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Full text of "Annales des sciences naturelles"

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RARE 


at 


ANNALES 


SCIENCES NAÂTURELLES 


QUATRIÈME SÉRIE 


LOOLOGIE 


——_—— 


PARIS. -— Imprimerie da L. MARTINEN, rue Mignon, 2. . 


1-b. 
ANNALES 


DES 


SCIENCES NATÜRELLES 


COMPRENANT 


LA ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE 


L'ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉE DES DEUX RÊÉGNES 


ET L'HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES 


RÉDIGÉES 
POUR LA ZOOLOGIR 


PAR M. MILNE EDWARDS 


POUR LA BOTANIQUE 


PAR MM. AD. BRONGNIART ET J. DECAISNE 


QUATRIÈME SÉRIE 


LOOLOGIE 


TOME VI Il 
SEM 


7) 


À 47 L : Ke 

PARTS 

LIBRAIRIE DE VICTOR MASSON 
PLACE DE L'ECOLE-DE-MEDECINE 


1857 


ANNALES 


DES 


SCIENCES NATURELLES 


PARTIE ZOOLOGIQUE 


pi —— 


HISTOIRE 


DE 


L'ORGANISATION ET DU DÉVELOPPEMENT DU DENTALE, 


Par le D" H. LACAZE-DUTAIERS , 
Professeur de zoologie à la Faculté des sciences de Lille. 


(Suite. 


VL. 


APPAREIL DE LA CIRCULATION, 


Nous revenons maintenant aux organes de la nutrition, dont 
l'étude eût du logiquement être complétée d’abord : si leur histoire 
a élé interrompue, c’est qu’il était nécessaire de connaître le plus 
grand nombre possible d'organes, afin de mieux juger de la dispo- 
silion de l’appareil qui sert à l'irrigation organique. 

La circulation et la respiration dans le Dentale présentent des 
particularités étranges , que l’on ne trouve que rarement dans les 
autres animaux. Le cœur n'existe pas; les branchies manquent à 
peu près où sont très rudimentaires ; aussi doit-on prévoir des mo- 
difications organiques en rapport avec ces condilions spéciales. 

La respiration, lorsqu'elle est localisée dans un organe particu- 
lier, entraine après elle des dispositions à peu près constantes dans 
l'appareil de la cireulation. Lors done que des modifications aussi 
importantes que celles qui viennent d’être indiquées se montrent, 
on doit s'attendre à des changements considérables. 

La petite circulation n’a pas de raison d’être, et la disparition 


6 M. LACAZE-DUTUIERS. 
de l’organe central d'impulsion apporte une perturbation dans 
toutes les autres conditions de l'appareil. 

On le pressent déjà , les résultats qui vont suivre ne peuvent se 
trouver d'accord,avec ceux que. MM. Desbayes ef W. Clark ont 
fait connaître. Il.est inutile d'analyser maintenant d’une manière 
générale leurs travaux; il est préférable de discuter leurs opinions, 
quand l’histoire des particularités organiques se présentera. 

En abordant l'étude des organes de l’irrigation organique, j’é- 
prouve un certain embarras. Dans les animaux où les appareils sont 
complets, on établit habituellement des divisions classiques bien 
connues ; on décrit le centre d'impulsion , et, partant de lui, on va, 
suivant les vaisseaux, dans toute l’économie, puis on revient au 
point de départ, et l'appareil se trouve complétement et métho- 
diquement étudié. 

Ici ce n’est plus la même chose ; il faut aller un peu au hasard, 
et, je dois l'avouer, quand j'ai commencé mes recherehes, j'ai eu 
des difficultés extrêmes. Me rapportant aux choses habituelles, je 
cherchais partout le cœur, pour en partir et reconnaître les vais- 
seaux principaux ; que l’on juge de mon embarras en face de cette 
anomalie, que j'étais loin, je l'avoue, de supposer en voyant 
MM. Deshayeset W. Clark assigner chaeun non-seulement la posi- 
tion, la forme du cœur, mais encore le nombre de ses pulsations. 

L'on ne doit done pas s'attendre à trouver ici les divisions sco- 
lastiques habituelles : quelques vaisseauæ, quelqnes grands et 
vastes sinus sanguins, des lacunes dans le reste de l’économie, voilà 
ce que nous avons à éludier successivement. Que l'on remarque 
la différence des choses : pas de cœur, partant pas d’artères, pas 
de veines. La distinction entre ces deux espèces de canaux man- 
quant complétement , il n’est pas possible d'établir une marche 
bien précise dans les descriptions. 

L'étude des sinus sera la première, puis viendra celle des vais- 
seaux où canaux peu nombreux qui méritent ce nom, et enfin celle 
des lacunes ou vacuoles remplies de sang; un aperçu général de 
la cireulation terminera, il sera comme un résumé général où les 
connexions de toutes les parties de l Ms seront examinées et 
-indiquéés avec soin: 


ORGANISATION DU DENTALEs 7 
$ Ir, — Des sinus. 


J'appellerai ainsi de grandes cavités, fort dilatées et dilatables, 
occupant des positions constantes , et remplies habituellement de 
liquide. J'en trouve cinq principales , auxquelles les noms mêmes 
des parties qu'elles avoisinent peuvent être conservés. 

L'une occupe tout le pied, c’est le sinus pédieuæ ; l'autre entoure 
l'anus, c’est le sinus péri-anal ; un troisième s'étend sur toute Ja 
face inférieure du corps, en arrière de l’anus, c’est le sinus génital 
ou abdominal; un autre entoure la cavité de l'appareil lingual , je 
le nomme le sinus péri-lingual ; un autre, placé au-dessus du pé- 
doncule de la bouche, vers les ganglions céphaliques, recevra le 
nom de sinus sus-æsophagien : ce nom peut lui être donné, en rai- 
son de sa position dorsale et de ses rapports avec les ganglions 
que l’on nomme sus-æsophagiens. 


1° Sinus pédieux (1). — Quand on fait une fente au pied, on 
tombe, cela à été indiqué déjà en parlant du système nerveux, 
dans une cavité qui semble occuper tout l'organe de la locomotion. 
Cette cavité se reconnaît facilement ; mais elle devient bien plus 
évidente quand, faisant simplement une piqûre dans un point quel- 
conque, on pousse une injeclion dans son intérieur. Si l’on a 
un animal convenablement mort et préparé, on voit bientôt le pied 
se gonfler, prendre la couleur de l'injection, et se dilater, en 
dessinant toutes les formes de ses lobes, comme s'il était gonflé 
naturellement par l'animal. 

C’est à celte cavité, qui occupe à la fois tout le pied et ses lobes, 
que je donne le nom de sinus pédieux. 

Sur un animal mort dans le relâchement, après l’empoisonne- 
ment par l'acide eyanhydrique, les parois du pied sont peu épaisses; 
il s'en faut de beaucoup qu'elles soient ainsi lorsque l'animal : se 
contracte quand il est encore vivant. Nous reviendrons plus loin 
sur la disposition des vaisseaux de ses parois, si tant est qu’on 
puisse lui trouver des vaisseaux. La cavité est essentiellement 


(4) Voyez Ann. des sc. nat, &* série, Zoon., t. VIE, pl. 2, fig. 1 (d), 


8 H. LACAZE-DUTBIERS. 


variable pour sa capacité, et son étendue change avec l'état de 
relâchement ou de contraction du pied. 


% Sinus péri-anal. — Lorsqu'on injecte le sinus pédieux, on 
remarque que la coloration devient plus vive dans le talon, et 
que cela est dû à l'amincissement des parois dans ce point, Le 
sinus devient presque sous-cutané. La matière à injection passe 
alors dans les parties du corps postérieures au pied, et remplit 
le second sinus, celui qui entoure le gros tube, et le renflement 
bulbaire de la dernière portion du tube digestif, au-dessous 
de l’orifice en boutonnière, dont la description a élé donnée pré- 
cédemment. 

Ce sinus est des plus importants à bien connaitre, il mérite une 
étude des plus attentives ; on en verra bientôt la raison. 

On le trouve facilement ; sa position en arrière du talon, autour 
de la dernière partie du tube digestif, ne peut manquer de le faire 
décoavrir; il est plus large en arrière qu'aux côtés de l’orifice 
anal, et à une courte distance des différents orifices un étrangle- 
ment le sépare du troisième sinus, qui a été nommé sous-abdomi- 
nal ou génital (A). Nous verrons plus lard ses rapports, ses 
connexions, ses Communications ; pour le moment, indiquons les 
dispositions toules particulières qu'il présente. 

Si l'on détache avec grand soin, et le plus près possible, la 
paroi du sinus autour de l’orifice en boutonnière, on voit, quand 
on n’a poussé qu'une pelile quantité de matière, que le bulbe 
anal est entouré par l'injection jusqu'au rectum dans le voisi- 
nage du diaphragme postérieur. Si, à l’aide d’une aiguille, on en- 
lève peu à peu la matière grasse, sans rompre les tissus, on voit 
bientôt que la cavité de ce sinus est traversée en tous sens par 
des trabécules ou filaments blanchâtres, qui rayonnent du centre 
à la circonférence ; qu'au centre est le tube large qui fait suite au 
bulbe sur lequel ils s'insèrent; qu'à la circonférence les organes 
formant les parois du sinus reçoivent leur terminaison ; qu'enlin 
le bulbe est comme suspendu par eux dans la cavité du sinus. 


{t) Voyez Ann, des sc: nal., #° série, Zooz., 1. VII, pl. 2, fig. 4, 2, 4 (n}. 


ORGANISATION DU DENTALE. 9 

C'est à un fait important, et qui servira, je l'espère au moins, à 

expliquer comment peuvent avoir lieu certains mouvements du 

tube anal et de son orifice : mouvements qui ont été vus et comp- 
tés, mais mal interprétés par M. W. Clark. 


3° Sinus abdominal (1). — Quand on a ouvert le manteau sur 
la ligne médiane et rabattu ses lambeaux, on voit au milieu du 
corps , depuis l’étranglement qui limite en arrière le sinus péri- 
anal, jusque presque à l’orifice du pavillon ou du sommet, un tube 
large, transparent, qu’il est toujours extrêmement facile de remplir 
avec de la matière à injection. Au travers de ses parois minces et 
du liquide incolore qu'il contient, on voit en arrière les glandes 
génitales d’un blanc jaunâtre , et en avant quelques portions du 
foie : c’est le sinus génital ou abdominal. 

Il est long et de moins en moins large, à mesure que l’on s’é- 
loigne davantage de l’étranglement antérieur qui le sépare du sinus 
péri-anal : c'est le plus développé de tous les sinus. 

Sur ses côtés, quand on l'a distendu avec de la matière à injec- 
tion (et alors il fait saillie comme un bourrelet longitudinal dans la 
cavité du manteau), on voit comme de toutes petites dépressions 
correspondant aux intervalles de chacun des lobes de la glande 
génitale. 11 semble que la paroi du sinus abdominal soit retenue du 
côté du dos de l'animal par des paquets de fibres qui sont muscu- 
laires, et qui probablement ont pour but de faire contracter le sinus 
et de rapprocher sa paroi inférieure du dos. 

Quand le sinus n'est pas rempli de matière à injection, on voit 
par transparence, dans les points correspondants à ces paquets 
fibro-musculaires, des creux qui ressemblent à de petits trous : ce 
sont les espaces interlobulaires de là glande génitale. 

A l’extrémité, vers le sommet, le sinus se termine en un tout 
petit cul-de-sac. 


k° Sinus péri-lingual (2). — En faisant la description du tube 
digestif, on a vu que la langue , et tout l'appareil museulo-cartila- 


(4) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zooz., t. VII, pl, 2-4, fig. 4 L. 
(2) Id., Gg. 4 (g, g'). 


10 H. LACAZE-DUTHIERS, 
‘gineux qui lui correspond, est placée dans une poche indépendante 
des organes de la digestion , et parfaitement distincte du pied en 
dessous ou des organes génitaux et hépatiques en arrière. Quand 
on pousse les injections convenablement dans certains points, 
on remarque que les liquides se répandent tout autour de la 
masse museulo-cartilaginense de la langue; que la couche de 
matière à injection est infiniment plus considérable en dessous 
qu'en dessus, qu'elle est à peine sensible du côté du dos. On se 
rappelle que, en étudiant la poche linguale, il a été dit que l’une 
des difficultés de la préparation était les soudures et le rapproche- 
ment des parois du eorps et de la cavité linguale. Or, l’espace laissé 
entre les deux n'est autre chose que le sinus péri-linqual, dont la 
capacité est d'autant plus considérable, que l’espace qui sépare les 
deux parois est lui-même plus grand. 

Ce sinus péri-lingual est constant, il ne peut être mis en doute, 
et je l'ai toujours reconnu quand j'ai fait pénétrer jusqu'à lui la 
matière à injection. 


5° Sinus sus-æsophagien (1). — Il y a loin des immenses 
poches précédentes au petit réservoir qui va être maintenant 
décrit. J'avoue que le nom de sinus est à peine applicable, si 
par lui on entend nne cavité relativement aussi grande que 
celles des sinus décrits. Mais, comme dans la partie dorsale 
du tube digestif se trouve un véritable renflement, où viennent 
aboulir de nombreux vaisseaux , et dans lequel sont logés des 
organes importants, on ne doit pas hésiter à considérer ce petit sac 
sanguin comme un sinus véritable. Son histoire est bien intéres- 
sante, car elle est, on peut le dire, celle du point le plus central et 
le plus parfait de l'appareil de la cireulation. 

Sa préparation est délicate et difficile; elle réussit ordinaire- 
ment assez bien; mais pour voir nettement les choses, il faut fixer 
l'animal sur la face dorsale, rabattre le pied en avant, et le manteau 
étant reployé en arrière sur le corps se présente alors par sa face in- 
terne dans sa posilion naturelle. Avec du soin et beaucoup d’atten- 


(1) Voyez Ann. des sc. nat., 4e série, t. VIL, pl. 2 et 3, fig. 2(g): pl. &, 
fig. 4 (9). 


ORGANISATION DU DENTALE. 11 
tion, on déchire les parois à la base du bulbe buccal , et l'injection, 
poussée par la déchirure , pénètre aisément et colore les parties. 

Alors se gonfle le petit sinus, qui se montre entre les deux replis 
tentaculaires en arrière du pédieule du mamelon buccal, en avant 
du manteau. 

Que l’on ouvre avec soin (1) celte petite cavité, et qu'on la 
débarrasse de la malière à injection, on trouvera dans son inté- 
rieur (sans parler encore de ses communications) les deux gan- 
glions cérébroïdes parfaitement isolés, il suffira, pour bien les 
voir, d'enlever de la matière grasse colorante. On verra aussi 
les nerfs qui en naissent pour se rendre dans les différentes par- 
ties, et qui ont été déjà indiqués avec soin. 

Tels sont les sinus principaux. Peut-être pourrait-on trouver 
encore quelques autres petites dilatations, formant comme des ré- 
servoirs au liquide sanguin; mais elles n'auraient pas une impor- 
tance telle, qu’elles pussent mériter une description spéciale. 

S IL. Des vaisseaux. 


Décrire des vaisseaux avant toute indication d’un organe cen- 
tral, cela parait et doit paraître chose singulière; mais cependant 
il est impossible d'agir autrement, et il est impossible surtout de 
ne pas prendre d'abord, afin de les étudier isolément, les choses 
qui paraissent les plus évidentes. 

Les vaisseaux bien limités et méritant ce nom ne sont qu'au 
nombre de deux, y compris leurs ramifications. Ils sont l'un et 
l'autre logés dans le manteau, et rappellent tout à fait les artères et 
les veines des animaux dont la circulation se passe dans un appa- 
reil complet. Sur le mamelon buccal, sur les côtés de la base du 
pied et dans épaisseur des replis tentaculifères, on rencontre en- 
core quelques vaisseaux ; mais leurs parois sont si peu distinctes, 
si peu limitées, qu'il y a une grande différence avec les deux pré- 
cédents. 

1° Vaisseau palléal inférieur moyen. — Ce vaisseau se fait 
remarquer sans aucune préparation; aussi a-(-il été indiqué par 
M. W. Clark, et on le reconnait dans les dessins de M. Deshaves. 


(4) Voyez Ann, des sc, nat., 4° série, Zoo, t. VIL, pl. 3, fig. 2 (e). 


12 M. LACAZE-DUTHIERS. 

On le voit dès que l'animal est débarrassé de sa coquille, et qu'on l’a 
placé sur le dos (4). Il occupe la ligne médiane de la partie transpa- 
rente du tube, depuis l’origine du pavillon jusqu'à la partie placée 
en face du talon du pied, là où elle présente une sorte de rétrécisse- 
ment ou d'étranglement transversal. Pour le voir avec plus de 
nelteté, il faut pousser un peu d’eau dans le manteau, qui tout de 
suite se gonfle et devient d’une grande transparence. Quand on 
veut le rendre encore plus évident, on doit chercher ; avec une se- 
ringue bien fine, à faire pénétrer une matière colorante dans son 
intérieur. Mais pour réussir dans cette préparation, il est néces- 
saire que l'animal soit complétement mort et que son corps ne 
porte aucune blessure. 

J’aidonnéà cetégard, en commençant, des indications suffisantes. 

Quand on se place dans de bonnes conditions, on voit la ma- 
tière à injection suivre surtout le vaisseau palléal moyen inférieur 
d’arrière en avant. Il est, au contraire, bien plus difficile de la faire 
marcher vers l’extrémité postérieure. Cependant on y réussit, et 
l'on peut observer alors comment il se termine en avant el en 
arrière. 

Le vaisseau palléal est conique et parfaitement régulier, ses 
bords sont droits; son diamètre est d'autant plus grand qu'on 
l'examine plus près de la base du pied. 

Arrivé en avant à l'étranglement du manteau (2), il se bifurque 
brusquement, et ses deux divisions, de plus en plus volumineuses, 
acquièrent un diamètre plus considérable que lui-même. Ses deux 
branches (3) se portent symétriquement à droite et à gauche, 
en décrivant une légère courbe à concavité postérieure, et en 
suivant une direction générale perpendiculaire à celle de l'axe 
de l'animal. Elles pénètrent latéralement dans le corps, en face 
du talon du pied et de l'orilice postérieur de la digestion ou 
bulbe anal. 

Quand nous suivrons le sang dans l'économie, nous verrons 
quelles ramifications secondaires partent de ces divisions, et quels 

(1) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zooc., t. VI, pl. 44, fig. 1 (q). 

(2) 4d., t. VIE, pl. 2, fig. 4, q’ le point par où l'on a poussé l'injection. 

(3) Id., id. (mm). 


ORGANISATION DU DENTALE. 15 


rapports importants ces branches ont avec la partie fort riche 
en vaisseaux sanguins placées en avant d'elles. 

En arrière, le tube, devenant de plus en plus grêle, s'approche 
du bourrelet terminal et là se bifurque comme en avant. Ses deux 
branches se séparent perpendiculairement et entourent d'un petit 
cercle la terminaison du tube ou manteau. Ces deux ramifications 
ne peuvent être reconnues que par des injections, en raison de 
leur délicatesse et de leur transparence. 


2 Vaisseau palléal moyen dorsal, et ses rameaux (1). — Le 
second vaisseau, bien évident, que l’on injecte avec la plus grande 
facilité, est encore placé dans l'épaisseur des parois du tube du 
manteau; mais cette fois du côté du dos, dans la portion qui est 
libre, depuis la soudure, avec le corps en arrière du pédoncule du 
mamelon buccal, jusqu’au bord libre du tube. 

Ce vaisseau palléal antérieur est gros et bien nettement limité, 
Il s'étend sans flexuosités, comme le précédent, du sinus sus-æso- 
phagien au bourrelet charnu musculaire qui termine en avant le 
tube du manteau. Dans ce trajet, son diamètre diminue peu; aussi 
est-il presque cylindrique. 

Arrivé au bord postérieur du bourrelet du manteau, il diminue 
brusquement, en donnant trois branches : l’une médiane, grêle, 
qui continue la direction en droite ligne, et les deux autres, qui 
suivent le bord postérieur du bourrelet, en faisant comme un 
cercle vasculaire en arrière du muscle sphincter qui le forme (2). 
Ces deux branches se séparent à angle droit, et se portent à droite 
et à gauche, en descendant sur le côté inférieur du tube ; là elles 
ont une tendance à marcher à la rencontre l’une de l’autre, mais 
elles s'épuisent, et, bien qu'on reconnaisse encore peut-être un 
peu leur trajet, elles ne sont plus aussi exactement limitées , 
elles se confondent avec les vaisseaux capillaires du manteau, 

Quant à la branche impaire (3), qui continue le vaisseau palléal 
moyen dorsal, elle traverse le bourrelet perpendiculairement et ar- 

(4) Voyez Ann. des se.nat., 4° série, Zoov.,t. VIT, pl. 3et4, fig. 4(b), fig. 2 (b). 

(2) /d., pl. 2, 3, fig. A (a), (n’). 

(3) 1d,, pl, 3, fig. 4 (b'). 


14 H. LACAZE-DUTBIERS. 


rive à la lamelle festonnée mince, que l’on a vue former une colle- 
rette à la base des lobes du pied. Là elle se divise en deux 
branches, qui se séparent perpendiculairement à la direction primi- 
tive à gauche et à droite, et qui suivent la base de cette bandelette, 
en déerivant l’une et l’autre une circonférence (2) autour du bord 
antérieur du bourrelet. Ces deux branches marchent tout à fait 
parallèlement à celles que nous avons vues se détacher les pre 
mieres et longer le bord postérieur du même bourrelet. 

Ces vaisseaux s’injectent assez facilement, et l’on peut très bien 
voir que le bord libre de l’orilice antérieur du manteau se trouve 
ainsi parcouru par deux canaux circulaires parallèles. 

Les deux branches terminales de la bifurcation antérieure four- 
nissent des pelits rameaux secondaires perpendiculaires à leur di- 
rection, qui se dirigent dans la lamelle festonnée, et qui bientôt, 
dans chaque feston où ondulation du bord, s’y distribuent comme 
les filaments d'une petite houppe; on les distingue facilement par 
les injections, mais on en perd bien vite les dernières ramifications. 

Je pourrais dire ici, comme pour les sinus, qu'il y a bien encore 
quelques vaisseaux à décrire ; mais ils sont peu nombreux, et ils 
n'offrent plus cette régularité qui permet de les comparer en tous 
points aux vaisseaux des animaux plus parfaits. Je les indiquerai 
en étudiant la marche du sang. 


3 Des lacunes. — Ce nom seul rappelle des discussions et des 
critiques vives, habilement présentées et dirigées contre des tra- 
vaux dont la valeur n’a été cependant nullement diminuée. Ces 
attaques, souvent partiales, ne pouvaient faire disparaitre des faits 
incontestables. 

S'il est un Mollusque présentant des lacunes, c’est bien certaine- 
ment le Dentale. 

On a entendu et l’on entend par lacunes les espaces laissés entre 
les organes ou les éléments des organes, dans lesquels le sang, 
apporté par le système artériel, tombe et se répand pour être ensuite 
rapporté aux centres circulatoires par les veines, qui souvent ne 
sont plus représentées que par les gros troncs. 


(1) Voyez Ann. des sc. nat., &° série, Zoo., t. VII, pl. 3, fig. 4 (a’), 


ORGANISATION DU DENTALE. 45 


Le système des canaux sanguins, habituellement si bien circon- 
Scrit, et continu avec lui-même, semble présenter un hiatus. 
Entre les artères et les veines, il y a les espaces interorganiques 
du corps, qui servent de capillaires. Voilà ce qu'a avancé 
M. Milne Edwards dans ses beaux travaux sur la circulation du 
Mollasque. Bojanus lui-même, en étudiant l'organe auquel les 
anatomistes ont attaché son nom, avait pressenti que le système 
des canaux était incomplet dans ces animaux. 

Dans un rapport très remarquable el très habilement fait, 
M. Robin a critiqué la théorie de la circulation lacunaire, et si je 
ne me trompe , tous les arguments contre l'existence des lacunes 
se résument à un seul que nous allons examiner (4). 

Mais d’abord un mot sur les lacunes du Dentale. Lorsque l’on 
pousse les injections par une blessure faite dans un point quel- 
conque , on arrive toujours à remplir plus ou moins directement 
quelques-uns des vaisseaux ou des sinus qui viennent d’être décrits; 
c’est surtout dans la partie postérieure du corps que l’on trouve 
ces espaces sanguins. En piquant les téguments entre les muscles 
rétracteurs placés sur le dos, et en poussant unz matière colorée 
restant fluide, comme de l’eau colorée en bleu par exemple, on voit 
qu'on peut la faire cheminer en la poussant par les pressions modé- 
rées que l’on exerce sur elle, et alors on reconnait que le liquide 
contourne les lobules des glandes génitales, les environne de toute 
part, absolument comme s'ils élaient isolés, et forme de petits 
îlots dans une cavité générale. Que l'on fasse revenir l'injection sur 
ses pas, qu'on la poussé de nouveau en avant, et tantôt plus 
abondante, tantôt moins, la figure du réseau sera changée. Y 
a-til là quelque chose qui rappelle des capillaires? Nullement. 
Céla est si vrai, que l’on trouve trois longues lacunes dorsales, 
correspondant aux intervalles laissés entre eux par les muscles 
rétracteurs (2). Ces lacunes sont déchirées et déchiquetées irré- 


(4) Je laisse de côté l'historique de toute la discussion soulevée devant l'Aca: 
démie des sciences : cela me conduirait trop loin, je ne fais allusion ici qu'au tra- 
vail le moins ancien et le plus sérieux. 

(2) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zoo. ,t. VII, pl. 2, fig. 4 (1,5,s/); pl. 4, 
fig. 1 (1,5). 


16 HN. LACAZE-DUTHIERS. 


gulièrement sur leurs bords, et on pourrait presque les décrire 
comme des sinus ; on trouve sur les côtés du corps, en dehors des 
muscles rétracteurs, dans le point où s’insère la partie transpa- 
rente du tube du manteau, une nouvelle série d'espaces irréguliers 
qui entourent de toute part les extrémités des lobules latéraux des 
glandes génitales , et qui forment encore là comme de nouvelles 
grandes et longues lacunes. 

Les culs-de-sae sécréteurs du foie laissent entre eux (1) des 
espaces qui, bien que coupés par de toutes petites travées fibreuses, 
tendues d’un élément du foie à l’autre, n’en sont pas moins des 
interruptions ou lacunes bien évidentes ; la forme et la direction de 
ces espaces sont, on le devine, déterminées par les dispositions 
que présente la glande hépatique. Il est très facile de les remplir 
de malière à injection. 

Dans les parois du bulbe (2) ou mamelon buccal on injecte , 
avec la plus grande facilité, en faisant pénétrer les liquides par le 
sinus sus-æsophagien , un réseau à mailles fort irrégulières , très 
grandes, et qui, pour peu que la matière à injection soit en quan- 
tité considérable, colore presque complétement la partie, non 
pas par la multiplicité des conduits, comme cela a lieu dans 
les animaux supérieurs , où des injections fines, bien enfermées 
dans des capillaires fort nombreux, donnent en définitive une teinte 
uniforme à tout l'organe, mais par le volume des espaces lacu— 
paires où s’accumule la matière à injection, et qui fait disparaître 
les trainées de substance interlacunaire. 

On a comparé, avec raison, à une éponge le tissu des Mol- 
lusques ; il semble, en effet, que les tissus qui unissent les parties 
entre elles soient déchiquetés irrégulièrement, formés de filaments, 
qui laissent en s’entre-croisant des espaces vides, dans lesquels 
circule le sang. Ces espaces sont-ils des vaisseaux , sont-ils des 
lacunes? Voilà la question qu'il s’agit de résoudre maintenant, et 
non-seulement pour le point où l’on vient de voir les lacunes les 
plus évidentes, mais même pour les parties de l’économie, comme 


(1) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zooc.,t, VIT, pl. 2, fig. 4. | 
(2) 1a., pl. 2, fig. 2: pl. 4, fig. 2 (c). 


pue 


ORGANISATION DU DENTALE, 17 


le pied et le manteau, où les tissus paraissent plus semblables à 
ceux des animaux supérieurs. 

Dans les parois du pied, constituant les limites du grand 
sinus pédieux , on trouve encore des lacunes ou espaces laissés 
entre les fibres musculaires feutrées ou entre-croisées dans tous 
les sens; et l’on peut dire que le tissu du pied est véritablement 
aréolaire comme une éponge. 

Dans le manteau (4), il y a peut-être une apparence de capil- 
laires ; mais quand on y regarde de près, on ne trouve plus de 
véritables vaisseaux bien limités. Cependant on comprend que, 
dans cette partie du corps, qui est mince et très contractile, la 
forme des lacunes, ou des espaces interfibrillaires, soit plus sem- 
blable à celle des capillaires ; on a vu, du reste, qu'il y avait des 
vaisseaux bien distincts dans cette partie du corps. 

Revenons maintenant à la question que j'ai soulevée. Y a-t-il ou 
n'y a-t-il pas de lacunes? 

Dans l'opinion de M. Milne Edwards, trouvons-nous qu'il ne 
doit et ne peut y avoir de vaisseaux dans le corps des Mollusques ? 
Non : ce serait forcer la conséquence de faits anatomiques vrais, 
incontestables, mais aussi très variables avec les espèces, qu'il a 
fait connaitre. Il suffit de lire les travaux et de voir les dessins que 
le savant professeur a publiés pour reconnaitre des réseaux de 
vaisseaux même assez parfaits. 

Mais il s’agit de savoir si réellement, dans quelques points de 
l'organisme, les grandes cavités où tombent les injections sont 
bien réellement des espaces entre les organes, ou des vaisseaux, 
excessivement dilatés, formant les sinus, dans l'acception du sens 
que l’on donne à ce mol en anatomie des animaux supérieurs ? 

Le Dentale me paraît fournir dés preuves irrécusables en faveur 
de la circulation lacunaire, 

Les arguments contre la circulation lacunaire 8e réduisent, il 
faut bien le dire, à un seul, auquel il semble difficile de répondre, 


(4) Voyez Ann. des ac. nal., 4* série, Zoue., L. VIT, pl, 2, 3, 4, et leg difféa 
rentes figures, dont une petite portion du manteau « été représentée injactée 
pour né pas les compliquet ; of doit supposer, dähs Lout lé mäntedu, des réseaux 
semblables: 

4" série. Zobe. T, VIT, (Cahier n° 4.) # ) 


418 -H. LACAZE-DUTIIERS. 


car il a été habilement choisi; le voici : Ces espaces, que l’on appelle 
lacunes, ne sont autre chose, dit-on, que des vaisseaux dilatés, 
ayant toujours des parois reconnaissables par la présence de lépi- 
thélium caractéristique de la surface interne des canaux sanguins. 
Coupez les tissus, cherchez l’épithélium, et vous le trouverez. 

Sije ne me trompe, l'argument est spécieux, car ilest bien difficile 
de ne pas rencontrer presque partout des éléments cellulaires qu’on 
pourrait toujours dire être une parcelle d'épithélium. Comment 
dans les Mollusques, dont le tissu est si facilement décomposable 
en éléments cellulaires, comment ne pas rencontrer constamment 
des cellules? Mais dans la cavité du pied du Dentale, dans le sinus 
æsophagien, on trouve les ganglions nerveux flottant librement. 
Le sinus n’est done ici véritablement qu’une cavité très considé- 
rable, une lacune autour des organes. Voit-on sur les ganglions 
nerveux, sur les nerfs qui en partent, l’épithélium indiqué comme 
caractéristique? Je ne le pense pas. Mais mieux que cela : dans ces 
parois spongieuses du pied, que l’on prenne les filaments museu- 
laires qui les forment, et qui laissent entre eux des espaces remplis 
de sang dans lequel ils baignent, que l’on cherche un épithélium 
cellulaire, si les espaces sont des vaisseaux, et si ceux-ci sont 
toujours caractérisés par la couche épithéliale, les filaments museu- 
laires devront être revêtus par les cellules ; je crois pouvoir affir- 
mer que cela n’est pas. A la surface des organes de la repro- 
duction, on trouve une membrane mince, pellucide, anhiste, et 
cela se voit aussi dans quelques Acéphales faciles à étudier. Dans 
la Bucarde, par exemple, y a-t-il un épithélium? Je ne le erois 
pas davantage. 

Dans son ensemble l'appareil de la circulation du Dentale se 
rapproche beaucoup de celui des Mollusques , tel que l’a décrit 
M. Edwards, c’est-à-dire que les parties veineuses et les eapil- 
laires n'existent pas ou sont très incomplètes ; et que , dans ce 
dernier cas, elles sont remplacées par les espaces interorganiques 
ou lacunes jouant et remplissant le rôle de capillaires. 


C’est avec intention que j'ai parlé des sinus d’abord, des vais- 
seaux ensuite, et enfin des lacunes. Il en est de même de chacune 


ORGANISATION DU DENTALE. 19 
de ces parties de l'appareil circulatoire. Je n’ai présenté que les 
faits principaux, laissant de côté les petites dilatations secondaires, 
les vaisseaux de peu d'importance, ainsi que les lacunes qui ne 
méritent pas une attention particulière, Maintenant, en suivant le 
liquide nourricier dans tout le corps, en le prenant dans un point 
pour le conduire dans l'organisme et le ramener au point de 
départ, tout ce qui n'a pas été indiqué trouvera naturellement sa 
place, et ce qui était resté incomplet se sera de la sorte complété. 

Dans les considérations générales d’une haute portée qui pré- 
cèdent l'exposé des faits relatifs à la circulation, M. Milne Edwards 
a montré que la présence des lacunes était la conséquence 
de ce principe si remarquable de la division du travail. Plus 
une fonction se localise et devient parfaite, plus l’appareil qui 
lui correspond, s’isole des autres et devient l'apanage exclusif de 
la fonction toute seule ; prenant les animaux inférieurs comme 
point de départ, le savant professeur a montré que l'appareil de la 
circulalion et celui de la digestion avaient d’abord des connexions 
telles, que l'un faisait suite à l’autre ; puis il a fait voir comment 
se compliquaient successivement les deux ordres d'organes, 
s'isolaient et devenaient plus parfaits en ne répondant plus qu'à 
une seule fonction distincte. 

Dans les discussions qui ont été l’objet de nombreuses publica- 
tions, on n'a pas manqué de faire ressorür qu'il n'était pas possible 
de tirer des preuves de rapprochements d'êtres aussi éloignés que 
les Méduses, par exemple, et les Mollusques, et que les faits pré- 
sentés pour les uns n'élaient point en rapport avec ceux que mon- 
traient les autres, 

J'accorderais , si on le veut, que cela est vrai; mais que dire 
aux faits qui vont suivre, quand je montrerai que la division du 
travail physiologique est si peu avancée, dans l'organe de Ja 
creulation du Dentale, que le cœur manque, que dès lors il est 
impossible de distinguer des veines et des artères ? Croit-on im- 
possible que , dans un appareil aussi différent de ceux que nous 
sommes habitués à rencontrer dans les êtres supérieurs, croit-on 
qu'il soit impossible que les capillaires manquent eux-mêmes; 
pour mon comple, je verrais disparaitre les paroïs des vaisseaux 


20 H. LACAZE-DUTHIERS. 


capillaires, et se former des Jacunes, avec moins d’étonnement 
que je ne vois l'absence d’un contre-moteur bien limité. Que si, 
pour s'opposer aux faits qu'actuellement je rapporte, on invo- 
quait l'analogie des animaux supérieurs, chez qui l’on ne voit pas 
manquer un organe, ne serait-il pas permis de dire que l’on établit 
les mêmes rapprochements que ceux que l’on critiquait dans des 
conditions précédentes d’une si grande importance, et qui ont 
conduit M. le professeur Milne Edwards à décrire la circulation 
incomplète et Jacunaire des Mollusques, et à formuler le principe 
de la division du travail physiologique. 

Prenons maintenant le sang dans un point de l’économie, et 
suivons son trajet; plus tard nous verrons comment il faut expli- 
quer son mouvement, nous en chercherons la cause. 

Pour plus de simplicité, pour éloigner surtout toute cause d’er- 
reur, que l’on enlève avec soin l'animal de son test; que l’on 
distende le tube du manteau par un peu d’eau, on verra alors le 
vaisseau (1) palléal moyen inférieur ; que, dans le milieu de la 
longueur, avec une aiguille bien effilée, on déchire la paroi ; qu'on 
pousse ensuile la matière à injection par la déchirure, on la fera 
peu à peu avancer, et l'on pourra la suivre dans le reste du corps. 

Dans le manteau on apercevra sans difficulté le vaisseau jusqu’à 
sa bifurcation. En avant de ses deux branches, dont la direction est 
exactement (à part une légère courbe) perpendiculaire à l’axe du 
corps, on verra un réseau de petits vaisseaux capillaires qui se rem- 
plit presque constamment , et la matière à injection tombera sans 
difficulté des deux branches transverses dans les parties profondes. 

J'ai toujours remarqué que la partie antérieure s’injecte même 
très avant dans le tube du manteau avec la plus grande facilité, 
tandis que , au contraire, l'injection n'arrive que plus difficile- 
ment du côté du pavillon jusqu'aux deux vaisseaux très grêles qui 
suivent le sillon de séparation du bourrelet du pavillon et du tube 
du manteau. 

Une chose frappe aussi quad on pousse les injections dans le 
vaisseau palléal : c'est la facilité avec laquelle se remplissent les 
ramifications placées en avant de la bifurcations et, au contraire, 


(4) Voyez Anh. des se nai, k° série, Zoëz., t, Vi, pl. 4, 4, Gg. 4 (a'). 


ORGANISATION DU DENTALE. 21 


combien il est rare de voir passer la matière colorante dans les 
parties latérales transparentes du tube du manteau ; j'ai pourtant 
réussi à la faire passer dans les capillaires ou réseaux d’un diamètre 
très petit logés dans l'épaisseur du manteau ; j'appellerai denouveau 
l'attention sur ces réseaux. 

Les extrémités des branches debifurcation du vaisseau palléal (1), 
se courbant en dedans , versent avec la plus grande facilité la ma- 

_tière à injection dans le sinus péri-anal ; une injecion, poussée 
litéralement goutte à goulte dans le vaisseau médian palléal, pé- 
nèlre duns le sinus péri-anal par la seule force de l’affinité du 
liquide déjà introduit, et de celui qui est au bout de la canule, 

En continuant avec beaucoup de précautions et de soins, on ar- 
rive, en poussant bien doucement, à remplir, non-seulement le 
sinus péri-anal, mais encore le sinus abdominal, et enfin à voir 
penétrer l'injection même dans le pied. 

On peut, quand on a rempli ainsi les sinus, ce que l’on distingue 
facilement en raison de la transparence des parties, fendre latérale- 
ment sur le côté le tube du manteau, et renverser le grand lam- 
beau en dehors. Alors on distingue avec la plus grande évidence 
les communications du sinus péri-anal (2) de chaque côté avec 
les branches du vaisseau longitudinal, en avant avec le canal du 
talon du pied, en arrière avec le sinus médian abdominal. Au- 
tour de l'orifice anal, qui semble être un centre, on voit comme 
une croix formée par ces diverses communications. 

Quand on a employé une matière colorante foncée, de la couleur 
bleue par exemple, les ganglions et filaments nerveux, placés sous 
l'enveloppe cutanée, se font remarquer par leur blancheur sur le 
fond que forme la matière injectée. L'orifice du bulbe anal lui- 
même est alors bien plus évident. 

Lorsque l'animal sur lequel on opère est dans un état de relà- 
chement suffisant, et que l’on pousse l'injection par le sinus mé- 
dian directement sans avoir commencé par le vaisseau palléal, on 
voit que la matière avance vers l’orifice du bulbe anal, qu’elle 
semble, en l'approchant, se bifurquer, puis l’entourer et se re- 

(1) Voyez Ann, des sc, nat., 4° série, Zooc., t, VII, pl. 2, fig. 4 et 2 (m)(b). 

(2) Idem. 


22 H. LACAZE-DUTHIERS, 


joindre en avant de lui, pour enfin passer sous les téguments 
du talon, el pour se répandre dans la vaste cavité inférieure du 
pied. I y a donc communication entre l’intérieur du pied et le 
sinus péri-anal ; on voit encore la matière remonter dans les 
branches de bifurcation du vaisseau palléal. 

En poussant l'injection dans le pied par un point quelconque, on 
arrive toujours dans le sinus péri-anal, et même dans le vaisseau 
palléal médian inférieur. ! 

Ainsi, cavité pédieuse, long sinus abdominal, vaisseau palléal 
et capillaires qui en dépendent, voilà trois ordres de parties évi- 
demment en rapport les unes avec les autres. Voilà des faits hors 
de doute, que j'ai constatés et reconstatés bien des fois. J’insiste 
sur eux, parce que le sinus péri-anal semble être un confluent où 
se rendent et débouchent toutes les parties de appareil de la cir- 
culation, parce que, ainsi qu'on va le voir, dans ses parois se pré- 
sentent des particularités fort étranges qu’il est bon d'indiquer. 

En fendant et ouvrant dans toute sa largeur le sinus abdominal, 
on voit ses communications avec les parties dorsales du corps (4): 
Le conduit excréteur des organes de la reproduction forme sa 


paroi dorsale ou supérieure ; mais entre chaque lobe qui vient 


verser ses produits, par un canal secondaire, dans le canal 
principal, il y a un intervalle qu'occupe un prolongement du sinus 
médian abdominal, et auquel correspondent aussi des paquets 
fibreux qui se rendent du dos de lanimal aux parois du sinus, 
L'insertion de ces paquets musculaires détermine sur la face 
inférieure, quand le sinus est rempli, des dépressions qui cor- 
respondent à chacun des espaces interlobulaires génitaux. 

Mais une des communications importantes du sinus abdomi- 
pal est celle qui s'établit au milieu des éléments du foie; on se 
rappelle que le tube digestif descend, après l'appareil lingual, 
dans la portion postérieure du corps, en traversant un orifice du 
diaphragme vertical, qu'il rentre dans la première cavité viscérale, 
après avoir fait une anse, sur laquelle s’insèrent les culs-de-sac 
réunis du foie, que les cæcums sécréteurs biliaires sont rapprochés 


[4) Voyez Ann. des sc. nul., 4° série, Zooz., t. VIT, pl. 4, fig. 4 (r). 


ORGANISATION DU DENTALE. 238 


sur la ligne médiane, et même que quelques-uns se superposent; 
mais que cependant ces derniers ne se touchent pas en arrière de 
l’anse du tube digestif, de telle sorte qu'un orifice (1), à peu près 
cireulaire, se trouve formé entre les deux lobes du foie sur la 
ligne médiane, Cet orifice est en arrière du sinus péri-anal ; il 
correspond à peu près à l'extrémité antérieure du sinus abdomi- 
nal, et par conséquent il est postérieur à cette sorte d’étrangle- 
ment qui sépare les deux sinus. 

C’est par cet orifice que nous allons voir s'établir une commu- 
nication entre les sinus péri-lingual, sus-æsophagien, et le sinus 
abdominal. 

Cette communication n'est nullement douteuse; elle est facile à 
démontrer sur un animal bien mort ; maisquand l'animal est vivant, 
ses contractions empêchent le liquide de passer par l’orifice fort 
étroit que présente le diaphragme. Si, après avoir injecté et rempli 
le sinus inférieur ou abdominal, on tourne lanimal sur le dos, on 
voit, au-dessous du point où les muscles se réunissent pour for- 
mer le cercle, au milieu, duquel une légère élévation indique le 
cartilage et l'appareil lingual, et où le diaphragme vertical vient se 
joindre aux téguments du dos, que la matière à injection est placée 
entre les deux parties de l’anse du tube digestif (2); qu'elle vient 
de la face inférieure en se courbant et diminuant de volume, pour 
passer entre les deux tubes de l’anse stomacale par le trou dia- 
phragmatique; qu'elle arrive par Vorifice placé entre les deux 
lobes du foie, et que le sinus abdominal et le sinus péri-lingual 
communiquent ensemble; en effet, du moment que la matière à 
injection a traversé le diaphragme, on la voit se répandre dans la 
poche qui entoure l'appareil broyeur. 

Sur le dos de l'animal, entre les muscles dorsaux, j'ai indiqué 
trois longues lacunes irrégulières, communiquant les unes avec 
les autres par des canaux transverses, également irréguliers ; elles 
ne semblent pas avoir de relations avec la partie prolongée du 


(4) Voyez Ann. des se, nat, 4° série, Zooz., 1. VE. Planches relatives à l'ap- 
pareil de la digestion. 
(2) Voyez Ann, des sc, nat. 4° série, Zooz., L. VI, pl. 3 et #4, fig. 4, k. 


24 H. LACAZE-DUTUIERS. 


sinus abdominal qui remonte sur le dos pour pénétrer dans la 
cavité péri-linguale ; c’est surtout avec le sinus abdominal, dans 
toute la longueur de la partie postérieure du corps, que s’établis- 
sent les rapports par l'intermédiaire des espaces interlobulaires. 

Les lacunes interhépatiques, qui ressemblent à des petits vais- 
seaux, en raison de la disposition des organes qui les limitent, se 
jettent aussi dans le sinus abdominal. 

Sur les côtés du corps, c’est-à-dire dans le point d'union du 
manteau avec les glandes génitales et même un peu avec le foie, 
les lacunes secondaires se multiplient et communiquent au dedans 
avec le sinus abdominal par l'intermédiaire des lacunes génitales, 
et avec le vaisseau palléal médian inférieur, au moyen d'un réseau 
très délié, assez difficile à remplir entièrement, et qui occupe 
toute la partie transparente du tube. 

Quand on remplit bien le sinus péri-lingual, on ne manque pas 
de remarquer combien la couche est mince et peu épaisse du côté 
du dos; cela tient au rapprochement du tube digestif et des tégu- 
ments. Ce fait a déjà été indiqué, je n’y reviendrai pas. 

Le sinus péri-lingual ne communique pas avec celui du pied (4); 
il est parfaitement limité en arrière par le paquet intestinal, entre 
les circonvolutions duquel il m'a été impossible, chose curieuse, de 
pouvoir faire pénétrer jamais une goutte d'injection, et en bas par 
le diaphragme inférieur ; en avant la communication avec le sinus 
sus-æsophagien n’a pas lieu directement , bien que cependant le 
sang puisse aller de l’un de ces deux sinus à l’autre; mais le pas- 
sage se fait, du moins, pour les injections, bien plus facilement en 
allant du sinus sus-œæsophagien au sinus péri-lingual. Cela se com- 
prend: quand on pousse par ce dernier, la poche se dilate et se 
gonfle, et la matière se ferme le passage à elle-même par la com- 
pression qu’elle exerce sur les tissus ; il est donc mieux dela rem- 
plir par le sinus sus-æsophagien. 

Ce qui réussit le mieux pour voir toutes les branches qui partent 
de ce dernier sinus, véritable confluent, c’est de pousser l'injection 


(1) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zoo, t. VII, la figure schématique 4 
de la pl. 4, très importante pour la relation des différents sinus. 


ORGANISATION DU DENTALE. 25 


par le vaisseau palléal moyen dorsal. Après avoir rabattu le man- 
teau en arrière, on voit facilement ce vaisseau, dont le diamètre est 
assez grand pour laisser introduire l’extrémilé d’une canule fine. 
En poussant la matière à injection dans deux directions opposées, 
les réseaux du manteau, les vaisseaux du bord libre du bourrelet et 
de la lamelle festonnée, se remplissent très bien, ainsi que le sinus 
sus-æsophagien avec tous les vaisseaux qui en dépendent, et ici je 
dois compléter ce qui n’a pas été indiqué dans les descriptions 
précédentes. 

Le sinus sus-æsophagien (1) reçoit le sang du mamelon buceal, 
des replis tentaculifères et du manteau. Il n’a aucune communi- 
cation avec le sinus péri-lingual, bien qu’il soit pourtant placé au- 
dessus de lui. 

D'abord il se continue sur la face antérieure du pédicule du 
mamelon buccal, remonte, en se bifurquant, et forme comme deux 
troncs dans le canal médian des faces mamelonnées. Ces deux 
troncs disparaissent bien vite, en formant un réseau à mailles fort 
grandes et à canaux très développés qui couvre toute la surface 
du mamelon ; ils arrivent jusqu’à la base des franges labiales, dans 
chacune desquelles ils envoient un rameau (2). 

Sur la face inférieure du mamelon buccal, il y a un réseau tout 
semblable qui aboutit aussi à deux gros troncs analogues à ceux 
de la surface dorsale, et semblablement disposés dans le sillon in- 
férieur. Ces deux troncs n’en forment bientôt plus qu'un qui s’en- 
fonce entre le pied et le tube digestif, et viennent tomber ainsi con- 
fondus dans le sinus péri-lingual en avant du tube digestif (3). 

On voit done que les sinus sus-æsophagien et péri-lingual 
communiquent entre eux, mais par l'intermédiaire du réseau 
vasculaire du mamelon buccal, 

Cette richesse du réseau sanguin, qui couvre le mamelon buccal 
serait bien faite pour augmenter les présomptions que la structure 
avait déjà fait naître sur la nature de la sécrétion qui doit se passer 
dans son intérieur, et qui probablement est salivaire ? 

(1) Voyez Ann. des sc. nat., &° série, Zooz., t. VII, fig. 2. 


(2) 1d., la Ggure schématique de la pl. 4. 
(3) Zd., pl. 8 et 4, fig. 2, fig. 1, fig. 2. 


26 MH. LACAZE-DUTHIERS. 


De chaque côté du vaisseau palléal moyen dorsal (4), on voit 
deux grosses branches qui pénètrent dans l'épaisseur du repli 
tentaculifère. Il n’en a pas été encore question ; elles méritent ce- 
pendant toute notre attention. Dès qu'elles sont arrivées dans le 
repli, elles se divisent tout de suite en deux branches : l’une suit 
l'insertion, l'autre marche tout près du bord libre. Toutes les 
deux arrivent à l'extrémité externe du repli, se: rapprochent, 
par suite du peu d’étendue, en ce point, de la partie qui les con- 
lient, et s'unissent transversalement ; puis la branche, qui avait 
marché dans la base d'insertion du repli, après avoir donné un 
petit vaisseau sur la face latérale du pied, continue sa marche dans 
le pli d'union du manteau et du pied parallèlement au connectif 
postérieur, et arrive dans le sinus péri-anal, en s’ouvrant tout près 
des rameaux de bifurcation du vaisseau palléal inférieur. Ajoutons 
que ce vaisseau, qui parait constant, est peu volumineux, et que 
sur les côtés il est .en communication avec les réseaux vaseu- 
laires des parties voisines du manteau. 

Ainsi, dans le repli tentaculifère, il y a une sorte de cercle vas- 
culaire, produit par la bifurcation et l’anastomose des extrémités 
du vaisseau. Du rameau, qui longe le bord libre, partent des pe- 
tits ramuscules courts, dirigés perpendiculairement au bord, el qui, 
dans la base du feston terminal du repli tentaculifère, s'anastomo- 
sent d’abord, puis donnent une foule de petits conduits très grêles 
qu'il me serait difficile de dire appartenir chacun à un filament. 

Il ne m'a jamais été possible de faire arriver plus loin les injec- 
tions de matière la plus fine. D’après cela, on voit que la richesse 
vasculaire des replis tentaculifères est forl grande, mais qu'elle ne 
l’est cependant pas davantage que celle du bulbe buccal, et quel- 
ques autres parties. Lorsque l’on a fait l'injection à l’aide de ma- 
tière faiblement colorée, comme la térébenthine bleuie, on voit, 
sans même faire de dissections, les nerfs nombreux de la partie 
avec la plus grande facilité. 

Du vaisseau palléal moyen dorsal (2) naissent, de chaque côté, 

(1) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zoo... t. VIT, pl. 3, fig: 2, et la figure 


schématique de la pl. 4 {i). 
(2) Z4., pl. &, fig. 2 


ORGANISATION DU DENTALE. 27 


de nombreux petits ramuscules qui forment un réseau extrême- 
ment riche et facile à injecter occupant toute la partie libre du tube 
du manteau; il faut remarquer qu’on arrive surtout facilement à 
remplir les lacunes palléales près du vaisseau circulaire du bour- 
relet, et sur la ligne médiane en dessous, dans cette partie qui, 
en allant vers le bord libre, fait suite à la bifurcation du vaisseau 
palléal moyen inférieur. 

Il y a enfin un dernier vaisseau qui se sépare de la branche de 
bifurcation du vaisseau palléal moyen inférieur, au moment où 
cette branche se porte en dedans vers le sinus péri-anal, il se dis- 
tribue à la glande que nous apprendrons à connaître sous le nom 
d’organe de Bojanus, ou corps rénal (4). 

Je reprends ef résume maintenant les communications des ca- 
vilés et vaisseaux sanguins (2). 

Le sang, que l’on peut supposer partir du pavillon, suit le 
vaisseau palléal moyen inférieur, et se distribue dans les nom- 
breux capillaires voisins. De la bifureation il va dans le réseau bran- 
chial du manteau , et tombe en partie dans le sinus péri-anal ; de 
celui-ci il peut être envoyé dans le piedet le sinus abdominal , enfin 
de ce dernier dans les lacunes génitales et hépatiques, ou bien, par 
l'orifice interlobaire du foie, dans la poche ou sinus péri-lingeal, 
en traversant le diaphragme avec les branches de l’anse stoma- 
cale. De la poche linguale il arrive dans les réseaux de la surface 
du mamelon buceal et dans le sinus sus-æsophagien , d'où il se 
distribue , d’une part, dans les replis tentaculifères, et arrive 
jusque dans le sinus péri-anal , de l’autre dans le vaisseau palléal 
moyen dorsal et le manteau, et revient ainsi à la branche de bifur- 
cation, 

Il n’y a pas là un cercle complet, il n’y a surtout rien qui res- 
semble à l'appareil de la circulation des autres animaux. Où est le 
cœur, où sont les artères, les veines ; je crois qu'il est difficile de 
répondre à ces questions aussi catégoriquement que l'ont fait les 
auteurs qui se sont occupés du Dentale, 

(1) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zoo , &. VIE, pl. 3, fig. 1 (m'). 


(2) Suivre sur la figure schématique, pl. 4, fig. 4, en consultant l'explication 
des planches. 


28 u. LACAZE-DUTBIERS. 
$ III. Des orifices externes des organes de la circulation. 


Le titre seul de ce paragraphe pourra étonner; mais je déclare 
tout de suite qu'il n’est que le résultat de longues recherches faites 
avec la plus grande attention. 

Quand on regarde à la loupe le sinus péri-anal bien rempli et 
distendu par une matière bleue, telle que la térébenthine colo- 
rée, on voit (1) les deux ganglions branchiaux de chaque côté du 
bulbe anal. Les connectifs et la commissure qui les unissent entre 
eux ou avec les ganglions sous-æsophagiens , les deux nerfs res- 
piratoires qui se dirigent vers l’extrémité postérieure du corps en 
croisant les deux gros vaisseaux, résultats de la bifurcation du 
vaisseau palléal moyen inférieur, se distinguent tous avec la plus 
grande facilité. C’est dans l’angle que forment le vaisseau et les 
nerfs qu’on aperçoit une fente en boutonnière, dirigée de dedans 
en dehors et d'avant en arrière. 

Cette fente est placée à la base de deux petits triangles blancs, 
dont les sommets , terminés en queue grêle, sont dirigés en avant 
sur les côtés du pied, en arrière sur les parois du sinus péri- 
anal. 

Ces deux petits triangles sont opaques, et leur couleur blanche 
tranchant sur la couleur plus foncée des parties injectées, les dis- 
tingue bien facilement. Ils sont formés par deux muscles, dont 
les fibres, disposées comme les rayons d’un éventail, viennent 
s'insérer sur leur base, limitant la fente qu'ils sont chargés d’en- 
tr'ouvrir. 

Voilà des orifices qui peuvent s'ouvrir ou se fermer; mais avec 
quoi communiquent-ils ? Dans quelle partie du corps conduisent-ils ? 

De tout mon travail, c’est certainement la réponse à ces ques- 
tions qui m'a le plus préoccupé, et qui m'a fait chercher le plus 
longtemps, je pourrais presque dire, une solution opposée à celle 
que je dois admettre en définitive. 

Je vais entrer dans quelques détails de préparation, pour mon- 


U) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zooc., pl. 2, fig. 4, Gg. 2,.3 (y, y). 


ORGANISATION DU DENTALE. 29 


trer que ce qui a été vu n’est pas une erreur, ou une conséquence 
des déchirures. Je dirai comment j'ai fait pénétrer les injections 
diverses pour être sûr de ne point produire de rupture, com- 
ment , enfin, je ne puis m'empêcher d'arriver à cette conclu- 
sion : 

Ces orifices en boutonnière, pourvus de muscles dilatateurs, sont 
les orifices extérieurs de la circulation, par lesquels l’animal peut 
rejeter volontairement au dehors une partie de son sang. 

Le résultat que je présente ici ne sera pas, je le crains, sans 
rencontrer des doutes; c’est pour cette raison que j'ai cherché à 
m'entourer de loules les précautions possibles. 

On sait que M. Delle Chiaje a décrit un appareil aquifère dans 
les Mollusques, qu'il a cru en voir les orifices multiples, et qu'il l’a 
considéré comme devant porter l’eau dans loutes les parties du 
corps de l’animal. 

M. Milne Edwards a, d’après ses recherches sur la circulation 
des Mollusques, pensé que les lacunes vasculaires correspondaient 
à l'appareil aquifère particulier décrit par M. Delle Chiaje, etcontre 
l'existence duquel il s’est élevé. 

Mais, entre ces deux opinions, ne peut:l y avoir rien d’in- 
termédiaire? Sans aucun doute, le système aquifère n'existe 
pas dans le Dentale, et très probablement dans les Mollusques ; 
en cela, M. Edwards a raison. Mais cependant ne peut-il se faire 
que le sang ne puisse s’écouler au dehors, et que l’eau ne soit 
en temps ulile absorbée par l'animal, pour venir au besoin remplir 
Ja perte d'une partie du liquide? C’est ce que je crois qui existe 
chez le Dentale, et des observations nouvelles d’un zoologiste au- 
trichien semblent prouver qu'il en est de même dans l’Anodonte. 

J'avais eu l’idée de rechercher, si, en effet, il n’y aurait pas 
quelque chose d’analogue dans les Acéphales, s'il n’y aurait pas 
un orifice permettant au sang de s'échapper. Il ne me paraît pas 
possible d'avoir enlevé sans la blesser une Pholade de son trou 
quand elle habite un fond argileux, et de l'avoir ensuite placée 
dans l'éau, pour n'avoir pas été frappé du volume qu’elle ac- 
quiert, et pour n'avoir pas remarqué qu'en la prenant entré les 
mains, en même temps qu'il s'écoule une énorme quanlilé de 


30 H. LACAZE-DUTHIERS. 


liquide, son corps diminue considérablement par suite de ses 
contractions. 

Ces changements de volume sont probablement dus à un dépla- 
cement du liquide. Cette tuméfaction est un œdème de la partie, 
qui, en revenant sur elle-même, pousse plus loin le liquide qui 
l'avait remplie. Mais ce liquide où va-t-il, que devient-il, où trouve- 
t-il place? Voilà autant de questions importantes à résoudre, Une 
coquille de Pholade est remplie par les viseères; l’eau du pied ou 
des autres parties ne peut pas, ce me semble, venir toute se loger 
dans la portion du corps abritée par la coquille, quand elle est rem- 
plie par les glandes génitales par exemple. En voyant ces faits, on 
ne peut guère s'empêcher de croire que le liquide qui s'écoule ne 
provienne en grande partie du pied qui se vide, et c’est pour s’ex- 
pliquer ces faits que M. Delle Chiaje avait été probablement con- 
duit à décrire un système de vaisseaux aquifères. 

M. Langer, de Pesth, n’a pas trouvé dans l’Anodonte le système 
des vaisseaux aquifères ; mais il a reconnu sur l'appareil de Ja 
circulation des orifices extérieurs. Ces orifices sont dans le péri- 
carde, et comme celui-ci, par l'intermédiaire de la cavité des corps 
de Bojanus, communique avec l'extérieur, il s'ensuit qu'un liquide 
tombé dans le péricarde peut aller jusqu’au dehors. 

Après avoir {rouvé les orifices externes de la cireulation dans le 
Dentale, j'avais pensé, frappé par l’étrangeté du fait, à chercher 
si rien d’analogue n'existait dans les autres Mollusques, et la com- 
muünicalion du péricarde et du corps de Bojanus, que j'ai démontrée 
dans un nombre d'espèces éloignées, me faisait me demander si 
ce ne serait point dans cette cavité que je pourrais trouver l’orifice; 
mais j'ai tardé trop longtemps à vérifier mes idées, et j'ai été de- 
vancé par M. Langer. Ce que cet auteur annonce dans l’Ano- 
donte se rencontre-t-il dans les autres Acéphales? Est-ce un fait 
général? c’est ce qu'il y a lieu de rechercher. Pour le moment, le 
‘fait curieux, indiqué par le naturaliste allemand, confirme les vues 
que je présente ici 

Je dois donner les preuves de l'existence de ces orifices parti- 
culiers, car un animal, qui rejette du sang au dehors par des 
orifices spéciaux, est quelque chose d’assez insolite et d'assez peu 


ORGANISATION DU DENTALE. 31 


en rapport avec ce que nous voyons habituellement, pour qu'il soit 
nécessaire d’une démonstration prêtant le moins possible prise à 
la critique. 

Il faut prouver deux choses : d’abord, que les orifices sont bien 
des orifices naturels , par lesquels pénètre la matière à injection 
sans rupture aucune ; ensuite que le grand sinus , dans l’intérieur 
duquel tombe ou pénètre le liquide injecté, n’est pas une cavité 
isolée, mais bien, au contraire, une dépendance de l’appareil cir- 
culatoire. 

Par tous les faits antérieurs, il me paraît démontré que, évi- 
demment , les sinus communiquent avec les parties profondes de 
l'organisme ; il ne peut y avoir le moindre doute, surtout entre 
l'abouchement des branches latérales de bifureation du vaisseau 
médian palléal inférieur et le sinus péri-anal. Cet abouchement 
devait être d'abord prouvé, car la nature vasculaire du vaisseau 
palléal ne peut faire un doute. La démonstration était nécessaire 
aussi, car on aurait pu élever des objections : ces orifices 
existent, cela est vrai; mais ils appartiennent, aurait-on pu dire, 
au sinus abdominal, qui est un réservoir aqueux. Je dois le 
dire d'abord, j'essayais à me démontrer à moi-même celle opi- 
nion. 

Or, j'ai pris toutes les précautions possibles. Fai cherché, par 
tous les moyens, à injecter les vaisseaux, le sinus, tantôt par un 
point, tantôt par l’autre; je ne puis donc croire qu’il n’y ait pas 
communication, je ne puis croire surtout que j'aie pris pour la réa- 
Jité des résultats qui n'étaient que des erreurs, conséquences de 
déchirures ou de perforations. 

Voici, du reste, comment j'ai agi : 

D'abord, j'ai introduit quelques gouttes de liquide par le vaisseau 
palléal ; dans la crainte de rompre les membranes, j'ai fait avancer 
les gouttelettes peu à peu, el elles sont, pour ainsi dire, tombées 
dans le grand sinus, en suivant la courbure des branches de bifur- 
cation. Ce fait une fois acquis, j'ai rempli le sinus par le vais- 
seau, et souvent lorsque l'animal était bien mort, non contracté, 
j'ai trouvé de la matière à injection dans le tube du manteau. Par 
où était sorlie celle malière ? Je m'en suis assuré, en pressant un 


82 NH. LACAZE-DUTHIERS, 


peu sur les côtés des fentes en boutonnière, et entre-bäillant leur 
orifice, je l'ai vu sortir directement du sinus péri-anal. 

J'avais à faire l'expérience inverse ; j'avais à injecter le liquide 
par les orifices. Appliquant le bec mousse d’une canule fine de se- 
ringue sans frolter beaucoup, sans chercher (cela va sans dire) à 
l'introduire, j'ai vu la matière à injection, poussée très lentement, 
pénétrer dans le sinus. 

Lorsque le sinus péri-anal et les branches du vaisseau palléal 
sont bien distendues, ilest difficile de faire sortir la matière à injec- 
tion par les orifices ; car elle comprime de dedans en dehors la face 
interne et applique les lèvres de la fente l’une contre l’autre. Il faut 
imiter le jeu des muscles et faire entr'ouvrir l’orifice. En pressant 
avec des pinces, des aiguilles ou des érignes très fines, en sens 
inverse du côté de la queue des petits muscles en éventail, la fente 
de l’orifice s’entr'ouvre, et l’on voit s'échapper le liquide. Y au- 
rait-il en dessous de petites valvules qui seraient relevées par le 
mouvement des liquides? C’est possible, je n’ai pu en constater 
l'existence ; mais on en comprendrait la présence en voyant des 
muscles aussi bien disposés que ceux qui ouvrent les orifices. On 
ne peut penser qu'il y ait eu des membranes rompues en pressant 
ainsi que je viens de dire, car le plus souvent c'était avec des têtes 
d'épingles à insectes que je cherchais à faire ouvrir les parois. 

Mais, enfin, on peut se demander si ces orifices, si bien limités, 
si nettement formés, ne sont pas des orifices d'organes particu- 
liers, s'ils appartiennent bien aux canaux de la circulation, s’ils ne 
sont pas l'extrémité de conduits excréteurs très déliés, dont la 
paroi inférieure serait rompue par les injections, les pressions, ete, 
Ce sont là des arguments que je me faisais à moi-même en cher- 
chant à les résoudre. 

J'ai employé beaucoup de temps et tous les artifices que pou- 
vait me suggérer le désir de ne pas prêter le flanc à la critique ; 
toujours j'ai vu le liquide pénétrer dans le sinus ou s'en 
échapper, 

Ces orifices existent donc bien, et ils sont munis de muscles trop 
distincts pour qu'ils puissent être pris pour des déchirures, Ils sont 
naturels, etils conduisent dans quélque chose, cela n’est pas dou- 


ORGANISATION DU DENTALE. 33 
teux. Or, toujours, quoi que j'aie fait, j'ai vu arriver les liquides à 
injection dans les cavités des sinus. | 

Mais, en supposant qu'ils n’appartiennent pas à l'appareil de la 
circulation et qu'il y aiteu des déchirures, il devrait exister quelque 
organe dont ils seraient des dépendances. En allant par voie d’ex- 
clusion, j'arrive à ne point trouver d'organe dans le voisinage au- 
dessous et tout autour du sinus péri-anal. ILest vrai, il y a une glande 
qui correspond à celle qu'on nomme corps de Bojanus chez les 
Acéphales ; il y a le foie ; il ya, un peu en arrière, les organes de 
la reproduclion, mais tous les orifices de ces glandes sort parfaite - 
ment distincts et bien déterminés : on le verra plus loin, quand il 
sera question de la génération. Done, quelles que puissent être les 
causes d'erreur, il n’est pas douteux que ces orifices ne soient ceux 
des sinus. 

Aussi, je l'avoue, je suis forcé d’être convaincu de l'existence 
de Ja disposition singulière que je viens de décrire, et je l’admet- 
trai jusqu’à ce qu'un autre, plus heureux où plus habile, puisse 
me montrer mon erreur. | 

Cherchant si, dans cette paroi du corps, il n’y avait pas deux 
conduits superposés et séparés par des membranes excessivement 
minces, j'ai, à l'aiue-d’aiguilles très acérées, piqué aussi superfi- 
ciellement que possible les parois du sinus, ct j'ai trouvé un point 
où existe une cavité entre les deux lames de la paroi du sinus. C’est 
dans le renflement du sinus abdominal, tout près du sinus péri- 
anal, que l’on trouve cette poche , avant le point où souvent 
le sinus éprouve un élranglement. Comme il y a des variétés in- 
dividuelles nombreuses pour les limites des deux sinus, j'indiquerai 
sa position de la manière suivante : elle est en arrière du sinus 
péri-anal et au commencement du sinus abdominal (4). 

Jl ne m'a jamais été possible de faire pénétrer dans ce petit sac, 
assez régulièrement circulaire, aucun liquide à injection en par= 
tant du sinus, et inversement, jamais le liquide ne passe de 
celte poche dans les vaisseaux sanguins, 

Maintes fois, après l'avoir remplie de térébenthine colorée en 


(4) Voyez Ann, des sc, nat., 4° eérie, Zoo, t, VIT, pl, 2, fig, 2; pl, 4, 


îg. 1 (p): 
4" sûre. Zoot, T. VIL. (Cahier n° 4.) 8 3 


3h H. LACAZE-DUTHIERS, 


rose par la laque carminée, j'ai poussé de l'essence colorée en bleu 
dans les sinus sous-jacents, et je n'ai jamais vu se produire le 
moindre mélange qui, je l’espérais, devait me démontrer les com- 
munications. Aussi me paraît-il raisonnable d'admettre que ee sac 
est clos, el qu'il représente peut-être un rudiment d’une cavité 
péritonéale, péricardique où d’une cavité séreuse quelconque. 

La térébenthine est un liquide commode pour la démonstration 
de ces faits. Quand on injecte sous l’eau et que l’on tire tout dou- 
cement sur les muscles en éventail des orifices, l'essence, par sa 
pesanteur spécifique, s'échappe et s'élève en petites gouttelettes ; le 
poids de la couche d’eau au-dessus des sinus suffit pour la faire sortir, 

Je dois aller ici au-devant d’une objection qui ne pourrait man- 
quer d’être faite. L’essence de térébenthine pénètre avec une 
grande facilité dans les tissus, et les résultats oblenus ne peuvent- 
ils être la conséquence d’une sorte de filtration ? I] faut, en effet, 
se méfier de ce liquide dans des injections de recherches; mais il 
faut aussi bien se garder de le rejeter complétement. Il est fort com- 
mode et peut rendre d’éminents services pour les démonstra- 
tions. 

On doit seulement vérifier et contrôler les résultats qu'il 
donne par les injections les plus variées. Aussi ai-je, pour être 
bien sûr des faits, répété et varié mes injections avec de l’eau 
colorée tout simplement en bleu par l’azur des blanchisseurs, 
avec de l'huile ordinaire colorée, avec l’axonge fondue, et toujours 
je suis arrivé au même résultat. 

J'ajoute enfin que, landis que sur les animaux vivants il est 
bien difficile de constater les faits, sur les animaux morts cela de- 
vient, au contraire, possible ; «mais que jamais dans cette dernière 
condition je n’attendais que la putréfaction eût produit des altéra- 
tions : les animaux tués par l'acide cyanhydrique me servaient 


précieusement; sur quelques-uns la vie n’était pas entièrement: 


éteinte, et les objections que l’on pouvait tirer de l’état de mort 
n’ont aucune valeur. Il m'est même arrivé d'introduire seulement 
quelques gouttelettes dans le vaisseau palléal moyen inférieur d’un 
animal vivant et de les avoir vues arriver dans le sinus péri-anal 
par le fait des contractions seules. 


ORGANISATION DU DENTALE. 39 
$ déralions générales et opinions des auteurs. 


On vient de voir un appareil de la circulation bien rudimentaire 
auquel des dilatations, des lacunes, des vaisseaux peu marqués, et 
enfin des orifices extérieurs, donnent, je erois, un cachet tout par- 
liculier. 

Et maintenant arrive cette question : Où est le cœur? J'ai trop 
fouillé dans tous les sens l’économie de ce petit être, j'ai cherché 
avec trop de soin et de persévérance à suivre les liquides injectés, 
pour n'être point arrivé à un organe central d'impulsion s’il exis- 
tait ; je me trouve encore forcé, comme j'avouais l'être pour les ori- 
fices précédents, d'admettre l'absence du centre d’impulsion. 

Que faut-il donc penser des opinions de MM. Deshayes et 
W. Clark, qui l’un et l’autre ont décrit le cœur ? 

« Des organes de la circulation, dit M. Deshayes, nous avons 
» reconnu le cœur, qui est symétrique, placé au-dessus de l'esto- 
» mac; il est contenu dans un péricarde piriforme , subdivisé in- 
» férieurement par un raphé moyen, d’où partent quelques rides 
» transverses régulières ; à la partie antérieure de ce sac, on voit 
» un tronc vasculaire qui se dirige vers le col, en se divisant en 
» deux grandes branches pour chacun des paquets branchiaux. Is 
» se subdivisent ensuite en quatre rameaux dans leurs pédicules, 
» Nous ne connaissons rien, du reste, de la cireulalion ; mais il est 
» bien probable qu’elle a beaucoup d’analogie avec celle des autres 
» Mollusques (1). » 

Je ne puis admeltre celte opinion, non pas à cause des raisons 
données par M. W. Clark, qui l’a eritiquée, mais parce que rien ne 
me parait la confirmer. J'engage à voir le travail de M. Deshayes, 
à consulter la figure 44 de la planche qui l'accompagne, etje pense 
qu'il ne pourra rester de doute pour personne. Dans celte figure, on 
trouvera l'estomac percé par deux tubes grêles appelés vaisseaux 
biliaires, arrivant dans le voisinage de l'appareil lingual (on sait 
que c’est bien plus bas que se trouve la communication du foie el 
du tube digestif); l'intestin, représenté par un long tube droit, 
allant au pavillon, et ainsi de suite; les nerfs du repli tentaculifère 


(4) Loc. cit., p. 333 et 334. 


36 NH, LACAZE-DUTDHIERS. 


dessinés et indiqués comme les vaisseaux branchiaux partant du 
cœur. Avec une description des organes aussi éloignés de ce qui 
est, on ne peut se refuser à croire que l'organe représenté en forme 
de cœur ne soit point l'organe central de la cireulation. 

Je crois que le cœur décrit par M. Deshayes n’est autre chose 
que la première dilatation du tube digestif qui fait suile à la poche 
linguale. Toute mon attention portée vers cette partie de l'organisme 
n'a pu me faire reconnaitre ün cœur sur le dos de l'animal dans 
le point indiqué par M. Deshayes, qui, du reste, n’a vu aucun des 
immenses sinus, et n’a pas distingué, car il n’en parle pas, le vais- 
seau médian palléal inférieur, bien qu'il lait représenté. Cependant 
Jil paraît sans préparation , et l'on a vu que c'est lui qui est le meil + 
leur , le plus sûr et le plus exact des guides pour arriver aux par- 
ties profondes. 

M. W. Clark s’est élevé contre l'opinion du conchyliologiste 
français; mais il me parait substituer une erreur nouvelle à l'erreur 
qu'il relève. 

En général, les deux organes de la cireulation et de la reSpira- 
tion sont voisins, et leurdéveloppement est corrélatif. Rarementl’un 
est bien complet sans que l’autre le soit aussi. Le voisinage surtout 
du cœur etdes branchiesest presque constant dans les animaux infé- 
vieurs, en particulier dans les Mollusques. Presque toujours aussi, 
quand il y a des branchies, il y a un cœur ; mais, au contraire, il 
peut arriver que l'appareil de la respiration manque, lorsque celui 
de la circulation est bien développé. Il était naturel, du reste, qu'il 
en füt ainsi : car il peut très bien se faire que la peau remplisse le 
rôle d’un appareil de la respiration, mais il est plus difficile de 
comprendre cominent dans un corps anormalement formé, où les 
organes de la respiration seraient localisés dans un poumon ou une 
branchie, il n’y aurait pas un centre cireulatoire pour envoyer 
exactement et régulièrement le sang dans son intérieur. 

Quand on veut arriver à déterminer des organes mal formés ou 
incomplets, il faut tenir compte, dans les recherches anatomiques 
soigneusement faites, de ces tendances de la nature; car des idées 
à priori trop générales el absolues conduisent souvent à l'erreur, 

M, W. Clark regarde le foie comme étant l'appareil respiratoire 


ORGANISATION DU DENTALE. G 37! 


ou la branchie; et cette erreur, fort considérable, le conduit plus 
loin, en raison même du voisinage avec le bulbe anal et de la di- 
rection des cæcums biliaires, qui semblent converger vers lui ; il 
prend le bulbe pour le cœur, il en a même compté les pulsa- 
tions. Ce bulbe, en effet, présente des mouvements isochrones ; 
mais on verra que ce ne sont point des pulsations analogues à celles 
qui constituent la systole et la diastole. M. Clark déclare bien 
n'avoir pas vu d'oreillettes comme on devait s’y attendre, mais 
cela ne l'empêche pas de persister dans son opinion. Du reste, 
je ne trouve aucune description de la circulation profonde. Après 
avoir montré que le foie était bien une partie de l'organe de la 
digestion, il est inutile de donner des preuves de l'impossibilité 
des rapports du cœur avec ces prétendues branchies; d’un autre 
côté, après avoir décrit avec autant de soin que cela à été fait le 
sinus péri-anal, il y a, je crois, plus que des doutes sur l'opinion 
de l’auteur anglais (1). 


(4) Quoique un peu long, je citerai le passage dans son entier, afin de fournir 
les preuves irrécusables à l'appui de la critique que je fais : 

« The heart is a subrotund minute ventricle with a linear depression on its 
» sommit, and when opened shows the corresponding ridge ; its surface is forti- 
» fied with muscular raised lines, it is fixed centrally on the convexe range at 
» he posterior end of the branchial cavity and that of the slomach, and in some 
» transparent animals may be seen in the pericardium. ]n the very young pellu- 
» cide shells, seven inspirations, and as many nearly isochronal expirations, 
» have been counted in a minute and the corresponding ingress and egress of the 
» water seen. Ihave not detected auricles on each side of the heart nor near it, 
» as might be expected from the symmetry of the branchiæ : there are certainly 
» minute points on each side of that organe, best [ demur to call them auricles, 
» and rather think they denote the valvular appendages of the heart to prevent 
» regurgilation into the branchial veins. The blood of the posterior part of body 
» is brought to the bronchial artery which reins at the inner base of tbe bran- 
» chiæ by two longitudinal veins; which pass between the branchiæ on their 
» convexe surface, receiving tributaries ; 1 could not trace those of the anterior 
» part; the arterial blood is then distributed into the ramifications of the bran- 
» chiæ, and after aeration is pushed by each principal vein, which coast the 
» edges of those organs at their dichotomus point, to the heart, which bifurcates 
» into two small arteries, which supply veins infusing a renewed vitality into 
» all parts of the body, from whence the blood is again returned to the arte- 
» rial centre. Under the microscope the blood of the tributary and superficial 


38 UM. LACAZE-DUPHIERS. 

Enfin, quand une chose est difficile à voir, on doit toujours in- 
diquer le moyen qui a conduit à la reconnaitre, pour que chacun 
puisse juger de la valeur du résultat par le moyen même employé 
pour l’obtenir ; or, M. Clark n'indique pas comment il a reconnu 
les vaisseaux branchiaux, le cœur, etc. 

Je répéterai encore ce que j'ai déjà dit plusieurs fois, ayant suivi le 
sang dans les différentes cavités du corps. Il est peu probable que, 
s’il eüt existé véritablement un cœur, je ne l’eusse trouvé. D'ail- 
leurs l'embarras de M. Clark, pour voir les oreillettes, prouverait 
assez que le cœur qu'il a décrit n’était autre chose que le bulbe 
anal, et que le sinus péri-anal aété pris par lui pour un péricarde. 
En tout eas, un cœur dont on n'indique pas exactement les vais- 
seaux afférents et efférents, n’est pas très exactement limité. Le 
bulbe anal offre des mouvements qui semblent isochrones et qui 
cependant peuvent s’interrompre pour recommencer avec leurs 
caractères de régularité. Nous chercherons plus loin, en nous 
occupant de la respiration, quel rôle il faut leur attribuer. Prenons, 
en ce moment, les mouvements pour ce qu'ils sont; ils con- 
sistent dans un entre-bâillement de l’orifice; or, iln’y a rien là qui 
soit semblable à un mouvement du cœur, puisque à chaque entre- 
bâillement l’eau pénètre dans le bulbe. Ce sont ces mouvements, 
sans aucun doute, que M. W, Clark a comptés comme des pulsa- 
tions ; je le pense du moins, parce que je ne vois pas quel autre 
organe aurait pu présenter ces contractions alternatives. 

On le voit, nous nous retrouvons en face de cette même ques- 
tion sans l’avoir résolue : Où est le cœur? 

Si par cœur on entend un organe analogue et semblable à celui 
que dans les animaux supérieurs on désigne par ce nom , si même 
on veut indiquer un cœur analogue à celui des Mollusques bien 
conformés, je suis obligé de dire qu'il m'a été impossible de trou- 
ver cet organe dans le Dentale. 

Mais si, par ce nom, avec un sens général, on entend un organe 
de mouvement, sans tenir compte de sa forme et de son étendue, je 
» veins appears, Lo 8 in some individuals of a pale pink colour, and in others 


» of a purple pale red cast. I have preparations to illustrate this ordes of the 
» organs. » (Loc. cit., p. 323 et 324, etc.) 


ORGANISATION DU DENTALE, 39 
crois qu'on pourrait à la rigueur considérer le sinus pédieux, sur- 
tout dans le talon, le sinus péri-anal, etle sus abdominal, comme 
remplissant des conditions de contractilité et de dilatabilité propres 
au mouvement du sang. Dans l'embryon, on voit, avec la dernière 
évidence, des mouvements de dilatation brusque se passer, comme 
une détente, dans les sinus, que je viens d'indiquer, et ces mouve- 
ments sont suivis de contraction. Mais il n’est guère possible de 
considérer comme un cœur, dans l’acception propre du mot, cet 
ensemble de grandes cavités? Il n’y a ni valvules ni chambre bien 
limitées, qui puissent leur donner une analogie même éloignée 
avec l'organe central d’impulsion des Acéphales. 

Il y a une partie des sinus qui offre peut-être quelques condi- 
tions pouvant faire soupçonner un rapport indirect avee le cœur : 
c’est le sinus péri-anal. Il est, on l’a vu, le confluent de tous les 
grands sinus et des vaisseaux ; le bulbe anal, c’est-à-dire la der- 
nière portion du tube digestif, le traverse; n'y aurait-il pas là 
quelque chose de semblable à ce qui se voit dans les Acéphales 
Jlamellibranches, où le rectum, on le sait, traverse le ventricule du 
cœur, 

Lorsque je faisais ces recherches sur le Dentale, j'avais l'occasion 
de pouvoir encore communiquer mes impressions à mon excellent 
et bien regrettable ami, Jules Haime, et il se plaisait à faire un 
rapprochement entre cette disposition et celle que l’on observe 
dans les Acéphales. Peut-être , en effet, me disait-il, faut-il voir là 
un ventricule bien rudimentaire, dans lequel la division du travail 
est encore si imparfaite, qu'il est bien difficile, sinon impossible, de 
dire que, en ce sens, le liquide sanguin est poussé. 

On se rappelle les nombreux trabécules musculaires qui tien- 
nent le bulbe et le gros tube faisant suite au rectum comme sus- 
pendus au milieu du sinus péri-anal ; ils jouent un rôle très impor- 
tant dans les mouvements du bulbe, et il n’est pas douteux que 
ces mouvements un peu isochrones ne soient utiles au déplacemen { 
du sang. 

J'ai critiqué l'opinion de M. W. Clark, et cependant, en défini- 
live, il semblerait que je place le cœur dans le même point que lui. 
Non. Pour moi, s'il y a une cavité, c'est dans le sinus lui-même, 


L0 HI. LACAZE-DUTHIERS. 


etnon entre lesinus et le bulbe. Pour M. W. Clark, je crois du moins 
ne pasinterpréler mal son opinion, le péricarde paraît être le sinus ; 
. pour moi, le bulbe ne serait que le rectum traversant ce qui, avec 
beaucoup de bonne volonté, serait le représentant bien dégradé et 
très incomplet, c'est à peine, si j'ose le dire, du ventricule. 


Ainsi, une circulation lacunaire, avec quelques vaisseaux, de 
grands sinus, pas de cœur proprement dit, pas d’artères et de 
veines distinctes, des orifices permettant au liquide sanguin de 
sorlir au dehors, tel est l'appareil d’irrigalion organique bien rudi- 
mentaire du Dentale dont toute l’orsanisation présente, on le voif, 
des dispositions particulières et étranges. 

Le rôle de ces grands sinus, occupant le pied et la face inférieure 
du corps, me paraît maintenant assez facile à préciser. Il y a évi- 
demment un échange de liquide entre le sinus abdominal et le si- 
nus pédieux ou réciproquement, quand le pied doit devenir turgide, 
ou quand. il doit rentrer et diminuer de volume. Il n’est pas pro- 
bable que, dans la dilatation et le resserrement successifs du pied, 
l'animal rejette une partie de son sang. Il doit simplement faire 
passer d’un sinus dans l'autre, suivant que la partie doit se gonfler 
ou se contracler, une partie du liquide nourricier. 


VII. 


ORGANES DE LA RESPIRATION, 


On a vu refuser successivement, aux organes désignés comme 
des branchies, le role que MM. Deshayes et W. Clark leur assi- 
gnaient. IE faut ecpendant trouver des organes de la respiration. 

De tous les appareils organiques, celui qui sert à la régénération 
du sang est certainement le plus variable dans ses formes et le plus 
modifié dans la série des êtres. La peau lout entière da corps peut 
le remplacer, .ou plutôt servir à l'absorption du gaz vivifiant, et 
l'absence des organes de la respiration n’a rien qui étonne. Com- 
bién d'exemples peut-on citer de cette disparition des branchies, 
car e’est.dans les animaux aquatiques qu'il faut surtout aller cher- 
chér ces modifications profondes des organismes. 


ORGANISATION DU DENTALE. hi 


L'absence du cœur et l’imperfection de l'appareil général de la 
circulation doivent faire prévoir qu’il ne peut y avoir un organe par- 
faitement distinct placé sur le passage du sang; l'absence d’un 
courant peut à priori faire entrevoir le peu de développement 
de l'organe respiratoire. Aussi je crois que plusieurs parties de 
l'organisme peuvent concourir à cette fonction d’une manière éloi- 
gnée, mais que l’une d'elles mérite cependant le nom de branchie, 
car elle semble véritablement être un rudiment de l'appareil res- 
piratoire. 

Dans un être où tout se passe aussi irrégulièrement, il faut 
admettre, sans aucun doute, que l’oxygénation du sang se fait dans 
tous les points où les parois du corps sont suffisamment minces 
et perméables pour permettre l'échange des gaz. Ainsi les parois 
du sinus abdominal inférieur sont tellement minces, que le sang 
qu'elles renferment est bien certainement dans des conditions 
favorables pour que le courant d’eau, qui traverse le tube du 
manteau, puisse servir à son oxygénation, de même pour les ca- 
pillaires de la paroi si délicate du manteau venant du vaisseau 
palléal moyen inférieur. 

Faut-il refuser complétement le rôle d’organe de la respiration 
aux appendices tentaculaires céphaliques ? Les dispositions anato- 
miques ne prouvent pas d’une manière évidente que la fonc- 
tion de respiration soit leur fonction principale. Je crois que, s’ils 
peuvent participer à son accomplissement, ce n’est que bien se- 
condairement, mais qu'ils sont, au contraire, et surtout des or- 
ganes du tact, du toucher. 

Enfin, le bulbe anal me parait remplir un rôle qui se rapporte 
à la respiration. On sait que beaucoup d'animaux font pénétrer 
dans l'extrémité de leur rectum de l’eau pour le besoin de la res- 
piration, et que l'endosmose gazeuse se passe dans les parois de 
l'ampoule ou poche rectale. 

Ici le bulbe anal, et la dilatation qui lui fait suite, rappellent cer- 
tainement à certains égards la disposition que présentent les Holo- 
thuries, les larves de Libellules, etc, 

Cette portion terminale du tube digestif me parait être tout 
autre chose que l'anus ; elle a un autre rôle que celui de la défé- 


l2 H. LACAZE-DUTHIERS. 

cation ou rejet des matières fécales. Pour bien connaitre et voir le 
jeu apparent du ‘tube , il faut ouvrir un animal vivant et l’étendre 
sur le dos. Dans les premiers moments , il se contracte vivement 
et déchire souvent les parties de son corps par lesquelles il est 
fixé. Et c'est là ce qui rend l'observation difficile. Mais en multi- 
pliant les épingles et laissant tranquille la cuvette avec de l’eau frai- 
chement renouvelée, l'animal se relâche un peu, et alors on voit 
qu'il se passe dans le bulbe des mouvements alternatifs qui l’en- 
tr'ouvrent et qui le ferment. On croirait véritablement à un mouve- 
ment de déglutition. Est-ce 1à ce que M. W. Clark appelle les mou- 
vements du cœur ? Il faut le croire , puisque dans ce point il n’y a 
aucun autre organe qui se contracte et se dilate alternativement. 

J'ai placé des Dentales dans de l’eau carminée, j'ai présenté à ce 
bulbé séparément des matières colorantes, et dans les deux cas, 
dans le premier surtout, j'ai aperçu le carmin dans le tube et dans 
le bulbe anal. 11 y a donc introduction de l’eau dans cette espèce 
de cloaque qui fait suite à l'anus. 

Que devient cette eau, et quel rôle doit-elle remplir ? Questions 
difficiles et que l'expérience n’a pu me conduire à résoudre sans 
doutes. 

Indubitablement l’eau pénètre dans ce cloaque. On comprend 
aisément par quel mécanisme , les trabécules , les brides museu- 
laires, tendues entre le bulbe et les bords du sinus qui l’entourént, 
suffisent pour écarter les parois ; il y a done comme une tendance 
à former le vide, et cela suffit pour que l’eau se précipite. Il semble 
que, après chaque mouvement d'inspiration (le mot est juste), les 
lèvres de la partie se rapprochent, et que l’eau introduite se trouve 
par cela même enfermée dans la dilatation anale. On remarque 
aussi que, lorsque le rapprochement des parois du tube et l’ouver- 
lure des lèvres succèdent au premier mouvement, un courant s’éta- 
blit de dedans en dehors, de telle sorte que l’eau est rejetée, 
après avoir été introduite. | 

Faut-il croire à Ja sortie de toute l’eau inspirée ? Faut-il, au 
contraire, supposer qu'une partie reste dans l’économie? C’est là 
ce qui est bien difficile à décider. 

— Cependant, si l'on admet que l’animal peut rejeter, par des ori- 


ORGANISATION DU DENTALE. L3 


fices particuliers, une partie de son sang, il est bien évident qu'il 
devient nécessaire pour lui de pouvoir remplacer les pertes. Il me 
paraît y avoir quelque chose d’analogue à un filtrage d’une partie 
de l’eau introduite au travers de la partie épaisse et bulbeuse 
qui ressemble un peu à une glande. 

On est bien obligé d'admettre cela, car après avoir laissé vivre 
pendant plusieurs jours des Dentales dans l’eau de mer colorée 
par du carmin, jamais la matière colorante n’a dépassé le bulbe; 
mais celui-ci, et ses renflements surtout, étaientdevenus tout rouges. 

Je rapporte enfin , avec loute réserve , une expérience que j’au- 
rais désiré répéter de nouveau ; ayant poussé de l'huile colorée par 
l'orifice du bulbe anal, je lai vue passer dans les grands sinus. 
Mais j'indique ce fait avec toute réserve, car dans des expériences 
aussi délicates, avant d'admettre les résultats comme définitifs, il 
faut les répéter plusieurs fois, et je n’ai pu le faire. 

Quoi qu'ilen soit, on ne peut se refuser d'admettre qu'il y a une 
entrée et une sortie de l’eau dans cette dilatation anale du tube di- 
gestif. I] y a là évidemment une partie accomplissant la fonction de 
respiration au travers des parois ; de sorte que le rôle de cette der- 
nière partie de l'appareil digestif est plus complexe qu’on ne le 
croirait ; elle ne se rapporte pas seulement à la défécation. 

Faire progresser par ses mouvements, cela n’est pas douteux, le 
liquide qui remplit le sinus péri-anal, servir à la respiration par le 
renouvellement de l’eau dans un cul-de sac que baigne de toute 
part le liquide sanguin, enfin peut-être (ef je ne suis pas éloigné de 
croire à celle dernière fonction) introduction dans l’économie du 
liquide qui est nécessaire à l'animal : voilà le rôle qu'il faut attri- 
buer à cette dilatation anale. 

On comprend maintenant que les mouvements d'inspiration et 
d'expiration aquatique, vus, sans aucun doute, par M, W. Clark, 
ne peuvent être considérés comme des pulsations du cœur. 


La présence des orifices latéraux de la circulation, l'entrée et la 
sortie de l'eau dans cette dilatation du bulbe, augmentent l'embar- 
ras assez grand que toutes les particularités de l’organisation of- 
frent quand il s’agit de trouver l'organe de la respiration. 


ht M. LACAZE-DUTIIERS. 

En effet, l'opinion qui se présente {out naturellement à l'esprit 
est celle-ci : L'eau pénètre par le bulbe anal, se répand dans la 
grande cavité du sinus abdominal inférieur, et sort par les ori- 
fices latéraux. On aurait là une respiration aquatique interne, 
et c’est elle que j'ai cherché à démontrer pendant bien longtemps. 
Maistoujoursse présentaient les communications de cesinusavecles 
vaisseaux sanguins; aussiest-ilimpossible depouvoirs'arrêteràelle. 


Les organes indiqués jusqu'ici n’ont rien de tellement spécial et 
caractéristique, qu'ils puissent être regardés comme des branchies 
ou organes de la respiration. Ils peuvent concourir à cette fonc- 
tion, mais ils n’en sont pas les organes exclusifs. 

La branchie (1), ou plutôt le rudiment de la branchie, se trouve 
placé dans l'épaisseur de la paroi du tube du mantean, en avant 
de la bifurcation et entre les deux branches du vaisseau palléal 
moyen inférieur. 

Cette partie du manteau paraît très différente de celle qui l’envi- 
ronne; elle se fait remarquer par la coloration jaunâtre des petits 
îlots entre lesquels sont creusés les canaux qui les parcourent; elle 
est aussi plus épaisse, et sa richesse vasculaire, quand on la in- 
jectée, ce qui a lieu avec la plus grande facilité, est très grande 
etn’a rien qui rappelle un réseau ordinaire. Elle est constante. Je 
ne l'ai jamais vue faire défaut dans aucune des préparations. 

Quand on pousse uue injection dans le vaisseau palléal, on voit 
le liquide passer facilement dans le grand sinus abdominal, en 
tombant d'abord dans le sinus péri-anal ; cela se conçoit, les com- 
munications entre les deux sont très larges. Mais il faut que la ri- 
chesse vasculaire de la partie placée en avant de la bifurcation soit 
bien grande, puisqu'elle s’injecte toujours, et quand on a poussé 
assez convenablement la matière à injection, on la voit se gonfler 
et devenir comme turgide. 

Mais la richesse vasculaire ne serait véritablement pas une rai- 
son suffisante pour attribuer à ce petit espace du manteau un rôle 


(1) Voyez Ann. des sc. nal., 4° série, Zooz., t. VI, figures relatives au man- 
teau, pl. 41, fig. 4, 2 (br) (br). — Voyez aussi la planche 2 du tome VIN, 
fig. 4 (H). 


ORGANISATION DU DENTALE. 5 


aussi important, si l’examen microscopique par les particularités 
qu'il fait reconnaître ne portait à croire que, en effet, la respira- 
tion doit s’accomplir dans son intérieur. 

En enlevant cette partie et la portant sous le microscope, de 
manière à voir la face interne, celle qui correspond à la cavité du 
tube (4), on remarque qu’elle est striée transversalement , qu’elle 
semble plissée, ridée, on creusée de petits sillons, tous parallèles 
entre eux, et perpendiculaires à l’axe du corps. Sur ces plis se 
trouvent des cils vibratiles ; très longs et régulièrement disposés 
en série linéaire sur les bords. 

Quand la partie est suffisamment vivante, les cils ont des mou- 
vements très vifs et déterminent des courants rapides, et l’on a 
sous les yeux, jusqu'à un certain point, l'apparence de quelques 
filaments branchiaux d’Acépbales lamellibranches placés encore à 
côté les uns des autres, et très rapprochés. 

Les courants ne suivent pas le sens de la longueur des plis; ils 
sont, au contraire, perpendiculaires à cette direction, c’est-à-dire 
parallèles au tube du manteau : cela devait être, d’après la disposi- 
tion générale. 

Quand on emploie un fort grossissement (2) pour voir la 
structure intime, on trouve des cellules très évidentes qui se tou- 
chent et qui rappellent tout à fait par leur réunion la structure des 
poches ou abajoues du mamelon buccal. On distingue très nette- 
ment les petits îlots de substance de teinte jaunâtre environnés de 
toute part et isolés par les canaux sanguins. 

Ici encore se présente cette question difficile à résoudre, et qui 
a cependant été tranchée d’un coup , à savoir que les prétendues 
lacunes sont des vaisseaux, dont les parois, caractérisées par un 
épithélium qu'on avait méconnu, sont toujours démontrables. J’a- 
voue que, au milieu de cette structure cellulaire, tant extérieure 
qu'intérieure, je trouverais, pour mon compte, une grande diffi- 
culté à décider si ces canaux, qui, très multipliés dans la bran- 
chie, semblent laisser des îlots de substance du manteau, sont 


(4) Voyez Ann, des 8e. nat., 4° eërie, Zoo, L, VIL, pl. 4, fig, 8 et ig. 4, 
(2) 14, fig. 6. 


16 H., LACAZE-DUTHIERS. 

véritablement des vaisseaux. L’épithélium est difficile à voir; ses 
éléments caractéristiques ne lé distinguent pas, et l’on peut consi- 
dérer les canaux comme des lacunes creusées dans l’épaisseur du 
manteau. 

Le vaisseau palléal moyen apporte-t-il le sang dans ce petit ré- 
seau, ou bien le sang y vient-il de la partie antérieure du manteau 
pour s’hématoser et puis aller dans le sinus péri-anal et le vais- 
seau palléal moyen? C’est une question à laquelle je ne puis ré- 
pondre, on le comprend : quand on n’a pu trouver de centre de 
la circulation , on ne peut guère déterminer la direction exacte du 
cours du sang, Il est probable que, suivant que les déplacements 
quise passent dans les grands sinus, onttelle on telle direction, des 
courants s’élablissent dans les vaisseaux dans un sens ou dans 
l'autre. Tantôt la branchie doit recevoir le sang de la partie anté- 
rieure du manteau, tantôt de la partie postérieure, tantôt du sinus 
anal. Quand une contraction du pied et du sinus abdominal chasse 
le sang par les branches de bifurcation du vaisseau palléal, le 
courant doit aller du sinus au manteau. Au contraire , quand ces 
mêmes parties se dilatent, il y a un effet inverse : le liquide est 
appelé dans la petite branchie, au lieu d'y être envoyé. 

La disposition de cette partie, la seule qui puisse être considérée 
comme une branchie , ses rapports avec le vaisseau palléal dont 
elle occupe la bifurcation , pourraient faire croire tout d’abord 
que le vaisseau palléal est le cœur. Mais on ne le voil jamais se 
contracter ; il est adhérent aux parois du manteau, et par cela 
même il doit être soumis aux alternatives de contraction et de 
relâchement qui se passent dans celui-ci ; il ne peut donc pas même 
être considéré comme un vaisseau ayant des contractions propres. 

Cette petite branchie n’a pas une étendue considérable ; elle oc: 
cupe la petite bosse que fait le manteau en avant de la bifurcation 
du vaisseau palléal, et en avant du pli qui a été indiqué comme un 
étranglement dans cette partie. On la distingue à l'œil nu, sans 
injection, dans les individus vivants. La coloration jaune brunâtre 
des petits îlots fait comme un petit piqueté facile à voir (1). 

(1) Voyez Ann. des sc. nat, 4° série, ZooL., t. VI, fig. du manteau, pl: 41, 
fig. 4,@g. 2 (br) (br). 


ORGANISATION DU DENTALE. 17 


La grandeur de ces petits îlots va en décroissant sur les bords, 
et le petit massif, dont le centre peut être considéré comme 
étant à l'angle même de bifurcation du vaisseau palléal, commu- 
nique sur les côtés avec un réseau (1) de canalicules capillaires 
semblable à celui qui a été décrit dans les parois du manteau ; ce 
réseau fait suite insensiblement aux canaux creusés dans la bran- 
chie. Il semble cependant que, en avant, sur la ligne médiane, la 
branchie se prolonge un peu en pointe, et que, dans le reste du 
manteau , les canaux de la ligne médiane sont plus développés. 
Oninjecte bien plus facilement les réseaux dans ce point que sur les 
côtés; on croirait même que les capillaires dans leur ensemble 
représentent le vaisseau palléal moyen dorsal et antérieur. 


Est-il besoin de répéter maintenant ce qui déjà a été dit, à savoir 
que l'on ne peut considérer les branehies décrites par M. W. Clark 
comme des organes respiratoires : j'ai montré que ces préten- 
dues branchies sont véritablement le foie, et qu'il n’est pas pos- 
sible de les disséquer attentivement sans voir leur connexion avec 
le tube digestif. 

J'en ai assez dit aussi sur les organes de l’innervalion pour faire 
voir que l'opinion de M. Deshayes ne peut pas davantage être par- 
tagée. Après avoir trouvé une branchie où un rudiment de cet 
organe, n'est-il pas évident que c’est une preuve nouvelle en 
faveur des opinions précédemment avancées. 


Il ne reste plus qu'une question relativement à la respiration. 

Dans tousles animaux qui s’enfoncent dans le sol des eaux qu’ils 
habitent, on voit l'extrémité postérieure de la coquille, où un pro- 
longement du manteau, sortir au-dessus de ce sol, et un courant 
d’eau, déterminé par les cils vibratiles nombreux de la branchie, 
s'établir et servir à l’accomplissement de plusieurs fonctions. 

Ici il y a quelque chose de semblable, la position est à peu près 
Ja même, etil s'agit de savoir par où entre le courant, par où il sort, 
puisque la coquille est un tube percé aux deux bouts. 

M. W. Clark a critiqué M. Deshayes ; il s’est complu à donner 


(4) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, ZooL., t. VII, pl 2, Gg. 4 (x). 


l8 H, LACAZE-DUTHIERS. 


des détails pour démontrer que les matières fécales doivent sortir 
par telle ou telle extrémité. Je reviendrai sur ces faits en parlant 
des mœurs du Dentale ; pour le moment, je crois pouvoir affirmer, 
surtout d’après les recherches d'embryogénie, que j'ai la preuve 
indubitable de la direction d’un courant dirigé du sommet vers la 
base de la coquille. Dans l’étude de l'embryon, on verra que le 
courant a une cause bien déterminée, que cette cause a son siége 
au pavillon. Je dois dire qu’il ne m’a pas été possible de constater 
son existence sur les animaux adultes; on en comprendra le motif. 

Quand on ouvre avec soin le sommet du corps de l’animal, on 
trouve, dans l’épaisseur de la partie du pavillon qui forme comme 
un bourrelet, deux lames , deux valvules semi-lunaires (1), l’une 
supérieure, postérieure ou dorsale; l’autre inférieure, antérieure, 
dont les bords libres sont un peu courbes, mais dont les bords 
adhérents sont tout à fait circulaires et se recouvrent en formant 
une orifice petit , ovale, dont l’axe est oblique, et qui peut être 
fermé par le rapprochement des deux lames qui sont de véri- 
tables valvules. 

Dans l'embryon, on voit par transparence déjà le commence- 
ment de ces valvules; mais ce que l’on distingue aussi, et ce 
qu'il est très important de noter, c’est que, dans le jeune âge, 
un bouquet de cils, ou mieux de cirrhes, vibratiles fouettant vigou- 
reusement l’eau et jouant presque comme une palette, détermine 
un courant dans le tube du manteau d’arrière en avant. Sur l’ani- 
mal adulte ces gros cils vibratiles existent-ils? Le courant semble 
l'indiquer, ainsi que l’analogie. Mais l’opacité et la contractilité des 
tissus empêchent de pouvoir décider de visu de la chose; cepen- 
dant je crois qu'ils existent. 

Cette raison m’a fait nommer l'ouverture de cette extrémité ort- 
fice respiratoire ; les longs nerfs qui s’y rendent, ainsi que les 
ganglions qui leur donnent naissance, doivent aussi avoir le 
même nom. On voit maintenant l’analogie de ces ganglions avec 
ceux que, dans les Acéphales, on nomme branchiauæ. 

Je trouve encore ici une certaine analogie dans la présence et la 


(1) Voyez Ann. des sc. nat., # série, Zooe., t. VII, le pavillon M (u/u//), 
pl. 4; fig, schémälique, la coupe, fig. 4 (uw! u''); 


ORGANISATION DU DENTALE. 19 


disposition de ces valvules avec ce qui se remarque dans quelques 
Acéphales lamellibranches. Dans les Bucardes par exemple, le 
manteau se soude à lui-même en.arrière et forme les trous que 
l'on nomme, à bon: droit, respiratoires ; des languettes, véri- 
tables valvules , peuvent les fermer en s'appliquant sur eux. Ici 
évidemment, quand le Dentale veut se séparer du monde extérieur, 
il le peut ; s’il ferme son manteau en avant, s'il applique l’une 
contre l’autre les deux valvules du pavillon en arrière, il estséparé 
de tout ce qui l'entoure, rien ne peut pénétrer dans son tube. 


Tels sont les organes de la cireulation et de la respiration. En 
anatomie, il est possible, comme en toute chose, de forcer les con- 
séquences des résultats obtenus ; il est facile de s’exagérer certains 
faits, et de tomber dans l’erreur sur le rûle des organes; entre 
tout ce qui vient d'être étudié , il y a une telle relation, que je ne 
pense pas qu'on puisse m'accuser de celte exagération. Si l’une 
des parties éprouve une modification sensible, l’autre s’en ressent. 
Or qu'est-il arrivé, la circulation se passe d’une manière fort 
irrégulière dans un système de vaisseaux fort incomplet, et la respi- 
ration elle-même s'effectue dans toute l'étendue du corps et dans 
une partie limitée, rudimentaire, qui a paru avoir localisé une partie 
de la fonction, quoique d’une manière bien incomplète. 

Il y a, sans doute, des exceptions, de nombreuses exceptions, 
à cette loi des corrélations dans la perfection des organes modifi- 
cateurs du liquide nourricier et de ceux de l'irrigation organique ; 
mais elle ne s’est point démentie dans le cas actuel , et je crois, 
sans pousser trop loin les conséquences des recherches anato— 
miques précédentes, pouvoir trouver une confirmation des fatis 
que présente l'organe circulatoire, dans ceux que nous montre 
l'appareil de la respiration ; aussi je crois qu'il est très exact de dire 
que l’imperfection des organes respiratoires peut faire penser que 
l'appareil de la circulation est incomplet ; je dis peut faire penser, 
car l'organe spécial de cette dernière fonction a moins de fixité que 
ceux de la première, et tandis que celle-ci est quelquefois fort com- 
plète, celle-là peut être tout à fait rudimentaire, 


4° série. Zoo. T. VIT. (Cahier u° 4.) 4 4 


50 H. LACAZE-DUTDIERS. 


Ici se termine ce que l'anatomie et observation peuvent faire 
constater, relativement aux organes et aux fonctions de la conser- 
vation de l’individu du Dentale. Reste maintenant l’étude des par- 
ties concourant à la conservation de l’espèce. La reproduction et 
l'histoire du développement feront l’objet de la partie suivante. 


EXPLICATION DES FIGURES. 
PLANCHE 9. 


Fig. 1. Dentale couché sur le dos; le tube du manteau ouvert et rejeté à droite. 
À, pied ; B, manteau ; G, bulbe anal ; H, corps de Bojanus; I, foie; J, organe 
de la génération; L, grand sinus abdominal; M, pavillon, (a, a) les deux 
petits vaisseaux marginaux du bord libre du manteau, (c) réseau palléal plus 
marqué en avant de la branchie (4). Ce réseau devrait se continuer sur tout 
lé manteau, il n'a été désigné que sur un point ; (d) sinus pédieux paraissant 
par transparence, (m) branches de bifurcation du vaisseau (q), (n) sinus péri- 
anal, (g) vaisseau palléal moyen inférieur, (q') orifice par où les injections 
étaient le plus souvent poussées, (r) dépression latérale du grand sinus abdo- 
minal L et correspondant aux espaces interlobaires génitaux, (u) bourrelet du 
pavillon, (u') repli semi-lunaire dorsal antérieur, (u/’) repli semi-lunaire in- 
féro-postérieur, (v) le pavillon échancré, (y) orifice de la circulation, (z) ori- 
fice du corps de Bojanus. ! 

Fig. 2. Vue du sinus péri-anal (n). À, pied ; G, orifice anal; H, corps de Bojanus ; 
1, foie; L, grand sinus abdominal, sur l'extrémité antérieure duquel on voit 
une poche péritonéale, ou séreuse, sans ouverture : du reste, les mêmes lettres 
signifient les mêmes choses que dans la figure précédente. (+) est le ganglion 
branchial, ({) la communication du sinus pédieux (d) avec le sinus péri-anal (x) ; 
sur les côtés on voit une partie de la branchie (s). 

Fig. 3, Les deux orifices de la circulation (y) et du corps de Bojanus (+), et le 
ganglion branchial (x). Ces parties grossies pour montrer la forme et la dispo- 
sition 

Fig. 4. Le sinus péri-anal ouvert laissant voir les trabécules musculaires (n') qu 
vont des parois du sinus au bulbe anal G. Dans le fond G’ est la partie glan- 
dulaire qui se trouve immédiatement après l'intestin et avant la poche dilatée 
faisant suite à l'orifice. 

PLANCHE 9. 


Fig. 4. Corps de Dentale injecté et vu par le dos. Mêmes lettres, mêmes choses 
que dans les figures de la planche précédente. (b, b') vaisseau palléal dorsal 
moyen, duquel naissent les vaisseaux circulaires (a, a'); K, les muscles laissés 
d'un côté seulement ; J’, le canal excréteur des glandes génitales ; l', le canal 


ORGANISATION DU DENTALE. 51 
excréteur du foie; (j) le vaisseau qui, du repli tentaculifère, va au sinus péri- 
anal; (g') le sinus péri-lingual; (m) le vaisseau qui se détache des branches 
de bifurcation du vaisseau palléal moyen inférieur, et qui se distribue au corps 
de Bojanus; (1) grande lacune dorsale placée entre les muscles ; (s) lacune 
latérale, unie à la précédente, correspondant à l'intervalle des deux muscles 
d'un côté; (s') lacunes longitudinales du bord du dos à l'extrémité des glandes 
de la génération. 

Fig. 2. Le sinus sus-æsophagien ouvert, montrant les rapports avec le mamelon 
buccal C. Le ganglion nerveux sus-æsophagien N parait très nettement au 
milieu du sinus (e) ; D, les replis tentaculifères avec les nerfs et les vaisseaux 
qu'ils renferment. 

Fig. 3. Vue à un faible grossissement de la petite branchie placée entre la 
branche de la biforcation du vaisseau palléal moyen inférieur; on voit les îlots 
de substance et les lignes ciliées transversales. 

Fig. 4. Une portion de cetie branchie grossie trois cents fois pour montrer la 
structure cellulaire et la disposition des cils. 


PLANCHE 4. 


Fig. 4. Figure schématique de la circulation du Dentale. Une nouvelle descrip- 
tion est tout à fait inutile, les mêmes lettres représentant les mêmes choses 
que précédemment. (g) est le sinus péri-lingual, E est la langue ; F, le paquet 
intestinal; (i) le vaisseau de la base du repli tentaculifère: (i’) petit vaisseau 
qui va aux parois du pied; (/) communication du sinus lingual avec les vais- 
seaux du mamelon buccal ; (p) est le petit sac séreux placé en dehors de l'ex- 
trémité du sinus abdominal. 

Fig. 2. Coupe du pied et du corps du Dentale pour montrer de proûl les rapports 
des vaisseaux parlant du sinus sus-æsophagien et des vaisseaux du repli ten- 
taculifère E. Les lettres déjà connues désignent les mêmes parties que dans les 
figures précédentes, 

Fig. 3. Une portion de la glande nommée organe de Bojanus dans les Acéphales, 
et considérée généralement comme un rein ; {z) est l'orifice circulaire. 

Fig. #. Les sphérules des éléments vues à 800 diamètres, et constituant le 
parenchyme sécréteur de l'organe, 

Fig: 5. Quelques-unes de ces sphérules remplies de sphérules plus petites. Le 
développement endogène ne peut paraître douteux. O, P,Q, sont des éléments 
isolés, ou enfermés encore dans leur cellule mére. 


ÉTUDES 
sur 


LE CONARIUM ET LES PLEXUS CHOROÏDES 


CHEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX, 
Par Ernest FAIVRE. 


Historique. 


Le but de ce Mémoire est de faire connaître la structure des 
plexus choroïdes et du eonarium chez l’homme et les animaux, et 
de fournir aux physiologistes quelques lumières nouvelles sur 
les phénomènes qui se passent dans l’encéphale. Nos études 
portent sans doute sur un sujet restreint ; mais les limites mêmes 
dans lesquelles nous nous sommes renfermé nous ont permis une 
observation plus attentive, des descriptions plus précises et des 
inductions plus certaines. Quelque minutieux, cependant, que soit 
le sujet que nous avons choisi, quelque circonserit qu'il paraisse , 
il n’en a pas moins une histoire et un passé. Nos travaux suivent 
ceux d'un grand nombre d’anatomistes, et ouvrent des voies nou- 
velles à des recherches subséquentes. 

Avant de présenter nos propres observations, nous passerons 
en revue les résultats oblenus par les hommes qui ont traité avant 
nous le sujet que nous abordons aujourd'hui. Nous nous arrête- 
rons donc aux noms et aux faits principaux, sans avoir la préten- 
tion de faire un historique complet. 

Oribase et Galien ont parlé tous deux de la glande pinéale (4); 
ce dernier anatomiste lui a donné lenom decüux ovoerd£ç, xwvéotov, 
nom emprunté à la forme conique de cette partie, et que nous con- 
servons dans ce travail, Les Latins nommaient ce corps turbo, 
glandula turbinala , peniformis, sive penis virga cerebri, d’où le 
nom de glande pinéale. 


(1) Oribase, p. 40. Galien, De usu partium, 1. 8, €. 44, 


DU CONARIUM ET DES PLEXUS CHOROÏDES, ETC. 53 


Il faut arriver au xvn° siècle pour trouver quelques études nou- 
velles et importantes sur le conarium et les plexus choroïdes. 
Willis, dans son immortel ouvrage sur l'anatomie du système ner- 
veux, décrit avec soin ces deux parties, et cherche à en pénétrer 
les usages (4); il distingue dans le conarium une capsule et une 
matière parenchymateuse intérieure , mais il ne parle pas des con- 
crétions ; il dit que le conarium se trouve chez les Mammifères, 
les Oiseaux , les Reptiles et les Poissons ; qu'il doit être assimilé 
aux autres glandes qui tapissent les plexus choroïdes ; qu'ainsi il 
a pour but, comme ces glandes, d’absorber et de contenir la sé- 
rosité déposée avec trop d'abondance : Collocatur ul serositates 
- tlluc uberius depositas excipere et continere valeat. 

Willis a bien reconnu la vascularité des plexus choroïdes ; mais 
il admet des glandes sur les mailles de ces plexus; ce sont, sans 
doute, les villosités choroïdiennes qu'il a prises pour des glandes. 
Dans nes considéralions générales, nous traiterons des usages que 
Willis reconnait aux plexus choroïdes ; nous ne nous y arréterons 
donc pas maintenant. A l’époque où écrivait Willis, la théorie de 
Descartes sur la glande pinéale était connue du monde savant , et 
aucun analomiste n’oubliait d'appuyer ou de combattre cette doc- 
trine célèbre. Descartes admettait, comme on le sait, que les cavi- 
tés du cerveau sont les réservoirs des esprits animaux; que les 
parois de ces cavités sont formées par les filets nerveux qui s'irra- 
dient dans tout le corps; que la glande pinéale est comme suspen- 
due en équilibre au-dessus de ces réservoirs. Lorsqu'un objet 
lumineux fait une impression sur la rétine, l’ébranlement se con- 
tinue le long des fibres jusqu'aux parois du réservoir où elles 
aboutissent , ce qui agite la liqueur qui y estrenfermée, et l’oblige 
à aller heurter contre le conarium. Ainsi l'âme logée dans cette 
glande se ressent de l'impression faite sur la réline; mais la 
glande, qui est comme en équilibre, ne saurait être touchée sans 
s'incliner, ce qui détermine le liquide à frapper contre l'ouverture 
du nerf qui est vis-à-vis, ct par conséquent le fait couler dans 
quelque muscle ou dans quelque viscère. 


(1) Willis, Cerebri analome, cap. 2 ot 15. 


54 E. FARVRE. — DU CONARIUM ET DES PLEXUS CHOROÏDES 

Ainsi la glande touchée fait naître la sensation, et son inelinai- 
son produit le mouvement (1). 

Le système de Descartes fut soutenu par Albinus, Waldschmidt, 
Beutler, et même par le célèbre Camper ; mais la plupart des ana- 
tomistes le rejetèrent. 

Duverney, un des créateurs de l'anatomie comparée , le discute 
sérieusement dans ses œuvres anatomiques (2) ; il est inutile d’en- 
trer dans celle discussion, qui n’a plus pour nous qu’un intérêt 
historique. 

Cet éminent anatomisté a prétendu que le conarium n’existe pas 
chezle Chien ; cette assertion ne peut être soutenue de nos jours. 
Nous trouvons aussi dans ses œuvres quelques détails sur les 
plexus choroïdes et leurs villosités. I dit, tome [‘, page 41°: « La 
» partie des plexus qui en paraît grenue, et qu'on croit être glan- 
» duleuse, étant vue avec une forte loupe, paraît composée de plu- 
» sieurs petites feuilles goudronnées , sur lesquelles se ramifient 
» les vaisseaux ; ce sont ces petites feuilles ainsi disposées qui ser- 
» vent à la sécrétion de la lymphe qni humecte le dedans des ven- 
» tricules; elles se convertissent quelquefois en bouteilles rondes, 
» semblables à des Hydatides. » L'opinion de Duverney sur les 
usages des villosités nous semble parfaitement fondée. 

Pendant une grande partie du xvm siècle, les anatomistes se 
préoccupèrent peu du conarium et des plexus choroïdes ; on trouve 
néanmoins dans les auteurs quelques observations éparses sur ce 
sujet. La plupart de ces observations ont pour but de signaler les 
concrétions de la glande pinéale : ainsi King publie une observa- 
tion de la glande pinéale pétrifiée dans le cerveau (3); Saltzmann 
ct Gunzius (4), en 4730 et 1754, font connaitre leurs observations 
sur le même sujet; Ruysch signale trois calculs (5) dans l’inté- 
rieur du conarium ; Méibomius en a vu dix; Vieussens (p. 74) a 
trouvé le plus souvent des concrétions dures et jaunâtres ; Lieu- 


) Descartes, Traité des passions et Traité de l Homme. 

).Duverney, OEuvres anatomiques, publiées en 1764, p. 60. 

) King, Transucl. philosoph., n° 185, art. 1v (1686). 

) Gunzius, Dissertatio circa lapillos glandulæ pinealis. 4754, Leipsick. 
) 


£) G 
5) Ruysch, Thesaurus anulomicus quintus, tab. 3, fig. 3. 


J 


CHEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX. 595 


taud (Précis de médecine pratique , p. 175) dit que rarement les 
calculs manquent dans le conarium; Haller donne une longue liste 
des auteurs qui ont fait sur ce sujet les mêmes observations. Nous 
pouvons citer parmi eux Brunner, Contuli, Wepfer, Kruger, Bar- 
tholin, Winslow, Vesti, Petermann, Santorini. 

Plusieurs auteurs trouvèrent le conarium chez les animaux : 
ainsi il fut observé par Parisini chez l'Eléphant, le Chameau et le 
Lion ; par Harder, chez le Chien etl’Aïgle , et par Salzmann, chez 
les Poissons. 

Le célèbre Haller émet plusieurs assertions erronées au sujet 
du conarium (4) ; il regarde l’acervalas comme anormal et patho- 
logique ; il devrait être considéré comme se rattachant aux affec- 
tions mentales. Haller pense aussi que le conarium n'existe ni chez 
les Oiseaux, ni chez les Poissons. Dans le paragraphe consacré aux 
plexus choroïdes, nous ne trouvons aucun détail anatomique se 
rapportant à la structure; il y est fait mention des vésicules qui se 
trouvent fréquemment à la surface des plexus choroïdes, et qui 
forment en ce point des petits kystes (2). 

Nous avons à signaler les observations de Meckel sur le cona- 
rium (3), qui sont contemporaines de l'ouvrage de Haller. Cet au- 
teur démontre que lacervulus peut être regardé comme un produit 
normal, et il prétend qu'il doit sa formation à la lymphe qui 
s’épanche en dehors des lymphatiques entourant la glande pinéale. 
Morgagni avait émis une opinion différente en soutenant que les 
petits dépôts étaient formés par des parties terreuses, résidu de 
l'absorption des matières liquides, ! 

Le 31 octobre 1785, Samuel Sœæmmering présenta une disser- 
tation importante sur l’acervulus du conarium (4). I fit connaître 
avec détail le siége, la couleur, la forme et le nombre des concré- 
tions. Il les a toujours trouvées chez des enfants, et même chez des 
fœtus. 11 signala les modifications que l'âge fait éprouver aux cal- 


(1) Haller, £lementa physiologiw, 1. LV, p. 64. 

(2) 1d., p. 47 et #8. 

(3) Ludwig, Script. neurol. minores, €. IV, p. 9. 

(4) Sœmmering dans Ludwig, Scriptores neurolog minores selecti, vol. HT, 
p. 322, 


96 E. FAIVRE. — DU CONARIUM ET DES PLEXUS CHOROÏDES 


culs : « Pellucidiores et fere candidi in infantibus, luteoli in junio- 
» ribus, flavi in adultis, crocei in decrepitis. …. » Il donna enfin 
les résultats peu clairs qu'il avait obtenus par l'analyse chimique. 
Cette dissertation a pour résultat définilif d'établir que l’acervulus 
est un produit normal; c’est ce que résume la phrase suivante 
textuellement empruntée au travail de Sæmmering : « Semper 
» adesse acervulum in cerebris mente et corpore sanissimorum 
» hominum, in infantibus, juvenibus adultis et senibus, in viris et 
» feminis , in Europæis non modo, sed etiam Afris inveniri, per- 
» petuo ejusdem indolis quod calorem et substantiam esse, et, ni 
» me Omnia fallant, ad naturalem cerebri in hoc loco structuram, 
» hunc acervulum pertinere, parum vel omnino non constare 
» videtur. » 


Sæmmering a aussi examiné le conarium d’un grand nombre 


d'animaux, et il n'y a jamais trouvé d’acervulus. Après le travail 
de Sæmmering, les études les plus complètes sur le conarium ont 
été faites par les frères Wentzel, dont l'ouvrage doit toujours être 
consulté, lorsqu'il s’agit du cerveau (4). 

Sur plus de quatre cents cerveaux humains, ils ont toujours ob- 
servé le conarium. Chez l'embryon, le conarium est arrondi et 
pâle; de la naissance à la septième année, il devient triangulaire, 
plus rouge et plus ferme ; de la septième année à la fin de la vie, 
il prend la forme conique et grandit un peu ; il ne manque chez 
aucun des Mammifères qu'ils ont examinés. 

Avant la septième année, l’acervulus existe rarement. Cepen- 
dant les frères Wentzel l'ont trouvé chez des.enfants de trois et de 
six mois. Chez les enfants, l’acervulus se trouve sur les freins ; 
chez les adultes, il occupe souvent la fossetle située à la base de Ja 
face antérieure du conarium ; chez les vieillards, il est surtout in- 
férieur à cet organe. Les auteurs se livrent à des considérations 
trop minutieuses et trop inutiles sur la couleur et la consistance de 
l'acervulus, pour que nous puissions les suivre. L'examen micros- 
copique à fait reconnaitre que l’acervulus est formé de petits grains 
arrondis qui ne tardent pas à se réunir. 


(1) Wentzel, De penilioristructura cerebri Hominis el brulorum, Tubingæ, 4812. 


CHEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX. 91 


Voici la conclusion à laquelle sont arrivés les frères Wentzel sur 
le sujet qui nous occupe : « Conarium acervuli organum esse vide- 
» tur, uti renes organum sunt, in quo urina, heparque in quo bilis 
» secernitur. Acervulus porro vivo in corpore non tanquam arena 
» seu lapilli, sed tanquam mollior materia existere videtur. » 

Nous trouvons aussi, dans l'ouvrage des frères Wentzel, d'im- 
portantes observations sur les plexus choroïdes (1). Ils signalent 
spécialement dans un long chapitre le volume que prennent les 
plexus dans l’étage inférieur des ventricules latéraux. Ce volume 
est dû à cette circonstance que les vaisseaux, plus nombreux dans 
ce point, offrent des varicosités. Cette disposition particulière est 
désignée par eux sous le nom de glomus. Le glomus existe toujours ; 
en l'étudiant au microscope, on y découvre tantôt des taches, tan- 
tôt des corps arrondis ou ovalaires. Ces corps paraissent solides 
et d’une grande consistance. Leur formation se rattache à une 
exsudation de lymphe. Ce glome se trouve chez la plupart des 
Mammifères ; seulement, au lieu d’être placé, comme chez l'Homme, 
à la partie postérieure du plexus, il est situé à la portion anté- 
rieure et supérieure. Le chapitre que nous analysons est d’ailleurs 
fort obscur ; nous aurons occasion de revenir sur les détails qui y 
sont consignés et de les exposer avec précision. 

Les anatomistes modernes se sont peu occupés du conarium et 
surtout des plexus choroïdes. 

Au point de vue anatomique, nous pouvons citer les remar- 
quables études de M. Serres sur le développement de la glande 
pinéale, qu'il nomme épiphyse cérébrale (2). Il a vu que, chez l’em- 
bryon des Mammifères, le conarium est d'abord double. Vers le 
troisième mois, on voit paraitre, à l'extrémité de chaque frein pos- 
térieur, un petit noyau de matière grise. Ces deux noyaux se réu- 
nissent au commencement du quatrième mois chez l'Homme, du 
troisième chez le Mouton, vers le milieu du quatrième chez le 
Veau et le Cheval ; c’est de là que résulte la glande pinéale, M. Serres 
a observé le conarium chez les Poissons, la Lotte, le Maquereau, 


(1) Ouvrage déjà cité, chap. 1x. 
(2) Serres, Analomie comparée du système nerveux, t, K, p. 29. 


98 ÆE. FAIVRE. — DU CONARIUM ED DES PLEXUS CHOROÏDES 

le Hareng, la Morue, l'Ange, la Lamproie, l'Anguille, I cite aussi 
un très grand nombre de Reptiles, d'Oiseaux, de Mammifères, chez 
lesquels il a pu facilement reconnaitre cet organe, Il n’a trouvé 
l'acervulus que chez l'Homme et le Singe. Treviranus avait avancé 
que le conarium est plus développé chez les animaux aquatiques 
que chez les espèces terrestres. M. Serres n’a pu vérifier cette 
assértion. 

M. Cruveilhier se borne à reproduire les-anciennes deserip- 
tions (4). Valentin, qui a mieux examiné la structure intime du 
conarium, la compare à celle de la glande pituitaire (2). Hannover 
a mieux étudié encore la glande pinéale, et y a constaté la présence 
des éléments dont nous parlerons plus loin (3). Külliker dit seu- 
lement que la glande pinéale se compose de cellules pàles, arron- 
dies, sansprolongements, et de quelques rares fibres nerveuses (4). 

On ne sait rien encore de positif sur les usages du conarium ; 
Rolando et Magendie ont expérimenté sans succès pour en eon- 
naître les fonctions (5) ; et il faut accorder peu de: valeur à l’hypo- 
thèse de Bennett, qui regarde cet organe comme appartenant au 
système glandulaire lymphatique et pouvant servir à la formation 
des globules rouges du sang (6). 

Les auteurs qui paraissent avoir étudié le plus récemment les 
plexus choroïdes, sont Van Ghert, Purkinje, Valentin, Henle. Il 
nous à été impossible de nous procurer la dissertation de Van 
Ghert (7); nous nous bornons à la mentionner. 

Purkinje a porté le premier son attention sur l’épithélium des 
plexus, qu'il considère comme un épiderme (8). Valentin a affirmé 
que, chez certains Mammifères, les cellules de l’épithélium des 
plexus portent des cils vibratiles (9). 

(1) Cruveilhier, Anatomie, t. IV. 

(2) Valentin, Névrol. dans Encycl. anatomique. 

(3) Recherches microscopiques sur-le système nerveuæ. Copenhague, 4844. 

(4) Éléments d'hislologie humaine, p. 337. 

(5) Journal de physiologie, t. LI, p. 101. 

(6) Bennett, On leucocythemia, 1852, p. 112. 

(7) Van Ghert, Dissertatio de plexibus choroïdeis. Utrecht, 4837. 

(S) Archives de Müller, 1836, p. 390. 

(9) Valentin, Physiologie, p. 22. 


CHEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX. 59 


Henle a montré que des angles de la plupart des cellules s’éten- 
dent vers la couche du tissu conjonctif des prolongements courts, 
étroits, transparents, et terminés en pointes comme des épines (4). 
Aucune opinion, appuyée sur des expériences, n’a été, à notre 
connaissance, émise sur les usages des plexus choroïdes. 


Le mémoire que nous publions a été présenté à l’Académie des 
sciences dans la séance du 28 août 1854, et, par suite de circon- 
stances, il n’a pu encore être imprimé entièrement. Dans l’inter- 
valle qui s’est écoulé depuis sa présentation, un travail très im- 
portant a été publié en Allemagne sur la structure des plexus 
choroïdes : il est dü aux recherches du savant anatomiste de Tu- 
bingen, le professeur Luschka (2). Nous ne pouvons nous dispenser 
de présenter une courte analyse de ce travail, beaucoup plus com- 
plet que le nôtre sous plusieurs rapports; il confirme une opinion 
que nous avions déjà émise dans une dissertation publiée en 1853 
sur les granulations de Pacchioni : il s’agit du rapport des plexus 
choroïdes avec la production du liquide céphalo-rachidien; le pro- 
fesseur Luschka apporte de nouveaux arguments en faveur de cette 
thèse importante, et il nous fait l'honneur de rappeler dans sa 
préface, que nous avons exprimé, à la même époque, une opinion 
parfaitement conforme à la sienne. 

Des cinq parties dont se compose Ja dissertation de Luschka, 
une seule nous intéresse directement : c’est la quatrième, qui traite 
des plexus choroïdes en général et en particulier. L'auteur s'oc- 
cupe séparément du tissu connectif, des vaisseaux et de l'épithé- 
lium des plexus choroïdes. Tous les points sont décrits d’une ma- 
nière très complète, mais les détails relatifs à l’épithélium sont 
peut-être les plus nouveaux ; parmi les points sur lesquels l’anato- 
miste allemand attire l'attention, je citerai le développement de 
l'épithélium choroïdien, les prolongements multiples que les cel- 
lules peuvent offrir chez les adultes, et surtout les formations qui 
ont lieu dans un âge avancé à l’intérieur des cellules choroïdiennes. 

(1) Anatomie générale, p. 228. 


(2) Die Adergeflechte des Menschlichen Gehirnes , mit vier Tafeln Abbildungen. 
Berlin, 4855. 


60 E. FAIVRE, — DU CONARIUM ET DES PLEXUS CHOROÏDES 

On voit, en effet, dans quelques-unes de ces cellules, en dehors des 
noyaux, une espèce de boucle présentant dans son trajet un noyau 
ovalaire; dans d’autres formes, la boucle est plus ouverte ; dans 
d’autres, les deux extrémités sont déjà séparées; enfin, on peut 
trouver en dehors des cellules des éléments fusiformes uni- ou 
multinucléés à l’intérieur. Tous ces détails sont admirablement re- 
présentés dans la table 11, fig. 8 du mémoire. Luschka décrit 
aussi avec soin la zone amorphe qui entoure les flexuosités arté- 
rielles, et les appendices particuliers qui en émanent chez les per- 
sonnes âgées, 

En résumé, il est certain que Luschka a ajouté aux faits déjà 
observés par lui et par nous nombre de détails intéressants ; mais 
nous devons faire remarquer que le savant professeur à fait l’étude 
de tous les plexus choroïdes , tandis que nous nous sommes borné 
à l'examen des plexus choroïdes des ventricules latéraux. 


1° Conarium. 


Conarium chez l'Homme. 


Avant d'étudier la structure du conarium, objet particulier de 
notre travail, nous résumerons en quelques mots les connais- 
sances anatomiques acquises sur ce singulier organe. Nous avons 
indiqué dans notre historique les diverses dénominations qui lui 
ont été données successivement. 

Ce conarium est un corps grisâtre, situé dans l'épaisseur de la 
toile choroïdienne, au-dessus des tubercules quadrijumeaux , au- 
devant du cervelet, et en arrière du troisième ventricule. Sa cou- 
leur est grisâtre, et sa forme rappelle celle d’un cône. Sa face 
postérieure répond à l'intervalle qui sépare les deux tubercules 
quadrijumeaux antérieurs; sa face antérieure est recouverte par 
les veines de Galien, qui la séparent du corps calleux; ses faces 
latérales sont unies aux plexus choroïdes par des liens vasculaires 
très nombreux. Du corps de l'organe partent des pédoncules, au 
nombre de trois, de chaque côté. 

Les pédoueules supérieurs se dirigent en avant et s'appliquent 
sur les couches optiques; les pédoncules inférieurs descendent 


CHEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX. 61 


verticalement au-devant de la commissure postérieure, et vont se 
perdre dans la couche optique; les pédoneules transverses forment 
un petit faisceau superposé à la commissure postérieure. 

Le conarium a environ 5 à 6 millimètres de long : tantôt il pré- 
sente à l’intérieur une cavité remplie de matière liquide ; tantôt, au 
contraire, il est complétement plein. 

Trois éléments entrent dans la constitution du conarium chez 
l'Homme : l'enveloppe fibro-vasculaire, le parenchyme globulaire 
et l’acervulus ou amas de matières inorganiques. Considérés sous 
le rapport de leur masse, ces éléments se répartissent ainsi : 
parenchyme globuleux, capsules et prolongements fibro-vaseu- 
laires, acervulus. 

C'est également l’ordre d'importance qu’il convient de leur assi- 
gner. La membrane fibro-vasculaire est périphérique , et envoie 
dans le centre de l'organe un grand nombre de prolongements ; la 
masse globuleuse forme le parenchyme même du conarium ; 
l’acervulus, enfin, constitue le plus souvent des petits groupes pla- 
cés dans la région de l’insertion des freins. 

A. Parenchyme globuleux ou nucléaire. — Les détails dans les- 
quels nous allons entrer nous paraissent nouveaux et d’une cer- 
taine importance. Nouslisons, dansles auteurs, que leconarium est 
formé d’une masse de substance grise, analogue à celle de la sub- 
stance corticale. La couleur, la consistance et la disposition géné- 
rale semblent lever à cet égard tous les doutes. Cependant l’exa- 
men microscopique, même le plus superficiel, démontre bientôt 
que la substance du conarium ne ressemble en rien par sa struc- 
ture à celle du système nerveux en général. Déjà Valentin l'avait 
remarqué, et il avait vu que les formations nucléaires et grenues 
du conarium , différant essentiellement de la masse grise du reste 
du système nerveux central, ont une ressemblance frappante avec 
le tissu de la glande pituitaire (4). Nos observations ont complété 
ces résultats. 

Nous avons examiné, à un grossissement de 500 diamètres, lé 
conarium d’une femme de soixante ans; nous l'avons trouvé 


(4) Valentio, Névrologie, p. 222. 


62 E. FAIVRE. — DU CONARIUM ET DES PLEXUS CHOROÏDES 


composé d’une multitude de corpuscules. Leur forme est elliptique 
ou arrondie ; leurs contours sont nels et réguliers, et leur dia- 
mètre varie entre 0"*,010 et 0"",015; ils sont grenus à lin- 
térieur. 

Chez quatre Hommes adultes, en employant le même grossisse- 
ment, nous avons reconnu la même structure. L'eau ne modifie 
pas les corpuscules ; l'acide acétique ne leur fait subir aucun ehan- 
gement, ef l’alcool les rétracte sans les altérer. Le conarium d’uné 
petite fille de trois ans nous a présenté les mêmes détails ; seule- 
ment les globules sont un peu moins volumineux. Chez un enfant 
mâle d’un an, le diamètredes corpuseules était moins considérable; 
c’était là la seule différence essentielle. Nous n’avons pas négligé 
l'examen du conarium des vieillards : chez une femme de soixante- 
quinze ans nous avons trouvé les globules plus grenus à l’inté- 
rieur et d'un volume plus considérable que chez l'adulte, puisque 
le grand diamètre a, en moyenne, de 0"*,012 à 0"",014. Mèmes 
caractères chez d’autres vieillards. 

Nous avons remarqué que ces globules du conarium se détrui- 
sent avec une {rès grande facilité. En examinant la glande pinéale 
abandonnée quelques jours sous l’eau, la structure de ses éléments 
devenait méconnaissable, 

En résumé, nous pouvons établir : 4° que le parenchyme du 
conarium est essentiellement composé d’une grande quantité de 
globules ou noyaux ; 

2 Que ces globules, grenus dans l’intérieur, sont généralement 
elliptiques et à bords réguliers ; 

3 Et qu'ils offrent un diamètre moyen de 0"",015. 

Quelle est la nature de ces éléments globuleux que nous venons 
de décrire chez l'Homme? Constituent-ils un élément particulier 
distinct de l'élément nerveux ? N’en sont-ils qu'une modification ? 
Ou bien peuvent-ils être regardés comme des noyaux de cellules ? 
Nous n’hésitons pas à croire que les globules du conarium ne pré- 
sentent en rien la structure habituelle du système nerveux ; mais 
qu'ils se rapprochent des éléments nerveux qu’on observe chez les 
embryons ou les Invertébrés. La structure n’est pas tellement es- 
senlielle à un système organique, qu’elle ne puisse varier; nous en 


CHEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX. 63 


avons dans l’économie de bien nombreux exemples. Le système 
nerveux se compose de deux éléments de tubes et de corpus- 
cules. 

On distingue deux sortes de tubes : 1° 'es tubes larges, blancs, 
à double contour, de la vie animale ; 2 les tubes minces, gris, à 
simples contours, de la vie organique. O? distingue aussi deux 
espèces de corpuscules : les granules ou corpuseules pleins, et les 
corpuscules creux qui représentent des cellules nucléées et nu- 
cléolées. Les corpuseules du conarium peuvent bien aussi consti- 
tuer un autre état histologique du système nerveux, et des forma- 
tions analogues peuvent se rencontrér dans d’autres parties dé 
l'axe encéphalo-rachidien. Valentin pense quele tissu de ia glande 
pituitaire offre de grandes analogies avec celui du conarium ; mais 
là glande pituitaire est composée, d’après ce même auteur, de 
corps arrondis, particuliers, d’un assez gros volume proportion- 
nel. Ces corps sont pourvus souvent de noyaux, parfois même 
de nucléoles. Ces formations, qui changent beaucoup par l’action 
de l'eau, sont séparées par une masse à grains fins. 

En répétant nos observations microscopiques sur le parenchyme 
du conarium , nous sommes plusieurs fois parvenu à reconnaitre 
que certains corpuscules sont entourés d’une membrane. Cette 
membrane est la paroi d’une cellule, dont le corpuscule est le 
noyau. Ainsi le parenchyme globuleux pourrait plus justement 
être appelé parenchyme nucléaire. Nous montrerons, plus loin, 
comment l'anatomie comparée confirme notre manière de voir. 

B. Élément fibro-vasculaire. — Le conarium occupe la portion 
horizontale de la grande fente de Bichat; c’est en ce point que la 
pie-mère pénètre dans les ventricules avec les nombreux réseaux 
vasculaires qui en occupent la surface, à ce point que l'arachnoïde 
viscérale se replie sur elle-même autour des veines de Galien. Le 
conarium se trouve en quelque sorté caché au milieu de ces mem- 
branes; aussi sa séparation devient-elle diflicile en quelques cas, 
De cette gaine que les plexus forment au conarium, partent des 
prolongements fibro-vaseulaires qui, s’enfonçant dans l'épiphyse 
cérébrale, semblent la partager en une foule de cavités; cette dis- 
position nous rappelle très exactement la capsule propre des glandes 


64 E. FAIVRE. — DU CONARIUM ET DES PLEXUS CHOROÏDES 


et les prolongements qui partent de la face interne de celte capsule. 
Nous verrons d’ailleurs que, chez certains animaux, le conarium 
est entouré d’une véritable membrane d'enveloppe. 

La disposition que nous venons de signaler se lie à la présence, 
dans l’intérieur du conarium, d’un lacis considérable de vaisseaux 
capillaires, et celte vascularisalion, si prononcée, explique à la fois 
la couleur rosée de l'organe et la présence des dépôts inorga- 
niques, qui s’y rencontrent souvent, 

Nous n'insistons pas sur la constitution microscopique des 
éléments fibro-vasculaires qui entrent dans la composition du 
conarium. Cette composition est très simple d’ailleurs : un tissu 
connectif assez ferme, et des capillaires appartenant au premier 
groupe, c’est-à-dire ayant un diamètre de 0"",007 à 0®",0030. 
Telle est la constitution générale de ces parties protectrices et nu- 
tritives. 

E. Concrétions. — Depuis Oribase et Galien, presque tous les 
anatomistes ont vu les concrétions du conarium ; la plupart les ont 
considérées comme un produit pathologique dont l’existence déno- 
tait la folie, la stupidité, la céphalalgie. 

Nous avons parlé, dans nos considérations historiques, des opi- 
nions de Schleselden, Varoli, Morgagni, Gunzius, Haller, Gredin- 
gius, Meckel, ete. Sæmmering, dans sa dissertation du 31 oc- 
tobre 1785, est le premier auteur qui se soit occupé avec détail 
des concrétions inorganiques du conarium, et qui ait considéré 
leur existence comme un fait normal. Après lui, cette étude a été 
reprise par les frères Wentzel, qui en ont étudié jusqu'aux plus 
petits détails : nos auteurs modernes n'ont guère fait connaître 
que la composition chimique, négligée jusqu'alors. 

Siége. — Le siége des concrétions est variable, D'après les 
frères Wentzel, chez l’enfant, l’acervulus occupe surtout les freins ; 
chez l'adulte, on le trouve presque toujours dans une petite dé- 
pression creusée à la base de la face antérieure du conarium , et 
chez les vieillards, dans l'intérieur même de l'organe, Nous ne 
pensons pas que le siège varie suivant les âges, ét nous avons tous 
jours vu l’acervulus à la base de la face antérieure du conarium et 
dans cet organe lui-même. 


CHEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX. 65 


Sur trente-six observations faites par Sœmmering, sur cent 
autres que les frères Wentzel ont rapportées, el sur trente conarium 
que nous avons examinés nous-même, l’acervulus n’a manqué 
qu'un très petit nombre de fois : encore était-ve chez les enfants. 
Avant les septième et huitième années, nous n'avons jamais trouvé 
de concrétions visibles à l'œil nu. Sæmmering et les frères Wentzel 
disent en avoir reconnu des traces. Je doute fort qu'on puisse en 
rencontrer dans les embryons, comme quelques auteurs le pré- 
tendent. 

La quantité augmente avec l’âge, mais sans proportion gardée 
avec le volume du conarium. 

La couleur varierait avec l’âge, d’après Sæmmering. Les con- 
crétions seraient plus pâles et presque blanchâtres chez les enfants, 
d’un jaune clair chez les jeunes gens, plus foncées chez les adultes, 
et ambrées chez les vieillards. Le nombre et le volume des grains 
qui constituent l’acervulus , est très variable. A en juger par nos 
observations et celles des auteurs rapportées par Haller, il n’y a 
rien de constant à cet égard. Les frères Wentzel ont écrit que la 
consistance des concrétions était d'autant moindre que l’âge des 
sujets élait moins avancé. La structure des concrétions a été étudiée 
par les frères Wentzel et par Valentin. Ils ont vu que chaque frag- 
ment était conslitué par des masses arrondies, accolées les unes 
aux autres, et d’un aspect moriforme. En répétant avec soin ces 
observations à un faible grossissement, nous avons parfaitement 
distingué tous les détails relatifs à la structure des concrétions. 
Elles sont formées d'une portion amorplie nucléaire, et d'une sé- 
rie de petites éminences arrondies ou allongées qui donnent à la 
production la forme d’une mûre. 

Les corps moriformes sont de grandeur variable. Nous en avons 
mesuré dont le diamètre est de 1,23 et même 4 dixièmes de 
millimètre. Les coupes verticales, suivant lé grand diamètre, ne 
laissent aucun doute sur le mode de formation et d’accroissement 
de ces petites concrétions. C’est du centre à la périphérie, et par 
des dépôts successifs dans un ou plusieurs centres, que les couches 
se forment et qu'elles produisent graduellement les corps mame- 
lo!nés que nous venons de décrire, 

£" sôri, Zoo, T. VIS. (Crhirr n°2 ,) 5 


66 E. FAIVRE. — DU CONARIUM ET DES PLEXUS CHOROÏDES 

A l’aide d’une goutte d’acide nitrique , on peut facilement s’as- 
surer, sous le microscope, d'un notable dégagement d’acide carbo- 
nique. Les concrétions sont done essentiellement formées par du 
carbonate de chaux. Néanmoins, après celte opération, il reste un 
résidu de malière organique. Psaff a soumis à l’analyse les con- 
crétions du conarium, et les a trouvées composées : 


De phosphate calcaire, 
De carbonate de chaux, 
Et de matière animale. 


Outre les concrétions sur lesquelles nous venons d'insister, on 
rencontre encore dans le conarium divers produits inorganiques : 
phosphate de chaux, de magnésie, mais plus rarement de la cho- 
lestérine. Ces produits, d’ailleurs en petite quantité et variables, 
sont tout à fait accidentels. Nous en parlerons de nouveau, en trai- 
tant des produits inorganiques des plexus choroïdes. 

Conarium chez le Cheval. — Ta structure du conarium chez le 
Cheval se rapproche singulièrement de celle que nous venons de 
faire connaître chez l'Homme. La grande différence toutefois con- 
siste dans l'absence de l’acervulus chez le Cheval. L'élément fibro- 
vasculaire est très développé chez cet animal. Une tunique fibreuse, 
serrée et dense, enveloppe le conarium et donne à cet organe 
une consistance particulière. Le lacis vaseulaire qui rampe sur 
cette tunique, pénètre dans le parenchyme de l’épiphyse cérébrale 
et y forme de nombreuses anastomoses. 

Le parenchyme du conarium est composé des noyaux ellipti- 
ques qui caractérisent déjà le conarium de l'Homme. Ces globules 
ont aussi des bords nets, ils sont ponctués dans leur milieu ; leur 
grand diamètre atteint en moyenne 0"*,020. Il est donc plus con- 
sidérable que celui de l'Homme, Ces corps sont, d’ailleurs, inso- 
lubles dans l’eau, l’alcool et l'acide acétique. Dans ce parenchyme, 
comme dans la substance du conarium humain, nulle trace de 
tubes ou de corpuscules nerveux, si ce n’est toutefois à la base et à 
la région de l’insertion des freins. Chez un Cheval récemment tué, 
chez plusieurs autres, dont la mort remontait déjà à quelques jours, 


CUEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX. 67 
nous avons retrouvé les mêmes corpuseules, sans qu'ils nous aient 
paru avoir subi la moindre modification. 

Dans tout le parenchyme du conarium, on distingue, àun gros- 
sissement de 500 diamètres (c’est le grossissement que nous 
avons employé dans loutes ces observations), une multitude de 
petits grains noirs, doués d’un mouvement brownien très remar- 
quable. Ce sont des grains de phosphate de chaux dont le nombre, 
nous le répétons à dessein, est très considérable. Ils paraissent 
libres entre les divers globules organiques, dans l'intérieur des- 
quels on ne les rencontre pas. 

Nous avons rencontré une fois dans le parenchyme des lamelles 
de cholestérine. 

Nous croyons utile de faire ressortir, par un parallèle, les dif- 
férences qui séparent le conarium de l'Homme de celui du Cheval. 

Le conarium humain a un volume proportionnel plus considé- 
rable. 

Il est arrondi, celui du Cheval est allongé. 

Il est gris clair ; celui du Cheval est d’un brun noir. Sa consis- 
tance est faible. Chez le Cheval, elle est très considérable, 

IL présente quelquefois une cavité à son intérieur; nous n’en 
ayons jamais trouvé chez le Cheval. 

Relativement à la structure, l'enveloppe cellulo-vaseulaire est 
formée chez l'Homme par un tissu connectif lâche, et chez le Che- 
val par un tissu vraiment fibreux. 

Les globules du parenchyme sont de la même nature, mais un 
peu plus volumineux chez le Cheval. Les concrétions ne consistent 
plus dans des amas de grains calcaires; elles se réduisent à des 
grains de phosphate de chaux visibles seulement au microscope. 

Mouton. — Le conarium du Mouton est grisâtre et sphérique. 
Lorsqu'on le coupe, on ne distingue dans son intérieur ni concré- 
tions ni cavité. 

Les membranes qui l’entourent lui forment une gaîne fibreuse 
assez mince, Les capillaires qui se répandent sur cette gaine, 
pénètrent aussi dans l'intérieur du parenchyme et y forment des 
réseaux. 

La masse de l'organe est aussi constituée par dés globules ellip- 


68 E. FAIVRE. — DU CONARIUM ET DES PLEXUS CHOROÏDES 
tiques ou irréguliers, à bords nets. Les ponctuations qu'ils renfer- 
ment sont foncées et ont parfois apparence de dépôts inorga- 
niques. 

Les globules, dont le diamètre est le même que chez l'Homme, 
sont insolubles dans l'acide acétique, quirend plus visibles les pone- 
tuations intérieures, et dans l'alcool, qui semble les rétracter. 

Les matières inorganiques sont en très faible quantité ; elles se 
réduisent à quelques grains de phosphate de chaux. 

Bœuf. — Le conarium de Bœuf est proportionnellement le plus 
volumineux de ceux que nous avons examinés. Il a 12 millimètres 
de long et 5 de large. Sa forme est celle d’un ovoïde irrégulier; sa 
surface est bosselée, et sa couleur d’un gris clair. A Ja coupe, on 
ne distingue qu'une substance blanche homogène, et àla base, au 
point d'insertion des pédoncules, le conarium présente quatre où 
cinq pertuis arrondis et ovalaires. 

En examinant une coupe selon le grand diamètre, on distingue 
trois parties : 1° une membrane fibro-celluleuse mince et facile à 
enlever par lambeaux ; 2° une zone jaunâtre qui n'a pas 4 milli- 
mètre de diamètre; 3° une masse blanche qui compose le reste 
du parenchyme. 

Le microscope fait reconnaître dans celle-ci deux éléments, des 
fibres d’un tissu cellulaire qui se rapproche par ses flexuosités du 
tissu élastique, et qui provient de la capsule fibreuse périphérique, 
et des globules caractéristiques. 

Chez le Bœuf, ces globules sont ovoidaux ou arrondis; leurs 
bords sont nets, leur centre est ponctué, et souvent même pourvu 
d’un nucléole fort visible, à contours nets et noirs; jamais nous ne 
J’avions remarqué chez l'Homme et les animaux. 

Le grand diamètre des globules est de 0"",002 environ comme 
chez le Cheval, un peu moindre cependant. Les noyaux intérieurs 
ont 0"",002, 

Les réactions avec l’alcaol et l'acide acétique sont celles que 
nous avons déjà indiquées. 

Nous n'avons rencontré chez le Bœuf que quelques grains isolés 
de phosphate de chaux. Cette absence de concrélions est un carac- 
tère commun, d'ailleurs, à tous les animaux qu'il nous a été pos- 


CHEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX. 69 
sible d'examiner. Cependant ce caractère n’est pas absolu ; nous le 
prouverons plus loin. 

Cochon d'Inde. — Nous avons pensé d’abord, en examinant le 
cerveau de plusieurs Cobays, qu'ils manquaient de conarium ; 
mais un examen plus attentif nous à fait reconnaitre notre erreur. 
La disposition de cet organe est, d’ailleurs, tout à fait spéciale. Les 
deux freins antérieurs, après s'être portés en arrière, s’élargis- 
sent et se transforment en deux lamelles ténues, finement striées 
et soudées postérieurement, de manière à constituer un infundi- 
bulum à concavité antérieure. Le fond de cette cavité est percée 
d'un petit orifice. C’est en arrière, et accolé contre le fond de l’in- 
fundibulum, que se trouve le conarium. Il est grêle, difficile à voir, 
et peut souvent être arraché dans la préparation. Ce petit corps 
jaunälre n'a pas plus de 2 millimètres de long. Au microscope, il 
préseute néanmoins la structure ordinaire : des globules ovoïdaux, 
dont le grand diamètre est de 0°",042, et le plus petit diamètre 
de 0"*,006. Ils sont, à l’intérieur, remplis de granulations noi- 
râtres. Ce même conarium nous a aussi offert de petits grains de 
phosphate de chaux et des masses concrétionnées jaunâtres dont 
nous n'avons pu déterminer la nature. 

Les freins antérieurs de la glande pinéale, si remarquablement 
développés en lamelles, sont composés dans toute leur étendue de 
fibres nerveuses qu'il est facile de reconnaitre. 

Cmiex. — Le conarium existe-t-il chez le Chien ? 

En 1683, Duverney annonça à l'Académie des sciences que la 
glande pinéale n'existait pas chez les Chiens. Cette opinion fut sou- 
tenue depuis par Samuel Collins dans son système d'anatomie, et 
par le célèbre Camper ; elle a encore des partisans de nos jours. 
Celle assertion a été réfulée, comme elle devait l'être, par Sœm- 
mering, Gisbert, Jacob Wolff. 

Les frères Wentzel ont toujours observé le conarium chez le 
Chien ; ils le caractérisent ainsi : «Conarium Canis rotundum, ci- 
» néreum, et spectata ratione, ad plures cerebri partes, ad corpora 
» quadrigemina valde parvum est. » Depuis lors Cuvier, Serres et 
d’autres anatomistes ont manifestement vu le conarium., Pour nous, 
la question est pleinement résolue. Non-seulement nous avons vu 


70 Æ. FAEVRE, -— DU CONARIUM ET DES PLEXUS CHOROÏDES 


le conarium du Chien toutes les fois que nous avons voulu le cher- 
cher, mais encore nous en avons déterminé la structure, et elle 
nous à paru la même que celle du conarium humain. 

Chez un Mâtin de taille moyenne, âgé de deux ans, le conarium 
se présente sous la forme d’un petit triangle rougeñtre. La base 
peut avoir de 3 à 4 millimètres, et la hauteur 2. La couleur est 
rougeâtre. Les freins antérieurs sont {rès volumineux. 

Chez un Chien danois de cinq ans, le conarium est à peu près 
de la même forme et de la même dimension ; sa couleur est d’un 
gris rose. Il renferme dans son parenchyme les globules caracté- 
ristiques, à bords nets et à contenu granuleux. Seulement leur dia- 
mètre est très petit, puisqu'il varie entre 0°",004 et 0"",006. 
Outre ces globules, on trouve aussi des fibres entre-croisées et sem- 
blables à celles dont nous avons déjà constaté la présence chez le 
Bœuf. 

On ne peut attribuer l'erreur des anatomistes qui refusent une 
glande pinéale au Chien, qu'à la difficulté de conserver dans les 
préparations un organé si petit et si pêu consistant. 

Lapin. — La forme et la grandeur de la glande pinéale du Lapin 
sont les caractères qui frappent l'attention lorsqu'on examine le 
cerveau de cel animal. Le conarium que nous avons sous les yeux 
a la forme d’un long eylindre allongé. Son grand diamètre est bien 
de 12 millimètres , tandis que sa largeur n’est pas même de 2 ; il 
est plus étroit à sa base, plus large à son sommet ; il est fixé au 
milieu de la courbe que les deux freins antérieurs forment en ar- 
rière, Sa couleur est d’un gris très clair. 

Au microscope, on y découvre les globules caractéristiques les 
mieux marqués. Ces globules sont très arrondis, ponctués dans 
leur intérieur et renférment une, deux ou trois petites masses 
noires, analogues à celles que nous avons fait connaître dans les 
cellules d’épithélium des plexus choroïdes. D'ailleurs, nulles traces 
de concrétions. Le diamètre des globules est de 0"",010. Le plexus 
choroïde forme une vaste gaine au conarium. 

Pourk. — Le conarium existe chez la Poule comme il existe 
chez plusieurs Oiseaux que nous avons examinés. La disposition et 
la structure éfant les mêmes dans {ous les cas que nous avons ob- 


CHEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX, 71 


servés, nous nous bornerons aux détails sur le conarium de la Poule, 
* Cet organe a la forme d’un petit cône de 2 millimètres de long 
sur À de large : il est situé, comme à l’ordinaire, entre le cerveau 
etle cervelet, au-dessus des tubercules quadrijumeaux, qui ont pris 
chez les Oiseaux un énorme développement. La base du cône 
adhère à la dure-mère, le sommet se continue avec la substance 
cérébrale des tubercules. Une membrane fine, analogue à la pie- 
mère, el tapissée comme elle par de nombreux vaisseaux, entoure 
le petit organe et lui donne une teinte rosée. 

En examinant, à un grossissement de 500 diamètres, le con- 
tenu du conarium, nous y avons trouvé la structure globuleuse 
ordinaire. Les petits grains sont arrondis, ils n’ont qu'un dia- 
mètre de 0"®,001 à 0"",002; leur contenu est quelquefois gra- 
nuleux. Le plus souvent ils paraissent entourés d’une zone blan- 
châtre, à contours nets et päles, qui pourrait être la cellule dont ils 
forment le noyau. Cette particularité a une importance que nous 
ferons ressortir. On trouve en outre, dans le conarium , quelques 
grains arrondis et des lames brisées de carbonate de chaux. 

TORTUE TERRESTRE. — Dans son magnifique ouvrage sur l’ana- 
tomie de la Tortue, Bojanus a fait remarquer combien le conarium 
est volumineux chez cet animal. Serres, Tiedemann et Cuvier ont 
constaté le même fait. 

Nous nous en sommes assuré nous-même. Sur une Tortue dont 
le cerveau n'avait pas plus de 15 millimètres de long, le conarium 
avait au moins 4 millimètres dans son plus grand diamètre et2 dans 
son plus petit. Sa forme conique, sa coloration jaunâtre et les ré- 
seaux vasculaires qui l’entouraient, rappelaient la disposition et les 
caractères du conarium des Oiseaux. Par sa base, cet organe est 
attaché sur les deux freins antérieurs, au point où ils forment en 
arrière une courbure à concavité antérieure. Ces deux freins, très 
volumineux, ressemblent à ceux du Lapin, du Cabiaye et du Chien. 

A l'œil nu et au microscope, le conarium de la Tortue est dé- 
pourvu des concrétions qui constituent l’acervulus chez l'Homme. 
On trouve cependant, dans le parenchyme, des petits grains de 
phosphate de chaux et des lamelles de carbonate de chaux. 

Les corps globuleux ou nucléaires sont frès abondants dans la 


72 EE. FAIVRE. — DU CONARIUM ET DES PLEXUS CHOROÏDES 
glande pinéale de la Tortue. Ils sont le plus souvent elliptiques, 
quelquefois arrondis, à bords nets, intérieurement grenus et pour- 
vus d’une ou deux petites sphères, réfractant la lumière comme 
les corps graisseux ; ils sont insolubles dans l’acide acétique et l’al- 
cool. Leur grand diamètre est en moyenne de 0"",012 et le plus 
petit de 0"",004. [ls ont done à peu près le volume de ceux de 
l'Homme. La plupart de ces corps paraissent libres, mais quel- 
ques-uns d’entre eux sont manifestement entourés d’une enveloppe 
cellulaire. Il ne peut rester de doute sur la nature de ceux-ci; ce 
sont des noyaux de cellules. Les autres corps sont aussi sans doute 
des noyaux dont la cellule très mince aura disparu. 

Si nous rapprochons cette observation de celles que nous avons 
faites chez les Oiseaux et quelques Mammifères, nous serons porté 
à considérer définitivement le parenchyme globulaire comme formé 
par des noyaux entourés quelquelois de leurs cellules comme chez 
les Oiseaux et les Tortues, et d’autres fois complétement libres 
comme on le voit sénéralement chez les Mammifères. Les réactions 
chimiques s'accordent, d’ailleurs, très bien avec cette opinion. 

Nous avons vainement cherché le conarium sur plus de quinze 
espèces de Poissons ; nous n'avons pas été assez heureux pour en 
constater la présence. 11 nous a done été impossible de connaître 
la structure de cet organe, dont plusieurs observateurs affirment 
l'existence dans la classe des Poissons: 


Plexus choroïdes. 


Howwe. — Lorsqu'on enlève le corps calleux et la voûte à trois 
piliers, on pénètre dans les ventricules latéraux ; on voit alors les 
plexus choroïdes qui se dirigent des trous de Monro vers l'étage 
inférieur des ventrieules. On peut distinguer dans ce trajet une face 
supérieure et une face inférieure, un bord interne et un bord 
externe, une extrémité antérieure et une extrémité postérieure. 

La face inférieure repose sur la convexité de la couche optique, 
qu'elle contourne postérieurement. La face supérieure est libre, 
et baignée par le liquide intraventrieulaire; mais, dans l’étage in- 
férieur, elle est appliquée à la concavité du pied d’Hippocampe ; 


CHEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX. 75 


le bord externe suit le contour du corps strié, le (ænia semi-cir- 
culaire et le corps godronné. L’extrémité antérieure et le bord 
interne se continuent, soit par le trou de Monro, soit par la face in- 
férieure de la voûte avec la toile choroïdienne du troisième ventri- 
cule. L’extrémité postérieure se termine à l’élage inférieur des 
ventricules latéraux. La toile choroïdienne, adhérant à la face in- 
férieure de la voute, vient passer en arrière par la portion hori- 
zontale de la grande fente de Bichat , enveloppe le conarium, et 
se continue ensuite pour former les plexus du quatrième ven- 
tricule. 

Cette rapide description nous aidera à saisir les détails de struc- 
ture que nous allons maintenant faire connaitre. Si l’on détiche les 
plexus choroïdes des ventricules latéraux , et qu’on les examine 
sous l’eau, on y reconnailra d'innombrables saillies, des amas di- 
vers, des vésicules isolées ou réunies. Nous donnons le nom de 
villosités choroïdiennes aux nombreuses arborescences dont la sur- 
face des plexus se montre couverte, et nous réservons aux deux 
autres dispositions les noms de vésicules choroïdiennes et d’amas 
choroïdiens. 

Après avoir indiqué avec détails la structure de ces parties, nous 
parlerons de l'élément inorganique ou des concrétions des plexus 
choroïdes, concrétions qu’on connaît généralement sous le nom de 
sable cérébral. 

A. Villosilés choroïdiennes. — Elles s'élèvent à la surface des 
plexus sous forme de cordons diversement frangés, d’élégantes 
frisures et d'arborisations variées ; elles paraissent disposées, sui- 
vant des lignes antéro-postérieures sensiblement parallèles; elles 
n’ont entre elles aucune ressemblance : variétés de volume, de 
41/2 à 4 ou 2 millimètres ; variétés de formes. Villosités allon- 
gées , arrondies et découpées. Tantôt elles sont distinctes ; le plus 
ordinairement elles sont accolées l’une à l’autre, et elles forment 
des groupes très serrés. Leur nombre augmente au niveau de 
l'étage inférieur des ventricules latéraux. Vues à un faible grossis- 
sement, ces villosités paraissent formées par une foule de lobules 
placés les uns près des autres : un grossissement de 500 diamè- 
tres fait bientôt reconnaitre deux éléments principaux dans chaque 


74  E. FAIVRE.-—— DU CONARIOM ET DES PLEXUS CHOROÏDES 


villosité : une couche vasculaire et une couche d’épithélium pavi- 
menteux (4). 


à . 
A° Eléments vasculaires. 


En dilacérant avée soin un fragment de plexus, on reconnaît 
facilement au microscope que les villosités sont formées par les 
flexuosités nombreuses des artères. Ce n’est pas par centaines, mais 
par milliers, qu'on pourrait compter sur quelques millimètres carrés 
de plexus les anses artérielles, serrées et contournées les unes sur 
les autres. 

Les capillaires en anses des plexus choroïdes doivent se rappor- 
ter à la première des variétés décrites par Prochaska et par 
M. Charles Robin. Leur diamètre varie de 0"",007 à 0"",030, 
Leurs bords sont nets. La seule tunique qui les constitue est formée 
d’une substance homogène sans fibres ni stries. On trouve dans 
son épaisseur quelques noyaux ovoïdes dirigés parallèlement à 
l'axe du vaisseau. L’acide acétique fait pâlir la tunique sans alté- 
rer les noyaux. 

Le meilleur mode de préparation consiste à dilacérer un lam= 
beau de plexus choroïde qui a macéré depuis quelques jours dans 
l'eau; la couche d’épithélium s’est alors détruite, et les courbes 
vasculaires peuvent s’apercevoir plus distinetement. L'âge ne nous 
a paru apporter aucune modification à ces villosités choroïdiennes: 


2° Couche d'épithélium. 


Cette couche, qui revêt les plexus et leurs villosités, est formée 
de cellules renfermant ou ne renfermant pas de noyaux. Les dé- 
tails dans lesquels nous allons entrer, nous permettront de mieux 
apprécier les modifications de celte couche. Chez les enfants d’un 
an, nous avons trouvé l’épithélium conslitué par des cellules, tantôt 
hexagonales, tantôt irrégulières et rameuses. Chaque cellule ren- 
ferme un noyau si volumineux, qu'il faut souvent de l'attention 
pour distinguer les parois de la cellule extérieure. Ce noyau est 


(1) On distingue, en outre , entre l’épithélium et les anses vasculaires, des 
fibres de tissu connectif. 


CHEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX. 75 


rond ou elliptique; son diamètre varie de 0"®,004 à 0,006; 
il renferme des granulalions foncées et quelquefois un nucléole. 
L’acide acétique et l'alcool ne modifient pas ces noyaux. 

Chez deux autres enfants de cinq mois, les cellules, pourvues 
de noyaux volumineux, étaient irrégulières et rameuses. 

Chez les adultes, la constitution de la couche épithéliale est tout 
autre. Chez un Homme de cinquante ans, elle était formée de cel- 
lules polygonales, à contours nets. Le diamètre moyen de chaque 
cellule est de 0**,015. Le contenu est granuleux; on y trouve 
aussi parfois des noyaux dont le diamètre est d’environ 0"*,003, 
un peu plus petit, par conséquent, que celui des enfants. Ce noyau, 
qui n’occupe qu'une faible portion de la cellule, manque quelque- 
fois ou parait transformé en une masse noire inorganique dont nous 
parlerons plus loin. 

Sur les plexus choroïdes d’une Femme de trente-deux ans, nous 
avons trouvé des cellules polygonales, larges et presque toutes dé- 
pourvues de noyaux. 

Chez d'autres adultes et chez des vieillards , les mêmes formes 
de cellules et l'absence générale de noyaux ont également attiré 
notre attention. 

En résumé, un épithélium souvent irrégulier et rameux, et des 
cellules pourvues d’un noyau volumineux, caractérisent la couche 
épithéliale des plexus choroïdes chez l'enfant. 

Chez l'adulte, les cellules sont plus grandes, polygonales, et le 
plus souvent sans noyaux. 

B. Amas choroïdiens. — Nous désignons, par cette expression, 
des masses allongées, épaisses, qu'on rencontre presque toujours 
chez l'adulte , au niveau de l'étage inférieur des ventricules laté- 
raux ; les frères Wentzel en ont signalé l'existence. Ces amas cho- 
roïdiens ne sont autre chose que des villosités excessivement mul- 
tipliées qui se sont comme soudées. Elles donnent alors naissance 
à des amas de plusieurs centimètres de long, disposés à la surface 
des plexus. Nous avons rencontré de pareilles masses chez plusieurs 
animaux, et spécialement chez le Cheval. 

C. Vésicules choroïdiennes. — On trouve quelquefois dans l'é- 
tuge moyen, presque toujours dans l’élage inférieur, des ventricules 


76 ÆE. FAIVRE. — DU CONARIUN ET DES PLEXUS CHOROÏDES 
latéraux, des vésicules isolées où agglomérées, auxquelles nous 
avons donné le nom de vésicules choroïdiennes. Sans nul doute, 
Duverney à voulu parler de ces vésicules, lorsqu'il a dit que les 
villosités choroïdiennes se convertissent quelquefois en petites 
bouteilles rondes semblables à des Hydatides. Les vésicules de l'é- 
tage inférieur sont disposées les unes auprès des autres, et leur en- 
semble forme une grappe de 2 ou 3 centimètres de long. Chaque 
vésicule, d’un diamètre de 1 à 5 millimètres, est formée d’un tissu 
connectif, à mailles fines et distinctes ; ses deux faces sont dépour- 
vues de couches d’épithélium. L'intérieur de la vésicule est rem- 
pli par une masse molle, fine et blanchâtre, que nous avons exa- 
minée à un grossissement de 500 diamètres. Elle est formée par 
des fibres très fines contournées ef ondulées comme celles du tissu 
élastique, et s’entre-croisant en {ous sens, mais sans s’anastomoser 
entre elles. 

L'extrême ténuité de ces fibres, leur entre-croisement sans ana- 
stomoses, et l’action de l'acide acétique, ne permettent pas de les 
confondre avec la première variété des tissus élastiques, ni de les 
regarder comme des fibres de noyaux qui sont insolubles dans 
l'acide acétique. 

Les vésicules, que nous venons de décrire isolément, ne sont 
pas distinctes en réalité ; il est facile de se convaincre qu'elles sont 
formées par une seule et même lame soulevée et saillante, de dis- 
tance en distance. Cette lame repose sur un lacis de capillaires très 
facilement visibles à l'œil, et qui forment la base sur laquelle 
chaque saillie vésiculeuse repose. Nous avons omis à dessein de 
parler des innombrables concrétions qui tapissent la surface interne 
des vésicules et constituent le sable cérébral. 

D. Concrérions des pleæus choroïdes. — La présence de dépôts 
inorganiques dans les plexus choroïdes a été constatée depuis bien 
longtemps ; cependant on n’a jamais assez prêlé d'attention à la 
pature de ces dépôts, à la place qu'ils occupent, et aux causes qui 
peuvent en expliquer la formation. Sous le rapport de la place qu'ils 
occupent, les dépôts peuvent être partagés en deux groupes : les 
uns sont en dehors des éléments mêmes des plexus, et les autres 
sont formés dans les cellules de l’épithélium. On décrit sous le 


CHEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX. 77 


nom de sable du cerveau des grains blanchâtres arrondis et aceu- 
mulés, surtout en arrière des plexus choroïdes. Ces grains sont 
isolés, ou disposés en séries, le long des vaisseaux capillaires, 
dont ils incrustent en quelque sorte la paroi. Ils ne sont nulle part 
plus visibles ni plus abondants que dans l’intérieur des vésicules 
de l’étage inférieur des ventricules latéraux. La face interne de 
leur paroï, la masse celluleuse médiane, et les capillaires inférieurs, 
sont remplis de ces pelits grains. Leur couleur est d’un blane jau- 
nâtre et leur forme est arrondie. Nous n’en avons pas trouvé de 
moriformes comme ceux qui constituent l’acervulus du conarium, 
Leur diamètre est de 1 et 4/2 millimètre; on ne peut en compter 
le nombre. 

Les réactions chimiques indiquent qu’ils sont formés surtout de 
carbonate de chaux. 

Au sein des villosités choroïdiennes , on reconnaît au micros- 
cope divers dépôts inorganiques ; le plus souvent ce sont dés lames 
ou des masses de carbonate calcaire. Chez un enfant de un an, 
nous avons mesuré quelques-unes de ces masses, qui avaient 
de 0"",010 de petit diamètre et 0°",020 de grand. Deux fois, chez 
un enfant de un an, et chez un Homme de cinquante, nous avons 
trouvé quelques lamelles de cholestérine. Nous avons aussi presque 
toujours rencontré des masses amorphes, colorées en jaune foncé, 
irrégulières, et sur lesquelles n’agissaient ni l'acide acétique ni l’a- 
cide azotique. Ce point mérite l'attention des observateurs. Les dé- 
pôts organiques, formés dans l'intérieur des cellules d’épithélium, 
ont été indiqués plutôt qu'étudiés jusqu'à ce jour. Valentin a bien 
remarqué dans les cellules des points noirs, mais il les regardé 
comme des débris d'épithélium vibratile. 

Ces observations que nous avons pu faire chez un grand nombré 
de sujets nous ont permis de constater que, soit dans la cellule, 
soit dans le noyau, on trouvait des concrétions variables suivant 
l’âge. 

Chez un Homme de quaranté ans, presque toutes les cellules 
étaient pourvues de ces masses noires isolées ou agrégées ; l’a 
cide acétique ne les attaque point, ét la potasse qui détruit Ja cel- 
lule les laisse intactes. Mais si l'on ajouté dé l'acide nilrique, ils 


78 E. FAÏVRE. — DU CONARIUM ET DES PLEXUS CHOROÏDES 


disparaissent. On trouve dans là cellule de nombreuses ponctua- 
tions noires, ou des grains noirs volumineux. De sembiables pro- 
ductions sont renfermées également dans le noyau qu’elles rem- 
plissent souvent en entier, C’est ceque nous avons vu manifestement 
chez un Homme de cinquante ans. L'âge apporte-t-il des change- 
ments dans la production des dépôts inorganiques ? Nos observa- 
tions nous portent à penser que, nulles chez les jeunes sujets, les 
concrétions se multiplient avec l’âge. Chez plusieurs jeunes enfants, 
nous n’en avons trouvé nulle trace. Chez des vieillards de soixante- 
cinq à soixante-dix ans, elles existaient et donnaient à l’ensemble 
de l’épithélium un aspect noir et grenu. 

On n’a fait qu'un petit nombre de recherches chimiques sur la 
nature des concrélions cérébrales. Valentin dit que le sable du 
cerveau est composé de carbonate et de phosphate de chaux. Van 
Ghert y ajoute du carbonate potassique, et Stromeyer du phosphate 
ammoniaco-magnésien.Nous avons fait faire par un habile chimiste 
une analyse de plusieurs plexus choroïdes pris chez des personnes 
adultes. Cette analyse nous permet d'assurer qu’on trouve dans les 
plexus choroïdes les principes suivants : 


Carbonate de chaux, 
Phosphate de chaux, 
Phosphate de magnésie, 
Et silice. 


Les trois premiers principes élaient connus, mais l'existence de 
la silice constitue un fait nouveau et intéressant; on (trouve cet 
élément en quantité notable. Nous en avons déjà signalé la pré- 
sence dans un travail sur les granulations méningiennes. Malgré 
toutes nos recherches microscopiques, nous ne saurions dire dans 
quelles parties se trouve la silice, et sous quelle forme on peut la 
rencontrer. 

Plusieurs opinions peuvent se produire relativement à la forma- 
tion des concrétions inorganiques. D’après Henle, les concrétions 
cérébrales sont primilivement des cellules d’épithélium, ou des 
globules ganglionnaires qui, par les progrès de l’âge, s'imprègnent 
et s’incrustent de sels calciques, Cette opinion se fonda sur ce que 


CHEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX. 79 
Van Ghert a observé que, après le traitement par les acides du 
sable cérébral, il restait un globule transparent, el sur ce que Re- 
mak a découvert dans ce globule le noyau rougeâtre avec des 
nucléoles punctiformes (4). Ce squelette organique produit par 
l’action des acides sur le sable cérébral reproduit exactement, dit 
Valentin, la forme des globules. On y reconnait distinetement la 
stratification concentrique (2). 

Nous admettons l'opinion de Henle en ce qui concerne les con- 
crétions qui se produisent dans l’intérieur des cellules et des 
noyaux de l’épithélium choroïdien. Mais nous ne la croyons pas 
fondée relativement aux globules inorganiques des ventricules la- 
téraux. Nous n’avons jamais vu dans les vésicules choroïdiennes, 
qui en remplissent l'étage inférieur, ni les cellules d’épithélium, 
ni les globules ganglionnaires, suscepübles de s'incruster de sels 
calciques. La base organique, qui existe incontestablement au 
centre des productions calciques, est formée par des fragments du 
lissu qui compose les parties voisines. 

Cuevaz. — Les plexus choroïdes du Cheval ont été pour nous 
un objet tout spécial d’études. Ils ressemblent beaucoup à ceux de 
l'Homme. Leur surface est hérissée de villosités nombreuses, ser- 
rées et fermées, comme chez l'Homme, par des anses vasculaires 
recouvertes d’une couche d’épithélium pavimenteux. Cet épithé- 
lium est formé de cellules polyédriques généralement hexagonales, 
Le diamètre de la cellule, est de 0"",012 et celui du noyau 
de 0"",006, L’acide acétique permet de distinguer nettement les 
contours des cellules très affaiblis. Lorsqu'on emploie l’eau pour 
l'examen microscopique, il n’est pas rare de voir des noyaux qui 
ne sont entourés d'aucune cellule. 

Les dépôts inorganiques des plexus choroïdes sont très nom- 
breux chez les Chevaux ; pas une cellule d’épithélium, qui ne ren- 
ferme des grains noirs, inorganiques , composés de phosphate 
de chaux. Les grains, au nombre de 2 à 40 ou 12 dans chaque 
cellule, sont arrondis. Leur diamètre varie entre 0"",004 et 
0"",002. On les trouve, tantôt comme incrustés sur la paroi même 


(1) Henle, Anat, gén., p. 280 et 234, 
(2) Valentin, Névrol., p. 441. 


80 E. FAIVRE. — DU CONARIUM ET DES PLEXUS CHOROÏDES 
de la cellule, tantôt placés entre la cellule et le noyau, tantôt à l’in- 
térieur du noyau. 

On distingue souvent aussi, entre les cellules d’épithélium, des 
masses foncées et colorées en jaune; elles sont formées d’agglo- 
mérations de grains. L’acide acétique opère leur dissolution; il en 
est de même de l’acide azotique. Les bulles qui se dégagent pen- 
dant la réaction indiquent la présence de carbonates. 

Les concrétions dont il vient d’être question ne peuvent s’étu- 
dier qu'au microscope; celles dont nous allons parler sont volu- 
mineuses, très visibles à l'œil, et disposées sous forme de globules 
et de grappes à la surface des villosités des plexus choroïdes des 
ventricules latéraux et du quatrième ventricule. Elles sont formées, 
tantôt par des petits grains, tantôt par des lamelles brillantes. Leur 
volume varie de quelques millimètres à plusieurs centimètres ; on 
en trouve souvent de vingt à trente disposées sur le plexus, suivant 
le trajet des gros troncs vasculaires ; leur présence ne saurait être 
contestée. Sur dix têtes de Chevaux que nous avons examinées, 
nous avons toujours rencontré ces concrétions. 

Sous le rapport de la composition, ces concrétions forment deux 
groupes : les unes sont surtout composées de carbonate et de phos- 
phate de chaux, et les autres de cholestérine. 

Les concrélions formées par des sels de chaux sont les moins 
nombreuses. Les plus volumineuses que nous ayons rencontrées 
n'excédaient pas 4 à 5 millimètres. Entre les grains qui les compo- 
saient, la matière organique se montrait peu abondante. Les con- 
crétions formées par la cholestérine sont les plus communes et les 
plus remarquables. Elles se reconnaissent facilement à l'aspect 
chatoyant et micacé des lamelles qui en composent la masse. Ces 
lamelles, vues au microscope, ont la forme de lames minces 
rhomboïdales et superposées ; on les trouve rarement entières. 

Le volume des tumeurs dé cholestérine est essentiellement va- 
viable. Le plus ordinairement elles ont 4 à 5 millimètres, mais 
elles peuvent devenir bien plus volumineuses. Nous en avons vu 
une de 4 centimètres de long. M. Lassaigne a fait l'analyse d’une 
autre masse qui pesait 54 grammes et était de la grosseur d’an œuf 
de poule. Elle formait environ la dixième partie de la masse totale 


CHEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX. 81 


des deux lobes cérébraux. M. Leblanc en a rencontré une aussi 
volumineuse qu'un rein de Mouton. 

Deux éléments entrent dans la constitution de ces tumeurs, un 
élément organique et un autre inorganique. Selon la prédominance 
de l’un ou de l’autre de ces éléments, on peut distinguer deux va- 
riétés de tumeurs. 

L'élément organique résulte de la juxtaposition et de l’accole- 
ment d'un certain nombre de villosités, qui correspondent à ce 
que nous avons désigné chez l'Homme sous le nom de masses 
choroïdiennes. À l’intérieur et au pourtour de ces masses sont dis- 
séminés les divers éléments inorganiques, et spécialement les cris- 
taux de cholestérine. 

On a fait plusieurs fois l'analyse chimique de ces tumeurs. 
M. Lassaigne a trouvé dans l’une d’elles la constitution suivante : 

Cholestérine . . . . . . . 58 


Matière membraniforme. . . 29,5 
Sous-phosphate de chaux. . . 2,5 


100 
En 1851, M. Furstemberg a trouvé par l’analyse : 


Cholestérine : . . . . . 38à50 
Cellules et membranes . . . 28 à 40 
Phosphate de chaux. . . . 42à148 
Carbonate de chaux. . . . 3à 9 


100 


La plupart des détails qui précèdent sont empruntés à la descrip- 
tion de tumeurs vraiment pathologiques dues à la cholestérine ; 
mais ces tumeurs elles-mêmes ne sont qu'un développement anor- 
mal de saillies, plus petites et de même nature, qu’on rencontre 
toujours chez les Chevaux. Celles-ci, d’après nos observations, 
nous paraissent une production physiologique et normale, 

Mourons. — Les plexus choroïdes des ventricules latéraux sont 
dépourvus de villosités. Quelques houppes seulement hérissent la 
partie qui plonge dans l'étage inférieur du ventricule moyen et 
les plexus du quatrième ventricule. 


La couche d'épithélium pavimenteux, qui recouvre les plexus, 
&* série, Zoo. T. VIT. (Cahier n° 2.) ? 6 


82 E. FAIVRE. — DU CONARIUM ET DES PLEXUS CHOROÏDES 


est formée de cellules polygonales renfermant des noyaux, souvent 
même des nucléoles. Ce noyau est assez volumineux, puisqu'il 
atteint quelquefois 0"*,006. Ces cellules ne présentent, d’ailleurs, 
ni ponctuations ni produits inorganiques. On peut voir par cette 
description combien les plexus choroïdes du Mouton se rappro- 
chent de ceux de l’enfant. 

Cocuox p’Inre. — Les plexus choroïdes se composent d’une 
simple lame très ténue et dépourvue de villosités. Des vaisseaux 
capillaires nombreux parcourent toute la surface de cette lame que 
revêt une couche d’épithéliuna pavimenteux. Cette couche se eom- 
pose de cellules polygonales, d’un diamètre de 0**,010, et les 
noyaux ont environ 0w®,006. Des grains de phosphate de chaux 
sont déposés, soit dans l’intérieur du noyau, soit entre celui-ei et 
la cellule. On trouve aussi, en dehors des cellules, des lamelles et 
des grains de carbonate de chaux. Il est important de remarquer 
que les résultats qui précèdent ont été obtenus sur deux Cochons 
d'Inde déjà vieux. Chez les jeunes animaux de la même espèce, 
nous n'avons pas trouvé de concrétions dans les cellules. 

Lapin. — Une lame mince et très vasculaire, recouverte d’une 
couche d’épithélium pavimenteux, constitue les plexus choroïdes 
du Lapin. Quelquefois dans les ventricules latéraux, le plus souvent 
dans le quatrième ventricule, des villosités se découpent à la sur- 
face du plexus : elles sont, d’ailleurs, constituées par des anses 
vasculaires. Les cellules de l’épithélium sont polygonales, elles 
renferment des noyaux volumineux. Chez les Lapins un peu vieux, 
on trouve, tant dans le noyau que dans la cellule, des grains 
phosphatiques fort nombreux. En dehors de l’épithélium , on peut 
aussi constater la présence de lamelles larges et transparentes, fa- 
ciles à reconnaitre pour la cholestérine. 

Bogur. — Les plexus choroïdes du Bœuf ont de grandes analo- 
gies avec ceux du Cheval. Comme chez le Cheval, les villosités 
choroïdiennes sont nombreuses, les concrétions visibles à l'œil, 
attachées aux saillies villeuses, renferment le plus souvent de Ia 
cholestérine. Nous n'avons rien à dire de nouveau sur l’épithélium 
pavimenteux nucléaire, qui est aussi le siége de nombreuses con- 
crétions. 


CHEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX. 83 


Porc. — Si l’on pouvait douter que les villosités choroïdiennes 
fussent formées par des anses vasculaires, l'examen des plexus 
du Porc dissiperait tous les doutes. 

A l'œil nu, et mieux encore à un grossissement de 100 dia- 
mètres, on voit sans peine les flexuosités artérielles. On distingue, 
non-seulement des anses de premier ordre, mais encore des anses 
de second et de troisième ordre, c’est-à-dire que sur une courbe 
artérielle se forment d’autres courbes plus petites. C’est à l’en- 
semble de ces ondulations que les villosités doivent leur apparence. 
Au lieu d’être nombreuses et serrées comme chez l'Homme ou 
le Cheval, les villosités du Porc sont lâches et diffuses. De 
là, la facilité avec laquelle on peut en connaitre la constitution 
intime. 

Les villosités sont recouvertes d’une couche d’épithélium pavi- 
menteux, les cellules hexagonales ont 0"",012 et les noyaux inté- 
rieurs 0**,006. Des ponctuations nombreuses sont renfermées, 
tant dans la cellule que dans le noyau. Nous n'avons, d’ailleurs, 
rencontré que de petites concrétions phosphatiques. Ces cellules se 
désagrégent facilement et se rompent. De là des difficultés d’obser- 
vation. 

Oiseaux. — Les plexus choroïdes ont la forme de lames minces 
qu’il est parfois très difficile de détacher. 

Si l’on soumet une de ces lames à un grossissement de 500 dia- 
mètres, on la trouve recouverte d’une couche d’épithélium pavi- 
menteux. 

Les cellules, à contours obscurs, ont un diamètre de 6 à 8 mil- 
lièmes de millimètre. Elles sont pourvues d’un noyau fort volu- 
mineux. Des ponctuations visibles se dessinent entre la cellule et 
le noyau ; et, dans l’intérieur de celui-ci, on constate quelquefois 
la présence de nucléoles. 

Chez la Poule, nous avons trouvé plusieurs fois des petites villo- 
sités à la surface du plexus des ventricules latéraux ; nous avons 
aussi trouvé chez la Tourterelle des saillies villeuses dans le qua- 
trième ventricule. Enfin, la structure des plexus choroïdes est en- 
core la même chez le Dindon et le Canard, 

Nous n'avons jamais rencontré de concrétions visibles, soit dans 


SH #Æ. FAIVRE.— DU CONARIUM ET DES PLEXUS CHOROÏDES 


l'intérieur des cellules épithéliales, soit à l’extérieur entre la couche 
vasculaire et l’épithélium. 

TorTue TERRESTRE. — Par leur aspect extérieur , les plexus 
choroïdes de la Tortue diffèrent de tous ceux dont nous avons exa- 
miné la conformation ; ils ne se composent plus, soit d’une lame 
mince recouverte de villosités, soit d’une lame mince et unie, 
mais de vaisseaux séparés les uns des autres, et formant une 
houppe très lâche dans l’eau ; les filaments vasculaires de cette 
houppe flottent séparés, et semblables à autant de petits filaments 
flexueux. Ces plexus sont formés par de petits vaisseaux recouverts 
d’un épithélium pavimenteux nucléaire. Les cellules sont très pe- 
tites ; leur diamètre n’est que de 0*,014 ; les noyaux ont0"",008 ; 
les contours des cellules sont peu distincts. Ces noyaux, au con- 
traire, sont nets et grenus à l’intérieur, et insolubles dans l’acide 
acélique et l’alcool. 

Nous n’avons pas trouvé de concrétions dans les plexus cho- 
roïdes, mais la production de la graisse paraît s’y faire avec 
abondance. 

Tout le long des parois vasculaires et entre les cellules de l’épi- 
thélium sont accumulés d'innombrables globules de graisse, à 
contours nets, et d’un très petit volume. C’est à leur nombre et à 
leur présence qu'il faut attribuer la coloration jaune que présen- 
tent, à l'œil nu, les franges villeuses des plexus choroïdes de la 
Tortue. Cette abondance de graisse se lie à la présence bien con- 
nue des matières grasses de l’encéphale des Reptiles et des Pois- 
sons. 


Considérations générales. 


En terminant ce mémoire , nous présenterons quelques consi- 
dérations générales, qui rattachent entre eux tous les détails dans 
lesquels nous sommes entré. 

Les concrétions du conarium et celles des plexus choroïdes ne 
sont point des produits pathologiques ; mais, comme nous l'avons 
déjà établi dans un autre travail, on doit les considérer comme des 
productions physiologiques dues à l’âge. Il peut arriver que, par 
suite de circonstances particulières, ces dépôts deviennent consi- 


CHEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX. 69 


dérables, ct alors ils pourront occasionner des perturbations et des 
maladies. Nous en donnerons des exemples. | 

Toutes ces concrétions se présentent généralement sous la forme 
de grains amorphes, isolés ou réunis autour d’un centre ; elles ont 
quelquefois l’apparence lamellaire ; rarement elles forment des 
cristaux nets et complets. En classant, d’après leur ordre d'impor- 
tance, les éléments chimiques qui entrent dans la constitution des 
concrétions de l’encéphale, on obtiendra les résultats suivants : 


4° Carbonate de chaux; 

2° Phosphate de chaux; 

3° Cholestérine; 

& Silice; 

5° Phosphate de magnésie; 

6° Carbonate potassique ; 

7° Phosphale ammoniaco-magnésien, d’après Stromeyer, 


Les trois premiers principes sont beaucoup plus abondants que 
les autres , et il est remarquable que le troisième, qui manque 
souvent chez l'Homme et les Carnivores, est beaucoup plus abon- 
dant chez les Herbivores, et surtout chez le Cheval. 

Nous n'avons pu constater la présence de la silice que chez 
l'Homme. Des analyses ultérieures pourront nous faire connaître 
son existence dans les plexus choroïdes des animaux. 

Les concrétions sont bien moins nombreuses chez les animaux 
que chez l'Homme ; chez tous les animaux que nous avons exa- 
minés, l’acervulus du conarium faisait défaut, et nous n'avons 
trouvé non plus aucune disposition comparable à celle du sable 
cérébral des ventricules latéraux de l'Homme. 

Les concrélions les plus constantes sont celles de carbonate , et 
surtout de phosphate de chaux. Ces dernières se rencontrent 
presque toujours dans les cellules de l'épithélium choroïdien , et 
dans l’intervalle des globules du conarium, dans les Mammifères 
et les Oiseaux d’un certain âge. 

Les concrétions de phosphate de chaux qui s'accumulent, soit 
dans l'intérieur de la cellule, soit dans l’intérieur du noyau de 
l'épithélium choroïdien, rappellent les dépôts morganiques si cora- 


86 E. FAAWRE. — DU CONARIUM ET DES PLEXUS CHOROÏDES 


muns dans les cellules des végétaux; ils prouvent qu'un travail 
incessant s’accomplit dans l’intérieur des cellules, en renouvelle 
eten modifie le contenu. La cellule animale a sa vie comme la 
cellule végétale; et pour nous borner aux cellules qui tapissent les 
villosités choroïdiennes, nous citerons, comme exemple des chan- 
gements intimes, la diminution et la disparition du noyau coïn- 
cidant avec une formation, de plus en plus active, de petits grains 
phosphatiques. 

Deux faits généraux peuvent s'ajouter aux considérations qui 
précèdent : nous voulons signaler d’abord le rapport intime qui 
existe entre le siége des concrétions et la vascularité des parties 
où elles se trouvent. On sait que des plexus serrés entourent le 
conarium et font pénétrer dans l’intérieur de sa substance leurs 
nombreuses ramifications. On a vu qué les villosités choroïdiennes 
pe sont formées que par des anses vasculaires, et que la couche 
d'épithélium qui les recouvre n’est séparée du liquide nourricier 
que par une faible épaisseur des parois ; ainsi le liquide qui 
exsude des parois vasculaires, dépose à leur pourtour les éléments 
inorganiques. 

Un second fait général est relatif au rapport qui existe entre les 
concrélions et le liquide céphalo-rachidien. Ces dépôts s’accumu- 
lent dans tous les points que baigne ce liquide (ventricules laté- 
raux, portion horizontale de la grande fente de Bichat), et ils 
semblent diminuer chez les animaux, à mesure que ce liquide 
diminue lui-même. Nous avons déjà fait connaître, avec détails, 
les variations du liquide encéphalique, et les coïncidences de ces 
variations avec la structure et le développement des granulations 
méningiennes, 

Nos recherches sur les concrétions du cerveau nous autorisent 
en définitive à penser qu’elles sont des produits physiologiques 
d’excrétion, développés de plus en plus suivant l’âge du sujet ; 
elles sont, à nos veux, des traces visibles de cette mystérieuse 
complication qui préside aux phénomènes nutritifs de l’encéphale 
chez l'Homme et les animaux, Nous sommes loin encore d’avoir 
sur ce point épuisé les recherches; le microscope, l'analyse chi- 
mique et l'anatomie pathologique révèlent encore bien d’autres 


CHEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX. 87 


produits de décomposition du cerveau , et viendront aider la phy- 
siologie dans ses difficiles investigations sur lorgane le plus im- 
portant et le plus mal connu du corps humain. 

L'étude des plexus choroïdes peut devenir le sujet d’intéres- 
santes considérations. Ces organes, éminemment vasculaires, pré- 
sentent une texture d’autant plus complexe, que les animaux sont 
plus élevés dans leur organisation, ou soumis à des influences plus 
nombreuses. Chez l'Homme, les plexus choroïdes offrent des ca- 
ractères spéciaux : les villosités sont en nombre immense; les 
vésicules choroïdiennes et les amas choroïdiens se rencontrent au 
niveau des étages inférieurs des ventricules latéraux. Les Chevaux 
et les Bœufs présentent encore de nombreuses villosités; mais 
les vésicules choroïdiennes et les concrétions qu’elles renferment 
ne se constatent plus. La toile choroïdienne chez le Chien et chez 
le Mouton est déjà presque lisse à sa surface ; néanmoins de petites 
saillies villeuses, dont on ne saurait distinguer, à l’œil nu, la tex- 
ture, en recouvrent encore quelques parties. Chez le Porc, les 
flexuosités des artères représentent encore quelques villosités, 
dont la structure est la plus simple. Enfin chez d’autres Mammi- 
fères et chez les Oiseaux, le plexus devient de la plus extrême sim- 
plicité : il ne consiste plus qu’en une lame mince, vasculaire, et 
parfaitement unie à ses deux faces. 

Nous manquons de détails sur le développement des plexus 
choroïdes : Tiedemann les a distingués déjà chez un embryon de 
trois mois, mais il ne nous dit rien sur leur conformation à cette 
époque. Chez les nouveau-nés, les plexus présentent déjà des vil- 
losités nombreuses, bien que nous les ayons toujours trouvés 
dépourvus de vésicules choroïdiennes. 1 nous est donc impos- 
sible de comparer les diverses phases de l’état embryogénique des 
plexus, à la complication successive qu'ils subissent, lorsqu'on les 
suit dans les groupes de plus en plus élevés de l’animalité. 

La couche d’épithélium, qui revêt toujours la surface des 
plexus choroïdes, se prête, au contraire, dans une certaine limite, 
à la comparaison. 

Chez les jeunes enfants, les cellules sont pourvues d'un volumi- 
neux noyau, mais elles manquent de concrétions ; chez les adultes, 


88 E. FAIVRE, — DU CONARIUM ET DES PLEXUS CHOROÏDES 


les noyaux deviennent de plus en plus petits; ils disparaissent le 
plus souvent chez les vieillards ; les dépôts inorganiques augmen- 
tent, au contraire, avec l’âge. Nous avons déjà fait la remarque 
que l’épithélium choroïdien chez les animaux correspond à la dis- 
position de l’épithélium choroïdien du jeune âge chez l'Homme : 
même volume du noyau par rapport à la cellule, et quelquefois 
même absence de concrétions. Mais chez les animaux âgés, les 
dépôts inorganiques deviennent toujours très abondants. 

Quel peut être l’usage des plexus choroïdes ? Comment expliquer 
le but des villosités nombreuses qui flottent à la surface de cette 
portion de la pie-mère, dans l’intérieur des ventricules ? Le célèbre 
Willis a tenté une explication plus ingénieuse que vraie. Elle a 
cependant quelque fondement de vérité. « Les plexus distillent ou 
» séparent, dit-il, la portion pure du sang (celle qui doit servir aux 
» esprits) de la portion aqueuse, laquelle est reportée vers le cœur; 
» mais de peur que la trop grande abondance de ce liquide, s’écou- 
» lant dans les veines, ne gêne la cireulation, le surplus en est ab- 
» sorbé ou séparé par les petites glandes des plexus, ou par la grosse 
» glande pinéale. L'autre usage consiste à conserver la chaleur au 
» milieu du cerveau, afin que les esprits vitaux se séparent plus 
» facilement. En circulant au milieu des anses vasculaires, le li- 
» quide sanguin échauffe, comme par un bain, les parties voisines 
» qui sont excilées dans leur action (1). » 

Depuis Willis on n’a pas, à notre connaissance, proposé de 
théorie sur les usages des plexus choroïdes. Guidé par des induc- 
tions bien légitimes, nous croyons devoir avancer que les villosités 
choroïdiennes président à la sécrétion du liquide céphalo-rachi- 
dien. Haller et Magendie ont bien avancé que ce liquide était 
produit par la pie-mère, mais ils n’ont pas précisé le lieu de sa 
production. Ils appuient leur opinion sur ce que, en mettant la pie- 
mère à découvert chez un animal vivant, il s’en exhale un liquide 
qui devient encore plus apparent, lorsqu'on a injecté dans les vais- 
seaux une certaine quantité d’eau tiède. 

La quantité du liquide céphalo-rachidien, et la facilité avec 
laquelle il se reproduit, supposent une sécrétion rapide et abon- 

(1) Willis, Cerebri unalome, cap, xiv. 


+ pué 


CHEZ L'HOMME ET LES ANIMAUX. 89 


dante, et par conséquent une surface vasculaire très considérable. 
C’est là précisément la particularité que présentent les plexus cho- 
roïdes. Les villosités qui en hérissent la surface, et qui sont toutes 
composées de flexuosités artérielles, sont destinées à multiplier 
un grand nombre de fois la surface absorbante et exhalante des 
plexus. 

Les plexus des ventricules latéraux ont en moyenne 0,07 centi- 
mètres de long sur 2 de large, et par conséquent une surface de 
14 centimètres. Supposons seulement sur chaque surface de 1 cen- 
timètre carré quarante villosités, et assignons à chacune d’elles 
une surface de 4 millimètre carré (4), nous aurons déjà sur 1 cen- 
timètre carré une multiplication de surface de 40 millimètres ou 
k centimètres. Nous aurons donc une surface des plexus choroïdes 
rendue quatre fois plus grande; et ainsi la surface totale des deux 
plexus, au lieu d’être de 28 centimètres, aura 1 mètre 12 centi- 
mètres. 

Une pareille surface peut produire, comme on le comprend bien, 
une quantité de liquide céphalo-rachidien en rapport avec celle 
que l’expérience a fait connaître. 

On sait que la quantité de liquide encéphalique est en rapport 
avec la taille. Nous avons aussi remarqué que, chez les grandes 
espèces animales, les plexus choroïdes sont beaucoup plus villeux. 
Après l'Homme, c’est chez le Cheval et le Bœuf que la vasculari- 
sation des plexus est le plus développée. 

Nous regardons, d’après les considérations précédentes, comme 
très probable, que les plexus choroïdes président à l’exhalation et 
à l’absorption du liquide céphalo-rachidien chez l'Homme et les 
animaux, Comme nous ne prenons pas des inductions pour des 
expériences précises qui peuvent seules établir la vérité, nous at- 
tendons de l’avenir la confirmation de notre manière de voir. 

Nos études sur le conarium n'ont éclairé pour nous en aucune 
manière la difficile question des usages de cet organe. Certaine- 
ment, ce n'est pas un organe glandulaire, et on ne doit pas lui at- 
tribuer une bien grande importance. 

Nous lerminons par l’exposé sommaire des résultats que nous 


(1) Nos évaluations sont bien au-dessous de la réalité. 


90 #. FAIVRE, — DU CONARIUM ET DES PLEXUS CHOROÏDES, 
croyons nouveaux, et dont les détails sont renfermés dans ce me- 
moire : 

4° Un élément histologique particulier entre dans la constitution 
du conarium chez l'Homme et les animaux. Il consiste en noyaux 
arrondis ou ovalaires, à bords nets et grenus dans leur intérieur, 

2° Cet élément se rapproche essentiellement des éléments ner- 
veux dont on constate la présence chez de très jeunes embryons. 

3 Nous en avons constaté la présence chez les Chevaux, les 
Bœufs, les Moutons, les Lapins, les Cobayes, les Pores, les Chiens, 
la Tortue , et chez divers Oiseaux. 

&° Nous avons toujours rencontré le conarium chez les Chiens. 

5° Les concrétions qui constituent l’acervulus sont formées par 
des corps moriformes de carbonate de chaux. Elles n'existent que 
chez l'Homme. 

6° Les plexus choroïdes se composent d’une lame hérissée de 
villosités. Les villosités sont formées par des anses vasculaires 
recouvertes d’une couche d’épithélium pavimenteux. 

7° Les cellules d’épithélium sont nucléées chez les animaux, et 
chez l'Homme surtout, pendant la jeunesse; les noyaux disparais- 
sent souvent avec l’âge. 

8° Dans toutes les cellules d’épithélium , il se forme avec l’âge 
des concrétions diverses. 

9 On trouve des vésicules particulières (vésicules choroïdiennes) 
dans l'étage inférieur des ventricules latéraux, seulement chez 
l'Homme adulte ou âgé ; ces vésicules , disposées en grappes, ren- 
ferment un amas de tissu cellulaire et du sable cérébral. 

10° L'analyse chimique démontre dans les plexus choroïdes la 
présence de la silice. 

44° La cholestérine est très abondamment développée sur les 
villosités choroïdiennes des Chevaux. 

429 Chez la plupart des Mammifères et chez les Oiseaux, les 
mêmes concrétions existent. Elles doivent être considérées comme 
des produits physiologiques développés par l’âge 


DE LA DÉTERMINATION 


DE 


QUELQUES OISEAUX FOSSILES 


ET DES 


CARACTÈRES OSTÉOLOGIQUES DES GALLINACÉS OU GALLIDES, 


(Par M. Émile BLANCHARD. 


Je n'ai pas besoin de rappeler le doute dans lequel on est 
demeuré jusqu’à présent au sujet de la détermination des débris 
d’Oiseaux fossiles. Cet état d'incertitude, on le sait, est tel, que 
plusieurs naturalistes croient encore à l'impossibilité d'arriver, 
pour les Oiseaux fossiles, à des déterminations aussi précises que 
pour les Mammifères et les Reptiles. Ce sentiment est exprimé de 
la sorte par M. Pictet : « Le peu de précision, dit-il , des carac- 
» tères ornithologiques s’opposera probablement à ce que cette 
» partie de la paléontologie puisse jamais s'asseoir sur des bases 
» aussi rigoureuses et aussi certaines que celles qui traitent d’ani- 
» maux dont les différences ostéologiques sont plus nombreuses 
» et plus tranchées (1). » 

Mes recherches ne tarderont pas, j'espère, à montrer combien 
celle opinion , si généralement répandue, doit être modifiée. Les 
Oiseaux, comme on l’a répété si souvent, ne présentent pas entre 
eux, à la vérité, de ces différences frappantes que l’on remarque 
entre les types des Mammifères ; néanmoins on peut parvenir à 
classer leurs espèces fossiles d’une manière aussi sûre que les 
autres animaux de périodes géologiques. Je l'ai constaté dès à pré- 
sent par des observations si multipliées, que je puis avancer, sans 
la moindre hésitation, que chaque os d’un Oiseau quelconque offre 
un ensemble de caractères propres à faire déterminer avec certi- 
tüde à quel groupe, à quel genre il se rattache, et qu'on y trouve 


(1) Traité de paléontologie, 2° édition, t. 1, p. #01 (1853). 


92 É. BLANCHARD, —— CARACTÈRES OSTÉOLOGIQUES 


toujours de petites particularités suffisantes pour faire reconnaitre 
l'espèce à laquelle il appartient. Sans doute il s’agit là, bien sou- 
vent, de détails difficiles à rendre saisissables au moyen de des- 
criptions ; mais c’est un embarras médiocre, car ces détails seront 
toujours rendus appréciables par des figures exécutées avec une 
fidélité rigoureuse. 

Comment serail-on parvenu à déterminer les débris d’Oiseaux 
fossiles , les caractères de chacun des os dans les divers groupes 
ornithologiques n'étant point encore établis dans la science? Les 
squelettes montés des Musées anatomiques ne permettent nulle- 
ment de se livrer aux comparaisons indispensables de toutes les 
parties ; aussi me suis-je attaché à réunir les os séparés du plus 
grand nombre d’espèces possible, comme le seul moyen de saisir 
les caractères de chacun d’eux, suivant les familles, les genres et 
les espèces. Une étude semblable du squelette des Oiseaux vivants 
m'ayant conduit à classer aisément plusieurs débris fossiles qui 
m'ont été communiqués, j'ai conçu la pensée d'ajouter un chapitre 
considérable à la paléontologie, en me livrant sur les Oiseaux des 
faunes éteintes, comparés à ceux des faunes actuelles , à un travail 
dont je poursuis aujourd'hui la réalisation. La publication de ce 
travail, je pense, ne se fera pas attendre bien longtemps. 

Dans le présent mémoire, je me propose d'exposer quelques- 
uns des résultats de mes recherches sur les Gallinacés ou les Oi- 
seaux de la famille des Gallides (Gallidæ). Divers débris fossiles , 
on le sait, ont été regardés comme appartenant à ce groupe ; mais 
ceux qui les ontsignalés se sont en général dispensés d’en donner 
des figures, et même de dire sur quels caractères ils se fondaient 
pour les déterminer des os de Tétras , de Perdrix, de Coqs, de 
Faisans ou de Pintades. 

Je ne crois pas devoir mentionner ici les indications données 
sur ces débris dans les recueils scientifiques, M. Giebel (1) ct 
M. Pictet (2) en ayant donné l’énumération. 

Les faits acquis prouvent clairement, du reste, que l’on possède 
des fragments de Gallinacés de la période tertiaire et de l’époque 

(1) Fauna der Worwelt, Bd. 4, Zw. Abth., p. 22 et 23 (1847). 

(2) Traité de paléontologie, 2° édit., t. 1, p. 415 (1853). 


DES GALLINACÉS OU GALLIDES, 93 


diluvienne. Parmi les Oiseaux du gypse de Montmartre décrits et 
représentés par Cuvier, plusieurs sont de cette famille ornitholo- 
gique. La réserve de l’auteur des Recherches sur les ossements fos- 
siles, à l'égard des Oiseaux, est bien connue des naturalistes. Ne 
possédant pas les matériaux nécessaires pour donner des détermi- 
nations certaines , notre grand zoologiste se contenta de désigner 
les espèces par des numéros. L’humérus (Rech. oss. foss., t. III, 
pl. 73, fig. 9) considéré comme pouvant se rapporter à une 
espèce de Scolopacine ne présente aucun des caractères de l’hu- 
mérus des Oiseaux de ce groupe; il a, au contraire, ceux qu'on lui 
trouve dans la famille des Gallides ; il appartient à une espèce de 
Perdrix peut-être un peu plus petite que les nôtres. Les deux co- 
racoïdiens représentés par Cuvier (pl. 74, fig. 5 et 6) provien- 
nent également d’Oiseaux de la famille des Gallides. L'un d’eux 
(fig. 6) ressemble tout à fait à celui de la Caille commune ; seule- 
ment il est un peu plus petit. 

Les différentes parties du squelette des Gallides présentent des 
caractères tels, qu'on ne saurait les méconnaître, une fois l’atten- 
tion appelée de ce côté. Mais, avant tout, il est nécessaire de dire 
dans quelles limites me semble devoir être adoptée cette famille 
ornithologique , appelée l’ordre des Gallinacés par la plupart des 
zvologistes (1). Déjà les Pigeons en ont élé exclus d’un accord à 
peu près unanime ; c’est avec raison. J’ajouterai que les Gangas 
(Pterocles) doivent être rattachés à ce dernier type. La forme de 
leur sternum, de leur bassin, de leurs membres antérieurs, de 
leur humérus notamment, ne peut laisser à cet égard la moindre 
incertitude. Je n’ai pu jusqu’à présent trouver l’occasion d’étu- 
dier l'ostéologie d’une espèce du genre Thinocore (T'hinocorus 
Eschsch.), mais j'ai certaine raison de croire qu'il doit être exclu 
de la famille des Gallides. J’ai acquis la conviction qu’il doit en 


(1) De même que M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, je pense que les Oiseaux 
ne présentent pas de caractères différents suffisantiels pour permettre d'en former 
des ordres nombreux , comme l'ont fait les ornithologistes, Dans cette classe, la 
plupart des groupes naturels sont véritablement de la catégorie de ceux qu'ail- 
leurs les zoologistes appellent du nom familles, C'est une question que je nie 
propose de traiter dans un prochain mémoire. 


94 É. BLANCHARD, — CARACTÈRES OSTÉOLOGIQUES 


être ainsi pour un genre considéré comme voisin de celui-ci par 
les ornithologistes, le genre Attagis (Attagis Is. Geoffr. et Less.), 
dont on connait actuellement trois espèces. Ce type, ainsi que j'ai 
pu en juger par l'examen de toutes les parties de son squelette, est 
très apparenté aux Glaréoles (1). Je suis très incertain sur la place 
que doit occuper le genre Tinamou. J'en connais seulement le 
sternum, qui est dans la galerie d'anatomie comparée du Muséum 
d'histoire naturelle. Ce sternum, très différent de celui de tous les 
autres Oiseaux, ne ressemble que de loin à celui des vrais Gallides. 
L'ostéologie des Mégapodes m'est connue par l’étude que j'ai faite 
du squelette d’un individu également de la collection du Muséum. 
Ce type est bien de notre famille des Gallides ; malheureusement le 
squelette que j'ai examiné est celui d’un très jeune individu ; e’est 
là une circonstance défavorable pour la comparaison des carac- 
tères. 

La famille des Gallides (Gallidæ), telle que je l'envisage ici, 
correspond done à l’ancien ordre des Gallinacés, avec les restric- 
tions que je viens d'indiquer. 

Le sternum de ces Oiseaux, on le sait, se fait remarquer par ses 
profondes échancrures, d’où résultent deux longues tiges latérales. 
En avant, il se prolonge en une large lame verticale. Les tiges 
latérales acquièrent leur plus grande longueur chez les Tétras, les 
Coqs (2), les Faisans, les Perdrix et les Cailles. Dans l’Argus, le 
sternum a la forme générale de celui des Coqs et des Faisans ; 
mais il est sensiblement plus court avec la branche externe plus 
large. Dans les Dindons, et surtout les Paons, la longueur de cette 
pièce osseuse s’amoindrit encore , et les deux tiges latérales 
acquièrent en même temps une largeur plus considérable (3). Le 
sternum des Mégapodes se rapproche beaucoup de celui des Paons ; 
mais je le répète, mes observations relatives à ce type n’ont porté 
que sur des individus fort jeunes, ce qui m'oblige à beaucoup de 


(4) Je dois la communication du squelette de l’Attagis Gayi, du Chili, à l'o- 
bligeance de MM. Verreaux frères. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire avait eu 
précédemment la bonté de me fournir l'occasion d'en étudier une tête, 

(2) PI. 40, fig. 4. 

(3) PI. 40, fig. 2 


DES GALLINACÉS OU GALLIDES. 95 


cireconspection. Enfin dans les Gallides particuliers à l'Amérique 
du Sud, les Hoccos, les Pauxis, les Pénélopes, le sternum, tout en 
conservant son caractère, devient plus court que dans toutes les 
espèces de l'Asie, de l'Afrique et de l'Europe, et ses branches 
prennent une assez grande largeur (1). On trouve à, chez ces 
espèces américaines, une légère modification qui tend à les rappro- 
cher plus que les autres des Pigeons, particulièrement des Colombi- 
Gallines, et surtout du Goura. 

Les coracoïdiens, chez nos Gallides, diffèrent d’une manière 
essentielle de ceux de tous les autres Oiseaux ; ils sont plus grêles, 
plus aplatis , plus simples que partout ailleurs. A leur extrémité 
supérieure, ils se recourbent très faiblement au côté interne pour 
donner leur point d'appui aux clavicules, au contraire de ce qui se 
voit dans plusieurs familles, notamment dans celle des Fringillides. 
La saillie externe qui forme sa surface articulaire inférieure pour 
l’omoplate està peine proéminente, surtout chezles Paons et les Din- 
dons, et même chez les Coqs (2) et les Faisans; elle l’est un peu 
plus dans les Perdrix, les Cailles et les Tétras, avec de légères 
nuances fort saisissables entre les espèces appartenant à ces genres. 
Cette saillie constitue, chez la plupart des autres, une dent ou une 
lame recourbée; il faut en excepter cependant .ceux que l’on a 
réunis sous le nom de Passereaux. 

On comprendra que je ne m'attache pas ici à décrire pour les 
coracoïdiens , non plus que pour les autres os, toutes les nuances 
de formes caractéristiques des genres et des espèces. Des figures 
sont absolument indispensables pour l'intelligence de détails aussi 
minutieux, et ces figures seront données dans mon travail général 
sur les Oiseaux fossiles comparés aux Oiseaux vivants. 

Les clavicules de nos Gallides ont une configuration tout à fait 
particulière. A leur point d'insertion, elles sont faiblement élargies 
et comprimées , sans aucune dilatation comparable à ce qui existe 
chez les Passereaux; elles n’ont pas non plus de saillie extérieure 
au-dessous de leur insertion avec les coracoïdiens, comme cela se 
voit chez les Pigeons, ou comme chez les Oiseaux échassiers où 

(4) PL 40, fig. 3. 

(2) PI. 44, fig. 4. 


96 É. BLANCHARD, —— CARACTÈRES OSTÉOLOGIQUES 


les clavicules sont très amincies à leur origine. La fourchette des 
Gallides, exactement en forme de V, est prolongée en une lame, 
dont les légères variations coïncident avec les divisions génériques 
et même avec les espèces. Dans les Coqs, cette lame, médiocre- 
ment élargie, tend à se recourber un peu en dedans (1). Elle est 
plus développée et carénée en dessus de chaque côté dans les Din- 
dons et les Paons (2); plus courte et plus étendue en arrière dans 
les Faisans ; très grande chez les Perdrix, et presque tronquée 
obliquement (3); très grande encore chez les Cailles, et plus ovalaire, 
assez mince à sa base, et élargie vers le bout chez les Tétras (4). 
Cette lame, qui termine la fourchette des Gallides, devient dans 
les espèces américaines, les Hoccos, les Pénélopes, sensiblement 
plus étroite que dans les espèces de l’ancien monde (5), tout en 
conservant néanmoins le développement très caractéristique qu’elle 
acquiert chez les Gallides. 

L’humérus est un os qui mérite toute l’attention des analomistes ; 
il est caractérisé de la façon la plus remarquable dans toutes les 
familles ornithologiques. L’inspection la plus superficielle doit suf- 
fire à faire reconnaître celui d’un Gallinacé. Chez les Oiseaux de 
celte famille, il est court et notablement arqué. Sa largeur pro- 
porlionnelle varie d’une façon sensible suivant les types ; elle est 
plus considérable que partout ailleurs dans les Coqs et les Fai- 
sans (6) ; elle est moindre chez les Tétras, les Perdrix (7) et surtout 
les Cailles, et dans les Paons (8) et les Dindons ; la tête de l’humé- 
rus est moins élargie que chez les précédents, caractère que nous 
trouvons peut-être plus prononcé encore dans les Mégapodes. La 
crête externe s'élève médiocrement chez les Gallides. Dans les 
Coqs et les Faisans, la dépression qu’elle circonscrit est très faible; 


(1) PI 44, fig. 3. 
(2) PI. 44, fig. 


DES GALLINACÉS OÙ GALLIDES. 97 
elle devient plus marquée dans les autres types. La crête interne 
est épaisse, ne projetant pas de saillie aussi considérable que chez 
les autres Oiseaux. Le bord antéro-latéral externe est brusquement 
rabattu, formant en dessous une arête angulaire presque droite, au 
lieu de cette dilatation poussée plus ou moins loin, qu'on observe 
dans la plupart des types de la classe des Oiseaux. Cette dilatation 
est considérable dans l'humérus des Pigeons, où elle se termine en 
pointe obtuse , ainsi que dans les Gangas (Plerocles) qui doivent 
en être rapprochés dans nos classifications zoologiques. La forme 
de la cavité, au fond de laquelle se trouvent les orifices aériens, 
mérite d’être considérée, surtout au point de vue de la détermina- 
tion des débris fossiles. On y observe certaines différences suivant 
les genres, certaines nuances suivant les espèces, bien aisément 
appréciables. Dans les Coqs, les Faisans, les Argus, cette cavité est 
ovalaire avec son bord externe déprimé (1); chez les Dindons et 
les Paons, elle est beaucoup plus grande, allongée, ayant son re- 
bord externe plus déprimé encore. A peu près de la même forme 
que chez les Coqs, dans les Tétras, les Perdrix, les Francolins, elle 
est plus profonde avec son rebord externe plus élevé (2). Chez les 
Cailles, cette cavité, plus courte, presque arrondie, est moins par- 
faitement délimitée inférieurement (3). Les types américains, 
Hoecos, Pénélopes, offrent de ce côté aussi leur caractère propre ; 
ce veslibule pour l'entrée de l'air est plus rétréci (4). 

L'humérus des Gallides n'offre à son extrémité aucune saillie 
externe, ce qui tout de suite le distingue de celui d'une foule d’au- 
tres de la classe des Oiseaux (5). Chez les Échassiers (en en re- 
tranchant les Hérons et les Cigognes) et les Longipennes, l'épicon- 
dyle projette une apophyse en forme de crochet toujours très dé- 
veloppé ; chez les Oiseaux réunis sous le nom de Passereaux (les 
Colibrides et les Martins-Pécheurs où Alcédides doivent en être 
séparés), c'est une grosse dent surmontée d'une plus petite ; dans 


(4) PL. 44, fig. 8. 
(2) PI, 44, fig. 10. 
(3) PL. 44, fig. 44. 
(4) PI. 44, fig. 42, 
(5) PI. 44, fig. 8. 
4 série, Zoo. T. VII, Cahier n° 2.) 7 


98 É. BLANCHARD. —— CARACTÈRES OSTÉOLOGIQUES 


les Coucous et les Calaos ou Bucérotides, c’est une sorte de tuber- 
cule (1). La poulie articulaire de l’humérus des Gallides est très 
reconnaissable (2); la partie cubitale est large et arrondie, surtout 
dans les Coqs, les Faisans, les Paons; elle est sensiblement plus 
étroite et plus saillante dans les Perdrix et les Francolins, et ce ca- 
ractère se prononce davantage chez les Cailles ; la partie radiale 
est épaisse et arrondie vers son sommet avec de légères nuances, 
suivant les genres et les espèces. 

Les os de l’avant-bras des Gallides offrent aussi plusieurs parti- 
cularités (3). Chez tousles représentants de cette famille, le radius 
et le cubitus s’écartent plus l’un de l’autre que dans les autres Ci- 
seaux, ce qui tient à la courbure très prononcée du eubitus ; carac- 
tère que l’on retrouve à la vérité dans les Pigeons, mais on ne 
saurait confondre un cubitus appartenant à ce dernier type avec 
celui d’un Gallide. Chez les Pigeons , il est: plus arrondi, et l'apo- 
physe coronoïde se projette en forme de dent, ce qui n’a pas lieu 
chez les autres. Le cubitus des Gallides est fort aplati; cet aplatis- 
sement est très marqué dans les Perdrix et les Cailles, un peu 
moins dans les Coqs, les Faisans, l’Argus, le Lophophore, un peu 
moins encore dans les Dindons, les Paons et les types américains, 
Hoccos, Pauxis, Pénélopes. L'apophyse olécrâne est toujours ob- 
tuse et médiocrement saillante, et les cavités sigmoïdes sont moins 
profondes que dans les autres Oiseaux. 

Le radius des Gallides, de même que le cubitus, se distingue 
par son aplalissement ; il est notablement courbé en dedans vers 
son extrémité inférieure. Quant à de plus minutieux détails sur cet 
os, comme sur plusieurs autres, je ne crois pouvoir les donner uti- 
lement sans de nombreuses figures ; aussi est-ce dans le travail 
général sur les Oiseaux vivants et fossiles, dont j'ai annoncé déjà 
la publication prochaine, que je me réserve de les exposer. 

Les os du carpe, tout réduits qu'ils sont dans les Oiseaux, ont 


(1) A ce caractère on reconnaît le fragment de l'humérus d'un Coucou 
(Cuculus) dans la pièce du gypse de Montmartre représentée par Cuvier (Re- 
cherches sur les ossements fossiles, t, LUN, pl. 73, fig, 41), 

(2) PL 41, fig. 8. 

(3) PI. 44, fig. 43, 


DES GALLINACÉS OU GALLIDES. 99 


encore néanmoins des formes particulières dans chaque type. Il 
sera loujours aisé de reconnaitre le métacarpe d'un Gallinacé. Cet 
os est des mieux caractérisés. La branche principale, près de sa 
base, envoie vers la branche grêle un prolongement dentiforme 
qui ne se soude pas avec celte branche (4). Cette expansion n’est 
pas ordinaire ; on ne la trouve ni dans les Rapaces, ni dans les di- 
vers groupes qui ont été réunis sous le nom de Grimpeurs, ni dans 
les Pigeons, ni dans les Échassiers, ni dans les Palmipèdes. Chez 
la plupart des Oiseaux que l’on a compris sous la dénomination de 
Passereauæ, il existe une lame qui réunit la branche principale du 
métacarpe à la branche grêle, mais là il y a soudure totale avee 
cette dernière ; ce n’est pas la dent libre qu’on voit dans les Gal- 
lides. Cette dent très caractéristique a son plus grand développe- 
ment dans les espèces de l’ancien continent; elle est toutefois un 
peu plus courte et plus basilaire chez les Paons que chez les autres. 
Dans les Hoccos et les Pénélopes, elle s’affaiblit beaucoup. 

Le bassin caractérise très bien encore la famille des Gallides (2). 
Les os iliaques se soudent en avant et forment de la sorte, sur ce 
point, une voûte au-dessus des vertèbres. Ce bassin acquiert sa 
largeur la plus considérable chez les Tétras et les types essen- 
tiellement américains, Hoccos, Pénélopes, etc., où une tendance 
vers la forme des Pigeons se manifeste d’une manière sensible, 

La cavité cotyloïde est très vaste avec son bord postéro-supé- 
rieur relevé en manière de crête, mais à un moindre degré que 
chez la plupart des Échassiers. Les ischions d'ordinaire sont larges, 
et descendent verticalement ; ils cireonscrivent le trou sciatique, 
qui est très grand et ovalaire chez les Cogqs et les Faisans, un peu 
moindre dans les Perdrix et les Cailles. Le bord postérieur des 
ischions est sinueux et son angle inférieur, de forme obluse, ne se 
prolonge pas en arrière, comme cela a lieu dans les Eebassiers, 
dont le bassin présente encore plus de ressemblance avec celui des 
Gallides qu'avec celui des autres Oiseaux. Les os pubis s'avancent 
au-devant de la cavité cotyloïde, de facon à former une sorte de 
dent très large ; demeurant d'abord libres en arrière de la cavité 

(1) PL 44, Gg. 14. 
(2) PL. 40, fig. 4. 


100 É. BLANCHARD. —— CARACTÈRES OSTÉOLOGIQUES 


cotyloïde , ils se soudent ensuite avec lischion dans une pelite 
partie de leur longueur, circonscrivant ainsi, d'une manière com- 
plète, le trou obturateur. 

Telle est la forme générale du bassin de la plupart des Gallides 
de l’ancien monde, avec de légères différences de largeur et de 
dimension de la fosse cotyloïde et des trous scialique et obturateur. 
Ordinairement les vertèbres sacrées sont toutes soudées ensemble 
et forment une gouttière le long de la ligne dorsale, à l'exception 
des Paons, où ces vertèbres restent libres. Chez les Tétras, les 
Hoccos et les Pénélopes, le bassin, sans s’éloigner beaucoup de sa 
forme typique dans les Gallides, présente néanmoins certaines 
différences notables. La gouttière dorsale des vertèbres sacrées 
est très affaiblie; les os iliaques en avant sont moins relevés; en 
arrière ils sont plus dilatés et recouvrent les ischions, qui devien- 
nent plus étroits et prennent un plan horizontal; en outre, la sou- 
dure des os pubis avec les ischions s'étend sur une plus grande 
longueur. 

Les os des membres postérieurs n’ont pas de caractères aussi 
apparents, aussi aisément saisissables que ceux des membres an- 
térieurs. Cependant, dans chaque groupe ornithologique, ils ont 
leurs particularités qui permettent toujours de reconnaître à quel 
genre, à quelle espèce ils appartiennent. 

Le fémur des Gallides est plus courbé que celni des autres Oi- 
seaux (1). Sa tête est massive, arrondie avec le col médiocrement 
prononcé, surtout chez les Coqs, les Faisans, les Paons, les Tétras; 
il l’est davantage dans les Perdrix et les Cailles. Le trochanter 
s'élève en forme de crêté recourbée en dedans; au-dessous de 
celte crête se trouvent les orifices aériens, qui n'existent pas dans 
tous les genres : on les trouve chez les Faisans, les Paons, les Din- 
dons, les Tétras ; ils disparaissent chez les Coqs, les Perdrix, les 
Cailles; mais il ne faut sans doute pas attacher trop d'importance 
à la présence ou à l'absence de ces orifices, qui, dans certains cas 
au moins, peuvent tenir à des conditions accidentelles ou à des 
différences d'âge. La poulie articulaire du fémur des Gallides est 


(A) PI. 44, fig. 45. 


DES GALLINACÉS OU GALLIDES. 101 
fort épaisse ; elle ne l’est autant ou plus même que chez les grands 
Échassiers (Cigognes, Hérons, ete.). L'espace compris entre les 
deux condyles forme une échancrure en demi-cercle qui est 
profonde ; la goutlière comprise entre les deux arêtes du condyle 
externe est assez lirge, régulière et moins profonde que chez 
beaucoup d’autres Oiseaux. Le condyle interne a sa surface arti- 

ulaire moins bien délimitée que dans les autres groupes; elle fuit 
en arrière, se confondant avec le large sillon qui la sépare du 
condyle externe. Il y a, dans toutes ses parties, de légères diffé- 
rences, suivant les espèces et surtout les genres; mais sans le se- 
cours de figures, il est impossible de les rendre saisissables : aussi, 
pour ces détails, renverrai-je encore à mon prochain travail géné- 
ral, me contentant de dire ici que le condyle externe est plus long 
chez les Coqs et les grands Gallides que dans nos petites espèces, 
que dans les Perdrix l’arête principale forme une saillie plus 
brusque, que dans les Cailles les deux arêtes sont presque égales. 

Le tibia des Gallides varie notablement de longueur suivant les 
genres, sans du reste se modifier autrement d’une manière bien 
sensible. La poulie articulaire est toujours fort épaisse, avec les 
deux têtes arrondies et plus larges que chez le plus grand nombre 
des autres Oiseaux, ce qui rend la gouttière formée par leur inter- 
valle remarquablement étroite (4). La lame osseuse supertendi- 
néale est fort large, et varie un peu dans sa direction suivant les 
genres et les espèces : légèrement oblique dans les Coqs etles Fai- 
sans, elle l’est davantage chez les Paons; elle est sensiblement plus 
droite dans les Perdrix, et dans les Cailles sa largeur est sensible- 
ment réduite. 

Je ne dirai rien ici du péroné. Comme toutes les parties qui per- 
dent de leur importance, les: modifications qu’il présente d'un 
groupe à l’autre sont fort légères. 

Le métatarse des Gallides est très robuste ; il l’est au plus hant 
degré chez les Cogqs et les Faisans (2). Dans les Paons il devient plus 
long, proportionnellement plus grêle, avec sa gouttière inférieure 
très prononcée. L’extrémité inférieure est moins élargie que chez 

(1) PL 44, Gg. A7. 

(2) PL. 44, fig. 18. 


102 É. BLANCHARD. — CARACTÈRES OSTÉOLOGIQUES 

les Oiseaux à pattes courtes, et son apophyse articulaire moyenne 
ne fait pas autant de saillie que dans les Échassiers ; les surfaces 
articulaires offrent toujours quelques petites particularités dans 
chaque genre et dans chaque espèce, mais je ne pense pas pouvoir 
les rendre appréciables sans le secours d’une figure pour toutes les 
espèces. Il en est de même encore pour les phalanges des doigts. 

L'étude de la tête, comme déjà je l'ai montré dans mes diverses 
notices sur les Perroquets, donne des caractères qu’on ne saurait 
trop s'attacher à considérer attentivement. D'une manière géné- 
rale, la tête est connue dans le type ornithologique qui nous occupe 
ici ; je ne juge donc pas nécessaire d'entrer à cet égard dans tous 
les détails, je ne veux en ce moment que donner un aperçu des 
principales modifications qu’on trouve parmi nos Gallides. 

Chez les Coqs, les frontaux sont médiocrement larges, formant 
toujours une partie rétrécie au-devant des pariétaux ; cette partie 
du crâne est plus large dans les Dindons, les Pintades, et plus en- 
core dans les Tétras, où la tête tend à prendre une forme carrée. 
Chez les Faisans, l’Argus et le Lophophore, comme chez les Paons, 
les frontaux sont plus étroits. Le rétrécissement augmente dans 
les Perdrix, et surtout dans les Cailles ; ce qui contribue à donner 
à la tête de ces divers Oiseaux une apparence assez différente. La 
région pariétale est plus ou moins élevée; elle l'est à son maximum 
dans les Paons ; elle s’affaisse plus dans les Cailles et les Perdrix 
que dans les Coqs, les Faisans, les Pintades. Dans tous les Gallides 
de l'ancien monde et de l'Amérique septentrionale, Papophyse 
temporale et l'apophyse mastoïdienne se rapprochent extrêmement 
et se soudent par leur extrémité dans la plupart des cas. Les lacry- 
maux sont courts et assez larges dans les Coqs et les Faïsans, plus 
longs et plus étroits dans les Paons et les Dindons, plus petits que 
dans tous les précédents chez les Perdrix , les Cailles et surtout les 
Tétras. 

Les types essentiellement américains, comme les Alectors, c’est- 
à-dire les genres Uraæ, Crax et Penelope, s’éloignent à quelques 
égards des types de l’ancien continent ; leur crâne est allongé, 
à côtés presque parallèles, rappelant la forme de la tête des 
Pigeons : c'est que leurs frontaux sont larges, et leurs lacrymaux 


ft - 


| DÉS GALLINACÉS OU GALLIDESs 103 
très développés, au lieu d'être rejetés en dehors, sont exactement 
emboîtés entre les os nasaux et les frontaux ; ensuite les apophyses 
temporale et mastoïdienne se trouvent être écartées davantage ; la 
région pariétale est presque plane comme la région frontale ; enfin 
le vomer est toujours libre et très développé, ce qui n'a pas lieu 
dans les autres, où il paraît se souder complétement avec la cloison 
interorbitaire. 

On voit d’après cela que ces types américains se séparent d’une 
manière assez prononcée de tous les autres Gallides, auxquels ils 
ressemblent cependant par l’ensemble de leurs caractères. 

Si, à l’aide de tous les détails observés et consignés dans ce 
mémoire, on cherche comment les Gallides se groupent d'une ma- 
nière naturelle, on arrivera, ce me semble, à des résultats assez 
concluants. 

En effet, la plupart des types de Gallides vraiment asiatiques se 
lient entre eux de la manière la plus manifeste ; les Coqs, les Fai- 
sans, les Argus, les Lophophores, se ressemblent au plus haut 
degré par tous les détails de leur ostéologie. Les Paons présentent 
quelques particularités notables dans la conformation de leur bas- 
sin et de leurs vertèbres sacrées, et dans la configuration de leur 
sternum une tendance vers le type des Alectors, c'est-à-dire les 
Hoccos et les Pénélopes. 

Les Dindons de l'Amérique septentrionale et les Pintades de 
l'Afrique se lient en même temps aux Coqs et aux Paons. En ré- 
sumé, la réunion de ces divers genres me semble constituer un 
groupe naturel dans la famille des Gallides. 

Les Gallides océaniens , tels que les Mégapodes (Megapodius 
Quoy et Gaim.) et les Talégalles (T'alegalla Lesson), me paraissent 
former un autre groupe se rattachant au précédent par les Paons ; 
mais j'ai dit à combien de réserve j'étais tenu à l'égard de ce type. 

Une autre division de la même sorte nous est fournie par les 
Perdrix, les Francolins, les Colins, les Caillés, et tous les genres 
établis aux dépens de ceux-ci par les ornithologistes modernes ; 
elle se rapproche extrêmement du premier groupe. Entre les Coqs 
et Faisans et les Perdrix, les différences ostéologiques sont fort 
minimes. 


AC É. BILANGEARD, — CARACIÈRES OSTÉOLOGIQUES 

Les Tétras difiérant de lous les précédents à quelques égards, 
notamment par leur tête et leur bassin, nous devens les regarder 
encore comme {ype d'un groupe particulier. 

Enfin une division semblable nous est offerte par les Alectors, 
c'est-à-dire les genres Crax, Urax, Pénélope. Ces Gallides améri- 
cains, nettement caractérisés par la forme de leur tête, de leur 
sternum, de leur bassin, ont des rapports étroits avec les Tétras, 
en même temps qu'ils indiquent l’aflinité dont il a été question 
entre les deux familles des Gallides et des Columbides (Pigeons). 

Mais il est plusieurs genres importants que je n’ai pu trouver en- 
core l'occasion d'étudier, et qui augmenteront peut-être le nombre 
des types que je viens de signaler : ces genres sont les Mesites Is. 
Geoffr. , les Rollulus, les Cryptonyæ, ete., sans compter les Tina- 
mous et lés genres qui en sont rapprochés par les ornithologistes. 

Après avoir examiné d’une manière comparative les os des re- 
présentants de la famille des Gallides, m'être attaché aux distine- 
tions à établir entre les espèces, m'être préoccupé des relations 
qu'offrent de l’un à l’autre les types de cette famille ; constatant le 
peu d'importance des différences de plumage surtout appréciées 
par les ornithologistes , j'ai été conduit à porter une attention spé- 
ciale sur les distinctions génériques. Le résultat de cette étude ne 
surprendra personne, quand j'annoncerai que les genres admis ac- 
tuellement par les ornithologistes ne reposent sur rien de notable 
dans Ja structure organique. Pour être à même de signaler des ca- 
ractères génériques pouvant s'appuyer sur des particularités ostéo- 
logiques, on est amené à élargir singulièrement les genres. Dans 
la famille des Gallides, des espèces à plumage assez dissemblable, 
comme les Cogqs et les Faisans, ne présentent que des différences 
des plus légères dans toutes les parties de leur squelette. Les limites 
à assigner aux genres sont restées un objet de diseussion pour les 
naturalistes, les uns attachant plus d'importance que les autres à 
ecrtains caractères toujours choisis arbitrairement. Pourtant à cet 
égard une idée des plus heureuses a été produite dans la science. 
M. Flourens (1) a proposé de regarder comme conslituant des 


(1) Ann. des sc. nal., 2° série. 


DES GALLINACÉS OU GALLIDES, 105 
genres nalurels les espèces capables de preduire entre cles. Dans 
la famille des Gaïlides, aussi bien que dans la famille des Fringil- 
lidides, on obtient aisément des métis d'espèces rangées par les 
classificateurs dans des genres différents. Or, ces espèces qui 
donnent lieu àdesmétis, étant rapprochées, forment d'ordinaire des 
groupes bien circonscrits, c'est-à-dire des genresnaturels. Lorsque 
l'on compare, dans tous leurs détails ostéologiques, les Coqs et les 
Faisans, on ne peut douter que ces Oiseaux n'appartiennent ab- 
solument au même type. Il faut donc ici revenir à la division 
des anciens naturalistes, à celle qui est adoptée par Cuvier. 
Je ne prétends néanmoins élever aucune critique contre les 
distinctions si multipliées des ornithologistes modernes ; je pense 
que leurs divisions ne sauraient être appelées des genres, mais 
qu’elles peuvent, en général, être acceptées comme divisions d’un 
rang inférieur, si elles ont les moindres caractères propres à faci- 
liter la détermination des espèces. Dans le travail que je prépare 
en ce moment, où j'aurai à examiner, autant que possible, chaque 
genre et chaque espèce en particulier, l’idée que l’on doit à 
M. Flourens me servira souvent de guide, les résultats de mes ob- 
servations ostéologiques s’accordant si bien avec les vues de l’il- 
lustre physiologiste. L'importance reconnue des caractères pris 
dans les groupes où nous avons de nombreux exemples de croise- 
ments sera mon point de départ dars l’appréciation de Ja valeur des 
caractères dans les groupes où manquent de semblables exemples. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PLANCHE 10. 


Fig. 4. Sternum du Coq domestique. 

Fig. 2. Sternum du Paon, Pavo cristalus, Linn., réduit. 

Fig. 3. Sternum du Hocco, Craz alector, Linn., réduit, 
4 


Fig. 4. Bassin du Coq domestique vu en dessus et notablement réduit. 


PLANCHE A1, 


Fig. 1. Coracoïdien du même vu par devant. 
Fig. 2. Omoplate. 
Fig. 3. Clavicule du Coq domestique. 


106 #. BLANCHARD, — CARACTÈRES OSTÉOLOGIQUES, ETC. 


Fig. 4. Extrémité de la clavicule du Paon. 

Fig. 5. La même partie dans la Perdrix, Perdix rubra, Br. 

Fig. 6. La même partie chez un Tétras (Tetrao Cupido, Lin.) de l'Amérique 
septentrionale. 

Fig. 7. La même partie dans le Hocco, Craæ aleclor. 

Fig. 8. Humérus droit du Coq domestique. 

Fig. 9. Portion antérieure de l'humérus du Paon, Pavo cristatus. 

Fig. 10. Portion antérieure de l'hamérus de la Perdrix rouge, Perdix rubra, Br. 

Fig. 11. Portion antérieure de l'humérus de la Caille commune, Coturnix com- 
munis. 

Fig. 12. Portion antérieure de l’humérus du Hocco, Cruæ alector. 

Fig. 13. Avant-bas du Coq domestique : a, radius; b, cubitus. 

Fig. 14. Métacarpe du même. 

Fig. 15. Fémur du Coq domestique vu par devant. 

Fig. 16. Son extrémité vue par derrière, pour en montrer les surfaces articu- 
laires. 

Fig. 47. Tibia du même vu par devant. 


Fig. 18. Métatarse du même vu par derrière. 


PLANCHE 192. 


Têtes des Gallides : a, frontaux; b, pariétaux; c, occipitaux; d, ajophyse 
temporale; e, mastoïde; e’, cayilé tympanique; f, sphénoïde ; g, os tympa- 
nique ; h, ptérygoïdiens ; à, palatins; , vomer ; !, jugal; m, maxillaire; n, inter- 
maxillaires:; 0, os nasaux ; p, lacrymaux ; g, maxillaire inférieur. 


Fig. 


Fig. 


1. Tête du Coq domestique vue en dessus. 
2. La même vue en dessous. 


. 3. La même vue de profil. 

. #. Tête de la Perdrix rouge, Perdix rubra, vue en dessus, 
. 5. Tête de la Caïlle commune, Coturnix communis. 

. 6. Tète du Hocco, Crax alector, vue en dessus. 

g. 7. La même vue en dessous. 


NOTE SUR LES ORGANES BUCCAUX DES MASARIS, 


Par H. DE SAUSSURE, 


Les Masariens forment parmi les Hyménoptères un groupe très 
singulier, qui se fait remarquer par une bizarrerie d'organisation 
toute particulière, sans doute en rapport avec les mœurs parasi- 
tiques de ces insectes, et qui se traduit par une grande variété de 
formes dans les organes du système appendiculaire (4). Les an- 
tennes particulièrement et les organes buccaux offrent, sous ce 
rapport, une succession remarquable de transformations intéres- 
santes qui suivent la série de leurs genres. Parmi ces derniers, 
c'est la lèvre inférieure qui a surtout attiré mon attention en m'of- 
frant une organisation exceptionnelle qui atteint son maximum de 
développement dans le genre Masaris. Je crois que la structure 
de cet organe s’écarte de tout ce qu'on a jusqu'ici remarqué. Chez 
les autres insectes néanmoins, elle se rattache par quelques tran- 
silions évidentes à celle de la lèvre des vrais Vespides, dont elle 
n'est pour ainsi dire qu'une {ransformalion organique. 

La lèvre de la généralité des Guêpes se compose comme suit : 
1° du menton, pièce coriacée, contenant une multitude de muscles 
qui servent à faire mouvoir les palpes et la languette ; 2° des palpes ; 
8° de la languette, prolongement membraneux formé d'un lobe me- 
dian bifide et de deux lanières latérales (paraglossæ) (pl. 4, fig. 4): 
celle portion membraneuse se fixe par sa base à la face supérieure 
du menton et ne parait pas rétractile, mais elle se replie seulement 
et se couche contre la face inférieure de cet organe. 

Parmi les Masariens, le genre Paragia offre encore la même 
organisation et forme ainsi un premier type qui se relie intime- 
ment aux Euméniens. 

C'est dans le genre Masaris, au contraire, que se réalise l'autre 


(4) Voyez mes Études sur la famille des Vespides, 4° série, t. III, p. 48 et 
suivantes. 


108$ DE SAUSSURE, 
type extrême. Je vais d’abord procéder à sa deseriplion, et je mon- 
trerai ensuite par quelle série de modifications les deux formes.se 
rattachent l'une à l’autre. Un organisme si complexe, logé dans un 
si pelit espace, ne peut manquer d’exeiter l’admiration. 

La lèvre prend ici un développement très extraordinaire, et 
semble perdre tout rapport de formes avec celle des autres Ves- 
pides. On voit d’abord à l'extérieur de la bouche, placée en dessous 
et en arrière du menton, une lame verticale et membraneuse fai- 
sant une forte saillie ; lorsque la bouche a été disséquée avec soin 
et que l’on observe au microscope la lèvre placée à cet effet sur 
une lame de verre, voici ce que l’on remarque : 
© D'abord (fig. 2) on découvre, comme dans tous les autres Ves- 
pides : Le un menton coriacé (m) dont la partie antérieure (m) est 
assez distincte de la partie postérieure; 2° les palpes (p); 3° la 
languette (u), qui apparaît sous la forme de deux petits cordons 
très finement annelés. — Les mêmes parties sont représentées 
vues en dessous, c’est-à-dire du côté an et désignées par les mêmes 
lettres sur la figure 4. 

Puis entre ces parties on distingue la grande lame membra- 
neuse qui, dans l’état naturel, fait saillie hors de la bouche (L), et 
qui a une apparence demi-transparente ; cette lame pénètre dans 
le menton, de manière à ce que ce dernier soil à cheval sur sa par- 
tie antérieure et l’embrasse des deux côtés par sa base devenue 
bifide (m). Vu non plus de profil, mais en dessous, le menton 
(fig. 4, m) offre une longue échanerure (æ) dans laquelle se loge 
la lame (L). 

Maintenant, cherchons quel est le but de celte organisation 
spéciale. 

Lorsqu'on examine par transparence la lame membraneuse, on 
la voit bordée d’un cordon semi-hyalin qui, comme elle, en fait le 
tour et semble être double au bord supérieur. Si ensuite, après 
avoir fait ramollir la pièce, on dissèque délicatement la lame, de 
facon à la dépouiller en partie de son enveloppe, on voit qu’elle est 
composée de deux feuillets membraneux accolés. En dedans du 
pourtour du sac ainsi formé, se trouve logé un cordon transparent 
qui, parlant du point a, conlourne le bout de lame e, et vient se 


DES ORGANES BUCCAUX DES MASARIS. 109 


terminer dans son bord supérieur b. Ce cordon m'a paru com- 
posé d’une espèce de tissu élastique. 

Le long du bord supérieur de la lèvre (1), il se trouve accolé au 
cordon élastique une longue lanière bifide à son extrémité et 
finement annelée sur toute sa longueur (fig. 3, u). Cette lanière 
n'est autre chose que la languette dont on ne voit que les bouts en 
u (fig. 2 et A). La membrane de la lame enveloppe la languette 
jusqu’en £ et la retient serrée contre le menton, dans lequel elle 
s’emboite et glisse comme dans une coulisse. Cette membrane en- 
veloppante, vue au microscope, offre des stries très distinctes dans 
lesquelles on reconnait le tissu musculaire; c’est donc de plus une 
membrane musculaire (2). Cela posé, si l’on suppose maintenant 
que la membrane de la lame, qui prend son point d'appui sur le 
menton, vienne à se contracter fortement, de façon à ramener son 
exirémité e vers le bout du menton, il en résultera que la base de 
la langue sera amenée de e en r, que par conséquent le reste de 
son étendue, qui est entièrement libre, glissera d’aulant dans la 
coulisse du menton, et enfin, que son extrémité u (fig. 4) se pro- 
jeliera longuement en avant, comme on peut le voir sur la figure 5. 

Si l'on a bien compris ce qui précède, c’est-à-dire la conforma- 
tion de la lèvre dans les Vespiens et les Euméniens d’un côté, de 
l'autre sa construction si différente en apparence dans les Masaris, 
il me sera facile de faire passer en revue au lecteur les termes in- 
termédiaires de cette modification. 

Dans ce but, revenons en arrière, et des Masaris passons aux 
Célonites ; chez ceux-ci la structure de la lèvre est presque iden- 
tique avec celle que nous venons d'examiner. La lame membra- 
neuse est seulement plus étroite, par conséquent moins saillante à 


(4) La figure 8 représente la lèvre en partie dépouillée de l'enveloppe de la 
lame ; la partie ! en est encore garnie, mais l’antérieure en est dépourvue ; o est 
un lambeau de la membrane enveloppante renversé en arrière. 

(2) Ceute lame faisant saillie en dessous de la tête, on pourrait trouver extraor= 
dinaire qu'elle offrit un muscle extérieur aux téguments; il est probable que la 
membrane musculaire est elle-même recouverte par une très fine membrane 
cutanée, On peut, du reste, comparer la nature de cette lame à celle de la Jan- 
guelle des Euméniens, qui, Lout en élant membraneuse et musculaire, fait aussi 
saillie hors de la bouche 


410 DE SAUSSURE, 


l'extérieur, et la base de la languette se présente enveloppée d'une 
espèce de tube sur lequel je reviendrai plus tard, tube qui n'est, 
du reste, autre chose qu’un prolongement des parties membranu- 
laires qui terminent le menton en avant. 

Les Masariens se partagent ainsi en deux groupes, suivant qu'ils 
ont la langue rétractile ou non rétractile (4). 

Poursuivons la modification graduelle. 

Dans le genre Ceramius, plus de lame membraneuse; la bouche 
se présente, comme dans les Vespiens, sans aueune saillie; néan- 
moins vue en dessous, elle est toujours terminée par deux lanières 
peu saillantes, peu extensibles à cause de l'absence de l'appareil 
lamellaire ; mais une dissection attentive révèle bientôt l'existence 
de deux lobes latéraux terminés par des points coriacés , et dans 
lesquels il est impossible de méconnaître l’analogue des lanières 
latérales (paraglosses) si développées dans les Euméniens. 

Voilà done autant de rapprochements indiqués vers ce dernier 
type : plus de lame membraneuse , et apparition des rudiments de 
lanières latérales à la languette. 

Si maintenant nous envisageons le genre Paragia, nous trou- 
verons la transition complète. Ici (fig. 4) la lame membraneuse 
a également disparu; les lanières latérales ont pris un grand 
développement ; la languette, ou lobe médian , n’est plus rétrac- 
tile : elle a quitté la forme d'une double lanière pour prendre celle 
d’un lobe bifide comme dans les Euméniens. 

Il existe cependant une différence qui pourrait faire croire à 
une séparation entre les premiers et les derniers termes de la 
série : c’est l'absence des lobes latéraux de la lèvre dans les Célo- 
nites’et les Masaris, qui sont pourvus d’une lame membraneuse ; 
je suis loin de croire au manque absolu de ces lobules, mais leur 
recherche est, dans lous les cas, si difficile que je n'ai pu les 
découvrir ; les Insectes sur lesquels porte ce doute sont si rares et 
si petits, qu'il ne m'a pas été permis de les soumettre à des expé- 
riences convaincantes. Notons cependant que dans les Paragia, 

(1) Au second, c'est-à-dire à celui chez lequel la languette est construite 


comme chez les Euméniens, appartiennent les genres Paragia, Ceramius, Tri- 
meria. Dans les autres genres la langue est rétractile. 


DES ORGANES BUCCAUX DES MASARIS, _ Au 


où ces organes sont certes très distincts, ils se trouvent, dans 
l'état de repos , disposés parallèlement et sur un plan antérieur à 
celui du lobe médian , le recouvrant presque entièrement. Il en 
est de même chez les Ceramius ; or si ces lobes venaient à se 
souder sur la ligne médiane, ils formeraient une lame antérieure 
à la languette ; une lame semblable se trouve chez les Célonites 
(lig. 6); elle forme le tube d'où sort la languette, et c’est peut- 
être elle qui représente les lanières latérales; on pourrait aussi 
voir l'équivalent de ces dernières dans les bords membraneux (f) 
de la lèvre ; ces lobes sont effectivement toujours bordés d’une 
ligne coriacée dont on pourrait supposer l’analogue dans les points 
coriacés du bout des paraglosses. 

En parlant de la lèvre, je n’ai jusqu'ici touché qu'aux faits direc- 
tement en rapport avec la démonstration que je me proposais, 
d'établir; mais il en est encore quelques-uns à éclaircir. 

Le menton vu en dessous (lig. 4 et 5) n’est pas visible en en2 
lier ; toute sa partie antérieure ; depuis les palpes, est sur un plan 
vertical. Pour l’analyser complétement , il faut forcer la nature et. 
l'étaler en le collant sur une plaque de verre; on distingue alors 
qu'il est fendu en avant et offre deux moitiés (k), entre lesquelles 
s’élend une membrane qui forme le plancher de la coulisse ou du 
tube par où passe la languette, et dont le plafond est formé par la 
languette elle-même (u). On voit donc que, même dans des organes 
aussi ténus et qui ne peuvent être étudiés qu’au microscope, il est 
encore des parties articulées ensemble d’une extrême complication, 
et sur lesquelles on ne peut rien savoir. C’est un champ ouvert à 
l'imagination plus qu’au scalpel de l'observateur le plus patient et 
le plus habile. 

La languette elle-même a la forme d’un cordon annelé et cou- 
vert de stries circulaires qui dénoteraient presque l'existence d’un 
fil spiral, mais je pencherais à y voir plutôt un muscle penné : ceci 
est surtout appréciable lorsqu'on examine la langue en dessus; elle 
offre alors une zone centrale, finement striée en travers, et deux 
cordons labiaux à stries pennées (fig. 7). 


112 DE SAUSSURE. — DES ORGANES BUCCAUX DES MASARIS. 


EXPLICATION DES FIGURES. 
PLANCHE À. 


Fig. 4. Lèvre inférieure des Vespides, et en particulier des Paragia. — m, men- 
ton; p, palpes labiaux ; , languette; a, lanières latérales de la languette ou 
paraglosses. 

Fig. 2. Lèvre inférieure du Masaris vespiformis @, vue de profil. — p, palpes; 
m, portion postérieure du menton partagée par la lame L; m', portion anté- 
rieure du menton ; », cordon de tissu élastique fixé au menton en a; b, portion 
de la languette qui est accollée au cordon élastique : cette languette traverse 
le menton, en passant par une coulisse, et ressort en { sous la forme d'une 
lanière bifide u; g, muscle membraniforme qui enveloppe et remplit la lame L: 

Fig. 3. Cette même lèvre montre la coulisse couverte et déchirée. — c, point où 
vient se fixer la seconde extrémité du cordon élastique; 0, lambeau de la mem- 
brane musculaire. — Les autres lettres sont les mêmes. 

Fig. #. Cette même lèvre vue en dessous ; æ, la lame musculaire vue de champ; 
1, plancher membraneux de la coulisse. 

Fig. 6. Lèvre inférieure d’un Celonites en état d'extension. — f, prolongement 
des bords du menton; !, larves membraneuses qui recouvrent la base de la 
languette, et qui sont peut-être les analogues des paruglosses. 

Fig. 7. Structure de la languette. 


OBSERVATIONS 


SUR 


QUELQUES CERCAIRES PARASITES DE MOLLUSQUES MARINS, 
Par M. Ch. LESPÉS. 


L'étude des Cercaires parasites des Mollusques terrestres et 
d’eau douce est aujourd’hui bien avancée, après les travaux nom- 
breux dont ces animaux ont été le sujet. Les Mollusques marins 
paraissent devoir aussi renfermer de nombreux parasites; mais 
l'étude de ces derniers est à peine commencée : c’est celle lacune 
que j'ai tenté de combler, au moins en partie. Mais si les parasites 
sont nombreux dans les Mollusques d’eau douce, ils n'ont paru 
bien moins fréquents dans les Mollusques marins que j'ai étudiés : 
c’est ainsi qu'une des Cercaires que j'ai trouvées dans la Liltorine 
ne s’est offerte à moi qu'une fois sur deux cent trente. 

J'ai vu seulement six espèces, et encore une d'elles si mal que 
je ue puis la décrire; loutefois, quelques-uns des fails que j'ai 
observés me paraissent dignes d'attention. 

Dans la description de ces petits êtres, je suivrai la nomencla- 
Lure proposée par M. de Filippi (1), et je donnerai à chacune des 
espèces un nom provisoire. 

Dans le Vassa reticulala dont j'ai examiné un grand nombre 
d'individus, tous provenant du bassin d'Arcachon, où celle espèce 
est très répandue, j'ai trouvé assez Souvent dans le foie des Rédies 
d'un jaune orangé intense remplies de Cercaires. Une seule fois, 
j'ai trouvé ces Rédies très jeunes (fig. 14) ; elles ont alors la forme 
d'un flacon, et sont longues d'environ 0"",4 ; leurs mouvements 
sont extrémement vifs. La couleur orangée n’a pas encore paru 
dans les individus les plus jeunes ; elle ne se montre que plus tard 
quand les Cercaires se développent, et que là Rédie change gra- 


(1) Filippi, Mémoire pour servir à l'histoire générale des Trématodes, in Ann, 
des sc. nat., 4° série, Zoovocie, L. I, p, 255. 
4" série Zoo T. VII. (Cahier n° 4.) # 8 


+ 


ail CH. LESPÉS. — CERCAIRES PARASITES 

duellement de forme. C'est probablement une espèce voisine de 
celle dont parle M. de Filippi (1), et qu'il a trouvée dans le Conus 
medilerraneus ; la singulière forme de la Rédie est au moins la 
même. 

La Cercaire qui en provient (fig. 2), que je propose de nommer 
provisoirement Cercaria sagitala,estextrèmement vive ; au moins 
cette observation s’applique-t-elle aux individus complétement dé- 
veloppés, dont on ne trouve que deux ou trois dans chaque Rédie, 
en même temps qu'un nombre considérable de jeunes d’un déve- 
loppement plus ou moins avancé. Au commencement, elle nage 
avee sa queue; mais elle ne farde pas à ramper comme une Sang- 
sue, au moyen de ses deux ventouses. 

Elle est longue de 0"",45, sans la queue ; la partie antérieure 
du corps est élargie en forme de fer de flèche; la partie postérieure, 
un peu plus large et arrondie, se termine par une queue longue à 
peu près comme le corps, très mince à l'extrémité, ‘et portant une 
sorte de frange latérale. La queue tombe avec la plus grande 
facilité. 

La ventouse antérieure, qui, aux plus forts grossissements, m'a 
parue inerme, est environ deux fois plus petite que la ventouse ven- 
trale. Enarrière de la première, on aperçoit par transparence le tube 
digestif, d'abord simple, et traversant un pharynx bien marqué, 
puis bifurqué un peu en avant de la ventouse ventrale. En arrière 
de celle-ci, deux trainées de granulations foncées, réunies posté- 
rieurement et affectant la forme d'un V, représentent l'appareil 
sécréteur. 

Tout le corps est plein de ces cellules claires, que M. de Filippi 
nomme cellules kystogènes ; quoique j'aie cherché avee grand soin, 
je n'ai jamais vu cette espèce enkystée, non plus qu'aucune de 
celles qui suivent. 

Je désignerai sous le nom de Cercaria lala une Cercaire fort re- 
marquable (fig. 13), que j'ai trouvée en nombre immense une fois 
sur trentre-trois dans les Venus decussata pêchées dans le bassin 
d'Arcachon, où cette espèce est assez peu répandue. Elle se développe 


(1) Ph. de Filippi, Quelques nouvelles observations sur les larves de Trémalodes 


, 


in Ann. des sc. nat., 4° série, Zoococre, t. VI, p. 83. 


DE MOLLUSQUSS MARINS. 415 
en grand nombre dans des Sporocysies longs de 2 à 4 millimètres, 
et qui nagent fort bien , quoiqu'il soit impossible de leur trouver 
aucune organisation. En ouvrant la glande génitale d’une Venus, 
j'en ai vu sortir un nombre énorme de filaments blanes, qu’au 
premier aspect j'ai pris pour des Nématoïdes ; il y en avait un tel 
nombre que la glande avait entièrement disparu, et que je n'ai pu 
déterminer le sexe de cette J’enus. Ces filamenis étaient des Spo- 
rocysles pleins de Cereaires, dont quelques-unes seulement déve- 
loppées. 

Le corps de la Cercaire est long de 0°",90 à 0"",95; la partie 
antérieure est fortement dilatée , tout le corps est plein de cellules. 
Les deux ventouses sont petites et peu visibles; l'animal s’en sert 
pour ramper, car il ne nage que fort peu. En arrière de la ventouse 
orale, on voit un œæsophage bientôt divisé en deux cæcums, et muni 
d’un pharynx de moyenne taille. 

De chaque côté de la ventouse ventrale se trouve une poche, 
assez grande, pleine d’un liquide clair, dans lequel nagent des 
granulations extrêmement petites. Chacune de ces poches se ter- 
mine par un canal bien visible; ces deux tubes réunis donnent 
naissance à une vésicule d'une forme remarquable et constante qui 
se continue en.un long canal dans tonte la longueur de la queue. 
On voit très facilement tout cet appareil sécréteur ; c'est même Ja 
première chose que l'on distingue. IL est aussi très facile de voir 
les granulations que le liquide renferme, et, par leurs mouve- 
ments, de s'assurer de la communication des diverses pièces de 
eet appareil. 

La queue est aussi grosse à l'extrémité qu'à la base; sur les 
cûlés, elle porte une sorte de frange et de petits crochets grêles 
recourbés en avant; le fube qui la parcourt dans toute la longueur 
s'ouvre à l'extrémité. 

M. de Filippi pense que toutes les Cercaires qui proviennent de 
vrais Sporocysles sont armées et possèdent cet appareil sécréteur, 
annexe de Pacicule, qu'il est si facile de voir dans un grand 
nombre d'espèces : voici pourtant une Cercaire qui provient de 
véritables Sporocystes.et non d'une Rédie, et qui ne présente ni 
acicule, ni appareil salivaire, En étudiant la ventouse antérieure à 


116 CH. LESPÉSS — CERCAIRES PARASITES 

un très fort grossissement, j'ai vu un cerele de crochets très petits, 
au nombre d’une douzaine environ, ce qui la rapproche de plu- 
sieurs Cercaires sans acicule. Le fait de la continuation dans la 
queue de l'appareil commun à fous les Trématodes et le grand dé- 
veloppement de cet appareil me paraissent aussi mériter l’atten- 
tion. 

Dans le foie de la Littorine (Lättorina litlorea), j'ai trouvé des 
Rédies, presque immobiles, longues de 0"",6 à 2 millimètres, et 
dont la forme ne présente rien de particulier ; leur bulbe œsopha- 
gien est petit et leur intestin bien visible : elles renferment de 
nombreuses Cercaires à des degrés de développement très divers. 

Celle-ci (Cercaria proxima) ressemble pour la forme à celle du 
Buccin ; mais elle est beaucoup plus grande (0,70), ne contient 
pas de cellules kyslogènes, et présente des caractères internes 
bien différents (Hg. 14); les deux ventouses ont à peu près le même 
diamètre, la ventouse ventrale est au delà de la moitié du corps. 
Avec un fort grossissement, il est possible de voir une douzaine 
de petits piquants en cerele autour de la ventouse orale. Le tube 
digestif offre d’abord un æœsophage très grêle, avec un pharynx, 
vers le quart de sa longueur: puis le canal se divise en deux 
longues branches, qui passent de chaque côté de la-ventouse ven- 
trale et se terminent près de l'insertion de la queue. 

L'appareil excréteur est très développé ; il se compose de traî- 
nées obscures formées de granulations; elles commencent près de 
la ventouse orale, suivent les deux côtés du corps en recevant des 
branches internes et d’autres externes plus courtes, jusqu’au point 
où elles se détournent pour venir passer très près de la ventouse 
ventrale, et se réunir {out à fait en arrière. La queue, longue à peu 
près comme le corps, est munie d’une frange latérale, et ne pré- 
sente rien de remarquable. 

Je n’ai trouvé cette Cercaire qu'une fois sur près de deux cent 
cinquante Litlorines qui avaient été prises sur la côte de la Cha- 
rente-Inférieure ; je lai cherchée inutilement dans une trentaine 
d’autres Littorines prises dans le bassin d'Arcachon où elles sont 
peu communes. 

Les deux espèces qui me restent à décrire sont Irès voisines, 


- DE MOLLUSQUES MARINS. A1, 
mais pourtant assez faciles à distinguer. Je les désigne par les noms 
de Cercaria brachyura (fig. 15) et Cercaria linearis (lig. 6) ; toutes 
deux sont armées , et possèdent un appareil salivaire ; elles se dé- 
veloppent dans de simples Sporocystes. C’est surtout leur appareil 
sécréleur, ainsi que leur queue, qui est remarquable : le premier 
consiste en une cavité remplie ou tapissée de cellules, située en 
arrière de la ventouse ventrale; il parait complétement fermé, 
La queue est très courte et fort grosse ; je n’ai pas besoin de dire 
qu'elle est toujours immobile. 

Le Cercaria brachyura se développe dans des Sporocystes que 
j'ai trouvés dans le testicule du Trochus cynereus ; ils paraissent 
rares, car je ne les ai trouvés qu’une fois sur plus de deux cents. 
La Cercaire est longue de 0°*,20; les deux ventonses sont assez 
grandes et égales ; l’acicule de la ventouse antérieure est extrême- 
ment pelit; on voit néanmoins les deux courts cæcums latéraux. 
L'appareil salivaire est formé par deux cellules etun seul canal excré- 
teur de chaque côté; le corps, plein de cellules, est large et plat. 

Le Cercaria linearis que j'ai trouvé dans le rein de la Littorine 
(Lattorina litlorea) parait aussi une espèce fort rare; je l'ai trouvée 
deux fois seulement, mais en grand nombre; elle diffère de Ha 
précédente par sa forme beaucoup plus allongée, la grandeur de 
son acicule, bien facile à voir, et la disposition de son appareil sa- 
livaire formé de quatre cellules, chacune avec un tube excréteur. 
La queue est aussi plus petite. 

J'ai trouvé une seule fois dans le Buccin des Rédies renfermant 
de grandes Cercaires, dont la queue élait profondément divisée en 
deux. Le Buccin était déjà e2 décomposition , et je n'ai pa mieux 
étudier ses parasites. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PLANCHE 4, 


Fig. 14, Rédie très jeune du Buccin. 

Fig. 42, Cercaria sagitata, provenant d'une Rédie de la même espèce. 
Fig. 413. Cercaria luta de la Venus decussatu. 

Fig. 44%. Cercaria proxima de la Liltorine. 

Fig. 15. Cercaria brachyura du Trochus cynereus 


Fig. 46, Cercuriu linearis de la Littorine, 


NOTE 
SUR 


UNE NOUVELLE ESPÈCE DU GENRE ECHINOBOTHRIUM, 


Par M. Ch. LESPÉS. 


En disséquant un grand nombre de Buccins (Nassa reticulata), 
j'ai trouvé quatre fois un Cestoïde à l’état de scolex dans le foie. 
Deux Mollusques renfermaient chacun deux parasites ; les deux 
autres n’en renfermaient qu'un. 

Le parasite est dans un kyste creusé dans la substance du foie. 
Sa forme est très singulière , et rappelle celle d’une gourde de 
pêlerin : il se compose (fig. 9) de deux renflements reliés par un 
cou; le plus petit est terminé par une sorte de grosse ventouse 
mobile, qui paraît jouer un rôle important dans les mouvements. 
Enlevé avec précaution de son kyste, le Ver se meut d'une ma- 
nière bien manifeste ; le petit renflement dirigé en avant paraît 
entrainer l’autre dont les mouvements sont beaucoup moins dis- 
tinets. La peau contient un grand nombre de ces grains calcaires 
{ransparents si communs dans les Cysticerques. L'animal entier 
est long de À à 3 millimètres. 

En comprimant légèrement le renflement postérieur, on voit 
par {transparence une têle de Cestoïde extrêmement mobile, mais 
dont les mouvements sont indépendants de ceux de l'enveloppe, 
Cette dernière m'a semblé ouverte au sommet, mais une seule fois 
j'ai vu cette ouverture. 

Il est assez facile de faire sortir le Ver de son enveloppe vivante ; 
il se présente alors (fig. 8) comme formé d’une tête assez grosse, 
très mobile, changeant à tout instant de forme , et d’un cou grêle 
et long dont l’extrémité inférieure se déchire toujours. 

La tête, longue de près de 4 millimètre dans l'individu le plus 
grand, présente un bulbe assez gros, ovalaire, élargi et bilabié en 
avant, el porte sur les côtés deux expansions très mobiles (bothri 
dies), qui paraissent soudées au bulbe seulement dans le point où 


NOTE SUR LE GENRE ECHINOBOTHRIUM, 119 


ilest renflé. Les mouvements rapides de ces deux expansions sont 
les seuls que présente le Ver. Elles sont formées d’un tissu trans- 
parent. Les deux lèvres du bulbe sont armées d’un nombre considé- 
rable de crochets qui tombent avec la plus grande facilité. H y en a 
plus de vingt à chaque lèvre : ceux qui sont placés sur la partie sail- 
lante rappellent un peu ceux des Tœnias; ils se terminent (fig. 10) 
par une pointe très aiguë, et sont maintenus par deux points sur 
la lèvre, d'abord par leur extrémité recourbée, puis par un tuber- 
cule peu marqué; mais il y en a peu qui soient ainsi constitués : 
la plupart sont représentés par une seule tige très aiguë, et d’au- 
tant plus courte qu'ils sont placés plus loin du sommet de la lèvre. 

Le cou est, ainsi que je l’ai dit, très grêle ; il offre deux longues 
bandes foncées réunies en avant et qui se perdent postérieure 
ment. Vers ce point existe une lache pigmentaire diffuse d’un 
rouge violacé. 

Aucun Cestoïde ne ressemble à celui-ci, si ce n’est l'Echinobo- 
thrium typus Van Beneden (4). Toutefois les deux espèces sont 
évidemment différentes : mon Helminthe n’a pas les épines du cou 
de celui de M. Van Beneden , et le nombre des crochets dont sont 
armées les deux lèvres, est beaucoup plus considérable. Je propose 
de le nommer Echinobothrium levicolle. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PLANCHE . 
Fig. 8. Tête de l'Echinobothrium levicolle. 
Fig. 9. Scolex du même. 
Fig. 10. Crochet le plus développé. 
(1) Buil. de l'Acud. de Bruxelles, L. XV, n° 2, 1849, et Vers cesloïdes ou 
acotylés, in Mém. Acad. de Bruxelles, t. XV, p. 158, pl. XXII. 


PUBLICATIONS NOUVELLES. 


Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée de l'homme et des 
animaux, par M. Mizxe Epwanps. 


La première partie du second volume de cet ouvrage a paru, et contient l'his- 
toire anatomique des organes de la respiration dans les diverses classes du Règne 
animal. La seconde partie de ce volume contiendra l'histoire physiologique de 
cette fonction, et paraîtra en octobre, 


Leçons sur les effets des substances toxiques et médicamenteuses, par 
M. CI. BerNarn; in-8, 1857. 


Dans ces leçons, riches en observations physiologiques intéressantes, l’auteur 
rend compte de ses expériences sur le curare, sur divers gaz délétères, etc. 


Matériaux pour la Paléontologie suisse, publiés par M. Picrer, 
Description d'une Émyde nouvelle (Emys etalloni) du terrain 
jurassique supérieur des environs de Saint-Claude, par MM. Picrer 
et HumgErr ; in-4. Genève, 1857 (avec 5 planches). 


La carapace fossile décrite dans ce Mémoire a un demi-mètre de longueur, et 
appartient à la famille des Elodites de MM. Duméril et Bibron; mais, dans l’état 
actuel de nos connaissances, on n'a pu déterminer la division générique à 
laquelle il conviendrait de la rapporter. Elle a beaucoup de ressemblance avec le 
Pleurosternon latisculatum, de M. Owen. 


Ontleedkundige N'aporingen, etc. — Recherches analomiques sur le 
Dendroloqus inustus, par M. Vrozix ; in-4, avec 6 planches. Amster- 
dam, 1857. 


Dans ce mémoire (tiré du Recueil de l'Académie des sciences de Holla nde), l'au- 
teur décrit, avec beaucoup de détails, le squelette et le système musculaire de 
ce Mammifère marsupial, et fait connaître diverses particularités relatives à la 
structure du cerveau, etc. 


Sechtzehn, etc. — Description de seize espèces nouvelles de Néma- 
Loïides, par M. DiesiG ; in-4, avec 4 planches, 1857. 


Ce mémoire, extrait du Recueil de l'Académie des sciences de Vienne , contient 
des considérations générales sur la structure et la classification des Nématoïdes, 
ainsi que la description d’une série d'espèces nouvelles appartenant aux genres 
Oxyurus, Ascaris, Spiroptera, Ophiostomum, Trichocephalus, Filuria, Sclerosto- 
mum et Strongylus. 


Untersuchungen, ete. — Recherches sur la structure intime des fibres 
musculaires striées, par M. RoLLETT (extrait du Sitztungsbericht 
de l’Académie de Vienne, 1857, avec 1 planche). 


L'auteur, en faisant agir de l'acide chlorhydrique étendu d'eau sur les fibres 
musculaires, est parvenu a séparer les disques dont elles se composent, et il a 
trouvé que ces éléments histologiques ressemblent à des cellules aplaties et 
garnies latéralement d'un noyau. 


MONOGRAPHIE 


DE LA 
FAMILLE DES OSTRACIONIDES,. 


Par NH. HOLLARD, 


Professeur à la Faculté des sciences de Poitiers, 


Travail présenté à l'Académie des sciences dans sa séance du 27 octobre 14856. 


En 1553, Bélon signala à l’attention des naturalistes de la 
Renaissance un Poisson nouveau pour eux et remarquable par ses 
formes et son écaillure, celle-ci formant une sorte de test polyé- 
drique, composé de plaques osseuses assujetties les unes aux autres. 
Gessner, quelques années plus tard, proposa de donner à ce Pois- 
son le nom d'Ostracion, déjà employé par Strabon pour une espèce 
du Nil(1). Dès lors, et par suite de la découverte d'espèces ana- 
logues , dont le nombre ne tarda pas à s’accroitre, ce même nom 
devint celui d'un groupe générique plus où moins bien défini, 
institué par Artédi, et ramené par Linné à ses limites naturelles. 
De nos jours enfin, le genre Ostracion a pris les proportions d’une 
véritable famille, moins encore en raison du nombre de ses espèces 
qu’en considération de leur diversité. 


(4) Nous verrons, dans la suite, à quelle espèce se rapporte la figure don- 
née par Bélon, et la courte notice qui l'accompagne. Le célèbre voyageur l'avait 
rapportée de l'Égypte et la croyait du Nil. Il dit qu'on en faisait une sorte de 
commerce dans le pays comme objet de curiosité, et que , pour cela, on vidail 
ce poisson et le réduisait à son squelelle « Lout d'os » (Scleton Holosteon) et à 
l'écorce « dure comme d'os » (De Aquatil., A553, p. 304, et Des Poissons, 1555, 
p. 297). 

A propos de ce mot Holosteon, qui n'est qu'une simple qualification du sque- 
lette d'un poisson dont Bélon dit qu'il ne lui connaît pas de nom, on se demande 
comment Gessner, et après lui Aldrovande, Willoughby, et bien d'autres, jus- 
qu'à Plumier, ont pu voir ici un nom bon ou mauvais proposé par notre auteur, 
et parler de l'Holostée de Bélon : c’est une distraction bien forte et bien prolongée, 
Quant à la dénomination d'Ostracion, voici en quels termes Gessner la proposo 
eL la justifie : « Ego Ostracionem hunc piscem nominandum conjicio, nam et 
» Lestam ostracei instar duram habet et 5;rpœxiw piscis inter Niloos a Strabono 
» numeralur. » ist, anim., lib. IV, 757. 


122 H. HOLLARD, —: MONOGRAPHIE 

Malgré les travaux plus ou moins récents dont ce groupe a été 
l'objet, et parmi lesquels se distinguent celui de M. Kamp, inséré 
dans les Annales de Troschel pour 1855, et celui de M. Bleecker 
qui se Jit dans les Aémoires de la Société des sciences et arts de 
Balavia pour 1852, je crois que la famille des Ostracionides ré- 
clamait de nouvelles études, comme toutes celles dont se compose 
cette partie encoré un peu flottante de la classe des Poissons, dont 
M. Agassiz a composé son ordre des Ganoïdes, et qui ne me semble 
pas avoir encore rendu tous ses éléments à leurs véritables affini- 
tés. Il s’agit de compléter la caractéristique de cette famille, de dé- 
terminer la série partielle et typique dont elle fait partie, sa place 
dans cette série, et enfin le groupement générique et la coordina- 
tion de ses espèces. C'est le travail que j'essaye aujourd’hui, et que 
je viens soumettre au jugement de l’Académie, après celui que 
j'ai déjà eu l’honneur de lui présenter sur la famille des Balistides. 
Celle monographie complétera celle des Sclérodermes de G. Cuvier ; 
je la ferai suivre d’une étude sur les Gymnodontes, à la suite de la- 
quelle nous pourrons apprécier ce qu'il y a de fondé ou non dans la 
manière dont notre illustre zoologiste avait groupé ces divers types, 
si distincts des autres Poissons osseux. 

Avant d’aborder la première partie de ce mémoire , je me fais 
un devoir de remercier encore ici MM. Duméril pour la bienveil- 
lance avec laquelle ils ont mis à ma disposition les riches malé- 
riaux de la collection du Muséum (1). 


PREMIÈRE PARTIE. 
ÉTUDE GÉNÉRALE DES OSTRACIONIDES, 
CHAPITRE PREMIER. 
CARACTÈRES ET DÉTAILS DESCRIPTIFS. 
Caractères : Tète et tronc revêtus de plaques osseuses polygo- 


nales unies bord à bord, et composant une sorte de carapace po- 


(1) J'ajoute aujourd'hui qu'en publiant les pages qui suivent je ne fais que 
me conformer aux conclusions du rapport dont elles ont été l'objet de la part de 
M, Duméril père (Comptes rendus, séance du 8 juin 4857). 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 123 


lyédrique et diversiforme. — Ventrales nulles ; dorsale unique, 
courte, à rayons mous. — Une rangée de dents coupantes à la 
marge de chaque mächoire. 


Les formes d'ailleurs assez diversifiées des Ostracionides sont 
toujours anguleuses et polyédriques. L'ensemble de leur écaillure 
constitue, en raison de sa dureté et du mode de jonction des pièces 
qui la composent, une sorte de test, que Bloch a comparé , non 
sans quelque raison, à celui des Oursins (1). Les arêtes, plus ou 
moins vives ou mousses qui séparent les côtés de ce test, sont for- 
mées par des séries de plaques squamoïdes repliées sur elles- 
mêmes, et la disposition anguleuse de ces plaques, s’exagérant sur 
quelques points, produit des saillies lranchantes ou plus souvent 
acuminées, qui représentent un système d’épines plus ou moins 
robustes, dont le nombre et la distribution varient. 

Sur la tête, le revêtement écailleux emprunte sa forme générale 
à celle du squelette céphalique, qu'il couvre plus ou moins immé- 
dialement. Mais sur le tronc, c’est à lui-même que le test doit sa 
disposition polyédrique, et cela aussi bien sur le dos où il se rap- 
proche de la colonne vertébrale, que sur les flancs et sur la face 
abdominale où il ne couvre que des parties molles, sans même 
adhérer à celles-ci, c’est-à-dire aux muscles latéraux et inférieurs. 

Du reste , cette singulière écaillure s'arrête à quelque distance 
de la bouche , de la fente branchiale, près de la naissance des na- 
geoires pectorales, dorsale et anale; elle épargne, en général, la 
queue proprement dite qui conserve ainsi loule sa souplesse , et 
peut déployer toute l'énergie locomotrice dont elle a besoin. 

Les yeux ontici, comme dans les Balistides, une position élevée, 
et sont dominés par une crête surcilière plus ou moins saillante. 

Au-devant et un peu au-dessous de ces organes sontdes narines 
à deux orilices simples , placés dans une petite fossette membra- 
neuse. 

La bouche est tantôt terminale , tantôt un peu infère; elle est 
pelile, garnie de lèvres mobiles, et armée d’un nombre un peu- 
Variable de dents incisives et acuminées , implantées dans l’inter- 


(1) Tome 1V, page 403, de sa grande Ichthyologie. 


194 M. HOLLARD. — MONOGRAPRIE 

maxillaire en haut el dans le maxillaire inférieur, formant l’un et 
l'autre deux arcades courtes et étroites. L'armure dentaire des 
Ostracionides et leur bouche en général rappellent beaucoup ce 
que nous avons vu chez les Balistides, avec un degré de plus de 
simplification, puisqu'on ne trouve cette fois qu’une seule rangée 
de dents. 

La fente branchiale est étroite, verticale, et bordée d’une lèvre 
membraneuse ; elle se termine au niveau des nageoires pectorales. 

Ces nageoires sont assez grandes; leur base est horizontale, et 
leur donne , par cela même , une direction verticale qui n’a peut- 
être pas été assez remarquée, et qui doit cependant favoriser beau- 
coup le rôle qu’on attribue, avec raison, dans la généralité des 
cas, à cette paire de membres, celui de déterminer le niveau auquel 
le Poisson veut monter, descendre ou se maintenir. 

La dorsale est toujours très courte , placée à Ja naissance de Ja 
queue. L'anale lui correspond sous le double rapport de sa posi- 
tion et de sa brièveté. Quant à la caudale , elle est généralement 
arrondie, très rarement en forme de croissant, et se compose de 
dix rayons seulement. Du reste, tous les Ostracionides sont non- 
seulement malacoptérygiens, mais à rayons divisés; nous ne re- 
trouvons chez aucun d’eux ce que nous avons vu chez les derniers 
Balistides (Alutères), des rayons à la fois articulés et simples. En 
comparant ces deux familles sous le double rapport de la nature et 
de la simplification des rayons de leurs nageoires médianes, nous 
constatons entre elles des différences qu'il importe de remar- 
quer. Les Balistides ont une première dorsale exclusivement 
épineuse ; ils sont done acanthoptérygiens; mais ils perdent de 
plus en plus ce caractère, en même temps que leurs rayons mous 
se simplifient, en passant des Triacanthes aux Alutères. C’est bien 
là une véritable dégradation, et d'autant plus réelle qu’elle coïncide 
avec la diminution également graduelle du membre pelvien. Les 
Ostracionides n’ont plus vestige de ce membre, et sont exelusive- 
ment malacoptérygiens, quoiqu'ils suivent, comme nous le ver- 
rons, les Balistides dans la coordination des types ichthyologiques. 
Il est permis d'en conclure que les types acanthoptérygiens sont 
plus complets que les malacoptérygiens, qu’ils sont supérieurs à 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 195 


ceux-ci, mais qu'ils ne s’en séparent pas d’une manière absolue, 
et que le caractère tiré de la présence des rayons épineux n’a 
qu'une valeur relative et conditionnelle, bien inférieure à celle 
que lui attribuaient Artédi et G. Cuvier. 


CHAPITRE II. 


ORGANISATION DES OSTRACIONIDES. 
1. Système tégumentaire. 


Ce système est encore ici, comme chez les Balistides, essentielle- 
ment protecteur. I! ne laisse aux fonctions lactiles que des bour- 
relets labiaux souples et mobiles ; partout ailleurs il forme, ou bien 
l'espèce de test que nous avons dit, et qui protége non-seulement 
par sa consistance osseuse, mais encore par ses formes anguleuses 
et son inflexibilité, ou bien, comme on le voit sur la queue, un re- 
vetement cutané, dont le tissu serré rappelle, malgré sa souplesse, 
bien plutôt l'enveloppe aponévrotique d’un ensemble de muscles des- 
linés à une acliôn commune et énergique, qu'une peau sensoriale, 

Au point de vue de Ja caractéristique, e£ par conséquent des 
applications zoologiques et paléontologiques, l'étude du test des 
Ostracionides, c'est-à-dire des pièces qui composent ee lest, et 
qui représentent des écailles de ces Poissons, nous offre un inté- 
rêt tout particulier. Malgré les travaux dont cette singulière 
écaillure à déjà été l'objet, j'en ai étudié à mon tour la disposi- 
tion, les formes et surtout la structure , et je n’ai pas lieu de re- 
gretter les soins et le temps que m'ont coûtés mes investigations 
sur ce dernier point. 

L'écaillure testiforme des Ostracionides se compose, avons-nous 
dit, de plaques polygonales unies bord à bord comme les pièces 
d'une mosaïque. Elles sont assujetties non par voie de soudure , 
mais par engrenage, leurs bords étant découpés en petits fes- 
tons (1). Ces plaques reposent, en outre, sur une couche de tissu 
fibreux qui jouit d’une certaine élasticité, et qui pénètre dans leurs 

(4) Ces dentelures sont très régulières dans le jeune âge, et remplissent alors 
parfaitement les anfractuosilés qui leur correspondent aux bords des écailles 
voisines. Plus lard , et à mesure que la solidification est plus complète, elles 
s'émoussent , ot l'engrenage cesse plus on moins conplétement. 


196 H. HOLLARD. — MONOGRAPHIE 


lignes de jonction. 11 résulte de ce fait que la carapace des Ostra- 
cions conserve, malgré sa consistance osseuse, un certain degré 
d’extensibilité, qui lui permet de se prêter aux alternatives de dila- 
tation et de contraction que suppose le jeu d’une vessie natatoire, 
qui est aussi développée que celle des Balistes. 

La rencontre bord à bord des squames dont il est question , et 
la limitation réciproque qui en résulte, expliquent leurs formes po- 
lygonales. Ces formes, peu régulières sur la tête et sur les parties 
anguleuses du corps , se développent plus librement sur les faces 
latérales et inférieure , où elles deviennent généralement hexa- 
gonales (4). 

Le centre de la squame lend souvent à se relever et à faire un peu 
de saillie, aussi bien que les diagonales qui traversent ce centre. La 
surface qui présente ce relief, la surface externe , est couverte de 
tubercules mousses (collicules d’Agassiz)distribués en séries plus ou 
moins bien dessinées. Ces séries se partagent deux directions, diffé- 
rentes. Les unes vont du centre aux angles du polygone, et parta- 
gent celui-ci en autant de compartiments triangulaires qu'il compte 
de côtés; les autres remplissent ces compartiments , et achèvent 
de les dessiner en descendant du centre et des séries précédentes 
vers les bords, auxquels elles sont perpendiculaires. Ces dernières 
séries se rattachent plus directement que les premières à la struc- 
ture de la squame , et celles-ci ne représentent probablement que 
les lignes de départ de celles-là. 

La face adhérente est déprimée à son centre dans la proportion 
du relief de la face externe; les compartiments triangulaires s’y 
dessinent aussi, mais par d’autres délails qui procèdent de Ja 
structure intime de ces singulières écailles. Remarquons d’abord 
au centre de celle face un espace irrégulièrement cireulaire et 
d'autant plus étendu qu'on l'observe chez des sujets plus jeunes (2). 
Près de sa limite constatons la présence de plusieurs pelits orifices 
aux bords desquels sont attachés des débris membraneux tubuli- 
formes ; ce sont les vestiges des vaisseaux qui pénètrent ici dans 
l'épaisseur de la squame, et dont nous suivrons plus tard la distri- 

(1) PL 48, fig. 4, 2, 3. 

(2) PL 43, fig. 3. 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 127 
bulion. À partir de celte région centrale indivise et plus ou moins 
déprimée commence une seconde région , qui s'étend jusqu'à la 
périphérie de l’écaille. Ici des lignes ou des zones étroites, 
alternativement plus éclairées et plus sombres, parallèles aux 
bords des polygones, et qui dessinent elles-mêmes autant de po- 
lygones inscrits les uns dans les autres, attirent d’abord notre 
attention; mais en même lemps nous remarquons la discontinuité 
de cet ensemble de zones, et la division de cette seconde région en 
compartiments triangulaires par des lignes transparentes dirigées 
de l’espace central vers les angles. Ces lignes sont d'autant plus 
larges que les écailles sont plus jeunes; peu à peu la prolongation 
graduelle des zones qu’elles séparent rapproche les extrémités de 
celles-ci, les met en contact, et modifie même leur angle de ren- 
contre en les obligeant à s’infléchir réciproquement. Nous allons 
voir tout à l'heure que les zones dont il s’agit appartiennent à l'une 
des couches qui entrent dans la composition des écailles des Ostra- 
cions; qu’elles sont essentiellement dessinées par des ondulations 
de cette couche, et que les lignes ou les intervalles translucides qui 
les séparent an passage d’un compartiment à l’autre sont occupés 
par d’autres éléments de structure, appartenant à une couche plus 
générale. Ceci nous conduit tout naturellement à étudier la compo- 
sition histologique assez compliquée que nous annoncent ces pre- 
Mières observations. 

M. Agassiz n'a pas manqué de s'occuper des squames osseuses 
des Ostracionides, l’un des groupes qu'il fait entrer dans son ordre 
des Ganoïdes (1). Après lui M. Willamson , auquel la science doit 
des travaux importants sur les parties dures des Poissons, a décrit 
aussi et figuré Ja structure de ces mêmes écailles (2); mais celte 
structure n'a été ni vue ni comprise de la même manière par ces 
deux observateurs. En reprenant à mon tour le même frayail, à 
l'aide de préparations variées et d'un excellent microscope de Na- 
chet, je me suis assuré que M. Agassiz a été beaucoup plus heureux 
que son successeur dans celle invesligation, mais que ni l'un ni 

(4) Poiss, [oss., t, Let Il, pl. H, fig, 26. 

(2) Tavestigali ons of the structure and developpement of scales and bones of 
fishes (Trans, of the R. S, of Lond., 4854, 1. UN, p. 643, pl, 28-31), 


198 H. HOLLARD. — MONOGRAPHIE 


l'autre n'avaient porté leur analyse et le contrôle de leurs observa- 
tions assez loin pour nous faire connaître, avec l’exactitude dési- 
rable, tout l’ensemble d’une organisation aussi spéciale et aussi 
complexe que celle qui nous est offerte par l’écaillure des Ostra- 
cionides. Je ne me flatte pas d’avoir épuisé les détails de cette 
organisation, mais je crois pouvoir donner comme exacts ceux que 
je vais faire connaitre. 

Quand on traverse d’un trait de scie toute l'épaisseur d’une 
écaille d'Ostracion , on distingue immédiatement sur cette coupe 
verticale, à l’aide d'une simple loupe, trois couches solides géné- 
rales : 1° superficiellement une lame translucide , d'apparence 
homogène, et accidentée par les tubercules dont nous avons parlé ; 
2 une couche moyenne souvent opaque, dont l'épaisseur diminue 
au centre de l’écaille, et y laisse la dépression tectiforme que nous 
avons déjà remarquée : on retrouve ici les zones onduleuses sous 
la forme de deux bandes étroites qui s'arrêtent en s’atténuant avant 
d'atteindre le centre ; 3° enfin une formation transparente com- 
posée de lames nombreuses, superposées, dont l'étendue augmente 
graduellement de haut en bas, et qui semblent avoir suivi dans leur 
multiplication les développements de l’écaille, et indiquer tous les 
degrés qu'elle a parcourus dans son accroissement horizontal (1). 

La première de ces couches se présente sous le microscope, 
ainsi que l'ont très bien vu MM. Agassiz et Willamson, comme 
composée de plusieurs strates superposées, et qui, très minces dans 
l'intervalle des tubercules, prennent plus où moins d'épaisseur et 
de saillie superficielle pour former ceux-ci. Mais cet ensemble de 
lunes forme un {out organique , car il est traversé par de nom- 
breux canalicules plus ou moins divisés, qui montent ou vertica- 
lement, ou en rayonnant vers la surface hémisphéroïdale des tu- 
bercules jusqu’à l'extrême limite de la couche. On reconnait ici les 
canalicules caractéristiques de la Dentine, etil est difficile de com- 
prendre pourquoi M. Willamson a substitué à ce dernier mot celui 
de Ganoïne, qui a le tort d'indiquer une structure assez différente 
de celle que nous venons de décrire. 

Une ligne de démareation très nette sépare cette première couche 

(1) PI. 43, fig. #. 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 199 


générale de la seconde; celle-ci est moins translucide et moins 
homogène au point de vue histologique ; elle réunit deux éléments 
de structure : des fibres et des cellules. Elle est exclusivement 
fibreuse à ses limites, fibro-celluleuse dans sa région moyenne, 
excepté au centre de l’écaille et vers ses bords où l'élément fonda- 
mental , l’élément fibreux , se montre seul sur toute la hauteur 
verticale de la couche. L'élément celluleux caractérise done une 
région de celle-ci, une région intermédiaire, qui commence à quel- 
que distance du centre par un bord aminci, et s'étend delà jusqu’à 
une très petite distance des bords, s’interrompant, en outre , à la 
limite des compartiments de l’écaille, où nous avons vu des lignes 
transparentes séparer les triangles rayés ou ondulés qui ont attiré 
notre attention en observant la face inférieure de celle-ci. C’est 
précisément la région des cellules qui forme ces triangles avec 
leurs zones ou lignes d’ondulation. Observéé sur une coupe verti- 
cale, cette région se présente comme occupant une partie notable 
de l'épaisseur de l’écaille, et sa tranche, obtenue dans la direc- 
tion ab, c’est-à-dire perpendiculairement aux raies de la surface, 
a l'apparence d’un ruban ondulé tout à la fois sur ses bords et à sa 
surface. Or une lame très mince détachée de cette coupe, et portée 
sous le microscope, nous montre un lit de cellules générale- 
ment fusiformes, plus ou moins parallèles les unes aux autres , 
avec leur grand diamètre dirigé horizontalement, et jetées dans 
une trame de tissu fibreux aréolaire, qui ne laisse pas que de voiler 
un peu les contours des cellules, et de mettre quelque confusion 
dans le dessin qu’on a sous les yeux. Je m'explique ainsi les idées, 
selon moi très erronées, que MM. Agassiz et Willamson se sont 
faites de la région qui nous occupe, observée soit à sa surface, soit 
sur une tranche qui en reproduit les ondulations. À la surface, 
M. Willamson a vu des fibres sous deux directions croisées, et sur 
la tranche, des couches alternativement calcaires et membraneuses 
continues aux lames horizontales de la couche inférieure, méprise 
qu'une observation trop rapide peut seule expliquer. Quant à 
M. Agassiz, confondant en un seul tout la couche fibro-celluleuse 
et les lames de la couche inférieure, il regarde toute cette partie de 
l'écaille comme cornée et composée de lamelles et de fibres qui se 
4° série, Zoou, T. VIT, (Cahier n° 3.) ! 9 


130 M. MOLLARD. — MONOGRAPHIE 

croisent à angle droit, et dont les premières sont généralement 
perpendiculaires au plan de l’écaille, et comme suspendues à la 
couche de dentine. On croirait que l’illustre auteur des Poissons 
fossiles s’est contenté cette fois d’un simple coup d'œil jeté sur les 
couches inférieures à celle dans laquelle il avait si bien reconnu 
les tubes de la dentine. 

Au reste, quelque difficulté que la présence d’un réseau fibreux 
aréolaire puisse apporter dans l'analyse de la structure de la couche 
qui nous occupe, et dans la distinction de ses éléments celluleux, 
celle difficulté est bientôt surmontée en multipliant les observa- 
tions, en les contrôlant les unes par les autres, et en variant les 
préparations. Les lames doivent être très minces, très unies, 
pénétrées de liquides qui leur conservent leur turgescence, tout en 
augmentant leur diaphanéité. L’essence de térébenthine m'a par- 
faitement réussi pour atteindre ce double but. Mais il est une pré- 
paralion qui ne peut laisser de doute à personne sur la composi- 
tion histologique que j'attribue à la région ondulée de la couche 
moyenne; c’est une coupe qui traverse la direction des cellules, 
au lieu de la suivre comme la précédente ; en un mot, une coupe 
parallèle au bord de l’écaille et aux ondulations ; cette fois nous 
ouvrons les cellules et nous les observons béantes, distribuées au 
sein d’untissu fondamental dont les formes s’effacent plus où moins 
sous ce nouvel aspect. Non-seulement nous avons alors sous les 
yeux des cellules bien caractérisées, ouvertes ou non, mais en 
tout cas parfaitement transparentes et nettement circonscrites (L), 
mais nous distinguons parmi elles : des cellules rondes, à noyau 
bien séparé de la paroi cellulaire (2) ; sur d’autres points, des cel- 
lules à parois épaisses, fissurées, ou offrant des commencements de 
canalicules (3); enfin des cellules étoilées, à plusieurs degrés de 
développement (4). Celles-ci occupent surtout la partie supérieure 
de la région ; les premières sont plus nombreuses vers sa limite 
inférieure. Nous avons donc affaire ici à un tissu osseux plus ou 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 131 


moins avancé dans sa formation, et débutant par l’état cartilagi- 
neux, tissu d'autant plus solidifié, qu'il s’avance davantage vers la 
couche de dentine. Un tissu fondamental fibreux enveloppe et 
déborde la partie celluleuse, qui donne à l’ensemble de la couche 
son caractère histologique, comme les tubes rameux donnaient le 
sien à la couche supérieure, et nous en montraient les strates 
comme des lames successives d'ivoire. 

D'où viennent les formes onduleuses de la région cellulaire de 
la couche qui vient de nous occuper ? Quand on observe les cel- 
lules et leur gangue fibreuse sur une coupe comme celle de Ja 
figure 5, on voit ces éléments anatomiques descendre et monter 
vers les limites des zones verticales entre lesquelles ils se distri- 
buent ; d'horizontaux qu'ils sont au milieu de ces zones, ils devien- 
nent obliques et même verlicaux au passage de l’une à l’autre sur 
des espaces qu'on prendrait pour des plis, et où la texture se voile 
plus ou moins. Ces espaces, ces zones plus confuses et plus dé- 
primées, intercalées entre les zones évidemment celluleuses , 
semblent être plus chargées de corpuscules calcaires, plus ossi- 
fiées peul-être et plus contractées; puis on les dirait comme 
traversées de haut en bas par des fibres très fines qui croisent et 
le plan et la direction de la couche; mais je conviens volontiers 
que ces dispositions , ces différences qui dissimulent périodique- 
ment la structure fondamentale et générale de la région des cel- 
lules, et qui en modifient au moins les formes, ne sont pas, à 
beaucoup près, aussi faciles à déchiffrer que les détails que j'ai 
donnés plus haut. 

La troisième couche générale des squames des Ostracionides 
remplit, comme je l'ai dit, la dépression tectiforme que présente 
la face inférieure de la couche précédente. Ce n’est pas en réalité 
une couche proprement dite, ce n’est pas non plus une formation 
indépendante de la couche moyenne. En effet, celle-ci , c’est-à- 
dire le lit fibreux qui en forme la limite inférieure, fournit deux ou 
trois expansions ou lames également fibreuses qui en sont comme 
des dédoublements, et dans l'intervalle desquelles se dépose par 
groupes un nombre variable des petites lamelles qui caractérisent 
celle partie de l’écaille, J'ai déjà fait remarquer que ces lames 


132 H. HOLLARD, — MONOGRAPHIE 

empilées croissent en étendue des supérieures aux inférieures; que 
les plus élevées ne dépassent pas le centre de l’écaille , tandis que 
les inférieures atteignent la périphérie de celle-ci; qu'enfin celte 
progression semble représenter les degrés successifs par lesquels 
a passé l’étendue superficielle de la plaque squamoïde. C'est ce 
que confirme le progrès correspondant des dédoublements de la 
couche fibreuse entre lesquels se logent les groupes de lamelles , 
dédoublements dont le dernier forme le plancher ou l'extrême 
limite inférieure de tout cet ensemble et de l’écaille elle-même. 
Quelle est la nature histologique des petites lames que nous trou- 
vons ici? Le microscope nous y fait reconnaitre un tissu dont Je 
fond est à peu près homogène, avec de faibles indications d’élé- 
ments fibreux ; mais en même temps il nous y révèle la présence 
de nombreux canalicules de longueur très variable, souvent 
arqués, quelquefois branchus, puis quelques cellules osseuses très 
étroites et allongées, en un mot les caractères d’un tissu qui par- 
ticipe à la fois de l’os et de l'ivoire. Et ce qu'il y a d’assez remar- 
quable, c’est que la direction des canalicules change d’une lame à 
l'autre. Du reste, toutes les lames d’un même groupe sont traver- 
sées par d’autres petits trajets canaliformes qui ont tous la même 
direction un peu oblique, et qui rattachent ainsi organiquement les 
feuillets qui se développent et s'ajoutent les uns aux autres entre 
deux dédoublements de la couche fondamentale de l’écaille. 

On se rappelle les petits orifices que nous avons remarqués au- 
tour du disque central, et à la face inférieure des plaques squa- 
moïdes des Ostracions (1). On se souvient que la loupe permet de 
constater ici de petits vestiges de tubes membraneux attachés à ces 
orifices, c'est-à-dire les débris des vaisseaux qui, de la couche pro- 
fonde du derme , pénètrent dans la couche ossifiée. Nous pouvons 
suivre, figure 4, l’un de ces vaisseaux pénétrant dans l'épaisseur 
de l’écaille, et nous le voyons, une fois parvenu à la partie supé- 
rieure de la couche fibre-celluleuse, à lalimite de cette couche et de 
la dentine, se diviser et se répandre dans cette région d’abord, puis 
au delà dans les couches voisines. Ce qui nous frappe surtout dans 


(4) PM 3 Gp. 2: 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 133 


cette distribution , outre la position superficielle que prend tout de 
suite ce système vasculaire, c’est le grand nombre de branches qui 
traversent la couche de dentine pour venir se distribuer à sa 
surface en formant un réseau des plus riches , couvert seulement 
par les cellules pigmentales et l’épithélium. Ce réseau s’anastomose 
avec celui des squames voisines, et forme de proche en proche un 
vaste système capillaire superficiel. En revanche , on voit très peu 
de branches se détacher des troncs pour se porter dans les couches 
inférieures. C’est la région des cellules qui paraît en posséder le 
moins, comme c’est la région fibreuse, placée immédiatement au- 
dessus d'elle, qui recoit le plus de fluide nourricier. Non-seule- 
ment c’est ici, comme nous venons de le voir, que se ramifient les 
troncs ascendants , ici que se distribuent avant tout les principaux 
canaux de ce système d'irrigation; mais c’est d'ici encore que 
partent pour toute cette couche une multitude de canalicules d’une 
extrême lénuilé, qui, se détachant à différentes hauteurs de leurs 
branches mères, en formant des anses, descendent parallèlement 
les uns aux autres jusqu'aux bords de l’écaille. Je fais remarquer 
ce mode de distribution , parce qu'il est en rapport avec les formes 
fibrillaires, les découpures marginales, et toute la structure de Ja 
couche sous-jacente à la dentine (4). Un grand nombre de ces 
canaux parallèles aboutissent aux anfractuosités qui séparent les 
dents marginales, et, arrivés là, s’étalent et s’enfoncent dans le 
sillon de séparation des écailles, où ils se bifurquent , s’anastomo- 
sent avec leurs voisins, et m'ont paru reformer un système vas- 
eulaire de retour, sans que je puisse cependant affirmer ce dernier 
fait. 

J'ai étudié en regard des écailles des Ostracionides celles des 
Lépidostées. Le tissu de celles-ci est moins varié que celui des 
précédentes. Il offre partout les canalicules qui caractérisent la 
dentine ; seulement ces canaux sont larges ou fusiformes, et mêlés 
de cellules osseuses dans les couches profondes, nombreux et 
déliés dans la région moyenne, espacés au sein d’un tissu hya- 
loïde vers la surface de l'écaille. La dentine se modifie done et se 


13! M. HOLLARD. — MONOGRAPHIE 


condense à mesure qu’elle devient plus superficielle, et elle finit par 
former une sorte de cuticule qui fait la fonction d'émail sans avoir 
la structure de l'émail dentaire. C’est, du reste, ce que M. Agassiz 
avait déjà remarqué. 

Chez les Lépidostées comme chez les Ostracions , les écailles 
sont pourvues d’un système vasculaire abondant. Il traverse aussi 
l'écaille , donne peu de rameaux aux couches inférieures , et ré- 
serve ses divisions les plus nombreuses el les plus anastomosées 
pour Ja couche moyenne, d’où il envoie à la surface un très grand 
nombre de ramuscules capillaires. Tout ce système rayonne du 
centre vers la périphérie. 

Nous venons de voir, pour la seconde fois, les vaisseaux qui 
alimentent les écailles osseuses se porter en majeure parlie au voi- 
sinage de la surface, s’y ramifier avec un luxe extraordinaire de 
subdivisions et d’anastomoses , y former de véritables réseaux 
admirables, et porter de nombreux ramuscules jusqu'à la face in- 
férieure de l’épithélium. Pourquoi ce développement vasculaire 
superficiel ? N’est-il pas permis d'y voir un fait de compensation 
qui place le réseau capillaire sanguin des Poissons à écailles dures, 
à derme ossifié jusqu’à sa surface, dans une condition équivalente 
à celle que présente ce même réseau, lorsque les écailles ne sont 
que des lames minces contenues dans l'épaisseur de la couche 
dermique ? Dans ce dernier cas, les vaisseaux capillaires de la peau 
viennent s’élaler et s’anastomoser dans la partie du derme qui 
passe par-dessus les écailles. La peau prend part à la respiration ; 
elle absorbe de l'oxygène et exhale de l’acide carbonique , et sa 
participation à cet échange est d'autant plus utile que l'appareil 
respiratoire est ou plus limité ou plongé dans un milieu moins 
riche en oxygène. On conçoit dès lors combien il était important 
que la peau dans les Poissons qui nous occupent pt se solidifier 
sans diminuer le développement du réseau vasculaire de la sur- 
face ; et peut-être ce développement était-il encore plus néces- 
saire, et doit-il être tout particulièrement remarqué chez des Pois- 
sons qui, comme les Balistes et les Ostracions, ont la bouche 
petite, les branchies médiocrement développées, enfin le système 
operculaire bridé et très limité dans ses mouvements. 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES, 135 


Mais la présence dans ces écailles osseuses de nombreux cou- 
rants sanguins qui vont alimenter l’ensemble de leurs tissus, cette 
pénétration et cetle distribution du fluide nourricier me semblent 
offrir encore une autre signification, une signification anatomique. 
M. Agassiz, qui a bien décrit et figuré ce système vasculaire, re- 
garde néanmoins les écailles, en général, comme des productions 
comparables à l’épiderme en raison de leur situation et de leur mode 
de formation par couches successives ; illes considère commeissues 
de la partie vivante du derme, par conséquent comme placées en 
dehors de celui-ci. Cette théorie a été vivement combattue, notam- 
ment par MM. Owen et Willamson, qui considèrent les écailles des 
Poissons, malgré leur structure slratifiée, comme aussi bien orga- 
nisées que le tissu osseux. Il est bien évident que ces productions 
se développent dans le derme ou à ses dépens, puisque le système 
vasculaire se retrouve dans l’écaille devenue une plaque osseuse 
sous-épithéliale, aussi bien que dans le feuillet du derme qui 
passe au-dessus d’une écaille molle ordinaire. La présence de ce 
système décide en tout cas la question pour les squames solides, 
lors même que la présence des cellules osseuses et de la dentine 
ne la déciderait pas déjà. Quant à la stratification , elle ne saurait 
plus être une objection, depuis que nous savons qu'elle se retrouve 
dans le tissu osseux, et depuis que les expériences de M. Flourens 
ont démontré qu'à partir d’une certaine époque de l’ostéogénèse, 
l'accroissement de l’osa lieu par addition de couches qui procèdent 
du périoste, qui résultent de l’organisation d’une matière plastique 
fournie par cette membrane, et qui sont enfin ralliées en un tout 
par de nombreux canalicules. Dans le développement des écailles 
des Ostracionides, le derme lui-même passe, au moins en partie, 
de l'état membraneux à l’état osseux ; mais comme il conserve des 
vaisseaux à ses deux surfaces, la plaque solide se fortifie de 
couches nouvelles, exhalées du fluide nourricier comme matière 
plastique, et qui bientôt revêtent le caractère de formations orga- 
niques. Seulement ici, comme pour les dents, autres productions 
organiques légumentaires, le tissu osseux proprement dit est plus 
où moins remplacé par des tissus d’une densité supérieure, par 
une dentine à différents degrés de solidification. L'émail propre- 


136 NH. HOLLARD, — MONOGRAPHIE 


ment dit, l'émail dentaire, est au moins bien rare sur les écailles, 
d’après mes observations, -et je pourrais ajouter, d’après toutes 
celles qui les ont précédées, y compris celles de M. Agassiz ; 
d'un autre côté, les écailles osseuses sont toujours revêtues 
d’un réseau vasculaire, d’un épithélium et de cellules pigmen- 
taires, ce qui achève de caractériser la différence qui existe entre 
ce genre de formation et les dents. 

Je ne terminerai pas ce qui concerne l’écaillure des Ostracio- 
nides, sans rappeler que M. Fremy nous en a donné tout récem- 
ment l'analyse chimique. Le résultat de cette analyse est une com- 
position frès voisine de celle du tissu osseux. La cendre de ces 
écailles solides forme plus de la moitié de leur poids, 51 pour 400, 
et donne : 


Phosphate de chaux. , . . . . . . 44,6 
Garbonate de Chaux, . . . . . . . 5,2 


La proportion du résidu de l'incinération est plus forte dans les 
Lépidostées, c’est-à-dire de 59,3, chiffre dans lequel le phos- 
phate de chaux entre pour 51,8. 

Il est assez remarquable que, dans les écailles molles et flexibles 
des Poissons ordinaires, M. Fremy ait constaté la présence des 
mêmes sels que dans les squames osseuses, et dans des proportions 
qui approchent plus qu'on ne pouvait le prévoir de celles des 
cendres de ces dernières. 


2. Appareil locomoteur. 


a. Squelette. 


Me proposant de soumettre prochainement au jugement de 
l'Académie une étude d’ostéologie comparée, comprenant les 
groupes réunis par G. Cuvier sous le nom de Plectognathes, je 
me bornerai en ce moment à signaler ce qui, dans le squelette des 
Ostracionides , me parait le plus caractéristique comme traits de 
famille et indices des affinités zoologiques. On trouvera ici, comme 
on s’y attend, une harmonie évidente entre les conditions de mo- 
bilité des pièces osseuses et l’état du tégument écailleux. 

Et d’abord les vertèbres du tronc sont soudées, et partant 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 137 


immobiles, tout en demeurant très bien délimitées. L’anneau 
supérieur est simple , tectiforme, surmonté de longues apophyses 
épineuses couchées et dirigées vers la nageoire dorsale, d'autant 
plus longues et plus inclinées, par conséquent, qu’elles partent de 
vertèbres plus avancées. Je remarque, en outre, sur les côtés du 
demi-cône postérieur de chaque vertèbre troncale , une apophyse 
transverse bien caractérisée, et qui se rattache incontestablement 
à l'anneau neural. Sous ces apophyses, on en voit d’autres dirigées 
en bas, et qui sont les rudiments de l’are hématal. 

Les vertèbres caudales échangent les formes longues et arron- 
dies des précédentes contre des formes de plus en plus hautes et 
comprimées ; leurs ares supérieur et inférieur , et surtout le pre- 
mier, comptent pour beaucoup dans cette forme. La dernière 
vertèbre enfin est très grande et très aplatie, en forme de lame 
quadrilatère très allongée. 

Quant à la tête, elle rappelle encore un peu celle des Balistes 
par sa forme générale, ou plutôt par certains détails earacté- 
ristiques de cette forme. Ainsi l'orbite est reportée très haut et 
très en arrière par la longueur de la région ethmo-nasale, et le 
cercle orbitaire est formé aux trois quarts par la courbure des 
trois frontaux, dont l’antérieur et le postérieur s’avancent en 
pointe inférieurement l'un vers l’autre , laissant entre eux un in- 
tervalle peu considérable que remplit un simple ligament; du 
reste, la région frontale est ici bien plus lañge que chez les Balis- 
tides. L'épine interpariétale est couchée, au lieu de se redresser 
en crête ; le mastoïdien fournit en arrière une lame apophysaire, à 
large surface, pour l'insertion des muscles latéraux. Je remarque 
encore dans ce type céphalique la cloison interorbitaire que four- 
nit le sphénoïde, et que nous retrouverons dans les Gymno- 
dontes; puis le prolongement et l'élargissement considérable de 
la lame par laquelle ce même sphénoïde antérieur va rejoindre 
l'ethmoïde. Enfin le corps de ce dernier os se termine ici, comme 
chez les Balistides, par une extrémité élargie, rappelant aussi la 
surface articulaire concave d’un corps de vertèbre, surface sur la- 
quelle glisse la mâchoire supérieure dans ses mouvements d’élé- 
valion et d'abaissement. 


138 H, HOLLARD. — MONOGRAPHIE 


Cette mâchoire. est fortement repliée sur elle-même; les deux 
pièces qui la composent sont intimement soudées l’une à l’autre; 
le maxillaire est relativement petit; il ne se prononce un peu que 
pour former l'extrémité des branches latérales de l’arcade, et four- 
nir à l’attache du muscle abaisseur de celle-ci. Le palatin est plus 
petit encore que chez les Balistides, refoulé qu'il est par la lame 
descendante du sphénoïde ; le ptérygoïdien est au contraire assez 
grand. 

L’are maxillaire inférieur débute par un très large temporal, 
suivi d’un tympanique très développé. Les autres pièces de cette 
série ressemblent à celles des Balistides. 

Quant au système hyo-branchial , il débute par un suspenseur 
ou préopercule très étroit et ramené relativement très bas par le 
développement des pièces temporales. La pièce de support des 
rayons branchiostéges et ces rayons eux-mêmes sont très minces 
et étalés; le dernier seul de ceux-ci se prolonge en une lame 
ensiforme jusqu'à la partie supérieure de l’opercule, dont il côtoie 
intérieurement le bord postérieur. 

Ce dernier petit système, ramené par les mêmes causes que le 
préoperceule, à une position très inférieure , représente dans son 
ensemble une pelite plaque papyracée d’une forme oblongue et 
très simple. Nous y retrouvons toutefois les trois pièces opereu- 
laires. Celle qui prédomine, et de beaucoup, est le sous-opercule 
(32 de Cuv.), disposéen demi-ceinture derrière et au-dessous de 
l’opereule ; celui-ci est beaucoup plus petit que le précédent, et 
l'interopereule est si réduit et si bien appliqué sur Ja membrane 
branchiostége, qu'il est facile de le méconnaitre, et qu'il doit sou- 
vent manquer dans les squelettes qui ne sont pas fout à fait 
adultes et très soigneusement préparés. J'ai parfaitement reconnu 
cette pièce sur l’une des têtes qui ont servi à mes études, et je puis 
affirmer que, si le système operculaire des Ostracionides est ré- 
duit à de très faibles proportions, il est néanmoins aussi composé 
que celui des Poissons ordinaires. 

Le membre antérieur se fait remarquer dans cette famille par 
l'absence du coracoïdien et par les formes courtes et élargies de 
toutes les pièces qui représentent l'épaule, le bras et l’avant-bras ; 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 139 


ce caractère est porté au plus haut degré pour ces deux dernières 
régions de l’appendice, notamment pour l’humérus et le eubitus. 
Ce dernier fait en arrière une saillie destinée à l’attache des muscles, 
et le sous-scapulaire en fournit une autre également très pronon- 
eée à la hauteur de la partie moyenne et latérale du trone ; ce qui 
complète une série postérieure de trois crêtes ou apophyses pour 
les muscles latéraux, une crête mastoïdienne ou supérieure, une 
sous-scapulaire où moyenne et une cubitale ou inférieure. 

Ces apophyses correspondent, en effet, à trois muscles impor- 
tants, qui se portent de chacune d’elles aux vertèbres caudales. 
De ces muscles, le supérieur et l'inférieur sont les plus considé- 
rables ; le moyen est beaucoup moins volumineux, quoique encore 
assez fort. Ces muscles représentent toute la masse des plans lon- 
gitudinaux des côtés et de la face abdominale. Leurs fibres se por- 
tent directement d'avant en arrière; à peine celles des muscles 
supérieurs sont-elles interséquées par quelques faisceaux aponé- 
vrotiques ; leur action est d'autant plus libre et plus concentrée sur 
la queue que le tégument, c'est-à-dire, le test écailleux retient à 
peine cette masse charnue par quelques brides très espacées. On 
peut apprécier dès lors l'énergie des mouvements qui doivent être 
imprimés à l’appendice caudal. Quant aux muscles qui s’attachent 
aux apophyses transverses des vertèbres du tronc , ils sont desti- 
nés essentiellement aux nageoires médiane supérieure et inférieure. 

L'appareil musculaire des mâchoires mérite aussi d’être remar- 
qué. Un même muscle attaché à la large surface osseuse des joues, 
depuis la cloison sphénoïdale jusqu’à la commissure de la bouche, 
rapproche en même temps les deux mâchoires l’une de l’autre, 
élevant l'inférieure , tandis qu'il abaisse la supérieure au moyen 
d’un double tendon attaché à l'extrémité apophysaire de chacune 
d'elles. Le mouvement opposé ou d’écartement, qui ne réclame 
pas à beaucoup près la même énergie et le même ensemble , est 
confié à de petits muscles éleveur et abaisseur, qui s'appuient, 
celui du prémaxillaire, à l'extrémité de l’ethmoïde, et celui de la 
mandibule aux pièces avancées du système hyoïdien. 

L'appareil branchial , la vessie nataloire et l’ensemble des or- 
ganes renfermés dans la cavité viscérale nous offriraient les 


140 H. HOLLARD, —- MONOGRAPHIE 


mêmes caractères généraux que ceux des Balistides. Nous ne nous 
arrêterons done pas à les décrire. Je n’ai pu étudier l’encéphale. 

Par leurs mœurs, leurs habitudes alimentaires, leur distribution 
géographique, les Ostracionides ressemblent aussi tout à fait à la 
famille que je viens de nommer, et dont j'ai précédemment esquissé 
l’histoire. On tire peu de parti de ces Poissons, leur chair n’est ni 
abondante ni de très bon goût; cependant quelques peuples en 
font un usage habituel. 


DEUXIÈME PARTIE. 


DIVERSITÉ DES TYPES , ÉTUDE DES ESPÈCES. 


Le nombre des espèces connues et bien déterminées de la fa- 
mille des Ostracionides n’est pas très considérable. Le Muséum ne 
possède pas toutes celles qui figurent dans les catalogues, où mieux 
dans l’ensemble des travaux descriptifs ou des simples mentions 
qu'on pourrait réunir. Mais combien d'espèces purement nomi- 
nales ne faudrait-il pas retrancher des listes qu'on dresserait 
ainsi! M. Bleecker compte quarante espèces décrites, dont dix de 
l'archipel Indien, l’une des régions les plus riches sous ce rapport. 
M. Kaup n’en admet que vingt-six authentiques. Ce chiffre me 
paraît beaucoup plus près que le premier de la vérité. 

La diversité de ces espèces semble plus grande au premier coup 
d'œil qu’elle ne l’est en réalité ; du moins elle se laisse aisément 
ramener à un petit nombre de types. Les véritables types ici por- 
tent sur la forme. L'absence, la présence et le nombre des épines 
grandes ou petites dont beaucoup d’Ostracionides sont armés don- 
nent des caractères très secondaires et même spéciliques. Ces 
épines, en effet, manquent ou existent, sans égard pour des diffé- 
rences plus importantes. Celles-ci, je le répète, sont les différences 
morphologiques , et encore doivent-elles être réduites en tant que 
différences typiques à celles qu'aueun exemple connu ne ramène , 
par transitions graduées, à un même point de départ. Enme plaçant 
à ce point de vue, je n’aperçois dans la famille que deux types fon- 
damentaux nettementséparés, qui méritent l’épithète de génériques. 
L'un d'eux, le premier connu, nous donnera un genre qui doit 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 11 
conserver l’ancien nom : ce sera le genre Ostracion ; l’autre sera 
pour nous , comme pour son fondateur, M. J.-E. Gray, le genre 
Aracana. Nous ne saurions nous décider à suivre M. Kaup dans 
l'adoption des genres plus nombreux qu'il a proposés en prenant en 
considération des formes rattachées les unes aux autres par des 
termes de passage. Il est une espèce décrite par M. Richardson , 
d’après un dessin du docteur Hooker, qui peut-être représente un 
troisième type (4). C'est l'Ostracion boops de cet ichthyologiste. 
Son facies est assez bizarre pour autoriser celte supposition ; mais 
ne connaissant ce Poisson que par un dessin et quelques indica- 
tions, je ne me permets pas d’aller au delà d’un simple soupçon (2). 

Au reste, si l'idée du genre en histoire naturelle me paraît cor- 
respondre à des différences mieux limitées et plus importantes que 
celles dont on se sert souvent pour former des groupes désignés 
comme tels, je suis bien loin de méconnaitre pour cela les types 
secondaires qu'on peut établir dans un genre, et leur utilité pour 
coordonner, selon leurs véritables affinités, les espèces qui com- 
posent celui-ci. C’est ce qu'on a pu voir dans ma monographie des 
Balistides, et c'est ce qu'on va reconnaitre encore dans la revue 
que nous allons faire des Ostracionides que possède le Muséum 
d'histoire naturelle. 

Des deux genres qui vont rallier à eux ces espèces, c'est le 
moins nombreux, le genre Aracana, qui nous rappelle le plus les 
formes ordinaires des Poissons , les formes comprimées avec une 
ligne dorsale et une ligne ventrale plus ou moins arquées. C’est 
ici que les dispositions polyédriques sont le moins apparentes. 
Nous débuterons done par ce genre, et nous donnerons le second 
rang au genre Ostracion. 

(4) £reb. and Terr., 1843, pl. XXX, fig. 18-21, 

(2) M. Kaup a cependant institué pour l'O. boops de M. Richardson un genre 
sous le nom de Cexraunus. Les autres genres admis par ce zoologisle sont les 
suivants : Cimorrox, pour les espèces cubiformes ; Lærorunys (de Swainson), pour 
les Ostr. diaphanus, formasini et cornutus ; Osrracion, qui réunit les espèces tri- 
Lones réparties par Swainson entre ses Rhinosomes et ses Tétrasomes ; Acenana, 
donné comme de J.-E. Gray, qui écrit cependant Aracana. M. Kaup subdivise 


ce dernier genre en quatre sous-genres, sous les noms de Aceranu, Capropy- 
gia, Kentrocarpos et Anoplocarpos. (Arch. für nat. Gesch., von Troschel, 1855.) 


142 UM. HOLLARD, — MONOGRAPHIE 


I. Genre ARACANA, J.-E. Gray (4). 


Caractères : Corps plus ou moins haut et court; région dorsale 
un peu déprimée et limitée par des lignes anguleuses ; l'abdomen 
caréniforme. — Narines tubuleuses, — Des épines en nombre 
variable, distribuées sur l’arcade sourcilière, sur les lignes dorso- 
latérale et latéro-ventrale. 


Le profil de ces Ostracionides est court, rapide, convexe; leur 
bouche est terminale ; leur dos est plan ou légèrement bombé 
d’un côté à l’autre, et parcourt d’avant en arrière une ligne arquée. 
L'abdomen est limité par deux lignes latérales saillantes ; mais il 
s’abaisse beaucoup encore au-dessous de ces lignes, et se Lermine 
par une arête médiane ou arête médio-ventrale à courbure pro- 
noncée. Les épines se distribuent sur les arêtes sourcilières, et sur 
les lignes angulaires surtout, aussi bien du côté dorsal que du côté 
abdominal. En un mot, les Aracanas sont au nombre des Ostra- 
cionides les mieux armés. Leur queue est large, courte , et pro- 
tégée en partie par des plaques écailleuses qui, des parties supé- 
rieure et inférieure de cette région , descendent sur ses côtés , et 
l'entourent quelquefois d’anneaux complets. 

Voici les espèces de ce genre que j'ai pu déterminer dans la 
collection du Muséum. 


1. ARACANA ORNATA, J.-E. Gray. 


Caractères : Région frontale préoculaire gibbeuse. — Ép nes 
sourcilières prédominantes, — Les tubercules de l’écaillure for- 
mant des séries antéro-postérieures sur la région abdominale du 


(4) Ce mot est le nom vulgaire donné à l'une des espèces du genre par quel- 
que tribu australienne. M. J.-E, Gray, dans les Zllustrations of Indian Geology, 
donne deux modifications de ce nom; il en fait Acarana dans le titre de la figure 
de l'Ostr, auritus de Shaw, et Acerana dans la liste qui est en tête du volume. 
M. Kaup s’est arrêté à cette dernière leçon, et écrit Loujours Acerana. Je crois 
devoir, à l'exemple de M. Richardson, m'en tenir au mot Aracana, en m'en 
référant à la note dans laquelle M. Gray a proposé le genre qu'il désigne ainsi. 
(Voyez Annal. of Natur. History, L. 1, 1838, p. 410.) 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 143 


corps. — Des raies alternativement claires et brunes sur la même 
région ; des taches sur les flancs et les parties supérieures. 


D:10. A.,10,P:? 


Je ne connais celte espèce que par un exemplaire unique sec et 
un peu mutilé aux nageoires. 

La hauteur relative est plus considérable que dans les espèces 
suivantes, sans que le dos soit plus voûté, ni le ventre plus caréné. 
Mais ce qui distingue surtout ce Poisson, c’est l'espèce de bosse 
qu'il porte au devant du front, puis la singulière disposition des 
tubercules de ses plaques écailleuses qui forment un grand nombre 
de lignes saillantes, traversant le corps , presque d’une extrémité 
à l’autre, vers la région abdominale. 

La couleur se coordonne à cette disposition ; les lignes tuber- 
euleuses saillantes sont plus claires que leurs intervalles. I y 
a {rois épines latéro-abdominales sur notre exemplaire; elles 
n'existent pas sur le dessin de M. Richardson. 

L’Aracana ornata est de la région australienne. Voici les di- 
mensions de notre exemplaire : 


m, 
Longueur jusqu'à la caudale, qui manque, . . 0,090 
Hanteurgpæ@-Muute. Lo soctrstétat sainte 0,060 
La région, céphalique. . . . . . .4.11 0,025 


Synonymie. — Ostracion ornatus, Richards., Trans. of zool. 
Soc., Il, p. 165, pl. 10, fig. 2. —- Aracana nasalis, éüq. de la 
coll. du Mus. 

2. ARACANA AURITA , J.-E. Gray. 


Caractères : Profil très incliné jusqu’au voisinage de la bouche. 
— De nombreuses lignes brunes sur fond jaune d’ocre, dirigées 
plus ou moins directement des joues à l'extrémité du tronc et de 
la queue. — Nageoires uniformément jaunes. 


DP140) A510.:PIAT. 


La ligne de profil est inclinée à 45 ou 50 degrés, jusqu'au-dessus 
de la bouche où elle devient subverticale. Le dos est à peu près 


All H, HOLLARD. — MONOGRAPHIE 

plan, les crêtes sourcilières saillantes. La carène ventrale offre un 
développement variable, mais qui parait augmenter avec l’âge, 
pour autant qu'on en peut juger d’après des sujets desséchés. Les 
épines frontales sont médiocres, les dorso-latérales grandes et 
aplaties. [n’y a le plus souvent qu’une épine sur les flancs, et deux 
sur la ligne qui borde la région abdominale. L'écaillure, très irré- 
gulière, et couverte de tubercules qui rayonnent du centre des 
squames, forme chez les sujets adultes un anneau complet et assez 
large à l'extrémité de la queue. 

Quant au système de coloration, il est bien caractérisé par le 
nombre des bandes qui parcourent le corps du museau à l’autre 
extrémité. Ces bandes sont assez rapprochées les unes des autres, 
pour que les espaces qui les séparent ne dépassent pas leur lar- 
seur, et cela est surtout vrai sur les joues et sur les flanes, où ces 
lignes colorées ont une direction plus droite, d'avant en arrière, 
qu'au voisinage du dos et sur l'abdomen. 

L'Aracana aurita est représenté dans la collection par plusieurs 
individus qui proviennent tous des côtes de là Nouvelle-Hollande 
et de la Tasmanie. Le plus grand d’entre eux offre les dimensions 
suivantes : 


m. 


Longueur totale, . . . . . 0,200 
HAULEUT- nn ON ORAN TIO 
Largeur du dos. . . . . . 0,028 
Région céphalique.  . . . . 0,050 
La,yquenettte Ernie. 0 10,066 
La scandale... 2: 0030 


Ainsi la hauteur dépasse la demi-longueur, et la région cépha- 
lique est plus courte que la queue. 

Synonymie.— L'Aracana aurita de Gray, Mag. Zool. and Bot., 
1838, n’est pas le même que celui de cet auteur qui porte le même 
nom dans les Zllustrations de la zoologie indienne ; l'Ostracion 
auritus de Shaw, Nat. Mise., L. IX, pl. 358, n’est peut-être qu'un 
exemplaire monochrome de cette espèce ; est-ce aussi l'Ostracion 
heæagonus, BL. Schn.?Ostracion quatorze piquants de Lacép., Mém. 
duMus., t. IV. Ostracion striatus, Shaw ; Aracana lineata, Gray : 


DE LA FAMILLE DES OSLRACIONIDES. 145 
Ostracion auritus, Rich., Trans. of zool. Soc., t. HI, p. 160, pl. 9 
(jeune et vieux). 

M. J.-E. Gray décrit sous le nom d’Aracana Reveesii une 
espèce que je n'ai pas vue, mais qui parait être assez voisine de 
l'aurita. 11 paraît que c’est celle qu'il a figurée sous ce dernier 
nom dans les Zl{lustrations de la zoologie indienne. Cet Aracana 
vient des mers de Chine et non de l'Australie comme les autres ; 
il estirès comprimé, et son écaillure offre quelques caractères par- 
liculiers. (Voy. Ann. of Natur. History, 1. 1, p. 110.) 


3. ARACANA SPILOGASTER, Gray. 


Caractères : Profil court, rapide et légèrement arqué. — Des 
lignes bleues très espacées, nterrompues, irrégulières, sur les joues 
et le corps; la caudale marquée de deux ou trois traits longitudi- 
naux, réunis à leur extrémité par une ligne transversale. 


D:"11. A°41: P. 10: 


Sauf le profil, qui est ici court et rapide, les formes sont ce que 
nous les avons vues dans l’espèce précédente. Le dos m'a semblé 
un peu plus voülé transversalement, mais la carène ventrale n’est 
pi plus ni moins saillante. Les squames qui couvrent l'extrémité 
de la queue sont en petit nombre sur les côtés de celles-ci, et ne 
forment qu'imparfaitement l'anneau. Les épines sont les mêmes 
quant au nombre , à la forme et aux proportions. Mais le système 
de coloration met une différence tranchée entre les deux espèces, 
dont j'ai pu comparer de part et d’autre plusieurs exemplaires, 
Cette fois les igneslongitudinales, qui conservent une teinte bleue, 
tandis que le fond est d'un jaune très pâle, sont très espacées par- 
tout, el partout aussi très irrégulières de forme et de disposition. 
Elles s'interrompent souvent pour faire place à de simples taches, 
et leur direction change plus d'une fois, quoique, à la prendre 
dans son ensemble, elle reste antéro-postérieure. Les lignes de la 
caudale et la barre qui les termine me semblent aussi très carac- 
léristiques. 

L'Aracana spilogaster est aussi des mers australiennes. 

i* série, Zooz, T. VIT. (Cahier n° 3.) ? 10 


116 H. HOLLARD, — MONOGRAPHIE 
Le plus grand de nos exemplaires donneles mesures suivantes . 


m. 
Longueur totale. . . . . . 0,150 
Hauteursre et Lette te ten0, 080 
La région céphalique seule. . . 0,030 
LalQuens. CS RE 0 020 
La CaUTAlE. NA Pr 0e ee Dr 30 


Synonymie.—Ostracion striatus, Shaw, Gen. zool., V,9° partie, 
pl. 173, p. 430, avec celle phrase : Cæruleo flavoque linealus, 
spina utrinque supra-oculari, duabus utrinque dorsalibus, ventra- 
libusque, unica laterali. — Ostracion spilogaster, Rich., Trans. 
of zool. Soc., I, p. 163, pl. 10. 

Indiquons encore comme espèces qui paraissent authentiques, 
mais que je ne connais que par les descriptions qu'on en a données: 

Aracana lenticularis, Richards., Trans. of Zool. Soc., I, 
p. 158; Aracana unistriata, J.-E. Gray.; Aracana flavigaster, 
J.-E. Gray, Magaz. Zool. and Bot., 1838 ; Richards., loc. cit. 


II. Genre OSTRACION , Gray. 


Caractères : Corps polyédrique diversiforme , toujours large et 
aplali dans la région abdominale. — Queue plus ou moins longue 
et étroite. 

Les véritables Ostracions ont le corps toujours élargi, au moins 
à sa partie inférieure ou ventrale qui n'offre jamais de saillie caré- 
niforme, tandis que la ligne médio-dorsale est souvent élevée et 
tranchante. C’est le contraire de ce que nous avons vu dans le 
genre précédent; c’est un type morphologique tout à fait nouveau. 
Le profil est généralement rapide, droit ou déprimé, et la bouche 
qui le termine se trouve ramenée un peu vers la face abdominale 
par la position de la lèvre inférieure. La région caudale s’allonge 
ici plus où moins et perd beaucoup de sa hauteur; elle se montre 
ainsi très différente de ce qu’elle est dans les Aracanas. 

Du reste, les formes des Ostracions, tout en conservant leur 
type générique, subissent d'importantes modifications. Ces modi- 
fications n’ont cependant pas la valeur qu'on leur a attribuée quel- 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 147 


quefois ; elles caractérisent seulement des sections, des sous-types, 
si l’on veut. Leur principal intérêt, à nos yeux, est dans leur gra- 
duation sériale. En prenant pour point de départ les espèces à corps 
trièdre, ou mieux à ligne médio-dorsale caréniforme et plus sail- 
Jante que les lignes dorso-latérales, nous voyons les premières de 
ces espèces, celles chez lesquelles ces dernières lignes sont le plus 
effacées, se faire remarquer par le maximum de hauteur verticale 
et le minimum dé largeur; puis le corps s'élargit, et d’abord 
beaucoup plus du côté de l'abdomen que du côté du dos. Bientôt 
après la carène dorsale s’abaisse, les lignes dorso-latérales se pro- 
noncent davantage, les flancs descendent plus verticalement vers 
l’abdomen; en un mot, la forme trièdre tend à faire place à la 
forme tétraèdre. Enfin cette dernière prévaut définitivement, quand 
la région comprise entre les deux lignes dorso-latérales a perdu 
toute saillie médiane, et est devenue plane ou simplement un peu 
bombée en travers. La forme que nous nommons trièdre est en 
réalité pentaëèdre, en raison des lignes dorso-latérales, qui ne sont 
jamais effacées, et qui deviennent des arêtes saillantes, longiemps 
avant que l’arête médio-dorsale ait disparu. 

S'il est impossible de méconnaître dans cette transformation 
graduée l'unité lypique qui doit caractériser un genre, il est bien 
évident par cela même que c’est la considération des modifications 
de la forme qui déterminera la distribution des espèces; c’est ce 
que G. Cuvier avait au moins entrevu, c’est ce que M. Beeker a 
également compris. Mais on a voulu associer à la forme la considé- 
ration des épines, faire de leur présence, de leur absence, de leur 
position et de leurnombre, des caractères de section. Nous n'avons 
qu'une observation à faire à ce sujet. Les modifications de la forme 
donnent ici, avec toute l'évidence désirable, un ordre sérial, qui a 
la valeur d’un fait naturel; les épines se montrent jusqu’à un certain 
point indépendantes de cet ordre et de ce fait fondamental ; elles 
paraissent, disparaissent, se multiplient quelquefois, sans que la 
forme change, d’une espèce à l'espèce la plus voisine ; elles re- 
vêtent donc un caractère accidentel et essentiellement spécifique, 
comme on le voit en comparant l'Ostracion trigonus avec l'Ostra- 
cion triqueter. Ce qu'on peut dire de plus général en ce qui con- 


148 M, MOLLARD, — MONOGRAPHIE 
cerne la présence et l'absence des épines dans la série des Ostra- 
cions, c’est qu'elles sont comme une exagération des crêtes el 
des arêtes qui limitent les côtés du corps; qu’elles existent essen- 
tiellement dans la partie de la série où ces crêtes et ces arêtes sont 
le plus prononcées, et que leur absence, au moins comme fait 
général, coïncide avec l’émoussement de ces lignes de séparation. 
Presque constantes au commencement de Ja série, souvent nom- 
breuses au milieu, elles disparaissent complétement dans les 
espèces tétraèdres à ligne médio-dorsale tout à fait effacée. 


À. OSTRACION QUADRICORNIS, Lin. 


Curactères : Profil subvertical, une épine sur les crêtes sourci- 
lières et sur l’arête abdominale. — Caudale arrondie. — Plaques 
squamoïdes latérales peu régulières , et très couvertes de petits 
tubercules. — Dessin composé de lignes brunes irrégulières et 
anastomosées sur les joues, polygonales sur les côtés du tronc, 
et inscrites dans les plaques à quelque distance de leurs bords. 


D. 10. A. 10. P. 41 et 12. 


Cette espèce, confondue avec la suivante sous le nom de qua- 
dricornis, S'en distingue par une queue et une caudale plus courtes, 
ainsi que par son système de coloration. Elles ont d’ailleurs les 
mêmes formes comme les mêmes épines. Ce sont les plus étroites 
des espèces triangulaires, car la largeur de l'abdomen n'’atteint 


que le tiers de la longueur mesurée jusqu'à la naissance de Ja 


queue. 

Quelques individus portent sur la partie descendante de larète 
dorsale une pelile épine, qui a valu à cette variété , de la part de 
M. Valenciennes , l’épithète de lumbospinnis , inscrite sur les éti- 
quettes de ces exemplaires dans Ja collection du Muséum. Cette 
particularité ne serait-elle pas un caractère sexuel? L'Ostr. tricor- 
nis de Linné semble correspondre par sa caractéristique à la va- 
riété dont il s’agit, bien que l’auteur lui assimile des espèces d’Ar- 
tedi, qui porteraient, au lieu d’une épine dorsale , une suscaudale 
signalée par Lister (4), et figurée dans Willoughby. Cette épine 


(1) Apud Willoughby, Append., p. 49, sp. II. 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 119 
suscaudale a-t-elle été réellement observée? Nous n’en avons vu 
nulle part la moindre trace. 

Tous nos exemplaires proviennent de l’océan Atlantique. 
Voici les dimensions de l’un de nos plus grands : 


m, 
Longueur totale.  . . . . .. 0,400 
Hauteur: pts ds es longue: te O5 
La région céphalique seule. . . 0,065 
La,quené.s Lamuicrs": am 2v24140:060 
La caudale. 32 1 1: 21 5 ., 0,080 
Largeur abdominale. . . . . 0,090 


Synonymie. — Lister, ap. Will. 4pp., p. 19, sp. IE, pl. J, 45. 
Artedi, Gen., p. 56, spec. 5; Syn., p.85, sp. 10,— Ostr. tricornis 
etquadricornis, Linn. Gm.,1442, sp. à et 5.— Ostr. quadricornis, 
Seba, XXIV, fig. 9. — Ostr. tricornis et Ostr. quadricornis, 
BI. Schn., 499. — Ostr. quatre aiguillons, Lacép., 1, p. 468, et 
Ostr. de Lister, ib., p: 468, pl. 23, fig. 2.— Ostr. quadricornis et 
tricornis, Shaw, Gen. zool., {. V, 2 part. — Ostr. quadricornis, in 
Bleeker, Ostr. van on Indisch. archipel. (Mém. de la Soc. des se. 
el arts de Batav., 1852, part. xxiv..) 


2. OSTRACION MAGULATUS, Nob. 


Caractères : Profil subvertical ; une épine sourcilière et une 
abdominale. — Queue et caudale très longues, celle-ci à ligne droite 
ou rentrante.— Plaques latérales peu régulières , et très couvertes 
de petits tubercules serrés. — Dessin formé de deux ou trois bandes 
brunes placées en travers du museau et prolongées sur les joues ; 
des taches irrégulières sur le corps. 

D. 10. A. 10. P. 11. 


Les dimensions de la queue et de la caudale, qui atteignent près 
de la moitié de la longueur totale, puis le dessin, distinguent bien 
cet Ostracion du précédent, dont il a d’ailleurs les formes com- 
primées et les épines. La plus grande largeur de la face abdomi- 
nale ne dépasse pas le tiers de la longueur mesurée jusqu'à l'origine 
de la queue, Celle espèce nons Vient aussi de l'Atlantique. Elle 


150 H. HOLLARD. — MONOGRAPHIE 


atteint une taille relativement assez grande, comme on en peut 
juger par les mesures suivantes : 


m, 
Longueur totale. . . . . . 0,390 
HAUTEUR CC EU TA 0 
La région céphalique . . . . 0,050 
La quete. VEINE 0 0 8 D 
Tacaudalo taste tetes. (ir. RM DIU 


En vertu des caractères que j'assigne à cette espèce, je lui attri- 
bue sans hésitation un individu que le Muséum a acquis de M. Flo- 
rent Prévost, et dont la singulière conformation constitue évidem- 
ment une sorte de monstruosité, ainsi que M. Kaup l’a reconnu de 
son côté et l'a indiqué sur l'étiquette. C’est un Ostracion macula- 
tus,bossu, rachitique, ramassé sur lui-même d’avant en arrière, en 
même temps que la ligne dorsale, s’élevant rapidement au-dessus 
des yeux, décrit une courbe à court rayon, puis descend vertica- 
lement à la queue à partir de la nageoire du dos. La queue, molle, 
est comme un peu rentrée dans le tronc, mais la caudale conserve 
toute sa longueur. A l’autre extrémité du corps le profil s'incline 
en avant, et donne au museau un prognathisme qui complète l’ano- 
malie du facies général de cet individu. 

Synonymie. — Elle se confond généralement avec celle de 
l'Ostr. quadricornis, La figure donnée par Bloch, pl. 154, se rap 
porte au maculaltus plutôt qu'au précédent. Ne peut-on pas en 
dire autant de celle de Will., J, 15, que nous avons également citée 
à propos du quadricornis ? 


3. OSTRACION TRIGONUS , Lin. 


Caractères : Profil subvertical. — Arête abdominale saillante et 
munie d’une épine. — Caudale concave. — Plaques squamoïdes 
du tronc assez régulières, et plus larges que hautes ; une plaque 
isolée à l’origine dorsale de la queue. — Des taches de nuance 
claire éparses sur un fond plus ou moins rembruni. 


D. 10. A. 40. P. 12. 


A partir de l'arête médio-dorsale, les côtés du dos descendent 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 151 


encore rapidement vers la région des flancs, dont ils ne se distin- 
guent que par une légère différence d'inelinaison. Cette dernière 
région , d'abord plus rapprochée de la verticale que la première, 
s’en écarte beaucoup à sa partie inférieure, ee qui élargit la région 
abdominale, et fait ressortir l’arête qui en marque la limite. Cette 
arête décrit de la bouche à l'anus une courbe un peu brusquée, in- 
terrompue aux trois quarts de sa longueur par une forte épine. II 
résulle de cette courbe, dont la convexité est tournée à la fois en 
bas et en dehors, et dont la flexion n’est bien prononcée qu'à 
son milieu, une face abdominale ellipsoïde , mais rapprochée du 
losange. 

La queue est longue et étroite, couverte supérieurement à son 
origine d’une plaque semblable à celles de la région dorsale, mais 
détachée de celle-ci. 

La forme concave et un peu fourchue de la caudale n’a pas été 
assez remarquée , et constitue un des bons caractères de cette 
espèce. 

Les plaques squamoïdes sont assez régulièrement hexagones 
sur toute l'étendue des flancs, avec une prépondérance très sen- 
sible de leur dimension antéro-postérieure sur la dimension ver- 
ticale. Les tubercules qui les couvrent sont nombreux , sans être 
très serrés. Leur disposition sériale est assez prononcée, surtout 
sur les lignes qui , du centre de la plaque, gagnent les angles du 
polygone et marquent la limite de ses compartiments triangu- 
laires; ceux-ci se trouvent par cela même bien accusés. 

Quant au système de coloration, il semble se réduire à une teinte 
générale brune, sur laquelle sont semées irrégulièrement, et à 
distance les unes des autres, de petites taches claires; on retrouve 
celles-ci sur la queue, plus constamment que sur le reste du corps. 
Les nageoires sont d’une teinte plus claire que le corps. 

Ce Poisson nous vient de la mer des Antilles, et est plus com- 
run dans l'Atlantique que dans le grand Océan; cependant il 
existe aussi dans la mer des Indes, et Shaw assure qu'il passe dans 
celle dernière région pour jeter un pelit cri quand on le prend, et 
qu'au même moment il ouvre brusquement sa fente branchiale 
Sa chair est dure et de mauvais gout, 


152 H. HOLLARD, — MONOGRAPHIE 

L'Ostracion trigonus est sinon la plus grande des espèces trian- 
gulaires , comme le dit Artedi (Gen., p. 57) d'après Lister, du 
moins l’une des plus grandes. Voici les dimensions de celui de nos 
exemplaires qui a la prééminence sous ce rapport : 


Lonpgueurytotales: Autun. auette GATE 0,460 
HanÉenr MAXI. 20e Le ee DO) 
Largeur maximum (4)... 0138 
La région céphalique atteint. . . . . . . . 0,080 
CLOS. octets he out caler ne ok); 
DA CAUAALE ET AEMMENQUEON COHEN, 0 6 IG 060 
Grand diamètre des plaques squameuses latérales. . 0,028 


Synonymie. — C'est plus spécialement à cette espèce que se 
rapporte le n° III de Lister (ap. Will., Append., p. 20, tab. 716, 
et Artedi, Gen., p. 57, sp. 7), qui a remarqué le développement 
de la queue et l’uniformité de la couleur qui distinguent ce Poisson 
du précédent. Il a été nommé par Linné (Syst. Nat., édit. Gm., 
Akh1, 2), qui lui attribue, à tort, quatorze rayons à la dorsale, 
erreur répétée jusqu’à ces derniers temps. Bloch le regarde comme 
une simple variété du précédent, mais par erreur. Bloch le donne 
et le figure dans sa grande Zchthyologie , pl. CXXXV, sous son 
nom linnéen et sous celui de Coffre à perles, qui conviendrait 
mieux au bicaudalis. C’est l'Ostracion trigonus de Bloch, Syst. 
ichth., édit, Schn., 499, avec une erreur de caractéristique, savoir : 
deux espèces frontales = Ostracion trigone, Lacép., 1, p. 1465-66 
== Ostracion triangulo-tuberculé, Bonnat., Encyclop., p. 24, 
pl. 13. — Ostracion trigonus, Shaw, Gen. zool., L. NV, 2e part., 
p. 422, M. Kaup, Loc. cit., démembre cette espèce en deux, sous 
les noms de trigonus et d’oviceps, donnant pour caractères : 


+ Au trigonus: P, 40. D. 14. A. 9.C. 7. 
A l'oviceps: P. 12, D. 10. A. 10. C. 40. 


Parmi ces différences de chiffres, il en est une qui est très cer- 
tainement erronée : jamais Ostracion n'eut la caudale réduite à 


(1) Mesurée à la région abdominale, 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 153 
7 rayons, etle nombre 40 est ici un caractère générique constant. 
Dès lors, que penser des autres différences, surtout de celle qui 
porte sur la dorsale, et qui semble copiée de Linné? Nous sommes 
d'autant plus autorisé à la soupçonner d'erreur, que, parmi nos 
exemplaires, nous en trouvons qui portent le nom d’oviceps, écril 
de la main ou sous la dictée du célèbre zoologiste de Darmstadt, 
bien que ces exemplaires ne diffèrent en rien de ceux auxquels il 
a laissé le nom de trigonus. Jusqu'à plus ample informé, l'Ostra- 
cion oviceps est pour nous une espèce nominale. 


h. OSTRACION BIGAUDALIS, Lin. 


Caractères : Profil incliné.— Une épine à l’arête abdominale. — 
Caudale arrondie. — Plaques squamoïdes des flancs aussi hautes 
que longues; les tubercules partout très gros. — Tout le corps et 
la caudale semés de taches brunes sur un fond fauve. 


D. 10, A. 40. P. 12. 


Les formes de cette espèce sont encore celles du trigonus. Le 
profil est néanmoins plus long et plus oblique. La largeur de l’ab- 
domen n’atteint pas la moitié de la longueur du corps mesurée jus- 
qu’à l’origine de la queue. L’arête abdominale remonte rapidement 
vers celle-ci, à partir de l'épine placée environ aux trois quarts 
de sa longueur. La forme de la caudale, le dessin et la grosseur 
des tubercules, sont bien caractéristiques. 

Tous les exemplaires de celte espèce que possède le Muséum 
proviennent des Antilles. 

Voici les dimensions de l’un des plus grands exemplaires de 
notre collection : 


m 


Longueur totale. . . . . . 0,440 
Hauteur maximum, . . . . 0,143 
Région céphalique. . . . . 0,090 
Opens ss: 5 2, Di Dan 
Candalesnatus rrarrs. viande 0:08) 


Largeur de l'abdomen, , . . 0,410 


154 MH. HOLLARD. — MONOGRAPHIE 

Synonymie.— Cette espèce est décrite et caractérisée par Lister, 
ap. Will. Append., 20, IV, pl. 3,17; Artedi, Gener.57, Syn. 85; 
elle a été nommée par Linné, 1441, édit. Gm., et figurée par Seba, 
Mus., WI, t. 24, fig. 3. — C'estle Chapino de Para, p. 31, et 
tab. 17, fig. 1.— Ostr. bicaudalis, BI. Schn., 499; BL., pl. 143. 
— Ostr. deux aiquillons, Lacép., p. 4165-66. 


5. OSTRACION TRIQUETER, Lin. 


Caractères : Profil incliné ; museau saillant. — Absence de toute 
épine sur les crêtes sourcilières et sur l’arèêle ventrale.— Caudale 
médiocre et arrondie. — Squames latérales irrégulières et aussi 
hautes que longues. — Coloration brune, semée de nombreuses 


taches claires. 
D. 10, A. 40. P. 12. 


Les formes de celte espèce sont plus courtes et plus larges que 
celles des précédentes. Le profil ineliné et creusé, la queue courte, 
la largeur de l'abdomen et la saillie de l’arête qui limite cette ré- 
gion , enfin l'absence de toute épine, sont surtout à remarquer ici. 
Les tubercules des squames sont partout serrés et petits, surtout 
au centre de celles-ci; vers leur circonférence , les inégalités de 
leur surface dégénèrent en lignes saillantes. Quant au système de 
coloration, les taches claires qui le caractérisent se montrent ré- 
pandues sur la tête et le tronc en très grand nombre; elles n'oceu- 
pent pas de position fixe sur les plaques. La chair de cette espèce 
passe pour bonne et salubre. 

L'Ostracion triqueter est représenté dans la collection du Mu- 
séum par un assez grand nombre d'exemplaires qui viennent du 
golfe du Mexique (sauf quelques-uns dont l’origine est inconnue). 
Tous sont de petite taille ; l'un des plus grands nous offre les di- 
mensions suivanles : 


m, 
Longueur totale. … . + . . 0,196 
HAUIPHES NE Re e. 0,070 
La région céphalique seule. . . 0,040 
La queue seule. "|: . °.. . 0,035 
La caudale seule *. *. , . : 0,035 


———— —— 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 155 

La largeur de la région abdominale atteint la moitié de la lon- 
gueur mesurée jusqu'à l’origine de la queue. 

Synonymie. — Nommé par Linné, 4441, 2, l'Ostracion tri- 
queler avait élé caractérisé auparavant par Seba, INT, pl. XXIV, 
fig. 6 et 12; par Lister, ap. Will. App., 20, et tab. J, 18; et par 
Artedi, Gen., p. 57, n° 10, et Syn., p. 85, n° 44. C’est depuis 
Linné : l'Ostracion triqueler, le Coffre lisse, B1., CXXX ; Ostra- 
cion triqueter, BI., édit. Schn., 498 ; le Coffre triangulaire de Bon- 
natère, Encycl., p.12, pl. 20; le Coffre triangulaire de Lacép.; 
l'Ostracion triqueter (Trunk fish) de Shaw, Gen. 3001. 


6. OSTRACION CONCATENATUS. 


Caractères : Deux épines sur la crête dorsale, deux sur chaque 
crête sourcilière, quatre sur chaque arête abdominale. — Plaques 
squamoïdes peu tuberculées, et laissant voir des lignes rayonnantes 
qui forment un réseau à mailles diversifiées , souvent disposées 
comme les anneaux d’une chaîne. — Coloration ? 


D. 10. A. 10. P. 10. 


Cette espèce offre un profil rapide ; toutes ses crêtes sont minces 
et saillantes. Elle est remarquable par le nombre des épines qui 
arment celles-ci. Ses formes sont ramassées ; la région dorsale 
est déjà mieux séparée de la latérale , et l’abdominale surpasse , 
par sa largeur, la demi-longueur du corps, mesuré jusqu’à la ra- 
cine de la queue. L'écaillure, assez mince et peu couverte, laisse 
par sa transparence , surtout dans l’état sec, ressortir , d’une ma- 
nière frappante , les lignes de jonction des squames et de leurs 
subdivisions, d'où résulte le dessin qui a valu à cette espèce les 
noms d'Ostracion maillé et de concatenatus : caractère qui n’est 
guère moins en évidence sur le corps de l'Ostracion gibbosus , et 
qui n’est en définitive qu'une disposition commune à tous les 
Ostracions, mais exagérée, et un peu particularisée dans ces deux 
espèces. 

L'Ostracion concatenatus nous vient de la mer des Indes et de 
celle de la Chine. I est toujours de pelite taille, comme le prou- 


156 H. HOLLARD, — MONOGRAPHIE 


vent les mesures suivantes, qui sont celles de notre plus grand 
exemplaire : 


m. 


Longueur Llotale. . . . . . 0,125 
Hauteur. . . nu 0 0p0 
La région ceprdfite de 0000 020 
Laquene MONS Or Re 0 0110 
La,Caudalost ND M. Tate 00 1026 


Synonymie. — Ostracion concatenatus, Bl., CXXXI (vieux). = 
Ostracion concatenatus, etOstracion stelhfer, BI., édit. Schn., 498 
et 499, tab. 98 (jeune) ; Ostracion bicuspis, Blum., Abbild., 58; 
A. Schmith, IT, pl. 18; Coffre maillé, Lacép., I, et Bonnat., 
Encycl., p.92, pl. 14. On peut en rapprocher, sinon lui identifier, 
l'Ostracion sn de Tem. et Schleg., Faune japon. 
pl. CXXX , fig. 


7. OSTRACION TURRITUS, Lin. 


Caractères : Ligne dorsale rendue anguleuse par une large 
épine placée à sa partie la plus élevée ; deux épines sourcilières 
courtes et rétrorses; quatre épines sur l’arête abdominale de 
chaque côté. 

D. 40. À. 40. P. 10. 


Les caractères qui précèdent suffisent à Ja diagnose de cet 
Ostracion. Sa ligne de profil est rapide, mais le museau s’en dé- 
tache et se projette un peu. L’arête médio-dorsale est encore très 
élevée ; elle constitue une lame triangulaire, terminée par une 
épine à large base et à pointe dirigée en arrière, dont la direction 
verticale fait ressortir l’inclinaison beaucoup plus oblique du reste 
du dos. La limite de cette région et de celle des flancs commence 
à se marquer plus sensiblement que dans les espèces précédentes 
par une arête qui continue la erête sourcilière. La région abdomi- 
nale acquiert ici une largeur considérable, qui équivaut aux deux 
tiers de la longueur. Les plaques squamoïdes sont médiocrement 
couvertes de tubercules. La coloration m'a paru uniforme. 

Cet Ostracion, aux formes larges et courtes, pourrait composer 
avec le suivant un type de transition, préparé par le /riqueter en 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 157 
ce qui concerne les dimensions relatives, et conduisant aux espèces 
décidément quadrilatères. 

Il nous vient en général de la mer des Indes et des régions voi- 
sines. Sa taille ne parait pas devenir très grande, si nous en ju- 
gcons par l'ensemble de nos exemplaires, dont le plus grand nous 
offre les mesures suivantes : 


Longueur totale. . . .: . . 0,180 
Hatier PE O9 SUR AAN'ONT0:060 
La région céphalique seule. . . 0,040 
Laquenc tr e-t -4 -.,,0,025 
Paeandalés Le C1 2.0 0:035 


Synonymie. — Ostracion turritus, Lin. Gm., 1442, n° 40; 
Forsk., Deser. anim., p.75, n°143; BI.,pl. XXX VI, et BI. édti. 
Schn., 500; Rupp., Reise in N'ordl. Afr. — L'Ostracion droma- 
daire, Lacép., 1, p. 470.-= Le Chameau marin, Bonnat., Encycl., 
p. 22, pl. 43. — Ostracion turritus, Bleeker, Mém. Soc. batav., 
1852. C'est à tort qu'on a transporté à cette espèce le nom 
d'Ostracion gibbosus , donné par Linné à un exemplaire quadran- 
gulaire et inerme. 


8. OSTRACION DIAPHANUS, Schn. 


Caractères : Dos armé de trois épines, dont une médiane et 
deux latérales ; une épine sus-oculaire et trois abdominales de 
chaque côté. — Abdomen large et bombé; plaques squamoïdes 
minces et transparentes. — Couleur? 

DA ANO0%P:12. 

Le prolil de celte espèce est court et rapide. Le dos forme une 
surface très légèrement bombée, dont la largeur ne dépasse pas 
celle de la tête, et qui va s’atténuant rapidement en arrière, à par- 
tir des trois épines de cette région placées sur une même ligne 
transversale. Les flancs, d'abord verticaux, s’écartent ensuite 
beaucoup, et suivent un plan très oblique qui donne beaucoup de 
saillie aux arêtes abdominales et de largeur à la région de ce nom. 
Cette dernière, la face inférieure et ventrale, est remarquablement 
bowbée, La ligne qui lacireonserit, etqu'arment trois épines à peu 


158 Hi. NOLLARD. — MONOGRAPHIE 


près équidistantes, est arrondie de la bouche à la dernière de ces 
épines, puis brusquement dirigée vers la queue, direction qui 
donne un ovale atténué en avant, large au milieu et tronqué en 
arrière. 

Le rapport de la largeur abdominale à la longueur du corps, 
mesurée jusqu'à la queue, est de 2 à 3. Le dos est moitié moins 
large que l’abdomen. 

Les plaques squamoïdes sont en grande partie dépourvues de 
tubereules, minces et diaphanes. Celles qui sont épineuses pren- 
nent une forme conique, qui laisse bien reconnaître que les épines 
résultent d’un redressement NUS des plaques, de la périphérie 
au centre de celles-ci. 

L'Ostracion diaphanus nous vient des régions indiennes et 
polynésiennes du grand Océan. 

Il ne parait pas atteindre une forte taille. L’exemplaire le plus 
grand de la collection offre les dimensions suivantes : 


Longueur totale. . . . . . 0,140 
Hauteur, . . . . 0,036 
La région cépaiqu D . . 0,030 
La queue.  . . CRU UI 


(La caudale manque.) 


Synonymie. —Ostracion diaphanus, BI., édit. Schn., 500. — 
Ostracion brevicornis, Tem. et Schl., v. de Sieb., pl. XXX, fig. 3 
— Ostracion undecimaculeatus, À. Smith, IT, Fish., t. 17. — 
Lætophrys diaphanus, Kp., loc. cit., p. 217. 


9. OSTRACION CORNUTUS, Lin, 


Caractères : Dos surmonté seulement d’une ligne carénoïde peu 
élevée ; deux longues épines sourcilières dirigées en avant, ct 
deux abdominales. — Caudale très longue. — Couleur brun rou- 
geître mouchetée de brun et de blanc. 


D’ 9:"A° 9.P/40. 
Cette espèce est remarquable par la rapidité de son profil, par - 
sa forme quadrilatère allongée et un peu plus évasée du côté abdo- 
minal que du côté dorsal; par la longueur de sa caudale , et par 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 159 


celle de ses quatre épines tant frontales qu'abdominales. La diffé- 
rence entre la largeur de l'abdomen et celle du dos est bien moins 
considérable que dans le diaphanus. Toutefois le type morpholo- 
gique est encore celui de l'espèce précédente. La ligne abdominale 
se détourne brusquement vers la queue derrière l’épine qu'elle 
porte, et l’on retrouve sur le dos les trois épines du diaphanus 
placées sur la même ligne transversale : seulement elles sont ici 
rudimentaires. 

Les plaques squamoïdes latérales sont relativement grandes et 
médiocrement tuberculées. 

Le corps et la queue sont mouchetés de blanc ; la queue porte, 
en outre , des taches brunes , et ces dernières existent seules sur 
les caudales : tel est, du moins, le système de coloration que m'of- 
frent les individus conservés dans l'alcool, système effacé sur les 
exemplaires secs, el remplacé par une teinte uniforme. 

L'Ostracion cornutus nous vient à la fois des parties chaudes des 
deux Océans; nous en avons des Antilles, de Madagascar et de la 
Polynésie. Bontius rapporte, d’après ce que lui ont dit les pêcheurs 
de Java, qu'un seul ennemi ,l’Anarhichas lupus, où Loup marin , 
ose affronter ses piquants et se nourrir de cette proie. Sa chair 
passe pour coriace ét indigeste. 

I w’atteint pas une très grande taille. Cependant nous en avons 
mesuré qui offrent les dimensions suivantes : 


Longueur totale. . . , . . 0,240 
Hautenr-QEps 28. HE ARE tue ii 0,043 
La région céphalique seule. . . 0,030 
La quete re 5, " 0,035 
ERA CANON EE OUR O 


On voit que le rapport de la hauteur à la longueur est à peu 
près 1/6°; mais celle proportion change beaucoup avec l’âge. Le 
corps des très jeunes sujets est relativement assez ramassé sur lui- 
même ; leur queue elle-même et leur caudale, qui doivent devenir 
si longues, demeurent longlemps cachées dans l'intervalle des 
épines ventrales, qui, en échange, atteignent de bonne heure, aussi 
bien que les frontales, une grande dimension. 


160 M. HOLLARD. — MONOGRAPHIE 

Synonymie. — Cette espèce, signalée pour la première fois par 
Bontius, qui en donne un dessin , se trouve encore caractérisée 
et figurée avant Linné par Gronovius, Mus., 1, n° 18; Will., 
t. J, 13; Seba, IT, 1. 24, 9, ete. C’est l'Ostracion cornutus, Lin. 
Gm., 1443, 6. —Ostr. cornutus, B1., CXXXII, BI. Schn., 500 ; 
le Coffre quadrangul., Lacép., I, etBonnat., Encyel., p.22, pl. 14, 
fig. 44; Ostr. cornutus, Tem. et Schl., Faun. jap., pl. CXXXI, 
fig. 4,etp. 299. C’est le Lœætophrys cornutus, Kp., loc. eit., 247. 


40. Osrracron nasus , BI. 


Caractères : Ligne médio-dorsale sallante ; une grosse émi- 
nence luberculiforme au-dessus de la bouche. — De grosses 
taches brunes au centre des squames sur fond clair. 


D.:9:7A:19.1P:19: 


Le profil s'éloigne ici beaucoup de la verticale ; les arêtes sour- 
cilière, dorsale et abdominale, sont encore prononcées ; le dos , 
quoique aplati, se relève encore un peu en crête sur la ligne mé- 
diane. Cette crête offre à son faîte deux squames un peu plus sail- 
lantes que les autres, dernier indice chez l'adulte de tubercules 
qui la représentent chez les jeunes. Le développement de l’émi- 
nence qui domine la lèvre supérieure est remarquable, mais ne 
constitue cependant qu'un caractère relatif. Les plaques squamoïdes 
sont très couvertes de tubercules, et ceux-ci sont assez gros et 
arrondis ; leur disposition est toujours plus ou moins évidemment 
rayonnante, comme dans les autres Ostracions. L'origine de la 
queue est protégée en dessus et en dessous sur une plus grande 
étendue qu'à l'ordinaire par l’écaillure. Lés taches foncées qui ca- 
ractérisent le système de coloration occupent le centre des squames 
où elles sont assez grosses ; elles se retrouvent sur la queue et la 
caudale. 

Ce Poisson nous vient de la Nouvelle-Guinée ; mais il paraît 
exister dans la mer Rouge et même dans la Méditerranée, d’où il 
pénétrerait dans le Nil. C’est bien ici l'espèce dont Belon a décrit et 
figuré la carapace à cinq arêtes. 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 161 


Le seul de nos exemplaires qui soit adulte présente les dimen- 
sions suivantes : 


Longueur totale. . . . . . 0.300 
Hautour: 7 729008) RATE Mbmoe is 
La région céphalique seule. . . 0,050 
LEONE AEMENS MUR SLT 
Daicaudele M RCE. €. 0:10 ,050 
Largeur du dos. . . . . . 0,060 
Largeur de l'abdomen. . . . 0,070 


L'Ostracion nasus BI1., CXXX VIII, et BI. Schn., p. 500, est in- 
dubitablement celui que nous venons de décrire. Jele retrouve sous 
le nom de nasus dans Shaw, Gen. Zool., et Blecker, Mém. dela 
Soc. de Bot., 1852, pl. 7, fig. 15. En même temps ce dernier 
observateur donne sous le nom de Rhynorhynchos, p. 34 de ses 
Ostracionides, pl. 6, fig. 12, une espèce qui porte, comme l'O. na- 
sus de B]., une carène dorsale et la saillie du nez, et qui a le même 
système de coloration ; voyez aussi Cantor, Mal. Fish. Je retrouve 
encore l'espèce de Bloch dans Lacép. I, sous le nom d’Ostracion 
à museau allongé, dans Bonn., Encyc., p. 23, pl. 15, fig. 48, 
sous celui de Coffre à bec. D'un autre côté , les étiquettes du Mu- 
séum appliquent à ce même Poisson l’épithète de tuberculatus, et 
l’assimilent avec M. Kaup à l'Ostr. tuberculatus de Linné, 1443, 
n° 7, caractérisé, d'après Willughby et Artedi, par la présence de 
quatre tubercules dorsaux. Si ces quatre tubercules existent sur 
une des espèces tétraèdres, ce n’est pas sur celle-ci. Les jeunes. 
il est vrai, offrent sur Ja ligne médio-dorsale quelques saillies 
tuberculiformes, qui y précèdent la carène qu'offrent les adultes ; 
mais ces saillies, déjà réunies par des indices de celle-ci, n’ont 
ni la situation ni la distribution que donne la planche de Wi- 
lughby. Schneider a parfaitement distingué l'espèce linnéenne 
de l'O. nasus de Bloch, et nous croyons que M. Kaup est dans 
l'erreur en les confondant, et en faisant de celle-ci son Cybotion 
tuberculatus. 


4° série. Zooz, T. VII, (Cahier n° 3.) % 11 


162 H, HMOLLARD. — MONOGRAPHIE 


41. Osrracion cuicus, Lin. 


Caractères : Région frontale légèrement déprimée , dos voûté 
transversalement. — De grosses taches ocellées, blanches au mi- 
lieu, brunes à la circonférence, au centre de plaques squamoïdes. 


D°19- A 70%P210 


Cet Ostracion a le même profil que le précédent, avec un moindre 
développement de l’éminence sus-labiale, Ses arêtes sont arrondies, 
la ligne médio-dorsale n’offre pas de saillie ; mais les arcades sour- 
cilières sont encore très prononcées. La hauteur du tronc ne dé- 
passe pas le maximum de la largeur du dos; mais l'abdomen con- 
serve une légère supériorité de dimension transversale , en sorte 
que cette espèce est déjà inférieurement plus large que haute. 

Cet ensemble de formes et les proportions établit une ressem- 
blance complète entre l’Ostracion cubicus et l'Ostracion argus. Ce 
qui les distingue le mieux, c’est leurs systèmes de coloration, qui 
sont analogues , mais non pas identiques. Dans l’une et l’autre 
espèce, le centre des squames latérales et dorsales est blanc ou de 
nuance claire, et autour de celle lache centrale se disposent de pe- 
tites taches brunes périphériques; mais tandis que dans le cubicus 
ces dernières sont assez nombreuses pour entourer la tache claire, 
et qu'elles se confondent en un cerele complet dont les éléments ne 
sont reconnaissables qu'à la limite de ces régions , les taches péri- 
phériques brunes de l'Ostracion argus ne sont, en général, qu'au 
nombre de deux ou trois pour chaque tache claire, et, par consé- 
quent, ne forment pas de cercle. En revanche ces mêmes taches 
brunes se répandent jusque sur la queue et les nageoires de l'ar- 
qus , tandis que ces parties du corps sont d'une seule teinte imma- 
culée chez le cubicus. I est permis de se demander si ces diffé- 
rences, qui ne sont que des variantes d’un même système de 
coloration, sont réellement spécifiques, ou si elles ne seraient pas 
plutôt des différences sexuelles. 

L'Ostracion cubicus, dont nous avons des exemplaires nombreux 
et de tout âge, nous vient de l’océan Pacifique et de la mer des 
Indes, d’où il pénètre jusque dans la mer Rouge 


DE LA FAMILLE DES. OSTRACIONIDES. 163 
Voici les dimensions du plus grand de nos exemplaires : 


Longneur totale. . ,. . . . ok 0 
Hanielr ch cht:atr.:,.400:080 
La région céphalique seule. . . 0,065 
LAMIUENO. Li ges » dires een e EU O0) 
LR CAUGAIO M ere ertehe se ARDUO 
Largeur duidos. : .. . + .1. 1" 0;090 
Largeur de l'abdomen, . . . 0,100 


Synonymie. — Si nous conservons ici à celle espèce son nom 
linnéen , ce n’est pas que nous pensions que Linné l'ait, non plus 
que ses prédécesseurs, parfaitement distinguée des autres espèces 
qui sont comme elle, et selon la caractéristique qu'il donne, « mu- 
tiques et quadrilatères, avec les côtés applatis, » 1443, n° 9; mais 
ce nom ayant pris un sens de plus en plus déterminé, surtout de 
nos jours, est devenu véritablement celui de l'Ostracion que nous 
venons de décrire. Il a du reste été très bien figuré avec des taches 
oculiformes dans Will. J., 12. C’est l'Ostr. mouchelé de Lacép. ; 
le Coffre tigré de Bonnat., Encycl., pl. 14; et d'abord de Bloch, 
CXXXVII, auquel renvoie Schn., Ichth. de BL. pour son Ostr. 
cubieus, p. 500. L'Ostr. bituberculé Lacép., 1, 459, d'après Com- 
merson mss., et l'Ostr. bituberculatus BI. , éd. Schn., n’est, selon 
toute probabilité, comme le pense M. Kaup, que ce même cubicus, 
caractérisé par deux saillies cartilagineuses placées au-dessus et 
au-dessous de la bouche. Shaw a frès bien délini son Ostr, cubicus 
par cellé phrase + O. éetrag. mutic. punctis albis nigro marginalis. 
Et M. Ruppel est encore plus explicite quand il donne Ja diagnose 
suivante de cette même espèce , telle qu'il l'a vue à l’état frais : 
©. quadrang. colore flavoviridescente, ocellis cæruleis nigro margi- 
natis, sparsis pinnis colore aurantiaco. Le mot sparsis est seul trop 
vague , car les taches occupent le milieu des squames. Voyez 
encore Bleeker, loc. eit., pl. VIE, fig. 44. M. Kaup a fait de l'Os- 
tracion cubieus son Cibotion cubicus. Ce savant pense que l'Ostr. 
immaculatus de la Fauna japon., Tem. et Schl., p. 236, n’en est 
qu'une variélé. 


164 H. HOLLARD, — MONOGRAPHIE 


42. OsTRACION ARGUS, Rupp. 


Caractères : Région frontale déprimée ; dos légèrement voüté en 
travers. — Corps couvert de taches claires, incomplétement cer- 
elées de taches brunes. — Des mouchetures noirâtres sur la queue 
et la caudale. 

D. 9. À. 9. P. 40. 

Je me borne à cette caractéristique après ce que j'ai dit de la 
ressemblance de cet Ostracion et du précédent. 

L'Ostracion argus nous vient des mêmes mers que le cubicus. 

Voici les dimensions de notre plus grand exemplaire : 


Longueur totale. . . . . . 0:33 
HAUTENLEE a iPe ete Pet. le MO UD 
La région céphalique seule. . . 0,060 
Laiqueve EEE se ue 0 055 
LÉCEEU GE EUR SMS 0,065 
Largour du/dos-... .... . 0,070 
Largeur de l'abdomen. . . . 0,090 
ynonymie. — Confondu probablement pendant longtemps 


avee le précédent dont il a les formes, et dont il ne diffère que par 
son système de coloration, cet Ostracion a été distingué de ses 
congénères, décrit et nommé par M. Ruppel (Reise in Nordl. 
Afr., p. 4, pl. 1, fig. 1). Ce célèbre voyageur croit reconnaitre 
dans cette espèce l'Ostracion meleagris de Shaw (Gen. zool., t. V, 
p. 498, et Nat. misce., 7, 1. 253, pl. 172), qui me semble être 
plutôt l'Ostracion punctatus. On peut regarder avec plus de vrai- 
semblance, comme synonyme de l’argus, le Poisson des mers du 
Japon que Houttuyn décrit sous le nom d'Ostracion cubicus 
(Mém. de la Soc. de Harlem, t. XX, p. 346), mais qu'il est porté 
à distinguer spécifiquement du véritable cubicus en lui appliquant 
l'épithète d’aculeatus , adoptée ensuite par Schn. éd. de BI., 
p. 500. Cet Ostracion aculeatus aurait les taches brunes et le 
système de coloration de l’argus. D'un autre côté, s’il n’y a que 
cette différence, pourquoi le nom d’aculeatus, qui ne peut se rap- 
porter à une espèce inerme. M. Kaup croit retrouver l'Ostracion 


! 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 165 
argus, dont il fait son Cibotion argus, dans l'Ostracion rhynorhyn- 
chos de M. Bleeker, loc. cit., que je crois être le nasus. 


43. Osrracion puNcTATUS, Schn. 


Caractères : Très légère dépression frontale; profil droit; 
formes plus larges que hautes. — Sur tout le corps et jusque sur la 
caudale, de nombreuses taches blanches semées sur un fond brun 
verdâtre. 

DO TAN 9%P 40; 

lei le profil cesse d’être très sensiblement creusé, et les crêtes 
sourcilières s’effacent, sans toutefois disparaitre complétement, 
Les formes générales sont larges, mais un peu moins en haut qu'en 
bas, et la dimension verticale est inférieure à la transversale. 

Le système de coloration est bien caractérisé par la multitude de 
taches blanches qui couvrent tout le fond brun verdâtre du corps, 
et s'étendent jusqu'à la caudale. Ces taches sont un peu plus 
grandes sur les flancs que sur le dos. A la région ventrale, elles se 
réunissent de manière à former un certain nombre de lignes ondu : 
lées courtes. 

L'Ostracion pointillé paraît encore appartenir plus spécialement 
au grand Océan qu’à l'Atlantique. Nos exemplaires viennent de Ja 
mer des Indes et de la Polynésie ; aucun d’eux n'atteint de grandes 
dimensions, comme le prouvent les mesures suivantes prises sur 
le plus développé de tous : 


m, 


Longueur totale. . . . . . 0,140 
HARLERRE PAL LC CN, 0,030 
La région céphalique seule, . . 0,030 
Late 00 0. 0 0. 0" 026. 
La/caudale) DOM TUE CA 05028 
Largeur du dos. . . . . . 0,035 
Largeur de l'abdomen, . . . 0,042 


Synonymie.—L'Ostracion punclatus BI., éd. Schn., p. 501.== 
L'Ostracion pointillé de Lac., 1, p. 455, pl. 21, fig. 4. == L'Ostre 
cion meleagris? Shaw, Wal. misc., 7, 253, pl. 179, ct Gen. Zool., 
p. 428. 


166 H. HOLLARD, —— MONOGRAPHIE 


Ah. OSTRACION ORNATUS, Guich. 


Caractères : Front légèrement déprimé ; au-devant de la dorsale 
une éminence plus ou moins acuminée, d’où partent plusieurs 
lignes saillantes, dont une médio-dorsale. — Une ou deux bândes 
claires bordées de bran le long des flancs; dos et parties latérales 
piquetés de blanc ; abdomen semé de points bruns. 


D: 9: A:9:P::40. 


Les arcades sourcilières conservent encore de la saillie, et par 
conséquent la région frontale offre une dépression sensible. La 
ligue de profil est encore un peu creusée. La hauteur des flancs 
équivaut à la largeur du dos, mais elle est un peu inférieure à celle 
de l'abdomen. L'éminence qui se trouve sur le dos, au-devant de la 
nageoire dorsale, n'a pas de forme régulière; elle résulte d’un 
développement excessif des tubercules de celte région, lequel se 
continue sur plusieurs lignes, dont une médio-dorsale, deux antéro- 
latérales et deux postéro-latérales. 

Le système de coloration est un pointillé blanc sur les flancs et 
le dos, brun sur l'abdomen, interrompu sur les côtés par. deux 
zones claires bordées de brun : l’une, qui est la plus constante 
et la plus large, part de la partie inférieure de la fente bran- 
chiale; l’autre est voisine de l’arête supérieure du quadrila- 
tère que représente le corps. Sur l’un de nos exemplaires, la bande 
inférieure se continue sur les joues et s’y bifurque, en même temps 
qu'un trait elair passe en travers du front, d’ufi œil à l’autre. Sur 
un autre, le pointillé blanc est remplacé partout par de petites 
taches brunes semblables à celles qui couvrent l'abdomen. Cette 
dernière région est à son tour couverte de grandes taches bordées 
d’un trait brun. En un mot, des accidents de coloration assez fré- 
quents paraissent affecter le dessin général de l'Ostracion ornatus. 

Le Muséum a recu celte espèce de l'océan Pacifique (Iles Mar- 
quises). Les exemplaires qu’il possède sont d'égale dimension 
el tous petits, comme 6n feront juger les mesures suivantes : 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES. 167 


Longueur totale. . . . . . oi 20 
Hauteur. . . ET 
La région btdiqle salt, UT. MAAUUZS 
Éaquete, 2, 2 0 0020 
La CAQU Ale AR INEN CORAN 02 0 
PaTEDUT UU (OS Ve CR O0 TS 
Largeur de l'abdomen. . . . 0,035 


ÿ 15. OsrrAGION cyanuRus, Rupp. 


Caractères : Front et profil convexes. Région interoculaire 
légèrement déprimée. — Couleur générale brune , tachée de bleu 
sur les flancs. Queue et caudale bleues tachées de noir. 


DS A0 PE" T0; 


Nous ne connaissons cet Ostracion que par un exemplaire, le 
seul que possède le Muséum au moment où nous {raçons ces lignes. 
Il est, comme le bombifrons, plus large que haut, et à profil arqué ; 
mais les arêtes sont plus saillantes que dans ce dernier, et la région 
frontale, plus déprimée, laisse saillir davantage les crêtes sour- 
cilières. La d décoloration de ce sujet nous oblige à renvoyer, pour 
compléter? es caractères du dessin, à la description et à la figure 
qu'en donne M. Ruppel, qui, le premier, a décrit et nommé 
l'Ostracion cyanurus. Il l’a trouvé dans la mer Rouge, ce qui 
donne à penser que cette espèce, comme ses analogues, a pour 
centre d'habitation l'océan Indien. Le nôtre ne porte aucune dési- 
gnation d’origine. Voici ses dimensions : 


me 
Longueur totale. : + . . . 0,110 
Hauteur, . . - 14 0010,090 
La région Hene hrs «1, 0,020 
Lagmenc.. 0.0." .,: ,. . 10;080 
Lagandale, lus sunilsinue nor 05020 
Largeur du dos. . . . . . 0,035 
Longueur de l'abdomen. . . : 0,040 


M. Ruppel, qui n’attribue à son Ostracion cyanurus qu'une lon- 
gueur de 5 pouces, c'est-à-dire peu supérieure à celle que nous à 
donnéé notre exemplaire, a constaté, comme nous, que le rapport 
de la hauteur à la plus grande largeur était de 3 à 4. 


168 H. ROLLARD, — MONOGRAPHIE 


Synonymie. — Rupp., Reis. in Nord. Afr., pl. 4, fig. 2. Je ne 
connais aueune espèce portant un autre nom qu’on puisse assimi- 
ler à celle-ci. M. Kaup en a fait son Cybotion cyanurus. 


46. OSTRACION BOMBIFRONS, Kp. 


Caractères : Front bombé en avant des yeux, et profil arqué.— 
Fond brun semé de nombreuses petites taches claires, qui s’éten- 
dent sur la queue et le commencement de la caudale. $ 


D.9.A:.9: P. 10. 


Jci la région interoculaire est à peu près plane, et c’est à peine 
si les crêtes sourcilières se distinguent encore un peu. Le front 
fait une saillie au-devant des veux, et sa courbure décide du profil 
facial, dont la ligne est sensiblement arquée jusqu'à la bouche. Les 
plaques squamoïdes sont couvertes de tubercules acuminés et 
nombreux. Quant au système de coloration, nous en avons indiqué 
plushaut les caractères les plus constants; mais il est sujet à varier 
un peu. Ainsi sur l’un de nos exemplaires, les taches latérales sont 
beaucoup plus grandes que les dorsales, et sur un autre on voit 
distinctement, près de l’arête supérieure du trone, une ligne pâle 
longitudinale, qui est à peine indiquée sur le premier. La queue 
porte aussi des taches blanches, et un trait qui fait suite à la bande 
dont nous venons de parler. 

Celle espèce nous vient de la mer des Indes et des régions voi- 
sines. 

Voici les dimensions de notre plus grand exemplaire : 


Longueur totale, . . . . . 0180 
HARIOUTS 0 Lie mo ss à + à + e TOO ÆU 
La région céphalique seule. . . 0,035 
LUE En PER AUCUNE Un 3 0,030 
Datcaudale) MORE. ù: 101080) 
Largeur du dos. . . . . . (0,047 
Largeur de l'abdomen. . . . 0,055 


Synonymie. — N'est-ce pas ici l'Ostracion Sebæ de M. Bleeker, 
loc. cit.? — N,. Seba, IE, 24, fig. 5. — Cybotion Sebæ Ky. 


DE LA FAMILLE DES OSTRACIONIDES 169 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PLANCHE 1, 
Structure des écailles des coffres. 


Fig. 4. Une plaque écailleuse de l'Ostracion triqueter adulte, empruntée à la 
région latérale, et un peu amplifiée. On voit ici sa face externe couverte de 
petits tubercules disposés en séries plus ou moins régulières, et qui se rap- 
portent à deux directions , les unes rayonnant du centre aux angles du poly- 
gone, les autres descendant vers les côtés et leur étant perpendiculaires. 

Fig. 2. La même plaque, vue par sa face inférieure, mise à nu. La transparenco 
d'une première couche générale (couche stratifiée) laisse apercevoir la couche 
movenne et ses lignes d'ondulations parallèles aux côtés et interrompues sur 
le trajet es diagonales; au centre, un espace uniforme présente les orifices 
par lesquels pénètre le système vasculaire. 

Fig. 3. Écaille plus jeune, où ce dernier espace est relativement-plus étendu 
et indique, par ce fait même, qu’il représente la plaque primitive. Les solu- 
tions de continuité de la couche moyenne sont ici plus larges que dans l’écaille 
adulte. 

Fig. 4. Coupe verticale traversant deux compartiments opposés sommet à som- 
met, d'a en b, des figures 4 et 2. On voit ici successivement de haut ex bas, 
a, la couche de dentine; b, la couche moyenne, exclusivement fibreuses à ses 
limites supérieure, inférieure et marginale, comme au centre de l'écaille, fibro- 
cellulense dans toute la région ondulée; c, couche stratifiée inférieure, formée 
de lames de plus en plus larges, et qui s’approchent d'autant plus de la cir- 
conférence qu'elles sont plus inférieures. Cette couche est encore divisée et 
limitée inférieurement par des expansions de la couche fibreuse. Toutes ces 
couches, quelle que soit leur structure, sont d'une consistance osseuse; la 
supérieure est la plus dure, les deux autres le sont un peu moins, avec des 
différences qu'il n'est pas facile de déterminer exactement. On voit sous la 
couche de dentine des canaux vasculaires interrompus par la coupe en raison 
de leurs sinuosités, et qui envoient de nombreux rameaux à la surface. 

Fig. 5. Portion amplifiée de la coupe précédente, montrant la dentine avec ses 
strates et ses canalicules rameux, puis les cellules avec leur marche onduleuse 
et les fibres qui croisent leur direction. Sur un point de cette région, les cel- 
lules s'écartent , et dans l'intervalle qu'elles laissent se montre le tissu fibril- 
Jaire fondamental de la couche moyenne; à la limite de cette solution de con- 
tinuité, on aperçoit les extrémités comme tronquées des cellules interrom- 

pues. Ce fait se reproduit de distance en distance, et aurait pu être indiqué 
sur la figure 2 par des lignes transparentes plus ou moins larges, parallèles 
aux lignes onduleuses, el divisant leur ensemble en groupes plus ou moins 
nombreux, 


170 MH. HOLLARD. — MONOGRAPHIE, ETC. 


Fig. 6. Portion amplifiée d'une coupe parallèle aux lignes onduleuses, et mon- 
trant les cellules coupées plus ou moins transversalement, Sur quelques points 
apparaît le réseau fibreux fondamental. Les cellules elles-mêmes se montrent 
à divers degrés de formation, depuis les cellules rondes, à noyau distinct et 
bien séparé, jusqu'aux cellules éloiléesS ou corpuscules osseux des auteurs. Les 
vaisseaux sont aussi coupés en travers, leur direction générale élant à peu 
près la même que celle des cellules. 

Fig. 7. Fragments amplifiés de la couche stratifiée, vus, a, par la tranche; 
b, par la surface. La structure fibreuse s'associe ici à des lacunes allongées, la 
plupart linéaires ; quelquefois rameuses, indiquant une organisation qui se 
rapproche de celle de la dentine, et qui est bien loin de la nature cornée 
attribuée par M. Agassiz à cet ensemble de lames. 

Fig. 8. Portion centrale amplifiée d'une squame vue par sa face externe, et 
montrant la disposition des vaisseaux principaux qui pénètrent ici dans l'é- 
caille, et s'anastomosent entre eux avant de se répandre dans toutes les direc- 
tions vers la périphérie. 

Fig. 9. Segment triangulaire très amplifié, où l'on voit la distribution du système 
vasculaire dans l'épaisseur et à la surface de l'écaille. Les vaisseaux pâles sont 
vus à travers la couche de dentine ; les plus colorés sont sous-épithéliaux. Parmi 
les premiers, on en remarque de très fins qui se détachent d’anses plus ou moins 
éloignées ou rapprochées des bords, et qui marchent, à parlir de là ,: parallè- 
lement et à égale distance les uns des autres vers ces mêmes bords. Ce sys- 
tème vasculaire est en partie rempli de détritus colorés, jaunätres ou bruns, 
en partie occupé par des bulles ou des colonnes d'air qui les font paraître plus 
obscurs, au moins sur leurs bords. Parlout où ils sont nettoyés et remplis 
d'eau , ils sont d'une transparence qui les efface plus ou moins, en sorte qu'on 
les croirait quelquefois interrompus quand ils ne sont que dissimulés par cette 
transparence; mais avec un peu d'attention et un éclairage convenable, on se 
convainc bientôt de leur existence ou de leur continuité. 


HISTOIRE 
DE 


L'ORGANISATION ET DU DÉVELOPPEMENT DU DENTALE, 


Par le D° M. LACAZE-DUTHICRS , 


Professeur de zoologie à la Faculté des sciences de Lille, 
(Suite.) 


DEUXIÈME PARTIE. 


Développement. 


Anatomie et physiologie des organes de la conservation de l'espèce. 
— Corps de Bojanus. — Embryogénie. 
I. 
ORGANES GÉNITAUX. 

Il y a peu à consulter les auteurs pour la partie de l'histoire du 
Pentale que nous allons maintenant parcourir; on ne trouve, en 
effet, que des notions incomplètes, quelquelois peu justes dans les 
recherches de MM. Deshayes et W. Clark, L'hermaphrodisme est 
admis d’une manière positive par l'un de ces auteurs , et Jaissé 
sous-entendu par l’autre ; cela suffit pour faire comprendre que 
tout ce qui se rapporte à l'anatomie, et il y a très peu de chose, est 
complétement à revoir, car le Dentale a les sexes séparés. L'étude du 
développement manquant, il n’y a là rien à reprendre et à critiquer, 

Du resle, je cilérai tout ce que l’on trouve dans les mémoires 
des déux naturalistes : 

& L'appareil de la génération nous est fort peu connu; un 
» OVaire, qui remplit presque lotalement la cavité abdominale, et 
» qui probablement a son orilice extérieur dans le pavillon, est le 
» seul organe que nous ayons pu reconnaitre. Quant à l'organe 
» mâle, s’il existe, quoique très important à connaître, si ce n’est 
» dans tous ses détails, au moins dans sa posilion et ses rapports, a 
» entièrement échappé à nos moyens de recherche (4). » 

Voilà tout ce qu'en sait M. Deshayes, et il ajoute que quelques 
faits doivent faire croire que le pavillon « semblerail destiné à 
» remplir quelque fonction inconnue pendant la génération. » 


(4) Voyez Deshayes, Analomie et monographie du genre Dentale (Mémoires de 
la Société d'histoire naturelle, t. 11, p. 334). 


172 H. LACAZE-DUTHIERS. 


M. W. Clark déclare que le Dentale a une glande génitale, 
à la fois mâle et femelle : « [ have not discovered any exser- 
> ted organs of reproduction, and J think from various con- 
» siderations that this animal is an hermaphrodite, but without 
» congression, » Îl parait croire que les Spermatozoïdes se trou- 
vent dans la même glande, puisqu'il ajoute : « Under the mi- 
» croscope, in the middle of the general mass, several small egg- 
» shaped globules, having at one of the axe à minute, apparently 
» tubular filament filled with a glary fluid, may be seen in some 
» individuals, but not in all, as I have sometimes searched in vain 
» for them, these may be the virile fecondating organs, which are 
» perhaps only apparent at certain stages of gestation (1). » 

Cette description est fortincomplète, elle laisse beaucoup à dési- 
rer ; ainsi les Spermatozoïdes n’ont rien de bien défini; mais cela 
n'est pas étonnant, puisqu'ils n’ont pas été vus. 

Après ces citations, il deviendra par la suite à peu près inutile de 
revenir surces mémoires ; les faits d'anatomie qui vont suivre sont 
nouveaux , et il n’y a donc aucune utilité à les opposer aux obser- 
vations précédentes. 


Et d'abord établissons en principe que Les sexes sont séparés el 
portés par des individus différents. 


L'expérience seule peut démontrer cette proposition absolue. 
En plaçant des animaux isolés dans des petites mares artificielles, 
s'ils pondent , les œufs restent slériles; mais tous les individus ne 
pondent pas des œufs; quelques-uns lancent une liqueur blan- 
châtre, qui forme comme un nuage au milieu de l’eau. Quand on 
réunit dans un même vase deux animaux produisant des œufs et de 
la liqueur blanche, presque toujours les œufs se développent. Cette 
expérience a été renouvelée un grand nombre de fois, toujours avec 
les mêmes résullats. 

Voilà des faits qui, seuls, pourraient suffire pour la démonstra- 
tion; mais qu’on examine le tissu de la glande au microscope, et 
bientôt la conviction sera complète ; dans les uns, on ne trouvera 


(4) W. Clark, On the Animal of Dentalium Tarentinum (The Annals and 
Magazine of Natural History, vol. IV, 2° sér., 4849, p. 328). 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE, 173 


que des œufs, dans les autres que des Spermatozoïdes. Ainsi point 
de doute , le Dentale n’est pas hermaphrodite ; il ne l’est dans au- 
cunes conditions. 

Cependant les deux glandes génitales se ressemblent compléte- 
ment dans leur composition, leur forme, leurs rapports, leur mode 
d'ouverture au dehors du corps; seuleleur couleur est un peu, mais 
bien peu, différente. L’ovaire est toujours plus ou moins jaunâtre ou 
roussâtre ; le testicule est ordinairement blanc, rarementlégèrement 
jaune; mais dans ce dernier cas, jamais sa teinte n’est roussâtre 
comme dans la glande femelle. La couleur seule, quand on a beau- 
coup disséqué de Dentales, suffit cependant pour faire, sans le se- 
cours du microscope, reconnaitre immédiatement le sexe, 

La description générale de l'appareil de la génération sera done 
la même pour les deux glandes, et l'étude des organes génitaux 
sera divisée en trois articles distincts. Dans l’un, il sera question 
de la glande en général, indépendamment du sexe; dans un autre, 
de la composition de la glande femelle; dans le troisième, de la 
structure de la glande mâle. 

J'ajouterai un chapitre spécial sur l'organe de Bojanus. 


Anricce 1°. 
De la glande génitale en général. 


La glande de la reproduction occupe toute l'étendue du corps, 
entre le bulbe anal et le pavillon; elle répond à la partie du corps 
qui est en arrière du diaphragme vertical, mais elle ne la remplit 
pas seule. 

Quand on ouvre le sinus abdominal inférieur jusqu'au talon, 
on voit, en enlevant les membranes superficielles, une glande 
roussâtre , d’une couleur semblable à celle du foie, un peu moins 
foncée cependant, dont les culs-de-sac sécréteurs , irrégulière- 
ment groupés en arrière du talon et autour du bulbe anal, s'éten- 
dent sur les côtes et le dos, dans un espace assez restreint; c’est 
le corps de Bojanus où du moins l'organe qui lui correspond, et 
sur l'histoire duquel nous reviendrons plus loin. 

Dans la partie inférieure, et formant la paroi supérieure du si- 


47h IH. LACAZE-BUFHIERS. 


nus abdominal, un peu en arrière du bulbe anal et de l'organe de 
Bojanus, on trouve encore le foie et les larges conduits qui 
l’unissent au {tube digestif vers l’anse stomacale, 

Il est, on le voit, facile de limiter exactement l'étendue des 
glandes de la généralion. Quel que soit le sexe, en effet, elles for- 
ment à elles seules toute la partie dorsale et postérieure du corps de 
l'animal, en arrière de l'organe de Bojanus qui les sépare du dia- 
phragme vertical, en dessous des deux muscles rétracteurs du dos, 
en dessus du foie et du sinus abdominal. 

Ainsi, la glande de la reproduction forme une grande partie 
du corps de l'animal. Aussi, quand on vient de retirer un Den- 
tale de sa coquillé, que l’on lend ou non son manteau, on aperçoit 
tout de suite l'organe de la génération; du côté du dos, il parait 
dans les intervalles des quatre bandeleltes museulaires qui le reeou- 
vrent; en dessus , il est lapissé par un repli du manteau formant 
la paroi dorsale du tube , et sur le milieu par le sinus abdominal. 
On a vu dans l'étude de la cireulation que des lacunes vasculaires. 
l’entouraient de foules parts. 

Les organes de la génération sont d’une grande simplicité. 
Ils ont en cela beaucoup de rapports et d’analogie avec ceux des 
Mollusques Acéphales lamellibranches. Ils sont , en effet, réduits 
à la glande génitale seule, On n'y trouve ni organes copulateurs, 
ni organes sécréleurs secondaires et accessoires : il n’y a que les 
glandes sécrétant l'œuf ou le spermatozoïde, 

Quant au corps de Bojanus, il a avec les glandes génitales des 
rapports à peu près semblables à ceux qu'il présente dans les 
Mollusques bivalves. 

De tous les appareils, certainement ceux de la reproduction sont 
les mieux limités et les plus faciles à voir et à reconnaitre , et l'on 
a de la peine à comprendre que les auteurs les aient si peu etsi 
incomplétement connus et décrits. 


Les éléments dont l'organe se compose sont des lobules rangés 
sur trois séries longitudinales autour d’un canal excréteur unique 
étendu d’une extrémité à l’autre de la glande (4). Si l’on faisait une 


(1) Voyez Ann. des sc, nat., 4° série, Zooz., t. VII, pl. 5, fig. A (a). 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 175 
coupe perpendiculaire à l'axe du corps, on verrait les {rois séries 
rayonnant autour d'un centre qu'oceupe le canal excréteur , mais 
un des côlés manque de série : c’est celui qui correspond à la face 
inférieure ; de sorte que deux séries sont latérales , et se trouvent 
l'une et l’autre à peu près dans le même plan que le canal central ; 
tandis que l’autre est dorsale, médiane et impaire. 


Les lobules présentent tous à peu de chose prèsla même dispo- 
silion ; ils sont formés de trois culs-de-sac, de quatre à cinq quel- 
quefois, groupés autour d’un pédicule, un peu plus étroit que leur 
masse réunie, qui vient s'ouvrir dans le canal excréteur principal. 
Ils ont tous une direction perpendiculaire à celle du canal excréteur 
quiles reçoit. Entre chacun d'eux est un petit espace libre (1), que 
nous avons vu se continuer dans le sinus abdominal inférieur. Les 
lobules dorsaux sont disposés de même ; seulement leurs divisions 
secondaires forment {rois groupes, un médian et deux latéraux, 
qui se placent dans les intervalles que laissent entre elles les ban- 
délettes musculaires. 

Du réste, avec les époques plus où moins rapprochées de la 
reproduction, l'état de la glande varie et peut donner lieu à des 
apparences toutes différentes. 


Le capal excréteur (2) s'étend depuis l'extrémité postérieure du 
corps près du pavillon jusqu'au voisinage de l'anus, et devient 
de plus en plus volumineux. C’est lui, sans aucun doute, que 
M. Desbayes a pris pour le canal digestif, car il a représenté ce 
dernier comme un tube tout droit allant s'ouvrir au pavillon. On 
sait quelle est la disposition du tube digestif. Le diamètre du canal 
excréteur, pour recevoir les produits de la sécrétion de tous les 
lobules, doit augmenter de diamètre, aussi est-il conique; son som- 
met est à l'extrémité postérieure, el sa base vers le milieu du 
corps. Cette raison suffirait encore pour montrer, s'il en élait 
besoin, qu'on ne peut le confondre avec l'organe de la digestion. 

Il est très large, et forme presque à Jui seul la paroi dorsale du 
sinus abdominal. Quand on le regarde en dessous, on voit sur sa 


(1) Voyez Ann. des sc. nat., k*série, Zooz., t. VII, pl. 6, fig. 4, fig, 2 (d) (d). 
(2) Zuia., (b). 


476 H. LACAZE-DUTBIERS. 


paroi une ligne un peu flexueuse, qui semble le partager en deux 
moitiés latérales ; cependant il est impair , et ne présente qu'une 
seule cavité. Cette ligne rappellerait peut-être que cet organe a été 
primitivement formé de deux moiliés latérales et symétriques, ayant 
disparu par la fusion et la soudure pendant le développement. 

Les parois sont minces et extensibles. Sur des femelles où la 
glande génitale est très développée, l’oviducte est gonflé et 
distendu par les œufs, qu’on peut facilement reconnaitre au travers 
des parois (1). 

Où s'ouvre le canal excréteur ? 

Puisqu'il est unique, il est évident qu’il n’y a qu’un seul orifice 
à chercher. Cet orifice est difficile à trouver, parce qu'il n’est pas 
à la surface du corps. lei, comme chez quelques Acéphales la- 
mellibranches, il est caché dans le sac de Bojanus. 

On verra plus loin que le corps de Bojanus est double (2) ; qu'il 
a un orifice extérieur de chaque côté de l'anus ; ce n’est done que 
par l’un de ceux-ei que doit sortir le produit de la glande génitale. 
Pour m’assurer du fait, j'ai poussé des injeclions dans l'oviduete, 
et constamment je les ai vu s'échapper, par l'orifice droit, Il est 
plus difficile de voir sortir directement les produits de la géné- 
ration, parce que les pressions que l’on exerce sur le canal 
déterminent presque toujours la rupture de ses parois, en raison 
même de leur délicatesse, et les contractions de l’orifice em- 
pêchent les œufs ou le sperme de sortir. Pour peu qu'une bles- 
sure ou déchirure soit faite sur le trajet du canal, tous les produits 
s’échappent, et l’on ne distingue plus ses parois, à cause de leur 
transparence. 

Pour bien juger de la direction du conduit excréteur, il faut le 
remplir de matière à injection colorée, comme pour l'étude des 
vaisseaux sanguins. On voit alors qu'après avoir été rectiligne dans 
presque toute son étendue, il se porte à droite en se courbant (3), 
quand il est arrivé à l'extrémité antérieure de la glande, qu'il passe 
sur le dos des eæcums inférieurs et médians du foie, qu'il est là en 

(4) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, ZooL., t. VII, pl. 5, fig. 2. 

(2) Ibid, fig. 4 (0) (o'). 

(3) Zbid., (c). 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 4177 


rapport avec le tube digestif et le prolongement du sinus sanguin 
abdominal, qu’on a vu aller, par le trou du diaphragme , se jeter 
dans le sinus périlingual (4). Quand on a injecté d’une couleur 
différente l'appareil de la circulation, on reconnaît beaucoup mieux 
les faits que j'indique. La préparation demande quelques soins, mais 
elle manque rarement de conduire au résultat : quand on enlève, 
avec attention , les muscles du côté droit, on voit très bien, en 
arrière de la partie proéminente bombée correspondant à l'appareil 
lingual, les deux conduits du tube digestif, entre eux le prolonge- 
ment du sinus, et plus en arrière, se courbant à droite, en se déga- 
geant des lobules glandulaires , le canal excréteur de la généra- 
tion (2). Après avoir suivi cette marche, le canal, quel que soit le 
sexe de la glande, s'ouvre dans le sac droit de Bojanus, et rejette 
avec lui ses produits par le même orifice. 

On voit que M. Deshayes n’a point vu et connu cette ouverture. 
Quant à M. Clark, il n'indique pas spécialement l’orifice ; il insiste 
beaucoup sur la sortie des œufs par l'extrémité postérieure; on 
pourrait peut-être croire qu’il pense que l'organe génital s'ouvre 
à cette extrémité ; mais ce serait peut-être forcer les conséquences 
de ses descriptions incomplètes et trop succinctes. 


Telles sont les glandes génitales en général; on voit qu’elles 
composent à elles seules la presque totalité de la partie postérieure 
du corps , et que leur disposition est facile à étudier, puisqu'elles 
sont isolées, et qu’elles ne sont point mêlées aux autres organes. 
A part la position de l’orifice extérieur , rien n’est simple et facile 
à constater comme loutes les particularités anatomiques qui vien- 
nent d’être indiquées. 

Anricue If. 


Structure de la glande génitale femelle, 


Pour étudier avec fruit la structure des glandes génitales, quel 
qu'en soit le sexe, il est important de prendre les animaux à diffé- 
rents états. Quand les ovaires ou les testicules sont trop déve- 

(4) Voyez la figure de la circulation, où le Dentale est représenté vu par 
le dos, 1. VII, pl. 3, fig. 4 J'. 

(2) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zoo , 1, VIT, pl. 2, 2, 4 

4" série Zooz. T. VIT. (Cahier n° 3.) 4 12 


178 H. LACAZE-DUTHIERS. 

loppés, la partie glandulaire a presque complétement disparu. La 
glande semble n'être plus qu'un canal ramifié, dont les anfrac- 
tuosités sont remplies par les produits ; mais à ce moment on peut 
étudier très bien les éléments ; car ils sont complétement mürs et 
développés, seulement on n’a pas l’idée de leur histogénèse. 

Dans un travail assez étendu publié dans les Annales des sciences 
naturelles, j'ai insisté sur la structure des acini ou euls-de-sac sécré- 
teurs des œufs dans les Mollusques acéphales lamellibranches (4). 

J'ai montré que le parenchyme des culs-de-sac était cellulaire, 
et que dans ses cellules se développaient les œufs. Ici la: même 
chose se présente, J’attache d'autant plus d'importance à cette ori- 
gine des œufs, qu’elle peut servir à expliquer, ou au moins à inter- 
préter quelques faits relatifs à la fécondation. 

La membrane qui limite le cul-de-sac m'a paru anhiste ou sans 
structure ; à la face interne est une couche de corpascules rem- 
plis de granulations plus ou moins colorées en jaune, et ayant 
chacun un noyau. C’est dans ces cellules que se développent indu- 
bitablement les œufs ; cela est évident, et ne peut faire de doute 
pour moi , car, dans chacun de ces corpuscules que l'on nomme 
habituellement cellules en histologie, j'ai trouvé se développant des 
vésicules transparentes et des taches germinatives. 

En cherchant sur de nombreux individus, on arrive à rencontrer 
des ovaires à tous les degrés de développement , et alors on peut 
distinguer, sur la paroi interne de la membrane anhiste qui limite 
le cul-de-sac, de toutes petites sphérules empilées les unes sur les 
autres qui se dépassent, car leur développement n’est pas le même, 
et là on peut reconnaître les œufs, parfaitement caractérisés par 
leur vitellus et leur vésicule transparente renfermant toujours 
une ou deux taches germinatives. 

Il est difficile de faire une préparation en déchirant tout 
simplement les acini, sans rencontrer quelque œuf très dé- 
veloppé, dépassant de beaucoup les cellules voisines, formant 
comme de grandes tumeurs appendues aux parois du cul-de-sac 
sécréteur, et l’on peut facilement trouver tous les intermédiaires 
entre le parenchyme cellulaire du eul-de-sac et les œufs bien 


(1) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zoor., t. II, p. 187. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 179 


développés. Tantôt (1) ceux-ci, suspendus à un pédicule assez 
grêle, font saillie dans cette cavité ; tantôt, au contraire, ils y 
sont simplement proéminents et restent unis aux parois par une 
large base. On distingue très nettement dans les œufs bien déve- 
loppés la limite marquée par un double contour ; évidemment, 
c’est l'enveloppe. Mais ici se présentent des considérations sem- 
blables à celles que j'ai déjà publiées dans mes recherches sur les 
organes génitaux des Acéphales. Cette membrane est-elle la cellule 
mère considérablement agrandie? Ou bien est-elle une membrane 
anhiste mince, tapissant la cavité interne de l’acinus, qui a suivi 
l'œuf pendant son accroissement, et qui lui a formé une enve- 
loppe extérieure ? 

Je l'avoue, je penche vers la première de ces opinions ; je crois 
que e’est la cellule qui forme l'enveloppe extérieure de l'œuf, l’en- 
yeloppe à laquelle on peut donner le nom de coque, si l’on veut, 
mais non celui de membrane vitelline. On verra que cette distinc- 
tion, qui semble au premier abord de peu d'importance, n’en a 
pas moins une grande valeur pour la connaissance des faits qui 
se rapportent à la fécondation. 

Cette coque, suivant que l'œuf est attaché aux parois de l'ovaire 
par une base plus ou moins large, se trouve aussi plus où moins 
grandement ouverte quand elle en est séparée. Dans quelques 
Mollusques acéphales, dans l'Unio par exemple, le pédicule est 
tellement grêle, que, sur les œufs bien développés, c’est à peine 
on le reconnait (2). 

lei quelque chose d'analogue peut se présenter , et alors l’œuf 
semble environné de toutes parts par une zone transparente ; il parait 
être enfermé dans une membrane elose. Mais, dans quelques casqui 
ne sont pas rares, il arrive au contraire que l'œuf pondu, fécondé, 
etmême souvent développéen embryon, n’est plus enveloppé par 
cette coque ; cela a lieu, quand le pédicule de celle-ci, qui l'unit 
au stroma ou parenchyme de l'ovaire, est assez large pour le 
laisser échapper à sa maturité. 

On peut tirer de ces faits, n'est-il pas vrai? une preuve en faveur 

(1) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zoor., t. VII, pl. 6, fig. 6 et 7. 

(2) Zbid., 1.14, pl. 7, fig. 40 et 41. 


180 H. LACAZE-DUTHIERS. 


de l'opinion que je soutiens, à savoir, que l'enveloppe externe n’est 
pas la membrane vitelline, celle qui enferme immédiatement le 
vitellus ou qui a été décrite comme telle, puisqu'elle peut quelquefois 
manquer ; et c’est là une chose extrêmement importante, comme 
on le verra dans la question et l'étude de la fécondation. 

Tous les œufs ne se développent pas en même temps ; aussi les 
uns sont-ils à l’état rudimentaire, lorsque les autres sont déjà très 
volumineux ; ceux-ci, quand ils sont mürs, se détachent des pa- 
rois, tombent dans les ramifications de l’oviducte, et dans l’ovi- 
ducte lui-même, pour y séjourner jusqu’au moment de la ponte ; 
en arrivant ainsi dans les canaux excréteurs , ils permettent aux 
autres de prendre leur accroissement et de se détacher à leur tour. 
Aussi, quand on ouvre un Dentale femelle au moment de la ponte, 
on trouve tout l'ovaire transformé en un sac dont les appendices 
latéraux et le canal médian sont littéralement bourrés d'œufs, et 
dont le parenchyme a presque entièrement disparu (1). A ce mo- 
ment, les œufs présentent la couleur la plus foncée; ils sont d’un 
jaune bistre, obscur, parfois assez foncé, un peu piqueté. 


L'œuf se développe dans une cellule, cela ne me parait pas 
douteux. Mais quelle est la partie qui apparaît la première ? Est-ce 
le vitellus? la tache germinative ou la vésicule de Purkinje? C’est 
là une chose difficile à reconnaître et à décider , quand on n’est 
pas imbu, à priori, de ces idées basées sur la théorie cellulaire. 
Quand la cellule mère de l'œuf augmente, elle est remplie d’une 
matière nuageuse et finement grenue, au milieu de laquelle on 
distingue encore le noyau (2). 11 ne m’a jamais été possible de voir 
celui-ci devenir la tache ou les taches germinatives, les granula- 
üons du contenu s’opposant à l'observation. Bientôt on voit au mi- 
lieu de la cellule un espace plus clair, qui est la vésicule transpa- 
rente, et la tache se montre {rès vague et à peine marquée au centre 
de celle-ci. Je dois dire encore que je ne sais laquelle des deux 
précède l’autre, peut-être pourrait-il se faire qu'elles apparussent 
en même temps ou presque en même temps. La cellule mère (3) 

(1) Voyez Ann. des sc. nat, 4° série, Zooc., t. VII, pl. 5, fig. 2. 

(2) dbid., pl. 5, Big. 4 ab. 

(3) Zbid., fig. & ce, 5,6. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 181 


n'a pas acquis un développement bien grand, que déjà on dis- 
tingue les contours de la vésicule transparente. La tache germina- 
tive est d’abord unique, mais il ne doit pas s’écouler un temps bien 
long avant que la seconde tache. apparaisse ; on la voit toujours à 
côté de la première, et je ne saurais trop dire encore quel est son 
mode de production. Les deux taches qui existent presque constam - 
ment sont toujours différentes de volume ; l’une est d’abord et 
reste ensuite la plus volumineuse des deux. 

Il ne m'a pas été possible de pouvoir déterminer si le noyau de 
la cellule mère était le centre cystogénésique de la vésicule de 
Purkinje ; et j'avoue ne pas trouver ici au noyau de la cellule mère 
un rôle conforme à celui qu'on lui fait jouer dans la théorie cellulaire. 

Le vitellus se forme dans et autour de ces cellules emboîtées 
les unes dans les autres; ses granulations, à peine apparentes 
autour de la cellule correspondant à la vésieule transparente, for- 
ment d’abord une couche excessivement mince : on croirait que la 
vésicule de Purkinje occupe à elle seule presque toute la cavité de 
la cellule mère. Le contenu à la fois liquide et granuleux de 
celle-ci doit, sans contredit, être passé en partie dans l’intérieur 
de la vésicule transparente , tandis que les granules sont restés 
autour. Ce doit être par endosmose que la vésicule de Purkinje 
s’emplit ainsi au dépend du liquide environnant, et devient trans- 
parente et plus volumineuse. 

Peu à peu la couche granuleuse s’accroit autour de la vésicule 
transparente, et l'effet de cet accroissement est de refouler vers la 
paroi de la cellule mère les granulations devenues de plus en plus 
volumineuses, 

L'œuf change de position en changeant de volume (4); il 
change surtout d'apparence : de blanc il devient un peu jaunâtre, 
et de transparent il devient obscur. 

En résumé, voici quelle est la succession qui me parait être 
celle de la formation des éléments divers de l'œuf. La vésicule 
germinative se forme au milieu du contenu de la cellule du paren- 
chyme, et se trouve entourée par le reste du contenu de la cellule, 
et c’est ce reste qui devient la base du vitellus, Les éléments s’ac - 


(4) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zoo, &. VE, pl, 5, fig. 6 et 7 


182 H. LACAZE-DUTHIERS. 

croissent tous en même temps, mais dans des proportiotis diffé- 
rentes. Le vitellus marche beaucoup plus vite que la vésicüule et 
que les taches. 

Il se passe donc un travail dans la cellule du parenchyme, ayant 
pour but d’absorber dans ce parenchyine même les éléments du 
vitellus ; sur la naturé de ce travail, je ne vois que dés hypothèses 
à faire. 


Le vitellus est-il enveloppé d’une membrane? Cela est possible, 
mais en tout cas il est bien difficile de le dire. Car s’il existe une 
enveloppe vitelline propre, elle ést accolée à la face interne de la 
paroi de la cellule mère, etla distinction de deux membranes aussi 
minces, et ainsi superposées l’une sur l’autre, n’est pas chose fa- 
cile; ce que je puis affirmer, c’est que la membrane extérieure, 
celle qui environne l’œuf, et que je crois n'être autre chose que 
la cellule mère, n’est pour rien dans l’évolution embryonnaire. 
Tous les phénomènes se passent en dedans d'elle, et, de plus, elle 
peut ne pas exister. J'ai trouvé des œufs pondus qui en étaient 
dépourvus. Dans ce dernier cas, on comprend comment a été pro- 
duite cette condition qui semble exceptionnelle; les œufs, dont le 
pédicule est resté fort large, se sont trouvés à nu quand ce pédi- 
cule s’estrompu. I me parait difficile d'appeler enveloppe vitelline 
une membrane qui peut manquer, et qui protége plus où moins 
un organe dont eile devrait faire partie intégrante. 

J'insiste sur ces faits, et je reviendrai sur eux encore, parce que 
je crois que de leur interprétation exacte résultent des considéra- 
tions bien utiles pour résoudre quelques questions diffieiles de la 
fécondation et de l’embryogénie. 

En résumé, il me paraît qu'il ÿ a la plus grande analogie de 
structure entre l'ovaire du Dentale et celui des Acéphales lamelli- 
branches ; et je pourrais renvoyer, pour plus de détails, aux re- 
cherches étendues que j'ai publiées sur les différentes espèces de 
ce groupe des Mollusques. 

L'opinion de M. W. Clark, nou plus que celle de M. Deshayes, 
n’est pas soutenable en face des faits qui précèdent ; elle a été 
déjà indiquée ; el je ne crois pas que dans l'ovaire on puisse trou- 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 185 


ver des filäments tels qu'ils sont décrits dans le passage cité du 
premier auteur. 
Anricce II. 


Structure de la glande génitale mâle. 


Il y à une analogie non moins grande entre la structure du 
testicule du Dentale et celle de la même glande des Acéphales 
lamellibranches. Je pourrais encore ici renvoyer, pour la compa- 
raison, aux travaux que j'ai publiés en 1854 (1). 

Une membrane limite extérieurement le cul-de-sac sécréteur ; 
elle est mince et très transparente, probablement sans structure. 

A l’intérieur, une couche de cellules la tapisse, et forme le pa- 
renchyme sécréteur comme pour l'ovaire. Ces cellules ou corpus- 
cules (2), comme on voudra les nommer, sont plus petits que dans 
lovaire, et d’une teinte plus claire. Les granulations internes qu’ils 
renferment sont à peine accusées et toujours très fines. 

Ces éléments rappellent complétement ceux qu’on trouve dans 
les testicules des autres Mollusques. Dans un grand nombre de ces 
animaux, ils paraissent nés dans une cellule mère, et ils semblent 
être le résultat du fractionnement de cette cellule. 

Le fait du développement endogène des éléments du testicule 
püräit Lrop général pour que l’on puisse supposer qu'ici il n’en soit 
pas dé même; je dis supposer, parce que les glandes des Dentales, 
dans l'été, sont déjà avancées dans leur développement, et il est 
difficile de trouver autre chose que les cellules isolées ; la cellule 
mère est déjà résorbée, et je n'ai pu l’observer. 


Le spermatozoïde du Dentale (3) est assez gros ; sa forme est 
très nettement dessinée et ses mouvements très vifs; il a, comme 
presque toujours, une tête et une queue distinctes. 

La tête a la forme d’un coin tronqué en avant, et ses deux extré- 
mités sont inégales. L'une, antérieure, est plus aiguë que la posté- 
rieure, ou, pour parler plus exactement, moins obluse. Ses bords 
ne sont pas absolument droits ; il existe vers le milieu une sorte 

(1) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, ZooL., t. IT, pl. 9, etc., etc. 


(2) Hbid., L. VI, pl. 5, fz. 8, 9, 40. 
(3) Ibid, fig. 8 (b). 


18/4 H. LACAZE-DUTHIERS. 


d’étranglement qui fait paraître le corps ou la tête comme com- 
posée de deux renflements. Elle ressemble un peu à celle du sper- 
matozoïde de la Mulette ou de l’Anodonte ; mais dans ceux-ci les 
deux renflements sont {out à fait égaux et semblables, tandis que 
dans le Dentale l’antérieur est beaucoup plus petit. 

La queue est insérée sur le dos de la base ou partie la plus 
large ; elle est très longue et très délicate ; elle ondule avec une 
grande agilité. 


Le développement des spermatozoïdes a lieu comme dans les 
autres Mollusques. Cette question a été traitée par les plus habiles 
micrographes ; elle semble résolue aujourd’hui en ce qui touche au 
moins quelques-uns de ses points. 

Il n’est pas douteux que le parenchyme cellulaire, comme l’ap- 
pellent ceux qui ne voient en tout et partout que la théorie cellu- 
laire, ne soit le point d’origine des spermatozoïdes ; et que ceux-ci 
ne se développent aux dépens de ses cellules. La seule question à 
se poser est donc celle-ci : Quelle est la partie du corpuscule 
parenchymateux ou de la cellule qui forme le spermatozoïde ? 

Je n’analyserai point tous les travaux qui ont été faits sur la ma- 
tière ; il est peu de micrographes qui n’aient touché à cette question. 
L'un des savants les plus habiles, en même temps que l’un des 
naturalistes les plus éminents, M. Külliker, a publié un travail sur 
le développement du spermatozoïde dans les différentes classes 
d'animaux, et a formulé son opinion très catégoriquement dans 
son T'railé d’histologie, dont la publication française vient de se 
terminer (1). Le savant allemand déclare, comme déjà on l'avait 
dit avant lui, que le noyau de la cellule forme la tête du spermato- 
zoïde ; que la queue ou le filament est le résultat de l'allongement 
du noyau prolongé à l’une de ses extrémités. Les cellules du pa- 
renchyme sont appelées par lui cellules séminales , et les figures 
qui se rapportent au développement du spermatozoïde du Taureau 
montrent très distinctement ce mode de production. La même ori- 
gine peut-elle se présenter chez les Dentales ? Je répéterai ici ce 


(4) Voyez Külliker, Traité d'histologie, et aussi Physiologische Sludien über 
die Samenflussigkeit, dans le Zeitschrift für Wiss. Zoologie, vol, VII, pl. 43. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 185 
que j'ai dit dans mon travail sur les sexes des Mollusques acéphales 
lamellibranches. 

Malgré tous mes efforts, je n’ai jamais pu distinguer la queue 
contournée dans la cellule ; cela se comprend , quand on songe 
que, même sur des individus libres et isolés, la queue a une telle 
délicatesse, et réfracte la lumière si peu différemment du milieu 
où elle est, que c’est à peine si on l’aperçoit. 

Il m'est absolument impossible d'affirmer aussi que le noyau 
s’est allongé pour former la queue; car je dois dire que, dans les 
corpuscules ou cellules du parenchyme, il est parfois très difficile 
de reconnaître ce noyau ; à plus forte raison, devient-il très délicat 
de suivre les transformations qu’il éprouve. On sait cependant 
que, habituellement, le noyau frappe tout d’abord, et souvent il 
frappe le plus. Plus tard , quand le spermatozoïde apparaît dans la 
cellule, c’est la tête qui paraît la première , et il est naturel de la 
considérer comme le noyau de la cellule, et surtout de la regar- 
der comme originaire du noyau. 

Je le répète, je n'ai pas pu voir cet allongement du noyau pour 
produire la queue. 

Est-ce à dire que je m’oppose absolument à l'opinion de M. Kül- 
liker? Nullement}, car je professe trop d'estime pour ses travaux ; 
sans avoir une opinion arrêtée, je me garderais bien de m'élever 
contre une manière de voir qui n’a rien d’étrange, et j'ajoute 
même que de toutes les explications sur la formation des sperma- 
tozoïdes, c’est celle qui est la plus simple et la plus naturelle. Je dis 
seulement que les faits que j'ai pu observer n’ont pas été une dé- 
monstration ; mais aucune des particularités de mes observations 
ne s'oppose directement à la théorie que je viens d'analyser. Ilm’a 
paru toujours qu'entre le spermatozoïde enfermé dans la cellule 
et la cellule seule, il y avait un passage que je ne pouvais saisir (A). 

A part cela, il paraît indubilable que toutes les cellules produi- 
sent un filament spermatique. En effet, on rencontre des cellules 
sur les côtés desquelles on ne peut méconnaitre une tête de sper- 

(4) Dans quelques cellules (voyez Ann, des sc. nat., 4° série, Zoo., t. VIT, 


pl. 5, fig. 8,g), un double contour se voyait, et l'on pourrait peut-être le regar- 
der comme une preuve de la présence de la queue dans l'intérieur de la cellule. 


186 M. LACAZE-DUTHIERS. 

matozoïde (4); et parmi les cellules et les spermatozoïdes bien 
libres , il est presque impossible de ne pas trouver des filaments 
qui se délachent et qui portent encore la cellule, soit sur le côté , 
soil en avant. On trouve même des cellules qui semblent prolon- 
gées par une queue (2). 

En résumé, le parenchyme sécréteur des deux glandes génitales 
est cellulaire. Le volume, la teinte et l'apparence des cellules des 
deux côtés sont un peu différents; et déjà on peut, quand il est 
développé, reconnaitre le sexe, qui ne se caractérise cependant dé- 
finitivement que lorsque les éléments œuf et spermatozoïde sont 
parfaitement formés. 


Est-il possible de pousser ce parallèle plus loin ? Je ne le pense 
pas. lei encore je n'aurais qu’à répéter les considérations générales 
auxquelles je me suis livré dans mon travail sur les sexes des Acé- 
phales. 

Ilne me semble pas qu'il soit possible de croire, comme des mé- 
imoires récents ont cherché à le prouver, qu'il y ait un œuf mâleet un 
œuf femelle. Ne transformons pas le sens des mots les plus ancien- 
neinent connus dans nos sciences naturélles déjà assez embrouillées 
par les synonymies et les variétés de langage que chacun veut 
apporter. 

On a beau reculer les limités des analogies , toujours on sera 
forcé de reconnaitre que les produits du mâle et les produits de la 
femelle sont essentiellement différents. Que l’on combine de toutes 
les manières possibles les comparaisons, et l’on ne fera point que 
le spermatozoïde, qu'il soit l'atialogue pour les uns de la grañu- 
lation vitelline, pour les autres de la tache germinätivé, peu im- 
porte, on ne fera pas qu'il ne jouisse de propriétés tellement 
dissemblables à celles de l'œuf, que celui-ci ne puisse se développer 
Sans SON SECOUrS. 

Pour moi, je conserve le noi d'œuf à une sphérule organique 
dont la composition s’est jusqu'ici présentée la même dans tous les 
animaux ; et qui, lorsqu'elle est soumise au contact de la liqueur 

(1) Voyez Ann. des se. nat., 4° série, Zoou., . VIE, pl, 5, fig. 10 (cg). 

(3) Ibid., le cf. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 187 
inàle , commence à produire un organisme nouveau. Quoi qu'on 
fasse, lé mot œuf entraîne dans l’esprit plusieurs cellules em- 
boïtées et enfermant un vitellus, et se rapportant à des êtres 
d’un sexe nommé femelle (1). Or, appeler œuf mâle une cellule 
qui présentera peut-être quelques traits de ressemblance dans les 
différents stades de son développement, c’est porter dans les idées 
la confusion et le trouble bien gratuitement, pour chercher une 
unité qui, on a beau faire , n'existe pas. Les dispositions orga- 
niques seraient-elles démontrées, ce qui n’est pas , que le produit 
des glandes màles resterait différent par ses propriétés du produit 
des glandes femelles. 

Je vois deux cellules productrices fort semblables au fond, je 
veux bien l’accorder , bien qu'il y eût peut-être encore quelques 
différences à établir, et je les trouve formant chacune, dans son 
intérieur, un produit nouveau tout à fait différent par ses propriétés 
et par le rôle qu'il joue. L'un doit, après son contact avec l'autre, 
reproduire l'organisme; l'autre n’a qu'un rôle transitoire , il fait 
commencer l'évolution du premier. Pour moi, l’analogie s’arrêle à 
la cellule productrice ; qu'on montre dans le prétendu œuf mâle 
une tache germinative, une vésicule transparente l’enfermant, et 
un vitellus entourant celle dernière, et alors peut-être y aura-t-il 
à modifier l'opinion soutenue ici. 

Le produit du travail est d’une part l'œuf, de l'autre le sperma- 
tozoïde ; quant à l’analogie entre le spermatozoïde et la granulation 
vilelline ou tous autres éléments, je ne la trouve nulle part. Il 
y a bien des opinions, mais chaque auteur donne une interpré- 
tation différente des analogies: 

Je n'approuve rien {ant que la recherche des lois tirées des rap- 
prochements ; mais je erois qu'il estun moment où l’on doit s’ar- 
rêler, et que les fonctions si différentes, si particulières, des élé- 


(4) Je ne suis pas sans comprendre que les faits de parthénogénèse nouvelle- 
ment observés et publiés par M. Von Siebold et autres pourraient ne pas s'accor- 
der avec la première parlie de cette sorte de définition de l'œuf ; mais chacun 
sentira que je veux indiquer d'une manière générale les phénomènes princi- 
paux qui caractérisent l'œuf, D'ailleurs nous sommes loin d'avoir encore le der- 
nier mot sur les observalions dé pirthénogénèse. 


188 H. LACAZE-DUTHIERS, 


ments sexuels doivent nous montrer que tout, dans les organes de 
la génération, est semblable ou analogue dans les deux sexes , 
jusqu’à la cellule qui produira l'œuf d'une part, le spermatozoïde 
de l’autre , éléments distincts par leurs fonctions et leur rôle, et, 
par conséquent, tout à fait différents par leur composition. 


IT, 


ORGANE DE DOJANUS. 


Il ne reste à décrire qu’une seule glande pour avoir terminé le 
tableau général de l’organisation du Dentale. Cette glande, dont les 
fonctions sont peu déterminées, est en rapport avec les glandes 
génitales. Cela explique pourquoi sa description trouve place ici. 

Par sa structure comme par ses rapports et sa position, elle pa- 
raît être l’analogue d’un organe qui , dans les Acéphales lamelli- 
branches, a été pris par Bojanus pour un poumon, et qui, en raison 
des travaux de cet auteur, est souvent désigné par les noms d’or- 
gane, corps ou sac de Bojanus (1). 

Je dis que cet organe paraît être l’analogue de celui que l’on dé- 
signe ainsi chez les Acéphales, car ilne peut être rapporté à aucun 
des appareils décrits dans les études précédentes. 

Par voie d'exclusion , on est donc presque conduit à admettre 
cette analogie, puisqu'on ne voit pas à quelle fonction on pourrait 
lerapporter ; d’ailleurs son étude anatomique montrera, mieux que 
pe pourraient le faire des considérations générales , la vérité de 
l'assertion. 

M. W. Clark l’a décrit comme le foie, et il en a fait une dépen- 
dance de l'appareil de la digestion. Il suffisait de voir les deux 
orifices circulaires qui portent au dehors les produits, pour être 
assuré du contraire. Mais ce qui combat plus victorieusement 
l'opinion du naturaliste anglais, c’est la description détaillée qui a 
été déjà donnée des organes de la digestion, et du foie en particu- 
lier. Cette opinion , du reste , devenait forcée pour l’auteur, Com- 
ment, en effet, après avoir pris le foie pour les branchies, ne 


(1) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zoou., t. IV, Mémoire sur l'organe de 
Bojanus des Acéphales lamellibranches, par H, Lacaze-Duthiers. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 189 


pas considérer cette glande jaunätre qui entoure l'anus comme une 
glande de la digestion. Une première erreur conduit souvent à 
une seconde : c’est toujours comme cela. On verra, je l'espère, 
après la description, que l'opinion de M. Clark n’est véritable- 
ment pas soulenable. 

Il est facile de faire l'anatomie descriptive de la glande de Boja- 
nus maintenant que l’on connait toutes les parties qui l’en- 
fourent. 

La glande, placée immédiatement en arrière du talon du pied et 
du diaphragme postérieur (4), entoure le bulbe anal et le rectum , 
et touche en arrière à l’extrémité antérieure des organes de la gé- 
nération. Elle forme les parois supérieures ou dorsales du sinus 
péri-anal ; aussi quand on a ouvert celui-ci, on voit ses cæcums à 
découvert. Elle est en rapport encore avec l’extrémité antérieure 
du foie; mais elle s'étend un peu plus en avant sur les côtés et au- 
dessus que les cæcums de celui-ci; on la voit remonter un peu de 
chaque côté du talon du pied. Tous les éléments sont réunis en 
masse, et occupent l’espace que limitent en avant la cavité viscé- 
rale où est le paquet intestinal, et en arrière les organes génitaux. 

Cetle position de la glande suffit seule pour faire connaître ses 
rapports ; elle suffit surlout si l’on a présentes à l’esprit les pré- 
cédentes descriptions des autres parties de l'organisme. 

La couleur est d’un jaune roussâtre, mais un peu différente de 
celle du foie, qui est aussi roussâtre, moins jaune et plus terre de 
Sienne. Elle est assez distincte pour que les deux glandes se re- 
connaissent facilement, et ne puissent se confondre quand on 
connaît bien leur position respective. Cette couleur, du reste, 
comme cela arrive toujours pour les glandes de cette nature , est 
très variable avec les individus ; elle tient, comme on le verra, aux 
éléments dont le nombre influe sur l'intensité de la teinte. 

Le corps de Bojanus se compose de culs-de-sac sécréteurs 
empilés les uns sur les autres autour d’une partie qui semble for- 


(4) Voyez les planches relatives à la circulation, où quelques figures montrent 
l'organe de Bojanustrès bien en position, avecses formes, ses rapports naturels, 
et en particulier la figure 4 (H) de la planche 2 du tome VII des Annales des 
sciences naturelles, Zoovocie, 4° série. 


190 ‘ NH. LACAZE-DUTBHIERS. 


mer comme un sac, une poche ; ces culs-de-sac ou ces cæcums 
sont irréguliers et fort inégaux, de sorte que la surface de la 
glande, prise en masse, est pleine d’inégalités, et les cæcums eux- 
mêmes sont tous bosselés (1) et comme boursouflés. 

La glande n'a pas de canal excréteur ; un pelit orifice rond, 
entouré de fibres cireulaires concentriques formant un véritable 
sphineter (2), s'ouvre directement en dehors sans être continue à 
un canal. On voit qu'il en est ici tout à fait de même que dans les 
Acéphales lamellibranches. 

J'ai déjà eu l’occasion d'indiquer la place et les rapports de cet 
orifice. Jl est en dedans et en arrière de l’orifice, en forme de bou- 
tonnière formée par deux muscles en éventail qui fait communi- 
quer l'appareil de la cireulation avec l'extérieur ; mais, en outre, il 
est tout à côté du sinus péri-anal , dans l'angle ou mieux dans la 
courbe qui résulte de l'union de la branche de bifureation du vais- 
seau palléal moyen inférieur avec le sinus péri-anal. 

Habituellement ces oriliees sont fermés et disparaissent. Ils 
échappent à lobservation sur les animaux vivants; mais on les 
voit très facilement quand l'animal est mort, et que ses tissus 
sont relàchés. Le meilleur moyen pour les reconnaitre est de 
presser un peu sur les parties latérales du corps ; le parenchyme 
glandulaire les fait découvrir aisément en s'échappant sous les plus 
légères pressions , car il est très allérable, 

La circulation n'offre pas ici les rapports remarquables qu’on 
trouve dans la plupart des Mollusques, surtout dans les Acéphales. 
Dans ces derniers, un système de vaisseaux afférents et efférents 
traverse le corps de Bojanus, et met en communication, en servant 
d’intermédiaire, le système veineux général avec les branchies. Je 
n'ai trouvé (3) qu'un seul vaisseau avec quelques ramifications 
qui se distribuent au milieu des acini, et qui naît de la branche de 
bifurcation du vaisseau palléal moyen, dans le point où celle-ci 


(1) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zooc., t. VIL, pl. 2, fig. 4 H, et pl. 5, 
fig. 1 H. 

(2) Zbid., pl. 2, fig. 3 (+). Dans cette planche, destinée à la circulation, les 
rapports de l’orifice sont très nettement marqués. 

(3) Zbid., pl. 3, fig. 4 (m'). 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 194 
plonge dans le sinus péri-anal. Au fond du sinus péri-anal, on 
trouve (1) bien quatre lacunes qui pénètrent dans l'organe et que 
les injections remplissent toujours; mais il y a loin de cela au sys- 
tème fort complet et complexe de vaisseaux qui traversent la glande 
dans les Acéphales. 

Faut-il considérer le vaisseau qui est placé sur les côtés, et qui 
s’abouche avec la branche du vaisseau palléal, comme un système 
efférent? Cela se pourrait, et le rapport avec la branchie devien- 
drait plus caractérisé ; mais, à coup sûr, c’est chercher bien loin 
une analogie. 

Ne trouve-t-on pas ici une nouvelle preuve de l'irrégula- 
rité et du peu de développement de l'appareil circulatoire? N'y 
a-t-il pas à quelque chose de tont à fait anormal , et qui coïncide 
avec ce que nous ayons pu observer dans le reste de l'organisme ? 

Les orifices du corps de Bojanus et de la circulation sont extrè- 
mement rapprochés; el avant d’avoir des notions complètes sur 
l'organisation du Dentale, j'étais embarrassé sur leur véritable 
nature ; plus tard l'examen des embryons et l'étude microsco- 
pique m'ont montré que ces orifices sont, quoique moins évidents, 
toujours faciles à ne pas confondre. 

La poche du côté droit reçoit l'oviducte ou le canal déférent , 
et c’est par l’orilice qui lui correspond que sortent les produits de 
la génération (2). 


La structure du corps de Bojanus n’esl pas moins simple que sa 
disposition anatomique. 

Pour étudier les éléments, il suffit de prendre un Dentale, de 
presser un peu avec une tête d'épingle sur les côtés du corps, et 
d’aspirer avec une pipette les produits qui sortent par les orifices ; 
mais il faut ouvrir le corps d’un animal, vivant si l’on veut être 
assuré de connaître la structure dans son état naturel, car l'altéra- 
tion est très prompté. Pour voir les éléments en place, il faut se hâter 
beaucoup, parce que l’animal, en se contractant, chasse au dehors 
les parties parenchymäteuses. J'ai rencontré des Dentales qui 


(4) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zoor., t. VIT, pl. 2, fig. 4. 
(2) /bid., pl. 4, fig. 4 (c) 


192 H. LACAZE-DUTHIERS. 


n'avaient plus trace de matière glandulaire ; le sac de Bojanus 
méritait bien alors son nom. Il était complétement vide. 

Les éléments glandulaires (4) sont des corpuscules fort gros, 
parfaitement sphériques quand ils sont sortis du corps et qu'ils 
ont été soumis à l'endosmose. Ils sont empilés les uns sur les autres 
comme de petites sphères ; lchement unis, ils doivent être à peine 
cohérents entre eux dans le fond des culs-de-sac. 

Ils sont formés d’une membrane mince, véritable cellule rem- 
plie de globules jaunâtres tout à fait sphériques, d’un volume assez 
considérable, qui ne permettent de les considérer comme des gra- 
nulations. On voit des cellules bourrées de ces corpuscules être , 
par suite de cela, bosselées à leur surface. 

Ces corpuscules eux-mêmes sont remplis de granulations jaunà- 
tres qui donnent la teinte au parenchyme, ou tissu de la glande (2). 

Au milieu de ces cellules remplies de matière jaune, on en trouve 
d’autres très transparentes, n'offrant qu’un noyau et quelques gra- 
nulations jaunâtres, point de départ sans doute des corpuscules qui 
plus tard rempliront la vésicule (3). 

Dans les Mollusques acéphales lamellibranches, le parenchyme 
est parfaitement cellulaire ; et les cellules, assez chement unies, 
sont très facilement séparables ; pour peu que la mort arrive, on 
voit la glande se déliter littéralement en sphérules isolées. Jai eu 
l'occasion d'insister longuement sur ces faits dans un autre travail. 
Toujours la couche glandulaire est tapissée par une dernière couche 
de cellules chargées de cils vibratiles , quelquefois extrémement 
vifs et très développés. Icije n’aipu voir ces mouvements ciliaires ; 
serait-ce que des sphérules trop développées masquent les cils ? Je 
ne saurais le dire : quoique n'ayant pas vu ce mouvement, l’analo- 
gie engage cependant à penser qu'il doit exister ; il se peut aussi 
que la facilité avec laquelle se détruit le parenchyme glandulaire 
soit pour quelque chose dans la disparition du mouvement. 

Ces éléments tapissent, en formant une couche assez épaisse, les 
parois des culs-de-sae, dont je n’ai pu voir la structure, et qui me 


(4) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zooz., t. VIL,Xpl. 5, fig. #4, 5. 
(2) Ibid, fig. 4. 
(3) Ibid, fig. 5. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 193 


paraissent anhisles ; dans beaucoup de cas, ils arrivent sur la 
paroi de la poche jusque auprès de l’ouverture, en sorte que toute 
l'étendue de l'organe sécrète. 

Tel est l'organe de Bojanus dans le Dentale. Je ne puis lui trou- 
ver d'analogie avec aucun autre organe. En effet, quelle glande, 
dans un organisme mollusque, se trouve placée symétriquement de 
chaque côté du corps, et s'ouvre à l'extérieur? Quelle est celle qui 
est composée d'éléments cellulaires aussi gros et aussi évidents ? 
I me paraît indubitable que ces glandes ne peuvent être considé- 
rées autrement que nous ne l'avons fait. 

Cependant elles offrent de notables différences avec les mêmes 
parties dans les Acéphales ; mais ces différences sont la con- 
séquence de variations organiques que présentent toutes les autres 
parties. Ainsi, ici, pas de péricarde, par suite pas d’orifices ou de 
communications péricardiques. 

Quelles sont les fonctions de l'organe de Bojanus ? Il n'y 
a rien ici de particulier qui puisse nous permeltre d'émettre 
une opinion plus absolue et plus catégorique que dans les Acé- 
phales. 

Je n'ai jamais rencontré de cristaux ou de concrétions comme 
dans ces derniers. Je pense néanmoins qu'il est un organe dépu- 
raleur, un organe analogue au rein, ainsi que cela est admis par 
beaucoup de naturalistes pour les Acéphales. 

Dans les Acéphales lamellibranches , j'avais fait la remarque 
que le développement de l'organe de Rojanus était dans un rap- 
port à peu près constant avec celui des organes génitaux, et 
cela m'avait engagé à émettre l'opinion que peut-être une sécré- 


lion utile aux fonctions de génération pourrait bien se passer 


dans son intérieur ; l'ouverture fréquente des organes de la repro- 
duétion dans leur intérieur me conduisait à cette manière de vor 
que, dans aucun cas, je ne considérais, bien entendu, comme 
exclusive. Chez le Dentale, il ne m'a paru y avoir aucune liaison 
entre le développement des deux glandes. 


lei 5e termine l'étude de l'organisation du petit être qui nous a 
si longuement occupés. 


$" série. Zooz. T, VIL (Cahier n° 4 ;! 13 


194 H. LACAZE-DUTRIERS. 


L'anatomie, poussée très loin, nous montre déjà quelques rela- 
tions zoologiques importantes dont nous pourrions commencer 
l'examen ; mais il semble nécessaire de confirmer les faits que 
Panatomie descriplive nous a fait connaître par ceux que l’embryo- 
génie va nous dévoiler. Dans ce qui précède, l'anatomie s’est con- 
firmée par elle-même, l'imperfection de tel ou tel organe ne 
pouvait être suivie de la perfection de tel autre ; aussi, en étu- 
diant scrupuleusement toutes les parlies, avons-nous vu que ce 
qui semblait manquer dans un point du corps était accompagné 
d’une imperfection toute semblable dans un autre. C’est ainsi que 
la cireulation n’est pas seulement imparfaite dans une partie , 
mais qu’elle l’est encore dans toutes les autres. L'imperfection 
de l'appareil de la circulation s’est trouvée comme démontrée 
par l'état rudimentaire de celui de la respiration : c'est là ce que 
l'on peut appeler la confirmation de l'anatomie par l'anatomie. 
Nous allons trouver les nouvelles preuves en cherchant toutes 
les transformalions par lesquelles passe le jeune animal pour 
arriver à son entier développement. 


VIT. 


EMBRYOGÉNIE. 


A ma connaissance, il n’y a pas eu de travaux publiés sur l’em- 
bryogénie du Dentale, je n'aurai donc qu’à rapporter les faits que 
j'ai observés. 

L'embryogénie des Mollusques, longtemps abandonnée, fait tous 
les jours des progrès, et les publications se multiplient de plus 
en plus. 

Les éludes du développement, longtemps circonscrites, à 
quelques animaux supérieurs, aux vertébrés, sont devenues 
cependant plus générales ; et l'intérêt qui s'attache à la connais- 
sance de l’organisation des animaux inférieurs s’est accru beau- 
coup quand on a cherché à connaître leur évolution embryon- 
naire. 

On est loin de pouvoir dire encore, en réunissant en un seul 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 195 


faisceau tous les faits relatifs à l’'embryogénie des Mollusques, que 
l'évolution est caractérisée dans cet embranchement par telle ou 
telle particularité ; ce serait trop se hâter que de vouloir encore 
formuler le caractère de l'embryon du Mollusque. I faut plus 
d’une recherche pour trouver d’abord le trait d'union entre tous 
les types de l’embranchement, et ensuite la différence de l’em- 
branchement avec les autres animaux. 

Déjà des travaux importants ont été publiés. Il suffit de citer 
Carus, de Quatrefages, Vogt, Lovén, Koren et Danielssen, Carpen- 
ter, Van Beneden, Kôlliker, Gégenbaur, Krohn, Claparède, ete., 
pour montrer que les questions relatives à cette étude ont occupé 
les hommes les plus éminents, et qu’elles sont, comme je le disais, 
pleines d'intérêt. 

Ilme paraît inutile de faire un historique des faits observés par 
ces auteurs. 

J'aurai sans doute l’occasion de comparer quelques-uns des 
résultats obtenus par les naturalistes dont je viens de citer les 
noms avec ceux que le Dentale m'a fournis; mais je m’abstiendrai 
de trop étendre ces comparaisons. 

Il est cependant des travaux qui présentent quelques faits 
ayant de l’analogie avec ceux que l'embryon du Dentale m'a offerts. 
Is se rapportent aussi à des êtres singuliers vers lesquels il a 
toujours été intéressant pour les naturalistes dé diriger leurs 
études. Je veux parler des Oscabrions, des Ptéropodes et des 
Hétéropodes, qui ont été l’objet des études de MM. Lovën (1), 
Gegenbaur et Krohn (2). 

I y aurait peut-être à revenir, en traitant des rapports z0olo- 
giques, sur quelques-uns des faits présentés dans ces mémoires, 
et de montrer quelle analogie existe entre les jeunes embryons 
de l’Oscabrion (Chiton) et les larves du Dentale; mais cela nous 
éntrainerait bien loin. 

Le Dentale, lui aussi, est un de ces types particuliers dont l’em- 

(4) Voyez Lovén , Ofversigt af kongl. Vetenskaps-Academiens Forhandlingar. 
Traduction en allemand de M. Troschel : Ueber die Entwickelung von Chiton. 


(2) Voyez Gegenbaur, Untersuchungen über Pteropoden und Heteropoden, et les 
articles du docteur Krohn dans Archiv fur Anatomie and Physiologie de Müller, 


196 H. LACAZE-DUTUIERS, 


bryogénie ne pouvait manquer d'avoir de l'importance , car on a 
tout lieu de penser qu’elle peut éclaircir non-seulement les faits 
principaux de l’organisation, mais encore de faire connaître les rap- 
ports zoologiques. On verra que par certaines de ses formes l’em- 
bryon du Dentale semble devoir justifier quelques-unes des opinions 
émises par les anciens naturalistes en ce qui touche sa position 
dans les cadres zoologiques ; mais en suivant le développement dans 
toutes ses périodes , on ne farde pas à être convainçu que s'ily a 
quelques analogies éloignées, elles disparaissent pour faire place 
définitivement à des dispositions que l’on a vues dans l’animal 
adulte, et qui ont conduit M. Deshayes à placer avec juste raison 
le Dentale dans le groupe des Mollusques (1). 

L’embryon du Dentale est un de ces exemples faits pour l’étde 
du développement ; on l'élève avec la plus grande facilité, el son 
observation est des plus simples, quand on connait ses mœurs. 

Aussi ai-je pu, en partant de l'œuf, arriver jusqu'à de jeunes 
animaux présentant tous les organes de l'adulte. IIS vivent avec 
tant de facilité, que je les ai transportés des côtes de Bretagne 
sur celles de la Normandie, et de là à Paris, où je les ai montrés à 
MM. Milne Edwards et de Quatrefages. J’indiquerai dans le cou- 
rant du travail comment il faut s'y prendre pour étudier les diffé- 
rentes périodes du développement. 

On est dans l'habitude d'indiquer heure par heure, et même mi- 
nute par minule, les progrès du développement dans les premiers 
moments qui suivent la fécondation; je ne crois cela d'aucune im- 
portance. J'ai la conviction bien acquise que tel ou tel changement 
se passe différemment suivant les conditions extérieures ; aussi 
n'est-ce point le lemps qui me parait devoir servir à marquer les 
périodes du développement , mais bien l'apparition de certaines 
parties de l'organisme, qu’elles soient transitoires ou constantes. 

Voici comment on peut, je crois, diviser le développement de 
l'embryon du Dentale. On trouve quatre périodes principales bien 
distinctes : 

La première correspond à tous les phénomènes qui se passent 


{4)- Voyez loc. cit. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 197 


depuis la ponte, jusqu’à ce que le fractionnement soit compléte- 
ment lerminé. 

La seconde commence au moment où les organes de la locomo- 
tion se montrent, je veux dire les cils vibratiles; elle se termine 
quand se forme un organe nouveau, solide, la coquille. 

La troisième comprend tous les changements survenus dans l’or- 
ganisation, à partir du moment où la coquille a commencé jusqu’à 
celui où l'animal ne nage plus, et où son pied devient seul organe 
de la locomotion. 

Enfin la quatrième el dernière période commence au moment où 
l'animal cesse de nager pour se traîner au fond de l’eau. A partir 
de cette époque, qui est illimitée, nous prendrons successivement 
chaque organe pour en suivre les modifications. 

Si l’on voulait caractériser chacune de ces périodes par un seul 
mot, on pourrait dire que dans la première l'animal, ou le germe, 
est immobile, que dans les deuxième et troisième il nage, qu'enfin 
dans la quatrième il rampe. 

Je préfère ce mode de division de la vie embryonnaire à celui 
qui est basé sur le temps; il a un avantage très grand; en effet, il 
peut servir de guide dans les recherches. A l'œil nu, on peut dis- 
tinguer toujours les œufs immobiles et les embryons qui nagent ; 
ceux-ci ne peuvent plus être confondus avec ceux qui rampent au 
fond de l’eau : en sorte qu’il est toujours facile’, quand on a plu- 
sieurs vases où vivent des jeunes Dentales, de reconnaitre tout de 
suite dans quelle période se trouvent les jeunes animaux. 

Est-ce à dire qu'il ne soit point nécessaire d'indiquer la durée 
de ces périodes ; non, cela deviendrait de l’exclusivisme systé- 
matique, et l’on doit éviter tout ce qui est trop absolu. 

L'évolution embryonnaire ne commençant qu'après l'influence 
réciproque des produits mâle et femelle, nous aurons à nous occu- 
per d’abord de la fécondation. 


198 H, LACAZE-DUTHIERS. 


ARTICLE [°. 


Fécondation. 


Les circonstances accompagnant la ponte et l'émission du 
sperme servent beaucoup dans l'étude de la fécondation , elles 
seront indiquées avec soin dans l'étude des mœurs. 

En saisissant les œufs au moment de leur sortie du corps de 
l'animal, et les portant immédiatement sous le microscope, on 
peut assister à leur rencontre avec le spermatozoïde. 

D'abord l'œuf est isolé ; il est bientôt entouré d’une multitude 
de spermatozoïdes. Dans cet examen bien curieux , on acquiert 
la conviction que, s’il y a une partie active dans le sperme, c’est 
bien le spermatozoïde tout seul ; car il arrive au contact de l'œuf, 
après avoir traversé une couche épaisse d’eau, et s'être lavé et 
débarrassé du liquide qui faisait partie de la semence, et au milieu 
duquel il avait primitivement flotté. 

Mais aujourd'hui il n’est plus douteux pour personne que le 
spermatozoïde ne soit réellement la partie active ; les belles expé- 
riences de MM. Prévost et Dumas avaient déjà parfaitement éclairé 
ce point. 

Du reste, le Dentale se trouve dans les mêmes circonstances 
que les Mollusques acéphales lamellibranches dioïques ; j'ai déjà 
présenté, à cet égard, quelques considérations dans l'étude des 
organes de la reproduction des Acéphales ; je ne les répéterai 
point ici (4). 

Mais une question imporlante à tous égards, qui a beaucoup 
occupé dans ces dernières années, el qui occupe encore, c’est celle 
de la pénétration du spermatozoïde dans l'œuf. 

Les auteurs anglais et allemands ont publié de nombreux tra- 
aux pour répondre à cette question, qui semble aujourd'hui déci- 
dée en faveur de l’affirmative. Il parait établi d’après eux que le 
filament mâle s’introduit dans le vitellus, et que la fécondation 
est alors, mais seulement alors accomplie. 


(1) Voyez Ann. des sc. nat., &° série, Zoo, t. I, ou mon Voyage aux iles 
Baléares, dans lequel se trouvent aussi ces mêmes observations. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 199 

Sans reprendre tout ce qui a été dit sur cette question (1), à la 
solution de laquelle les noms les plus considérables se trouvent 
attachés, je dirai cependant un mot des principales données qui 
ont servi de base à la discussion. Il me semble que la détermina- 
tion peu fixée, et peut-être peu exacte, de quelques parties de l'œuf 
a fait naitre les discussions ; je les indiquerai, afin de mieux faire 
sentir comment j'entends la question. 

Barry avait déclaré, en 1840, qu'un orifice existait dans la 
membrane vitelline ou zone pellucide de l'œuf du Lapin, et qu'il 
avait aperçu dans cet orifice quelque chose qui ressemblait à un 
spermatozoïde. Plus tard, ce quelque chose de peu distinct de- 
vint un spermatozoïde. Personne n’en crut rien. En 1852, un 
auteur anglais, Nelson, prétendit avoir vu pénétrer le spermato- 
zoïde dans le vitellus dépourvu d’enveloppe d'un Ascaride. Enfin, 
en 1853, G. Newport, après avoir critiqué l'opinion de la péné- 
tration, s'y rangea, el dit avoir va les spermatozoïdes se diriger 
vers le centre de l'œuf, et cela sous les enveloppes de l'œuf de la 
Grenouille. 

L'Allemagne s’occupait aussi de la question. Le docteur Keber 
publiait un livre pour expliquer la fécondation par la pénétration de 
l'élément spermatique. L’embryologiste Bischoff ne pouvait rester 
en arrière dans la discussion qui commençait à s'engager sur le 
terrain de ses études spéciales ; il fit paraitre d’abord un travail 
ayant pour but la réfutation des opinions des Anglais; Keber y fut 
traité comme un charlatan. Mais plus tard Bischoff revint sur sa 
manière de voir, et publia un pelit livre pour prouver que Barry 
et Newport avaient l'un et l’autre raison, et que l'honneur de la dé- 
couverte de la pénétration du spermatozoïde revenait à Barry (2). 

La discussion suscitée par cet important sujet ne pouvait rester 


(4) M. Édouard Claparède a publié, dans la Bibliothèque de Genève, un résumé 
très clair et fort bien fait des travaux qui se rapportent à la pénétration du sper- 
matozoïde. Ce travail a été traduit en anglais, et publié dans le Magazine of Na- 
tural History, avril 1856. 

(2) Bestætiqung des von D. Newport bei den Batrachiern und D' Barry bei den 
Kaninchen behaupteten Eindringens der Spermatozoïiden in das Ei. Bischoff. Gies- 
sen, 4854, 


200 NH. LACAZE-DUTHIERS. 


sur le même terrain; aussi vit-on bientôt les auteurs remonter au 
développement de l’œufpour avoir une connaissance plus exacte du 
phénomène. Leuckart, Johannes Müller et son fils Max, Meissner, 
sont les premiers anatomistes qui ont fait connaitre ce qu’aujour< 
d'hui on est convenu d'appeler le micropyle de l'œuf, nom em- 
prunté à l'anatomie de l’ovule végétal, et qui rappelle exactement 
la même idée, l’idée d’un orifice dans les enveloppes. 

Des études considérables ont été faites dans ce sens , et toujours 
on a décrit le micropyle comme une chose parfaitement distincte 
par sa forme, sa position, ele. Le nombre même a été trouvé fort 
variable, et dans les Poissons l'enveloppe vitelline serait criblée 
d'une infinité de petits trous. 

C’est par cet orifice , ou ces orifices, par cetle petite porte , ou 
ce micropyle, que s’introduit plus tard le spermatozoïde. 

Aujourd’hui donc on ne discute plus sur la pénétration du sper- 
matozoïde observée directement; on cherche à montrer que l'œuf 
présente des conditions propres à cette pénétration. 

Mais il me semble bien important de résoudre tout d’abord 
une question : ce que l’on nomme le micropyle, est-ce une seule et 
même chose dans tous les animaux ? N’y a-t-il aucune différence 
entre les œufs pour leurs enveloppes, et peut-on donner à toutes 
les tuniques, qui portent un orifice, également le nom de membrane 
vilelline? Or il ne me paraît pas qu'avant d'entrer en discussion, on 


ait commencé par établir nettement la composition de l'œuf, et 


que l’on ait démontré l’analogie et la similitude des enveloppes 
dans les différentes espèces prises pour exemple. 

Je reviens donc encore sur la structure de l’œuf, et je trouve que 
tache germinative, vésicule transparente et vitellus, sont même 
chose pour tous ; mais qu'il y a des différences quand il s’agit des 
enveloppes. 

La zone transparente de l’œuf des Mammifères, par exemple, 
est-elle la membrane vitelline ; ou bien est-elle une seconde mem- 
brane extérieure à celle-ci? 

La question mérite à {ous égards une solution , et elle s'étend 
plus loin ; elle peut se transformer en celle-ci, plus étrange en 
définitive, mais à laquelle peut-être il faudra se ranger un jour : 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 201 


Ya-til, oui ou non, une enveloppe vitelline au moment de la 
ponte et des premières phases du développement ? 

Je n'ai point entrepris de recherches comparatives à cet égard, 
c’est un travail que je désire faire ; je r’oserais donc me prononcer 
en ce qui touche tous les animaux et généraliser , mais pour le 
Dentale et les Acéphales, et même quelques Gastéropodes, je crois 
que l'œuf proprement dit est enfermé dans une coque , qui n’en 
fait point partie intégrante. Comment, en effet, penser qu’il en est 
autrement, quand on voit de jeunes Dentales arriver à leur complet 
développement, après être partis d’un œuf dépourvu de cette enve- 
loppe, que quelques auteurs appellent vitelline , et à laquelle je 
crois qu'il est mieux de donner le nom de coque. 

Si je ne me trompe, Leuckart regarde comme élant l'enveloppe 
vitelline dans les Naïades (l’Anodonte, l'Unio) la membrane mince 
très éloignée , qui est séparée du vitellus par un liquide, et qui pré- 
sente un orifice pédiculé. Dans les Holothuries, J. Müller admet, 
au contraire, une enveloppe corticate percée d’un trou, et plus en 
dessous une membrane vitelline. 

Leuckart s'élève contre cette opinion, et veut voir dansla mem- 
brane corticale décrite par Müller une enveloppe vitelline, absolu- 
ment semblable à celle des Naïades, dont le mode de a vor 
est aussi semblable. 

En ce qui est du moins du Dentale et des Mollusques acéphales 
lamellibranches, je ne puis me ranger à l'opinion de M. Leuckart. 
En effet, j'ai vu des cas, dans les Dentales, où cette membrane était 
tantôt complète, tantôt déchirée, ou tantôt entièrement absente : 
or il n’est pas possible de croire que l'enveloppe intime du vitellus 
puisse ainsi se présenter dans ces conditions, sans qu’elles influent 
en rien sur le développement. 

Mais je trouve une opinion qu'on laisse trop de côté, et qui doit 
venir prendre place ici, c’est celle de M. C. Vogt. Ce naturaliste 
considérait le vitellus comme une masse de matière plastique, non 
entourée d’une membrane. 

Celte manière de voir est beaucoup plus importante qu’elle ne 
l'a probablement paru au premier abord , car elle peut servir à 
expliquer bien des choses. Je la cite, elle est déjà ancienne , et 


202 BH. LACAZE-DUTINERS. 
elle à paru à une époque où l’on s’occupait peu de la question qui 
nous intéresse en ce moment. 

« Nous n'avons pu nous convaincre de l'existence d’une véri- 
» able membrane vilellaire; nous sommes persuadé, au contraire, 
» qu’elle n'existe pas dans les œufs pondus de l’Actéon , et que la 
» forme sphérique et invariable de ces œufs est toujours due à 
» l’agglomération de la masse visqueuse et granuleuse qui compose 
» le vitellus, et non pas à une enveloppe particulière que nous 
» avons vainement cherchée. Traité sous le compresseur, le globe 
» vilellaire se comporte exactement comme une masse de suifsemi- 
» fluide; on laplatit, et, en l'écrasant, on le voit former des taches 
» étendues, graisseuses, sans forme particulière, dans lesquelles 
» on distingue des granules. Nous croyons que sont ces derniers 
» surtout qui donnent au vitellus cet aspect graisseux, et que l’on 
» peut définir très bien la substance vitellaire comme une masse 
» visqueuse, contenant des granules graisseux en abondance, ou 
» comme une émulsion très dense et très consistante. L’opacité du 
» globe sous le microscope, la couleur blanchâtre et laiteuse à la 
» lumière réfléchie, s'expliquent facilement de cette manière (1). » 

Je dois dire que je n'ose être aussi absolu que le savant profes- 
seur de Genève ; je ne saurais cependant cacher le doute qui reste 
dans mon esprit sur l’existence d’une membrane vitelline autre que 
celle dont j'ai déjà parlé et entourant le vitellus. Plus tard, une 
couche membraneuse existe; mais au moment de la ponte, il y 
aurait plus de raison en faveur de l’opinion de M. Vogt que pour 
l'opinion inverse. 

On comprend toute l'importance de ce fait, quand il s’agit de 
démontrer la pénétration du spermatozoïde. 

Dans les Naïades, l’enveloppe de l'œuf qui forme comme une 
coque, et qui est percée d'un trou, d’un micropyle pédonculé, est 
le résultat de l’accroissement, de l'agrandissement des cellules du 
parenchyme de l'ovaire , et le pédicule n’est autre chose que le 
point par où pend et reste attachée cette cellule; l’orifice n’est 


(1) Voyez C. Vogt, Embryogénie de l'Acléon (Ann. des sc. naL., 3° série, ZooL., 
t. Vl,p.24ret 22. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 203 


lui-même que la conséquence de la rupture de ce pédicule, quand 
l'œuf est détaché. 

Cette enveloppe ou coque ne prend jamais part aux phénomènes 
génésiques; c’est en dessous d'elle que se morcelle, se fractionne 
le vitellus ; c’est abrité par elle que se transforme l'embryon ; 
c’est sous elle qu'on le voit commencer à se mouvoir. Je ne 
puis done admettre qu'elle soit l'enveloppe vitelline; mais je 
comprends toutefois que, dans quelques cas, il soit très difficile 
de la distinguer du bord du vitellus , car elle peut être accolée sur 
lui, etassez rapprochée pour qu'elle semble le limiter exactement. 
On comprend pourquoi je dis et je crois maintenant qu'il faut en- 
treprendre une étude comparative sur les enveloppes de l'œuf. 

Si l’on admet avec nous que l'enveloppe dont il vient d’être 
question n’est pas l’enveloppe vitelline, on comprendra que les 
spermatozoïdes qui sont passés par son micropyle se sont rap- 
prochés, ilest vrai, de l'œuf, mais que cependant il ne faut pas les 
considérer comme ayant pénétré encore dans l'œuf lui-même. 

Je crois que, dans quelques cas, on a décrit la pénétration 
comme étant complète, parce que l’on a vu les spermatozoïdes sous 
la coque, et que, considérant celle-ci comme une membrane vitel- 
line, on à raisonné de la manière suivante : Puisqu'ily a des sperma- 
lozoïdes introduits sous l'enveloppe du jaune, il y a eu pénétration. 

La zone transparente des animaux vertébrés est-elle une mem- 
brane vitelline ou une coque comme celle des Unios, des Ano- 
dontes, du Dentale, seulement fort épaisse et en contact direct avec 
le vitellus? C’est à une question qui pourrait être résolue par la 
série des recherches comparatives que j'indiquais. 

On voit dès lors comment, à nos yeux, il faut entendre Ja 
question de la pénétration du spermatozoïde , en attendant que 
des recherches viennent l’éclairer d’un nouveau jour. Les travaux 
des auteurs nous ont fait connaitre l'existence de micropyles 
constants dans les Insectes, chez un grand nombre d’espèces, avec 
leur forme et leur nombre si variable ; mais il faut encore quelque 
chose de plus, il faut que les termes de la question soient plus 
explicitement posés : nous ferons donc connaitre maintenant ce 
qu'il nous a été donné d'observer dans le Dentale. 


204 H. LACAZE-DUTHIERS. 


Les filaments spermatiques sont d’une vivacité extrême ; ils 
traversent dans tous les sens comme des traits le champ du mi- 
eroscope. Bientôt ils arrivent autour de l'œuf (1), et tous se dimi- 
gent et tendent à pénétrer vers son centre. Après quelques instants, 
la coque est couverte de filaments dont la tête est dirigée vers le 
centre , tandis que la queue ondule à Ja circonférence. Tant que 
dure leur vitalité, les spermatozoïdes exécutent des mouvements 
d’ondulation comme pour pénétrer la membrane enveloppante. 

Cependant quelques-uns, en se déplaçant et tournant autour de 
l'œuf, rencontrent le micropyle; ils passent par son orifice, et 
arrivent entre la coque et le vitellus, où on les voit alors distincte- 
ment. J'ai maintes fois observé ce fait, et j'ai trouvé même des 
spermatozoïdes encore vivants entre la coque et le vitellus , celui- 
ci ayant déjà passé les périodes du fractionnement et étant couvert 
de cils vibratiles (2). 

Il m'a paru que ces spermatozoïdes introduits sous la coque 
avaient, eux aussi, une {endance à tourner leur tête vers le centre 
de la sphère vitellaire; mais iei le mouvement et la direction, en 
raison, sans doule, du peu d'espace, étaient et moins faciles à 
observer et moins évidents. 

Malgré ces faits, je n’affirme pas qu'il y ait eu pénétration. 
Pour avancer un fait comme celui-là, il faut avoir vu et revu plu- 
sieurs fois la même chose ; pour l’affirmer, il faut être très sûr de 
la chose, et je dis qu'il est bien difficile d'affirmer qu’une particule 
aussi pelite qu'un spermatozoïde a été vue dans une masse plas- 
tique aussi opaque que celle du vitellus du Dentale. Je ne sais si les 
œufs observés par les auteurs qui ont soutenu tour à tour que la 
pénétration avait eu lieu étaient transparents, et si le filament 
spermatique à été bien nettement distingué au milieu des granu- 
lations vitellines ; mais, pour moi, je n'ai jamais pu , malgré mes 
efforts , voir le spermatozoïde s’agiter au milieu de l'œuf même. 
Les auteurs ne se sont pas contentés, je pense, de considérer comme 
pénétration l'entrée des filaments sous l’enveloppe externe, sous 

(1) Voyez Ann. des sc, nat, 4° série, Zooz., L. VIT, pl. 6, fig. 1 : (sp), sper- 
matozoïde; (z), coque de l'œuf. 

(2) Zbid., fig. 42. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 205 


celle qui porte le micropyle; mais que, pour affirmer aussi expli- 
citement , ils ont vu le spermatozoïde s’agitant au milieu des gra 
nulations vitellines. 

On voit encore une fois l'utilité de la distinction entre la coque 
et la véritable membrane vitelline. 

J'ai dit que, dans quelques cas, l'œuf du Dentale se présentait 
tout à fait à nu et sans cette coque micropylifère; alors (4) les 
spermatozoïdes sont arrivés directement au contact du globe vitel- 
laire, ils ont pris la même position que dans les cas précédents. 
Toutefois ils m'ont paru bien plus nombreux autour des œufs sans 
coque qu’autour des œufs avec coque. Dans ce dernier cas , ils 
hérissaient à ce point le globe vitellaire, que les queues formaient 
par leurs ondulations comme une auréole autour d’un disque 
obseur. Les têtes étaient si serrées, que j'ai vu des spermatozoïdes 
relardataires arriver trop lard, ne plus trouver place, el ne pou- 
voir plus parvenir jusqu'au bord du vitellus, mais chercher tou- 
jours à s’introduire entre les autres. 

Si l’on rapproche ces faits de l'opinion de M. Vogt, on ne voit 
rien qui s'oppose à la pénétration du spermatozoïde dans cette pe- 
tite masse plastique qui constitue le vitellus; mais on ne peut 
s'empêcher de remarquer que peut-être le plus grand nombre des 
filaments autour du globe vitellaire nu était la conséquence d’une 
sorte d’empâätement dans le bord de la matière plastique. Je ne 
hasarde cette dernière réflexion que tout à fait sous forme de doute. 
Je n'ai pas pu prolonger assez longtemps les observations pour 
oser rien affirmer sur des questions aussi délicates. 

J'ai encore observé un fait digne de toute l'attention, sur les œufs 
qui étaient mêlés aux spermatozoïdes, et sur lesquelsle fractionne- 
ment et la sortie de ja gouttelette n'avaient pas encore commencé. 

Les œufs, lorsqu'ils viennent d’être pondus, sont parfaitement 
sphériques (2), et la plupartentourés d’une zone claire que limite la 
coque ; mais j'ai vu fréquemment , après l’arrivée des spermato- 
20ïdes (je crois du moins ne pas l'avoir rencontré avant), une sorte 
de proéminence vers l’un des pôles de la masse vilellaire formée 

(4) Voyez Ann. des sc, nat, 4° série, Zooc., t. VIT, pl. 6, fig. 2. 

(2) Ibid, fig. 1. 


206 H. LACAZE-DUTHIERS,. 


par quatre ou cinq petits montieules qui semblaientlaisser entre eux 
une dépression, une espèce de petit cratère , et en face de ce point 
se trouvait une matière granuleuse que l’on aurait dit sortir de 
l'œuf par la dépression (2). J'ai cru remarquer que dans cet endroit 
les spermatozoïdes, toujours assez rares, qui pénétraient sous la 
coque, étaient un peu plus nombreux que dans le reste du pourtour 
de la zone. Étaient-ils retenus dans une matière plus dense , ou 
bien se portaient-ils vers cet endroit ? Je ne saurais le dire. 

Cette dépression, entourée ainsi de mamelons, serait-elle le 
véritable micropyle, c’est-à-dire l'ouverture qui peut donner accès 
au centre de l’œuf? Si cela était, on comprendrait encore mieux 
l'utilité des recherches comparatives touchant la membrane enve- 
loppante. En effet , si cette dernière supposition était exacte, nous 
aurions iei deux micropyles, celui de la coque et celui du vitellus, 
et il serait important de s'entendre, et de savoir de quelle ouverture 
les embryologistes dont il a été question ont voulu parler. 


En résumé, je ne puis déclarer avoir vu le spermatozoïde au 
milieu des granulations vitellaires ; mais tout ce qu'il m'a été pos- 
sible d'observer est conforme à la pénétration. Si les auteurs se sont 
contentés dans leurs recherches de l'introduction sous la coque, j'ai 
vu autant qu'eux, j'ai vu ce que, dans ce cas, ils ont appelé la pé- 
nétration de l'œuf par le spermatozoïde; mais bien que tout dût me 
porter à admettre celte pénétration, j'ai eru qu'il était important 
de soulever un certain nombre de questions dont la solution, il 
n'en faut pas douter, contribuerait puissamment à résoudre les 
difficultés. La détermination exacte d’une enveloppe vitelline 
propre est l’une de celles qui méritent surtout l'attention des natu- 
ralistes, car on comprend que si celte enveloppe n'existait pas, le 
contact du spermatozoïde et du vitellus pourrait être tout aussi 
efficace sur ce dernier que sa pénétration , puisque le rapport des 
deux éléments serait immédiat. Les objections auxquelles l’opacité 
des granulations vitellaires donnera toujours naissance perdraient 
de leur importance, puisque aujourd'hui la pénétration sous la coque, 
percée d’un micropyle, ne peut faire de doute pour personne. 


(4) Voyez Ann. des sc. nul., 4° série, t. VIT, pl. 6, fig. 3 et 4 (a,a). 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE, 207 


Anricce II. 
A"e Période, — Fractionnement. 
$ I. Sortie des globules transparents. 


La sortie, avant le travail du fractionnement du vitellus, d’une ou 
deux petites masses de substance transparente, que les uns ontcon- 
sidérée comme des gouttelettes huileuses, que les autres ont regar- 
dée comme une des parties même de l'œuf, est un fait qui se géné- 
ralise aujourd'hui de plus en plus, à mesure que les études se 
multiplient davantage. 

M. Lovén (1), dans son étude étendue et détaillée du dévelop- 
pement des Acéphales lamellibranches, a, par de nombreuses 
figures, montré la forme et la position du corpuscule hyalin, M. de 
Quatrefages, dans ses différents mémoires d’embryogénie, a 
aussi souvent insisté sur cetle particularité. 

Qu'est-ce que ce pelit corps, cette petite masse de substance ? 
Voilà la question que j'agiterai sans la résoudre encore, en raison 
des difficultés qui se rattachent à sa solution. 

Dans quelques conditions pathologiques, on voit sur le pourtour 
de l'œuf comme de petites vésieules claires et transparentes qui 
sont, sans aucun doute, de la matière sarcodique exsudant à l’ex- 
térieur de la substance granuleuse du vitellus. Il y a une analogie 
complète entre cette substance sarcodique exsudée d’une manière 
anormale, et celle qui sort constamment au moment où l'œuf va 
commencer son évolution, L'apparence est la même évidemment 
dans les deux cas, mais la substance ne peut être identique, les 
cireonstances qui accompagnent sa sortie étant toutes différentes. 

Dans le Dentale comme dans beaucoup d'autres Mollusques , Ja 
gouttelette est très transparente ; tantôt elle est unique et tantôt elle 
ést double ; le plus souvent elle est double (2). 

Quelle est la cause de cette sortie ? On ne l’a observée le plus 
souvent que déjà au dehors de la masse vitelline, et cela parce que, 
ainsi que le fait très justement remarquer M. de Quatrefages, on 

(4) Voyez Lovén, Bidrag till Künnedomen om Utvecklingen Molluska lamelli- 


branchiatu. Kongl. Vetenskaps-Akademiens Handlingar, Stockholm, 4848, 
(2) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zoo, &, VIT, pl, 6, fig. # et 5 (b, b). 


208 NH. LACAZE-DUTBIERS. 


n'a pas fait de fécondations artificielles et suivi toutes les modifica- 
tions éprouvées par l'œuf depuis le moment de l’attouchement de 
l'œuf par le spermatozoïde. Sans avoir fait de fécondations artifi- 
cielles dans le Dentale (je n’en avais pas besoin), j'ai pu voir tout 
ce qui se passait depuis l’arrivée du spermatozoïde, et j'ai vu la 
sortie de la gouttelette (4). Il est bien difficile de dire quelle est la 
cause immédiate ; mais, quant à Ja cause plus éloignée, on avait cru 
pouvoir la trouver dans l’action du spermatozoïde sur l’œuf, et on 
la considérait comme la conséquence de la fécondation. Dans cette 
manière de voir, il est facile de s'expliquer cette sortie, surtout 
depuis que l’on admet la pénétration du spermatozoïde. Rien ne 
paraitrait simple, en effet, comme de voir s'échapper un peu de 
substance plastique du germe par l’orifice d'entrée du filament 
spermatique, à la suite des contractions et des alternatives de 
resserrement qu'éprouve l'œuf qui va se fractionner. 

Malheureusement cette explication tombe devant les faits que 
l'observation du Dentale m'a fournis. 

M. de Quatrefages disait dans son Mémoire sur l'embryogénie 
des Annélides : « Nous avons vu que la vésicule germinative dis- 
» paraissait spontanément chez les œufs non fécondés. Je regrette 
» aujourd’hui de ne pas avoir suivi avec plus de soin les circon- 
» slances de cette disparition, afin de m'assurer si elle présente des 
» circonstances analogues à ce qu’on observe chez les œufs fécon- 
» dés, etentre autres si le globule transparent se montre également 
» dans les cas de non-fécondation. J'appelle sur ce point l'attention 
» des observateurs (2). » 

Je puis en toute certitude affirmer qu’elle n’est pas la consé- 
quence de la fécondation, puisque je l’ai rencontrée dans la coque 
d'œufs pondus par une femelle isolée , et n'ayant pas été en rap- 
port avec les mâles. C’est une observation importante qu'il m'a 
été donné de répéter plusieurs fois. 11 faut cependant ajouter que 


(1) J'emploierai indifféremment le nom de goutteletle où de globule pour dési- 
gner ce corpuscule, bien que je n'aie aucune opinion arrêtée sur la nature des 
objets. 

(2) Voyez de Quatrefages, Ann. des sc. nat., 3° série, Zooz., t. X, 1848, 
p. 181, Sur l'embryogénie des Annélides. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 209 


la sortie de la gouttelette est moins constante dans le cas de non- 
fécondation, et qu'elle est aussi moins régulière. J'ajoute, pour ne 
laisser aucun doute sur la valeur des observations, que les œufs 
étaient tous trop frais pour qu'on put supposer une altération sem- 
blable à celle dont j'ai parlé plus haut. 

Je suis heureux de répondre, par les faits qui précèdent, à l’ap- 
pel que faisait M. de Quatrefages dans son travail sur l'embryogé- 
nie des Annélides. 

En examinant les œufs qui présentent à l’un de leur pôle le cône 
mamelonné, on serait tenté de croire que c’est du milieu de 
l'éminence de celui-ci que s’échappent les gouttelettes ; cependant 
jene l'ai point vu, et dans les figures qui accompagnent ce travail, 
on peut remarquer que la position des gouttelettes est compléte- 
ment à l'opposé du cône mamelonné. 

Quant à la nature, je ne trouve rien dans mes observations 
qui me permelle de penser que les gouttelettes sont ou les taches 
germinatives, ou la vésicule de Purkinje. Je laisse done de côté les 
supposilions qu'il serait facile de faire. 

Je remarque, en terminant, que j'ai employé les mots gout- 
telette, globule, petite masse sans attacher aucune importance au 
sens même du nom, désirant par ces expressions ne rien préjuger 
sur la nature. 


$ II. — Du fractionnement. 


M. de Quatrefages à rapporté que dans les Hermelles , avant la 
sortie de la goultelette, le vitellus était pétri dans un sens, puis dans 
un autre. I a donné (4) les figures des changements singuliers 
qu'éprouvait la substance. Je n’ai point observé des changements 
aussi étendus que ceux indiqués par le savant professeur, mais il 
Ma paru que le même phénomène se passait ici. Je n'ai point 
vu qu'il eût lieu avant la sortie de la gouttelette, mais j'ai re- 
marqué qu'il précédait le fractionnement : comme si l'œuf se pré- 
parait à ce nouveau travail. Ainsi j'ai suivi des œufs présentant 
la division en deux, puis en quatre, et, après un certain temps, ils 
élaient redevenas sphériques. Les parties blanches et claires ne 

(4) Voyez loc, cit., planche 3. 

4 série. Zooc, T. VIT, (Cahier n° #4 ) = 16 


210 H. LACAZE-DUTHIERS, 


uv’ont point paru se déplacer, comme M. de Quatrefages l’a observé 
pour les Annélides dont il nous a fait connaître l'histoire. 

Du reste, à cela près, le fractionnement suit la marche ordi- 
paire. Le vitellus se divise en deux, quatre, etc., sphères présen- 
tant toutes une tache blanchâtre vague où un espace plus clair à 
leur centre (4). 

J'ai remarqué aussi ce que, du resle, on commence à recon- 
naître généralement, qu'il y a une assez grande irrégularité dans la 
formation des sphérules vitellines. Les quatre, huit, seize sphé- 
rules primitives ne sont pas la conséquence de la division toujours 
par deux des sphères déjà formées. 

L'œuf ne se fractionne pas en deux parties égales : il y en a 
une qui est beaucoup plus grande (2), et quile plus souvent se sub- 
divise en trois, la seconde restant tout à fait étrangère à cette mul- 
tiplication. De à une certaine irrégularité qui persiste pendant la 
formation des sphères secondaires, et les sphérules correspondant 
À Ja masse la plus grande seront toujours inférieures à celles de la 
seconde. 

J'ai cherché à observer un fait qu'il n'avait été donné de recon- 
naître pour beaucoup d’autres Mollusques; ici il m'a été impos- 
sible de le constater directement ; je Yeux parler de l'apparition 
d’une partie périphérique et d’une partie centrale. 

M. C. Vogt (3) est le premier, si je ne me trompe, qui, dans son 
travail sur l’Actéon, ait insisté sur ce qu'il se forme deux parties pen- 
dant le fractionnement : l’une extérieure, qu'il a nommée périphé- 
rique, et l’autre centrale, naturellement englobée par la première, 

La distinction des sphères, ou globes vitellaires, en deux groupes 
ie paraît impossible à ne pas admettre. Dans les Acéphales et dans 
l'Huître (4) en particulier, je l'ai trouvée, sans aucun doute ; de 


(1) Voyez Annales des sciences naturelles, 4° série, Zooz., t. VIT, pl. 6, fig. 5, 
6,7,8. 

(2) 1d., fig. 5. 

(3) Voyez Ann. des sc. nat., 3° série, ZooL., t. VI. 4846, Sur l’embryogénie 
des Moliusques gastéropodes. 

(4) .Ostrea stentina, à Mahon ; O. hippopus, à Cette; O. edulis, en Norman- 


die, en brelagne. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 211 


même dans la Bulle et la Bullée (4), dont j'espère pouvoir bientôt 
faire connaître l'histoire anatomique et embryogénique. J'ai vu 
cette partie centrale sur des œufs d’autres Gastéropodes, et surtout 
sur les œufs des petits Mollusques nus que l’on a nommé Phlé- 
bentères où Anangiés, ete.; j'ai pu suivre avec la plus grande cer- 
titude l'apparition de ces sphérules nouvelles, qui semblent se 
caractériser par une opacité moins grande que les autres et un 
diamètre toujours plus petit. 

Je voulais chercher si réellement cette particularité du fraction- 
nement se présentait pour le Dentale ; mais le moment de la ponte 
ne favorise pas les observations ; c’est presque toujours de quatre 
à cinq heures que les œufs sont pondus , et la marche du fraction- 
nement se fait par conséquent dans une partie de la journée où la 
lumière commence à manquer un peu ; aussi n’ai-je pas pu suivre 
la production de ces sphérules périphériques avec le même soin 
que dans la Bulle et Bullée, par exemple. 

L'ensemble de la forme de l'œuf fractionnée permettrait peut- 
être d'admettre qu'il doit y avoir deux sortes de sphérules primi- 
tives ; car, sur lun des côtés, on voit (2) des sphères plus grosses 
et plus obscures; tandis que sur l’autre, on croit voir (3) des 
sphérules appartenant à la partie périphérique ; je n’oserais affirmer 
ces faits, n'ayant point vu, comme dans d’autres Mollusques, naître, 
croître et se multiplier peu à peu, les sphères qui produisent la 
partie périphérique. 

Quand elles paraissent bien, et qu’on peut les observer nette- 
ment, ces dernières semblent naître à l'angle de réunion des quatre 
premières, angle qui résulte de la division par deux et quatre dela 
masse totale du vitellus. M.C. Vogt, qui a décrit leur apparition d’une 
manière très exacte, dit qu'il les a vues se former peu à peu, et sans 
se rendre trop compte de leur mode de production. Je crois pouvoir 
assurer qu'elles naissent par une sorte de bourgeonnement, et que 
leur nombre se multiplie non par subdivision, mais par naissance 


(4) Bulla striata? à Cette; B. hydatis? en Bretagne; Bullwa aperta, en 
Bretagne, près de Saint-Malo. 

(2) Voyez Ann. des sc, nat, , Zoo, 4° série, L. VIT, pl. 6,6g.8, 9et40 fe, c,c). 

(3) 14, (p, p, pl). 


219 I. LACAZE-DUTIIERS, 

d’une nouvelle sphère venant se placer à côté de la précédente ; et 
il arrive un moment où l’on voil quatre grosses sphères et quatre 
plus petites, alternant et se croisant comme l'a indiqué M. Vogt. 
Dans quelques Mollusques acéphales et gastéropodes, j'ai pu suivre 
leur formation depuis leur origine , car j'étais dans de bonnes con- 
ditions. Ici, j'ai rencontré des œufs offrant cette dernière disposi- 
lion très distinctement ; mais, comme je ne l'ai point vue naître 
sous mes yeux, je n’aflirme pas, bien que cependant il me paraisse 
difficile de ne pas reconnaitre l’analogie. C’est surtout au moment 
de leur apparition que l’on peut juger de l'existence des deux 
groupes de sphérules; plus tard, tout semble se confondre; et si 
j'observe que la lumière, pour le moment du jour que j'indique, va 
de plus en plus en diminuant, on comprendra la réserve que je dois 
apporter à me prononcer. J'ajoute que les sphérules plus petites qui 
pourraient représenter la partie périphérique semblent moins dif- 
férentes des autres parties de l'œuf que dans la Bullée et les autres 
Mollusques. 

Enfin le fractionnement aboutit (4) à une masse framboisée ; 
alors, comme presque loujours, quand les cellules, quelle que 
soit leur origine, ont acquis à peu près loutes le même volume, 
l'œuf pour se modifier semble rester quelque temps stationnaire. 


Dans le village de pêcheurs où j'étais installé, une lampe était 
chose rare, si même elle existait, et je devais cesser mes ob- 
servations pendant la nuit. Aussi je dois signaler ici une lacune 
que je n'ai pu combler: c’est la disposition que prennent relative 
ment l'une à l’autre ces deux parties périphérique et centrale, en 
supposant qu'elles existent. 


Mais il faut dire que, si le fractionnement va très vite, la 
période qui le suit se fait plus lentement, et l’on rencontre des œufs 
en retard qui permettent le lendemain de reprendre l'observation. 

Combien de temps dure cette période du fractionnement, qui 
s’étend de Ia fécondation à la transformation de l'œuf en une 
masse composée de petites sphérules entassées, et présentant 
l'aspect müriforme ? Je l'ai dit, le temps me parait varier, et j'ai la 


(1) Voyez Ann. des sc. nat., Zoor., 4° série, t. VIT, pl. 6, fig. 44. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 243 


conviction que les circonstances extérieures peuvent donner lieu à 
de grandes différences. Dans quelques cas, un œuf, mis en obser- 
vation au commencement de sa division en deux, était arrivé à 
cinq sphères en une demi-heure; je trouve dans mes notes pour le 
même cas des dessins avec l'indication quatre heures et demie et 
cinq heures; enfin, dans d’autres circonstances, c’est en un quart 
d'heure seulement que cette période est parcourue. 

Habituellement, entre le moment de la ponte et celui de la fé- 
condation, quand le mâle lance sa semence en même temps que la 
femelle, il s'écoule environ une heure, sans qu’il se produise rien 
dans lœuf. Les animaux pondant habituellement vers quatre 
heures, c’est presque toujours à cinq heures que commence le 
travail; alors il marche fort vite, et si l'on admet que la pro- 
duction de la partie périphérique dure une demi-heure, la distinc- 
tion peut avoir lieu vers six heures. 

Enfin, le plus souvent, la masse framboisée est formée à huit 
heures et demie; mais à partir de ce moment, la marche du tra 
vail se ralentit, et le lendemain matin, à six heures, la forme 
framboisée apparait encore sur beaucoup d'exemples. 

Durant la nuit, ilne m’a pas été possible de suivre la modilica- 
lion opérée dans les rapports des deux parties que j'ai appelées 
périphériques et centrales ; c’est l'impossibilité où je me suis 
trouvé d'observer qui m'a conduit à parler avec un peu de doute 
de ces parties. 

J'ai dit que la durée du temps était très variable, et que j'y atta- 
chais peu d'importance ; je citerai les faits suivants à l'appui de 
celle assertion : Dans une même ponte, on trouve des œufs divi- 
sés en deux, en quatre, en huit sphérules , tandis qu'à côté il y 
en à qui n'ont pas commencé encore à se diviser. Cependant la 
fécondation doit avoir eu lieu en même lemps pour lous; mais , | 
dans quelques cas, il m'est arrivé de voir le travail fractionnaire 
marcher si vite, qu'il n'était impossible de prendre le dessin 
d'une forme avant qu'une autre n’arrivât. 

Je ne vois ici rien de particulier, et tout se passe comme dans 
les autres animaux, Je ferai remarquer une impression qui me 
reste en examinant les figures du travail de M. de Quatrelages 


A4 NH. LACAZE-DUTHIERS,. 


sur le développement des Hermelles ; il me semble qu'il y a beau- 
coup de ressemblance dans l'apparence générale et la disposition 
des sphères entre les Hermelles et les Dentales. Peut-être est-ce 
simplement une disposition du dessin et un désir de trouver de 
l'analogie entre le Dentale et les Annélides ; je ne sais, mais si 
ici l’on ne voit ces quelques traits de ressemblance, dans la pé- 
riode qui va nous occuper maintenant, l’analogie devient frappante. 

Je laisse de côté avec intention toutes les comparaisons qu'il 
serait facile d'établir avec les travaux des autres naturalistes ; j'ai 
voulu ne faire de rapprochement qu'avec le travail de M. Vogt, et 
encoresur un seul point de l’histoire du fractionnement, parce qu'il 
n'a paru important. 

Anti III. 


2° Période. — Apparition des cils vibratiles, L'embryon nage, 


La nuit semble heureusement apporter une sorte de ralentisse- 
ment dans la marche des phénomènes; aussi en reprenant mes 
observations à six heures du malin, je rencontrais des masses 
müriformes très complètes, dont les différentes sphérules se fon- 
daient déjà les unes les autres, et ne faisaient plus que de légères 
saillies à la surface (4). 

Arrivés à huit ou neuf heures du matin, tous les œufs fécondés 
la veille, et ayant de seize à dix-sept heures, avaient habituellement 
des cils vibratiles, étaient débarrassés de la coque de l'œuf, et 
commencaient à se déplacer ; on les voyait déjà s'élever un peu 
au-dessus du fond des verres, où ils avaient été placés la veille. 

Ce petit nombre d'heures suffit le plus souvent pour conduire 
l'embryon à une nouvelle période, que l’on peut caractériser par 
ces mots : période de natation. 


Je dois, avant d'aller plus loin, indiquer quelques faits relatifs 
au mode d'élevage des jeunes embryons. 

Il est avantageux de placer les Dentales dont on attend la repro- 
duction dans une assiette bien propre , avec de l’eau fraîchement 
puisée à la mer. Avec un fond de sable, la reproduction s’effectuerait 

(1) Voyez Ann. des se nat, 4° série, Zooz., t..VIL, pl. 6, fig. 42, et pl. 7» 


fig. 4. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 215 
peut-être dans des conditions plus naturelles ; mais comme les œufs 
ressemblent beaucoup, par leur teinte et leur volume, aux grains 
du sable, comme aussi les animaux en se déplaçant dérangent le 
sol sur lequel sont tombés les germes, on en perd beaucoup. On a, 
de plus, de la peine à les séparer des grains de sable. Dans une 
assiette blanche, au contraire, on peut suivre facilement la ponte, 
et recueillir très promptement ses produits, car on les distingue 
très bien. 

En général, je laissais séjourner, pendant deux ou trois heures, 
les œufs dans l’eau où s'était effectuée la fécondation. Quand, après 
ce temps , je supposais le phénomène accompli, je les enlevais 
avec une pipette, etje les portais dans un verre d’eau fraiche ; puis 
j'attendais pour changer de vase que les œufs fussent en bonne 
voie de développement, c’est-à-dire le lendemain. Cela arrivait 
presque toujours. 

Quand le jeune Dentale est bien formé (dans la période qui nous 
occupe, j'entends [1]), on le voit s'élever et nager dans tous les 
sens; son opacité le fait facilement reconnaître comme un point 
blane au milieu de l’eau. Alors on peut faire une véritable péche à 
la pipette, et aller chercher chaque embryon à son tour avec un 
tube de verre effilé, dans l’intérieur duquel on établit un courant, 
en levant le doigt qui ferme l’ouvertare supérieure, puis on porte 
sa capture dans un verre d’eau nouvelle. 

Ces soins sont nécessaires ; ils demandent du temps, de la pa 
lience et un peu de dextérité ; mais sans eux on n'arrive pas à éle- 
ver les embryons, Les œufs qui ne se développent pas et qui se 
décomposent donnent naissance à des conditions propres à la 
formation des Infusoires que l’on voit bientôt fourmillier, à des 
Paramécies surtout, qui dévorent les embryons en bonne voie 
de formation, Je dis qui dévorent, l'expression est peut-être mau- 
vaise ; mais, en Lout cas, si les Paramécies ne sont point armées 
de dents qui puissent diviser les tissus, quand on les voit arriver 
sur un embryon bien portant, et pénétrer dans sa coquille, on 
peut être sûr que celui-ci disparaîtra bientôt. 

(4) Voyez Ann, des sc. nat, 4° sér , Zoo, & VI, pl. 7, fig, de 3 à 8 et 


même encore 9 


216 H. LACAZE-DUTDIERS. 


En enlevant seulement les embryons développés qui nagent, 
on laisse au fond du verre les œufs décomposés avec les Infusoires 
produits. 

La première période passée, l'élevage se fait avec la plus grande 
facilité, et les jeunes animaux se prêtent parfaitement aux observa- 
tions microscopiques ; on peut, en effet, sans qu'ils périssent, les 
porter sous le microscope, en les déposant avec attention sur une 
plaque de verre avec un peu d’eau. Cependant il y a certains ména- 
gements à garder, car il est impossible de recueillir des embryons 
aussi fragiles que ceux du Dentale. Un courant d'eau un peu fort, 
une couche d’eau trop mince les laissant appuyer de tout leur poids 
sur la plaque, suffisent pour égrener, le mot est juste, les cellules 
qui forment leur corps. 

En connaissant ces faits, on arrivera toujours à conduire à bon 
portles embryons. Ils offriront, dans une courte période de temps, 
toutes les transformations organiques, condition très heureuse 
pour les études. 


En général , quand je reprenais mes observations de six à sept 
heuresdu matin, le lendemain dela fécondation, mes jeunes Dentales 
tournoyaient au fond du verre, ou s’agitaient simplement au milieu 
des œufs encore immobiles (4). Ils avaient des cils vibratiles, mais 
tous n'étaient pas libres, et quelques-uns étaient encore enfermés 
dans leur coque à l’intérieur de laquelle ils tourbillonnaient (2). 

L'apparence müriforme se présentait encore quand les cils vi- 
bratiles étaient déjà évidents, et le corps paraissait encore tout 
bosselé (3). 

J'ai vu à ce moment, c'est une remarque curieuse, quelques 
spermatozoïdes encore vivants dans la coque (4). Ceci montre que 
la vitalité de l'élément mâle est très grande chezle Dentale. Conduit 
par ce fait à chercher si la durée de la vie des spermatozoïdes libres 
était longue, j'ai trouvé après six heures des filaments spermatiques 


(1) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zoou., 1. VII, pl. 7, fig. 1. 
(2) 1, pl. 6, fig. 12. 

(3) a, pl. 7, fig. 4. 

(5) Zd., pl. 6, fig. 48 (sp) 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 217 
en grand nombre vivants dans l’eau du vase où s'était effectuée la 
fécondation. Cela devait être. Quand la nature abandonne au hasard 
les chances de la rencontre deséléments mâle et femelle, elle semble 
se mettre à l'abri de ces chances peu favorables par quelque autre 
condition : elle augmente la durée de la vitalité de l'élément qui 
féconde. 

Lorsque les cils vibratiles vont commencer à paraitre, l'œuf est 
mamelonné à sa surface; il n’est plus tout à fait sphérique , il 
semble s’allonger un peu dans un sens. Sur ses côtés on voit de 
petits bouquets d’un duvet de cils très fins, qu'il est très difficile de 
distinguer en raison de la délicatesse. Ces bouquets sont les bords 
des couronnes qui se montreront plus tard avec toute évidence (4). 

A mesure que la forme allongée prend plus d’extension, l’une 
des extrémités de l’ovoïde devient plus saillante , elle semble en 
même temps plus petite, et creusée d’une dépression centrale dans 
laquelle naît un bouquet de cils vibratiles. Ici c’est bien un bouquet 
et non le côté d’une couronne : c’est une houppe qui marquera 
désormais la partie antérieure du corps de l'animal futur (2). 

La masse ovoïde se présente cependant avec différentes formes. 
Ainsi, tantôt elle est presque piriforme , le bouquet de poils ou de 
cils antérieurs représente la queue du fruit auquel je la compare; 
tantôt, au contraire, ses deux extrémités sont à peu près de même 
dimension, et l'œuf est ovale, et en même temps avec deux proémi- 
nences polaires. Cette dernière forme me parait la plus normale, 
la plus naturelle. 

Les bosselures se fondent en formant des bourrelets circu- 
laires, perpendiculaires au grand axe, qui portent les couronnes 
de cils vibratiles (3). Le nombre de ces bourrelets va en augmen- 
fant d'abord, ainsi que celui des couronnes de cils ; mais ensuite , 
par un travail inverse, les cils s'effacent sur la surface du corps, 
et se développent au contraire davantage sur quatre bandes princi- 
pales (4). Alors le corps de ces petits êtres devient un peu con- 


(1) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, t. VIT, pl. 6, fig, 42 (1). 
(2) 4. pl. 7, fig. 2 à 9 (k). 

(3) 1d., fig. 2 (1). 

(8) 14, 6g. 8 et & (1). 


218 NH, LACAZE-DUTHIERS. 
tractile, car tantôt il semble lisse à sa surface, tantôt, au contraire, 
il parait {out bosselé. 

Dans un exemple où il y avait les quatre rangées de cils, et de 
plus le pinceau antérieur, l'embryon rappelait encore complétement 
la forme framboisée. 


Il est un fait bien curieux, et que l’on n’est guère habitué à voir 
se produire sur les animaux supérieurs ; je veux parler de la vitalité 
indépendante de toutes les parties du corps. Chaque parcelle de 
Povoïde embryonnaire est aussi vivante que sa voisine, et vivante 
indépendamment de toutes les autres. Ainsi, j'ai vu littéralement 
s’égrener un embryon qui a continué à se mouvoir pendant toute une 
journée; il ne se composait plus que de quelques petites sphérules 
empilées fort irrégulièrement les unes sur les autres, et portant sur 
l’un de leurs côtés quelques cils. I faut, lorsque des parties se déta- 
chent ainsi, porter toute son attention pour ne pas croire à quelque 
chose de naturel et non de pathologique. 

C'est là un de ces faits, si curieux et à la fois si nombreux, que 
l'on observe en étudiant les organismes inférieurs; la vie ne semble 
nullement dépendre del’intégrité des fonctions de telle ou telle partie 
ou de la combinaison de l’action de deux ou plusieurs parties : aussi 
ne s’éteint-elle pas dans une portion détachée et isolée. Ces phé- 
nomènes sont loin d’être connus des hommes qui ont étudié seule- 
ment les organismes supérieurs. Ils ne leur paraissent même pas 
possibles ; et l’on voit quelquefois des faits pathologiques pris, par 
eux, pour des choses normales : il est des animaux qui retran 
chent eux - mêmes des portions de leur organisme; le Synapte, 
d'après M. de Quatrefages, et j'ai moi-même fait la même obser 
vation , se sectionne fout en continuant à vivre; mais, sans sortir 
de nos études, n’ai-je pas eu l’occasion d'indiquer que, placé dans 
des conditions nouvelles, le Dentale se débarrassait de ses tenta- 
cules, et que ceux-ci jouissaient encore d'une telle mobilité, que 
l’on à peine à croire, quand ils sont séparés, qu'ils ne sont pas 
des êtres disüinets. Je l'ai dit ailleurs, j'ai failli les prendre pour des 
parasites. 


Tous les progrès du développement tendent à allonger de plus 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 219 
eu plus l'ovoide embryonnaire, à effiler ses extrémités antérieures 
et postérieures, qui deviennent très distinctes l’une de l’autre par 
les proportions très considérables que prennent les cils du bouquet 
terminal antérieur, 

Presque loute la partie convexe entre les deux extrémités , et 
qu'on pourrait appeler le ventre de la figure, mais non de l’em- 
bryon, est occupé par des couronnes de cils vibratiles qui se 
sont nettement limitées, et qui paraissent au nombre de quatre, 
placées chacune au fond d’un sillon circulaire, 

Je dis au fond d’un sillon, quand il n'y a qu’un instant je déeri- 
vais ces mêmes couronnes comme placées et naissant sur des ren- 
flements cireulaires. Cela tient à ce que l'embryon se modèle avec 
les progrès du développement, et que les bosselures de la surface 
s’effacent quand tout se régularise; aussi l'insertion des cils paraît 
se faire dans un tout petit sillon qui disparaîtra à son tour. 

La figure de l'embryon du Dentale est alors semblable à celle des 
Annélides(1) ; elle présente un sillonnement transversal, qui donne 
beaucoup d'analogie avec la forme de l'animal annelé; la couronne 
de cils et la houppe de l'extrémité antérieure rappellent si com- 
plétement la forme de la larve d’une Annélide, qu'ayant montré 
mes dessins à des personnes auxquelles, par des recherches spé- 
ciales , le développement des Vers est bien connu, il me fut 
répondu : Le Dentale est un Fer! Mais en présentant les figures 
des périodes plus avancées , le Mollusque se faisait reconnaitre et 
l'opinion était modifiée. 

En général , cette forme d’Annélide se présente dans l’après- 
midi du lendemain de la fécondation, vers deux à trois heures, à 
l'âge de vingt-quatre heures bien près. 

D'une manière absolue, le commencement de l’évolution em- 
bryonnaire est très rapide; mais, relativement après l'époque que 
je viens d'indiquer, elle se ralentit, et, dans les moments qui 
suivent , l'irrégularité entre l’état de développement des individus 
devient plus grande, et permet de pouvoir observer dans une même 
ponte beaucoup d'états divers. 


(4) Voyez Ann, des sc. nat., 4° série, Zooz., t, VII pl. 7, fig. 4 et 2, 


220 H. LACAZE-DUTHIERS. 


Jusqu'au moment où apparait la coquille, organe caractéris- 
tique d’une autre période, le travail qui s’opère dans l’embryon est 
celui-ci : les extrémités du corps s’allongent, et les cils vibratiles 
disposés en cercles, qui occupent dans le principe toute la sur- 
face, se rapprochent ; de sorte que bientôt l'embryon semble 
porter au milieu de sa longueur une couronne ciliaire unique, 
mais large, qui au fond est formée de quatre cercles rapprochés. 
C’est cependant là un fait facile à constater (4). 

L'extrémité postérieure , celle qui ne porte pas le bouquet 
de poils, s’accroit relativement davantage que l’antérieure , et 
bientôt la couronne de eils est plus en avant qu’en arrière. 

Le sommet de l'extrémité postérieure éprouve un changement 
notable très important à connaître, et qui permettra désormais de 
fixer plus nettement la position de l'embryon. Sur l’un de ses 
côtés, on voit naître des éminences , qui laissent entre elles une 
dépression en forme de gonttière (2). Cette goultière est l’origine 
de la cavité du tube du manteau , qui sera plus tard placée du côté 
abdominal du corps de l'animal; la face inférieure est donc facile à 
déterminer : c’est celle qui répond à ce sillon. 

I m'a semblé que cette disposition se montrait constamment à 
l’âge de quarante heures, à peu près au moment où je reprenais 
mes observations, le surlendemain de la fécondation. S’était-elle 
produite. avant cela durant la nuit ? Je ne saurais le dire. sl 

Après deuæ jours ou quarante-huit heures les mêmes choses se 
présentent encore, mais tout est plus marqué. La dépression à la 
face inférieure de l'extrémité postérieure est beaucoup plus accusée ; 
on croirait déjà presque à une cavité. 

Alors aussi, les deux extrémités se trouvent inégalement éloi- 
gnées de la couronne ciliaire : l'extrémité postérieure l’est beaucoup 
plus; mais on doit remarquer surtout, c’estencore un faitimportant, 
qu'en arrière de la couronne de eils se produit un bourrelet cireu- 
laire moins accusé et moins saillant sur la face abdominale (3). 


(4) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zooc., &. VU, pl. 7, et en particulier la 
figure 5 qui montre bien le rapprochement des quatre couronnes principales (1). 

(2) Id. fig. 3 et 4 (M). 

(3) 1d., fig. 3, # et 5 {n).- 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE, 291 


A ce moment, dans le fond du sillon de l'extrémité postérieure, 
se montrent des cils qui resteront enfermés dans la gouttière, 
et qui jamais ne formeront un bouquet terminal et saillant comme 
à l'extrémité antérieure. On leur verra plus tard jouer un rôle des 
plus actifs et des plus importants. 

Les larves à ce moment sont très vives ; elles montent et des- 
cendent dans les vases : alors il devient possible de les pêcher à 
la pipelle et de les changer d’eau. 

On voit en résumé que, dans cette période , l’animal est passé 
de la forme sphéroïdale à celle d’un ovoide; qu'il a eu deux extré- 
mités de formées; que déjà les parties qui, au début, semblaient le 
constituer en entier se sont rapprochées de l'extrémité antérieure, 
et que l'extrémité postérieure, au contraire , s'est accrue de plus 
en plus. 

On a pu remarquer qu'il n’a été rien dit de l’intérieur de la pe- 
tite masse embryonnaire. En effet elle est très opaque, et il est 
extrêmement difficile de la comprimer, car elle se détruit avec la 
plus grande facilité par le contact des corps solides. Probablement 
il en est ici comme dans beaucoup d’autres Mollusques ; la masse 
centrale se concentre , et forme les blastèmes des organes futurs 
de la digestion. 

Anrioce LV. 


3° Période. — Apparition de la coquille. L'embryon nage. 


A l'âge de quarante-huit heures où deux jours la coquille existe 
déjà, mais elle échappe à l'observation avec la plus grande facilité. 
Elle est, en effet, extrêmement mince, et tellement confondue avec 
la couche externe du corps de l'animal que rien n’en accuse la pré- 
sence, si l’on n'observe pas avec certaines dispositions d'éclairage 
quimettent son existence en évidence. Il faut faire tomber sur l’em- 
bryon de la lumière directe si l'on veut reconnaitre les premières 
traces de la coquille; alors on voit un reflet nacré, une irisation 
particulière du côté du dos vers le sommet de l'extrémité posté- 
rieure, que l'on ne manquera pas de reconnaitre pour une jeune 
coquille si déjà l'on a observé l'origine du test chez d’autres em- 
bryons. Plus tard sa présence ne peut faire de doute. 


999 H. LACAZE-DUTHIERS. 


La coquille est d’abord une pellicule mince , qui se separe de 
la couche extérieure dont elle est une dépendance (4). 

Nulle part on ne voit aussi nettement que dans les embryons 
du Dentale qu'elle n’est autre chose qu'une production dépendant 
de la surface du corps. 

J'évite d'employer le mot peau, car, à cet âge, il y a 
bien de la difficulté, si cela est même possible, à dire que 
tel ou tel élément de l'enveloppe du corps existe ou n'existe 
pas: 

J'ai souvent répété que tous les individus ne marchaïent pas 
également vite dans leur développement, et que quelques-uns dé- 
passaient les autres bien que tous fussent originaires d’une même 
ponte et fécondation. Pour la coquille, il en est de même à l’âge 
de quarante-huit heures; elle est tantôt bien reconnaissable, tantôt 
elle commence à paraître seulement. 


Reprenons maintenant les parties indiquées précédemment dans 
l'embryon , et voyons ce qu’elles deviennent dans celte période du 
développement. 

Les couronnes de cils se rapprochent de plus en plus les unes 
des autres, et leur ensemble forme comme une ceinture au milieu 
du ventre de l’ovoïde; mais à mesure que le développement s’a- 
vance davantage, la couronne se rapproche de l'extrémité anté- 
rieure : le bourrelet que l'on a vu entre elle et l'extrémité posté- 
rieure est bien plus accusé, et surtout il s'éloigne de l'extrémité ; 
celle-ei semble alors s’effiler en s’allongeant. 

Les dépressions qui paraissaient sur la face inférieure des 
extrémités deviennent : l’une moins profonde , c’est l’antérieure ; 
l'autre plus marquée, c’est la postérieure. Celle-ci forme une véri- 
table gouttière dont les bords tendent à se rejoindre, et à la trans- 
former en un canal (2). 

On doit chercher à observer l'embryon de côté afin de mieux 
distinguer le bourrelet dont il vient d'être parlé, ainsi que la forme 


(1) Voyez Annales des sciences naturelles, Zoor., 4° série, t. VII, pl. 7, 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 9293 


de cette extrémité, avecla petite coquille placée sur le côté dorsal (4). 

La coquille du Dentale commence par être une sorte d’écaille im- 
paire, médiane, dorsale, dont les deux bords inférieurs laissent entre 
eux un espace occupé par la gouttière dont il a été question (2). 

Vuede profil elle semble ovale ; sa coupe rappelle un peu la forme 
d’une amande. Son bord supérieur se dirige d’arrière en avant, et 
du dos vers le côté abdominal. Bombée en dessus, elle présente 
en arrière une sorte d’étranglement qui persistera et qui même fera 
des progrès à mesure que des couches nouvelles se formeront (3). 

A ce moment, il est bien difficile de reconnaitre ce que seront 
chacune des parties du corps de l'animal, et il est même impos- 
sible de distinguer les organes. 

En comprimant, autant qu'on le peut, ces embryons, le centre 
parait plus homogène, plus coloré que le reste du corps; et dans 
la période que nous venons de parcourir, ce n'est pas la partie 
centrale qui subit des modifications, c’est surtout l’extérieure qui- 
se transforme. 

Le bourrelet dont il a été déjà parlé sépare deux parties désor- 
mais bien distinctes et très inégales ; tout ce qui est en avant de 
lui tendra à diminuer relativement, tandis que toute la partie 
postérieure augmentera, cette différence dans l'accroissement de 
ces deux portions du corps va faire paraître véritablement un nouvel 
organe. Tout ce qui est en avant du bourrelet formera un disque 
entouré de cils; ce sera l’analogue des roues ou du disque moteur 
des Gastéropodes et des Acéphales. Le corps proprement dit sera 
formé par ce bourrelet et l'extrémité postérieure (4). 

Ainsi on voit que le corps lui-même est représenté par une 
bien petite portion de l'embryon primitif, et que l'organe moteur, 
au contraire, forme dans le principe presque tout l'embryon. 

Le travail que nous avons à suivre maintenant est done celui-ci : 
voir diminuer le volume de la partie antérieure ; voir s’accroitre , 
au contraire, la partie postérieure que recouvre la coquille. 


( 
( 
(3 
(1) 


1) Voyez Ann. des sc. nat., Zoon., 4° série, t. VIT, pl. 7, fig, 5. 
2) Id., fig. 4 C. 

) la. fig. 5. 

I, fig. 4 et 5(n et M). 


22h HI. LACAZE-DUTUIERS. 

Pendant cette période l'animal continue à nager, et à nager vive- 
ment ; mais à mesure que les organes de la locomotion se déve- 
loppent, on voitdles cils prendre moins d'importance et l’animal 
rester au fond du vase, tournoyer d’abord, puis ramper. La fin de 
celle période n’a, on le comprend bien, rien dé tranché, si elle est 
caractérisée nettement en commencant par l'apparition de la co- 
quille; plus tard, quand l’animal rampe, on ne trouve plus les 
limites aussi marquées. 

Nous admettrons donc que l'animal commence à ramper quand 
son disque moteur ne lui sert plus. 

Toutes les transformations que l'embryon subit consistent donc 
dans (1) l'accroissement de la coquille et de la partie correspon- 
dante , et dans la délimitation de la partie ciliée; l'extrémité anté- 
rieure, qui faisait saillie, il y a quelque temps, semble s’enfoncer 
dans le disque qui parait se déprimer à son centre pour la recevoir ; 
les quatre cercles de cils sont très rapprochés, et toute la zone qui 
les porte forme comme un bourrelet sur lequel on ne distingue 
plus les rangées ; il y a done un véritable disque moteur, cireu- 
laire, causé par l’applatissement antéro-postérieur. 

Ainsi donc, dans l’origine, tout le corps de l'animal est formé par 
ce qui maintenant est devenu le disque. Quant à l'extrémité posté- 
rieure, elle subit une élongation en même temps qu’une suite de 
reploiement sur elle-même, et l’une et l’autre tendent à transfor- 
mer en un tube la gouttière de la face abdominale. 

La coquille, en étendant ses deux bords antérieur et postérieur, 
s’évase en avant et se rétrécit en arrière ; en sorte que, vue par le 
dos, elle paraît comme la coupe oblique d’un cône. 

Ses deux bords, recroquevillés en dessous, se rapprochent 
l'un de l’autre tout en s’allongeant ; ils sont suivis par la sub- 
stance charnue de la gouttière, et bientôt, quand ils se touchent, 

(1) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zooz., t. VIL, pl. 7. Il suffit de compa- 
rer l'une à l’autre les figures 1 et 2 pour voir la différence ; dans cette dernière, la 
partie m s’est produite. Si l'on pousse la comparaison plus loin, on voit dans la 


figure 3 le bourrelet n formé en plus. Puis, dans la figure 6, tout ce qui était 


compris entre ce bourrelet et le bouquet antérieur de cils n’est plus qu'un disque 
circulaire. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 225 
la goutlière est tranformée en un canal, ouvert en avant ct en 
arrière : c'est à l'origine du tube du manteau. 

Cette couche charaue , qui a formé ainsi en se soudant le tube 
palléal, est d'une transparence extrême; sans quelques artifices 
d'éclairage, on a de la peine à la reconnaître ; heureusement le 
eourant d'eau qui passe au-dessous d’elle-ne peut jamais man- 
quer de la faire distinguer. 

La partie postérieure au disque moteur éprouve quelques change- 
ments; elle s'allonge beaucoup plus qu’elle ne s'étend en largeur. 
Si le bord transparent dela goultière a pu suivre la coquille dans son 
accroissement, et former le tube du manteau, il n’en a pas été de 
même du reste du corps qui ne se développe pas aussi vile ; il de- 
meure isolé (1) au centre du tube de la coquille, où il se fait 
distinguer par une teinte analogue à celle du vitellus de l'œuf. 

Les embryons, en prenant de l’âge, deviennent fort contrac- 
tiles,et bientôt ils se retirent dans leur coquille, qui est assez déve- 
loppée pour les protéger et les recevoir, et à ce moment cette 
contracilité rend l'observation moins facile. 

On doit alors suivre el épier avec beaucoup d'attention tous les 
mouvements de l'embryon, si lon veut reconnaitre l'origine des 
p arties. 

Pendant les dilatations, on voit que l2 corps proprement dit 
s'étend de Ja base du disque en formant une traînée irrégulière 
jusqu'au sommet de la coquille ; qu’en arrière de la couronne des 
cils (2), et du côté inférieur, un bourgeon irrégulier se dessine 
peu à peu; que c'est celui-ci qui, en se développant, forme le 
pied ; qu'enfin au sommet de la coquille, le tissu est plus épais, 
plus dense, et paraît percé d’un orifice. 

En examinant des embryons de différents âges, on voit que le 
mamelon antérieur, qui s’est développé sur la face inférieure, est 
irrégulièrement bosselé «sur ses côtés , et qu'avant d’avoir atteint 
une longueur marquée, il a déjà les trois lobes comme l’extré- 
mité du pied de l’adulte. 

Toute Ja substance dont les limites sont peu régulières, et qui est 

(1) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zoo, 1. VIT, pl, 7, fig. 8 et 9, 7, I. 

(2) Ibid., fig. Tet 8, 4, 4. 

4" série. Zoo. T. VIE (Cahier n° 4.) 5 15 


9226 H. LACAZE-DUTHRIERS. 


enfermée dans la coquille, présente à son centre une masse sans 
forme distincte, d’une teinte jaunâtre, qui évidemment est le blas- 
ième central, danslequelse formerontles organes de la digestion (4). 

La coquille, quoique peu développée, donne lieu cependant, 
quard 6n la met en contact avec-de l'acide azolique, à une effer- 
vescence sensible ; j'observe qu'ici, comme dans les autres Mol- 
lusques dont j'ai étudié le développement, l'effervescence se mani- 
leste dès les premières (races de formation de la coquille (2) ; 
quelquefois même c’est cette effervescence qui m'a mis sur la 
voie pour reconnaitre le point du corps où devait être la coquille. 

Les périodes du développement que nous venons de pareourir 
s’observent après deux jours; mais avant, on trouve quelquefois 
des embryons dont la coquilie, allongée et reployée en dedans, est 
entièrement formée, et représente un tube tout à fait complet (3). 

J'ai déjà dit qu'il y a des états de développement bien différents 
pour un même âge ; je crois que plus on s'éloigne de la fécondation 
et plus les différences individuelles deviennent grandes ; c’est là ce 
qui me fait attacher peu d'importance à la date, surtout après les 
premiers moments, 


Quand l'embryon s’est ainsi modelé extérieurement , quand la 
coquille , le disque moteur et le bourgeon pédieux se sont formés, 
alors les organes internes commencent à se dessiner, etles formes 
changent. 

Il ne m'a pas paru possible d’assigner des limites entre les 
dispositions qui précèdent et celles qui vont suivre ; je n’ai point 
vu d'organes suffisamment distincts, pour qu'ils pussent devenir 
des points de repère dans les études nouvelles. 

Le disque moteur s’aplatit de plus en plus (4), et les tuber- 
cules de la houppe ciliaire centrale ne se laissent voir que dans un 
enfoncement; plus tard, le point par où il est uni au corps se 
rétrécit beaucoup, il devient presque un pédienle. 

(1} Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zooc., t. VIT, fig. 8 et 9. C'est surtout 
la partie Z qui deviendra le tube digestif. 

(2) Ibid, pl. 7, fig. #et5. 

(3) Zbid., fig. 6 et 7. 

(4) Zbid., fig. 8 et 9. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 297 

Il sera donc mieux dans la période suivante de prendre succes- 
sivement tous les organes, et de chercher par quelles transforma- 
tions successives ils passent pour arriver à être ce que nous les 
avons vus dans les animaux adultes. 


Cette seconde partie de la période de natation que nous venons 
de faire connaître atteint son summum dans le troisième et Je 
quatrième jour ; dans le deuxième déjà, on se le rappelle, elle est 
très marquée. En général, vers la fin du quatrième et dans le ein- 
quième, elle se termine. Sa durée est variable; mais, en général, 
il est très rare de lr'ouver au cinquième jour el au sixième surtout 
des individus qui s'élèvent encore dans l’eau, 

Les larves du Dentale pendant qu’elles nagent ne viennent pas 
à la surface de l'eau, comme on l’observe si fréquemment pour 
les autres Mollusques, et en particulier pour l'Huitre, la Bullée, la 
Bulle et l'Aplysie. 

Leur forme suffit pour faire prévoir dans quelle position elles 
sont quand elles se meuvent; le disque ciliaire est supérieur, et Ja 
coquille inférieure. Le sommet du cône, représenté par l'embryon 
tout entier, est en bas, l’animal parait donc vertical (1); ses mou- 
vemepts sont vifs, assez rapides, mais ils ne le sent pas tellement, 
que l’on ne puisse le saisir même avec facilité, 


Des malières colorantes ontété mélangées à l’eau où vivaient les 
jéunes animaux ; j'ai vu ces substances traverser le tube du 
manteau du sommet à la base, entrainées qu'elles étaient par le 
courant que produisent les cils du pavillon ; mais jamais je ne les 
ai vues pénétrer dans l’intérieur du corps. 


Anrice V. 
4° période, — Apparition du pied. — L'embryon rampe, 


L'observation des embryons du Dentale a été continuée pendant 
trente-cinq à quarante jours. Comme la quatrième période eom- 


(4) Voyez Ann. des sc. nat, #° série, Zooc., t. VIT, pl. 7. Toutes les figures 
ont été toutes placées dans la position que prend l'embryon uand il nage. 


998 H. LACAZE-DUTSIERS. 

mence an cinquième où sixième jour, c'est pendant un mois en- 
viron que s’est prolongée l'étade des transformations qui vont 
suivre. À la fin de cette époque, et même bien avant ; l'embryon 
offre la plus grande analogie de forme avec l'animal parfait. 

On avu comment se faisait insensiblement le passage des périodes 
antérieures à celle-ci : arrivés aux cinquième et sixième jours, les 
embryons ne s'élèvent plus aussi haut dans le vase ; ils commen- 
cent à nager dans les couches inférieures, bientôt ils tournent en 
touchant un peu le fond, et puis enfin ils ne se soulèvent plus ; ils 
restent tout à fait couchés. Quand j'ai pour la première fois re- 
marqué cela , j'ai craint de ne pouvoir les élever plus longtemps , 
comme cela m'arrivait fatalement pour tant d’autres espèces; mais 
j'ai bientôt va qu'au contraire le dévelonpement se continuait avec 
la plus grande régularité. 

La cause de ce changement dans la manière d’être est facile à 
apprécier. 

La coquille prend un accroissement en longueur, qui lui fait 
dépasser de beaucoup le disque moteur ; celui-ci, enfermé au fond 
d’un tube, ne peut plus avoir la même action, et plus il s'enfonce 
par suite du développement de la coquille, moins les courants qu'il 
détermine sont propres à pouvoir élever la larve dans l’eau (1). 

Mais tandis que le test s’accroit ainsi, et que le disque reste sta- 
lionnaire, le pied se développe considérablement ; ils’allonge beau- 
coup, etdevient, en sortant du tube, seul organe de la locomotion. 


Dès que les embryons se trainent au fond du vase, il faut appor- 
ter à leur entretien les plus grands soins, ear les particules que 
charie l’eau se précipitent, et les couvrent d’une couche de vase 
qui devient fort embarrassante pour les études: J’attendais que 
l'eau de mer eut été puisée depuis longtemps; souvent même je la 
filtrais avant de la renouveler. 

S'il meurt quelque embryon, des Infusoires, soit apportés par 
l'eau, soit développés au milieu de la matière putride, se multi- 
plient, et en s’introduisant dans les petites coquilles, les font bren- 
tôt périr, Les Paramecies dont il a été queslion, ainsi que les 


(1) bid., pl. 8. La figure 4 représente un embryon déjà dans ces conditions. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 999 


Plasconies, se multiplient avec une grande facilité; aussi doit-on, 
dès qu’on les observe, si l'on veut conserver quelque temps les 
jeunes Dentales, redoubler de soin, et changer l’eau dans une 
même journée plusieurs fois, en pêchant chaque embryon l’un 
après l’autre, sans prendre beaucoup d’eau au fond du vase. 

Je me suis souvent débarrassé de ces hôtes incommodes en 
pêchant un à un mes embryons, les laissant tomber dans un vase 
d’eau claire et bien reposée, et les repêchant immédiatement une 
seconde fois pour les porter dans le vase où ils devaient définitive- 
ment séjourner; en traversant la couche de liquide, la coquille se 
lavait pour ainsi dire, et je la débarrassais ainsi des Infusoires qui 
l'entouraient. 


Prenons maintenant les uns après les autres tous les organes, et 
voyons ce qu'ils deviennent. Naturellement nous ne nous en lien- 
drons pas seulement au moment où commence la reptation ; nous 
remonterons à l’origine pour voir se constituer peu à peu les di- 
verses parties, et arriver à ce qu'elles sont ou à peu près chez 
l'adulte. 


Organes de la locomotion. 


Manteau. — On à vu quelle était l’origine du tube du manteau ; 
il est la conséquence d'une soudure des bords, marchant à la 
rencontre l’une de l'autre de cette goutlière née à la face inférieure 
de l'extrémité postérieure de l'ovoïde embryonnaire (1); ainsi c’est 
la partie postérieure du manteau qui se développe la premiere. 

Le tube palléal s'allonge et s'accroit comme la coquille, qu'il suit 
sans lui adhérer cependant, car on voit pendant les contractions 
toutes les parties molles se retirer au fond du cornet formé par le 
le test; quand le jeune animal s'étend, on voit autour du bord de 
la base de celui-ci un bourrelet charnu, bordé d’un rang de cils 
très fins, que l’on reconnait pour être le bord libre du tube du 
manteau, el qui, chez les individus de buit, dix, quinze jours, est 
déjà fort semblable à celui de l'animal parfait (2). 


(1) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zooz., t. VI, pl, 7, fig. 3 et 4, M. 
(2) Hbid., pl. 8, fig. 1, 2, 3, B; pl. 9, fig. 4,2, B. 


230 il. LACAZE-DUTHIERS. 


. L'orifice postérieur du manteau prend une teinte un peujaunâtre, 
et son tissu semble devenir plus dense; évidemment, c’est le 
futur pavillon, dont le bourrelet se dessine, et au milieu duquel 
se font remarquer des cils vibratiles grands et frès vifs (4) qui 
déterminent le courant rapide dirigé du sommet à la base. Parfois 
quand les mouvements de ces longs cils sont réguliers, on croi- 
rait voir une roue dentée occupant l'orifice. 


Une remarque déjà faite dans l'étude de l'animal parfait trouve 
encore ici sa place; M. W. Clark s'élève, a-t-il été dit, contre 
l'opinion de M. Desbayes, et il pense que les matières fécales 
sortent par l'extrémité antérieure. 

Sans aucun doute, on voit des Bacillaires et autres petits cor- 
puseules pénétrer en arrière dans le tube du manteau, et sortir par 
l'extrémité antérieure pour être ensuite rejetés ; cela prouve qu’un 
courant constant est dirigé du sommet de la coquille vers sa base ; 
mais voilà tout, je suis loin de le nier; je crois même que ce cou 
rant est une des conditions nécessaire à l’accomplissement de la 
fonction de respiration. Mais cela n'empêche pas que l'animal , 
quand il le veut, ne se débarrasse du côté du sommet des corps 
placés dans son manteau. 


La coquille, qui a commencé par être (2) un petit disque dorsal, 
bombé, impair, se reploie en dessus du corps, et soude les deux 
bords de son limbe ; sa partie correspondant au sommet est étroite, 
elil est un moment où elle ressemble tout à fait à un cornet, dont 
les bords viendraient seulement au contact sans se recouvrir. En 
regardant l'embryon de face en dessous (3), on voit de chaque 
côlé de la ligne médiane les stries d’accroissement des bords, et 
l’on peut, quand l’âge n’est pas avancé, reconnaître la forme primi- 
tive de la coquille, avant que les soudures ne soient accomplies. Le 
bord antérieur est très oblique, et il se continue sur les côtés en 
décrivant une courbe ; aussi, lorsque la rencontre des deux bords 


(4) Voyez Ann. des sc. nat, 4° série, Zooc., t. VIT, pl. 7, fig. 3, #4, W: 
pl. 8, fig. 4, 3 (y); pl. 9. fig. 4. 2 (y). 

(2) Zbid., pl. 7, fig. 4, 5, ec. 

(3) lbid , fig. 7 et 8. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 251 
de la coquille est accomplie, le limbe est circulaire en dessus et 
échancré en dessous ; l'angle rentrant, ainsi formé, va de plus en 
plus en diminuant. 

Quand le développement a fait quelques progrès, la NT 
paraît (1) cylindrique, et l’on peut se faire une idée exacte de sa 
forme en la considérant comme formée de deux portions de ey- 
lindres de diamètre différent, et coupés obliquement : lune est 
antérieure, c'est la plus grande, elle correspond au corps, elle est 
oblique d'avant en arrière et de haut en bas; l’autre est posté- 
rieure, c’est la plus petite, elle correspond au pavillon, et est diri- 
gée d’arrière en avant et de haut en bas. 

Les bords des deux extrémités présentent done chacun un angle 
rentrant, résultant de leur soudure et conséquence de leur obliquité. 

Les coquilles même les plus jeunes commencent déjà à s’inflé- 
chir du côté du dos. 

En général, à trois jours, elles présentent deux ou trois stries 
d'accroissement parallèles à leurs bords. 

Plus le développement fait des progrès, et moins les angles an- 
térieur et postérieur sont évidents; au trentième jour et même 
avant, le bord antérieur est devenu tout à fait cireulaire, et les 
couches qui s'ajoutent sont marquées désormais par des lignes 
parallèles et régulièrement circulaires. 

Le tissu calcaire est très transparent (2); par la Jumière trans 
rise , il ne présente qu'un pointillé extrêmement fin , qui sembl: 
indiquer une agglomération de petits grains; par la lamière réflé 
chie, il montre déjà, si l'on se met dans de bonnes conditions , 
des trainées plus claires, d'autres plus obscures, qui rappellent 
un peu les bandes transversales du réseau que l'on voit sur la sur- 
face des coquilles adultes après les avoir décapées. 

Ce pelit cornet calcaire est d’une très grande fragilité, et le eon- 
lact dés barbes d’un pinceau suffit pour le briser ; cependant, lors- 
que l'on suit longtemps le même embryon, il faut le débarrasser 
des sporules d'algues et des poussières qui viennent se fixer à sa 

{4} Voyez Ann. des sc. nat, 4° série, Zooc , L. VIT, pl. 8 et 9. où les em 
brvons sont de grande taille qui permet de distinguer les coquilles très nettement. 

(2) tbid., pl. 9, Gg. 5. 


232 HN. LACAZE-DUTRIERS, 


surface et le couvrent. J'ai quelquefois réussi en plaçant mes jeunes 
Dentales sur du velours noir, et les faisant tourner avecles barbules 


d’un pinceau bien fin; mais j'en perdais ainsi beaucoup , car j'en: 


brisais, malgré mes soins et mon habitude, un grand nombre, 

A partir du vingt-cinquième , trentième et trente-cinquième 
jour, le diamètre de la coquille commence à augmenter ; cela se 
fait brusquement, les nouvelles couches se portent en dehors (1); 
jusqu’à cette dernière date, je n'ai jamais rencontré plus de deux 
couches ainsi rejetées en dehors. 


Le pied nait, on se le rappelle, à la base, en arrière et en des- 
sous du disque moteur ; il est d’abord comme un tubercule, peu 
distinct, qui s’allonge de plus en plus, à mesure que la coquille 
prend plus d’accroissement. Ce tubereule, fort étendu transversa- 
lement, remplit avec le disque moteur toute l'entrée de la coquille; 
plus tard, il devient trilobé : c’est le commencement de la forme 
définitive qu'il aura chez l'adulte (2). 

Il se couvre de cils vibratiles (3) qui contribuent aussi à la loco- 
motion ; dans quelques cas, on voit en effet qu'il se roïdit, et étend 
son pied en avant, et l’embryon avance par la seule action des 
cils de sa surface. 

Il est difficile, sinon impossible, de suivre en masse toutes les 
modifications que présente le pied, car il renferme des organes de 
la plus haute importance qu'il faut étudier séparément ; aussi re- 
viendrons-nous plus loin sur ses transformations ; j'ajoute seu- 
lement qu'à mesure qu'il prend de l'accroissement, son tissu 
laisse dans son centre des vacuoles , et que définitivement il est, 
à l’âge de quinze à dix-huit jours, et même avant, creusé d’une 
large cavité générale. 


Les. muscles (li) paraissent assez de bonne heure; dès l’âge de 
quarante-huit heures, on voit déjà du côté du dos des trainées qui 


(1) Voyez Ann. des sc. nal., &* série, Zooc., t. VI, pl, 9, fig. 5. 

(2) Jbid., pl. 7, fig. 7 et-8, 4, 4. 

(3) Ibid., à 8 et9, et les différentes figures où le pied est dessiné (4). 
(4) Zbid., 7. fig. 9 (m). 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE, 933 


occupent la place que les muscles dorsaux auront plus tard : c’est 
leur blastème. 

Ces trainées semblent déjà remplacées à deux jours et demi par 
des séries de globules placées à la suite des uns des autres, Quand 
on trouve celte disposition, il n’est pas possible de ne pas se rap- 
peler que, déjà depuis longtemps, M. Edwards avait dit que les 
muscles étaient formés de globules microscopiques disposés en 
chapelet ; sans doute, je ne veux pas soutenir une opinion qui n’est 
plus admise, et que son auteur a abandonnée lui-même; mais enfin 
il y a là un fait à signaler, l'apparence moniliforme des fibres 
musculaires m'a frappée, et je l'ai observée non pas une fois, mais 
bien souvent sur les embryons pass par la période que j'in- 
dique (1). 

Lorsque les muscles commencent à se dessiner, on voit qu'ils 
sont pour la partie postérieure au nombre de deux, un de chaque 
côté ; tandis qu'il y en a quatre en avant, deux de chaque côté. 

Le faisceau postérieur (2) ne va pas tout à fait jusqu’au bourrelet 
du pavillon, il s'arrête sur les côtés de la partie élargie du corps 
qui précède celui-ci; en avant, il pénètre dans le pied , et mêle 
ses fibres à celles qui composent cet organe; il est un peu dirigé 
de dedans en dehors, c’est-à-dire de la ligne médiane aux côtés 
du pied. 

Le second faisceau antérieur (3) est plus court que celui-ci; il 
= 278 nailre sur ses côtés, au milieu de sa longueur, pour se por- 

à la base du manteau, dans le point où il s’unit au corps en 
arrière de la bouche. I est très oblique, se perd sur le manteau 
en rejoignant presque son homologue ; je croirais volontiers qu'il 
est l'origine de ces fibres circulaires, qui, dans l'adulte, entourent 
du côté du dos la partie correspondant à l'appareil broyeur. 

On comprend que ces muscles sont rétracteurs vers le fond de 
la coquille, lun du pied, l'autre du manteau. 

Plus tard apparaît un autre faisceau musculaire qui est parallèle 

(4) Voyez Ann. des sc. nalur., 4° série, Zoou., t. VII, pl. 8, fig. 4, 
fig.2, m. 

(2) /bid. (m). 

(3) /bid, (w). 


2541 M. LACAZE-DUTNIERS. 
au premier , et qui va se lerminer plus près du pavillon que le 
précédent, qui commence cependant à s’allonger. 

On croirait alors presque à un dédoublement du faisceau pos- 
térieur, et tout rappelle à ce moment la disposition des muscles 
de l'animal adulte; cependant les inserlions sont encore, il faut le 
dire, bien moins nettement limitées. 


Organe de l'innervation. 


Le système nerveux commence indubitablement par les gan- 
glions pédieux, ensuite viennent les ganglions sus-æsophagiens ; je 
n'ai jamais pu découvrir ceux qui sont dans le voisinage du bulbe 
anal. On sait qu'ils sont pelits, et qu'ils sont au milieu de parties 
nombreuses dont l'opacité fait peut-être méconnaitre leur exis- 
lence. 

Les proportions des ganglions pédieux sont relativement très 
considérables ; elles ne suivent pas la progression croissante des 
autres parties du corps, ce qui les fera paraître de moins en moins 
considérables. Cetle remarque s'accorde avec ce que nous mon- 
trent les dessins peu nombreux des auteurs sur l'embryogénie des 
Mollusques, où le système nerveux a été représenté. Ainsi, dans 
les planches qui accompagnent les Mémoires de MM. Koren et Da- 
nielsen (1), on voit en particulier que les organes de l’innervation 
sont très volumineux relativement aux autres parties du corps. 

Dans le Dentale, c'est au milieu du pied que l’on apercoit, et 
cela de très bonne heure, environ à l’âge de quarante-huit heures, 
les premières traces des ganglions pédieux. Si l’on examine l’ani- 
mal à laide d’un bon compresseur, on peut voir les ganglions qui 
ne paraissaient pas du tout dans des conditions ordinaires ; en sorte 
que le moment de l'apparition est probablement antérieur à 
l'époque où l'embryon cesse de nager. 

Ces ganglions sont pyriformes (2), et reconnaissables à leur 

(1) Voyez les différents Mémoires de ces auteurs ; ils ont été traduits et pu- 
bliés dans les-Annales des sciences naturelles en France, et dans le Magazine of 
natural History en Angleterre. 

(2) Voyez Ann. des sc. nat, 4° série, Zooz., t. VIT, pl. 8, fig, 3 (a); pl. 9, 


fig, 2 (a). 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 235 
teinte presque caractéristique jaune-paille ; leur tissu paraît aussi 
différent des parties environnantes ; il est homegène, et ne pré- 
sente pas de noyaux ou d’apparences de cellules. 

Is deviennent de plus en plus évidents, à mesure que le pied 
augmente de volume, non pas qu'ils s’accroissent beaucoup, mais 
parce que les tissus environnants prennent plus de transparence ; 
ainsi, à quinze et dix-huit jours, il n’est rien de plus facile à voir 
que ces gros ganglions. 

Leur extrémité antérieure s’effi le peu à peu, et à l’époque que 
j'indique, la position vers le milieu de la longueur du pied, la 
forme, elc., tout est absolument semblable à ce qui existe chez 
l'adulte. 

Mon attention s’est dirigée vers le développement des nerfs ; 
jamais je n'ai pu les distinguer. Cependant il en part positive- 
ment de l’extrémité antérieure et pointue de ces ganglions. Est-ce 
la transparence ou labsence de ces cordons qui m'ont empêché 
de les observer ? Je n’en sais rien ; mais, à un mois et cinq jours, 
je n'ai jamais pu les reconnaitre. 


Les ganglions sus-æsophagiens (1) commencent à paraitre au 
quinzième jour, c'est-à-dire plus tard que les autres. Cette appa- 
rition tardive ne serait-elle pas une conséquence des difficultés de 
l'observation ? Dans le point où sont ces ganglions, il y a tant 
d’autres organes que ce n’est pas à leur début qu'on peut les voir. 

Je pense que ce? sont les origines des ganglions céphaliques que 
j'ai observées, parce que leur forme, leur posilion, et leur teinte 
légèrement jaunâtre, peut rappeler les caractères de ceux de 
l'adulte placés à fa base du mamelon buccal, 

MM. Koren et Danielsen ont trouvé que les ganglions sus-uso- 
phagiens se développaient avant les ganglions pédieux ; c'est une 
différence avec ce qui à lieu dans le Dentale : car, malgré la diffi- 
eulté d'observation que j'indiquais # n’y a qu'un inslant, le volume 
et la netteté des limites des ganglions pédieux semblent prouver 
qu'ils se développent les premiers. 

Sur céux-ci non plus, je n'ai point vu naitre de nerfs. 


(1) Voyez Ann. des 6c. nat., 4° série, Zoou., t. VEL pl. 9, Gg, 4 et 3 (j). 


236 H, LACAZE-DUTHIERS. 

Il y à une question intéressante et importante à décider à cet 
égard: les nerfs naissent-ils des centres, et s’étendent-ils en se 
ramifiant dans toutes les parties; ou bien, au contraire , se déve- 
loppent-ils sur place dans tout l'organisme, pour se souder ensuite 
avec les centres? En raison de l'intérêt histologique de celte ques- 
tion, j'ai apporté toute mon attention dans cette partie de l’étude du 
développement, et, malgré tous mes soins, je n'ai pu réussir à la 
résoudre. 


Les organes des sens se réduisent, on se le rappelle, aux oto- 
lithes et aux appendices tenlaculaires voisins de la bouche ; les uns 
et les autres paraissent d’assez bonne heure. 


Les otolithes (4) s’observent facilement comme cela a lieu pour 
les autres Mollusques. 

Ils apparaissent à peu près en même temps que les ganglions 
pédieux ; du moins toujours, quand on observe les uns on ren- 
contre les autres. On reconnait tout de suite la petite poche qui les 
forme, et les granulalions qui, dès le début, les caractérisent. 

Ces granulations, peu nombreuses el très fines, sont à peu près 
immobiles. Plus tard, à quinze et dix-septjours, elles commencent 
à être agités des mouvements particuliers qui ont été décrits dans 
l'histoire de l’adulte. 

Du reste, rien de plus à en dire ici que ce qui a été dit dans 
l'étude de l’organisation de l'être parfait. 


Les filaments tentaculaires (2) paraissent aussi de très bonne 
heure, et peu de temps après que l'animal a cessé de nager. 

Sur Je dos, à la racine du pied, on voit des lubereules, habituel- 
lement trois, très réguliers, dont un médian plus petit. L'accrois- 
sement portant surtout sur la longueur, ces tubercules deviennent 
cylindroïdes , et finissent par être inégaüx et tentaculiformes. 
Bientôt ils se couvrent de cils vibratiles, et leur structure rappelle 
assez celle que l’on observe chez l'adulte. Leur contractilité devient 


(1) Voyez Ann. des sc. nat., 4° série, Zooz., t. VI, pl. 8, fig. 3 (a'); pl. 9, 
fig. 2 (a'). 
(2) bid., pl. 8, fig. 2et 3, T; pl. 9, fig. 4 et 2, Tet4. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 9237 


très grande, et dès lors ils se meuvent dans tous les sens; ils 
sortent hors de la coquille, rentrent au moindre attouchement 
des corps étrangers. On les voit même, se reployant en arrière , 
aller déjà se loger dans la cavité sous-abdominale du manteau. 

Ces mouvements etla position qu'affectent ces filaments rendent 
l'observation de la partie du corps qu'ils entourent très difficile ; 
mais toujours les deux taches ovalaires dirigées obliquement, qui 
sont, avons-nous dit, les origines des ganglions cérébroïdes ou 
sus-æsophagiens, paraissent en arrière. 


Voilà pour les organes de la vie de relation la plupart des parties 
importantes retrouvées. L’embryogénie est ici plus facile à faire 
que sur d’autres Mollusques ; elle est surtout plus complète que 
dans les Acéphales. 


Organes de la digestion. 


Ces organes n'apparaissent bien distinctement qu'après ceux de 
la locomotion. Il est intéressant de les voir se former ; car en sui- 
vant leur évolution, on peut arriver à se rendre compte de quel- 
ques-unes des dispositions embarrassantes de l'appareil chez 
l'adulte. 


La bouche doit être creusée à la base du pied du côté du dos ; 
or dans ce point naissent les filaments lentaculaires qui l’entou- 
rent; aussi est-il bien difficile, sinon impossible, de voir comment 
elle se forme. Le disque moteur disparait, c’est à sa place que 
sont les filaments tentaculaires ; et ceux-ci masquant tout, em- 
pêchent d'avoir un renseignement quelconque sur l'origine du 
bulbe et de l’orifice buccal. 


L'anus (4) est au contraire très évident ; il ne se forme que lors- 
que l'appareil digestif est parfaitement reconnaissable ; mais avant 
qu'il y ait encore aucune cavité, on voit un pelit tubereule 
impair, très facile à reconnaitre sur des embryons peu âgés, sur 
la face inférieure du corps, immédiatement en arrière du talon du 


(4) Voyez Ann. des sc, nat., 4° série, Zoo, t. VIL, pl. 8, fig. 3, 4, 5, G: 
pl. 9, Gg. 2,G. 


238 fl. LACAZE-DUTUIERS. 

pied. Peu à peu il parait se déprimer à son centre, et, après un 
certain temps, il est percé d'un orifice ; alors le reste du tissu fait 
saillie, et entoure l’orifice d’un bourrelet. 

Dans les embryons âgés d’un mois, on voit très bien les mou- 
vements alternatifs de contraction et de dilatation qui ont été si- 
gnalés dans l’adulte; mais ils commencent avant cette époque, ils 
paraissent déjà à neuf jours. 

Quand cet orifice est bien développé, on reconnaît qu'il cor- 
respond à un tube dirigé directement vers le dos ; que dans son 
intérieur sont de gros eils vibratiles qui s’avancent même au delà 
des lèvres de Porifice, et qui déterminent des courants assez vifs. 

Jai vu sortir par cet orifice des granulations qui venaient de 
l'intérieur de la cavité stomacale, et dont plus loin on en verra 
l’origine. 

C'est surtout en observant de profil les jeunes embryons que 
l'on voit bien les particularités qui se rapportent à l'orifice du 
bulbe anal : la teinte, Ja saillie qu'il forme, les eils qui le tapissent, 
deviennent alors très évidents. 


La masse hépatique, qu'il serait mieux de nommer le blastème 
gastro- hépatique, est Ja partie du tube digestif qui apparaît la pre- 
mière (4); c’est sur elle qu'il faut porter son attention pour con- 
naître l’ensemble des faits relatifs à la formation des organes de Ja 
digestion. 

Si nous reprenons l’embryon à l’âge de trois jours seulement, 
nous voyons, en le regardant de profil, que la partie charnue, 
postérieure au disque, s’est allongée, et s’est appliquée contre ledos 
de la coquille jusqu’au pavillon ; que toute cette partie conserve, 
ainsi que celle qui est à la base du piéd, une légère téinte brun 
jaunâtre, rappelantcelle de l’œuffractionné ; j'airemarqué la même 
chose dans les Acéphales et les Gastéropodes, Le manteau, lepied, 
les organes de la locomotion en un mot, sont, au contraire, blan- 
châtres et transparents; et si l'on se rappelle quelle distinetion il a 
été établie entre la partie périphérique et la partie centrale, on trou- 
vera une analogie entre la teinte toujours plus claire des cellules 


(1) Voyez Ann. des se. nat., 4° série, Zoo, t. VIT, pl. 7, Mg. 8 et 9, L. 


Re Re A D em cn mn Card ne ed St D ME pe re à gun — ne A = 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 239 


périphériques et la teinte des organes de la locomotion; aussi la 
partie périphérique semble-t-elle englober la partie centrale plus 
foncée qui formera les viscères. Celte masse centrale conserve 
toujours une légère teinte jaune bistrée, et se fait constamment 
reconnaitre au milieu du corps. C'est dans son intérieur que se 
creuse l'estomac, et que se forme le foie. 

Cetle masse jaunätre ne suit pas le mouvement général de 
croissance du reste du corps (4), surtout en arrière, dans un point 
assez voisin du pavillon et en avant, où une sorte d’étranglement, 
de pédoncule, la sépare de la partie postérieure du pied (2). A 
cinq ou six jours, on ne voit dans son intérieur que des stries 
rapprochées et courbes, fort peu distinctes, indiquant de grosses 
granulations, qui se répètent dans toute son étendue, 

Mais en suivant attentivement les progrès du développement, on 
assiste à la formation successivement de la cavité stomacale, de 
l'intestin et du foie. 

La masse devient de plus en plus colorée sur ses bords; son 
centre, au contraire, s’éclaircit; en même temps, les granula- 
tions qui la composent prennent plus de volume , et deviennent 
comme de petites sphérules, paraissant, tant leur puissance de 
réfraction est grande, tout à fait analogues à des gouttelettes de 
graisse (3). 

La cavité est produite, sans aucun doute, par érosion du centre 
de Ja masse jaunätre; on dirait que, dans son milieu, la masse est 
devenue toute bosselée, que la matière plastique se raréfie, et 
que les globules devenus libres, au lieu d'être empätés dans le 
blastème, flottent (4) dans un liquide qui a remplacé celui-ci; il 
semble qu'il y a une véritable diminution de la matière unissant les 
globules. Presque toutes les cavités du corps me paraissent devoir 


(4) Voyez Ann. des sc. nat., k° série, Zoo, 1. VIT, pl. 7, fig. 9. Embryon 
vu du côté du dos, et montrant cet isolement de la masse 7; de même, pl. 8, 
fig. 2. 

(2) Ibid, 

(3) Jbid., et comparez les fig. 2, 3, pl. 8, 1; G6g. 2, pl. 9; fig. 4 et 5, 
pl. 8; fig. 4 et 3, pl. 9 (7). 

(4) Ibid, pl. 9, fig. 2 (e/). 


240 H, LACAZE-DUTHIERS. 


être considérées comme ayant ce même mode de formation ; du 
resle, le Dentale n’est pas le seul animal sur lequel on puisse 
faire cette observation. Les Hermelles ont offert à M. de Quatre- 
fages des faits complétements analogues, et j'ai vu la même chose 
se reproduire chez les Gastéropodes et les Acéphales. 

La masse, ainsi creusée d’une cavité fort grande, devient, à 
mesure que le développement s’avance, un peu conique; la partie 
la plus large est en avant et le sommet en arrière (1). Vue de 
profil, elle paraît bombée en dessus et à peu près plane, ou même 
un peu coneave en dessous. Une bande (2) étroite de tissu la réunit 
à la base de cette auire portion, que nous avons vu bourgeonner 
pour produire les filaments tentaculifères: Plus le développement 
fait dés progrès, plus celle trainée, jetée comme un pont entre les 
parties antérieures et postérieures du corps devient étroite, plus 
aussi le tube digestif se dessine, car bientôt elle se creuse d’un 
canal, loujours par érosion, et l'organe de la digestion est formé. 

Il s'écoule peu de temps entre le creusement des cavités et 
l'apparilion sur leurs parois d’un épithélium à cils vibratiles. Les 
mouvements que ceux-ci déterminent sont faciles à observer par 
la présence des globules qui flottent dans le liquide contenu, 
globules que l’on reconnait bien évidemment pour des particules 
de la masse, devenus libres par suite de l’érosion (3). 

À un certain moment, l'estomac se trouve confondu avec le 
foie. Ses parois sont lapissées d’une couche de matière jaunâtre, 
qui est le blastème du parenchyme sécréteur de la glande future ; 
il y a alors une analogie très grande avec ce que l’on voit dans 
quelques Ascidies, dont le foie es! logé dans l'épaisseur même des 
parois du tube digestif. 

Cette disposition explique très bien les particularités que présen- 
tent les organes de la digestion dans l'adulte, car, entre cette 
cavité et l'anse gastro-hépalique, qui a été décrite avec soin dans 
la première partie de ce travail, on trouve tous les passages. 

Il est facile, du reste, de voir à l’origine qu’en avant et en des- 

(1) Voyez Ann. des sc. na, 4° série, Zoou., t. VIT, pl. 9, fig. 3, 


(2) Ibid, pl. 8 et 9 (e’). 
(3) Hbia., pl. 9, fig. 3; pl. 8, fig. à (x). 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 2h 


sous la masse conique jaunätre qui se creuse plus tard, lient en 
avant aux parties voisines du point où sera la bouche, qu'en des- 
sous elle se joint par une trainée un peu vague au tubercule qui 
deviendra le bulbe anal. 

Quand le tube est complétement creusé dans ces deux parties, 
la cavité stomacale forme comme une vaste poche postérieure, 
communiquant, d’une part, en avant et en haut, avec la partie 
qui forme la bouche, et de l’autre, en arrière et en dessous , 
avec celle qui produit l’anus. Il n’y à ici de différence avec ce 
que l’on observe chez l'adulte qu'en ce que le grand cul-de-sac 
stomacal ne présente pas sur les côtés une série de cæcums ve- 
nant s'ouvrir dans son intérieur ; mais qu'on suive le développe- 
ment, et l’on verra, du vingt-cinquième au lrente-cinquième jour, 
les parois jaunâtres épaisses se marquer de rayons perpercicu- 
laires à la surface , et diviser la substance en lobes secondaires ; 
on reconnailra alors l’origine des cæcums du foie (4). Ces 
cæcums se creusent eux-mêmes lout à fait comme l'estomac, et 
quand ils sont formés, l’on retrouve complétement la disposition 
de l’adulte. Il est facile d'observer que l'étendue de cette partie doit 
s’accroilre beaucoup ; mes observalions ne se sont point pro- 
longées assez longtemps pour que j'aie pu voir les cæcums du foie 
pénétrer dans les parois du manteau. 

Aiusi de cette masse, qui semble, surtout si l'on juge par ana- 
logie, être la partie centrale de l'œuf fractionnée, naissent les or- 
ganes digestifs représentés principalement par l’anse stomacale 
et le foie. 


Voyons maintenant comment se forme l'intestin. 

Le paquet intestinal doit occuper la partie qui s'étend entre le 
bulbe anal, dont on a vu l’origine et l’anse gastrique. L’intestin 
qui le forme est d’abord court, et directement étendu du blastème 
gaslro-hépatique à l'orifice anal; mais peu à peu il s'allonge, et 
alors sa direction change , il se contourne sur lui-mêine, et les 
circonvolulions prennent naissance. Quand on observe par le 


(1) Voy. Ann. des sc, nal., 4° série, Zooz., t. VII, pl. 9, Gg. 4, ñg. 3 (1). 
4° série. Zooz, T. VIL. (Cahier n° 4.) # 16 


2h2 H. LACAZE-DUTHIERS. 

dos un embryon (1) de vingt à vingt-cinq jours, on voit de 
chaque côté, à droite el à gauche de la partie à laquelle correspond 
la cavité stomacale, une anse, sur l’origine de laquelle on est 
embarrassé au premier abord. 

Enexaminant les embryons de profil, surtout du côté gauche (2), 
l'on s'assure que le point de départ des circonvolutions est en 
avant et à gauche de la cavité stomacale; on reconnait aussi que 
leur direction est oblique, et qu’elles se portent à droite en passant 
au-dessous du tube qui unit la partie où seront plus tard la bouche 
et l'estomac, qu'après avoir décrit la seconde courbe, elles se 
rendent à l’orilice anal. 

On distingue, à l’âge de trente et trente-cinq jours, les mouve- 
ments de l’épithélium ciliaire dans tout le tube digestif; ces mou- 
vements sont rendus évidents aussi par la présence des granula- 
tions de la sécrétion ou de l'érosion de la substance hépatique 
qui sont entrainées au dehors, et je les ai même vues souvent 
sortir par orifice du bulbe anal : cela facilite l'observation. 

Le blastème, aux dépens duquel se développe l'intestin, est une 
dépendance de la masse centrale, mais une dépendance secondaire; 
quand le développement porte en arrière la partie gastro-hépa- 
tique, la traînée de substance qui unit au tubercule postérieur 
au talon, s’allonge, et perd un peu de sa teinte jaunâtre. Ce 
blastème se creuse peu à peu d’une cavité longitudinale comme il 
a été dit, et ce n’est que par l'allongement qui marche assez vite 
que l'intestin devient ensuite flexueux, et que les circonvolutions 
se développent. 

A trente et trente-cinq jours (3), en observant les embryons 
par le dos , on voit très nettement dessinées, à droite et à gauche, 
les cireonvolutions inteslinales ; elles sont placées sur un plan infé- 
rieur à l’anse gastro-hépatique , et aux parties dont le développe- 
ment nous reste encore à étudier. 


On à vuque le travail, pendant les commencements de l'évo- 


(4) Voy. Ann. des sc. nal., #° série, Zooz., t, VIT, pl. 9, fig. 4,3, (i) (i). 
(2) Zbid., pl. 8, fig. 5. 
(3) Ibid. pl. 9, fig. 3 (i). 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 943 


lution embryonnaire , avait eu pour effet d'éloigner la masse jau- 
nâtre centrale de la base du pied, en laissant une traînée de blas- 
tème entre les deux. C’est dans Ja partie inférieure de cette traînée 
que se forme l'intestin, et dans la partie dorsale antérieure étendue 
de la base des tubereules tentaculaires à la masse gastro-hépatique, 
que nous allons voir maintenant se développer successivement la 
langue et les dilatations secondaires du tube digestif. 

Un étranglement, peu marqué d'abord, semble séparer l’anse 
gastro-intestinale de la portion qui lui est antérieure ; il s’allonge 
progressivement, et, à {rente-cinq jours, un tube bien limité 
s'étend entre la masse gastro-hépatique et la portion antérieure du 
corps (1); celle-ci pendant le travail s’est dilatée, et est devenue 
un peu cordiforme (2). 

Dès que celte partie antérieure s’est bien limitée, il devient de 
plus en plus facile dela distinguer des Hissus environnants ; c’est 
elle qui forme à la fois la poche linguale et les éléments de la 
langue, cartilage, muscles et pièces cornées. 

De chaque côté, et en arrière de la base des tubercules tentacu- 
laires, un peu au delà des deux points, où l’on a vu se former les 
ganglions sus-æsophagiens (3), deux petites masses granuleuses 
s'étendent en se rapprochant sur la ligne médiane sans se con- 
fondre cependant, et forment une courbe en fer à cheval, ouverte 
en arrière. 

Ces branches disparaissent sur les côtés en s'enfoncant en des- 
sous, et circonserivent une substance différente d'elles, comme 
l'indique la couleur, sur le milieu de laquelle se forme une dépres- 
sion linéaire dentelée (4). Elles sont ou paraissent interrompues 
en avant sur la ligne médiane. En arrière d'elles et en arrière de 
la partie centrale qu'elles entourent , une poche membraneuse se 
faitensuite remarquer. HN me paraît difficile de ne pas recon- 
naître le cartilage lingual dans les deux branches du fer à cheval, 
ki pièce cornée dentelée dans la partie centrale, et enfin la poche 


(1), Voyez Ann. des sc. nat, 4€ série, t. VIT, pl. 9, fig. 2, e’; pl. 9 fig. 4 ,c! 
(2) /bid., E. 

(3) Ibid, pl. 9 (j). 

(8) /bid., spécialement pl. 9, fig. 3, £. 


24h HW. LACAZE-DUTRIERS. 
linguale (4) dans cette dilatation membraneuse , qui est en com- 
mupication avec le tube gastro-hépatique. 

A cet âge, les éléments de la langue sont déjà mobiles, et l’on 
voit sur les embryons de trente à trente-cinq jours des mouve- 
ments de bascule effectués par ces pièces cartilagineuses. 

En regardant l'embryon par la face inférieure, on reconnait dans 
ja base du pied, vers son talon, toutesles parties dela langue, le car- 
tilage ayant même déjà vers son milieu la pièce cornée qui fait 
saillie, absolument comme dans l’adulte ; mais ayant cet âge, on 
voit dans la même place une masse opaque, à peu près circulaire, 
en avant du blastème dont il a été question, qui se partage, avec 
les progrès du développement, en cartilage, muscles et pièce 
cornée. Dans les carlilages devenus distincts, j'ai pu reconnaitre 
dejà les cellules caractéristiques. 

A part la bouche qu'il n’a pas été possible d'observer, directe- 
ment ou indirectement, loutes les autres parties du tube digestif se 
sont dessinées dans l’espace d’un mois. La bouche doit se for- 
mer à la base des tentacules qui l'entourent, et à cette époque 
elle existe sans doute, mais cependant, à quelque âge que j'aie 
essayé, il m'a été impossible de voir pénétrer dans le tube digestif 
le carmin que je mêlais à l’eau. La déglutition ne serait-elle pas 
passive , ainsi que cela a lieu pour l'Huître, par exemple ? Y aurait- 
il élection dans les produits à absorber? C’est possible; car, à 
cette époque, déjà le tube digestif fonctionne, et l’on voit ses 
mouvements, ses contractions, ainsi que la progression des ma- 
tières qu’il renferme. 

Si j'insisle ainsi sur ce fail, c'est que l’embryogénie m'avait 
d'abord beaucoup embarrassé ; je ne pouvais comprendre ce 
qu'était cette cavilé, communiquant en avant avec l'appareil lin- 
gual, en arrière avec les circonvolutions intestinales et l’anus. Je 
ne pouvais me rendre compte de l’analogie qui pouvait exister 
avec les parties de l'adulte, dont je n'avais pas encore une con- 
naissance complète, en raison de la difficulté qu’il y a à suivre 
le tube digestif en dehors de la cavité viscérale proprement dite. 


(1) Voy. Ann. des sc, nat., 4° série, t. VIT, pl. 9 (e), poche linguale. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 245 


C’est cette impossibilité de retrouver l’analogie entre l'adulte et 
l'embryon qui n’a conduit à des dissections nouvelles, et qui m'a 
fait reconnaitre la disposition particulière du tube digestif sur la- 
quelle j'ai beaucoup insisté ailleurs. 

Dans l’embryon, le diaphragme vertical n'existe pas encore; 
mais plus tard, quand il a séparé le corps en deux, la masse gastro- 
hépatique , avec les commencements de ses cæcums , est en 
arrière de lui, et tout le reste du tube en avant. Déjà dans les 
dessins des embryons de trenteet trente-cinq jours, on voit que la 
portion de l'anse gastro-hépatique qui communique avec l'intestin 
est à gauche, et que la portion qui établit la communication entre 
la poche linguale et la cavité de l'estomac est à droite. Que l’on 
compare la figure du tube digestif de l’adulte (4) avec celle de 
l'embryon, et l’ontrouvera, aux proportions près, les plus grandes 
ressemblances (2). 


Appareils de la cireulation et de la respiration. 


Ces appareils sont excessivement incomplets. Il n’y a pas d'or- 
gane central bien limité pour lune ou pour l’autre de ces fonc 
tions: aussi, dans les recherches d’embryogénie, l'embarras est 
plus grand encore que dans celles qui ont pour but l'anatomie de 
l'adulle. 

Le sang étant incolore dans le Dentale , on comprend que l'ob- 
servalion devient plus difficile. 


A un mois, les rudiments du vaisseau palléal moyen inférieur 
ne paraissent pas encore non plus, chose importante, que ceux qui 
se trouvent si nombreux en face du talon, dans ce point du man- 
teau que l’on peut regarder comme un rudiment de branchie. 


Le système des sinus (3), qui s'étend du pied à la face inférieure 


(1) Voyez Ann. des sc, nat., 4° série, Zooc., la première planche du travail 
et celles relatives aux organes de la digestion. 

(2) Jbid ,t. NII, pl. 9, fig. 1, 3. 

(3) Zbid , pl 8, fig. 3, 4, 5 («a) (sp). 


246 IN. LACAZE-DUTHIERS. 


du corps, en contournant la base du bulbe anal, est très reconnais- 
sable dans les embryons du même âge. On voit avec la plus 
grande facilité que le pied est creusé d’une cavité très grande, 
s'étendant depuis le talon jusques aux lobes de son extrémité; on 
voit aussi dans le talon la cloison ou diaphragme qui sépare la 
cavité du pied de celle qui renferme les organes de la digestion (4); 
on peut distinguer les mouvements de dilatation et de contraction 
du grand sinus pédieux. Quant au sinus abdominal, il est encore 
fort restreint; cela se comprend, puisque la portion du corps qu'il 
occupe est relativement {rès courle el lrès peu développée (2). 
On sait que plus tard les organes de la reproduction s'étendent 
bien au delà du foie ; alors le sinus se continuant au-dessous 
d’eux s’allongera beaucoup. 

Comment se forme cet ensemble de sinus ? 

D'abord le pied paraît plein ; ensuite on voit dans son intérieur 
la substance devenir plus claire, elle semble diminuer un peu, 
en laissant du côté du dos une portion opaque, dans laquelle se 
produisent plus tard l'intestin et l'appareil lingual. 

Au milieu de cet éclaircissement, on distingue comme des 
traînées de substance, véritables brides tendues d’une partie à 
l'autre, et les éclaircies plus marquées deviennent enfin entre ces 
brides des vacuoles ou lacunes. 

Dans le cas actuel, ce n’est pas par érosion que se forment les 
cavités ; c’est par écartement de la substance. 

Une comparaison peut donner une idée exacte du travail qui se 
passe ici; il y a quelque chose d'analogue à ce que l’on voit sur 
les plantes, dont la croissance est rapide, et où le tissu cellulaire 
forme des lrabécules tendues d’un point à l’autre dans la cavité 
médullaire : celle-ci, formée par un écartement trop rapide de ses 
parois, n’a pas donné le Lemps à loutes les parties qu'elle renferme 
de se développer également. Je n’entends point dire qu'il y ait ici 
quelque chose d’absolument analogue à un déchirement; non, il y 
a raréfaction de la substance, en même temps qu'éloignement des 


(1) Voyez Ann. des sc. nal., ZooL., 4° série, Gg, 2. 
(2) Zbid., pl.8,etpl, 9, fig. 2 (sp). 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE, 247 


parois. Il ne faudrait pas non plus prendre d'une manière trop 
absolue celte comparaison, car on acquerrait une idée fausse. 

C'est là un procédé suivi par la nature pour produire dans les 
animaux en voie de développement un grand nombre de cavités. 
J'ai, en étudiant l'embryogénie de la Bullée (Bullea aperta), re- 
marqué ce mode de formation , avec la plus grande netteté, pour 
des organes importants. 

C’est encore de la même manière que j'ai vu se former le sinus 
abdominal au-dessous de l’estomac et du foie. 


Les embryons du Dentale offrent le plus grand intérêt dans leur 
élude, en raison même de la facilité avec laquelle on peut obser- 
ver sur eux les mouvements alternatifs de contraction et de dila- 
tation des sinus. Les mouvements de contraction n’ont rien de 
parliculier ; tandis que ceux de dilatation sont brusques et produits 
comme par une détente rapide ; en les suivant attentivement, on 
reconnaît que les sinus communiquent entre eux, qu’ils entourent 
le bulbe anal; qu'enfin, chose curieuse, ils s'ouvrent déjà au 
dehors, comme chez l'adulte, par des orifices latéraux (4). 

Ces derniers orifices sont aussi contractiles, et on peut les voir 
s'ouvrir ou se fermer successivement. 

J'insiste sur ces faits, parce qu’ils viennent confirmer les dispo- 
sitions d'anatomie que j'ai déjà indiquées, et qu'ici l’on a en mi- 
niature toutes les dispositions , avec cet avantage qu’un seul coup 
d’œil peut les faire embrasser dans leur ensemble. 


Dans ces sinus, à la base du pied, dans le talon, et dans le reste 
de l'étendue des autres parties, on trouve très régulièrement ten- 
dus, du corps à la paroi externe, des paquets fibreux, évidemment 
musculaires. Ce sont eux qui, en se contractant, appliquent la pa- 
roi inférieure du siaus contre les parois dorsales du corps; ils sont 
certainement les premiers rudiments de ceux qui, plus lard, se 
développent régulièrement entre chaque lobe de la glande géni- 


(1) Voyez Annales des sciences naturelles, 4° série, Zooz., t, VIL, pl, 8, 
fig. # et 5 (0). 


218 HN. LACAZE-DUTIHIERS. 


tale; ce sont eux aussi qui se relichent brusquement, quand le 
tissu se dilate. 

J'ai cru remarquer que, lorsque le pied va sortir au dehors dela 
coquille, le sinus de son talon se dilate, tandis que le sinus abdo- 
minal se contracte; il semble que l’un recoit le liquide poussé et 
chassé par l'autre, et qu'il y a là comme une sorte d’érection du 
pied produite par une véritable injection de liquide. 

Inversement, quand le pied rentre et se contracte, on voit 
presque toujours les cavités et vacuoles du sinus abdominal se di- 
later et se gonfler. 

On trouve, dans ces observations, les raisons de Ia commu- 
nication de ces sinus ou réservoirs, et surtout l’explication des 
changements de forme et de volume si rapides du pied; les Hi- 
quides, en se déplaçant et en passant d’un réservoir dans l’autre, 
peuvent rendre turgide l’une des parties, ou lui permettre de 
revenir sur elle-même. 

Arrivés à vingt, trente et trente-cinq jours, les jeunes Dentales, 
placés sous le microscope, se trouvent, sur une plaque de verre 
unie, dans des conditions peu favorables à leurs mouvements ; on 
les voit se traîner péniblement en se servant de leurs pieds (4), 
absolument comme les adultes placés dans une assiette ; et comme 
ils renouvellent fréquemment leurs mouvements, on peut suivre 
avec facilité les alternatives de contractions et de dilatations dont il 
vient d’être question. 


Organes de la reproduction et de Bojanus. 


On comprend que les organes de la reproduction ne doivent 
pas se montrer dans une période de temps aussi courte; je n’ai vu 
rien qui se rapportät à eux. 


De chaque côté du bulbe anal paraissent deux taches, deux amas 
de matière jaune (2), en tout quatre, formant comme un carré, 


(1) Voyez (Ann. des so. nat., &° série, Zooc., t. VIT, pl. 8 et 9) les quatre 
figures où l'embryon est représenté en entier; on aperçoit les formes diverses du 
pied. 

(2) fbid., pl. 8 et 9, les différentes figures (H ?) (H'?). 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 219 


au centre duquel est le bulbe. Ces taches deviennent plus tard des 
organes glandulaires, analogues évidemment à ceux que nous 
avons étudiés sous le nom d'organes de Bojanus. C’est aussi de 
très bonne heure que se développent entre les deux petils amas 
d’un même côté les orifices extérieurs des sinus. 

Le parenchyme glandulaire commence même à se dessiner assez 
nettement dans la période du développement que nous avons par- 
courue. D'abord les masses sont diffuses, et ne renferment que 
des granulations ; bientôt celles-ci se groupent dans la partie pos- 
térieure et deviennent de plus en plus accusées; la masse (4) totale 
paraît enfin entourée d’une membrane transparente , d'une véri- 
table capsule ; elle semble se partager en petits îlots primitifs, 
dans chacun desquels on voit deux ou trois pelites masses 
secondaires, qui m'ont paru se creuser chacune d’une vacuole 
transparente, origine évidente d’un cul-de-sac sécréleur de la 
glande (2). 

Quant à la formation de l’orifice excréteur, je ne l’ai point vue, 
et je crois aller ici au-devant d’une objection qui pourrait se pré- 
senter à l'esprit : L’orifice latéral, décrit comme appartenant à la 
circulation, ne serait-il pas celui de l'organe de Bojanus (3)? Je ne 
le pense pas; car il existe bien avant que le travail que je viens 
d'indiquer ne s’accomplisse : celui-ci a lieu du vingt-cinquième 
au trentième jour, et de fort bonne heure l’orifice non-seulement 
existe, mais encore se contracte. 

Je dois faire, en terminant, une observation : sans aucun doute, 
ces glandes sont les analogues du corps de Bojanus des Acé- 
phales Lamellibranches ; à l’époque du développement où nous 
sommes arrivés, on retrouve une analogie assez grande pour ne 
laisser aucune incertitude. M. Lovën a démontré que ces organes 
se développent de bonne heure chez les Acéphales, et qu’ils précè- 
dent par conséquent de beaucoup l'apparition des organes de la 


(1) Voyez Annales des sciences naturelles, &° série, Zooz., t. VII, pl. 9, 
fig. 4,4. 

(2) Iid., B. 

(3) Ibid, C. 


250 H. LACAZE-DUTHIERS. 


génération. Cette considéralion me paraît devoir faire naître des 
doutes sérieux sur l'opinion que j'ai indiquée dans un travail précé- 
dent (4), sans y attacher toutefois une trop grande importance, 
et qui consisterait à regarder le corps de Bojanus comme une 
annexe secondaire de la génération, mais à certains égards seule- 
ment. De même dans le Dentale, le développement de la glande de 
Bojanus est très précoce; par conséquent, ici la même difficulté 
se présente, et l'on ne saurait croire qu’elle est une dépendance 
directe de l’appareil chargé de la conservation de l’espèce. 


Ainsi nous avons retrouvé les principaux organes que l’anato- 
mie de l'animal adulte nous avait fait découvrir, et entre l'embryon 
et l'animal parfait nous n'avons rencontré d'autre différence que 
celle tenant à la taille, et à l’absence de quelques organes qui ne 
peuvent évidemment se développer que bien plus tard. 

Je ne puis m'empêcher d'observer combien m'ont été utiles 
ces recherches d’embryogénie; les choses qui souvent m’em- 
barrassaient chez l'adulte, devenaient claires après l'examen 
d'un embryon. Que de fois aussi, à côté de la difficulté à lever 
dans l’histoire du jeune, j'ai fait intervenir l'observation de 
l'adulte ! que de fois j'ai multiplié l’examen des embryons à telle 
ou telle période, pour avoir à coup sûr une explication d’un fait 
embarrassant que me présentait Panimal parfait ! 

Il ne me reste qu’une remarque à faire. Au moment où dispa- 
raît le disque moteur, on voit sur les bords du manteau se pré- 
senter l'apparence de ce qu'on nomme en histologie des cel- 
lules ; le pied présente aussi la même apparence. 

Or, quand l'embryon débute dans son développement , quand 
on a passé la période de la forme framboisée de l'œuf, on ne 
trouve plus une seule cellule; c'est à peine si, au milieu des tissus, 
on aperçoit de loin en loin quelques corpuscules, qu'on nomme- 
rait mieux granulations. 


(4) Voyez Ann, des sc. nal., &° série, ZooL., organes génitaux des Acéphales 
Lamellibranches. 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 251 


Si cependant la théorie cellulaire était partout et toujours exacte; 
si, en se développant, les tissus des animaux devaient se former 
par la multiplication et la transformation des cellules, ce ne serait 
pas au moment où commencent la formation des cavités et la 
séparalion des parois que devraient apparaître ces éléments ; au 
contraire, ils auraient dû se transformer à partir de la masse fram- 
boisée, el se modifier successivement pour produire tout le corps. 

Je n'ai jamais exaininé des embryons à des âges différents, sans 
que celle remarque se soit presentée à mon esprit ; je la soumets 
ici à ceux qui soutiennent complétement la théorie cellulaire; à un 
moment, l'apparence est cellulaire, puis tout devient homogène; 
enfin les cellules et les noyaux reparaissent, puis ils disparais- 
sent de nouveau, pour ne plus exister que sur quelques parties où 
on les retrouvera chez l’adulte, 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PLANCHE 9, 


Fig. 4, Corps de Bojanus et glande génitale du Dentale, Ces deux organes ont 
été seuls représentés entièrement. Le talon du pied A, et les parties lalérales 
du foie [, ont été indiqués pour marquer quelques rapports; G, l'orifice anal; 
(o) l'orilice génital droit commun avec celui du corps de Bojanus de ce côté ; 
(0°) orilice du corps de Bojanus gauche (H) ; (e) canal excréteur génital ; (b) canal 
médian de la glande génitale qui recoit de chaque côté les conduits des lobules 
réunis en un seul tronc ; habituellement il y a trois culs-de-sac de chaque côté ; 
(d) petit espace entre les lobules, qui établit une communication entre le sinus 
sanguin abdominal et la partie dorsale des lacunes. Ce dessin a été pris sur un 
mâle, mais ces mêmes formes et ces mêmes rapports se retrouvent dans les 
femelles. 

Fig. 2. Portion de la glande prise dans le milieu de la longueur. Le Dentale était 
au moment de pondre, et les cæcums , ainsi que le canal, étaient bourrés 
d'œufs qui paraissaient polyédriques, en raison de la compression réciproque 
qu'ils exerçaienL les unes sur les autres. 

Fig. 3. Portion d'un cul-de-sac de la glande femelle, composé de cellules ou 
corpuseules encore sans caractères. 

Fig. 4. Une portion de la même glande à un état de développement plus avancé ; 
(a) cellules piquetés de matière colorante, quelques-unes ont un noyau; (L) une 


252 M. LACAZE-DUTHIERS. 


cellule isolée et granuleuse : (c) id., mais plus grande, déjà à l'intérieur paraît 
une vésicule transparente avec deux taches germinatives. 

Fig. 5. Jd., avec des cellules plus développées. 

Fig. 6. Zd., un œuf suspendu au parenchyme par un pédicule gréle, entouré de 
cellules pâles, dans lesquelles des œufs sont en voie de développement. On 
peut remarquer que dans le vitellus de l'œuf, bien développé, les granulations 
sont très volumineuses. 

Fig. 7. Id., seulement l'œuf est uni au parenchvme par une base extrêmement 
large; ce qui explique comment, dans quelques cas, l'œuf n'est pas entouré 
par une coque. 

Fig. 8. Éléments mâles; (a) portion du eul-de-sac de la glande, composé d'élé- 
ments particuliers que l'on ne peut séparer des spermatozoïdes; (b) un sper- 
malozoïde bien développé et isolé; sa tête est vue par la face sur laquelle s'in- 
sère la queue; {c) un spermatozoïde dont la queue est libre, mais dont la tête 
est entourée d'une auréole transparente, qui est évidemment le reste du cor- 
puscule ou cellule producteur (q) : id., mais la queue n'est pas encore dégagée : 
je ne saurais trop affirmer si le double contour de la cellule est due à la queue ; 
(e) une petite masse cellulaire ayant une queue , la tête du spermatozoïde 
ne paraît pas. 

Fig. 9 et 10. Les éléments du parenchyme aux deux états où on les rencontre, 
unis, polyédriques et granuleux, ou bien sphériques et transparents. 

Nota.— Tous ces détails d'anatomie microscopique ont été dessinés à la 
chambre claire, à un grossissement de 300 ou 800 diamètres. | 


PLANCHE G. 


Fig. 1. Ouf avec sa coque (sp), qui vient d'être pondu. Les spermatozoïdes 
arrivent à sa rencontre, mais la coque les sépare encore du vitellus. 

Fig. 2. OEuf sans coque, hérissé de tous côtés par des spermalozoïdes qui ont 
une tendance à pénétrer vers le centre. 

Fig. 3. OEuf ayant des spermatozuïdes (sp) sous sa coque (3); en (a) le vitellus 
s’est élevé comme un petit cratère; dans ce point il y a de la matière fine- 
ment granuleuse, autour de laquelle les spermatozoïdes (sp) semblent plus 
nombreux. 

Fig. £. Id., mais à l'opposé du petit soulèvement (a) paraît un pincement , d'où 
semblaient s'échapper les gouttelettes transparentes (b). 

Fig. 5. Ouf qui se divise en deux parties inégales; les gouttelettes (b) ont 
changé d'aspect. 

Fig. 6. OŒuf qui se divise en quatre; l'une des deux sphères de l'œuf précédent ; 
la plus grande se subdivise en trois, l'autre resto à peu près la même. 

Fig. 7. [d., les quatre sphères sont bien marquées. 

Fig. 8, 9, 40, 11. Divers états du fractioanement, Une po:tion de l'œuf (c) et 


DÉVELOPPEMENT DU DENTALE. 253 


plus obscure el a des sphères plus grandes que l'autre (p). Ces œufs ressem- 
blent à ceux des autres Mollusques pris au même moment. A en juger par 
analogie, on croirait donc volontiers que Ja masse se partage en deux parties: 
l'une périsphérique (p), qui vient après l'autre (c) qui sera plus tard centrale. 
Fig. 42. OŒuf après le fraclionnement, âgé de douze ou quatorze heures ; il a 
déjà des cils vibratiles (1); fait curieux, des spermatozoïdes encore vivants 
sont sous la coque (=). 
Nota. — Les figures de celte planche représentent une amplification environ 
de 75 à 80 fois. 


PLANCHE 7 


Fig. 4. Embryon un peu pyriforme, sur la surface duquel on distingue encore 
des bosselures qui rappellent la forme de l'œuf devenu müriforme par le frac- 
tionnement. On voit sur chaque côlé quatre houppes de poils ({) qui sont le 
profil d'autant de cercles. En (k) est une houppe, ou bouquet impair, que nous 
retrouverons longtemps L'embryon à cet âge com mence à rouler au fond du 
vase, et déjà la houppe k est dirigée en avant. 

Fig. 2. Embryon encore plus pyriforme, sur lequel les cils vibratiles forment 
des cercles très distincts (1); l'extrémité antérieure avec la houppe (k) s'est 
effilée , et l'extrémité postérieure commence à s'évaser. 

Fig. 3. Embryon plus âgé vu en dessous; les quatre cercles des cils vibratiles 
se sont rapprochés ; l'extrémité postérieure s’allonge, se creuse d'une gout- 
lüière M, et se couvre de cils vibratiles ; la partie antérieure et la partie pos- 
térieure sont séparées par un bourrelet (x). 

Fig. 4. Id., l'extrémité antérieure (k) est mamelonnée, l'extrémité postérieure 
est plus longue, et la coquille (c) paraît sur le dos. 

Fig. 5. Le même embryon que la figure 4 , vu de profil par le côté droit. 

Fig. 6. Embryon plus âgé ; la partie ({) forme comme un disque, un bourrelet, 
au centre duquel s'est enfoncée la houppe (k), ainsi que les mamelons et 
l'extrémité antérieure; la coquille enveloppe toute la partie postérieure, et ses 
deux bords se sont rejoints sur la ligne médiane; la dépression , celle des 
figures 3 et #, se trouve par le rapprochement des bords de la coquille et du 
manteau converti en un canal M. 

Fig. 7. Embryon vu en dessous : la coquille C dépasse le disque; le pied A 
commence à se présenter avec ses trois lobes; l'orifice M est très évident. De 
chaque côté de la ligne d'union des deux bords de la coquille, on voit des 
stries qui correspondent aux lignes d'accroissement, 

Fig. 8. Embryon plus âgé, vu aux trois quarts : loutes les parties postérieures 
au disque moteur ont pris du développement; la substance placée dans l'inté- 
rieur de la coquille forme une trainée obscure 1 dans laquelle se développe- 
ront le foie et l'estomac. 


25h H. LACAZE-DUTHIERS. 


Fig. 9. L'embryon vu par le dos. A”, partie correspondante au dos du pied; 
(m) stries, origines des muscles du dos ; M, extrémité postérieure qui formera 
le pavillon M, décroissement de la coquille. 

Nota. — Dans les figures 4 à 8 l'amphfication est de 100 à 408 fois, 

Dans la figure 9, elle est de 150 fois. 


PLANCHE 6. 


Fig. 4. Embryon plus âgé que dans les dernières figures de la planche précé- 
dente. Les mêmes lettres indiquent les mêmes choses ; toutes les parties sont 
plus développées et plus distinctes. c’, ligne d'accroissement dans le sens 
antérieur de la coquille. Dans la partie M, on voit en (y) des cils très gros 
qui déterminent un courant dans le tube ; du manteau le pied À commence à 
dépasser de beaucoup le disque, et le tube du manteau PB est déjà appa- 
rent. 

Fig. 2. Jeuné Dentale de vingt à vingt-cinq jours; l'organisation ressemble déjà 
beaucoup à celle de l'adulte, À, pied ; B, bord libre du manteau; C, ligne 
d'accroissement de Ja coquille; T, tubercules , origine des lentacules 
(m et m'), origine des muscles dorsaux qui semblent formés de globules 
placés à la suite les uns des autres; E, blastème de la langue, et e! blastème 
de la portion du tube digestif comprise entre la langue et l'estomac; 1, blas- 
tème du foie; M et M', blastème du pavillon. 

Fig. Le même vu par la face abdominale. Les mêmes lettres indiquent les mêmes 
choses ; (a) ganglions pédieux; (a') otolithes; (sp') sinus pédieux; G , orifice 
anal; H? et H'?, blastème probable du corps de Bojanus ; (y) cils très déve- 
loppés du pavillon. 

Fig. # et 5. Portions du corps d’un embryon de trente à trente-cinq jours; 
l'une est vue du côté droit, l’autre du côté gauche. Les mêmes lettres dési- 
gnent les mêmes choses que dans les figures précédentes. (s) sinus abdomi- 
nal; (e!) tube digestif en avant de l'estomac et du foie 1; (e'') portion du tube 
digestif qui fait suite à l'estomac ; (i) intestin. Dans l'intérieur de la cayité 
stomacale on voit des globules (æ) agités de mouvements ; cela tient à ce que 
déjà toute la cavité du tube digestif est tapissée par l’épithélium vibratile; 
(c) orifice latéral très distinct, qui doit correspondre évidemment, ou à l'ori- 
fice du corps de Bojanus, ou à l'orifice de la circulation que l'on distingue si 
nettement dans l’adulte, 


PLANCHE 9. 


Fig. 1, Embryon de trente-cinq jours vu par le dos. Les mêmes lettres indiquent 
les mêmes choses. Les parties E, (e), (é) ressemblent déjà presque compléte- 
ment aux mêmes parties du tube digestif de l'adulte; le blastème du foie I se 


F 


ORGANISATION DU DENTALE. 955 


partage en lobules qui correspondront plus tard au cul-de-sac sécréteur du 
foie : les stries c’, indiquant l'accroissement de la coquille, sont déjà très nom- 
breuses ; (j) origine évidente des ganglions sus-æsophagiens. 

Fig. 2. Embryon un peu moins âgé que le précédent et vu de profil par le côté 
gauche. Les mêmes lettres désignent toujours les mêmes choses. 

Fig. 3. Appareil digestif vu par le dos et déja très développé (trente-cinq jours) ; 
la pièce linguale coruée E se reconnait déjà parfaitement à ses dentelures, 
ainsi que les cartilages qui l'environnent ; les ganglions sus-æsophagiens (j) 
à la base des tentacules T ne peuvent plus être méconnus. 

Fig. 4. C, apparence des parties qui entourent l'orifice (0). On croirait voir 
autour de ce dernier des vésicules transparentes. B, apparence des masses H 
des figures précédentes et dont l'intérieur semble se creuser de cavités. À, 
autre apparence de l'une de ces parties, la substance semble se fractionner 
en quatre parties. 

Fig. 5. Une coquille d'un jeune Dentale de trente-cinq jours; l'extrémité anté- 
rieure s'évase largement ; la substance est très transparente et comme légè- 
rement piquetée. On distingue déjà de pelites lignes blanchâtres transver- 
sales qui rappellent la structure des coquilles de l'adulte. 

Nota. — Dans les planches 8 el 9, les figures où l'embryon est dessiné en 

entier, l'amplification est de 100 fois à peu près. La taille de l'embryon ; fig. 1 

3, pl. 8 et fig. 1, 2, pl. 9 est de 4 millimètre à peu près. 


PUBLICATIONS NOUVELLES. 


Histoire naturelle des Coralliaires ou Polypes proprement dits, par 
M. Mie Enwanps. 


Les deux premiers volumes de cet ouvrage, qui font parti du recueil publié 
par Roret sous le titre de Suites à Buffon, viennent de paraîtrè. Le premier vo- 
lume contient la description de l'organisation des Coralliaires et le Lableau mé- 
thodique des familles, genres et'espèces de l'ordre des Alcyonaires et de la section 
des Zoanthaires Malacodermés et Sclérobasiques ; le second volume renferme 
un travail analogue sur les premières familles de la division des Zoanthaires 
Sclérodermés. Celte dernière partie a été rédigée par M. Milne Edwards et feu 
M. Jules Haime. Le troisième volume paraîtra vers la fin de l'année 1858. 


Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée de l'homme et des 
animaux, par M. Mine Enwanps, ?° volume, 2e partie. 


Le complément du deuxieme volume de cet ouvrage a paru et contient l'étude 
du mécanisme de la respiralion et du rendement du travail respiratoire. 


A monograph of Freshwater Polyzo&. — Monographie des Poly- 
zoaires d’eau douce, par M. AzLmaw, pelit in-fol. Londres, 1856. 
Ce travail, publié dans le recueil de la Société de Ray, forme une histoire très 

complète des espèces récentes de la classe des Bryozoaires (ou Polyzoaires), et 


renferme beaucoup d'observations nouvelles sur la physiologie et la morphologie 
de ces Molluscoïdes. Il est accompagné de 44 planches très belles. 


The terrestrial Air-Breatheng Mollusks. — Mollusques terrestres 
pulmonés des États-Unis de l'Amérique septentrionale, par Amos 
Bixey. Boston, 1557. 


Le troisième et dernier volunie de cet ouvrage posthume, publié par 
M. A. Gould, vient de nous parvenir, et contient la description de quelques 
espèces nouvelles, accompagnée de 74 planches coloriées. 


Die Echtenperlen.— Sur les perles fines considérées sous les rapports 
de l'histoire naturelle et économique, par M. K. Momus, in-4. Ham- 
bourg, 1857, (ab. 

Dans ce travail, qui parait être très complet, l'auteur donne beaucoup de 


renseiznements intéressants sur la pêche et le commerce des perles, ainsi que 
sur la structure et le mode de production de ces corps. 


Report, etc. — Rapports sur les Insectes nuisibles et utiles de l'État 
de New-York, par M. Assa Frren, in-8. Albany, 1856. 


Ce travail, tiré des Mémoires de la Société d'agriculture de New - York, contient 
beaucoup d'observations intéressantes sur les mœurs de divers Insectes. 


MEMOIRE 


SUR 


LA STRUCTURE INTIME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE, 
DE LA MOELLE ALLONGÉE ET DU PONT DE VAROLE, 


Par le Dr Joseph de LENHOSSÉK, 


Professeur d'anatomie à Clausenbourg, 


SI. La substance des cellules nerveuses. 


La substance des cellules nerveuses correspond à la substance 
grise des anatomistes, el va sans interruption, en suivant la ligne 
médiane, depuis l'extrémité du cône médallaire jusqu’à l'infundi- 
bulum ; elle se prolonge en même temps des deux côtés en haut. 

Cette substance forme dans la moelle épinière quatre colonnes, 
deux antérieures motrices et deux postérieures sensilives corres- 
pondant, sur des coupes transversales, aux quatre cornes de 
Monro (1). A l'origine de la moelle allongée, ces colonnes chan- 
gent de position ; les colonnes antérieures ou motrices deviennent 
peu à peu intérieures et les sensilives extérieures. Ainsi juxtapo- 
sées, elles vont au fond du sinus rhomboïdal ; les motrices comme 
Eminentiæ teretes Santorini (2), et les sensilives comme Ale cine- 
reæ Arnoldi (3) (noyaux de l'hypoglosse, du pneumogastrique, et 
plus tard du glosso-pharyngien de M. Stilling) (4). 

Après que la substance grise des Eminentiæ lereles , ou des co- 
lonnes motrices, a formé la valvule cérébrale, celles-ci se conti- 
nuent plus en avant pour former le fond de l’aquedue de Sylvius 
et le plancher du troisième ventricule, jusqu'à ce qu'elles se con- 
fondent dans l'infundibulum , tandis que chaque Æla cinerea, ou 


(4) A. Monro, Observations on the structure and functions of the nervous 
system. Édimbourg, 4783, p. 29. 

(2) 3.-D. Santorini, Septemdecim tabule, etc., quas edit M. Girardi. Parmæ, 
4975, lab, Il], fig. 2. 

{3) F. Arnoldi, Tabule analomicæ. Turici, 1838, fagc. 1; {cones cerebri ec 
medullæ spinalis, tab. IV, fig. 3, h. 

(4) B. Sülling, Ueber die medulla oblongata, Erlangen, 4843, p. 80 : Hypo- 
glossuskern et Vaguskern. 

4° série. Zooz. T. VIL, (Cahier n° 5.) ! 17 


258 3. DE LENHOSSÉK. 


chaque colonne sensitive, se courbe en haut, à la hauteur de la 
valvule cérébrale, et se continue immédiatement dans le thalamus 
optique et le corps strié (4). 

Déjà, à quelques lignes au-dessus de l'extrémité du cône médul- 
laire, la partie moyenne de la substance grise s’étend transversa- 
lement pour former la commissure, qui partage la substance grise 
en deux moiliés; à l’origine de la moelle allongée, celles-ci se 
rapprochent de plus en plus pour se réunir finalement. En même 
temps, la substance grise commence ici à aller en haut et en arrière, 
jusqu’à ce qu’elle devienne superficielle au fond du sinus rhom- 
boïdal. 

Dès qu'elle s'éloigne du fond de la fente longitudinale antérieure, 
la partie moyenne se continue d’arrière en avant pour former le 
seplum médian qui se place verticalement; il s'étend dans toute 
la moelle allongée et le pont de Varole. Ridley (2) le connaissait 
déjà, et Vicq-d’Azyr (3) l’a décrit sous le nom de raphe. I se 
montre déjà dans la moelle allongée, au-dessus du bulbe cervical, 
comme lubercule enclavé (Zingekeiller Hôcker) de M. Hyril (4), 
et sur des coupes transversales comme processus masloideus de 
M. Stilling (5). 


(4) 3. v. Lenhossék, Neue Untersuchungen über den feineren Bau des cenlra- 
len Nervensystems des Menschen. Wien, 4855; ou encore : Denkschriflen der 
math. naturw. Class. der Akademie der Wissenschaften in Wien, tab. X, p. #; 
tab. 1, Gg. 4, a, b, fig. 2, a, b; tab. IL, fig. 4, a, b; Lab, IV, fig. 8, a, g. 

(2) H. Ridley, Anutomia cerebri. Miscellanea curiosa sive Ephemeridium me- 
dica-physicarum Germenicarum Academiæ Cœesareo-Leopoldinæ nature curiosorum 
Decuwr. III. Norimbergæ, 4706, &,p. 136: « Traclus longus medullaris processum 
annularem (i. e. pontem Varoli) in duas parles œæquales dividit, » fig. 6,e,e. — 
d.-3. Mangetli, Theatrum anatomicum. Genevæ, 4747, t. IF, p. 334, tab. XCIV 
fig. #,e,e. 

(3) Vieq d'Azyr, Mémoires de l'Académie, 1784, p. 781.—Du même : Trait 
d'anatomie el de physiologie. Paris, 4786, L. 1. p. 19, Lab. 22. 

(4) 3. Hyrt, Lehrbuch der Anatomie des Menschen. Wien, 1853, édit. 3, 
p. 633. 

(5) Sülling, Med. oblong., p. 40, tab. If, fig. 4, tab, VI. — Lenhossék, 
Ueber den feineren Bau der gesammien medulla spinatis. Silzungsber. der mathèm. 
naturw. Classe der K, Akademie der Wissensch. Wien, &, XIIT, p. 487 sq.— Du 
même : MNervensystem, p. 6, Lab, IF, 1, d, fig, 2, a. 


STRUCTURE INTIME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 259 


Un prolongement essentiel de la substance grise apparait dans 
la moelle allongée sur les deux côtés du fond de la fente longitudi- 
nale postérieure, et un autre en dehors de celui-ci qui se termine 
en forme d’angles (noyau du Funiculus gracilis et cuneatus de 
M. Stilling) (4). 

Le T'uberculum cinereum Rolandoi, où mieux encore le cône de 
M. Longet (2), est formé d’une substance grise, qui n’a pas de 
rapport avec celle des quatre colonnes. Ce cône devient plus large 
en haut, et s’étend jusqu'à l'intérieur du pont de Varole ; sur des 
coupes transversales, il apparait comme substance gélatineuse glo- 
biforme de M. Stlling (3). 

Les éléments histologiques de la substance grise sont une sub- 
stance fondamentale transparente, dans laquelle se trouvent logées 
des cellules nerveuses de trois espèces : 

1° Des cellules nerveuses généralement répandues, qui se pré- 
sentent sous toutes les formes de développement, depuis la plus 
complète avec noyaux, nucléoles et prolongements, jusqu’à celle 
de noyaux et nucléoles simples de M. Kælliker (4). 

2° Des cellules nerveuses en groupes de M. J. Müller (5) qui 


1) Stilling, Med. obl., p. 46: Als Gemeinschafllicher Kern des Xeilund 
zarten Stranges, tab. II, fig. #, 0; tab. IV, fig. 4 et 2, 0, p. — Lenhossék, 
Nervensystem, tab. 1, fig. 2, c, d, tab. IV, fig. 8, f, g. 

(2) L. Rolando, Recherches anatomiques sur la moelle allongée (Memorie della 
reale Academia delle Scienze di Torino, 4825. 1. XXIX, p. 22, tab. IV, fig. 6, 
10, 44, et tab. V, fig. 3 et 4,1, c, — Du même : Saggio sopra la vera struttura 
del cervello, 2° édit., t. I; Torrino, 4828, t. 1, p. 378, — Arnold, Zcones 
fascic. 1 : Corpus einereum, tab. IL, fig, 6, e,f. — A. Longet, Analomie und 
Physiologie des Nervensystems. Uebersetzt und ergænzt von J.-A, Hein, t. LL; 
Leipzig, 4847, L. 1, p. 309. 

(3) Sulling, Med. obl,, p. 46, 34 und 37, tab, IV, fig, 2, c, Lab, V et VI, i. 
—Du même ; De structura protuberantiæ annularis sive pontis Varoli, lenæ, 4846, 
p. 459, tab. I-XI, k 

(4) A. Koælliker, Miscroscopische Analonie der Gewebelehre des Menschen, 
Leipzig, 4850, p. 407.— Du mème : Handbuch der Gewebelehre des Menschen. 
Leipzig, 1852, p. 273. 

(5) 3, Müller, Vergleichende Nevrologie der Myæinoiden (Abhandlung der Ber- 
liner Akudemie, 1838, p. 171), —J,-Æ, Purkynje, Bericht der Versammlung 


260 J. DE LENHOSSÉK. 


se distinguent par une grandeur extraordinaire ; elles sont par- 
tiellement pigmentées. Ces groupes produisent par leur grand dé- 
veloppement le bulbe lombaire et cervical. Is se montrent dans 
les colonnes motrices et sensitives, et ailleurs. 

Les cellules complètes de la première espèce , aussi bien que 
toutes celles de la seconde, sont multipolaires, et se trouvent en 
communication immédiate par les anastomoses les plus variées de 
leurs prolongements. 

3° Les cellules nerveuses de la substance ferrugineuse et de la 
substance noire de Sæmmerring (1) quisontfortement pigmentées ; 
elles ont une forme sphérique ou ovale, et des prolongements très 
fins, filiformes, rarement visibles. 

La substance grise n’a pas de fibres qui lui soient propres ; les 
libres qui s'y trouvent en apparence appartiennent aux paroïs du 
canal central comme les fibres longitudinales, ou aux racines des 
nerfs comme les fibres obliques , et de celles-ci il y en a encore 
d’autres qui la traversent seulement, par exemple les fibres de la 
décussation pyramidale. 


S IT. La substance des fibres primitives. 


Déjà, à la parlie supérieure du cône médullaire, la substance 
blanche des anatomistes est partagée en deux parties bien dis- 
tinctes, par la fente longitudinale antérieure et postérieure, qui en- 
tourent la substance grise des deux côtés, comme une feuille rou- 
lée d’après Gall (2), mais qui ne vont jamais jusqu’au fond de ces 
deux fentes. Elle devient plus grosse de bas en haut, sans augmen- 
tation particulière au bulbe lombaire et cervical. A la hauteur de la 
moelle allongée, la substance blanche est remplacée, comme couche 


deutscher Naturforscher in Prag, 1837, v. Grafen C. Sternberg und J.-B. Edl. 
v. Krombholz. Prag, 4838, 4, p. 179. — L. Clarke esq., Researches inlo the 
structure of the spinal chord (Philosophical Transactions of the royal Society of 
London, 4651, part. II, Lab. XX, fig. 5 et 6). 

(1) P. Th. Sœmmerring, De corporis humani fabrica, t. V ; Trajectiad Mænum 
1794, L. IV, p. 78. 

(2) F.-G. Gall et G. Spurzheim, Recherches sur le système nerveux en général 
elsur celui du cerveau en particulier. Paris, 1809-1819, 4, t. I, p. 58. 


STRUCTURE INTIME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 261 


de continuation, par le sératum zonale de M. Arnold (1), et elle va 
en même temps d'arrière en avant, jusqu'à ce que la substance 
grise, qui prend une direction tout opposée en haut, reste à dé- 
couvert (fond du sinus rhomboïdal). Comme dans la moelle allon- 
gée, il ya, outre le septum médian, encore d’autres organes situés 
des deux côtés de celui-ci et le stractum zonale entoure seulement 
leur surface extérieure, tels que les corps restiformes de Ridley et 
les olives ; mais il quitte alors sa position superficielle, et s’inter- 
cale entre les olives et les pyramides (2). 

La fente longitudinale antérieure et la postérieure parcourent 
sans interruption toute la hauteur de la moelle allongée, la première 
jusqu'au foramen cœcum , l'autre jusqu'au calamus scriptorius ; 
c’est la substance grise qui en forme partout le fond, et dans cer- 
tains endroits en partie aussi les faces latérales. La fente longitn- 
dinale antérieure devient plus profonde de bas en baut jusqu’à la 
hauteur de la décussation pyramidale ; mais en partant de là, elle 
est de nouveau moins profonde. Elle est triangulaire à la hauteur 
des deux bulbes, et là, où le septum se prolonge en forme de 
crête , la fente antérieure se bifurque, et présente sur les coupes 
transversales la forme d’un Y, et dans toute la hauteur de la décus- 
salion pyramidale disparait alternativement tantôt le côté gauche, 
tantôt le côté de la bifurcation. La fente longitudinale postérieure 
est partout plus étroite que l’antérieure; par contre, elle est tou- 
jours beaucoup plus profonde jusqu'au-dessus de la hauteur de la 
décussation pyramidale, où elle a été niée par beaucoup d'auteurs ; 
mais extérieurement elle est à l'œil nu à peine visible, cé que 
MM. Foville et Longet (3) ont déjà remarqué, car la pie-mère la 
couvre en passant par-dessus. 

Outre la fente latérale postérieure dans la moelle allongée, qui a 
provoqué de la part de Burdach (4) la division de la substance 

(4) F. Arnoldi, Bemerkungen über den Bau des Hirn-und Rückenmarkes. 
Zürich, 1828, p. 21-25. . 

(2) Lenhossék, Medulla spinalis, p. 489. — Nervensystem, p.11. 

(3) M. Foville, Traité complet de l'anatomie, elc., du système n rveux cérébro- 
spinal. Paris, 1844, 4"° partie, p. 134, — Longet, op. et loco citato. 

(4) R.-F. Burdach, Vom Baue und Leben des Gehirns, t, TT; Leipzig, 4826, 
4, 11, p. 35-37. 


262 J. DE LENHOSSÉK. 


blanche en funiculus gracilis et cuneatus, il n°y a plus, dans toute 
la moelle épinière, d’autres sillons où fentes ; mais la substance 
blanche tourne sans interruption autour des colonnes, ou encore, 
comme stratum zonale de M. Arnold, autour des organes latéraux 
de la moelle allongée. La fente latérale postérieure de la moelle 
épinière que l’on a admise n’est pas une véritable fente ; car entre 
les racines spinales postérieures, aussi bien qu'entre les fils de 
racines et les fascicules primitifs centraux qui leur correspondent, 
il y a des interstices où la substance blanche se continue sans inter- 
ruption, comme Bellingeri et Chaussier (2) l'ont déjà remar- 
qué (2). 

Les éléments histologiques de la substance blanche sont des 
fibres longitudinales qui ne se croisent ni au fond de la fente lon- 
gitudinale antérieure, ni au fond de la postérieure ; car le fond de 
ces fentes est constitué par la commissure transversale, ne for- 
mant qu'un seul organe, et plus loin la substance blanche des deux 
moitiés latérales est parfaitement séparée par ces deux fentes, Les 
fibres primitives de la substance blanche n’ont pas de rapports 
avee les fibres des racines nerveuses; car celles-ci, groupées déjà 
en fascicules, ne font que traverser tout simplement les fibres lon- 
gitudinales sous des angles obliques. 

Les fibres primitives de la substance blanche sont beaucoup plus 
fines que celles des racines nerveuses, et semblent provenir de 
toute la surface des colonnes de la substance grise. 

A l’origine de la moelle allongée, les fibres primitives quittent, 
à l'exception d’une petite partie, leur direction primitive , mais en 
continuant toujours d'aller en haut et pas en arrière; ensuite elles 
se groupent, et produisent des formations fasciculaires. Elles se 
terminent toutes en irradiations périphériques de certains organes 
de la moelle allongée, du cerveau ef du cervelet, 


(1) C.-F, Bellingeri, De medulla spinali nervisque et ea prodeuntibus. Augustæ 
Taurinorum, 4, 1823, p, #4 : « Substantia alba continua in his punclis. » — 
F. Chaussier, Exposition sommaire de la structure et des différentes parlies de 
l'encéphale. Paris, 4807, p. 134. 

(2) Lenhossék, Med. spin., |. e. — Nervensystem, p, 12. 


STRUCTURE INTIME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE, 263 


S IT, Le canal central. 


L'existence de ce canal fut déjà soutenue par les plus anciens 
anatomistes (Stefanus, Columbus , Piccolomini, Bauhini, Malpi- 
ghi, Lieutaud, ete.) (1), mais démontrée d’une manière irréfutable 
chez l’homme par M. Stilling (2). 

A l'état normal , le canal central existe toujours , mais différem- 
ment selon l'âge (Berres) (3) ; il parcourt toute la moelle épinière, 
et s'ouvre dans le calamus scriplorius. On peut considérer comme 
un prolongement de sa paroi intérieure le sulcus medianus du sinus 
thomboïdal, el son prolongement au fond de l’aqueduc de Sylvius 
et du troisième ventrieule jusqu’à son entrée dans l’infundibulum. 
Le canal central suit toujours la ligne médiane et se trouve en 
dedans de la substance grise, qu'il traverse déjà quelques lignes 
en dessous du calamus scriplorius, de manière à coïncider ici avec 
la fente longitudinale postérieure. Il est situé, jusqu’à la moelle 
allongée , dans le tiers antérieur du diamètre antéro-postérieur de 
la moelle épinière ; mais alors il se penche peu à peu en arrière ; 
il se trouve au-dessus de la décussation pyramidale, justement au 
point central , et puis il se courbe plus en haut et en arrière, La 
forme du canal central varie dans ces différentes hauteurs ; dans 


(1) Carolus Stefanus, De dissectione partium. Parisiis, 4545, fol., p. 344 : 
a Cavitalem in interna medullæ spinalis substantia manifestam reperire licet, quæ 
ceu quidam ipsius ventriculus esse conspicilur. » — Realdi Columbi, Cremonensis 
de re anatomica, libri XV ; Venetiis, 1559, fol., p. 494: « Spinalis medulla cavi- 
tale prædila est, instar calami scriplori quasi foramen esset, per quod & ventriculo- 
quarlo ad medullam spinalem facile pervenire posse non dubito. » — Archang, 
Piccolomini, Ferrarensis, anatomicæ prælectionis, etc. Romæ, 1586, fol., p.260. 
—C. Bauhini, Brasiliensis theatrum anatomicum. Francof., 1624, #4, édit, nouv., 
p. 228. — M. Malpighii, Opera omnia, 1. A, p. 119. — A. Portal, Observation 
sur une Spina bifida et sur lecanal de la moelle épinière (Mémoires de Paris, 1770, 
p. 328) —J. Lieulaud, Zergliederungskunst, 2 L.; Leipzig, 1782, t. If, p.76, 
nola, elc. 

(2) B. Sülling und J. Wallach, Untersuchungen über die Textur des Rücken- 
marks, Leipzig, 1842, p. 23, fig. 4 et 5. — Stülling, Med. oblong., p. 6 et 19, 
tab. I, fig. 2, et tab. LII-V. 


Et | 


(3) 3. Berres, Anthropolomie, Wien, 1842, p. 475, 


26 J. DE LENHOSSÉK, 


1a partie dorsale de la moelle épinière, il est rond ; dans le reste de 
son trajet, il a plutôt la forme d’une fente qui se présente en haut 
et en bas dans le sens du diamètre antéro-postérieur, et ailleurs 
dans le sens du diamètre transversal. 

Les éléments histologiques des parois du canal central sont : 

4° La couche des libres longitudinales de M. Clarke (Lenhos- 
sék) (1), qui s'étend sans interruption sur le sinus rhomboïdal 
comme couche subépithéliale, et de là sur toutes les parois du ven- 
tricule du cerveau ; elle forme la couche extérieure parfaitement 
limitée de la substance grise qui l’avoisine. Les fibres qui forment 
cette couche sont plus fortes que les fibres primitives des nerfs; 
elles ont un aspect tout différent, et présentent, à une lumière qui 
les traverse , une couleur gris de cendres. Cette couche semble 
correspondre à celle décrite comme basement membrane par 
MM. Todd et Bowmann (2). 

2° Une couche de cellules épitheliales cylindriques, découverte 
chez le veau par M. Clarke et chez le chat par M. Schilling (3). 
Les cylindres deviennent de plus en plus courts vers le calamus 
scriplorius, Sans cependant jamais devenir un épithéliam plat, 
pas même dans les ventricules du cerveau; ils ont un très pelit 
noyau rond, qui s'agrandit quand ils deviennent plus courts. 

3° Une couche intermédiaire de granules qui n'existe qu'à la 
partie la plus externe du cône médullaire jusqu'au bulbe lombaire. 
Les granules présentent séparément une couleur plus uniformé- 
ment brune , et semblent communiquer entre elles par des pro- 
longements. Elles sont à peine des cellules nerveuses, car elles 
sont parfaitement séparées de la substance grise par la couche des 
fibres longitudinales de M. Clarke. 


(1) Clarke, Spinal chord., p. 618. — Lenhossék, Nervensystem, tab. II, 
fig. 3, b. 

(2) R.-B. Todd and W. Bowmann, The physiological Anatomy and Physiology 
of man. London, 1845, L. If, p. 491 et 492, fig. 155. 

(3) E.-G. Stilling, De medullæ spinalis lextura, etc. Dorpati Livornorum, 
4852, tab, IE, fig. 6. — Lenhossék, Nervensystem., lab. JL, fig. 2et 3, e, d. 


STRUCTURE INTIME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 265 


$ IV. Les deux veines centrales. 


A droite et à gauche, et dans toute la longueur du canal central, 
dans la substance grise, on trouve, aussi longtemps que la commis- 
sure transversale existe, une veine dont l’ouverture se montre beau- 
coup plus grande sur des coupes transversales que celle du canal 
central, ce qui a déterminé quelques anatomistes (Blasius, Ny- 
maun, Cloquet, Calmeil, Gall et Spurzheim) (1) à admettre un 
double et même un triple canal central. Ces deux veines sont tou- 
jours en dedans de la substance grise, et présentent ceci de remar- 
quable que là où la commissure transversale n’existe plus, c’est- 
à-dire dans la moelle allongée et au cône médullaire, elles forment, 
dans une direction diamétralement opposée, une dichotomie, jus- 
qu'à ce qu'elles se confondent dans le réseau capillaire. 

Chacune de ces veines centrales donne dans certains endroits 
des branches très fortes d’abord, mais devenant de plus en plus 
faibles à leur périphérie, qui traversent en serpentant la substance 
grise et la substance blanche, et se jettent dans le plexus nerveux 
de la pie-mère de Breschet (2). 

Il en part aussi des vaisseaux faibles à leur origine , devenant 
plus forts dans leur trajet ultérieur, qui est moins tordu que dans 
le cas précédent ; ce sont : 

4° Des vaisseaux allant de tous les côtés en forme de rayons 
vers la périphérie : voilà d’où est venu l’idée erronée de la structure 
lamelleuse de la moelle épinière. A une lumière qui les traverse, ils 
présentent dans toute la longueur des lignes en zigzag, aspect bien 
connu des plis longitudinaux. IS passent tous dans les plexus vei- 
neux très forts de la pie-mère de Breschet. 

2 Des branches de réunion avec le sinus veineux antérieur (el 
non la veine) de la moelle épinière; elles partent régulièrement 


(1) G. Blasius, Anatome contracta. Amstelodami, 1666. 4610, p. 280 : « Spi- 
nalis medullæ una quæque pars cavitatem singularem obtinet. » — Gall, Système 
merveux, t. 1, p. 39. — G. Nymann, De upopleria tractatus. Wiltenbergæ, 
1629, 4, p. 81 et 114. — J. Calmeil, Journal des progrès, 1828, t. XI, p. 80. 

(2) G. Breschet, Essai sur les veines du rachis. Varis, 1819, 4, livr, 2, 
lab. 3-6. 


266 J, DE LENHOSSÉK, 
de chaque veine, et vont par le processus antérieur de la pie- 
mère (4). 

3’ Des branches de réunion avec les veines spinales posté- 
rieures, allant de même par le processus postérieur de la pie- 
mère ; elles sont plus fines que les précédentes. 

4° Des anaslomoses (ransversales très fines entre les deux 
veines. 


$ V. Les systèmes nerveux. 


Les fibres primitives des racines des nerfs prennent leur origine 
dans la substance grise, un rôle que déjà beaucoup d'anciens sa- 
vants lui avaient attribué (Vicq-d’Azyr, Reil, Lenhossék, Bellin- 
geri, Burdach, etc.) (2). Les fibres primitives des racines ner- 
veuses apparaissent librement entre les cellules nerveuses de la 
substance grise; elles se groupent encore en dedans de la substance 
grise en fascicules. Plus loin, ces fascicules traversent simplement 
les fibres primitives de la substance blanche pour passer directe- 
ment à la formation d'un fil de racine situé à la surface extérieure, 
Comme une exception doit être désignée, l’origine, ou un prolon- 
gement d'une cellule nerveuse, se continue immédiatement dans 
les fibres primitives d'une racine nerveuse. 

Il y a quatre sortes de systèmes nerveux qui dépendent tous de 
la loi générale : que, selon la fonction physiologique qu'elles ont 
à remplir, les racines nerveuses prennent naissance soit dans les 
colonnes motrices seules, soit dans les colonnes sensitives seules, 
soit dans les deux à Ja fois. 

TI. Le système moteur. I comprend non-seulement les racines 
spinales antérieures comme on le croyait jusqu’à présent, mais 
aussi les nerfs cérébro-spinaux moteurs qui se suivent, de manière 
qu'après la racine antérieure de la première paire des nerfs spi- 


(1) A. ab Haller, Elementa physiologie corporis humani, t. VII; Lausannæ, 
1755-1766, 4, t. IV, p. 82. 

(2) Vicq d'Azyr, Opereel loco citato. — 3. Ch. Reïl f., Archiv. f. Physiol., 
t. IX; Hallæ, p. 493. — M. a. Lenhossék, PAysiologia medicinalis, t, V, 
1816-1818; Pestini, L. IV, p. 461. — Bellingeri, op. cit., p. 50. — Burdach, 
op. cit., L. 1, p, 430, 


STRUCTURE INTIME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 267 


naux viennent déjà dans la moelle allongée les racines de l'hypo- 
glosse, et au pont de Varoli les racines de l’oculomoteur externe 
du facial, de l’oculomoteur interne, etenfin, dans les deux pédon- 
eules du cerveau, les racines de l'oculomoteur commun. Les 
fibres de ce système se développent de manière qu'il y a toujours 
une partie qui provient de la colonne motrice du côté opposé, et 
ainsi il se forme une décussation sur la ligne médiane, Cette dé- 
eussation à lieu en dedans de la commissure , et immédiatement 
avant le canal central (4); elle prend dans la moelle allongée et 
dans le pont de Varole, où la juxtaposition a déjà eu lieu, la place 
de la réunion de ces deux colonnes. Il y a une exception pour 
l'oculomoteur externe, où celte décussalion a lieu au milieu de 
la valvule du cervelet. Les fibres primitives des racines spinales 
antérieures vont en convergeant en dedans de Ja substance grise, 
pour former plusieurs fascicules primitifs qui traversent à leur 
tour la substance blanche en divergeant , afin de se rassembler 
de nouveau, après leur passage sur la pie-mère, pour la forma- 
tion d’un filet de racine. I y a un rapport analogue entre les 
racines du nerf hypoglosse et de l’oculomoteur commun, tandis 
que celles de l’oculomoteur externe du facial et de l’oculomoteur 
interne ne sont au contraire formées que par un seul fascicule. 
Puis les fascicules primilifs centraux de ce système vont en bas el 
en avant; ils font avec l’axe spinal mathématique un angle fixe 
et invariable de 32 degrés, excepté les deux dernières paires spi- 
nales qui vont presque verticalement, Entre tous les fascicules, il 
y a des interslices que la substance blanche parcourt sans inter- 
ruplion (2). 

A ce système appartiennent aussi les racines interspinales an - 
lérieures existant plusrarement, et formant, comme cela est connu, 
une dichotomie en forme de fourchelte. 

JE. Le système sensilif. W comprend les racines spinales posté- 
rieures, les racines des nerfs acoustique, optique et olfactif. Les 


(4) C. Eigenbrodt, l'eber die Leitungsgesetze im Rückenmark. Giessen, 1849, 
p.14. 

(2) Lenhossék, Nervensysten, p. 27, lab. HE, fig. 4, g: tab. HI, fig. 4, c 
fig. 5; Lab. IV, fig. 4-8, c 


268 J. DE LENRHOSSÉK. 


fibres primilives des racines spinales postérieures se développent 
de manière qu'il y a toujours une partie provenant du côté opposé 
de la colonne sensitive, et ainsi a lieu une décussalion sur la ligne 
médiane, en dedans de la commissure et derrière le canal cen- 
tral (4). Mais ces fibres primitives, qui sont plus fines que 
celles des racines antérieures, se réunissent encore en dedans de 
la substance grise en un seul fascicule assez fort. Ce fascicule 
coupe la substance blanche et la pie-mère; il se rétrécit considé- 
rablement en passant à travers celle-ci. Les fascicules primitifs des 
racines spinales postérieures, qui se trouvent à la même hauteur 
que le cône de M. Longet (tuberculum cinereum Rolandoi) , tra- 
versent celui-ci; ils vont en bas et en arrière, et font avec l'axe 
spinal mathématique un angle également fixe et invariable de 
32 degrés dirigé en arrière, et excepté les deux dernières paires 
spinales qui vont presque verticalement. Le nerf acoustique 
provient exclusivement des colonnes sensitives, qui sont déjà 
juxtaposées en dehors, comme si la substance grise semblait s’y 
continuer (2). De mème, le nerf optique et Folfactif proviennent 
du thalamus optique et du corps strié, dont la substance grise est 
formée par la continuation immédiate de la colonne sensitive de Ja 
moitié latérale correspondante. L'impossibilité d'une décussation 
des fibres primitives de ces nerfs cérébraux ressort déjà de la po- 
sition des deux colonnes sensilives (3). 

A ce système appartiennent aussi les racines interspinales posté- 
ricures qui, dans certains endroits, ne manquent jamais. 

NT. Le système radiaire. I commence déjà à la partie la plus 
externe du cône médullaire. Les fascicules primitifs rayonnent de 
tous les côtés; ils ne proviennent pas immédiatement des colonnes, 
mais de toute leur périphérie sortent des prolongements, qui bien- 


(4) A. Hannover, Recherches microscopiques sur le système nerveux. Copen- 
hague, 1842, p. 14. — R. Wagner, Ueber die Elementar-Orçanisation des 
Gehirns (Nachr. v. d. G. À. Univ. zu Gœællingen v. 610 Mürz, 1854, p. 93 
et 97). 

(2) Süilling, Pons Varoli, tab. 1, IT. 

(3) Lenhossék, Nervensystem, p. 36, tab. [, fig. 4, h; tab. HT, Gg. 1, d, 
fig. 5, c; tab. IV, fig. 5-8, d. 


STRUCTURE INTIME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 269 
tôt se réunissent à droite et à gauche pour former un réseau, se 
dirigeant surtout vers la périphérie de la substance blanche. Ce 
réseau fut déjà vu par MM. Schilling et Stilling (4); mais la plu- 
part des auteurs le considéraient (Arnold, Clarke, Fœrg) tout 
simplement comme du réseau vasculaire (2). Il s'étend de plus en 
plus de bas en haut, et provient plus tard dans la moelle allongée 
et le pont de Varole, non-seulement des colonnes juxtaposées 
(fibres arciformes de M. Stüilling), mais aussi des faces latérales du 
seplum médian (fibres transversales internes de M. Sülling). 11 
traverse dans la moelle allongée et le pont de Varole toutes les 
formations fasciculaires de la substance blanche, et représente des 
arcoles partiellement régulières. Ces processus réticulaires sont 
formés par la continuation immédiate de la substance grise même: 
ses éléments hislologiques sont la substance fondamentale hyaline, 
mais principalement les noyaux cellulaires libres et la substance 
granuleuse de M. Kalliker. Ce réseau, qui traverse dans une di- 
rection opposée les fibres de la substance blanche, surtout vers les 
racines spinales postérieures, n’est pas visible comme tel à l'œil 
nu; mais il donne une nuance intermédiaire entre la substance 
grise et la substance blanche, et de là est venue la dénomination de 
la substance gélatineuse de Rolando. 

La direction de ces processus réliculaires, comme celle des 
fascicules primitifs qui en proviennent immédiatement, est telle, 
qu’elle forme avec l'axe spinal un angle fixe de 32 degrés, aigu 
en haut; par conséquent cette direclion est opposée à celle des ra- 
cines spinales. Les fascicules traversent tout simplement la sub- 
slance blanche, sortent dans différents points et à toutes les hauteurs 
de la surface de la moelle épinière et du pont de Varole, et puis ils 
constituent directement, en se repliant en dehors, le plexus ner- 
veux de la pie-mère de M. Parkynê (3). Ce plexus, situé à la sur 

M) Stilling, Med. obl., p. 46, tab. V, lett. à; tab, VI et VIT, fig. 4 et 2. — 
Schilling, Op. cit., tab, I. 

(2) Arnold, Hirn und Rückenmark, p. 14. — Clarke, Op. cit., p. 613, 
tab. XXIV, fig. 42. — À. Fœrg, Beitræge sur Kenntniss vom innern Bau des 
menschlichen Gehirns. Stuttgart, 1844, Gig. 84. 

(3) JE. Purkyné, Mikroscopisch-nevrologische Beobachtungen (Müller's Ar- 
chiv, 4845, p. 283). 


9270 J. DE LENHOSSÉK. 


face extérieure de la pie-mère, va principalement de bas en 
haut, mais il donne aussi des fascicules primitifs latéraux, qui se 
mêlent partiellement aux racines spinales antérieures et posté- 
rieures, là où celles-ci se trouvent déjà en dehors de la moelle 
épinière (1). 

Dans ce plexus nerveux, il y a des cellules nerveuses de deux 
espèces ; iky en a qui sont intercalées entre les fibres primitives ; 
d’autres adhèrent extérieurement en forme de grappes, celles-ci 
sont ordinairement pigmentées (2). Ces cellules nerveuses sont 
très différentes de celles découvertes par d’autres anatomistes , 
tels que Bidder, Reichert, Leydig, Hannover, Stannius, Robin, 
A. Ecker, Wagner, Engel, Ludwig (3). 

IV. Le système mixte. I comprend le nerf accessoire de Willis, 
le pneumogastrique, le glosso-pharyngien et le trijumeau. 

Le nerf accessoire de Willis a les mêmes rapports centraux 
(excepté ses deux racines supérieures) que les racines ner- 
veuses du système radiaire. Ses racines se développent, comme 
M. Clarke (4) le remarque avec raison, déjà dans le bulbe lombaire, 
et ne se distinguent des cellules du système radiaire que par leur 


(1) Lenhossék, Medulla spinalis, p. 12. — Du même : Nervensystem, p. 39 
el sq., tab. I, fig. 4, i,i; tab. IL, fig. 4, q,q; tab. III, fig. 4, e,e; (tab. IV, 
fig. b-7, e. 

(2) Lenhossék, Medulla spinalis, p. 13. — Du même : Nervensyst., p. kk, 
tab. IL, fig. £. 

(3) H. Bidder und C.-B, Reichert, Zur Lehre von dem Verhælinisse der Gan- 
glien-Kærper zu den Nervenfasern, nebst einem Anhang von À. W. Volkmann. 
Leipzig, 4857, p. 15 —I1. Stannius, Das peripherische Nervensystem der Fische. 
Rostock, 4849, 4, p. 406. — Leydig, Ueber die Schleimcanæle der Knochen- 
fische (Müller's Archiv, 1851, p. 244). — Hannover, Jiecherches microscopiques 
sur le système nerveux, lab. VI, fg. 7 et 8.—Ch. Robin, l'Institut. Paris, 4847, 
& XV, n° 687, p. 79, n° 699, p. 171 ; 1. XVI, n° 733, p. 37. — A. Ecker, 
Zeitschrift für wissenchaftliche Zoologie, t. E. p. 39. — Wagner, Ueber den 
Bau der elektrischen Organe im Zilterrochen. Gœttingen, 4847, p. 21.— 
C. Ludwig, Ueber die Herznerven des Frosches (Müller's Archiv, 4848, p. 139, 
tab. VII, fig. 4, 2, 6, 7 und 8). — J. Engel, Zur Anatomie des Nervus sym- 
pathicus (Vierteljahrschr. für die praktische Heilkunde, Prag, 1850, t. XXVII, 
p. 143, fig. 7-13). 

(4) Clarke, Spinal chord., p. 613 ; Accessoriuskern, tab. XXIV, fig. 42. 


STRUCTURE INTIME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 9274 


grandeur ; elles forment par conséquent aussi des fascicules ner- 
veux plus forts dans la pie-mère, qui s’en éloignent seulement plus 
tard en haut de la moelle épinière. Elles présentent pareillement 
des cellules nerveuses extérieures et intérieures , comme dans le 
plexus de la pie-mère, mais proportionnellement plus grandes. 
Les cellules nerveuses intérieures produisent dans différents en- 
droits de véritables intumescences ganglionnaires, et peuvent être 
considérées comme des répétitions en miniature de la ganglia 
aberrantia de M. Hyrtl (4), dans l’intérieur de laquelle il existe aussi 
des agrégations de cellules nerveuses. 

Les deux racines supérieures du nerf accessoire de Willis, de 
même que le pneumogasirique et le glosso-pharyngien, ont la 
même origine, principalement d'une continuation de Ja substance 
grise qui se forme justement au point où la colonne motrice se 
réunit à la colonue sensitive, et partiellement aussi de chaque 
colonne séparément. Les fibres primitives forment des fascicules 
très forts allant en dehors en forme d’un demni-are , et traversant 
soit le cône de M. Longet, soit le corps restiforme. Ces fasci- 
cules se réunissent encore en dedans en un fil de racines, avant 
leur passage par la pie-mère. Tous les fascicules centraux de 
ces nerfs sont superposés sur une ligne, et séparés dans cer- 
fains endroits par des interstices assez grands. [ls forment avec 
l'axe spinal un angle fixe de 32 degrés, dont l'ouverture est diri- 
gée en haut. 

La grande racine du trijameau prend ses fibres primitives dans 
la colonne sensitive seule, tout près de l’aquedue de Sylvius, jus- 
qu'’au-dessus de la région des corps quadrijumeaux. Ces fibres 
forment des fascicules en forme de pinceaux en dedans du pont de 
Varole, qui prennent des directions différentes de celles des autres 
nerfs, La petite racine du trijumeau nait d’une continuation de la 
substance grise, qui se forme justement là où la colonne motrice 
se juxtapose avec la colonne sensitive en angle droit. La petite 
racine passe plus en avant dans le pont de Varole que la grande. 

(1) J. Hyril, Ucber cinige bisher nicht gekannte Ganglien der sensitiven Nerven 


(Med. Jahrb. des K. K.wsterr, Staales, t. XIX. 4836,lp. 447, tab. I, 8,G, H, 
fig. 2, C). 


9272 J. DE LENHOSSÉK. 


Ces fascicules vont plus régulièrement, et s'ajoutent en partie à 
ceux de la grande racine (1). 


$ VI. Les olives. 


Ce sont de petites hémisphères latérales parfaitement déve- 
loppées (2) apparaissant (rès fard chez l'embryon (3), mais 
atteignant bientôt les dernières limites de leur développement. 
Elles ont toutes les parties élémentaires essentielles des deux 
hémisphères du cerveau , et ne se distinguent de ces dernières, 
que parce qu’elles ne sont pas situées superficiellement, car la 
couche zonale de M. Arnold les enveloppe extérieurement. Les 
éléments qui les constituent sont : 

4° Les pédoncules des olives qui proviennent avec la racine 
moyenne du nerf hypoglosse en même temps, et de la même ma- 
nière des colonnes motrices. Chaque pédoncule passe sur le côté 
extérieur des fascicules centraux des racines de ce nerf, en:se 
tournant plus tard en debors par une courbure en forme d’un demi- 
are, et pénètre par le hilus olivarum dans l'intérieur de l'olive. 

90 La commissure transversale des olives ; elle réunit les deux 
olives, et se trouve au milieu de leur hauteur ; elle présente à l'œil 
nu une assez grosse bandelette formée par la substance blanche, 
et placée transversalement, et pénètre pareillement avec ses deux 
extrémités par le hilus olivarum dans l’intérieur des olives. 

3° La substance médullaire de chaque olive, qui est d’un bleu 
éblouissant; elle est formée par l'extension du pédoncule et de la 
commissure; car, dès que ces organes composés de vaisseaux plats 
ont passé le hilus, les fibres primitives vont en divergeant, et 
produisent, comme pour les hémisphères du cerveau, une cou- 
ronne rayonnée. 

h° La substance corticale de chaque olive formant une cavité 


(1) Lenhossék, Nervensystem, tab. IT, fig. 4, p. — Stilling, Pons Varoli, 
tab. I, !; tab, XV, D, etc., etc. 

(2) J.-H. Autenrieth, Handbuch der empir. mensch. Physiologie. Tübingen, 
1804,4. LIT, p. 37. — Hyrtl, Anatomie, p. 635. ! de GE 

(3) C.-G. Carus, Nervensystem, p. 287. — Fr. Tiedemann, Gehirn im Fætus 
d. Menschen, . c., p. 60 und 96. 


STRUCTURE INTIME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 273 
ouverte en dedans et en arrière (Vicq-d’Azyr, Rolando, Sülling, 
Fœrg) (4) et qui en représente le hilus ; elle forme comme celle 
des hémisphères du cerveau des circonvolutions, et se montre à 
l'œil nu sur des coupes transversales, comme une ligne en zigzag, 
qu'on distingue très bien de la substance médullaire (corpus den- 
tatum Vicq-d’Azyr, arbor vitæ olivarum de G. Prochaska) (2). 
Elle est une substance grise indépendante, n'ayant aucun rapport 
avec les colonnes dont elle est très éloignée. Elle renferme des 
cellules nerveuses, et est traversée par des veines considérables. 

5° La couche zonale n'est qu'une partie du stratum zonale de 
M. Arnold ; elle recouvre la surface externe des olives, à l'excep- 
tion de leur ouverture (hilus) (3). 

Les olives accessoires internes et externes de M. Stilling (4) 
ont la même structure , excepté qu'elles sont encore moins déve- 
loppées. Leur substance corticale forme une excavation peu pro- 
noncée. 


$ VII. Les formations fasciculaires de la substance blanche. 


A l'origine de la moelle allongée, certaines parties des fibres 
Jongitudinales de la substance blanche se groupent en fais- 
ceaux (5) et non en cordons, se dirigeant toujours de bas en 
haut; la forme de chaque faisceau est celui d’un pinceau. Ces 
faisceaux sont dans leur trajet de bas en haut traversés : 4° par les 
processus réticulaires provenant du septum de Vicq-d’Azyr (fibræ 
transversæ cinereæ de M. Stilling); 2° par les processus rélicu- 


(4) Vicq-d'Azyr, Traité d'anatomie, etc., tab, XXII, fig, 5. — Fœrg, 
Gehirn, p. 98, tab. I, fig. 3-5. 

(2) G. Prochaska, De structura nervorum. Vindobonæ, 4779, p. 88, tab. I, 
fig. 3-5, — Du même : Opera minora, t. I; Viennæ, 4800, t. I, p. 360, 
tab. I, fig. 3-5. 

(3) Lenhossék, Medulla spinalis, p. 14. — Du même: Nervensystem, p. 33, 
tab. 11, fig. 1, e, f; Gg. 2,e. 

(4) Stlling, Med. obl., tab. IV, fig. 2; tab. V,r; tab. VI, s. — Lenhossék, 
Nervensystem, tab. 1, fig. A, h,i,k, k. j 

(5) 3. Chr. Reil, Das verlængerte Mank, (Arch. [. Physiol., 1809, L. IX, 
p. 493). 

i” série. Zvoc. T. VIT, (Cahier n 5.) * 18 


97l S. DE LENHOSSÉK. 


laires de la substance grise des colonnes (fibræ arciformes cinereæ 
de M. Stilling). Par ce croisement, les fibres blanches qui consti- 
tuent ces faisceaux, en s’éloignant les unes des autres, augmentent 
de volume, et se subdivisent en petits faisceaux (substantia gelati- 
nosa des corps restiformes, ete., de MM. Remak et Kælliker) (4). 
Ces formations fasciculaires sont : 

4° Les pyramides. Elles sont formées par les fascicules fonda- 
mentaux de Burdach (fibres primitives de Burdach) (2) et par les 
fascicules de décussation (Berres) ; ceux-là en forment la couche 
externe , et sont la continuation des fibres longitudinales de la ré- 
gion antérieure de Ja substance blanche ; ceux-ci forment la couche 
interne des pyramides, et sont en partie libres au fond de la fente 
longitudinale antérieure. Ces derniers sont la continuation immé- 
diate d’une certaine partie des fibres longitudinales de la région 
extérieure et postérieure de la substance blanche. 

Chaque fascicule de décussation traverse en partant d'ici obli- 
quement, suivant en haut la substance grise, et va en même temps 
jusqu'au fascicule fondamental du côté opposé ; ensuite il se re- 
dresse peu à peu, de manière que les fibres primitives, aussi bien 
des fascicules fondamentaux que des fascicules de décussation, sont 
situées plus loin parallèlement. Ainsi superposés, ces fascicules se 
croisent dans la ligne médiane (Mistichelli, Petit, Vicq-d'Azyr, 
Haller, Rolando, Lenhossék, Burdach, Berres, Serres) (3) en de- 


(1) Remak, Op. et loc. cit. —Keælliker, Mikr. Anatomie, p. 542. — Arnold, 
Icones, tab. HE, fig. 10, f: « Substanlia cinerea in corpore restiformi. » 

(2) Burdach, Gehirn, L. LE, p. 29. 

(3) D. Mistichelli, Trattato dell apoplessia, Roma, 4709, 4. — Fr; Pet, 
Lettres d'un médecin des hépilaux du roi à un aubre médecin de ses amis, Namur, 
1740, 4.—Vicq-d'Azyr, Traité d'anatomie, etc., p. 52 et 414 : « Non des fibres 
qui se croisent, mais des pelilts cordons. » — À. ab. Haller, Biblioth. analom. 
Tiguri, 4774-1777, 1. Il, p. 69. — Rolando, Memorie della r. Accademia di 
Torrino, t. XXIX, p: 6. tab. Let IT, b. — Du même, Op. cit. — M. a Lenhos- 
sék, Physiol. medic., &. IV, p. 424 : « Accipiunt corpora pyramidalia insigne aug- 
mentum a fasciculis medullæ posterioribus , qui fibrillas medullares in parvos 
fasciculos colleclas, seque decussantes in ea millunt, » — Burdach, Op, et loc: 
cit. — Berres, Anthropotomie, p. 454, E. Serres et Magendie, Journal de 
physiol. expérim , L. HI. n° 2. 


" 


STRUCTURE INTIME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 97 


dans de la substance grise (Reil), et même en avant du canal 
central. 

L'endroit de la décussation pyramidale au fond de la fente lon- 
situdinale postérieure correspond à la position partiellement su. 
perficielle des six paires des fascicules de décussation : l'inférieur 
gauche de la première paire précède celui du même nom du côté 
droit, et le supérieur droit de la seconde paire, celui de Fautre 
côté ; ils produisent (ous ensemble au fond de la fente longitudi- 
naleantérieure des lignes en zigzag, dont les angles tombent alter- 
nativement à droite et à gauche de la ligne médiane. Comme le 
septum pénèlre sur toute la hauteur de cet endroit en forme de 
crête au fond de la fente longitudinale antérieure , et que chaque 
fascicule de décussation traverse obliquement cette crête, l'inter- 
stice formé par celle-ci, et la substance blanche qui l’avoisine, est 
en même temps couvert tantôt à droite, tantôt à gauche (1). 

Par suite de cette direction différente de deux fascicules d’une 
paire qui se croisent, il se produit sur des coupes transversales 
une assymélrie qui se répèle six fois sur chaque côté avec le même 
type sur toute là hauteur de l'endroit de décussation. L'espace dans 
lequel les six paires de faisceaux s’entrecroisent est long de 
12 millimètres (2). 

Chaque pyramide est recouverte extérieurement au-dessus de 
la décussation par un prolongement semi-lunaire de la sub- 
Stance grise du septum (3), et intérieurement chacune est tra- 
versée par d’autres prolongements assymétriques et irréguliers du 
septum. 

2® Les corps restiformes de Ridley (4), funiculi cuneati de Bur- 
dach , se trouvent en arrière des olives, à gauche et à droite, ef 
produisent à la surface externe de la moelle allongée une protu- 


(1) Stilling, Med. obl., p. 40, tab. IV, fig. 2, r, et tab. VI, s. 

(2) Lenhossék, Med. spinalis, p. 16, — Da même : Nervensyst., p. 57 sq, 
lab. 1, Gg. 2, g ; tab. IV, fig. 4,4, b, c; lig.8, h. 

(3) Monro, Nervous System, p. 29..— J. Gordon. À. System of human An« 
tomy. Edinburgh, 1815, p: 485, — Burdach, Gehirn, L. 1, p.247, 

(4) Ridley, Anatomia cerebri. Miscellania Cur, C., 1706, p. 463, g. 6, f,f 
fig, 7, h,h.— Burdach, Gehirn, t, II, p. 36. 


276 J. DE LENHOSSÉK. 
bérance qui est couverte par le sratum zonule de M, Arnold: Hs 
sont formés de la manière suivante : une partie de la région posté- 
rivure et latérale des fibres longitudinales de la substance blanche, 
qui comprend aussi une partie de celles du funiculus gracilis , 
prend, dans son trajet ultérieur en haut, les propriétés des forma- 
lions fasciculaires. Ils sont traversés dans la moelle allongée non- 
seulement par les processus réticulaires comme par un gros 
grillage, mais aussi dans les différentes hauteurs par les racines 
des nerfs pneumogastrique et glosso-pharyngien. Après avoir tra- 
versé le pont de Varoli, ils forment en grande partie les crura 
cerebelli ad medullam oblongatam (2). 

3° Les fascicules de M. Sülling (3) des deux cotés de la cloison 
médiane sont formés ainsi : le reste des fibres longitudinales 
de la substance blanche de la moelle épinière va successivement 
un peu en dedans, e£ prend dans son trajet ultérieur en haut les 
propriétés des formations fasciculaires. Ces fascicules se rangent 
en plusieurs couches contre la surface latérale de la cloison mé- 
die , et remplissent le grand espace existant entre celle-ci et la 
face interne des colonnes. Ils sont traversés, dans la moelle allon- 
ce, par les racines du nerf hypoglosse, et dans le pont de Varoli 
par les racines de l’oculomoteur externe et du facial. Ces faseicules 
remplissent les aréoles partiellement régulières, oblongues et qua- 
drangulaires, qui sont limités par les processus réticulaires(4). 


VIT. Le stratum zonale de M. Arnold, 


Il est formé par une forte couche de fibres primitives parallèles 
à droite et à gauche de la moelle allongée, et à toute leur surface, 
allant obliquement de bas et d’arrière en avant et en haut, Dans 
certains endroits, ces fibres, en se superposant et en s’effilant, 
produisent des bandelettes courbées dans différents sens, et notam- 
ment autour des olives externes (processus arciformes de Santo- 


(1) Lenhossék, Nervens., p. 55, tab. Il, fig. 1, 0. 
(2) Sülling, Med. obl., tab. V et VI,m; tab. VIT, fig. 1-6, — Du même : 
Pons Varoli, |. ©. 


3 


3) Lenhossék, Nervensystem, p. 63, tab. I, Gg, 2, m; tab, Il, fig. 4, 1, d. 


STRUCTURE INTIME DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 277 
rini) {4}. On ne peut pas déterminer avée sureté leur origine. Le 
stratum zonale est traversé, dans la moelle allongée, par les racines 
du nerf accessoire de Willis, du pneumogastrique et du glosso- 
pharyngien (2. 


K IX. Le système des fibres du septum médian de Vicq-d’Azyr. 


Il est formé : 4° par des fibres longitudinales superposées :3): 
mais elles ne sont pas parallèles dans un même plan ; car elles 
traversent diagonalement le septum d'arrière en avant, el se 
croisent dans Ja ligne médiane sous des angles très aigus : 
2% par des fibres transversales qui vont plus obliquement , pro- 
duisent ainsi d'arrière en avant plusieurs croisements dans la 
ligne médiane, sous des angles très obtus; elles passent du de- 
hors en dedans par les processus réticulaires, transversaux et 
arciformes (41. 

L'origine des fibres transversales et Tongitudinales est trés 
obscure. 


(1) Santorini, Tabulæ septemdecim, p.24. 

(2) Arnold, Jcones fasciculus primus, Lab. Il. fig. 4, e, Hg. 6,f. — Lenhos- 
sék, Nervens., p. 65, tab. I, fig. 2, q; tab. I, fig. 4, he, fig. 2, c,c. 

(3) G. R. Treviranus, Biologie. Gœttingen, 4802-1821, L. VI: 1. V, 
p. 324 sq. — Gordon, Anatomy, |. €, — Fœrg, Gehirn, p. 72, lab. I, 
fig. 2-4. 

(4! Lenhossék, Nervensyelem, p. 66. 


NOTE 


SUR 
QUELQUES INSECTES DES GROTTES DE L’ARIÉGE, 


Par M. Ch. LESPÉS. 


Depuis longtemps les grottes de la Carinthie et de la Carniole 
sont célèbres parmi les naturalistes, non-seulement par leur im- 
mense étendue, mais encore par les animaux qu'elles renferment. 
Le Protée a été le premier représentant connu de cette faune singu- 
lière, et encore aujourd’hui ce n’est pas le moins remarquable des 
habitants des cavernes. Mais bientôt il n’a plus été seul: petit à 
petit, les naturalistes ont complété la faune souterraine aujour- 
d'hui bien connue. Des Mollusques, des Crustacés, des Arachnides, 
el surtout des Insectes, presque tous privés d’yeux, peuplent ces 
excavaltions. La découverte d'animaux analogues, habitant la grotte 
du Mammouth dans l'Amérique du Nord, est aussi un fait très re- 
marquable. Deux Poissons , des Crustacés, dont une Écrevisse, 
des Arachnides et des Insectes, vivent dans cette caverne (1). 

Il paraissait done que toutes les excavations d’une certaine 
étendue devaient renfermer des êtres vivants particuliers, et ce 
qui est surtout important, assez voisins les uns des autres : ainsi, 
les deux genres Anophthalmus et Adelops sont communs aux ea- 
vernes de Carniole et à celles du Kentucky; le second, il est vrai, 
est représenté aujourd'hui par une quinzaine d'espèces , et seule- 
ment deux appartiennent aux cavernes de Carniole et une à la 
grotte du Mammouth. Tout dernièrement une autre espèce a été 
trouvée dans une caverne de France, à Isturitz, près de Bayonne (2); 
les autres vivent en général sous les pierres ou les feuilles mortes. 

Quant au genre Anophthalme, il n’a jamais été tronvé que dans 


(1) Tellkampf in Müller, Arch., 1844, t. XI, p. 381. 
(2) L. Fairmaire, Mise. entom. (Ann. soc. entom. France, 3° série, t, IV, 
p. 525). \ 


INSECTES DES GROTTES DE L'ARIÉGE, 279 


les cavernes, en Carniole et an Kentucky ; cet été un seul individu, 
encore non décrit, a été découvert dans la grotte de Bétharram, 
près de Pau. C'est, comme l’on devait S'y attendre, une espèce 
nouvelle. 

J'ajouterai à cette longue liste de Coléoptères sans yeux, hôles 
des grottes profondes , les noms de deux nouvelles espèces ap- 
partenant à des genres connus : Fun est un Adelops, l'autre 
appartient au genre Leploderus, représenté jusqu'ici par trois es- 
pèces propres à la Carniole. Avec eux vit un Opilionide que je n'ai 
pas encore assez éludié, mais il a des yeux qui doivent pourtant 
lui être peu utiles, car il se trouve dans les parties les plus pro- 
fondes des cavernes et parait faire la chasse au Leptoderus. 

Désireux depuis longtemps de visiter les grottes de l'Ariége, j'ai 
pu cette année, à la fin de septembre, mettre mon projet à exéeu- 
lion en compagnie d’un entomologiste toulousain, auquel je suis 
heureux de dédier une des espèces que nous avons trouvées en- 
semble. 

Nous avons visité quatre cavernes situées aux environs de Ta- 
rascon (Ariége) ; elles semblent appartenir à un vaste groupe de 
fentes dont quelques parties sont seules accessibles. Ouvertes au 
nord, elles ont toutes à peu près la même direction vers le sud ; 
puis à une profondeur qui varie de 500 à 1000 mètres, les gale- 
ries se dirigent vers l’est : autant au moins que l'on peut se rendre 
comple sans boussole de cavités aussi profondes et dont quelques- 
unes sont bien peu régulières. 

Vues à une certaine distance, les montagnes des environs de 
Tarascon semblent pércées d’un nombre considérable d’ouver- 
tures, mais la plupart ne conduisent que dans des cavités de peu 
détendue. I est pourtant probable que les communications sont 
nombreuses entre ïes diverses grottes, car les courants d'air sont 
fréquents et souvent assez forts, 

Grotte de Bédeilhac. — Elle peut avoir 4500 mètres de profon- 
deur ; dés l'entrée, elle est très large (40 mètres) et la voûte est 
très élevée, mais à peu près dépourvue de stalactites. Le sol en 
est très uni et composé dans la partie profonde par un calcaire po- 
reux, extrêmement léger, que l'on exploite, en certains points, 


280 CH. LESPÉS, 


pour la construction des cheminées de forges catalanes. Les guides 
se servent de torches de paille dont ils jettent toujours l’extré- 
mité. Celle-ci devient la nourriture de l’Ædelops que je décrirai 
plus loin ; nous l'avons seul trouvé dans celte caverne, mais il y 
était en plus grand nombre que dans aucune autre. 

Grande grotte de Niaux. — L'ouverture en est fort étroite; 
elle est fermée par une petite porte, mais presque aussitôt après 
l'entrée, on arrive dans une grande salle dont la voûte est ornée 
de stalactites fort nombreuses. C'est là que nous avons trouvé le 
Leptoderus pour la première fois. 11 habite les parties humides, le 
plus souvent il marche à la surface des stalactites. Il semble recher- 
cher les détritus de paille qui sont loin d’être communs: A la 
suite de cette grande salle commence une galerie fort longue dont 
le sol est sec et la voûte sans stalactites ; vers le milieu pourtant, 
on en trouve un groupe dont le passage offre quelques difficultés, 
et qui finira par l’obstruer entièrement, comme cela parait avoir 
eu lieu pour la grotte dont je parlerai plus bas. Nous n'avons rien 
trouvé dans toute cette galerie, sinon un Prisltonichus angustatus 
au massif de stalactites ; les insectes de ce genre vivent en général 
dans les endroits obscurs, et cette espèce n’est pas bien rare dans 
les Pyrénées. Celui-ci avait dû faire à tâtons plus d’un kilomètre. 

Après une pelite salle, remplie presque en entier de gros blocs 
de roche, commence, à gauche, une longue galerie dont le sol est 
formé, en plusieurs points, de gravier roulé. Elle présente, sur le 
côté, une salle très vaste, à moitié remplie par une vraie colline 
de gravier. Les stalactites se présentent par petits groupes dont 
un, nommé par notre guide, les Piliers Blancs, est formé de trois 
colonnes très belles. Vers le fond, la voûte s’abaisse et ne porte 
plus de stalactites, mais le marbre qui la forme présente un poli 
parfait. On arrive enfin à une sorte de grand bassin plein d’eau, 
dans lequel nous avons en vain cherché des animaux. Notre guide 
nous a assuré que ce bassin n’a guère qu'un mètre de profondeur ; 
on peut le traverser, et la grotte continue encore fort loin, sans 
que l’on en connaisse la fin; un courant d'air assez fort porte à 
croire qu'elle s'ouvre à l'extérieur: Dans la partie profonde, nous 
n'avons trouvé aucun insecte. 


INSECTES DES GROTTES DE L’ARIÉGE. 281 


Petite grotte de Niaux. — Celle-ci est à peine profonde de 
k ou 500 mètres ; elle se compose d’une galerie principale, brus- 
quement obstruée par un massif de stalactites; mais une ouver- 
ture permet de voir que la galerie continue plus loin. De la voûte 
pendent de nombreuses stalactites très pelites. Vers le fond, nous 
avons retrouvé le même Pristonichus et quelques Adelops. 

Grotte de Sabart. — C'est la plus remarquable, mais aussi la 
plus difficile ; aussi bien peu de personnes la connaissent. Après 
une descente roide, on lraverse, sur des roches, une flaque d’eau, 
pais, par un passage très bas, on entre dans une immense salle 
ronde occupée par un cône de roches éboulées. De celle-ci, on 
passe dans une seconde, et on arrive à une galerie irrégulière ter- 
minée brusquement; nous en avons évalué la profondeur à 
3500 mètres, c’est aussi le nombre que nous ont indiqué les 
guides. De ce point, par une fente de la voûte, on aperçoit une 
lueur lointaine ; une ouverture latérale très petite donne passage à 
un courant d'air rapide. Divers débris sont tombés par la fente de 
la voûte, ils servent de nourriture au Leptoderus ; nous trouvons 
aussi quelques Tinéides venues par la même voie. C’est surtout en 
ce point que nous avons trouvé de nombreux échantillons de 
Leptodère, rare partout ailleurs. Comme ses congénères de Car- 
niole, il recherche les points où les stalactites sont nombreuses ; 
aussi est-il commun dans vette grotte qui en est entièrement ta- 
pissée. 

Ces trois dernières grottes sont creusées dans la même mon- 
tagne et leurs ouvertures sont très rapprochées; celle de Bé- 
deïlhac appartient à une autre montagne distante d’une dizaine de 
kilomètres. Cette dernière, et la petite grotte de Niaux, ne nous 
ont offert que des Adelops ; ce sont deux cavernes peu profondes, 
et renfermant seulement de petites stalactites. Les deux autres 
nous ont donné très peu d’Adelops (deux ou trois chacune), mais 
en revanche des Leptoderus, surtout dans les points où les stalac- 
iles sont nombreuses, et quelques Opilionides qui paraissent les 
ennemis des Leptodères. 

I existe aux environs plusieurs autres gralles que nous n'avons 


pas visitées, 


282 | CH. LESPÉS. 

Certes, la découverte de deux nouvelles espèces de Coléoptères 
est loin d’être un fait important; il me paraît toutefois que l’exis- 
tence d'insectes dans les grottes des Pyrénées est digne de toute 
l'attention des naturalistes, Les cavernes sont en effet des localités 
restreintes, elles offrent aux animaux qui les habitent des condi- 
lions d'existence toutes spéciales : température uniforme, humi- 
dité constante et toujours égale, et obseurité complète. De plus, il 
est évident que leurs hôtes ne peuvent se répandre au dehors, et 
que, par conséquent, ils-restent confinés au point même où leur 
espèce a pris naissance. Nous pouvons done observer des faunes, 
peu nombreuses il est vrai en espèces, qui n’ont jamais été modi- 
fiées par l’empiétement des faunes voisines. 

Elles nous offrent le fait remarquable de l'adaptation ‘de l’orga- 
nisme à des conditions d'existence exceptionnelles : destinés à 
vivre loin de la lumière, les animaux des cavernes sont privés 
d'yeux, ou nous offrent ces organes dans un état rudimentaire ; 
quelques-uns pourtant ont les yeux bien développés, mais ils sont 
venus accidentellement de l'extérieur, au moins la plupart, 

Les faunes souterraines, quoique nous les connaissions encore 
assez mal, nous offrent un curieux exemple de parallélisme, d’a- 
nalogie, comme genre ou famille, de distinction profonde, comme 
espèces. Chaque caverne ou chaque groupe de cavernes est, en 
outre, un centre de création tout à fait distinct. 

Nous ne pensons pas qu'il existe d’autres insectes dans les 
grottes de Tarascon, au moins vers l’époque où nous les avons 
visitées, car nos recherches ont été très minutieuses. Il serait 
pourtant très possible que dans une autre saison on püt trouver 
quelque espèce différente, quoique les diverses saisons ne doivent 
guère se faire ressentir à d'aussi grandes profondeurs. Nous avons 
trouvé dans plusieurs points des moisissures, mais il nous a été 
impossible de les emporter ; une espèce remarquable par sa grande 
longueur se développe sur les cadavres de l’Ædelops. 


INSECTES DES GROTTES DE L'ARIÉGE. 283 


LEPTODERUS QUERILHACI (1), | 


Long. corp. fere 37,5, 


Ferruginens vel brunneus, corpus totum pubescens. Caput elongatum, 
oculis nullis. Antennæ filiformes, in capitis fossula laterali insertæ, arti- 
culo septimo tribusque ultimis incrassatis, octavo minuto. Thorax antice 
rotundatus, postice angustatus , angulis posterioribus reclis. Scutellum 
minimum triangularie, Elytra ovata, postice rotundata. Alæ nullæ. Pedes 
elongali, tarsis simplicibus, anlicis quinque () vel quatuor (@) articu- 
latis, mediis posterioribusque quinque articulatis. 

Par tous ses caractères, cet insecte remarquable appartient au 
genre Leptoderus, ainsi que l'examen des pièces de la bouche et 
des hanches me l’a prouvé. I diffère toutefois de ses congénères 
par la brièveté de son prothorax, la longueur moins grande de ses 
pattes et ses élytres beaucoup moins globuleuses. L'insertion des 
antennes a lieu presque dans le fond de la fossette latérale de la 
tête; chez les Leptoderus Hohemwartii et angustatus, la base de 
l'antenne est un peu plus en arrière de la fossette. J'ai été surpris 
de ne pas trouver la description de cette fossette dans le remar- 
quable Genera publié par M. Lacordaire. Il en est de même de 
l’écusson qui existe dans les espèces que je viens de nommer et 
dans celle que je décris, et que ce savant naturaliste dit ne pas 
exister. 

Notre insecte marche lentement à la surface humide des stalae- 
tites, la lumière ne l’impressionne en rien, mais au moindre bruit, 
il cherche à fuir, et s’il trouve une petite cavité, il s’y blottit, On 
voit que ses habitudes diffèrent en ce point de celles de ses congé- 
pères de Carniole qui contrefont le mort à la moindre alerte. 


ADELOPS PYRENEUS (2). 
Long, corp. 3mm,5 — gmm, 


Ferrugineus, corpus totum pubescens. Oculi nulli, Antennæ simplices in 
capitis fossula laterali insertæ, undecim articulatæ, articulo octavo mi- 


(4) PI, 47, fig. 40,44, 12,13, 44, 45, 


(2) Fig, 46 et 17 


984 CH. LESPÉS, — INSECTES DES GROTTES DE L'ARIÉGE, 

nuto. Thorax antice attenuatum, postice dilatatum, angulis anticis rectis, 
posticis acutis. Elytra thorace paululum latiora, ad apicem rotundata, 
stria brevi suturali impressa. Tarsis anterioribus dilatatis quinque (.;') 
vel quatuor (@) articulatis. 


Cette espèce est remarquable par sa grande taille ; ses congé- 
nères ayant au plus la moitié de sa longueur. De même qu'on 
l'observe chez quelques autres espèces du même genre, la place 
des yeux est occupée par une sorte de tubercule arrondi situé au- 
dessus de la fossette antennale, 

Elle recherche les détritus, et surtout les pailles à moitié pu- 
tréfiées. 

EXPLICATION DES PLANCHES. 


PLANCHE 17, 


Fig. 10. Leptoderus Querilhaci, <. 

Fig. 11. Antenne du même. 

Fig. 42. Labre. 

Fig. 43. Lèvre inférieure et palpes labiaux. 

Fig. 44, Mâchoire et son palpe. 

Fig. 45. Mandibule. 

Fig. 46. Adelops Pyreneus (j. 

Fig. 47. Sa tête vue de face, pour montrer les tubercules qui remplacent les 
veux. 


NOTE 


SUR 


L'APPAREIL GASTRO-VASCULAIRE 
DE QUELQUES ACALÈPHES CTÉNOPHORES, 


Par M. MILNE EDWARDS. 


$ 4. Pendant un voyage que j'ai fait sur les côtes de la Sicile, il 
y a une douzaine d'années, j'ai eu l'occasion d'étudier la structure 
de plusieurs Acalèphes, dont l’organisation n'est qu'imparfaitement 
connue; le désir de compléter mes observations m'a empêché 
jusqu'ici de les publier ; mais en rédigeant un des chapitres d’un 
ouvrage dont l'impression se poursuit en ce moment (1), j'ai eu 
besoin de citer quelques-uns des résultats ainsi obtenus, et cette 
considération m'a déterminé à en dire ici quelques mots. 

Le système gastro-vasculaire du Lesueuria vitrea, que j'ai fait 
connaitre en 18/41 (2), peut servir de terme de comparaison pour 
l'étude de l'appareil irrigatoire de tous les Cténophores ou Aca- 
lèphes ciliobranches, et il me paraît intéressant de montrer que, 
malgré la grande diversité de formes qui se remarque dans 
celte famille naturelle, le mode de constitution des principaux 
instruments physiologiques y est partout, à peu de chose près , le 
même. 

Le premier exemple que je choisirai ici pour montrer cette simi- 
litude de structure est une grande et belle espèce de Béroïdien, 
que je ne crois pouvoir rapporter à aucune de celles déjà décrites, 
et que je désignerai sous le nom de Chiaia palermitana ; mais 
ayant de parler de son anatomie, il me semble nécessaire d’indi- 


(4) Leçons sur la physiologie générale et l'anatomie comparée des animaux , 
tom. LL. 

(2) Observations sur la structure de quelques Zoophyles. (Ann. des sc. nat.. 
2" série, L. XVI, p. 193.) 


286  MILNE EDWARDS, -— APPAREIL GASTRO:VASCULAIRE 


quer les motifs qui m'ont guidé dans cette détermination ; ear il 
règne dans la classification de cette famille d’Acalèphes une si 
grande confusion, qu'il est souvent très difficile de se rendre 
compte de la valeur des mots dont on fait usage pour désigner ces 
Zoophytes. 

Le Chiaia Palermitana ressemble beaucoup à l'espèce que 
M. Delle Chiaje a fait connaitre sous le nom d’Alcinoe papillosa (4). 
Lesson (2) a séparé, avec raison, ce dernier des Alcinoés de 
Rang (3); car chez ceux-ci, de même que chez les Bolinies de Mer- 
tens, le corps est lisse, tandis que dans l'espèce de M. Delle 
Chiaje, il est couvert de gros tubercules papilleux, caractère qui le 
rapproche des Eucharis de M. Eschscholtz (4). Cet Acalèphe 
diffère aussi de lEucharis Tiedemannii, qui est le type du genré 
Eucharis par le développement inégal de ses ambulacres ou côtes 
frangées, lesquelles sont toutes de même longueur chez ce der- 
nier, landis que dans l'espèce précédente les deux paires extérieures 
sont très longues, et descendent jusques auprès du bord inférieur 
des lobes latéraux, mais les deux paires intermédiaires sont 
fort courtes, et n’occupent guère plus de la moitié de la hauteur 
du corps. Le genre Chiaiïa de Lesson se distingue donc nettement 
des Alcinoés et des Eucharis, mais ne me semble pas différer de 
la division générique précédemment établie par Mertens sous le nom 
de Leucothoëé!(5), qui devrait être conservé par droit d’ainesse , 
S'il n'avait déjà appartenu à un genre de crustacés fondé par Leach 
en 1814. 

ILest probable que le corps de ce Béroïdien, décrit et figuré par 


(1) Delle Chiage, Memorie sur la storia e notomia degli animali senza vertèbre 
del regno di Napoli, &. IV, p. 7, pl. 54, fig. 4. — Ce volume porte la date de 
1829, mais ne fut imprimé que plusieurs années après, car il y est question de 
publications faites à Berlin en 4834 (voy. pl. vu). 

(2) Lesson, Hist, nat. des Zoophytes acalèphes, 4843, Perte 

(3) Rang, Établissement de la famille des Béroïdes, etc. (Mém. de lu Soc. d'hist. 
nat, de Paris, 1828, &. IV, p. 166, pl. 29.) 

(4) Eschscholtz, System der Acalephen, p. 29. 

(5) Mertens, Beobachtungen und Untersuchungen über die Berocarligen Akale- 
phen, (Mém. de l'Acad. de Saint-Pétersbourg, 6° série; sc. math., phys. et nat; 
t. II, 1833, p. 499.) 


DE QUELQUES ACALÈPHES CTÉNOPHORES. 287 
MM. Quoy et Gaimard sous le nom de Beroe mullicornis (A), pro- 
venait soit d'un Chiaia papillosa, soit d'un Chiaia palermitana, 
ou de quelque autre espèce du même genre; mais c’est un frag- 
ment informe qui est complétement indéterminable , et ce serait 
surcharger la nomenclature d’un nom sans signification que de 
l'enregistrer dans nos catalogues zoologiques. 

L'espèce que Will a appelée Eucharis multicornis (2), a été 
au contraire très bien étudiée, et peut être rapportée, comme 
les précédentes, au genre Chiaia de Lesson. Dans l’état actuel de 
la science, on connaît donc trois Acalèphes ayant l’ensemble de 
caractères propres à cette petite division , et ce qui les distingue 
principalement entre elles, ce sont les proportions de leurs lobes 
latéraux ou ailes, et de leur corps. Dans le Chiaia papillosa, les 
lobes latéraux paraissent être beaucoup plus courts que la portion 
moyenne du tronc de l'animal ; dans le Chiaia multicornis, ils sont 
au contraire beaucoup plus longs, et dans l'espèce nouvelle, que 
je désigne sous le nom de Chiaia palermitana, ne dépassent que 
de fort peu le bord inférieur du corps. Au premir abord, ce carac- 
tère m'a semblé ne pas devoir suffire pour l'établissement d’une 
espèce; mais j'ai vu qu'il coïneidait avec d’autres particularités de 
structure, dont l'importance est évidente. Je n’hésite done pas à 
enregistrer le Chiaia palernitana dans le catalogue des Béroïdiens. 

$ 2. La portion veslibulaire de l'appareil gastro-vasculaire de 
cet Acalèphe est disposée de la même manière que chez le Le- 
sueuria, et constitue un estomac de forme à peu près cylindrique 
qui oceupe laxe du corps dans plus des trois quarts de sa lon- 
gueur. Elle est évasée transversalement (3) à son embouchure, et 


(1) Observations sur les Biphores et les Béroës fuiles pendant le voyage autour 
du monde de la corvette l'Uranie. (Ann. des sc. nat., 1825, L. VI, p. #8. pl. 1, 
fig. 4.) 

(2) Will, Horæ Tergerstinæ, in-4. Leipzick, 1844. 

(3) En décrivant les Béroïdiens, j'appelle côtés du corps les parties corress 
potidantes aux extrémités de la fossette dorsale, en forme de sillon frangé, au fond 
duquel se trouve l'organe oculiforme, et faces antérieure ou postérieure les par- 
lies du corps qui correspondent au petit axe de cette fossette. La ligne médiane 
est donc, pour moi, celle qui correspond au plan vertical passant par l'axe vertical 
du corps et par le petit diamètre de la fossette dorsale, 


285 MILNE EDWARDS, — APPAREIL GASTRO -VASCULAIRE 

garnie d'une membrane labiale froncée, que limite supérieurement 
une ligne courbe portant des filaments tentaculaires. L'espèce de 
frange ainsi formée descend de chaque côté de la bouche, jusqu’au 
point de réunion du bord inférieur du corps avec les lobes laté- 
raux, et remonte ensuite le long de la ligne de soudure de la face 
interne de ces lobes avec le corps jusqu’à leur extrémité supé- 
rieure (4). On distingue aussi à la face interne de l'estomac deux 
bandes membraneuses et froncées , qui descendent de l’extrémité 
supérieure de cette couche jusqu’à une petite distance de la ligne 
labiale dont il vient d’être question, et qui, fixées le long de la ligne 
médiane, sont libres latéralement et épaissies sur leurs bords. Je 
suis porté à croire que ce sont des organes sécréleurs. 

A l'extrémité supérieure de l’estomac se trouve un orifice pylo- 
rique qui est susceptible de se fermer ou de se dilater, et qui donne 
dans une seconde portion de l’appareil gastro-vasculaire. Celle-ci 
est une petite chambre qui recoit dans son intérieur les matières 
nutritives déjà élaborées , et qui, pour cette raison, peut être dé- 
signée sous le nom de ventricule chylifère; elle se termine en 
cul-de-sac, immédiatement au-dessous du ganglion nerveux cen- 
tral, qui, chez les Chiaia, de même que chez les Lesueuries, occupe 
l'extrémité supérieure de l'axe du corps, et porte un organe ocu- 
liforme (2). 

Quatre canaux ascendants, que j'appellerai les troncs péri- 
gastriques supérieurs, naissent de la partie inférieure du ventri- 
cule chylifère, et montent en divergeant, de façon à circonscrire 
un espace en forme de pyramide quadrangulaire renversée, au 
fond duquel se trouve placée la fossette dorsale; mais bientôt cha- 
cun d’eux se bifurque, et leur branche externe, qui semble être la 
continuation du tronc d’origine, s’avance jusqu'au sommet du 
grand ambulacre latéral du côté correspondant, puis se recourbe 
en bas pour suivre cette côte vibratile dans toute son étendue, et 
se prolonge même au delà jusqu’à l'extrémité inférieure du lobe 


(1) Planche 14. 

(2) En désignant ainsi ce point coloré, je n'entends pas me prononcer sur les 
fonctions de cet organe, que M. Källiker considère comme étant une vésicule au- 
ditive. (Voy. Froriep's neue Notisen, 1843, n. 334, p. 82.) 


DE QUELQUES ACALÈPHES CTÉNOPHORES. 289 
latéral. Là chacun de ces quatre canaux sous-costaux externes se 
recourbe en dedans pour remonter le long du bord inférieur du 
lobe, et suivre le bord du voile labial jusqu'au milieu du corps, 
où ceux d’une même paire se réunissent entre eux, et s’anastomo- 
sent aussi avec un des canaux périgastriques inférieurs, canal ver- 
tical profond qui remonte le long de la ligne médiane de l'estomac, 
et va déboucher dans le ventricule chylifère. Ces vaisseaux con- 
stituent donc sur chacune des faces du corps deux cercles complets, 
dont le segment externe est formé par le canal costal, etle segment 
interne est représenté par le canal périgastrique inférieur, et 
appartient en commun aux deux systèmes ; mais les cercles vascu- 
laires des faces opposées du corps sont indépendants l'un de l’autre, 
et ne communiquent entre eux que par l'intermédiaire du ven- 
tricule. 

La branche interne des quatre troncs périgastriques supérieurs 
se porte transversalement en dehors et en avant-pour rejoindre la 
côte frangée intermédiaire ou petite côte correspondante; mais au 
lieu de se rendre directement à l'extrémité de celte côte, ainsi que 
cela a lieu chez le Lesueuria, chez le Chiaia papillosa et chez le 
Chiaia multicornis, à en juger par les figures que MM. Delle 
Chiaje et Will ont données de l'appareil gastro-auriculaire de ces 
Béroïdiens , elle y arrive vers le tiers de Ja longueur de celle-ci, 
et s'y divise en deux branches : l’une ascendante, qui se termine 
en cul-de-sac ; l’autre descendante, qui, parvenue à l'extrémité 
inférieure de la côte frangée dont elle dépend, se recourbe en 
baul et en dehors pour gagner la base du tentacule correspon- 
dant, puis longer cet appendice jusqu’en haut, et remonter du côté 
opposé jusqu'à son point d'insertion au corps; ce vaisseau décrit 
ensuite une seconde courbure pour gagner le sommet du bord 
interne du lobe latéral situé tout auprès , descend le long du sillon 
cirrbifère qui sépare ce lobe de la face antérieure du corps, suit 
le bord supérieur du voile labial, sous la ligne de filaments dont 
il a déjà été question ; enfin se réunit à son congénére sur la ligne 
médiane, absolument comme nous venons de le voir pour les vais- 
seaux costaux externes, et s'y anastomose avec un second vaisseau 
périgastrique inférieur, qui, placé plus superficiellement que le 

4° série. Zoou T, VIL. (Cahier n° 5.) 5 19 


9290  MILNE EDWARDS. — APPAREIL GASTRO-VASCULAIRE 


précédent, remonte de mème le long de la face antérieure ou 
postérieure de l'estomac pour se {erminer supérieurement dans le 
ventricule chylifère. 

On voit done que, sauf le mode d’origine des quatre canaux 
costaux internes (ceux des pelits ambulacres), et l’existence d’une 
anse vasculaire à la place du trone tentaculaire dépendant de cha- 
cun de ces canaux, le mode de distribution des conduits irrigatoires 
est tout à fait le même que chez le Lesueuria, et permet une cir- 
culation complète de la portion du fluide nourricier qui se rend de 
l'estomac à chaque moitié du corps. Il est aussi à noter que les 
canaux costaux, au lieu d’être simples comme chez le Lesueuria, 
sont garnis latéralement d’une série de petits cæcums qui en par- 
tent à angle droit, pour longer les lignes d'insertion des franges 
locomotrices; mais ces branches ne dépassent pas les bords des 
côtes, et ne se ramifient pas comme chez les Béroés. 

Dans le Bolina alata, dont M. Agassiz a étudié l’organisation, 
la disposition de l'appareil gastro-vasculaire paraît aussi ne diffé- 
rer que fort peu de ce qui existe chez le Lesueuria. Il est même 
probable que, si ce zoologiste habile avait connu les recherches 
publiées quelques années avant sur l'anatomie de ces derniers 
Béroïdiens , il aurait pu compléter ses observations au sujet des 
anastomoses des canaux coslaux latéraux aveg les vaisseaux péri- 
gastriques inférieurs. Mais, quoi qu'il en soit à cet égard , il suffit 
de comparer les belles planches dont le mémoire de M. Agassiz est 
accompagné, avec les figures de l'appareil gastro-vasculaire des 
Lesueuria, insérées dans le 16° volume de la 2° série des Annales 
des sciences naturelles , pour se convaincre de la similitude géné- 
rale de ce système dans les deux genres en question (4). 

$ 3. Les Cestes, dont l'anatomie n'est encore qu'imparfaitement 
connue , malgré les recherches de M. Eschscholtz (2), de M. Delle 


(1) Voyez Milne Edwards, Observations sur la structure de quelques Zoophytes: 
(Ann. des sc. nat., 1841, série 2°, t. XVI, pl. 3 et 4.)— Agassiz, Contributions 
to the Nat. Hist. of the Acalephæ of North America, part. 2, pl. 7 et 8. (Mem. of 
the American Academy of Arts and Sciences. Cambridge, 1850, vol. Il.) 

(2) Eschscholtz, System der Akalephen , pl. 4, Hg. 17, 46 (1829). I] ne re- 
présente pas la portion inférieure du cercle circulatoire. 


: 


DE QUELQUES ACALÈPHES CTÉNUPHORES. 391 
Chiaje (4) et de Mertens (2), diffèrent tant des Lesueuries et des 
Chiaiés par la forme générale de leur corps, qu'on serait d’abord 
porté à croire que leur mode d'organisation doit être très diffé- 
rente ; mais il n’en est rien. Le même plan se retrouve dans la 
structure de tous ces Acalèphes, et la diversité dans leur aspect 
tient principalement au rapprochement des deux grandes paires de 
côtes frangées qui se touchent presque, à l'élargissement excessif 
du corps , et à la disparition des ambulacres intermédiaires chez 
les Cestes. L’épaisseur du bord de l’espèce de ruban formé par le 
corps de ceux-ci représente les espaces interambulacraires la- 
téraux des autres Béroïdiens, el présente comme d'ordinaire, à sa 
partie supérieure et médiane, une fossetle dorsale, au fond de la- 
quelle se trouve un organe oculiforme et un ganglion nerveux 
central, semblables à ceux que j'ai découverts chez le Lesueuria , 
mais beaucoup plus petits. La bouche occupe l'extrémité opposée 
du pôle, dont le point oculiforme marque le sommet et estomac 
qui surmonte cet orifice, et qui est très étroit, se termine comme 
chez les divers Béroïdiens dont il vient d’être question par un 
orifice garni de cils vibratiles, et conduisant dans le ventricule 
chylifère , à la base duquel naissent comme d'ordinaire deux sys- 
tèmes de vaisseaux périgastriques : les uns ascendants, les autres 
descendants. Les premiers, toujours au nombre de quatre, n’offrent 
rien de remarquable; ils s'élèvent en divergeant vers le bord su- 
périeur du corps, et un peu avant d'y arriver se bifurquent. Leur 
branche supérieure constitue le vaisseau costal externe qui longe 
Vambulacre correspondant jusqu'à l'extrémité latérale du corps; 
l'autre branche, qui correspond au vaisseau costal intermédiaire 
des Béroïdiens, a quatre paires de côtes frangées, se recourbe 
immédiatement en bas, descend à peu près parallèlement à l’esto- 
mac jusque vers les deux tiers inférieurs du corps, puis se re- 
courbe à angle droit en dehors, et va gagner l'extrémité latérale 


(4) Delle Chiaje, Op. cit., t. IV, pl. 52, fig, 2. H ne paraît pas avoir connu 
les vaisseaux périgastriques inférieurs. 

(2) Béobachtungen und Untersuchungen über die Berocartigen Akalephen. 
(Mém. de l'Acad. de St,-Pétersbourg, scienc. méth. phys. et nat. t. I, p. #79, 
pl4, fig. 4 et 5.) 


292  MILNE EDWARDS. — APPAREIL GASTRO-VASCULAIRE 

de l’espèce de ruban formé par le corps de l’animal (4). Là il s’a- 
nastomose avec le vaisseau costal externe, et les deux canaux ainsi 
réunis se continuent avec un vaisseau qui longe le bord frangé in- 
férieur du Ceste pour retourner vers la bouche, et se réunir à son 
congénère sur la ligne médiane au-devant du voile labial, et s’y 
anastomoser avec l’un des vaisseaux périgastriques inférieurs. 
Ceux-ci, au nombre de deux seulement, sont disposés verticale- 
ment contre les parois de l'estomac sur les faces opposées du 
corps, et naissent, comme je l'ai déjà dit, à la base du ventrieule 
chylifère. On voit done qu'ici le système irrigatoire ne diffère 
guère de celui des Lesueuria ou des Chiaia que par la simplifica- 
tion de sa portion inférieure ; les vaisseaux costaux intermédiaires, 
au lieu de conserver leur indépendance , jusqu'à ce qu'ils soient 
revenus des parties latérales du corps jusqu’à la région buccale, et 
de s’y anastomoser avec un vaisseau périgastrique inférieur qui 
leur appartiendrait en propre , s’anastomosent avec les vaisseaux 
costaux extérieurs, et c’est à l’aide d’un seul vaisseau marginal in- 
férieur que ces deux canaux communiquent sur l’une et l’autre 
face du corps avec un seul et même vaisseau périgastrique infé— 
rieur. 

Si la figure que Mertens a donnée d'une portion de ce système 
gastro-vasculaire est exacte, il doit y avoir quelques légères diffé- 
rences dans le point où la bifurcation des canaux périgastriques 
ascendants s'effectue dans les diverses espèces du genre Ceste; 
mais tout ce que l’on sait relativement à la disposition générale de 
cet appareil s'accorde très bien avec ce que j'ai trouvé chez le 
Geste de la Méditerranée (2). 

La similitude de l'appareil irrigatoire de ces Acalèphes avec 
celui que j'ai fait connaître, il y a une quinzaine d'années, chez 
les Béroés proprement dits est également facile à saisir. Chez ces 
derniers, l’estomac et le ventricule chylifère sont confondus ; 


(1) PL 45 et 16, fig. 4. 

(2) Dans le Cestum amphitrites représenté par Mertens, les vaisseaux costaux 
accessoires paraissent naître non pas du tronc d'origine du vaisseau costal 
externe, mais de ce vaisseau lui-même ( loc. cit., pl. 4, fig. 5). Les vaisseaux 
périgastriques inférieurs paraissent avoir échappé à l'attention de ce voyageur. 


DE QUELQUES ACALÈPHES CTÉNOPHORES. 293 


mais du reste tout est disposé à peu près de même , sauf les pro- 
portions, etce qui dépend de la forme générale du corps. Chez les 
uns et chez les autres, le réservoir gastrique central donne nais- 
sance soit directement, soit par l'intermédiaire de quatre canaux 
d’origine, à huit vaisseaux costaux, qui vont tous déboucher dans 
un vaisseau marginal inférieur , où s'ouvre également une paire 
de vaisseaux périgastriques inférieurs. 

SA. Ladifférence est plus grande entrel’appareil gastro-vaseulaire 
de ces divers Béroïdiens et celui des Pleurobrachies ou Cydippes ; 
cependant on retrouve encore chez ces derniers le même plan gé 
néral ; seulement le vaisseau marginal inférieur, à l’aide duquel 
les vaisseaux costaux se relient aux vaisseaux périgastriques chez 
les précédents, manquent, et par conséquent le cercle cireulatoire 
se trouve interrompu (4). Mais d’un autre côté tous ces canaux 
périgastriques qui se terminent ainsi en cul-de-sac, au lieu d'être 
étroits et cylindriques comme chez les Béroés ou les Cestes, sont 
très larges, et permettent ainsi au fluide nourricier de former à la 
fois dans chacun d’eux des courants en sens inverse, d’où résulte 
un tourbillonnement circulatoire (2). 
|. Pour faire bien ressortir ces analogies, il est bon de pratiquer une 
section verticale du corps en suivant le plan médian, c’est-à dire 
le plan qui passe par l'axe du corps, et se confond avec le petit 
diamètre de la fossette dorsale, et de comparer ainsi une Pleuro- 


(1) Cette division générique, qui a pour type le Medusu pileus de Linné, a reçu 
de Fleming le nom de Pleurobrachia; mais Eschscholtz ayant cru que cet auteur 
l'avait appelé Pleurobranchia, nom déjà employé en malacologie, a substitué à 
celte dénomination celle de Cydippe. La règle chronologique nous oblige à em- 
ployer de préférence le nom de Pleurobrachia. 

(2) Ce mode d'organisation a été constaté par Audouin et moi en 1829, et les 
résultats de nos observations ont été consignés par Cuvier dans le HIT° volume de 
son Règne animal (p. 284, 4830). Quelques années après (en 41844), j'ai donné 
une figure de l'appareil gastro-vasculaire de ces Béroïdiens dans l'atlas de la 
grande édition du Aègne animal de Cuvier (Zooph., pl. 56, fig. 12). Enfin, en 
1849, le même mode d'organisation a été décrit et figuré avec beaucoup plus de 
détails chez une autre espèce du même genre par M. Agassiz. (Contributions to 
the Nat. Hist. of the Acalephæ of North America, in Mem. of the American Acad. 
of Arts and Sciences, vol. LH, p. 343, pl. 2 et 3, Boston, 1850.) 


294 MILNE EDWARDS. — APPAREIL GASTRO-VASCULAIRE 


brachie et une Chiaie. On voit alors que la bouche des premiers, 
au lieu de s'ouvrir directement dans la cavité stomacale comme 
d'ordinaire, est surmontée d’une sorte de tuyau membraneux qui 
s'élève au milieu de cette cavité, et qui semble être produit par le 
renversement en dedans du voile labial, qui pend au dehors chez 
les Béroïdiens dont il a été- question ci-dessus. L'analogue de 
lestomac d’une Lesueurie ou d’une Chiaie serait donc ici non pas 
le vestibule labial, mais la grande cavité centrale, au milieu de 
laquelle cette trompe intérieure s'élève. Cela posé, tout devient 
facile à expliquer. Le ventricule chylifère est représenté ici par 
un prolongement très considérable de l’estomac, qui s'élève ver- 
ticalement jusque sous le ganglion nerveux central, surmonté 
comme d'ordinaire par un point oculiforme , et logé au fond de 
la fosselte dorsale ; puis de chaque côté de l'estomac on voit partir 
un gros frone d’origine, qui presque aussitôt se divise pour don- 
ner naissance À deux systèmes de vaisseaux périgastriques : les uns 
ascendants, et au nombre de quatre, vont gagner les ambulacres, 
et s’y comportent tous comme le font les vaisseaux costaux inter- 
médiaires de la Chiaie palermitaine, c'est-à-dire se divise en deux 
branches, dont l’une monte, tandis que l’autre descend , de façon 
à suivre la côte frangée correspondante dans toute sa longueur (4). 
Chez la Chiaie, nous avons déjà vu que la branche supérieure des 
vaisseaux ainsi disposés se termine en cul-de-sac; ici la branche 
inférieure est également fermée à son extrémité, car elle ne trouve 
pas de canal marginal pour y déboucher. Enfin les canaux péri- 
gastriques inférieurs descendent ici comme chez les Cestes, les 
Lesueuries et les Chiaies, parallèlement à l'estomac, jusqu’à 
l'extrémité inférieure de l'organe cirrifère située sur chaque face 
du corps, mais, de même que les canaux cosiaux, ces vaisseaux 
se terminent en forme de cæcum. Pour rendre la similitude com- 
plète, il suffirait d'imaginer un canal marginal inférieur qui relie- 
rait entre elles les extrémités de tous ces vaisseaux dans chacune 
des moitiés du corps. 

On voit donc que, chez tous ces Béroïdiens, le plan fondamen- 


(4) Planche 46, figure 2. 


DE QUELQUES ACALÈPHES CTÉNOPHORES, 295 


tal du système gastro-vasculaire est le même , et d’après les indi- 
cations plus ou moins significatives que l’on aperçoit dans les 
figures des autres espèces données par divers zoologistes, il me 
paraît indubitable que ces résultats sont applicables à tout le 
groupe des Acalèphes cténophores. Le mode d'organisation du 
système nerveux des Béroïdiens que j'ai été, je crois, le premier à 
indiquer, et qui, depuis lors, a été mentionné par d’autres obser- 
vations, est également caractéristique de ce groupe zoologique (1), 
et si ce n’était étranger au sujet de cette note, il me serait facile 
de montrer aussi que, malgré de grandes différences dans les 
formes générales, il y a au fond unité de plan dans la structure de 
tous ces Zoophytes. Mais cela m'éloignerait trop du but que je me 
proposais ici, et je me hâte de revenir à l'étude du système irriga- 
toire. 

Les mouvements des fluides nourriciers, qu'il est en général 
facile de constater dans le système gastro-vasculaire des Aca- 
lèphes, ainsi que le mode de conformation de cet appareil, ont 
depuis longtemps porté les zoologistes à le considérer comme te- 
nant lieu , jusqu’à un certain point, d’un système circulatoire, et 
dans d’autres écrits j'ai développé mes vues à ce sujet; mais une 
opinion différente s'est produite il y a quelques années, et il me 
semble nécessaire d'en examiner ici la valeur. 


(1) Cette généralisation est en désaccord avec la description queM. Grant avait 
donnée, en 1835, du système nerveux des Pleurobrachies, et que l'on trouve re- 
produit dans la plupart des traités d'anatomie comparée , mais qui est tout à fait 
erronée. M. Grant avait cru voir dans la région dorsale de ces Béroïdiens une cou- 
ronne radiaire formée par une chaine de huit ganglions. (On the Nervous System 
of Beroë pileus, in Trans. of the Zool. Soc, of London, vol, 1, p. 9, pl. 2, fig. 4 
et 12.) Mais je me suis assuré qu'il n'existe rien de semblable, et qu'au milieu 
de la fossette dorsale à bords ciliés qui se rencontre chez tous les Béroïdiens dans 
celte région, il y a, comme chez le Lesueuria vitrea, un organe ganglioniforme 
central, surmonté d'un point oculiforme {Voyage en Sicile, t. I, p.12); et M. Agas- 
siz, à qui l'on doit un travail très étendu sur la structure des Pleurobrachies, a 
également reconnu l'inexactitude de l'opinion de M. Grant, et a très bien figuré 
le tubercule ganglioniforme dorsal dont je viens de parler; mais il a cru devoir 
rester sur la réserve quant à la détermination de la nature de cet organe. ( Con- 
tributions 10 the Nat. Hist. of the Acalephæ of North America, in Mem, of the 
Amer. Acad. of Arts and Sciences, 1850, t. I, p. 348, pl. 3.) 


296  MILNE EDWARDS. — APPAREIL GASTRO-VASCULAIRE 


Un jeune naturaliste de Munich, le docteur Will, ayant eu l'occa- 
sion d'étudier la structure de divers Acalèphes pendant un voyage 
à Trieste, publia, en 41844, un travail très intéressant sur ces ani- 
inaux (4). Les résultats auxquels il est arrivé, au sujet du mode de 
conformation du système gastro-vasculaire chez les Béroés et chez 
les Chiaies, ne diffèrent pas notablement de ce que j'avais fait 
connaître chez les premiers et chez les Lesueuries; mais le doc- 
teur Will ayant remarqué une sorte de bordure colorée autour des 
canaux périgastriques et de leurs branches chez les Béroés, et 
ayant eru voir dans cette bordure un liquide tenant en suspension 
des granules rouges, a cru pouvoir en conclure qu'il existait à un 
système vasculaire particulier , et que la distribution du fluide 
nourricier dans les diverses parties de l'organisme devait se faire 
au moyen des cavités tubulaires, dont l’axe serait occupé par les 
vaisseaux dépendants de l'appareil digestif. Il nous apprend cepen- 
dant que jamais il n’a pu apercevoir aucun indice de courants dans 
ces espaces périvasculaires, et en supposant même qu'il ne se soit 
pas trompé quant au fait matériel dont il arguë, je ne vois pas sur 
quoi il pouvait se fonder pour attribuer à ces lacunes le rôle d’un 
appareil cireulatoire. Son opinion, ilest vrai, a été adoptée de con- 
fiance par quelques auteurs qui font autorité dans la science , par 
M. Siebold par exemple (2), mais ne me semble pas fondée. 
Ainsi le docteur Will admet l'existence d’un système sanguin cir- 
cumvasculaire chez les Médusaires, aussi bien que chez les Bé- 
roïdiens ; mais Forbes, qui était un excellent observateur, et qui a 
fait depuis la publication de cette idée une étude très attentive des 
Médusaires gymophthalmes, n’a pu découvrir rien de semblable, 
el a conelu à la non-existence de ce syslème circulatoire spé- 


(4) Tout en donnant un juste tribut d'éloges au travail du docteur Will, je 
ferai remarquer cependant que puisqu'il connaissait mes recherches sur le même 
sujet, et qu'il les cite pour y relever quelques prétendues erreurs , il aurait dû 
ne pas présenter comme des résultats tout à fait nouveaux pour la science, ce 
qu'il a vu de beaucoup plus important touchant le système nerveux des Béroï- 
diens, ete., etc., et que j'avais décrit plusieurs années auparavant. 

(2) Nouveau manuel d'anatomie comparée, par MM. de Siebold et Stannius, 
traduction française, t. 1, p. 64, 


DE QUELQUES ACALÈPHES CTÉNOPHORES. 297 
cial (1). M. Bergmann est arrivé aussi à un résultat négatif par 
ses études sur les Médusaires des mers polaires, et MM. Frey et 
Leuckart ont également cherché en vain les canaux décrits par 
Will (2). Ce dernier naturaliste était cependant un trop bon obser- 
vateur pour s’en être laissé imposer par quelque apparenceillusoire, 
et il faut que le fait anatomique dont il parle ait quelque réalité, 
quelle que soit l'interprétation qu’il conviendra d'y donner. Eflec- 
tivement, en étudiant les Cestes, j'ai très bien vu une disposition 
qui se rapporte assez bien à la description donnée par cet auteur ; 
mais je me suis convaincu en même temps que ce que j'avais 
sous les yeux n’était pas un appareil circulatoire spécial. Chez 
ces Acalèphes, il existe, entre les ambulacres dorsaux et les vais- 
seaux périgastriques correspondants , un cylindre qui paraît être 
un tube accolé au canal dont je viens de parler, et rempli d’une 
matière grumeleuse. Un courant souvent rapide se voit dans le 
vaisseau costal, qui fait partie de l’appareil gastro-vasculaire ; mais 
tout est en repos dans le tube collatéral, et celui-ci présente 
d'espace en espace des branches ascendantes qui m'ont paru dé- 
boucher au dehors de la base des franges dont se composent les am- 
bulacres (3); il me semble donc que ce conduit doit être considéré 
plutôt comme un organe excréleur. Quant aux granules rouges 
qui, dans l’opinion de Will, seraient en suspension dans le sang, 
dont les canaux périgastriques des Béroés seraient entourés , je 
les avais souvent observés chez ces Zoophytes; mais ils m'ont 
paru être logés dans les parois mêmes de ces canaux, et, du reste, 
ils manquent chez les jeunes individus. 

En résumé, il me parait donc impossible d'admettre dans l’état 
actuel de la science que les canaux dépendants de l'appareil digestif 
des Acalèphes soient côtoyés par des vaisseaux sanguins ou logés 
dans des vaisseaux de cet ordre , et lors même qu'il existerait par- 
fois un espace entre leurs parois et les tissus cireumvoisins, je 


(4) E. Forbes, À Monograph of the British Naked eyed Meduse, in-fol. Lond., 
1848, p. 5. 

(2) Frey und Leuckart, Beitræge zur Kenntniss Wirbelloser Thiere mit beson- 
derer Berücksichtigung der Fauna der norddeutschen Meeres, in-#, 1847, p. 38. 

(3) Planche 16, figure 4. . 


298 MILNE EDWARDS, — APPAREIL GASTRO-VASCULAIRE, ETC. 


crois qu'il n’en faudrait pas moins continuer à attribuer au système 
gastro-vasculaire de ces Zoophytes le principal rôle dans le travail 
d'irrigation nutritive. 


EXPLICATION DES FIGURES. 
PLANCHE 14. 


Fig. 4. Chiaïa palermitana Nob., réduit au tiers de la grandeur naturelle, et ayant 
le système gastro-vasculaire injecté en rouge. L'un des lobes latéro-inférieurs 
est renversé en dehors pour montrer l'appendice tentaculiforme inséré au-des- 
sous. Celui du côté opposé se voit à travers l'épaisseur du lobe correspondant. 
a, ventricule chylifère. —— b, point oculiforme situé au-dessus. —c, troncs 

périgastriques supérieurs. — d, d, vaisseaux costaux des grands ambulacres. 

— e, vaisseaux costaux des petits ambulacres. — /, vaisseau périgastrique 

inférieur superficiel. — g, vaisseau périgastrique inférieur profond, —h, vais- 

seau marginal inférieur. 
PLANCHE 15. 


Fig. 4. Ceste de la Méditerranée réduit au tiers de la grandeur naturelle, et 
ayant le système gastro-vasculaire injecté en rouge. — Les divers vaisseaux 
sont indiqués par les mêmes leltres que dans la planche précédente. —i, point 
d'anastomose des vaisseaux costaux et du vaisseau marginal inférieur. 


PLANCHE 16. 


Fig. 4. Portion moyenne du Ceste également injeté , et montrant les cylindres 
qui longent en dessus les vaisseaux costaux supérieurs , et qui paraissent dé- 
boucher au-dessous par un grand nombre de petits canaux s'ouvrant sous ies 
franges ciliaires. — a, ventricule chilifère. —b, organe oculiforme. — c, troncs 
périgastrique supérieurs. — d, vaisseaux costaux des grandes ambulaires ; 


e, analogie des vaisseaux costaux des petites ambulaires. — g, vaisseaux 
périgastriques inférieurs. — f, vaisseau marginal inférieur. — !, bord supé- 
rieur, — m, organe glanduliforme subambulaire. — n, orifices excréteurs 
du même. 


Fig. 2. Appareil gastro-vasculaire de la Pleurobrachie ou Cydippe. — a, ventricule 
chylifère : — a', tronc commun des vaisseaux périgastriques. — b, point 
oculiforme. — d, vaisseaux périgastriques inférieurs. — e,e, vaisseaux cos- 
taux. — f, l'analogue du vaisseau périgastrique inférieur superficiel. — 
i, bouche, — j, fossette dorsale, — k, cirrhes. 


MÉMOIRE 


SUR 
L'HYPERMÉTAMORPHOSE ET LES MŒURS DES MÉLOÏDES, 


Par M. FABRE, 


Professeur d'histoire naturelle au lycée d'Avignon. 


Le terrain de mollasse des environs de Carpentras (Vaucluse)se 
prête à un genre de constructions économiques qu'on utilise fré- 
quemment dans la campagne, sous forme de hangars, de celliers, 
et enfin des modestes retraites au milieu des vignes. Entre deux 
puissantes dalles de grès séparées par un lit convenable de terre 
marneuse ou de sable friable, on pratique une excavation qui a 
pour plafond la dalle supérieure, et l'édifice est bâti. 

L'une des plus remarquables de ces chambres agrestes, tant par 
son étendue que par les merveilles entomologiques qu’elle ren- 
ferme et que je vais essayer de raconter, sert de hangar dans la 
maison de plaisance de Fauconnette appartenant à M. Gaudibert- 
Barret. L'inépuisable obligeance de M. Gaudibert pour tout ce qui 
a rapport aux sciences m'a permis, jusqu'à ce que la lumière se 
fit, de fouiller impunément avec la pointe de mon pic destructeur 
les flancs de la chambre monolithe; car cette méthode, empruntée 
à l’art du carrier, est la seule qui permette de se procurer le sujet 
de ce mémoire. Les faces latérales de cette excavation, surtout 
vers l'entrée, et le plafond, lorsque le roc n’y est pas immédiate- 
ment à nu, sont forés d’une multitude d’orifices circulaires, pres- 
sés l’un contre l’autre jusqu'à se trouver fréquemment contigus. 
Ces trous arrondis dont la régularité peut défier la tarière, et les 
corridors capricieusement flexueux auxquels ils servent d'entrée, 
et qui s’enfoncent à 2 ou à décimètres dans les parois du hangar, 
sont l'ouvrage d’un Hyménoptère collecteur du miel, d’une Antho- 
phore, Anthophora pilipes, fort commune dans ces contrées. 
C'est généralement sous des abris plus ou moins pareils à celu 
que je viens de décrire que cet Hyménoptère établit son domicile. 


300 FABRE. — JIIYPERMÉTAMORPHOSE 


Je l'ai vu également mettre à profit des voûtes grossières en pierre 
sèche destinées à soutenir un remblai, et se glisser dans les inter- 
stices séparant les voussoirs bruts. Mais quand ces abris, ces 
grottes, soit naturels, soit produits par la main de l'homme, ne 
sont pas à sa portée, l’Anthophore bâtit ses cellules dans l'épais- 
seur des nappes verticales d’un sol nu et exposé au midi, comme 
en présentent les talus des chemins profondément encaissés. Si 
l'on veut assister aux travaux de l’industrieuse Abeille, c’est dans 
la dernière quinzaine du mois de mai qu'il faut se rendre sur ces 
divers chantiers. On peut alors, mais à respectueuse distance, con- 
templer, dans toute son activité vertigineuse, le tumultueux et 
bourdonnant essaim oceupé à la construction et à l’approvisionne- 
ment des cellules. C’est plus fréquemment dans les mois d’août et 
de septembre que j'ai visité les diverses localités habitées par l’An- 
thophore. A cette époque, tout est silencieux dans le voisinage des 
nids , car les travanx sont achevés depuis longtemps, comme le 
témoigneraient au besoin les nombreuses toiles d’araignée qui ta- 
pissent tous les recoins, et s’enfoncent en tubes de soie dans l'in- 
térieur des galeries de l'Hyménoptère. N'abandonnons pas cepen- 
dant à la hâte la cité naguère si populeuse, si animée, et mainte- 
nant déserte. A quelques pouces de profondeur dans le sol, dor- 
ment, jusqu'au printemps prochain, des milliers de larves et de 
nymphes enfermées dans leurs cellules d'argile. Des proies suc- 
culentes, incapables de défense, engourdies comme le sont ces 
larves, ne pourraient-elles tenter quelques parasites assez indus- 
trieux pour les atteindre? Voici, en effet, des Diptères à livrée lu- 
gubre, mi-parüe blanche et noire, des Anthrax (Anthraæ sinuata) 
volant mollement d’une galerie à l’autre pour y déposer leurs œufs , 
en voici d’autres plus nombreux dont Ja mission est remplie, et 
qui, étant morts à la peine, pendent desséchés aux toiles d’arai- 
gnée. Ici, la surface entière d’un talus à pie ou tout le plafond 
d'une grotte est tapissé de cadavres secs d’un Coléoptéère (Sitaris 
humeralis) appendus, comme ceux des Anthrax, aux réseaux 
soyeux des Araignées. Et donnant la vie au milieu même de la 
mort, parmi ces cadavres cireulent affairés des Sitaris mâles s'ac- 
couplant avec la première femelle qui passe à leur portée, tandis 


ET MOEURS DES MÉLOIÏDES. 301 


que les femelles fécondées enfoncent leur volumineux abdomen 
dans l'orifice d’une galerie et y disparaissent à reculons. Il est im- 
possible de s'y méprendre : quelque grave intérêt amène en ces 
lieux ces deux espèces qui, dans un petit nombre de jours , appa- 
raissent, s'accouplent, pondent, et meurent aux portes mêmes des 
habitations des Anthophores. 

Donnons maintenant quelques coups de pioche au sol où doi- 
vent se passer les singulières péripéties que l’on soupçonne déjà, 
et où l’année dernière pareille chose s’est passée ; peut-être y trou- 
verons-nous des témoins irrécusables du parasitisme présumé. 
Si l’on fouille l'habitation des Anthophores dans les derniers jours 
du mois d'août, voici ce qu’on observe. Les cellules, formant la 
couche superficielle, ne sont pas pareilles à celles qui sont situées 
à une plus grande profondeur. Cette différence provient de ce que 
le même établissement est exploité à la fois par l’Anthophore et par 
une Osmie (Osmia tricornis), comme on peut s'en convaincre par 
une courte observation faite au mois de mai. Les Anthophores sont 
les véritables pionniers, le travail du forage des galeries leur ap- 
partient en entier : aussi leurs cellules sont-elles situées tout au 
fond. L'Osmie profite des galeries abandonnées, soit à cause de 
leur vétusté, soit à cause de l'achèvement des cellules qui en oc- 
cupent la partie la plus reculée ; et c'est en les divisant, au moyen 
de grossières cloisons de terre, en chambres inégales et sans art, 
qu'elle construit ses cellules. Le seul travail de maçonnerie de 
l'Osmie se réduit donc à ces cloisons. C’est d’ailleurs le mode or- 
dinaire adopté, dans leurs constructions, par les diverses Osmies, 
qui se contentent d’une fissure entre deux pierres, ou de la tige 
sèche et creuse de quelque plante, pour y bâtir à peu de frais leurs 
cellules empilées, au moyen de faibles cloisons de mortier. Les 
cellules de l'Anthophore d’une régularité géométrique irrépro- 
chable, d’un fini parfait, sont des ouvrages d'art creusés à une 
profondeur convenable dans la masse même du banc argilo- 
sablonneux et sans autre pièce rapportée que l’épais couvercle qui 
en ferme l'orifice étroit. Ainsi protégées par la prudente industrie 
de leurs mères, hors de toute atteinte au fond de leurs retraites 
solides et reculées, les larves de l’Antophore sont dépourvues de 


302 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSE 

l'appareil glandulaire destiné à sécréter la soie. Elles ne se filent 
done jamais de cocon, mais reposent à nu dans leurs cellules dont 
l'intérieur est poli avec un soin minutieux. En se laissant guider 
par ces lois providentielles qu'on ne trouve jamais en défaut dans 
les mille moyens employés par la nature pour sauvegarder même 
la moindre espèce, on doit s'attendre à trouver d’autres procédés 
de défense dans les cellules de l’Osmie, placées sous la couche 
superficielle du banc, irrégulières, rugueuses dans leur intérieur, 
et à peine protégées contre les ennemis du dehors par de minces 
cloisons de terre. Les larves de l’Osmie savent, en effet, s’enfer- 
mer dans un cocon ovoïde, d’un brun foncé, très solide, qui les 
met à la fois à l’abri du rude contact de leurs cellules informes et 
des mandibules de parasites voraces, larves de l’Anthrène, larves 
de Clerus octo-punclatus, Acariens, etc., ennemi multiple qu'on 
trouve rôdant dans les galeries quærens quem devoret. C’est au 
moyen de cette admirable balance entre les talents de la mère et 
ceux de la larve que l’Osmie et l’Anthophore échappent, dans leur 
premier âge, à une partie des dangers qui les menacent. Il est 
donc facile de reconnaître, dans le banc exploité, ce qui appartrent 
à chacun des deux Hyménoptères, par la situation et la forme des 
cellules, et enfin par le contenu de ces dernières, consistant, pour 
l'Anthophore, en une larve nue, et pour l’Osmie, en une larve in- 
cluse dans un cocon. En ouvrant un certain nombre de ces co- 
cons, on finit par en trouver qui, au lieu de la larve de l’Osmie, 
contiennent chacun une nympbhe étrange que reproduit la figure 1 
(pl. 47). Ces nymphes, au moindre attouchement, à la plus légère 
secousse, se livrent à des mouvements désordonnés , fouettent 
violemment de leur abdomen les parois de leur demeure qu’elles 
ébranlent et font entrer dans une sorte de trépidation. Aussi, sans 
ouvrir même le cocon, on est avertide la présence de cette nymphe 
par un sourd frôlement qui se fait entendre dans l’intérieur de l’ha- 
bitacle de soie lorsqu'on vient à le remuer. L'extrémité cépha- 
lique de cette nymphe est façonnée en espèce de boutoir armé de six 
robustes épines, et qui constitue un appareil éminemment propre à 
fouir. En outre, une double rangée de crochets règne sur l’areeau 
dorsal des quatre segments antérieurs de l'abdomen, et enfin un 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 303 
faisceau de pointes acérées forme l’armure de l'extrémité anale. 
Si l’on examine attentivement la surface de la nappe verticale de 
terre qui recele ces ‘divers nids, on ne tarde pas à découvrir des 
nymphes pareilles aux précédentes, engagées par l'extrémité pos- 
térieure dans une galerie de leur diamètre, et ayant l'extrémité 
antérieure librement saillante au dehors. Mais ces nymphes sont 
réduites à leurs dépouilles sur le dos et sur la tête desquelles 
règne une longue fissure par où s’est échappé l’insecte parfait. La 
destination de la puissante armure de la nymphe devient ainsi 
manifeste : c'est la nymphe qui est chargée de déchirer le cocon 
tenace qui l’emprisonne, de fouiller le sol compacte où elle est en- 
fouie, de creuser une galerie avec son boutoir à six pointes et 
d'amener enfin au jour l’insecte parfait incapable, apparemment, 
d'exécuter lui-même d’aussi rudes travaux. Et en effet, ces nym- 
phes , prises dans les cocons, m'ont donné dans l'intervalle de 
quelques jours un débile Diptère, l'Anthrax sinuata, tout à fait 
impuissant à entamer le cocon et encore plus à se frayer une issue 
à travers un sol que je ne fouille pas sans peine avec la pioche. 
Bien que de pareils faits abondent dans l’histoire des insectes, c’est 
toujours avec une profonde admiration que l’on constate les effets 
de celte incompréhensible puissance qui, tout à coup à un moment 
donné, commande irrésistiblement à un obscur vermisseau d’a- 
bandonner la retraite oùil est en sürelé, pour se metlre en marche 
à travers mille difficultés, et pour venir à la lumière qui lui serait 
fatale dans toute autre occasion, mais qui est nécessaire à l’insecte 
parfait et où ce dernier ne saurait arriver de lui-même. J’essaierai 
de raconter un jour par quelle adroite tactique la larve de l’An- 
thrax se trouve finalement incluse, côte à côte, avec la larve ou la 
nymphe d'Osmie qu’elle doit dévorer dans un cocon intact et dans 
une cellule sans effraction; pour le moment, je me bornerai au 
peu de mots que je viens de dire sur son compte et qui sont suffi- 
sants pour expliquer la présence, en si grand nombre, d’Anthrax 
adultes, morts ou vivants, aux portes du domicile commun des 
deux Hyménoptères. Mais voilà la couche des cellules de l'Osmie 
enlevée. La pioche atteint maintenant les cellules de l’Anthophore. 
Parmi ces cellules, les unes renferment des larves et proviennent 


2304 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSE 


des travaux du dernier mois de mai; les autres, sans aucun doute 
plus vieilles, sont occupées par l’insecte parfait qui, métamorphosé 
trop tard, passera l'hiver dans cette retraite; d’autres encore, 
aussi nombreuses que les précédentes , renferment un Hyménop- 
tère parasite, une Mélecte (Melecta armata) également à l’état par- 
fait; enfin, les dernières contiennent une singulière coque 
ovoïde (1), divisée en segments, pourvue de boutons stigmatiques, 
très fine, fragile, ambrée et si transparente, qu’on distingue très 
bien, à travers sa paroi, un Sitaris adulte (Sitaris humeralis), qui 
en occupe l’intérieur et qui se démène comme pour se mettre en 
liberté. Ainsi s'explique la présence, l’accouplement, la ponte en 
ces lieux, des Sitaris que nous venons de voir tout à l'heure errer 
en compagnie des Anthrax, à l'entrée des galeries des Anthophores. 
L'Osmie et l’Anthophore, copropriétaires de céans, ont donc cha- 
cune leur parasite particulier ; l’Anthrax s'attaque à l’Osmie. et le 
Sitaris à l’Anthophore. Mais qu'est-ce que cette coque bizarre où 
le Silaris est invariablement renfermé, coque sans exemple dans 
l'ordre des Coléoptères ? Y aurait-il ici un parasitisme au second 
degré ; c’est-à-dire le Sitaris vivrait-il dans l’intérieur de la chry- 
salide d’un premier parasite qui vivrait lui-même aux dépens de la 
larve de l’Anthophore ou de ses provisions ? Et comment encore 
ce ou ces parasites trouvent-ils accès dans une cellule qui paraît 
inviolable, à cause de la profondeur où elle se trouve, et qui d’ail- 
leurs ne trahit à l’étude scrupuleuse de la loupe aucune violente 
irruption de l'ennemi? Telles sont les questions qui se sont pré- 
sentées à mon esprit, lorsque, pour la première fois en 1855, j'ai 
été témoin, à l'entrée de la grotte de Fauconnette, des faits que je 
viens de raconter. La solution de ce problème m'a tenu près de 
trois ans en haleine. Je viens d'obtenir le dernier mot de l'énigme 
cet élé, etje suis enfin en mesure d'ajouter à l'histoire des mor- 
phoses des insectes, un de ses plus étonnants chapitres. Quelque 
exceptionnels que soient les faits que j'ai à raconter, j'ai été cepen- 
dant devancé par Newport qui, dans un mémoire de main de 
maitre (2), nous a fait connaître des morphoses et des habitudes 

(1) Voyez Planche 17, figure 4. 

(2) On the Natural History, Anatomy and Development of the Oil-Beetle, 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 305 
analogues chez les Méloës. Plus heureux que M. Newport, j'ai pu 
suivre jour par jour l’évolution de mes élèves, ce qui me permettra 
de combler, par analogie, au moyen des faits dont les Sitaris m'ont 
rendu témoin, les légères lacunes de l'histoire des Méloës. J'ai pu 
d’ailleurs suivre, en grande partie, l'évolution du Meloecicatricosus, 
précisément le même que celui qui sert de type dans le mémoire 
du savant auteur anglais ; j'aurai donc aussi, pour combler ces la- 
cunes, mieux que l’analogie, j'aurai l'observation directe. 


CHAPITRE I. 


SITARIS. 


Ayant recueilli un assez grand nombre de coques problémati- 
ques qui contenaient des Sitaris adultes, j'eus la satisfaction d’ob- 
server à loisir l'issue de l’insecte parfait hors de la coque, l’accou- 
plement et la ponte. La rupture de la coque est facile ; aussi quel- 
ques coups de mandibules distribués au hasard, et quelques ruades 
des pattes, suffisent pour mettre l’insecte hors de sa fragile prison. 
Dans les flacons où je tenais mes Sitaris, j'ai vu laccouplement 
suivre de très près les premiers instants de liberté. J'ai pu même 
être témoin d’un fait qui témoigne hautement combien est impé- 
rieuse, pour l'insecte parfait, la nécessité de se livrer, sans re- 
tard, à l’acte qui doit assurer la conservation de sa race. Une fe- 
melle, la tête déjà hors de la coque, se démène avec anxiété pour 
achever de se libérer ; un mâle, libre depuis une paire d'heures, 
monte sur celte coque, et, tiraillant en fous sens la fragile enve- 
loppe avec les mandibules, s'efforce de débarrasser la femelle de 
ses entraves. Ses efforts sont bientôt couronnés de succès ; une 
rupture se déclare vers l'extrémité anale de la coque, et, bien que 
la femelle soit encore aux trois quarts ensevelie dans ses langes, 
laccouplement a immédiatement lieu. Le rapprochement dure 
une minute à peu près. Pendant cet acte, le mâle se tient immobile 
sur le dos de la coque, ou bien sur le dos de la femelle, si celle-ci 


Meloë, more especially of Meloë cicatricosus, Leach, Trans. of the Linn, soc, 
vol. XX, p. 297. 
4° série. Zoo. T. VIL. (Cahier n° 5.) ? 20 


906 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSE 

estentièrement libre. J'ignoresi, dans les circonstances ordinaires, 
le mâle aide ainsi parfois la femelle à se mettre en liberté; pour 
cela, il Jui faudrait pénétrer dans une cellule renfermant une fe. 
melle, ce qui lui est après lout possible, puisqu'il a su s'échapper 
de la sienne. Toutefois, sur les lieux mêmes , l’accouplement 
s'opère en général à l’entréedes galeries des Anthophores ; et alors 
ni l’un ni l’autre des deux sexes ne traine après lui le moindre 
lambeau de la coque d’où il est sorti. Après l’accouplement, les 
deux Sitaris se mettent à lustrer leurs pattes et leurs antennes en 
les passant entre les mandibules, puis chacun s'éloigne de son 
côté. Le mâle va se tapir dans un pli du mur de terre, y languit 
deux ou trois jours, et péril. La femelle, elle aussi, après la ponte 
qui s'opère sans aucun retard, meurt à l'entrée du couloir où elle 
a déposé ses œufs. Telle est l'origine de tous ces cadavres appen- 
dus aux loiles d'Araignée qui tapissent le voisinage des demeures 
de l’Anthophore. 

Les Sitaris ne vivent donc, à l’élat parfait, que le (emps néces- 
saire pour s’accoupler et pondre. Je n'en ai pas encore vu un seul 
autre part que sur le théâtre de leurs amours et en même temps 
de leur mort, je n’en ai pas surpris un seul pâturant sur les plantes 
voisines; de sorte que, bien qu'ils soient pourvus d’un appareil 
digestif normal, j'aurais quelques raisons de douter s'ils prennent 
réellement la moindre nourriture. 

Une fois fécondée, la femelle inquiète se mel aussitôt à la re- 
cherche d'un lieu favorable pour y déposer les œufs. Il importait 
de constater en quel lieu précis s'effectne la ponte. La femelle 
va-t-elle, de cellule en cellule, confier un œuf aux flancs suceu- 
lents de chaque larve, soit de l'Anthophore, soit d'un parasite de 
cette dernière, comme le porte à croire la coque énigmatique d’où 
sort le Sitaris? Ce made de dépôt des œufs, un à un dans chaque 
cellule, paraît être de toute nécessité pour expliquer les faits déjà 
connus. Mais alors comment se fait-il que les cellules usurpées par 
les Sitaris ne gardent pas la plus légère trace de l’effraction indis- 
pensable à cette opération ? Et comment encore peut-il se faire 
que, malgré de longues recherches où ma persévérance a été sou- 
tenue par le plus vif désir de jeler quelque jour sur lous ces 


ET MOËURS DES MÉLOÏDES. 307 
mystères, comment, dis-je, peut-il se faire qu'il né me soit pas 
tombé sous la main un seul des parasites présumés auxquels la 
coque pourrait être rapportée, puisque celte dernière parait être 
étrangère à un Coléoptére? Je désespère de pouvoir faire com- 
prendre combien mes faibles connaissances en entomologie ont 
été bouleversées par cet inextricable dédale de faits contradic- 
toires. Mais patience, le jour se fera peut-être. Constatons d’abord 
en quel lieu précis les œufs sont déposés. Une femelle vient d’être 
fécondée sous mes yeux ; elle est aussitôt séquestrée dans un large 
flacon, où j'introduis en même temps des mottes de terre renfer- 
mant plusieurs cellules d’Anthophore. Ces cellules sont occupées 
en partie par les larves el en partie par des nymphes encore toutes 
blanches ; quelques-unes d’entre elles sont légèrementouvertes, et 
laissent entrevoir leur contenu. Enfin je pratique à la face inté- 
rieuré du bouchon de liége qui ferme le flacon un conduit cylin- 
drique terminé en cal-de-sac, et du diamètre des couloirs de l'An- 
thophore. Pour que l’insecte puisse pénétrer dans ce couloir 
artificiel, s'il le désire, le flacon est couché horizontalement. La 
femelle, trainant avec peine son volumineux abdomen, parcourt 
tous les coins et recoins de son logis improvisé, et les explore avec 
ses palpes qu'elle promène partout. Après une demi-heure de 
fâtonnement et de recherches soigneuses , elle finit par choisir le 
puits horizontal creusé dans le bouchon. Elle enfonce l'abdomen 
dans cette cavité, et, la fête pendante au dehors, elle commence 
sa ponte. Ce n'est que trente-six heures après que l’opération a 
élé terminée, et pendant cet incroyable laps de temps, le patient 
animal s'est tenu dans une immobilité des plus complètes. 

Les œufs sont blancs, en forme d’ovale, et très petits. Leur 
longueur atteint à peine les deux tiers de À millimètre. Is sont 
faiblement agglutinés entre eux et amoncelés en un tas informe 
qu'on pourrait comparer à une forte pincée de semences non 
müres de quelque Orchidée, Quant à leur nombre, j'avouerai qu'il 
a infructuensement fatigué ma patience. Je ne crois pas cependant 
l'exagérer en l'évaluant at moins à deux milliers. Voici sur quelles 
données je base ce chiffre. La ponte, aije dit, dure trente-six 
heures; et mes fréquentes visites à la femelle, livrée à cette opé- 


508 FABRE, — HYPERMÉTAMORPHOSE 


ration dans la cavité du bouchon, m'ont convaineu qu'il n’y a 
pas d'interruption notable dans le dépôt successif des œufs. Or, 
moins d'une minute s'écoule entre l’arrivée d’un œuf et celle du 
suivant; le nombre de ces œufs ne saurait donc être mférieur au 
nombre de minutes contenues dans trente-six heures ou à 2,160. 
Mais peu importe ce nombre exact, il suffit de constater qu'il est 
fort grand ; ce qui suppose, pour les jeunes larves qui en provien- 
dront, de bien nombreuses chances de destruction, puisqu’une 
telle prodigalité de germes est nécessaire au maintien de l’espèce 
dans les proportions voulues. 

Averti par la précédente observation et renseigné sur la forme, 
le nombre et l’arrangement des œufs, j'ai recherché, dans les gale- 
ries des Anthophores, ceux que les Sitaris y avaient déposés ; et 
je les ai invariablement trouvés groupés en {as dans l'intérieur 
des galeries, à 1 pouce ou 2 au plus de leur orifice toujours ou- 
vert à l’extérieur. Ainsi, contrairement à ce qu'on avait quelque 
droit de supposer, les œufs ne sont pas pondus dans les cellules 
de l’abeille-maçonne ; ils sont simplement déposés, en un seul tas, 
das le vestibule de son logis. Bien plus, la mère n’exécute pour 
eux aucun travail protecteur ; elle ne prend aueun soin pour les 
abriter contre les rigueurs de la mauvaise saison; elle n’essaie pas 
même, en bouchant tant bien que mal le vestibule où elle les a 
pondus à une très faible profondeur, de les préserver des mille 
ennemis qui les menacent: car, lant que les froids de l'hiver ne 
sont pas venus, dans ces galeries ouvertes circulent des Araignées, 
des Acarus, des larves d’Anthrêne, et autres ravageurs, pour qui 
ces œufs, où les jeunes larves qui vont en provenir, doivent être 
une friande curée. Par suite de l’incurie de la mère, ce qui échappe 
à lous ces giboyeurs voraces et aux intempéries de l'hiver doit se 
trouver en nombre singulièrement réduit, De là, peut-être, la né- 
cessité où est la mère de suppléer par sa fécondité à la nullité de 
son industrie. 

L'éclosion a lieu un mois après, vers la fin de septembre ou le 
commencement d'octobre. La saison encore propice m'a porté à 
croire que les jeunes larves devaient immédiatement se mettre en 
marche et se disperser pour tâcher de gagner chacune une cellule 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 309 
d'Anthophore, grâce à quelque imperceptible fissure. Cette pré- 
vision s’est trouvée complétement fausse. Dans les boîtes où j'avais 
mis les œufs pondus par mes captifs, les jeunes larves, impercep- 
tibles bestioles noires de 1 millimètre tout au plus de longueur, 
n’ont pas changé de place, quoique pourvues de vigoureuses pattes; 
elles sont restées pêle-mêle avec les dépouilles blanches des œufs 
d’où elles étaient sorties. Vainement j'ai mis à leur portée des 
blocs de terre renfermant des nids d'Anthophore, des cellules ou- 
vertes, des larves , des nymphes de l’Abeille-Maçonne : rien n’a 
pu les tenter, et elles ont continué à former, avec les téguments 
des œufs, un tas pulvérulent pointillé de blanc et de noir. Ce n’est 
qu'en promenant la pointe d’une aiguille dans cette pincée de 
poussière animée que je pouvais y provoquer un grouillement 
actif. Hors de là, tout était en repos. Si j'éloignais forcément quel- 
ques larves du tas commun, elles y revenaient aussitôt avec pré- 
cipitation, pour s'y enfouir au milieu des autres. Peut-être que, 
ainsi groupées et abritées sous les téguments des œufs, elles ont 
moins à craindre du froid. Quel que soit le motif qui les porte à 
se tenir ainsi amoncelées , j'ai reconnu qu'aucun des moyens que 
je pouvais imaginer ne réussissait à leur faire abandonner la petite 
masse spongieuse que forment les dépouilles des œufs faiblement 
agglutinées entre elles. Enfin, pour mieux m’assurer qu’en liberté 
les larves ne se dispersent pas après l’éclosion, je me suis rendu 
pendant l'hiver à Carpentras, ef j'ai visité la grotte de Faucon- 
nette. J'ai trouvé là, comme dans mes boîtes, les larves amonce- 
lées en tas, pêle-mêle avec les dépouilles des germes. 

Jusque vers la fin du mois d'avril suivant, rien de nouveau ne 
se passe. Je profiterai de ce long repos, pour mieux faire connaître 
la jeune larve dont voici la description (1) : 

Longueur, À millimètre ou un peu moins. Coriace, d'un noir 
verdâtre luisant, convexe en dessus, plane en dessous, allongée, 
augmentant graduellement de diamètre de la tête au bord posté- 
rieur du mélathorax, puis diminuant rapidement. Tête un peu plus 
longue que large, légèrement dilatée vers sa base, roussâtre 
vers Ja bouche, et plus foncée vers les ocelles. 


(1) Voyez planche 47, figure 2. 


310 FABRE, — HYPERMÉTAMORPHOSE 


Labre en segment de cercle, roussâtre, bordé d’un petit nombre 
de cils roides et très courts, Mandibules fortes, rousses, courbes, 
aiguës, se joignant sans se croiser dans le repos. Palpes maxillaires 
assez longs, formés de deux articles cylindriques , égaux; le der- 
nier terminé par un cil très court. Mâchoires et lèvre inférieure 
trop peu visibles pour pouvoir être décrites avec certitude. 

Antennes de deux articles cylindriques, égaux, peu nettement 
séparés, à peu près de même longueur que ceux des palpes; le 
dernier surmonté d’un eirrhe dont la longueur atteint jusqu’à trois 
fois celle de la tête, et qui va en s’effilant jusqu’à devenir invisible 
à une forte loupe. En arrière de la base de chaque antenne, deux 
ocelles inégaux, presque contigus l’un à l’autre. 

Segments thoraciques égaux en longueur et augmentant gra- 
duellement de largeur d'avant en arrière. Prothorax plus large que 
la tête, plus étroit antérieurement qu’à la base, légèrement arrondi 
sur les côtés. Pattes de médiocre longueur, assez robustes, termi- 
nées par un ongle puissant, long, aigu, et très mobile. Sur la 
hanche et sur la cuisse de chaque patte, un long cirrhe pareil à 
celui desantennes, presque aussi long quela patte entière, et dirigé 
perpendieulairement au plan de locomotion quand l'animal se 
meut. Quelques cils roides sur les jambes. Abdomen de neuf seg- 
ments sensiblement de même longueur entre eux, mais moindres 
que ceux du thorax et diminuant très rapidement de largeur jus- 
qu'au dernier, Sous la dépendance du huitième segment, ou plutôt 
sous celle de l'intervalle membraneux séparant ce segment du 
dernier, se montrent deux pointes un peu arquées, courtes, mais 
fortes, aiguës, dures à leur extrémité, et placées l’une à droite, 
l’autre à gauche de la ligne médiane. Ces deux appendices peuvent, 
par un mécanisme qui rappelle en petit celui des tentacules du 
colimaçon, rentrer en eux-mêmes par suite de l’état membraneux 
de leur base, Ils peuvent, en outre, s’abriter sous le huitième seg- 
ment, entraînés qu'ils sont par le segment anal, lorsque ce der- 
nier, en se contraëtant, rentre dans le huitième. Enfin, le neu- 
vième segment, où segment anal, porte à son bord extérieur deux 
longs cirrhes pareils à ceux des pattes et des antennes, et se re- 
courbant de haut en bas. En arrière de ce dernier segment, 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES, 311 


se montre un mamelon charnu, plus où moins saillant : c’est 
l'anus. 

J'ignore la posilion des stigmates; ils se sont dérobés à mes in- 
vestigalions, bien que faites à l’aide du microscope. Lorsque la 
larve est en repos, les divers segments sont régulièrement imbri- 
qués et les intervalles membraneux , correspondant aux articula- 
tions, ne sont pas visibles. Mais si la larve marche, toutes les 
articulations , surtout celles des segments abdominaux, se disten- 
dent, et finissent par occuper presque autant de place que les 
arceaux cornés. En même temps, le segment anal sort de l'étui 
formé par le huitième ; l'anus, à son tour, s’allonge en mamelon ; 
et les deux pointes de l’avant-dernier anneau surgissent d’abord 
lentement, puis se dressent tout à coup par un mouvement brusque 
comparable à celui que produit un ressort en se détendant, et di- 
vergent en cornes de croissant. Une fois cet appareil complexe 
déployé, l’animalcule est en mesure de marcher sur la surface la 
plus glissante. Le dernier segment et son bouton anal se recour- 
bent à angle droit avec l'axe du corps, et l'anus vient s'appliquer 
sur le plan de locomotion où il déverse une gouttelette d’un 
liquide hyalin et filant qui englue la bestiole et la maintient solide- 
ment en place, appuyée sur une espèce de trépied que forment le 
bouton anal et les deux cirrhes du dernier segment. Si l’on ob- 
serve le mode de locomolion de l’animal sur une lame de verre, 
on peut tenir la lame dans une position verticale, la renverser 
même sens dessus dessous, et la secouer légèrement sans que la 
larve se détache et tombe, retenue qu'elle est par l'humeur agelu- 
tinative transsudée par le bouton anal. S'il faut avancer sur un 
plan où une chute n’est pas à craindre, la microscopique bête 
emploie un autre procédé. Elle recourbe l'abdomen, et lorsque les 
deux pointes du huitième segment, alors pleinement étalées, ont 
trouvé un point d'appui solide en labourant, pour ainsi dire, le plan 
de locomotion, elle s'appuie sur cette base el se porte en avant, 
en dilatant les diverses articulations abdominales. Ce mouvement 
en avant est d'ailleurs favorisé par le jeu des pattes qui sont loin de 
rester inactives, Cela fait, elle jette l'ancre avec les puissants on- 
glets de ses pattes; l'abdomen se contracte, ses divers anneaux se 


512 FABRE, — HYPERMÉTAMORPHOSE 

resserrent, el l'anus, tiré en avant, prend de nouveau appui, à 
l'aide des deux pointes, pour commencer la seconde de ces cu- 
rieuses enjambées. Au milieu de ces manœuvres, les cirrhes des 
hanches et des cuisses trainent sur le plan d'appui, et par leur 
longueur et par leur élasticité ne paraissent propres qu’à entraver 
la marche. Mais une inconséquence, si légère qu'elle soit, n'étant 
jamais commise par la nature, même dans ses moindres œuvres 
toujours admirablement appropriées à leurs conditions d’existence, 
il est à croire que ces filaments ont leur destination, et que, dans 
les circonstances normales où doit vivre l'animal, loin de l’entra- 
ver dans sa marche, ils doivent lui être de quelque secours. La 
jeune larve de Silaris n’est done pas appelée à se mouvoir sur une 
surface ordinaire ; en outre, le lieu, quel qu’il soit, où doit vivre 
plus tard la larve, doit offrir de bien nombreuses chances à des 
chutes périlleuses, puisque, pour les prévenir, elle est non-seule- 
ment armée d'ongles robustes, très mobiles et d’un croissant 
acéré, espèce de soc capable de mordre sur le corps le mieux poli, 
mais encore est munie d'un liquide visqueux, assez lenace pour 
l'engluer solidement et la maintenir en place sans le secours des 
autres appareils. En vain je me suis mis l'esprit à la torture pour 
soupconner quel pouvait être le corps si mobile, si vacillant, si 
dangereux, que doivent habiter les jeunes Sitaris; rien n’a pu 
in’expliquer la nécessité de l'organisation que je viens de décrire, 
Convaineu d'avance, par l'étude attentive de cette organisation, 
que je serais lémoin de singulières mœurs, j'ai attendu, avec une 
vive impatience, le retour de la belle saison , ne doutant pas 
qu'à l'aide d’une observation persévérante, le mystère ne me fût 
dévoilé au printemps suivant. Ce printemps si désiré est enfin 
venu; j'ai mis en œuvre tout ce que je peux posséder de patience, 
d'imagination, de clairvoyance ; mais, à ma grande honte, et à 
mon regret plus grand encore, le secret m'a échappé. Heureux 
ceux qui, cultivant les sciences physiques, peuvent à toute heure 
rallumer leurs fourneaux, disposer leurs appareils, et provoquer à 
volontéles phénomènes qu'ils désirent approfondir. Pour nous, il 
nous faut épier le jour, l'heure, l'instant propice, et cet instant 
passé, il ne nous est plus permis, jusqu'à l’année suivante à Ja 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 313 


même époque, d’être témoins du phénomène qui pendant douze 
mois mortels nous tient ainsi dans les tourments de l’indécision. 
Mes observations faites dans le courant du printemps 1856, 
quoique purement négatives, ont cependant leur intérêt, parce 
qu’elles démontrent fausses quelques suppositions qu'amène natu- 
rellement le parasitisme incontestable des Sitaris. J'en dirai donc 
quelques mots. Vers la fin d'avril, les jeunes larves, jusque-là 
immobiles et bloities dans le tas spongieux des enveloppes des 
œufs, sortent de leur immobilité, se dispersent et parcourent en 
tout sens les boîtes ou les flacons où elles ont passé l'hiver. A leur 
démarche précipitée , à leurs infatigables évolutions, on devine 
aisément qu’elles recherchent quelque chose qui leur manque. 
Cetle chose, que peut-elle être, si ce n’est de la nourriture ? N’ou- 
blions pas en effet queces larves sont éeloses à la fin de septembre, 
et que depuis celte époque, c’est-à-dire pendant sept mois com- 
plets, elles n’ont pris aucune nourriture, bien qu’elles aient passé 
cet énorme laps de temps avec toute leur vitalité, ainsi que j'ai 
pu m'en convaincre tout l'hiver en les irritant, et non dans une 
léthargie, une torpeur analogue à celle des animaux hibernants. 
Aussitôt écloses, elles sont condamnées, quoique pleines de vie, à 
une abslinence absolue de la durée de sept mois ; il est done natu- 
rel de supposer, en voyant leur agitation actuelle, qu'une faim 
impérieuse les met ainsi en mouvement. La nourriture désirée 
ne saurait être que le contenu des cellules de l’Anthophore, puisque 
plus tard on trouve les Sitaris dans ces cellules. Or, ce contenu se 
borne où à du miel ou à des larves. J'ai conservé précisément des 
cellules d'Anthophore occupées par des nymphes ou par des 
larves. J'en mels quelques-unes, soit ouvertes, soit fermées, à la 
portée des jeunes Sitaris, comme je l'avais déjà fait immédiate- 
ment après l'éclosion. J'introduis même les Sitaris dans les cel- 
lules, je les dépose sur les flancs de la larve douillette, je m'y 
prends de toutes les manières pour tenter leur appétit; et après 
avoir épuisé mes combinaisons toujours infructueuses, je reste 
convaineu que ce n'est ni larves ni nymphes d'Anthophore que 
recherchent mes bestioles affamées. Essayons maintenant le miel, 
1 faut employer évidemment du miel élaboré par la même espèce 


ä1l FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSE 


d’Anthophore que celle aux dépens de laquelle vivent les Sitaris. 
Mais cette Anthophore n’est pas fort commune dans les environs 
d'Avignon, et mes occupations ne me permeltent pas de m’absen- 
ter pour me rendre à Carpentras où elle est si abondante, Je-perds 
ainsi, à la recherche de cellules approvisionnées de miel, une 
bonne partie du mois de mai; je finis cependant par en trouver de 
fraichement closes et appartenant en toute certitude à l’Anthophore 
voulue. J'ouvre ces cellules avec l’impatience fébrile du désir 
longtemps mis à l’épreuve. Tout va bien : elles sont à demi- 
pleines d’un miel coulant, noirâtre, nauséabond, à la surface du- 
quel flotte la jeune larve de l'Hyménoptère récemment éclose. 
Cette larve est enlevée, et, avec mille précautions, je dépose à la 
surface du miel un ou plusieurs Silaris. Dans d’autres cellules, je 
laisse la larve de l’'Hyménoptère et jy introduis des Sitaris que je 
dépose tantôt sur le miel, tantôt sur la paroi interne de la cellule, 
ou simplement à son entrée. Enfin, toutes ces cellules, ainsi pré- 
parées, sont mises dans des tubes de verre qui me permettront 
une observation facile, sans crainte de troubler, dans leur repas, 
mes convives affamés. Mais que vais-je parler de repas? Ce repas 
n'a pas lieu! Les Sitaris placés à l'entrée des cellules, loin de 
chercher à y pénétrer, l’abandonnent et s'égarent dans le tube de 
verre; ceux qui ont été déposés sur la face intérieure des cellules, 
à proximité du miel, sortent précipitamment à demi-englués et 
trébuchant à chaque pas ; ceux enfin que je croyais avoir le plus 
favorisés, en les déposant sur le miel même, se débattent convul- 
sivement, s'empêtrent dans sa masse gluante et y périssent étouf- 
fés. Jamais expérience n’a éprouvé pareille déconfiture. Larves, 
nymphes, cellules, miel, je vous ai tout offert; que voulez-vous 
done, bestioles maudites ? 

Lassé de toutes ces tentalives sans résultat, je finis par où j’au- 
rais dù commencer, je me rendis à Carpentras. Mais il était trop 
tard : l’Anthophore avait fini ses travaux, et je ne parvins à rien 
voir de nouveau, Dans le courant de l’année, j’appris de M. L. Du- 
four à qui j'avais parlé des Sitaris , j’appris, dis-je, que l’animal- 
eule, trouvé par lui sur les Andrènes, et décrit sous le nom géné- 
rique de Triangulinus, avait été reconnu plus tard par M. New- 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES, 315 


port (4), comme étant la larve d'un Méloë. Or, j'avais trouvé 
précisément quelques Méloës dans les cellules de la même Antho- 
phore qui nourrit les Sitaris. Les Sitaris se comporteraient-ils en 
tout comme les Méloës ? Ce fut pour moi un trait de lumière ; mais 
j'eus tout le temps de mürir mes projets, il me fallut encore 
attendre une année. 

Au mois d'avril dernier, mes larves de Sitaris se sont mises, 
comme à l'ordinaire, en mouvement. Le premier Hyménoptère 
venu, une Osmie, à élé jeté vivant dans un flacon contenant un 
petit nombre de ces larves, et au bout d’un quart d'heure de sé- 
jour, je l’ai visité à la loupe. Cinq Sitaris étaient implantés dans la 
toison de son thorax. Le problème est enfin résolu. Les larves des 
Sitaris, comme celles des Méloës, se cramponnent à la toison de 
leur amphitryon et se font voilurer par lui jusque dans sa cellule. 
Dix fois je recommence la même épreuve avec les divers Hymé- 
noptères qui viennent butiner sur les lilas en fleurs devant ma 
fenêtre, et en particulier avec des Anthophores màles ; le résultat 
est toujours le même, les larves s’implantent au milieu des poils 
de leur thorax. Mais après tant de désappointements, on devient 
méfiant, aussi convient-il d'aller observer le fait sur les lieux 
mêmes ; les vacances scholaires de Pâques arrivent d’ailleurs fort 
à propos pour faire à loisir ces observations. 

J'avouerai que ce ne fut pas sans quelques battements de cœur 
plus précipités qu'à l'ordinaire que je me trouvai de nouveau en 
face des talus à pie où niche l’Anthophore. Que va décider l’expé- 
rience ? Va-t-elle encore une fois me couvrir de confusion? Le 
temps est froid, pluvieux; aucun Hyménoptère ne se montre sur 
le petit nombre de fleurs printanières épanouies. A l'entrée des 
galeries sont blotties de nombreuses Anthophores immobiles 
et transies. A l’aide de pinces, je les sors une à une de leur ca- 
ehette pour les examiner à la loupe. La première a des larves de 
Sitaris sur le thorax, la seconde en a également, la troisième, la 
quatrième de même, et ainsi de suite, aussi loin que je désire pous- 

(4) Je n'ai pu me procurer le travail de M. Newport qu'au moment même où 
j'ai commencé à rédiger ces pages ; j'aurais certainement, si j'en avais pris Con- 
naissance plus tôt, évité beaucoup de tentatives inutiles. 


316 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSE 


ser cet examen. Je change de galerie dix, vingt fois ; le résultat est 
invariable. 11 y eut là pour moi un de ces moments comme en ont 
ceux qui, après avoir pendant quelques années tourné et retourné 
une idée de toutes les manières, peuvent enfin s’écrier : Euréka ! 

Les journées suivantes, un cielüiède et serein permit aux Antho- 
phores de quitter leurs retraites pour se répandre dans la cam- 
pagne et butiner sur les fleurs. Je recommençai mon examen sur 
ces Anthophores volant sans relâche d’une fleur à l’autre, soit 
dans le voisinage des lieux où elles étaient nées, soit à de grandes 
distances de ces mêmes lieux. Quelques-unes se trouvèrent sans 
larves de Sitaris, d’autres, en plus grand nombré, en avaient deux, 
trois, quatre, cinq, ou davantage entre les poils du thorax. A 
Avignon où je n’ai pas encore vu le Sitaris humeralis, la même 
espèce d'Anthophore observée à peu près à la même époque, 
tandis qu’elle butinait sur les lilas fleuris, s’est toujours trouvée 
exemple de jeunes larves de Sitaris; à Carpentras, au contraire, 
où on ne rencontre pas un domicile d’Anthophores sans Sitaris, 
presque les trois quarts des individus que j'ai visités avaient quel- 
ques-unes de ces larves au milieu de leur toison. Par contre, si 
l'on recherche ces larves dans les vestibules où elles se trouvaient 
quelques jours avant, amoncelées en tas, on n’en trouve plus. Par 
conséquent, lorsque les Anthophores, ayant brisé leurs cellules, 
s'engagent dans les galeries pour en atteindre l’orifice et s’envo- 
ler ; ou bien, lorsque le mauvais temps et la nuit les y ramènent 
momentanément, les jeunes larves de Sitaris tenues en éveil dans 
ces mêmes galeries par l’irrésistible stimulant de l'instinct, s’atta- 
chent à ces Hyménoptères, se glissent dans leur fourrure, et s’y 
cramponnent d’une manière assez solide pour ne pas avoir à 
craindre une ebute dans les lointaines pérégrinations de l’insecte 
qui les porte. En s’attachant ainsi aux Anthophores, les jeunes 
Sitaris ont évidemment pour but de se faire transporter, et au 
moment opportun, dans les cellules approvisionnées. On pourrait 
croire même tout d’abord qu'ils vivent quelque temps sur le corps 
de l’Anthophore, comme les parasites ordinaires, les Philoptères, 
les Poux, sur le corps de l’animal qui les nourrit. Il n’en est rien 
cependant. Les jeunes Sitaris, implantés au milieu des poils, per- 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 317 
pendiculairement au corps de l’Anthophore, la tête en dedans, 
l'anus en dehors, ne remuent plus du point qu'ils ont choisi et 
qui se trouve dans le voisinage des épaules de l’Abeille. On ne les 
voit pas errer d’un point à un autre pour explorer le corps de 
l’Anthophore et en rechercher les parties où les téguments ont 
plus de délicatesse, comme ils ne manqueraient pas de le faire, si 
réellement ils puisaient quelque nourriture dans les sucs de l'Hy- 
ménoptère. Au contraire, presque loujours fixés sur Ja partie la 
plus résistante, la plus dure du corps de l’Abeille, sur son thorax, 
un peu au-dessous de l'insertion des ailes, ou plus rarement sur 
sa tête, ils gardent une complète immobilité, et se tiennent fixés 
au même poil, à l'aide des mandibules, des pattes, du croissant 
fermé du huitième segment, et enfin à l’aide de la glu du bouton 
anal. S'ils viennent à être troublés dans cette position, ils gagnent 
à regret un autre point du thorax, en s'ouvrant un passage à tra- 
vers sa fourrure, et finissent par se fixer à un autre poil, comme 
ils l'étaient avant. Pour mieux me convaincre encore que les 
jeunes larves de Sitaris ne se nourrissent pas aux dépens du corps 
de l’Anthophore, j'ai mis quelquefois à leur portée, dans un fla- 
con, des Hyménoptères morts depuis longtemps et par suite par- 
faitement desséchés. Sur ces cadavres arides , bons tout au plus à 
ronger, mais où il n'y avail assurément rien à sucer, les larves 
de Silaris ont gagné la position ordinaire et y sont restées immo- 
biles comme sur l’insecte vivant. Elles ne puisent done rien dans 
le corps de l'Anthophore; mais peut-être rongent-elles sa toison, 
comme les Philoptères rongent les plumes des oiseaux ? Pour cela, 
il leur faudrait un appareil buccal d’une certaine complication, en 
particulier des mächoires cornées et robustes, tandis que ces mà- 
choires sont si exiguës qu'un examen microscopique minutieux 
n'a pu ne les montrer. Les larves sont, il est vrai, pourvues de 
fortes mandibules; mais ces mandibules aiguës, recourbées, et 
excellentes pour lirailler, pour déchirer la nourriture, ne sauraient 
servir à la broyer, à la ronger. Enfin, une dernière preuve en 
faveur de l'état passif des larves de Sitaris sur le corps des Antho- 
phores, c'est que ces dernières ne paraissent nullement incommo- 
dées de leur présence, puisqu'on ne les voit pas chercher à s’en 


318 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSE 


débarrasser. Des Anthophores exemptes de ces larves, et d’autres, 
en portant cinq où six sur le corps, ont été mises séparément 
dans des flacons. Quand le premier trouble résultant de la capti- 
vité a été calmé, je n'ai pu rien voir de particulier sur celles qu'oc- 
cupaient les jeunes Sitaris. Et si loutes ces raisons ne suffisaient 
pas, j'ajouterais qu'un animalcule qui a pu déjà passer sept mois 
sans nourriture, et qui dans peu de jours va s’abreuver d’une sub- 
stance fluide et hautement savoureuse, commettrait une singu- 
lière inconséquence, en se mettant à ronger le duvet aride d'un 
Hyménoptère. Il me parait done indubitable que les jeunes Sitaris 
ne s’établissent sur le corps de l’Anthophore que pour se faire 
transporter par elle dans les cellules dont la construction ne tar- 
dera pas à commencer. Mais jusque-là, il faut que les parasites 
futures se maintiennent solidement dans la toison de leur amphi - 
tryon, malgré ses rapides évolutions au milieu des fleurs, malgré 
le frottement de son corps contre les parois des galeries quand il 
y pénètre pour s’y abriter, et surtout malgré les coups de brosse 
qu'il doit se donner de temps en temps avec les pattes pour 
s’épousseter, pour se lustrer. De là, sans doute, la nécessité de cet 
appareil étrange qu’une station et une locomotion sur des surfaces 
ordinaires ne saurait expliquer, comme il a été dit plus haut, lors- 
qu'on s’est demandé quel pouvait être le corps si mobile, si vacil- 
Jant, si plein de dangers où la larve devait s'établir plus tard. Ce 
corps, c’est un poil d’un Hyménoptère qui exécute mille courses 
rapides, qui tantôt plonge dans ses étroites galeries, {tantôt pénètre 
avec violence dans la gorge étranglée d’une corolle, et ne reste en 
repos que pour se brosser avec les pattes et se débarrasser des 
grains invisibles de poussière recueillis par le duvet qui le re- 
couvre. On comprend très bien maintenant Putilité du croissant 
exsertile dont les deux cornes, en se rapprochant, peuvent saisir 
un poil mieux que ne le ferait la pince la plus délicate ; on voit 
toute l'opportunité de la glu tenace qu'au moindre danger l'anus 
distille pour arrêter l’animaleule dans une chute imminente ; on se 
rend compte enfin du role utile que peuvent jouer ici les cirrhes 
élastiques des hanches et des pattes, véritable superfluité très em- 
barrassante pour la marche sur un plan uni, mais qui, dans le cas 


ET MOEURS DES MÉLOIÏDES. 319 


actuel, pénètrent comme autant de sondes dans l'épaisseur du 
duvet de lAnthophore, et servent à maintenir la larve de Sitaris 
pour ainsi dire à l’ancre. Plus on réfléchit à cette organisation 
modelée en apparence par un caprice aveugle, lorsque la larve se 
traine péniblement sur un plan uni, et plus on reste pénétré d’admi- 
ration devant les moyens aussi efficaces que variés prodigués à la 
débile créature pour conserver son miraculeux équilibre, au milieu 
de tous les dangers qui le menacent. 

Avant de raconter ce que deviennent les larves de Sitaris en 
abandonnant le corps des Anthophores, je ne saurais passer sous 
silence une particularité fort remarquable. Tous les Hyménoptères 
envahis par ces larves, et observés jusqu'ici, se sont trouvés, sans 
une seule exceplion, des Anthophores mâles. Ce sont des mâles 
que j'ai retirés de leurs cachettes, ce sont des mäles que j'ai saisis 
sur les fleurs ; et malgré des recherches actives, je n’ai pu trouver 
une seule femelle en liberté. La cause de cette absence totale des 
femelles est facile à constater, En abattant quelques mottes de 
terre de la nappe occupée par les nids, on voit que si tous les 
mäles ont déjà ouvert et abandonné leurs cellules, les femelles, au 
contraire, y sont encore incluses, mais sur le point de prendre 
bientôt l'essor. Cette apparition des mâles un mois presque avant 
la sortie des femelles n’est pas particulière aux Anthophores; je 
J'ai également constatée chez beaucoup d’autres Hyménoptères, et 
en particulier chez l'Osmia tricornis qui habile les mêmes emplace- 
ments que l’Anthophora pilipes. Les mâles de l'Osmie apparais- 
sent même avant ceux de l’Anthophore, et à une époque si précoce, 
qu'alors les jeunes larves de Sitaris ne sont peut-être pas encore 
excilées par la secrète impulsion qui les met en activité. C’est, 
sans aucun doute, à leur réveil précoce que les males de l'Osmie 
doivent de pouvoir traverser impunément les corridors où sont 
entassées les jeunes larves de Sitaris, sans que ces dernières s'atta- 
chent à leur loison ; du moins, je ne saurais expliquer autrement 
l'absence de ces larves sur le dos des Osmies mâles, puisque, quand 
on les met artificiellement en présence de ces Hyménoptères, elles 
# y allachent aussi volontiers qu'aux Anthophores. La sortie hors 
de l'emplacement commun commence par les Osmies mâles, se 


320 FABRE. —- HYPERMÉTAMORPHOSE 


continue par les Anthophores mâles, et se termine par la sortie à 
peu près simultanée des Osmies et des Anthophores femelles. J'ai 
pu aisément constater ces faits, en observant chez moi, au pre- 
mier printemps, pour l’une et l’autre espèce , l'époque de rupture 
des cellules que j'avais recueillies dans le précédent automne. 

Au moment de leur sortie, les Anthophores mâles traversant 
les galeries où attendent en plein éveil les larves de Sitaris, doivent 
en prendre un certain nombre; et ceux d’entre eux qui, s’engageant 
dans les couloirs déserts, échappent ainsi une première fois à 
l'ennemi, ne lui échapperont pas longtemps, puisque la pluie, Pair 
froid et la nuit les ramènent à leurs anciennes demeures où ils 
s’abritent, tantôt dans une galerie, tantôt dans une autre, pendant 
une grande partie du mois d'avril. Ces allées el venues des mâles 
dans les vestibules de leurs habitations, le séjour prolongé que le 
mauvais temps les contraint souvent d’y faire, fournissent aux Si- 
taris l’occasion la plus favorable pour se glisser dans leur fourrure 
et y prendre position. Aussi, après un mois environ d'un pareil 
manége, il ne doit pas rester, ou il ne reste que fort peu de larves 
errant encore sans avoir atteint leur but. A cette époque, je n’ai pu 
réussir à en trouver, si ce n’est sur le corps des Anthophores 
mâles. Il est donc extrêmement probable qu’à leur sortie, ayant 
lieu à l'approche du mois de mai, les Anthophores femelles ne 
prennent pas des larves de Sitaris dans les couloirs, ou n’en pren- 
nent qu'un nombre qui ne peut soutenir la comparaison avec celui 
que portent les mâles. En effet, les premières femelles que j'ai pu 
observer à la fin d'avril dans le voisinage même des nids étaient 
exemples de ces larves. Cependant, c'est sur les femelles que les 
jeunes Sitaris doivent finalement s'établir; les mâles sur lesquels 
ils sont en ce moment n'étant pas capables de les introduire dans 
les cellules, puisqu'ils ne prennent aucune part à leur construction 
et à leur approvisionnement. Il y a donc, à un certain moment, 
passage des larves de Sitaris des Anthophores mâles sur les An- 
thophores femelles ; et ce passage s'effectue , sans aucun doute, 
lors du rapprochement des deux sexes. Chose étrange : la femelle 
trouve à la fois dans les embrassements du mâle, et la vie et Ja 
mort de sa progéniture ; au moment où elle se livre au mâle pour 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 321 


la conservation de sa race, les parasites vigilants passent du mâle 
sur la femelle pour l’extermination de cette même race. Pour 
constater expérimentalement si ces déductions sont bien l’expres- 
sion de la vérité, voici un essai qui me parait assez concluant alors 
même qu'il ne réalise que grossièrement les circonstances naltu- 
turelles. Sur une femelle prise dans sa cellule et par conséquent 
dépourvue de Sitaris, je place un mâle qui en est pourvu, et je 
maintiens les deux sexes en contact, en mailrisant autant que pos- 
sible leurs mouvements désordonnés. Après quinze ou vingt mi- 
nutes de ce rapprochement forcé, la femelle se trouve envahie 
par une ou plusieurs des larves qui étaient d’abord sur le mâle. 
Il est vrai qu'on ne réussit pas loujours; mais aussi comment réa- 
liser les préludes de l’accouplement, et les frottements passionnés, 
et les étreintes intimes, et la fusion pour ainsi dire des deux corps 
en un seul ? : 

En surveillant à Avignon les rares Anfhophores que j'ai pu dé- 
couvrir, il m'a été possible de saisir l'instant précis de leurs tra- 
vaux ; et le jeudi suivant, 21 mai, je me suis rendu en toute hâte 
à Carpentras pour assister, s'il était possible, à l'entrée des Sitaris 
dans les cellules de l’Abeille. Je ne me suis pas trompé, les travaux 
sont en pleine activité. 

Devant une haute nappe de terre, s'agile, comme dans un ballet- 
démence, un essaim stimulé par le soleil qui l'inonde de lumière 
et de chaleur. C’est une nuée d'Anthophores de quelques pieds 
d'épaisseur et d’une étendue mesurée sur celle de l'espèce de fa- 
çade que forme le sol à pic. Du sein tumultueux de la nuée s'élève 
un monotone et menaçant murmure, tandis que le regard s’égare, 
sans pouvoir se retrouver, au milieu des inextricables évolutions 
de l’ardente cohue. Avec la rapidité de l'éclair, des milliers d’An- 
thophores s'éloignent incessamment et se dispersent dans la cam- 
pagne pour buliner ; incessamment aussi des milliers d’autres arri- 
vent, chargées de miel ou de mortier, et maintiennent l'essaim 
dans les mêmes redoutables proportions. Malheur à l'imprudent 
qui pousserait l'audace jusqu'à pénétrer au cœur de l'essaim, et 
surtoul jusqu'à porter une main téméraire sur les demeures en 
construction. Aussitôt enveloppé par la foule en furie, il expierait 

4° série. Zooc. T. VII. (Cahier n° 6.) 1 24 


329 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSE 


sa folle entreprise sous mille coups d’aiguillon. A cette pensée 
rendue encore plus alarmante par le souvenir de certaines més- 
aventures dont j'ai été victime en voulant observer de trop près les 
gâteaux des Frelons (F'espa Crabro), je sens un frisson d’appréhen- 
sion me courir sur le corps. Et cependant, pour mettre en tout 
son jour la question qui m’amène ici, il faut nécessairement péné- 
trer dans le redoutable essaim ; ilme faut me tenir des heures en= 
tières , tout le jour peut-être, en observation devant les travaux 
que je vais bouleverser ; et, la loupe à la main, scruter patiemment, 
au milieu du tourbillon furieux, ce qui se passe dans les cellules. 
L'emploi d’un masque, de gants, d’enveloppes quelconques, n’est 
pas d’ailleurs possible, car toute la dextérité des doigts et toute la 
liberté de la vue sont nécessaires pour les recherches que j'ai à 
faire, N'importe ; devrais-je sortir de ce guépier le visage tuméfié, 
méconnaissable, il me faut aujourd’hui une solution décisive au 
problème qui m'a trop longtemps préoccupé. Quelques coups de 
filet donnés, en dehors de l’essaim, sur des Anthophores se ren- 
dant à la récolte ou en revenant, m'ont bientôt appris que les 
larves de Sitaris sont campées sur leur thorax, comme je m’y at- 
tendais, et y occupent la même place que sur les mâles. Les cir- 
constances sont donc on ne peut plus favorables, et sans plus de 
retard visitons les cellules. Mes dispositions sont aussitôt prises : 
je serre étroitement mes habits, pour ne laisser aux Abeilles que 
le moins de prise possible, et je m'engage au milieu de l’essaim. 
Quelques vigoureux coups de pioche qui éveillent dans le mur- 
mure des Anthophores un crescendo peu rassurant, m'ont bientôt 
mis en possession d'une motte de terre, et je fuis à la hâte tout 
étonné de me trouver encore sain el sauf et de ne pas être pour: 
suivi. Mais la motte de terre que je viens de détacher est trop su- 
perfcielle, elle ne contient que des cellules d'Osmie où je n’ai rien 
à voir pour le moment. Une seconde expédition a lieu, plus longue 
que la première, et quoique ma relraite se soit opérée sans grande 
précipitation, aucune Anthophore ne m'a atteint de son dard; ne 
s’est pas même montrée disposée à se précipiter sur l’agresseur: 
Ce succès m'enbardit; je reste en permanence devant les construc- 
tions, abattant sans relâche des mottes pleines de cellules, et au 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 323 


milieu du désordre inévitable, répandant à terre le miel liquide, 
éventrant des larves, écrasant des Anthophores occupées dans 
leurs nids. Toutes ces dévastations n'arrivent qu’à éveiller dans 
l’essaim un murmure plus sonore, sans être suivies d'aucune dé- 
monstralion hostile de sa part. Les Anthophores dont les cellules 
ne sont pas afteintes s'occupent de leurs travaux comme si rien 
d’extraordinaire ne se passait à côté; celles dont les habitations 
sont bouleversées tâchent de les réparer, ou planent éperdues de- 
vant l'emplacement de leurs cellules absentes; mais aucune ne 
paraît vouloir fondre sur la cause du dégât ; tout au plus quelques- 
unes plus irritées me viennent, de temps à autre, planer devant 
le visage, face à face, et à une paire de pouces de distance, puis 
s’envolent après quelques instants de ce curieux examen. Malgré 
le choix d’un emplacement commun pour leurs nids, qui ferait 
croire à un commencement de communauté d'intérêts entre les 
Anthophores, ces Hyménoptères obéissent donc en réalité à la 
loi égoïste de chacun pour soi, et ne savent pas se liguer pour re- 
pousser un ennemi qui les menace tous. Chaque Anthophore 
prise isolément ne sait pas même se précipiter sur l'ennemi qui 
ravage ses cellules et l’écarler à coups d'aiguillon : la pacifique 
bête quitte à la hâte sa demeure ébranlée par la sape, fuit éclopée, 
quelquefois même blessée mortellement, sans songer à faire usage 
de son dard venimeux, si ce n’est lorsqu'on le saisit, N°y aurait-il 
donc que les Hyménoptères sociaux qui sachent combiner une 
défense commune, ou bien qui osent fondre isolément sur l’agres- 
seur pour en tirer une vengeance individuelle ? 

Grâce à cette bénignité inattendue de l’Abeille maçonne, j'ai pu 
des heures entières poursuivre à loisir mes recherches, assis sur 
une pierre au milieu de l’essaim murmurant et éperdu, sans rece- 
voir un seul coup d’aiguillon, bien que je n’eusse pris aucune pré: 
caution pour m'en préserver. Des gens de la campagne venant à 
passer et me voyant assis impassible au milieu du tourbillon fu- 
rieux d’Abeilles, sé sont arrêtés ébahis pour me demander si je 
les avais conjurées, ensorcelées, puisque je paraissais n'avoir rien 
à en redouter. Mé moun bel ami, li-z-avé doun escunjurado que vou 
pougnioun pa, canèu de sor! Mes divers engins répandus à terre, 


324 FABRE. —— HYPERMÉTAMORPHOSE 

boîtes , flacons , tubes de verre, pinces, loupes, ont été certaine- 
ment pris par ces bonnes gens pour les instruments de mes ma- 
léfices. 

Procédons maintenant à l'examen des cellules. Les unes sont 
encore ouvertes et ne contiennent qu'une provision plus où moins 
complète de miel. Les autres sont hermétiquement fermées avec 
un couvercle ou rondelle de terre. Le contenu de ces dernières 
est fort variable. Tantôt c’est une larve d'Hyménoptère ayant achevé 
sa pâtée ou étant sur le point de l’achever ; tantôt une larve blanche 
comme la précédente, mais plus ventrue, et de forme fort diffe- 
rente; tantôt enfin, c’est du miel avec un œuf flottant à sa surface. 
Le miel est liquide, gluant, d’une couleur brunâtre et d’une odeur 
forte, repoussante. L'œuf est d’un beau blane, cylindrique, un 
peu courbé en are, d’une longueur de 4 à 5 millimètres , sur une 
largeur qui n’atteint pas tout à fait 1 millimètre; c’est l'œuf de 
l'Anthophore. Dans quelques cellules, cet œuf nage seul à la sur- 
face du miel ; dans d’autres, fort nombreuses, on voit juchée sur 
l'œuf de FAnthophore, comme sur une espèce de radeau, une 
jeune larve de Sitaris avec la forme et les dimensions que j'ai dé- 
crites plus haut, c’est-à-dire avec la forme et les dimensions que 
possède l’animaleule au sortir de l'œuf. Voilà l'ennemi dans le 
logis; quand et comment s’y est-il introduit? Dans aucune des 
cellules où je l’observe, il ne m'est possible de distinguer la 
moindre fissure qui lui ait permis de s’y introduire ; elles sont 
toutes closes de la manière la plus irréprochable. Le parasite s’est 
donc établi dans le magasin de miel avant que ce magasin füt 
fermé ; d'autre part, les cellules ouvertes et pleines de miel, mais 
encore sans l'œuf de l’Anthophore, sont constamment sans para- 
site. C’est done pendant la ponte ou après la ponte, quand l'Anto- 
phore est occupée à maçonner la porte de la cellule, que la jeune 
larve s’y introduit. Il est impossible de décider expérimentalement 
à laquelle de ces deux époques il faut rapporter l'introduction du 
Sitaris dans la cellule; car, quelque pacifique que soit l’Antho- 
phore, il est bien évident qu’on ne peut songer à être témoin de 
ce qui se passe dans sa cellule au moment où elle y dépose un 
œuf, ou au moment où elle en construit le couvercle. Mais quel- 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 225 


ques essais nous auront bientôt convaineus que le seul instant qui 
puisse permettre au Sitaris de s'établir dans la demeure de l'Hy- 
ménoptère est l’instant même où l’œuf est déposé à la surface du 
miel. 

Prenons une cellule d’Anthophore pleine de miel et munie d’un 
œuf, et, après en avoir enlevé le couvercle, déposons-la dans un 
tube de verre avec quelques larves de Sitaris. Les larves ne pa- 
raissent nullement affriandées par ce trésor de neclar qu'on vient 
de mettre à leur portée; elles errent au hasard dans le tube, par- 
courent le dehors de la cellule, arrivent parfois sur le bord de 
son orifice, et très rarement s’aventurent dans son intérieur, sans 
y plonger bien avant et pour ressorlir aussitôt. Si quelqu'une 
arrive jusqu'au miel qui ne remplit qu'à demi la cellule, elle 
cherche à fuir dès qu’elle a éprouvé la mobilité du sol gluant sur 
lequel elle allait s'engager ; mais trébuchant à chaque pas, par 
suite de la viscosilé qui s’est attachée à ses pattes, elle finit sou- 
vent par retomber dans le miel où elle périt étouffée. On peut en- 
core expérimenter de la manière suivante : après avoir préparé 
une cellule pareille à la précédente, on dépose, avec tout le soin 
possible, une larve sur sa paroi interne, ou bien à la surface même 
des provisions. Dans le premier cas, la larve se hâte de sortir, et 
ne rentre plus dans la cellule ; dans le second cas, elle se débat 
quelque temps à la surface du miel, et finit par s’y empêtrer telle- 
ment, qu'après mille efforts pour gagner la rive, elle est étouffée 
dans le lac visqueux. En somme, toutes les tentatives pour faire 
établir la larve de Sitaris dans une cellule d’Anthophore approvi- 
sionnée de miel et munie d’un œuf n’obtiennent pas plus de succès 
que celles que j'ai faites avec des cellules, dont la provision de 
miel était déjà entamée par la jeune larve de l'Hyménoptère, 
comme je l'ai dit plus haut. II est donc certain que la larve de Sr- 
taris n’abandonne pas la toison de l’Abeille maçonne , lorsque 
celle-ci est dans sa cellule ou à son entrée, pour se porter elle- 
même au devant du miel convoité ; car ce miel causerait inévita- 
blement sa perte si, par malheur, elle venait à toucher, simple- 
ment du bout des larses, sa dangereuse surface, Puisqu'on ne peut 
pas admettre qu'au moment où l'Anthophore bâlit sa porte, la 


326 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSE 


larve de Sitaris quitte le corselet velu de son amphitryon pour pé- 
nétrer inaperçue dans la cellule, dont l'ouverture n’est pas encore 
entièrement murée, il ne reste plus que l'instant de la ponte à exa- 
miner, Rappelons d’abord que le jeune Sitaris, qu'on trouve dans 
une cellule elose, est toujours placé sur l’œuf de l'Abeille. Nous 
allons voir dans quelques instants que cet œuf ne sert pas simple- 
ment de radeau à l’animalcule flottant sur un lac très perfide , 
mais encore constitue sa première et indispensable nourriture. 
Pour arriver jusqu’à cet œuf placé au centre du lac de miel, pour 
attendre de toute nécessité ce radeau, cette première ration, la 
jeune larve à évidemment quelque moyen d’éviter le contact mor- 
tel du miel; et ce moyen ne saurait être fourni que par les 
manœuvres de l’Hyménoptère même. En second lieu, des obser- 
vations multipliées à satiété m'ont démontré qu’à aucune époque, 
on ne trouve dans chaque cellule envahie qu’un seul Sitaris sous 
l’une ou l’autre des formes multiples qu'il revêt successivement, 
Et cependant, dans le fourré soyeux du thorax de l'Hyménoptère, 
sont établies plusieurs jeunes larves, toutes surveillant avec ardeur 
l'instant propice pour pénétrer dans le domicile où elles doivent 
poursuivre leur développement. Comment se fait-il done que ces 
larves, aiguillonnées par un appétit comme doivent en faire suppo- 
ser sept où huit mois d’abstinence absolue, au lieu de se ruer 
toutes ensemble dans la première cellule à leur portée, pénètrent 
au contraire une à une et avec un ordre parfait dans les diverses 
cellules qu'approvisionne l’'Hyménoptère. Il doit y avoir encore là 
quelque manœuvre en jeu indépendante des Silaris. Pour salis- 
faire à ces deux conditions indispensables, l’arrivée de la larve sur 
l'œuf sans passer sur le miel, et l'introduction d’une seule larve, 
parmi toutes celles qui attendent dans la toison de l’Abeille, il ne 
peut y avoir que l'explication suivante : c’est de supposer qu’au 
moment où l'œuf de l’Anthophore s'échappe à demi de l’oviducte, 
parmi les Sitaris accourus du thorax à l’extrémité de l’abdomen , 
un, plus favorisé par sa position, se campe à l'instant sur l'œuf, 
pont trop étroit pour deux, et arrive avec lui à la surface du miel. 
L'impossibilité de remplir autrement les deux conditions que je 
viens de signaler donne à l’explication que je propose un degré 


ET MOEURS DES MÉLOIDES. 827 


de certitude presque équivalent à celui que fournirait l'observation 
directe, malheureusement impraticable ici. Cela suppose, il est 
vrai, dans la microscopique bestiole, appelée à vivre en un lieu 
où {ant de dangers la menacent d'abord ; cela suppose, dis-je, une 
inspiration étonnamment rationnelle, et appropriant les moyens au 
but avec une logique qui nous confond. Mais n'est-ce pas là l’in- 
variable conclusion où nous amène toujours l'étude de l'instinct? 

En laissant tomber son œuf sur le miel, l’Anthophore vient 
donc de déposer en même temps dans la cellule l'ennemi mortel de 
sa race ; elle maçonne avec soin le couvercle qui en forme l’en- 
trée, et tout est fait. Une seconde cellule est construite à côté pour 
avoir probablement la même fatale destination, el ainsi de suite, 
jusqu’à ce que les parasites, plus où moins nombreux qu'abrite 
son duvet, soient tous logés. Laissons la malheureuse mère pour- 
suivre son infructueux travail, ef portons notre attention sur la 
jeune larve qui vient de se procurer le vivre et le couvert d’une si 
adroïte manière. En ouvrant des cellules dont le couvercle est 
encore frais, on finit par en trouver où l'œuf pondu depuis peu 
porte un jeune Sitaris. Cet œuf est intact, et dans un état irrépro- 
chable. Mais voici que la dévastation commence; la larve, petit 
point noir qu’on voit courir sur la surface blanche de l'œuf, 
s'arrête enfin, s’équilibre solidement sur ses six pattes, puis sai- 
sissant, avec les crocs aigus de ses mandibules , la peau délicate 
de l'œuf, elle la tiraille violemment jusqu’à la rompre, et en fait 
épancher le contenu dont elle s'abreuve avec avidité. Ainsi le 
prémier coup de mandibule que le parasite donne dans la cellule 
usurpée a pour but de détruire l'œuf de l'Hyménoptère. Précau- 
tion admirable ! La larve de Sitaris doit, comme on va le voir, se 
nourrir du miel de la cellule ; la larve d’Anthophore qui provien- 
drait de cet œuf réclamerait la même nourriture : mais la part est 
trop petite pour toutes les deux; done, vite un coup de dent sur 
l'œuf et la difficulté sera levée. Le récit de pareils faits n’a pas be- 
soin de commentaires. Cette destruction de l'œuf embarrassant est 
d'autant plus inévitable, que des goûts providentiellement imposés 
portent la jeune larve de Sitaris à en faire sa première nourriture. 
On voit d’abord, en effet, la larve s’abreuver avec avidité des sucs 


328 FABRE, — HYPERMÉTAMORPHOSE 

que laisse écouler l'enveloppe lacérée de l’œuf; et pendant plu- 
sieurs jours, on peut l’observer tantôt immobile sur cette enve- 
loppe qu’elle fouille par intervalles avec la tête, tantôt la parcou- 
rant d’un bout à l’autre pour l’éventrer encore, et en faire sourdre 
quelques sues de jour en jour plus rares; mais on ne la surprend 
jamais à puiser dans le miel qui l’environne de toutes parts. Ilest 
d’ailleurs facille de se convaincre qu’à l'office d'appareil de sauve- 
tage, l’œuf réunit celui de première ration. J’ai déposé à la sur- 
face du miel d’une cellule une bandelette de papier ayant les di- 
mensions de l'œuf; et sur ce radeau, j'ai placé une larve de Sitaris. 
Malgré tous les soins, mes essais, plusieurs fois réitérés, ont con- 
stamment échoué. La larve, déposée au centre de l’amas de miel 
sur un esquif de papier, se comporte comme dans les expérimen- 
tations précédentes : ne trouvant pas ce qui lui convient, elle 
cherche à s'échapper , et périt engluée, dès qu’elle a abandonné 
le sol de la bandelette de papier , ce qui ne tarde pas arriver. En 
prenant, au contraire, des cellules d’Anthophore non envahies 
par le parasite, et dont l'œuf n’est pas encore éclos, on peut aisé- 
ment élever les larves de Sitaris. Il suffit de happer une de ces 
larves avec le bout mouillé d'une aiguille, et de la poser délicate- 
ment sur l'œuf; il n’y a plus alors la moindre tentative d'évasion. 
Après avoir exploré l'œuf pour s’y reconnaitre, la larve l’éventre, 
et de plusieurs jours ne change pas de place. Son évolution s’effec- 
tue dès lors sans aucune entrave, pourvu que la cellule soit à 
l'abri d'une évaporalion trop prompte qui en dessécherait le miel, 
et le rendrait impropre à sa nutrition. L'œuf de l’Anthophore est 
donc absolument nécessaire à la larve de Sitaris, non pas simple- 
ment comme esquif, puisqu’une bandeletie de papier ne peut le 
remplacer, mais encore comme première nourriture. C’est là tout 
le secret qui, faute de m'être connu, avait jusqu'ici rendu vaines 
mes tentatives pour élever les larves écloses dans mes flacons. 

Au bout de huit jours, l'œuf épuisé par le parasite ne forme 
plus qu'une pellicule aride. Le premier repas est achevé. La larve 
de Sitaris, dont les dimensions ont à peu près doublé, s'ouvre 
alors sur le dos ; et, par une fente qui embrasse la tête et les trois 
segments thoraciques, un corpuscule blanc, seconde forme de 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES, 329 
celte singulière organisation, s'échappe pour tomber à la surface 
du miel , tandis que la dépouille abandonnée reste cramponnée au 
radeau qui a sauvegardé la larve, et l’a nourrie jusqu'ici. Bientôt 
cette double dépouille du Sitaris et de l’œuf disparaitra, submergée 
sous les flots de miel que va soulever la nouvelle larve. Iei se 
termine l’histoire de la première des formes qu'affecte la larve des 
Sitaris. En résumant ce qui précède, on voit que l'étrange ani- 
malcule attend, sans nourriture, pendant sept mois, l'apparition 
des Anthophores, et s'attache enfin aux poils du corselet des mâles 
qui sortent les premiers, et qui passent inévitablement à sa portée 
en traversant leurs couloirs. De la toison du mâle, la larve passe, 
trois ou quatre semaines après, dans celle de la femelle, au mo- 
ment de l’accouplement; puis de la femelle sur l'œuf qui s’échappe 
de l’oviducte. C’est par cet enchainement de manœuvres com- 
plexes que la larve se trouve finalement campée sur un œuf, au 
centre d’une cellule close et pleine de miel. Ces périlleuses voltiges 
sur un poil de l'Hyménoptère tout le jour en mouvement; ce 
passage d’un sexe sur l’autre ; cette arrivée au centre de la cellule 
par le moyen de l'œuf, pont dangereux jeté sur l’abime gluant, 
nécessitent surabondamment les appareils d'équilibre dont elle est 
pourvue, et que j'ai décrits plus haut. Enfin la destruction de l'œuf 
exige à son tour des ciseaux acérés , et telle est la destination de 
ses mandibules aiguës et recourbées. Ainsi la forme primitive des 
Silaris a pour rôle unique de se faire transporter par l’Anthophore 
dans sa cellule, et d’en éventrer l'œuf. Cela fait, l’organisation se 
transfigure à tel point, qu'il faut les observations les plus multi- 
pliées pour ajouter foi au témoignage de ses yeux. 

La destruction immédiate de l'œuf de l’Anthophore par le para- 
site qui vient d'arriver dans la cellule me suggère quelques ré- 
flexions sur le mode que peuvent employer les Hyménoptères 
parasites pour établir leurs œufs dans des cellules étrangères, sans 
avoir à craindre que la provision de miel soit partagée par la larve 
maitresse du logis. Je me permettrai done une courte digression 
sur ce sujet, avant de continuer l’histoire des Sitaris. On admet (1) 


(1) Lepelletier de Saint-Fargeau, Hist. des Hymén., t. I, p. 447. 


330 FABRE, — HYPERMÉTAMORPHOSE 


que l’œuf de l’'Hyménoptère parasite est pondu dans une cellule 
non encore entièrement approvisionnée. Quand l’approvisionne- 
ment est fini, la propriétaire du nid pond à son tour dans la cellule 
qui renferme ainsi deux œufs, celui de la propriétaire et celui de 
l’étrangère. On admet, en outre, que la larve du parasite éclose 
la première, comme restant moins longtemps sous la forme d'œuf, 
dévore, avant la naissance de l'enfant de la maison, la nourriture 
préparée uniquement pour ce dernier. Quelque ingénieuse que 
soit l'hypothèse de M. Lepelletier, des doutes m'éfaient survenus 
au sujet de cette manière de voir, parce que, ayant élevé fréquem- 
ment ab ovo des larves appartenant à diverses espèces d’Hymé- 
noptères se nourrissan( soit de miel, soit de proie animale, j'avais 
toujours vu l’éclosion arriver de quatre à six jours après la ponte. 
D'autre part, ces larves, pour achever leurs provisions, mettent 
d'ordinaire une dizaine de jours. Il faudrait done supposer que la 
larve du parasite est capable de dévorer en quatre ou six jours ce 
que les autres larves n’achèvent que dans un espace de temps 
double, et encore faudrait-il admettre pour cette larve une éelosion 
très prématurée. Tout cela n’est guère vraisemblable ; on pourrait 
croire alors que la larve du parasite, plus précoce que l’autre, 
dévore tôt ou tard cette dernière. Mais, dans ce cas, on devrait 
trouver parfois deux larves dans une même cellule, ce que per- 
sonne, je crois , n’a encore observé ; et puis comment admettre 
qu'une larve destinée à se nourrir de miel puisse, sans changer 
d'organisation, dévorer une autre larve? Au moment où je sapais 
les constructions des Anthophores en pleine activité, pour sur- 
prendre les Silaris à leur arrivée dans les cellules, une excellente 
occasion s’est présentée de voir jusqu’à quel point mes doutes 
étaient fondés ; et tout en portant principalement mon attention sur 
les Sitaris, j'ai pu faire quelques observations sur un Hyménoptère 
parasite de l’Anthophore, sur le Melecta armata. Lorsqu'on 
ouvre les cellules de lAnthophore vers la fin de l'hiver, on trouve 
qu'une bonne partie de ces cellules est occupée par des Silaris, et 
que le reste se partage à peu près également entre la Mélecte et 
l'Anthophore, en tenant compte des rares cellules occupées 
par des Méloés, des Clairons et des Chalcidiens. Les Mélectes 


ET MOEURS DEË MÉLOÏDES, 391 


jouent donc un grand rôle dans les demeures de l’Anthophore, 
En effet, au mois de mai, on voit, pêle-mêle avec les Abeilles 
maconnes, de nombreuses Mélectes très affairées, qui, avec le 
plus grand sang-froïid, parcourent en tous sens le talus vertical 
criblé de trous, et pénètrent sans se presser, sans paraitre en rien 
effrayées, au fond des divers couloirs, Le parasite et l'amphitryon 
semblent vivre dans une parfaite intelligence. Je n'ai jamais vu 
l'Anthophore chasser la Mélecte, ni la Mélecte fuir devant l’An- 
thophore. L’Abeille maçonne est quelquefois sur sa porte et se 
lustre le corps : le parasite arrive, se glisse entre ses pattes, et 
pénètre dans l'habitation, sans que l’Anthophore y paraisse prendre 
garde. Ou bien encore, la Mélecte sort d’un couloir et s'arrête à 
son orifice : l’Abeille survient, se fait petite pour passer entre le 
parasite et la paroi du couloir, s’insinue sous le ventre de la Mé- 
lecte et pénètre dans son nid, sans chasser l’effrontée étrangère, 
sans donner même aucun signe d'inquiétude. Si l'Anthophore est 
déjà dans sa demeure quand le parasite y pénètre, on voit celui-ci 
ressortir après un temps assez long, sans se hâter, sans se mon- 
trer effarouché, et prouvant ainsi, avec une entière évidence, que 
rien de grave ne lui est survenu en pénétrant dans un logis où 
veille le propriétaire. Si l'inverse a lieu, si l’Abeille arrive au 
fond d’un corridor où la Mélecte a d’abord pénétre, l’Abeille re- 
vient pacifique sur le seuil de sa porte, et attend que l’autre se 
rétire, Il y a donc entre les deux Hyménoptères les relations les 
plus amicales. J'ai vu cette Mélecte et un Cælioæys visiter avec 
la même familiarité les cellules de l'Anthophora parietina en con- 
Struclion à côté des premières. Mais voici bien une autre chose : 
qu'une Anthophore pénètre étourdiment dans le corridor d’une 
autre Anthophore, sa voisine, sa sœur ; qu'elle se montre simple- 
ment à sa porte; aussitôt l’Abeille jalouse se précipite sur l'impru- 
dente, la saisit avec les mandibules, fait jouer son aiguillon, et 
une lutte acharnée a lieu dans la poussière où se roulent en un 
peloton commun les deux Abeilles ivres de colère. Le combat est 
rarement mortel, une aile déchirée ou une antenne tronquée met fin 
à ces chaudes bourrades. Ineffables harmonies! L'Anthophore 
dont la fureur s'allume à la vue, sur le seuil de sa porte, d’une 


332 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSE 


autre Anthophore inoffensive, incapable de dérober à ses trésors 
une simple gorgée de miel, se montre pacifique, débonnaire, pour 
la Mélecte, qui ne sait, ne peut élever ses larves, et qui, pour leur 
procurer le vivre et le couvert, va exterminer à demi la race de 
l’aveugle mère. Les Mélectes étant fort abondantes dans l’essaim 
des Anthophores, et leurs visites au fond des couloirs se renouve- 
Jant très fréquemment , il est indubitable qu'une bonne partie des 
cellules doit être envahie par ces parasites, comme le prouve 
d’ailleurs l'examen de ces demeures à la fin de l'hiver, ainsi que 
je viens de le dire. Par conséquent, si l'explication de M. Lepel- 
letier est fondée, on doit, en ouvrant un nombre convenable de 
cellules depuis peu terminées, en trouver qui renferment deux 
œufs, celui de l’Abeille et celui du parasite. Eh bien! parmi les 
décombres des travaux des Anthophores dont les cellules récem- 
ment closes se comptaient par milliers, ilne m'est pas arrivé d'en 
trouver une seule pourvue de deux œufs. Un œuf, un seul, ayant 
toujours la même forme, la même couleur, les mêmes dimensions, 
nage invariablement à la surface du miel de chaque cellule. Rien 
de particulier ne se montre dans aucune demeure, si ee n’est de 
temps à autre une jeune larve de Sitaris établie sur l'œuf, et si les 
Mélectes ne rôdaient nombreuses aux portes des couloirs, on ne 
pourrait soupçonner que, parmi ces cellules, il y en a qu’elles ont 
envahies. Dans les cellules usurpées, qu'est devenu l'œuf de 
l'Abeille maçonne, car on ne peut douter qu'il y ait été pondu? 
Supposons à la Mélecte cetle inspiralion prévoyante qui fait dé- 
truire tout d’abord par la jeune larve de Sitaris l'œuf que l’Antho- 
phore vient de déposer, généralisons l’admirable précaution que 
la clairvoyante larve vient de nous révéler, et toute difficulté sera 
levée. Je crois done que, pendant que l'Anthophore est occupée à 
maconner la porte de la cellule où elle a pondu son œuf, la Mé- 
lecte profite de ses courses à la recherche du mortier pour détruire 
cet œuf d’un coup de mandibule, pour en rejeter les débris de- 
hors, dans le couloir, et pour déposer à sa place son œuf pareil 
au premier. Abusée par cette similitude, l’Anthophore mure soi- 
gneusement l'entrée de la cellule où la larve du parasite sera dé- 
sormais seule en possession de la plée de miel. D’autres parasites, 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. BE) 
les Chrysidiens, les Mutilles, au lieu de s'attaquer à la provision de 
miel, dévorent la larve de l'Hyménoptère récollant, quand cette 
larve a achevé ses vivres et même a tissé son cocon. Dans ce cas, 
les manœuvres de la mère parasite sont fort différentes de celles 
de la Mélecte. J'espère pouvoir un jour les raconter. Pour le mo- 
ment, j'ai lieu de croire que les divers Hyménoptères parasites 
qui convoitent simplement les provisions d’une cellule, emploient 
la tactique de la larve de Sitaris; et avant de déposer leur œuf sur 
ces provisions, détruisent préalablement celui pour lequel elles 
avaient été amassées. 

Revenons maintenant à la larve de Sitaris. J'ai dit que, au bout 
de huit jours, l'œuf de l'Anthophore est épuisé et se réduit à l’en- 
veloppe, mince nacelle qui préserve la larve du contact mortel du 
miel. C’est sur cette nacelle que s'opère la première métamorphose 
de l’animalcule. Après cette transformation, la larve étant orga- 
nisée pour vivre dans un milieu gluant, se laisse choir du radeau 
dans le lac de miel, et abandonne, accrochée à l'enveloppe de 
l'œuf, sa dépouille fendue sur le dos. On voit alors flotter, immo- 
bile sur le miel, un corpuscule d’un blanc laiteux, ovalaire, aplati, 
et d’une paire de millimètres de longueur. C’est la larve de Sitaris 
sous sa nouvelle forme. A l’aide d’une loupe, on distingue les 
fluctuations du tube digestif qui se gorge de miel, et sur le pour- 
tour du dos plat et elliptique, on aperçoit un double cordon de 
points sligmatiques qui par leur position ne peuvent être obstrués 
que par le fluide visqueux. Pour décrire en délail celte larve, at- 
tendons qu'elle ait acquis tout son développement, ce qui ne sau- 
rait tarder, car les provisions diminuent avec rapidité. Cetle rapi- 
dité toutefois n’est pas comparable à celle que mettent les larves 
gloutonnes de l’Anthophore à achever les leurs. Ainsi, en visitant 
une dernière fois les habitations des Anthophores, le 25 juin, j'ai 
trouvé que les larves de l'Abeille avaient toutes achevé leurs pro- 
visions et alteint leur complet développement ; tandis que celles 
des Silaris, encore plongées dans le miel, n'avaient, pour la plu- 
part, que la moitié du volume qu’elles doivent finalement acqué- 
rir. Nouveau motif pour les Silaris de détruire un œuf qui, s’il se 
développait, produirait une larve vorace capable de les affamer en 


334 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSE 


fort peu de temps. En élevant moi-même les larves dans des tubes 
de verre, j'ai reconnu que celles des Sitaris mettent de trente-cinq 
à quarante jours pour achever leur pâtée de miel, et que celles des 
Anthophores emploient moins de deux semaines pour le même 
repas. C’est dans la première quinzaine du mois de juillet que les 
larves de Sitaris atteignent tout le développement qu’elles sont 
susceptibles d'acquérir. À cette époque, la cellule usurpée par le 
parasite ne contient plus qu'une larve replète, et, en un coin, un 
tas de crottins rougeâtres. Cette larve est molle (4), blanche, et 
mesure de 42 à 43 millimètres en longueur sur 6 millimètres dans 
sa plus grande largeur. Vue par le dos, comme lorsqu'elle flotte 
sur le miel, elle est de forme elliptique, atténuée graduellement 
vers l'extrémité céphalique, et plus brusquement vers l'extrémité 
anale. Sa face ventrale est fort convexe: sa face dorsale, au con- 
traire, est à peu près plane. Quand la larve flotte sur le miel li- 
quide, elle est comme lestée par le développement excessif de la 
face ventrale plongeant dans le miel, ce qui lui rend possible un 
équilibre qui est pour elle de la plus haute importance. En effet, 
les orifices stigmatiques, rangés sans moyens de protection sur 
chaque bord du dos presque plat, sont à fleur du liquide visqueux, 
et au moindre faux mouvement seraient obstrués par cette glu 
tenace si un lest convenable n’empêchait la larve de chavirer. 
Jamais abdomen obèse n’a été d’une plus grande utilité; grâce à 
cet embonpoint du ventre, la larve est à l'abri de l’asphyxie. 

Ses segments sont au nombre de treize, y compris la tête. 
Celle-ci est pâle, molle, comme le reste du corps, et fort petite 
relativement au volume de l'animal. Les antennes sont excessive- 
ment courtes et composées de deux articles cylindriques. J'ai 
vainement, à l’aide d’une forte loupe, cherché des yeux. Dans son 
état précédent, la larve, assujettie à de singulières migrations, a 
évidemment besoin de la vue, et elle est pourvue de quatre ocelles. 
Dans l’état actuel, a quoi lui serviraient des yeux au fond d’une 
cellule d'argile où règne la plus complète-obscurité ? Le labre est 
saillant, non distinctement séparé de la tête, courbé en avant, et 


(1) Voyez la planche 47, figure 3, 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 339 


bordé de cils pâles et très fins. Les mandibules sont petites, rous- 
sâtres vers l'extrémité, obtuses et excavées au côté interne en 
forme de cuiller. Au-dessous des mandibules, se trouve une pièce 
charnue, couronnée par deux très petits mamelons. C’est la lèvre 
inférieure avec ses deux palpes. Elle est flanquée, de droite et de 
gauche, de deux autres pièces également charnues, étroitement 
accolées à la lèvre, et portant à l'extrémité un rudiment de palpe 
formé de deux ou trois très petits articles. Ces deux pièces sont 
es futures mâchoires. Tout cet appareil, lèvres et mâchoires, est 
complétement immobile, et dans un état rudimentaire qui met la 
description en défaut. Ce sont des organes naissants, encore voilés, 
embryonnaires. Le labre et la lame complexe, formés par la lèvre 
et les mâchoires, laissent entre elles une étroite fente, dans laquelle 
jouent les mandibules. Les pattes sont purement vestigiaires , car 
bien que formées de trois petits articles cylindriques, elles n’ont 
guère que 1/2 millimètre de longueur. L'animal ne peut en faire 
aucun usage , non-seulement dans le milieu coulant où il habite, 
mais encore sur un sol consistant. Si l’on tire la larve de sa cellule 
pour la mettre sur un corps solide et l’observer plus à l’aise, on 
voit que la protubérance démesurée de l'abdomen, en tenant le 
thorax élevé, empêche les pattes de trouver un appui. Couchée 
sur le flanc, seule station possible, à cause de sa conformation, la 
larve reste immobile, ou n'exécute que quelques mouvements 
vermiculaires et paresseux de l’abdomen, sans jamais remuer ses 
pattes débiles qui ne pourraient d’ailleurs lui servir en aucune 
manière, Enfin, on compte neuf paires de sligmates : une paire 
sur le mésothorax et les autres sur les huit premiers segments de 
l'abdomen. La dernière paire, ou celle du huitième segment abdo- 
minal, est formée de stigmates si petits que, pour la découvrir, il 
faut être averti par les états suivants de la larve et promener une 
loupe bien patiente sur l'alignement des huit autres paires. Ce ne 
sont là éncore que des stigmates vestigiaires. Les autres stigmates 
sont assez grands, à péritrème pâle, circulaire et non saillant. Qui 
reconnaitrait dans cet animal lourd, mou, aveugle, laidement ven- 
tu, n'ayant pour pattes qu'une sorte de moignons sans usage , 
l'élégante bestiole de tout à l'heure, l’animalcule cuirassé, svelte et 


336 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSE 
pourvu d'organes d’une haute perfection pour exécuter ses péril- 
leux voyages ? 

Si, sous sa première forme, la larve de Sitaris est organisée 
pour agir, pour se meltre en possession de la cellule convoitée, 
sous sa seconde forme, elle est uniquement organisée pour digérer 
les provisions conquises. Donnons, par conséquent, un coup d'œil 
à son organisation interne, et en particulier à son appareil diges- 
tif, Chose étrange : cet appareil où doit s’engoulfrer la masse de 
iniel amassée par l’Anthophore est en tout pareil à celui du Sitaris 
adulle qui ne prend peut-être jamais de nourriture. C’est de 
part et d’autre le même œsophage très court, le même ventricule 
chylifique, vide dans l’inseele parfait après la disparition toutefois 
du ballon transitoire où s’accumule l'acide urique (1), distendu 
dans la larve par une abondante pulpe orangée; c’est dans l’un et 
l’autre les mêmes vaisseaux biliaires au nombre de qualre et ac 
colés au rectum par une de leurs extrémités. Ainsi que l’insecte 
parfait, la larve est dépourvue de glandes salivaires et de tout 
autre appareil analogue. Son tissu adipeux est formé de lobules 
blancs, assez gros ; et son appareil d'innervation comprend onze 
ganglions, en ne tenant compte du collier æsophagien, tandis que 
dans l’insecte parfait, on n’en trouve plus que sept, trois pour le 
thorax dont les deux derniers contigus, et quatre pour l'abdomen. 

Quand ses provisions sont achevées, k larve reste un petit 
nombre de jours dans un état stationnaire, en rejetant de temps à 
autre quelques crottins rougeàtres jusqu’à ce que le tube digestif 
soit totalement libéré de sa pulpe orangée. Alors l'animal se con- 
tracte, se ramasse sur lui-même, et l’on ne tarde pas à voir se dé- 
{lacher de son corps une pellicule transparente, un peu chiffonée, 
très fine, et formant un sac sans issue, dans lequel vont se passer 
désormais les morphoses suivantes : Sur ce sac épidermique, sur 
cette espèce d'outre transparente, formée par la peau de la larve 
détachée tout d’une pièce sans aucune fissure, on distingue les 
divers organes externes très bien conservés : la tête avec ses an- 
tennes, ses mandibules , ses mâchoires , ses palpes , les segments 


(1) Voyez mon Mémoire sur l'instincl el les mélamorphoses des Sphégiens 
(Ann. des sc. nat., 1857). 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 937 
thoraciques avec leurs paltes vestigiaires, et l'abdomen avec son 
cordon d'orifices stigmatiques encore reliés l’un à l’autre par des 
filaments trachéens. Puis sous celte enveloppe, dont la délicatesse 
peut à peine supporter le toucher le plus circonspect, on voit se 
dessiner une masse blanche, molle, qui en quelques heures ac- 
quiert une consistance solide, cornée, et une teinte d’un fauve ar- 
dent. La transformation est alors achevée. Déchirons le sac de 
fine gaze enveloppant l'organisation qui vient de se former, et 
portons notre examen sur cette troisième forme de la larve de 
Sitaris. 

C’est un corps inerte (1), segmenté, à contour ovalaire, d’une 
consistance cornée, en tout pareille à celle des pupes et des chry- 
salides, et d’une couleur d’un fauve ardent qu’on ne peut mieux 
comparer qu'à celle des jujubes. Sa face supérieure forme un 
double plan incliné dont l'arête est très émoussée; sa face inférieure 
est d’abord plane, mais devient, par suite de l’évaporation, de 
jour en jour plus concave, en laissant un bourrelet saillant sur tout 
son contour ovalaire. Enfin ses deux extrémités ou pôles sont un 
peu aplaties. Le grand axe de la face inférieure est en moyenne 
de 12 millimètres, et le petit axe de 6 millimètres. Au pôle cé- 
phalique de ce corps se trouve une sorte de masque modelé va- 
guement sur la tête de la larve ; et au pôle opposé, un petit disque 
circulaire profondément ridé dans sa partie centrale. Les trois 
segments qui font suite à la tête portent chacun une paire de très 
pelits boutons à peine visibles sans le secours de la loupe, et qui 
sont par rapport aux pattes de la larve dans sa forme précédente 
ce que le masque céphalique est pour la tète de la même larve. Ce 
ne sont pas des organes, mais des indices, des traits de repère 
jetés aux points où doivent plus tard apparaître ces organes. Sur 
chaque flanc, on compte enfin neuf stigmates placés comme pré- 
cédemment sur le mésothorax et les huit premiers segments ab- 
dominaux. Les huit premiers stigmates sont d'un brun foncé et 
tranchent nettement sur la couleur fauve du corps. Is consistent 
en pelits boutons, luisants, coniques, et perforés au sommet d’un 


(1) Voyez figure 4. 
4° série. Zooz. T. VII. (Cahier n° 6.) ? 22 


338 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSE 


orifice rond. Le neuvième sligmalte, quoique façonné comme les 
précédents, est incomparablement plus petit. On ne peut le dis- 
tinguer sans loupe. 
Tels sont, en peu de mots, les caractères extérieurs de la larve 
de Sitaris sous sa troisième forme. L’anomalie, déjà si manifeste 
- dans le passage de la première forme à la seconde, le devient en- 
core ici davantage; et l’on ne sait de quel nom appeler une orga- 
nisalion sans terme de comparaison, non pas seulement dans 
l'ordre des Coléoptères, mais dans la classe entière des insectes. 
Si, d’une part, cette organisation offre de nombreux points de 
ressemblance avec les pupes des Diptères par sa consistance cor- 
née, par l'immobilité complète de ses divers segments, par l’ab- 
sence à peu près totale des reliefs qui permettraient de distinguer 
les parties de l’insecte parfait; si, d'autre part, elle se rapproche 
des chrysalides, parce que l'animal, pour arriver à cet état, a be- 
soin de se dépouiller de sa peau, comme le font les Chenilles ; elle 
diffère de la pupe, parce qu’elle n’a pas pour enveloppe le tégu- 
ment superficiel et devenu corné de la larve, mais bien un tégu- 
ment plus interne ; et elle diffère des chrysalides par l'absence des 
sculptures qui trahissent , dans ces dernières, les appendices de 
l'insecte parfait, Enfin, elle diffère encore plus profondément, et 
de la pupe et de la chrysalide, parce que de ces deux organisations 
dérive immédiatement l’insecte parfait, tandis que ce qui lui sue- 
cède est simplement une larve pareille à celle qui l’a precédée. 
Pour une orgamsaiuon nouvelle, il faut un nom nouveau. J'em- 
ploierais volontiers celui de pseudo-larve employé déjà par M. New- 
port dans un cas analogue, ainsi que je l’exposerai au chapitre des 
Méloés ; mais cette expression ne rappelle pas le caractère essen- 
tel de cette organisation, la consistance cornée de ses téguments, 
son apparence de pupe ou de chrysalide; d’ailleurs, elle s'appli- 
querait beaucoup mieux à la seconde forme que je viens de décrire, 
ou bien à la suivante où la quatrième, car, dans ces deux états, 
l'animal à vraiment les traits d’une larve, et cette larve n’a ancune 
ressemblance externe avec la larve primitive ou celle qui est issue 
de l'œuf. F’emplaierai donc , pour désigner l’organisation actuelle, 
la dénomination de pseudo-chrysalide, et je réserverai les noms 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES, 339 
de larve primitive, de seconde larve, de troisième larve, pour 
désigner, en peu de mots, chacune des trois formes sous lesquelles 
les Sitaris ont tous les caractères des larves, 

Si le Sitaris, en revêtant la forme de pseudo-chrysalide, se 
transfigure à l’extérieur jusqu'au point de dérouter la science des 
morphoses entomologiques, il n’en est pas de même à l'intérieur. 
J'ai, à toutes les époques de l’année, scruté les entrailles des pseudo- 
chrysalides, qui restent, en général, stationnaires pendant une 
année entière, el je n'ai jamais observé d’autres formes dans leurs 
organes que celles qu'on trouve dans la seconde larve. Le système 
nerveux n’a pas subi de changement. L'appareil digestif est rigou- 
reusement vide, et, à cause de cette vacuilé, n'apparait que comme 
un mince cordon, perdu, noyé, au milieu des sachels adipeux. 
L'intestin stercoral a plus de consistance, ses formes sont mieux 
arrêtées. Les quatre vaisseaux biliaires sont toujours parfaitement 
distincts. Le tissu adipeux est plus abondant que jamais : il forme 
à lui seul tout le contenu de la pseudo-chrysalide, en ne tenant 
compte, sous le rapport du volume, des filaments insignifiants du 
système nerveux et de l'appareil digestif. 

Quelques Sitaris ne restent guère qu'un mois à l’état de pseudo- 
chrysalide, Leurs autres morphoses s'accomplissent dans le cou- 
rant du mois d’août; et au commencement de septembre, ils 
arrivent à l’état d'insectes parfaits. Mais, en général, l’évolution 
est plus lente; la pseudo-chrysalide passe l'hiver , et ce n’est , 
pour le plus tôt, qu'au mois de juin de la seconde année que 
s'opérent les dernières morphoses. Passons sous silence celte 
longue période de repos, pendant laquelle le Sitaris, sous la forme 
de pseudo-chrysalide, dort, au fond de sa cellule, d'un sommeil 
aussi léthargique que le fait un germe dans son œuf ; et arrivons 
au mois de juin et de juillet de l'année suivante, époque de ce qu'on 
pourrait presque appeler une seconde éclosion. 

La pseudo-chrysalide est toujours enfermée dans loutre délicate, 
formée par la peau de Ja seconde larve. A l'extérieur, rien de nou- 
veau ne s'est passé; mais à l’intérieur de graves changements 
viennent de s'accomplir. J'ai dit que la pseudo-chrysalide présen- 
lait une face supérieure voûtée en dos d'âne, etune face inférieure 


340 FABRE, — HYPERMÉTAMORPHOSE 


d’abord plane, puis de plus en plus concave. Les flancs du double 
plan incliné de la face supérieure ou dorsale prennent part aussi 
à cette dépression occasionnée par l’évaporation des parties 
fluides, et il arrive un moment où ces flancs sont tellement dépri- 
més, qu'une section de la pseudo-chrysalide, par un plan perpen- 
diculaire à son axe, serait représentée au moyen d’un (riangle cur- 
viligne, à sommets émoussés, et dont les côtés tourneraient leur 
convexité en dedans. C’est sous cet aspect que la pseudo-chrysa- 
lide se présente pendant l'hiver et le printemps. Mais en ce mo- 
ment elle a perdu cet aspect flétri; et elle figure un ballon régulier, 
un ellipsoïde dont les sections perpendiculaires au grand axe sont 
des cercles. Un fait beaucoup plus important que cette expansion , 
comparable à celle qu’on obtient en soufflant dans une vessie ridée, 
vient également de se passer. Les téguments cornés de la pseudo- 
chrysalide se sont détachés de leur contenu tout d’une pièce, sans 
rupture, de la même manière que l'avait fait l’année passée la peau 
de la seconde larve ; et ils forment ainsi une nouvelle enveloppe 
utriculaire, sans adhérence aucune avec son contenu, et incluse 
elle-même dans loutre façonnée aux dépens de la peau de la seconde 
larve. De ces deux sacs, sans issue, emboîtés l'un dans l’autre, 
l'extérieur, comme on l’a déjà vu, est transparent, souple, incolore, 
et d’une excessive délicatesse; le second est cassant, presque aussi 
délicat que le premier, mais beaucoup moins translucide à cause 
de sa coloration fauve qui le fait ressembler à une mince pellicule 
d’ambre. Sur ce second sac se retrouvent les verrues stigmatiques, 
les boutons thoraciques, etc., qu'on observait sur la pseudo- 
chrysalide. Enfin dans sa cavité s'aperçoit quelque chose, dont la 
forme reporte aussitôt l'esprit à la seconde larve. Et en effet, si 
l'on déchire la double enveloppe qui protége ce mystère, on re- 
connait, non sans étonnement, qu'on a sous les yeux une nouvelle 
larve (1) pareille à la seconde. Après une transfiguration incon- 
cevable, l’animal est revenu à son point de départ! Miraculeuse 
souplesse de l’organisation qui se prête à de pareils changements 
à vue ! Décrire la nouvelle larve est chose inutile , car elle ne dif- 


(1) Voyez la figure 5. 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES, 3h 


fère de la précédente que par quelques légers détails. C'est dans les 
deux la même tête avec ses divers appendices à peine ébauchés ; 
ce sont les mêmes pattes vesligiaires, les mêmes moignons trans- 
parents comme du cristal, ete. La troisième larve ne diffère de la 
seconde que par un abdomen moins gros, à cause de la vacuité 
complète de l'appareil digestif, par un double chapelet de coussi- 
nets charnus qui règne sur chaque flanc, par le péritrème des 
stigmates cristallin et légèrement saillant, mais moins que dans la 
pseudo-chrysalide, par les stigmates de neuvième paire jusqu’ia 
rudimentaires, et maintenant à peu près aussi gros que les autres, 
enfin par les mandibules {erminées en pointe très aiguë. 

Mise hors de son double étui, la troisième larve n’exécute que 
quelques mouvements très paresseux de contraction et de dilata- 
tion, sans pouvoir progresser, sans pouvoir même se lenir dans 
Ja station normale, à cause de la débilité de ses pattes. Elle reste 
ordinairement immobile, couchée sur le flanc; ou bien elle ne 
traduit sa somnolente activité que par de faibles mouvements ver- 
miculaires. Au moyen du jeu alternatif de ces contractions et de 
ces dilatations si paresseuses qu’elles soient, la larve parvient ce- 
pendant à se retourner bout à bout dans l'espèce de coque que lui 
forment les téguments pseudo-chrysalidaires, quand accidentelle- 
ment elle s’y trouve placée la tête en bas ; et cette opération est 
d'autant plus difficile, que la cavité de la coque est à peu de chose 
près exactement remplie par la larve. L'animal se contracte, fléchit 
la tête sous le ventre, et fait glisser sa moitié antérieure sur sa 
moitié postérieure par des mouvements vermiculaires si lents, que 
la loupe peut à peine les constater. Dans moins d’un quart d'heure, 
la larve, d'abord renversée, se retrouve placée la tête en haut. 
J'admire ce jeu de gymnastique , mais j'ai de la peine à Je com- 
prendre, tant l'espace que la larve en repos laisse libre dans sa 
coque, est peu de chose relativement à ce qu'on est en droit 
d'attendre pour soupconner la possibilité d’un pareil retourne: 
ment. La larve ne jouit pas longtemps de cette prérogative qui ln 
permet de reprendre dans son habitacle, dérangé dans sa position 
primitive, l'orientation qu'elle préfère, c’est-à-dire de se trouver 
la tête en haut. 


32 FABRE, — HYPERMÉTAMORPHOSE 


Deux jours au plus après sa première apparition, elle retombe 
dans une inertie aussi complète que celle de la pseudo-chrysalide. 
En la sortant de sa coque d’ambre, on reconnait que sa faculté de 
se contracter, ou dilater à volonté, s’est engourdie si compléte- 
ment, que le stimulant de la pointe d’une aiguille ne peut pas la 
provoquer , bien que les téguments aient conservé toute leur sou- 
plesse, et qu'aucun changement sensible ne soit survenu dans l'or- 
ganisation. L'irritabilité, suspendue une année entière dans la 
pseudo-chrysalide, vient done se réveiller un instant pour retomber 
aussitôt dans la plus profonde torpeur. Cette torpeur ne doit 8e 
dissiper en partie qu'au moment du passage à l’état de nymphe 
pour reparaître immédiatement après, et se continuer jusqu’à 
l’arrivée à l'état parfait. Aussi, en tenant dans une position ren- 
versée, au moyen de tubes de verre, des larves de troisième forme, 
ou bien des nymphes incluses dans leurs coques, on ne leur voit 
jamais repréndre une position droite, quelle que soit la durée de 
l'expérimentation. L'insecte parfait lui-même, renfermé quelque 
temps dans la coque, ne peut pas la reprendre, faute d’une sou- 
plesse suffisante. Cette absence totale de mouvement dans la troi- 
sième larve, âgée de quelques jours, ainsi que dans la nymphe, 
jointe au peu d'espace qui reste libre dans la coque, amène inva- 
riablement, si l’on n’a pas assisté aux premiers moments de la troi- 
sième larve, l'intime conviction qu'il est de toute impossibilité à 
l'animal de se retourner bout à bout, Et maintenant voyez quelles 
étranges conséquences peut amener ce défaut d'observation faite 
à l'instant voulu. On recueille des pseudo-chrysalides, qui sont 
entassées dans un flacon dans toutes les positions possibles. La 
saison favorable arrive ; et avec un étonnement bien légitime, on 
constate que, dans un grand nombre de coques , la larve ou la 
nymphe incluse est dans une orientation inverse, c’est-à-dire 
qu'elle a sa tête tournée vers l'extrémité anale de la coque. Vaine- 
ment on épie dans ces corps renversés quelques indices de mou 
vement; vainement on place les coques dans toutes les positions 
imaginables, pour voir si l'animal se retournera bout à bout; et 
vainement encore on se demande où est l’espace libre qu'exige ce 
retournement, L'illusion est complète : je m'y suis laissé prendre, 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 345 


et pendant deux ans je mesuis perdu en conjectures pour me rendre 
compte de ce défaut de correspondance entre la coque et son con- 
tenu, pour m'expliquer enfin un fait inexplicable lorsque l'instant 
propice est passé. Sur les lieux mêmes, dans les cellules de l’An- 
thophore, celte apparente anomalie ne se montre jamais, parce 
que la seconde larve sur le point de se transformer en pseudo- 
chrysalide a toujours soin de se disposer la tête en haut, suivant 
V’axe de la cellule plus ou moins rapproché de la verticale. Mais 
lorsque les pseudo-chrysalides sont placées, sans ordre, dans une 
boîte, dans un flacon, toutes celles qui se trouvent dans une posi- 
tion renversée, renfermeront plus tard des larves ou des nymphes 
retournées. 

Après quatre changements de forme aussi complets que ceux 
que je viens de décrire, on peut raisonnablement s'attendre à 
trouver quelques modifications dans l’organisation interne. Il n’en 
est rien cependant ; le système nerveux est le même dans la troi- 
sième larve que dans les précédentes. Les organes reproducteurs 
ne s’y montrent pas encore , et il est superflu de parler de l’appa- 
reil digestif, qui se conserve invariable jusque dans l'insecte par- 
fait. La durée de la troisième larve n’est guère que de quatre ou 
cinq semaines ; c’est aussi à peu près la durée de la seconde. 
Dans le mois de juillet, époque où la seconde larve passe à l’état 
de pseudo-chrysalide, la troisième passe à l’état de nymphe, tou- 
jours dans l’intérieur de sa double enveloppe utriculaire. Sa peau 
se fend en avant sur le dos ; et à l’aide de quelques faibles con- 
fractions qui reparaissent en cetle circonstance, elle est rejetée en 
arrière sous forme de petite pelote. Il n'y a donc rien ici qui 
diffère de ce qui se passe chez les autres Coléoptères. 

La nymphe (1) qui succède à celte troisième larve ne présente 
non plus rien de particulier ; c’est l’insecte parfait au maillot, d'un 
blanc jaunätre, avec ses divers organes appendiculaires limpides 
comme du cristal, et élalés sous l'abdomen. Quelques semaines se 
passent pendant lesquelles la nymphe revêt en partie la livrée de 
l'état adulte, et, au bout d'un mois environ, l'animal se dépouille 


(4) Voyez la figure 6. 


sh FABRE, — HYPERMÉTAMORPHOSE 


une dernière fois, en suivant le mode ordinaire, pour atteindre sa 
forme finale. Les élytres sont alors d’un blanc jaunâtre uniforme, 
ainsi que les ailes, l’abdomen et la majeure partie des pattes ; 
tout le reste du corps est, à peu de chose près, d’un noir luisant. 
Dans l'intervalle de vingt-quatre heures, les élytres prennent leur 
coloration mi-parlie fauve et noire ; les ailes s’obscurcissent, et les 
pattes achèvent de se teindre en noir. Cela fait, l'organisation 
adulte est parachevée. Cependant le Sitaris séjourne une quinzaine 
de jours encore dans la coque jusqu'ici intacte, rejetant par inter- 
valles des crottins blanes d'acide urique, qu'il refoule en arrière 
avec les lambeaux de ses deux dernières dépouilles, celle de la 
troisième larve et celle de la nymphe. Enfin, vers le milieu du 
mois d'août, il déchire le double sac qui l’enveloppe, perce, à 
l'aide des mandibules, le couvercle de la cellule d'Anthophore, 
s'engage dans un couloir, et apparaît au dehors à la recherche de 
l'autre sexe. 


CHAPITRE II. 


MÉLOÉ. 


La larve primitive des Méloés, obtenue directement des œufs 
pondus par ces insectes par Gœdart et de Geer, a élé revue depuis, 
au milieu du duvet de divers Hyménoptères et de quelques 
Diptères, par un assez grand nombre d’observateurs qui n’ont pas 
reconnu la véritable origine de la bizarre bestiole, etqui parfois, sous 
l'influence desapparencesles plus trompeuses, en ontfaitune espèce 
ou un genre particulier des Insectes aptères. Le Pediculus apis de 
Linné (1), le Triungulinus Andrenetarum de M. L. Dufour (2), 
n'ont pas d'autre origine. Enfin-M. Newport, dans son Mémoire 
sur les Méloés (3), a suivi ce parasite des Hyménoptères depuis sa 
sortie de l'œuf jusqu’à son arrivée à l’état parfait, et a jeté ainsi le 
plus grand jour sur l’un des points les plus singuliers du parasi- 
tisme et des morphoses entomologiques. 


inn., Systema naturæ. 

1) Linn., S 

(2) L. Dufour, Annales des sciences naturelles, 1828. 
(3) Newport, loc. cil. 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 345 


Des observations qui me sont propres, el qui sont de nature à 
combler quelques rares lacunes dans le mémoife du savant anglais, 
m'engagent à donner ici une courte notice sur l'évolution des 
Méloés, en me servant du travail de M. Newport, là où mes propres 
observations font défaut. J'aurai ainsi l’occasion de comparer 
l'évolution des Sitaris avec celle des Méloés qui ressemble tant à 
la première, et de cetle comparaison jaillira peut-être quelque lu- 
mière sur les transformations anomales de ces insectes. 

La même Abeille maçonne (AÆnthophora pilipes), aux dépens 
de laquelle vivent les Sitaris, nourrit aussi dans ses cellules quel- 
ques rares Méloés (Meloe cicatricosus). C’est encore dans les nids 
d’une Anthophore, mais d'espèce différente (Anthophora retusa) , 
que M, Newport a observé le même Méloé. Cette double demeure, 
adoptée par le M. cicatricosus, peut avoir quelque intérêt en nous 
portant à soupçonner que chaque espèce de Méloé est apparem- 
ment parasite de divers Hyménoptères, soupçon qui ne fera que 
se confirmer lorsque nous examinerons la manière dont les jeunes 
larves arrivent à la cellule pleine de miel. Malgré la présence du 
Meloe cicatricosus dans les demeures de l’Anthophore, que j'ai 
fouillées si souvent pour l’histoire des Sitaris, je n’ai jamais vu cet 
insecte, à aucune époque de l’année, errer sur le sol vertical, à 
l'entrée des couloirs, pour y déposer ses œufs, comme le font les 
Sitaris ; et j'ignorerais les détails de la ponte, si Gœdart, de Geer, 
et surtout M. Newport, ne nous apprenaient que les Méloés dépo- 
sent leurs œufs dans la terre. D'après ce dernier auteur, les divers 
Méloés qu'il a eu occasion d'observer creusent parmi les racines 
d’une touffe de gazon, dans un sol aride et exposé au soleil, un trou 
d’une paire de pouces de profondeur, qu'ils rebouchent avec soin 
après y avoir pondu leurs œufs en un tas. Cette ponte se répète à 
trois et quatre reprises, à quelques jours d'intervalle dans la même 
saison. Pour chaque ponte, la femelle creuse un trou particulier, 
qu'elle ne manque pas de reboucher après. C’est en avril et en 
mai que ce travail a lieu. Le nombre d'œufs fournis par une seule 
femelle est vraiment prodigieux. A la première ponte, qui est, il 
est vrai, la plus féconde de toutes, le M. Proscarabœus, d'après 
les supputations de M. Newport, produit le nombre Etonnant de 


346 FARRE, — HYPERMÉTAMORPHOSE 


h218 œufs (4); c’est le double des œufs pondus par un Silaris. 
Et que ne serait-ce pas en tenant compte des deux ou trois pontes 
qui doivent suivre cette première! Les Silaris, confiant leurs œufs 
aux galeries mêmes où doivent nécessairement passer les Antho- 
phores, épargnent à leurs larves une foule de dangers qu’auront à 
courir les jeunes larves de Méloé, qui, nées loin des demeures des 
Abeilles, sont obligées d'aller elles-mêmes au-devant des Hymé- 
noptères qui doivent les nourrir. Aussi les Méloés, dépourvus de 
l'instinct des Sitaris, sont-ils doués d’une fécondité incomparable- 
ment plus grande. La richesse de leurs ovaires supplée à l’insuffi- 
sance de leur instinct, en proportionnant le nombre des germes à 
l'étendue des chances de destruction, Quelle est donc l'harmonie 
transcendante qui balance ainsi la fécondité des ovaires et la per- 
fection de l'instinct ? 

L'éclosion des œufs a lieu en fin mai ou en juin. Gædart a ob- 
tenu cette éclosion quarante-trois jours après la ponte; M. New- 
port, dans un laps de temps variant, suivant la fempérature de la 
saison, depuis vingt et un jours jusqu'à trente-six ; ce qui donne, en 
moyenne, un mois environ pour la durée de l'œuf. C’est aussi un 
mois après Ja ponte qu'éclosent les œufs des Sitaris. Mais plus 
favorisées, les larves de Méloé peuvent se mettre immédiatement 
à la recherche des Hyménoptères qui doivent les nourrir; tandis 
que celles de Sitaris, écloses en septembre, doivent, jusqu’au mois 
de mai de l’année suivante, attendre immobiles, et dans une 
abstinence complète, l'issue des Anthophores dont elles gardent 
l'entrée des cellules. 

Je ne décrirai pas la jeune larve de Méloé suffisamment connue, 
en particulier, par la description et la figure qu'en a données 
M. Newport. Pour l'intelligence de ce qui va suivre , il suffit de 
jeter les yeux sur cette figure, où bien encore sur celles qu’en ont 
données Réaumur (2) et M. L. Dufour (3), ignorant l'un et l’autre 
l'origine de cet animalcule. Je dirai simplement que la jeune larve 


(1) The two ovaries contained the astonishing number of four thousand two 
hundred and eighteen eggs. Newport, loc. cit. 

(2) Réaumur, Mémoires, t, IV, pl. 31, fig. 47. 

(3) L. Dufour, loc. cit. 


. 
ET MOEURS DES MÉLOÏDES, 347 


de Méloé est une sorte de petit pou jaune qu’on trouve assez fré- 
quemment, au printemps, au milieu du duvet de divers Hyménop- 
tères. Comment cette larve a-t-elle passé de la demeure souter- 
raine où les œufs viennent d’éclore sur le dos d’un Hyménoptère ? 
M. Newport soupconne que les jeunes Méloés, à l'issue du terrier 
où ils sont nés, grimpent sur les plantes voisines, spécialement sur 
les Chicoracées, et attendent, cachés entre les pétales, que quel- 
ques Hyménoptères, ou bien des Diptères leurs parasites, vien- 
nent butiner dans la fleur, pour s'attacher tout aussitôt à leur toi- 
son, et se laisser emporter par eux (1). Je partage complétement 
celte manière de voir ; mais je crois, qu'au lieu de s’attacher uni- 
quement aux Hyménoptères dont les provisions leur conviennent 
ou bien à leurs parasites, ce qui exigerait un singulier discernement 
de leur part, ils s’attachent, sans aucun choix, au corps des divers 
Hyménoptères ou Diptères qui viennent à se trouver à leur portée, et 
surtout à ceux qui sont assez velus pour leur offrir un abri sûr dans 
leur toison. On cite, parmi les Hyménoptères, les Andrènes, les 
Eucères, les Osmies, les Anthophores, les Bourdons, les Halictes, 
les Nomades, comme ayant été trouvés par divers observateurs 
avec des larves de Méloé sur le corps. J'ai moi-même observé ces 
larves à Avignon sur quatre espèces d’Halictes, tant mâles que 
femelles, sur le Nomada fulvicornis mâle, et sur l’Andrena thora- 
cica mâle encore. Il est permis de croire qu’en prenant des voies 
aussi diverses, les jeunes Méloés peuvent toutefois, puisque tous 
les précédents Hyménoptères récoltent du miel, arriver à leur but 
qui est une cellule pleine de cette substance, comme je le démon- 
trerai bientôt, et non une larve, ainsi que le présame M. Newport. 


(4) Now it is easy Lo concieve that the young Meloes attracted as the y always 
are by light, ascend the stems and repose in {he calyces of flowers, and attach 
themselves to the bee when he alights to collect honey or pollen, or to its dip- 
terous parasits. 1 am strongly inclined to believe that this is in reality the way 
in which they get access to the bees, as I remember to have once observed , on 
a hot sunny day, a vast number of minute yellow hexapods, very similar to 
those of Meloe, lying quietly between the pétals of the flower of the Dandelion, 
but which were inslanily in motion as soon as the flower was touched. (New- 
port, loc. cit., p. 313.) 


318 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSE 


Quelques soupçons resteraient au sujet des Nomades qui ne récol- 
tent pas; mais si, comme le croit M. Lepelletier de Saint-Far- 
geau (1), les Nomades sont parasites des Bourdons, la difficulté 
serait parfaitement levée. Tout s’expliquerait donc, même leur 
présence plus fréquente sur les mâles, du moins d'après mes ob- 
servalions de ce printemps; car on pourrait admettre que les 
larves de Méloé passent, au moment de l’accouplement, des mâles 
qui les ont recueillis dans les fleurs, sur les femelles qui seules 
peuvent les amener à leur destination. Mais voici qui ne saurait 
s'expliquer dans lhypothèse de M. Newport. J'ai trouvé ces 
mêmes larves dans la toison du Scolia hæmorrhoïdalis et Au Scolia 
quadripunctata, mâles tous les deux. Or, les Scolies, à l'état de 
larves, vivent, comme chacun le sait, de proie animale. Dans ces 
pays, j'ai surpris les Scolies explorer le sol, puis s’enfoncer à vue 
d'œil dans le sable, pour atteindre une larve de Lamellicorne 
(Oryctes Silenus, Euchlora Julii), et déposer enfin un œuf sur ses 
flancs engourdis par un coup d’aiguillon. Il est donc bien évident 
que les jeunes Méloés établis sur les Scolies se sont compléte- 
ment fourvoyés. Même difficulté au sujet des Diptères. On à ob- 
servé des larves de Méloés sur des Volucelles et sur des Éristales. 
Si les larves placées sur les Volucelles parasites des Hyménoptères, 
des Bourdons en particulier, peuvent atteindre leur but, il n’en 
est pas de même de celles qui se sont égarées sur les Éristales, 
qui, dans leur premier âge, vivent au sein des eaux croupissantes. 
Je ne vois aucun moyen de faire arriver dans une cellule pleine de 
miel les jeunes Méloés que de Geer a observés sur l'£ristalis in- 
tricarius (2), non plus que celui que Réaumur a trouvé sur un 
autre Éristale (3). Rappelons encore que M. Newport, ayant jeté 
un Malachius bipustulatus dans un flacon contenant trois ou quatre 
cents jeunes larves de Méloé, vit ces larves s'attacher aussitôt en 
si grand nombre au Malachius qu'elles le couvrirent presque 
complétement jusqu’à l'empêcher de se mouvoir (4). Ce que ces 


) Hist. des Hym., t. 1, p. 464. 

(2) De Geer, Mémoires, elc., t. V, mém. 4. 

(3) Réaumur, loc. cit. 

(#) 1 then secured from three to four hundred of them in a phial into which 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 319 
larves firent, en captivité dans un flacon, au sujet du Malachius, 
elles l’auraient fait indubitablement en liberté, sur les fleurs de 
quelque Chicoracée, si le même Coléoptère se füt trouvé à leur 
portée. Je suis donc convaincu que les larves de Méloé en attente 
sur les fleurs ne savent pas choisir leurs victimes, et s’attachent 
indifféremment à tout insecte qui vient y butiner, mais de préfé- 
rence à ceux qui sont revêlus de quelque duvet. Si dans mes ob- 
servations je les ai vues plus souvent sur des mâles que sur des 
femelles, la cause en est apparemment l'apparition plus précoce 
des mäles. Les jeunes Méloés, établis sur des Hyménoptères mâles, 
se sont-ils fourvoyés, ou bien alteignent-ils leur but en passant des 
males sur les femelles au moment du rapprochement des sexes? 
C’est ce que j'ignore, car le petit nombre de jeunes que j'ai ob- 
servés ne m'a pas permis de faire les expérimentations nécessaires 
pour m'en assurer. Après tout, il est assez probable qu’il se passe 
ici quelque chose de pareil à ce qui a lieu chez les Sitaris. Tout en 
admettant que les jeunes, établis sur certains mäles, puissent at- 
teindre leur but, combien ne doit-il pas en rester d’égarés sur des 
Hyménoptères, des Diptères et autres insectes qui hantent les fleurs 
où ils se trouvent, et qui ne peuvent les conduire à des cellules 
pleines de miel, ou qui ne les amènent que dans des cellules dont 
le miel ne leur convient peut-être pas. On comprend maintenant 
que, pour maintenir sa race dans de justes proportions, le Méloé 
ait besoin de trois et quatre pontes avec le nombre d'œufs prodi- 
gieux que M. Newport nous a fait connaître. Aux larves de Sitaris, 
il est impossible de s’égarer, du moins en grand nombre, bien 
qu'elles s’attachent indistinetement à tout insecte velu : ce dont je 
me suis assuré en mettant dans un flacon, avec quelques-unes de 
ces larves, tantôt des Hyménoptères de différentes espèces (Osmie, 
Anthophore, Abeille domestique), tantôt des Diptères (Zristalis 
tenaæ). Dans les couloirs où elles se trouvent, il ne passe que des 
Anthophores et quelques Osmies, qui, plus précoces que les pre- 


1 put several living Curculiones and a single specimen of Malachius bipustulatus.… 
The young Meloes instantly attached themselvesin such numbers to the Malachius 
a8 almost completely to cover it and deprive it of the power of moving, and most 
of them remained attached to it for many hours, (Newport, loc. cit., p. 309.) 


390 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSE 


mières, ne prennent pas, où ne prennent que fort peu de ces larves 
encore peu actives. Cependant le nombre des larves de Sitaris est 
encore fort grand, quoique bien inférieur à celui des larves de 
Méloé. Mais ce n’est pas tout pour les larves, soit de Sitaris, soit 
de Méloé, que de se nicher dans la toison d'une Anthophore, il leur 
faut encore arriver aux cellules; et jusqu’à ce moment combien de 
périls n’y a-t-il pas à courir! Examinons maintenant comment les 
jeunes Méloés parviennent à s'établir dans une cellule d’Antho- 
phore. D’après ce que j'ai dit au sujet des larves de Sitaris , il est 
évident que celles des Méloés, campées comme les premières sur le 
dos d’une Abeille, ont uniquement pour but de se faire conduire 
par l'Abeille dans ses cellules approvisionnées, et non de vivre 
quelque temps aux dépens de sa propre substance. S'il était néces- 
saire de prouver eette assertion, il suffirait de dire qu'on ne voit 
jamais ces larves faire de tentative pour percer les téguments de 
l’Abeille, ou bien pour en ronger quelques poils, et qu’on ne les 
voit pas augmenter de taille, tant qu'elles se trouvent sur le corps 
de l'Hyménoptère. Pour les Méloés comme pour les Sitaris, l’An- 
thophore sert donc simplement de véhicule vers un but qui estune 
cellule approvisionnée. Il nous reste à apprendre l’époque à la- 
quelle le Méloé abandonne le duvet de l'Abeille qui l'a voituré 
pour pénétrer dans la cellule. Avec des larves recueillies sur le 
corps de divers Hyménoptères, j'ai fait cette année, avant de con- 
naître à fond la tactique des Sitaris, et M. Newport avait fait avant 
moi, des recherches pour jeter quelque jour sur ce point capital de 
l’histoire des Méloés. Mes tentatives, calquées sur celles que j'avais 
faites auparavant au sujet des Sitaris, ont éprouvé le même échec. 
L'animaleule, mis en rapport avec des larves ou des nymphes 
d'Anthophore, n'a donné aucune attention à cette proie ; d’autres, 
placés dans le voisinage de cellules ouvertes et pleines de miel, 
n’y ont pas pénétré ou ont visité tout au plus les bords de l’orifice; 
d’autres enfin , déposés dans la cellule sur ses flancs secs ou à la 
surface du miel, sont ressortis aussitôt ou ont péri englués. Le 
contact du miel leur est aussi fatal qu'aux jeunes Sitaris. Les essais 
de M. Newport n’ont pas été plus fructueux ; les voici : 

« With this object in view, in june 1842, 1 took with me to 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 304 


» Richborough, where [ had obtained tbe full grown larva and 
»nymph, an abundance of larvæ recently developed from the 
» eggs of Meloe violaceus and Meloe proscarabæus. Previously to 
» making any trial with these specimens in the nets of Anthophora, 
» 1 had placed a few in the cells of a piece of old honey-comb, 
» and found that contrary to their usual habit of wandering, they 
» remained perfectly quiet in the cells. From this cireumstance I 
» hoped {o suceeed with them in the cells of Anthophora…. 

» L placed some of these young Meloes in nests of Anthophora 
» retusa Which contained each a bee-maggot and a large quantity of 
» pollen-paste ils proper food... At first I believed that the expe- 
» riment had succeeded, as one of the specimens began immedia- 
» tely to attempt to pierce the skin of the bee-larva with its man- 
» dibules, and, as [ then supposed, was feeding on ils Juices, But 
» closer examinalion soon occasioned me to doubf that the larvæ 
» Of Anthophora are the proper food of the species with which I 
»was making the experiment. In order farther to assure myself 
» Of the truth, I put several larvæ of Meloe into the cells of Antho- 
» phora, and left them for further examination. On the following 
» day {again visited (he spot, but could not discover a single larva 
» Of Meloe in (he nests in which L had placed them. The larvæ of 
» Anthophora were süll there, with their cells stored with food, but 
» the Meloes were gone. 

» To ascertain more decidedly whether the voung Meloe is pa- 
» rasitie on {he body of the bec-larva, I selected three specimens 
» Of larvæ of Anthophora of different sizes and ages, and having 
» placed each in a separate glass tube, included with them in each 
» tube five or six of the larvæ of Meloe. At first Meloes colleeted on 
» the body of the bee-larva, and appeared as 1f inclined to feed 
» upon it, but having left the tubes undisturbed for the night, 1 
» found at the expiration of eighteen hours that the Meloes were 
» removed from the larva, and collected together as usual at the 
» upper part of the tube, At the expiration of forty-two hours they 
»remained in (he same state, so that the only conclusion I was 
» enabled {o arrive at was that tbe larvæ of Meloe violaceus and 
» Meloe proscarabœus are not parasitic on {he half or full-grown 


352 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSE 


» Jarva of Anthophora retusa. Yet from the circumstance of their 
» always atlacking the larvæ in these experiments there seems 
» reason to suspect that they may prey on the very young of some 
» species of bee, soon after it has left the egg, although not in its 
» advanced growth (4). » 

Je n’ai pas vu, comme M. Newport, les larves de Méloé s’éta- 
blir quelque temps sur les larves de l’Anthophore, et essayer 
même de leur percer la peau; je ne les ai pas vues davantage 
rester tranquilles sur le miel où je les déposais ; dans les deux cas, 
elles m'ont paru, au contraire, fort inquiètes, et chercher unique- 
ment à s'évader. M. Newport n’est pas éloigné de croire qu'il 
aurait réussi à faire établir les jeunes Méloés sur les larves de 
l'Anthophora relusa, si, au lieu de jeunes larves appartenant au 
Meloe violaceus et au Meloe proscarabæus, il avait eu à sa disposi- 
tion celles du Meloe cicatricosus, la seule espèce qu'il eût observée 
dans les cellules de l’Anthophore. Ce n’est pas là bien certaine- 
ment la cause de son peu de succès : puisque le même Méloé, le 
M. cicatricosus, est parasite en Angleterre, et dans ces contrées 
de deux espèces différentes d’Anthophore, l’4. retusa et l’A. pi- 
hipes, il est probable que les Méloés expérimentés par M. Newport, 
quelle que soit l'abeille qui les nourrit, se seraient contentés des 
cellules de l'Anthophora retusa, s'ils y avaient trouvé les cir- 
constances voulues. 

Des fouilles faites, à diverses époques, dans les nids de l’An- 
thophora pilipes m'avaient appris, depuis quelques années, que 
le M. cicatricosus est, comme les Sitaris, parasite de cet Hymé- 
noptère; j'avais, en effet, trouvé de temps à autre, dans les cel- 
lules de l’Abeille des Méloés adultes morts et desséchés. D'autre 
part, je savais, par M. L. Dufour, que l’animalcule jaune, que le 
Pou qu'on trouve dans le duvet des Hyménoptères avait été re- 
connu, grâce aux recherches de M. Newport, comme étant la 
larve des Méloés. Avec ces nolions rendues plus frappantes , par 
ce que j'apprenais chaque jour au sujet des Silaris, je me suis 
rendu, le 21 mai, à Carpentras, pour visiter les nids en construction 


(1) Newport, loc. cit., p. 315. 


ET MOEURS DES MÉLOIDES. 393 


des Anthophores. Si j'avais presque la certitude de réussir tôt ou 
tard dans mes recherches au sujet des Silaris qui y sont excessi- 
vement abondants, je n'avais que bien peu d'espoir pour les 
Méloés, qui sont fort rares, au contraire , dans les mêmes nids. 
Cependant les circonstances m'ont favorisé plus que je n'aurais 
osé l’espérer, et après six heures d’un travail où la pioche jouait 
un grand rôle, j'étais possesseur, à la sueur de mon front, d'un 
nombre considérable de cellules occupées par les Silaris, et de 
deux autres cellules appartenant aux Méloés. Si mon enthousiasme 
n’avait pas eu le temps de se refroidir par la vue, renouvelée à 
chaque instant, de jeunes Sitaris campés sur un œuf d’Anthophore 
flottant au centre de la petite mare de miel, il aurait pu se donner 
libre carrière à la vue du contenu de l’une de ces deux cellules. 
Sur le miel noir et liquide flotte une pellicule ridée, et sur cette 
pellicule se tient immobile un animaleule , un pou jaune. La pelli- 
cule, c’est l'enveloppe vide de l'œuf d'Anthophore; le pou jaune, 
c'est une larve de Méloë. L'histoire de celte larve se complète 
maintenant d'elle-même. Le jeune Méloé abandonne le duvet de 
l’Anthophore au moment de la ponte ; et puisque le contact du 
miel lui est fatal, il doit, pour s’en préserver, adopter la tactique 
suivie par le Sitaris, c'est-à-dire se laisser couler à la surface du 
miel avec l'œuf en voie d’être pondu. Là son premier travail est 
de dévorer l'œuf qui lui sert de radeau, comme l’atteste l’enve- 
loppe vide sur laquelle il est encore ; et c’est après ce repas, le 
seul qu'il prenne tant qu'il conserve sa forme actuelle, c’est après 
ce repas qu'il doit commencer sa longue série de transformations, 
et se nourrir du miel amassé par l’Anthophore. Tel est le motif 
de l'échec complet, tant de mes tentatives que de celles de 
M. Newport pour élever les jeunes larves de Méloé. Au lieu de 
leur offrir du miel, ou des larves, ou des nymphes, il fallait les 
déposer sur les œufs récemment pondus par l’Anthophore. À mon 
retour de Carpentras, j'ai voulu faire cette éducation, en même 
temps que celle des Silaris, qui m'a si bien réussi; mais comme je 
n'avais pas de larves de Méloé à ma disposition, et que je ne pou- 
vais m'en procurer qu'en les recherchant dans la toison des 
Hyménoptéres, les œufs d'Anthophore se sont tous trouvés éclos 
#° série, Zooc. T. VIT. (Cahier n° 6.) 3 23 


351 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSE 


dans les cellules que j'avais rapportées de mon expédition, lorsque 
j'ai pu enfin en trouver. Cet essai manqué est peu à regretter, car 
les Silaris et les Méloés ayant, non-seulement dans leurs mœurs, 
mais encore dans leur mode d'évolution la similitude la plus com- 
plète, il est hors de doute que j'aurais dû réussir. Je crois même 
que celte éducation peut se tenter avec des cellules de divers 
Hyménoptères, pourvu que l'œuf et le miel ne diffèrent pas trop de 
ceux de l’Anthophore. Je ne complerais pas, par exemple, sur un 
succès avec les cellules de l'Osmia tricornis, dont l'œuf est court 
et gros, et le miel jaune, sans odeur, solide, presque pulvérulent, 
et d’une saveur très faible. 

La seconde des deux cellules dont je viens de parler est égale- 
ment pleine de miel. Sur le liquide gluant flotte une petite larve 
blanche de 4 millimètres environ de longueur, et très différente 
des autres petites larves blanches appartenant aux Sitaris. Les 
fluctuations rapides de son abdomen dénotent qu'elle s’abreuve 
avec avidité du nectar à odeur forte amassé par l’Abeille. Suivant 
toute apparence, cette larve est le jeune Méloé dans la seconde 
période de son développement. 

Je n'ai pu conserver ces deux précieuses cellules que j'avais 
largement ouvertes pour mieux en étudier le contenu. A mon re- 
tour, par suite des mouvements de la voiture, leur miel s’est trouvé 
extravasé, et leurs habitants morts. Le 25 juin, une nouvelle vi- 
site aux nids des Anthophores m'a procuré encore deux larves pa- 
reilles à la précédente, mais beaucoup plus grosses. L'une d'elles 
est sur le point d'achever sa provision de miel, l’autre en a encore 
près de la moitié. La première est mise en sûreté avec mille pré- 
cautions, la seconde est plongée aussitôt dans lalcool. 

Ces larves (2) sont aveugles, molles, charnues, d’un blanc jau- 
nâtre, couvertes d’un duvet fin visible seulement à la loupe, re- 
courbées en hamecon, comine le sont les larves des Lamelli- 
cornes, avec lesquelles elles ont une certaine ressemblance dans 
leur configuration générale. Leurs segments, y compris la tête, 
sont au nombre de treize, dont neuf sont pourvus d’orifices stig- 


(A) Voyez la figure 7. 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 399 


matiques à péritrème pâle et ovalaire. Ce sont le mésothorax et les 
huit premiers segments abdominaux. Comme dans les larves de 
Sitaris, la dernière paire de stigmates, ou celle du huitième seg- 
ment de l'abdomen, est moins développée que les autres. Tête 
cornée, légèrement brune. Épistome bordé de brun, Labre sail- 
lant, blane, trapézoïdal. Mandibules noires, fortes, courtes, obtuses, 
peu recourbées, tranchantes et munies chacune d’une large dent 
au côlé interne. Palpes maxillaires et palpes labiaux bruns en forme 
de très petits boutons de deux ou trois articles. Antennes brunes, 
insérées à la base même des mandibules, de trois articles : le pre- 
mier, gros, globuleux ; les deux autres, d’un diamètre beaucoup 
plus petit, cylindriques. Pattes courtes, mais assez fortes, pou- 
vant servir à l’animal pour ramper ou fouir, terminées par un 
ongle robuste et noir. La longueur de la larve avec tout son déve- 
loppement est de 25 millimètres. Autant que je peux en juger par 
la dissection de l'individu conservé dans alcool et dont les vis- 
cères sont altérés par un trop long séjour dans ce liquide, le sys- 
tème nerveux est formé de onze ganglions, outre le collier œsopha- 
gien, et l'appareil digestif ne diffère pas sensiblement de celui du 
Méloé adulte. Celle identité de l'appareil digestif dans la larve que 
je viens de décrire et dans le Méloé adulte prouverait seule que 
cette larve est bien réellement celle du Méloé dans sa seconde 
période d'existence. Au besoin, s'il restait à ce sujet quelques 
doutes, n'ayant pu être témoin du passage de la larve primitive du 
Méloé à la forme suivante, les faits qu'il me reste à faire connaître 
les dissiperaient complétement. Il est done établi que chez les 
Méloés, comme chez les Sitaris, à la petite larve qui s'établit dans 
le duvet de l’Anthophore et pénètre dans la cellule de l’Abeille 
pour en dévorer l'œuf, suceède une larve de forme toute différente 
el qui se nourrit de miel. 

La plus grosse des deux larves du 25 juin, mise dans un tubé 
de verre, avec le reste de ses provisions, a revêtu une nouvelle 
forme dans la première semaine du mois de juillet suivant, Sa 
peau s'est fendue dans la moitié antérieure du dos; et après avoir 
été refoulée à demi en arrière, a laissé en partie à découvert une 
pseudo-chrysalide ayant Ja plus grande analogie avec celle des 


356 FABRE, — HYPERMÉTAMORPHOSE 


Sitaris. M. Newport n’a pas vu la larve de Méloé dans sa seconde 
forme, dans celle qui lui est propre quand elle mange la pâtée de 
miel de l’Abeille, mais il a vu sa dépouille enveloppant à demi la 
pseudo-chrysalide dont je viens de parler. D’après les mandibules 
robustes et les pattes armées d’un ongle vigoureux qu'il a obser- 
vées sur celte dépouille, M. Newport présume que, an lieu de 
rester constamment dans la même cellule d’Anthophore, la larve, 
capable de fouir, passe d’une cellule dans une autre à la recherche 
d’un supplément de nourriture. Ce soupcon me paraît très fondé, 
car le volume que la larve acquiert finalement dépasse les propor- 
ons que fait supposer la médiocre quantité de miel renfermée 
dans une seule cellule. 

Revenons à l’organisation précédente que M. Newport appelle 
pseudo-larve, et que j’appellerai pseudo-chrysalide pour les mêmes 
raisons que j'ai exposées dans le premier chapitre. C’est (1), 
comme chez les Sitaris, un corps inerte, de consistance cornée, 
de couleur ambrée, el divisé en treize segments, y compris la 
tête. Cette pseudo-chrysalide, dont la longueur mesure 20 milli- 
mètres, est un peu courbée en arc, fort convexe à la face dorsale, 
presque plane à la face ventrale, et bordée d’un bourrelet saillant 
qui marque la séparation des deux faces. La tête n’est qu'une es- 
pèce de masque où sont sculptés vaguement quelques reliefs im- 
mobiles correspondant aux pièces futures de la tête. Sur les seg- 
ments thoraciques se montrent trois paires de tubercules corres- 
pondant aux pattes de la larve précédente et du futur animal. 
Enfin, neuf paires de stigmates complètent le portrait de cette 
anomale organisation. Une paire est placée sur le mésothorax, et 
les huit paires suivantes sur les huit premiers segments de l’abdo- 
men. La dernière paire est un peu plus petite que les autres, par- 
licularité que nous avons déjà constatée dans la larve qui a précédé 
la pseudo-chrysalide. 

En comparant les pseudo-chrysalides des Méloés et des Sitaris, 
on remarque entre elles une ressemblance des plus frappantes. 
C'est dans l’une et dans l’autre la même structure jusque dans les 


(4) Voyez la figure 8. 


ET MUEURS DES MÉLOÏDES. 357 


moindres détails. Ce sont des deux parts les mêmes marques 
céphaliques, les mêmes tubercules occupant la place des pattes, la 
même distribution et le même nombre de stigmates, enfin la même 
couleur, la même rigidité des téguments. Les seules différences 
consistent dans l’aspect général, qui n’est pas le même dans les 
deux pseudo-chrysalides, et dans l'enveloppe que leur forme la 
dépouille de la précédente larve. Chez les Sitaris, en effet, cette 
dépouille forme un sac sans issue enveloppant de toutes parts la 
pseudo-chrysalide; chez les Méloés, elle est au contraire fendue 
sur le dos, refoulée en arrière, et, par suite, elle ne revêt qu’à 
demi le corps pseudo-chrysalidaire. 

M. Newport a décrit et figuré cette troisième forme des larves 
des Méloés. Mes observations concorderaient parfaitement avec 
les siennes, si ce n’était une légère dissidence dans le nombre des 
segments et dans celui des stigmates. M. Newport donne quatorze 
segments et dix paires de stigmates à la pseudo-chrysalide des 
Méloés. Pour ma part, je ne peux compter que treize segments et 
neuf paires de stigmates. Comme ce dénombrement n'offre aucune 
difficulté, je ne sais à quoi attribuer ces différences , à moins 
qu’elles ne proviennent d’une erreur typographique ou simple- 
ment d’une erreur de la personne à qui je dois une copie du travail 
de M. Newport (1). Je reproduis ici la pseudo-chrysalide des Mé- 
loés dessinée avant de connaître la figure qu'en a publiée M. New- 
port. On pourra ainsi plus facilement la comparer avec celle des 
Silaris et avec une troisième dont je vais m'occuper dans quelques 
instants. 

L'autopsie de la seule pseudo-chrysalide qui fût en ma posses- 
sion m'a démontré que, pareillement à ce qui se passe chez les 
Sitaris, aucun changement n’a lieu dans l’organisation des viscères, 
malgré les transformations les plus profondes qui se passent à 
l'extérieur, Au milieu d'innombrables sachets adipeux se trouve 


(4) Ma copie porte: « IL is composed , as in each of ils preceding stages, of 
» fourteen segments, and has ten pairs of spiracles. » (Textuel, p. 320. R.) 

Daos la larve primitive, on compte, il est vrai, 14 segments ; mais dans les 
deux formes suivantes on n'en voit plus que 43 ; enfin, dans les trois cas on ne 
trouve que 9 paires d'orifices stigmatiques. 


398 FABRE, — HYPERMÉTAMORPHOSE 


enfouie une maigre cordelette où l’on reconnait aisément les earac- 
tères essentiels de l'appareil digestif, tant de la précédente larve 
que de l’insecte parfait. Quant à la moelle abdominale, elle est 
formée, comme dans la larve, de huit ganglions. On sait que dans 
l'insecte parfait elle n’en comprend plus que quatre. 

Je ne saurais dire positivement combien de temps les Méloés 
restent sous la forme de pseudo-chrysalides ; mais en consultant 
l’analogie si complète que l’évolution des Méloés présente avec 
celle des Silaris, il est à croire que quelques pseudo-chrysalides 
achèvent leurs transformations dans la même année, tandis que 
d’autres, en plus grand nombre, restent slationnaires une année 
entière, et n'arrivent à l’état d'insectes parfaits qu'au printemps 
suivant. Telle est aussi l'opinion de M. Newport. 

Quoi qu'il en soit, j'ai trouvé à la fin du mois d’août une de 
ces pseudo-chrysalides arrivée déjà à l’état de nymphe, C’est avec 
le secours de celte précieuse capture que je pourrai terminer l’his- 
toire de l’évolution des Méloés. Les téguments cornés de la pseudo- 
chrysalide sont fendus suivant une scissure qui embrasse toute la 
face ventrale, toute la tête, et remonte sur le dos du thorax. Cette 
dépouille non déformée, rigide, est à moilié engagée, comme 
l'était la pseudo-chrysalide, dans la peau abandonnée par la se- 
conde larve. Enfin, par la scissure, qui la partage presque en 
deux, s'échappe à demi une nymphe de Méloé ; de manière que, 
d’après les apparences, à la pseudo-chrysalide aurait succédé im- 
médiatement une nymphe, ce qui n’a pas lieu chez les Sitaris, qui 
ne passent du premier de ces deux élats au second qu'en prenant 
une forme intermédiaire calquée sur celle de la larve qui mange 
la provision de miel. Mais ces apparences sont trompeuses, car 
en enlevant la nymphe de l’étui fendu que forment les téguments 
pseudo-chrysalidaires, on trouve, au fond de cet étui, ane troi- 
sièmedépouille, ladernière de celles qu'a rejetées jusqu'ici l'animal. 
Cette dépouille adhère même encore à la nymphe par quelques 
filaments trachéens. En la faisant ramollir dans l’eau, il est facile 
d'y reconnaitre une organisation presque identique avec celle de 
la larve qui a précédé la pseudo-chrysalide. Dans le dernier cas 
seulement, les mandibules etles pattes ne sont plus aussi robustes. 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 359 
Ainsi, après avoir passé par l'état de pseudo-chrysalides, les Mé- 
loés reprennent pour quelque temps la forme précédente à peine 
modifiée. Dans celte quatrième période de leur développement, les 
Méloés ont donc la forme que reproduit la figure relative à la se- 
conde période. 

La nympbhe vient après. Elle ne présente rien de particulier. La 
seule nymphe que j'aie élevée est arrivée à l'état d’insecte parfait 
vers la fin de septembre. Dans les circonstances ordinaires, le 
Méloé adulte serait-il sorti à cette époque de sa cellule? Je ne le 
pense pas, puisque l’accouplement et la ponte n’ont lieu qu’au 
commencement du printemps. Il aurait passé sans doute l'automne 
et l'hiver dans la demeure de l’Anthophore, pour ne la quitter 
qu'au printemps suivant. Il est probable même que, en général, 
l’évolution marche plus lentement, et que les Méloés, comme les 
Sitaris, passent, pour la plupart, la mauvaise saison à l’état de 
pseudo-chrysalide , état merveilleusement approprié à la torpeur 
hibernale, et n'achèvent leurs nombreuses morphoses qu’au re- 
tour de la belle saison. 

Ces deux exemples de métamorphoses si étranges, puisés tous 
les deux dans la famille des Méloïdes, portent à croire que la 
même famille doit en offrir d’autres. J'ai été assez heureux, en 
effet, pour en découvrir un troisième ; mais je ne peux que soup— 
conner le genre des Méloïdes qui me l’a fourni. Dans un nid de 
Chalicodoma muraria dont les cellules étaient abandonnées depuis 
longtemps, j'aitrouvé une pseudo-chrysalide ayant les plus grands 
rapports avec celle des Sitaris. Malheureusement elle était morte. 

Cette pseudo-chrysalide (1) n’est pas renfermée dans un sac de 
gaze formé par la peau de la larve qui a dû la précéder. Mais, 
comme la cellule où je l'ai trouvée était fort endommagée et 
même largement ouverte, il est permis de croire que cette tunique 
délicate a été détruite d’une manière ou de l’autre. Elle est cylin- 
drique, obtuse aux deux bouts, cornée, d'une couleur rouge de 
brique. Elle rappelle, jusqu'à s’y méprendre, à la première vue, une 
grosse pupe de Diptère. Toute sa surface est ornée de nombreux 


(1) Voyez la figure 9. 


360 FABRE. — HYPÉRMÉTAMORPHOSE 


et très petits points saillants, de chacun desquels partent quatre ou 
cinq petits rayons également saillants, ce qui figure autant d’élé- 
gantes étoiles qui exigent le secours de la loupe pour être aperçues. 
Sa segmentation est peu distincte : on parvient cependant, par un 
examen attentif, à reconnaitre treize segments, y comprisle masque 
céphalique où se montrent, comme à l'ordinaire, quelques vagues 
reliefs. Les trois segments du thorax portent chacun une paire de 
mamelons si exigus, que la loupe est nécessaire pour les constater. 
Le mésothorax est pourvu d’orifices stigmatiques, ainsi que les 
sept premiers segments de l'abdomen. Leur péritrème est ovalaire, 
noir et légèrement saillant. L'examen des pseudo-chrysalides des 
Sitaris et des Méloëés doit nous faire soupçonner qu'il manque une 
paire de stigmates dans le nombre que je viens d’en donner. Et, 
en effet, en promenant une loupe attentive sur le huitième segment 
abdominal, on y découvre deux très petits tubercules imperforés 
représentant cette paire de sligmates comme les mamelons du 
thorax représentent les pattes futures. Nous avons reconnu une 
pareille imperfection dans la dernière paire des stigmates des 
pseudo-chrysalides, des Sitaris et des Méloés. La ressemblance 
des trois pseudo-chrysalides est donc complète jusque dans les 
plus légers détails d'organisation. La longueur de celle que je 
décris maintenant est de 9 millimètres, et sa largeur de 4 £ mil- 
limètres. 

Le parasitisme dans une cellule d’Abeille maçonne, et la res- 
semblance si frappante que la dernière pseudo-chrysalide a avec 
les deux autres , dénotent, dans le coléoptère auquel elle appar- 
tient, des mœurs et une organisation pareilles à celles du Sitaris et 
des Méloés. Ce coléoptère est done encore un Méloïde ; il subit, 
comme les deux premiers, les plus singulières métamorphoses , et 
sa larve primitive inconnue s'établit dans la toison des Hyméno- 
ptères, des Chalicodoma en particulier. Je n'ai jamais vu dans 
ces contrées le Sitaris apicalis, auquel la pseudo-chrysalide en 
question pourrait être rapportée; mais nous avons des Zonistis 
prœusta, et je ne vois aucun autre insecte de cette famille dont la 
taille convienne à celle de la pseudo-chrysalide. Appartiendrait- 
elle en effet à ce Zonitis ? 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 361 

Il est temps de se demander quelle est la signification des mé- 
lamorphoses étranges dont je viens de tracer une esquisse. A partir 
de la troisième larve, les faits se succèdent dans les Sitaris et les 
Méloés comme dans les autres coléoptères , c’est-à-dire qu'après 
cette larve vient une nymphe, et après la nymphe l’insecte parfait. 
Mais les deux premières larves et la pseudo-chrysalide qui leur 
succède dans les Méloïdes paraissent tellement anormales, que 
d’abord on ne voit rien d’analogue dans le reste de l’ordre. Séduit 
par les apparences les plus trompeuses, et surtout dérouté par le 
défaut accidentel de correspondance entre les parties de la pseudo- 
chrysalide et de la larve qui en provient, j'ai cru quelque temps à 
l'intervention de la métagénèse dans cette évolution complexe ; 
j'ai cru que des matériaux plastiques amassés dans la pseudo- 
chrysalide se formait de toutes pièces une larve, point de départ 
de la forme adulte, comme la petite larve qui s'établit sur le corps 
de l’Anthophore est elle-même le point de départ de la pseudo- 
chrysalide. Dans cette hypothèse, il y aurait de l'œuf à l’insecte 
adulte deux individus, l’un agame , l’autre sexué. Le premier, 
issu de l'œuf, passerait par les trois états de larve primitive dévo- 
rant l’œuf de l’Abeille , de seconde larve se nourrissant de miel, et 
de pseudo-chrysalide, but final de cette organisation destinée à re- 
cueillir et à préparer des substances plastiques. De ces substances 
naîtrait par gemmation, dans le sein de la pseudo-chrysalide, 
sorte d'œuf plus parfait que le premier, un nouvel individu, une 
nouvelle larve, origine de la forme sexuée; et dès lors les faits 
s’accompliraient suivant les lois habituelles. Cette idée était sédui- 
sante ; aussi n’ai-je rien négligé pour m'assurer jusqu’à quel point 
elle était fondée, Une observation scrupuleuse de la pseudo-chry- 
salide aux diverses époques de l’année m'a convaincu que ses 
viscères n’éprouvent aucune modification, qu'ils se conservent 
identiques dans la pseudo-chrysalide, dans la larve qui la suit et 
dans celle qui la précède, et enfin que le défaut de concordance 
entre la dépouille pseudo-chrysalidaire et la larve qu’elle renferme 
est purement accidentelle, et dépend des mouvements dont cette 
larve jouit immédiatement après son apparition, mouvements qui 
- lui permettent de se retourner bout à bout, ce qu’elle ne pourra 


862 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSE 


plus faire bientôt après. La métagénèse ne peut donc être invoquée 
ici. Revenons alors à des aperçus plus simples. Toute larve, avant 
d'atteindre l’état de nymphe, éprouve chez les Coléoptères des 
mues, des changements de peau en nombre plus ou moins grand ; 
mais ces mues, destinées à favoriser le développement de la larve, 
en la dépouillant d’une enveloppe devenue trop étroite, n’altèrent 
en rien sa forme extérieure. Après toutes les mues qu’elle a pu 
subir, la larve conserve les mêmes caractères extérieurs : si elle 
est d’abord coriace, elle ne deviendra pas molle ; si elle est pour- 
vue de pattes, elle n’en sera pas privée plus tard ; si elle ést munie 
d’ocelles, elle ne deviendra pas aveugle, ete. Il est vrai que, pour 
ces larves à forme invariable, le régime reste le même pendant 
toute leur durée, ainsi que les circonstances dans lesquelles elles 
doivent vivre. Mais supposons que ce régime varie, que le milieu 
où elles sont appelées à vivre change, que les circonstances qui 
accompagnent leur évolution puissent profondément se modifier, 
alors il est évident que la mue peut, doit même approprier l’orga- 
nisation de la larve à ces nouvelles conditions d'existence. La larve 
prinilive des Sitaris vit sur le corps de l’Abeille; ses périlleuses 
pérégrinations exigent de la prestesse dans les mouvements, des 
yeux clairvoyants et de savants appareils d'équilibre, et elle a en 
effet une forme svelle, des ocelles, des pattes, et quelques organes 
particuliers propres à prévenir une chute. Une fois dans la cellule 
de l’Abeille, elle doit en détruire l'œuf ; ses mandibules acérées et 
recourbées en crochet rempliront à merveille cet office. Cela fait, 
la nourriture change : après l'œuf de l’Anthophore, la larve va 
manger de la pâlée de miel. Le milieu où elle doit vivre change 
aussi : au lieu de s’équilibrer sur un point de l’Anthophore, il lui 
faut maintenant flotter immobile sur un liquide visqueux ; au lieu 
de vivre au grand jour, elle doit rester plongée dans la plus pro- 
fonde obscurité, Ses mandibules acérées doivent done s’excaver 
en cuiller pour pouvoir puiser le miel; ses pattes, ses cirrhes, ses 
appareils d'équilibre, doivent disparaître comme inuliles, et mieux 
comme nuisibles, puisque tous ses organes ne peuvent maintenant 
que faire courir de grands périls à la larve en s’engluant dans le 
miel; sa forme svelte, ses téguments cornés, ses ocelles n'étant 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES, 363 


plus nécessaires dans une cellule obseure où le mouvement est 
impossible, où aucun rude contact n’est à craindre, peuvent égale- 
ment faire place à une cécité complète, à des téguments mous, à 
des formes lourdes et paresseuses, Cette transfiguralion, que tout 
démontre indispensable à la vie de larve, s'exécute par une simple 
mue. On ne voit pas aussi bien la nécessité des morphoses sui- 
vantes; mais il suffit d’avoir montré qu'un changement de peau, 
qui n’amène aucune modification essentielle dans la forme des 
autres larves, produit dans les larves des Méloïdes, par suite de 
nouvelles conditions d'existence, la plus complète des transforma- 
tions. Il n’y a donc plus lieu de s'étonner si les mues suivantes 
font revêtir d’abord à la larve une fausse apparence de chrysalide, 
pour la ramener ensuite à la précédente forme, bien que la néces- 
sité de ces morphoses nous échappe. Les mues des larves des 
Méloïdes diffèrent encore à un autre point de vue de celles que 
subissent les larves ordinaires. Les mues de ces dernières, étant 
destinées à favoriser un prompt développement, s'opèrent pendant 
la période aclive de la larve, et cessent quand, tout le développe- 
mené élant acquis, la larve prépare dans une profonde torpeur 
le travail de la nymphose. Celles des Méloïdes ont lieu, au con- 
traire, en partie pendant la période inactive et somnolente de la 
larve. Peul-être que la seconde larve des Méloïdes , celle qui se 
nourrit de miel, éprouve des mues pareilles à celles des autres 
larves, des mues qui n'altèrent pas la forme, mais élargissent 
simplement l'enveloppe de l’animal, à mesure que son accroisse- 
ment le demande. Si elles ont lieu en effet, je n'ai pu en être 
témoin. 

Les larves des Méloïdes subissent done quatre mues avant 
d'atteindre l'état de nymphes ; el après chaque mue, leurs carac- 
tères se modifient de la manière la plus profonde. Pendant tous 
ces changements extérieurs , l’organisalion interne reste invaria- 
blement la même , et ce n'est qu'au moment où apparaît la nymphe 
que le système nerveux se concentre, et que se développent les 
appareils reproducteurs, absolument comme cela se passe chez les 
autres coléoptères. 

Ainsi aux métamorphoses ordinaires qui font successivement 


364 FABRE. — HYPERMÉTAMORPHOSE 

passer un coléoptère par les états de larve , de nymphe et d’in- 
secte parfait, et qui modifient à la fois ses caractères externes et 
son organisation intérieure , les Méloïdes en joignent d’autres qui 
transforment à plusieurs reprises l'extérieur de la larve, sans appor- 
ter aucun changement dans ses viscères. Ce mode d'évolution, qui 
prélude aux morphoses entomologiques habituelles par des trans- 
figurations multiples de la larve, mérite certainement un nom par- 
ticulier ; je proposerai celui d’hkypermétamorphose. 

Les faits les plus saillants de ce travail peuvent se résumer 
ainsi : 

Les Sitaris, les Méloés, et apparemment d’autres Méloïdes, si 
ce n’est tous, sont, dans leur premier âge, parasites des Hyméno- 
ptères récoltants. 

La larve des Méloïdes, avant d'arriver à l’état de nymphe, 
passe par quatre formes, que je désigne sous les noms de larve 
primitive, seconde larve, pseudo-chrysalide, troisième larve. Le 
passage de l’une de ces formes à l’autre s'effectue par une simple 
mue, sans qu'il y ait des changements dans les viscères. 

La larve primitive est coriace, et s'établit sur le corps des 
Hyménoptères. Son but est de se faire transporter dans une cellule 
pleine de miel. Arrivée dans la cellule, elle dévore l’œuf de 
l'Hyménoptère, et son rôle est fini. 

La seconde larve est molle, et diffère totalement de la larve pri- 
mitive sous le rapport de ses caractères extérieurs ; elle se nourrit 
du miel que renferme la cellule usurpée. 

La pseudo-chrysalide est un corps privé de tout mouvement, et 
revêtu de téguments cornés comparables à ceux des pupes ou des 
chrysalides. Sur ces téguments se dessinent un masque céphalique 
sans parties mobiles et distinctes, six tubercules indices des pattes, 
et neuf paires d’orifices stigmatiques. Chez les Sitaris, la pseudo- 
chrysalide est renfermée dans une sorte d’outre close, formée par 
la peau de la seconde larve; chez les Méloés, elle est simplement 
à demi invaginée dans la peau fendue de la seconde larve. 

La troisième larve reproduit, à peu de chose près, les caractères 
de la seconde ; elle est renfermée, chez les Sitaris, dans une 
double enveloppe utriculaire formée par la peau de la seconde 


ET MOEURS DES MÉLOÏDES. 265 
larve et par la dépouille de la pseudo-chrysalide. Chez les Méloés, 
elle est à demi incluse dans les téguments pseudo-chrysalidaires, 
fendus comme ceux-ci le sont, à leur tour, dans la peau de la se- 
conde larve. 

A partir de celte troisième larve, les métamorphoses suivent 
leur cours habituel, c’est-à-dire que cette larve devient une 
nymphe, et cette nymphe un insecte parfait. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


PLANCHE 17. 


Fig. 4. Nymphe d’Anthraæ sinuata, 

Fig. 2. Larve primitive de Sitaris humeralis. Longueur, 4 millimètre. 
Fig. 3. Seconde larve de Sitaris humeralis. Longueur, 13 millimètres. 
Fig. 4. Pseudo-chrysalide de Sitaris humeralis. Longueur, 12 millimètres. 
Fig. 5. Troisième larve de Sitaris humeralis. Longueur, 142 millimètres. 
Fig. 6. Nympbe de Sitaris humeralis. Longueur, 12 millimètres. 

Fig. 7. Seconde larve de Meloe cicatricosus. Longueur, 25 millimètres. 
Fig. 8. Pseudo-chrysalide de Meloe cicatricosus. Longueur, 20 millimètres. 


Fig. 9. Pseudo-chrysalide d'un autre Méloïde, peut-être de Zonilis prœusta. 
: Longueur, 9 millimètres. 


OBSERVATIONS 


SUR 


DES ŒUFS D’INSECTES 


QUI SERVENT A L'ALIMENTATION DE L'HOMME AU MEXIQUE, 


Par MM. VIRLET D’AOUST et GUÉRIN-MENNEVILLE. 


Dans la séance du 23 novembre dernier, M. Virlet d’Aoust a 
entretenu l'Académie d’un dépôt très considérable d'œufs qui se 
voit dans l’un des lacs situés près de la ville de Mexico. Ces œufs 
sont en si grande abondance, qu'on en fait une pêche active, et 
qu’on les vend sur les marchés de Mexico comme aliment, sous 
le nom de Haoulte. Pour les recueillir, il suffit de plonger dans 
l’eau du lac un faisceau de jones, dont les brins se trouvent bien- 
tôt couverts par une mullitude de ces petits corps arrondis, et 
M. Virlet d’Aoust pense que les bancs de calcaire lacustre , en 
voie de formation dans ces localités, doivent leur structure 
oolithique à la présence de ces mêmes œufs. 

Quoi qu'il en soit de cette dernière hypothèse, ces œufs sont 
déposés en quantités énormes dans les eaux du lac de Chalco, et 
il paraît, d’après des échantillons envoyés à M. Guérin-Menne- 
ville par M. Croueri, qu'ils proviennent de deux espèces d'Hémi- 
ptères du genre Corize, savoir : le Coriza americana de Say, et le 
C. femorala, Guérin. (Séance du 7 décembre 1857.) 


ÉTUDES 


SUR 
LES SPERMATOPHORES DES GASTÉROPODES PULMONÉS, 


Par P. FISCHER. 


$ I. Historique. 


L'anatomie et la physiologie des organes reproducteurs chez 
les Gastéropodes Pulmonés androgynes et à orifices génitaux con- 
tigus ont présenté de grandes difficultés aux naturalistes qui ont 
choisi ce sujet d'observation. 

On trouve, en effet, dans les Mollusques des complications 
inattendues , des organes plus ou moins énigmatiques , enfin des 
produits temporaires, dont la formation, la structure, les usages, 
nous sont à peine dévoilés. 

Au nombre de ces derniers se placent les remarquables sper- 
matophores des Gastéropodes, décrits pour la première fois dans 
l'avant-dernier siècle, et négligés dans les travaux des zoologistes 
modernes. 

M. Moquin-Tandon a appelé à plusieurs reprises (1) l'attention 
des observateurs sur un corps très curieux, produit lors de l’accou- 
plement des Pulmonés androgynes, et a prouvé, dans un mémoire 
récemment présenté à l’Institut, que ce ne pouvait être qu'un 
spermatophore. Ce corps avait été étudié et figuré avec soin par 
Lister (2) en 1694, qui lui imposa le nom de capreolus. L'ana- 


(4) Dans Journal de Conchyliologie, A85A et 4852. — Histoire naturelle des 
Mollusques terrestres et fluviatiles de France, 4855, == Comptes rendus de l'In- 
slitut. 

(2) Exercit. anat,, p. 445, tab, 2, fig. 4-5. Londini, 4694. — « E medio 
vero ipsius penis apice (in uncinatis similiter), si diutius coeuntium séparationem 
moliaris, usque totalem divisionem urgendo, capreolum quemdam exeuntem 6b- 
servabis. Is autem solutus, minimum sex digitos longus est; ejus vero caput 
crassius et leviter mucronatum, vulvam ipsumque uterum ; aliquo usque intrat, 


268 P. FISCHER. — ÉTUDES 


tomiste anglais se douta de quelques-uns de ses usages. Nous 
donnons textuellement en note le passage de Lister relatif au 
capreolus; car il démontre le zèle et la sagacité qu’il apporta dans 
ses observations, alors que la zoologie comparée était encore à 
créer. 

Il serait long de citer tous ceux qui ont mentionné plus ou 
moins exactement la présence du capreolus, sans connaître son 
rôle. Swammerdam (1738) l’a vu engagé dans le col de la poche 
copulatrice chezl’Helix pomatia (1); Draparnaud, examinant celui 
de l'Helix vermiculata , l'a pris pour un dard ; Duverney pensait 
que, chez l'Helix aspersa, il n’était autre chose que du sperme 
condensé ; Van Beneden l’a appelé stylet, organe corné particulier, 
chez la Parmacelle. Le nom de corps styliforme avait été déjà 


certe quatenus liceat, propler nodum quemdam oblongum, in capreolo conspi- 
cuum, plena coitione immergi solet. Reliquum vero capreolum, cincinnatum ex 
ipsa penis glande, facile educere potes: unde ipsum penem esse tantum the- 
cam, sive capreoli præpulium liquet. 

» De nodo vero longo et opaco et compresso, quem diximus circiter digitum, à 
capreoi capite distare ; illud præterea notare libet; eum paululum in medio la- 
tescere, duplicique serie spinularum, hinc et illinc ad ejus latera spisse positarum, 
donari, Istarum insuper spinularum mucrones uncinati sunt, et introrsum spec- 
tant. Istius itaque nodi uncinati, inter alia, in usus esse videtur, ne capreolus 
semine lubricatus, præpropere etcitius ex utero exeat quam par est. Imo vero, 
cum hæc animalia totos fere dies in venere conjungi consueverunt, hos stimulos 
non tantum ad veneris incilamentum, sed ad coitum etiam firmiorem et diutur- 
niorem eximie facere, credibile est. Porro is capreolus vere cartilaginosus est, 
nempe admodum durus, flexibilis et fragilis; item nisi ubi nodulus prædictus est, 
instar crystalli pellucet. In ipsa vero capreoli a coitu eductione, cum semine ge- 
nitali perfundi, a mira ejus viscositate, discimus. 

» Illud autem verissimum est, utrique cochleæ a coïitu separatæ, quatenus 
extra discerni potest, unüm idemque, etc. » 

(1) Extrait de Swammerdam (Bibl. nat., 1738, p. 133, t. 1). — « Testiculi 
præterea suo emunceli erant semine. Cocca uteri appendix pariter, quamvis sub 
initium haud adeo valide, contracta erat, suumque ossiculum salinum evibra- 
verat Tubulus inter penem et uterum, nil subierat mutationis. Vas deferens am- 
plius dilatatum erat, inque eo, ut dii, ossiculum salinum aliquando deprehendi. 
Unde mihi veresimile videtur quod ossiculum hoc, sub coitu, aliquid forte hu- 
moris spermatici, per superiorem vasi deferentis tubulum, in matricem deducat, 
dum interim penis ipse suum semen a parte inferna eo injicit. » 


SUR LES SPERMATOPHORES DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 909 


imposé par Blainville à celui du Parmacella pailiolum. Dutrochet 
a décrit le spermatophore de l’Arion rufus, sans en donner une 
bonne interprétation; Nitzch n'a pu s'expliquer la nature du 
« Corps énigmatique ». Enfin Siebold a pressenti sa fonction, en 
voyant « des corps minces, d’un aspect particulier, qui, chez les 
Helix hortensis, arbustorum , font saillie hors du cloaque génital 
après la fécondation, et qui, lorsqu'on les en retire, s'enroulent 
‘en spirale à leurs deux extrémités. » 

Il faut arriver jusqu'aux mémoires de M. Moquin-Tandon pour 
trouver une description véritablement scientifique et une inler- 
prétalion précise du capreolus; ceux de l’Arion rufus et de 
l’'Helixæ aspersa ont été étudiés et figurés avec soin. 

Depuis celte époque, nous avons eu l’occasion d'étudier les 
spermatophores dans trois genres différents (4). Nous profitons 
de cette circonstance pour compléter les notions données par 
M. Moquin-Tandon , et pour grouper loutes les observations que 
la science possède sur ce sujet. 


$ IL 


à 


La présence des spermatophores était depuis longtemps avérée 
chez les Céphalopodes ; leur curieuse complication avait altiré 
l'attention des naturalistes : car Needham, dès 1747, décrivit ceux 
du Loligo vulgaris. M. le professeur Milne Edwards (1842) a 
publié sur ce sujet un mémoire plein d'intérêt (2), et qui établit 
d’une manière positive la nature des « machines de Needham », 
considérées comme des Entozoaires par plusieurs zoologistes. 

I existe chez les Céphalopodes une disposition qui n’a rien 
d’analogue avec ce que nous trouvons chez les Gastéropodes ; en 
effet, on y constate un réservoir spermatique, et un appareil de 
projection constitué par une sorte de piston enroulé en spirale 
dans une gaine très mince. 


Les spermalophores que nous étudions se rapprochent plutot 


(4) Mél. conchyl., p. 49, pl. 5, fig. 14 (1855). — Journ, conchyl., t. V, 
p. 424, fig. 6 (1856), — Tome VI, p. 31 (4857). 
(2) Ann. des sc, nat., t. XVIII, p. 335, pl. 42 et 43, 
#* série, Zooc, T, VII, (Cahier n° 6.) # 24 


370 P. FISCHER. — ÉTUDES 
de ceux des Insectes (Coléoptères, Orthoptères) ; ils sont constitués 
par un long tube creux, renfermant le sperme dans une dilatation 
dont la position relative varie d’après les genres, et qui a été 
nommée par Lister « nodus ». On pourrait sans inconvénient 
l'appeler réservoir temporaire du sperme. 

Nous examinerons la forme des spermatophores en parcourant 
successivement les genres qui en sont pourvus. 


$ IT. Genre Ar1oN. 


Aion rufus, — Le capreolus de l’Arion est allongé , légère- 
ment comprimé, aminei aux deux extrémités, arqué, assez sem- 
blable au fruit de certaines Astragales ; pointu en arrière, subulé 
et filiforme en avant. Il offre le long de son dos ou de sa partie 
convexe une rangée de dents obliques d'avant en arrière, poin- 
tues, légèrement arquées, disposées comme des dents de scie, Ces 
dents diminuent graduellement de grosseur vers le prolongement 
filiforme, et deviennent très petites le long de ce dernier, J'en ai 
compté quatre-vingts sur un capreolus de taille ordinaire. 

Le capreolus est cartilagineux et blanchàtre; je l'ai trouvé 
rempli d'une matière pulpeuse, légèrement opale, contenant un 
grand nombre de spermatozoaires (Moquin-Tandon) (1). 


Genre PARMACELLA. 


ParmaceLLa Deshayesii. — Corps très allongé, de consistance 
cornée, élastique, brunâtre, à parois épaisses, à extrémité anté- 
rieure mousse ou peu aiguë. La parlie renflée (nodus) est plissée 
transversalement à son axe, sur une bande assez étroite, répon- 
dant à la portion dorsale ou convexe, un peu interne. Ces plis 
pourraient bien être les restes des denticulations émoussées. La 
partie postérieure forme un filament grêle, très long , terminé 
par un renflement arrondi. 

Renfermé dans la poche copulatrice, ce spermatophore est 


(1) Longueur du spermatophore, 15-20 millim. ; longueur de la partie étroite 
antérieure, 5 millim. 


SUR LES £PERMATOPHORES DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 371 


contourné en spirale dans toute la partie postérieure du nodus ; il 
forme trois tours de spire assez rapprochés. L'extrémité antérieure 
- du nodus est droite ou a la forme d’un crochet. 

Le capreolus est engagé de la manière suivante dans les organes 
génitaux. La partie antérieure du nodus occupe le bas-fond de Ja 
poche copulatrice ; la supérieure distend la poche près de l’inser- 
tion de son col, et y détermine ainsi une grande courbure. L'appen- 
dice postérieur, filamentaire, du capreolus, s'engage dans le col 
de la poche copulatrice, el peut remonter jusqu'à l'ouverture gé- 
nitale externe. Mais il s'arrête le plus souvent dans une cavité 
comparable au vagin, et désignée sous le nom de prostate vesti- 
bulaire. 

Cette cavité, que nous avons examinée récemment avec soin, a sa 
surface externe glandulaire ; ses parois sont épaisses, garnies en 
dedans d’aspérités. 

On trouve toujours le spermatophore encroûté d’une matière 
blanchâtre, savonneuse, surtout autour de la portion spirale, 
Cette matière parait être à la fois du sperme et le produit de sé- 
crétion des follicules de la poche copulatrice. 

PanmacezLa V'alenciennii. — M. Van Beneden a étudié à deux 
reprises le spermatophore de cette espèce; il l’a toujours rencon- 
tré chez les individus disséqués, et en a conclu que sa présence 
étaitconstante. Le capreolus n’était donc plus, à ses yeux, un corps 
accidentel, mais bien un véritable organe dont les fonctions deve- 
naient très énigmatiques (1). 

Chez une Parmacelle, il constata deux Spermatophores. 

Il faut dire, pour expliquer la manière de voir de ce naturaliste, 
que les animaux qu'il avait en sa possession avaient été pris dans 
la saison des amours, et probablement après plusieurs accouple- 
ments. Les spermalophores des Parmacelles étant les plus ré- 
sistants et les plus épais, on les retrouve intacts, après un séjour 
assez long, dans la poche copulatrice, tandis que chez les autres 
Mollusques ils se détruisent facilement. 

(4) Rapport de MM. Wesmaël et Dumortier sur la notice de M. Van Beneden 


concernant un corps particulier trouvé dans la bourse du Poupre d'une nouvelle 
espèce de Parmacelle (Acad. de Bruæ.). 


372 P. FISCHER. — ÉTUDES 
Le spermatophore du P. Falenciennii est d'un brun obscur; 
sa surface est bosselée. Contourné sur lui-même, il ressemble à 
une coquille d'Ammonite; il est très élastique, finement strié en 
long. En somme, il ne diffère guère de celui de l’espèce précé- 
dente. 
Genre Limax. 


Limax maæimus. — On sait combien il est rare d'observer 
l’accouplement des Limaces: car on a donné sur cet acte des dé- 
tails qui paraissent au moins hypothétiques, et qui n’ont pu être 
encore parfaitement éclaireis. 

A une époque où nous ne dirigions pas nos recherches sur les 
spermatophores , nous avons vu celui d'une Limace; et c'est 
d’après nos souvenirs que nous en parlons ici. Ce capreolus nous 
a paru contourné en spirale sur lui-même, jaunâtre, corné, épais, 
élastique. Nous ne saurions rien avancer de positif sur la présence 
d'un prolongement plus où moins considérable à la partie posté- 
rieure du nodus. 

Le spermatophore des Limaces ressemble par son nodus à celui 
des Parmacelles , à cette différence près que le nodus forme tout 
entier la spirale , au lieu que celui des Parmacelles ne comprend 
dans la spirale que sa portion postérieure. 


Genre PELTELLA. 


PecreLLa palliolum. — Les Peltelles s'éloignent beaucoup des 
Parmacelles où elles ont été classées, ainsi que des Limaces, des 
Arions, etc. On les considère avec juste raison comme des Mol- 
lusques voisins des Vitrines par leur organisation et leurs mœurs. 

Blainville, en disséquant un exemplaire de ce genre, trouva 
dans la poche copulatrice ce qu'il appelle le corps styliforme, et 
qui n'est autre chose qu'un spermatophore. 

Ce corps est mince, allongé, subcorné, transparent, acuminé 
en avant, élargi en arrière, sans être terminé par un prolonge- 
ment filiforme ; aussi doit-on le considérer comme un fragment 
de capreolus. Sa présence dans la poche copulatrice. sa non- 
adhérence aux parois, confirment cette manière de voir. 


SUR LES SPERMATOPHORES DES GASTÉROPODES PULMONÉS, 979 


Genre HELIx. 


Heux aspersa. — Corps très allongé, grêle, capillaire, comme 
cartilagineux, subcrétacé, élastique, légèrement diaphane, offrant 
vers le tiers antérieur une dilatation oblongue, aplatie, assez régu- 
lièrement découpée et comme crénelée sur les bords, fortement 
courbée dans le sens longitudinal. Cette dilatation embrasse étroi- 
tement une petite masse pulpeuse, contre laquelle sont appliquées 
les découpures marginales. 

La portion antérieure au nodus porte quatre lamelles longues, 
étroites , formant quatre gouttières; une section transversale 
donne la figure d’une eroix de Malte. 

En arrière du nodus, le spermatophore, plus long et plus grêle, 
forme un tube étroit, terminé par un faible renflement (Moquin- 
Tandon) (1). 

Heuix pomatia. — Le spermatophore de ce Mollusque est plus 
développé que celui de l'espèce précédente. L’extrémité antérieure 
est assez épaisse, aiguë ; le nodus commence un peu plus en 
avant ; il parait plus large. plus aplati, et les deux rangées de den- 
ticulations marginales sont plus acérées et plus fortes (Lister) (2). 

Heux nemoralis. — Chez cette espèce, le spermatophore est 
long, atténué aux deux extrémités, renflé vers sa partie moyenne 
et antérieure. Le nodus mesure les deux cinquièmes de la longueur 
totale du capreolus (dont la partie antérieure n’a alors qu'un cin- 
quième , et la partie postérieure les deux derniers cinquièmes) ; 
il est fusiforme ; son diamètre atteint jusqu'à à millimètres; ses 
parois sont molles, distendues par un liquide blanc, savonneux, 
qui, après quelques instants d'exposition à l'air, devient jaunâtre. 
Cette teinte, qui n'existe que dans le nodus, le fait voir terminé en 
pointes très fines à ses deux extrémités. 


(4) Longueur totale du spermatophore, 407 millim.; de la partie antérieure, 
25 ; nodus, 12; partie postérieure, 70. Largeur de la partie antérieure, 0,33 ; 
nodus, 4,50 ; partie postérieure, 0,25. 

(2) Longueur totale du spermatophore, 425-130 millim. ; de la partie anté- 
rieure, 27 millim. 


371 P. FISCHER. — ÉTUDES 

Le spermalophore se termine en arrière par un prolongement 
très mince, creux, se contournant sur lui-même, dès qu'il a été 
extrait des organes. 

Examiné à un fort grossissement, ce corps a l'aspect d’un 
cylindre, portant à l'extérieur quatre arêtes vives, diaphanes, 
d’une minceur extrême. Sur le nodus, ces arêtes sont un peu 
effacées, et une coupe transversale, faite sur ce point, donne une 
figure ellipsoïde, comprimée latéralement, Les parois sont char- 
gées de stries longitudinales et de cannelures très fines. Une coupe 
faite en avant ou en arrière du nodus présente une circonférence 
et quatre ailes en croix. 

Après quelques instants d'exposition à l'air, le nodus s’aplatit ; 
les autres parties gardent leur forme primitive, mais se contour- 
nent davantage. 

Le caractère important de ce spermatophore est l'absence com- 
plète de denticulations , la présence de quatre arêtes sur toute sa 
longueur , enfin le grand développement du nodus (1). 

Heux vermiculata. — Nous ne savons rien de particulier sur 
sa structure , mais son existence a élé constatée par Draparnaud. 

Heux arbustorum. — Son capreolus a été observé très impar- 
faitement par Nitzch (2), qui le décrit comme un corps roide, fili- 
forme, semblable à une soie. Retiré de l’organe génital, il paraît 
fusiforme, et terminé par deux extrémités grêles, pointues, for- 
mant un simple pas de vis à l'endroit où elles naissent de la 
portion médiane. 

Comme on le voit, cette description a besoin d’être appuyée sur 
de nouvelles observations pour être acceptée scientifiquement, 

Heux pisana. — Cette espèce est une de celles qui sont abso- 
lument dépourvues de spermatophores. Nous avons séparé des 
individus accouplés un très grand nombre de fois et avec la plus 
grande précaution, sans avoir jamais pu apercevoir trace de ca- 
preolus. Les Helix rotundata, lenticula, fruticum, sont dans le 
même cas, d'après Moquin-Tandon. 

(1) Longueur totale, 30 à 50 millim.; de la partie antérieure, 40 ; du no- 


dus, 20 ; de la partie postérieure, 20, Largeur du nodus, 2 à 3, 
(2) Cité par Moquin-Tandon, Hist, nat. Moll. 


SUR LES SPERMATOPHORES DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 970 


Genre Buzimus. 


Bucimus acutus. — Filament cristallin, transparent, très 
allongé, mince, cassant vers l'extrémité postérieure, flexible vers 
l'antérieure , mais péndant quelques minutes seulement. Sa lon- 
gueur peut dépasser les deux tiers de celle de la coquille. 

A la loupe, on remarque plusieurs lignes ou stries longitudi- 
nales, et sur le côté convexe une suite de denticulations triangu- 
laires très acérées, quelquefois bifides, au nombre de cent environ. 

Le diamètre est à peu près égal partout; cependant la portion 
introduite la première dans l'organe femelle est plus volumineuse 
que celle qui suit. 

I n’y a pas, à proprement parler, de nodus ; l'extrémité posté: 
rieure se termine par une pointe {rès aiguë. 

Quelque soin que l'on apporte à retirer le spermatophore, il est 
rare que les téguments ne soient pas déchirés par les pointes de la 
région dorsale, qu'on trouve elles-mêmes émoussées ou détruites, 
surtout aux deux extrémités. 

Le capreolus de celte espèce (qui, par son organisation intime, 
se rapproche des Hélices) a plus de rapport avec celui des Arions, 
à cause de son unique rangée de spinules et de l’äbsence d’un 
nodus bien caractérisé (4). 


$ IV. 


En résumé, les diverses variétés observées jusqu’à présent 
dans ces corps se réduisent aux suivantes : 

4° Nodus précédé et terminé par une partie effilée; par consé- 
quent, sabmédian (Helix). 

2% Nodus non précédé d'une partie effilée; par conséquent, 
antérieur (Parmacella, Peltella?;. 

3° Pas de nodus bien marqué. Une rangée de denticulations 
dorsales (Arion, Bulimus). 


(1) Longueur totale, 7 à 40 millim.; figuré pl, 7, fig. 6, dans Journ. conchyl., 
t. V (1856). 


276 P. FISCHER. — ÉTUDES 
Nous rangeons ces formes dans le tableau ei-dessous : 


(à deux rangs de den-( Heuix aspersa. 


{ Un nodus { Submédian, À ticulations. . . . . | et pomatia. 
ste hien | (a quatre arêtes . . . Heux nemoralis. 
MATO-J rque Le \IDOSSel > PARMACELLA.. 
PHORES, À Lantérieur. | presque lisse . . Limax, PELTELLA. 


SR 


Après l'étude de la forme vient celle de la composition. La 
structure du capreolus est semblable à celle de plusieurs corps 
qu'on peut regarder comme accessoires ou accidentels chez les 
Mollusques : tels sont les dards des Hélices, les pyramides cristal- 
lines placées sur la muqueuse stomacale des Aplysies, la tige 
cristalline qu'on rencontre dans le cæcum , l'estomac ou l’intestin 
des Acéphalés Dimyaires, ete. Chez les Vertébrés , le corps qui 
est le plus analogue au spermatophore, est le cristallin. 

Il est inutile de dire qu’on y chercherait en vain des traces de 
vaisseaux. Ces corps ont une existence temporaire ; ils peuvent 
être détruits, lancés au dehors; leur reproduction est facile et 
rapide. 

Les otolithes des Mollusques paraissent également avoir la 
même composition, quoique l'élément calcaire y soit plus abon- 
dant. Nous en dirons autant des aiguilles calcaires répandues si 
abondamment dans les téguments des Nudibranches, et qu’on à 
retrouvées chez les Gastéropodes terrestres et fluviatiles. 

Le spermatophore est composé d'albumine coagulée et d’une 
petite quantité de carbonate de chaux. L'acide acétique, l'acide azo- 
tique lui font faire effervescence. L'albumine chez les Parmacelles 
est étendue en plusieurs couches qu’on peut reconnaitre en plon- 
geant le capreolus dans l’eau chaude. 

Exposé à l’air, le capreolus se tord, se dessèche , devient fra- 
gile; son nodus garde plus longtemps sa souplesse; placé dans un 
milieu hunide, il conserve sa flexibilité, son élasticité. Après l’a- 
voir fait sécher, on peut lui rendre ses propriétés en le faisant ma- 
cérer dans l’eau. Chez les animaux qui le renfermaient au moment 


SUR LES SPERMATOPHORES DES GASTÉROPODES PULMOXNÉS,. 371 
où ils ont été capturés et mis dans l'esprit-de-vin, le spermato- 
phore ne se durcit pas. 

Il est introduit dans l'organe femelle de telle façon, que lors- 
qu'il est pourvu de spinules, elles sont dirigées d’avant en arrière. 
On constate alors ce qui arrive quand on introduit dans sa manche 
un épi de blé par sa partie inférieure; les moindres mouvements 
le font avancer, même lorsqu'on cherche à s’en débarrasser, et 
en voulant l’extraire trop brusquement, il se rompt, ou déchire les 
tissus. Pendant l'accouplement, les animaux sont agités de mou- 
vements convulsifs du système génital, qui doivent exercer une 
influence manifeste sur l'introduction du spermatophore. 


$ VI. 


Le rôle physiologique du capreolus mérite d'être étudié. Po- 
sons d’abord en principe qu'il n’est pas absolument nécessaire à 
la fécondation, puisqu'un certain nombre de Gastéropodes andro- 
gynes, à orifices conligus, en sont privés. Dans l’acte reprodue- 
teur, il doit rendre l’union sexuelle plus intime et plus efficace, en 
empêchant la séparation trop brusque des animaux. Chez les Hé 
lices qui sont dépourvues de ce corps accessoire, la verge et l’ori- 
fice femelle sont dans un état de turgescence excessif, et l’on dé- 
chire les organes plutôt qu'on ne les sépare (Hezix pisana). Chez 
les espèces munies de spermatophores, la turgescence de la verge 
est moins marquée, mais le capreolus, rempli de sperme à sa partie 
nodale, dilate la verge considérablement, et représente à nos yeux 
(quant à ses usages) les corps caverneux des animaux Sûpérieurs. 

Outre cette fonction, le spermatophore en remplit une autre 
tout aussi importante : il assure l’arrivée de tout le sperme dans la 
poche copulatrice; celui-là, pressé par les organes, sortira peu 
à peu de son enveloppe par une des extrémités, et fécondera les 
ovules au passage. 

Le capreolus reste plus ou moins longtemps dans cette poche. 
Les spermalozoaires, à l'abri du contact de l'air, et soumis à l’in- 
fluence d’une température convenable, conservent leur mobilité, 
et par conséquent leur aptitude à la fécondation. Peu à peu , à la 


378 P. FISCHER., — ÉTUDES 


suite des mouvements de contraction des viscères , de l’action 
d’un liquide spécial très abondant à cette époque, ou enfin de la 
diminution de volume des organes génitaux, après l'accouplement 
et la saison des amours, et du retrait de leurs parois , les éléments 
du spermatophore se désagrégent, se brisent, se dissolvent, dispa- 
raissent, et le sperme s'échappe de son réservoir ou nodus, soit par 
la destruction de celui-ci, soit par une simple pression, qui fait 
couler la liqueur fécondante par ses extrémités. 

Chez les Hélices, il y a presque toujours destruction partielle ou 
totale du spermatophore, car on n’en retrouve plus que de minces 
fragments peu de temps après la copulation; chez les Arions, Li- 
maces, Parmacelles, le nodus reste très longtemps intact. 


$ VIL. 


lei vient se placer un fait intéressant et dont l'explication pré- 
sente au premier abord quelques difficultés. 

L'époque qui sépare l’accouplement de la ponte est des plus 
variables chez les Mollusques terrestres, et l'on voit souvent, après 
un seul accouplement, plusieurs pontes successives séparées par 
des intervalles éloignés. Cela provient sans doute de l'inégalité du 
lemps nécessaire à la destruction du spermatophore ; cet aele s’ef- 
fectue à diverses reprises, et la fécondation dure plusieurs jours, à 
cause de la sortie très longue du sperme de son canal temporaire. 
I y a donc des fécondations plus ou moins éloignées après un seul 
accouplement, et par conséquent des pontes éloignées entre elles. 

Le sperme des Gastéropodes peut conserver très longtemps ses 
propriétés vitales, après son expulsion de l'organe mâle, lorsqu'il 
esl déposé dans la poche copulatrice. La suspension d'une partie 
des fonctions organiques, dans le sommeil spécial aux Gastéropodes 
terrestres (4), ne porte pas atteinte aux spermatozoaires, quelque 
prolongé qu'il soit. 

La science s’est enrichie récemment de faits bizarres, qui ne 
peuvent s'expliquer que de cette façon : ainsi, M. Gaskoin eite 


(1) Fischer, Mél. conchyl., p. 29 (1855). 


SUR LES SPERMATOPHORES DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 379 
une Hélice adulte , séquestrée, qui, après une hibernation de 
quatre ans, a pondu une lrentaine d'œufs. 

Les spermatophores n'existent que dans la saison des amours. 
A cette époque, de grandes modifications ont lieu dans les organes 
génitaux : l’organe de la glaire ou glande albuminipare devient 
énorme, à tel point que nous l'avons vue remplir les trois quarts de 
la cavité abdominale (Testacella) ; la matrice, la verge, la poche 
copulatrice, sont turgescentes, d’un blanc laiteux, résistantes au 
toucher ; la poche du dard (Helix) s'agrandit pour sécréter les 
tela veneris : chez les Parmacelles, on voit sortir, près de l’orifice 
femelle, un repli membraneux, élargi, très développé, comparable 
à un clitoris (4); enfin chez les Mollusques que nous avons étudiés, 
le spermatophore se constitue. 

Les auteurs sont en dissidence au sujet du lieu où il est formé, 
et la question présente en effet de grandes difficultés. Ce corps 
n'a pas d'adhérences ; sa longueur est considérable; enfin il est 
muni de pointes, d’arêtes caractéristiques. 

Siebold se demande si les vésicules muqueuses ou multifides 
des Hélices ne sécréteraient pas une substance coagulable qui en- 
velopperait le sperme au moment de la fécondation, M. Moquin- 
Tandon croit que le spermatophore est formé par cet appendice 
souvent considérable de la verge, pourvu d’un musele rétracteur 
et désigné sous le nom de flagellum. M ajoute avoir trouvé sur des 
Hélices des sillons quadrangulaires à la base du flagellum et cor- 
respondant aux arêtes du capreolus. 

Ces deux opinions, quoique soutenues par des savants d’un mé- 
rite incontestable, peuvent être discutées; car les Arion, Peltella, 
Parmacella, sont privés à la fois de vésicules muqueuses et de 
flagellum. Ne pourrait-on pas admettre avec plus de justesse que 
le spermatophore est formé dans le canal déférent lui-même, soit 
dans sa portion adhérente à la matrice, soit dans sa portion libre. 

Nous savons que le spermatophore ne se montre que quelques 
instants après l'introduction de la verge dans l'orifice femelle, 
par conséquent sa partie antérieure est sécrétée d'abord ; plus tard, 


(1) Fischer, Mél. conchyl,, p. 48, pl. 6, Gg. 42. 


280 P. FISCHER. — ÉTUDES 

quand le sperme arrive dans le canal, il est enveloppé par le 
nodus, qui se moule sur les parois du canal dilatées par les sper- 
matozoaires ; enfin celles-ci, continuant leur sécrétion, terminent 
le nodus, et forment l’appendice postérieur filiforme. Chez les 
espèces à nodus antérieur (Bulimus, Parmacella) où sans appen- 
dice bien marqué (Arion), la sécrétion du capreolus ne com- 
mence qu'au moment où le sperme arrive en grande quantité 
dans le canal déférent. 

La formation du Spermatophore n’a pas lieu de toutes pièces; 
nous ne pensons pas que dans toute la longueur du canal il y 
ail exsudation instantanée d’albumine; nous sommes porlé à 
croire plutôt que de nouvelles couches s'ajoutent d’arrière en 
avant, à mesure que la partie antérieure est poussée par les con- 
traclions musculaires du canal déférent (dans sa partie libre), et 
de l'organe femelle, lorsqu'elle y est engagée. 

D'où viennent les éléments dont le capreolus est composé? On 
sait qu'il y entre principalement de l’albumine, et cette matière 
existe en grande abondance dans la plupart des glandes des Mol- 
lusques (glandes mucipares, poche du dard, poche copulatrice, ete.). 
Mais nous trouvons sur le trajet du canal déférent une glande dont 
l'usage est peu connu, et qui est très developpée à l’époque de 
l'accouplement; c’est la glande albuminipare, ou organe de la 
glaire, que Cuvier regardait comme un testicule. On a pensé qu’elle 
fournissait une enveloppe albumineuse aux ovules lors de leur 
passage, soit que cette albumine fût nécessaire à la constitution 
organique des ovules, soit qu’elle jouât le rôle d’une matière des- 
tinée à faciliter leur trajet en lubrifiant les parois de la matrice. 
Ce serait alors un corps analogue à la synovie des animaux supé- 
rieurs, où plutôt aux produits de sécrétion muqueuse de la matrice 
et des trompes, ele. Nous ajouterons qu'elle peut très bie fournir 
au sperme l’enveloppe albumineuse qui le renferme, et rien, dans 
la disposition anatomique de cette glande, ne prouve qu'elle appar- 
tienne plutôt aux organes femelles qu'aux organes mâles. 

Comme on le voit, il reste encore dans cette partie de nos études 
quelques recherches à faire. Nous pensons que les naturalistes 
auront à observer des détails intéressants, en s’occupant d’un 


SUR LES SPERMATOPHÔRES DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 981 


sujet que l’on peut considérer, pour ainsi dire, comme neuf. Il 
faudrait suivre avec soin la série des Mollusques terrestres andro- 
gynes à orifices contigus, chez lesquels, jusqu'à présent seulement, 
on a trouve des spermatophores. 

Les Gastéropodes pulmonés fluviatiles à orifices génitaux sé- 
parés (Planorbis, Limnea) ne nous ont rien offert qui ressemblât 
à un capreolus. 1] en est de même des Pulmonés operculés à sexes 
séparés (Cyclostoma). 

Chez ces derniers, l'accouplement se fait sans qu'il y ait union 
bien intime ; au moindre altouchement, les animaux se séparent 
sans effort. On conçoit que la fécondation ne doit pas être aussi 
parfaite que chez les Hélices, par exemple. Il faut dire aussi que 
les Cyclostomes s’accouplent sans cesse dans la saison des amours, 
et qu'ils suppléent, par le nombre de fécondations, à la difficulté 
pour eux d’un rapprochement intime et prolongé. 


FIN DU SEPTIÈME VOLUME. 


PUBLICATIONS NOUVELLES. 


Leçons sur la physiologie et l'anatomie comparée de l'Homme et des 
Animaux, par M. Mine Epwanps, 3° volume, 4"* partie. 


Cette nouvelle livraison a paru récemment, et contient : 1° l'historique des 
découvertes relatives à la circulation du sang chez l'homme et les divers ani- 
maux ; 2° l'étude anatomique et physiologique de l'appareil irrigatoire dans les 
diverses classes d'animaux invertébrés. 


Contributions to the Natural History of the United States of America. 
— Matériaux pour servir à l'histoire naturelle des États-Unis 
d'Amérique, par M. Acassiz, °° partie, 2 vol. in-4. Boston, 1857. 


Ce bel ouvrage, exécuté avec un luxe remarquable, ne pourra manquer d'in- 
téresser vivement les zoologistes, Dans une première partie, M. Agassiz expose 
l'ensemble de ses vues sur le mode de constitution du Règne animal, sur les 
rapports naturels qui existent entre les différentes espèces dont ce groupe se 
compose, et sur la classification à l'aide de laquelle on peut représenter de la 
manière la plus vraie les divers degrés d'affinité zoologique qui existent entre 
tous ces êtres. Dans la seconde partie, il prend, comme exemple de sa méthode, 
l'ordre des Chéloniens, et fait l'histoire des Tortues d'Amérique. Enfin, dans la 
troisième partie , il traite de l'embryologie de ces Reptiles. Cet ouvrage est 
accompagné de 34 planches in-#°. 

Le succès que cette grande publication obtient en Amérique prouve combien 
l'étude des sciences naturelles s'étend dans ce pays. La liste des souscriptions se 
compose de 2500 noms, qui appartiennent presque tous au nouyeau monde. 


Histoire naturelle des Lépidoptères, par MM. Bois-DuvaL et GUÉNÉE , 
t. IX et X. Paris, 1857. 


Cette nouvelle livraison des Suites à Buffon de Roret contient une monographie 
des Uranides et des Phalénites par M. Guénée ; de même que les autres parties 
de ce travail déjà publiées, c’est un species très complet. Elle est accompagnée 
de 22 planches. 


Essai sur la faune de l'ile de Woodlark ou Moiou, par le P. Monr- 
ROUZIER, missionnaire. Partie ichthyologique, revue par M. THIOLLIÈRE. 
In-8, Lyon. 


Cet opuscule, extrait des Annales de la Société d'agriculture et d'histoire na- 
turelle de Lyon, contient la description d'un assez grand nombre d'espèces nou- 
velles appartenant presque toutes à la division des Poissons osseux. 


TABLE DES ARTICLES 


CONTENUS DANS CE VOLUME. 


ANIMAUX VERTÉBRÉS. 


Études sur le conarium et les plexus choroïdes chez l'homme et les 


animaux, par. E. Faivre. . . cha A à ae 02 
Mémoire sur la structure intime de la AE épinière, à la moelle a 

gée et du pont de Varole, par M. pe Lennosség, . . AN 2: ARS 
Monographie de la famille des Ostracionides , par M. rie ds 1214 
De la détermination de quelques Oiseaux fossiles et des caractères 7 

giques des Gallides, par M. BLancmann. . . . . . . . . . 91 


ANIMAUX INVERTÉBRÉS. 


Histoire de l'organisation et du développement du Pentale, par M. Lacaze- 
Durmers. (Suite). . . : 5, 471 
Études sur les spermatophores ee une Eat éee par M tite, 267 


Note sur les organes buccaux des Masaris, par M. ne Saussure. 5 em 07 
Note sur quelques Insectes des grottes de l'Ariége, par M. Lesris. . . 277 
Mémoire sur l'hypermétamorphose et les mœurs des Méloïdes, par 
ane nn - « - abouti ibalff..3145299 
Observations sur des œufs d'insectes qui servent à lalimentation de 
l'homme, par M. Vincer p'Aousr et par M. Guérin-Mennevie. , . 366 
Observations sur quelques Cercaires parasites de Mollusques marins, par 
M. Lesrès. . . . 113 


Note sur une nouvelle A Fe genre ET par M. on 118 
Note sur l'appareil gastro-vasculaire de quelques Acalèphes Cténophores, 

par M. Mine Enwanps. . . . . . om ed cles: 285 
RODliCAHONS ROUES. En eut sonne abs 120, ‘256, 381 


ÈpEEEEEEEEEEEEE———_—_—_—_—_—___—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—…———_——2Z2——————— 
TABLE DES MATIÈRES 


PAR NOMS D'AUTEURS, 


Acassiz, — Sur l'histoire natu- des substances toxiques (An- 
relle des États-Unis ( An- nonce). . . 420 
nonce. . 382 | Biney. — Mollusques terrestres 
ALLMAN.— Monographie des Po- de l'Amérique septentrionale 
lyzoaires d'eau douce (An- (Annonce). . . . 256 
nonce). . 256 | BLancuann, — De la “détermina- 


Beuxano. — Leçons su sur les effets tion de quelques Oiseaux fos- 


38l TABLE DES 
siles et des caractères ostéolo- 
giques des Gallides. . 91 

Diesixé. — Description de Né- 
matoïdes (Annonce). : 120 

Enwanos (Mine). — Note sur 
l'appareil gastro-vasculaire de 
quelques Acalèphes Cténo- 
phores. 285 

— Histoire naturelle des Coral 
liaires (Annonce). 256 


— Leconssur la physiologie etl'a- a- 
natomie comparée de l'homme 


et des animaux (Annonce). 256, 382 


Fasre. — Mémoire sur l'hyper- 
métamorphose et les mœurs 
des Méloïdes. 

Favre. — Études sur le co- 
narium et les plexus cho- 
roïdes chez l'homme et les 
animaux. 

Fiscuen.— Études sur les sper- 
matophores des es 
Pulmonés. 


Fireu. — Rapport sur Îles In- 
sectes nuisibles (Annonce). 
Guérix. — Sur des œufs d'In. 


sectes qui servent à l’alimen- 
tation de l'homme. é 
Guénée.— Histoire naturelle des 
Lépidoptères (Annonce). 
Hozcarn. — Monographie de la 
famille des Ostracionides. 


299 


382 


421 


PLANCHES. 


Lacaze-Durmiers. — Histoire de 
l'organisation et du dévelop- 
pement du Dentale. 

Lexsossék. — Mémoire sur la 
structure intime de la moelle 
épinière, de la moelle allongée 
et du pont de Varole. 

Lespës, — Observations sur 
quelques Cercaires parasites 
des Mollusques marins. 

— Note sur une nouvelle espèce 
du genre Echinobothryum. . 

— Note sur quelques Insectes 
des grottes de l'Ariége. 

Momus. — Sur les perles (An- 
nonce) UNE: M AOC MMM 

Monrrouzier. — Faune de l'île 
Woodlark (Annonce). : 

Picrer et Huwserr. — Descrip- 
tion d'une Émyde du terrain 
jurassique (Annonce). k 

Rouzer. — Recherches sur la 
structure des fibres muscu- 
laires (Annonce). 

Vircer, — Sur des œufs d' In- 
sectes qui servent à l'alimen- 
tation de l'homme. 

Vroux. — Recherche anatomi- 
que sur le Dendrolobus (An- 
nonce). . oil 

SAUSSURE, — Note sur les or- 
ganes buccaux des Masaris. 


5,174 


120 


120 


366 


120 


407 


TABLE DES PLANCHES 


RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. 


4. Lèvre des Masaris, Echinobothryum buccale 


, Cercaires. 


2, 3, 4. Organes de la circulation du Dentale. 
5. Organes génitaux du Dentale. 
6. a du Dentale. 


7, 8,9, 40, 


12. Ostéologie des Oiseaux. 
13. "Écailles Pau Ostracionides. 
14, 45, 16. Système gastro-vasculaire des Acalèphes Cténophores. 


47. Hypermétamorphose des Méloïdes. Insectes des grottes de l'Ariége, 


FIN DE LA TABLE, 


Ah 


TE 


Marsa 4 


des 


Levre 


=. 7. 


11-10. Cercatres. 


énobothriumn. levicolle. 


4 


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Organes de la circulation 2 x respiration du Dentale. 


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Organes de La circulation de Dentate. 


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Ann. des Secenc. nat. 4° Serte. 


Zool. Tome 7. PL 6. 
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Zool. Tome 7. PL 6. 


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Zmbryogenée du Dentale. 


NW Aément impr. Piville Estropade.:5 Paris. 


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Ann des Seiencs nat. 4 “Sérte-. Zool. Zime 7. 2L7. 


CAE quil 
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LD. ad nat. det. 


Lnbryogence de Lentale. 


Mfémerd, empire Freille Ærtrapade, 16. Fartr. 


D 4: à M 6 LAS R | SSSR 


Ann. des Setenre nat. 4° Serte. Zool. Tome 7. Ë 4. 
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Annedonchë 1e 


Æmébryogente du Dentale. 


N: Aomarnd tmp r. Meclle Æitrapute. 18 Jar. 


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Anse des eienc. nat. 4° Serie. 


ALD. at nat, de. 


Annedonche te. 


Lnbryegente. de Dentale. 1 


VAémont np. r. Faille Ærérapade 15 Parès. da 


Zool. Tom 7. FE. 10: 


| 


Ostéologte des Wéscaur.. 


M Aémond mp. r. Vieille Ertrapases 18 J'uris. 


Ann. des Setene.net. 4 “Serre. Zool. Tomeyz. Pl 12 


f 


Ostcolpgte des Oiseau. 


À Aémend imp r File Bitrapade 15 Perus 


Zool Tom 7 1.18. 


Ann. des Seine. nat. 4°Sérte. 


Peailles des Ortratonides. 


N Hémond émg. r. Vieille Estrapade 18 Paris | 


Zoo. Tom 7 1014 


fan. des Sion. nat." Sert 


Du à ps ji 


Appared gañtro-vasculaire des Acalcvhes Clenophores 


N. Hémond mp r. Maille Aittrapade 18 frs 


Ann. des Seiene. nat. 4° Serre. Zoot. Tomy PL 15. 


Appareil gastro-vascudeire des Acaleph es Clénophores. 


Fe Rémaut Enpr r. Visille Ettrapute 15 Furér 


Ann. des Sterne. nat. Sert Zooli Pom, 7. LE 1 


4 Le 


ZT CLICS 727 


CA AILIL LE 


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27 


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Apparel gastro-vasculaire des Aealèphes Clerophores 


AN Rément mp. r. Malle Æstrapade 15 Zaris 


| 


Zoo. Tome 7. PL 17 


Ann.des Wetenc: nat. 4° Jerte 


’4 


Lg. 1-0. Æyperméamorphoses des Melo ides. fig 10. {nsectes des Groltes de l'Ariège 


Nfémont imp. r. Viallo Enripade.s5, Furir 


PL.