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Full text of "Annales de la Société académique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure"

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ANNALES 


DE    l,A 


SOCIÉTÉ  ACADÉMIQUE 


DE    NANTRS 


ET  DU  DÉPARTEWIENT  DE  LA  LOIRE-INFÉRIEURE 


DKCLAREE 


ÉTABLISSEMENT  D'UTILITÉ  PUBLI 

Par  népret  ilii  ^1  ilécembit]  1!^.77 


Volume  10*^  de    la    7^  Se 


1899 


NANTES, 


iMl'HlMEIilB   C.   MeLLINET.    —    BlllOCHÉ    ET   l)  AU  T  AÏS  ,  SUCCrs, 

Place  du  Pilori,  5 


i\        i  5 


ANNALES 


DE     LA     SOCIÉTÉ     ACADÉMIQUE 


DE     NANTES 


ANNALES 


DE    LA 


SOCIÉTÉ  ACADÉMIQIJE 

DE     NANTES 
ET  DU  DÉPARTEIVIENT  DE  LA  LOIRE-INFERIEURE 


uki;lai;kk 


ÉTABLISSEMENT  D'UTILITE  PUBLIQUE 

l'iif  Di'tTL'l  ilii  "-27  iléceinbn:  \>'J7 


Volume  10^  de    la    7    Série. 


1899 


iNAlNTKS, 

iMI'lilMKIllK    C.    iMKI.IlM/r.    -        lilUdCIII,    1.1    lt\(   I  \1S,  SÏXîCPî, 

iMiicc  (lu  l'iloii.  5. 


ALLOCUTION    DE   M.    LINYER 


PRESIDENT      SORTANT. 


Messieurs  , 

Arriv(''  au  terme  de  mon  mandai,  je  sens  le  besoin  de 
remercier  ceux  dont  le  concours  régulier  el  l'assidnilé  onl 
suppléé  à  mon  inexaclilude. 

C'est  du  fond  du  cœnr  que  j'adresse  l'expression  de  ma 
reconnaissance  aux  membres  du  Bureau  que  vous  aviez 
placés  près  de  moi,  el  spécialement  à  noire  Secrétaire 
perpétuel  et  à  noire  Trésorier. 

Grâce  à  leur  dévouement  infatigable,  non  seulement  notre 
Société,  cette  année,  a  pu  continuer  i>  vivre  de  sa  vie 
normale,  mais  elle  a  eu  l'honneur  d'organiser  celle  fêle 
triomphale  du  Centenaire,  qui  laissera  une  trace  glorieuse 
dans  les  fastes  de  la  ville  de  Nantes. 

Ce  succès  éclatant  ne  doit  |)as  nous  éblouir;  nous  devons 
y  puiser  une  ardeur  nouvelle  el  des  résolutions  viriles. 

Les  sociétés,  connue  les  individus,  subissent  la  loi  du 
temps;  les  années  el  les  circonslances  leur  imposent  des 
devoirs  nouveaux  auxquels  elles  ne  peuvent  impunément  se 
soustraire. 

Leur  impérieuse  nécessité  n'échappera  pas,  j'en  suis  sûr,  à 
mon   successeur,    et  il    saïu'a    apporter,    dans   Porienlation 


noilvcllr  lie  V()>  cllorls,  les  rcssoiiiccs  de  son  iiiiiitiiimlion 
Icrlili'  en  (•(iiic('j)li()iis  origiiialcs  d  en  sohilioiis  ini^rnicuscs. 

Il  Irouvciii  (riiillciirs  un  appui  |ir('ci('ii\  dans  le  Vicc- 
IMvsitU'nl  que  vons  avez  placr  an|ni's  de  lui  l'I  dans  rr^  deux 
jeunes  Seci'élaires,  doni  l'cspril,  oiivcrl  à  ions  les  progivs, 
se  pliera  aisi-nuMil  aux  iranslornialions  nécessaires. 

C'est  donc  avec  iran(piillilé  {\\U'  je  résitrne  mes  lonclions, 
conlianl  dans  l.i  vilalilé  «le  noire  Snciélé  v[  certain  du  succès 
(jue  Tavenii'  lui  i'«'serve. 


ALLOCUTION   DE    M.    LE    D^   HERVOUET 


PRÉSIDENT     ENTRANT. 


Messieurs  , 

C'est  avec  une  inquiétude  bien  naturelle  et  trop  justifiée 
que  j'accepte  le  s^rand  honneur  de  présider  à  vos  séances. 

Venir  après  les  fêles  brillantes  du  Centenaire,  quand  vous 
êtes  encore  sous  le  charme  des  discours  entendus,  c'est  me 
prêter  courageusement  à  un  effet  de  contraste  où  la  galerie 
trouvera  peut-être  un  malicieux  amusement,  mais  où  je  ne 
trouverai  pas  de  bénéfice  personnel. 

Venir  après  M.  Linyer,  dont  on  a  dit  justement  qu'il 
devrait  siéger  au  Parlement  pour  y  mettre  son  grand  talent 
au  service  de  Nantes  et  de  la  France,  après  cet  éminent 
collègue  dont  on  invoque  l'appui  pour  donner  l'essor  aux 
sociétés  naissantes  ou  pour  sauver  les  sociétés  malades, 
m'installer  dans  ce  fauteuil  au  moment  précis  où  il  vient 
d'être  illustré,  en  une  mémorable  séance,  par  un  académicien 
homme  d'Etat,  par  M.  Hanotaux,  l'historien  de  Richelieu..., 
me  placer  enfin,  Messieurs,  h  votre  tête  en  de  pareilles 
conditions  serait  d'une  témérité  singulière  s'il  n'était,  je 
crois,  implicitement  convenu  entre  nous  que  le  collègue, 
appelé  à  cette  redoutable  succession,  accepte  bravement  un 
nécessaire  sacrifice  d'amour-propre.  Vous  le  récompensez,  à 
la  vérité,  d'emblée  et  largement  de  ce  petit  sacrifice  par  le 

2 


10 

choix  iivêiiie  que  vous  laites  de  sa  personne  et  vous  ne  douiez 
pas   qu'il  ne  soil  profondémenl  louché  d'un  pareil  honneur. 

Aussi  bien,  grâce  aux  collabonilcurs  bienveillanls  el  actifs 
qui  m'entourent,  grâce  à  votre  zèle  îi  tous,  j'ai  confiance 
dans  l'avenir;  je  pense  qu'il  y  aura  encore  de  beaux  jours 
pour  cette  chère  Académie  nantaise.  J'ai  dit  tout  l\  l'heure 
qu'on  appelait  volontiers  M.  Linyer  au  secours  des  sociétés 
malados  ;  je  ne  saurais  dire  si  la  nôtre  l'était  gravement  vers 
la  fin  de  son  premier  siècle  ;  on  a  assurémenl  répandu  plus 
d'une  fois  des  bruits  alarmanls  sur  sa  santé.  Ce  qui  me 
paraîi,  en  loul  cas,  évident  aujourd'hui,  c'est  que  notre 
dernier  Président  a  parfaitement  réussi  à  la  remettre  sur 
pieds  el  à  lui  assurer  un  nouvel  avenir.  L'éclal  apporté,  avec 
les  soins  du  Bureau  sortant,  à  la  solennité  du  Centenaire 
nous  ganintii  le  lendemain.  L'attention  du  public  a  été  vive- 
ment attirée  sur  nous.  Cela  est  un  bien  :  nous  sommes  en 
droit  d'espérer  de  nouvelles  adhésions,  des  recrues  utiles  à 
nos  travaux  el  à  nos  finances. 

Messieurs,  avec  l'expression  de  ma  sincère  gratitude,  je 
vous  apporte  aussi  la  promesse  d'utiliser  enlièrement  ce  que 
je  peux  avoir  d'activité  el  de  bonne  volonté  à  la  prospérité 
de  notre  Société. 

Quant  au  concours  de  mes  aimables  collègues  du  Bureau, 
je  n'ai  pas  besoin  de  vous  l'assurer  :  vous  connaissez  leur 
talent,  leur  science,  leur  attachement  h  notre  groupe  intel- 
lectuel, leur  dévouement  éprouvé.  Je  ne  m'avance  donc  pas 
trop  en  affirmant  qu'ils  oni  tout  ce  qu'il  faut  pour  inaugurer 
dignement  notre  deuxième  siècle. 

Mettons-nous  donc  au  travail  avec  confiance  el  surtout 
avec  persévérance. 


HISTOIRE   DE   NANTES 

sous  LE  RÈGNE  DE  LOUIS-PHILIPPE 

Par    m     Félix   LIBAUDIÈRE 
Suite.  —  Voir  le  volume  de  1898. 


Année    1841 

Le  chemin  de  fer  de  Nantes  à  Orléans. —  La  lutte  entre  les  deux  sucres. —  Les  cloches 
de  la  Cathédrale.  —  La  capture  du  .«  Marabout.  »  —  Le  recensement  à  domicile.  — 
Divers:  élections,  fêles  publiques,  etc. —  Services  publics  :  conseil  des  prud'hommes, 
service  vicinal,  etc.  —  Enseignement.  —  Journaux  et  publications.  —  Agriculture, 
commerce,  industrie,  bateaux  à  vapeur.  —  Monument?  et  voirie  :  Cathédrale,  Saint- 
Nicolas,  palais  de  justice,  jardin  des  plantes,  etc.  —  Concerts  et  spectacles. 

LE  CHEMIN  DE  FER  DE  NANTES  A  ORLÉANS 

La  Société  d'éliides  du  cluniiin  de  fer  de  Nantes  à  Orléans 
convoque  les  Maires  des  villes  riveraines  de  la  Loire  à  une 
réunion  qui  a  lieu  le  1^^  niars,  à  son  sièj^e  social,  29,  rue 
Tronchet  (1).  Le  fondateur  de  la  Société,  Jucqueau-Galbrun, 
donne  connaissance  des  travaux  exécutés  par  elle  :  achat 
des  terrains,  tracé,  renseignements  statistiques.  D'après  ses 
calculs,  le  devis  des  dépenses  s'élèverait  à  IBO  millions,  el 
la  recette  brute  atteindrait  le  chiffre  de  28  millions.  En 
défalquant  les  dépenses  courantes,  les  intérêts  à  servir  et  la 
formation  d'un  fonds  de  réserve,  le  bénéfice  ressortirait  h 
11  °/o  du  capital. 

Alexis  de  Jussieu,  préfet  de  l'Ain  el  président  du  Conseil 
d'administration,  annonce  qu'une  société  de  capitalistes  s'est 
engagée  à  fournir  les  capitaux  nécessaires  si  l'Elat  assurait 
une  garantie  d'intérêt.  Il  fait  connaître  qu'une  demande  en 
concession  est  déposée. 

(1)  A  Paris. 


Les  fondateurs  et  les  délégués,  accompagnés  des  députés 
cl  pairs  de  la  région  de  la  Loire,  se  présentent  successive- 
ment chez  les  Minisires  des  Travaux  publics,  de  Tlnlérieur, 
des  Finances,  de  la  Justice,  et  demandenl  instamment  que 
la  demande  en  concession  soit  soumise  aux  Chambres  dans 
un  bref  délai. 

Un  chaleureux  appel  est  adressé  aux  Conseils  généraux  et 
municipaux  des  déparlemenis  riverains  du  fleuve.  Une 
garantie  d'intérêt  ^  4  "/o  leur  est  demandée.  Blois  vote  cette 
garantie  pour  1  million  ;  Tours,  également  pour  1  million  ; 
Saumur,  pour  1  million  500,000  fr.;  Nantes,  pour  1  million 
500,000  Ir.;  le  (Conseil  général  du  Loir-et-Cher,  pour 
1  million  '400,000  fr.;  celui  d'Indre-et-Loire,  pour  2  millions. 

LA  LUTTE  ENTRE  LES  DEUX  SUCRES. 

La  législation  de  18i0  n'a  profité  qu'au  sucre  de  betterave. 
Sa  l'abricaiion  prend  toujours  une  nouvelle  extension  et  les 
cours  se  dépriment  de  plus  en  plus.  La  situation  devient 
chaque  jour  encore  plus  grave  pour  les  ports.  La 
Chambre  de  Gonmierce  de  Nantes,  à  la  date  du  28  octobre, 
expose  ses  doléances  au  Ministre.  Elle  s'attache  à  lui  faire 
comprendre  que  l'industrie  (Ju  sucre  de  betterave  n'est 
pratiquée  que  dans  cinq  déparlemenis,  et  que  les  intérêts 
autrement  importants  des  ports,  des  colonies  et  du  commerce 
maritime  lui  sont  sacrifiés.  Au  nom  de  la  justice,  elle 
demande  que  le  sucre  de  betterave  soit  soumis  au  même 
droit  que  le  sucre  colonial. 

Les  fabricants  du  Nord  font  entendre  de  vives  réclama- 
lions.  Us  protestent  énergiquemenl  contre  l'augmentation  de 
droit  qui  menace  leurs  iiroduils  et  qu'ils  ne  peuvent  supporter. 
Ils  déclarent  préférer  ii  celle  augmentation  l'expropriation  de 
leurs  usines  avec,  tontefois,  le  payement  d'une  indenmilé 
qu'ils  prétendent  leur  être  légitimement  due  en  raison  de  la 


13 

proleclion  donl  ils  onl  joui  el  sur  la  foi  de  laquelle  d'impor- 
tants capitaux  ont  été  engagés  par  eux. 

LES  CLOCHES  DE  LA  CATHÉDRALE. 

La  sonnerie  de  la  Cathédrale,  avant  la  révolution,  se  com- 
posait de  douze  cloches  el  jouissait  d'une  renommée  méritée. 
Lors  du  rétablissement  du  culte  en  1802,  il  n'en  restait  qu'une 
seule,  celle  qui  servait  de  timbre  pour  l'horloge.  En  18'25, 
deux  autres  cloches  avaient  été  fondues. 

Le  Chapitre  de  la  Cathédrale  prend  la  résolution  de  doter 
le  vieux  monument  d'une  sonnerie  donl  il  put  être  fier  et 
fait  appel  à  la  générosité  des  habitants.  Une  Commission 
composée  de  Maurice  Durostu,  de  la  Rochelle,  Ch.  de 
Commequiers,  C.  Mellinet,  J.-C  Renoul  et  Viot  lui  prête  son 
concours  et  organise  une  souscription.  La  somme  nécessaire  ne 
tarde  pas  à  être  recueillie  el  l'on  décide  que  la  sonnerie  se  com- 
posera de  huit  cloches  (i),  en  y  comprenant  les  deux  cloches 
de  1825,  qui  seront  refondues  pour  être  mises  k  l'unisson. 

Le  travail  est  confié  à  Guillaume  Besson,  maître  fondeur 
à  Angers.  Il  s'exécute  dans  un  atelier  temporaire  établi  sur 
la  terrasse  de  l'abattoir.  Les  autorités  et  une  brillante  société 
assistent  à  l'opération  de  la  coulée. 

(1)10  Jeanne- Antoinette,  pesant  5,fi50  kilos,  présentée  au  nomdii  déparlemenl,  a 
pour  parrain  le  lieutenant  général  Gt"  d'Erlon,  el  pour  marraine  M™°  Cba|)er, 
épouse  du  Préfet;  —  2"  Françoise- Thérèse,  4,010  kilos,  au  nom  de  la  ville. 
Parrain,  F.  Bignoii,  député.  Marraine,  Mi""  Th.  Favre,  nièce  du  Maire  ;  —  3°  José- 
phine, 2,945  kilos,  au  nom  des  propriétaires.  Parrain  et  marraine,  Jh  de  la  Tullaye 
et  M™"  J.  de  Villelreux,  marquise  des  Dorides;  —  4"  Julie -Félicité,  2,431  kilos, 
au  nom  des  négociants  armateurs.  Parrain  et  marraine,  Jules  Gouin,  vice-président 
de  la  Chambre  de  Commerce,  et  M™"  veuve  Colas  ;  —  5»  Marie-Françoise,  1,075 
kdus,  au  nom  des  commerçants.  François  Maurice  et  M'ie  Marie  Bonhomme  ;  — 
6°  Perrine-Marie,  1,200  kilos,  au  nom  des  corps  d'états  et  de  métiers.  Pierre  Baranger 
et  M™e  Carreau.  Les  deux  dernières  onl  pimr  parrains  et  marraines  les  descendants  de 
ceux  qui  les  avaient  présentées  en  18^25;  —  7"  Emilie,  870  kilos.  Cl.-M.-R.  de 
Sesmaisons,  âgé  de  b  ans,  el  demoiselle  Juliette  de  Menou,  âgée  de  9  ans  ;  — 
8»  Louise,  690  kilos.  Ch.  Espivenl  de  la  Villesboisnet  el  demoiselle  Henriette  de  Monti. 


14 

La  bénédiclion  a  lieu  en  grande  pompe  le  7  décembre. 
^U'  de  Hercé  préside  la  cérémonie.  Le  Préfet,  le  Lieulenanl 
général,  le  !\]aire,  les  |)rincipales  aiilorilés  y  assislenl.  La 
Société  des  Beaux- iVrls  chante  la  messe  de  Gherubini. 

CAPTURE  DU  «  MARABOUT  ». 

Notre  commerce  maritime,  dans  les  derniers  jours  de 
décembre,  est  vivement  impressionné  par  la  façon  vexatoire 
avec  laquelle  les  Anglais  interprètent  les  clauses  du  traité 
pour  la  répression  de  la  traite  des  noirs  passé  en  1833  entre 
la  France,  l'Angleterre,  la  Russie,  l'Autriche  et  la  Prusse. 

Le  brick  de  172  tonneaux,  Le  Marabout,  capitaine 
Dejoie  ;  armateur,  L.  Lepertière,  qui,  depuis  dix-huit  mois, 
faisait  le  commerce  de  la  troque  entre  Bahia  et  la  côte 
d'Afrique,  est,  à  la  sortie  de  ce  port,  capturé  par  la  corvette 
anglaise  La  Rose,  sous  prétexte  qu'il  se  livrait  à  la  traite 
des  noirs.  Ce  prétexte  était  fourni  par  la  mise  à  bord  de 
72  planches  qui,  dans  l'esprit  des  Anglais,  étaient  destinées 
k  établir  un  entrepont  pour  loger  des  esclaves.  Bien  que 
cette  mise  à  bord  eût  été  autorisée  par  noire  consul  à  Bahia, 
en  vue  d'aménager  le  bateau  pour  le  transport  de  26  passa- 
gers, la  capture  est  déclarée  valable.  Une  grande  partie  de 
l'équipage  français  est  transportée  sur  le  navire  anglais  et 
Le  Marabout  est  conduit  à  Cayenne. 

La  Cour  royale  de  Cayemie,  par  arrêt  du  2  décembre 
1841,  déclare  que  Le  Marabout  n'a  pas  contrevenu  aux 
sli[)ulaiions  du  traité  du  22  mars  1833,  relatif  à  la  répres- 
sion de  la  traite  des  noirs  et  que  la  saisie  opérée  par  la 
corvette  anglaise  est  illégale.  Le  capitaine  français  assigne 
le  capitaine  anglais  devant  le  Tribunal  de  première  instance 
de  (Mayenne,  en  payement  de  274,803  fr.,  [)0ur  dommages- 
intérêts  et,  en  outre,  des  gages  de  l'équipage  et  frais. 
Le  Tribunal,  par  sa  décision  du  28  décembre,  condamne  le 


15 

navire  anghiis  î\  des  dommages -intérêts  montant  à  ^253,^283  fr. 
84  c.  et,  en  oiilre,  au  payement  des  gages  et  des  frais. 

L.  Leperlière  et  la  Chamljre  de  Commerce  s'empressent  de 
faire  parvenir  au  Ministère  leurs  plus  vives  réclamations. 

On  croit  voir  dans  cet  acte  inqualifiable  un  moyen  des 
Anglais  pour  intimider  nos  armateurs  et  les  contraindre  à 
cesser  le  commerce  de  l'huile  de  palme,  commerce  dont  ils 
avaient  le  monopole  et  auquel,  le  premier  des  navires  français, 
Le  Marabout,  se  livrait  sur  une  grande  échelle.  Ce  navire 
devait,  en  effet,  revenir  de  la  côte  d'Afrique  avec  une 
cargaison  de  -200,000  kilos  de  ce  produit  dont  le  placement 
à  Paris  était  déjà  assuré. 

LE   RECENSEMENT  A  DOMICILE. 

Le  ministre  des  finances  Humann,  estimant  que  les  impôts 
existants  n'ont  pas  le  rendement  qui  pourrait  leur  être 
demandé  ,  charge  les  contrôleurs  des  contributions  de 
procéder  h  un  recensement  à  domicile  pour  rechercher  la 
matière  itnposable  qui  n'est  pas  encore  atteinte.  Les  condi- 
tions dans  lesquelles  il  est  procédé  à  ces  investigations 
jettent  une  vive  agitation  sur  la  plus  grande  partie  du  terri- 
toire et  provoquent  à  Toulouse,  à  Bordeaux,  Clermont- 
Ferrand,  etc.,  des  troubles  et  même  des  collisions  san- 
glantes. 

Tout  se  passe  dans  notre  ville  avec  un  grand  calme.  Les 
agents  du  fisc,  d'ailleurs,  agissent  avec  une  certaine  réserve. 
Us  se  bornent  à  poser  des  questions  aux  propriétaires  ou 
aux  concierges  et  enregistrent  leurs  déclarations  sans  les 
vérifier.  A  la  Fournillère,  cependant,  un  incident  se  produit. 
Les  contrôleurs  sont,  dans  l'exercice  de  leurs  fondions, 
invectives  et  menacés  par  des  femmes.  La  force  armée 
intervient,  dissipe  l'attroupement,  procède  à  quelques 
arrestations  et  l'ordre  n'est  pas  autrement  troublé. 


16 


DIVERS. 


Bonoil,  député  de  Paimbœuf,  donne  sa  démission  pour 
cause  de  sanlé.  Le  coilège  électoral  se  réunit  le  20  mars.  Il 
y  a  120  votants.  Le  capitaine  de  vaisseau  Le  Ray,  originaire 
de  Pornic,  est  élu  par  70  voix  ministérielles.  Luminais, 
candidat  de  l'opposition  constitutionnelle  ,  n'en  obtient 
que  41.  

Clemansin-Dumaine,  conseiller  général  du  2«  canton, 
remet  sa  démission.  Le  Sant,  conseiller  d'arrondissement  du 
canton,  est  élu  au  2«  tour  (16  août)  par  2S  voix  sur  41 
votants  et  90  inscrits.  Urvoy  de  Saint-Redan  obtient  12 
suffrages.  —  Louis  Vallet,  adjoint  au  Maire,  est  nommé 
conseiller  d'arrondissement. 


Un  prédicateur  eu  renom,  l'abbé  Combalot,  prêche  la 
station  de  carême  à  la  Cathédrale.  Une  affluence  considé- 
rable se  presse  pour  l'entendre.  Il  inaugure  des  conférences 
spéciales  pour  les  hommes  et  leur  consacre  deux  soirées  par 
semaine.  Des  comptes-rendus  détaillés  de  ses  discours  sont 
imprimés  et  mis  en  vente  sous  forme  de  brochure. 


La  fêle  du  Roi  est  marquée  par  l'inauguration  de  l'éclai- 
rage public  par  le  gaz.  Le  nouvel  éclairage  n'existe  encore 
que  dans  certains  quartiers  du  centre  :  quai  des  Tanneurs, 
rue  de  l'Arche-Sèche,  place  Royale,  rue  de  la  Fosse,  quai  de 
la  Fosse  jusqu'à  la  rue  de  Launay,  rue  Crébillon  et  place 
Graslin,  mais  des  canalisations  sont  déji»  posées  dans  d'autres 
directions  pour  les  besoins  des  particuliers  qui  jouissent  du 
gaz  depuis  1837.  La  Cathédrale  et  l'église  Sainl-Clémenl 
possèdent  déjij  le  nouvel  éclairage. 


17 

Les  fêtes  nalionales  subissent  un  nouveau  déclin.  Le 
programme  officiel  est  toujours  maintenu.  Mais,  sous  prétexte 
d'économie,  on  réduit  les  dépenses,  et  le  feu  d'artifice  est 
supprimé.  Pour  la  première  fois  depuis  1830,  la  Bourse  ne 
ferme  pas  ses  portes  le  30  juillet  et  les  administrations  tien- 
nent leurs  bureaux  ouverts  au  public  Les  républicains 
mettent  un  entrain  toujours  nouveau  à  célébrer  Tanniversaire 
des  journées  de  juillet  et  organisent  des  banquets  en  plu- 
sieurs endroits. 

Les  courses  ont  lieu  le  dimanche  i^""  août  et  le  lundi  2. 
Notre  population  y  trouve  un  attrait  toujours  croissant.  Pour 
la  première  fois,  on  se  rend  à  Tbippodromc  par  le  quai  de 
Ricbebourg  et  le  pont  de  la  Seille. 


La  journée  du  "^4  octobre  est  marquée  par  une  double 
solennité  militaire. 

Sur  le,  cours  Sainl-Pierre,  c'est  la  remise  solennelle  par 
le  Maire,  au  Colonel  de  la  garde  nationale,  du  drapeau  qui 
représentait  la  Loire-Inférieure  aux  funérailles  de  Napoléon, 
cl  Paris,  en  décembre  1840. 

Sur  le  cours  Saint-André,  le  l-'i"  de  ligne,  de  nouvelle 
formation,  reçoit  son' drapeau  avec  toute  la  pompe  d'usage. 

SERVICES   PUBLICS. 

La  Chambre  étudie  l'établissement  d'une  entreprise  de 
remorquage  sur  la  basse  Loire.  Les  bateaux  que  le  commerce 
a  à  sa  disposition,  le  Sylphe,  le  Trirn,  la  Bretagne,  n'ont 
pas  une  force  suffiï^ante.  La  concession  d'un  monopole  est 
décidée.  Un  tarif  est  adopté  et  le  privilège  sera  mis  en  adju- 
dication sur  la  base  d'un  rabais  sur  ce  tarif.  Une  loi  devra 
être  sollicitée  pour  l'établissement  de  cette  entreprise.  -  -  Des 
réclamations   sont   adressées   a  la  ville  pour  le  rembourse- 


18 

menl  des  3,604  fr.  dépensés  par  la  Chambre  lors  des  évcne- 
nienls  de  jaillel-aoûl  1830.  —  Le  tarif  des  magasinages  esl 
l'objel  d'un  examen  en  vue  de  réduire  certains  articles,  mais 
on  craint  de  ne  pas  retrouver  la  somme  de  64,000  fr.  qui 
esl  perçue  en  moyenne  depuis  plusieurs  années.  —  Le 
capitaine  J.-B.  Le  Cour  dépose  un  rapport  sur  Madagascar 
el  les  ressources  qu'offre  celle  île.  —  Un  règlement  pour  le 
régime  intérieur  des  entrepôts  réels  el  fictifs  esl  adopté  le 
16  novembre  pour  entrer  en  vigueur  à  partir  du  \^'  janvier 
1842.  —  De  Lancasiel  et  Garnier-Haranchipy  sont  élus 
membres  du  (Conseil  général  du  commerce.  —  Le  Préfel 
assiste  aux  séances,  mais  moins  assidûment  qu'en  1840.  — 
La  Chambre  commence  la  publication  du  compte-rendu  de 
ses  délibérations  el  de  ses  vœux. 

Les  membres  sortants:  de  Lancasiel,  D.  Lauriol,  A. -H. 
Bonamy,  Th.  Carmichael,  Aug.  Garnier,  sont  nommés  pour 
3  ans.  F.  Bignoii  el  J.  Gouin  sont  élus  pour  la  iroisième 
fois  i)résident  et  vice-président. 


Tribunal        Soul  uomiués  :  président,  Aug.  Garnier-Haranchipy;  juges 
'^^       titulaires,    Ad.    Boiramy,  Félix   Talvandc    (anciens   juges), 
J.  Roux  (juge  suppléant  sortant);  juges  suppléants,  L.  buerin, 
H.  Auger. 


Caisse         L'insliluliou  esl  toujours  en  voie  de  progrès.  Les  verse- 

d'épargnc.  nuMils  s'élèveut    à    1,443,842   fr.;   les    remboursements    à 

780,617  fr.  Le  solde  du  aux  déposants  atleinl  4,742,177  fr. 

réparlis    entre    r-,!i51    livrets.    De    nouveau?^  staiuls    sont 

adoptés. 


Bureau         [^e   Ministre  envoie  un  secours  de  3,500  fr.    Les  recettes 

(ie 


iienlaisaiicu. 


s'élèvent  à  106,783  Ir.;  les  dépenses  à  97,917  fr. 


19 

Les  prévisions  budgétaires  pour  1841  sont  fixées  à  : 

1,500,54'ii  ^  67  pour  les  receltes  ordinaires  el  extraordinaires; 
1,500,542    31  pour  les  dépenses  ordinaires  et  extraordinaires. 

0  t  36  d'excédent. 


Le  cliapitre  additionnel  des  recettes  s'élève   à  87,813  fr. 
45  c;  celui  des  dépenses  h  87,649  fr.  82  c. 
L'octroi  produit  une  somme  brute  de  1,162,968  fr. 


On  procède  aux  élections  pour  la  première  formation  du 
Conseil  des  Prud'hommes,  institué  par  l'ordonnance  du 
31  juilli^t  1840.  Trois  scrutins  sont  nécessaires  (31  janvier, 
-il  février,  14  mars)  pour  nommer  les  sept  conseillers  titu- 
laires et  les  deux  suppléants.  Le  Préfet,  pour  vice  de  forme, 
casse  ces  laborieuses  élections.  Un  nouveau  vote  a  lieu  le 
22  août.  .1.  Voruz  aîné  est  nommé  président  du  Conseil. 

(joignard,  fabricant  de  brosses,  renouvelle  la  demande 
tentée  sans  succès  par  lui  en  184(>,  pour  obtenir  l'extension 
de  la  juridiction  des  prud'hommes  à  une  quarantaine  d'in- 
dustries que  l'ordonnance  de  fomlation  prive  du  bénéfice  de 
l'institution  et  se  met  à  la  tête  d'un  mouvement  de  pétition- 
nemeiit.  . 

Le  Conseil  général,  par  sa  délibération  du  1«'  septembre, 
réorganise  le  Service  vicinal  et  porte  de  12  a  25  le  nombre 
des  agents-voyers.  Ce  seivice  doit  désormais  comprendre 
1  agent- voyer  en  chef,  4  agents-voyers  d'arrondissement 
et  19  agenls-voyers  cantonaux  chargés  chacun  de  deux 
cantons  et  1  agent-voyer  aspirant.  Un  concours  est  ouvert 
pour  les   treize  postes  qui  sont  à  remplir. 


Le  bataillon  du  20"  de  ligne,   qui  est  encore  en  garnison 
dans   nos  murs,  va  en  mars   rejoindre   à   Blois  la  portion 


20 

principale  du  régimenl.  —  Le  7'2«  quille  noire  ville  en 
novembre  pour  aller  à  Bordeaux,  il  est  remplacé  par 
le  21«  léger  qui  vienl  de  Bourbon- V^endée. 

Le  colonel  Gérard,  inspecteur  de  rarlillerie  des  gardes 
nationales,  vient  passer  l'inspection  du  matériel  de  l'artillerie 
de  notre  milice  ciloycnne. 

Pour  la  première  fois,  on  distribue  des  diplômes  d'anciens 
indusirieiiu.  élèvcs.  La  médaille  d'or  du  duc  d'Orléans  pour  actes  de  vertu 
el  de  dévouement  est  décernée  à  Brieugne,  secrétaire  de 
•  la  Sociélé,  l'un  de  ses  fondateurs,  le  créateur  et  directeur  de 
l'école  des  apprentis.  Cette  récompense  obtient  Papprobation 
générale.  Quelques  mois  auparavant  il  avait  été  nommé 
chevalier  de  la  Légion-d'Honneur  au  titre  de  directeur  de 
l'école  des  apprentis. 

Le  prix  d'honneur,  médaille  d'or,  est  obtenu  par  Ferdinand 
d'iujriicui-  F^vre  pour  ses  accliuiatations  et  semis  de  Camellias. 


Socitil 


lure. 


ENSEIGNEMENT. 

L'école  primaire  supérieure  est  citée  par  un  rapport  du 
Ministre  comme  tenant  le  premier  rang  avec  l'école  du 
7«  arrondissement  de  Paris. 


L'école  secondaire  de  médecine  de  Nantes  est  constituée 
en  école  préparatoire  de  médecine  el  de  [)harmacie  par 
l'ordonnance  du  'M  mars  1841.  Dubois,  député  du  l"  collège 
el  inspecteur  général  de  l'Université,  est  délégué  par  le 
Recteur  de  Rennes  [tour  présider  à  son  inauguralion  et 
recevoir  le  serment  des  professeurs.  Le  D*"  Fouré,  directeur 
de  l'école  depuis  "25  ans,  est  maintenu  dans  ses  fonctions. 
Sont  nommés  professeurs:  Cochard,  Delamarre,  Guépin, 
Hélie,  Lafond,  Legouais,  Marchand,  Sallion,  Thibaud. 


21 

Le  local  occupé  par  les  frères,  rue  de  la  Rosière,  est  insuf- 
fisant pour  recevoir  les  élèves  dont  le  nombre  augmente 
chaque  année.  De  nouveaux  bâtiments  sont  construits.  Les 
classes  y  sont  ouvertes  le  25  octobre.  MMs"  de  Rennes  et 
de  Nantes  président  la  cérémonie  d'inauguration.  —  La 
musique  du  7i«  prêle  son  concours  à  la  distribution  des 
prix  de  l'hôtel  Rosmadec.  —  Une  marque  de  sympathie 
autrement  touchante  est  donnée  aux  frères.  Au  moment  du 
départ  du  régiment,  un  sergent,  au  nom  de  ses  camarades, 
adresse  une  lettre  de  remercîments  aux  frères  qui  leur  ont 
fait  la  classe.  —  La  propriété  de  Tivoli,  rue  de  Bel- Air, 
est  achetée  pour  y  installer  un  pensionnat. 


Concone,  compositeur  de  musique,  ouvre  un  cours  d'har- 
monie théorique  et  pratique,  et  Mariineau  un  cours  de  chant 
simultané. 

JOURNAUX  ET  PUBLICATIONS. 

Le  journal  L'Hermine  continue  à  déployer  un  grand  zèle 
pour  porter  secours  aux  officiers  espagnols,  défenseurs  mal- 
heureux de  la  cause  légitimiste,  auxquels  le  Gouvernement 
a  assigné  notre  ville  pour  lieu  de  résidence.  Une  souscrip- 
tion permanente  est  ouverte  dans  ses  colonnes.  Des  loteries 
sont  organisées.  La  répartition  des  secours  est  pratiquée  par 
un  comité  dont  font  partie  le  colonel  Arthur  Duris , 
G'«  R.  de  Sesmaisons,  abbé  Guibout,  François  aîné,  colonel 
de  Laubepin,  Merson  père,  Joseph  Bascher,  Danet,  C*«  Olivier 
de  Sesmaisons,  C'«  Ch.  de  Kersabiec.  Depuis  l'arrivée  des 
espagnols  jusqu'au  25  juin  1841,  une  somme  dépassant 
10,000  fr.  a  été  distribuée.  Un  nouvel  et  plus  chaleureux 
appel  est  adressé  par  le  journal  au  moment  où  tous  les 
soldats  internés  en  Bretagne  passent  par  notre  ville  pour 
retourner  dans   leur  pays.  Dans  les  six   derniers   mois   de 


22 

Tannée,  plus  de  8,000  fr.  sont  employés  au  payement  de 
pensions  mensuelles  à  1!)  officiers  supérieurs,  46  officiers 
el  sous-officiers,  et  en  secours  temporaires  à  23^2  officiers, 
sous-officiers  et  soldats. 

Une  société  en  commandite  au  capital  de  180,000  fr.  se 
forme  pour  conlinuer  la  publication  de  La  Loire  Historique, 
de  Toucliard-Lafosse.  —  Le  tome  III  et  dernier  de  L'Histoire 
de  Nantes,  d'après  Travers,  est  livré  aux  souscripteurs.  — 
G.  Mellinel  poursuit  la  publication  de  La  Commune  et  la 
Milice  de  Nantes. 

AGRICULTURE,  COMMERCE,  INDUSTRIE 

Rieffel  est  appelé  à  faire  partie  du  Conseil  supérieur  de 
l'agriculture.  —  Le  Conseil  général  change  son  mode 
d'allocation  pour  l'agriculture.  Au  lieu  d'attribuer  comme 
auparavant  une  somme  fixe  par  chaque  canton,  il  vote 
une  somme  de  6,000  fr.  destinée  à  être  répartie  entre  les 
divers  comités  qui  se  formeront  quelle  que  soit  la  circons- 
cription embrassée  par  eux.  —  Le  Préfet,  à  la  date  du 
19  mai,  prend,  conformément  au  vœu  émis  par  le  Conseil 
général,  un  arrêté  réglementant  la  mise  en  vente  des  engrais. 
Les  prescriptions  en  sont  fort  rigoureuses.  Des  réclamations 
s'élèvent  de  toutes  parts.  Une  circulaire  est  adressée  aux 
Maires  pour  leur  faciliter  l'application  des  mesures  prescrites. 
—  Bertin,  pharmacien,  chimiste,  vérificateur  des  engrais 
publics,  publie  le  Manuel  des  fabricants  d'engrais.  C'est 
le  premier  ouvrage  qui  est  écrit  sur  ce  suj(U.  11  est  acheté 
pour  figurer  dans  la  collection  de  VEncyclopédie  Roret. 

Cours  des  céréales.  —  lilé,  17  à  '20  fr.  l'hectolitre  ; 
seigle,  10  'à  13  fr.;  orge,  8  fr.;  blé  noir,  10  à  11  fr.;  avoine, 
10  à  13  fr. 

Vins.  —  Le  muscadet  vaut,  lors  de  la  récolle,  de  28 
■;»  30  fr.;  le  gros-planl  16  à  18  fr. 


28 

Viande.  —  Elle  est  l'objet  de  deux  augmentations  succes- 
sives.   Le   prix   de   trois  espèces   est   porté  en  octobre  à 

I  fr.  05  c.  et  en  novembre  à  1  fr.  10  c.   le   kilo. 

Un  arrêté  du  Maire,  en  date  du  20  avril,  modifie  les 
conditions  de  vente  du  pain  établie  en  1818.  Il  stipule  qu'à 
partir  du  1"  juin,  la  vente  du  pain  se  fera  au  kilo  et  non 
au  6  kilos  comme  cela  se  pratiquait  pour  le  pain  batelier 
et  le  pain  méteil.  Aux  termes  dudit  arrêté,  chacun  des 
87  boulangers  de  la  ville  doit  avoir  un  numéro,  et  ce 
numéro  doit,  au  moyen  d'une  plaque,  êlre  marqué  sur  tous 
les  pains  de  leur  fabrication.  —  Le  pain  blanc  oscille  entre 
0  fr.  35  c.  et  0  fr.  40  c.  le  kilo  ;  le  pain  batelier  entre 
0  fr.  23  3/4  et  0  fr.  28  1/3  ;  le  pain  méteil  entre  0  fr.  16  1/4 
et  0  fr.  21  c. 

Les  afïtiires  commerciales  se  développent.  Des  sociétés  se 
fondent  :  banque  L.-P.  Groquevielle,  au  capital  300,000  fr. 
—  Maisons  d'armement  :  J.-Y.  Berthault  et  P.  Fileau, 
140,000  fr.;  A.  et  J.  Ilignard  frères,  400,000  fr.;  Leboyer, 
200,000  fr.  —  F.  Coquebert,  assurances  maritimes  et  prêts 
à  la  grosse,  1  million.  —  Saini-Amand  et  Oswald  Siffait, 
180,000  fr.  par  actions  de  5,000  fr.,  pour  une  ligne  de 
Nantes  à  Bordeaux,  etc. 

A  la  Chambre  des  Pairs  à  l'occasion  d'une  discussion  sur 
le  tarif  des  douanes,  Maurice  Duval,  notre  ancien  préfet, 
tente  un  effort  en  faveur  de  la  suppression  des  zones  de 
houille.  Le  Ministre  paraît  êlre  bien  décidé  à  ne  rien  accorder. 

II  établit  que  ce  système  est  nécessaire  à  la  protection  de 
nos  houillières  nationales,  car  malgré  le  droit  que  payent 
les  charbons  anglais  à  leur  entrée  dans  le  port  de  Nantes, 
ces  charbons  peuvent  remonter  jusqu'à  Angers  et  concur- 
rencer en  cette  ville  ceux  provenant  des  houillières  du 
centre. 

Le  Sylphe  abaisse  ses  prix   de  passage   pour  Bordeaux 


24 

à  -20  et  à  15  (r.  —  Un  baleaii  ;i  vapeur  de  la  force  de 
4  chevaux  est  mis  en  circulation  entre  Pont-Rousseau  et 
V^erlou.  —  Un  nouveau  bateau  ^  vapeur,  Le  Triin,  dessert 
toutes  les  semaines,  h  partir  du  19  juillet,  Belle-Ile,  Lorienl, 
Pornic,  et  approvisionne  de  poisson  le  marché  du  vendredi. 

—  Deux  inexplosibles  de  la  force  de  60  chevaux,  construits 
par  Gâche,  sont  mis  en  circulation  entre  Nantes  et  Angers. 
Us  peuvent  accomplir  dans  la  même  journée  le  voyage 
d'aller  et  retour.  —  Le  7  décembre  un  inexplosible  de 
Gâche,  après  avoir  remonté  la  Loire  et  suivi  les  canaux 
de  l'est,  arrive  à  Heilbronn.  C'est  le  premier  bateau  à 
vapeur  qui  pénètre  dans  ce  pays,  aussi  son  arrivée  est-elle 
saluée  par  des  acclamations  enthousiastes  de  la   population. 

—  Un  arrêté  préfectoral,  en  date  du  4  février,  réglemente  les 
conditions  d'établissement  des  bateaux  à  laver. 

Le  Ministre  de  la  Marine  satisfait  des  essais  pratiqués 
sous  la  direction  de  Ghevreul  sur  les  cuisines  distillatoires  de 
Rocher,  commande  à  noii^e  compatriote  deux  appareils  d'une 
production  de  100  lilres  à  l'heure.  —  F.  Bertrand,  Ch.-G. 
Philippe  et  Henri  Ganaud,  fabricants  de  conserves  alimen- 
taires, sont  nonmiés  fournisseurs  du  Roi.  —  La  société  des 
forges  de  Basse-Indre,  J.  Riant  et  Ad.  Langlois  est  prorogée 
jusqu'au  l«f  janvier  1860,  et  le  capital  [lorlé  de  700,000  à 
910,000  fr.  —  La  maison  de  santé  du  D^  Valin,  route  de 
Paris,  est  ouverte.  —  Le  nombre  des  mesureurs  de  charbon 
de  terre  est  porté,  par  arrêté  du  Maire,  de  15  à  '25.—  Un 
artiste  en  daguerréotype  tire  des  portraits  au  prix  de  15  fr. 

—  Des  omnibus  à  six  roues  ou  hexacycles  sont  mis  en 
service  sur  la  ligne  de  la  place  Royale  l»  Pont-Rousseau. 

MONUMENTS     ET     VOIRIE. 

Cuii.édr,,!,..      Sur    la    <lemande    de  Ms"-   de   llercé,   et  suivant  en  cela 
l'exemple  dHDnné  par  le  Conseil  général,  le  Conseil  municipal, 


(MX 


25 

dans  sa  séance  du  15  novembre,  émel  à  l'unanimiié  le  vœu 
que  le  Gouveniciuenl  fournisse  les  fonds  nécessaires  pour 
entreprendre  la  construction  de  Tabside  en  même  temps  que 
celle  de  l'aile  nord,  à  laquelle  on  travaille  maintenant,  et 
pour  ne  pas  laisser  plus  longtemps  inachevé  le  plus  bel 
édifice  religieux  de  notre  ville. 

Le  Conseil  des  bâtiments  civils  refuse  d'approuver  le  plan 
dressé  par  l'architecte  Piel.  Son  devis  s'élevait  à  1,600,000  fr. 
Un  autre  projet,  dont  la  prévision  des  dépenses  atteint  seule- 
ment 1  million,  est  présenté  par  l'architecte  Lassus.  Le 
Conseil  municipal,  que  les  proportions  grandioses  du  premier 
plan  avaient  quelque  peu  effrayé,  accueille  favorablement  le 
nouveau  projet.  En  1839,  le  Conseil  avait  décidé  que  la 
façade  du  monument  donnerait  sur  la  rue  de  l'Erail.  Le 
projet  de  Lassus  dispose  cette  façade  sur  la  place  Saint- 
Nicolas.  Le  Conseil  reconnaît  les  avantages  qu'offre  ce 
changement  et  s'engage  à  contribuer  pour  la  somme  de 
50,000  fr.  dans  la  dépense  qu'occasionne  la  démolition  d'un 
ilôt  de  maisons  et  qui  s'élèvera  à  138,000  fr. 

Le  Conseil  des  bâtiments  coutume  le  jugement  du  Jury 
nantais  et  adopte  le  plan  Farouilh,  mais  il  estime  que  ce 
plan  doit  être  remanié  sur  des  points  de  détail.  Grillon, 
inspecteur  des  bâtiments  civils,  vient  à  Nantes,  sur  l'ordre 
du  Ministre,  pour  donner  son  avis  sur  l'emplacement  du 
Boulïay.  Il  condamne  ce  choix.  Il  estime  que  le  terrain 
n'offre  pas  les  garanties  suffisantes  pour  l'étabUssement  des 
fondations  et  indique,  comme  pouvant  donner  toute  sécurité, 
remplacement  du  boulevard  Delorrae  ou  celui  du  Port- 
Communeau. 

Le  chœur  est  reconstruit  sur  les  dessins  de  Nau.  11   est 
■  inauguré  le  10  juin  en  grande  solennité.   Les  vitraux  peints 
qui  le  décorent  sont  très  remarqués.  Ce  sont  les  premiers 
qui  aient  été  montés  dans  le  diocèse  depuis  deux  siècles. 

3 


Monnaie.       On  poiirsuil  soD  aménageiiienl  pour  y  installer  U'  Tribunal 
civil  ei  la  Cour  d'assises. 

Li'  Conseil  municipal,  dans  sa  séance  du  25  novembre, 
décide  l'acquisilion  d'un  terrain  sur  la  prairie  de  Mauves 
pour  y  créer  un  hippodrome  permanent.  Le  projet  est  soumis 
aux  formalités  d'enquête. 

Le  li(Hilenant-général  Oudinol,  inspecteur  de  cavalerie  de 
passage  à  Nantes,  visite  le  manège  Foucaut  et  le  déclare  un 
des  plus  beaux  de  France. 

[luelle  et  Tliomas  (Louis)  établissent  im  méridien  sur  la 
façade  méridionale  de  l'hôlel-de -ville. 

Des  circulaires  sont  adressées  par  le  curé  de  Sainl- 
Glémenl  a  ses  paroissiens  pour  leur  annoncer  son  projet  de 
reconstruction  de  l'église. 

La  Retraite  des  hommes  (•)  acquise  par  la  ville  au  prix 
de  6j,0U0  fr.  et  qui  sert  uioratmlanémenl  de  caserne  doit  être 
aménagée  pour  recevoir  l'école  industrielle,  l'école  de  dessin, 
une  quatrième  salle  d'asile,  le  marché  aux  toiles  et  aux  fils. 

Le  Jardin  des  plantes  n'est  ouvert  au  public  que  pendant 
la  semaine.  Le  Conseil  municipal  insiste  pour  que  la  popula- 
tion puisse  y  être  admise  le  dimanche.  Le  directeur  Ecor- 
chard  propose  tout  un  plan  d'embellissement  pour  le  quartier, 
consistant  en  rétablissement  de  l'eptrée  principale  sur  la  rue 
du  Lycée  et  en  l'ouverture  de  deux  rues  y  aboutissant,  l'une 
au  nord  allant  jusqu'à  Barbin,  l'autre  au  sud  jusqu'à  la 
Seille.  U  réclame  en  même  temps  la  réunion  au  jardin  dans 
un  seul  monument  de  toutes  les  collections  botanique,  miné- 
ralogique,  zoologique,  disséminées  dans  la  ville.  L'opinion 
se  prononce  cuntre  celte  prétention. 


|1)  Hue  du  Uoulio. 


27 

La  prolongation  dt;  la  rue  Gressel  jusqu'k  la  rue  de 
Flandres  esi  réclamée  par  les  liabilanis  du  quarlier.  Celle 
percée  demanderait  une  dépense  d'environ  80,000  fr.  Le 
Conseil  refuse  d'entreprendre  ce  travail  ;  mais  sur  la  propo- 
sition de  Jégou,  il  engage  les  intéressés  à  se  former  en  une 
société  qui  se  substituerait  aux  droits  de  la  commune  pour 
procéder  aux  expropriations  qui  pourraient  être  nécessaires 
et,  en  outre,  s'engage  à  verser  à  cette  société  une  somme 
de  iO,000  fr.  lorsque  les  travaux  de  la  percée  seraient 
achevés. 

Le  Conseil  municipal,  dans  ses  séances  des  iil  février  et 
18  mars,  accepte  la  cession  par  Duvignaux  et  Charrier 
d'une  bande  de  terrain  de  10  mètres,  à  travers  la  tenue  des 
Galineaux,  pour  créer  une  voie  de  communication  (rue 
Bonne-Louise),  entre  la  place  Gigant  et  la  rue  du  Boccage, 
contre  l'abandon  par  la  ville  d'un  terrain  communal. 

Une  enquête  est  ouverte  en  août  pour  la  création  d'une 
voie  charretière  dans  le  prolongement  de  la  rue  du  Calvaire 
jusqu'au  canal  et  son  raccordement  avec  les  rues  de  la 
Boucherie  et  de  la  Clavurerie.  Cette  création  est  impatiem- 
ment attendue. 

Les  travaux  de  reconstruction  du  pont  Maudit  sont  de 
nouveau  mis  en  adjudication  le  6  juillet.  Le  devis  s'élève  à 
130,000  fr.  Le  pont  doit  être  construit  en  pierre.  —  Une 
enquête  est  ouverte  sur  un  projet  de  percée  à  travers  les 
terrains  Berthou,  pour  relier  le  boulevard  au  théâtre.  —  La 
carrière  de  Miseri  est  acquise  par  la  ville  au  prix  de  50,000  fr. 
—  Le  quai  de  Richebourg  et  le  pont  de  la  Seille  sont  livrés  h 
la  circulation.  —  50,000  fr.  sont  alloués  pour  l'achèvement 
des  chantiers  de  la  prairie  au  Duc. 

Le  Maire,  en  présence  du  lotissement  dont  la  tenue  Camus 
est  l'objet  et  des  inconvénients  que  des  lotissements  sembla- 
bles peuvent  avoir   pour    l'exécution    ultérieure    des  voies 


^28 

publiques,  prond  deux  arriHés  en  date  des  -23  avril  el 
-il  mai,  aux  termes  desquels  les  propriiHaires  qui  se  propo- 
sent de  provoquer  dans  leurs  enclos  la  construction  de 
maisons  par  des  particuliers,  sont  tenus  de  remplir  certaines 
formalités. 

CONCERTS    ET   SPECTACLES. 

;om:.ru        Prudent,   pianiste,   el   Simon   violoniste.  —  Loïsa  Pugel, 
chanteuse    el   compositeur   de    romances.    —    Huerla ,    le 
Payanim  de  la  guitare.  —  Le  jeune  Bernardin,  violoniste. 
—  Doliler,  pianisle.  —  M™"  Laure  Krice,  chanteuse  el  auteur 
de   romances.  -    M'^^  Mallinann,   pianiste.   —  W^^    Clara 
Loveday,  pianisle.  —  Poncliard,  professeur  au  conservatoire 
de    Paris.    —   A.  et   L.    Batla,    violoncelle    el   piano.    — 
M™"  Georgeite  Ducresl,  chanteuse.  —  M.  et  M™"  Félix  Simon, 
piano  et  violon.  —  Franchomme,  violoncelle.  —  L'événement 
musical  de  l'année  est  le  concert  donné  par  la  société  des 
Beaux-Ans  à  l'occasion   de    l'inauguration   de   sa   coquette 
salle  de  concerts,  laquelle    lait    le   plus   grand    honneur   à 
l'architecte  Ghenautais. 
(jranj-         Lc   dirccleur   Lal'euillade,  malgré   tous   ses   efforts,  lulte 
riiiàinj.    difficilement  contre  la  mauvaise  fortune.  Les  habitués  el  les 
abonnés  tentent  de  lui  venir  en   aide   el  chargent  plusieurs 
d'enire  eux,  G.  Ghauvel,  J.  Derrien,  P.  Bonamy,  Hervouel, 
G.  Lauriol,  Abat  el  F.  Cohu  de   s'entendre  avec  lui.  Une 
souscription  réunit  -20,000  Ir.  Mais  les  souscripteurs  deman- 
dent que  la  ville  ajoute   à   sa  subvention   de   50,000  fr.  le 
payement  de  l'éclairage.   La  ville  refuse  el  la  combinaison 
échoue. 

Lafeuillade  consent  à  entreprendre  une  deuxième  cam- 
pagne. Les  artistes  s'associent  avec  lui  pour  un  cinquième 
de  leurs  appointements.  La  ville  porte  la  subvention  à 
00,000  fr.  Le  Ihéâlre  ouvre  le   4  mai,  avec  Iroupe  d'opéra 


29 

el  troupe  de  comédie.  —  Le  directeur,  usant  de  la  faculté 
qui  lui  est  donnée  par  le  cahier  des  charges,  ferme  le  Grand- 
Théâlre  du  19  août  au  16  septembre  el  donne,  pendant  ces 
quelques  jours,  des  représentations  dramatiques  au  théâtre 
des  Variétés.  —  Plusieurs  pièces  iniporlantes  sont  montées 
au  cours  de  l'année  :  La  Favorite,  13  avril.  Le  Verre  d'Eau. 
La  Calomnie.  Viennent  en  représentations  :  Serda,  de 
rOpéra  ;  Ponchard,  ex-sociétaire  de  l'Opéra  comique  ;  Bouffé. 
—  Le  Maire,  h  la  date  du  '24  septembre,  prend  un  arrêté 
interdisant  l'emploi  des  allumettes  chimiques  dans  l'intérieur 
du  théâtre  el  môme  dans  les  logements  qui  en  dépendent. 

En  juin  el  juillet,  représentations  du  Dernier  vœu  de 
l'Empereur,  panorama  en  5  tableaux,  peints  par  Philastrc  et 
Cambon  et  présentant  en  un  déroulement  de  250  mètres  : 
le  retour  des  cendres  de  Napoléon,  tombeau  de  Napoléon 
à  Sainte-Hélène,  départ  de  Sainte-Hélène,  côtes  de  France, 
Cherbourg,  Rouen,  Courbevoie,  défilé  du  cortège  des  obsèques 
dans  les  Champs-Elysées,  chapelle  des  Invalides.  —  En 
septembre  et  en  octobre,  le  gymnase  Gastelli,  composé  de 
26  jeunes  artistes  et  danseurs  de  5  à  12  ans:  pantomimes, 
pièces  adaptées,  ballets,  féeries;  —  octobre  el  novembre: 
séances  d'escamotage  par  Linski. 

Dans  la  salle  de  la  rue  Sainte-Catherine,  de  janvier  en 
avril,  microscope  à  gaz  oxygène  el  hydrogène,  d'un  gros- 
sissement de  500,000  fois,  avec  polyorama  donnant  avec  le 
retour  des  cendres  de  Napoléon  20  tableaux  de  l'épopée 
impériale. 

De  février  à  mai,  dans  la  case  du  bas  de  la  rue  du 
Calvaire,  séances  de  Conus,  prestidigitation,  magie  blanche, 
diorama,  tableaux  pittoresques. 


Année  1842. 


Fondalion  du  Comice  agricole.  —  La  lulle  entre  les  deux  sucres.  —  Elections, 
législatives.  —  Le  chemin  de  fer  de  Paris  à  l'Océan  par  Manies.  —  Le  canal  latéral 
à  la  Loire  de  Mantes  à  Orléans.—  Divers:  obsèques  de  Cambronne,  mort  du  duc 
d'Orléans,  exposition  de  peinlure,  éltclions  départemenialef,  courses,  etc. —  Services 
publics.  — •  Enseignement  et  publications.  —  Agriculture,  commerce,  industrie.  — 
Monuments  et  voirie.  —  Concerts,  Grand- Théâtre,  etc. 


FONDATION  DU  COMICE  AGRICOLE. 

L'honneur  de  la  fondalion  du  Comice  agricole  de  Nanles 
revient  à  Neveu-Derolrie,  inspecteur  départemental  d'agri- 
culture. Ce  fonctionnaire  réunit,  le  l^""  lévrier,  dans  la  grande 
salle  de  la  mairie,  les  agriculteurs  dont  il  a  recueilli  l'adhé- 
sion. Un  bureau  provisoire  esl  formé,  il  se  compose  de 
Ferd.  Favre,  maire  de  Nanles,  président  ;  Olivier  de  Ses- 
maisons,  vice-président  ;  Neveu-Derolrie,  secrétaire  ;  Leloup, 
secrétaire  adjoint.  Le  'zS  février  est  tenue  une  2«  réunion 
dans  laquelle  les  statuts  sont  adoptés  cl  le  (>omice  définiti- 
vement fondé. 

Un  premier  concours  esl  organisé,  le  2  août,  à  la  Chau- 
vinière  sur  la  route  de  Rennes.  Le  concours  de  labourage 
réunit  vingl-qualre  concurrents.  Six  prix  sont  décernés. 
Les  valets  de  ferme  reçoivent  des  livrets  de  caisse  d'épargne 
de  30  à  60  fr.  Des  têtes  de  bétail  sont  données  en  récom- 
pense dans  les  concours  d'animaux.  Une  exposition  d'outils, 
d'instruments  et  de  produits  agricoles  ajoute  un  nouvel 
intérêt  à  la  réunion.  Nau  et  Bourueois  obtiennent  une 
médaille  d'argent  [lour  une  machine  à  battre  construite 
d'après  le  type  de  celle  importée  d'Angleterre  par  la  Société 


31 

Académique.  Celle  machine  d'une  valeur  de  300  fr.  est 
donnée  en  récompense  au  l«f  prix  de  labourage  ;  Alliot 
reçoit  une  médaille  de  bronze.  On  voit  figurer  à  ce  concours 
un  superbe  éclianlillon  d'anlhracile  provenant  de  la  mine 
de  Malabril,  en  Sainl-Lumine-de-Goulais,  el  aussi  la  soie  et 
les  cocons  oblenus  par  Félix  Cornu  dans  sa  propriété  de 
Gorges. 

LA  LUTTE  ENTRE  LES  DEUX  SUCRES. 

Les  doléances  des  porls,  el  aussi  le  préjudice  causé  au 
Trésor  par  le  irailemenl  de  faveur  donl  jouit  le  sucri! 
indigène,  finissent  par  impressionner  le  Gouvernement.  Le 
Conseil  supérieur  du  commerce,  saisi  de  la  question,  se 
prononce  pour  l'égalilé  des  droits  entre  les  deux  sucres. 
Le  Nord  élève  d'énergiques  prolesl allons  et  réclame  l'expro^ 
prialion  de  ses  fabriques.  Cette  solution  semble  un  instant 
devoir  être  adoptée  par  le  Gouvernement,  mais  on  se  trouve 
à  la  veille  des  élections,  et  le  maintien  du  stalu  quo  est 
décidé.  Les  Chambres  de  Commerce  du  Havre  el  de  Nantes, 
en  présence  de  ce  déni  de  justice,  dimnenl  en  masse  leur 
démission.  Les  députés  el  les  délégués  des  ports  mulliplienl 
leurs  instances  pour  gagner  le  Ministère  h  la  cause  du 
sucre  colonial,  mais  Guizol  est  inébranlable.  Il  déclare  que 
le  Cabinet  se  refuse  à  jouer  son  existence  sur  celle  question. 
Les  Chambres  sont  donc  saisies  d'une  demande  de  proro- 
gation de  la  loi  de  1840.  La  discussion  devant  la  Chambre 
des  Députés  est  très  chaude.  Les  députés  des  porls  luttent 
vaillamment.  Billaull  et  Dubois  prennent  une  vive  part  aux 
débals.  Malgré  leurs  efforts  la  prorogation  est  adoptée. 

A  peine  la  nouvelle  Chambre  est-elle  réunie  que  la  question 
se  pose  aussitôt.  L'expropriation  de  l'industrie  belteravière 
est  mise  en  avant  par  les  porls.  Le  Ministère  semble  disposé 
à  étudier  cette  mesure  extrême. 


3'2 


ÉLECTIONS   LÉGISLATIVES. 

Le  scrutin  esl  ouvert  le  9  juillet.  Les  censitaires  nionlrenl 
moins  d'indifférence  qu'aux  précédentes  élections.  Le  Breton, 
faisant  abstraction  de  ses  préférences  pour  le  centre  gauche, 
invite  à  maintenir  sur  leur  siège  les  députés  sortants  qui 
font  honneur  au  département  et  qui  représentent  fidèlement 
l'opinion  de  leurs  collèges  respectifs.  Le  National  deVOuest 
déclare  ne  vouloir  patronner  que  des  candidats  anti-minis- 
tériels quelle  que  soit  leur  nuance  d'opinion  libérale,  et  en 
téie  de  ses  colonnes  recommande  à  ses  lecteurs  au  litre  de 
candidats  nationaux:  Dubois  (qu'il  qualifie  de  centre 
gauche),  Laffitte,  Lanjuinais,  Billault,  de  la  Pilorgerie  (qui 
esl  un  constitutionnel  indépendant),  Maës,  Cormenin.  Ce 
sont  ces  deux  derniers  qu'il  reconnaît  comme  éiant  avec  lui 
en  parfaite  conformité  d'idées  et  d'opinions. 

Les  légitimistes  présentent  dans  le  premier  collège  de 
Nantes,  Emm.  Ilalgan  ;  dans  le  troisième,  Betiing  de  Lan- 
castel,  et  à  Savenay,  De  Genoude,  le  publiciste  parisien. 
Les  résultats  sont  les  suivants  : 

Premier  collège  de  Nantes  (1,  ^2  et  3«  cantons),  4'iO  inscrits, 
339  votanis.  Dubois  esl  élu  par  220  suffrages  contre  106 
obtenus  par  Halgan. 

Deuxième  collège  (4,  5  el  6"  cantons),  539  inscrits,  371 
votanis.  Bignon  esl  nommé  par  301  voix  contre  63  données 
à  Lafïille. 

Troisième  collège  (Pont-Rousseau),  530  inscrits,  444 
volants.  Lanjuinais  esl  élu.  11  obtient  241  voix.  Lancastel 
n'en  recueille  que  193. 

Billault  est  élu  à  Ancenis  par  103  voix  sur  146  inscrits. 
Il  esl  en  outre  nommé  à  Paris  par  le  troisième  collège,  mais 
il  opte  pour  Ancenis.  De  la  Haye-Jousselin,  à  Chtiteaubriant, 
par  86  voix  sur  164   inscrits.  Le  Ray,  à  Paimbœuf,   [lar  72 


33 

sur  16-i  inscrits.  Jollan,  à  Saveiiay,  par  165  sur  341  inscrits. 
Tous  faisaient  partie  de  l'ancienne  Chambre. 

LE  CANAL  LATÉRAL  DE  NANTES  A  ORLÉANS. 

Le  commerce  nantais,  en  présence  des  efforts  infructueux 
tentés  pour  améliorer  la  Loire  au  moyen  des  digues,  épis, 
chevalages,  etc.,  ne  voit  plus  qu'une  solution  possible  : 
celle  de  la  construction  d'un  canal  latéral.  Il  remet,  par 
l'intermédiaire  de  Bignon,  une  pétition  au  Ministre  des 
Travaux  publics,  pour  lui  exposer  l'état  de  la  question.  La 
Compagnie  concessionnaire  du  canal,  en  vertu  de  la  loi 
du  17  juin  1836  et  dont  le  Gouvernement  a  approuvé  les 
projets,  vient  de  trouver  les  ressources  suffisantes  pour 
entreprendre  le  travail.  Sur  les  4'2  millions,  montant  du 
devis  de  l'entreprise,  39,200,000  fr.  sont  mis  à  sa  disposi- 
tion par  des  capitalistes  étrangers  (30  millions,  par  des 
Anglais  ;  8  millions  par  des  Hollandais  ;  1,200,000  fr.  par 
des  Allemands),  lesquels  mettent  comme  condition  expresse 
à  leur  concours  le  vote  par  les  Chambres  de  la  garantie 
d'un  minimum  d'intérêt  de  4  «/o  pendant  25  ans,  payable 
seulement  au  moment  de  la  livraison  du  canal  ë  la  navi- 
gation. 

Les  pétitionnaires  prient  instamment  le  Gouvernement  de 
déposer,  dans  le  plus  bref  délai,  un  projet  de  loi  stipulant  ces 
engagements  de  la  garantie  d'un  minimum  d'intérêt.  Les 
députés  multiplient  leurs  démarches  dans  ce  sens. 

Le  Conseil  municipal  est  vivement  sollicité  par  plusieurs 
de  ses  membres  de  souscrire  un  minimum  d'intérêt.  Une 
Commission  spéciale  chargée  d'étudier  la  question,  sans 
fixer  un  chiffre,  conclut  à  la  nécessité  des  plus  grands 
sacrifices  si  l'Etal  consent  à  prendre  des  engagements. 

Le  vote  par  les  Chambres  du  nouveau  réseau  de  chemins 
de  fer  ne  fait   pas  abandonner  l'idée  de  la  construction  du 


34 

canal,  car  on  oslimi'  que  k  chemin  de  fer  ne  pourra  fournir, 
pour  le  transport  des  marchandises,  les  avantages  offerts 
par  la  voie  d'eau.  Le  transport  d'une  tonne  de  marchandises 
de  Nantes  à  Orléans  coûtera  53  fr.  par  le  chemin  de  fer 
el  30  fr.  seulement  par  le  canal. 

LE  CHEMIN  DE  FER  DE  PARIS  A  L'OCÉAN,  PAR  NANTES. 

La  question  des  chemins  de  fer  est  étudiée  par  le  Conseil 
général  du  commerce.  C'est  à  Belling  de  Lancastel,  délégué 
de  notre  Chambre  de  Commerce,  qu'est  réservé  l'honneur 
d'en  présenter  le  rapport. 

Le  projet  de  loi  relatif  à  la  création  du  nouveau  réseau 
de  voies  ferrées,  lequel  est  si  impaliemmcnl  attendu  par  nos 
concitoyens,  est  enfin  déposé  par  le  Ministère  le  7  février. 
Il  vient  à  l'ordre  du  jour  de  la  Chambre  le  26  avril.  La 
Commission  le  modifie  quelque  peu.  Le  Gouvernement  n'avait 
fixé  aucun  tracé,  el  la  Commission  assigne  comme  villes  à 
desservir:  Orléans,  Blois,  Tours,  Angers.  Un  amendement 
demande  que  la  ligne  passe  par  Versailles,  Chartres,  Le 
Mans,  Angers.  Le  parcours  serait  ainsi  réduit  de  54  kilo- 
mètres. Rignon  démontre  que  celte  réduction  de  parcours 
n'esl  pas  compensée  par  l'isolement  dans  lequel  ce  tracé 
mettrait  notre  ville  par  rai)port  à  la  riche  vallée  de  la  Loire, 
les  contrées  du  centre  et  les  villes  de  Lyon  et  de  Bordeaux. 
La  Chambre  écarte  l'amendement  el  se  range  à  l'avis  de  la 
Commission.  L'ensemble  du  projet  esl  voté,  le  l'i  mai,  par  la 
Chambre  des  Députés,  el,  le  3  juin,  par  celle  des  Pairs.  La 
loi  esl  promulguée  le  11  juin. 

Le  réseau  adopté  comprend  les  lignes  de  Paris  :  —  aux 
côles  de  la  Manche  vers  l'Angleterre  —  h  la  frontièie  belge 
par  Lille  —  à  la  frontière  allemande  par  Strasbourg  —  à 
Marseille  —  à  l'Océan  par  iNanles  el  Bordeaux. 


3n 

Les  éludes  de  la  partie  du  réseau  qui  traverse  notre  dépar- 
tement sont  confiées  à  Cabroi,  ingénieur  en  chef,  ayant  sous 
ses  ordres  Aug.  Jçgou,  ingénieur  ordinaire. 

DIVERS. 

Le  générai  Cambronne  rend  le  dernier  soupir  le  ^i8  jan- 
vier. Ses  obsèqiu's  sont  célébrées  l\  Saint-Nicolas.  Son  grade 
de  grand-officier  de  la  Légion  d'Honneur  lui  vaut  les 
honneurs  léservés  aux  lieutenants  généraux. 

Des  discours  sont  prononcés  sur  sa  lombe  par  le  lieute- 
nant général  d'Erlon,  le  général  Gémeau,  le  capitaine  Wack, 
de  la  garde  nationale,  et  le  sous-intendant  Collette. 


La  mort  tragique  du  duc  d'Oiléans,  qui  se  tue  ^  Neuilly 
le  13  juillcl  en  descendant  de  voilure,  cause  une  vive 
impression  en  noln;  ville.  D<'s  lellies  de  condoléances  sont 
adressées  au  Roi  [)ar  les  autorités,  les  corps  constitués,  la 
garde  nationale,  la  Société  industrielle,  dont  le  Prince  est 
président  honoraire.  Un  service  funèbre  est  célébré,  le  25 
juillet,  à  son  intention  à  la  Cathédrale.  Les  autorités,  des 
détachements  de  la  garde  nationale  et  de  la  garnison  y 
assistent. 


Sur  le  désir  exprimé  par  le  Roi,  la  Fête  nationale  se 
réduit  à  la  distribution  de  pain  aux  indigents  et  à  un  service 
funèbre  pour  les  victimes  de  1830. 


Une  exposition'publique  de  peinture,  sculpture  et  gravure 
est  ouverte,  du  5  juillet  au  10  aoi^U,  dans  les  salles  du  Musée. 
Elle  est  organisée   par  la  Commission  du   Musée  a  laquelle 


S6 

s'adjoignent  pliisiours  membres  de  la  Société  des  Beaux- 
Arts  (<).  L'œuvre  la  plus  remarquable  est  un  tableau  de 
Leullier  représentant  «  les  chrétiens  livrés  aux  bêles  dans  un 
amphilhéâlre  romain.  » 

L'association  des  Amis  des  Arts,  tîdèle  h  ses  Iradilions, 
achète  plusieurs  tableaux  destinés  à  être  tirés  au  sort  entre 
ses  membres. 


nv 


Le  prince  de  Joinville  et  le  duc  d'Âumale  viennent  visiter 
les  domaines  qu'ils  possèdent  dans  le  département.  Us  arri- 
vent à  Nanles,  le  10  octobre,  par  le  bateau  à  vapeur  d'Angers 
et  descendent  incognito  l\  l'Hôtel  de  France.  Joinville,  en 
com[)agnie  de  de  la  Haye-Jousselin,  son  intendant,  se  rend 
dans  ses  propriétés  du  château  de  Blain  et  de  la  forêt  du 
Gâvre  ;  d'Aumale  séjourne  à  Nantes,  visite  les  monuments, 
le  port  et  l'établissement  d'Indret.  Le  lendemain,  d'Aumale, 
accompagné  de  de  la  Haye-Jousselin,  inspecte  ses  domaines  de 
Châteaubriant  et  des  forges  de  Moisdon  pendant  que  Joinville 
visite  la  fabrique  de  conserves  de  Boniiomme-Colin  et  se 
rend  ^  Indret  sur  le  bateau  à  vapeur  Le  Phoque.  Le  soir, 
un  dîner  est  ottért  aux  autorités  el,  le  13,  les  deux  princes 
partent  pour  Brest. 

Louis  Vallet,  adjoint  au  Maire,  conseiller  d'arrondissement 
du  1"  canton,  est  nommé  conseiller  général  de  ce  canton 
en  remplacement  de  Thomas  Chéguillaume,  par  14  voix  sur 
24  votants  et  58  inscrits  (8  mai).  Ad.  François  est  nommé 
conseiller  d'arrondissement . 


(1)  Président,  Furd.  Favre;  vicu -président,  Ad.  Friingnis,  président  des  Beiiiix- 
Arls;  secrétaire,  Uruesi  Clierol;  secrétaire  adjoint,  J.  Bfiugé  ;  membres:  Poirier, 
Descharaps,  Henri  Bauduui,  Guénier,  Douillard  jeune,  Turpin,  Bederl,  Jusl  Frucliard, 
Nau,  J.  Moriceau,  Leroux,  Coicaud,  Jules  Gouin,  Roussin. 


37 

Les  élecleiirs  des  4«  el  6«  caillons  sont  convoqués,  le 
4  décembre,  pour  procéder  au  renouvelleiiienl  normal  de 
leurs  représenlanls  au  Conseil  général.  Au  4«  canton,  Ferd. 
Favre,  conseiller  sorlanl,  esl  réélu  par  39  voix  sur  51 
votants  el  148  inscrits.  Au  6«  canton,  P -R.  Soubzmain, 
conseiller  sortant,  esl  réélu  par  32  voix  sur  34  votants  et 
94  inscrits. 


Une  souscription  pour  rétablissement  d'une  école  de  nata- 
tion esl  ouverte  chez  Sébire,  libraire,  et  au  National  de 
l'Ouest.  Les  50  premiers  souscripteurs  se  réuniront  pour 
établir  les  statuts  d'une  société. 


Les  courses  de  chevaux  ont  lieu  les  3i  juillet,  1«'  el  3 
août  ;  un  prix  de  i,OOJ  fr.  esl  donné  par  le  duc  d'Aumale. 
Un  bal  par  souscription  devait  être  organisé,  mais  la  mort 
du  duc  d'Orléans  fait  renoncer  à  ce  projet.  La  fêle  populaire 
de  la  prairie  de  Mauves  prend  un  grand  développement. 
Plusieurs  jours  avant  les  courses,  une  cinquantaine  d'établis- 
sements s'y  installent  :  ménageries,  salle  de  bal,  théâtre  de 
marionnettes,  cafés,  guinguettes,  étalages.  L'orchestre  du 
Grand-Théâire,  que  la  fermeture  de  la  salle  Graslin  rend 
disponible,  y  donne  plusieurs  concerts. 


La  souscription  ouverte  pour  secourir  les  victimes  de  l'in- 
cendie de  la  ville  de  Hambourg  trouve  un  accueil  des  plus 
sympathiques.  Une  somme  d'environ  6,000  fr.  esl  recueillie. 


SERVICES  PUBLICS. 


■"•^       Une  Commission,  composée  de  A.  Le  Cour,  J.  Gouin,  de 
rce.  Lancaslel,  esl  chargée  d'étudier  les  relations  à  établir  avec 


38 

Madagascar.  —  Ad.  Le  Cour  propose,  de  créer  une  école  des 
mousses. 

Le  13  mai,  esl  ouvert  le  scrutin  pour  le  renouvellement 
intégrai  de  la  Chambre,  à  la  suite  de  la  dé[nission  en  masse 
qu'elle  a  donnée,  le  19  mars,  à  l'occasion  de  lu  question  des 
sucres.  Les  électeurs  (<),  contrairement  à  ce  qui  se  passe 
en  semblable  circonstance,  discutent  les  membres  sortants. 
Treize  d'entre  eux  :  Bignon,  Garnier-Haranchipy,  Aug. 
Garnier,  Th.  Chéguillaume,  A. -H.  Bonamy,  Leperlière, 
D.  Lauriol,  de  Lancastel,  Queneau,  E.  Trenchevent,  Luther, 
Carmichael,  Giret  et  un  nouveau  membre,  Ad.  Le  Cour,  qui 
remplace  Ad.  Berlhiuill,  sont  seulement  élus  au  premier 
tour.  Le  plus  favorisé,  Bignon,  obtient  36  voix  sur  39  volants 
et  le  dernier  de  la  liste,  Ciret,  n'en  recueille  que  -20.  Le 
quinzième  membre,  J.  Gouin,  n'est  élu  que  le  lendemain. 
Bignon  et  J.  Gouin  sont  maintenus  dans  leurs  fonctions  de 
président  et  de  vice-président. 

Tribuuai        Sout  uommés  jugcs  titulaires:    Ad.  Albert,   ancien  juge; 

de 

ComuiHrcc.  Th.  Hardoulu  et  P.  Crouan,  juges  suppléants  sortants.  Ces 
deux  derniers  sont  remplacés  par  Ad.  Le  Cour  et  P.  Boy. 

Caisse        Trenchcveut  aîné   est  nommé  directeur.  Les  versements 

(J'épargne.  ,  .,  v.oi,/N.#r       i 

sont  encore  en  progrès,  ils  montent  a  1,584,454  Ir.  Les 
remboursements  atteignent  955,993  fr.  Le  solde  dû  aux 
7,943  livrets  des  déposants  s'élève  à  5,570,797  fr. 

Bureau        Porgcot  cst  nonuiié  administrateur  en   remplacement   de 

biei.imsance.  J.-B.  Goulu,  décédé.  Goulu  était  vice-président  (2).  \\   n'est 

pas  remplacé    dans   ses   fonctions   et   l'on  convient  qu'elles 

(1)  Les  électeurs,  pour  ce  renouveliemunl  intégral,  sont  au  noiiihre  de  44,  savoir: 
les  11  membres  du  Tribunal  de  Commerce,  les  9  membres  du  Conseil  des  Prud'hommes, 
14  notables  délégués  par  le  Tribunal  d;  Commerce,  10  notables  délégués  par  le 
Conseil  municipal. 

(2)  Le  Maire  est  présidenl-ué. 


39 

seront  remplies  penilatil  trois  mois  par  cliaque  adminisirateur, 
à  tour  de  rôle.  Les  recettes  s'élèvent  à  104,^27^2  fr.,  les 
dépenses  à  94,694  fr.  Des  secours  sont  donnés  à 
4,^210  familles,  10,250  personnes  et  -200  enfants. 

Les  prévisions  budgétaires  pour  184-2  sont  fixées  à 
1,619,843  fr.  51  c.  pour  les  receltes,  et  à  1,619,405  fr.  66  c. 
pour  les  dépenses,  d'où  un  excédent  de  recettes  de  437  fr.  85  c. 
Le  chapitre  additionnel  des  recettes  s'élève  à  333,90)  fr.SOc, 
celui  des  dépenses  à  333,903  fr.  25  c,  d'où  un  excédent 
de  25  centimes.  Les  recettes  brutes  de  l'octroi,  toujours  en 
progression  croissante,  montent  à  la  somme  de  1,190,542  fr. 

Le  8«  chasseurs  quitte  Commercy,  pour  remplacer  dans 
l'ouest  le  8«  lanciers,  qui  part  pour  Saint-Germain.  Deux 
escadrons,  ayant  un  effectif  de  247  hommes,  viennent  tenir 
garnison"  à  Nantes,  un  escadron  s'arrête  à  Ancenis  et  les 
deux  autres  vont  à  Pontivy. 


La  Municipalité  crée  un  emploi  d'archiviste  municipal. 
Armand  Lelrançois  est  nommé  à  ce  poste.  Une  Commission 
de  surveillance  des  archives  est  en  môme  temps  instituée, 
sous  la  présidence  de  Favre-Couvel,  secrétaire  général  de 
la  préfecture. 

Le  chiffre  officiel  de  la  population  pour  cinq  années,  à 
partir  du  l*-^  novembre  1842,  est,  d'après  le  recensement 
opéré  en  1841,  tixé,  par  une  ordonnance  royale  du  25  octobre, 
pour  Nantes,  à  83,389  habitants,  comme  population 
totale,  et  à  76,947,  comme  population  municipale  ou 
normale.  —  Guéraude,  8,404.  —  Chantenay,  3,935.  — 
Paimbœuf,  3,900.  —  Ancenis,  3,736.  —  Sainl-Nazaire, 
3,771.  —  Ghâteaubriaiil,  3,676.  —  Savenay,  2,181  habi- 
tants. 


40 

A  l'occasion  d'une  demande  de  Irailemenl  présentée  par 
le  Ministre  du  culte  Israélite,  on  relève  que  154  habitants 
seulement  appartiennent  à  ce  culte. 

Une  8«  chambre  est  temporairement  instituée  au  Tribunal 
civil  par  ordonnance  du  29  novembre. 


Arrêtés        17  janvier.  —    Police   des    voitures,  omnibus  et  autres 

municipaui  i  .  i 

rendus     moycHS  dc  Irausport.   Défense  aux  omnibus  de  dépasser  les 

à  la  date  du  :  ,.      .,  .        , 

limites  assignées. 

9  août.  —  Mise  en  fourrière  des  animaux.  Trois  four- 
rières :  Grande-Biesse,  rue  Saint-Clément,  place  Viarme. 

It)  septembre.  —  Inspection  des  viandes  mortes  au  mar- 
ché du  Port-Communeau. 

9  novembre.  —  litalages  sur  la  voie  publique  limités  à 
16  centimètres  de  saillie  à  partir  du  nu  du  mur. 


Arrêtés        3  friai.  —  Règlements  relatifs  aux  dimensions  des  bateaux 

préfectoraux 

en  date  du:    a   laVCr. 

'26  novembre.  —  Vente  des  huîtres. 


Société        Le  prix  d'honneur  est  décerné  à  un  professionnel,  Prosper 

d'iiorlicul-    ,,  ,T  ,  ,  > 

lure.  Nerriere.  Neveu-Derolrie,  dans  son  rapport  de  hii  d  année, 
consacre  une  mention  toute  spéciale  aux  capitaines  Le  Torzec, 
Vince,  Ilarmange,  pour  leurs  apports  en  graines  et  plants 
exotiques. 


La  Société  des  Beaux- Arts  crée,  à  côté  des  sections  de 
musique  et  de  peinture  déjà  existantes,  une  section  d'archéo- 
logie dont  Nau,  architecte,  est  le  commissaire. 


IS. 


41 


ENSEIGNEMENT    ET    PUBLICATIONS. 

Une  école  primaire  éléinenlaire  esl  annexée  au  Collège 
royal.  Celle  créaiion  amène  rélablissemenl  d'un  omnibus 
spécial,  qui  a  pour  poinl  de  dépari  la  Ville-en-Bois  ei  gagne 
le  collège  après  avoir  parcouru  les  rues  centrales  de  la 
ville.  Une  salle  esl  aménagée  galerie  d'Orléans,  pour  per- 
meltre  aux  enianls  d'attendre  son  passage. 

Bonllaull,  ancien  professeur  de  rhétorique,  ouvre  un 
cours  payant  de  grammaire  et  de  littérature.  Il  donne 
d'abord  ses  leçons  dans  la  salle  de  la  rue  d'Alger,  puis, 
sur  la  demande  qui  lui  en  esl  faite,  il  choisit  un  local  plus 
central,  le  salon  de  glaces  de  Guillet. 

C.  Mellinel  livre  à  ses  souscripteurs  tes  7,  8  et 
de  son  ouvrage  :  La  Commune  el  la  Milice  d^^^p^l^s^— 
La  Luire  historique  el  pilloreHque,  de  Toj^ard-Laifg^se, 
continue  à  paraître  par  livraisons  chez  Su//eaiL  ^^Eijrest 
met  en  vente  :  La  Loire- Inférieure  prise  amlaguefhitrffe, 
10  livraisons  de  2  planches  chacune,  en  grîVuje  êj^t'C^ijer, 
par  les  premiers  artistes  de  la  capitale.  —  ^^4£ej)ublie  : 
Le  guide  de  l'agriculteur  et  du  fabricant  d'ew^:3:m^ 

AGRICULTURE,    COMMERCE,    INDUSTRIE. 

l/arrôlé  préfectoral  du  19  mai  18 il  sur  la  police  des 
engrais  répondait  à  un  véritable  besoin.  Sur  31:2  échantillons 
analysés,  17-2  sont  reconnus  être  plus  ou  moins  sophistiqués. 

La  nouvelle  organisation  des  comices  agricoles,  résultant 
des  instructions  [iréfeclorales  en  dale.du  80  novemlire  1841, 
semble  devoir  amener  de  féconds  résultats.  Les  6,000  fr. 
alloués  par  le  Conseil  général  sont  répartis  entre  les  divers 
comices  avec  un  maximum   de  500  fr.  pour  chacun  d'eux. 

4 


4-2 

Des  concuurs  d'animaux  el  de  produits  agricoles  sont  tenus  : 
A  Nozay  (18  juillet),  10,000  personnes  y  assistent  ;  des 
courses  sont  organisées  ;  —  à  Garquefou  (8  septembre), 
une  timbale  d'argent  est  donnée  en  premier  prix  aux  valets 
de  ferme,  950  fr.  de  primes  sont  distribués  ;  le  Préfet  et 
le  député  Bignon  prennent  pari  à  la  fêle  ;  —  à  Guémené 
("20  septembre),  concours  de  labourage,  banquet  et  bal  ;  — 
à  Montrelais  (8  novembre),  banquet  offert  aux  lauréats,  pré- 
sidé par  le  Sous-Préfet  d'Ancenis  ;  —  à  Saint-Elienne-de- 
Montluc  ;  —  à  Chantenay  ;  —  à  Saint-Philberl  ;  —  à  Saint- 
Mars -la-Jaille. 

Le  concours  de  cbanvre,  organisé  par  la  Société  Acadé- 
mique, se  tient  le  i\0  novembre,  sous  la  colonnade  de  la 
Bourse,  en  présence  du  Préfet  et  du  Maire. 


Le  blé  descend,  en  avril,  à  16  fr.  50  c;  il  augmente  de 
prix  et  atteint,  en  octobre,  le  maximum  de  19  fr.  10  c.  — 
Les  autres  denrées  agricoles  suivent  la  même  marche.  — 
Seigle  :  9  fr.  40  c.  à  10  fr.  65  c.  —  Orge  :  8  fr.  30  c.  à 
10  fr.  60  c.  -  Blé  noir  :  7  fr.  60  c.  à  9  fr.  65  c  —  Maïs  : 
10  fr.  20  c.  à  14  fr.  —  Avoine  :  8  fr.  25  c.  h  9  fr.  25  c. 

Pain  blanc  :  0  fr.  55  c.  à  0  fr.  375  le  kilo.  ~  Pain 
batelier  :  0  fr.  25  c.  à  0  fr.  275.  —  Pain  méleil  :  0  fr.  175 
■A  0  fr.  20  c. 

La  taxe  de  la  viande  est  modifiée  et  portée,  à  partir  du 
l*"^  mai,  h  1  fr.  05  c.  le  kilo  pour  le  bœuf;  —  1  fr.  pour 
le  veau  ;  —  1  fr.  10  c.  pour  le  mouton  ;  —  1  fr.  05  c.  les 
trois  espèces. 

Guillemot  et  (]•%  quai  Gassard,  fondent  la  Gompagnie 
nantaise  des  bouillons  gras  l\  domicile.  Des   dépôts  de  leurs 


43 

produits  sont  établis  Haule-Grand'Riie,  quai  de  la  Fosse, 
rues  Jean-Jacques,  du  Marchix,  Bon-Secours,  de  Giganl, 
Franklin  et  Saint-Léonard. 


J."  A.  Baboneau  installe  une  chaudière  pour  la  lïalvanisa- 
lion,  dans  ses  ateliers  du  quai  des  Constructions.  Il  est 
l'initiateur  à  Nantes  de  celte  industrie  qui,  étant  encore  à 
ses  premiers  débuts  en  France,  n'est  pas  encore  l'objet  d'un 
classement  au  point  de  vue  de  la  loi  de  1810. 


Une  cuisine  disiillatoire  de  Rocher  fonctionne  avec  succès 
sur  une  frégate  à  vapeur  du  port  de  Bochefort. 


Des  sociétés  d'assurances  maritimes  sont  fondées  :  par 
P.-B.  Goullin,  au  capital  de  :240,000  fr.  ;  —  par  Murphy, 
500,000  fr.,  par  action  de  10,000  fr. 


Bressler  ouvre,  place  de  la  Monnaii!,  maison  Verger,  un 
magasin  de  pianos,  avec  un  grand  salon  disposé  pour  les 
concerts,  comme  chez  les  premiers Jacteurs  de  la  Capitale. 


La  vexation  dont  le  Marabout  a  été  l'objet,  la  plus  grave 
depuis  la  conclusion  du  traité  de  1833,  émeut  le  monde  p'ar- 
lementaire.  Le  Ministère  est,  à  la  Chambre  des  Pairs,  vive- 
ment pris  à  partie  par  k  M**  de  Boissy,  qui  l'interroge  sur 
la  conduite  qu'il  compte  tenir  dans  la  circonstance.  Billault, 
lors  de  la  discussion  du  budget  du  Ministère  des  Affaires 
étrangères,  obtient  un  grand  succès  en  mettant  au  jour  le 
manque  d'énergie  que  le  Gouvernement  a  montré  dans  celte 
atïaire.  Les  Anglais   ont  en  partie  atteint   le   but  qu'ils  se 


44 

proposaient.  Nos  ai'iiialeiirs,  en  présence  des  foriualilés 
rainulieuses  qui  doivenl  6lre  prises,  pour  éviter  leurs  moles- 
laiions,  hésitent  h  développer  leurs  affaires  avec  la  côte 
d'Afrique. 

Une  nouvelle  pétition,  la  septième,  est  déposée  par  le  com- 
merce nantais,  à  la  Chambre  des  Pairs,  pour  demander  la 
suppression  des  zones  pour  l'introduction  de  la  houille 
étrangère.  Rouen  et  Amiens  ont  présenté  une  semblable 
requête.  Le  Rapporteur  conclut  au  renvoi  pur  et  simple  de 
ces  pétitions  au  Ministre  du  Commerce. 

Deux  nouvelles  lignes  d'omnibus  sont  établies  :  les  Favo- 
rites, qui  vont  de  la  place  Royale  au  bas  de  Ghantenay,  et 
les  Bretonnes,  qui  ont  pour  points  terminus  la  place 
Louis  XVI  et  la  Ville-en-Bois,  en  passant  par  les  quais  de  la 
Fosse  et  la  rue  de  Launay. 

Des  omnibus  à  six  roues  sont  mis  en  circulation. 


Un  nouveau  bateau,  VEloile,  tente  de  lutter  avec  les 
Riverains  du  bas  de  Loire  et,  avant  de  cesser  son  service, 
en  arrive  à  prendre  des  voyageurs  pour  Paimbœuf  aux  prix 
de  0  fr.  50  c.  et  0  fr.  i5  c. 

Les  Courriers  de  la  Loire,  bateaux  d'une  vitesse  supé- 
rieure, melleiit  les  Riverains  du  haut  de  la  Loire  et  les 
Inexplosihles  dans  la  nécessité  de  réduire  à  3  Tr.  et  l  fr.  le 
prix  des  places  pour  Angers.  —  Alliol  met  en  circulation 
sur  la  Loire,  tantôt  en  amont,  tantôt  en  aval,  un  bateau,  le 
Soleil,  qui  est  muni  de  quatre  roues.  —  Le  "27  janvier,  une 
terrible  explosion  se  produit  à  bord  d'un  Riverain  à  l'escale 
d'Ancenis.  Un  des  chauffeurs  est  tué  sur  le  coup.  La  vapeur 
envahit  la  chambre  des  secondes,  et  dix-huit  personnes 
meurent  des  suites  de  leurs  brûlures. 


45 

Les  armateurs  du  Sylphe  mellenl  en  service,  sur  leur 
ligne  de  Bordeaux,  un  deuxième  baleau,  le  Comte  d'Erlon. 
Le  Général,  1res  flallé  de  celle  délicate  attention,  offre  un 
banquet  aux  armateurs  et  aux  constructeurs.  Avec  ces  deux  . 
bateaux,  un  départ  a  lieu  tous  les  cinq  jours.  —  Le  Tiim 
dessert  chaque  semaine  Belle-Ile  et  Lorient.  De  retour  le 
vendredi,  il  part  durant  l'été  chaque  samedi  alternativemput 
pour  Le  Groisic  ou  pour  Poriiic  et  Noirmoutier  et  revient 
le  dimanche.  —  Le  remorqueur  La  Bretagne  esi  utilisé 
pour  un  service  entre  Nantes  et  Qiiimper. 

MONUMENTS   ET  VOIRIE. 

^  L'Hôtel  des  Monnaies  reçoit,  à  partir  du  5  septembre,  les 
divers  services  du  Tribunal  civil  cl  de  la  Gour  d'assises. 
L'installation  est  des  plus  défectueuses. 

Le  Gonseil  général,  malgré  toutes  ses  préférences  pour  la 
reconstruction  du  Palais  de  Jusiice  sur  l'emplacement  du 
fJouffay,  est  obligé  de  renoncer  à  son  projet.  Le  Préfet,  dans 
la  séance  du  16  septembre,  lui  fait  connaître  l'importance 
que  le  Gouvernement  attache  à  voir  grouper  sur  un  même 
emplacement  le  Palais  de  Justice,  la  Gendarmerie  et  la 
Prison.  Dès  lors,  toute  hésitation  doit  cesser  et  le  terrain  de 
la  tenue  Bruneau,  dite  du  Pavillon,  est  lout  indiqué,  vu  sa 
proximité  de  la  Prison  et  sa  surlace,  qui  est  amplement 
suffisante,  pour  permettre  l'édification  du  Palais  et  de  la 
Gendarmerie,  et  plus  lard  la  reconstruction  de  la  Prison  sur 
un  plan  plus  vasle.  Le  Gonseil  se  rend  sans  difficulté  à  ces 
raisons  et  décide  qu'un  projet,  avec  devis  pour  la  construc- 
tion du  Palais  de  Jusiice,  à  la  tenue  Bruneau,  lui  sera  soumis 
à  la  prochaine  session. 

Les  cloches,  qui  avaient  été  montées  dans  la  tour  Nord, 
sont  déplacées  et  installées  dans  la  tour  Sud,    où  elles   sont 


46 

restées  jusqu'à  ce  jour.  Los  tré[»idalions  occasionnées  par 
leur  mise  en  branle  inspiraient  des  craintes  pour  la  solidité 
de  cette  première  tour. 

La  Fabrique  de  Saint-Nicolas,  impatiente  de  commencer 
les  travaux  de  reconstruction,  propose  à  la  ville  de  lui 
avancer  les  sommes  nécessaires  pour  le  payement  du  prix 
des  maisons  dont  elle  s'est  engagée  à  faire  l'acquisition,  et 
sur  l'emplacement  desquelles  l'église  doit  être  édifiée  et  les 
deux  rues  latérales  projetées  doivent  être  tracées.  Le  Conseil 
accepte  l'otîre,  mais  décide  qu'il  ne  payera  aucun  intérêt 
pour  les  sommes  ainsi  avancées. 


L'église  de  Saint-Paul,  à  Pont-Rousseau,  est  inaugurée  le 
6  février. 


Le  Conseil  municipal  fixe  à  10,000  fr.  la  souscription  de 
la  ville  pour  l'érection  de  la  statue  de  Cambronne. 


L'hôtel  qui  obstruait  le  boulevard  Delorme  est  démoli.  — 
L'acquisition  d'un  terrain  rue  du  Calvaire,  'IS,  et  des  hôtels 
n**  9  et  n"  11  de  la  rue  Dugommier  est  faite  par  cinq  pères 
jésuites  pour  y  construire  une  maison  de  communauté  et  une 
chapelle.  —  La  pente  de  la  rue  Boileau,  à  sa  jonction  avec 
la  rue  Grébillon,  est  adoucie  ci  cette  partie  de  rue  devient 
carrossable.  —  La  romaine  de  la  Petite -Hollande,  pour  le 
pesage  des  foins,  est  transporté!^  sur  le  quai  Moncousu,  au 
fer  à  cheval  du  pont  de  la  Madeleine.  —  Les  bureaux  de  la 
poste  sont  transférés  rue  Boileau. 

L'empiunt  de  2,100,000  fr.,  voté  par  le  Conseil  ujiinici[)al, 
dans    sa   séance   du  11  décembre  1838,  pour  l'exécution  de 


47 


divers  travaux  de  voirie,  n'avait  pas  reçu  l'approbation 
ministérielle.  Le  Conseil,  dans  sa  séance  du  3  mai,  réduit  le 
programme  de  ses  travaux  et  limite  son  emprunt  à  la  somme 
de  914,000  fr.  qu'il  est  autorisé  à  contracter. 


Des  enquêtes  sont  ouvertes  pour  l'élalMissement  d'un  tir  à 
la  cible  pour  la  garnison  dans  la  lande  de  la  Jaunelière, 
route  de  Rennes,  —  pour  rétablissement,  par  la  société 
Arnous-Rivière  et  Carié,  de  bassins  et  docks  dans  la  prairie 
au  Duc,  au  sud  des  nouveaux  chantiers  de  construction,  — 
pour  l'ouverture,  par  Pelloutier,  d'un  bassin  à  travers  les 
terrains  qu'il  possède  sur  la  môme  prairie. 

BALS,     CONCIRTS,    SPECTACLES. 

Un  bal  de  bienfaisance  par  souscription  est  donné  au 
Grand -Théâtre  le  4  février.  Les  membres  de  la  Commission 
d'organisation  sont  :  A.  Fleury,  de  Cornulier,  de  la  Rochette, 
J.  de  la  Roussière,  E.  du  Champ-Renou.  La  fête  obtient  un 
plein  succès.  Elle  produit  une  somme  nette  de  fi, 856  fr.  10  c. 
Les  officiers  et  soldats  espagnols,  internés  à  Nantes,  touchent 
près  de  4,000  fr.  Le  Bureau  de  bienfaisance  prélève  un 
millier  de  francs.  La  Société  de  charité  maternelle,  celle  de 
Saint-Vincent-de-Paul,  les  salles  d'asile  et  l'école  des  filles 
de  Sainte-Marie  se  partagent  le  reste. 


Avril  :  les  chanteurs  des  Alpes.  —  Mai  :  Urso,  flûtiste  ;  le 
pianiste  Prudent.  —  Juillet  :  M'i«  Loveday ,  chanteuse  ; 
Pitet,  violoniste,  et  Urso.  -  Août:  M"«  Loveday;  Pilet,  et 
morceaux  de  poésie  débités  par  Cresp,  lecteur  du  Roi  des 
Helges  ;  concert  donné  par  la  Société  des  Beaux-Arts  et  les 
artistes  du  théâtre  au  profit  d'Hasselmans,   chef  d'orchestre. 


48 

—  Novembre:    Déjazel,   pianiste,  el  Bessenis,  violonislo.  — 
Décembre  :  M.  el  M""»  Iweins  d'Hennin,  chanlcurs. 

Mme  Vigano  el  Tambnrini  se  font  entendre  au  Grand- 
Théâtre  le  ^•'1  avril.  I.e  prix  des  iilaces  pour  celte  soirée 
exiraordinaire  est  plus  que  doublé.  Pour  le  parterre  et  les 
secondes,  il  est  porté  à  5  fr. 

Tràir  IMusieiirs  bals  parés  et  masqués  sont  organisés  par  sous- 
cription. Ils  sont  annoncés  connue  fêle  vénitienne  avec 
éclairage  a  giorno.  Le  directeur  Lafeuillade  monte  Normu, 
Les  Diamants  de  la  Couronne,  Une  Chaîna.  Il  termine  sa 
campagne  le  âO  avril  en  laissant  les  meilleurs  souvenirs. 

La  subvention  est  supprimée  pour  l'exercice  1842-43.  La 
ville^se  borne  h  payer  les  frais  d'éclairage  et  les  appointe- 
ments de  divers  employés. 

Le  nouveau  directeur,  Prai,  ouvre  la  campagne,  le  2  juin, 
avec  une  seule  troupe,  une  troupe  de  comédie.  Dès  le 
premier  jour,  le  public  manifeste  tout  son  mécontentement. 
Les  acteurs  sont  obligés  de  quitter  la  scène  sous  les  huées 
el  les  sifflets.  Le  régisseur  est  criblé  d'oranges.  On  entonne 
Marlborougn,  La  Boulangère,  des  cantiques  de  mission, 
elc  On  réclame  à  grands  cris:  Opéra!  Opéra!  Des  pupi- 
tres sont  cassés,  des  banquettes  enlevées.  Au  bout  de  trois 
heures  de  ce  vacarme,  l'autorité  inlervienl.  Un  piquet  d'in- 
fanterie, avec  tambour  ballant  la  charge,  force  le  public  à 
évacuer  la  salle.  Le  lendemain,  le  théâtre  esl  fermé  par  ordre 
du  Maire.  Une  partie  de  la  Iroupe  se  rend  en  représenta- 
tions à  Bourbon-Vendée.  Les  arlistes  de  l'orcheslro  s'orga- 
ni"5ent  pour  donner  des  concerts  deux  fois  par  semaine  dans 
un  jardin  rue  de  Giganl,  40,  qui  reçoit  le  nom  d'Elysée 
nantais.  Lors  des  courses,  ils  se  transportent  sur  la  [irairie 
de  Mauves,  où  ils  se  foui  entendre. 

Le  Conseil  mimicipal  se  décide  h  rétal^lir  la  subvention  el 


49 

vole  une  somme  de  40,000  fr.  La  salle  est  ouverte,  le  15 
septembre,  avec  une  troupe  lyrique,  mais  les  artistes  qui  la 
composent  sont  médiocres  et  le  directeur  ne  fait  aucune 
diligence  pour  la  compléter.  Les  représentations  se  passent 
au  milieu  des  cris  et  du  désordre.  On  finit  par  en  venir  aux 
coups  et,  le  '24  novembre,  la  salle  est  de  nouveau  fermée 
[lar  ordre  du  Préfet. 

Le  9  décembre,  le  directeur  peut  justifier  qu'il  a  entre  ses 
mains  une  troupe  complète  et  clioisie.  La  permission  d'ouvrir 
les  portes  de  Grasliii  lui  est  accordée.  L'année  se  termine 
sans  incidents. 


Des  bals,  dits  bourgeois,  se  succèdent  en  janvier  chaque 
semaine.  -  En  février  et  mars,  la  troupe  dramatique  de 
Paul-Ernest  obtient  un  véi  itable  succès  avec  le  répertoire  du 
Gymnase.  —  La  troupe  Lemonnier  lui  succède,  puis  on  y 
voit  le  chien  savant,  Etmle,  du  Cirque  olympique.  —  Lors 
de  la  fermeture  du  Grand-Théâtre,  des  représentations  y 
sont  données  et  le  public  les  suit  avec  empressement. 


Dans  la  case  du  bas  de  la  rue  du  Calvaire  se  tient,  vers 
la  fin  de  l'année,  un  musée  statuaire  comprenant  140  per- 
sonnages grandeur  naturelle. 


Les  docteurs  Laurent  et  Alexandre  donnent,  en  novembre 
et  décembre,  des  séances  de  somnambulisme  et  de  magnétisme 
animal  dans  le  salon  Guillel,  rue  de  la  Fosse,  :'^6,  puis  à  leur 
domicile,  rue  Jean-Jacques,  8. 


Année    1843. 

L'Emeute  (<  légumineuse  et  lailière  ».  —  La  lutte  entre  les  deux  sucres.  —  Elections 
municipales.  —  Le  voyage  du  duc  et  de  la  duchesse  de  Nemours.  —  Inondations. 
— ■  Fermeture  de  l'église  catholique  française.  —  Le  Congrès  scientifique  de  France. 
—  La  Société  pour  la  conservation  dos  monuments.  —  La  mort  de  Camille 
Mellinel.  —  Divers;  —  Services  publics.  —  Enseignement  et  putilicalions.  — 
Agriculture,  commerce,  industrie.  —  Monument-  et  voirie.  —  Concerts  et 
spectacles. 

EMEUTE    «  LÉGUMINEUSE   ET   LAITIÈRE  ». 

Un  nouveau  laril'  du  droit  de  places  sur  les  voies  publi- 
ques entre  en  perception  au  \^^  janvier.  La  ferme,  qui  ne 
rapportait  annuellement  que  6,000  Ir.,  avait  trouvé  adjudi- 
cataire à  50,000  fr.  par  suite  des  taxes  nouvelles  qui  avaient 
été  créées,  et  de  l'augmentation  dont  les  anciennes  avaient 
été  l'objet. 

Ces  mesures  ne  pouvaient  manquer  de  provoquer  une  vive 
émotion.  En  effet,  dès  le  premier  jour,  un  mouvement  se 
dessine.  Certains  marchands  payent  en  murmuranl.  D'autres 
refusent  catégoriquement  d'acquitter  les  droits  réclamés  par 
les  employés  de  la  ferme.  Le  mécontentement  est  général.  La 
résistance  s'organise.  Des  meneurs  interviennent,  intimident 
les  marchands,  se  portent  aux  entrées  de  la  ville,  arrêtent 
les  charreltes,  verseni  le  lait  et  foulent  aux  pieds  les 
légumes. 

La  garde  nationale  est  appelée  à  prendre  les  armes.  Sur 
divers  points,  les  soldats  citoyens  sont  insultés  et  désarmés 
par  les  femmes.  La  garnison  est  mise  à  contribution,  et  le 
^il«  léger  fournit,  chaque  joiu-,  un  bataillon  pour  occuper  les 
places  et  organiser  des  patrouilles.  Un  escadron  vient  d'An- 
cenis  renforcer  ceux  qui  tjenneni   garnison   dans  notre  ville. 


31 

Les  roules  sont  occupées  mililairemenl  pour  permettre  l'ap- 
provisionnement de  la  ville  et  s'opposer  au  pillage  des  char- 
rettes des  maraîcher?.  On  pense  un  instant  être  dans  la 
nécessité  d'envoyer  dans  les  campa2^nes  des  détachements  de 
chasseurs  et  de  gendarmes  pour  escorter  les  paysans  qui 
viennent  apporter  à  Nantes  leur  lail  et  leurs  légumes. 

Les  marchands  exposent  leurs  doléances  à  l'Administra- 
tion munici[)ale.  Celle-ci  fait  droit  à  quelques-unes  de  leurs 
réclamations,  modifie  certaines  taxes  et  en  supprime  d'autres. 
Il  est  tenu  compte  de  ces  changements  à  Perraudeau  et 
Lafond,  fermiers  des  droits  de  place,  et  le  prix  de  leur  bail 
est  l'objet  d'une  réduction  de  15,000  fr.  Ces  mesures  donnent 
satisfaction  aux  intéressés,  et,  après  une  semaine  de  troubles, 
le  calme  se  rétablit.  Au  cours  de  ces  journées  tumultueuses, 
de  nombreuses  arrestations  avaient  été  opérées.  Plusieurs 
condamnations  sont  prononcées  pour  violences,  vols,  coups 
et  blessures. 

LA  LUTTE  ENTRE  LES  DEUX  SUCRES. 

L'expropriation  de  la  fabrication  du  sucre  indigène  semble, 
au  Ministère,  le  moyen  le  plus  efficace  pour  sauvegarder  les 
intérêts  du  Trésor  et  porter  un  remède  k  la  crise  du  sucre 
colonial. 

Un  projet  de  loi  en  ce  sens  est  déposé  le  10  janvier.  Il 
stipule  que  cette  expropriation  aura  lieu  moyennant  le  paye- 
ment d'une  indemnité  aux  fabricants,  njais  seulement  à  partir 
du  1^"^  août  1844,  et  ouvre  pour  cet  objet  un  crédit  de 
40  millions  payables  en  cinq  annuités.  Ces  dispositions  ne 
donnent  qu'une  demi  satisfaction  aux  ports.  Ils  auraient 
désiré  une  solution  plus  immédiate.  Notre  compatriote,  de 
Lancastel,  est  désigné  par  les  délégués  du  Havre,  de 
Dnnkerquo,  Granville,  Sainl-lîrieuc,  Morlaix,  Bordeaux,  Mar- 
seille pour  être  leur  porte-paroles  près  des  Pouvoirs  publics. 


52 

La  Commission  de  la  Chambre  repousse  le  projet  d'expro- 
priation présenté  par  le  Ministre.  Elle  lui  substitue  un  projet 
qui  porterait  le  droit,  sur  le  sucre  indigène,  pros^ressivemenl 
aux  taux  de  30,  35,  40  et  45  fr.  lorsque  la  production  de  ce 
sucre  atteindrait  les  chiffres  de  ;^0,  35,  40  et  45  millions  de 
kilos-. 

La  discussion  s'ouvre  le  10  mai  devant  la  Chambre  et 
occupe  neuf  séances. 

La  loi  votée  par  les  Chambres  est  promulguée  le  6  juillet. 

Elle  s'inspire  du  principe  posé  par  la  Commission,  mais 
dispose  qu'à  partir  du  !«■'  août  1844,  le  sucre  indigène  sera 
frappé  d'une  augmentation  de  5  fr.  par  an  pendant  quatre 
ans  et  acquittera  de  la  sorte,  au  bout  de  ce  terme,  la  même 
taxe  que  le  sucre  colonial,  soit  le  droit  de  50  fr. 

FERMETURE    DE    L'ÉGLISE    FRANÇAISE. 

Dans  les  derniers  mois  de  184'i,  sur  l'ordre  du  Ministre 
de  l'Intérieur,  le  temple  français  de  Paris,  qui  était  le  siège 
de  l'évôque-primal  Chalel,  et  celui  de  Beltaincourt  (Haute- 
Marne)  avaient  été  fermés. 

L'église  française  de  Nantes  est  la  seule  qui  soil  encore 
ouverte.  Le  Minisire  acquiert  la  certilude  qu'elle  est,  comme 
l'étaient  les  deux  autres,  surtout  un  lieu  de  réunion  pour  les 
républicains,  et  ordonne  qu'il  soit  procédé  à  sa  fermeture. 

Le  Préfet,  le  1^2  janvier,  prend  un  arrêté  interdisant  à 
l'association  dite  de  l'Eglise  française,  association  de  [ilus 
de  vingt  personnes  non  autorisées,  de  se  réunir  dans  le  local 
habituel  de  ses  séances  ou  dans  tout  autre  lieu.  Le  lende- 
main, deux  commissaires  de  police,  escortés  d'agents,  se  pré- 
sentent au  temple.  Ils  y  trouvent  le  desservant  et  l'huissier. 
Le  desservant,  tout  en  faisaiU  ses  réserves  en  vue  d'une 
protestation  ultérieure,  déclare  se  soumettre  J\  l'arrêté,  et, 
pour  couvrir  sa  responsabilité,  demande  qu'il  soil    procédé  à 


53 

la  mise  des  scellés,  coinine  le  porle  Tarrêlé.  Les  scellés  sont 
d'abord  apposés  sur  une  armoire  qui  se  trouve  dans  la 
sacristie  et  qui  renferme  les  registres  de  baptêmes,  mariages, 
enterrements,  puis  sur  les  ouvertures  de  la  chapelle.  Le 
sacristain  est  constitué  gardien  des  scellés. 

L'opération  se  passe  à  3  heures  de  l'après-midi,  au  milieu 
de  l'indilTérence  des  gens  du  quartier.  Un  piquet  de  cava- 
lerie se  tenait  dans  la  caserne  de  l'Entrepôt,  prêt  à  porter 
main  lorte  en  cas  de  résistance,  mais  on  n'eut  aucun  besoin 
de  faire  appel  à  son  concours. 

INONDATIONS. 

La  Loire,  grossie  par  des  pluies  persistantes,  commence  a 
envahir  la  ville  le  i4  janvier.  Les  quais  disparaissent  sous 
les  eaux.  La  caserne  de  l'Entrepôt  est  inondée,  et  les  chevaux 
sont  emmenés  dans  les  manèges  de  la  rue  Pétrarque  et  de 
la  rue  des  Coulées.  Le  poste  central  du  Port-au-Vin  est 
abandonné  par  les  soldats.  Les  bas  quartiers  sont  couverts 
par  l'inondation  pendant  plusieurs  semaines.  Le  20  février, 
la  cote  maximum  de  6  mètres  est  atteinte.  Après  quelques 
jours  de  baisse,  une  nouvelle  crue  se  fait  sentir  et,  le 
5  mars,  atteint  un  maximum  de  5™, 79.  Une  souscription  est 
ouverte  pour  soulager  les  victimes  du  fléau. 

ÉLECTIONS    MUNICIPALES  ('). 

La  série  des  Conseillers  nommés  en  1837  est  arrivée  au 
terme  de  son  mandat.  Les  électeurs  se  réunissent  du  ^26  mai 
au  14  juin  pour  pourvoir  à  leur  remplacement.  Tout  se 
passe  dans  les  conditions  ordinaires,  mais  pour  la  première 
lois  les  passions  politiques  sont  mises  en  jeu.  Le  National 
de  l'Ouest  seul  entre  en  ligne.  11  déploie  une  grande  acti- 

(1)  Voir  pugfs   m  ul  112. 


54 

vile.  11  imprime  cl  lait  ilislribuer  la  liste  électorale  el  aussi 
des  brocluires  de  propagande.  Des  Comités  se  forment  i\  son 
instigation  dans  chacune  des  dix  sections. 

Les  résultats  sont  les  suivants  : 

Section  A.  —  Conseillers  sortants  :  L.  Vallel  el  Bernard. 

—  Inscrits:  2^26.  —  Sont  élus  au  premier  tour:  F.  Favre 
par  137  voix,  L.  Vallel  par  135,  sur  151  votants 

Section  C  —  Conseillers  sortants:.  Prevel  el  Peccol.  — 
Inscrits  :  194>  —  Prevel  est  réélu  au  premier  tour  par  55 
voix  sur  97  volants  ;  Fvariste  Colombel  élu  au  deuxième 
tour  par  58  sur  83  volants. 

Section  G.  —  Conseillers  sortants  :  Billault  et    Dechaille. 

—  Inscrits  :  i9îl.  —  Sont  élus  au  deuxième  tour  :  Tb.  Ché- 
guillaume  par  90  voix  el  Huetle  par  54,  sur  147  volants. 
Billault  el  Decbaille  avaient  décliné  toute  candidature. 

Section  K.  —  Conseillers  sortants  :  Delaire   el  Wallier. 

—  Inscrits:  321.  —  Au  deuxième 'tour,  Wallier  est  réélu 
par  53  voix,  H^*  Tbebaud  est  élu  par  lOG,  sur  148  volants. 

—  V"''  Mangin  père  obtient  45  voix. 

Section  F.  —  Conseillers  sortants  :  Trencbevenl  el 
Dérivas.  —  Inscrits  :  232.  —  Sont  réélus  :  Trencbevenl  par 
79  voix,  Dérivas  par  57,  sur  108  votants.—  V»-"  Mangin 
père  obtient  15  so\%. 

Section  E.  —  (Conseillers  sortants  :   Lebidois   el  Barrien. 

—  Inscrits  :  324.  —  Sont  élus  :  au  premier  tour,  Marcé  par 
72  voix  sur  124  ;  au  deuxième,  Aug.  Cberol  par  35  voix  sur 
82  volants.  —  Urvoy  de  Sainl-Bedan  obtient  22  voix^ 
¥•"■  Mangin  père,  7. 

Section  D.  —  Conseillers  sortants  :  Aug.  Garnier  el 
Cantin.  —  Inscrits  :  327.  —  Au  premier  tour,  Garnier  est 
réélu  par  131  voix  sur  189  volants;  au  deuxième,  Moriceau 
est  élu  par  77  sur  135.  —  V»""  .Mangin  père  obtient  22  suf- 
frages. 


55 

Section  H.  —  ComGWWv  sorlanl  :  Marion  de  Procé.  — 
Inscrits  :  349.  — -  Sont  élus  :  au  premier  tour,  Jules  Roux 
par  loi  voix  sur  I8i  volants;  au  deuxième  lour,  F.  Tal- 
vande  par  li  sur  186.  —  Mangin  obtient  64  voix. 

Section  I.  —  Conseillers  sortants  :  F.  Favre  et  Rignon. 
—  Inscrits  :  '290.  —  Au  deuxième  tour,  Rignon  est  réélu  par 
91  voix  sur  173  ;  Chenanlais  élu  par  88  sur  159.  —  Mangin 
a  5^2  voix. 

Section  B.  —Conseillers  sortants:  Tli.  Chéguillaume  et 
Clemansin-Dumaine.  —  Inscrits  :  29i.  —  Au  deuxième  tour, 
Riclet  est  élu  par  89  voix.  —  De  la  Roclielte  obtient  6^2 
suffrages. 

Trois  membres,  élus  en  1840  et  sortants  en  1846,  sont, 
en  outre,  à  remplacer:  Guillemet,  décédé,  Douillard  aîné  et 
H.  Rissel,  démissionnaires.  [Sections  K,  F,  I.) 

Section  K.  —  La  lutte  est  chaude.  Au  premier  tour  il  y 
a  135  volants.  V*"^  Mangin  père  arrive  en  tête  avec  60  voix. 
Goullin  a  30  voix;  Delaire,  •27;  Charrier,  16.  Les  partis  en 
présence  font  un  nouvel  effort,  et,  au  deuxième  tour,  161 
bulletins  sont  déposés.  Goullin  est  élu  par  85  voix.  Mangin 
a  75  suffrages. 

Section  F.  —  Clemansin-Dumaine  est  élu  par  53  voix 
sur  103  votants.  Mangin  obtient  36  voix. 

La  section  l  nomme  Guissart  par  83  voix  sur  156  votants 
et  donne  48  voix  à  Mangin. 

Les  efforts  tentés  par  le  National  de  l'Ouest,  s'ils  n'ont 
pas  réussi  à  obtenir  un  siège  pour  son  Rédacteur  en  chef, 
ont  puissamment  contribué  à  gagner  des  voix  aux  candidats 
républicains  ou  d'opposition  avancée,  parmi  lesquels  on  peut 
compter  Ev.  Colombel,  Moriceau. 

D'un  autre  côté,  l'opposition  de  droite  a  grandi,  comme 
l'indiqueiil  les  fortes  minorités  obtenues  par  Urvoy  de  Saint- 
Redan  et  la  Rochette.  Par  suite  de  celte  entrée  en  campagne 


56 

des  partis  politiques,    l'électeur  censitaire  s'esl  réveillé    et, 
dans  certaines  sections,  le  nombre   des  volants  a  alleinl  le 
double  de  celui  constaté  aux  élections  de  1840. 
La  composition  du  Conseil  est  la  suivante  : 

Sections.  Surlunls  :  en  1846.  En  1849. 

A:  Gicquel,  Sebeull;  F.  Favre,  L.  Vallel. 

B:  Lésant,  Jegou  ;  Biclel. 

C:  Polo,  Renoul;  Previd,  Golombel. 

D:  Brousset,  Gresié;  Moriceau,d.-m.,  A.Garnier 

E:Robineau  de  Bougon,  .\lellinel;  Marcé,  d.-ni.,  Aug.Cberol. 

F:  Barrât,  Clemansiu-Duiiiaine;  Trenchevent,  Dérivas. 

G:  J.  Gouin,  Caillé;  Th.  Cliéguillaunie,  Huelle. 

H:  M*"  Cliéguillaume,  Fleury;     Jules  Roux,   F.  Talvande. 

I  :  Cuissart  ;  Bignon,  Cbenanlais. 

K:  J.-B.  Etienne,  Gouilin;        11^'  Thébaud,  Waltier. 

Une  ordonnance  du  -2  août  maintient  F.  Favre  dans  ses 
fonctions  de  maire  el  M»"  Cliéguillaume,  L.  Vallel,  Clemansin 
dans  celles  d'adjoint.  Thomas  Cliéi^uillaume  el  Ev.  Golombel 
sont  nommés  adjoints  en  remplacement  de  Dérivas  el  Gresié. 

LE  VOYAGE  DU  DUC  ET  DE  LA   DUCHESSE  DE  NEMOURS. 

Le  duc  el  la  duchesse  de  Nemours,  au  cours  de  leur  voyage 
dans  rOuesl,  accordent  -a  noire  ville  un  séjour  de  quatre 
jours,  du  13  au  17  aoiil.  Une  somme  de  15,000  h\  esl  votée 
par  le  Conseil  municipal  pour  les  recevoir.  La  garnison,  qui 
ne  comprend  que  deux  bataillons,  esl  renforcée  par  un  troi- 
sième envoyé  d'Angers.  Deux  escadrons  de  dragons  viennent 
de  Niorl  pour  la  circonstance. 

Journée  du  13  août.  —  Leurs  Altesses  royales  arrivent 
d'Angers  sur  le  Courrier  de  la  Loire  qui,  à  'i  heiu'es, 
accoste  la  cale  de  Uichebourg,  au  son  des  cloches  et  au 
milieu  des  délonalions  de  l'artillerie.  Des  harangues  leur  sont 
adressées  par  le   Maire,   le  Président  du  Tribunal  civil,  le 


57 

Procureur,  le  Président  de  la  Chambre  de  Commerce,  le  Pré- 
sident de  la  Société  Académique.  Le  Préfet  était  allé  leur 
présenter  ses  hommages  à  Ancenis.  Le  cortège  officiel  se 
dirige  vers  la  Préfecture,  où  des  appartements  sont  préparés 
pour  recevoir  leurs  Altesses.  La  garde  nationale  et  les 
troupes  de  la  garnison  forment  la  haie  sur  leur  passage.  A 
son  arrivée  k  la  Préfecture,  la  Duchesse  est  complimentée 
par  un  groupe  de  gracieuses  jeunes  filles  qui  lui  offrent  des 
fleurs.  Les  autorités,  les  corps  constitués,  les  fonctionnaires 
sont  reçus  par  le  Duc.  Le  soir,  un  dîner,  auquel  60  convives 
prennent  part,  est  offert  par  le  Préfet.  La  journée  se  termine 
par  un  feu  d'artifice  tiré  sur  la  place  Louis  XVI. 

Dans  la  matinée,  la  Municipalité  avait  procédé  à  une 
distribution  de  pain  aux  indigents.  Des  rations  extraordi- 
naires avaient  été  données  aux  détenus  nécessiteux. 

Journée  du  14  août.  —  Le  Duc,  à  7  heures  du  matin, 
monte  à  bord  d'un  des  Riverains,  pour  descendre  la  Loire. 
Il  s'arrête,  à  Indret  et  voit  couler  une  plaque  de  fondation 
pour  une  machine  de  450  chevaux.  A  Paimboeuf,  il  visite 
l'Hospice  et  le  Collège.  A  Saint-Nazaire,  douze  couples  du 
bourg  de  Batz,  vêtus  du  costume  traditionnel,  lui  sont 
présentés. 

La  duchesse  consacre  cette  journée  aux  établissements  de 
bienfaisance.  Pour  se  rendre  à  la  salle  d'asile  qui  se  trouve 
au  vieux  chemin  de  Gouëron,  elle  traverse  les  ateliers  de 
Babonneau,  à  travers  une  haie  formée  par  les  ouvriers,  qui 
l'acclament  avec  enthousiasme. 

Journée  du  15  août.  —  Leurs  Altesses  entendent  la 
messe  à  la  Cathédrale.  Les  autorités  civiles  et  militaires  y 
assistent.  A  midi,  le  Duc  passe  en  revue,  sur  la  prairie  de 
Mauves,  la  garde  nationale  et  les  troupes  de  la  garnison. 
La  Duchesse,  les  autorités  et  les  invités  se  tiennent  dans  des 
tribunes.  La  foule,  désireuse  de   voir  de  plus  près  le  Duc, 

5 


58 

lorce  la  ligne  des  faclioiiiiaires  el  s'allaclie  à  ses  pas. 
Malgré  les  efforls  des  gendarmes  cl  des  piquets  de  service, 
le  champ  de  manœuvre  esi  promplemenl  envahi.  Toute 
évolution  de  troupes  devient  impossible  et  le  défilé  s'accomplit 
au  milieu  des  flots  confus  de  la  population. 

Leurs  Altesses  visitent  ensuite  l'hôpital  Saint-Jacques  et 
l'Hôtel-Dieu,  puis  se  rendent  à  la  Bourse,  où  une  exposition 
des  produits  nantais  a  été  improvisée  en  leur  honneur. 
Bignon,  président  de  la  Chambre  de  Commerce,  entouré  de 
ses  collègues,  les  reçoit.  Leloup  est  désigné  pour  accompa- 
gner le  prince  et  répondre  à  ses  questions.  La  promenade 
de  la  Bourse  est  transformée,  par  les  soins  de  la  Société 
d'horticulture,  en  un  charmant  jardin.  Son  président,  Barrai, 
les  conduit  à  un  kiosque  élégamment  décoré,  et  quinze  jeunes 
filles,  portant  les  couleurs  de  la  duchesse,  viennent  lui 
offrir  des  fleurs.  Le  poète  menuisier  Sécheresse  leur  débite 
des  vers  de  sa  composition. 

Le  soir,  leurs   Altesses   assistent   à  la  représeniatioi)  du 
Grand-Théâtre. 

Journée  du  10.   --  Le   Duc   préside  la  distribution  des 
prix  du  Collège,  puis,  avec  la  Duchesse,   se  rend   sur   les 
chantiers  de  la  Cathédrale.  Seheult,  architecte  des  travaux, 
et  Garreau,  entrepreneur,  leur  sont  présentés.  Dans  l'après- 
midi,  le  duc  parcourt   la  ville.    Les  ateliers  ou  usines  de 
Bosset,  Mesnil,  Cherot,  Babonneau,  Jamet  et  Vauloup,  Voruz 
reçoivent  sa  visite.  On  le  conduit  au  passage  Pommeraye. 
Les  architectes,  Buron  et  Durand-Gasselin,  qui  l'ont  construit, 
lui  en  font  les  honneurs. 
Le  soir,  un  grand  bal  est  donné  au  Théâtre. 
Pendant  tout  le  séjour  de  leurs  Altesses,  des  réjouissances 
populaires   sont  organisées  sur  divers  points  :  joutes  nau- 
tiques sur  l'Erdre,  mât  de  cocagne  cours  Saint-André,  bal 
avec  orchestre  sur  le  cours  Saint-Pierre,  etc. 


59 

Le  17,  au  malin,  le  Duc  et  la  Duchesse  parlent  pour 
Vannes. 

CONGRÈS    SCIENTIFIQUE    DE    FRANCE. 

Les  membres  du  Congrès  scientifique  de  France,  qui 
tient  a  Angers  sa  onzième  session,  viennent  en  excursion  à 
Nantes  par  le  bateau  à  vapejr  (9  et  10  septembre). 

Les  quatre  Sociétés  savantes,  sous  la  présidence  d'Emma- 
nuel Halgan,  président  de  la  Société  Académique,  reçoivent 
les  congressistes  en  une  séance  solennelle,  tenue  au  Grand- 
Théâtre,  et  au  cours  de  laquelle  les  présidents  des  Sociétés 
sœurs  :  Palois,  Neveu-Derotrie,  Cuissart  prennent  successive- 
ment la  parole.  Des  réunions  particulières  sont  tenues  par 
les  Sections  d'agriculture,  la  Section  des  sciences  médicales, 
etc.  Neveu-Derolrie  el  Braheix  exposent  un  plan  de  banque 
agricole.  Wolski  présente  un  travail  sur  les  terrains  houillers 
de  Maine-et-Loire  et  donne  une  description  de  son  appareil 
plongeur.  L'hôpital  Sainl-Jacques,  l'école  primaire  supérieure, 
le  musée  industriel,  la  collection  des  pièces  anatomiques 
Auzoux  du  docteur  A.  Libaudière,  la  Tour  à  plomb  reçoivent 
la  visite  des  savants  étrangers.  La  Société  des  Beaux- Arts 
organise  en  leur  honneur  une  exposition  de  tableaux  et 
d'antiquités,  et,  dans  la  salle  des  concerts,  on  procède  devant 
eux  à  l'ouverture  d'une  momie  d'Egypte,  rapportée  par 
Frédéric  Gaillaud.  L'excursion  se  termine  par  une  réunion 
dans  la  grande  salle  de  la  mairie. 

LA  SOCIÉTÉ  POUR  LA  CONSERVATION  DES  MONUMENTS. 

Au  cours  de  septembre,  la  Société  pour  la  conservation 
des  monuments  vient  à  Nantes  et  organise  une  réunion 
dans  la  grande  salle  de  la  mairie.  Celle  société  a  pour  but 
de  signaler  au  Gouvernemenl  les  édifices  qu'il  importe  de 
signaler  à  sa  sollicitude  pour  en  obtenir  la  conservation. 


60 

D'inléressanles  comumnications  sont  présentées  par  nos 
concitoyens  :  Travaux  en  cours  de  la  Cathédrale,  projet  de 
la  nouvelle  éaflise  de  Saint-Nicolas,  tombeau  de  Pornic, 
porte  romane  de  Sainte-Marie  de  Pornic,  prieure  de  Saint- 
Jacques,  chapelle  de  Saint-Jean-de-Boiseau,  église  de  Rougé, 
château  de  Goulaine,  chapelle  du  Mûrier,  à  Batz. 

Une  somme  de  WO  fr.  est  remise  par  la  Société  pour  être 
répartie  entre  l'église  de  Saint-Jacques  et  la  chapelle  du 
Mûrier. 

MORT    DE    CAMILLE    MELLINET. 

C.  Mellinel,  frappé  de  paralysie  le  ^  août,  meurt  le  8. 
11  est  âgé  de  48  ans.  Ses  obsèques  sont  très  solennelles. 
Les  cordons  du  poêle  sont  tenus  par  le  Préfet,  l'adjoint 
Vallel,  en  remplacement  du  Maire,  le  colonel  Desperrois, 
Emmanuel  Halgan,  président  de  la  Société  Académique.  Les 
honneurs  militaires  lui  sont  rendus,  au  titre  de  chevalier  de 
la  légion  d'honneur.  Les  derniers  adieux  lui  sont  adressés 
par  Halgan,  au  nom  de  la  Société  Académique,  dont  il  avait 
été  président  ;  par  Palois,  au  nom  de  la  Société  Industrielle, 
dont  il  fut  le  véritable  initiateur  ;  par  le  docteur  Gely,  au 
nom  de  l'escadron  de  cavalerie  dont  il  avait  été  le  comman- 
dant ;  par  Lorieux,  ingénieur  des  mines,  son  camarade 
d'enfance.  L'opinion  publique  est  unanime  pour  reconnaître 
le  grand  dévouement  qu'il  a  déployé  pour  le  bien  public 
comme  conseiller  municipal,  comme  membre  de  la  Société 
Académique,  de  la  Société  Industrielle,  de  la  Société  des 
Courses,  etc.,  comme  historien  et  écrivain.  La  ville  lui 
accorde  une  concession  gratuite  au  cimetière. 

DIVERS. 

Le  8  février,  un  tremblement  de  terre  vient  désoler  notre 
colonie  de  la   Guadeloupe.   La  ville  de   La  Poinle-à-Pilre 


61 

n'est  plus  qu'un  moncoau  de  ruines.  Nantes,  par  suite  des 
relations  commerciales  existant  avec  cette  île,  ne  se  montre 
pas  la  moins  empressée  pour  répondre  a  l'appel  qui  est  fait 
par  le  Gouvernement.  Des  listes  de  souscription  sont  ouvertes. 
Un  service  funèbre  est  célébré  h  la  Cathédrale.  A  la  fin 
d'avril,  les  offrandes  centralisées  au  bureau  de  la  Marine 
dépassent  32,000  fr. 


Les  sœurs  garde-malades  ou  de  la  Sainte-Famille  fondent 
une  maison  rue  du  Bocage,  8. 


Le  voyage  du  duc  de  Bordeaux  à  Londres  excite  de  vives 
inquiétudes  au  Gouvernement.  Des  ordres  très  rigoureux  sont 
donnés  par  le  lieutenant-général  Trezel  et  par  le  Directeur 
général  des  douanes,  pour  que  les  côtes  soient  l'objet  d'une 
grande  surveillance,  car  on  craint  que  le  prince  ne  veuille 
y  tenter  un  débarquement.  La  police  a  l'œil  sur  les  agisse- 
ments des  légitimistes  nantais. 


Emmanuel    Halgan,  trésorier   des  Invalides  de  la  Marine, 
est  nommé  chevalier  de  la  légion  d'honneur. 


Le  lieutenant-général  C'«  d'Erlon  est  élevé  à  la  dignité 
de  maréchal  de  France.  Il  quitte  le  commandement  de  la 
division.  Un  vase  en  argent  massif  ciselé  lui  est  offert  par 
les  autorités  et  les  habitants.  Le  lieutenant-général  Trezel 
vient  le  remplacer. 


Une  troisième    Chambre  civile  est    créée.   Elle   entre  en 
fonctions  le  21  avril. 


La  France  porte  toujours  le  deuil  du  duc  d'Orléans.    Les 
fêtes  nationales  se  passent  sans  réjouissances  et  sont  seule- 


6^2 

ment  signalées  par  une  dislribulion  de  pain  aux  indigents  el 
par  la  revue. 

Les  courses  ont  lieu  dans  de  bien  mauvaises  conditions, 
par  suite  du  mauvais  état  du  sol  détrempé  par  une  longue 
série  de  pluies.  On  dut  tracer  une  piste  différente  de  celle 
qui  avait  été  suivie  les  années  précédentes.  Le  Gouvernement 
ajoute  un  prix  royal  de  4,000  fr.  à  ceux  déjà  accordés 
par  lui. 

Une  ordonnance  royale  du  6  juin  institue  à  Nantes  une 
foire  pour  les  chevaux  de  luxe,*  selle  ou  cabriolet.  Un  arrêté 
du  Maire,  rendu  le  l"""  août,  en  fixe  la  date  au  9  août,  le 
lendemain  du  dernier  jour  des  courses  sur  la  prairie  de 
Mauves. 


On  procède,  le  13  février,  à  Téleclion  d'un  conseiller 
général  pour  le  6»  canton,  en  remplacement  de  Soubzmain 
décédé.  Au  2®  tour  seulement,  Wattier  est  élu  par  18  voix  sur 
41  votants.  Pour  la  première  fois,  la  politique  intervient 
dans  les  élections  départementales,  en  la  personne  de  Lau- 
rent aine,  candidat  de  l'opposition  démocratique,  patronné 
par  le  National  de  l'Ouest. 


Le  mouvement  d'opinion  qui,  h  Paris,  se  prononce  contre 
l'armement  des  forts  détachés,  trouve  un  écho  dans  le 
National  de  l'Ouest.  Ce  journal  propose  à  la  signature  des 
patriotes  une  pétition  «  invitant  les  députés  à  repousser  par 
»  un  vote  énergique  et  péremptoire  toute  proposition  d'arme- 
»  ment,  même  partiel,  des  fortifications  de  la  Capitale.  » 
L'Hermine  prend  part  à  ce  mouvement  de  protestation. 
Les  partis  hostiles  au  Gouvernement  voient,  dans  cet  arme- 
ment, un  acte  de  défiance  envers  les  Parisiens. 


63 

Des  regatta  ou  joules  à  la  voile  sont  organisées,  le 
24  juillel,  dans  la  baie  de  Bourgneuf,  par  de  Fonlenillal, 
receveur  général,  Gasimir-Perier  et  les  baigneurs  de  Pornic. 
Il  y  a  trois  courses  :  bateaux  de  Pornic,  chattes  de  La  Ber- 
nerie,  bateaux  de  tous  autres  pays.  Des  montres  d'or  et 
d'argent  sont  données  en  prix  aux  patrons.  Le  soir,  un  feu 
d'artifice  est  tiré. 

SERVICES  PUBLICS. 

Un  rapport  sur  l'organisation  de  l'école  des  mousses  est 
présenté  par  Ad.  Le  Cour.  Une  gabare  sera  demandée  à 
l'Etat  pour  y  installer  l'école.  Un  riche  colon  de  Bourbon 
promet  60,000  fr.  pour  contribuer  aux  dépenses.  —  L'éta- 
blissement d'un  railway  est  proposé  pour  transporter  les 
marchandises  des  bateaux  aux  magasins  de  l'Entrepôt.  ~ 
On  songe  à  monter  une  grue  de  30  tonnes  pour  l'embarque- 
ment ou  le  débarquement  des  chaudières  et  machines.  — 
Les  relations  à  créer  avec  Nossi-Bé  sont  étudiées.  —  Le 
Maire  paye  un  premier  acompte  sur  les  sommes  avancées 
par  la  Chambre  en  juillet-août  1830.  —  Le  Préfet  est  très 
assidu  aux  séances. 

La  Chambre  se  propose  de  procédf^r  à  son  renouvelle- 
ment partiel,  en  tenant  compte  de  l'ordre  de  sortie  suivi 
avant  le  renouvellement  intégral  de  1845.  Le  Préfet,  après 
avoir  pris  l'avis  du  Ministre,  en  décide  autrement  et  fait 
procéder  à  un  tirage  au  sort  des  trois  séries  sortantes.  Sont 
nommés,  4  novembre,  pour  trois  ans  :  de  Lancastel, 
A.-H.  Bonamy,  Lepertière ,  Queneau  ,  membres  sortants , 
Félix  Talvande,  qui  remplace  Garnier-Haranchipy;  pour 
deux  ans  :  Jules  Roux,  en  remplacement  de  Luther,  décédé, 
qui  fait  partie  de  la  2«  série.  Ce  scrutin  n'est  pas  approuvé 
et  il  sera  procédé  à  de  nouvelles  élections  en  1844. 

Sont   nommés,  président  :  Hippolyie  Braheix  ;  juges  titu- 


be. 


d'épargne. 


d4 
bienfaisance. 


64 

laires  :  Th.  Bossis,  ancien  jugo  ;  Henri  Auger  et.  Louis  Gué- 
rin,  juges  suppléants  sortants.  Ces  deux  derniers  sont  rem- 
placés par  E.  Toché  et  Y.  Berlhaull. 

Caisse  Sont  nommés  directeurs  :  Louis  Levesque  fils  aîné,  Gh. 
Laënnec  tils,  Steph.  Dezaunay,  P.  Roy,  Rolland  de  Lisle, 
Ant.  Chauvet,  G.  Le  Quen  d'Enlremeuse,  J.  Mosneron- 
Dupin  fils.  Montant  des  versements  :  1,691,570  fr.;  des 
remboursements,  1,275,834  fr.  Le  solde  dû  aux  déposants 
continue  sa  marche  ascendante  ;  il  atteint  6,220,581  fr. 
pour  9,256  livrets. 

Bureau  Rousslu  qulttc  la  vlllc  ;  il  est  remplacé  au  Conseil  par 
Pitre  Metois.  Les  dames  de  charité  sont  invitées  à  employer 
des  formes  plus  administratives  dans  la  présentation  des 
indigents,  et  plusieurs  donnent  leur  démission.  Les  recettes 
s'élèvent  à  104,123  fr.  et  les  dépenses  à  97,874  fr.  Une 
enquête  sanitaire  est  demandée  par  les  dames  de  charité 
des  quartiers  de  la  Madeleine  et  des  Olivettes. 

Budget        Les  prévisions,  pour  1843,  sont  arrêtées  à  1,859,383  fr.  21  c. 
municipal.  pQ^^  les  reccttes,  et  à  1,859,307  fr.  17  c.  pour  les  dépenses, 
d'où  un  excédent  de  76  fr.  04  c. 
L'octroi  faiblit;  il  ne  rapporte  que  1,189,990  fr. 

Arrêtés  16  mai.  —  Réglementation  de  la  profession  de  commis- 
^^^^  sionnaires,  crochetcurs  et  gens  de  peine  stationnant  sur  la 
voie  publique  :  obligation  d'une  déclaration,  obligation  de 
porter  une  médaille  en  cuivre  avec  inscription,  défense  de  se 
coaliser. 

^0  juin.  —  Vente  du  bois  de  chauffage.  Publication  d'un 
tableau  des  hauteurs  que  doivent  avoir,  pour  former  un 
stère,  les  tas  de  bois  des  diverses  longueurs  empilés  entre 
deux  montants  verticaux  placés  à  un  mètre  de  distance. 

4  juillet.  —  Emploi  des  poitrails  en  charpente.  Us  doivent 
être  en  chêne.  Une  autorisation  est  exigée  pour  les  établir. 


munici 


65 

1«^  août.  —  Porteurs  d'eau  :  obligation  d'employer  des 
seaux  de  10  litres.  Des  clous  rives  à  l'intérieur  doivent  indi- 
quer la  contenance. 

^27  septembre.  —  Défense  aux  voilures  publiques  de 
prendre  des  voyageurs  en  route,  pour  ne  pas  causer  d'em- 
barras sur  la  voie  publique  et  ne  pas  faire  concurrence  aux 
omnibus. 

28  septembre.  —  Police  des  passages  et  galeries  cou- 
vertes. Interdiction  d'établir  des  étalages.  Défense  de  fumer, 
de  cracher,  de  traverser  avec  des  fardeaux.  Dispositions 
spéciales  au  passage  Pommeraye. 

20  décembre.  —  Police  du  Jardin  des  Plantes. 


Une  caserne  de  passage  est  établie  par  la  Municipalité 
dans  l'immeuble  n»  11  de  la  rue  Menou.  Elle  est  ouverte  le 
l«f  octobre. 


M"^  Pradelan  fait  donation  à  la  ville  de  l'établissement  de 
Sainte-Marie,  fondé  par  elle  pour  l'éducation  des  jeunes 
filles.   La  ville  accepte  cette  donation. 


Les  archives  départemenlales  sont  ouvertes  de  midi 
à  4  heures  pour  le  public  et  de  9  heures  à  4  heures  pour 
les  fonctionnaires  publics  (arrêté  préfectoral  du  24  no- 
vembre). 


Les  élections  pour  le  renouvellement  triennal  des  otficiers 
de  la  garde  nationale  ont  lieu  en  octobre  et  en  novembre. 
La  liste  des  dix  candidats  à  présenter  au  Roi,  pour  les  grades 
de  colonel  et  de  lieutenant -colonel,  conlienl,  par  ordre  de 
suffrages,  les  noms  suivants  :  Mery,  chef  du  3"  bataillon  ; 
Desperrois,  colonel  en  fonctions  ;  Payai,  lieulenanl-colonel  ; 
Bougie,    Molinier,    Thebaud,    I5riand,   Cardon,   Linsens   de 


66 

l'Epinay,  François.  —  A  la  Sainte-Barbe,  les  artilleurs  de  la 
garde  nationale  terminent  la  fêle  par  un  lancement  de 
pétards  et  de  fusées  sur  la  place  Grasiin. 


Société        Emmanuel  Halgan   est,   une  deuxième   fois,  nommé  pré- 
Académique   •  1    . 
sident. 


lure. 


sociéié        Le  grand  prix,   une   médaille  d'or,   est   décerné  au  capi- 
•iiorticui-  (gjjj^3  Armange  pour  ses   importations  de  plantes  exotiques. 
Un  vase  d'argent  est  donné  à  Noisette  comme  prix  de  cul- 
ture générale. 

ENSEIGNEMENT.     -     PUBLICATIONS. 

L'Association  de  la  Providence  est  inscrite  au  budget 
communal  pour  une  allocation  de  6,000  fr.  Elle  reçoit 
dans  ses  écoles  plus  de  2,000  enfants  et  près  de  400  adultes. 
Ses  dépenses  s'élèvent  à  25,000  fr.  et  ses  ressources 
n'atteignent  que  18,000  fr.  Certains  conseillers,  prétendant 
que  les  écoles  chrétiennes  sont  affiliées  à  une  société  dont 
on  ne  se  croit  plus  obligé  de  mer  l'existence,  demandent, 
mais  en  vain,  la  suppression  de  l'allocation. 

—  Une  séance  de  téléphonie  ou  télégraphie  musicale  est 
donnée,  dans  la  grande  salle  de  1 1  mairie,  par  Sudre,  inven- 
teur de  la  langue  musicale  universelle. 

—  Berlin  publie  la  statistique  des  os,  en  vue  de  la  chimie 
et  des  arts  industriels. 

—  L'Hermine  est  poursuivie  en  cour  d'assises  pour  un 
article  relatif  au  voyage  du  duc  et  de  la  duchesse  de  Nemours, 
et  dont  certains  passages  n'ont  pas  plu  au  Pouvoir.  Le 
procureur  général  Plougoulm  vient  en  personne  soutenir 
l'accusation.  L'auleur  de  l'arlicle  cl  le  gérant  sont  l'un  et 
l'autre  condamnés  à  1,500  fr.  d'amende  et  trois  mois  de 
prison. 


67 

—  Un  cours  d'archéologie  en  -20  leçons  est  ouvert  par 
Georges  Olivier,  membre  de  la  Société  française  pour  la 
conservation  des  monuments. 

—  Un  cours  d'histoire,  comprenant  ^4  leçons,  est  donné 
par  Waulier  d'Halluin. 

—  Les  frères  construisent  la  chapelle  de  leur  pensionnat 
de  la  rue  de  Bel- Air. 

—  Leloup  [iropose  de  fonder  un  cours  pour  former  des  mé- 
caniciens conducteurs  de  locomotives. 

—  L'Institut  pratique  de  l'abbé  Bouyer  est  transféré  rue  du 
Calvaire,  dans  le  local  occupé  par  l'abbé  Coquet. 

—  La  population  scolaire  de  la  ville  comprend  4,141  gar- 
çons, répartis  dans  31  établissements,  et  3,874  filles,  appar- 
tenant à  94  écoles. 


Une  souscription  est  ouverte  pour  la  publication  de 
V Histoire  et  de  la  statistique  du  département,  par 
J.-J.  Verger  et  Chevas.  —  La  publication  de  VHistoire  de 
Nantes,  d'après  l'abbé  Travers,  est  terminée  :  la  ville 
souscrit  pour  dix  exemplaires.  -  Le  4«  volume  de  la 
Loire  historique  est  livré  aux  souscripteurs.  —-  Le  11** 
volume  de  la  Commune  et  Milice  de  Nantes  paraît  au 
moment  de  la  mort  de  C.  Mellinel.  Le  12«  et  dernier  vo- 
lume est  édité  en  décembre. 


La  cause  de  la  liberté  d'enseignement  trouve,  dans  le 
marquis  de  Hegnon,  un  fougueux  défenseur.  Il  repousse  la 
solution  acceptée  par  les  royalistes  ges  amis,  il  la  considère 
comme  insuffisante  et  comme  n'étant  qu'une  simple  modifi- 
calion  du  monopole  universitaire.  Il  réclame  une  liberté  plus 
large  et  plus  complète,  la  liberté  telle  qu'elle  est  pratiquée 
en  Belgique.  De  nombreux  articles  sont,  sur  ce  sujet,  publiés 
par    lui    dans    VRermine.    Il    compose   des  brochures.   Il 


68 

adresse,  au  nom  des  pères  de  famille,  un  chaleureux  appel 
aux  membres  de  l'épiscopal  pour  leur  demander  la  tenue 
d'un  Concile  national. 


Le  National  de  l'Ouest  poursuit  sa  campagne  d'invec- 
tives contre  le  clergé.  Il  renouvelle  ses  protestations  et 
diatribes  annuelles  contre  les  processions  de  la  Fête-Dieu. 
Un  article  intitulé:  Fête  des  fous,  dans  lequel  il  tourne  en 
ridicule  les  enfants  costumés  en  saints  ou  personnages  de 
l'Ancien  Testament  qui  ont  pris  part  aux  processions,  lui 
vaut  une  comparution  devant  le  juge  d'instruction. 

A  l'occasion  de  la  tenue  des  Conseils  généraux,  il  demande 
aux  Conseils  de  la  région  de  prendre  des  mesures  contre 
l'empiétement  du  clergé  et  l'envahisseraenl  du  parti  prêtre  et 
de  ses  adhérents.  Le  Conseil  général  de  la  Loire-Inférieure 
passe  à  l'ordre  du  jour.  Celui  de  la  Vendée  réserve  un  meil- 
eur  accueil  à  son  vœu  et  l'adopte. 

AGRICULTURE,    COMMERCE,    INDUSTRIE. 

Le  Comice  agricole  central  tient  son  concours  annuel,  le 
31  août,  dans  le  Champ  des  Belles-Epines,  sur  la  route  de 
La  Rochelle.  Les  lauréats  du  concours  de  labourage  reçoi- 
vent des  instruments.  Des  bestiaux  de  choix  sont  donnés 
en  récompenses  aux  cultivateurs  qui  présentent  les  plus  beaux 
animaux.  Les  primes  distribuées  aux  valets  de  ferme  les  plus 
méritants  consistent  en  montres  d'argent  et  d'or  et  en 
timbales  d'argent  avec  leur  nom  gravé.  Le  Préfet  préside  la 
fête.  Le  Conseil  général  abrège  sa  séance  pour  y  assister. 

Le  Comice  de  Nozay-Derval  est  organisé  par  le  député  de 
la  Haye-Jousselin  et  Kielï'el.  Des  courses,  un  banquet,  un 
bal  ont  lieu  à  la  suite  du  concours.  Le  lendemain,  une  chasse 
à  courre  est  donnée.  —  Le  Comice  du  6»  canton  de  Nantes 
tient  son  concours  annuel  à  Chantenay,  sous  la  présidence 


69 

de  Hervouel,  juge  de  paix.  Neveu-Derotrie  dirige  les  opéra- 
lions  du  Jury.  —  Le  concours  de  Guéinené  est  suivi  d'un 
bai.  —  Les  Comices  de  Garquefou,  Blain,  Saint-Elienne-de- 
Monlluc,  Saint-Pliilberl  fonctionnent  avec  un  plein  succès. 

Rieffel  reprend  la  publication  de  sa  revue,  X Agriculture 
de  l'Ouest  de  la  France,  qui  avait  cessé  de  paraître  depuis 
deux  ans. 


Le  blé,  jusqu'à  la  récolte,  varie  entre  18  et  19  fr.  Dès 
juin,  un  mouvement  de  hausse  se  produit;  à  la  fin  d'août,  le 
cours  maximum  de  l'année,  2*2  fr.  20  c,  est  atteint.  Le  prix 
se  maintient  ensuite  entre  19  et  20  fr.  —  Les  autres  céréales 
suivent  les  mêmes  alternatives.  Seigle,  10  fr.  75  c;  maximum 
en  juillet,  14  fr.  65  c,  et  13  fr.  50  c.  en  décembre.  —  Orge, 
9  fr.  25  c;  maximum,  11  fr.  50  c.  en  août-septembre  ; 
12  fr.  25  c.  fin  décembre.  —  Avoine,  8  fr.  25  c  à 
9  fr.  85  c;  en  août,  maximum  11  fr.;  fin  décembre, 
8  fr.  55  c.  —  Le  blé  noir  suit  une  autre  marche  ;  il  débute 
■à  8  fr.,  est  en  hausse  continue  et  atteint  10  fr.  20  c.  en  fin 
décembre. 

Pain  blanc  :  en  janvier,  minimum  0  fr.  3625  le  kilo  ;  en 
septembre,  maximum  0  fr.  4125  ;  en  décembre,  0  fr.  40  c. 
—  Pain  batelier  aux  mêmes  époques  :  0  fr.  2625,  0  fr.  3125, 
0  fr.  30  c.  —  Pain  méteil  :  0  fr.  1875,  0  fr.  2375, 
0  fr.  2250. 

Viande  :  la  taxe,  rétablie  à  1  fr.  les  trois  espèces,  au 
1"  janvier,  est  portée  à  1  fr.  05  c.   à  dater  du  1"  février. 

Vins  de  la  récolte  :  muscadet,  50  fr.;  gros-plant,  30  à 
32  fr. 


La  maison  Harmange  fait  connaître  le  guano  du  Pérou  et 
en  commence  l'importation. 


70 

—  M.  Derrien  est  autorisé  à  établir  une  école  de  natation 
dans  le  bras  de  l'île  Feydeau,  rue  Duguesclin.  —  Un  établis- 
sement de  bains  pour  danaes  est  installé  sur  la  rive  droite  de 
la  prairie  de  Mauves.  On  y  accède  par  le  quai  de  Richebourg 
et  le  pont  de  la  Seille. 

—  Une  société  d'armements,  Chauve  jeune,  se  fonde,  au 
capital  de  600,000  fr.,  par  actions  de  5,000  fr. 

—  Babonneau  installe  une  chaudière,  pour  la  galvanisation 
du  fer,  dans  ses  ateliers  du  quai  des  Constructions.  11  est  le 
premier  à  pratiquer,  dans  notre  ville,  ce  travail  encore  peu 
connu  en  France,  car,  au  moment  de  sa  demande  en  auto- 
risation, cette  industrie  n'était  pas  classée. 

—  La  société  ûq^ Riverains  du  bas  delà  Loire,  qui  dessert 
Paimbœuf  et  Sainl-Nazaire  depuis  1828,  entre  en  liquidation. 
Une  nouvelle  société  se  forme  pour  continuer  le  service  de 
la  basse  Loire,  la  compagnie  des  Pyroscaphes ,  A.  Le  Boyer 
et  Prebois,  gérants ,  capital  500,000  fr.,  par  actions  de 
1,000  fr.  —  Un  service  spécial  pour  le  Pellerin  est  établi 
avec  trois  départs  par  jour  et  escales  à  Boche-Maurice,  Haute 
et  Basse-Indre,  Indret  et  Couëron. 

—  J"^  Metois  et  Cuissart,  gérants  des  Riverains  du  haut 
de  la  Loire,  sont  traduits  en  police  correctionnelle  comme 
civilement  responsables  des  morts  el  blessures  causées  par 
l'explosion  de  janvier  184i  à  Ancenis.  —  Deux  expertises 
sont  constituées  :  l'une  attribue  l'accident  à  un  amincisse- 
ment de  la  tôle  ;  l'autre,  à  un  dépôt  de  sédiments.  L'affaire 
occupe  quatre  audiences.  Les  prévenus  sont  défendus  par 
Waldeck-Rousseau  ;  ils  sont  condamnés  à  :S00  fr.  d'amende. 
Ils  vont  en  appel. 

—  La  société  des  Paquebots  de  la  Loire,  Edel  et  C'%  se 
fonde  à  Orléans.  Ces  bateaux  sont  destinés  à  correspondre 
avec  le  chemin  de  fer;  ils  présentent  une  vitesse  qui   leur 


71 

permet    d'effectuer  en   deux  jours    le   trajet   de   Nantes   à 
Orléans,  avec  coucher  à  Tours. 

—  La  Compagnie  générale  des  remorqueurs,  More!  et  G'% 
entreprend  le  transport  des  marchandises  de  Nantes  à  Paris 
el  vice-versa  au  prix  de  4  fr.  50  c.  les  100  kilos. 

—  Les  Inexplosibles  sont  autorisés  à  établir  un  service  de 
nuit  pour  la  remonte  de  Nantes  à  Angers.  Les  Préfets  de  la 
Loire-Inférieure  et  de  Maine-et-Loire  prennent  des  arrêtés 
prescrivant  des  mesures  pour  prévenir  les  accidents, 

MONUMENTS    ET    VOIRIE. 

Le  Conseil  général,  dans  sa  séance  du  SO  août,  adopte, 
•  par  16  voix  contre  1-2,  les  projets  présentés  par  le  Préfet 
pour  la  construction,  dans  les  terrains  Bruneau,  du  Palais  de 
Justice,  de  la  Prison  et  de  la  Gendarmerie.  Le  devis  de 
construction  des  trois  bâtiments  s'élève  ij  1,400,000  fr.  On 
évalue  k  700,000  fr.  le  produit  de  la  vente  du  terrain  el  des 
matériaux  tant  du  Palais  de  Justice  que  de  la  Gendarmerie 
el  de  la  Prison.  Le  déboursé  nécessaire  n'atteindrait  qu'une 
somme  de  700,000  fr.  Le  Préfet  est  autorisé  à  contracter  un 
emprunt  montant  à  ce  chiffre,  et,  pour  en  payer  le  rembour- 
sement, le  Conseil  vole  une  perception  de  4  centimes  5/10«» 
pendani  cinq  années,  de  1846  à  1850. 

Une  enquête  est  ouverte  à  partir  du  îl  décembre  sur  la 
mise  à  exécution  du  projet. 

—  L'installation  du  Tribunal  à  la  Monnaie  donne  lieu  h  de 
nouvelles  plaintes.  Le  bruit  des  voitures  trouble  les  délibéra- 
lions.  La  place  est  trop  exiguë.  Les  Présidents  des  assises 
en  emportent  la  plus  désagréable  impression. 

—  La  question  de  la  propriété  du  Bouffay  est  agitée. 
Ev.  Colombel,  chargé  de  l'étudier,  élablil  que  la  ville  n'a 
aucun  droit  sur  le  vieux  monument. 

eu.      Le  Conseil  municipal,   sur  les  conclusions   du    docteur 


72 

Marcé,  vole  la  reconslrucllon  de  l'Hôlel-Dieu,  mais  sur  tout 
autre  emplacemenl  que  celui  qu'il  occupe  acluellemenl. 
L'opinion  accueille  celte  détermination  avec  la  plus  grande 
faveur.  Il  n'y  a  actuellement  que  450  lits.  Les  malades 
indigents  n'ont  pas  à  leur  disposition  le  quart  des  lits  qui 
existaient  avant  la  Révolution.  L'étal  des  bâtiments  est 
lamentable.  Les  murs  sont  pleins  de  crevasses.  Les  planchers 
fléchissent.  Une  salle  s'est  récemment  effondrée  entraînant 
dans  sa  chute  malades  et  infirmiers.  On  en  est  réduit  à 
mettre  les  malades  dans  les  greniers  ou  dans  des  réduits 
infects.  Il  n'y  a  qu'un  avis  unanime  sur  la  question  du  prin- 
cipe, mais  une  grande  divergence  d'opinions  existe  au  sujet 
du  choix  de  l'emplacement.  On  propose  la  prairie  au  Duc, 
la  prairie  de  la  Madeleine,  le  dépôt  de  mendicité,  le  collège 
royal,  les  Hauts-Pavés,  Gigant. 


Les  habitants  réclament  la  démolition  du  bureau  du  port, 
qui  masque  la  vue  du  fleuve,  et  demandent  que  l'administra- 
tion installe  les  officiers  du  port  soit  dans  un  magasin  de  la 
Fosse,  soit  à  la  pointe  de  l'île  Gloriette.  Aussi  le  méconten- 
tement est-il  général  lorsqu'on  voit  les  ouvriers  travailler  à 
la  construction  d'un  étage. 


La  ville  se  décide  à  accorder  une  subvention  de  20,000  fr. 
à  Maurice  pour  le  forcer  à  reconstruire,  conformément  au 
plan  de  la  ville,  la  maison  qu'il  possède  place  Royale  avec 
retour  sur  les  rues  de  Gorges  et  de  la  Fosse. 


Le  passage  Pommeraye  est  ouvert  dans  les  premiers  jours 
de  janvier.  Cette  construction,  qui  est  due  aux  architectes 
Hippolyte  Durand-Gasselin  et  Buron  aîné,  est  très  admirée. 
Les  statues  lumineuses  sont  dues  au  ciseau  de  Debay.  Les 
renommées  et  médaillons  de  la  galerie  du  haut  sont  l'œuvre 


78 

de  Groolaers.  Les  foules  artistiques  de  l'escalier  sortent  des 
ateliers  de  Voruz. 


La  ville  lente  des  démarches  pour  prolonger  la  petite  rue 
de  Launay  jusqu'à  la  rue  Daubenton,  mais  elle  se  heurte  à 
de  grandes  exigences  de  la  pari  des  propriétaires.  Le  Conseil 
municipal  ne  dissimule  pas  son  indignation  en  voyant  les 
propriétaires  comprendre  si  peu  leurs  véritables  intérêts. 


L'arche  en  maçonnerie  du  pont  de  l'Ecluse  est  estimée 
présenter  un  poids  trop  considérable  pour  les  fondations,  qui 
reposent  sur  un  mauvais  sol.  Elle  est  remplacée  par  une 
poutre  en  fonte  fournie  par  Voruz 


Les  maisons  de  la  rue  de  l'Erail,  qui  appartiennent  à  la 
ville  et  à  la  Fabrique  de  Saint-Nicolas,  sont  démolies.  L'an- 
cien cimetière  est  défoncé,  et  les  ossements  qu'on  y  trouve 
sont  portés  à  Miséricorde.  La  mise  en  étal  de  viabilité  de 
cette  voie,  depuis  longtemps  si  impatiemment  attendue,  est 
terminée  à  la  fin  de  décembre. 

Les  travaux  de  reconstruction  de  l'église  Saint-Nicolas  sont 
mis  en  adjudication  le  -25  avril.  Le  devis  s'élève  à  la  somme 
de  1,002,089  fr.  Les  lots  de  plomberie,  couverture,  serru- 
rerie, peinture  et  vitrerie  sont  les  seuls  qui  trouvent  pre- 
neurs. La  maçonnerie,  la  charpente  et  la  menuiserie  sont 
l'objet  d'une  nouvelle  adjudication  qui  a  lieu  le  81  août. 
Aucune  soumission  n'est  acceptée  pour  les  travaux  de  char- 
pente. Des  prix  de  série  plus  élevés  avaient  été  cependant 
établis  pour  ce  lot.  Il  en  avait  été  de  même  pour  le  lot  de 
la  maçonnerie.  Le  devis,  par  suite  de  ces  augmentations, 
monte  à  1,090,916  fr.  Pour  se  maintenir  dans  les  limites  du 
devis  primitif,  on  se  voit  forcé  d'ajourner  la  construction  des 

6 


74 

deux  flèches.  Le  bazar  organisé  pour  créer  des  ressources 
se  lient  dans  une  salle  du  Musée  des  tableaux. 


Le  Curé  de  iNolre-Dame-de-Bon-Porl,  le  jour  de  Noël, 
annonce  h  ses  paroissiens  que  la  reconstruction  de  l'église 
est  décidée  et  qu'il  a  reçu  l'aulorisalion  d'aller  quêter  à 
domicile.  —  Une  enquête  est  ouverte  pour  l'acquisition  d'une 
maison  rue  Dobrée,  1,  en  vue,  par  la  Fabrique,  d'y  installer 
le  presbytère. 

L'archilecle  Liberge  est  désigné  pour  prendre  la  direction 
des  travaux  de  reconstruction  de  l'église  Saint-Clément. 


Le  Conseil  municipal  donne  un  avis  favorable  à  l'éreclion 
d'une  nouvelle  paroisse  destinée  à  desservir  la  partie  rurale 
de  la  paroisse  Saint-Similien,  sous  condition  que  les  inté- 
ressés prendront  à  leur  cliarge  les  (rais  de  construction  de 
l'église  et  du  presbytère,  ceux  d'acquisition  du  terrain  des 
rues  avoisinanles  et  du  cimetière.  Certains  Conseillers  ne 
voient  dans  cette  érection  qu'un  moyen,  pour  les  propriétaires 
du  quartier,  de  donner  une  plus  grande  valeur  à  leurs 
terrains. 


^'^"''         La  Gbambre  des  Députés  est  saisie  d'une  pétition  de  Ph. 
nianiime.  q^^^^^  ^g  Parls,  demandant  la  construction  d'un   canal  de 

grande  navigation  entre  Nantes  et  Sainl-Nazaire.  Ce  canal 
aurait  une  longueur  de  60  mètres,  une  largeur  de  45  mètres, 
une  profondeur  de  7  mètres.  11  coûterait  une  trentaine  de 
millions  et  permettrait  aux  navires  de  500  tonneaux  de 
remonter  jusqu'il  Nantes.  Le  renvoi  de  la  pétition  au  Ministre 
est  décidé. 


—  Les  terrains  de  la  Prairie-au-Duc  destinés  aux  chantiers 
sont  entourés  de  clôtures. 


75 

—  Des  quais  et  cales  comraenceni  k  s'élever  sur  l'ancien 
emplaceiiieni  des  chantiers  de  la  Ghezine. 

—  Les  travaux  de  l'île  Gloriette  amènent  la  suppression  du 
bain  public  pour  femmes  qui  existait  de  temps  immémorial 
sur  la  rive  sud. 

—  Un  avant-projet  du  bassin  à  flot  de  Saint-Nazaire  a  été 
dressé.  Le  montant  du  devis  s'élève  à  6,000,000  fr .  Ce  plan 
n'est  pas  adopté.  Le  (Conseil  général,  dans  sa  séance  du 
31  août,  demande  que  l'on  procède  à  bref  délai  à  l'exécution 
de  ce  travail. 

—  Les  dragages  pratiqués  dans  le  port  de  Nantes  ont  amé- 
lioré sa  profondeur.  A  basse  mer,  il  y  a  8™,50  d'eau. 

—  Auguste  Jégou,  ingénieur  ordinaire  de  l""*  classe,  prend, 
à  partir  du  !«■■  juin,  la  direction  du  service  de  la  Loire,  3« 
section,  en  remplacement  de  Lemierre,  admis  à  la  retraite. 


Une  compagnie,  qui  se  propose  de  demander  la  concession 
du  chemin  de  fer  de  Tours  à  Nantes,  sollicite  le  bienveillant 
appui  du  Conseil  municipal.  Communication  lui  est  donnée 
de  la  délibération  par  laquelle  une  garantie  d'intérêt  de 
4  l/:2  "/o  sur  1,500,000  fr.  est  ofîerte  à  la  compagnie  qui 
entreprendrait  la  construction  de  cette  ligne.  Le  Conseil 
décide,  en  même  temps,  la  nomination  d'une  commission 
spéciale  pour  étudier  de  nouveau  la  question,  et  examiner 
s'il  ne  conviendrait  pas  que  la  cité  témoignât  ses  sympathies 
pour  cette  ligne  d'une  façon  plus  énergique  et  par  le  vole 
d'une  somme  plus  considérable. 

BALS  ,  CONCERTS ,  THÉÂTRE ,  ETC. 

Un  bal  par  souscription,  donné  au  Grand-Théâtre,  en 
février,  produit  une  somme  nette  de  6,699  fr.,  qui  est  par- 
tagée entre  le  Bureau  iW  bienfaisance  et  les  réfugiés  poli- 
tiques. 


76 

Bresslcr  inaugure»,  lo  19  marc,  ses  salons  de  la  place  de 
la  Monnaie,  par  une  malinée  musicale.  Un  concert  d'ama- 
teurs, organisé  an  |)rotil  des  victimes  du  iremblemenl  de  terre 
de  la  Guadeloupe,  oblienl  un  grand  succès.  M.  et  .M"*»  Joseph 
de  Bonleillei'  s'y  font  particulièrement  applaudir. 

En  avril,  le  pianisf'  Demarie.  —  En  mai,  M'"^  Clara- 
Margueron.  —  En  août,  malgré  une  chaleur  étouffante,  et 
au  prix  de  5  fr.  la  place,  une  assistance  nombreuse  se  presse 
à  la  Mairie,  pour  entendre  le  violoniste  Arlol  et  M™«  Ginli- 
Damoreau.  —  En  décembre,  le  pianiste  Louis  Lacombe. 

Granii-  La  sccoude  moitié  de  la  campagne  se  traîne  péniblement. 
Théâtre.  Aucune  nouveauté  marquante  n'est  montée  pour  piquer  la 
curiosité.  Le  directeur  Pral  a  recours  aux  attractions  les 
plus  variées  :  troupes  de  Marocains,  danseurs  espagnols, 
tableaux  vivants  en  «  costume  marbre  ».  M"^  Marteleur,  de 
la  Comédie  française,  Renault,  de  l'Opéra  Comique,  viennent 
en  représentations.  Molière  est  mis  à  contribution.  On  donne 
Tartuffe,  Monsieur  de  Pourceauynac,  les  Femmes  savantes, 
les  Précieuses  ridicules.  Tous  les  efforts  sont  vains  pour 
conjurer  la  mauvaise  fortune,  et  la  direction  est  mise  en 
faillite  quelques  jours  avant  la  clôture  tie  la  campagne. 

Laffitte,  l'un  des  administrateurs  du  théâtre  dé  Bordeaux, 
oblienl  le  privilège  des  deux  théâtres,  avec  une  subvention 
de  40,000  fr.  Dans  le  cours  de  l'été,  il  fait  paraître  sur  les 
scènes  nanlaises  M.  et  M*»»  Taigny,  du  Vaudeville;  Ligier, 
de  la  Comédie  française  ;  M™*  iïalley,  du  i"  Théâtre  français. 
Le  4  août,  la  troupe  d'opéra  fait  ses  débuts  ;  elle  est  com- 
plétée par  un  corps  de  ballet.  Laffitte  n'est  pas  récompensé 
du  soin  qu'il  a  mis  à  composer  son  personnel,  et,  â  la  tin  du 
mois,  il  disparaît,  laissant  ses  artistes  dans  l'embarras. 

Le  10  septembre,  un  nouveau  directeur,  Vautrin,  ouvre 
le   Théâtre  des   Variétés,  et,    le    7   octobre,  présente    une 


77 

troupe  d'opéra.  L'année  se  termine  sans  jncidenls.  Des 
speclacles  monstres,  qui  conimencenl  à  5  heures,  composés 
de  la  Juive  et  de  la  Tour  de  NesU,  de  la  Muette  et 
ù'  Andr  orna  que,  etc.,  sont  offerts  au  public. 

En  présence  de  ces  insuccès  successifs,  le  Conseil  muni- 
cipal étudie  les  moyens  de  remédier  à  la  situation.  Diverses 
combinaisons  sont  proposées.  On  se  décide  à  aui^menter  le 
nombre  des  places.  Un  crédit  de  30,000  fr.  est  volé  pour 
aménager  le  théâtre  en  vue  de  cette  modification. 


e-'-  Sur  la  place  Bretagne  viennent,  en  juin,  s'installer  V Astéo- 
rama  de  Paris,  avec  460  vues  pittoresques,  puis  le  cirque 
Lustre,  qui,  profilant  de  la  fermeture  du  Grand-Théâtre, 
continue  ses  représentations  ju-^-qu'à  la  mi-septembre. 

Dans  la  case  du  bas  de  la  rue  du  Calvaire,  le  grand 
Musée  statuaire  est,  en  juillet,  remplacé  par  le  nouveau  et 
véritable  Diorama,  d'après  le  système  Daguerre. 

De  juillet  à  août,  l'aéronaute  Kirscli  se  livre,  dans  les  chan- 
tiers Chauveau,  quai  Fosse  98,  à  plusieurs  ascensions.  Celle 
du  16  juillet  est  très  émouvante.  La  montgolfière,  battue 
par  le  vent,  s'échappe  avant  que  toutes  les  précautions  ne 
soient  prises.  Le  grappin,  qui  termine  la  corde  de  sauvetage, 
accroche  par  son  pantalon  le  jeune  Guériu,  qui  se  trouve 
parmi  les  spectateurs,  et  l'entraîne  dans  les  airs.  Un  cri  d'épou- 
vante s'élève  de  toutes  les  poitrines.  Une  catastrophe  est 
imminente.  Guérin  ne  perd  pas  son  sang-froid,  il  saisit  la 
corde  et  sa  position  est  tellement  naturelle,  que  maintenant 
on  se  demande  si  cet  enlèvement  n'est  pas  compris  dans 
le  programme.  Le  ballon  tombe  sur  les  ponts,  dans  un  pré 
voisin  de  la  filature  Guillemet.  Le  Préfet,  accompagné 
du  docteur  Libaudière,  se  transporte  sur  le  point  de  la 
chute  et  y  trouve  l'enfant  sain  et  sauf. 


Année    1844. 

Le  chemin  de  fer  de  Paris  à  Nantes.  —  La  liberté  de  l'enseignement.  —  La  fête 
nationale.  —  Election  complémentaire  de  Savenay.  —  Divers.  —  Services  publics. 
—  Enseignement.  —  Le  Conservatoire  de  musique.  —  Publications  :  Le  Phare  de 
la  Loire  et  Le  Courrier  de  Nantes.  —  Agriculture,  commerce,  industrie,  bateaux 
à  vapeur.  —  Monuments  :  Cathédrale,  Saint-Nicolas,  etc.  —  Voirie.  —  Loire  mari- 
time et  fluviale.  —  Concerts,  Théâtre,  Spectaeles. 

LE    CHEMIN    DE    FER. 

Nos  concitoyens  ne  mellenl  pas  un  grand  empressement 
à  profiler  ties  dispositions  de  la  loi  du  11  juin  184-2,  qui  a 
décidé  la  création  de  la  ligne  de  Paris  à  Nantes. 

Pour  les  faire  sortir  de  leur  inertie,  il  faut  que  la  réali- 
sation des  stipulations  de  celle  loi,  en  ce  qui  concerne 
Bordeaux,  fasse  un  nouveau  pas.  Le  30  mars,  en  effet,  le 
Gouvernement  dépose  un  projet  de  loi  affectant  un  crédit  de 
54  millions  à  l'établissement  de  celle  ligne.  Dès  le  lendemain, 
nos  députés  et  ceux  des  départements  voisins  s'empressent 
d'aller  présenter  leurs  doléances  au  Ministre  des  Travaux 
publics.  Celui-ci  leur  expose  qu'une  Compagnie  sérieuse  est 
formée  pour  cotjslruire  la  ligne  de  Bordeaux  et  qu'aucune 
proposition  ne  lui  a  été  encore  remise  pour  celle  de  Nantes. 
Il  se  déclare  d'ailleurs  tout  disposé  à  s'entendre  avec  le 
Minisire  des  Finances  pour  leur  donner  satisfaction. 

Bobineau  de.  Bougon,  A.  Cherot  el  Ev.  Colombel,  membres 
du  Conseil  .municipal  ;  J.  Gouiu  el  A.  Garnier,  membres  de 
la  Chambre  de  Commerce,  sont  délégués  pour  aller  h  Paris 
se  concerter  avec  les  députés  du  déparlement,  en  vue 
d'obtenir  une  prompte  solution.  Us  trouvent  le  meilleur 
accueil   auprès    des  Ministres    des    Travaux    publics,    des 


79 

Finances,  du  Commerce  el  de  la  Marine.  Guizot,  présideni 
du  Conseil,  reconnaît  la  légitimité  de  leurs  réclamations  et 
se  plaît  à  déclarer  que  Nantes,  le  boulevard  de  la  Révolution 
contre  la  Vendée,- a  droil  \\  un  traitement  de  faveur.  Le  Roi 
leur  accorde  une  audience  el  les  assure  de  tout  son  appui. 
Malgré  toutes  ces  promesses  et  ces  marques  d'intérêt,  le 
Ministère  ne  semble  pas  pressé  de  passer  des  paroles  aux 
actes.  Des  pétitions  sont  lancées  pour  réclamer  au  Gouver- 
nement l'exécution  de  ses  engagements.  Trois  Sociétés  se 
forment  en  vue  d'obtenir  la  concession  de  la  ligne:  la  Société 
Seguin  frères,  dont  la  banque  Gouin  est  le  représentant  à 
Nantes  ;  la  Société  Caillard,  qui  a  pour  agents  les  banquiers 
Baillergeau  et  Naudin  ;  la  Société  nantaise,  qui  se  constitue 
sous  le  patronage  de  Maës,  de  Lancastel,  Louis  de  Monti, 
Victor  de  Gornulier,  Ed.  Bouché,  etc. 

Le  projet  de  loi  si  impatiemment  attendu  est  enfin  déposé. 
La  Chambre  l'adopte  dans  sa  séance  du  25  juin. 

La  nouvelle  loi  affecte  à  l'exécution  de  la  partie  de  la 
ligne  de  Paris  à  l'Océan,  entre  Tours  et  Nantes,  un  crédit 
de  ^28,800,000  fr.  Le  Ministre  procède  sans  larder  à  l'orga- 
nisation du  service  pour  l'exécution  des  travaux.  La  ligne 
est  partagée  en  trois  sections,  correspondant  aux  trois  dépar- 
tements intéressés.  Jegou,  ingénieur  en  chef  de  la  Loire, 
est  cha  gé  de  la  partie  comprise  dans  le  département.  Il  a 
sous  ses  ordres  les  ingénieurs  Watiier  el  Richard. 

LA    LIBERTÉ    DE    L'ENSEIGNEMENT. 

Une  pétition  réclamant  la  liberté  de  l'enseignemenl  est 
signée  par  un  groupe  de  catholiques.  Elle  est  déposée,  le 
15  février,  sur  le  bureau  de  la  Chambre. 


Le  Ministre  Persil,  le  14  mai,  au  cours  des  discussions  h 
la  Chambre  des  Pairs,  sur  la  liberté  d'enseignement,  avait 


80 

prétendu  que  Tépiscopat  n'était  pas  soutenu  dans  ses  reven- 
dications par  le  clergé  paroissial.  Les  prêtres  en  résidence 
à  Nantes  et  dans  les  environs,  sous  la  conduite  de  Tabbé 
Delamare,  doyen  du  chapitre  et  doyen  d'âge  du  clergé, 
viennenl,  le  14  juin,  assurer  Ms'  de  Hercé  de  leur  attache- 
ment et  déposer  une  protestation  contre  les  allégations  du 
Ministère,  laquelle  est  signée  par  la  totaliié  des  507  prêtres 
du  diocèse. 


Le  marquis  de  Regnon,  toujours  plus  ardent,  fonde  le 
journal  hebdomadaire  La  liberté  comme  en  Belgique,  dont 
il  est  le  rédacteur  en  chef,  et  qui  est  lancé  le  30  janvier. 
Il  s'y  montre  catholique  intransigeant. 

Quelques  lignes  du  second  numéro  donnent  la  note  de 
son  opinion  :  «  Jamais,  dit-il,  la  religion  catholique,  qui  se 
»  dit  et  qui  est  la  seule  vérité,  ne  pourra  reconnaître  le 
»  principe  gouvernemental  de  l'égalité  des  cultes,  c'est-à-dire 
»  le  principe  de  l'indifférence  des  dogmes.  Comment  la 
'«  vérité  pourrait-elle  s'unir  intimement  à  un  gouvernement 
»  qui  protège  les  erreurs  de  toutes  sortes?  Comment  la 
«  lumière  ferait-elle  alliance  avec  les  ténèbres,  l'affirmation 
»  avec  la  négation,  la  logique  avec  l'absurde  ?  •» 

Le  journal  cesse  sa  publication  à  Nantes  en  décembre, 
mais  continue  de  paraître  à  Paris. 


LES  FÊTES  NATIONALES. 

Les  fêtrs  nationales,  dont  la  mort  du  duc  d'Orléans  avait 
rompu  la  tradition, sont  lelevées,  mais  léduites  à  un  modeste 
programme.  Le  samedi  ^11  juillet  a  lieu  le  service  funèbre  à  la 
Cathédrale.  Les  autorités  s'y  rendent  en  corps.  L'escorte 
d'honneur  est  formée  par  les  grenadiers  et  les  voltigeurs  du 
4*  bataillon  de  la  garde  nationale.  Une  salve  est  tirée  pendant  la 


81 

cérémonie.  —  Le  dimanche  28  juillet,  à  11  heures,  la  légion 
el  les  troupes  de  la  garnison  sont  passées  en  revue  sur  le 
cours.  Le  soir,  un  feu  d'artifice  est  tiré  sur  le  cours  Sainl- 
Pierre  el  les  édifices  publics  sont  illuminés.  Les  salves  tradi- 
tionnelles ont  lieu.  —  Le  mardi  30,  le  programme  se  borne 
à  une  distribution  de  pain  aux  indigents,  au  pavoisement 
des  navires  dans  le  port  et  aux  salves  réglementaires.  — 
La  population  reste  en  dehors  de  la  fête.  La  Bourse,  comme 
les  administrations,  ouvrent  leurs  portes  comme  d'habitude. 
Les  républicains  reprennent  les  traditions  du  programme 
primitif.  Us  se  rendent,  le  50  juillet,  en  pèlerinage  au  tom- 
beau de  Miséricorde.  Leur  nombre  atteint  1,200.  Le  soir, 
des  banquets  sont  tenus  par  eux  en  plusieurs  points  de  la 
ville.  

ÉLECTION  COMPLÉMENTAIRE  DE  SAVENAY. 

Le  collège  de  Saveiiay  est  convoqué,  le  14  septembre, 
pour  nommer  un  député,  en  reniplacement  de  Jollan,  démis- 
sionnaire. 

Les  inscrits  sont  au  nombre  de  3G4. 

Ternaux-Compans,  ancien  diplomate,  patronné  par  Jollan, 
est  le  candidat  de  l'opposition  constitutionnelle.  —  Les  légi- 
timistes ont  deux  candidats  :  De  Genoude,  rédacteur  en 
chef  de  la  Gazette  de  France,  et  Ernest  de  la  Rochelle.  — 
Dubois  (Aymé)  représente  la  nuance  Odilon-Barrot.  Enfin 
David  d'Angers  est  mis  en  avant  par  les  républicains. 

Deux  tours  de  scrutin  sont  nécessaires.  Après  le  1"  tour, 
de  la  Rochelle  se  retire.  Le  -i^  jour  de  scrutin,  les  candidats 
sont  invilés  à  venir  développer  leur  [)rogramme  dans  une 
réunion  qui  se  tient  chez  Pavec,  avoué,  et  puis  chaque 
électeur  va  déposer  son  bulletin. 

Ternaux-Compans  yempôrle  avec  145  voix.   De   Genoude 


82 

en    recueille    115    el    Dubois    (Ayraé)    10.    Il   y    avait 
^272  volants. 


Nos  députés  Bignon  et  Billaull,  au  début  de  la  session 
1844-1845,  reçoivent^de|leurs  collègues  une  nouvelle  preuve 
de  Taulorilé  et  de  la  confiance  qu'ils  ont  acquises. 

Bignon  est  nommé  2«  vice-président.  Le  1«'  vice-président 
de  Salvandy  n'oblieni  son  siège  que  grâce  au  bénéfice  d'âge. 
Il  ne  manque  que  quelques  voix  à  Billaull  pour  être  nommé 
4«  vice-président. 

DIVERS. 

La  Société  des  courses,  dans  son  rapport  annuel,  constate 
les  heureux  résultats  obtenus.  En  1835,  lorsque  les  courses 
furent  instituées,  il  n'y  avait  pas  un  seul  pur  sang  dans  le 
département.  Aujourd'hui,  le  nombre  de  ces  chevaux 
dépasse  50. 

La  3«  journée  de  courses,  le  1 1  août,  est  signalée  par  un 
pénible  accident.  Un  cheval,  après  s'être  débarrassé  de  son 
cavalier,  se  dérobe  et  blesse  six  personnes.  L'une  d'elles, 
meurt  du  tétanos. 


De  la  Rochejacquelein,  député  de  Pontivy,  l'un  des  quatre 
pèlerins  de  Belgnwe-Sqwire,  contre  lesquels  la  Chambre  a 
cru  émettre  un  vote  de  flétrissure,  passe  à  Nantes.  Ses  amis 
politiques  tiennent  à  lui  témoigner  toutes  leurs  sympathies. 
Un  banquet,  auquel  assistent  250  convives,  lui  est  offert. 
Foulon,  doyen  du  corps  médical,  le  préside.  Des  toasts  sont 
portés  par  de  Lancastel,  V*^  de  Cornulier,  Lemerle,  doyen 
du  barreau  ;  M'*  de  Regnon,  chevalier  de  Melienl,  M^»  de 
Monti.  

A  l'occasion  de  la  lôle  du   Roi,  Ferd.  Favre  est  promu 


88 

officier  de  la  légion  d'iionneur  ;  Julien,  proviseur  du  Lycée, 
el  Aug.  Jegou,  ingénieur  en  chef  des  ponls  et  chaussées, 
sont  nommés  chevaliers. 


Un  esturgeon,  pesant  100  kilos,  est  pris,  le  3  juillet,  près 
de  Bellevue,  à  4  ou  5  kilomètres  au-dessus  de  Nantes.  Il  est 
amené  à  la  Poissonnerie  pour  être  mis  sous  les  yeux  des 
curieux. 


SERVICES  PUBLICS. 

Une  ordonnance  royale  du  22  janvier  maintient  dans  ses 
fonctions  Desperrois,  colonel  de  la  garde  nationale,  et  nomme 
à  celles  de  lieutenant-colonel,  Mery,  chef  du  3«  bataillon. 
Le  Maire,  le  -25  février,  en  présence  des  autorités  civiles  et 
militaires,  procède,  sur  le  cours  Saint-Pierre,  à  la  reconnais- 
sance des  officiers  et  reçoit  leur  serment.  La  milice  citoyenne 
et  les  troupes  de  la  garnison  (11"  compagnie  de  canonniers 
sédentaires,  21«  léger  et  deux  escadrons  du  8«  chasseurs), 
sont  passées  en  revue  par  le  lieutenant-général. 


Le  Conseil  municipal  prend  une  décision  aux  termes  de 
laquelle  le  procès-verbal  ne  portera  pas  le  nom  des  conseil- 
lers qui  prennent  part  aux  délibérations,  en  vue  d'éviter  les 
critiques  trop  souvent  injustifiées  de  la  presse  quodidienne, 
et  dont  la  perspective  peut  gêner  la  liberté  d'action  des 
membres.  Il  ne  sera  fait  mention  au  procès-verbal  que  des 
noms  des  auteurs  de  propositions  ou  d'amendements. 


Un  arrêté  municipal  du  15  février  porte  création  d'une 
brigade  de  sûreté  qui  se  composera  d'un  brigadier,  trois 
garde-ville  et  un  trompette.  Elle  sera  chargée  de  la  recherche 
des  crimes  el  délits,  de  l'exécution  des  mandats  d'amener, 
de   l'arrestation   des    mendiants,   des   vagabonds,   des  filles 


84 

publiques,  de  la  surveillance  des  maisons  de  prostitution,  de 
prêter  son  concours  aux  antres  gardes  pour  les  patrouilles. 


Une  4«  salle  d'asile  est  inaugurée  le  "2  mai  dans  le  bâtiment 
communal  de  la  rue  du  Moulin. 


municipaux 
en  dale  du  : 


Les  deux  escadrons  du  8«  chasseurs,  qui  tiennent  garnison 
à  Nantes,  permutent  avec  ceux  qui  se  trouvent  à  Pontivy. 
Leur  effectif  comprend  7  officiers,  -251  hommes,  226  chevaux. 

Le  21  p'  léger  quitte  nos  murs  pour  aller  à  La  Rochelle. 
Le  5^  léger  vient  de  Versailles  pour  le  remplacer.  Au  moment 
de  ce  mouvement  de  troupes,  les  postes  du  Port-au-Viu  et 
de  la  Préfecture  sont,  pour  quelques  jours,  confiés  à  la 
garde  nationale. 

Arrêtés  4  avril.  —  Règlement  relatif  à  l'exercice  de  la  profession 
de  portefaix,  cubi-urs,  jaugeurs  et  mesureurs  jurés  ;  au 
mesurage  de  la  houille,  des  noirs  d'engrais  et  des  engrais  de 
toute  espèce. 

30  avril.  —  Règlement  relatif  au  dépôt,  transport,  char- 
gement el  déchargement  de  la  poudre  à  feu.  Lieux  de  dépôt: 
pour  les  transports  par  eau,  au  nord  de  la  prairie  de  la 
Madeleine,  en  face  du  quai  de  Richebourg  ;  pour  les  trans- 
ports par  terre,  dans  le  pré  Giffaull  attenant  au  moulin  de 
la  Sauzinière,  au  bord  de  la  route  de  Vannes. 

Cbumbre  Les  électious,  qui  ont  été  ajournées  en  1843,  ont  lieu  le 
''''  "26  janvier.  Sont  nommés  pour  trois  ans  :  de  Lancastel, 
Bonamy,  Lepertiere,  Queneau,  membres  sortants,  et  J.  Houx, 
qui  remplace  Garnier-llaranchipy.  Pour  deux  ans  :  Th. 
Bossis,  en  remplacement  de  Luther,  décédé,  faisant  partie 
de  la  2«  série.  Pour  un  an  :  V.  Talvande,  en  remplacement 
de  Th.  Chéguillaumc,  démissionnaire.  Bignon  et  J.  (louin 
sont  élus  président  et  vice-président  pour  la  cinquième  fois. 


85 

Monleix,  sccrélaire  Je  la  Cliaiiibre,  résigna  son  poste  pour 
cause  de  sanlé.  Une  relraile  de  1/200  tVancs  lui  est  accordéei 
U.  Lauriol,  membre  sorlanl  de  la  Gliambre,  est  nommé  pour 
le  remplacer.  Ses  appoiiilemenls  sont  thés  ii  4,000  el  il  peul 
continuer  son  travail  de  dispatcker.  —  La  Gliambre  est  saisie, 
par  Paul  Jollel  et  Collet,  d'un  projet  d'une  sorte  de  ponton 
à  vapeur  pour  le  remorquage  des  navires  ;  par  Peccot,  d'un 
projet  de  bassin  entre  l'île  Lemaire  .et  la  prairie  au  Duc. 
—  L'établissement  du  railway  et  de  la  grue,  dont  la  Chambre 
s'est  déjà  occupée,  est  ajourné.  —  On  décide  la  construction 
d'un  bangar  devant  les  Salorges  pour  mettre  les  marchandises 
à  l'abri.  —  La  promesse  d'un  concours  de  60,000  Ir. 
pour  la  création  de  l'école  des  mousses  est  retirée,  et  la 
nécessité  s'impose  de  réduire  à  de  plus  modestes  proportions 
le  programme  primitivement  élaboré.  —  Le  tarif  des 
opérations  de  courtage,  de  marchandises  et  d'assurances 
mâritmies  est  révisé.  —  La  Chambre  se  libère  envers  les 
vendeurs  de  la  cour  Tessier. 

Le  renouvellement  normal  de  la  Chambre  a  lieu  le 
14  octobre.  Sont  élus  pour  trois  ans  :  Bignon,  A.  Le  Cour, 
F.  Talvande,  membres  sortants  ;  P.~B.  Goullin  et  Hipp. 
Braheix.  Pour  un  an  :  Germeuil  Chauvei,  en  remplacement 
de  Ciret,  démissionnaire.  F.  Bignon  et  J.  Gouin  sont  main- 
tenus dans  leurs  fonctions  de  président  et  vice -président. 

Sont  nommés  juges  titulaires  :  J.  Fruchard,  ancien  juge; 
P.  Roy  et  Ad.  Le  Cour,  juges-suppléants  sortants.  Ces  deux 
derniers  sont  remplacés  par  Ad.  Desloges  et  J.-B.   Etienne. 

Sont  nommés   directeurs  :   H.  Bourcard,  Carmichaël,  M. 

'  Laënnec.  -Les  versements  ne   s'élèvent   qu'à    1.631,816    fr. 

Les  remboursements  atteignent   1,294,60i  fr.    Le  solde  dû 

aux   9,-256   porteurs  de    livrets   est  de    6,838,115    fr.    La 


86 

moyenne  du  livret  monle  'l\  7S8  fr.  77  c  C'est  la  plus  haute 
qui  ait  été  oi)lenue  jusqu'à  ce  jour  (i). 

Bureau        Lcs  inoudations  occasionnent  un  surcroît  de  dépenses  qui 
^^'       force  le  Conseil  à   vendre  un  titre  de  605  fr.  de  rente.  Les 
'  recettes  s'élèvent  îi  104,511  fr.;   les  dépenses  à  100,044  fr. 
Les  dames  de  charité  sont  réparties  en  18  sections. 

Budget        Les   prévisions    budgétaires    pour    1844    atteignent    en 

municipal,  recettcs  1,664,500  fr.  56  c.   et  en   dépenses   1,664,474  fr. 

70  c,  d'où  un  excédent  de  "25,83.  L'octroi  donne  un  produit 

brut  de    1,1 41,78 i   fr.  en    diminution   sur  celui  des  trois 

dernières  années. 

ENSEIGNEMENT.    -  PUBLICATIONS. 

L'Ecole  de  Médecine  est  définitivement  constituée  en  écale 
préparatoire.  Elle  compte  134  élèves. 

—  Monseigneur  de  Hercé  bénit  la  chapelle  du  pensionnat 
des  Frères  de  Bel-Air. 

—  Les  notaires  mettent  à  la  disposition  du  professeur 
Mousnier  leur  salle  de  réunion  pour  y  donner  un  cours  de 
droit  appliqué  au  notarial. 

—  Wautier  d'Halluin  continue  son  cours  d'histoire 
universelle,  et  Duquesnois,  ses  séances  littéraires. 

—  Levy,  ministre  du  culte  Israélite,  donne  des  leçons 
d'hébreu. 

—  L'école  municipale  de  dessin  quitte  la  rue  du  Calvaire  • 
pour  s'installer   dans    l'immeuble    communal   de  la  rue  du 
Mouhn. 

—  Le  Conservatoire  de  musique,  fondé   par  Bressler,  est  • 
inauguré  le  10  décembre,  par  une  matinée  musicale  donnée 

(1)  Cette  moyenne  n'a  pas  été  dépassée  dans  la  suite. 


87 

dans  son  local  de  la  place  de  la  Monnaie,   devant  un  nom- 
breux public  d'amaleurs. 


Une  pélilion  contre  rarmemenl  des  loris  détachés  de 
Paris,  dont  Le  National  de  l'Ouest  a  pris  l'inillative,  est 
adressée  à  Lamartine,  pour  être  déposée  sur  le  bureau  de  la 
Chambre.  Elle  est  couverte  de  800  signatures. 


La  presse  d'opposition,  pour  prolester  contre  le  désaveu 
inifligé  à  l'amiral  Dupetit-Thouars  dans  la  question  des  îles 
Tahili,  ouvre  une  souscription  pour  lui  offrir  une  épée 
d'honneur.  Le  National  de  l'Ouest  et  Vtiermine  prennent 
part  à  celte  souscription. 


L'Hermine  déploie  un  grand  zèle  comme  les  années 
précédentes  pour  venir  en  aide  aux  réfugiés  espagnols.  Une 
adresse  des  catholiques  français  'a  O'Gonnell,  libérateur  de 
l'h'lande,  se  signe  dans  ses  bureaux.  Elle  ouvre  ses  colonnes 
sur  l'appel  du  prince  de  Montmorency  h  une  souscription  en 
faveur  d'une  association  dite  de  Sainl-Louis,  pour  secourir 
les  infortunes  royalistes. 


La  société  V.  Mangin  et  W.  Busseuil,  formée  le  5  juin 
1833,  est  dissoute  h  partir  du  '24  juin  1844.  V.  Mangin  reste 
propriétaire  du  National  de  l'Ouest  el  du  litre  de  Vlmpri- 
merie  du  Commerce.  Il  s'installe  rue  Neuve-des-Gapucins, 
10  et  quai  Fosse,  25.  W.  Busseuil  a  en  partage  le  Lloyd 
nantais  et  le  prix  légal  des  courtiers.  Il  conserve  les 
bureaux  et  le  matériel  de  l'imprimerie  de  l'ancienne  société, 
rue  Sanleuil,  8. 

Cette  dissolution  donne  naissance  à  deux  nouvelles  feuilles 
périodiques.  W.  Busseuil  transforme  le  Lloyd  en  un  journal 
politique  et  commercial,  le  Courrier  de  Nantes,  qui  paraît 


88 

le  15  iioûl,  et  dont  la  ligne  polilique  est  celle  du  centre 
gauche.  —  Le  Phare  de  la  Loire  est  fondé  par  V.  Mangin. 
Ce  jourijal  ne  doit  contenir  aucun  article  politique.  Il 
s'occupera  exclusivement  des  questions  commerciales  et 
maritimes,  et  porte  comme  sous-titre  :  Bulletin  commercial 
et  maritime  de  la  petite  bourse  de  Nantes.  Il  doit,  en 
effet,  paraître  pour  l'heure  de  la  bourse  du  matin.  Le  [)remier 
numéro  est  mis  en  vente  le  26  août. 

Le  docteur  Perrussel  publie  ï Observateur  homéopathe, 
revue  hebdomadaire. 


Le  National  de  l'Ouest  publie  une  série  iParlicles  sous 
ce  titre:  Richesses  matérielles  du  Clergé.  Il  passe  en  revue, 
canton  par  canton,  tous  les  établissemenls  religieux  de  la 
ville  :  églises,  chapelles,  couvents,  écoles  et  maisons  d'édu- 
cation ;  il  en  compte  4"i  et  en  porte  l'estimation  à  environ 
douze  milHons. 

Le  dernier  article  :  Considérations  générales,  attire 
l'attention  du  Parquet,  qui  y  relève  trois  délits  :  insultes  à  la 
religion  catholique,  excitation  à  la  haine  des  citoyens  les  uns 
contre  les  autres,  atteinte  à  la  paix  publiijue.  V»"^  iMangin 
est  assigné  à  comparaître  devant  les  assises  de  décembre. 
Le  procureur  général  Plougoulm  vient  soutenir  l'accusation. 
Ev.  Golombel  défend  le  journal.  Le  Jury  prononce  son 
acquittement. 

Le  journal  VHermine  s'en  tire  moins  bien.  Il  comparaît 
aux  mêmes  assises.  Six  chefs  d'accusation  sont  relevés  contre 
lui  :  excitation  des  citoyens  à  s'armer  contre  l'autorité 
royale,  excitation  à  la  haine  du  Gouvernement,  adhésion  à 
une  autre  forme  de  Gouvernement,  attaque  contre  le  respect 
dû  aux  lois  ;  attaque  contre  les  droits  que  le  Koi  tient  de  la 
nation,   attaque   contre  l'autorité   constitutionnelle  du  Hoi. 


89 

Comme  Bcrryer,  le  défenseur  du  journal,  est  retenu  à 
Poitiers,  une  remise  de  l'affaire  est  demandée.  La  Cour 
passe  outre.  Le  journal  fait  défaut  et  il  est  condamné 
à  3  mois  de  prison  et  3,000  fr.  d'amende.  Le  défaut 
est  relevé  au  cours  de  la  session.  Malgré  une  brillante  plai- 
doirie de  Berryer,  le  Jury  se  prononce  pour  les  trois  premiers 
chefs  d'accusation.  Le  gérant  est  condamné  à  3  mois  de 
prison  et  1,000  fr.  d'amende. 


La  Loire  historique,  de  Touchard-Lafosse,  ainsi  que 
L'Histoire  de  la  ville  et  du  comté  de  Nantes,  par  Travers, 
arrivent  au  terme  de  leur  publication. 

AGRICULTURE,    COMMERCE,    INDUSTRIE. 

Le  Comice  agricole  fait  procéder,  dans  rétablissement  de 
roulage  de  Mazier- Verrier,  rue  Mercœur,  à  l'essai  d'un 
rouleau,  dit  hérisson,  pour  le  hallage  des  grains. 

—  Le  Préfet,  dans  son  rapport  au  Conseil  général,  signale 
l'existence  de  H  Comices  agricoles. 

—  Le  Comice  central  tient,  le  5  septembre,  son  concours 
annuel  sur  la  route  de  Vannes,  près  l'avenue  de  Carcouet. 
Le  Préfet,  le  Maire  y  assistent.  La  musique  du  régiment 
prête  son  concours. 

Un  Comice  est  fondé  à  Machecoul.  —  Le  concours  de 
Nozay-Derval  se  termine  par  des  courses  au  galop,  au  trot, 
en  tilbury,  avec  sauts  de  barrières,  puis  par  un  banquet,  un 
bal,  une  loterie  pour  les  pauvres.  —  Au  concours  du  Comice 
de  Guémené-Blain,  il  y  a  banquet,  bal,  chasse  au  loup.  — 
Le  concours  du  Comice  de  Carquefou  est  tenu  à  Sainte-Luce. 
—  Le  concours  du  6»  canton  de  Nantes  est  présidé  par 
Hervouet,  juge  de  paix  du  canton. 


Blé:    oscille  entre  -il   et  19  fr.  avant  la  récolle.    A  ce 

7 


90 

inomeiil  jusqu'à  la  fin  de  Tannée,  il  varie  entre  18  el  19  l'r. 
~  Le  seigle  débute  à  14  fr.  70  c;  il  baisse,  arrive  en 
octobre  à  11  fr.  85  c,  pour  se  relever  ensuite  et  atteindre 
13  fr.  50  c.  —  L'orge  est  en  baisse  continue,  elle  tombe  de 
13  fr.  à  10  fr.  -  Le  blé  noir  débute  à  9  fr.  70  c.  el  finit 
à  7  fr.  65  c,  ayant  eu  comme  maximum  12  fr.  05  c.  en 
juin.  —  Le  maïs  atteint  \1  fr.  en  juin  et  finit  comme  il  a 
commencé,  au  prix  de  9  fr.  75  c.  —  L'avoine  présente  un 
maximum  de  9  fr.  50  c.  en  avril  ;  elle  commence  h  8  fr.  50  c. 
et  finit  à  8  fr. 


Pain  blanc  :  en  janvier,  0  fr.  40  c;  en  mai,  0  fr.  41-25 
(maximum)  ;  en  décembre,  0  fr.  375  le  kilo.  —  Pain  bate- 
lier aux  mêmes  époques  :  0  fr.  80  c,  0  fr.  3125  (maxi- 
mum), ('  fr.  275  c.  —  Pain  méleil:  0  fr.  225,  0  fr.  2375 
(maximum),  0  fr.  20  c. 


Vins  :    muscadets  :  48  à  45  fr.  ;   gros-plants  :  25  à  22  fr. 


Les  fabricants  de  conserves  sont  vivement  impressionnés 
par  un  jugement  du  Tribunal  du  Havre.  Ce  Tribunal,  en 
vertu  de  la  loi  sur  la  chasse,  condamne  des  détenteurs  de 
conserves  de  gibier  fabriquées  par  une  maison  de  Nantes. 
La  Cour  de  Rouen  réforme  ce  jugement.  Le  Procureur 
général  se  pourvoit  en  cassation.  Il  n'obtient  pas  gain  de 
cause.  La  Chambre  de  Commerce  porte  ces  faits  à  la  con- 
naissance du  Ministre  et  montre  tout  le  préjudice  que  cette 
application  abusive  de  la  loi  sur  la  chasse  peut  causer  à 
notre  industrie  des  conserves. 


Les  négociants  nantais  avaient  pris,  de  temps  immémo- 
rial, l'habitude  de  tenir  tous  k^s  malins  une  petite  bourse 
sur  la  Fosse,   vis-à-vis  l'hôtel  de  la  Douane.  Ils  entravaient 


91 

ainsi  la  circulation  ei  tous  les  efforts  tentés  par  les  sergents 
de  ville  pour  les  empêcher  de  stationner  étaient  restés 
inutiles.  La  police  veut  avoir  le  dernier  mot.  Un  commis- 
saire, un  beau  jour,  se  présente  et,  sur  le  refus  de  circuler 
qui  lui  est  opposé,  procède  à  une  quarantaine  d'arrestations. 
Le  Maire,  de  son  côté,  prend  un  arrêté  interdisant  tout 
stationnement  en  cet  endroit. 


Le  Gouvernement  anglais  avait  formé  opposition  au  juge- 
ment du  Tribunal  de  Gayenne  qui  condamnait  le  capitaine 
de  la  corvette  La  Rose  à  une  indemnité  envers  l'armateur 
du  Marabout.  Il  paraît  consentir  à  s'exécuter.  Un  navire 
amène  à  Cayenne  des  jurisconsultes  anglais  pour  terminer 
l'affaire. 

L'introduction  des  bouilles  anglaises  augmente  dans  de 
grandes  proportions.  De  1,100  tonnes  en  1834,  elle  est 
montée  à  plus  de  36,000  tonnes  en  1841  et  43,000  en  184'2. 
La  situation  est  très  lourde  pour  les  industries  nantaises, 
surtout  depuis  qu'un  droit,  à  la  sortie  d'Angleterre,  de 
2  fr.  60  c.  par  tonne  est  venu  s'ajouter  au  droit  de  5  fr.  50  c. 
perçu  par  la  douane  française.  La  Commission  nantaise  des 
houilles,  pour  la  huitième  fois  depuis  neuf  ans,  adresse  une 
nouvelle  pétition  pour  obtenir  une  réduction  du  droit  de 
douane. 

Harmange  continue  ses  importations  de  guano.  Gel  engrais 
commence  à  devenir  un  élément  important  de  trafic,  et  une 
ordonnance  du  3  septembre  le  frappe  d'un  droit  d'entrée  de 
0  fr.  10  par  navire  français  et  ^  fr-  par  navire  étranger.  On 
en  trouve  le  placement  au  prix  de  '25  fr.  les  100  kilos.  Le 
Conseil  général  invite  le  Gouvernement  à  prendre  des  rensei- 
gnements sur  la  véritable  valeur  de  cet  engrais,  le  premier 
qui  soit  tiré  des  pays  d'outre-mer. 


9^ 

Duflos  el  Serpelle,  originaires  d'Amiens,  monlenl,  rue  de 
i'Enlrepôl,  une  savonnerie.  —  Lolz  aîné  transporte  ses 
ateliers  de  mécanique  de  la  rue  Deshoulières  à  la  prairie 
au.  Duc  —  Sainl-Omer  et  Barré  quittent  leur  raffinerie  de 
Ricliebourg  pour  venir  travailler  dans  l'ancienne  raffinerie 
Rissel  rue  de  la  Brasserie.  Ils  forment  une  société  au  capital 
de  1,^200,000  fr.  par  actions  de  5,000  fr.  —  L'industrie 
du  raffinage  compte  huit  établissements  produisant  10,000 
tonnes  de  sucre  raffiné  et  occupant  350  à  380  ouvriers.  — 
Trumelle  el  Kocli  monlenl,  sur  la  prairie  au  Duc,  un  fourneau 
Wilkinson  et  un  four  à  coke.  —  Gâche  continue  à  recevoir 
de  nombreuses  commandes,  il  étudie  un  ch(;valeur  à  vapeur 
pour  améliorer  les  passes  de  la  haute  Loire.  Il  obtient 
l'entrée  en  franchise  de  ses  machines  sur  le  territoire 
autrichien. 

~  La  société  F'*^  Bertrand,  Gh.-G.  Philippe  el  Canaud 
(conserves  alimentaires)  se  dissout  par  suite  de  la  retraite 
de  Bertrand.  La  société  se  reforme  sous  la  raison  Gh.-G. 
Philippe  el  Canaud  au  capital  de  200,000  fr.  dont  66,000  fr. 
fournis  par  un  commanditaire. 

—  La  société  Millet  el  Romienel  (conserves  alimentaires) 
se  transforme  en  la  société  Rondenet  et  Bonnefin,  capital 
200,000  fr. 

Les  Inexplosibles  ont  des  départs  journaliers  pour  Angers, 
Saumur,  Châlelleraull ,  Tours,  Blois,  Orléans,  Nevers, 
Moulins,  Digoin.  —  Les  paquebots  de  la  Loire  remontent 
de  Nantes  à  Orléans  en  40  heures.  Us  établissent  une  corres- 
pondance avec  Vlnexplosible  de  Ghâlelleraull,  et  transporlenl 
à  Nantes  les  voyageurs  de  cette  ville  dans  la  journée  — 
L'entreprise  de  remorquage  Morel  et  G*'  correspond  avec  la 
(jompagnie  des  transports  accélérés  d'Orléans  {\  Roanne 
el  à  Lyon. 

Le  service  sur  Bordeauï  est  assuré  par  six  départs  par 


98 

mois.  Lu  traversée  ne  demande  que  24  heures.  —  Un 
nouveau  bateau,  La  Reine,  dessein  Belle-Ile,  Lorient,  Brest. 
Il  met  19  heures  pour  aller  i\  Brest,  soit  13  heures  de  moins 
que  le  courrier  de  terre.  Ce  service  a  pour  objet  l'approvi- 
sionnement des  côtes  de  Bretagne  en  denrées  coloniales 
importées  par  nos  négociants,  et  concurrencer  les  bateaux 
du  Havre  qui  se  livrent  au  même  commerce. 

MONUMENTS  ET  VOIRIE. 

L'enquête  relative  h  la  construction  du  palais  de  justice, 
de  la  gendarmerie  et  des  prisons  à  la  tenue  Rruneau  ne 
donne  lieu  à  aucune  réclamation  sérieuse.  Le  sous-sol  est 
reconnu  offrir  toutes  les  garanties.  Le  Conseil  des  bâtiments 
civils  approuve  les  plans.  Les  Chambres  votent  l'emprunt  de 
la  somme  demandée  pour  la  construction. 


Rien  n'est  encore  décidé  au  sujet  de  l'emplacement  pour  la 
construction  de  l'Hôtel-Dieu.  Le  Conseil  municipal,  sur  la 
proposition  de  la  Commission  spéciale,  repousse  l'emplace- 
ment de  la  rue  de  la  Bastille,  celui  de  la  prairie  de  la  Made- 
leine, et  se  prononce  pour  la  prairie  au  Duc. 


Le  chœur  de  Saint-Nicolas  se  construit.  L'architecte 
Lassus  reconnaît  la  nécessité  d'augmenter  l'épaisseur  des 
murs  et,  par  là  même,  d'empiéter  sur  le  sol  des  rues  laté- 
rales. Le  Conseil  municipal  donne  son  approbation  à  ces 
modifications  du  plan  primitif.  La  pose  de  la  première  pierre 
a  lieu  le  1"  août.  Une  médaille  comraémorative  en  bronze 
est  frappée  à  celte  occasion.  Les  terres  provenant  des  exca- 
vations pour  aplanir  le  sol  sont  employées  à  la  plantation 
des  arbres  du  quai  de  Richebourg. 


Seheull  et  Chenantais  sont  chargés  de  la  reconstruction 


94 

de  l'église  de  Notre-Daine-de-Bon-Porl.   Leur   plan  reçoit 
l'approbation  du  Conseil  municipal. 


M8'  de  Hercé  propose  au  Préfet  la  création  d'une  succur- 
sale dans  le  quartier  de  l'Hermitage,  dont  la  population  est 
desservie  par  le  clergé  de  Chanlenay.  Le  Préfet  transmet  au 
Conseil  municipal  le  plan  de  l'église  et  le  tracé  des  rues  qui 
doivent  y  aboutir.  Ce  projet,  conçu  par  Seheult  et  Chenan- 
lais,  reçoit  l'approbation  du  Conseil,  mais  sous  la  condition 
que  la  ville  n'entrera  dans  aucuns  frais,  et  que  les  voies 
publiques  figurant  au  projet  lui  seront  livrées  conformément 
au  plan  de  nivellement  dressé  par  l'architecte  voyer. 


Les  travaux  de  la  Cathédrale  avancent.  L'édification  du 
bras  nord  de  la  croix  se  poursuit  conformément  au  plan  de 
1838,  et  l'on  se  dispose  à  construire  un  mur  de  2  mètres 
d'épaisseur  qui  doit  terminer  le  chœur  roman.  Malgré  les 
efforts  de  Seheult  qui,  se  basant  sur  les  vestiges  d'anciennes 
fondations,  avait  démontré  que  l'édifice  avait  été  conçu  sur 
un  plan  beaucoup  plus  grandiose,  le  Ministère,  par  raison 
d'économie,  s'était  arrêté  à  celte  solution.  Ms'  de  Hercé,  à  la 
pensée  que  la  construction  de  cette  épaisse  muraille  rendra 
impossible  tout  agrandissement  ultérieur  et  condamnera 
le  monument  à  rester  indéfiniment  inachevé,  veut  tout  tenter 
pour  empêcher  l'exécution  du  plan  arrêté.  Le  pair  de  France 
Maurice  Duval,  ancien  préfet,  et  Bignon  multiplient  leurs 
démarches  et  obtiennent  que  le  plan  adopté  soit  annulé.  Le 
Ministre  donne  des  instructions  pour  qu'un  projet  soit  établi 
d'après  les  indications  autrcihent  grandioses  du  [)lan  ancien, 
et  un  devis  en  est  dressé  le  30  juin. 


Le  dimanche  ^25   février.   M»'  de  Hercé  bénit  l'église    de 


95 

Sainl-Félix  et  installe  comme  curé    l'abbé  Bruneau,  vicaire 
de  Saint-Similien. 


L'église  de  la  Madeleine  est   inaugurée  le  10  mars.  Le 
quartier  est  en  ce  moment  couvert  par  les  inondations. 


Le  Conseil  municipal  ne  peut  arriver  à  s'entendre  avec  le 
Ministre  de  la  Guerre  au  sujet  de  la  construction  de  la 
caserne  de  cavalerie  et  finit  par  refuser  toute  participation. 
Il  estime  que  le  Gouvernement  ne  peut  se  dispenser  de  mettre 
une  garnison  de  cavalerie  a  Nantes,  et  espère  qu'il  prendra  à 
sa  charge  toute  la  dépense. 


La  Commission  du  monument  Cambronne  est  à  la  recher- 
che d'un  emplacement  convenable.  Après  avoir  pensé  succes- 
sivement à  la  place  Royale,  à  la  place  Graslin,  à  la  place 
Launay,  elle  se  décide  pour  le  cours  Henri  IV,  mais  à  la 
condition  que  les  arbres  soient  abattus  et  que  la  promenade 
soit  l'objet  de  quelque  embellissement. 


L'ouverture  de  la  rue  Descartes  est  résolue.  —  Six  rues 
nouvelles  sont  tracées  dans  la  prairie  au  Duc.  —  Une  maison 
se  construit  rue  du  Calvaire  sur  l'emplacement  de  Riquiqm. 

—  La  petite  rue  de  Launay  est  élargie  à  10  mètres.  —  La 
rue  Daubenton  est  prolongée  jusqu'aux  rues  Rollin  et  Fulton. 

—  Le  quai  de  la  Maison-Rouge  se  termine.  —  L'ouverture 
d'une  avenue  entre  les  routes  de  Vannes  et  de  Rennes,  ii 
travers  la  Sauzinière,  est  décidée. 


Les  dragages  opérés  dans  la  Loire  maritime  ont  donne 
des  résultats  sérieux.  Le  rapport  de  l'Ingénieur  en  chef  au 
Conseil  général  constate  que  la  Loire  présente  jusqu'à 
Nantes  aux  marées  de  vives  eaux  un  tirant  d'eau  de  4  mètres. 


96 

La  situation  n'est  pas  aussi  satisfaisante  pour  la  partie  du 
fleuve  en  amont  de  la  ville.  Il  n'y  a  au-dessus  de  Nantes 
que  O^iBO  de  profondeur,  et,  pour  obtenir  0^,80  entre  Nantes 
et  l'embouchure  de  la  Maine,  il  a  fallu  de  grands  efforts.  Les 
dragages  à  bras  d'iiomme  qui  y  ont  été  pratiqués  sont 
regardés  comme  absolument  insuffisants,  et  l'Administration 
étudie  pour  cette  section  l'emploi  de  moyens  mécaniques. 

La  Chambre  de  Commerce  adresse  ses  plaintes  au  sujet 
des  droits  de  péage  du  canal  de  Nantes  à  Brest.  Ces  droits, 
bien  qu'ils  ne  soient  pas  portés  au  maximum  autorisé  par  la 
concession,  sont  encore  trop  lourds.  Ils  entrent  pour  un  tiers 
et  même  pour  moitié  dans  la  totalité  des  frais  de  transport. 
La  Chambre  demande  le  rachat  des  canaux  par  l'Etat. 

CONCERTS,    GRAND-THÉATRE. 

En  mars  :  J.  Concone,  maître  de  chapelle  du  roi  de 
Sardaigne,  concert  historique,  musique  du  XVI»,  XVII«  et 
XVIII»  siècle,  et  musique  moderne.  —  En  août  :  Emile  Prudent, 
pianiste,  et  M™»  Sabatier.  Septembre  :  dans  les  salons  Lété, 
M'^*'  J.  Martin.  —  Octobre  :  Hurteaux. 


Grand-  Le  directeur  Vautrin  fait  connaître  plusieurs  œuvres 
Théâtre,  nouvelles.  Le  Stabat  mater,  de  Rossini  ;  les  Martyrs,  de 
Donizetti  ;  Lucrèce,  de  Ponsard. 
La  campagne  est  terminée  le  30  avril  et  la  salle  est  livrée  aux 
ouvriers  pour  y  pratiquer  des  aménagements  nouveaux.  Le 
nombre  des  places  est  augmenté  aux  premières,  aux  secondes 
et  aux  troisièmes  ;  la  salle  est  en  même  temps  l'objet  de 
quelques  restaurations  et  embellissements.  La  subvention  est 
réduite  a  10,000  fr.  pour  les  six  mois  (de  novembre  'a  avril) 
dont  se  composera  la  campagne  1844-1845.  On  trouve 
difficilement  un  directeur  et,  au  dernier  moment,  la  ville 
met  la  main  sur  Tilly,  ancien   artiste  de  l'Opéra-Comique. 


97 

Celle  campagne  est  marquée  par  une  innovalion.  L'Admi- 
nislration,  jusqu'à  ce  jour,  s'inspiranl  de  l'accueil  fail  aux 
arlisles,  lors  de  leurs  débuis,  par  le  public,  prononçait  sur 
leur  admission  ou  sur  le  rejet.  Elle  renonce  à  celle  proroga- 
tion et  décide  que,  dorénavant,  le  sort  •  des  arlisles  sera 
réglé  par  un  vole  des  abonnés  et  de  quarante  speclaleurs 
du  parterre  «  qui,  toujours,  dit  l'arrêté,  a  été  considéré 
»  comme  le  juge  naturel  des  acteurs  ».  Le  public,  par 
contre,  ne  peut,  au  cours  des  débuis,  se  livrer  à  aucune 
marque  d'approbation  ou  de  désapprobalion.  Ces  dispositions 
nouvelles  ne  soulèvent  aucun  incident. 


Le  théâtre  des  Variétés  ouvre  ses  portes  pendant  le 
chômage  du  Grand-Théâlre.  Dejazet  vient  s'y  faire  applaudir 
à  deux  reprises,  du  ^25  juillet  au  19  août,  puis  du  20  septembre 
au  7  novembre. 


La  troupe  équestre  Franconi  frères  el  Bastien  donne  des 
représenlations  dans   une  case  sur  la  place  Bretagne. 

Un  petit  théâtre  s'installe  dans  la  galerie  basse  du  passage 
Pommeraye. 


Année    1845. 

Rixe  enire   compagnons  et  ouvriers.  —  Le  chemin  de  fer.   —  L'emplacement  de  la 
gare.  —    Le   bassin  de   Samt-Nazaire.   —i  Congrès  de  l'Association   bretonne.  — 
Fondation  de  la  Sociélé  archéologique.  —  Garde  nationale.  —  Divers.  —  Services 
publics.  —  Enseigiiemtnt.  —  l'ublications.  —  Agriculture.  —  Commerce  et  indus- 
trie.—  Bateaux  à  vapeur.  —  Monuments  et  voirie.  —  Concerts,  Bals,  Théâtre. 

RIXE    ENTRE    COMPAGNONS    ET    OUVRIERS. 

Les  compagnons  et  ouvriers  en  venaient  fréquemment  aux 
mains  pour  les  motifs  les  plus  futiles. 

La  fêle  de  Saint -Honoré,  que  les  compagnons  boulangers 
célèbrent  pour  la  première  fois,  est  signalée  par  une  véritable 
bataille.  Les  compagnons  boulangers  se  rendent  à  la  Cathé- 
drale, précédés  par  une  escouade  de  sergents  de  ville.  Ils  ne 
portent  aucun  insigne,  conformément  aux  instructions -du 
Maire,  mais  ils  ont  des  cannes.  Dans  la  Haute-Grande-Rue, 
ils  sont  insultés  par  des  ouvriers  des  autres  corporations  qui 
leur  crient  :  A  bas  les  cannes  !  Des  invectives  on  en  vient 
aux  coups,  et  une  mêlée  générale  s'engage.  Les  sergents  de 
ville  sont  impuissants  à  rétablir  l'ordre.  Les  boutiques  se 
ferment.  C'est  une  panique  générale.  L'intervenlion  des 
gendarmes  et  d'un  piquet  de  ligne  met  tîn  à  la  bataille.  Il 
est  procédé  k  27  arrestations.  18  ouvriers  ou  compagnons 
passent  en  police  correctionnelle  ;  ils  sont  tous  condamnés  ^ 
l'amende  et  ^  une  peine  de  un  ^  quatre  mois  de  prison.  Des 
mesures  militaires  son!  [irises  en  vue  d'empêcher,  le  jour  du 
jugement,  tout  mouvement  populaire.  Le  Maire  prend  un 
arrêté  sévère  interdisant  toute  manifestation  compagnonnique 
sur  la  voie  publique. 


99 


LE    CHEMIN    DE    FER. 


La  loi  rendue  en  1844  n'avail  que  décidé  le  principe  el 
arrêté  le  (racé  de  la  ligne  de  Tours  à  Nantes. 

Une  nouvelle  loi,  en  date  du  20  juillet  1845,  vient  achever 
l'œuvre  et  détermine  les  conditions  de  la  concession. 

Neuf  sociétés  se  forment  successivement  en  vue  de 
soumissionner.  Elles  ne  tardent  pas  h  fusionner,  et,  au  jour 
de  l'adjudication, 'le  25  novembre,  deux  Compagnies  sont 
seulement  en  présence  :  la  compagnie  Mackensie  el  la 
compagnie  des  Maîtres  de  Poste. 

Le  rabais  des  soumissions  devait  porter  sur  une  réduction 
de  durée  de  l'exploitation.  Cette  durée  était  fixée  à  35  ans. 

La  compagnie  Mackensie  propose  un  rabais  de  350  jours. 
L'autre  compagnieijs'en  tient  au  terme  de  35  ans. 

La  compagnie  Mackensie  est  déclarée  adjudicataire.  Elle 
compte  parmi  ses  administrateurs  Maës  et  de  Lancaslel. 

Une  ordonnance  royale  du  28  novembre  homologue  les 
résultats  de  l'adjudication. 

L'EMPLACEMENT  DE  LA  GARE. 

L'enquête  relative  au  choix  de  l'emplacement  de  la  gare 
est  ouverte  le  28  août. 

Trois  emplacements  sont  proposés  :  l'Entrepôt,  la  prairie 
au  Duc,  la  prairie  de  Mauves. 

Dans  le  projet  de  VEntrepôt,  la  ligne,  arrivée  au  Blotte- 
reau,  se  dirige  vers  le  nord,  traverse  la  route  de  Paris,  puis 
franchit  l'Erdre  sur  un  pont  de  neuf  arches.  Au  chemin  du 
(h'oisic,  elle  passe  dans  un  tunel  de  660  mètres  de  longueur, 
lequel  se  dirige  vers  l'ouest  et  débouche  au  Douet-Garnier. 
La  ligne,  à  cet  endroit,  s'infléchit  vers  le  sud  et  atteint  la 
Fosse  a  la  maison  Chaurand,    aux  environs   de   laquelle   la 


100 

gare  doit  être  conslniile.  Le  devis  des  dépenses  s'élève  à 
6,550,000  fr. 

Le  projet  de  la  prairie  au  Duc  présente  le  tracé  suivant: 
La  ligne  quitte  la  prairie  de  Mauves  pour  franchir  la  Loire  à 
l'île  Beaulieu,  snr  un  pont  de  290  mètres  de  longueur, 
coupe  la  chaussée  des  Ponts  à  la  boire  de  Toussaint  et  se 
termine  à  la  prairie  au  Duc.  La  gare  doit  être  construite  en 
face  de  la  rue  de  Flandres,  à  proximité  des  docks  et  bassins 
projetés.  Les  dépenses  sont  évaluées  à  6,360,000  fr. 

Le  projet  de  la  gare  à  la  prairie  de  Mauves  offre  une 
grande  économie.  Il  ne  coûterait  que  3,090,000  fr. 

La  population  est  très  hésitante  ;  toutefois,  le  projet  de 
VEntrepôt  est  le  moins  en  faveur.  La  presse  prend  position. 
Le  Breton  donne  ses  préférences  à  la  prairie  de  Mauves. 
Le  Courrier  de  Nantes  se  prononce  pour  la  prairie  au 
Duc.  Le  National  de  l'Ouest,  par  la  plume  de  Guépin, 
propose,  comme  quatrième  solution,  l'emplacement  de 
VHôtel-DieUj  dont  la  reconstruction  semble  devoir,  pour  le 
moment,  s'exécuter  sur  un  autre  point  de  la  ville. 

Les  Angevins  interviennent  dans  le  débat  et  écartent  le 
projet  de  VEntrepôt. 

Le  Conseil  général,  dans  sa  séance  du  l^""  septembre, 
adopte,  c»  une  grande  majorité,  le  projet  de  la  prairie  de 
Mauves,  mais  sous  la  condition  que  la  gare  soit  mise  en 
relations  avec  le  pori,  soit  à  la  Fosse  par  l'addition  de  rails 
noyés  dans  le  pavé,  soit  à  la  prairie  au  Duc  par  un  prolon- 
gement de  la  ligne. 

La  Chambre  de  Commerce  consacre  plusieurs  longues 
séances  à  l'élude  de  la  question.  Le  4  octobre,  elle  prend 
une  résolution.  La  gare  k  la  prairie  de  Mauves  est  votée  par 
8  voix  contre  5.  Ces  dernières  se  décomposent  ainsi  : 
3,  pour  la  prairie  au  Duc;  1,  pour  l'Entrepôt;  1,  pour 
l'Hôtel-Dieu. 


101 

Le  Conseil  municipal,  dans  sa  séance  du  30  octobre,  après 
de  laborieux  débals,  fixe  son  choix.  Les  trois  projets  sont 
successivement  mis  aux  voix.  VEntrepôt  est  rejeté  h  l'una- 
nimité. La  prairie  au  Duc  est  repoussée  par  i^l  voix  contre 
3.  La  prairie  de  Mauves  est  adoptée  par  2^2  voix  contre  3, 
mais  à  la  condition  expresse  qu'une  voie  ferrée,  à  traction 
de  chevaux,  destinée  à  desservir  les  quais  de  la  Fosse,  fasse 
partie  intégrante  du  projet. 

C'est  également  la  prairie  de  Mauves  qui  est  demandée 
par  la  presque  totalité  des  dépositions  reçues  à  l'enquête. 
La  prairie  au  Duc  ne  recueille  que  quelques  suffrages. 
Personne  ne  demande  la  gare'  à  VEntrepôt.  La  grande 
faveur,  dont  la  prairie  de  Mauves  est  l'objet,  s'explique  faci- 
lement. Les  propriétaires  n'ont  pas  à  craindre  une  dépré- 
ciation de  leurs  immeubles,  dépréciation  qui  se  produirait 
forcément  avec  la  gare,  soit  à  l'Entrepôt,  soit  à  la  prairie  au 
Duc,  par  suite  de  l'activité  que  prendraient  ces  quartiers 
neufs.  Puis,  avec  la  gare  à  la  prairie  de  Mauves,  le  prolon- 
gement de  la  ligne  jusqu'à  Saint-Nazaire  n'est  pas  'à  craindre, 
car  on  sait  pertinemment  que  le  Ministre,  s'il  autorise  sur 
la  Fosse  des  voies  ferrées  à  traction  de  chevaux,  est  abso- 
lument opposé  à  l'emploi  des  locomotives  pour  ce  trajet. 

BASSIN    DE   SAINT-NAZAIRE. 

La  création  d'un  bassin  à  flot  à  Saint-Nazaire  fait  partie 
du  programme  des  travaux  publics  dont  le  Gouvernement 
a  décidé  l'exécution. 

Les  Nantais  ne  peuvent  songer  à  empêcher  la  réalisation 
de  ce  projet,  qu'ils  regardent  comme  leur  portant  un  grave 
préjudice,  mais  ils  tentent  d'en  atténuer  l'importance.  Une 
pétition  est  adressée  au  Ministre  des  Travaux  publics.  Elle 
demande  que  le  bassin  à  flot  de  Saint-Nazaire  ne  constitue 
qu'un  port  militaire  et   de  refuge,  et  serve   d'entrée   h  un 


102 

canal  luariliiiie  qui  peraieltrail  aux  navires  de  l'orl  tonnage 
de  monter  jusqu'à  Nantes.  Elle  proteste  également  contre 
tout  établissement  à  Saint-Nazaire  d'entrepôts  et  de  magasins. 
Celte  pétition  ne  trouve  pas  une  approbation  générale.  Le 
Courrier  de  Nantes  et  le  Breton  la  combattent.  Le  National 
de  l'Ouest,  au  contraire,  plaide  en  sa  faveur.  La  question 
est  l'objet  de  nombreux  et  vifs  débals,  et  les  articles  publiés 
par  les  trois  journaux  sont  réunis  en  brochures  et  distribués 
en  ville. 

Les  Chambres,  en  fin  de  session,  volent  un  crédit  de 
5  millions  pour  la  construction  du  bassin. 

CONGRÈS  DE  L'ASSOCIATION  BRETONNE. 

L'Association  bretonne  lient,  à  Nantes,  du  "2  au  9  août, 
son  ïJ«  Congrès  annuel.  La  ville  participe  aux  dépenses  pour 
une  somme  de  3,000  fr. 

La  grande  salle  de  la  mairie  est  mise  a  la  disposition  de 
l'Association  pour  y  tenir  ses  réunions.  Plusieurs  questions 
importantes  sont  traitées  par  les  congressistes  :  enseignement 
agricole,  moyens  de  s'opposer  au  développement  de  l'alcoo- 
lisme en  Bretagne ,  urgence  d'obtenir  une  réduction  de 
l'impôt  sur  le  sel,  organisation  de  banques  agricoles,  etc. 

Une  fête  florale  est  organisée  sur  la  promenade  de  la 
Bourse  par  la  Société  d'horticulture.  Les  plantes  d'origine 
asiatique,  importées  par  le  capitaine  •  Harmange,  sont  très 
remarquées. 

Une  exposition  d'instruments  et  produits  agricoles  est 
ouverte  à  la  Halle  aux  blés  du  5  au  10  août. 

Le  Comice  central  procède,  sur  la  prairie  de  Mauves,  à 
un  concours  de  labourage  auquel  18  concurrents  prennent 
part,  et  aussi  à  un  concours  de  bestiaux. 

La  distribution  des  prix  a  lieu  avec  une  grande  solennité- 
dans    la    salle    de    la   mairie,    sous  la   présidence    de   la 


108 

Haye-Joiisselin,  député,  assisté  du  diHégué  du  Minisire  de 
l'agriculture,  du  directeur  de  l'Association  normande,  du 
délégué  du  Congrès  central  d'agriculture  de  Paris. 

Les  congressistes  se  donnent  rendez-vous  pour  1846  à 
Quimper. 

FONDATION  DE  LA  SOCIÉTÉ  ARCHÉOLOGIQUE. 

La  tenue,  dans  notre  ville,  du  Congrès  de  l'Associalion 
bretonne  lui  vaut  une  nouvelle  institution. 

Le  samedi  9  août,  M.  le  C*»  Aymar  de  Blois,  président 
de  la  classe  d'archéologie  du  Congrès,  réunit,  dans  une  salle 
de  la  préfecture,  quelques-uns  de  nos  compatriotes,  et  jette 
les  bases  d'une  section  d'archéologie  départementale  pour 
Nantes  et  la  Loire-Inférieure. 

Des  statuts  sont  adoptés.  Ils  sont  calqués  sur  ceux  des 
sections  de  Vannes  et  de  Rennes  (>).  Le  19  novembre,  la 
société  naissante  tient  sa  première  séance.  Le  bureau  est 
ainsi  composé  :  président,  Tii.  Nau,  architecte  ;  président 
d'honneur,  Bizeul  ;  secrétaire,  G.  Démangeât  ;  secrétaire- 
adjoint,  l'abbé  Rousteau  ;  trésorier,  Huetle  aîné. 

GARDE    NATIONALE. 

L'artillerie  de  la  garde  nationale  est  l'objet  d'un  rapport 
des  plus  flatteurs  de  la  part  du  colonel  Ghenin,  inspecteur 
du  matériel.  «  Ce  corps,  dit-il,  est  très  beau,  sa  tenue  est 
»  des  plus  belles  et  aussi  régulière  que  brillante.  »  H  met 
l'artillerie  de  Nantes  au  premier  rang,  avec  celles  de  Rouen 
et  de  Gaen,  et  expose  au  Ministre  que  l'importance  de  son 
effectif  demande  une  augmentation  de  son  matériel,  lequel 
se  borne  à  6  pièces  de  canon. 


(1)  Ce  l'ut  s<julement  en    1855  que    la  Société  ful    une  vie  autonome  et  prit  le  titre 
de  Société  d'archéologie  de   \antes  et  de  la  Loire-  Inférieure, 


104 

Des  mesures  sont  prises  pour  procéder  à  de  nouvelles 
incorporalions  dans  la  garde  nationale.  L'effectif  porté  sur 
les  contrôles  compte  4,161  hommes,  répartis  comme  suit  : 
sapeurs  porte-liaches,  11  hommes;  musique,  54;  artillerie, 
4  compagnies,  ^297  ;  pompiers,  5  compagnies,  -284  ;  marins, 
2  compagnies,  110  ;  infanterie,  4  bataillons,  3, S25  ;  cava- 
lerie, 1 13.  Il  est  procédé  à  un  recensement,  et  8  à  900  hommes 
fournissent  un  nouveau  contingent. 

Ghenantais,  architecte,  est  nommé  commandant  des 
pompiers. 

DIVERS. 

Une  première  crècbe  est  fondée  dans  la  rue  Sarrazin. 
Elle  est  ouverte  le  15  janvier  et  aménagée  pour  recevoir 
20  enfants.  Cette  utile  création  est  due  presque  entièrement 
à  l'initiative  et  à  la  générosité  de  la  famille  Gherot. 


La  dernière  journée  des  courses,  le  10  août,  se  termine 
d'une  façon  bien  triste. 

Les  chevaux  entraient  en  lice  pour  la  première  course  de 
barrières,  lorsque  soudain  une  tribune,  construite  par  un 
particulier,  s'effondre,  entraînant  dans  sa  chute  les  trop 
nombreux  spectateurs  qui  s'entassaient  sur  ses  bancs.  La 
course  est  arrêtée,  et  chacun  se  précipite  pour  porter  secours 
aux  victimes.  Une  centaine  de  personnes  sont  blessées  ou 
contusionnées.  Deux  meurent  des  suites  de  leurs  blessures. 
Une  souscription  est  immédiatement  ouverte  ;  elle  produit 
une  somme  de  3,000  fr. 

Le  Procureur  assigne  en  police  correctionnelle  l'architecte 
voyer,  l'agent  voyer  et  le  maître  charpentier  qui  a  construit 
la  tribune.  Us  sont  acquittés.  Le  Ministère  public  porte  la 
cause  en  appel  devant  la  Cour.  Celle-ci  maintient  l'acquit- 
tement. 


105 

Une  épidémie  de  fièvre  typhoïde  sévit,  avec  une  grande 
violence,  au  Grand-Séminaire.  Dans  l'espace  de  4  à  5  jours, 
une  quarantaine  d'élèves  sont  atteints  et  cinq  succombent. 
Le  séminaire  est  évacué  ;  les  jeunes  gens  sont  envoyés  dans 
leurs  familles.  On  procède  à  l'incinération  des  paillasses  et 
objets  de  literie. 

La  filature  Bertin,  place  du  Martray,  l'une  des  plus  impor- 
tantes de  notre  ville,  devient,  dans  la  matinée  du  10  décembre, 
la  proie  des  flammes.  Le  feu  ne  peut  être  éteint  qu'h  midi. 
Gel  incendie  met  en  cliômage  les  140  ouvriers  de  la  fabrique 
et  160  autres  travaillant  chez  eux  à  la  pièce  ou  à  façon. 
La  population  ayant  pu,  vu  l'heure  de  la  journée,  se  rendre 
compte  de  l'insuffisance  du  service  de  secours,  réclame 
l'organisalion  d'un  corps  de  pompiers  salariés. 


Une  société,  dite  Société  française  de  l'Océanie,  avait 
été  fondée  au  Havre.  Celte  société  a  un  double  but  :  un  but 
religieux  (transport  des  missionnaires  dans  les  îles  de  l'Océa- 
nie, îles  Marquises,  Tahiti,  leur  rapatriement,  la  mise  en 
relations  des  missions  entre  elles),  et  également  un  but 
commercial.  Un  comité  de  surveillance  existe  a  Paris.  Des 
comités  de  propagande  fonctionnent  dans  les  grands  centres, 
Lyon,  Lille,  Amiens,  etc.  Celui  de  Nantes  compte  dans  son 
sein  :  G'«  0.  de  Sesmaisons,  président;  Lallié,  vice-président  ; 
Hippolyle  Haranchipy,  Thibeaud,  D.  M.,  A.  Baron,  Métois, 
Gabriel  Benoist,  Ch.  H.  de  Buron,  du  Boisguehenneuc, 
trésorier. 

Un  premier  navire,  L'Arche  d'alliance,  est  construit  à 
Nantes.  La  bénédiction  en  a  lieu  le  30  août.  Elle  est  très 
solennelle.  M?""  de  Hercé  préside  la  cérémonie  et  prononce 
un  discours.  Les  élèves  de  l'école  de  musique  religieuse, 
récemment  fondée    par    Simon,    maître  de    chapelle  à  la 

s 


106 

Calliédrakî,  groupés  sur   le  gaillard    d'arrière,    clianlenl  en 
choeur  plusieurs  morceaux  appropriés  à  la  circonstance. 

L'Arche  d'uUiance  est  coiuaiandée  par  le  lieulenanl  de 
vaisseau  Marceau,  neveu  du  général  des  guerres  de  la 
Révolulion. 

SERVICES    PUBLICS. 

Une  ordonnance  royale  du  21  mai,  accorde,  à  la  Société 
Industrielle,  la  reconnaissance  d'élablissemenl  d'ulililé 
publique. 

Nos  députés  Bignon  et  Billault  sont  toujours  en  possession 
de  la  confiance  de  leurs  collègues.  Bignon  est  nommé  pre- 
mier vice-président  de  la  Cliambre  pour  la  session  1843-1846. 
11  ne  manque  à  Billault,  comme  en  184i,  qu'un  petit  nombre 
de  voix  pour  être  porté  au  siège  de  4«  vice-président. 


Le  Conseil  général  et  le  (lonseil  d'arrondissement  sont, 
conformément  à  la  loi,  renouvelés  dans  le  courant  de 
décembre. 

Olivier  de  Sesmaisons  est  élu  conseiller  général  du 
-i«  canton  par  37  voix.  Le  conseiller  sortant,  Le  Saot,  n'en 
recueille  (jue  30.  Les  inscrits  étaient  au  nombre  de  168. 
De  Sesmaisons  doit  son  succès  à  l'appoint  de  quelques  voix 
républicaines. 

Bignon  est  réélu  au  5^  canton  par  139  voix. 

Sont  nommés  au  Conseil  d'arrondissement  :  pour  le 
l"  canton,  Gicquel  aîné,  réélu  par  SS  voix  sur  40  votants  ; 
—  pour  le  i^,  Crespel  de  la  Touche  ;  —  pour  le  6%  Ev. 
Colombel. 


Chambre 

de 


Un   règlement  est   arrôté  pour  le    remorquage    par  les 
Commerce,  baicaux    Reine  et    Bretagne.    —   La  Chambre,   laute   de 


107 

ressources  suffisantes,  se  voit  dans  la  nécessité  de  demander 
une  prorogation  de  terme  pour  le  payement  des  Salorges. 
—  Les  magasinages  lui  rapportent  environ  60,000  fr.  — 
Une  subvention  de  300  fr.,  demandée  par  le  Veritas,  est 
refusée.  ~  La  Commission  de  l'école  des  mousses  fixe  h  50 
le  nombre  des  élèves  qu'elle  pourra  recevoir.  La  gabare 
La  Louise,  primitivement  offerte  par  l'Etat,  est  regardée 
comme  ne  permettant  pas  un  aménagement  convenable,  et  la 
bombarde  r Eclair  est  proposée. 

—  Le  Gouvernement  forme  le  projet  d'envoyer  un  navire 
de  guerre  explorer  la  côte  orientale  de  l'Afrique,  depuis  la 
baie  de  Lagoa  jusqu'au  cap  Guardafui,  la  côte  occidentale 
de  Madagascar  et  aussi  les  iles  Mayolle  ,  Nossi-Bé.  Il 
demande  à  la  Chambre  de  lui  présenter  un  capitaine  ou  un 
négociant  de  la  place  pour  être  adjoint  à  l'expédition,  en 
vue  de  prendre  des  renseignements  utiles  au  commerce.  Le 
capitaine  Loarer,  à  la  suite  d'un  concours,  est  désigné  au 
Minisire  qui  l'agrée  en  qualité  de  délégué  commercial  de  la 
mission  d'exploration.  Sur  la  demande  du  Gouvernement, 
des  échantillons  de  produits  nationaux  sont  réclamés  aux 
manufacturiers  de  Nantes  et  de  la  région  pour  être  confiés 
à  la  mission. 

—  A. -IL  Bonamy  est  nommé  délégué  au  Conseil  général 
du  commerce  en  remplacement  de  Garnier-Haranchipy.  — 
Un  nouveau  rapport  de  la  #Chambre,  sur  Madagascar,  est 
envoyé  au  Ministre.  —  Sur  la  demande  de  nos  délégués 
Lancaslel  et  A. -H.  Bonamy,  le  Conseil  général  du  commerce 
étudie  la  question  de  la  colonisation  de  Madagascar. 

Une  première  élection,  qui  a  lieu  le  i"""  octobre,  pour  le 
renouvellement  annuel,  n'est  pas  sanctionnée  par  le  Ministre. 

A  la  suite  d'un  deuxième  scrutin,  qui  est  ouvert  le  10 
décembre,  sont  nommés  pour  trois  ans  :  J.  Gouin,  Aug. 
Garnier,  Th.  Bossis,  E.-G.  Trenchevent,  G.  Chauvet;  pour 


108 


Tribunal 

de 

Cuiuiuerce. 


Caisse 
J'épargne 


Bureau 

de 
iiienraisance. 


Hospices. 

liudgel 
municipal. 


deux  ans  :  J.-S.  Voruz,  en  remplacement  de  P.-B,  Goullin, 
démissionnaire.  L'insiallation  des  nouveaux  membres  est 
reportée  à  l'année  1846. 

Sont  nommés  :  président  :  Aug.  Garnier  ;  juges  titulaires  : 
J.  llûux,  ancien  juge  ;  Y.  Berlhault  et  E.  Toché,  juges  sup- 
pléants sortants.  Ces  deux  derniers  sont  remplacés  par  Fréd. 
Bralieix  et  J.-B.  Ghalot. 

Les  bureaux  sont  transférés  de  riiôlei  de  la  Bourse,  où  ils 
étaient  installés  depuis  la  fondation,  en  18^21,  dans  l'im- 
meuble municipal  de  la  rue  du  Moulin.  —  H.  Lagarde  esl 
nommé  directeur.  —  Montant  des  versements:  1.40c},584  fr.; 
des  remboursements:  1,881,575  fr.  Le  solde  dû  aux  dépo- 
sants tombe  à  6,578,007  fr. 

L'augmentation  anormale  des  remboursements  et  la  dimi- 
nulion  du  solde  sont  occasionnées  par  l'application  de  la  loi 
du  24  juin  1845,  qui  abaisse  à  1,500  fr.  le  maximum  des 
versements  et  à  -2,000  fr.  celui  de  la  capitalisation  au 
moyen  des  intérêts.  Par  contre,  les  achats  de  rente  qui, 
depuis  1833,  avaient  complètement  cessé,  recommencent  à 
être  pratiqués,  et  les  renies  acquises  en  1845  par  les  dépo- 
sants s'élèvent  à  11,568  fr. 

Un  secours  de  2,000  fr.  est  envoyé  par  le  Ministre  de 
l'intérieur.  —  Deux  bals  par  souscription  donnent  une 
recette  nette  de  7,590  fr.  —  Les  recettes  s'élèvent  à 
115,884  fr.,  les  dépenses  à  i09,515  fr.  —  Quatre  dames 
de  charité  donnent  leur  démission,  lilles  sont  remplacées 
par  des  sœurs,  au  grand  regret  des  administrateurs,  qui 
auraient  préféré  des  dames  laïques  mais  qui  n'avaient  pu  en 
trouver. 

P.-J.  Litou  est  appelé  à  remplacer  J.-G.  Pinard  comme 
administrateur. 

Les  prévisions  budgétaires  pour  1845  sont  fixées  à 
1,595,247  fr.  18  c.  pour  les  receltes  et  à  1,595,179  fr.  12  c. 


109 

pour  les  dépenses,  avec  un  excédent  de  68  fr.  06  c.  —  Les 
recettes  brutes  de  l'octroi  sont  en  voie  de  progrès  ;  elles 
montent  à  1,174,39{<  fr.  76  c 

15  février  :  concessions  dans  les  cimetières,  tarifs. 

8  septembre  :  convois  funèbres  et  police  des  inhumations. 

23  septembre  et  '26  décembre  :  mesurage,  cubage,  pesage 
et  jaugeage.  Tarif  et  nombre  des  titulaires:  grains:  21  me- 
sureurs ;  houille,  noir,  engrais  :  22  ;  chaux,  charrée,  pou- 
drelle:  8  ;  bois  de  chauffage  et  charbon  de  bois:  6;  bois  de 
menuiserie:  4;  liquides:  4;  sels  :  48. 


Mathurin  Chéguillautne,  l"  adjoint,  est  nommé  chevalier 
de  la  Légion  d'Honneur. 


Le  colonel  baron  de  Bréa,  colonel  d'état-major  de  la 
12«  division  militaire,  est  promu  maréchal  de  camp  et 
nommé  au  commandement  du  département  de  la  Loiie- 
Inférieure. 

ENSEIGNEMENT. 

—  Le  Collège  royal  de  Nantes  est  élevé  à  la  1'**  classe. 

—  L'école  primaire  supérieure,  la  première  en  date  pour 
toute  la  France,  continue  à  tenir  le  premier  rang  des 
établissements  du  même  genre. 

—  Les  adjoints  Vallet  et  Brousset  assistent,  k  l'hôtel 
Rosinadec,  à  la  distribution  des  prix  des  écoles  d'adultes 
des  frères. 

—  On  signe,  à  la  librairie  Mazeau,  une  pétition  à  la  Chambre 
des  Députés  pour  demander  la  liberté  de  l'enseignement. 

—  Un  cours  public  et  gratuit  de  chimie,  subventionné  par 
le  Conseil  général,  est  professé  par  Audibert,  ingénieur  des 
mines,  dans  une  salle  de  la  rue  du  Moulin.  Il  ouvre  le  18 
janvier,  et  a  lieu  deux  fois  par  semaine. 


uo 

—  Un  cours  de  droit  commercial  et  de  notariat  est  ouvert 
par  Mousnier,  sous  le  patronage  de  la  Gliambre  et  du  Tri- 
bunal de  Commerce.  Les  leçons  sont  données  dans  une  salle 
du  Tribunal  ;  elles  commencent  le  10  novembre. 

—  Cours  de  linguistique  par  Tabbé  Lalouche,  d'Angers,  et 
cours  d'histoire,  de  Wautier  d'Halluin,  à  la  mairie.  Une 
première  séance  publique  et  gratuite  est  donnée  pour  ces 
deux  cours  en  vue  de  l'exposition  du  programme. 

—  Une  subvention  de  300  fr.  est  accordée  par  le  Conseil 
général  au  docteur  A.  Libaudière  pour  un  cours  public  et 
gratuit  d'anatomie  et  de  physiologie  comparée  à  l'usage  des 
gens  du  monde,  auquel  il  consacre  vingt  séances  et  qui  est 
ouvert  dans  la  salle  de  la  mairie. 

—  Cours  de  botanique  appliqué  aux  arts,  à  la  médecine  et 
à  l'agriculture,  par  le  docteur  Ecorchard.  Ouvert  le  30  avril, 
il  est  donné,  au  Jardin  des  Plantes,  trois  fois  par  semaine,  et 
le  dimanche  sur  la  promenade  de  la  Bourse. 

—  Le  28  juin,  le  cours  d'économie  rurale  professé  par 
Neveu-Derolrie  est  inauguré  en  présence  des  autorités. 
F.  Favre  ouvre  la  séance  et  remercie  le  préfet  d'avoir 
obtenu  l'approbation  ministérielle  pour  la  création  de  celle 
chaire,  la  quatrième  qui  existe  en  France.  Ce  cours  est 
donné  tous  les  jeudis,  d'abord  à  la  mairie,  puis  à  la  rue 
du  Moulin.  Sa  réouverture,  après  les  vacances,  a  lieu  le 
8  novembre. 

—  Le  Conservatoire  de  musique,  fondé  par  Bressler,  prend 
un  rapide  développement.  Le  5  mai.  Testé  inaugure  un 
cours  gratuit  de  solfège.  Il  est  suivi  par  WO  ouvriers.  Il  y 
a,  en  outre,  un  cours  payant  à  5  fr.  [lar  mois.  A  la  réou- 
verture, le  l"  octobre,  le  progranmie  de  l'enseignement 
comporte  des  cours  gratuits  et  aussi  des  cours  payants  de 
solfège,  vocalisation,  harmonie,  orgue  et  piano  d'accompa- 
gnement, de  flûte.   Des   professeurs  de   violon,  violoncelle. 


hautbois,  clarinelle,  cor,  sont,  en  outre,  attachés  h  Tëtà-:' 
blissemenl.  Les  élèves,  dans  le  cours  de  l'année,  se  font 
entendre  dans  trois  concerts. 

-  Une  école  gratuite  de  musique  religieuse  est  fondée  par 
Félix  Simon,  maître  de  chapelle  h  la  Cathédrale.  On  y 
enseigne  le  chant  choral,  le  piano- orgue,  la  contrebasse, 
l'harmonie.  Les  cours  ouvrent  le  6  octobre.  Un  jury  préside 
k  la  réception  des  élèves.  La  création  de  cette  école  est  due- 
à  un  groupe  de  souscripteurs.  Une  commission  nommée  par 
eux  s'occupe  de  son  administration.  Elle  compte  (H\  son 
sein  :  Général  baron  de  Bréa,  A.  François,  président  des 
Beaux- Arts  ;  J.  de  Bouteiller,  G'«  de  Saint-P.ern,  G'«  de  Novion, 
Félix  Simon.  Deux  concerts  sont  offerts  par  an  aux  sous- 
cripteurs. 

—  Une  société  philharmonique,  dite  de  Sainte-Cécile,  est 
organisée  par  Parigat,  ancien  chef  de  musique  militaire. 

PUBLICATIONS. 

Neveu-Derotrie  publie  Le  Commentaire  sur  les  lois 
rurales  françaises.  Le  Ministre  de  l'Agriculture  souscrit 
pour  cent  exemplaires.  Le  Préfet  invite  les  Maires  à  faire 
voter  par  leur  Conseil  des  fonds  pour  l'achat  de  cet  ouvrage. 
—  La  Slaiislique  et  Historique  des  communes  de  la 
Loire-Inférieure,  de  Chevas,  ^'ommence  à  paraître.  —  Le 
baron  de  Wismes  livre  à  ses  souscripteurs  son  Album  sur 
la  Vendée.  —  Petltpas,  libraire,  édite  une  feuille  donnant  la 
liste  des  maisons  à  louer  et  à  vendre.  —  Une  publication 
semblable  est  faite  par  Livenais.  —  Heures  de  loisir , 
Mes  vrillons,  recueil  de  poésies  par  Sécheresse,  ouvrier 
menuisier.  —  La  Galerie  armoricaine,  de  Charpentier 
père,  fils  et  C> 


u'«. 


Le  Phare  de  la  Loire,  au  bout  d'une  année  d'existence, 


lli 

a  un  tirage  de  272  exemplaires.  Il  avait  débuté  avec  49 
abonnés. iPour  se  faire  connaître,  il  crée  des  abonnements 
au  mois  et  à  la  semaine  pour  les  voyageurs,  les  ouvriers.  Il 
donne  un  cinquième  abonnement  gratis  pour  quatre  abonne- 
ments ouvriers.  Son  sous-titre  est  Supplément  commercial 
du  ISational  de  l'Ouest,  du  Breton  et  de  l'Hermine.  Il 
accorde  aux  abonnés  de  ces  deux  dernières  feuilles  des 
réductions  sur  le  prix  d'abonnement. 


Le  marquis  de  Regnon  est,  pour  cause  de  santé,  contraint 
de  suspendre  la  publication  de  son  journal,  La  Liberté 
comme  en  Belgique,  qu'il  continuait  de  faire  paraître  ë 
Paris. 


Le  dépôt  d'un  crédit  de  17  millions  pour  l'armement  des 
forts  de  Paris  donne,  au  mouvement  de  protestation  déjà 
existant,  une  nouvelle  excitation.  Le  National  de  l'Ouest 
invite  plus  chaudement  que  jamais  ses  lecteurs  à  signer  les 
pétitions  déposées  dans  ses  bureaux. 

—  Ce  journal,  en  outre,  organise  un  pétitionnement  deman- 
dant une  enquête  sur  la  situation  de  la  classe  ouvrière.  Une 
liste  de  6,400  signatures  est  envoyée  à  Ledru-Rollin.  Ce 
pétitionnement  s'étend  à  tous  les  grands  centres. 

AGRICULTURE. 

Les  concours  agricoles  sont  toujours  en  grande  faveur. 
—  Le  préfet  préside  celui  de  Carquefou.  —  Le  concours  de 
Nozay-Derval,  dont  de  la  Haye-Jousselin  et  Kielïel  dirigent 
l'organisation,  présente  de  nouvelles  attractions.  Le  premier 
jour,  concours  ;  distribution  des  prix  présidée  par  le  sous- 
préfet  de  Gliâteaubrianl  ;  courses,  un  prix  est  donné  par  la 
Société  des  Courses  de  Nantes,  banquet,  quatuor  de  cors 
de  chasse,  bal.  Grande  afîluence  de  curieux  venus  de  Nantes, 


113 

Rennes,  Angers.  Le  2*  jour,  chasse  an  chevreuil.  Le  3*, 
chasse  au  loup.  —  De  Sainle-Marie,  inspecteur  général  de 
l'agricullure,  préside  le  concours  de  Sainl-Elienne.  —  A  Gué- 
mené,  Blain,  Chanlenay,  les  comices  liennent  leurs  assises 
habituelles. 

Le  blé,  jusqu'à  la  récolte,  oscille  entre  17  fr.  80  c.  et 
18  fr.  50  c.  —  En  juillet,  il  monte  à  19  fr-,  atteint  le  maxi- 
mum de  -iO  fr.  70  c.  et  vaut  20  fr.  50  c  à  la  fin  de  Tannée. 

—  Le  cours  des  autres  eéréales  suit  la  même  marche.  — 
Seigle  :  12  fr.  90  c.  à  14  fr.  35  c.  —  Orge  :  8  fr.  75  c.  à 
11  fr.  75  c.  -  Blé  noir  :  7  fr.  50  c.  à  9  fr.  40  c.  — 
Maïs  :  9  fr.  50  c.  h  10  fr.  -25  c.  —  Avoine  :  7  fr.  75  c.  à 
8  fr.  65  c. 

Vins  :  Muscadet,  35  k  36  fr.  —   Gros-plant,  22  à  24  fr. 

Pain  blanc  :  0  fr.  375  à  0  Ir.  4125  le  kilo.  -  Pain  bate- 
lier :  0  Ir.  275  à  0  fr.  3125.  -  Pain  méteil  :  0  fr.  20  c 
à  0,2375. 

COMMERCE    ET    INDUSTRIE. 

La  Compagnie  nantaise  d'armements,  Hignard  frères,  dis- 
tribue un  dividende  de  i3  %  à  ses  actionnaires.  Depuis 
quatre  ans,  les  dividendes  distribués  forment  un  total  de 
53  fr.  —  Alfred  Dezaunay  invente  un  pressoir  d'un  nouveau 
modèle  et  d'une  grande  puissance.  —  Les  conserves  de 
haricotsfjVerls  de  nos  fabriques  nantaises  font  leur  apparition 
à  Rennes  pendant  la  semaine  sainte  et  sont  fort  appréciées. 

—  Benoit,  rafhneur  au  Pouliguen,  jette  les  bases  d'une 
vaste  association  entre  les  propriétaires  de  marais,  les  raffi- 
neurs  de  sel  et  les  négociants  de  la  région,  pour  la  vente  en 
commun  des  sels  de  l'ouest,  en  vue  de  tenir  tête  à  la 
concurrence  de  ceux  de  l'est  et  du  midi  et  aussi  pour 
monter  un  matériel  pouvant  permettre  rulilisalion  des  sous- 


114 

produits  des  raffineries.  —  L'emploi  d'une  locomobile,  appli- 
quée par  Babonneau  à  répuisemenl  des  eaux,  sur  un  chantier 
du  chemin  de  fer  de  Tours  à  Nantes,  est  signalé  comme  une 
innovation  par  un  journal  de  Paris.  —  Le  Conseil  d'hygiène 
est  chargé  de  procéder  h  un  examen  comparatif  des  divers 
modes  de  désinfection  et  de  vidange  des  fosses  d'aisances.  — 
Deux  artistes  en  daguerréotypie  se  partagent  la  clientèle  des 
Nantais. 

La  Banque  de  Nantes  est  en  [)leine  voie  de  prospérité. 
Elle  donne,  pour  1844,  un  dividende  de  80  fr.  57  c.  et  met 
en  réserve  une  même  somme  par  action.  Le  dividende  pour 
le  premier  semestre  de  1845  est  fixé  à  40  fr.  Les  actions, 
qui  valent  en  juillet  1,595  à  1,600  fr.,  montent  en  décembre 
à  1,670  fr. 

L'année  se  signale  par  un  grand  élan  commercial  : 
Banque  Groquevielle  et  C*«,  transformée  en  la  Banque  Gro- 
quevielle,  Barjolle  et  G'^,  capital  un  million  en  mille  actions. 
—  Société  Henry  Auger  et  Gh.  Eudel,  armements  maritimes, 
commission  et  assurance,  300,000  fr.  —  Le  Boterf  et  Greslé, 
commission  et  armements,  1-25,000  fr. 

Sociétés  d'assurances  maritimes  :  Gaspard  Ghauvet,  un 
million,  par  actions  de  10,000  fr,  —  Bégis  :  400,000  fr. 
(actions  de  5,000  fr.)  —  Anl.  Ghauvet  :  400,000  fr.  (actions 
de  10,000  fr.)  —  Bronnais  :  300,000  fr.  (actions  de 
10,000  fr.) 

Guichet  et  Busseil,  capital  '200,000  fr.,  prennent  la  suite 
de  Vauloup,  plomb  et  minium,  h  la  tour  Launay.  —  Bris- 
sonneau  frères  transfèrent  leurs  ateliers  de  construction 
mécanique  de  la  rue  du  Ghapeau-Bouge,  11,  à  la  petite  rue 
de  Launay.  —  Une  fabrique  de  pipes  en  terre  :  A.  Bernard 
et  Nevo,ise  monte  au  pont   des   Récollels.  —   Larjarte   de 


115 

Sainl-Araand,  ^  Chantenay,  200,000  fr.  (aclions  de  1,000  fr  ), 
installe  une  fabrique  de  noir  d'os  pour  raffinerie  el 
engrais. 

Pour  la  prenfiière  fois,  la  marine  militaire  met  en  concur- 
rence les  ateliers  privés  pour  la  construction  des  appareils  à 
vapeur.  Dix  maisons  sont  admises  à  remettre  leurs  prix. 
Gâche  et  Voruz  sont  adjudicataires  d'un  appareil  de  180  che- 
vaux, destiné  au  Dauphin,  qui  est  en  construction  dans  les 
chantiers  Guiberl.  Babonneau  a  en  partage  une  machine  de 
même  force  pour  le  Pétrel. 

Une  ordonnance  royale,  en  date  du -21  octobre,  réglemente 
le  mode  de  concession  des  terres  de  Mayotte.  Dès  le  10  sep- 
tembre, une  société  en  commandite  par  aclions,  au  capital  de 
1,500,000  fr.,  par  aclions  de  1,000  fr.,  pour  une  durée  de 
60  ans,  s'était  formée  pour  la  culture  des  terres  et  la  fondation 
d'établissements  à  Mayotle.  Les  gérants,  Paulin  Giret, 
Alexandre  François,  G.  Baudol-Ducarrey,  souscrivent  pour 
400,000  fr.,  et,  conformément  aux  statuts,  commencent  les 
opérations. 

La  navigation  au  long-cours  est  représentée  par  255  bâti- 
ments, donl  56  "/o  de  dogres,  goélettes,  bricks-goëlettes  el 
bricks,  et  44  °/o  de  Irois-mâts,  et  donl  le  tonnage  total  s'élève 
à  49,852  tonneaux.  117  maisons  d'armements  se  livrent  à 
celte  navigation.  53  d'entre  elles  n'ont  qu'un  seul  navire. 
Les  plus  considérables  sont  :  P.-J,  Maës,  9  navires,  3,173 
tonneaux.  -  Hignard  frères,  14  navires,  1,968  tonneaux. — 
P.  Ciret,  François  aîné  et  Baudol-Ducarrey,  7  navires, 
1,845  tonneaux.  —  Roux,  4  navires,  1,497  tonneaux.  — 
Leboyer,  10  navires,  1,426  tonneaux.  —  J.  Douaud, 
9  navires,  1,247  tonneaux.  —  G.-V.  et  J.  Lauriol,  4  navires, 
1,119  tonneaux.  —  W.  Genevois,  4  navires,  1,076  tonneaux. 


116 

—  Dubigeon,  7  navires,  1,063  lonneaux.  —  E.  Toché  el 
A.  Nogues,  4  navires,  1,050  tonneaux. 

Les  maisons  pouvant  être  citées  après  celles  mentionnées 
ci-dessus  comme  présentant  un  tonnage  important,  sont  les 
suivantes  :  Braheix  frères.  Th.  Carmichaël  et  C'^,  Clian- 
trelle,  V.  Chauveau,  G.  Chauvet  et  A.  Berthault,  H.Chauvet 
et  A.  Couat,  F.  Collet,  Edelin  de  la  Praudière,  Leraerle, 
L.  Lepertière,  Liancour,  Noël  Vincent,  F.  Vallée  el  tils,  A.  Viot. 
Deux  navires  de  600  tonneaux  prennent  la  mer  :  Vhly,  de 
Noël  Vincent,  el  le  Napoléon,  de  Roux.  Jusque-là  le  tonnage 
maximum  n'atteignait  pas  450  lonneaux. 

Deux  capitaines  de  la  place  sont  décorés  de  la  légion 
d'honneur  :  Simon  Goste,  commandant  du  navire  baleinier 
de  la  maison  Maës  el  Amouroux,  pour  sa  belle  conduite  au 
Gabon.  Ce  dernier  avait  déjà  reçu  des  félicitations  du  Gou- 
vernement anglais  pour  la  défense  de  ses  nationaux. 

La  maison  Lauriol  est  adjudicataire  du  transport  de 
600  tonnes  de  charbon  pour  .^layotie,  au  prix  de  73  fr.90c. 

BATEAUX. 

Les  Inexplosibles  et  les  Paquebots  sont  autorisés  à 
efï'ectuer,  pendant  la  nuit,  le  trajet  de  Tours  à  Orléans.  — 
Louis  Jollet  construit  un  bateau  d'une  marche  supérieure, 
La  Touraine,  qui  remonte  de  Nantes  à  Tours  en  moins 
de  17  heures.  —  Une  Compagnie  Roannaise  se  forme  pour 
organiser  un  service  de  bateaux  accélérés  de  Roanne  à 
Orléans,  en  correspondance  avec  les  messageries  d'Orléans 
à  Nantes.  -  Une  société  se  constitue  à  Nantes,  au  capital  de 
400,000  fr.,  pour  un  service  de  remorquage  sur  la  Basse- 
Loire  avec  trois  bateaux  d'une  force  respective  de  60,  80 
et  100  chevaux. 

La  Compagnie  générale  des  Remorqueurs  de  la  Loire, 
Morel  el  C'%  entreprend  des  transports  pour  Lyon  et  Marseille. 


117 

Grâce  à  ce  service,  nos  iinpcjrlaleurs  peuvent  livrer  à  Lyon 
les  marchandises  coloniales  dans  de  meilleures  conditions 
que  leurs  concurrents  de  Bordeaux  et  de  Marseille,  ils  ne 
désespèrent  pas  d'arriver,  en  employant  la  voie  des  canaux,  à 
atteindre  la  ville  de  Bâle,  l'entrepôt  commercial  de  l'Alle- 
magne et  à  disputer  au  Havre  l'approvisionnement  en 
denrées  exotiques  de  ce  grand  centre. 

Gâche  livre,  pour  un  service  dans  le  Hanovre,  un  Dragon, 
bateau  inexplosible  d'un  nouveau  type  et  de  marche  rapide. 

MONUMENTS  ET  VOIRIE. 

Le  Conseil  municipal  donne  un  avis  favorable  à  la  cons- 
truction de  l'église  de  Saint- Joseph.  Il  tixe  les  conditions  h 
remplir  pour  l'aménagement  des  voies  qui  y  aboutissent  et 
pour  l'établissement  du  cimetière.  Quelques  Conseillers 
expriment  leur  inquiétude  au  sujet  des  charges  finan- 
cières que  la  coLumune  s'expose  à  assumer  dans  l'avenir, 
car  il  ne  leur  semble  pas  que  les  besoins  religieux  de  celte 
partie  de  la  commune  réclament  celle  fondation. 


L'église  projetée  dans  le  quartier  de  l'Hermitage  se  coqs- 
iruil  sous  le  vocable  de  Sainte-Anne.  Le  quartier  se  trans- 
forme. Des  rues  nouvelles  sont  tracées.  Les  terrains  en 
bordure  sont  divisés  en  lots  pour  être  mis  en  vente. 


Une  ordonnance  royale  du  4  novembre  érige  en  succur- 
sales les  deux  églises  de  Sainte-Anne  et  de  Sainl-Joseph- 
de-Poriricq. 


is6 

^  Les    travaux   avancent    rapidement.  La   construction  du 

las.    pourtour  du  chœur  est  achevée,  et,  en  novembre,  le  bazar 
annuel,  organisé  pour  créer  des  ressources,  y  est  tenu. 


118 

pillais        Une  ordonnance  royale  du  7  avril  déclare  d'utilité  publique 

de  justice.  |g  consiriiclion  du  Palais  de  justice  et  de  la  gendarmerie,  à 

la  tenue  Bruneau.   Ce    mèiiie   décret  autorise   la   vente  du 

Bouffay,  de  la  prison  (place  Lafayette)  et  de  la  gendarmerie 

(à  l'Oratoire). 

L'Administration  se  met  immédiatement  à  l'œuvre  et 
procède  à  l'expropriation  des  terrains  et  constructions  de  la 
tenue  Bruneau.  Les  indemnités  qu'elle  offre  aux  propriétaires 
et  locataires  atteignent  une  somme  totale  de  464,184  fr. 
Les  demandes  des  expropriés  s'élèvent  à  814,"i90  Ir.  Le 
jury  accorde  un  total  de  582,000  fr. 

La  construction  du  Palais  de  justice  est  seule  entreprise 
pour  le  moment,  et  les  travaux  sont  mis  en  adjudication  le 
5  août.  Il  y  a  huit  lots  dont  le  devis  s'élève  à  -271,281  fr., 
terrassements  et  maçonnerie  ;  01,047  Ir.,  charpente  ; 
7,014  Ir.,  couverture  ;  54,851  fr.,  menuiserie  ;  22,290  fr., 
serrurerie  ;  27,8^1  fr.,  plâtrerie  ;  10,225  fr.,  vitrerie  et 
peinture  ;  15,371  fr.,  plomberie  et  zinguage. 


L'acquisition,  parla  fabrique  de  Notre-Uame-de-Bon-Pori, 
d'un  terrain,  place  du  Sanilai,  pour  la  reconstruction  de 
l'église,  est  soumise  aux  formalités  d'enquête  publique.  Le 
uouvel  édifice  pourra  contenir  2,800  personnes  ;  l'église 
existante  n'a  de  places  que  pour  15  à  1,400. 


La  démolition  du  Bouffay  est  décidée,  et  divers  projets 
sont  mis  en  avant  pour  utiliser  le  terrain  que  couvre  le  vieux 
monument.  Les  uns  demandent  qu'on  y  construise  un  vaste 
hôiel  pour  les  voyageurs  ;  les  autres,  un  établissement 
central  pour  le  service  de  toutes  les  diligences  et  voitures 
publiques. 

Le  Ministère  fixe  à   200,000  fr.  le  concours  k  fournir  par 


119 

la  ville  pour  la  conslniciion  de  la  caserne  de  cavalerie.  Le 
Conseil  municipal  refuse  de  voler  celle  somme.  Il  ne  peul 
croire  que  l'Elal,  s'il  juge  nécessaire  la  présence  d'un 
régiincnl  de  cavalerie  dans  noire  ville,  se  refuse  a  prendre 
à  sa  charge  loules  les  dépenses  qu'enlraînera  son  inslallalion. 


Le  capiiaine  Harraange  faildon,  au  Jardin  des  Planles,  de 
600  planles  ou  arbusles  qu'il  a  rapporlés  de  Madagascar, 
Bourbon,  Calculla.  Une  serre  spéciale  esl  conslrulle  pour  les 
recevoir. 


La  ville  verse  à  la  souscriplion  pour  le  monument  de 
Cambronne  une  somme  de  4,000  fr. 

Bien  que  la  Commission  se  soit  prononcée  en  faveur  du 
cours  Henri  IV,  les  propriétaires  de  la  place  de  Launay 
tentent  un  dernier  efforl  pour  obtenir,  sur  leur  place,  l'érec- 
tion du  monument,  et  promettent  une  grosse  somme. 


Le  Maire,  accompagné  de  L^  Vallet  adjoint,  et  de  plusieurs 
Conseillers  municipaux,  procède,  le  :23  août,  à  la  réception 
officielle  du  pont  Maudit. 


Le  Conseil  municipal,  dans  sa  séance  du  H  février,  prend 
une  décision  au  sujet  d'une  deuxième  ligne  de  ponts.  Le 
principe  de  cette  deuxième  ligne  esl  voté  à  l'unanimité. 
Trois  projets  sont  présentés  :  1"  projet  de  la  rue  Jean- 
Jacques  ;  i*^  projet  utilisant  le  pont  de  la  Bourse  et  le  pont 
Maudit.  Ils  coiileraient  chacun  l,â00,0U0  fr.  Ils  sont  l'un  et 
l'autre  écarlés.  Le  troisième,  qui  ne  demande  qu'une  dépense 
de  1,100,000  fr.  est  adopté.  11  a  pour  point  de  départ 
l'hôtel  de  la  Douane.  Pour  entreprendre  sa  construction,  on 
attendra  que  les  quais  du  bas  de.  la   Fosse   soient  achevés, 


1^0 


de  manière  que  les  navires  y   irouvenl   remplacement  dont 
les  privera  rélablisseraenl  du  nouveau  pont. 


Les  propriétaires  de  la  rue  de  Bréa  (>)i  qui  s'étaient 
refusés  à  tout  arrangement  pour  le  prolongement  a  travers 
leur  terrain  de  la  rue  Gresset  jusqu'à  la  rue  de  Flandres, 
montrent  des  dispositions  plus  coiicilianles.  La  subvention  de 
^0,000  francs,  proposée  en  1841,  pour  l'exécution  de  cette 
percée,  est  acceptée  par  la  société  Esmein,  Maliot  et  Rocher, 
qui  se  met  au  lieu  et  place  de  la  ville  pour  accomplir  le 
travail.  L'enquête  d'utilité  publique  est  ouverte. 

—  Un  spéculateur  otîre  de  relier  le  boulevard  Saint-Pern  à 
la  route  de  Vannes  par  une  avenue. 

—  L'ouverture  d'un  boulevard  entre  les  routes  de  Vannes 
et  de  Rennes,  à  travers  la  propriété  Lelasseur,  est  soumise 
aux  formalités  d'enquête  publique. 

—  Une  rue  privée  est  percée  pour  mettre  en  communication 
la  rue  de  Bel-Air  et  la  rue  Sarrazin. 

—  Les  rues  Damrémonl,  Mascara,  Dubreil,  Lavoisier  sont 
mises  en  état  de  viabilité. 


—  Un  certain  nombre  des  plaques  en  faïences,  récemment 
posées  pour  l'indication  des  rues  et  des  numéros  de  maisons, 
n'a  pas  résisté  à  Tintempérie  des  saisons  et  doit  être 
remplacé.  L'administration,  sur  les  indications  qui  lui  sont 
données  par  la  ville  de  Paris,  adopte  des  plaques  en  fonte 
avec  des  lettres  en  saillie  peintes  en  blanc.  ^200  de  ces 
plaques  sont  posées. 


(1)  Pour  une  plus  facile  compréhension  Ju  rt'cit,   nous  anlicipons  sur  les  évèneraeols. 
Cette  rue  ne  reçut  son  nom  qu'eu  1849. 


121 

Alliûl  obtient,  avec  un  rabais  de  6  %»  l'adjudication  des 
travaux  de  dragage  entre  Nanies  et  Paimbœuf  dont  le  devis 
par  an  monte  l\  100,000  fr. 

BALS,  CONCERTS,  THÉÂTRE. 

Un  bal  de  bienfaisance  par  souscription  est  donné  en 
janvier  au  Grand-Théâtre.  Il  produit  une  somme  nette  de 
6,685  fr. 

La  salle  des  Variétés  voit  se  succéder,  tout  le  long  de 
Tannée,  une  série  presque  ininterrompue  de  bals.—  Depuis  le 
premier  jour  de  l'an  jusqu'aux  jours  gras,  ce  sont  des  bals 
dits  bourgeois  pour  lesquels  on  paye  une  cotisation  de 
50  centimes  donnant  droit  à  des  rafraîcliissements.  —  En 
mars,  les  cliefs  d'ateliers,  contre-maîtres  et  ouvriers  organi- 
sent une  fêle  dansante  à  laquelle  sont  invitées  les  autorités 
civiles  et  militaires,  et  dont  la  recette,  qui  dépasse  1,100  fr., 
est  versée  au  Bureau  de  Bienfaisance.  —  C'est  ensuite,  en 
mai,  le  bal  des  garçons  boulangers,  et,  en  novembre,  un  bal 
au  profit  des  incendiés  de  la  filature  Berlin.  Les  autorités 
honorent  ce  dernier  de  leur  présence.  Les  bals  bourgeois 
recommencent  avec  Thiver. 


En  mars  :  Ch.  Mansui  ,  pianiste  et  compositeur.  — 
Mi*e  Malescot,  pianiste.  —  Avril  :  Demarie,  pianiste,  avec 
exécution,  par  les  chœurs  de  la  Société  des  Beaux- Arts,  de 
plusieurs  morceaux.  —  Mai  :  M"^  Drouart,  prima  donna  de 
la  troupe  d'opéra. 

Une  troupe  de  8   ménestrels  pyrénéens  se  fait  entendre  à 
la  salle  de  la  mairie,  à  la  Cathédrale,    k  Notre-Dame-de- 
Bon-Port. 

—  C'est  un  véritable  assaut  de  générosité  entre  les  artioics. 

Bressler  et  les  artistes  du  Conservatoire  donnent,  dans  les 


H"! 

salons  de  la  place  de  la  Monnaie,  un  concert  donl  le  produit, 
(]ni  atteint  416  fr.,  est  distribué  au  Unreau  de  Bienfaisance, 
aux  salles  d'asile  et  à  la    Société  de  charité  maternelle. 

Le  pianiste  Listz  se  fait  entendre  dans  les  salons  du  Conser- 
vatoire et  abandonne  le  produit  de  la  recette  pour  la  création 
d'une  première  crèche. 

l^e  violoniste  Konstki  donne,  dans  la  salle  de  la  Mairie,  aux 
élèves  du  collèoe  Hoyal,  un  concert  dont  le  produit  est 
destiné  à  la  fondation  d'une  nouvelle  salle  d'asile. 


lia  campagne  théâtrale  se  poursuit  dans  de  bonnes 
conditions,  grâce  à  une  grande  variété  de  spectacles.  Le 
théâtre  de  Molière.'  est  môme  mis  à  contribution.  Tartuffe 
et  le  Malade  imaginaire  sont  donnés. 

Tilly  est  maintenu  directeur  pour  l'année  1845-1846.  Il 
a  une  subvention  de  40,000  fr.  Les  portes  du  théâtre  s'ou- 
vreni,  le  10  mai,  avec  la  troupe  de  comédie  seulement.  La 
saison  d'été  est  très  brillante.  Des  artistes  de  grand  renom  se 
succèdent  sur  la  scène  Graslin. 

Rachel  vient,  du  17  au  "26  juin,  se  faire  entendre  dans 
les  HoraceSf  Androinaque,  Pobjeucle,  Marie  Stuart,  puis 
revient,  le  9  juillet,  donner  Bajazel.  La  grande  tragédienne 
excite  un  grand  enthousiasme.  Le  prix  des  places  est  doublé. 
La  recette  de  la  première  représentation  atteint  presque 
6,000  fr. 

Levassor,  du  Palais  Royal,  se  produit  en  août  dans  les 
principales  pièces  de  son  répertoh'e.  —  Tom-Pouce  inter- 
prète le  rôle  du  Petit-Poucet  dans  la  pièce  qui  porte  ce 
titre. 

La  campagne  d'opéra  commence  le  5  décembre.  Elle  esl 
marquée  par  le  grand  succès  de  M''«  Masson.  —  Poultier 
de  rOi)éra  et  Lafout  des  V.u'iétés  viennent  en  représen- 
tation. 


1^3 

Le  prix  des  places  du  parterre  est  augraenlé  el  porté  de 
1  fr.  50  c.  à  -2  fr.  A  cette  aueçmenialion  de  prix  correspond 
l'inslallalioii  de  dossiers  aux  banquettes. 

Le  violoniste  Konslki  el  le  pianiste  Lislz,  deux  artistes  en 
grande  vogue,  se  produisent  au  Grand-Théâtre,  chacun  dans 
trois  représentations,  mais  au  cours  de  spectacles  différents. 
—  La  représentation  annuelle,  donnée  au  bénéfice  des  pauvres, 
produit  une  recette  nette  de  1,8/4  fr.  -20  c.  dont  743  fr.  20  c. 
provenant  des  plateaux. 

Le  bœuf  gras  est  promené,  pendant  toute  la  semaine 
sainte,  à  grand  renfort  de  tambours  et  de  musique.  Le 
cortège  des  garçons  bouchers  s'efforce  de  donner  h  la 
promenade  encore  plus  d'éclat  que  les  années  précédentes. 
Le  bœuf  pèse  le  poids  exceptionnel  de  1,300  kilos. 


Les  attractions  se  succèdent  sur  la  scène  des  Variétés. 
En  juin,  c'est  l'exhibition  d'une  machine  i\  fabriquer  les 
glaces  et  les  sorbets  que  l'on  fait  fonctionner  sous  les  yeux 
du  public..  —  En  juillet,  c'est  le  général  Tom-Pouce,  d'une 
taille  de  0°',67  el  pesant  7^5:0.  Ce  nain  se  montre  égale- 
ment à  la  salle  d'Alger  el  au  Grand-Théâtre.  —  En  août, 
Léon,  l'artiste  aquatique  ()arisien,  attire  le  public  avec  ses 
fontaines  lumineuses,  ses  scènes  de  nécromancie,  etc.  — 
En  octobre,  on  y  voit  un  géant  de  23  ans,  taille  2"»,30, 
poids  195  kilos. 

Les  frères  Leroux,  directeurs  du  petit  théâtre  de  Riquiqui, 
sont  de  retour  el  s'installent  à  demeure  avec  leurs  Lilliputiens, 
dans  une  maison  de  la  rue  Mercœur,  en  face  de  T infirmerie 
de  la  maison  d'arrêt.  —  Un  ex-associé  du  théâtre  Comte  de 
Pans  monte,  dans  le  passage  Pommeraye,  un  petit  spectacle 
avec  danses,  marionelles,  ombres  chinoises.  —  Gonus,   en 


124 

seplembre-oclobri\  donne,  au  manè^^e  de  la  rue  Lafayelle, 
des  séances  d'escamotage ,  physique  amusante ,  fanlas- 
magorie. 

Sur  la  place  Bretagne  on  voit  :  La  Passion,  en  tableaux 
vivants  avec  personnages  de  marbre  ;  un  grand  musée  avec 
120  sujets  ;  les  Groloniaques  modernes,  luttes  d'hommes  ; 
le  théâtre  des  Grandes-Illusions.  —  La  lanterne  magique 
de  Bœuf  circule  chaque  soir  dans  les  rues  pour  se  mettre 
à  la  disposition  des  familles.  —  Des  essais  de  combats  de 
coq,  à  l'instar  de  ceux  de  Belgique,  sont  tentés  à  la 
Grenouillère. 


Année    1846 

Les  inondation?.  —  Lo  nouveau  tarif  d'octroi.  —  Travuux  du  chemin  de  fer.  — 
Emplacement  de  la  gare.  —  Bassin  de  Saiut-lNazaire.  —  Paquebots  transatlantiques. 
—  Elections  municipales.  —  Elections  Pgislalives.  —  Le  général  Lamuricière.  — 
Mouvement  pruleclionnisle.  —  Divers  :  Ibraliim-Pacba,  prince  de  Joinvillc.  les 
Polonais,  la  Société  des  architectes,  Vt  Hennequin,  etc.  —  Services  publics.  — 
Enseignement  et  putilicalions.  —  Agriculture.  —  Commerce  et  industrie.  — 
Monuments  et  voirie.  —  Concerts,  Théâtre,  etc. 

INONDATIONS. 

L'année  est  marquée  [jar  plusieurs  inondations  de  la 
Loire. 

Une  première  crue  se  fait  sentir  en  janvier  el  février. 
Le  '2  de  ce  dernier  mois,  la  cote  maximum  de  5°, 1^2  est  atteinte. 
Une  souscription  est  ouverte  en  faveur  des  victimes  du 
fleuve. 

En  avril,  les  eaux  de  la  Loire  débordent  une  deuxième  fois. 

En  octobre,  une  nouvelle  cl  plus  terrible  inondation 
exerce  ses  ravages  sur  toute  l'étendue  du  bassin  de  la  Loire 
el  occasionne  des  pertes  incalculables  à  Orléans,  Tours,  etc. 
Notre  ville,  par  suite  de  la  rupture  des  digues  destinées  à 
protéger  les  vallées  qui  se  trouvent  en  amont,  est  moins 
éprouvée.  L'eau  n'y  alleinl  que  la  cote  de  4'°,80.  Un  mou- 
vement spontané  de  sympathie  pour  les  malheureux  inondés 
se  produit  i)ar  toute  la  France,  et  le  Ministère  centralise  les 
offrandes  qui  lui  sont  envoyées  des  divers  points  du  terri- 
toire. A  Nantes,  la  souscription  ouverte  dans  ce  but  dépasse 
la  somme  de  '25,000  fr. 

NOUVEAU    TARIF    D'OCTROI. 

Une  ordonnance  royale  du  20  décembre  1843  autorise  la 
perception,  à  partir  du  l^"^  janvier  1846  jusqu'au  31  décembre 


1-26 

1855,  d'un  nouveau  larif  d'oclroi.  Le  tarif  en  vigueur  remon- 
lail  à  l'année  1816,  et  quelques  articles  seulement,  depuis 
ce  moment,  avaient  été  l'objet  d'une  modification. 

Voici  les  principales  dispositions  d\\  nouveau  tarif. 

Création  de  droits  :  Marbre,  15  fr.  le  mètre  cube.  — 
Pierres  de  Crazannes  et  de  Saint-Savinien,  1  fr.  le  mètre 
cube.  —  Bois  du  Nord,  "1  fr.  le  mètre  cube.  —  Verres  à 
vitre,  1  fr.  50  c.  les  50  kilos.  —  Bouteilles  de  demi-litre  et 
au-dessus,  1  fr.  le  cent.  —  Fers,  2  fr.  les  100  kilos. 

Augmentation    de    droits  :   Noix    sèches,    portées    de 

0  fr.  50  c.  à  1  fr.  l'hectolitre.  —  Tufteaux,  de  1  fr.  h  1  fr.  50  c. 
les  100  kilos.  —  Ardoises,  de  1  fr.  50  c.  à  ^2  fr.  le  mille. 
—  Bougies  de  toute  nature,  25  fr.  les  100  kilos. 

Nouveau  mode  de  perception  :  Droit  par  tête,  pour 
bœufs,  de   "25  fr.,  pour  veaux,  de  3  fr.,  pour  moutons,  de 

1  fr.  50  c,  transformé  en  un  droit  uniforme  de  4  fr.  65  c. 
les  100  kilos.  —  Droit  de  8  fr.  par  tête  pour  les  porcs  frais 
dépecés,  remplacé  par  celui  de  0  fr.  10  c.  le  kilo  ;  pour  les 
porcs  salés,  par  celui  de  0  fr.  15  c.  le  kilo.  —  Oranges  : 
droit  de  10  fr.  les  100  kilos,  remplacé  par  celui  de  2  fr.  20  c. 
la  caisse.  —  Bois  de  chauffage  :  droit  au  stère  substitué  à 
celui  par  charretée.  —  Droits  séparés  pour  la  chaux  vive 
ou  éteinte,  le  plâtre  cru  ou  cuit.  —  (ies  modifications,  qui 
ont  pour  objet,  soit  la  suppression  d'abus  ou  de  fraude,  soit 
un  mode  plus  équitable,  entraînent  des  augmentations  [lour 
la  plupart  des  articles. 

Diminution  de  droits  :  La  viande  par  quartiers  ou  mor- 
ceaux est  réduite  de  0  fr.  15  c.  à  0  fr.  09  c.  le  kilo.  (Les 
entrées,  en  1840,  atteignent  225,065  kilos,  contre  91,281  en 
1845.) 

Suppressions  de  droits  sur  :  les  poissons  secs  et  salés 
taxés  à  0  fr.  10  c.  le  kilo,  dégrevés  à  titre  de  nourriture 
des  pauvres,  —  sur  le  charbon  de  terre.  Ce   droit,  fixé  en 


127 

l'an  X   it  0  fr.  10  c  ,  avait  élé  porté  à  0  fr.  11  c.,0  fr.  15  c. 
et  0  fr.  -iO  c.  et  réduit  en  1837  à  0  Ir.  10  c. 

Un  arrêté  du  Maire,  en  daltî  du  "27  janvier,  rend  exécutoire 
le  nouveau  tarif  à  partir  du  ^20  janvier. 

TRAVAUX  DU  CHEMIN  DE  FER. 

Les  travaux  de  construction  du  chemin  de  fer  sont  poussés 
avec  activité.  Les  actionnaires  de  la  Société  concessionnaire 
se  réunissent  en  assemblée  générale  à  la  salle  Herz,  sous  la 
présidence  de  de  Lancaslel.  Un  étal  de  l'civancement  des 
travaux  et  de  la  situation  financière  est  mis  sous  leurs  yeux. 
Un  très  vif  débat  s'élève  au  sujet  de  Tindemnilé  réclamée 
par  les  administrateurs,  lesquels  sont  au  nombre  de  '27. 
La  somme  de  150,000  fr.  demandée  par  eux  est,  après  une 
discussion  orageuse,  réduite  à  100,000  fr. 

EMPLACEMENT  DE  LA  GARE. 

Aucune  solution  n'est  prise  au  sujet  de  l'emplacement  de 
la  future  gare.  Goullin  [)ubiie  une  brochure  pour  défendre 
le  projet  de  gare  à  V Entrepôt.  Une  nouvelle  combinaisou 
est  mise  en  avant,  dans  laquelle  la  gare  serait  située  dans  la 
prairie  de  la  Madeleine  et  reliée  par  un  bassin  au  bras  de  la 
Madeleine.  —  Les  ingénieurs  et  plusieurs  administrateurs 
de  la  Compagnie  viennent  sur  place  étudier  la  question  des 
emplacements.  Le  Préfet,  le  28  juin,  les  met,  dans  ses  salons, 
en  rapport  avec  les  diverses  notabilités  de  la  ville  qui 
patronnent  les  combinaisons  proposées.  Tout  le  monde  tombe 
d'accord  sur  le  prolongement  de  la  ligne  jusqu'au  port, 
avec  une  gare  secondaire  à  l'entrée  de  la  ville  pour  les 
voyageurs. 

BASSIN    DE    SAINT-NAZAIRE. 

Rien   n'est  décidé  pour    la    construction   du  bassin.  Un 


128 

conflit  qui  s'élève  onlre  les  deux  ingénieurs  chargés  des 
éludes,  Jégou  et  Gabrol,  relarde  TadopUon  d'un  plan  défi- 
nilif.  Celincidenl  exciie  dans  noire  commerce  un  vif  mécon- 
lenlemeni.  Une  Commission  naulique  est  nommée  par  le 
Préfet  pour  donner  son  avis  ;  elle  se  compose  de  Ad.  Le  Cour, 
président  ;  Denis  Lauriol,  H.  Âuger,  Jalabert,  Tarloué, 
Lepecbour,  Gallan. 

Un  projet  d'enceinte  fortifiée,  dont  le  devis  s'élève  à 
5  millions,  est  déposé  par  le  Gouvernement.  Mais  l'absence 
d'un  plan  définitif  pour  le  bassin  amène  un  ajournement  de 
son  étude  par  les  Chambres. 

PAQUEBOTS  TRANSATLANTIQUES. 

La  ligne  du  Brésil,  qui  avait  été  attribuée  au  port  de 
Saint-Nazaire,  est  sur  le  point  de  nous  être  enlevée.  Une 
Compagnie  du  Havre  s'ofîre  pour  exploiter  toutes  les  lignes 
Iransallantiques  projetées  par  le  Gouvernement.  Marseille  et 
Bordeaux  unissent  leurs  instances  à  celles  de  Nanies  ei  se 
liguent  contre  le  Havre.  Le  Gouvernement  semble  disposé  à 
partager  ses  faveurs  entre  le  Havre  et  Marseille,  lorsqu'un 
vice  de  forme  l'oblige  à  retirer  son  projet. 

ÉLECTIONS   MUNICIPALES. 

Les  électeurs  municipaux  sont  convoqués  du  5  juillet  au 
•28  juillet,  pour  procéder  au  renouvellement  de  la  série  sor- 
tante, qui  avait  été  élue  en  1840. 

Trois  sièges  sont,  en  outre,  vacants  :  un  à  la  section  F, 
celui  de  Dérivas,  décédé,  et  deux  à  la  section  K,  ceux  de 
Henry  Thébaud  et  de  Wattier,  démisiotmaires. 

La  lutte  présente  une  animation  plus  grande  qu'aux  der- 
nières élections.  Le  National  de  l'Ouest,  L'Hermine, 
L'Ouest,  Le  Courrier  de  Nantes  descendent  résolument 
dans  l'arène.   Le   maire,  Ferdinand  Favre,  est    violemment 


129 

attaqué.  Le  Courrier  de  Nantes  le  somme  de  quitter  les 
affaires  municipales.  —  Guépin,  dans  Le  National  de 
l'Ouest,  discute  les  actes  de  son  mairal  (i),  lui  reproche  son 
manque  de  fermeté;  il  souliaite  cependant  de  le  voir  revenir 
à  la  têle  de  l'administration,  mais  l'engage  à  se  montrer 
plus  jaloux  des  prérogatives  municipales.  L'Imprimerie  du 
Commerce  met  en  venle  une  petite  brochure,  le  Vade  mecum 
des  élections  municipales  à  Nantes,  qui  contient  la  liste  des 
électeurs  et  autres  documents.  Les  divers  partis  organisent 
des  réunions  préparatoires  en  vue  de  se  concerter  pour 
présenter  des  candidats. 

Section  C.  —  Membres  sortants  :  Polo  et  Renoul.  — 
Inscrits  :  ^200.  —  Au  "2«  tour,  sont  élus  :  Favreau,  par 
58  voix,  Renoul,  par  55  voix  sur  1"24  votants. 

Section  G.  —  Membres  sortants  :  J.  Gouin  et  Caillé.  — 
Inscrits  :  -i98.  —  Sont  élus  au  'i«  toui'  :  Ad.  Bonamy,  par 
95  voix  ;  Caillé,  par  62  voix  sur  150  votants. 

Section  K.  —  Membres  soilants  :  J.-B.  Etienne  et 
Goullin.  —  Inscrits  :  $5"!.  ~  Sont  élus  au  1"  tour  :  Guépin, 
par  10-2  voix  ;  Wattier,  par  93  voix  sur  182  volanls. 

Section  F.  —  Membres  sortants  :  Barrât  et  (ilémansin.  — 
Inscrits:  237.  —  Méry  est  élu  au  1"  tour  par  73  voix, 
sur  143  votants  ;  J.-H.  Etienne,  au  2«=  tour  par  51  voix 
sur  136  votants. 

Section  E.  —  Membres  sortants  :  Robineau  de  Bougon 
et  C.  Mellinet  (décédé).  —  Inscrits  :  343.  —  Polo  aîné  est 
élu  au  1"  tour  par  119  voix  sur  201  votants;  Besnard  la 
Giraudais,  au  2«  tour,  [)ar  99  voix  sur  194  votants. 

Section  D.  —  Membres  sortants  :  Brousset  et  Gresié.  — 


(1)  Mot  lesluel  de  Guêpiii. 


180 

Inscrits  :  3*20.  —  Sont  élus  au  "!«  tour  :  Coupiie  par 
100  voix  ;  Brousset,  par  69  voix  sur  193  volants. 

Section  H.  —  Meml^res  sortants:  M.  Ghéguiliaume  et 
A.  Fleury.  —  Inscrits  375.  —  Sont  élus  au  2«  tour: 
Quoncau  par  131  voix,  M.  Ghéguiliaume,  par  94  voix  sur 
189  votants. 

Section  I.  —  Membre  sortant  :  Guissart.  —  Inscrits  3^25. 

—  Guissart  est  élu  au  l«f  tour  par  117  voix  sur  201  votants  ; 
F.  Braheix,  au  2«  lour,  par  92  voix  sur  184  votants. 

Section  B.  —  Membres  sortants  :  Le  Sant    et  A.  Jégou. 

—  Inscrits  :  355.  —  Jégou  est  élu  au  l*"-  tour  par  107  voix 
sur  210  votants;  Grespel  de  la  Touche,  au  2«  tour  par 
126  voix  sur  181    votants. 

Section  A.  —  Membres  sortants  :  Gicquel  et  Seheult.  — 
Inscrits  :  243.  —  Ghevas  est  élu  au  l^"^  tour  par  15  voix  sur 
163  votants. 


Sont  nommés  en  remjilacement  des  membres  sorlaîits  en 
1849  décédés  ou  démissionnaires  : 

Section  K.  —  Au  l"  tour,  H.  Thébaud  i»ar  121  voix  sur 

197  votants;   Mangin    père    au   2«  tour   par   120  voix    sur 
99  votants. 

Section  F.  —  Au  2^  tour,  Barrai  par  53  voix  sur  121 
votants. 

Les  partis  d'opposition  n'ont  pas  h  regretter  les  elï'orts 
qu'ils  ont  dépensés  dans  ht  hille,  car,  pour  la  [iremière  l'ois, 
ils  ont  poussé  au  Gonseil  qiiehiues-uns  de  leurs  représentants. 
L'opposition  de  gauche  revendique  comme  lui  appartenant  : 
V.  Mangin,  Gnépin,  H.  Théhand,  Ghevas,  et  l'opposition  de 
droite:  Favrean,  Besnard  la  Giraudais,  Grespel  de  la 
Touche. 


ISl 


Le  Conseil  a,  pour  une  durée  de  trois  ans,  la  coiuposilion 
suivante  : 

Sortants  en  1849. 

Section  A.  —  F.  Favre. 

—  B.  —  Biclet. 

—  C.  —  Prevel. 

—  D.  —  Moriceau,  d.-ni. 

—  Ë.  —  Marie,  d.-m. 

—  F.  —  Trenchevenl. 


L.  Vallel. 

Ev.  Golombel. 
A.  Garnier. 
A.  Clierol. 
Barrât. 


G.  --  Th.  Chéguillaume.    Huelte 


—  H.  —  J.  Roux. 

—  /.  —  Bignon. 

—  K.  —  E.  Thébaud. 

Sortants  en  1852. 

Section  A.  —  J.-J.  Chevas. 

—  B.  —  A.  Jesfou. 

—  C.  —  Favreau. 

—  D.  —  Gouprie. 

—  E.  —  Polo  aîné. 

—  F—  Méry. 

—  G.  —  A.  Bonamy. 

—  H.  —  M.  Ctiéguiliaume. 

—  /.  —   Cuissart. 


F.  Talvande 

Clienantais. 

Mangin. 


Crespel  de  la  Touche. 

Renoul. 

Brousset. 

Besnard  la  Giraudais, 

J.-B.  Etienne. 

Caillé. 

F.  Queneau. 

F.  Braheix. 

Watlier. 


—      K.  —  Guépin. 

L'entrée  aux  affaires  municipales  des  légitimistes  et  des 
républicains,  détermine,  au  sein  du  Conseil,  des  couranis 
d'opinions  inconnus  jusqu'alors,  et  lui  donne  une  physionomie 
nouvelle;  aussi  la  municii)aliié  en  exercice  se  trouve-l-elle 
dans  une  position  délicate.  Elle  comprend  la  difficulté  de  la 
situation  et  donne  sa  démission.  Sur  la  demande  du  Préfet, 
elle  consent  i\  continuer  l'exi)édition  des  affaires  jusqu'à  ce 
qu'elle   soit   remplacée.    L'Administration  de    F.  Favre  est 


\n 

vigoureusemenl  attaquée.  A.  Garnier  lente  de  toimer  une 
Administration,  mais  il  ne  peut  aboutir.  Le  Préfet  <onge  un 
instant  à  confier  la  mairie  aux  six  premiers  inscrits  sur  le 
tableau  ;  enfin  on  en  revient  à  F.  Favre. 

Une  ordonnance  du  3  octobre  le  nomme  maire  et  appelle 
p.  Guissart  aux  fondions  d'adjoint. 

C'est  seulement  le  %  octobre  que  l'Admi'iistralion  est 
complétée  par  la  nomination  de  M.  Chéguillaume,  Polo  aîné, 
Trenchevent  aîné,  Couprie  aîné. 

ÉLECTIONS  LÉGISLATIVES. 

Les  électeurs  sont  convoqués,  le  1^^  août,  pour  procéder 
au  renouvellement  de  la  Chambre  des  Députés.  La  lutte  est 
encore  plus  vive  qu'aux  précédents  scrutins. 

—  l"""  Collège.  —  (1«\  i%  8«  cantons  de  Nantes).  — 
Dubois,  député  sortant,  trouve  un  sérieux  concurrent  dans 
A.  Garnier,  qui  cherche  à  gouper  les  sul'irages  des  minis- 
tériels et  des  légitimistes.  381  électeurs  sur  457  inscrits 
prennent  part  au  vote.  Dubois  est  élu  par  par  213  suffrages. 
Garnier  en  obtient  165,  et  de  Sesmaisons,  3. 

—  2«  Collège.  —  (4%  5«  et  6«  cantons).  —  Bignon  est 
réélu  par  '299  voix.  F.  Quesneau  n'en  recueille  que  113. 

—  3«  Collège.  —  (Pont-Rousseau).  —  Lanjuinais  est  réélu 
par  263  suffrages.  Les  légitimistes  donnent  46  voix  à  de 
Lancastel  et  13  \\  de  Cornulier. 

—  Billaull  est  réélu  i\  Ancenis  [)ar  99  voix  sur  117  volants 
et  150  inscrits. 

—  A  Chûteaubriant ,  180  électeurs  sur  194  inscrits 
dé[iosent  leur  bulletin.  La  lutte  est  très  chaude.  On  en  vient 
même  ^  des  actes  de  violence  et  150  soldais  sont  envoyés 
pour  rétablir  l'ordre.  De  la.  Haye-Jousselin,  candidat  minis- 
tériel, soutenu  par  les  légitimistes,  l'emporte  avec  9t>  voix. 
Son  adversaire,  de  la  Piloruerie,  en  obtient  84. 


133 

—  A  Paimbœuf,  E.  Colombel,  candidat  de  l'opposilion, 
avec  79  voix  enlève  son  sièjie  à  Le  Ray  qui  n'en  oblieni 
que  73. 

Les  électeurs  de  Savenay  maintiennent  Ternanx  sur  son 
siège.  Il  a  170  voix  De  la  Roclielte,  candidat  des  légiiinaistes, 
en  recueille  141. 

LE    GÉNÉRAL    LAMORICIÈRE. 

Le  général  Laraoricière  quitte  le  tliéâire  de  ses  exploits 
pour  venir  tenter  la  fortune  électorale.  Notre  ville  lui  réserve 
un  accueil  enthousiaste.  La  population  se  porte  en  foule  pour 
l'acclainer  au  domicile  de  son  oncle  Robineau  de  Bougon, 
place  de  Gigant,  Le  corps  des  officiers  de  la  garde  nationale 
se  rend  à  sa  propriété  de  Tourneron  pour  le  féliciter.  Un 
banquet,  au  haut  prix  de  10  fr.,  s'organise  en  son  honneur. 

Le  brillant  général  n'est  pas  heureux  dans  ses  compétitions 
électorales.  Il  échoue  à  Paris  et  à  Gholel. 

Le  banquet  qui  lui  est  offert  à  la  Bourse  n'en  est  pas 
moins  un  triomphe  pour  lui.  Il  est  présidé  par  le  Maire, 
entouré  de  Dubois,  Lanjuinais,  Gouin,  etc.  Le  rôle  de 
candidat  d'opposition,  qu'il  a  pris  dans  la  lutte  électorale, 
lui  a  aliéné  les  sympathies  des  amis  du  pouvoir;  aussi 
conslale-t-on  au  banquet  l'absence  des  autorités,  et  les 
officiers  ne  peuvent  y  assister  quen  tenue  civile. 

Le  général,  lors  d'une  élection  complémentaire  à  Sainl- 
Galais  (Sarthe),  enlève  un  siège  législatif. 

MOUVEMENT  PROTECTIONNISTE. 

Un  groupe  de  négociants,  à  la  tête  duquel  se  trouve  Aug. 
Garnier,  prend  l'initiative  d'une  réunion  en  vue  de  provoquer 
un  mouvement  en  faveur  de  la  protection  du  travail  national. 
Celle  réunion  a  lieu  le  11  décembre,  dans  la  grande  salle 
de  la  Mairie.  Garnier  la  préside,  et  Gherot,  secrétaire  provi- 


134 

soire,  donne  lecture  d'un  manifeste  protectionniste  dont  les 
conclusions  sont  les  suivantes  : 

1"  Sera-l-il  formé,  ou  non,  une  association  pour  la 
défense  du  travail  national  et  la  réforme  pros^ressive  des 
droits  de  douane  ? 

2°  Sera-t-il  formé,  ou  non,  un  comité  actif  pour  la  défense 
du  travail  national  et  la  réforme  progressive  des  tarifs  de 
douane  ? 

L'assemblée,  à  l'unanimité,  donne  une  réponse  affirmative 
aux  deux  questions. 

Il  est  immédiatement  procédé  à  la  formation  du  comité 
actif.  Le  bureau  provisoire,  composé  de  Garnier,  Gherot, 
Th.  Ghéguillaume,  Gâche,  J.-B.  Etienne,  P.  Ghégudiaume, 
L.  Vallet,  est  désigné  pour  en  faire  partie.  On  lui  adjoint 
d'autres  membres  appartenant  au  commerce,  à  l'industrie,  à 
l'agriculture.  Lei2  décembre,  le  Gomité  constitue  un  bureau 
définitif,  qui  est  composé  de  A.  Garnier,  président  ;  Ev. 
Golombel  et  Th.  (ihéguillaume,  vice-présidents  ;  A.  Gherot 
et  Neveu-Derolrie ,  secrétaires.  On  charge  F.  Braheix, 
F.  Quesneau,  Goupilleau,  Voruz  et  Jamont  de  se  concerter 
avec  le  bureau  pour  rédiger  un  projet  de  statuts.  On  donne 
k  l'association  le  titn;  de  «  Association  de  Nantes  pour  la 
»  défense  du  travail  national  (  t  la  réforme  du  système  de 
»  douanes.  » 

DIVERS. 

De  grands  préparatifs  sont  faits  pour  recevoir  dignement 
Ibrahim-Pacha,  fils  du  vice-roi  d'Egypte,  qui  se  rend 
d'Espagne  à  Paris,  en  passant  par  Toulouse,  Bordeaux  et 
Nantes.  Un  bal  par  souscription  s'organise  sous  les  auspices 
de  la  Municipalité.  Le  commerce  se  prépare  h  lui  offrir  un 
banquet.  Arrivé  à  Bordeaux,  Ibrahim-Pacha  change  d'itiné- 
raire et  se  rend  directement  à  Paris. 


135 

Le  prince  de  Joinville  passe  quelques  heures  à  Nantes, 
dans  la  journée  du  ^6  mars,  pour  se  rendre  l\  Indret,  où 
il  va  assister  au  lancement  du  Passe -Partout,  yacht  de 
1^20  chevaux,  destiné  au  service  particulier  du  Roi.  Ce  yacht 
est  le  premier  bateau  en  fer  qui  ail  été  construit  en  cet 
établissement  (<). 

Les  Polonais  en  résidence  ii  Nantes,  sur  l'ordre  qui  lenr 
est  donné  par  le  comité  de  Paris,  se  préparent  à  quitter 
notre  ville,  pour  prendre  part  au  soulèvement  qui  a  éclaté 
dans  leur  pays.  'Des  souscriptions  sont  ouvertes  par  le 
National  de  l'Ouest,  pour  leur  venir  en  aide.  Les  républi- 
cains s'agitent  beaucoup  en  leur  laveur.  L'Administration 
et  ses  amis  se  tiennent  systématiquement  à  l'écart  du  mou- 
vement. 


La  Société  des  architectes  de  Nantes  est  autorisée  par 
décision  minislérieHe  du  18  avril  1846.  Cette  société  a  prin- 
cipalement pour  but  de  s'occuper  des  questions  d'art,  de 
pratique,  de  jurisprudence  et  d'administration  relatives  à 
l'architecture.  Les  membres  sont  :  Amouroux,  secrétaire 
principal;  Blon,  Bourgerel,  secrétaire  adjoint;  Buron, 
Chagniau,  Ghenaniais,  Crucy,  de  Raymond,  Douillard  aîné, 
Douillard  jeune,  vice-président  ;  Driollet,  Faucheur,  Gilée 
père,  Gilée  fils,  Guillemet,  Lholellier,  Liberge,  Mortier, 
Nau,  président  ;  Seheult ,  Trotreau,  Van  Iseghera.  Ils 
tiennent  leur  séance  dans  une  salle  de  l'immeuble  municipal 
de  la  rue  du  Moulin. 

Bourgerel  obtient  une  médaille  d'or  à  la  section  d'archi- 
tecture de  l'exposition  de  Paris. 


(1)  Les  sculptures  du  bateau  sout  l'œuvre  de  Suc.  Les  travaux  de  menuiserie  et  de 
tapisserie  sont  confiés  à  Maurice. 


186 

A  l'occasion  de  la  fêle  du  Roi,  sont  décorés  de  la  légion 
d'honneur  :  Jules  Gouin,  banquier,  vice-président  de  la 
Chambre  de  Commerce,  et  Aug.  Garnier,  négociant,  maître 
de  forges,  président  du  Tribunal  de  Commerce. 


Le  père  de  Ravignan  vient  prêcher  une  station  à  la  Cathé- 
drale au  mois  de  mai.  Les  sermons  spéciaux  pour  les  hommes 
sont  très  suivis. 


Aux  fêles  nationales  de  juillet,  les  élèves  du  Collège  royal, 
qui  ne  sont  pas  en  congé  dans  leur  famille,  vont  grossir  les 
rangs  du  coriège  officiel.  Si  la  masse  de  la  population  se 
tient  de  plus  en  plus  à  l'écart  de  ces  fêtes,  il  n'en  est  pas  de 
même  des  républicains.  Ces  derniers,  au  nombre  de  7  à  800, 
se  rendent  au  monumenl  des  victimes  de  1830,  à  Miséri- 
corde. Victor  Mangin  prononce  un  discours  dans  lequel  il 
ravive  le  souvenir  de  la  révolution  de  juillet  et  en  réclame 
toutes  les  conséquences. 


Le  Ministre  de  la  Marine,  baron  de  Mackau,  passe  à  Nantes 
la  journée  du  ilil  septembre.  Il  visite  les  différents  aleliers 
auxquels  sont  confiés  des  travaux  pour  la  marine  de  l'Etat. 
Le  soir,  il  assiste  à  un  banquel  auquel  [)rennent  part  les 
aulorités  et  les  membres  du  Conseil  général.  Le  lendemain, 
il  se  rend  à  ludret,  puis  ci  Paimbœuf  et  à  Saint-Nazaire. 


La  Société  des  courses  trouve,  chez  les  fermiers  de  la 
prairie  de  Mauves,  de  grandes  exigences  pour  la  location  de 
leur  terrain.  La  commune  de  Chantenay,  mieux  inspirée 
qu'autrefois,  entre  en  pourparlers  avec  la  Société,  mais 
celle-ci,  craignant  qu'un  changement  d'hippodrome  ne  nuise 
au  succès  des  courses  et  à  la  popularité  dont  elles  jouissent, 
en  passe  par  les  prétentions   des  fermiers  de   la  prairie  de 


137 

Mauves.  Pour   compenser   les   sacrifices  qu'elle  a  dû  subir, 
elle  prend  le  pai'li  de  réduire  la  valeur  des  prix. 


Un  orateur  d'un  grand  lalenl,  Victor  Hennequin,  avocat  à 
la  Cour  d'appel  de  Paris,  après  une  tournée  en  Bretagne, 
donne,  du  M  au  30  octobre,  dans  la  grande  salle  de  la 
Mairie,  une  série  de  conférences  sur  les  doctrines  de  Fourier, 
dont  il  est  un  ardent  |)ropagaleur. 

Le  1*^'  novembre,  un  banquet  lui  est  oiïert.  Au  dessert,  il 
prei:d  la  parole  et  prononce  un  véritable  discours-programme. 

«  Socialistes  de  toutes  nuances,  s'écrie-i-il  dans  sa  péro- 
•>  raison,  vous  êtes  déjà  nos  frères,  vous  voulez,  comme 
»  nous,  la  solidarité,  la  concorde,  l'instruction  et  le  pain 
»  pour  tous.  Si  vous  désirez  sincèrement  le  progrès  sans 
»)  désordre,  la  conciliation  de  toutes  les  classes,  pourquoi 
»  ne  pas  vous  rallier  tous  h  cette  bannière,  où  l'on  voit  écrit 
»  en  caractères  lumineux  :  Droit  au  travail.  Association 
»  volontaire  du  capital,  du  travail  at  du  talent.  » 


Les  dresseurs  de  chevaux  recommencent  îi  suivre  la  retraite 
des  soldats  depuis  le  Port-au-Vin  jusqu'à  la  Caserne,  pour 
habituer  leurs  élèves  au  son  du  tambour.  La  police  est 
obligée  d'intervenir  pour  les  empêcher  de  se  livrer  à  cel 
exercice. 


Un  esturgeon  est  péché  à  Cunault  (Maine-et-Loire),  il 
mesure  -2"',40  de  longueur.  On  l'amène  à  Saumur,  pour  le 
montrer  aux  curieux. 


Le  4  juillet,  à  7  heures  du  matin,  a  lieu,  à  la  carrière  de 
Miséri,  un  lancer  de  pigeons  voyageurs  venus  de  Louvain 
(Belgique). 


10 


138 


SERVICES  PUBLICS. 


Chambre 

de 

Commerce. 


Une  ordonnance  royale  du  10  mars  autorise  la  cession  de 
la  bombarde  L'Eclair  à  la  Chambre  de  Commerce  pour  y 
installer  l'école  des  mousses.  On  procède  à  son  organisation 
et,  le  -24  septembre,  a  lieu  la  séance  officielle  de  son  inaugu- 
ration. —  Le  bâtiment  est  amarré  à  la  cale  des  Salorstes.  Il 
est  aménagé  pour  recevoir  50  enfants. 

.  —  Le  capitaine  Loarer  part  pour  Mayotte  sur  la  frégate 
L'Arinide.  Il  reçoit  une  somme  de  4,000  fr.  et  une  lettre  de 
crédit  sur  une  maison  de  Bourbon  pour  se  procurer  une 
collection  complète  des  produits  naturels  susceptibles  d'être 
importés  en  France.  La  Chambre  syndicale  des  courtiers  le 
charge  de  lui  fournir  des  renseignements  sur  cerlaines  mar- 
chandises. Le  Minisire  exprime  ses  regrets  à  la  Chambre 
pour  le  petit  nombre  d'échantillons  qu'elle  a  réuni.  Il  comp- 
tait sur  elle  et  ne  s'était  pas  adressé  aux  autres  Chambres  de 
Commerce  dont  il  se  voit  maintenant  obligé  de  demander 
lui-même  le  concours.  Comme  la  mission  doit  séjourner  quel- 
que temps  à  Bourbon,  les  navires  en  partance  de  Nantes 
pour  cette  colonie  emportent  un  complément  d'échantillons. 
Rouen,  Mulhouse,  Nîmes,  Cholet,  etc.,  s'empressent  de  ré- 
pondre à  l'invitallon  du  Ministre  et  font  parvenir  des  ballots 
et  caisses  de  marchandises. 

—  Le  monde  commercial,  tant  à  Paris  que  dans  les  princi- 
paux centres  de  province,  est  sous  le  coup  d'une  vive  agi- 
tation. Les  partisans  du  libre  échange  et  de  la  protection 
sont  aux  prises  et  plusieurs  comités  se  forment  :  comité 
pour  les  inlérôts  maritimes,  comité  pour  la  défense  des  inté- 
rêts de  la  navigation,  comité  de  la  défense  du  travail  natio- 
nal etc.  La  Chambre  est  sollicitée  par  eux,  mais  elle  déclare 
vouloir  s'en  tenir  à  a  plus  entière  neutralité. 


139 

'  Sont  nommés  pour  irois  ans  :  .1.  Roux,  GicqucI,  Guibert, 
Desloges,  P.  Roy  {il  août).  F.  Rignon  et  J,  Gouin  sont 
élus  président  et  vice-président. 

Sont  nommés  juges  titulaires  :  L.  Guérin-Doudet,  ancien 
juge,  Ad.  Desloges  et  J.-B.  I^tienne,  juges  suppléants  sor- 
tants. Ces  deux  derniers  sont  remplacés  par  Ant.  Ghauvet  et 
A.  Lafargue. 

L'effet  de  la  nouvelle  loi  continue  à  se  faire  sentir.  Les 
versements  montent  à  1,59G,85G  fr.;  les  remboursements,  à 
l,86i,180  fr.  Le  solde  dû  tombe  k  (),514,03.1}  fr.;  mais, 
par  contre,  les  acquisitions  de  rentes  sont  en  progrès  et 
atteignent  61,588  fr. 

Les  receltes  s'élèvent  à    115,7^7   fr.    et   les   dépenses   à 
ie.  l '^  3,572  fr. 

Les  prévisions  budgétaires  pour  1846  s'établissent  comme 
'  suit  : 

Receltes  ordinaires  et  extraordinaires.     ,     1.610.878  Ml 
Dépenses        id.  id.         .     .     '.610.780    49 


Excédant 97  '  50 


Chapitre  additionnel  des  receltes  :  177,715  fr.  41  c;  des 
dépenses  :  166,736  fr:  55  c. 

Les  recettes  brutes  alteignenl  la  somme  de  l,*2-29,829  fr., 
dépassant  d'environ  55,000  fr.  les  recettes  de  1845,  el  seu- 
lement d'environ  20,000  fr.  l'augmentation  normale.  Le  pro- 
jet élaboré  par  le  Conseil  municipal  prévoyait  de  meilleurs 
résultats,  mais  il  avait  été  remanié  au  ministère,  et  des  ré- 
ductions de  taxes  avaient  été  apportées  par  lui  sur  les  arti- 
cles dont  le  rendement  était  principalement  escompté. 


140 

.  Nolrt;  dé[)iUaiioii  coniiniie  ses  iradilions.  Bignon  esl  notutiié 
rapporteur  du  budget  des  dépenses.  Une  dout)le  marque  de 
considération  lui  est  donnée  par  le  Gouvernement.  Il  est 
prouui  commandeur  de  la  Légion-d'Honneur  et  nommé  con- 
seiller-maître à  la  (]our  des  Comptes.  Les  occu[>ations  que 
lui  imposent  ces  nouvelles  fondions  ramènent  à  résigner 
son  mandat  de  conseiller  municipal.  La  nouvelle  Chambre 
manifeste,  à  l'égard  de  nos  députés,  les  mêmes  sentiments  que 
Tancieniie.  Bignon  est  encore  premier  vice-président  pour  la 
session  1846-47.  Billault  manque  d'un  rang  l'honneur  d'être 
vice-président.  Par  contre,  Lanjuinais  est  nommé  quatrième 
secrétaire. 

Arrêtés        ^i±jma.  —  Police  des  bains  en  rivière  :  Bain  public  pour 
municipaux  j^^^j^jj^g  ^  [g  p,.yj,.n.  ^j^»  Mauves.  Baiu  public  pour  les  femmes, 

rendus  "^  '  "■ 

à  la  date  du  :  ï'ive  sud  de  la  pointe  de  l'île  Gloriette.  Des  boîtes  fumiga- 
toit^es  sont  déposées  à  Chézine,  sur  la  Fosse,  lie  Gloriette, 
chaussée  de  la  Madeleine,  au  port  Gommuneau,  à  la  prairie 
de  Mauves. 

!20  août.  —  Vente  et  vérification  des  viandes  foraines.  Le 
7  octobre,  un  marché  pour  les  viandes  foraines  est  ouvert 
le  mercredi  au  port  Gommuneau.  Précédemment,  celte  vente 
n'avait  lieu  que  le  samedi.  La  population  et  les  marchands 
sont  très  satisfaits  de  cette  innovation,  et  l'on  demande  que 
des  marchés  de  ce  genre  soient  autorisés  sur  d'autres  points 
de  la  ville. 

16  septembre.  —  Police  des  chiens  errants  et  des  chiens 
enragés. 


Le  1"  avril  est  ouverte  la  première  crèche  fondée  par  le 
comité  institué  par  la  municipalité.  Cette  crèche  est  installée 
passage  d'Alger,  quartier  Vallée.  Elle  est  aménagée  pour 
recevoir  '25  à  30  enfanis.  Un  comité  de  dames  est  organisé 


141 

pour  surveiller  le  fonclionnemenl  de  l'œuvre.  L'élablissemenl 
fisl  inauguré  el  béni  le  7  avril  par  Me''  de  Hercé  à  la  suite 
d'une  cérémonie  religieuse  célébrée  à  Noire-Dame  de  Bon- 
Porl,  au  cours  de  laquelle  M.  l'abbé  Fournier  porte  la  pa- 
role. 


Une  cinquième  salle  d'asile  est  inaugurée  dans  le  quartier 
de  Pirmil  le  15  mai.  Elle  est  installée  dans  un  local  cons- 
truit aux  frais  de  la  ville  et  qui  est  destiné  à  contenir,  en 
outre,  le  poste  d'octroi  et  un  corps  de  garde. 

La  société  pour  l'extinction  de  la  mendicité  publique  est 
reconnue  établissement  d'utilité  publique. 


Le  6  juillet,  on  commence  le  recensement  quuiquennal  de 
la  population. 

ENSEIGNEMENT    ET    PUBLICATIONS. 

L'abbé  Lechat,  professeur  de  philosophie  au  collège  royal, 
est  décoré  de  la  Légion-d'Honneur.  Dubois,  député,  est 
chargé  par  le  Chancelier,  de  lui  en  remettre  les  insignes. 


—  Le  baron  Berlrand-Geslin  groupe  quelques  botanistes 
et  fonde  la  Société  linéenne.  qui  ne  larde  pas  à  se  londrc 
dans  la  Société  Académique. 


—  Le  Conservatoire  de  musique  esi  érigé  m  succursale 
du  Conservatoire  de  Pans.  Le  Conseil  général  lu  accorde 
une  subvention  de  SOO  fr.  Le  maire  met  à  sa  disposition  un 
local  dans  l'injmeuble  communal  de  la  rue  du  Moulin.  Trois 
concerts  sont  donnés  dans  le  cours  de  l'année. 

—  L'Association  de  la  Providence  publie  une  brochure 
où  elle  présente  les  services  rendus  par  elle  à  la  classe  ou- 


14^2 

vrière.  Ses  six  écoles  avec  leurs  vingt-deux  classes  sont  di- 
rigées par  Irenie-deux  frères  ei  fréquentées  par  trois  mille 
enfants. 

Les  cours  spéciaux  se  multiplient  :  Cours  de  prononcia- 
tion, d'éloculion  et  d't'loquence  parlée  par  le  professeur 
Duquesnoy.—  Séances  de  magnétisme  animal  avec  le  concours 
d'une  dame  somnambule.  —  Leçons  de  mécanique  indus- 
trielle par  Wolski.  —  (Jours  de  droit  théorique  et  pratique 
pour  le  notariat,  par  Mousnier,  professeur  au  collège.  — 
Cours  d'archéologie  par  l'ahbé  Rousleau,  professeur  au  petit 
séminaire.  —  Cours  d'agriculture,  par  Heuzé,  professeur  ^ 
Grand  Jouan.  —  Cours  d'économie  rurale  par  Neveu-Dero- 
irie.  —  Leçons  d'anaiomie  et  de  physiologie  comparées,  par 
le  docteur  A.  Libaudière.  Certains  de  ces  cours  sont  gra- 
tuits. Pour  d'autres,  une  cotisation  est  demandée,  et  le  pro- 
fesseur, dans  une  première  séance  publique  tenue  générale- 
ment dans  la  grande  salle  de  la  mairie,  expose  le  [irogramme 
de  ses  leçons. 

La  Société  de  Sainte-Cécile,  avec  le  concours  de  l'orches- 
tre du  théâtre,  chante  à  Saint-Nicolas,  pour  la  première 
fois,  une  messe  soleimelle  en  l'honneur  de  sa  patronne.  - 
Henri  Mondeux,  le  pâtre  calculateur,  donne  des  séances. 

Le  l^""  novembre,  paraît,  à  Guérande,  un  nouveau  journal, 
Le  Saulnier,  qui  est  rédigé  par  Muterse.  —  Une  nouvelle 
feuille  théâtrale,  Le  Furet,  voit  le  jour. 

Dans  le  cours  de  l'année  sont  publiés  :  La  Vendée,  par  le 
baron  de  Wismes.  —  La  (jalère  armoricaine,  éditée  par 
Charpentier.  (La  publication,  commencée  en  1844,  se  ter- 
mine.) —  )iiUoire  de  Vélablisscinent  français  de  Mada- 
gascar pendant  la  Restauration.  —  Fleurs  à  Marie,  par 
Turquety.  —  Etudes  chimiques  sur  les  cours  d'eau  de  la 
Loire- Inférieure,  par  Ad.  Hobierre  et   Ed.  Moride.  —  Sa- 


143 

phisticatinns  des  matières  alimentaires,  par  Berlin.  — 
Vindusirie  Unéenne,  par  Clierol.  —  Institutions  de  la 
France,  par  Golombel. 

AGRICULTURE. 

Le  concours  annuel  du  comice  central  agricole  est  tenu, 
près  de  la  propriété  du  Chaffault,  sur  la  route  de  la  Rochelle. 
Le  Préfet  l'honore  de  sa  présence. 

La  fraude  des  engrais  est  activement  surveillée  par  l'ins- 
pecteur d'agriculture.  3^2  procès-verbaux  sont  dressés  par 
lui.  Le  congrès  central  agricole  de  Paris,  sur  la  proposition 
de  Payen,  s'inspire  de  l'exemple  donné  par  notre  départe- 
ment pour  demander  que  des  arrêtés  soient  pris  par  tous 
les  préfets  pour  prévenir  la  fraude  des  engrais. 

La  maladie  de  la  pomme  de  terre  jette  la  désolation  dans 
nos  campagnes.  Une  circulaire  de  l'inspecteur  d'agriculture 
indique  les  mesures  à  prendre  pour  la  combattre. 

Bertin  publie  une  brochure  :  Des  améliorations  produites, 
dans  le  commerce  du  noir  animal,  résidu  pur  des  raffi- 
neries, par  suite  de  l'arrêté  préfectoral  du  19  mai  1841. 
Les  rafïineurs  ne  sont  pas  satisfaits  de  cerlaines  allégations 
qui  les  concernent  et  font  entendre  de  vives  protestations. 

Le  blé,  jusqu'à  la  récolle,  oscille  entre  20  fr.  60  c.  et 
21  fr.  80  c.  l'hectolitre,  mais,  li  partir  du  mois  d'août,  il 
atteint  le  prix  de  22  fr.,  puis  la  hausse  continue.  Dans  le 
courant  d'octobre,  à  l'occasion  d'une  nouvelle  augmentation, 
des  placards  séditieux  et  excitant  le  peuple  à  l'émeute  sont 
affichés  en  ville,  mais  la  population  résiste  k  ces  provoca- 
tions. Une  commission,  dite  des   subsistances,   est  nommée 


144 

par  la  niunicipalilé.  lîlle  se  composi!  de  M.  Cliéguillaume, 
adjoint;  Gailk^  Thébaud,  TiXMichevenl,  Greslé,  conseillers 
municipaux  ;  Dezaunay,  Gonslaiilin,  Dagaull,  négociants  ; 
Leloup  et  Maillard,  chef  de  bureau.  L'année  se  termine  avec 
le  haut  prix  de  ^'  fr.  70  c. 

Le  seigle  suit  la  même  marche.  Il  varie  jusqu'en  septembre 
entre  13  et  14  fr.  rheclolilre.  A  pariir  de  ce  moment,  son 
prix  est  en  hausse  continue  et  atteint  il  fr.  90  c.  en 
décembre.  —  Il  en  est  de  même  pour  l'orge  qui,  après  avoir 
oscillé  entre  10  fr.  ^1^  c.  et  11  fr  50  c.  jusqu'à  la  récolte, 
monte,  en  septembre,  àli  fr.  ei,  après  une  série  d'augmen- 
tations, termine  l'année  au  cours  de  15  fr.  50  c.  —  De 
même  pour  l'avoine,  qui  est  cotée'aux  jirix  de  8  fr.  65  c  h 
9  fr.  75  c.  jusqu'en  septembre,  et  qui  alors  entre  en  hausse 
el  vaut  11  fr.  à  la  fin  de  décembre. 

Le  blé  noir  ne  participe  pas  à  ce  mouvement.  Il  débute  à 
8  fr.  75  c,  oscille  pendant  toute  l'année  entre  8  et  9  fr.  et, 
seulement  h  la  fin  de  décembre,  atteint  le  prix  de  10  fr.  — 
11  en  est  de  même  du  maïs,  qui  varie  entre  9  fr.  50  c.  el 
il  fr.  50  c. 

Prix  des  vins  à  la  récolle  :  Muscadets,  45  fr.;  gros-plants, 

28  Ir. 

Prix  du  pain,  le  kilo.  Blanc.  Batelier.  Méteil. 

De  janvier  à  août 0'  4250      0'  3250      0^  .'5. 

En  septembre 0.4375      0.3875      0.-2625. 

Décembre  (maximum)  . .       04625      0.3625      0.2875. 

Toute  la  population  de  nos  côtes,  qui  vit  du  travail  du 
sel,  est  en  proie  à  une  vive  agitation  par  suite  des  mesures 
prises  par  le  Gouvernement  :  ordonnance  du  26  février  rela- 
tive h  la  dénaluralion  des  sels  pour  jouir  de  la  réduction  de 
droits  au  cas  de   son  emploi    pour  l'alimentation  du  bétail 


145 

—  projet  (Je  loi  lendanl  au  dégrèvemenl  du  sel  —  ordon- 
nance du  -24  novembre  autorisant  les  morutiers  à  s'appro- 
visionner de  sel  ii  l'étranger. 

Un  congrès  salicole  se  lient  à  Napoléon-Vendée,  du  20  au 
'25  décembre,  à  l'occasion  de  celle  dernière  ordonnance.  — 
Le  journal  Le  Salin,  de  Guérande,  mène  une  campagne 
active  pour  défendre  les  intérêts  du  pays. 

COMMERCE  ET  INDUSTRIE. 

Un  hangar  est  construit  par  la  Chambre  de  Comhierce,  sûr 
la  Fosse,  pour  mettre  les  marchandises  à  l'abri. 

—  La  douane  fait  édifier  sur  les  quais  trois  pavillons,  des- 
tinés aux  opérations  de  la  vérification  et  du  pesage  des 
marchandises.  Le  public  se  plaint  vivement  du  tort  causé  à 
la  perspective  de  la  promenade. 

—  Les  maisons  d'armement  réalisent  de  beaux  bénéfices  : 
La  G*"  Hignard  distribue  14  "/o  de  dividende,  la  G'«  Le  Royer 

1-2  o/o. 

—  L'heure  de  la  tenue  de  la  Bourse  est  changée  ;  elle  est 
fixée  de  2  h.  à  4  h.,  par  suite  du  changement  de  l'heure 
d'arrivée  du  courrier  de  Paris  depuis  l'ouverture  de  la  ligne 
d'Orléans  à  Tours. 

—  Plusieurs  usines  se  montent  pour  le  traitement  des  vidan- 
ges et  leur  transformation  «n  poudrette.  —  Guiberi  construit 
pour  la  marine  de  l'Etat  plusieurs  bateaux  en  fer  :  Le  Dau- 
phin, L'Epervier,  Le  Héron,  Le  Goéland.  Les  ouvriers 
poëlicrs,  à  qui  primitivement  ce  travail  des  coques  était 
réservé,  ne  peuvent  plus  suffire.  Ils  témoignent  un  grand 
mécontentement  en  voyant  que  des  charpentiers  sont  dressés 
pour  exécuter  cette  besogne. 

Le  chemin  de  fer  d'Orléans  à  Tours  est  inauguré  le 
%  mars.    ~    Les    bateaux  à   vapeur  tentent   de    lui    faire 


146 

concuiTt'iici'  en  abaissant  leur  prix  de  Iransporl  qui,  pour  le 
voyage  d'Orléans  h  Tours,  est  fixé  à  2  fr.  ei  1  h\  50  c, 
mais  la  Compagnie  du  chemin  de  fer  prend  des  arrange- 
ments et  ils  cessent  tout  service.  —  Les  Paquebots  et  les 
Dragons,  par  suite  d'une  entente  avec  le  chemin  de  fer, 
pour  le^trajet  de  Tours  à  Paris,  entreprennent  le  transport 
des  voyageurs  de  Nantes  l\  Paris,  au  prix  de  •'23  fr.,  avec 
une  durée  de  voyage  de  23  à  24  heures. 

—  Les  messageries  Caillard-Laffitte  continuent  leur  ser- 
vice. A  Tours,  les  diligences  sont  placées  sur  les  plate- 
formes du  chemin  de  fer.  Le  voyage  de  Nantes  îi  Paris 
est  accompli  en  23  heures. 

Des  excursions  soni  faites,  dans  la  belle  saison,  par  le 
bateau  La  Reine,  à  Pornic,  Préfailles,  Noirmoutiers. 

Plusieurs  sociétés  d'assurances  maritimes  s'organisent  : 
Ulric  Sellier,  capital  300,000  fr.,  par   actions  de  10,000  fr. 

—  Alexandre  François  fils,  600,000  fr.,  actions  de  10,000  fr. 

—  J.-G.  Grenet,  300,000  fr.,  actions  de  5,000  Tr.  — 
Frédéric  Hermann,  500,000  fr.,  actions  de  1,000  fr.  — 
La  Caisse  d'escompte  Lechat,  Babin,  du  Champ-Renou  et 
Guillon,  avances  et  prêts,  se  monte  au  capital  de  250,000  fr. 

—  La  banque  Gouin,  caisse  de  Nantes,  porte  son  capital  k 
la  somme  de  150,000  fr.  et  se  transforme  en  banque  Gouiu 
père,  fils  et  C^^. 

Milanowski  se  livre,  à  la  Ville-en-Bois,  l\  la  fabrication  du 
bouillon  concentré  et  du  bœuf  bouilli.  —  La  fabrique  de 
conserves  Deffès  et  (i*«,  qui  possède  des  usines  au  Monl- 
Saint- Bernard  et  à  Piriac,  s'adjoint  des  associés  et  porte  son 
capital  h  211,000  fr.  —  P. -H.  llenaud  et  E.-A.  Lolz  fondent 
leurs  ateliers  de  construction  mécanique.  —  Mesnil  construit 
un  bateau  plongeur  à  air  pour  les  travaux  de  la  jetée  du 
Croisic.  —  La  Société  Alliot  et  Ghaigneau  se  forme,  au' 
capital  de  200,000  fr.,  [lour  rentret)rise  des  dragages. 


147 


MONUMENTS    ET    VOIRIE. 


L'enipriini  de  600,000  fr.,  autorisé  pour  la  conslruclion 
du  Palais  de  justice,  est  mis  en  adjudication.  Aucune  soumis- 
sion n'est  déposée.  Le  Préfet  traite  avec  la  Caisse  des  dépôts 
et  consignations. 

Le  vieux  palais  du  Bouffay  cl  le  terrain  qu'il  recouvre  sont 
mis  en  vente  par  le  Préfet,  sur  la  mise  h  prix  de  408,243  fr. 
La  tour,  qui  est  propriété  communale,  n'est  pas  comprise 
dans  cette  vente.  La  ville  se  croit,  en  outre,  fondée  pour  une 
part  importante  dans  la  propriété  du  Bouffay.  Le  Préfet 
examine  les  prétentions  de  la  ville  et  apporte  quelques 
modifications  aux  conditions  du  cahier  des  charges.  Le 
Conseil  municipal  ne  se  déclare  pas  satisfait  et  charge  le 
Maire  de  prendre  les  mesures  conservatoires  nécessaires. 
Deux  anciens  magistrats,  Tronson  et  Lefeuvre,  sont  chargés, 
en  qualité  d'arhitres  et  d'amiables  compositeurs,  de  trancher 
le  différend  pendant  entre  la  ville  et  le  département.  Le 
Conseil  général  accepte  leurs  conclusions  et  invite  le  Préfet 
à  montrer  avec  la  ville  la  plus  grande  conciliation. 


Le  Conseil  municipal  examine  les  plans  proposés  pour  la 
reconstruction  de  THôtel-Dieu.  Il  se  prononce  pour  une 
construction  intégrale  et  immédiate,  mais  refuse  de  donner 
son  approbation  au  choix  qui  a  été  fait  de  l'emplacement 
actuel.  —  Une  partie  des  douves  du  Château  est  comblée 
pour  permettre  l'agrandissement  de  la  place  Cincinnatus  (i). 
Une  redevance  annuelle  est  exigée  par  le  Gouvernement  pour 
bien  marquer  qu'il  n'aliène  pas  son  droit  de  propriété.  — 
Une  ordonnance  du  8  mars  1846  prononce  la   déclaration 

(1)  Place  de  la  Duchesse-Anne. 


148 

d'ulililé  publique  pour  Touverlure  d'une  voie  («)  m  prolon- 
gement de  la  rue  Gressel  jusqu'à  la  rue  de  Flandres,  ei 
substitue  la  société  Mahol,  Esmein  et  Rocher,  aux  droits 
de  la  commune,  en  vue  de  procéder  aux  expropriations  qui 
qui  seront  nécessaires.  —  Les  quais  d'Orléans  et  des  Tan- 
neurs, ainsi  que  les  cales  [nin  abords  des  ponts  de  l'Erdre, 
sont  munis  de  parapets. 


Saint-Nicolas.  —  L'aménagement  des  abords  de  cette 
église  est  l'objet  de  plusieurs  délibérations  du  Conseil 
municipal.  La  largeur  des  rues  latérales  est  portée  de 
6  mètres  h  8  mèlres.  L'ouverture  d'une  rue  dans  l'axe  du 
transept  et  à  la  suite  de  la  rue  du  Pre-Nian  esl  décidée. 
La  déclaration  d'utilité  publique  est  sollicitée  pour  obtenir 
le  dégagement  du  parvis.  La  fabrique  esl  autorisée  à 
disposer  d'une  somme  de  50,000  fr.  pour  acquérir  des 
immeubles  eu  vue  de  l'isolement  du  monument. 

NoTRE-DAME-DE-Bois-Poni.  —  La  mise  en  adjudication 
des  travaux  de  construction  d'après  les  plans  de  Seheull 
et  Clienantais  a  lieu  le  24  mars. 

Sainte-Croix.  —  L'église  est  complètement  débarrassée 
des  baraques  qui  masquaient  sa  façade. 

Sainte -Anne.  —  M.  et  M"*  Blineau,  par  acte  du  18 
septembre,  font  donation  à  la  ville  de  cette  église.  L'abbé 
Leliuédé  est  installé  le  2'2  novembre. 

Saint-Joseph-de-Portricq.  —  Cette  église,  élevée  aux 
frais  de  Leiasseur,  est  donnée  par  lui  eu  pleine  propriété  à 
la  comuume,  suivant  acte  du  '20  septembre. 


On  procède  {\  la  démoliiion  de  la  chapelle  de  Toussaint 

(1|  Rue  de  Bréa. 


149 


CONCERTS ,    THÉÂTRE ,  ETC. 


Eq  mars  M°»«  Dorus-Gras.  —  W^^  Malvina  Prévol.  — 
F'*^  F(!illinger.  —  Avril  :  k;  léiior  Taldoni.  -  Juin  :  le 
pianiste  Thalberg.  —  Août  :  le  pianiste  Konslki  puis  Feil- 
linger.  —  Novembre  :  le  violoncelliste  Gasella.  —  Décembre  ; 
Ghys. 

La  fin  de  la  saison  est  marquée  par  deux  auditions  du 
Désert,  de  Félicien  David,  pour  lesquelles  le  prii  des  places 
est  doublé;  150  exécutants,  au  nombre  desquels  se  trouvent 
les  élèves  du  Conservatoire,  concourent  à  leur  exécution. 


Tilly  est,  pour  la  3«  fois,  mis  en  possession  du  privilège. 
11  a  toutes  les  sympathies  du  public.  Le  H  mai,  la  troupe 
de  comédie  ouvre  la  campagne.  Du  15  juillet  au  1»'  aoiil 
la  salle  est  fermée  suivant  l'usage.  La  troupe  d'opéra  débute 
le  !•"■  septembre.  M"»  Masson  trouve  un  public  encore  plus 
enthousiaste  qu'en  1845. 

Les  nouveautés  de  l'année  sont  :  Charles  VI  (^6  mars); 
La  Reine  de  Chypre  {ïll  décembre).  Viennent  en  représen- 
tation :  M"»*  Dorus-Gras  de  l'Opéra  ;  M"»«  Hossi-Caccia,  de 
rOpéra-Gomique  ;  M"«  Fargueil,  du  Vaudeville  ;  Ravel,  du 
Palais-Royal. 

—  Des  concerts  sont  donnés  par  Ponchard,  professeur  au 
Conservatoire  de  Paris,  et  Van-Gelder,  violoncelle  solo  du 
roi  des  Pays-Bas. 

On  songe  à  installer  un  rideau  en  double  tôle  pour  isoler 
la  scène  en  cas  d'incendie. 


Les  bals  se  succèdent  chaque  semaine  jusqu'au  Carême. 
En  février,  des  représentations  sont  données  par  la  troupe 


150 

italienne  Zanfrella  :  exercices  gymnasliques,  danses,  tableaux 
vivants,  etc.  —  En  mars  :  Unies  d'hommes. 


Au  théâtre  du  passage  Pommeraye,  d'avril  ti  juin,  séance 
du  professeur  de  Liriski,  preslidigilalion,  magie  blanche, 
polyorama  animé,  fantasmagorie,  la  nonne  sanglante. 


Place         Grand  musée  français  et  galerie  militaire,  1^0  personnages, 
Bretagne,  grandeur  naturelle.  —  Le  cirque  Boulhors. 


Année    1847. 

La  cherlé  du  pain.  —   Les  grèves.  —    Mesures    contre   les  boulangers.  —   Gare  du 
c'.iemin  de  fer.  —  Transallanliques.  —  Traité  avec  la  C'°  du  gaz. —  Service  d'eau. 

—  La  lulle  entre  les  deux  sucres.  —  Divers.  —  Services  publics.  —  Enseignement 
et  publicalions.  —    Agriculture.  —  Gtiranaerce  et  industrie.  —  Monuments  et  voirie. 

—  Concerts,   Théâtre,  Spectacles. 

LA  CHERTÉ  DU  PAIN. 

L'année  1847  esi  signalée  par  une  disette  qui  afflige 
toute  la  région.  Le  pain  méteil,  taxé  à  0  fr.  30  c.  le  kilo 
pour  le  mois  de  janvier,  est  porté  à  0  fr.  4625  en  avril. 
Il  se  lient  à  45  c.  pendant  les  mois  de  mai  et  de  juin,  et 
seulement,  en  août,  tombe  à  0  fr.  28  c. 

Des  actes  de  violence  sont  commis  à  Rennes,  Pouancé, 
Ghâleau-Gontier,  sur  divers  points  de  la  Vendée.  Grâce  aux 
mesures  prises  par  la  municipalité,  l'ordre  n'est  loublé  en 
notre  ville  que  par  le  bris  de  quelques  vitres  et  réverbères. 
Sur  son  initiative,  une  liste  de  souscription  est  ouverte  ;  la 
population  répond  avec  empressement  à  cet  appel,  et,  en 
quelques  semaines,  une  somme  de  40,000  fr.  est  recueillie. 
Une  souscription  est  également  ouverte  dans  les  colonnes 
de  V Hermine.  Elle  produit  une  somme  d'environ  10,000  fr. 
La  Commission  du  journal  offre  au  Maire  d'affecter  celte 
somme  au  rachat  de  l'augmentation  du  pain  méleil,  et,  sur 
le  refus  qui  lui  est  opposé,  en  dispose  en  faveur  de  la  Société 
et  des  sœurs  de  Saint-Vincent-de-Paul. 

Le  Conseil  municipal  insiste  pour  que  le  Gouvernement 
abandonne  à  la  ville  le  dixième  de  l'octroi  qu'elle  lui  verse 
annuellement.  Pour  donner  de  l'ouvrage  aux  ouvriers  en 
chômage,   des  ateliers   de  charité  sont  ouverts  au  Jardin 


452 

des  plantes,  à  la  carrière  de  Miséry,  aux  Garennes,  aux 
Folies-Cliaillûu,  au  marché  de  TAballoir.  Le  Conseil 
municipal,  dans  sa  séance  du  29  janvier,  décide  la  création 
de  bons  de  pain  supplémentaires,  qui  doivent  servir  l\ 
couvrir  l'excédent  de  0  fr.  r^7  c.  1/2  pour  le  pain  batelier 
et  0  fr.  30  c.  pour  le  pain  méleil. 

Les  ouvriers  des  ateliers  de  charité ,  mécontents  du 
salaire  journalier  de  1  fr.  10  c.  qui  leur  est  accordé,  font 
entendre  des  plaintes.  Un  instant  on  peut  craindre  qu'un 
mouvement  populaire  n'éclale.  Des  bons  supplémenlaires 
sont  distribués  et  l'incidenl  n'a  pas  de  suite.  Pour  faire 
face  aux  dépenses  occasionnées  par  la  délivrance  des  bons  de 
différence,  trois  emprunts  successifs,  chacun  de  100,000  fr., 
sont  volés  par  le  Conseil  municipal,  le  -20  février,  le  20 
mars  et  le  >25  mai. 

GREVES. 

La  cherté  du  pain  provoque  plusieurs  grèves. 

Les  couvreurs  se  mettent  d'abord  en  chômage  ;  ils  ne 
gagnent  que  3  Ir.  et  réclament  la  journée  de  3  fr.  50  c. 
et  4  fr.,  suivant  la  saison. 

Ce  sont  ensuite  les  maçons  qui,  en  février,  quittent  les 
chantiers.  Ils  demandent  une  augmentation  de  0  fr.  50  c.  par 
jour,  soil  2  fr.  50  c.  au  lieu  de  -2  fr.,  suivant  la  saison. 
Plusieurs  réunions  sont  tenues  par  eux,  au  Ponl-du-Gens,  sur 
la  roule  de  Paris,  k  la  suite  desquelles  il  est  procédé  par  la 
police  à  une  trentaine  d'arrestations.  Des  condamnations 
variant  de  huit  jours  à  deux  mois  de  prison  sont  prononcées, 
le  '24  mars,  pour  délit  de  coalition  et  de  violence.  Le  parquet 
en  appelle  k  minima  [tour  plusieurs  d'entre  elles.  La  Cour 
se  borne  à  les  continuer.  La  grève  ne  s'en  poursuit  pas 
moins.  A  la  suite  de  réunions  qui  ont  lieu  'à  Pont-Rousseau 
el  sur  les  chantiers  du  chemin  de  fer,   il  est  procédé,  dans 


158 

le,  couriinl  d'août,  h  de  nouvelles  arresla lions.  Il  ne  faut  pas 
moins  de  cinq  audiences  pour  juger  les  prévenus.  51  con- 
damnations de  huit  joiu's  k  six  mois  de  prison  sont 
prononcées,  et  deux  maçons,  convaincus  d'avoir  été  les 
meneurs  de  la  u:rève,  encourent  une  peine  de  deux  années. 
Tant  de  rigueurs  ont  raison  de  la  résistance  des  ouvriers 
qui  repreiment  le  chemin  de  leurs  chantiers  sans  avoir 
obtenu  satisfaction. 

MESURES  CONTRE  LES  BOULANGERS. 

Le  haut  prix  des  farines  amène  les  boulangers  à  pratiquer 
des  manœuvres  frauduleuses,  et  de  nombreuses  condamna - 
lions  sont  prononcées,  les  unes  pour  manque  de  poids  dans 
le  pain,  les  autres  pour  vente  à  un  prix  au-dessus  de  la 
taxe.  Certains  mélangent  à  la  farine  de  blé  des  farines  de 
maïs,  fèves  et  de  pois.  On  trouve  chez  quatre  d'entre  eux 
des  pains  couverts  d'une  couche  rouge  ayant  la  couleur  de 
la  brique  pilée.  Ils  sont  convaincus  d'avoir  employé  un 
mélange  de  farines  et  condamnés  à  des  peines  de  un  à  trois 
mois  de  prison.  D'autres  condamnations  sont  prononcées 
pour  le  même  fait.  Des  peines  de  prison  sont  infligées  h 
divers  boulangers  pour  récidive  dans  la  vente  à  faux  poids 
ou  à  un  prix  supérieur  à  celui  de  la  taxe. 

La  municipalité,  en  vue  d'assurer  un  approvisionnement 
régulier,  avait  enjoint,  par  un  arrêté  du  "Hj  mars,  aux 
boulangers  de  pratiquer  deux  fournées  chaque  dimanche, 
sans  diminuer  le  nombre  de  celles  qu'ils  faisaient  normale- 
ment les  autres  jours  de  la  semaine.  Les  boulangers  se 
plaignent  vivement  et  ne  s'empressent  pas  d'obéir  h  cette 
injonction.  A  la  suite  d'une  visite  domiciliaire  faite , 
un  dimanche,  60  procès  -  verbaux  sont  dressés.  Le 
dimanche  suivant,  la  police  constate  que  le  règlement 
est  observé. 

11 


154 

GARE  DU  CHEMIN  DE  FER. 

Les  travaux  de  conslrudion  de  la  ligne  sont,  sur  lous  ses 
points,  menés  avec  une  grande  aciivilé  cl  l'on  peut  déjà 
prévoir  qu'ils  seront  terminés  à  la  fin  de  l'année  1849. 

La  question  de  remplacement  de  U  gare  n'est  pas  encore 
résolue.  Le  Ministre  s'oppose  formellement  l\  la  pose  d'une 
voie  ferrée  sur  la  Fosse  pour  relier  la  prairie  de  Mauves 
au  port.  Tous  les  projets  mis  en  avant  se  trouvent  de  la 
sorte  écartés. 

La  Compagnie  propose  de  nouvelles  dispositions.  Une 
gare  pour  voyageurs  et  marchandises,  à  destination  de 
Nantes,  serait  établie  au  bas  du  cours  Saint-André.  La  ligne 
contournerait  la  ville  par  le  nord,  passerait  en  tunnel  de  la 
ruelle  de  Bel-Air  à  la  rue  des  Coulées  et  aboutirait  sur  la 
Fosse  à  la  maison  Cliaurand.  Un  projet  à  peu  près  semblable, 
celui  dit  de  V Entrepôt,  avait  été,  lors  de  la  première 
enquête,  présenté  au  public  et  avait  été  presque  unanimement 
repoussé.  Le  Breton,  Le  Courrier  de  Nantes  et  VHemtine 
combattent  la  nouvelle  combinaison  de  la  Compagnie. 
Le  National  de  l'Ouest  est  seul  à  la  défendre  et  s'attache 
à  faire  couiprendre  qu'elle  réalise  le  vœu  de  la  loi,  c'est-à- 
dire  la  ligne  jusqu'à  l'Océan.  Pour  ce  journal,  le  port  de 
Nantes  c'est  l'Océan. 

Une  nouvelle  enquête  est  ouverte  le  -26  avril.  Le  projet 
proposé  soulève  de  vives  polémiques.  Des  pétitions  circulent. 
Des  brochures  sont  lancées.  Généralement  on  regarde  la 
construction  du  tunnel  comme  irréalisable  et  on  va  jusqu'à 
accuser  les  administrateurs  de  vouloir  traîner  les  choses  en 
longueur.  Les  corps  constitués  et  la  population  s'en  tiennent 
toujours  à  leur  précédente  opinion. 

La  Chambre  de  Commerce  repousse  le  projet  de  la 
Compagnie  et  réclame  une  seule  gare  à  la  prairie  de  Mauves 
avec  railway  à  chevaux  sur  la  Fosse. 


m 

Le  Conseil  d'arrondissement  lient  le  même  langage. 

La  discussion  est  très  vive  au  sein  du  Conseil  municipal. 
La  Comujission  spéciale,  nommée  en  son  sein,  accueille  favo- 
rablement le  [)rojel  de  la  Compagnie,  mais  le  Conseil  repousse 
ses  conclusions  et,  sur  la  proposition  de  Cherol,  demande  : 
1"  à  une  grande  majorité,  une  gare  de  voyageurs  à  la 
prairie  de  Mauves  liée  à  une  gare  maritime  ;  2°  par  15  voix 
contre  14,  la  gare  mariliuie  \\  la  prairie  au  Duc  (la  Fosse 
recueille  4  voix,  l'île  Gloriette  10). 

Le  Conseil  général  à  l'imanimité  vole  :  l»  la  construction, 
à  la  prairie  de  Mauves,  d'une  gare  de  voyageurs  et  de 
marchandises  ;  ^2°  une  ligne  à  fleur  de  pavé  reliant  la  gare 
de  la  prairie  de  Mauves  à  l'Entrepôt  ;  3"  une  gare  maritime 
à  la  prairie  au  Duc. 

La  Commission  d'enquête  se  prononce  w  l'unanimité  pour 
la  prairie  de  Mauves  avec  rails  à  niveau  sur  les  quais  et, 
par,  6  voix  contre  une,  elle  demande  un  prolongement  de 
la  ligne  sur  la  prairie  au  Duc. 

TRANSATLANTIQUES. 

Le  Groiivernement  prend  une  décision  au  sujet  des  lignes 
transatlantiques.  La  ligne  du  Havre  h  New-York  doit  être 
desservie  par  les  quatre  navires  conslruils  en  1840  pour  le 
compte  de  l'Etal.  Une  subvention  de  5  millions  esl  accordée 
aux  trois  autres  lignes  :  Saint-Nazaire  au  Brésil;—  Bordeaux 
à  la  Havane  et  la  Nouvelle-Orléans  ;  —  Marseille  aux 
Antilles.  Telle  est  l'économie  d'un  projet  de  loi  que  le 
Minislère  dépose  le  17  février. 

Notre  comnierce  avait  lieu  d'être  satisfait  et  croyait 
pouvoir  compter  sur  la  réalisation  de  ce  programme,  mais 
voilà  que,  dans  le  courant  de  juin,  une  mauvaise  nouvelle 
vient  à  la  connaissance  des  Nantais.  La  ligne  du  Brésil  serait 
retirée   à   Saint-Nazaire   pour   être  donnée    au  Havre.    Le 


156 

Conseil  municipal  el  la  Chambre  de  Commerce  se  réunisscnl 
(l'urgence  el  nommenl  respeclivemenl  pour  aller  à  Paris 
Clierol,  Braheix  elQuesneau;  A.  Le  Cour  el  P.  Roy. 

A  leur  arrivée,  les  délégués  Irouvenl  nos  dépulés  en  proie 
k  un  grand  découragemeni,  mais  ils  ne  se  rebulenl  pas.  Ils 
mulliplienl  leurs  inslances,  el,  bien  que  le  Minislère  soil 
l'orlemenl  engagé  avec  le  Havre,  ils  finissenl  par  iriompher 
de  ses  liésilalions  el  obliennenl  que  la  ligne  du  Brésil  soil 
mainlenue  à  Sainl-Nazaire,  mais  h  la  condilion  qu'avanl 
le  vole  de  loi,  une  sociélé  soit  formée  en  vue  de  l'exploilalion 
de  celle  ligne. 

Qiiesneau  pari  immédialemenl  pour  Nantes,  el  sans  perdre 
un  moment  se  met  à  Pœuvre.  Le  capital  de  la  sociélé  à 
créer  est  thé  k  la  somme  de  3,-200,000  t'r.  La  Chambre  de 
Commerce  vole  une  garantie  d'intérêt  de"  3  "/o  sur  la  moitié 
du  capital.  Le  Conseil  municipal  prend  des  engagements  pour 
un  même  chiffre.  Un  comité  de  souscriplion  est  organisé. 
Il  se  compose  de  P.-J.  Maës,  président;  Suffisant,  secrétaire  ; 
J.  Gouin,  de  Lancastel ,  A.  Garnier ,  V.  de  Cornulier , 
H.  Braheix,  Allard  aîné,  J.  Voruz  aîné,  de  la  Robrie, 
Cornillier  aîné.  M**  de  Monly,  Besnard  la  Giraudais,  A. 
Bonamy,  F.  Quesneau.  Des  listes  sont  mises  en  circulation. 
L'entrain  est  général.  Les  souscriptions  affluent,  el,  au  bout 
de  quelques  semaines,  le  capital  demandé  est  atteint.  Les 
signatures  des  Nantais  sont  au  nombre  de  615  et  corres- 
pondent à  une  somme  dépassant  1,300,000  h'.  (Quesneau 
150,000  fr.  ;  Allard,  Maës,  Ogercau,  -20,000  l'r.  etc.).  La 
Compagnie  du  chemin  de  fer  de  Tours  à  Nantes  s'engage 
pour  100,000  fr.  Les  souscriptions  recueillies  à  Paris  et 
dans  les  villes  de  la  Loire  s'élèvent  k  1,600,000  fr. 

Quesneau,  dès  que  le  capital  est  souscrit,  s'empresse  de 
retourner  h  "aris.  Le  Minisire  soulève  une  nouvelle  objection. 
Il  déclare  ne  pouvoir  accepter  les  offres  des  Nantais.  11  ne 


157 

peut  conr.éder  la  ligne  du  Brésil  avant  celles  de  la  Havane 
et  des  x\nlilles,  et  aucune  société  n'est  encore  formée  pour 
se  charger  de  l'exploitation  de  ces  deux  dernières  lignes. 

TRAITÉ  AVEC   LA  C^e   DU   GAZ. 

Le  traité  de  la  ville  avec  la  Compagnie  Européenne  du 
Gaz  expire  en  1849.  Le  Conseil  étudie  les  conditions  d'un 
renouvellement.  Une  mise  en  adjudication  est  décidée  en 
principe.  La  Compagnie  du  Gaz  du  i^lans  et  la  Compagnie  du 
Gaz  vinicole  (qui  extrait  le  gaz  des  lies  de  vin  et  des  marcs 
de  pomme  et  de  raisin)  se  mettent  sur  les  rangs,  en  concur- 
rence avec  la  Compagnie  Européenne.  Le  gaz  vinicole  offre 
le  prix  de  0  fr.  42  c.  le  mètre  cube.  La  Compagnie  Euro- 
péenne s'en  lient  à  celui  de  0  fr.  50  c.  On  finit  par  recon- 
naître qu'il  est  plus  sage  de  traiter  directement,  et  le  Conseil 
décide  de  passer  un  nouveau  contrat  avec  la  Compagnie 
Européenne. 

SERVICE    D'EAU. 

Saint-Amour,  au  nom  d'une  Compagnie,  propose  d'installer 
un  service  d'eau,  suivant  les  plans  remis  par  Jégou.  D'après 
ce  projet,  l'eau  serait  prise  en  amont  des  ponts,  ^  la  prairie 
de  Mauves,  et  refoulée  dans  un  réservoir  de  400  mètres 
cubes. 

Le  Conseil  consacre  quatre  séances  à  discuter  les  condi- 
tions du  cahier  des  charges.  Il  accorde  une  concession  de 
99  ans.  L'eau  destinée  aux  services  municipaux  serait  payée 
1-2  fr.  les  1,000  mètres  cubes.  Le  prix  de  l'eau  filtrée, 
consommée  par  les  particuliers,  serait  fixé  à  la  somme 
annuelle  de  25  fr.  pour  une  consommation  journalière  de 
1  mètre  cube,  de  36  fr.  pour  2  mètres  cubes.  Une  subven- 
tion annuelle  de  49,000  fr.  serait  donnée  par  la  ville,  tant 
que  la  consommation  n'atteindrait  pas  un  cube  déterminé. 


158 


LA  LUTTE  ENTRE  LES  DEUX  SUCRES. 

Le  sucro  colonial  est  encore  une  lois  fortement  menacé,  el 
les  dispositions  de  la  loi  du  "2  juillet  1843  sont,  chaque  jour, 
plus  impuissantes  pour  le  défendre  contre  le  sucre  indigène. 
La  production  de  ce  dernier  sucre  s'est  élevée  de  30  à 
60  millions  de  kilos.  De  grandes  usines  ont  pris  la  place  des 
petites  fabriques  de  l'origine,  el  les  appareils  perfectionnés  dont 
elles  font  usage  leur  ont  permis  d'abaisser  les  prix  de  vente. 
Les  fabricants  du  Nord  tentent  des  démarches  pour  obtenir  î» 
Bordeaux  un  entrepôt  réel  el  poussent  l'audace  jusqu'à 
proposer  aux  raffineurs  nantais  d'approvisionner  leurs 
usines. 

En  décembre,  la  Chambre  de  Commerce  adresse  au 
Ministre  un  long  mémoire  pour  lui  signaler  les  nouveaux 
dangers  que  courl  le  sucre  exotique  et  lui  soumettre  ses  vues 
sur  les  remèdes  à  apporter  pour  conjurer  cette  situation  qui 
compromet  de  si  nombreux  et  importants  intérêts.  L'expro- 
priation de  l'industrie  betleravière,  avec  payement  d'une 
indemnité,  lui  semble  le  moyen  le  plus  sûr  pour  arrêter  le 
mal,  mais  on  ne  peut  espérer  que  les  Chambres  adoptent 
cette  solution.  Il  faut  donc  en  trouver  une  autre,  et  la 
Chambre  propose  un  abaissement  des  droits.  On  provoque- 
rail  ainsi  une  plus  grande  consommation  du  sucre  el  les 
recettes  de  la  Douane  ne  seraient  pas  atteintes  par  cette 
mesure.  L'abaissement  des  droits  sur  le  café  et  le  cacao  est 
également  indiqué  par  elle  comme  pouvant  contribuer  au 
développement  de  la  consommation  du  sucre. 

DIVERS. 

Le  Conseil  municipal  est,  dans  sa  séance  du  ''16  août,  saisi 
par  Cherot  d'un  véritable  réquisitoire  contre  l'Adminisiralion 
municipale.    L'honorable  conseiller   accuse   la    Municipalité 


159 

de  laisser  traîner  un  grand  nombre  de  questions  importantes  : 
reconstruction  des  hospices,  service  d'eau,  construction 
des  quais,  tour  du  Bouffay,  ferme  de  l'octroi,  champs 
de  foire  et  de  manœuvre,  pompes  funèbres,  réglementation 
de  la  boulangerie,  pavage  à  la  charge  des  particuliers, 
caserne  de  cavalerie.  Le  Maire,  dans  la  séance  du  8  novem- 
bre, rédige  un  long  mémoire  et  répond  à  chacun  des  griefs 
articulés  contre  son   Administration. 


Les  électeurs  de  la  section  I  sont  convoqués,  en  février, 
pour  nommer  un  Conseiller  en  remplacement  de  Bignon, 
démissionnaire.  Les  inscrits  sont  au  nombre  de  325.  Touzeau, 
notaire,  est  élu  au  deuxième  tour  par  67  voix. 


Le  Maire  retranche  du  programme  de  la  fêle  du  Roi,  le 
feu  d'artifice  traditionnel  et  emploie  la  somme  qui  lui  est 
destinée  à  augmenter  les  distributions  de  pain  aux  indigents. 


Les  dames  de  la  halle  avaient  adressé  leurs  félicitations  à 
la  comtesse  de  Chambord,  lors  de  son  mariage.  Le  baron 
de  Gharette  est  chargé  de  les  remercier.  —  La  police 
s'oppose  à  l'affichage  du   portrait  de  la  comtesse. 


Mer  j(.  Hercé  envoie  aux  catholiques  d'Irlande  une  sonmie 
de  11,156  fr.  provenant  des  quêtes  faites    dans   le   diocèse. 


Les  processions  de  la  Fêle-Dieu  augmentent  d'éclat.  Le 
reposoir  du  Change,  avec  sa  demi -coupole  que  supportent 
quatre  colonnes  torses,  excite  une  vive  admiration. 


Les  débitants  de  vin  de  notre  ville  prennent  part  à  un 
mouvement  organisé  dans  tout  le  pays  par  un  journal,  la 
Ligue  provinciale,  en  vue  d'obtenir   par   voie  législative  la 


160 

suppression  de  rexorcice.  Un  agent  de  celle  ligue  vienl  à 
Nanles  el  recueille  de  nomhreuses  signîilures  pour  une  péli- 
lion  aux  Chambrer^.  Ces  démarches  n'aboulisseiil  pas.  Nos 
conciloyens  déclarent  ne  pas  vouloir,  quand  même,  renoncer 
à  leurs  revendicalions. 


Une  inondation  se  produit  dans  le  courant  d'avril.  La  cote 
de  4"!, 48  est  atteinte.  La  population  est  alarmée  par  les 
dangers  auxquels  l'exposent  les  levées  construites  en  1846 
et  particulièrement  celle  de  la  Divatle. 


Le  Préfet  avait  formé  opposition  contre  la  nomination  du 
docteur  Guépin  au  Conseil  municipal.  Il  prétendait  que,  par 
suite  de  sa  situation  de  professeur  à  l'école  de  médecine,  il 
devait  être]  regardé  comme  un  salarié  de  la  commune  et 
était,  comme  tel,  inéligible.  Le  Conseil  d'Etat  mei  l'opposi- 
tion cl  néant,  et  le  docteur  Guépin  prend  possession  de  son 
siège. 

> 

La  Société  Académique  reprend  la  tradition  de  ses  concours 
littéraires.  Le  sujet  proposé  pour  1847  :  Des  causes  de  la 
dépopulation  des  campagnes  et  des  moyens  d'y  remédier, 
est  traité  par  49  concurrents.  Le  1"  prix,  une  médaille  d'or 
de  '250  fr.,  esi  remporté  par  un  avocat  d'Angers. 


Une  Société  des  Régates  nantaises  est  fondée.  Les  sous- 
cripteurs tiennent  une  première  réunion  le  il  avril.  Une 
Commission  est  nommée  ;  elle  a  pour  président  le  maire 
Ferd.  Favre,  et  pour  vice-président,  Ad.  Le  Cour.  Une  fête 
nautique  est  donnée  le  "10  juin.  Une  estrade  est  dressée  sur 
le  quai  Saint- Louis  pour  recevoir  les  sociétaires.  La  corvelte 
de  l'école  des  mousses,  ancrée  [)rès  la  paiaclie  de  l'octroi, 
reçoit  à  son  bord  les  autorités  el   la  musique  du  régiment. 


161 

Une  grande  aftluence  esl  attirée  par  la  nouveauté  du  spec- 
tacle. La  fêle  obtient  un  plein  succès.  La  course  à  la  voile 
réunit  14  concurrents.  Il  y  a,  en  outre,  quatre  courses  à 
l'aviron. 


Les  républicains,  à  Toccasion  des  fêtes  nationales,  mon- 
trent un  entrain  toujours  croissant.  La  visite  au  cimetière  de 
Miséricorde  en  réunit  un  grand  nombre.  Le  lendemain,  ils 
assistent  à  un  banquet  que  préside  Guépin.  Mangin  y  répèle 
le  discours  [trononcé  la  veille  devant  le  tombeau  des  victimes, 
et  on  se  sépare  en  chantant  La  Marseillaise. 


La  malle  poste  de  Nantes  à  Brest,  chargée  de  70,000  fr. 
ap[)arteiiant  à  PElat,  bien  qu'escortée  de  deux  gendarmes, 
est  attaquée  au  bois  de  Sal,  près  d'Auray,  le  "2  novembre, 
par  une  bande  de  vingt  hommes  armés-  30,000  fr.  échap- 
pent à  leurs  recherches.  Aucune  violence  n'est  exercée 
contre  les  voyageurs. 

SERVICES    PUBLICS. 

Une  ordonnance  royale  du  1"  février  institue  un  Commis- 
saire de  police  central  avec  juridiction  sur  Sauiron,  Orvaull, 
Mauves,  Doulon,  Thouaré,  Rezé,  Saint-Sébastien,  Chantenay. 
Delaralde,  commissaire  de  [)olice  en  chef,  esl  nommé  à  ce  poste. 
Des  observations  sont  présentées  par  le  Conseil  municipal. 
Certains  de  ses  membres  demandent  le  retrait  de  l'ordon- 
nance. 


Le  corps  des  surveillants  de  nuit,  qui  se  compose  de 
'25  titulaires  el  10  surnuméraires,  est  dissous.  Par  contre, 
le  service  des  garde-ville  est  réorganisé  et  leur  nombre 
porté  d(ï  %  ;i  50,  dont  12  brigadiers  ou  sous-brigadiers,  el 
38  gardes. 


Les  deux  escadrons  du  6«  chasseurs,  en  garnison  à  Nanies, 
permulenl  avec  les  deux  de  Ponlivy.  En  oclobrc,  le  régiincnl 
pari  pour  le  camp  de  Gonipiègne  et  deux  escadrons  du 
6«  dragons  nous  viennent  de  Limoges. 

Pendant  les  six  semaines  du  séjour  des  deux  bataillons  du 
5^  léger  au  camp  de  Compiègne,  et  malgré  les  renforts 
envoyés  de  Bourbon-Vendée  et  d'Angers,  la  garde  nationale 
dessert  les  postes  du  Porl-au-Vin,  de  Sainle-Elisabeth, 
de  la  préfecture  el  de  la  mairie.  En  octobre,  le  5«  léger 
part  pour  Orléans  ;  il  est  remplacé  par  le  47«  qui  vient 
de  Coutances.  Ce  régiment  a  pris  part  à  la  prise  de 
Conslantine. 

Le  lieutenant  général  Trezel  est  appelé  ^  prendre  le 
portefeuille  de  la  Guerre,  dans  le  Ministère  Guizot.  Il  est  rem- 
placé provisoirement  dans  le  commandement  de  la  l'2«  division 
militaire  par  le  maréchal  de  camp  Vilmorin,  puis  par 
le  lieutenant  général  de  Bar,  qui  vient  de  l'armée  d'Alriquo. 


Le  préfet  Ghaper  est  nommé  à  la  préfecture  du  Rhône. 
Roulleaux-Dugage,  préfet  de  l'Hérault,  vient  prendre  sa  place 
et  entre  en  fondions  le  27  juillel. 


Le  capitaine  Loarer  envoie  des  notes  sur  Mayolte  et  les 
ressources  qu'offre  cette  nouvelle  colonie.  —  La  Chan)bre 
décide  la  remise  de  jetons  en  argent  à  ses  membres,  comme 
cela  se  pratique  ii  Bordeaux.  Il  en  sera  donné  25  pour  chaque 
période  de  trois  ans.  —  Un  travail  de  Ad.  Le  Cour,  sur 
Madagascar,  couclul,  soii  ii  une  conquête,  soit  à  une  prise 
de  possession  en  échange  de  nos  droits  souverains,  soit  à 
un  traité  avec  la  reine  des  Owas. 

—  Gicquel,  commissaire  à  la  comptabilité,  appelle  l'altenlion 
de  la  Chambre  sur  sa  situation  tniaucièr.'.  Les  immeubles 
qu'elle   possède    représentent    une   valeur   de   ^5 -il, 8(34    Ir., 


Ce. 


168 

mais  il  lui  reste  à  payer  68,500  fr.  aux  vendeurs  des 
Salorges.  Elle  doit,  en  outre,  4^2,000  fr.  à  son  Trésorier. 
Ses  ressources,  qui  consislenl  dans  la  contribution  des 
patentes  (6,000  fr.)  et  dans  le  produiti^des  magasinages 
(60,000  fr.  environ),  ne  peuvent  que  couvrir  les  dépenses 
courantes.  La  nécessité  d'un  emprunt  de  100,000  fr.  s'im- 
pose. La  Chambre  s'effraie  à  cette  pensée  d'un  emprunt 
public  ;  elle  estime  qu'une  autre  solution  doit  être  trouvée 
si  elle  ne  veut  pas  voir  son  prestige  atteint.  Ou  arrive  donc 
à  obtenir  des  prorogations  de  délai  pour  une  partie  de  la 
dette,  et  il  n'est  plus  nécessaire  que  de  se  procurer  immé- 
diatement une  somme  de  50,000  fr.  La  Chambre  recom- 
mande à  Gicquel  la  plus  grande  discrétion  pour  pratiquer 
cet  emprunt.  30,000  fr.  sont  prêtés  par  Chabosseau  et 
-20,000  fr.,  par  J.-B.  Le  Cour,  au  taux  de  5  %. 

Un  incendie,  qui  dévore  une  corderie  située  à  proximité 
des  entrepôts,  fait  réfléchir  la  Chambre  de  Commerce  sur  les 
dangers  que  courent  les  marchandises  dont  elle  a  la  garde. 
Les  agents  des  Compagnies  d'assurances  sont  effrayés  par 
l'imporlance  du  risque  "(4  millions  pour  les  Salorges,  2  mil- 
lions pour  les  magasins  Tessier  et  Terrien).  Des  démarches 
sont  faites  à  Paris  auprès  des  directeurs  des  Compagnies.  — 
La  Chambre  jette  les  bases  d'une  société  pour  la  création 
d'un  service  de  bateaux  à  vapeur  entre  Aden  et  Bourbon. 

Sont  nonunés  pour  trois  ans  :  Hippolyte  Braheix,  J.  Voruz 
aîné,  membres  sortants  ;  de  Lancastel,  Y.  Berthault  et  Que- 
neau, pour  Uîi  an  ;  A. -H.  Bonamy,  en  remplacement  de 
J.  Gouin,  démissionnaire  le  IS  septembre.  De  Lancastel  est 
nommé  président;  Hippolyte  Braheix  vice-président. 

Sont  nommés  :  —  Président,  Ad.  Bonamy.  —  Juges  titu- 
laires :  P.  Boy,  ancien  juge  ;  J.-B.  Chalot  et  Frédéric 
Brahix,  juges  sui)pléants  sortants.  C<'s  deux  derniers  sont 
remplacés  par  P.  Fruchard  et  Demars. 


bienfaisance 


164 

Caisse  Les  Versements  s'élèvonl  h  l/29'2,58^2  fr.  Ils  sunl  en 
pargnc.  j^^j,jq^jqjj  g^,j,  j'année  précédente.  Les  remboiirs(^nients  sont 
de  1,5r3 1,697  fr.  Le  s(>'':!e  dû,  encore  en  baisse,  est  de 
6,405,509  fr.  Les  renies  acquises  atteignent  la  somme  de 
48,3^22  fr.  Sont  nommés  directeurs  :  L.  Bureau  tils,  Henri 
Auget,  A.  Icéry,  J.-G.  Renoul,  G*«  Olivier  de  Sesmaisons. 
Bureau  La  clierlé  du  pain  entraîne  la  caisse  dans  des  dépenses 
'^'^  extraordinaires.  Elle  vend  un  titre  de  rente.  La  ville  lui 
accorde  un  secours  exceptionnel  d(;  15,000  fr.  Les  distribu- 
tions de  pain  sont  suspendues  pendant  la  belle  saison. 
Ses  receltes  s'élèvent  à  163,041  fr.  71  c.  et  ses  dépenses  à 
146,903  fr.  66  c.  Le  legs  d'Havelosse,  le  plus  important 
que  le  bureau  ait  encore  eu,  va  lui  créer  de  nouvelles  res- 
sources. Après  transaction  avec  les  héritiers,  une  somme  de 
300,000  fr.  est  attribuée  aux  bureaux  de  bicntaisance  de 
Nantes  et  de  Chanlenay  (284,858  fr.  pour  Nantes  et 
15,14^2  fr.  pour  Chantenay). 

BuJgei        Les   prévisions    budgétaires    pour    1847    sont    fixées    à 
'"""*''P'''  1.644.680' ^27    en    recettes    ordinaires    et 

extraordinaires, 
et    1.644.615    30  en  dépenses  — 

Excédant  ...  64  '  97 


Ociroi.  Les  receltes  de  l'ociroi  sont  en  progression  croissante. 
Elles  atleigu'iil  1,296,306  IV.,  soil  une  auguieutalion  d'en- 
viron 120,000  fr.  sur  celles  de  1845,  dernière  année  de 
l'ancien  tarif. 

ENSEIGNEMENT,    PUBLICATIONS. 

Un  cours  gratuit  et  pid)lic  de  chimie  est  professé  par 
(^hancourtois,  ingénieur  des  mines.  Il  reçoit  une  allocalion 
de  500  fr.  du  Conseil  général. 


166 

—  Le  Conservatoire  de  musique,  érigé  en  succursale  du 
Conservatoire   de   Paris,  par  ordonnance  du    1"   septembre 

1846,  est  inauguré  officiellement  en  celte  qualité  le  '28  oclobre 

1847.  Les  autorités  civiles  et  militaires,  les  membres  de  la 
Société  Académique  et  des  Beaux-Arts,  les  notabilités  artis- 
tiques de  la  ville  prennent  part  à  cette  solennité.  Cuissarl, 
adjoint,  parle  au  nom  du  Maire. 

—  Le  National  de  l'Ouest  augmente  son  format  et  porte 
à  44  fr.  son  prix  d'abonnement  à  l'année  pour  Nantes. 

—  L'abimneinent  du  Phare  de  lu  Loire,  qui  est  de  36  fr. 
pour  Nantes  et  de  46  fr.  en  dehors,  est  fourni  aux  abonnés 
du  National,  aux  prix  de  il6  et  40  fr.,  et  à  ceux  du  Breton 
et  de  VHermine,  à  ceux  de  28  et  42  fr.  Le  Phare  de  la 
Loire  ne  traite  que  les  questions  commerciales  et  maritimes. 

—  La  petite  géographie  de  la  Loire-Inférieure,  par  Le  Saut 
et  J.  Verger,  est  publiée. 

—  L'Hermine  comparaît  devant  les  assises  de  décembre, 
sous  la  prévention  de  provocation  à  la  désobéissance  aux 
lois,  en  excitant  les  contribuables  a  refuser  le  payement  des 
impôts.  Le  journal  est  défendu  par  Besnard  la  Giraudais. 
Il  est  acquitté.  Ses  amis  politiques,  à  l'occasion  de  cet 
acquittement,  organisent  un  banquet  qui  est  présidé  par  de 
Mélient. 

AGRICULTURE. 

Des  spéculateurs,  voulant  profiter  des  hauts  prix  du  blé, 
achètent  les  récolles  sur  pied.  L'Administration  se  voit  dans 
la  nécessité  de  les  menacer  de  l'application  de  la  loi  du 
6  messidor  an  III,  qui  interdit,  sous  peine  de  confiscation, 
la  vente  des  grains  en  vert  ou  pendants  par  racines. 

—  Les  hannetons  exercent  de  grands  ravages.  On  demande 
que  des  mesures  générales  soient  prises  pour  combattre  ce 
fléau. 


166 

—  Une  colleclion  de  dahlias,  comprenant  600  variétés,  est 
exposée  par  la  colonie  de  :Vlellray,  dans  la  salle  de  la  Bourse. 

—  Neveu -Derolrie,  dans  son  cours  d'économie  rurale, 
étudie  la  théorie  des  engrais. 

—  Le  Prélel,  se  conformant  à  une  circulaire  ministérielle, 
institue  une  commission  pour  procéder  à  des  essais  sur 
remploi  du  sel  en  vue  de  l'amendement  des  terres  et  de 
l'alimentation  du  bétail.  De  la  Haye  Jousselin,  député,  en  est 
nommé  président,  et  0.  de  Sesmaisons,  secrétaire. 

—  Des  instructions  sont  données  par  le  Préfet  relativement 
aux  précautions  à  prendre  pour  combattre  la  maladie  de  la 
pomme  de  terre. 

—  Le  Comice  central  agricole  tient  son  concours  annuel 
à  Sainl-Etienne-de-Monlluc,  sous  la  présidence  de  0.  de 
Sesmaisons.  Le  Comice  se  crée  des  correspondants  dans 
tout  le  déparlement. 

Le  blé  et  les  autres  céréales  atteignent  des  cours  de 
disette.  En  janvier,  le  blé  vaut  SO  h  31  fr.  l'heclolitre;  il 
monte  rapidement,  et,  dans  la  3®  semaine  de  mars,  son  prix 
arrive  à  43  fr.  50  c  Des  oidres  sont  donnés  à  l'étranger, 
mais  plusieurs  états,  entre  autres  rEs[iagne  et  la  Turquie, 
s'opposent  à  la  sortie  des  graius,  et  des  prix  supérieurs  à 
40  fr.  sont  encore  pratiqués  pendant  toute  la  durée  des 
mois  d'avril  et  de  mai.. Les  détenteurs  de  blé,  en  présence 
de  la  belle  apparence  de  la  prochaine  récolte,  se  décident  à 
renoncer  à  leurs  exigences.  La  baisse  s'accentue  dans  le 
mois  de  juin,  et  les  cours,  en  juillet,  tombent  à  30  fr.  Le 
mouvement  de  baisse  continue,  et,  à  la  tin  de  Tannée,  on 
descend  aux  prix  de  19  à  "20  fr.  Les  autres  céréales  suivent 
les  mêmes  oscillations  et  présentent,  dans  la  3«  semaine  de 
mars,  un  maximum  qui  est  :  pour  le  seigle,  de  35  fr.;  l'orge, 
de  ii4  fr.;  le  blé  noir,  de  17  fr.  70  c 


167 

Taxe  du  [lain,  le  kilo  : 

Blatic. 

Pour  janvier 0'  4750 

—  avril 0.6375 

~    mai  et  juin 0.6250 

—  décenibre 0.4000 


Batelier. 

Méteil. 

0'3750 

0'30 

0.5375 

0.4625 

0.5250 

0.4500 

0.3000 

0.2250 

Cours  des  vins  :  muscadets,  27  à  29  fr.;  gros-plants, 
15  à  16  fr. 

COMMERCE    ET    INDUSTRIE. 

Un  groupe  de  négociants  et  d'industriels  se  forme,  en  vue 
de  fonder  une  association  ayant  pour  objet  la  défense  des 
iniérêis  commerciaux,  industriels  et  agricoles  de  la  région 
de  l'Ouest.  (]inq  commissaires  sont  nommés  :  Maës,  H.  Pel- 
loulier,  Guépin,  Gb.  Saini-Âmour,  J.  Voruz  aîné.  Ils 
demandent  au  Maire  la  salle  de  la  Bourse  pour  y  tenir  une 
réunion  publique.  Le  Maire  en  réfère  au  Préfet  et  celui-ci 
au  Ministre  qui,  sans  donner  aucun  motif,  refuse  l'autorisa- 
tion. Tout  projet  d'association  est,  sur  lecbamp,  abandonné. 

—  Le  commerce  maritime  continue  à  prendre  un  grand 
développement.  L'année  est  marquée  par  la  création  de 
plusieurs  compagnies  d'assurances  maritimes  :  P.-B.  Goullin, 
240,000  fr.;  Odon  Desmars,  250,000  fr.;  L.  Hardouin, 
300,000  fr.;  Lecoq  Dumarselay,  400,000  fr.;  P.  Bonamy, 
un  million. 

—L'industrie  prend  une  nouvelle  extension.  Parmi  les  usines 
que  l'année  1847  voit  se  crée.r,  on  peut  citer  :  la  fabrique  de 
vernis  de  Lapotaire  et  Marchand  ;  établissement  d'eau  filtrée 
de  Lebreton,  de  Villandry  et  C*^,  rue  Crucy  ;  conserves 
alimentaires  de  Levraud,  Gosle  et  Guilloux;  fabrique  de 
bouillon  concentré  de  Talbot  et  G*"  ;  filature  mécanique  de 
chanvre  et  de  lin  de  Gherot  frères  ;  carbonisation  de  la  houille 
et  de  la  tourbe,  par  Dammiens  et  G'*. 


168 

—  Les  Pyroscnphes  ont  deux  départs  par  Jour  pour  la 
Basse-Loirei 

—  Les  Courriers  de  la  Loire  et  les  Dragons  ors^anisenl 
un  double  service  pour  Angers.  —  Les  Paquebots  de  la 
Loire  et.  les  Dragons  sont  en  correspondance,  à  Tours, 
avec  le  chemin  de  fer. 

—  La  Compagnie  des  Paquebots  de  l'Ouest,  avec  les 
bateaux  Sylphe,  Comte  d'Erlon,  Ronfleur,  a  deux  départs 
par  semaine  pour  Bordeaux.  Elle  s(î  transforme  en  la  Com- 
pagnie franco-espagnole  de  navigation,  sous  la  raison 
sociale  Monlluc  el  C*^  pour  la  navigation  de  Nantes  à  Bor- 
deaux et  aux  côtes  d'Espagne  et  de  Nantes  à  Tours.  On 
compte  sur  une  expéililion  pour  Paris,  par  an,  de  400,000 
barriques  de  vin  de  Bordeaux  et  de  10  k  15,000  tonnes 
d'eau-de-vie  de  Béziers  passant  par  Bordeaux. 

Un  remorqueur,  le  Sainte-Anne,  de  la  force  de  60  che- 
vaux, est  mis  en  service. 

MONUMENTS  ET  VOIRIE. 

—  Les  travaux  du  Palais  de  Justice  sont  poussés  avec 
activité. 

—  Le  Ministre  de  la  Guerre  paraît  disposé  à  exaucer  enfin 
les  vœux  si  souvent  exprimés  par  la  population  el  à  enlever 
la  poudrière  du  Château  pour  l'installer  dans  l'enceinte  forti- 
fiée qui  doit  être  construite  à  Saint -Nazaire,  autour  du 
bassin  projeté. 

—  Pour  la  quatrième  l'ois,  le  Conseil  umnicipal  réclame  une 
reconstruction  intégrale  el  immédiate  de  riIôtd-Dieu.  11 
maintient  sa  résolnlion  au  sujet  de  son  déplacement.  La 
Commission  des  liospices,  de  son  côté,  persiste  dans  son 
projet  d'une  reconstruction  sur  place.  Le  Conseil  municipal, 
faisant  passer  au  premier  rang  les  considérations  d'intérêt 
général,  déclare  ne  pas  insister  davantage  et  s'en  remettre 


169 

■^  la  décision  du  Préfel.  Une  solution  quelconque',  ne  peut 
larder  plus  longtemps  à  être  prise  sans  manquer  aux  règles 
les  plus  sommaires  de  riiygièno.  Les  lils  manquent  pour 
satisfaire  aux  besoins,  et  leur  nombre  n'a  pu  être  porté 
à  789  qu'à  la  coîidition  d'utiliser  tous  les  coins  et  recoins, 
les  Lçreniers  et  même  des  chambres  sans  air  et  sans 
lumière. 

—  On  commence  la  démolition  du  Bouffay.  Le  Tribunal 
tranche  le  difîérend  pendant  entre  la  ville  et  l'Etal.  Il  attri- 
bue à  ce  dernier  la  profiriélé  du  vieux  monument.  Le  Conseil 
n)unicipal  décide  que  l'acquisition  d'une  partie  du  lerrain 
sera  faite  pour  donner  un  [)lus  grand  développement  à  la 
place  qui  existe,  de  manière  à  pouvoir  ultérieurement  y 
construire  un  marché  couvert. 

—  La  statue  de  Cambronne,  due  à  Debay,  est  coulée  à 
Paris.  Son  érection  sur  le  coiu's  Henri  IV  nécessite  une 
transformation  de  cette  promenade.  Les  travaux  que  com- 
porte cette  transformation  sont  mis  en  adjudication.  Ils 
entraînent  l'abatage  des  arbres,  à  la  grande  satisfaction  des 
propriétaires  des  maisons,  qui  se  plaignaient  depuis  longtemps 
de  leur  voisinasse. 

—  Les  cimetières  deviennent  insutlîsanls.  Le  Conseil 
municipal  se  propose  d'établir  un  cimetière  général  el  invite 
le  Maire  à  entrer  en  pourparlers  pour  l'acquisition,  au  bou- 
levard Lelasseur,  d'un  terrain  de  7  hectares  sur  ime  base  de 
80,000  fr.  Ce  projet  n'est  pas  suivi  d'exécution  et  l'on 
décide  d'agrandir  les  cimetières  existant.  La  nouvelle  paroisse 
de  Sainte-Anne  doit  être  dotée  d'un  cimetière  que  la 
paroisse  de  Notre-Dame-de-Hon-Port  pourrait  également 
utiliser. 

—  L'ouverture  d'une  rue  de  10  mètres  es  décidée 
pour  joindre  le  pont  Maudit  à  la  rue  Hacqua  et  au  quai 
Moncousu. 


170 

—  Pellauiier  aîné  est  en  instance  auprès  de  l'aulorilé 
préieclorale  pour  obtenir  la  concession,  avec  le  droit  de 
percevoir  un  péage,  d'une  passerelle  pour  reli(>r  le  quai 
Moncousu  à  la  prairie  au  Duc. 

—  La  voie  qui  met  en  communication  la  prairie  d'Amont 
avec  la  rue  de  Vertais  est  mise  en  état  de  viabilité. 

—  Une  nouvelle  galerie  est  construite  dans  le  passage 
Ponmieraye.  Elle  débouche  rue  du  Puits-d'Argent,  dans  le 
prolongement  de  la  rue  Régnier. 

—  L'acquisition  de  l'îlot  de  la  Têle-Noire,  au  prix  de 
9,500  fr.,  est  décidée  pour  l'agrandissement  de  la  place 
Viarmes.  Otte  résolution  n'est  adoptée  qu'à  une  faible  majo- 
rité, et  la  minorité  est  d'avis  de  transférer  le  champ  de  foire 
sur  un  autre  point.  On  parle  de  la  i)rairie  d'Amont. 

—  La  transformation  du  quartier  de  Sainte-Anne  s'achève. 
L'alignement  de  la  place  d(*s  Garennes  est  arrêté,  et  une 
enquête  est  ouverle  pour  la  construction  d'un  escalier  pour 
mettre  celte  place  en  communication  avec  le  quai  de 
l'Hermitage. 

—  L'Administration  des  pouls  et  chaussées  dresse  un 
proj(!t  pour  l'amélioralion  du  canal  de  Nantes  à  Brest,  lequel 
comporte  la  construction  des  murs  de  quais  en  amont  du  pont 
de  l'Ecluse,  des  cales  et  rampes  en  amont  du  pont  Morand, 
du  pont  de  l'Hôtel-de-Ville,  et  la  reconstruclion  du  pont  de 
Barbin.  Le  devis  de  ces  travaux  s'élève  à  1,036,000  fr.  Le 
Conseil  consent  à  y  participer  pour  une  somuiede  iOO, 000  fr. 
Certains  membres  se  refusent  à  tout  concours  linaucier. 

—  Les  travaux  de  dragage  dans  la  basse  Loire  oui 
amélioré  les  passes,  et  un  navire  qui,  avec  son  chargement, 
présente  un  tirant  d'eau  atteignant  presque  4  mètres,  a  pu 
monter  sans  encombre  jusqu'à  Nantes.  Un  vœu  est  émis  par 
le  Conseil  général  pour  que  le  crédit  annuel  des  dragages 
soit  augmenté  et  porté  de  100,000  à  150,000  fr. 


171 

—  L'Administraiion  s'occupe  de  faciliter  la  navigation  sur 
la  haute  Loire.  Le  Préfet  fait  connaître  au  Conseil  général 
que  des  efforts  sont  tentés  pour  obtenir  en  toute  saison  une 
profondeur  de  0'",80  entre  Nantes  et  l'eaibouchure  de  la 
Maine  et  de  0",60  en  dessus  de  ce  point. 

—  Les  mariniers,  eu  présence  de  la  concurrence  que  leur 
crée  le  chemin  de  fer  de  Tours  ^  Orléans,  abaissent  leurs 
prix  de  transport,  et,  dans  ce  but,  allongent  leurs  bateaux  de 
manière  îi  pouvoir  leur  faire  porter  100  à  150  tonneaux  de 
marchandises. 

CONCERTS,  THÉÂTRE,  SPECTACLES. 

—  Kn  janvier  :  M''*  Lilou,  dans  les  salons  Leté  ;  M™"  i\lar- 
gueron,  canlalrice,  et  Plaiidry,  pianiste.  —Mars:  Baudrier, 
pianiste,  avec  le  concours  des  artistes  du  théâtre.  —  No- 
vembre :  de  Konsiki,  violoniste  (prix  du  billet  ;  4  fr.)  —  Le 
pianisie  Sowinski,  avec  le  concours  des  membres  de  la  Société 
des  Beaux-Arts  (4  fr.)  —  Déceujbre  :  M""  Valentin,  canta- 
trice, et  les  élèves  du  Conservatoire. 


La  campagne  se  traîne  péniblement  au  milieu  des  plaintes 
des  amateurs  jusqu'il  la  clôture  de  la  saison,  qui  a  lieu  le 
30  avril.  .\1"«  Masson,  engagée  pour  rO[)éra  de  Paris,  fait  ses 
adieux  dans  la  Favorite  et  remporte  un  véritable  triomphe. 
Le  privilège  pour  Tannée  1847-1848  est  accordé  à  Lemon- 
nier.  La  subvention  de  40,000  fr.  lui  est  maintenue.  — 
Mangin,  au  Conseil  municipal,  propose  de  substituer  à  cette 
subvention  en  argent  le  payement  par  la  ville  des  frais 
d'éclairage  et  des  appointements  des  chœurs  et  de  l'orchestre 
—  La  campagne  de  comédie  ouvre  le  ■'19  mai  par  Tarlufje. 
Au  cours  de  Tété,  viennent  se  faire  applaudir  :  Levassor,  du 
Palais-Royal  ;  Dejazet,  dans  les  pièces  de  son  répertoire  ; 
Baroilhet  et  M""  Mondutaigny,  de  l'Opéra. 


La  campagne  lyrique  commence  le  If.  septembre.  Les 
débiils  donnent  lieu  à  de  nombreux  incidents.  En  dépit  des 
arrêtés  municipaux,  les  artistes  sont  siffles  à  plusieurs  repri- 
ses. Le  mécontentement  est  général.  Le  Maire  menace  de 
retirer  la  subvention  et,  en  présence  des  scènes  de  tumulte 
qui  se  produisent,  il  ordonne  la  fermeture  du  théâtre  pour 
quelques  jours.  L'année  se  termine  sans  que  la  troupe  soit 
au  complet. 

Lemonnier,  pour  faire  patienter  le  public,  a  recours  à  des 
attractions  variées.  Il  engage  le  clown  Gilet,  du  cirque  Olym- 
pique ;  les  frères  Price  ,  acrobates  anglais.  Prudent  , 
pianiste,  puis  le  violoniste  de  Konstki  donnent  des  concerts. 

En  mai,  des  irprésentations  sont  données  par  une  troupe 
de  gymnasiarques  :  jeux  icariens,  pantomimes,  tableaux 
vivants.  —  En  juin,  il  y  a  des  luttes  d'hommes.  —  En  no- 
vembre, séances  de  Belmas  :  prestidigitation,  soirées  indienne 
et  chinoise. 


On  tente  d'organiser  des  représentations  scéniques  au 
petit  théâtre  du  passage  Pommeraye,  mais  les  exigences  du 
Bureau  de  Bienfaisance  et  du  Grand-Tiiéâtre  en  empêchent 
la  continuation. 


Le  théâtre  des  Lilliputiens,  dit  Riquiqui,  obtient  un  grand 
succès  avec  ses  marionettes  et  aussi  avec  les  chansonnettes  et 
danses  exécutées  par  la  famille  Leroux. 

La  foire  de  janvier  et  février  est  très  animée.  On  y  voit 
le  cirque  Bouthors,  des  luttes  d'hommes,  un  spectacle  pitto- 
resque, un  palais  des  beaux-arts  où  l'on  représente  la 
Passion.  —  En  juin,  on  exhibe  un  phoque  parlant. 

A  la  foire  de  décembre,  viennent  s'installer  une  troupe 
française  et  vénitienne  ;  la  ménagerie  Pianel,  composée  de 
40  animaux,  avec  entrée  du  dompteur  dans  la  cag'^  du  lion  ; 


173 

la  Imiipo  acrobiiliqiie  dn  Zanfrelta;  le  théâtre  Adrien,  avec 
scènes  d'escamotage,  suspension  élhérienne. 


Sous  le  nom  de  campagne  omnibus,  ou  Tivoli  nantais, 
s'organise,  à  Richehourg,  une  entreprise  de  plaisirs  variés 
pour  les  jeudis  et  dimanches  pendant  la  belle  saison  :  balan- 
çoires, gondoles,  ballons  grotesques,  concerts,  courses 
d'ânes,  tirs  au  pistolet  et  à  l'oiseau,  feu  d'artifice,  bal. 

—  Salle  d'Alger,  quartier  Vallée,  on  voit,  en  mars  et 
avril,  rUranorama,  sphère  de  8  mètres  représentant  le 
mouvement  des  astres.  —  Sur  la  roule  de  Rennes,  près  du 
poste  d'octroi,  il  y  a  un  tir  au  pistolet.  —  Des  assauts 
d'armes  sont  donnés  à  l'académie  Moreau,  passage  de  Ray- 
mond, et  à  la  salle  Bonfils,  rue  Lapeyrouse.  —  A  la  prairie 
de  Mauves,  lors  des  courses,  les  cases  sont  de  plus  en  plus 
nombreuses.  —  La  lanterne  magique  de  Bœuf  donne  des 
séances  au  domicile  des  iiarliculiers. 


Année    1848. 

L-i   niuDopole   du    sel.    —    Affaires    municipales.    —     Diver-. 
Le  changement  de  Gouvernement. 

LE    MONOPOLE    DU    SEL. 

Le  Goiivcrnemrni,  pour  oblcnir  un  meilleur  rendement  de 
l'impôt  sur  le  sel,  prend  le  parti  de  se  réserver  le  monopole 
de  la  vente  de  ce  produit.  Il  dépose  sur  le  bureau  de  la 
Chambre  des  Députés,  dans  la  séance  du  3  janvier,  un 
projet  de  loi  dont  les  principales  dispositions  sont  les  sui- 
vantes :  Monopole  de  la  vente  en  gros  du  sel  réservé  h 
l'Etat  et  confié  à  l'Administration  des  Contributions  indi- 
rectes, à  partir  du  l*"^  janvier  1850.  Vente  par  l'Etal  au 
commerce  de  gros,  au  prix  uniforme  de  0  fr.  ^11  c.  le  kilo. 
Interdiction  au  détaillant  de  dépasser  le  prix  de  0  fr.  30  c. 
pour  la  vente  au  consommateur.  Etablissement  d'entrepôts 
dans  tous  les  chefs-lieux  d'arrondissement.  Détermination 
chaque  année,  au  mois  de  novembre,  du  prix  auquel  l'Admi- 
nistration payera,  l'année  suivante,  aux  producteurs,  le  sel 
de  chaque  provenance  jusqu'il  concurrence  des  quantités 
portées  au  cahier  des  charges.  Déclaration  par  le  producteur 
des  quantités  qu'il  s'engage  à  livrer  et  des  prix  qu'il 
demande.  Faculté  pour  l'Administra  lion,  dans  le  cas  où  les 
conditions  de  prix  ne  lui  conviendraient  pas,  de  s'appro- 
visionner en  Algérie  ou  à  l'étranger,  pour  remplir  ses 
dépôts. 

Le  dépôt  de  ce  projet  de  loi  soulève   un  mécontentement 


175 

général.  Le  commerce  se  voit  menacé  dans  son  existence,  il 
se  demande  si  l'Ktal,  une  fois  engagé  dans  celle  voie  des 
accaparements,  ne  sera  pas  tenté  de  jeter  son  dévolu  sur 
d'autres  produits,  el  si,  après  s'être  attribué  le  monopole  des 
sels,  il  ne  voudra  pas  se  réserver  le  commerce  des  grains, 
des  sucres  ou  de  quelque  autre  denrée.  Les  propriétaires  des 
marais  se  voient  à  la  merci  de  l'arbitraire  de  l'Etal,  qui 
pourra,  quand  il  voudra,  s'approvisionner  à  l'étranger. 

Sous  l'influence  de  celte  émotion,  les  intéressés  se  groupent, 
et  une  commission  provisoire  se  forme  en  notre  ville  pour  orga- 
niser un  mouvement  de  résistance.  Cette  commission  se  compose 
de  Benoit,  ancien  député  de  Paimbœuf,  président  ;  Eriau, 
secrétaire;  Picard,  Le  Boux,  G.  Lebreton.  Dès  le  8  janvier, 
elle  adresse  une  circulaire  à  tous  les  producteurs  de  la 
Loire -Inférieure,  de  la  Vendée,  de  la  Saintonge  el  intéresse 
à  la  question  loul  le  monde  du  commerce.  La  circulaire  se 
termine  ainsi  :  «  Attaque  à  la  propriété  qui  se  trouve  limitée 
»  dans  son  droit,  terrible  précédent  pour  l'avenir  ;  attaque 
»  à  l'industrie  privée,  à  toutes  nos  garanties,  le  projet  a 
»>  tout  l'odieux  d'une  mesure  illégale  el  inconstituiion- 
»  nelle.  » 

La  Commission  (ail  appel  au  concours  de  la  Chambre  de 
Commerce  :  «  Le  commerce,  dil-elle,  ne  se  soutient  que 
»  par  une  grande  liberté.  Attaquer  les  branches,  c'est  pré- 
•)  parer  la  mort  du  trône.  Le  monopole  est  un  véritable 
»  minotaure  dont  la  faim  croit  avec  les  ressources.  » 

L'appui  du  Conseil  municipal  est  réclamé  par  elle,  «  plus 
»  de  cabotage,  plus  de  mariniers,  mais  une  locomotive  el 
»  des  wagons.  Le  chemin  de  fer  de  Sainl-Nazaire  deviendra 
»  lête  de  ligne  de  la  féodalité  financière  accouplée  au 
»  monopole  de  l'Elal.  » 

La  Chambre  de  Commerce  s'empresse  de  répondre  à 
l'appel  qui  lui  est  adressé.  Elle  charge  trois  de  ses  membres, 


176 

G  lequel,  Bossis  cl  A.  Bonaniy  do  rédiger  un  rapport.  — 
De  son  côlé,  le  Conseil  municipal  nomme  une  Commission 
composée  de  Trenchi'venl,  Caillé,  Touzeau,Guépin,  Colombel, 
Mangin,  pour  étudier  la  question. 

Le  15  janvier,  sur  rinvilalion  de  la  Commission  provi- 
soire, les  propriétaires  de  salines  el  les  commerçants  se 
réunissent  à  l'hôlel  de  France.  Une  Commission  définitive 
est  formée.  Elle  comprend  les  membres  de  la  Commission 
provisoire  et  quatre  nouveaux  membres,  qui  sont  :  Benoit, 
du  Pouliguen  ;  Olivier  de  Sesmaisons  ;  Colin,  de  Bouin  ; 
F.  Pineau,  de  Noirmouliers.  Un  vœu  esl  émis  pour  que, 
sur  tous  les  lieux  de  production,  un  Comité  s'organise  el 
se  melle  en  rapport  avec  la  Commission  de  Nantes.  Une 
délégation  esl  nommée  pour  aller  à  Paris  défendre  les 
inlérêls  de  Tindustrie  salicole. 

A  Paris,  le  projel  du  Gouvernement  rencontre  une  vive 
opposilion.  Les  commerçants,  comme  les  producteurs,  se 
sentent  profondément  alteinls.  Les  premiers  forment  un 
comité,  donl  Daguin  esl  le  président,  el  Jouvellier,  d'Orléans, 
le  secrétaire.  Les  producteurs  se  groupent,  sous  la  prési- 
dence de  Grimaldi,  gérant  des  Salines  de  l'est,  el  nommenl 
une  commission  qui  comprend  15  délégués  :  '2  pour  l'est, 
5  pour  le  midi,  8  pour  l'ouesl  (1,  Bayonne;  ^i,  Cliarenie- 
Inférieure;  2,  Vendée  ;  ^i,  Loire-Inférieure;  1,  Morbihan). 
Les  deux  groupes  se  concerlenl  en  vue  de  commencer  inmié- 
dialemenl  leurs  démarches  auprès  des  Pouvoirs  publics. 

La  Commission  organisée  à  Nantes  réunit  de  nouveau  ses 
adhérents  le  "1  février.  Elle  les  met  au  courant  de  l'organi- 
sation des  Comilés  de  Paris,  et  constate  que  le  mouvemenl 
est  général.  A  Guérande,  au  Pouliguen,  aux  Sables-d'Olonne, 
l'élan  esl  donné.  Trois  pétillons  sont  mises  en  circulaiion 
pour  êlre  respectivement  signées  par  les  propriétaires  de 
marais,  les  commerçants,  les  mariniers. 


177 

hv  changement  de  goiivernemenl  trouve  l'ouest  en  pleine 
effervescence.  Il  iiiel  tin  à  toute  celte  agitation. 

AFFAIRES    MUNICIPALES. 

L'Etal  ne  semble  pas  pressé  de  rempli)-  ses  engagements 
vis-à-vis  de  Nantes  an  sujet  des  paquebots  transatlantiques. 
Le  Conseil  municipal  délègue  Gbérol,  Bonamy  et  Garnier 
pour  aller  à  Paris  hâter  la  solution  de  la  question.  Il  les 
charge  en  même  temps  de  demander  des  crédits  supplé- 
mentaires en  vue  de  poursuivre  les  travaux  du  chemin  de 
fer  qui,  faute  de  fonds,  sont  sur  le  point  d'être  arrêtés. 

—  Bien  que  la  Chambre  de  Commerce  ait  agi  vigoureu- 
sement pour  obtenir  une  révision  de  la  législation  sucrière, 
le  Conseil  fait  parvenir  ses  vœux  au  Ministère. 

—  La  création  à  Nantes  d'une  Faculté  des  sciences  est 
soulevée  par  la  Société  Académique.  Un  mémoire  de 
Colombel,  concluant  à  celte  création,  est  adopté  dans  ses 
conclusions  par  le  Conseil  qui,  en  même  temps,  se  déclare 
tout  disposé  à  voler  les  fonds  nécessaires. 

—  Les  Chambres  paraissent,  un  moment,  avoir  l'intention 
de  supprimer  un  certain  nombre  d'écoles  de  médecine.  Le 
docteur  Marcé  élablit  les  droils  que  Nantes  possède  pour 
le  maintien  de  son  école,  et  son  travail  est  adressé  au 
Ministre. 

—  Le  traité  avec  la  Compagnie  Européenne  du  gaz  est 
renouvelé  pour  une  période  de  18  années,  jusqu'au  30  avril 
18G8.  Le  prix  du  gaz  est  fixé  —  pour  les  pariiculiers  :  à 
0  fr.  06  c.  par  bec  et  par  heure  ou  à  0  fr.  50  c.  le  mètre 
cube  au  compteur,  avec  des  réductions  de  5,  10,  15  °/' 
pour  des  consommations  respectives  de  500  l\  1,000  fr., 
1,000  fr.  à   1,500  fr.,  au-dessus  de  1,500  Ir.  -    pour   les 


0 


178 

établissements  communaux  :  à  0  fr.  H  c.  le  mètre  cube  — 
pour  l'éclairage  public  :  à  0  fr.  03  c.  par  bec  et  par  heure. 

—  Le  parc  aux  fumiers  est  transféré  sur  le  terrain  com- 
munal de  la  Grande-Houe,  au  Ponl-du-Cens. 

—  Un  terrain  de  6,000  mèlres  est  acquis  par  la  ville 
pour  rétablissement  du  cimetière  de  la  paroisse  de  Sainte- 
Anne. 

—  Le  Ministre  de  la  Guerre  menace  de  priver  la  ville 
d'une  garnison  de  cavalerie  si  elle  ne  consent  à  participer 
aux  frais  de  la  construction  d'une  caserne  el  une  somme  de 
300,000  fr.  est  volée  par  le  Conseil. 

DIVERS. 

Un  bal  au  bénéfice  des  pauvres  est  donné  au  Grand- 
Théâlre.  ll^^esl  très  brillant  et  produit  une  recelte  nette  de 
6,635  fr.  70  c,  qui  est  répartie  entre  la  Société  de  charité 
maternelle,  les  salles  d'asile,  les  crèches,  le  dépôt  de  men- 
dicilé  et  le  Bureau  de  bienfaisance. 

—  Un  nouveau  journal,  \' Alliance,  paraît  le  15  janvier. 
Il  a  pour  programme  la  défense  des  principes  du  parti 
catholique. 

~  Les  travaux  du  bassin  de  Sainl-Nazaire  sont  mis  en 
adjudication  le  7  février.  Le  devis  s'élève  à  5,398,000  fr. 

—  Aug.  Bonamy  et  de  la  Gournerie,  ingénieurs  des  ponts 
et  chaussées  du  déparlement,  sont  nommés  chevaliers  de  la 
Légion  d'honneur. 

—  Les  Paquebots  de  la  Loire,  pour  faire  concurrence 
aux  Courriers,  abaissent  le  prix  des  places  de  Nantes  à 
Angers  à  1  fr.  les  premières  el  0  fr.  50  c.  les  secondes. 

—  Au  Grand-Théâtre,  l'année  s'ouvre  sans  que  la  troupe 
d'opéra'^aii  terminé  ses  débuts. 


179 

—  Le  cirque  Baslien  Franconi  donne  des  représentations 
au  théâtre  des  Variétés. 

—  La  foire  de  la  place  Bretagne  présente,  comnae  princi- 
pales attractions,  le   théâtre  Adrien  et  la  ménagerie  Pianet. 

—  Au  petit  théâtre  du  passage  Pouimeraye,  séances  de 
prestidigitation. 

CHANGEMENT  DE  GOUVERNEMENT. 

Journée  du  vendredi  25  lévrier.  —  On  apprend  dans 
la  matinée  l'abdication  du  Roi.  La  duchesse  d'Orléans  est 
nommée  régente. 

Le  Maire  convoque  les  officiers  supérieurs  et  les  capitaines 
de  la  garde  nationale,  en  vue  de  prendre  les  mesures  que 
peuvent  rrclamer  les  circonstances.  Le  Prélet  et  le  Procu- 
reur se  rendent  â  THôlel-de -Ville  pour  conférer  avec  les 
autorités  municipales. 

Roulleaux-Dugage  déclare  que,  quels  que  soient  les  événe- 
ments qui  se  produiront  ultérieurement,  il  accomplira  tout 
son  devoir  jusqu'au  bout.  «  Ecartons,  dil-il,  les  questions 
«  poliiiques  pour  ne  songer  qu'au  maintien  de  l'ordre.  « 

Une  affiche  posée  à  3  heures  fait  connaître  au  public  la 
nouvelle  de  l'abdication.  Elle  contient,  en  outre,  une  pro- 
clamation dans  laquelle  le  Préfet  et  le  Maire  adjurent  leurs 
concitoyens  d'être  palimls  et  calmes. 

La  copie  d'une  dépêche  annonçant  la  constitution  d'un 
Gouvernement  provisoire  est  communiquée  par  la  Préfecture 
aux  journaux,  au  moment  de  leur  mise  sous  presse,  et  la 
nouvelle  est  ainsi,  dès  le  soir  même,  répandue  dans  le 
public. 

Les  républicains  n'en  demandent  pas  davantage  pour  agir 
en  maîtres.  A  7  heures,  ils  se  réunissent  chez  le  docteur 
Guépin  et  décident  l'envoi  d'une  délégation   au  Préfet  pour 


180 

Tinviter  h  proclamer  ei  faire  recoiinaîlre  le  nouveau  Gouver- 
neuieni. 

Les  délégués,  au  nombre  de  neuf,  se  présentent,  k 
10  heures  du  soir,  à  l'Hôlel  de  la  Préfecture.  Roulleaux- 
Dugage  les  reçoit  dans  sa  salle  de  billard.  V.  Mangin  père 
porte  la  parole.  ««  C'est  dans  l'intérêt  de  l'ordre  et  de  la 
»  liberté  que  nous  sommes  devant  vous.  Les  dépêches  télé- 
»  graphiques  que  vous  avez  publiées  nous  apprennent  le 
»>  changemeut  de  Gouvernement  et  la  formation  d'un  Gou- 
«  vernement  provisoire.  Nous  venons  vous  demander  de  le 
»  proclamer  et  de  le  faire  reconnaître.  »  Il  plaide  ensuite  la 
cause  du  commerce.  «  La  reconnaissance  du  nouveau  Gou- 
»  vernement  tranquilliserait  les  esprits  et  rendrait  l'activité 
»  des  affaires.  »  Le  Préfet  se  borne  à  répondre  qu'il  attend 
les  ordres  du  Gouvernement. 

Les  journaux,  peu  après  leur  tirage,  reçoivent  communi- 
cation d'une  dépêche  dont  le  brouillard  a  interrompu  la 
transmission  (!t  qui  est  réduite  à  ces  quatre  mots  :  Le 
Gouvernement  républicaiin  est 

Samedi  26  février.  —  La  malle-poste  de  Paris,  qui 
était  attendue  la  veille  à  6  heures  du  soir,  n'arrive  que  dans 
la  nuit,  vers  4  heures.  Elle  n'apporte  aucune  instruction  du 
Gouvernement.  Le  Préfet  en  prévient  la  population  et,  en 
même  temps,  lui  fait  connaître  la  dépêche  qui  a  paru  dans 
les  journaux  de  la  veille  et  qui  annonce  la  constitution  d'un 
Gouvernement  provisoire. 

Les  ré[iublicains  lenleni,  dans  la  matinée,  une  démarche 
auprès  du  Maire  pour  obtenir  qu'il  proclame  la  République. 
Ferd.  Favre  leur  répond,  connue  le  Préfet,  qu'il  attend  les 
ordres  du  Gouvernement. 

Une  adresse  de  la  Counnission  démocratique  aux  membres 
du  nouveau  Gouvernement  est  affichée.  Elle  se  termine  par 


181 

ces  mois  :  Vive  le  Gouvernement  républicain  !  Vive  !a  sou- 
veraineté du  peuple  ! 

L'animalion  grandit  dans  la  ville  à  mesure  que  se  propa- 
gent les  nouvelles  venues  de  Paris.  AH  heures,  un  rassem- 
blement se  forme  sur  la  place  Royale.  La  résistance  du 
Préfet  et  du  Maire  à  [iroclamer  la  République  est  l'objet  de 
toutes  les  conversations.  Les  esprits  s'échauffent,  et,  dans  un 
mouvement  dViffervescence,  une  manifestation  s'organise  en 
vue  d'une  proclamation  populaire  de  la  République.  Le  chant 
de  la  Marseillaise  se  fait  entendre.  Un  cortège  se  forme 
par  rangs  de  quatre.  Il  se  dirige  par  la  rue  Grébillon,  la  rue 
Voltaire,  traverse  le  quartier  d'Alger,  atteint  les  quais  qu'il 
parcourt  jusqu'à  la  place  Royale,  où  il  se  dissout. 

La  délégation  qui,  le  malin,  s'était  présentée  à  la  Mairie, 
et  à  laquelle  d'autres  citoyens  se  sont  joints,  y  retourne  de 
nouveau.  Elle  est  reçue  par  Cuissart,  premier  adjoint,  qui 
lui  fait  connaître  qu'une  proclamation  est  à  l'impression. 
Cette  proclamation  parait  dans  la  journée;  elle  donne  dans 
toute  sa  teneur  la  dépêche  dont  une  partie  avait  été  reçue 
la    veille   et   qui   dit  :   Le  Gouvernement   républicain  est 

CONSTITUÉ,     LA    NATION     VA    ÊTRE     APPELÉE    A    LUI    DONNER   SA 

SANCTION.  Le  Préfet  et  le  Maire  font  en  môme  temps  appel 
aux  citoyens  de  tous  les  partis  pour  prêter  leur  concours  au 
maintien  de  l'ordre,  au  respect  des  personnes  et  des  pro- 
priétés. 

Le  Conseil  municipal  se  réunit  à  -2  heures.  Guépin  soumet 
un  projet  de  proclamation  aux  habitants.  Certains  Conseillers 
l'appuient.  D'autres  proposent  une  modification  à  son  texte. 
Après  de  longs  débats,  la  rédaction  de  Guépin  est  adoptée 
à  l'unanimité.  Elle  est  affichée  dans  la  journée  et  porte  la 
signature  de  tous  les  membres  du  Conseil. 

Dimanche    ^27    février.    —   Une  dépêche  du  Ueutenaul 


18^ 

général  Siibervic,  niinislre  de  la  guerre,  maintient,  dans  ses 
fondions  de  conimandanl  de  la  12«  division  militaire,  le 
lienlenanl  général  de  Bar  et  lui  donne  ses  inslruclions.  Le 
général  de  Bar  les  transmet  imniédialem<^nt  aux  officiers 
généraux  de  la  division. 

La  Commission  démocratique  prend  toutes  les  allures  d'un 
corps  investi  d'un  mandat  régulier.  Elle  fait  alTiclier  une 
proclamation  aux  habitants  pour  les  inviter  à  se  rallier  fran- 
chement au  nouveau  régime,  puis  une  adresse  aux  tnembres 
du  Gouvernement  provisoire  leur  portant  les  félicitations  et 
les  encouragements  de  ses  membres. 

Le  Conseil  municipal  se  réunit.  Golombel  présente  un 
projet  de  proclamation  aux  habiiants.  Une  chaude  discussion 
s'élève.  On  tinil  par  tomber  d'accord  et  rédiger  un  texte 
qui  est  adopté  à  l'unanimité.  Dans  celte  proclamation, 
«  l'Autorité  municipale  et  le  Conseil  de  la  commune  décla- 
»  renl  reconnaître  le  nouveau  Gouvernement  et  continuer 
»  leurs  fonctions,  comme  ils  en  ont  reçu  l'ordre,  dans  l'in- 
»  lérét  de  la  paix  et  de  la  concorde  publique  et  jusqu'à  ce 
•  que  la  volonté  de  la  Nation  ait  été  régulièrement  consul- 
»  tée.  »  Le  Préfet  y  ajoute  quelques  phrases.  Il  invite  «  tous 
n  les  fonctionnaires  et  tous  les  corps  constitués  à  rester  à 
')  leur  poste  et  à  continuer  leurs  fonctions.  11  conjure  tous 
»  les  citoyens  de  respecter  l'ordre  et  les  lois  ». 

Les  élèves  de  l'institut  ;igricole  de  Grand-Jouan  délèguent 
aux  démocrates  nantais  une  députation  chargée  de  leur 
remettre  une  adresse  exprimanl  leurs  sympathies  pour  le 
Gouvernement  républicain. 

Dans  la  soirée,  un  arbre  de  la  Liberté  est  planté  sur  la 
place  Royale. 

La  journée  se  passe  dans  un  grand  calme.  La  physio- 
nomie de  la  ville  est  celle  qu'elle  présente  chaque  dimanche. 


188 

Lundi  28  février.  —  La  nuil  semble  n'avoir  pas  élé 
aussi  calme  que  d'iiabilude,  car  la  Commission  démocra- 
tique ent^age,  par  une  affiche,  les  ouvriers  à  ne  pas  pousser 
«  des  cris  tumultueux  et  des  clameurs  nocturnes,  à  rentrer 
»  dans  leurs  ateliers  et  à  attendre,  avec  calme  et  patience, 
»  le  moment  où  nos  magistrats  nous  convoqueront  en 
»  assemblées  primaires  pour  élire  les  députés  que  nous 
»  chargerons  de  la  réalisation  pacifique  de  nos  espérances.  » 

Une  crise  financière  se  fait  sentir.  Le  Conseil  d'adminis- 
tration de  la  Banque  de  Nantes  prévient  le  public  que  la 
Banque  suspend  momentanément  ses  payements  en  numé- 
raire. Un  article,  communiqué  aux  journaux  par  l'autorité, 
explique  que  «  cette  mesure  ne  doit  en  rien  alarmer  les 
»  porteurs  de  billets  de  ta  Banque,  la  rentrée  des  valeurs 
»  représentatives  que  la  Banque  a  en  portefeuille  et  les 
0  relations  avec  la  capitale  ne  pouvant  être  entravées  que 
»  momentanément.  » 

Le  Préfet  prend  un  arrêté  prorogeant  de  dix  jours 
l'échéance  des  effets  de  commerce  payables  du  26  février 
au  5  mars. 

Le  Conseil  municipal,  sur  la  proposition  de  Thomas 
Chéguillaume  et  de  Bcsnard  la  Giraudais,  vote  une  somme 
de  100,000  fr.;  —  50,000  fr.  doivent  être  employés  pour  pro- 
curer du  travail  aux  ouvriers  en  chômage,  et  50,000  fr. 
pour  faire  des  avances  aux  entrepreneurs.  Th.  Chéguillaume, 
Jégou  et  Thébaud  sont  chargés  par  leurs  collègues  de 
veiller  k  la  répartition  de  ces  fonds. 

Un  avis  est  adressé  par  le  Préfet  aux  fonctionnaires  et  aux 
habitants,  pour  les  «  engager  à  se  libérer  des  termes  des 
M  contributions  échus  et  mêmi'  à  payer  par  avance  les 
»  contributions  de  l'année  entière.  La  rentrée  rapide  et 
»  régulière  des  contributions  est   l'un   des   plus    pressants 


184 

»  besoins  du  pays.  Elle  est  indispensable  pour  assurer  lous 
»  les  services  publics,  poui'  rétablir  la  confiance  ébranlée, 
»)  pour  prévenir  lous  désordres.  '>  Il  donne  l'exemple  et, 
acquillc  le  montant  de  ses  contributions  pour  Tannée. 

Dans  la  soirée,  le  courrier  ap[)orte  au  docteur  Guépin  un 
pli  ministériel  conçu  en  ces  termes  : 

Pnris,  27  février. 

Au  nom  du  peuple. 

Le. Gouvernement  provisoire  révoque  le  Préfet  actuel  du 
département  de  la  Loire-Iuférieure,  et  nomme  le  citoyen 
Guépin,  coinmissaife  de  ce  département,  l'investissant  des 
pouvoirs  de  Préfet  et  l'autorisant  à  prendre  toutes  les  mesuï-es 
d'ordre  et  de  salut  public  qu'il  jugera  nécessaires. 

Toutes  les  autorités  civiles  et  militaires  sont  placées  sous 
ses  ordres. 

Lp  Membre  du  Gouvernement  provisoire, 
MiniMte  de  l'Intérieur, 

LKDRU-ROLLIN. 

Le  docteur  Guépin  prend  immédiatement  possession  de 
ses  fondions. 

Mardi  ^29  février.  —  Le  docteur  Guépin  cboisit  pour 
secrétaire  Le  S;uit,  ancien  adjoint,  ancien  conseiller  général, 
et  voit  l'opinion  accueillir  favorablement  celle  nomination. 
H  prie  vivement  le  Maire  de  conserver  ses  fonctions.  Ford. 
Favre  accepte.  Le  Colonel  de  la  garde  nationale,  Mery,  vient 
donner  au  i-onmiissaire  du  Gouvernement  l'assui^mce  de 
son  concours. 

—  Aug.  Garnier,  ILTbébaud,  F.  Brabcix  sont  désignés  par 
le  Conseil  municipal  pour  aller  exprimer  au  Gouvernemiinl 
les  sympatbies  de  ses  membres  pour  la  Ré[tublique. 

—  Roulleaux-Dugage  part  dans  la  journée  pour  Paris. 


18'5 

—  Une  circulaire  est  adressée  par  le  dncleur  Guépin  aux 
Sous-Préfels  el  aux  Maires  du  département.  Il  leur  «  rccom- 
»  mande  de  faire  reconnaître  au  plus  tôt  le  nouveau  Gouver- 
»  nemeni...  Faites  aimer  par  vos  actes  ce  Gouvernement 
»  dont  vous  êtes  les  représentants.  Pour  se  faire  respecter, 
»  la  République  dispose  d'une  force  physique  immense  ;  elle 
»  ne  veut  employer  que  la  force  morale.  « 

Cet  acte  d'autorité  du  Représentant,  dans  notre  départe- 
ment, du  pouvoir  qui  préside  aux  destinées  de  la  France 
appartient  déjà  à  l'histoire   de    nantes  sous  la  deuxième 

RÉPUBLIQUE. 

Notre  tâche  se  trouvé  donc  terminée. 


13 


186 


POÉSIKS 

Par     m.     Dominique    CAILLÉ. 


A    CHARLES    LOYSON    (') 


Dans  le  premier  du  ses  articles  sur  André 
Chéiiier,  il  (Cbarles  Loyson)  décrit  son  Château 
en  Espagne,  sa  maisonnelle,  son  ruisseau  et 
son  bociige  et  paulkm  silvœ  ;  il  le  dessine  à 
son  gré  et  cmisacre  un  petit  bouquet  de  cyprès, 
de  bouleaux  et  d'arbres  vi'rts  aux  jeunes  écri- 
vains morts  avant  l'âge.  Ici,  TibuUe  et  Lucain; 
là,  Mallilâlre  et  Gilbert,  Chatterton,  Millevoye, 
et,  à  l'une  des  plus  belles  places,  André  Chénier. 

Edmond  Biré.   Les    Poètes    lauréats  de 
V Académie  française,  tome  I,  p    218. 


Le  cœur  rempli  d'amour  et  l'esprit  li'iomphant. 
Insouciant  des  maux  de  l'existence  amère, 
Tu  bâtissais  au  doux  pays  de  la  chimère 
Un  château  merveilleux  dans  tes  rêves  d'enfant. 

Et,  tout  en  construisant,  parmi  les  (leurs,  les  arbres, 
Un  palais  de  splendeur  idéale,  un  Château 
En  Espagne,  ta  main,  sur  le  même  coteau, 
Plantait  un  bois  sacré  pour  ombrager  des  marbres. 


(1)  Celte  pièce  de  vers  a  été  lue  par  son  autour  après  les  discours  d'André  Tlieuriet, 
de  l'Académie  française,  et  d'Armand  Silvestre,  délégué  du  Ministre  des  Beaux  Arts, 
etc.,  à  l'inauguration  au  buste  de  Cliarles  Loyson,  à  Cliâleau-Gontier,  le  l«r  octobre 
1899. 


187 

Des  marbres  d'écrivains  à  l'espril  radieux. 
Pour  qui  semblent  tombés  ces  beaux  vers  de  ta  plume  : 
«  C'est  pour  périr  bientôt  que  le  flambeau  s'allume. 
Mais  il  brille  un  moment  sur  les  autels  des  dieux  !  » 

De  ces  poètes  morts  jeunes  et  que  l'on  aime, 
Sur  lesquels  on  fondait  un  magnifique  espoir, 
Et  qui,  dans  les  grands  cieux  ouverts,  avant  le  soir, 
Sont  partis  l'àme  en  fleur,  et  purs  comme  toi-même. 

Car  tu  mourus,  comme  eux,  dans  l'âge  printanier 
Qui  remplit  du  parfum  des  i-oses  notre  voie. 
Et,  comme  Chatterton,  Gilbert  et  Millevoye, 
Et,  comme  Malfilâtre  et  comme  André  Cbénier. 

Tu  t'en  allas  avant  que  se  fussent  fanées 
Ta  juvénile  ardeur  et  tes  illusions. 
Quand  la  gloire  mêlait  ses  plus  brillants  rayons 
Aux  sereines  clartés  de  tes  belles  années. 

Et,  si  nul  bois  sacré  n'e  t'offre  un  piédestal, 

Celui  que  tu  rêvais  jadis  pour  les  poètes 

Morts  jeunes,  que,  du  moins,  le  bronze  dans  nos  fêtes 

Evoque  ton  image  en  ton  pays  natal. 


188 
LE    PREMIER   CHAGRIN 


L'Enfant 

Avec  ses  abeilles,  ses  fleurs, 
Ses  fruits  aux  brillantes  couleurs, 
Voici  l'été  de  retour  ;  mère, 
Pour  ne  plus  revenir,  joyeux, 
Partager  aujourtVIiui   mes  jeux, 
Oii  donc  s'en  est  allé  mon  frère  ? 


'5 


Pour  chasser  le  gai  papillon 
Dont  l'aile  étincelle  au  rayon 
Du  beau  soleil  qui  nous  éclaire. 
Pour  cultiver  notre  jardin, 
Pour  cueillir  tous  deux  le  raisin, 
Rappelle  donc  mon  petit  frère. 

La  Mère 

Hélas  !  tes  vœux  sont  superllus. 
Ton  frère  ne  reviendra  plus. 
Cher  enfant,  dans  notre  demeure 
Comme  la  rose  du  printemps, 
11  n'a  vécu  que  peu  d'instants, 
Il  est  dans  le  ciel  à  celte  heure. 

L'Enfant 

Dans  les  prés  où  le  soleil  luit, 
Je  ne  dois  donc  plus  avec  lui 
Chasser  le  papillon  volage. . . 
Puisque  je  l'ai  sitôt  perdu. 
Petite  maman,  j'aurais  dû 
L'aimer  encore  davantage  ! 


't^"^ 


Imitation  du  Fiml  Grief,  de  M^s  Hemans. 


189 


ÉLÉGIE    SUR    LA  MORT   DE   MADAME    RIOM 


IvUE    A    SES    OBSEQUES. 
131  Août  1899.) 


Dans  ce  joui-  où  la  cloche  épaiid  uu  glas  souoi-e 
Pour  celle  qui  chanta  le  Christ  en  vers  pieux. 
Versa  des  pleurs,  ainsi  que  Desbordes- Valmore, 
Et  chérit  la  Bretagne  à  l'égal  de  Brizeux  ; 
Ces  vers  frêles  et  purs  chantent  dans  ma  mémoire, 
Ces  vers  frêles  et  purs  que  je  citais  jadis 
Dans  un  article  (')  tout  rempli  de  votre  gloire, 
Ame  tendre  envolée  au  divin  paradis. 

«  Quand  un  rameau  fleuri  touchera  votre  tête , 

»  Quand  de  légers  parfums,  ou  quelques  chants  bien  doux, 

»  Viendront,  comme  un  oiseau,  dans  votre  cœur  en  fête, 

»  Fei'mez  les  yeux,  c'est  moi  qui  serai  près  de  vous!  »  C") 

Et  nous  croirons  alors  sous  le  soleil  qui  brille 
Vous  voir  soudain  paraître,  ainsi  que  vous  veniez 
A  nous,  le  front  rêveur  et  sous  votre  mantille, 
Comme  vous  a  sculptée  Alfred  Caravanniez  ; 
Et  nous  croirons  vous  voir  doucement  nous  sourire 
Parmi  les  rameaux  verts  et  les  senteurs  de  mai, 
Et  murmurer  encor  dans  le  vent  qui  soupii'e  : 
Mes  amis  d'autrefois,  n'avais-je  pas  dit  vrai  ? 

(1)  Le  Salon  de   M'^"    Riom.    Kevue    de    Hretagnc,  de    Fondée    et    d'Anjou, 
lunie  V,  pp.  477  cl  suivantes. 

(2)  Passion,   pjir  Louise  d'Isolé,   p.    12. 


190 

«  Quand  un  lanie.iii  Henri  lonchei'a  voire  tèle, 
»  Quand  de  légers  parfums,  ou  quelques  chants  bien  doux, 
»  Viendront,  conime  un  oiseau,  dans  votre  cœur  en  fêle 
»  Fermez  les  yeux,  c'est  moi  qui  serai  près  de  vous  !  » 

Oui,  ce  sera  bien  vous  qui,  pai-  un  doux  mystère, 
Reviendrez  un  instant  flotter  devant  nos  veux  ; 
L'amitié,  c'est  le  seul  de  nos  biens  de  la  terre 
Que  l'on  puisse  emporter  en  s'envolant  aux  cieux. 
Et  c'est  cette  amitié  qui,  liant  l'âme  à  l'àme, 
Vous  fera  revenir  de  l'azur  éclatant. 
Pour  descendi-e  ici-bas  sur  des  ailes  dç  flamme 
Et  pour  nous  répéter  ces  vers  que  j'aime  tant  : 

«  Quand  un  rameau  fleuri   touchera  votre  tête, 
»  Quand  de  légers  parfums,  ou  (juelques  cliants  bien  doux, 
»  Viendront,  comme  un  oiseau,  dans  voti-e  cœur  en  fête, 
»  Fermez  les  yeux,  c'est  moi  qui  serai  près  de  vous!  » 


191 


AU     BAL 


Sonnet  de  ma  vingtième  année.  (Inédit 


Après  l'avoir  prise  en  vainqueur 
Par  la  taille,  clans  le  quadrille, 
0  radieuse  jeune  fille, 
Que  tous  nous  admirons  en  chœur, 

Je  repasse  au  fond  de  mon  cœur 
Tout  ce  que  ta  lèvre  gentille. 
Qui  toujours  babille,  babille, 
M'a  dit  d'aimable  ou  de  moqueur. 

Mais,  tandis  que  de  loin,  sans  trêve, 
Je  te  suis  de  l'œil  et  je  rêve, 
L'àme  pleine  d'un  doux  émoi, 

Au  bras  d'un  autre,  souriante, 

Déjcà  folâtre,  insouciante, 

Tu  ne  te  souviens  plus  de  moi. 


192 


A  MADEMOISELLE  CHRISTIANE  DE  G... 


POUR   SA   PREMIERE    COMMUNION. 


L'Eglise  éparid  dans  l'air  sa   claire  sonnerie. 
Eveillant  les  enfants  qni,  pendant  leur  sommeil, 
Rêvaient  d'un  ciel  où  luit  un  mystique  soleil 
Et  d'un  autel  paré  de  fine  broderie. 

Bientôt  la  jeune  vierge,  en  blanc  comme  Marie, 
Un  cierge  en  main,  des  fleui's  au  front,  le  teint  vermeil, 
Le  cœur  tout  débordant  d'un  bonheur  sans  pareil, 
Pour  la  première  fois  reçoit  Jésus  et  prie. . . 

Ob  !  prie,  Ame  angélique,  oh  !  prie  avec  ardeur, 
Ce  Dieu  qui  verse  en  toi  la  paix  et  la  candeur, 
Sous  les  regards  émus  d'un  père  et  d'une  mère  ; 

Car  ce  joui',  oîi  le  ciel  se  plaît  à  te  bénir, 

Sei'a  ton  plus  heureux,  et  ce  sei'ait  chimère 

D'en  chercher  un  plus  beau  pour  toi  dans  l'avenii-. 


193 


A    LÀ    MÊME 


POUR    SON    RENOUVELLEMENT. 


Vous  avez  revêtu  la  mousseliue  blanche, 
El  le  lys  virginal  et  le  ciei-ge  à  la  main, 
Vous  reprenez  du  temple  en  fête,  le  cliemiu, 
Sous  l'œil  de  vos  parents  en  habit  de  dimanche. 

Maintenant  votre  front  ceint  de  roses  se  penche 
Devant  l'autel  orné  de  feuillage  d'or  fin, 
Où  Jésus,  qui  commande  au  brillant  Séraphin, 
Attend  la  jeune  enfant  et  sa  prière  franche. 

Il  va  descendre  en  votre  âme,  le  Roi  des  rois. 
Qui,  pour  notre  salut,  mourut  sur  une  croix. 
Lui  dont  tout  l'univers  célèbre  les  louanges. 

Il  trouvera,  sortant  du  tabernacle  obscur, 

Dans  votre  grand  œil  bleu  l'éclat  du  ciel  d'azur. 

Dans  votre   petit  cœur   la  pureté  des  anges. 


194 


naïade 

RIMES    FÉMININES. 

D'après  un  lableau  d'Aimé  Morol. 


Dans  le  bois  profond,  la  nymplie  divine, 
Auprès  delà  source  où  l'oiseau  vient  boire, 
Pare  de  bouquets  de  fleurs  d'églantine 
Les  anneaux  soyeux  de  sa  tresse  noire. 

Nue,  elle  s'admire  en  l'onde  argentine  ; 
Son  grand  œil  d'azur-  rayonne  de  gloire  ; 
Sa  lèvre,  en  riant,  s'ouvre  purpurine, 
Montrant  la  blancheur  de  ses  dents  d'ivoire. 

Courbant  son  front  pur,  sa  taille  hautaine, 
Elle  se  contemple,  et,  dans  la  fontaine, 
Son  petit  pied  blanc  et  rose  se  plonge. 

Elle  est  chaste  et  belle,  ainsi  que  Diane, 
Et  nul  Actéon  indiscret  n'allonge 
Enti'e  les  rameaux  un  i*egard  profane. 


DISCOURS    DE    M.   HÂNOTÂUX 


PRONONCE     A     L'OCCASION     DU     CENTENAIRE 


DE    LA    SOCIÉTÉ    ACADÉMIQUE 


Mesdames,  Messieurs, 

Permellez-moi,  tout  d'abord,  d'adresser  mes  cordiaux 
remerciements  à  ceux  qui  ont  bien  voulu  m'inviter  à  me 
rendre  parmi  vous,  aujourd'hui. 

C'est  un  honneur  bien  inattendu.  Mais  ces  Messieurs 
allaient  au  devant  d'un  secret  désir.  La  Loire  a  toujours 
été,  pour  mes  éludes,  une  grande  attraction.  Ils  m'ont  dit  : 
«  Vous  viendrez  pour  nous  parler.  »  Je  leur  ai  répondu  : 
«  Je  viendrai  pour  m'instruire.  » 

Et  c'est,  en  effet,  en  étudiant  et  en  curieux  que  je  me 
trouve  aujourd'hui  parmi  vous. 

Quand  nous  autres,  gens  de  la  province  qui,  d'ordinaire, 
ne  nous  rencontrons  guère  que  dans  ce  tumultueux  et 
énigmatique  Paris,  nous  nous  rendons  les  uns  chez  les 
autres,  il  me  semble  qu'il  y  a  tout  profit  pour  les  uns  et 
pour  les  autres. 

Ainsi,  j'arrive  du  fond  de  ma  Picardie,  vieille  province 
française,  dont  le  peuple  a  la  face  toute  tournée  fers  la 
terre,  qui  vit  de  la  terre,  dont  les  luttes,  les  travaux  et  les 
victoires  sont  essentiellement  continentales.  Dans  le  village 
où  je  suis  né,  il  n'y  a  pas  d'eau.  En  été,  dès  que   les  puits 


196 

sont  à  sec,  c'est  une  affaire  d'en  trouver,  et  il  faut  aller 
au  loin  pour  la  rapporter  soigneusement  dans  des  tonnes  ; 
les  chevaux  et  les  bestiaux  font  des  kilomètres  pour  aller 
boire,  à  la  file,  au  gué  des  rivières,  où  notre  paysan  s'étonne 
presque  de  voir  de  l'eau  couler. 

Pour  un  bon  Picard  de  mon  pays,  la  mer  est  l'étonnement 
et  la  curiosité  suprêmes.  En  vérité,  ce  doit  être  un  terrien 
de  notre  espèce,  celui  qui,  le  premier,  a  laissé  échapper, 
devant  le  grand  spectacle  de  la  plaine  liquide,  le  cri  de 
naïve  admiration  :  <>  Que  d'eau  !  Que  d'eau  !  » 

Eh  bien  !  Messieurs,  me  voici  parmi  vous,  dont  l'eau 
est  toute  la  vie  et  presque  la  raison  d'être,  dans  la  Venise 
du  Nord  où  les  eaux  venues  de  la  terre  et  les  vagues  de 
l'Océan  se  rencontrent  ;  vous  êtes  les  descendants  de  ceux 
qui,  parmi  nos  ancêtres,  sont  allés  droit  devant  eux  jusqu'au 
bout  de  la  terre  et  ne  se  sont  arrêtés  que  devant  les  flots 
de  la  mer  immense  ;  toute  votre  histoire,  vos  fastes,  vos 
joies,  vos  tristesses,  votre  ambition,  votre  orgueil  sont 
engagés,  et,  si  je  puis  dire,  lancés  à  pleines  voiles  sur  les 
eaux,  pareils  à  ce  navire  en  marche  qui  vogue  dans  les 
armes  de  votre  ville. 

Vous  autres,  Bretons  et  pêcheurs,  vous  êtes  de  vieux 
Français,  comme  nous  autres  Picards,  terriens  et  agricul- 
teurs ;  avec  d'autres  goûts,  d'autres  mœurs,  nous  avons  un 
égal  courage,  mais  autre,  étant,  vous  et  nous,  l'un  et  l'autre 
visage,  l'une  et  l'autre  face  de  notre  beau  pays  de  France. 

Eh  bien  !  n'avons-nous  pas  mille  choses  à  nous  dire,  à 
nous  confier,  à  apprendre  l'un  et  l'autre  ?  C'est  pourquoi 
je  suis  venu  plus  d'une  fois  vers  vous,  en  étudiant,  pour 
pénétrer  de  plus  en  plus  dans  ce  vieux  coin  de  la  France, 
pour  essayer  de  saisir  quelque  trait  de  son  histoire,  de  sa 
vie  passée  et  présente,  de  sa  physionomie  propre.  El  si, 
sentant  cette    sympathie   naturelle,    vous    m'avez    prié  de 


197 

prendre  place  parmi  vous  el  de  célébrer  avec  vous  une 
gloir43  chère  el  une  fête  de  famille,  je  ne  vous  en  suis  que 
plus  reconnaissani  d'avoir  mis  celle  douceur  de  cœur  el 
celle  sympathie  fraternelle  dans  votre  invitation  el  dans 
les  sentiments  réciproques  qui  doivent  exister  entre  de  bons 
provinciaux  el  de  bons  Français. 

Rien  qu'en  venant  vers  vous,  j'ai  beaucoup  appris.  J'ai 
dû  d'abord  me  renseigner  sur  l'existence  de  celle  «  Société 
Académique  »  dont  nous  célébrons  aujourd'hui  le  centenaire. 
Cent  ans!  C'est  long  dans  la  vie  d'un  peuple.  Les  institutions 
qui  remontent  li  cent  ans  ne  foisonnent  pas  dans  notre 
cher  pays,  mobile  el  capricieux.  On  vous  dira  tout  à  l'heure 
l'aciiviié  vraiment  remarquable  de  celle  «  Société  Acadé- 
mique »  que  vos  ancêtres  ont  fondée,  alors  qu'ils  sortaient 
à  peine  de  la  tourmente  révolutionnaire,  lorsqu'ils  sentaient 
encore,  pour  ainsi  dire,  le  sol  trembler  sous  leurs  pieds  ; 
mais  où  ils  persévérèrent  avec  la  foi  solide  et  robuste  que 
vous  donne,  à  vous  autres,  hommes  des  rivages,  la  conviction 
enracinée  du  peu  de  fond  de  l'orage,  la  certitude  de 
l'apaisement  des  lendemains  el  la  compréhension  supérieure 
de  la  discipline  qui  règne  sur  le  tumulte  des  flots. 

Les  services  rendus  par  la  «  Société  Académique  »  et 
par  les  autres  sociétés  analogues  qui  jouent,  à  Nantes,  un 
rôle  si  considérable  sont  trop  nombreux  el  trop  importants 
pour  qu'il  puisse  même  me  venir  à  l'idée  de  les  exposer. 
Si  on  essayait  de  présenter  le  tableau,  si  raccourci  fût-il,  de 
tout  ce  que  l'activité  de  ces  compagnies  a  fait  d'utile  ou  de 
glorieux  depuis  leur  fondation,  soyez  assurés,  Messieurs,  que 
l'imaginatiou.en  serait  confondue. 

A  ce  point  de  vue,  je  ne  vous  ferai,  h  vous  el  à  vos 
confrères  des  autres  cités,  qu'un  reproche,  c'est  l'excès  de 
votre  modestie.  Il  semble  que   vous    preniez  à   honneur  la 


19è 

demi -obscurilé  où  vous  vivez.  Adoplaiit  pour  règle  de 
conduite  la  lacilurnilé  prudente  de  la  vie  provinciale,  vous 
vous  appliquez  à  ce  que  le  monde  vous  ignore  et,  souvent, 
vous  vous  ignorez  vous-mêmes. 

Et,  pourtant,  dans  ce  champ  si  vaste  des  lettres  et  des 
sciences  qui  appartient  à  tous,  votre  part  est  souvent  la 
plus  belle,  puisque,  loin  du  tumulte  des  grandes  capitales, 
et  à  l'abri  des  vaines  illusions  du  succès  éphémère,  vous 
poussez  le  sillon  que  vous  avez  choisi,  avec  les  qualités  qui 
sont  vraiment  de  fond  chez  nous,  le  goût,  le  bon  sens  et  la 
mesure. 

Je  ne  craindrais  pas.  Messieurs,  d'aborder  devant  vous,  si 
j'en  avais  le  loisir,  le  problème  de  Paris  et  de  la  province, 
même  en  m'en  tenant  l\  cet  ordre  d'idées  où  Paris  semble, 
d'abord,  avoir  tout  l'avantage,  à  savoir  la  qualité  et  le  pi'ix 
de  la  production  littéraire. 

Permettez-moi,  du  moins,  de  placer  les  quelques  réflexions 
qui  suivent  sous  le  patronage  d'un  illustre  français,  du  plus 
varié,  peut-être,  et  du  plus  profond  de  nos  prosateurs,  qui 
dut  beaucoup  a  sa  province  et  qui  fut  le  membre  toujours 
actif  d'une  Académie  provinciale,  Montesquieu  :  «  Qu'on  se 
défasse  surtout,  écrivait-il,  de  ce  préjugé  que  la  province 
n'est  pas  en  état  de  perfectionner  les  sciences  et  que  ce 
n'est  que  dans  les  capitales  que  les  Académies  puissent 
fleurir.  »  Et  il  ajoutait,  s'adressant  à  ses  confrères  de 
l'Académie  de  Bordeaux  :  «  Le  commerce,  la  navigation, 
l'astronomie,  la  géographie,  la  médecine,  la  physique  ont 
reçu  mille  avantages  des  travaux  de  ceux  qui  nous  ont 
précédés  ;  n'est-ce  pas  un  beau  dessein  que  de  tiavailler  à 
laisser  après  nous  les  hommes  plus  heureux  que  nous  ne 
l'avons  été  »  ? 

J'ose  k  peine  aller  plus  loin  que  l'illustre  Président  ;  mais, 
au  risque  de  tomber  dans  le  paradoxe,  je  dirai  qu'il  montre 


199 

trop  de  réserve  el  trop  de  modestie  à  son  tour,  en  n'ajou- 
tant pas  les  belles  lettres  aux  diverses  branches  de  ractiviié 
humaine  qu'il  reconnaît  à  la  vie  provinciale  et  il  serait  facile 
de  démontrer  que,  dans  notre  littérature,  beaucoup  d'œuvres 
considérables  se  rattachent  directement  à  Tinspiralion  et 
aux  vertus  qui  sont  celles  de  nos  vieux  pays  de  France.  Si 
Paris  dégage  plus  de  lumière,  il  rayonne,  de  la  province, 
plus  de  chaleur,  peut-être. 

N'est-ce  pas,  dans  toute  la  force  du  terme,  un  provincial 
que  ce  président  Montesquieu,  qui  partagea  son  activité  et 
ses  loisirs  entre  son  cher  Bordeaux  et  son  château  de  la 
Brède,  et  douterons-nous  qu'il  ait  fallu  et  le  silence  studieux 
des  longues  veilles  citadines  et  l'activité  éveillée  des  promptes 
matinées  rurales  pour  lui  permettre  de  mener  à  bien,  par 
vingt  ans  de  lectures,  de  méditations,  de  vie  austère,  non 
dispersée  et  entièrement  penchée  sur  une  œuvre  unique,  le 
monument  sans  pareil,  si  sérieux,  si  vaste  et  si  délicat,  qui  a 
nom  «  VEspi'it  des  Lois  »  ? 

Et  son  voisin,  Montaigne,  qu'était-ce  autre  cho>e  qu'un 
provincial?  Il  aimait  Paris,  mais  en  voyageur.  Il  revenait 
toujours  à  sa  Gascogne  et  ^  son  Périgord.  Il  y  cherchait 
l'abri  dans  les  temps  d'orage.  Curieux  du  monde,  il  était 
encore  plus  curieux  de  lui-même.  C'était  en  faisant  sa  ronde 
dans  les  champs  paternels  qu'il  faisait  celle  de  son  âme  et 
qu'il  trouvait  ces  boutades  primesautières  qui  respirent 
toujours  le  plein  air  et  la  vivacité  de  la  vie  des  champs.  Et 
quand  il  s'agissait  de  les  exprimer,  «  que  le  Gascon  y  aille  », 
disait  en  souriant  le  bonhomme,  «  si  le  Français  n'y  peut  aller-). 

Je  ne  suis  pas  bien  sûr  que  Montaigne  ait  «  engasconné  »> 
la  langue  française.  Mais  je  sais  bien  comment  on  s'y  prit 
quand  il  s'agit  de  la  «  dégasconner  ».  On  alla  chercher  un 
jeune  provincial,  —  un  gascon  naturellement,  —  qui  s'appe- 
lait Guez  de  Balzac.  C'est  de  lui  que  les  Parisiens  apprirent 


^2GÛ 

le,  beau  langage.  Eux-mêmes  déclaraienl  qu'ils  n'élaienl  pas 
sûrs  qu'un  mol  fût  de  bonne  souche  s'il  ne  lui  avait  pas 
donné  droit  de  cité  :  «  Quand  vous  composez,  lui  écrivait 
Ménage,  les  mots  postulent  »>.  Or,  cet  homme  passa  presque 
toute  sa  vie  k  Angoulôme  et  dans  ses  propriétés  de  Balzac; 
pas  un  de  nos  écrivains,  peut-être,  n'a  décrit  en  termes 
plus  expressifs  les  charmes  de  la  vie  des  champs  et,  assu- 
rément, c'est  (i  son  existence  retirée  que  sont  dus  le  soin, 
la  persévérance  et  l'application  qui  ont  permis  a  un  homme, 
d'un  esprit  peut-être  secondaire,  de  laisser  une  si  durable  em- 
preinte sur  la  littérature  et  la  civilisation  d'un  grand  peuple. 

Je  vous  fatiguerais,  Messieurs,  par  ces  énumérations  dont 
l'abondance  même  deviendrait  fastidieuse.  Mais  vous  me 
permettrez  de  prononcer  deux  noms  encore.  Au  XVII«  siècle, 
quand  la  France  voulut  entendre  les  accents  les  plus  mâles 
et  les  plus  nobles  qu'une  bouche  humaine,  peut-être,  ait 
proférés,  quand  il  s'agit  de  faire  parler  les  héros,  quand  on 
voulut  entendre  le  langage  des  pensées  graves  et  des  vertus 
fortes,  on  n'eut  qu'à  laisser  dire  l'avocat  de  Rouen,  fidèle  à 
sa  ville,  fidèle  à  sa  province,  le  grand  Corneille. 

Et  au  XIXe  siècle,  quand  une  époque  troublée  eut 
conscience  de  ses  inquiétudes,  de  ses  agitations,  de  son 
discord  intérieur;  quand  elle  chercha  quelque  beauté  pro- 
longée comme  les  rayons  du  soleil  couchant  sur  les  ruines 
de  son  passé  ;  quand  elle  voulut,  du  sommet  de  ses  gloires 
et  de  ses  douleurs  nouvelles,  voir  apparaître,  du  moins,  le 
signe  incertain  et  pâle  d'une  aurore,  il  se  trouva  encore  un 
homme  de  la  province,  un  homme  de  votre  province,  un 
Breton,  qui  répondit,  par  des  traits  d'une  fulgurante  beauté, 
aux  besoins  de  notre  âme  agitée,  j'ai  nommé  Chateaubriand. 

Vous  pensez  bien.  Messieurs,  que  je  ne  suis  pas  venu  ici 
pris,  soudain,  d'un  beau  zèle  pour  les  œuvres  provinciales, 
dans  l'intention  de  réduire  en  poudre  notre  Paris,  ce  Paris 


201 

qui  est  a  nous  tous,  provinciaux,  (oui  autant  qu'aux  Parisiens 
puisqu'il  est  à  la  France. 

S'il  s'agissait  de  faire  un  départ  équitable  entre  Paris  et 
la  province,  ce  n'est  pas  dans  quelques  courtes  observa- 
lions  présentées  ici  que  le  problème  pourrait  être  —  je  ne 
dis  pas  résolu  —  mais  seulement  posé.  Je  suis  le  premier 
à  proclamer  qu'il  faudrait  faire  entrer  en  ligne  de  compte 
l'autorité  indiscutable  que  de  longs  siècles  ont  acquise  à  la 
capitale  morale,  intellectuelle  et  politique  du  pays  ;  il  fau- 
drait déterminer  l'activité  propre  à  ce  vieux  sol  d'où  sont 
parties  les  colonnes  persévérantes  et  astucieuses  des  «  Pari- 
sii  »  qui,  en  somme,  ont  conquis  et  fait  la  France  ;  il 
faudrait  apprécier  l'apport  particulier  de  cette  ville,  maîtresse 
des  mœurs,  de  la  psychologie  et  des  relations  sociales  qui  a 
dicté  tant  de  belles  œuvres  et  (pour  ne  citer  que  di^ux  noms) 
qui  a  inspiré  le  théâtre  de  Molière  et  toute  la  vie  littéraire 
d'un  Voltaire  ;  il  faudrait  mesurer,  enfin,  la  force  et  l'éclat 
de  ce  cratère  dont  In  perpétuelle  éruption  s'élance  et  flambe 
sur  les  horizons  du  monde,  agitant,  au  moindre  souftle,  son 
panache  de  flamme  et  de  fumée. 

Mais  il  n'en  existe  pas  moins  que,  dans  le  travail  commun, 
si  l'élan  et  l'entrain  sont  de  Paris,  la  résistance,  l'endurance 
et  l'épargne  des  forces  viennent  de  la  province  et  que  celle- 
ci,  mère  et  nourrice  de  nos  gloires  les  plus  pures,  peut  bien 
revendiquer  quelque  chose  de  leur  lustre,  quand  elle  en 
laisse  si  volontiers  à  Paris  tout  le  brillant  et  tout  l'éclat. 

Permettez,  Messieurs,  vi  un  homme  qui  s'occupe  beaucoup 
du  passé  de  notre  France  de  vous  dire  franchement  sa  façon 
de  penser  :  notre  histoire  est  mal  faite.  Je  vous  accusais, 
tout  à  l'heure,  de  vous  ignorer  vous-mêmes.  A  qui  ce 
reproche  ne  peut-il  être  fait  dans  ce  bon  pays  si  actif  et 
parfois  si  négligeant  ? 

14 


'101 

Je  voudrais  vous  poser  une  question  directe,  h  laquelle, 
bien  entendu,  vous  êtes  dispensés  de  répondre.  Combien  en 
est-il  parmi  vous,  habitants  de  celte  région,  même  dans 
celte  assemblée  choisie  ici  réunie,  combien  en  est-il  qui 
aient  jeté  un  coup  d'oeil  sur  l'histoire  des  autres  villes  de 
noire  France,  par  exemple  sur  l'histoire  de  Saint-Quentin  ? 
Je  vous  promets,  par  contre,  la  première  fois  que  j'irai  ii 
Saint-Quentin,  de  demander  à  mes  amis  de  là-bas  combien 
d'enlre  eux  connaissent  l'histoire  de  Nantes.  El  la  réponse, 
hélas  !  sera  probablement  la  môme. 

El  pourtant,  de  part  el  d'autre,  que  de  laits  héroïques  ou 
dramatiques  dans  le  passé,  que  d'activité  vaillante  et  digne 
dans  le  présent  !  De  part  et  d'autre,  quelle  belle  portion 
presque  inexplorée  de  notre  patrimoine  commun  ! 

Puisque  je  venais  parmi  vous,  j'ai  fait  ce  que  je  reproche 
à  mes  compatriotes  de  l'Aisne  de  négliger  ;  j'ai  lu  vos  bons 
historiens  :  Travers,  Guépin,  Mellinel,  Dugasl-Malifeux, 
Lallié,  La  Borderie.  Ce  si;raii  vraiment  apporter,  comme  on 
dit,  des  hiboux  à  Athènes  que  de  vous  dire  toute  l'émotion 
que  j'ai  éprouvée  en  voyant  se  dérouler  devant  moi  les 
différentes  époques  de  vos  annales. 

Ce  lieu,  déterminé  par  la  nalure  à  l'embouchure  du  grand 
fleuve  français,  a  rempli  sa  destinée. 

A  l'aube  de  son  histoire,  c'esl  le  combat  contre  César  ; 
puis  c'esl  César,  lui-même,  créant  ici  le  grand  «  empo- 
rium  »,  le  grand  entrepôt  de  l'Occident.  Pas  une  époque 
décisive,  à  travers  les  siècles,  oii  l'histoire  ne  vienne  ici 
poser  le  pied  pour  y  laisser  une  forte  empreinte  :  c'esl  la 
lutte  contre  les  Normands  ;  c'est  Charles  le  Chauve,  héritier 
du  grand  nom  de  Charlemagne;  c'est  la  féodalité  primiiive, 
active  el  bienfaisante,  trouvant  ici  une  de  ses  expressions  les 
plus  caractéristiques,  dans  cet  Alain  Barbe-Torle,  qui  fut 
vériliibhMuent  voire  second  fondateur;  puis  ce  sont  vos  ducs 


203 

de  Bretagne,  vos  Etats  si  antiques  et  si  respectables;  Abélard 
qui  parle  parmi  vous.  Jean  Sans-Terre  et  Pierre  de  Dreux  ; 
ies  longues  guerres,  q;ii  s'appellent,  pour  nous,  «  la  Guerre 
de  Cent  ans  »,  où  Nantes  fait  front  des  deux  côtés  à  la  fois, 
fidèle  à  ses  ducs  contre  la  France,  à  la  France  contre  Ten- 
nemi  du  dehors.  «  Duguesclin  «,  comme  dit  l'un  de  vos 
liistorieiis,  d'un  mot  d'une  si  forte  simplicité,  «  Duguesclin 
était  alors  dans  nos  murs  ». 

Voici  les  temps  qui  s'acheminent  vers  le  doux  règne  de  la 
reine  Anne,  dont  la  gracieuse  figure  domine  les  souvenirs 
de  votre  indépendance  expirante.  Le  roi  de  France  épouse 
la  Bretagne  en  épousant  la  reine  et,  depuis,  l'union  ne  s'est 
plus,  un  instant,  altérée. 

Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  discuter  cette  question  si 
passionnante  de  l'unité  de  la  nation  française,  faite  et  pour- 
suivie, à  travers  les  siècles,  par  la  volonté  persévérante  de 
la  royauté  et  de  la  nation  elle-m«'niie.  Les  provinces  ont 
perdu,  dit-on,  quelques-uns  de  leurs  privilèges.  Leur  vie 
propre,  leur  caractère  particulier,  leur  langue,  leurs  usages 
se  sont  trouvés  affaiblis  ou  altérés  par  le  contact  avec  le 
centre,  dominateur  et  centralisateur.  Oui,  peut-être  y  a-t-il 
quelque  chose  de  fondé  dans  ces  regrets,  où  il  se  mêle 
pourtant,  il  faut  bieu  le  dire,  beaucoup  de  «  littérature  ». 

Qu'auraient  donné,  au  pays  et  à  la  civilisation,  ces  acti- 
vités locales  ou  régionales,  ou  municipales,  dont  on  fait  tant 
de  bruit  ?  C'est  une  question  à  laquelle  on  ne  peut  répondre 
que  par  des  hypothèses  ;  et,  si  l'on  compare  le  rôle  qu'a 
joué  la  France,  depuis  trois  siècles,  avec  celui  des  petites 
républiques  de  l'Italie  ou  des  petites  principautés  de  l'Alle- 
magne, pendant  cette  même  période,  il  semble  bien  que 
nous  avons  peu  de  choses  à  regretter. 

D'ailleurs,  si  cette  union  et  celte  cenlralisation,  dont  on 
se  plaint  aujourd'hui,  se  sont  accomplies  si  facilement,  c'est 


^i04 

quf  la   plupart  des  provinces  se  sont   offertes  et  données 
spontanément. 

Pensez-vous  qu'il  était  indifférent  à  une  province  comme 
la  Bretagne,  perdue  et  isolée,  en  quelque  sorte,  au  bout  du 
monde,  d'avoir,  derrière  elle,  le  riche  appui  et  le  vaste 
débouché  des  autres  provinces  françaises?  Et,  pour  prendre 
mon  exemple  ici  même,  n'esl-il  pas  indiscutable  que  Nantes, 
située  à  l'extrémité  de  cet  immense  réseau  commercial  que 
forment  la  Loire  et  ses  affluents,  avait  tout  intérêt  à  ne  pas 
se  trouver  séparée,  par  des  fronlières  factices,  des  régions 
qui  étaient  la  source  de  S(.'s  approvisionnements  et  son 
marché  naturel. 

Aussi,  Messieurs,  la  véritable  prospérité  de  votre  ville 
commence-t-elle  à  l'époque  où  elle  fait  définitivement  partie 
du  royaume  de  France. 

C'est  aussi  l'époque  des  grandes  découvertes.  Le  monde 
se  retourne,  pour  ainsi  dire,  d'un  seul  coup.  Jusque-là,  il 
était  penché  sur  les  mers  méditerranéennes.  L'Egypte,  la 
Grèce,  Rome,  Venise  étaient  les  grandes  étapes  de  la  civili- 
sation. Tout  à  coup,  il  se  redresse,  et  ce  sont  les  mers 
occidentales  qu'il  voit  s'ouvrir  devant  lui. 

Quels  horizons  pour  vos  navigateurs  et  pour  vos  hommes 
d'action!  Mais  aussi,  comme  les  horizons  se  fussent  restreints, 
si,  à  ce  moment  précis,  Nantes  n'avait  pas  eu,  ainsi  que  ses 
sœurs  de  l'Atlantique,  le  point  d'appui  robuste  que  repré- 
sente le  bloc  compact  du  territoire  français. 

On  sent  si  bien,  au  centre,  l'importance  d'une  ville  comme 
la  vôtre,  que  vous  voyez  se  succéder,  dans  vos  murs,  tous 
les  hommes  qui  contribuent  à  la  grandeur  du  pays.  Ils 
viennent  accomplir  ou  promulguer  parmi  vous  les  actes  les 
plus  importants  de  leur  administration.  Us  viennent  aussi  vous 
exciter  et  vous  encourager  dans  la  voie  du  développement 
maritime  et  colonial  où  vous  vous  êtes  spontanément  engagés. 


W5 

,  Henri  IV  vient  à  Nantes  pour  y  signer  le  fameux  édil  qui 
rael  la  paix  dans  les  consciences,  tout  en  confirmant  l'unité 
morale  de  la  patrie  française.  Richelieu,  qui  eut  toujours 
pour  votre  ville  une  grande  prédilection,  vient  à  Nantes  pour 
y  détruire,  avec  la  conspiration  de  Giialais,  les  derniers 
vestiges  des  résistances  féodales  et  apanagères.  11  y  fonde  la 
puissante  association  de  marchands  qui  a  nom  la  «  Bourse 
commune  »  et  crée,  ainsi,  nos  premières  relations  avec 
Madagascar.  Louis  XIV  vient  à  Nantes  pour  consommer  la 
ruine  de  Fouquet.  Quelles  étapes.  Messieurs,  et  quels  noms  ! 
Cette  grande  série  se  couronne  du  nom  de  Colhert,  qui, 
en  1664,  fit  appel  spécialement  aux  habitants  de  Nantes  pour 
les  mettre  dans  la  confidence  de  ses  grandes  entreprises 
coloniales  et  pour  recourir  à  leur  expérience,  à  leur  intelli- 
gence et  à  leiu^  esprit  d'initiative. 

J'ai  cherché  à  me  figurer  ce  que  pouvait  être  votre  ville 
dans  ces  années  fécondes  du  XVII"  et  du  XVIII^  siècle,  qui 
virent  la  France  répandre  au  loin,  à  travers  le  monde,  le 
renom  de  son  commerce,  de  son  goût,  de  son  industrie,  de 
sa  civilisation.  Les  documents  ne  manquent  pas.  Ils  abondent 
plutôt  el,  partout,  on  trouve  l'image  de  l'activité,  de  la 
prospérité  el  du  travail  joyeux  et  rémunérateur. 

Je  n'ai  vu  cité  nulle  part,  dans  vos  historiens  locaux,  le 
récit  d'un  voyage  qui  donne  bien  l'impression  de  ces 
époques  prospères.  Permettez-moi  d'en  lire  ici  quelques 
lignes  qui  ne  manquent  pas  d'une  certaine  saveur  dans  leur 
franche  naïveté  :  «  Ce  qu'il  y  a  de  divertissant  à  Nantes, 
dit  M.  Jouvin,  de  Rochefort,  qui  écrit  dans  les  premières 
aimées  du  règne  de  Louis  XIV,  ce  sont  les  «  Ponts  de 
pierres  »  qui  traversent  plusieurs  îles,  sur  lesquels  il  fait 
beau  se  promener  pour  avoir  la  vue  sur  celte  belle  rivière, 
d'un  côté  couverte  des  bateaux  qui  descendent  des  îles 
qu'elle  arrose,  et,  de  l'autre,  des  navires  et  des  barques  qui 


206 

viennent  de  toutes  les  parties  de  l'Europe  et  de  l'univers, 
chargés  des  diverses  marchandises  qui,  de  Nantes,  par  la 
commodité  des  rivières,  se  transportent  par  tout  le  royaume. 
Aussi  ne  faut-il  pas  s'étonner  si  nous  la  voyons  si  fleuris- 
sante que,  la  ville  n'étant  plus  capable  de  loger  tant  de 
monde,  les  faubourgs  se  sont  accrus  jusqu'à  ce  point  qu'ils 
surpassent,  même  de  beaucoup,  la  ville.  Tout  à  la  fin  de  ces 
ponts,  se  trouve  le  faubourg  de  Pil-Mil,  l'un  des  quatre 
que  l'on  compte  i\  Nantes.  Nous  logions  dans  celui  du 
«  Marché  »,  à  l'hôtellerie  de  1'  «  Aigle  «,  qui  a  ses  portes 
et  ses  murailles  comme  une  ville.  Kt,  de  vrai,  il  y  a  des 
places,  de  grands  palais,  des  rues  tout  entières  remplies  de 
maisons  de  riches  marchands  et  de  belles  églises.  En  un 
mot,  Nantes  a  je  ne  sais  quoi  de  si  charmant  qu'on  n'en  peut 
sortir  !  » 

Voilà,  certes,  un  beau  compliment,  et  cet  homme  goûlail 
fort  le  charme  de  votre  société.  Rien  n'est  changé,  d'ailleurs; 
car  il  n'est  pas  un  de  ces  voyageurs  venus  parmi  vous  qui 
ne  vante  votre  hospitalité.  El,  pour  en  finir  avec  les  compli- 
ments, je  vous  citerai  un  autre  écrivain  —  du  XIX^  siècle, 
celui-là  —  qui  s'exprime  sur  les  habitants  de  cette  région 
avec  un  enthousiasme  tout  aussi  communicalif  :  «  Les  vertus 
caractéristiques  des  habilanls  de  la  Loire-Inférieure,  dit  cet 
autre  écrivain,  sont  la  franchise,  la  charité  et  la  modestie  ; 
tous  les  devoirs  qu'inspirent  l'humanité,  la  famille,  la  Patrie, 
ils  les  remplissent  naturellement,  sans  ostentation  ».  Vous  le 
voyez,  mon  auteur  insiste  sur  voire  modestie.  Qu'elle  me 
pardonne  si  je  viens  de  lui  porter  une  trop  rude  alleinte.  En 
sonuîie,  il  vous  est  toujours  permis  de  mettre  les  choses  au 
point  et  d'apprécier  si  les  paroles  de  saint  Jean-lîouche- 
d'Or  sont  paroles  d'Evangile. 

Cet  air  de  santé  et  de  prospérité,  qui  respirait  dans  tout 
l'aspect  de  votre  ville,   et   qu'on  retrouve  jusque   dans  les 


207 

vieilles  estampes,  alla   se   perpétuant  et  s'affirmanl  pendant 
tout  le  XVlIIe  siècle. 

En  1770,  on  constatait  qu'il  y  avait  à  Nantes,  simultané- 
ment, jusqu'à  cent  vingt  vaisseaux  appartenant  aux  négo- 
ciants de  la  ville  et  ayant  à  bord  plus  de  trois  mille  matelots. 
En  outre,  les  navires  arrivent  de  toutes  parts,  des  îles 
d'Amérique,  du  Portugal  et  de  l'Espagne,  et  notamment  de 
Bilbao  dont  les  négociants  ont,  avec  ceux  de  Nantes,  le 
curieux  pacte  appelé  «  conlractation  »,  puis  de  l'Angleterre, 
de  l'Ecosse,  de  la  Hollande,  des  villes  hanséatiques.  Nantes 
a  une  industrie  propre  très  importante.  Elle  vend  ses  produits 
et  ceux  du  Comté  Nantois,  c'est-à-dire  les  cotonnades,  les 
indiennes  ou  toiles  peintes,  les  mouchoirs  à  double  face,  les 
kalankiars,  les  basins,  les  futaines,  les  coutils  ;  puis  les 
sucres  qn'elle  rafRne  elle-même,  les  liqueurs ,  les  cuirs 
tannés,  les  cordages,  les  articles  de  marine  et  de  construc- 
tion, enfin  tous  ces  approvisionnements  divers  nécessaires 
aux  colonies,  qu'on  nomme  la  «  cargaison  ». 

El,  par  contre,  Nantes  reçoit  du  dehors  le  sucre  brut  et 
raffiné,  l'indigo,  la  morue  verte  et  la  pêche  sous  toutes  ses 
formes  ;  puis,  tous  ks  articles  coloniaux  ;  puis  le  bœuf  salé 
qui  vient  d'Irlande  ;  puis  les  laines  d'Espagne,  les  peaux  de 
mouton,  les  oranges  et  les  citrons  ;  du  Nord  viennent  la 
pUuiclie,  la  résine,  le  goudron,  et  d'Angleterre  on  apporte  le 
plomb,  l'éiain,  la  couperose  et  le  charbon  de  terre. 

C'est  à  celte  époque  qu'on  constate,  comme  un  fait,  «<  que 
la  ville  de  Nantes  est  celle  qui  a  le  commerce  le  plus 
étendu,  soit  à  l'intérieur,  soit  à  l'extérieur  du  royaume  ». 

Mais,  surtout,  le  point  sur  lequel  votre  altenlion  et  celle  du 
public  ne  peuvent  être  trop  retenues.  Messieurs,  c'est  l'impor- 
tance que  prennent,  dans  l'ensemble  du  commerce  de  Nantes, 
ses  relations  avec  nos  colonies,  avec  le  Canada,  avec  la  côte 
occidentale  d'Afrique  et  surtout  avec  Saint-Domingue. 


^i08 

On  peut  dire,  de  celle  île,  si  riche  alors,  qu'elle  n'est,  au 
XV1II«  siècle,  qu'une  sorte  de  succursale  du  commerce 
nanlais.  Vos  familles  commerçantes  avaient  presque  toutes 
une  de  leurs  branches  établie  dans  cette  colonie  et  ces  liens 
de  parenté  ont,  souvent,  subsisté  jusqu'il  nous.  Un  chiffre 
dira  tout.  Au  moment  où  la  grande  crise  qui  devait  porter  un 
coup  si  funeste  à  la  prospérité  de  Saint-Domingue  se  produi- 
sit, son  commerce  était  engagé  sur  la  place  de  Nantes  pour 
un  chiffre  de  crédit  qui  atteignait,  dit-on,  cinquante  millions. 

El  si  j'insiste,  Messieurs,  c'est  que  vous  verez,  dans  ce 
détail,  la  preuve  la  plus  frappante  du  lien  qui  existe  inévita- 
blement entre  la  prospérité  coloniale  de  la  France  el  celle 
de  nos  grandes  villes  métropolitaines.  Aujourd'hui  que  la 
France  s'est  reconstituée,  au  prix  d'efforls  considérables,  un 
nouveau  domaine  colonial,  la  leçon  du  passé  vient  h  point 
pour  nous  dire  ce  qu'il  vous  reste  'à  faire. 

Certes,  cel  empire  est  bien  jeune  encore.  La  première  de 
nos  acquisitions  récentes,  c'est  la  Tunisie.  Or,  notre  établis- 
sement n'y  remonte  pas  à  plus  de  quinze  ans,  el  c'est 
depuis  deux  ans  seulement  que  la  Tunisie  est  maîtresse  de 
ses  tarifs.  Personne  ne  songe,  cependant,  *à  nier  l'impor- 
tance des  résultats  obtenus  dans  celte  perle  de  nos  posses- 
sions d'oulre-mer.  Le  Tonkin,  Madagascar,  le  Congo,  toute 
la  côte  occidentale  d'Afrique  sont  des  acquisitions  plus 
récentes  encore.  A  peine  sont-elles  nées  que,  déjà,  on  sent 
se  produire  en  elles  la  fièvre  de  la  croissance  et  du  travail. 
On  ne  mettra  plus  en  doute  ni  leur  valeur  réelle,  ni  le  J 
grand  essor  qu'elles  sont  appelées  à  prendre  dans  l'avenir. 

Songez-donc  à  ce  que  serait  cet  élan  s'il  s'appuyait  bientôt 
sur  des  chiffres  pareils  à  ceux  que  je  viens  de  rappeler. 

Saint-Domingue  avait,  avec  votre  seule  ville,  il  y  a  cent 
ans,  des  relations  d'affaires  qui  atteignirent  le  chiffre  de 
50  millons.  Ne  voyez-vous   pas  que  si  la    moindre  de  ces 


209 

vastes  possessions  que  je  viens  d'énumérer  pouvait  couipter 
sur  un  concours  proportionnel  de  la  part  de  la  richesse  ei 
de  Tactivité  métropolitaines,  leur  avenir  serait  assuré  et,  par 
contre,  la  prospérité  de  toute  la  France  maritime  déve- 
loppée dans  les  mêmes  proportions  ? 

Que  faut-il  faire  pour  cela,  Messieurs  ?  Vous  le  savez 
mieux  que  personne.  Unissez-vous,  syndiquez-vous,  formez 
des  sociétés  d'études,  des  sociétés  d'exploration,  de  com- 
merce, de  culture.  Aidez-vous  vous-mêmes.  Tout  dépend  de 
votre  initiative  propre,  cette  même  initiative  qui  vous  a  faits 
si  grands  dans  les  siècles  passés  et  qui  vient  d'accomplir 
chez  vous,  par  vous  et  pour  vous,  de  si  grandes  œuvres. 

La  situation  admirable  qu'occupe  votre  ville  lui  dicte  son 
devoir.  Car  elle  n'est  pas  seulement  un  des  grands  ports  de 
notre  France  ;  elle  est  aussi  l'entrepôt  et,  si  j'ose  eniployer 
cette  expression,  le  déversoir  naturel  du  vaste  bassin  dont 
les  eaux  fécondes  viennent  s'unir,  ici,  aux  flots  de  l'Océan. 

Si  l'on  essaye  de  caractériser  d'un  mot  la  constitution 
générale  de  notre  pays,  on  peut  dire  que  la  France  est  une 
contrée  de  beaux  fleuves  et  de  grandes  vallées. 

Cette  observation  a  frappé,  de  tous  temps,  ceux  qui  l'ont 
visitée.  Le  Tasse  la  mentionnait  au  XVI^  siècle,  et  l'on 
comprend  bien  l'effet  que  devaient  lui  faire  nos  vastes 
pleines  s'il  les  comparaît  aux  recoins  moniueux  qui  forment 
l'ossature  de  l'étroite  péninsule  italienne. 

Cette  simple  constatation  suffit  pour  évoquer  l'aspect 
général  que  présente,  aux  yeux  des  étrangers,  le  pays  qui 
s'ouvre  devant  eux  :  celle  verdure  constante  et  disséminée  ; 
ces  bouquets  d'arbres  et  ces  enclos  qui  donnent  immédiate- 
ment l'impression  de  l'habitation  et  de  la  prospérité;  ces 
fonds  d'herbages  avec  le  semis  des  taches  blanches  ou 
brunes  du  bétail  qui  paît  ;   ces  champs  non  tant  étendus, 


aux  couleurs  variées,  étalés  les  uns  près  des  autres,  comme 
une  montre  de  marchand  d'étoffes,  et  mariant  leur  diversité 
diaprée  aux  nuances  fines  et  grises  d'un  ciel  incertain  ; 
presque  toujours,  limitant  l'horizon  et  rarement  perdus  de 
vue,  les  «  coteaux  modérés  »  dont  parle  Sainte -Reuve,  avec 
la  vigne  qui  monte  à  l'assaut  de  leur  pente  et  les  hérisse 
des  mille  baïonnettes  de  ses  échalas. 

Notre  activité  économique  tient,  naturellement,  à  celle 
contiguralion  de  notre  sol.  Blé,  viande  et  vin,  ce  sont  les 
trois  termes  de  notre  production  fondamentale,  et  c'est  à 
peine  si  le  développement  de  la  vie  moderne  a  ajouté  quel- 
ques éléments  h  la  formule  du  vieux  ministre  qui  disait 
que  «  pâturage  »  et  «  labourage  »  sont  les  mamelles  de  la 
France.  Le  lait  qui  coule  de  ces  mamelles  est  abondant  et 
sain,  et,  si  j'osais  poursuivre  l'image,  je  dirais  que  c'est  en 
suivant  le  cours  des  vallées  qu'il  va  porter  au  loin  quelque 
chose  de  la  douceur  et  de  l'aisance  françaises. 

Or,  parmi  ces  rivières,  en  est-il  de  plus  riches  et  de  plus 
exquises  que  votre  Loire  ? 

Remontons-en  le  cours,  puisqu'en  môme  temps  nous 
remontons  vers  le  cœur  de  la  France.  A  peine  avons-nous 
franchi  votre  Bretagne  et  votre  Vendée,  serties  dans  la 
verdure  des  herbages  et  des  fossés,  que  nous  voilà  dans  ce 
bon  pays  angevin,  dont  nos  aïeux  disaient  déjà  si  joliment  : 
«  bons  fruits,  bons  esprits,  bons  vins.  »  Si  peu  qu'on 
remonte  sur  l'autre  rive,  c'est  le  Poitou,  qui  fait  bruire  les 
eaux  de  la  Vienne,  du  Claiu  et  de  la  Creuse,  et  qui  tourne 
le  dos  aux  hauteurs  déjà  rudes  du  Limousin  et  aux  moroses 
étangs  de  la  Brenne.  Il  se  hâte  vers  la  Touraine  que,  de 
tous  temps,  on  a  définie  quand  on  l'a  appelée  «  un  jardin  », 
et  si  la  Loire  fait,  alors,  son  coude  hardi  vers  le  nord,  c'est 
qu'elle  veut  s'étendre  le  long  de  la  riche  plaine  de  Beauce, 
c'est  qu'elle  s'ennuie  des  horizons  aplatis  et   mélancoliques 


de  la  Sologne,  c'est  qu'elle  désire  se  rapprocher  de  sa  sœur, 
la  Seine,  pour  offrir  à  Paris  le  voisinage  fraternel  d'une 
autre  vieille  cité,  Orléans. 

Pourquoi  l'histoire  de  France  n'a-t-elle  pas  fixé  son  centre 
sur  ces  coteaux  fleuris  ?  Les  rois  en  ont  eu  grande  envie. 
Ils  ont  bâti  partout  leurs  châteaux,  sur  les  collines  et  sur 
les  eaux,  dans  les  villes,  et  au  plein  milieu  des  campagnes  et 
des  bois.  Partout,  au  détour  du  chemin,  apparaissent  leurs 
murailles  blanches  et  leurs  toits  en  poivrières.  On  dirait  que 
les  logis  de  nos  rois  ont  continué,  sur  les  bords  de  la  Loire, 
les  étapes  de  la  vieille  chanson  militaire  : 

«  Orléans,  Beaugency, 
Notre-Dame-de-Gléry, 
Vendôme.  » 

Pourquoi  donc  la  capitale  ne  s'est-elle  pas  assise  en  ces 
lieux  enchanteurs?  Pourquoi?  Je  crois,  Messieurs,  qu'on 
peut  le  dire  d'un  mot  :  Parce  que  la  race  est  brave  et  qu'elle 
va  de  l'avanl,  et  qu'on  a  bien  senti,  à  une  heure  donnée, 
qu'il  ne  fallait  pas  s'endormir  dans  les  molles  douceurs  de 
la  vie  tourangelle,  et  qu'on  est  allé,  vaillamment,  là  où  il 
fallait  des  hommes  et  là  où  il  fallait  des  chefs,  sur  la  frontière. 

Cependant,  votre  beau  fleuve  se  détourne  à  regret,  et  dans 
sa  lente  évolution  semi-circulaire,  il  s'accoutume,  peu  à  peu, 
à  des  ciels  moins  délicats.  Comme  il  est  beau  encore  au 
pied  de  ces  vieilles  villes  militaires,  à  Sancerre,  à  la  Charité, 
à  Nevers,  qui  parfois  portent,  au  sommet  des  collines,  leur 
château  comme  un  heaume.  En  remontant,  le  voici  qui 
se  rapproche  de  la  Saône  et  de  son  tumultueux  camarade 
le  Rhône.  Il  va  vers  Lyon,  comme,  tout  à  l'heure,  il 
avoisinait  Paris.  Quelques  lieues,  et  le  contact  des  deux 
fleuves  relierait  les  deux  mers;  mais  le  Rhône  pousse  hâtive- 
ment vers  la  mer  bleue  sa  marche  parallèle,  tandis  que  la 


Loire,  déjh  plus  mince,  se  cache  et  s'enterre  au  sein  profond 
de  la  noire  Auverirne,  offrant  son  eau,  étroite  et  claire  comme 
un  miroir  d'étain,  aux  profils  rugueux  des  dernières  Cévennes 
et  au  front  paternel  du  Mézenc  et  du  Gerbier-de-Joux. 
.  Sur  le  fleuve  lui-même  et  sur  les  terres  qu'il  lave  et  sur 
celles  que  baignent  ses  nombreux  affluents,  que  de  richesses, 
que  de  travail,  que  de  production  !  La  fourmilière  entière 
s'active,  depuis  celle  qui  creuse  ses  trous  au  fond  de  la  terre 
pour  en  tirer  le  charbon  et  le  minerai,  jusqu'à  celle  qui  se 
hâte  d'étaler,  au  chaud  soleil,  la  belle  moisson  de  l'août,  qui 
rapportera,  comme  dit  l'autre,  «  foi  d'animal,  intérêts  et 
principal  ». 

Toute  cette  production,  toutes  ces  richesses  sont  pour 
vous,  assurément.  Elles  vont  prendre  le  fil  de  l'eau  et  en 
descendre  le  cours?  Hélas!  non.  Votre  Loire  est  paresseuse  : 
elle  traîne,  dans  les  sables,  ses  eaux  inutiles;  elle  est  capri- 
cieuse, se  tournant  et  se  retournant  dans  son  lit,  comme 
une  boudeuse  qui  ne  sait  si  elle  doit  rire  ou  pleurer  ;  elle 
est  indocile,  brisant  d'un  caprice  les  lisières  qu'on  voudrait 
lui  imposer  et  déjouant,  en  ses  détours  et  ses  fuites,  les 
calculs  des  savants  graves  qui  voudraient  la  contraindre. 

C'est  ici,  Messieurs,  qu'une  œuvre  nouvelle  s'est  imposée 
h  vous  et,  avec  un  courage  prêt  pour  toutes  les  tâches,  vous 
n'y  avez  pas  manqué. 

Vous  êtes,  vous,  à  Nantes,  les  grands  canalisateurs  de  la 
Loire. 

Vous  passez  votre  existence  séculaire  à  lutter  contre  les 
fantaisies  souvent  redoutables  de  votre  belle  rivière.  Elle  est 
votre  raison  d'être,  mais  elle  est  votre  perpétuel  tourment. 

Vous  pourriez  dire,  de  votre  fleuve,  comme  le  poète,  du 
grand  cardinal  : 

Il  nie  lit  trop  de  mal  pour  en  dire  du  bien, 
II  me  lit  trop  de  bien  poui-  en  dire  du  mal. 


^il3 

Depuis  votre  fameux  évêque  Félix  qui,  au  Vl^  siècle, 
donnait  la  vie  h  votre  port  en  ouvrant  a  la  Loire  un  cours 
nouveau,  jusqu'au  Conseil  municipal  et  à  la  Chambre  de 
Commerce  qui  donnaient,  hier,  un  coup  de  pouce  si  formi- 
dable en  créant  le  canal  latéral  de  la  Basse-Loire,  votre 
pensée  n'a  jamais  délaissé  ce  problème  :  donner  au  cours  de 
la  Loire  plus  de  stabilité,  plus  de  régularité,  plus  de  fond. 
Et  votre  persévérance  a  été  largement  récompensée  ! 
Peut-on  voir,  en  effet,  un  résultat  plus  frappant,  plus  brusque, 
plus  immédiat,  et  répondant  mieux  à  Tappel  du  génie  de 
rhomme  que  celui  que  vous  avez  obtenu  par  votre  dernière 
entreprise. 

Les  grands  dragages  de  la  Loire  commencent  en  1884  et 
le  canal  est  ouvert  en  189^2.  Or,  en  1884,  votre  port  en 
était,  comme  poids  total  des  marchandises,  à  450  mille 
tonneaux.  En  1897,  il  était  à  750  mille  tonneaux.  En  1886, 
le  chiffre  d'affaires  de  la  succursale  de  la  Banque  de  France 
était  de  117  millions  de  francs  ;  en  1897,  il  était  de  '217  ujil- 
lions.  La  jauge  totale  des  navires  passe  du  chiffre  de 
300,000  à  celui  de  700,000  et  la  jauge  des  navires  chargés 
s'accroît  de  100  "/o- 

Voilà  des  chiffres  que  tout  le  monde  connaît  ici.  Mais  je 
les  répète  très  haut  pour  qu'on  les  entende  au  loin,  pour 
que  votre  exemple  serve  aux  autres,  pour  qu'on  en  finisse 
avec  la  légende  d'une  France  inactive,  endormie,  aux  ports 
ensablés,  et  aux  négociants  claquemurés  derrière  leur 
comptoir,  comme  j'espère  en  finir,  un  jour,  avec  l'autre 
légende  des  colonies  sans  colons,  sans  commerce  et  sans 
avenir. 

En  proclamant  ces  chiffres,  je  voudrais  aussi,  s'il  m'était 
possible,  apporter  mon  faible  concours  à  l'œuvre  considé- 
rable dont  les  travaux  que  je  viens  de  rappeler  ne  sont,  pour 
ainsi  dire,  que  la  préface. 


Vous  avez  fail  la  Loire  maritime.  Il  faul  améliorer  main- 
tenant la  voie  fluviale,  et,  pour  dire  le  mot,  achever  la  Loire 
navigable. 

La  France  ne  connaît  pas  assez  la  portée  de  rœuvre  que 
vous  avez  entreprise.  Elle  ignore  la  grandeur  et  la  simplicité 
de  votre  projet  ;  sinon,  il  n'y  aurait  qu'un  cri  dans  tous  les 
milieux,  dans  le  Parlement,  dans  la  presse,  pour  seconder 
le  grand  dessein  qui  vous  remue  si  profondément,  auquel 
vous  avez  intéressé  si  heureusement  les  Pouvoirs  publics  et 
qui  sera  l'honneur  de  la  génération  présente  et  de  tous  les 
hommes  actifs  qui  m'environnent. 

Le  port  de  Nantes  a  pu  faire  monter  jusqu'à  lui  les 
marchandises  qui  vont  sur  la  mer.  Il  faut  maintenant  qu'il 
fasse  descendre  jusqu'à  lui  les  marchandises  qui  viennent  de 
la  terre.  Cette  œuvre  est  le  complément  indispensable  de  la 
première. 

Il  ne  m'appartient  pas  d'aborder  ici  le  côté  technique  de  la 
question.  C'est  affaire  aux  ingénieurs  aidés  par  les  conseils 
des  hommes  pratiques  et  des  commerçants.  Il  leur  appartient 
de  trancher  le  problème  du  canal  latéral  ou  de  la  canalisa- 
lion  du  fleuve.  Instinclivemeni,  j'incline  vers  cette  dernière 
solution,  parce  qu'elle  paraît  la  plus  simple.  Encore  une  fois, 
c'est  l'affaire  des  ingénieurs. 

Mais,  ceci  dit,  vous  ne  pouvez  trop  mettre  à  contribution 
leur  bonne  volonté  qui,  j'en  suis  assuré,  vous  est  acquise. 
Peu  à  peu,  les  oppositions  tombent.  On  pouvait  appréhender 
une  inquiétude  légitime  de  la  part  des  entreprises  de  trans- 
port. Elles  se  rendent  compte  que  la  prospérité  générale  ne 
fera,  probablement,  qu'accroître  leur  prospérité  particulière. 
Les  marchandises  qu'elles  transportent  et  les  régions  où 
elles  pénètrent  ne  sont  pas,  nécessairement,  les  mêmes  que 
celles  qui  sont  atteintes  par  votre  projet.  Ces  divers  intérêts, 
également  respectables,  ne  doivent  pas  se  nuire  :  ils  doivent 


215 

se  combiner  et  s'enlr'aicU-r  dans  une  confiance  miiluelle  et 
dans  un  effort  commun. 

La  Loire  navigable,  c'est  vingt-huit  déparlements  de  la 
France  mis  en  contact  plus  direct  avec  la  mer.  C'est  une 
population  de  12  millions  d'habitants,  c'est  Lyon,  c'est  la 
Suisse  elle-même,  intéressés  à  prendre  la  voie  de  nos  canaux 
et  de  nos  fleuves.  Qui  en  doute,  Messieurs?  Les  données 
géographiques  les  plus  claires,  celles  que  lirait  un  enfant, 
sont  en  votre  faveur.  Prendre  le  chemin  de  la  France, 
aboutir  à  Nantes,  c'est,  pour  les  marchandises  de  tout  le 
Centre,  adopter  la  roule  la  plus  courte,  la  plus  commode 
et  la  plus  sûre  pour  gagner  l'Atlantique  et  l'Amérique. 
C'est  éviter  les  brumes  et  les  tempêtes  de  la  Manche,  d'une 
part  ;  c'est  éviter  le  grand  détour  de  Gibraltar,  de  l'autre. 

Uu  grand  chemin  fluvial  a  été  creusé  par  la  nature,  au 
milieu  des  terres,  traversant  les  plus  riches  et  les  plus  beaux 
pays  du  monde,  qui,  à  eux  seuls,  suffiraient  pour  l'ahmcnter. 
Il  faut  le  compléter,  le  rendre  régulier  et  praticable,  vaincre 
les  obstacles  qui,  depuis  des  temps  relalivemenl  récents,  le 
rendent  presque  inutilisable. 

L'ancien  régime,  Messieurs,  consacrait  un  des  fonds 
permanents  du  budget  de  l'Etat  à  ce  qu'on  appelait  les 
«  Levées  de  la  Loire  •>.  Est-ce  que  la  France  républicaine, 
outillée  comme  elle  l'est,  riche  comme  elle  l'est,  pleine 
d'avenir  et  d'élan  comme  elle  l'est,  quoi  qu'on  en  dise,  et 
maîtresse  de  ses  destinées  sous  un  régime  de  liberté  et 
d'initiative  individuelle,  ne  saura  pas  conduire  à  bien  l'œuvre 
que  jadis  avait  ébauchée  la  France  de  nos  pères? 

Ce  dernier  effort,  Messieurs,  vous  vous  le  devez  à  vous- 
mêmes,  et  la  France  vous  le  doit.  Tout  ce  qui  nous  unil,  tout 
ce  qui  nous  rassemble,  provinciaux  de  tous  les  pays,  recevant 
volontiers  le  mot  d'ordre  de  Paris,  mais  ayant  nos  intérêts 
propres  et  notre  activité  propre,   tout    cela    travaille   dans 


216 

voire  sens.  Nous  sommes  tons  solidaires.  Vous  avez  avec 
vous,  non  seulement  vingl-luiil  déparlemenls,  mais  la  France 
entière,  parce  que  chez  nous  toutes  les  aspirations  saines 
et  fécondes  se  confondent,  parce  que  notre  unité  est  assez 
faite  pour  qu'il  n'y  ait,  entre  nous,  ni  rivalité,  ni  concurrence 
mesquines  et  pour  que  tout  le  monde  soit  toujours  prêt  à  se 
porter  au  secours  de  tous  et  de  chacun. 

C'est  par  ces  mots.  Messieurs,  que  je  voudrais  finir.  Je 
vous  parlais,  tout  à  Theure,  d'union,  de  société,  d'association. 
La  Patrie  est  l'association  suprême.  Elle  coordonne  et 
distribue  tous  les  efforts.  Par  la  Patrie,  les  provinces  ont  un 
cœur  commun.  Elles  respirent,  vivent,  s'émeuvent,  souffrent 
et  se  réjouissent  ensemble.  Quand  quelque  chose  dans 
notre  chère  France  est  atteint,  toutes  les  parties  languissent. 
Quand  la  santé  publique  est  bonne,  les  extrémités  sont 
vaillantes  et  fortes. 

En  un  mot.  Messieurs,  par  les  efforts  de  nos  ancêtres,  il 
s'est  manifesté  sur  la  terre  une  personnalité  qui  a  sa 
physionomie,  son  caractère,  son  charme  propre  et  sa  grâce  : 
c'est  notre  mère,  c'est  la  France.  Elle  est  debout  parmi 
nous.  Elle  nous  domine.  Tout  notre  amour,  tous  nos 
etîorls  et  tous  nos  sacrifices  vont  vers  elle  parce  qu'elle  en 
est  digne  et  parce  que  nous  lui  devons  tout. 

Mais,  par  contre,  tout  son  cjeur  est  ii  chacun  de  nous, 
et  elle  est  la  première  à  sourire  de  joie  quand  elle  voit  se 
presser  autour  d'elle  les  figures  heureuses  et  prospères  des 
provinces,  ses  filles,  qui,  selon  le  mol  du  poêle,  si 
différentes  qu'elles  soient,  se  ressemblent  pourtant,  comme 
des  sœurs. 


LK    THÉÂTRE    LIBRE 


François  DE  CUREL. 


De  loLis  les  arts,  Tari  clramalique  esl  celui  dont  il  est  le 
plus  facile  de  marquer  les  évolutions.  Reflet  d'une  société,  le 
Ihéâliv,  en  effet,  a  pour  mission  de  s'adapter  au  milieu 
ambiant,  de  suivre  les  préoccupations  de  l'heure  présente, 
de  décrire  l'homme  tel  qu'il  est,  au  moment  précis  où  l'écri- 
vain le  met  en  face  de  l'objectif. 

Pendant  la  première  moitié  du  XVII»'  siècle,  le  théâtre  esl 
une  école  d'héroïsme  et  d'énergie,  mais  d'ime  énergie  un 
peu  affinée  par  la  galanterie  des  seigneurs  et  des  précieuses. 
On  esl  eu  pleine  Fronde,  et  les  adorables  furies  de  Cor- 
neille, les  Camille  et  lesChimène,  rappellent  aux  contemporains 
de  la  Grande  Mademoiselle  et  de  M™"  de  Longueville  les 
galantes  escarinouches  de  cette  guerre  en  dentelles,  dont  les 
étapes  sont,  en  quelque  sorte,  marquées  sur  la  Carte  du 
Tendre,  et  que  les  bergères  de  l'Astrée,  devenues  soudain 
des  Clorinde,  dirigent  au  gré  de  leurs  fantaisies  et  de  leui's 
capricieuses  amours. 

Avec  Racine,  le  théâtre  devient  psychologique.  On  en  a 
fini  avec  ces  caractères  tout  d'une  pièce,  inébranlables  et 
fermes.  La  France  de  Louis  XIV  est  définitivement  façonnée, 
et,  entre  deux  conquêtes,  sans  le  souci  du  lendemain,  on 
aime  à  se  laisser  vivre,  d'une  vie  sentimentale  où  la   philo- 

15 


'218 

sopliic  vii'iil  iijoiiU'r  uik;  noie  discrèk'.  à  la  gamun'  «les  ('luo- 
Uons  rares  el  des  pensées  subtiles  :  les  Caraclères  de  La 
Bruyère  sont  le  bréviaire  où  se  complaisent  les  béroïnes  de 
Racine,  à  Tànie  si  délicatement  tourmentée  que  nous  les 
prendrions  volontiers  pour  des  lemmes  d'aujourd'bni. 

Au  XVni«  siècle,  plus  que  jamais,  le  tbéâtre  suit  les 
mœurs  :  pbilanthropique  et  binnanitaire  avec  Vollaire  et 
Diderot  ;  moral  jusqu'à  la  naïveté  avec  La  (.haussée  ;  léger, 
frétillant  comme  un  roué  ou  une  soubretle  avec  Marivaux, 
il  devient  entre  les  mains  de  Beaumarchais  une  arme  redou 
table,  et,  c'est  au  milieu  des  grelots  de  la  Folle  Journée, 
qu'éclatera  la  Révolution  française. 

La  Terreur  el  le  l^^  Empire  créent  une  sorte  de  ibéâtre 
officiel  :  les  œuvres  classiques  sont  expurgées  ou  remplacées 
par  des  pièces  sur  commande  ;  la  politique  révolutionnaire 
ou  impériale  envahit  la  scène,  et  c'en  est  fait,  pendant  près 
de  quarante  ans,  de  toute  littérature  dramatique. 

x\vec  la  Restauration  et  le  Gouvernement  de  Juillet  éclate 
le  Romantisme.  Nul  régime  ne  pouvait  mieux  servir  de 
cadre  à  ce  renouveau  artistique.  Epuisée  par  les  guerres  de 
la  Révolution  et  de  l'Empire,  la  France  avait  besoin  de  repos; 
les  caisses  étaient  vides,  la  population  décimée.  C'est  la 
gloire  de  nos  rois  consiilutionnels  d'avoir  su  nous  assurer 
la  paix,  en  môme  temps  que  le  bien-être  el  l'économie. 
Jamais  les  lettres  n'ont  brillé  d'un  plus  vif  essor  ;  jamais, 
si  ce  n'est  au  XVII^  siècle,  le  tliéâlre  n'a  retenti  de  tirades 
plus  sonores  el  de  plus  nobles  accents.  On  dirait  une 
fringale  de  vie  qui  secouerait  les  survivants  des  sombres 
années,  tous  ceux  qui  ont  échappé  aux  massacres  de  la 
Terreur  el  aux  guerres  impériales. 

Mais  le  théâtre  ne  peut  vivre  exclusivement  d'héroïsmes  et 
de  nobles  pensées.  Un  jour,  l'on  s'aperçoit  que  le  roman- 
tisme n'est,   lui  aussi,  qu'une  convention,  que  les  armures 


de  SCS  personnages  sont  creuses,  que  l'emphase  el  l'invrai- 
seniblance  se  sont  peu  à  peu  substituées  à  l'observation  de 
la  vie  réelle,  k  la  peinture  du  sentiment  et  de  la  passion. 
Un  écrivain  génial,  en  avance  sur  son  époque,  Balzac, 
ouvre  la  voie  au  réalisme,  et  sa  Comédie  humaine,  décri- 
vant tous  les  milieux,  fouillant  tous  les  replis  de  l'âme, 
passant  avec  une  prodigieuse  facilité  de  l'étude  psychologique 
au  roman  d(>  mœurs  ou  d'aventures,  exerce  fatalement  son 
influence  sur  l'art  dramatique.  De  plus,  la  société  française, 
sous  le  second  Empire,  subit  une  transformation.  Les  décou- 
vertes scientifiques  jettent  dans  les  esprits  plus  de  précision 
et  de  netteté  :  l'heure  n'est  plus  aux  rêveries  d'une  George 
Sand  ou  à  la  philosophie  imageuse  d'un  Pierre  Leroux  ou 
/l'un  Jean  Reynaud.  Auguste  Comte  vient  d'inventer  le 
positivisme,  et  cette  formule,  appliquée  par  Taine  à  la 
littérature  et  au  Ihéâlre,  fait  éclore,  tant  sur  la  scène  que 
dans  le  roman,  des  œuvres  puissantes  qui,  serrant  la  réalité 
de  plus  près,  peuvent  aujourd'hui  encore  servir  de  modèles 
a  nos  écrivains  contemporains.  A  Madame  Bovary  et  à 
l'Education  sentimentale  correspondent  les  drames  de 
Dumas  el  d'Augier,  de  même  que  drs  Fleurs  du  mal  sorti- 
ront un  jour  les  inquiétudes  d'un  Sully- Prudhomme  et  les 
perversités  d'un  Verlaine. 

Il  reste  cependant  un  pas  à  faire  :  des  deux  auteurs  dra- 
matiques qui,  pendant  plus  d'un  quart  de  siècle,  ont  renou- 
velé et  enrichi  la  scène  française,  l'im,  Alexandre  Dumas, 
n'est  pas  complètement  dégagé  de  l'influence  romantique. 
Fils  de  l'auteur  d'Henri  III  et  sa  Cour,  il  s'abandonne 
trop  souvent  aux  exagérations  et  à  l'emphase  ;  ses  person- 
nages sont  des  symboles  qui  se  dressent  au-dessus,  ou  tout 
au  moins,  trop  loin  de  nous;  cerlaines  de  ses  œuvres, 
grandioses  connue  une  page  de  l'Apocalypse,  nous  em[iorlent 
au  pays   des  chimères,  et,    quelquefois,  chez  le  dramalurge 


MO 

do  VElrangèro  cl  de  la  Femme  de  Claude,  le,  poète  ou 
même  le  visionnaire  éloufte  l'observateur.  Plus  près  <Je  la 
réalité,  Emile  Âugier  est  un  peintre  plus  vrai  et  aussi  mieux 
informé  des  travers  de  son  temps  ;  mais  ses  personnages 
principaux  —  journalistes,  bourgeois  ou  lionnes  pauvres  — 
ont  siniifulièrement  vieilli. 

Depuis  1870,  en  effet,  nous  sommes  entrés  dans  une  ère 
nouvelle,  et  le  tbéâtre  s'en  est  ressenti.  L'instruction  s'est 
développée  ;  la  fortune  s'est  accumulée  dans  les  mains  de 
quelques-uns  ;  la  quatrième  classe,  le  peuple,  est  arrivée  au 
pouvoir,  et,  de  pbilosopbique  qu'il  était  en  1848,  le  socia- 
lisme s'est  affirmé  dans  la  pratique  par  ses  revendications 
et  ses  conquêtes  ;  l'horizon  politique  s'est  assombri,  par 
suite  de  l'extension  du  journal  et  d'un  parlementarisme  mal 
compris.  Tout  n'est  que  chaos  dans  l'âme  moderne,  et  si, 
dans  ces  derniers  temps,  TUniversité  est  revenue  à  la 
doctrine  de  Kant,  c'est  le  plus  souvent  pour  en  tirer  des 
conséquences  absolues  dont  rexlrôme  rigueur  répugne  à  la 
raison  et  au  bon  sens. 

De  là,  une  véritable  anarchie  littéraire;  de  là,  au  ihéâlre, 
ce  manque  d'unité,  ces  excès  dans  tous  les  genres,  ces 
œuvres  curieuses  qui  captivent,  mais  laissent  derrière  elles 
une  immense  sécheresse,  un  arrière-goût  d'amertume  ou 
de  pourriture.  Fondé  il  y  a  environ  quinze  ans,  le  Théâtre 
libre  reflète  mieux  que  tout  autre  les  infinies  préoccupations 
de  la  pensée  moderne.  A  l'origine,  ce  n'est  qu'un  théâtre 
de  réaction,  où  la  brutalité  i-emplace  la  force,  où  les  mau- 
vaises mœurs  s'étalent  avec  une  naïveté  qui  n'a  d'égale  que 
son  invraisemblance  ridicule  et  niaise.  Mais  l'essor  est 
donné  :  de  ces  premiers  essais,  souvent  infructueux,  se 
dégage  toute  une  littérature  dramatique  qui,  malgré  ses 
délaïUs  et  ses  outrances,  se  l'ait  remarquer  par  son  origi- 
nalité, son  souci  de  la  notation  exacte  et  aussi  sa  très  grande 


variété.  Parmi  les  sept  ou  liuii  ailleurs  qu'a  révélés  le  Tiiéâlre 
Antoine,  il  n'en  est  pas,  en  etlel,  deux  qui  se  ressemltlenl. 
Le  champ  où  ils  glanent  n'est  pas  très  grand,  mais  tous 
s'attachent  à  n'en  pas  dépasser  les  limiles  ;  ils  ont  avant 
tout  le  très  légitime  désir  de  rester  eux-mêmes,  et  piéfèrenl 
encourir  le  reproche  de  monotonie  plutôt  que  celui  de  ne 
pas  conserver  leur  personnalilé  intacte.  Parmi  ces  jeunes 
gens,  quelques-uns  ont  un  talent  qui  va  chaque  jour  en 
s'accentuant  ;  d'autres  ont  déjà  donné  des  œuvres  maîtresses, 
comme  Amoureuse,  Blanchelle,  La  Nouvelle  Idole  ou 
Le  Repas  du  lion  ;  d'autres  enfm,  connne  M.  Maurice 
Donnay,  sans  recontrer  le  grand  succès,  ont  écrit,  sinon  des 
drames,  du  moins  des  scènes  qui  resteront  comme  des 
modèles  de  cet  esprit  un  peu  facile  qu'on  est  convenu 
d'appeler  l'esprit  parisien. 

L'un  des  plus  brillants  est,  sans  contredit,  M.  de  Gurel. 
Quand,  le  "23  janvier  189^2,  r Envers  d'une  Sainte  fut 
représenté  sur  le  Théâtre  libre,  ce  fut  dans  la  presse  un 
immense  étonnement.  Le  nom  de  François  de  Curel  apparais- 
sait pour  la  première  (ois  sur  une  affiche  de  théâtre  :  on 
avait  lu,  sous  celte  signature,  des  nouvelles  finement  écrites, 
l'Eté  des  fruits  secs,  par  exemple,  paru  vers  1885  ;  mais  rien 
ne  semblait  annoncer  un  tempérament  dramatique  comme 
celui  que  révélait  ce  premier  essai.  La  pièce,  que  défendirent 
les  landistes,  en  particulier,  M.  Jules  Lemaîlre,  M.  Emile 
Faguet  et  même  Francisque  Sarcey,  n'atteignit  jamais  le 
grand  public; elle  intéressa,  pendant  quelques  représentations, 
les  habitués  de  M.  Antoine,  puis  elle  disparut  de;  l'affiche. 
Quelques  mois  plus  tard,  le  -29  novembre  1892,  les  Fossiles 
vinrent  de  nouveau  mettre  en  lumière  le  nom  du  jeune 
écrivain  :  c'était  une  œuvre  curieuse,  boiUTée  d'idées,  un 
peu  toutïue  peut-être,  en  tous  cas  peu  faite  pour  être  jouée 
sur  un  théâtre  régulier.  Quoi  qu'il  en  soil,  ces  deux  drames 


l'Envers  d'une  sainte  cl  les  Fossiles  avairiit  iiorlé  le 
nom  (le  1\1.  de  Ciirrl  à  la  ('onnaissaiici»  des  lettrés,  cl  mil  ne 
sY'lonna  quand,  après  avoir  donné  Vlnmléc  an  Vaudeville, 
riieureux  auteur  se  vil,  le  12  octobre  1893,  ouvrir  les  portes 
du  Théâtre  Français  avec  ï Amour  brode. 

L'Amour  brode  est  la  plus  obscure,  disons  le  mol  :  la 
plus  mauvaise  des  pièces  qu'ait  écrites  M.  de  Curel  :  c'est  du 
Marivaux  ou  du  Mussel  corrigé  par  Ibsen,  un  vaudeville  poussé 
au  noir,  et,  ce  qui  est  plus  grave,  l'élude  d'une  âme  tellement 
compliquée  que  l'espril  se  perd  à  vouloir  en  pénétrer  l'inson- 
dable profondeur.  La  pièce  échoua,  et,  quoi  qu'il  en  dise, 
M.  de  Curel  en  fut  un  peu  découragé.  11  resta  près  de 
trois  ans  sans  rien  livrer  à  la  scène  :  c'est  seulement  le 
5  mars  1890  que  nous  le  voyons  tenter  un  nouvel  effort 
à  la  Renaissance,  avec  la  Figurante.  Mais  ces  trois  ans 
ne  lurent  pas  perdus  :  le  jeune  écrivain  les  employa  loul 
d'abord  à  écrire,  dans  la  Bévue  de  Paris,  la  Nouvelle 
Idole  qui  n'affronta  le  feu  de  la  rampe  que  le  11  mars 
1899  ;  puis  à  méditer  l'idée  mailresse  de  sa  dernière  œuvre, 
la  plus  audacieuse  peut-être  du  théâtre  contemporain  : 
«  Je  rencontre,  écrivail-il  en  1894,  des  sujets  qui,  je  le 
3  sens,  seront  excellenls  pour  moi  plus  tard,  lorsque  mon 
»  esprit  aura  marché  dans  une  direction  que  je  prévois, 
»  mais  qui  actuellement  sont  hors  de  ma  portée  (t)  ». 
L'un  de  ces  sujels,  le  socialisme,  il  le  traitera,  en  effet, 
le  26  novembre  1897,  dans  le  Repas  du  lion,  alors  que, 
dix-huit  mois  plus  lard,  le  Théâtre  Libre  devait  jouer  la 
Nouvelle  Idole,  écrite  depuis  quatre  ans. 

Telle  est,  résumée  en  quelques  mots,  l'œuvre  théâtrale  de 
M.  François  de  Curel.  Elle  se  compose,  on  le  voit,  de  sept 
pièces,  loules  représentées  de  1892  à  1899.  Une  pièce  par 

(1)  Année  psychologique,  1894. 


"tin 

an,  c'est  un  peu  moins  que  Baizac  qui  écrivait  Massimilla 
Dont  en  une  nuit  (');  mais  c'est  infiniment  plus  qu'Henry 
Becque  qui  resta  près  de  dix  ans  sur  les  Corbeaux  et  [)resque 
autant  sur  la  Parisienne.  M.  de  Curel  nous  dit  quelque 
part  que  l'Envers  d'une  Sainte  lui  coûta  vingt  jours  de 
travail,  et  f Amour  brode  environ  le  double.  Bien  que, 
coumie  dit  Alceste,  le  temps  ne  fasse  rien  ii  l'affaire,  ces 
chiffres  sont  instructifs,  car  ils  permettent  de  mieux 
saisir  les  procédés  qu'emploie  l'auteur  de  la  Nouvelle  Idole 
et,  par  là  môme ,  de  mieux  dégager  la  portée  de  son 
œuvre. 

Dans  une  première  partie,  nous  essaierons  de  carac- 
tériser le  talent ,  la  manière  de  M.  de  Curel ,  d'en 
préciser  les  iraits  principaux ,  de  marquer,  autant  que 
possible,  la  place  bien  personnelle  qu'il  occupe  aujourd'hui 
parmi  les  jeunes  écrivains  qu'a  formés  le  Théâtre  libre. 
Dans  une  seconde  partie,  nous  étudierons  chacune  de  ses 
pièces,  en  nous  efforçant  de  mettre  en  relief  l'idée  morale 
ou  philosophique  qui  lui  sert  invariablement  de  point  de 
départ. 

M.  de  Curel  nous  facilitera  dans  une  certaine  mesure 
l'analyse  de  son  caractère  :  en  1894,  il  s'est  prêté  à  une 
sorte  d'enquête  dont  M.  Binel  a  rédigé  les  procès-verbaux 
dans  le  premier  volume  de  VAnnée  psychologique.  J'avoue 
qu'ea  feuilletant  les  quelques  cent  pages  que  comporte  cette 
étude,  je  n'ai  pu  quelquefois  ré[)rimer  un  discret  sourire. 
Aujourd'hui,  l'on  met  la  psychologie  partout  ;  on  en  fait 
l'auxiliaire  de  Toccultisme,  du  somnambulisme  et  de  la 
suggestion  ;    on    se    plail    îi    enregistrer    les    phénomènes 

(1)  Su'\r  \tiS  Lettres  à  l'Etrangère. 


224 

psychiques,  a  les  éitinpjler,  un  peu  comme  le  iialuralisle 
ferait  de  ses  papillons  ou  de  ses  lichens .  Il  suffit  de  lire  la 
table  de  rimporlante  revue  de  M.  Binet  pour  êlre  frappé 
de  la  puérilité  de  certaines  observations,  en  même  temps 
que  de  l'outrecuidance  de  certains  observateurs.  Je  serais 
bien  étonné  que  M.  de  Curel  ne  fut  pas  j'cvenu  très  vite 
sur  le  compte  de  ses  amis  les  psychologues.  Dans  la 
Nouvelle  Idole,  écrite  au  mois  de  mai  1895  ('),  il  met  en 
scène  un  philosophe  mondain,  véritable  confesseur  laïque, 
auteur  d'ouvrages  estimés  et  obscurs,  tels  que  la  Person- 
ïialilé  sons-consciente  ou  la  Psycholoffie  du  fœlus.  «  La 
»  psychologie,  c'est  l'étude  de  l'àme  ?  »  lui  demandc-t-on. 
(f  De  l'âme,  oui,  répond-il,  ou  du  moins  des  phénomènes  que 
»  l'on  a  groupés  sous  ce  nom('^).  »  Une  fenuue  va  le  consulter; 
elle  se  rend  chez  lui  pour  être  comi)rise,  comme,  ajoute-t- 
elle,  «  on  irait  chez  un  bijoutier  pour  être  parée  (3).  »  Et  le 
psychologue  la  renvoie  h  quatre  ou  cinq  cents  ans,  alors 
que  la  science  de  l'âme  sera  déhnitivement  constituée  : 
o  Dans  cinq  cents  ans,  s'écrie  la  malheureuse,  on  saura 
»  si  j'ai  une  âme  et  comment  la  guérir,  et  c'est  aujourd'hui 
»>  que  je  souffre.  Voilà  donc  la  science.  Je  sombre  dans  le 
»  découragement;  elle  m'offre  le  doute.  Mais  le  plus  humble 
»  prêtre  auquel  je  raconterais  ma  douleur  trouverait  des 
»  paroles  bien  autrement  consolantes  (^).  »  Je  doute  qu'un 
an  auparavant,  quand  il  se  soumettait  â  l'enquête  de 
M.  Binet  et  se  laissait  comparer  par  lui  à  un  médium, 
M.  de  Curel  se  fût  permis  des  paroles  aussi  irrévéren- 
cieuses ! 
Par  bonheur,    à   côté  de  renseignements    assez   inutiles, 

(1)  hevue  de  Paris,  mai  1895. 
(•2)  La  Nouvelle  Idole,  II,   3. 

(3)  Idem,  IH,  3. 

(4)  Idem,  II,  3. 


VAnnée  psyclwluijique  nous  lournil  quelques  détails  iulé- 
ressanls  :  «  J'ai  vidé  devant  vous  le  son  de  ma  poupée, 
»  écrit  l'auteur  à  M.  Binel  ;  à  vous  de  l'examiner  au  micros- 
»  cope  et  de  voir  ce  qu'il  contient.  »  Suivons  donc  ce 
conseil,  et  essayons  nous  aussi,  d'examiner  au  microscope 
le    son  de  la  poupée. 

Pour  M.  de  Gurel,  l'essentiel  est  de  trouver,  à  ses  pièces, 
un  poslulalum,  une  situation  étrange,  d'où  il  tirera  les 
déductions  les  plus  rigoureuses  et  les  plus  logiques.  M.  Binel 
met  ce  procédé  très  nellemenl  en  lumière:  «  C'est,  dit-il,  un 
»  psychologue  qui  ferait  du  théâtre.  Le  point  de  départ  de 
j  ses  pièces  est  psychologique  ;  ce  qui  le  lente,  c'est  une 
»  situation  curieuse  qui  pose  un  problème  quelconque  ;  il  se 
»  demande,  dans  telle  circonstance,  ce  qui  peut  se  passer 
»  dans  notre  cœur«.  Ainsi,  poser  une  situation,  mettre  tel 
ou  tel  personnage  en  présence  du  fait  accompli  ;  rechercher 
comment  ce  personnage  agira,  à  quelle  im[)ulsion  il  cédera; 
démonter,  en  quelque  sorte,  les  rouages  de  son  entende- 
ment ou  de  sa  sensibilité,  les  examiner  un  à  un  ii  la  loupe, 
pour  les  remonter  ensuite  méthodiquement  et  sûreni'^nl  ;  tel 
est  le  procédé  du  théâtre  psychologique  auquel  M.  de  Curel 
a  attaché  son  nom. 

Ce  procédé,  nous  le  remarquons  dans  toutes  ses  pièces. 
Le  point  de  départ  de  VEnvers  d'une  Sainte,  comme  celui 
de  rinvitée,  c'est  l'absence  ;  le  problème  psychologique  â 
étudier,  c'est  la  déformation  morale  qu'elle  imprime  â  nos 
facultés  de  penser  et  de  sentir.  Julie  Renaudin  a  passé 
dix-huit  ans  de  sa  vie  dans  un  couvent  ;  elle  se  fait  relever 
de  ses  vœux  et  revient  près  des  siens.  Une  femme  outragée, 
Anne  de  Grécourl,  dans  une  heure  de  dépit,  se  sépare  de  son 
mari  et  vit  à  l'étranger,  loin  de  lui  et  de  ses  enfants,  pendant 
seize  ans  :  le  hasard  et  un  peu  de  curiosité  la  ramènent  sous 
le  toit  conjugal.  Voila  le  fait   dont  il  faut  tirer  les  consé- 


2% 

qiiences.  Que  sonl  devemics,  aiirès  vini^l  ans  d'abscnr-e,  l'âme 
de  Julie  Renaiidin  el  celle  d'Anne  de  Grécnurl?  Par  quels 
sentinienls  passeront  ces  deux  femmes,  quand  elles  relrou- 
veronl,  l'une  son  mari  el  ses  filles,  l'aulre  sa  mère,  sa  sœur  et 
la  veuve  de  l'homme  qu'elle  a  aimé  ?  C'est  là  le  seul  sujet 
de  l'Envers  d'une  Sainte  el  de  tinvilée.  Les  personnages 
que  l'auteur  place  auprès  de  ses  deux  héroïnes  ne  sont  que 
des  confidents,  dont  le  rôle  consiste  h  mettre  en  relief  les 
deux  figures  principales  ;  les  événements  romanesques  qu'il 
décrit  ne  sont  qu'un  décor  destiné  à  encadrer  un  étal 
d'âme. 

El  que  résultc-t-il  de  celle  analyse  philosophique  ?  Quelle 
est  la  solution  qu'apporte  M.  de  Curel  au  problème  posé  ? 
C'est  que  l'absence,  longtemps  prolongée,  affaiblit  en  nous 
la  faculté  de  sentir  ;  c'est  qu'elle  met  au  cœur  la  sécheresse 
et  l'indifférence  ;  c'est  qu'inconsciemment,  l'esprit  s'habitue 
à  de  nouvelles  pensées,  le  corps  à  de  nouveaux  besoins  ; 
dans  le  lointain  de  nos  souvenirs,  le  passé  nous  apparaît 
joyeux,  digne  d'être  l'ncore  vécu,  et,  quand  nous  voulons  y 
plonger,  le  charme  est  rompu,  la  nostalgie  nous  prend:  «  Il  ne 
•>  faut  pas,  dit  Julie  dans  l'Envers  d\ine  Sainte,  ramener 
»  son  regard  sur  la  terre,  après  avoir  pendant  des  années 
»  contemplé  le  ciel  »  (i);  ou  encore  :  «<  Quand  on  a  un  peu 
»)  vécu  el  qu'on  se  reporte  vers  le  passé,  comme  il  semble 
»  animé,  el  le  présent  morne  »  (2). 

Ce  qu'éprouve  Julie  Renaudin,  Anne  de  Grécourl,  dans 
l'Invitée,  le  ressent  avec  tout  autant  de  force.  D'après  son 
propre  aveu,  l'absence  chez  elle  a  sup[»rimé  les  sentiments 
que  Dieu  y  a  mis  {'^).  C'est  sans  une  émotion,  sans  une 
lai'ine  qu'elle  revoit  ses  filles  ;   son  mari    lui    [jaiait   un  peu 

(1)  L'Envers  d'une  Sainte,  W^i. 

(2)  Idem,  I,  2. 

(3)  L'Invitée,  I,  3. 


ridicule,  sensiblcmeiil  vieilli  avec  ses  cheveux  grisonn;uils  et 
i^on  ventre  de  niagol  :  «  J'ai  man(iué  lui  éclater  de  rire  au 
nez  »,(')  s'écrie-l-elle,  en  le  voyant;  bref,  elle  est  parvenue 
à  élouftér  ciiez  elle  le  cœur  et  les  sens  (2)  ;  ses  filles  la 
supplient  de  les  soustraire  à  un  milieu  démoralisateur  et 
malsain,  et  elle  hésite,  et  elle  va  se  retirer,  impassible  et 
hautaine,  quand,  à  la  fin  du  drame,  elle  cède  à  l'émolion  et 
se  laisse  attendrir  :  «  Pourquoi,  lorsque  je  déiruisais  en  moi 
»  ce  qui  aime,  n'ai- je  pas  réussi  à  [uvy  ce  qui  souffre?  L'un 
>»  n'existe  plus,  l'autre  s'attendrit  encore  pour  un  mol.  »  (■*). 

On  voit  par  ces  deux  exemples  en  quoi  consiste  le  procédé 
de  M.  de  Curel.  Toutes  ses  pièces  sont  construites  sur  le 
même  modèle  ;  mais,  dans  aucune,  il  n'a  mieux  affirmé  sa 
méthode  que  dans  la  Nouvelle  Idole. 

Donnât  est  un  grand  savant,  un  émule  de  Pasteur,  qui 
recherche  le  vaccin  du  cancer.  Médecin  des  hôpitaux,  il  a 
commis  le  crime  de  faire  servir  ses  malades  h  des  expé- 
riences et  d'inoculer  le  terrible  mal  à  de  pauvres  diables 
qu'il  croit  condamnés.  Très  charitable,  d'ailleurs,  ou  plutôt 
humanitaire  et  altruiste,  il  sait  se  dévouer  quand  il  le  faut 
et  il  a,  quelques  années  auparavant,  gagné  la  diphtérie  en 
soignant  des  pauvres.  Appelé  près  d'une  jeune  tuberculeuse 
irrémédiablement  perdue,  il  lui  inocule  le  cancer  ;  par  mi- 
racle, la  jeune  fille  guérit,   la  poitrine   se   dégage,   elle   est 


(1)  L'Invitée,  H,  9. 

(2)  i<  A  24  uns,  le  plus  grand  ennemi  d'une  femme  ooniplèlemenl  délai.-see,  dit-elle, 
c'est  son  propre  cœur.  J'ai  vaincu  le  mien  par  des  moyens  barbares,  y  étDullHnt  lout  ce 
qui  demandait  à  vivre,  faucbant  amitiés  el  penchunis  qui  [louvuienl  entretenir  lu  l'acullé 
d'aimer.  .  L'apaisant  avec  d'arides  Coquetteries,  cuuime  on  lionipe  lu  suif  dans  le 
désert  avec  de  petits  cuilloux.  L'ui-je  assez  raulilé,  ce  [i.mvre  cœur!  Acluellenienl,  il 
n'y  refte  plus  une  fibre  aimante...  C'est  un  jardin  transformé  en  cour  pierreuse,  suns 
un  coin  de  verdure.  A  force  d'y  persécuter  l'ivrtiie,  le  bon  grain  n'y  peut  plus  pousser. 
Le  bon  grain  serait  de  chérir  mes  Olles.. .  »  H,  10, 

(3)  L'Invitée...,  UI,  8. 


sauvée,  mais  c'est  pour  mourir  un  peu  plus  tard  du  mal  dont 
Donnai  lui  a  volontairement  transmis  le  tçerme.  Et  alors, 
le  redoutable  problème  se  dresse.  M.  de  (jurel  Taborde 
hardiment  ;  on  dirait  môme  qu'il  s'efforce  d'en  rendre  la 
solution  plus  difficile  par  les  milles  objections  qu'il  soulève , 
par  l'habile  groupement  des  petits  laits,  par  les  arguments 
spécieux  que  lui  suggère  une  impeccable  casuistique.  Donnât 
est  une  sorte  de  [trêlre,  de  prôtre  de  la  science  ;  mais, 
devant  son  crime,  il  se  prend  à  frémir  ;  le  matérialisme 
l'effraie,  le  néant  répouvanle,  et,  pour  la  [iremière  l'ois,  il 
conçoit  des  doutes  sur  celle  nouvelle  idole  à  laquelle  il  a 
tout  sacrifié  :  son  bonheur,  ses  croyances,  son  bien-être.  Il 
admire  sa  jeune  malade,  la  tuberculeuse  qui  se  soigne  en 
buvant  de  l'eau  de  Lourdes  et  en  égrenant  son  chapelet  ; 
comme  elle,  il  se  demande  si  la  foi  du  charbonnier  n'est  pas 
plus  sûre  que  celle  du  savant.  La  scène  du  deuxième  acte, 
dans  laquelle  il  analyse  ses  doutes  en  présence  de  son  ami 
Maurice  Cormier,  est  une  des  plus  belles  qui  aient  été  portées 
au  théâtre  :  «  Le  [lenseur,  dit-il,  marche  sur  un  chemin 
«  jonché  de  cadavres  auquel  il  ajoute  souvent  le  sien  »  (>), 
et  cette  page  raytpelle,  en  intensité,  le  journal  de  Robert 
Greslou,  dans  le  Disciple  de  M.  Paul  Bourget. 

Les  personnages  qui  gravitent  autour  de  Donnai  sont  très 
ingénieusement  choisis.  Ci'est  d'abord  Louise,  sa  femme, 
figure  assez  insignifiante,  pour  qui  son  mari  est  toujours 
demeuré  indéchiffrable.  Elle  est  sur  le  point  de  le  tromper 
avec  le  psychologue  Maurice  Cormier,  à  qui  elle  va  conter 
ses  misères  ;  mais  elle  revient  complètement  dégrisée  d'un 
premier  rendez-vous  où  Maurice,  par  habitude  de  la  Sal[>é- 
trière,  n'a  su  voir  en  elle  qu'un  sujet  merveilleusement  apte 
k  une  expérience  scientifique. 

(1)   La  Nouvelle  Idole,  U,  5. 


^29 

C'est  aussi  la  petite  poitrinaire.  Elle  symbolise  la  foi, 
comme  Donnai  symbolise  la  science,  et  c'est  elle  qui  a  le 
beau  rcMe,  car,  quand  on  lui  annonce  qu'elle  est  perdue, 
elle  fait  courageusement  le  sacrifice  de  sa  vie  :  «  Me  croyez- 
')  vous  donc  trop  sotte,  s'écrie-t-elle,  pour  comprendre  que 
»  mon  mal  peut  amener  à  guérir  une  foule  de  gens?  Je 
»  voulais  être  sœur  de  charité  et  consacrer  ma  vie  aux 
»  malades.  Eb  bien  !  je  livre  ma  vie  en  gros  au  lieu  de  la 
»  donner  en  détail  »)(<)• 

Et  quelle  conclusion  M.  de  Curel  va-t-il  dégager  de  ce 
drame  ?  Le  problème  est  posé  :  un  savant  peut-il,  pour  une 
découverte  sublime,  sacrifier  quelques  existences?  D'ailleurs, 
ces  existences  sont  déjà  condanmées  par  suite  d'un  autre  mal 
et  il  y  va  de  l'intérêt  suprême  de  l'bumanilé  et  de  la  science. 
La  question  est  posée  sous  trois  aspects  différents  par  Donnât 
(2),  par  sa  femme  {^)  et  par  Maurice  Cormier  (4).  L'auteur 
la  résout  par  un  subterfuge  qui  vaut,  m  somme,  une  conclu- 
sion :  pris  de  remords,  Donnât  s'inocule  le  cancer  à  lui- 
môme  ;    il  se   sacrifie  à  la  nouvelle  idole   après  lui  avoir 


(1)  La  Nouvelle  Idole,  Hi,  5 

(2)  "S'il  est  permis  à  un  général  de  faire  raassjcrer  des  régiments  entiers  pour 
l'iionneur  de  la  Patrie,  c'est  un  préjugé  de  contester  à  uu  grand  savant  le  droit  de 
sacriliei  quelques  existences  pour  une  découverte  sublime  comme  celle  du  vaccin  de  la 
rage  ou  de  la  diphtérie...  »  I,  6. 

(3)  «  Je  ne  sais  pas  de  crime  plus  lâche!  Une  pauvre  petite  sans  parents,  sans 
personne  pour  la  défendre  !...  Pendant  cette  funèbre  course  entre  la  nature  et  l'art,  lu 
faisais  ton  métier  au  chevet  du  misérable  en  prescrivant  des  remèdes.  D'une  main,  tu 
cherchais  à  le  sauver  avec  la  sainte  terreur  d'être  trop  habile,  car  l'autre  l'avait  frappé 
à  murt...  Un  miracle  pouvait  survenir.  Invoque  l'hyslérie,  la  suggestion,  loul  le 
cortège  des  misères  nerveuses,  il  n'en  reste  pas  moins  établi  qu'on  voit  des  guérisons 
qui  frappent  de  stupeur  les  augures  tels  que  toi.  l\  fallait  compter  sur  un  miracle.  — 
Donnât  :  «  Je  n'en  avais  jamais  rencontré  ».  —  Louise  :  «  Les  aurais-tu  constatés 
p  ir  centaines,  va,  la  rag:  infertiali;  de  tout  expliquer  ne  se  serait  pas  déconcertée  pour 
si  peu...  >>  I,  (). 

(4)  (<  Vous  inoculez  le  cancer  à  des  paralytiques  généraux,  des  morts  anticipés,  chez 


sacrifié  les  aulrcs  :  »  Je  ne  crois  pas  en  Dieu ,  ilil-il,  mais 
»  je  meurs  comme  si  je  croyais  en  lui.  Voilà  d'où  uie  vient 
n  la  paix!  Ma  l'orce,  c'est  d'être  compris  par  cette  petite 
»  sainte  qui  tombe  à  mes  côtés.  Je  sens  qu'entre  elle  et 
»  moi  existe  une  parenté  mystérieuse  »  («).  N'est-ce  pas  là, 
semble-l-il,  la  condamnation  de  toute  une  doctrine? 

Nous  avons  insisté  sur  la  Nouvelle  Idole  parce  que, 
mieux  qu'aucune  autre,  cette  pièce  permet  d'étudier  la 
méthode  de  M.  de  Curel,  d'en  signaler  les  avaiilages  et 
aussi  les  défauts.  Il  est  certain  que  ce  procédé  d'analyse  est 
extrêmement  curieux  et  qu'il  fait  du  théâtre  une  école  dont 
tout  esprit  philosophique  ne  peut  que  tirer  intérêt  et  profil. 
Qu'il  soit  al)solument  neul',  qu'en  mainte  page  M.  de  Curel 
ne  subisse  pas  l'influence  d'Ibsen  et  un  peu  celle  de  Maeter- 
linck ,  nous  n'osons  le  prétendre.  Il  est ,  en  effet ,  peu 
d'écrivains  contemporains  que  le  grand  dramaturge  danois 
n'ait  marqués  de  son  empreinte:  c'est  chez  lui  qu'ils  ont 
découvert  ces  détraqués,  ces  cérébraux  où  s'exerce  leur 
esprit  aussi  avide  de  pathologie  que  de  psychologie.  Mais  ce 
qui  plait  dans  ce  théâtre,  c'est  que  le  symbole,  s'il  existe, 
est  le  plus  souvent  très  clair.  Sauf  l'Amour  brode,  dont  le 
sens  demeure  assez  obscur,  et  le  Repas  du  lion,  qui,  dans 
sa  dernière  partie,  étonne  et  déconcerte,  les  pièces  de  M.  de 
Curel  sont  faciles  à  suivre.  Les  [loinls  de  départ  sont  quel- 
quefois bizarres  :  tel,  par  exemple,  celui  de  la  Figuranle, 
où  nous  voyons  une  jeune  femme  consentir  à  jouer  auprès  de 
son  mari  le  rôle  de  mannequin,  de  figtiranle,  pour  permettre 
à  celui-ci  de  conserver  une  liaison  à  laquelle  il  veut  rester 
fidèle,  puis  s'attacher  à  lui  et  essayer  de  le  reconquérir  ;  tel 

lesquels  ne  vil  plus  qu'une  lueur  uu  Ibuci  iJe  l'œil;    vous   lirez  de  ces  loques  humaines 
un  enseignemenl  précieux,  et  ce  serait  un  crime.  Non,  vous  uvez  agi  dans  lu  plein  droit 
d'une  iuvesligalioM  que  j'admire..    »  La  Nouvelle  Idole,  5. 
(1)  Idem  .,  lU,  6. 


aussi  celui  des  Fossiles  :  iui  vieillard  iuibu  de  lurjugés  nobi- 
liaires qui  obliLçe  son  fils  mou ra ni  à  épouser  une  fenuiie  [)erdue 
pour  légilimer  un  enfant  cl  empêcher  ainsi  le  nom  de  dispa- 
raîlre;  tel  enfin  celui  de  l'Envers  d'une  Sainte:  une  jeune  fille 
dont  fami  d'enfance  se  marie,  qui,  par  dépit  et  par  jalousie, 
essaie  de  tuer  sa  rivale  et  va  ensevelir  ses  remords  dans  un 
couvent. 

Toutes  ces  situations  sont  évidemment  étranges  et  rares  : 
nous  sommes  plus  habitués  à  coudoyer  des  Giboyer,  des 
Maître  Guérin  ou  des  ducs  de  Septmonts  que  des  person- 
nages aussi  compliqués,  aussi  névrosés.  Mais,  une  fois  Ui 
point  de  départ  admis,  nous  ne  pouvons  que  nous  incliner 
devant  la  prodigieuse  maîtrise  de  l'analyste.  Nul  ne  sait 
mieux  décrire  une  âme,  en  faire  résonner  toutes  les  cordes, 
en  décomposer  tous  les  ressorts.  C'est,  comme  l'a  dit 
M.  Binel,  la  psychologi(!  appliquée  au  théâtre  ;  c'est  du 
Bourget  ou  du  Barrés  mis  en  dialogue  :  «  Je  suis,  écrit 
»  M.  de  Guvel,  dans  la  peau  de  mes  bonshommes,  indit'fé- 
«  renl,  quant  à  moi,  à  leurs  douleurs  et  à  leurs  joies.. .  Je 
»  laisse  parler  en  moi  les  personnages  que  j'ai  créés...  Je 
«  suis  impersonnel  par  rapport  aux  sentiments  »  (•). 

Ces  déclarations  nous  révèlent  un  curieux  état  d'esprit. 
Le  personnage  est  créé  :  il  faut  le  mouvoir,  lui  prêter  les 
mots  qui  conviennent  à  sa  situation,  les  théories  qui  se 
rapportent  à  son  caractère,  à  sa  façon  de  sentir  et  de  com- 
prendre. L'auteur  disparaît  derrière  lui,  ou  plutôt  ne  fait 
plus  qu'un  avec  lui.  Le  raisonnement  complète  l'œuvre  que 
l'imagination  vient  de  former.  M.  de  Curel  l'a  dit  très 
heureusement  :  «  L'imagination  est  la  reliure  d'un  livre  dont 
»  le  raisoimement  couvre  les  pages  ».  El  l'on  comprend  que 
ce   travail   ne    va  pas  sans  de  longues  rêveries,    sans   des 

(1)  Année  psychologique,  1894. 


'23-2 

heures  de  recueillcineiil  où  l'espril,  se  replie  sur  lui-même, 
où  la  pensée  s'abandonne,  suivant  les  nécessités  du  moment, 
aux  mystères  de  l'au-delà  ou  h  l'amertume  du  doute  philo- 
sophique. 

M.  de  Gurel  a  surtout  l'esprit  scientifique  :  il  nous  apprend 
que  sa  famille  voulait  faire  de  lui  un  ingénieur  et  qu'il  a 
passé  par  l'Rcole  Centrale.  Il  a  tiré  de  celte  discipline  intel- 
lectuelle une  précision  toute  mathématique  à  laquelle  il  faut, 
en  grande  partie,  attribuer  la  rigueur  de  ses  déduclions,  la 
logique  de  ses  enquêtes  morales  et  peut-être  aussi  une  cer- 
taine sécheresse  qui  l'abandonne  rarement  et  l'empêche 
d'obtenir,  auprès  de  la  foule,  le  succès  auquel  il  a  droit. 
Mais  où  il  excelle,  où  il  est  passé  maître,  c'est,  nous  le 
répétons,  dans  l'art  de  la  casuistique  :  à  lui,  les  cas  de 
conscience  compliqués,  les  âmes  inquiètes  et  torturées  (•); 
à  lui  les  demi-teintes  qui  dissimulent  nos  sentiments  et  nos 
pensées. 

Un  des  personnages  de  l'Amour  brode  dit  quelque  part  : 
«  Plus  l'âme  s'acharne  à  pénétrer  une  âme,  plus  celle-ci  se 
»  complique  et  s'éloigne  »  (2).  Toute  l'esthétique  de  M.  de 
Gurel  tient  dans  cette  phrase  :  à  force  de  promener  sur  une 
âme  la  loupe  ou  le  scalpel,  cette  âme  devient  plus  lointaine, 
plus  mystérieuse  :  <k  là,  les  obscurités  voulues  de  quelques- 
uns  de  ses  dénouements.  Au  début,  les  caractères  sont  assez 
simples,  puis,  à  l'analyse,  ils  se  compliquent,  s'éloigneiU  et 
s'estompent  dans  un  lointain  nuageux. 

Il  est,  chez  M.  de  Gurel,  une  autp'  influence  dont  nous  ne 
pouvons  négliger  de  parler,  c'est  l'influence  religieuse. 
J'ignore  totalement  quelle  a  été  sur  ce  point  l'éducation  du 
jeune  écrivain,  dans  quel  milieu  il  a  vécu,  (juels  ont  été  ses 

(l)Vuir,  pur  exempli;,  Jiili''  ildiis  l'IùiriTs  d'uni'  sainte  un  Gabrieile  dans 
l'Amour   brode. 

{•2)  L'Amour  brode,  U,  3. 


233 

maîtres  el  ses  conseils.  L'enquête  minutieuse  à  laquelle  l'a 
soumis  M.  Binet,  dans  son  Année  psychologique,  révèle 
bien  des  détails,  dont  quelques-uns  sont  singulièrement 
puérils  ;  mais  elle  garde,  sur  tout  ce  qui  concerne  les 
convictions  religieuses  de  l'homme  dont  elle  étudie  la  pensée, 
un  silence  absolu  et  un  peu  surprenant.  Aujourd'hui  surtout 
que  les  questions  de  dogmes  el  de  croyances  font  l'objet  de 
tant  de  préoccupations  légitimes,  que  des  écrivains  comme 
M.  Bourget  (i),  M.  fluysmans,  M.  Brunelière,  M.  Lemaître, 
semblent  se  rapprocher,  sinon  du  catholicisme,  du  moins 
d'une  sorte  de  piété  mystique  qui,  certainement,  est  un  des 
traits  les  plus  remarquables  de  ce  temps,  il  eût  été  intéres- 
sant d'être  renseigné  sur  le  Credo  que  professe  M.  de  Cur(>l. 
Cette  lacune  nous  étonne  d'autant  plus  que  les  pièces  dont 
nous  nous  occupons,  tantôt,  comme  l'Envers  d'une  Sainte 
ou  le  Bepas  du  lion,  nous  transportent  dans  un  milieu 
essentiellement  religieax,  tantôt,  comme  l'Amour  brode  ou 
la  Nouvelle  Idole,  l'ont  de  continuelles  allusions  aux  pré- 
ceptes et  aux  enseignements  de  l'Eglise.  On  sent  qu'à  la 
différence  de  certains  auteurs  qui  affectent,  avec  M.  Anatole 
France,  un  véritable  athéisme  littéraire,  M.  François  de 
Curel  est,  d'instinct,  attiré  vers  les  problèmes  religieux  ; 
il  a  dû  naître  au  sein  d'une  famille  très  pieuse,  dans  un  coin 
de  province,  au  fond  d'une  vieille  demeure  où,  depuis  des 
siècles,  se  sont  conservées  les  habitudes  de  foi  el  de  prière. 
La  description  qu'il  nous  fait  de  la  famille  Renaudin,  dans 
l'Envers  d'une  Sainte,  semble  prise  sur  le  vif  :  pas  un 
détail  n'est  oulré,  pas  un  mol  ne  peut  choquer  l'espril  le 
plus  timoré,  la  conscience  la  plus  scrupuleuse.  M.  de  Curel 
a  très  probablement  vécu,  très  jeune,  de  celle  vie  familiale  ; 


(1)  Vuir   suitoul  le  Disciple  ul,    ,i;ins  la  Rime  des  Deux-Mondes  lIn  15   janvier 
1899,  une  nouvelle  inlilulée  l'Echéance, 

10 


'234 

il  a  scnli  le  charnuî  infini  de  ce  recueillement  el,  à  l'âge  où 
la  pensée  Iriomphe  du  senliment,  il  a  gardé  un  souvenir 
1res  doux  de  ces  premières  années,  en  môme  temps  qu'un 
respect  —  qui  est  presque  de  la  foi  —  pour  lonles  les 
croyances  qui  l'ont  bercé. 

Le  mouvement  religieux  de  ces  derniers  temps  l'intéresse. 
Les  trois  premiers  actes  du  Rr^pas  du  lion  sont  un  lumi- 
neux exposé  de  ce  qu'on  a  appelé  le  socialisme  chrétien  : 
Jean  de  Sancy  développe  une  thèse  qui  semble  empruntée  ;i 
l'éloquence  de  la  chaire,  à  moins  que  ce  ne  soit  h  l'Ency- 
clique du  pape  Léon  Xlll  sur  la  condition  des  ouvriers.  Un 
mol  la  résume  et,  ce  mot,  nous  le  trouvons  dans  l'Evangile  : 
«  La  religion  seule  peut  faire  que  le  riche  donne  sans  orgueil 
•)  et  que  le  pauvre  reçoive  sans  humilialion  »  (•).  (l'est  la 
condamnation  de  cette  charité  officielle  ou  mondaine  qu'un 
autre  écrivain  du  Théâlre-Libre,  M.  Brieux,  a  si  spirituelle- 
ment raillée  dans  les  Bienfaiteurs  :  elle  se  manifeste  par  de 
vaniteuses  souscriptions,  par  d'habiles  réclames  déguisées 
en  somptueuses  aumônes,  par  toutes  ces  kermesses  el  ces 
fêtes  de  bienfaisance  où  l'oslenlalion  du  riche  se  dresse,  arro- 
gante et  hautaine,  au-dessus  de  la  misère  du  pauvre. 

Nous  avons  déjà  parlé  de  la  Nouvelle  Idole  :  c'est  peut- 
être  dans  cette  pièce  que  les  convictions  religieuses  de  M.  de 
Gurel  s'affirment  le  plus  nettement  :  le  personnage  que  préfère 
l'écrivain,  ce  n'est  certainement  pas  Donnât,  que  sa  vanité 
de  savant  conduit  au  crime;  c'est  encore  moins  le  psycho- 
logue Maurice  Cormier,  dont  l'athéisme  prétentieux  ne  peut 
soulager  aucune  soulîrance  ni  panser  aucune  plaie  ;  c'est,  à 
notre  avis,  la  petite  Antoinette  Milat  qui,  chaque  matin,  boit 
son  verre  d'eau  de  Lourdes  el  ne  demande  au  ciel  la  gué- 
rison  que  pour  consacrer  sa  vie  aux  i)aralytiques  et  aux 
infirmes. 

(1)  Le  liepas  du  lion...  UI,  1. 


L'idée  religieuse  (loQiine  dans  le  Ihéâlre  de  M.  François  de 
Gurel  :  elle  lui  donne  loule  sa  portée  en  même  temps  qu'elle 
en  exjilique  les  tendances  et  en  précise  le  sens.  Je  ne  crois 
pas  qu'un  écrivain,  à  l'exception  peut-être  d'Ibsen,  ait  osé 
développer  à  la  lumière  de  la  rampe  des  sujets  aussi  austères 
et,  il  faut  l'avouer,  aussi  peu  scéniques. 

Dans  ces  pièces,  dont  la  plupart  réussirent  peu,  nulle 
concession  n'est  faite  aux  spectateurs  ;  l'amour,  dont  vivent 
aujourd'hui  le  théâtre  et  le  l'oman,  en  est  presque  entière- 
ment absent  ;  c'est  tout  au  plus  si,  dans  i' Amour  brode, 
nous  voyons  esquissée  au  second  plan  une  intrigue  roma- 
nesque qui,  d'ailleurs,  se  terniine  par  un  drame.  D'adultère, 
il  n'(;st  pas  question,  si  ce  n'est  dans  la  Figurante,  et  nous 
ne  saurions  trop  remercier  M.  de  Ciirel  de  nous  épargner  les 
éternelles  redites  de  nos  auteurs  à  la  mode  :  le  rez-de- 
ciiaussée  discret,  l'hôtel  meublé,  les  cinq  li  sept,  les  désha- 
billages, les  flots  de  dentelles  et  les  corsets  rose  tendre. 

C'est,  nous  l'avons  dit,  un  ibéâlre  psychologique,  et  rien 
de  plus  :  une  àme  que  l'on  analyse  sans  se  laisser  un  instant 
distraire  par  les  détails  de  la  vie  extérieure,  par  ces  mille 
riens  où  se  complaît  le  pinceau  d'un  paysagiste  ou  l'œil 
exercé  d'un  peintre  de  mœurs.  Et,  de  là,  les  reproches  que 
l'on  adresse  à  M.  de  Gurel  :  Votre  œuvre,  lui  dit-on,  est 
obscure  et  difficile  ;  les  caractères  de  vos  personnages  sont 
laits  d'ombre  et  de  mystère  ;  vos  héros  discutent  à  perte  de 
vue  dans  des  discours  ou  des  dialogues  qui  relèvent  d'une 
revue  philosophique  bien  plus  que  de  l'art  théâtral  ;  vos 
dénouements  sont  indécis  et  peu  concluants  ;  vos  pièces  ne 
s'adressent  qu'à  un  groupe  restreint  de  dilettanti,  mais  elles 
ennuient  le  gros  public,  celui  qui  paye,  aurait  dilSarcey,  et  qui 
ne  demande  au  drame  qu'une  distraction  aimable,  un  passe- 
temps  de  quelques  heures. 

Pour  répondre  â  ces  objections,  il  faudrait  commencer  par 


1% 

poser  une  définilion  de  l'ail  dramalique,  el  celle  définiliou 
est  impossible  à  irouver,  car  chacun  de  nous  poursuil  au 
Ihéâtre  un  bul  el  un  idéal  différenls.  Ce  qui  plaîl  aux  habilués 
de  la  Comédie-Française  écliouerail  h  rAinbigu  ou  à  la 
Poi'le-Sainl-Marlin,  et  lel  drame  musical  Iriomplie  à  la 
Monnaie  ou  à  Munich,  qui  succomberait  devanl  les  abonnés 
de  notre  Académie  nationale  de  musique.  Le  théâtre,  pour 
nous  Français,  semble  être  avant  tout  un  délassement  :  tandis 
que  certains  peuples  du  Nord  s'y  rendent  comme  ils  iraient 
au  prêche,  pour  s'instruire  et  penser,  nous,  nous  y  cherchons 
le  repos  intellectuel,  la  détente  de  nos  facultés,  le  désir  de 
dérober  quelques  heures  aux  soucis  de  la  vie  réelle.  Bien 
qu'en  ait  dit  Alexandre  Dumas,  nous  avons  peine  à  y  voir 
un  enseignement  moral  :  les  spectacles  auxquels  il  a  accou- 
tumé nos  yeux,  l'adultère,  le  vice,  les  mauvaises  mœurs, 
tout  cela  a  peu  h  peu  perverti  notre  goût  et  déformé  notre 
jugement.  Nous  avons  perdu  cette  quiétude,  celte  tranquil- 
lité d'âme  qui  permellaienl  à  nos  ancêtres  d'applaudir  un 
Polyeucte,  une  Andromaque  ou  une  Athalie.  Nous  voulons 
des  tableaux  mouvementés,  des  convulsions  violentes,  tout 
un  raffinement  de  brutalité  et  de  luxure.  Aussi,  quand, 
comme  M.  de  Gurel,  un  auteur  dramalique  essaie  de  réagir, 
la  foule  ne  le  suit  pas  ;  il  veut  l'emporter  vers  le  pays  mysté- 
rieux de  la  méditation  el  du  rêve,  mais  elle  préfère  les 
lutteurs  des  Folies-Bergères  ou  les  niaises  grivoiseries  de  la 
Dame  de  chez  Maxim' s. 

Il  y  a  là  un  état  d'esprit  inquiétant  el  l'on  peut  prévoir  le 
jour  prochain  où  l'art  dramalique  sain  et  robuste,  tel  que 
l'ont  pratiqué  nos  vieux  maîtres,  disparaîtra  pour  céder  la 
place,  comme  au  temps  du  Bas-Empire  romain,  aux  bate- 
leurs, aux  danseuses  el  aux  athlètes.  C'est  un  honneur  pour 
quelques-uns  —  el  M.  de  Curel  est  du  nonibr(î  —  que  de 
n'avoir  jamais  souillé  leur  talent  ii  des  contacts  qui   désho- 


i>37 

noienl,  à  des  compromissions  qui  avilissent  :  «  Je  connais 
»  mes  défaiils,  écrivait-il  après  l'échec  de  l'Amour  brode, 
»  je  sais  qu'ils  sont  très  grands  ;  mais  j'espère  que  si  je 
»  succombe,  ce  ne  sera  pas  sans  honneur  »  (i). 

Ces  défauts,  nous  n'aurons  garde,  nous-niême,  de  les 
oublier  :  il  y  a,  dans  les  *  re[troches  que  l'on  adresse  à 
l'auteur  de  la  Nouvelle  Idole,  une  certaine  part  de  vérité. 
J'ai  signalé  déjà  ce  que  les  points  de  départ  de  ses  pièces 
présentent  d'invraisemblal)le  et  d'étrange  :  le  fait  principal 
d'où  tout  le  drame  découle  est  troi»  exceptionnel  pour  qu'il 
puisse  nous  intéresser  vivement  ;  nous  admirons  la  finesse 
des  détails,  la  logique  élroite  et  serrée  des  déductions,  la 
force  du  raisonnement  ;  mais  nous  voudrions,  au  début,  des 
situations  moins  compliquées,  des  cas  de  conscience  un  peu 
moins  spéciaux.  Jamais  ce  genre  de  pièce  ne  portera  sur  la 
masse,  car  celle-ci  procède  par  comparaison  ou  par  souvenir; 
or,  je  ne  crois  pas  que,  dans  la  vie  réelle,  il  nous  ait  été 
donné  de  fréquenter  ou  de  connaître  beaucoup  de  person- 
nages comme  le  duc  de  Ghanlemelle  des  Fossiles,  Gabrielle 
de  l'Amour  brode,  ou  Françoise  de  la  Figurante. 

On  peut  aussi  reprocher  à  M.  de  Gurel  —  et,  en  somme, 
cette  critique  se  confond  avec  la  précédente  —  de  créer  des 
caractères  dont  la  complexité  échappe  à  l'analyse,  de  se 
complaire  dans  l'examen  des  sentiments  alambiqués  et  confus  ; 
de  préférer  à  la  simplicité  et  au  naturel  tout  ce  qui  paraît 
un  peu  obscur.  Il  est  le  peintre  par  excellence  des  âmes 
enlénébrées,  comme  Georges  Rodembach  l'était  des  ciels 
gris  et  mystiques  de  Bruges-la-Morte.  Ses  personnages 
manquent  d'unité  ;  tous,  l\  force  de  se  pénétrer  et  de  s'étu- 
dier, se  transforment,  et,  si  l'on  n'y  prend  garde,  le  revire- 
ment   par   lequel    ils  passent    n'est    pas    sans   quelquefois 

(1)  Année  psychologique,  1894. 


438 

déconccrlcr.  Le  plus  souveiil,  les  causes  de  ce  revirement 
sont  indiquées.  C'est,  par  exemple,  un  phénomène  senti- 
mental qui,  se  produisant  à  Timproviste,  accélère  ou  ralentit 
les  battements  du  cœur  (i)  ;  c'est  encore  une  grande  pensée 
qui  traverse  subitement  l'esprit,  et,  après  bien  des  hésita- 
tions, parvient  à  s'imposer  (2)";  c'est  enfin,  comme  dans 
la  Figurante,  une  surprise  des  sens  qui,  brusquement 
sollicités,  réclament  leurs  droits  et  violent  les  conventions 
passées  dans  une  heure  d'indifférence  ou  d'accalmie. 

Mais  il  est  d'autres  pièces  où  ces  revirements  ne  s'expliquent 
pas  suffisamment  :  tels  l'Amour  brode  et  aussi,  h  un  degré 
un  peu  moindre,  le  Repas  du  lion.  Je  crois  que  Ton 
chercherait  vainement  dans  toute  la  liltéralure  contempo- 
raine une  âme  plus  impénétrable  que  celle  de  Gabrielle  de 
Guimont.  Elle  ne  vit  que  de  caprices  et  de  contradictions, 
passe  de  l'amour  au  mépris  et  à  la  haine,  se  reprend  à 
aimer  quand  on  croit  que  tout  est  fini,  puis  h  haïr  quand 
l'heure  du  mariage  approche  ;  finalement,  par  ces  revire- 
ments inexpliqués,  elle  pousse  au  suicide  le  malheureux  qui 
l'a  épousée.  Sans  doute,  M.  de  Curel  essaie  de  nous  faciliter 
la  compréhrnsion  de  cette  âme.  Gabrielle,  au  dire  d'un  des 
personnages,  est  une  coquette  froide  et  hautaine,  \\  l'imagi- 
nation maladive  et  surchauffée,  une  névrosée  chez  qui  un 
premier  mariage  avec  un  homme  plus  que  mûr  a  entretenu 
et  exaspéré  le  sens  du  romanesque,  en  même  temps  que  le 
besoin  d'être  aimée  d'un  amour  violent,  inédit,  étrange,  comme 
serait  celui  d'un  Manfred,  d'un  Hernani  ou  d'un  Werlher. 
Et  cependant,  Gabrielle  n'est  pas  seulement  romanesque  ; 
elle  est  dépravée,  elle  est  méchante,  et  c'est   ici  que  nous 

(1)  Voir  Julii;  Renaudin,  dans  l'Envers  d'une  Sainte  el  le  revirement  qui  se 
produit  chez  elle,  quand  elle  a[)[)rend  que  l'huranie  qu'elle  a  aimé,  et  pour  qui  elle  a 
sacrifli!  sa  vie  mondaine,  est  mort  en  prononçant  son  nom. 

(2)  Voir  les  Fossiles  el  le  revirement  de  Claire  de  Chanleraelle. 


239 

avons  peine  h  ne  pas  nous  égarer  dans  ce  dédale  de  passions 
el  de  sentiments  contradictoires.  Qu'elle  aime  le  flirt  à  la 
façon  de  Ninon  d'^  quoi  rêvent  les  jeunes  filles  ou  même 
de  la  Maud  de  M.  Marcel  Prévost ,  rien  de  mieux  ;  mais 
que,  sous  prétexte  qu'elle  est  riche  el  son  fiancé  pauvre, 
elle  exige  de  celui-ci  un  dévouement  dont  l'héroïsme  contine 
à  l'infamii'  ;  qu'elle  se  [ilaise  ii  briser  la  réputation  de  l'homme 
qu'elle  aime  pour  rapprocher  la  distance  entre  elle  vl  lui  ; 
qu'elle  s'écrie  dans  une  heure  d'exaltation  folle  :  «  Lorsque 
»  Charles  (le  fiancé)  m'apparaissail  comme  un  type  de 
»  merveilleuse  délicatesse,  j'étais  certaine  de  l'aimer  en 
»  dépit  des  actions  les  moins  avouables.  Parfois  môme  j'avais 
»  l'illusion  qu'il  serait  plus  {\  moi  s'il  se  séparait  du  monde 
»  par  une  infamie.  Posséder  un  paria,  n'esl-ce  pas  le  plus 
»  beau  rêve  d'une  âme  jalouse?  Hélas  !  quand  le  paria 
.)  existe,  la  jalousie  s'envole  el  une  pauvre  exallée  se 
»  lamente  sur  son  idéal  brisé...  (i);  »  qu'elle  tombe,  en 
un  mot,  dans  tout  ce  galimatias  digne  des  Aramintes  et  des 
Cathos,  alors  nous  ne  comprenons  plus,  nous  nous  perdons 
dans  les  ténèbres  d'une  philosophie  plus  nuageuse  que 
celle  de  Schopeiihauer  ou  de  Nietzsche,  et  nous  regrettons 
les  caractères  si  harmonieux  d'une  Monine,  d'une  Bérénice 
ou  d'une  Andromaque. 

Qu'il  l'ait  voulu  ou  non,  M.  de  Curel  a  fait,  de  l'Amour 
brode,  une  pièce  presque  inintelligible,  et  ce  défaut  provient 
surtout  de  ce  qu'il  a  compliqué  a  plaisir  l'âme  de  sa  princi- 
pale héroïne.  Le  Repas  du  lion  peut,  dans  une  certaine 
mesure,  encourir  le  même  reproche.  Toute  la  pièce  repose 
sur  un  changement  de  caractère.  Jean  de  Sancy,  après  une 
enfance  indépendante  et  maladive,  dans  une  heure  d'enthou- 
siasme  mystique  el   aussi  pour  expier  une   mort  dont  sa 

(1)  L'Amour  brode,  iii,  '2. 


2i.O 

lét!,('rrlé  a  ôl(''  la  cause  (i),  a  juré  do  consacrer  sa  vie  aux 
ouvriers.  Il  csl  parti  pour  Paris,  el,  là,  il  mène  une  existence 
(Tapôlre,  distribuant  ses  revenus  aux  pauvres,  fondant  des 
maisons  de  refuiçe,  apportant  à  toutes  les  œuvres  sociales  le 
concours  de  son  éloquence  et  de  son  talent.  Il  est  devenu 
le  principal  artisan  du  mouvement  religieux  ;  le  [tape 
Léon  XIII  lui  prodigue  ses  encouragements  ;  les  cercles 
catholiques  d'ouvriers  n'ont  pas  d'orateur  plus  entraînant  et 
plus  zélé  ;  autour  de  lui  vient  se  grouper  toute  une  pléiade 
de  soldats  ;  «  le  membre  du  Jockey  y  coudoie  le  plus  humltle 
»  manœuvre  (2),  »  lui  dit  ironiquement  son  beau-frère,  le 
riche  industriel,  homme  d'action  [leu  enclin  aux  rêveries  du 
socialisme. 

Ce  que  proche  Jean  de  Sancy,  c'est  surtout  la  charité 
chrétienne,  la  loi  d'égaillé  et  d'amour  que  le  Christ  a  élevée 
sur  les  ruines  du  monde  païen,  et  II  peut  le  faire  sans  for- 
fanterie, puisque,  joignant  l'exemple  h  la  parole,  il  dépense 
en  aumônes  ou  en  fondations  les  immenses  revenus  que  lui 
procurent  ses  capitaux  placés  dans  l'exploitation  minière  de 
son  beau-frère.  Rien  d'ailleurs  d'excessif  dans  les  théories 
qu'il  développe  aux  ouvriers  :  son  socialisme  n'est,  en 
somme,  qu'un  appel  à  la  charité,  et,  si  certaines  expressions 
nous  effraient  (3),  nous  n'avons  qu'à  paixourir  tel  discours 
de  M.  de  Mun  ou  tel  article  de  M.  l'abbé  Naudel,  pour  en 
trouver  d'équivalentes,  sinon  de  plus  fortes  :  «  Les  pauvres, 
»  dii-il  (juelque  i>art,  loin  d'être  mes  obligés,  sont  mes 
»  créanciers  (''«).  »  Le  mot,  qui  peut  sembler  hardi,  résume 


(1)  Comparer,    dans   l'Envers  d'une    Sainte,  Julie  Ketuuuiin  qui,  elle  aussi,  pour 
expier  une  fuulu,  abandonne  le  monde  el  s'enl'urnie  uu  couvent. 

(2)  Le  liepas  du  lion. .  .,  m,   1. 

(3)  Eu  particulier,  ce  mot  qu'il  adresse  à  son  beau-frère   l'industriel  :  «  Nous  tuons 
))  des  hommes. . .   »,  m,  1. 

(4j  Idem. . .,  m,  7. 


241 

toule  une  Ihèse,  celle  du  droit  à  la  charité.  ;  mais  il  s'explique 
dans  la  bouche  de  Jean  de  Sancy,  puisque  celui-ci  n'a  voué 
son  existence  aux  pauvres  que  pour  payer  une  dette,  pour 
expier  la  mort  d'un  ouvrier,  tué  par  son  imprévoyance. 

Pendant  trois  actes,  le  caractère  de  Jean  se  maintient  ; 
puis,  tout  à  coup,  il  retourne  sur  lui-même,  se  transforme, 
s'éloigne,  et,  comme  celui  de  Gabrielle  de  Guimonl,  semble 
se  perdre  dans  le  dédale  des  complications  sentimentales. 
Nous  admettons  très  volontiers  le  revirement  au  théâtre, 
celui  de  Pauline,  dans  Polyeucte,  par  exemple;  mais  alors 
qu'on  l'explique.  Quand,  dans  la  vie  réelle,  un  homme, 
rompant  avec  son  passé,  élale  brusquement  des  convictions 
ou  des  habitudes  nouvelles,  nous  découvrons  tout  de  suite 
le  mobile  auquel  il  cède  :  ambition,  amour  ou  orgueil. 
Pourquoi,  dans  une  comédie  qui  n'est  que  la  peinture  de 
celle  vie  réelle,  en  serait-il  autrement?  Pourquoi  l'écrivain 
négligerail-il  de  nous  éclairer  sur  les  sentiments  intimes 
de  son  personnage?  C'est  ce  que  ne  fait  pas  M.  de 
Curel,  et  cette  lacune  est  regrettable,  car  nous  perdons  le  fil  de 
l'intrigue    et   ne    comprenons    qu'à    demi    le    dénouement. 

Jean  s'est  décidé,  au  4^  acte,  à  aller  porter  aux  ouvriers 
de  son  beau-frère  quelques  paroles  de  consolation  et  de 
charité.  La  grève  est  sur  le  point  d'éclater,  et  cinq  mille 
mineurs,  pour  obtenir  une  augmentation  de  salaire,  vont 
entrer  en  lutte  contre  le  patron.  Les  députés  de  Paris,  les 
mauvais  bergers,  sont  prêts  à  marcher  ;  ils  n'attendent 
qu'un  mot  pour  se  jeter  dans  la  lice  et  lancer  devant  eux 
ces  moulons  de  Panurge  dont  se  rit  leur  inviolabilité  parle- 
mentaire. Et  c'est  ce  moment  que  choisit  Jean  de  Sancy  pour 
lancer  à  ces  révoltés  des  paroles  de  haine  et  de  mépris. 
Il  leur  expose  une  pnrabole,  un  apologue,  le  repas  du  lion  : 
«  On  raconte  qu'au  fond  du  désert  des  nuées  de  chacals 
»  suivent  le  lion    pour  dévorer  le  reste    de  son    carnage. 


'24-2 

»  Trop  faibles  pour  attaquer  le  buffle,  trop  lenls  pour 
»  prendre  les  gazelles,  tout  leur  espoir  est  dans  la  griffe 
»  du  roi.  Dans  sa  griffe,  entendez-vous!  Au  crépuscule,  il 
»  quitte  son  repaire  et  parcourt  les  tavernes,  rugissant  de 
»  faim,  cherchant  sa  proie.  La  voici  !  Alors,  les  bonds  pro- 
»  digieux,  la  lutte  furieuse,  les  mortelles  étreintes,  le  sol 
«  rouge  de  sang,  d'un  sang  qm  n'est  pas  toujours  celui 
»  de  la  victime.  Puis,  le  festin  royal,  sous  le  regard  attentif 
»  (i  respectueux  des  chacals.  Lorsque  le  lion  a  le  ventre 
»  plein,  les  chacals  dînent.  Croyez-vous  que  ceux-ci  seraient 
>)  mieux  nourris  si  le  lion  partageait  sa  proie  en  autant  de 
»  morceaux  que  de  convives,  et  s'en  réservait  un  maigre 
»  quartier?  Pas  du  tout  !  le  lion  doucereux  ne  serait  plus  le 
»  lion  ;  à  peine  un  caniche  d'aveugle  !  Je  le  vois  s'arrêtant 
»  d'égorger  au  premier  cri  d'angoisse  et  léchant  les  plaies 
»  de  sa  victime.  Parlez-nous  d'un  animal  féroce,  ardent  à  la 
»)  curée,  ne  rêvant  que  meurtre  et  boucherie.  Celui-là,  quand 
»  il  rugit,  les  chacals  se  passent  la  langue  sur  les  lèvres. 
»  Le  superflu  du  lion  cruel  est  plus  abondant  que  le  néces- 
»  saire  du  lion  généreux  (<).  » 

Vous  saisissez  le  symbole  :  le  lion,  c'est  le  maître,  c'est 
l'industriel  qui,  des  reliefs  de  son  festin,  nourrit  des  milliers 
d'ouvriers  ;  plus  son  a[»pétit  est  féroce,  i»lus  les  miettes 
abondent  ;  il  accumule  l'or  et  ceux  qu'il  em[tloie,  les  chacals, 
ramassent  quelques  gros  sous.  C'est  la  lutte  terrible  du 
capital  et  du  travail,  chacun  réclamant  ses  droits  et  oubliant 
ses  devoirs  :  c'est  l'égoïsme  brutal  qui  se  substitue  à  la  loi 
d'amour  ;  c'est,  en  un  mot,  le  contre-pied  de  toutes  les 
théories  d'apaisement  qu'a  jusque-là  prèchées  Jean  de  Sancy. 
Par  quelle  crise  a-l-il  donc  passé  pendant  le  court  intervalle 
qui   sépare   le    ?{«    du   4«  acte  ?   L'auteur   ne   le    dit   pas 

(1)  Le  Repas  du  lion   ..,  iv,  3. 


'i4S 

assez  npltement,  et  il  faut  un  certain  effort  pour  dégager  les 
causes  secrètes  de  celle  brusque  évolution.  Par  bonheur,  le 
personnage  qui,  dans  la  pièce,  semble  le  porte-parole  de 
M.  de  Curel,  l'abbé  Paul  Charrier,  va  en  partie  nous  rensei- 
gner. Dans  une  scène  très  curieuse,  il  essaie  de  confesser 
Jean  de  Sancy  et  obtient  de  lui  quelques  demi-aveux.  Jean 
n'a  pas  la  foi  (<)  ;  'la  été  jeté  dans  la  lulte  religieuse  et 
sociale  par  un  fanatisme  tout  juvénile,  par  le  désir  d'expier 
une  faute  et  aussi  un  peu  par  ostentation  et  par  orgueil. 
Ses  succès  d'orateur  chrétien  l'ont  grisé  ;  il  a  recherché  les 
applaudissements  et  les  ovations,  comme  d'autres  poursui- 
vent les  flatteuses  jouissances  de  la  fortune  ou  du  pouvoir. 
Devenu  chef  d'un  parti,  il  s'est  composé  un  personnage,  il  a 
pris  un  masque.  Ses  paroles  ardentes,  pendant  un  temps, 
l'ont  convaincu  ;  puis,  il  s'est  pris  *d  douter  ;  le  vieil  homme 
—  indépendant  et  sauvage  —  lui  est  réapparu,  et,  franche- 
ment, au  risque  de  sa  vie,  il  a  laissé  déborder  son  cœur. 
C'est  ce  qu'expose  très  bien  l'abbé  Charrier  dans  ces  mots  : 
«  Saint  Paul  a  dit  :  «  Quand  je  parlerais  toutes  les  langues 
»  des  anges  et  des  hommes,  si  je  n'ai  point  la  charité,  je 
»  ne  suis  qu'un  airain  sonore,  une  cymbale  relentissante. 
»  Et  quand  je  distribuerais  tout  mon  bien  pour  nourrir  les 
»>  pauvres  et  que  je  livrerais  mon  corps  pour  être  brûlé,  si  je 
«  n'ai  point  la  charité,  loul  cela  ne  servirait  de  rien.  »  Dans  le 
»  langage  de  l'Eglise,  amour  et  charité  ne  fonlqu'un.  Vous 
»  avez  secouru  le  prochain  sans  l'aimer.  Aux  yeux  de  Dieu, 
»  vous  n'avez  rien  fait,  el,  vous  voyez,  les  hommes  s'aper- 
I)  çoivenl  que  le  rayon  divin  n'est  pas  sur  votre  front  •»  (2). 

(1)  Déjà,  à  l'acte  précédent,  il  disait  :  «  Mon  Dieu,  je  suis  un  misérable  tourmenlé 
»  par  le  duute,  sans  forcu  ni  consolation.  Je  raens  lorsque  j'affirme  que  vous  m'en- 
»  tourez  d'un  rempart  de  feu.  Ah!  qu'ils  doivent  être  invincibles  ceux  qui  croient 
))  vraiment  en  vous.  »...  UI,  7. 

(2)  Le  Repas  du  lion,  IV,  4, 


244 

V^)ilà,  je  omis,  la  philosophie  de  la  pièce  ;  voilà  coiumenl 
s'explique  le  leviremenl  de  Jean  ;  mais  ce  reviremenl  est  si 
subit  qu'il  ne  laisse  pas  de  déconcerter,  et,  quand,  un  peu 
plus  lard,  la  halle  d'un  gréviste  vient  frapper  le  jeune 
orateur  en  pleine  poitrine,  nous  restons  hésitants,  sans 
comprendre  le  sens  de  celte  mort,  sans  pénétrer  les  mysté- 
rieuses profondeurs  de  ce  dénouemenl.  A  luoins  pourtant 
que  M.  de  Curel  n'ait  voulu  flétrir  la  charité  mondaine  et 
bruyante,  pour  élever,  en  face  du  socialisme  révolutionnaire, 
la  croix  du  Chrisi,  hund>lement  et  simplemenl  portée  par 
l'ahbé  Jean  Charrier  (i). 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  aimerions  un  caractère  moins 
complexe,  une  nature  plus  simple  à  définir,  des  sentiments 
plus  faciles  à  classer.  M.  de  Curel  tombe  dans  son  défaut 

(1)  Un  de  nos  amis  nous  soumet  une  autre  interprélalioii.  D'après  lui,  le  Repas  du 
lion  ne  serait  que  l'apo'ogie  ou  la  juslificalion  de  la  grande  industrie,  représentée  par 
Georges  Boussard,  beau-frère  de  Jean  de  Sancy.  L'iiulushiel  a  des  droits  exhorbilanls  ; 
il  est,  en  quelque  sorte,  au-dessus  des  lois  humaines,  comme  le  conquérant  qui 
sacrifie  à  son  ambition  des  milliers  d'exislinces.  Que  l'ouvrier  ne  se  plaigne  pas:  la 
richesse  du  patron  est  pour  lui  une  garantie  de  prospérité  et  de  bien-être.  D'ailleurs, 
le  capital  et  le  travail  sont  deux  antagonistes  ;  au  patron  de  se  défendre  et  à  l'ouvrier 
d'obtenir,  par  tous  les  moyens  possibles,  même  par  la  grève,  le  salaire  le  plus  élevé. 
La  philanthropie  n'est  qu'un  leurre,  et  le  maître  a  le  droit,  s'il  se  trouve  assez  fort,  de 
ne  faire  à  ceux  qu'il  emploie  qu'un  minimum  de  concessions  et  d'avantages. 

Quant  au  revirement  de  Jean  de  Sancy,  voici  comment  on  l'explique  :  Entre  le  3'  et 
le  4«>  acte,  Jean,  accompagné  par  son  beau-frère,  a  visité  l'usine  ;  avec  sa  nature 
ardente  st  sa  sensibilité  de  névrosé,  il  s'est  laissé  séduire  par  l'immense  effort  réahsé  ; 
il  s'est  pris  d'admiration  pour  cette  industrie  puissante  qui  transforme  le  sol  eu  lui 
arrachant  ses  produits.  Lui-même  le  dira  dans  son  discours  aux  ouvriers:  i<  Depuis  trois 
»  jours,  je  suis  à  Sancy  dans  le  trouble  et  l'émotion.  J'ai  vu  de  monstrueuses  machines, 
»  traversé  des  nuées  de  vapeurs,  pénétré  à  des  lieues  sous  terre...  J'ai  vu  des 
»  milliers  de  travailleurs  haleter  sur  des  lingots  ardents,  s'acharner  contre  des  blocs  de 
>»  minerais,  ramper  sous  la  panse  huileuse  des  machines  ;  eh  bien  !  toutes  ces  haleines 
))  gémissantes,  ces  regards  sans  joie,  ces  peaux  noires  ne  m'ont  pas  donné  l'idée  d'un 
»  labeur  aussi  âpre,  aussi  désespéré  que  celui  de  votre  chef.  Son  effort  résume  tous 
»  les  vôtres  ;  il  est  un  créateur,  cl  devant  l'immensité  de  sa  conception,  avant  tout, 
»  j'admire  »  (IV,  3).  Bref,  Jean  s'aperçoit  que,  jusquo>là,  il  n'a  vécu  que  dans  le  rêve, 


^245 

habiluel  :  la  recherche  un  peu  excessive  de  tout  ce  qui  est 
rare,  subi  il  et  curieux. 

Il  est  enfin  un  aulre  reproche  que,  loul  récemment  encore, 
à  propos  de  la  Nouvelle  Idole,  nos  critiques,  M.  Doumic, 
en  particulier,  dans  la  Revue  des  Deux  Mondes,  ont  pu 
lui  adresser  :  c'est  de  ne  pas  conclm-e,  d'exposer  le  pom- 
et  le  contre  avec  une  égale  maîtrise  sans  que,  la  plupart  du 
temps,  il  soit  possible  de  dégager  l'idée  maîtresse  ou  la 
portée  morale  de  tel  ou  tel  dénouement.  Nous  pourrions 
peut-être  répondre  à  cette  critique  que,  dans  la  réalité, 
la  nature  ne  conclut  guère;  mais  nous  préférons  serrer  de 
plus  près  l'objection  et  essayer  de  la  réfuter.  Tout  d'abord, 
est-il  vrai  de  dire  que,  dans  la  Nouvelle  Idole,  M.  de 
Gurel  ne  conclut  pas  ?  Sans  doute,  nous  n'y  trouvons  pas, 
comme  chez  Dumas  ou  Augier,  un  personnage  qui  se  charge 
de  résumer  la  pensée  de  l'auteur,  et  de  tirer,  au  dernier  acte, 
la  conclusion  philosophique  de  la  pièce.  Ce  procédé,  fort 
à  la  mode  sous  le  second  Empire,  est  aujourd'hui  un  peu 
vieilli  ;  d'ailleurs,  si  l'on  peut  encore  l'employer  dans  une 
étude  de  mœurs,  comme  le  sont  les  comédies  de  Dumas  et 
celles  de  M.  Brieux,  il  serait  déplacé  dans  des  drames  où 
l'analyse  du  cœur  humain  doit  seule  attirer  l'attention.  Mais 
qu'on  lise  attentivement  chacune  des  pièces  de  M.  de  Curel, 

et,  incupablu  de  dissiiûuler  sa  pensée,  il  rompt  brusquement  avec  les  théories  de 
charité  et  d'apaisement  que  lui  dictait  une  vague  religiosité.  Il  préconise  le  dogme  de 
la  lutte  pour  la  vie,  réclame  à  haute  voix  les  droits  du  patron,  cl  lomlie,  au  5"  acte, 
victime  de  sa  Iranchise  brutale. 

Celle  interprétulioii  est  ingénieuse  :  nous  lui  reprochons  de  ne  tenir  aucun  compte 
du  rôle  —  très  important  pour  nous  —  de  l'abbé  Churiier.  C'est  lui,  en  efl'el,  qui,  en 
s'appuyaiil  sur  le  texte  de  saiiil  Paul,  semble  dégager  toute  la  philosophie  de  la  pièce. 
Jean  n'est  qu'un  virtuose  de  la  charité  ;  il  n'a  pas  la  loi  qui  seule  peut  résoudre  les 
questions  sociales  ;  entre  son  dilettantisme  mondain  et  l'anarchisme  pratique  de  Uobert, 
il  n'y  «  place  que  pour  la  morale  de  l'Evangile  enseignée  \)i\v  l'abbé  Charrier.  Jean 
succombe,  parce  qu'il  ne  croit  pas.  C'est,  pour  nous,  le  seul  moyen  d'expliquer  le 
dénouement. 


^246 

et  Ton  en  saisira   bien  viUî   l'idée  maîtresse.    Nous   avons 

suffisamment   parlé   de  la  Nouvelle  Idole,   pour   qu'il  ne 

soit  pas   nécessaire  d'y  revenir.  La  conclusion  morale  ne 

se  dégagc-t-elle  pas  de  cette  scène  où  Donnât  s'inocule   h 

lui-même  le  vaccin  du  cancer,  et   n'esl-elle  pas  tout  entière 

dans  ces  mots  qu'il  adresse  à  sa  i'emme  :  «  Tous  les  mêmes  : 

»  Maurice,  moi,  des  gens  qui  contemplent  de    haut  l'humble 

»  humanité,  nous  ne  voyons  pas  ce  qu'un  enfant  verrait... 

»>  Il  n'est  plus  question   d'orgueil  entre  nous,   n'est-pas? 

»  Je   puis  tout  dire  !    Cette  journée   est   atroce  !    Un    être 

')  s'agite  en  moi   qui    se   débat,    qui   meurt,    et   je    ne    le 

»>  comprends  pas  !    il   m'ordonne  le   sacrifice,  je  trouve   le 

»  sacrifice  une   chose  monstrueuse,  et  je  me   lue  !  Ma  fin 

»»  est  idiote  !  Tomber  en  martyr  quand  on  n'a    pas  la    foi  ! 

»  Parader  devant  le  néant  (*)  !  »  L'antithèse  entre  la  science 

et  la  foi,  entre  le  néant  de  l'une  et  la  Iranquilité  d'âme  que 

l'autre  procure,  n'est-ce  pas  \i\  la  pensée  qui  domine  et  vers 

laquelle  tendent  toutes  les  péripéties  du  drame? 

Sans  doute,  dans  une  de  ses  lettres  à  M.  Hinel,  M.  de 
Curel  écrit  :  «  Je  suis  impersonnel  par  rap[)orl  aux  sentiments 
de  mes  personnages  ;  »  mais  nous  croyons  qu'il  s'abuse. 
Peut-être  quand  il  commence  son  travail,  cherche-t-il,  en 
effet,  à  se  montrer  indifférent  ;  à  soutenir,  comme  on  le  lui 
reproche,  le  pour  et  le  contre  ;  mais,  malgré  lui,  il  cesse 
bientôt  d'être  impassible  ;  le  cœur  l'emporte  sur  la  raison, 
et  il  prend  i)arti,  non  pas  bruyamment  comme  le  ferait  un 
Desgenais,  un  Olivier  de  Jalin  ou  un  Thouvenin  ;  mais 
discrètement,  dans  une  phrase,  dans  un  mol,. qui  ont  bienlôl 
fait  de  nous  dévoiler  ses  intentions  secrètes.  Lui-même  le 
reconnaît:  «Robert  des  Fossiles,  dit-il,  représente  une 
grande  partie  de  mes   idées,  «  cl   il   pourrait    en  dire    (oui 

(1)  La  Nouvelle  Idole UI,  2. 


aiilanl  de  l'abbé  Charrier  dans  le  Repas  du  lion,  de 
Noémie  Renaudin  dans  l'Envers  d'une  Sainte,  de  Françoise 
de  Renne  val  dans  la  Figurante.  On  a  cerlainemenl  lort  de 
lui  reprocher  de  ne  pas  conclure  :  loin  de  lii,  le  bul  auquel 
tendent  ses  pièces  est  toujours  nettement  indiqué  ;  quelquefois 
l'auteur  paraît  s'en  éloigner,  parce  que,  en  roule,  il  ainie 
à  se  distraire,  à  faire,  comme  on  dil,  l'école  buissonnière, 
ramassant  ç^  et  là,  une  fine  observation  ou  une  sublile 
pensée  ;  mais  jamais  il  ne  perd  de  vue  le  dénouement  auquel 
il  veut  nous  conduire  —  et  ce  dénouement,  sauf  de  très 
rartes  exceptions,  est  logique  comme  une  équation  d'algèbre 
ou  un  théorème  de  géométrie  ! 

Faut-il  maintenant  parler  du  style  de  l'écrivain  ?  Il  est 
singulièrement  expressif  dans  sa  précision  souvent  mathé- 
matique :  les  discours,  quelquefois  un  peu  longs  où  les 
personnages  exposent  leurs  thèses,  se  terminent  toujours  par 
une  formule  incisive  qui  les  résume  et  les  impose  :  c'est  là 
un  procédé  qui,  pour  élre  emprunté  à  l'art  oratoire, 
n'en  convient  pas  moins  à  des  pièces  où  les  discussions 
philosophiques  tiennent  une  si  large  place.  Bref,  le  ihéâlre 
de  M.  de  Gurel  est  un  théâtre  écrit,  et  nous  devons  lui  en 
savoir  un  gré  infini,  par  ces  temps  de  vaudevilles  ou  d'opé- 
rettes plus  ou  moins  malvenus.  Certaines  pages  sont  môme 
du  pur  lyrisme  :,on  y  sent  une  âme  vibrante,  enthousiaste, 
qui  se  laisse  griser  par  l'éclat  du  verbe  ou  par  la  sonorité 
d'une  belle  période.  Lisez,  dans  les  Fossiles,  l'apologie 
de  la  vieille  noblesse;  dans  la  Nouvelle  Idole,  l'image  des 
nénuphars,  et,  dans  le  Repas  du  lion,  la  parabole  qui 
sert  de  titre  à  la  pièce. 

En  résumé,  ces  qualités,  et,  un  peu,  ces  défauts,  ont  valu 
à  M.  de  Gurel  d'occuper  une  place  importante,  une  des 
premières,  parmi  nos  jeunes  auteurs  dramatiques.  Cette 
place,   nous  essaierons   de  la  préciser  quand  nous   aurons 


i48 

passé  très  rapidemenl  en  revue  les  sept  pièces  qui  compo- 
sent son  théâtre.  Parmi  elles,  plusieurs  nous  sont  suffisam- 
ment connues  ;  notre  examen  sera  donc  facilité  par  les 
développements  qu'elles  nous  ont  déjîi  fournis  dans  la  pre- 
mière partie  de  ce  travail. 

L'Envers  d'une  sainte  est  l'œuvre  de  début  :  ce  n'est 
ni  la  moins  curieuse,  ni  la  moins  fouillée.  L'auteur  met  en 
linnière  deux  idées  :  la  première,  qu'il  reprendra  plus  tard 
dans  l'Invitée  et  sur  laquelle  nous  avons  déjà  insisté,  c'est 
que  l'absence  produit  dans  l'âme  une  sorte  de  déformation 
morale,  atténuant  ou  ravivant,  suivant  les  cas,  la  sensibilité 
ou  l'entendement  ;  la  seconde,  c'est  qu'une  vocation  reli- 
gieuse ne  s'improvise  pas,  qu'une  jeune  fille  a  tort,  \\  la 
suite  d'une  déception  ou  d'un  chagrin,  de  s'enfermer  dans  un 
cloître  où,  nomade  entre  ciel  et  terre  (•),  elle  n'apporte  que 
des  illusions  perdues,  des  préoccupations  terrestres,  une 
vague  religiosité  qui  dissimule  à  peine  l'amertume  et  le 
dépit. 

Julie  Renaudin,  l'héroïne  de  L'Envers  d'une  Sainte,  est 
une  âme  singulièrement  noire  :  délaissée  par  son  fiancé  qui 
lui  a  préféré  une  autre  jeune  fille,  elle  se  venge  en  essayant 
de  tuer  sa  rivale.  Le  remords  la  prend  et,  brusquement, 
sans  réflexion,  elle  se  réfugie  au  Sacré-Cœur,  où  elle  reste 
dix-huit  ans.  Elle-même  avouera  plus  tard  sa  sécheresse  de 
cœur,  son  absence  de  vocation,  <{\  piété  froide  et  guindée  : 
«  Je  n'ai  jamais  pu  renoncer  ii  être  femme,  douloureuse- 
»  ment  et  humainement,  parmi  des  anges  qui  ne  me  compre- 
»  naient  pas  »  (-),  et,  plus  loin  :  «  Je  ne  suis  qu'un  fruit 
»  sec  de  la  vie  ».  L'honnne  {|u'elle  a  aimé  vient  à  mourir, 
et,    trouvant   l'expiation   sullisannnent    longue,    elle  se    fait 


(1)  L'Envers  d'une  sainte.  . .  M,  (>. 

(2)  Idem.  .  .    1,  3 


249 

relever  de  ses  vœux.  Elle  revient  au  pays  natal,  le  cœur 
aigri,  Tesprit  malade  ;  vingt  ans  d'obéissance  passive  ont 
accumulé  chez  elle  les  rancunes  et  les  haines.  Elle  n'a  point 
l'énergie  d'une  révoltée  et  cependant  elle  se  plaît  au  milieu 
des  ruines  qu'elle  crée  autour  d'elle.  Sa  mère,  sa  tante 
souffrent  de  son  humeur  bizarre,  de  sa  froideur,  de  son 
dédain  pour  toutes  les  pratiques  religieuses  au  milieu 
desquelles  a  toujours  vécu  leur  piété  un  peu  étroite.  Son 
ancienne  rivale,  qui  lui  a  si  généreusement  pardonné  son 
crime,  est  le  point  de  mire  de  toutes  ses  attaques  ;  elle 
cherche  à  l'atteindre  dans  ce  que  la  i)auvre  femme  a  de  plus 
cher  et  ne  craint  pas  d'employer  l'ascendant  moral  que  lui 
ont  donné  vingt  ans  de  professoral  pour  détourner  d'elle 
l'unique  enfant  qui  la  console  d'un  veuvage  prématuré.  Et, 
tout  cela,  par  dépit  de  ce  que  son  ancien  fiancé,  Henri,  a 
vécu  sans  penser  à  elle,  est  mort  sans  prononcer  son  nom. 
Au  fond,  sa  méchanceté  n'est  que  de  l'amour  déçu  (i);  ses 
larmes,  ses  rancunes  relèvent  de  l'hystérie,  et,  si  nous  étions 
dans  le  domaine  de  l'opérette,  nous  ne  verrions  en  elle 
qu'une  vieille  tîlle  incomprise  et  facilement  inflammable. 
Elle-même  le  reconnaît  bien  :  «  Je  mendie  les  miettes  du 
»  cœur  de  votre  père,  dit-elle  à  Christine,  d'un  cœur  qui  se 
'>  détournait  de  moi  et  me  laissait  vieillir  dans  l'abandon  «  (-), 
et ,  quand  elle  s'aperçoit  qu'on  l'a  trompée ,  que  son 
fiancé  lui  a  pardonné  sa  faute,  qu'en  mourant  il  lui  a  envoyé 
un  souvenir  ému,  alors  elle  reconnaît  son  infamie,  regrette 
sa  méchanceté  et  n'a  plus  qu'un  désir  :  réparer  le  mal  qu'elle 


(i)  «  Je  heurte  à  chaque  pus  ce  raurl. .  .  Il  m'environne,  il  m'affole!  Au  point  que 
1)  moi,  une  chaste  fille,  une  religieuse,  dont  la  pensée  fuyait  jusqu'au  soupçon  Je 
»  certaines  choses,  quand  Jeanne  m'a  menée  dans  la  chambre  où  il  a  rendu  l'âmi.', 
1)  pendant  que  je  priais  au  pied  du  lit,  j'entendais  diis  baisers  d'époux  passer  dans 
Il  l'air,  où  tlottait  encore  son  dernier  soulûe. . .  »  U,  1, 

{'2)  L'Envers  d'une  sainte.       HI,  2. 

17 


a  conscience  (l'avoir  [terpélré.  Coinine  cliAliincnl,  elle  iTlourne 
s'ensevelir  au  Sacré-Cœur  :  «  Vous  savez,  dii-elle,  quand  je 
')  commels  un  crime,  c'est  au  couvent  que  je  l'expie  »  (•). 

Julie  est  l'àme  de  toute  la  pièce  et  les  aulres  personnages 
n'ont  pour  but  que  de  mettre  son  caractère  en  relief.  Sa 
lanle  Noémie  et  sa  mère,  M'"^  Renaudin,  font  contraste  avec 
elle  :  leur  piété  n'est  point  tapageuse  et  ne  s'exhale  pas  en 
bruyants  transports  ;  elles  s'occupent  modestement  de  leurs 
œuvres,  font  la  charité  aux  pauvres,  président  les  réunions 
des  Enfants  de  Marie;  et  ce  coin  d'inlérieur  provincial,  très 
joliment  esquissé,  donne  l'impression  d'une  vie  très  douce, 
où  les  événements  deviennent  facilement  des  drames,  et  que 
ne  troublent  jamais  les  reproches  d'une  conscience  inquiète 

et  ravagée. 

*  * 

» 

C'est  aussi  dans  un  milieu  provincial,  ;i  h»  campagne,  au 
fond  des  Ardennes,  que  nous  transportera  les  Fossiles.  La 
mis(!  en  scène  est  saisissante.  Une  haute  cheminée  de  pierre 
domine  le  salon  principal  du  vieux  manoir  ;  les  panneaux 
sont  garnis  de  panoplies  et  de  trophées,  d'anciennes  armures 
et  d'arbres  généalogiques.  C'est  comme  un  château  féodal 
qui  se  dresse  au-dessus  de  notre  démocratie  égalitaire,  et, 
quand  nous  en  apercevons  les  hôtes,  nous  songeons  à  ces 
seigneurs  du  XIII«  siècle,  enraidis  par  leurs  vêtements  de 
fer,  figés  dans  une  hiératique  immobilité,  au  milieu  de 
leurs  bastions  et  de  leurs  tours.  El  cependant  ces  person- 
nages, qu'on  dirait  détachés  d'un  vieux  cadre,  ont  des  âmes 
d'aujourd'hui  ;  ils  sont  sujets  à  nos  faiblesses,  éprouvent  nos 
passions,  se  laissent  prendre  à  nos  fantaisies. 

Le  chef  de  la  maison,  le  vieux  duc  de  Chantemelle,  malgré 

(1)  L'Envers  d'une  Sainte...  IH,  5. 


251 

sa  vieillesse,  est  parti  faire  le  coup  de  feu  en  1870,  emme- 
nant avec  lui  toute  u'io  armée  de  paysans  et  de  fermiers, 
comme  ses  ancêtres  traînaient  à  leur  suite  le  ban  et  l'arrière- 
ban  de  leurs  vassaux.  Puis,  malade,  découragé,  il  est  renlré 
dans  ses  terres  :  alors  a  connnencé  pour  lui  l'existence 
mesquine  du  châlelain  désœuvré  ;  il  a  essayé  de  la  politique, 
mais  les  électeurs  lui  ont  préféré  un  vétérinaire  de  chef-lieu 
de  canton.  Ses  grands-parenis  ont  servi  la  France  comme 
ministres  ou  comme  généraux  :  lui,  il  en  est  réduit  à  traîner 
son  désœuvrement  dans  les  cbasses-h-courre  ou  dans  les 
cercles  des  villes  voisines.  Hautain  et  autoritaire,  il  im[)Ose 
sa  volonté  à  tous  ceux  qui  vivent  auprès  de  lui  :  c'est  un 
despote  à  la  main  de  fer,  un  Louis  XIV  au  petit  pied,  im  de 
ces  tyrans  domestiques  comme  pouvait  l'être  le  père  de 
Chateaubriand ,  tel  qu'il  revit  {\  travers  les  Mémoires 
d'outre  tombe.  Son  tîls  Robert  meurt  de  consomption  au 
milieu  d'une  température  de  neige,  dans  ce  château  où  tout 
est  glacé,  depuis  le  sol  qui  l'entoure  jusqu'aux  omltres  qui 
l'habitent.  Cependant,  un  join*,  son  cœur  a  vibré  ;  il  s'est 
pris  à  aimer  l'institutrice  de  sa  sœur,  Hélène  Vatrin  :  l'ennui, 
l'oisiveté  ont  fait  le  reste  ;  bien  vile,  Hélène  est  devenue  sa 
maîtresse,  en  même  temps  que  la  malheureuse,  par  crainte 
autant  que  par  insouciance,  se  livrait  au  père  de  son  amant. 
M'"^  de  Chantemelle  a  cru  découvrir  cette  dernière  intrigue 
et,  sous  un  prétexte  quelconque,  elle  a  congédié  la  jeune 
tille.  Celle-ci  s'est  réfugiée  à  Paris,  où  elle  vient  d'être 
mère. 

Tel  est  le  point  de  départ  des  Fossiles,  tels  sont  les 
événements  qui  se  sont  déroulés  au  fond  du  vieux  château 
quand  le  rideau  s'ouvre  sur  le  l*^""  acte.  Quelle  pièce  M.  de 
Cure)  va-t-il  tirer  de  cette  situation  scabreuse  ?  Ehe  se 
résume  dans  cette  phrase  du  vieux  duc  :  «  Je  veux  un  pelil- 
»  fils,  je  le  trouve,  je  le  prends  »   et  dans   la  réponse  que 


252 

lui  fait  sa  femme:  «  Vous  le  ramassez!  »  (<).  Robert,  en 
effet,  meurt  d'un  mal  incurable  ;  les  médecins  lui  ont  prescrit 
le  Midi;  mais  il  est  condamné  et,  dans  quelques  semaines, 
dans  quelques  jours  [jeul-ôlre,  c'en  sera  fait  du  dernier  des 
Chanlemelle  et  d'un  nom  qu'ont  illustré  dix  siècles  de  gloire. 
Quand  ses  aïeux  mouraient  à  l'assaut,  lui,  il  agonise  dans  son 
fauteuil  de  poitrinaire,  mais  avec  une  fierté,  un  orgueil 
dignes  de  ses  ancêtres.  Moins  immobilisé  que  son  père  dans 
la  mélancolie  du  passé,  il  comprend,  en  effet,  le  rôle  de  la 
noblesse  contemporaine  et  il  s'en  va,  victime  de  cette  oisiveté 
hautaine  à  laquelle  il  se  sent  à  jamais  condamné  :  «  Dans 
»  notre  société,  lui  dit  sa  sœur,  à  quoi  sert  un  duc  de 
»  Chanlemelle  ?  Ambassadeur  d'une  République?  Non,  n'est- 
»  ce  pas  ?  Soldat,  oui,  en  temps  de  guerre...  Mais  en 
»)  temps  de  paix,  lieutenant  à  perpétuité  pour  tourmenter 
')  les  séminaristes  ou  arrêter  les  princes  pour  lesquels  ses 
»  aïeux  mouraient.  Belle  destinée!  Que  devenir?. ..  Tu  nous 
»  disais  :  Dans  n'importe  quel  salon,  je  suis  le  premier  ; 
»  mais  qu'y  a-t-il  plein  ces  salons?  des  hommes  qu'on 
M  n'écoute  plus,  exilés  dans  leurs  plaisirs  et  leurs  vanités, 
»  plus  loin  du  cœur  de  la  France  que  s'ils  habitaient  la 
.)  Chine  »  (2). 

Mais  une  idée  a  traversé  l'esprit  du  vieux  duc:  que  Robert 
épouse  Hélène  et  l'enfant  sera  légitimé,  et  un  nouveau  bour- 
geon éclora  sur  l'arbre  des  Chantemelle  :  «  Qu'importe,  à 
»  présent,  dit-il,  de  qui  est  l'enfant.  Il  est  de  notre  sang  et 
»)  je  n'en  demande  pas  davantage  «  (3).  Mais  Claire,  sa  fille, 
a  surpris  son  secret  et  découvert  les  relations  de  son  père  et 
d'Hélène.  Sa  conscience  ne  lui  [termet  pas  de  se  prêter  ^  une 
telle  infamie  :  elle  va  parl(!r,  renseigner  son  frère,  empêcher 

(1)  Les  Fossiles.  .  .  I,  9. 
02)  Idem...  11,  1.  ^ 

|3)  Idem...   I,  H. 


253 

d'un  mol  un  mariage  honteux  ;  mais  le  duc  ranôle  avant 
qu'elle  n'ait  lancé  ce  mot  irréparable.  Elle  aussi,  elle  est 
imbue  des  [iréjugés  nobiliaires  ;  elle  s'est  condamnée  au 
célibat  pour  augmenter  la  fortune  de  l'aîné,  lui  permettre  de 
faire  figure  dans  une  société  où  l'argent  passe  avant  les 
quartiers  de  noblesse.  Elle  traverse  une  crise  terrible  :  doit- 
elle  parler  ou  doit-elle  garder  le  silence?  doit-elle  sacrifier 
ce  quelle  croit  son  devoir  à  la  s[»lendeur  et  i\  la  perpétuation 
du  nom?  «  En  me  prenant  comme  complice,  dit- elle  b  son 
»  père,  vous  me  mettez  dans  une  situation  qui  dépasse  mes 
»  forces.  Je  demande  grâce. . .  Peser  une  formidable  respon- 
»  sabilité  avec  mon  ignorance  de  jeune  tille!  Quels  malheurs 
»  vont  s'abattre  sur  nous,  jusqu'où  s'étendra  ma  faute  si  je 
»  ne  préviens  pas  Robert?  »  (')<  Bref,  elle  se  laisse 
convaincre  ;  elle  ne  parlera  pas  et  le  miiriage  aura  lieu.  La 
scène  dans  laquelle  elle  expose  ses  angoisses  est  une  des 
plus  puissantes  qu'ait  écrites  M.  de  Gurel:  cette  lutte  atroce 
entre  deux  sentiments  également  respectables,  le  culte  du 
passé  et  l'appréhension  de  l'avenir,  est  exprimée  avec  une 
vigueur,  une  précision  qui  font  des  Fossiles  un  chef-d'œuvre 
de  vérité  et  de  pénétration. 

Tout  le  drame  repose  sur  le  caractère  de  Claire,  et, 
quand,  au  dénouement,  les  craintes  de  la  malheureuse  se 
transforment  en  réalités,  quand  Robert  finit  par  apprendre 
le  passé  de  la  femme  à  qui  il  a  donné  son  nom  et  meurt  de 
cette  soudaine  révélation,  c'est  encore  Claire  qui  apparaît, 
grandie  par  la  souffrance  et  par  l'expiation  qu'elle  veut 
s'infliger.  Elle  vivra  pour  élever  l'enfant  de  Robert  et 
d'Hélène,  pour  l'aider,  comme  elle  le  dit  «  à  traverser 
»  fièrement  la  vie,  pour  en  faire  un  honnête  homme  d'abord, 
a  et  quelque  chose  de  mieux,  un  homme  capable  de  mourir 
»  pour  des  idées  »  (2). 

(1)  Les  Fossiles...  Il,  8. 

(2)  Idem...,  IV,  «. 


254 

Le  caractère  de  RoborI  est,  au  dire  de  M.  de  Curel  lui- 
même,  un  de  ceux  auxquels  il  s'est  le  plus  vivement  attaché  : 
«  Robert,  dit-il,  représente  une  grande  partie  de  mes  idées  » 
et  ces  idées  nous  paraissent  justes,  équitables  et  sensées. 
Elles  tiennent  dans  ce  court  dialogue  qu'échangent  dans  la 
villa  de  Nice,  Hélène  et  son  mari  :  Robert  :  «  J'ai  des  raisons 
»  de  croire  que  ma  sœur  restera  fille  pour  que  le  futur  jeune 
«  duc  ait  une  tante  a  héritage  qui  le  dispense  de  dorer  son 
»  blason.  —  Hélène  :  C'est  précisément  ce  que  j'appelle  de 
»  l'orgueil.  —  Robert,  avec  roideur  :  Vous,  peut-être  ;  moi, 
»  pas.  ~  Hélène  :  D'après  vous,  qu'est-ce  que  c'est  ?  -- 
»  Robert  :  Une  fidélité  très  touchante  {\  un  ensemble  de 
»  souvenirs  que  tout  le  monde  abandonne. —  Hélène,  riant  : 
»  Alors,  elle  est  un  peu  naïve.  —  Robert,  sèchement  :  Elle 
»  et  moi,  s'il  vous  plaît —  L'honneur  de  l'humanité 
»  réside  dans  un  petit  nombre  d'abnégations^  ridicules 
»  quand  on  les  pèse,  sublimes  quand  on  les  sent  »  (i). 

C'est  là  un  langage  h  la  fois  noble  et  courageux.  Aujour- 
d'hui, en  effet,  dans  notre  rage  d(>  tout  détruire,  de  vouloir 
passer  le  niveau  sur  les  sentiments  et  les  caractères,  nous 
tombons  dans  d'étranges  exagérations  et  dans  de  criantes 
injustices.  Parce  que  nous  rencontrons  un  marquis  de  Presles 
ou  un  prince  d'Aurec,  nous  nous  plaisons  {\  généraliser,  à 
vanter  les  vertus  bourgeoises,  à  refuser  à  la  noblesse  toute 
générosité  et  toute  grandeur.  Nous  oublions,  pour  parler 
comme  Claire  de  Chantemelle,  «  que  ces  petits  marquis 
»  inutiles  qui  ne  savent  que  chasser  et  danser  »  {i)  seraient 
tout  [iréts,  le  cas  échéant,  îi  faire  leur  devoir  ;  que,  pour 
une  idée,  leurs  pères  se  sont  battus  à  Gastelfidardo  ou  à 
Patay,    cl   qu'eux-mêmes,   cédant  h  un  atavisme  peut-être 


(1)  Les   Fossiles. . .,  UI,   3. 

(2)  Idem...,  H,  i. 


255 

inconscient,  ils  courraient  {\  la  frontière,  sans  forfanterie   et 
sans  bravade,  dès  qu'elle  serait  menacée. 

Il  appartenait  à  M.  de  Cure!  de  prendre  la  défense  du 
•passé,  sans  toutefois  oublier  l'avenir.  Le  testament  de  Robert, 
qui  termine  la  pièce,  est  une  des  plus  belles  pages  qui  aient 
été  écrites  sur  la  noblesse,  sur  le  rôle  qu'elle  est  appelée  à 
jouer  dans  notre,  société  contemporaine,  sur  les  préjugés 
qu'elle  doit  vaincre,  sur  les  efforts  auxquels  elle  doit  tendre. 
Robert  s'adresse  à  son  fils,  le  futur  duc  de  Cbanlemelle,  et 
lui  demande  avant  tout  d'être  un  homme  moderne,  d'aimer 
son  temps,  d'en  comprendre  la  grandeur  :  «  Restons  dans  la 
»  tradition,  lui  dit-il,  en  payant  de  nos  vies  de  généreuses 
»  erreurs  i  affirmant  en  cela  le  devoir  d'une  noblesse  d'être 
»  imc  école  de  désintéressement,  montrant  le  chemin  à  son 
»  siècle,  audacieuse  d'esprit  et  dupe  de  cœur...  Avant 
»  qu'elle  disparaisse,  il  faut  que  ses  derniers  représentants 
»  laissent  la  même  impression  de  grandeur  que  les  gigan- 
»  lesques  fossiles  qui  font  rêver  aux  âges  disparus  »  (<). 

Nous  avons  plaisir  à  rester  sur  celle  apostrophe  grandiose 
qui  forme  comme  la  synthèse  du  drame,  comme  le  résumé 
des  passions  qui  s'y  agitent. 

Les  Fossiles  sont,  avec  la  Nouvelle  Idole  et  le  Repas  du 
lion,  le  chef-d'œuvre  de  M.  de  Gurel  ;  on  y  seul  une  convie- 
lion  ardente  mise  au  service  d'une  idée  simple  el  vraie.  La 
Comédie  française  doit,  dans  quelques  semaines,  leur  ouvrir 
ses  portes.  Qu'adviendra-t-il  d'eux  devant  les  habitués  un 
peu  guindés  de  notre  grande  scène  ?  Leur  hardiesse  brutale 
n'effraiera-l-elle  pas  la  timidité  discrète   des  abonnés,  et  tel 

(1)  Les  Fossiles...,  IV,  8.  Il  sembe  que  ce  tilre  :  les  Fossilles  ail  élé  suggéré 
à  M.  de  Curel  par  ce  porlrail  que  dessine  Balzac:  «  Elle  v  vait  dans  son  hôlel  comme 
»  si  Louis  XV  ne  fut  pas  mort,  et  ne  voyait  que  des  vieilles  femmes  et  des 
»  genlilshonimcs,  société  de  corps  fossiles  ou  je  croyais  être  dans  un  cimetière,  »... 
Le  Lys  dans  la  Vallée. 


-256 

d'cnlrt'  eux  qui  applaudit  à  rélôganl  sce|»li('isni('  de  M.  Mau- 
rice Dounay  ou  à  la  Iroide  immoralilé  de  M.  l^aul  Hervieu, 
ne  jeltera-l-il  pas  la  pierre  à  Claire  de  Chanlemelle  el  à  son 
frère,  quand  ceux-ci  heurleronl  de  front  ses  opinions  ou  ses- 
préjugés  ?  Nous  l'ignorons  ;  mais,  en  tous  cas,  nous  félici- 
tons la  Comédie  française  de  tenter  un  essai  qui,  s'il  réussit, 
fera  oublier  à  M.  de  Curel  l'échec  de  l'Amour  brode. 

*  * 

Une  autre  pièce  sépare  les  Fossiles  de  l'Amour  brode: 
c'est  llnvitée.  Le  i»oint  de  dé[)arl  de  ce  drame  est  assez 
difficile  à  admettre.  Après  quatre  ans  de  mariage,  Anne  de 
Grécourt  s'aperçoit  que  son  mari  la  trompe  avec  une  chan- 
teuse de  café-concert  ;  elle  ne  provoque  aucune  scène,  ne 
sollicite  aucune  explication,  mais  s'enfuit  en  Autriche  où 
elle  vit  pendant  seize  ans,  seule,  loin  des  siens,  sans  songer 
un  instant  aux  deux  filles  qu'elle  laisse  derrière  elle.  Son 
mari,  un  peu  abasourdi  d'un  départ  aussi  brusque,  croit  k 
une  aventure  galante,  h  une  de  ces  grandes  passions  qui, 
brisant  toutes  les  barrières  sociales,  font  des  malheureux  qui 
en  sont  atteints  des  sortes  de  parias  isolés  dans  leur  amour, 
mais  qu'aigrit  et  désole  bientôt  la  nostalgie  du  passé.  Puis, 
peu  à  peu,  M.  de  Grécourt  se  crée  des  habitudes  nouvelles; 
il  courtise  la  dame  de  pique  après  la  dame  de  cœur  ;  un 
jour,  enfin,  las  des  liaisons  faciles,  se  sentant  vieillir,  par 
économie  autant  que  par  hygiène,  il  se  prend  à  souhaiter 
un  intérieur  ;  une  obligeante  voisine.  M"""  de  Raon,  se 
trouve  veuve  juste  à  point  pour  venir  partager  avec  lui  le 
pot  au  feu  familial.  Les  filles,  élevées  ainsi  par  la  maîtresse 
de  leur  père,  ont  pris  bien  vite  des  manières  assez  déplai- 
santes ;  elles  n'ignorent  rien  de  la  situation  qui  leur  est  faite, 
des  spectacles  auxquels  on  expose  leurs  yeux  terriblement 
avertis.  Elles  ne  sont  pas  foncièrement  mauvaises,  mais  elles 


257 

le  deviendront  rapidement  si  une  main  charitable  ne  les  enlève 
à  ce  milieu,  l/une  d'elle,  Alice,  se  définit  ainsi  :  «  Au  fond, 
»>  que  sommes-nous  ?  Deux  orphelines  mal  élevées,,  pas 
')  dirigées,  le  cœur  sur  la  main,  la  parole  prompte,  Timagi- 
»>  nation  fertile...  Ressemblance  garantie,  hélas!  Grillant 
»  de  nous  marier,  livrées  ii  nos  seules  lumières,  nous  avons 
»  adopté  un  procédé  déplorable.  Attirer  les  jeunes  gens  à 
»>  force  d'originalité  ;  les  attirer,  ça  réussit.  Les  retenir, 
»  c'est  différent.  Ils  flânent  autour  de  nous  comme  devant 
»  une  parade  de  la  foire  ;  quant  à  entrer  dans  la  baraque, 
»  serviteurs  !  Nous  sommes  trop  amusantes  »  (').  Elles  ont, 
en  effet,  manqué  plusieurs  mariages,  et  leur  intimité  avec 
M™«  de  Raon,  leurs  habitudes  de  flirt,  leur  réputation  de 
demi -vierges,  tout  cela  n'est  point  lait  pour  attirer  ou, 
comme  dit  Alice,  pour  retenir  les  épouseurs. 

Leur  père  s'en  aperçoit  et  essaie  de  trouver  un  remède. 
Un  vieil  ami  de  la  famille,  Hector  Bravidois,  est  envoyé  fiar 
lui  en  négociation  auprès  de  M'"«  de  Grécourt  ;  les  enfants 
grandissent,  ils  ont  besoin  d'une  éducation  plus  complète  et 
moins  indépendante  ;  que  leur  mère  consente  à  les  recevoir, 
à  les  garder  près  d'elle  et  h  les  marier  à  l'étranger  ou  en 
France,  dans  le  cercle  de  ses  relations  mondaines.  M"«  de 
Grécourt  hésite  :  ses  filles,  elle  ne  les  connaît  môme  pas, 
puisque  depuis  seize  ans,  elle  a  quitté  le  domicile  conjugal  : 
«  Je  leur  porte,  dit-elle,  l'intérêt  qu'on  a  pour  les  enfants 
»>  d'une  amie  malheureuse  morte  depuis  longtemps  »  ('-).  De 
plus,  tout  en  restant  scrupuleusement  honnête,  elle  a 
contracté,  elle  aussi,  des  habitudes  qui  la  tyrannisent  ; 
vivant  seule  à  l'étranger,  elle  fait  ce  qu'elle  veut  et  reçoit 
qui  elle  veut  ;   va-l-elle   sacrifier   son    indépendance  à   des 


(1)  L'Invitée...,  U,    3. 

(2)  Idem...,  I,  3. 


"258 

enfanis  qui,  en  somme,  ne  lui  sont  rien,  et  commencer,  h 
près  de  40  ans,  une  existence  nouvelle,  faite  de  com[»lica- 
lions  et  d'imprévu  ?  —  et,  pour  qui  ?  pour  des  inditïérenls, 
des  égoïstes. 

Cependant,  elle  cède  ;  elle  consent  à  accompagner  Hector 
et  à  rentrer  en  France,  mais  k  une  condition,  c'est  que  son 
arrivée  ne  sera  annoncée  ni  h  son  mari  ni  à  ses  tilles.  Hector 
accepte,  et  c'est  en  étrangère,  en  invitée,  qu'elle  pénètre  dans 
la  maison  qui  fut  la  sienne  et  où  règne  aujourd'hui  en  souve- 
raine maîtresse  M'"«  de  Raon.  M.  de  Curel  a  voulu  décrire  ici, 
coiimie  dans  l'Envers  (l'une  Sainte^  les  effets  que  l'absence 
produit  sur  une  âme.  Nous  n'y  reviendrons  pas.  Disons 
seulement  que  M'"^  de  Grécourt  revoit  sans  une  émotion  et 
sans  une  larme  les  êtres  qu'elle  devrait  le  plus  chérir  ;  que, 
dan.^  la  sécheresse  de  son  cœur,  le  passé  lui  a[)paraît,  lointain, 
comuie  im  coin  perdu  au  fond  des  lénèl)res  de  sa  vie 
errante  :  «  Ne  trouvez-vous  pas,  dit-elle,  qu'après  des 
»  années  les  choses  qui  paraissaient  énormes  se  rapetissent 
»)  î\  être  des  taupinières  devant  lesquelles  on  est  confus 
d'avoir  eu  le  vertige?  »  (i)  Ses  lilles,  qu'une  indiscrétion  a 
renseignées,  se  jettent  à  ses  pieds,  et  si,  au  dénoument, 
elle  finit  par  céder  el  les  emmener  avec  elle,  c'est  par  un 
revirement  assez  subit  que,  pour  nous,  l'auteur  n'explique 
pas  suffisamment. 

De  plus,  le  caractère  de  M"^  de  Grécourt  nous  parait 
bien  complexe  :  par  moments,  on  croirait  que  sa  sécheresse, 
son  indifférence  ne  seraient  qu'une  feinte,  et,  qu'au  fond, 
sous  une  enveloppe  de  glace,  battrait  un  cœur'  amoureux  et 
jaloux.  Elle  décoche  à  M""»  de  Raon  et  ^  son  mari  des 
railleries  qui  ne  se  comprennent  guère  chez  une  femme 
aussi  détachée  qu'elle  prétend  l'être  de  tout  sentiment  el  de 

(1)  L'Invitée.  ..  11,  10. 


259 

toute  passion.  Ne  serait-elle  donc,  elle  aussi,  qu'une  amou- 
reuse incomprise,  une  humble  femme  que  la  curiosité  et 
surtout  un  reste  d'affection  ramènent  à  son  mari  ?  Et,  s'il 
en  est  ainsi,  que  devient  l'idée  maîtresse  de  la  pièce,  et  que 
veut  dire  M.  de  Curel  quand  il  affirme  avoir  voulu  y  étudier, 
comme  dans  l'Envers  d'une  Sainte,  les  efïets  de  l'absence? 
Il  y  a,  dans  toute  celte  intrigue,  un  peu  d'hésitation,  un  peu 
d'obscurité,  et  nous  aurions  voulu  que  l'écrivain  précisât  de 
façon  plus  nette  les  traits  de  son  héroïne. 

*  * 

L'hésitation!  l'obscurité!  c'est  surtout  h  l'Amour  brode 
qu'il  est  permis  d'adresser  cette  critique  Un  des  personnages, 
parlant  de  Gabrielle  le  fait  en  ces  termes  :  «  L'aimer,  tant 
»  qu'on  voudra.  La  pénétrer,  hélas  !  j'y  renonce  (>).  »  Nous 
pouvons  en  dire  tout  autant  de  celte  pièce  bizarre,  mélange 
de  vaudeville  et  de  drame,  qui,  par  certains  côtés,  rapi)elle 
Marivaux,  tandis  que,  par  d'autres,  elle  donne  l'impression 
d'une  œuvre  malsaine,  où  le  dévergondage  des  idées  confine 
de  bien  près  à  l'incohérence  ou  à  la  folie. 

L'Amour  brode!  c'est  le  travail  d'une  imagination 
dépravée  sur  le  cœur,  vieilli  avant  l'âge,  d'une  fennne  de 
trente  ans.  Adieu,  les  sentiments  naturels  et  sincères  !  ce 
qu'il  faut  â  Gabrielle,  c'est  la  comédie  de  l'amour,  c'est  le 
cliquetis  des  mots,  c'est  l'imprévu,  le  fin  du  fin,  le  caprice 
toujours  changeant  d'un  cerveau  mal  équilibré  et  d'un  esprit 
malade  (2).  Elle  est  de  la  race  des  précieuses,  et,  comme 
M'i«  de  Scudéry,  elle  aurait  pu  tenir  une  ruelle  où  seraient 
venus  ergoter  les  Trissotins  de  la    ville  et  des  faubourgs. 

(1)  L'Amour  brode. . .,  i,  1. 

(2)  «  Votre  amour,  ah  !  ouiche,  du  rouge,  du  bleu,  des  costumes,  des  tréte.iui, 
»  des  mots  fabriqués  plus  grand  que  nature...  Un  vaudeville  avec  l'idéal  pour 
»  souffleur...   »  L'Amour  brode,  ui,  10. 


260 

Si  (Micorc  L'Ile  se  borimil  au  romanesque,  mais  elle  est  avant 
loul  méchante  et  vicieuse  :  «  .le  suis,  avone-t-elle,  peu 
»  soucieuse  de  bien  des  clioses  respectables  et  trouve  un 
»  charme  intini  à  jouer  avec  le  feu.  Pourtant,  au  niilieu  de 
»)  mes  perversités,  subsiste  un  dégoût  i)rol'ond  pour  tout  ce 
»  qui  sent  la  bassesse  (•).  »  Amoureuse  d'un  pauvre  diable, 
elle  l'affole  par  ses  coquetteries  savantes;  elle  exige  de  lui  des 
dévoùments  héroïques  et  fous,  se  contredit  sans  cesse,  lui 
reprochant  tour  à  tour  sa  froideur  et  sa  brutalité,  le  criblant 
de  ses  sarcasmes,  jus(|u'à  ce  que  le  malhem'eux,  épuisé, 
demande  au  suicide  la  tranquillité  et  l'oubli. 

L'Amour  brode  ne  fit  que  traverser  la  scène  de  la  Comédie 
française  ;  la  pièce  échoua  et,  pendant  quelques  années, 
M.  de  Gurel  sembla  renoncer  au  théâtre.  En  1896,  il  prenait 
sa  revanche,  à  la  Renaissance,  avec  la  Figurante. 

Il  y  a,  dans  la  Figurante,  comme  deux  pièces  distinctes  : 
l'une  décrit  la  psychologie  d'un  homme  politique,  ambitieux 
assez  vulgaire,  qu'une  volte-face  habile  va  men^n*  incessam- 
ment au  pouvoir  ;  dans  l'autre,  nous  assistons  à  la  conquête 
d'un  mari  par  sa  femme,  figurante  qui  cherche  h  devenir 
premier  rôle. 

Le  point  de  départ  de  la  pièce  et  certains  tableaux  sont 
un  peu  choquants.  Parmi  les  persoimages  de  second  plan, 
nous  avons  peine  à  accepter  ce  vieux  savant  qu'intéressent 
et  amusent  les  intrigues  de  sa  femme,  dont  le  plus  grand 
plaisir  est  d'en  brouiller  les  écheveaux,  et  qui,  par  ses  complai- 
sances coupables,  vaudrait  h  M.  de  Gurel  bien  plus  qu'h 
Molière  l'apostrophe  virulente  de  Bossuet  :  «  On  réprouvera 
»  le  discours  où  ce  vigoureux  censeur  des  grands  canons, 
-  ce   grand   réformateur  des  mines   et  expressions  de  nos 

(Il  L,' Amour  brode...,  m,  3. 


261 

»  précieuses,  élale  cepenrlanl  au  plus  grand  jour  les  avan- 
»  lages  d'une  infâme  tolérance  dans  les  maris  (»).  « 

Les  deux  pièces  sont  reliées  Tune  à  Taulre  par  le  per- 
sonnage de  Françoise,  la  figurante,  et  par  celui  de  son 
mari.  C'est  un  assez  plat  politicien  que  M.  Henri  de  Renneval  : 
élu  des  conservateurs,  il  s'est  tourné  vers  la  gauche,  et 
cette  évolution,  tout  en  servant  ses  intérêts  politiques,  a 
quelque  peu  nui  à  ses  intérêts  mondains.  Les  salons  aristo- 
cratiques lui  ont  presque  fermé  leurs  portes;  ses  anciens 
amis  l'ont  traité  de  renégat  et  de  transfuge  ;  il  a  dû  se 
créer  des  relations  nouvelles,  et,  à  force  d'intrigues,  il  est 
parvenu  a  s'imposer  à  un  groupe  de  médiocres  qui,  à  la 
Chambre,  l'a  pris  pour  son  chef.  Il  a  pour  lui  deux  qualités  : 
d'abord,  il  a  un  nom,  ce  qui  est  intîniment  précieux  par 
ces  temps  d'égalité  et  de  démocratie  (2).  N'est-ce  pas,  en 
effet,  quand  nous  nous  abritons  derrière  les  immortels  prin- 
cipes de  1789,  qu'à  l'exemple  du  bonhomme  Poirier,  nous 
regrettons  le  plus  vivement  l'ancien  régime  et  tous  les 
hochets  qu'il  savait  otîrir  à  l'éternelle  vanité?  De  plus, 
M.  de  Renneval  a  une  table  que,  parait-il,  ne  dédaignent  pas 
ses  collègues  du  Palais-Bourbon  ;  les  vins  y  sont  abondants 
et  choisis,  les  cigares  viennent  directement  de  la  Havane, 
et,  dans  l'abandon  qui  suit   un  bon  repas,  c'est  un  plaisir 


(1)  Maximes  et  réflexions  sur  la  comédie.  C'est  de  ce  personnage  que  l'on  peut 
dire,  avec  sa  feinine  :  «  L'âme  de  eut  homme  renferme  un  redoutable  mélange  de 
»  grandeur,  de  curiosité  et  de  mépris  pour  toutes  les  conventions.. .  »  La  Figurante, 
I,  1.  Lui-même,  Tbéodore  de  Monneville,  s'anulyse  ainsi  :  «  Numéroter  des 
»  ossements,  classilier  des  sentiments,  sont  des  besognes  un  peu  parentes  j  la 
»  mémoire  d'un  vieillard  ressemble  à  un  musée  de  fossiles...  des  monceaux  de 
»  débris  aux  dates  incertaines  si  anciennes  qu'on  ne  s'apitoie  plus  sur  les  désastres 
»  passés...,  >i  Idem...,  il,  6, 

("2)  M>"°  Guillerand  :  «  C'est  énorme,  le  nom  !  La  République  ne  peut  pourtant 
»  pas  mellre  en  contact  avec  les  i;ours  étrangères  des  ramasseurs  de  bouts  de 
»  cigares...   »   Idem...,  Il,  tj. 


-26 'i 

toujours  nouvt'au  de  dnnolir  ou  d'éditier  un  minislère, 
charmant  juu  de  bascule  où  s'amuse  notre  parlementarisme 
dégénéré. 

Toutefois,  M.  de  Renneval  n'est  pas  complètement  heureux  : 
son  intérieur  de  céiibalaire  est  un  peu  froid  ;  ses  collègues, 
ainsi  qu'il  le  dit  lui-même,  «  le  traversent  comme  une 
»  auberge,  boivent  ses  vins,  fument  ses  cigares,  et,  à  la 
»  Chambre,  votent  pour  ses  adversaires  (•)•  »>  H  lui  faudrait 
une  femme  pour  égayer  ce  salon  un  peu  morose,  et  présider 
la  lable  en  vieux  chêne  du  déjeuner  officiel.  Par  ses  rela- 
tions, ses  papotages,  ses  cinq  à  sept,  ne  ferait-elle  pas 
pour  lui  beaucoup  plus  que  des  rei»as  où  Ton  s'ennuie,  un 
fumoir  où  l'on  échange,  au  milieu  des  flacons  finement 
ciselés,  des  propos  de  corps  de  garde  ou  d'écurie?  Plusieurs 
fois,  il  a  été  sur  le  point  d'arriver  au  ministère;  puis,  au 
dernier  moment,  ses  amis  l'ont  trahi,  et  11  s'en  est  pris  à 
son  célibat,  qui,  d'après  lui,  se  dresse  comme  un  obstacle 
devant  sa  carrière  politique.  Se  marier,  il  n'y  faut  point 
songer  !  Une  liaison  de  dix  ans  l'associe  ii  l\1"'"  de  i\lonneville 
par  une  chaîne,  sinon  d'amour,  du  moins  de  reconnaissance 
et  d'habitude.  C'est  elle,  en  effet,  qui  l'a,  en  quelque  sorte, 
façomié,  Ta  fait  naître  à  la  vie  parlementaire,  l'a  préservé 
des  tentations  mauvaises  et  des  contacts  salissants.  C'est 
elle,  enfin,  qui,  en  se  compromettant  pour  lui,  l'a  maintenu 
dans  une  société  d'où  l'aurait  fatalement  écarté  sa  trop 
brusque  évolution  vers  la  gauche.  «  Lorsque,  lui  dit-il, 
»  malgré  ma  famille  et  mes  relations,  je  me  suis  rallié  au 
»)  gouvernenrent,  sans  vous,  que  serait  devenue  ma  situation 
»  mondaine  ?  C'est  vous  qui  m'avez  maintenu,  im[tosé, 
»  remis  à  flot  dans  les  salons  ;  et  c'est  cela  qui,  à  l'heure 
«  présente,   fait   ma   singularité  et  n)a  force. ..,  je  suis  un 

(1)  La  Figurante.  ..,   ii,  7 


»)  des  députés  les  plus  écoulés,  sans  qu'on  m'en  veuille  \\ 
»  morl  parmi  les  miens  (i).  » 

Gel  aveu  peint  Renneval.  iNotre  homme  est  avant  tout  un 
ambitieux,  un  cœur  froid  qui  demande  h  la  femme  de  servir 
sa  vanité,  à  l'amour  de  masquer  son  égoïsme,  i<  l'amitié 
de  le  conduire  au  pouvoir.  Aussi,  quand  M°^«  de  Monncville 
lui  propose  une  combinaison  qui  doit  tout  concilier,  l'amour 
de  Tune  et  l'ambition  de  l'autre,  il  est  tout  prêt  h  accepter  ; 
peu  lui  importe  la  petite  infamie  à  laquelle  il  va  se  prêter  ; 
les  scrupules  ne  l'ont  jamais  troublé,  et  ce  n'est  pas 
aujourd'hui,  quand  le  but  se  rapproche,  qu'il  perdra  son 
temps  à  réfléehir  sur  l'inmioralité  des  moyens. 

La  combinaison  est  bien  simple  :  c'est  à  elle  que  veut 
recourir,  dans  Balzac,  la  duchesse  de  Chaulieu,  quand  elle 
projeté  de  marier  son  amant  à  Modeste  Mignon.  M^^  de 
Monneville  expose  elle-même  la  situation  :  a  U  m'est  arrivé 
»  de  rêver  quelquefois  à  une  solution  qui  contenterait  tout  le 
»  monde  :  vous,  moi,  et  une  jeune  fille  pauvre,  à  laquelle  on 
»>  ferait  un  sort.  Supposez  qu'on  lui  tienne  ce  discours  :  Vous 
»  connaissez  M.  de  Henneval,  aujourd'hui  député,  demain 
')  ministre,  il  voudrait  prendre  femme.  Voici  les  conditions  : 
»)  La  candidate  doit  consentir  à  n'être  dans  le  ménage 
'»  qu'un  mannequin,  une  figurante,  donnant  bonne  apparence 
»  dans  la  maison,  associée  à  son  mari  pour  les  affaires 
»  politiques,  résignée  ci  ne  tenir  aucun  rang  dans  sa  vie 
»  intime,  à  cause  d'une  liaison  à  laquelle  il  restera  fidèle. 
»  Voulez-vous  mener  une  existence...  simplifiée,  mais 
»  facile,  plutôt  que  de  croupir  dans  le  célibat?  Voulez-vous 
»  être  celte  figurante  ?  Eh  bien,  je  pense  que  80  pour  100 
»  des  jeunes  filles  sans  dot  h  qui  on  s'adresserait  accepteraient 
0  avec  reconnaissance  {^).  »  Le  pacte  est  conclu.  Fort  heu- 

(1)  La  Figurante .    ,,  i,  1. 

(2)  /de«i.. .,  I,  1. 


264 

reiisement,  vil  sous  le  m{^ino,  loil  que  les  Monneville  une 
jeune  nièce,  orpheline  sans  fortune,  qu'ils  onl  jadis  recueillie. 
Elle  connaît  la  liaison  de  llcnneval  et  de  sa  tante  ;  elle  en 
ressent  môme  un  vif  dépit,  car  elle  s'est  prise,  elle  aussi,  à 
aimer  l'élégant  député.  M™«  de  Monneville  lui  expose  ce  qu'on 
veut  d'elle,  le  rôle  qu'on  désire  lui  faire  jouer,  et  la  jeune 
tille  accepte. 

C'est  un  singulier  point  de  départ  qu'a  choisi  là  M.  de 
Gurel,  et  nous  croyons  qu'il  eût  pu  arriver,  par  une  voie 
moins  tortueuse,  à  l'étude  phsychologique  qu'il  se  proposait  de 
mettre  sous  nos  yeux  ?  Que  veut-il,  en  effet  ?  nous  faire 
assister  à  la  lutte  qu'engage  Françoise  ,  la  Figurante , 
contre  son  mari  et  une  rivale  qu'elle  exècre  ;  nous  montrer 
comment  la  petite  pensionnaire,  indifférente  et  froide  du 
P"^  acte,  se  dégèle  au  second,  et  emploie,  pour  vaincre, 
toutes  les  armes  qu'à  défaut  de  beauté  sa  jeunesse  et  sa 
coquetterie  se  plaisent  à  forger  ;  dépeindre  avec  une  rare 
précision  le  lent  travail  qui  s'opère  chez  M.  de  henneval, 
ballotté,  comme  le  sont  les  faibles  et  les  médiocres,  entre  un 
vieil  amour  qui  s'affaiblit  et  une  passion  nouvelle  qui,  chaque 
jour,  devient  plus  impérieuse.  Le  malheureux  n'a  pas  le 
courage  de  rompre,  et,  cependant,  il  se  roule  aux  pieds  de 
Françoise,  la  supplie  d'être  à  lui,  et  viole,  par  ses  désirs 
brutalement  exprimés,  le  pacte  de  honte  auquel  il  a  si 
lâchement  souscrit.  Françoise  a  su,  d'ailleurs,  le  prendre 
par  l'ambition  autant  que  par  les  sens  :  elle  a  transformé 
son  intérieur,  fait  taire  les  rivalités  politiques,  et,  par 
d'habiles  intrigues,  pu  entin  lui  [trocurer  le  portefeuille  des 
affaires  étrangères.  Et  pourtant  elle  se  refuse  toujours  :  elle 
aime  son  mari,  mais  l'idée  de  partage  lui  répugne  (i);  elle 

(1)  Françoise  :  «<  Oui,  j'ai  voulu  coïKjutîrir  Henri,  mais  pas  le  partager,  Indulgenle 
I)  .irniiî,  mon  honneur  me  permet  de  l'èlre;  rpouse  complais.iiite,  nmi  !  ...»  Lu 
Figurante.  .  .  11,  1 . 


265 

le  veut  il  elle  seule,  et  clic  ne  cédera  que  le  jour  où  celui-ci 
lui  aura  juré  d'abandonner  Vautre. 

Ce  jour  n'est  pas  loin  :  Henri  est  trop  faible  pour  se 
dégager  ;  mais  M"«  de  Monneville  s'aperçoit  vite  que  la  lutte 
est  inégale,  qu'un  jour  ou  l'autre,  elle  sera  brusquement 
délaissée,  et  elle  préfère  prendre  les  devants  :  elle  se  déclare 
vaincue  et  s'enfuit  avec  son  mari  étudier,  en  Grèce,  des 
gisements  géologiques. 

Et,  du  drame,  se  dégage  cette  conclusion  tirée  par  le 
viefux  savant  lui-même  :  «  Mon  enfant,  ce  qui  fait  la  supé- 
»  riorité  du  mariage  sur  les  autres  liens  de  fabrique  humaine, 
»  c'est  que  la  communauté  d'intérêts  précède,  suit  ou 
n  supplée  la  tendresse,  sans  que  l'orgueil  soit  mortellement 
»  blessé.  L'affection  est  flottante,  l'égoïsme  tenace.  Les 
»  mariages  d'amour  sont  rares,  et  les  bons  ménages  plus 
»  communs  qu'on  ne  pense.  Là  où  la  chèvre  est  attachée  il 
»  faut  qu'elle  broute  ;  le  sentiment  finit  par  glaner  où  la 
»  raison  moissonne  »  (i).  Si  nous  saisissons  bien  la  pensée 
de  M.  de  Gurel,  c'est  le  mariage  de  raison,  et  surtout 
d'intérêts,  dont  il  entend  faire  l'apologie  :  le  mari  et  la 
femme  sont  deux  associés  qui,  sous  une  raison  sociale, 
unissent  leurs  fortunes  et  leurs  intelligences  pour  se  procurer 
sur  la  terre  la  plus  grande  somme  de  bonheur  et  supporter 
à  frais  communs  les  tristesses  et  les  déboires.  C'est  là  une 
conception  bien  prosaïque  et  bien  étroite.  Elle  aboutit  à  ces 
mariages  d'argent  qui  cachent  aujourd'hui  tant  de  mésalliances 
et  de  compromissions  ;  elle  explique  le  nombre  toujours 
croissant  des  séparations  et  des  divorces  :  si,  en  effet,  l'on 
enlève  de  l'association  conjugale  le  dévouement,  l'affec- 
tion, l'idéal,  que  reste-t-il  le  plus  souvent?  Deux  étrangers 
qu'un  intérêt  vient  d'unir  et  qu'un  intérêt  contraire  va  bientôt 

-  (1)  La  Figurante .. ,  HI,  1, 

18 


%6 

séparer.  Nous  aurions  voulu  que  M.  de  Curel  s'élevât  ;i  une 
notion  plus  élevée,  disons  le  mot  :  plus  religieuse  et  plus 
chrétienne. 

C'est  de  cette  notion  qu'il  s'esl  rapproché,  dans  Le 
Repas  du  lion  et  dans  La  Nouvelle  Idole  :  de  ces  deux 
pièces,  nous  ne  parlerons  pas.  Nous  les  avons  déjà  minu- 
tieusement étudiées,  et  nous  ne  pourrions  que  nous  repéier 
en  signalant  de  nouveau  la  hardiesse  et  la  nouveauté  des 
théories  qui  y  sont  exposées,  la  haute  portée  philosophique 
de  sujets  auxquels  l'on  peut,  à  coup  sûr,  reprocher  de  n'être 
pas  scéniques,  mais  qui  n'en  sont  pas  moins  très  saisissants. 
Ces  deux  drames  sont,  avec  les  Fossiles,  les  œuvres  prin- 
cipales de  notre  écrivain;  celles  où  apparaissent  le  mieux  sa 
manière,  ses  procédés,  et  qui  permettent  de  lui  assigner  une 
place  d'honneur  parmi  nos  auteurs  contemporains. 

Sou  domaine  propre,  nous  l'avons  répété  bien  des  fois, 
c'est  la  psychologie,  c'est  l'étude  intense  et  pénétrante  de 
l'âme  humaine  —  et  c'est  par  là  qu'il  se  détache  de  la  riche 
pléiade  de  nos  jeunes  dramaturges.  A  M.  Brieux,  il  laisse 
l'observation  des  travers  et  des  mœurs  ;  à  M.  Paul  Hervieu, 
la  critique  souvent  trop  âpre  de  nos  institutions,  et,  en 
particulier,  du  mariage  ;  à  M.  Lavedan,  la  peinture  super- 
ficielle et  amusante  d'un  tout  petit  coin  de  Paris,  le  Paris 
qui  lait  la  fête,  qui  va  aux  courses,  qui  soupe  et...  qui 
s'ennuie  ;  à  M.  Maurice  Donnay,  le  brillant  persifflage  d'un 
esprit  toujours  eu  éveil,  plus  sensuel  que  sceptique,  plus 
insouciant  que  pervers;  à  M.  Rostand,  la  magie  funambu- 
lesque du  vers ,  l'imprévu  d'une  rime  que  l'on  dirait 
empruntée  à  Gautier  ou  à  Banville.  Son  théâtre  rappelle  un 
peu  celui  de  M.  de  Porto-Biche  ;  mais  il  en  diffère  par  un 
souci  de  l'analyse  que  n'a  jamais  connu  l'habile  auteur 
(l'Ainourtuse  et  du  Passé.  Les  personnages  de  M.  de  Porto- 
Riche  n'ont  guère,  en  effet,   que  des  sens  :  ils  n'ont  point, 


^267 

comme  Julie  Renaudin  ou  comme  Françoise  de  Renneval, 
des  âmes  compliquées  et  subtiles  dont  ils  se  plaisent  à 
étaler  le  mécanisme  ingénieux.  Ce  sont  des  impulsifs,  des 
névrosés  ou  des  violents,  auxquels  l'analyse  répugne  autant 
que  la  méditation  et  la  solitude. 

M.  de  (kirel  occupe  donc,  sur  notre  scène  française,  une 
place  qui  est  bien  {\  lui  :  il  l'a  conquise  par  un  travail 
persévérant  et  continu.  Sans  doute,  il  n'a  pas  encore  triomphé 
de  l'indifférence  de  la  masse  ;  mais  je  crois  qu'il  s'en  soucie 
peu.  Les  œuvres  durables  sont  celles  qui,  à  leurs  débuis, 
sont  les  plus  disculées  et  les  moins  comprises  ;  un  vaudeville 
bien  fait  a  plus  de  chance  de  conduire  son  auteur  à  la 
fortune  immédiate  qu'une  tragédie  dans  laquelle  un  Corneille 
mettrait  tout  son  génie,  ou  un  Racine  toute  sa  grâce.  Mais, 
tôt  ou  tard,  la  postérité  se  charge  de  rétablir  les  dislances: 
elle  ne  se  laisse  point  distraire  par  les  préoccupations  de 
l'engouement  et  de  la  mode  ;  ses  arrêts  sont  définitifs,  et 
c'est  devant  elle  qu'il  faut  en  appeler  des  faux  jugements  ou 
des  erreurs  littéraires.  M.  de  Gurel  a  eu  l'honneur  de 
produire  une  œuvre  forte  et  sincère,  loin  de  toute  réclame, 
dans  un  isolement  un  peu  hautain,  comme  il  convient  à  un 
gentilhomme  de  lettres,  qui  se  rit  de  la  foule  et  des  applau- 
dissements vulgaires. 

.1.  Gahier. 


DU    MARIAGE    DES    SOURDS 

EN   AMÉRIQUE  (ÉTATS-UNIS) 

Par  Édouard-Allen  FAY 
(Traduction  du  docteur  CHACHEREAU) 


Messieurs, 

Vous  m'avez  fait  l'iionneur  de  me  demander  le  compte 
rendu  d'une  enquête  sur  les  résultats  du  mariage  des  sourds 
en  Amérique  —  ou,  pour  parler  plus  exactement,  aux 
Etats-Unis  —  par  M.  Edouard-Allen  Fay. 

Cette  enquête  a  été  publiée  sous  les  auspices  et  avec 
l'assistance  pécuniaire  du  Bureau  Voila,  de  Washington, 
dont  la  mission  est  l'accroissement  et  la  diffusion  des  con- 
naissances concernant  les  sourds. 

Cette  enquête  a  été  commencée  en  1889  et  continuée  sans 
interruption  depuis  cette  époque.  Elle  a  porté  sur  4,471 
mariages  où  l'un  des  conjoints  au  moins  était  sourd  :  son 
but  essentiel  était  de  répondre  aux  questions  suivantes: 

1°  Les  mariages  de  sourds  sont-ils  plus  susceptibles  de 
produire  des  sourds  que  les  autres  mariages  ? 

2°  Les  mariages  dans  lesquels  les  deux  conjoints  sont 
sourds  sont-ils  plus  susceptibles  de  donner  naissance  à  des 
sourds  que  les  mariages  dans  lesquels  l'un  des  conjoints  est 
sourd  et  l'autre  normal  ? 

3«  Les  sourds  de  certaines  catégories  sont-ils  plus  pré- 
disposés que  d'autres  à  engendrer  des  sourds?  Comment 
sont  constituées  ces  catégories?  Quelles  sont  les  conditions 
qui  accroissent  ou  diminuent  cette  prédisposition  ? 

4®  Les  mariages  entre  sourds  ont-ils  plus  de  chances  d'être 
heureux  que   les   mariages   entre  un  sourd  et  un  normal  ? 


269 

Quelques  autres  points  d'intérêt  moindre  sont  également 
considérés. 

Je  suis  sûr,  Messieurs,  que  je  ne  pourrais  mieux  faire, 
pour  vous  donner  une  idée  de  ce  grand,  consciencieux  et 
instructif  travail,  que  de  vous  traduire  aussi  exactement  que 
possible  le  texte  du  Résumé  des  statistiques  et  conclusions 
par  lesquels  l'auteur  a  terminé  son  étude. 

Nous  préviendrons  seulement  que  :  l'appellation  de 
('  sourd  »  comprendra  tous  ceux  qui,  dès  leur  naissance, 
leur  enfance  ou  leur  jeunesse,  n'auraient  pu  être  élevés  dans 
des  écoles  communes  à  cause  de  leur  surdité.  —  Le  «  sourd 
congénital  »>  sera  celui  qui  n'a  jamais  donné  de  signes 
d'audition.  —  Le  «  sourd  accidentel  »,  celui  qui  est  devenu 
sourd  après  avoir  donné  des  signes  d'audition. 

RÉSUMÉ  DES  STATISTIQUES  ET  CONCLUSIONS. 

Les  plus  importantes  des  statistiques  présentées  dans  les 
précédents  chapitres,  et  des  conclusions  que  nous  en  avons 
tirées,  peuvent  être  résumées  comme  suit  : 

Mariages  aux  Etats-Unis  et  en  Europe. 

Les  mariages  de  sourds  sont  plus  communs  aux  Etals- 
Unis  qu'en  Europe.  Les  élèves  des  écoles  américaines  pour 
sourds,  qui  nous  ont  été  signalés  comme  mariés,  constituent 
23,1  °/o  du  nombre  total  des  sourds  qui  ont  fréquenté  une 
école  jusqu'^  1890,  et  la  proportion  actuelle  de  sourds  mariés 
est  probablement  beaucoup  plus  élevée.  De  tous  les  pays 
d'Europe  dont  nous  possédons  une  statistique,  le  Danemark 
seul  présente  une  proportion  aussi  élevée  que  23  Vo  ;  les 
autres  contrées  varient  de  12  à  7  %.  C.ette  fréquence  plus 
grande  des  mariages  des  sourds  aux  Etals-Unis  est  vraisem- 
blablement due  en  partie  à  l'absence  de  certaines  restrictions 
qui  entravent  plus  ou  moins  le  mariage  dans  la  plupart  des 


270 

pays  d'Europe,  en  partie  aux  condilions  de  vie  plus  favo- 
rables des  sourds  aux  Elals-Unis  et  à  leur  capacité  plus 
grande  d'y  entretenir  une  famille. 

Pendant   le  XîX^  siècle. 

Le  nombre  des  mariages  de  sourds  aux  Etats-Unis  s'est 
accru  rapidement  dans  le  cours  du  siècle. 

La  proportion  des  mariages  relevés  pendant  la  première 
décade  est,  au  total  des  mariages  pendant  le  siècle,  de 
0,020/0.  Pour  la  troisième  décade,  elle  est  de  0,18  "/o  et, 
dans  les  décades  suivantes,  cette  proportion  s'accroît  jusqu'il 
la  neuvième  décade,  où  elle  atteint  ^%1  %.  Nous  devons 
naturellement  tenir  compte  et  de  l'accroissement  de  la  popu- 
lation, et  de  ce  fait  que  les  mariages  des  dernières  décades 
ont  dû  être  plus  exactement  relevés  que  ceux  des  premières 
décades.  Cependant  la  rapide  progression  des  mariages  mise 
en  évidence  est  cei  tainement  due,  pour  une  grande  part,  à 
rétablissement  d'écoles  pour  sourds.  Non  seulement  les  occa- 
sions de  liaison  présentées  par  la  vie  de  l'école  favorisent 
le  mariage,  mais  l'effet  de  l'éducation  est  de  permettre  aux 
sourds  un  contact  plus  intime  avec  la  société  et  d'accroître 
leur  capacité  de  se  marier  et  d'entretenir  une  famille. 

Conjoints  sourds  et   normaux. 

La  grande  majorité  des  sourds  mariés  a  épousé  un  sourd 
plutôt  qu'un  normal;  la  proportion  des  mariages  dans 
lesquels  les  deux  conjoints  étaient  sourds  est  de  7"2,5  ^/o  ;  la 
proportion  des  mariages  dans  lesquels  un  conjoint  était  sourd 
et  l'autre  normal  est  de  20  %•  Cette  préférence  récipi'oque 
des  sourds  pour  le  mariage  a  été  expliquée  par  leur  confine- 
ment pendant  l'éducation,  qui  les  réunit  ensemble  dans  des 
internats  et  développe  l'iiabiliide  du  langage  par  signes.  Il 
n'est  pas  douteux  que  ce  continemenl  n'ait  été  la  cause  d'un 


271 

certain  nombre  de  mariages,  mais  il  n'a  pas  été  la  cause 
principale.  Ceci  est  bien  démontré  par  ce  fait  que  77  "/o  des 
sourds  qui  ont  fréquenté  des  demi-pensionnats  (day-schools), 
78  Vo  de  ceux  qui  étaient  exterues,  et  62  %  de  ceux  qui 
n'ont  suivi  aucune  école  spéciale  aux  sourds,  ont  épousé  des 
sourds.  La  cause  principale  qui  pousse  les  sourds  à  se 
marier  entre  eux  plutôt  qu'avec  des  normaux,  est  une  cause 
qui  atteint  ceux  qui  ont  été  élevés  dans  des  demi-pension- 
nats et  des  externats  (day  and  oral  schools),  ceux  mêmes 
qui  n'ont  fréquenté  aucune  école  spéciale  aux  sourds,  presque 
autant  que  ceux  qui  ont  été  internés  dans  un  but.  d'éduca- 
tion :  c'est  le  sentiment  profond  de  confraternité  et  de 
sympathie  qui  prend  ses  racines  dans  la  similitude  des  con- 
ditions de  tous  les  sourds,  quelles  que  soient  les  circonstances 
et  la  méthode  qui  ont  présidé  à  leur  éducation. 

Fécondité. 

Les  mariages  de  sourds,  l'un  des  conjoints  ou  les  deux 
conjoints  étant  sourds,  (sans  tenir  compte  du  caractère  de 
leur  surdité)  sont  probablement  quelque  peu,  mais  non 
beaucoup  moins  féconds  que  les  mariages  ordinaires. 

La  proportion  de  mariages  de  sourds  sans  enfants  est  de 
14,1  %  et  le  nombre  moyen  d'enfants  par  mère  qui  a  eu 
des  enfants  -est  de  2,61.  En  Massachussets,  en  1885,  la 
proportion  de  femmes  mariées  sans  enfants  était  de  17,56  %, 
et  le  nombre  moyen  d'enfants  par  chaque  mère  qui  avait  eu 
des  enfants  de  4,11.  Mais  présentement,  la  différence  dans 
le  nombre  moyen  d'enfants  pour  chaque  mère  est  sans  doute 
moindre  que  les  tableaux  ne  semblent  l'indiquer,  parce  que 
les  enfants  de  sourds  ne  sont  probablement  relevés  que 
d'une  manière  incomplète  et  qu'une  proportion  considérable 
de  leurs  mariages  est  de  date  récente. 

Les   mariages    où  les   deux  conjoints  sont   sourds   sont 


272 

quelque  peu  moins  féconds  que  ceux  dans  lesquels  l'un  des 
conjoints  est  sourd  el  l'autre  normal.  La  proportion  des 
mariages  de  la  première  catégorie,  sans  enfants,  est  de 
15  °/o  et  le  nombre  moyen  des  enfants  dans  les  mariages 
féconds  est  de  2,5.  Dans  la  dernière  catégorie,  la  proportion 
de  mariages  inféconds  est  de  11  "/o,  et  la  moyenne  des 
enfants  par  mariage  de  2,9  %. 

La  différence  dans  la  fécondité  des  mariages  des  sourds 
congénitaux  et  des  sourds  accidentels  n'est  pas  grande  ; 
cependant  la  fécondité  des  premiers  est  probablement  un  peu 
moindre  :  Dans  les  mariages  de  la  première  catégorie,  oii  l'un 
des  conjoints  au  moins,  si  ce  n'est  les  deux,  est  un  sourd  con- 
génital, la  proportion  sans  enfants  est  de  15,5%  et  le  nombre 
moyen  des  enfants  par  mariage  fécond  de  2,72  %  ;  dans  les 
mariages  de  la  deuxième  catégorie,  où  l'un  des  conjoints,  si 
ce  n'est  les  deux,  est  un  sourd  accidentel,  la  proportion  des 
mariages  inféconds  est  de  14  %  et  la  moyenne  des  enfants 
par  mariage  fécond  de  2,47  %.  Le  nombre  moins  élevé 
d'enfants  dans  les  mariages  des  sourds  accidentels  est  peut- 
être  dû  à  ce  fait  que  la  durée  moyenne  des  mariages  relevés 
dans  cette  catégorie  a  été  probablement  moindre  que  la 
durée  des  mariages  des  sourds  congénilaux.  Les  premiers 
élèves  des  écoles  américaines  étaient  en  majorité  des  sourds 
congénilaux,  tandis  que,  pendant  les  années  •plus  rappro- 
chées, la  majorité  des  élèves  était  constituée  par  des  sourds 
accidentels. 

Enfants  sourds. 

Les  mariages  de  sourds,  l'un  des  conjoints  ou  les  deux 
conjoints  étant  sourds  et  sans  tenir  compte  du  genre  de 
surdité,  sont  beaucoup  plus  susceptibles  de  produire  des 
sourds  que  les  mariages  ordinaires. 


278 

La  proportion  de  mariages  de  sourds  ayant  produit  des 
sourds  est  de  9,7  "jo-,  et  la  proportion  d'enfants  sourds  nés 
de  ces  mariages  de  8,6  %•  Nous  ne  connaissons  pas  l'exacte 
proportion  des  mariages  ordinaires  qui  donnent  naissance  à 
des  sourds  ni  la  proportion  de  sourds  qui  en  naissent,  mais 
il  est  probable  que  cette  proportion  est  moindre  que  1  pour 
10,000. 

D'autre  part,  les  mariages  entre  sourds  ont  beaucoup  plus 
de  chances  de  produire  des  enfants  normaux  que  des  enfants 
sourds.  La  proportion  d'enfants  normaux  relevés  dans  nos 
tableaux  est  de  75  %  —  la  proportion  actuelle  est  probable- 
ment beaucoup  plus  élevée  —  tandis  que  celle  des  enfants 
sourds,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  est  de  8,6  %. 

Ces  résultats  concordenl,  d'une  part,  avec  cette  loi  de 
l'hérédité  que  les  anomalies  physiques  et  les  tendances  patho- 
logiques des  parents  sont  susceptibles  de  passer  aux  descen- 
dants, et  d'autre  part,  avec  celte  autre  loi  de  l'hérédité  que 
la  descendance  tend  à  retourner  au  type  normal. 

Les  deux  conjoints  sont  sourds  ou  l'un  est  sourd 
et  l'autre  normal. 

11  n'est  pas  nécessaire  que  les  deux  conjoints  soient  sourds 
pour  la  transmission  héréditaire  des  conditions  qui  aboutis- 
sent à  la  surdité.  Au  contraire,  si  l'on  considère  l'ensemble 
des  sourds  sans  se  préoccuper  des  caractères  de  leur 
surdité,  les  mariages  dans  lesquels  les  deux  conjoints  sont 
sourds  ne  sont  pas  plus  susceptibles  de  produire  des  sourds 
que  ceux  dans  lesquels  l'un  des  conjoints  est  sourd  et  l'autre 
normal.  Il  semblerait  même,  en  vérité,  qu'ils  courent  moins 
de  risques  de  produire  des  sourds.  La  proportion  des 
mariages  où  les  deux  conjoints  étaient  sourds  et  qui  produi- 
sirent des  sourds  est  de  9,'i  °/oi  et  la  proportion  d'enfants 
sourds  nés  de  ces  mariages  de  8,4  "/«  ;  la  proportion  des 


"274 

mariages  dans  lesquels  l'un  des  conjoints  élail  sourd  el  Taulre 
normal  el  qui  engendrèrent  des  sourds  est  de  12,5  "/o,  et  la 
proportion  des  enfants  sourds  nés  de  ces  mariages  de 
9,8  %.  Si,  au  lieu  du  nombre  des  mariages,  nous  considé- 
rions le  nombre  des  mariés,  la  proportion  d'enfants  sourds 
procréés  par  100  sourds  mariés  k  des  conjoints  sourds  est  de 
9,4  %,  tandis  que  la  proportion  d'enfants  nés  de  100  sourds 
mariés  à  des  normaux  est  de  25,8  °/o-  Même,  la  proportion 
élevée  des  mariages  où  les  deux  conjoints  étaient  atteints  de 
surdité  congénitale  et  qui  procréèrent  des  sourds  et  la  pro- 
portion élevée  des  sourds  qui  en  sont  nés,  peuvent  être 
expliquées  dans  la  plupart  des  cas  par  celte  circonstance 
qu'il  y  avait  deux  personnes  au  lieu  d'une  capables  de 
transmettre  les  conditions  physiques  qui  aboutissent  à  la 
surdité.  En  effet,  si  nous  considérons  le  nombre  de  mariés 
atteints  de  surdité  congénitale,  nous  trouvons  que  le  nombre 
d'enfants  sourds  nés  de  100  sourds  congénitaux  mariés  h  100 
sourds  congénitaux  (30,8)  n'est  pas  plus  grand  que  celui  des 
enfants  nés  de  100  sourds  congénitaux  mariés  à  des  nor- 
maux (34,2).  Dans  la  majorité  des  cas,  il  ne  semble  pas  qu'il 
y  ail  accroissement  de  risques  de  procréer  des  sourds  par 
le  mariage  de  deux  sourds  entre  eux. 

Cette  conclusion  n'est  pas,  comme  il  semblerait  l\  première 
vue,  en  opposition  avec  la  loi  générale  de  l'hérédité,  que  la 
tendance  à  la  transmission  héréditaire  de  toute  particularité 
existant  chez  les  parents  s'accroît  par  l'union  du  «  sem- 
blable avec  son  semblable  ».  En  effet,  lorsque  la  surdité 
des  parents  réapparaît  chez  les  descendants,  la  particularité 
transmise  n'est  pas  la  surdité,  comme  l'ont  généralement 
soutenu  les  écrivains  qui  ont  traité  ce  sujet,  mais  bien 
quelque  anomalie  de  l'appareil  de  l'audition  ou  du  système 
nerveux,  ou  la  [irédisposilion  h  quelque  maladie  dont  la 
surdité    n'a  été  (jue   le    résultat   ou   le  symptôme.    D'autant 


plus  que.  ces  anomalies,  ces  maladies  aboutissant  h  la 
surdité  sont  nombreuses  et  variées  ;  et  que  même  chez  les 
sourds  cone"énilaux,  la  condition  pathologique  qui  aboutit 
à  la  surdité  n'est  pas  la  même  chez  chacun  des  deux 
conjoints,  et  qu'ainsi  leur  mariage  ne  réalise  pas,  au  point 
de  vue  physiologique ,  l'union  du  «  semblable  avec  son 
semblable  ».  D'autre  part,  dans  les  cas  ou  la  condition 
pathologique  des  deux  conjoints  est  la  même,  —  et  il  en 
est  probablement  ainsi  dans  la  majorité  des  mariages  de 
sourds  consanguins,  —  le  risque  de  descendants  sourds  est 
sans  doute  accru  ;  mais  par  bonheur,  ces  mariages  sont 
plutôt  rares.  Le  nombre  de  ces  mariages  mentionnés  dans 
ce  travail,  inférieur  probablement  au  nombre  actuel,  est 
de  31,  c'est-à-dire  69  "/o  du  nombre  total  des  mariages. 
Sur  ces  31  mariages,  45  %  procréèrent  des  sourds,  et  la 
proportion  d'enfants  sourds  procréés  par  eux  fut  de  30  ^o- 
La  particularité  curieuse  mentionnée  précédemment,  que  les 
proportions  des  mariages  procréant  des  sourds  et  des  sourds 
nés  de  ces  mariages  sont  plus  élevées  quand  l'un  des 
conjoints  était  un  normal,  que  lorsque  les  deux  conjoints 
étaient  sourds,  est  due  sans  doute  à  ce  fait  que  la  proportion 
des  mariages  consanguins  relevée,  était  plus  élevée  dans  les 
mariages  où  l'un  des  conjoints  était  normal  (2  »/o)  que  dans 
les  mariages  où  les  deux  conjoints  étaient  sourds  (0.37  «/o)- 

Conjoints  sourds,  congénitaux  ou  accidentels. 

Les  sourds  congénitaux,  —  qu'ils  soient  mariés  entre  eux, 
ou  à  des  sourds  accidentels,  ou  à  des  normaux,  —  sont 
beaucoup  plus  prédisposés  à  procréer  des  sourds  que  les  sourds 
accidentels.  La  proportion  des  mariages  de  la  !''•'  classe, 
—  l'un  des  conjoints  ou  les  deux  conjoints  sourds  congéni- 
taux, ayant  donné  naissance  l\  des  sourds  est  de  13  °/oi 
et  la  proportion  de  leurs  enfants  ^ourds  de  12  %;   dans  les 


276 

mariages  de  la  -2»  catégorie,  —  l'un  des  conjoints  ou  les 
deux  conjoints  sont  des  sourds  accidentels,  —  la  proportion 
des  mariages  procréant  des  sourds  est  de  5,6  %,  et  la 
proportion  des  enfants  sourds  procréés  par  eux  de  4,2  «/o» 
Le  risque  de  procréer  des  sourds  est  le  plus  grand  quand 
les  deux  conjoints  sont  des  sourds  congénitaux;  la  proportion 
de  mariages  donnant  alors  naissance  à  des  sourds  est  de 
24,7  °/o,   et  la   proportion  de  sourds  qui  en  naissent,  de 

Les  mariages  de  sourds  accidentels  sont  plus  susceptibles 
de  procréer  des  sourds  que  les  mariages  ordinaires.  Mais 
lorsque  les  deux  conjoints  sont  des  sourds  accidentels,  ou 
que  l'un  d'eux  est  normal,  le  risque  est  léger.  La  proportion 
des  mariages  de  d(^ux  sourds  accidentels  procréant  des 
sourds  est  de  .^^,5  %  ei  la  proportion  des  enfants  sourds 
qui  en  naissent,  de  2,3  "/o-  Dans  les  mariages  de  sourds 
avec  des  normaux,  la  proportion  des  mariages  aboutissant 
à  des  enfants  sourds  est  de  3,2  %,  et  la  proportion  des 
enfants  sourds  qui  en  sont  nés,  de  2,2  "/o-  La  proportion 
des  mariages  de  sourds  avec  des  normaux,  procréant  des 
sourds,  est  de  8  %,  et  la  proportion  d'enfants  sourds 
procréés  par  eux  est  de  6,5  ^lo. 

La  prédisposition  plus  grande  des  mariages  de  sourds 
congénitaux  que  des  mariages  de  sourds  accidentels  à 
procréer  des  sourds,  s'accorde  avec  cetle  loi  d'hérédité 
généralement  admise,  que  les  particularités  congénitales  ou 
innées  sont  plus  susceptibles  d'être  transmises  que  les 
particularités  acquises.  Lorsque  la  surdité  du  sourd  acci- 
dentel réapparaît  dans  ?a  descendance,  l'on  peut  supposer 
que  l'anomalie  physique,  ou  la  tendance  d  la  maladie  qui 
aboutit  ^  la  surdité,  était  probablement  congénitale  chez  les 
parents,  bien  que  la  surdité  actuelle  ne  se  soit  manifestée 
que  dans  une  période  plus  avancée  de  la  vie. 


277 


Conjoints  ayant  des  parents  sourds. 

Les  sourds  ayant  des  parents  sourds,  quel  que  soit  leur 
mariage,  et  les  normaux  ayant  des  parents  sourds  et  mariés 
à  des  sourds,  courent  grand  risque  d'avoir  des  enfants  sourds. 
(Il  est  probable  que  les  normaux  ayant  des  parents  sourds 
et  mariés  à  des  normaux  courent  les  mêmes  risques,  mais 
ces  cas  ne  se  trouvent  pas  compris  dans  la  présente  enquête). 
Que  les  mariages  de  sourds  soient  classés  suivant  la  surdité 
de  l'un  ou  des  deux  conjoints,  suivant  le  caractère  congénital 
ou  accidentel  de  la  surdité,  la  proportion  des  mariages 
procréant  des  sourds  et  la  proportion  des  enfants  sourds 
procréés  par  eux  atteignent  presque  invariablement  le  taux 
le  plus  élevé  lorsque  les  deux  conjoints  ont  des  parents 
sourds,  un  laux  moindre  lorsque  l'un  des  conjoints  a  des 
parents  sourds  et  l'autre  pas,  et  enfin  le  taux  le  moins  élevé 
lorsque  ni  l'un  ni  l'autre  des  conjoints  n'a  de  parents  sourds. 
Les  seules  exceptions  se  rencontrent  dans  quelques  catégories 
où  les  nombres  relevés  sont  trop  faibles  pour  qu'on  s'y 
arrête.  Si  l'on  considère  les  résultats  des  mariages  d'une 
durée  d'une  année  au  moins  oujes  deux  conjoints  avaient 
des  parents  sourds,  la  proportion  de  ces  mariages  ayant 
procréé  des  sourds  est  de  23,5  «/o  et  la  proportion  des 
enfants  sourds  nés  de  ces  mariages  de  20,9  "/o  ;  dans  les 
mariages  où  l'un  des  conjoints  avait  des  parents  sourds  et 
l'autre  pas,  la  proportion  des  mariages  aboutissant  à  des 
enfants  sourds  est  de  6,6  «/o,  et  la  proportion  d'enfants 
sourds  nés  de  ces  mariages,  de  6,4  Vo  ;  dans  les  mariages 
où  ni  l'un  ni  l'autre  des  conjoints  n'avait  de  parents  sourds, 
la  proportion  des  mariages  donnant  naissance  à  des  sourds 
est  seulement  de  2,3  %  et  la  proportion  d'enfants  sourds 
procréés,  de  1,2  %•  !•  est  vraisemblable  que  présentement 
les  proportions  des  mariages  procréant  des  sourds  et  des 


'278 

enfants  sourds  procréés  par  eux  sont  même  moindres  que 
celles-ci,  car  dans  bien  des  cas,  le  fait  que  les  conjoints 
n'avaient  pas  de  parents  sourds  n'est  pas  bien  établi.  Dans 
tous  les  cas,  il  a  pu  arriver  qu'il  existait  des  parents  sourds 
inconnus  des  personnes  qui  ont  rempli  les  feuilles  de  rensei- 
gnements. Quand  aucun  des  conjoints  n'a  de  parents  sourds, 
le  risque  de  procréer  des  sourds  est  très  faible,  peut-être 
n'est-il  pas  plus  grand  que  dans  les  mariages  ordinaires. 

Dans  les  mariages  ou  les  deux  conjoints  sont  des  sourds 
congénitaux  et  ont  tous  deux  des  parents  sourds,  la  pro- 
portion de  mariages  procréant  des  sourds  et  la  proportion 
des  enfants  sourds  procréés  par  eux  est  très  élevée  (-28,4 
et  30,3  %);  •Hf»'i5  lorsqu'aucun  des  conjoints  n'a  de  parents 
sourds,  même  lorsque  tous  deux  sont  des  sourds  congéni- 
taux, le  risque  semble  très  faible,  peut-être  n'est-il  pas  plus 
grand  que  dans  les  mariages  ordinaires.  Quatorze  mariages 
de  cette  catégorie  ont  été  relevés,  qui  eurent  24  enfants. 
L'un  de  ces  enfants  était  sourd  ;  mais  dans  ce  cas  particulier, 
il  est  imparfaitement  établi  par  les  renseignements  sur  le 
mariage  que  ni  l'un  ni  l'autre  des  deux  conjoints  n'avait 
de  parents  sourds.  Si  nous  acceptons  ce  cas  unique,  la 
proportion  des  mariages  donnant  naissance  à  des  enfants 
sourds  est  de  7,1  %  et  la  proportion  drs  enfants  sourds 
procréés  par  eux  de  4,1  "/o  ;  fnais  si  nous  le  rejetons,  il 
ne  reste  plus  un  seul  exemple  de  mariage  dans  lequel  les 
deux  conjoints  étaient  sourds  et  n'avaient  aucun  parent 
sourd  qui  ait  procréé  un  enfant  sourd.  Le  nombre  total 
des  mariages  de  cette  catégorie  n'est  pas  assez  élevé  pour 
rendre  le  résultat  concluant  ;  cependant  en  les  rapprochant 
de  m  autres  mariages  de  sourds  congénitaux  dans  lesquels 
aucun  des  conjoints  u'avait  de  parents  sourds,  nous  avons 
le  droit  de  conclure  que  si  la  surdité  congénitale  paraît  être, 
à  première  vue,  une  indication  de  la  possibilité  de  donner 


'119 

naissance  à  des  sourds,  elle  ne  peut  être  considérée   comme 
une  cause  évidente  de  cette  possibilité. 

D'autre  part,  la  parenté  avec  des  sourds  semble  être  une 
indication  sérieuse  à  la  possibilité  de  procréer  des  sourds. 
Si  un  sourd,  ou  congénital  ou  accidentel,  a  des  parents 
sourds,  il  court  le  risque,  quel  que  soii  son  mariage,  d'avoir 
des  enfants  sourds  ;  mais  ce  risque  est  bien  plus  grand 
dans  le  cas  des  sourds  congénitaux  que  dans  le  cas  des 
sourds  accidentels  ;  ei  si  un  sourd,  avec  ou  sans  parents 
sourds,  jirend  un  conjoint  soit  sourd  soit  normal,  mais  qui 
a  des  parents  sourds,  le  mariage  est  susceptible  de  procréer 
des  enfants  sourds.  Si  les  deux  conjoints  ont  des  parents 
sourds,  les  conditions  qui  conduisent  à  la  surdité,  quelles  que 
soient  ces  conditions,  sont  susceptibles  d'être  transmises  par 
les  deux  parents  à  la  fois,  et  le  risque  d'enfants  sourds  en 
est  largement  augmenté  ;  mais  même  lorsque  l'un  des 
conjoints  seulement  a  des  parents  sourds,  le  risque  de 
procréer  des  enfants  sourds  est  encore  considérable. 

Conjoints  consanguins. 

Les  mariages  de  sourds  les  plus  sujets  à  engendrer  des 
sourds  sont  ceux  dans  lesquels  les  conjoints  sont  consan- 
guins. 31  de  ces  mariages  sont  relevés  dans  nos  tables,  sur 
lesquels  14,  c'est-à-dire  45,1  %  engendrèrent  des  sourds. 
100  enfants  naquirent  de  ces  31  mariages,  sur  lesquels  30, 
c'est-à-dire  30  »/o  étaient  sourds. 

Les  totaux  des  différentes  classes  de  parenté,  telles  que 
cousins  germains,  cousins  issus  de  germain,  et  les  totaux 
des  différentes  classes  de  mariage  :  mariages  de  deux 
conjoints  sourds,  d'un  sourd  et  d'un  normal,  de  deux 
conjoints  sourds  congénitaux  ou  sourds  accidentels,  un 
conjoint  ou  les  deux  conjoints  ayant  des  parents  sourds 
ou  non,  sont  trop  faibles  pour  nous  permettre  de  tirer  des 


^80 

conclusions  de  leur  comparaison,  mais  la  haute  proportion 
de  mariages  procréant  des  enfants  sourds  et  d'enfants  sourds 
procréés  par  eux,  dans  chacune  de  ces  catégories,  montre 
qu'il  est  extrêmement  dangereux  pour  un  sourd  d'épouser 
un  parent,  peu  importe  le  genre  et  le  degré  de  parenté, 
que  ce  parent  soit  sourd  ou  normal,  que  la  surdité  soit 
congénitale  chez  un  seul  conjoint,  chez  les  deux,  chez  aucun 
des  deux,  que  l'un  des  deux,  que  tous  les  deux,  qu'aucun 
des  deux  n'ait  de  parents  sourds. 

La  raison  pour  laquelle  les  mariages  consanguins  sont 
tellement  plus  sujets  à  donner  naissance  à  des  sourds  que 
les  mariages  ordinaires  de  sourds  est  probablement  que, 
dans  de  tels  mariages,  la  même  cause  qui  produit  la  surdité 
existe  chez  les  deux  conjoints,  et  qu'à  la  suite  de  l'union 
du  «  semblable  avec  son  semblable  «,  elle  se  transmet  à 
leurs  descendants,  avec  une  intensité  accrue. 

Bonheur. 

Les  mariages  dans  lesquels  les  deux  conjoints  sont  sourds 
ont  plus  de  chances ,  toutes  choses  égales  d'ailleurs, 
d'aboutir  au  bonheur  que  ceux  dans  lesquels  le  conjoint 
était  sourd  et  l'autre  normal.  La  proportion  de  divorces 
et  de  séparations  relevés  dans  les  mariages  où  les  deux 
conjoints  étaient  sourds  est  de  '2,5  %  ;  quand  l'un  des 
deux  conjoints  était  sourd  et  l'autre  normal,  la  proportion 
relevée  est  de  6,4  °/o. 

Les  conditions  plus  favorables  au  bonheur,  quand  les 
deux  conjoints  sont  sourds,  sont  sans  doute,  le  lien  puissant 
d'affection  mutuelle  qui  naît  de  la  similitude  de  leur  condi- 
tion, la  liberté  et  l'aisance  avec  lesquelles  ils  communiquent 
ensemble,  l'identité  des  relations  sociales  et  des  sympathies 
qu'ils  rencontrent  dans  la  vie  extérieure. 


LE  BRONZE  DANS  LA  BRETAGNE-ARMORIQUE 


1°    -    CACHETTE    DE    FONDEUR    DÉCOUVERTE    A    FOURDAN 
EN    GUERN    (MORBIHAN). 

IIo  -  DE  QUELQUES  SÉPULTURES  DE  L'ÉPOQUE  DU  BRONZE 
EN  ARMORIQUE  OCCIDENTALE 

Par    m.    Aveneau   de    la    Grancière. 


COMPTE  RENDU  PAR  M.  Hyacinthe  GLOTIN 

(Séance  du  15  novembre  1899; 


«  Nil  novisub  sole.  Rien  de  nouveau  sous  le  soleil  ».  — 
L'un  des  mémoires  de  M.  Aveneau  de  la  Grancière,  dont  j'ai 
riionneur  de  vous  rendre  compte,  vient  encore  confirmer, 
si  cela  est  nécessaire ,  la  vérité  de  ce  très  vieux  proverbe. 
Il  nous  montre  que  la  profession  de  marchand  d'antiquités, 
de  vieilles  ferrailles  et  de  bric-à-brac,  si  je  puis  employer 
cette  expression  vulgaire  en  ce  milieu  académique,  a  existé 
en  tout  temps  et  a  été  exercée  même  à  «  l'aurore  de  l'ère 
celtique  ». 

En  effet,  dans  une  cachette  de  fondeur,  découverte  à 
Fourdan,  en  Guern  {Morbihan),  ce  distingué  archéologue, 
dont  les  travaux  sont  si  universellement  appréciés,  croit 
devoir  «  reconnaître  une   cachette    de    marchand-fondeur, 


28^2 

»  colporlanl  cl  vendanl  des  objets  neufs  et  d'occasion  el 
»  recueillant  ceux  hors  d'usage  pour  la  refonte  ».  El  ces 
dépôls  sont  assez  communs,  paraîl-il,  dans  notre  Bretagne  ! 

Combien  modestes  sont  les  objets  trouvés  dans  cette 
cachette  mise  au  jour  par  le  soc  d'une  charrue  !  Des  armes 
(poignards  et  lances),  des  instruments  de  travail  (marteaux 
et  haches),  quelques  ustensiles  de  toilette  (rasoirs),  quelques 
bijoux  (bracelets)  et  quelques  vieux  morceaux  de  bronze 
informes,  voilà  tout  le  mobilier  de  ce  dépôt  de  Fourdan  ! 

Mais  combien  intéressantes  sont  néanmoins  de  pareilles 
découvertes,  surtout  lorsque,  en  les  comparant  avec  celles 
déjà  faites  en  Bretagne  et  dans  d'autres  pays,  un  savant 
comme  M.  de  la  Grancière  peut  en  tirer  d'intéressantes 
conclusioBS,  tant  au  point  de  vue  de  l'industrie  que  des 
mœurs  de  nos  ancêtres. 

Et,  quand  ces  découvertes  ont  lieu  dans  des  sépultures, 
comme  celles  signalées  dans  le  second  mémoire,  on  en  peut 
faire  de  précieuses  déductions  relativement  aux  rites  religieux 
et  funéraires.  Ces  six  sépultures  trouvées  sur  divers  poinls 
de  la  Bretagne  armoricaine,  »  où  l'on  a  recueilli  des  poignards 
»  en  bronze  à  lame  plate  et  de  forme  plus  ou  moins  triangu- 
0  laire,  dont  les  manches  en  bois  sont  incrustés  de  petits 
»  clous  d'or»,  recouvraient  certainement  les  os  ou  les  cendres 
«  de  grands  guerriers  auprès  desquels  on  avait  pieusement 
»  disposé,  obéissant  à  un  rite  antique,  les  mêmes  armes, 
»  les  mômes  haches,  les  mêmes  poignards  ».  Ces  rites 
spéciaux  constituaient  sans  doute  les  funérailles  nationales, 
si  je  puis  employer  cette  expression  toute  moderne,  réservées 
aux  Celtes  célèbres. 

Des  gravures  et  des  cartes  géographiques,  jointes  au 
texte,  augmentent  l'intérêt  de  ces  deux  mémoires  qui  ont  été 
précédés  et  seront  suivis  de  beaucoup  d'autres.  Us  ne  sont 
que  des  chapitres  d'un  ouvrage  complet  que  M.  de  la  Gran- 


-283 

cière  ni!  manquera  de  cumposer  sur  le  Bronze  dans  la 
Bretagne  Artnorique.  Gel  ouvrage  sera  lui-même  un  curieux 
chapitre  d'une  période  de  noire  liisioire  de  Bretagne  que 
d'autres,  nolanimenl  M.  de  la  Borderie,  ont  eu  le  tort  de 
passer  sous  silence  dans  leurs  travaux,  et  qui,  cependant,  ne 
manque  pas  de  présenter  un  grand  intérêt  à  bien  des 
points  de  vue. 

Hyacinthe  Glotin. 


L'ÉGLISE  DE  SAINT-SULPICE-DES-LANDES 

ET    SES    PEINTURES    MURALES 
Par   m.    Joseph    GHAPRON, 

Membre  correspondant  de  la   Société   Académique. 


Au  sommet  du  coteau  qui  domine  vers  sud  k  cours  du 
x^landy,  ou  mieux  la  !\landie  (Mondia),  ruisseau  affluent  de 
l'Erdre,  qui  sépare,  en  Loire-Inférieure,  les  arrondissements 
d'Âncenis  et  de  Cliâleaubriant,  se  trouve  l'iiumble  village  de 
Sainl-Sulpice-des-Landes,  déchu  de  son  rang  de  clief-lieu 
par  le  iransleri  de  la  commune  et  de  la  paroisse  au  bourg 
voisin,  appelé  la  Barre-Davy. 

L'église  abandonnée  s'élève  sur  l'un  des  côtés  de  l'ancien 
cimetière,  où  subsistent  encore  une  croix  de  pierre  avec 
Clirist  archaïque  et  quelques  tombes  couvertes  de  dalles  de 
schiste.  Cet  édifice  est  demeuré  l'unique  spécimen  du  style 
ogival  de  la  région  ;  cette  raison  seule  impose  sa  conserva- 
lion.  Son  plan  est  un  rectangle  d'une  vingtaine  de  mètres  de 
longueur  sur  six  environ  de  largeur.  La  nef  unique  est 
formée  par  deux  murailles  renforcées  de  contreforts  et 
réunies  par  deux  pignons.  La  porte  principale  ouvre  vers 
l'occident,  sous  un  cintre  formé  de  claveaux  de  grès  ferru- 
gineux et  de  schiste.  Une  porte  secondaire  ouvre  entre  deux 
contreforts  dans  la  muraille  méridionale,  percée  en  outre  de 
deux  fenêtres  presque  carrées,  aux  ébrasemenls  et  aux 
meneaux  de  tuffeau  polylobés,  et  d'une  troisième,  plus  large, 
sans  doute  agrandie  au  XVII*  siècle  pour  éclairer  le  retable 
monumental  qui   fut  construil  à  cette  époque.  Le   pignon 


^285 

oriental  s'ajoure  d'une  fort  belle  fenêtre  ogivale,  l\  (Jeux 
meneaux  verticaux,  s'épanouissant  en  trois  qualrefeuilles 
moulurés  avec  goût.  Murailles  et  contreforts  sont  de  maçon- 
nerie ordinaii^e,  sans  aucune  ornemenlation.  Aucune  inscrip- 
tion ne  donne  la  date  de  construction  de  celte  église,  que 
l'on  peut  fixer  approximativement  au  commencemeni  du 
XV*^  siècle,  si  l'on  considère  que  la  fenêtre  du  pignon  est 
rayonnante  et  de  bon  style,  tandis  que  les  deux  autres, 
flamboyantes,  sont  d'un  dessin  moins  correct.  Un  humble 
campanile  en  charpente  recouverte  d'ardoise,  refait  ou  ajouté 
au  XVn«  siècle,  domine  le  pignon  occidental.  I.e  pavé  est 
formé  de  dalles  de  schiste  toutes  disjointes,  parmi  lesquelles 
nous  n'avons  vu  aucune  pierre  tombale. 

A  la  fin  du  XVII^  siècle,  un  majestueux  retable,  occupant 
toute  la  largeur  de  la  nef,  fut  construit  un  peu  en  avant  du 
mur  du  chevet,  de  manière  à  ménager,  entre  ce  retable  et 
ce  mur,  une  sacristie  de  quelques  mèti^es  cariTS.  L'œuvre, 
tout  entière  en  tuffeau,  se  compose  d'un  portique  dont  l'en- 
tablemefit  est  soutenu  par  des  colonnes  ioniques,  renflées  et 
peintes  en  noir.  Le  fronton  du  centre  est  coupé  pour  laisser 
place  à  une  niche  ouverte  entre  les  deux  colonnettes  qui 
supportent  le  fronton  terminal.  Les  autres  niches  h  coquilles, 
entre  des  pilastres  à  rinceaux,  avec  tôles  d'anges,  contien- 
nent les  images  anciennes  de  saint  Sulpicc  et  de  saint  Antoine 
le  Solitaire,  celui-ci  accompagné  de  son  fidèle  compagnon. 
La  niche  centrale  possède  une  statue  de  saint  Jean- Baptiste. 

Partout  se  montre  la  décoration  lourde  du  «  ffrand  siècle  «  : 
guirlandes,  angelots  boutïis,  flammes  d'amorlissemenl,  etc. 
Deux  belles  portes  h  claveaux  en  bossage,  percées  sous  les 
niches  latérales,  donnent  entrée  dans  la  sacristie.  L'œuvre 
^esl  gâtée  [)ar  des  dorures  et  des  enluminures  faites  en  1752. 
Une  charmante  Vierge  en  pierre,  enluminée,  avec  l'Enfant 
couché  dans  ses  bras,  trône  près  de  raulel. 


^86 

Le  conlre-relable  est  un  tableau,  grossièrement  peint  sur 
toile,  représentant  la  légende  de  la  Sainte- Face.  Jésus  tombe 
sous  la  croix  entre  Simon  de  Cyrène,  qui  en  soutient  Textré- 
milé  inférieure,  et  Véronique,  devant  lui,  tendant  le  linge 
sur  lequel  s'est  imprimé  son  visage  sanglant.  Derrière  ces 
principaux  personnages  s'agitent  des  hommes  d'armes  recou- 
verts d'armures  du  moyen  âge  ;  un  groupe  emmène  les  deux 
larrons,  dominé  par  un  étendard  aux  lettres  S.  P.  R.  Au 
premier  plan,  un  autre  groupe  de  femmes  curieuses.  Le 
fond  est  rempli  par  le  calvaire,  monticule  arrondi  au  sommet 
duquel  de  petits  personnages  creusent  la  terre,  au  pied  des 
croix  des  larrons,  déjà  dressées.  Au  bas  du  calvaire,  un 
proconsul  est  assis  sur  un  piédeslal. 

Le  retable,  obstruant  la  fenêtre  orientale,  nécessita  l'agran- 
dissement des  fenêtres  ouvertes  dans  chaque  façade  :  sous 
celle  du  Midi,  est  une  piscine  ogivale. 

Des  longrines,  dont  les  moulures  indiquent  le  XV»  siècle, 
reposant  sur  les  murailles,  et  reliées  par  des  entrails  avec 
poinçons,  soutiennent  la  charpente,  dont  la  couverture  a  été 
refaite  récemment  par  ordre  du  Conseil  général. 

L'humble  chaire  en  bois  porte  sur  son  abat-voix  la  date 
1784. 

Un  très  curieux  baptistère  roman  est  relégué  dans  un 
angle  sous  le  clocher.  Il  se  compose  de  deux  bassins  creusés 
dans  un  seul  bloc  de  tufîeau,  mais  ayant  chacun  leur 
piédeslal  distinct.  Le  grand,  octogonal  extérieurement  et 
circulaire  à  l'intérieur,  repose  sur  un  piédestal  octogonal  ; 
le  petit,  carré,  est  supporté  par  une  colonnette  cylindrique 
avec  base  et  chapiteau. 

Mais  tout  s'évanouit,  pour  l'archéologue,  devant  les  pein- 
tures du  XV*  siècle  qui  couvreni  les  parois  des  murailles  et 
la  voûte  de  terre  sur  lattis,  peintures  donl  il  ne  reste  malheu- 
reusement qu'une  faible  parlie.  CnW  r<''ditice  entier  élail  (irné 


-287 

de  scènes  reproduisanl  de  nombreux  épisodes  empruntés  k 
l'Ancien  ou  au  Nouveau  Testament,  ou  à  l'Histoire  ecclé- 
siastique. Elles  ont  dû  être  couvertes  en  partie  par  le  badi- 
geon ;  en  d'autres  endroits  l'enduit  est  tombé  par  larges 
placards. 

Nous  avons  relevé  l'ensemble  de  ces  tableaux  jetés  sans 
ordre  apparent  sur  les  murailles  et  sur  la  voûte.  En  voici  la 
nomenclature  et  la  description  aussi  complètes  que  possible: 

/.  —  Muraille  septentrioîinle. 

(La  description  commence  par  les  scènes  voisines  de  la 
grande  porte). 

1.  Deux  femmes  vêtues  de  rouge,  assises,  dont  l'une  tient 
un  livre  ouvert  sur  les  genoux.  A  leur  di^oite  était  un  person- 
nage vêtu  de  rouge. 

-2.  Le  Purgatoire.  —  Hommes  et  femmes  nus,  dessinés 
au  trait  rouge,  volant  sur  un  fond  rouge  onde  de  fumées 
grises. 

3.  Saint  Evêque,  vêtu  de  rouge,  milré  d'or,  nimbé  de 
bleu,  debout  devant  un  autel  sur  lequel  est  posé  un  calice 
d'or.  Derrière  lui,  un  personnage  agenouillé,  qui  se 
retourne. 

4.  Grande  croix  processionnelle,  posée  verticalement,  sans 
que  rien  ne  subsiste  de  ce  qui  l'entourait.  La  croix  est  d'or, 
le  bâton  bleu  foncé. 

5.  Saint  chevalier,  cuirassé,  nimbé  d'or,  tenant  une 
lance  avec  longue  oriflamme  rouge,  qui  s'enroule  autour  de 
lui.  A  sa  gauche,  un  personnage  mitre,  robe  rouge,  tunique 
blanche  à  parements  d'or.  Le  fond  est  couvert  de  rinceaux 
rouges  portant,  à  l'extrémité  de  leurs  enroulements,  des 
fleurettes  bleues. 

6.  Adam  et  Eve,  complètement  nus  tous  deux,  sans  indi- 
cation de  sexe.  Derrière  eux,  esl  une  giande   figure  rouge  ; 


288 

peut -être  élail-ce   le   Père   élernel.  Un   arbre  sépare  celle 
scène  de  la  suivanle. 

7.  Eve,  nue,  lenanl  une  pomme  routée  dans  la  main 
(Iroile,  el  lendanl  la  gauche  vers  un  arbre  chargé  de  pommes 
rouges,  au  Ironc  duquel  s'eiu'oule  le  Serpenl. 

(Ici  la  fenêtre  ouverle  au  XVll»  siècle,  puis  louchant  le 
relabie,  une  scène  effacée  presque,  au-dessus  d'un  placard 
surmonté  d'une  croix). 

8.  La  Résurrection  de  Lazare.  —  Jésus  esl  debout 
devant  une  tombe  ;  derrière  lui,  une  femme  (cette  scène  esl 
incomplète). 

9.  Jésus  parmi  les  Pharisiens.  —  Des  personnages  sont 
assis  à  une  table.  Ils  trinquent  el  boivent,  et  sont  coiffés  de 
chaperons  rouges. 

10.  Cette  scène  esl  derrière  le  relabie  :  trois  personnages 
sont  agenouillés  devant  un  autre  vêtu  de  rouge  et  dont  le 
nimbe  indique  un  saint. 

//.  —  Muraille  méridionale. 

(La  description  commence  par  la  scène  voisine  du  pignon 
oriental). 

11.  Le  marché  de  Judas.  —  Le  traître,  nu-pieds,  nu- 
tête,  les  cheveux  blonds  et  bouclés,  est  vêtu  d'une  robe  noire 
el  d'un  manteau  rouge.  A  sa  droite,  se  tient  un  personnage 
vêtu  d'une  robe  blanche  ;  à  sa  gauche,  un  autre  vêtu  d'une 
robe  noire  el  coiffé  d'un  chaperon  rouge  ;  tous  deux  ont  aux 
pieds  des  poulaines  blanches.  Auprès,  un  quatrième  person- 
nage vêtu  en  partie  de  rouge,  caché  par  le  retable.  Celte 
scène  est  la  mieux  conservée,  et  les  couleurs  en  sont  plus 
vives.  Au  bas  esl  restée  l'inscriplion  en  lettres  gothiques  ; 
C*  ludas  vendu  noustre  .9^.  Celte  scène  el  la  suivante 
sont  derrière  le  retable. 

l'i.  (Celle  scène  esl  placée   au-dessous   du   n"   11).  Une 


289 

femme  agenouillée  ilcvaut  un  prie- Dieu,  porlanl  un  livre 
ouvert,  se  retourne  vers  d'autres  personnages  ^  demi  effacés, 
tenant  des  phylactères  à  inscriptions  gothiques. 

13.  La  Cène.  —  A  une  table  couverte  d'une  nappe  et 
chargée  de  plats,  de  vases,  etc.,  se  tiennent,  assis  sur  des 
escabeaux,  le  Christ  et  les  Apôtres.  L'ouverture  de  la  fenêtre 
au  XVIl«  siècle  a  emporté  la  moitié  du  tableau.  Sept  person- 
nages seulement  subsistent  méconnaissables  ;  celui  qui  est 
assis  à  l'extrémité  de  la  table  tient  un  couteau  et  porte 
quelque  chose  à  sa  bouche.  Ceux  du  premier  plan  se  retour- 
nent vers  le  spectateur. 

14.  La  Fuite  en  Egypte  (au-dessous  de  la  Cène.)  —  Sur 
un  âne  blanc,  la  Vierge  vêtue  de  blanc,  à  la  chevelure  d'or, 
tient  l'Enfant  vêtu  de  blanc.  Devant  eux,  Joseph,  vêtu  de 
rouge,  conduit  par  une  longue  corde  l'âne  qu'il  précède. 

15.  Le  Baptême  de. . .  [?)  (entre  les  deux  fenêtres.)  —  Un 
personnage  est  plongé  jusqu'au  cou  dans  une  cuve  jaune, 
dont  le  contenu  est  rouge  ;  il  reçoit  sur  la  tête  l'eau  d'un 
vase  que  verse  devant  lui  un  autre  personnage  nimbé  de 
rouge. 

16.  Saint  Clair.  —  Entre  la  chaire  et  la  porte  du  midi, 
un  personnage  blanc  est  placé  sous  une  inscription  en  carac- 
tères gothiques:  S.  Cler. 

N.  B.  —  Les  peintures  des  murailles  ne  descendaient  pas 
plus  bas  que  la  hauteur  d'homme  ;  une  bordure  ornée  les 
soulignail  sur  tout  le  pourtour  de  l'édifice. 

III.  —  Voûte  septentrionale. 

(La  description  des  scènes  commence  par  la  gauche.) 

17.  (?)  Trois  personnages  :  à  gauche,  une  femme  (ou  un 
homme  imberbe  ?)  robe  grise,  guimpe  blanche,  manches 
rouges  à  gigots,  —  cheveux  blonds.  Devant,  un  homme  nu, 
la  main   gauche  levée,  dans  la  droite  un  vase  en   forme  de 


ciboire,  rouge.  Un  arbre  au  Ironc  rouge,  feuillage  verl,  le 
sépare  de  la  femme  mie  qui  le  précède.  Elle  est  dessinée  au 
irait  rouge,  tandis  que  l'homme  est  au  irait  noir.  Celte 
femme  tend  la  main  gauche  vers  un  carlouche  à  lobes,  à 
fond  noir,  sur  lequel  se  détache  une  figure  d'enfant  au  trait 
noir.  Le  fond  du  tableau  est  jaune  semé  de  fleurons  rouges. 

18.  Saint  Antoine.  —  (Ce  tableau  domine  le  n°  17.) 
Un  personnage  assis  dans  un  lieu  planlé  d'arbres,  barbu, 
vêtu  d'un  manteau  k  large  collet-pèlerine  couvrant  les  épaules, 
l'index  posé  sur  un  livre  ouvert  sur  ses  genoux  et  lisant,  un 
bâton  jaune  enlre  les  jambes.  Un  porc  est  h  sa  gauche,  à 
ses  pieds.  C'est  évidemmenl  Saint  Antoine  le  Solitaire.  Il 
est  dessiné  au  irait  noir.  Les  arbres  onl  le  ironc  el  les 
branchages  rouges  el  le  feuillage  vert.  Le  cochon  est  juste 
au-dessus  de  la  figure  d'enfant  du  nM7.  Le  fond  est  jaune 
semé  de  fleurons  noirs. 

19.  La  Résurrection.  —  Tableau  à  fond  jaune,  semé  de 
fleurs  noires,  à  huit  pétales.  Le  tombeau  est  rose  h  l'exté- 
rieur ;  l'intérieur  est  «  rose  fondu  ».  Dedans,  à  mi-corps, 
Jésus,  nu,  tenant  la  croix  de  triomphe.  Adossés  au  tombeau, 
trois  gardes  dormenl,  toul  armés  ;  coiffés  de  différents 
casques,  tonnelets  rouges  el  bleus,  munis  de  différentes 
armes  d'hasl,  lance,  hallebarde,  hache.  Phylactère  à  inscrip- 
tion gothique  effacée. 

'20.  Les  Saintes  Femmes  au  sépulcre.  —  Un  ange  est 
assis  sur  le  couvercle  en  bâtière,  posé  transversalement  sur 
le  lombeau  rose.  Cet  ange  lient  en  mains  un  phylactère 
portant  inscription  en  caractères  gothiques  illisibles.  A 
rexlrémilé  du  lombeau,  les  trois  Femmes  nimbées  de  rouge, 
celle  du  milieu  velue  de  rouge,  remuent  le  linceul  laissé  dans 
le  tombeau.  Le  sol  est  noir,  et  porte  une  inscription  gothique 
sur  fond  blanc.  Ce  tableau  suit  la  Résurrection  el  [>récède 
les  Aiiparitions. 


291 

Les  Apparitions  de  Jésus,  après  sa  résurrection,  ë  divers 
personnages,  suivent  logiquement  les  scènes  précédentes; 
elles  sont  indiquées  chacune  par  une  inscription  en  lettres 
gothiques,  commençant  invariablement  :  Cornent  Dieu 
apartil...  (sic);  la  première  de  ces  inscriptions,  seule,  est 
complète  et  lisible. 

21.  Cornent  Dieu  aparut  à  sa  mère.  —  (D'après  les 
Evangiles,  Jésus  apparut  d'abord  à  Madeleine.)  Jésus  est 
vêtu  d'une  robe  blanche  et  d'un  manteau  rouge,  avec  nimbe 
à  quatre  lobes  inscrit  dans  un  cercle.  Marie  a  un  nimbe,  un 
manteau  rouge  et  une  robe  bleue.  Au-dessous,   l'inscription. 

il%  Apparition  à  Madeleine.  —  Celle-ci  est  agenouillée 
aux  pieds  de  Jésus,  avec,  auprès  d'elle,  le  vase  à  parfums 
traditionnel. 

23.  Apparition  aux  saintes  Femmes.  —  Trois  femmes, 
dont  Madeleine,  vêtue  de  rouge,  son  vase  à  parfums  à  la 
main,  entre  ses  deux  compagnes. 

24.  Apparition  à  saint  Pierre,  —  Celui-ci,  debout 
devant  Jésus,  lient  un  livre  dans  sa  droite,  et  sa  clef  symbo- 
lique, démesurée,  aussi  longue  que  lui,  sur  son  épaule 
gauche.  Inscription  complète  :  Cornent  Dieu  aparut  à  saint 
Pière  (sic). 

25.  Apparition  à...  un  personnage  armé  d'un  long 
bâton.  Cette  scène  incomplète  doit  être  l'apparition  aux 
disciples  d'Emmaiis. 

26.  Apparition  à...  personnages  aux  portes  de  Jéru- 
salem, représentée  par  des  tours  flanquant  une  porte.  (Cette 
scène  est  derrière  le  retable.) 

27.  Le  Baiser  de  Judas.  —  Scène  incomplète  dont  on 
ne  voit  que  la  partie  supérieure.  Elle  comprend  neuf  p(>rson- 
nages.  Jésus  et  Judas  s'embrassent  et  se  baisent.  Jésus  a  un 


nimbe  el  les  cheveux  blonds  ;  Judas  a  les  cheveux  noirs. 
L'enduil  est  tombé  précisémenl  ii  i'endroil  des  deux  visages. 
Derrière  Judas  est  Pierre,  reconnaissable  à  son  nimbe  et  au 
glaive  qu'il  lient  en  main.  Les  six  autres  personnages  sont 
des  soldats  armés  et  velus  à  la  mode  du  XV^«  siècle. 

28.  La  scène  qui  suit  est  presque  etlacée.  Il  reste  un 
personnage  nimbé  tenant  un  livre  fermé  sur  lequel  un  autre 
personnage  met  l'index. 

'29.  Une  autre  scène  comprend  deux  personnages.  L'un, 
vêtu  d'un  long  manteau,  (un  i)rôtre  sans  doute)  portant  un 
livre  tenu  sur  la  poitrine  par  son  bras  droit,  levant  le  gauche, 
faisant  face  h  un  second  personnage  en  chausses,  tunique 
serrée  à  la  taille,  bordée  de  fourrure  noire,  manches  rouges 
de  la  casaque  sortant  des  manches  de  la  tunique. 

30.  Le  Christ  devant  Caiphe.  —  Le  souverain  sacrifica- 
leur  est  assis  dans  sa  chaire.  Jésus  est  vêtu  d'un'.'  robe 
blanche,  deux  personnages  lui  bandent  les  yeux.  (Cette  scène 
a  lieu  chez  Gaïi)he.  Luc,  XXIL)  Au-dessous,  l'inscription. 

31.  Le  Christ  devant  Caïphe.  —  Jésus,  les  mains  liées, 
entre  deux  personnages  vêtus  à  la  mode  du  XV«  siècle, 
casqués,  chaussés  de  souliers  i\  poulaines  ;  l'un,  armé  d'une 
massue.  Le  grand  prêtre  a  un  chaperon  retombant  sur 
l'épaule. 

3^2.  Le  Christ  devant  Hérode.  —  Les  mêmes,  plus 
Hérode,  assis  sur  un  siège  à  dais,  vêtu  d'une  robe  à  ramages 
noirs.  De  l'inscription  gothique,  le  dernier  mot  seul  :  Hérode, 
est  lisible. 

33.  Le  Christ  devant  Pilate.  —  Le  Chris!  et  ses  deux 
gardiens,  plus  Pilate  dans  sa  chaire,  l'index  levé,  une  cou- 
ronne sur  la  tête. 

34.  Le  Couronneme)it  d*épines.  —  (Le  Christ  est  ramené 


devant  Hérode,  du  moins  c'est  Hérode  qui  figure  dans  cette 
scène,  bien  que  le  couronnement  d'épines  ait  eu  lieu  dans  le 
prétoire,  cliez  Pilate.)  Jésus  est  assis  au  milieu  des  soldats, 
tenant  un  roseau.  De  chaque  côté,  deux  bourreaux  le  frappent 
sur  la  tête. 

r^5.  La  Flagellation.  —  Cette  scène  se  passe  devant 
Pilate. 

Le  Ghiist  est  nu  entre  deux  bourreaux  armés  de  fouets  à 
trois  cordes  nouées.  Ceux-ci  ont  des  chausses  et  des  tuniques 
parties  d'une  couleur  parties  d'une  autre.  Le  personnage 
représentant  Pilate  est  effacé. 

(La  scène  suivante  est  cachée  par  le  retable). 

IV.  —  Voûte  méridionale. 

36.  La  Pentecôte.  —  Des  douze  apôtres,  six  seulement 
sont  visibles,  mains  jointes,  pieds  nus,  nimbés  de  blanc,  de 
rouge  ou  de  noir.  De  l'inscription  qui  souligne  le  tableau, 
reste  seul  le  mot  :  S.  Thomas. 

â7.  Du  Portement  de  Croix,  qui  suit,  on  ne  voit  bien 
que  le  Cyrénéen,  vêtu  de  rouge. 

30.  La  Crucifixion.  —  Cette  scène  occupe  toute  la  hau- 
teur de  la  voûte,  c'est-à-dire  que  le  tableau  égale  en  hauteur 
deux  des  autres  scènes  superposées.  La  croix  du  Christ  est 
plus  élevée  que  celles  des  larrons.  Le  mauvais  larron,  selon 
qu'il  est  convenu,  est  tout  contourné.  A.  la  droite  de  Jésus, 
un  soldat  lui  perce  le  flanc  ;  à  sa  gauche,  un  autre  lui 
présente  l'éponge.  Deux  femmes  à  genoux  complètent  la 
scène.  Madeleine  (?)  est  reconnaissable  à  ses  cheveux,  d'un 
blond  un  peu  vif,  flottants  sur  son  dos  ;  elle  est  nimbée  de 
rouge,  vêtue  d'une  robe  rouge  et  couverte  d'un  manteau 
bleu. 

39.  Apparition  à  Thomas.  —  Cette  scène,  oubliée  sans 


-iW4 

doute  par  k  peinlre,  est  placée  dans  un  ericadreiiu'iil  jaune 
au-dessus  du  Crucifiemenl.  Jésus  découvre  sa  poitrine  pour 
montrer  au  disciple  la  plaie  de  son  côté.  Inscription  gothique  : 
Cornent  Dieu  aparul  à  S.  Thomas. 

40.  La  Descente  de  Croix.   —  La  scène  est  incomplète. 
Suivent  quelques  fragments,  dont  Pun  peut-élre  représente 

les  Noces  de  Cana. 

V.  —  Muraille  du  Chevet. 

Au  pignon  oriental,  de  chaque  côté  de  la  fenêtre  ogivale, 
se  voient  d'autres  peintures. 

41.  Du  côté  de  l'évangile,  la  surface  murale  est  presque 
entièrement  occupée  par  un  gigantesque  S.  Christophe, 
barbu,  habillé  de  rouge,  armé  d'un  bâton  rouge,  et  portant 
l'Enfant  Jésus  sur  son  épaule  gauche.  A  ses  pieds  sont 
d'autres  enfants.  Il  gravit  une  colline  rocheuse  que  domine 
un  arbre. 

4'îi.  Le  Jugement  dernier  domine  S.  Christophe  ;  deux 
anges  vêtus  de  blancs,  avec  ailes  rouges,  reçoivent  au  ciel 
de  petits  personnages  nus,  représentant  les  bienheureux. 

43.  Le  côté  de  l'épîlre  est  moins  bien  conservé  :  se 
reconnaît  en  bas  une  procession  de  personnages  se  dirigeant 
vers  un  évêque. 

N.  B.  —  D'autres  traces  de  peintures  se  voient  encore  au 
pignon  occidental,  et  même  sous  le  clocher. 

VL  —  Voûte. 

De  chaque  côté  de  la  ligne  médiane  du  berceau  en  ogive, 
deux  rangées  d'anges,  opposés,  jouent  de  divers  instruments. 
Ils  sont  long-vêtus  de  robes  blanches,  à  bordure  inférieure, 
collet  et  bordures  des  manches  rouge  vif.  Leurs  ailes  sont 
roses.  Leurs  instruments,    harpes,   violes,   sont   jaunes.   Us 


S!95 

perlent  allernalivemenl  des  instruments  et  des  phylactères  ù 
inscriptions  gotliiques.  Le  fond  est  jaune  semé  de  fleurons 
rouges  ayant  la  foruie  de  fleurs  de  lys  et  par  endroits  de 
quintefeuilles. 

Sur  les  murs,  subsistent,  ça  et  le»,  les  croix,  entourées  d'un 
cercle,  du  chemin  de  Croix.  De  petits  pots  de  terre  sont 
encastrés  dans  les  murailles,  leur  orifice  à  la  surface  ;  ce 
sont  des  pots  acoustiques.  Des  oiseaux  y  ont  fait  leur  nid, 
leur  donnant  ainsi  une  nouvelle  destination. 

* 

L'église  de  Ruffigné,  près  Ghâteaubriant,  possède  à  la 
voûte  du  chœur  une  «  Juiverie  »  complète,  avec  la  Glorifi- 
cation du  Christ  ;  l'espace  couvert  est  ûioins  considérable 
qu'à  Saint-Sulpice,  et  quoique  ces  peintures  soient  de  la 
même  époque,  la  manière  est  beaucoup  moins  savante  à 
Ruffigné.  On  ne  peut  faire  de  rapprochements  que  pour  le 
choix  des  sujets  et  la  naïveté  de  leur  exécution.  A  Saint- 
Sulpice,  les  tableaux  sont  mieux  composés  ;  les  personnages, 
en  nombre  restreint,  ~  irois,  cinq,  tout  au  plus,  à  part 
quelques  grands  épisodes,  —  sont  tous  distincts  et  ne  se 
cachent  pas  les  uns  derrière  les  autres.  Comme  à  Ruffigné, 
le  peintre  n'a  employé  que  peu  de  couleurs  ;  le  rouge,  qui 
domine  dans  les  vêtements  et  les  nimbes,  le  bleu^  le  jaune 
pour  les  dorures,  et  le  noir  pour  dessiner  les  contours.  Le 
vert  n'apparaît  que  pour  le  feuillage  des  arbres.  La  compo- 
sition de  la  Résurrection,  à  Saint-Sulpice,  est  identique  à 
celle  de  Ruffigné,  mais  mieux  traitée  ;  les  personnages  sont 
d'un  dessin  plus  correct,  quoique  la  plupart  aient  des  pieds 
et  des  mains  d'une  grandeur  démesurée. 

11  fallait  une  certaine  érudition  pour  la  composition  de  ces 
scènes  et  un  certain  talent  pour  leur  exécution  ;  les  modiques 


296 

ressources  de  la  pelilc  paroisse  (i)  n'auraient  pu  suffire  à 
payer  un  artiste  étranger,  voire  même  du  pays,  sans  même 
tenir  compte  du  temps  dépensé  à  la  confection  d'une  centaine 
de  tableaux,  peut-être  ;  aussi  sommes-nous  tenté  d'attribuer 
cette  œuvre  picturale,  qui  nous  paraît  tout  entière  sortie  du 
même  ceiveau,  ci  quelque  moine  des  prieurés  voisins  de 
Rocliementru  ou  de  La  Chapelle-Glain. 


(')  L'église  de  Saint -Sulpice  était  une  fillette  (succursale)  d'Auverné. 


NOTICE   BIOGRAPHIQUE 

SUR      PAUL      RENAUD 

PAR  M.   Félix   LIBAUDIÈRE 


Paul  Renaud,  né  le  1"  avril  1818,  sortit  de  Técole  des 
arts  et  métiers  d'Angers,  en  1833. 

Il  commença  à  travailler  comme  ouvrier  dans  divers 
ateliers,  à  l'établissement  d'Indret  et  en  dernier  lieu  chez 
Lolz  aîné  qui  le  chargea  de  diriger  ses  travaux  de  montage. 

En  1846,  il  s'associait  avec  son  camarade  d'atelier, 
Adolphe  Lotz,  et  achetait  le  fonds  du  mécanicien  Certain, 
rue  Boileau,  qui  s'occupait  principalement  des  machines  et 
appareils  employés  dans  les  filatures  et  les  tissages  alors  fort 
nombreux  dans  le  quartier  Saint-Similien. 

Les  ateliers  de  Renaud  et  Lotz  ne  tardèrent  pas  à  être 
transportés  rue  de  l'Industrie.  En  1849,  un  chercheur  plutôt 
qu'inventeur  vint  confier  à  nos  jeunes  mécaniciens  l'idée 
d'appliquer  la  vapeur  au  battage  des  grains.  Le  battage  au 
tambour,  qui  a  été  toujours  pratiqué  jusqu'il  nos  jours,  fut, 
comme  on  le  sait,  introduit  dans  notre  région  par  la  Société 
Académique,  qui  fit  venir  à  ses  frais  un  appareil  d'Angle- 
terre, et  initia  nos  cultivateurs  à  son  fonctionnement.  Mais 
l'opération  du  battage  n'était  pratiquée  qu'à  la  main  ou  au 
moyen  de  manèges. 

Renaud  et  Lotz  se  rendirent  aux  raisons  du  novateur, 
mais  ils  ne  se  sentaient  pas  en  mesure  et  surtout  en  fonds 
pour  se  risquer  dans  la  construction  d'un  appareil  dont  on 
leur  donnait  l'idée  et  non  la  commande. 

20 


298 

Le  désir  de  se  lancer  dans  une  application  nouvelle  de  la 
mécanique  remporta  sur  toute  autre  considération,  *  et  nos 
jeunes  constructeurs,  en  utilisant  une  vieille  machine,  en 
mettant  en  état  un  train  de  routes  sans  emploi,  combinèrent  à 
peu  de  frais  un  appareil  qui  leur  semblait  répondre  au  but 
proposé. 

Le  type  imaginé  n\Hait  pas  celui  qui  a  survécu  jusqu'à 
nos  jours  ;  il  comptait  deux  éléments  séparés  :  la  machine  et 
le  batteur,  et  cela,  tant  par  crainte  d'incendie  que  par 
suite  des  difficultés  que  présentait  la  solution  du  problème, 
au  point  de  vue  mécanique. 

L'appareil  à  battre  était  à  peine  construit  qu'il  partait  pour 
Saint-Père-en-Relz  et  pratiquait  son  premier  travail  le 
1,9  juillet.  Les  résultats  furent  très  satisfaisants  et  la  machine 
fonctionna  jusqu'au  mois  d'octobre,  sans  discontinuer,  dans 
diverses  localités  de  la  région,  et  un  brevet  était  pris  par 
eux  ç\  la  date  du  10  août. 

Cette  application  de  la  vapeur  au  battage  des  grains  fut 
immédiatement  appréciée  à  sa  valeur  ;  elle  apportait,  en 
effet,  dans  les  travaux  de  ferme  un  grand  progrès,  car  on 
en  était  réduit  pour  battre  le  blé,  opération  que  l'on  prati- 
quait, soit  au  fléau,  soit  au  rouleau,  et  à  laquelle  on  ne 
ppuvail  se  livrer  qu'en  plein  air,  de  compter  avec  les  intem- 
péries de  l'air. 

L'atelier  de  la  rue  de  l'Industrie  devenait  bientôt  insuffi- 
sant pour  donner  satisfaction  aux  commandes  qui  devenaient 
de  plus  en  plus  importantes.  Un  atelier  plus  vaste  était  loué 
rue  Perelle,  et,  enfin,  comme  la  clientèle,  tant  pour  les 
machines  agricoles  que  pour  les  appareils  mécaniques  de 
toutes  sortes,  augmentait  toujours,  Renaud  et  Lotz  s'instal- 
laient, en  1854,  dans  les  locaux  installés  par  Alliot  pour  ses 
ateliers  de  construction,  de  réparation  de  bateaux  à  vapeur, 
qui  étaient  devenus  disponibles. 


-299 

Les  récompenses  les  plus  flatteuses  les  accueillirent  dès  leurs 
premiers  pas  dans  la  carrière  industrielle,  et,  chaque  année, 
les  concours  régionaux  agricoles  leur  valaient  de  nouveaux  et 
plus  importants  succès.  En  1859,  au  concours  régional  de 
Nantes,  c'était  la  grande  médaille  d'honneur. 

En  1860,  au  concours  international  de  Paris,  c'était  encore 
une  grande  médaille  d'honneur  et  le  jury  n'en  avait  que  six 
à  distribuer. 

En  1861,  à  l'exposition  nationale  de  Nantes,  la  grande 
médaille  de  l'Impératrice,  la  seule  qui  fût  donnée  à  l'indus- 
trie, leur  était  décernée. 

Dans  l'espace  de  dix  années,  l'établissement  avait  acquis 
une  notoriété  de  premier  ordre  et  puissamment  contribué  à 
créer  dans  notre  ville  un  véritable  centre  de  fabrication  de 
machines  agricoles  qui  provoqua  la  fondation  de  maisons 
similaires  et  détermina  un  grand  courant  d'affaires. 

En  1861,  l'association  Renaud  et  Lolz  arrivait  à  son 
terme,  et  Paul  Renaud  resta  seul  à  la  tête  de  l'élablissement. 
La  maison  ne  se  relâcha  en  aucune  sorte  des  traditions  qui 
avaient  présidé  à  sa  création  et,  marchant  toujours  en  tête  de 
la  spécialité  qui  avait  été  l'origine  de  son  développement, 
elle  voyait  consacrer  ses  efforts  par  les  plus  hautes  récom- 
penses. En  1878,  lors  de  l'Exposition  universelle  de  Paris, 
Paul  Renaud  obtenait,  dans  la  classe  de  machines  agricoles, 
la  médaille  d'or  et  était  promu  chevalier  de  la  Légion 
d'Honneur. 

Paul  Renaud,  bien  qu'il  garda  toujours,  comme  aux  premiers 
moments  de  ses  débuts,  la  direction  immédiate  et  effective 
de  ses  ateliers,  n'en  trouvait  pas  moins  le  temps  de  se 
consacrer  aux  œuvres  d'intérêt  général. 

L'école  de  la  Société  Industrielle,  i\  laquelle  il  fut  toujours 
heureux  de  confier  ses  apprentis,  le  compta  pendant  de 
longues  années   au  nombre   des  membres  de  son  Conseil 


300 

d'adminislralion  el  sa  présence  au  sein  du  jury  des  concours 
annuels  était  fort  appréciée. 

Le  Comice  agricole,  la  Société  nantaise  d'horticulture,  la 
Société  des  horticulteurs  de  Nantes  trouvèrent  en  lui  un 
membre  très  dévoué,  et  loi^s  des  concours  et  des  expositions 
organisés  par  ces  diverses  sociétés,  sa  haute  compétence 
était  mise  à  réquisition  par  les  commissions  chargées  de 
donner  les  médailles  aux  exposants  de  machines  ou  d'instru- 
ments agricoles  ou  horticoles,  et  le  désigna  à  maintes  reprises 
pour  en  être  le  Président. 

L'acquisition  du  beau  domaine  de  Bougon  lui  fournil 
l'occasion  d'utiliser  ses  loisirs  dans  les  questions  agricoles 
el  d'y  appliquer  son  esprit  dMnitialive  et  son  entente  du 
travail. 

Lorsque  le  phylloxéra  vint  exercer  ses  ravages  dans  la 
régioH,  il  ne  ménagea  rien  pour  le  combattre  et  prêta  son 
concours  le  plus  entier  aux  expérimentations  qui  furenl 
tentées.  Aussi,  lorsque  le  Comité  central  de  défense  et  de 
vigilance  contre  le  phylloxéra  fut  institué,  f(jt-il  appelé  ^  en 
faire  partie.  La  syndical  anliphylloxérique  de  Sainl-Aignan 
le  choisissait  pour  son  Président,  et  lorsqu'en  1892  les  écoles 
de  greffage  furenl  organisées,  la  direction  de  celle  qui  fut 
établie  à  la  Persagotière  lui  fut  confiée.  Une  école  de  greffage 
fui  établie  par  lui  à  Bougon. 

La  grande  situation  qu'il  s'était  acquise  dans  la  région  de 
Bouguenais  le  désigna  à  tous  les  suffrages  pour  prendre  en 
main  la  fondation  de  la  Société  des  courses  de  Bouguenais, 
dont  il  fui  le  premier  Président  el  dont,  par  ses  démarches, 
ses  efforts,  il  facilita  les  premiers  pas  et  décida  ainsi  le 
succès  qu'elles  n'ont  cessé  d'avoir  jusqu'à  ce  jour. 

En  1879,  lors  de  la  formation  du  syndical  des  patrons  de 
l'industrie  métallurgique  de  notre  ville,  ses  collègues  l'appe- 
lèrent  à  occuper  le  poste   de   premier   Vice-Présidenl,  el 


301 

jusqu'au  moment  où,  en  1889,  il  se  relira  des  affaires,  alier- 
nant,  par  suite  d'une  disposiiion  des  statuts,  avec  l'honorable 
M.  Babin-Chevaye,  président  de  la  Cbambre  de  Commerce, 
les  fonctions  de  Président  ou  de  Vice-Président  du  syndicat, 
il  sut  donner  une  grande  activité  aux  travaux  du  syndical 
el  l'autorité  qu'il  put  acquérir  fui  la  récompense  de  sa  vigi- 
lance et  son  dévouement. 

En  18:^6,  l'Union  des  syndicats  du  commerce  et  de 
l'industrie  se  formai;.  Celle  union  était  formée  par  la  réunion 
des  Présidents  des  divers  groupements  patronaux.  Successi- 
vement Président  et  Vice-Président,  il  donna  dans  ses  impor- 
tantes fondions  loute  la  mesure  de  sa  plus  grande  expérience 
des  affaires  el  de  son  zèle  pour  le  bien  public. 

Paul  Renaud  n'avait  pas  oublié  son  école  d'origine,  et 
lorsque  l'Association  nantaise  des  anciens  élèves  de  l'école 
des  arts  et  métiers  fut  créée,  il  en  fut  nommé  le  Président  et 
conserva  ces  fondions  jusqu'à  son  dernier  jour.  M.  Bordillon, 
vice-président  de  l'Association,  payait  sur  sa  tombe,  au  nom 
de  ses  camarades,  l'hommage  de  la  gratitude  de  loute  la 
génération  qui  avait  apprécié  ses  grandes  qualités  et  son 
inaltérable  dévouement. 

En  1889,  il  cédait  son  établissement  à  MM.  Libaudière 
frères. 

L'heure  de  la  retraite  des  affaires  De  fut  pas,  pour  lui, 
l'heure  du  repos.  L'âge  n'avait,  chez  Paul  Renaud,  entamé 
ni  raciiviié  ni  le  désir  de  se  dépenser  pour  les  intérêts  de 
tous.  La  création  du  Syndical  des  propriétés  immobilières 
lui  donna  une  nouvelle  occasion  de  payer  de  sa  personne. 
Ce  syndical  l'acclamait  comme  son  Président,  el  dans  cette 
organisation  toute  nouvelle,  Paul  Renaud  sut  montrer  toutes 
les  ressources  de  son  esprit  d'initiative  et  de  création.  Lors 
du  Congrès  organisé  par  ce  syndical  dans  le  mois  de  mai 
dernier,  il  ne  voulut  partager  avec  personne  la  lourde  tâche 


qui  lui  incombait.  Il  assista  assidûment  aux  séances  de 
travail,  prit  part  aux  diverses  excursions  et  autres  réunions 
que  comportait  le  programme  du  Congrès.  Les  fatigues  qu'il 
éprouva  à  ce  moment  ne  furent  pas  étrangères  à  l'accident 
qui  le  terrassa  et  provoqua  sa  fin. 

Les  habitants  de  la  commune  de  Bouguenais,  sur  le  terri- 
toire de  laquelle  se  trouvait  son  château  de  Bougon,  ne 
firent  pas  en  vain  appel  à  son  dévouement,  et  il  remplit  les 
fonctions  de  Maire  de  cette  commune. 

La  Société  Académique  avait  été  honorée  de  le  compter 
au  nombre  de  ses  membres  et,  aujourd'hui,  elle  vient 
payer  à  sa  mémoire  le  tribut  d'hommage  dû  l\  l'homme 
qui,  par  son  intelligence,  son  esprit  de  travail,  sut  se  créer 
dans  notre  ville  une  position  des  plus  enviables. 

La  bienveillance  qu'il  mettait  à  rendre  service  k  tous  ceux 
qui  se  réclamaient  de  lui,  le  dévouement  et  le  zèle  qu'il  ne 
sut  jamais  marchander  aux  œuvres  dont  nous  avons  déjà 
parlé  et  à  toutes  celles  plus  modestes  auxquelles  il  coopéra, 
méritaient  un  remercîment  solennel,  et  M.  le  Maire  de  Nantes, 
dans  le  discours  qu'il  prononça  sur  sa  tombe,  tint  à  acquitter 
celle  dette  sacrée. 


ETUDE 

SUR    LA    NAVIGATION    INTÉRIEURE    EN    ALLEMAGNE 


EN  QUÊTK 

Entreprise    sous    les    auspices 

■DE  LA  SOCIÉTÉ   "LA  LOIRE  NAVIGABLE  " 

Par  Louis  LAFFITTE 

Licencié    es  lettres,    chargé    de    mission    de    W.    le    Ministre    dn    Commerce. 


COMPTE   RENDU    PAR   M.   FÉLIX   LIBAUDIE'RE. 


Le  Comité  de  la  Loire  ISavigable,  dans  le  but  de  mieux 
convaincre  et  de  mieux  éclairer  l'opinion  sur  les  résultats 
que  procurerait  l'amélioration  de  notre  beau  fleuve,  n'a  pas 
hésité  à  entreprendre  une  tâche  des  plus  difficiles.  Il  s'est  mis 
à  étudier  les  voies  et  moyens  que  l'Allemagne  avait  employés 
pour  transformer  ses  cours  d'eau  et  pour  les  utiliser  au  plus 
grand  avantage  de  son  commerce  et  de  son  industrie. 

Au  Congrès  de  Tours,  une  enquête  en  Allemagne  fut 
donc  décidée.  M.  Louis  Laffitle,  muni  d'une  mission  de 
M.  le  Ministre  du  Commerce,  était  chargé  de  faire  cette 
élude.  Il  passa  huit  mois  chez  nos  voisins  d'Outre-Rhin,  et, 
grâce  à  l'accueil  bienveillant  qu'il  trouva  auprès  des  admi- 
nistrations publiques  et  des  particuliers,  il  composa  un 
ouvrage  remarquable  qui  fut  déposé  au  Congrès  de  Blois, 
au  mois  de  juin  de  celte  année. 

Cette  œuvre  forme  la  matière  d'un  volume  de  206  pages. 
Elle  est  divisée  en  deux  parties,  qui  sont  précédées  d'un 
court  historique  de  l'organisation  de  l'enquête. 

Trente  feuilles  de  caries  ou  graphiques  et  plusieurs 
dessins  viennent  ^  l'appui  du  texte  et  permettent  de  suivre. 


304 

avec  plus  de  profit,  les  renseignements,   tant  géographiques 
que  slatistiqnes,  qui  forment  la  substance  de  l'ouvrage. 

Dans  la  première  partie,  M.  Laffitle  étudie  le  développe- 
ment des  voies  navigables  en  Allemagne  et,  dans  la 
deuxième,  leur  rôle  économique.  Gomme  on  le  voit,  le  plan 
de  l'œuvre  est  très  nettement  dessiné.  D'abord  une  étude 
géographique  et  technique,  puis  une  étude  commerciale  et 
industrielle. 

PREMIÈRE   PARTIE 

Les  conditions  hydrographiques  des  fleuves  allemands 
sont  d'abord  étudiées.  La  plaine  allemande  est  l'objet  d'une 
description  complète  au  point  de  vue  de  sa  pente,  de  la 
nature  de  son  sol. 

L'histoire  des  améliorations  successives  apportées  aux 
cours  d'eau  est  présentée  :  travaux  remontant  au  XIll«  siècle, 
organisation  de  syndicats  pour  les  digues,  loi  sur  les  digues 
en  1848,  régularisation  des  lits  au  moyen  des  épis.  Ce  n'est 
toutefois  que  dans  les  premières  années  du  XIX*  siècle 
que  la  question  entre  dans  une  voie  sérieuse.  Des  actes  sont 
passés  entre  les  divers  états  riverains.  Par  suite  de  la  concur- 
rence due  à  l'établissement  des  chemins  de  fer,  les  prix  de 
transport,  par  voie  d'eau,  subissent  une  réduction  et,  pour 
venir  en  aide  h  la  batellerie,  tous  les  droits  fiscaux  de  navi- 
gation sont  d'abord  réduits,  puis  définitivement  supprimés. 
Pour  se  concerter  en  vue  des  travaux  d'amélioration,  des 
administrations  sont  établies  pour  les  divers  fleuves.  En  1850, 
l'Administration  du  Rhin  est  créée  ;  ei;  1866,  celle  de  l'Elbe; 
en  1874,  celle  de  l'Oder;  en  1884,  celle  de  la  Vislule. 

Le  cliapitre  de  construction  des  fleuves  {Strombau)  est 
particulièrement  intéressant.  La  Memel,  la  Vislule,  l'Oder, 
l'Elbe,  la  Weser,  l'Ems,  le  Rhin,  la  Moselle,  le  Danube 
sont,  l'un  après  l'autre,  l'objet  d'une  étude  fort  complète  : 


305 

débits  en  hautes,  moyennes  et  basses  eaux,  pente,  mouillage, 
état  primitif  du  lit,  travaux  successifs  de  régularisation  ou 
d'approfondissement,  sommes  dépensées,  résultats  obtenus  et 
état  actuel  des  conditions  de  navigation  sont  successivement 
passés  en  revue  et  indiqués  exactement.  Pour  la  plupart  de 
ces  cours  d'eau,  il  a  été  dressé  des  cartes,  permettant  de 
suivre  les  transformations  successives  par  lesquelles  ils 
ont  passé  et  les  travaux  auxquels  ces  transformations 
sont  dues. 

La  construction  des  canaux  de  jonction  a  été  commencée 
dès  le  XIV*  siècle  ;  mais  leur  développement  fut  lent,  et  en 
1688,  on  ne  comptait  que  ^550  kilomètres  de  canaux  pour 
toute  l'Allemagne. 

De  1688  h  1786,  il  y  avait  une  augmentation  de  74^2  kilo- 
mètres ;  de  1786  à  1836,  782  kilomètres  ;  de  1836  à  1870, 
889  kilomètres.  Soit,  en  1870,  un  total  de  2,943  kilomètres, 
avec  347  écluses. 

Dès  1870,  l'étude  d'un  réseau  complet  de  canaux  reliant 
les  principaux  fleuves  fut  commencée,  et,  de  1877  à  1882, 
on  élabora  un  plan  d'ensemble  dont,  à  l'heure  actuelle,  l'exé- 
cution est  très  avancée.  La  statistique  de  l'Empire,  pour 
1898,  accuse  13,925  kilomètres  de  voies  navigables,  dont 
près  de  5,000  sont  accessibles  aux  bateaux  de  400  tonnes. 
On  estime  qu'en  1900  la  longueur  des  voies  navigables 
allemandes  aileindra  15,199  kilomètres. 

Il  y  a  lieu  de  noter  les  dimensions  des  écluses  qui  sont 
bien  supérieures  à  celles  adoptées  pour  les  canaux  français. 

Cq  Allemagne.  En  France. 

Largeur  au  plafond lô'"      à  18""  lO'" 

Largeur  des  portes 7        à  8  60        5  20 

Longueur  utile 57        à  67  88  50 

Moindre  profondeur 2  50  à  3             2 

Hauteur  sous  les  ponts 4                            3  70 


306 

Un  chapitre  consacré  aux  péages  prélevés  sur  certains 
canaux  termine  celte  première  partie.  Ces  taxes,  dites 
Schiffahrtsabgaben,  ne  sont  pas  établies  d'une  façon  géné- 
rale, ni  môme  uniforme,  et  elles  sont  perçues  de  telle  sorte 
qu'elles  ne  doivent  jamais  excéder  les  sommes  nécessaires  h 
l'entretien  des  ouvrages  qui  en  sont  l'objet. 

DEUXIÈME    PARTIE 

Cette  deuxième  partie,  inlitulée  :  le  rôle  économique  des 
voies  navigables  en  Allemagne,  débute  par  un  chapitre 
qui  traite  du  développement  économique  de  l'Allemagne,  de 
1871  à  1897.  Quelques  chiffres  sont  intéressants  à  men- 
tionner. De  1871  à  1897,  la  population  de  l'Allemagne  a 
passé  de  40,997,000  à  5^2,663,000  d'habilants.  Depuis  1873, 
son  commerce  intérieur  a  augmenté  de  60  %•  De  1885  à 
1896,  le  tonnage  du  commerce  général  a  monté  de  64  %• 
De  1873  à  1897,  la  longueur  des  voies  ferrées  a  presque 
doublé  et  la  quantiié  de  marchandises  transportées  s'est 
accrue  de  90  «/o-  Le  trafic  par  voie  fluviale  a  réalisé  une 
augmentation  de  800  %. 

La  batellerie  est  ensuite  l'objet  d'une  élude  très  détaillée. 
On  décrit  ce  qu'elle  était  dans  les  siècles  passés,  puis  on  la 
montre  se  transformant  au  moment  de  l'apparition  des  che- 
mins de  fer.  Des  syndicats  et  des  associations  de  bateliers 
se  forment,  des  sociétés  par  actions  se  montent.  Actuellement 
on  peut  citer  12  puissantes  sociétés,  possédant  "212  bateaux  à 
vapeur  et  730  chalands.  La  principale  de  ces  sociétés.  Die 
Ketle,  0  la  Chaîne  »j,  de  Dresde,  a  un  mouvement  d'affaires 
de  75  millions  de  francs.  Le  métier  de  batelier  n'est  plus 
exercé  par  le  premier  venu,  sans  garanties,  ni  contrôle.  Dès 
1821,  certaines  notions  étaient  déjà  requises  pour  être  bate- 
lier sur  l'Elbe  ;  mais,  depuis  cette  époque,  des  examens  véri- 
tables  ont  été  institués  par   des  règlemenis  successifs.  Dès 


307 

1855-56,  des  écoles  furent  fondées  et,  maintenant,  il  en 
existe  dans  une  trentaine  de  localités  riveraines  des  différents 
fleuves.  M.  Lafïilte  donne  le  programme  des  cours  des  deux 
années  d'études  de  l'école  de  Furslenberg,  aux  leçons  de 
laquelle  il  a  eu  l'occasion  d'assister. 

Le  matériel  de  la  batellerie  a  subi  une  transformation 
considérable.  En  1870,  les  bateaux  du  Rhin  étaient  presque 
tous  en  bois  et  atteignaient  rarement  5  {\  600  tonnes. 
Aujourd'hui,  des  bateaux  d'acier  de  plus  de  80  mètres  de 
longueur,  et  dont  quelques-uns  portent  2,000  tonnes,  remontent 
jusqu'à  Cologne.  On  parle  même  de  construire,  pour  une 
compagnie  de  Ruhrort,  un  chaland  qui  porterait  de  8,700 
tonnes  à  4,000  tonnes.  Sur  l'Elbe,  les  bateaux  de  1,000  tonnes 
vont  couramment  à  Magdebourg. 

Ces  exemples  montrent  combien  est  complète  la  transfor- 
mation du  matériel  fluvial.  Les  procédés  de  traction,  qui 
sont  presque  exclusivement  le  remorquage  et  le  louage, 
sont  étudiés  dans  un  chapitre  spécial  et  examinés  au  point 
de  vue  de  l'application  qu'on  fait  de  l'un  ou  de  l'autre  sys- 
tème à  la  navigation  sur  les  divers  cours  d'eau. 

Des  bateaux  de  plus  de  80  mètres  de  longueur,  de  2'°,96 
d'enfoncement  et  portant  plus  de  2,000  tonnes,  remontent 
jusqu'à  Cologne.  Sur  l'Elbe,  des  bateaux  de  1,000  tonnes 
atteignent  Magdebourg.  Ces  deux  exemples  suffisent  pour 
donner  une  idée  de  la  transformation.  Les  conditions  dans 
lesquelles  on  emploie  soit  le  remorqueur,  soit  le  louage,  sont 
citées  au  point  de  vue  de  l'application  de  l'un  ou  de  l'autre 
système  sur  les  divers  cours  d'eau. 

Les  ports  intérieurs  et  les  gares  fluviales  sont  arrivés  à  un 
développement  considérable.  Ruhrort,  sur  le  Rhin,  a  eu,  en 
1897,  un  mouvement  de  plus  de  9  millions  de  tonnes, 
dépassant  celui  de  tout  autre  port  européen.  Ses  bassins 
occupent  une  superficie  de  100  hectares.  Ses  quais  présentent 


308 

un  développemenl  de  80  kilomètres.  Des  cartes  nous  repré- 
sentent Ruhrort  en  1825,  1853,  1868,  1890.  Les  améliora- 
lions  et  développements  dont  Dusseldorf,  Cologne,  Mayence, 
Manheim,   Strasbourg,  etc.,  ont  été  l'objet,  sont  examinés. 

Plusieurs  tableaux  donnent  les  prix  des  transports  par 
voie  fluviale  pour  diverses  catégories  de  marchandises. 
A  titre  d'exemple,  citons  ceux  de  Hambourg  à  Dresde, 
565  kilomètres,  qui  sont,  par  chalands  ordinaires  et  pour 
marchandises  pondéreuses,  de  moins  d'un  centime,  et  pour 
colis  divers,  par  service  régulier  de  vapeurs-porteurs  accé- 
lérés, de  0  cent.  318,  en  moyenne,  par  tonne  kilométrique. 

Un  document  fort  intéressant  à  consulter,  en  même  temps 
que  très  pratique,  est  le  chapitre  oii  l'on  donne  le  calcul  du 
prix  de  revie"^nt  du  transport  par  chalands  remorqués.  Les 
frais  de  toute  nature  sont  analysés  avec  un  soin  et  une 
exactitude  si  grands  que  des  formules  mathématiques  ont  pu 
être  établies  pour  donner,  sur  chaque  fleuve,  le  prix  moyen 
du  fret  pendant  toute  une  année. 

Citons  encore  un  appareil  des  plus  ingénieux  inconnu 
chez  nous,  mais  qu'on  trouve  aujourd'hui  dans  presque  tous 
les  ports  intérieurs  allemands,  c'est  l'horloge  d'étiage. 
Un  cadran,  divisé  au  décimal,  sur  lequel  se  meuvent  des 
aiguilles  actionnées  par  un  mouvement  qui  marche  au 
moyen  d'un  flotteur,  indique  au  batelier,  en  mètres  et  cen- 
timètres, la  hauteur  du  plan  d'eau  au-dessus  ou  au-dessous 
de  zéro.  Ces  appareils,  connus  sous  le  nom  de  Pegel-Uhr, 
ont  parfois  un  aspect  assez  monumental. 

M.  Lafïitte  n'a  point  oublié  de  se  préoccuper  d'un  élément 
de  dépense  qui  a  son  iniportance.  Il  donne  un  extrait  du 
tarif  général  établi  en  mars  1896  pour  les  transports 
par  eau. 

Le  commerce  fluvial  est  l'objet  d'un  chapitre  fort  intéres- 
sant.  Quelques   chitîres   doivent   être    cités.    Breslau,   sur 


309 

l'Oder,  a  vu  le  mouvement  de  sa  batellerie  monter  de 
478,000  tonnes  de  marchandises,  en  1885,  à  1,934,000 
tonnes  en  1897;  Schandau,  sur  l'Elbe  supérieure,  460,000 
tonnes  en  187i-75,  et  3,153,000  en  1897;  Hambourg, 
1846  à  1850,  458,000  tonnes  et  5,57^2,000  en  1897  ;  Berlin, 
sur  la  Sprée,  à  l'entrée  ^2,750,000  tonnes  en  1873-75  et 
4,784,000  en  1897  ;  Brème  a  passé  de  177,000  tonnes  à 
715,000.  Le  tonnage  pour  les  six  fleuves  :  Rhin,  Weser, 
Elbe,  Oder,  Vistule  et  Memel,  a  été,  en  1875,  de  1,750,000,000 
tonnes  kilométriques  ;  en  1885,  de  3,500,000,000,  et,  en 
1895,  5,920,000,000. 

Neuf  villes  :  Kœnigsberg,  Breslau,  Berlin,  Hambourg, 
Cologne,  Duisburg,  Manheini,  Ludgwigs,  Haven,  Francl'orl- 
sur-le-Mein,  ont  particulièrement  profité  de  ce  développe- 
ment de  la  batellerie.  Leur  trafic  total  s'est  élevé  à 
25,721,000  tonnes  en  1880,  à  37,411,000  en  1893,  corres- 
pondant à  une  augmentation  de  2,978,000  tonnes  pour  les 
chemins  de  fer  desservant  ces  neuf  villes.  L'intensité  de  la 
circulation  sur  les  voies  d'eau  et  sur  les  voies  ferrées,  de 
1875  à  1895,  s'est  traduite  par  une  augmentation,  pour  le 
tonnage  ramené  au  parcours  total,  de  44  "/o  sur  la  voie 
ferrée  et  de  159  %  sur  la  voie  d'eau. 

Le  rôle  de  la  batellerie  dans  le  développement  industriel  a 
été  considérable.  La  production  de  la  houille,  grâce  aux 
facilités  nouvelles  que  la  batellerie  a  fournies  à  celte  industrie, 
s'est  élevée  à  990,000  tonnes  en  1840,  à  48,423,000  tonnes 
en  1897,  pour  le  bassin  du  Rhin,  et  de  558,000  à  20,636,000 
pour  le  bassin  de  la  Silésie.  L'augmentation  du  personnel 
ouvrier,  dans  les  industries  qui  empruntent  la  voie  d'eau 
pour  leurs  transports,  s'est  élevée  de  2,200,000  ouvriers,  de 
1882  à  1895. 

La  coopération  de  la  batellerie  au  développement  du 
commerce  maritime  n'a  pas  été  moins  importante.  Le  mou- 


310 

vemenl  du  port  de  Hambourg  est  remarquable  ^  cet  égard. 
Pour  les  deux  années  réunies  1895-1896,  les  importations 
se  sont  élevées  à  13,472,000  tonnes,  dont  5,217,000  ont 
pris  la  voie  fluviale  pour  pénétrer  dans  Tintérieur,  et 
1,764,000  seulement  ont  pris  la  voie  ferrée. 

En  terminant,  M.  Laffitte  estime  à  67,500,000  marks,  soit 
près  de  85  millions  de  francs,  l'économie  nette  annuelle 
réalisée,  par  remploi  des  voies  d'eau,  sur  le  coût  des  trans- 
ports. 

fj'analyse  sommaire  que  nous  venons  de  présenter  vous 
donne  une  idée  de  la  masse  de  documents  que  l'enquête  du 
Comité  de  la  Loire  navigable  a  su  se  procnrer.  Ce  travail, 
tant  par  la  variété  et  la  précision  des  renseignements  que 
par  l'esprit  de  méthode  qui  préside  à  leur  mise  en  lumière, 
constitue  une  œuvre  magistrale,  qui  fait  le  plus  grand 
honneur  ë  nos  dévoués  contîitoyens.  Elle  leur  vaudra,  sans 
aucun  doute,  une  nouvelle  et  plus  ample  conquête  de  l'opi- 
nion en  faveur  de  l'œuvre  considérable  et  d'intérêt  national 
dont  ils  poursuivent  l'exécution. 


LES  BIENS 
DE    L'ÉGLISE    DE    NANTES 

ET 
LA  CHARTE  DE  LOUIS    LE   GROS 

Par   m.    ORIEUX. 


Compte    rendu    par    M.    Félix    LIBAUDIÈRE. 


Noire  érudil  collègue  M.  Eugène  Orieux  a  fait  hommage 
^  la  Société  Académique  de  la  brochure  intitulée  :  Les  biens 
de  l'église  de  Nantes  et  la  charte  de  Louis  le  Gros.  Nous 
en  rendons  compte. 

Un  chapitre  préliminaire  a  pour  litre  :  Les  biens  de  l'église 
au  Moyen- Age.  Dans  ce  chapitre,  M.  Orieux  montre  les 
conditions  dans  lesquelles,  depuis  la  conquête  des  Francs 
jusqu'au  XII«  siècle,  l'église  des  Gaules  lui  mise  en  possession 
de  ses  biens  et  de  ses  prérogatives.  Il  cite  Tédit  de  Glotaire  II, 
en  614,  le  modifications  apportées  par  Charles  Martel,  les 
empiétements  de  Charlemagne  au  point  de  vue  de  la  nomi- 
nation des  évoques  par  les  Souverains.  L'histoire  du  diocèse 
de  Nantes  est  l'objet  d'une  mention  toute  spéciale  et  les 
vicissitudes  par  lesquelles  elle  passa  sous  la  domination  des 
Normands,  des  Bretons  sont  passées  en  revue. 

Nous  arrivons  à  l'objet  principal  de  la  brochure.  Au  com- 
mencement du  XII«  siècle ,  le  diocèse  de  Nantes  était 
gouv-erné  par  l'évêque  Brice,  actif,  énergique,  qui  prit  à 
cœur  les   intérêts    de  son   église   et  de  son  clergé  et  ne 


312 

craignit  pas  de  s'opposer  à  certains  envahissements  des 
moines.  Douloureusemenl  affecté  par  les  perles  que  l'église 
avait  subies  pendant  et  depuis  les  invasions  normandes  et 
voulant  tenter  de  les  réparer,  il  fît  en  H28  un  long  voyage 
pour  implorer  le  roi  de  France  Louis  le  Gros.  Il  le  rencontra 
à  son  palais  de  Lorriaci  (Lerris,  déparlement  du  Loiret),  et 
lui  demanda  le  rétablissement  des  biens  dont  les  évoques 
avaient  eu  la  garde. 

Touché  par  la  requête  qui  lui  était  présentée,  Louis 
le  Gros  accéda  à  la  demande  de  l'évéque  Brice.  «  Nous 
»  ordonnons,  dit  la  charte  ainsi  octroyée,  que  l'on  sache 
»  que  nous  confirmons  l'église  dans  les  biens  qui  avaient 
»  été  donnés  par  les  rois  h  la^  sacrosainle  église  des  apôlres 
»  et  qui  ont  été  possédés  par  les  prédécesseurs  de  Brice, 
»  Félix,  Pasquier  et  autres  vénérables  évêques  du  même 
I»  siège,  nous  ordonnons  qu'il  soit  possédé  par  lui  et  tous 
»  ses  successeurs  par  notre  privilège,  par  droit  perpétuel  ». 
Suit  la  liste  de  ces  biens,  qui  sont  groupés  sous  84  numéros. 
Chacun  d'eux  est  porté  sous  le  nom  latin  de  la  charte  et 
la  iraduclion  française  en  est  donnée.  Pour  la  plupart 
d'entre  eux  M.  Orieux  présente  une  étude  critique  au  point 
de  vue  historique  et  archéologique.  La  plupart  se  trouvaient 
sur  le  territoire  du  diocèse  même  :  à  Vertou,  Ghéméré, 
Sainl-Viaud,  Le  Pallel,  Saint-Julien-de-Goncelles,  Montrelais, 
Besné,  Guémené-Penfao,  Conquereuil,  Béré,  Soudan,  Erbray, 
Juigné-les-Moutiers,  Blain,  Issé,  Nozay,  SatïVé,  Abbarctz, 
Moisdon,  Sainl-Julien-de-Vouvanles,  Varades,  Teille,  Ligné, 
Mauves,  Thouaré  ,  Saint-Mars-du-Désert ,  Gasson,  Sucé, 
Trcillières,  Orvault,  Nort,  Saulron,  Indre,  Carquefou,  Saint- 
Etienne-de-Montluc,  Portechaise  et  Rezé,  Sainl-Géréon, 
Petit-Mars,  Anelz  ;  les  églises  de  Saint-Similien,  Saint- 
Donatien  et  Rogatien,  Saint-Cyr  et  Sainte-Julille,  Notre- 
Dame ,    Saint-Çlémenl ,    Saint- André-de-Nanles.    L'évêché 


313 

possédait  eiili-e    outre   des   domaines  dans  les  diocèses  de 
Luçon,  d'Angers  et  de  Rennes. 

Un  tableau  récapitulatif  donne  le  détail  de  ces  biens  par 
nature.  H  y  avait  donc  trois  monastères  avec  leurs  dépen- 
dances, une  résidence  de  l'évêque,  trois  châteaux,  trente- 
cinq  paroisses  seules,  deux  paroisses  avec  l'église,  une  demi- 
paroisse  avec  l'église,  une  paroisse  avec  forêt,  une  avec  île, 
une  avec  les  eaux,  une  partie  de  paroisse,  dix  églises,  une 
île,  quatorze  villages  ou  prieurés,  cinq  domaines  dans  les 
diocèses  limitrophes,  une  église  à  Orléans  et  en  outre  les 
revenus  des  ports  de  Rezé  et  de  Chaise,  le  monopole  sur  deux 
navires  et  la  moitié  du  droit  de  Tonlieu  dans  la  ville  de 
Nantes.  Le  Tonlieu  était  le  droit  perçu  sur  toutes  les 
marchandises  entrant  en  ville  ou  se  vendant  sur  les  places 
et  marchés. 

Une  carte  géographique  du  diocèse  et  d'une  partie  des 
diocèses  limitrophes,  avec  inscription  à  l'encre  rouge  des 
lieux  cités  dans  la  charte,  permet  d'embrasser  d'un  coup 
d'œil  l'en-^emble  des  domaines  dont  elle  parle. 

M.  Orieux  estime  qu'au  moment  oii  l'évêque  Brice  adressait 
sa  requête,  le  diocèse  de  iNantes  n'avait  en  sa  possession 
que  il9  et  au  plus  ^S  des  84  fiefs  domaniaux  énumérés  dans 
la  charte  et  il  donne  la  liste  des  seigneurs  qui  détenaient 
indûment  ceux  que  réclamait  l'évêque. 

Un  annexe  nous  initie  aux  transformations  que  les  noms 
latins  qui  figurent  dans  la  charte  ont  subies  dans  leur 
orthographe  pour  arriver  aux  dénominations  actuelles. 

La  brochure  se  termine  par  une  étude  critique  plus 
approfondie  sur  plusieurs  localités  citées  dans  la  charte  qui 
sont  l'objet  de  controverses  :  Cariacum,  qui  n'est  autre 
que  Ghassay  en  Sainte-Luce,  résidence  des  évêques  jusqu'en 
1790.  Windunel,  qui  devint  Vidunitam,  liethené,  puis 
Bosné  en  Ponlchâteau.   Mouaslerium  Leyum,  Monasler-lé, 

21 


314 

Monlrelais.  Porlum  Cnrchedrarum  el  Portum  Raciaci  cum 
tribus  miliariis  sursum  et  lotidem  deorsum  :  Porlechaisc 
et  porl  de  Rezé  avec  trois  mille  à  l'amont  el  autant  h 
l'aval. 

La  Société  Académique  adresse  à  son  distingué  collègue 
ses  bien  sincères  félicitations  pour  le  travail  consciencieux 
et  scrupuleux  auquel  il  s'est  livré  et  pour  les  intéressants 
documents  qu'il  à  su  habilement  mettre  en  lumière  pour 
l'enseignement  de  notre  génération. 


NOTICE   NÉCROLOGIQUE 

SUR 

Madame     ADINE      R  IO  M 

Membre  de  la  Société  des  Genv  de  Lettres , 
Officier  d'Académie , 

Pal'    Julien    TYUION,    vice-président. 


Messieurs, 

On  marche  lentement  en  gravissant  la  roule, 
Tout  est  grâce,  parfum,  bonheur,  rayonnement  ; 
L'âme  n'a  combattu  ni  l'ombre  ni  le  doute, 
On  arrive  au  sommet,  et  là,  rapidement, 
Le  frisson  nous  saisit,  la  pente  nous  entraîne, 
Les  jours,  les  mois,  les  ans,  toute  la  vie  humaine 
S'etïeuille  à  droite,  à  gauche,  et  tombe  sans  effort  ; 
Gomme  un  tronc  dépouillé,  nous  roulons  dans  l'espace 
Et  nous  sentons  vivant  dans  l'être  qui  s'etïace 
■  L'horrible  attraction  du  gouffre  et  de  la  mort  ('). 

Ainsi  chantait  M"«  Adine  Riora,  l'écrivain  sincère  et  délicat 
dont  la  Société  Académique  déplore  aujourd'hui  la  perle.  Il 
semble  que,  depuis  quelque  temps  déjà,  M"«  Riom  avait 
comme  le  pressentiment  de  sa  fin  prochaine.  Cependant, 
lorsqu'en  1895,  je  vous  communiquais  une  élude  sur  les 
w  Adieux  »,  la  dernière  œuvre  qu'elle  devait  faire  paraître, 
malgré  le  litre  attristant  qu'elle  avait  choisi  pour  ce  volume, 
je  vous  faisais  part  de  mon   espoir  de  la  conserver  encore 

(1)  Les  Adieux. 


316 

pendant  de  longues  années  parmi  nous.  —  La  mort,  qui 
frappe  au  hasard,  devait  bientôt  dissiper  nos  illusions,  en 
enlevant  à  Taffection  de  sa  famille  et  à  noire  respectueuse 
admiration  noire  éminente  Sociétaire. 

Depuis  longtemps.  M""  Riom,  sous  les  pseudonymes  de 
Comte  de  Saint-Jean  et  de  Louise  d'Isolé,  s'était  acquis,  h 
juste  titre,  pariiculièremenl  en  Bretagne,  la  réputation  d'un 
poète  inspiré.  Bien  des  jours  se  sont  écoulés  depuis  que,  pour 
la  première  fois,  jentcndis  proclamer  le  nom  de  Louise 
d'Isolé.  J'avais  vingt  ans  alors,  c'était  au  théâtre  de  la 
Renaissance,  lors  de  la  distribution  des  prix  d'un  concours 
que  la  société  «  La  Pomme  »  avait  organisé  à  Nantes, 
concours  auquel  mon  ami,  M.  Caillé,  avait  pris  part  et  où  il 
obtint  une  première  médaille  pour  son  charmant  sonnet  sur 
Elisa  i\lercœur.  —  Louise  d'Isolé  avait  présenté  une  pièce 
sur  le  Mont-Saint-Michel  ;  elle  remportait  un  prix,  et  Charles 
Monselet,  notre  compatriote,  faisait  l'éloge  de  son  talent. 

Depuis,  j'eus  souvent  l'occasion  de  lire  ses  vers  tout 
remplis  de  passion  ardente  et  de  foi  exaltée.  A  chaque  lecture, 
il  me  semblait  entendre  comme  un  écho  de  la  plainte  éter- 
nelle de  l'Océan,  et  ses  poésies  exhalaient  un  parfum  de 
landes  et  de  bruyères  en  fleur. 

Je  vous  ai  dit,  Messieurs,  tout  le  bien  que  je  pensais  de 
son  volume  des  »>  Adieux  »,  édité  en  1895,  dont  Kugène 
Manuel  avait  écrit  la  préface  (»).  Je  ne  puis,  après  des 
maîtres  tels  que  Jules  Janin,  Pitre  Chevalier,  Saint-René 
Tallendier,  Henri  de  Bornier,  Philippe  Dauriac,  Claveau, 
J.  Levallois,  Emile  Blémont,  Blanchemain,  pour  ne  citer  que 
ceux-là,  faire  ici  l'éloge  des  œuvres  de  notre  regrettée 
Sociétaire.  Le  Journal  de  l'Instruction  publique,  La 
Gazette  rose.   Le  Monde   illustré,  La   Revue   contempo- 

(1)   Annalet  de  la  Société  Académique,  1895. 


317 

raine,  L'Almanach  de  la  Littérature,  du  Théâtre  et  des 
Beaux- Arts,  La  Revue  des  Deux-Mondes,  Le  Moniteur, 
Le  Correspondant,  Le  Rappel,  Le  Nord,  La  Revue  bri- 
tannique. Le  Monde  ont,  dans  des  articles  élogieux, 
consacré  le  talent  de  noire  muse  nantaise  (i). 

C'était  du  pseudonyme  de  Comte  de  Saint-Jean  qu'elle 
signait  les  premières  œuvres  qu'elle  adressait  à  divers  écri- 
vains célèbres.  Et,  souvent,  le  confident  ne  parvenait  pas  à 
deviner  que  ces  vers  énergiques  et  sonores  émanaient  d'une 
plume  féminine,  et  que  les  idées  ardentes  ou  généreuses 
qu'ils  exprimaient  étaient  nées  dans  un  cerveau  de  femme. 
On  raconte  même  qu'un  Révérend  Père,  avec  lequel  corres- 
pondait le  Comte  de  Saint-Jean,  vint  à  Nantes,  dans  le  but 
de  connaître  ce  poète.  Ce  fut  M™»  Riom  qui  le  reçut  dans 
son  charmant  salon  carré  du  boulevard  Delorme.  La  surprise 
du  Révérend  fut  telle  qu'il  fut  longtemps,  dit-on,  à  lui 
pardonner  de  l'avoir  trompé  sur  son  état-civil. 

En  même  temps,  Louise  d'Isolé  éditait  des  poésies  dans 
lesquelles  vibraient  ou  la  croyance  et  la  loi  du  pays  celtique, 
ou  la  plainte  d'une  âme  passionnée  et  chaste,  dans  des 
élégies  comparables  h  celles  de  Mn>«  Desbordes-Valmore. 

Ce  ne  fut  que  plus  tard,  lorsque  le  Comte  de  Saint-Jean 
et  Louise  d'Isolé  eurent  atteint  une  certaine  célébrité, 
lorsque  M™*  Riom  fut  devenue  veuve  et  grand'mère,  que 
notre  poète  consentit  a  sortir  enfin  de  son  obscurité  volon- 
taire et  à  faire  paraître  ses  œuvres  sous  son  vrai  nom.  Je 
laisse  ici  la  parole  à  Eugène  Manuel,  dans  un  passage  de  sa 
préface  des  «  Adieux». 

«  Un  jour,  enfin,  M"^  Riom  se  fit  connaître  et  prit  au 
»  grand  jour  le  nom  sous  lequel  vivront  ses  vers.  C'est  assez 
»  tardivement  que  nous  vîmes  pour  la  première  fois  à  Paris 


(1)  Le  Salon  de  yl/mc  niom,  par  M.  Dominique  Caillé. 


818 

»  el  que  je  reçus  la  visite  de  rinlelligente  el  aimable  femme 
»  que  Lamartine  et  Victor  Hugo  avaient  saluée  poète,  dont 
»)  Montaleraberl,  le  P.  Gratry  el  d'autres  illustres  person- 
»  nages  avaient  apprécié  le  noble  et  religieux  talent,  et  que, 
»  Eugène  Loudun,  après  la  lecture  du  volume  «  Passion  », 
»  avait  appelée  une  «  Sapho  baptisée  ». 

»  Quand  M™»  Riom  se  décida  à  revendiquer  pour  elle  des 
0  succès  dont  elle  n'avait  joui  que  sous  des  masques  d'em- 
»  prunl,  elle  était  veuve  et  grand'mère.  Les  cheveux  gris,  la 
I)  taille  petite  et  frêle,  la  physionomie  {\  la  fois  énergique  el 
<»  fine,  le  regard  pénétrant,  mais  l'allure  timide  et  réservée, 
«  telle  je  la  vis  a  cette  première  rencontre,  telle  elle  est 
»  restée.  Elle  semblait  se  retirer,  se  confiner  en  elle-même, 
»  se  dérober  encore  aux  éloges,  quand  elle  ne  pouvait  plus 
»>  se  soustraire  h  la  notoriété.  Mais  quand  elle  prenait 
»  confiance,  quand  elle  sentait  la  sympathie  autour  d'elle, 
•>  quand  elle  se  hasardait  à  lire  ses  vers,  c'était  la  vie,  la 
»  chaleur  et  l'enthousiasme.  » 

Telle  elle  était  alors,  telle  l'a  reproduite  le  ciseau  d'Alfred 
Caravaniez. 

Les  palmes  académiques  étaient  venues,  entre  temps, 
couronner  sa  carrière  d'écrivain  cl  la  Société  des  Gens  de 
Lettres  l'avait  admise  au  nombre  de  ses  membres.  Mais  les 
succès  qu'elle  obtint  la  laissèrent  sans  vanité  ;  elle  sut 
demeurer  simple  et  bonne  ;  sa  porte  était  toujours  grande 
ouverte  aux  amis  des  lettres,  et  jamais  elle  ne  refusait  un 
conseil  ou  un  encouragement. 

Dans  le  «  Salon  de  M™»  Rîom  »,  M.  Dominique  Caillé 
nous  a  initiés  aux  soirées  délicieuses  passées  en  sa  compagnie. 
Dans  ce  salon  d'autrefois,  tous  les  écrivains  de  notre  province 
et  plusieurs  hommes  célèbres  de  Paris  :  MM.  le  vicomte  de 
la  Villemarqué,  de  l'Inslitut  ;  Eugène  Manuel,  Joseph  Rousse, 
Emile   Péhant,  Robinol-Rerlrand,   Eugène   liambert,  Olivier 


819 

Biou,  l'abbé  Pétard,  Eaiile  Oger,  Frédéric  Blin,  Honoré 
Bronlel,  Louis  Tiercelin,  Louis  Fréchelte  soin  venus  tour  à 
tour  écouler  ses  vers  et  réciter  les  leurs,  charmés  par  sa 
grâce  exquise  et  sa  bonté. 

A  côté  de  Brizeux,  d'Elisa  Mercœur  et  de  Boulay-Paly, 
M™^  Riom  aura  sa  place  au  panthéon  de  la  poésie  bretonne. 
Le  poète  dépose  dans  ses  œuvres  le  meilleur  de  son  âme;  en 
relisant  ses  vers,  nous  y  trouverons,  Messieurs,  des  exemples 
et  des  conseils,  et  son  esprit  sera  toujours  présent  parmi 
nous . 

Julien  TYRION. 
10  octobre  1809. 


LE  GÉNÉRAL 
DE    LA    PAROISSE    DE    BATZ 

1732-1738 

PAR    M.    ORIEUX. 


Compte  rendu  par  M.  Félix  LIBAUDIÈRE. 


Dans  sa  brochure  :  Le  Général  de  la  paroisse  de  Batz, 
1732-1788,  M.  Orieiix  nous  inilic  au  fonclionnemenl  de 
celle  inslilulion.  Les  Irois  communes  acluelles  du  Croisic, 
de  Balz  el  du  Pouliguen  ne  formaienl  avanl  1763  qu'une 
seule  paroisse  sous  le  nom  de  Balz  et  qui  était  administrée 
par  deux  Conseils  élus  :  l»  la  communauté  de  ville  du 
Croisic  et  de  la  paroisse  de  Balz,  qui  avait  dans  ses  atlri- 
butions  les  travaux  des  ports  du  Pouliguen  et  du  Croisic  el 
la  nomination  du  miseur  ;  2°  le  général  de  la  paroisse  de 
Batz. 

Le  nom  de  Général  de  la  paroisse  s'appliquait  h  l'en- 
semble des  habitants  notables  aussi  bien  qu'aux  membres 
du  Conseil  réunis  en  assemblée.  Les  réunions  comprenaient 
généralement  une  vingtaine  de  membres.  Le  nombre  de  ces 
réunions  était  variable.  Il  fut  de  dix-sept  en  1733,  de  dix 
en  1734,  de  cinq  seulement  en  1735. 

Le  Général  faisait  administrer  les  affaires  de  la  paroisse 
par  deux  marguilliers  qui  géraient  les  affaires  de  la  paroisse 
conformément  à  la  décision  du  Général.  Us  s'occupaient 
des  travaux  et  réparations  à  faire  aux  églises,  aux  pres- 
bytères et  cimetières,   ils  réglaient   les   places   des   prêtres 


321 

de  chœur  souvent  vacantes,  donnaient  leur  avis  sur  les 
messes  de  fondation.  Ils  acceptaient  les  dons,  les  rentes 
en  nature  ou  en  argent  ;  ils  louaient  les  biens  fonciers,  ils 
plaçaient  l'argent  en  rentes  non  sans  avoir  fait  appel  à  la 
concurrence  pour  obtenir  un  plus  grand  revenu.  Us  repré- 
sentaient la  paroisse  lorsqu'elle  avait  des  procès.  Au  sortir 
de  leur  charge  ils  dressaient  un  inventaire  des  ornements 
des  églises  et  le  faisaient  reconnaître  de  leurs  successeurs. 

La  durée  de  leurs  fonctions  était  de  deux  ans.  Leur 
élection  avait  lieu  le  lendemain  de  Noël  et  les  élus  entraient 
en  fondions  le  1"  janvier.  Ces  fonctions  toutes  gratuites 
étaient  loin  d'être  une  sinécure,  comme  on  peut  s'en  con- 
vaincre par  l'historique  que  trace  M.  Orieux  du  Général. 

Notre  distingué  collègue  a  compulsé  le  registre  des  déU- 
béraiions  que  M.  l'abbé  Clénet,  curé  du  Croisic,  a  mis  à 
sa  disposition,  et  nous  empruntons  à  son  travail  quelques 
faits  qui  nous  font  assister  à  la  vie  de  celte  institution. 

En  1731,  les  deux  marguilliers,  sur  l'ordre  du  Général, 
dressent  un  étal  du  temporel  des  églises  de  Saint-Guénolé 
de  Balz  et  de  Nolre-Dame-de-Pitié  du  Croisic.  Ce  temporel, 
provenant  de  dons  et  d'acquisitions,  consiste  en  158  œillets 
de  marais  salants,  représentant  environ  12  hectares,  166 
livres  de  renies  sur  maisons,  terre  et  jardins,  72  livres  de 
renies  franchissables  par  1,300  livres  de  capital,  2,800  livres 
à  placer  en  rentes,  3  sillons  de  terre,  1  maison  rue  des 
Cordiers,  1/3  de  logis  et  jardin,  1  jardin,  58  sillons  de 
pré. 

Le  8  février  1833,  communication  est  faite  par  le  premier 
marguillier  au  Général  d'un  mandement  portant,  entre  autres 
prescriptions,  le  règlement  des  honoraires  du  clergé  et  des 
droits  des  fabriques  du  diocèse.  Certaines  de  ces  prescrip- 
tions étaient  préjudiciables  à   la  fabrique  et  le  Général  invita 


le  (.iiemier  marguiller  «  h  se  donner  l'honneur  •  d'écrire 
au  seigneur  cvêque  pour  lui  demander  la  liberté  de  suivre 
l'ancien  usage. 

Une  demande  de  3,259  livres  11  sous  fui,  en  février  1736, 
adressée  aux  marguilliers  par  mandement  des  commissaires 
des  Etats  de  Bretagne  pour  Vimposition  du  dixième  du 
revenu  des  biens  ruraux  de  la  paroisse. 

L'assemblée  du  Général,  réunie  le  ^6  février,  décida  que 
le  maire  syndic  de  la  ville  du  Groisic  el  les  commissaires 
nomujés  par  la  communauté  procéderaient  à  la  répartition 
du  dixième  selon  l'usage  el  que  le  montant  du  rôle  serait 
payé  aux  bureaux  indiqués  dans  le  mandement.  On  voit  que 
le  Général  el  la  communauté  étaient  chargés  de  la  percep- 
tion des  contributions  levées  au  profil  du  Roi. 

Ces  deux  corps  avaient  également  la  mission  d'opérer  la 
rentrée  des  impôts  concernant  la  communauté  et  la 
paroisse. 

La  paroisse  se  trouvait  créancière  d'une  somme  de  2,866 
livres  8  sous  6  deniers,  par  suite  d'un  emprunt  contracté 
en  1702.  Le  Roi,  par  arrêt  rendu  en  Conseil  d'Etal,  avait 
ordonné  que  la  somme  serait  payée  et  avancée  par  le 
miseur  sous  forme  d'emprunt  sur  les  fonds  de  la  ville  el 
communaulé  et  qu'elle  serait  remboursée  en  1736  el  1737 
par  portions  égales,  au  moyen  d'une  levée  spéciale  faite  sur 
tous  les  habitants  et  propriétaires  des  maisons  el  héritages 
situés  dans  la  ville  du  Groisic,  exempts  el  non  exempts, 
privilégiés  et  non  privilégiés.  La  communaulé  de  ville  que 
celle  affaire  concernait  était  invitée  à  nommer  quatre  anciens 
notables  pour  répartir  ladite  somme  entre  les  contribuables, 
à  faire  vérifier  les  rôles  et  les  rendre  exécutoires  par  l'inten- 
dant el  enfin  k  en  faire  opérer  les  recouvrements  par  des 
collecteurs  de  son  choix. 


3'i3 

Nous  voyons  le  Général,  le  15  juillet  1736,  nommer  pour 
une  nouvelle  période  de  neuf  années  l'organiste  des  églises 
de  Balz  et  du  Croisic,  et  le  25  novembre  approuver,  pour  une 
durée  de  sept  années,  le  marché  concernant  l'entretien  et 
le  rétablissement  des  tombes  de  l'église  de  Balz. 

D'importantes  réparations  étaient   devenues   nécessaires  à 
l'église  de  Batz  et  le  Général,  à  la  suite  d'une  ordonnance 
du  30  juin  rendue  par   l'intendant  de    Bretagne,   prend,  le 
1-2  août,  une  délibération  dans  laquelle  il  approuve  le  devis 
des  travaux   à  exécuter  pour  la  maçonnerie,   le  pavage,  la 
charpente,  la  couverture,  la  plomberie,   la  menuiserie,   le 
vitrage  et  qui  montait  à   la  somme  de  23,050  livres.    Les 
travaux  furent  portés  à  la  connaissance  des  entrepreneurs 
par  des   publications  et    des  affiches    à    Rennes,  Nantes, 
Vannes,  Le  Croisic.   Les  concurrents  durent  être  nombreux 
car  le   travail  fut  adjugé,  avec  un  rabais  de  32  %,  à  un 
entrepreneur  de  Redon,  soit  pour  la  somme  de  15,800  livres. 
Par  arrêt  du  26  mars  1737,  le  Roi  approuva  l'adjudication 
et  ordonna  que  la  somme  de   15,800  livres  serait  imposée 
et  levée  sur  tous  les  habitants    et  sur  tous  les  propriétaires 
des  biens   fonds  situés  dans  l'étendue  de  la  paroisse.  Pour 
se  conformer  aux  stipulations  de  l'adjudication   le  Général 
désigna,  le  19  mai,  sept  commissaires   pour  examiner   les 
travaux  et    les    matériaux    et   aussi    sept    égailleurs  pour 
procéder  h  la  répartition  du  rôle  des  contributions.  Le  2  juin 
il  fut  procédé  à  la  désignation  de   22  collecteurs,    8  pour 
le  Croisic,  12  pour  Batz,  2  pour  le   Pouliguen,   chargés  de 
la  perception    de    ces   contributions.    La   surveillance    des 
travaux  fut  très  pénible.  L'entrepreneur    ne  remplissait   pas 
les   conditions   de  son    marché,    les  matériaux   étaient  de 
mauvaise  qualité  et  les  acomptes  verses  dépassaient  la  valeur 
des  travaux  exécutés.  Lors  de  la  nomination  des  nouveaux 


324 

raarguilliers,  le  26  décembre    1738,  le  Général   n'élail  pas 
arrivé  à  en  terminer  avec  ces  difficultés. 

M.  Orieux  en  terminant  rappelle  que  le  Général  de  la 
paroisse  fui,  en  1790,  remplacé  par  le  Conseil  municipal 
de  la  commune,  et  consacre  quelques  mots  aux  transfor- 
mations qui  suivirent  au  cours  de  ce  siècle. 


^  m 


UNE  QUESTION  DE  PRESEANCE 

POUR  LA   PROCESSION 

DE    LA    FÊTE    DIEU    A    NANTES 
AU     XVIIP    SIÈCLK 

DOCCMENT    INÉDIT 

iWjs   au   jour    et    annoté    par    M.    le    baron    Gaétan    de    Wistnes 
Compte  rendu  par  A.  MAILCAILLOZ. 


Messieurs, 

M.  le  baron  Gaétan  de  Wismes  a  offert  à  notre  Société 
une  brochuie  par  laquelle  il  met  au  jour  un  document  inédit 
sur  une  question  de  préséance  pour  la  procession  de  la 
Fête-Dieu  à  Nantes  au  XVIII«  siècle.  C'est  un  mémoire  pré- 
senté au  nom  de  l'Evêque  de  Nantes,  plaidant  contre  le 
Procureur  général  de  la  Chambre  des  Comptes  de  Bretagne 
qui  contestait  à  la  juridiction  épiscopale  des  reguaires  le 
droit  de  suivre  immédiatement  le  dais  dans  la  procession  de 
la  Fête-Dieu. 

Peut-être  notre  érudit  concitoyen  a-t-il  mis  quelque  ironie 
dans  la  publication  de  cette  pièce,  à  notre  époque  où,  par 
respect  de  la  théorie  de  la  neutralité  de  l'Etat,  les  fonction- 
naires mettent  peu  d'empressement  à  se  disputer  les  pré- 
séances aux  fêtes  religieuses,  surtout  lorsqu'elles  sont 
publiques.  Cependant  il  ne  s'avoue  guidé  que  par  le  désir  de 
contribuer  à  notre  histoire  locale,  sur  un  point  particulière- 


326 

ment  inléressant,  puisque  la  procession  de  la  Ff'le-Dieu 
constitue,  au  dire  même  de  M.  Golombel,  maire  de  Nantes 
en  1848,  «  la  seule  fête  vraiment  populaire  que  le  passé  ait 
»  légué  aux  Nantais.  » 

Voici  exactement  en  quoi,  au   XVIIl«  siècle,  consistait   le 
débat  : 

L'évêque,  portant  le  Saint-Sacrement,  avait,  depuis  l'usage 
des  processions  de  la  Fête-Dieu,  c'est-à-dire  depuis  1400 
environ,  la  coutume  de  faire  suivre  le  dais  par  les  officiers 
des  reguaires,  avec  des  torches  et  des  panonceaux  à  ses 
armes.  En  1602,  la  Chambre  des  Comptes  de  Bretagne 
assista  pour  la  première  fois  en  corps  <j  cette  cérémonie  et 
prit  immédiatement  place  après  les  officiers  des  reguaires; 
mais,  en  1725,  elle  trouva  mauvais  cet  usage  et  demanda 
qu'on  exclût  du  cortège  le  greffier  des  reguaires,  ne  contes- 
tant point,  d'ailleurs,  «  au  sénéchal,  à  l'alloué,  au  lieutenant 
»  et  au  procureur  fiscal  de  cette  juridiction  l'usage  et  la 
0  possession  de  suivre  immédiatement  le  dais.  »  Un  arrêt  du 
Conseil  du  Roi  du  8  mars  1727  déboula  la  Chambre  des 
Comptes  de  ses  prétentions.  Mais  elle  interjeta  appel  au 
Parlement  de  Rennes,  réclamant  cette  fois  la  préséance  sur 
tous  les  officiers  de  l'évêque,  et  c'est  sur  cet  appel  qu'en 
1754,  Messire  Pierre  Mauclerc  de  la  Muzanchère,  conseiller 
du  Roi,  alors  évèque  de  Nantes,  lui  fit  notifier  le  mémoire 
que  M.  de  Wismes  nous  fait  connaître  aujourd'hui. 

M.  Le  Chapellier,  avocat  de  M.  de  la  Muzanchère,  oppose 
aux  officiers  des  Comptes  une  fin  de  non-recevoir,  résultant 
de  leur  acquiescement  tacite  à  l'usage  depuis  1602  jusqu'en 
1725  et  de  leur  acquiescement  exprès,  sauf  en  ce  qui 
concerne  le  greffier,  depuis  1725  jusqu'en  1754.  Il  leur 
fait  remarquer  ensuite  qu'ils  plaident  sans  objet  et  sans 
intérêt,  car  l'évêque  ne  nie  pas  que  «  la  Chambre  des 
»  Comptes  doive  avoir  au  vis-à-vis  des  officiers  des  reguaires. 


3^27 

»  en  tous  lomps,  en  tous  lieux,  en  public,  en  particulier,  les 
•  prérogatives  dues  aux  corps  et  aux  membres  des  Compa- 
»  gnies  supérieures  »>,  mais  il  s'étonne  que  ses  adversaires 
aient  pu  soupçonner,  au  profit  des  reguaires,  «  quelque 
»  préséance  honorifique  dans  un  devoir  qui  se  remplit  avec 
»  des  signes  manifestes  de  domesticité,  ancien  vestige  de  la 
»  qualité  de  commensaux  commune  autrefois  à  tous  les  offi- 
»  ciers  des  évêques.  »  Et,  à  l'appui  de  son  dire,  il  fait 
remarquer  que  ceux-ci,  h  rencontre  des  officiers  des  Comptes, 
«  ne  sont  précédés  ni  suivis  d'aucun  huissier  de  leur  tribunal, 
«  ce  qui  fait  voir  que,  dans  le  moment,  ils  ne  sont  point 
«  en  corps  de  juridiction  »  ;  qu'aux  reposoirs,  ils  n'ont 
d'autre  appui  que  leurs  torches  de  cire  revêtues  de  panon- 
ceaux, alors  que  «  Messieurs  de  la  Chambre  des  Comptes 
»  ne  fléchissent  le  genou  que  sur  des  carreaux  qui  leur  sont 
a  préparés  ».  Enfin  il  se  demande  «  quelle  comparaison 
»>  peut  être  faite  entre  la  marche  pompeuse  de  Messieurs  de 
»  la  Chambre  des  Comptes  portant  en  main  des  branch(îs 
»  d'oranger  et  l'humble  contenance  des  officiers  des  reguaires 
»  avec  leurs  torches  ». 

Ces  questions  de  préséance,  qui  avaient  alors  tant  d'impor- 
tance —  il  suffit,  pour  s'en  convaincre,  de  lire  Saint-Simon, 
par  exemple  —  nous  semblent,  il  faut  bien  l'avouer,  un  peu 
puériles  aujourd'hui.  Mais  je  me  demande  si,  celte  fois,  sous 
son  objet  d'apparence  futile,  le  procès  dont  nous  avons  l'une 
des  pièces  ne  cachait  pas  un  débat  plus  grave  et  portant 
jusqu'au  fond  même  des  institutions.  Je  me  demande,  en  me 
reportant  à  l'histoire  de  notre  droit  français,  s'il  n'y  avait 
point  là  un  symptôme  significatif  de  la  lutte  si  vive  entre 
les  juridictions  royales,  représentées  en  l'espèce  par  la 
Chambre  des  Comptes  et  les  juridictions  ecclésiastiques  et 
seigneuriales,  dont  les  reguaires  étaient  un  vestige  et  qui, 
après  avoir  été  prédominantes  quelques  siècles  auparavant, 


328 

tendaient,  de  jour  en  jour,  à  disparaître,  sous  Taciion 
toujours  plus  puissante  du  pouvoir  central.  Et  ainsi  il  me 
semble  que  Tévêque,  plaidant  contre  les  officiers  des  Comptes, 
pouvait  bien  lutter  pour  des  prérogatives  autrement  graves 
qu'une  simple  question  de  préséance. 

Mais  ces  points  d'interrogation  que  je  me  pose,  je  n'ai  ni  le 
savoir  ni  la  compétence  nécessaires  pour  y  répondre  et  ainsi 
j'en  veux  un  peu  à  M.  le  baron  de  Wisines,  si  documenté  sur 
nos  anciens  usages  et  notre  histoire  locale,  de  ne  m'avoir 
pas  mis  h  même  de  le  faire  en  élargissant  le  débat  et  en 
commentant  plus  amplement  le  mémoire  dont,  trop  modeste- 
ment, il  s'est  fait  simplement  l'éditeur.  Je  voudrais  qu'il  nous 
eût  expliqué  exactement  les  attributions  de  cette  juridiction 
des  reguaires,  qui  est  peu  connue,  tout  au  moins  sous  cette 
appellation,  et  que  je  pense,  sans  oser  l'affirmer,  être  un 
vestige  des  institutions  féodales,  c'est-à-dire  le  tribunal  sei- 
gneurial de  l'évoque  en  tant  que  suzerain.  Il  y  a  là  tout  un 
chapitre  de  notre  histoire  politique  et  de  notre  histoire  juri- 
dique qu'il  eût  été  intéressant  de  nous  faire  connaître  ou  de 
nous  rappeler  à  propos  du  mémoire  publié. 

J'aurais  voulu  encore  autre  chose,  car  en  ces  matières  on 
devient  vite  exigeant  et  la  passion  du  chercheur  et  du  curieux 
de  documents  augmente  à  mesure  qu'il  tient  en  mains  des 
éléments  lui  permettant  de  mieux  préciser  l'objet  de  ses 
recherches.  J'aurais  donc  voulu  connaître  les  autres  pièces 
du  procès,  tout  au  moins  l'assignation  énonçant  les  préten- 
tions de  la  Chambre  des  Comptes,  dont  je  trouve  la  date 
(15  janvier  1754)  dans  la  brochure  de  M.  de  Wismes,  et  la 
décision  du  Parlement  de  Rennes,  qui  dut  clore  le  débat. 
Peut-être  y  aurions-nous  trouvé  le  moyen  de  mieux  com- 
prendre l'importance  des  intérêts  qui  y  étaient  engagés. 

Mais  de  ce  que  M.  de  Wismes  ne  nous  a  pas  donné  de 
suite  de  quoi  rassasier  toute    notre   curiosité,  il  ne  s'ensuit 


3'i9 

pas  que  nous  ne  devions  pas  le  remercier  de  sa  publication. 
Peul-êire  un  jour  éprouvera-t-il  lui-même  le  besoin  de  la 
complélor;  car,  il  n'est  pas,  nous  le  savons,  de  ceux  qui  se 
contentent  de  vues  suiJerficielles.  Si  l'intérêt  que  nous  avons 
pris  à  l'objet  de  sa  recherche  pouvait  être  pour  lui  un  motif 
de  plus  d'y  persévérer,  nous  en  serions  fort  heureux  et  ce 
sera,  si  vous  le  voulez  bien,  le  vœu  qu'au  nom  de  la  Société 
Académique  je  lui  exprimerai  en  terminant. 


22 


NOTICE    NÉCROLOGIQUE 
SUR     M.     LE     D^    KIRGHBERG 

Par  m.  le  D^  HERVOUËT,  président. 


Messieurs, 

Depuis  notre  dernière  réunion,  un  vide  bien  sensible  s'est 
fait  dans  nos  rangs.  Je  m'étais  vainement  flatté  de  passer 
celte  année  de  présidence  sans  enregistrer  une  seule  perte, 
et  vous  espériez,  comme  moi,  que  la  Société  Académique 
n'aurait  pas  de  deuil  à  porter.  La  mort  vient  pourtant  de 
nous  visiter  et  elle  a  frappé,  de  surcroît,  un  de  nos  collègues 
les  plus  chers,  les  plus  dignes  et  les  plus  aimés.  Le  docteur 
Kircliberg,  qui  a  été  très  longtemps  des  nôtres,  a  succombé, 
le  14  avril  dernier,  à  une  longue  maladie  courageusement 
supportée. 

Ceux  d'entre  vous  qui  ne  comptent  pas  parmi  les  anciens 
de  cette  Société  n'ont  pas  connu  son  assiduité  aux  séances. 
L'âge  et  la  maladie  le  retenaient  chez  lui,  le  soir.  Mais, 
jadis,  il  était  un  de  nos  membres  les  plus  actifs.  La  Section 
de  Médecine  s'honorait  de  recevoir  fréquemment  ses  commu- 
nications et  d'entendre  sa  discussion.  Ce  temps  est  loin  déjà. 
Notre  vieux  maître  était  contraint  de  réserver  et  de  concen- 
trer toutes  ses  forces  sur  un  objet  principal,  essentiel  à  ses 
yeux  :  le  service  hospitalier.  M.  Kirchberg,  en  effet,  avait 
la  passion  de  l'hôpital.  Ce  service  passait  avant  tout.  Nommé 
médecin  des  hôpitaux  après  un  concours  excellent  et  labo- 


331 

rieusemenl  préparé,  il  donna  à  celle  fonciion  si  ardemment 
désirée  le  meilleur  de  lui-même.  On  peul  dire  que  l'hôpilal 
fui  toute  sa  vie.  Aucune  considération  ne  pouvait  l'en 
éloigner  ;  ni  la  fatigue,  ni  rintérêt,  ni  les  exigences  de  la 
clientèle  ne  l'auraient  pu  déterminer  a  abandonner  son  poste 
un  seul  jour.  Pour  lui,  jamais  de  repos  ni  de  trêve.  De 
vacances  il  n'était  jamais  question.  Renoncer  ci  son  service 
pendant  un  mois,  c'eût  été,  dans  son  opinion,  perdre  pied, 
se  priver  du  pain  de  l'intelligence,  abandonner  tout  équilibre 
et  choir  dans  les  ténèbres.  Il  ne  voulut  jamais  s'y  exposer. 
Pour  se  consacrer  ainsi,  corps  et  âme,  à  l'hôpilal,  il  fallait 
que  sa  passion  pour  l'étude  clinique  fût  bien  forte,  car  cette 
scientifique  fréquentation  lui  avait  coûté  cher.  Une  piqûre 
anatomique,  dont  il  fut  victime  dès  la  jeunesse,  lui  laissa 
pour  toujours  une  santé  précaire  et  presque   misérable. 

M.  Kirchberg,  en  effet,  comme  on  l'a  déjà  dit,  aimait  la 
médecine  pour  elle-même,  pour  l'étude,  non  pour  le  métier 
proprement  dit,  lequel  en  diminue  singulièrement  l'attrait, 
du  moins  quand  il  est  compris  d'une  certaine  façon.  Il  eût, 
certes,  souscrit  avec  enthousiasme  à  celle  proposition  d'un 
de  ses  maîtres  :  la  médecine  sans  l'étude  est  le  dernier  des 
métiers. 

Il  résisla  toujours  aux  sollicitations  des  gens  du  monde, 
quand  on  demandait  son  concours,  sa  présence,  sa  visite 
dans  la  matinée.  De  tels  caprices  l'indignaient  et  toujours  il 
répondait  :  «  Non,  le  matin  je  suis  à  l'hôpilal  !  »  (]e  n'était 
pas,  je  pense,  le  moyen  de  faire  fortune  ni  d'enflammer 
l'admiration  de  la  haute  badauderie.  Le  médecin  qui  étudie 
est,  sans  doute,  un  ignorant,  car,  s'il  n'était  pas  un  ignorant, 
il  n'aurait  pas  besoin  d'étudier.  Aussi,  la  grande  clientèle 
préféra -t-elle  souvent  à  Kirchberg,  le  studieux,  le  conscien- 
cieux, certains  médecins  qui  ne  méritaient  pas  les  mêmes 
épilhètes,  mais  qui  avaient  conçu  leur  diagnostic  et  préparé 


leur  traiieiiienl  avant  même  d'entrer  chez  leur  client  et  qui 
surtout  avaient  le  grand  mérite  d'obéir  au  premier  coup  de 
sonnette. 

Vous  le  comprendrez  donc  :  quand  il  fut  atteint  par  la 
limite  d'âge  et  obligé  de  quitter  l'Hôtel -Dieu,  sa  douleur  fut 
profonde,  inconsolable.  Je  suis  resté  convaincu  qu'un  tel 
chagrin  avait  porté  un  coup  funeste  à  cette  santé  chance- 
lante. 

Notre  regretté  collègue' s'était  adonné  particulièrement  à 
la  thérapeutique.  C'était  un  croyant,  ce  n'était  pas  pour  cela 
un  naïf.  Mais  sa  foi  dans  la  thérapeutique  était  une  ressource, 
un  réconfort  pour  les  pauvres  malades.  Aucune  déconvenue 
ne  le  rebutait.  Les  maladies  les  plus  incurables  ne  le  trou- 
vaient jamais  désarmé  ;  il  le  croyait  du  moins.  Vous  en 
aurez  une  idée  quand  je  vous  apprendrai  que  jusqu'à  la  fin 
de  sa  vie  laborieuse  il  chercha,  sans  défaillance,  le  traite- 
ment spécifique  de  la  phtisie  pulmonaire.  Gomme  savant  et 
comme  philanthrope,  il  souffrait  d'assister  à  la  lente  agonie 
des  nombreux  tuberculeux  confiés  à  ses  soins.  Sa  souffrance 
ne  lui  ôtait  pas  l'espoir.  La  prévision  d'une  découverte,  d'une 
trouvaille  heureuse  hantait  son  esprit.  Le  remède  éventuel 
de  la  tuberculose  n'était  pas  chez  lui  le  sujet  d'un  simple 
rêve.  C'était  comme  une  étoile  conductrice  qui  brillait 
toujours  à  son  horizon.  El  il  travaillait  à  sa  réalisation. 
C'était  pour  lui  le  devoir,  devoir  ingrat  et  difficile  dans  le 
milieu  où  il  le  pratiquait.  Il  ne  pouvait  pas  ignorer  que  le 
phtisique  pauvre  ne  peut  guérir.  Dès  lors  que  le  moyen 
direct,  le  spécifique,  n'est  pas  trouvé,  il  est  impossible  de 
sauver  le  tuberculeux  pauvre,  pour  la  raison  simple  qu'une 
hygiène  coiiteuse  peut  seule  disputer  un  poitrinaire  à  la  mort. 
Malgré  tous  ces  graves  motifs,  il  ne  se  laissa  pénétrer  ni  par 
le  découragement,  ni  môme  par  le  scepticisme. 

Cependant    il    mourut   avant   d'avoir  seulement  entrevu 


333 

l'ombre  d'un  succès  libérateur,  avant  de  toucher  la  moindre 
récompense  de  tant  d'efforls  méritoires.  Il  n'a  pu  éloigner 
le  cauchemar  de  l'éternel  phtisique  qui  encombre  les  asiles 
et  marche  sans  relâche  à  la  consomption  fatale. 

S'il  n'a  pas  trouvé  de  ce  côté  de  compensation  à  ses 
peines,  il  a  été  plus  heureux  de  certains  côtés.  Il  ne  s'est 
pas  attaché  à  la  seule  tuberculose.  Il  s'est  intéressé  à  d'au- 
tres misères  humaines,  et  si  vous  vous  donnez  la  peine  de 
feuilleter  la  collection  du  Journal  de  Médecine  de  l'Ouest 
et  de  la  Gazette  ■médicale  de  Nantes,  vous  trouverez  des 
documents  émanés  de  lui,  toujours  consciencieusement 
élaborés,  sur  des  sujets  d'importance  et  de  nature  diverses. 
Je  ne  puis  les  analyser  ici.  Ils  sont  trop  nombreux  et  d'une 
technicité  trop  particulière.  Je  dois,  néanmoins,  indiquer  la 
ligne  générale  suivie  par  l'auteur,  l'objectif  principal  et  le 
but  essentiel  visé  par  lui  ;  c'est  toujours  l'action  thérapeu- 
tique ;  il  ne  la  perd  pas  de  vue.  Il  veut  guérir.  Si  intéres- 
sante que  soit  l'observation  médicale,  elle  demeure  incom- 
plète à  ses  yeux  si  elle  se  trouve  dépourvue  de  sanction.  Et 
depuis  ses  travaux  sur  la  fièvre  typhoïde  jusqu'à  son  remar- 
quable mémoire  sur  le  Béribéri,  dont  il  eut  la  bonne  fortune 
d'étudier  une  série  de  cas,  il  n'a  point  oublié  le  traitement, 
la  médication  soignée,  soigneuse,  complète,  parfois  complexe, 
dût-il  être  accusé  de  verser  dans  la  polypharmacie. 

Gomme  médecin,  je  n'ai  pas  toujours  eu  l'honneur  de 
partager  ses  idées  ;  j'ai  eu  parfois  celui  de  rompre  des 
lances  avec  lui.  J'ai  toujours  rencontré  chez  un  tel  parte- 
naire  la   bonne   foi,   la   sincérité,   la   courtoisie,   la  bonne 

volonté Tous,  nous  connaissions  son  culte  de  l'honneur 

professionnel  dont  il  était  le  parfait  modèle.  Sa  conduite  lui 
constamment  parfaite,  inattaquable.  Il  mettait  de  véritables 
raffinements  dans  ses  observances  déontologiques.  Je  souhaite 


334 

aux    nouvelles    générations   médicales    de   le   choisir  pour 
exemple  :  loul  le  monde  y  gagnera. 

Quant  h  nous,  les  survivants,  qui  Pavons  vu  k  l'œuvre  et 
qui,  grâce  au  privilège  de  l'âge,  avons  pu  observer  bien  des 
hommes  et  bien  des  choses,  nous  nous  contentons  de  faire 
des  comparaisons  :  elles  sonl  k  son  honneur.  El  la  mort  de 
cet  homme  de  bien,  dans  notre  sentiment  sincère,  nous 
apparaît  comme  une  grande  perle  pour  notre  Société  et  pour 
notre  ville. 


NOTICE    NÉCROLOGIQUE 
SUR       M.       MOREL 

Par  m.  le  D^  HERVOUËT,  président. 


Messieurs, 

L'année  de  ma  présidence  se  trouve  marquée  par  des 
deuils  successifs  et,  malgré  que  la  superstition  ne  me  touclie 
guère,  je  souffre  intimement  d'avoir  été  clioisi  pour  vous 
représenter,  coup  sur  coup,  h  des  séances  d'adieux  ou  à  des 
solennités  funèbres.  Il  semble  que  la  naissance  de  notre 
deuxième  siècle  se  présente  mal  et  qu'il  eût  fallu  des  mains 
plus  liabiles  pour  lui  assurer  l'existence.  —  Nous  avons 
déjà  perdu  Kircliberg,  un  de  nos  vieux  et  fidèles  amis.  Nous 
avons  perdu  depuis  l'excellent  collègue  qu'était  M.  Ch.  Morel, 
sans  compter  les  autres  notables  dont  on  vous  parlera  tout 
à  l'heure. 

Vous  avez  tous  connu  M.  Morel,  et  tous,  vous  l'avez 
apprécié,  parce  qu'il  n'était  pas,  pour  la  Société  Acadé- 
mique, un  membre  ordinaire,  inscrit  pour  la  forme  sur  le 
tableau. 

Il  a  fait  partie  de  notre  Société  depuis  bien  longtemps, 
d'une  manière  active,  et  sa  collaboration  a  été  d'emblée  et 
toujours  d'une  cordialité  et  d'une  conviction  particulières. 

M.  Morel  aimait  les  lettres  et  les  lettrés.  Arrivé  à  Nantes, 
pour  s'y  reposer,  après  une  honorable  carrière  universitaire, 
il  n'hésita  point  a  s'associer  à  vous.  11  avait  compris  bien 
vite  que   votre  groupe  représentait  dans  celte  ville  la  meil- 


386 

leure  compagnie  intellectuelle,  pour  ne  pas  dire  la  seule. 
Donc,  il  s'y  associa  avec  empressement  et  vous  avez  vu 
bientôt  qu'une  adhésion,  de  sa  pari,  n'était  pas  une  formalité 
banale.  Il  eut,  depuis  lors,  deux  foyers  :  sa  famille  et  la 
vôtre.  Mais  on  ne  le  vil  nulle  part  ailleurs. 

Quand  on  le  rencontrait  en  ville,  c'était  sur  le  chemin  qui 
conduit  du  passage  Sainl-Yves  h  la  rue  Suffren. 

Quand  nous  venions  ici,  nous  étions  sûr  de  le  rencontrer 
dans  celle  salle  de  lecture  qu'il  affeclionnail.  Là,  nous  avions 
le  plaisir  d'entendre  son  aimable  causerie,  d'une  courtoisie 
constante,  toujours  remplie  de  souvenirs  intéressants  et 
d'instructives  anecdotes. 

Vous  avez  bien  fait,  vous  avez  fait  de  lui  un  Président. 

Vous  le  lui  deviez.  Son  autorité,  en  effet,  s'imposait.  Son 
zèle  pour  nos  intérêts  ne  se  lassait  jamais  et,  alors  même 
qu'il  n'avait  pas  chez  nous  de  litre  officiel,  il  se  dépensait 
de  toute  façon  pour  être  utile  à  la  Société  Académique. 

Il  avait  l'iniliative,  l'amour  du  bien,  l'enthousiasme,  au 
besoin,  et,  malgré  son  âge,  le  feu  sacré. 

Messieurs,  je  n'hésite  pas  à  le  reconnaître  et  vous  serez 
de  mon  avis,  si  nous  avions  tous  le  zèle,  la  bonne  volonté, 
le  dévouement  que  M.  Morel  a  dépensés  pour  cette  Société, 
l'avenir  de  l'Académie  nantaise  ne  serait  jamais  en  péril. 

Il  ne  suffit  pas  d'avoir  le  talent,  il  faut  aussi  la  volonté. 
Aussi,  en  adressant  à  cette  chère  mémoire  un  dernier 
hommage,  je  demande  la  permission  de  vous  donner  en 
exemple  notre  digne  el  vénéré  collègue,  M.  Ch.  Morel. 


V  CHATEAUBRIANT,  LA  VILLE,  LES  CHATEAUX 
ET   LES   ÉGLISES 

"     LA      RENAISSANCE      ANGEVINE 

Par   M.  Joseph   CHAPRON 

Membre    correspondant   de    la    Société    Académique. 


COMPTE     RENDU     PAR     M.     GLOTIN 


Messieurs, 

Vous  m'avez  chargé  de  rendre  compte  de  deux  ouvrages 
de  M.  Chapron. 

Le  premier  a  pour  litre  :  Châteaubria7it,  la  ville,  les 
châteaux  et  les  églises. 

C'est  surtout  la  description  des  châteaux  que  fait  M.  Cha- 
pron :  il  y  consacre  près  de  80  pages  de  son  travail,  étudiant 
d'abord  le  vieux  château  avec  son  donjon,  sa  chapelle,  son 
logis  et  ensuite  le  château  de  la  Renaissance  dans  ses  diverses 
parties.  C'est  une  monograpliie  très  complète,  très  savante 
et  très  documentée,  utile  non  seulement  pour  les  touristes, 
mais  encore  pour  les  archéologues  et  les  artistes.  Entre 
temps,  il  donne  la  liste  des  seigneurs  et  des  châtelains. 
Dans  cette  partie,  il  a  résumé  la  liste  donnée  par  du  Laurens 
de  la  Barre  dans  sa  monographie  sur  Châteaubriant  et  ses 
barons;  celte  partie  historique  aurait  gagné  à  être  plus 
développée.  Je  sais  bien  que  cette  histoire  complète  a  été 
déjà  faite  par  M.  l'abbé  Goudé  et  que  notre  collègue  n'aurait 
pu,  sans  doute,  trouver  du  nouveau. 

Trop  brève  aussi,  selon  moi,  la  partie  relative  à  la  ville 
et  aux  églises  :  elle  ne  comprend  pas  30  pages.  L'église  de 


338 

Sainl-Nicolas  est  récente,  mais  celle  de  Béré  est  ancienne  : 
son  histoire  et  celle  du  monastère  qui  la  touchait  auraient 
pu  être  détaillés  avec  avantage. 

Mais  c'est  le  château  qui  attiiail  surtout  M.  Ghapron  et  il 
a  donné  des  détails  nouveaux  et  intéressants  sur  ce  monu- 
ment, qui  mériterait  une  restauration  complète.  Hélas  !  en 
certaines  parties,  ce  sont  de  véritables  ruines,  et  il  faut 
espérer  que  le  travail  de  M.  Ghapron  stimulera  les  autorités 
compétentes  et  hâtera  cette  restauration. 

Dans  celte  partie  de  son  élude,  M.  Ghapron  montre  d'une 
façon  remarquable  ses  connaissances  en  archéologie  et  en 
architecture  el  ses  goûts  artistiques.  L'autre  travail  qu'il 
nous  a  communiqué,  sur  la  Renaissance  angevme,  achève 
de  prouver  que  notre  collègue,  dont  nous  avons  souvent 
apprécié  el  conservé  les  œuvres  poétiques,  est  aussi  un 
artiste. 

Mes  connaissances  en  architecture  étant  très  restreintes  et 
ne  me  permettant  pas  d'apprécier  â  sa  juste  valeur  l'œuvre 
de  M.  Ghapron,  j'ai  communiqué  sa  monographie  sur  la 
Renaissance  angevine  h  un  élève  de  l'Ecole  nationale  des 
Beaux-Arts  el  je  me  contente  de  vous  donner  son  apprécia- 
tion, tout  à  fait  favorable  â  notre  collègue  : 

«  L'auteur  a  eu  pour  l'aider  un  Irès  bon  guide  dans 
l'ouvrage  si  connu  el  si  justement  estimé  de  Léon  Palustre  : 
La  Renaissance  en  France,  mais  il  s'est  bien  gardé  de  le 
suivre  servilement,  non  plus  que  les  travaux  antérieurs. 
Le  style  clair  et  précis,  l'emploi  des  mois  techniques  font  de 
la  monographie  de  M.  Ghaprcn  un  ouvrage  à  consulter,  où 
l'on  trouvera  d'utiles  el  précieux  renseignements. 

•)  Le  litre  est  peut-être  un  peu  trop  général  :  quelques 
monuments  en  l'ancien  Anjou,  de  peu  d'importance,  il  est 
vrai,  mais  datant  du  XVI»  siècle,  ont  été  omis,  car  il  ne 
faut  pas  oublier  que  l'ancien  Anjou  s'étendait  jusqu'au  delà 


839 

de  Loudun.  D'autre  part,  rauteur  a  ajouté  à  son  travail  la 
description  de  l'église  et  du  cliâleau  d'Ancenis,  ville  qui  a 
toujours  fait  partie  du  pays  nantais  et  par  Ici  même  dépen- 
dant de  la  province  de  Bretagne. 

»  Il  faut  regretter  que  M.  Ghapron  n'ait  étudié  que  la 
seconde  renaissance,  c'est-à-dire  les  œuvres  contemporaines 
de  François  !«•■  et  de  ses  successeurs.  11  semble  oublier  qu'en 
France  le  mouvement  ariistique  a  commencé  dès  la  fin  du 
XV«  siècle  et  que,  sous  Charles  VUI  et  Louis  Xll,  nous 
avons  eu  une  série  d'artistes  dont  les  œuvres  forment  ce 
que  l'on  nomme  la  première  renaissance,  plus  riche  et  plus 
féconde  peut-être  que  la  seconde  et  surtout  plus  conforme  à 
nos  traditions  nationales.  En  Anjou,  on  peut  faire  remonter 
cette  première  renaissance  au  temps  du  bon  roi  René,  trop 
décrié  par  Palustre.  11  est  à  souhaiter  que  M.  Ghapron 
complète  son  travail  par  l'étude  de  cette  époque,  dont  les 
œuvres,  d'un  charme  si  pénétrant,  offrent  à  l'archéologue 
comme  à  l'artiste  un  puissant  intérêt  :  les  tapisseries,  bro- 
deries et  miniatures  de  cette  époque  devraient,  en  particu- 
lier, attirer  l'attention  de  M.  Ghapron.  Il  serait  aussi  fort 
curieux  de  comparer  l'action  artistique  du  roi  René  en  Anjou 
et  en  Provence. 

»  Deux  reproches  peuvent  être  adressés  à  l'auteur.  C'est 
tout  d'abord  son  trop  profond  mépris  pour  le  siècle  de 
Mansart  et  de  Lebrun  :  quoi  qu'il  en  dise,  Versailles  et  les 
Invalides  sont  loin  d'être  des  cubes  de  pierres,  et  l'impression 
qu'ils  donnent,  pour  être  différente  de  celle  des  châteaux  de 
la  Renaissance,  n'en  est  pas  moins  profondément  intense. 
Ce  serait  en  art  un  énorme  contresens  si  le  siècle  de  la 
Majesté  avait  produit  les  mêmes  œuvres  que  celui  des  fêtes 
du  Drap  d'Or  et  des  guerres  d'Italie,  et  un  véritable  artiste 
doit  savoir  comprendre  et  goûter  tous  les  genres  d'impres- 
sions. 


840 

»  Le  second  reproche  est  d'avoir  trop  peu  étudié  le  châ- 
teau de  Serrant,  que  les  très  habiles  et  très  sûres  restaura- 
tions de  M.  Lucien  Magne  ont  rendu  à  sa  splendeur  prinai- 
tive.  Il  semble  que  l'auteur  n'ait  pas  vu  combien  le  rétablis- 
sement des  galeries,  des  lucarnes  et  des  toits  aigus  du 
XVI«  siècle,  ainsi  que  l'habile  et  original  arrangement  du 
pont  jeté  sur  les  fossés,  avaient  transfiguré  ce  monument. 

»  Enfin  un  troisième  reproche  s'adresse  non  plus  à  l'auleur, 
mais  à  l'éditeur.  11  est  regrettabh;  que  certaines  gravures, 
étrangères  au  texte  et  prises  dans  l'ouvrage  de  Palustre, 
aient  été  ajoutées  sans  que  le  besoin  s'en  fît  sentir. 

»  Cette  monographie  n'en  reste  pas  moins  un  travail 
excellent  ;  c'est  l'œuvre  d'un  homme  de  goût  qui  a  subi  le 
charme  des  monuments  qu'il  décrit.  » 

Cette  appréciation  du  travail  de  notre  collègue,  émanant 
d'une  personne  compétente,  ne  saurait  être  plus  flatteuse  et 
je  ne  veux  rien  y  ajouter. 


LE    RÊVE    DE    JEAN 

Par  M°»e  Maurice  SIBILLE 


Illustrations  de  SIMON AIHE 


Bibliothèque   de    l'Education    maternelle.   —    Paris,   —    !V1\y,    éditeur, 
9  et  11,  rue  Sainl-Benoist.  —  1898. 


COMPTE  RENDU  PAR  M.  Dominique  CAILLÉ. 


!■"«  Maurice  Sibille  vient  de  publier,  sous  le  litre 
Le  Rêve  de  Jean,  un  roman  illustré  par  Simonaire.  En 
voici  le  sujet  :  La  veuve  Bernard  est  ruinée  par  la  mort  de 
son  mari,  qui  a  péri  dans  un  naufrage  huit  jours  après 
l'écliéance  de  l'assurance  de  son  navire,  qui  n'a  pas  été 
renouvelée.  Une  hypothèque  de  30,000  hancs  grève  la  ferme 
de  l'Auberdière,  où  elle  habite  près  de  Saint-Nazaire.  Le 
prêteur,  à  la  suite  de  pourparlers,  consent  à  ne  rien  récla- 
mer si  on  lui  abandonne  la  ferme  immédiatement,  et,  de 
plus,  s'engage  à  garder  la  ferme  pendant  trois  ans,  de 
manière  à  permettre  à  la  famille  Bernard  de  rentrer  en  sa 
possession  si  elle  peut  lui  payer  30,000  francs  d'ici  cette 
époque.  On  est  au  15  novembre  1894.  Le  Rêve  de  Jean, 
le  fils  aîné  de  la  veuve  Bernard,  âgé  de  13  ans,  est  de 
parvenir  à  gagner  les  30,000  francs  avant  le  15  novembre 
1897  et  dt;  faire  revenir  sa  mère  dans  la  ferme  qu'elle  est 
obligée  d'abandonner;  dans  ce  but,  il  veut  aller  chercher 
fortune  au  pays  de  l'or. 

M"»»  Bernard  se  met  à  travailler  dans  la  lingerie  pour  faire 


U1 

vivre  sa  pelile  famille,  qui  se  compose  de  Jean,  l'aîné  de 
deux  pelils  garçons  el  d'une  pelile  fille.  Jean  va  porler  le 
linge  aux  praliques  de  sa  mère,  el  c'est  pendant  une  de  ses 
courses  qu'il  sauve  le  fils  de  M.  de  Sainl-Andr6,  riclie  plan- 
leur  de  la  Martinique,  venu  en  France  pour  le  rétablissement 
de  la  santé  de  sa  femme.  Il  lui  demande  pour  réconifiense  de 
l'aider  à  parvenir  au  pays  de  l'or.  JusUnneni,  Domingo,  le 
le  régisseur  de  M.  de  Saint-André  à  la  Martinique,  est 
appelé  en  Guyane  par  la  maladie  de  son  frère,  riche  pro- 
priétaire du  placer  Pas  trop  tôt,  au  pied  mont  Lorquen. 
M.  de  Saint-André  part  pour  la  Martinique  el  emmène  Jean 
qui,  pendant  la  traversée,  voit  des  exorcels,  ou  poissons 
volants  s'abattre  sur  le  ponl  du  navire  el  jouit  du  spectacle 
de  la  mer  pliosphorescenle.  Il  visite  la  Guadeloupe  el  aper- 
çoit son  volcan  de  la  Soufrière,  puis  la  Martinique,  et  fait 
connaissance  avec  les  beautés  de  la  nature  et  les  mœurs 
bizarres  des  nègres  et  des  créoles. 

Il  rencontre  tour  à  tour  l'oiseau  mouche,  qu'un  nègre 
abat  avec  une  sarbacane,  l'araignée  Maloulou,  dont  la  piqûre 
provoque  une  fièvre  violente,  el  le  serpent  irigonocéphale, 
dont  la  blessure  est  mortelle.  Puis  il  s'embarque  pour  la 
Guyane  sur  un  voilier,  avec  Domingo,  qui  va  rejoindre  son 
frère  malade,  et  assiste  ii  la  pêche  d'un  requin  auquel  on 
coupe  la  queue  pour  l'empêcher  de  nuire.  Le  navire  qu'il 
monte  péril  dans  un  naufrage.  Après  avoir  été  ballotté  par  les 
flots,  il  est  jeté  seul  évanoui  à  la  côte,  où  il  est  recueilli  par 
une  tribu  des  Roucouyennes,  qui  se  rendent  précisément 
près  du  placer  du  frère  de  Domingo,  après  avoir  terminé 
leurs  atïaires  à  Gayenne.  Jean  les  accompagne  et  est  témoin 
des  coutumes  des  naturels  de  celte  tribu,  qui  se  teignent 
avec  le  fruit  de  Houcou.  Il  monte  dans  leurs  pii'ogiies, 
assiste  h  leurs  pêches  et  à  leurs  repas.  Il  fait  la  rencontre 
d'un  forçai  échappé  du  bagne  de  Cayenne,  qui  a  éié  mordu 


343 

par  un  vampire,  sorte  de  chauve-souris,  et  celle  d'un  caïman, 
d'un  tapir  el  d'un  aï  ou  mouton  paresseux.  11  se  parfume 
de  liqueur  d'ambrette  qui,  par  son  odeur  musquée,  éloigne 
les  tigres  et  les  jaguars.  La  nuit,  dans  la  forêt,  les  bruits 
les  plus  étranges  se  succèdent  à  son  oreille  :  un  crapaud 
imite  le  forgeron  battant  le  fer,  un  oiseau  pousse  des  cris 
qui  ressemblent  à  des  appels  désespérés,  un  autre  frappe  de 
son  bec  le  tronc  sonore  d'un  arbre  aussi  fortement  que 
pourrait  le  faire  un  bûcheron  avec  sa  cognée,  les  singes  hur- 
leurs font  leur  tapage.  Que  sais-je  !  Le  jour,  il  goûte  aux 
fruits  de  l'arbre  aux  jaunes  d'oeufs  et  se  désaltère  ci  l'arbre 
i\  lait  el  à  la  liane  qui  fournit  l'eau.  Puis  il  passe  plusieurs 
jours  dans  la  tribu  des  Roucouyennes,  qui  s'arrachent  les 
cils  des  yeux  pour  y  voir  plus  clair,  qui  guérissent  la  mor- 
sure du  serpent  et  savent  endormir  les  poissons  d'une 
crique  ;  il  assiste  à  leurs  fêtes  étranges  et  aux  ravages  de  la 
fourmi  manioc,  qui  nécessite  l'intervention  du  playe  ou  sorcier 
de  la  tribu.  Enfin  il  se  rend  au  placer  de  Pas  trop  tôt,  où 
il  trouve  le  frère  de  son  ami  Domingo,  qui,  par  égard 
pour  le  parent  dont  il  pleure  la  perle,  l'emploie  dans  son 
exploitation  et  lui  enseigne  comment,  après  avoir  obtenu  un 
permis,  on  prospecte  un  terrain,  c'est-à-dire  comment  on  le 
fouille  et  on  l'étudié  pour  savoir  s'il  contient  de  l'or  el 
comment  ensuite,  après  avoir  obtenu  la  concession  de  ce 
terrain  où  on  a  reconnu  la  présence  du  précieux  métal,  on 
se  met  à  l'exploiter.  Bientôt  le  maître  du  placer  meurt  et 
laisse  par  testament  à  Jean,  pour  lequel  il  s'est  pris  d'amitié, 
une  somme  de  100,000  fr.  Celui-ci,  après  l'enterrement 
de  son  bienfaileur,  s'empresse  de  gagner  Gayenne  el  de 
prendre  le  paquebot  pour  la  France.  Il  arrive  devant  Saint- 
Nazaire  le  14  novembre  1897  et  le  délai  pour  pouvoir 
rentrer  en  possession  de  l'Auberdière  expire  le  15.  Mais, 
après  la  visite  sanitaire,  le  pavillon  jaune   est  planlé  sur  le 


344 

navire,  auquel  il  esl  interdit  de  pénétrer  avant  cinq  jours 
dans  le  port  de  Saint-Nazaire,  parce  qu'il  a  fait  escale  à  la 
Martinique,  où  régnait  la  fièvre  jaune.  Jean  se  désespère. 
Il  débarque  enfin.  Trop  tard,  sans  doute.  Non  pas.  Le  contrai 
accordant  Irois  ans  pour  acquitter  les  hypothèques  de 
l'Auberdière  a  été  signé  le  ilO  seulement  par  le  prêteur. 
Jean  paye  les  30,000  francs,  et  sa  mère  et  ses  frères  et  sœurs 
reviennent  à  l'Auberdière.  Il  rentre  avec  eux  à  l'ancien  logis 
paternel,  y  demeure  quelque  temps,  puis  s'engage  dans 
l'infanterie  de  marine  pour  servir  la  France  et  gagner  les 
galons  d'officier. 

Gomme  on  le  voit  par  ce  rapide  aperçu,  le  livre  de 
M"^  Sibille  est  un  roman  à  la  façon  de  ceux  de  notre 
compatriote  Jules  Verne.  Sa  fin  a  même  une  certaine  ana- 
logie avec  celle  du  Tour  du  monde  en  quatre-vingts  jours, 
qui  repose  aussi  sur  une  erreur  de  date  et  où  tout  réussit 
aussi  au  moment  où  l'on  croit  tout  perdu,  (le  roman  est 
bien  à  sa  place  dans  la  Bibliothèque  de  l'éducation  mater- 
nelle dont  il  fait  partie,  car,  instructif,  amusant,  bien  écrit,  il 
ne  donne  que  de  bonnes  leçons  d'énergie,  de  courage,  de 
piété  filiale  et  de  patriotisme. 

D.  CAILLÉ. 


SITUATION    DU   VIGNOBLE 
DE    LA    LOIRE-INFÉRIEURE    EN    1899 

Par    a.    Aisdouard, 

Vice-Présidenl  du  Comité  d'études  et  dp  vigilance. 


Le  coiip-d'œil  d'ensemble  que  l'on  peut  jeler  sur  noire 
vignoble,  en  ce  inomenl,  ne  fait  que  confirmer  les  inquiétudes 
croissantes  manifestées  chaque  année  au  sein  du  Comité 
d'études  et  de  vigilance. 

Six  nouvelles  communes  envahies  par  le  phylloxéra  et 
près  de  800  hectares  compromis  par  lui  dans  l'espace  d'un 
an  :  telles  sont  les  constatations  douloureuses  relevées  par 
le  Service  phylloxérique,  sans  qu'on  puisse  garantir  que  la 
réalité  ne  soit  pas  encore  plus  affligeante  que  les  apparences. 

Il  résulte  de  cette  extension  considérable  du  mal,  que 
notre  vignoble  est  réduit,  en  vignes  saines  ou  paraissant 
telles,  ^  un  peu  moins  de  la  moit'é  de  ce  qu'il  était  avant 
l'invasion.  Nous  avons  à  nous  rendre  compte  de  la  part  qui 
revient  à  chacun  de  ses  ennemis,  pendant  le  dernier  exercice, 
dans  cet  amoindrissement  continu. 

i.  —  Parasites  animaux. 

Parasites  divers.  —  Toute  la  pléiade  de  ce  groupe  a 
donné  cette  année  contre  la  vigne,  avec  une  ardeur  en 
harmonie  avec  celle  du  soleil.  Les  Coléoptères  et  les  Lépido- 
ptères, qui  vivent  à  ses  dépens,  ont  fait  preuve  d'une  fécon- 
dité exceptionnelle  autant  que  regrettable,  la  Pyrale  en  tête. 

Cependant,  la  Cochylis  n'a  exereé  de  ravages  sensibles 
qu'à  la  suite  de  son  éclosion  du  printemps  ;  celle  de  l'été  n'a 
pas  eu  d'importance. 

Les  autres  insectes  se  sont  multipliés  à  l'envi,  particu- 
lièrement   celui    qui    détermine    l'érinose.    Les    premières 

23 


346 

fouilles  ôlaieiil  ;i  peine  développées,  qu'elles  se  couvraienl  des 
bosselures  caraclérisiiques  de  la  piqûre  du  Phytocoptes  vitis. 
Comme  presque  toujours,  l'alarme  fui  grande  au  premier 
moment,  dans  certains  vignobles,  et  le  dommage  peu 
imporiaiil. 

Phylloxéra.  —  C'est  toujours  le  seul  adversaire  vrai- 
ment redoutable,  et  il  Test  d'autant  plus  aujourd'hui  qu'il  a 
plus  étendu  son  empire.  Je  viens  de  dire  quelle  est,  celte 
aimée,  rimporlance  de  ses  conquêtes  ;  en  voici  la  justifi- 
cation : 

Territoires   nouvellonient  envahis. 

ARRONDISSEMENT    d'aNCENIS. 

Comuiunes.                    Hectares.  Communes.  Heclares. 

Ligno 10                                    Report 38 

Mésangei 5         Rouxière  (La) 5 

Montrelais 1         Saint-Géréon.  - 3 

Mouzeii   tO         Saint-Mars-la-Jaille 1 

Oudon 3         Teille 15 

Pannecé 10         Varades 6 

A  reporter 38  Total ^0 

ARRONDISSEMENT    DE   CHATEAUBRIANT. 

Petit-Mars 5h 

Saint-Mars-du-Déserl 10 

Touches    (Les) 10 


Total 25h 

ARRONDISSEMENT    DE    NANTES. 

Communes.  Hectares.  Communes.  Hectares. 

Aigrefeuille 10                                  Report 55 

Basse-Goulaine . .    10        Bouguenais 10 

Bignon  (Le) 5         Brains 15 

Boissière  (La) 10         Carquefou 5 

Bouaye 20        Chapellc-sur-Erdre   (La).    .  5 


A  reporter 55  A  reporter 90 


847 


Gomiuuims.  Hectares. 

Repoli 55 

Châleaalhébaud 20 

Chevrolière  (La) 5 

Clisson 10 

Gorges 10 

Haute-Goulaine 10 

Landreau  ^Le) 10 

Legé.. 10 

Liraouzinière  (La) 5 

Loi'oux-Botleieaii  (Le) 20 

Maisdon 10 

Mauves 10 

Orvault.. 1 

Pallet  (Le) 10 

Planche  (La) 5 

Pont-Saint-M;irlin 10 

Regrippière  (La) 10 

Remaudière  (La) 15 

Remouillé 10 

Saint- Aignan 5 

Saint-Colonibin 5 

Sainl-Etienne-de-Gorcoué ...  5 


Communes. 

Report 

Saint-Fiacre 

Saint-Herblain 

Saint-Hilaire-da-Bois  .... 
Saint-Jean-de-Corcoué  . . , 
Sainl-Julien-de-Concelles. . 


Hectares. 
.      251 
10 


10 

10 

10 

5 


Saint-Léger i  o 

Sainl-Lurnine-de-Clisson.. . .  5 

Saint-Luraine-de-Goutais ...  10 

Saint-Mars-de-Goutais 10 

Saint-lMiilbert-de-Grand-Lieu.  15 

Saint-Sébastien 15 

Sainte-Luce lO 

Sautron 5 

Sorinières  (Les) 5 

Sucé 1.^ 

Thouaré 10 

Touvois 5 

Treiltères 5 

Vallet 70 

Vertou 15 

Vieillevigne 10 


A  reporter. . . .     251 


Total 586 


ARRONDISSEMENT   DE   PAIMBŒUF. 


Coiumuâes. 

Arthon 

Bernerie    (La)... 

Bourgneuf  

Chauve 

Cheix 

Frossay  

Montagne  (La). .  . 

Pellerin  (Le) 

Pornic 

Port-Saint-Pèrc  . , 


Hectares. 
4 


4 
6 
6 
2 
2 
5 
5 
1 
10 


Communes.  Hectares. 

Report   45 

Rouans 10 


Saint-Hilaire-de-Ghaléons 
Saint-Jean-de-Boiseau  . . . 
Saint-Père-en-Retz.  .  .  . ,. 

Saint- Viaud 

Sainte-Marie 

Sainte-Pazanne  

Vue 


A  reporter. 


Total. 


5 
5 
4 
I 

2 

10 

2 


45 


84 


848 


Corilemais 
Couëi'on  . . 
Doiiges. . . 
Escoublac 


ARRONDISSEMENT    DE   SAINT-NAZAIRE. 

1 1>      Saint-Nazaire 

Vigneux  

Total, 


5 
5 
3 


1 

2 


I7h 


Pour  modérer  hi  propagation  du  phylloxéra,  plusieurs 
Syndicats  et  de  nombreux  propriétaires  n'appartenant  à 
aucune  association  ont  en  recours,  comme  d'iiabilude,  au 
sulfure  de  carbone.  Cet  insecticide  a  été  employé  sur  une 
superficie  à  peu  près  semblable  à  celle  qui  a  été  sulfurée  en 
1898,  c'est-à-dire  sur  environ  105  hectares. 

Les  Syndicats  et  les  Sociétés  viticoles,  qui  mènent  toujours 
la  lutte  contre  le  phylloxéra,  sont  les  mêmes  que  l'an 
dernier,  à  peu  près  sans  changement,  en  tant  que  nombre 
d'adhérents  et,  par  suite,  comme  ressources  financières. 


Syndicats  communaux. 
Pont-Saint-Martin 


Superûcie 
syndiquée. 

'28  b  68  a 


Saint-Aignan 59 

Saint-Etienne-fie-Corcoué 21 

Sociétés  viticoles. 

Clisson 

Le  Landreau 

Saint-Julien-de-Concelles  .  , 

Vertou  (Comice) 


26 
87 


30 


Totaux. 


Adhérents 

10 
32 
10 

55 
125 
312 

800 

1.344 


63 
22 


Cotisations. 

286  r  80 

592 

128 

550 

500   » 
1.560 
3.500   » 

7.117  f  65 


//,  —  Parasites  végétaux. 

Les  champignons  parasites  de  la  vigne  n'ont  pas  trouvé» 
celle  année,  des  conditions  climalologiques  très  favorables  k 
leur  développement.  Cependant,  ils  ont  tous  fait  acte  de 
présence  constante  dans  le  vignoble. 

Le  Mildiou  est  resté  latent  pendant  tout  le  printemps  et 


34^ 

la  première  partie  de  l'été.  A  la  suite  des  brouillards  cl  des 
orages  qui  ont  marqué  les  mois  de  juillet  et  d'août,  il  s'est 
brusquement  révélé  de  tous  les  côtés,  par  une  alléralion  des 
feuilles  très  généralisée  sur  chacun  des  ceps  attaqués,  mais 
n'envahissant  guère  que  les  marges  du  limbe.  Le  mal  n'a 
pas  été  considérable,  grâce  h  la  chaleur  intense  et  persis- 
tante du  soleil.  Il  a  démontré  seulement,  une  fois  de  plus, 
qu'il  n'y  a  jamais  à  se  relâcher  des  précautions  nécessaires 
contre  ce  champignon.  La  moindre  négligence  à  cet  égard 
peut  être  payée  de  la  perte  de  la  récolte,  sans  parler  de  la 
diminution  de  qualité  des  sarments.  C'est  ce  qui  est  encore 
arrivé  aux  récalcitrants  toujours  trop  nombreux,  qui  se  sont 
fiés  de  nouveau  ^  la  sécheresse  pour  préserver  leurs  vignes. 

Les  traitements  préventifs  sont  suffisamment  bien  établis 
aujourd'hui  pour  donner  toute  sécurité  à  ceux  qui  les  exécu- 
tent à  temps.  Notons,  toutefois,  que  l'usage  des  bouillies  à 
poudre  unique  prend  peut-être  un  développement  trop  grand. 
Ces  poudres  ne  sont  pas  si  aisées  à  délayer  qu'on  le  croit. 
En  outre,  elles  sont  plus  coûteuses  que  les  autres  et,  pour 
ce  motif,  on  les  ménage,  souvent  môme  sur  la  recommanda- 
lion  du  vendeur,  qui  pense  dissimuler  ainsi  leur  cherté 
relative.  De  là  des  insuccès  encore  assez  fréquents. 

L'Oïdium  s'était  borné,  jusqu'à  présent,  à  dessécher  nos 
raisins  rouges.  Depuis  quelque  temps  il  attaque  aussi  nos 
raisins  blancs.  On  l'a  trouvé,  l'été  dernier,  sur  le  gros-plant, 
comme  sur  le  pineau  et  sur  le  muscadet,  dans  beaucoup 
de  clos.  Si  cette  prise  de  possession  se  maintient,  et  c'est 
à  craindre,  nous  compterons  un  ennemi  de  plus  à  combattre, 
dorénavant. 

Rien  de  sérieux  à  reprocher  à  VAnthracnose  cette  fois. 
11  a  imprimé  son  passage  à  travers  plus  d'une  vigne,  mais 
sans  causer  de  dommage  appréciable. 

Le  Pourridié   a   été   plus   nuisible  dans   les   plantations 


850 

nouvelles.  M.  Fontaine  a  constaté  qu'il  émanait  souvent  de 
terrains  trop  longtemps  cultivés  en  pépinières,  ce  qui  est 
un  réel  danger  pour  les  vignes  américaines  greffées. 

L'inquiétude  prématurée,  répandue  l'an  pernier  au  sujet 
du  Black-Rot,  est  un  peu  calmée  maintenant.  Ceux  qui  ont 
charge  de  surveiller  le  vignoble  n'ont  pas  cessé  pour  cela 
de  rechercher  le  nouveau  parasite,  surtout  vers  la  frontière 
méridionale  du  département.  Il  n'a  point  été  découvert,  fort 
heureusement,  car  la  chaude  température  de  l'été  eût  été 
susceptible  d'assurer  son  implantation  dans  la  Loire- 
Inférieure. 

III.  —  Pépinières  de  vignes  américaines. 

A.  —  Pépinières  départementales. 

Pépinière  de  Gongrigoux.  —  Elle  est  très  prospère. 
Elle  a  fourni,  au  printemps,  indépendamment  d'une  forte 
proportion  de  plants  racines  : 

Riparia  Gloire 6.500  boutures. 

Rupestris  du  Lot 4.450      — 

—      Martin 7.800      — 

Aramon-Rupestris-Ganzin  20.650      — 

Gamay-Couderc 3.600      — 

Total 43.000  boutures. 

De  ce  total,  47,575  boutures  et  plants  racines  ont  été 
livrés,  au  prix  de  1  fr.  le  cent.  Des  sarments  ont  été  réservés 
pour  15,000  gretï'es  et  '28,000  boutures  ont  été  mises  en 
pépinière,  pour  être  transformées  l'an  prochain  en  plants 
racines. 

Cette  année,  le  vent  a  soufflé  violemment  î\  Gongrigoux, 
à  plusieurs  reprises,  et  il  a  fortement  secoué  les  plantations. 
En  second  lieu,  les  gelées  survenues  à    la   lin   de  mars   ont 


851 

beaucoup  éprouvé  le  Riparia  ri  l'Aramon-Rupeslris.  Malgré 
ces  accidents,  les  vignes  alleinles,  soigneusemeni  entrete- 
nues par  M.  Fontaine,  ont  végété  avec  vigueur  et  produiront 
une  abondante  moisson  de  sarments. 

Pépinière  d'Oudon.  —  La  première  en  date,  celte  pépinière 
conserve  son  avance  sur  les  autres  et  présente  toujours  un 
aspect  des  plus  satisfaisant.  Elle  a  produit  au  dernier 
exercice  plus  de  63,000  boutures ,  réparties  comme  il 
suit  : 

Riparias  divers 31 .587  boutures. 

Rupeslris  divers 19.380      — 

Hybrides  divers 8.085      — 

Vialla 2.600      ~ 

Solonis 1.500      — 

Total 63.152  boutures. 


Il  en  a  été  délivré  60,075,  à  260  vignerons. 

Le  Solonis  et  le  Vialla  n'ont  pas  été  recherchés,  avec 
raison.  Le  Solonis  faiblit  sensiblement,  h  la  pépinière,  comme 
avant  lui  le  Jacquez  et  le  Noah.  Ce  dernier  présente  main- 
tenant une  tache  phylloxérique  très  nelle,  qui  achève  de 
le  juger. 

Pépinière  de  l'orphelinat  Le  Ray.  —  Elle  est  plantée 
dans  un  terrain  argilo-siliceux  d'une  ferlilité  moyenne,  h 
sous-sol  argileux  compact.  Elle  couvre  6  hectares,  dont  3 
ont  élé  plantés  au  printemps  1898  et  le  reste  au  mois  d'avril 
1899  avec  les  cépages  suivants  : 

Rupeslris  du  Lot 4  hectares. 

Riparia  Gloire  de  Montpellier 1       — 

Rupeslris  Martin 1/2      — 

Aramon  X  Rupestris-Ganzin  n"  !..  1/2      — 


35^ 

L'écarlenient  des  plants  est  de  1  mètres  en  tous  sens. 

Les  Rupeslris  de  deuxième  sève  sont  très  beaux  ;  le  tronc 
est  vigoureux  ;  les  sarments,  un  peu  courts  mais  bien 
dressés,  sonl  gros  à  leur  base  et  bien  aoûlés.  On  pourra 
trouver  cette  année,  dans  cette  partie  de  la  pépinière,  du 
bois  greffable  de  bonne  qualité. 

Les  Riparias  Gloire  de  même  âge  sonl,  pour  la  plupart, 
d'une  belle  venue.  Les  sarments  sont  longs,  bien  mûrs  et 
donneront  pas  mal  de  boutures  propres  à  la  greffe.  Malheu- 
reusement ,  la  plantation  ne  présente  pas  une  régularité 
parfaite.  Un  grand  nombre  de  pieds  appartiennent  à  la  variété 
médiocre  connue  dans  le  Midi  sous  le  nom  de  Riparia 
ficelle,  dont  les  sarments  sonl  grêles  et  dont  les  feuilles, 
petites  et  jaunies  avant  le  temps,  semblent  indiquer  l'anémie. 
Ces  pieds  devront  être  arrachés  et  remplacés  par  des 
Riparia  Gloire  de  bon  aloi. 

Les  pieds-mères  plantés  en  1899  sonl  presque  tous  bien 
venus,  malgré  la  sécheresse  de  l'année.  Le  Rupeslris  Martin 
et  l'Âramon  X  Rupeslris  Ganzin  présentent  une  belle  végé- 
tation. H  en  est  de  même  du  Rupeslris  du  Lot. 

Le  greffage  exécuté  au  printemps  à  l'Orphelinat  a  produit 
environ  18,000  greffes  de  gros-plant  sur  Riparia  et  sur 
Rupeslris  du  Lot.  La  réussite  sera  d'environ  60  "/o- 

Pépinières  de  Mauves  et  de  Varades.  —  Des  change- 
ments ont  été  opérés  dans  la  nature  des  cépages  qu'on  y 
avait  introduits.  Au  Jacquez,  au  Solonis  et  au  Vialla,  que 
délaissent  les  vignerons,  il  a  été  substitué  du  Riparia  X 
Rupeslris  n"  3,306  et  quelques  Aranion  X  Rupeslris 
Ganzin. 

La  distribution  des  sarments  a  été  n(''anmoins  relalivcmcnl 
bonne,  surtout  à  Varades  : 


353 

Pépinière   de   Mauves. 

Riparia-Gloire 4.300  boutures. 

Rupeslris  divers 2.600      ~ 

Riparia  X  Rupeslris  3,306-        800      — 

Tolal 7.700  boutures. 

Pépinière  de  Varades. 

Riparia-Gloire 5.800  boutures. 

Rupestris  divers 5.^00      — 

Tolal 11.000  boutures. 

Pépinières  nouvelles.  —  En  exécution  de  la  décision 
prise,  en  1898,  par  le  Conseil  général,  des  pépinières  placées 
sous  le  contrôle  du  département  ont  été  créées  dans  les 
communes  de  :  Bouguenais,  le  Bignon,  le  Loroux-Bottereau, 
Non,  le  Pallei,  Saint-Etienne-de-Moniluc,  Saint-Pliilbert- 
de-Grand-Lieu,  Sainle-Pazanne.  La  commune  de  Vertou, 
invitée  k  procéder  à  une  création  du  même  genre ,  a 
préféré  rester  seule  chargée  du  soin  de  la  reconstitution  de 
son  vignoble,  dont  elle  s'occupe  depuis  plusieurs  années 
déjà. 

Les  nouvelles  pépinières  ont  été  plantées  par  M.  Fontaine, 
à  Tautomne  et  au  printemps  derniers,  sur  des  surfaces  de 
18  à  -25  ares  et  avec  un  écartement  de  2  mètres  en  tout 
sens. 

Les  cépages  employés  sont,  comme  dans  les  autres  plan- 
tations départementales  :  Riparia-Glou'e,  Rupeslris  du  Lot, 
Rupestris  Martin  et  Aramon  X  Rupeslris  Ganzin.  La  iTprise 
a  été  bonne  partout. 

B.  —    Pépinières  cantonales  et  communales. 

Pépinière  de  Clisson.    —    Très   bien   entretenue   par   la 


354 

Société  viticole  de  celle  commune,  elle  donne  déjh  d'excel- 
lents résultais.  On  y  a  coupé ,  au  cours  du  présent 
exercice  : 

Riparia 19.811  boutures  de  l'",tO 

Rupeslris 10.162  — 

Vialla 1.520  — 

Garaay  Gouderc 1 .206  boutures  de  O^^SS 

Aramon  X  Rupeslris  Ganzin.  517  — 

Total 33.216  boutures. 

Pépinière  du  Laisdreau.  —  Dans  celle  pépinière  avaient 
été  plantés,  à  l'origine,  les  cinq  cépages  recommandés  à 
celte  époque  comme  susceptibles  de  convenir  à  notre  dépar- 
tement. L'abandon  com|)k'l  de  trois  d'entre  eux  :  Jacquez, 
Solonis  et  Vialla,  a  conduit  à  les  greffer  tous  sur  Riparia. 
Il  esl  résulté  de  cette  opération  une  diminution  de  production 
qui  ne  sera  que  momentanée.  Elle  n'a  pas  empêché 
d'obtenir  : 

Riparia 9.075  boutures  de  l'°,20. 

Rupeslris 12.725  —  1",15. 

Total 21.800  boutures. 

58.000  greffes  onl  été  effectuées  au  dernier  exercice  et 
21,3-28  se  sont  trouvées  entièrement  réussies.  Les  aptitudes 
que  présentent  nos  deux  cépages  principaux,  au  greffage 
sur  les  deux  variétés  de  cépages  américains  ci-dessus,  se 
sont  montrées  inverses.  Le  gios- plant  a  donné  38  °/o  de 
bonnes  soudures  sur  Rupeslris  et  80  %  sur  Riparia,  soit  le 
double  sur  ce  dernier  ;  tandis  que  le  muscadet  a  fourni 
28  Vo  de  reprises  sur  Riparia  v[  38  %  sur  Rupeslris. 

Pépinière  de  Saint-Julien-de-Gongelles.  —  Elle  a  été 
augmentée  celle  année.  Elle  esl  en  bonne  voie  el    elle  sera 


355 

bientôt  en  état  de  pourvoir  en  partie  à  des  besoins  qui  sont 
déjà  très  grands. 

Pépinière  de  Saint-Léger.  —  Des  trois  parcelles  de  ter- 
rains converties  en  pépinières  dans  cette  commune,  il  n'en 
reste  que  deux  ;  celle  qui  touchait  le  bourg  a  été  supprimée. 
Les  autres  ont  fourni  en  sarments  : 

Riparia  Gloire 8 . 000  boutures  de  l"" 

Rui)eslris 2.000           — 

Vialla 3.000           — 

Riparia  X  Rupestris  101 800           — 

Total 13.800  boutures  de  l"* 

Pépinière  de  Vallet.  —  Cette  pépinière  est  la  plus 
importante  comme  superficie,  ainsi  qu'il  était  rationnel  de  le 
faire  au  cœur  du  meilleur  vignoble  de  la  Loire-Inférieure. 
Elle  reçoit  des  soins  tout  particuliers,  grâce  auxquels  sa 
dernière  coupe  a  dépassé  88,000  boutures  : 

Riparia 31 .500  boutures. 

Rupestris 33.500        — 

Solonis 15.100        — 

Vialla 8.100        — 

Total 88.^200  boutures. 

Pépinière  de  Vertou.  —  Elle  est  l'objet  de  la  sollicitude 
particulière  du  président  du  Comice  de  Vertou  ;  aussi  est- 
elle  très  productive.  On  en  a  détaché  cette  année  : 

Riparia 37.<200  boutures. 

Rupestris 17.200        — 

Total 54.400  boutures. 

Pépinières  scolaires.  —  Elles  sont  en  voie  de  mullipli- 
calion  ininterrompue.  57    instituteurs   ont  demandé,  depuis 


l'an  ilernier,  h  planler  do  la  vigne  américaine  dans  le  jardin 
de  leur  école.  11  y  a  là  une  œuvre  excellente  ^  développer  ; 
mieux  que  lous  les  enseignements  oraux,  elle  initiera  les 
enfants  à  des  connaissances  pratiques,  susceptibles  de  leur 
échapper  longtemps  sans  ce  précieux  secours. 

IV   —  Cours  de  greffage. 

17  communes  ont  été  successivement  le  siège  des  démons- 
trations de  greffage  au  présent  exercice. 

Les  cours  ont  été  fréquentés  par  1,465  élèves  et  ont  été 
suivis  de  la  remise  de  180  diplômes,  dont  voici  la  répar- 
tition : 

Elèves         Elèves 
Communes  inscrits,     diplômés. 

Boissière  (La) f»0  8 

Bouguenais 1 32  10 

Brains 137  H 

Carquefou 38  6 

Glisson 100  21 

Ligué 37  8 

Macliecoul 80  4 

Monnières 78  17 

Nantes  (La  Persagotière) 125  18 

Nort 53  10 

Nozay  (Grand-Jouan) 40  8 

Saint-Herblain 60  4 

Saint-Philbert-de-Grand-Lieu 223  26 

Saiiite-Pazanne 130  5 

Sucé 86  10 

Verlou 86  13 

Totaux 1.365  180 

•  

En  |»lus   des  diplômes,   six  médailles   ont    éi(''    distribuées 


357 

aux  greffeiirs  les  plus  mérilants,  au   nom  du    Ministre   de 
rAgricullure. 

•LVnseignemenl  du  greffage  est  un  de  ceux  qu'il  importe 
de  propager  le  plus  rapidement  possible.  La  répétition 
régulière,  depuis  quelques  années,  a  déjà  mis  au  service 
des  vignerons  un  grand  nombre  de  gretfeurs  exercés.  Il  n'y 
en  a  pas  suffisamment  pour  les  exigences  de  la  reconstitution 
du  vignoble  ;  il  sera  bon  de  porter  le  nombre  des  cours  au 
maximum  exécutable. 

^^  —  Expériences. 

Le  Comité  d'études  et  de  vigilance  n'a  pas  été  appelé  à 
suivre  des  expériences  concernant  la  vigne,  pendant  l'exercice 
écoulé.  Mais  il  sait  que  divers  moyens  de  résistance  au 
phylloxéra,  réels  ou  supposés,  ont  été  essayés  dans  le  dépar- 
tement. 

L'un  de  ces  moyens  consiste  k  entourer  le  pied  du  cep 
d'une  poudre  qui  semble  n'être  que  de  la  chaux  ordinaire 
hydratée.  Les  viticulteurs  qui  s'en  sont  servis  sont  très 
nombreux.  Leur  appréciation  individuelle  n'est  pas  encore 
connue  ;  mais  plusieurs  d'entre  eux  ont  déjà  certifié  que  le 
remède  n'avait  produit  aucun  effet. 

Dans  les  cantons  de  Bouaye  et  de  Vertou,  on  a  employé, 
à  peu  près  de  la  même  manière,  une  poudre  bleuâtre  ou 
parfois  verdâtre,  dont  la  composition  se  rapproche  beau- 
coup de  celle  de  la  bouillie  bordelaise  desséchée.  C'est, 
essentiellement,  un  mélange  de  chaux  et  d'oxyde  de  cuivre, 
dont  l'efficacité  n'a  pas  été,  jusqu'ici,  mieux  établie  que 
celle  de  la  chaux  seule. 

Un  certain  nombre  de  viticulteurs  ont  fait  usage  également 
d'insecticides  plus  ou  moins  mystérieux,  dont  l'odeur  trahis- 
sait soit  la  présence  d'un  composé  sulfuré,  soit  celle  de  la 
naphtaline  ou  d'un  phénol  quelconque.  D'autres  ont  continué 


358 

remploi  soulorrain  du  [xHrolc  ou  des  sels  de  mercure. 
Nulle  pari  on  n'a  signalé  de  résultai  convaincant.  Nous 
sommes  loujours  à  la  recherche  du  toxique,  h  la  fois  sûr  et 
d'un  emploi  facile,  qui  puisse  nous  délivrer  du  plus  redou- 
table des  ennemis  de  la  viiçne. 

En  attendant  qu'il  soit  trouvé,  le  mieux  est  de  recourir 
aux  cépages  qui  sont  susceptibles  de  braver  ses  morsures, 
et  c'est  ce  que  nos  viticulteurs  font  en  ce  moment  av(>c  une 
réelle  vaillance.  La  reconstitution,  vigoureusement  conduite, 
a  déjà  comblé  bien  des  vides.  Il  semblerait  peut-être  singu- 
lier de  chercher  à  tempérer  l'ardeur  de  ceux  qui  s'y 
dévouent.  Il  n'est  pas  hors  de  propos,  cependant,  de 
rappeler  que  c'est  une  œuvre  qui  compte  encore  bien  des 
inconnues  et  qui,  par  conséquent,  doit  être  réalisée  avec 
prudence  et  sans  trop  de  hâte.  Chaque  année  nous  apporte 
un  contingent  de  renseignements  nouveaux,  dont  il  est  bon 
de  profiler.  D'autre  part,  il  est  plus  avantageux  de  faire  une 
plantation  réduite  et  très  soignée,  que  de  couvrir  une  grande 
surface  de  vignes  donl  l'enlrelien  devrait  être  plus  ou  moins 
négligé.  Kn  conservant  à  la  reconstitution  en  cépages  améri- 
cains une  allure  moyenne,  nous  ne  larderons  pas  à  retrouver 
les  belles  vendanges  qui  ont  tant  contribué  jadis  à  fonder 
la  richesse  du  département.: 

J'annexe  à  ce  résumé  le  relevé  dressé  par  le  Service  phyl- 
loxérique  sur  l'ensemble  du  vignoble,  el  dont  j'ai  plus  haut 
indiqué  la  conclusion,  plus  une  carte  du  département,  sur 
laquelle  sont  marquées  en  rouge  les  communes  aciuellemenl 
envahies  par  le  phylloxéra,  el  en  vert  celles  où  la  vigne 
paraît  encore  saine. 


859 


SITUATION  DU  VIGNOBi.E  EN  1899. 
Vignes    malades,    mais    résistant    encore. 


Cummunes. 

Ancenis 

Anelz 

Cellier  (Le) 

Couffé 

Jout'-sur-lÎKlrc  . . . 

Ligné  

Mésanger  

Monlrelais 

Mouzeil 

Oudon 


ARRONDISSEMENT  D'ANCENIS. 

Hectares.  CommuDes. 

60  Report. 

45  Paunecé  

80  Riaillé 

60  Rouxièi  e   (La) 

50  Saint-Géréon 

40  Saint-Herblon 

55  Saint-Mars-la-Jailie 

45  Teille 

30  Varades  

60 


A  reporter. 


5*25 


Total. 


Hectares. 

5*25 

35 

7 

45 

70 

65 

10 

45 

100 


902 


ARRONDISSEMENT  DE  CHATEAUBRIANT. 


Communes. 

La  Meilleraie 

Nort 

Petit-Mars 


Hectares. 

20 

100 

45 


A  reporter 165 


Communes. 
,             Report... 
Saint-Mars-du-Désert . 
Touches  (Les) 


Total. 


Hoctares. 

165 

50 

60 


275 


ARRONDISSEMENT  DE  NANTES. 


Communes. 

Aigrefeuille 

Barbechat 

Basse -Goulaine  .  .  . 

Bignon  (Le) 

Boissière  (La) . .  .  . 

Bouaye  

Bouguenais 

Brains 

Garquefou 


Hectares. 
50 


80 
50 
95 
70 
60 
80 
50 
65 


Communes.  Hectares. 

Report 600 

Chapelle-Hasse-Mer 70 

Chapelle-Heulin 40 

Chapelle-sur- Erdre 30 

Châteauthébaud 100 

Chevrolière  (La) 30 

Glisson 60 

Gorges 110 

Haie-Fouassière(La) 40 


A  reporter 600 


A  reporter 1.080 


360 


Communes.                Hectares.. 
Report 1.080 


Haute-Goulaine 

Landreau  (Le) 

I-eg<^ 

Limouzinière  (La) 

Loroux-Botteiean 

Maisdon 

Mauves  

Moiinières 

Montbert 

Mouzillon 

Nantes  

Pallet  (Le) 

Planche  (La)  

Orvault 

Pont-Saint-Marlin   

Regrippière  (La) 

Remaudière  (La) 

Remouillé 

Rezé 

Sainl-Aignan 

Saint-Colorabin 

Saint-Elienne-de-Corcoué. 

A  reporter. . , 


45 

90 

40 

30 

200 

80 

60 

70 

30 

90 

85 

50 

65 

6 

70 

50 

55 

60 

30 

65 

55 


1.491 


Communes.  Hectares. 

Report 1.491 

Saint-Fiacre 50 

Saint-Herblain 50 

Saint-Hilaire-du-Bois 35 

Saint-Jean-de-Corcoué 60 

Saint-Julien-de-Concelles. . .  95 

Saint-Léger 50 

Saiiit-Lumine-de-Clisson.. . .  20 

Saint- Lumine-de-Ceutais. ..  .  35 

Saint -Mars-dc-Coulais 40 

Saint-Philbert-de-Grand-Lieu  55 

Saint-Sébastien 35 

Sainte-Luce 40 

Sautron 5 

Sorinières  (Les) 40 

Sucé 35 

Tbouaré 50 

Touvois 25 

Treillères 25 

Vallet.. 350 

Vertou 75 

Vieillcvignc 50 


Total 3.7H 


ARRONDISSEMENT  DE  PAIMBOEUF, 


Communes. 
Arlhon-en-Retz. .  . 
Bernerie  (La)  .... 
Bourgneuf- en-Retz 

Chauve 

Cheix 

Frossay 

Montagne  (La).. .  . 

Pellerin  (Le) 

Pornic 

Port-Saint-Père..  . 


Hectares. 
12 
16 

6 
14 

2 

5 
35 
15 

3 
50 


A  reporter 158 


Communes. 

Report 

Rouans 

Sainl-Hilaire-de-Chaléons 
Sainl-Jeau-de-Boiseau. . . 

Saint-Père-eu-Retz 

Saint-Viaud 

Sainte-Marie 

Sainte-Pazanne 

Vue 

Total 


Hectares, 
158 


10 

30 

40 

12 

1 

4 

45 

5 


306 


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361 


ARRONDISSEMENT  DE  SAINT-NAZAIRE. 

Communes.                 Hectares  Communes.                 Hectares. 

Cordemais 6  Report 42 

Couéron 35      Escoublac 30 

Doiiges 1       Saint-Nazaire 8 

Vigneux 2 


A  reporter   42                        Total 82 

RÉCAPITULATION. 

Hectares. 

Arrondissemeiu   d'Ancenis 902 

—  (le  Ghàteaubriiind 275 

—  de  Nantes 3.711 

—  de  Paimbœuf 306 

—  de  Saint-Nazaire 82 


Total 5.276 


Surface  du  vignoble  en    1 898 23.641 

Vignes  détruites  en  1899 2.828 


Reste 28.813 

Vignes  plantées  en  1 899 2 .  400 


Surlace  du  vignoble  en    1899 23.213 

A  déduire  : 

Vignes  malades 5.276     ] 

'       5   790 
Vignes  suspectes 514     ( 


Vigncvs  paraissant  indemnes  à  la  fin  de  1899 17.432 


24 


LA    CANAIGRE 

Par   a.  Andouard. 


La  Canaigrt'  {Rumex  hymenosepalus)  esl  une  plante  dont 
la  racine,  très  asiringenle,  esl  affectée  au  tannage  des 
peaux,  depuis  plus  d'un  demi-siècle,  par  les  Indiens  du 
Texas.  L'industrie  américaine  se  préoccupe  beaucoup  en  ce 
niomenl  de  son  utilisation. 

Originaire  de  Californie  et  très .  répandue  sur  la  côte  du 
Pacitique,  elle  esl  bisannuelle  et  1res  rustique.  Cependant, 
si  on  veut  lui  faire  produire  un  rendement  élevé,  il  faut  la 
placer  dans  un  terrain  sabloiuieiix  et  frais,  qu'il  est  même 
bon  de  pouvoir  irriguer. 

On  la  renouvelle,  soit  par  graine,  soit  au  moyen  de  ses 
racines,  qu'on  peut  planter  en  lignes,  comme  on  le  fait  pour 
les  pommes  de  terre. 

En  Californie,  on  procède  à  cette  opération  vers  la  fin  de 
septembre,  en  choisissant  des  terres  siliceuses  très  meubles, 
que  l'on  a  soin  d'arroser  lorsqu'elles  se  dessèchent. 

Les  sols  pauvres  et  compacts  ne  conviennent  pas  à  la 
Canaigre.  Elle  résiste  assez  bien,  cependant,  dans  un  milieu 
maigre  ou  aride,  en  ce  sens  qu'elle  n'y  meurt  pas.  Mais  sa 
végétation  est  presque  nulle  en  l'absence  d'humidité. 

Quand  l'automne  esl  pluvieux,  la  plante  sort  de  terre  au 
mois  de  décembre.  S'il  esl  sec,  elle  ne  commence  à  se 
développer  qu'aux  preujiers  jours  de  février.  Sa  croissance 
est  très  rapide.  La  floraison  a  lieu  à  la  fin  d'avril.  Un  mois 


plus  lard,  les  graines  sont  mûres  el  les  feuilles  s'apprêtent  à 
tomber. 

La  lige  est  forte  et  résistante. 

Les  feuilles  sont  larges,  épaisses  el  très  lisses,  parfois 
ondulées.  D'après  les  renseignements  fournis  par  M.  de 
Lalande,  consul  général  de  France  à  San  Francisco  (i), 
leurs  deux  pages  sont  presque  identiques  ;  la  structure  de 
l'épiderme,  le  nombre  el  la  forme  des  stomates  n'y  diffèrent 
pour  ainsi  dire  pas. 

Les  fleurs  sont  renversées  et  suspendues  par  un  pédicelle 
assez  long  et  linéaire. 

Les  racines  sont  un  peu  odorantes,  presque  cylindriques, 
d'un  jaune  pâle  à  l'intérieur  et  recouverles  d'une  enveloppe 
brunâtre,  billes  sont  fasciculées.  Leur  volume  est  très 
variable  el  souvent  assez  considérable,  dans  les  cultures  bien 
réussies. 

Après  la  cbûle  des  feuilles,  ce  volume  reste  sialiomiaire 
pendant  plusieurs  mois.  On  admet  généralement  que  l'organe 
continue  à  s'enrichir  en  principe  astringent  jusqu'au  mois 
d'août. 

On  n'esl  pas  encore  fixé  sur  le  litre  des  racines  en  acide 
tantiique,  à  la  fin  de  leur  première  el  de  leur  deuxième 
année.  Aussi,  parmi  ceux  qui  la  cultivent,  les  uns  renou- 
vellent la  plantation  tous  les  ans,  tandis  que  les  autres  pré- 
fèrent laisser  le  végétal  accomplir  le  cycle  entier  de  son 
évolution.  11  y  aurait  un  grand  inléiét  à  élucider  cette 
question. 

L'arrachage  se  fait  facilement  à  la  main. 

Le  rendement  vérifié  en  Californie,  dans  un  sol  bien  pré- 
paré, a  été  de  25,000  kilogrammes  à  l'hectare,  avec  des 
plants  sauvages.  Il  s'est  élevé  jusqu'à  40,<)00  kilogrammes, 

(1)   Jiei'ue  des  cultures  coloniales. 


364 

la  deuxième,  année,  pour  une  récolle   provenant  de   racines 
cultivées  et  entourées  des  soins  nécessaires. 

Ces  racines,  principal  intérêt  de  la  culture  de  la  Ganaigre, 
sont  livrées  au  commerce  tantôt  dans  leur  état  entier,  tantôt 
après  avoir  été  coupées  en  rondelles  de  5  millimètres 
d'épaisseur,  que  l'on  fait  sécher  soit  au  soleil,  soit  dans  des 
étuves  chauffées  à  50  degrés  seulement. 

En  Amérique,  leur  prix  varie  enire  150  et  ^200  fr.  la 
tonne,  à  l'état  sec.  Or,  il  faut  trois  tonnes  de  racines  fraîches 
pour  en  fournir  une  de  racines  sèches.  Le  produit  brut  de 
l'hectare  ressortirait  donc  entre  1,400  et  1,600  fr.,  pour  la 
récolte  minimum  indiquée  plus  haut.  Il  monterait  à  un  total 
très  séduisant,  dans  le  cas  de  rendements  supérieurs  à 
25,000  kilogrammes  de  racines  vertes. 

J'ai  eu  récemment  à  examiner  des  racines  fraîches  de  cette 
espèce,  provenant  d'une  région  méridionale  peu  éloignée, 
oii  elles  s'étaient  développées  dans   les  conditions  que  voici  : 

La  Ganaigre  avait  été  semée  le  ^10  septembre  1898,  dans 
une  terre  pauvre,  à  laquelle  on  avait  donné  à  ce  moment  un 
peu  de  fumier  de  ferme,  puis  un  épandage  de  poudrette 
au  mois  de  mars  suivant.  La  germination  a  été  très  satisfai- 
sante et  les  jeunes  plantes,  arrosées  de  temps  en  temps,  ont 
pris  rapidement  un  développement  normal. 

Elles  ont  été  éclaircies  de  manière  à  être  distantes  de 
55  centimètres  entre  les  lignes  et  de  -20  à  30  centimètres 
dans  la  ligne.  Dès  le  milieu  de  décembre,  elles  présentaient 
déjà  sept  ou  huit  feuilles  très  vigoureuses,  d'un  beau  vert 
brillant,  portées  par  un  pédoncule  rougeâtre  et  mesurant 
environ  12  centimètres  en  largeur  sur  30  en  longueur.  Leur 
végétation  s'est  ralentie  en  décembre,  par  suite  de  l'abaisse- 
ment de  la  température.  Elle  a  repris  son  essor  aux  premières 
chaleurs  de   février,  d'une   manière   très    active.   Vers  le 


365 

l*"^  mai,  chaque  plante  portait  de  12  à  18  feuilles,  larges  de 
12  i»  15  centimètres  et  tiaulesde  40  à  60  centimètres. 

A  ce  moment,  les  hampes  florales  ont  commencé  à  se 
montrer.  Elles  se  sont  élevées  jusqu'à  55  et  même  jusqu'à 
75  centimètres.  A  la  fin  de  mai,  elles  avaient  mûri  leurs 
graines,  dont  la  production  a,  pour  plusieurs  d'entre  elles, 
atteint  le  volume  d'un  litre. 

A  partir  du  mois  de  juin,  les  feuilles  ont  commencé  à  se 
dessécher;  le  15  du  môme  mois,  elles  étaient  complètement 
fanées. 

Les  racines  ont  été  arrachées  quelques  jours  plus  tard. 
Leur  poids  atteignait  souvent  350  et  même  425  grammes, 
leur  longueur  35  à  40  centimètres,  pour  les  mieux  déve- 
loppées. 

J'y  ai  dosé  23,50  «/o  de  tannin. 

Dans  un  autre  envoi,  provenant  de  la  môme  culture  et 
reçu  un  mois  plus  tard,  le  litre  était  un  peu  plus  faible,  ce 
qui  se  trouve  en  contradiction  avec  l'enrichissement  supposé 
de  l'organe,  après  la  chute  des  feuilles.  Voici  les  résultats 
obtenus  : 

Grosses  racines 18,87  %  de  tannin. 

Petites  racines 20,25  — 

C'est  encore  très  satisfaisant  et,  d'ailleurs,  cet  essai  unique 
ne  prouve  pas  d'une  manière  absolue  que  la  richesse  de  la 
Canaigre  diminue  constamment  après  le  mois  de  juin.  La 
vérification  de  tous  les  points  douteux  pourra  être  effectuée 
l'an  prochain.  En  attendant,  il  reste  acquis  que  les  racines 
de  la  Canaigre  peuvent  atteindre  un  titre  tannique  aussi 
élevé  qu'au  pays  d'origine,  sous  des  latitudes  moins  chaudes. 

M.  de  Lalande  avait  déjà  émis  l'opinion  que  cette  culture 
pourrait  être  tentée  avec  succès  dans  nos  colonies  et  même 


366 

dans  quelqu'^s  déparleinenls  du  sud-ouesi  de  la  France.  Il  est 
à  désirer  qu'il  en  soil  ainsi.  La  fabricalion  toujours  croissante 
des  extraits  lanniques  aura  bientôt  raison  de  tous  nos  bois 
aslringenls.  Dans  peu  d'aniiées,  le  châtaignier  ne  sera  plus 
qu'un  souvenir,  si  on  ne  se  préoccupe  pas  de  le  replanter 
activement.  Après  celle  dévastation,  nous  assisterons  à  celle 
du  chêne,  déjà  commencée.  11  serait  grand  temps  de  trouver, 
à  des  arbres  si  utiles  à  d'autres  points  de  vue,  des  succé- 
danés pour  la  préparation  des  produits  qu'emploie  de  plus  en 
plus  la  tannerie. 


ALIMENTATION  DE  LA  VILLE  DE  NANTES 

EN     EAU     POTABLE 

PAR       A.       ANDOUARD 


En  1896,  le  Comité  consultatif  d'hygiène  de  France 
exprimait  le  regret  qu'aucnne  suite  n'eut  été  donnée  au  vœu 
antérieurement  formulé  par  lui  et  tendant  à  faire  explorer 
les  alentours  de  Nantes,  dans  |.^  but  d'y  découvrir  soit  des 
sources,  soit  des  eaux  équivalentes  susceptibles  d'être  déri- 
vées par  les  procédés  appliqués  dans  d'autres  villes  voisines. 

Déférant  à  ce  vœu,  le  Conseil  municipal  de  Nantes  votait,  le 
l"""  février  1898,  le  crédit  nécessaire  à  celte  exploration, 
qui  fut  immédiatement  commencée,  sous  l'habile  direction  de 
M.  Michel,  ingénieur  de  la  ville. 

Avant  cette  étude,  les  munici|;)alilés  précédentes,  égale- 
ment préoccupées  de  la  solution  du  même  problème,  avaient 
fait  fouiller  les  deux  flancs  du  sillon  de  Bretagne,  aux  envi- 
rons de  la  route  de  Vannes,  puis  le  grand  plateau  qui 
s'étend  de  Saint-Joseph  à  Carquefou.  Ni  dans  l'une,  ni  dans 
l'autre  de  ces  régions  on  n'avait  trouvé  de  nappe  aquifère 
suffisante  pour  la  consommation  minimum  de  la  vill*;  de 
Nantes.  Il  fallait  chercher  ailleurs. 

C'est  alors  que  la  Commission  des  eaux  du  Conseil  muni- 
cipal, ramenée  malgré  elle  à  l'utilisation  de  l'eau  de  la  Loire, 
proposa  tout  d'abord  le  système  des  galeries  fiUrantes 
latérales  au  fleuve,  qu'elle  abandonnait  peu  de  temps  après, 


368 

non  sans  raison,  pour  celui  des  puits  filtrants  de  M.  l'ingé- 
nieur Leforl.  Ces  puits,  qui  devaient  être  édifiés  au  milieu 
de  la  Loire,  étaient  percés  de  barbacanes  livrant  passage  a 
Teau  filtrée  horizontalement  à  travers  une  épaisse  couclie  de 
sable.  Le  spécimen  construit  sur  l'île  Beaulieu  donna  les 
meilleurs  résultats.  L'eau  qu'on  y  recueillait  présentait  une 
limpidité  parfaite  et  ne  contenait,  en  moyenne,  que  73  à 
13^2  bactéries  par  centimètre  cube,  au  lieu  de  10,000  ^ 
25,000  que  charriait  à  ce  moment  la  Loire  non  filtrée.  Dans 
un  seul  cas,  elle  en  avait  conservé  300. 

Malgré  celte  pureté  relative  très  satisfaisante,  le  Comité 
consultatif  d'hygiène  refusa  de  donner  un  avis  favorable, 
tant  que  la  ville  n'aurait  pas  épuisé  les  moyens  de  se  procurer 
de  l'eau  de  source.  C'est  ainsi  que  l'Administration  muni- 
cipale fut  conduite  à  faire  explorer  l'arrondissement  de 
Châteaubriant,  oii,  disait-on,  existaient  des  sources  nom- 
breuses et  utilisables.  Le  succès  ne  répondit  point  aux  espé- 
rances que  l'on  avait  conçues  ;  le  débit  des  sources  suscep- 
tibles d'être  captées  était  beaucoup  trop  faible  pour  les 
besoins  à  satisfaire. 

Les  regards  se  tournèrent  alors  vers  les  environs  de  Gholel, 
oîi  l'on  avait  supposé  tout  d'abord  qu'il  serait  facile  de 
trouver  un  approvisionnement  régulier  de  20,000  mètres 
cubes  d'eau  par  jour.  La  région  fut  visitée  avec  soin  et 
sembla  digne  d'une  étude  approfondie,  que  le  défaut  de  temps 
et  de  crédit  ne  permettait  pas  d'effectuer,  h  ce  moment, 
d'une  manière  complète.  Celte  étude  ne  fut  i)as  poursuivie. 

Le  service  technique  avait  évalué  h  neuf  millions  de  francs 
l'adduction  des  eaux  que  l'on  pouvait  capter  sur  le  versant 
sud-ouest  de  la  rivière  d'Evre,  entre  Beaupréau  et  Saint- 
Léger.  C'était  environ  le  double  de  ce  que  coûterait  la  filtra- 
lion  de  l'eau  de  Loire.  Pour  ce  motif,  et  en  raison  de  la 
(linicullé  de  réparer   promplement   les   accidents  survenant 


369 

dans  une  conduite  aussi  lointaine  ;  en  raison  encore  de  la 
contamination  possible  d'un  drainage  de  ce  genre  et  de 
l'incertiuide  de  son  débit,  la  Commission  des  eaux  pensa  que 
le  projet  d'alimenter  Nantes  avec  de  l'eau  de  source  devait 
être  entièrement  écarté. 

A  ce  moment  (14  novembre  1894),  le  Conseil  municipal 
dénonça  le  traité  qui  liait  la  ville  avec  la  Compagnie  des 
Eaux,  alors  concessionnaire  du  service  public.  Le  premier 
usage  qu'il  fit  de  sa  liberté  d'action  fut  de  revenir  à  l'idée 
des  puils  filtrants.  Le  31  mai  1893,  il  volait  la  résolution 
suivante  :  «  Toutes  les  eaux  devant  servir  à  l'alimentation 
de  Nantes  seront  filtrées  par  le  système  des  puits  Lefort.  » 

La  question  paraissait  près  d'être  résolue  ;  mais  on  avait 
compté  sans  l'obstination  du  Comité  consultatif  d'hygiène  de 
France,  qui  persiste  h  réclamer  l'élude  complète  de  la  région, 
au  point  de  vue  des  eaux  de  source,  avant  d'autoriser  l'uli- 
lisation  des  eaux  de  surface. 

Il  fallut  céder  et  reprendre  l'examen  des  terrains  aquifères 
des  environs  de  Nantes.  Cette  élude  fut  confiée  à  M.  l'ingé- 
nieur Michel  et  résumée  par  lui  dans  un  très  intéressant 
rapport,  auquel  j'emprunte  en  partie  les  détails  qui  vont 
suivre. 

Pour  préjuger  des  ressources  en  eau  potable  que  peut 
offrir  le  département,  il  est  nécessaire  de  jeter  un  coup-d'œil 
général  sur  sa  constitution  géologique. 

Aux  abords  de  Nantes  apparaît  le  long  massif  de  roches 
éruptives  qui  vient  du  Poitou  et  qui  est  orienté  du  sud-est 
au  nord-ouesl.  Insensible  lorsqu'il  approche  des  Sorinières, 
ce  massif  s'abaisse  encore  pour  livrer  passage  au  fleuve, 
puis  il  se  relève  aux  portes  de  la  ville,  où  il  forme  le  sillon 
de  Bretagne,  dont  la  prolongation  va  s'éteindre  dans  le 
département  du  Finistère,  h  la  pointe  du  Raz. 


370 

La  nature  des  terrains  n'est  pas  la  môme  au  sud  et  au 
nord  de  la  Loire.  Sur  la  rive  droite,  ce  qui  domine  ce  sont 
les  schistes  et  les  grès  siluriens,  recouverts  par  des  dépôts 
tertiaires.  Sur  la  rive  gauche,  on  ne  rencontre  pour  ainsi 
dire  que  les  formations  de  Pelage  précambrien.  Kntre  les 
deux,  des  alluvions  récentes,  puis  les  attérissements  du 
littoral  et  un  vaste  bassin  marécageux.  De  ces  divers  terrains, 
dont  la  valeur  est  très  inégale  commo  réservoirs  d'eau 
alimentaire,  ceux-là  seulement  répondent  aux  exigences  du 
Comité  consultatif  d'hygiène  qui  avoisinent  le  massif  éruplif. 
Mais  de  quel  côté  de  la  Loire  sont  ceux  qu'il  est  préférable 
d'étudier?  M.  Michel  a  fait  à  ce  sujet  un  examen  minutieux 
de  tout  le  territoire  compris  dans  un  cercle  de  fiO  kilo- 
mètres de  rayon  et  dont  le  centre  serait  Nantes.  Voici  ses 
conclusions  : 

«  L  —  La  partie  supérieure  du  bassin  de  l'Erdre,  exclu- 
sivement constituée  [lar  les  schistes  de  l'éliige  silurien,  ne 
pourrait  fournir  qu'une  eau  de  fort  mauvaise  qualité  et  doit 
être  écartée  à  priori.  Il  en  est  de  même  des  bassins  de 
formation  récente,  des  plateaux  de  l'étage  pliocène  et  des 
ruisseaux  tributaires  du  lac  de  Grand-Lien. 

>)  IL  —  Le  sillon  de  Bretagne,  avec  ses  petits  vallons  où 
l'eau  paraît  très  belle,  pourrait  servir  l\  l'alimentation  d'une 
petite  ville.  Il  lui  manque  des  ressources  en  eau  suRisanles 
pour  les  besoins  d'une  agglomération  connue  Nantes,  en 
pleine  voie  d'extension. 

•>  III.  —  Les  micaschistes,  qui  occupent  la  zone  située 
entre  le  sillon  de  Bretagne  et  le  canal  de  Nantes  à  Brest, 
sont  recouverts  d'une  couche  de  limon  argileux  et  ne  cons- 
tituent pas  un  grand  lillie  naturel,  où  les  eaux  |)luviales 
subissent  l'épuration  nécessaire  avant  de  pouvoir  être  recueil- 
lies souterrainemenl.  Us  donnent  de  boime  eau  dans  quelques 
[tuits  ou  dans  certaines  vallées.  Mais  ce  caractère  n'est  pas 


^71 

général  ;  on  ne  saurait  conserver  l'espoir  d'en  tirer  un  bon 
parti. 

«  IV.  —  Malgré  le  grand  nombre  de  cours  d'eau  qui 
forment  le  bassin  de  TEvre  et  qui  traversent  le  massif  précam- 
brien situé  entre  Gholet  et  la  Loire,  ce  massif  est  très  imper- 
méable, môme  à  sa  surface,  et  les  ruisseaux  sont  plutôt 
alimentés  par  les  eaux  superficielles  que  par  les  sources  de 
nappes  profondes.  La  nature  schisteuse  du  sous-sol  n'engage 
pas  à  y  entreprendre  des  travaux  de  captage. 

"  V.  —  La  Sèvre  nantaise  et  plusieurs  de  ses  affluents 
occupent  un  massif  granulitique  qui,  malgré  son  imperméa- 
bilité h  une  certaine  profondeur,  présente  h  sa  surface  une 
couche  perméable  de  matériaux  provenant  de  la  décomi)0- 
sition  de  la  granulite.  Cette  couche  peut  emmagasiner,  en 
hiver,  les  eaux  pluviales.  Le  Bocage  vendéen,  avec  ses 
coteaux  arrondis  et  très  fertiles,  présente  bien  tous  les 
caractères  des  régions  granitiques  de  la  Bretagne,  où  les 
villes  de  Rennes  et  de  Quimper  ont  tiré  leur  eau  d'alimen- 
tation. 

»  Une  conclusion  très  nette  doit  se  dégager  de  tout  ce 
qui  précède  : 

«  La  seule  région,  aux  abords  de  Nantes,  qui  se  prête  à 
une  étude  complète  d'adduction  d'eau  de  source,  est  le  grand 
massif  de  gi^anulite  situé  au  sud  de  la  ligne  passant  par 
Clisson,  Gholet  et  Thouars.  « 

Ce  massif  contient,  presque  en  entier,  le  cours  principal 
de  la  Sèvre  et  tous  ses  affluents  en  amont  de  Clisson. 

Les  trois  affluents  qui  se  jettent  dans  la  rivière  en  aval 
de  cette  ville  :  la  Maine,  la  Moine  et  le  Verret,  coulent 
en  majeure  partie  sur  des  terrains  qui  ne  permettent  pas  de 
les  utiliser.  Mais  il  en  est  autrement  de  plusieurs  des  tribu- 
taires de  la  Maine,  tels  que  VIsère,  le  Pont  de  Roche  et 
Beaurepaire,  qui  sortent  du  massif  éruptif. 


87^ 

Ceux  qui  sont  en  amont  de  Glisson  n'ont  pas  le  débit 
imporlanl  des  précédents;  mais  ils  apparliennenl  tous  au 
massif  éruptif  et,  par  suite,  ils  mériteraient  d'ôlre  captés,  si 
leurs  sources  se  trouvaient  h  une  altitude  suffisante  pour 
alimenter  la  ville  de  Nantes  par  la  gravité  seule.  Il  n'en  est 
point  ainsi  entre  Clisson  et  Mortagne,  où  presque  toutes  les 
eaux  souterraines  partent  d'une  cote  inférieure  à  80  mètres. 

Exception  doit  être  faite,  cependant,  pour  le  Gaudineau 
et  pour  la  Crume,  dont  les  bassins  remplissent  la  condition 
qui  vient  d'être  citée.  La  Grume  surtout  doit  être  soigneuse- 
ment étudiée.  Elle  émerge  h  l'altitude  216,  au  pied  du  pla- 
teau de  Ghambretaud  et,  en  ce  point,  la  granulite,  désa- 
grégée, offre  un  excellent  terrain  de  captage. 

Au  delà  de  Mortagne,  tous  les  affluents  de  la  Sèvre  sont  à 
une  altitude  supérieure  à  80  métrés  ;  ils  peuvent  tous 
contribuer  à  l'approvisionnement  de  Nantes,  dans  la  mesure 
de  leurs  volumes  respectifs. 

Sur  la  rive  gauche,  Vlègue  a  un  débit  ordinaire  de 
280  litres,  pouvant  atteindre  10  mètres  cubes,  en  temps  de 
crue.  La  longueur  de  son  cours  n'est  malheureusement  que 
de  4  kilomètres  et  demi,  mais  elle  présente  plusieurs  points 
utilisables. 

Le  Blanc  offre  une  importance  plus  grande.  Le  volume 
habituel  de  ses  eaux  est  de  355  litres  et  il  s'élève  à  15  mètres 
cubes  dans  les  moments  de  crue.  Il  a  des  affluenis  nom- 
breux, d'inégale  valeur  alimentaire,  avec  lesquels  il  occupe 
une  superficie  totale  de  2,800  hectares. 

Sur  la  rive  droite,  YOuin  est  la  seule  rivière  susceptible 
de  jiarticiper  à  une  adduction  d'eau  potable  ;  encore  ne 
pourrait-on  la  capter  qu'en  amont  de  Chatillon  et  seulement 
dans  les  petits  vallons  du  versant  de  sa  rive  droite,  le  reste 
étant  souillé  par  des  industries  nombreuses. 

En  continuant  à  remonter  le  cours  de  la  Sevré,  on  trouve. 


378 

aux  environs  de  Mallièvre,  au  sortir  d'une  section  à  bords 
très  escarpés,  trois  ruisseaux  d'une  certaine  valeur  :  VAujar- 
dière,  la  Rigale  et  la  Youzaie,  formant  ensemble  une  surface 
de  "2,700  hectares. 

A  Mallièvre  même,  le  sous-sol  est  schisteux  et,  par  suite, 
impropre  au  captage.  Il  faut  aller  jusqu'aux  Ghateliers  pour 
retrouver  le  massif  éruptif.  Là,  on  touche  au  plateau  de 
Saint-Michel-Mont-Mercure  h  Pouzauges,  dont  les  altitudes 
en  ces  deux  points  sont  de  285  à  278  mètres,  et  on  trouve 
les  ruisssaux  de  la  Barboire,  de  la  Doroire  et  de  la  Fon- 
taine de  la  Tréquinière,  les  meilleurs  de  tout  le  massif. 

On  en  rencontre  d'autres  plus  haut  encore  et  très  bien 
orientés  pour  la  facilité  de  leur  captation.  Mais  les  précédents 
sont  déjà  bien  éloignés  de  Nantes  et  M.  Michel  n'a  poussé 
si  loin  ses  recherches  que  pour  vérifier  la  possibilité  d'une 
extension  future  de  la  canalisation  aquifère. 

L'ingénieur  de  la  ville  pose  en  principe  avec  raison,  en 
effet,  qu'une  adduction  d'eau  potable  n'est  admissible  que  si 
elle  réunit  les  conditions  suivantes  : 

1°  La  région  choisie  devra  fournir  en  tout  temps  la  quan- 
tité d'eau  reconnue  nécessaire  pour  l'alimentation  actuelle 
de  la  ville; 

"2"  La  qualité  des  eaux  captées  sera  celle  des  meilleures 
eaux  potables  ; 

3"  Si  la  population  de  la  ville  augmente,  ou  si  les  besoins 
de  l'hygiène  exigent  une  plus  grande  consommation,  la  région 
devra  fournir  le  cube  d'eau  supplémentaire. 

La  quantité  d'eau  réclamée  par  les  usages  domestiques  est 
au  moins  égale  à  50  litres  par  jour  et  par  habitant.  Pour  y 
satisfaire,  à  Nantes,  l'ensemble  des  sources  dérobées  devrait 
donner  un  débit  quotidien  de  6,500  mètres  cubes.  Ce  débit, 
il  faudrait  même  le  porter  à  7,500  mètres,  dans  le  but  de 


374 

desservir  les  comiiiimes  suburbciines,  dont  l'annexion  s'impo- 
sera dans  un  avenir  prochain. 

L'eau  amenée  doil  être  potable.  Aucune  divergence  d'opi- 
nion n'esl  possible  à  cet  égard.  Il  serait  inutile  d'aller  cher- 
cher au  loin,  à  grands  frais,  une  eau  qui  ne  serait  pas 
supérieure  à  celle  de  la  Loire. 

Enfin,  une  sage  prévoyance  oblige  à  supposer  que  les 
générations  futures  ne  seront  pas  suffisamment  alimentées 
avec  le  contingent  d'eaii  dont  nous  pouvons  nous  contenter 
aujourd'hui.  M.  Michel  voudrait  que  la  ville  pût  trouver, 
dans  la  région  qui  l'approvisionnera,  un  cube  d'eau  de 
lii,000  mètres  au  moins.  On  ne  peut  qu'être  de  son  avis. 
Voyons  comment  le  bassin  de  la  Sèvre  remplit  ces  Irois 
conditions. 

M.  Michel  a  calculé  le  débit  des  vallées  qui  bordent  les 
atîluents  de  la  Sèvre,  à  raison  de  2  mètres  cubes  d'eau  par 
hectare  versant,  ou  de  500  litres  par  mètre  linéaire  de  drain. 
Le  coefficients  ainsi  obtenus  sont  approximatifs;  ils  ont  besoin 
d'être  contrôlés  par  des  jaugeages  directs  ;  mais  ils  per- 
mettent de  classer  les  zones  d'une  môme  région  d'après 
leurs  ressources  probables.  J'emprunte  au  rapport  de 
M.  Michel  les  résultats  de  ses  déterminations 


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376 

A  ne  considérer  que  les  rendements  des  affluents  de  la 
Sèvre,  il  semble  facile  d'y  trouver,  même  avec  surabondance, 
le  cube  d'eau  nécessaire  à  la  population  présente  et  fulure 
de  la  ville  de  Nantes.  Mais  la  disposition  topographique  de 
leurs  bassins  met,  k  leur  groupement  général,  des  obstacles 
presque  insurmontables.  Une  crête  sépare  les  trois  premiers 
des  cinq  derniers  et  ne  permet  pas  de  les  utiliser  en  même 
temps.  Mais  le  Gaudineau  et  la  Grume,  placés  entre  les 
deux  groupes,  peuvent  être  joints  à  l'un  ou  i»  l'autre,  indis- 
tinctement. De  là  trois  solutions  proposées  par  M.  Michel  : 

1"  Les  trois  affluents  de  la  Grande-Maine  donnent  ensemble 
4,144  mètres  cubes  d'eau.  En  y  ajoutant  la  Grume  et  le 
Gaudineau,  on  atteint  le  débit  probable  de  6,774  mètres 
cubes  ; 

2»  En  restant  tout  à  fait  dans  le  bassin  de  la  Sèvre,  on 
peut  obtenir  6,759  mètres  cubes,  en  réunissant  :  le  Gau- 
dineau, la  Grume,  l'Iègue  et  le  Blanc  ; 

3»  La  troisième  combinaison  consisterait  à  prendre  les 
six  dernières  vallées  du  tableau,  dont  les  apports  formeraient 
un  total  de  7,500  mètres  cubes. 

Pour  choisir  entre  ces  trois  solutions,  en  admettant  qu'elles 
puissent  fournir  de  l'eau  d'égale  qualité,  il  ne  suffit  pas 
de  regarder  au  rendement.  Il  faut  mettre  aussi  dans  la 
balance  le  coût  des  travaux  de  canalisation  et  l'extension 
dont  chaque  réseau  est  susceptible.  Examinons  d'abord  la 
première  condition. 


Tableau. 


877 


Comparaison     des    solutions. 


©: 


:© 


Désignation 

des 

solutions. 


Noms 
des   vallées. 


Longueur 

de  la 

conduite 

dadductioi) 

(kilomètres) 


/Isère  

Première  Ibeaurepairc  . . 
solution..  . 'Pont-de-Roche 

(Gaudineau.. . . 
(]rume 

!  Gaudineau.. . .  \ 
Crume ( 
lègue 
Blanc 

l'ègue.-. j 

Troisième  ^''•"l' 

solufon...^'^«'V----- 
/Aujardière. .  . 

\  Vouzaie 

I 
I 


75 


86 


SI 


Quantité 

d'eau 
minimum 

(mètres 
cubes). 


6.774 


6.759 


7.503 


Estimation 


totale 
(francs). 


7.450.000 


8.200.000 


8.400.000 


par 
mètre 
cube 

(■frdiics) 


1.100 


1.213 


1.120 


;© 


Si  on  se.  borne  à  envisager  les  nombres  qui  précèdent,  on 
est  lenlé  d'adopler  la  prenùère  soliuion,  c'est  la  moins  oné- 
reuse des  trois,  eu  apparence,  mais  elle  a  un  défaut  caché  : 
elle  n'est  pas  susceplible  d'extension.  Si  la  consommalion  de 
la  ville  de  Nantes  venait  à  dépasser  les  6,700  mètres  cubes 
d'eau  qu'elle  pourra  probablement  fournir,  il  faudrait 
recourir  à  l'une  des  deux  autres  solutions  ou  bien  dériver 
les  aflluents  de  la  Sèvre  qtii  descendent  de  Saint-Michel- 
Mont-Mercure,  c"est-k-dire  prolonger  de  "li  kilomètres  \/i 
la  conduite  d'adduction.  La  canalisation  passerait  alors  par 
les  Herbiers,  Saint-Maur,  les  Epesses  et  Ghateliers,  englobant 
les  ruisseaux  de  la  Flocellière,  dont  la  forte  altitude  permet- 


26 


378 

irait  ^  la  conduite  d'atteindre  le  bassin  de  la  Sèvre,  en  fran- 
chissant le  col  des  fipesses.  L'économie  su|»[iosée  s'évanoui- 
rait (levant  un  travail  aussi  considérable, 

La  deuxième  solution  ne  vaut  pas  beaucoup  mieux.  Elle, 
est  plus  coûteuse  que  la  première  et,  de  plus,  elle  a  l'incon- 
vénient de  trop  disperser  les  captages  ;  la  réunion  des  eaux 
des  vallées  de  la  Grume  et  du  Gaudineau  à  celles  du  Blanc 
et  de  riègue,  exigeraient  une  canalisation  de  15  kilomètres 
environ. 

M.  Michel  recommande  la  troisième.  Il  repousserait  en 
amont  de  Morlagne  les  premières  prises  d'eau,  réservant 
pour  les  besoins  futurs  les  vallées  inférieures,  notamment 
celle  de  la  Grume,  sans  préjudice  des  bassins  dont  les  eaux 
viennent  du  massif  de  Saint-Michel-Mont-Mercure.  Gette 
combinaison  utiliserait  immédiatement  l'iègue,  le  Blanc, 
l'Aujardière,  la  Rigale  et  la  Vouzaie,  soit  7,500  mètres  cubes 
d'eau.  Et  elle  donnerait  la  faculté  d'accroître  ce  débit,  s'il 
était  nécessaire,  soit  en  faisant  des  emprunts  aux  affluents 
inférieurs  :  l'Isère,  le  Gaudineau  et  la  Grume,  soit  en  allon- 
geant le  collecteur  jusqu'à  la  Pommeraye,  dans  une  région 
beaucoup  plus  riche  en  eau  que  celle  de  Mortagne. 

La  quantité  semble  donc  assurée,  surtout  dans  la  dernière 
combinaison.  Il  reste  à  voir  si  la  qualité  répond  aux  exi- 
gences de  l'hygiène.  Examinons  d'abord  l'étal  physique  des 
eaux  : 


Tableau. 


879 


O 

I.IEUX 

Dates 

Tempe 

rature 

Couleur. 

des   prélèvements. 

des 
prélèvements. 

exté- 
rieure. 

de  la 
nappe 

Limpidité. 

Odeur. 

La  Barboire 

18  août  

SÔ" 

l3o 

Parfaite 

Nulles. 

La  Clairière    .... 

>l 

30" 

90 

)> 

(>hêne-Morin  .... 

25  août 

l9o 

130 

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Pont-Boucher.  .  . . 

1) 

210 

140 

)> 

» 

La  Ghapotière  .  .  . 

'2  septembre. 

200 

150 

Légf  trouble 

)) 

La  Blanchardière  . 

» 

20o 

1305 

Opalescente 

II 

La  Barboire 

10  septembre. 

tfio 

l3o 

Parfaite 

» 

La  Rigale 

■■ 

21o 

140 

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1) 

Id  .; 

19  septembre. 

210 
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1205 

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II 

1) 

La  Barboire 

La  Rigale 

)) 

1005 

1205 

)) 

1) 

L'Aujardière   .... 

28  septembre . 

100 

130 

>> 

Treizp-Vents  .... 

» 

120 

130 

1) 

II 

L'Aujardière 

r>  octobre.  .  . 

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130 

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11 

Mallièvre 

1) 

l2o 

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La  Ghapotière. .  .  . 

13  octobre  .  .  . 

1105 

150 

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1) 

La  Clairière 

'• 

905 

13" 

)l 

é 

La  limpidiU'  de  toutes  ces  eaux  ne  laisse  à  désirer  que 
dans  celles  de  la  Ghapotière  et  de  la  Blanchardière.  Encore 
ce  défaut  n'exisle-t-il  à  la  Ghapotière  que  dans  réchantillon 
du  i  septembre  ;  il  a  disparu  dans  celui  du  13  octobre, 
c'était  un  accident.  A  la  Blanchardière,  il  n'en  est  pas  ainsi  ; 
Teau  est  restée  opalescente  jusqu'à  la  tin  des  jaugeages,  au 
lieu  de  s'éclaircir  dès  le  troisième  jour,  comme  les  autres. 
Gela  tient  à  la  présence  d'une  forte  proportion  d'argile  dans 
la  granulite.  La  vallée  est  défectueuse  ;  elle  a  été  abandonnée. 

La  température  de  la  nappe  souterraine  est  d'environ  13". 
Une  seule  fois  elle  s'est  abaissée  h  9".  Une  seule  fois  aussi  elle 
est  montée  à  15°.  Dans  ce  dernier  cas,  le  drain  n'avait  pas 


380 


élé  placé  à  une  profondeur  suffisante.  La  moyenne,  IS**,  est 
bonne;  toutes  les  eaux  sont  acceptables  à  cet  égard. 

Elles  sont  irréprochables  également  sous  le  rapport  de 
l'odeur  et  deja  couleur.  Leurs  conditions  physiques  sont 
satisfaisantes  ;  passons  au  côté  chimique. 


LIEUX 

des  prélèvemeiils. 

Titre 

hydroli- 
métrique 

Sels 
miné- 
raux 
par  litre 

Matières 
organi- 
ques. 

Chlore. 

Ammoniaque 

0 

Nitriles. 

i.a  Barboire 

805 

0g250 

OgOI3 

0.018 

Traces 

Traces 

La  Clairière 

5o2 

0.140 

0.009 

0.014 

Néant 

id. 

Chêne-  Morin  .... 

504 

0.180 

0.007 

0,028 

Traces 

Id. 

l'ont-Boucher.  .  .  . 

4"6 

0.110 

0.009 

0.018 

Id. 

Notables 

La  Blanchardière. 

900 

0.240 

0.013 

0.018 

Id. 

Id. 

La  Chypotière. .  .  . 

H07 

0   280 

0.021 

0.025 

Id. 

id. 

La  Barboire 

405 

0.180 

0.006 

0.014 

Néant 

Traces 

La  Rigale 

5o'2 

0.185 

0.008 

0.012 

Traces 

Id. 

id 

500 

402 

0.180 
0.160 

0.007 
0.007 

0.014 
0.014 

Id. 
Neunt 

id. 
Id. 

La  Barboire 

La  Rigale 

3oy 

0.160 

0.009 

0.014 

Traces 

Id. 

LAujardière  .... 

308 

0.140 

0.006 

0.014 

Id. 

Id. 

Treize-Vents  .... 

3"8 

0.140 

0.006 

0.013 

Néant 

Id. 

L'Aujardière  .... 

309 

0.120 

0.006 

0.014 

Traces 

Id. 

Mallièvre 

402 

0.125 

0.007 

0.014 

Id. 

Id. 

La  Ghapoiière  .  .  . 

604 

0.175 

0.008 

0.016 

Id. 

Id. 

La  Clairière 

Soy 

0.120 

0.007 

0.012 

Id. 

Id. 

ï 

Toutes  les  eaux  sont  extrêmement  légères.  Si  on  écarte 
celles  qu'ont  données  au  début  la  Cliapolière  et  la  Barboire, 
et  qui  se  sont  améliorées  ensuite,  la  plus  chargée  ne  contient 
que  185  milligrammes  de  sels  minéraux  par  litre.  Cette 
quantité,  très  faible,  descend  plusieurs  fois  à  liO  et  même  [\ 
110  milligrammes,  plaçant  ainsi  les  eaux  parmi  les  plus 
légères. 


381 

Leur  lilre  liydrolimélrique  esl  compris  entre  3°,8  el  6°,4. 
Il  les  range  dans  le  groupe  des  eaux  pures  du  Comité  consul- 
talil  d'hygiène  de  France. 

Sous  le  rapport  des  matières  organiques,  il  n'y  a  que  l'eau 
de  la  Blanchardière,  (\é]l\  condamnée  pour  son  opalescence, 
et  les  premières  eaux  fournies  par  les  drains  de  la  Barboire 
et  de  la  Chapolière  qui  soient  défectueuses.  Toutes  les 
autres  se  tiennent  entre  6  et  9  milligrammes,  calculés  en 
acide  oxalique  ;  elles  sont  dans  de  très  bonnes  conditions. 

La  proportion  du  chlore  est  un  peu  forte  pour  des  eaux 
souterraines.  Elle  accuse  vraisemblablement  la  pénétration 
des  eaux  superficielles,  toujours  souillées  par  des  déchets 
d'origine  animale.  Elle  n'est  pas  excessive,  toutefois  ;  ■  elle 
oscille  entre  12  et  18  milligrammes  par  litre,  sauf  pour  l'eau 
du  Chône-Morin  el  la  première  écoulée  du  drain  de  la  Ghapo- 
tière,  où  elle  atteint  îlS  et  25  milligrammes.  Ces  derniers 
chiffres  même  ne  font  pas  sortir  les  eaux  en  question  de  la 
classe  des  eaux  potables,  d'autant  que  le  voisinage  relatif  de 
la  mer  explique,  îi  la  rigueur,  la  présen^'c  d'une  certaine 
partie  du  chlore  constaté. 

La  pureté  des  eaux  s'affirme  encore  du  côté  de  l'ammo- 
niaque el  des  nitrites,  dont  il  n'existe  des  quantités  noiables 
que  dans  les  trois  échantillons  reconnus  mauvais  pour 
d'aulres  causes.  Partout  ailleurs  il  n'y  en  a  que  des  traces 
insignifiantes. 

Au  point  de  vue  chimique,  les  eaux  drainées  par  M.  l'ingé- 
nieur Michel  ont  donc  toutes  les  qualités  des  eaux  potables 
et  pourraient  utilement  être  appliquées  à  l'alimenlaiion  de 
Nantes,  si  le  massif  vendéen  peut  réellement  fournir  la  quan- 
tité nécessaire  à  nos  besoins  et  si  les  dépenses  d'adduclion 
ne  dépassent  pas  les  moyens  de  la  Ville. 


DISCOURS 


PRONONCE 

DANS  LA  SÉANCE  DU  10  DÉCEMBRE  1899 
A  LA  SALLE  DU  GRAND-THÉATRE 

Par    M.    le    D>    HERVOUET 

Président    de   la    Société    Acailéiuique   de  la   Loire-Inférieure 
Professeur  à  l'Ecole  de  Médecine. 


Messieurs, 

Ce  n'osl  pas  chose  banale  que  d'inaugurer  un  deuxième 
siècle,  de  lenler  de  renaître,  de  commencer  pour  ainsi  dire 
une  seconde  vie.  G'esl  pourlanl  ce  que  la  Société  Acadé- 
mique entreprend  en  1899.  Après  les  fêtes  brillantes  de  l'an 
passé,  fêles  inoubliables,  organisées  pour  cékbrer  le  cente- 
naire, rhonneur  de  la  présidence  me  parait  bien  lourd,  bien 
difficile  h  porter. 

Vous  avez  entendu  ici  même  de  vrais  orateurs  et  de  vrais 
académiciens  :  vous  comprendrez  qu'il  est  douloureux  de 
leur  succéder.  Aussi,  mes  collègues  me  permettront  de  le 
leur  dire  :  ils  se  sont  trompés  et  ont  renversé  les  rôles. 
Pour  enterrer  un  siècle,  comme  ils  l'ont  fait  il  y  a  un  an, 
ils  pouvaient  sans  danger  mettre  à  leur  tête  un  président 
sans  initiative,  ni  entrain,  un  président  triste  et  d'allure 
funèbre.  Pour  inaugurer  une  ère  nouvelle,  comme  l\  présent, 
il  nous  fallait  un  homme  d'action,  doué  de  la  crânerie  néces- 


383 

saire  l\  l'exécution  des  t^rands  projpis  ;  il  fallait,  en  un  mot, 
un  président  entreprenant. 

C'est  donc  mon  prédécesseur  qui  devrait  occuper  celte 
place  aujourd'liui,  avec  l'autorité  nécessaire. 

Mes  collègues  ont  fait  tout  le  contraire.  C'est  leur  affaire. 
Malheureusement  c'est  la  mienne  aussi,  et  même  un  peu  la 
vôtre,  du  moins  pour  quelques  minutes. 

Quoi  qu'il  en  soit,  je  le  répète,  c'est  une  chose  extraor- 
dinaire et  presque  incroyable  que  de  vivre  cent  ans,  surtout 
^  l'état  d'association.  Il  est  si  difficile  aux  hommes  de  s'en- 
tendre longtemps.  Il  en  est  pour  qui  la  vie  h  deux  est  presque 
impossible.  Jugez  de  la  difficulté  d'une  bonne  entente  entre 
cent  personnes. 

Notre  persistante  et  inaltérable  harmonie  réalise  donc  un 
fait  pour  ainsi  dire  miraculeux.  Aussi  quand  j'ai  dû  me 
mettre  à  la  recherche  d'un  sujet  de  discours,  je  me  suis 
inspiré  de  la  circonstance  :  puisqu'elle  est  extraordinaire, 
surnormale,  j'ai  pensé  qu'il  fallait  vous  dire  des  choses 
extraordinaires,  surnormales.. . 

Du  moins,  j'ai  cru  qu'il  était  opportun  de  démontrer,  au 
moyen  de  quelques  exempK^s,  que  le  vrai  n'est  pas  toujours 
vraisemblable,  qn'il  faut  savoir  admettre  de  certaines  choses 
en  apparence  impossibles  ou  absurdes  ;  qu'il  importe  de 
mettre  des  bornes  au  scepticisme,  par  respect  même  pour  la 
vraie  science.  Il  est  temps,  enfin,  de  reconnaître  qu'un  fait 
peut  être  légitimement  reconnu  pour  exact,  alors  que  toute 
explication  nous  échappe  entièrement. 

Qui  eût  dit,  en  1798,  que  la  Société  Académique  conti- 
nuerait ses  séances  en  1899?  Personne  ne  l'eût  voulu  croire 
et  si  un  prophète  s'était  avisé  de  l'annoncer,  on  l'eût  qualifié 
(le  rêveur  pitoyable. 

El  pourtant  cela  est.  Nous  sommes  obligés  de  le  croire, 
malgré  la  difficulté  d'expliquer   le    phénomène,  et  dans  cent 


884 

ans  vous  constaterez  peut-être  qu'elle  vil  toujours,  mals^ré 
rinvraisemblance. 

Mais  je  veux  emprunter  ma  démonstration  à  des  faits  tout 
différents,  plus  singuliers  encore,  à  un  ordre  d'idées  tout 
autre. 

Je  veux  simplement  poser  ce  problème  et  m'efforcer  de  lui 
donner  une  solution  : 

Faut-il  croire  aux  phénomènes  surnormaux  ? 

Rassurez-vous  sur  deux  points  importants  :  d'abord,  je 
n'aborderai  pas  de  questions  touchant  aux  doctrines  philo- 
sophiques ou  religieuses,  car  il  ne  faut  pas  confondre  le 
surnormal  avec  le  surnaturel.  Et  puis,  malgré  l'étendue  que 
comporterait  une  telle  discussion,  je  serai  bref,  parce  qu'il 
est  surabondamment  prouvé  que  les  meilleurs  discours  sont 
les  plus  courts,  surtout  quand  l'orateur  est  improvisé,  acci- 
dentel... qu'il  n'est  pas  du  métier. 

Y  a-t-il  donc  quelque  chose  de  sérieux,  de  scientifique, 
de  vrai,  dans  toutes  ces  affirmations,  dans  tous  les  récits 
relatifs  aux  cas  de  clairvoyance,  de  magnétisme,  de  spiri- 
tisme, de  télépathie  et  faut -il  croire  aux  histoires  de  reve- 
nants ? 

On  appelle  surnormaux  des  phénomènes  qui,  sans  être 
surnaturels,  ne  sont  pas  cependant  dans  l'ordre  des  faits 
vulgaires,  des  observations  courantes  et  banales.  Ils  sont, 
en  quelque  sorte,  au-dessus  de  la  normale,  ou  en  dehors  d'elle, 
du  moins  pour  un  temps;  car  il  est  évident  que,  n'étant  pas 
surnaturels,  ils  redeviendront  pour  nous  des  phénomènes 
normaux,  quand  on  les  aura  mieux  étudiés,  quand  nous 
nous  serons  familiarisés  avec  eux. 

Le  mot  surnortnal  est  donc  provisoire  lui-même  :  c'est 
un  vocable  ingénieux  imaginé  par  les  écrivains  contempo- 
rains pour  désigner  ce  qui  est,  à  leurs  yeux,  intermédiaire 
entre  les  choses  naturelles  et  les  choses  surnaturelles  ;  par 


385 

exemple  :  le  magnélisme,  la  suggestion,  le  spiritisme,  la 
clairvoyance,  la  télépathie  surtout  et...  enfin,  si  vous  le 
permettez,  les  histoires  de  revenants,  que  Ton  confond  parfois 
avec  les  histoires  de  brigands. 

Je  ne  me  risquerai  pas  à  répondre  sur  tout  cela  d'une 
façon  calégorique.  Je  me  bornerai  à  établir  qu'il  y  a  un 
choix,  une  sélection  à  faire  dans  tout  ce  fatras  d'affirma- 
tions, de  récils  invraisemblables,  troublants,  terrifiants, 
tantôt  inventés  de  toute  pièce  par  des  hâbleurs  et  des  char- 
latans, tantôt  au  contraire  rapportés  avec  bonne  foi  par 
d'honnôtes  gens  et  par  des  observateurs  intelligents. 

Je  viens  de  parler  d'observateurs  :  en  effet,  il  s'agit  uni- 
quement d'observation.  Il  s'agit  de  savoir,  sans  tenir  compte 
des  appréciations  de  chacun,  ni  des  théories,  ni  des  idées 
préconçues,  si  des  faits  surnormaux  ont  été,  oui  ou  non, 
observés.  La  question  doit  être  circonscrite  de  cette  façon. 
Il  faut  procéder  comme  dans  les  sciences  naturelles,  c'est-à- 
dire  aller  à  la  recherche  des  faits,  des  observations,  avant 
de  philosopher  sur  les  causes,  et  surtout  avant  de  se 
permettre,  a  priori,  des  négations  ou  des  affirmations 
téméraires. 

A  ce  point  de  vue,  j'affirme  qu'il  s'est  opéré  une  modifi- 
cation considérable  dans  l'esprit  public  depuis  quelques 
années,  et  que  les  procédés,  les  méthodes  des  savants  eux- 
mêmes  ont  subi  de  très  appréciables  changements.  Si  toutes 
les  époques  n'étaient  pas  transitoires,  je  dirais  sans  hésiter 
que  nous  sommes  h  une  époque  de  transition. 

Il  y  a  trente  ans  ou  vingt-cinq,  on  ne  croyait  l\  rien,  à 
rien  du  moins  de  ce  qui  fait  l'objet  de  cette  étude.  On  se 
serait  fait  huer  si  l'on  avait  prétendu  soutenir  la  réalité  ou 
seulement  la  possibilité  du  surnormal.  En  France  au  moins, 
où  la  mode  joue  un  certain  rôle,  personne  n'eut  osé  affronter 
le   ridicule    attaché   h   des  croyances  ou   à    des    opinions 


386 

condamnées  depuis  longleiiips.  A  cel  égard,  la  méthode  du 
haussement  d'épaules  était  de  mise,  elle  était  imiversellement 
adoptée,  non  par  mauvaise  foi,  mais  par  manque  de  foi.  Je 
n'ose,  quant  à  moi,  me  permettre  de  la  critiquer  trop  par 
un  blâme  trop  sévère,  car  je  l'ai  pratiquée,  celte  méthode, 
avec  une  parfaite  tranquillité  d'âme.  Cela  s'explique  :  nous 
étions  tous  sous  l'influence  d'une  éducation  philosophique  ou 
scientifique  vieille  déjh  d'une  centaine  d'années.  Depuis 
[tlusieurs  générations,  il  était  entendu,  convenu,  arrêté,  que 
tout  ce  qui  ne  tombait  pas  sous  les  sens,  tout  ce  qui  était 
impalpable  était  incroyable,  ridicule,  absurde,  non  existant. 
Or,  ce  qui  était  soi-disant  inexistant  il  y  a  trente  ans  est 
aujourd'hui  monnaie  courante.  On  a  fait  du  chemin.  On  s*est 
lassé  de  nier  toujours,  car  on  se  lasse  de  tout.  Est-ce  l'effet 
du  perpétuel  jeu  de  bascule  où  se  complaît  l'esprit  humain 
et  en  vertu  duquel  nous  passons  volontiers  d'une  estime 
exagérée  pour  un  système  dans  l'enthousiasme  pour  le 
système  opposé?  Est-ce  affaire  de  mode?  Il  faut  tenir 
compte,  sans  doute,  de  ce  besoin  de  croire  dont  un  écri- 
vain émineni  s'emploie  aujourd'hui  ii  démontrer  l'invincible 
puissance  ?  La  négation  quand  même  devient  à  la  longue 
ennuyeuse,  et  puis  elle  est  plutôt  stérile.  En  un  mot,  on 
arrive  à  se  dégoûter  du  perpétuel,  de  l'automatique  hausse- 
ment d'épaules.  On  s'est  rendu  compte  h  la  fin  qu'il  ressem- 
ble fort  à  un  tic  et  nous  n'aimons  pas  le  ridicule. 

Si  vous  voulez  vous  convaincre  de  ces  changements, 
voyez  le  développement  énorme  qu'ont  pris  les  publications 
consacrées  à  l'étude  du  surnormal.  Dans  tous  les  pays,  des 
Revues  spéciales  sont  imprimées  régulièrement  et  paraissent 
avec  la  ponctualité,  la  dignité  et  même  la  majesté  de  la 
Uevne  des  Deux- M  ondes  ou  du  Correspondant.  De  véri- 
tables savants  les  patronnent  ou  y  collaborent.  Il  s'y  trouve 
des  médecins  de  marque,  de>  professeurs  de  Facultés.  Parmi 


387 

ces  publications  périodiques,  il  en  est  de  moins  sérieuses  el 
dont  je  ne  conseillerais  pas  la  lecture.  Mais  je  ne  veux  pas 
les  nommer  de  peur  qu'on  ne  leur  donne  la  préférence. 

Si  je  fais  ces  remarques,  ce  n'est  point  pour  encourager 
l'engouement.  Je  n'éprouve,  pour  ma  part,  aucun  entraîne- 
ment irrésistible.  J'ai  seulement  une  assez  vieille  expérience 
et  un  désintéressement  assez  entier  pour  vous  dire  :  Faites 
attention;  il  y  a  là  une  élude  intéressante  à  poursuivre;  il 
y  a  beaucoup  à  laisser,  mais  il  y  a  quelque  chose  à  prendre. 

J'ai  indiqué  tout  à  l'beure  qu'en  dehors  des  psychologues 
professionnels  et  des  observateurs  sans  étiquette,  les  méde- 
cins s'étaient  mis  de  la  partie.  Ne  vous  en  étonnez  pas. 

Le  médecin  n'a  pas  de  parti  pris  ou,  du  moins,  pour  ne 
rien  exagérer,  il  est  moins  guidé  par  l'idée  préconçue  que  le 
philosophe  ou  l'observateur  libre.  Je  crois  marquer  un  coin 
d'histoire  contemporaine  en  disant  que  le  médecin,  en 
France,  a  été  le  plus  actif  initiateur,  le  plus  influent  propa- 
gandiste des  idées  nouvelles.  Il  a  une  fréquentation  quoti- 
dienne avec  l'imprévu,  l'incertain,  l'inattendu;  il  a  l'habitude 
des  choses  difficiles  à  expliquer;  il  s'étonne  moins  de  ce  qui 
est  étonnant  ;  il  est  sceptique,  dans  le  sens  vrai  du  mot, 
mais  ce  n'est  pas  un  négateur.  Il  observe,  il  se  réserve,  il 
attend.  Il  s'est  habitué  à  la  patience  philosophique.  Il  sait  des 
choses  que  le  philosophe  professionnel  ignore  complètement. 
Ses  connaissances  ne  ressemblent  gnère  à  celles  du  mathé- 
maiicien  dont  l'horizon  est  limité  aux  doimées  de  l'algèbre, 
c'est-à-dire  à  des  vues  artificielles  de  l'esprit.  Le  médecin  a 
donc  l'intellect  façonné  de  manière  lonle  particulière.  Ce 
n'est  pas  un  ôlre  surnormal,  c'est  peut»être  un  monstre.  A 
force  d'observer  des  déviations  de  l'intelligence  humaine, 
comme  il  observe  des  (roubles  organiques  quelconques,  il 
s'est  fait  une  opinion  très  indépendante  el  des  fonctions  ner- 
veuses et  des  relations  du  cerveau  avec  le  monde  psychique. 


888 

Ce  n'est  pas  un  rêveur,  ce  n'est  pas  non  plus  un  pontife  ;  il 
n'a  pas  la  prélenlion  d'avoir  connu  d'emblée  la  vérité,  toutes 
les  vérités.  Mais  il  pense  d'une  façon  si  spéciale  qu'on  a 
peine  parfois  à  discuter  avec  lui.  Le  philosophe  et  lui  ne 
parlent  pas  la  même  langue.  Ils  ne  voient  pas  avec  les 
mêmes  yeux  et  n'entendent  pas  avec  les  mêmes  oreilles  ;  ils 
ne  regardent,  d'ailleurs,  ni  n'écoulent  les  mêmes  choses.  Ils 
auraient  tort  de  se  traiter  réciproquement  d'imbéciles:  quand 
on  n'est  pas  polyglotte,  on  ne  peut  avoir  la  prétention  d'in- 
terpréter tous  les  idiomes. 

Quoi  qu'il  en  soil,  le  médecin  français  a  aidé  fortement  à 
l'éclosion  de  la  science  du  surnormal,  et  cela,  en  étudiant  le 
magnétisme,  l'hypnotisme,  le  somnambulisme  et  la  sugges- 
tion. 

Dans  cet  ordre  d'idées,  Charcol  a  exercé  le  grand  com- 
mandement dans  notre  pays.  Elevé  dans  les  principes  serrés 
de  l'organicisme,  anatomo-pathologiste  éminent,  mais  aussi 
clinicien  de  premier  ordre,  médecin  dans  toute  l'acception 
du  terme,  il  a  su,  par  la  force  de  son  intelligence,  rompre 
avec  des  traditions  tenaces.  Je  ne  veux  pas  dire  qu'il  ail  été 
tout  à  fait  le  premier.  Grâce  à  l'observation  scientifique,  il  a 
reconnu  l'existence  de  phénomènes  considérés  jusqu'alors 
comme  iuïpossibles  et  classés  dans  le  carton  dédaigné  du 
merveilleux.  Il  a  entraîné  les  masses  intelleeluelles.  D'autres 
physiologistes,  d'autres  médecins  ont  fait  de  même,  chacun 
de  leur  côté. 

Du  moment  qu'on  était  dans  cette  voie,  on  devait  être 
conduit  sur  des  pistes  nouvelles.  On  a  trouvé  des  embran- 
cluniients,  des  filons  dont  l'exploitation  pouvait  être  fructueuse. 
On  n'a  plus  eu  honte  d'aborder  et  de  discuter  sérieusement 
certains  sujets  oubliés.  Mesmer  lui-même,  qui  était  considéré 
pour  ainsi  dire  comme  une  des  hontes  du  XVIIl"  siècle, 
comme  un  charlatan  maudit,  Mesmer  aurait  pu  se  produire, 


389 

se  montrer  à  ce  inomenl,  il  eût  été  le  bienvenu  et  je  me  le 
demande  parfois  :  ne  lui  élèvera-t-on  [jus  une  statue  ?  Il  y  a 
des  monuments  moins  juslitiés.  N'oublions  pas  que  Mesmer 
était  un  médecin. 

Il  prétendait  qu'il  existe  une  influence  naturelle,  d'abord 
entre  les  corps  célestes  (mais  cela  ne  nous  regarde  pas)  et 
entre  les  corps  animés,  influence  ayant  pour  agent  un  fluide 
spécial,  universellement  répandu.  Venu  sur  ce  grand  théâtre 
qu'est  Paris,  il  y  provoqua  un  mouvement  énorme,  y  obtint 
momentanément  une  célébrité  extraordinaire,  suivie  d'une 
réaction  telle  qu'il  dut  s'en  aller  bonni  et  bafoué.  M.  Ghéreau 
a  dit  de  lui  :  «  Il  mourut  à  81  ans,  ne  se  doutant  guère 
sans  doute,  ^  son  lit  de  mort,  que  sa  découverte,  tombée 
alors  en  pleine  décrépitude,  trouverait  plus  tard  de  nouveaux 
adeptes  ». 

En  1873,  M.  Decbambre  terminait  ainsi  une  longue  élude 
critique  du  mesmérisme  :  «  Le  magnétisme  animal  n'existe 
pas  ». 

J'ai  donc  bien  raison  de  dire  qu'on  a  fait  du  chemin 
depuis  vingt  ans. 

Malgré  l'immense  intérêt  de  ces  souvenirs  historiques,  je 
ne  puis  m'y  appesantir,  je  fatiguerais  votre  attention  avant 
d'avoir  épuisé  l'essentiel  de  mon  sujet. 

Si,  d'ailleurs,  j'ai  évoqué  ces  souvenirs,  c'est  qu'une  pré- 
paration, sorte  de  transition,  était  nécessaire.  Un  premier 
pas  était  fait  avec  le  magnétisme,  l'hypnotisme  et  la  sugges- 
tion. Plus  curieuse  encore  était  la  télépathie,  plus  inattendue 
surtout,  au  point  de  vue  de  la  valeur  scientifique.  A  l'heure 
présente,  la  voilà  déjà  très  avancée.  Elle  vaut  donc  la  peine 
d'être  connue,  plus  équitablemenl  estimée. 

Il  n'en  est  pas  de  môme  des  études  similaires,  des  recher- 
ches à  côté.  Aussi  je  ne  vous  signale  le  spiritisme  et  même 
la  clairvoyance  que  pour  les  éliminer.  Le  spiritisme  surtout 


390 

est  décidc'inenl  voué  à  rimpuissancc  ;  c'csl  une  non-valeur. 
Son  affaire  esl  classée,  malgré  les  adhésions  dont  on  Ta 
honoré  de  cerlaius  côtés,  adhésions  bien  surprenanles,  à  la 
vérité,  bien  inalleudues,  si  l'on  considère  que  les  mathéma- 
ticiens lui  ont  fourni  un  contingent  considérable.  J'ai  connu 
des  ingénieurs  distingués,  tranchons  le  mot,  des  ingénieurs 
des  Ponts  et  Chaussées,  c'esl-à-dire  des  polytechniciens,  la 
fine  fleur  du  monde  intellectuel,  qui  ont  fait  causer  les  es|)rits 
d'oulre-tombe  par  l'intermédiaire  de  ce  truchement  à  quatre 
pattes  qu'on  appelle  la  table  tournante.  Je  me  suis  rencontré 
avec  des  savants  de  cette  catégorie  qui  n'admettaient  point 
là-dessus  la  mohidre  plaisanterie.  L'un  d'eux,  entrevoyant 
mon  haussement  d'épaule  à  l'occasion  de  son  récit,  se  taisait 
indigné,  se  recroquevillait  majestueusement  et  rompait  la 
conversation  avec  dédain.  Rien  d'étonnant  pour  njoi  dans 
cette  attitude.  Le  mathématicien,  qui  est  bien  au-dessus  du 
médecin  dans  la  hiérarchie  scientifique,  n'a  pas  développé 
au  même  degré  le  sens  de  l'observation.  Il  observe  rare- 
ment les  phénomènes  naturels.  Il  vit  avec  des  formules 
algébriques  et  vous  vous  tromperiez  fort  si  vous  pensiez 
que  le  médecin  vit  avec  des  formules  thérapeutiques,  car  le 
médecin  ne  fait  de  formule  qu'au  moment  où  il  convient  que 
la  consultation  finisse. 

Je  le  demande  :  pourquoi  les  esprits  demandent-ils  de 
préférence  une  table  pour  interprète  ? 

Pourquoi  une  table?  Pourquoi  pas  un  autre  meuble, 
comme  une  poêle  à  frire,  une  casserole,  un  pot  de  fleur  ?  Il 
ne  faut  blesser  personne,  mais  j'ai  toujours  pensé  que  la 
table  était  choisie  parce  que  les  pieds  vivants  peuvent  se 
rencontrer  sous  son  ombre  et  que  des  pieds  vivants  sont  très 
intelligents.  La  table  esl  une  entremetteuse  suspecte. 

Laissons  cela.  Laissons  aussi  les  histoires  de  revenants  et 
les  inventions  de  la  clairvoyance,  ou,  pour  mieux  dire,  des 


391 

cUurvoyantes.  A-l-oii  assez  remarqué  qu'il  y  a  des  clair- 
voyanles  el  pas  de  clairvoyanls  ?  Tout  à  l'heure  je  deman- 
dais pourquoi  toujours  des  labiés?  Mainlenanl  je  demande 
pourquoi  toujours  des  femmes,  jamais  des  hommes  ?  Je  sais 
bien  que  la  femme  a  l'esprit  plus  pénétrant  que  l'homme  et 
je  ne  veux  pas  développer  cette  idée  qui  exigerait  tout  un 
discours.  Tout  de  môme,  puisqu'il  s'agit  du  surnormal,  on 
ne  voit  pas  bien  pourquoi  l'homme  ne  serait  jamais  clair- 
voyant el  ne  pourrait  jamais  préiendre  à  la  situation  hono- 
rable de  tireur  de  caries  ou  de  diseur  de  bonne  aventure. 

Malgré  tout,  celle  objeclion  ne  me  retiendrait  guère, 
puisque  je  n'ai  ni  jalousie,  ni  parti  pris. 

Ce  qui  m'impressionne  davantage,  c'est  que  les  résultais 
prétendus  de  la  clairvoyance  n'ont  pas  subi  le  contrôle 
sévère  des  enquêtes  scientifiques  (i). 

Il  en  va  autrement  di;  la  télépathie. 

Or,  vous  savez  ce  qu'est  la  télépathie  :  c'esl  la  li^ansmis- 
sion  à  distance  des  pensées  el  des  sentiments,  sans  le 
secours  de  la  parole  ou  de  signes  quelconques.  Un  individu 
esl  aux  anlipodes  :  il  transmet  quelque  chose  de  sa  pensée, 
quelque  chose  de  lui-même  h  un  autre  individu  qui  se 
irouve,  lui,  en  France,  par  exemple.  Il  se  trouve  dans  une 
situation  critique,  il  est  mourant  (c'esl  la  condition  télépa- 
Ihique  la  plus  commune)  :  sa  pensée  intensive  va  toucher 
à  l'aulre  boul  du  monde  les  êlres  qui  lui  sont  chers,  el  cela 
sous  la  forme  d'une  apparition.  L'honmie  qui  va  mourir  se 
montre  silencieux  t^X  calme,  mais  en  apparence  bien  vivant 
aux  yeux  d'un  autre  qui,  dans  le  moment,  ne  songeait  pas 
à  lui.  Ce  n'est  pas  lui,  c'esl  son  ombre,  c'esl  un  fantôme. 
C'esl  ce  qu'on  appelle  l'hallucination  télépalhiqne. 

Oh  !  c'esl  très  curieux,  très  intéressant,  très  saisissant. 

(1  )  Il  esl  néanmoins  jusle  d'avouer  qu'on  a  publié  qulequelbis  des  cas  de  clairvoyance 
dil'ticiles  à  nier. 


89ii 

Gela  paraît  absurde.  Pour  ma  part,  j'ai  trouvé  cela  inadmis- 
sible, à  une  certaine  époque  ;  j'ai  pratiqué,  je  vous  l'ai  dit, 
la  mélbode  du  haussemeul  d'épaules.  Mais  j'ai  lu,  depuis 
quelques  années,  un  si  grand  nombre  de  témoignages 
autlienliques,  que  j'ai  fini  i)ar  croire  que  la  négation  pure 
et  simple  n'était  plus  possible. 

Quand  on  ne  s'est  pas  adonné  à  de  certaines  lectures,  on 
n'a  pas  idée  du  nombre  de  faits  de  cet  ordre  qui  ont  été 
observés,  enquêtes  et  contrôlés  :  observations,  enquêtes, 
contrôles,  tout  a  été  fait  avec  intelligence  et  bonne  loi,  sou- 
vent même  par  des  incrédules  ou,  du  moins,  par  des  per- 
sonnes qui  n'avaient  pas  songé  d'abord  ^  la  possibilité  de 
semblables  phénomènes  et  qui  les  auraient  niés,  a  priori, 
si  elles  n'en  avaient  été  les  témoins  désintéressés.  Lorsqu'on 
entend  pour  la  première  fois  raconter  un  fait  ce  genre,  on 
proteste,  on  se  regimbe,  on  prend  en  pitié  le  narrateur  ;  le 
premier  mouvement,  c'est  de  se  récrier.  Je  connais  par 
expérience  personnelle  cette  impression  et  celte  manière  de 
faire.  On  arrive  cependant  h  mieux  accueillir  ces  histoires 
quand  b^s  exemples  se  sont  multipliés  et  qu'on  a  pris  la  peine 
de  les  rechercher  aux  meilleures  sources  et  de  les  dénom- 
brer. Des  ouvrages  spéciaux  m'ont  fourni  des  documents  en 
abondance  depuis  plusieurs  années.  Mais  depuis  quelques 
jours  seulement,  depuis  qu'au  coiu's  de  conversations  acci- 
dentelles j'ai  annoncé  à  mes  amis  mon  intention  de  pérorer 
sur  ce  sujet,  j'ai  recueilli  dijà  plusieurs  anecdotes  inédites  ; 
il  est  môme  surprenant  qu'on  en  puisse  réunir  ainsi  en  aussi 
peu  de  temps. 

Voici  un  modèle  du  genre,  car  il  est  nécessaire  de  pro- 
céder par  citation,  les  laits  parlent  mieux  que  tout  le  reste, 
et,  avant  de  signaler  les  observations  imprimées,  je  veux 
vous  donner  d'emblée,  en  résumé,  le  rapport  d'un  de  mes 
bous  amis,  un  de  mes  confrères. 


393 

Le  sujet  de  rhallucinalion  lélépatliique  éiail  juslemenl  la 
mère  de  mon  ami.  L'exemple  a  d'aiilanl  plus  de  valeur  que 
la  scène  s'est  passée  à  une  époque  où  ces  choses-là  étaient 
inconnues,  insoupçonnées.  M">«  G...  était  alitée  depuis 
quelques  jours,  après  la  naissance  d'un  de  ses  enfants,  mais 
elle  n'avait  ni  fièvre,  ni  maladie  proprement  dite  ;  ses 
facultés  mentales  étaient,  par  conséquent,  dans  leur  état 
normal.  Un  jour,  élaiU  seule  dans  sa  chambre,  elle  voit 
entrer  et  s'a[)procher  d'elle  son  propre  frère  :  il  était  en 
manches  de  chemise  et  le  col  entouré  d'un  foulard  rouge. 
Il  s'approche  d'elle  sans  dire  un  mol,  la  regarde  attentive- 
ment pendant  quelques  instants  et  se  relire  silencieusement. 
Or,  l'éloniiement  de  Mme  (},..  fm  aussi  grand  que  possible, 
car  son  frère  était  alors  en  Amérique  et  n'avait  point 
annoncé  son  retour  à  Nantes.  Elle  se  précipite  sur  la  son- 
nette pour  appeler  les  siens  et  leur  dit  :  «  Mon  frère  vient 
d'entrer  dans  ma  chambre,  il  s'est  approché  de  mon  lit  et 
s'est  retiré  sans  m'adresser  la  parole.  Ou  est-il?  qu'est-il 
devenu?  Veuillez  courir  après  lui  et  lui  demander  par  quel 
prodige  il  se  trouve  en  Europe.  »  Gomme  la  présence  de  ce 
frère  à  Nantes  était  matériellement  impossible  et  que, 
d'ailleurs,  personne  ne  l'avait  vu,  on  crut  que  Mo^^G... 
déraisonnait  et  que  fil  on  ?  On  alla  chercher  le  médecin, 
car  on  va  toujours  à  la  recherche  du  médecin  dès  qu'im 
incident  anormal  se  produit  dans  une  famille  :  un  feu  de 
cheminée,  une  discussion  avec  le  concierge,  etc..  Le  médecin 
interrogea  la  mère  de  mon  ami  ;  puis,  je  dois  le  dire,  il 
commit  une  erreur  de  diagnostic  ;  il  se  retira  en  hochant  la 
tète  tristement  et  en  disant:  «  Que  voulez -vous?  Elle  est 
folle.  C'est  ce  que  nous  appelons,  nous  autres  savants,  la 
folie  puerpérale  ».  Or,  M"»"  G...  n'était  pas  folle  du  tout. 
Elle  avait  eu  seulement  une  vision  télépathique.  Au  bout  de 
quelques  mois,  car,  k  cette  époque,  la  navigation  n'avait  pas 

26 


894 

la  rapidité  que  Vdus  lui  connaissez  el  les  câbles  sous -marins 
élaieiil  loin  encore  d'êlre  inventés  ;  après  le  temps  nécessaire 
pour  la  traversée  de  l'Océan,  le  courrier  d'Amérique  apporta 
à  Nantes  la  triste  nouvelle  que  le  frère  de  M™«  G . . .  élail 
mort,  noyé  dans  le  Mississipi,  au  moment  même  où  il  élail 
apparu  h  sa  sceur. 

Elî  bien  !  Messieurs,  la  plupart  des  cas  de  télépathie, 
quand  ils  sont  bien  aullienliques,  se  produisent  de  la  même 
manière.  Us  sont,  en  quelque  sorte,  stéréotypés  et  superpo- 
sables.  liC  cas  de  M™«  G. . .  est  d'autant  plus  intéressant,  k 
mon  point  de  vue  (qui  est  celui  de  la  recherche  sincère  de  la 
vérité),  qu'elle  n'avait  jamais  étudié  la  question,  qu'elle  ne 
pouvait  pas  l'avoir  étudiée,  puisqu'aucune  publication  n'y 
avait  été  consacrée  à  celle  date. 

Parcourez  le  grand  ouvrage  de  MM.  Gurney,  Myers  el 
Podmore  et,  à  chaque  instant,  vous  rencontrerez  des  his- 
toires identiques  : 

Un  éli\'  cher  est  sur  le  point  de  succomber,  tantôt  dans  un 
accident  de  voyage,  tantôt  dans  un  engagement  de  guerre  ; 
à  ce  moment  il  apparaît  à  sa  mère,  à  sa  sœur,  à  sa  fiancée  ; 
il  se  présente  souvent  dans  l'instant  où  l'on  ne  pensait  pas 
à  lui  ;  il  entre  silencieux,  l'air  calme  et  triste,  et  disparaît 
sans  avoir  provoqué,  d'ordinaire,  une  grande  frayeur. 

Âulre  observation  :  celle-ci  est  due  encore  à  un  médecin 
de  Nantes,  très  honorablement  connu  et  très  intelligent 
(M.  P...)  :  un  Parisien  de  ses  amis,  appelons-le  M.  X..., 
vient  chez  mon  confrère  sous  prétexte  de  villégiature,  mais 
en  réalité  pour  subir  une  petite  opération  chirurgicale,  après 
avoir  pris  grand  soin  de  cacher  aux  siens  le  véritable  objet 
de  son  déplacement.  Chez  lui,  à  Paris,  on  ignorait  totale- 
ment qu'il  eût  à  courir  le  moindre  danger.  Il  s'agissait, 
d'ailleurs,  d'une  opération  si  peu  grave  que  le  malade  et  les 
chirurgiens  n'apercevaient   aucun   risque.  Or,  un  jour,  par 


â9Ô 

suite  d'un  accidv^nl  impossible  \\  prévoir,  M.  X.,.  meurt 
subitement,  avant  la  terminaison  comi)lète  des  suites  opéra- 
toires. Ce  m6m(!  jour,  mon  confrère,  avant  d'avoir  pu 
avertir  la  famille  du  malheur  qui  venait  inopinément  de  la 
frapper,  reçoit  un  télégramme  d'un  parent  de  son  ami,  télé- 
gramme h  peu  près  r.digé  comme  ceci  :  «  Rêve  affreux,  où 
X...  aurait  trouvé  la  mort,  envoyez-moi  de  ses  nouvelles.  » 
Comme  réponse  lélégrai>liique,  ce  parent  reçut,  en  effet,  la 
nouvelle  de  la  mort  de  M.  X. . . 

Voici  encore  im  fait  inédit.  Je  le  dois  à  un  savant  médecin 
de  notre  ville,  qui  n'est  pas  un  naïf  et  qui  terminait  son 
récit  en  disant  :  «  Je  ne  puis  guère  croire  raisonnablement 
à  pareille  chose,  mais  je  reconnais  qu'il  est  impossible  de 
nier  absolument.  -  Voici  le  fait:  le  docteur  M...,  étant 
interne  dans  un  hôpital  de  Paris,  étudiait  un  jeune  malade 
atteint  d'une  affection  nerveuse  grave.  Celui-ci  tit  à  l'interne 
celle  déclaration  :  «  Monsieur,  votre  chef  ne  comprend  rien 
'à  la  cause  réelle  de  ma  maladie,  car  je  n'ai  pas  osé  la  lui 
dire.  Je  suis  malade  depuis  le  jour  où  j'ai  éprouvé  une  pro- 
fonde émotion.  J'étais  à  Paris,  comme  à  présent  ;  ma  sœur 
et  mon  père  étaient  'à  Marseille,  mais  étaient  sur  le  point  de 
venir  me  rejoindre  ici.  Le  soir,  en  passant  dans  un  corridor, 
je  crois  voir  filtrer  de  la  lumière  sous  la  porte  de  ma 
chambre.  Croyant  avoir  oublié  d'éteindre  ma  bougie,  j'ouvre 
la  porte  et  que  vois-je  ?  Ma  sœur,  couchée  morte  sur  le  lit 
et,  de  chaque  côté  du  lit,  des  cierges  allumés.  Je  me  relire 
affolé.  C'était  une  vision,  car  il  n'y  avait  rien  dans  ma 
chambre,  en  réalité.  A  une  heure  convenue,  je  me  rends  à 
la  gare  où  devait  débarquer  ma  famille.  Là  j'apprends  que 
ma  sœur  était  morte  à  Marseille.  « 

Vous  plait-il  d'entendre  d'autres  récils?  Je  pourrais  vous 
en  débiter  pendant  plusieurs  jours,  tant  le  dossier  esi  volu- 
mineux. En  voici  un  d'autant  plus  curieux  qu'il  s'agit  d'une 


396 

lialliicinalion  collective.  Je  remprunle  à  M.  Flammarion,  qui 
la  lienl  lui-môme  du  général  Parmenlier,  un  savant  dis- 
tingué. 

«  Plusieurs  personnes  étaient  réunies  à  un  déjeuner,  à 
Andlau,  en  Alsace.  On  avait  al  tendu  le  maître  de  la  mai- 
son, qui  était  à  la  chasse,  et,  l'heure  se  passant,  on  avait 
fini  par  se  mettre  à  table  sans  lui,  la  dame  du  logis  ayant 
déclaré  qu'il  ne  pouvait  tarder  à  rentrer.  On  conmiença  le 
iléjeuner  en  devisant  de  choses  joyeuses,  et  Ton  comptait, 
d'un  instant  à  faulre,  voir  arriver  le  retardataire...  Mais 
l'heure  marchait  toujours  et  l'on  s'étonnait  de  la  longueur 
du  retard,  lorsque  tout  à  coup,  par  le  temps  le  plus  calme  et 
le  ciel  le  plus  beau,  la  fenêtre  de  la  salle  à  manger,  qui 
était  grande  ouverte,  se  ferma  violemment  avec  un  grand 
bruit  et  se  rouvrit  aussitôt  instantanément.  Les  convives 
furent  d'autant  plus  surpris,  stupéfaits,  que  ce  mouvement 
de  la  fenêtre  n'aurait  pu  se  produire  sans  renverser  une 
carafe  d'eau  posée  sur  une  table  devant  la  fenêtre,  et  que 
cette  carafe  avait  conservé  sa  position.  Tous  ceux  qui 
avaient  vu  et  entendu  le  mouvement  n'y  comprirent  absolu- 
ment rien.  —  Un  malheur  vient  d'arriver  !  s'écria  en  se 
levant,  effarée,  la  maîtresse  de  la  maison.  —  Le  déjeuner 
s'arrêta  là.  Trois  quarts  d'heure  après,  on  rapportait  sur 
une  civière  le  corps  du  chasseur,  qui  avait  reçu  une  charge 
de  plomb  en  pleine  poitrine.  Il  était  mort  presque  aussitôt, 
n'ayant  prononcé  que  ces  mots  :  «  Ma  femme  !  Mes  pauvres 
enfants  !   j 

Voulez-vous  cet  autre  exemple?  Je  l'emprimte  à  la  même 
source  et  je  le  préfère  au  précèdent,  parce  qu'il  est  plus 
conforme  au  type  commun  des  apparitions  télépnthiques. 

Je  laisse  la  parole  à  M.  Bloch,  prix  de  Rome,  membre  de 
la  Société  astronomique  de  France  : 

«  C'était  en  juin  1896  (à  Rome).  Pendant  les  deux  der- 


397 

niers  mois  de  mon  séjoui  m  Italie,  ma  mère  est  venue  me 
rejoindre  ^à  Rome...  Pour  ne  pas  me  déranger,  elle  visitail 
seule  la  ville  el  ne  venait  me  rejoindre  à  la  villa  Médicis 
que  vers  midi.  Or,  un  jour,  je  la  vis  arriver  toute  boule- 
versée, vers  8  heures  du  matin.  Gomme  je  la  questionnais, 
elle  me  répondit  qu'en  faisant  sa  toilette,  elle -avait  vu  tout 
à  coup  à  côté  d'elle  son  neveu  René  Kraemer,  qui  la  regar- 
dait et  qui  lui  dit  en  riant  :  o  Mais  oui,  je  suis  bien  mort  !  » 
—  Très  effrayée  de  celte  apparition,  elle  s'était  empressée 
de  venir  me  rejoindre.  Je  la  tranquillisai  de  mon  mieux, 
puis  j'entretins  la  conversation  sur  d'autres  sujets.  Quinze 
jours  après,  nous  rentrions  tous  deux  a  Paris,  après  avoir 
visité  une  partie  de  l'Italie,  el  nous  apprenions  alors  la  mort 
de  mon  cousin  René,  arrivée  le  vendredi  12  juin,  rue  de 
Moscou,  31.  Il  avait  14  ans.. .  Je  pus  contrôler  les  dates  et 
môme  les  heures  auxquelles  ce  phénomène  s'était  produit. 
Or,  ce  jour-là,  mon  petit  cousin,  malade  d'une  péritonite 
depuis  quelques  jours,  entrait  en  agonie  vers  G  heures  du 
matin  et  mourait  à  midi,  après  avoir  plusieurs  fois  exprimé 
le  désir  de  voir  sa  tante  Berlhe,  ma  mère.  Il  est  à  noter  que 
jamais,  dans  aucune  des  nombreuses  lettres  que  nous  recevions 
de  Paris,  on  ne  nous  avait  dit  un  mol  de  la  maladie  de 
mon  cousin.  On  savait  trop  bien  que  ma  mère  avait  une 
affection  toute  particulière  pour  cet  enfant  el  qu'elle  serait 
revenue  à  Paris  pour  le  moindre  bobo  qu'il  aurait  eu.  On  ne 
nous  avait  même  pas  télégraphié  sa  mon.  J'ajouterai  que, 
lorsqu'il  est  six  heures  du  malin  à  Paris,  les  horloges  de 
Rome,  par  suite  de  la  différence  de  longitude,  marquent 
sept  heures,  et  que  c'est  précisément  vers  ce  momenl-lh  que 
ma  mère  a  eu  celte  vision.  » 

Messieurs,  j'ajouterai,  de  mon  côlé,  que  celte  question  de 
longitude  se  trouve  examinée  et  discutée  dans  un  grand 
nombre  de  procès- verbaux  lélépalhiques.  11  importe,  en  effet, 


398 

de  savoir  que  les  enqiiêles  ont  éié  conduites  avec  une 
grande  rigueur,  au  moins  dans  certains  pays.  Il  nie  faudrait 
faire,  non  plus  uue  simple  allocution,  mais  une  lecture  de 
plusieurs  jours,  pour  énumérer  toutes  les  expertises  menées 
à  bien  par  les  Sociétés  de  recherches  psychiques.  Gomme 
c'est  impossible,  je  n'ai  pas  la  prétention  de  vous  faire  par- 
tager mes  impressions,  je  ne  dis  pas  ma  conviction  sur 
cette  malière,  le  terme  paraissant  excessif.  El  pourtant  c'est 
par  la  multiplicité  des  exemples  qu'on  arrive  le  mieux  5 
ébranler  le  scepticisme  naturel.  Permettez-moi  encore  cette 
cilaiion  :  .\1"«  Féret,  directrice  des  postes  h  Juvisy,  rapporte 
le  fait  suivant  :  «  C'était,  dit-elle,  pendant  la  guerre  de 
Crimée...  Un  jour,  à  l'heure  du  déjeuner,  vers  midi,  je 
descendis  à  la  cave.  Un  rayon  du  soleil  pénétrait  par  le 
soupirail  et  allait  éclairer  le  sol.  dette  partie  éclairée  me 
parut  soudain  une  plage  de  sable,  au  bord  de  la  mer,  et, 
étendu  mort  sur  ce  sablu,  je  vis  un  de  mes  cousins,  chef  de 
bataillon.  Effrayée,  je  ne  pus  avancer  davantage  et  je 
remontai  avec  peine  les  marches  de  l'escalier.  Ma  famille, 
témoin  de  ma  pâleur  et  de  mon  trouble,  me  pressa  de 
questions.  Et  lorsque  j'eus  raconté  ma  vision,  ils  se 
moquèrent  de  moi.  Quinze  jours  après,  nous  recevions  la 
triste  nouvelle  de  la  mort  du  commandant  Solier.  Il  était 
mort  en  débarquant  à  Varna  et  la  date  de  sa  mort  corres- 
pondait au  jour  où  je  l'avais  vu  étendu  sur  le  sable  de  la 
cave.  » 

Mais  à  quoi  bon  reproduire  ici  de  plus  nombreuses  cita- 
tions ? 

Le  seul  livre  de  MM.  Guruey  et  de  Myers  contient  plus  de 
500  observations  rigoureuses,  plus  de  500  récits  de  pre- 
mière main,  analyses  et  contrôlés  avec  un  louable  scrupule. 
Les  Annales  des  Se.  Psy.  en  fournissent  beaucoup  d'autres; 
périodiquement,  M.  Flammarion  apporte  les  siennes. 


399 

Quand  on  sort  de  pareilles  lectures,  on  peut  se  réserver, 
mais  non  se  mainlenir  obslinéinenl  dans  rincrédulilé  syslé- 
raalique. 

11  est  encore  une  considération  digne  de  remarque  :  les 
visions  télépathiques  ont  été  constatées  dans  lous  les  pays, 
cela  est  certain.  Mais  elles  ont  eu  la  bonne  fortune  d'être  le 
mieux  acceptées  comme  véridiques  par  les  peuples  dont  la 
mentalité  est  reconnue  universellement  comme  flegmatique, 
au  point  de  devenir  proverbiale. 

Savez-vous  où  la  lélépalliie  a  été  le  mieux  étudiée,  où 
les  enquêtes  la  concernant  ont  été  poursuivies  avec  le  plus 
di'  méthode  et  d'esprit  scientifique?  Eh  bien  !  c'est  dans  la 
froide  Angleterre. 

Je  ne  connais  pas  très  bien  les  Anglais  et  je  ne  sais  pas 
s'ils  ont  des  défauts.  Admettez  un  instant  qu'ils  en  aient. 
Ils  ne  pèchent  toujours  pas  par  excès  de  sentimentalité.  L'An- 
glais est  plutôt  un  froid  égoïste  et  un  mercantile  qu'un  rêveur 
ou  un  poète. 

L'Anglais  peut  rêver  de  négoce  et  de  conquête,  de  lucra- 
tives entreprises;  il  rêve  de  domination  universelle  et  de 
suprématie  ;  il  rêve  voluptueusement  d'avaler  la  mer  et  les 
poissons...  Mais,  malgré  tous  ces  rêves,  il  n'est  pas  un 
rêveur.  C'est  une  justice  à  lui  rendre. 

Eh  bien  !  le  pratique,  le  flegmatique  Anglais  n'échap[^e 
pas  aux  hallucinations  télépathiques.  C'est  dans  son  pays 
même  que  la  télépathie  a  été  le  mieux  observée,  le  mieux 
étudiée.  La  guerre  de  Crimée  a  été  une  occasion  exception- 
nelle de  visions  surnormales  et  si  la  transmission  de  pensées 
à  distance  est  toujours  en  vigueur,  les  apparitions  funèbres 
doivent,  en  ce  moment,  se  multiplier  dans  le  Royaume-Uni. 

il  faut  voir  avec  quel  zèle  scientifique,  avec  quelle  méthode 
technique  nos  voisins  ont   dirigé  leurs  recherches.  Les  nalu- 


400 

ralistes  el  les  chimistes  eux-mêmes  ne  procèdent  pas  autre- 
ment pour  échapper  aux  causes  d'erreur. 

Demanderai-je  pour  cela  une  naïve  crédulité?  Pas  le 
moins  du  monde.  Je  ne  l'ai  pas  moi-même  el  je  suis  prêt  à 
vous  présenter  les  objections.  Certes,  il  en  est  do  graves. 
Par  exemple,  celle-ci  :  On  dit  :  mais  ces  cas-là  sont  trop 
rares  ;  ils  sont  sans  doute  le  résultat  de  coïncidences 
bizarres  ;  si  la  force  télépalhiquc  était  réelle,  si  elle  était 
une  manifestation  de  Xénergie,  elle  se  montrerait  plus  com- 
munément. Pourquoi  tant  d'êtres  qui  s'aiment  ne  sont-ils 
pas  tous  les  jours  en  communication  télépalhiquc  ? 

Eh  bien  !  que  la  transmission  de  pensées  et  de  sentiments 
à  distance  soit  vraie  ou  fausse,  je  déclare  que  l'objection 
est  faible.  Avant  qu'on  eût  domestiqué  les  courants  télépho- 
niques, étiez-vous  tous  les  jours  en  communication  télépho- 
nique avec  vos  amis?  Non,  n'est-ce  pas?  Or,  les  personnes 
qui  nient,  a  priori,  la  possibilité  télépalhique,  mr  rappellent 
l'histoire  fameuse  d'un  médecin  illustre,  le  professeur  Bouil- 
laud,  membre  de  l'Institut,  qui  refusa  publiquement  de 
croire  au  phonographe  qu'on  lui  présentait  en  pleine  Aca- 
démie des  Sciences.  Non,  il  refusa  d'ajouter  foi  au  témoi- 
gnage de  ses  propressens,  parce  que  l'expérience  faite  devant 
lui  ne  cadrait  pas  avec  ses  idées  acquises. 

Si  vous  adoptez  le  système  négatif  de  Bouillaud,  pourquoi 
ne  pas  dire  avec  Taine  (cité  par  Flammarion)  que  la  percep- 
tion extérieure  est  une  hallucination  et  que,  dans  notre  état 
normal,  nous  n'avons  qu'une  série  d'hallucinations  qui 
n'aboutissent  pas. 

Alors  ?  Nous  ne  pouvons  rien  savoir,  nous  sonuiies 
loujours  le  jouet  des  illusions?  C'est  un  point  de  vue... 
mais  il  n'est  pas  très  pratique,  ni  très  sérieux. 

Vous  vous  plaignez  de  la  rareté  des  observations  ?  Or,  ce 
n'est,  en  tous  cas,   qu'une  rareté   relative,  car  je  trouve  le 


401 

dossier  très  voluQiineux,  au  point  de  devenir  fatigant  et 
ennuyeux.  Mais  en  fût-il  aulremeul,  est-ce  qu'un  fait  doit 
être  contesté  parce  qu'il  est  rare  ?  Ici,  je  laisse  la  parole  à 
un  écrivain  fort  savant  : 

«  Les  caprices  apparenis  de  la  foudre  nous  offrent  des 
bizarreries  non  moins  étranges.  Ici,  la  foudre  brûle  une 
personne  qui  flambe  comme  une  botte  de  paille  ;  là,  elle 
réduit  les  muins  en  cendres  en  laissant  les  gants  intacts; 
elle  soude  les  anneaux  d'une  chaîne  de  fer  comme  le  feu 
d'une  forge  et,  à  côté,  elle  tue  un  chasseur  sans  faire  partir 
le  fusil  qu'il  tenait  à  la  main  ;  ou  elle  fond  une  boucle 
d'oreille  sans  brûler  la  peau  ;  elle  dévêtit  entièrement  une 
personne  sans  lui  faire  aucun  mal,  ou  bien  elle  se  contente 
de  lui  voler  ses  souliers  ou  son  chapeau  ;  elle  photographie 
sur  la  poitrine  d'un  enfant  le  nid  qu'il  saisissait  au  sommet 
d'un  arbre  foudroyé  :  elle  dore  les  pièces  d'argent  d'un  porte- 
monnaie  en  faisant  de  la  galvanoplastie  d'un  compartiment 
à  l'autre,  sans  le  porteur  soit  atteint...  etc..  Il  y  a  beaucoup 
plus  de  bizarreries  inexpliquées  dans  les  faits  et  gestes  de  la 
foudre  que  dans  les  manifestations  télépathiques.  » 

Par  ainsi,  chacun  peut  comparer  :  dans  les  phénomènes 
naturels  les  plus  étudiés,  les  mieux  reconnus,  on  rencontre 
des  invraisemblances  et  des  contradictions  !  Va-t-on  pour 
cela  en  nier  l'existence  ? 

Aussi  bien,  je  vous  soumets  cette  simple  réflexion  :  savez- 
vous  ce  qui  fait  qu'une  chose  est  proclamée  vraie,  naturelle 
et  compréhensible  ?  C'est  tout  simplement  cette  circonstance 
qu'on  l'observe  souvent  et  facilement.  Mais,  au  fond,  on  n'y 
comprend  rien  et  on  se  fait  une  double  illusion,  quand  on 
croit  saisir  l'rxplicalion.  On  admet  volontiers  des  expériences 
de  physique.  Vous  croyez  sans  peine  aux  merveilles  de 
l'électricité  et  cependant  les  plus  savants  y  perdent  leur  . 
latin  et  n'expliquent  rien  du  tout,  alors  même  qu'il  est  ques- 


405 

lion  des  faits  les  plus  vulgaires.  Voici  un  gentleman  qui 
consulle  le  thermomèlre  avant  de  partir  pour  la  promenade. 
Il  trouve  cela  tout  naUirel,  mais  pas  plus  que  le  physicien 
professionnel,  il  ne  sait  pourquoi  la  température  fait  monter 
ou  baisser  la  colonne  mercurielle. 

Qu'on  ne  vienne  donc  pas  me  parler  d'explications  ou  de 
non -explications  ! 

Que  si  vous  insistez  sur  rimpossibililé  de  croire  au  soi- 
disant  merveilleux,  je  vous  rappellerai  avec  M.  Flammarion 
que  la  rotation  de  la  Terre  a  été  jugée  comme  une  bille- 
vesée ;  que  l'analyse  de  l'air,  que  sa  décomposition  en  , 
oxygène  el  azote  a  été  proclamée  absurde  par  des  Membres 
de  l'Institut,  malgré  Lavoisier  ;  que  ce  même  Lavoisier,  dans 
ce  même  Institut,  a  proclamé  l'impossibilité  de  la  chute  des 
aérolithes  ;  que  les  découvertes  de  Galvani,  si  fécondes,  si 
pleines  de  conséquences,  ont  élé  accueilli(>s  par  un  immense 
éclat  de  rire,  que  la  proposition  d'établir  des  câbles  sous- 
marins  entre  l'Amérique  el  l'Europe  a  Qié  démontrée  \m[:>oè- 
sible,  avec  preuves  sans  réplique,  par  un  membre  influent 
de  l'Académie  des  Sciences  (Babinet)  ;  etc.,  etc.  ('). 

Je  m'arrête  !  Si  je  voulais  rappeler  tous  les  démentis 
infligés  ci  nos  idées  préconçues,  je  n'en  finirais  pas.  Ce  serait 
aussi  long  que  d'énuméri  r  les  exemples  d'hallucinations 
lélépalhiques. 

El  je  voudrais  conclure  en  demandant  s'il  est  possible  de 
fournir  une  théorie  de  la  transmission  de  pensées  h  distance. 

Admettez  que  les  faits  soient  réels,  indiscutables.  Or,  ils 
le  sont  pour  tous  les  hommes  de  bonne  foi,  en  lant  que  faits 
observés.  On  peut  [irélenihe  qu'il  y  a  seulement  coïncidence, 
mais  on  ne  peut  nier  la  réalité  expérimentale,  qu'il  s'agisse 
de  visions,  d'hallucinations  auditives,  collectives  ou  non. 

(1)  Annales  politiques  et  littéraires,   189'.). 


403 

La  science  esl-elle  l'n  mesure  d'en  donner  une  explication 
acceptable  ? 

Je  n'oserais  l'affirmer. 

Cependant  j'ai  le  droit  de  rappeler  qu'on  n'a  pas  étudié 
encore  toutes  les  manifestations  de  ce  qu'on  appelle 
Y  Energie.  • 

L'année  dernière,  im  physiologiste  éminent,  nullement 
suspect  d'entraînement  philosophique  ou  d'emballement  doc- 
trinal, M.  Daslre,  s'est  exprimé  de  la  façon  suivante  {Revue 
des  Deux- Mondes)  :  «  Quand  on  a  nommé  les  énergies 
mécaniques,  l'énergie  chimique,  les  énergies  rayonnantes, 
calorifique,  lumineuse,  l'énergie  électrique  avec  laquelle  se 
confond  l'énergie  magnétique,  on  a  épuisé  la  liste  des 
acteurs  qui  occupent  la  scène  du  monde,  au  moins  de  ceux 
que  l'on  connaît.  —  Est-il  permis  de  dire  que  la  liste  est 
close  et  que  la  science  ne  découvrira  pas  ultérieurement 
d'autres  formes  ou  d'autres  variétés  spécifiques  d'énergie  ? 
Non,  à  coup  sûr.  Une  telle  affirmation  serait  aussi  ambitieuse 
qu'imprudente.  L'histoire  des  sciences  physiques  doit  nous 
rendre  plus  circonspect.  Elle  nous  enseigne  qu'il  n'y  a  guère 
plus  d'un  siècle  que  l'énergie  électrique  a  fait  son  entrée  en 
scène...  Cette  découverte  dans  le  monde  de  l'énergie... 
laisse  pour  l'avenir  la  porte  ouverte  à  d'autres  surprises,  n 

Voilà  le  langage  d'un  homme  de  bon  sens,  d'un  savant 
désintéressé. 

Eh  bien!  parmi  ces  formes  mal  connues,  insuffisamment 
étudiées  de  l'énergie,  on  peut  d'ores  et  déjà  compter  ce  qu'on 
a  appelé  la  force  psychique,  en  vertu  de  laquelle  «  un  esprit 
peut  agir  à  distance  sur  un  autre  ». 

Les  influences  de  cerveau  à  cerveau,  à  courte  dislance, 
comme  cela  se  voit  dans  certaines  expériences  de  sugges- 
tion, ne  sont  plus  guère  contestées.  Or,  que  signifie  le  plus 
ou  moins  de  distance,  dans  l'espèce  ?  Pas  grand'chose  !  En 


404 

pareille  malièie,  la  distance  n'est  probablement  qu'une  expres- 
sion artificielle,  convenlionnelle,  sans  valeur  intrinsèque 
précise. 

En  terminant,  je  ferai  remarquer  que  ces  données  expéri- 
mentales de  la  science  nouvelle  apportent  aux  doctrines 
spiritualistes  un  renfort  qui  n'est  pas  à  dédaigner.  Les  ptiilo- 
sophes  professionnels  dédaigneront  peut-être  ce  genre  d'ar- 
gument, trouvé  bien  faible  auprès  des  raisonnements  tradi- 
tionnels. Mais,  pourtant,  n'a-l-oii  pas  souvent  besoin  d'un 
plus  petit  que  soi  ? 

Si  j'étais  professeur  de  philosophie,  je  m'emparerais  de  la 
télépathie,  de  peur  que  les  matérialistes  ne  tentent  de  se 
l'approprier. 

El  ma  dernière  conclusion  est  celle-ci  :  il  est  permis  de 
ne  pas  croire  ;  mais  il  n'est  pas  permis  de  nier. 


RAPPORT 

DE  M.  Alexandre  VINCENT 

SECRÉTAIRE 

SUR    LES    TRAVAUX    DE    LA    SOCIÉTÉ    ACADÉWIIOUE 

EN  L'ANNÉE   1899 


Messieurs, 

Le  15  janvier  dernier,  noire  Société  célébrait,  dans  celle 
même  salle,  la  l'êle  de  son  centenaire. 

Tous  ceux  qui  s'intéressseiil,  dans  notre  ville,  à  la  vie 
littéraire,  étaient  accourus  à  notre  appel.  Les  plus  hautes 
personnalités  de  Nantes  el  de  plusieurs  villes  voisines  hono- 
raient de  leur  présence  celle  cérémonie,  que  M.  Hanolaux, 
membre  de  l'Académie  française,  ancien  Ministre  des 
Affaires  étrangères,  avail  bien  voulu  présider. 

Un  an  bientôt  s'est  écoulé  depuis  cette  journée  qui  pour- 
tant semble  si  près  de  nous. 

Je  vois  encore  M.  Linyer,  notre  président,  ouvrir  la  séance, 
et  saluer  éloquemmeni  en  .\1.  Hanolaux  l'éminent  historien 
de  Richelieu,  en  même  temps  que  l'homme  d'état  qui  cimenta 
l'alliance  Russe. 

Et  je  vois  M.  Hanolaux,  à  son  tour,  se  lever  simplement. 
—  Je  l'entends  nous  dire,  en  une  langue  nerveuse  el  claire, 


406 

les  mérites  de  h  province,  ceux  de.  noire  ville  en  particulier, 
la  beauté  de  notre  fleuve,  les  services  qu'il  pourrait  nous 
rendre,  les  efforts  que  nous  nous  devons  à  nous-mômes 
et  que  nous  devons  ^  la  France  pour  accroître,  dans  la 
limite  de  nos  forces,  ses  richesses  et  sa  beauté. 

Maurice  Barrés  a  récemment  inventé  cette  expression  qui 
a  fail  fortune  :  a  professeur  d'énergie.  »  —  En  écoutant 
M.  Hanotaux,  nous  prîmes  tous,  à  [)roprement  parler,  une 
leçon  d'énergie  : 

Il  est  bien  l'enfant  de  cette  Picardie  robuste,  «  dont  le 
peuple,  nous  disait-il,  a  la  face  toute  tournée  vers  la  terre, 
qui  vit  de  la  terre.  » 

On  sent  qu'il  aime,  aussi  lui,  la  terre.  Mais  son  amour 
dépasse  les  limites  du  cbamp  paternel  ;  il  dépasse  sa  pro- 
vince ;  il  englobe  la  Terre  de  France.  Il  l'aime  dans  son 
histoire,  à  laquelle  il  a  dévoué  sa  vie,  et  qu'il  a  su,  non 
seulement  écrire,  mais  continuer  dignement  pendant  son 
Ministère.  Il  l'aime,  dans  ses  aspects  physiques  si  variés;  — 
et  comme  il  sait  dépeindre  ses  grands  hommes,  il  sait 
aussi,  hardi  modeleur,  dresser  dans  la  pâte  de  son  style 
magique  le  protîl  de  ses  collines,  y  sculpter  la  profondeur 
de  ses  vallées,  y  tracer  le  chemin  de  ses  fleuves. 
.  C'est  ainsi  que  devant  nos  yeux  attentifs  il  faisait  passer 
la  vision  de  notre  beau  pays  ;  il  nous  montrait  ce  champ 
magnifique  où  coulent  en  sens  divers  la  Seine,  le  Rhône  et 
la  Loire  ;  —  de  temps  en  temps,  d'une  touche  délicate  et 
vraie,  il  notait  la  nuance  particulière  de  chacune  de  nos 
provinces  :  la  Bretagne  et  la  Vendée  ;  «  serties  dans  la 
verdure  des  herbages  et  des  fossés  »  ;  «  le  Poitou,  qui  fait 
»  bruire  les  eaux  de  la  Vienne,  du  Glain  et  de  la  Creuse, 
»  et  qui  tourne  le  dos  aux  hauteurs  déjà  rudes  du  Limousin 
')  et  aux  moroses  étangs  de  la  Brenne  »  ;  «  la  Touraine, 
0  que  de  tous  temps  on  a  définie  quand  on   l'a   appelée  un 


407 

»  Jardin  »  ;  «  les  horizons  aplaiis  et  mélancoliques  de  la 
»  Sologne ,  les  «  Coteaux  fleuris  »  de  l'Orléanais,  et  la 
«  Noire-Auvergne,  »  «  au  sein  profond  »,  de  laquelle  «  la 
«  Loire,  déjà  plus  mince,  se  cache  et  s'enterre,  offrant  son 
»  eau  étroite  et  claire  comme  un  miroir  d'étain  aux  profils 
•)  rugueux  des  dernières  Cévennes  ,  et  au  front  paternel 
»)  du  Mezenc  et  du  Gerbier  des  Joncs.  » 

»  El  tandis  qu'il  parlait  ainsi,  nous  sentions  croître  notre 
amour  pour  la  France,  de  toute  la  fierté,  de  toute  la 
passion  qu'inspire  toujours  et  partout  la  Beauté. 

Mais  M.  Hanotaux  ne  nous  [lermet  pas  d'admirer  long- 
temps ces  paysages  enchanteurs  :  L'artiste,  chez  lui,  ne 
nuit  pas  à  l'homme  d'action,  et  le  Picard  laborieux  qu'il 
est  nous  rappelle  bien  vite  que  contempler  son  champ,  c'est 
bien,  mais  que  le  labourer,  c'est  mieux. 

«  Votre  Loire  est  paresseuse,  nous  dit-il,  elle  traîne,  dans 
»  les  sables,  ses  eaux  inutiles  ;  elle  est  capricieuse,  se  tour- 
»  nant  et  se  retournant  dans  son  lit,  comme  une  boudeuse 
à»  qui  ne  sait  si  elle  doit  rire  ou  pleurer;  elle  est  indocile, 
>•  brisant  d'un  caprice  les  lisières  qu'on  voudrait  lui  imposer 
»  et  déjouant,  en  ses  détours  et  ses  fuites,  les  calculs  des 
0  savants  graves -^ui  voudraient  la  contraindre.  « 

Et  tout  de  suite,  après  un  juste  hommage  rendu  aux 
efforts  déjà  faits,  il  nous  prescrit  notre  tâche  : 

«  Vous  avez  fait  la  Loire  maritime  ;  il  faut  améliorer 
maintenant  la  voie  fluviable,  et,  pour  dire  le  mol,  achever 
la  Loire  navigable.  » 

«  La  Loire  navigable,  c'est  "28  départements  de  la  France 
mis  en  contact  plus  direct  avec  la  mer  ;  c'est  une  population 
de  douze  millions  d'habitants,  c'est  Lyon,  c'est  la  Suisse 
elle-même,  intéressés  à  prendre  la  voie  de  nos  canaux  et  de 

nos  fleuves prendre  le  chemin  de   la   France,   aboutir 

à  Nantes,  c'est,  pour  les  marchandises  de  tout   le  centre, 


408 

«  adopler  la  roule  la  plus  courte,  la  plus  commode  el  la 
»  plus  sûre  pour  gagner  l'Allanlique  el  l'Amérique.  C'est 
«  éviter  les  brumes  et  les  teuipôles  de  la  Manche,  d'une 
»  part  ;  c'est  éviter  le  grand  détour  de  Gibraltar  de 
»  l'autre 

»  Ce  dernier  effort,  Messieurs,  vous  vous  le  devez  à  vous- 
»)  mêmes,  et  la  France  vous  le  doit.  » 

Ainsi,  il  nous  encourageait  à  l'aclion  ;  ainsi,  il  nous 
décrivait  la  grandeur  du  but  à  atteindre,  el,  dans  une 
péroraison  où  se  résumait  inagnifiquemenl  l'idée  maîtresse 
de  son  discours ,  l'idée  directrice  de  sa  vie ,  il  nous 
disait  : 

«  La  Pairie  est  l'association  suprême.  Elle  coordonne  el 
»  distribue  tous  les  efforts.  Par  la  Patrie,   les   provinces  ont 

»)  un  cœur  commun En  un   mol,  par  les   efforts  de 

»  nos  ancêtres,  il  s'est  manifesté  sur  la  terre  une  person- 
»  nalité  qui  a  sa  physionomie,  son  caractère,  son  charme 
»  propre  el  sa  grâce.  C'est  notre  mère,  c'est  la  France. 
»  Elle  est  debout  parmi  nous  ;  elle  nous  domine.  Tout  notre 
«  amour,  tous  nos  efforts  el  tous  nos  sacrifices  vont  vers 
»  elle,  parce  qu'elle  en  est  digne  et  parce  que  nous  lui 
')  devons   tout » 

Lorsque  les  applaudissements  enthousiastes  que  ces  nobles 
et  réconfortantes  pensées  avaient  soulevés  dans  tout  l'au- 
ditoire se  lurent  enlin  calmés,  notre  Président  prit  la  parole 
à  son  tour. 

Par  une  coïncidence  heureuse,  il  se  trouvait  précisément 
que. notre  Président  était  alors  l'homme  de  France  qui  a 
fait  les  efforts  les  plus  vifs  et  les  plus  l'éconds  pour  ce  projet 
grandiose  de  la  Loire  navigable  auquel  M.  Hanotaux  venait 
de  convier  nos  communs  etîorls.  —  Et  M.  Linyer  put 
prendre  sa  part  légitime  des  applaudissements  qui  venaient 
de  saluer  l'éloquente  évocation  de  son  œuvre. 


409 

Il  nous  parla,  Messieurs,  de  noire  Société.  Il  ne  nous  en 
fil  pas  riiislorique.  Notre  savant  collègue,  M.  Libaudière, 
\enail  de  le  faire  avec  une  méthode  et  une  exactitude  qui 
ne  laissaient  plus  rien  à  glaner  après  lui,  dans  une  brochure 
que  tous  les  spectateurs  prirent  intérêt  à  lire.  —  M.  Linyer 
nous  fit,  lui,  la  psychologie  de  la  Société  Académique. 
Il  nous  décrivit  le  charme  profond  et  la  haute  utilité  intel- 
lectuelle de  ces  réunions,  où  chacun  de  nous  oublie  un 
instant  les  préoccupations  journalières  et  retrempe  son  esprit 
à  la  flamme  sereine  des  hautes  et  nobles  pensées.  Il  nous 
montra  Timportance  des  sociétés  comme  la  nôtre  au  point 
de  vue  de  la  conservalion  des  idées,  du  langage  et  des 
mœurs  parliculiers  à  cnaque  province.  Ici,  permettez-moi 
de  citer  seulement  : 

«  Gardiennes  vigilantes  des  traditions,  elles  s'appliquent 
k  recueillir  et  à  conserver  le  parfum  subtil  et  fugace  qu'exhale 
le  sol  natal,  et  leurs  contributions  respectives  concourent  ii 
enrichir,  par  l'harmonie  des  contrastes,  le  patrimoine  de  la 
mère  commune.  Chacun  de  ses  enfants  dépose  pieusement 
^  ses  pieds  les  dons  qu'il  tient  de  son  climat  et  de  son 
ciel,  et,  tandis  que  le  midi  apporte  iivec  fierté  l'éclat  de  son 
soleil  et  le  chant  slridenl  de  ses  cigales,  notre  Bretagne 
offre,  modestement,  l'horizon  voilé  de  ses  landes,  les  pro- 
fondeurs mystérieuses  de  ses  forêts,  et  le  charme  pénétrant 
des  flots  veris  qui  lui  font  une  ceinlure  d'écume  et  bercent, 
sans  relâche,  le  tombeau  de  l'immortel  breton  qui  sut  si 
bien  les  chanter.  » 

linfin,car  bien  qu'il  sache  excellemment  décrire,  son  talent 
se  complaît  surtout  à  l'action,  il  voulut  nous  montrer  le 
rôle  que  pourra  jouer,  en  ce  siècle  qui  commence,  la  Société 
Académique,  et,  dans  une  rapide  et  vibrante  esquisse,  il 
nous  indiqua  l'influence  que  pourrait  avoir,  sur  les  ques- 
tions intéressant  la  ville,  la  région  et  même   le   pays  «  un 

27 


410 

»  ceiUre  où  puissenl  s(i  l'cnconlrer,  se  connaître  el  s'appré- 
»  cier  ceux  qui,  dédaignant  les  aujitalions  stériles  de  la 
»  politique,  rêvent  l'union  de  tous  les  Français  au  service 
»  de  la  patrie  ». 

Messieurs,  un  tel  prograniine  est-il  réalisabli'  ?  A  ceux  qui 
voudraient  en  douter,  répondons  qu'il  faut  toujours  croire  à 
tout  ce  qui  est  noble  et  bon.  —  D'ailleurs,  notre  Société 
n'en  commençait-elle  pas  la  réalisation  dans  cette  séance 
môme  où  son  président,  M.  Linyer,  nous  invitait  ainsi  à 
l'union  apaisante,  après  que  son  bote,  M.  Hanotaux,  nous 
avait  si  éloquemment  montré  l'un  des  buts  féconds  el 
divers  pour  lesquels  nous  devons  nous  unir  ? 

Votre  secrétaire,  M.  le  D""  Sourdille,  vous  lut  ensuite  le 
compte  rendu  de  vos  travaux.  Il  le  fit  avec  ce  mélange 
d'originalité  et  de  mesure  qui  révèle  en  lui  un  esprit  artiste 
soumis  de  longue  date  à  la  discipline  des  méthodes  scienti- 
fiques, et  il  nous  parla  successivement  de  médecine,  de 
poésie  et  de  musique  avec  une  si  égale  compétence,  que 
nous  pûmes  à  la  fois  le  dire  médecin  savant,  critique  avisé 
et  musicien  amoureux  de  son  art. 

Après  lui,  votre  secrétaire  adjoint,  M.  Vincent,  vous 
donna  lecture  du  rapport  sur  le  concours  des  prix.  D'aucuns, 
dit-on,  le  trouvèrent  [larfois  un  peu  sévère  dans  ses  appré- 
ciations. Je  pense,  entre  nous,  qu'il  fit  tout  son  possible 
pour  être  équitabk\  Mais  si  vraiment  il  fut  sévère,  il  eut 
bien  tort.  Je  ne  crois  pas  qu'une  seule  fois  en  sa  vie  il  ait  su 
faire  rimer  deux  vers.  Son  ignorance  aurait  pu  le  rendre 
indulgent  pour  les  autres.  D'ailleurs,  de  tous  mes  collègues, 
il  est  bien  le  seul  aujourd'hui  dont  je  ne  me  sente  ni  le 
goût,  ni  le  droit  de  vous  dire  du  bien. 

Quand  il  eût,  enfin,  terminé  sa  lecture,  la  séance  solen- 
nelle fut  levée  aux  sons  de  la  musique  militaire,  que  M.  le 


411 

Général    commanda iil    le    rorps    (i'arméo.  avail    bien   voulu 
mettre  à  notre  disposition. 

.^ais  tout  ne  fut  pas  fini.  Le  soir  mém(S  un  banquet 
nous  réunissait,  nos  hôtes  et  nous.  Ai-je  besoin  de  vous 
rappeler  combien  il  fut  à  la  fois  savoureux  et  cordial,  et 
quels  aimables  toasts  y  furent  échangés? 

La  première  réunion  générale  qui  suivit  cette  solennité  a 
été  consacrée,  selon  l'usage,  à  l'élection  de  votre  bureau 
pour  l'année  1899. 

A  l'unanimité,  vous  avez  choisi  pour  président  M.  le  D"" 
Hervouel. 

Je  n'ai  malheureusement  pas  la  compétence  qu'il  faudrait 
pour  louer  dignement  sa  science  profonde  sans  cesse 
aiguisée  par  un  esprit  critique  que  la  vaine  apparence  n'a 
jamais  satisfait.  Nous  autres  profanes,  nous  ne  pouvons 
offrir  aux  médecins  que  le  tribut  d'une  admiration  ignorante 
et  un  peu  inquiète,  comme  il  convient  d'en  avoir  pour  des 
gens  h  qui  nous  confions  notre  vie,  mais  dont  les  études, 
les  travaux  sont  pour  nous  grimoires  de  sorciers. 

Et  pouriant,  je  connais  une  œuvre  médicale  (c'est  un 
journal  de  médecine)  où  même  des  profanes  comme  mol 
peuvent  admirer  ces  qualités  de  clarté,  de  verve,  de  raillerie 
bienveillante,  de  paradoxe  aimable  et  subtil,  qui  sont  le 
propre  de  l'esprit  français.  Si  vous  vouh'z  vous  en  con- 
vaincre, lisez  les  «  Bulletins  »  de  la  Gazette  médicale  de 
Nantes,  el  vous  m'en  direz  le  charme  savoureux.  L'auteur 
(un  médecin  sans  doute)  a  gardé  l'anonyme.  Pourtant  on 
dit  que  vous  avez  songé  à  lui  rendre  im  discret  hommage, 
en  choisissant  M.  le  D""  Hervouet  pour  présider  vos  séances. 
—  Peut-être,  aussi,  par  un  léger  sentiment  d'égoïsme , 
vous  vouliez  vous  ménager  pour  aujourd'hui  même  le  plaisir 


41^ 

délicat  d'un  discours  d'ouverture  ouvragé  finement Vos 

vœux  sont  dépassés. 

En  même  l('mi)S,  vous  avez  nommé  comme  vice-président 
M.  T}'rion,  l'aimable  poète,  l'auteur  applaudi  de  Manlius 
et  de  tant  d'autres  pièces  dignes  de  figurer  dans  une 
anthologie. 

Vous  avez  maintenu  M.  Delleil  h  la  garde  de  notre  trésor. 
Nul  mieux  que  lui  ne  sait  balancer,  par  une  savante  éco- 
nomie, les  dépenses  les  plus  ruineuses.  —  M.  Viard  est 
resté  chargé  de  la  bibliothèque,  dont  il  s'occupe  avec  tant 
de  soin  et,  tout  en  volant  par  acclamations  des  remercie- 
ments à  M.  Gahier,  pour  son  zèle  infatigable,  vous  lui  avez 
conservé    son    litre   de   secrélaire   perpétuel. 

Vous  avez  bien  voulu  me  faire  le  grand  honneur  de  me 
nommer  secrétaire. 

Enfin,  vous  avez  eu  l'heureuse  pensée  de  choisir  pour 
secrétaire  adjoint  M.  le  D''  Chevalier,  dont  vous  aviez  eu 
maintes  fois  l'occasion  d'apprécier  au  sein  de  nos  Commis- 
sions et  dont  tout  le  monde  ici  appréciera  dans  un  instant 
l'esprit  éclairé,  judicieux  et  fin. 

Messieurs,  l'histoire  nous  rapporte  que,  lorsque  fut  passée 
cette  date  fatidique  de  l'an  mil,  qui,  dans  la  pensée  supers- 
titieuse du  Moyen- Age,  devait  marquer  la  fin  du  monde,  les 
peuples,  délivrés  de  leur  crainte  chimérique,  se  reprirent  à 
la  vie  avec  plus  d'ardeur  el  plus  d'amoureuse  passion. 

Je  me  demande  si  quelque  chose  d'un  peu  semblable  n'a 
pas  eu  lieu  pour  notre  Société.  A  la  veille  de  ses  cent 
ans,  elle  était  évidemment  alerte  encore  el  bien  vivante. 
Mais  la  pensée  de  ce  centenaire  la  préoccupait  comme  une 
sourde  menace.  Il  est  venu,  el  elle  n'est  pas  morte.  Tout 
le  monde  lui  a  prédit,  au  contraire,  qu'elle  vivrait  dans 
cent    ans    encore El    ceci    vous    explique    comment 


413 

celle  année  qui   s'achève   a  éié  si    ferlile    en    Ira  vaux  de 
toules  sortes. 

C'est  d'abord  mon  ami  Mailcailloz,  qui  vous  a  présenté, 
en  son  style  alerte,  l'intéressante  élude  faite  sur  le  Châleau 
de  Nantes,  par  M.  Dominique  Caillé,  en  collaboration  avec 
MM.  Furrel  et  Chudeau. 

Ce  travail,  illustré  de  planches  et  de  dessins,  avait  paru 
d'abord,  vous  vous  en  souvenez,  dans  cette  aimable  Revue 
nantaise,  qui,  pendant  une  année,  donna  l'exemple  à  nos 
concitoyens  d'un  juvénile  effort  vers  les  lettres  et  les  arts. 
Je  la  feuilletais  l'autre  jour  pour  y  rechercher  la  savante 
description  historique  et  les  superbes  planches  de  notre 
château.  J'y  parcourais  avec  un  nouveau  plaisir  les  solides 
articles  de  Marcel  Giraud-Mangin,  de  Joseph  Rousse,  de 
Mailcailloz,  de  Gringoire,  de  Gaétan  Rondeau  ;  j'y  relisais 
les  vers  subtils  de  cette  pléiade  nantaise  qui  compte  Blain, 
Roger  Grand,  Béliard,  Blandel,  Savatier,  Gaumer  ;  mon  œil 
s'arrêtait  aux  dessins  pleins  de  grâce  el  de  vie  de  Grand- 
jouan,  Riom,  Laboureur,  de  Broca  ;  —  et  je  déplorais  qu'une 
tentative  si  digne  d'encouragement  ait  échoué  par  la  faute 
de  notre  inertie.  Rst-il  donc  vrai  qu'à  Nantes  une  œuvre 
intellectuelle  ne  puisse  réussir  qu'à  condition  d'avoir  déjà 
cent  ans? 

Pourtant,  que  nos  poètes,  que  nos  artistes  se  consolent. 
L'avenir  leur  payera  les  dettes  du  présent.  S'ils  en  doutaient, 
voici  de  quoi  les  rassurer  :  n'ont-ils  pas  eu,  en  etïet,  leur 
revanche  inattendue,  bien  qu'un  peu  tardive,  tous  ces 
artistes  nantais  :  architectes,  armuriers,  brodeurs,  fondeurs, 
graveurs,  luthiers,  maîtres  d'œuvres,  monnayeurs,  musi- 
ciens, orfèvres,  peintres,  potiers  d'étain,  sculpteurs,  tapis- 
siers, gentilshommes  verriers,  que  sais-je?  —  dont  les 
noms,  depuis  des  siècles,  dormaient  dans  un  injuste  oubli, 
et  que  M.  le  Marquis  des  Granges  de  Surgères  vient  rappeler 


414 

à  notre  admiration  dans  un  livre  savant,  dont  M.  Dominique 
Caillé  vous  a  fait  le  savani  compte  rendu  ? 

Vous  cilerai-je  aussi  les  communications  si  instructives  el 
si  intéressantes  du  docteur  Cliachereau,  sur  l'hygiène  de 
Nantes  et  sur  le  mariage  des  sourds  ?  de  Mailcailloz,  sur 
l'ouvrage  de  M.  de  Wismes:  v  Une  question  de  préséance 
au  XVIIb  siècle  »  ?  de  M.  Libaudière,  sur  la  brochure  de 
M.  Orieux:  «  Le  général  de  la  paroisse  de  Batz  »  et  sur 
celle  autre  du  même  :  «  Les  biens  de  l'Eglise  de  ISantes 
et  la  charte  de  Louis  le  Gros  »  ?  de  Glotin,  sur  le  Iravail 
de  M.  Chapron:  «  Chàleaubrianl  et  la  Benaissance  ange- 
vine »  ?  et  enfin  la  savante  élude  de  Chevalier,  sur  les 
œuvres  du  docteur  Reliquel,  publiées  récemmenl  par  un  de 
nos  collègues  qui,  jeune  (ncore,  ajoute  déjii  ^  l'illustralion 
d'un  nom  célèbre  dans  les  annales  de  Nantes  —  j'ai  nommé 
le  docteur  Guépin  ? 

Je  m'en  voudrais  de  passer  sous  silence  ces  éludes  psycho- 
logiques, pourrait-on  dire,  sur  les  mœurs  des  corbeaux  de 
Saint-Pierre,  où  M.  le  D''  Viaud-Grand-Marais  mêle  à  une 
observation  suraiguë  une  malice  el  une  bonhomie  pleines 
d'attrait. 

Mais  deux  ouvrages  surtout  ont  mérité  de  retenir  v()ire 
attention. 

Le  premier  nous  ramène  \\  celle  grave  question  de  la 
navigabilité  de  la  Loire.  Il  appartenait  \\  notre  collègue 
M.  Libaudière,  qui  a  été  ici  le  promoteur  de  celle  œuvre 
grandiose,  de  vous  présenter  l'importante  étude  faite  par 
M.  Laffilte  et  publiée  par  la  Société  de  la  Loire  navigable, 
sur  la  navigation  intérieure  en  Allemagne.  Il  vous  l'a 
analysée  avec  la  compétence  scrupuleuse  qui  lui  et  habi- 
tuelle, et  nous  avons  vu  avec  quel  esprit  de  suite,  quelle 
sagacité  palienle  et  quelle  habile  prodigalité  nos  voisins  de 
l'Est  améliorent  sans  cesse  le  réseau  de   leurs  canaux  et  de 


415 

leurs  fleuves.  Nous  avons  vu  aussi  quel  essor  superbe  ils  ont 
donné  par  là  à  leur  commerce  el  à  leur  indusirie.  Ainsi, 
pour  avoir  changé  d'armes  el  de  lerrains,  la  guerre  avec 
eux  n'est  pas  moins  acharnée,  el  Dieu  sait  par  quels  prodiges 
d'inilialive  el  d'énergie  nous  devrons  payer  la  victoire  ! 

El,  dans  un  ordre  d'idées  tout  différent,  l'autre  ouvrage 
important  que  je  veux  vous  rappeler,  c'est  la  belle  élude  de 
Gahier  sur  le  théâtre  de  François  de  Curel. 

L'auteur  commence  par  nous  dépeindre,  en  quelques  pages 
concises  el  fortement  pensées,  l'évolution  du  lliéâtre  depuis 
Corneille  jusqu'à  nos  jours.  Il  nous  monlre  comment  chaque 
étape  nouvelle  trouve  sa  cause  dans  les  mœurs,  et  conuiieni 
ainsi,  sans  le  vouloir  peul-èlre,  l'auleur  dramatique  nous 
donne  une  image  fidèle  de  la  société  dans  laquelle  il  a 
vécu. 

Or,  nous  dit  Gahier:  «  Depuis  1870,  nous  sommes  entrés 
dans  une  ère  nouvelle  et  le  ihéâtre  s'en  est  ressenli;  l'ins- 
truction s'est  développée,  la  fortune  s'est  accumulée  dans 
les  mains  de  quelques-uns  ;  la  quatrième  classe,  le  peuple, 
est  arrivée  au  pouvoir,  el,  de  philosophique  qu'il  était  en 
1848,  le  socialisme  s'est  affirmé  dans  la  pratique  par  ses 
revendicalions  et  ses  conquêtes  ;  l'horizon  politique  s'est 
assombri  par  suite  de  l'extension  du  journal  et  d'un  parle- 
mentarisme mal  compris  :  tout  n'est  que  chaos  dans  l'âme 
moderne.  » 

El  c'est  précisément  ce  chaos  des  sentiments  de  l'âme 
qu'avec  une  très  grande  finesse  et  une  très  grande  sûreté 
d'analyse,  notre  collègue  nous  monlre  triomphant  dans  le 
théâlra  de  M.  de  Curel  :  l'intrigue  de  ses  œuvres  a  presque 
toujours  pour  objet  la  lutte  des  idées  Iradiiionnelles  avec  les 
progrès,  les  besoins,  ou  seulement  les  aspirations  modernes. 
Ainsi,  dans  «  Les  fossiles  »,  M.  de  Curel  essaie  de  dégager 
le  rôle  que  la  noblesse  est  appelée  à  jouer  dans   la  société 


416 

contemporaine;  —  dans  <•  La  figurante  »,  il  nous  peint  la 
lutte  de  Taïuonr  ardent,  sincère  et  éternel  avec  les  ambitions 
louches  et  les  basses  compromissions  de  la  politique  actuelle. 
—  A-l-on  le  droit  de  tuer  son  semblable  ?  A-t-on  le  droit 
de  le  tuer  dans  Tinlérêt  d'une  découverte  utile  ë  l'humanité 
tout  entière  ?  Tel  est  le  problème  posé  dans  «  La  nouvelle 
idole  »  ;  —  enfin,  dans  cette  troublante  question  sociale 
qu'agile  la  société  moderne,  qui  doit  rem|)orter,  du  socia- 
lisme révolutionnaire  ou  du  capitalisme  oppressif  ?  Lh-dessus, 
M.  de  Curel  écrit  (  Le  repas  du  lion  «. 

Dans  sa  critique,  M.  Gabier  a  bien  su  mettre  en  lumière 
l'hésitation  de  l'auteur  devant  ces  redoutables  problèmes. 
C'est,  en  effet,  un  des  caractèi^es,  et  non  des  moins  curieux 
de  son  théâtre,  qu'il  ne  conclut  jamais.  Parfois  même,  il 
pousse  le  doute  jusqu'à  la  contradiction  des  caractères: 
ainsi  voyons-nous,  dans  «  Le  repas  du  Uon  •>,  Jean  de 
Sancy  faire  soudain  une  volte-face  imprévue  et  vraiment 
déconcertante.  Cette  imperfection,  si  c'en  es!  une,  a  du  moins 
le  résultat  heureux  de  nous  peindre,  mieux  encore,  l'anxiété 
de  l'âme  moderne  ;  et  s'il  m'était  permis  de  faire  ici  un  très 
léger  reproche  à  mon  ami  Gabier  —  à  vrai  dire,  est-ce  un 
reproche  ?  —  je  lui  dirais  qu'il  a  peut-être  attribué  un  peu 
généi^eusement  à  l'auteur  qu'il  nous  présente  ce  profond 
esprit  chrétien  où  lui-même  a  su  trouver  la  solution  de  tant 
de  mystères  douloureux. 

Parmi  les  poésies  qui  vous  ont  été  lues,  je  voudrais  vous 
relire  celles  de  Dominique  Caillé  sur  le  Centenaire  de  notre 
Société  et  sur  la  mort  de  M'"^  Adine  lliom.  Mais  vous  les 
avez  encore  présentes  à  la  mémoire.  J'aime  donc  mieux  vous 
citer  de  lui  cet  extrait  de  la  pièce  qu'il  composa  pour  l'inau- 
guration du  buste  de  Charles  Loyson,  i\  Château-Gontier,  et 
où,  s'adressant  au  poète,  il  évoquait  noblement  le  souvenir 


417 

De  ces  poètes  morts  jeunes  et  que  l'on  aime, 
Sur  lesquels  on  londait  un  magnitique  espoir 
Et  qui,  clans  les  grands  cieux  ouverts,  avant  le  soir, 
Sont  partis  l'âme  en  fleur, 

ou  bien  encore  ces  strophes  aimables  et  naïves  : 

Avec  ses  abeilles,  ses  fleurs. 
Ses  fruits  aux  brillantes  couleurs, 
Voici  l'été  de  retour.  —  Mère, 
Pour  ne  plus  revenir  joyeux 
Partager  aujourd'hui  nos  jeux, 
Oîi  donc  s'en  est  allé  mon  frère  ? 

Hélas  !  tes  vœux  sont  superflus, 
Ton  frère  ne  reviendra  plus. 
Cher  enfant,  dans  notre  demeure. 
Comme  la  rose  du  printemps. 
Il  n'a  vécu  que  peu  d'instants  t 
Il  est  dans  le  Ciel  à  cette  heure  ! 

Enfin,  ces  jours  derniers,  j'ai  reç^u,  à  l'adresse  de  la 
Sociélé  Académique,  ces  vers  dont  malheureusement  l'auleui^ 
cache  sa  modestie  sous  une  signaïui^e  absolument  illisible. 
Ecoutez-les  et  vous  y  reconnaîtrez  avec  moi  l'œuvre  d'un 
vrai  poète  : 

PRINTEMPS     DE    BRETAGNE. 

Le  clair  soleil  d'avril  luit  dans  un  ciel  bleu  tendre 
Qu'on  dirait  presque  blanc  et  comme  un  peu  nacré, 
Et  le  gi-anil  d'Armor,  le  vieux  granit  sacré. 
Semble,  sous  ses  r-ayoïis,  frémir  et  se  détendre. 

Et  la  lande  a  quitté  ses  tons  tristes  et  roux, 

Et  sur  tout  le  pays,  jusqu'à  perte  de  vue. 

C'est  la  riche  jonchée  et  la  gloire  épandue 

Des  ajoncs  aux  fleurs  d'or,  au  parfum  âpre  et  doux. 


418 

Où  donc  l'as-tu  trouvé,  loul  cel  or  qui  te  pare, 
0  terre  misera hie  à  qui  manque  le  pain  ? 
EL  ne  rougis-tu  pas,  lorsque  tes  lils  ont  faim, 
De  ce  royal  manteau,  splendidement  barbare? 

Garde-le  sans  remords  !  Prodigue  à  tes  ajoncs 
Ta  sève  et  la  vigueur!  Nous  te  voulons  très  belle. 
Que  le  pied  nu  se  blesse  à  l'épine  cruelle, 
Qu'importe  ?  C'est  ainsi,  terre,  que  nous  t'aimons. 

Et  nous  te  supplions  de  rester  inutile, 

De  refuser  toujours  la  honte  des  moissons , 

De  garder  tes  rochers,  tes  bois  pleins  de  frissons. 

Et  ton  charme  ti'oiiblant  d'amazone  stérile  ! 

Grâces  soleiil  rendues  au  mystérieux  poêle  qui  m'a  |>eimis 
de  terminer,  pai'  la  lecture  de  ces  beaux  vers,  le  compte 
rendu  trop  long,  bien  que  si  incomplet,  de  vos  travaux. 

Vous  rappellerai-je  mainlenanl  les  nombiTuses  dislinciions 
dont  noire  Société  a  été  honorée  en  la  personne  de  plusieurs 
de  ses  membres  ?  C'est  ainsi  que  le  prix  Daudet  a  été  décerné 
par  P Académie  de  Médecine  à  MM.  Malherbe  pour  leur  savant 
mémoire  sur  le  «  sarcome  »  ;  que  le  docteur  Montfort  a  été 
nommé  Officier  de  T Instruction  publique  ;  le  docteur  Pois- 
son, Officier  d'Académie  ;  le  docteur  Guillemet,  membre 
correspondant  national  de  la  Société  d'obstétrique  et  de 
gynécologie,  et  M.  Citerne,  directeur  de  notre  beau  jardin 
des  Plantes. 

Messieurs,  combien  eussè-je  souhaité  de  pouvoir  m'arrôler 
ici.  . 

Mais  connue  au  pied  d'un  arbre  encore  plein  de  sève,  on 
voit  fi  l'automne  loiidDcr  les  l'euilU^s  mortes,  parure  du  dernier 
[)rintemps,  ainsi  notre  Société  a  vu,  cette  année,  disparaître 
quelques-uns  de  ceux  qui,  parmi  ses  membres,  contribuèrent 
le  plus  il  l'honorer. 


419 

Ce  fui  d'abord  noire  doyen,  le  vénérable  abbé  Coquet, 
donl  M.  Gadcceau  vous  a  dépeint  le  mérile  scienlifique  el  les 
venus  chréliennes  avec  son  laleni  el  avec  son  cœur.  —  Vous 
rappellerai-je  après  lui  les  services  que  l'abbé  Coquet  a 
rendus  à  noire  Société  par  ses  travaux,  notamment  comme 
Président  de  la  Section  des  sciences  naturelles?  J'aime 
encore  mieux  ~  car  si  la  science  est  noble  el  utile,  elle  ne 
vaut  pas  la  bonté  —  j'aime  mieux  vous  répéter  cette  parole 
que  répondait  M.  l'abbé  Coquet  à  ceux  qui  lui  reprocbaienl 
d'êlre  trop  bon  pour  des  ingrats:  «  Tant  pis  s'ils  me  trom- 
pent, disait-il,  c'est  leur  affaire  et  non  la  mienne.  » 

Après  lui,  nous  avons  perdu  le  regretté  docteur  Kirschberg. 
Depuis  longtemps,  la  maladie  le  retenait  loin  de  nos 
réunions.  Mais  nos  Annales  nous  conservent  le  souvenir  de 
ses  studieuses  recherches,  el  M.  le  D""  Hervouel  vous  a  dit, 
mieux  que  je  ne  saurais  vous  le  redire,  avec  quel  zèle 
passionné  le  docteur  Kirschberg  consacrait  à  l'élude  el  aux 
soins  de  son  cher  hôpital  les  restes  d'une  santé  chancelante. 

Fidèle,  au  contraire,  à  notre  maison,  M.  Morel  venait  tous 
les  jours  enrichir  nos  conversations  des  trésors  de  sa  longue 
expérience,  et  oublier  parmi  nous  les  douleurs  du  mal  qui 
l'avait  frappé.  Quand  il  fut  forcé  par  lui  de  garder  la  chambre, 
il  aima  mieux  démissionner  que  de  donner  le  mauvais 
exemple  de  l'absence.  La  mort  ne  lui  laissa  que  peu  de  mois 
ce  titre  de  membre  honoraire  dont  vous  aviez  récompensé 
son  affectueuse  assiduité. 

M.  Paul  Renaud  a  donné  h  notre  ville  l'exemple  d'une  vie 
de  travail  et  d'initiative.  C'est  lui,  qui,  associé  avec 
M.  Adolphe  Lolz,  appliqua  le  premier  la  vapeur  au  battage 
des  grains.  Depuis  lors,  les  nombreux  perfectionnements 
qu'il  apporta  à  l'industrie  métallurgique  lui  valurent,  ^  la 
suite  de  distinctions  nombreuses,  la  croix  de  la  liégion- 
d'Honneur.  Retiré   des   affaires   en  1889,   il    partagea    son 


420 

expérience  entre  les  soins  de  i'agricullure  et  les  nombreuses 
associations  qui  recherchaient  à  Nantes  son  patronage 
éclairé. 

M.  le  D"^  Barthélémy  était  depuis  longtemps  des  noires,  et 
beaucoup  de  nos  collègues  ont  gardé  le  souvenir  de  ses 
intéressantes  communications.  Depuis  quelques  années,  le 
soin  de  ses  malades  et  les  nombreuses  œuvres  auxquelles  il 
consacrait  sa  vie  l'avaient  rendu  moins  assidu  à  nos  séances. 
C'est  en  grande  partie  h  son  initiative  et  îi  son  dévouement 
que  notre  ville  doit  la  création  de  celte  «  ligue  contre 
l'alcoolisme  »  qui  a  assumé  récemment  la  noble  lâche  de 
combattre  le  plus  redoutable,  peut-être,  des  fléaux  modernes. 
M.  le  D'  Hervouei  prononçait  sur  M.  Barthélémy  des  paroles 
définitives,  quand  il  le  rangeait  au  nombre  de  ces  natures 
rares  à  la  vérité,  délicates  à  l'excès  :  quand  elles  cessent 
de  soutîrir,  le  bien-être  relatif  leur  apparaît  comme  un 
remords.  •> 

Enfin,  vous  vous  êtes  unis  avec  recueillement  «au  cortège 
d'admirateurs  et  d'amis  qui  accompagnait  M™«  Riom  à  sa 
dernière  demeure. 

Pendant  que  M"»'-  Adine  Riom  donnait  ë  notre  ville  l'exemple 
d'une  vie  consacrée  tout  entière  aux  austères  devoirs  du 
foyer,  Louise  d'Isolé  chantait  ses  amours,  tour  i\  tour  heu- 
reuses ou  déçues,  et  le  comte  de  Saint- Jean  exprimait  en 
vers  passionnés  la  flamme  mystique  de  sainte  Thérèse,  ou 
racontait  en  style  épique  les  légendes  sacrées  de  l'Orient. 
Quand  un  jour  M"«  Riom  se  découvrit  sous  ce  double  pseu- 
donyme, ce  fut  partout  un  mélange  d'étonnement  et  d'admi- 
ration. Depuis  lors,  elle  donna  sous  son  nom  véritable  de 
nouvelles  œuvres  où,  par  intervalles,  on  sent  encore  vibrer 
la  belle  ardeur  de  sa  jeunesse.  Mais  vous  n'atlemlez  pas  que 
j'ose  vous  donner  sur  son  talent  une  opinion  i)erso[melle, 
après  que   Jules   Janin  ,   Saint-René   Tallaiidier,   Manuel  et 


421 

lanl  d'auliTs  savants  critiques  ont  magislralomenl  apprécié 
son  œuvre.  Ici  même,  Dominique  Caillé  vous  a  présenté, 
dans  une  spirituelle  élude,  le  «  Salon  de  M"»**  Riom  »,  et 
M.  Tyrion,  après  lui,  l'a  jugée  aussi  en  poète.  Tout  ce  qu'il 
m'est  permis  de  vous  dire,  c'est  l'impression  profonde  que 
m'a  causée  la  lecture  de  ses  vers,  sortis  de  l'âme  même,  et 
dont  quelques-uns  vous  font  tressaillir  comme  un  cri  de 
douleur.  En  elle,  Nantes  a  perdu  une  enfant  illustre,  et  la 
France  a  perdu  un  poète.  —  La  Société  Académique  n'ou- 
bliera pas  l'affection  bienveillante  dont  M""  Riom  voulut 
bien,  à  maintes  reprises,  lui  donner  tant  de  preuves. 

Messieurs,  voici  que  ma  lâche  s'achève.  J'ai  raconté  nos 
lrav;iux,  nos  succès  et  nos  deuils.  Vous  dirai-je,  pour 
terminer,  notre  but  et  nos  espérances  ? 

Ce  que  nous  voulons,  n'est-ce  pas,  c'est  que  notre  Société 
soit  prospère  ;  c'est  surtout  qu'elle  soit  utile.  Il  nous  appar- 
tient de  l'obtenir. 

Pour  cela,  une  chose  nous  suffit  :  travailler. 

Nos  anciens  nous  en  ont  donné  le  fortifiant  exemple,  et  ce 
public  choisi,  qui  vient  toujours  plus  nombreux  participer  à 
nos  fêtes,  nous  y  encourage  et  nous  en  paie  d'avance. 

Travaillons  donc  dans  l'intimité  modeste  de  nos  sections, 
comme  dans  les  solennités  publiques  de  nos  réunions  géné- 
rales et  de  nos  conférences.  Assez  d'objets  divers  appellent 
nos  efforls. 

En  ce  moment,  sur  toutes  les  questions,  des  batailles 
formidables  se  livrent.  Je  ne  vous  parle  point  de  ces  luttes 
impies  que  tous  les  bons  citoyens  réprouvent  et  qu'ils  ont 
aujourd'hui  le  devoir  d'apaiser,  .^lais  je  veux  vous  parler  de 
ces  batailles  fécondes  par  lesquelles,  sur  tous  les  terrains, 
scientifique,  économique,  industriel,  commercial  et  même 
artistique,  le  progrès  actuel  prépare  l'avenir. 

Nantes  est  au  centre  de  la  mêlée  :   c'est  la  richesse  de  son 


4-2-2 

porl,  c'est  la  navit^abililô.  de  son  fleuve,  c'est  le  soin  de  ses 
pauvres,  c'esl  la  moralilé  de  ses  habilanls,  c'est  l'hygiène  de 
ses  rues,  c'est  la  beauté  de  ses  quais  et  de  ses  promenades, 
ce  sont,  depuis  hier,  ses  intérêts  coloniaux  que  des  initiatives 
hardies  prennent  ^  lâche  de  défendre  ou  de  faire  progresser. 
Tous  ses  enfants  doivent  apporter  leur  aide  à  ces  généreuses 
entreprises- 

Nous  qui  sommes  de  cette  belle  et  riche  famille  nantaise, 
donnons  l'exemple  et  agissons.  Nos  forces  croîtront  par 
l'action  môme.  Des  concours  précieux  nous  viendront.  D'où 
qu'ils  viennent,  nous  les  accepterons  avec  joie  et  reconnais- 
sance, car  nos  portes  ont  toujours  été  libéralement  ouvertes 
à  tous  les  hommes  de  bonne  volonté  et  de  bonne  foi. 

Quel  profit  ce  serait  pour  n')ire  Société,  si  toutes  les 
opinions  et  toutes  les  tendances,  loyalement  représentées 
chez  elk',  augmentaient  encore  l'activité  et  l'attrait  de  nos 
travaux  !  —  et  si,  par  un  salutaire  échange,  la  Société 
Académique  parvenait  à  répandre,  dans  la  lutte  ardente  des 
principes  ou  des  intérêts  opposés,  ces  dons  précieux  de 
courtoisie,  d'aménité,  de  bienveillance  qui  donnent  à  nos 
réunions  tant  de  charme,  quel  avantage  immense  ce  serait 
pour  tous  ! 


RAPPORT 


DE 


LA     COMMISSION      DKS     PRIX 


SUR 


LE    CONCOURS   DE    L'ANNÉE   1899 

Par  le  Dr  A.  CHEVALLIER,  secrétaire-adjoint 


Messieurs  , 

La  Société  Académique,  en  me  confiant  le  soin  d'écrire 
le  rapport  de  sa  Commission  des  prix,  m'a  fait  un  grand 
iionneur  :  le  vif  souci  d'atteindre  à  la  hauteur  de  ma  mission 
en  a  été  la  rançon. 

Elles  sont  lourdes  les  obligations  que  votre  choix  m'im- 
pose :  nommer  en  quelques  pages  des  oeuvres  différentes, 
caractériser  chacune  d'elles,  indiquer  leurs  mérites  et  aussi 
leurs  imperfections,  telle  est  la  tâche  peu  aisée  que  vos  trop 
bienveillants  suffrages  ont  faite  mienne  aujourd'hui.  Ils  ont 
pu  m'élever  à  la  dignité  de  critique  et  de  juge,  mais  ils  ont 
été  impuissants  à  me  donner  les  qualités  indispensables  k 
Taccomplissement  de  ces  hautes  fonctions. 

Dépourvu  de  compétence  littéraire,  malhabile  dans  l'art  de 
bien  dire,  je  ne  dois  pas  songer  à  vous  présenter  un  de  ces 


424 

rapports  brillanls,  morlèks  de  fine  criliqiie,  merveilles  (l'ironie 
acadcMnique,  que  mes  prédécesseurs  vous  ont  habilués  h 
enlendre.  iVlodesle  Secrétaire,  je  ne  veux  avoir  d'autre 
prétention  que  celle  de  vous  lire  un  simple  compte  rendi,,  le 
procès-verbal,  pour  ainsi  dire,  des  délibérations  de  votre 
Commission  des  prix. 

Poètes  et  prosateurs  ont  montré  moins  d'empressement  à 
venir  celte  année  nous  soumettre  leurs  œuvres.  Dix  manus- 
crits seulement  nous  ont  été  remis  ;  seize  avaient  été 
présentés  à  notre  précédent  Concours. 

Pourquoi  le  nombre  des  candidats  à  nos  récompenses 
a-l-il  donc  aussi  sensiblement  diminué  ? 

Messieurs,  nous  ne  récompensons  pas  seulement,  nous 
critiquons  aussi  parfois  ;  peut-être  même  distribuons-nous 
plus  de  critiques  que  de  louanges  !  Serait-ce  la  cause  de 
quelques  abstentions  ? 

Parmi  ceux  qui  pourraient  ambitionner  une  de  nos 
médailles,  se  trouverait-il  de  ces  auteurs  intraitables,  si 
intéressés  à  protéger  leurs  œuvres,  qu'ils  craindraient  de 
comparaître  devant  nous,  juges  trop  prompts  i»  les  censurer? 

Je  ne  peux  le  croire  ! 

Le  véritable  ami  du  beau  et  du  vrai,  loin  de  redouter  la 
critique,  la  provoque  en  toute  circonstance  ;  un  esprit  élevé 
toujours  se  montre  reconnaissant  d'un  bon  conseil,  même  si 
le  conseil  est  accompagné  de  quelque  raillerie  ;  il  sait  que 
l'avis  ainsi  donné  est  plus  efficace,  parce  qu'il  produit  plus 
d'impression.  Horace  l'a  fait  observer  : 

«  Ridieuluin  acri , 

»  Fortius  et  nielius  magnas  plerunique  secat  res.  » 

Non,  Messieurs,  jamais  la  rancune  gardée  d'une  critique 
trop  ironique  ou  l'appréhension  de   reproches  railleurs  n'a 


425 

éloigné  quelqu'un   de    nos   concours.    Si    aujourd'hui    j'ai 
moins  de  travaux  à  apprécier,  différente  en  est  la  cause. 

Vous  avez  remarqué  combien  peu  féconde  a  été  l'année 
littéraire  1899.  Elle  ne  nous  a  donné  ni  œuvre  de  philosophe, 
ni  travail  d'historien  ;  nul  roman,  pas  une  pièce  de  théâtre 
n'a,  d<  puis  quelques  mois,  passionné  les  lettrés  ou  simplement 
intéressé  la  foule  ;  et  si  quelques  poètes  se  sont  fait  entendre, 
ils  ne  nous  ont,  hélas  !  pas  parlé  le  doux  langage  des  vers. 

Nous  avons  subi  une  influence  funeste  ;  un  vent  de  haine 
et  de  discorde  a  passé  sur  la  France,  son  souftle  brûlant  a 
desséché  les  cœurs  et  rendu  stériles  les  intelligences.  Faut-il 
s'étonner  si,  en  une  année  de  pareille  disette,  la  production 
de  notre  modeste  champ  a  diminué  ? 

Quand  je  considère  les  vastes  t(>rriloires,  hier  fertiles  et 
aujourd'hui  demeurés  improductifs,  je  trouve  belle  plutôt 
notre  moisson  ! 

Aussi,  Messieurs,  avant  de  les  juger,  permettez-moi  de 
les  féliciter,  ceux  dont  nous  avons  reçu  les  œAJvres  ;  prosa- 
teurs et  poêles,  s'ils  ne  nous  ont  pas  tous  donné  des  travaux 
savants  ou  des  rimes  brillantes,  tous  ils  ont  eu  le  mérite, 
devenu  rare,  d'avoir  gardé  fécondes  leurs  intelligences. 

Les  œuvres  en  prose  soumises  au  concours  sont  repré- 
sentées par  quatre  manuscrits. 

L'un  d'eux  ne  nous  a  pas  paru  mériter  de  récompense.  Il 
comprend  le  récit  d'une  excursion  à  l'abbaye  de  Melleray  et 
deux  petits  contes.  Du  récit  de  l'excursion,  je  ne  parlerai 
pas,  c'est  une  laveur  que  j'accorde  k  l'auteur  ;  s'il  me  fallait 
porter  un  jugement  sur  son  œuvre,  il  serait  sévère.  Les 
deux  contes  sont  correctement  écrits  ;  leurs  qualités  n'ont 
pu  nous  faire  oublier  d'autres  défauts. 

J'ai  lu  avec  plaisir  le  recueil  qui  porte  ce  titre  :  «  Cœurs 

28 


bretom  »■  Là  soiil  réunies  quatre  nouvelles.  Les  sujets 
peuvent  en  paraître  d'abord  assez  ditîérenls;  mais  il  n'est  pas 
besoin  d'une  lecture  attentive  pour  s'apercevoir  bien  vile  que 
trois  de  ces  récits,  au  moins,  ne  contiennent  que  des 
variations ,  sur  celte  unique  pensée  :  «  //  n'y  a  rien  de 
plus  triste  sur  ta  terre  que  d'aimer  et  de  ne  pas  être 
aimé.  »> 

C'est  là  une  lamentation  que  l'auteur  se  plaît  à  faire 
répéter  sans  cesse  à  ses  liéroines;  elles  sont  plus  ou  moins 
éloquentes,  mais  toutes  avec  obstination  nous  redisent  la 
même  plainte.  Ces  pauvres  dédaignées  n'agissenl  jamais,  elles 
pensent  môme  rarement,  toujours  elles  se  perdent  en  d'inter- 
minables rêveries.  Si  je  pouvais  croire  que  leur  créateur  les 
a  laçonnées  à  son  image,  je  me  permettrais  de  lui  rappeler 
ces  paroles  de  Georges  Sand  :  «  La  rêverie  est  une  maladie 
«  très  grave  et  très  douloureuse,  dont  on  ne  guérit  que  par 
«  l'élude  des  choses  vraies  :  il  faui  penser  mais  ne  jamais 
"»  rêver,  »  et  je  le  prierais  de  vouloir  bien  considérer  que  le 
conseil  lui  est  donné  par  une  femme. 

J'insiste  trop  longuement  sur  les  imperfections  d'une 
œuvre  qui  présente  aussi  de  réels  mérites.  Il  est  en  ce 
manuscrit  des  pages  où  se  découvre  un  véi^ilable  talent  de 
description.  Quand  l'auteur  veut  bien  abandonner  le  vague 
el  la  sentimentalité,  il  sait  nous  esquisser  de  vrais  et  cbar- 
mants  tableaux  de  la  nature.  Son  style,  parfois  lâche,  terne 
et  diffus  dans  les  récits,  devient  alors  énergique,  brillant, 
coloré.  Votre  Commission  des  prix  ne  pouvait  laisser  ces 
qualités  sans  récompense  ;  elle  m'a  chargé  de  décerner  à 
l'auteur  de  «  Qœurs  bretons  »  une  médaille  de  bronze,  Sa 
devise  est  :  «  A  ma  vie  » . 

La  Société  Académique  est  heureuse  d'accueillir  tous  les 
travaux,  jamais  olle  n'a   voulu  limiter  ses  concours  ;    mais 


427 

elle  reçoit  avec  une  faveur  plus  marquée  le  mémoire  où  est 
Irailé  l'un  des  sujets  dont  elle  a  proposé  l'élude.  Celle 
année,  nous  avons  eu  la  salisfaclion  de  voir  répondre  à 
deux  de  nos  questions;  l'on  nous  a  donné  la  monographie 
de  la  commune  de  Monnières  et  des  recherches  archéolo- 
giques sur  l'arrondissemenl  de  Ghâleaubriant. 

Je  vous  parlerai  d'abord  de  la  «  Monographie  de  Mon- 
nières ». 

C'est  une  importante  élude,  quoiqu'elle  présente  de  regret- 
tables lacunes.  Dans  l'histoire  qu'il  nous  donne  de  l'ancienne 
paroisse  avant  la  Révolution,  l'auteur  auriiit  pu  nous  exposer 
des  laits  plus  nombreux.  Les  documents  cités  intéressent 
presque  tous  exclusivement  la  famille  de  la  Galissonnière. 
Jacques  Barrin  II,  seigneur  de  la  Galissonnière,  vint  cepen- 
dant s'établir  dans  le  Conilé  nantais  en  l'année  1608 
seulement  ;  l'histoiiT  de  la  noble  maison  ne  peut  donc  se 
confondre  en  tous  points  avec  l'histoire  du  pays. 

Les  graves  événements  dont  Monnières  fut  le  théâtre 
pendan!  la  Révolution  sont  aussi  incomplètement  racontés  et 
les  consé(|uences  spéciales  à  la  région  n'en  sont  pas 
indiquées. 

Sur  la  topographie,  la  géologie,  la  faune  et  la  flore  de  la 
contrée,  je  ne  ti^ouve  que  des  renseignements  insuffisants. 
Des  mœurs  et  des  coutumes  locales,  il  n'est  pas  question  ; 
et  voici  une  omission  plus  grave  encore  :  une  statistique 
nous  apprend  qu'en  1851  la  coiTimune  possédait  1,079  habi- 
tants; au  dernier  recensement,  en  1896,  elle  n'en  comptait 
plus  que  930  !  en  un  demi -siècle,  il  y  a  donc  eu  une  dimi- 
nution de  près  de  14  "/o  (1-^,8),  et  l'historien  de  Monnières 
ne  croit  pas  utile  de  rechercher  et  de  nous  indiquer  les 
causes  de  cette  etîroyable  dépopulation  ! 

H  paraît  d'ailleurs  s'intéresser  peu  au  pays  qu'il  décrit  ; 
ce  ne  doit  pas  être  son  pays  natal,  celui  que  les  souvenirs 


■i>28 

(le  lamille  el  d'cnrancc  font  préférer  à  lout  iUiliT  ;  on  ne 
senl  pas  chez  lui  Tamour  du  cloclier,  col  auiour  que  Ronsard 
l'xpriniail  si  gracieusonienl  lorsqu'il  disait  de  sa  pelile 
pairie  : 

...  «  Quelque  part  que  j'erre 

Tant  le  ciel  m'y  soit  doux, 

Ce  petit  coin  de  terre 

Me  rira  par-sus  lout.  » 

Mais  j'interromps  mes  critiques,  car  je  ne  voudrais  pas, 
Messieurs,  vous  laisser  dans  celle  croyance  que  la  Monogra- 
phie de  Monnières  est  une  œuvre  sans  valeur.  Si  l'auteur  n'a 
pas  puisé  à  toutes  les  sources  d'informalion,  il  nous  a 
néanmoins  donné  une  série  de  pièces  fort  curieuses  à 
consulter,  il  a  lourni  un  consciencieux  travail  ;  il  pourra 
facilemenl,  s'il  le  veut,  compléter  son  étude. 

Pour  le  récompenser  de  ce  qu'il  a  lait,  pour  l'encourager 
à  achever  sa  lâche,  votre  Commission  des  prix  lui  décerne 
une  médaille  de  bronze. 

Le  manuscrit  porte  pour  devise  :  «  Le  travail  dissipe 
l'ennui  />. 

0  Inventaire  archéologique,  mégalithique,  iconogra- 
phique et  héraldique  du  pays  de  Chdteaubriant,  »  ainsi 
est  intitulé  le  mémoire  dont  je  vais  maintenant  vous  rendre 
compte.  Le  litre  vous  indique  la  nature  de  l'ouvrage  :  c'esl 
un  répertoire,  sous  forme  de  dictionnaire,  de  tous  les  monu- 
ments, de  tous  les  souvenirs  du  passé  dans  rarrondissement 
de  Ghâteaubrianl. 

Ce  qu'il  a  fait,  l'auteur  nous  l'apprend  lui-môme  :  «  Il  a, 
<)  dit-il,  parcouru  le  pays  noiid)rant  les  mégalithes,  visilanl 
»  les  manoirs  et  les  gentilhommières,  cherchant  au  fond  des 
»  campagnes  les  chapelles  isolées,  relevant  les  inscriptions, 
»)  notant  les  écussons  des  vitraux,  des  façades,  des  plaques 


429 

»  de  foyer,  interrogeant  les  anciens  et  les  curieux  sur  les 
»  légendes,  s'inquiétant  de  l'existence  des  vieux  livres,  des 
»  vieux  meubles,  des  vieilles  gravures,  des  vieux  papiers  de 
»  famille.  »  1/archéologue  nous  a  donc  donné  un  travail  bien 
personnel.  A  la  fois  savant,  infatigable  et  patient,  il  a 
multiplié  ses  recherches  ;  ne  négligeant  aucun  renseigne- 
ment, recueillant  les  traditions  orales,  il  a  fait  de  nom- 
breuses et  magnifiques  trouvailles. 

Cette  étude  archéologique  n'est  certainement  pas  sans 
présenter  quelques  défauts  ;  des  erreurs  s'y  rencontrent 
peut-être,  mais  elle  est  vraiment  scientifique  et  doit  être 
saluée  comme  l'œuvre  maîtresse  du  concours.  Votre  Com- 
mission des  prix  l'a  jugée  digne  d'être  imprimée  dans  nos 
Annales  et  a  décerné  à  son  auteur  une  médaille  de  vermeil. 

J'en  ai  fini  avec  la  piT)se,  je  dois  maintenant  vous 
présenter  les  poètes. 

Ils  nous  ont,  comme  dans  les  précédents  concours,  fourni 
le  plus  grand  nombre  de  manuscrits.  Ceux-là  seuls  pour- 
raient s'en  étonner  qui  proclament  que  notre  époque  doit 
voir  disparaître  la  poésie.  «  Chanter,  rêver,  n'est  plus  de 
»  notice  temps,  disent  ces  esprits  peu  épris  d'idéal;  nous 
»  avons  'es  chemins  de  fer,  l'électricité,  la  démocratie,  le. 
»  déchaînement  des  appétits,  une  civilisation  tonte  indus - 
»  trielle....  comment  voulez-vous  qu'au  milieu  de  tout 
»  cela,  on  en  ait  le  loisir. et  l'on  en  garde  le  goût?  » 

Messieurs,  cela  est  mal  raisonné.  M.  Jules  Lemaître  l'a  fait 
observer  :  «  Les  brutalités  du  milieu  social,  par  la  douleur  des 
»)  froissements  ou  par  le  plaisir  de  la  contradiction,  rejettent 
»  au  contraire  certaines  âmes  dans  plus  de  rêve  encore,  et  il 
»  semble  que  les  pi^ogrès  de  la  civilisation  malérielle  aient 
»  plutôt  pour  effet  de  renouveler,  d'enrichir  et  d'affiner  la 
•)  sensibilité  » 


4â0 

NoUt  vie  paraît  se  prêter  moins  ^  rinspiration  poétique, 
et  jamais  cependant  nous  n'avons  eu  plus  de  poètes.  Leur 
grand  nombre  aurait  de  quoi  nous  enorgueillir  si  le  nombre 
emportait  la  qualité.  Hélas  !  la  vraie  poésie  et  môme  le 
simple  talent  d'écrire  sont  demeurés  rares  ;  nous  n'avons 
donc  pas  été  surpris  de  trouver  dans  les  vers  soumis  à  noire 
examen  plus  de  bonnes  intentions  que  de  qualités  véritables. 

Dans  le  poème  qui  porte  la  devise  :  «  Je  me  tais  et 
j'attends  »,  les  excellentes  intentions  abondent;  malbeureu- 
semenl,  nous  avons  eu  peine  à  y  découvrir  autre  chose.  Je  prie 
l'auteur  de  vouloir  bion  attendre  jusqu'il  l'année  prochaine, 
il  nous  donnera,  je  l'espère,  une  œuvre  où  nous  pourrons 
plus  facilement  apercevoir  quelque  qualité;  nous  lui  décer- 
nerons alors  la  récompense  que  nous  sommes  obligés  de  lui 
refuser  aujourd'hui. 

Un  second  manuscrit  renferme  cinq  pièces  diftereiiles  ;  là, 
je  discerne  immédiatement  un  mérite  :  celui  de  la  franchise  ; 
ainsi  l'auteur  s'exprime  sinon  avec  art,  du  moins  avec  une 
liberté  grande  sur  le  compte  de  nos  bons  amis  les  Anglais 
qu'il  me  paraît  ne  pas  aimer.  Ecoutez  plutôt  : 

Légèrement  de  l'ongle,  enlevez  lépiderme 
Ue  tout  Ânglo-Saxon,  vous  y  verrez  le  germe 
De  fliomme  primitif;  dans  son  antre  enfumé 
Vous  verrez  le  bandit  de  l'âge  de  la  pierre, 
Masque  hirsute,  ébauché,  guettant  de  sa  lanière, 
Le  passant  faible  ou  désai-mé. 

L'humanité,  en  général,  n'inspire  d'ailleurs  h  notre  poète 
que  peu  d'aiïection,  et  il  ne  craint  pes  de  le  dire.  Ce  qu'il 
aime,  ce  sont  les  petits  oiseaux  et  aussi  les  vieux  livres  ;  il 
les  chante  en  des  vers  d'une  froide  correction,  et  la  poésie 
trop  souvent  est  absente  de  ses  poèmes.   Pour  ce  manuscrit 


431 

i-ncore,  nous  avons  le   regrel  de  ne  pouvoir  vous  proposer 
de  récompense. 
Mais  voici  que  j'arrive  à  des  œuvres  dignes  de  louange. 

«  Vibrations  d'âme  »  ;  tel  esl  le  tilre  un  peu  prélen- 
lieux  d'un  recueil  de  poésies  nombreuses.  A  son  manuscrit, 
l'auteur  a  donné  celte  devise  :  «  Aimer,  c'est  souffrir  ». 
Il  nous  chante  donc  surtout  ses  amours,  ou,  pour  parler  plus 
exactement,  c'est  sur  ses  amours  que  le  plus  souvent  il 
pleure. 

lies  vers  où  le  poète  me  décrit  les  souffrances  de  son  âme 
ont  eu  un  fâcheux  privilège  :  pendant  que  je  les  lisais,  ils  ont 
fait  à  mes  yeux  apparaître  d'autres  poètes.  C'étaient 

«  Ces  vains  auteurs  dont  la  muse  forcée 

»  M'enti-etient  de  ses  feux,  toujours  froide  et  glacée, 
»  Qui  s'affligent  par  art,  et,  fous  de  sens  rassis, 
»  S'érigent  pour  rimer  en  amoureux  transis.  » 

Et  il  me  semblait  que  le  poète  de  «  Vibrations  d'âme  » 
allait  prendre  place  au  milieu  d'eux  !  Alors,  bien  vite,  pour 
échapper  à  cette  vision,  j'ai  tourné  les  feuillets  du  manu- 
scrit, fuyant  les  pages  où  il  était  parlé  d'amour. 

Deux  odes,  l'une  adressée  au  Commandant  Marchand 
et  l'autre  à  la  Bretagne,  m'ont  arrêté  d'abord.  Dans  ces 
pièces  aux  prétentious  lyriques,  j'ai  admiré  quelques  beaux 
vers  ;  malheureusement  leur  ensemble  m'a  paru  manquer  et 
de  sincérité  et  d'inspiration. 

Les  qualités  vraies,  je  les  ai  rencontrées  enfin  en  des  pe- 
tits poèmes  aux  allures  plus  modestes.  Le  poète  a  trouvé  des 
accents  gracieux  pour  nous  raconter  les  obsèques  d'un  pa- 
pillon; et,  dans  des  pièces  qu'il  adresse  aux  petits  enfants,  il 
leur  parle  un  langage  rempli  d'émotion  véritable,  et  ses  vers 
ont  un  charme  très  grand. 

Là  on  sent  vraiment  vibrer  son  âme  et  c'est  une  âme  un 


432 

peu  mélancolique  mais  bienveiilanle  el  bonne,  très  féminine. 
Aussi,  je  suis  persuadé  que  ma  franchise  trop  grande  me 
sera  pardonnée,  el  l'auleur  de  «  Vibraliom  d'âme  »  vou- 
dra bien  accepter  la  Mention  honorable  que  lui  accorde  la 
Commission  des  prix. 

Les  six  poésies  réunies  sous  la  devise  :  «  Fais  ce  que 
dois,  advienne  que  pourra  »>  sont  toutes  consacrées  'a 
chanter  un  modeste  et  obscur,  mais  très  brave  soldat  :  le 
douanier.  Nous  sommes  peu  habitués  à  Tenlendre  célébrer 
en  vers  ;  ses  frères  de  l'armée  ont  reçu  d'innom- 
brables hommages  poétiques ,  lui  toujours  jusqu'ici  a  été 
oublié. 

C'est  une  joie  pour  nous  de  voir  glorifier  aujourd'hui  ses 
humbles  el  pénibles  travaux.  Quelqu'un,  qui  probablement  le 
connaît  bien  el  qui  certainement  l'aime  beaucoup,  veut  nous 
le  faire  è  tous  connaître  el  aimer.  Alors  il  nous  raconte  sa 
vie  :  il  nous  le  montre  mourant  victime  du  devoir,  soit  qu'il 
tombe  sous  le  coutelas  homicide  du  contrebandier,  soil  qu'il 
disparaisse  el  demeure  enseveli  sous  le  linceul  glacé  des  nei- 
ges de  la  montagne. 

H  est  regrettable  que  le  lalent  du  poète  ne  soil  pas  tou- 
jours à  la  hauteur  de  la  belle  lâche  qu'il  a  entreprise.  Ri- 
meur  très  novice,  avec  la  prosodie  il  prend  des  familiarités 
répétées  el  pourtant  il  sacrifie  parfois  sa  pensée  aux  exi- 
gences du  i7lhme.  Les  récils  qu'il  nous  fait  sont  charmants, 
l'action  en  est  bien  conduite,  mais  la  lecture  en  esl  pénibh^  : 
on  sent  trop  combien  grande  esl  la  difficulté  que  l'auteur 
éprouve  à  écrire  en  vers. 

Ces  défauts  n'ont  pu  nous  faire  oublier  de  solides  mérites 
el  voire  Commission  des  prix,  pour  encourager  le  poète  des 
douaniers,  vous  propose  de  lui  décerner  une  médaille  de 
bronze. 


48â 

J'ouvre  un  autre  manuscrit  cl  je  lis  d'abord  cette  dédicace 
à  la  Société  Académique  : 

Sous  le  noble  toit  qu'elle  habite 
La  docte  Académie  invite 
Savants,  romanciers,  troubadours, 
A  prendre  part  à  ses  concours. 

0  Muse,  ma  chère  petite, 
Venez  donc  vous  parer  bien  vite  ! 
Prenez  vos  plus  jolis  atours  : 
Diamants,  dentelle  et  velours. 

A  quoi  rèves-tu,  mon  poète? 
Faut-il  un  habit  de  coquette 
Pour  plaire  à  d'aimables  savants  ? 

En  péplum,  et  cheveux  flottants, 
De  simples  fleurs  des  bois  coiffée, 
N'ai-je  pas  mieux  Tair  d'une  fée? 

Celle  muse  est  fort  aimable  et  aussi,  quoiqu'elle  ne  veuille 
pas  l'avouer,  foin  coquette.  Elle  s'annonce  simple  fée  des 
bois,  mais  comme  elle  oublie  souvent  de  l'être  !  Elle  veut 
plaire,  et  alors  pour  varier  ses  moyens  de  séduction,  elle 
s'ingénie  à  nous  apparaître  sous  les  aspects  les  plus  diffé- 
i^enls.  Muse  guerrière,  en  de  fiers  accents  elle  raconte  un 
héroïque  épisode  de  la  campagne  de  1870.  Précieuse  et  très 
parée,  elle  nous  murmure  de  gracieuses  subtilités  d'amour 
et  se  perd  parfois  en  un  nuageux  idéal.  Entendez-la  nous 
dire  le  «  Chant  de  l'Etoile  »  : 

Enfant,  de  prés  je  veux  te  voir. 
Viens  planer  dans  l'éther  en  fête  ! 
Viens,  mon  amoureux,  mon  poète, 
Me  donner  un  baiser  ce  soir. 


484 

Monte  vers  moi,  noble  fils  de  la  terre! 
Près  des  soleils  l'esprit  devient  plus  pur, 
Le  cœur  grandit,  et  toute  âme  s'éclaire. 
Je  veux  bercer  dans  mon  manteau  d'azur 
Ton  front  rêveur;  et,  près  de  toi  voilée, 
Pour  tempérer  mon  éclat  radieux, 
Te  révéler  de  la  cour  étoilée 
Mille  secrets  que  l'on  apprend  aux  cieux. 


Ces  vers  sont  harmonieux,  mais  la  pensée  ne  vous  en  pa- 
raît-elle pas  bien  obscure?  Je  leur  préfère  ceux-ci,  plus 
simples  accents  de  la  muse  des  bois  : 

CE  QUE  DISENT  LES  CHOSES. 

Tout  sur  terre  parle  aux  poètes, 

Tout  murmure,  aux  champs,  comme  aux  bois; 

Les  astres,  les  fleurs  et  les  bètes 

Prennent  pour  eux  de  douces  voix. 


Dans  l'azur  du  soir,  une  étoile 

Leur  dit  :  «  Bonsoir,  mes  amoureux  !  » 

Et  puis  la  coquette  se  voile 

D'un  blanc  nuage  vaporeux. 

Le  rossignol  chante  :  «  Mes  frères, 
Venez  !  Composons  nos  chansons  : 
Du  cœur  vous  direz  les  mystères, 
Moi,  les  mystères  des  buissons.  » 

Ainsi,  les  grillons  dans  la  gerbe, 
L'astre  qui  sourit  dans  les  cieux 
Et   les  mai'guerites  dans  l'herbe 
Font  un  concert  délicieux. 


435 

Quand,  le  soii-,  Ion  âme  inquiète 
Entend  de  ravissantes  voix, 
C'est  la  nature  et  le  poète 
Qui  causent  tous  deux  dans  les  bois. 

Voire  Commission  des  prix  vous  demande  d'accorder  k 
railleur  de  ces  vers  une  médaille  de  bronze.  Son  manuscrit 
a  pour  devise  ces  simples  mois  :  «  Des  Ailes.  » 

Je  suis  embarrassé  pour  vous  parler  du  recueil  de  poésies 
inlilulé  :  «  Vers  gais. . .  et  tristes  vers.  »  A  côlé  de  réelles 
beautés,  je  rencontre  de  regrettables  défauts  ;  je  ne  voudrais 
dire  que  des  éloges  et  la  vérité  m'oblige  à  faire  de  sérieuses 
réserves. 

Le  poète  traite  les  sujets  les  plus  différents.  Voici  d'abord 
un  récit  de  guerre  : 

La  lutte  avait  duré,  terrible,  jusqu'au  soir  ; 
Les  vaincus  gisaient  là,  sanglants,  et  sur  la  plaine 
D'où  montait  vers  le  ciel  un  cri  de  désespoir, 
La  lune  répandait  sa  lueur  incertaine. 


Un  faible  effort  d'imagination  vous  suffira  pour  deviner  la 
suite  :  nombreux  sont  les  modèles  du  genre,  l'auleur  les  a 
assez  habilement  imités. 

Puis,  c'est  un  monologue  ;  le  récit  est  spirituel,  bien 
conduit  ;  là  encore  je  trouve  peu  d'originalité. 

En  de  plus  courts  poèmes,  l'auteur  nous  donne  une  note 
plus  personnelle.  Ses  sonnets  sont  charmants  ;  malheureuse- 
ment, il  est  d'autres  pièces  où  il  ne  respecte  pas  toujours 
les  limites  qu'indique  le  bon  goût.  La  forme  est  généralement 
irréprochable  et  j'ai  admiré  souvent  l'énergie  du  style. 

Ecoulez  ces   vers,   fragment    d'un   poème  adressé  ci    la 


436 

Mort  ;  je  veux  vous  les  citer  :  mieux  que  toutes  les  critiques 
ils  vous  feront  connaître  le  poêle. 


Comme  un  forgeron  sur  l'enclume, 
Car  légitime  est  ta  fureur, 
Frappe  !  Ne  crains  pas  que  d'horreur 
Ma  main  laisse  tomber  la  plume. 

Sans  craindre  d'ébrécher  ton  fer, 

Là  frappe  ce  pervers,  ici  frappe  ce  lâche, 

Aiguise  ta  faux  sans  relâche, 

0  pourvoyeuse  de  l'enfer  ! 

Il  est  une  chimère  ardemment  poursuivie  : 
Ne  pouvant  en  notre  âme  étoutïer  le  remord, 
Nous  voudrions,  enfants  !  qu'on  supprimât  la  mort, 
Mais  sans  elle  comment  sanctifier  la  vie? 

Voir  toujours  les  plus  vils  lâchement  encensés, 
Voii'  les  gens  vertueux  honnis  sur  cette  terre  : 
Quelle  honte  !  leprends  ton  œuvre  salutaire, 
N"écoute  plus  jamais  nos  souhaits  insensés. 


Et  comment  afiirmer  l'éternelle  justice, 
La  liberté,  sa  foi,  sans  donner  tout  son  sang  ? 
Sans  la  mort,  le  martyre,  auguste  saci'ifice, 
N'aurait  plus  la  splendeur  d'un  acte  éblouissant  ! 

Il  a  semblé  à  votre  Commission  des  prix  que  l'auteur  de 
0  Vers  gais  et...  Iristrs  vers  »  pouvait  aspirer  l\  la 
récompense  d'une  médaille  de  bronze. 

«  Ne  ris  point  du  sonnet,  ô  critique  moqueur  !  » 

Ainsi  parlait  Sainte -Heuve,  il  y  a  plus  d'un  demi-siècle. 
Il  était   presque   ridicule  alors  de  rimer  un  sonnet.  Délaissé 


437 

vers  la  fin  du  XV1I«  siècle,  ce  pelil  poème  avait  compiète- 
meiil  disparu  pendant  le  XVIIl«.  L'école  romantique  réhabilita 
celle  forme  si  aimée  au  temps  de  la  Renaissance,  et,  depuis 
cinquante  ans,  nul  exercice  poétique  n'a  été  plus  pratiqué. 

Le  goûl  du  sonnet,  véritable  épidémie,  a  gagné  de  proche 
en  proche.  On  s'est  rappelé  le  vers  de  Boileau  ;  une  même 
pensée  d'émulation  a  excité  dans  le  domaine  de  l'art  et  les 
forts  el  les  hiunbles  ;  chacun  a  voulu  donner  le  sonnel  sans 
défaut  De  cet  oiseau  rare,  de  ce  sonnet  phénix,  il  n'y  a 
pas  encore  d'exemple.  Mais  les  poètes  ne  se  découragent  pas 
et  toujours  ils  nous  donnent  des  sonnets. 

Vous  connaissez  les  difficultés  que  doit  vaincre  le  sonnel- 
liste;  vous  savez  qu'il  lui  faut  renfermer  son  inspiration  en 
un  cadre  inflexible  et  circonscrit,  joindre  à  la  puissance  de 
conception  la  concision  de  l'idée  et  la  sobriété  de  l'expres- 
sion ;  aussi  ôles-vous  très  disposé  à  payer  un  large  li  ibul 
d'admiration  à  l'auteur  d'un  bon  sonnet.  Messieurs,  je  suis 
heureux  de  pouvoir  vous  en  présenter  aujourd'hui  six,  qui 
sont  excellents  ! 

Je  veux  vous  donner  à  vous-mêmes  le  plaisir  d'apprécier  : 

ADOPTION. 

Quand,  sur  le  Golgotha  qu'ébranlait  le  tonnerre, 

Le  Christ  crucitié  pour  l'homme  allait  périr. 

Quand  s'ouvraient  les  tombeaux  et  que  tremblait  la  terre, 

Tant  il  fallait  d'elfort  pour  qu'un  Dieu  pût  mourir, 

Gomme  Marie  et  Jean  pleuraient  sur  le  Calvaire, 
Jésus  sentant  le  froid  dans  ses  veines  courir 
Leur  dit  pour  dernier  vœu  :  «  Jean,  voilà  votre  mère, 
»  Femme,  voilà  le  fils  que  tu  devras  chérir.  » 

Et  Marie,  acceptant  sa  mission  nouvelle, 

Dès  lors  veille  sur  nous,  protectrice  tidèle, 

Nous  suivant  du  regard  à  toute  heure,  en  tout  lieu. 


488 

Pas  1111  cri  ne  s'entend  sans  (jue  son  cœur  l'éponde, 
Et  quand,  au  dei'nier  jour,  sera  jufïé  le  monde, 
Elle  viendra  se  mettre  entre  la  terre  et  Dieu. 

Rcoiilez  cncoi'e  cri  milrt'  sonncl;  riiispiriJlion  en  esl  diffé- 
rente : 

MYSTÈRE. 

Flots  glissant  comme  nous  vers  le  but  inconnu. 
Torrents  dans  les  rochers,  puis  fleuves  dans  les  plaines. 
Lorsque  vous  vous  perdez  au  sein  des  mers  lointaines, 
Dans  votre  long  parcours,  qu'avez-vous  retenu  ? 

Vagues  qui  vous  brisez  sur  le  l'ivage  nu, 
Filles  de  l'Océan,  aux  volutes  sereines, 
Insensibles  à  tout,  aux  plaisirs  comme  aux  peines, 
L"esprit  révélateur  vers  vous  est-il  venu  *? 

Depuis  que  votre  front  retlèle  les  étoiles. 

Le  destin  n'a-l-il  pas  pour  vous  levé  ses  voiles? 

Connaissez-vous  le  mot  que  nous  ne  savons  pas  ? 

0  fleuves,  mers,  parlez,  apaisez  notre  envie. 
Dites-nous  le  secret  de  nos  jours  d'ici-bas, 
Flots  qui  roulez  sans  tin  tristes  comme  la  vie. 

J'ai  dit  que  ces  sonnets  élaienl  bons,  je  ifai  pas  voulu 
prétendre  qu'ils  fussent  parfaits.  J'y  rencontre  des  faiblesses, 
notamment  dans  les  rimes,  tnais  le  style  en  est  toujours 
élégant,  la  pensée  souvent  originale.  Le  plus  grand  reproche 
que  l'on  puisse  adresser  à  l'auteur,  c'est  de  nous  avoir 
donné  seulement  quelques  vers. 

Messieurs,  en  un  autre  siècle,  le  marquis  de  Sainl-Aulaire 
lui,  dit-on,  académicien  pour  un  seul  quatrain  !  Il  y  a  peu 
d'années,  un  mince  volume  de  Mtvi  {c'étaient  des  sonnets!) 
a  suiti  pour  faire  tomber  devant  un  aimable  poêle  les  bar- 
rières qui  défendent  l'entrée  du  palais  Mazarin  ;  aussi  voire 


489 

Commission  dos  prix  a-l-elle  jugé  que  la  Société  Acadé- 
mique pouvait  bien  récouipenser  d'une  médaille  d'argent 
grand  module  l'auteur  de  six  sonnets. 

La  devise  du  poète  est  :  «  Jeunesse  aux  jours  dorés  «. 

Vous  connaissez,  Messieurs,  celte  magnifique  définition  : 
«  Le  poète,  le  poète  lyrique,  a  dit  Sainte-Beuve,  c'est  une 
»  âme  à  nu  qui  passe  et  chante  au  milieu  du  monde.  «  Avant 
de  terminer,  je  voudrais  abandonner  les  paroles  du  grand 
critique  aux  méditations  de  ceux  que  hante  la  tentation 
d'écrire  en  vers. 

Ils  se  croient  poètes  ;  ils  veulent  dépouiller  devant  nous 
leurs  âmes  de  tout  voile,  ils  veulent  nous  les  révéler  en 
leurs  chants  !  (/est  une  haute  et  noble  ambition,  mais  la 
tâche  est  difficile. 

Poètes,  ne  l'oubliez  pas,  vous  êtes  à  vous-mêmes  votre 
propre  matière  ;  ce  que  vous  me  livrez,  ce  sont  vos  impres- 
sions, vos  sentiments!  S'ils  sont  médiocres,  à  quoi  bon  ?  j'ai 
les  miens  qui  valent  les  vôtres,  il  faut  donc,  ou  que  vos 
impressions  soient  nouvelles  et  rares,  ou  que,  si  j'y  retrouve 
les  miennes,  ce  soit  sous  une  forme  dont  j'aurais  été  inca- 
pable de  les  revêtir.  Je  ne  peux  accepter  les  insuffisances  de 
l'expression  que  si  le  sentiment  me  paraît  original.  Virtuosité 
impeccable  ou  distinction  exquise  de  cœur  et  d'esprit,  voilà 
ce  que  je  suis  obligé  de  vous  demander. 

Ils  sont  nombreux,  je  l'espère,  ceux  qu'un  pareil  pro- 
gramme ne  peut  effrayer.  Qu'ils  riment  ces  privilégiés,  et 
puis  qu'ils  viennent  nous  apporter  leurs  poèmes  ;  ce  sera 
pour  noire  Société  joie  et  orgueil  de  leur  décerner  ses  plus 
belles  récompenses. 

Mais  vous,  moins  assurés  de  satisfaire  à  mes  exigences, 

«  IVallez  pas  sur  des  vers  sans  fruit  vous  consumer.  » 
Vous   avez  des   loisirs  et  la   très  louable  ambition   de  les 


440 

consacrer  à  des  travaux  inlcllectiiels  ;  en  dehors  de  la  poésie, 
ils  sont  mulliples  ceux  qui  vous  soilicilenl  ;  et  la  Sociéié 
Académique  prend  «oin  de  vous  indiquer  chaque  année 
quelques  questions  qu'elle  serait  heureuse  de  voir  traiter.  En 
leur  nombre,  il  en  est  certainement  que  vous  pourriez  étudier 
avec  profil  et  probablement  aussi  avec  honneur. 

Avoir  le  désir  de  bien  faire  ne  suffit  pas,  il  faut  savoir 
choisir  la  tâche  dans  laquelle  bien  faire  sera  le  plus  aisé. 

Messieurs,  si  j*ai  mal  accompli  la  mission  que  vous  m'avez 
confiée,  j'ai  donc  une  excuse  :  je  ne  l'ai  pas  choisie,  elle 
m'a  été  imposée. 


CONCOURS  DE  1899 


RÉCOMPENSES   DÉCERNÉES  AUX    L\URÉATS 

PAR    LA   SOCIÉTÉ    ACADÉMIQUE 


PROSE 

Médaille    de  vermeil. 

M.Joseph  GliRpron,  «le  (]liàioaubrianl:  Inventaire  archéo- 
logique de  l'arrondissement  de  Châteauhriant.  (Le 
mémoire  sera  inséré  dans  les  Annales  un  1900.) 

Médailles    de    bronze. 

1°  Mii«  Eugénie  Gendron,  du  Pellerin:  Cœurs  bretons, 
nouvelles. 

-i"  M.  Bouyé,  inslituleur  à  Monnières  :  Monographie  de 
la  commune  de  Monnières. 

POÉSIE 

Médaille  d'argent,  grand  module. 

M.  Lacoule,  notaire  ii  Ancenis  :  Six  sonnets. 

Médailles   de   bronze. 

1°  M.  Largeris,  capilaiue  des  douanes:  Poésies. 

±'  M""  Alexandre  Moreau  (Trilby),  de  Nantes  :  Des  ailes. 

3°  M    J.-L.  Rouaiid  :  Vers  gais. . .  et  tristes  vers. 

Mention  honorable. 

M"«  Maria  Ttiomazeau,  de  Bouin  (Vendée)  :  Vibrations 
d'âmes. 

29 


PROGRAMME     DES     PRIX 

PROPOSÉS 

PAR  LA  SOCIÉTÉ  ACADÉMIQUE  DE  NANTES 

POUR    L'ANNÉE    1900. 


l'f     Question.    —     Etiule    biographique     sur    un     ou 
plusieurs    Bretons    célèbres. 

2'^    Question.    -     Etudes    archéoloç|iques    sur    les 
(lépartenienls    de    l'Ouest. 

3<'    Question     -     Etudes    historiques    sur    l'une    des 
institutions    de    Nantes. 

4«^  Question.  --    Les   journaux    à    Nantes. 

5«  Question.  -  Eludes  complémentaires  sur  la 
faune,  la  flore,  la  minéralogie  et  la  géologie 
du   département. 

6«^   Question.  —     Monographie  <l'un   canton    ou  d'une 
commune    de   la   Loire-inférieure. 


448 
7^    Question.  —   La   lièvre   typhoïde    à   Nantes. 

8e  Question.  —    La   réglementation    du    travail. 

9e   Question.   —     Les    expositions     nantaises     depuis 

cent   ans. 


La  Sociélé  Académique,  ne  voulanl  pas  limiter  son 
Concours  à  des  questions  purement  spéciales,  décernera 
des  récompenses  aux  meilleurs  ouvrages  : 

De  morale, 
De  poésie. 
De  littérature. 
D'histoire, 

D'économie  politique. 
De  législation, 
De  science. 
D'agriculture. 


Les  mémoires  manuscrits  et  inédits  sont  seuls  admis  au 
Concours.  Ils  devront  être  adressés,  avant  le  -20  août  1900, 
à  M.  le  Secrétaire  général,  rue  Suffren,  1. 

(]haque  mémoire  portera  une  devise  reproduite  sur  un 
paquet  cacheté  mentionnant  le  nom  de  son  auteur.  Tout 
candidat  qui  se  sera  fait  connaître  sera  de  plein  droit  hors 
de  concours. 


444 

Los  prix  coiisisleronl  en  QK'dailles  de  bronze,  d'argenl, 
de  vermeil  el  d'or.  Ils  seronl  décernés  dans  la  séance 
pnblique  de  décembre  1900. 

La  Société  Académique  jugera  s'il  y  a  lieu  d'insérer  dans 
ses  Annales  un  ou  plusieurs  des  mémoires  couronnés. 

Les  manuscrits  ne  sont  pas  rendus  ;  mais  les  auteurs 
peuvent  en  prendre  copie  sur  leur  demande. 

Nantes,  le  10  décembre  1899. 

Le  Secrétaire  général.  Le  Président, 

A.  VIN(^RNT.  D-^  HERVOUET. 


EXTRAITS 


DRS 


PROCKS-VRRBA[JX    DES    SÉANCES    GÉNÉRALES 


POUR     L'ANNÉE    1899 


Séance  du  l^»"  février  1899. 

Inslallaiion  du  Bureau. 

Alloculion  de  M.  Linyer,  présideni  sorlant. 

Allocution  de  M.  le  D^  Hervouel,  présidenl  eniranl. 

Rapport  de  M.  Dominique  Caillé  sur  les  Artistes  nantais, 
par  M.  le  M'*  de  Grandes  de  Surgères. 

Admission,  au  titre  de  membre  résidant,  de  M.  Morin 
(M.  Tyrion,  rapporteur). 

Séance  du  ]^^  mars  1899. 

Admission,  au  titre  de  membre  correspondant,  de  M.  le 
D'  Guépin,  de  Paris  (rapporteur,  M.  le  D""  Gaucher). 

Séance  du  12  avril  1899. 

Notice  nécrologique  sur  M.  l'ahbé  Coquet,  par  M.  Gade- 
ceau. 

Considérations  sur  l'hygiène  nantaise,  par  M.  le  D^  Cha- 
chereau. 


446 

Séance  du  10  mai  1899. 

Notice  nécrolot^iquo  sur  M.  le  D^  Kirchbcrg,  par  M.  le 
D'  Hervouet,  présidenl. 

Rapport  de  M.  Dominique  Caillé  sur  le  Rêve  de  Jean,  par 
M"«  Sibille. 

Considérations  sur  l'hygiène  nantaise,  par  M.  le  D^  Cha- 
cliereau. 

Séance  du  13  juin  1899. 

Rap[)ort  de  M.  le  D"^  Chevallier  sur  les  œuvres  com[)lèt('s 
du  docteur  Reliquet,  réunies  et  publiées  par  M.  le  D^Guépin. 

Rapport  de  M.  Libaudière  sur  le  Général  de  la  paroisse 
de  Batz  et  les  Biens  de  l'Eglise  de  Nantes  et  la  charte  de 
Louis  le  Gros,  par  M.  Orieux. 

Rapport  de  M.  Glotin  sur  les  Monuments  de  la  renais- 
sance angevine  et  la  Ville  de  Ckâleauhriant,  par  M.  Cha- 
pron. 

Rapport  de  M.  Mailcailloz  sur  Une  question  de  préséance 
pour  la  procession  de  la  Fête-Dieu,  [uir  M.  le  B°°  de 
Wisnies. 

Communication  sur  Jean  Raphaëlis,  gouverneur  de 
Noirmoutier,  par  M.  le  D""  Viaud-Grand- Marais. 

Mes  voisins,  les  Choucas  de  la  Cathédrale,  [)ar  >1.  le 
D' Viaud -Grand  Marais. 

Les  peintures  murales  de  l'église  de  Saint-Sutpice-des- 
Landes,  par  M.  J.  Cliapron. 

Séance  du  11  octobre  1899. 

Notice   nécrologique    sur  M.  Charles   Morel,  par  M.  le  D"^ 
Hervouet,  président. 
Notice  nécrologique  sur  M""*  Riom,  par  M.  J.  Tyrion. 


447 

Nolice|nécrologique  sur  M.  le  D'  Barthélémy,  f^ar  M.  le  D' 
Hervouet,  président. 

Rapporl'defM.  Libaudière  sur  la  Navigation  intérieure 
en  Allemagne,  par  M.  Laffilte. 

Le  Théâtre  de  François  de  Curel,  par  M.  J.  Gabier. 

Séance  du  15  novembre  1899. 

Notice  nécrologique  sur  M.  Paul  Renaud,  par  M.  Libau- 
dière. 

Admission,  au  litre  de  membre  résidant,  de  M.  le  D^  Cour- 
lies  (rapporteur,  M.  Pinard). 

Rapport  de  M.  le  D""  Chachereau  sur  le  Mariage  des 
sourds  aux  Etats-Unis,  par  M.  Fay. 

Rapporl^de  M.  Glolin  sur  deux  mémoires  de  M.  Aveneau 
de  la  Grancière. 

Le  Théâtre  de  François  de  Curel,  par  M.  J.  Gabier. 

Séance  solennelle  du  10  décembre  1899,  au  Grand- 
Théâtre  de  Nantes. 

Discours  de  M.  le  D"^  Hervouet  sur  la  télépathie. 
Rapport^  de   M.  A.  Vincent  sur  les  travaux  de  la  Société 
pendant  l'année  1899. 
Rapport  de  M.  le  D^  Chevallier  sur  le  Concours  des  prix. 

Séance  du  lundi  11  décembre  1899. 

Sont  élus  : 

Président M.  Tyrion. 

Secrétaire  général  ....  M.  le  Di^  Chevallier. 

Secrétaire  adjoint  ....  M.  F.  Joiion. 

Trésorier M.  Delteil. 

Bibliothécaire M.  Viard. 

Secrétaire  perpétuel.. .  M.  Gabier. 


448 


Comité   central. 

MM.  L('on  Vinceril,  Andouard,  Julien  Merhnid  ;  Simonoau, 
Cliachereau,  Guillemoi  ;  Mailcailloz,  Glolin,  A.  Vincent  ; 
Gadeceau,  Renaull-Thubé,  Gonrraud. 

Admission,  au  litre  de  membres  résidants,  de  MM.  le  M" 
de  Granges  de  Surgères  et  Jules  Riom  (rapporteur,  M.  D. 
Caillé). 


SOCIÉTÉ  ACADÉMIQUE  DE  NANTES  ET  DE  LA  LOIRE-INFÉRIEURE. 


Année   1900 


LISTE  DES  MEMBRES  RÉSIDANTS. 


Bureau. 

Picsideiit MM.  Tyrion,  avenue  Charles-Gris,  7. 

Vice-Pic'sident 

Secrétaire  général Dr  Chevallier,   rue  d'Orléans,  13. 

Secrétaire  adjoint François  Joiion,  l'ue  Lafayctte. 

Trésorier  Delteil,  tenue  Camus. 

Bibliothécaire Viard,  oh.  de  la  Saulzaie,'2(i,  Chantenay. 

Secrétaire  perpétuel J .  Cahier,  place  du  Cirque,  1 . 

Membres  du  Comité  central. 

M.  le  Dr  Hervouet,  président  sortant. 

Agriculture,  commerce,  industrie  et  sciences  économiques. 
MM.  Léon  Vincent,  .\iidouard,  Julien  Merland. 

Médecine. 
MM.  Simoneau,  Chachereau,  Guillemet. 

Lettres,  sciences  et  ans. 
MM.  Mailcaiiloz,  Glolin,  A.  Vincent. 

Sciences  naturelles. 
MM.  Gadeceau,  Renault-Thubé,  \)i  Gourraud. 

Membre    d'honneur. 
M.  Hanotaux,  de  l'Académie  française. 


450 


SECTION  D'AGRICULTURE, 
COMMERCE,    INDUSTRIE    ET    SCIENCES  ÉCONOMIQUES. 


Andouai'fl,  rue  de  Clisson,  18. 
Cossé  (Victor),  rue  Daubenlon,  I. 
Delteil,  tenue  Camus. 
Deniaud,  à  la  Trétnissinière. 
Goullin,  place  Géiiéral-Mellinet. 
Le  Gloahec,  rue  Haute-rlu-Châleau ,  1 1 
Libaudière  (F.),  rue  de  Feltre. 
Linyer,  rue  Paré,  1. 
Merlant  (F.),  tenue  Camus. 
Panndon,  boulevard  Delorme,  H8. 


Péquin,  place  du  Bouffay,  6. 
IVrdereau,  place  Delorme,  2. 
Pilon,  aux  Renardières,  Chantenay. 
Poulain,  (Clément),  passage   Louis- 

Levesque. 
Riom  (Jules),  tenue  Camus. 
Viard,  chemin    de   la    Saulzaie,    !2tt, 

Chantenay. 
Vincent  (Léon),  rue  Guibal,  25. 


MEMItRES    AFFILIÉS. 

Gourraud,  Merland  (Julien). 

s. 

SECTION  DE  MÉDECINE  ET  PHARMACIE. 


Allaire,  rue  Haudaudine,  '2. 
Atlimont,  rue  d'Orléans,  11. 
Blanchet,  rue  du  Calvaire,  .S. 
Bonamy,  place  Petiie-Hollande,  I. 
Bossis,  rue  des  Arts,  33. 
Bureau,  rue  Gresset,  15. 
Chachereau,  rue  Dugommier,  1. 
Chartier,  rue  du  Calvaire,  12. 
Chevallier,  rue  d'Orléans,  13. 
Citerne,  au  Jardin  des  Plantes. 
Courties,  rue  Boileau. 
Filliat,  rue  Boileau,  1 1 . 
Gaucher,  rue  Racine,  1 1. 
Gauducheau,  passage  Saint-Yves,  4. 
Gergaud,  rue  de  Strasbourt-,  /tè. 
Gourdet,  rue  de  l'Evêché,  '2. 
Gourraud,  boulevard^Deloime,  14. 
Grimaud,  rue  Colbert,  17. 
Guénel,  rue  Royale,  1. 
Guillemet,  quai  Brancas,  7. 


Guillou,  rue  Jean-Jacques,  6. 

Hervouet,  rue  Gresset,  15. 

Heurtaux,  rue  Newton,  2. 

Hugé,  rue  Boileau. 

Jollan  de  Clerville,  rue  d'Argentré. 

Lacarabre,  rue  de  Rennes,  4. 

Landois,  place  Sainte-Croix,  "2. 

Lefeuvre,  rue  Newton,  2. 

Le  Grand  de  la  Liraye,  lue  Maurice- 

Duval,  3. 
Mahot,  rue  de  Bréa,  6. 
Malherbe  (Albert),  rue  (lassini,  12. 
Malherbe  (Henri),    rue   du   Général- 

Meusnier,  4. 
Ménager,  rue  du  Lycée,  (i. 
Miraliié,  rue  Crébillon,  1'.). 
Montfort,  rue  Rosière,  14. 
Ollive,  rue  Lafayette,  'J. 
Pérochaud,  rue  de  l'Ecluse.   4. 
Poisson,  rue  Bertrand-Geslin,  5. 


451 


Polo,  rut!  Marceau,  7. 
Raingeard,  place  Royale,  1. 
Rouxeau,  rue  de  l'Héronnièro,  4. 
Sacquet,  rue  de  in  Poissonnerie,  25. 
Simoueau,  rue  Lafayette,  2. 
Sourdille,  rue  du  Calvaire,  20. 


Teillais,  rue  de  lArche-Sèche,  35. 
Texier,  rue  Jean-Jacques,  8. 
Vîilentin,  rue  de  Strasbourg,  15. 
Viaud -Grand-Marais,    place    Saint- 
Pierre,  4. 
Vince,  rue  Garde-Dieu,  2. 


SECTION  DES   SCIENCES  NATURELLES. 

Dr  Couétoux,  place  Royale,  1.  Janau,  rue  de  la  Bastille. 

Ferronnière    (Georges),    architecte,  D""  Joùon,  rue  de  Cotsrson,  3. 

rue  Voltaire,   15.  Rautureau,  rue  Saint-Pierre. 

Gadeceau,  passage  Russeil.  Renaull-Thubc,  quai   Jean-Bart,  I 


MEMBRES  AFFILIÉS. 


Bureau. 

Gourraud. 

Joliau  de  Glerville. 


Ménager, 
Viaud-Grand-Marais. 


SECTION   DES  LETTRES,  SCIENCES    ET  ARTS. 


Baranger,  rue  Thiers,  4. 

Begnaud,  rue  Contrescarpe,  11. 

Bedhct,  quai  Richebourg,  12. 

Boitard,  rue  Saint-Pierre. 

Caillé  (Dominique),  place  Delorine,  2. 

Chudeau,  rue  Affio,  1 . 

Dortel,  rue  de  IHéronnière,  8. 

Eon-Duval,  rue  de  l'Arche-Sèche,  2. 

Feydt,  quai  des  Tanneurs,  10. 

Fiiick,  rue  Crébillon,  21 . 

Fraye,  rue  de  Rennes,   93. 

Gabier,  place  du  Cirque,  1. 

M'3   de    Granges    de   Surgères,    rue 

Saiul-Cléraont,  66. 
Legrand,  rue  d'Argentré,  1. 


Leroux  (Alcide),  rue  Mercœur. 
Livet,  rue  Voltaiie,  25. 
Mailcailioz  (Alfred),  place  Royale. 
Mathieu,  rue  des  Cadeniers. 
Merland  (Julien),  place  de  l'Edit-de- 

Nantes. 
Morel,  juge  honoraire,  tenue  Camus, 9. 
Morin. 

Orieux,  passage  du  Nord. 
Pinard,  quai  île  Glorielte,  19. 
Schwob  (Maurice),  rue  Scribe,  4. 
Tyrion,  avenue  Charles-Gris. 
Vincent  (Alexandre), r.  Lafayette,  t2 
Bon    do    Wismes    (Gaétan),   rue  du 

Coudray,  33. 


45^2 

MEMBRES  AFFILIÉS. 

Chachereau.  Libaudière. 

Chevallier.  Liiiyer. 

DeiU'il.  Merlaiil  (Francis). 

Gadeceau.  OUive. 

Guillemet.  Perrlereau. 

Hervouet.  I*oulain  (Clément). 


LISTE  DES  MEMBRES  CORRESPONDANTS. 


Ballet,  architecte  à  diàleaubriant. 

Bouchet,  à  Orléans. 

Boyé,  avocat  à  Nancy. 

Chapron  (J.),  à  Châieaubriant. 

r.olson  (P.),   professeur  au  collège  de  Nogeiit-le-Rotrou. 

Daxor   (René),  à  Brest. 

Delhoumeau,  avocat,  rue  Bellechasse,  44,  Paris. 

Dr  Dixneuf,  au  Loroux-Bottereau. 

D""  Ecot,  médecin  militaire  h  Lyon. 

Cahier  (Emniannel),  conseiller  général  à  Rougé. 

Mlle  Gendron,  au  l'ellerin. 

Glotin,  avocat  à  Lorient. 

Dr  Guépin,  à  Paris. 

Guillotin  de  Corson,  chanoine  à  Bain-de-Bretagno. 

Hulewicz,  officier   de  la  marine  russe. 

llari,  avocat  à  la  cour  de  Rennes. 

Mlle  Eva  Jouan,  à  Belle-lsle-en-Mer. 

Lagrange,  répétiteur  au  collège  de  Libourne. 

Abbé  Landeau,  à  Rome. 

Louis,  bibliothécaire  au  collège  de  La  Roche-sur-Yon. 

Dr  Macasio,  à  Nice. 

Vte  Odon  du  Hautais,  à  La  Roche-Bernard  (Morbihan). 

Oger,  avoué  à  Sainl-Nazaire. 

Priour  de  Boceret,  à  Guérande. 

Mlle  Thomazoau,  à  Bouin  (Vendée). 

Saulnier,  conseiller  à  la  Cour  de  Rennes. 

Thévenot  (Arsène),  à  Lhuitre  (Auhc). 


TABLE     DES     MATIERES 


Allocution  (le  M.  Linyer,  pivsident  sorlant 7 

Allocution  de  M.  le  !)'■  Hervouet,  président  enli;inl 9 

Histoire  de  Nantes  sous   le  règne  de  Louis-Philippe,  par 

M.  Félix  Libaudière 11 

Poésies,  par  M.  Dominique  Caillé 186 

Discours  de  M.  Hanolaux,  prononcé  à  l'occasion  du  cen- 
tenaire de  la  Société  Académiqur; 195 

Le  théâtre  libre,  par  M.  Gainer 217 

Du  mariage  des   sourds   en    Amérique    (Etats-Unis).    — 

Traduction  du  D''  Gliachereau 268 

Le  bronze  dans  la  Bretagne-Armorique.  —  Compte  rendu 

par  M.  Hyacinthe  Glotin 281 

L'église  de  Saint-Sulpice-des-Landes    et    ses    peintures 

murales,  par  M.  Joseph  Chapron 284 

Notice    biographique  sur    Paul    Renaud,    pai-    M.    Félix 

Libaudière 297 

Elude   sur    la    navigation   intérieure   en    Allemagne.   — 

Compte  rendu  par  M.  Félix  Libaudière 30;{ 

Les  biens  de  l'Eglise  de  Nantes  et  la  cbarte  de  Louis  le 

Gros.  —  Compte  rendu  par  M.  Félix  Libaudière ;jll 

Notice  nécrologique  sur  M""'  Adine  Riom,  pai-  M.  Julien 

Tyrion 315 

Le  général  de  la   paroisse  de  Batz.  —  Compte  rendu  par 

M.  Félix  Libaudière ;J20 


4^)4 

Une  (juestioM  de  préséance  pour  la  procession  de  la  Pète- 
Uieu  à  Nantes,  au  XVIll*  siècle.  —  Compte  rendu  par 
M.  Mailcailloz ;ii5 

Notice  nécrolo.uique  sur  M.  le  I)''  Kircliber,!?,  par  M.  le 
I)'-  Hervouet ;î30 

Notice  nécrologique  sur  M.  Morel,  par  M.  le  D''  Her- 
vouet       335 

Cliàteaubriant,  la  ville,  les  châteaux  et  les  églises  ;  la 
renaissance  angevine.  —  Compte  rendu  par  M.  Glolin.     337 

Le  Rêve  de  Jean.  —  Compte  rendu  par  .M.  l)onjini(|ue 
Caillé 3y 

Situation  du  vignoble  de  la  Loire-Inférieure  en  J899,  pai' 
A.  Andouard 344 

La  Canaigre,  par  A.  Andouard 36i 

Alimentation  de  la  ville  de  Nanles  en  eau  potable,  par 
A.  Andouard 367 

Discours  prononcé  dans  la  séance  du  10  décembre  1899, 
pai-  M.  le  D''  Hervouet 38'i 

Rapport  sur  les  travaux  de  la  Société  Académique,  pen- 
dant tannée  1899,  par  M.  Vincent 405 

Rapport  de  la  Commission  des  prix  siii-  le  concours  de 
Tannée  1899,  par  M.  le  D''  A.  Chevallier 423 

Récompenses  décernées  aux  lauréats  du  concours  de 
1899 441 

Programme  des  prix  pour  1900 4'ii^ 

Extraits  des  procès-verbaux  des  séances  pour  l'année 
1899 445 

Liste  des  membres  de  la  Société 449 


Naales,  iinp.  (1.  Mellinel,  place  du  l'ilori,  5.—  Biroclié  ol  Daulaisf  suc". 


EXTRAIT  DU   HEGLE^IENT 

DE  LA  SOCIÉTÉ  ACADÉMIQUE. 


La  Société  publie  un  journal  tic  ses  travaux ,  sous  le  titre 
ù'' Annales  de  la  Société  Académique  de  Nantes  et  du  département  de 
la  Loire- Inférieure.  Ces  Annales  se  composent  des  divers  écrits  lus  à 
la  Société  ou  à  l'une  des  Sections.  —  La  Société  a  le  droit,  après  qu'une 
des  Sections  a  publié  un  travail,  de  se  l'approprier,  avec  le  consente- 
ment de  l'auteur.  —  Les  Annales  paraissent  tous  les  six  mois,  de  manière 
à  former,  à  la  fin  de  l'année  ,  un  volume  de  500  pages  in-8". 

Les  Annales  de  la  Société  sont  publiées  par  séries  de  dix  années.  — 
Le  Règlement  de  la  Société  est  imprimé  à  la  tête  du  volume  de  chaque 
série ,  ainsi  que  la  liste  des  membres  résidants ,  classés  par  ordre  de 
réception. 


Le  choix  des  matières  et  la  rédaction  sont  exclusivement  l'ouvrage  de 
la  Société  Académique. 

Le  prix  de  la  souscription  annuelle  est  de  : 
5  francs  pour  Nantes; 
7  francs  hors  Nantes  ,  par  la  poste. 

Les  demandes  de  souscriptions  peuvent  être  adressées /irartco  k  IVIM. 
Biroché  et  Dautais,  éditeurs  et  imprimeurs  des  Annales,  place  du  Pilori,  5. 


^. 


G  ET 


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