos;
les caisses étaient vides, la population décimée. C'est la
gloire de nos rois consiilutionnels d'avoir su nous assurer
la paix, en môme temps que le bien-être el l'économie.
Jamais les lettres n'ont brillé d'un plus vif essor ; jamais,
si ce n'est au XVII^ siècle, le tliéâlre n'a retenti de tirades
plus sonores el de plus nobles accents. On dirait une
fringale de vie qui secouerait les survivants des sombres
années, tous ceux qui ont échappé aux massacres de la
Terreur el aux guerres impériales.
Mais le théâtre ne peut vivre exclusivement d'héroïsmes et
de nobles pensées. Un jour, l'on s'aperçoit que le roman-
tisme n'est, lui aussi, qu'une convention, que les armures
de SCS personnages sont creuses, que l'emphase el l'invrai-
seniblance se sont peu à peu substituées à l'observation de
la vie réelle, k la peinture du sentiment et de la passion.
Un écrivain génial, en avance sur son époque, Balzac,
ouvre la voie au réalisme, et sa Comédie humaine, décri-
vant tous les milieux, fouillant tous les replis de l'âme,
passant avec une prodigieuse facilité de l'étude psychologique
au roman d(> mœurs ou d'aventures, exerce fatalement son
influence sur l'art dramatique. De plus, la société française,
sous le second Empire, subit une transformation. Les décou-
vertes scientifiques jettent dans les esprits plus de précision
et de netteté : l'heure n'est plus aux rêveries d'une George
Sand ou à la philosophie imageuse d'un Pierre Leroux ou
/l'un Jean Reynaud. Auguste Comte vient d'inventer le
positivisme, et cette formule, appliquée par Taine à la
littérature et au Ihéâlre, fait éclore, tant sur la scène que
dans le roman, des œuvres puissantes qui, serrant la réalité
de plus près, peuvent aujourd'hui encore servir de modèles
a nos écrivains contemporains. A Madame Bovary et à
l'Education sentimentale correspondent les drames de
Dumas el d'Augier, de même que drs Fleurs du mal sorti-
ront un jour les inquiétudes d'un Sully- Prudhomme et les
perversités d'un Verlaine.
Il reste cependant un pas à faire : des deux auteurs dra-
matiques qui, pendant plus d'un quart de siècle, ont renou-
velé et enrichi la scène française, l'im, Alexandre Dumas,
n'est pas complètement dégagé de l'influence romantique.
Fils de l'auteur d'Henri III et sa Cour, il s'abandonne
trop souvent aux exagérations et à l'emphase ; ses person-
nages sont des symboles qui se dressent au-dessus, ou tout
au moins, trop loin de nous; cerlaines de ses œuvres,
grandioses connue une page de l'Apocalypse, nous em[iorlent
au pays des chimères, et, quelquefois, chez le dramalurge
MO
do VElrangèro cl de la Femme de Claude, le, poète ou
même le visionnaire éloufte l'observateur. Plus près <Je la
réalité, Emile Âugier est un peintre plus vrai et aussi mieux
informé des travers de son temps ; mais ses personnages
principaux — journalistes, bourgeois ou lionnes pauvres —
ont siniifulièrement vieilli.
Depuis 1870, en effet, nous sommes entrés dans une ère
nouvelle, et le tbéâtre s'en est ressenti. L'instruction s'est
développée ; la fortune s'est accumulée dans les mains de
quelques-uns ; la quatrième classe, le peuple, est arrivée au
pouvoir, et, de pbilosopbique qu'il était en 1848, le socia-
lisme s'est affirmé dans la pratique par ses revendications
et ses conquêtes ; l'horizon politique s'est assombri, par
suite de l'extension du journal et d'un parlementarisme mal
compris. Tout n'est que chaos dans l'âme moderne, et si,
dans ces derniers temps, TUniversité est revenue à la
doctrine de Kant, c'est le plus souvent pour en tirer des
conséquences absolues dont rexlrôme rigueur répugne à la
raison et au bon sens.
De là, une véritable anarchie littéraire; de là, au ihéâlre,
ce manque d'unité, ces excès dans tous les genres, ces
œuvres curieuses qui captivent, mais laissent derrière elles
une immense sécheresse, un arrière-goût d'amertume ou
de pourriture. Fondé il y a environ quinze ans, le Théâtre
libre reflète mieux que tout autre les infinies préoccupations
de la pensée moderne. A l'origine, ce n'est qu'un théâtre
de réaction, où la brutalité i-emplace la force, où les mau-
vaises mœurs s'étalent avec une naïveté qui n'a d'égale que
son invraisemblance ridicule et niaise. Mais l'essor est
donné : de ces premiers essais, souvent infructueux, se
dégage toute une littérature dramatique qui, malgré ses
délaïUs et ses outrances, se l'ait remarquer par son origi-
nalité, son souci de la notation exacte et aussi sa très grande
variété. Parmi les sept ou liuii ailleurs qu'a révélés le Tiiéâlre
Antoine, il n'en est pas, en etlel, deux qui se ressemltlenl.
Le champ où ils glanent n'est pas très grand, mais tous
s'attachent à n'en pas dépasser les limiles ; ils ont avant
tout le très légitime désir de rester eux-mêmes, et piéfèrenl
encourir le reproche de monotonie plutôt que celui de ne
pas conserver leur personnalilé intacte. Parmi ces jeunes
gens, quelques-uns ont un talent qui va chaque jour en
s'accentuant ; d'autres ont déjà donné des œuvres maîtresses,
comme Amoureuse, Blanchelle, La Nouvelle Idole ou
Le Repas du lion ; d'autres enfm, connne M. Maurice
Donnay, sans recontrer le grand succès, ont écrit, sinon des
drames, du moins des scènes qui resteront comme des
modèles de cet esprit un peu facile qu'on est convenu
d'appeler l'esprit parisien.
L'un des plus brillants est, sans contredit, M. de Gurel.
Quand, le "23 janvier 189^2, r Envers d'une Sainte fut
représenté sur le Théâtre libre, ce fut dans la presse un
immense étonnement. Le nom de François de Curel apparais-
sait pour la première (ois sur une affiche de théâtre : on
avait lu, sous celte signature, des nouvelles finement écrites,
l'Eté des fruits secs, par exemple, paru vers 1885 ; mais rien
ne semblait annoncer un tempérament dramatique comme
celui que révélait ce premier essai. La pièce, que défendirent
les landistes, en particulier, M. Jules Lemaîlre, M. Emile
Faguet et même Francisque Sarcey, n'atteignit jamais le
grand public; elle intéressa, pendant quelques représentations,
les habitués de M. Antoine, puis elle disparut de; l'affiche.
Quelques mois plus tard, le -29 novembre 1892, les Fossiles
vinrent de nouveau mettre en lumière le nom du jeune
écrivain : c'était une œuvre curieuse, boiUTée d'idées, un
peu toutïue peut-être, en tous cas peu faite pour être jouée
sur un théâtre régulier. Quoi qu'il en soil, ces deux drames
l'Envers d'une sainte cl les Fossiles avairiit iiorlé le
nom (le 1\1. de Ciirrl à la ('onnaissaiici» des lettrés, cl mil ne
sY'lonna quand, après avoir donné Vlnmléc an Vaudeville,
riieureux auteur se vil, le 12 octobre 1893, ouvrir les portes
du Théâtre Français avec ï Amour brode.
L'Amour brode est la plus obscure, disons le mol : la
plus mauvaise des pièces qu'ait écrites M. de Curel : c'est du
Marivaux ou du Mussel corrigé par Ibsen, un vaudeville poussé
au noir, et, ce qui est plus grave, l'élude d'une âme tellement
compliquée que l'espril se perd à vouloir en pénétrer l'inson-
dable profondeur. La pièce échoua, et, quoi qu'il en dise,
M. de Curel en fut un peu découragé. 11 resta près de
trois ans sans rien livrer à la scène : c'est seulement le
5 mars 1890 que nous le voyons tenter un nouvel effort
à la Renaissance, avec la Figurante. Mais ces trois ans
ne lurent pas perdus : le jeune écrivain les employa loul
d'abord à écrire, dans la Bévue de Paris, la Nouvelle
Idole qui n'affronta le feu de la rampe que le 11 mars
1899 ; puis à méditer l'idée mailresse de sa dernière œuvre,
la plus audacieuse peut-être du théâtre contemporain :
« Je rencontre, écrivail-il en 1894, des sujets qui, je le
3 sens, seront excellenls pour moi plus tard, lorsque mon
» esprit aura marché dans une direction que je prévois,
» mais qui actuellement sont hors de ma portée (t) ».
L'un de ces sujels, le socialisme, il le traitera, en effet,
le 26 novembre 1897, dans le Repas du lion, alors que,
dix-huit mois plus lard, le Théâtre Libre devait jouer la
Nouvelle Idole, écrite depuis quatre ans.
Telle est, résumée en quelques mots, l'œuvre théâtrale de
M. François de Curel. Elle se compose, on le voit, de sept
pièces, loules représentées de 1892 à 1899. Une pièce par
(1) Année psychologique, 1894.
"tin
an, c'est un peu moins que Baizac qui écrivait Massimilla
Dont en une nuit ('); mais c'est infiniment plus qu'Henry
Becque qui resta près de dix ans sur les Corbeaux et [)resque
autant sur la Parisienne. M. de Curel nous dit quelque
part que l'Envers d'une Sainte lui coûta vingt jours de
travail, et f Amour brode environ le double. Bien que,
coumie dit Alceste, le temps ne fasse rien ii l'affaire, ces
chiffres sont instructifs, car ils permettent de mieux
saisir les procédés qu'emploie l'auteur de la Nouvelle Idole
et, par là môme , de mieux dégager la portée de son
œuvre.
Dans une première partie, nous essaierons de carac-
tériser le talent , la manière de M. de Curel , d'en
préciser les iraits principaux , de marquer, autant que
possible, la place bien personnelle qu'il occupe aujourd'hui
parmi les jeunes écrivains qu'a formés le Théâtre libre.
Dans une seconde partie, nous étudierons chacune de ses
pièces, en nous efforçant de mettre en relief l'idée morale
ou philosophique qui lui sert invariablement de point de
départ.
M. de Curel nous facilitera dans une certaine mesure
l'analyse de son caractère : en 1894, il s'est prêté à une
sorte d'enquête dont M. Binel a rédigé les procès-verbaux
dans le premier volume de VAnnée psychologique. J'avoue
qu'ea feuilletant les quelques cent pages que comporte cette
étude, je n'ai pu quelquefois ré[)rimer un discret sourire.
Aujourd'hui, l'on met la psychologie partout ; on en fait
l'auxiliaire de Toccultisme, du somnambulisme et de la
suggestion ; on se plail îi enregistrer les phénomènes
(1) Su'\r \tiS Lettres à l'Etrangère.
224
psychiques, a les éitinpjler, un peu comme le iialuralisle
ferait de ses papillons ou de ses lichens . Il suffit de lire la
table de rimporlante revue de M. Binet pour êlre frappé
de la puérilité de certaines observations, en même temps
que de l'outrecuidance de certains observateurs. Je serais
bien étonné que M. de Curel ne fut pas j'cvenu très vite
sur le compte de ses amis les psychologues. Dans la
Nouvelle Idole, écrite au mois de mai 1895 ('), il met en
scène un philosophe mondain, véritable confesseur laïque,
auteur d'ouvrages estimés et obscurs, tels que la Person-
ïialilé sons-consciente ou la Psycholoffie du fœlus. « La
» psychologie, c'est l'étude de l'àme ? » lui demandc-t-on.
(f De l'âme, oui, répond-il, ou du moins des phénomènes que
» l'on a groupés sous ce nom('^). » Une fenuue va le consulter;
elle se rend chez lui pour être comi)rise, comme, ajoute-t-
elle, « on irait chez un bijoutier pour être parée (3). » Et le
psychologue la renvoie h quatre ou cinq cents ans, alors
que la science de l'âme sera déhnitivement constituée :
o Dans cinq cents ans, s'écrie la malheureuse, on saura
» si j'ai une âme et comment la guérir, et c'est aujourd'hui
»> que je souffre. Voilà donc la science. Je sombre dans le
» découragement; elle m'offre le doute. Mais le plus humble
» prêtre auquel je raconterais ma douleur trouverait des
» paroles bien autrement consolantes (^). » Je doute qu'un
an auparavant, quand il se soumettait â l'enquête de
M. Binet et se laissait comparer par lui à un médium,
M. de Curel se fût permis des paroles aussi irrévéren-
cieuses !
Par bonheur, à côté de renseignements assez inutiles,
(1) hevue de Paris, mai 1895.
(•2) La Nouvelle Idole, II, 3.
(3) Idem, IH, 3.
(4) Idem, II, 3.
VAnnée psyclwluijique nous lournil quelques détails iulé-
ressanls : « J'ai vidé devant vous le son de ma poupée,
» écrit l'auteur à M. Binel ; à vous de l'examiner au micros-
» cope et de voir ce qu'il contient. » Suivons donc ce
conseil, et essayons nous aussi, d'examiner au microscope
le son de la poupée.
Pour M. de Gurel, l'essentiel est de trouver, à ses pièces,
un poslulalum, une situation étrange, d'où il tirera les
déductions les plus rigoureuses et les plus logiques. M. Binel
met ce procédé très nellemenl en lumière: « C'est, dit-il, un
» psychologue qui ferait du théâtre. Le point de départ de
j ses pièces est psychologique ; ce qui le lente, c'est une
» situation curieuse qui pose un problème quelconque ; il se
» demande, dans telle circonstance, ce qui peut se passer
» dans notre cœur«. Ainsi, poser une situation, mettre tel
ou tel personnage en présence du fait accompli ; rechercher
comment ce personnage agira, à quelle im[)ulsion il cédera;
démonter, en quelque sorte, les rouages de son entende-
ment ou de sa sensibilité, les examiner un à un ii la loupe,
pour les remonter ensuite méthodiquement et sûreni'^nl ; tel
est le procédé du théâtre psychologique auquel M. de Curel
a attaché son nom.
Ce procédé, nous le remarquons dans toutes ses pièces.
Le point de départ de VEnvers d'une Sainte, comme celui
de rinvitée, c'est l'absence ; le problème psychologique â
étudier, c'est la déformation morale qu'elle imprime â nos
facultés de penser et de sentir. Julie Renaudin a passé
dix-huit ans de sa vie dans un couvent ; elle se fait relever
de ses vœux et revient près des siens. Une femme outragée,
Anne de Grécourl, dans une heure de dépit, se sépare de son
mari et vit à l'étranger, loin de lui et de ses enfants, pendant
seize ans : le hasard et un peu de curiosité la ramènent sous
le toit conjugal. Voila le fait dont il faut tirer les consé-
2%
qiiences. Que sonl devemics, aiirès vini^l ans d'abscnr-e, l'âme
de Julie Renaiidin el celle d'Anne de Grécnurl? Par quels
sentinienls passeront ces deux femmes, quand elles relrou-
veronl, l'une son mari el ses filles, l'aulre sa mère, sa sœur et
la veuve de l'homme qu'elle a aimé ? C'est là le seul sujet
de l'Envers d'une Sainte el de tinvilée. Les personnages
que l'auteur place auprès de ses deux héroïnes ne sont que
des confidents, dont le rôle consiste h mettre en relief les
deux figures principales ; les événements romanesques qu'il
décrit ne sont qu'un décor destiné à encadrer un étal
d'âme.
El que résultc-t-il de celle analyse philosophique ? Quelle
est la solution qu'apporte M. de Curel au problème posé ?
C'est que l'absence, longtemps prolongée, affaiblit en nous
la faculté de sentir ; c'est qu'elle met au cœur la sécheresse
et l'indifférence ; c'est qu'inconsciemment, l'esprit s'habitue
à de nouvelles pensées, le corps à de nouveaux besoins ;
dans le lointain de nos souvenirs, le passé nous apparaît
joyeux, digne d'être l'ncore vécu, et, quand nous voulons y
plonger, le charme est rompu, la nostalgie nous prend: « Il ne
•> faut pas, dit Julie dans l'Envers d\ine Sainte, ramener
» son regard sur la terre, après avoir pendant des années
» contemplé le ciel » (i); ou encore : «< Quand on a un peu
») vécu el qu'on se reporte vers le passé, comme il semble
» animé, el le présent morne » (2).
Ce qu'éprouve Julie Renaudin, Anne de Grécourl, dans
l'Invitée, le ressent avec tout autant de force. D'après son
propre aveu, l'absence chez elle a sup[»rimé les sentiments
que Dieu y a mis {'^). C'est sans une émotion, sans une
lai'ine qu'elle revoit ses filles ; son mari lui [jaiait un peu
(1) L'Envers d'une Sainte, W^i.
(2) Idem, I, 2.
(3) L'Invitée, I, 3.
ridicule, sensiblcmeiil vieilli avec ses cheveux grisonn;uils et
i^on ventre de niagol : « J'ai man(iué lui éclater de rire au
nez »,(') s'écrie-l-elle, en le voyant; bref, elle est parvenue
à élouftér ciiez elle le cœur et les sens (2) ; ses filles la
supplient de les soustraire à un milieu démoralisateur et
malsain, et elle hésite, et elle va se retirer, impassible et
hautaine, quand, à la fin du drame, elle cède à l'émolion et
se laisse attendrir : « Pourquoi, lorsque je déiruisais en moi
» ce qui aime, n'ai- je pas réussi à [uvy ce qui souffre? L'un
>» n'existe plus, l'autre s'attendrit encore pour un mol. » (■*).
On voit par ces deux exemples en quoi consiste le procédé
de M. de Curel. Toutes ses pièces sont construites sur le
même modèle ; mais, dans aucune, il n'a mieux affirmé sa
méthode que dans la Nouvelle Idole.
Donnât est un grand savant, un émule de Pasteur, qui
recherche le vaccin du cancer. Médecin des hôpitaux, il a
commis le crime de faire servir ses malades h des expé-
riences et d'inoculer le terrible mal à de pauvres diables
qu'il croit condamnés. Très charitable, d'ailleurs, ou plutôt
humanitaire et altruiste, il sait se dévouer quand il le faut
et il a, quelques années auparavant, gagné la diphtérie en
soignant des pauvres. Appelé près d'une jeune tuberculeuse
irrémédiablement perdue, il lui inocule le cancer ; par mi-
racle, la jeune fille guérit, la poitrine se dégage, elle est
(1) L'Invitée, H, 9.
(2) i< A 24 uns, le plus grand ennemi d'une femme ooniplèlemenl délai.-see, dit-elle,
c'est son propre cœur. J'ai vaincu le mien par des moyens barbares, y étDullHnt lout ce
qui demandait à vivre, faucbant amitiés el penchunis qui [louvuienl entretenir lu l'acullé
d'aimer. . L'apaisant avec d'arides Coquetteries, cuuime on lionipe lu suif dans le
désert avec de petits cuilloux. L'ui-je assez raulilé, ce [i.mvre cœur! Acluellenienl, il
n'y refte plus une fibre aimante... C'est un jardin transformé en cour pierreuse, suns
un coin de verdure. A force d'y persécuter l'ivrtiie, le bon grain n'y peut plus pousser.
Le bon grain serait de chérir mes Olles.. . » H, 10,
(3) L'Invitée..., UI, 8.
sauvée, mais c'est pour mourir un peu plus tard du mal dont
Donnai lui a volontairement transmis le tçerme. Et alors,
le redoutable problème se dresse. M. de (jurel Taborde
hardiment ; on dirait môme qu'il s'efforce d'en rendre la
solution plus difficile par les milles objections qu'il soulève ,
par l'habile groupement des petits laits, par les arguments
spécieux que lui suggère une impeccable casuistique. Donnât
est une sorte de [trêlre, de prôtre de la science ; mais,
devant son crime, il se prend à frémir ; le matérialisme
l'effraie, le néant répouvanle, et, pour la [iremière l'ois, il
conçoit des doutes sur celle nouvelle idole à laquelle il a
tout sacrifié : son bonheur, ses croyances, son bien-être. Il
admire sa jeune malade, la tuberculeuse qui se soigne en
buvant de l'eau de Lourdes et en égrenant son chapelet ;
comme elle, il se demande si la foi du charbonnier n'est pas
plus sûre que celle du savant. La scène du deuxième acte,
dans laquelle il analyse ses doutes en présence de son ami
Maurice Cormier, est une des plus belles qui aient été portées
au théâtre : « Le [lenseur, dit-il, marche sur un chemin
« jonché de cadavres auquel il ajoute souvent le sien » (>),
et cette page raytpelle, en intensité, le journal de Robert
Greslou, dans le Disciple de M. Paul Bourget.
Les personnages qui gravitent autour de Donnai sont très
ingénieusement choisis. Ci'est d'abord Louise, sa femme,
figure assez insignifiante, pour qui son mari est toujours
demeuré indéchiffrable. Elle est sur le point de le tromper
avec le psychologue Maurice Cormier, à qui elle va conter
ses misères ; mais elle revient complètement dégrisée d'un
premier rendez-vous où Maurice, par habitude de la Sal[>é-
trière, n'a su voir en elle qu'un sujet merveilleusement apte
k une expérience scientifique.
(1) La Nouvelle Idole, U, 5.
^29
C'est aussi la petite poitrinaire. Elle symbolise la foi,
comme Donnai symbolise la science, et c'est elle qui a le
beau rcMe, car, quand on lui annonce qu'elle est perdue,
elle fait courageusement le sacrifice de sa vie : « Me croyez-
') vous donc trop sotte, s'écrie-t-elle, pour comprendre que
» mon mal peut amener à guérir une foule de gens? Je
» voulais être sœur de charité et consacrer ma vie aux
» malades. Eb bien ! je livre ma vie en gros au lieu de la
» donner en détail »)(<)•
Et quelle conclusion M. de Curel va-t-il dégager de ce
drame ? Le problème est posé : un savant peut-il, pour une
découverte sublime, sacrifier quelques existences? D'ailleurs,
ces existences sont déjà condanmées par suite d'un autre mal
et il y va de l'intérêt suprême de l'bumanilé et de la science.
La question est posée sous trois aspects différents par Donnât
(2), par sa femme {^) et par Maurice Cormier (4). L'auteur
la résout par un subterfuge qui vaut, m somme, une conclu-
sion : pris de remords, Donnât s'inocule le cancer à lui-
môme ; il se sacrifie à la nouvelle idole après lui avoir
(1) La Nouvelle Idole, Hi, 5
(2) "S'il est permis à un général de faire raassjcrer des régiments entiers pour
l'iionneur de la Patrie, c'est un préjugé de contester à uu grand savant le droit de
sacriliei quelques existences pour une découverte sublime comme celle du vaccin de la
rage ou de la diphtérie... » I, 6.
(3) « Je ne sais pas de crime plus lâche! Une pauvre petite sans parents, sans
personne pour la défendre !... Pendant cette funèbre course entre la nature et l'art, lu
faisais ton métier au chevet du misérable en prescrivant des remèdes. D'une main, tu
cherchais à le sauver avec la sainte terreur d'être trop habile, car l'autre l'avait frappé
à murt... Un miracle pouvait survenir. Invoque l'hyslérie, la suggestion, loul le
cortège des misères nerveuses, il n'en reste pas moins établi qu'on voit des guérisons
qui frappent de stupeur les augures tels que toi. l\ fallait compter sur un miracle. —
Donnât : « Je n'en avais jamais rencontré ». — Louise : « Les aurais-tu constatés
p ir centaines, va, la rag: infertiali; de tout expliquer ne se serait pas déconcertée pour
si peu... >> I, ().
(4) (< Vous inoculez le cancer à des paralytiques généraux, des morts anticipés, chez
sacrifié les aulrcs : » Je ne crois pas en Dieu , ilil-il, mais
» je meurs comme si je croyais en lui. Voilà d'où uie vient
n la paix! Ma l'orce, c'est d'être compris par cette petite
» sainte qui tombe à mes côtés. Je sens qu'entre elle et
» moi existe une parenté mystérieuse » («). N'est-ce pas là,
semble-l-il, la condamnation de toute une doctrine?
Nous avons insisté sur la Nouvelle Idole parce que,
mieux qu'aucune autre, cette pièce permet d'étudier la
méthode de M. de Curel, d'en signaler les avaiilages et
aussi les défauts. Il est certain que ce procédé d'analyse est
extrêmement curieux et qu'il fait du théâtre une école dont
tout esprit philosophique ne peut que tirer intérêt et profil.
Qu'il soit al)solument neul', qu'en mainte page M. de Curel
ne subisse pas l'influence d'Ibsen et un peu celle de Maeter-
linck , nous n'osons le prétendre. Il est , en effet , peu
d'écrivains contemporains que le grand dramaturge danois
n'ait marqués de son empreinte: c'est chez lui qu'ils ont
découvert ces détraqués, ces cérébraux où s'exerce leur
esprit aussi avide de pathologie que de psychologie. Mais ce
qui plait dans ce théâtre, c'est que le symbole, s'il existe,
est le plus souvent très clair. Sauf l'Amour brode, dont le
sens demeure assez obscur, et le Repas du lion, qui, dans
sa dernière partie, étonne et déconcerte, les pièces de M. de
Curel sont faciles à suivre. Les [loinls de départ sont quel-
quefois bizarres : tel, par exemple, celui de la Figuranle,
où nous voyons une jeune femme consentir à jouer auprès de
son mari le rôle de mannequin, de figtiranle, pour permettre
à celui-ci de conserver une liaison à laquelle il veut rester
fidèle, puis s'attacher à lui et essayer de le reconquérir ; tel
lesquels ne vil plus qu'une lueur uu Ibuci iJe l'œil; vous lirez de ces loques humaines
un enseignemenl précieux, et ce serait un crime. Non, vous uvez agi dans lu plein droit
d'une iuvesligalioM que j'admire.. » La Nouvelle Idole, 5.
(1) Idem ., lU, 6.
aussi celui des Fossiles : iui vieillard iuibu de lurjugés nobi-
liaires qui obliLçe son fils mou ra ni à épouser une fenuiie [)erdue
pour légilimer un enfant cl empêcher ainsi le nom de dispa-
raîlre; tel enfin celui de l'Envers d'une Sainte: une jeune fille
dont fami d'enfance se marie, qui, par dépit et par jalousie,
essaie de tuer sa rivale et va ensevelir ses remords dans un
couvent.
Toutes ces situations sont évidemment étranges et rares :
nous sommes plus habitués à coudoyer des Giboyer, des
Maître Guérin ou des ducs de Septmonts que des person-
nages aussi compliqués, aussi névrosés. Mais, une fois Ui
point de départ admis, nous ne pouvons que nous incliner
devant la prodigieuse maîtrise de l'analyste. Nul ne sait
mieux décrire une âme, en faire résonner toutes les cordes,
en décomposer tous les ressorts. C'est, comme l'a dit
M. Binel, la psychologi(! appliquée au théâtre ; c'est du
Bourget ou du Barrés mis en dialogue : « Je suis, écrit
» M. de Guvel, dans la peau de mes bonshommes, indit'fé-
« renl, quant à moi, à leurs douleurs et à leurs joies.. . Je
» laisse parler en moi les personnages que j'ai créés... Je
« suis impersonnel par rapport aux sentiments » (•).
Ces déclarations nous révèlent un curieux état d'esprit.
Le personnage est créé : il faut le mouvoir, lui prêter les
mots qui conviennent à sa situation, les théories qui se
rapportent à son caractère, à sa façon de sentir et de com-
prendre. L'auteur disparaît derrière lui, ou plutôt ne fait
plus qu'un avec lui. Le raisonnement complète l'œuvre que
l'imagination vient de former. M. de Curel l'a dit très
heureusement : « L'imagination est la reliure d'un livre dont
» le raisoimement couvre les pages ». El l'on comprend que
ce travail ne va pas sans de longues rêveries, sans des
(1) Année psychologique, 1894.
'23-2
heures de recueillcineiil où l'espril, se replie sur lui-même,
où la pensée s'abandonne, suivant les nécessités du moment,
aux mystères de l'au-delà ou h l'amertume du doute philo-
sophique.
M. de Gurel a surtout l'esprit scientifique : il nous apprend
que sa famille voulait faire de lui un ingénieur et qu'il a
passé par l'Rcole Centrale. Il a tiré de celte discipline intel-
lectuelle une précision toute mathématique à laquelle il faut,
en grande partie, attribuer la rigueur de ses déduclions, la
logique de ses enquêtes morales et peut-être aussi une cer-
taine sécheresse qui l'abandonne rarement et l'empêche
d'obtenir, auprès de la foule, le succès auquel il a droit.
Mais où il excelle, où il est passé maître, c'est, nous le
répétons, dans l'art de la casuistique : à lui, les cas de
conscience compliqués, les âmes inquiètes et torturées (•);
à lui les demi-teintes qui dissimulent nos sentiments et nos
pensées.
Un des personnages de l'Amour brode dit quelque part :
« Plus l'âme s'acharne à pénétrer une âme, plus celle-ci se
» complique et s'éloigne » (2). Toute l'esthétique de M. de
Gurel tient dans cette phrase : à force de promener sur une
âme la loupe ou le scalpel, cette âme devient plus lointaine,
plus mystérieuse : <k là, les obscurités voulues de quelques-
uns de ses dénouements. Au début, les caractères sont assez
simples, puis, à l'analyse, ils se compliquent, s'éloigneiU et
s'estompent dans un lointain nuageux.
Il est, chez M. de Gurel, une autp' influence dont nous ne
pouvons négliger de parler, c'est l'influence religieuse.
J'ignore totalement quelle a été sur ce point l'éducation du
jeune écrivain, dans quel milieu il a vécu, (juels ont été ses
(l)Vuir, pur exempli;, Jiili'' ildiis l'IùiriTs d'uni' sainte un Gabrieile dans
l'Amour brode.
{•2) L'Amour brode, U, 3.
233
maîtres el ses conseils. L'enquête minutieuse à laquelle l'a
soumis M. Binet, dans son Année psychologique, révèle
bien des détails, dont quelques-uns sont singulièrement
puérils ; mais elle garde, sur tout ce qui concerne les
convictions religieuses de l'homme dont elle étudie la pensée,
un silence absolu et un peu surprenant. Aujourd'hui surtout
que les questions de dogmes el de croyances font l'objet de
tant de préoccupations légitimes, que des écrivains comme
M. Bourget (i), M. fluysmans, M. Brunelière, M. Lemaître,
semblent se rapprocher, sinon du catholicisme, du moins
d'une sorte de piété mystique qui, certainement, est un des
traits les plus remarquables de ce temps, il eût été intéres-
sant d'être renseigné sur le Credo que professe M. de Cur(>l.
Cette lacune nous étonne d'autant plus que les pièces dont
nous nous occupons, tantôt, comme l'Envers d'une Sainte
ou le Bepas du lion, nous transportent dans un milieu
essentiellement religieax, tantôt, comme l'Amour brode ou
la Nouvelle Idole, l'ont de continuelles allusions aux pré-
ceptes et aux enseignements de l'Eglise. On sent qu'à la
différence de certains auteurs qui affectent, avec M. Anatole
France, un véritable athéisme littéraire, M. François de
Curel est, d'instinct, attiré vers les problèmes religieux ;
il a dû naître au sein d'une famille très pieuse, dans un coin
de province, au fond d'une vieille demeure où, depuis des
siècles, se sont conservées les habitudes de foi el de prière.
La description qu'il nous fait de la famille Renaudin, dans
l'Envers d'une Sainte, semble prise sur le vif : pas un
détail n'est oulré, pas un mol ne peut choquer l'espril le
plus timoré, la conscience la plus scrupuleuse. M. de Curel
a très probablement vécu, très jeune, de celle vie familiale ;
(1) Vuir suitoul le Disciple ul, ,i;ins la Rime des Deux-Mondes lIn 15 janvier
1899, une nouvelle inlilulée l'Echéance,
10
'234
il a scnli le charnuî infini de ce recueillement el, à l'âge où
la pensée Iriomphe du senliment, il a gardé un souvenir
1res doux de ces premières années, en môme temps qu'un
respect — qui est presque de la foi — pour lonles les
croyances qui l'ont bercé.
Le mouvement religieux de ces derniers temps l'intéresse.
Les trois premiers actes du Rr^pas du lion sont un lumi-
neux exposé de ce qu'on a appelé le socialisme chrétien :
Jean de Sancy développe une thèse qui semble empruntée ;i
l'éloquence de la chaire, à moins que ce ne soit h l'Ency-
clique du pape Léon Xlll sur la condition des ouvriers. Un
mol la résume et, ce mot, nous le trouvons dans l'Evangile :
« La religion seule peut faire que le riche donne sans orgueil
•) et que le pauvre reçoive sans humilialion » (•). (l'est la
condamnation de cette charité officielle ou mondaine qu'un
autre écrivain du Théâlre-Libre, M. Brieux, a si spirituelle-
ment raillée dans les Bienfaiteurs : elle se manifeste par de
vaniteuses souscriptions, par d'habiles réclames déguisées
en somptueuses aumônes, par toutes ces kermesses el ces
fêtes de bienfaisance où l'oslenlalion du riche se dresse, arro-
gante et hautaine, au-dessus de la misère du pauvre.
Nous avons déjà parlé de la Nouvelle Idole : c'est peut-
être dans cette pièce que les convictions religieuses de M. de
Gurel s'affirment le plus nettement : le personnage que préfère
l'écrivain, ce n'est certainement pas Donnât, que sa vanité
de savant conduit au crime; c'est encore moins le psycho-
logue Maurice Cormier, dont l'athéisme prétentieux ne peut
soulager aucune soulîrance ni panser aucune plaie ; c'est, à
notre avis, la petite Antoinette Milat qui, chaque matin, boit
son verre d'eau de Lourdes el ne demande au ciel la gué-
rison que pour consacrer sa vie aux i)aralytiques et aux
infirmes.
(1) Le liepas du lion... UI, 1.
L'idée religieuse (loQiine dans le Ihéâlre de M. François de
Gurel : elle lui donne loule sa portée en même temps qu'elle
en exjilique les tendances et en précise le sens. Je ne crois
pas qu'un écrivain, à l'exception peut-être d'Ibsen, ait osé
développer à la lumière de la rampe des sujets aussi austères
et, il faut l'avouer, aussi peu scéniques.
Dans ces pièces, dont la plupart réussirent peu, nulle
concession n'est faite aux spectateurs ; l'amour, dont vivent
aujourd'hui le théâtre et le l'oman, en est presque entière-
ment absent ; c'est tout au plus si, dans i' Amour brode,
nous voyons esquissée au second plan une intrigue roma-
nesque qui, d'ailleurs, se terniine par un drame. D'adultère,
il n'(;st pas question, si ce n'est dans la Figurante, et nous
ne saurions trop remercier M. de Ciirel de nous épargner les
éternelles redites de nos auteurs à la mode : le rez-de-
ciiaussée discret, l'hôtel meublé, les cinq li sept, les désha-
billages, les flots de dentelles et les corsets rose tendre.
C'est, nous l'avons dit, un ibéâlre psychologique, et rien
de plus : une àme que l'on analyse sans se laisser un instant
distraire par les détails de la vie extérieure, par ces mille
riens où se complaît le pinceau d'un paysagiste ou l'œil
exercé d'un peintre de mœurs. Et, de là, les reproches que
l'on adresse à M. de Gurel : Votre œuvre, lui dit-on, est
obscure et difficile ; les caractères de vos personnages sont
laits d'ombre et de mystère ; vos héros discutent à perte de
vue dans des discours ou des dialogues qui relèvent d'une
revue philosophique bien plus que de l'art théâtral ; vos
dénouements sont indécis et peu concluants ; vos pièces ne
s'adressent qu'à un groupe restreint de dilettanti, mais elles
ennuient le gros public, celui qui paye, aurait dilSarcey, et qui
ne demande au drame qu'une distraction aimable, un passe-
temps de quelques heures.
Pour répondre â ces objections, il faudrait commencer par
1%
poser une définilion de l'ail dramalique, el celle définiliou
est impossible à irouver, car chacun de nous poursuil au
Ihéâtre un bul el un idéal différenls. Ce qui plaîl aux habilués
de la Comédie-Française écliouerail h rAinbigu ou à la
Poi'le-Sainl-Marlin, et lel drame musical Iriomplie à la
Monnaie ou à Munich, qui succomberait devanl les abonnés
de notre Académie nationale de musique. Le théâtre, pour
nous Français, semble être avant tout un délassement : tandis
que certains peuples du Nord s'y rendent comme ils iraient
au prêche, pour s'instruire et penser, nous, nous y cherchons
le repos intellectuel, la détente de nos facultés, le désir de
dérober quelques heures aux soucis de la vie réelle. Bien
qu'en ait dit Alexandre Dumas, nous avons peine à y voir
un enseignement moral : les spectacles auxquels il a accou-
tumé nos yeux, l'adultère, le vice, les mauvaises mœurs,
tout cela a peu h peu perverti notre goût et déformé notre
jugement. Nous avons perdu cette quiétude, celte tranquil-
lité d'âme qui permellaienl à nos ancêtres d'applaudir un
Polyeucte, une Andromaque ou une Athalie. Nous voulons
des tableaux mouvementés, des convulsions violentes, tout
un raffinement de brutalité et de luxure. Aussi, quand,
comme M. de Gurel, un auteur dramalique essaie de réagir,
la foule ne le suit pas ; il veut l'emporter vers le pays mysté-
rieux de la méditation el du rêve, mais elle préfère les
lutteurs des Folies-Bergères ou les niaises grivoiseries de la
Dame de chez Maxim' s.
Il y a là un état d'esprit inquiétant el l'on peut prévoir le
jour prochain où l'art dramalique sain et robuste, tel que
l'ont pratiqué nos vieux maîtres, disparaîtra pour céder la
place, comme au temps du Bas-Empire romain, aux bate-
leurs, aux danseuses el aux athlètes. C'est un honneur pour
quelques-uns — el M. de Curel est du nonibr(î — que de
n'avoir jamais souillé leur talent ii des contacts qui désho-
i>37
noienl, à des compromissions qui avilissent : « Je connais
» mes défaiils, écrivait-il après l'échec de l'Amour brode,
» je sais qu'ils sont très grands ; mais j'espère que si je
» succombe, ce ne sera pas sans honneur » (i).
Ces défauts, nous n'aurons garde, nous-niême, de les
oublier : il y a, dans les * re[troches que l'on adresse à
l'auteur de la Nouvelle Idole, une certaine part de vérité.
J'ai signalé déjà ce que les points de départ de ses pièces
présentent d'invraisemblal)le et d'étrange : le fait principal
d'où tout le drame découle est troi» exceptionnel pour qu'il
puisse nous intéresser vivement ; nous admirons la finesse
des détails, la logique élroite et serrée des déductions, la
force du raisonnement ; mais nous voudrions, au début, des
situations moins compliquées, des cas de conscience un peu
moins spéciaux. Jamais ce genre de pièce ne portera sur la
masse, car celle-ci procède par comparaison ou par souvenir;
or, je ne crois pas que, dans la vie réelle, il nous ait été
donné de fréquenter ou de connaître beaucoup de person-
nages comme le duc de Ghanlemelle des Fossiles, Gabrielle
de l'Amour brode, ou Françoise de la Figurante.
On peut aussi reprocher à M. de Gurel — et, en somme,
cette critique se confond avec la précédente — de créer des
caractères dont la complexité échappe à l'analyse, de se
complaire dans l'examen des sentiments alambiqués et confus ;
de préférer à la simplicité et au naturel tout ce qui paraît
un peu obscur. Il est le peintre par excellence des âmes
enlénébrées, comme Georges Rodembach l'était des ciels
gris et mystiques de Bruges-la-Morte. Ses personnages
manquent d'unité ; tous, l\ force de se pénétrer et de s'étu-
dier, se transforment, et, si l'on n'y prend garde, le revire-
ment par lequel ils passent n'est pas sans quelquefois
(1) Année psychologique, 1894.
438
déconccrlcr. Le plus souveiil, les causes de ce revirement
sont indiquées. C'est, par exemple, un phénomène senti-
mental qui, se produisant à Timproviste, accélère ou ralentit
les battements du cœur (i) ; c'est encore une grande pensée
qui traverse subitement l'esprit, et, après bien des hésita-
tions, parvient à s'imposer (2)"; c'est enfin, comme dans
la Figurante, une surprise des sens qui, brusquement
sollicités, réclament leurs droits et violent les conventions
passées dans une heure d'indifférence ou d'accalmie.
Mais il est d'autres pièces où ces revirements ne s'expliquent
pas suffisamment : tels l'Amour brode et aussi, h un degré
un peu moindre, le Repas du lion. Je crois que Ton
chercherait vainement dans toute la liltéralure contempo-
raine une âme plus impénétrable que celle de Gabrielle de
Guimont. Elle ne vit que de caprices et de contradictions,
passe de l'amour au mépris et à la haine, se reprend à
aimer quand on croit que tout est fini, puis h haïr quand
l'heure du mariage approche ; finalement, par ces revire-
ments inexpliqués, elle pousse au suicide le malheureux qui
l'a épousée. Sans doute, M. de Curel essaie de nous faciliter
la compréhrnsion de cette âme. Gabrielle, au dire d'un des
personnages, est une coquette froide et hautaine, \\ l'imagi-
nation maladive et surchauffée, une névrosée chez qui un
premier mariage avec un homme plus que mûr a entretenu
et exaspéré le sens du romanesque, en même temps que le
besoin d'être aimée d'un amour violent, inédit, étrange, comme
serait celui d'un Manfred, d'un Hernani ou d'un Werlher.
Et cependant, Gabrielle n'est pas seulement romanesque ;
elle est dépravée, elle est méchante, et c'est ici que nous
(1) Voir Julii; Renaudin, dans l'Envers d'une Sainte el le revirement qui se
produit chez elle, quand elle a[)[)rend que l'huranie qu'elle a aimé, et pour qui elle a
sacrifli! sa vie mondaine, est mort en prononçant son nom.
(2) Voir les Fossiles el le revirement de Claire de Chanleraelle.
239
avons peine h ne pas nous égarer dans ce dédale de passions
el de sentiments contradictoires. Qu'elle aime le flirt à la
façon de Ninon d'^ quoi rêvent les jeunes filles ou même
de la Maud de M. Marcel Prévost , rien de mieux ; mais
que, sous prétexte qu'elle est riche el son fiancé pauvre,
elle exige de celui-ci un dévouement dont l'héroïsme contine
à l'infamii' ; qu'elle se [ilaise ii briser la réputation de l'homme
qu'elle aime pour rapprocher la distance entre elle vl lui ;
qu'elle s'écrie dans une heure d'exaltation folle : « Lorsque
» Charles (le fiancé) m'apparaissail comme un type de
» merveilleuse délicatesse, j'étais certaine de l'aimer en
» dépit des actions les moins avouables. Parfois môme j'avais
» l'illusion qu'il serait plus {\ moi s'il se séparait du monde
» par une infamie. Posséder un paria, n'esl-ce pas le plus
» beau rêve d'une âme jalouse? Hélas ! quand le paria
.) existe, la jalousie s'envole el une pauvre exallée se
» lamente sur son idéal brisé... (i); » qu'elle tombe, en
un mot, dans tout ce galimatias digne des Aramintes et des
Cathos, alors nous ne comprenons plus, nous nous perdons
dans les ténèbres d'une philosophie plus nuageuse que
celle de Schopeiihauer ou de Nietzsche, et nous regrettons
les caractères si harmonieux d'une Monine, d'une Bérénice
ou d'une Andromaque.
Qu'il l'ait voulu ou non, M. de Curel a fait, de l'Amour
brode, une pièce presque inintelligible, et ce défaut provient
surtout de ce qu'il a compliqué a plaisir l'âme de sa princi-
pale héroïne. Le Repas du lion peut, dans une certaine
mesure, encourir le même reproche. Toute la pièce repose
sur un changement de caractère. Jean de Sancy, après une
enfance indépendante et maladive, dans une heure d'enthou-
siasme mystique el aussi pour expier une mort dont sa
(1) L'Amour brode, iii, '2.
2i.O
lét!,('rrlé a ôl('' la cause (i), a juré do consacrer sa vie aux
ouvriers. Il csl parti pour Paris, el, là, il mène une existence
(Tapôlre, distribuant ses revenus aux pauvres, fondant des
maisons de refuiçe, apportant à toutes les œuvres sociales le
concours de son éloquence et de son talent. Il est devenu
le principal artisan du mouvement religieux ; le [tape
Léon XIII lui prodigue ses encouragements ; les cercles
catholiques d'ouvriers n'ont pas d'orateur plus entraînant et
plus zélé ; autour de lui vient se grouper toute une pléiade
de soldats ; « le membre du Jockey y coudoie le plus humltle
» manœuvre (2), » lui dit ironiquement son beau-frère, le
riche industriel, homme d'action [leu enclin aux rêveries du
socialisme.
Ce que proche Jean de Sancy, c'est surtout la charité
chrétienne, la loi d'égaillé et d'amour que le Christ a élevée
sur les ruines du monde païen, et II peut le faire sans for-
fanterie, puisque, joignant l'exemple h la parole, il dépense
en aumônes ou en fondations les immenses revenus que lui
procurent ses capitaux placés dans l'exploitation minière de
son beau-frère. Rien d'ailleurs d'excessif dans les théories
qu'il développe aux ouvriers : son socialisme n'est, en
somme, qu'un appel à la charité, et, si certaines expressions
nous effraient (3), nous n'avons qu'à paixourir tel discours
de M. de Mun ou tel article de M. l'abbé Naudel, pour en
trouver d'équivalentes, sinon de plus fortes : « Les pauvres,
» dii-il (juelque i>art, loin d'être mes obligés, sont mes
» créanciers (''«). » Le mot, qui peut sembler hardi, résume
(1) Comparer, dans l'Envers d'une Sainte, Julie Ketuuuiin qui, elle aussi, pour
expier une fuulu, abandonne le monde el s'enl'urnie uu couvent.
(2) Le liepas du lion. . ., m, 1.
(3) Eu particulier, ce mot qu'il adresse à son beau-frère l'industriel : « Nous tuons
)) des hommes. . . », m, 1.
(4j Idem. . ., m, 7.
241
toule une Ihèse, celle du droit à la charité. ; mais il s'explique
dans la bouche de Jean de Sancy, puisque celui-ci n'a voué
son existence aux pauvres que pour payer une dette, pour
expier la mort d'un ouvrier, tué par son imprévoyance.
Pendant trois actes, le caractère de Jean se maintient ;
puis, tout à coup, il retourne sur lui-même, se transforme,
s'éloigne, et, comme celui de Gabrielle de Guimonl, semble
se perdre dans le dédale des complications sentimentales.
Nous admettons très volontiers le revirement au théâtre,
celui de Pauline, dans Polyeucte, par exemple; mais alors
qu'on l'explique. Quand, dans la vie réelle, un homme,
rompant avec son passé, élale brusquement des convictions
ou des habitudes nouvelles, nous découvrons tout de suite
le mobile auquel il cède : ambition, amour ou orgueil.
Pourquoi, dans une comédie qui n'est que la peinture de
celle vie réelle, en serait-il autrement? Pourquoi l'écrivain
négligerail-il de nous éclairer sur les sentiments intimes
de son personnage? C'est ce que ne fait pas M. de
Curel, et cette lacune est regrettable, car nous perdons le fil de
l'intrigue et ne comprenons qu'à demi le dénouement.
Jean s'est décidé, au 4^ acte, à aller porter aux ouvriers
de son beau-frère quelques paroles de consolation et de
charité. La grève est sur le point d'éclater, et cinq mille
mineurs, pour obtenir une augmentation de salaire, vont
entrer en lutte contre le patron. Les députés de Paris, les
mauvais bergers, sont prêts à marcher ; ils n'attendent
qu'un mot pour se jeter dans la lice et lancer devant eux
ces moulons de Panurge dont se rit leur inviolabilité parle-
mentaire. Et c'est ce moment que choisit Jean de Sancy pour
lancer à ces révoltés des paroles de haine et de mépris.
Il leur expose une pnrabole, un apologue, le repas du lion :
« On raconte qu'au fond du désert des nuées de chacals
» suivent le lion pour dévorer le reste de son carnage.
'24-2
» Trop faibles pour attaquer le buffle, trop lenls pour
» prendre les gazelles, tout leur espoir est dans la griffe
» du roi. Dans sa griffe, entendez-vous! Au crépuscule, il
» quitte son repaire et parcourt les tavernes, rugissant de
» faim, cherchant sa proie. La voici ! Alors, les bonds pro-
» digieux, la lutte furieuse, les mortelles étreintes, le sol
« rouge de sang, d'un sang qm n'est pas toujours celui
» de la victime. Puis, le festin royal, sous le regard attentif
» (i respectueux des chacals. Lorsque le lion a le ventre
» plein, les chacals dînent. Croyez-vous que ceux-ci seraient
>) mieux nourris si le lion partageait sa proie en autant de
» morceaux que de convives, et s'en réservait un maigre
» quartier? Pas du tout ! le lion doucereux ne serait plus le
» lion ; à peine un caniche d'aveugle ! Je le vois s'arrêtant
» d'égorger au premier cri d'angoisse et léchant les plaies
» de sa victime. Parlez-nous d'un animal féroce, ardent à la
») curée, ne rêvant que meurtre et boucherie. Celui-là, quand
» il rugit, les chacals se passent la langue sur les lèvres.
» Le superflu du lion cruel est plus abondant que le néces-
» saire du lion généreux (<). »
Vous saisissez le symbole : le lion, c'est le maître, c'est
l'industriel qui, des reliefs de son festin, nourrit des milliers
d'ouvriers ; plus son a[»pétit est féroce, i»lus les miettes
abondent ; il accumule l'or et ceux qu'il em[tloie, les chacals,
ramassent quelques gros sous. C'est la lutte terrible du
capital et du travail, chacun réclamant ses droits et oubliant
ses devoirs : c'est l'égoïsme brutal qui se substitue à la loi
d'amour ; c'est, en un mot, le contre-pied de toutes les
théories d'apaisement qu'a jusque-là prèchées Jean de Sancy.
Par quelle crise a-l-il donc passé pendant le court intervalle
qui sépare le ?{« du 4« acte ? L'auteur ne le dit pas
(1) Le Repas du lion .., iv, 3.
'i4S
assez npltement, et il faut un certain effort pour dégager les
causes secrètes de celle brusque évolution. Par bonheur, le
personnage qui, dans la pièce, semble le porte-parole de
M. de Curel, l'abbé Paul Charrier, va en partie nous rensei-
gner. Dans une scène très curieuse, il essaie de confesser
Jean de Sancy et obtient de lui quelques demi-aveux. Jean
n'a pas la foi (<) ; 'la été jeté dans la lulte religieuse et
sociale par un fanatisme tout juvénile, par le désir d'expier
une faute et aussi un peu par ostentation et par orgueil.
Ses succès d'orateur chrétien l'ont grisé ; il a recherché les
applaudissements et les ovations, comme d'autres poursui-
vent les flatteuses jouissances de la fortune ou du pouvoir.
Devenu chef d'un parti, il s'est composé un personnage, il a
pris un masque. Ses paroles ardentes, pendant un temps,
l'ont convaincu ; puis, il s'est pris *d douter ; le vieil homme
— indépendant et sauvage — lui est réapparu, et, franche-
ment, au risque de sa vie, il a laissé déborder son cœur.
C'est ce qu'expose très bien l'abbé Charrier dans ces mots :
« Saint Paul a dit : « Quand je parlerais toutes les langues
» des anges et des hommes, si je n'ai point la charité, je
» ne suis qu'un airain sonore, une cymbale relentissante.
» Et quand je distribuerais tout mon bien pour nourrir les
»> pauvres et que je livrerais mon corps pour être brûlé, si je
« n'ai point la charité, loul cela ne servirait de rien. » Dans le
» langage de l'Eglise, amour et charité ne fonlqu'un. Vous
» avez secouru le prochain sans l'aimer. Aux yeux de Dieu,
» vous n'avez rien fait, el, vous voyez, les hommes s'aper-
I) çoivenl que le rayon divin n'est pas sur votre front •» (2).
(1) Déjà, à l'acte précédent, il disait : « Mon Dieu, je suis un misérable tourmenlé
» par le duute, sans forcu ni consolation. Je raens lorsque j'affirme que vous m'en-
» tourez d'un rempart de feu. Ah! qu'ils doivent être invincibles ceux qui croient
)) vraiment en vous. »... UI, 7.
(2) Le Repas du lion, IV, 4,
244
V^)ilà, je omis, la philosophie de la pièce ; voilà coiumenl
s'explique le leviremenl de Jean ; mais ce reviremenl est si
subit qu'il ne laisse pas de déconcerter, et, quand, un peu
plus lard, la halle d'un gréviste vient frapper le jeune
orateur en pleine poitrine, nous restons hésitants, sans
comprendre le sens de celte mort, sans pénétrer les mysté-
rieuses profondeurs de ce dénouemenl. A luoins pourtant
que M. de Curel n'ait voulu flétrir la charité mondaine et
bruyante, pour élever, en face du socialisme révolutionnaire,
la croix du Chrisi, hund>lement et simplemenl portée par
l'ahbé Jean Charrier (i).
Quoi qu'il en soit, nous aimerions un caractère moins
complexe, une nature plus simple à définir, des sentiments
plus faciles à classer. M. de Curel tombe dans son défaut
(1) Un de nos amis nous soumet une autre interprélalioii. D'après lui, le Repas du
lion ne serait que l'apo'ogie ou la juslificalion de la grande industrie, représentée par
Georges Boussard, beau-frère de Jean de Sancy. L'iiulushiel a des droits exhorbilanls ;
il est, en quelque sorte, au-dessus des lois humaines, comme le conquérant qui
sacrifie à son ambition des milliers d'exislinces. Que l'ouvrier ne se plaigne pas: la
richesse du patron est pour lui une garantie de prospérité et de bien-être. D'ailleurs,
le capital et le travail sont deux antagonistes ; au patron de se défendre et à l'ouvrier
d'obtenir, par tous les moyens possibles, même par la grève, le salaire le plus élevé.
La philanthropie n'est qu'un leurre, et le maître a le droit, s'il se trouve assez fort, de
ne faire à ceux qu'il emploie qu'un minimum de concessions et d'avantages.
Quant au revirement de Jean de Sancy, voici comment on l'explique : Entre le 3' et
le 4«> acte, Jean, accompagné par son beau-frère, a visité l'usine ; avec sa nature
ardente st sa sensibilité de névrosé, il s'est laissé séduire par l'immense effort réahsé ;
il s'est pris d'admiration pour cette industrie puissante qui transforme le sol eu lui
arrachant ses produits. Lui-même le dira dans son discours aux ouvriers: i< Depuis trois
» jours, je suis à Sancy dans le trouble et l'émotion. J'ai vu de monstrueuses machines,
» traversé des nuées de vapeurs, pénétré à des lieues sous terre... J'ai vu des
» milliers de travailleurs haleter sur des lingots ardents, s'acharner contre des blocs de
>» minerais, ramper sous la panse huileuse des machines ; eh bien ! toutes ces haleines
)) gémissantes, ces regards sans joie, ces peaux noires ne m'ont pas donné l'idée d'un
» labeur aussi âpre, aussi désespéré que celui de votre chef. Son effort résume tous
» les vôtres ; il est un créateur, cl devant l'immensité de sa conception, avant tout,
» j'admire » (IV, 3). Bref, Jean s'aperçoit que, jusquo>là, il n'a vécu que dans le rêve,
^245
habiluel : la recherche un peu excessive de tout ce qui est
rare, subi il et curieux.
Il est enfin un aulre reproche que, loul récemment encore,
à propos de la Nouvelle Idole, nos critiques, M. Doumic,
en particulier, dans la Revue des Deux Mondes, ont pu
lui adresser : c'est de ne pas conclm-e, d'exposer le pom-
et le contre avec une égale maîtrise sans que, la plupart du
temps, il soit possible de dégager l'idée maîtresse ou la
portée morale de tel ou tel dénouement. Nous pourrions
peut-être répondre à cette critique que, dans la réalité,
la nature ne conclut guère; mais nous préférons serrer de
plus près l'objection et essayer de la réfuter. Tout d'abord,
est-il vrai de dire que, dans la Nouvelle Idole, M. de
Gurel ne conclut pas ? Sans doute, nous n'y trouvons pas,
comme chez Dumas ou Augier, un personnage qui se charge
de résumer la pensée de l'auteur, et de tirer, au dernier acte,
la conclusion philosophique de la pièce. Ce procédé, fort
à la mode sous le second Empire, est aujourd'hui un peu
vieilli ; d'ailleurs, si l'on peut encore l'employer dans une
étude de mœurs, comme le sont les comédies de Dumas et
celles de M. Brieux, il serait déplacé dans des drames où
l'analyse du cœur humain doit seule attirer l'attention. Mais
qu'on lise attentivement chacune des pièces de M. de Curel,
et, incupablu de dissiiûuler sa pensée, il rompt brusquement avec les théories de
charité et d'apaisement que lui dictait une vague religiosité. Il préconise le dogme de
la lutte pour la vie, réclame à haute voix les droits du patron, cl lomlie, au 5" acte,
victime de sa Iranchise brutale.
Celle interprétulioii est ingénieuse : nous lui reprochons de ne tenir aucun compte
du rôle — très important pour nous — de l'abbé Churiier. C'est lui, en efl'el, qui, en
s'appuyaiil sur le texte de saiiil Paul, semble dégager toute la philosophie de la pièce.
Jean n'est qu'un virtuose de la charité ; il n'a pas la loi qui seule peut résoudre les
questions sociales ; entre son dilettantisme mondain et l'anarchisme pratique de Uobert,
il n'y « place que pour la morale de l'Evangile enseignée \)i\v l'abbé Charrier. Jean
succombe, parce qu'il ne croit pas. C'est, pour nous, le seul moyen d'expliquer le
dénouement.
^246
et Ton en saisira bien viUî l'idée maîtresse. Nous avons
suffisamment parlé de la Nouvelle Idole, pour qu'il ne
soit pas nécessaire d'y revenir. La conclusion morale ne
se dégagc-t-elle pas de cette scène où Donnât s'inocule h
lui-même le vaccin du cancer, et n'esl-elle pas tout entière
dans ces mots qu'il adresse à sa i'emme : « Tous les mêmes :
» Maurice, moi, des gens qui contemplent de haut l'humble
» humanité, nous ne voyons pas ce qu'un enfant verrait...
»> Il n'est plus question d'orgueil entre nous, n'est-pas?
» Je puis tout dire ! Cette journée est atroce ! Un être
') s'agite en moi qui se débat, qui meurt, et je ne le
»> comprends pas ! il m'ordonne le sacrifice, je trouve le
» sacrifice une chose monstrueuse, et je me lue ! Ma fin
»» est idiote ! Tomber en martyr quand on n'a pas la foi !
» Parader devant le néant (*) ! » L'antithèse entre la science
et la foi, entre le néant de l'une et la Iranquilité d'âme que
l'autre procure, n'est-ce pas \i\ la pensée qui domine et vers
laquelle tendent toutes les péripéties du drame?
Sans doute, dans une de ses lettres à M. Hinel, M. de
Curel écrit : « Je suis impersonnel par rap[)orl aux sentiments
de mes personnages ; » mais nous croyons qu'il s'abuse.
Peut-être quand il commence son travail, cherche-t-il, en
effet, à se montrer indifférent ; à soutenir, comme on le lui
reproche, le pour et le contre ; mais, malgré lui, il cesse
bientôt d'être impassible ; le cœur l'emporte sur la raison,
et il prend i)arti, non pas bruyamment comme le ferait un
Desgenais, un Olivier de Jalin ou un Thouvenin ; mais
discrètement, dans une phrase, dans un mol,. qui ont bienlôl
fait de nous dévoiler ses intentions secrètes. Lui-même le
reconnaît: «Robert des Fossiles, dit-il, représente une
grande partie de mes idées, « cl il pourrait en dire (oui
(1) La Nouvelle Idole UI, 2.
aiilanl de l'abbé Charrier dans le Repas du lion, de
Noémie Renaudin dans l'Envers d'une Sainte, de Françoise
de Renne val dans la Figurante. On a cerlainemenl lort de
lui reprocher de ne pas conclure : loin de lii, le bul auquel
tendent ses pièces est toujours nettement indiqué ; quelquefois
l'auteur paraît s'en éloigner, parce que, en roule, il ainie
à se distraire, à faire, comme on dil, l'école buissonnière,
ramassant ç^ et là, une fine observation ou une sublile
pensée ; mais jamais il ne perd de vue le dénouement auquel
il veut nous conduire — et ce dénouement, sauf de très
rartes exceptions, est logique comme une équation d'algèbre
ou un théorème de géométrie !
Faut-il maintenant parler du style de l'écrivain ? Il est
singulièrement expressif dans sa précision souvent mathé-
matique : les discours, quelquefois un peu longs où les
personnages exposent leurs thèses, se terminent toujours par
une formule incisive qui les résume et les impose : c'est là
un procédé qui, pour élre emprunté à l'art oratoire,
n'en convient pas moins à des pièces où les discussions
philosophiques tiennent une si large place. Bref, le ihéâlre
de M. de Gurel est un théâtre écrit, et nous devons lui en
savoir un gré infini, par ces temps de vaudevilles ou d'opé-
rettes plus ou moins malvenus. Certaines pages sont môme
du pur lyrisme :,on y sent une âme vibrante, enthousiaste,
qui se laisse griser par l'éclat du verbe ou par la sonorité
d'une belle période. Lisez, dans les Fossiles, l'apologie
de la vieille noblesse; dans la Nouvelle Idole, l'image des
nénuphars, et, dans le Repas du lion, la parabole qui
sert de titre à la pièce.
En résumé, ces qualités, et, un peu, ces défauts, ont valu
à M. de Gurel d'occuper une place importante, une des
premières, parmi nos jeunes auteurs dramatiques. Cette
place, nous essaierons de la préciser quand nous aurons
i48
passé très rapidemenl en revue les sept pièces qui compo-
sent son théâtre. Parmi elles, plusieurs nous sont suffisam-
ment connues ; notre examen sera donc facilité par les
développements qu'elles nous ont déjîi fournis dans la pre-
mière partie de ce travail.
L'Envers d'une sainte est l'œuvre de début : ce n'est
ni la moins curieuse, ni la moins fouillée. L'auteur met en
linnière deux idées : la première, qu'il reprendra plus tard
dans l'Invitée et sur laquelle nous avons déjà insisté, c'est
que l'absence produit dans l'âme une sorte de déformation
morale, atténuant ou ravivant, suivant les cas, la sensibilité
ou l'entendement ; la seconde, c'est qu'une vocation reli-
gieuse ne s'improvise pas, qu'une jeune fille a tort, \\ la
suite d'une déception ou d'un chagrin, de s'enfermer dans un
cloître où, nomade entre ciel et terre (•), elle n'apporte que
des illusions perdues, des préoccupations terrestres, une
vague religiosité qui dissimule à peine l'amertume et le
dépit.
Julie Renaudin, l'héroïne de L'Envers d'une Sainte, est
une âme singulièrement noire : délaissée par son fiancé qui
lui a préféré une autre jeune fille, elle se venge en essayant
de tuer sa rivale. Le remords la prend et, brusquement,
sans réflexion, elle se réfugie au Sacré-Cœur, où elle reste
dix-huit ans. Elle-même avouera plus tard sa sécheresse de
cœur, son absence de vocation, <{\ piété froide et guindée :
« Je n'ai jamais pu renoncer ii être femme, douloureuse-
» ment et humainement, parmi des anges qui ne me compre-
» naient pas » (-), et, plus loin : « Je ne suis qu'un fruit
» sec de la vie ». L'honnne {|u'elle a aimé vient à mourir,
et, trouvant l'expiation sullisannnent longue, elle se fait
(1) L'Envers d'une sainte. . . M, (>.
(2) Idem. . . 1, 3
249
relever de ses vœux. Elle revient au pays natal, le cœur
aigri, Tesprit malade ; vingt ans d'obéissance passive ont
accumulé chez elle les rancunes et les haines. Elle n'a point
l'énergie d'une révoltée et cependant elle se plaît au milieu
des ruines qu'elle crée autour d'elle. Sa mère, sa tante
souffrent de son humeur bizarre, de sa froideur, de son
dédain pour toutes les pratiques religieuses au milieu
desquelles a toujours vécu leur piété un peu étroite. Son
ancienne rivale, qui lui a si généreusement pardonné son
crime, est le point de mire de toutes ses attaques ; elle
cherche à l'atteindre dans ce que la i)auvre femme a de plus
cher et ne craint pas d'employer l'ascendant moral que lui
ont donné vingt ans de professoral pour détourner d'elle
l'unique enfant qui la console d'un veuvage prématuré. Et,
tout cela, par dépit de ce que son ancien fiancé, Henri, a
vécu sans penser à elle, est mort sans prononcer son nom.
Au fond, sa méchanceté n'est que de l'amour déçu (i); ses
larmes, ses rancunes relèvent de l'hystérie, et, si nous étions
dans le domaine de l'opérette, nous ne verrions en elle
qu'une vieille tîlle incomprise et facilement inflammable.
Elle-même le reconnaît bien : « Je mendie les miettes du
» cœur de votre père, dit-elle à Christine, d'un cœur qui se
'> détournait de moi et me laissait vieillir dans l'abandon « (-),
et , quand elle s'aperçoit qu'on l'a trompée , que son
fiancé lui a pardonné sa faute, qu'en mourant il lui a envoyé
un souvenir ému, alors elle reconnaît son infamie, regrette
sa méchanceté et n'a plus qu'un désir : réparer le mal qu'elle
(i) « Je heurte à chaque pus ce raurl. . . Il m'environne, il m'affole! Au point que
1) moi, une chaste fille, une religieuse, dont la pensée fuyait jusqu'au soupçon Je
» certaines choses, quand Jeanne m'a menée dans la chambre où il a rendu l'âmi.',
1) pendant que je priais au pied du lit, j'entendais diis baisers d'époux passer dans
Il l'air, où tlottait encore son dernier soulûe. . . » U, 1,
{'2) L'Envers d'une sainte. HI, 2.
17
a conscience (l'avoir [terpélré. Coinine cliAliincnl, elle iTlourne
s'ensevelir au Sacré-Cœur : « Vous savez, dii-elle, quand je
') commels un crime, c'est au couvent que je l'expie » (•).
Julie est l'àme de toute la pièce et les aulres personnages
n'ont pour but que de mettre son caractère en relief. Sa
lanle Noémie et sa mère, M'"^ Renaudin, font contraste avec
elle : leur piété n'est point tapageuse et ne s'exhale pas en
bruyants transports ; elles s'occupent modestement de leurs
œuvres, font la charité aux pauvres, président les réunions
des Enfants de Marie; et ce coin d'inlérieur provincial, très
joliment esquissé, donne l'impression d'une vie très douce,
où les événements deviennent facilement des drames, et que
ne troublent jamais les reproches d'une conscience inquiète
et ravagée.
* *
»
C'est aussi dans un milieu provincial, ;i h» campagne, au
fond des Ardennes, que nous transportera les Fossiles. La
mis(! en scène est saisissante. Une haute cheminée de pierre
domine le salon principal du vieux manoir ; les panneaux
sont garnis de panoplies et de trophées, d'anciennes armures
et d'arbres généalogiques. C'est comme un château féodal
qui se dresse au-dessus de notre démocratie égalitaire, et,
quand nous en apercevons les hôtes, nous songeons à ces
seigneurs du XIII« siècle, enraidis par leurs vêtements de
fer, figés dans une hiératique immobilité, au milieu de
leurs bastions et de leurs tours. El cependant ces person-
nages, qu'on dirait détachés d'un vieux cadre, ont des âmes
d'aujourd'hui ; ils sont sujets à nos faiblesses, éprouvent nos
passions, se laissent prendre à nos fantaisies.
Le chef de la maison, le vieux duc de Chantemelle, malgré
(1) L'Envers d'une Sainte... IH, 5.
251
sa vieillesse, est parti faire le coup de feu en 1870, emme-
nant avec lui toute u'io armée de paysans et de fermiers,
comme ses ancêtres traînaient à leur suite le ban et l'arrière-
ban de leurs vassaux. Puis, malade, découragé, il est renlré
dans ses terres : alors a connnencé pour lui l'existence
mesquine du châlelain désœuvré ; il a essayé de la politique,
mais les électeurs lui ont préféré un vétérinaire de chef-lieu
de canton. Ses grands-parenis ont servi la France comme
ministres ou comme généraux : lui, il en est réduit à traîner
son désœuvrement dans les cbasses-h-courre ou dans les
cercles des villes voisines. Hautain et autoritaire, il im[)Ose
sa volonté à tous ceux qui vivent auprès de lui : c'est un
despote à la main de fer, un Louis XIV au petit pied, im de
ces tyrans domestiques comme pouvait l'être le père de
Chateaubriand , tel qu'il revit {\ travers les Mémoires
d'outre tombe. Son tîls Robert meurt de consomption au
milieu d'une température de neige, dans ce château où tout
est glacé, depuis le sol qui l'entoure jusqu'aux omltres qui
l'habitent. Cependant, un join*, son cœur a vibré ; il s'est
pris à aimer l'institutrice de sa sœur, Hélène Vatrin : l'ennui,
l'oisiveté ont fait le reste ; bien vile, Hélène est devenue sa
maîtresse, en même temps que la malheureuse, par crainte
autant que par insouciance, se livrait au père de son amant.
M'"^ de Chantemelle a cru découvrir cette dernière intrigue
et, sous un prétexte quelconque, elle a congédié la jeune
tille. Celle-ci s'est réfugiée à Paris, où elle vient d'être
mère.
Tel est le point de départ des Fossiles, tels sont les
événements qui se sont déroulés au fond du vieux château
quand le rideau s'ouvre sur le l*^"" acte. Quelle pièce M. de
Cure) va-t-il tirer de cette situation scabreuse ? Ehe se
résume dans cette phrase du vieux duc : « Je veux un pelil-
» fils, je le trouve, je le prends » et dans la réponse que
252
lui fait sa femme: « Vous le ramassez! » (<). Robert, en
effet, meurt d'un mal incurable ; les médecins lui ont prescrit
le Midi; mais il est condamné et, dans quelques semaines,
dans quelques jours [jeul-ôlre, c'en sera fait du dernier des
Chanlemelle et d'un nom qu'ont illustré dix siècles de gloire.
Quand ses aïeux mouraient à l'assaut, lui, il agonise dans son
fauteuil de poitrinaire, mais avec une fierté, un orgueil
dignes de ses ancêtres. Moins immobilisé que son père dans
la mélancolie du passé, il comprend, en effet, le rôle de la
noblesse contemporaine et il s'en va, victime de cette oisiveté
hautaine à laquelle il se sent à jamais condamné : « Dans
» notre société, lui dit sa sœur, à quoi sert un duc de
» Chanlemelle ? Ambassadeur d'une République? Non, n'est-
» ce pas ? Soldat, oui, en temps de guerre... Mais en
») temps de paix, lieutenant à perpétuité pour tourmenter
') les séminaristes ou arrêter les princes pour lesquels ses
» aïeux mouraient. Belle destinée! Que devenir?. .. Tu nous
» disais : Dans n'importe quel salon, je suis le premier ;
» mais qu'y a-t-il plein ces salons? des hommes qu'on
M n'écoute plus, exilés dans leurs plaisirs et leurs vanités,
» plus loin du cœur de la France que s'ils habitaient la
.) Chine » (2).
Mais une idée a traversé l'esprit du vieux duc: que Robert
épouse Hélène et l'enfant sera légitimé, et un nouveau bour-
geon éclora sur l'arbre des Chantemelle : « Qu'importe, à
» présent, dit-il, de qui est l'enfant. Il est de notre sang et
») je n'en demande pas davantage « (3). Mais Claire, sa fille,
a surpris son secret et découvert les relations de son père et
d'Hélène. Sa conscience ne lui [termet pas de se prêter ^ une
telle infamie : elle va parl(!r, renseigner son frère, empêcher
(1) Les Fossiles. . . I, 9.
02) Idem... 11, 1. ^
|3) Idem... I, H.
253
d'un mol un mariage honteux ; mais le duc ranôle avant
qu'elle n'ait lancé ce mot irréparable. Elle aussi, elle est
imbue des [iréjugés nobiliaires ; elle s'est condamnée au
célibat pour augmenter la fortune de l'aîné, lui permettre de
faire figure dans une société où l'argent passe avant les
quartiers de noblesse. Elle traverse une crise terrible : doit-
elle parler ou doit-elle garder le silence? doit-elle sacrifier
ce quelle croit son devoir à la s[»lendeur et i\ la perpétuation
du nom? « En me prenant comme complice, dit- elle b son
» père, vous me mettez dans une situation qui dépasse mes
» forces. Je demande grâce. . . Peser une formidable respon-
» sabilité avec mon ignorance de jeune tille! Quels malheurs
» vont s'abattre sur nous, jusqu'où s'étendra ma faute si je
» ne préviens pas Robert? » (')< Bref, elle se laisse
convaincre ; elle ne parlera pas et le miiriage aura lieu. La
scène dans laquelle elle expose ses angoisses est une des
plus puissantes qu'ait écrites M. de Gurel: cette lutte atroce
entre deux sentiments également respectables, le culte du
passé et l'appréhension de l'avenir, est exprimée avec une
vigueur, une précision qui font des Fossiles un chef-d'œuvre
de vérité et de pénétration.
Tout le drame repose sur le caractère de Claire, et,
quand, au dénouement, les craintes de la malheureuse se
transforment en réalités, quand Robert finit par apprendre
le passé de la femme à qui il a donné son nom et meurt de
cette soudaine révélation, c'est encore Claire qui apparaît,
grandie par la souffrance et par l'expiation qu'elle veut
s'infliger. Elle vivra pour élever l'enfant de Robert et
d'Hélène, pour l'aider, comme elle le dit « à traverser
» fièrement la vie, pour en faire un honnête homme d'abord,
a et quelque chose de mieux, un homme capable de mourir
» pour des idées » (2).
(1) Les Fossiles... Il, 8.
(2) Idem..., IV, «.
254
Le caractère de RoborI est, au dire de M. de Curel lui-
même, un de ceux auxquels il s'est le plus vivement attaché :
« Robert, dit-il, représente une grande partie de mes idées »
et ces idées nous paraissent justes, équitables et sensées.
Elles tiennent dans ce court dialogue qu'échangent dans la
villa de Nice, Hélène et son mari : Robert : « J'ai des raisons
» de croire que ma sœur restera fille pour que le futur jeune
« duc ait une tante a héritage qui le dispense de dorer son
» blason. — Hélène : C'est précisément ce que j'appelle de
» l'orgueil. — Robert, avec roideur : Vous, peut-être ; moi,
» pas. ~ Hélène : D'après vous, qu'est-ce que c'est ? --
» Robert : Une fidélité très touchante {\ un ensemble de
» souvenirs que tout le monde abandonne. — Hélène, riant :
» Alors, elle est un peu naïve. — Robert, sèchement : Elle
» et moi, s'il vous plaît — L'honneur de l'humanité
» réside dans un petit nombre d'abnégations^ ridicules
» quand on les pèse, sublimes quand on les sent » (i).
C'est là un langage h la fois noble et courageux. Aujour-
d'hui, en effet, dans notre rage d(> tout détruire, de vouloir
passer le niveau sur les sentiments et les caractères, nous
tombons dans d'étranges exagérations et dans de criantes
injustices. Parce que nous rencontrons un marquis de Presles
ou un prince d'Aurec, nous nous plaisons {\ généraliser, à
vanter les vertus bourgeoises, à refuser à la noblesse toute
générosité et toute grandeur. Nous oublions, pour parler
comme Claire de Chantemelle, « que ces petits marquis
» inutiles qui ne savent que chasser et danser » {i) seraient
tout [iréts, le cas échéant, îi faire leur devoir ; que, pour
une idée, leurs pères se sont battus à Gastelfidardo ou à
Patay, cl qu'eux-mêmes, cédant h un atavisme peut-être
(1) Les Fossiles. . ., UI, 3.
(2) Idem..., H, i.
255
inconscient, ils courraient {\ la frontière, sans forfanterie et
sans bravade, dès qu'elle serait menacée.
Il appartenait à M. de Cure! de prendre la défense du
•passé, sans toutefois oublier l'avenir. Le testament de Robert,
qui termine la pièce, est une des plus belles pages qui aient
été écrites sur la noblesse, sur le rôle qu'elle est appelée à
jouer dans notre, société contemporaine, sur les préjugés
qu'elle doit vaincre, sur les efforts auxquels elle doit tendre.
Robert s'adresse à son fils, le futur duc de Cbanlemelle, et
lui demande avant tout d'être un homme moderne, d'aimer
son temps, d'en comprendre la grandeur : « Restons dans la
» tradition, lui dit-il, en payant de nos vies de généreuses
» erreurs i affirmant en cela le devoir d'une noblesse d'être
» imc école de désintéressement, montrant le chemin à son
» siècle, audacieuse d'esprit et dupe de cœur... Avant
» qu'elle disparaisse, il faut que ses derniers représentants
» laissent la même impression de grandeur que les gigan-
» lesques fossiles qui font rêver aux âges disparus » (<).
Nous avons plaisir à rester sur celle apostrophe grandiose
qui forme comme la synthèse du drame, comme le résumé
des passions qui s'y agitent.
Les Fossiles sont, avec la Nouvelle Idole et le Repas du
lion, le chef-d'œuvre de M. de Gurel ; on y seul une convie-
lion ardente mise au service d'une idée simple el vraie. La
Comédie française doit, dans quelques semaines, leur ouvrir
ses portes. Qu'adviendra-t-il d'eux devant les habitués un
peu guindés de notre grande scène ? Leur hardiesse brutale
n'effraiera-l-elle pas la timidité discrète des abonnés, et tel
(1) Les Fossiles..., IV, 8. Il sembe que ce tilre : les Fossilles ail élé suggéré
à M. de Curel par ce porlrail que dessine Balzac: « Elle v vait dans son hôlel comme
» si Louis XV ne fut pas mort, et ne voyait que des vieilles femmes et des
» genlilshonimcs, société de corps fossiles ou je croyais être dans un cimetière, »...
Le Lys dans la Vallée.
-256
d'cnlrt' eux qui applaudit à rélôganl sce|»li('isni(' de M. Mau-
rice Dounay ou à la Iroide immoralilé de M. l^aul Hervieu,
ne jeltera-l-il pas la pierre à Claire de Chanlemelle el à son
frère, quand ceux-ci heurleronl de front ses opinions ou ses-
préjugés ? Nous l'ignorons ; mais, en tous cas, nous félici-
tons la Comédie française de tenter un essai qui, s'il réussit,
fera oublier à M. de Curel l'échec de l'Amour brode.
* *
Une autre pièce sépare les Fossiles de l'Amour brode:
c'est llnvitée. Le i»oint de dé[)arl de ce drame est assez
difficile à admettre. Après quatre ans de mariage, Anne de
Grécourt s'aperçoit que son mari la trompe avec une chan-
teuse de café-concert ; elle ne provoque aucune scène, ne
sollicite aucune explication, mais s'enfuit en Autriche où
elle vit pendant seize ans, seule, loin des siens, sans songer
un instant aux deux filles qu'elle laisse derrière elle. Son
mari, un peu abasourdi d'un départ aussi brusque, croit k
une aventure galante, h une de ces grandes passions qui,
brisant toutes les barrières sociales, font des malheureux qui
en sont atteints des sortes de parias isolés dans leur amour,
mais qu'aigrit et désole bientôt la nostalgie du passé. Puis,
peu à peu, M. de Grécourt se crée des habitudes nouvelles;
il courtise la dame de pique après la dame de cœur ; un
jour, enfin, las des liaisons faciles, se sentant vieillir, par
économie autant que par hygiène, il se prend à souhaiter
un intérieur ; une obligeante voisine. M""" de Raon, se
trouve veuve juste à point pour venir partager avec lui le
pot au feu familial. Les filles, élevées ainsi par la maîtresse
de leur père, ont pris bien vite des manières assez déplai-
santes ; elles n'ignorent rien de la situation qui leur est faite,
des spectacles auxquels on expose leurs yeux terriblement
avertis. Elles ne sont pas foncièrement mauvaises, mais elles
257
le deviendront rapidement si une main charitable ne les enlève
à ce milieu, l/une d'elle, Alice, se définit ainsi : « Au fond,
»> que sommes-nous ? Deux orphelines mal élevées,, pas
') dirigées, le cœur sur la main, la parole prompte, Timagi-
»> nation fertile... Ressemblance garantie, hélas! Grillant
» de nous marier, livrées ii nos seules lumières, nous avons
» adopté un procédé déplorable. Attirer les jeunes gens à
»> force d'originalité ; les attirer, ça réussit. Les retenir,
» c'est différent. Ils flânent autour de nous comme devant
» une parade de la foire ; quant à entrer dans la baraque,
» serviteurs ! Nous sommes trop amusantes » ('). Elles ont,
en effet, manqué plusieurs mariages, et leur intimité avec
M™« de Raon, leurs habitudes de flirt, leur réputation de
demi -vierges, tout cela n'est point lait pour attirer ou,
comme dit Alice, pour retenir les épouseurs.
Leur père s'en aperçoit et essaie de trouver un remède.
Un vieil ami de la famille, Hector Bravidois, est envoyé fiar
lui en négociation auprès de M'"« de Grécourt ; les enfants
grandissent, ils ont besoin d'une éducation plus complète et
moins indépendante ; que leur mère consente à les recevoir,
à les garder près d'elle et h les marier à l'étranger ou en
France, dans le cercle de ses relations mondaines. M"« de
Grécourt hésite : ses filles, elle ne les connaît môme pas,
puisque depuis seize ans, elle a quitté le domicile conjugal :
« Je leur porte, dit-elle, l'intérêt qu'on a pour les enfants
»> d'une amie malheureuse morte depuis longtemps » ('-). De
plus, tout en restant scrupuleusement honnête, elle a
contracté, elle aussi, des habitudes qui la tyrannisent ;
vivant seule à l'étranger, elle fait ce qu'elle veut et reçoit
qui elle veut ; va-l-elle sacrifier son indépendance à des
(1) L'Invitée..., U, 3.
(2) Idem..., I, 3.
"258
enfanis qui, en somme, ne lui sont rien, et commencer, h
près de 40 ans, une existence nouvelle, faite de com[»lica-
lions et d'imprévu ? — et, pour qui ? pour des inditïérenls,
des égoïstes.
Cependant, elle cède ; elle consent à accompagner Hector
et à rentrer en France, mais k une condition, c'est que son
arrivée ne sera annoncée ni h son mari ni à ses tilles. Hector
accepte, et c'est en étrangère, en invitée, qu'elle pénètre dans
la maison qui fut la sienne et où règne aujourd'hui en souve-
raine maîtresse M'"« de Raon. M. de Curel a voulu décrire ici,
coiimie dans l'Envers (l'une Sainte^ les effets que l'absence
produit sur une âme. Nous n'y reviendrons pas. Disons
seulement que M'"^ de Grécourt revoit sans une émotion et
sans une larme les êtres qu'elle devrait le plus chérir ; que,
dan.^ la sécheresse de son cœur, le passé lui a[)paraît, lointain,
comuie im coin perdu au fond des lénèl)res de sa vie
errante : « Ne trouvez-vous pas, dit-elle, qu'après des
» années les choses qui paraissaient énormes se rapetissent
») î\ être des taupinières devant lesquelles on est confus
d'avoir eu le vertige? » (i) Ses lilles, qu'une indiscrétion a
renseignées, se jettent à ses pieds, et si, au dénoument,
elle finit par céder el les emmener avec elle, c'est par un
revirement assez subit que, pour nous, l'auteur n'explique
pas suffisamment.
De plus, le caractère de M"^ de Grécourt nous parait
bien complexe : par moments, on croirait que sa sécheresse,
son indifférence ne seraient qu'une feinte, et, qu'au fond,
sous une enveloppe de glace, battrait un cœur' amoureux et
jaloux. Elle décoche à M""» de Raon et ^ son mari des
railleries qui ne se comprennent guère chez une femme
aussi détachée qu'elle prétend l'être de tout sentiment el de
(1) L'Invitée. .. 11, 10.
259
toute passion. Ne serait-elle donc, elle aussi, qu'une amou-
reuse incomprise, une humble femme que la curiosité et
surtout un reste d'affection ramènent à son mari ? Et, s'il
en est ainsi, que devient l'idée maîtresse de la pièce, et que
veut dire M. de Curel quand il affirme avoir voulu y étudier,
comme dans l'Envers d'une Sainte, les efïets de l'absence?
Il y a, dans toute celte intrigue, un peu d'hésitation, un peu
d'obscurité, et nous aurions voulu que l'écrivain précisât de
façon plus nette les traits de son héroïne.
* *
L'hésitation! l'obscurité! c'est surtout h l'Amour brode
qu'il est permis d'adresser cette critique Un des personnages,
parlant de Gabrielle le fait en ces termes : « L'aimer, tant
» qu'on voudra. La pénétrer, hélas ! j'y renonce (>). » Nous
pouvons en dire tout autant de celte pièce bizarre, mélange
de vaudeville et de drame, qui, par certains côtés, rapi)elle
Marivaux, tandis que, par d'autres, elle donne l'impression
d'une œuvre malsaine, où le dévergondage des idées confine
de bien près à l'incohérence ou à la folie.
L'Amour brode! c'est le travail d'une imagination
dépravée sur le cœur, vieilli avant l'âge, d'une fennne de
trente ans. Adieu, les sentiments naturels et sincères ! ce
qu'il faut â Gabrielle, c'est la comédie de l'amour, c'est le
cliquetis des mots, c'est l'imprévu, le fin du fin, le caprice
toujours changeant d'un cerveau mal équilibré et d'un esprit
malade (2). Elle est de la race des précieuses, et, comme
M'i« de Scudéry, elle aurait pu tenir une ruelle où seraient
venus ergoter les Trissotins de la ville et des faubourgs.
(1) L'Amour brode. . ., i, 1.
(2) « Votre amour, ah ! ouiche, du rouge, du bleu, des costumes, des tréte.iui,
» des mots fabriqués plus grand que nature... Un vaudeville avec l'idéal pour
» souffleur... » L'Amour brode, ui, 10.
260
Si (Micorc L'Ile se borimil au romanesque, mais elle est avant
loul méchante et vicieuse : « .le suis, avone-t-elle, peu
» soucieuse de bien des clioses respectables et trouve un
» charme intini à jouer avec le feu. Pourtant, au niilieu de
») mes perversités, subsiste un dégoût i)rol'ond pour tout ce
» qui sent la bassesse (•). » Amoureuse d'un pauvre diable,
elle l'affole par ses coquetteries savantes; elle exige de lui des
dévoùments héroïques et fous, se contredit sans cesse, lui
reprochant tour à tour sa froideur et sa brutalité, le criblant
de ses sarcasmes, jus(|u'à ce que le malhem'eux, épuisé,
demande au suicide la tranquillité et l'oubli.
L'Amour brode ne fit que traverser la scène de la Comédie
française ; la pièce échoua et, pendant quelques années,
M. de Gurel sembla renoncer au théâtre. En 1896, il prenait
sa revanche, à la Renaissance, avec la Figurante.
Il y a, dans la Figurante, comme deux pièces distinctes :
l'une décrit la psychologie d'un homme politique, ambitieux
assez vulgaire, qu'une volte-face habile va men^n* incessam-
ment au pouvoir ; dans l'autre, nous assistons à la conquête
d'un mari par sa femme, figurante qui cherche h devenir
premier rôle.
Le point de départ de la pièce et certains tableaux sont
un peu choquants. Parmi les persoimages de second plan,
nous avons peine à accepter ce vieux savant qu'intéressent
et amusent les intrigues de sa femme, dont le plus grand
plaisir est d'en brouiller les écheveaux, et qui, par ses complai-
sances coupables, vaudrait h M. de Gurel bien plus qu'h
Molière l'apostrophe virulente de Bossuet : « On réprouvera
» le discours où ce vigoureux censeur des grands canons,
- ce grand réformateur des mines et expressions de nos
(Il L,' Amour brode..., m, 3.
261
» précieuses, élale cepenrlanl au plus grand jour les avan-
» lages d'une infâme tolérance dans les maris (»). «
Les deux pièces sont reliées Tune à Taulre par le per-
sonnage de Françoise, la figurante, et par celui de son
mari. C'est un assez plat politicien que M. Henri de Renneval :
élu des conservateurs, il s'est tourné vers la gauche, et
cette évolution, tout en servant ses intérêts politiques, a
quelque peu nui à ses intérêts mondains. Les salons aristo-
cratiques lui ont presque fermé leurs portes; ses anciens
amis l'ont traité de renégat et de transfuge ; il a dû se
créer des relations nouvelles, et, à force d'intrigues, il est
parvenu a s'imposer à un groupe de médiocres qui, à la
Chambre, l'a pris pour son chef. Il a pour lui deux qualités :
d'abord, il a un nom, ce qui est intîniment précieux par
ces temps d'égalité et de démocratie (2). N'est-ce pas, en
effet, quand nous nous abritons derrière les immortels prin-
cipes de 1789, qu'à l'exemple du bonhomme Poirier, nous
regrettons le plus vivement l'ancien régime et tous les
hochets qu'il savait otîrir à l'éternelle vanité? De plus,
M. de Renneval a une table que, parait-il, ne dédaignent pas
ses collègues du Palais-Bourbon ; les vins y sont abondants
et choisis, les cigares viennent directement de la Havane,
et, dans l'abandon qui suit un bon repas, c'est un plaisir
(1) Maximes et réflexions sur la comédie. C'est de ce personnage que l'on peut
dire, avec sa feinine : « L'âme de eut homme renferme un redoutable mélange de
» grandeur, de curiosité et de mépris pour toutes les conventions.. . » La Figurante,
I, 1. Lui-même, Tbéodore de Monneville, s'anulyse ainsi : « Numéroter des
» ossements, classilier des sentiments, sont des besognes un peu parentes j la
» mémoire d'un vieillard ressemble à un musée de fossiles... des monceaux de
» débris aux dates incertaines si anciennes qu'on ne s'apitoie plus sur les désastres
» passés..., >i Idem..., il, 6,
("2) M>"° Guillerand : « C'est énorme, le nom ! La République ne peut pourtant
» pas mellre en contact avec les i;ours étrangères des ramasseurs de bouts de
» cigares... » Idem..., Il, tj.
-26 'i
toujours nouvt'au de dnnolir ou d'éditier un minislère,
charmant juu de bascule où s'amuse notre parlementarisme
dégénéré.
Toutefois, M. de Renneval n'est pas complètement heureux :
son intérieur de céiibalaire est un peu froid ; ses collègues,
ainsi qu'il le dit lui-même, « le traversent comme une
» auberge, boivent ses vins, fument ses cigares, et, à la
» Chambre, votent pour ses adversaires (•)• »> H lui faudrait
une femme pour égayer ce salon un peu morose, et présider
la lable en vieux chêne du déjeuner officiel. Par ses rela-
tions, ses papotages, ses cinq à sept, ne ferait-elle pas
pour lui beaucoup plus que des rei»as où Ton s'ennuie, un
fumoir où l'on échange, au milieu des flacons finement
ciselés, des propos de corps de garde ou d'écurie? Plusieurs
fois, il a été sur le point d'arriver au ministère; puis, au
dernier moment, ses amis l'ont trahi, et 11 s'en est pris à
son célibat, qui, d'après lui, se dresse comme un obstacle
devant sa carrière politique. Se marier, il n'y faut point
songer ! Une liaison de dix ans l'associe ii l\1"'" de i\lonneville
par une chaîne, sinon d'amour, du moins de reconnaissance
et d'habitude. C'est elle, en effet, qui l'a, en quelque sorte,
façomié, Ta fait naître à la vie parlementaire, l'a préservé
des tentations mauvaises et des contacts salissants. C'est
elle, enfin, qui, en se compromettant pour lui, l'a maintenu
dans une société d'où l'aurait fatalement écarté sa trop
brusque évolution vers la gauche. « Lorsque, lui dit-il,
» malgré ma famille et mes relations, je me suis rallié au
») gouvernenrent, sans vous, que serait devenue ma situation
» mondaine ? C'est vous qui m'avez maintenu, im[tosé,
» remis à flot dans les salons ; et c'est cela qui, à l'heure
« présente, fait ma singularité et n)a force. .., je suis un
(1) La Figurante. .., ii, 7
») des députés les plus écoulés, sans qu'on m'en veuille \\
» morl parmi les miens (i). »
Gel aveu peint Renneval. iNotre homme est avant tout un
ambitieux, un cœur froid qui demande h la femme de servir
sa vanité, à l'amour de masquer son égoïsme, i< l'amitié
de le conduire au pouvoir. Aussi, quand M°^« de Monncville
lui propose une combinaison qui doit tout concilier, l'amour
de Tune et l'ambition de l'autre, il est tout prêt h accepter ;
peu lui importe la petite infamie à laquelle il va se prêter ;
les scrupules ne l'ont jamais troublé, et ce n'est pas
aujourd'hui, quand le but se rapproche, qu'il perdra son
temps à réfléehir sur l'inmioralité des moyens.
La combinaison est bien simple : c'est à elle que veut
recourir, dans Balzac, la duchesse de Chaulieu, quand elle
projeté de marier son amant à Modeste Mignon. M^^ de
Monneville expose elle-même la situation : a U m'est arrivé
» de rêver quelquefois à une solution qui contenterait tout le
» monde : vous, moi, et une jeune fille pauvre, à laquelle on
»> ferait un sort. Supposez qu'on lui tienne ce discours : Vous
» connaissez M. de Henneval, aujourd'hui député, demain
') ministre, il voudrait prendre femme. Voici les conditions :
») La candidate doit consentir à n'être dans le ménage
'» qu'un mannequin, une figurante, donnant bonne apparence
» dans la maison, associée à son mari pour les affaires
» politiques, résignée ci ne tenir aucun rang dans sa vie
» intime, à cause d'une liaison à laquelle il restera fidèle.
» Voulez-vous mener une existence... simplifiée, mais
» facile, plutôt que de croupir dans le célibat? Voulez-vous
» être celte figurante ? Eh bien, je pense que 80 pour 100
» des jeunes filles sans dot h qui on s'adresserait accepteraient
0 avec reconnaissance {^). » Le pacte est conclu. Fort heu-
(1) La Figurante . ,, i, 1.
(2) /de«i.. ., I, 1.
264
reiisement, vil sous le m{^ino, loil que les Monneville une
jeune nièce, orpheline sans fortune, qu'ils onl jadis recueillie.
Elle connaît la liaison de llcnneval et de sa tante ; elle en
ressent môme un vif dépit, car elle s'est prise, elle aussi, à
aimer l'élégant député. M™« de Monneville lui expose ce qu'on
veut d'elle, le rôle qu'on désire lui faire jouer, et la jeune
tille accepte.
C'est un singulier point de départ qu'a choisi là M. de
Gurel, et nous croyons qu'il eût pu arriver, par une voie
moins tortueuse, à l'étude phsychologique qu'il se proposait de
mettre sous nos yeux ? Que veut-il, en effet ? nous faire
assister à la lutte qu'engage Françoise , la Figurante ,
contre son mari et une rivale qu'elle exècre ; nous montrer
comment la petite pensionnaire, indifférente et froide du
P"^ acte, se dégèle au second, et emploie, pour vaincre,
toutes les armes qu'à défaut de beauté sa jeunesse et sa
coquetterie se plaisent à forger ; dépeindre avec une rare
précision le lent travail qui s'opère chez M. de henneval,
ballotté, comme le sont les faibles et les médiocres, entre un
vieil amour qui s'affaiblit et une passion nouvelle qui, chaque
jour, devient plus impérieuse. Le malheureux n'a pas le
courage de rompre, et, cependant, il se roule aux pieds de
Françoise, la supplie d'être à lui, et viole, par ses désirs
brutalement exprimés, le pacte de honte auquel il a si
lâchement souscrit. Françoise a su, d'ailleurs, le prendre
par l'ambition autant que par les sens : elle a transformé
son intérieur, fait taire les rivalités politiques, et, par
d'habiles intrigues, pu entin lui [trocurer le portefeuille des
affaires étrangères. Et pourtant elle se refuse toujours : elle
aime son mari, mais l'idée de partage lui répugne (i); elle
(1) Françoise : «< Oui, j'ai voulu coïKjutîrir Henri, mais pas le partager, Indulgenle
I) .irniiî, mon honneur me permet de l'èlre; rpouse complais.iiite, nmi ! ...» Lu
Figurante. . . 11, 1 .
265
le veut il elle seule, et clic ne cédera que le jour où celui-ci
lui aura juré d'abandonner Vautre.
Ce jour n'est pas loin : Henri est trop faible pour se
dégager ; mais M"« de Monneville s'aperçoit vite que la lutte
est inégale, qu'un jour ou l'autre, elle sera brusquement
délaissée, et elle préfère prendre les devants : elle se déclare
vaincue et s'enfuit avec son mari étudier, en Grèce, des
gisements géologiques.
Et, du drame, se dégage cette conclusion tirée par le
viefux savant lui-même : « Mon enfant, ce qui fait la supé-
» riorité du mariage sur les autres liens de fabrique humaine,
» c'est que la communauté d'intérêts précède, suit ou
n supplée la tendresse, sans que l'orgueil soit mortellement
» blessé. L'affection est flottante, l'égoïsme tenace. Les
» mariages d'amour sont rares, et les bons ménages plus
» communs qu'on ne pense. Là où la chèvre est attachée il
» faut qu'elle broute ; le sentiment finit par glaner où la
» raison moissonne » (i). Si nous saisissons bien la pensée
de M. de Gurel, c'est le mariage de raison, et surtout
d'intérêts, dont il entend faire l'apologie : le mari et la
femme sont deux associés qui, sous une raison sociale,
unissent leurs fortunes et leurs intelligences pour se procurer
sur la terre la plus grande somme de bonheur et supporter
à frais communs les tristesses et les déboires. C'est là une
conception bien prosaïque et bien étroite. Elle aboutit à ces
mariages d'argent qui cachent aujourd'hui tant de mésalliances
et de compromissions ; elle explique le nombre toujours
croissant des séparations et des divorces : si, en effet, l'on
enlève de l'association conjugale le dévouement, l'affec-
tion, l'idéal, que reste-t-il le plus souvent? Deux étrangers
qu'un intérêt vient d'unir et qu'un intérêt contraire va bientôt
- (1) La Figurante .. , HI, 1,
18
%6
séparer. Nous aurions voulu que M. de Curel s'élevât ;i une
notion plus élevée, disons le mot : plus religieuse et plus
chrétienne.
C'est de cette notion qu'il s'esl rapproché, dans Le
Repas du lion et dans La Nouvelle Idole : de ces deux
pièces, nous ne parlerons pas. Nous les avons déjà minu-
tieusement étudiées, et nous ne pourrions que nous repéier
en signalant de nouveau la hardiesse et la nouveauté des
théories qui y sont exposées, la haute portée philosophique
de sujets auxquels l'on peut, à coup sûr, reprocher de n'être
pas scéniques, mais qui n'en sont pas moins très saisissants.
Ces deux drames sont, avec les Fossiles, les œuvres prin-
cipales de notre écrivain; celles où apparaissent le mieux sa
manière, ses procédés, et qui permettent de lui assigner une
place d'honneur parmi nos auteurs contemporains.
Sou domaine propre, nous l'avons répété bien des fois,
c'est la psychologie, c'est l'étude intense et pénétrante de
l'âme humaine — et c'est par là qu'il se détache de la riche
pléiade de nos jeunes dramaturges. A M. Brieux, il laisse
l'observation des travers et des mœurs ; à M. Paul Hervieu,
la critique souvent trop âpre de nos institutions, et, en
particulier, du mariage ; à M. Lavedan, la peinture super-
ficielle et amusante d'un tout petit coin de Paris, le Paris
qui lait la fête, qui va aux courses, qui soupe et... qui
s'ennuie ; à M. Maurice Donnay, le brillant persifflage d'un
esprit toujours eu éveil, plus sensuel que sceptique, plus
insouciant que pervers; à M. Rostand, la magie funambu-
lesque du vers , l'imprévu d'une rime que l'on dirait
empruntée à Gautier ou à Banville. Son théâtre rappelle un
peu celui de M. de Porto-Biche ; mais il en diffère par un
souci de l'analyse que n'a jamais connu l'habile auteur
(l'Ainourtuse et du Passé. Les personnages de M. de Porto-
Riche n'ont guère, en effet, que des sens : ils n'ont point,
^267
comme Julie Renaudin ou comme Françoise de Renneval,
des âmes compliquées et subtiles dont ils se plaisent à
étaler le mécanisme ingénieux. Ce sont des impulsifs, des
névrosés ou des violents, auxquels l'analyse répugne autant
que la méditation et la solitude.
M. de (kirel occupe donc, sur notre scène française, une
place qui est bien {\ lui : il l'a conquise par un travail
persévérant et continu. Sans doute, il n'a pas encore triomphé
de l'indifférence de la masse ; mais je crois qu'il s'en soucie
peu. Les œuvres durables sont celles qui, à leurs débuis,
sont les plus disculées et les moins comprises ; un vaudeville
bien fait a plus de chance de conduire son auteur à la
fortune immédiate qu'une tragédie dans laquelle un Corneille
mettrait tout son génie, ou un Racine toute sa grâce. Mais,
tôt ou tard, la postérité se charge de rétablir les dislances:
elle ne se laisse point distraire par les préoccupations de
l'engouement et de la mode ; ses arrêts sont définitifs, et
c'est devant elle qu'il faut en appeler des faux jugements ou
des erreurs littéraires. M. de Gurel a eu l'honneur de
produire une œuvre forte et sincère, loin de toute réclame,
dans un isolement un peu hautain, comme il convient à un
gentilhomme de lettres, qui se rit de la foule et des applau-
dissements vulgaires.
.1. Gahier.
DU MARIAGE DES SOURDS
EN AMÉRIQUE (ÉTATS-UNIS)
Par Édouard-Allen FAY
(Traduction du docteur CHACHEREAU)
Messieurs,
Vous m'avez fait l'iionneur de me demander le compte
rendu d'une enquête sur les résultats du mariage des sourds
en Amérique — ou, pour parler plus exactement, aux
Etats-Unis — par M. Edouard-Allen Fay.
Cette enquête a été publiée sous les auspices et avec
l'assistance pécuniaire du Bureau Voila, de Washington,
dont la mission est l'accroissement et la diffusion des con-
naissances concernant les sourds.
Cette enquête a été commencée en 1889 et continuée sans
interruption depuis cette époque. Elle a porté sur 4,471
mariages où l'un des conjoints au moins était sourd : son
but essentiel était de répondre aux questions suivantes:
1° Les mariages de sourds sont-ils plus susceptibles de
produire des sourds que les autres mariages ?
2° Les mariages dans lesquels les deux conjoints sont
sourds sont-ils plus susceptibles de donner naissance à des
sourds que les mariages dans lesquels l'un des conjoints est
sourd et l'autre normal ?
3« Les sourds de certaines catégories sont-ils plus pré-
disposés que d'autres à engendrer des sourds? Comment
sont constituées ces catégories? Quelles sont les conditions
qui accroissent ou diminuent cette prédisposition ?
4® Les mariages entre sourds ont-ils plus de chances d'être
heureux que les mariages entre un sourd et un normal ?
269
Quelques autres points d'intérêt moindre sont également
considérés.
Je suis sûr, Messieurs, que je ne pourrais mieux faire,
pour vous donner une idée de ce grand, consciencieux et
instructif travail, que de vous traduire aussi exactement que
possible le texte du Résumé des statistiques et conclusions
par lesquels l'auteur a terminé son étude.
Nous préviendrons seulement que : l'appellation de
(' sourd » comprendra tous ceux qui, dès leur naissance,
leur enfance ou leur jeunesse, n'auraient pu être élevés dans
des écoles communes à cause de leur surdité. — Le « sourd
congénital »> sera celui qui n'a jamais donné de signes
d'audition. — Le « sourd accidentel », celui qui est devenu
sourd après avoir donné des signes d'audition.
RÉSUMÉ DES STATISTIQUES ET CONCLUSIONS.
Les plus importantes des statistiques présentées dans les
précédents chapitres, et des conclusions que nous en avons
tirées, peuvent être résumées comme suit :
Mariages aux Etats-Unis et en Europe.
Les mariages de sourds sont plus communs aux Etals-
Unis qu'en Europe. Les élèves des écoles américaines pour
sourds, qui nous ont été signalés comme mariés, constituent
23,1 °/o du nombre total des sourds qui ont fréquenté une
école jusqu'^ 1890, et la proportion actuelle de sourds mariés
est probablement beaucoup plus élevée. De tous les pays
d'Europe dont nous possédons une statistique, le Danemark
seul présente une proportion aussi élevée que 23 Vo ; les
autres contrées varient de 12 à 7 %. C.ette fréquence plus
grande des mariages des sourds aux Etals-Unis est vraisem-
blablement due en partie à l'absence de certaines restrictions
qui entravent plus ou moins le mariage dans la plupart des
270
pays d'Europe, en partie aux condilions de vie plus favo-
rables des sourds aux Elals-Unis et à leur capacité plus
grande d'y entretenir une famille.
Pendant le XîX^ siècle.
Le nombre des mariages de sourds aux Etats-Unis s'est
accru rapidement dans le cours du siècle.
La proportion des mariages relevés pendant la première
décade est, au total des mariages pendant le siècle, de
0,020/0. Pour la troisième décade, elle est de 0,18 "/o et,
dans les décades suivantes, cette proportion s'accroît jusqu'il
la neuvième décade, où elle atteint ^%1 %. Nous devons
naturellement tenir compte et de l'accroissement de la popu-
lation, et de ce fait que les mariages des dernières décades
ont dû être plus exactement relevés que ceux des premières
décades. Cependant la rapide progression des mariages mise
en évidence est cei tainement due, pour une grande part, à
rétablissement d'écoles pour sourds. Non seulement les occa-
sions de liaison présentées par la vie de l'école favorisent
le mariage, mais l'effet de l'éducation est de permettre aux
sourds un contact plus intime avec la société et d'accroître
leur capacité de se marier et d'entretenir une famille.
Conjoints sourds et normaux.
La grande majorité des sourds mariés a épousé un sourd
plutôt qu'un normal; la proportion des mariages dans
lesquels les deux conjoints étaient sourds est de 7"2,5 ^/o ; la
proportion des mariages dans lesquels un conjoint était sourd
et l'autre normal est de 20 %• Cette préférence récipi'oque
des sourds pour le mariage a été expliquée par leur confine-
ment pendant l'éducation, qui les réunit ensemble dans des
internats et développe l'iiabiliide du langage par signes. Il
n'est pas douteux que ce continemenl n'ait été la cause d'un
271
certain nombre de mariages, mais il n'a pas été la cause
principale. Ceci est bien démontré par ce fait que 77 "/o des
sourds qui ont fréquenté des demi-pensionnats (day-schools),
78 Vo de ceux qui étaient exterues, et 62 % de ceux qui
n'ont suivi aucune école spéciale aux sourds, ont épousé des
sourds. La cause principale qui pousse les sourds à se
marier entre eux plutôt qu'avec des normaux, est une cause
qui atteint ceux qui ont été élevés dans des demi-pension-
nats et des externats (day and oral schools), ceux mêmes
qui n'ont fréquenté aucune école spéciale aux sourds, presque
autant que ceux qui ont été internés dans un but. d'éduca-
tion : c'est le sentiment profond de confraternité et de
sympathie qui prend ses racines dans la similitude des con-
ditions de tous les sourds, quelles que soient les circonstances
et la méthode qui ont présidé à leur éducation.
Fécondité.
Les mariages de sourds, l'un des conjoints ou les deux
conjoints étant sourds, (sans tenir compte du caractère de
leur surdité) sont probablement quelque peu, mais non
beaucoup moins féconds que les mariages ordinaires.
La proportion de mariages de sourds sans enfants est de
14,1 % et le nombre moyen d'enfants par mère qui a eu
des enfants -est de 2,61. En Massachussets, en 1885, la
proportion de femmes mariées sans enfants était de 17,56 %,
et le nombre moyen d'enfants par chaque mère qui avait eu
des enfants de 4,11. Mais présentement, la différence dans
le nombre moyen d'enfants pour chaque mère est sans doute
moindre que les tableaux ne semblent l'indiquer, parce que
les enfants de sourds ne sont probablement relevés que
d'une manière incomplète et qu'une proportion considérable
de leurs mariages est de date récente.
Les mariages où les deux conjoints sont sourds sont
272
quelque peu moins féconds que ceux dans lesquels l'un des
conjoints est sourd el l'autre normal. La proportion des
mariages de la première catégorie, sans enfants, est de
15 °/o et le nombre moyen des enfants dans les mariages
féconds est de 2,5. Dans la dernière catégorie, la proportion
de mariages inféconds est de 11 "/o, et la moyenne des
enfants par mariage de 2,9 %.
La différence dans la fécondité des mariages des sourds
congénitaux et des sourds accidentels n'est pas grande ;
cependant la fécondité des premiers est probablement un peu
moindre : Dans les mariages de la première catégorie, oii l'un
des conjoints au moins, si ce n'est les deux, est un sourd con-
génital, la proportion sans enfants est de 15,5% et le nombre
moyen des enfants par mariage fécond de 2,72 % ; dans les
mariages de la deuxième catégorie, où l'un des conjoints, si
ce n'est les deux, est un sourd accidentel, la proportion des
mariages inféconds est de 14 % et la moyenne des enfants
par mariage fécond de 2,47 %. Le nombre moins élevé
d'enfants dans les mariages des sourds accidentels est peut-
être dû à ce fait que la durée moyenne des mariages relevés
dans cette catégorie a été probablement moindre que la
durée des mariages des sourds congénilaux. Les premiers
élèves des écoles américaines étaient en majorité des sourds
congénilaux, tandis que, pendant les années •plus rappro-
chées, la majorité des élèves était constituée par des sourds
accidentels.
Enfants sourds.
Les mariages de sourds, l'un des conjoints ou les deux
conjoints étant sourds et sans tenir compte du genre de
surdité, sont beaucoup plus susceptibles de produire des
sourds que les mariages ordinaires.
278
La proportion de mariages de sourds ayant produit des
sourds est de 9,7 "jo-, et la proportion d'enfants sourds nés
de ces mariages de 8,6 %• Nous ne connaissons pas l'exacte
proportion des mariages ordinaires qui donnent naissance à
des sourds ni la proportion de sourds qui en naissent, mais
il est probable que cette proportion est moindre que 1 pour
10,000.
D'autre part, les mariages entre sourds ont beaucoup plus
de chances de produire des enfants normaux que des enfants
sourds. La proportion d'enfants normaux relevés dans nos
tableaux est de 75 % — la proportion actuelle est probable-
ment beaucoup plus élevée — tandis que celle des enfants
sourds, comme nous l'avons dit plus haut, est de 8,6 %.
Ces résultats concordenl, d'une part, avec cette loi de
l'hérédité que les anomalies physiques et les tendances patho-
logiques des parents sont susceptibles de passer aux descen-
dants, et d'autre part, avec celte autre loi de l'hérédité que
la descendance tend à retourner au type normal.
Les deux conjoints sont sourds ou l'un est sourd
et l'autre normal.
11 n'est pas nécessaire que les deux conjoints soient sourds
pour la transmission héréditaire des conditions qui aboutis-
sent à la surdité. Au contraire, si l'on considère l'ensemble
des sourds sans se préoccuper des caractères de leur
surdité, les mariages dans lesquels les deux conjoints sont
sourds ne sont pas plus susceptibles de produire des sourds
que ceux dans lesquels l'un des conjoints est sourd et l'autre
normal. Il semblerait même, en vérité, qu'ils courent moins
de risques de produire des sourds. La proportion des
mariages où les deux conjoints étaient sourds et qui produi-
sirent des sourds est de 9,'i °/oi et la proportion d'enfants
sourds nés de ces mariages de 8,4 "/« ; la proportion des
"274
mariages dans lesquels l'un des conjoints élail sourd el Taulre
normal el qui engendrèrent des sourds est de 12,5 "/o, et la
proportion des enfants sourds nés de ces mariages de
9,8 %. Si, au lieu du nombre des mariages, nous considé-
rions le nombre des mariés, la proportion d'enfants sourds
procréés par 100 sourds mariés k des conjoints sourds est de
9,4 %, tandis que la proportion d'enfants nés de 100 sourds
mariés à des normaux est de 25,8 °/o- Même, la proportion
élevée des mariages où les deux conjoints étaient atteints de
surdité congénitale et qui procréèrent des sourds et la pro-
portion élevée des sourds qui en sont nés, peuvent être
expliquées dans la plupart des cas par celte circonstance
qu'il y avait deux personnes au lieu d'une capables de
transmettre les conditions physiques qui aboutissent à la
surdité. En effet, si nous considérons le nombre de mariés
atteints de surdité congénitale, nous trouvons que le nombre
d'enfants sourds nés de 100 sourds congénitaux mariés h 100
sourds congénitaux (30,8) n'est pas plus grand que celui des
enfants nés de 100 sourds congénitaux mariés à des nor-
maux (34,2). Dans la majorité des cas, il ne semble pas qu'il
y ail accroissement de risques de procréer des sourds par
le mariage de deux sourds entre eux.
Cette conclusion n'est pas, comme il semblerait l\ première
vue, en opposition avec la loi générale de l'hérédité, que la
tendance à la transmission héréditaire de toute particularité
existant chez les parents s'accroît par l'union du « sem-
blable avec son semblable ». En effet, lorsque la surdité
des parents réapparaît chez les descendants, la particularité
transmise n'est pas la surdité, comme l'ont généralement
soutenu les écrivains qui ont traité ce sujet, mais bien
quelque anomalie de l'appareil de l'audition ou du système
nerveux, ou la [irédisposilion h quelque maladie dont la
surdité n'a été (jue le résultat ou le symptôme. D'autant
plus que. ces anomalies, ces maladies aboutissant h la
surdité sont nombreuses et variées ; et que même chez les
sourds cone"énilaux, la condition pathologique qui aboutit
à la surdité n'est pas la même chez chacun des deux
conjoints, et qu'ainsi leur mariage ne réalise pas, au point
de vue physiologique , l'union du « semblable avec son
semblable ». D'autre part, dans les cas ou la condition
pathologique des deux conjoints est la même, — et il en
est probablement ainsi dans la majorité des mariages de
sourds consanguins, — le risque de descendants sourds est
sans doute accru ; mais par bonheur, ces mariages sont
plutôt rares. Le nombre de ces mariages mentionnés dans
ce travail, inférieur probablement au nombre actuel, est
de 31, c'est-à-dire 69 "/o du nombre total des mariages.
Sur ces 31 mariages, 45 % procréèrent des sourds, et la
proportion d'enfants sourds procréés par eux fut de 30 ^o-
La particularité curieuse mentionnée précédemment, que les
proportions des mariages procréant des sourds et des sourds
nés de ces mariages sont plus élevées quand l'un des
conjoints était un normal, que lorsque les deux conjoints
étaient sourds, est due sans doute à ce fait que la proportion
des mariages consanguins relevée, était plus élevée dans les
mariages où l'un des conjoints était normal (2 »/o) que dans
les mariages où les deux conjoints étaient sourds (0.37 «/o)-
Conjoints sourds, congénitaux ou accidentels.
Les sourds congénitaux, — qu'ils soient mariés entre eux,
ou à des sourds accidentels, ou à des normaux, — sont
beaucoup plus prédisposés à procréer des sourds que les sourds
accidentels. La proportion des mariages de la !''•' classe,
— l'un des conjoints ou les deux conjoints sourds congéni-
taux, ayant donné naissance l\ des sourds est de 13 °/oi
et la proportion de leurs enfants ^ourds de 12 %; dans les
276
mariages de la -2» catégorie, — l'un des conjoints ou les
deux conjoints sont des sourds accidentels, — la proportion
des mariages procréant des sourds est de 5,6 %, et la
proportion des enfants sourds procréés par eux de 4,2 «/o»
Le risque de procréer des sourds est le plus grand quand
les deux conjoints sont des sourds congénitaux; la proportion
de mariages donnant alors naissance à des sourds est de
24,7 °/o, et la proportion de sourds qui en naissent, de
Les mariages de sourds accidentels sont plus susceptibles
de procréer des sourds que les mariages ordinaires. Mais
lorsque les deux conjoints sont des sourds accidentels, ou
que l'un d'eux est normal, le risque est léger. La proportion
des mariages de d(^ux sourds accidentels procréant des
sourds est de .^^,5 % ei la proportion des enfants sourds
qui en naissent, de 2,3 "/o- Dans les mariages de sourds
avec des normaux, la proportion des mariages aboutissant
à des enfants sourds est de 3,2 %, et la proportion des
enfants sourds qui en sont nés, de 2,2 "/o- La proportion
des mariages de sourds avec des normaux, procréant des
sourds, est de 8 %, et la proportion d'enfants sourds
procréés par eux est de 6,5 ^lo.
La prédisposition plus grande des mariages de sourds
congénitaux que des mariages de sourds accidentels à
procréer des sourds, s'accorde avec cetle loi d'hérédité
généralement admise, que les particularités congénitales ou
innées sont plus susceptibles d'être transmises que les
particularités acquises. Lorsque la surdité du sourd acci-
dentel réapparaît dans ?a descendance, l'on peut supposer
que l'anomalie physique, ou la tendance d la maladie qui
aboutit ^ la surdité, était probablement congénitale chez les
parents, bien que la surdité actuelle ne se soit manifestée
que dans une période plus avancée de la vie.
277
Conjoints ayant des parents sourds.
Les sourds ayant des parents sourds, quel que soit leur
mariage, et les normaux ayant des parents sourds et mariés
à des sourds, courent grand risque d'avoir des enfants sourds.
(Il est probable que les normaux ayant des parents sourds
et mariés à des normaux courent les mêmes risques, mais
ces cas ne se trouvent pas compris dans la présente enquête).
Que les mariages de sourds soient classés suivant la surdité
de l'un ou des deux conjoints, suivant le caractère congénital
ou accidentel de la surdité, la proportion des mariages
procréant des sourds et la proportion des enfants sourds
procréés par eux atteignent presque invariablement le taux
le plus élevé lorsque les deux conjoints ont des parents
sourds, un laux moindre lorsque l'un des conjoints a des
parents sourds et l'autre pas, et enfin le taux le moins élevé
lorsque ni l'un ni l'autre des conjoints n'a de parents sourds.
Les seules exceptions se rencontrent dans quelques catégories
où les nombres relevés sont trop faibles pour qu'on s'y
arrête. Si l'on considère les résultats des mariages d'une
durée d'une année au moins oujes deux conjoints avaient
des parents sourds, la proportion de ces mariages ayant
procréé des sourds est de 23,5 «/o et la proportion des
enfants sourds nés de ces mariages de 20,9 "/o ; dans les
mariages où l'un des conjoints avait des parents sourds et
l'autre pas, la proportion des mariages aboutissant à des
enfants sourds est de 6,6 «/o, et la proportion d'enfants
sourds nés de ces mariages, de 6,4 Vo ; dans les mariages
où ni l'un ni l'autre des conjoints n'avait de parents sourds,
la proportion des mariages donnant naissance à des sourds
est seulement de 2,3 % et la proportion d'enfants sourds
procréés, de 1,2 %• !• est vraisemblable que présentement
les proportions des mariages procréant des sourds et des
'278
enfants sourds procréés par eux sont même moindres que
celles-ci, car dans bien des cas, le fait que les conjoints
n'avaient pas de parents sourds n'est pas bien établi. Dans
tous les cas, il a pu arriver qu'il existait des parents sourds
inconnus des personnes qui ont rempli les feuilles de rensei-
gnements. Quand aucun des conjoints n'a de parents sourds,
le risque de procréer des sourds est très faible, peut-être
n'est-il pas plus grand que dans les mariages ordinaires.
Dans les mariages ou les deux conjoints sont des sourds
congénitaux et ont tous deux des parents sourds, la pro-
portion de mariages procréant des sourds et la proportion
des enfants sourds procréés par eux est très élevée (-28,4
et 30,3 %); •Hf»'i5 lorsqu'aucun des conjoints n'a de parents
sourds, même lorsque tous deux sont des sourds congéni-
taux, le risque semble très faible, peut-être n'est-il pas plus
grand que dans les mariages ordinaires. Quatorze mariages
de cette catégorie ont été relevés, qui eurent 24 enfants.
L'un de ces enfants était sourd ; mais dans ce cas particulier,
il est imparfaitement établi par les renseignements sur le
mariage que ni l'un ni l'autre des deux conjoints n'avait
de parents sourds. Si nous acceptons ce cas unique, la
proportion des mariages donnant naissance à des enfants
sourds est de 7,1 % et la proportion drs enfants sourds
procréés par eux de 4,1 "/o ; fnais si nous le rejetons, il
ne reste plus un seul exemple de mariage dans lequel les
deux conjoints étaient sourds et n'avaient aucun parent
sourd qui ait procréé un enfant sourd. Le nombre total
des mariages de cette catégorie n'est pas assez élevé pour
rendre le résultat concluant ; cependant en les rapprochant
de m autres mariages de sourds congénitaux dans lesquels
aucun des conjoints u'avait de parents sourds, nous avons
le droit de conclure que si la surdité congénitale paraît être,
à première vue, une indication de la possibilité de donner
'119
naissance à des sourds, elle ne peut être considérée comme
une cause évidente de cette possibilité.
D'autre part, la parenté avec des sourds semble être une
indication sérieuse à la possibilité de procréer des sourds.
Si un sourd, ou congénital ou accidentel, a des parents
sourds, il court le risque, quel que soii son mariage, d'avoir
des enfants sourds ; mais ce risque est bien plus grand
dans le cas des sourds congénitaux que dans le cas des
sourds accidentels ; ei si un sourd, avec ou sans parents
sourds, jirend un conjoint soit sourd soit normal, mais qui
a des parents sourds, le mariage est susceptible de procréer
des enfants sourds. Si les deux conjoints ont des parents
sourds, les conditions qui conduisent à la surdité, quelles que
soient ces conditions, sont susceptibles d'être transmises par
les deux parents à la fois, et le risque d'enfants sourds en
est largement augmenté ; mais même lorsque l'un des
conjoints seulement a des parents sourds, le risque de
procréer des enfants sourds est encore considérable.
Conjoints consanguins.
Les mariages de sourds les plus sujets à engendrer des
sourds sont ceux dans lesquels les conjoints sont consan-
guins. 31 de ces mariages sont relevés dans nos tables, sur
lesquels 14, c'est-à-dire 45,1 % engendrèrent des sourds.
100 enfants naquirent de ces 31 mariages, sur lesquels 30,
c'est-à-dire 30 »/o étaient sourds.
Les totaux des différentes classes de parenté, telles que
cousins germains, cousins issus de germain, et les totaux
des différentes classes de mariage : mariages de deux
conjoints sourds, d'un sourd et d'un normal, de deux
conjoints sourds congénitaux ou sourds accidentels, un
conjoint ou les deux conjoints ayant des parents sourds
ou non, sont trop faibles pour nous permettre de tirer des
^80
conclusions de leur comparaison, mais la haute proportion
de mariages procréant des enfants sourds et d'enfants sourds
procréés par eux, dans chacune de ces catégories, montre
qu'il est extrêmement dangereux pour un sourd d'épouser
un parent, peu importe le genre et le degré de parenté,
que ce parent soit sourd ou normal, que la surdité soit
congénitale chez un seul conjoint, chez les deux, chez aucun
des deux, que l'un des deux, que tous les deux, qu'aucun
des deux n'ait de parents sourds.
La raison pour laquelle les mariages consanguins sont
tellement plus sujets à donner naissance à des sourds que
les mariages ordinaires de sourds est probablement que,
dans de tels mariages, la même cause qui produit la surdité
existe chez les deux conjoints, et qu'à la suite de l'union
du « semblable avec son semblable «, elle se transmet à
leurs descendants, avec une intensité accrue.
Bonheur.
Les mariages dans lesquels les deux conjoints sont sourds
ont plus de chances , toutes choses égales d'ailleurs,
d'aboutir au bonheur que ceux dans lesquels le conjoint
était sourd et l'autre normal. La proportion de divorces
et de séparations relevés dans les mariages où les deux
conjoints étaient sourds est de '2,5 % ; quand l'un des
deux conjoints était sourd et l'autre normal, la proportion
relevée est de 6,4 °/o.
Les conditions plus favorables au bonheur, quand les
deux conjoints sont sourds, sont sans doute, le lien puissant
d'affection mutuelle qui naît de la similitude de leur condi-
tion, la liberté et l'aisance avec lesquelles ils communiquent
ensemble, l'identité des relations sociales et des sympathies
qu'ils rencontrent dans la vie extérieure.
LE BRONZE DANS LA BRETAGNE-ARMORIQUE
1° - CACHETTE DE FONDEUR DÉCOUVERTE A FOURDAN
EN GUERN (MORBIHAN).
IIo - DE QUELQUES SÉPULTURES DE L'ÉPOQUE DU BRONZE
EN ARMORIQUE OCCIDENTALE
Par m. Aveneau de la Grancière.
COMPTE RENDU PAR M. Hyacinthe GLOTIN
(Séance du 15 novembre 1899;
« Nil novisub sole. Rien de nouveau sous le soleil ». —
L'un des mémoires de M. Aveneau de la Grancière, dont j'ai
riionneur de vous rendre compte, vient encore confirmer,
si cela est nécessaire , la vérité de ce très vieux proverbe.
Il nous montre que la profession de marchand d'antiquités,
de vieilles ferrailles et de bric-à-brac, si je puis employer
cette expression vulgaire en ce milieu académique, a existé
en tout temps et a été exercée même à « l'aurore de l'ère
celtique ».
En effet, dans une cachette de fondeur, découverte à
Fourdan, en Guern {Morbihan), ce distingué archéologue,
dont les travaux sont si universellement appréciés, croit
devoir « reconnaître une cachette de marchand-fondeur,
28^2
» colporlanl cl vendanl des objets neufs et d'occasion el
» recueillant ceux hors d'usage pour la refonte ». El ces
dépôls sont assez communs, paraîl-il, dans notre Bretagne !
Combien modestes sont les objets trouvés dans cette
cachette mise au jour par le soc d'une charrue ! Des armes
(poignards et lances), des instruments de travail (marteaux
et haches), quelques ustensiles de toilette (rasoirs), quelques
bijoux (bracelets) et quelques vieux morceaux de bronze
informes, voilà tout le mobilier de ce dépôt de Fourdan !
Mais combien intéressantes sont néanmoins de pareilles
découvertes, surtout lorsque, en les comparant avec celles
déjà faites en Bretagne et dans d'autres pays, un savant
comme M. de la Grancière peut en tirer d'intéressantes
conclusioBS, tant au point de vue de l'industrie que des
mœurs de nos ancêtres.
Et, quand ces découvertes ont lieu dans des sépultures,
comme celles signalées dans le second mémoire, on en peut
faire de précieuses déductions relativement aux rites religieux
et funéraires. Ces six sépultures trouvées sur divers poinls
de la Bretagne armoricaine, » où l'on a recueilli des poignards
» en bronze à lame plate et de forme plus ou moins triangu-
0 laire, dont les manches en bois sont incrustés de petits
» clous d'or», recouvraient certainement les os ou les cendres
« de grands guerriers auprès desquels on avait pieusement
» disposé, obéissant à un rite antique, les mêmes armes,
» les mômes haches, les mêmes poignards ». Ces rites
spéciaux constituaient sans doute les funérailles nationales,
si je puis employer cette expression toute moderne, réservées
aux Celtes célèbres.
Des gravures et des cartes géographiques, jointes au
texte, augmentent l'intérêt de ces deux mémoires qui ont été
précédés et seront suivis de beaucoup d'autres. Us ne sont
que des chapitres d'un ouvrage complet que M. de la Gran-
-283
cière ni! manquera de cumposer sur le Bronze dans la
Bretagne Artnorique. Gel ouvrage sera lui-même un curieux
chapitre d'une période de noire liisioire de Bretagne que
d'autres, nolanimenl M. de la Borderie, ont eu le tort de
passer sous silence dans leurs travaux, et qui, cependant, ne
manque pas de présenter un grand intérêt à bien des
points de vue.
Hyacinthe Glotin.
L'ÉGLISE DE SAINT-SULPICE-DES-LANDES
ET SES PEINTURES MURALES
Par m. Joseph GHAPRON,
Membre correspondant de la Société Académique.
Au sommet du coteau qui domine vers sud k cours du
x^landy, ou mieux la !\landie (Mondia), ruisseau affluent de
l'Erdre, qui sépare, en Loire-Inférieure, les arrondissements
d'Âncenis et de Cliâleaubriant, se trouve l'iiumble village de
Sainl-Sulpice-des-Landes, déchu de son rang de clief-lieu
par le iransleri de la commune et de la paroisse au bourg
voisin, appelé la Barre-Davy.
L'église abandonnée s'élève sur l'un des côtés de l'ancien
cimetière, où subsistent encore une croix de pierre avec
Clirist archaïque et quelques tombes couvertes de dalles de
schiste. Cet édifice est demeuré l'unique spécimen du style
ogival de la région ; cette raison seule impose sa conserva-
lion. Son plan est un rectangle d'une vingtaine de mètres de
longueur sur six environ de largeur. La nef unique est
formée par deux murailles renforcées de contreforts et
réunies par deux pignons. La porte principale ouvre vers
l'occident, sous un cintre formé de claveaux de grès ferru-
gineux et de schiste. Une porte secondaire ouvre entre deux
contreforts dans la muraille méridionale, percée en outre de
deux fenêtres presque carrées, aux ébrasemenls et aux
meneaux de tuffeau polylobés, et d'une troisième, plus large,
sans doute agrandie au XVII* siècle pour éclairer le retable
monumental qui fut construil à cette époque. Le pignon
^285
oriental s'ajoure d'une fort belle fenêtre ogivale, l\ (Jeux
meneaux verticaux, s'épanouissant en trois qualrefeuilles
moulurés avec goût. Murailles et contreforts sont de maçon-
nerie ordinaii^e, sans aucune ornemenlation. Aucune inscrip-
tion ne donne la date de construction de celte église, que
l'on peut fixer approximativement au commencemeni du
XV*^ siècle, si l'on considère que la fenêtre du pignon est
rayonnante et de bon style, tandis que les deux autres,
flamboyantes, sont d'un dessin moins correct. Un humble
campanile en charpente recouverte d'ardoise, refait ou ajouté
au XVn« siècle, domine le pignon occidental. I.e pavé est
formé de dalles de schiste toutes disjointes, parmi lesquelles
nous n'avons vu aucune pierre tombale.
A la fin du XVII^ siècle, un majestueux retable, occupant
toute la largeur de la nef, fut construit un peu en avant du
mur du chevet, de manière à ménager, entre ce retable et
ce mur, une sacristie de quelques mèti^es cariTS. L'œuvre,
tout entière en tuffeau, se compose d'un portique dont l'en-
tablemefit est soutenu par des colonnes ioniques, renflées et
peintes en noir. Le fronton du centre est coupé pour laisser
place à une niche ouverte entre les deux colonnettes qui
supportent le fronton terminal. Les autres niches h coquilles,
entre des pilastres à rinceaux, avec tôles d'anges, contien-
nent les images anciennes de saint Sulpicc et de saint Antoine
le Solitaire, celui-ci accompagné de son fidèle compagnon.
La niche centrale possède une statue de saint Jean- Baptiste.
Partout se montre la décoration lourde du « ffrand siècle « :
guirlandes, angelots boutïis, flammes d'amorlissemenl, etc.
Deux belles portes h claveaux en bossage, percées sous les
niches latérales, donnent entrée dans la sacristie. L'œuvre
^esl gâtée [)ar des dorures et des enluminures faites en 1752.
Une charmante Vierge en pierre, enluminée, avec l'Enfant
couché dans ses bras, trône près de raulel.
^86
Le conlre-relable est un tableau, grossièrement peint sur
toile, représentant la légende de la Sainte- Face. Jésus tombe
sous la croix entre Simon de Cyrène, qui en soutient Textré-
milé inférieure, et Véronique, devant lui, tendant le linge
sur lequel s'est imprimé son visage sanglant. Derrière ces
principaux personnages s'agitent des hommes d'armes recou-
verts d'armures du moyen âge ; un groupe emmène les deux
larrons, dominé par un étendard aux lettres S. P. R. Au
premier plan, un autre groupe de femmes curieuses. Le
fond est rempli par le calvaire, monticule arrondi au sommet
duquel de petits personnages creusent la terre, au pied des
croix des larrons, déjà dressées. Au bas du calvaire, un
proconsul est assis sur un piédeslal.
Le retable, obstruant la fenêtre orientale, nécessita l'agran-
dissement des fenêtres ouvertes dans chaque façade : sous
celle du Midi, est une piscine ogivale.
Des longrines, dont les moulures indiquent le XV» siècle,
reposant sur les murailles, et reliées par des entrails avec
poinçons, soutiennent la charpente, dont la couverture a été
refaite récemment par ordre du Conseil général.
L'humble chaire en bois porte sur son abat-voix la date
1784.
Un très curieux baptistère roman est relégué dans un
angle sous le clocher. Il se compose de deux bassins creusés
dans un seul bloc de tufîeau, mais ayant chacun leur
piédeslal distinct. Le grand, octogonal extérieurement et
circulaire à l'intérieur, repose sur un piédestal octogonal ;
le petit, carré, est supporté par une colonnette cylindrique
avec base et chapiteau.
Mais tout s'évanouit, pour l'archéologue, devant les pein-
tures du XV* siècle qui couvreni les parois des murailles et
la voûte de terre sur lattis, peintures donl il ne reste malheu-
reusement qu'une faible parlie. CnW r<''ditice entier élail (irné
-287
de scènes reproduisanl de nombreux épisodes empruntés k
l'Ancien ou au Nouveau Testament, ou à l'Histoire ecclé-
siastique. Elles ont dû être couvertes en partie par le badi-
geon ; en d'autres endroits l'enduit est tombé par larges
placards.
Nous avons relevé l'ensemble de ces tableaux jetés sans
ordre apparent sur les murailles et sur la voûte. En voici la
nomenclature et la description aussi complètes que possible:
/. — Muraille septentrioîinle.
(La description commence par les scènes voisines de la
grande porte).
1. Deux femmes vêtues de rouge, assises, dont l'une tient
un livre ouvert sur les genoux. A leur di^oite était un person-
nage vêtu de rouge.
-2. Le Purgatoire. — Hommes et femmes nus, dessinés
au trait rouge, volant sur un fond rouge onde de fumées
grises.
3. Saint Evêque, vêtu de rouge, milré d'or, nimbé de
bleu, debout devant un autel sur lequel est posé un calice
d'or. Derrière lui, un personnage agenouillé, qui se
retourne.
4. Grande croix processionnelle, posée verticalement, sans
que rien ne subsiste de ce qui l'entourait. La croix est d'or,
le bâton bleu foncé.
5. Saint chevalier, cuirassé, nimbé d'or, tenant une
lance avec longue oriflamme rouge, qui s'enroule autour de
lui. A sa gauche, un personnage mitre, robe rouge, tunique
blanche à parements d'or. Le fond est couvert de rinceaux
rouges portant, à l'extrémité de leurs enroulements, des
fleurettes bleues.
6. Adam et Eve, complètement nus tous deux, sans indi-
cation de sexe. Derrière eux, esl une giande figure rouge ;
288
peut -être élail-ce le Père élernel. Un arbre sépare celle
scène de la suivanle.
7. Eve, nue, lenanl une pomme routée dans la main
(Iroile, el lendanl la gauche vers un arbre chargé de pommes
rouges, au Ironc duquel s'eiu'oule le Serpenl.
(Ici la fenêtre ouverle au XVll» siècle, puis louchant le
relabie, une scène effacée presque, au-dessus d'un placard
surmonté d'une croix).
8. La Résurrection de Lazare. — Jésus esl debout
devant une tombe ; derrière lui, une femme (cette scène esl
incomplète).
9. Jésus parmi les Pharisiens. — Des personnages sont
assis à une table. Ils trinquent el boivent, et sont coiffés de
chaperons rouges.
10. Cette scène esl derrière le relabie : trois personnages
sont agenouillés devant un autre vêtu de rouge et dont le
nimbe indique un saint.
//. — Muraille méridionale.
(La description commence par la scène voisine du pignon
oriental).
11. Le marché de Judas. — Le traître, nu-pieds, nu-
tête, les cheveux blonds et bouclés, est vêtu d'une robe noire
el d'un manteau rouge. A sa droite, se tient un personnage
vêtu d'une robe blanche ; à sa gauche, un autre vêtu d'une
robe noire el coiffé d'un chaperon rouge ; tous deux ont aux
pieds des poulaines blanches. Auprès, un quatrième person-
nage vêtu en partie de rouge, caché par le retable. Celte
scène est la mieux conservée, et les couleurs en sont plus
vives. Au bas esl restée l'inscriplion en lettres gothiques ;
C* ludas vendu noustre .9^. Celte scène el la suivante
sont derrière le retable.
l'i. (Celle scène esl placée au-dessous du n" 11). Une
289
femme agenouillée ilcvaut un prie- Dieu, porlanl un livre
ouvert, se retourne vers d'autres personnages ^ demi effacés,
tenant des phylactères à inscriptions gothiques.
13. La Cène. — A une table couverte d'une nappe et
chargée de plats, de vases, etc., se tiennent, assis sur des
escabeaux, le Christ et les Apôtres. L'ouverture de la fenêtre
au XVIl« siècle a emporté la moitié du tableau. Sept person-
nages seulement subsistent méconnaissables ; celui qui est
assis à l'extrémité de la table tient un couteau et porte
quelque chose à sa bouche. Ceux du premier plan se retour-
nent vers le spectateur.
14. La Fuite en Egypte (au-dessous de la Cène.) — Sur
un âne blanc, la Vierge vêtue de blanc, à la chevelure d'or,
tient l'Enfant vêtu de blanc. Devant eux, Joseph, vêtu de
rouge, conduit par une longue corde l'âne qu'il précède.
15. Le Baptême de. . . [?) (entre les deux fenêtres.) — Un
personnage est plongé jusqu'au cou dans une cuve jaune,
dont le contenu est rouge ; il reçoit sur la tête l'eau d'un
vase que verse devant lui un autre personnage nimbé de
rouge.
16. Saint Clair. — Entre la chaire et la porte du midi,
un personnage blanc est placé sous une inscription en carac-
tères gothiques: S. Cler.
N. B. — Les peintures des murailles ne descendaient pas
plus bas que la hauteur d'homme ; une bordure ornée les
soulignail sur tout le pourtour de l'édifice.
III. — Voûte septentrionale.
(La description des scènes commence par la gauche.)
17. (?) Trois personnages : à gauche, une femme (ou un
homme imberbe ?) robe grise, guimpe blanche, manches
rouges à gigots, — cheveux blonds. Devant, un homme nu,
la main gauche levée, dans la droite un vase en forme de
ciboire, rouge. Un arbre au Ironc rouge, feuillage verl, le
sépare de la femme mie qui le précède. Elle est dessinée au
irait rouge, tandis que l'homme est au irait noir. Celte
femme tend la main gauche vers un carlouche à lobes, à
fond noir, sur lequel se détache une figure d'enfant au trait
noir. Le fond du tableau est jaune semé de fleurons rouges.
18. Saint Antoine. — (Ce tableau domine le n° 17.)
Un personnage assis dans un lieu planlé d'arbres, barbu,
vêtu d'un manteau k large collet-pèlerine couvrant les épaules,
l'index posé sur un livre ouvert sur ses genoux et lisant, un
bâton jaune enlre les jambes. Un porc est h sa gauche, à
ses pieds. C'est évidemmenl Saint Antoine le Solitaire. Il
est dessiné au irait noir. Les arbres onl le ironc el les
branchages rouges el le feuillage vert. Le cochon est juste
au-dessus de la figure d'enfant du nM7. Le fond est jaune
semé de fleurons noirs.
19. La Résurrection. — Tableau à fond jaune, semé de
fleurs noires, à huit pétales. Le tombeau est rose h l'exté-
rieur ; l'intérieur est « rose fondu ». Dedans, à mi-corps,
Jésus, nu, tenant la croix de triomphe. Adossés au tombeau,
trois gardes dormenl, toul armés ; coiffés de différents
casques, tonnelets rouges el bleus, munis de différentes
armes d'hasl, lance, hallebarde, hache. Phylactère à inscrip-
tion gothique effacée.
'20. Les Saintes Femmes au sépulcre. — Un ange est
assis sur le couvercle en bâtière, posé transversalement sur
le lombeau rose. Cet ange lient en mains un phylactère
portant inscription en caractères gothiques illisibles. A
rexlrémilé du lombeau, les trois Femmes nimbées de rouge,
celle du milieu velue de rouge, remuent le linceul laissé dans
le tombeau. Le sol est noir, et porte une inscription gothique
sur fond blanc. Ce tableau suit la Résurrection el [>récède
les Aiiparitions.
291
Les Apparitions de Jésus, après sa résurrection, ë divers
personnages, suivent logiquement les scènes précédentes;
elles sont indiquées chacune par une inscription en lettres
gothiques, commençant invariablement : Cornent Dieu
apartil... (sic); la première de ces inscriptions, seule, est
complète et lisible.
21. Cornent Dieu aparut à sa mère. — (D'après les
Evangiles, Jésus apparut d'abord à Madeleine.) Jésus est
vêtu d'une robe blanche et d'un manteau rouge, avec nimbe
à quatre lobes inscrit dans un cercle. Marie a un nimbe, un
manteau rouge et une robe bleue. Au-dessous, l'inscription.
il% Apparition à Madeleine. — Celle-ci est agenouillée
aux pieds de Jésus, avec, auprès d'elle, le vase à parfums
traditionnel.
23. Apparition aux saintes Femmes. — Trois femmes,
dont Madeleine, vêtue de rouge, son vase à parfums à la
main, entre ses deux compagnes.
24. Apparition à saint Pierre, — Celui-ci, debout
devant Jésus, lient un livre dans sa droite, et sa clef symbo-
lique, démesurée, aussi longue que lui, sur son épaule
gauche. Inscription complète : Cornent Dieu aparut à saint
Pière (sic).
25. Apparition à... un personnage armé d'un long
bâton. Cette scène incomplète doit être l'apparition aux
disciples d'Emmaiis.
26. Apparition à... personnages aux portes de Jéru-
salem, représentée par des tours flanquant une porte. (Cette
scène est derrière le retable.)
27. Le Baiser de Judas. — Scène incomplète dont on
ne voit que la partie supérieure. Elle comprend neuf p(>rson-
nages. Jésus et Judas s'embrassent et se baisent. Jésus a un
nimbe el les cheveux blonds ; Judas a les cheveux noirs.
L'enduil est tombé précisémenl ii i'endroil des deux visages.
Derrière Judas est Pierre, reconnaissable à son nimbe et au
glaive qu'il lient en main. Les six autres personnages sont
des soldats armés et velus à la mode du XV^« siècle.
28. La scène qui suit est presque etlacée. Il reste un
personnage nimbé tenant un livre fermé sur lequel un autre
personnage met l'index.
'29. Une autre scène comprend deux personnages. L'un,
vêtu d'un long manteau, (un i)rôtre sans doute) portant un
livre tenu sur la poitrine par son bras droit, levant le gauche,
faisant face h un second personnage en chausses, tunique
serrée à la taille, bordée de fourrure noire, manches rouges
de la casaque sortant des manches de la tunique.
30. Le Christ devant Caiphe. — Le souverain sacrifica-
leur est assis dans sa chaire. Jésus est vêtu d'un'.' robe
blanche, deux personnages lui bandent les yeux. (Cette scène
a lieu chez Gaïi)he. Luc, XXIL) Au-dessous, l'inscription.
31. Le Christ devant Caïphe. — Jésus, les mains liées,
entre deux personnages vêtus à la mode du XV« siècle,
casqués, chaussés de souliers i\ poulaines ; l'un, armé d'une
massue. Le grand prêtre a un chaperon retombant sur
l'épaule.
3^2. Le Christ devant Hérode. — Les mêmes, plus
Hérode, assis sur un siège à dais, vêtu d'une robe à ramages
noirs. De l'inscription gothique, le dernier mot seul : Hérode,
est lisible.
33. Le Christ devant Pilate. — Le Chris! et ses deux
gardiens, plus Pilate dans sa chaire, l'index levé, une cou-
ronne sur la tête.
34. Le Couronneme)it d*épines. — (Le Christ est ramené
devant Hérode, du moins c'est Hérode qui figure dans cette
scène, bien que le couronnement d'épines ait eu lieu dans le
prétoire, cliez Pilate.) Jésus est assis au milieu des soldats,
tenant un roseau. De chaque côté, deux bourreaux le frappent
sur la tête.
r^5. La Flagellation. — Cette scène se passe devant
Pilate.
Le Ghiist est nu entre deux bourreaux armés de fouets à
trois cordes nouées. Ceux-ci ont des chausses et des tuniques
parties d'une couleur parties d'une autre. Le personnage
représentant Pilate est effacé.
(La scène suivante est cachée par le retable).
IV. — Voûte méridionale.
36. La Pentecôte. — Des douze apôtres, six seulement
sont visibles, mains jointes, pieds nus, nimbés de blanc, de
rouge ou de noir. De l'inscription qui souligne le tableau,
reste seul le mot : S. Thomas.
â7. Du Portement de Croix, qui suit, on ne voit bien
que le Cyrénéen, vêtu de rouge.
30. La Crucifixion. — Cette scène occupe toute la hau-
teur de la voûte, c'est-à-dire que le tableau égale en hauteur
deux des autres scènes superposées. La croix du Christ est
plus élevée que celles des larrons. Le mauvais larron, selon
qu'il est convenu, est tout contourné. A. la droite de Jésus,
un soldat lui perce le flanc ; à sa gauche, un autre lui
présente l'éponge. Deux femmes à genoux complètent la
scène. Madeleine (?) est reconnaissable à ses cheveux, d'un
blond un peu vif, flottants sur son dos ; elle est nimbée de
rouge, vêtue d'une robe rouge et couverte d'un manteau
bleu.
39. Apparition à Thomas. — Cette scène, oubliée sans
-iW4
doute par k peinlre, est placée dans un ericadreiiu'iil jaune
au-dessus du Crucifiemenl. Jésus découvre sa poitrine pour
montrer au disciple la plaie de son côté. Inscription gothique :
Cornent Dieu aparul à S. Thomas.
40. La Descente de Croix. — La scène est incomplète.
Suivent quelques fragments, dont Pun peut-élre représente
les Noces de Cana.
V. — Muraille du Chevet.
Au pignon oriental, de chaque côté de la fenêtre ogivale,
se voient d'autres peintures.
41. Du côté de l'évangile, la surface murale est presque
entièrement occupée par un gigantesque S. Christophe,
barbu, habillé de rouge, armé d'un bâton rouge, et portant
l'Enfant Jésus sur son épaule gauche. A ses pieds sont
d'autres enfants. Il gravit une colline rocheuse que domine
un arbre.
4'îi. Le Jugement dernier domine S. Christophe ; deux
anges vêtus de blancs, avec ailes rouges, reçoivent au ciel
de petits personnages nus, représentant les bienheureux.
43. Le côté de l'épîlre est moins bien conservé : se
reconnaît en bas une procession de personnages se dirigeant
vers un évêque.
N. B. — D'autres traces de peintures se voient encore au
pignon occidental, et même sous le clocher.
VL — Voûte.
De chaque côté de la ligne médiane du berceau en ogive,
deux rangées d'anges, opposés, jouent de divers instruments.
Ils sont long-vêtus de robes blanches, à bordure inférieure,
collet et bordures des manches rouge vif. Leurs ailes sont
roses. Leurs instruments, harpes, violes, sont jaunes. Us
S!95
perlent allernalivemenl des instruments et des phylactères ù
inscriptions gotliiques. Le fond est jaune semé de fleurons
rouges ayant la foruie de fleurs de lys et par endroits de
quintefeuilles.
Sur les murs, subsistent, ça et le», les croix, entourées d'un
cercle, du chemin de Croix. De petits pots de terre sont
encastrés dans les murailles, leur orifice à la surface ; ce
sont des pots acoustiques. Des oiseaux y ont fait leur nid,
leur donnant ainsi une nouvelle destination.
*
L'église de Ruffigné, près Ghâteaubriant, possède à la
voûte du chœur une « Juiverie » complète, avec la Glorifi-
cation du Christ ; l'espace couvert est ûioins considérable
qu'à Saint-Sulpice, et quoique ces peintures soient de la
même époque, la manière est beaucoup moins savante à
Ruffigné. On ne peut faire de rapprochements que pour le
choix des sujets et la naïveté de leur exécution. A Saint-
Sulpice, les tableaux sont mieux composés ; les personnages,
en nombre restreint, ~ irois, cinq, tout au plus, à part
quelques grands épisodes, — sont tous distincts et ne se
cachent pas les uns derrière les autres. Comme à Ruffigné,
le peintre n'a employé que peu de couleurs ; le rouge, qui
domine dans les vêtements et les nimbes, le bleu^ le jaune
pour les dorures, et le noir pour dessiner les contours. Le
vert n'apparaît que pour le feuillage des arbres. La compo-
sition de la Résurrection, à Saint-Sulpice, est identique à
celle de Ruffigné, mais mieux traitée ; les personnages sont
d'un dessin plus correct, quoique la plupart aient des pieds
et des mains d'une grandeur démesurée.
11 fallait une certaine érudition pour la composition de ces
scènes et un certain talent pour leur exécution ; les modiques
296
ressources de la pelilc paroisse (i) n'auraient pu suffire à
payer un artiste étranger, voire même du pays, sans même
tenir compte du temps dépensé à la confection d'une centaine
de tableaux, peut-être ; aussi sommes-nous tenté d'attribuer
cette œuvre picturale, qui nous paraît tout entière sortie du
même ceiveau, ci quelque moine des prieurés voisins de
Rocliementru ou de La Chapelle-Glain.
(') L'église de Saint -Sulpice était une fillette (succursale) d'Auverné.
NOTICE BIOGRAPHIQUE
SUR PAUL RENAUD
PAR M. Félix LIBAUDIÈRE
Paul Renaud, né le 1" avril 1818, sortit de Técole des
arts et métiers d'Angers, en 1833.
Il commença à travailler comme ouvrier dans divers
ateliers, à l'établissement d'Indret et en dernier lieu chez
Lolz aîné qui le chargea de diriger ses travaux de montage.
En 1846, il s'associait avec son camarade d'atelier,
Adolphe Lotz, et achetait le fonds du mécanicien Certain,
rue Boileau, qui s'occupait principalement des machines et
appareils employés dans les filatures et les tissages alors fort
nombreux dans le quartier Saint-Similien.
Les ateliers de Renaud et Lotz ne tardèrent pas à être
transportés rue de l'Industrie. En 1849, un chercheur plutôt
qu'inventeur vint confier à nos jeunes mécaniciens l'idée
d'appliquer la vapeur au battage des grains. Le battage au
tambour, qui a été toujours pratiqué jusqu'il nos jours, fut,
comme on le sait, introduit dans notre région par la Société
Académique, qui fit venir à ses frais un appareil d'Angle-
terre, et initia nos cultivateurs à son fonctionnement. Mais
l'opération du battage n'était pratiquée qu'à la main ou au
moyen de manèges.
Renaud et Lotz se rendirent aux raisons du novateur,
mais ils ne se sentaient pas en mesure et surtout en fonds
pour se risquer dans la construction d'un appareil dont on
leur donnait l'idée et non la commande.
20
298
Le désir de se lancer dans une application nouvelle de la
mécanique remporta sur toute autre considération, * et nos
jeunes constructeurs, en utilisant une vieille machine, en
mettant en état un train de routes sans emploi, combinèrent à
peu de frais un appareil qui leur semblait répondre au but
proposé.
Le type imaginé n\Hait pas celui qui a survécu jusqu'à
nos jours ; il comptait deux éléments séparés : la machine et
le batteur, et cela, tant par crainte d'incendie que par
suite des difficultés que présentait la solution du problème,
au point de vue mécanique.
L'appareil à battre était à peine construit qu'il partait pour
Saint-Père-en-Relz et pratiquait son premier travail le
1,9 juillet. Les résultats furent très satisfaisants et la machine
fonctionna jusqu'au mois d'octobre, sans discontinuer, dans
diverses localités de la région, et un brevet était pris par
eux ç\ la date du 10 août.
Cette application de la vapeur au battage des grains fut
immédiatement appréciée à sa valeur ; elle apportait, en
effet, dans les travaux de ferme un grand progrès, car on
en était réduit pour battre le blé, opération que l'on prati-
quait, soit au fléau, soit au rouleau, et à laquelle on ne
ppuvail se livrer qu'en plein air, de compter avec les intem-
péries de l'air.
L'atelier de la rue de l'Industrie devenait bientôt insuffi-
sant pour donner satisfaction aux commandes qui devenaient
de plus en plus importantes. Un atelier plus vaste était loué
rue Perelle, et, enfin, comme la clientèle, tant pour les
machines agricoles que pour les appareils mécaniques de
toutes sortes, augmentait toujours, Renaud et Lotz s'instal-
laient, en 1854, dans les locaux installés par Alliot pour ses
ateliers de construction, de réparation de bateaux à vapeur,
qui étaient devenus disponibles.
-299
Les récompenses les plus flatteuses les accueillirent dès leurs
premiers pas dans la carrière industrielle, et, chaque année,
les concours régionaux agricoles leur valaient de nouveaux et
plus importants succès. En 1859, au concours régional de
Nantes, c'était la grande médaille d'honneur.
En 1860, au concours international de Paris, c'était encore
une grande médaille d'honneur et le jury n'en avait que six
à distribuer.
En 1861, à l'exposition nationale de Nantes, la grande
médaille de l'Impératrice, la seule qui fût donnée à l'indus-
trie, leur était décernée.
Dans l'espace de dix années, l'établissement avait acquis
une notoriété de premier ordre et puissamment contribué à
créer dans notre ville un véritable centre de fabrication de
machines agricoles qui provoqua la fondation de maisons
similaires et détermina un grand courant d'affaires.
En 1861, l'association Renaud et Lolz arrivait à son
terme, et Paul Renaud resta seul à la tête de l'élablissement.
La maison ne se relâcha en aucune sorte des traditions qui
avaient présidé à sa création et, marchant toujours en tête de
la spécialité qui avait été l'origine de son développement,
elle voyait consacrer ses efforts par les plus hautes récom-
penses. En 1878, lors de l'Exposition universelle de Paris,
Paul Renaud obtenait, dans la classe de machines agricoles,
la médaille d'or et était promu chevalier de la Légion
d'Honneur.
Paul Renaud, bien qu'il garda toujours, comme aux premiers
moments de ses débuts, la direction immédiate et effective
de ses ateliers, n'en trouvait pas moins le temps de se
consacrer aux œuvres d'intérêt général.
L'école de la Société Industrielle, i\ laquelle il fut toujours
heureux de confier ses apprentis, le compta pendant de
longues années au nombre des membres de son Conseil
300
d'adminislralion el sa présence au sein du jury des concours
annuels était fort appréciée.
Le Comice agricole, la Société nantaise d'horticulture, la
Société des horticulteurs de Nantes trouvèrent en lui un
membre très dévoué, et loi^s des concours et des expositions
organisés par ces diverses sociétés, sa haute compétence
était mise à réquisition par les commissions chargées de
donner les médailles aux exposants de machines ou d'instru-
ments agricoles ou horticoles, et le désigna à maintes reprises
pour en être le Président.
L'acquisition du beau domaine de Bougon lui fournil
l'occasion d'utiliser ses loisirs dans les questions agricoles
el d'y appliquer son esprit dMnitialive et son entente du
travail.
Lorsque le phylloxéra vint exercer ses ravages dans la
régioH, il ne ménagea rien pour le combattre et prêta son
concours le plus entier aux expérimentations qui furenl
tentées. Aussi, lorsque le Comité central de défense et de
vigilance contre le phylloxéra fut institué, f(jt-il appelé ^ en
faire partie. La syndical anliphylloxérique de Sainl-Aignan
le choisissait pour son Président, et lorsqu'en 1892 les écoles
de greffage furenl organisées, la direction de celle qui fut
établie à la Persagotière lui fut confiée. Une école de greffage
fui établie par lui à Bougon.
La grande situation qu'il s'était acquise dans la région de
Bouguenais le désigna à tous les suffrages pour prendre en
main la fondation de la Société des courses de Bouguenais,
dont il fui le premier Président el dont, par ses démarches,
ses efforts, il facilita les premiers pas et décida ainsi le
succès qu'elles n'ont cessé d'avoir jusqu'à ce jour.
En 1879, lors de la formation du syndical des patrons de
l'industrie métallurgique de notre ville, ses collègues l'appe-
lèrent à occuper le poste de premier Vice-Présidenl, el
301
jusqu'au moment où, en 1889, il se relira des affaires, alier-
nant, par suite d'une disposiiion des statuts, avec l'honorable
M. Babin-Chevaye, président de la Cbambre de Commerce,
les fonctions de Président ou de Vice-Président du syndicat,
il sut donner une grande activité aux travaux du syndical
el l'autorité qu'il put acquérir fui la récompense de sa vigi-
lance et son dévouement.
En 18:^6, l'Union des syndicats du commerce et de
l'industrie se formai;. Celle union était formée par la réunion
des Présidents des divers groupements patronaux. Successi-
vement Président et Vice-Président, il donna dans ses impor-
tantes fondions loute la mesure de sa plus grande expérience
des affaires el de son zèle pour le bien public.
Paul Renaud n'avait pas oublié son école d'origine, et
lorsque l'Association nantaise des anciens élèves de l'école
des arts et métiers fut créée, il en fut nommé le Président et
conserva ces fondions jusqu'à son dernier jour. M. Bordillon,
vice-président de l'Association, payait sur sa tombe, au nom
de ses camarades, l'hommage de la gratitude de loute la
génération qui avait apprécié ses grandes qualités et son
inaltérable dévouement.
En 1889, il cédait son établissement à MM. Libaudière
frères.
L'heure de la retraite des affaires De fut pas, pour lui,
l'heure du repos. L'âge n'avait, chez Paul Renaud, entamé
ni raciiviié ni le désir de se dépenser pour les intérêts de
tous. La création du Syndical des propriétés immobilières
lui donna une nouvelle occasion de payer de sa personne.
Ce syndical l'acclamait comme son Président, el dans cette
organisation toute nouvelle, Paul Renaud sut montrer toutes
les ressources de son esprit d'initiative et de création. Lors
du Congrès organisé par ce syndical dans le mois de mai
dernier, il ne voulut partager avec personne la lourde tâche
qui lui incombait. Il assista assidûment aux séances de
travail, prit part aux diverses excursions et autres réunions
que comportait le programme du Congrès. Les fatigues qu'il
éprouva à ce moment ne furent pas étrangères à l'accident
qui le terrassa et provoqua sa fin.
Les habitants de la commune de Bouguenais, sur le terri-
toire de laquelle se trouvait son château de Bougon, ne
firent pas en vain appel à son dévouement, et il remplit les
fonctions de Maire de cette commune.
La Société Académique avait été honorée de le compter
au nombre de ses membres et, aujourd'hui, elle vient
payer à sa mémoire le tribut d'hommage dû l\ l'homme
qui, par son intelligence, son esprit de travail, sut se créer
dans notre ville une position des plus enviables.
La bienveillance qu'il mettait à rendre service k tous ceux
qui se réclamaient de lui, le dévouement et le zèle qu'il ne
sut jamais marchander aux œuvres dont nous avons déjà
parlé et à toutes celles plus modestes auxquelles il coopéra,
méritaient un remercîment solennel, et M. le Maire de Nantes,
dans le discours qu'il prononça sur sa tombe, tint à acquitter
celle dette sacrée.
ETUDE
SUR LA NAVIGATION INTÉRIEURE EN ALLEMAGNE
EN QUÊTK
Entreprise sous les auspices
■DE LA SOCIÉTÉ "LA LOIRE NAVIGABLE "
Par Louis LAFFITTE
Licencié es lettres, chargé de mission de W. le Ministre dn Commerce.
COMPTE RENDU PAR M. FÉLIX LIBAUDIE'RE.
Le Comité de la Loire ISavigable, dans le but de mieux
convaincre et de mieux éclairer l'opinion sur les résultats
que procurerait l'amélioration de notre beau fleuve, n'a pas
hésité à entreprendre une tâche des plus difficiles. Il s'est mis
à étudier les voies et moyens que l'Allemagne avait employés
pour transformer ses cours d'eau et pour les utiliser au plus
grand avantage de son commerce et de son industrie.
Au Congrès de Tours, une enquête en Allemagne fut
donc décidée. M. Louis Laffitle, muni d'une mission de
M. le Ministre du Commerce, était chargé de faire cette
élude. Il passa huit mois chez nos voisins d'Outre-Rhin, et,
grâce à l'accueil bienveillant qu'il trouva auprès des admi-
nistrations publiques et des particuliers, il composa un
ouvrage remarquable qui fut déposé au Congrès de Blois,
au mois de juin de celte année.
Cette œuvre forme la matière d'un volume de 206 pages.
Elle est divisée en deux parties, qui sont précédées d'un
court historique de l'organisation de l'enquête.
Trente feuilles de caries ou graphiques et plusieurs
dessins viennent ^ l'appui du texte et permettent de suivre.
304
avec plus de profit, les renseignements, tant géographiques
que slatistiqnes, qui forment la substance de l'ouvrage.
Dans la première partie, M. Laffitle étudie le développe-
ment des voies navigables en Allemagne et, dans la
deuxième, leur rôle économique. Gomme on le voit, le plan
de l'œuvre est très nettement dessiné. D'abord une étude
géographique et technique, puis une étude commerciale et
industrielle.
PREMIÈRE PARTIE
Les conditions hydrographiques des fleuves allemands
sont d'abord étudiées. La plaine allemande est l'objet d'une
description complète au point de vue de sa pente, de la
nature de son sol.
L'histoire des améliorations successives apportées aux
cours d'eau est présentée : travaux remontant au XIll« siècle,
organisation de syndicats pour les digues, loi sur les digues
en 1848, régularisation des lits au moyen des épis. Ce n'est
toutefois que dans les premières années du XIX* siècle
que la question entre dans une voie sérieuse. Des actes sont
passés entre les divers états riverains. Par suite de la concur-
rence due à l'établissement des chemins de fer, les prix de
transport, par voie d'eau, subissent une réduction et, pour
venir en aide h la batellerie, tous les droits fiscaux de navi-
gation sont d'abord réduits, puis définitivement supprimés.
Pour se concerter en vue des travaux d'amélioration, des
administrations sont établies pour les divers fleuves. En 1850,
l'Administration du Rhin est créée ; ei; 1866, celle de l'Elbe;
en 1874, celle de l'Oder; en 1884, celle de la Vislule.
Le cliapitre de construction des fleuves {Strombau) est
particulièrement intéressant. La Memel, la Vislule, l'Oder,
l'Elbe, la Weser, l'Ems, le Rhin, la Moselle, le Danube
sont, l'un après l'autre, l'objet d'une étude fort complète :
305
débits en hautes, moyennes et basses eaux, pente, mouillage,
état primitif du lit, travaux successifs de régularisation ou
d'approfondissement, sommes dépensées, résultats obtenus et
état actuel des conditions de navigation sont successivement
passés en revue et indiqués exactement. Pour la plupart de
ces cours d'eau, il a été dressé des cartes, permettant de
suivre les transformations successives par lesquelles ils
ont passé et les travaux auxquels ces transformations
sont dues.
La construction des canaux de jonction a été commencée
dès le XIV* siècle ; mais leur développement fut lent, et en
1688, on ne comptait que ^550 kilomètres de canaux pour
toute l'Allemagne.
De 1688 h 1786, il y avait une augmentation de 74^2 kilo-
mètres ; de 1786 à 1836, 782 kilomètres ; de 1836 à 1870,
889 kilomètres. Soit, en 1870, un total de 2,943 kilomètres,
avec 347 écluses.
Dès 1870, l'étude d'un réseau complet de canaux reliant
les principaux fleuves fut commencée, et, de 1877 à 1882,
on élabora un plan d'ensemble dont, à l'heure actuelle, l'exé-
cution est très avancée. La statistique de l'Empire, pour
1898, accuse 13,925 kilomètres de voies navigables, dont
près de 5,000 sont accessibles aux bateaux de 400 tonnes.
On estime qu'en 1900 la longueur des voies navigables
allemandes aileindra 15,199 kilomètres.
Il y a lieu de noter les dimensions des écluses qui sont
bien supérieures à celles adoptées pour les canaux français.
Cq Allemagne. En France.
Largeur au plafond lô'" à 18"" lO'"
Largeur des portes 7 à 8 60 5 20
Longueur utile 57 à 67 88 50
Moindre profondeur 2 50 à 3 2
Hauteur sous les ponts 4 3 70
306
Un chapitre consacré aux péages prélevés sur certains
canaux termine celte première partie. Ces taxes, dites
Schiffahrtsabgaben, ne sont pas établies d'une façon géné-
rale, ni môme uniforme, et elles sont perçues de telle sorte
qu'elles ne doivent jamais excéder les sommes nécessaires h
l'entretien des ouvrages qui en sont l'objet.
DEUXIÈME PARTIE
Cette deuxième partie, inlitulée : le rôle économique des
voies navigables en Allemagne, débute par un chapitre
qui traite du développement économique de l'Allemagne, de
1871 à 1897. Quelques chiffres sont intéressants à men-
tionner. De 1871 à 1897, la population de l'Allemagne a
passé de 40,997,000 à 5^2,663,000 d'habilants. Depuis 1873,
son commerce intérieur a augmenté de 60 %• De 1885 à
1896, le tonnage du commerce général a monté de 64 %•
De 1873 à 1897, la longueur des voies ferrées a presque
doublé et la quantiié de marchandises transportées s'est
accrue de 90 «/o- Le trafic par voie fluviale a réalisé une
augmentation de 800 %.
La batellerie est ensuite l'objet d'une élude très détaillée.
On décrit ce qu'elle était dans les siècles passés, puis on la
montre se transformant au moment de l'apparition des che-
mins de fer. Des syndicats et des associations de bateliers
se forment, des sociétés par actions se montent. Actuellement
on peut citer 12 puissantes sociétés, possédant "212 bateaux à
vapeur et 730 chalands. La principale de ces sociétés. Die
Ketle, 0 la Chaîne »j, de Dresde, a un mouvement d'affaires
de 75 millions de francs. Le métier de batelier n'est plus
exercé par le premier venu, sans garanties, ni contrôle. Dès
1821, certaines notions étaient déjà requises pour être bate-
lier sur l'Elbe ; mais, depuis cette époque, des examens véri-
tables ont été institués par des règlemenis successifs. Dès
307
1855-56, des écoles furent fondées et, maintenant, il en
existe dans une trentaine de localités riveraines des différents
fleuves. M. Lafïilte donne le programme des cours des deux
années d'études de l'école de Furslenberg, aux leçons de
laquelle il a eu l'occasion d'assister.
Le matériel de la batellerie a subi une transformation
considérable. En 1870, les bateaux du Rhin étaient presque
tous en bois et atteignaient rarement 5 {\ 600 tonnes.
Aujourd'hui, des bateaux d'acier de plus de 80 mètres de
longueur, et dont quelques-uns portent 2,000 tonnes, remontent
jusqu'à Cologne. On parle même de construire, pour une
compagnie de Ruhrort, un chaland qui porterait de 8,700
tonnes à 4,000 tonnes. Sur l'Elbe, les bateaux de 1,000 tonnes
vont couramment à Magdebourg.
Ces exemples montrent combien est complète la transfor-
mation du matériel fluvial. Les procédés de traction, qui
sont presque exclusivement le remorquage et le louage,
sont étudiés dans un chapitre spécial et examinés au point
de vue de l'application qu'on fait de l'un ou de l'autre sys-
tème à la navigation sur les divers cours d'eau.
Des bateaux de plus de 80 mètres de longueur, de 2'°,96
d'enfoncement et portant plus de 2,000 tonnes, remontent
jusqu'à Cologne. Sur l'Elbe, des bateaux de 1,000 tonnes
atteignent Magdebourg. Ces deux exemples suffisent pour
donner une idée de la transformation. Les conditions dans
lesquelles on emploie soit le remorqueur, soit le louage, sont
citées au point de vue de l'application de l'un ou de l'autre
système sur les divers cours d'eau.
Les ports intérieurs et les gares fluviales sont arrivés à un
développement considérable. Ruhrort, sur le Rhin, a eu, en
1897, un mouvement de plus de 9 millions de tonnes,
dépassant celui de tout autre port européen. Ses bassins
occupent une superficie de 100 hectares. Ses quais présentent
308
un développemenl de 80 kilomètres. Des cartes nous repré-
sentent Ruhrort en 1825, 1853, 1868, 1890. Les améliora-
lions et développements dont Dusseldorf, Cologne, Mayence,
Manheim, Strasbourg, etc., ont été l'objet, sont examinés.
Plusieurs tableaux donnent les prix des transports par
voie fluviale pour diverses catégories de marchandises.
A titre d'exemple, citons ceux de Hambourg à Dresde,
565 kilomètres, qui sont, par chalands ordinaires et pour
marchandises pondéreuses, de moins d'un centime, et pour
colis divers, par service régulier de vapeurs-porteurs accé-
lérés, de 0 cent. 318, en moyenne, par tonne kilométrique.
Un document fort intéressant à consulter, en même temps
que très pratique, est le chapitre oii l'on donne le calcul du
prix de revie"^nt du transport par chalands remorqués. Les
frais de toute nature sont analysés avec un soin et une
exactitude si grands que des formules mathématiques ont pu
être établies pour donner, sur chaque fleuve, le prix moyen
du fret pendant toute une année.
Citons encore un appareil des plus ingénieux inconnu
chez nous, mais qu'on trouve aujourd'hui dans presque tous
les ports intérieurs allemands, c'est l'horloge d'étiage.
Un cadran, divisé au décimal, sur lequel se meuvent des
aiguilles actionnées par un mouvement qui marche au
moyen d'un flotteur, indique au batelier, en mètres et cen-
timètres, la hauteur du plan d'eau au-dessus ou au-dessous
de zéro. Ces appareils, connus sous le nom de Pegel-Uhr,
ont parfois un aspect assez monumental.
M. Lafïitte n'a point oublié de se préoccuper d'un élément
de dépense qui a son iniportance. Il donne un extrait du
tarif général établi en mars 1896 pour les transports
par eau.
Le commerce fluvial est l'objet d'un chapitre fort intéres-
sant. Quelques chitîres doivent être cités. Breslau, sur
309
l'Oder, a vu le mouvement de sa batellerie monter de
478,000 tonnes de marchandises, en 1885, à 1,934,000
tonnes en 1897; Schandau, sur l'Elbe supérieure, 460,000
tonnes en 187i-75, et 3,153,000 en 1897; Hambourg,
1846 à 1850, 458,000 tonnes et 5,57^2,000 en 1897 ; Berlin,
sur la Sprée, à l'entrée ^2,750,000 tonnes en 1873-75 et
4,784,000 en 1897 ; Brème a passé de 177,000 tonnes à
715,000. Le tonnage pour les six fleuves : Rhin, Weser,
Elbe, Oder, Vistule et Memel, a été, en 1875, de 1,750,000,000
tonnes kilométriques ; en 1885, de 3,500,000,000, et, en
1895, 5,920,000,000.
Neuf villes : Kœnigsberg, Breslau, Berlin, Hambourg,
Cologne, Duisburg, Manheini, Ludgwigs, Haven, Francl'orl-
sur-le-Mein, ont particulièrement profité de ce développe-
ment de la batellerie. Leur trafic total s'est élevé à
25,721,000 tonnes en 1880, à 37,411,000 en 1893, corres-
pondant à une augmentation de 2,978,000 tonnes pour les
chemins de fer desservant ces neuf villes. L'intensité de la
circulation sur les voies d'eau et sur les voies ferrées, de
1875 à 1895, s'est traduite par une augmentation, pour le
tonnage ramené au parcours total, de 44 "/o sur la voie
ferrée et de 159 % sur la voie d'eau.
Le rôle de la batellerie dans le développement industriel a
été considérable. La production de la houille, grâce aux
facilités nouvelles que la batellerie a fournies à celte industrie,
s'est élevée à 990,000 tonnes en 1840, à 48,423,000 tonnes
en 1897, pour le bassin du Rhin, et de 558,000 à 20,636,000
pour le bassin de la Silésie. L'augmentation du personnel
ouvrier, dans les industries qui empruntent la voie d'eau
pour leurs transports, s'est élevée de 2,200,000 ouvriers, de
1882 à 1895.
La coopération de la batellerie au développement du
commerce maritime n'a pas été moins importante. Le mou-
310
vemenl du port de Hambourg est remarquable ^ cet égard.
Pour les deux années réunies 1895-1896, les importations
se sont élevées à 13,472,000 tonnes, dont 5,217,000 ont
pris la voie fluviale pour pénétrer dans Tintérieur, et
1,764,000 seulement ont pris la voie ferrée.
En terminant, M. Laffitte estime à 67,500,000 marks, soit
près de 85 millions de francs, l'économie nette annuelle
réalisée, par remploi des voies d'eau, sur le coût des trans-
ports.
fj'analyse sommaire que nous venons de présenter vous
donne une idée de la masse de documents que l'enquête du
Comité de la Loire navigable a su se procnrer. Ce travail,
tant par la variété et la précision des renseignements que
par l'esprit de méthode qui préside à leur mise en lumière,
constitue une œuvre magistrale, qui fait le plus grand
honneur ë nos dévoués contîitoyens. Elle leur vaudra, sans
aucun doute, une nouvelle et plus ample conquête de l'opi-
nion en faveur de l'œuvre considérable et d'intérêt national
dont ils poursuivent l'exécution.
LES BIENS
DE L'ÉGLISE DE NANTES
ET
LA CHARTE DE LOUIS LE GROS
Par m. ORIEUX.
Compte rendu par M. Félix LIBAUDIÈRE.
Noire érudil collègue M. Eugène Orieux a fait hommage
^ la Société Académique de la brochure intitulée : Les biens
de l'église de Nantes et la charte de Louis le Gros. Nous
en rendons compte.
Un chapitre préliminaire a pour litre : Les biens de l'église
au Moyen- Age. Dans ce chapitre, M. Orieux montre les
conditions dans lesquelles, depuis la conquête des Francs
jusqu'au XII« siècle, l'église des Gaules lui mise en possession
de ses biens et de ses prérogatives. Il cite Tédit de Glotaire II,
en 614, le modifications apportées par Charles Martel, les
empiétements de Charlemagne au point de vue de la nomi-
nation des évoques par les Souverains. L'histoire du diocèse
de Nantes est l'objet d'une mention toute spéciale et les
vicissitudes par lesquelles elle passa sous la domination des
Normands, des Bretons sont passées en revue.
Nous arrivons à l'objet principal de la brochure. Au com-
mencement du XII« siècle , le diocèse de Nantes était
gouv-erné par l'évêque Brice, actif, énergique, qui prit à
cœur les intérêts de son église et de son clergé et ne
312
craignit pas de s'opposer à certains envahissements des
moines. Douloureusemenl affecté par les perles que l'église
avait subies pendant et depuis les invasions normandes et
voulant tenter de les réparer, il fît en H28 un long voyage
pour implorer le roi de France Louis le Gros. Il le rencontra
à son palais de Lorriaci (Lerris, déparlement du Loiret), et
lui demanda le rétablissement des biens dont les évoques
avaient eu la garde.
Touché par la requête qui lui était présentée, Louis
le Gros accéda à la demande de l'évéque Brice. « Nous
» ordonnons, dit la charte ainsi octroyée, que l'on sache
» que nous confirmons l'église dans les biens qui avaient
» été donnés par les rois h la^ sacrosainle église des apôlres
» et qui ont été possédés par les prédécesseurs de Brice,
» Félix, Pasquier et autres vénérables évêques du même
I» siège, nous ordonnons qu'il soit possédé par lui et tous
» ses successeurs par notre privilège, par droit perpétuel ».
Suit la liste de ces biens, qui sont groupés sous 84 numéros.
Chacun d'eux est porté sous le nom latin de la charte et
la iraduclion française en est donnée. Pour la plupart
d'entre eux M. Orieux présente une étude critique au point
de vue historique et archéologique. La plupart se trouvaient
sur le territoire du diocèse même : à Vertou, Ghéméré,
Sainl-Viaud, Le Pallel, Saint-Julien-de-Goncelles, Montrelais,
Besné, Guémené-Penfao, Conquereuil, Béré, Soudan, Erbray,
Juigné-les-Moutiers, Blain, Issé, Nozay, SatïVé, Abbarctz,
Moisdon, Sainl-Julien-de-Vouvanles, Varades, Teille, Ligné,
Mauves, Thouaré , Saint-Mars-du-Désert , Gasson, Sucé,
Trcillières, Orvault, Nort, Saulron, Indre, Carquefou, Saint-
Etienne-de-Montluc, Portechaise et Rezé, Sainl-Géréon,
Petit-Mars, Anelz ; les églises de Saint-Similien, Saint-
Donatien et Rogatien, Saint-Cyr et Sainte-Julille, Notre-
Dame , Saint-Çlémenl , Saint- André-de-Nanles. L'évêché
313
possédait eiili-e outre des domaines dans les diocèses de
Luçon, d'Angers et de Rennes.
Un tableau récapitulatif donne le détail de ces biens par
nature. H y avait donc trois monastères avec leurs dépen-
dances, une résidence de l'évêque, trois châteaux, trente-
cinq paroisses seules, deux paroisses avec l'église, une demi-
paroisse avec l'église, une paroisse avec forêt, une avec île,
une avec les eaux, une partie de paroisse, dix églises, une
île, quatorze villages ou prieurés, cinq domaines dans les
diocèses limitrophes, une église à Orléans et en outre les
revenus des ports de Rezé et de Chaise, le monopole sur deux
navires et la moitié du droit de Tonlieu dans la ville de
Nantes. Le Tonlieu était le droit perçu sur toutes les
marchandises entrant en ville ou se vendant sur les places
et marchés.
Une carte géographique du diocèse et d'une partie des
diocèses limitrophes, avec inscription à l'encre rouge des
lieux cités dans la charte, permet d'embrasser d'un coup
d'œil l'en-^emble des domaines dont elle parle.
M. Orieux estime qu'au moment oii l'évêque Brice adressait
sa requête, le diocèse de iNantes n'avait en sa possession
que il9 et au plus ^S des 84 fiefs domaniaux énumérés dans
la charte et il donne la liste des seigneurs qui détenaient
indûment ceux que réclamait l'évêque.
Un annexe nous initie aux transformations que les noms
latins qui figurent dans la charte ont subies dans leur
orthographe pour arriver aux dénominations actuelles.
La brochure se termine par une étude critique plus
approfondie sur plusieurs localités citées dans la charte qui
sont l'objet de controverses : Cariacum, qui n'est autre
que Ghassay en Sainte-Luce, résidence des évêques jusqu'en
1790. Windunel, qui devint Vidunitam, liethené, puis
Bosné en Ponlchâteau. Mouaslerium Leyum, Monasler-lé,
21
314
Monlrelais. Porlum Cnrchedrarum el Portum Raciaci cum
tribus miliariis sursum et lotidem deorsum : Porlechaisc
et porl de Rezé avec trois mille à l'amont el autant h
l'aval.
La Société Académique adresse à son distingué collègue
ses bien sincères félicitations pour le travail consciencieux
et scrupuleux auquel il s'est livré et pour les intéressants
documents qu'il à su habilement mettre en lumière pour
l'enseignement de notre génération.
NOTICE NÉCROLOGIQUE
SUR
Madame ADINE R IO M
Membre de la Société des Genv de Lettres ,
Officier d'Académie ,
Pal' Julien TYUION, vice-président.
Messieurs,
On marche lentement en gravissant la roule,
Tout est grâce, parfum, bonheur, rayonnement ;
L'âme n'a combattu ni l'ombre ni le doute,
On arrive au sommet, et là, rapidement,
Le frisson nous saisit, la pente nous entraîne,
Les jours, les mois, les ans, toute la vie humaine
S'etïeuille à droite, à gauche, et tombe sans effort ;
Gomme un tronc dépouillé, nous roulons dans l'espace
Et nous sentons vivant dans l'être qui s'etïace
■ L'horrible attraction du gouffre et de la mort (').
Ainsi chantait M"« Adine Riora, l'écrivain sincère et délicat
dont la Société Académique déplore aujourd'hui la perle. Il
semble que, depuis quelque temps déjà, M"« Riom avait
comme le pressentiment de sa fin prochaine. Cependant,
lorsqu'en 1895, je vous communiquais une élude sur les
w Adieux », la dernière œuvre qu'elle devait faire paraître,
malgré le litre attristant qu'elle avait choisi pour ce volume,
je vous faisais part de mon espoir de la conserver encore
(1) Les Adieux.
316
pendant de longues années parmi nous. — La mort, qui
frappe au hasard, devait bientôt dissiper nos illusions, en
enlevant à Taffection de sa famille et à noire respectueuse
admiration noire éminente Sociétaire.
Depuis longtemps. M"" Riom, sous les pseudonymes de
Comte de Saint-Jean et de Louise d'Isolé, s'était acquis, h
juste titre, pariiculièremenl en Bretagne, la réputation d'un
poète inspiré. Bien des jours se sont écoulés depuis que, pour
la première fois, jentcndis proclamer le nom de Louise
d'Isolé. J'avais vingt ans alors, c'était au théâtre de la
Renaissance, lors de la distribution des prix d'un concours
que la société « La Pomme » avait organisé à Nantes,
concours auquel mon ami, M. Caillé, avait pris part et où il
obtint une première médaille pour son charmant sonnet sur
Elisa i\lercœur. — Louise d'Isolé avait présenté une pièce
sur le Mont-Saint-Michel ; elle remportait un prix, et Charles
Monselet, notre compatriote, faisait l'éloge de son talent.
Depuis, j'eus souvent l'occasion de lire ses vers tout
remplis de passion ardente et de foi exaltée. A chaque lecture,
il me semblait entendre comme un écho de la plainte éter-
nelle de l'Océan, et ses poésies exhalaient un parfum de
landes et de bruyères en fleur.
Je vous ai dit, Messieurs, tout le bien que je pensais de
son volume des »> Adieux », édité en 1895, dont Kugène
Manuel avait écrit la préface (»). Je ne puis, après des
maîtres tels que Jules Janin, Pitre Chevalier, Saint-René
Tallendier, Henri de Bornier, Philippe Dauriac, Claveau,
J. Levallois, Emile Blémont, Blanchemain, pour ne citer que
ceux-là, faire ici l'éloge des œuvres de notre regrettée
Sociétaire. Le Journal de l'Instruction publique, La
Gazette rose. Le Monde illustré, La Revue contempo-
(1) Annalet de la Société Académique, 1895.
317
raine, L'Almanach de la Littérature, du Théâtre et des
Beaux- Arts, La Revue des Deux-Mondes, Le Moniteur,
Le Correspondant, Le Rappel, Le Nord, La Revue bri-
tannique. Le Monde ont, dans des articles élogieux,
consacré le talent de noire muse nantaise (i).
C'était du pseudonyme de Comte de Saint-Jean qu'elle
signait les premières œuvres qu'elle adressait à divers écri-
vains célèbres. Et, souvent, le confident ne parvenait pas à
deviner que ces vers énergiques et sonores émanaient d'une
plume féminine, et que les idées ardentes ou généreuses
qu'ils exprimaient étaient nées dans un cerveau de femme.
On raconte même qu'un Révérend Père, avec lequel corres-
pondait le Comte de Saint-Jean, vint à Nantes, dans le but
de connaître ce poète. Ce fut M™» Riom qui le reçut dans
son charmant salon carré du boulevard Delorme. La surprise
du Révérend fut telle qu'il fut longtemps, dit-on, à lui
pardonner de l'avoir trompé sur son état-civil.
En même temps, Louise d'Isolé éditait des poésies dans
lesquelles vibraient ou la croyance et la loi du pays celtique,
ou la plainte d'une âme passionnée et chaste, dans des
élégies comparables h celles de Mn>« Desbordes-Valmore.
Ce ne fut que plus tard, lorsque le Comte de Saint-Jean
et Louise d'Isolé eurent atteint une certaine célébrité,
lorsque M™* Riom fut devenue veuve et grand'mère, que
notre poète consentit a sortir enfin de son obscurité volon-
taire et à faire paraître ses œuvres sous son vrai nom. Je
laisse ici la parole à Eugène Manuel, dans un passage de sa
préface des « Adieux».
« Un jour, enfin, M"^ Riom se fit connaître et prit au
» grand jour le nom sous lequel vivront ses vers. C'est assez
» tardivement que nous vîmes pour la première fois à Paris
(1) Le Salon de yl/mc niom, par M. Dominique Caillé.
818
» el que je reçus la visite de rinlelligente el aimable femme
» que Lamartine et Victor Hugo avaient saluée poète, dont
») Montaleraberl, le P. Gratry el d'autres illustres person-
» nages avaient apprécié le noble et religieux talent, et que,
» Eugène Loudun, après la lecture du volume « Passion »,
» avait appelée une « Sapho baptisée ».
» Quand M™» Riom se décida à revendiquer pour elle des
0 succès dont elle n'avait joui que sous des masques d'em-
» prunl, elle était veuve et grand'mère. Les cheveux gris, la
I) taille petite et frêle, la physionomie {\ la fois énergique el
<» fine, le regard pénétrant, mais l'allure timide et réservée,
« telle je la vis a cette première rencontre, telle elle est
» restée. Elle semblait se retirer, se confiner en elle-même,
» se dérober encore aux éloges, quand elle ne pouvait plus
»> se soustraire h la notoriété. Mais quand elle prenait
» confiance, quand elle sentait la sympathie autour d'elle,
•> quand elle se hasardait à lire ses vers, c'était la vie, la
» chaleur et l'enthousiasme. »
Telle elle était alors, telle l'a reproduite le ciseau d'Alfred
Caravaniez.
Les palmes académiques étaient venues, entre temps,
couronner sa carrière d'écrivain cl la Société des Gens de
Lettres l'avait admise au nombre de ses membres. Mais les
succès qu'elle obtint la laissèrent sans vanité ; elle sut
demeurer simple et bonne ; sa porte était toujours grande
ouverte aux amis des lettres, et jamais elle ne refusait un
conseil ou un encouragement.
Dans le « Salon de M™» Rîom », M. Dominique Caillé
nous a initiés aux soirées délicieuses passées en sa compagnie.
Dans ce salon d'autrefois, tous les écrivains de notre province
et plusieurs hommes célèbres de Paris : MM. le vicomte de
la Villemarqué, de l'Inslitut ; Eugène Manuel, Joseph Rousse,
Emile Péhant, Robinol-Rerlrand, Eugène liambert, Olivier
819
Biou, l'abbé Pétard, Eaiile Oger, Frédéric Blin, Honoré
Bronlel, Louis Tiercelin, Louis Fréchelte soin venus tour à
tour écouler ses vers et réciter les leurs, charmés par sa
grâce exquise et sa bonté.
A côté de Brizeux, d'Elisa Mercœur et de Boulay-Paly,
M™^ Riom aura sa place au panthéon de la poésie bretonne.
Le poète dépose dans ses œuvres le meilleur de son âme; en
relisant ses vers, nous y trouverons, Messieurs, des exemples
et des conseils, et son esprit sera toujours présent parmi
nous .
Julien TYRION.
10 octobre 1809.
LE GÉNÉRAL
DE LA PAROISSE DE BATZ
1732-1738
PAR M. ORIEUX.
Compte rendu par M. Félix LIBAUDIÈRE.
Dans sa brochure : Le Général de la paroisse de Batz,
1732-1788, M. Orieiix nous inilic au fonclionnemenl de
celle inslilulion. Les Irois communes acluelles du Croisic,
de Balz el du Pouliguen ne formaienl avanl 1763 qu'une
seule paroisse sous le nom de Balz et qui était administrée
par deux Conseils élus : l» la communauté de ville du
Croisic et de la paroisse de Balz, qui avait dans ses atlri-
butions les travaux des ports du Pouliguen et du Croisic el
la nomination du miseur ; 2° le général de la paroisse de
Batz.
Le nom de Général de la paroisse s'appliquait h l'en-
semble des habitants notables aussi bien qu'aux membres
du Conseil réunis en assemblée. Les réunions comprenaient
généralement une vingtaine de membres. Le nombre de ces
réunions était variable. Il fut de dix-sept en 1733, de dix
en 1734, de cinq seulement en 1735.
Le Général faisait administrer les affaires de la paroisse
par deux marguilliers qui géraient les affaires de la paroisse
conformément à la décision du Général. Us s'occupaient
des travaux et réparations à faire aux églises, aux pres-
bytères et cimetières, ils réglaient les places des prêtres
321
de chœur souvent vacantes, donnaient leur avis sur les
messes de fondation. Ils acceptaient les dons, les rentes
en nature ou en argent ; ils louaient les biens fonciers, ils
plaçaient l'argent en rentes non sans avoir fait appel à la
concurrence pour obtenir un plus grand revenu. Us repré-
sentaient la paroisse lorsqu'elle avait des procès. Au sortir
de leur charge ils dressaient un inventaire des ornements
des églises et le faisaient reconnaître de leurs successeurs.
La durée de leurs fonctions était de deux ans. Leur
élection avait lieu le lendemain de Noël et les élus entraient
en fondions le 1" janvier. Ces fonctions toutes gratuites
étaient loin d'être une sinécure, comme on peut s'en con-
vaincre par l'historique que trace M. Orieux du Général.
Notre distingué collègue a compulsé le registre des déU-
béraiions que M. l'abbé Clénet, curé du Croisic, a mis à
sa disposition, et nous empruntons à son travail quelques
faits qui nous font assister à la vie de celte institution.
En 1731, les deux marguilliers, sur l'ordre du Général,
dressent un étal du temporel des églises de Saint-Guénolé
de Balz et de Nolre-Dame-de-Pitié du Croisic. Ce temporel,
provenant de dons et d'acquisitions, consiste en 158 œillets
de marais salants, représentant environ 12 hectares, 166
livres de renies sur maisons, terre et jardins, 72 livres de
renies franchissables par 1,300 livres de capital, 2,800 livres
à placer en rentes, 3 sillons de terre, 1 maison rue des
Cordiers, 1/3 de logis et jardin, 1 jardin, 58 sillons de
pré.
Le 8 février 1833, communication est faite par le premier
marguillier au Général d'un mandement portant, entre autres
prescriptions, le règlement des honoraires du clergé et des
droits des fabriques du diocèse. Certaines de ces prescrip-
tions étaient préjudiciables à la fabrique et le Général invita
le (.iiemier marguiller « h se donner l'honneur • d'écrire
au seigneur cvêque pour lui demander la liberté de suivre
l'ancien usage.
Une demande de 3,259 livres 11 sous fui, en février 1736,
adressée aux marguilliers par mandement des commissaires
des Etats de Bretagne pour Vimposition du dixième du
revenu des biens ruraux de la paroisse.
L'assemblée du Général, réunie le ^6 février, décida que
le maire syndic de la ville du Groisic el les commissaires
nomujés par la communauté procéderaient à la répartition
du dixième selon l'usage el que le montant du rôle serait
payé aux bureaux indiqués dans le mandement. On voit que
le Général el la communauté étaient chargés de la percep-
tion des contributions levées au profil du Roi.
Ces deux corps avaient également la mission d'opérer la
rentrée des impôts concernant la communauté et la
paroisse.
La paroisse se trouvait créancière d'une somme de 2,866
livres 8 sous 6 deniers, par suite d'un emprunt contracté
en 1702. Le Roi, par arrêt rendu en Conseil d'Etal, avait
ordonné que la somme serait payée et avancée par le
miseur sous forme d'emprunt sur les fonds de la ville el
communaulé et qu'elle serait remboursée en 1736 el 1737
par portions égales, au moyen d'une levée spéciale faite sur
tous les habitants et propriétaires des maisons el héritages
situés dans la ville du Groisic, exempts el non exempts,
privilégiés et non privilégiés. La communaulé de ville que
celle affaire concernait était invitée à nommer quatre anciens
notables pour répartir ladite somme entre les contribuables,
à faire vérifier les rôles et les rendre exécutoires par l'inten-
dant el enfin k en faire opérer les recouvrements par des
collecteurs de son choix.
3'i3
Nous voyons le Général, le 15 juillet 1736, nommer pour
une nouvelle période de neuf années l'organiste des églises
de Balz et du Croisic, et le 25 novembre approuver, pour une
durée de sept années, le marché concernant l'entretien et
le rétablissement des tombes de l'église de Balz.
D'importantes réparations étaient devenues nécessaires à
l'église de Batz et le Général, à la suite d'une ordonnance
du 30 juin rendue par l'intendant de Bretagne, prend, le
1-2 août, une délibération dans laquelle il approuve le devis
des travaux à exécuter pour la maçonnerie, le pavage, la
charpente, la couverture, la plomberie, la menuiserie, le
vitrage et qui montait à la somme de 23,050 livres. Les
travaux furent portés à la connaissance des entrepreneurs
par des publications et des affiches à Rennes, Nantes,
Vannes, Le Croisic. Les concurrents durent être nombreux
car le travail fut adjugé, avec un rabais de 32 %, à un
entrepreneur de Redon, soit pour la somme de 15,800 livres.
Par arrêt du 26 mars 1737, le Roi approuva l'adjudication
et ordonna que la somme de 15,800 livres serait imposée
et levée sur tous les habitants et sur tous les propriétaires
des biens fonds situés dans l'étendue de la paroisse. Pour
se conformer aux stipulations de l'adjudication le Général
désigna, le 19 mai, sept commissaires pour examiner les
travaux et les matériaux et aussi sept égailleurs pour
procéder h la répartition du rôle des contributions. Le 2 juin
il fut procédé à la désignation de 22 collecteurs, 8 pour
le Croisic, 12 pour Batz, 2 pour le Pouliguen, chargés de
la perception de ces contributions. La surveillance des
travaux fut très pénible. L'entrepreneur ne remplissait pas
les conditions de son marché, les matériaux étaient de
mauvaise qualité et les acomptes verses dépassaient la valeur
des travaux exécutés. Lors de la nomination des nouveaux
324
raarguilliers, le 26 décembre 1738, le Général n'élail pas
arrivé à en terminer avec ces difficultés.
M. Orieux en terminant rappelle que le Général de la
paroisse fui, en 1790, remplacé par le Conseil municipal
de la commune, et consacre quelques mots aux transfor-
mations qui suivirent au cours de ce siècle.
^ m
UNE QUESTION DE PRESEANCE
POUR LA PROCESSION
DE LA FÊTE DIEU A NANTES
AU XVIIP SIÈCLK
DOCCMENT INÉDIT
iWjs au jour et annoté par M. le baron Gaétan de Wistnes
Compte rendu par A. MAILCAILLOZ.
Messieurs,
M. le baron Gaétan de Wismes a offert à notre Société
une brochuie par laquelle il met au jour un document inédit
sur une question de préséance pour la procession de la
Fête-Dieu à Nantes au XVIII« siècle. C'est un mémoire pré-
senté au nom de l'Evêque de Nantes, plaidant contre le
Procureur général de la Chambre des Comptes de Bretagne
qui contestait à la juridiction épiscopale des reguaires le
droit de suivre immédiatement le dais dans la procession de
la Fête-Dieu.
Peut-être notre érudit concitoyen a-t-il mis quelque ironie
dans la publication de cette pièce, à notre époque où, par
respect de la théorie de la neutralité de l'Etat, les fonction-
naires mettent peu d'empressement à se disputer les pré-
séances aux fêtes religieuses, surtout lorsqu'elles sont
publiques. Cependant il ne s'avoue guidé que par le désir de
contribuer à notre histoire locale, sur un point particulière-
326
ment inléressant, puisque la procession de la Ff'le-Dieu
constitue, au dire même de M. Golombel, maire de Nantes
en 1848, « la seule fête vraiment populaire que le passé ait
» légué aux Nantais. »
Voici exactement en quoi, au XVIIl« siècle, consistait le
débat :
L'évêque, portant le Saint-Sacrement, avait, depuis l'usage
des processions de la Fête-Dieu, c'est-à-dire depuis 1400
environ, la coutume de faire suivre le dais par les officiers
des reguaires, avec des torches et des panonceaux à ses
armes. En 1602, la Chambre des Comptes de Bretagne
assista pour la première fois en corps <j cette cérémonie et
prit immédiatement place après les officiers des reguaires;
mais, en 1725, elle trouva mauvais cet usage et demanda
qu'on exclût du cortège le greffier des reguaires, ne contes-
tant point, d'ailleurs, « au sénéchal, à l'alloué, au lieutenant
» et au procureur fiscal de cette juridiction l'usage et la
0 possession de suivre immédiatement le dais. » Un arrêt du
Conseil du Roi du 8 mars 1727 déboula la Chambre des
Comptes de ses prétentions. Mais elle interjeta appel au
Parlement de Rennes, réclamant cette fois la préséance sur
tous les officiers de l'évêque, et c'est sur cet appel qu'en
1754, Messire Pierre Mauclerc de la Muzanchère, conseiller
du Roi, alors évèque de Nantes, lui fit notifier le mémoire
que M. de Wismes nous fait connaître aujourd'hui.
M. Le Chapellier, avocat de M. de la Muzanchère, oppose
aux officiers des Comptes une fin de non-recevoir, résultant
de leur acquiescement tacite à l'usage depuis 1602 jusqu'en
1725 et de leur acquiescement exprès, sauf en ce qui
concerne le greffier, depuis 1725 jusqu'en 1754. Il leur
fait remarquer ensuite qu'ils plaident sans objet et sans
intérêt, car l'évêque ne nie pas que « la Chambre des
» Comptes doive avoir au vis-à-vis des officiers des reguaires.
3^27
» en tous lomps, en tous lieux, en public, en particulier, les
• prérogatives dues aux corps et aux membres des Compa-
» gnies supérieures »>, mais il s'étonne que ses adversaires
aient pu soupçonner, au profit des reguaires, « quelque
» préséance honorifique dans un devoir qui se remplit avec
» des signes manifestes de domesticité, ancien vestige de la
» qualité de commensaux commune autrefois à tous les offi-
» ciers des évêques. » Et, à l'appui de son dire, il fait
remarquer que ceux-ci, h rencontre des officiers des Comptes,
« ne sont précédés ni suivis d'aucun huissier de leur tribunal,
« ce qui fait voir que, dans le moment, ils ne sont point
« en corps de juridiction » ; qu'aux reposoirs, ils n'ont
d'autre appui que leurs torches de cire revêtues de panon-
ceaux, alors que « Messieurs de la Chambre des Comptes
» ne fléchissent le genou que sur des carreaux qui leur sont
a préparés ». Enfin il se demande « quelle comparaison
»> peut être faite entre la marche pompeuse de Messieurs de
» la Chambre des Comptes portant en main des branch(îs
» d'oranger et l'humble contenance des officiers des reguaires
» avec leurs torches ».
Ces questions de préséance, qui avaient alors tant d'impor-
tance — il suffit, pour s'en convaincre, de lire Saint-Simon,
par exemple — nous semblent, il faut bien l'avouer, un peu
puériles aujourd'hui. Mais je me demande si, celte fois, sous
son objet d'apparence futile, le procès dont nous avons l'une
des pièces ne cachait pas un débat plus grave et portant
jusqu'au fond même des institutions. Je me demande, en me
reportant à l'histoire de notre droit français, s'il n'y avait
point là un symptôme significatif de la lutte si vive entre
les juridictions royales, représentées en l'espèce par la
Chambre des Comptes et les juridictions ecclésiastiques et
seigneuriales, dont les reguaires étaient un vestige et qui,
après avoir été prédominantes quelques siècles auparavant,
328
tendaient, de jour en jour, à disparaître, sous Taciion
toujours plus puissante du pouvoir central. Et ainsi il me
semble que Tévêque, plaidant contre les officiers des Comptes,
pouvait bien lutter pour des prérogatives autrement graves
qu'une simple question de préséance.
Mais ces points d'interrogation que je me pose, je n'ai ni le
savoir ni la compétence nécessaires pour y répondre et ainsi
j'en veux un peu à M. le baron de Wisines, si documenté sur
nos anciens usages et notre histoire locale, de ne m'avoir
pas mis h même de le faire en élargissant le débat et en
commentant plus amplement le mémoire dont, trop modeste-
ment, il s'est fait simplement l'éditeur. Je voudrais qu'il nous
eût expliqué exactement les attributions de cette juridiction
des reguaires, qui est peu connue, tout au moins sous cette
appellation, et que je pense, sans oser l'affirmer, être un
vestige des institutions féodales, c'est-à-dire le tribunal sei-
gneurial de l'évoque en tant que suzerain. Il y a là tout un
chapitre de notre histoire politique et de notre histoire juri-
dique qu'il eût été intéressant de nous faire connaître ou de
nous rappeler à propos du mémoire publié.
J'aurais voulu encore autre chose, car en ces matières on
devient vite exigeant et la passion du chercheur et du curieux
de documents augmente à mesure qu'il tient en mains des
éléments lui permettant de mieux préciser l'objet de ses
recherches. J'aurais donc voulu connaître les autres pièces
du procès, tout au moins l'assignation énonçant les préten-
tions de la Chambre des Comptes, dont je trouve la date
(15 janvier 1754) dans la brochure de M. de Wismes, et la
décision du Parlement de Rennes, qui dut clore le débat.
Peut-être y aurions-nous trouvé le moyen de mieux com-
prendre l'importance des intérêts qui y étaient engagés.
Mais de ce que M. de Wismes ne nous a pas donné de
suite de quoi rassasier toute notre curiosité, il ne s'ensuit
3'i9
pas que nous ne devions pas le remercier de sa publication.
Peul-êire un jour éprouvera-t-il lui-même le besoin de la
complélor; car, il n'est pas, nous le savons, de ceux qui se
contentent de vues suiJerficielles. Si l'intérêt que nous avons
pris à l'objet de sa recherche pouvait être pour lui un motif
de plus d'y persévérer, nous en serions fort heureux et ce
sera, si vous le voulez bien, le vœu qu'au nom de la Société
Académique je lui exprimerai en terminant.
22
NOTICE NÉCROLOGIQUE
SUR M. LE D^ KIRGHBERG
Par m. le D^ HERVOUËT, président.
Messieurs,
Depuis notre dernière réunion, un vide bien sensible s'est
fait dans nos rangs. Je m'étais vainement flatté de passer
celte année de présidence sans enregistrer une seule perte,
et vous espériez, comme moi, que la Société Académique
n'aurait pas de deuil à porter. La mort vient pourtant de
nous visiter et elle a frappé, de surcroît, un de nos collègues
les plus chers, les plus dignes et les plus aimés. Le docteur
Kircliberg, qui a été très longtemps des nôtres, a succombé,
le 14 avril dernier, à une longue maladie courageusement
supportée.
Ceux d'entre vous qui ne comptent pas parmi les anciens
de cette Société n'ont pas connu son assiduité aux séances.
L'âge et la maladie le retenaient chez lui, le soir. Mais,
jadis, il était un de nos membres les plus actifs. La Section
de Médecine s'honorait de recevoir fréquemment ses commu-
nications et d'entendre sa discussion. Ce temps est loin déjà.
Notre vieux maître était contraint de réserver et de concen-
trer toutes ses forces sur un objet principal, essentiel à ses
yeux : le service hospitalier. M. Kirchberg, en effet, avait
la passion de l'hôpital. Ce service passait avant tout. Nommé
médecin des hôpitaux après un concours excellent et labo-
331
rieusemenl préparé, il donna à celle fonciion si ardemment
désirée le meilleur de lui-même. On peul dire que l'hôpilal
fui toute sa vie. Aucune considération ne pouvait l'en
éloigner ; ni la fatigue, ni rintérêt, ni les exigences de la
clientèle ne l'auraient pu déterminer a abandonner son poste
un seul jour. Pour lui, jamais de repos ni de trêve. De
vacances il n'était jamais question. Renoncer ci son service
pendant un mois, c'eût été, dans son opinion, perdre pied,
se priver du pain de l'intelligence, abandonner tout équilibre
et choir dans les ténèbres. Il ne voulut jamais s'y exposer.
Pour se consacrer ainsi, corps et âme, à l'hôpilal, il fallait
que sa passion pour l'étude clinique fût bien forte, car cette
scientifique fréquentation lui avait coûté cher. Une piqûre
anatomique, dont il fut victime dès la jeunesse, lui laissa
pour toujours une santé précaire et presque misérable.
M. Kirchberg, en effet, comme on l'a déjà dit, aimait la
médecine pour elle-même, pour l'étude, non pour le métier
proprement dit, lequel en diminue singulièrement l'attrait,
du moins quand il est compris d'une certaine façon. Il eût,
certes, souscrit avec enthousiasme à celle proposition d'un
de ses maîtres : la médecine sans l'étude est le dernier des
métiers.
Il résisla toujours aux sollicitations des gens du monde,
quand on demandait son concours, sa présence, sa visite
dans la matinée. De tels caprices l'indignaient et toujours il
répondait : « Non, le matin je suis à l'hôpilal ! » (]e n'était
pas, je pense, le moyen de faire fortune ni d'enflammer
l'admiration de la haute badauderie. Le médecin qui étudie
est, sans doute, un ignorant, car, s'il n'était pas un ignorant,
il n'aurait pas besoin d'étudier. Aussi, la grande clientèle
préféra -t-elle souvent à Kirchberg, le studieux, le conscien-
cieux, certains médecins qui ne méritaient pas les mêmes
épilhètes, mais qui avaient conçu leur diagnostic et préparé
leur traiieiiienl avant même d'entrer chez leur client et qui
surtout avaient le grand mérite d'obéir au premier coup de
sonnette.
Vous le comprendrez donc : quand il fut atteint par la
limite d'âge et obligé de quitter l'Hôtel -Dieu, sa douleur fut
profonde, inconsolable. Je suis resté convaincu qu'un tel
chagrin avait porté un coup funeste à cette santé chance-
lante.
Notre regretté collègue' s'était adonné particulièrement à
la thérapeutique. C'était un croyant, ce n'était pas pour cela
un naïf. Mais sa foi dans la thérapeutique était une ressource,
un réconfort pour les pauvres malades. Aucune déconvenue
ne le rebutait. Les maladies les plus incurables ne le trou-
vaient jamais désarmé ; il le croyait du moins. Vous en
aurez une idée quand je vous apprendrai que jusqu'à la fin
de sa vie laborieuse il chercha, sans défaillance, le traite-
ment spécifique de la phtisie pulmonaire. Gomme savant et
comme philanthrope, il souffrait d'assister à la lente agonie
des nombreux tuberculeux confiés à ses soins. Sa souffrance
ne lui ôtait pas l'espoir. La prévision d'une découverte, d'une
trouvaille heureuse hantait son esprit. Le remède éventuel
de la tuberculose n'était pas chez lui le sujet d'un simple
rêve. C'était comme une étoile conductrice qui brillait
toujours à son horizon. El il travaillait à sa réalisation.
C'était pour lui le devoir, devoir ingrat et difficile dans le
milieu où il le pratiquait. Il ne pouvait pas ignorer que le
phtisique pauvre ne peut guérir. Dès lors que le moyen
direct, le spécifique, n'est pas trouvé, il est impossible de
sauver le tuberculeux pauvre, pour la raison simple qu'une
hygiène coiiteuse peut seule disputer un poitrinaire à la mort.
Malgré tous ces graves motifs, il ne se laissa pénétrer ni par
le découragement, ni môme par le scepticisme.
Cependant il mourut avant d'avoir seulement entrevu
333
l'ombre d'un succès libérateur, avant de toucher la moindre
récompense de tant d'efforls méritoires. Il n'a pu éloigner
le cauchemar de l'éternel phtisique qui encombre les asiles
et marche sans relâche à la consomption fatale.
S'il n'a pas trouvé de ce côté de compensation à ses
peines, il a été plus heureux de certains côtés. Il ne s'est
pas attaché à la seule tuberculose. Il s'est intéressé à d'au-
tres misères humaines, et si vous vous donnez la peine de
feuilleter la collection du Journal de Médecine de l'Ouest
et de la Gazette ■médicale de Nantes, vous trouverez des
documents émanés de lui, toujours consciencieusement
élaborés, sur des sujets d'importance et de nature diverses.
Je ne puis les analyser ici. Ils sont trop nombreux et d'une
technicité trop particulière. Je dois, néanmoins, indiquer la
ligne générale suivie par l'auteur, l'objectif principal et le
but essentiel visé par lui ; c'est toujours l'action thérapeu-
tique ; il ne la perd pas de vue. Il veut guérir. Si intéres-
sante que soit l'observation médicale, elle demeure incom-
plète à ses yeux si elle se trouve dépourvue de sanction. Et
depuis ses travaux sur la fièvre typhoïde jusqu'à son remar-
quable mémoire sur le Béribéri, dont il eut la bonne fortune
d'étudier une série de cas, il n'a point oublié le traitement,
la médication soignée, soigneuse, complète, parfois complexe,
dût-il être accusé de verser dans la polypharmacie.
Gomme médecin, je n'ai pas toujours eu l'honneur de
partager ses idées ; j'ai eu parfois celui de rompre des
lances avec lui. J'ai toujours rencontré chez un tel parte-
naire la bonne foi, la sincérité, la courtoisie, la bonne
volonté Tous, nous connaissions son culte de l'honneur
professionnel dont il était le parfait modèle. Sa conduite lui
constamment parfaite, inattaquable. Il mettait de véritables
raffinements dans ses observances déontologiques. Je souhaite
334
aux nouvelles générations médicales de le choisir pour
exemple : loul le monde y gagnera.
Quant h nous, les survivants, qui Pavons vu k l'œuvre et
qui, grâce au privilège de l'âge, avons pu observer bien des
hommes et bien des choses, nous nous contentons de faire
des comparaisons : elles sonl k son honneur. El la mort de
cet homme de bien, dans notre sentiment sincère, nous
apparaît comme une grande perle pour notre Société et pour
notre ville.
NOTICE NÉCROLOGIQUE
SUR M. MOREL
Par m. le D^ HERVOUËT, président.
Messieurs,
L'année de ma présidence se trouve marquée par des
deuils successifs et, malgré que la superstition ne me touclie
guère, je souffre intimement d'avoir été clioisi pour vous
représenter, coup sur coup, h des séances d'adieux ou à des
solennités funèbres. Il semble que la naissance de notre
deuxième siècle se présente mal et qu'il eût fallu des mains
plus liabiles pour lui assurer l'existence. — Nous avons
déjà perdu Kircliberg, un de nos vieux et fidèles amis. Nous
avons perdu depuis l'excellent collègue qu'était M. Ch. Morel,
sans compter les autres notables dont on vous parlera tout
à l'heure.
Vous avez tous connu M. Morel, et tous, vous l'avez
apprécié, parce qu'il n'était pas, pour la Société Acadé-
mique, un membre ordinaire, inscrit pour la forme sur le
tableau.
Il a fait partie de notre Société depuis bien longtemps,
d'une manière active, et sa collaboration a été d'emblée et
toujours d'une cordialité et d'une conviction particulières.
M. Morel aimait les lettres et les lettrés. Arrivé à Nantes,
pour s'y reposer, après une honorable carrière universitaire,
il n'hésita point a s'associer à vous. 11 avait compris bien
vite que votre groupe représentait dans celte ville la meil-
386
leure compagnie intellectuelle, pour ne pas dire la seule.
Donc, il s'y associa avec empressement et vous avez vu
bientôt qu'une adhésion, de sa pari, n'était pas une formalité
banale. Il eut, depuis lors, deux foyers : sa famille et la
vôtre. Mais on ne le vil nulle part ailleurs.
Quand on le rencontrait en ville, c'était sur le chemin qui
conduit du passage Sainl-Yves h la rue Suffren.
Quand nous venions ici, nous étions sûr de le rencontrer
dans celle salle de lecture qu'il affeclionnail. Là, nous avions
le plaisir d'entendre son aimable causerie, d'une courtoisie
constante, toujours remplie de souvenirs intéressants et
d'instructives anecdotes.
Vous avez bien fait, vous avez fait de lui un Président.
Vous le lui deviez. Son autorité, en effet, s'imposait. Son
zèle pour nos intérêts ne se lassait jamais et, alors même
qu'il n'avait pas chez nous de litre officiel, il se dépensait
de toute façon pour être utile à la Société Académique.
Il avait l'iniliative, l'amour du bien, l'enthousiasme, au
besoin, et, malgré son âge, le feu sacré.
Messieurs, je n'hésite pas à le reconnaître et vous serez
de mon avis, si nous avions tous le zèle, la bonne volonté,
le dévouement que M. Morel a dépensés pour cette Société,
l'avenir de l'Académie nantaise ne serait jamais en péril.
Il ne suffit pas d'avoir le talent, il faut aussi la volonté.
Aussi, en adressant à cette chère mémoire un dernier
hommage, je demande la permission de vous donner en
exemple notre digne el vénéré collègue, M. Ch. Morel.
V CHATEAUBRIANT, LA VILLE, LES CHATEAUX
ET LES ÉGLISES
" LA RENAISSANCE ANGEVINE
Par M. Joseph CHAPRON
Membre correspondant de la Société Académique.
COMPTE RENDU PAR M. GLOTIN
Messieurs,
Vous m'avez chargé de rendre compte de deux ouvrages
de M. Chapron.
Le premier a pour litre : Châteaubria7it, la ville, les
châteaux et les églises.
C'est surtout la description des châteaux que fait M. Cha-
pron : il y consacre près de 80 pages de son travail, étudiant
d'abord le vieux château avec son donjon, sa chapelle, son
logis et ensuite le château de la Renaissance dans ses diverses
parties. C'est une monograpliie très complète, très savante
et très documentée, utile non seulement pour les touristes,
mais encore pour les archéologues et les artistes. Entre
temps, il donne la liste des seigneurs et des châtelains.
Dans cette partie, il a résumé la liste donnée par du Laurens
de la Barre dans sa monographie sur Châteaubriant et ses
barons; celte partie historique aurait gagné à être plus
développée. Je sais bien que cette histoire complète a été
déjà faite par M. l'abbé Goudé et que notre collègue n'aurait
pu, sans doute, trouver du nouveau.
Trop brève aussi, selon moi, la partie relative à la ville
et aux églises : elle ne comprend pas 30 pages. L'église de
338
Sainl-Nicolas est récente, mais celle de Béré est ancienne :
son histoire et celle du monastère qui la touchait auraient
pu être détaillés avec avantage.
Mais c'est le château qui attiiail surtout M. Ghapron et il
a donné des détails nouveaux et intéressants sur ce monu-
ment, qui mériterait une restauration complète. Hélas ! en
certaines parties, ce sont de véritables ruines, et il faut
espérer que le travail de M. Ghapron stimulera les autorités
compétentes et hâtera cette restauration.
Dans celte partie de son élude, M. Ghapron montre d'une
façon remarquable ses connaissances en archéologie et en
architecture el ses goûts artistiques. L'autre travail qu'il
nous a communiqué, sur la Renaissance angevme, achève
de prouver que notre collègue, dont nous avons souvent
apprécié el conservé les œuvres poétiques, est aussi un
artiste.
Mes connaissances en architecture étant très restreintes et
ne me permettant pas d'apprécier â sa juste valeur l'œuvre
de M. Ghapron, j'ai communiqué sa monographie sur la
Renaissance angevine h un élève de l'Ecole nationale des
Beaux-Arts el je me contente de vous donner son apprécia-
tion, tout à fait favorable â notre collègue :
« L'auteur a eu pour l'aider un Irès bon guide dans
l'ouvrage si connu el si justement estimé de Léon Palustre :
La Renaissance en France, mais il s'est bien gardé de le
suivre servilement, non plus que les travaux antérieurs.
Le style clair et précis, l'emploi des mois techniques font de
la monographie de M. Ghaprcn un ouvrage à consulter, où
l'on trouvera d'utiles el précieux renseignements.
•) Le litre est peut-être un peu trop général : quelques
monuments en l'ancien Anjou, de peu d'importance, il est
vrai, mais datant du XVI» siècle, ont été omis, car il ne
faut pas oublier que l'ancien Anjou s'étendait jusqu'au delà
839
de Loudun. D'autre part, rauteur a ajouté à son travail la
description de l'église et du cliâleau d'Ancenis, ville qui a
toujours fait partie du pays nantais et par Ici même dépen-
dant de la province de Bretagne.
» Il faut regretter que M. Ghapron n'ait étudié que la
seconde renaissance, c'est-à-dire les œuvres contemporaines
de François !«•■ et de ses successeurs. 11 semble oublier qu'en
France le mouvement ariistique a commencé dès la fin du
XV« siècle et que, sous Charles VUI et Louis Xll, nous
avons eu une série d'artistes dont les œuvres forment ce
que l'on nomme la première renaissance, plus riche et plus
féconde peut-être que la seconde et surtout plus conforme à
nos traditions nationales. En Anjou, on peut faire remonter
cette première renaissance au temps du bon roi René, trop
décrié par Palustre. 11 est à souhaiter que M. Ghapron
complète son travail par l'étude de cette époque, dont les
œuvres, d'un charme si pénétrant, offrent à l'archéologue
comme à l'artiste un puissant intérêt : les tapisseries, bro-
deries et miniatures de cette époque devraient, en particu-
lier, attirer l'attention de M. Ghapron. Il serait aussi fort
curieux de comparer l'action artistique du roi René en Anjou
et en Provence.
» Deux reproches peuvent être adressés à l'auteur. C'est
tout d'abord son trop profond mépris pour le siècle de
Mansart et de Lebrun : quoi qu'il en dise, Versailles et les
Invalides sont loin d'être des cubes de pierres, et l'impression
qu'ils donnent, pour être différente de celle des châteaux de
la Renaissance, n'en est pas moins profondément intense.
Ce serait en art un énorme contresens si le siècle de la
Majesté avait produit les mêmes œuvres que celui des fêtes
du Drap d'Or et des guerres d'Italie, et un véritable artiste
doit savoir comprendre et goûter tous les genres d'impres-
sions.
840
» Le second reproche est d'avoir trop peu étudié le châ-
teau de Serrant, que les très habiles et très sûres restaura-
tions de M. Lucien Magne ont rendu à sa splendeur prinai-
tive. Il semble que l'auteur n'ait pas vu combien le rétablis-
sement des galeries, des lucarnes et des toits aigus du
XVI« siècle, ainsi que l'habile et original arrangement du
pont jeté sur les fossés, avaient transfiguré ce monument.
» Enfin un troisième reproche s'adresse non plus à l'auleur,
mais à l'éditeur. 11 est regrettabh; que certaines gravures,
étrangères au texte et prises dans l'ouvrage de Palustre,
aient été ajoutées sans que le besoin s'en fît sentir.
» Cette monographie n'en reste pas moins un travail
excellent ; c'est l'œuvre d'un homme de goût qui a subi le
charme des monuments qu'il décrit. »
Cette appréciation du travail de notre collègue, émanant
d'une personne compétente, ne saurait être plus flatteuse et
je ne veux rien y ajouter.
LE RÊVE DE JEAN
Par M°»e Maurice SIBILLE
Illustrations de SIMON AIHE
Bibliothèque de l'Education maternelle. — Paris, — !V1\y, éditeur,
9 et 11, rue Sainl-Benoist. — 1898.
COMPTE RENDU PAR M. Dominique CAILLÉ.
!■"« Maurice Sibille vient de publier, sous le litre
Le Rêve de Jean, un roman illustré par Simonaire. En
voici le sujet : La veuve Bernard est ruinée par la mort de
son mari, qui a péri dans un naufrage huit jours après
l'écliéance de l'assurance de son navire, qui n'a pas été
renouvelée. Une hypothèque de 30,000 hancs grève la ferme
de l'Auberdière, où elle habite près de Saint-Nazaire. Le
prêteur, à la suite de pourparlers, consent à ne rien récla-
mer si on lui abandonne la ferme immédiatement, et, de
plus, s'engage à garder la ferme pendant trois ans, de
manière à permettre à la famille Bernard de rentrer en sa
possession si elle peut lui payer 30,000 francs d'ici cette
époque. On est au 15 novembre 1894. Le Rêve de Jean,
le fils aîné de la veuve Bernard, âgé de 13 ans, est de
parvenir à gagner les 30,000 francs avant le 15 novembre
1897 et dt; faire revenir sa mère dans la ferme qu'elle est
obligée d'abandonner; dans ce but, il veut aller chercher
fortune au pays de l'or.
M"»» Bernard se met à travailler dans la lingerie pour faire
U1
vivre sa pelile famille, qui se compose de Jean, l'aîné de
deux pelils garçons el d'une pelile fille. Jean va porler le
linge aux praliques de sa mère, el c'est pendant une de ses
courses qu'il sauve le fils de M. de Sainl-Andr6, riclie plan-
leur de la Martinique, venu en France pour le rétablissement
de la santé de sa femme. Il lui demande pour réconifiense de
l'aider à parvenir au pays de l'or. JusUnneni, Domingo, le
le régisseur de M. de Saint-André à la Martinique, est
appelé en Guyane par la maladie de son frère, riche pro-
priétaire du placer Pas trop tôt, au pied mont Lorquen.
M. de Saint-André part pour la Martinique el emmène Jean
qui, pendant la traversée, voit des exorcels, ou poissons
volants s'abattre sur le ponl du navire el jouit du spectacle
de la mer pliosphorescenle. Il visite la Guadeloupe el aper-
çoit son volcan de la Soufrière, puis la Martinique, et fait
connaissance avec les beautés de la nature et les mœurs
bizarres des nègres et des créoles.
Il rencontre tour à tour l'oiseau mouche, qu'un nègre
abat avec une sarbacane, l'araignée Maloulou, dont la piqûre
provoque une fièvre violente, el le serpent irigonocéphale,
dont la blessure est mortelle. Puis il s'embarque pour la
Guyane sur un voilier, avec Domingo, qui va rejoindre son
frère malade, et assiste ii la pêche d'un requin auquel on
coupe la queue pour l'empêcher de nuire. Le navire qu'il
monte péril dans un naufrage. Après avoir été ballotté par les
flots, il est jeté seul évanoui à la côte, où il est recueilli par
une tribu des Roucouyennes, qui se rendent précisément
près du placer du frère de Domingo, après avoir terminé
leurs atïaires à Gayenne. Jean les accompagne et est témoin
des coutumes des naturels de celte tribu, qui se teignent
avec le fruit de Houcou. Il monte dans leurs pii'ogiies,
assiste h leurs pêches et à leurs repas. Il fait la rencontre
d'un forçai échappé du bagne de Cayenne, qui a éié mordu
343
par un vampire, sorte de chauve-souris, et celle d'un caïman,
d'un tapir el d'un aï ou mouton paresseux. 11 se parfume
de liqueur d'ambrette qui, par son odeur musquée, éloigne
les tigres et les jaguars. La nuit, dans la forêt, les bruits
les plus étranges se succèdent à son oreille : un crapaud
imite le forgeron battant le fer, un oiseau pousse des cris
qui ressemblent à des appels désespérés, un autre frappe de
son bec le tronc sonore d'un arbre aussi fortement que
pourrait le faire un bûcheron avec sa cognée, les singes hur-
leurs font leur tapage. Que sais-je ! Le jour, il goûte aux
fruits de l'arbre aux jaunes d'oeufs et se désaltère ci l'arbre
i\ lait el à la liane qui fournit l'eau. Puis il passe plusieurs
jours dans la tribu des Roucouyennes, qui s'arrachent les
cils des yeux pour y voir plus clair, qui guérissent la mor-
sure du serpent et savent endormir les poissons d'une
crique ; il assiste à leurs fêtes étranges et aux ravages de la
fourmi manioc, qui nécessite l'intervention du playe ou sorcier
de la tribu. Enfin il se rend au placer de Pas trop tôt, où
il trouve le frère de son ami Domingo, qui, par égard
pour le parent dont il pleure la perle, l'emploie dans son
exploitation et lui enseigne comment, après avoir obtenu un
permis, on prospecte un terrain, c'est-à-dire comment on le
fouille et on l'étudié pour savoir s'il contient de l'or el
comment ensuite, après avoir obtenu la concession de ce
terrain où on a reconnu la présence du précieux métal, on
se met à l'exploiter. Bientôt le maître du placer meurt et
laisse par testament à Jean, pour lequel il s'est pris d'amitié,
une somme de 100,000 fr. Celui-ci, après l'enterrement
de son bienfaileur, s'empresse de gagner Gayenne el de
prendre le paquebot pour la France. Il arrive devant Saint-
Nazaire le 14 novembre 1897 et le délai pour pouvoir
rentrer en possession de l'Auberdière expire le 15. Mais,
après la visite sanitaire, le pavillon jaune est planlé sur le
344
navire, auquel il esl interdit de pénétrer avant cinq jours
dans le port de Saint-Nazaire, parce qu'il a fait escale à la
Martinique, où régnait la fièvre jaune. Jean se désespère.
Il débarque enfin. Trop tard, sans doute. Non pas. Le contrai
accordant Irois ans pour acquitter les hypothèques de
l'Auberdière a été signé le ilO seulement par le prêteur.
Jean paye les 30,000 francs, et sa mère et ses frères et sœurs
reviennent à l'Auberdière. Il rentre avec eux à l'ancien logis
paternel, y demeure quelque temps, puis s'engage dans
l'infanterie de marine pour servir la France et gagner les
galons d'officier.
Gomme on le voit par ce rapide aperçu, le livre de
M"^ Sibille est un roman à la façon de ceux de notre
compatriote Jules Verne. Sa fin a même une certaine ana-
logie avec celle du Tour du monde en quatre-vingts jours,
qui repose aussi sur une erreur de date et où tout réussit
aussi au moment où l'on croit tout perdu, (le roman est
bien à sa place dans la Bibliothèque de l'éducation mater-
nelle dont il fait partie, car, instructif, amusant, bien écrit, il
ne donne que de bonnes leçons d'énergie, de courage, de
piété filiale et de patriotisme.
D. CAILLÉ.
SITUATION DU VIGNOBLE
DE LA LOIRE-INFÉRIEURE EN 1899
Par a. Aisdouard,
Vice-Présidenl du Comité d'études et dp vigilance.
Le coiip-d'œil d'ensemble que l'on peut jeler sur noire
vignoble, en ce inomenl, ne fait que confirmer les inquiétudes
croissantes manifestées chaque année au sein du Comité
d'études et de vigilance.
Six nouvelles communes envahies par le phylloxéra et
près de 800 hectares compromis par lui dans l'espace d'un
an : telles sont les constatations douloureuses relevées par
le Service phylloxérique, sans qu'on puisse garantir que la
réalité ne soit pas encore plus affligeante que les apparences.
Il résulte de cette extension considérable du mal, que
notre vignoble est réduit, en vignes saines ou paraissant
telles, ^ un peu moins de la moit'é de ce qu'il était avant
l'invasion. Nous avons à nous rendre compte de la part qui
revient à chacun de ses ennemis, pendant le dernier exercice,
dans cet amoindrissement continu.
i. — Parasites animaux.
Parasites divers. — Toute la pléiade de ce groupe a
donné cette année contre la vigne, avec une ardeur en
harmonie avec celle du soleil. Les Coléoptères et les Lépido-
ptères, qui vivent à ses dépens, ont fait preuve d'une fécon-
dité exceptionnelle autant que regrettable, la Pyrale en tête.
Cependant, la Cochylis n'a exereé de ravages sensibles
qu'à la suite de son éclosion du printemps ; celle de l'été n'a
pas eu d'importance.
Les autres insectes se sont multipliés à l'envi, particu-
lièrement celui qui détermine l'érinose. Les premières
23
346
fouilles ôlaieiil ;i peine développées, qu'elles se couvraienl des
bosselures caraclérisiiques de la piqûre du Phytocoptes vitis.
Comme presque toujours, l'alarme fui grande au premier
moment, dans certains vignobles, et le dommage peu
imporiaiil.
Phylloxéra. — C'est toujours le seul adversaire vrai-
ment redoutable, et il Test d'autant plus aujourd'hui qu'il a
plus étendu son empire. Je viens de dire quelle est, celte
aimée, rimporlance de ses conquêtes ; en voici la justifi-
cation :
Territoires nouvellonient envahis.
ARRONDISSEMENT d'aNCENIS.
Comuiunes. Hectares. Communes. Heclares.
Ligno 10 Report 38
Mésangei 5 Rouxière (La) 5
Montrelais 1 Saint-Géréon. - 3
Mouzeii tO Saint-Mars-la-Jaille 1
Oudon 3 Teille 15
Pannecé 10 Varades 6
A reporter 38 Total ^0
ARRONDISSEMENT DE CHATEAUBRIANT.
Petit-Mars 5h
Saint-Mars-du-Déserl 10
Touches (Les) 10
Total 25h
ARRONDISSEMENT DE NANTES.
Communes. Hectares. Communes. Hectares.
Aigrefeuille 10 Report 55
Basse-Goulaine . . 10 Bouguenais 10
Bignon (Le) 5 Brains 15
Boissière (La) 10 Carquefou 5
Bouaye 20 Chapellc-sur-Erdre (La). . 5
A reporter 55 A reporter 90
847
Gomiuuims. Hectares.
Repoli 55
Châleaalhébaud 20
Chevrolière (La) 5
Clisson 10
Gorges 10
Haute-Goulaine 10
Landreau ^Le) 10
Legé.. 10
Liraouzinière (La) 5
Loi'oux-Botleieaii (Le) 20
Maisdon 10
Mauves 10
Orvault.. 1
Pallet (Le) 10
Planche (La) 5
Pont-Saint-M;irlin 10
Regrippière (La) 10
Remaudière (La) 15
Remouillé 10
Saint- Aignan 5
Saint-Colonibin 5
Sainl-Etienne-de-Gorcoué ... 5
Communes.
Report
Saint-Fiacre
Saint-Herblain
Saint-Hilaire-da-Bois ....
Saint-Jean-de-Corcoué . . ,
Sainl-Julien-de-Concelles. .
Hectares.
. 251
10
10
10
10
5
Saint-Léger i o
Sainl-Lurnine-de-Clisson.. . . 5
Saint-Luraine-de-Goutais ... 10
Saint-Mars-de-Goutais 10
Saint-lMiilbert-de-Grand-Lieu. 15
Saint-Sébastien 15
Sainte-Luce lO
Sautron 5
Sorinières (Les) 5
Sucé 1.^
Thouaré 10
Touvois 5
Treiltères 5
Vallet 70
Vertou 15
Vieillevigne 10
A reporter. . . . 251
Total 586
ARRONDISSEMENT DE PAIMBŒUF.
Coiumuâes.
Arthon
Bernerie (La)...
Bourgneuf
Chauve
Cheix
Frossay
Montagne (La). . .
Pellerin (Le)
Pornic
Port-Saint-Pèrc . ,
Hectares.
4
4
6
6
2
2
5
5
1
10
Communes. Hectares.
Report 45
Rouans 10
Saint-Hilaire-de-Ghaléons
Saint-Jean-de-Boiseau . . .
Saint-Père-en-Retz. . . . ,.
Saint- Viaud
Sainte-Marie
Sainte-Pazanne
Vue
A reporter.
Total.
5
5
4
I
2
10
2
45
84
848
Corilemais
Couëi'on . .
Doiiges. . .
Escoublac
ARRONDISSEMENT DE SAINT-NAZAIRE.
1 1> Saint-Nazaire
Vigneux
Total,
5
5
3
1
2
I7h
Pour modérer hi propagation du phylloxéra, plusieurs
Syndicats et de nombreux propriétaires n'appartenant à
aucune association ont en recours, comme d'iiabilude, au
sulfure de carbone. Cet insecticide a été employé sur une
superficie à peu près semblable à celle qui a été sulfurée en
1898, c'est-à-dire sur environ 105 hectares.
Les Syndicats et les Sociétés viticoles, qui mènent toujours
la lutte contre le phylloxéra, sont les mêmes que l'an
dernier, à peu près sans changement, en tant que nombre
d'adhérents et, par suite, comme ressources financières.
Syndicats communaux.
Pont-Saint-Martin
Superûcie
syndiquée.
'28 b 68 a
Saint-Aignan 59
Saint-Etienne-fie-Corcoué 21
Sociétés viticoles.
Clisson
Le Landreau
Saint-Julien-de-Concelles . ,
Vertou (Comice)
26
87
30
Totaux.
Adhérents
10
32
10
55
125
312
800
1.344
63
22
Cotisations.
286 r 80
592
128
550
500 »
1.560
3.500 »
7.117 f 65
//, — Parasites végétaux.
Les champignons parasites de la vigne n'ont pas trouvé»
celle année, des conditions climalologiques très favorables k
leur développement. Cependant, ils ont tous fait acte de
présence constante dans le vignoble.
Le Mildiou est resté latent pendant tout le printemps et
34^
la première partie de l'été. A la suite des brouillards cl des
orages qui ont marqué les mois de juillet et d'août, il s'est
brusquement révélé de tous les côtés, par une alléralion des
feuilles très généralisée sur chacun des ceps attaqués, mais
n'envahissant guère que les marges du limbe. Le mal n'a
pas été considérable, grâce h la chaleur intense et persis-
tante du soleil. Il a démontré seulement, une fois de plus,
qu'il n'y a jamais à se relâcher des précautions nécessaires
contre ce champignon. La moindre négligence à cet égard
peut être payée de la perte de la récolte, sans parler de la
diminution de qualité des sarments. C'est ce qui est encore
arrivé aux récalcitrants toujours trop nombreux, qui se sont
fiés de nouveau ^ la sécheresse pour préserver leurs vignes.
Les traitements préventifs sont suffisamment bien établis
aujourd'hui pour donner toute sécurité à ceux qui les exécu-
tent à temps. Notons, toutefois, que l'usage des bouillies à
poudre unique prend peut-être un développement trop grand.
Ces poudres ne sont pas si aisées à délayer qu'on le croit.
En outre, elles sont plus coûteuses que les autres et, pour
ce motif, on les ménage, souvent môme sur la recommanda-
lion du vendeur, qui pense dissimuler ainsi leur cherté
relative. De là des insuccès encore assez fréquents.
L'Oïdium s'était borné, jusqu'à présent, à dessécher nos
raisins rouges. Depuis quelque temps il attaque aussi nos
raisins blancs. On l'a trouvé, l'été dernier, sur le gros-plant,
comme sur le pineau et sur le muscadet, dans beaucoup
de clos. Si cette prise de possession se maintient, et c'est
à craindre, nous compterons un ennemi de plus à combattre,
dorénavant.
Rien de sérieux à reprocher à VAnthracnose cette fois.
11 a imprimé son passage à travers plus d'une vigne, mais
sans causer de dommage appréciable.
Le Pourridié a été plus nuisible dans les plantations
850
nouvelles. M. Fontaine a constaté qu'il émanait souvent de
terrains trop longtemps cultivés en pépinières, ce qui est
un réel danger pour les vignes américaines greffées.
L'inquiétude prématurée, répandue l'an pernier au sujet
du Black-Rot, est un peu calmée maintenant. Ceux qui ont
charge de surveiller le vignoble n'ont pas cessé pour cela
de rechercher le nouveau parasite, surtout vers la frontière
méridionale du département. Il n'a point été découvert, fort
heureusement, car la chaude température de l'été eût été
susceptible d'assurer son implantation dans la Loire-
Inférieure.
III. — Pépinières de vignes américaines.
A. — Pépinières départementales.
Pépinière de Gongrigoux. — Elle est très prospère.
Elle a fourni, au printemps, indépendamment d'une forte
proportion de plants racines :
Riparia Gloire 6.500 boutures.
Rupestris du Lot 4.450 —
— Martin 7.800 —
Aramon-Rupestris-Ganzin 20.650 —
Gamay-Couderc 3.600 —
Total 43.000 boutures.
De ce total, 47,575 boutures et plants racines ont été
livrés, au prix de 1 fr. le cent. Des sarments ont été réservés
pour 15,000 gretï'es et '28,000 boutures ont été mises en
pépinière, pour être transformées l'an prochain en plants
racines.
Cette année, le vent a soufflé violemment î\ Gongrigoux,
à plusieurs reprises, et il a fortement secoué les plantations.
En second lieu, les gelées survenues à la lin de mars ont
851
beaucoup éprouvé le Riparia ri l'Aramon-Rupeslris. Malgré
ces accidents, les vignes alleinles, soigneusemeni entrete-
nues par M. Fontaine, ont végété avec vigueur et produiront
une abondante moisson de sarments.
Pépinière d'Oudon. — La première en date, celte pépinière
conserve son avance sur les autres et présente toujours un
aspect des plus satisfaisant. Elle a produit au dernier
exercice plus de 63,000 boutures , réparties comme il
suit :
Riparias divers 31 .587 boutures.
Rupeslris divers 19.380 —
Hybrides divers 8.085 —
Vialla 2.600 ~
Solonis 1.500 —
Total 63.152 boutures.
Il en a été délivré 60,075, à 260 vignerons.
Le Solonis et le Vialla n'ont pas été recherchés, avec
raison. Le Solonis faiblit sensiblement, h la pépinière, comme
avant lui le Jacquez et le Noah. Ce dernier présente main-
tenant une tache phylloxérique très nelle, qui achève de
le juger.
Pépinière de l'orphelinat Le Ray. — Elle est plantée
dans un terrain argilo-siliceux d'une ferlilité moyenne, h
sous-sol argileux compact. Elle couvre 6 hectares, dont 3
ont élé plantés au printemps 1898 et le reste au mois d'avril
1899 avec les cépages suivants :
Rupeslris du Lot 4 hectares.
Riparia Gloire de Montpellier 1 —
Rupeslris Martin 1/2 —
Aramon X Rupestris-Ganzin n" !.. 1/2 —
35^
L'écarlenient des plants est de 1 mètres en tous sens.
Les Rupeslris de deuxième sève sont très beaux ; le tronc
est vigoureux ; les sarments, un peu courts mais bien
dressés, sonl gros à leur base et bien aoûlés. On pourra
trouver cette année, dans cette partie de la pépinière, du
bois greffable de bonne qualité.
Les Riparias Gloire de même âge sonl, pour la plupart,
d'une belle venue. Les sarments sont longs, bien mûrs et
donneront pas mal de boutures propres à la greffe. Malheu-
reusement , la plantation ne présente pas une régularité
parfaite. Un grand nombre de pieds appartiennent à la variété
médiocre connue dans le Midi sous le nom de Riparia
ficelle, dont les sarments sonl grêles et dont les feuilles,
petites et jaunies avant le temps, semblent indiquer l'anémie.
Ces pieds devront être arrachés et remplacés par des
Riparia Gloire de bon aloi.
Les pieds-mères plantés en 1899 sonl presque tous bien
venus, malgré la sécheresse de l'année. Le Rupeslris Martin
et l'Âramon X Rupeslris Ganzin présentent une belle végé-
tation. H en est de même du Rupeslris du Lot.
Le greffage exécuté au printemps à l'Orphelinat a produit
environ 18,000 greffes de gros-plant sur Riparia et sur
Rupeslris du Lot. La réussite sera d'environ 60 "/o-
Pépinières de Mauves et de Varades. — Des change-
ments ont été opérés dans la nature des cépages qu'on y
avait introduits. Au Jacquez, au Solonis et au Vialla, que
délaissent les vignerons, il a été substitué du Riparia X
Rupeslris n" 3,306 et quelques Aranion X Rupeslris
Ganzin.
La distribution des sarments a été n(''anmoins relalivcmcnl
bonne, surtout à Varades :
353
Pépinière de Mauves.
Riparia-Gloire 4.300 boutures.
Rupeslris divers 2.600 ~
Riparia X Rupeslris 3,306- 800 —
Tolal 7.700 boutures.
Pépinière de Varades.
Riparia-Gloire 5.800 boutures.
Rupestris divers 5.^00 —
Tolal 11.000 boutures.
Pépinières nouvelles. — En exécution de la décision
prise, en 1898, par le Conseil général, des pépinières placées
sous le contrôle du département ont été créées dans les
communes de : Bouguenais, le Bignon, le Loroux-Bottereau,
Non, le Pallei, Saint-Etienne-de-Moniluc, Saint-Pliilbert-
de-Grand-Lieu, Sainle-Pazanne. La commune de Vertou,
invitée k procéder à une création du même genre , a
préféré rester seule chargée du soin de la reconstitution de
son vignoble, dont elle s'occupe depuis plusieurs années
déjà.
Les nouvelles pépinières ont été plantées par M. Fontaine,
à Tautomne et au printemps derniers, sur des surfaces de
18 à -25 ares et avec un écartement de 2 mètres en tout
sens.
Les cépages employés sont, comme dans les autres plan-
tations départementales : Riparia-Glou'e, Rupeslris du Lot,
Rupestris Martin et Aramon X Rupeslris Ganzin. La iTprise
a été bonne partout.
B. — Pépinières cantonales et communales.
Pépinière de Clisson. — Très bien entretenue par la
354
Société viticole de celle commune, elle donne déjh d'excel-
lents résultais. On y a coupé , au cours du présent
exercice :
Riparia 19.811 boutures de l'",tO
Rupeslris 10.162 —
Vialla 1.520 —
Garaay Gouderc 1 .206 boutures de O^^SS
Aramon X Rupeslris Ganzin. 517 —
Total 33.216 boutures.
Pépinière du Laisdreau. — Dans celle pépinière avaient
été plantés, à l'origine, les cinq cépages recommandés à
celte époque comme susceptibles de convenir à notre dépar-
tement. L'abandon com|)k'l de trois d'entre eux : Jacquez,
Solonis et Vialla, a conduit à les greffer tous sur Riparia.
Il esl résulté de cette opération une diminution de production
qui ne sera que momentanée. Elle n'a pas empêché
d'obtenir :
Riparia 9.075 boutures de l'°,20.
Rupeslris 12.725 — 1",15.
Total 21.800 boutures.
58.000 greffes onl été effectuées au dernier exercice et
21,3-28 se sont trouvées entièrement réussies. Les aptitudes
que présentent nos deux cépages principaux, au greffage
sur les deux variétés de cépages américains ci-dessus, se
sont montrées inverses. Le gios- plant a donné 38 °/o de
bonnes soudures sur Rupeslris et 80 % sur Riparia, soit le
double sur ce dernier ; tandis que le muscadet a fourni
28 Vo de reprises sur Riparia v[ 38 % sur Rupeslris.
Pépinière de Saint-Julien-de-Gongelles. — Elle a été
augmentée celle année. Elle esl en bonne voie el elle sera
355
bientôt en état de pourvoir en partie à des besoins qui sont
déjà très grands.
Pépinière de Saint-Léger. — Des trois parcelles de ter-
rains converties en pépinières dans cette commune, il n'en
reste que deux ; celle qui touchait le bourg a été supprimée.
Les autres ont fourni en sarments :
Riparia Gloire 8 . 000 boutures de l""
Rui)eslris 2.000 —
Vialla 3.000 —
Riparia X Rupestris 101 800 —
Total 13.800 boutures de l"*
Pépinière de Vallet. — Cette pépinière est la plus
importante comme superficie, ainsi qu'il était rationnel de le
faire au cœur du meilleur vignoble de la Loire-Inférieure.
Elle reçoit des soins tout particuliers, grâce auxquels sa
dernière coupe a dépassé 88,000 boutures :
Riparia 31 .500 boutures.
Rupestris 33.500 —
Solonis 15.100 —
Vialla 8.100 —
Total 88.^200 boutures.
Pépinière de Vertou. — Elle est l'objet de la sollicitude
particulière du président du Comice de Vertou ; aussi est-
elle très productive. On en a détaché cette année :
Riparia 37.<200 boutures.
Rupestris 17.200 —
Total 54.400 boutures.
Pépinières scolaires. — Elles sont en voie de mullipli-
calion ininterrompue. 57 instituteurs ont demandé, depuis
l'an ilernier, h planler do la vigne américaine dans le jardin
de leur école. 11 y a là une œuvre excellente ^ développer ;
mieux que lous les enseignements oraux, elle initiera les
enfants à des connaissances pratiques, susceptibles de leur
échapper longtemps sans ce précieux secours.
IV — Cours de greffage.
17 communes ont été successivement le siège des démons-
trations de greffage au présent exercice.
Les cours ont été fréquentés par 1,465 élèves et ont été
suivis de la remise de 180 diplômes, dont voici la répar-
tition :
Elèves Elèves
Communes inscrits, diplômés.
Boissière (La) f»0 8
Bouguenais 1 32 10
Brains 137 H
Carquefou 38 6
Glisson 100 21
Ligué 37 8
Macliecoul 80 4
Monnières 78 17
Nantes (La Persagotière) 125 18
Nort 53 10
Nozay (Grand-Jouan) 40 8
Saint-Herblain 60 4
Saint-Philbert-de-Grand-Lieu 223 26
Saiiite-Pazanne 130 5
Sucé 86 10
Verlou 86 13
Totaux 1.365 180
•
En |»lus des diplômes, six médailles ont éi('' distribuées
357
aux greffeiirs les plus mérilants, au nom du Ministre de
rAgricullure.
•LVnseignemenl du greffage est un de ceux qu'il importe
de propager le plus rapidement possible. La répétition
régulière, depuis quelques années, a déjà mis au service
des vignerons un grand nombre de gretfeurs exercés. Il n'y
en a pas suffisamment pour les exigences de la reconstitution
du vignoble ; il sera bon de porter le nombre des cours au
maximum exécutable.
^^ — Expériences.
Le Comité d'études et de vigilance n'a pas été appelé à
suivre des expériences concernant la vigne, pendant l'exercice
écoulé. Mais il sait que divers moyens de résistance au
phylloxéra, réels ou supposés, ont été essayés dans le dépar-
tement.
L'un de ces moyens consiste k entourer le pied du cep
d'une poudre qui semble n'être que de la chaux ordinaire
hydratée. Les viticulteurs qui s'en sont servis sont très
nombreux. Leur appréciation individuelle n'est pas encore
connue ; mais plusieurs d'entre eux ont déjà certifié que le
remède n'avait produit aucun effet.
Dans les cantons de Bouaye et de Vertou, on a employé,
à peu près de la même manière, une poudre bleuâtre ou
parfois verdâtre, dont la composition se rapproche beau-
coup de celle de la bouillie bordelaise desséchée. C'est,
essentiellement, un mélange de chaux et d'oxyde de cuivre,
dont l'efficacité n'a pas été, jusqu'ici, mieux établie que
celle de la chaux seule.
Un certain nombre de viticulteurs ont fait usage également
d'insecticides plus ou moins mystérieux, dont l'odeur trahis-
sait soit la présence d'un composé sulfuré, soit celle de la
naphtaline ou d'un phénol quelconque. D'autres ont continué
358
remploi soulorrain du [xHrolc ou des sels de mercure.
Nulle pari on n'a signalé de résultai convaincant. Nous
sommes loujours à la recherche du toxique, h la fois sûr et
d'un emploi facile, qui puisse nous délivrer du plus redou-
table des ennemis de la viiçne.
En attendant qu'il soit trouvé, le mieux est de recourir
aux cépages qui sont susceptibles de braver ses morsures,
et c'est ce que nos viticulteurs font en ce moment av(>c une
réelle vaillance. La reconstitution, vigoureusement conduite,
a déjà comblé bien des vides. Il semblerait peut-être singu-
lier de chercher à tempérer l'ardeur de ceux qui s'y
dévouent. Il n'est pas hors de propos, cependant, de
rappeler que c'est une œuvre qui compte encore bien des
inconnues et qui, par conséquent, doit être réalisée avec
prudence et sans trop de hâte. Chaque année nous apporte
un contingent de renseignements nouveaux, dont il est bon
de profiler. D'autre part, il est plus avantageux de faire une
plantation réduite et très soignée, que de couvrir une grande
surface de vignes donl l'enlrelien devrait être plus ou moins
négligé. Kn conservant à la reconstitution en cépages améri-
cains une allure moyenne, nous ne larderons pas à retrouver
les belles vendanges qui ont tant contribué jadis à fonder
la richesse du département.:
J'annexe à ce résumé le relevé dressé par le Service phyl-
loxérique sur l'ensemble du vignoble, el dont j'ai plus haut
indiqué la conclusion, plus une carte du département, sur
laquelle sont marquées en rouge les communes aciuellemenl
envahies par le phylloxéra, el en vert celles où la vigne
paraît encore saine.
859
SITUATION DU VIGNOBi.E EN 1899.
Vignes malades, mais résistant encore.
Cummunes.
Ancenis
Anelz
Cellier (Le)
Couffé
Jout'-sur-lÎKlrc . . .
Ligné
Mésanger
Monlrelais
Mouzeil
Oudon
ARRONDISSEMENT D'ANCENIS.
Hectares. CommuDes.
60 Report.
45 Paunecé
80 Riaillé
60 Rouxièi e (La)
50 Saint-Géréon
40 Saint-Herblon
55 Saint-Mars-la-Jailie
45 Teille
30 Varades
60
A reporter.
5*25
Total.
Hectares.
5*25
35
7
45
70
65
10
45
100
902
ARRONDISSEMENT DE CHATEAUBRIANT.
Communes.
La Meilleraie
Nort
Petit-Mars
Hectares.
20
100
45
A reporter 165
Communes.
, Report...
Saint-Mars-du-Désert .
Touches (Les)
Total.
Hoctares.
165
50
60
275
ARRONDISSEMENT DE NANTES.
Communes.
Aigrefeuille
Barbechat
Basse -Goulaine . . .
Bignon (Le)
Boissière (La) . . . .
Bouaye
Bouguenais
Brains
Garquefou
Hectares.
50
80
50
95
70
60
80
50
65
Communes. Hectares.
Report 600
Chapelle-Hasse-Mer 70
Chapelle-Heulin 40
Chapelle-sur- Erdre 30
Châteauthébaud 100
Chevrolière (La) 30
Glisson 60
Gorges 110
Haie-Fouassière(La) 40
A reporter 600
A reporter 1.080
360
Communes. Hectares..
Report 1.080
Haute-Goulaine
Landreau (Le)
I-eg<^
Limouzinière (La)
Loroux-Botteiean
Maisdon
Mauves
Moiinières
Montbert
Mouzillon
Nantes
Pallet (Le)
Planche (La)
Orvault
Pont-Saint-Marlin
Regrippière (La)
Remaudière (La)
Remouillé
Rezé
Sainl-Aignan
Saint-Colorabin
Saint-Elienne-de-Corcoué.
A reporter. . ,
45
90
40
30
200
80
60
70
30
90
85
50
65
6
70
50
55
60
30
65
55
1.491
Communes. Hectares.
Report 1.491
Saint-Fiacre 50
Saint-Herblain 50
Saint-Hilaire-du-Bois 35
Saint-Jean-de-Corcoué 60
Saint-Julien-de-Concelles. . . 95
Saint-Léger 50
Saiiit-Lumine-de-Clisson.. . . 20
Saint- Lumine-de-Ceutais. .. . 35
Saint -Mars-dc-Coulais 40
Saint-Philbert-de-Grand-Lieu 55
Saint-Sébastien 35
Sainte-Luce 40
Sautron 5
Sorinières (Les) 40
Sucé 35
Tbouaré 50
Touvois 25
Treillères 25
Vallet.. 350
Vertou 75
Vieillcvignc 50
Total 3.7H
ARRONDISSEMENT DE PAIMBOEUF,
Communes.
Arlhon-en-Retz. . .
Bernerie (La) ....
Bourgneuf- en-Retz
Chauve
Cheix
Frossay
Montagne (La).. . .
Pellerin (Le)
Pornic
Port-Saint-Père.. .
Hectares.
12
16
6
14
2
5
35
15
3
50
A reporter 158
Communes.
Report
Rouans
Sainl-Hilaire-de-Chaléons
Sainl-Jeau-de-Boiseau. . .
Saint-Père-eu-Retz
Saint-Viaud
Sainte-Marie
Sainte-Pazanne
Vue
Total
Hectares,
158
10
30
40
12
1
4
45
5
306
^
^
\\^^
+ «rJ-t/;
MAYENNE
:•••■•••••■. • ^-, , .lusanifei<..^ '^'■'^'^''^^. ..,—■' x ' V
■■■ "■:.... /^'"y^^ \ ' .•••--_.,-— .—■( ---^wnéHes
j ® \l,ouisfert. : ,?fSutiers *.
lient': ,^\ , i' ~T""^ •,, • 7 \ de--youvanUs' \
le OaurÀ' {Puçeul
/ / J^^^
/■>>.Joue sur-'Etii
/
A .V* ■v-."'" *. JannecfiSMcuinvusson '*.^.^
; lesTôudàr-^i \ * f^—T-omlh I '■■. «^ +
U
or
O
■ "■ ,' Mésanqer \ ^aSiouxjère ys^saweur
V
^Tay'f \ •ïïêric ■ •• . . . • « »/
■»
Àf
^ /ÏÏrailkdiaii^' J\SWa>J-4uJ>ésirt /j??^i
'liirades; , .
a.
:^s^C"- ■••■•..<'•■■■•■■ ^^^^«w
^
£oufsaà
T
^
••• 1 jtKi)?;-,-
/y<5-o/v<
I.
*.Vïeifleviane^
f'.Mennë"; .
^■'Mer-Mbrtb-—-'
^
t
JV /S3S
361
ARRONDISSEMENT DE SAINT-NAZAIRE.
Communes. Hectares Communes. Hectares.
Cordemais 6 Report 42
Couéron 35 Escoublac 30
Doiiges 1 Saint-Nazaire 8
Vigneux 2
A reporter 42 Total 82
RÉCAPITULATION.
Hectares.
Arrondissemeiu d'Ancenis 902
— (le Ghàteaubriiind 275
— de Nantes 3.711
— de Paimbœuf 306
— de Saint-Nazaire 82
Total 5.276
Surface du vignoble en 1 898 23.641
Vignes détruites en 1899 2.828
Reste 28.813
Vignes plantées en 1 899 2 . 400
Surlace du vignoble en 1899 23.213
A déduire :
Vignes malades 5.276 ]
' 5 790
Vignes suspectes 514 (
Vigncvs paraissant indemnes à la fin de 1899 17.432
24
LA CANAIGRE
Par a. Andouard.
La Canaigrt' {Rumex hymenosepalus) esl une plante dont
la racine, très asiringenle, esl affectée au tannage des
peaux, depuis plus d'un demi-siècle, par les Indiens du
Texas. L'industrie américaine se préoccupe beaucoup en ce
niomenl de son utilisation.
Originaire de Californie et très . répandue sur la côte du
Pacitique, elle esl bisannuelle et 1res rustique. Cependant,
si on veut lui faire produire un rendement élevé, il faut la
placer dans un terrain sabloiuieiix et frais, qu'il est même
bon de pouvoir irriguer.
On la renouvelle, soit par graine, soit au moyen de ses
racines, qu'on peut planter en lignes, comme on le fait pour
les pommes de terre.
En Californie, on procède à cette opération vers la fin de
septembre, en choisissant des terres siliceuses très meubles,
que l'on a soin d'arroser lorsqu'elles se dessèchent.
Les sols pauvres et compacts ne conviennent pas à la
Canaigre. Elle résiste assez bien, cependant, dans un milieu
maigre ou aride, en ce sens qu'elle n'y meurt pas. Mais sa
végétation est presque nulle en l'absence d'humidité.
Quand l'automne esl pluvieux, la plante sort de terre au
mois de décembre. S'il esl sec, elle ne commence à se
développer qu'aux preujiers jours de février. Sa croissance
est très rapide. La floraison a lieu à la fin d'avril. Un mois
plus lard, les graines sont mûres el les feuilles s'apprêtent à
tomber.
La lige est forte et résistante.
Les feuilles sont larges, épaisses el très lisses, parfois
ondulées. D'après les renseignements fournis par M. de
Lalande, consul général de France à San Francisco (i),
leurs deux pages sont presque identiques ; la structure de
l'épiderme, le nombre el la forme des stomates n'y diffèrent
pour ainsi dire pas.
Les fleurs sont renversées et suspendues par un pédicelle
assez long et linéaire.
Les racines sont un peu odorantes, presque cylindriques,
d'un jaune pâle à l'intérieur et recouverles d'une enveloppe
brunâtre, billes sont fasciculées. Leur volume est très
variable el souvent assez considérable, dans les cultures bien
réussies.
Après la cbûle des feuilles, ce volume reste sialiomiaire
pendant plusieurs mois. On admet généralement que l'organe
continue à s'enrichir en principe astringent jusqu'au mois
d'août.
On n'esl pas encore fixé sur le litre des racines en acide
tantiique, à la fin de leur première el de leur deuxième
année. Aussi, parmi ceux qui la cultivent, les uns renou-
vellent la plantation tous les ans, tandis que les autres pré-
fèrent laisser le végétal accomplir le cycle entier de son
évolution. 11 y aurait un grand inléiét à élucider cette
question.
L'arrachage se fait facilement à la main.
Le rendement vérifié en Californie, dans un sol bien pré-
paré, a été de 25,000 kilogrammes à l'hectare, avec des
plants sauvages. Il s'est élevé jusqu'à 40,<)00 kilogrammes,
(1) Jiei'ue des cultures coloniales.
364
la deuxième, année, pour une récolle provenant de racines
cultivées et entourées des soins nécessaires.
Ces racines, principal intérêt de la culture de la Ganaigre,
sont livrées au commerce tantôt dans leur état entier, tantôt
après avoir été coupées en rondelles de 5 millimètres
d'épaisseur, que l'on fait sécher soit au soleil, soit dans des
étuves chauffées à 50 degrés seulement.
En Amérique, leur prix varie enire 150 et ^200 fr. la
tonne, à l'état sec. Or, il faut trois tonnes de racines fraîches
pour en fournir une de racines sèches. Le produit brut de
l'hectare ressortirait donc entre 1,400 et 1,600 fr., pour la
récolte minimum indiquée plus haut. Il monterait à un total
très séduisant, dans le cas de rendements supérieurs à
25,000 kilogrammes de racines vertes.
J'ai eu récemment à examiner des racines fraîches de cette
espèce, provenant d'une région méridionale peu éloignée,
oii elles s'étaient développées dans les conditions que voici :
La Ganaigre avait été semée le ^10 septembre 1898, dans
une terre pauvre, à laquelle on avait donné à ce moment un
peu de fumier de ferme, puis un épandage de poudrette
au mois de mars suivant. La germination a été très satisfai-
sante et les jeunes plantes, arrosées de temps en temps, ont
pris rapidement un développement normal.
Elles ont été éclaircies de manière à être distantes de
55 centimètres entre les lignes et de -20 à 30 centimètres
dans la ligne. Dès le milieu de décembre, elles présentaient
déjà sept ou huit feuilles très vigoureuses, d'un beau vert
brillant, portées par un pédoncule rougeâtre et mesurant
environ 12 centimètres en largeur sur 30 en longueur. Leur
végétation s'est ralentie en décembre, par suite de l'abaisse-
ment de la température. Elle a repris son essor aux premières
chaleurs de février, d'une manière très active. Vers le
365
l*"^ mai, chaque plante portait de 12 à 18 feuilles, larges de
12 i» 15 centimètres et tiaulesde 40 à 60 centimètres.
A ce moment, les hampes florales ont commencé à se
montrer. Elles se sont élevées jusqu'à 55 et même jusqu'à
75 centimètres. A la fin de mai, elles avaient mûri leurs
graines, dont la production a, pour plusieurs d'entre elles,
atteint le volume d'un litre.
A partir du mois de juin, les feuilles ont commencé à se
dessécher; le 15 du môme mois, elles étaient complètement
fanées.
Les racines ont été arrachées quelques jours plus tard.
Leur poids atteignait souvent 350 et même 425 grammes,
leur longueur 35 à 40 centimètres, pour les mieux déve-
loppées.
J'y ai dosé 23,50 «/o de tannin.
Dans un autre envoi, provenant de la môme culture et
reçu un mois plus tard, le litre était un peu plus faible, ce
qui se trouve en contradiction avec l'enrichissement supposé
de l'organe, après la chute des feuilles. Voici les résultats
obtenus :
Grosses racines 18,87 % de tannin.
Petites racines 20,25 —
C'est encore très satisfaisant et, d'ailleurs, cet essai unique
ne prouve pas d'une manière absolue que la richesse de la
Canaigre diminue constamment après le mois de juin. La
vérification de tous les points douteux pourra être effectuée
l'an prochain. En attendant, il reste acquis que les racines
de la Canaigre peuvent atteindre un titre tannique aussi
élevé qu'au pays d'origine, sous des latitudes moins chaudes.
M. de Lalande avait déjà émis l'opinion que cette culture
pourrait être tentée avec succès dans nos colonies et même
366
dans quelqu'^s déparleinenls du sud-ouesi de la France. Il est
à désirer qu'il en soil ainsi. La fabricalion toujours croissante
des extraits lanniques aura bientôt raison de tous nos bois
aslringenls. Dans peu d'aniiées, le châtaignier ne sera plus
qu'un souvenir, si on ne se préoccupe pas de le replanter
activement. Après celle dévastation, nous assisterons à celle
du chêne, déjà commencée. 11 serait grand temps de trouver,
à des arbres si utiles à d'autres points de vue, des succé-
danés pour la préparation des produits qu'emploie de plus en
plus la tannerie.
ALIMENTATION DE LA VILLE DE NANTES
EN EAU POTABLE
PAR A. ANDOUARD
En 1896, le Comité consultatif d'hygiène de France
exprimait le regret qu'aucnne suite n'eut été donnée au vœu
antérieurement formulé par lui et tendant à faire explorer
les alentours de Nantes, dans |.^ but d'y découvrir soit des
sources, soit des eaux équivalentes susceptibles d'être déri-
vées par les procédés appliqués dans d'autres villes voisines.
Déférant à ce vœu, le Conseil municipal de Nantes votait, le
l""" février 1898, le crédit nécessaire à celte exploration,
qui fut immédiatement commencée, sous l'habile direction de
M. Michel, ingénieur de la ville.
Avant cette étude, les munici|;)alilés précédentes, égale-
ment préoccupées de la solution du même problème, avaient
fait fouiller les deux flancs du sillon de Bretagne, aux envi-
rons de la route de Vannes, puis le grand plateau qui
s'étend de Saint-Joseph à Carquefou. Ni dans l'une, ni dans
l'autre de ces régions on n'avait trouvé de nappe aquifère
suffisante pour la consommation minimum de la vill*; de
Nantes. Il fallait chercher ailleurs.
C'est alors que la Commission des eaux du Conseil muni-
cipal, ramenée malgré elle à l'utilisation de l'eau de la Loire,
proposa tout d'abord le système des galeries fiUrantes
latérales au fleuve, qu'elle abandonnait peu de temps après,
368
non sans raison, pour celui des puits filtrants de M. l'ingé-
nieur Leforl. Ces puits, qui devaient être édifiés au milieu
de la Loire, étaient percés de barbacanes livrant passage a
Teau filtrée horizontalement à travers une épaisse couclie de
sable. Le spécimen construit sur l'île Beaulieu donna les
meilleurs résultats. L'eau qu'on y recueillait présentait une
limpidité parfaite et ne contenait, en moyenne, que 73 à
13^2 bactéries par centimètre cube, au lieu de 10,000 ^
25,000 que charriait à ce moment la Loire non filtrée. Dans
un seul cas, elle en avait conservé 300.
Malgré celte pureté relative très satisfaisante, le Comité
consultatif d'hygiène refusa de donner un avis favorable,
tant que la ville n'aurait pas épuisé les moyens de se procurer
de l'eau de source. C'est ainsi que l'Administration muni-
cipale fut conduite à faire explorer l'arrondissement de
Châteaubriant, oii, disait-on, existaient des sources nom-
breuses et utilisables. Le succès ne répondit point aux espé-
rances que l'on avait conçues ; le débit des sources suscep-
tibles d'être captées était beaucoup trop faible pour les
besoins à satisfaire.
Les regards se tournèrent alors vers les environs de Gholel,
oîi l'on avait supposé tout d'abord qu'il serait facile de
trouver un approvisionnement régulier de 20,000 mètres
cubes d'eau par jour. La région fut visitée avec soin et
sembla digne d'une étude approfondie, que le défaut de temps
et de crédit ne permettait pas d'effectuer, h ce moment,
d'une manière complète. Celte étude ne fut i)as poursuivie.
Le service technique avait évalué h neuf millions de francs
l'adduction des eaux que l'on pouvait capter sur le versant
sud-ouest de la rivière d'Evre, entre Beaupréau et Saint-
Léger. C'était environ le double de ce que coûterait la filtra-
lion de l'eau de Loire. Pour ce motif, et en raison de la
(linicullé de réparer promplement les accidents survenant
369
dans une conduite aussi lointaine ; en raison encore de la
contamination possible d'un drainage de ce genre et de
l'incertiuide de son débit, la Commission des eaux pensa que
le projet d'alimenter Nantes avec de l'eau de source devait
être entièrement écarté.
A ce moment (14 novembre 1894), le Conseil municipal
dénonça le traité qui liait la ville avec la Compagnie des
Eaux, alors concessionnaire du service public. Le premier
usage qu'il fit de sa liberté d'action fut de revenir à l'idée
des puils filtrants. Le 31 mai 1893, il volait la résolution
suivante : « Toutes les eaux devant servir à l'alimentation
de Nantes seront filtrées par le système des puits Lefort. »
La question paraissait près d'être résolue ; mais on avait
compté sans l'obstination du Comité consultatif d'hygiène de
France, qui persiste h réclamer l'élude complète de la région,
au point de vue des eaux de source, avant d'autoriser l'uli-
lisation des eaux de surface.
Il fallut céder et reprendre l'examen des terrains aquifères
des environs de Nantes. Cette élude fut confiée à M. l'ingé-
nieur Michel et résumée par lui dans un très intéressant
rapport, auquel j'emprunte en partie les détails qui vont
suivre.
Pour préjuger des ressources en eau potable que peut
offrir le département, il est nécessaire de jeter un coup-d'œil
général sur sa constitution géologique.
Aux abords de Nantes apparaît le long massif de roches
éruptives qui vient du Poitou et qui est orienté du sud-est
au nord-ouesl. Insensible lorsqu'il approche des Sorinières,
ce massif s'abaisse encore pour livrer passage au fleuve,
puis il se relève aux portes de la ville, où il forme le sillon
de Bretagne, dont la prolongation va s'éteindre dans le
département du Finistère, h la pointe du Raz.
370
La nature des terrains n'est pas la môme au sud et au
nord de la Loire. Sur la rive droite, ce qui domine ce sont
les schistes et les grès siluriens, recouverts par des dépôts
tertiaires. Sur la rive gauche, on ne rencontre pour ainsi
dire que les formations de Pelage précambrien. Kntre les
deux, des alluvions récentes, puis les attérissements du
littoral et un vaste bassin marécageux. De ces divers terrains,
dont la valeur est très inégale commo réservoirs d'eau
alimentaire, ceux-là seulement répondent aux exigences du
Comité consultatif d'hygiène qui avoisinent le massif éruplif.
Mais de quel côté de la Loire sont ceux qu'il est préférable
d'étudier? M. Michel a fait à ce sujet un examen minutieux
de tout le territoire compris dans un cercle de fiO kilo-
mètres de rayon et dont le centre serait Nantes. Voici ses
conclusions :
« L — La partie supérieure du bassin de l'Erdre, exclu-
sivement constituée [lar les schistes de l'éliige silurien, ne
pourrait fournir qu'une eau de fort mauvaise qualité et doit
être écartée à priori. Il en est de même des bassins de
formation récente, des plateaux de l'étage pliocène et des
ruisseaux tributaires du lac de Grand-Lien.
>) IL — Le sillon de Bretagne, avec ses petits vallons où
l'eau paraît très belle, pourrait servir l\ l'alimentation d'une
petite ville. Il lui manque des ressources en eau suRisanles
pour les besoins d'une agglomération connue Nantes, en
pleine voie d'extension.
•> III. — Les micaschistes, qui occupent la zone située
entre le sillon de Bretagne et le canal de Nantes à Brest,
sont recouverts d'une couche de limon argileux et ne cons-
tituent pas un grand lillie naturel, où les eaux |)luviales
subissent l'épuration nécessaire avant de pouvoir être recueil-
lies souterrainemenl. Us donnent de boime eau dans quelques
[tuits ou dans certaines vallées. Mais ce caractère n'est pas
^71
général ; on ne saurait conserver l'espoir d'en tirer un bon
parti.
« IV. — Malgré le grand nombre de cours d'eau qui
forment le bassin de TEvre et qui traversent le massif précam-
brien situé entre Gholet et la Loire, ce massif est très imper-
méable, môme à sa surface, et les ruisseaux sont plutôt
alimentés par les eaux superficielles que par les sources de
nappes profondes. La nature schisteuse du sous-sol n'engage
pas à y entreprendre des travaux de captage.
" V. — La Sèvre nantaise et plusieurs de ses affluents
occupent un massif granulitique qui, malgré son imperméa-
bilité h une certaine profondeur, présente h sa surface une
couche perméable de matériaux provenant de la décomi)0-
sition de la granulite. Cette couche peut emmagasiner, en
hiver, les eaux pluviales. Le Bocage vendéen, avec ses
coteaux arrondis et très fertiles, présente bien tous les
caractères des régions granitiques de la Bretagne, où les
villes de Rennes et de Quimper ont tiré leur eau d'alimen-
tation.
» Une conclusion très nette doit se dégager de tout ce
qui précède :
« La seule région, aux abords de Nantes, qui se prête à
une étude complète d'adduction d'eau de source, est le grand
massif de gi^anulite situé au sud de la ligne passant par
Clisson, Gholet et Thouars. «
Ce massif contient, presque en entier, le cours principal
de la Sèvre et tous ses affluents en amont de Clisson.
Les trois affluents qui se jettent dans la rivière en aval
de cette ville : la Maine, la Moine et le Verret, coulent
en majeure partie sur des terrains qui ne permettent pas de
les utiliser. Mais il en est autrement de plusieurs des tribu-
taires de la Maine, tels que VIsère, le Pont de Roche et
Beaurepaire, qui sortent du massif éruptif.
87^
Ceux qui sont en amont de Glisson n'ont pas le débit
imporlanl des précédents; mais ils apparliennenl tous au
massif éruptif et, par suite, ils mériteraient d'ôlre captés, si
leurs sources se trouvaient h une altitude suffisante pour
alimenter la ville de Nantes par la gravité seule. Il n'en est
point ainsi entre Clisson et Mortagne, où presque toutes les
eaux souterraines partent d'une cote inférieure à 80 mètres.
Exception doit être faite, cependant, pour le Gaudineau
et pour la Crume, dont les bassins remplissent la condition
qui vient d'être citée. La Grume surtout doit être soigneuse-
ment étudiée. Elle émerge h l'altitude 216, au pied du pla-
teau de Ghambretaud et, en ce point, la granulite, désa-
grégée, offre un excellent terrain de captage.
Au delà de Mortagne, tous les affluents de la Sèvre sont à
une altitude supérieure à 80 métrés ; ils peuvent tous
contribuer à l'approvisionnement de Nantes, dans la mesure
de leurs volumes respectifs.
Sur la rive gauche, Vlègue a un débit ordinaire de
280 litres, pouvant atteindre 10 mètres cubes, en temps de
crue. La longueur de son cours n'est malheureusement que
de 4 kilomètres et demi, mais elle présente plusieurs points
utilisables.
Le Blanc offre une importance plus grande. Le volume
habituel de ses eaux est de 355 litres et il s'élève à 15 mètres
cubes dans les moments de crue. Il a des affluenis nom-
breux, d'inégale valeur alimentaire, avec lesquels il occupe
une superficie totale de 2,800 hectares.
Sur la rive droite, YOuin est la seule rivière susceptible
de jiarticiper à une adduction d'eau potable ; encore ne
pourrait-on la capter qu'en amont de Chatillon et seulement
dans les petits vallons du versant de sa rive droite, le reste
étant souillé par des industries nombreuses.
En continuant à remonter le cours de la Sevré, on trouve.
378
aux environs de Mallièvre, au sortir d'une section à bords
très escarpés, trois ruisseaux d'une certaine valeur : VAujar-
dière, la Rigale et la Youzaie, formant ensemble une surface
de "2,700 hectares.
A Mallièvre même, le sous-sol est schisteux et, par suite,
impropre au captage. Il faut aller jusqu'aux Ghateliers pour
retrouver le massif éruptif. Là, on touche au plateau de
Saint-Michel-Mont-Mercure h Pouzauges, dont les altitudes
en ces deux points sont de 285 à 278 mètres, et on trouve
les ruisssaux de la Barboire, de la Doroire et de la Fon-
taine de la Tréquinière, les meilleurs de tout le massif.
On en rencontre d'autres plus haut encore et très bien
orientés pour la facilité de leur captation. Mais les précédents
sont déjà bien éloignés de Nantes et M. Michel n'a poussé
si loin ses recherches que pour vérifier la possibilité d'une
extension future de la canalisation aquifère.
L'ingénieur de la ville pose en principe avec raison, en
effet, qu'une adduction d'eau potable n'est admissible que si
elle réunit les conditions suivantes :
1° La région choisie devra fournir en tout temps la quan-
tité d'eau reconnue nécessaire pour l'alimentation actuelle
de la ville;
"2" La qualité des eaux captées sera celle des meilleures
eaux potables ;
3" Si la population de la ville augmente, ou si les besoins
de l'hygiène exigent une plus grande consommation, la région
devra fournir le cube d'eau supplémentaire.
La quantité d'eau réclamée par les usages domestiques est
au moins égale à 50 litres par jour et par habitant. Pour y
satisfaire, à Nantes, l'ensemble des sources dérobées devrait
donner un débit quotidien de 6,500 mètres cubes. Ce débit,
il faudrait même le porter à 7,500 mètres, dans le but de
374
desservir les comiiiimes suburbciines, dont l'annexion s'impo-
sera dans un avenir prochain.
L'eau amenée doil être potable. Aucune divergence d'opi-
nion n'esl possible à cet égard. Il serait inutile d'aller cher-
cher au loin, à grands frais, une eau qui ne serait pas
supérieure à celle de la Loire.
Enfin, une sage prévoyance oblige à supposer que les
générations futures ne seront pas suffisamment alimentées
avec le contingent d'eaii dont nous pouvons nous contenter
aujourd'hui. M. Michel voudrait que la ville pût trouver,
dans la région qui l'approvisionnera, un cube d'eau de
lii,000 mètres au moins. On ne peut qu'être de son avis.
Voyons comment le bassin de la Sèvre remplit ces Irois
conditions.
M. Michel a calculé le débit des vallées qui bordent les
atîluents de la Sèvre, à raison de 2 mètres cubes d'eau par
hectare versant, ou de 500 litres par mètre linéaire de drain.
Le coefficients ainsi obtenus sont approximatifs; ils ont besoin
d'être contrôlés par des jaugeages directs ; mais ils per-
mettent de classer les zones d'une môme région d'après
leurs ressources probables. J'emprunte au rapport de
M. Michel les résultats de ses déterminations
T;iltle;iii.
r^75
13
3
S
>-t
-D
■u
o
-c
a
CJ
1 =
-
• —
tn
</; —
en
-*-*
*1^
'.^
j""
13 G
OJ
S
_0 ,03
c:
'û?
cr
îâ
0.
03
o>
x;
.c es
j= ?n
-o
«5 t«
03 :_
— , s
=3
U3
s-
03
"=5
03 o
03
!»
03
-a
0.'
o
03
o
c
-C
ë
X
U3
co
03
OJ
en —
_03
.r:
03 en
C8
'S
03
OJ
•— 1m
ï«
O)
1
1
-c
03
c2
03
- Produ
ne 3 pa
3
O
£-
O.
1
C9
a.
03
.«
i
^
03
S
•
£-
,
r—
03
bfc
. o
•
o
■
Cv(
^ _
s
O
3
03
ra
o
03
o
o
1«
5i
s s
03
o
-a
CL
o 03 •
o
O
o =
-o
O
03
03
03 2
o
o;
ce
a
o te
13
-c
=
-o
-c T^
-c
o
lO
c^
t^
ro
r-
r^ c->
l--.
:= t-
o
o
eo
lO
ID
Cl o
os
■zn <r
t^
■^-
ce
>n
O
o —
<*
or o
?0
C/3
•«•^
M
s
«a;
-o
s
4>
a;»
03
ja
«
(f,
XI
^
o
«
a-
— ' "O / ., — ,
=3 --U
bC —
a "C
o tn
~~ 03
"ï J2
O
1«
ifî
IV.
m
»o
Uî
U5
^
■w
<*
Uî
^
i^
en
d
OS
^
CI
3î
—
ro
\in
3î
•-
■ 3î
CD
0, —
-03
S
.£2
3
(M
Cl
;0
C»
Cl
o
•-o
:0
ire
30
c>
d ^< rc
I
03
3 S S ■* = i'
o c c "3 s
o
o
30
O
1«
os
os
o
es
es
30
QO
o
t^
Cl
'^
Cl
Clî
—
•^
^
_
Cl
s
X!
X!
o
m
Œ>
^
O
^
o
o
o
co
îO
30
30
Ï<S
<*
o
:C
ce
•^
r^
fC
Cl
Uî
irt
o
fC
>rt
s tn
o « X £
3 «! i: S —
j^ 03 s es -03
s - o O' a
o
-c -=:
o
!=
^
o » o c
^ c> o c>
Cl <* <* —
— os — •
os
Cl
03
-43
o
o
" ■ ^
o. — r
03 O) c —
— i. o ™
■03 s û, o
, 03 03 13
_! CQ _5 _J
a
es .""
-J -1
£ '•■B £:
bC
_2 .2f
cû
03
-J
®:
:9
376
A ne considérer que les rendements des affluents de la
Sèvre, il semble facile d'y trouver, même avec surabondance,
le cube d'eau nécessaire à la population présente et fulure
de la ville de Nantes. Mais la disposition topographique de
leurs bassins met, k leur groupement général, des obstacles
presque insurmontables. Une crête sépare les trois premiers
des cinq derniers et ne permet pas de les utiliser en même
temps. Mais le Gaudineau et la Grume, placés entre les
deux groupes, peuvent être joints à l'un ou i» l'autre, indis-
tinctement. De là trois solutions proposées par M. Michel :
1" Les trois affluents de la Grande-Maine donnent ensemble
4,144 mètres cubes d'eau. En y ajoutant la Grume et le
Gaudineau, on atteint le débit probable de 6,774 mètres
cubes ;
2» En restant tout à fait dans le bassin de la Sèvre, on
peut obtenir 6,759 mètres cubes, en réunissant : le Gau-
dineau, la Grume, l'Iègue et le Blanc ;
3» La troisième combinaison consisterait à prendre les
six dernières vallées du tableau, dont les apports formeraient
un total de 7,500 mètres cubes.
Pour choisir entre ces trois solutions, en admettant qu'elles
puissent fournir de l'eau d'égale qualité, il ne suffit pas
de regarder au rendement. Il faut mettre aussi dans la
balance le coût des travaux de canalisation et l'extension
dont chaque réseau est susceptible. Examinons d'abord la
première condition.
Tableau.
877
Comparaison des solutions.
©:
:©
Désignation
des
solutions.
Noms
des vallées.
Longueur
de la
conduite
dadductioi)
(kilomètres)
/Isère
Première Ibeaurepairc . .
solution.. . 'Pont-de-Roche
(Gaudineau.. . .
(]rume
! Gaudineau.. . . \
Crume (
lègue
Blanc
l'ègue.-. j
Troisième ^''•"l'
solufon...^'^«'V-----
/Aujardière. . .
\ Vouzaie
I
I
75
86
SI
Quantité
d'eau
minimum
(mètres
cubes).
6.774
6.759
7.503
Estimation
totale
(francs).
7.450.000
8.200.000
8.400.000
par
mètre
cube
(■frdiics)
1.100
1.213
1.120
;©
Si on se. borne à envisager les nombres qui précèdent, on
est lenlé d'adopler la prenùère soliuion, c'est la moins oné-
reuse des trois, eu apparence, mais elle a un défaut caché :
elle n'est pas susceplible d'extension. Si la consommalion de
la ville de Nantes venait à dépasser les 6,700 mètres cubes
d'eau qu'elle pourra probablement fournir, il faudrait
recourir à l'une des deux autres solutions ou bien dériver
les aflluents de la Sèvre qtii descendent de Saint-Michel-
Mont-Mercure, c"est-k-dire prolonger de "li kilomètres \/i
la conduite d'adduction. La canalisation passerait alors par
les Herbiers, Saint-Maur, les Epesses et Ghateliers, englobant
les ruisseaux de la Flocellière, dont la forte altitude permet-
26
378
irait ^ la conduite d'atteindre le bassin de la Sèvre, en fran-
chissant le col des fipesses. L'économie su|»[iosée s'évanoui-
rait (levant un travail aussi considérable,
La deuxième solution ne vaut pas beaucoup mieux. Elle,
est plus coûteuse que la première et, de plus, elle a l'incon-
vénient de trop disperser les captages ; la réunion des eaux
des vallées de la Grume et du Gaudineau à celles du Blanc
et de riègue, exigeraient une canalisation de 15 kilomètres
environ.
M. Michel recommande la troisième. Il repousserait en
amont de Morlagne les premières prises d'eau, réservant
pour les besoins futurs les vallées inférieures, notamment
celle de la Grume, sans préjudice des bassins dont les eaux
viennent du massif de Saint-Michel-Mont-Mercure. Gette
combinaison utiliserait immédiatement l'iègue, le Blanc,
l'Aujardière, la Rigale et la Vouzaie, soit 7,500 mètres cubes
d'eau. Et elle donnerait la faculté d'accroître ce débit, s'il
était nécessaire, soit en faisant des emprunts aux affluents
inférieurs : l'Isère, le Gaudineau et la Grume, soit en allon-
geant le collecteur jusqu'à la Pommeraye, dans une région
beaucoup plus riche en eau que celle de Mortagne.
La quantité semble donc assurée, surtout dans la dernière
combinaison. Il reste à voir si la qualité répond aux exi-
gences de l'hygiène. Examinons d'abord l'étal physique des
eaux :
Tableau.
879
O
I.IEUX
Dates
Tempe
rature
Couleur.
des prélèvements.
des
prélèvements.
exté-
rieure.
de la
nappe
Limpidité.
Odeur.
La Barboire
18 août
SÔ"
l3o
Parfaite
Nulles.
La Clairière ....
>l
30"
90
)>
(>hêne-Morin ....
25 août
l9o
130
))
Pont-Boucher. . . .
1)
210
140
)>
»
La Ghapotière . . .
'2 septembre.
200
150
Légf trouble
))
La Blanchardière .
»
20o
1305
Opalescente
II
La Barboire
10 septembre.
tfio
l3o
Parfaite
»
La Rigale
■■
21o
140
i>
1)
Id .;
19 septembre.
210
IO05
l4o
1205
))
II
1)
La Barboire
La Rigale
))
1005
1205
))
1)
L'Aujardière ....
28 septembre .
100
130
>>
Treizp-Vents ....
»
120
130
1)
II
L'Aujardière
r> octobre. . .
90
130
n
11
Mallièvre
1)
l2o
14o'
n
La Ghapotière. . . .
13 octobre . . .
1105
150
l>
1)
La Clairière
'•
905
13"
)l
é
La limpidiU' de toutes ces eaux ne laisse à désirer que
dans celles de la Ghapotière et de la Blanchardière. Encore
ce défaut n'exisle-t-il à la Ghapotière que dans réchantillon
du i septembre ; il a disparu dans celui du 13 octobre,
c'était un accident. A la Blanchardière, il n'en est pas ainsi ;
Teau est restée opalescente jusqu'à la tin des jaugeages, au
lieu de s'éclaircir dès le troisième jour, comme les autres.
Gela tient à la présence d'une forte proportion d'argile dans
la granulite. La vallée est défectueuse ; elle a été abandonnée.
La température de la nappe souterraine est d'environ 13".
Une seule fois elle s'est abaissée h 9". Une seule fois aussi elle
est montée à 15°. Dans ce dernier cas, le drain n'avait pas
380
élé placé à une profondeur suffisante. La moyenne, IS**, est
bonne; toutes les eaux sont acceptables à cet égard.
Elles sont irréprochables également sous le rapport de
l'odeur et deja couleur. Leurs conditions physiques sont
satisfaisantes ; passons au côté chimique.
LIEUX
des prélèvemeiils.
Titre
hydroli-
métrique
Sels
miné-
raux
par litre
Matières
organi-
ques.
Chlore.
Ammoniaque
0
Nitriles.
i.a Barboire
805
0g250
OgOI3
0.018
Traces
Traces
La Clairière
5o2
0.140
0.009
0.014
Néant
id.
Chêne- Morin ....
504
0.180
0.007
0,028
Traces
Id.
l'ont-Boucher. . . .
4"6
0.110
0.009
0.018
Id.
Notables
La Blanchardière.
900
0.240
0.013
0.018
Id.
Id.
La Chypotière. . . .
H07
0 280
0.021
0.025
Id.
id.
La Barboire
405
0.180
0.006
0.014
Néant
Traces
La Rigale
5o'2
0.185
0.008
0.012
Traces
Id.
id
500
402
0.180
0.160
0.007
0.007
0.014
0.014
Id.
Neunt
id.
Id.
La Barboire
La Rigale
3oy
0.160
0.009
0.014
Traces
Id.
LAujardière ....
308
0.140
0.006
0.014
Id.
Id.
Treize-Vents ....
3"8
0.140
0.006
0.013
Néant
Id.
L'Aujardière ....
309
0.120
0.006
0.014
Traces
Id.
Mallièvre
402
0.125
0.007
0.014
Id.
Id.
La Ghapoiière . . .
604
0.175
0.008
0.016
Id.
Id.
La Clairière
Soy
0.120
0.007
0.012
Id.
Id.
ï
Toutes les eaux sont extrêmement légères. Si on écarte
celles qu'ont données au début la Cliapolière et la Barboire,
et qui se sont améliorées ensuite, la plus chargée ne contient
que 185 milligrammes de sels minéraux par litre. Cette
quantité, très faible, descend plusieurs fois à liO et même [\
110 milligrammes, plaçant ainsi les eaux parmi les plus
légères.
381
Leur lilre liydrolimélrique esl compris entre 3°,8 el 6°,4.
Il les range dans le groupe des eaux pures du Comité consul-
talil d'hygiène de France.
Sous le rapport des matières organiques, il n'y a que l'eau
de la Blanchardière, (\é]l\ condamnée pour son opalescence,
et les premières eaux fournies par les drains de la Barboire
et de la Chapolière qui soient défectueuses. Toutes les
autres se tiennent entre 6 et 9 milligrammes, calculés en
acide oxalique ; elles sont dans de très bonnes conditions.
La proportion du chlore est un peu forte pour des eaux
souterraines. Elle accuse vraisemblablement la pénétration
des eaux superficielles, toujours souillées par des déchets
d'origine animale. Elle n'est pas excessive, toutefois ; ■ elle
oscille entre 12 et 18 milligrammes par litre, sauf pour l'eau
du Chône-Morin el la première écoulée du drain de la Ghapo-
tière, où elle atteint îlS et 25 milligrammes. Ces derniers
chiffres même ne font pas sortir les eaux en question de la
classe des eaux potables, d'autant que le voisinage relatif de
la mer explique, îi la rigueur, la présen^'c d'une certaine
partie du chlore constaté.
La pureté des eaux s'affirme encore du côté de l'ammo-
niaque el des nitrites, dont il n'existe des quantités noiables
que dans les trois échantillons reconnus mauvais pour
d'aulres causes. Partout ailleurs il n'y en a que des traces
insignifiantes.
Au point de vue chimique, les eaux drainées par M. l'ingé-
nieur Michel ont donc toutes les qualités des eaux potables
et pourraient utilement être appliquées à l'alimenlaiion de
Nantes, si le massif vendéen peut réellement fournir la quan-
tité nécessaire à nos besoins et si les dépenses d'adduclion
ne dépassent pas les moyens de la Ville.
DISCOURS
PRONONCE
DANS LA SÉANCE DU 10 DÉCEMBRE 1899
A LA SALLE DU GRAND-THÉATRE
Par M. le D> HERVOUET
Président de la Société Acailéiuique de la Loire-Inférieure
Professeur à l'Ecole de Médecine.
Messieurs,
Ce n'osl pas chose banale que d'inaugurer un deuxième
siècle, de lenler de renaître, de commencer pour ainsi dire
une seconde vie. G'esl pourlanl ce que la Société Acadé-
mique entreprend en 1899. Après les fêtes brillantes de l'an
passé, fêles inoubliables, organisées pour cékbrer le cente-
naire, rhonneur de la présidence me parait bien lourd, bien
difficile h porter.
Vous avez entendu ici même de vrais orateurs et de vrais
académiciens : vous comprendrez qu'il est douloureux de
leur succéder. Aussi, mes collègues me permettront de le
leur dire : ils se sont trompés et ont renversé les rôles.
Pour enterrer un siècle, comme ils l'ont fait il y a un an,
ils pouvaient sans danger mettre à leur tête un président
sans initiative, ni entrain, un président triste et d'allure
funèbre. Pour inaugurer une ère nouvelle, comme l\ présent,
il nous fallait un homme d'action, doué de la crânerie néces-
383
saire l\ l'exécution des t^rands projpis ; il fallait, en un mot,
un président entreprenant.
C'est donc mon prédécesseur qui devrait occuper celte
place aujourd'liui, avec l'autorité nécessaire.
Mes collègues ont fait tout le contraire. C'est leur affaire.
Malheureusement c'est la mienne aussi, et même un peu la
vôtre, du moins pour quelques minutes.
Quoi qu'il en soit, je le répète, c'est une chose extraor-
dinaire et presque incroyable que de vivre cent ans, surtout
^ l'état d'association. Il est si difficile aux hommes de s'en-
tendre longtemps. Il en est pour qui la vie h deux est presque
impossible. Jugez de la difficulté d'une bonne entente entre
cent personnes.
Notre persistante et inaltérable harmonie réalise donc un
fait pour ainsi dire miraculeux. Aussi quand j'ai dû me
mettre à la recherche d'un sujet de discours, je me suis
inspiré de la circonstance : puisqu'elle est extraordinaire,
surnormale, j'ai pensé qu'il fallait vous dire des choses
extraordinaires, surnormales.. .
Du moins, j'ai cru qu'il était opportun de démontrer, au
moyen de quelques exempK^s, que le vrai n'est pas toujours
vraisemblable, qn'il faut savoir admettre de certaines choses
en apparence impossibles ou absurdes ; qu'il importe de
mettre des bornes au scepticisme, par respect même pour la
vraie science. Il est temps, enfin, de reconnaître qu'un fait
peut être légitimement reconnu pour exact, alors que toute
explication nous échappe entièrement.
Qui eût dit, en 1798, que la Société Académique conti-
nuerait ses séances en 1899? Personne ne l'eût voulu croire
et si un prophète s'était avisé de l'annoncer, on l'eût qualifié
(le rêveur pitoyable.
El pourtant cela est. Nous sommes obligés de le croire,
malgré la difficulté d'expliquer le phénomène, et dans cent
884
ans vous constaterez peut-être qu'elle vil toujours, mals^ré
rinvraisemblance.
Mais je veux emprunter ma démonstration à des faits tout
différents, plus singuliers encore, à un ordre d'idées tout
autre.
Je veux simplement poser ce problème et m'efforcer de lui
donner une solution :
Faut-il croire aux phénomènes surnormaux ?
Rassurez-vous sur deux points importants : d'abord, je
n'aborderai pas de questions touchant aux doctrines philo-
sophiques ou religieuses, car il ne faut pas confondre le
surnormal avec le surnaturel. Et puis, malgré l'étendue que
comporterait une telle discussion, je serai bref, parce qu'il
est surabondamment prouvé que les meilleurs discours sont
les plus courts, surtout quand l'orateur est improvisé, acci-
dentel... qu'il n'est pas du métier.
Y a-t-il donc quelque chose de sérieux, de scientifique,
de vrai, dans toutes ces affirmations, dans tous les récits
relatifs aux cas de clairvoyance, de magnétisme, de spiri-
tisme, de télépathie et faut -il croire aux histoires de reve-
nants ?
On appelle surnormaux des phénomènes qui, sans être
surnaturels, ne sont pas cependant dans l'ordre des faits
vulgaires, des observations courantes et banales. Ils sont,
en quelque sorte, au-dessus de la normale, ou en dehors d'elle,
du moins pour un temps; car il est évident que, n'étant pas
surnaturels, ils redeviendront pour nous des phénomènes
normaux, quand on les aura mieux étudiés, quand nous
nous serons familiarisés avec eux.
Le mot surnortnal est donc provisoire lui-même : c'est
un vocable ingénieux imaginé par les écrivains contempo-
rains pour désigner ce qui est, à leurs yeux, intermédiaire
entre les choses naturelles et les choses surnaturelles ; par
385
exemple : le magnélisme, la suggestion, le spiritisme, la
clairvoyance, la télépathie surtout et... enfin, si vous le
permettez, les histoires de revenants, que Ton confond parfois
avec les histoires de brigands.
Je ne me risquerai pas à répondre sur tout cela d'une
façon calégorique. Je me bornerai à établir qu'il y a un
choix, une sélection à faire dans tout ce fatras d'affirma-
tions, de récils invraisemblables, troublants, terrifiants,
tantôt inventés de toute pièce par des hâbleurs et des char-
latans, tantôt au contraire rapportés avec bonne foi par
d'honnôtes gens et par des observateurs intelligents.
Je viens de parler d'observateurs : en effet, il s'agit uni-
quement d'observation. Il s'agit de savoir, sans tenir compte
des appréciations de chacun, ni des théories, ni des idées
préconçues, si des faits surnormaux ont été, oui ou non,
observés. La question doit être circonscrite de cette façon.
Il faut procéder comme dans les sciences naturelles, c'est-à-
dire aller à la recherche des faits, des observations, avant
de philosopher sur les causes, et surtout avant de se
permettre, a priori, des négations ou des affirmations
téméraires.
A ce point de vue, j'affirme qu'il s'est opéré une modifi-
cation considérable dans l'esprit public depuis quelques
années, et que les procédés, les méthodes des savants eux-
mêmes ont subi de très appréciables changements. Si toutes
les époques n'étaient pas transitoires, je dirais sans hésiter
que nous sommes h une époque de transition.
Il y a trente ans ou vingt-cinq, on ne croyait l\ rien, à
rien du moins de ce qui fait l'objet de cette étude. On se
serait fait huer si l'on avait prétendu soutenir la réalité ou
seulement la possibilité du surnormal. En France au moins,
où la mode joue un certain rôle, personne n'eut osé affronter
le ridicule attaché h des croyances ou à des opinions
386
condamnées depuis longleiiips. A cel égard, la méthode du
haussement d'épaules était de mise, elle était imiversellement
adoptée, non par mauvaise foi, mais par manque de foi. Je
n'ose, quant à moi, me permettre de la critiquer trop par
un blâme trop sévère, car je l'ai pratiquée, celte méthode,
avec une parfaite tranquillité d'âme. Cela s'explique : nous
étions tous sous l'influence d'une éducation philosophique ou
scientifique vieille déjh d'une centaine d'années. Depuis
[tlusieurs générations, il était entendu, convenu, arrêté, que
tout ce qui ne tombait pas sous les sens, tout ce qui était
impalpable était incroyable, ridicule, absurde, non existant.
Or, ce qui était soi-disant inexistant il y a trente ans est
aujourd'hui monnaie courante. On a fait du chemin. On s*est
lassé de nier toujours, car on se lasse de tout. Est-ce l'effet
du perpétuel jeu de bascule où se complaît l'esprit humain
et en vertu duquel nous passons volontiers d'une estime
exagérée pour un système dans l'enthousiasme pour le
système opposé? Est-ce affaire de mode? Il faut tenir
compte, sans doute, de ce besoin de croire dont un écri-
vain émineni s'emploie aujourd'hui ii démontrer l'invincible
puissance ? La négation quand même devient à la longue
ennuyeuse, et puis elle est plutôt stérile. En un mot, on
arrive à se dégoûter du perpétuel, de l'automatique hausse-
ment d'épaules. On s'est rendu compte h la fin qu'il ressem-
ble fort à un tic et nous n'aimons pas le ridicule.
Si vous voulez vous convaincre de ces changements,
voyez le développement énorme qu'ont pris les publications
consacrées à l'étude du surnormal. Dans tous les pays, des
Revues spéciales sont imprimées régulièrement et paraissent
avec la ponctualité, la dignité et même la majesté de la
Uevne des Deux- M ondes ou du Correspondant. De véri-
tables savants les patronnent ou y collaborent. Il s'y trouve
des médecins de marque, de> professeurs de Facultés. Parmi
387
ces publications périodiques, il en est de moins sérieuses el
dont je ne conseillerais pas la lecture. Mais je ne veux pas
les nommer de peur qu'on ne leur donne la préférence.
Si je fais ces remarques, ce n'est point pour encourager
l'engouement. Je n'éprouve, pour ma part, aucun entraîne-
ment irrésistible. J'ai seulement une assez vieille expérience
et un désintéressement assez entier pour vous dire : Faites
attention; il y a là une élude intéressante à poursuivre; il
y a beaucoup à laisser, mais il y a quelque chose à prendre.
J'ai indiqué tout à l'beure qu'en dehors des psychologues
professionnels et des observateurs sans étiquette, les méde-
cins s'étaient mis de la partie. Ne vous en étonnez pas.
Le médecin n'a pas de parti pris ou, du moins, pour ne
rien exagérer, il est moins guidé par l'idée préconçue que le
philosophe ou l'observateur libre. Je crois marquer un coin
d'histoire contemporaine en disant que le médecin, en
France, a été le plus actif initiateur, le plus influent propa-
gandiste des idées nouvelles. Il a une fréquentation quoti-
dienne avec l'imprévu, l'incertain, l'inattendu; il a l'habitude
des choses difficiles à expliquer; il s'étonne moins de ce qui
est étonnant ; il est sceptique, dans le sens vrai du mot,
mais ce n'est pas un négateur. Il observe, il se réserve, il
attend. Il s'est habitué à la patience philosophique. Il sait des
choses que le philosophe professionnel ignore complètement.
Ses connaissances ne ressemblent gnère à celles du mathé-
maiicien dont l'horizon est limité aux doimées de l'algèbre,
c'est-à-dire à des vues artificielles de l'esprit. Le médecin a
donc l'intellect façonné de manière lonle particulière. Ce
n'est pas un ôlre surnormal, c'est peut»être un monstre. A
force d'observer des déviations de l'intelligence humaine,
comme il observe des (roubles organiques quelconques, il
s'est fait une opinion très indépendante el des fonctions ner-
veuses et des relations du cerveau avec le monde psychique.
888
Ce n'est pas un rêveur, ce n'est pas non plus un pontife ; il
n'a pas la prélenlion d'avoir connu d'emblée la vérité, toutes
les vérités. Mais il pense d'une façon si spéciale qu'on a
peine parfois à discuter avec lui. Le philosophe et lui ne
parlent pas la même langue. Ils ne voient pas avec les
mêmes yeux et n'entendent pas avec les mêmes oreilles ; ils
ne regardent, d'ailleurs, ni n'écoulent les mêmes choses. Ils
auraient tort de se traiter réciproquement d'imbéciles: quand
on n'est pas polyglotte, on ne peut avoir la prétention d'in-
terpréter tous les idiomes.
Quoi qu'il en soil, le médecin français a aidé fortement à
l'éclosion de la science du surnormal, et cela, en étudiant le
magnétisme, l'hypnotisme, le somnambulisme et la sugges-
tion.
Dans cet ordre d'idées, Charcol a exercé le grand com-
mandement dans notre pays. Elevé dans les principes serrés
de l'organicisme, anatomo-pathologiste éminent, mais aussi
clinicien de premier ordre, médecin dans toute l'acception
du terme, il a su, par la force de son intelligence, rompre
avec des traditions tenaces. Je ne veux pas dire qu'il ail été
tout à fait le premier. Grâce à l'observation scientifique, il a
reconnu l'existence de phénomènes considérés jusqu'alors
comme iuïpossibles et classés dans le carton dédaigné du
merveilleux. Il a entraîné les masses intelleeluelles. D'autres
physiologistes, d'autres médecins ont fait de même, chacun
de leur côté.
Du moment qu'on était dans cette voie, on devait être
conduit sur des pistes nouvelles. On a trouvé des embran-
cluniients, des filons dont l'exploitation pouvait être fructueuse.
On n'a plus eu honte d'aborder et de discuter sérieusement
certains sujets oubliés. Mesmer lui-même, qui était considéré
pour ainsi dire comme une des hontes du XVIIl" siècle,
comme un charlatan maudit, Mesmer aurait pu se produire,
389
se montrer à ce inomenl, il eût été le bienvenu et je me le
demande parfois : ne lui élèvera-t-on [jus une statue ? Il y a
des monuments moins juslitiés. N'oublions pas que Mesmer
était un médecin.
Il prétendait qu'il existe une influence naturelle, d'abord
entre les corps célestes (mais cela ne nous regarde pas) et
entre les corps animés, influence ayant pour agent un fluide
spécial, universellement répandu. Venu sur ce grand théâtre
qu'est Paris, il y provoqua un mouvement énorme, y obtint
momentanément une célébrité extraordinaire, suivie d'une
réaction telle qu'il dut s'en aller bonni et bafoué. M. Ghéreau
a dit de lui : « Il mourut à 81 ans, ne se doutant guère
sans doute, ^ son lit de mort, que sa découverte, tombée
alors en pleine décrépitude, trouverait plus tard de nouveaux
adeptes ».
En 1873, M. Decbambre terminait ainsi une longue élude
critique du mesmérisme : « Le magnétisme animal n'existe
pas ».
J'ai donc bien raison de dire qu'on a fait du chemin
depuis vingt ans.
Malgré l'immense intérêt de ces souvenirs historiques, je
ne puis m'y appesantir, je fatiguerais votre attention avant
d'avoir épuisé l'essentiel de mon sujet.
Si, d'ailleurs, j'ai évoqué ces souvenirs, c'est qu'une pré-
paration, sorte de transition, était nécessaire. Un premier
pas était fait avec le magnétisme, l'hypnotisme et la sugges-
tion. Plus curieuse encore était la télépathie, plus inattendue
surtout, au point de vue de la valeur scientifique. A l'heure
présente, la voilà déjà très avancée. Elle vaut donc la peine
d'être connue, plus équitablemenl estimée.
Il n'en est pas de môme des études similaires, des recher-
ches à côté. Aussi je ne vous signale le spiritisme et même
la clairvoyance que pour les éliminer. Le spiritisme surtout
390
est décidc'inenl voué à rimpuissancc ; c'csl une non-valeur.
Son affaire esl classée, malgré les adhésions dont on Ta
honoré de cerlaius côtés, adhésions bien surprenanles, à la
vérité, bien inalleudues, si l'on considère que les mathéma-
ticiens lui ont fourni un contingent considérable. J'ai connu
des ingénieurs distingués, tranchons le mot, des ingénieurs
des Ponts et Chaussées, c'esl-à-dire des polytechniciens, la
fine fleur du monde intellectuel, qui ont fait causer les es|)rits
d'oulre-tombe par l'intermédiaire de ce truchement à quatre
pattes qu'on appelle la table tournante. Je me suis rencontré
avec des savants de cette catégorie qui n'admettaient point
là-dessus la mohidre plaisanterie. L'un d'eux, entrevoyant
mon haussement d'épaule à l'occasion de son récit, se taisait
indigné, se recroquevillait majestueusement et rompait la
conversation avec dédain. Rien d'étonnant pour njoi dans
cette attitude. Le mathématicien, qui est bien au-dessus du
médecin dans la hiérarchie scientifique, n'a pas développé
au même degré le sens de l'observation. Il observe rare-
ment les phénomènes naturels. Il vit avec des formules
algébriques et vous vous tromperiez fort si vous pensiez
que le médecin vit avec des formules thérapeutiques, car le
médecin ne fait de formule qu'au moment où il convient que
la consultation finisse.
Je le demande : pourquoi les esprits demandent-ils de
préférence une table pour interprète ?
Pourquoi une table? Pourquoi pas un autre meuble,
comme une poêle à frire, une casserole, un pot de fleur ? Il
ne faut blesser personne, mais j'ai toujours pensé que la
table était choisie parce que les pieds vivants peuvent se
rencontrer sous son ombre et que des pieds vivants sont très
intelligents. La table esl une entremetteuse suspecte.
Laissons cela. Laissons aussi les histoires de revenants et
les inventions de la clairvoyance, ou, pour mieux dire, des
391
cUurvoyantes. A-l-oii assez remarqué qu'il y a des clair-
voyanles el pas de clairvoyanls ? Tout à l'heure je deman-
dais pourquoi toujours des labiés? Mainlenanl je demande
pourquoi toujours des femmes, jamais des hommes ? Je sais
bien que la femme a l'esprit plus pénétrant que l'homme et
je ne veux pas développer cette idée qui exigerait tout un
discours. Tout de môme, puisqu'il s'agit du surnormal, on
ne voit pas bien pourquoi l'homme ne serait jamais clair-
voyant el ne pourrait jamais préiendre à la situation hono-
rable de tireur de caries ou de diseur de bonne aventure.
Malgré tout, celle objeclion ne me retiendrait guère,
puisque je n'ai ni jalousie, ni parti pris.
Ce qui m'impressionne davantage, c'est que les résultais
prétendus de la clairvoyance n'ont pas subi le contrôle
sévère des enquêtes scientifiques (i).
Il en va autrement di; la télépathie.
Or, vous savez ce qu'est la télépathie : c'esl la li^ansmis-
sion à distance des pensées el des sentiments, sans le
secours de la parole ou de signes quelconques. Un individu
esl aux anlipodes : il transmet quelque chose de sa pensée,
quelque chose de lui-même h un autre individu qui se
irouve, lui, en France, par exemple. Il se trouve dans une
situation critique, il est mourant (c'esl la condition télépa-
Ihique la plus commune) : sa pensée intensive va toucher
à l'aulre boul du monde les êlres qui lui sont chers, el cela
sous la forme d'une apparition. L'honmie qui va mourir se
montre silencieux t^X calme, mais en apparence bien vivant
aux yeux d'un autre qui, dans le moment, ne songeait pas
à lui. Ce n'est pas lui, c'esl son ombre, c'esl un fantôme.
C'esl ce qu'on appelle l'hallucination télépalhiqne.
Oh ! c'esl très curieux, très intéressant, très saisissant.
(1 ) Il esl néanmoins jusle d'avouer qu'on a publié qulequelbis des cas de clairvoyance
dil'ticiles à nier.
89ii
Gela paraît absurde. Pour ma part, j'ai trouvé cela inadmis-
sible, à une certaine époque ; j'ai pratiqué, je vous l'ai dit,
la mélbode du haussemeul d'épaules. Mais j'ai lu, depuis
quelques années, un si grand nombre de témoignages
autlienliques, que j'ai fini i)ar croire que la négation pure
et simple n'était plus possible.
Quand on ne s'est pas adonné à de certaines lectures, on
n'a pas idée du nombre de faits de cet ordre qui ont été
observés, enquêtes et contrôlés : observations, enquêtes,
contrôles, tout a été fait avec intelligence et bonne loi, sou-
vent même par des incrédules ou, du moins, par des per-
sonnes qui n'avaient pas songé d'abord ^ la possibilité de
semblables phénomènes et qui les auraient niés, a priori,
si elles n'en avaient été les témoins désintéressés. Lorsqu'on
entend pour la première fois raconter un fait ce genre, on
proteste, on se regimbe, on prend en pitié le narrateur ; le
premier mouvement, c'est de se récrier. Je connais par
expérience personnelle cette impression et celte manière de
faire. On arrive cependant h mieux accueillir ces histoires
quand b^s exemples se sont multipliés et qu'on a pris la peine
de les rechercher aux meilleures sources et de les dénom-
brer. Des ouvrages spéciaux m'ont fourni des documents en
abondance depuis plusieurs années. Mais depuis quelques
jours seulement, depuis qu'au coiu's de conversations acci-
dentelles j'ai annoncé à mes amis mon intention de pérorer
sur ce sujet, j'ai recueilli dijà plusieurs anecdotes inédites ;
il est môme surprenant qu'on en puisse réunir ainsi en aussi
peu de temps.
Voici un modèle du genre, car il est nécessaire de pro-
céder par citation, les laits parlent mieux que tout le reste,
et, avant de signaler les observations imprimées, je veux
vous donner d'emblée, en résumé, le rapport d'un de mes
bous amis, un de mes confrères.
393
Le sujet de rhallucinalion lélépatliique éiail juslemenl la
mère de mon ami. L'exemple a d'aiilanl plus de valeur que
la scène s'est passée à une époque où ces choses-là étaient
inconnues, insoupçonnées. M">« G... était alitée depuis
quelques jours, après la naissance d'un de ses enfants, mais
elle n'avait ni fièvre, ni maladie proprement dite ; ses
facultés mentales étaient, par conséquent, dans leur état
normal. Un jour, élaiU seule dans sa chambre, elle voit
entrer et s'a[)procher d'elle son propre frère : il était en
manches de chemise et le col entouré d'un foulard rouge.
Il s'approche d'elle sans dire un mol, la regarde attentive-
ment pendant quelques instants et se relire silencieusement.
Or, l'éloniiement de Mme (},.. fm aussi grand que possible,
car son frère était alors en Amérique et n'avait point
annoncé son retour à Nantes. Elle se précipite sur la son-
nette pour appeler les siens et leur dit : « Mon frère vient
d'entrer dans ma chambre, il s'est approché de mon lit et
s'est retiré sans m'adresser la parole. Ou est-il? qu'est-il
devenu? Veuillez courir après lui et lui demander par quel
prodige il se trouve en Europe. » Gomme la présence de ce
frère à Nantes était matériellement impossible et que,
d'ailleurs, personne ne l'avait vu, on crut que Mo^^G...
déraisonnait et que fil on ? On alla chercher le médecin,
car on va toujours à la recherche du médecin dès qu'im
incident anormal se produit dans une famille : un feu de
cheminée, une discussion avec le concierge, etc.. Le médecin
interrogea la mère de mon ami ; puis, je dois le dire, il
commit une erreur de diagnostic ; il se retira en hochant la
tète tristement et en disant: « Que voulez -vous? Elle est
folle. C'est ce que nous appelons, nous autres savants, la
folie puerpérale ». Or, M"»" G... n'était pas folle du tout.
Elle avait eu seulement une vision télépathique. Au bout de
quelques mois, car, k cette époque, la navigation n'avait pas
26
894
la rapidité que Vdus lui connaissez el les câbles sous -marins
élaieiil loin encore d'êlre inventés ; après le temps nécessaire
pour la traversée de l'Océan, le courrier d'Amérique apporta
à Nantes la triste nouvelle que le frère de M™« G . . . élail
mort, noyé dans le Mississipi, au moment même où il élail
apparu h sa sceur.
Elî bien ! Messieurs, la plupart des cas de télépathie,
quand ils sont bien aullienliques, se produisent de la même
manière. Us sont, en quelque sorte, stéréotypés et superpo-
sables. liC cas de M™« G. . . est d'autant plus intéressant, k
mon point de vue (qui est celui de la recherche sincère de la
vérité), qu'elle n'avait jamais étudié la question, qu'elle ne
pouvait pas l'avoir étudiée, puisqu'aucune publication n'y
avait été consacrée à celle date.
Parcourez le grand ouvrage de MM. Gurney, Myers el
Podmore et, à chaque instant, vous rencontrerez des his-
toires identiques :
Un éli\' cher est sur le point de succomber, tantôt dans un
accident de voyage, tantôt dans un engagement de guerre ;
à ce moment il apparaît à sa mère, à sa sœur, à sa fiancée ;
il se présente souvent dans l'instant où l'on ne pensait pas
à lui ; il entre silencieux, l'air calme et triste, et disparaît
sans avoir provoqué, d'ordinaire, une grande frayeur.
Âulre observation : celle-ci est due encore à un médecin
de Nantes, très honorablement connu et très intelligent
(M. P...) : un Parisien de ses amis, appelons-le M. X...,
vient chez mon confrère sous prétexte de villégiature, mais
en réalité pour subir une petite opération chirurgicale, après
avoir pris grand soin de cacher aux siens le véritable objet
de son déplacement. Chez lui, à Paris, on ignorait totale-
ment qu'il eût à courir le moindre danger. Il s'agissait,
d'ailleurs, d'une opération si peu grave que le malade et les
chirurgiens n'apercevaient aucun risque. Or, un jour, par
â9Ô
suite d'un accidv^nl impossible \\ prévoir, M. X.,. meurt
subitement, avant la terminaison comi)lète des suites opéra-
toires. Ce m6m(! jour, mon confrère, avant d'avoir pu
avertir la famille du malheur qui venait inopinément de la
frapper, reçoit un télégramme d'un parent de son ami, télé-
gramme h peu près r.digé comme ceci : « Rêve affreux, où
X... aurait trouvé la mort, envoyez-moi de ses nouvelles. »
Comme réponse lélégrai>liique, ce parent reçut, en effet, la
nouvelle de la mort de M. X. . .
Voici encore im fait inédit. Je le dois à un savant médecin
de notre ville, qui n'est pas un naïf et qui terminait son
récit en disant : « Je ne puis guère croire raisonnablement
à pareille chose, mais je reconnais qu'il est impossible de
nier absolument. - Voici le fait: le docteur M..., étant
interne dans un hôpital de Paris, étudiait un jeune malade
atteint d'une affection nerveuse grave. Celui-ci tit à l'interne
celle déclaration : « Monsieur, votre chef ne comprend rien
'à la cause réelle de ma maladie, car je n'ai pas osé la lui
dire. Je suis malade depuis le jour où j'ai éprouvé une pro-
fonde émotion. J'étais à Paris, comme à présent ; ma sœur
et mon père étaient 'à Marseille, mais étaient sur le point de
venir me rejoindre ici. Le soir, en passant dans un corridor,
je crois voir filtrer de la lumière sous la porte de ma
chambre. Croyant avoir oublié d'éteindre ma bougie, j'ouvre
la porte et que vois-je ? Ma sœur, couchée morte sur le lit
et, de chaque côté du lit, des cierges allumés. Je me relire
affolé. C'était une vision, car il n'y avait rien dans ma
chambre, en réalité. A une heure convenue, je me rends à
la gare où devait débarquer ma famille. Là j'apprends que
ma sœur était morte à Marseille. «
Vous plait-il d'entendre d'autres récils? Je pourrais vous
en débiter pendant plusieurs jours, tant le dossier esi volu-
mineux. En voici un d'autant plus curieux qu'il s'agit d'une
396
lialliicinalion collective. Je remprunle à M. Flammarion, qui
la lienl lui-môme du général Parmenlier, un savant dis-
tingué.
« Plusieurs personnes étaient réunies à un déjeuner, à
Andlau, en Alsace. On avait al tendu le maître de la mai-
son, qui était à la chasse, et, l'heure se passant, on avait
fini par se mettre à table sans lui, la dame du logis ayant
déclaré qu'il ne pouvait tarder à rentrer. On conmiença le
iléjeuner en devisant de choses joyeuses, et Ton comptait,
d'un instant à faulre, voir arriver le retardataire... Mais
l'heure marchait toujours et l'on s'étonnait de la longueur
du retard, lorsque tout à coup, par le temps le plus calme et
le ciel le plus beau, la fenêtre de la salle à manger, qui
était grande ouverte, se ferma violemment avec un grand
bruit et se rouvrit aussitôt instantanément. Les convives
furent d'autant plus surpris, stupéfaits, que ce mouvement
de la fenêtre n'aurait pu se produire sans renverser une
carafe d'eau posée sur une table devant la fenêtre, et que
cette carafe avait conservé sa position. Tous ceux qui
avaient vu et entendu le mouvement n'y comprirent absolu-
ment rien. — Un malheur vient d'arriver ! s'écria en se
levant, effarée, la maîtresse de la maison. — Le déjeuner
s'arrêta là. Trois quarts d'heure après, on rapportait sur
une civière le corps du chasseur, qui avait reçu une charge
de plomb en pleine poitrine. Il était mort presque aussitôt,
n'ayant prononcé que ces mots : « Ma femme ! Mes pauvres
enfants ! j
Voulez-vous cet autre exemple? Je l'emprimte à la même
source et je le préfère au précèdent, parce qu'il est plus
conforme au type commun des apparitions télépnthiques.
Je laisse la parole à M. Bloch, prix de Rome, membre de
la Société astronomique de France :
« C'était en juin 1896 (à Rome). Pendant les deux der-
397
niers mois de mon séjoui m Italie, ma mère est venue me
rejoindre ^à Rome... Pour ne pas me déranger, elle visitail
seule la ville el ne venait me rejoindre à la villa Médicis
que vers midi. Or, un jour, je la vis arriver toute boule-
versée, vers 8 heures du matin. Gomme je la questionnais,
elle me répondit qu'en faisant sa toilette, elle -avait vu tout
à coup à côté d'elle son neveu René Kraemer, qui la regar-
dait et qui lui dit en riant : o Mais oui, je suis bien mort ! »
— Très effrayée de celte apparition, elle s'était empressée
de venir me rejoindre. Je la tranquillisai de mon mieux,
puis j'entretins la conversation sur d'autres sujets. Quinze
jours après, nous rentrions tous deux a Paris, après avoir
visité une partie de l'Italie, el nous apprenions alors la mort
de mon cousin René, arrivée le vendredi 12 juin, rue de
Moscou, 31. Il avait 14 ans.. . Je pus contrôler les dates et
môme les heures auxquelles ce phénomène s'était produit.
Or, ce jour-là, mon petit cousin, malade d'une péritonite
depuis quelques jours, entrait en agonie vers G heures du
matin et mourait à midi, après avoir plusieurs fois exprimé
le désir de voir sa tante Berlhe, ma mère. Il est à noter que
jamais, dans aucune des nombreuses lettres que nous recevions
de Paris, on ne nous avait dit un mol de la maladie de
mon cousin. On savait trop bien que ma mère avait une
affection toute particulière pour cet enfant el qu'elle serait
revenue à Paris pour le moindre bobo qu'il aurait eu. On ne
nous avait même pas télégraphié sa mon. J'ajouterai que,
lorsqu'il est six heures du malin à Paris, les horloges de
Rome, par suite de la différence de longitude, marquent
sept heures, et que c'est précisément vers ce momenl-lh que
ma mère a eu celte vision. »
Messieurs, j'ajouterai, de mon côlé, que celte question de
longitude se trouve examinée et discutée dans un grand
nombre de procès- verbaux lélépalhiques. 11 importe, en effet,
398
de savoir que les enqiiêles ont éié conduites avec une
grande rigueur, au moins dans certains pays. Il nie faudrait
faire, non plus uue simple allocution, mais une lecture de
plusieurs jours, pour énumérer toutes les expertises menées
à bien par les Sociétés de recherches psychiques. Gomme
c'est impossible, je n'ai pas la prétention de vous faire par-
tager mes impressions, je ne dis pas ma conviction sur
cette malière, le terme paraissant excessif. El pourtant c'est
par la multiplicité des exemples qu'on arrive le mieux 5
ébranler le scepticisme naturel. Permettez-moi encore cette
cilaiion : .\1"« Féret, directrice des postes h Juvisy, rapporte
le fait suivant : « C'était, dit-elle, pendant la guerre de
Crimée... Un jour, à l'heure du déjeuner, vers midi, je
descendis à la cave. Un rayon du soleil pénétrait par le
soupirail et allait éclairer le sol. dette partie éclairée me
parut soudain une plage de sable, au bord de la mer, et,
étendu mort sur ce sablu, je vis un de mes cousins, chef de
bataillon. Effrayée, je ne pus avancer davantage et je
remontai avec peine les marches de l'escalier. Ma famille,
témoin de ma pâleur et de mon trouble, me pressa de
questions. Et lorsque j'eus raconté ma vision, ils se
moquèrent de moi. Quinze jours après, nous recevions la
triste nouvelle de la mort du commandant Solier. Il était
mort en débarquant à Varna et la date de sa mort corres-
pondait au jour où je l'avais vu étendu sur le sable de la
cave. »
Mais à quoi bon reproduire ici de plus nombreuses cita-
tions ?
Le seul livre de MM. Guruey et de Myers contient plus de
500 observations rigoureuses, plus de 500 récits de pre-
mière main, analyses et contrôlés avec un louable scrupule.
Les Annales des Se. Psy. en fournissent beaucoup d'autres;
périodiquement, M. Flammarion apporte les siennes.
399
Quand on sort de pareilles lectures, on peut se réserver,
mais non se mainlenir obslinéinenl dans rincrédulilé syslé-
raalique.
11 est encore une considération digne de remarque : les
visions télépathiques ont été constatées dans lous les pays,
cela est certain. Mais elles ont eu la bonne fortune d'être le
mieux acceptées comme véridiques par les peuples dont la
mentalité est reconnue universellement comme flegmatique,
au point de devenir proverbiale.
Savez-vous où la lélépalliie a été le mieux étudiée, où
les enquêtes la concernant ont été poursuivies avec le plus
di' méthode et d'esprit scientifique? Eh bien ! c'est dans la
froide Angleterre.
Je ne connais pas très bien les Anglais et je ne sais pas
s'ils ont des défauts. Admettez un instant qu'ils en aient.
Ils ne pèchent toujours pas par excès de sentimentalité. L'An-
glais est plutôt un froid égoïste et un mercantile qu'un rêveur
ou un poète.
L'Anglais peut rêver de négoce et de conquête, de lucra-
tives entreprises; il rêve de domination universelle et de
suprématie ; il rêve voluptueusement d'avaler la mer et les
poissons... Mais, malgré tous ces rêves, il n'est pas un
rêveur. C'est une justice à lui rendre.
Eh bien ! le pratique, le flegmatique Anglais n'échap[^e
pas aux hallucinations télépathiques. C'est dans son pays
même que la télépathie a été le mieux observée, le mieux
étudiée. La guerre de Crimée a été une occasion exception-
nelle de visions surnormales et si la transmission de pensées
à distance est toujours en vigueur, les apparitions funèbres
doivent, en ce moment, se multiplier dans le Royaume-Uni.
il faut voir avec quel zèle scientifique, avec quelle méthode
technique nos voisins ont dirigé leurs recherches. Les nalu-
400
ralistes el les chimistes eux-mêmes ne procèdent pas autre-
ment pour échapper aux causes d'erreur.
Demanderai-je pour cela une naïve crédulité? Pas le
moins du monde. Je ne l'ai pas moi-même el je suis prêt à
vous présenter les objections. Certes, il en est do graves.
Par exemple, celle-ci : On dit : mais ces cas-là sont trop
rares ; ils sont sans doute le résultat de coïncidences
bizarres ; si la force télépalhiquc était réelle, si elle était
une manifestation de Xénergie, elle se montrerait plus com-
munément. Pourquoi tant d'êtres qui s'aiment ne sont-ils
pas tous les jours en communication télépalhiquc ?
Eh bien ! que la transmission de pensées et de sentiments
à distance soit vraie ou fausse, je déclare que l'objection
est faible. Avant qu'on eût domestiqué les courants télépho-
niques, étiez-vous tous les jours en communication télépho-
nique avec vos amis? Non, n'est-ce pas? Or, les personnes
qui nient, a priori, la possibilité télépalhique, mr rappellent
l'histoire fameuse d'un médecin illustre, le professeur Bouil-
laud, membre de l'Institut, qui refusa publiquement de
croire au phonographe qu'on lui présentait en pleine Aca-
démie des Sciences. Non, il refusa d'ajouter foi au témoi-
gnage de ses propressens, parce que l'expérience faite devant
lui ne cadrait pas avec ses idées acquises.
Si vous adoptez le système négatif de Bouillaud, pourquoi
ne pas dire avec Taine (cité par Flammarion) que la percep-
tion extérieure est une hallucination et que, dans notre état
normal, nous n'avons qu'une série d'hallucinations qui
n'aboutissent pas.
Alors ? Nous ne pouvons rien savoir, nous sonuiies
loujours le jouet des illusions? C'est un point de vue...
mais il n'est pas très pratique, ni très sérieux.
Vous vous plaignez de la rareté des observations ? Or, ce
n'est, en tous cas, qu'une rareté relative, car je trouve le
401
dossier très voluQiineux, au point de devenir fatigant et
ennuyeux. Mais en fût-il aulremeul, est-ce qu'un fait doit
être contesté parce qu'il est rare ? Ici, je laisse la parole à
un écrivain fort savant :
« Les caprices apparenis de la foudre nous offrent des
bizarreries non moins étranges. Ici, la foudre brûle une
personne qui flambe comme une botte de paille ; là, elle
réduit les muins en cendres en laissant les gants intacts;
elle soude les anneaux d'une chaîne de fer comme le feu
d'une forge et, à côté, elle tue un chasseur sans faire partir
le fusil qu'il tenait à la main ; ou elle fond une boucle
d'oreille sans brûler la peau ; elle dévêtit entièrement une
personne sans lui faire aucun mal, ou bien elle se contente
de lui voler ses souliers ou son chapeau ; elle photographie
sur la poitrine d'un enfant le nid qu'il saisissait au sommet
d'un arbre foudroyé : elle dore les pièces d'argent d'un porte-
monnaie en faisant de la galvanoplastie d'un compartiment
à l'autre, sans le porteur soit atteint... etc.. Il y a beaucoup
plus de bizarreries inexpliquées dans les faits et gestes de la
foudre que dans les manifestations télépathiques. »
Par ainsi, chacun peut comparer : dans les phénomènes
naturels les plus étudiés, les mieux reconnus, on rencontre
des invraisemblances et des contradictions ! Va-t-on pour
cela en nier l'existence ?
Aussi bien, je vous soumets cette simple réflexion : savez-
vous ce qui fait qu'une chose est proclamée vraie, naturelle
et compréhensible ? C'est tout simplement cette circonstance
qu'on l'observe souvent et facilement. Mais, au fond, on n'y
comprend rien et on se fait une double illusion, quand on
croit saisir l'rxplicalion. On admet volontiers des expériences
de physique. Vous croyez sans peine aux merveilles de
l'électricité et cependant les plus savants y perdent leur .
latin et n'expliquent rien du tout, alors même qu'il est ques-
405
lion des faits les plus vulgaires. Voici un gentleman qui
consulle le thermomèlre avant de partir pour la promenade.
Il trouve cela tout naUirel, mais pas plus que le physicien
professionnel, il ne sait pourquoi la température fait monter
ou baisser la colonne mercurielle.
Qu'on ne vienne donc pas me parler d'explications ou de
non -explications !
Que si vous insistez sur rimpossibililé de croire au soi-
disant merveilleux, je vous rappellerai avec M. Flammarion
que la rotation de la Terre a été jugée comme une bille-
vesée ; que l'analyse de l'air, que sa décomposition en ,
oxygène el azote a été proclamée absurde par des Membres
de l'Institut, malgré Lavoisier ; que ce même Lavoisier, dans
ce même Institut, a proclamé l'impossibilité de la chute des
aérolithes ; que les découvertes de Galvani, si fécondes, si
pleines de conséquences, ont élé accueilli(>s par un immense
éclat de rire, que la proposition d'établir des câbles sous-
marins entre l'Amérique el l'Europe a Qié démontrée \m[:>oè-
sible, avec preuves sans réplique, par un membre influent
de l'Académie des Sciences (Babinet) ; etc., etc. (').
Je m'arrête ! Si je voulais rappeler tous les démentis
infligés ci nos idées préconçues, je n'en finirais pas. Ce serait
aussi long que d'énuméri r les exemples d'hallucinations
lélépalhiques.
El je voudrais conclure en demandant s'il est possible de
fournir une théorie de la transmission de pensées h distance.
Admettez que les faits soient réels, indiscutables. Or, ils
le sont pour tous les hommes de bonne foi, en lant que faits
observés. On peut [irélenihe qu'il y a seulement coïncidence,
mais on ne peut nier la réalité expérimentale, qu'il s'agisse
de visions, d'hallucinations auditives, collectives ou non.
(1) Annales politiques et littéraires, 189'.).
403
La science esl-elle l'n mesure d'en donner une explication
acceptable ?
Je n'oserais l'affirmer.
Cependant j'ai le droit de rappeler qu'on n'a pas étudié
encore toutes les manifestations de ce qu'on appelle
Y Energie. •
L'année dernière, im physiologiste éminent, nullement
suspect d'entraînement philosophique ou d'emballement doc-
trinal, M. Daslre, s'est exprimé de la façon suivante {Revue
des Deux- Mondes) : « Quand on a nommé les énergies
mécaniques, l'énergie chimique, les énergies rayonnantes,
calorifique, lumineuse, l'énergie électrique avec laquelle se
confond l'énergie magnétique, on a épuisé la liste des
acteurs qui occupent la scène du monde, au moins de ceux
que l'on connaît. — Est-il permis de dire que la liste est
close et que la science ne découvrira pas ultérieurement
d'autres formes ou d'autres variétés spécifiques d'énergie ?
Non, à coup sûr. Une telle affirmation serait aussi ambitieuse
qu'imprudente. L'histoire des sciences physiques doit nous
rendre plus circonspect. Elle nous enseigne qu'il n'y a guère
plus d'un siècle que l'énergie électrique a fait son entrée en
scène... Cette découverte dans le monde de l'énergie...
laisse pour l'avenir la porte ouverte à d'autres surprises, n
Voilà le langage d'un homme de bon sens, d'un savant
désintéressé.
Eh bien! parmi ces formes mal connues, insuffisamment
étudiées de l'énergie, on peut d'ores et déjà compter ce qu'on
a appelé la force psychique, en vertu de laquelle « un esprit
peut agir à distance sur un autre ».
Les influences de cerveau à cerveau, à courte dislance,
comme cela se voit dans certaines expériences de sugges-
tion, ne sont plus guère contestées. Or, que signifie le plus
ou moins de distance, dans l'espèce ? Pas grand'chose ! En
404
pareille malièie, la distance n'est probablement qu'une expres-
sion artificielle, convenlionnelle, sans valeur intrinsèque
précise.
En terminant, je ferai remarquer que ces données expéri-
mentales de la science nouvelle apportent aux doctrines
spiritualistes un renfort qui n'est pas à dédaigner. Les ptiilo-
sophes professionnels dédaigneront peut-être ce genre d'ar-
gument, trouvé bien faible auprès des raisonnements tradi-
tionnels. Mais, pourtant, n'a-l-oii pas souvent besoin d'un
plus petit que soi ?
Si j'étais professeur de philosophie, je m'emparerais de la
télépathie, de peur que les matérialistes ne tentent de se
l'approprier.
El ma dernière conclusion est celle-ci : il est permis de
ne pas croire ; mais il n'est pas permis de nier.
RAPPORT
DE M. Alexandre VINCENT
SECRÉTAIRE
SUR LES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ ACADÉWIIOUE
EN L'ANNÉE 1899
Messieurs,
Le 15 janvier dernier, noire Société célébrait, dans celle
même salle, la l'êle de son centenaire.
Tous ceux qui s'intéressseiil, dans notre ville, à la vie
littéraire, étaient accourus à notre appel. Les plus hautes
personnalités de Nantes el de plusieurs villes voisines hono-
raient de leur présence celle cérémonie, que M. Hanolaux,
membre de l'Académie française, ancien Ministre des
Affaires étrangères, avail bien voulu présider.
Un an bientôt s'est écoulé depuis cette journée qui pour-
tant semble si près de nous.
Je vois encore M. Linyer, notre président, ouvrir la séance,
et saluer éloquemmeni en .\1. Hanolaux l'éminent historien
de Richelieu, en même temps que l'homme d'état qui cimenta
l'alliance Russe.
Et je vois M. Hanolaux, à son tour, se lever simplement.
— Je l'entends nous dire, en une langue nerveuse el claire,
406
les mérites de h province, ceux de. noire ville en particulier,
la beauté de notre fleuve, les services qu'il pourrait nous
rendre, les efforts que nous nous devons à nous-mômes
et que nous devons ^ la France pour accroître, dans la
limite de nos forces, ses richesses et sa beauté.
Maurice Barrés a récemment inventé cette expression qui
a fail fortune : a professeur d'énergie. » — En écoutant
M. Hanotaux, nous prîmes tous, à [)roprement parler, une
leçon d'énergie :
Il est bien l'enfant de cette Picardie robuste, « dont le
peuple, nous disait-il, a la face toute tournée vers la terre,
qui vit de la terre. »
On sent qu'il aime, aussi lui, la terre. Mais son amour
dépasse les limites du cbamp paternel ; il dépasse sa pro-
vince ; il englobe la Terre de France. Il l'aime dans son
histoire, à laquelle il a dévoué sa vie, et qu'il a su, non
seulement écrire, mais continuer dignement pendant son
Ministère. Il l'aime, dans ses aspects physiques si variés; —
et comme il sait dépeindre ses grands hommes, il sait
aussi, hardi modeleur, dresser dans la pâte de son style
magique le protîl de ses collines, y sculpter la profondeur
de ses vallées, y tracer le chemin de ses fleuves.
. C'est ainsi que devant nos yeux attentifs il faisait passer
la vision de notre beau pays ; il nous montrait ce champ
magnifique où coulent en sens divers la Seine, le Rhône et
la Loire ; — de temps en temps, d'une touche délicate et
vraie, il notait la nuance particulière de chacune de nos
provinces : la Bretagne et la Vendée ; « serties dans la
verdure des herbages et des fossés » ; « le Poitou, qui fait
» bruire les eaux de la Vienne, du Glain et de la Creuse,
» et qui tourne le dos aux hauteurs déjà rudes du Limousin
') et aux moroses étangs de la Brenne » ; « la Touraine,
0 que de tous temps on a définie quand on l'a appelée un
407
» Jardin » ; « les horizons aplaiis et mélancoliques de la
» Sologne , les « Coteaux fleuris » de l'Orléanais, et la
« Noire-Auvergne, » « au sein profond », de laquelle « la
« Loire, déjà plus mince, se cache et s'enterre, offrant son
» eau étroite et claire comme un miroir d'étain aux profils
•) rugueux des dernières Cévennes , et au front paternel
») du Mezenc et du Gerbier des Joncs. »
» El tandis qu'il parlait ainsi, nous sentions croître notre
amour pour la France, de toute la fierté, de toute la
passion qu'inspire toujours et partout la Beauté.
Mais M. Hanotaux ne nous [lermet pas d'admirer long-
temps ces paysages enchanteurs : L'artiste, chez lui, ne
nuit pas à l'homme d'action, et le Picard laborieux qu'il
est nous rappelle bien vite que contempler son champ, c'est
bien, mais que le labourer, c'est mieux.
« Votre Loire est paresseuse, nous dit-il, elle traîne, dans
» les sables, ses eaux inutiles ; elle est capricieuse, se tour-
» nant et se retournant dans son lit, comme une boudeuse
à» qui ne sait si elle doit rire ou pleurer; elle est indocile,
>• brisant d'un caprice les lisières qu'on voudrait lui imposer
» et déjouant, en ses détours et ses fuites, les calculs des
0 savants graves -^ui voudraient la contraindre. «
Et tout de suite, après un juste hommage rendu aux
efforts déjà faits, il nous prescrit notre tâche :
« Vous avez fait la Loire maritime ; il faut améliorer
maintenant la voie fluviable, et, pour dire le mol, achever
la Loire navigable. »
« La Loire navigable, c'est "28 départements de la France
mis en contact plus direct avec la mer ; c'est une population
de douze millions d'habitants, c'est Lyon, c'est la Suisse
elle-même, intéressés à prendre la voie de nos canaux et de
nos fleuves prendre le chemin de la France, aboutir
à Nantes, c'est, pour les marchandises de tout le centre,
408
« adopler la roule la plus courte, la plus commode el la
» plus sûre pour gagner l'Allanlique el l'Amérique. C'est
« éviter les brumes et les teuipôles de la Manche, d'une
» part ; c'est éviter le grand détour de Gibraltar de
» l'autre
» Ce dernier effort, Messieurs, vous vous le devez à vous-
») mêmes, et la France vous le doit. »
Ainsi, il nous encourageait à l'aclion ; ainsi, il nous
décrivait la grandeur du but à atteindre, el, dans une
péroraison où se résumait inagnifiquemenl l'idée maîtresse
de son discours , l'idée directrice de sa vie , il nous
disait :
« La Pairie est l'association suprême. Elle coordonne el
» distribue tous les efforts. Par la Patrie, les provinces ont
») un cœur commun En un mol, par les efforts de
» nos ancêtres, il s'est manifesté sur la terre une person-
» nalité qui a sa physionomie, son caractère, son charme
» propre el sa grâce. C'est notre mère, c'est la France.
» Elle est debout parmi nous ; elle nous domine. Tout notre
« amour, tous nos efforts el tous nos sacrifices vont vers
» elle, parce qu'elle en est digne et parce que nous lui
') devons tout »
Lorsque les applaudissements enthousiastes que ces nobles
et réconfortantes pensées avaient soulevés dans tout l'au-
ditoire se lurent enlin calmés, notre Président prit la parole
à son tour.
Par une coïncidence heureuse, il se trouvait précisément
que. notre Président était alors l'homme de France qui a
fait les efforts les plus vifs et les plus l'éconds pour ce projet
grandiose de la Loire navigable auquel M. Hanotaux venait
de convier nos communs etîorls. — Et M. Linyer put
prendre sa part légitime des applaudissements qui venaient
de saluer l'éloquente évocation de son œuvre.
409
Il nous parla, Messieurs, de noire Société. Il ne nous en
fil pas riiislorique. Notre savant collègue, M. Libaudière,
\enail de le faire avec une méthode et une exactitude qui
ne laissaient plus rien à glaner après lui, dans une brochure
que tous les spectateurs prirent intérêt à lire. — M. Linyer
nous fit, lui, la psychologie de la Société Académique.
Il nous décrivit le charme profond et la haute utilité intel-
lectuelle de ces réunions, où chacun de nous oublie un
instant les préoccupations journalières et retrempe son esprit
à la flamme sereine des hautes et nobles pensées. Il nous
montra Timportance des sociétés comme la nôtre au point
de vue de la conservalion des idées, du langage et des
mœurs parliculiers à cnaque province. Ici, permettez-moi
de citer seulement :
« Gardiennes vigilantes des traditions, elles s'appliquent
k recueillir et à conserver le parfum subtil et fugace qu'exhale
le sol natal, et leurs contributions respectives concourent ii
enrichir, par l'harmonie des contrastes, le patrimoine de la
mère commune. Chacun de ses enfants dépose pieusement
^ ses pieds les dons qu'il tient de son climat et de son
ciel, et, tandis que le midi apporte iivec fierté l'éclat de son
soleil et le chant slridenl de ses cigales, notre Bretagne
offre, modestement, l'horizon voilé de ses landes, les pro-
fondeurs mystérieuses de ses forêts, et le charme pénétrant
des flots veris qui lui font une ceinlure d'écume et bercent,
sans relâche, le tombeau de l'immortel breton qui sut si
bien les chanter. »
linfin,car bien qu'il sache excellemment décrire, son talent
se complaît surtout à l'action, il voulut nous montrer le
rôle que pourra jouer, en ce siècle qui commence, la Société
Académique, et, dans une rapide et vibrante esquisse, il
nous indiqua l'influence que pourrait avoir, sur les ques-
tions intéressant la ville, la région et même le pays « un
27
410
» ceiUre où puissenl s(i l'cnconlrer, se connaître el s'appré-
» cier ceux qui, dédaignant les aujitalions stériles de la
» politique, rêvent l'union de tous les Français au service
» de la patrie ».
Messieurs, un tel prograniine est-il réalisabli' ? A ceux qui
voudraient en douter, répondons qu'il faut toujours croire à
tout ce qui est noble et bon. — D'ailleurs, notre Société
n'en commençait-elle pas la réalisation dans cette séance
môme où son président, M. Linyer, nous invitait ainsi à
l'union apaisante, après que son bote, M. Hanotaux, nous
avait si éloquemment montré l'un des buts féconds el
divers pour lesquels nous devons nous unir ?
Votre secrétaire, M. le D"" Sourdille, vous lut ensuite le
compte rendu de vos travaux. Il le fit avec ce mélange
d'originalité et de mesure qui révèle en lui un esprit artiste
soumis de longue date à la discipline des méthodes scienti-
fiques, et il nous parla successivement de médecine, de
poésie et de musique avec une si égale compétence, que
nous pûmes à la fois le dire médecin savant, critique avisé
et musicien amoureux de son art.
Après lui, votre secrétaire adjoint, M. Vincent, vous
donna lecture du rapport sur le concours des prix. D'aucuns,
dit-on, le trouvèrent [larfois un peu sévère dans ses appré-
ciations. Je pense, entre nous, qu'il fit tout son possible
pour être équitabk\ Mais si vraiment il fut sévère, il eut
bien tort. Je ne crois pas qu'une seule fois en sa vie il ait su
faire rimer deux vers. Son ignorance aurait pu le rendre
indulgent pour les autres. D'ailleurs, de tous mes collègues,
il est bien le seul aujourd'hui dont je ne me sente ni le
goût, ni le droit de vous dire du bien.
Quand il eût, enfin, terminé sa lecture, la séance solen-
nelle fut levée aux sons de la musique militaire, que M. le
411
Général commanda iil le rorps (i'arméo. avail bien voulu
mettre à notre disposition.
.^ais tout ne fut pas fini. Le soir mém(S un banquet
nous réunissait, nos hôtes et nous. Ai-je besoin de vous
rappeler combien il fut à la fois savoureux et cordial, et
quels aimables toasts y furent échangés?
La première réunion générale qui suivit cette solennité a
été consacrée, selon l'usage, à l'élection de votre bureau
pour l'année 1899.
A l'unanimité, vous avez choisi pour président M. le D""
Hervouel.
Je n'ai malheureusement pas la compétence qu'il faudrait
pour louer dignement sa science profonde sans cesse
aiguisée par un esprit critique que la vaine apparence n'a
jamais satisfait. Nous autres profanes, nous ne pouvons
offrir aux médecins que le tribut d'une admiration ignorante
et un peu inquiète, comme il convient d'en avoir pour des
gens h qui nous confions notre vie, mais dont les études,
les travaux sont pour nous grimoires de sorciers.
Et pouriant, je connais une œuvre médicale (c'est un
journal de médecine) où même des profanes comme mol
peuvent admirer ces qualités de clarté, de verve, de raillerie
bienveillante, de paradoxe aimable et subtil, qui sont le
propre de l'esprit français. Si vous vouh'z vous en con-
vaincre, lisez les « Bulletins » de la Gazette médicale de
Nantes, el vous m'en direz le charme savoureux. L'auteur
(un médecin sans doute) a gardé l'anonyme. Pourtant on
dit que vous avez songé à lui rendre im discret hommage,
en choisissant M. le D"" Hervouet pour présider vos séances.
— Peut-être, aussi, par un léger sentiment d'égoïsme ,
vous vouliez vous ménager pour aujourd'hui même le plaisir
41^
délicat d'un discours d'ouverture ouvragé finement Vos
vœux sont dépassés.
En même l('mi)S, vous avez nommé comme vice-président
M. T}'rion, l'aimable poète, l'auteur applaudi de Manlius
et de tant d'autres pièces dignes de figurer dans une
anthologie.
Vous avez maintenu M. Delleil h la garde de notre trésor.
Nul mieux que lui ne sait balancer, par une savante éco-
nomie, les dépenses les plus ruineuses. — M. Viard est
resté chargé de la bibliothèque, dont il s'occupe avec tant
de soin et, tout en volant par acclamations des remercie-
ments à M. Gahier, pour son zèle infatigable, vous lui avez
conservé son litre de secrélaire perpétuel.
Vous avez bien voulu me faire le grand honneur de me
nommer secrétaire.
Enfin, vous avez eu l'heureuse pensée de choisir pour
secrétaire adjoint M. le D'' Chevalier, dont vous aviez eu
maintes fois l'occasion d'apprécier au sein de nos Commis-
sions et dont tout le monde ici appréciera dans un instant
l'esprit éclairé, judicieux et fin.
Messieurs, l'histoire nous rapporte que, lorsque fut passée
cette date fatidique de l'an mil, qui, dans la pensée supers-
titieuse du Moyen- Age, devait marquer la fin du monde, les
peuples, délivrés de leur crainte chimérique, se reprirent à
la vie avec plus d'ardeur el plus d'amoureuse passion.
Je me demande si quelque chose d'un peu semblable n'a
pas eu lieu pour notre Société. A la veille de ses cent
ans, elle était évidemment alerte encore el bien vivante.
Mais la pensée de ce centenaire la préoccupait comme une
sourde menace. Il est venu, el elle n'est pas morte. Tout
le monde lui a prédit, au contraire, qu'elle vivrait dans
cent ans encore El ceci vous explique comment
413
celle année qui s'achève a éié si ferlile en Ira vaux de
toules sortes.
C'est d'abord mon ami Mailcailloz, qui vous a présenté,
en son style alerte, l'intéressante élude faite sur le Châleau
de Nantes, par M. Dominique Caillé, en collaboration avec
MM. Furrel et Chudeau.
Ce travail, illustré de planches et de dessins, avait paru
d'abord, vous vous en souvenez, dans cette aimable Revue
nantaise, qui, pendant une année, donna l'exemple à nos
concitoyens d'un juvénile effort vers les lettres et les arts.
Je la feuilletais l'autre jour pour y rechercher la savante
description historique et les superbes planches de notre
château. J'y parcourais avec un nouveau plaisir les solides
articles de Marcel Giraud-Mangin, de Joseph Rousse, de
Mailcailloz, de Gringoire, de Gaétan Rondeau ; j'y relisais
les vers subtils de cette pléiade nantaise qui compte Blain,
Roger Grand, Béliard, Blandel, Savatier, Gaumer ; mon œil
s'arrêtait aux dessins pleins de grâce el de vie de Grand-
jouan, Riom, Laboureur, de Broca ; — et je déplorais qu'une
tentative si digne d'encouragement ait échoué par la faute
de notre inertie. Rst-il donc vrai qu'à Nantes une œuvre
intellectuelle ne puisse réussir qu'à condition d'avoir déjà
cent ans?
Pourtant, que nos poètes, que nos artistes se consolent.
L'avenir leur payera les dettes du présent. S'ils en doutaient,
voici de quoi les rassurer : n'ont-ils pas eu, en etïet, leur
revanche inattendue, bien qu'un peu tardive, tous ces
artistes nantais : architectes, armuriers, brodeurs, fondeurs,
graveurs, luthiers, maîtres d'œuvres, monnayeurs, musi-
ciens, orfèvres, peintres, potiers d'étain, sculpteurs, tapis-
siers, gentilshommes verriers, que sais-je? — dont les
noms, depuis des siècles, dormaient dans un injuste oubli,
et que M. le Marquis des Granges de Surgères vient rappeler
414
à notre admiration dans un livre savant, dont M. Dominique
Caillé vous a fait le savani compte rendu ?
Vous cilerai-je aussi les communications si instructives el
si intéressantes du docteur Cliachereau, sur l'hygiène de
Nantes et sur le mariage des sourds ? de Mailcailloz, sur
l'ouvrage de M. de Wismes: v Une question de préséance
au XVIIb siècle » ? de M. Libaudière, sur la brochure de
M. Orieux: « Le général de la paroisse de Batz » et sur
celle autre du même : « Les biens de l'Eglise de ISantes
et la charte de Louis le Gros » ? de Glotin, sur le Iravail
de M. Chapron: « Chàleaubrianl et la Benaissance ange-
vine » ? et enfin la savante élude de Chevalier, sur les
œuvres du docteur Reliquel, publiées récemmenl par un de
nos collègues qui, jeune (ncore, ajoute déjii ^ l'illustralion
d'un nom célèbre dans les annales de Nantes — j'ai nommé
le docteur Guépin ?
Je m'en voudrais de passer sous silence ces éludes psycho-
logiques, pourrait-on dire, sur les mœurs des corbeaux de
Saint-Pierre, où M. le D'' Viaud-Grand-Marais mêle à une
observation suraiguë une malice el une bonhomie pleines
d'attrait.
Mais deux ouvrages surtout ont mérité de retenir v()ire
attention.
Le premier nous ramène \\ celle grave question de la
navigabilité de la Loire. Il appartenait \\ notre collègue
M. Libaudière, qui a été ici le promoteur de celle œuvre
grandiose, de vous présenter l'importante étude faite par
M. Laffilte et publiée par la Société de la Loire navigable,
sur la navigation intérieure en Allemagne. Il vous l'a
analysée avec la compétence scrupuleuse qui lui et habi-
tuelle, et nous avons vu avec quel esprit de suite, quelle
sagacité palienle et quelle habile prodigalité nos voisins de
l'Est améliorent sans cesse le réseau de leurs canaux et de
415
leurs fleuves. Nous avons vu aussi quel essor superbe ils ont
donné par là à leur commerce el à leur indusirie. Ainsi,
pour avoir changé d'armes el de lerrains, la guerre avec
eux n'est pas moins acharnée, el Dieu sait par quels prodiges
d'inilialive el d'énergie nous devrons payer la victoire !
El, dans un ordre d'idées tout différent, l'autre ouvrage
important que je veux vous rappeler, c'est la belle élude de
Gahier sur le théâtre de François de Curel.
L'auteur commence par nous dépeindre, en quelques pages
concises el fortement pensées, l'évolution du lliéâtre depuis
Corneille jusqu'à nos jours. Il nous monlre comment chaque
étape nouvelle trouve sa cause dans les mœurs, et conuiieni
ainsi, sans le vouloir peul-èlre, l'auleur dramatique nous
donne une image fidèle de la société dans laquelle il a
vécu.
Or, nous dit Gahier: « Depuis 1870, nous sommes entrés
dans une ère nouvelle et le ihéâtre s'en est ressenli; l'ins-
truction s'est développée, la fortune s'est accumulée dans
les mains de quelques-uns ; la quatrième classe, le peuple,
est arrivée au pouvoir, el, de philosophique qu'il était en
1848, le socialisme s'est affirmé dans la pratique par ses
revendicalions et ses conquêtes ; l'horizon politique s'est
assombri par suite de l'extension du journal et d'un parle-
mentarisme mal compris : tout n'est que chaos dans l'âme
moderne. »
El c'est précisément ce chaos des sentiments de l'âme
qu'avec une très grande finesse et une très grande sûreté
d'analyse, notre collègue nous monlre triomphant dans le
théâlra de M. de Curel : l'intrigue de ses œuvres a presque
toujours pour objet la lutte des idées Iradiiionnelles avec les
progrès, les besoins, ou seulement les aspirations modernes.
Ainsi, dans « Les fossiles », M. de Curel essaie de dégager
le rôle que la noblesse est appelée à jouer dans la société
416
contemporaine; — dans <• La figurante », il nous peint la
lutte de Taïuonr ardent, sincère et éternel avec les ambitions
louches et les basses compromissions de la politique actuelle.
— A-l-on le droit de tuer son semblable ? A-t-on le droit
de le tuer dans Tinlérêt d'une découverte utile ë l'humanité
tout entière ? Tel est le problème posé dans « La nouvelle
idole » ; — enfin, dans cette troublante question sociale
qu'agile la société moderne, qui doit rem|)orter, du socia-
lisme révolutionnaire ou du capitalisme oppressif ? Lh-dessus,
M. de Curel écrit ( Le repas du lion «.
Dans sa critique, M. Gabier a bien su mettre en lumière
l'hésitation de l'auteur devant ces redoutables problèmes.
C'est, en effet, un des caractèi^es, et non des moins curieux
de son théâtre, qu'il ne conclut jamais. Parfois même, il
pousse le doute jusqu'à la contradiction des caractères:
ainsi voyons-nous, dans « Le repas du Uon •>, Jean de
Sancy faire soudain une volte-face imprévue et vraiment
déconcertante. Cette imperfection, si c'en es! une, a du moins
le résultat heureux de nous peindre, mieux encore, l'anxiété
de l'âme moderne ; et s'il m'était permis de faire ici un très
léger reproche à mon ami Gabier — à vrai dire, est-ce un
reproche ? — je lui dirais qu'il a peut-être attribué un peu
généi^eusement à l'auteur qu'il nous présente ce profond
esprit chrétien où lui-même a su trouver la solution de tant
de mystères douloureux.
Parmi les poésies qui vous ont été lues, je voudrais vous
relire celles de Dominique Caillé sur le Centenaire de notre
Société et sur la mort de M'"^ Adine lliom. Mais vous les
avez encore présentes à la mémoire. J'aime donc mieux vous
citer de lui cet extrait de la pièce qu'il composa pour l'inau-
guration du buste de Charles Loyson, i\ Château-Gontier, et
où, s'adressant au poète, il évoquait noblement le souvenir
417
De ces poètes morts jeunes et que l'on aime,
Sur lesquels on londait un magnitique espoir
Et qui, clans les grands cieux ouverts, avant le soir,
Sont partis l'âme en fleur,
ou bien encore ces strophes aimables et naïves :
Avec ses abeilles, ses fleurs.
Ses fruits aux brillantes couleurs,
Voici l'été de retour. — Mère,
Pour ne plus revenir joyeux
Partager aujourd'hui nos jeux,
Oîi donc s'en est allé mon frère ?
Hélas ! tes vœux sont superflus,
Ton frère ne reviendra plus.
Cher enfant, dans notre demeure.
Comme la rose du printemps.
Il n'a vécu que peu d'instants t
Il est dans le Ciel à cette heure !
Enfin, ces jours derniers, j'ai reç^u, à l'adresse de la
Sociélé Académique, ces vers dont malheureusement l'auleui^
cache sa modestie sous une signaïui^e absolument illisible.
Ecoutez-les et vous y reconnaîtrez avec moi l'œuvre d'un
vrai poète :
PRINTEMPS DE BRETAGNE.
Le clair soleil d'avril luit dans un ciel bleu tendre
Qu'on dirait presque blanc et comme un peu nacré,
Et le gi-anil d'Armor, le vieux granit sacré.
Semble, sous ses r-ayoïis, frémir et se détendre.
Et la lande a quitté ses tons tristes et roux,
Et sur tout le pays, jusqu'à perte de vue.
C'est la riche jonchée et la gloire épandue
Des ajoncs aux fleurs d'or, au parfum âpre et doux.
418
Où donc l'as-tu trouvé, loul cel or qui te pare,
0 terre misera hie à qui manque le pain ?
EL ne rougis-tu pas, lorsque tes lils ont faim,
De ce royal manteau, splendidement barbare?
Garde-le sans remords ! Prodigue à tes ajoncs
Ta sève et la vigueur! Nous te voulons très belle.
Que le pied nu se blesse à l'épine cruelle,
Qu'importe ? C'est ainsi, terre, que nous t'aimons.
Et nous te supplions de rester inutile,
De refuser toujours la honte des moissons ,
De garder tes rochers, tes bois pleins de frissons.
Et ton charme ti'oiiblant d'amazone stérile !
Grâces soleiil rendues au mystérieux poêle qui m'a |>eimis
de terminer, pai' la lecture de ces beaux vers, le compte
rendu trop long, bien que si incomplet, de vos travaux.
Vous rappellerai-je mainlenanl les nombiTuses dislinciions
dont noire Société a été honorée en la personne de plusieurs
de ses membres ? C'est ainsi que le prix Daudet a été décerné
par P Académie de Médecine à MM. Malherbe pour leur savant
mémoire sur le « sarcome » ; que le docteur Montfort a été
nommé Officier de T Instruction publique ; le docteur Pois-
son, Officier d'Académie ; le docteur Guillemet, membre
correspondant national de la Société d'obstétrique et de
gynécologie, et M. Citerne, directeur de notre beau jardin
des Plantes.
Messieurs, combien eussè-je souhaité de pouvoir m'arrôler
ici. .
Mais connue au pied d'un arbre encore plein de sève, on
voit fi l'automne loiidDcr les l'euilU^s mortes, parure du dernier
[)rintemps, ainsi notre Société a vu, cette année, disparaître
quelques-uns de ceux qui, parmi ses membres, contribuèrent
le plus il l'honorer.
419
Ce fui d'abord noire doyen, le vénérable abbé Coquet,
donl M. Gadcceau vous a dépeint le mérile scienlifique el les
venus chréliennes avec son laleni el avec son cœur. — Vous
rappellerai-je après lui les services que l'abbé Coquet a
rendus à noire Société par ses travaux, notamment comme
Président de la Section des sciences naturelles? J'aime
encore mieux ~ car si la science est noble el utile, elle ne
vaut pas la bonté — j'aime mieux vous répéter cette parole
que répondait M. l'abbé Coquet à ceux qui lui reprocbaienl
d'êlre trop bon pour des ingrats: « Tant pis s'ils me trom-
pent, disait-il, c'est leur affaire et non la mienne. »
Après lui, nous avons perdu le regretté docteur Kirschberg.
Depuis longtemps, la maladie le retenait loin de nos
réunions. Mais nos Annales nous conservent le souvenir de
ses studieuses recherches, el M. le D"" Hervouel vous a dit,
mieux que je ne saurais vous le redire, avec quel zèle
passionné le docteur Kirschberg consacrait à l'élude el aux
soins de son cher hôpital les restes d'une santé chancelante.
Fidèle, au contraire, à notre maison, M. Morel venait tous
les jours enrichir nos conversations des trésors de sa longue
expérience, et oublier parmi nous les douleurs du mal qui
l'avait frappé. Quand il fut forcé par lui de garder la chambre,
il aima mieux démissionner que de donner le mauvais
exemple de l'absence. La mort ne lui laissa que peu de mois
ce titre de membre honoraire dont vous aviez récompensé
son affectueuse assiduité.
M. Paul Renaud a donné h notre ville l'exemple d'une vie
de travail et d'initiative. C'est lui, qui, associé avec
M. Adolphe Lolz, appliqua le premier la vapeur au battage
des grains. Depuis lors, les nombreux perfectionnements
qu'il apporta à l'industrie métallurgique lui valurent, ^ la
suite de distinctions nombreuses, la croix de la liégion-
d'Honneur. Retiré des affaires en 1889, il partagea son
420
expérience entre les soins de i'agricullure et les nombreuses
associations qui recherchaient à Nantes son patronage
éclairé.
M. le D"^ Barthélémy était depuis longtemps des noires, et
beaucoup de nos collègues ont gardé le souvenir de ses
intéressantes communications. Depuis quelques années, le
soin de ses malades et les nombreuses œuvres auxquelles il
consacrait sa vie l'avaient rendu moins assidu à nos séances.
C'est en grande partie h son initiative et îi son dévouement
que notre ville doit la création de celte « ligue contre
l'alcoolisme » qui a assumé récemment la noble lâche de
combattre le plus redoutable, peut-être, des fléaux modernes.
M. le D' Hervouei prononçait sur M. Barthélémy des paroles
définitives, quand il le rangeait au nombre de ces natures
rares à la vérité, délicates à l'excès : quand elles cessent
de soutîrir, le bien-être relatif leur apparaît comme un
remords. •>
Enfin, vous vous êtes unis avec recueillement «au cortège
d'admirateurs et d'amis qui accompagnait M™« Riom à sa
dernière demeure.
Pendant que M"»'- Adine Riom donnait ë notre ville l'exemple
d'une vie consacrée tout entière aux austères devoirs du
foyer, Louise d'Isolé chantait ses amours, tour i\ tour heu-
reuses ou déçues, et le comte de Saint- Jean exprimait en
vers passionnés la flamme mystique de sainte Thérèse, ou
racontait en style épique les légendes sacrées de l'Orient.
Quand un jour M"« Riom se découvrit sous ce double pseu-
donyme, ce fut partout un mélange d'étonnement et d'admi-
ration. Depuis lors, elle donna sous son nom véritable de
nouvelles œuvres où, par intervalles, on sent encore vibrer
la belle ardeur de sa jeunesse. Mais vous n'atlemlez pas que
j'ose vous donner sur son talent une opinion i)erso[melle,
après que Jules Janin , Saint-René Tallaiidier, Manuel et
421
lanl d'auliTs savants critiques ont magislralomenl apprécié
son œuvre. Ici même, Dominique Caillé vous a présenté,
dans une spirituelle élude, le « Salon de M"»** Riom », et
M. Tyrion, après lui, l'a jugée aussi en poète. Tout ce qu'il
m'est permis de vous dire, c'est l'impression profonde que
m'a causée la lecture de ses vers, sortis de l'âme même, et
dont quelques-uns vous font tressaillir comme un cri de
douleur. En elle, Nantes a perdu une enfant illustre, et la
France a perdu un poète. — La Société Académique n'ou-
bliera pas l'affection bienveillante dont M"" Riom voulut
bien, à maintes reprises, lui donner tant de preuves.
Messieurs, voici que ma lâche s'achève. J'ai raconté nos
lrav;iux, nos succès et nos deuils. Vous dirai-je, pour
terminer, notre but et nos espérances ?
Ce que nous voulons, n'est-ce pas, c'est que notre Société
soit prospère ; c'est surtout qu'elle soit utile. Il nous appar-
tient de l'obtenir.
Pour cela, une chose nous suffit : travailler.
Nos anciens nous en ont donné le fortifiant exemple, et ce
public choisi, qui vient toujours plus nombreux participer à
nos fêtes, nous y encourage et nous en paie d'avance.
Travaillons donc dans l'intimité modeste de nos sections,
comme dans les solennités publiques de nos réunions géné-
rales et de nos conférences. Assez d'objets divers appellent
nos efforls.
En ce moment, sur toutes les questions, des batailles
formidables se livrent. Je ne vous parle point de ces luttes
impies que tous les bons citoyens réprouvent et qu'ils ont
aujourd'hui le devoir d'apaiser, .^lais je veux vous parler de
ces batailles fécondes par lesquelles, sur tous les terrains,
scientifique, économique, industriel, commercial et même
artistique, le progrès actuel prépare l'avenir.
Nantes est au centre de la mêlée : c'est la richesse de son
4-2-2
porl, c'est la navit^abililô. de son fleuve, c'est le soin de ses
pauvres, c'esl la moralilé de ses habilanls, c'est l'hygiène de
ses rues, c'est la beauté de ses quais et de ses promenades,
ce sont, depuis hier, ses intérêts coloniaux que des initiatives
hardies prennent ^ lâche de défendre ou de faire progresser.
Tous ses enfants doivent apporter leur aide à ces généreuses
entreprises-
Nous qui sommes de cette belle et riche famille nantaise,
donnons l'exemple et agissons. Nos forces croîtront par
l'action môme. Des concours précieux nous viendront. D'où
qu'ils viennent, nous les accepterons avec joie et reconnais-
sance, car nos portes ont toujours été libéralement ouvertes
à tous les hommes de bonne volonté et de bonne foi.
Quel profit ce serait pour n')ire Société, si toutes les
opinions et toutes les tendances, loyalement représentées
chez elk', augmentaient encore l'activité et l'attrait de nos
travaux ! — et si, par un salutaire échange, la Société
Académique parvenait à répandre, dans la lutte ardente des
principes ou des intérêts opposés, ces dons précieux de
courtoisie, d'aménité, de bienveillance qui donnent à nos
réunions tant de charme, quel avantage immense ce serait
pour tous !
RAPPORT
DE
LA COMMISSION DKS PRIX
SUR
LE CONCOURS DE L'ANNÉE 1899
Par le Dr A. CHEVALLIER, secrétaire-adjoint
Messieurs ,
La Société Académique, en me confiant le soin d'écrire
le rapport de sa Commission des prix, m'a fait un grand
iionneur : le vif souci d'atteindre à la hauteur de ma mission
en a été la rançon.
Elles sont lourdes les obligations que votre choix m'im-
pose : nommer en quelques pages des oeuvres différentes,
caractériser chacune d'elles, indiquer leurs mérites et aussi
leurs imperfections, telle est la tâche peu aisée que vos trop
bienveillants suffrages ont faite mienne aujourd'hui. Ils ont
pu m'élever à la dignité de critique et de juge, mais ils ont
été impuissants à me donner les qualités indispensables k
Taccomplissement de ces hautes fonctions.
Dépourvu de compétence littéraire, malhabile dans l'art de
bien dire, je ne dois pas songer à vous présenter un de ces
424
rapports brillanls, morlèks de fine criliqiie, merveilles (l'ironie
acadcMnique, que mes prédécesseurs vous ont habilués h
enlendre. iVlodesle Secrétaire, je ne veux avoir d'autre
prétention que celle de vous lire un simple compte rendi,, le
procès-verbal, pour ainsi dire, des délibérations de votre
Commission des prix.
Poètes et prosateurs ont montré moins d'empressement à
venir celte année nous soumettre leurs œuvres. Dix manus-
crits seulement nous ont été remis ; seize avaient été
présentés à notre précédent Concours.
Pourquoi le nombre des candidats à nos récompenses
a-l-il donc aussi sensiblement diminué ?
Messieurs, nous ne récompensons pas seulement, nous
critiquons aussi parfois ; peut-être même distribuons-nous
plus de critiques que de louanges ! Serait-ce la cause de
quelques abstentions ?
Parmi ceux qui pourraient ambitionner une de nos
médailles, se trouverait-il de ces auteurs intraitables, si
intéressés à protéger leurs œuvres, qu'ils craindraient de
comparaître devant nous, juges trop prompts i» les censurer?
Je ne peux le croire !
Le véritable ami du beau et du vrai, loin de redouter la
critique, la provoque en toute circonstance ; un esprit élevé
toujours se montre reconnaissant d'un bon conseil, même si
le conseil est accompagné de quelque raillerie ; il sait que
l'avis ainsi donné est plus efficace, parce qu'il produit plus
d'impression. Horace l'a fait observer :
« Ridieuluin acri ,
» Fortius et nielius magnas plerunique secat res. »
Non, Messieurs, jamais la rancune gardée d'une critique
trop ironique ou l'appréhension de reproches railleurs n'a
425
éloigné quelqu'un de nos concours. Si aujourd'hui j'ai
moins de travaux à apprécier, différente en est la cause.
Vous avez remarqué combien peu féconde a été l'année
littéraire 1899. Elle ne nous a donné ni œuvre de philosophe,
ni travail d'historien ; nul roman, pas une pièce de théâtre
n'a, d< puis quelques mois, passionné les lettrés ou simplement
intéressé la foule ; et si quelques poètes se sont fait entendre,
ils ne nous ont, hélas ! pas parlé le doux langage des vers.
Nous avons subi une influence funeste ; un vent de haine
et de discorde a passé sur la France, son souftle brûlant a
desséché les cœurs et rendu stériles les intelligences. Faut-il
s'étonner si, en une année de pareille disette, la production
de notre modeste champ a diminué ?
Quand je considère les vastes t(>rriloires, hier fertiles et
aujourd'hui demeurés improductifs, je trouve belle plutôt
notre moisson !
Aussi, Messieurs, avant de les juger, permettez-moi de
les féliciter, ceux dont nous avons reçu les œAJvres ; prosa-
teurs et poêles, s'ils ne nous ont pas tous donné des travaux
savants ou des rimes brillantes, tous ils ont eu le mérite,
devenu rare, d'avoir gardé fécondes leurs intelligences.
Les œuvres en prose soumises au concours sont repré-
sentées par quatre manuscrits.
L'un d'eux ne nous a pas paru mériter de récompense. Il
comprend le récit d'une excursion à l'abbaye de Melleray et
deux petits contes. Du récit de l'excursion, je ne parlerai
pas, c'est une laveur que j'accorde k l'auteur ; s'il me fallait
porter un jugement sur son œuvre, il serait sévère. Les
deux contes sont correctement écrits ; leurs qualités n'ont
pu nous faire oublier d'autres défauts.
J'ai lu avec plaisir le recueil qui porte ce titre : « Cœurs
28
bretom »■ Là soiil réunies quatre nouvelles. Les sujets
peuvent en paraître d'abord assez ditîérenls; mais il n'est pas
besoin d'une lecture attentive pour s'apercevoir bien vile que
trois de ces récits, au moins, ne contiennent que des
variations , sur celte unique pensée : « // n'y a rien de
plus triste sur ta terre que d'aimer et de ne pas être
aimé. »>
C'est là une lamentation que l'auteur se plaît à faire
répéter sans cesse à ses liéroines; elles sont plus ou moins
éloquentes, mais toutes avec obstination nous redisent la
même plainte. Ces pauvres dédaignées n'agissenl jamais, elles
pensent môme rarement, toujours elles se perdent en d'inter-
minables rêveries. Si je pouvais croire que leur créateur les
a laçonnées à son image, je me permettrais de lui rappeler
ces paroles de Georges Sand : « La rêverie est une maladie
« très grave et très douloureuse, dont on ne guérit que par
« l'élude des choses vraies : il faui penser mais ne jamais
"» rêver, » et je le prierais de vouloir bien considérer que le
conseil lui est donné par une femme.
J'insiste trop longuement sur les imperfections d'une
œuvre qui présente aussi de réels mérites. Il est en ce
manuscrit des pages où se découvre un véi^ilable talent de
description. Quand l'auteur veut bien abandonner le vague
el la sentimentalité, il sait nous esquisser de vrais et cbar-
mants tableaux de la nature. Son style, parfois lâche, terne
et diffus dans les récits, devient alors énergique, brillant,
coloré. Votre Commission des prix ne pouvait laisser ces
qualités sans récompense ; elle m'a chargé de décerner à
l'auteur de « Qœurs bretons » une médaille de bronze, Sa
devise est : « A ma vie » .
La Société Académique est heureuse d'accueillir tous les
travaux, jamais olle n'a voulu limiter ses concours ; mais
427
elle reçoit avec une faveur plus marquée le mémoire où est
Irailé l'un des sujets dont elle a proposé l'élude. Celle
année, nous avons eu la salisfaclion de voir répondre à
deux de nos questions; l'on nous a donné la monographie
de la commune de Monnières et des recherches archéolo-
giques sur l'arrondissemenl de Ghâleaubriant.
Je vous parlerai d'abord de la « Monographie de Mon-
nières ».
C'est une importante élude, quoiqu'elle présente de regret-
tables lacunes. Dans l'histoire qu'il nous donne de l'ancienne
paroisse avant la Révolution, l'auteur auriiit pu nous exposer
des laits plus nombreux. Les documents cités intéressent
presque tous exclusivement la famille de la Galissonnière.
Jacques Barrin II, seigneur de la Galissonnière, vint cepen-
dant s'établir dans le Conilé nantais en l'année 1608
seulement ; l'histoiiT de la noble maison ne peut donc se
confondre en tous points avec l'histoire du pays.
Les graves événements dont Monnières fut le théâtre
pendan! la Révolution sont aussi incomplètement racontés et
les consé(|uences spéciales à la région n'en sont pas
indiquées.
Sur la topographie, la géologie, la faune et la flore de la
contrée, je ne ti^ouve que des renseignements insuffisants.
Des mœurs et des coutumes locales, il n'est pas question ;
et voici une omission plus grave encore : une statistique
nous apprend qu'en 1851 la coiTimune possédait 1,079 habi-
tants; au dernier recensement, en 1896, elle n'en comptait
plus que 930 ! en un demi -siècle, il y a donc eu une dimi-
nution de près de 14 "/o (1-^,8), et l'historien de Monnières
ne croit pas utile de rechercher et de nous indiquer les
causes de cette etîroyable dépopulation !
H paraît d'ailleurs s'intéresser peu au pays qu'il décrit ;
ce ne doit pas être son pays natal, celui que les souvenirs
■i>28
(le lamille el d'cnrancc font préférer à lout iUiliT ; on ne
senl pas chez lui Tamour du cloclier, col auiour que Ronsard
l'xpriniail si gracieusonienl lorsqu'il disait de sa pelile
pairie :
... « Quelque part que j'erre
Tant le ciel m'y soit doux,
Ce petit coin de terre
Me rira par-sus lout. »
Mais j'interromps mes critiques, car je ne voudrais pas,
Messieurs, vous laisser dans celle croyance que la Monogra-
phie de Monnières est une œuvre sans valeur. Si l'auteur n'a
pas puisé à toutes les sources d'informalion, il nous a
néanmoins donné une série de pièces fort curieuses à
consulter, il a lourni un consciencieux travail ; il pourra
facilemenl, s'il le veut, compléter son étude.
Pour le récompenser de ce qu'il a lait, pour l'encourager
à achever sa lâche, votre Commission des prix lui décerne
une médaille de bronze.
Le manuscrit porte pour devise : « Le travail dissipe
l'ennui />.
0 Inventaire archéologique, mégalithique, iconogra-
phique et héraldique du pays de Chdteaubriant, » ainsi
est intitulé le mémoire dont je vais maintenant vous rendre
compte. Le litre vous indique la nature de l'ouvrage : c'esl
un répertoire, sous forme de dictionnaire, de tous les monu-
ments, de tous les souvenirs du passé dans rarrondissement
de Ghâteaubrianl.
Ce qu'il a fait, l'auteur nous l'apprend lui-môme : « Il a,
<) dit-il, parcouru le pays noiid)rant les mégalithes, visilanl
» les manoirs et les gentilhommières, cherchant au fond des
» campagnes les chapelles isolées, relevant les inscriptions,
») notant les écussons des vitraux, des façades, des plaques
429
» de foyer, interrogeant les anciens et les curieux sur les
» légendes, s'inquiétant de l'existence des vieux livres, des
» vieux meubles, des vieilles gravures, des vieux papiers de
» famille. » 1/archéologue nous a donc donné un travail bien
personnel. A la fois savant, infatigable et patient, il a
multiplié ses recherches ; ne négligeant aucun renseigne-
ment, recueillant les traditions orales, il a fait de nom-
breuses et magnifiques trouvailles.
Cette étude archéologique n'est certainement pas sans
présenter quelques défauts ; des erreurs s'y rencontrent
peut-être, mais elle est vraiment scientifique et doit être
saluée comme l'œuvre maîtresse du concours. Votre Com-
mission des prix l'a jugée digne d'être imprimée dans nos
Annales et a décerné à son auteur une médaille de vermeil.
J'en ai fini avec la piT)se, je dois maintenant vous
présenter les poètes.
Ils nous ont, comme dans les précédents concours, fourni
le plus grand nombre de manuscrits. Ceux-là seuls pour-
raient s'en étonner qui proclament que notre époque doit
voir disparaître la poésie. « Chanter, rêver, n'est plus de
» notice temps, disent ces esprits peu épris d'idéal; nous
» avons 'es chemins de fer, l'électricité, la démocratie, le.
» déchaînement des appétits, une civilisation tonte indus -
» trielle.... comment voulez-vous qu'au milieu de tout
» cela, on en ait le loisir. et l'on en garde le goût? »
Messieurs, cela est mal raisonné. M. Jules Lemaître l'a fait
observer : « Les brutalités du milieu social, par la douleur des
») froissements ou par le plaisir de la contradiction, rejettent
» au contraire certaines âmes dans plus de rêve encore, et il
» semble que les pi^ogrès de la civilisation malérielle aient
» plutôt pour effet de renouveler, d'enrichir et d'affiner la
•) sensibilité »
4â0
NoUt vie paraît se prêter moins ^ rinspiration poétique,
et jamais cependant nous n'avons eu plus de poètes. Leur
grand nombre aurait de quoi nous enorgueillir si le nombre
emportait la qualité. Hélas ! la vraie poésie et môme le
simple talent d'écrire sont demeurés rares ; nous n'avons
donc pas été surpris de trouver dans les vers soumis à noire
examen plus de bonnes intentions que de qualités véritables.
Dans le poème qui porte la devise : « Je me tais et
j'attends », les excellentes intentions abondent; malbeureu-
semenl, nous avons eu peine à y découvrir autre chose. Je prie
l'auteur de vouloir bion attendre jusqu'il l'année prochaine,
il nous donnera, je l'espère, une œuvre où nous pourrons
plus facilement apercevoir quelque qualité; nous lui décer-
nerons alors la récompense que nous sommes obligés de lui
refuser aujourd'hui.
Un second manuscrit renferme cinq pièces diftereiiles ; là,
je discerne immédiatement un mérite : celui de la franchise ;
ainsi l'auteur s'exprime sinon avec art, du moins avec une
liberté grande sur le compte de nos bons amis les Anglais
qu'il me paraît ne pas aimer. Ecoutez plutôt :
Légèrement de l'ongle, enlevez lépiderme
Ue tout Ânglo-Saxon, vous y verrez le germe
De fliomme primitif; dans son antre enfumé
Vous verrez le bandit de l'âge de la pierre,
Masque hirsute, ébauché, guettant de sa lanière,
Le passant faible ou désai-mé.
L'humanité, en général, n'inspire d'ailleurs h notre poète
que peu d'aiïection, et il ne craint pes de le dire. Ce qu'il
aime, ce sont les petits oiseaux et aussi les vieux livres ; il
les chante en des vers d'une froide correction, et la poésie
trop souvent est absente de ses poèmes. Pour ce manuscrit
431
i-ncore, nous avons le regrel de ne pouvoir vous proposer
de récompense.
Mais voici que j'arrive à des œuvres dignes de louange.
« Vibrations d'âme » ; tel esl le tilre un peu prélen-
lieux d'un recueil de poésies nombreuses. A son manuscrit,
l'auteur a donné celte devise : « Aimer, c'est souffrir ».
Il nous chante donc surtout ses amours, ou, pour parler plus
exactement, c'est sur ses amours que le plus souvent il
pleure.
lies vers où le poète me décrit les souffrances de son âme
ont eu un fâcheux privilège : pendant que je les lisais, ils ont
fait à mes yeux apparaître d'autres poètes. C'étaient
« Ces vains auteurs dont la muse forcée
» M'enti-etient de ses feux, toujours froide et glacée,
» Qui s'affligent par art, et, fous de sens rassis,
» S'érigent pour rimer en amoureux transis. »
Et il me semblait que le poète de « Vibrations d'âme »
allait prendre place au milieu d'eux ! Alors, bien vite, pour
échapper à cette vision, j'ai tourné les feuillets du manu-
scrit, fuyant les pages où il était parlé d'amour.
Deux odes, l'une adressée au Commandant Marchand
et l'autre à la Bretagne, m'ont arrêté d'abord. Dans ces
pièces aux prétentious lyriques, j'ai admiré quelques beaux
vers ; malheureusement leur ensemble m'a paru manquer et
de sincérité et d'inspiration.
Les qualités vraies, je les ai rencontrées enfin en des pe-
tits poèmes aux allures plus modestes. Le poète a trouvé des
accents gracieux pour nous raconter les obsèques d'un pa-
pillon; et, dans des pièces qu'il adresse aux petits enfants, il
leur parle un langage rempli d'émotion véritable, et ses vers
ont un charme très grand.
Là on sent vraiment vibrer son âme et c'est une âme un
432
peu mélancolique mais bienveiilanle el bonne, très féminine.
Aussi, je suis persuadé que ma franchise trop grande me
sera pardonnée, el l'auleur de « Vibraliom d'âme » vou-
dra bien accepter la Mention honorable que lui accorde la
Commission des prix.
Les six poésies réunies sous la devise : « Fais ce que
dois, advienne que pourra »> sont toutes consacrées 'a
chanter un modeste et obscur, mais très brave soldat : le
douanier. Nous sommes peu habitués à Tenlendre célébrer
en vers ; ses frères de l'armée ont reçu d'innom-
brables hommages poétiques , lui toujours jusqu'ici a été
oublié.
C'est une joie pour nous de voir glorifier aujourd'hui ses
humbles el pénibles travaux. Quelqu'un, qui probablement le
connaît bien el qui certainement l'aime beaucoup, veut nous
le faire è tous connaître el aimer. Alors il nous raconte sa
vie : il nous le montre mourant victime du devoir, soit qu'il
tombe sous le coutelas homicide du contrebandier, soil qu'il
disparaisse el demeure enseveli sous le linceul glacé des nei-
ges de la montagne.
H est regrettable que le lalent du poète ne soil pas tou-
jours à la hauteur de la belle lâche qu'il a entreprise. Ri-
meur très novice, avec la prosodie il prend des familiarités
répétées el pourtant il sacrifie parfois sa pensée aux exi-
gences du i7lhme. Les récils qu'il nous fait sont charmants,
l'action en est bien conduite, mais la lecture en esl pénibh^ :
on sent trop combien grande esl la difficulté que l'auteur
éprouve à écrire en vers.
Ces défauts n'ont pu nous faire oublier de solides mérites
el voire Commission des prix, pour encourager le poète des
douaniers, vous propose de lui décerner une médaille de
bronze.
48â
J'ouvre un autre manuscrit cl je lis d'abord cette dédicace
à la Société Académique :
Sous le noble toit qu'elle habite
La docte Académie invite
Savants, romanciers, troubadours,
A prendre part à ses concours.
0 Muse, ma chère petite,
Venez donc vous parer bien vite !
Prenez vos plus jolis atours :
Diamants, dentelle et velours.
A quoi rèves-tu, mon poète?
Faut-il un habit de coquette
Pour plaire à d'aimables savants ?
En péplum, et cheveux flottants,
De simples fleurs des bois coiffée,
N'ai-je pas mieux Tair d'une fée?
Celle muse est fort aimable et aussi, quoiqu'elle ne veuille
pas l'avouer, foin coquette. Elle s'annonce simple fée des
bois, mais comme elle oublie souvent de l'être ! Elle veut
plaire, et alors pour varier ses moyens de séduction, elle
s'ingénie à nous apparaître sous les aspects les plus diffé-
i^enls. Muse guerrière, en de fiers accents elle raconte un
héroïque épisode de la campagne de 1870. Précieuse et très
parée, elle nous murmure de gracieuses subtilités d'amour
et se perd parfois en un nuageux idéal. Entendez-la nous
dire le « Chant de l'Etoile » :
Enfant, de prés je veux te voir.
Viens planer dans l'éther en fête !
Viens, mon amoureux, mon poète,
Me donner un baiser ce soir.
484
Monte vers moi, noble fils de la terre!
Près des soleils l'esprit devient plus pur,
Le cœur grandit, et toute âme s'éclaire.
Je veux bercer dans mon manteau d'azur
Ton front rêveur; et, près de toi voilée,
Pour tempérer mon éclat radieux,
Te révéler de la cour étoilée
Mille secrets que l'on apprend aux cieux.
Ces vers sont harmonieux, mais la pensée ne vous en pa-
raît-elle pas bien obscure? Je leur préfère ceux-ci, plus
simples accents de la muse des bois :
CE QUE DISENT LES CHOSES.
Tout sur terre parle aux poètes,
Tout murmure, aux champs, comme aux bois;
Les astres, les fleurs et les bètes
Prennent pour eux de douces voix.
Dans l'azur du soir, une étoile
Leur dit : « Bonsoir, mes amoureux ! »
Et puis la coquette se voile
D'un blanc nuage vaporeux.
Le rossignol chante : « Mes frères,
Venez ! Composons nos chansons :
Du cœur vous direz les mystères,
Moi, les mystères des buissons. »
Ainsi, les grillons dans la gerbe,
L'astre qui sourit dans les cieux
Et les mai'guerites dans l'herbe
Font un concert délicieux.
435
Quand, le soii-, Ion âme inquiète
Entend de ravissantes voix,
C'est la nature et le poète
Qui causent tous deux dans les bois.
Voire Commission des prix vous demande d'accorder k
railleur de ces vers une médaille de bronze. Son manuscrit
a pour devise ces simples mois : « Des Ailes. »
Je suis embarrassé pour vous parler du recueil de poésies
inlilulé : « Vers gais. . . et tristes vers. » A côlé de réelles
beautés, je rencontre de regrettables défauts ; je ne voudrais
dire que des éloges et la vérité m'oblige à faire de sérieuses
réserves.
Le poète traite les sujets les plus différents. Voici d'abord
un récit de guerre :
La lutte avait duré, terrible, jusqu'au soir ;
Les vaincus gisaient là, sanglants, et sur la plaine
D'où montait vers le ciel un cri de désespoir,
La lune répandait sa lueur incertaine.
Un faible effort d'imagination vous suffira pour deviner la
suite : nombreux sont les modèles du genre, l'auleur les a
assez habilement imités.
Puis, c'est un monologue ; le récit est spirituel, bien
conduit ; là encore je trouve peu d'originalité.
En de plus courts poèmes, l'auteur nous donne une note
plus personnelle. Ses sonnets sont charmants ; malheureuse-
ment, il est d'autres pièces où il ne respecte pas toujours
les limites qu'indique le bon goût. La forme est généralement
irréprochable et j'ai admiré souvent l'énergie du style.
Ecoulez ces vers, fragment d'un poème adressé ci la
436
Mort ; je veux vous les citer : mieux que toutes les critiques
ils vous feront connaître le poêle.
Comme un forgeron sur l'enclume,
Car légitime est ta fureur,
Frappe ! Ne crains pas que d'horreur
Ma main laisse tomber la plume.
Sans craindre d'ébrécher ton fer,
Là frappe ce pervers, ici frappe ce lâche,
Aiguise ta faux sans relâche,
0 pourvoyeuse de l'enfer !
Il est une chimère ardemment poursuivie :
Ne pouvant en notre âme étoutïer le remord,
Nous voudrions, enfants ! qu'on supprimât la mort,
Mais sans elle comment sanctifier la vie?
Voir toujours les plus vils lâchement encensés,
Voii' les gens vertueux honnis sur cette terre :
Quelle honte ! leprends ton œuvre salutaire,
N"écoute plus jamais nos souhaits insensés.
Et comment afiirmer l'éternelle justice,
La liberté, sa foi, sans donner tout son sang ?
Sans la mort, le martyre, auguste saci'ifice,
N'aurait plus la splendeur d'un acte éblouissant !
Il a semblé à votre Commission des prix que l'auteur de
0 Vers gais et... Iristrs vers » pouvait aspirer l\ la
récompense d'une médaille de bronze.
« Ne ris point du sonnet, ô critique moqueur ! »
Ainsi parlait Sainte -Heuve, il y a plus d'un demi-siècle.
Il était presque ridicule alors de rimer un sonnet. Délaissé
437
vers la fin du XV1I« siècle, ce pelil poème avait compiète-
meiil disparu pendant le XVIIl«. L'école romantique réhabilita
celle forme si aimée au temps de la Renaissance, et, depuis
cinquante ans, nul exercice poétique n'a été plus pratiqué.
Le goûl du sonnet, véritable épidémie, a gagné de proche
en proche. On s'est rappelé le vers de Boileau ; une même
pensée d'émulation a excité dans le domaine de l'art et les
forts el les hiunbles ; chacun a voulu donner le sonnel sans
défaut De cet oiseau rare, de ce sonnet phénix, il n'y a
pas encore d'exemple. Mais les poètes ne se découragent pas
et toujours ils nous donnent des sonnets.
Vous connaissez les difficultés que doit vaincre le sonnel-
liste; vous savez qu'il lui faut renfermer son inspiration en
un cadre inflexible et circonscrit, joindre à la puissance de
conception la concision de l'idée et la sobriété de l'expres-
sion ; aussi ôles-vous très disposé à payer un large li ibul
d'admiration à l'auteur d'un bon sonnet. Messieurs, je suis
heureux de pouvoir vous en présenter aujourd'hui six, qui
sont excellents !
Je veux vous donner à vous-mêmes le plaisir d'apprécier :
ADOPTION.
Quand, sur le Golgotha qu'ébranlait le tonnerre,
Le Christ crucitié pour l'homme allait périr.
Quand s'ouvraient les tombeaux et que tremblait la terre,
Tant il fallait d'elfort pour qu'un Dieu pût mourir,
Gomme Marie et Jean pleuraient sur le Calvaire,
Jésus sentant le froid dans ses veines courir
Leur dit pour dernier vœu : « Jean, voilà votre mère,
» Femme, voilà le fils que tu devras chérir. »
Et Marie, acceptant sa mission nouvelle,
Dès lors veille sur nous, protectrice tidèle,
Nous suivant du regard à toute heure, en tout lieu.
488
Pas 1111 cri ne s'entend sans (jue son cœur l'éponde,
Et quand, au dei'nier jour, sera jufïé le monde,
Elle viendra se mettre entre la terre et Dieu.
Rcoiilez cncoi'e cri milrt' sonncl; riiispiriJlion en esl diffé-
rente :
MYSTÈRE.
Flots glissant comme nous vers le but inconnu.
Torrents dans les rochers, puis fleuves dans les plaines.
Lorsque vous vous perdez au sein des mers lointaines,
Dans votre long parcours, qu'avez-vous retenu ?
Vagues qui vous brisez sur le l'ivage nu,
Filles de l'Océan, aux volutes sereines,
Insensibles à tout, aux plaisirs comme aux peines,
L"esprit révélateur vers vous est-il venu *?
Depuis que votre front retlèle les étoiles.
Le destin n'a-l-il pas pour vous levé ses voiles?
Connaissez-vous le mot que nous ne savons pas ?
0 fleuves, mers, parlez, apaisez notre envie.
Dites-nous le secret de nos jours d'ici-bas,
Flots qui roulez sans tin tristes comme la vie.
J'ai dit que ces sonnets élaienl bons, je ifai pas voulu
prétendre qu'ils fussent parfaits. J'y rencontre des faiblesses,
notamment dans les rimes, tnais le style en est toujours
élégant, la pensée souvent originale. Le plus grand reproche
que l'on puisse adresser à l'auteur, c'est de nous avoir
donné seulement quelques vers.
Messieurs, en un autre siècle, le marquis de Sainl-Aulaire
lui, dit-on, académicien pour un seul quatrain ! Il y a peu
d'années, un mince volume de Mtvi {c'étaient des sonnets!)
a suiti pour faire tomber devant un aimable poêle les bar-
rières qui défendent l'entrée du palais Mazarin ; aussi voire
489
Commission dos prix a-l-elle jugé que la Société Acadé-
mique pouvait bien récouipenser d'une médaille d'argent
grand module l'auteur de six sonnets.
La devise du poète est : « Jeunesse aux jours dorés «.
Vous connaissez, Messieurs, celte magnifique définition :
« Le poète, le poète lyrique, a dit Sainte-Beuve, c'est une
» âme à nu qui passe et chante au milieu du monde. « Avant
de terminer, je voudrais abandonner les paroles du grand
critique aux méditations de ceux que hante la tentation
d'écrire en vers.
Ils se croient poètes ; ils veulent dépouiller devant nous
leurs âmes de tout voile, ils veulent nous les révéler en
leurs chants ! (/est une haute et noble ambition, mais la
tâche est difficile.
Poètes, ne l'oubliez pas, vous êtes à vous-mêmes votre
propre matière ; ce que vous me livrez, ce sont vos impres-
sions, vos sentiments! S'ils sont médiocres, à quoi bon ? j'ai
les miens qui valent les vôtres, il faut donc, ou que vos
impressions soient nouvelles et rares, ou que, si j'y retrouve
les miennes, ce soit sous une forme dont j'aurais été inca-
pable de les revêtir. Je ne peux accepter les insuffisances de
l'expression que si le sentiment me paraît original. Virtuosité
impeccable ou distinction exquise de cœur et d'esprit, voilà
ce que je suis obligé de vous demander.
Ils sont nombreux, je l'espère, ceux qu'un pareil pro-
gramme ne peut effrayer. Qu'ils riment ces privilégiés, et
puis qu'ils viennent nous apporter leurs poèmes ; ce sera
pour noire Société joie et orgueil de leur décerner ses plus
belles récompenses.
Mais vous, moins assurés de satisfaire à mes exigences,
« IVallez pas sur des vers sans fruit vous consumer. »
Vous avez des loisirs et la très louable ambition de les
440
consacrer à des travaux inlcllectiiels ; en dehors de la poésie,
ils sont mulliples ceux qui vous soilicilenl ; et la Sociéié
Académique prend «oin de vous indiquer chaque année
quelques questions qu'elle serait heureuse de voir traiter. En
leur nombre, il en est certainement que vous pourriez étudier
avec profil et probablement aussi avec honneur.
Avoir le désir de bien faire ne suffit pas, il faut savoir
choisir la tâche dans laquelle bien faire sera le plus aisé.
Messieurs, si j*ai mal accompli la mission que vous m'avez
confiée, j'ai donc une excuse : je ne l'ai pas choisie, elle
m'a été imposée.
CONCOURS DE 1899
RÉCOMPENSES DÉCERNÉES AUX L\URÉATS
PAR LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE
PROSE
Médaille de vermeil.
M.Joseph GliRpron, «le (]liàioaubrianl: Inventaire archéo-
logique de l'arrondissement de Châteauhriant. (Le
mémoire sera inséré dans les Annales un 1900.)
Médailles de bronze.
1° Mii« Eugénie Gendron, du Pellerin: Cœurs bretons,
nouvelles.
-i" M. Bouyé, inslituleur à Monnières : Monographie de
la commune de Monnières.
POÉSIE
Médaille d'argent, grand module.
M. Lacoule, notaire ii Ancenis : Six sonnets.
Médailles de bronze.
1° M. Largeris, capilaiue des douanes: Poésies.
±' M"" Alexandre Moreau (Trilby), de Nantes : Des ailes.
3° M J.-L. Rouaiid : Vers gais. . . et tristes vers.
Mention honorable.
M"« Maria Ttiomazeau, de Bouin (Vendée) : Vibrations
d'âmes.
29
PROGRAMME DES PRIX
PROPOSÉS
PAR LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE NANTES
POUR L'ANNÉE 1900.
l'f Question. — Etiule biographique sur un ou
plusieurs Bretons célèbres.
2'^ Question. - Etudes archéoloç|iques sur les
(lépartenienls de l'Ouest.
3<' Question - Etudes historiques sur l'une des
institutions de Nantes.
4«^ Question. -- Les journaux à Nantes.
5« Question. - Eludes complémentaires sur la
faune, la flore, la minéralogie et la géologie
du département.
6«^ Question. — Monographie <l'un canton ou d'une
commune de la Loire-inférieure.
448
7^ Question. — La lièvre typhoïde à Nantes.
8e Question. — La réglementation du travail.
9e Question. — Les expositions nantaises depuis
cent ans.
La Sociélé Académique, ne voulanl pas limiter son
Concours à des questions purement spéciales, décernera
des récompenses aux meilleurs ouvrages :
De morale,
De poésie.
De littérature.
D'histoire,
D'économie politique.
De législation,
De science.
D'agriculture.
Les mémoires manuscrits et inédits sont seuls admis au
Concours. Ils devront être adressés, avant le -20 août 1900,
à M. le Secrétaire général, rue Suffren, 1.
(]haque mémoire portera une devise reproduite sur un
paquet cacheté mentionnant le nom de son auteur. Tout
candidat qui se sera fait connaître sera de plein droit hors
de concours.
444
Los prix coiisisleronl en QK'dailles de bronze, d'argenl,
de vermeil el d'or. Ils seronl décernés dans la séance
pnblique de décembre 1900.
La Société Académique jugera s'il y a lieu d'insérer dans
ses Annales un ou plusieurs des mémoires couronnés.
Les manuscrits ne sont pas rendus ; mais les auteurs
peuvent en prendre copie sur leur demande.
Nantes, le 10 décembre 1899.
Le Secrétaire général. Le Président,
A. VIN(^RNT. D-^ HERVOUET.
EXTRAITS
DRS
PROCKS-VRRBA[JX DES SÉANCES GÉNÉRALES
POUR L'ANNÉE 1899
Séance du l^»" février 1899.
Inslallaiion du Bureau.
Alloculion de M. Linyer, présideni sorlant.
Allocution de M. le D^ Hervouel, présidenl eniranl.
Rapport de M. Dominique Caillé sur les Artistes nantais,
par M. le M'* de Grandes de Surgères.
Admission, au titre de membre résidant, de M. Morin
(M. Tyrion, rapporteur).
Séance du ]^^ mars 1899.
Admission, au titre de membre correspondant, de M. le
D' Guépin, de Paris (rapporteur, M. le D"" Gaucher).
Séance du 12 avril 1899.
Notice nécrologique sur M. l'ahbé Coquet, par M. Gade-
ceau.
Considérations sur l'hygiène nantaise, par M. le D^ Cha-
chereau.
446
Séance du 10 mai 1899.
Notice nécrolot^iquo sur M. le D^ Kirchbcrg, par M. le
D' Hervouet, présidenl.
Rapport de M. Dominique Caillé sur le Rêve de Jean, par
M"« Sibille.
Considérations sur l'hygiène nantaise, par M. le D^ Cha-
cliereau.
Séance du 13 juin 1899.
Rap[)ort de M. le D"^ Chevallier sur les œuvres com[)lèt('s
du docteur Reliquet, réunies et publiées par M. le D^Guépin.
Rapport de M. Libaudière sur le Général de la paroisse
de Batz et les Biens de l'Eglise de Nantes et la charte de
Louis le Gros, par M. Orieux.
Rapport de M. Glotin sur les Monuments de la renais-
sance angevine et la Ville de Ckâleauhriant, par M. Cha-
pron.
Rapport de M. Mailcailloz sur Une question de préséance
pour la procession de la Fête-Dieu, [uir M. le B°° de
Wisnies.
Communication sur Jean Raphaëlis, gouverneur de
Noirmoutier, par M. le D"" Viaud-Grand- Marais.
Mes voisins, les Choucas de la Cathédrale, [)ar >1. le
D' Viaud -Grand Marais.
Les peintures murales de l'église de Saint-Sutpice-des-
Landes, par M. J. Cliapron.
Séance du 11 octobre 1899.
Notice nécrologique sur M. Charles Morel, par M. le D"^
Hervouet, président.
Notice nécrologique sur M""* Riom, par M. J. Tyrion.
447
Nolice|nécrologique sur M. le D' Barthélémy, f^ar M. le D'
Hervouet, président.
Rapporl'defM. Libaudière sur la Navigation intérieure
en Allemagne, par M. Laffilte.
Le Théâtre de François de Curel, par M. J. Gabier.
Séance du 15 novembre 1899.
Notice nécrologique sur M. Paul Renaud, par M. Libau-
dière.
Admission, au litre de membre résidant, de M. le D^ Cour-
lies (rapporteur, M. Pinard).
Rapport de M. le D"" Chachereau sur le Mariage des
sourds aux Etats-Unis, par M. Fay.
Rapporl^de M. Glolin sur deux mémoires de M. Aveneau
de la Grancière.
Le Théâtre de François de Curel, par M. J. Gabier.
Séance solennelle du 10 décembre 1899, au Grand-
Théâtre de Nantes.
Discours de M. le D"^ Hervouet sur la télépathie.
Rapport^ de M. A. Vincent sur les travaux de la Société
pendant l'année 1899.
Rapport de M. le D^ Chevallier sur le Concours des prix.
Séance du lundi 11 décembre 1899.
Sont élus :
Président M. Tyrion.
Secrétaire général .... M. le Di^ Chevallier.
Secrétaire adjoint .... M. F. Joiion.
Trésorier M. Delteil.
Bibliothécaire M. Viard.
Secrétaire perpétuel.. . M. Gabier.
448
Comité central.
MM. L('on Vinceril, Andouard, Julien Merhnid ; Simonoau,
Cliachereau, Guillemoi ; Mailcailloz, Glolin, A. Vincent ;
Gadeceau, Renaull-Thubé, Gonrraud.
Admission, au litre de membres résidants, de MM. le M"
de Granges de Surgères et Jules Riom (rapporteur, M. D.
Caillé).
SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE DE NANTES ET DE LA LOIRE-INFÉRIEURE.
Année 1900
LISTE DES MEMBRES RÉSIDANTS.
Bureau.
Picsideiit MM. Tyrion, avenue Charles-Gris, 7.
Vice-Pic'sident
Secrétaire général Dr Chevallier, rue d'Orléans, 13.
Secrétaire adjoint François Joiion, l'ue Lafayctte.
Trésorier Delteil, tenue Camus.
Bibliothécaire Viard, oh. de la Saulzaie,'2(i, Chantenay.
Secrétaire perpétuel J . Cahier, place du Cirque, 1 .
Membres du Comité central.
M. le Dr Hervouet, président sortant.
Agriculture, commerce, industrie et sciences économiques.
MM. Léon Vincent, .\iidouard, Julien Merland.
Médecine.
MM. Simoneau, Chachereau, Guillemet.
Lettres, sciences et ans.
MM. Mailcaiiloz, Glolin, A. Vincent.
Sciences naturelles.
MM. Gadeceau, Renault-Thubé, \)i Gourraud.
Membre d'honneur.
M. Hanotaux, de l'Académie française.
450
SECTION D'AGRICULTURE,
COMMERCE, INDUSTRIE ET SCIENCES ÉCONOMIQUES.
Andouai'fl, rue de Clisson, 18.
Cossé (Victor), rue Daubenlon, I.
Delteil, tenue Camus.
Deniaud, à la Trétnissinière.
Goullin, place Géiiéral-Mellinet.
Le Gloahec, rue Haute-rlu-Châleau , 1 1
Libaudière (F.), rue de Feltre.
Linyer, rue Paré, 1.
Merlant (F.), tenue Camus.
Panndon, boulevard Delorme, H8.
Péquin, place du Bouffay, 6.
IVrdereau, place Delorme, 2.
Pilon, aux Renardières, Chantenay.
Poulain, (Clément), passage Louis-
Levesque.
Riom (Jules), tenue Camus.
Viard, chemin de la Saulzaie, !2tt,
Chantenay.
Vincent (Léon), rue Guibal, 25.
MEMItRES AFFILIÉS.
Gourraud, Merland (Julien).
s.
SECTION DE MÉDECINE ET PHARMACIE.
Allaire, rue Haudaudine, '2.
Atlimont, rue d'Orléans, 11.
Blanchet, rue du Calvaire, .S.
Bonamy, place Petiie-Hollande, I.
Bossis, rue des Arts, 33.
Bureau, rue Gresset, 15.
Chachereau, rue Dugommier, 1.
Chartier, rue du Calvaire, 12.
Chevallier, rue d'Orléans, 13.
Citerne, au Jardin des Plantes.
Courties, rue Boileau.
Filliat, rue Boileau, 1 1 .
Gaucher, rue Racine, 1 1.
Gauducheau, passage Saint-Yves, 4.
Gergaud, rue de Strasbourt-, /tè.
Gourdet, rue de l'Evêché, '2.
Gourraud, boulevard^Deloime, 14.
Grimaud, rue Colbert, 17.
Guénel, rue Royale, 1.
Guillemet, quai Brancas, 7.
Guillou, rue Jean-Jacques, 6.
Hervouet, rue Gresset, 15.
Heurtaux, rue Newton, 2.
Hugé, rue Boileau.
Jollan de Clerville, rue d'Argentré.
Lacarabre, rue de Rennes, 4.
Landois, place Sainte-Croix, "2.
Lefeuvre, rue Newton, 2.
Le Grand de la Liraye, lue Maurice-
Duval, 3.
Mahot, rue de Bréa, 6.
Malherbe (Albert), rue (lassini, 12.
Malherbe (Henri), rue du Général-
Meusnier, 4.
Ménager, rue du Lycée, (i.
Miraliié, rue Crébillon, 1'.).
Montfort, rue Rosière, 14.
Ollive, rue Lafayette, 'J.
Pérochaud, rue de l'Ecluse. 4.
Poisson, rue Bertrand-Geslin, 5.
451
Polo, rut! Marceau, 7.
Raingeard, place Royale, 1.
Rouxeau, rue de l'Héronnièro, 4.
Sacquet, rue de in Poissonnerie, 25.
Simoueau, rue Lafayette, 2.
Sourdille, rue du Calvaire, 20.
Teillais, rue de lArche-Sèche, 35.
Texier, rue Jean-Jacques, 8.
Vîilentin, rue de Strasbourg, 15.
Viaud -Grand-Marais, place Saint-
Pierre, 4.
Vince, rue Garde-Dieu, 2.
SECTION DES SCIENCES NATURELLES.
Dr Couétoux, place Royale, 1. Janau, rue de la Bastille.
Ferronnière (Georges), architecte, D"" Joùon, rue de Cotsrson, 3.
rue Voltaire, 15. Rautureau, rue Saint-Pierre.
Gadeceau, passage Russeil. Renaull-Thubc, quai Jean-Bart, I
MEMBRES AFFILIÉS.
Bureau.
Gourraud.
Joliau de Glerville.
Ménager,
Viaud-Grand-Marais.
SECTION DES LETTRES, SCIENCES ET ARTS.
Baranger, rue Thiers, 4.
Begnaud, rue Contrescarpe, 11.
Bedhct, quai Richebourg, 12.
Boitard, rue Saint-Pierre.
Caillé (Dominique), place Delorine, 2.
Chudeau, rue Affio, 1 .
Dortel, rue de IHéronnière, 8.
Eon-Duval, rue de l'Arche-Sèche, 2.
Feydt, quai des Tanneurs, 10.
Fiiick, rue Crébillon, 21 .
Fraye, rue de Rennes, 93.
Gabier, place du Cirque, 1.
M'3 de Granges de Surgères, rue
Saiul-Cléraont, 66.
Legrand, rue d'Argentré, 1.
Leroux (Alcide), rue Mercœur.
Livet, rue Voltaiie, 25.
Mailcailioz (Alfred), place Royale.
Mathieu, rue des Cadeniers.
Merland (Julien), place de l'Edit-de-
Nantes.
Morel, juge honoraire, tenue Camus, 9.
Morin.
Orieux, passage du Nord.
Pinard, quai île Glorielte, 19.
Schwob (Maurice), rue Scribe, 4.
Tyrion, avenue Charles-Gris.
Vincent (Alexandre), r. Lafayette, t2
Bon do Wismes (Gaétan), rue du
Coudray, 33.
45^2
MEMBRES AFFILIÉS.
Chachereau. Libaudière.
Chevallier. Liiiyer.
DeiU'il. Merlaiil (Francis).
Gadeceau. OUive.
Guillemet. Perrlereau.
Hervouet. I*oulain (Clément).
LISTE DES MEMBRES CORRESPONDANTS.
Ballet, architecte à diàleaubriant.
Bouchet, à Orléans.
Boyé, avocat à Nancy.
Chapron (J.), à Châieaubriant.
r.olson (P.), professeur au collège de Nogeiit-le-Rotrou.
Daxor (René), à Brest.
Delhoumeau, avocat, rue Bellechasse, 44, Paris.
Dr Dixneuf, au Loroux-Bottereau.
D"" Ecot, médecin militaire h Lyon.
Cahier (Emniannel), conseiller général à Rougé.
Mlle Gendron, au l'ellerin.
Glotin, avocat à Lorient.
Dr Guépin, à Paris.
Guillotin de Corson, chanoine à Bain-de-Bretagno.
Hulewicz, officier de la marine russe.
llari, avocat à la cour de Rennes.
Mlle Eva Jouan, à Belle-lsle-en-Mer.
Lagrange, répétiteur au collège de Libourne.
Abbé Landeau, à Rome.
Louis, bibliothécaire au collège de La Roche-sur-Yon.
Dr Macasio, à Nice.
Vte Odon du Hautais, à La Roche-Bernard (Morbihan).
Oger, avoué à Sainl-Nazaire.
Priour de Boceret, à Guérande.
Mlle Thomazoau, à Bouin (Vendée).
Saulnier, conseiller à la Cour de Rennes.
Thévenot (Arsène), à Lhuitre (Auhc).
TABLE DES MATIERES
Allocution (le M. Linyer, pivsident sorlant 7
Allocution de M. le !)'■ Hervouet, président enli;inl 9
Histoire de Nantes sous le règne de Louis-Philippe, par
M. Félix Libaudière 11
Poésies, par M. Dominique Caillé 186
Discours de M. Hanolaux, prononcé à l'occasion du cen-
tenaire de la Société Académiqur; 195
Le théâtre libre, par M. Gainer 217
Du mariage des sourds en Amérique (Etats-Unis). —
Traduction du D'' Gliachereau 268
Le bronze dans la Bretagne-Armorique. — Compte rendu
par M. Hyacinthe Glotin 281
L'église de Saint-Sulpice-des-Landes et ses peintures
murales, par M. Joseph Chapron 284
Notice biographique sur Paul Renaud, pai- M. Félix
Libaudière 297
Elude sur la navigation intérieure en Allemagne. —
Compte rendu par M. Félix Libaudière 30;{
Les biens de l'Eglise de Nantes et la cbarte de Louis le
Gros. — Compte rendu par M. Félix Libaudière ;jll
Notice nécrologique sur M""' Adine Riom, pai- M. Julien
Tyrion 315
Le général de la paroisse de Batz. — Compte rendu par
M. Félix Libaudière ;J20
4^)4
Une (juestioM de préséance pour la procession de la Pète-
Uieu à Nantes, au XVIll* siècle. — Compte rendu par
M. Mailcailloz ;ii5
Notice nécrolo.uique sur M. le I)'' Kircliber,!?, par M. le
I)'- Hervouet ;î30
Notice nécrologique sur M. Morel, par M. le D'' Her-
vouet 335
Cliàteaubriant, la ville, les châteaux et les églises ; la
renaissance angevine. — Compte rendu par M. Glolin. 337
Le Rêve de Jean. — Compte rendu par .M. l)onjini(|ue
Caillé 3y
Situation du vignoble de la Loire-Inférieure en J899, pai'
A. Andouard 344
La Canaigre, par A. Andouard 36i
Alimentation de la ville de Nanles en eau potable, par
A. Andouard 367
Discours prononcé dans la séance du 10 décembre 1899,
pai- M. le D'' Hervouet 38'i
Rapport sur les travaux de la Société Académique, pen-
dant tannée 1899, par M. Vincent 405
Rapport de la Commission des prix siii- le concours de
Tannée 1899, par M. le D'' A. Chevallier 423
Récompenses décernées aux lauréats du concours de
1899 441
Programme des prix pour 1900 4'ii^
Extraits des procès-verbaux des séances pour l'année
1899 445
Liste des membres de la Société 449
Naales, iinp. (1. Mellinel, place du l'ilori, 5.— Biroclié ol Daulaisf suc".
EXTRAIT DU HEGLE^IENT
DE LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE.
La Société publie un journal tic ses travaux , sous le titre
ù'' Annales de la Société Académique de Nantes et du département de
la Loire- Inférieure. Ces Annales se composent des divers écrits lus à
la Société ou à l'une des Sections. — La Société a le droit, après qu'une
des Sections a publié un travail, de se l'approprier, avec le consente-
ment de l'auteur. — Les Annales paraissent tous les six mois, de manière
à former, à la fin de l'année , un volume de 500 pages in-8".
Les Annales de la Société sont publiées par séries de dix années. —
Le Règlement de la Société est imprimé à la tête du volume de chaque
série , ainsi que la liste des membres résidants , classés par ordre de
réception.
Le choix des matières et la rédaction sont exclusivement l'ouvrage de
la Société Académique.
Le prix de la souscription annuelle est de :
5 francs pour Nantes;
7 francs hors Nantes , par la poste.
Les demandes de souscriptions peuvent être adressées /irartco k IVIM.
Biroché et Dautais, éditeurs et imprimeurs des Annales, place du Pilori, 5.
^.
G ET
Y CENTER LIBRARY
3 3125 00621 8065